t'<«:-v.;«i?i«i>;sW:''.-,'V'.','.s5 UNIVERSITY OF ILLINOIS LIBRARY AI URBANA-CHAMPAÎQN BOOKSTACKS «„.« .H Ubcry M.t.rt.1.1 Th« «""^^ ^ ** Noncf : R«tuin or r*"** •* >-«»™'» .«ch Lort Book l. $50.00. '?S 2 6 i99f nAR3 0 1! MARO-2199! L16I— O-I096 l' y y '4. LA DESCENDANCE DE L'HOMME LA SÉLECTION SEXUELLE PARIS TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMKROT 19, rue des Saints-Pères, 19 % à -î^ff"'-%. n 1859. C est dans cette étude "^1 et les plantes dérivent tous I nés primitives, peut-être même t: jue leurs modifications succes- i( oi constante de transformation, i races et d'individus les mieux tces de temps et de lieu. Da vio- nonibi e de mémoires, rapports ou articles aux so dont il faisait partie et à divers journaux et revu* 1874, il publia un ouvrage intitulé : Descend of Ma sélection in relation to Fax, qui eut également un retentissement. Les théories de Darwin avaient été émises bien lui par le naturaliste français Lamark; mais, à I sur l'immobilité des espèces que Lamark put se faire 1 rapporte un nombre incal- I vés; il les réunit, les classe, à l'appui de sa théorie. Son Iao fff-otraiiv /l^nf n/\iia atrnna insectivores et enûnl'Expressiondes émotions chez l'h et chez les animaux. Au mois d'août 1878, l'Académie des Sciences de avait élu Darwin comme membre correspondant d: section de botanique. n 1 r>ir> A r T\t LA DESCENDANCE DE L'HOMME ET LA SÉLECTION SEXUELLE PAR Charles DARWIN, M. A., F. R. S., etc. Traduit par EDMOND BARBIER d'après la SKCONDK KDITION ANOt^ISK REVDK ET AUOMKNTKK TAR L'aUTKIIR PRÉFACE PAR CARL VOGT TROISIÈME ÉDITION FRANÇAISE PARIS C. REINWALD, LIBRAIRK-ÉDITEUR 15, RUE DES SAINTS-PÈRB8, 15 1881 Tous droits résen-és. 515 PREFACE DE CH. DARWIN A LA DEUXIÈME ÉDITION ANGLAISE Depuis la publication de la première édition do cet ouvraj^o en 1871, j'ai pu y faire des corrections importantes. Après l'épreuve du feu, par laquelle ce livre a passé, je me suis appli(|ué à profiter des critiques qui me semblaient avoir quelque fondement. Un grand nombre de correspondants m'ont ég:alement communiqué une foule si étonnante d'ob- servations et de faits nouveaux, que je ne pouvais en signaler que les plus importants. La liste de ces nouvelles observa- tions et des corrections les plus importantes qui sont entrées dans la présente édition se trouve ci-après. De nouveaux dessins faits d'après nature par M. T. W. Wood ont égale- ment remplacé quatre figures de la première édition et quel- ques nouvelles gravures y ont été ajoutées. J'appelle l'attention du lecteur sur les observations qui m'ont été communiquées par M. le professeur Huxley. Ces observations se trouvent en Supplément à la fin de la 1" par- tie (page 219), et traitent des différences du cerveau de r homme, comparé aux cerveaux des sinrjes supérieurs. Ces observations ont d'autant plus d'à-propos que depuis quel- ques années diverses publications populaires ont grandement exagéré l'importance de cette question. A cette occasion, je dois faire observer que mes critiques prétendent assez souvent que j'attribuais exclusivement à la sélection naturelle tous les changements de structure cor- porelle et de puissance mentale, qu'on appelle communé- ment changements spontanés; j'ai cependant déjà constaté, dès la première édition de VOrigine des Espèces, qu'on doit y J VI PREFACE. tenir grand compte de l'usage ou du non-usage héréditaires, aussi bien des parties du corps que des facultés mentales. Une autre part dans ces changements a été attribuée par moi aux modifications dans la manière de vivre. Encore faut-il admettre quelques cas de réversion occasionnelle de structure, et tenir compte de ce que j'ai appelé « Croissance corrélative », vou- lant indiquer par là que différentes parties de l'organisation sont, d'une manière encore inexpliquée, dans une telle con- nexion, que si l'une de ces parties varie, l'autre varie encore davantage, et si ces changements ont été accumulés par l'hérédité, d'autres parties peuvent être modifiées également. D'autres do mes critiques insinuent que, ne pouvant expli- quer certains changements dans l'homme par la sélection naturelle, j'inventai la sélection sexuelle. Pourtant, dans la première édition de ï Origine des j&5/?èce5, j'avais déjà donné une esquisse claire de ce principe, en remarquant qu'il s'ap- pliquait également à l'homme. La sélection sexuelle a été traitée avec plus d'étendue dans le présent ouvrage, par la raison que l'occasion s'en présentait pour la première fois. J'ai été frappé de la ressem- blance de la plupart des critiques à moitié favorables^ de la sélection sexuelle, avec celles qu'avait rencontrées la sélection natiD'elle, prétendant, par exemple, que ces principes pou- vaient bien expliquer quelques faits isolés, mais ne pouvaient certainement pas être employés avec l'extension que je leur ai donnée. Ma conviction sur le pouvoir de la sélection sexuelle n'a cependant pas été ébranlée, quoiqu'ilsoit probable, et même certain, qu'avec le temps un certain nombre de mes conclusions pourront être trouvées erronées, chose tout à fait explicable, puisqu'il s'agit d'un sujet traité pour la première fois. Lorsque les naturalistes se seront familiarisés avec l'idée de la sélection sexuelle, je crois qu'elle sera acceptée plus lar- gement, comme elle a d'ailleurs été admise déjà par plusieurs des juges les plus autorisés. Ch. DARWIN. Septembre 1874, TABLE DES PRINCIPALKS ADDITIONS KT CORRECTIONS DE LA PRÉSENTE ÉDITION 1" El»ITI«)N. ÉDITION voi,. l. AtTlKlLK. Pages. Pages. 21 11-12-13 Révision de la discussion sur les parties rudi- mentaires d(> l'oreille humaine. 24-25 16 Cas d'honinies nés avec un corps velu. 26 18 Manlegazza sur la dernièn> uiolaire de l'homme. 29 20 Rudiments d'une queue ciiez l'homme. 32 22 Bianconi, sur les structures homologues, expli- quées par l'adaptation de principes méca- niques. 42 72 Int»'Uigence d'un Itabouin. 43 74 Sens d'humeur folâtre chez le chien. 44-45 74-75 D'autres faits d'imitation chez l'homme et les animaux. 48 78 Facultés de raisonnement chez les animaux inférieurs. 52 84 Acquisitions d'expérience chez les animaux. 56 87 l'ouvoir d'abstraction chez les animaux. 61 93 Pouvoir de former des concepts relativement un langage. 68 98 Jouissances excitées par certains sons, cou- leurs ou formes extérieures. 85 110 Fidélité chez l'éléphant. 85 111 t.talton, sur le sentiment grégaire chez les liestiatix. 87 112 Affection de parenté. 98 120-121 Persistance d'animosité et de haine. 99 122 Nature et force des sentiments de honte, de regret ou d»- remords. 102 126 Suicide parmi les sauvages. 106 129 Motifs mme. .111 TABLE DES PRINCIPALES ADDITIONS ET CORRECTIONS 1" ÉDITION. l ÉDITION ACTUBLLK. VOL. I. Pages. Pages. 160 55 Broca, sur la capacité du crâne diminuée par la conservation des individus inférieurs. 164 58 Belt, avantages que l'homme tire de sa nudité. 165 59 Disparition de la queue chez l'homme et cer- tains singes. 187 146 Formes nuisibles de la sélection chez les na- tions civilisées. 199 155 Indolence de l'homme sans le combat pour l'existence. 213 165 Gorille se couvrant de ses mains contre la pluie. 230 17G Hermaphroditisme chez les poissons. 233 178 Rudiments de mamelles chez l'homme mâle. 265 206-207 Changements dans les conditions de la vie amoindrissant la fécondité et l'état de santé des sauvages. 270 213 La couleur noire de la peau est une protection contre le soleil. 277 219-225 Note du professeur Huxley sur le développe- ment du cerveau chez l'homme et les singes. 282 229 Organes spéciaux des vers parasites mâles pour saisir les femelles. 305 246-247 La plus grande variabilité des mâles; l'in- fluence directe de l'entourage pour les diffé- rences entre les sexes. 320 259 La période de croissance des protubérances de la tête chez les oiseaux détermine leur transmission à l'un ou l'autre des deux sexes. 331-332 266-267 Les causes du plus grand nombre de naissances mâles. 346 279 Proportion des sexes dans la famille des abeilles. 347-348 281-282 Le plus grand nombre de mâles s'explique quelquefois par la sélection. 360 290 Couleurs brillantes chez les animaux d'orga- nisation inférieure. 372 299 Sélection sexuelle chez les Arachnides. 373 300 Cause de la petitesse des Arachnides mâles. 380 305 Utilité de la phosphorescence du ver luisant. 386 310 Le bourdonnement des mouches. 385 309 Utilité de couleurs brillantes chez les Hémi- ptères. 386 310 Appareil musical chez les Homoptères. 390-391 312-313 Développement de l'appareil striduleut chez les Orthoptères. 403 322 Hermann MûUer, sur les différences sexuelles des abeilles. 426 338 Sons produits par les Lépidoptères. 437 346 Parade de couleiu-s chez les papillons. DK LA PRESENT!-: EDITION. 454 4 8 vol.. II. 2 16 24 27 :n 34 38 77 96 IKi 126 129 135 159-162 t6i 169 250-251 268 270 277 282 287 310 324 3i3 36 '• KDITION .VCTl'KI.LK. Pajres. 350 357 358 364 375 382 38i 387 388 392 420 435 450 457 459 463 480-483 486 489 544-545 556 562 566 571 586 595 608 625 Papillous femelles, plus nssiduHS auprès des inàlcs, Rout aussi |)lus brillantes en couleur. D'autres cas de niiinitiue chez les Papillons. Caus«' des couleurs lu'illantes et diversifiées des chenilles. Piquants formant lirosse chez le mâle du Mallotus. D'autres faits de la saison du frai des pois- sons, et du frai du Mairoj)Us. Dufossé, sur le son jjroduit par les poissons. Belt, sur la {grenouille protégée par sa bril- lante coloration. D'autres cas sur le pouvoir mental des serpents. Sons produits par les serpents; le serpent à sonnettes. Combats des Caméléons. Marshall, sur les protubérances des têtes des oiseaux. D'autres faits sur la parade du faisan Argus. Attachements des oiseaux accouplés. Pigeon femelle refusant certains mâles. Oiseaux albinos ne trouvant à s'accoupler. Action directe du climat sur les couleurs des oiseaux. D'autres faits concernant les ocelles du faisan Argus. Parade des Oiseaux-mouches. Faits de transmissions de couleiu* à un seid sexe chez les pigeons. Le goût de parure est assez puissant pour ad- mettre la sélection sexuelle. Les cornes des moutons éUiient originairement un caractère masculin. La castration affecte les cornes des animaux. Variété du Cervus virghiianus à cornes poin- tues. Taille relative 'aleurs et expérimentateurs n'avaient travaillé, avant tout à l'alfranchisscment de leur propre pensée, s'ils n'avaient rejeté d'avance, avant de les tenter, toute idée transmise par les autorités, pour s'en tenir aux faits seulement et aux lois qui en découlent. Lorsque Lavoisier prit la première fois la balance en main pour constater que le produit de la combustion était plus pesant que la substance brûlée, avant cette opé- ration, et que la combustion était, par conséquent, une combinaison et non une destruction, il parlait nécessairement du principe de l'indeslruc- libililé de la matière et détruisait en même temps ce phlogislon, celte force occulte et indémontrable (jue l'on avait invoquée pour expliquer une foule de phénomènes du mond(^jnorganique, absolument comme on in- voque encore aujourd'hui cette force vitale dont les retraites obscures sont forcées et éclairées tour à tour par le Ihimbeau de l'investigation. Si nous constatons ici, dans le domaine de la physiologie, l'heureux elfet de l'atTranchissement de la méthode investigatrice, nous en pouvons voir encore une manifestation brillante dans le domaine de la zoologie et de la botanique proprement dites. Je veux parler de la direction nou- velle imprimée à ces sciences ainsi qu'à l'anthropologie, par Darwin. Que veut, en elfet, cette direction nouvelle qui se base, comme toute innovation, sur des précédents, mais, il faut l'avouer aussi, sur des précé- dents en grande partie oubliés et négligés? Avant tout, elle veut combattre des opinions transmises, autoritaire», xviii PREFACE. dictées par un tout autre ordre d'idées, et acceptées , jusqu'ici , comme on accepte mille choses, sans en examiner le fond. « Espèces sont, avait dit Linné, les types créés dès le commencement, » et on avait accepté, tant bien que mal , cette définition qui suppose un créateur, un nombre considérable de types indépendants les uns des au- tres, et un renouvellement successif de l'ameublement organique de la terre, si j'ose m'exprimer ainsi, d'après un plan fixé d'avance dans les différentes époques de son histoire. — Cet axiome admis, il n'y avait plus, en réalité, à examiner les rapports des différents organismes entre eux, ni avec leurs prédécesseurs; — chaque espèce étant une création in- dépendante en elle-même, il était, au fond, bien indifférent si le loup ressemblait au chien ou à la baleine ! Or, si plusieurs prédécesseurs de Darwin avaient osé s'insurger par- tiellement contre tel ou tel point de cet axiome, leurs voix étaient restées sans écho; — ces insurrections avortées n'avaient contribué , comme en politique, qu'à mieux asseoir le gouvernement existant et à faire croire à son infaillibilité. Mais aujourd'hui, grâce à Danvin, une révolution com- plète a élé opérée, et les partisans du gouvernement déchu se trouvent à peu près dans la même situation que les chefs de mainte révolution; — ils ne peuvent en aucune façon revenir aux anciens errements, mais ils ne savent que mettre à la place. Personne, en Europe au moins, n'ose plus soutenir la création indépendante, et de toutes pièces, des espèces ,• — mais on hésite, lorsqu'il s'agit de suivre une voie nouvelle dont on ne voit pas encore l'issue. « Il faut accepter cette théorie, a dit un homme de grand sens , uni- quement parce que nous n'avons rien de meilleur. Que pouvez-vous mettre à sa place? » Je l'ai dit, — la nouvelle direction imprimée aux sciences zoologiques par Dai'TU'in n'est pas tant remarquable en elle-même que comme mani- festation de cet esprit libre qui tâche de s'affranchir de, liens imposés et qui veut voler de son propre essor. Elle veut rattacher les innombrables formes dans lesquelles s'est manifestée la vie organique à cette circula- tion générale qui anime le monde entier; — pour traduire sa tendance par un mot emprunté à la physique , elle veut considérer les organismes comme des manifestations, enchaînées entre elles, d'une seule et même force, et non pas comme des forces indépendantes. Si toutes nos sciences exactes sans exception sont fondées, depuis Lavoisier, sur le principe de la matière impérissable, les étonnantes découvei"tes de Mayer et de ses successeurs ont été engendrées par la conception de la force impérissable. Dans toutes les modifications de la forme , la quantité de force dépensée reste toujours la même; la force est mutable en sa qua- lité, mais non en sa quantité ; elle est indestructible comme la matière ; — à chaque molécule, à chaque quantité appréciable de la matière est liée, d'une manière impérissable et éternelle, une quantité correspon- dante de force. Les manifestations extérieures de la force peuvent revê- tir autant de formes différentes que la matière, — • mais la quantité dé- pensée dans une opération ou mutation quelconque doit se retrouver dans une autre opération précédente ou suivante, et doit rester identi- quement la même dans toute la série des phénomènes qui se sont passés antérieurement ou qui doivent suivra dans le cours du temps. N'oublions pas, messieui-s, que ce principe, conçu par Mayer, il n'y a PREFACE. XIX pas. encore trente ans, nous a valu la détermination de Téquivalenl en force de la chaleur, l'identilication de la chaleur et du mouvement, en- fin toutes ces découvertes et applications majîniliques qui se succèdent depuis quelques années avec une rapidité si étonnante. .Ne faut-il pas croire que l'application de ce même principe aux sciences organiques et descriptives s'y montrera tout aussi féconde qu'elle s'est déjà montrée dans les sciences physiques ? Que voulons-nous en elFet? Démontrer que les formes si innomhrahles de la nature organisée ne sont que des nmiations d'un fonds impérissa- ble d'une quantité déterminée de matière et de force; — démontrer que chaque forme organique est le résultat nécessaire de toutes les manifes- tations organiques qui l'ont précédée, et la base nécessaire de toutes celles qui vont la suivre; — démontrer, par conséquent, que toutes les formes actuelles sont liées ensemble par les racines depuis lesquelles elles se sont élevées dans l'histoire de la terre, et dans les dillerentes périodes d'évolution que notre planète a (jaiTourues ; — démontrer, en- lin, que les forces qui se manifestent dans l'apparition de ces formes sont toujours restées les mômes, et qu'il n'y a pas de place, ni dans le monde inorganique, ni dans le monde organique, pour une force tierce indépen- dante de la matière, et pouvant façonner celle-ci suivant son gré ou son caprice. Tel est, ce me semble, le véritable noyau de ce qu'on est convenu d'appeler le Danvinisme; son essence intime ne peut se définir autrement, suivant mon avis. Il n'importe que les uns suivent cette direction , pour ainsi dire instinctivement, sans se rendre compte des derniers résultats auxquels elle doit nécessairement conduire, tandis que les autres voient clairement le but vers lequel ils tendent; — l'important est que cette direction se trouve, comme on dit, dans l'air, qu'elle s'imprime par le milieu spirituel dans lequel vit l'homme scientifique à tous les travaux, et qu'elle s'assoie même à côté de l'adversaire pour corriger ses épreuves avant qu'elles ne passent h la publicité. L'héritage et la transmission des caractères est dans le monde organi- que, ce qui, dans le monde inorganique, est la continuation de la force. Chaque être est donc le résultat nécessaire de tous les ancêtres qui l'ont précédé, et, pour comprendre son organisation et la conibinaison variée de ses organes, il faut tenir compte de toutes les modifications, de toutes les formes passées qui, par héritage, ont apporté leur contingent dan» la nouvelle combinaison existante. Kl de même que la force primitive se montre dans le monde physique et suivant les conditions extérieures, tantôt comme mouvement, tantôt comme chaleur, lumière, électricité ou magnétisme, de même ces conditions extérieures influent sur le résultat de l'héritage et amènent des variations et des transformations qui se transmettent à leur tour aux formes consécutives. Une tâche immense incombe donc aujourd'hui aux sciences naturelles. Dans les temps passés, l'étude des formes extérieures suffisait aux buts restreints de la science; plus tard il fallut ajouter l'élude de l'organisa- tion intérieure autant dans les détails microscopiques que dans lesarran- gements saisissables à l'œil nu ; un pas de plus conduisait nécessairement, pour comprendre les analogies, les rapports et les différences dans la création actuelle (qu'on me passe le mot) vers r«'mbry()génie comparée, savoir la comparaison des différentes manières dont se conslruit et s'ac- XX PREFACE. V complit l'organisme depuis son germe jusqu'à sa fin; enfin, il fallut avoir recours à la paléontologie, à l'étude des êtres fossiles qui ont précédé les formes actuelles, et cela dans le but de comprendre la parenté plus ou moins éloignée qui relie ces êtres entre eux. Aujourd'hui, il faut ajou- ter à tous ces éléments, éclairés d'un nouveau jour, l'étude des limites possibles des variations que peut présenter un type; l'influence, éminem- ment variable des milieux ambiants sur les différents types, et construire ainsi pièce par pièce les organismes définitifs, mais variables, que nous avons devant les yeux. Eh bien, messieurs, peut-on raisonnablement croire que l'homme seul ne soit pas soumis à ces grandes lois de la nature, — que lui seul, parmi les èti'es organisés, ait une origine fondamentalement différente de la leur, — que seul il n'ait ni formes parentes, ni prédécesseurs dans l'histoire de la terre, et que son existence ne se rattache à aucune autre? Vraiment, posée en ces termes, la question me paraît résolue d'avance ! Mais la conséquence qui découle nécessairement de ces prémisses, c'est qu'à l'anthropologie est dévolue la même tâche qu'à toutes les autres branches de l'histoire natui'elle, qu'elle ne doit pas se contenter d'étudier l'homme en lui-môme, et sous les différentes formes qu'il présente à la surface de la terre, mais qu'elle doit sonder ses origines, scruter son passé lointain, recueillir avec soin toutes les données que peuvent fournir ses fonctions, son organisation, son développement individuel, son histoire, non seulement dans le sens habituel du mot, mais en se rapportant à un passé bien antérieur, et qu'elle doit remonter ainsi, comme la science le fait pour toutes les autres formes organiques, l'arbre généalogique jus- que vers les branches congénères, portées par les mêmes racines, mais développées d'une manière différente. Les découvertes récentes ont ouvert un horizon immense aux études relatives à l'homme. Dans tous les pays nous remarquons une ardeur presque fiévreuse pour remonter aux origines de l'homme cachées dans les couches de la terre; de tous les côtés on apporte les preuves d'une antiquité bien plus reculée du type homme, que les imaginations les plus exaltées n'auraient jamais pu supposer jadis. Chaque jour cette Europe tant fouillée par les générations passées ouvre son sein pour nous mon- trer des trésors nouveaux, ou pour nous donner, par des faits inaperçus jusqu'à présent, la clef d'une foule d'énigmes que nous ne savions ré- soudre. Nous assistons à cette époque où l'homme sauvage, montrant des infériorités très-marquées dans son organisation corporelle, chassait dans les plaines du continent européen et de l'Angleterre le mammouth et le rhinocéros, le renne et le cheval sauvage; nous suivons cet homine dans sa civilisation ascendante, où il devient nomade, pâtre, agriculteur, industriel, commerçant, trafiqueur et fondeur de métaux; là où l'histoire et la tradition nous font défaut, nous lisons les faits et gestes de cette an- tiquité préhistorique dans les pierres et les bois! Et, tandis que les « cu- rieux de la nature », comme s'appelaient, dans une académie célèbre, les savants scrutateurs, poursuivent ainsi, de couche en couche, les restes de l'activité humaine; d'autres, non moins curieux, s'attachent à son or- ganisation en reprenant un à un tous les caractères jusque dans leurs petits détails, en étudiant leur développement dans le cours de la vie depuis le premier germe jusqu'à la fin, ou bien en s'adressant aux races, à leurs particularités, pour y trouver les preuves d'une infériorité ou su- PREFACE. XXI jK'riorilé iclalives, dont les proiuit'rcs marqiiont les jalons do lu roulo parcouiuo par lo typo lioimiK' liii-inrmo, tandis que los autres indiquent la voie que ce type va suivre en sélevant et en se niodilianl. Les fonctions de l'organe de la pensée »'tanl intimement liées A son organisafion et dé- pendant de celle-ci, l'élude des manifestations de l'esprit et de la plus im- portante de ces manifestations, de la langue articulée, n'occupe pas une petite place dans les objets (|ue l'anthropologie doit endirasser. Il faut avouer franchement, messieurs, quecetleélude historique, com- parative et génésique du Ivpe honnne est enclore dans l'enfance, et que tout ce qui a été fait jusqu'à |)résent n'est rien en comparaison de ce qui reste à faire. K-t-il étonnant (pi'il en soit ainsi, le principe dont dé- coulent ces travaux n'ayant été introduit dans la science (pic depuis (juelques années à [leine? Je n'ai rini à ajoiiler. M. Uarwiii prend l'homme Ici qu'il se présente aujourd'hni, il examine ses qualités eorporcllcs, morales et inlelleeUielles, et recherche les causes qui doivent avoir concouru à la formation de ses qualités si diverses et si compliquées. Il étudie les efl'els qu'ont produits ces mêmes causes en afi:issant sur d'autres organismes et, trouvant des elFets analoiïues produits chez l'homme, il conclut que des causes analogues ont été en jeu. La conclusion finale de ces recherches, conduites avec une sagacité rare et égalée seule- ment par une érudition hors ligne , est que l'homme, tel que nous le voyons aujourd'hui, est le résultat d'une série de transformations accomplies pendant les dernières époques géologiques. Nul doute que ces conclusions trouveront beaucoup de contradicteurs. Ce n'est pas un mal, la vérité naît du choc des esprits. C. vor.T. INTRODUCTION La nature du présent livre sera mieux comprise, par un court aperçu de la manière dont il a été écrit. J'ai pendant bien des années recueilli des notes sur l'origine et la descen- dance de l'homme, sans avoir aucune intention de faire quelque publication sur ce sujet; bien plus, pensant que je ne ferais ainsi qu'augmenter les préventions contre mes vues, j'avais plutôt résolu le contraire. Il me parut suffisant d'in- diquer, dans la première édition de mon Origine des espèces^ que l'ouvrage pourrait jeter quelque jour sur l'origine de l'homme et son histoire; impliquant ainsi que l'homme doit être avec les autres êtres organisés compris dans toute con- clusion générale relative à son mode d'apparition sur la terre. Actuellement le cas se présente sous un aspect tout différent. Lorsqu'un naturaliste comme {\. Vogt, dans son discours présidentiel à l'Institut national genevois (1869), peut risquer d'avancer que « personne, en Europe du moins, n'ose plus soutenir la création indépendante et de toutes pièces des espèces, » il est évident qu'au moins un grand nombre de naturalistes doivent admettre que les espèces sont les descendants modifiés d'autres espèces; cela est surtout vrai pour ceux de la nouvelle et jeune génération. La plupart acceptent l'action de la sélection naturelle; bien que quel- xxiv INTRODUCTION. ques-uns objectent, co dont l'avenir ciura en toute justice à décider, que j'ai beaucoup trop haut évalué son importance. Mais il est encore bien des chefs plus anciens et honorables de la science naturelle, qui sont malheureusement opposés à l'évolution, sous quelque forme qu'elle se présente. Les opinions actuellement adoptées par la plupart des natu- ralistes, qui, comme dans tous les cas de ce genre, seront ultérieurement suivies par d'autres, m'ont par conséquent engagé à rassembler mes notes, afin de m'assurer jusqu'à quel point les conclusions auxquelles mes autres travaux m'ont conduit, pouvaient s'appliquer à l'homme. C'était d'au- tant plus désirable que je n'avais jamais, de propos délibéré, appliqué mes vues à une espèce prise à part. Lorsque nous limitons notre attention à une forme donnée, nous sommes privés des arguments puissants que nous pouvons tirer de la nature des affinités qui unissent des groupes entiers d'orga- nismes, — de leur distribution géographique dans les temps passés et présents, et de leur succession géologique. La con- formation homologique, le développement embryonnaire, et les organes rudimentaires d'une espèce, qu'il s'agisse de l'homme ou d'un autre animal, points sur lesquels nous pou- vons porter notre attention, restent à considérer; mais tous ces grands ordres de faits apportent, il me semble, des preuves abondantes et concluantes en faveur du principe de l'évolution graduelle. Toutefois il faut toujours avoir présent à l'esprit le puissant appui que fournissent les autres argu- ments. L'unique objet de cet ouvrage est de considérer : premiè- rement, si l'homme, comme toute autre espèce, descend de quelque forme préexistante; secondement, le mode de son développement; et, troisièmement, la valeur des difiérences existant entre ce qu'on appelle les races humaines. Comme je me bornerai à traiter ces points, il ne me sera pas néces- saire de décrire en détail ces différences entre les diverses races, — sujet énorme qui a déjà été amplement discuté dans INTRODUCTION. xxv beaucoup d'ouYraf;:es de valeur. La liaule auti({uilé de riiommo récemment démontrée par les travau.x d'une foule d'hommes éminenls, Houclier de Perthes en tète, est l'indispensable base de l'intelligence de son origine. Je tiendrai par consé- quent cette conclusion pour admise, et renverrai mes lec- teurs pour ce sujet aux beaux traités de Sir C. Lyell, Sir J. Lubbock et autres. Je n'aurai pas non plus davanttige à faire qu'à rappeler l'étendue des dilTérences existant entre l'homme et les singes anthropomorphes, le professeur liuxley ayant, selon l'avis des juges les plus compétents, établi de la ma- nière la plus concluante que, dans chaque caractère visible, l'homme diffère moins des singes supérieurs, que ceux-ci ne diffèrent des membres inférieurs du même ordre des Pri- mates. Le présent ouvrage ne renferme presque point de faits originaux sur l'homme; mais les conclusions auxquelles, après un aperçu en gros, je suis arrivéj m'ayant paru inté- ressantes, j'ai pensé qu'elles pourraient l'être pour d'autres. Ou a souvent affirmé avec assurance que l'origine de 1 homme ne poiu'rait jamais être connue ; mais l'ignorance engendre plus souvent la confiance que ne fait le savoir, et ce ne sont que ceux qui savent peu, et non ceux qui savent beaucoup, qui affirment d'une manière aussi positive que la science ne pourra jamais résoudre tel ou tel problème. La conclusion que l'homme est, avec d'autres espèces, le co-des- cendant de quelque forme ancienne inférieure et éteinte, n'est en aucune façon nouvelle. Lamarck était, il y a long- temps, arrivé à cette conclusion, que plusieurs naturalistes émineiits ont soutenue récemment; par exemple, Wallace, Huxley, Lyell, Vogt, Lubbock, Biichner, Uolle ', etc., et sur- 1. .If H ai pas hfsoiri de «loiinei- les titres «les ouvrages si connus «les auteurs premièrenient cités; mais cetix des deux derniers étant moins connus, les voici : Ser/is Vor/rsunt/rn fiher ilie IhivwinscliP T/ieorie, 2'" Auflage, 1808, von Doctor L Brtchner itraduil en français par A. Jacquot sous le titre de : Conférences sur la théorie Darwinienne. Paris, 1860), — Dei' Menuc/i, im Liehte dei' l)ar- wins'sr/,on Lehrc, ISri.'i. von Doctor F. Rolle. Sans poTivoir référer à tous les XXVI INTRODUCTION. tout Haekel. Ce dernier, outre son grand ouvrage intitulé Generelle Morphologie (1866), a récemment (1868, avec une seconde édition en 1870) publié sa Nalûrliche Schopfungs- geschichte\ dans laquelle il discute complètement la généalogie de l'homme. Si cet ouvrage avait paru avant que mon essai eut été écrit, je ne l'aurais probablement jamais achevé. Je trouve que ce naturaliste dont les connaissances sont, sur beaucoup de points, bien plus complètes que les miennes, a confirmé presque toutes les conclusions auxquelles j'ai été conduit. Partout où j'ai extrait quelque fait ou opinion des ouvrages du professeur Haekel, je le cite dans le texte, lais- sant les autres affirmations telles qu'elles se trouvaient dans mon manuscrit, en renvoyant par note à ses ouvrages, pour la confirmation des points douteux ou intéressants. Depuis bien des années, il m'a paru fort probable que la sélection sexuelle a joué un rôle important dans la différen- ciation des races humaines; et, dans mon Origine des Espèces (1" édition), je me contentai de ne faire à cette croyance qu'une simple allusion ; mais, lorsque j'en vins à l'appliquer à l'homme, je vis qu'il était indispensable de traiter le sujet dans tous ses détails ^ . Il en est résulté que la seconde partie du présent ouvrage, traitant de la sélection sexuelle, a pris relativement à la première un développement considérable, mais qui était inévitable. J'avais l'intention d'ajouter ici un essai sur l'expression des diverses émotions chez l'homme et les animaux moins élevés, sujet sur lequel mon attention avait, il y a bien des auteurs qui ont traité le même côté de la question, j'indiquerai encore G. Ganes- trini, Annunrio delln soc. d. nat. Modeyia, 18()7, travail curieux sur les carac- tères rudimentaires, et leur portée sur l'origine de l'homme. Le docteur Barrage Francesco a publié, en 1869, un autre ouvrage dont le titre italien est : CHo/nme, fait à rimagc de Dieu, fut aussi fait à l'image du si7ige. 1. Traduit eu français par le D' C. Letourneau, sous le titre : Histoire de la Création naturelle. 2<= édition, Paris, C. Reinwald. 2. Le professeur Haekel est le seul auteur qui, depuis la publication de t Ori- gine des espèces, ait dans ses différents ouvrages, discuté avec beaucoup de talent le sujet de la sélection sexuelle, et en ait compris toute l'importance. INïR«»I)U("TION. XXVII années, été attirée par l'ouvrajçe remarquable de Sir C. Bell. Cet anatomiste céli-hre soutient que l'homme possède cer- tains muscles uniquement destinés à exprimer ses émotions, opinion que je devais prendre en considération, comme évi- demment opposée à l'idée que l'homme soit le descendant de quelque autre forme inférieure. Je désirais éfialement vérifier jusqu'à quel point les émotions s'expriment de la même ma- nière dans les dillerentes races humaines. Mais, en raison de la longueur de l'ouvrage actuel, j'ai dû renoncer à y intro- duire cel essai, qui est en partie achevé, et fera l'objet d'une publication séparée. LA DESCENDANCE DE L'HOMME ET LA SÉLECTION DANS SES RAPPORTS AVEC LE SEXE PREMIÈRE PARTIE LA DESCENDANCE OU L'ORIGINE DE L'HOMME CHAPITRE PREMIER PREUVKS A L'aPPII DK l'hYPOTHÈSE QVE l'HOMME DESCEND d'l'.ne forme INKÉIUEURE Nature des preuves sur l'origine de l'homme. — Conformations homologues chez l'homme et les animaux inférieurs. — Points de similitude divers. — Dé- veloppement. — Conformations rudimentaires, muscles, organes des sens, cheveux, os, organes reproducteurs, etc. — Portée de ces trois ordres de faits sur l'origine île l'homme. L'Iionimc osl-il le descendant modifié de quelque forme préexis- lanle".' Pour résoudre celte question, il convient d'abord de recher- cher si la conformation corporelle et les facultés mentales de l'homme sont sujettes à des variations, si légères qu'elles soient; cl, dans ce cas, si ces variations se transmettent à sa progéniture conformément aux lois qui prévalent chez les animaux inférieurs. Il convient de rechercher, en outre, si ces variations, autant que notre ignorance nous permet d'en juger, sont le résultat des mê- mes causes, si elles sont réglées par les mêmes lois générales que chez les autres organismes, — par la corrélation, par les effets héréditaires de l'usage et du défaut d'usage, etc.? L'homme est-il sujet aux mêmes difformités, résultant d'arrêts de développe- 1 t LA DESCENDANCE DE L'HOMiME. l'e Pautiej. ment, de duplication de parties, etc., et fait-il retour, par ses ano- malies, à quelque type antérieur et ancien de conformation? On doit naturellement aussi se demander si, comme tant d'autres ani- maux, l'homme a donné naissance à des variétés et à des sous- races, différant peu les unes des autres, ou à des races assez dis- tinctes pour qu'on doive les classer comme des espèces douteuses? Comment ces races sont-elles distribuées à la surface de la terre, et, lorsqu'on les croise, comment réagissent-elles les unes sur les autres, tant dans la première génération que dans les suivantes? Et de même pour beaucoup d'autres points. L'enquête aurait ensuite à élucider un problème important : l'homme tend-il à se multiplier assez rapidement pour qu'il en ré- sulte une lutte ardente pour l'existence, et, par suite,. la conserva- tion des Variations avantageuses du corps ou de l'esprit, et l'éli- mination de celles qui sont nuisibles? Les races ou les espèces humaines, quel que soit le terme qu'on préfère, empiètent-elles les unes sur les autres et se remplacent-elles de manière à ce que finalement il en disparaisse quelques-unes? Nous verrons que toutes ces questions, dont la plupart ne méritent pas la discussion, résolues qu'elles sont déjà, doivent, comme pour les animaux infé- rieurs, se résoudre par l'affirmative. Nous pouvons, d'ailleurs, laisser de côté pour le moment les considérations qui précèdent, et examiner d'abord jusqu'à quel point la conformation corporelle de l'homme offre des traces plus ou moins évidentes de sa descen- dance de quelque type inférieur. Nous étudierons, dans les chapi- tres suivants, les facultés mentales de l'homme en les comparant à celles des animaux placés plus bas sur l'échelle. Conformation corporelle de t homme. — On sait que l'homme est construit sur le même type général, sur le même modèle que les autres mammifères. Tous les os de son squelette sont comparables aux os correspondants d'un singe, d'une chauve-souris ou d'un phoque. 11 en est de même de ses muscles, de ses nerfs, de ses vaisseaux sanguins et de ses viscères internes. Le cerveau, le plus important de tous les organes, suit la même loi, comme l'ont établi Huxley et d'autres analomislcs. Bischoff ', adversaire déclaré de cette doctrine, admet cependant que chaque fissure principale et cha- que pli du cerveau humain ont leur analogue dans celui de l'orang- 1. Grosshirnwindungen des Menscfien, 1868, p. 96. Les conclusions de cet auteur ainsi que celles de Gratiolet et d'Aeby relativement au cerveau ont été discutées })ar le professeur Huxley dans l'Appendice auquel nous avons fait allusion dans la préface de cette nouvelle édition. [Caxp. I . CONFORMATION CoRPORELLI-: DE LilOMME. 3 oulang; mais il ajoute que les deux cerveaux ne concordent com- plètement à aucune période île leur développement; concordance à laquelle on ne doit d'ailleurs pas s'attendre, car autrement leurs facultés mentales seraient les mêmes. Vulpian ^ fait la remanjuc suivante : « Les dilférencos réelles qui existent entre Tencéphale de l'homme et celui des sinjres supérieurs sont bien minimes. Il ne faut pas se faire d'illusions à cet égard. L'homme est bien plus près des singes anthropomorphes par les caractères anatomiques de son cerveau que ceux-ci ne le sont non-seulement des autres mammi- fères, mais même de certains quadrunuuies, des guenons et des macaques. » Mais il serait supertlu d'entrer ici dans plus de détails sur l'analogie qui existe entre la structure du cerveau et toutes les autres parties du corps de l'homme et la conformation des mammi- fères supérieurs. Il peut cependant être utile de spécifier quelques points, ne se rattachant ni directement ni évidemment à la conformation, mais qui témoignent clairement de celte analogie ou de cette parenté. L'homme peut recevoir des animaux inférieurs, et leur commu- niquer certaines maladies comme la rage, la variole, la morve, la syphilis, le choléra, l'herpès, etc. ', fait qui prouve bien plus évi- demment l'extrême similitude * de leurs tissus et de leur sang, tant dans leur composition que dans leur structure élémentaire, que ne le pourrait faire une comparaison faite sous le meilleur microscope, ou l'analyse chimique la plus minutieuse. Les singes sont sujets à un grand nombre d(? nos maladies non contagieuses; ainsi Reng- ger *, qui a observé pendant longtemps le Cchwi Azarx dans son pays natal, a démontré qu'il est sujet au catarrhe, avec ses symp- tômes ordinaires qui amènent la i»hthisie lorsqu'ils se répètent souvent. Ces singes soulfrent aussi d'apoplexie, d'inllammation des entrailles et de la cataracte. La lièvre emporte souvent les jeunes au moment où ils perdent leurs dents de lait. Les remèdes ont sur les singes les mêmes etl'ets (pie sur nous. Plusieurs espèces de siu- 2. Lerons sur la i)/ii/sii,/o;/in, I8G6, j). 890, citées par M. Dallj : l'Ordre di'/t primntes et le Iraiis/hn/iisnie, 1808, p. 2'.). 3. Le D"^ W. Lauder Lindsay a tr.tité loiijfiieiiipnl ce sujet, Journal «/" Slvntlll ScifHCf, juillet 1871 ; Eilinhurgh Velrrinari/ ftrcjVi/;, juillet 18o8. 4. Un écrivain [Britisli ijurirlerli/ Krview, 1 octobre 1871. p. 472) a criticiué en termes très sévères et très violents l'allusion contenue dans celte phrase; mais, comme je n'emploie pas le terme identité, je ne crois |)as l'aire erreur. 11 me parait y avoir luie (s'rande analogie entre une même maladie contagieuse ou épidemiiiue i)roduisant un même résultat ou un résultat presque analogue che/ deux animaux distincts et l'essai de deux fluides distincts par un même reac- tif chimique. .">. S'duri/esi/iir/itr i/cr Siiuynt/dere von l'arayuai/, I8.'J(I, p. .'iO. 4 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. jlre Partie]. ges onl un goût prononcé pour le thé, le café et les liqueurs spiri- tueuses; ils fument aussi le tabac avec plaisir, ainsi que je l'ai ob- servé moi-même *. Brehm assure que les habitants des parties nord-ouest de l'Afrique attrapent les mandrills en exposant à leur portée des vases contenant de la bière forte, avec laquelle ils s'eni- vrent. Il a observé quelques-uns de ces animaux en captivité dans le même état d'ivresse, et fait un récit très divertissant de leur con- duite et de leurs bizarres grimaces. Le matin suivant, ils étaient sombres et de mauvaise humeur, se tenaient la tête à deux mains et avaient une piteuse mine ; ils se détournaient avec dégoût lors- qu'on leur offrait de la bière ou du vin, mais paraissaient être très friands du jus de citron ''. Un singe américain, un Ateles, après s'être enivré d'eau-de-vie, ne voulut plus jamais en boire, se mon- trant en cela plus sage que bien dos hommes. Ces faits peu impor- tants prouvent combien les nerfs du goût sont semblables chez l'homme et chez les singes, et combien leur système nerveux en- tier est similairement affecté. L'homme est infesté de parasites internes dont l'action provoque parfois des effets funestes ; il est tourmenté par des parasites ex- ternes, qui appartiennent aux mômes genres ou aux mêmes famil- les que ceux qui attaquent d'autres mammifères , et, dans le cas de la gale, à la môme espèce ^ L'homme est, comme d'autres animaux, mammifères, oiseaux, insectes même', soumis à cette loi mysté- rieuse en vertu de laquelle certains phénomènes normaux, tels que la gestation, ainsi que la maturation et la durée de diverses mala- dies, suivent les phases de la lune. Les mômes phénomènes se produisent chez lui et chez les animaux pour la cicatrisation des blessures , et les moignons qui subsistent après l'amputation des membres possèdent parfois , surtout pendant les premières phases de la période embryonnaire, une certaine puissance de régénéra- tion comme chez les animaux inférieurs *". 6. Certains animaux placés beaucoup plus bas sur l'échelle partagent par- fois les mêmes goûts. M. A. Nicolas m'apprend qu'il a élevé à Queensland , (Australie) trois individus de la variété Phaseo/arctus cinereus et que tous trois acquirent bientôt un goût prononcé pour le rhum et pour le tabac. 7.. Brehm, Thierleben , B. I, 1864, p. 75, 86. Sur rAteles,p. 105. Pour d'autres assertions analogues , p. 25, 107. 8. Dr W. Lauder Lindsay, Edinburgh Vetcrinary Review, juillet 1858, p. 13. 9. Relativement aux Insectes, docteur Laycock : On a gênerai Law of Vi- tal Vcriodicitij (British Association), 1842. Le docteur Mac CuUoch {Silliman's North Americ. Jouim. of science ,yo\. XVII, p, 305) a vu un chien souffrant d'une fièvre tierce. J'aurai à revenir sur ce point. 10. J'ai indiqué les preuves à cet égard dans la Vaination des Animaux et des PUmtes à l'état domestique, vol. II, p. 14 (Paris, Reinwald). [Chap. I;. conformation corporelle DK L'HOMME. 5 L'ensemble de la marche de l'imporlante fonction de la reproduc- tion de l'espèce présente les plus grandes ressemblances chez tous les mammifères, depuis les premières assiduités du mâle" jusqu'à la naissance et l'allaitement des jeunes. Les singes naissent dans un état presque aussi faible que nos propres enfants, et, dans cer- tains genres, les jeunes diffèrent aussi complètement des adultes, par leur aspect , que le font nos enfants de leurs parents '^ Quelques savants ont présenté , comme une distinction importante, le fait que, chez l'homme, le jeune individu n'atteint la maturité (ju'à un âge beaucoup plus avancé que chez tous les autres animaux; mais, si nous considérons les races humaines habitant les contrées tropi- cales, la dilférenct; n'est pas bien considérable, car on admet que l'orang ne devient adulte qu'à dix ou quinze ans". L'homme diffère delà femme par sa taille, par sa force corporelle, parsa villosilé, etc., ainsi que par son intelligence, dans la même proportion que les deux sexes chez la plupart des mammifères. Bref, il n'est pas pos- sible d'exagérer l'étroite analogie qui existe entre l'homme et les animaux supérieurs, surtout les singes anthropomorphes, tant dans la conformation générale et la structure élémentaire des tissus que dans la composition chimique et la constitution. Développement ombnjonnnire . — L'homme se développe d'un ovule ayant environ 0'°°, 0:2 de diamètre ; cet ovule ne diffère en aucun point de celui des autres animaux à une période précoce ; c'est à peine si l'on peut distinguer cet embryon lui-môme de celui d'autres membres du règne des vertébrés. A cette période, les artères cir- culent dans des branches arquées, comme pour porter le sang dans des branchies qui n'existent pas dans les vertébrés supérieurs, bien que les fentes latérales du cou persistent et marquent leur ancienne position {fi(j. 1, f, g). Un pou plus tard, lorsque les extrémités se développent, ainsi que le remarque le célèbre de Baër, « les pattes H. "Mares o divorsis {.'enerilms Quadrumanonim sine tlubio digooscunt feininas humanas a maribus. Frimuni, credo, oduratii, postea aspectu. M. Youatt, qui diu in Hortis Zoologicis (Bestiariis) niediciis aninialium erat , vir in rébus observandis cautus et sagax, hoc mihi certissime probavit, et curatores ejusdem loci et alii e ministris confirinaverunt. Sir Andrew Smith et Brehm notabant idem in ('ynocephalo. Illuslrissimus Cuvier etiam narrât multa de hue re, qud ut opinor, nihil turpius potest indicari inter omnia hominibus et Qiiadrumanis communia. Narrât enim Cynocephalum quemdam in furorem incidere aspectu feminarum aliquarura, sed nequaquam accendi lanto furore ab omnibus. Sein- per eligebat juniores, et dignoscebat in turb;l, et advocabat voce gestûque. >. 12. Cette remarque a été faite pour U's" Cynocéphales et pour b-s sini^ros anthropomorphes par Geoffroy Saint-Hilaire et K. Cuvier (Hisl. nat. tlr^ mam- mifères, t. L 182i.i \'-\. Huxley, Man'i /ilarr in Sature , 18C3, p. :Jl. LA DESCENDANTE DE L'HOMME. fl'« Partie]. Fig. 1. — La figure supérieure représente un embryon Immain, d'après Ecker ; la figure inférieure celui d'un chien, d'après Bischoff". a. Cerveau antérieur, hémisphères céré- braux, etc. b. Cerveau médian, corps quadrijumeaux. c. Cerveau postérieur, cervelet, moelle allongée. d. Œil. «, Oreille. /", Premier arc viscéral. g. Second arc viscéral. H, colonne vertébrale et muscles en voie de développement. i, Extrémités antérieures. K, Extrémités postérieures. L, Queue ou os du coccyx, [Chap. I . DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE. 7 des lézards et des mammifères, les ailes et les pattes des oiseaux, de même que les mains et les pieds de l'homme , dérivent de la mémo forme fondamentale ». C'est, dit le professeur Huxley'*, u dans les toutes dernières phases du développement, que le jeune tMro humain présente des différences marquées avec le jeune singe, tandis que ce dernier s'éloigne autant du chien dans ses dévelop- pements que l'homme lui-môme peut s'en éloigner. On peut dé- montrer la vérité de celle assertion, tout extraordinaire qu'elle puisse paraître. » Comme plusieurs d.^ mes lecteurs peuvent n'avoir jamais vu le dessin d'un embryon, je donne ici ceux de l'homme et du chien, tous (ItMix ;\ pt'u près ;\ la même phase précoce de leur développe- ment, et je les emprunte ;\ deux ouvrages dont l'exactitude est in- contestable '*. Après les assertions de ces hautes autorités, il est inutile d'en- trer dans de plus amples détails pour prouver la grande xessem- blance qu'offre l'embryon humain avec celui des autres mammifè- res. ,1'ajoulerai . cependant, que certains points de la conformation de l'embryon humain ressemblent aussi à certaines conformations d'animaux inférieurs à l'état adulte. Le cœur, par exemple, n'est d'abord qu'un simple vaisseau pulsateur; les déjections s'évacuent par un passage cloacal; l'os coccyx fait saillie comme une véritable queue, qui '< s'étend beaucoup au-delà des jambes rudimentai- res '*. » Certaines glandes, désignées sous le nom de corps de Wolff. existant chez les embryons do tous les vertébrés à respira- tion aérienne, correspondent aux reins des poissons adultes et fonctionnent comme eux '"'. On peut même observer, à une période embryonnaire plus tardive, quelques ressemblances frappantes entre l'homme et les animaux inférieurs. Bischofî assure qu'à la fin (lu septième mois, les circonvolutions du cerveau d'un embryon humain en sont à peu près au même état de développement que 11. Mans f,lnc0. tabl. XX.\, lîg. 2; ceteinl)ryon avait 10 lignes de longueur, par conséquent la figure est très agrandie. L'emhrjon du chien est emprunté à Bischoff; Ent- wi'klunr/xgexrhichte dex Ihnule-Eiex, 1845. tabl. XI, fig. 42, B. La figure est gros- sie cinq fois et dessinée d'après un embryon âgé de 25 jours. Les viscères internes, ainsi que les appendices utérins, ont été omis dans les deux cas. C'est le pro- fesseur Huxley, qui m'a indiqué ces figures ; c'est d'ailleurs en lisant son ouvrage, Mnti's pincp in Nature, que j'ai eii l'idée de les reproduire. Hîcckel a donné des dessins analogues dans son ouvrage Sc/it'ipfunf/xr/pscfiicfitr. 16 Prof. Wvman, dans Pror. of Amerimn Acnrl. of sriences, vol. IV. 1860; p. 17. 17. f)wen, Anntomi/ of tfrfp/trnff'x, \n\. I. p. ;i:i.'{. 8 LA DESCENDANCE DE L'HOMME, [Ire Partie.] chez le babouin adulte **. Le professeur Owen fait remarquer ^' « que le gros orteil qui fournit le point d'appui dans la marche , aussi bien debout qu'à l'état de repos, constitue peut-être la par- ticularité la plus caractéristique de la structure humaine » ; mais le professeur Wyman ^^ a démontré que, chez l'embryon, ayant envi- ron un pouce de longueur, « l'orteil est plus court que les autres doigts, et que, au lieu de leur être parallèle, il forme un angle avec le côté du pied , correspondant ainsi par sa position avec l'état permanent de l'orteil chez les quadrumanes ». Je termine par une citation de Huxley -', qui se demande : l'homme est-il engendré, se développe-t-il, vient-il au monde d'une façon autre que le chien, l'oiseau, la grenouille ou le poisson? Puis il ajoute : « La réponse ne peut pas être douteuse un seul instant; il est incontestable que le mode d'origine et les premières phases du développement humain sont identiques à ceux des animaux qui occupent les degrés immé- diateme^nt au-dessous de lui sur l'échelle, et qu'à ce point de vue il est beaucoup plus voisin des singes que ceux-ci ne le sont du chien. » Rudiments. — Nous traiterons ce sujet avec plus de développe- ments, bien qu'il ne soit pas intrinsèquement beaucoup plus im- portant que les deux précédents ^-. On rencontre chez tous les ani- maux supérieurs quelques parties à l'état rudimentaire; l'homme ne fait point exception à cette règle. Il faut, d'ailleurs, distinguer, ce qui, dans quelques cas, n'est pas toujours facile, les organes rudimentaires de ceux qui ne sont qu'à l'état naissant. Les premiers sont absolument inutiles, tels que les mamelles chez les quadru- pèdes mâles, et chez les ruminants les incisives qui ne percent jamais la gencive ; ou bien ils rendent seulement à leurs posses- seurs actuels de si légers services que nous ne pouvons pas sup- poser qu'ils se soient développés dans les conditions où ils existent aujourd'hui. Les organes, dans ce dernier état:, ne sont pas stricte- ment rudimentaires, mais tendent à le devenir. Les organes nais- sants, d'autre part, bien qu'ils ne soient pas complètement déve- loppés, rendent de grands services à leurs possesseurs et sont 18. Die Grosshirnwindungen des Meyischen, 1868, p. 95. 19. Analomy of vertébrales, vol II, p. o53. 20. Proceedings Soc. Nat. Hist., Boston, 1863, vol. IX, p. 185. 21. M an' s place in Nature, p. 65. 22. J'avais déjà écrit ce chapitre avant d'avoir lu un travail de grande valeur, auquel je suis redevable pour beaucoup de données, par G. Canestrini « Carat- teri rudimentali in ordine nW origine delC uomo » (Anmiario délia Soc. d. nat., Modena, 1867, p. 81). Hœckel a admirablement discuté l'ensemble du sujet sons le titre de Dystéologie, dans sa Generelle Morphologie et Schopfungsgeschichte . [Chap. I.; RUDIMENTS. 9 susceptibles d'un développemenl ultérieur. Les organes rudimen- laires sont éminemmenl variables, fait qui se comprend, puisque, étant inutiles ou à peu près, ils ne sont plus soumis à l'action de la sélection naturelle. Ils disparaissent souvent entièrement; mais, dans ce cas, ils reparaissent quelquefois par suite d'un effet de retour, fait qui mérite toute notre attention. Les principales causes qui paraissent provoquer l'état rudimen- taire dos organes sont le défaut d'usage, surtout pendant l'état adulte, alors que, au contraire, l'organe devrait être exercé, et l'hé- rédité aune période correspondante de la vie. L'expression « dé- faut d'usage » ne s'applique pas seulement ù l'action amoindrie des muscles, mais comprend une diminution de l'afflux sanguin vers un organe soumis à des alternatives de pression plus rares, ou devenant, à un titre quelconque, habituellement moins actif. On peut observer chez un sexe les rudiments de parties présentes normalement chez l'autre sexe; ces rudiments, ainsi que nous le verrons plus tard, résultent souvent de causes distinctes de celles que nous venons d'indiquer. Dans quelques cas, la sélection natu- relle intervient pour réduire des organes devenus nuisibles à une espèce, par suite de changements dans ses habitudes. Il est proba- ble que la compensation et l'économie de croissance interviennent souvent à leur tour pour hâter celte diminution de l'organe ; toute- fois, on s'explique difficilement les derniers degrés de diminution qui s'observent après que le défaut d'usage a effectué tout ce qu'on peut raisonnablement lui attribuer, et que les résultats de l'éco- nomie de croissance ne sont plus qu(î très insignifiants -'. I^a sup- pression complète et finale d'une partie, déjà très réduite et deve- nue inutile, cas où ne peuvent entrer en jeu ni la compensation ni l'économie décroissance, peut se comprendre par l'hypothèse de la j)angenèse, et ne peut guère même s'expliquer autrement. Je n'ajouterai rien de jjIus sur ce point, ayant, dans mes ouvrages précédents -^ discuté et développé avec amples détails tout ce qui a trait aux organes rudimentaires. On a observé, sur de nombreux i)oints du corps humain -'*, les 23. Quelques oxcellontes critiques sur co sujet ont été faites par MM. Mûrie et Mivart. [Traiix. /ool. Soc. IStiO, vol. VII, |). 92.) 24. Variation dr.f afiimatix et des plantes, etc., vol. II. p. 335 et 423(é(lit. fraa- raiseV Voir aiissi, Oriyinr rre.;/ir 'Ui\. JtiO. I7. 36. On connail la description (pie fait Hunilioldt du merveilleux odorat (pie possèdent les indigènes de rAïueiiipie méridionale; ces assertions ont été con- firmées par d'autres voyageurs. M. Mouzeau [Etuilcs sur les facultés tnoittilrs, etc., vol. I, 1.S72, p. 91; aflirmtî ipie de nombreuses expériences l'ont conduit à la conclusion (pie les nègris et les Indiens peuvent reconnaître les personnes à leur odeur dans lohscurite la plus complète. Le !>'' W. Ogle a fait de curieu- ses ol>servations sur les rapports (pii existent «Mitre la faculté d'odorat et la matière colorante de la menil)rane iiuniueuse du nez, ainsi rpie de la peau du corps, ("est ce qui me |)ermet de dire (pie les races colorées ont l'odorat plus développe que les races blanches, ^"oir son mémoire, Mediro-cltirur/jiml Imn- •ifirtiuns . Londres, 1870, vol. LUI, p. 270. M. Thr l>/itjsii,lo'j!/ utiil Patholofjy of Miiol, 2* edit., 1SG8, p. \'.\\. 16 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I« Partie]. faul-il chercher rexplicalion de ces phénomènes dans le fait que les animaux, qui possèdent ce même sens à un état très-déve- loppé, comme les chiens et les chevaux, semblent compter beau- coup sur l'odorat pour raviver le souvenir de lieux ou de personnes qu'ils ont connus autrefois. L'homme diffère notablement par sa nudité de tous les autres primates. Quelques poils courts se rencontrent çà et là sur la plus grande partie du corps de l'homme, et un duvet plus fin sur le corps de la femme. Les différentes races humaines diffèrent considérable- ment à ce point de vue. Chez les individus appartenant à une même race, les poils varient beaucoup, non-seulement par leur abon- dance, mais par leur position; ainsi, chez certains Européens, les épaules sont entièrement nues, tandis que, chez d'autres, elles por- tent d'épaisses touffes de poils ^*. On ne peut guère douter que les poils ainsi éparpillés sur le corps ne soient les rudiments du revê- tement pileux uniforriie des animaux. Le fait que les poils courts, fins, peu colorés des membres et des autres parties du corps, se transforment parfois « en poils longs, serrés, grossiers et fon- cés, )) lorsqu'ils sont soumis à une nutrition anormale grâce à leur situation dans la proximité de surfaces qui sont, depuis long- temps, le siège d'une inflammation, confirme cette hypothèse dans une certaine mesure ^^. Sir James Paget a remarqué que plusieurs membres d'une même famille ont souvent quelques poils des sourcils plus longs que les autres, particularité bien légère qui paraît, cependant, être héréditaire. On observe des poils analogues chez certains animaux; ainsi, on remarque, chez le chimpanzé et chez certaines espèces de macaques, quelques poils redressés, très longs, plantés droit au- dessus des yeux, et correspondant à nos sourcils ; on a observé des poils semblables très longs dépassant les poils qui recouvrent les arcades sourcilières chez quelques babouins. Le fin duvet laineux, dit lanugo, dont le fœtus humain est entiè- rement recouvert au sixième mois, présente un cas plus curieux. Au cinquième mois, ce duvet se développe sur les sourcils et sur la face, surtout autour de la bouche, où il est beaucoup plus long que sur la tête. Eschricht *" a observé une moustache de ce genre chez un fœtus femelle, circonstance moins étonnante qu'elle ne le 38. Eschricht, Veber die Richtimg der Haare am menschliehen Kurper, MttUer's Arcliiv fiir Anat. und Phys., 1837, p. 47. J'aurai souvent à renvoyer à ce cu- rieux travail. 39. Paget, Lectures on Surgical Pathology, 1853, t. I, p. 71. 40. Eschricht, /. c, pp. 40, 47. Chw. 1 RUDIMENTS. 17 paraît d'abord, car lous les caractères extérieurs sont générale- ment identiques chez les deux sexes pendant les premières phases de la formation. La direction et l'arrangement des poils sur le fœtus sont les mêmes que chez l'adulte , mais ils sont sujets à une grande variabilité. La surface entière du fœtus, y compris même le front et les oreilles, est ainsi cou\'erte d'un épais revêtement de poils; mais, fait significatif, la paume des mains, ainsi que la plante des pieds, restent absolument nues, comme les surfaces in- férieures des quatre membres chez la plupart des animaux infé- rieurs. Cette coïncidence ne peut guère être accidentelle; il est donc probable que le revêtement laineux de l'embryon représente le premier revêtement de poils permanents chez les mammifères qui naissent velus. On a recueilli trois ou quatre observations au- thentiques relatives à des personnes qui, en naissant, avaient le corps et la face couverte de longs poils lins; cette étrange particu- larité semble être fortement héréditaire et se trouve en corrélation avec un état anormal de la dentition *'. Le professeur Alex. Brandt a comparé les poils de la face d'un homme âgé de trente-cinq ans, atteint de cette particularité, avec le lanugo d'un fœtus, et il a ob- servé que la texture des poils et du lanugo était absolument sembla- ble ; il pense donc que l'on peut attribuer ce phénomène à un arrêt de développement du poil qui n'en continue pas moins de croître. Un médecin, attaché ;\ un hôpital pour les enfants, m'a affirmé que beaucoup d'enfants délicats ont le dos couvert de longs poils soyeux; on peut sans doute expliquer ce cas de la même façon que le précédent. Il semble que les molaires j)0stérieures, ou dents de sagesse, tendent à devenir rudimenlaires chez les races humaines les plus civilisées. Elles sont un peu plus petites que les autres molaires, fait que l'on a observé aussi pour les dents correspondantes chez le chimpanzé et chez l'orang; en outre, elles n'ont que deux racines distinctes. Elles ne percent pas la gencive avant la dix-septième année, et l'on m'a assuré (ju'elles sont beaucoup plus sujettes ;\ la carie et se perdent plus tôt que les autres dents, ce que nient, d'ailleurs, quelques dentist(;s éminents. Elles sont aussi, beaucoup plus que les autres dents, sujettes à varier tant par leur structure que par l'époque de leur développement ^^ Chez les races méla- 41. Voir: In Variation (les Animaux cl drs Plantes à fêtât domestique, vol. \, |). 327. Le professeur Alex, lîraiult ,t signale récemment un autre cas analogue observé chez un Russe et chez son fils. î2. Docteur Webb, Teeth in Man and the Anthropoid Ajics, cité par le ilocteur C. Carter Blake. Anthropological Review. juillet 1867, p. 290. 18 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. l'o Pahiik;. niennes, au contraire, les dents de sagesse présentent habituelle- ment trois racines distinctes, et sont généralement saines ; en outre, elles diffèrent moins des autres molaires que chez les races cauca- siennes *'. Le professeur Schaaffhausen explique cette différence par le fait que, chez les races civilisées ", « la partie postérieure dentaire de la mâchoire est toujours raccourcie », particularité qu'on peut, je présume, attribuer avec assez de vraisemblance à ce que les hommes civilisés se nourrissent ordinairement d'aliments ramollis par la cuisson, et que, par conséquent, ils se servent moins de leurs mâchoires. M. Brace m'apprend que, aux États-Unis, l'usage d'enlever quelques molaires aux enfants se répand de plus en plus, la mâchoire ne devenant pas assez grande pour permettre le développement complet du nombre normal des dents **. Je n'ai rencontré qu'un seul cas de rudiment dans le canal diges- tif, à savoir l'appendice vermiforme du cœcum. Le cœcum est une branche ou diverticulum de l'intestin, se terminant en un cul-de- saci qui atteint une grande longueur chez beaucoup de mammifères herbivores inférieurs. Chez le Koala {Phascolarctos), il est trois fois plus long que le corps entier *^ Il s'étire parfois en une pointe allongée, d'autres fois il est étranglé par places. Il semble que, par suite d'un changement de régime ou d'habitudes, le cœcum se soit raccourci considérablement chez divers animaux; l'appendice ver- miforme a persisté comme un rudiment de la partie réduite. Le fait qu'il dst très petit et les preuves de sa variabiHté chez l'homme, {jreuves qu'a recueillies le professeur Ganestrini *^ nous permettent de conclure que cet appendice est bien un rudimenti Parfois il fait défaut; dans d'autres cas, il est très développé. Sa cavité est quel- quefois tout à fait fermée sur la moitié ou les deux tiers de sa lon- gueur; sa partie terminale consiste alors en une expansion pleine et aplatie. Cet appendice est long et enroulé chez l'orangj chez l'homme il part de l'extrémité du cœcum, et a ordinairement de 10 à 12 centimètres de longueur, et seulement 8 ou 9 millimètres de diamètre. Il est non-seulément inutile, mais il peut devenir aussi une cause de morti Deux exemples récents de ce fait'soUt parvenus 43; OWen, Àndt. ôf tertebvdtes, vol, III, pp. 320, 321, 32u. i4; On the pi'iniitive fonti of the sku//) traduit dans Anthrop, Review, oct. I8t)^, p. 426. 4.}. Le professeur Montegazza m'écrit de Florence qu'il a étudié récemment les dernières molaires chez les différentes races d'hommes ; il en arrive à la même conclusion que celle donnée dans le texte , c'est-à-dire que chez les races civi- lisées ces dents sont en train de s'atrophier ou d'être éliminées. 46. Owen, Amit. of Vertehrates, vol. III, pp. 416, 434, 441. 47. L. c, p. 94. Chai-. T. RUDIMENTS. 19 à ma coiinaissaiicr. (k's accidents sont dus ù rinlroduclion dans la cavité de petits corps durs, tels que des graines qui, par leur pré- sence, déterminent une inllamniation **. Quelques quadrumanes, les Lémurides et surtout les Carnivores aussi bien que beaucoup de Marsupiaux, ont, près de l'extrémité inférieure de riiumérus, une ouverture, le foramen supra-condy- loïde, au travers de laquelle passe le grand nerf de l'avant-bras et souvent son artère principale. Or l'humérus de l'homme porte or- dinairement des traces de ce passage, qui est même quelquefois assez bien développé; il est formé par une apophyse recourbée, complétée par un ligament. Le D^ Slruthers *', qui s'est beaucoup occupé de cette question, vient de démontrer que ce caractère est parfois héréditaire, car il l'a observé chez un individu et chez qua- tre de ses sept enfants. Lorsque ce passage existe, le nerf du bras le traverse toujours; ce qui indique clairement qu'il est l'homologue et le rudiment de l'orifice supra-condyloïde des animaux inférieurs. Le professeur Turner estime que ce cas s'observe sur environ I p. 100 des squelettes récents. Si le développement accidentel de cette conformation chez l'homme est, comme cela semble proba- ble, dû à un effet de retour, cette conformation nous reporte à un ancêtre extrêmement reculé, car elle n'existe pas chez les quadru^ mânes supérieurs. Il existe une autre perforation de l'humérus* qu'on peut appeler l'intra-condyloïde, qui s'observe chez divers genres d'anthropoïdes et autres singes ^", ainsi que chez beaucoup d'animaux inférieurs et qui se présente quelquefois chez l'homme. Fait très remarqu^^ble^ ce passage paraît avoir existé beaucoup plus fréquemment autrefois qu'à une époque plus récente. M. Busk " a réuni les documents sui- vants à ce sujet : « Le professeur Broca a remarqué cette perfora- tion sur i \ '2 p. lOO des os du bras recueillis dans le cimetière 18. M. C, .Martms, rie l'Cnitcori/anii/ue, Hevue flts Deux-Moiutes, 1.) juin 1862, |). 10; Hiockcl, Grnrrelle Morphologie, vol. II, p. 278, ont toUa deux fait deâ remarques sur le fait singulier que cet organe rudimentaire cause quelquefois la mort. 0. Voir pour l'hérédité le docteur Strtuhers, thc Lnncet, 24 janvier 1863, p. 83, et i.i février 1873. Le docteur Knox, Great aitista and anatotnists, p. 63, est, m"a-t-on dit, le premier anatomiste qui ait appelé l'attention sur cette conformation particulière chez l'homme. Docteur Oruber, Bulletin de l'Acad, iinp. de Saiiit-Pétersljour;/, 1867. p. 448. ."iO. M. Saint-Oeorge Mivart, Ttnns. Philos. Soc, 1867, j). 310. 51. On thc caves of Gibraltar (Transact. interiiat. Covgress of Prehist. Arch.; 'M session, 1869, p. 159;. Le professeur Wyman a récomment démontré {Fourtfi nnnual Report, Peabody Muséum, 1871, p. 20) qile cette perforation existe che? 31p. 100 de certains restes humains provenant des antiques tertres de l'ouest de» Etats-lins et de la Floride. ()n la rencontre fréquemment chez les négresi 20 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. I" Partie \ du Sud à Paris; dans la grotte d'Orrony, dont le contenu paraît appartenir à la période du bronze, huit humérus sur trente-deux étaient perforés; mais il semble que cette proportion extraordinaire peut être due h ce que la caverne avait sans doute servi de caveau de famille. M. Dupont a trouvé aussi dans les grottes de la vallée de la Lesse, appartenant à l'époque du renne, 30 p. 100 d'os per- forés; tandis que M. Leguay, dans une espèce de dolmen, à Argen- teuil, en observa 25 p. 100 présentant la même particularité. Pru- ner-Bey a constaté le même état chez 26 p. 100 d'os provenant de Vauréal. Le même auteur ajoute que cette condition est commune dans les squelettes des Guanches. » Le fait que, dans ce cas, ainsi que dans plusieurs autres, la conformation des races anciennes se rapproche plus des animaux inférieurs que celle des races mo- dernes, est fort intéressant. Cela vient probablement en grande partie de ce que les races anciennes, dans la longue ligne de des- cendance, se trouvent quelque peu plus rapprochées que les races modernes de leurs ancêtres primordiaux. Bien que fonctionncllement nul comme queue, l'os coccyx de l'homme représente nettement cette partie des autres animaux ver- tébrés. Pendant la première période embryonnaire, cet os est libre, et, comme nous l'avons vu, dépasse les extrémités posté- rieures. Dans certains cas rares et anormaux ", il constitue, même après la naissance, un petit rudiment externe de queue. L'os coc- cyx est court; il ne comprend ordinairement que quatre vertèbres ankylosées ; elles restent à l'état rudimentaire, car elles ne présen- tent, à l'exception de celle de la base, que la partie centrale seule '*^ Elles possèdent quelques petits muscles, dont l'un, à ce que m'ap- prend le professeur Turner, a été décrit par Theile, comme une répétition rudimentaire exacte de l'extenseur de la queue, muscle qui est si complètement développé chez beaucoup de mammifères. Chez l'homme, la moelle épinière ne s'étend pas au-delà de la dernière vertèbre dorsale ou de la première vertèbre lombaire, mais un corps filamenteux {filum terminale) se continue dans l'axe de la partie sacrée du canal vertébral et même le long de la face postérieure des os coccygiens. La partie supérieure de ce fdament, d'après le professeur Turner, est, sans aucun doute, l'homologue 62. M. de Quatrefages a recueilli les preuves sur ce sujet, Revue des cours sdenfifiques, 1867-68, p. 625. Fleischmann a exhibé, en 1840, un fœtus humain ayant une queue libre, laquelle, ce qui n'est pas toujours le cas, comprenait des corps vertébraux ; cette queue a été examinée et décrite par plusieurs anato- mistes présents à la réunion des naturalistes à Erlangen; voir Marshall, Nie- derUlndischen Archiv fiir Zoologie, décembre 1871. 0.3. Owen, On the nature of timijs, 1849, p. 114. CiiAP. I . UrDIMENTS. 21 de la moelle épinière, mais la partie inférieure semble se composer simplement do la j)ie-»ièr<\ soit la membrane vasculaire qui l'en- toure. Mémo dans ce cas, on peut considérer quo l'os coccyx pos- sède un vestige d'une conformation aussi importante quo la moelle épiniore, bien que n'étant plus contenu dans un canal osseux. Le fait suivant, que j'emprunte aussi au professeur Turner, prouve combien l'os coccyx correspond à la véritable queue des animaux inférieurs : Luschka a réoemmtMit découvert, ;\ l'extrémité des os coccygiens. un corps enroulé très particulier, qui est continu avec l'artère sacrée médiane, llette découverte a conduit Krause et Moyer à examiner la queue d'un singe (macaquei et colle d'un chat, et ils ont trouvé chez toutes deux, quoique pas à l'extrémité, un corps enroulé semblable. Le système reproducteur offre diverses conformations rudimen- laires, mais cpii dilfèrent par un point important des cas précé- dents. 11 ne s'agit i)lus ici de vestiges de parties, qui n'appartien- nent pas à l'espèce à l'état actif, mais d'une partie qui est toujours présente et active chez un sexe, tandis qu'elle est représentée chez l'autre par un simple rudiment. Néanmoins l'existence de rudi- ments de ce genre est aussi difficile à expliquer que les cas précé- dents, si l'on se place au point de vue de la création séparée de chaque espèce. J'aurai, plus loin, ;\ revenir sur ces rudiments, et je prouverai que leur présence dépond généralement de l'Iiérédilé seule, c'est-à-dire que certaines parties acquises par un sexe ont été transportées partiellement à l'autre. Je me borne ici ;\ indiquer quelques-uns de ces rudiments. On sait que tous les mammifères milles, l'homme compris, ont des mamelles rudimentaires. Il est arrivé que, dans ([H'îlpiv^ ca> , celles-ci se sont di'îveloppées et ont f(iurni du lait en abomlancc. Leur identité essentielle chez les deux sexes est également prouvée par le gondement occasionnel dont elles sont le siège pendant une attaque de rougeole. La vési- cide prostali(|ue wcsicti/d jjrnslittica^, qui a été observé»; chez beau- coup de mammifères m;\les. est aujourd'hui universellement recon- nue pour élro l'homologue de l'utérus femelle, ainsi (jue le passage en rapport avec lui. Il est impossible de lire la description que fait Leuck.irt de cet organe, et l'argument qu'il en tire, sans ad- mellro la justesse de ses conclusions. Cela est surtout apparent chez les mammifères dont l'utérus se bifurque chez la femelle, car, chez les m;\les de ces espèces, la même bifurcation s'observe dans la vésicule ''''. Je pourrais encore mentionner ici quelques 54. I.eurkart. Tni/f/' Ci/r.'oji. i,f \nnt., ISlOr.i'. I. IV. p. Ut;, ('«'l organe 82 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. jl^e Partie;. autres conformations rudimentaires du système reproducteur ". On ne saurait se méprendre sur la portée des trois grandes clas- ses de faits que nous venons d'indiquer, mais il serait superflu de récapituler ici toute la série des arguments déjà développés en dé- tail dans mon Origine des espèces. Une construction homologue de tout le système, chez tous les membres d'une même classe, est compréhensible, si nous admettons qu'ils descendent d'un ancêtre commun, outre leur adaptation subséquente à des conditions diver- ses. La similitude que l'on remarque entre la main de l'homme ou du singe, le pied du cheval, la palette du phoque, l'aile de la chauve-souris, etc., est absolument inexplicable par toute autre hypothèse ^*. Affirmer que ces parties ont toutes été formées sur un même plan idéal, n'est pas une explication scientifique. Quant au développement, en nous appuyant sur le principe des variations survenant à une période embryonnaire un peu tardive et transmises par hérédité à une époque correspondante, nous pouvons facile- ment comprendre comment il se fait que les embryons de formes très différentes conservent encore, plus ou moins parfaitement, la conformation de leur ancêtre commun. On n'a jamais pu donner aucune autre explication du fait merveilleux que les embryons d'un homme, d'un chien, d'un phoque, d'une chauve-souris, d'un rep- tile, etc., se distinguent ;\ peine les uns des autres au premier abord. Pour comprendre l'existence des organes rudimentaires, il n'a chez l'homme que de trois à six lignes de longueur, mais, comme tant d'autres parties rudimentaires, il varie par son développement et ses autres caractère;?, 53 Owen, Anat.of Vertébrales, t. III, pp. 675, 676,706, o6. Le professeur Bianconi essaie , dans un ouvrage publié récemment et illustré de magnifiques gravures [la Théorie darwùiienne et la création dite indépendante, 1874) de démontrer que l'on peut expliquer complètement par les principes mécaniques concordant avec l'usage auquel elles servent l'existence de toutes ces conformations homologues. Personne plus que lui n'a mieux dé- montré combien ces conformations sont admirablement adaptées au but qu'elles ont à remplir; mais je crois qu'on peut attribuer cette adaptation à la sélection naturelle. Quand le professeur Bianconi considère l'aile de la chauve-souris, il invoque (p. 218) ce qui me paraît, pour employer le mot d'Auguste Comte, un simple principe métaphysique, c'est-à-dire, la conservation dans toute son intégrité de la nature mammifère de l'animal. Il n'aborde la discussion que de quelques rudiments et seulement des parties qui sont partiellement rudimen- taires, telles que les petits sabots du cochon et du bœuf qui ne reposent pas sur le sol ; il démontre clairement que ces parties sont utiles à l'animal. Il est à regretter qu'il n'ait pas étudié et discuté d'autres parties, telles, par exemple, que les dents rudimentaires qui chez le bœuf ne percent jamais la gencive, les mamelles des quadrupèdes milles, les ailes de certains scarabées ailés qui existent sous des élytres complètement soudées, les traces du pistil et des éta- mines chez diverses fleurs, et beaucoup d'autres cas analogues. Bien que j'ad- mire beaucoup l'ouvrage du professeur Bianconi, je n'en persiste pas moins à croire avec la plupart des naturalistes qu'il est impossible d'expliquer les coij» formations homologues par le simple principe de l'adaptation, CiiAP. II . MODE DK DEVELOPPEMENT. 23 noua suffit de supposer qu'un ancêtre reculé a possédé les parties en question à l'état parfait, et que, sous l'influence de changements dans les habitudes d'existence, ces parties ont tendu h disparaître, soit par défaut d'usage, soit par la sélection naturelle des individus le moins encombrés d'une partie devenue superflue, causes de dis- parition venant s'ajouter aux autres causes déj;\ indiquées. Nous pouvons ainsi comprendre comment il se fait que l'homme et tous les autres vertébrés ont été construits sur un môme modèle général, pourquoi ils traversent les mêmes phases primitives de développement, et pourquoi ils conservent quelques rudiments communs. Nous devrions, par conséquent, admettre franchement leur communauté de descendance; adopter toute autre théorie, c'est en arriver j\ considérer notre conformation et celle des ani- maux qui nous entourent comme un piège tendu ;\ notre jugement. Cette conclusion trouve un appui immense dans un coup d'œil jeté sur l'ensemble des membres de la série animale, et sur les preuves que nous fournissent leurs affinités, leur classification, leur distri- bution géographique et leur succession géologique. Nos préju- gés naturels, cette vanité qui a conduit nos ancêtres à déclarer qu'ils descendaient des demi-dieux, nous empêchent seuls d'ac- cepter cette conclusion. Mais le moment n'est pas éloigné où l'on s'étonnera que des naturalistes, connaissant la conformation com- parative et le développement de l'homme et des autres mammifè- res, aient pu si longtemps croire que chacun d'eux a été l'objet d'un acte séparé de création. CHAPITRE II SrU f.K MODK DK DÉVELOPPEMENT DE I.'hOMMK DK giRLOIK TYPE INFÉRIRLR Variabilité du corps et d« IVsprit chez l'iiomme. — Hérédité. — Cause.s de la variabilité. — Similitude des lois de la variation chez Ihomnio et chez les animaux inférieurs. — .\ction directe des conditions d'existence. — Effets de l'augmentation ou de la diminution d'usage des parties. — Arrêts de déve- loppement. — Retour ou atavisme. — Variation corrélative. — Taux d'accrois- sement. .— obstacles à l'accroissement. — Sélection^ naturelle. — L'homme, animal prédominant dans le monde. — Importance de sa conformation cor- porelle. — Causes qui ont déterminé son attitude verticale. — Changements consécutifs dans sa structure. — Diminution de la prosseur des dents canines. — Accroissement et altération de la forme du crâne. — Nudité. — Absence de la queue. — Absence d'armes défensives. L'homme est à notre époque sujet à de nombreuses variations. 11 n'y a pas, dans une même race, deux individus pomplètement 24 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. I« Pautie]. semblables. Nous pouvons comparer des millions d'hommes les uns aux autres; tous diffèrent par quelques points. On constate également une grande diversité dans les proportions et les dimen- sions des différentes parties du corps; la longueur des jambes est un des points les plus variables *. Sans doute, on remarque que, dans certaines parties du monde, le crâne affecte plus particulière- ment une forme allongée, une forme arrondie dans d'autres; tou- tefois il n'y a là rien d'absolu, car cette forme varie, même dans les limites d'une même race, comme chez les indigènes de l'Amérique et chez ceux de l'Australie du Sud, — celte dernière race est « pro- bablement aussi pure et aussi homogène par le sang, par les cou- tumes et par le langage qu'aucune race existante, » — et jusque chez les habitants d'un territoire aussi restreint que l'est celui des îles Sandwich -, Un dentiste éminent m'assure que les dents pré- sentent presque autant de diversité que les traits. Les artères prin- cipales présentent si fréquemment des trajets anormaux, qu'on a reconnu, pour les besoins chirurgicaux, l'utilité de calculer, d'après 1,040 sujets, la moyenne des différents parcours observés ^. Les muscles sont éminemment variables; ainsi le professeur Turner ^ a reconnu que ceux du pied ne sont pas rigoureusement sembla- bles chez deux individus- sur cinquante, et présentent chez quel- ques-uns des déviations considérables. Il ajoute que le mode d'exé- cution des mouvements particuliers correspondant à ces muscles a dû se modifier selon leurs différentes déviations. M. J. Wood ^ a constaté, sur 36 sujets, l'existence de 295 variations musculaires; et, dans un autre groupe de même nombre, il a compté 558 modifi- cations, tout en ne notant que pour une seule celles qui se trou- vaient des deux côtés du corps. Aucun des sujets de ce second « groupe n'avait un système musculaire complètement conforme aux descriptions classiques indiquées dans les manuels d'anato- mie. )) Un des sujets présentait jusqu'à 25 anomalies distinctes. Le même muscle varie parfois de plusieurs manières ; c'est ainsi que le professeur Macalister ^ ne décrit pas moins de 20 va- 1. B.-A. Gould, Investigations in Militari/ and AntltropoUig. sfaiistics of Ame- rican Soldiers, 1869, p. 25C. 2. Pour les formes critniennes des indigènes américains, voir le docteur Ait- ken Meigs, Proceedings Acad. Nat. Se. Philadelphia, mai 1868; sur les Austra- liens, Huxley, dans Lyell, Antiquity of man, 1863, p. 87; sur les habitants des îles Sandwich, le professeur J. Wyman, Observations on Crania, Boston, 1868, p. 18. 3. R. Quain, Anatomg of the Arteries. 4. Transact. Royal Soc. Edin/mrgh,\o\. XXIV, p. 175, 189. a. Proc. Royal Soc, 1867, p. 544 ; 1868, p. 48."}, 524. Il y a un mémoire antérieur, 1866, p. 229. 6. Proc. Roy. frish Academy, vol. X. 868. p. 14). Chap. II.. MODE DK DEVELOPPEMENT. 25 l'ialions dislincles du palmaire accessoire (palninris accessor/us). Le célèbrfï analomisle W'olt' " insiste sur le fuit que les viscères internes sont plus variables que les parties externes : Nulla parii- ciila est quœ non aliter et aliler in afiis se habcal hominibus. Il a m»?mc écrit un traité sur les types à choisir pour la description des viscères. Une discussion sur le beau idéal du foie, des poumons, des reins, etc., comme s'il s'ajrissait de la divine face humaine, sonne étrangement à nos oreilles. La variabilité ou la diversité des facultés mentales chez les hom- mes appartenant à la même race, sans parler des dilîérences plus grandes encore i(ue présentent sous ce rap|)ort les hommes appar- tenant à des races distinctes, est trop notoire pour qu'il soit néces- saire d'insister ici. Il en est de même chez les animaux inférieurs. Tous ceux qui ont été chargés de la direction de ménageries recon- naissent ce fait, que nous pouvons tous constater chez nos chiens et chez nos autres animaux domestiques. IBrehm insiste tout par- ticulièrement sur le fait que chacun des singes qu'il a gardés en captivité en Afrique avait son caractère et son humeur propres; il mentionne un babouin remarquable par sa haute intelligence; les gardiens du Jardin zoologique m'ont signalé un singe du nouveau continent également très remarquable à cet égard. Rengger appuie aussi sur la diversité du caractère des singes de même espèce qu'il a élevés au Paraguay; diversité, ajoute-t-il, qui est en partie innée, et en partie le résultat de la manière dont on les a traités et de l'éducation qu'ils ont reçue *. J'ai discuté ailleurs ' le sujet de l'hérédité avec assez de détails pour n'y consacrer ici que peu de mots. On a recueilli sur la trans- mission héréditaire des modifications, tant insignifiantes qu'impor- tantes, un nombre beaucoup plus considérable de faits relatifs ù l'homme <|u"ù aucun aniuial inférieur, bien qu'on possède sur ces derniers une assez grande abondance de documents. Ainsi, pour ne parler que des facultés mentales, la transmission est évidente chez nos chiens, chez nos chevaux et chez nos autres animaux domesti- ques. Il en est aussi certainement de même des goûts spéciaux et des habitiules, de l'intelligence générale, du courage, du bon et du mauvais raraetére, etc. Nous observons chez l'homme des faits analogues dans presque toutes les familles; les travaux admira- bles de M. Tiallon '" nous ont maintenant ai)pris que le génie, qui 7. Acta Arriil. Snint-Pelersfjuurf/, 1778. part. II, p. 217. 8. Brehm, T/tierlrOen, I, pp. 58, 87. Kengger, Smirjethiere von Parai/uaij/\i. 57. 9. Variation des animaux, etc., chap. xii. 10. Hproditavij Gcniiix : An inquiry inU> ifs [.aw and Conspquetvpx, 1809. 26 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. ;I" Partie] . implique une combinaison merveilleuse et complexe des plus hau» tes facultés, tend à se transmettre héréditairement; d'autre part, il est malheureusement évident que la folie et le dérangement des facultés mentales se transmettent également dans certaines fa- milles. Bien que nous ignorions presque absolument quelles sont les véritables causes de la variabilité, nous pouvons affirmer tout au moins que, chez l'homme comme chez les animaux inférieurs, elles se rattachent aux conditions auxquelles chaque espèce a été sou- mise pendant plusieurs générations. Les animaux domestiques varient plus que les animaux à l'état sauvage, ce qui, selon toute apparence, résulte de la nature diverse et changeante des condi- tions extérieures dans lesquelles ils sont placés. Les races humai- nes ressemblent sous ce rapport aux animaux domestiques, et il en est de même des individus de la même race, lorsqu'ils sont ré- pandus sur un vaste territoire, comme celui de l'Amérique. Nous remarquons l'influence de la diversité des conditions chez les na- tions les plus civilisées, où les individus, occupant des rangs divers et se livrant à des occupations variées , présentent un ensemble de caractères plus nombreux qu'ils ne le sont chez les peuples bar- bares. On a, toutefois, beaucoup exagéré l'uniformité du caractère des sauvages, uuiformité qui, dans certains cas, n'existe, pour ainsi dire, réellement pas ". Toutefois, si nous ne considérons que les conditions auxquelles il a été soumis, il n'est pas exact de dire que l'homme ait été « plus strictement réduit en domesticité *- » qu'au- cun autre animal. Quelques races sauvages, telles que la race aus- tralienne, ne sont pas exposées à des conditions plus variées qu'un grand nombre d'espèces animales ayant une vaste distribution. L'homme, à un autre point de vue bien plus essentiel, diffère en- core considérablement des animaux rigoureusement réduits à l'état domestique, c'est-à-dire que sa propagation n'a jamais été contro-» lée par une sélection quelconque, soit méthodique, soit incon- sciente. Aucune race, aucun groupe d'hommes n'a été assez com- plètement asservi par ses maîtres pour que ces derniers aient conservé seulement et choisi, pour ainsi dire, d'une manière incon- sciente, certains individus déterminés répondant à leurs besoins par quelque utilité spéciale. On n'a pas non plus choisi avec inten- 11. M. Bâtes (Naluralist on the Amazons,\o\. II, p. 13!)) fait remarquer, au sujet des Indiens d'une même tribu de Sud-Américains, <> qu'il n'y en a pas deux ayant la même forme de tête ; les uns ont le visage ovale à traits réguliers, les autres» ont im aspect tout à fait mongolien par la largeur et la saillie des joues, la dilatation des narines et l'obliquité des yeux. >> 12- Blumenbach. Trentixes on Anthropotogy, trad, angl. 1865, p. 203, (HAP. II . MODE DE DÉVELOPPEMENT. 27 lion certains individus des deux sexes pour les accoupler, sauf le cas bien connu des grenadiers prussiens; dans ce cas, comme on devait s'y attendre, la race humaine a obéi à la loi de la sélection méthodique; car on assure (\no les villages habités par les grena- diers et leurs femmes géantes ont produit beaucoup d'hommes de haute stature. A Sparte, on pratiquait aussi une sorte de sélection, car la loi voulait que tous les enfants fussent examinés quelques jours après leur naissance; on laissait vivre les enfants vigoureux o[ bien faits et on tuait les autres ". .•^i nous admettons que toutes les races humaines constituent une seule espèce, l'habitat de cette espèce est immense; quelques races distinctes, d'ailleurs, comme les Américains et les Polyné- siens, ont elles-mêmes une extension considérable. Les espèces largement distribuées sont plus variables que celles renfermées dans des limites plus restreintes : c'est là une loi bien connue; il en résulte qu'on peut avec plus de justesse comparer la variabilité de l'homme à celle des espèces largement distribuées qu'à celle des animaux domestiques. Les mêmes causes générales semblent non-seulement déterminer la variabilité chez l'homme et chez les animaux, mais encore les mêmes parties du corps sont affectées chez les uns et chez les autres d'une manière analogue. Godron et Quatrefages '^ ont démontré ce fait avec tant de détails que je puis me borner ici à renvoyer à leurs travaux. I^es monstruosités qui passent graduellement à l'état de légères variations sont également si semblables chez l'homme et chez les animaux qu'on peut appliquer aux uns et aux autres 13. MiUVn'd. Historij of Greecc, vol. I, p. 282. Le llév. J.-N. Hoare a aussi ap- pelé mou attention snr un passage de Xénojjhon. McinornhUia, livre II. 4, d'où il rosulffl quo les Givcs ivconnaissaicnt comme un principe absolu que les hommes devaient choisir leurs femmes de façon à assurer la bonne santé et la vigueur de leurs enfants. Le poêle grec Théognis, qui vivait .'iâO ans avant J.-C, comprenait toute l'influence que la sélection appliquée avec soin aurait sur l'amé- lioration de la race humaine. Il déplore que la question d'argent empêche si souvent le jeu naturel de la sélection sexuelle. Théognis s'ex|)rime en ces termes : '• Quand il sa'.it de porcs et de chevaux, ô Kurnus. nous appliquons les rè- gles raisonnables ; nous cherchons à nous procurer à tout |)rix une race pure, sans vices ni défauts, qui nous donne des produits sains et vigoureux. Dans les mariages que non? voyons tous les jours, il en est tout autrement ; les hommes se marient pour l'argent. Le manant ou le brigand qui a su s'enrichir peut marier ses enfants dans les plus nobles familles. Ne vous étonnez donc plus, mon ami. que la race humaine dégénère de plus en plus, au point de vue de la forme, de l'esprit et des mœurs. La cause de cette dégénérescence est évi- dente, mais c'est en vain que nous voudrions remonter le courant. » li. Godron, De l'Espèce, 1859, vol. II, liv. m; de Quatrefages. l'niléde l'expèce humaine, 1861. et cours d'anthropologie publié dans la Revue da Cuto-s scien- tifiques, 1866-1868. 28 LA DKSCENDANCE DE L'HOxMME. If Pautik . les mêmes termes et la même classification, comme l'a prouvé Isid. Geoffroy Saint-Hilairo '\ Dans mon ouvrage sur la Variation des animaux domestiques, y ai cherché à grouper d'une manière approxi- mative les lois de la variation ainsi que suit : — l'action directe et définie des changements de conditions, presque prouvée par le fait que tous les individus appartenant à une même espèce varient de la même manière dans les mêmes circonstances; les effets de la continuité de l'usage ou du défaut d'usage des parties; la cohésion des parties homologues; la variabilité des parties mul- tiples ; la compensation de croissance, loi dont, cependant, l'homme ne m'a encore fourni aucun exemple parfait; les effets de la pres- sion mécanique d'une partie sur une autre, comme celle du bassin sur le crâne de l'enfant dans l'utérus; les arrêts de développement, déterminant la diminution ou la suppression de parties; la réappa- rition par retour de caractères perdus depuis longtemps; enfin la corrélation des variations. Toutes ces lois, si on peut employer ce mot, s'appliquent également à l'homme et aux animaux, et même pour la plupart aux plantes. 11 serait superflu de les discuter toutes ici '*; mais plusieurs ont pour nous une telle importance que nous aurons à les traiter avec quelque développement. Action directe et définie des changements dans les conditions. — Sujet fort embarrassant. On ne saurait nier que le changement des conditions produise des effets souvent considérables sur les organismes de tous genres; il paraît même probable, au premier abord-, que ce résultat serait invariable si le temps nécessaire pour qu'il puisse s'effectuer s'était écoulé. Mais je n'ai pas pu ob- tenir des preuves absolues en faveur de celte conclusion, à laquellt» on peut opposer des arguments valables, en ce qui concerne au moins les innombrables structures adaptées à un but spécial. On ne peut, cependant, douter que le changement des conditions ne provoque une étendue presque indéfinie de fluctuations variables, qui, jusqu'à un certain point, rendent plastique l'ensemble de l'or- ganisation. On a mesuré, aux Étals-Unis, plus d'un million de soldats qui ont servi dans la dernière guerre, en ayant soin d'indiquer les Étals dans lesquels ils étaient nés et ceux dans lesquels ils avaient été 15. Hist. gén.et part, des anomalies de l'organisation, vol. I, 1832. 16. J'ai discuté ces lois en détail dans la Var-iition des animaux et des plnntes, etc., vol. II, chap. xxii et xxiii. M. J. Durand vient (1868) de publier un mé- moire remarquable : De l'Influence des milieux, etc. Il insiste beaucoup sur l'importance de la nature du sol quand il s'agit des plantes. (MAI-. II . M(»I)K ItK DKVKLOf'PEMKNT. 29 ('levés '^ C»'l cu^eiuhlo coiisiilcrablt; iroL>servalions a prouvé que rorlaiiies influences auissent ilirectemeiil sur la stature; on peut en conclure, en outre, que « l'Ktat où la croissance physique s'est ac- complie en majeure partie, et celui où a eu lieu la naissance, indi- quant la famille, semblenl exercer une inlluence marquée sur la taille. » Ainsi, on a étalili ipie « la résidence dans les États de rUuest. pendant les nnni'es de la croissance, tend à augmenter la stature.» 11 est, d'autre pai'l, certain que, chez les matelots, le genre de vit) ralentit la croissance, ainsi qu'on peut le constater « par la grande dillcrence qui existe entre la taille des soldats et celle des matelots à làge de dix-sept et dix-huit ans. » M. \i.-A. (îould a cherché à déterminer le genre d'inlluences qui agissent ainsi sur la stature, sans arriver à autre chose qu'à des résultats négatifs, à savoir, que ces inlluences ne se rattachent ni au climat, ni à l'élé- vation du pays ou du sol, ni même, en aucun degré appréciable, à l'abondance ou au défaut des comforts de la vie. Cette dernière conclusion (.'St directement contraire à celle que Villermé a déduite de l'étude de la statistique de la taille Af^ conscrits dans les diverses parties delà France. I.orque l'on compare lesdiiïérences qui. sous ce rapport, existent entre les chefs polynésiens et les classes infé- rieures de ces mêmes îles, ou entre les habitants des îles volca- niques fertiles et ceux des îles coralliennes basses et stériles du même océan '*, ou encore entre les Fuégiens habitant la côte orientale et la côte occidentale du pays, où les moyens de sub- sistance sont très dilTérents, il n'est guère possible d'échapper à la conclusion qu'une meilleure nourriture et plus de bien-être influent sur la taille. Mais les faits qui précèdent prouvent combien il est difficile d'arriver à un résultat jirécis. Le D' Beddoe a récemment démontré (pie. eliez les habitants de l'Angleterre, la résidence dans les villes, jointe à ciM'taiiies occupations, exerce une inlluence nui- silde sur la taille, et il ajoute que le caractère ainsi acquis est jus- (pi'à un certain point In-réditaire ; il en est de même aux États-Unis. Le même auteur admet, en outre, que partout où une race « atteint son maximum de (i(';veIoppement physique, elle s'élève au plus haut degré d'énergie et de vigueur morale ". » On ne sait si \oa conditions extérieunîs exercent sur l'homme d'autres elVets directs. On pourrait s'attendre à ce (|ue des dillérenccs I*. B.-A. (tould, hivrslK/nlionx, etc.. pp. 93, 107, 12t), 131, 134. 18. l'our li's l'nlyiiesions. Pricharfl, Plii/sicnl Historij af Monkintl, vnl. \' . 1817. pp. li.;, 283: (rodnji), Uc i'mprre, vol. II, p. 280. Il v a aussi une (lidi-rpiui' remarrmaMc dans la.spcct des Hindous df parente voisine, hal)itant le (!anj.'e supérieur et le Bengale; Elpliinstone, Hision/ of Inr/in, vol. I. |). 32». 10. Moiioiix nf Ifio Aut/it-npoingical Soc, vol. III, 18(57-60, i)p. JiGl, .'iGo, .■)67. 30 LA DESCENDANCE DE LHOMME. Ire Partie . de climat exerçassent une iniluence marquée, l'activité des pou- mons et des reins étant très fortement augmentée par une basse température, et celle du foie et de la peau par un climat chaud *". On croyait autrefois que la couleur de la peau et la nature des cheveux étaient déterminées par la lumière ou par la chaleur; et, bien qu'on ne puisse guère nier que l'action de ces causes n'exerce quelque influence de ce genre, presque tous les observateurs s'ac- cordent aujourd'hui à admettre que leurs effets sont très faibles , même après un laps de temps très prolongé. Nous aurons à discuter ce sujet lorsque nous étudierons les diverses races humaines. 11 y a des raisons de croire que le froid et l'humidité affectent directe- ment la croissance du poil chez nos animaux domestiques; mais je n'ai pas rencontré de preuves de ce fait en ce qui concerne l'homme. Effets de iaugmentation d'usage et du défaut d'usage des parties. — On sait que chez l'individu l'usage fortifie les muscles, tandis que le défaut absolu d'usage, ou la destruction de leur nerf propre, les affaiblit. Après la perte de l'œil , le nerf optique s'atrophie sou- vent. La ligature d'une artère entraîne non-seulement une augmen- tation du diamètre des vaisseaux voisins, mais aussi l'épaississement et la force de résistance de leurs parois. Lorsqu'un des reins cesse d'agir par suite d'une lésion, l'autre augmente en grosseur, et fait double travail. Les os appelés à supporter de grands poids aug" mentent non-seulement en grosseur, mais en longueur -'. Des occupations habituelles différentes entraînent des modifications dans les proportions des diverses parties du corps. Ainsi , la com- mission des États-Unis " a pu constater que les jambes des mate- lots, qui ont servi dans la dernière guerre, étaient d'environ 3 millimètres plus longues que celle des soldats, bien que les ma- telots eussent en moyenne une taille plus petite; en outre, les bras de ces matelots étaient d'environ 26 millimètres trop courts; ils étaient, par conséquent, disproportionnellement trop courts relati- vement à leur moindre taille. Ce peu de longueur des bras semble, résulter de leur emploi plus constant, ce qui constitue un résultat fort inattendu; les matelots, il est vrai, se servent surtout de leurs bras pour tirer et non pour soulever des fardeaux. Le tour du cou et la profondeur du cou-de-pied sont plus grands, tandis que la 20. Docteur Brakenridge, Tlieonj of Diuthesis, Médical Times, juin 19 et juillet 17, 1869. 21. J'ai indiqué les autorités qui font ces diverses assertions dans Variations, etc., vol. II, pp. 297, 300. Docteur Jaeger, Veber das Uingenwachsthum der Kfio- chen; Jenaischen Zeitichrift, V. Heft, I. 22; B.'A. Oould, Investigations, 1869, p. 388. •Cn.\r. Il . MODK I)K DEVELOPPEMENT. 31 circonférence de la poitrine, tic la taille et des hanches est moindre chez les matelots que chez les soldats. On ne sait si ces diverses modifications deviendraient hérédi- taires, au cas où plusieurs générations continueraient le même genre de vie, mais cela est probable. Rengger " attribue la min- ceur des jambes et la grosseur des bras des Indiens Payaguas au fait que plusieurs générations successives ont passé la presque- totalité de leur vie dans des canots, sans presque jamais se servir de leurs membres inférieurs. Certains auteurs adoptent une con- clusion semblable pour d'autres cas analogues. Cranz -*, qui a vécu longtemps chez les Esquimaux, nous dit que « les indigènes admettent que le talent et la dextérité à la pèche du phoque (art dans lequel ils excellent) sont héréditaires; il y a réellement là quelque chose de vrai , car le (ils d'un pécheur célèbre se distingue ordinairement, même quand il a perdu son père pendant son en- fance. » Mais , dans ce cas , c'est autant l'aptitude mentale que la conformation du corps qui paraît être héréditaire. On assure (pi'à leur naissance les mains des enfants des ouvriers sont, en Angle- terre, plus grandes que colles des enfants (l<^s classes aisées -'*. C'est peut-être à la corrélation qui existe, au moins dans quelques cas -*, entre le développement des extrémités et celui des mâchoires qu^on doit attribuer les petites dimensions de ces dernières dans les classes aisées, qui ne soumettent leurs mains et leurs pieds qu'à un faible travail. Il est certain (jue les mâchoires sont généralement plus petites chez les hommes à position aisée et chez les peuples civilisés que chez les ouvriers et chez les sauvages. Mais, chez ces derniers, ainsi que le fait remarquer M. Herbert Spencer ", l'usage plus con- sidérable des mâchoires , nécessité par la mastication d'aliments grossiers et à l'état cru, doit influer directement sur le développe- ment des nluscles masticateurs, et sur celui des os auxquels ceux-ci s'attachent. C-hez les enfants, déjà longtemps avant la naissance , l'épiderme de la plante des pieds est plus épais que sur toutes les autres parties du corps -'. fait qui, à n'en pas douter, est dû aux effets héréditaires d'une pression exercée jiendant une longue série de générations. Chacun sait que les horlogers et les graveurs sont sujets à devc- Ù'-\. Siiiiyethieif ton Parntjuaij, 1830, j». \. 24. llistoni uf Greenland 'trad. angl.), 17G7, vol. I, p. i'M. ■1"}. Alex. Walker, Interinnrrinfje, 1838, p. 377. 26. Varintions, etc , I, p. 173. 27. Prhiciples of Biolofjj/, I, p. i.'iS. 28. Pngct, Lfcturcx on Suif/iral Pnt/io/nf/i/, vol. II. 18:i3 , p. 20!'. 32 L.\ DESCENDANCE DE LHOMME. I'» Partie;. nir myopes, tandis que les gens vivant en plein air et surtout les sauvages ont ordinairement une vue très longue ". La myopie et la presbytie tendent certainement à devenir héréditaires '*. L'infério- rité des Européens, comparés aux sauvages, sous le rapport de la perfection de la vue et des autres sens , est sans aucun doute un effet du défaut d'usage, accumulé et transmis pendant un grand nombre de générations ; car Rengger '' dit avoir observé à plusieurs reprises des Européens, élevés chez les Indiens sauvages et ayant vécu avec eux toute leur vie , qui cependant ne les égalaient pas par la subtilité de leurs sens. Le même naturaliste fait remarquer que les cavités du crâne, occupées par les divers organes des sens, sont plus grandes chez les indigènes américains que chez les Euro- péens ; ce qui , sans doute , correspond à une différence de même ordre dans les dimensions des organes eux-mêmes. Blumenbach a aussi constaté la grandeur des cavités nasales dans le crâne des indigènes américains, et rattache à ce fait la finesse remarquable de leur odorat. Les Mongols qui habitent les plaines de l'Asie septen- trionale ont, d'après Pallas , des sens d'une perfection étonnante; Prichard croit que la grande largeur de leurs crânes sur les zygo- mas résulte du développement considérable qu'acquièrent chez eux les organes des sens ^-. Les Indiens Quechuas habitent les hauts plateaux du Pérou, et Alcide d'Orbigny " assure que leur poitrine et leurs poumons ont acquis des dimensions extraordinaires, obligés qu'ils sont à respirer continuellement une atmosphère très raréfiée. Les cellules de leurs poumons sont aussi plus grandes et plus nombreuses que celles des Européens. Ces observations ont été contestées, mais M. D. Forbes, qui a mesuré avec soin un grand nombre d'Aymaras,race voi- sine, vivant à ime altitude comprise entre dix et quinze mille pieds, 29. Il est très singulier, et c'est là un fait absolument inattendu, que les matelots ont en moyenne une moins bonne vue que les soldats. Le docteur B. A. Gould {Sanitarij Metnoirs of the wnv of thc rébellion, 18G9, p. o30) a prouvé cependant le bien fondé de cette assertion; il est facile selon lui d'expliquer ce fait, car la vue chez les matelots se borne à la longueur du vaisseau et à la hauteur des mâts. 30. Variations, etc., vol. I, p. 8. 31. Sàugethiere, etc., pp. 8, 10. J'ai eu occasion de constater la puissance de vision extraordinaire que possèdent les Fuégiens. Voir aussi Lawrence {Lectures OH Phijsiologii,cic., 1822, p. 404) sur le même sujet. M. Giraud Teulon a récem- ment recueilli [Revue des Cours scientifiques, 1870, p. 625) un ensemble impor- tant et considérable de faits prouvant que la cause de la myopie » est le travail assidu, de près » . 32. Prichard, Pfiysical Hist. of Mankind, sur l'autorité de Blumenbach, vol. I, 1851, p. 311 ; Pallas, vol. IV, 1844, p. 407. 33. Cité par Prichard, Phijsicol Hist. of Mankind, vol. V, p. 463. [Chap. II]. MODE DE DÉVELOPPEMENT. 33 m'affirme " qu'ils dilTùrenl très notablement des hommes de toutes les autres races qu'il a étudiées , par la circonférence et par la longueur du corps. Il représente, dans ses tableaux, la taille de chaque homme par 1,000, et rapporte les autres dimensions à cette unité. On remarque que les bras étendus des Aymaras sont un peu plus courts que ceux des Européens , et beaucoup plus courts que ceux des nègres. Les jambes sont également plus courtes, et présentent cette particularité remarquable que , chez tous les Aymaras mesurés, le fémur est plus court que le tibia. La lon- gueur du fémur comparée à celle du tibia est en moyenne comme !2 11 est à :25"2, tandis que chez deux Européens mesurés en même temps, le rapport du fémur au tibia était comme 244 est à 230, et chez trois nègres comme 258 est à 2tl. L'humérus est de même plus court, relativement, que l'avant-bras. Ce raccourcissement de la partie du membre qui est la plus voisine du corps paraît, comme l'a suggéré M. Forbes, être un cas de compensation en rapport avec l'allongement très prononce du tronc. Les Aymaras présen- tent encore quelques points singuliers de conformation, la faible projection du talon, par exemple. Ces hommes sont si complètement acclimatés à leur résidence froide et élevée, que, lorsque autrefois les Espagnols les obligeaient à descendre dans les basses plaines orientales, ou qu'ils y vien- nent aujourd'hui, tentés par les salaires considérables des la- vages aurifères, ils subissent une mortalité effrayante. Néanmoins, M. Forbes a retrouvé quelques familles, qui ont survécu pendant deux générations sans se croiser avec les habitants des plaines , et il a remarqué qu'elles possèdent encore leurs particularités caracté- ristiques. .Mais il était évident, même à première vue, que toutes ces particularités avaient diminué ; et un mesurage exact prouva (jue leur corps est moins long que celui d 131. 47. Cité par le professeur Canestrini dans r.47j7jum'/o, etc., 1867, p 90. 48. Ces mémoires doivent être soigneusement étudiés par qui veut apprendre combien nos muscles varient et, par suite de ces variations, en viennent à res- sembler à ceux des quadrumanes. Voici les renvois aux points auxquels je fais allusion dans mon texte: Pi-oc. Roy. Soo., vol. XIV, 1865, pp. 379-384, — vol. XV, 1866. p. 241. 242; — vol. XV, 1867, p. 544; — vol. XVI, 1868, p. 524. J'ajouterai que le docteur Mûrie et M. Saint-Georges Mivart ont démontré dans leur mé- moire sur les Lémuriens {Transact. Royal Soc., vol. VII. 1869. p. 96, combien quelques-uns des muscles de ces animaux, les membres les plus inférieurs des primates, sont extraordinairement variables. On y trouve aussi de nombreux passages graduels conduisant vers des conformations musculaires existant chez des animaux encore plus bas sur l'échelle. [Chap. II). MODE DE DÉVELOPPEMENT. 41 soixante *'. Le môme sujet présentait encore « un abducteur spécial de l'os métatarsal du cinquième doigt, semblable à celui dont le professeur Huxley et .M. Flower ont constaté l'existence uniforme chez les singes supérieurs et inférieurs. » Jeme contenterai de citer deux autres exemples ; le muscle acromio-basUaive existe chez tous les mammifères placés au-dessous de l'homme et semble en corré- lation avec la démarche du quadrupède '"; or, on le rencontre à peu près chez un homme sur soixante. M. Bradley "" a trouvé, dans les extrémités inférieures un abducteur ossis tnetalarsi quinti , chez les deux pieds de l'homme; on n'avait pas, jusqu'à présent, signalé ce muscle chez l'homme bien qu'il existe toujours chez les singes anthropomorphes. Les mains et les bras de l'homme constituent des conformations éminemment caractéristiques; mais les muscles de ces organes sont extrêmement sujets à varier, et cela de façon t\ ressembler aux muscles correspondants des animaux inférieurs ". Ces ressemblances sont parfaites ou imparfaites et, dans ce dernier cas, manifestement de nature transitoire. Certaines variations sont plus fré(|uentes chez l'homme, d'autres chez la femme, sans que nous puissions en assigner la raison. M. Wood, après avoir décrit de nombreux cas, fait l'importante remarque que voici : « Les dé- viations notables du type ordinaire des conformations musculaires suivent des directions qui indiquent quelque facteur inconnu mais fort important pour la connaissance substantielle de l'anatomie scientifique générale *'. » On peut admettre comme extrêmement probable que ce facteur inconnu est le retour à un ancien état d'existence ". Il est tout à 40. Professeur Macalister, Proc. Roi/. IrUh Academy, vol. X, 1868, p. 124. 50. M. Ch.impneys, Journal of Annt. nnd Phi/x. Nov. 1871, p. 178. ï>\. Jountnl of Annt. nnd Vhi/x., mai 1872, p. 421. 52. Le i)rorc.sst'iir Macalister [id., p. 421), ayant relevé ses observations en talileaux, a trouve que les anomalies musculaires sont plus fréquentes dans l'avant-liras, puis dans la face, troisii-mement, dans le pied, etc. 53. Le rev. docteur Hauïhton, dans l'exposé d'un cas remanjuable de variation dans le muscle lunr/ fléchisseur du pouce humain {Proc. Rot/. Irish Acadetnt/,i8(îi, p. 715), ajoute ce qui suit : « Ce remarquable exemple prouve que l'homme possède parfois un arrangement des tendons du pouce et des doigts qui est caractéristique du maca«jue; mais je ne saurais prononcer s'il convient do regarder ro cas comme celui d'un macaque s'avançant vers l'homme, ou de l'houmie s'abaissant vers le inaca(|ue, ou comme un caprice congénital de la nature. » 11 est satisfaisant il'entemlre un anatomiste aussi distingué, et un ad- versaire aussi acharné lie l'évolution, admettre même la possibilité de l'une ou l'autre de ces deux premières propositions. Le professeur Macalister a aussi décrit des variations dans le long fléchisseur du pouce, remarquables i)ar leurs rapports avec le même muscle ciiez les quadrumanes [l'roc. Roy. Irish Aaidcnty, vol. X, 1861. p. i:{8). 54. Depuis la première édition de cet ouvrage, M. Wood a publie im autre mémoire, Philos. Trans., 1870, p. 83, sur les variations des muscles du cou, de l'é- 42 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. fait impossible de croire que l'homme puisse, par pur accident, ressembler anormalement, par sept de ses muscles, à certains sin- ges, s'il n'y avait entre eux aucune connexion génésique. D'autre part, si l'homme descend de quelque ancêtre simien, il n'y a pas de raison valable pour que certains muscles ne réapparaissent pas subitement même après un intervalle de plusieurs milliers de générations, de même que chez les chevaux, les ânes et les mulets, on voit brusquement reparaître sur les jambes et sur les épaules des raies de couleur foncée, après un intervalle de centaines ou plus probablement de milliers de générations. Ces différents cas de retour ont de tels rapports avec ceux des or- ganes rudimentaires cités dans le premier chapitre, qu'ils auraient pu y être traités aussi bien qu'ici. Ainsi, on peut considérer qu'un utérus humain pourvu de cornes représente, à un état rudimentaire, le même organe dans ses conditions normales chez certains mammi- fères. Quelques parties rudimentaires chez l'homme, telles que l'os coccyx chez les deux sexes, et les mamelles chez le sexe masculin, ne font jamais défaut; tandis que d'autres, comme le foramen su- pra-condyloïde , n'apparaissent qu'occasionnellement et, par con- séquent, auraient pu être comprises dans le chapitre relatif au retour. Ces différentes conformations « dues au retour », ainsi que celles qui sont rigoureusement rudimentaires, prouvent d'une ma- nière certaine que l'homme descend d'un type inférieur. Variations corrélatives. — Beaucoup de conformations chez l'homme, comme chez les animaux, paraissent si intimement liées les unes aux autres que, lorsque l'une d'elles varie, une autre en fait autant sans que nous puissions, dans la plupart des cas, en indiquer la cause. Nous ne pouvons dire quelle est la partie qui gouverne l'autre, ou si toutes deux ne sont pas elles-mêmes gouvernées par quelque autre partie antérieurement développée. Diverses mon- struosités se trouvent ainsi liées l'une à l'autre , comme l'a prouvé Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Les conformations homologues sont particulièrement sujettes à varier de concert; c'est ce que nous voyons sur les côtés opposés du corps, et dans les extrémités su- paule et de la poitrine de l'homme. Il démontre dans ce mémoire que les muscles sont très variables et que ces variations font souvent ressembler ces muscles aux muscles normaux des animaux inférieurs. Il résume ces remarques en ces termes : « J'aurai rempli le but que je me suis proposé si j'ai réussi à indiquer les formes les plus importantes qui, quand elles se présentent sous forme de variation chez l'homme, démontrent de manière suffisante ce qu'on peut consi- dérer comme des exemples et des preuves du principe darwinien du retour, c'est-à-dire de la loi d'hérédité. » [Chap. II]. MODE DE DÉVELOPPEMENT. 43 périeures et inférieures. Meckel a, il y a longtemps, remarqué que lorsque les muscles du bras dévient de leur type propre, ils imitent presque toujours ceux de la jambe, et réciproquement pour les muscles de cette dernière. Les organes de la vue et de l'ouïe, les dents et les cheveux, la couleur de la peau et celle des cheveux, le teint et la constitution sont plus ou moins en corrélation les uns avec les autres '**• Le professeur SohaalThausen a le premier attiré l'attention sur les rapports qui paraissent exister entre une confor- mation musculaire très accusée et des arcades sus-orbilaires très saillantes, qui caractérisent les races humaines inférieures. Outre les variations qu'on peut grouper avec plus ou moins de probabilité sous les titres précédents , il en reste un grand nombre qu'on peut provisoirement nommer spontanées, car notre igno- rance est si grande qu'elles nous paraissent surgir sans cause ap- parente. On peut prouver, toutefois, que les variations de ce genre, qu'elles consistent, soit en légères différences individuelles, soit en déviations brusques et considérables de la conformation, dé- pendent beaucoup plus de la constitution de l'organisme que de la nature des conditions auxquelles il a été exposé "'. Augmentation de la jwjndation. — On a vu des populations civili- sées placées dans des conditions favorables, aux États-Unis par exemple, doubler leur nombre en vingt-cinq ans ; fait qui, d'après un calcul établi par Euler , pourrait se réaliser au bout d'un peu plus de douze ans ". A ce taux du doublement en vingt-cinq ans, la popu- lation actuelle des États-Unis, soit 30 millions, deviendrait, au bout de 657 années, assez nombreuse pour occuper tout le globe à rai- son de quatre hommes par mètre carré de superficie. La difficulté de trouver des subsistances et de vivre dans l'aisance constitue l'obstacle fondamental qui limite l'augmentation continue du nom- bre des hommes. L'exemple des États-Unis, où les subsistances se trouvent en grande quantité et où la place abonde, nous permet de conclure qu'il en est ainsi. La population de l'Angleterre serait promptement doublée si ces avantages venaient à y être doublés aussi. Chez les nations civilisées, le premier des deux obstacles agit surtout en restreignant les mariages. La mortalité considérable des enfants dans les classes pauvres, ainsi que celle produite à ;■)"). J'ai cite mos autori(<-.s pour ces divorses assertions dans Variation des Animaux, etc., vol. II, pj). 442-360 (trad. française). JiG. Le sujet dans son entier a été discuté dans le chap. xxin /)/• la Variation flrs Animaux, etc. .')7. Lire l'ouvraffc mémorable du rév. T. .Maltlius, En^aij on tlic prinriji/r nf population, 1826, vol. I, 6, 517. 44 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie], tous les âges par les diverses maladies, qui frappent les habitants des maisons misérables et encombrées, est aussi un fait très im- portant. Les effets des épidémies et des guerres sont promptement compensés et même au delà, chez les nations placées dans des conditions favorables. L'émigration peut aussi provoquer un arrêt temporaire de l'augmentation de la population , mais elle n'exerce aucune influence sensible sur les classes très pauvres. Il y a lieu de supposer, comme l'a fait remarquer Malthus, que la reproduction est actuellement moins active chez les barbares que chez les nations civilisées. Nous ne savons rien de positif à cet égard, car on n'a pas fait de recensement chez les sauvages; mais il résulte du témoignage concordant des missionnaires et d'autres personnes qui ont longtemps résidé chez ces peuples, que les familles sont ordinairement peu nombreuses, et que le contraire est la grande exception. Ce fait, à ce qu'il semble, peut s'expliquer en partie par l'habitude qu'ont les femmes de nourrir à la mamelle pendant très longtemps ; mais il est aussi très pro- bable que les sauvages, dont la vie est souvent très pénible et qui ne peuvent pas se procurer une alimentation aussi nourrissante que les races civilisées, doivent être réellement moins prolifiques. J'ai démontré, dans un autre ouvrage*', que tous nos animaux et tous nos oiseaux domestiques, ainsi que toutes nos plantes cultivées, sont plus féconds que les espèces correspondantes à l'état de nature. Les animaux, il est vrai, qui reçoivent un excès de nourriture ou qui sont engraissés rapidement et la plupart des plantes subitement transportées d'un sol très pauvre dans un sol très riche, deviennent plus ou moins stériles; mais ce n'est pas là une objection sérieuse à la conclusion que nous venons d'indiquer. Cette observation nous amène donc à penser que les hommes civi- lisés qui sont, dans un certain sens, soumis à une haute domes- tication, doivent être plus prolifiques que les sauvages. Il est pro- bable aussi que l'accroissement de fécondité chez les nations civi- lisées tend à devenir un caractère héréditaire comme chez nos animaux domestiques; on sait au moins que, dans certaines famil- les humaines, il y a une tendance à la production de jumeaux *'. Bien que moins prolifiques que les peuples civilisés, les sauva- ges augmenteraient sans aucun doute rapidement, si leur nombre n'était rigoureusement restreint par quelques causes. Les Santali, tribus habitant les collines de l'Inde, ont récemment offert un ex- 58. De la Variation des Animaux, etc., voL II, pp. 117-120, 172. 59. M. Sedgwick, British and Foreign medico-chirurg. Review, juillet 1863, p. 170. [Chap. II]. MODE DE DEVELOPPEMENT. 45 cellent exemple de ce fait, car, ainsi que l'a démonlré M. Hunier*", ils ont considérablement augmenté depuis l'introduction de la vac- cine, depuis que d'autres épidémies ont été atténuées, et que la guerre a été strictement supprimée. Cette augmentation n'aurait toutefois pas été possible si ces populations grossières ne s'étaient répandues dans les districts voisins pour travailler à gages. Les sauvages se marient presque toujours, avec celte restriction qu'ils ne le font pas ordinairement dès l'âge où le mariage est possible. Les jeunes gens doivent prouver d'abord qu'ils sont en état de nourrir une femme, et doivent gagner la somme nécessaire pour acheter la jeune fille à ses parents. La difficulté qu'ont les sauvages à se procurer leur subsistance limite, à l'occasion, leur nombre d'une manière bien plus directe que chez les peuples civilisés, car les membres de toutes les tribus ont périodiquement à soulfrir de rigoureuses famines pendant lesquelles, forcés de se contenter d'une détestable alimentation, leur santé ne peut qu'être très compromise. On a signalé de nombreux exemples de la saillie de l'estomac des sauvages et de l'émaciation de leurs membres pen- dant et après les disettes. Ils sont alors contraints à beaucoup errer, ce qui amène la mort de nombreux enfants, comme on me l'a assuré en Australie. Les famines étant périodiques et dépen- dant principalement des saisons extrêmes, toutes les tribus doi- vent éprouver des fluctuations en nombre. Elles ne peuvent pas régulièrement et constamment s'accroître, en l'absence de tout moyen d'augmenter artificiellement la quantité de nourriture. Lors- qu'ils sont vivement pressés par le besoin, les sauvages empiètent sur les territoires voisins, et la guerre éclate ; il est vrai, d'ailleurs, qu'ils sont presque toujours en lutte avec leurs voisins. Dans leurs efforts pour se procurer des aliments, ils sont exposés à de nom- breux accidents sur la terre et sur l'eau; et, dans quelques pays, ils doivent avoir à souffrir considérablement des grands animaux féroces. Dans l'Inde même, il y a eu des districts dépeuplés par les ravages des tigres. Maltl)us a discuté ces diverses causes d'arrêt, mais il n'insiste pas assez sur un fait qui est peut-êln; le plus important de tous : l'infanticide, surtout des enfants du sexe féminin, et l'emploi des pratiques tendant à procurer l'avortement. Ces dernières régnent actuellement dans bien des parties du globe, et, d'après M. M'Len- nan *', l'infanticide semble avoir existé autrefois dans des propor- 60. W.-W. HiiiUer, The Armais of Rural Bencjnl, 1868, p. 259. 61. Primitive Marriagc, 1863. 46 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. lions encore bien plus considérables. Ces pratiques paraissent de- voir leur origine à la difficulté, ou même à l'impossibilité dans laquelle se trouvent les sauvages de pouvoir nourrir tous les en- fants qui naissent. On peut encore ajouter le dérèglement des mœurs à ces diverses causes de restriction ; mais ce dérèglement ne résulte pas d'un manque de moyens de subsistance, bien qu'il y ait des raisons pour admettre que, dans certains pays (le Japon, par exemple), on l'ait encouragé dans le but de maintenir la popu- lation dans des limites constantes. Si nous nous reportons à une époque extrêmement reculée, l'homme, avant d'en être arrivé à la dignité d'être humain, devait se laisser diriger beaucoup plus par l'instinct et moins parla raison que les sauvages actuels les plus infimes. Nos ancêtres primitifs semi-humains ne devaient pratiquer ni l'infanticide, ni la polyan- drie, car les instincts des animaux inférieurs ne sont jamais assez pervers '^ pour les pousser à détruire régulièrement leurs petits ou pour leur enlever tout sentiment de jalousie. Ils ne devaient point non plus apporter au mariage des restrictions prudentes, et les sexes s'accouplaient librement de bonne heure. Il en ré- sulte que les ancêtres de l'homme ont dû tendre à se multiplier rapidement; mais des freins de certaine nature, périodiques ou constants, ont dû contribuer à réduire le nombre de leurs descen- dants avec plus d'énergie peut-être encore que chez les sauvages actuels. Mais, pas plus que pour la plupart des autres animaux, nous ne saurions dire quelle a pu être la nature précise de ces freins. Nous savons que les chevaux et le bétail, qui ne sont pas des animaux très prolifiques , ont augmenté en nombre avec une énorme rapidité après leur introduction dans l'Amérique du Sud. Le plus lent reproducteur de tous les animaux, l'éléphant, peuple- rait le monde entier en quelques milliers d'années. L'augmentation en nombre des diverses espèces de singes doit être limitée par quelque cause, mais pas, comme le pense Brehm, par les attaques 62. Un critique fait dans le Spectator, 12 mars 1871, p. 320, les commen- taires suivants sur ce passage : « M. Darwin se voit obligé d'imaginer une nouvelle doctrine relative à la chute de l'homme. Il démontre que les animaux supérieurs ont des instincts beaucoup plus nobles que les habitudes des sau- vages, et il se voit, par conséquent, obligé d'établir, comme une hypothèse scientifique, sous une forme dont il ne paraît j)as soupçonner la parfaite or- thodoxie, la doctrine que la recherche de la science a été la cause d'une dété- rioration temporaire des qualités morales de l'homme, détérioration dont les effets se sont fait sentir bien longtemps, comme le prouvent les coutumes igno- bles des sauvages, principalement dans leurs rapports avec le mariage. Or, la tradition juive relative à la dégénération morale de l'homme affirme exacte- ment la même chose. » [Chap. IIJ. mode de DEVELOPPEMENT. 17 des bêtes féroces. Personne n'oserait prétendre que la faculté re- productrice immédiate des chevaux et du bétail sauvage de l'Amé- rique se soit d'abord accrue d'une manière sensible, pour être plus tard réduite, à mesure que chaque région se peuplait davantage. Dans ce cas comme dans tous les autres, il n'est pas douteux qu'il y ait eu un concours de plusieurs obstacles, différant même selon les circonstances; des tliseltes périodiques résultant de saisons défavorables devant probablement être comptées au nombre des causes les plus importantes. Il a dû en être de même pour les an- cêtres primitifs de Thomme. Sélection naturelle. — Nous avons vu que le corps et l'esprit de l'homme sont sujets à varier, et que les variations sont provoquées direcloment ou indirectement par les mêmes causes générales, et obéissent aux mêmes lois que chez les animaux inférieurs. L'homme s'est largement répandu à la surface de la terre; dans ses inces- santes migrations '^, il doit avoir été expose aux conditions les plus différentes. Les habitants de la Terre de PYni, du cap de Bonne- Espérance et de la Tasmanie, dans l'un des hémisphères, et ceux des régions arctiques dans l'autre, doivent avoir traversé bien des climats et modifié bien des fois leurs habitudes avant d'avoir atteint leurs demeures actuelh.'s *\ Les premiers ancêtres do l'homme avaient aussi, sans doute, comme tous les autres animaux, une ten- dance à se multiplier au-delà des moyens de subsistance ; ils doivent donc avoir été accidentellement exposés à la lutte pour l'existeftce, et, par conséquent, soumis à l'inflexible loi de la sélection naturelle. Il en résulte que les variations av'antageuses de tous genres ont dil être ainsi occasionnellement ou habituellement conservées, et les nuisibles éliminées. Je ne parle pas ici des déviations de conforma- tion très prononcées, qui ne surgissent qu'à de longs intervalles, mais seulement des ditférences individuelles. Nous savons, par exemple, que les muscles qui déterminent les mouvements de nos mains et de nos pieds sont, comme ceux des animaux inférieurs, sujets à une incessante variabilité **. En conséquence, si on suppose (pie les ancêtres simiens de l'homme , habitant une région quel- G3. Voir qncl([iio3 pxcellentos remarques, à cet effet, de W. Stanley Jevons, A tlrdurtiitii from Danrin's T/ion/, Snhtre, 18Gfl, j). 231. 64. Lnlliaiii. M/in atul Itix Mif/r/itioiiM, IS-il, p. Iii5. 63. MM. Mûrie et Mivarl, dans leur Anntnmij nf t/ic Lcinuroïdcn (Traiisnct. Znitlog. Sor., vol. VII, 1869. |>|). 96-98', di.sent : ■< tjuel<|ues muscles sont si irré- fs'iiliers dans leur tlistrihulion (|Uon ne |)eut jias l)icn les classer dans aucun des prnupes ci-dessus. » Ces muscles différent même sur leu cotes opposes du corps du même individu. 48 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'c Partie]. conque, et surtout un pays en voie de changements dans ses con- ditions, étaient partagés en deux troupes égales, celle qui compre- nait les individus les mieux adaptés, par leur organisation motrice, à se procurer leur subsistance ou à se défendre , a dû fournir la plus forte moyenne de survivants, et produire plus de descendants que l'autre troupe moins favorisée. Dans son état actuel le plus imparfait, l'homme n'en est pas moins l'animal le plus dominateur qui ait jamais paru sur la terre. Il s'est répandu beaucoup plus largement qu'aucun autre animal bien organisé, et tous lui ont cédé le pas. Il doit évidemment cette immense supériorité à ses facultés intellectuelles, à ses habitudes sociales qui le conduisent à aider et à défendre ses semblables, et à sa conformation corporelle. Le résultat final de la lutte pour l'existence a prouvé l'importance suprême de ces caractères. Les hautes facultés intellectuelles de l'homme lui ont permis de déve- lopper le langage articulé, qui est devenu l'agent principal de son remarquable progrès. « L'analyse psychologique du langage dé- montre, comme le fait remarquer M, Chauncey Wright *®, que l'u- sage du langage, même dans le sens le plus borné, exige bien plus que toute autre chose l'exercice constant des facultés mentales. » L'homme a inventé des armes, des outils, des pièges, etc. , dont il fait un ingénieux emploi, et qui lui servent à se défendre, à tuer ou à saisir sa proie ; au moyen desquels, en un mot, il se procure ses aliments. 11 a construit des radeaux ou des embarcations qui lui ont permis de se livrer à la pêche et de passer d'une île à une autre plus fertile du voisinage. Il a découvert l'art de faire le feu, à l'aide du- quel il a pu rendre digestibles des racines dures et filandreuses , et, innocentes par la cuisson, des plantes vénéneuses à l'état cru. Cette dernière découverte, la plus grande, sans contredit, après celle du langage, a précédé la première aurore de l'histoire. Ces diverses inventions, qui avaient déjà rendu l'homme si prépondérant, alors même qu'il était à l'état le plus grossier, sont le résultat direct du développement de ses facultés , c'est-à-dire l'observation, la mé- moire, la curiosité, l'imagination et la raison. Je ne puis donc com- prendre pourquoi M. Wallace " soutient « que le seul effet qu'ait 66. Limits of natural sélection, North American Review, oct. 1870, p. 29.H. 67. Quarterhj Review, avril 1869, p. 392. Ce sujet est plus complètement discuté dans les Co)itrihutio}is to the Theory of Natural Sélection, 1870, ouvrage que vient de publier M. Wallace, et traduit en français par M. Lucien de Can- dolle (Paris, C. Reinwald), dans lequel il reproduit tous les mémoires que nous avons cités dans cet ouvrage. L'Essai .?«;• l'homme a été l'objet d'une critique remarquable que le prolesseur Claparède, un des zoologistes les plus distingués d'Europe, a publiée dans la Bibliothèque U7iiverselle, \um 1870. La remarque [Chap. II]. MODE DE DEVELOPPEMENT. 49 pu avoir la sélection nalurellc a élu de douer le sauvage d'un cer- veau un peu supérieur à celui du singe. » Bien que la puissance inlellecluelle et les habitudes sociales do l'homme aient pour lui une importance fondamentale, nous ne de- vons pas méconnaître l'importance de sa conformation corporelle , point auquel nous consacrerons le reste de ce chapitre. Nous discu- terons, dans un chapitre suivant, le développement de ses facultés inlellectuelles, sociales et morales. Quiconque sait un peu de menuiserie admet qu'il n'est pas facile de manier le marteau avec précision. Jeter une pierre avec la justesse dont un Fuéi:ien est capable, soit pour se défendre, soit poiu- tuer des oiseaux, exige la perfection la plus consommée dans l'action combinée des muscles de la main, du bras et de l'épaule, sans parler d'un sens tactile assez fin. Pour lancer une pierre ou une lance, et pour beaucoup d'autres actes, l'homme doit être ferme sur ses pieds , ce qui f xige encore la coadaptation parfaite d'une foule de muscles. Pour tailler un silex et en faire l'outil le plus grossier, ou pour façonner un os en crochet ou en hameçon, il faut une main parfaite ; car, ainsi que le fait remarquer un juge des plus compétents, M. Schoolcrafl **, l'art de transformer des frag- ments de pierre en couteaux, en lances ou en pointes de flèche, dénote « une habileté extrême et une longue pratique ». Le fait que It's hommes primitifs pratiquaient la division du travail le prouve surabondamment; chaque homme ne confectionnait pas ses outils en silex ou sa poterie grossière , mais il paraît que certains indivi- dus se vouaient ù ce genre de travaux et recevaient, sans doute, en échange, quelques produits de la chasse. Les archéologues affirment qu'un énorme laps de t«;mps s'est écoulé avant que nos ancêtres ainnt songé à user la surface des silex éclatés pour en faire des outils polis. In animal ressemblant à l'homme, pourvu d'une main et d'un bras assez parfaits pour jeter une pierre avec justesse , ou pour transformer un silex en un outil grossier, pourrait, sans aucun (|iio jo ritf» dans lo toxto surprendr.i tous ceux qui ont lu le travail céiébrn de M. W'aliace sur VOrif/iiie des IUict!s humaines, déduite de la Théorie de la sélection iKttureUe, pulilieo jn-iniitivcniont dans Anthropolof/irul Hevirv , mai 1804, p. < i.viii. Je ne i)uis m'enipèilier de citer une remarque très juste faite par sir J. Lubbock sur ce travail [l'rrhistoric Times, 18G5, p. 479), à savoir que M. Wallace, « avec un désintéressement caractéristique, attribue l'idée de la sélection naturelle exclusivement à M. Darwin, bien que, comme on le sait, il l'ait émise d'uno manière indépendante, et publiée en même temps, mais d'une manière moins complète. » 08. Cite par M. Lawson Tait. Lnir of natxiral sélection, — Dublin Qttnrterhj Journal <>f Mri/ical Science, (vwicr 1809. Le docteur Keller est aussi cité dans lo même but. 50 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I^e Partie]. doute , avec une pratique suffisante , en ce qui concerne seulement l'habileté mécanique, efTectuer presque tout ce qu'un homme civilisé est capable de faire. On peut, à ce point de vue , comparer la con- formation de la main à celle des organes vocaux, qui servent chez les singes à l'émission de cris, de signaux divers, ou, comme chez une espèce, à l'émission de cadences musicales ; tandis que, chez l'homme, des organes vocaux très semblables se sont adaptés à l'expression du langage articulé grâce aux effets héréditaires de l'usage. Examinons maintenant les plus proches voisins de l'homme , et, par conséquent, les représentants les plus fidèles de nos ancêtres primitifs. La main des quadrumanes a la même conformation géné- rale que la nôtre, mais elle est moins parfaitement adaptée à des travaux divers. Cet organe ne leur est pas aussi utile pour la loco- motion que les pattes le sont à un chien; c'est ce qu'on observe chez les singes , qui marchent sur les bords externes de la paume de la main, ou sur le revers des doigts repliés , comme l'orang et le chimpanzé *®. Leurs mains sont toutefois admirablement adaptées pour grimper aux arbres. Les singes saisissent comme nous de fines branches ou des cordes avec le pouce d'un côté, les doigts et la paume de l'autre. Ils peuvent aussi soulever d'assez gros objets, porter par exemple à leur bouche le goulot d'une bouteille. Les babouins retournent les pierres et arrachent les racines avec leurs mains. Ils saisissent à l'aide de leur pouce, opposable aux doigts, des noisettes, des insectes et d'autres petits objets, et, sans aucun doute, prennent ainsi les œufs et les jeunes oiseaux dans les nids. Les singes américains meurtrissent les oranges sauvages, en les frap- pant sur une branche, jusqu'à ce que, l'écorce se fendant, ils puis- sent l'arracher avec leurs doigts. D'autres singes ouvrent avec les deux pouces les coquilles des moules. Ils s'enlèvent réciproque- ment les épines qui peuvent se fixer dans leur peau , et se cher- chent mutuellement leurs parasites. A l'état sauvage, ils brisent à l'aide de cailloux les fruits à coque dure. Ils roulent des pierres ou les jettent à leurs ennemis ; cependant, ils exécutent tous ces actes lourdement, et il leur est absolument impossible, ainsi que j'ai pu l'observer moi-même, de lancer une pierre avec précision. Il me paraît loin d'être vrai que , parce que les singes saisissent les objets gauchement, « un organe de préhension moins spécialisé leur aurait rendu autant de services que leurs mains actuelles '**. » 69. Owen, Anatomy of Vertébrales, III, p. 71. 70. Qmrterly Revicw, avril 1869, p. 392. [Chai-. IIJ. MODE DE DÉVELOPPEMENT. 51 Au coDlraire, je ne vois aucune raison pour mettre en doute qu'une main plus parfaitement conformée ne leur eût été avantageuse, à la condition, importante à noter, qu'elle n'en fût pas pour cela moins propre à leur permettre de grimper aux arbres. Nous pouvons supposer qu'une main aussi parfaite que celle de l'homme aurait été moins avantageuse pour grimper, car les singes qui se tiennent le plus dans les arbres, l'Aleles en Amérique, le Colobus en Afrique et l'Hylobates en Asie, ont le pouce très réduit en grosseur, sou- vent même rudimenlaire, et les doigts partiellement adhérents de sorte que leur main est ainsi convertie en simple crochet ". Dès qu'un ancien membre de la grande série des Primates en fut arrivé, soit à cause d'un changement dans le mode de se procurer ses aliments, soit à cause d'une modification dans les conditions du pays qu'il habitait, à vivre moins sur les arbres et davantage sur le sol, son mode de locomotion a dû se modifier; dans ce cas, il devait devenir ou plus rigoureusement quadrupède ou absolument bipède. Les babouins fréquentent les régions accidentées et rocheuses, et ne grimpent sur les arbres élevés que forcés par la nécessité ''- , ils ont acquis presque la démarche duciiicn. L'homme seul est devenu bipède; nous pouvons, je crois, expliquer en partie comment il a acquis son attitude verticale, qui constitue un de ses caractères les plus remarquables. L'homme n'aurait jamais atteint sa position prépondérante dans le monde sans l'usage de ses mains , instru- ments si admirablementappropriés à obéir à sa volonté. Sir C. Bell "' a insisté sur le fait que « la main supplée à tous les instruments, et, par sa connexité avec l'intelligence, elle a assuré à l'homme la domination universelle. » Mais les mains et les bras n'auraient jamais pu devenir des organes assez parfaits pour fabriquer des armes, pour lancer des pierres et des javelots avec précision, tant qu'ils servaient habituellement à la locomotion et à supporter le poids du corps , ou tant qu'ils étaient tout particulièrement adaptés, comme nous l'avons vu, pour grimper dans les arbres. Un service aussi rude aurait, d'ailleurs, émoussé le sens du tact, dont dépendent essentiellement les usages délicats auxquels les doigts sont appro- 71. Chez VHi/lohates syndactilua , comme le nom l'indique, deux des doigts sont adhérents; fait qui so représente occasionnellement, à ce que m'apprend .M. Blytli.dans les doi^rls des //. or/i/ix, Inr, et irurisriis. Le Colohux est extraor- dinairemcnt actif, et habite exclusivement les arhres (Hrelim, Thi':rlrbni, vol. I, p-'iO", mais j'ignore si ces singes sont meilleurs grimpeurs que les espèces des genres voisins. Il est à remarquer que les pieds des paresseux, qui vivent cx' clusivement sur les arbres, ressemblent absolument à des crochets. 72. Brchm, T/iirrlrhr», vol. I, p. 80. 73. The llaixf, ils Mcchanism, ct<:. Hriilycucatcr Trcaiùe, 1833, p. 38. 62 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'o Partie]. priés. Ces causes seules auraient suffi pour que l'attitude verticale fût avantageuse à l'homme , mais il est encore beaucoup d'actions qui exigent la liberté des deux bras et de la partie supérieure du corps , lequel doit pouvoir dans ce cas reposer solidement sur les pieds. Pour atteindre ce résultat fort avantageux , les pieds sont devenus plats, et le gros orteil s'est particulièrement modifié, au prix, il est vrai, de la perte de toute aptitude à la préhension. Le principe de la division du travail physiologique, qui prévaut dans le règne animal, veut que, à mesure que les mains se sont per- fectionnées pour la préhension, les pieds se soient perfectionnés aussi dans le sens de la stabilité et de la locomotion. Chez quelques sauvages cependant, le pied n'a pas entièrement perdu son pouvoir préhensile, comme le prouve leur manière de grimper sur les arbres et de s'en servir de diverses autres manières '^*. Or, s'il est avantageux pour l'homme d'avoir les mains et les bras libres, et de pouvoir se tenir solidement sur les pieds, et son succès dans la lutte pour l'existence ne permet pas d'en douter, je ne vois aucune raison pour laquelle il n'aurait pas été également avantageux à ses ancêtres de se redresser toujours davantage, et de devenir bipèdes. Ce nouvel état leur permettait de mieux se défendre avec des pierres ou des massues, d'attaquer plus facilement leur proie, ou de se procurer autrement leurs ali- ments. Les individus les mieux construits ont dû, à la longue, le mieux réussir , et survivre en plus grand nombre. Si le gorille et quelques espèces voisines s'étaient éteintes , on aurait pu opposer l'argument assez fort et assez vrai en apparence , qu'un animal ne peut passer graduellement de l'état de quadrupède à celui de bipède ; car tous les individus se trouvant dans l'état intermédiaire auraient été très mal appropriés à tout genre de locomotion. Mais nous sa- vons (et cela mérite réflexion) que les anthropomorphes se trouvent actuellement dans cette condition intermédiaire, sans qu'on puisse contester que, dans l'ensemble, ils soient bien adaptés à leur mode d'existence. Ainsi le gorille court avec une allure oblique et lourde, mais plus habituellement il marche en s'appuyant sur ses doigts fléchis. Les singes à longs bras s'en servent quelquefois comme de béquilles, et, en se balançant sur eux, se projettent en avant; quel- 74. Dans sa Nalurliche Schopfungsgeschichte, 1868, p. 507, Hàckel discute, avec beaucoup d'habileté, les moyens par lesquels l'homme est devenu bipède. Dans ses Conférences sur lu fhéori'; darwinienne, 1869, p. 135, Bûchner cite des cas de l'usage du pied par l'homme comme organe préhensile, et aussi sur le mode de progression des singes supérieurs dont je parle dans le paragraphe suivant. Voir encore, sur ce dernier point, Owen, Anatomy of Verlebrales, vol. III, p. 71. [CiiAP. II]. MODE DE DEVELOPPEMENT. :i3 ques Hybolates peuvent, sans qu'on 1»; leur ait appris, maichor ou courir debout avec une assez grande rapidité; toutefois leurs mouvements sont gauches et n'ont pas la sûreté de ceux de l'homme. Nous trouvons donc, en somme, diverses gradations chez les singes vivants, entre le mode de locomotion qui est strictement celui du quadrupède, et celui du bipède ou de l'homme ; or, comme le fuit remarquer un juge compétent "\ qui n'est animé par aucun esprit de parti , la conformation des singes anthropomorphes se rap- proche plus du type bipède que du type quadrupècbî. A mesure que les ancêtres de l'homme se sont de plus en plus redressés, à mesure que leurs mains et leurs bras se modifiaient de plus en plus en vue de la préhension et d'autres usages, tandis ([ue leiu's pieds et leurs jambes se modifiaient en même temps pour le soutien et la locomotion, une foule d'autres modifications de conformation sont devenues nécessaires. Le bassin a dil s'élargir, l'épine dorsale se courber d'une manière spéciale , la tète se fixer dans ime autre position, changements qui se sont tous effectués chez l'homme. Le professeur Schaafhausen '* soutient que « les énormes apophyses mastoïdes du crâne humain sont un effet de son attitude verticale; » elles n'existent ni chez l'orang, ni chez le chimpanzé, etc., et sont plus petites chez le gorille que chez l'homme. Nous pourrions signaler ici diverses autres conformations qui paraissent se rapportera l'attitude verticale de l'homme. 11 est difficile de déterminer jusqu'à quel point toutes ces modifications corrélatives ont pour cause la sélection naturelle, et quels peuvent avoir été les résultats des eiïels héréditaires de l'accroissement d'usage de quelques parties, ou de leur action réciproque les unes sur les autres, il n'est pas douteux que ces causes de changement n'agissent et ne réagissent les unes sur les autres. Ainsi, lorsque certains muscles et les arêtes osseuses auxquelles ils sont attachés s'accroissent par suite d'un usage habituel, cela prouve qu'ils joucmt un rôle utile qui favorise les individus où ils sont le plus dévelop- pés, et que ces derniers tondent à survivre en plus grand nombre. L'usage libre des bras et des mains, en partie la 'cause et en partie le résultat de l'altitude verticale de l'homme, paraît avoir déterminé indirectement d'autres modifications de structure. Les ancêtres primitifs mâles de l'homme étaient probablement, comme 75. Hroca, La constitution des vertèbres caudnlex [Revue cC anthropologie, 1872, p. 26). 7G. Sur la forme primitive du rrâne, traduit dans Antliropoloyi<(d Wrc/ri/', oc- tobre 18G8, p. 128. Owen (Anntomi/ of Verte/jrates, vol. II, p. li,")l, 1866 . sur \cs apophyses mastoïdes chez les singes supérieurs. 54 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. nous l'avons vu, pourvus de grosses canines ; mais, dès qu'ils s'ha- bituèrent graduellement à se servir de pierres, de massues ou d'au- tres armes pour combattre leurs ennemis, ils ont dû de moins en moins se servir de leurs mâchoires etde leurs dents pour cet usage. Les mâchoires, dans ce cas, ainsi que les dents, se sont réduites, comme nous le prouvent une foule de faits analogues. Nous trou- verons, dans un futur chapitre, un cas tout à fait parallèle dans la réduction ou la disparition complète des canines chez les rumi- nants mâles, disparition qui paraît se rattacher au développement de leurs cornes, et chez les chevaux à leur habitude de compter pour se défendre sur leurs incisives et sur leurs sabots. L'énorme développement des muscles de la mâchoire produit sur le crâne des singes anthropomorphes mâles adultes , ainsi que Riitimeyer ''' et d'autres savants le constatent, des effets tels que le crâne de ces animaux diffère considérablement et sous tanl de rap- ports de celui de l'homme , et leur donnent l'horrible physionomie qui les caractérise. Aussi, à mesure que les mâchoires et les dents se sont graduellement réduites chez les ancêtres de l'homme, le crâne adulte de ces derniers a dû se rapprocher chaque jour davantage de celui de l'homme actuel. Une grande diminution des canines chez les mâles a certainement, comme nous le verrons plus loin, affecté par hérédité celles des femelles. Le cerveau a certainement augmenté en volume à mesure que les diverses facultés mentales se sont développées. Personne, je' suppose, ne doute que, chez l'homme, le volume du cerveau, rela- tivement à celui du corps, si on compare ces proportions à celles qui existent chez le gorille ou chez l'orang, ne se rattache intime- ment à ses facultés mentales élevées. Nous observons des faits analogues chez des insectes : chez les fourmis, en effet, les gan- glions cérébraux atteignent une dimension extraordinaire ; ces ganglions sont chez tous les hyménoptères beaucoup plus volumi- neux que chez les ordres moins intelligents, tels que les coléoptè- res "'*. D'autre part, personne ne peut supposer que l'intelligence de deux animaux ou de deux hommes quelconques puisse être exactement jaugée par la capacité de leur crâne. 11 est certain qu'une très petite masse absolue de substance nerveuse peut déve- lopper une très grande activité mentale ; car les instincts si mer- veilleusement variés, les aptitudes et les affections des fourmis que 77. Die Grenzen dei' Thierwelt, ei7ie Betrachtung zu Darwin s Lehre, 1868, p. 31. 78. Dujns civilisées se trouve fixée à un chiffre très inférieur par suite de la conservation d'un nombre considérable d'individus, faibles de corps et d'esprit, qui auraient été promptement éliminés à l'état sau- vape. D'autre pari, chez les sauvages, la moyenne ne comprend que les indivi- dus les plus vigoureux. (|ui ont pu survivre au milieu de conditions entière- ment dures et pénibles. Hroca explique ainsi le fait, autrement inexplical)Ie, que la capacité moyenne du crâne des anciens Troglodytes de la Lozère est plus grande que celle des Français modernes. 82. Comptes renr/us des sciences, etc., i*' juin 18G8. 83. f^ Variation des Animaux, etc., vol. I, pp. 132-137. 56 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'f Partie]. sauvage ou du lièvre, ce qui peut être attribué à ce que, tenus en captivité pendant de nombreuses générations, les lapins domesti- ques ont peu exercé leur intelligence, leurs instincts, leurs sens et leur volonté. Le poids et le volume croissants du cerveau et du crâne chez l'homme ont dû influer sur le développement de la colonne verté- brale qui les supporte, surtout alors qu'il tendait à se redresser. Pendant que s'effectuait ce changement d'attitude, la pression interne du cerveau a dû aussi influencer la forme du crâne, lequel, comme beaucoup de faits le prpuvent, est facilement affecté par des actions de cette nature. Les ethnologistes admettent ^ue le genre de berceau dans lequel on tient l'enfant peut modifier la forme du crâne. Des spasmes musculaires habituels et une cicatrice ré- sultant d'une forte brûlure peuvent modifier d'une manière perma- nente les os de la face. Chez certains jeunes sujets dont la tête, à la suite d'une maladie , s'est fixée de côté ou en arrière, un des yeux a changé de position et la forme du crâne s'est modifiée ; ce qui paraît être le résultat d'une pression exercée par le cerveau dans une nouvelle direction **. J'ai démontré que, chez les lapins à lon- gues oreilles, une cause aussi insignifiante que l'est, par exemple, la chute en avant d'un de ces organes , suffit pour entraîner dans la même direction presque tous les os du crâne, qui alors ne cor- respondent plus exactement à ceux du côté opposé. Enfin, si les dimensions générales d'un animal venaient à augmenter ou à di- minuer beaucoup, sans aucun changement de son activité mentale, ou si celle-ci augmentait ou diminuait considérablement sans grands changements dans le volume du corps , la forme du crâne serait dans les deux cas certainement modifiée. C'est ce que j'ai dû con- clure de mes observations sur les lapins domestiques; quelques races sont devenues beaucoup plus grandes que l'animal sauvage , tandis que d'autres ont à peu près conservé la même taille, et, dans les deux cas cependant, le cerveau a beaucoup diminué rela- tivement à la grosseur du corps. Je fus d'abord très surpris de trouver que, chez tous ces lapins, le crâne était devenu plus long ou dolichocéphale; ainsi, j'ai examiné deux crânes offrant presque la même largeur, l'un provenait d'un lapin sauvage , l'autre d'une 84. Shaaffhausen cite, d'après Blumenbach et Busch, des exemples des effets des spasmes et des cicatrices, ^n//»-o/;o/o^?c«/ Review, p. 420, octobre 1868. Le docteur Jarrold {Anthropologia, 1808, pp. 115, 116) indique, d'après Camper et ses propres observations, des cas de modifications déterminées dans le crâne, par suite d'une position artificielle imposée à la tête. Il admet que certaines professions, telles que celle de cordonnier, en obligeant la tète à être toujours penchée en avant , tendent à rendre le front plus saillant et plus arrondi. [Chap. II]. MODE DE DEVELOPPEMENT. 57 grande race domestique, le premier n'avait que 70 millimètres de longueur, et le second 107 millimètres ". La forme du crùne constitue une des distinctions les jjIus remarquables des diverses races humaines ; le cràue , en eiïet, est allongé chez les unes, ar- rondi chez les autres; on peut même leur appliquer en partie ce que nous a suggéré l'exemple des lapins, car Welcker aflirme que les hommes de petite stature « penchent vers la brachycéphalie et ceux de haute taille vers ladolichocéphalie **; » on peut donc com- parer ces derniers aux lapins à corps gros et allongé, qui ont tous le crùne allongé ou qui, en d'autres termes, sont dolichocéphales. Ces diiïérents faits nous permettent jusqu'à un certain point de saisir les causes qui ont amené les grandes dimensions et la forme l>liis ou moins arrondie du crâne ; caractères qui constituent une (liirérence si considérable entre l'homme et les animaux. La nudité de la peau de l'homme constitue une autre différence remarquable. Les baleines et les dauphins (Cétacés), les dugongs (Sirenia) et l'hippopotame sont nus ; ce qui peut leur être utile pour glisser facilement dans le milieu aquatique où ils sont appelés à se mouvoir, sans qu'il y ait toutefois chez eux déperdition de cha- leur, car les espèces habitant les régions froides sont protégées l)ar un épais revêtement de graisse , qui remplit le même but que la fourrure des phoques et des loutres. Les éléphants et les rhino- céros sont presque nus; or, comme certaines espèces éteintes, qui vivaient autrefois sous un climat arctique, étaient alors recouvertes d'une longue laine ou de poils épais, on pourrait presque affirmer que les espèces actuelles appartenant aux deux genres ont perdu leur revêtement pileux sous l'influence de la chaleur. Ceci paraît d'autant plus probable que les éléj)hants qui, dans l'Inde, habitent des districts élevés et froids sont plus velus *' que ceux des plaines inférieures. Pouvons-nous en conclure que l'homme a perdu son revêtement pileux parce qu'il a primitivement habité un pays tro- pical? Le fait que le sexe mâle a conservé des poils, principale- ment sur la face et sur la poitrine, et les deux sexes aux jonctions des quatre membres avec le tronc, appuierait cette assertion, en admettant que le poil ait disparu avant que l'homme ait acquis la position verticale ; car ce sont les parties qui ont conservé le plus de poils qui étaient alors le mieux abritées contre l'action directe du soleil. Le sommet de la tête présente toutefois une curieir^c 8."». l)f la Vnriatmi, etc., vol. I, p. 112, sur rallongement du crAno ; p. lli, sur la chute d'une oreille. 8ti. Cité par Schaaflni.ausen. Anthropolof/icnl Reiiew, p. 419, oct(d)ro 18G8. 87. Owen, Anntomi/ nf Vn-lebralex, vol. III, p. G19. 58 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie], exception, car il doit, en tout temps, avoir été une des parties les plus exposées, et cependant les cheveux le recouvrent absolument. Néanmoins le fait que les autres membres de l'ordre des Primates, auquel appartient l'homme, bien qu'habitant diverses régions chau- des sont couverts de poils, généralement plus épais à la surface supérieure ^*, est fortement contraire à la supposition que l'homme a perdu ses poils par suite de l'action du soleil. M. Belt*^ croit que sous les tropiques c'est un avantage pour l'homme de perdre ses poils, car il peut ainsi se débarrasser plus facilement de la multi- tude d'acarus et d'autres parasites qui l'attaquent souvent au point de causer parfois des ulcérations. Mais on peut douter que ce mal soit suffisamment grand pour que la sélection naturelle ait amené la dénudation du corps de l'homme, car, autant que je puis le sa- voir, aucun des nombreux quadrupèdes habitant les pays tropicaux n'a acquis un moyen spécial pour se défendre contre ces attaques. Je suis donc disposé à croire, ainsi que nous le verrons à propos de la sélection sexuelle, que l'homme, ou plutôt la femme primi- tive, a dû se dépouiller de ses poils dans quelque but d'ornemen- tation; il n'y aurait rien d'étonnant alors à ce que l'homme différât si considérablement par son état de villosité de tous ses voisins inférieurs, les caractères acquis par sélection sexuelle divergeant souvent à un degré extraordinaire chez des formes d'ailleurs extrê- mement rapprochées. Selon les idées populaires, l'absence d'une queue distingue émi- nemment l'homme; mais ce point nous importe peu, puisque le même organe fait également défaut aux singes qui , par leur con- formation, se rapprochent le plus du type humain. La queue pré- sente souvent, chez les diverses espèces d'un même genre, des différences extraordinaires de longueur. Chez quelques espèces de Macaques, par exemple, la queue est plus longue que le corps entier et se compose de vingt-quatre vertèbres ; chez d'autres, elle est réduite à un tronçon à peine visible, composé de trois ou quatre vertèbres. Il y en a vingt-cinq dans la queue de quelques espèces 88. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire {Hist. nat. générale, 1839, t. II, pp. 215-217) remarque que la tête humaine est couverte de longs poils, et qu'aussi les sur- faces supérieures des singes et autres mammifères sont plus fortement revêtues de poils que les surfaces inférieures. Divers auteurs l'ont également observé. Le professeur Gervais {Hist. yiat. des Mammifères, 1854, vol. 1, p. 28) constate cependant que chez le gorille le poil est plus rare sur le dos, oii il est partiel- lement enlevé par frottement, que sur les surfaces inférieures. 89. Tlic Naturalist m Nicaragua, 1874, p. 209. A l'appui des assertions de M. Belt, je puis citer le passage suivant de sir W. Denison {Varieties of'vice- regal life, vol. I, 1870, p. 440) : « On affirme que les Australiens attaqués par des parasites ont l'habitude de flamber leurs poils. » [Chap. II]. MODE DE DÉVELOPPEMENT. 59 de Babouins, tandis que celle du Mandrill ne possède que dix pe- tites vertèbres rabougries ou. d'après Cuvier, quelquefois cinq seulement **. La queue, qu'elle soit longue ou courte , s'effile presque toujours vers son extrémité , ce qui , je présume , résulte de l'atrophie par défaut d'usage des muscles terminaux, de leurs artères et de leurs nerfs, atrophie qui entraîne aussi celle des os. On n'a jusqu'à présent donné aucune explication satisfaisante des grandes différences qui existent dans la longueur de la queue; peu nous importe, d'ailleurs, car nous n'avons à nous occuper ici que de la disparition extérieure totale de cet appendice. Le professeur Broca " a démontré récemment que, chez tous les quadrupèdes, la queue se compose de deux parties, entre lesquelles existe d'ordi- naire une brusque séparation ; la base se compose de vertèbres, forées plus ou moins parfaitement et pourvues d'apophyses comme les vertèbres ordinaires; les vertèbres qui forment l'extrémité de la queue ne présentent, au contraire, aucune trace de perforation, elles sont presque unies et ne ressemblent guère à de véritables ver- tèbres. Bien qu'invisible extérieurement, la queue n'en existe pas moins chez l'homme et chez les singes anthropomorphes; elle est identique au point de vue de la conformation chez les deux espèces. Les vertèbres qui composent l'extrémité de cet appendice et qui constituent l'os coccyx sont rudimentaires et très réduites en gran- deur et en nombre. Les vertèbres de la base sont aussi en petit nombre, elles sont soudées les unes aux autres et ont subi un arrêt de développement; mais elles sont devenues beaucoup plus larges et beaucoup plus plates que les vertèbres correspondantes de la queue des animaux et constituent ce que Broca appelle les ver- tèbres sacrées accessoires. Ces vertèbres ont une importance fonc- tionnelle assez considérable en ce qu'elles soutiennent certaines parties intérieures et rendent quelques autres services; les modifi- cations qu'elles ont subies sont, d'ailleurs, directement en rapport avec l'attitude droite ou demi-droite de l'homme et des singes an- thropomorphes. Celte conclusion est d'autant plus acceptable que Broca lui-même avait autrefois une autre opinion que de nouvelles recherches l'ont conduit à abandonner. Il en résulte que les modi- fications qu'ont subies les vertèbres de la base de la queue chez l'homme et chez les singes anthropomorphes ont pu être amenées directement ou indirectement par la sélection naturelle. 90. M. Saiiit-Cteorpe Mivart, Pror. Zuolog. Soc, 1865, j)|). 5G2, 583. Docteur .I.-K. IVray. Catal. Hrit. Mus. : Skrlrlotis. Owen, Anat. <>f Vcrtchrntrs, 11. p. .".17. Isidore Geoffroy-Saint-Hilairo, Uht. Sot. géucrfile, t. II, p. 244. S»i. Rrtiw . j). (iti. 66 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie] compensés, premièrement, par ses facultés intellectuelles, qui lui ont permis , alors qu'il était à l'état barbare , de fabriquer des armes, des outils, etc. ; et, secondement, par ses qualités sociales, qui l'ont conduit à aider ses semblables et à en être aidé en retour. Il n'y a pas au monde de pays qui abonde autant en bêtes féroces que l'Afrique méridionale ; pas de pays oii les privations soient plus grandes , la vie plus rude , que dans les régions arctiques , et cependant une des races les plus chétives, celle des Boschimans , se maintient dans l'Afrique australe, de même que les Esquimaux, qui sont presque des nains, dans les régions polaires. Les premiers ancêtres de l'homme étaient sans doute inférieurs, sous le rapport de l'intelligence et probablement des dispositions sociales, aux sauvages les plus infimes existant aujourd'hui ; mais on comprend parfaitement qu'ils puissent avoir existé et même prospéré, si, tandis qu'ils perdaient peu à peu leur force brutale et leurs aptitu- des animales, telles que celle de grimper sur les arbres, etc., ils avançaient en même temps en intelligence. D'ailleurs, en admet- tant même que les ancêtres de l'homme aient été plus dénués de ressources et de moyens de défense que les sauvages actuels, ils n'auraient été exposés à aucun danger particulier s'ils avaient habité quelque continent chaud, ou quelque grande île, telle que l'Australie, la Nouvelle-Guinée, ou Bornéo qui est actuellement habité par l'orang. Sur une surface aussi considérable que celle d'une de ces îles , la concurrence entre les tribus aurait été suffi- sante pour élever l'homme, grâce à la sélection naturelle, jointe aux effets héréditaires de l'habitude, à la haute position qu'il oc- cupe actuellement dans l'échelle de l'organisation. CHAPITRE III COMPARAISON DES FACULTÉS MENTALES DE l'hOMME AVEC CELLES DES ANLMAUX INKÉRIELRS La différence entre la puissance mentale du singe le plus élevé et celle du sauvage le plus grossier est immense. — Communauté de certains instincts. — Émo- tions. — Curiosité. — Imitation. — Attention. — Mémoire. — Imagination. — Raison. — Amélioration progressive. — Instruments et armes employés par les animaux. — Abstraction, conscience de soi. — Langage. — Senti- ment de la beauté. — Croyance en Dieu, aux agents spirituels, superstitions. Nous avons vu, dans les deux derniers chapitres , que la confor- mation corporelle de l'homme prouve clairement qu'il descend d'un type inférieur; on peut objecter, il est vrai, que l'homme diffère si (Chai-. IIIJ. FACULTES MENTALES. «7 considérablement de tous les autres animaux par le développement de ses facultés mentales que cette conclusion doit être erronée. Il n'y a aucun doute que, sous ce rapport, la difl'érence ne soit im- mense, en admettant même que nous ne comparions au singe le mieux organisé qu'un sauvage de l'ordre le plus infime, qui n'a point de mots pour imliquer un nombre dépassant quatre, qui ne sait employer aucun terme abstrait pour désigner les objets les plus communs ou pour exprimer les alVections les plus chères '. La dilîérence, sans doute, resterait encore immense si même on com- parait le sauvage à un des singes supérieurs, amélioré, civilisé, amené par l'éducation à occuper, par rapport aux autres singes, la position que le chien occupe aujourd'hui par rapport à ses ancêtres primordiaux, le loup ou le chacal. On range les Fuégiens parmi les barbares les plus grossiers; cependant, j'ai toujours été surpris, à bord du vaisseau le Beagle, de voir combien trois naturels de cette race, qui avaient vécu quelques années en Angleterre et parlaient un peu la langue de ce pays, nous ressemblaient au point de vue du caractère et de la plupart des facultés intellectuelles. Si aucun être organisé, l'homme excepté, n'avait possédé quelques facultés de cet ordre, ou que ces facultés eussent été chez ce dernier d'une nature toute différente de ce qu'elles sont chez les animaux infé- rieurs, jamais nous n'aurions pu nous convaincre que nos hautes facultés sont la résultante d'un développement graduel. Mais on peut facilement démontrer qu'il n'existe aucune différence fondamen- tale de ce genre. Il faut bien admettre aussi qu'il y a un intervalle infiniment plus considérable entre les facultés intellectuelles d'un poisson de l'ordre le plus inférieur, tel qu'une lamproie ou un am- phioxus, et celles de l'un des singes les plus élevés , qu'entre lea facultés intellectuelles de celui-ci et celles de l'homme; cet inter- valle est, cependant, comblé par d'innombrables gradations. D'ailleurs , ù ne considérer que l'homme, la distance n'est-elle pas immense au point de vue moral entre un sauvage, tel que celui dont parle l'ancien navigateur Byron, qui écrasa son enfant contre un rocher parce qu'il avait laissé tond^er un panier plein d'oursins, et un Howard ou un CUirkson ; au point de vue intellectuel, entre un sauvage qui n'emploie aucun terme abstrait, et un Newton ou un Shakespeare? Les gradations les plus délicates relient les différences de ce genre, qui existent entre les hommes les plus émiuents des races les plus élevées et les sauvages les plus gros- siers. Il est donc possible que ces facultés intellectuelles ou mo- 1. Voir les i»rouVt>!« sur ces points dans Lubbock, Prchistoric Times, \>. 3ji, etc. 68 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. raies se développent et se confondent les unes avec les autres. J'ai l'intention de démontrer dans ce chapitre qu'il n'existe au- cune différence fondamentale entre l'homme et les mammifères les plus élevés, au point de vue des facultés intellectuelles. Je suis forcé de traiter brièvement ici les principaux côtés de ce sujet, dont chacune aurait pu faire l'objet d'un chapitre séparé. Aucune classi- fication des facultés intellectuelles n'a encore été universellement adoptée ; je disposerai donc mes remarques dans l'ordre qui con- vient le mieux au but que je me propose, en choisissant les faits qui m'ont le plus frappé , avec l'espoir qu'ils produiront quelque effet sur l'esprit de mes lecteurs. Certains faits prouvent que les facultés intellectuelles des ani- maux placés très bas sur l'échelle sont plus élevées qu'on ne le croit ordinairement; je me réserve de signaler ces faits lorsque j'a- borderai l'étude de la sélection sexuelle. Je me contenterai de citer ici quelques exemples de la variabilité des facultés chez les indivi- dus appartenant aune même espèce, ce qui constitue pour nous un point important. Mais il serait superflu d'entrer dans de trop longs détails sur ce point, car mes recherches m'ont amené à recon- naître que tous ceux qui ont longuement étudié des animaux de bien des espèces, y compris les oiseaux, pensent unanimement que les individus diffèrent beaucoup au point de vue de leurs facultés intellectuelles. Il serait tout aussi inutile de rechercher comment ces facultés se sont, dans le principe, développées chez les formes inférieures, que de rechercher l'origine de la vie. Ce sont là pro- blèmes réservés à une époque future encore bien éloignée, si tou- tefois l'homme parvient jamais à les résoudre. L'homme possède les mêmes sens que les animaux, ses intuitions fondamentales doivent donc être les mêmes. L'homme et les ani- maux ont quelques instincts communs : l'amour de la vie, l'amour sexuel, l'amour de la mère pour ses petits nouveau-nés, l'aptitude de ceux-ci pour téter, et ainsi de suite. L'homme, cependant, a peut-être moins d'instincts que n'en possèdent les animaux qui, dans la série, sont ses plus proches voisins. L'orang, dans les îles de la Sonde, et le chimpanzé, en Afrique, construisent des plates-formes où ils se couchent pour dormir; les deux espèces ont une même habitude, on peut donc en conclure que c'est là un fait dû à l'instinct, mais nous ne pouvons affirmer qu'il ne résulte pas de ce que ces deux espèces d'animaux ont éprouvé les mêmes besoins etpossèdent les mêmes facultés de raisonnement. Ces singes, ainsi que nous pouvons l'admettre, savent reconnaître les nombreux fruits vénéneux des tropiques, faculté que l'homme ne possède TiiAP. Iir. FAri'LTKS MENTALES. 69 pas; mais, comme les animaux domestiques, lorsqu'on les met en liberl»^ au printemps , mangent souvent des herbes vénéneuses qu'ils évitent ensuite, nous no pouvons pas non plus affirmer que les singes n'aient pas appris, par leur propre expérience ou par celle de leurs parents, à reconnaître les fruits qu'ils doivent choisir. Il est toutefois certain, comme nous allons le voir, que les singes éprouvent une terreur instinctive à la vue des serpents et, probablement, d'autres animaux dangereux. Le petit nombre et la simjilicité comparative des instincts chez les animaux supérieurs contrastent remarquablement avec ceux des animaux inférieurs. Cuvier soutenait que l'instinct et l'inlelli- yence sont en raison inverse; d'autres ont pensé que les facultés intellectuelles des animaux élevés ne sont que des instincts gra- duellement développés. Mais Pouchet * a démontré dans un mé- moire intéressant qu'il n'existe réellement aucune raison inverse de ce genre. Les insectes qui possèdent les instincts les plus re- marquables sont certainement les plus intelligents. Les membres les moins intelligents de la classe des vertébrés, à savoir les pois- sons et les amphibies, n'ont pas d'instincts compliqués; et, parmi les mammifères, l'animal le plus remarquable par les siens, le castor, possède une grande intelligence, ainsi que l'admettent tous ceux qui ont lu l'iixcellent travail de M. Morgan ^ sur cet animal. M. Herbert Spencer * soutient que les premières lueurs de l'intel- ligence se sont développées par la multiplication et la coordination d'actions réflexes; or, bien que la plupart des instincts les plus simples se confondent avec les actions réflexes, au point qu'il est presque impossible de les distinguer les uns des autres, la succion, par exemple, chez les jeunes animaux, les instincts plus complexes paraissent, cepeiidant, s'être formés indépendamment de l'intelli- gence. Je suis toutefois très éloigné de vouloir nier que des actions instinctives puissent perdre leur caractère fixe et naturel, et être remplacées par d'autres accomplies par la libre volonté. D'autre part, certains actes d'intelligence, — tels, par exemple, que celui des oiseaux des îles de l'océan qui apprennent à éviter l'homme, — peuvent, après avoir été pratiqués pendant plusieurs générations, se transformer en instincts héréditaires. On peut dire alors que ces actes ont un caractère d'infériorité, car ce n'est plus la raison ou l'expérience qui les fait accomplir. Mais la plupart des instincts plus complexes paraissent avoir été acquis d'une manière toute 2. l.'Inxtinrt chez les Insectes [Bente des Deux Mondes, février 1870, p. G90). 3. The American Beaver and his Works, 18G8. 4. The Prinrip/es ofPsijcholugy. 2" édit.. 1870, pp. 418-413. 70 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I"-» Partie]. différente, par la sélection naturelle des variations d'actes instinctifs plus simples. Ces variations paraissent résulter des mêmes causes inconnues qui, occasionnant de légères variations ou des différences individuelles dans les autres parties du corps , agissent de même sur l'organisation cérébrale , et déterminent des changements que, dans notre ignorance, nous considérons comme spontanés. Je ne crois pas que nous puissions arriver à une autre conclusion sur l'origine des instincts les plus complexes, lorsque nous songeons à ceux des fourmis ou des abeilles ouvrières stériles, instincts d'au- tant plus remarquables que les individus qui les possèdent ne lais- sent point de descendants pour hériter des effets de l'expérience et des habitudes modifiées. Bien qu'un degré élevé d'intelligence soit certainement compa- tible avec l'existence d'instincts complexes, comme nous le prouve l'exemple du castor et des insectes dont nous venons de parler, et bien que les actions dépendant d'abord de la volonté puissent en- suite être accomplies grâce à l'habitude avec la rapidité et la sûreté d'une action réflexe, il n'est cependant pas improbable qu'il existe une certaine opposition entre le développement de l'intelligence et celui de l'instinct, car ce dernier implique certaines modifications hé- réditaires du cerveau. Nous savons bien peu de chose sur les fonc- tions du cerveau, mais nous pouvons concevoir que, à mesure que les facultés intellectuelles se développent davantage, les diverses parties du cerveau doivent être en rapports de communications plus complexes, et que, comme conséquence, chaque portion distincte doit tendre à devenir moins apte à répondre d'une manière définie et héréditaire, c'est-à-dire instinctive, à des sensations particulières. Il semble même y avoir certains rapports entre une faible intelli- gence et une forte tendance à la formation d'habitudes fixes , mais non pas héréditaires; car, comme me l'a fait remarquer un médecin très sagace, les personnes légèrement imbéciles tendent à se laisser guider en tout par la routine ou l'habitude, et on les rend d'autant plus heureuses qu'on encourage cette disposition. J'ai cru devoir faire celte digression parce que nous pouvons aisément estimer au-dessous de sa valeur l'activité mentale des animaux supérieurs et surtout de l'homme, lorsque nous comparons leurs actes, basés sur la mémoire d'événements passés, sur la pré- voyance, la raison et l'imagination, avec d'autres actes tout à fait semblables accomplis instinctivement par des animaux inférieurs. Dans ce dernier cas, l'aptitude à accomplir ces actes a été acquise graduellement , grâce à la variabilité des organes mentaux et à la sélection naturelle, sans que, dans chaque génération successive. [Chap. III]. FACULTES MENTALES. 71 l'animal en ait eu conscience et sans que l'intelligence y ait aucune part. Il n'y a pas à douter, ainsi que le soutient M. Wallace *, qu'une grande part du travail intellectuel elTectué par l'homme ne soit due à l'imitation et non à la raison; mais il y a, entre les actes de l'homme et ceux des animaux, cette grande différence que l'homme ne peut pas, malgré sa faculté d'imitation, fabriquer d'em- blée, par exemple, une hache en pierre ou une pirogue. Il faut qu'il apprenne à travailler; un castor, au contraire, construit sa digue ou son canal, un oiseau fait son nid, une araignée tisse sa toile merveilleuse, presque aussi bien ou même tout aussi bien dès son premier essai que lorsqu'il est plus âgé et plus exprimenté *. Pour en revenir à notre sujet immédiat : les animaux inférieurs, de même que l'homme , ressentent évidemment le plaisir et la dou- leur, le bonheur et le malheur. Ou ne saurait trouver une expres- sion de bonheur plus évidente que celle que manifestent les petits chiens et les petits chats, les agneaux, etc., lorsque, comme nos enfants, ils jouent les uns avec les autres. Les insectes eux-mêmes jouent les uns avec les autres, ainsi que l'a démontré un excellent observateur P. Huber ^, qui a vu des fourmis se poursuivre et se mordiller, comme le font les petits chiens. Le fait que les animaux sont aptes à ressentir les mêmes émo- tions que nous me paraît assez prouvé pour que je n'aie pas à importuner mes lecteurs par de nombreux détails. La terreur agit sur eux comme sur nous, elle cause un tremblement des muscles, des palpitations du cœur, le relâchement des sphincters, et le re- dressement des poils. La défiance, conséquence de la peur, carac- térise éminemment la plupart des animaux sauvages. Il est, je crois, impossible de lire la description que fait sir E. Tennent de la con- duite des éléphants femelles, dressées à attirer les éléphants sau- vages, sans admettre qu'elles ont parfaitement l'intention de trom- per ces derniers et qu'elles savent parfaitement ce qu'elles font. Le courage et la timidité sont extrêmement variables chez les individus d'une même espèce, comme on peut facilement l'observer chez nos chiens. Certains chiens et certains chevaux ont un mau- vais caractère et boudent aisément, d'autres ont bon caractère; toutes ces qualités sont héréditaires. Chacun sait combien les ani- maux sont sujets aux colères furieuses, et combien ils le manifestent clairement. On a publié de nombreuses anecdotes probablement .ï. Contrihulionx to tho Theory ofNatural Sélection, 1870, p. 212. (j. Pour les preuves sur ce point, voir le très intéressant ouvrage de M. J. Traherne Moggridge, liarvesting nnts and trap-r/oors spiderx, 1873, i)p. 126-136. 7. Rrcherchrs sur Ifs mœurs des fourmis, 1810, p. 173. 72 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. fl^e Partie]. vraies, sur les vengeances habiles et souvent longtemps différées de divers animaux. Rengger et Brehm * affirment que les singes américains et africains qu'ils ont apprivoisés se vengeaient parfois. Sir Andrew Smith, zoologiste dont chacun admet l'exactitude abso- lue, m'a raconté le fait suivant dont il a été témoin oculaire : un officier, au cap de Bonne-Espérance, prenait plaisir à taquiner un babouin; un dimanche, l'animal le voyant s'approcher en grand uniforme, pour se rendre à la parade, se hâta de délayer de la terre et, quand il eut fait de la boue bien épaisse, il la jeta sur l'officier au moment où celui-ci passait; depuis lors, le babouin prenait un air triomphant dès qu'il apercevait sa victime. L'amitié du chien pour son maître est proverbiale; et, comme le dit un vieil écrivain ® : « Le chien est le seul être sur cette terre qui vous aime plus qu'il ne s'aime lui-même. » On a vu un chien à l'agonie caresser encore son maître. Chacun connaît le fait de ce chien, qui , étant l'objet d'une vivisection, léchait la main de celui qui faisait l'opération; cet homme, à moins d'avoir réalisé un immense progrès pour la science, à moins d'avoir un cœur de pierre, a dû toute sa vie éprouver du remords de cette aventure. Whewell *** se demande avec beaucoup de raison : « Lors- qu'on lit les exemples touchants d'affection maternelle qu'on ra- conte si souvent sur les femmes de toutes nations et sur les femelles de tous les animaux, qui peut douter que le mobile de l'action ne soit le même dans les deux cas? » Nous voyons l'affection mater- nelle se manifester dans les détails les plus insignifiants. Ainsi, Rengger a vu un singe américain (un Cebus) chasser avec soin les mouches qui tourmentaient son petit; Duvaucel a vu un Hylobates qui lavait la figure de ses petits dans un ruisseau. Les guenons, lorsqu'elles perdent leurs petits , éprouvent un tel chagrin qu'elles en meurent, comme Brehm l'a remarqué dans le nord de l'Afrique. Les singes, tant mâles que femelles, adoptent toujours les singes orphelins et en prennent les plus grands soins. Un babouin fe- melle, remarquable par sa bonté, adoptait non-seulement les jeunes singes d'autres espèces, mais encore volait des jeunes chiens et des jeunes chats, qu'elle emportait partout avec elle. Sa tendresse, toutefois, n'allait pas jusqu'à partager ses aliments avec ses enfants 8. Tous les renseignements qui suivent, donnés sur l'autorité de ces deux naturalistes, sont empruntés à Rengger, Naturgeschichle der Saiigethiere von Paraguay, 1830, pp. 41, 57; et à Brehm, Thierlehen, vol. I, p. 10. 87. 9. Cité par le docteur Lauder Lindsay, Physiology ofMind in tlie lover animais {Journal of mental science) avril 1871, p. 38, 10. Bridgevater Treatise, p. 263, [Chap. ni'. FAfTLTKS MENTALES. 73 il'atloplion, fuit qui étonna Brehm , car ses sinjres partageaient toujours très loyalement avec leurs propres petits. L'n petit chat ayant égratigné sa mère udoplive, celle-ci, très étonnée du fait, et très intelligente, examina les pattes du chat ", et, sans autre forme de procès, enleva aussitôt les grilles avec ses dents, l'n gar- dien du Jardin zoologique de Londres me signala une vieille femelle babouin {('i/uncephnlus chnnnn) (]ui avait adopté un singe Rhésus. Cependant, lors(iu'on introduisit dans sa cage deux jeunes singes, un Drill et un Mandrille, elle parut s'apercevoir que ces deux indi- vidus, quoique spècilîquement distincts, étaient plus voisins de son espèce; elle les adopta aussitôt et repoussa le Rhésus. C»; dernier, 1res contrarié de celte expidsion, cherchait toujours, comme un enfant mécontent, à attaquer les deux autres jeunes toutes les fois (pi'il le pouvait sans danger, conduite qui excitait toute l'indigna- tion de la vieille guenon. Brehm affirme que les singes défendent It'ur maître contre toute attaque, et prennent même le parti des chiens qu'ils affectionnent contre tous les autres chiens. Mais nous empiétons ici sur la sympathie et sur la fidélité, sujets auxquels j'aurai à revenir. Quelques-uns des singes de Brehm prenaient un grand plaisir à tracasser, par toutes sortes de moyens très ingé- nieux, un vieux chien qu'ils n'aimaient pas, ainsi que d'autres animaux. Dt' même que nous, les animaux supérieurs ressentent la plupart des émotions les plus complexes. Chacun sait combien le chien se montre jaloux de l'alTeclion de son maître, lorsque ce dernier ca- resse toute autre créature ; j'ai observé le même fait chez les sin- ges. Ceci prouve que les animaux, non-seulement aiment, mais aussi recherchent l'affection. Ils éprouvent très évidemment le sen- timent de l'émulalion. Ils aiment l'approbation et la louange;; le chien, qui porli! h; panier de son maître, s'avance tout plein d'or- gueil et manifeste un vif contentement. 11 n'y a pas, je crois, à dou- ter que le chien n'éprouve quelque honte, abstraction faite de toute crainte, et quelque chose qui ressemble beaucoup à l'humiliation, lorsqu'il mendie trop souvent sa nourriture. Un gros chien n'a que du mépris pour le grognement d'un rocjuet, c'est ce qu'on peut appeler de la magnanimité. Plusieurs observateurs ont constaté que les singes n'aiment certainement pas qu'on se moque d'eux, (!t 11. l'u criiifjue (Quartrrii/ fler/Vi/-, juillet 1871, p. 72) dans le but do disciv- ililor mon ouvraj.'»;, nie, sans preuves à rai)|)ui, la possibilité de cet acte décrit par Brelin». .lai donc résolu de massurer s'il était possible de l'acroniplir et j'ai trouve que je pouvais facilement saisir avec mes dents les petites grilles aiguës d'un cliat àgre de cinq semaines. 74 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. ils ressentent souvent des injures imaginaires. J'ai vu, au Jardin zoologique, un babouin qui se mettait toujours dans un état de rage furieuse lorsque le gardien sortait de sa poche une lettre ou un livre et se mettait à lire à haute voix ; sa fureur était si violente que, dans une occasion dont j'ai été témoin, il se mordit la jambe jusqu'au sang. Les chiens possèdent ce qu'on pourrait ap- peler le sentiment de la plaisanterie qui est absolument distinct du simple jeu. En effet, si l'on jette à un chien un bâton ou un objet semblable, il se précipite dessus et le transporte à une certaine dis- tance, puis il se couche auprès et attend que son maître s'approche pour le reprendre ; il se lève alors et s'enfuit un peu plus loin en triomphe pour recommencer le même manège, et il est évident qu'il est très heureux du tour qu'il vient de jouer. Passons maintenant aux facultés et aux émotions plus intellec- tuelles, qui ont une plus grande importance en ce qu'elles consti- tuent les bases du développement des aptitudes mentales plus éle- vées. Les animaux manifestent très évidemment qu'ils recherchent la gaieté et redoutent de l'ennui; cela s'observe chez les chiens, et, d'après Rengger, chez les singes. Tous les animaux éprouvent de Vétonnement, et beaucoup font preuve de curiosité. Cette dernière aptitude leur est quelquefois nuisible, comme, par exemple, lors- que le chasseur les distrait par des feintes et les attire vers lui en affectant des poses extraordinaires. Je l'ai observé pour le cerf; il en est de même pour le chamois, si méfiant cependant, et pour quelques espèces de canards sauvages. Brehm nous fait une des- cription intéressante de la terreur instinctive que ses singes éprou- vaient à la vue des serpents; cependant, leur curiosité était si grande qu'ils ne pouvaient s'empêcher de temps à autre de rassa- sier, pour ainsi dire, leur horreur d'une manière des plus humaines, en soulevant le couvercle de la boîte dans laquelle les serpents étaient renfermés. Très étonné de ce récit, je transportai un serpent empaillé et enroulé dans l'enclos des singes au Jardin zoologique, où il provoqua une grande effervescence; ce spectacle fut un des plus curieux dont j'aie jamais été témoin. Trois Cercopithèques étaient tout particulièrement alarmés ; ils s'agitaient violemment dans leurs cages en poussant des cris aigus , signal de danger qui fut compris des autres singes. Quelques jeunes et un vieil Anubis ne firent aucune attention au serpent. Je plaçai alors le serpent empaillé dans un des grands compartiments. Au bout de quel- ques instants, tous les singes formaient un grand cercle autour de l'animal, qu'ils regardaient fixement; ils présentaient alors l'as- peet le plus comique. Mais ils étaient surexcités au plus haut de- fCHAP.lir. FACULTES MENTALES. 75 gré; un léger mouvement imprimé à une boule de bois, à demi- cachée sous la paille, et qui leur était familière comme leur servant de jouet habituel, les fit décamper aussitôt. Ces singes se compor- taient tout différemment lorsqu'on introduisait dans leurs cages un poisson mort, une souris '-, une tortue vivante, car, bien que res- sentant d'abord une certaine frayeur, ils ne tardaient pas à s'en approcher pour les examiner et les manier. Je mis alors un serpent vivant dans un sac de papier mal fermé que je déposai dans un des plus grands compartiments. Un des singes s'en approcha immédia- tement, enlr'ouvrit le sac avec précaution, y jeta un coup d'œil, et se sauva à l'instant. Je fus alors témoin de ce qu'a décrit Brehm, car tous les singes, les uns après les autres, la tète levée et tour- née de c«'')lé, ne purent résister à la tentation de jeter un rapide regard dans le sac, au fond duquel le terrible animal restait immo- bile. Il semblerait presque que les singes ont quelques notions sur les affinités zoologiques, car ceux que Brehm a élevés témoignaient tl'une terreur instinctive étrange, quoique non motivée, devant d'innocents lézards ou des grenouilles. On a observé aussi qu'un orang a ressenti une grande frayeur la première fois qu'il a vu une tortue ". La faculté de Vitnitation est puissante chez l'homme, et surtout, comme j'ai pu m'en assurer moi-même, chez l'homme à l'état sau- vage. La tendance à l'imitation devient excessive dans certains états morbides du cerveau ; les personnes atteintes d'hémiplégie ou de ramollissement du cerveau, répètent inconsciemment, pen- dant les premières phases de la maladie, tous les mots qu'ils en- tendent, que ces mots appartiennent ou non à leur propre langage, ou imitent tous les gestes qu'ils voient faire auprès d'eux '^ De- sor '* fait remarquer qu'aucun animal n'imite volontairement une action accomplie par l'homme jusqu'à ce que, remontant l'échelle, on arrive aux singes, dont on connaît la tendance à être de comi- ques imitateurs. Les animaux, cependant, imitent quelquefois les actions d«'s autres animaux qui les entourent : ainsi, deux loups appartenant à des espèces différentes, élevés par des chiens, avaient appris à aboyer, comme le fait parfois le chacal ", mais reste à savoir si on peut appeler cela une imitation volontaire. Les 12. Voir V Expression den k'moiions, p. 155, pour lattitiule des singes dans celte occasion. !.■$. W.-C.-L. Martin, Nnt. hist. of Mammnlin, 1841, p. 405. 11. Docteur Batcman. On Ap/msin, 1870, p. 110. 15. Cite par Vojrt, Mémoires sur les Microréphalfs, 18G7, j». 168. IG. Darwin. Vnrintionx ilrs AjiimtniJ: et fies l'Uintcs à réiat t/omcslit/ur,\i>\. I. p. 2i> Paris, Ueinwald\ 76 LA DESCENDANCE DK L'HOMME. Ire Partie]. oiseaux imitent les chants de leurs parents, et, parfois aussi, ceux d'autres oiseaux; chacun sait que les perroquets imitent tous les sons qu'ils entendent souvent. Bureau de la Malle '" cite le cas d'un chien, élevé par une chatte, qui avait appris à imiter l'action si connue du chat qui se lèche les pattes pour se nettoyer ensuite la face et les oreilles; le célèbre naturaliste Audouin a aussi ob- servé ce fait, qui m'a, d'ailleurs, été confirmé de divers côtés. Un de mes correspondants m'écrit, par exemple, qu'il a possédé pen- dant treize ans un chien qui n'avait pas été nourri par une chatte, mais qui avait été élevé avec des petits chats et qui, ayant con- tracté l'habitude dont nous venons de parler, la garda jusqu'à sa mort. Le chien de Bureau de la Malle avait aussi emprunté aux jeunes chats l'habitude de jouer avec une balle en la roulant autour de ses pattes et en sautant dessus. Un correspondant m'affirme que sa chatte plongeait, pour les lécher ensuite, ses pattes dans une jarre pleine de lait, dont le goulot était trop étroit pour qu'elle put y fourrer la tête ; un petit de cette chatte imita bientôt sa mère et garda jusqu'à sa mort l'habitude qu'il avait contractée. On peut dire que les parents de beaucoup d'animaux, se fiant à cette tendance à l'imitation et surtout à leurs instincts héréditaires, font, pour ainsi dire, l'éducation de leurs petits. Qui n'a vu une chatte apporter une souris vivante à ses petits? Bureau de la Malle, dans le mémoire que nous venons de citer, relate ses observations sur les faucons qui enseignent à leurs petits à avoir des mouvements rapides et à juger des distances en laissant tomber d'une grande hauteur des souris ou des hirondelles mortes jusqu'à ce qu'ils ap- prennent à les saisir, puis, qui continuent cette éducation en leur apportant des oiseaux vivants qu'ils lâchent en l'air. Il n'est presque pas de faculté qui soit plus importante pour le progrès intellectuel de l'homme, que celle de Vattenlion. Elle se manifeste clairement chez les animaux; lorsqu'un chat, par exem- ple, guette à côté d'un trou et se prépare à s'élancer sur sa proie. Les animaux sauvages ainsi occupés sont souvent absorbés au point qu'ils se laissent aisément approcher. M. Barllett m'a fourni une preuve curieuse de la variabilité de cette faculté chez les singes. Un homme, qui dresse les singes à jouer certains rôles, avait l'habitude d'acheter à la Société zoologique des singes d'espèce commune au prix de 125 francs pièce, mais il en offrait le double si on lui per- mettait d'en garder trois ou quatre pendant quelques jours, pour faire son choix. On lui demanda comment il parvenait, en si peu 17. Annales des Se. naf., l' série, vol. XXII, p. 397. ,Chai-. III!. . FACULTÉS MENTALES. 77 (le temps, à savoir si un singe quelconque pouvait devenir bon acteur; il répondit (jue cela dépendait entièrement de la puissance d'attention de l'animal. Si, pendant qu'il parlait à son singe, ou lui expliquait quelque chose, l'animal était facilement distrait par une mouche ou tout autre objet insignifiant, il fallait y renoncer. S'il essayait, par les punitions, de forcer un singe inattentif au travail, celui-ci se mettait à bouder. Il pouvait, au contraire, toujours dres- ser un singe qui lui prêtait attention. Il est presque superflu de constater que les animaux sont doués d'une excellente momnire portant sur les personnes et les lieux. Sir Andrew Smilh aflirme qu'un babouin, au cap de Bonne-Espérance, a poiiss»' des cj'is de joie en le revoyant après une absence de neuf mois. J'ai eu un chien très sauvage et qui avait de l'aversion pour toute personne étrangère, dont j'ai mis la mémoire à l'épreuve après une absence de cinq ans et deux jours. Je me rendis près de l'écurie o(j il se trouvait, et l'appelai suivant mon ancienne habi- tude; le chien ne témoigna aucune joie, mais me suivit immédiate- ment en m'obéissant comme si je l'avais quitté depuis un quart d'heure seulement. Une série d'anciennes associations, qui avaient sommeillé pendant cinq ans, s'étaient donc instantanément éveil- lées dans son esprit. P. Huber '* a clairement démontré que les fourmis peuvent, après une séparation de quatre mois, reconnaître leurs camarades appartenant à la même communauté. Les animaux ont certainement quelques moyens d'apprécier les intervalles de temps écoulés entre des événements qui se reproduisent. l'ne des plus hautes prérogatives de l'homme est, sans contre- dit, V imagination, faculté qui lui permet de grouper, en dehors de la volonté, des imag»;s et des idées anciennes, et de créer ainsi des résidtats brillants et nouveaux. Ainsi que le fait remarquer Jean-Paul Richter '* : <( Si im poète doit rélléchir avant de savoir s'il fera dire oui ou non à un [)ersonnage, ce n'est qu'iui imbécile. » Le rèvt! nous donne la meilleure notion de cette faculté; et comme le dit encore Jean-Paul : « Le rêve est un art poétique involon- taire. » La valeur des produits de notre imagination dépend, cela va sans dire, du nombre, de la précision et de la lucidité de nos impressions; du jugement ou du goût avec lequel nous admettons et nous repoussons les combinaisons involontaires, et jusqu'à un certain point, de l'aptitude que nous avons à les combiner volon- tairement. Comme les chiens, les chats, les chevaux et probable- 18. L's Mwnis ilrs fourmis, 1810. j). I."»0. I!>. Cite dans Maudslcy, P/ii/.siolo!/;/ ami l'afholorjn i,f .Min>/, I8G8. \^\). 19, 220. 78 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. menl tous les animaux supérieurs, même les oiseaux -", sont sujets au rèvc. comme le prouvent leurs mouvements et leurs cris pen- dant le sommeil, nous devons admettre qu'ils sont doués d'une cer- taine imagination. L'habitude qu'ont les chiens de hurler pendant la nuit, surtout quand il y a de la lune, d'une façon si remarquable et si mélancolique, doit être provoquée par quelque cause spé- ciale. Tous les chiens n'ont pas cette habitude. Houzeau -' affirme que les chiens ne regardent pas la lune, mais quelque point fixe près de l'horizon; il pense que leur imagination est troublée par les vagues apparences des objets environnants qui se transforment pour eux en images fantastiques. S'il en est ainsi, on pourrait pres- que dire que c'est de la superstition. On est, je crois, d'accord pour admettre que la raison est la pre- mière de toutes les facultés de l'esprit humain. Peu de personnes contestent encore aux animaux une certaine aptitude au raisonne- ment. On les voit constamment s'arrêter, réfléchir et prendre un parti. Plus un naturaliste a étudié les habitudes d'un animal quel- conque, plus il croit à la raison, et moins aux instincts spontanés de cet animal; c'est là un fait très significatif ^-. Nous verrons, dans les chapitres suivants, que certains animaux placés très bas sur l'échelle font évidemment preuve de raison, bien qu'il soit, sans doute, souvent difficile de distinguer entre la raison et l'in- stinct. Ainsi, dans son ouvrage la Mer polaire ouverte, le D' Hâves fait remarquer, à plusieurs reprises, que les chiens qui remor- quaient les traîneaux, au lieu de continuer à se serrer en une masse compacte lorsqu'ils arrivaient sur une mince couche de glace , s'é- cartaient les uns des autres pour répartir leur poids sur une sur- face plus grande. C'était souvent pour les voyageurs le seul aver- tissement, la seule indication que la glace devenait plus mince et plus dangereuse. Or, les chiens agissaient-ils ainsi par suite de leur expérience individuelle, ou suivaient-ils l'exemple des chiens plus âgés et plus expérimentés, ou obéissaient-ils à une habitude héré- ditaire, c'est-à-dire à un instinct? Cet instinct remonterait peut- être à l'époque déjà ancienne où les naturels commencèrent à employer les chiens pour remorquer leurs traîneaux , ou bien , les loups arctiques, souche du chien esquimau, peuvent avoir acquis 20. Docteur Jerdon, BiVrfs of Indio, vol. I, 1862, p. xxi. Houzeau affirme que les perroquets et les serins rêvent parfois, Facultés méritâtes, vol. IL p. 136. 21. Facultés mentales des Ajiimaux, 1872, vol. II, p. 181. 22. L'ouvrage de M. L.-H. Morgan, sur le Castor amcrkain, 1868, fournit un excellent exemple de cette remarque; cependant, je ne puis pas m'empècher de trouver qu'il accorde trop peu de valeur à l'énergie de l'instinct. [Ca.KV. ni]. FACULTÉS MENTALES. 79 cet instinct, qui les portait à ne pas attaquer leur proie en masses trop serrées sur la place mince. C'est seulement en examinant les circonstances au milieu des- quelles s'accomplissent les actions que nous pouvons juger s'il convient de les attribuer à l'instinct, à la raison, ou ;\ une simple association d'idées; faisons remarquer en passant que celte der- nière faculté se rattache étroitement à la raison. Le professeur Mtibius " cite un exemple curieux : un brochet, séparé par une glace d'un autre compartiment d'un aquarium plein de poissons, se précipitait avec une telle violence contre la glace pour attraper I«;s autres poissons qu'il restait souvent étourdi du coup qu'il s'é- tait porté. Ce manège dura pendant trois mois environ, puis le brochet devenu prudent cessa de se précipiter sur la glace. On en- leva alors la glace qui formait la séparation; toutefois, l'idée d'un choc violent s'était si bien associé dans le faible esprit du brochet avec les efforts infructueux qu'il avait faits pour atteindre les pois- sons qui avaient été si longtemps ses voisins, qu'il ne les attaqua ■jamais, bien qu'il n'hésitàl pas à se précipiter sur les poissons nouveaux qu'on introduisait dans l'aquarium. Si un sauvage, qui n'a jamais vu une fenêtre fermée par une glace épaisse, venait à se précipiter sur cette glace et à rester étourdi sur le coup, l'idée de glace et de coup s'associeraient évidemment pendant longtemps dans son esprit; mais, au contraire du brochet, il réfléchirait pro- bablement sur la nature de l'obstacle et se montrerait plein de prudence s'il se trouvait placé dans des circonstances analogues. Les singes, comme nous allons le voir tout à l'heure, s'abstiennent ordinairement de répéter une action qui leur a causé une première fois une impression pénible ou simplement désagréable. Or, si nous attribuons cette différence entre le singe et le brochet uniquement au fait que l'association des idées est beaucoup plus vive et beau- coup plus persistante chez l'un que chez l'autre, bien (juc le bro- chet ait souffert beaucoup plus, nous est-il possible de maintenir que, quand il s'agit de l'homme, une différence analogue implique la possession d'un esprit fondamentalement diflerent? Houzeau -' raconte que, tandis qu'il traversait une grande plaine du Texas, ses deux chiens souffraient beaucoup de la soif, et que, trente ou quarante fois pendant la journée, ils se précipitèrent dans les dépressions du sol pour y chercher de l'eau. Ces dépressions n'étaient pas des vallées, il n'y poussait aucun arbre, on n'y remar- 23. Die Bevegungfti (1er Tfiiere, etc., 1873, p. II. 2i. Fncnltfis mentales tics Animaux, 1873, vol. II. p. 20:;, 80 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. |Ir>' Partie]. quait aucune différence de végétation, et on n'y pouvait sentir au- cune humidité, car le sol y était absolument sec. Les chiens se conduisaient donc comme s'ils savaient qu'une dépression du sol leur offrait la meilleure chance de trouver de l'eau. Houzeau a observé le même fait chez d'autres animaux. J'ai observé, et beaucoup de mes lecteurs ont observé sans doute, au Jardin zoologique, le moyen qu'emploie l'éléphant pour rapprocher un objet qu'il ne peut atteindre : il souffle violemment sur le sol avec sa trompe au delà de l'objet en question pour que le courant d'air réfléchi de tous côtés rapproche assez l'objet pour qu'il puisse le saisir. M. Westropp, ethnologiste bien connu, m'apprend qu'il a vu à Vienne un ours créer avec sa patte un cou- rant artificiel pour ramener dans sa cage un morceau de pain qui flottait à l'extérieur des barreaux. On ne peut guère attribuer à l'instinct ou à une habitude héréditaire ces actes de l'éléphant ou de l'ours, car ils auraient peu d'utilité pour l'animal à l'état de nature. Or, quelle différence y a-t-il entre ces actes, qu'ils soient accomplis par le sauvage ou par un des animaux supérieurs? Le sauvage et le chien ont souvent trouvé de l'eau dans les dé- pressions du sol, et la coïncidence de ces deux circonstances s'est associée dans leur esprit. Un homme civilisé ferait peut-être quel- que raisonnement général à ce sujet; mais tout ce que nous savons sur les sauvages nous autorise à penser qu'ils ne feraient sans doute pas ce raisonnement et le chien ne le ferait certainement pas. Toutefois le sauvage, aussi bien que le chien, malgré de nom- breux désappointements, continuerait ses recherches; et, chez tous deux, ces recherches semblent constituer également un acte de raison, qu'ils aient ou non conscience qu'ils agissent en vertu d'un raisonnement. -^ Les mêmes remarques s'appliquent à l'élé- phant et à l'ours qui créent un courant artificiel dans l'air ou dans l'eau. Le sauvage, dans un cas semblable, s'inquiéterait fort peu de savoir en vertu de quelle loi s'effectuent les mouvements qu'il désire obtenir; cependant cet acte serait aussi certainement le résul- tat d'un raisonnement, grossier si l'on veut, que le sont les déduc- tions les plus ardues d'un philosophe. Sans doute, on constaterait, entre le sauvage et l'animal supérieur, cette différence, que le pre- mier remarquerait des circonstances et des conditions bien plus 25. Le professeur Huxley a analysé avec une admirable clarté les différentes phases intellectuelles que traverse un homme aussi bien qu'un chien pour en arriver à une conclusion dans un cas analogue à celui indiqué dans le texte. Voir à ce siijet son article : M. Darwin's critics, dans Contcmporary Revicw, nov. 1871, p. 462, et dans Critit/iies and E'isai/s, 1873, p. 279. [CuAP. un. FACULTÉS MENTALES. 81 légères, et qu'il lui faudrait une expérience moins longue pour reconnaître les rapports qui existent entre ces circonstances ; or c'est là un point qui a une grande importance. J'ai noté chaque jour les actions d'un de mes enfants, alors qu'il avait environ onze mois et qu'il ne pouvait pas encore parler; or j'ai été continuelle- ment frappé de la promptitude plus grande avec laquelle toutes sortes d'objets et de sons s'associaient dans son esprit, comparati- vement avec ce qui se passait dans l'esprit des chiens les plus intelligents que j'aie connus. Mais les animaux supérieurs diffèrent exactement de la même façon des animaux inférieurs, tels que le brochet, par cette faculté de l'association des idées, aussi bien que par la faculté d'observation et de déduction. Les actions suivantes, accomplies après une courte expérience par les singes américains qui occupent un rang peu élevé dans leur ordre, prouvent évidemment l'intervention de la raison. RtMigger, observateur très circonspect, raconte que les premières fois qu'il donna des œufs à ses singes, ils les écrasèrent si mala- (Iroilement qu'ils laissèrent échapper une grande partie du con- tenu; bientôt, ils imaginèrent de frapper doucement une des extrémités de l'œuf contre un corps dur, puis d'enlever les frag- ments de la coquille à l'aide de leurs doigts. Après s'être coupés une fois seulement avec un instrument tranchant, ils n'osèrent plus y loucher, ou ne le maiiièrent qu'avec les plus grandes précautions. Un leur donnait souvent des morceaux de sucre enveloppés dans du papier; liengger, ayant quelquefois substitué une guêpe vivante au sucre, ils avaient été piqués en déployant le papier trop vite, si bien qu'ensuite ils eurent soin de toujours porter le paquet à leur oreille pour s'assurer si quelque bruit se produisait à l'intérieur ". I.es cas suivants se rapportent à des chiens. M. Colquhoun " blessa ù l'aiie deux canards sauvages qui tombèrent sur la rive (q)posée d'un ruisseau; son chien chercha à les rapporter tous les deux ensemble sans pouvoir y parvenir. L'animal qui, auparavant, n'avait jamais froissé une pièce de gibier, se décida à tuer un des oiseaux, api)orla celui qui était encore vivant et retourna chercher le mort. Le colonel Hutchinson raconte que sur deux perdrix at- teintes d'un même coup de feu, l'une fut tuée et l'autre blessée; cette dernière se sauva et fut rattrapée par le chien, qui, en reve- 26. M. Boit, dans son très intéressant onvrago T/ie Nfiluralixt in Nicamt/ufi, lS7i. p. 119. décrit aussi divers*'» actions d'un CVbus apprivoisé ; ces actions démontrent, je crois, (|ue cet animal possédait, dans une certaine mesure, la faculté du raisonnement. -7. T/ir Moor and l/ie Loc/i,i). 45. — Col. Hutchinson, Doy Hrcfkiii'j, 1850, p. Iti, G 82 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [!'« Partie] nant sur ses pas, rencontra l'oiseau mort : « Il s'arrêta, évidem- ment très embarrassé, et, après une ou deux tentatives, voyant qu'il ne pouvait pas relever la perdrix morte sans risquer de lâcher celle qui vivait encore, il tua résolument cette dernière et les rap- porta toutes les deux. C'était la première fois que ce chien avait volontairement détruit une pièce de gibier. » C'est là, sans contre- dit, une preuve de raison, bien qu'imparfaite, car le chien aurait pu rapporter d'abord l'oiseau blessé, puis retourner chercher l'oiseau mort, comme dans le cas précédent relatif aux deux canards sau- vages. Je cite ces exemples parce qu'ils reposent sur deux témoi- gnages indépendants l'un de l'autre, et parce que, dans les deux cas, les chiens, après mûre délibération, ont violé une habitude héréditaire chez eux, celle de ne pas tuer le gibier qu'ils ramas- sent; or, il faut que la faculté du raisonnement ait été chez eux bien puissante pour les amener à vaincre une habitude fixe. J'emprunte un dernier exemple à l'illustre Humboldt -*. Les muletiers de l'Amérique du Sud disent : « Je ne vous donnerai pas la mule dont le pas est le plus agréable, mais la mas raci'onal, — celle qui raisonne le mieux; » et Humboldt ajoute : « Cette expres- sion populaire, dictée par une longue expérience, démolit le sys- tème des machines animées, mieux peut-être que ne le feraient tous les arguments de la philosophie spéculative. » Néanmoins quelques écrivains nient encore aujourd'hui que les animaux supé- rieurs possèdent un atome de raison ; ils essaient de faire passer pour de simples contes à dormir debout les faits tels que ceux pré- cédemment cités -®. Nous avons, je crois, démontré que l'homme et les animaux su- périeurs, les primates surtout, ont quelques instincts communs. Tous possèdent les mêmes sens, les mêmes intuitions, éprouvent les mêmes sensations; ils ont des passions, des affections et des émotions semblables, même les plus compliquées, telles que la jalousie, la méfiance, l'émulation, la reconnaissance et la magna- nimité, ils aiment à tromper et à se venger; ils redoutent le ridi- 28. Ppi'sonnal Narrative, t. III, p. 106, 29. Je suis lieureux de voir qu'un penseur aussi distingué que M, Leslie Ste- plien {Darwinism and DivinUy, Essays on Frec-thmkmg, 1873, p. 80), parlant de la prétendue barrière infranchissable qui existe entre l'homme et les animaux inférieurs, s'exprime en ces termes : « Il nous semble, en vérité, que la ligne de démarcation qu'on a voulu établir ne repose sur aucune base plus solide qu'un grand nombre de distinctions métaphysiques ; on suppose , en effet, que dès que l'on peut donner à deux choses deux noms ditiérents, ces deux choses doivent avoir des natures essentiellement différentes. Il est difficile de com- prendre que quiconque a possédé ou vu un éléphant puisse avoir le moindre doute sur la faculté qu'ont ces animaux de déduire des raisonnements. » [CuAi-. III]. FACULTES MENTALES. 83 culc; ils aiment la plaisanterie; ils ressentent l'étonnement et la curiosité; ils possèdent les niènios facultés d'imitation, d'attention, de délibération, de choix, île mémoire, d'imairination, d'associa- tion des idées et de raisonnement, mais, bien entendu, à des de- grés très difîérents. Les individus appartenant à une même espèce représentent toutes les phases intellectuelles, depuis l'imbécillité absolue jusqu'à la plus haute intelligence. Les animaux supérieurs sont même sujets à la folie , quoique bien moins souvent que l'homme '". Néaiunoins beaucoup de savants soutiennent ipie les facultés mentales de l'homme constituent, entre lui et les animaux, une in- franchissable barrière. J'ai recueilli autrefois une vingtaine d'apho- rismes de ce genre ; mais je ne crois pas qu'ils vaillent la peine d'être cités ici, car ils sont si différents et si nombreux qu'il est facile de comprendre la difficulté, sinon l'impossibilité d'une sembla- ble démonstration. On a affirmé que l'homme seul est capable d'a- mélioration progressive; que seul, il emploie des outils et connaît le feu; que seul, il réduit les autres animaux en domesticité et a le sentiment de la propriété; qu'aucun autre animal n'a des idées abstraites, n'a conscience de soi, ne se comprend ou possède des idées générales; que l'homme seul possède le langage, a le sens du beau, est sujet au caprice, éprouve de la reconnaissance, est sensible au mystère, etc., croit en Dieu, ou est doué d'une con- science. Je hasarderai quelques remarques sur ceux de ces points qui sont les plus importants et les plus intéressants. L'archevêque Sumner " a autrefois soutenu que l'homme seul est susceptible d'amélioration progressive. Personne no conteste que l'homme fait des progrès beaucoup plus grands, beaucoup plus rapides qu'aucun autre animal, ce qui résulte évidemment du lan- gage et de la faculté qu'il a de transmettre à ses descendants les connaissances qu'il a acquises. En ce qui regarde l'animal, et d'a- bord l'individu , tous ceux qui ont quelque expérience en matière au des fruits, quand elle était désagréable au goût. Un autre singe, auquel on avait api)ris à soulever le couvercle d'une grande caisse avec un bâton, se servit ensuite d'un bâton comme d'un levier pour remuer les corps pesants, et j'ai, moi-même, vu un jeune orang enfoncer un bâton dans une crevasse, puis, le saisis- sant par l'autre bout, s'en servir comme d'un levier. On sait que, dans l'Inde, les éléphants apprivoisés brisent des branches d'arbres et s'en servent comme de chasse-mouches; on a observé un élé- phant sauvage qui avait la même habitude *'. J"ai vu un jeune orang ftMnelle s'envelopper d'une couverture ou se couvrir de paille j)i)ur se protéger contre les coups quand elle redoutait d'être fouet- tée. Les pierres et les bâtons servent d'outils dans les cas précités; les animaux les emploient également comme armes. Brehm *" affirme, sur l'autorité du voyageur bien connu Schimper, qu'en Ahyssinie, lorsque les babouins de l'espèce C. gelada descendent en troupe des montagnes pour piller les champs , ils rencontrent quelquefois des bandes d'une autre espèce {C. hamadvyas) avec les- (juelles ils se battent. Les geladas font rouler, sur le flanc de la montagne, de grosses pierres que les hamadryas cherchent à évi- ter, puis les adversaires se précipitent avec fureur les uns sur les '.\~. Savage et W'yinan, Hoston Journal ofSni. Histonj, 184;j-l4, vol. IV, p. H83. 'M. S/iiir/rt/iipi-r von l'uinguay, 1830, pp. 51, 50. .•10. Thr Inilian Ficld. 4 mars 1871. 40. Thirrlebrii, vol. I, pp. 79. 82. 86 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. autres en faisant un vacarme effroyable. Brehm, qui accompagnait le duc de Cobourg-Gotha, prit part à une attaque faite avec des armes à feu contre une troupe de babouins dans la passe de Mensa, en Abyssinie. Ceux-ci ripostèrent en faisant rouler sur les flancs de la montagne une telle quantité de pierres, dont quelques-unes avaient la grosseur d'une tête d'homme, que les assaillants durent battre vivement en retraite; la caravane ne put même franchir la passe pendant quelques jours. Il faut remarquer que, dans cette circonstance, les singes agissaient de concert. M. Wallace *' a vu, dans trois occasions différentes, des orangs femelles, accompagnées de leurs petits, « arracher les branches et les fruits épineux de l'arbre Durian avec toute l'apparence de la fureur, et lancer une grêle de projectiles telle que nous ne pouvions approcher. » Le chimpanzé, comme j'ai pu le constater bien souvent, jette tout ce qui lui tombe sous la main à la tête de quiconque l'offense ; nous avons vu qu'un babouin, au cap de Bonne-Espérance, avait préparé de la boue dans ce but. Un singe, au Jardin zoologique, dont les dents étaient faibles, avait pris l'habitude de se servir d'une pierre pour casser les noi- settes ; un des gardiens m'a affirmé que cet animal , après s'en être servi, cachait la pierre dans la paille, et s'opposait à ce qu'aucun autre singe y touchât. Il y a là une idée de propriété , mais cette idée est commune à tout chien qui possède un os, et à la plupart des oiseaux qui construisent un nid. Le duc d'Argyll *^ fait remarquer que le fait de façonner un instru- ment dans un but déterminé est absolument particulier à l'homme, et considère que ce fait établit entre lui et les aoimaux une im- mense distinction. La distinction est incontestablement importante, mais il me semble y avoir beaucoup de vraissemblance dans la suggestion faite par sir J. Lubbock ". Il suppose que l'homme pri- mitif a employé d'abord des silex pour un usage quelconque ; en s'en servant, il les a, sans doute, accidentellement brisés, et il a alors tiré parti de leurs éclats tranchants. De là à les briser avec intention, puis aies façonner grossièrement, il n'y a qu'un pas. Ce dernier progrès, cependant, peut avoir nécessité une longue période, si nous en/ jugeons par l'immense laps de temps qui s'est écoulé, avant que les hommes de la période néolithique en soient arrivés à aiguiser et à polir leurs outils en pierre. En brisant les silex, ainsi que le fait remarquer encore sir J. Lubbock, des 41. The Malfty Archipelago, vol. I, 1869, p. 87. 42. Primevai Man, 1869, p. 145,147. 43. Prehistoric Times, 1865, p. 473, etc. [Chap. III 1. FACULTES MENTALES. 87 élincclles ont pu se produire, et, en les aiguisant, de la chaleur se dégager : « d'où l'origine possible des deux méthodes ordinaires pour se procurer le feu. » La nature du feu devait, d'ailleurs, être connue dans les nombreuses régions volcaniques oîi la lave coule parfois dans les forêts. Les singes anthropomorphes, guidés pro- bablement par l'instinct, construisent pour leur usage des plates- formes temporaires; mais, comme beaucoup d'instincts sont large- ment contrôlés par la raison, les plus simples, tels que celui qui pousse à la construction d'une plate-forme, ont pu devenir un acte volontaire et conscient. On sait que l'orang se couvre la nuit avec des feuilles de Pandanus, et Brehm constate qu'un de ses babouins avait l'habitude de s'abriter de la chaleur du soleil en se couvrant la tète avec un paillasson. Les habitudes de ce genre représentent probablement les premiers pas vers quelques-uns des arts les plus simples, notamment l'architecture grossière et l'habillement, tels qu'ils ont dû se pratiquer chez les premiers ancêtres de l'homme. Abstraction, conceptions générales, conscience de soi, individualité mentale. — Jusqu'à quel point les animaux possèdent-ils des traces de ces hautes facultés intellectuelles? C'est là une question qu'il est difficile, pour ne point dire impossible, de résoudre. Cette diffi- culté provient de ce qu'il nous est impossible de savoir ce qui se passe dans l'esprit de l'animal; en outre, on est loin d'être d'ac- cord sur la signification exacte qu'il convient d'attribuer à ces divers termes. Si l'on en peut juger par divers articles publiés récemment, on semble s'appuyer surtout sur le fait que les ani- maux ne possèdent pas la faculté de l'abstraction, c'est-à-dire qu'ils sont incapables de concevoir des idées générales. Mais, quand un chien aperçoit un autre chien à une grande distance, son atti- tude indique souvent qu'il conçoit que c'est un chien, .car, quand il s'approche, cette attitude change du tout au tout s'il reconnaît un ami. Un écrivain récent fait remarquer que, dans tous les cas, c'est une pure supposition que d'affirmer que l'acte mental n'a pas exactement la même nature chez l'animal et chez l'homme. Si l'un et l'autre rattachent ce qu'ils conçoivent au moyen de leurs sens à une conception mentale, tous deux agissent de la même ma- nière *^ Quand je crie à mon chien de chasse, et j'en ai fait l'expé- rience bien des fois : « Hé, hé, où est-il? » il comprend immédia- tement qu'il s'agit de chasser un animal quelconque ; ordinairement 44. M. Hookham, dans une lettre adressée au professeur Max MUllcr, Bir- mingham News, mai 1873. 88 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. il commence par jeter rapidement les yeux autour de lui, puis il s'élance dans le bosquet le plus voisin pour chercher la trace du gibier, puis enfin, ne trouvant rien, il regarde les arbres pour découvrir un écureuil. Or, ces divers actes n'indiquent-ils pas clai- rement que mes paroles ont éveillé dans son esprit l'idée générale ou la conception qu'il y a là, auprès de lui, un animal quelconque qu'il s'agit de découvrir et de poursuivre? On peut évidemment admettre qu'aucun animal ne possède la conscience de lui-même si l'on implique par ce terme qu'il se de- mande d'oii il vient et où il va, — qu'il raisonne sur la mort ou sur la vie, et ainsi de suite. Mais, sommes-nous bien sûrs qu'un vieux chien, ayant une excellente mémoire et quelque imagination, comme le prouvent ses rêves, ne réfléchisse jamais à ses anciens plaisirs à la chasse ou aux déboires qu'il a éprouvés? Ce serait là une forme de conscience de soi. D'autre part, comme le fait remar- quer Biichner *^, comment la femme australienne, surmenée par le travail, qui n'emploie presque point de mots abstraits et ne compte que jusqu'à quatre, pourrait-elle exercer sa conscience ou réfléchir sur la nature de sa propre existence? On admet généralement que les animaux supérieurs possèdent les facultés de la mémoire, de l'attention, de l'association et même une certaine dose d'imagina- tion et de raison. Si ces facultés, qui varient beaucoup chez les différents animaux, sont susceptibles d'amélioration, il ne semble pas absolument impossible que des facultés plus complexes, telles que les formes supérieures de l'abstraction et de la conscience de soi, etc., aient résulté du développement et de la combinaison de ces facultés plus simples. On a objecté contre cette hypothèse qu'il est impossible de dire à quel degré de l'échelle les animaux deviennent susceptibles de voir se développer chez eux les facultés de l'abstraction, etc. ; mais qui peut dire à quel âge ce phénomène se produit chez nos jeunes enfants? Nous pouvons constater tout au moins que, chez nos enfants, ces facultés se développent par des degrés imperceptibles. Le fait que les animaux conservent leur individualité mentale est au-dessus de toute contestation. Si ma voix a évoqué, dans le cas de mon chien précédemment cité, toute une série d'anciennes asso- ciations, il faut bien admettre qu'il a conservé son individualité mentale , bien que chaque atome de son cerveau ait dû se renou- veler plus d'une fois pendant un intervalle de cinq ans. Ce chien aurait pu invoquer l'argument récemment avancé pour écraser tous 45. Conférences sur la Théorie darwinietuie {trM\. franc.), 1860, p. 132. ICn.\r. III]. FACULTÉS MENTALES. 89 les évolulionnisles, cl dire : « Je persiste, au milieu de toutes les dispositions mentales et de tous les changements matériels... La théorie que les atomes laissent à titre de legs les impressions qu'ils ont rerues aux autres atomes prtMianl la place qu'ils quittent, est contraire à l'affirmation de l'état conscient, et est, par conséquent, fausse; or, comme cette théorie est nécessaire à l'évolution, cette dernière hypothèse est par conséquent fausse ". » LaugfKje. — On pense avec raison que cette faculté est un des |)rincipaux caractères distinctifs qui séparent l'homme des ani- maux. .Mais, ainsi que le fait remarquer un juge compétent, l'arche- vé(pie Whately : « L'homme n'est pas le seul animal qui se serve (lu langage pour exprimer ce qui se passe dans son esprit, et qui puisse comprendre plus ou moins ce que pense un autre indi- vidu ". » Le Cebus azarx du Paraguay, lorsqu'il est excité, fait entendre au moins six cris distincts, qui provoquent, chez les au- tres singes de son espèce, des émotions analogues *". Nous com- |)renons la signification des gestes et des mouvements de la face des singes; Rengger et d'autres observateurs déclarent que les singes comprennent en partie les noires. Le chien depuis sa domestica- tion, fait plus remarquable encore, a appris à aboyer dans quatre ou cinq Ions distincts au moins *®. Bien que l'aboiement soit un art nouveau, il n'est pas douteux que les espèces sauvages, ancêtres du chien, exprimaient leurs sentiments par des cris de nature diverse. Chez le chien domestique, on distingue facilement l'a- boiement impatient, comme à la chasse; le cri de la colère et le grognement; le glapissement du désespoir, comme lorsque l'ani- mal est enfermé; le hurlement pendant la nuit; l'aboiement joyeux, lors du départ pour la promenade, et le cri très distinct et très suppliant par lequel le chien demande qu'on lui ouvre la porte ou la fenêtre, liouzeau *", qui s'(?st tout particulièrement occupé de ce sujet, affirme que la poule domestique fait entendre au moins tlouze cris significatifs différents. Le langage articulé est spécial à l'homme ; mais, comme les ani- maux inférieurs, l'homme n'en exprime pas moins ses intentions l»ar dos gestes, et par les mouvements des muscles de son visage '*', 46. Le rov. docti'iir J.-M("ann, Anli'/aririnitm, 1860, \). 13. 17. Cité dans Anf/irrijinlot/ical Rerirw, 1861, p. 158. 48 Kcnpper, op. cit.,\>. 45. 40. Viiritition des Aniinnux, etc., vol. l, p. 29. 50. Funiltés iiirntalr.s, etc.. vol. H, 1812, pp. ;U6-349. 51. Ce sujet fait l'olijet d"une discussion fort intéressante dans 1 ouvrafre de M. K.-H. Tylor, lir.scarcfics inlo the Enrh/ Uistonj af Mmikind, 186.>, c. ii à iv. 90 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. (Ire Partie]. par des cris inarticulés, ce qui estsurtout vrai pour l'expression des sentiments les plus simples et les plus vifs, qui ont peu de rapports avec ce qu'il y a de plus élevé dans notre intelligence. Nos cris de douleur, de crainte, de surprise, de colère, joints aux gestes qui leur sont appropriés, le babillage de la mère avec son enfant chéri, sont plus expressifs que n'importe quelles paroles. Ce qui distingue l'homme des animaux inférieurs, ce n'est pas la faculté de com- prendre les sons articulés , car, comme chacun le sait, les chiens comprennent bien des mots et bien des phrases. Sous ce rapport les chiens se trouvent dans le même état de développement que les en- fants, âgés de dix à douze mois, qui comprennent bien des mots et bien des phrases, mais qui ne peuvent pas encore prononcer un seul mots. Ce n'est pas la faculté d'articuler, car le perroquet et d'autres oiseaux possèdent cette faculté. Ce n'est pas, enfin, la simple faculté de rattacher des sons définis à des idées définies, car il est évident que certains perroquets qui ont appris à parler appliquent sans se tromper le mot propre à certaines choses et rattachent les person- nes aux événements ^^. Ce qui distingue l'homme des animaux in- férieurs, c'est la faculté infiniment plus grande qu'il possède d'as- socier les sons les plus divers aux idées les plus différentes, et cette faculté dépend évidemment du développement extraordinaire de ses facultés mentales. Un des fondateurs de la noble science de la philologie, Horne Tooke, remarque que le langage est un art, au même titre que l'art de fabriquer de la bière ou du pain ; il me semble, toutefois , que l'écriture eût été un terme de comparaison bien plus convena- ble. Le langage n'est certainement pas un instinct dans le sens pro- pre du mot, car tout langage doit être appris. 11 diffère beaucoup, cependant, de tous les arts ordinaires en ce que l'homme a une tendance instinctive à parler, comme nous le prouve le babillage des jeunes enfants, tandis qu'aucun enfant n'a de tendance ins- 52. J'ai reçu à cet égard plusieurs communications très détaillées. L'amiral sir J. Sulivan, que je connais pour un observateur très soigneux, m'assure qu'un perroquet qui est resté très longtemps dans la maison de son père, appelait par leur nom certains membres de la famille et certains visiteurs assidus. Il disait » Bonjour » à quiconque venait déjeuner et « Bonsoir » aux personnes qui quittaient le soir la chambre où il se trouvait; il ne fit jamais aucune erreur à cet égard. Il ajoutait au bonjour qu'il adressait au père de sir J. Sulivan, une courte phrase qu'il ne répéta plus après la mort de son maître. Ce perroquet rabroua d'étrange façon un chien étranger qui pénétra dans la chambre par la fenêtre ouverte, ainsi qu'un autre perroquet qui, sorti de sa cage, alla manger des pommes sur la table delà cuisine. Voir aussi, sur les perroquets, Houzeau, Op. cit., vol. II, p. 309. Le docteur A. Moschkau m'apprend qu'il a connu im sansonnet qui disait en allemand « bonjour » et « bonsoir » selon les cas sans jamais se tromper. Je pourrais ajouter beaucoup d'autres exemples. IChap. III'. FACULTES MENTALES. 91 linctive à brasser, à faire du pain ou à écrire. En outre, aucun philologue n'oserait soutenir aujourd'hui qu'un langage ait été inventé de toutes pièces ; chacun d'eux s'est lentement et in- consciemment développé *'. Les sons que font entendre les oi- seaux olfrent, à plusieurs points de. vue, la plus grande analogie avec le langage; en ellet, tous les individus appartenant à une même espèce expriment leurs émotions par les mêmes cris instinc- tifs, et tous ceux qui peuvent chanter exercent instinctivement cette faculté ; mais c'est le père ou le père nourricier qui leur apprend le véritable chant, et même les notes d'appel. Ces chants et ces cris, ainsi que l'a prouvé Daines Barrington '^^ « ne sont pas plus innés chez les oiseaux que le langage ne l'est chez riiomme. Les premiers essais de chant chez les oiseaux peuvent être comparés aux tentatives imparfaites que traduisent les pre- miers bégaiements de l'enfant. » Les jeunes mâles continuent à s'exercer, ou. comme disent les éleveurs, à étudier pendant dix ou onze mois. Dans leurs premiers essais, on reconnaît à peine les rudiments du chant futur, mais, à mesure qu'ils avancent en âge, on voit où ils veulent en arriver, et ils finissent par chanter très bien. Les couvées qui ont appris le chant d'une espèce autre que la leur, comme les canaris qu'on élève dans le Tyrol, enseignent leur nouveau chant à leurs propres descendants. On peut compa- rer, comme le fait si ingénieusement remarquer Barrington, les lé- gères dilférènces naturelles du chant chez une même espèce, habi- tant des régions diverses, « à des dialectes provinciaux; » et les chants d'espèces alliées, mais distinctes, aux langages des diffé- rentes races humaines. J'ai tenu à donner les détails qui précèdent pour montrer qu'une tendance instinctivi; à acquérir un art n'est point un fait particulii^r, restreint à l'homme seul. Quelle est l'origine du langage articulé? Après avoir lu, d'une part, les ouvrages si intéressants de M. Honsleigh Wedgwood, du Bév. F. Farrar, cl du professeur Schleicher ", et, d'autre part, les 53. Voir quelciiips excoIlt>nl«».s rcmarfiuos sur ce point par le prof. Whilnoy, Orinttdl ami linguistir stii'iies, 1873. p. .'{."H. Il fait observer que le désir de com- muniqtier avec ses seiiil)ial)les est cliez riioiimie la force vitale (|ni ilans le (leveloppement du langa^'e agit » coiiscieiniiieiit et incoiiseieiunn'iit ; consciem- ment en ce (|ui concerne le but immédiat à obtenir, inconsciemment en ce (|ui concerne les autres conse> 51. Hon. Daines Harrington, l'/tilosopfiiml Transactions, 1773, p. 262. \'oir aussi Dureau de la Malle. Annales r/rs xrimcrs nnturr//rx, III'' série, Xanloi/ir, t. X. p. 119. ■')■'). H. WedfTwood, 0/1 t/ic orifjin of l(tnçiun(jc, 18GG ; rév. K.-W. Karrar, Chnptors on Inngitnffr, 1865. Ces ouvrages offrent le plus grand intérêt. Albert Lemoine. /> la P/iysiolof/ÏP et tic la Parolr, 1865, p. 190. Le docteur I^ikkers a 92 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. célèbres leçons de Max Muller, je ne puis douter que le langage ne doive son origine à des imitations et h des modifications, accom- pagnées de signes et de gestes , de divers sons naturels , des cris d'autres animaux, et des cris instinctifs propres à l'homme lui- môme. Nous verrons, lorsque nous nous occuperons de la sélection sexuelle , que les hommes primitifs , ou plutôt quelque antique an- cêtre de l'homme, s'est probablement beaucoup servi de sa voix, comme le font encore aujourd'hui certains gibbons , pour émettre de véritables cadences musicales , c'est-à-dire pour chanter. Nous pouvons conclure d'analogies très généralement répandues que cette faculté s'exerçait principalement aux époques où les sexes se recherchent, pour exprimer les diverses émotions de l'amour, de la jalousie, du triomphe, ou pour défier les rivaux. Il est donc pro- bable que l'imitation des cris musicaux par des sons articulés ait pu engendrer des mots exprimant diverses émotions complexes. Nous devons ici appeler l'attention , car ce fait explique en grande partie ces imitations , sur la forte tendance qu'ont les formes les plus voisines de l'homme, les singes, les idiots microcéphales ^^, et les races barbares de l'humanité, à imiter tout ce qu'ils enten- dent. Les singes comprennent certainement une grande partie de ce que l'homme leur dit, et, à l'état de nature, poussent des cris différents pour signaler un danger à leurs camarades "; les poules sur terre et les faucons dans l'air poussent un cri particulier pour avertir d'un danger les animaux appartenant à la même espèce, et les chiens comprennent ces deux cris ^* ; il ne semble donc pas impossible que quelque animal ressemblant au singe ait eu l'idée d'imiter le hurlement d'un animal féroce pour avertir ses semblables du genre de danger qui les menaçait. Il y aurait , dans un fait de cette nature, un premier pas vers la formation d'un langage. A mesure que la voix s'est exercée davantage , les organes vo- caux ont dû se renforcer et se perfectionner en vertu du principe des effets héréditaires de l'usage ; ce qui a dû réagir sur la faculté de la parole. Mais les rapports entre l'usage continu du langage et le développement du cerveau ont été, sans aucun doute, beau- coup plus importants. L'ancêtre primitif de l'homme, quel qu'il soit, traduit en anglais l'ouvrage qu'a publié sur ce sujet le professeur Aug. Schlei- cher, sous le titre de Darwinism t^.sted by the science of La?iguage, 1869. 56. Vogt, Mémoires sur les Microcéphales, 1867, p. 169. En ce qui concerne les sauvages, j'ai signalé quelques faits dans mon Voyage d'un naturaliste autour du monde (Paris, Reinwald), p. 206. 57 . On trouvera de nombreuses preuves à cet égard dans les deux ouvrages si souvent cités de Brehm et de Rengger. 58. Voir Houzeau, op. cit., vol. II, p. 348. [Chai-. IIP. FACULTÉS MENTALES. 93 (ievail posséder des facultés mentales beaucoup plus développées (pi'elles ne le sont chez les sin^jes existant aujourd'hui, avant même (lu'aucune forme de langage , si imparfaite qu'on la suppose , ait pu s'organiser. Mais nous pouvons admettre hardiment que l'usage continu et l'amélioration de cette faculté ont dil réagir sur l'esprit en lui permettant et en lui facilitant la réalisation d'une plus lon- gue suite d'idées On ne peut pas plus poursuivre une pensée pro- longée et complexe sans l'aiile des mots, parlés ou non, qu'on ne peut faire un long calcul sans l'emploi des chiffres ou de l'algèbre. Il semblerait aussi (jue le cours même des idées ordinaires néces- site quelque forme de langage, car on a observé que Laura Hridgman , lille aveugle, sourde et muette, se servait de ses doigts (juand elle rêvait *'. L'ne longue succession d'idées vives et se re- liant les unes aux autres peut néanmoins traverser l'esprit sans le concours d'aucune espèce de langage , fait que nous pouvons dé- duire des rêves prolongés qu'on observe chez les chiens. Nous avons vu aussi que les animaux peuvent raisonner dans une cer- taine mesure, ce qu'ils font évidemment sans l'aide d'aucun lan- gage. Les affections curieuses du cerveau, qui atteignent particu- lièrement l'articulation et qui font perdre la mémoire des substantifs tandis ([ue celle des autres mots reste intacte *", prouvent évidem- ment les rapports intimes qui existent entre le cerveau et la faculté (lu langage, telle qu'elle est développée aujourd'hui chez l'homme. Il n'y a pas plus d'improbabilité à ce que les eifets de l'usage con- tinu des organes de la voix et de l'esprit soient devenus hérédi- taires , qu'il n'y en a à ce que la forme de l'écriture , qui dépend à la fois de la structure de la main et de la disposition de l'esprit, soit aussi héréditaire; or il est certain *" que la faculté d'écrire se transmet par hérédité. Plusieurs savants, et principalement le professeur .Max Miilhîr"', ont soutenu dernièrement, en insistant beaucoup sur ce point, que l'usage du langage implique la faculté de la conception d'idées gé- nérales ; or, comme on n'admet pas que les animaux possèdent celle faculté, il en résulte ime barrière infranchissable entre eux et l'homme "'. J'ai déjà essayé de démontrer que les animaux pos- "ift. l*oiir (les romaniuos sur ce siijet, voir dooleur Mnudsley, l'/n/siolugi/ aiul IW/i»i„>ji/ i.fMind, 1" eilition, 1868, p. 199. 00. On a enregistre beaucoup de cas de ce genre. Voir par exemple Inifuirirs conrrrniii'j thc intellntufd Powers, par le docteur Abercroinbie, 18:t8, p. 150. Voir au!*si docteur liatenian, On Ap/itt-fia, 1870. p|». 27, 31, .53, lOO. 01. Variation 1. Lectures on M. Darwiiis P/iiloxopfii/ of lamjunrjr, 1873. 63. Le jugenieiU duu philologue aussi dislingue (jue le professeur Whitney 94 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partiej. sèdeiit cette faculté au moins à l'état naissant et de façon très grossière. Quant aux enfants , âgés de dix à onze mois , et aux sourds-muets, il me semble incroyable qu'ils puissent rattacher certains sons à certaines idées générales aussi rapidement qu'ils le font, à moins que l'on admette que ces idées générales étaient déjà formées dans leur esprit. On peut appliquer la même remarque aux animaux les plus intelligents, car, comme le fait observer M. Leslie Stephen ^'* : « Un chien se fait une idée générale des chats et des moutons et connaît les mots correspondants tout aussi bien que peut les connaître un philosophe. La faculté de com- prendre est, à un degré inférieur, il est vrai, une aussi bonne preuve de l'intelligence vocale, que peut l'être la faculté de parler. » Il n'est pas difficile de concevoir pourquoi les organes , qui servent actuellement au langage, ont été plutôt que d'autres origi- nellement perfectionnés dans ce but. Les fourmis communiquent facilement les unes avec les autres au moyen de leurs antennes , ainsi que l'a prouvé Huber, qui consacre un chapitre entier à leur langage. Nous aurions pu nous servir de nos doigts comme instru- ments efficaces ,,car, avec de l'habitude , on peut transmettre à un sourd chaque mot d'un discours prononcé en public ; mais alors l'impossibilité de nous servir de nos mains, pendant qu'elles au- raient été occupées à exprimer nos pensées , eût constitué pour nous un inconvénient sérieux. Tous les mammifères supérieurs ont les organes vocaux construits sur le même plan général que les nôtres, et se servent de ces organes comme moyen de communi- quer avec leurs congénères ; il est donc extrêmement probable que, dès que les communications devinrent plus fréquentes et plus im- portantes , ces organes ont dû se développer dans la mesure des nouveaux besoins; c'est ce qui est arrivé, en effet, et ces progrès aura beaucoup plus de poids sur ce point que tout ce que je pourrai dire. Le professeur fait remarquer, Oriental and linguistic studies, 1873, p. 297, en dis- cutant les opinions de Bleek, : <( Bleek se basant sur ce que le langage est un auxiliaire de la pensée presque indispensable à son développement, à la netteté, à la variété et à la complexité des sensations qui déterminent la con- science, en conclut que la pensée est absolument impossible sans la parole, et il confond ainsi la faculté avec l'instrument. Il pourrait tout aussi bien soutenir que la main humaine est incapable d'agir sans le concours d'un outil. En par- tant d'une semblable doctrine, il lui est impossible de ne pas accepter les para- doxes les plus regrettables de Millier et de ne pas soutenir qii'un enfant {infann ne parlant pas) n'est pas un être humain et qu'un sourd-muet n'acquiert la raison que quand il a appris à se servir de ses doigts pour figurer le langage! » Max Millier, op. cit., a soin de souligner l'aphorisme suivant : « Il n'y a pas plus de pensée sans parole qu'il n'y a de parole sans pensée. » Quelle étrange définition du terme pensée! 64. Essays on Free-thi}iking, etc. 1873, p. 82. lChap. III]. FACULTES MENTALES. 95 ont été principalement obtenus à Taide de ces parties si admirable- ment ajustées, la langue et les lèvres ". Le fait que les singes supérieurs ne se servent pas de leurs organes vocaux pour parler, dépend, sans doute, de ce que leur intelligence n'a pas suffisam- ment progressé. Les singes possèdent, en somme, des organes qui , avec une longue pratique , auraient pu leur donner la parole , mais ils ne s'en sont jamais servis; nous trouvons, d'ailleurs, chez beaucoup d'oiseaux, un exemi)le analogue : il possèdent tous les organes nécessaires au chant, et cependant ils ne chantent jamais*. Ainsi , les organes vocaux du rossignol et ceux du corbeau ont une construction analogue; le premier s'en sert pour moduler les chants les plus variés ; le second ne fait jamais entendre qu'un simple croassement **. Mais pourquoi les singes n'ont-ils pas eu une in- telligence aussi développée que celle de l'homme? C'est là une question à laquelle on ne peut répondre qu'en invoquant des causes générales ; en eflet , noire ignorance relativement aux phases suc- cessives du développement qu'a traversées chaque créature est si incomplète, qu'il serait déraisonnable de s'attendre à rien de défini. Il est à remarquer, et c'est un fait extrêmement curieux, que les causes qui expliquent la formation des langues différentes expli- quent aussi la formation des espèces distinctes; ces causes peuvent se résumer en un seul mot : le développement graduel ; et les preu- ves à l'appui sont exactement les mêmes dans les deux cas *^ Nous pouvons , toutefois , remonter plus près de l'origine de bi(>n des mots que de celle des espèces, car nous pouvons saisir, pour ainsi dire, sur le fait, la transformation de certains sons en mots, les- quels ne sont après tout que des imitations de ces sons. Nous ren- controns , dans des langues distinctes, des homologies frappantes dues à la communauté de desceuilaurc, et des analogies dues à un procédé semblable do formation. L'allérution de certaines lettres ou de certains sons , produite par la modification d'autres lettres ou G5. Voir, pour quelques excellentes remarques sur ce point, docteur Maudsiey, Phi/siologi/ fintl Ptttho/o^i/ nf Mi/id, 1868. p. 199. bti. Macgillivray. Histori/ of Hritish liirds, 1839, t. II. p. 29. Un excellent observateur, M. Hiackwall. remarque que la j>ie apprend à prononcer des mots isolés et même de courtes phras'îs j)lus promptement que tout autre ftiscau anglais; cependant il ;ijoute qu'après avoir fait de loii^rues et minutieuses recherches sur ses habitudes il n'a j.imais trouve que, à l'état de n.'ilnn'. cet oiseau manifestât aucune capacité inusitée pour l'imitation, {lic.frnrr/it:-; in Xoolof/!/, 1831. p. 158.) fi7. Voy. l'intéressant parallélisme entre le développement des espèces et celui des lanp.iges, établi par sir C. Lyell, Tfie (ieolitijical Evidences of thc Antii/uity nf Man, 1863, ch. xxiii. 96 LA DESCENDANCE DE l^'HOMME. fl'« Partie]. d'autres sons, rappelle la corrélation de croissance. Dans les deux cas, langues et espèces, nous observons la réduplication des par- ties , les effets de l'usage longtemps continué, et ainsi de suite. La présence fréquente de rudiments , tant dans les langues que dans les espèces, est encore 'plus remarquable. Dans l'orthographe des mots, il reste souvent des lettres représentant les rudiments d'an- ciennes prononciations. Les langues, comme les êtres organisés, peuvent se classer en groupes subordonnés ; on peut aussi les clas- ser naturellement selon leur dérivation, ou artificiellement, d'après d'autres caractères. Les langues et les dialectes dominants se ré- pandent rapidement et amènent l'extinction d'autres langages. De même qu'une espèce , une langue une fois éteinte ne reparaît jamais, ainsi que le fait remarquer sir C. Lyell. Le même langage ne surgit jamais en deux endroits différents; et des langues di- stinctes peuvent se croiser ou se fondre les unes avec les autres **. La variabilité existe dans toutes les langues, et des mots nouveaux s'introduisent constamment; mais, comme la mémoire est limitée, certains mots, comme des langues entières, disparaissent peu à peu : « On observe dans chaque langue, ainsi que Max Millier ^* l'a fait si bien remarquer, une lutte incessante pour l'existence entre les mots et les formes grammaticales. Les formes les plus parfaites, les plus courtes et les plus faciles , tendent constamment à prendre le dessus, et doivent leur succès à leur vertu propre. » On peut, je crois, à ces causes plus importantes de la persistance de certains mots, ajouter la simple nouveauté et la mode; car il y a dans l'esprit humain un amour prononcé pour de légers changements en toutes choses. Cette persistance, cette conservation de certains mots favorisés dans la lutte pour l'existence, est une sorte de sélec- tion naturelle. On a soutenu que la construction parfaitement régulière et éton- namment complexe des langues d'un grand nombre de nations bar- bares est une preuve , soit de l'origine divine de ces langues , soit de la haute intelligence et de l'antique civilisation de leurs fonda- teurs. « Nous observons fréquemment , dit à ce sujet F. von Schle- gel, dans les langues qui paraissent représenter le degré le plus infime de la culture intellectuelle , une structure grammaticale ad- mirablement élaborée. On peut appliquer cette remarque principa- lement au basque et au lapon, ainsi qu'à beaucoup de langues amé- 68. Voir à ce sujet les remarques contenues dans un article intéressant du rév. F.-W. Farrar, intitulé Phylosophy and Darwinism, publié dans le n» du 24 mars 1870, p. 528, du journal Nature. 69. Nature, G janvier 1870, p. 257. [Ch.vp. III!. FACULTÉS MENTALES. 97 ricaines '"*. » Mais il osl certainemonl inexact de comparer un lan- gage à un art, en ce sens qu'il aurait été élaboré et formé méthodiquement. Les philologues admettent aujourd'hui que les conjugaisons, les déclinaisons, etc.. existaient à l'origine comme mots distincts, depuis réunis ; or, comme ce genre de mots exprime les rapports les plus clairs entre les objets et les personnes, il n'est pas étonnant qu'ils aient été employés par la plupart des races pen- dant les premiers âges. L'exemple suivant prouve combien il nous est facile de nous tromper sur ce qui constitue la perfection. Un Crinoïde se compose parfois de cent cinquante mille pièces'" d'écail- lés, toutes rangées avec une parfaite symétrie en lignes rayon- nantes ; mais le naturaliste ne considère point un animal de ce genre comme plus parfait qu'un animal du type bilatéral , formé de parties moins nombreuses et qui ne sont semblables entre elles que sur les côtés opposés du corps. Il considère, avec raison, que la din'érenciation et la spécialisation des organes constituent la per- fection. Il en est de même pour les langues; la plus symétrique et la plus compliquée ne doit pas être mise au-dessus d'autres plus irré- gulières, plus brèves , résultant de nombreux croisements, car ces dernières ont emprunté des mots expressifs et d'utiles formes de construction à diverses races conquérantes, conquises ou immi- grantes. Ces remarques, assurément incomplètes, m'amènent à conclure (pie la construction très complexe et très régulière d'un grand nom- l)re de langues barbares ne prouve point qu'elles doivent leur ori- gine à un acte spécial de création '*. La faculté du langage articulé ne constitue pas non plus, comme nous l'avons vu, une objection insurmontable à l'hypothèse qiie l'homme df.'scend d'une forme in- férieure. Sentiment fi u beau. — Ce sentiment est, assure-t-on, spécial à l'homme. Je m'occupe seulement ici du plaisir que l'on ressent à contempler certaines couleurs et certaines formes, ou à entendre certains sons, ce rpii constitue certainement le sentiment du beau ; toutefois ces sensations, chez l'homme civilisé, s'associent étroite- ment à des idées complexes. Quand nous voyons un oiseau mâle étaler orgueilleusement, devant la femelle, ses plumes gracieu- ses ou ses splendides couleurs, tandis que d'autres oiseaux, 70. Cité par C.-S. Wake, Chnpters on Mnn, 1868, p. 101. 71. Burkland. tiriilijnrnlrr Trrntisr, p. Hl. 72. Voir quplqiips excellentos remarques sur la simplification des langages, par sir J. Lubbock, Origines de la civilisation, p. 278. 98 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. moins bien partagés, ne se livrent à aucune démonstration sem- blable, il est impossible de ne pas admettre que les femelles admirent la beauté des mâles. Dans tous les pays, les femmes se parent de ces plumes; on ne saurait donc contester la beauté de ces ornements. Les oiseaux-mouches et certains autres oiseaux disposent avec beaucoup de goût des objets brillants pour orner leur nid et les endroits où ils se rassemblent; c'est évidemment là une preuve qu'ils doivent éprouver un certain plaisir à con- templer ces objets. Toutefois, autant que nous en pouvons juger, le sentiment pour le beau, chez la grande majorité des animaux, se limite aux attractions du sexe opposé. Les douces mélodies que soupirent beaucoup d'oiseaux mâles pendant la saison des amours, sont certainement l'objet de l'admiration des femelles, fait dont nous fournirons plus loin la preuve. Si les femelles étaient incapa- bles d'apprécier les splendides couleurs, les ornements et la voix des mâles, toute la peine, tous les soins qu'ils prennent pour dé- ployer leurs charmes devant elles , seraient inutiles , ce qu'il est impossible d'admettre. Il est, je crois, aussi difficile d'expliquer le plaisir que nous causent certaines couleurs et certains sons harmo- nieux que l'agrément que nous procurent certaines saveurs et cer- taines odeurs ; mais l'habitude joue certainement un rôle considé- rable, car certaines sensations qui nous étaient d'abord désagréables finissent par devenir agréables, et les habitudes sont héréditaires. Helmholtz a expliqué dans une certaine mesure, en se basant sur les principes physiologiques, pourquoi certaines harmonies et cer- taines cadences nous sont agréables. En outre, certains bruits se reproduisant fréquemment à des intervalles irréguliers nous sont très désagréables, ainsi que l'admettra quiconque a entendu pen- dant la nuit sur un navire le battement irrégulier d'un cordage. Le même principe semble s'appliquer quand il s'agit du sens de la vue, car l'œil préfère évidemment la symétrie ou les images qui se re- produisent régulièrement. Les sauvages les plus infimes adoptent comme ornements des dessins de cette espèce et la sélection sexuelle les a développés dans l'ornementation de quelques ani- maux mâles. Quoi qu'il en soit, et que nous puissions expliquer ou non les sensations agréables causées ainsi à la vue ou à l'ouïe, il est certain que l'homme et beaucoup d'animaux inférieurs admirent les mêmes couleurs , les mêmes formes gracieuses et les mêmes sons. Le sentiment du beau, en tant qu'il s'agit tout au moins de la beauté chez la femme, n'est pas absolu dans l'esprit humain, car il diffère beaucoup chez les différentes races, et il n'est même pas iden- [Chai-. 111]. KACILTKS MENTALKS. 99 tique chez loules It-s ualions appurlonaut à une même race. A en juger par les ornemenls hideux et \a musique non moins atroce qu'admirent la plupart des sauvaires, on pourrait conclure que leurs facultés esthétiques sont à un état de développement inférieur à c»'lui qu'elles ont atteint chez quelques animaux, les oiseaux par exemple. Il est évident qu'aucun animal ne serait capable d'admirer une belle nuit étoilée , un beau paysage ou une musique savante; mais ces goûts relevés dépendent, il ne faut pas l'oublier, de l'édu- cation et de l'association d'idées complexes, et ne sont appréciés ni par les barbares, ni par les personnes dépourvues d'éducation. La plupart des facultés qui ont le plus contribué à l'avancement progressif de l'homme, telles que l'imagination, l'étonncment, la curiosité, le sentiment indéfini du beau, la tendance à l'imitation, l'amour du mouvement et de la nouveauté, ne pouvaient manquer d'entraîner l'humanité à des changements capricieux de coutumes et de modes. Je fais allusion à ce point, parce qu'un écrivain '" vient, assez étrangement , de désigner le caprice, «comme une des différences typiques les plus remarquables entre les sauvages et It's animaux. » Or nous pouvons non-seulement comprendre com- ment il se fait ([ue l'homme soit capricieux, mais prouver, ce que nous ferons plus loin, que l'animal l'est aussi dans ses affections, dans ses aversions, dans le sentiment qu'il a du beau. En outre, il y a de bonnes raisons de supposer que l'animal aime la nouveauté pour elle-même. Croyance en Dieu. — IleUyion. — Bien ne prouve que l'homme ait été primitivement doué de la croyance à l'existence d'un Dieu omnipotent. Nous possédons, au contraire, des preuves nombreuses que nous ont fournies, non pas des voyageurs de passage, mais des hommes ayant longtemps vécu avec les sauvages, d'où il ré- sulte qu'il a existé et qu'il existe encore un grand nombre de peu- pladtîs (|ui ne croient ni à un ni à plusieurs dieux, et qui n'ont même pas , dans leur langue , de mot pour exprimer l'idée de la divinité '*. Cette question est, cela va sans dire, distincte de celle d'ordre plus élevé, de savoir s'il existe un Créateur maître de l'uni- vers, question à laquelle les plus hautes intelligences de tous les temps ont répondu affirmativement. Toutefois, si nous entendons par le terme religion la croyance 7:L Thr Sperlator, 4 cléc. 1869. \>. 1 WO. 74. N'oirsiir ct> .sujet un pxcfllont article du rév. F.-W. Farrar. dans Aiithra- fioluifiml firiirir, août 1861. )). < cxvii. Tour d aiUres faits, voir sir J. LuMiock, Prrhistuvii: Titttrs, 2" édit., 1869, ji. "iôl, et surtout les chajiitres sur la relipion, dans son ()rt<)in nf Cirilisntioii. 870. 100 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. ;ire Partie]. à des agents invisibles ou spirituels, le cas est tout différent, car cette croyance paraît être presque universelle chez les races les moins civilisées. Il n'est, d'ailleurs, pas difficile d'en comprendre l'origine. Dès que les facultés importantes de l'imagination, de l'é- tonnement et de la curiosité, outre quelque puissance de raisonne- ment, se sont partiellement développées , l'homme a dû naturelle- ment chercher à comprendre ce qui se passait autour de lui , et à spéculer vaguement sur sa propre existence. « L'homme, dit M. M' Lennan''^ est poussé, ne fût-ce que pour sa propre satisfac- tion, à inventer quelque explication des phénomènes de la vie; et, à en juger d'après son universalité , la première , la plus simple hypothèse qui se soit présentée à lui, semble avoir été qu'on peut attribuer les phénomènes naturels à la présence, dans les animaux, dans lesplantes, dans les choses, dans les forces de la nature, d'es- prits inspirant les actions, esprits semblables à celui dont l'homme se conçoit lui-même le possesseur. » Il est aussi très probable, ainsi le démontre M. Tylor, que la première notion des esprits ait pris son origine dans le rêve, car les sauvages n'établissent guère aucune distinction entre les impressions subjectives et les impres- sions objectives. Le sauvage, qui voit des figures en songe, pense que ces figures viennent de loin et qu'elles lui sont supérieures; ou bien encore que « l'àme du rêveur part en voyage , et revient avec le souvenir de ce qu'elle a vu^*. » Mais il fallait que les facul- tés dont nous avons parlé, c'est-à-dire l'imagination, la curiosité, la raison, etc., eussent acquis, déjà, un degré considérable de déve- loppement dans l'esprit humain, pour que les rêves pussent amener l'homme à croire aux esprits ; car, auparavant, ses rêves ne devaient 75. The Worship of Animais and Plants, dans Fortnightly Review, oct. 1, 1869, p. 422. 7(5. Tylor, Eai'ly History of Mankind, 1865, p. 6. Voir aussi les trois excel- ents chapitres sur le développement de la religion dans les Origines de la Civili- sation (1870), de Lubbock. De même, M. Herbert Spencer, dans son ingénieux article dans la Fortnightly Review (mai I, 1870, p. 535), explique les premières phases des croyances religieuses dans le monde, par le fait que Thomme est conduit par les rêves, les ombres et autres causes, à se considérer comme ayant une double essence, corporelle et spirituelle. Comme l'être spirituel est supposé exister après la mort, et avoir une puissance, on se le rend fiivorable par divers dons et cérémonies, et on invoque son secours. Il montre ensuite que les noms ou surnoms d'animaux ou autres objets qu'on donne aux premiers ancêtres ou fondateurs d'une tribu, sont, au bout d'un temps fort long, supposés représenter l'ancêtre réel de la tribu, et cet animal ou cet objet est alors naturellement considéré comme existant à l'état d'esprit, tenu pour sacré et adoré comme un dieu. Toutefoisje ne puis m'empécher de soupçonner qu'il y ait eu un état encore plus ancien et plus grossier, où tout ce qui manifestait le pouvoir ou le mouve- ment était regardé comme doué de quelque forme de vie et pourvu de facultés mentales analogues aux nôtres. [Chap. Iir. FACULTKS MENTALES. 101 pas avoir plus d'influence sur son esprit que les rêves d'un chien n'en ont sur le sien. Un petit fait, que j'ai eu occasion d'observer chez un chien qui m'appartenait, peut faire comprendre la tendance qu'ont les sau- vages à s'imaginer que des essences spirituelles vivantes sont la cause déterminante de toute vie et de tout mouvement. Mon chien, animal assez âgé et très raisonnable , était couché sur le gazon un jour que le temps était très chaud et très lourd; à quelque distance de lui se trouvait une ombrelle ouverte que la brise agitait de temps en temps ; il n'eût certainement fait aucune attention à ces mouve- ments de l'ombrelle si quelqu'un eiH été auprès. Or, chaque fois que l'ombrelle bougeait, si peu que ce fût, le chien se mettait à gronder et à aboyer avec fureur. Un raisonnement rapide, incon- scient, devait dans ce moment traverser son esprit ; il se disait, sans doute, que ce mouvement sans cause apparente, indiquait la pré- sence de quelque agent étranger, et il aboyait pour chasser l'intrus qui n'avait aucun droit à pénétrer dans la propriété de son maître. Il n'y a qu'un pas, facile à franchir, de la croyance aux esprits à celle de l'existence d'un ou de plusieurs dieux. Les sauvages, en eiïel, attribuent naturellement aux esprits les mêmes passions, la même soif de vengeance, forme la plus simple de la justice, les mêmes affections que celles qu'ils éprouvent eux-mêmes. Les Fué- giens paraissent, sous ce rapport, se trouver dans un état intermé- diaire, car lorsque, à bord du Bengle, le chirurgien tua quelques canards pour enrichir sa collection, Yorck Minster s'écria de la manière la plus solennelle : « Oh! }A. Bynoe, beaucoup de pluie, beaucoup de neige, beaucoup de vent; » c'était évidemment là pour lui lu punition qui devait nous atteindre , car nous avions gaspillé des aliments propres à la nourriture de l'homme. Ainsi, il nous racontait que son frère ayant tué un << sauvage », les orages avaient longtemps régné, et qu'il était tombé beaucoup de pluie et de neige. Et cependant les Fuégiens ne croyaient à rien que nous puissions appeler un Dieu, et ne pratiquaient aucune cérémonie religieuse; Jemmy Bulton soutenait résolument, avec un juste orgueil, qu'il n'y avait pas de diables dans son pays. Cette dernière assertion est d'autant plus remarquable, que les sauvages croient bien plus faci- lement aux mauvais esprits qu'aux bons. Le sentiment de la dévotion religieuse est très complexe; il se compose d'amour, d'une soumission complète à un être mystérieux et supérieur, d'un vif sentiment de dépendance ", de craint»;, de 77. Voir lin article remarquable sur les Eléments psi/chiqucs de In rrliginn, par M.-L. Owen l'ike, dans Atilfiropoloffical Hrview, avril 1870, p. i.xiii. 102 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. fl" Partie]. respect, de reconnaissance, d'espoir pour l'avenir, et peut-être encore d'autres éléments. Aucun être ne saurait éprouver une émo- tion aussi complexe , à moins que ses facultés morales et intellec- tuelles n'aient acquis un développement assez considérable. Nous remarquons, néanmoins, quelque analogie, bien faible il est vrai, entre cet état d'esprit et l'amour profond qu'a le chien pour son maître, amour auquel se joignent une soumission complète, un peu de crainte et peut-être d'autres sentiments. La conduite du chien, lorsqu'il retrouve son maître après une absence, et, je puis l'ajou- ter, celle d'un singe vis-à-vis de son gardien qu'il adore, est très différente de celle que tiennent ces animaux vis-à-vis de leurs sem- blables. Dans ce dernier cas, les transports de joie paraissent être moins intenses, et toutes les actions manifestent plus d'égalité. Le professeur Braubach ''^ va jusqu'à soutenir que le chien regarde son maître comme un dieu. Les mêmes hautes facultés mentales qui ont tout d'abord poussé l'homme à croire à des esprits invisibles, puis qui l'ont conduit au fétichisme, au polythéisme, et enfin au monothéisme, devaient fata- lement lui faire adopter des coutumes et des superstitions étranges tant que sa raison est restée peu développée. Au nombre de ces coutumes et de ces superstitions il y en a eu de terribles : — les sacrifices d'êtres humains immolés à un dieu sanguinaire ; les inno- cents soumis aux épreuves du poison ou du feu ; la sorcellerie, etc. Il est, cependant, utile de penser quelquefois à ces superstitions, car nous comprenons alors tout ce que nous devons aux progrès de la rai- son, à la science et à toutes nos connaissances accumulées. Ainsi que l'a si bien fait remarquer sir J. Lubbock ''' : « Nous n'exagérons pas en disant qu'une crainte, qu'une terreur constante de l'inconnu couvre la vie sauvage d'un nuage épais et en empoisonne tous les plaisirs. » On peut comparer aux erreurs incidentes que l'on re- marque parfois dans l'instinct des animaux cet avortement misé- rable, ces conséquences indirectes de nos plus hautes facultés. 78. Religion, Moral, etc., der Dai'win'schen Art-Lehre, 1869, p. 53. On affirme (Docteur W. Lauder Lindsay, Journal of meiital Science, 1871, p. 43) que Bacon et que le poète Burns partageaient la même opinion. 79. Preliistoric Times, 2e édit., p. 571. On trouvera dans cet ouvrage (p. 553) une excellente description de beaucoup de coutumes bizarres et capricieuses des sauvages. [Chap. IV]. SENS MORAL. 103 CHAPITRE IV COMPARAISON DES FACrLTÉS MENTALES DE l'hOMME AVEC CELLES DES ANIMAl'.K (sUITe). Le sens moral. — Proposition fondamentale. — Les qualités des animaux sociables. — Origine de la sociabilité. — Lutte entre les instincts contraires. — L'homme, animal sociable. — Les instincts sociaux durables l'empor- tent sur d'autres instincts moins persistants. — Les sauvages n'estiment que les vertus sociales. — Les vertus personnelles s'acquièrent à une phase postérieure du développement. — Importance du jugement des membres d'une même communauté sur la conduite. — Transmission des tendances morales. — Résumé. Jp partago ontièrement l'opinion des savants ' qui affirment que, (Je toutes les différences existant entre l'homme et les animaux, c'est le sens moral ou la conscience, qui est de beaucoup la plus importante. Le sens moral, ainsi que le fait remarquer Mackintosh *, << l'emporte ajuste titre sur tout autre principe d'action himiaine ; » il se résume dans ce mot court, mais impérieux, le devoir, dont la signification est si élevée. C'est le plus noble attribut de l'homme, qui le pousse à risquer, sans hésitation, sa vie pour celle d'un de ses semblables ; ou l'amène, après milre délibération, à la sacrifier à quelque grande cause, sous la seule impulsion d'un profond sen- timent de droit ou de devoir. Kant s'écrie : « Devoir! pensée mer- veilleuse qui n'agis ni par l'insinuation, ni par la flatterie, ni par la menace , mais en te contentant de te présenter à l'âme dans ton aus- tère simplicité; lu commandes ainsi le respect, sinon toujours Tobéissanee; devant toi tous les appétits restent muets, si rebel- Ifs (|u'ils soient en secret; d'où tires-tu ton origine '? » Hirn (les écrivains de grand mérite ont discuté cette immense question *; si je l'eflleure ici, c'est qu'il m'est impossible de la passer sous silence, et que personne, autant que je le sache toute- fois, ne l'a abordée exclusivement au point de vue de l'histoire nalurelle. La recherche en elle-même offre, d'ailleurs, un vif intérêt, puisqu'elle nous permet de déterminer jusqu'à quel point l'étude 1. Voir par exemple, sur ce sujet, de Quatrefages, L'nité de l'espèce htimaine , 18G1. p. 21. etc. 2. Disitertntion on Ethiml Pliilosophy, 1837, p. 2:51. :{. J.-W. Semple, Mptnpliysics of Elhics, Edimbourg, 183(j, p. 136. 4. Dans son ouvrage, Mental and morni science, 1868, pp. 543, 725, M. Bain cite une liste de vingt-six auteurs anglais qui ont traité ce sujet; à ces noms bien connusj'ajouterai celui de M. Bain lui-même et ceux deMM.Lecky, Shad- wortli Hodgson, et sir ,1. Lubbock, pour n'en citer que quelques-uns. 104 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [!« PartikI. des animaux inférieurs peut jeter quelque lumière sur une des plus hautes facultés psychiques de l'homme. La proposition suivante me paraît avoir un haut degré de pro- babilité : un animal quelconque, doué d'instincts sociaux prononcés *, en comprenant, bien entendu, au nombre de ces instincts, l'affection des parents pour leurs enfants et celle des enfants pour leurs pa- rents, acquerrait inévitablement un sens moral ou une conscience, aussitôt que ses facultés intellectuelles se seraient développées aussi complètement ou presque aussi complètement qu'elles le sont chez rhomme. Premièremenl, en effet, les instincts sociaux poussent l'animal à trouver du plaisir dans la société de ses semblables , à éprouver une certaine sympathie pour eux , et à leur rendre divers services. Ces services peuvent avoir une nature définie et évidem- ment instinctive ; ou n'être qu'une disposition ou qu'un désir qui pousse à les aider d'une manière générale, comme cela arrive chez les animaux sociables supérieurs. Ces sentiments et ces services ne s'étendent nullement, d'ailleurs , à tous les individus apparte- nante la même espèce, mais seulement à ceux qui font partie de la même association. Secondement : une fois les facultés intellectuelles hautement développées, le cerveau de chaque individu est constam- ment rempli par l'image de toutes ses actions passées et par les motifs qui l'ont poussé à agir comme il l'a fait; or il doit éprouver ce sentiment de regret qui résulte invariablement d'un instinct auquel il n'a pas été satisfait, ainsi que nous le verrons plus loin , chaque fois qu'il s'aperçoit que l'instinct social actuel et persistant 0. Sir B. Brodie, après avoir fait observer [Psychological Enquiries, 185i, p. 192) que l'homme est un animal sociable, pose une importante question : « Ceci ne devrait-il pas trancher la discussion sur l'existence du sens moral"? » Des idées analogues ont dû venir à beaucoup de personnes, comme cela est arrivé, il y a longtemps, à Marc-Aurèle. M. J.-S. Mill, dans son célèbre ouvrage, L'tilita- rianism (1864, p. 46), parle du sentiment social comme « d'un puissant senti- ment naturel », et le considère comme « la base naturelle du sentiment de la moralité utilitaire » . Puis il ajoute : « Comme toutes les autres facultés acquises auxquelles j'ai déjà fait allusion, la faculté morale, si elle ne fait pas partie de notre nature, en est, pour ainsi dire, une excroissance naturelle, sus- ceptible dans une certaine mesure de surgir spontanément comme toutes les autres facultés. » Mais, contrairement à cette assertion, il fait aussi remarquer que « si, comme je le crois, les sentiments moraux ne sont pas innés, mais acquis, ils n'en sont pas pour cela moins naturels. » Ce n'est pas sans hésita- tion que j'ose avoir un avis contraire à celui d'un penseur si profond, mais on ne peut guère contester que les sentiments sociaux sont instinctifs ou innés chez les animaux inférieurs; pourquoi donc ne le seraient-ils pas chez l'homme? M. Bain {the Emotions andthe Will, 1865, p. 481 1 et d'autres croient que chaque individu acquiert le sens moral pendant le cours de sa vie. Ceci est au moins fort improbable étant donnée la théorie générale de l'évolution. Il me semble que M. Mill a commis une erreur fâcheuse en n'admettant pas la transmission héréditaire des qualités mentales. [Chap. IVI. sens moral. 105 a cédé chez lui à quelque uulre instinct, plus puissant sur le mo- ment, mais qui n'est ni permanent par sa nature, ni susceptible de laisser une impression bien vive. Il est évident qu'un grand nombre de désirs instinctifs, tels que celui de la faim, n'ont, par leur nature même, qu'une courte durée; dès qu'ils sont satisfaits, le souvenir de ces instincts s'efface, car ils ne laissent qu'une trace légère. Troisièmement : dès le développement de la faculté du langage et, par conséquent, dès que les membres d'une même association peu- vent clairement exprimer leurs désirs, l'opinion commune, sur le moile suivant lequel chaque membre doit concourir au bien public, devient naturellement le principal guide il'action. Mais il faut tou- jours se rappeler que, quelque poids (ju'on attribue à l'opinion pu- blique, le respect que nous avons pour l'approbation ou le blâme exprimé par nos semblables dépend de la sympathie, qui, comme nous le verrons, constitue une partie essentielle de l'instincl social et en est même la base. Enfin, l'habitude, chez l'individu, joue un rôle fort important dans la direction de la conduite de chaque membre d'une association ; car la sympathie et l'instinct social, comme tous les autres instincts, de même que l'obéissance aux désirs et aux jugements do la communauté, se fortifient considéra- blement par l'habitude. Nous allons maintenant discuter ces di- verses propositions subordonnées, et en traiter quelques-unes en détail. Je dois faire remarquer d'abord que je n'entends pas affirmer qu'un animal rigoureusement sociable, en admettant que ses facultés intellectuelles devinssent aussi actives et aussi hautement développées que celles de l'homme, doive acquérir exactement le même sens moral que le nôtre. De même que divers animaux pos- sèdent un c»;rtain sens du beau, bien qu'ils admirent des objets très différents, de même aussi ils pourraient avoir le sens du bien et du mal, et être conduits par ce sentiment à adopter des lignes de con- duite très différentes. Si, par exemple, pour prendre un cas extrême, les hommes se reproduisaient dans des conditions identiques à celles des abeilles, il n'est pas douteux que nos femelles non ma- riées, de même que les abeilles ouvrières, considéreraient comme un devoir sacré de tuer leurs frères, et que les mères chercheraient à détruire leurs filles fécondes, sans que personne songeât à inter- venir '. Néanmoins il me semble que, dans le cas que nous suppo- G. .M. H. Sidgwick, qui a discuté ce sujet de façon très remarquable [Ac/it/e»ii/, 1.") juin 1872, |). 231), fait r.'niarquer « (ju'une abeille très intelligente essaierait, nous |)ouvons en être assures.de trouver une solution plus douce à la ((Ueslion de la population. •> Toutefois, à en juger par les coutumes de la ])lupart des 106 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. jlre Partie]. sons, l'abeille, ou tout autre animal sociable, acquerrait quelque sentiment du bien et du mal, c'est-à-dire une conscience. Chaque individu , en effet, aurait le sens intime qu'il possède certains in- stincts plus forts ou plus persistants, et d'autres qui le sont moins ; il aui-ait, en conséquence, à lutter intérieurement pour se décider à suivre telle ou telle impulsion ; il éprouverait un sentiment de sa- tisfaction, de regret, ou même de remords, à mesure qu'il com- parerait à sa conduite présente ses impressions passées qui se représenteraient incessamment à son esprit. Dans ce cas, un con- seiller intérieur indiquerait à l'animal qu'il aurait mieux fait de suivre une impulsion plutôt qu'une autre. Il comprendrait qu'il aurait dû suivre une direction plutôt qu'une autre ; que l'une était bonne et l'autre mauvaise ; mais j'aurai à revenir sur ce point. Sociabilité. — Plusieurs espèces d'animaux sont sociables; cer- taines espèces distinctes s'associent même les unes aux autres, quelques singes américains, par exemple, et les bandes unies de corneilles, de freux et d'étourneaux. L'homme manifeste le même sentiment dans son affection pour le chien, affection que ce dernier lui rend avec usure. Chacun a remarqué combien les chevaux, les chiens, les moutons, etc., sont malheureux, lorsqu'on les sépare de leurs compagnons; et combien les deux premières espèces sur- tout se témoignent d'affection lorsqu'on les réunit. Il est curieux de se demander quels sont les sentiments d'un chien qui se tient tranquille dans une chambre, pendant des heures, avec son maître ou avec un membre de la famille, sans qu'on fasse la moindre attention à lui , tandis que, si on le laisse seul un instant, il se met à aboyer ou à hurler tristement. Nous bornerons nos remarques aux animaux sociables les plus élevés, à l'exclusion des insectes, bien que ces derniers s'entr'aident de bien des manières. Le ser- vice que les animaux supérieurs se rendent le plus ordinairement les uns aux autres est de s'avertir réciproquement du danger au sauvages, l'homme résout le problème par le meurtre des enfants femelles, par la polyandrie et par la communauté des femmes; on est en droit de douter que ces méthodes soient beaucoup plus douces. Miss Cobbe, en discutant le même exemple {Darwinism in Morols, Theologicnl Review, avril 1872, pp. 188-191), soutient (jue les principes du devoir social seraient ainsi violés. Elle entend par là, je suppose, que l'accomplissement d'un devoir social deviendrait nui- sible aux individus ; mais il me semble qu'elle oublie, ce qu'elle doit cependant admettre, que l'abeille a acquis ces instincts parce qu'ils sont avantageux pour la communauté. Miss Cobbe va jusqu'à dire que, si on admettait généralement la théorie de la morale exposée dans ce chapitre, « l'heure du triomphe de cette théorie sonnerait en même temps le signal funèbre de la destruction de la vertu chez l'humanité! » Il faut espérer que la persistance de la vertu sur cette terre ne repose pas sur des bases aussi fragiles. [Chap. IVi. SENS MORAL. 107 moyen de l'union des sens de tous. Les chasseurs savent, ainsi que le fait remarquer le D' Jaeger ^, combien il est difficile d'ap- procher d'animaux réunis en troupeau. Je crois que ni les che- vaux sauvages, ni les bestiaux , ne font entendre un signal de dan- ger; mais l'attitude que prend le premier qui aperçoit l'ennemi avertit les autres. Les lapins frappent fortement le sol de leurs pattes postérieures comme signal d'un danger; les moutons et les chamois font de même, mais avec les pieds de devant, et lancent en même temps un coup de sifllot. Beaucoup d'oiseaux et quelques mammifères placent des sentinelles, qu'on dit être généralement des femelles chez les phoques *. Le chef d'une troupe de singes en est la sentinelle, et pousse des cris pour indiquer, soit le danger, soit la sécurité '. Les animaux sociables se rendent une foule de petits services réciproques, les chevaux se mordillent et les vaches se lèchent mutuellement sur les points où ils éprouvent quelque démangeaison; les singes se débarrassent les uns les autres de leurs parasites; Brehm assure que, lorsqu'une bande de Cerrupithe- cus griseu-viràlis a traversé une fougéro épineuse, chaqutî singe s'étend à tour de rùlf sur une branche, et est aussitôt visité par un d<; ses camarades, qui examine avec soin sa fourrure et en extrait toutes les épines. Les animaux se rendent encore des services plus importants : ainsi les loups et quelques autres bêtes féroces chassent par ban- des t't s'aident mutuellement pour attaquer leurs victimes. Les pé- licans pèchent de concert. Les hamadryas soulèvent les pierres pour chercher des insectes, etc., et, quand ils en rencontrent une trop grosse, ils se mettent autour en aussi grand nombre que possi- ble pour la soulever, la retournent et se partagent le butin. Les animaux sociables se défendent réciproquement. Les bisons mâles, dans r.Xmérique du Nord, placent, au moment du danger, les fe- melles et les jeunes au milieu du troupeau, et les entourent pour les défendre. Je citerai, dans un chapitre subséquent, l'exempl»; de deux jeunes taureaux sauvages à Chillingham, qui se réunirent pour attaquer un vieux taureau , et de deux étalons cherchant en- semble à en chasser un troisième loin d'un troupeau de juments. Hrehm rencontra, en Abyssinie, une grande troupe de babouins 7. Die haruinxche Throrie, p. 101. 8. .M. H. Hrowii, Prorcrdings /ooloif. Sov., 181)8, p. 409. 9. Brehm, T/iirrlrben, vol. I, 18Gi, pp. .'J2, 79. l'oiir 1«» cas des siiij/e.s qui se «iébarrasseiit mutuellement des épines, p. 54. Le fait des hamadrvas qui re- tournent les pierres est donné (p. 79) sur l'autorité d'Alvarez, aux observations duquel Hrehm croit qu'on peut avoir confiance, ^'oy. p. 79 pour les cas de vieux babouins attaquant les chiens, et pour l'ait-'l*^. p- •"'•>• 108 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. fire Partie]. qui traversaient une vallée ; une partie avait déjà gravi la montagne opposée, les autres étaient encore dans la vallée. Ces derniers fu- rent attaqués par des chiens; aussitôt les vieux mâles se précipitè- rent en bas des rochers, la bouche ouverte et poussant des cris si terribles que les chiens battirent en retraite. On encouragea ceux-ci aune nouvelle attaque, mais dans l'intervalle tous les babouins avaient remonté sur les hauteurs, à l'exception toutefois d'un jeune ayant six mois environ , qui , grimpé sur un bloc de rocher où il fut entouré, appelait à grands cris à son secours. Un des plus grands mâles, véritable héros, redescendit la montagne, se rendit lentement vers le jeune, le rassura, et l'emmena triomphalement, — les chiens étaient trop étonnés pour l'attaquer. Je ne puis résis- ter au désir de citer une autre scène qu'a observée le même natu- raliste : un jeune cercopithèque, saisi par un aigle, s'accrocha à une branche et ne fut pas enlevé d'emblée ; il se mit à crier au secours ; les autres membres de la bande arrivèrent en poussant de grands cris , entourèrent l'aigle , et lui arrachèrent tant de plumes , qu'il lâcha sa proie et ne songea plus qu'à s'échapper. Brehm fait remar- quer avec raison que désormais cet aigle ne se hasardera proba- blement plus à attaquer un singe faisant partie d'une troupe '". Il est évident que les animaux associés ressentent des sentiments d'affection réciproque, qui n'existent pas chez les animaux adultes non sociables. Il est plus douteux qu'ils éprouvent de la sympathie pour les peines ouïes plaisirs de leurs congénères, surtout pour les plaisirs. M. Buxton a pu, toutefois, constater, grâce à d'excel- lents moyens d'observation ", que ses perroquets, vivant en liberté dans le Norfolk, prenaient un intérêt considérable à un couple qui avait un nid; ils entouraient la femelle « en poussant d'effroyables cris pour l'acclamer, toutes les fois qu'elle quittait son nid. » Il est souvent difficile déjuger si les animaux éprouvent quelque sentiment de pitié pour les souffrances de leurs semblables. Qui peut dire ce que ressentent les vaches lorsqu'elles entourent et fixent du regard une de leurs camarades morte ou mourante? 11 est probable, cependant, que, comme le fait remarquer Houzeau, elles ne ressentent aucune pitié. L'absence de toute sympathie chez les 10. M. Belt raconte que dans une forêt du Nicaragua il entendit un ateles crier pendant deux heures de suite; il finit par s'approcher et vit un aigle per- ché sur une branche tout auprès du singe. L'oiseau semblait hésiter à attaquer le singe tant que celui-ci le regardait bien en face. M. Belt, qui a étudié avec tant de soin les habitudes des singes de ce pays, croit pouvoir affirmer qu'ils vont toujours par groupes de deux ou trois pour se défendre contre les aigles. The Naturalist in Nicaragua, ISli, p. 118. 11. Aniittls and Mag. of Nat. Histonj, nov. 1868, p. 3S2. [Chap. IV). SENS MORAL. 109 animaux n'est quelquefois que trop certaine, car on les voit expul- ser du troupeau un animal blessé, ou le poursuivre et le persécuter jusqu'à la mort. C'est là le fait le plus horrible que relate l'histoire naturelle, à moins que l'explication qu'on en a donnée soit la vraie, c'est-à-dire que leur instinct ou leur raison les pousse à expulser un compagnon blessé, de peur que les bêtes féroces, l'homme compris, ne soient tentés de suivre la troupe. Dans ce cas, leur conduite ne serait pas beaucoup plus coupable que celle des In- diens de l'Amérique du .Nord qui laissent périr dans la plaine leurs camarades trop faibles pour les suivre, ou que celle des Fijiens qui enterrent vivants leurs parents âgés ou malades '*. Beaucoup d'animaux, toutefois, font certainement preuve de sympathie réciproque dans des circonstances dangereuses ou mal- heureuses. On observe cette sympathie même chez les oiseaux. Le capitaine Stansbury " a rencontré, sur les bords d'un lac salé de rUlah, un pélican vieux et complètement aveugle qui était fort gras, et qui devait être nourri depuis longtemps par ses compa- gnons. M, Blyth m'informe qu'il a vu des corbeaux indiens nourrir deux ou trois de leurs compagnons aveugles, et j'ai eu connaissance d'un fait analogue observé chez un coq domestique. Nous pouvons, si bon nous semble, considérer ces actes comme instinctifs; mais les exemples sont trop rares pour qu'on puisse admettre le dévelop- pement d'aucun instinct spécial '\ J'ai moi-même vu un chien qui ne passait jamais à côté d'un de ses grands amis, un chat malade dans un panier, sans le lécher en passant, le signe le plus certain d'un bon sentiment chez le chien. Il faut bit'ii appeler sympathie le sentiment qui porte le chien courageux à s'élancer sur qui frappe son maître, ce qu'il n'hésite pas à faire. Jai vu une personne simuler de frapper une dame ayant sur ses genoux un chien fort petit et très timide; on n'avait jamais fait cet essai. Le p<;tit chien s'éloigna aussitôt, mais, après que les coups eurent cessé , il vint lécher la ligure de sa maîtresse, et il était vraiment touchant de voir tous les elforts qu'il faisait jiour la consoler. Brehm '* constate que, lorsqu'on poursuivait un ba- 12. sir .1. Lulihock, Preftislorir Times, 2'' étlit.. p. iiG. 13. Cité par M. L.-H .Mcir^r;»". Thr Amrriam Henvrr, 1«68, p. 272. Lo capitaine Stanshury raconte (juun très jeune pelicm, enipf>rl»; par un fort courant, fut jruiile et encouragé dans ses efforts pour atteindre la rive ()ar une demi-douzaine de vieux oiseaux. li. Comme le dit M. Hain : « Vm secours efTectif porte à un être souffrant émane dun sentiment de pure svmpathie. » {Mental aii'l Moral .sricnrr, IStiS, P.24.Ï.) 15. Thirtlrheti, I, p. 85. 110 LA DESCENDANTE DE L'HOMME. [!'« Partie-. bouin en captivité pour le punir, les autres cherchaient à le proté- ger. Ce devait être la sympathie qui poussait , dans les exemples que nous venons de citer, les babouins et les cercopithèques à dé- fendre leurs jeunes camarades contre les chiens et contre Taigle. Je me bornerai à citer un seul autre exemple de conduite sympa- thique et héroïque de la part d'un petit singe américain. Il y a quel- ques années . un gardien du Jardin zoologique me montra quelques blessures profondes, à peine cicatrisées, que lui avait faites au cou un babouin féroce, pendant qu'il était occupé à côté de lui. Un petit singe américain, grand ami du gardien, vivait dans le même compartiment, et avait une peur horrible du babouin. Néanmoins, dès qu'il vit son ami le gardien en péril, il s'élança à son secours, et tourmenta tellement le babouin, par ses morsures et par ses cris, que l'homme, après avoir couru de grands dangers pour sa vie, put s'échapper. Outre Tamour et la sympathie, les animaux possèdent d'autres qualités que chez l'homme nous regardons comme des qualités mo- rales, et je suis d'accord avec Agassiz '* pour reconnaître que le chien possède quelque chose qui ressemble beaucoup à la con- science. Le chien a certainement un certain empire sur lui-même, et cette qualité ne parait pas provenir entièrement de la crainte. Le chien, comme le fait remarquer Braubach •* s'abstient de voler des ali- ments en l'absence de son maître. Depuis très longtemps, on re- garde les chiens comme le type de la fidélité et de l'obéissance. L'éléphant est aussi très fidèle à son gardien qu'il regarde proba- blement comme le chef de la troupe. Le D"" Hooker ma raconté qu'un éléphant sur lequel il voyageait dans l'Inde s'enfonça un jour si complètement dans une tourbière qu'il lui fut impossible de se dégager et qu'on dut l'extraire le lendemain à grand renfort de cordes. Dans ces occasions les éléphants saisissent avec leur trompe tout ce qui est à leur portée , chose ou individu, et le placent sous leurs genoux pour éviter d'enfoncer davantage dans la boue. Aussi le cornac craiguait-il que l'animal ne saisit le D' Hooker pour le placer au-dessous de lui dans la tourbière. Quant au cornac lui- même, il n'avait absolument rien à craindre : or, cet empire sur soi- même, dans une circonstance si épouvantable pour un animal très pesant, est certainement une preuve étonnante de noble fidélité '*. Tous les animaux vivant en troupe, qui se défendent l'un l'autre, 16. Df CEspèce et de la Classe. 1869. p. 97. 17. Die Danrin'sche Arl-Le/ire. 1869. p. 54. 18. Voir aussi Hooker, Himalaycn Jounia/s, vol. H. 1854. p. 333. ttHAi'. IV I. SENS MORAL. 111 OU qui se réunissent pour allaquer leurs ennemis, doivent, dans une certaine mesure, avoir de la lidélilé les uns pour les autres; ceux qui suivent un chef doivent lui obéir jusqu'à un certain point. Les babouins qui, en Abyssinie '*, vont en troupe piller un jardin, suivent leur chef en silence. Si un jeune animal imprudent fait du bruit, les autres lui donnent une claque pour lui enseigner le silence et robéissance. M. Tialton **, ipii a eu d'excellentes occasions d'étu- ilier les bestiaux à demi sauvaires de l'Afrique méridionale, affirme qu'ils ne peuvent supporter même une séparation momentanée de leur troupeau. Ces bestiaux semblent avoir le sentiment inné de l'obéissance ; ils ne demandent qu'à se laisser guider par celui d'entre eux qui a assez de confiance en soi pour accepter lu posi- tion de chef. Les hommes qui dressent ces animaux à la voiture choisissent avec soin pour en faire les chefs d'un attelage ceux qui, en s'éloignant de leurs congénères pour brouter, prouvent ainsi qu'il ont une certaine dose de volonté. M. Galton ajoute que ces der- niers sont rares et qu'ils ont, par conséquent, beaucoup de valeur; d'ailleurs, ils sont vite éliminés, car les lions sont toujours à l'alfùt pour saisir ceux qui s'écartent du troupeau. Quant à l'impulsion, qui conduit certains animaux à s'associer et à s'entr'aider de diverses manières, nous pouvons conclure (pie, dans la plupart des cas, ils sont poussés par les mêmes sentiments de joie et de plaisir que leur procure la satisfaction tl'autres actions instinctives, ou par le sentiment de regret que l'instinct non satisfait laisse toujours après lui. Nous pourrions citer, à cet égard, d'innombrables exemples, et les instincts acquis (le nos animaux domestiques nous fournissent quelques-uns des [)lus frappants : ainsi, un jeune chien de berger est heureux de conduire un troupeau de moulons, il court joyeusement autour du troupeau, mais sans harceler les moutons; un jeune chien, dressé à chasser le renard, aime à poursuivre cet animal, tandis que d'au- tres chiens, ainsi que j'en ai été témoin, semblent s'étonner du plaisir qu'il y prend. Quel immense bonheur intime ne doit pas ressentir l'oiseau, j)our qu'il consente, lui, si plein d'activité, à cou- ver ses œufs pendant des journées entières! Les oiseaux migrateurs sont malheureux si on les empêche d'émigrer, et peut-être éprou- vent-ils de la joie à entreprendre leur long voyage; mais il est dif- ficile de croire (pie l'oie décrit»; par .Vudubon, à laquelle on avait attaché les ailes et qui, le temps venu, n'en partit pas moins à i)ied 10. Brehni, T/iirrlebrn, I, p. 76. :20. Voir son très intéressant mémoire, Gre'jnriou'mcss in Cultlf and m Mnn, — Mnciiiillnn Magazine, l'ev. 1871, \t. 353. 112 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [Jrc Partie]. pour faire son long voyage de plusieurs milliers de kilomètres, ait pu ressentir une joie quelconque en se mettant en route. Quelques instincts dérivent seulement de sentiments pénibles, tels que la crainte, qui conduit à la conservation de soi-même, ou qui met en garde contre certains ennemis. Je crois que personne ne peut ana- lyser les sensations du plaisir ou de la peine. 11 est toutefois proba- ble que , dans beaucoup de cas , les instincts se perpétuent par la seule force de l'hérédité, sans le stimulant du plaisir ou de la peine. Un jeune chien d'arrêt, flairant le gibier pour la première fois, semble ne pas pouvoir s'empêcher de tomber en arrêt. L'écureuil dans sa cage, qui cherche à enterrer les noisettes qu'il ne peut manger, n'est certainement pas poussé à cet acte par un sentiment de peine ou de plaisir. Il en résulte que l'opinion commune qui veut que l'homme n'accomplisse une action que sous l'influence d'un plaisir ou d'une peine, peut être erronée. Bien qu'une habitude puisse devenir aveugle ou involontaire, abstraction faite de toute impression de plaisir ou de peine éprouvée sur le moment, il n'en est pas moins vrai que la suppression brusque et forcée de cette habitude entraîne , en général , un vague sentiment de regret. On a souvent affirmé que les animaux sont d'abord devenus so- ciables, et que, en conséquence, ils éprouvent du chagrin lorsqu'ils sont séparés les uns des autres, et ressentent de la joie lorsqu'ils sont réunis ; mais il est bien plus probable que ces sensations se sont développées les premières, pour déterminer les animaux qui pouvaient tirer un parti avantageux de la vie en société à s'associer les uns aux autres; de même que le sentiment de la faim et le plai- sir de manger ont été acquis d'abord pour engager les animaux à se nourrir. L'impression de plaisir que procure la société est pro- bablement une extension des affections de parenté ou des affections filiales ; on peut attribuer cette extension principalement à la sélec- tion naturelle, et peut-être aussi, en partie, à l'habitude. Car, chez les animaux pour lesquels la vie sociale est avantageuse, les indi- vidus qui trouvent le plus de plaisir à être réunis peuvent le mieux échapper à divers dangers, tandis que ceux qui s'inquiètent moins de leurs camarades et qui vivent solitaires, doivent périr en plus grand nombre. Il est inutile de spéculer sur l'origine de l'affection des parents pour leurs enfants et de ceux-ci pour leurs parents ; ces affections constituent évidemment la base des affections sociales; mais nous pouvons admettre qu'elles ont été, dans une grande mesure, produites par la sélection naturelle. On peut, presque certainement, en efl'et, attribuer à la sélection naturelle le senti- ment extraordinaire et tout opposé de la haine entre les parents [Chm-. IV]. SKNS MORAL. 113 les plus proches; ainsi, par exemple, les abeilles ouvrières qui luent leurs frères et les reines-abeilles qui détruisent leurs pro|)res filles, car le désir de détruire leurs proches parents, au lieu de les aimer, constitue, dans ce cas, un avantage pour la communauté. On a observé chez certains animau.x placés extrêmement bas sur l'échelle, chez les astéries ou les araignées, par exemple, l'exis- tence de TatTection paternelle, ou de quelque sentiment analogue qui la remplace. Ce sentiment existe aussi parfois chez quelques membres seuls de tout un groupe d'animaux, comme chez les For- ficula, ou perce-oreille. Le sentiment si important de la sympathie est distinct de celui de l'amour. Quelque passionné que soit l'amour qu'une mère puisse ressentir pour son enfant endormi, on ne saurait pas dire qu'elle éprouve en ce moment de la sympathie pour lui. L'affection que riiomme a pour son chien, l'amour du chien pour son maître, ne ressemblent en rien à de la sympathie. Adam Smith a affirmé au- trefois, comme M. Bain l'a fait récemment, que la sympathie re- pose sur le vif souvenir que nous ont laissé d'anciens états de dou- leur ou de plaisir. Il en résulte que « le spectacle d'une autre personne qui souffre de la faim , du froid , de la fatigue , nous rappelle le souvenir de ces sensations, qui nous sont douloureuses même en pensée. » 11 en résulte aussi que nous sommes disposés à soulager les souffrances d'autrui, pour adoucir dans une certaine mesure les sentiments pénibles que nous éprouvons. C'est le même motif qui nous dispose à participer aux plaisirs des autres *'. Mais je ne crois pas que cette hypothèse explique comment il se fait qu'une personne, qui nous est chère, excite notre sympathie à un bit'U plus haut degré qu'une personne qui nous est indifférente. Le spectacle seul de la souffrance, sans tenir compte de l'amour, suflirait pour évocpier dans notre esprit des souvenirs et des com- paraisons vivaces. Il est possible peut-être d'expliquer ce phéno- mène en supposant que, chez tous les animaux, la sympathie ne s'exerce qu'envers les membres de la même comuuinauté, c'est-à- dire envers les membres (pii leur sont bien connus et qu'ils aiment 1\. Voir lo premier et excellent chapitre de la Thi-orie des snntimrnts inorau.r, dAdani Smith. Voir aussi Metitnl nnd Moral scipM'f, de M. Bain, pji. 214. 27'> et 282. M. Bain afiirme, « que la sympathie est indirectement une source d(î plaisir pour celui qui sympathise; » et il explique cette réciprocité. Il remarque « que la personne qui a reçu le bienfait, ou d'autres à sa place, peuvent recon- naître le sacritlce par leur sympathie et leurs bons offices. " Mais si, comme cela parait être le cas, la sympathie nest qu'un instinct, son exercice serait la cause d'un plaisir direct, de la même manière, ainsi que nous l'avons dej.i vu. que l'exercice de tout autre instinct. 8 il4 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Pahtik]. plus OU moins, mais non pas envers tous les individus de la même espèce. On sait, d'ailleurs, et c'est là un fait à peu près analogue, que beaucoup d'animaux redoutent tout particulièrement certains ennemis. Les espèces non sociables, telles que les tigres et les lions, ressentent sans aucun doute de la sympathie pour les souffrances de leurs petits, mais non pas pour celles d'autres animaux. Chez l'homme, l'égoïsme, l'expérience et l'imitation ajoutent probable- ment, ainsi que le fait remarquer M, Bain, à la puissance de la sympathie ; car l'espoir d'un échange de bons procédés nous pousse à accomplir pour d'autres des actes de bienveillance sympathique ; on ne saurait mettre en doute, d'ailleurs, que les sentiments de sympathie se fortifient beaucoup par l'habitude. Quelle que soit la complexité des causes qui ont engendré ce sentiment, comme il est d'une utilité absolue à tous les animaux qui s'aident et se dé- fendent mutuellement, la sélection naturelle a dû le développer beaucoup; en effet, les associations contenant le plus grand nom- bre de membres éprouvant de la sympathie, ont dû réussir et éle- ver un plus grand nombre de descendants. D'ailleurs, il est impossible, dans beaucoup de cas, de détermi- ner si certains instincts sociaux sont la conséquence de l'action de la sélection naturelle ou s'ils sont le résultat indirect d'autres in- stincts et d'autres facultés, tels que la sympathie, la raison, l'expé- rience et la tendance à l'imitation; ou bien encore, s'ils sont sim- plement le résultat de l'habitude longuement continuée. L'instinct remarquable qui pousse à poster des sentinelles pour avertir le troupeau du danger, ne peut guère être le résultat indirect d'au- cune autre faculté; il faut donc qu'il ait été directement acquis. D'autre part, l'habitude qu'ont les mâles de quelques espèces so- ciables de défendre la communauté et de se réunir pour attaquer leurs ennemis ou leur proie, résulte peut-être de la sympathie mu- tuelle; mais le courage, et, dans la plupart des cas, la force, ont dû être préalablement acquis, probablement par sélection naturelle. Certaines habitudes et certains instincts sont beaucoup plus vifs que d'autres , c'est-à-dire , il en est qui procurent plus de plaisir s'ils sont satisfaits, et plus de peine s'ils ne le sont pas; ou, ce qui est probablement tout aussi important, il en est qui sont transmis héréditairement d'une manière plus persistante sans exciter aucun sentiment spécial de plaisir ou de peine. IS'ous comprenons nous- mêmes que certaines habitudes sontj beaucoup plus que d'autres, difficiles à guérir ou à changer. Aussi peut-on souvent observer, chez les animaux, des luttes entre des instincts divers, ou entre un instinct et quelque tendance habituelle; ainsi, lorsqu'un chien îChai-. IV j. SENS MORAL. 113 s'élance après un lièvre, est rappelé, s'arrête, hésile, reprend la poursuite ou revient honteux vers son maître; ou bien encore la lutte entre l'amour maternel d'une chienne pour ses petits et son aireclion pour son maître , lorsqu'on la voit se dérober pour aller vers les premiers, en ayant l'air honteux de ne pas accompagner le second. Un des exemples les plus curieux que je connaisse d'un instinct en dominant un autre est celui de l'instinct de la migra- tion qui l'emporte sur l'instinct maternel. Le premier est étonnam- ment fort; un oiseau captif, lors de la saison du départ, se jette contre les barreaux de sa cage jusqu'à se dépouiller la poitrine de ses plumes et à se mettre en sang. Il fait bondir les jeunes saumons hors de l'eau douce, où ils pourraient, cependant, continuer à vivre, et leur fait ainsi commettre un suicide involontaire. Chacun connaît la force de l'instinct maternel, qui pousse des oiseaux très timides à bravtT de grands dangers, bien qu'ils le fassent avec hésitation t.'t contrairement aux inspirations de l'instinct de la conservation. Néanmoins, l'instinct de la migration est si puissant, qu'on voit en automne des hirondelles et des martinets abandonner fréquem- ment leurs jeunes et les laisser périr misérablement dans leurs nids ". Nous pouvons concevoir qu'une impulsion instinctive, si elle est , de quelque façon que ce soit, plus avantageuse à une espèce qu'un instinct autre ou opposé , devienne la plus énergique grâce à l'action de la sélection naturelle ; les individus, en effet, qui la pos- sèdent au plus haut degré doivent persister en plus grand nombre. Il y a lieu de douter, toutefois, qu'il en soit ainsi de l'instinct mi- grateur comparé à l'instinct maternel. La persistance et l'action soutenue du premier pendant tout le jour, à certaines époques de l'année, peuvent lui donner, pour un temps, une énergie pré- [)ondérant»'. L'/inmme nuimal snn'afjle. — On admet généralement que l'homme est un être sociable. Il sufdl pour le prouver de rappeler son aver- sion pour la solitude et son goût pour la société, outre celle de sa ■22. Le Rev. L. Jenyns (W/iilrs Sat. IHst. of Selhorne, 1833, p. 204) assuiv que ce fait a été observé pour la première fois par l'iliiislre Jenner (P/ii/os. Transaiiioiis, I82li, et a été confirmé depuis par plusieurs naturalistes, surtout par M. Blackwall. Ce dernier a examiné, lard en automne, et pendant deux ans, trente-six nids; il en trouva douze contenant des jeunes oiseaux morts; cinq, des œufs sur le point d'édore, et trois, des wufs (jui en étaient encore bien loin. Les oiseaux, encore trop jeunes pour pouvoir entreprendre un long voyage, restent en arrière. Blackwall, Research es in Xoolor/i/, 183i, pp. 108, 118. Voir aussi Leroy, Lettres philosophiques, 180i', p. 217. Gould, Introf/nrlinii tu the Birr/s nf Grent Britain, 1823. p. 5. M. Adams, Poptilnr Seirnrr Reviiu- juillet 1873 p. 283, a observe, au Canad.i, des faits analogues. 116 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. |Ire Partie]. propre famille. La réclusion solitaire est une des punitions les plus terribles qu'on puisse lui infliger. Quelques auteurs supposent que l'homme a vécu primitivement en familles isolées; mais actuelle- ment, bien que des familles dans cette condition, ou réunies par deux ou trois, parcourent les solitudes de quelques pays sauvages, elles conservent toujours, autant que je puis le savoir, des rapports d'amitié avec d'autres familles habitant la même région. Ces famil- les se rassemblent quelquefois en conseil , et s'unissent pour la défense commune. On ne peut pas invoquer contre la sociabilité du sauvage l'argument que les tribus, habitant des districts voi- sins, sont presque toujours en guerre les unes avec les autres, car les instincts sociaux ne s'étendent jamais à tous les individus de la même espèce. A en juger par l'analogie de la grande majorité des quadrumanes, il est probable que les animaux à forme de singe, ancêtres primitifs de l'homme, étaient également sociables; mais ceci n'a pas pour nous une bien grande importance. Bien que l'homme, tel qu'il existe actuellement, n'ait que peu d'instincts spéciaux , car il a perdu ceux que ses premiers ancêtres ont pu posséder, ce n'est pas une raison pour qu'il n'ait pas conservé , depuis une époque extrêmement reculée , quelque degré d'affec- tion et de sympathie instinctive pour ses semblables. Nous avons même tous conscience que nous possédons des sentiments sympa- thiques de cette nature -"; mais notre conscience ne nous dit pas s'ils sont instinctifs, si leur origine remonte à une époque très reculée comme chez les animaux inférieurs , ou si nous les avons acquis, chacun en particulier, dans le cours de nos jeunes années. Comme l'homme est un animal sociable, il est probable qu'il reçoit héréditairement une tendance à la fidélité envers ses semblables et à l'obéissance envers le chef de la tribu, qualités communes à la plupart des animaux sociables. Il doit de même posséder quelque aptitude au commandement de soi-même. Il peut, par suite d'une tendance héréditaire, être disposé à défendre ses semblables avec le concours des autres et être prêt à leur venir en aide, à condi- tion que cela ne soit pas trop contraire à son propre bien-être ou à ses désirs. Quand il s'agit de porter secours aux membres de leur commu- nauté, les animaux sociables , occupant le bas de l'échelle , obéis- 23. Hume remarque {An Enquiry concerning the principles of Morals, 1751, p. 132) : « Il faut confesser que le bonheur et la misère d'autrui ne sont pas des spectacles qui nous soient indifférents ; mais que la vue du premier... nous communique une joie secrète; l'apparence du dernier... jette une tristesse mé- lancolique sur l'imagination. « (HAP. IV . SENS MORAL. \\1 sent presque exclusivemenl à des instincts spéciaux ; les animaux plus élevt's obéissent en grande partie aux mêmes instincts ; mais l'alTeclion et la sympathie réciproques, et évidemment aussi, la raison, dans une certaine mesure, contribuent à augmenter ces instincts. Bien que l'homme , comme nous venons de le faire re- marquer, n'ait pas d'instincts spéciaux qui lui indiquent comment il doit aider ses semblables, l'impulsion existe cependant chez lui et,' grâce à ses hautes facultés intellectuelles, il se laisse naturel- lement guider sous ce rapport par la raison et par l'expérience. La sympathie qu'il possède à l'état instinctif lui fait aussi apprécier hautement l'approbation de ses semblables; car, ainsi que l'a dé- montré M. Bain ", l'amour des louanges, le sentiment puissant de la gloire, et la crainte encore plus vive du mépris et de l'infamie, « sont la conséquence et l'œuvre immédiate de la sympathie. » Les désirs, l'approbation ou le blâme de ses semblables, exprimés par les gestes et par le langage, doivent donc exercer une influence considérable sur la conduite de l'homme. Ainsi les instincts sociaux, qui ont dii être acquis par l'homme alors qu'il était à un état très grossier, probablement même déjà par ses ancêtres simiens primi- tifs, donnent encore l'impulsion à la plupart de ses meilleures actions; mais les désirs et les jugements de ses semblables, et, malheureusement plus souvent encore ses propres désirs égoïstes, ont une influence considérable sur ses actions. Toutefois, à mesure que les sentiments d'affection et de sympathie , et que la faculté de l'empire sur soi-même, se fortifient par l'habitude ; à mesure que la puissance du raisonnement devient plus lucide et lui permet d'apprécier plus sainement la justice des jugements de ses sembla- bles , il se sent poussé , indépendamment du plaisir ou de la peine qu'il en éprouve dans le moment, à adopter certaines règles de conduite. Il peut dire alors, ce que ne saurait faire le sauvage ou le barbare : « Je suis le juge suprême de ma jjropre conduite, » et, pour employer l'expression de Kant : « Je ne veux point violer dans ma personne la dignité de l'humanité. » Les institicls sociaux Iffs plus durables Cemportei\l sur les ïnstincls moins persistants. — Nous n'avons, toutefois , pas encore abordé le point fondamental sur lequel pivote toute la question du sens mo- ral. Pourquoi l'homme comprend-il qu'il doit obéir à tel désir in- stinctif plutôt qu'à tel autre? Pourquoi regrette-t-il amèrement d'avoir cédé à l'instinct énergique de la conservation, et de n'avoir 24. Mrninl ntid MnrnI Sririir,; J868. p. 2:>4. U8 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [!'« Partie]. pas risqué sa vie pour sauver celle de son semblable ; ou pour- quoi regrette-t-il d'avoir volé des aliments, pressé qu'il était par la faim? Il est évident d'abord que , chez l'homme , les impulsions in- stinctives ont divers degrés d'énergie. Un sauvage n'hésite pas à risquer sa vie pour sauver un membre de la tribu à laquelle il ap- partient , mais il reste absolument passif et indifférent dès qu'il s'agit d'un étranger. Une mère jeune et timide, sollicitée par l'in- stinct maternel, se jette, sans la moindre hésitation, dans le plus grand danger pour sauver son enfant, mais non pas pour sauver Je premier venu. Néanmoins , bien des hommes, bien des enfants même, qui n'avaient jamais risqué leur vie pour d'autres, mais chez lesquels le courage et la sympathie sont très développés , mépri- sant tout à coup l'instinct de la conservation, se plongent dans un torrent pour sauver leur semblable qui se noie. L'homme est, dans ce cas, poussé parce même instinct que nous avons signalé plus haut à l'occasion de l'héroïque petit singe américain, qui attaqua le grand et redouté babouin pour sauver son gardien. De semblables ac- tions paraissent être le simple résultat de la prépondérance des ins- tincts sociaux ou maternels sur tous les autres ; car elles s'accomplis- sent trop instantanément pour qu'il y ait réflexion, ou pour qu'elles soient dictées par un sentiment de plaisir ou de peine ; et, cepen- dant, si l'homme hésite à accomplir une action de cette nature, il éprouve un sentiment de regret. D'autre part, l'instinct de la con- servation est parfois assez énergique chez l'homme timide pour le faire hésiter et l'empêcher de courir aucun risque, même pour sau- ver son propre enfant. Quelques philosophes, je le sais, soutiennent que des actes comme les précédents , accomplis sous l'influence de causes im- pulsives, échappent au domaine du sens moral et ne méritent pas le nom d'actes moraux. Ils réservent ce terme pour des actions faites de propos délibéré , à la suite d'une victoire remportée sur des désirs contraires , ou pour des actes inspirés par des motifs élevés. Mais il est presque impossible de tracer une ligne de dé- marcation -*. En tant qu'il s'agit de motifs élevés, on pourrait citer de nombreux exemples de sauvages, dépourvus de tout sentiment 25. Je fais allusion ici à la distinction qu'on a établie entre ce qu'on a appelé la morale matérielle et la morale ruisoyinée. Je suis heureux de voir que le pro- fesseur Huxley [Critiques and Addresses, 1873, p. 287) partage à cet égard les mêmes opinions que moi. M. Leslie Stephen (Essays on Free-thinking aiid Plain- speaking, 1873, p. 83) fait remarquer que « la distinction métaphysiciue que l'on cherche à établir entre la morale matérielle et la morale raisonnée est aussi absurde que les autres distinctions analogues. » [Ch.vp. IV'. SRNS MORAL. > 119 (le bienveillance générale envers l'humanité ot insensibles à toute idée religieuse, qui, faits prisonniers, ont bravement sacrifié leur vie *•, plutôt que de trahir leurs compagnons ; il est évident qu'on doit voir là un acte moral. Quant à la réflexion et à la victoire rem- portée sur des motifs contraires , ne voyons-nous pas des animaux hésiter entre des instincts opposés, au moment de venir au secours de leurs petits ou de leurs semblables en danger? Cependant, on ne qualifie pas de morales ces actions accomplies au profit d'autres in- dividus. En outre, si nous répétons souvent un acte, nous finissons par l'accomplir sans hésitation, sans réflexion, et alors il ne se distingue plus d'un instinct; personne ne saurait prétendre, cepen- dant, que cet acte cesse d'être moral. .Nous sentons tous, au con- traire, qu'un acte n'est parfait, n'est accompli de la manière la plus noble, qu'à condition qu'il soit exécuté impulsivement, sans ré- flexion et sans effort, exécuté , en un mot, comme il le serait par l'homme chez lequel les qualités requises sont innées. Celui qui, pour agir, est obligé de surmonter sa frayeur ou son défaut de sym- pathie , mérite, cependant, dans un sens, plus d'éloges que l'homme dont la tendance innée est de bien agir sans effort. Ne pouvant distinguer les motifs, nous appelons morales toutes les actions de certaine nature, lorsqu'elles sont accomplies par un être moral. Un être moral est celui qui est capable de comparer ses actes ou ses motifs passés ou futurs, et de les approuver ou de les désapprouver. Nous n'avons aucune raison pour supposer que les animaux inférieurs possèdent cette faculté ; en conséquence, lors- qu'un chien de Terre-Neuve se jette dans l'eau pour en retirer un enfant, lorsqu'un singe brave le danger pour sauver son camarade, ou prend à sa charge un singe orphelin , nous n'appliquons pas le It^ me « moral » à sa conduite. Mais, dans le cas de l'homme, qui seul peut être considéré avec certitude comme un être moral , nous qualifions de « morales » les actions d'une certaine nature, que ces actions soient exécutées après réflexion, après une lutte contre des motifs contraires, par suite des efl'els d'habitudes acquises peu à peu, ou enfin d'une manière impulsive et par instinct. Pour en revenir à notre sujet immédiat, bien que quelques in- stincts soient plus énergiques que d'autres et provoquent ainsi des actes correspondants, on ne saurait, cependant, affirmer que les instincts sociaux (y compris l'amour des louanges et la crainte du blâme) soient ordinairement plus énergiques chez l'homme on 26. Jai indiqué ( \o!/age ff'un Snturnliste, etc., p. 103) un cas analogue, celui de trois Patagons qui préférèrent se lais.ser fusiller l'un après l'autre, plutôt que lie trahir leurs compagnons. 120 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. soient devenus tels par habitude longtemps continuée, que les in- stincts, par exemple, de la conservation, de la faim, de la convoitise, de la vengeance, etc. Pourquoi l'homme regrette-t-il, alors même qu'il pourrait tenter de bannir ce genre de regrets, d'avoir cédé à une impulsion naturelle plutôt qu'à une autre, et pourquoi sent-il, en outre, qu'il doit regretter sa conduite? Sous ce rapport, l'homme dif- fère profondément des animaux inférieurs; nous pouvons, cependant, je crois, expliquer assez clairement la raison de cette différence. L'homme, en raison de l'activité de ses facultés mentales, ne saurait échapper à la réflexion; les impressions et les images du passé traversent sans cesse sa pensée avec une netteté absolue. Or, chez les animaux qui vivent en société d'une manière perma- nente , les instincts sociaux sont toujours présents et persistants. Ces animaux sont toujours prêts , entraînés, si l'on veut, par l'habi- tude , à pousser le signal du danger pour défendre la communauté et à prêter aide et secours à leurs camarades ; ils éprouvent à cha- que instant pour ces derniers, sans y être stimulés par aucune pas- sion ni par aucun désir spécial, une certaine affection et quelque sympathie; ils ressentent du chagrin, s'ils en sont longtemps sépa- rés, et ils sont toujours heureux de se trouver dans leur société, il en est de même pour nous. Alors même que nous sommes isolés, nous nous demandons bien souvent , et cela ne laisse pas de nous occasionner du plaisir ou de la peine , ce que les autres pensent de nous; nous nous inquiétons de leur approbation ou de leur blâme; or ces sentiments procèdent de la sympathie, élément fondamental des instincts sociaux. L'homme qui ne posséderait pas de semblables sentiments, serait un monstre. Au contraire, le désir de satisfaire la faim, ou une passion comme la vengeance, est un sentiment passager de sa nature, et peut être rassasié pour un temps. 11 n'est même pas facile, peut-être est-il impossible, d'évoquer dans toute* sa plénitude la sensation de la faim, par exemple, et, comme on l'a souvent remarqué , celle d'une souffrance quelle qu'elle soit. Nous ne ressentons l'instinct de la conservation qu'en présence du dan- ger, et plus d'un poltron s'est cru brave jusqu'à ce qu'il se soit trouvé en face de son ennemi. L'envie de la propriété d'autrui est peut-être un des désirs les plus persistants ; mais , même dans ce cas, la satisfaction de la possession réelle est généralement une sensation plus faible que ne l'est celle du désir. Bien des voleurs, à condition qu'ils ne le soient pas par profession, se sont, après le succès de leur vol , étonnés de l'avoir commis ". 21. L'inimitié on la haine semble être aussi un instinct très persistant, plus Chap. IV\ sens moral. 121 L'homme, ne pouvant s'opposer à ce que ses anciennes impres- sions traversent sans cesse son esprit , est contraint de comparer ses impressions plus faibles, la faim passée, la vengeance satis- faite, ou le danger évité aux dépens d'autres hommes, par exemple, avec ses instincts de sympathie e( de hienvrillance pour ses sem- blables, instincts qui sont toujours présents et, dans une certain*) mesure, toujours actifs dans son esprit. Il conqirend alors qu'un instinct plus fort a cédé à un autre qui lui semble maintenant rela- tivement faible, et il éprouve inévitablement ce sentiment de re- gret auquel l'homme est sujet, comme tout autre animal, dés qu'il refuse d'obéir à un instinct. Le ras de l'hirondelle, que nous avons cité plus haut, foiu'nit un exemple d'ordre inverse, celui d'un instinct temporaire, mais très énergique dans le moment, qui l'emporte sur un autre instinct qui est habituellement prépondérant sur tous les autres. Lorsque la saison est arrivée, ces oiseaux paraissent tout le jour préoccupés du désir d'émigrer ; leurs habitudes changent; ils s'agitent, devien- nent bruyants et se rassemblent en troupe. Tant que l'oiseau femelle nourrit ou couve ses petits, l'instinct maternel est proba- blement plus fort que celui de la migration ; miis c'est l'instinct le plus tenace qui l'emporte , et, enfin , dans un moment où ses petits ne sont pas sous ses yeux, elle prend son vol et les abandonne. Arrivé à la fin de son long voyage, l'instinct migrateur cessant d'agir, quel remords ne ressentirait pas l'oiëeau , si, doué d'une grande activité mentale , il ne pouvait s'empêcher de voir repasser constamment dans son esprit l'image de ses petits, qu'il a laissés dans le Nord périr de faim et de froid? »'iif'rjri(jiic même i/strm of l^rn/ir, vol. II, p. 4221 de la façon la plus absolue que l'habitude peut pousser à une action, sans qu'il y ait aucune anticipation (Je plaisir. De son coté. M, H. Sidpwick, dans son article sur le plaisir et le liéair (Coiiteniporaii/ Hvview, awil 1872, p. 671j, s'exprime en ces termes : « En un mot, contrairement à l'hypothcse en vertu de laquelle nos impulsions actives conscientes sont toujours diriiréos vers la production de sensations apréables en nous-mêmes, je suis dispose à soutenir que nous é|)rouvons souvent des im- pulsions conscientes, gént'reuses, dirigées vers quelque chose qui n'est certai- nement pas le plaisir; que. dans bien des cas, l'impulsion est si peu compatible avec notre epoisme qtie les deux sentiments ne peuvent pas facilement coexister au moment ou nous .-oniines conscients, n Le sentiment, je suis même tente de le croire, que nos impulsions ne procéilent pas toujours de l'attente d'un plai>ir immédiat ou futur a ete une îles principales causes (pii ont fait adopter l'hypo- thèse intuitive de la morale et rejeter l'hypothèse utilitaire ou du plus ^rrand bonheur. Quant à cette dernière hypothèse, on a sans doute souvent confondu entre la sanction et le motif de la conduite, mais deux termes se confoadeut réellement dans une certaine mesure. 9 130 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. correct de dire que leurs instincts sociaux se sont développés en vue du bien général plutôt que du bonheur général de l'espèce. Le terme « bien général » peut se déflnir ainsi : le moyen qui permet d'élever, dans les conditions existantes , le plus grand nombre pos- sible d'individus en pleine santé , en pleine vigueur, doués de fa- cultés aussi parfaites que possible. Les instincts sociaux de l'homme, aussi bien que ceux des animaux inférieurs, ont, sans doute, traversé à peu près les mêmes phases de développement; il serait donc, autant que possible, préférable d'employer dans les deux cas la même définition et de prendre , comme critérium de la morale , le bien général ou la prospérité de la communauté , plutôt que le bonheur général ; mais cette définition nécessiterait peut- être quelques réserves à cause de la morale politique. Lorsqu'un homme risque sa vie pour sauver celle d'un de ses semblables, il semble plus juste de dire qu'il agit pour le bien gé- néral que pour le bonheur de l'espèce humaine. Le bien et le bonheur de l'individu coïncident sans doute habituellement ; une tribu heureuse et contente prospère davantage qu'une autre qui ne l'est pas. Nous avons vu que, même dans les premières périodes de l'histoire de l'homme , les désirs exprimés par la communauté ont dû naturellement influencer à un haut degré la conduite de cha- cun de ses membres, et, tous recherchant le bonheur, le principe du « plus Grand Bonheur » a dû devenir un guide et un but secon- daire fort important; mais les instincts sociaux, y compris la sym- pathie qui nous pousse à faire grand cas de l'approbation ou du blâme d'autrui, ont toujours dû servir d'impulsion première et de guide. Ainsi se trouve écarté le reproche de placer dans le vil prin- cipe de l'égoïsme les bases de ce que notre nature a de plus noble ; à moins, cependant, qu'on n'appelle égoïsme la satisfaction que tout anima] éprouve lorsqu'il obéit à ses propres instincts, et le regret qu'il ressent lorsqu'il en est empêché. Les désirs et les jugements des membres de la même commu- nauté, exprimés d'abord par le langage et ensuite par l'écriture , constituent, comme nous venons de le faire remarquer, un guide de conduite secondaire , mais très important , qui vient en aide aux instincts sociaux, bien que parfois il soit en opposition avec eux. La loi de l'honnetir, c'est-à-dire la loi de l'opinion de nos égaux et non de tous nos compatriotes , en est un excellent exem- ple. Toute infraction à cette loi, cette infraction fût-elle reconnue comme rigoureusement conforme à la vraie morale, a causé à bien des hommes plus d'angoisses qu'un crime réel. Nous reconnaissons la même influence dans cette cuisante sensation de honte que la [Chai-. IVJ. SENS MORAL. 131 plupart d'entre nous ont ressentie, même après un long intervalle d'années, en nous rappelant quoique infraction accidentelle faite à une règle insignifiante mais établie de l'étiquette. Le jugement de la communauté se laisse généralement guider par quelque grossière expérience de ce qui, à la longue, est le plus utile à l'intérêt de tous les membres ; mais l'ignorance et la faiblesse du raisonnement contribuent souvent à fausser le jugement de la masse. Il en résulte que des coutumes et dos superstitions étranges, en opposition com- plète avec la vraie prospérité et le véritable bonheur de l'humanité, sont devenues toutes-puissantes dans le monde entier. Nous en voyons des exemplos dans l'horrour que ressent l'Hindou qui pord sa caste, et dans une foule d'autres cas. Il serait difficile de distin- guer entre le remords éprouvé par l'Hindou qui a mangé des ali- ments impurs, et le remords que lui causerait un vol ; mais il est l)robable que le premier serait le plus poignant. Nous ne connaissons pas l'origine de tant d'absurdes règles de conduite, de tant de croyances religieuses ridicules; nous ne savons pas comment il se fait qu'elles aient pu, dans toutes les parties du globe, s'implanter si profondément dans l'esprit de l'homme; mais il est à remarquer qu'une croyance constamment inculquée pendant les premières années de la vie, alors que le cerveau est susceptible de vives impressions , paraît acquérir presque la nature d'un in- stinct. Or la véritable essence d'un instinct est d'être suivi indépen- damment de la raison. Nous ne pouvons pas non plus dire pour- quoi quelques tribus sauvages estiment plus ([ue d'autres cer- taines vertus admirables, telles que l'amour de la vérité*'; nous ne pouvons pas plus expliquer, d'ailleurs , pourquoi on retrouve des différonces semblables môme parmi los nations civilisées. Ce (jui est certain, c'est que ces coutumes, ces superstitions étranges, se sont solidement implantées dans l'esprit humain y a-l-il donc alors lieu de s'étoimer que les vertus |)ersonnelles , basées qu'elles sont sur la raison , nous paraissent maintenant si naturelles, que nous les regardions comme innées , bien que l'homme à l'état pri- mitif n'en fît aucun cas? Malgré do nombreuses causes de doute, l'homme peut d'ordi- naire distinguer facilement entre les règles morales supérieures et les règles morales infi-rieures. Los premières , basées sur le» in- stincts sociaux, ont trait à la prospérité des autres; elles s'appuient sur l'approbation de nos semblables et sur la raison. Les règhïs i'I. M. Wallac»' rite d'excellents exemples conduite juste ou fausse et qui n'ont aucune base apparente dans les expériences d'utilité individuelle. » 11 n'y a pas, ce me semble, la moindre improbabilité inhérente à ce que les tendances vertueuses soient plus ou moins complètement héréditaires; car, sans mentionner les habitudes et les caractères variés que se trans- mettent un grand nombre de nos animaux domestiques, je pour- rais citer nombre de cas prouvant que le goût du vol et la tendance au mensonge paraissent exister dans des familles occupant une position très élevée; or, comme le vol est un crime fort rare chez les classes riches, il est difficile d'expliquer par une coïncidence accidentelle la manifestation de la même tendance chez deux ou trois membres d'une même famille. Si les mauvaises tendances sont transmissibles , il est probable qu'il en est de même des bon- nes. Tous ceux qui ont soulfert de maladies chroniques de l'estomac ou du foie savent que l'état du corps en affectant le cerveau exerce la plus grande influence sur les tendances morales. On sait aussi que l'un des premiers symptômes d'un dérangement dos facultés mentales est la perversion ou la destruction du sens moral " ; or, on sait que la folie est certainement souvent héréditaire. Le principe de la transmission des tendances morales peut seul nous per- mettre d'expliquer les différences qu'on croit exister, sous ce rap- port, entre les diverses races de l'humanité. Notre impulsion primordiale vers la vertu, impulsion provenant (liroclement des instincts sociaux, recevrait un concours puissant de la transmission héréditaire, même partielle, des tendances ver- tueuses. Si nous admettons un instant que les tendances vertueuses sont héréditaires, il semble probable que, au moins dans les cas de chasteté , de tempérance, de compassion pour les animaux, etc., elles s'impriment d'abord dans l'organisation mentale par l'habi- tude, par l'instruction et par l'exemple soutenus pendant plusieurs générations dans une même famille; puis, d'une manière acces- soire, par le fait que les individus doués de ces vertus ont le mieux réussi dans la lutte pour l'existonce. Si j'éprouve quelque 46. Lottre à M. Mill, dans Mental nnd Moral Science, de Bain, 1868, p. 722. 47. Maudslev, Bodi/ ami MiwI. 1870, p. 60. 134 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I'« Partie]. doute relativement à ce genre d'hérédité, c'est parce qu'il me faut admettre que des coutumes, des superstitions et des goûts insensés, l'horreur, par exemple , que professe l'Hindou pour des aliments impurs, doivent aussi se transmettre héréditairement en vertu du même principe. Bien que ceci soit peut-être tout aussi probable que l'acquisition héréditaire par les animaux du goût pour certains aliments , ou de la crainte pour certains ennemis , je ne possède aucune preuve tendant à démontrer la transmission des cou- tumes superstitieuses ou des habitudes ridicules. • En résumé, les instincts sociaux qui ont été sans doute acquis par l'homme, comme par les animaux, pour le bien de la communauté, ont dû, dès l'abord, le porter à aider ses semblables , développer en lui quelques sentiments de sympathie et l'obliger de compter avec l'approbation ou le blâme de ses semblables. Des impulsions de ce genre ont dû de très bonne heure lui servir de règle grossière pour distinguer te bien et le mal. Puis, à mesure que les facultés intel- lectuelles de l'homme se sont développées; à mesure qu'il est de- venu capable de comprendre toutes les conséquences de ses actions ; qu'il a acquis assez de connaissances pour repousser des coutumes et des superstitions funestes ; à mesure qu'il a songé davantage, non-seulement au bien , mais aussi au bonheur de ses semblables ; à mesure que l'habitude résultant de l'instruction , de l'exemple et d'une expérience salutaire a développé ses sympathies au point qu'il les a étendues aux hommes de toutes les races, aux infirmes, aux idiots et aux autres membres inutiles de la société, et enfin aux animaux eux-mêmes, — le niveau de sa moralité s'est élevé de plus en plus. Les moralistes de l'école dérivative et quelques intuition- riistes admettent que le niveau de la moralité a commencé à s'élever dès une période fort ancienne de l'histoire de l'humanité **. De même qu'il y a quelquefois lutte entre les divers instincts des animaux inférieurs ; il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il puisse y avoir, chez l'homme, une lutte entre ses instincts sociaux et les vertus qui en dérivent , et ses impulsions ou ses désirs d'ordre in- férieur; car, par moments, ceux-ci peuvent être les plus énergi- ques. Cela est d'autant moins étonnant, comme le fait remarquer M. Galton *', que l'homme est sorti depuis un temps relativement 48. Un auteur, très capable de juger sainement cette question, s'exprime énergiquement dans ce sens dans un article de la. Norf h British Review, juil- let 1869, p. 531. M. Lecky {Hinl. of Moruls, vol. I, p. 143) paraît, jusqu'à un certain point, partager la même opinion. 49. Voir son ouvrage remarquable, Hereditary Genius, 1869, p. 349. Le duc [Chap. IVI. SENS MORAL. 135 récent de la période de la barbarie. .\près avoir cédé à certaines ten- tations, nous éprouvons un sentimont de mécontentement, de honte, de repentir ou de remords, sentiment analogue à celui que nous ressentons quand un instinct n'est pas satisfait; nous ne pouvons pas , en elTet , empêcher les impressions et les images du passé de se représenter continuellement à notre esprit; nous ne pouvons nous empêcher de les comparer, dans cet état affaibli, avec les instincts sociaux toujours présents, ou avec des habitudes con- tractées dès la première jeunesse , héréditaires peut-être , forti- fiées pendant toute la vie , et rendues ainsi presque aussi énergi- ques que des instincts. Si nous ne cédons pas à la tentation, c'est que l'instinct social ou quelque habitude l'emporte en ce mo- ment on nous, ou parce que nous avons appris à comprendre que cet instinct nous paraîtra le plus fort quand nous le compare- rons ;\ l'impression affaiblie de la tentation et que nous savons que nous éprouverons un chagrin si nous avons violé cet instinct. 11 n'y a pas lieu de craindre que les instincts sociaux s'affaiblissent chez les générations futures , et nous pouvons même admettre que les habitudes vertueuses croîtront et se fixeront peut-être par l'héré- dité. Dans ce cas, la lutte entre nos impulsions élevées et nos im- pulsions inférieures deviendra moins violente et la vertu triom- phera. Jlésumé des deux derniers chapitres. — On ne peut douter qu'il existe une immense différence entre l'intelligence de l'homme le plus sauvage et celle de l'animal le plus élevé. Si un singe anthro- pomorphe pouvait se juger d'une manière impartiale, il admettrait que, bien que capable de combiner un plan ingénieux pour piller un jardin , de se servir de pierres pour combattre ou pour cas- ser des noix, l'idée de façonner une pierre pour en faire un outil serait tout à fait en dehors de sa portée. Encore moins pour- rait-il suivre un raisonnement métaphysique, résoudre un problème de mathématiques , réfléchir sur Dieu , ou admirer une scène impo- sante de la nature. Quelques singes, toutefois, déclareraient proba- blement qu'ils sont aptes à admirer, et qu'ils admirent la beauté des couleurs de la peau et de la fourrure do leurs compagnes. Ils ad- mettraient que , bien qu'ils soient à même de faire comprendre par des cris à d'autres singes quelques-unes de leurs perceptions ou quelques-ims de leurs besoins les plus simples, jamais la pensée d'exprimer des idées définies par des sons déterminés n'a traversé d'Arfrvll (Primei-nl Sfan, 1869, p. 188i fait quehiues excellentes reinaniues sur la lutte entre le bien et le mal dans la nature de l'iioninie. 136 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. leur esprit. Ils pourraient affirmer qu'ils sont prêts à aider de bien des manières leurs camarades de la même troupe, à risquer leur vie pour eux, et à se charger des orphelins ; mais ils seraient forcés de reconnaître qu'ils ne comprennent même pas cet amour désintéressé pour toutes les créatures vivantes qui constitue le plus noble attri- but de l'homme. Néanmoins , si considérable qu'elle soit, la différence entre l'es- prit de l'homme et celui des animaux les plus élevés n'est certai- nement qu'une différence de degré, et non d'espèce. Nous avons vu que des sentiments, des intuitions, des émotions et des facultés diverses, telles que l'amitié, la mémoire, l'attention, la curiosité, l'imitation, la raison, etc., dont l'homme s'enorgueillit, peuvent s'ob- server à un état naissant, ou même parfois à un état assez déve- loppé, chez les animaux inférieurs. Ils sont, en outre, susceptibles de quelques améliorations héréditaires , ainsi que nous le prouve la comparaison du chien domestique avec le loup ou le chacal. Si l'on veut soutenir que certaines facultés , telles que la conscience , l'ab- straction, etc., sont spéciales àl'homme, il se peut fort bien qu'elles soient les résultats accessoires d'autres facultés intellectuelles très développées , qui elles-mêmes dérivent principalement de l'usage continu d'un langage arrivé à la perfection. A quel âge l'enfant noii- voau-né acquiert-il la faculté de l'abstraction? A quel âge com- mence-t-il à avoir conscience de lui-même, et à réfléchir sur sa propre existence? Nous ne pouvons pas plus répondre à cette question que nous ne pouvons expliquer l'échelle organique ascendante. Le lan- gage, ce produit moitié de l'art, moitié de l'instinct, porte encore l'empreinte de son évolution graduelle. La sublime croyance à un Dieu n'est pas universelle chez l'homme ; celle à des agents spiri- tuels actifs résulte naturellement de ses autres facultés mentales. C'est le sens moral qui constitue peut-être la ligne de démarcation la plus nette entre l'homme et les aijtres animaux, mais je n'ai rien à ajouter sur ce point, puisque j'ai essayé de prouver que les ins- tincts sociaux, — base fondamentale de la morale humaine *", — auxquels viennent s'adjoindre les facultés intellectuelles actives et les effets de l'habitude, conduisent naturellement à la règle : « Fais aux hommes ce que tu voudrais qu ils te fissent à toi-même ; » prin- cipe sur lequel repose toute la morale. Je ferai, dans le chapitre suivant, quelques remarques sur les causes probables qui ont amené le développement graduel des di- verses facultés morales et mentales de l'homme et sur les diffé- 50. Pensées de Mnrc-Aurèle, p. 139. (Chap. V). DEVELOPPEMENT DES FACULTES. 137 rentes phases qu'elles ont traversées. On ne peut du moins con- tester que cette évolution soit possible, puisque, tous les jours, nous contemplons le développement de ces facultés chez l'enfant; puisqu'eniîn nous pouvons établir une gradation parfaite entre l'étal nijental du plus complet idiot, qui est bien inférieur à l'animal, et les facultés intellectuelles d'un iNewton. CHAPITRE V SIR LF. DKVKLOl'I'EMKNT DK.S K.V<.ULTKS INTELLECTL'KLLKS ET MOUALKS PENDANT LES TEMPS l'HIMITIFS ET LES TEMPS CI\ML1SÉS " Développj'inent Partie]. minime par suite de la grande division du travail. Il existe donc, chez les nations civilisées, une certaine tendance à l'accroissement numérique et à l'élévation du niveau de ceux qui sont intellectuel- lement les plus capables. Je n'entends pas affirmer par là que d'autres circonstances, telles que la multiplication des insouciants et des imprévoyants ne puissent contre-balancer cette tendance; mais le talent doit aussi procurer quelques avantages à ces derniers. On a soulevé de graves objections contre ces hypothèses ; on a soutenu, en effet, que les hommes les plus éminents qui aient ja- mais vécu n'ont pas laissé de descendants. M. Galton '^ dit à ce sujet : « Je regrette de ne pouvoir résoudre une question bien simple : les hommes et les femmes de génie sont-ils stériles, et jusqu'à quel point le sont-ils? J'ai toutefois démontré que tel n'est point le cas pour les hommes éminents. » Les grands législateurs, les fondateurs de religions bienfaisantes, les grands philosophes et les grands savants contribuent bien davantage par leurs œuvres aux progrès de l'humanité, qu'ils ne le feraient en laissant après eux une nombreuse progéniture. Quant à la conformation physique, c'est la sélection des individus un peu mieux doués et l'élimination de ceux qui le sont un peu moins, et non la conservation d'anomalies rares et prononcées, qui détermine l'amélioration d'une espèce **. Il en est de même pour les facultés intellectuelles; les hommes les plus capables, dans chaque rang de la société, réussissent mieux que ceux qui le sont moins, et, s'il n'y a pas d'autres obstacles, ils tendent, par conséquent, à augmenter en nombre. Lorsque, chez un peuple, le niveau intellectuel s'est élevé et que le nombre des hommes instruits a augmenté, on peut s'attendre, en vertu du principe de la déviation de la moyenne, ainsi que l'a démontré M. Galton, à voir apparaître, plus souvent qu'auparavant, des hommes au génie transcendant. Quant aux qualités morales, il importe de constater qu'il se pro- duit toujours, même chez les nations les plus civilisées, une cer- taine élimination des individus moins bien doués. On exécute les malfaiteurs ou on les emprisonne pendant de longues périodes, de façon qu'ils ne puissent transmettre facilement leurs vices. Les hypochondriaques et les aliénés sont enfermés ou se suicident. Les hommes querelleurs et emportés meurent fréquemment de mort violente; ceux qui sont trop remuants pour s'adonner à des occu- pations suivies, — et ce reste de barbarie est un grand obstacle à 15. Hercditary Genius, p. 330. 16. Oriyine des espèces, p. 96. [Chap. v|. Développement des facultés. 440 la civilisation ", — émigrent dans de nouveaux pays, où ils se transforment en utiles pionniers. L'intempérance entraîne des con- séquences si désastreuses que, à l'âge de trente ans, par exemple, la probabilité de vie des intempérants n'est que de 13,8 années; tandis que, pour le paysan anglais, au mémo âge, elle s'élève à 40,59 ans ". Les femmes ayant des mœurs dissolues ont peu d'en- fants, les hommes dans le même cas se marient rarement; les uns et les autres sont épuisés par les maladies. Quand il s'agit des animaux domestiques, l'élimination des individus, d'ailleurs peu nombreux, qui sont évidemment inférieurs, n'en constitue pas moins un élément de succès fort important. Ceci est surtout vrai pour les caractères nuisibles qui tendent à réapparaître par retour, tels que la couleur noire chez le mouton; dans l'humanité, il se peut que les mauvaises dispositions qui, à l'occasion et sans cause explicable, reparaissent dans les familles, soient peut-être des cas de retour vers un état sauvage, dont nous ne sommes pas séparés par un nombre bien grand de générations. L'expression populaire qui nomme ces mauvais sujets les « moutons noirs » de la famille semble basée sur cette hypothèse. La sélection naturelle semble n'exercer qu'une influence bien se- condaire sur les nations civilisées, en tant qu'il ne s'agit que do la production d'un niveau de moralité plus élevé et d'un nombre plus considérable d'hommes bien doués; nous lui devons, toutefois, l'ac- quisition originelle des instincts sociaux. Je me suis, d'ailleurs, assez longuement étendu, en traitant des races inférieures, sur les causes qui déterminent les progrès de la morale, c'est-à-dire : l'ap- probation de nos semblables, — l'augmentation de nos sympathies par l'habitude, — l'exemple et l'imitation, — la raison, — l'expérience et même l'intérêt individuel, — l'instruction pendant la jeunesse, et les sentiments religieux, pour n'avoir pas à y revenir ici. M. Greg et M. Gallon "ont vivement insisté sur un important obstacle qui s'oppose à l'augmentation du nombre des hommes su- périeurs dans les sociétés civilisées, à savoir que les pauvres et les insouciants, souvent dégradés par le vice, se marient invaria- blement de bonne heure, tandis que les gens prudents et économes 17. Heredilan/, etc., p. 347. 18. E. Ray Lankester, Comparative LongeviO/, 1870, p. 115. Le tableau des intempérants est dressé daprès les Vital Stnti.itirx , de N'eison. Kn co qui con- cerne la débauche, voir D' Farr, Influence of Man'iage on mortality, Sat. A$soc. for thfl Promotion of Social Science, 1858. 19. Fraser's Magazine, sept. 1868, p. 353. Macmillan's Magazine, août 1865, p. 318. — Le Row F. W. P'arrar (Fraser's Mng., août 1870. p. 264^ soutient une opinion différente. 130 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. se marient tard, afin de pouvoir convenablement s'entretenir eux et leurs enfants. Ceux qui se marient jeunes produisent, dans une période donnée, non seulement un plus grand nombre de généra- tions, mais encore, ainsi que l'a établi le docteur Duncan ^", beau- coup plus d'enfants. En outre, les enfants, nés de mères dans la fleur de l'âge, sont plus gros et plus pesants, et, en conséquence, pro- bablement plus vigoureux que ceux nés à d'autres périodes. Il en résulte que les membres insouciants, dégradés et souvent vicieux de la société, tendent à s'accroître dans une proportion plus rapide que ceux qui sont plus prudents et ordinairement plus sages. Voici ce que dit à ce sujet M. Greg : « L'Irlandais, malpropre, sans am- bition, insouciant, multiplie comme le lapin; l'Écossais, frugal, prévoyant, plein de respect pour lui-même, ambitieux, mora- liste rigide, spiritualiste, sagace et très intelligent, passe ses plus belles années dans la lutte et dans le célibat, se marie lard et ne laisse que peu de descendants. Étant donné un pays primitivement peuplé de mille Saxons et de mille Celtes, — au bout d'une douzaine de générations, les cinq sixièmes de la population seront Celtes, mais le dernier sixième, composé de Saxons, possédera les cinq sixièmes des biens, du pouvoir et de l'intelligence. Dans l'éternelle lutte pour l'existence, c'est la race inférieure et la. tnoins favorisée qui aura prévalu, — et cela, non en vertu de ses bonnes qualités, mais en vertu de ses défauts. » Cette tendance vers une marche rétrograde rencontre cependant quelques obstacles. Nous avons vu que l'intempérance entraîne un chifl're élevé de mortalité, et que le dérèglement des mœurs nuit à la propagation. Les classes les plus pauvres s'entassent dans les villes, et le docteur Stark, se basant sur les statistiques de dix an- nées en Ecosse ^S a pu démontrer qu'à tous les âges la mortalité est plus considérable dans les villes que dans les districts ruraux, 'c et que, pendant les cinq premières années de la vie, le chiffre de la mortalité urbaine est presque exactement le double de celui des campagnes. » Ces relevés comprenant le riche comme le pauvre, il n'est pas douteux qu'il faille un nombre double de naissances pour maintenir le chiffre des habitants pauvres des villes à la hau- teur de celui des campagnes. Le mariage à un âge trop précoce est très nuisible aux femmes, car on a prouvé qu'en France, « il meurt 20. Sur les Lois de la fécondité des femmes, dans Transactio}is Royal Soc. Edinburgh, vol. XXIV, p. 287, publié séparément depuis sous le titre, Fecun- dify, Fertitily and Sterility, 1871. Voir aussi M. Galton, Hereditary Genius pp. 352-337, pour des observations sur le même sujet. 21. Dixième Rapport annuel des naissances, morts, etc., en Ecosse, 1867, p. xxix. I [Chap. V]. DEVELOPPEMENT DES FACULTES. 151 dans l'année deux fois plus de fommes mariées au-dessous de vingt ans que de femmes célibataires. » La mortalité des maris au-dessous de vingt ans est aussi considérable ", mais la cause de ce fait paraît douteuse. Enfin, si les hommes qui retardent prudemment le ma- riage jusqu'à ce qu'ils puissent élever convenablement leur famille, clioisissaient, comme ils le font souvent, des femmes dans la fleur de l'âge, la proportion d'accroissement dans la classe élevée ne se- rait que légèrement diminuée. Un ensemble énorme de documents statistiques, relevés en France en 1853, ont permis de démontrer que, dans ce pays, les célibatai- res, compris entre vingt et quatre-vingts ans, sont sujets à une mortalité beaucoup plus considérable que les hommes mariés; par exemple, la proportion des célibataires mourant entre vingt et trente ans était annuellement de 11,3 sur 1,000; la mortalité n'étant chez les hommes mariés que de 6,5 sur 1,000". La même loi s'est appli- quée en Ecosse pendant les années 1863 et 1861 pour toute la po- pulation au-dessus de vingt ans. Ainsi, la mortalité des célibataires entre vingt et trente ans a été annuellement de 14,1)7 sur 1,000, tandis qu'elle ne s'est trouvée chez les hommes mariés que de 7,2i sur 1,000, soit moins île la moitié". Le docteur Stark remarque ;\ ce sujet : « Le célibat est plus préjudiciable à la vie que les métiers les plus malsains, ou qu'une résidence dans une maison ou dans un district insalubre où on n'aurait jamais fait la moindre tentative d'assainissement. » Il considère que la diminution de la mortalité est le résultat direct du « mariage et des habitudes domestiques plus régulières qui accompagnent cet état. » Il admet, toutefois, que les hommes intempérants, dissolus et criminels, qui vivent peu longtemps, ne se marient ordinairement pas; il faut également ad- mettre que les hommes à constitution faible, à mauvaise santé, ou ayant une infirmité grave de corps ou d'esprit, ne cherchent guère à se marier ou n'y réussissent pas. Le docteur Slark paraît conclure que le mariage est, en lui-même, une cause de longévité; cette con- clusion résulte de ce que les hommes mariés âgés ont un avantage marqué sur les célibataires aussi âgés; mais chacun a connu des jeunes gens à la constitution faible qui ne se sont pas mariés, et qui 22. Ces citations sont empruntées à notre plus haute autorité sur ces ques- tions, le travail du D' Farr, sur VInfluence du mariage sur la mortalité du peu- ple français, lu devant la National Association for t/ie Promotion of Social Scienrr, 18.58. 2.3. D' Farr, ihid. Les citations suivantes sont toutes tirées du même travail. 24. J'ai pris la moyenne des moyennes quinquennales données dans le Di- xième rapport annuel des naissances, décès, etc., en Ecosse, pour 1867. La cita- tion du D' Stark est tirée d'un article du Daili/ News, du 17 oct. 1868, que le D"^ Farr considère comme très complet. 152 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. flw Partie]. ont pourtant atteint un âge avancé, quoiqu'ils soient toujours restés faibles et qu'ils aient eu, par conséquent, une moindre chance de vie. Une autre circonstance remarquable, qui paraît venir à l'appui de la conclusion du docteur Stark, est que, en France, les veufs et les veuves, comparés aux gens mariés, subissent une mortalité consi- dérable; mais le docteur Farr attribue cette mortalité àla pauvreté, aux habitudes fâcheuses qui peuvent résulter de la rupture de la famille et au chagrin. En résumé, nous pouvons conclure, avec le docteur Farr, que la mortalité moindre des gens mariés, comparée à celle des célibataires, ce qui paraît être une loi générale, « est principalement due à l'élimination constante des types imparfaits, à la sélection habile des plus beaux individus dans chaque généra- tion successive; » la sélection ne se rattachant qu'à l'état de ma- riage, et agissant sur toutes les qualités corporelles, intellectuelles et morales**. Nous pouvons donc en conclure que les hommes sains et valides, qui, par prudence, restent pour un temps célibataires, ne sont pas exposés à un taux de mortalité plus élevé. Si les divers obstacles que nous venons de signaler dans les deux derniers paragraphes, et d'autres encore peut-être inconnus, n'em- pêchent pas les membres insouciants, vicieux et autrement inférieurs de la société d'augmenter dans une proportion plus rapide que les hommes supérieurs, la nation doit rétrograder, comme il y en a, d'ailleurs, tant d'exemples dans l'histoire du monde. Nous devons - nous souvenir que le progrès n'est pas une règle invariable. Il est très difficile d'indiquer pourquoi une nation civilisée s'élève, devient plus puissante et s'étend davantage qu'une autre ; ou pourquoi une même nation progresse davantage à une époque qu'à une autre. Nous devons nous borner à dire que le fait dépend d'un accroisse- ment du chiffre de la population, du nombre des hommes doués de hautes facultés intellectuelles ou morales, aussi bien que de leur état de perfection. La conformation corporelle, en dehors du rap- port inévitable entre la vigueur du corps et celle de l'esprit, paraît n'avoir qu'une influence secondaire. Chacun admet que les hautes aptitudes intellectuelles sont avanta- geuses à une nation ; certains écrivains en ont conclu que les anciens Grecs, qui se sont, à quelques égards, élevés intellectuellement plus haut qu'aucune autre race ^', auraient dû, si la puissance de la sé- 25. Le D' Duncan {Fecundity, FertilUy, etc., 1871, p. 334) fait remarquer à cet égard : « A chaque âge les célibataires les plus sains et les plus beaux sei marient, et seuls les gens maladifs ou malheureux restent célibataires. » 26. Voir à cet égard le raisonnement ingénieux et original de M. Galton, Hereditary Genius, p. 340-342. [Chap. V]. OÈVELOPPRMENT DES FACULTÉS. 153 lection naturelle esl réelle, s'élever encore plus haut sur l'échelle, augmenter en nombre et peupler toute l'Europe. Cette assertion découle de la supposition tacite si souvent faite à propos des con- formations corporelles, c'esl-à-diro de la prétendue tendance innée au développement continu de l'esprit et du corps. Mais toute es- pèce d'évolution progressive dépend du concours d'un grand nom- bre do circonstances favorables. La sélection naturelle n'agitjamais que d'une façon expérimentale. Certains individus, certaines races ont pu acquérir des avantages incontestables, et, cependant, périr faute de posséder certains autres caractères. Le manque de cohé- sion entre leurs nombreux petits États, le peu d'étendue de leur pays entier, la pratique de l'esclavage ou leur excessive sensualité, ont pu faire rétrograder les Grecs, qui n'ont succombé qu'après « s'être énervés et s'être corrompus jusqu'à la moelle". » Les na- tions de l'Europe occidentale, qui actuellement dépassent si consi- dérablement leurs ancêtres sauvages et se trouvent à la tête de la civilisation, ne doivent point leur supériorité à l'héritage direct des anciens Grecs, bien qu'ils doivent beaucoup aux œuvres écrites de ce peuple remarquable. Qui peut dire positivement pourquoi la nation espagnole, si pré-, pondérante autrefois, a été distancée dans la course? Le réveil des nations européennes, au sortir du moyen âge, constitue un pro- blème encore plus embarrassant à résoudre. Pendant le moyen âge, ainsi que le fait remarquer M. Galton", presque tous les hommes distingués, tous ceux qui se livraient à la culture de l'esprit, n'a- vaient d'autre refuge que l'Église, laquelle, exigeant le célibat, exer- çait ainsi une influence funeste sur chaque génération successive. Pendant cette môme période, l'Inquisition recherchait, avec un soin extrême, pour les enfermer ou pour les brûler, les hommes les plus indépendants et les plus hardis. En Espagne, par exemple, les hommes constituant l'élite de la nation, — ceux qui doutaient et in- terrogeaient, car sans le doute il n'y a pas de progrès, — furent éli- minés pendant trois siècles à raison d'un millier par an. L'Église catholique a ainsi causé un mal incalculable, bien que ce mal ait été, sans doute, contre - balancé , jusqu'à un certain point, peut-être même dans une grande mesure, par certains autres avantages. L'Eu- rope n'en a pas moins progressé avec une rapidité incroyable. 27. M. Oreg, Frasei-'s Magazine, sept. 1868, p. 357. 28. Heredilary Genius, pp. 357-359. Le Rev. F. -H. Farrar (Fraser's Mag., août 1870, p. 257j soutient une thèse contraire. Sir C. Lyell avait iléjà {Prinri- ple.i of (ieologi/, \o\. H, 1868, p. 489), ilans un passage frappant, appelé l'atteii- tion sur l'influence fâcheuse qu'a exercée la Sainte Inquisition en abaissant, par sélection, le niveau général de l'intelligence en Europe. 154 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [!'« Partiej. La supériorité remorquable qu'ont eue, sur d'autres nations eu- ropéennes, les Anglais comme colonisateurs, supériorité attestée par la comparaison des progrès réalisés par les Canadiens d'origine anglaise et ceux d'origine française, a été attribuée à leur « éner- gie persistante et à leur audace » ; mais qui peut dire comment les Anglais ont acquis cette énergie? Il y a certainement beaucoup de vrai dans l'hypothèse qui attribue à la sélection naturelle les mer- veilleux progrès des États-Unis, ainsi que le caractère de son peu- ple ; les hommes les plus courageux, les plus énergiques et les plus entreprenants de toutes les parties de l'Europe ont, en effet, émi- gré pendant les dix ou douze dernières générations pour aller peu- pler ce grand pays et y ont prospéré -'. Si on jette les yeux sur l'avenir, je ne crois pas que le Rév. M. Zincke émette une opinion exagérée lorsqu'il dit '* : « Toutes les autres séries d'événements, — comme celles qui ont produit la culture intellectuelle en Grèce, et celles qui ont eu pour résultat la fondation de l'empire romain, — ne paraissent avoir de but et de valeur que lorsqu'on les rattache, ou plutôt qu'on les regarde comme subsidiaires au... grand courant d'émigration anglo-saxon dirigé vers l'Ouest. » Quelque obscur que soit le problème du progrès de la civilisation, nous pouvons au moins comprendre qu'une nation qui, pendant une longue période, produit le plus grand nombre d'hommes intelligents, énergiques, braves, patriotes et bienveillants, doit, en règle générale, l'empor- ter sur les nations moins bien favorisées. La sélection naturelle résulte de la lutte pour l'existence, et celle- ci de la rapidité de la multiplication. Il est impossible de ne pas déplorer amèrement, — à part la question de savoir si c'est avec raison, — la rapidité avec laquelle l'homme tend à s'accroître; cette augmentation rapide entraîne, en effet, chez les tribus barbares la pratique de l'infanticide et beaucoup d'autres maux, et, chez les nations civilisées, occasionne la pauvreté, le célibat, et le mariage tardif des gens prévoyants. L'homme subit les mêmes maux physi- ques que les autres animaux, il n'a donc aucun droit à l'immunité contre ceux qui résultent de la lutte pour l'existence. S'il n'avait pas été soumis à la sélection naturelle pendant les temps primitifs, l'homme n'aurait certainement jamais atteint le rang qu'il occupe aujourd'hui. Lorsque nous voyons, dans bien des parties du monde, des régions entières extrêmement fertiles, peuplées de quelques sauvages errants, alors qu'elles pourraient nourrir de nombreux 29. M. Oalton, Macmillan's Magazine, août 1865, p.*325. Voir aussi, On Dar- winistn and national Life; Nature, déc, 1869, p. 184. 30. Last Winter in the United States, 1868, p. 29. [Chap. V]. DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS. 155 ménages prospères, nous sommes disposés à penser que la lutte pour l'existence n'a pas été suffisamment rude pour forcer l'homme à atteindre son état le plus élevé. A en juger d'après tout ce que nous savons de l'homme et des animaux inférieurs, les facultés in- tellectuelles et morales ont toujours présenté une variabilité assez grande pour que la sélection naturelle put déterminer leur perfec- tionnement continu. Ce développement réclame sans doute le con- cours simultané de nombreuses circonstances favorables; mais on peut douter que les circonstances suffisent, si elles ne sont pas ac- compagnées d'une très rapide multiplication et de l'excessive ri- gueur de la lutte pour l'existence qui en est la conséquence. L'état de la population dans certains pays, dans l'Amérique méridionale par exemple, semble même prouver qu'un peuple qui a atteint à la civi- lisation, tel que les Espagnols, est susceptible de se livrer à l'indo- lence et de rétrograder, quand les conditions d'existence deviennent très faciles. Chez les nations très civilisées, lacontinuation du progrès dépend, dans une certaine mesure, de la sélection naturelle, car ces nations ne cherchent pas à se supplanter et à s'exterminer les unes les autres, comme le font les tribus sauvages. Toutefois les membres les plus intelligents finissent par l'emporter dans le cours des temps sur les membres inférieurs de la même communauté, et laissent des descendants plus nombreux; or c'est là une forme de la sélection naturelle. Une bonne éducation pendant la jeunesse, alors que l'esprit est très impressionnable, et un haut degré d'ex- cellence, pratiqué par les hommes les plus distingués, incorporé dans les lois, les coutumes et les traditions de la nation et exigé par l'opinion publique, semblent constituer les causes les plus efficaces du progrès. Mais il faut toujours se rappeler que la puisssance de l'opinion publique dépend du cas que nous faisons de l'approbation ou du blâme exprimé par nos semblables, ce qui dépend de notre sympathie que, l'on n'en peut guère douter, la sélection naturelle a primitivement développée, car elle constitue un des éléments les plus importants des instincts sociaux". Toutes les nations civilisées ont été auli'efois bai'bares. — Sir J. Lub- bock", M. Tylor, M'Lennanetautres, ont traité cette question d'une façon si complète et si remarquable que je puis me borner ici à résumer leurs conclusions. Le duc d'Argyll", et, avant lui, l'arche- vêque Whately, ont cherché à démontrer que l'homme a paru sur 31. Broca, les Sélections, Revue d'anthropologie, 1872. 'M. On Ihe Origin of Civilisation, Prnr. Ethnnlot/ical Sor., 2i\ nov. 18C7. 33. Primerai Man, 1869. l.",6 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. la terre à l'état d'être civilisé, et que tous les sauvages ont depuis éprouvé une dégradation, mais leurs arguments me paraissent bien faibles comparativement à ceux que leur oppose la partie adverse. Bien des nations ont sans doute rétrogradé au point de vue de la civilisation; il se peut même que quelques-unes soient retombées dans une barbarie complète; cependant je n'en ai nulle part trouvé la preuve. Les Fuégiens, forcés probablement par d'autres hordes conquérantes à s'établir dans leur pays inhospitalier, peuvent, comme conséquence, s'y être un peu plus dégradés ; mais il serait difficile de prouver qu'ils sont tombés beaucoup plus bas que les Botocudos, qui habitent les plus belles parties du Brésil. Toutes les nations civilisées descendent de peuples barbares; c'est ce que prouvent, d'une part, les traces évidentes de leur an- cienne condition inférieure qui existent encore dans leurs coutumes, leurs croyances, leur langage, etc. ; et, d'autre part, le fait que les sauvages peuvent s'élever par eux-rmêmes de quelques degrés sur l'échelle de la civilisation. Les preuves à l'appui de la première hypothèse sont très curieuses, mais je ne puis les indiquer ici : je veux parler, par exemple, de la numération, qui, ainsi que le prouve clairement M. Tylor, par les mots encore usités dans quelques pays, a pris son origine en comptant les doigts d'une main d'abord, puis de la seconde, et enfin ceux des pieds. Nous en trouvons des traces dans notre propre système décimal, et dans les chiffres romains, qui, arrivés à V, signe que l'on est disposé à considérer comme l'image abrégée de la main humaine, passent à VI, ce qui indique sans doute l'emploi de l'autre main. De même, lorsque nous em- ployons les locutions dont la vingtaine est l'unité [score en anglais), « nous comptons d'après le système vigésimal, chaque vingtaine ainsi idéalement représentée, comptant pour 20, — c'est-à-dire un homme, comme dirait un Mexicain ou un Caraïbe" ». D'après une grande école de philologues , école dont le nombre va croissant, chaque langage porte les marques de son évolution lente et gra- duelle. Il en est de même de l'écriture, car les lettres ne sont que des rudiments d'hiéroglyphes. On ne peut lire l'ouvrage de M. M'Len- nan" sans admettre que presque toutes les nations civilisées ont 34. Royal Institution of Great Britain, 15 mars 1867. Aussi, Reseaj'ches into the Earlf/ History of Mankifid, 1865. 35. Primitive Marriage, 1865, Voir aussi un article évidemment du même au- teur, dans North British Review, juillet 1869. M.-L.-H. Morgan, A Conjectural solution of the origin of the class. System of Relatiojxship ; Proceed. American Acad. of Sciences, vo\. VII, fév. 1868. Le professeur Scliaaffhausen {Anthropo- logical Review, oct. 1869, p. 373), fait des remarques sur les « traces de sacri- fices humains qu'on trouve tant dans Homère que dans l'Ancien Testament. » [Chap. V]. DÉVELOPPEMENT DES FACULTÉS. 157 conservé quelques traces de certaines habitudes barbares, telles que le rapt des femmes par exemple. Peut-on citer une seule nation ancienne, se demande le même auteur, qui, dans le principe, ait pratiqué la monogamie? L'idée primitive de la justice, c'est-à-dire la loi du combat et les autres coutumes dont il subsiste encore des traces, était également très grossière. Un grand nombre de nos su- perstitions représentent les restes d'anciennes croyances reli- gieuses erronées. La'forme religieuse la plus élevée, — l'idée d'un Dieu abhorrant le péché et aimant la justice, — était inconnue dans les temps primitifs. Passons à un autre genre de preuves : sir J. Lubbock a démon- tré que quelques sauvages ont récemment réalisé certains progrès dans quelques-uns de leurs simples arts. L'exposé très curieux qu'il fait des armes, des outils employés et des arts pratiqués par h'S sauvages dans les diverses parties du monde, tend à prouver que presque toutes les découvertes ont été indépendantes, sauf peut-être l'art de faire le feu ". Le boomerang australien est un excellent exemple d'une découverte indépendante. Les Tahitiens, lorsqu'on les visita pour la première fois, étaient déjà, sous plu- sieurs rapports, plus avancés que les habitants de la plupart des autres îles Polynésiennes. Il n'y a pas de raisons pour croire que la haute culture des Péruviens et des Mexicains indigènes dût pro- venir d'une source étrangère "; ces peuples cultivaient, en effet, plusieurs plantes indigènes et avaient réduit en domesticité quel- ques animaux du pays. Un équipage venant d'un pays à demi civilisé, naufragé sur les côtes de l'Amérique, n'aurait pas, si on en juge d'après le peu d'influence qu'exercent la plupart des mis- sionnaires, produit d'effet marqué sur les indigènes, à moins que ceux-ci ne fussent déjà quelque peu civilisés. Si nous remontons à une période très reculée de l'histoire du monde, nous trouvons, pour nous servir des expressions si bien connues de sir J. Lubbock, une période paléolithique et une période néolithique ; or personne ne saurait prétendre que l'art de polir les outils grossiers en silex taillé ne soit une découverte indépendante. Dans toutes les parties de l'Europe jusqu'en Grèce, en Palestine, dans l'Inde, au Japon, dans la Nouvelle-Zélande et en Afrique, l'Egypte comprise, on a découvert de nombreux instruments en silex et les habitants actuels n'ont conservé aucune tradition à cet égard. Les Chinois et les an- 36. Sir J. Lubbock, Pre/iistoric Times, 2c édit., 1869, chap. xv et xvi et passim, Voir aussi Tylor, Earli/ History of Mankinil,chii[>. ix. 37. Le D' V. MttUer a fait (juelquos excellentes reniar(|ues à ce sujet dans le yoynije de la Sovara, |)artie Ant/irupolugii/ur, partie III, 18G8, p. 127. 158 LA DESCENDANCE DE L'HOMME [Iro Partie]. ciens Juifs ont aussi employé autrefois ces inslrumenls en silex. On peut donc en conclure que les habitants de ces nombreux pays, qui comprennent presque tout le monde civilisé, ont été autrefois dans un état de barbarie. Croire que l'homme, primitivement civilisé, a ensuite éprouvé, dans tant de régions différentes, une dégradation complète, c'est se faire une pauvre opinion de la nature humaine. Combien n'est-elle pas plus vraie et plus consolante, cette opinion qui veut que le progrès ait été plus général î^ue la rétrogadation ; et qui enseigne que l'homme, parti d'un état inférieur, s'est avancé, à pas lents et interrompus, il est vrai, jusqu'au degré le plus élevé qu'il ait encore atteint en science, en morale et en religion ! CHAPITRE VI AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE DE l'HOMME La position de l'homme dans la série animale. — Le système naturel est gé- néalogique. — Les caractères d'adaptation ont peu de valeur. — Divers points de ressemblance entre l'homme et les quadrumanes. — Rang de Ihomme dans le système naturel. — Patrie primitive et antiquité de Ihomme. — Ab- sence de chaînons fossiles. — Etats inférieurs de la généalogie de l'homme, déduits de ses affinités et de sa conformation. — Etat primitif androgyne des Vertébrés. — Conclusions. Admettons que la différence entre l'homme et les animaux qui sont le plus voisins de lui, soit, sous le rapport de la conformation corporelle, aussi grande que quelques naturalistes le soutiennent; admettons aussi, ce qui, d'ailleurs, est évident, que la différence qui sépare l'homme des animaux, sous le rapport des aptitudes mentales, soit immense ; il me semble, cependant, que les faits cités dans les chapitres précédents prouvent de la manière la plus évi- dente que l'homme descend d'une forme inférieure, bien qu'on n'ait pas encore, jusqu'à présent, découvert les chaînons inter- médiaires. L'homme est sujet à des variations nombreuses, légères et di- verses, déterminées par les mêmes causes, réglées et transmises selon les mêmes lois générales que chez les animaux inférieurs. Il s'est multiplié si rapidement qu'il a été nécessairement soumis à la lutte pour l'existence, et, par conséquent, à l'action de la sélection naturelle. Il a engendré des races nombreuses, dont quelques-unes diffèrent assez les unes des autres pour que certains naturalistes les aient considérées comme des espèces distinctes. Le corps de l'homme est construit sur le même plan homologue que celui des {Chap. VI]. AFFINITES ET GENEALOGIE. 159 autres mammifères. Il traverse les mêmes phases de développe- ment einbryogénique. 11 conserve beaucoup de conformations rudi- menlaires et inutiles, qui, sans doute, ont eu autrefois leur utilité. Nous voyons quelquefois reparaître chez lui des caractères qui, nous avons toute raison de le croire, ont existé chez ses premiers ancêtres. Si l'origine de l'homme avait été totalement différente de celle de tous les autres animaux, ces diverses manifestations ne se- raient que de creuses déceptions, et une pareille hypothèse est inad- missible. Ces manifestations deviennent, au contraire, compréhen- sibles, au moins dans une large mesure, si l'homme est, avec d'autres mammifères, le codescendant de quelque type inférieur inconnu. Quelques naturalistes, profondément frappés des aptitudes men- tales de l'homme, ont partagé l'ensemble du monde organique en trois règnes : le règne Humain, le règne Animal et le règne Végétal, attribuant ainsi à l'homme un règne spécial *. Le naturaliste ne peut ni comparer ni classer les aptitudes mentales, mais il peut, ainsi que j'ai essayé de le faire, chercher à démontrer que, si les facultés mentales de l'homme dilTèrent immensément en degré de celles des animaux qui lui sont inférieurs, elle n'en diffèrent pas quant à leur nature. Une différence en degré, si grande qu'elle soit, ne nous autorise pas à placer l'homme dans un règne à part; c'est ce qu'on comprendra mieux peut-être, si on compare les facultés mentales de deux insectes, un coccus et une fourmi, par exemple, qui tous deux appartiennent incontestablement à la môme classe. La différence dans ce cas est plus grande, quoique d'un genre quelque peu différent, que celle qui existe entre l'homme et le mammifère le plus élevé. Le jeune coccus femelle s'attache par sa trompe à une plante dont il suce la sève sans jamais changer de place; la femelle y est fécondée, elle pond ses œufs, et telle est toute son histoire. Il faudrait, au contraire, un gros volume, ainsi que l'a démontré P. Huber, pour décrire les habitudes et les apti- tudes mentales d'une fourmi; je me contenterai de fignaler ici quelques points spéciaux. II est certain que les fourmis se commu- niciuent réciproquement certaines impressions, et s'associent pour exécuter un même travail, ou pour jouer ensemble. Elles recon- naissent leurs camarades après plusieurs mois d'absence et éprou- vent de la sympathie les unes pour les autres. Elles construisent de vastes édifices, qu'elles maintiennent dans un parfait état de pro- preté, elles en ferment les portes le soir, et y placent des senli- 1. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire donne le détail de la position que les divers nnturalistes ont absignée à l'hoiunie dans leurs classificationts : Hisloire nal. ijènérale, 1859, p. 170-189. 160 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [V Partie]. nelles. Elles font des routes, creusent des tunnels sous les rivières, ou les traversent au moyen de ponts temporaires qu'elles éiablis- sent en s'attachant les unes aux autres. Elles recueillent des ali- ments pour la tribu, et, lorsqu'on apporte au nid un objet trop gros pour y entrer, elles élargissent la porte, puis la reconstruisent à nouveau. Elles emmagasinent des graines qu'elles empêchent de germer; si ces graines sont atteintes par l'humidité, elles les sor- tent du nid et les étendent au soleil pour les faire sécher. Elles élè- vent des pucerons et d'autres insectes comme autant de vaches à lait. Elles sortent en bandes régulièrement organisées pour com- battre, et n'hésitent pas à sacrifier leur vie pour le bien commun. Elles émigrent d'après un plan préconçu. Elles capturent des escla- ves. Elles transportent les œufs de leurs pucerons, ainsi que leurs propres œufs et leurs cocons, dans les parties chaudes du nid, afin d'en faciliter l'éclosion. Nous pourrions ajouter encore une infinité de faits analogues ^ En résumé, la différence entre les aptitudes mentales d'une fourmi et celles d'un coccus est immense; cepen- dant personne n'a jamais songé à les placer dans des classes, encore bien moins dans des règnes distincts. Cet intervalle est, sans doute, comblé par les aptitudes mentales intermédiaires d'une foule d'autres insectes ; ce qui n'est pas le cas entre l'homme et les singes supérieurs. Mais, nous avons toute raison de croire que les lacunes que présente la série ne sont que le résultat de l'extinction d'un grand nombre de formes intermédiaires. Le professeur Owen, prenant pour base principale la conforma- tion du cerveau, a divisé la série des mammifères en quatre sous- classes. Il en consacre une à l'homme et il place dans une autre les marsupiaux et les monotrèmes ; de sorte qu'il établit une distin- ction aussi complète entre l'homme et les autres mammifères, qu'entre ceux-ci et les deux derniers groupes réunis. Aucun natu- raliste capable de porter un jugement indépendant n'ayant, que je sache, adnUs cette manière de voir, nous ne nous en occuperons pas davantage. Il est facile de comprendre pourquoi une classification basée sur un seul caractère ou sur un seul organe, — fût-ce un organe aussi complexe et aussi important que le cerveau, — ou sur le grand dé- veloppement des facultés mentales, doit presque certainement être 2. M. Belt a cité {Naturalist in Nicaraffua, 1874) les faits les plus intéressants qui aient j.nmais peut-être été publiés sur les fourmis. Voir l'intéressant ou- vrage de M. Mogpridge, Harvestinrj Ants, etc., 1873. Voir aussi l'excellent article de Georges Pouchet, YInstinct chez les insectes IRevtie des Deux Mondes, févr. 1870, j). 682). [Chap. VI]. AFFINITÉS ET OÈNKALOQIE. 161 peu satisfaisante. On a appliqué ce système aux insectes hymé- noptères ; mais, une fois classés ainsi d'après leurs habitudes ou leurs instincts, on a reconnu que celle classification était entière- ment artificielle '. On peut, cola va sans dire, baser une classifica- tion sur un caractère quelconque : la taille, la couleur, l'élément habité; mais les naturalistes ont, depuis longtemps, acquis la conviction profonde qu'il doit exister un système naturel de classi- fication. Ce système, on l'admet généralement aujourd'hui, doit suivre autant que possible un arrangement généalogique, — c'est- à-dire que les codescendanls du même type doivent être réunis dans un groupe, séparé des codescendanls de tout autre type ; mais, si les formes parentes ont eu des relations de parenté, il en est de même de leurs descendants, et les deux groupes doivent constituer un groupe plus considérable. L'étendue des différences existant entre les divers groupes, — c'est-à-dire la somme des modifications que chacun d'eux aura éprouvées, — s'exprimera par des termes tels que genres, familles, ordres, et classes. Comme nous ne possédons aucun document sur les lignes de descendance, nous ne pouvons découvrir ces lignes qu'en observant les degrés de ressemblance qui existent entre les êtres qu'il s'agit de classer. Dans ce but, un grand nombre de points de ressemblance ont une importance beaucoup plus considérable que toute similitude ou toute dissemblance prononcée, mais ne portant que sur un petit nombre de points. Si deux langages contiennent un grand nombre de mots et de formes de construction identique, on est d'accord pour reconnaître qu'ils dérivent d'une source commune, quand bien même ils pourraient différer beaucoup par quelques autres points. Mais, chez les êtres organisés, les points de ressemblance ne doi- vent pas consister dans les seules adaptations à des habitudes de vie analogues; ainsi, par exemple, il se peut que toute la consti- tution de deux animaux se soit modifiée pour les approprier à vivre dans l'eau, sans que pour cela ils soient voisins l'un de l'autre dans le système naturel. Cette remarque nous aide à comprendre pour- quoi les nombreuses ressemblances portant sur des conformations sans importance, sur des organes inutiles et rudimentaires, ou sur des i)arties non encore complètement développées et inactives au point de vue fonctionnel, sont de beaucoup les plus utiles pour la classification, parce que, n'étant pas dues à des adaptations ré- centes, elles révèlent ainsi les anciennes lignes de descendance, c'est-à-dire celles de la véritable affinité. 3. Westwood, Modem Classif. of Insrcls, vol. II, 1840, p. 87. H 162 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. En outre, on s'explique aisément qu'il ne faudrait pas conclure d'une modification importante affectant un seul caractère à la sépa- ration absolue de deux organismes. La théorie de l'évolution nous enseigne, en effet, qu'une partie qui diffère considérablement de la partie correspondante chez d'autres formes voisines, a dû varier beaucoup, et que, tant que l'organisme reste soumis aux mêmes conditions, elle tend à varier encore dans la même direction; si ces nouvelles variations sont avantageuses, elles se conservent et s'augmentent continuellement. Dans beaucoup de cas, le dévelop- pement continu d'une partie, du bec d'un oiseau, par exemple, ou des dents d'un mammifère , ne serait avantageux à l'espèce ni pour se procurer ses aliments, ni dans aucun autre but; mais, chez l'homme, nous ne voyons, en ce qui regarde les avantages qu'il peut en tirer, aucune limite définie à assigner au développement persistant du cerveau et des facultés mentales. Par conséquent, si l'on veut déterminer la position de l'homme dans le système na- turel ou généalogique, l'extrême développement du cerveau ne doit pas l'emporter sur une foule de ressemblances portant sur des points d'importance moindre ou même n'en ayant aucune. La plupart des naturalistes qui ont pris en considération l'en- semble de la conformation humaine, les facultés mentales com- prises, ont adopté les vues de Blumenbach et de Cuvier, et ont placé l'homme dans un ordre séparé sous le nom de Bimanes, et, par conséquent, sur le même rang que les ordres des Quadrumanes, des Carnivores, etc. Beaucoup de naturalistes très distingués ont récemment repris l'hypothèse proposée d'abord par Linné, si re- marquable par sa sagacité, et ont replacé, sous le nom de Primates, l'homme dans le même ordre que les Quadrumanes. Il faut recon- naître la justesse de cette hypothèse, si l'on songe, en premier lieu, aux remarques que nous venons de faire sur le peu d'impor- tance qu'a, relativement à la classiflcation, l'énorme développement du cerveau chez l'homme, et si l'on se rappelle aussi que les diffé- rences fortement accusées existant entre le crâne de l'homme et celui des Quadrumanes (différences sur lesquelles Bischoff, Aeby et d'autres, ont récemment beaucoup insisté), sont le résultat très vraisemblable d'un développement différent du cerveau. En second lieu, nous ne devons point oublier que presque toutes les autres différences plus importantes qui existent entre l'homme et les Quadrumanes sont de nature éminemment adaptative, et se ratta- chent principalement à l'attitude verticale particulière à l'homme ; telles sont la structure de la main, du pied et du bassin, la courbure de la colonne vertébrale et la position de la tête. La famille des [Chap. Vil. AFFINITES ET GENEALOGIE. 163 phoques offre un excellent exemple du peu d'importance qu'ont les caractères d'adaptation au point de vue de la classification. Ces animaux diffèrent de tous les autres carnivores, par la forme du corps et par la conformation des membres , beaucoup plus que l'homme ne diffère des singes supérieurs; cependant, dans tous les systèmes, depuis celui de Cuvier jusqu'au plus récent, celui de M. Flower *, les phoques occupent le rang d'une simple famille dans l'ordre des Carnivores. Si l'homme n'avait pas été son propre classificateur, il n'eût jamais songé à fonder un ordre séparé pour s'y placer. Je n'essaierai certes pas, car ce serait dépasser les limites de cet ouvrage et celles de mes connaissances, de signaler les innombra- bles points de conformation par lesquels l'homme se rapproche de» autres Primates. Notre éminent anatomiste et philosophe, le pro- fesseur Huxley, après une discussion approfondie du sujet?, con- clut que, dans toutes les parties de son organisation, l'homme dif- fère moins des singes supérieurs que ceux-ci ne diffèrent des membres inférieurs de leur propre groupe. En conséquence, « il n'y a aucune raison pour placer l'homme dans un ordre distinct. » J'ai signalé, au commencement de ce volume, divers faits qui prouvent que l'homme a une constitution absolument analogue à celle des mammifères supérieurs; cette analogie dépend sans doute de notre ressemblance intime avec eux, tant au point de vue de la structure élémentaire que de la composition chimique de notre corps. J'ai cité comme exemple notre aptitude aux mêmes maladies et aux attaques de parasites semblables ; nos goûts communs pour les mêmes stimulants, les effets semblables qu'ils produisent, ainsi que ceux de diverses drogues, et d'autres faits de même nature. Les traités systématiques négligent souvent de prendre en consi- dération certains points peu importants de ressemblance entre l'homme et les singes supérieurs; cependant ces points de ressem- blance révèlent clairement, lorsqu'ils sont nombreux, nos rapports de parenté, je tiens donc à en signaler quelques-uns. La position relative des traits de la face est évidemment la même chez l'homme et chez les quadrumanes; les diverses émotions se traduisent pur des mouvements presque identiques des muscles et de la peau, surtout au-dessus des sourcils et autour de la bouche. Il y a même quelques expressions qui sont presque analogues, telles que les sanglots de certaines espèces de singes et le bruit imitant le rire 4. l'roceed, Zoolog. Soviet i/, 186.3, p. 4. 0. Evidente as to Mnn's Plare in \atioe, 1803, p. 70. 164 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. que font entendre d'autres espèces, actes pendant lesquels les coins de la bouche se retirent en arrière et les paupières inférieures se plissent. L'extérieur des oreilles est singulièrement semblable. L'homme a un nez beaucoup plus proéminent que la plupart des singes; mais nous pouvons déjà apercevoir un commencement de courbure aquiline sur le nez du Gibbon Hoolock ; cette courbure du même organe est ridiculement exagérée chez le Semnopùkecus nasica. Beaucoup de singes ont le visage orné de barbe, de favoris ou de moustaches. Les cheveux atteignent une grande longueur chez quelques espèces de Semnopithèques '; chez le Bonnet chinois (Macacus radiatus), ils rayonnent d'un point du vertex avec une raie au milieu, absolument comme chez l'homme. On admet gé- néralement que l'homme doit au front son aspect noble et intel- ligent; mais les poils touffus de la tête du Bonnet chinois se termi- nent brusquement au sommet du front, lequel est recouvert d'un poil si court et si fin, un véritable duvet, que, aune petite distance, à l'exception des sourcils, il paraît être entièrement nu. On a affirmé par erreur qu'aucun singe n'a de sourcils. Chez l'espèce dont nous venons de parler, le degré de dénudation du front varie selon les individus; Eschricht constate '', d'ailleurs, que, chez nos enfants, la limite entre le scalpe chevelu et le front dénudé est parfois mal définie ; ce qui semble constituer un cas insignifiant de retour vers un ancêtre dont le front n'était pas encore complètement dénudé. On sait que, sur les bras de l'homme, les poils tendent à conver- ger d'en haut et d'en bas en une pointe vers le coude. Cette dispo- sition curieuse , si différente de celle que l'on observe chez la plupart des mammifères inférieurs, est commune au gorille, au chimpanzé, à l'orang, à quelques espèces d'hylobates, et même à quelques singes américains. Mais, chez VHylobates agilis, le poil de l'avant-bras se dirige comme à l'ordinaire vers le poignet; chez le H. lar, le poil est presque transversal avec une très légère in- clinaison vers l'avant-bras, de telle sorte que, chez cette dernière espèce, il se présente à l'état de transition. Il est très probable que, chez la plupart des mammifères, l'épaisseur du poil et la direction qu'il affecte sur le dos servent à faciliter l'écoulement de la pluie ; les poils obliques des pattes de devant du chien servent sans doute à cet usage lorsqu'il dort enroulé sur lui-même. M. Wallace re- marque que chez l'orang (dont il a soigneusement étudié les mœurs) 6. Isid. Geoffroy. Uist. Nat. gén., t. II, 1859, p. 217. 7. Ueber die Richtung der Haare, etc., MûUer's Archiv fur Anat. und Physio- log., 1837, p. 51. [Chap. VI). affinités ET OÉNÊALOOIE. 165 la convergence des poils du bras vers le coude sert à l'écoulement de la pluie lorsque cet animal, suivant son habitude, replie, quand il pleut, ses bras en l'air, pous saisir une branche d'arbre ou simple- ment pour les poser sur sa tète. Livingslone afJirmeque le gorille, pendant une pluie battante, croise ses mains sur sa tête". Si cette explication est exacte, comme cela semble probable, l'arrangement des poils sur notre avant-bras serait une singulière preuve de notre ancien état; car on ne saurait admettre que nos poils aient aujourd'hui aucune utilité pour facilité l'écoulement de la pluie, usage auquel ils ne se trouveraient, d'ailleurs, plus appropriés par leur direction, vu notre attitude verticale actuelle. Il serait, toutefois, téméraire de trop se fier au principe de l'a- daptation relativement à la direction des poils chez l'homme ou chez ses premiers ancêtres. 11 est, en effet, impossible d'étudier les figures d'Eschricht sur l'arrangement du poil chez le fœtus hu- main, arrangement qui est le même que chez l'adulte, sans recon- naître avec cet excellent observateur que d'autres causes et des plus complexes ont dû intervenir. Les points de convergence pa- raissent avoir quelques rapports avec ces parties qui, dans le déve- loppement de l'embryon, se forment les dernières. Il semble aussi qu'il existe quelque rapport entre l'arrangement des poils sur les membres et le trajet des artères médullaires '. Je ne prétends certes pas dire que les ressemblances signalées ci-dessus entre l'homme et certains singes, ainsi que sur beaucoup d'autres points, — tels que la dénudation du front, les longues tres- ses sur la tête, etc., — résultent nécessairement toutes d'une trans- mission héréditaire non interrompue des caractères d'un ancêtre commun, ou d'un retour subséquent vers ces caractères. Il est plus probable qu'un grand nombre de ces ressemblances sont dues à une variation analogue, laquelle, ainsi que j'ai cherché à le démon- trer ailleurs "*, résulte du fait que des organismes codescendants ont une constitution semblable et subissent l'influence de causes déterminant une même variabilité. Quant à la direction analogue des poils de l'avant-bras chez l'homme et chez certains singes, on peut probablement l'attribuer à l'hérédité, car ce caractère est 8. Cité par Reade, The African Sketch Book, vol. I, 1873, p. 152. 9. Sur le poils des Hylobates, voir Nal. Hist. of Mammnls, par C. L. Mar- tin, 1841, p. 415. Isid. Geoffroy, sur les singes américains et autres, Hist. Nat. fjén., vol. II, 1839, pp. 216, 243. Eschricht, ibid., pp. 46, .55, 61. Owen. Anat. of Vertebrntes, vol. III, p. 619. W'allace, Contributions to the theory of Saturai sélection, 1870, p. 344. 10. Origine des espèces, 1872, p. 174. La Variation de^ aftiwati^r et dfs plantes à l'état domestique, vol. II, p. 370 (Paris, Reinwald). 166 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. commun à la plupart des singes anthropomorphes; on ne saurait, cependant, rien affirmer à cet égard ; car quelques singes améri- cains fort distincts présentent également ce caractère. Si, comme nous venons de le voir, l'homme n'a pas droit à for- mer un ordre distinct, il pourrait peut-être réclamer un sous-ordre ou une famille distincte. Dans son dernier ouvrage ", le professeur Huxley divise les Primates en trois sous-ordres, qui sont : les An- thropidés, comprenant l'homme seul ; les Simiadés, comprenant les singes de toute espèce, et les Lémuridés, comprenant les divers genres de lémures. Si l'on se place au point de vue des différences portant sur certains points importants de conformation, l'homme peut, sans aucun doute, prétendre avec raison au rang de sous- ordre ; rang encore trop inférieur, si nous considérons principale- ment ses facultés mentales. Ce rang serait, toutefois, trop élevé au point de vue généalogique, d'après lequel l'homme ne devrait re- présenter qu'une famille, ou même seulement une sous-famille. Si nous nous figurons trois lignes de descendance procédant d'une source commune, il est parfaitement concevable que, après un laps de temps très prolongé, d'eux d'entre elles se soient assez peu modifiées pour se comporter comme espèces d'un même genre ; tandis que la troisième peut s'être assez profondément modifiée pour constituer une sous-famille, une famille, ou même un ordre distinct. Mais, même dans ce cas, il est presque certain que cette troisième ligne conserverait encore, par hérédité, de nombreux traits de ressemblance avec les deux autres. Ici se présente donc la difficulté, actuellement insoluble, de savoir quelle portée nous devons attribuer dans nos classifications aux différences très mar- quées qui peuvent exister sur quelques points, — c'esl-à-dire à la somme des modifications éprouvées ; et quelle part il convient d'at- tribuer à une exacte ressemblance sur une foule de points insigni- fiants, comme indication des lignes de descendance ou de généalo- gie. La première alternative est la plus évidente, et peut-être la plus sûre, bien que la dernière paraisse être celle qui indique le plus correctement la véritable classification naturelle. Pour asseoir notre jugement sur ce point, relativement à l'homme, jetons un coup d'œil sur la classification des Simiadés. Presque tous les naturalistes s'accordent à diviser cette famille en deux groupes : les Catarrhinins, ou singes de l'ancien monde, qui tous, comme l'indique leur nom, sont caractérisés par la structure particulière de leurs narines, et la présence de quatre prémolaires 11. An Introduction to the Classification of Animais, 1869, p. 99. (HAP. VI|. AFFINITES ET GENEALOGIE. 167 à chaque mâchoire; les Plalyrrhinins, ou ' singes du nouveau monde, comprenant deux sous-groupes 1res distincts, tous ca- ractérisés par des narines d'une conformation très différente, et la présence de six prémolaires à chaque mâchoire. On pourrait encore ajouter quelques autres légères différences. Or il est incontestable que, par sa dentition, par la conformation de ses narines, et sous quelques autres rapports, l'homme appartient à la division de l'ancien monde ou groupe catarrhinin; et que, par aucun caLTaclère, il ne ressemble de plus près aux platyrrhinins qu'aux catarrhinins, sauf sur quelques points peu importants et qui paraissent résulter d'adaptations. Il serait, par conséquent, contraire à toute probabilité de supposer que quelque ancienne espèce du nouveau monde ait, en variant, produit un être à l'aspect humain, qui aurait revêtu tous les caractères distinctifs de la divi- sion de l'ancien monde en perdant en même temps les siens pro- pres. Il y a donc tout lieu de croire que l'homme est une branche de la souche simienne de l'ancien monde, et que, au point de vue généalogique, on doit le classer dans le groupe catarrhinin '*. La plupart des naturalistes classent dans un sous-groupe distinct, dont ils excluent les autres singes de l'ancien monde, les singes anthropomorphes, à savoir le gorille, le chimpanzé, l'orang et , riiylobates. Je sais que Gratiolet, se basant sur la conformation du cerveau, n'admet pas l'existence de ce sous-groupe, qui est certai- nement un groupe accidenté. En effet, comme le fait remarquer M. Saint-George-Mivart ", « l'orang est une des formes les plus particulières et les plus déviées qu'on trouve dans cet ordre. » Ouelques naturalistes divisent encore les singes non anthropomor- phes de l'ancien continent, en deux ou trois sous-groupes plus petits, dont le genre semnopithèque, avec son estomac tout bour- souflé, constitue un des types. Les magnifiques découvertes de M. Gaudry dans l'Attique semblent prouver l'existence, pendant la période miocène, d'une forme reliant les Semnopithéques aux Maca- ques; fait qui, si on le généralise, explique comment autrefois les autres groupes plus élevés se confondaient les uns avec les autres. L'homme ressemble aux singes anthropomorphes, non seulement par tous les caractères qu'il possède en commun avec le groupe 12. C'est presque la même classiticitioii que celle adoptée provisoirement par M. Saint-George-Mivart {Transnct. Philos. Soc, 1867, p. 300), qui, apr^s avoir séparé les Lémuriens, divise le reste «les Primates en Hominidés et en Siniiadés correspondant aux Catarrhinins; et en Cébidés et en Hapalidés, — ces deux derniers groupes représentant les Platyrrhinins. M. Mivart . Antiquity of Mim, 1 «<>.{. p. 145. 20. Man'x Place in Nature, \k 105. 172 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. dessous des mammifères placentaires. Ils ont apparu à une époque géologique antérieure, et leur distribution était alors beaucoup plus étendue qu'à présent. On admet donc généralement que les Placen- taires dérivent des Implacentaires ou Marsupiaux, non pas toute- fois de formes identiques à celles qui existent aujourd'hui, mais de leurs ancêtres primitifs. Les Monotrèmes sont clairement voisins des Marsupiaux, et constituent une troisième division encore infé- rieure dans la grande série des mammifères. Ils ne sont représentés actuellement que par l'Ornithorynque et l'Échidné, deux formes qu'on peut, en toute certitude, considérer comme les restes d'un groupe beaucoup plus considérable autrefois, et qui se sont con- servées en Australie grâce à un concours de circonstances favo- rables. Les Monotrèmes présentent un vif intérêt, en ce qu'ils se rattachent à la classe des reptiles par plusieurs points importants de leur conformation. En cherchant à retracer la généalogie des mammifères et, par conséquent, celle de l'homme, l'obscurité devient de plus en plus profonde à mesure que nous descendons dans la série ; toutefois, comme l'a fait remarquer un juge très compétent, M. Parker, nous avons tout lieu de croire qu'aucun oiseau ou qu'aucun reptile n'oc- cupe une place dans la ligne directe de descendance. Quiconque veut se rendre compte de ce que peut un esprit in- génieux, joint à une science profonde, doit consulter les ouvrages du professeur Hâckel ^* ; je me bornerai ici à quelques remarques générales. Tous les évolutionnistes admettent que les cinq grandes classes de Vertébrés, à savoir les Mammifères, les Oiseaux, les Reptiles, les Amphibies et les Poissons, descendent d'un même prototype, attendu qu'elles ont, surtout pendant l'état embryon- naire, un grand nombre de caractères communs. La classe des poissons, inférieure à toutes les autres au point de vue de son or- ganisation, a aussi paru la première, ce qui nous autorise à conclure que tous les membres du règne des vertébrés dérivent de quelque animal pisciforme. L'hypothèse que des animaux aussi distincts les uns des autres qu'un singe, un éléphant, un oiseau-mouche, un ser- pent, une grenouille ou un poisson, etc., peuvent tous descendre des mêmes ancêtres, peut paraître monstrueuse, nous le savons, à 21. Des tables détaillées se trouvent dans sa Generelle Morphologie (t. II, p. cuii et p. 425), et d'autres, se rattachant plus spécialement à l'homme, dans sa Natûrliche Schopfunysgeschichte, 1868. Le professeur Huxley, analysant ce dernier ouvrage [Academy, 1869, p. 42), dit qu'il considère les lignes de des- cendance des Vertébrés comme admirablement discutées par Hackel, bien qu'il diffère sur quelques points. Il exprime aussi sa haute estime pour la valeur et la portée générale de l'ouvrage entier et l'esprit qui a présidé à sa rédaction. [Chap. VI]. AFFINITÉS ET GÉNÉALOGIE. 173 quiconque n'a pas suivi les récents progrès de l'histoire naturelle. Cette hypothèse implique, en elTet, l'existence antérieure de chaî- nons intermédiaires, reliant étroitement les unes aux autres toutes ces formes si complètement dissemblables aujourd'hui. Néanmoins il est certain qu'il a existé ou qu'il existe encore des groupes d'animaux, qui relient d'une manière plus ou moins intime les diverses grandes, classes des vertébrés. Nous avons vu que l'Ornithorynque se rapproche des reptiles. D'un autre côté, le pro- fesseur Huxley a fait la remarquable découverte, confirmée par M. Cope et par d'autres savants, que, sous plusieurs rapports im- portants, les anciens Dinosauriens constituent un chaînon intermé- diaire entre certains reptiles et certains oiseaux, — les autruches, par exemple (qui, elles-mêmes, sont évidemment un reste très ré- pandu d'un groupe plus considérable), et l'Archéoptérix, cet étrange oiseau de l'époque secondaire, pourvu d'une queue allongée comme celle du lézard. En outre, suivant le professeur Owen -*, les Ichthyo- sauriens, — grands lézards marins pourvus de nageoires, — ont de nombreuses affinités avec les poissons, ou plutôt, selon Huxley, avec les amphibies. Cette dernière classe (dont les grenouilles et les crapauds constituent la division la plus élevée) est évidemment voisine des poissons ganoïdes. Ces poissons, qui ont pullulé pen- dant les premières périodes géologiques, avaient un type hautement généralisé, c'est-à-dire qu'ils présentaient des affinités diverses avec d'autres groupes organiques. D'autre part, le Lépidosireu relie si étroitement les amphibies et les poissons, que les natura- listes ont longtemps débattu la question de savoir dans laquelle de ces deux classes ils devaient placer cet animal. Le Lépidosireu et quelques poissons ganoïdes habitent les rivières, qui constituent de vrais ports de refuge, et jouent lo même rôle, relativement aux grandes eaux de l'océan, que les îles à l'égard des continents; c'est ce qui les a préservés d'une extinction totale. Enfin, un membre unique de la classe des poissons, classe si éten- due et qui revêt des formes si diverses, l'Amphioxus, dilTèrc telle- ment des autres animaux de cet ordre, qu'il devrait, suivant Hiickel, constituer une classe distincte dans le règne des vertébrés. Ce pois- son est remarquable par ses caractères négatifs ; on peut àpcine dire, en effet, qu'il possède un cerveau, une colonne vertébrale, un cœur, etc. ; aussi les anciens naturalistes l'avaient-ils rangé parmi les vers. Il y a bien des années, le professeur Goodsir reconnut des affinités entre l'Amphioxus et les Ascidiens, formes marines invcr- ■2-2. Pnleonlology, 1860, p. 19t). 174 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. tébrées, hermaphrodites, attachées d'une façon permanente à un support, et qui paraissent à peine animalisées, car elles ne consis- tent qu'en un sac simple, ferme, ayant l'apparence du cuir, muni de deux petits orifices saillants. Les Ascidiens appartiennent aux Molluscoïda de Huxley, — une division inférieure du grand règne des Mollusques; cependant quelques naturalistes les ont récemment placés parmi les vers. Leurs larves affectent un peu la forme des têtards *', elles peuvent nager en toute liberté. Quel- ques observations, récemment faites par Kovalevsky ^*, et confir- mées depuis par le professeur Kupffer, tendent à prouver que les larves des Ascidiens se rattachent aux vertébrés, par leur mode de développement, par la position relative du système nerveux, et par la présence d'une conformation qui se rapproche tout à fait de la chorda doi'salis des animaux vertébrés. M. Kovalevsky m'écrit de Naples qu'il a poussé ses observations beaucoup plus loin, et, si les résultats qu'il annonce sont confirmés, il aura fait une découverte du plus haut intérêt. Il semble donc, si nous nous en rapportons à l'embryologie, qui a toujours été le guide le plus sûr du classifica- teur, que nous avons découvert enfin la voie qui pourra nous con- duire à la source dont descendent les vertébrés *^. Nous serions aussi fondés à admettre que, à une époque très ancienne, il existait un groupe d'animaux qui, ressemblant à beaucoup d'égards aux larves de nos Ascidiens actuels, se sont séparés en deux grandes branches, — dont l'une, suivant une marche rétrograde, aurait formé la classe actuelle des Ascidiens , tandis que l'autre se serait élevée jusqu'au sommet et au couronnement du règne animal, en produi- sant les vertébrés. Nous avons jusqu'ici cherché à retracer à grands traits la généa- 23. J'ai eu la satisfaction de voir, aux îles Falkland, en 1833, par conséquent quelques années avant d'autres naturalistes, la larve mobile d'une Ascidie composée, voisine mais génériquement distincte du Synoicum. La queue avait environ cinq fois la longueur de la tète, et se terminait par un filament très fin. Elle était nettement séparée, telle que je l'ai esquissée sous un microscope simple, par des partitions opaques transversales qui représentent, à ce que je suppose, les grandes cellules figurées par Kowalevsky. A un état précoce de développement, la queue est enroulée autour de la tête de la larve. 24. Mémoires (te UAcad. des Sciences de Saint-Pétersbourg, t. X, n" 15, 1866. 25. Je dois ajouter que des autorités compétentes disputent cette conclusion, M. Giard par exemple, dans une série de mémoires publiés dans les Archives de Zoologie expérimentale, m2. Toutefois ce naturaliste fiiit remarquer, p. 28i : « L'organisation de la larve ascidienne, en dehors de toute hypothèse et de toute théorie, nous montre comment la nature peut produire la disposition fondamentale du type vertébré ^l'existence d'une corde dorsale) chez un inver- tébré par la seule condition vitale de l'adaptation, et cette simple possibilité du passage supprime labirae entre les deux sous-règnes, encore bien qu'on ignore par oii le passage s'est fait en réalité. » [Chap. VIJ. AFFINITES ET GENEALOGIE. 175 logie des vertébrés en nous basant sur les affinités mutuelles. Voyons maintenant l'homme, tel qu'il existe. Je crois que nous pourrons en partie reconstituer pendant des périodes consécutives, mais non dans leur véritable succession chronologique, la confor- mation de nos antiques ancêtres. Cette tâche est possible si nous étudions les rudiments que l'homme possède encore , si nous exa- minons les caractères qui, accidentellement, réapparaissent chez lui par retour, et si nous invoquons les principes de la morpholo- gie et de l'embryologie. Les divers faits auxquels j'aurai à faire allusion ont été exposés dans les chapitres précédents. Les premiers ancêtres de l'homme étaient sans doute couverts de poils, les deux sexes portaient la barbe; leurs oreilles étaient probablement pointues et mobiles; ils avaient une queue, desservie par des muscles propres. Leurs membres et leur corps étaient soumis à l'action de muscles nombreux, qui ne reparaissent aujour- d'hui qu'accidentellement chez l'homme, mais qui sont encore nor- maux chez les quadrumanes. L'artère et le nerf de l'humérus pas- saient par l'ouverture supracondyloïde. A cette époque, ou pendant une période antérieure, l'intestin possédait un diverticulum ou cœcum plus grand que celui qui existe aujourd'hui. Le pied, à en juger par la condition du gros orteil chez le fœtus, devait être alors préhensible, et nos ancêtres vivaient sans doute habituellement sur les arbres, dans quelque pays chaud, couvert de forêts. Les mâles avaient de fortes canines qui constituaient pour eux dos armes formidables. A une époque antérieure, l'utérus était double ; les excrétions étaient expulsées par un cloaque, et l'œil était protégé par une troisième paupière ou membrane clignotante. En remontant plus haut encore, les ancêtres de l'homme menaient une vie aquatiqur : car la morphologie nous enseigne clairement que nos poumons ne sont qu'une vessie natatoire modifiée, qui servait autrefois de flot- teur. Les fentes du cou de l'embryon humain indiquent la place où les branchies existaiet)l alors. Les périodes lunaires de quelques- unes de nos fonctions périodiques semblent constituer une trace de notre patrie primitive, c'est-à-dire une côte lavée par les ma- rées. Vers cette époque, les corps de Woïif {corpora Wolffiana) remplaçaient les reins. Le cœur n'existait qu'à l'état de simple vaisseau pulsalile; et la chorda dorsalh occupait la place de la co- lonne vertébrale. Ces premiers prédécesseurs de l'homme, entrevus ainsi dans les profondeurs ténébreuses du passé, devaient avoir une organisation aussi simple que l'est celle de l'Amphioxus, peut-être même encore inférieure. 176 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. Un autre point mérite de plus amples détails. On sait depuis longtemps que, dans le règne des vertébrés, un sexe possède, à l'état rudimentaire, diverses parties accessoires caractérisant le système reproducteur propre à l'autre sexe ; or on a récemment constaté que, à une période embryonnaire très précoce, les deux sexes possèdent de vraies glandes mâles et femelles. Il en résulte que quelque ancêtre extrêmement reculé du règne vertébré tout entier a dû être hermaphrodite ou androgyne ^'. Mais ici se pré- sente une singulière difficulté. Les mâles de la classe des mammi- fères possèdent, dans leurs vésicules prostatiques, des rudiments d'un utérus avec le passage adjacent; ils portent aussi des traces de mamelles, et quelques marsupiaux mâles possèdent les rudi- ments d'une poche '^'^. On pourrait citer encore d'autres faits analo- gues. Devons-nous donc supposer que quelque mammifère très ancien ait possédé des organes propres aux deux sexes, c'est-fi-dire qu'il soit resté androgyne, après avoir acquis les caractères princi- paux de sa classe, et, par conséquent, après avoir divergé des classes inférieures du règne vertébré ? Ceci semble très peu proba- ble, car il nous faut descendre jusqu'aux poissons, classe inférieure à toutes les autres, pour trouver des formes androgynes encore existantes ^*. On peut, en effet, expliquer, chez les mammifères mâles, la présence d'organes femelles accessoires à l'état de rudi- ments, et inversement la présence, chez les femelles, d'organes rudimenlaires musculins, par le fait que ces organes ont été gra- duellement acquis par l'un des sexes, puis transmis à l'autre sexe dans un état plus ou moins imparfait. Lorsque nous étudierons la 26. C'est la conclusion d'une des plus grandes autorités en anatomie com- parée, le professeur Gegenbaur {Gi'undzùge der vergleich. Anat., 1870, p. 876), et elle résulte principalement de l'étude des amphibies; mais, d'après les recher- ches de Waldeyer (citées dans Journ. of Anat. and Phys., 1869, p. 161), les organes sexuels, même ceux des vertébrés supérieurs, seraient hermaphro- dites dans leurs premières phases. Quelques savants ont déjà, depuis long- temps, émis la même opinion qui, jusque tout récemment, ne reposait pas sur une base suffisamment solide. 27. Le Tliynacilus mâle en offre le meilleur exemple. Owen, Anat. of Verte- hrates, vol. III, p. 771. 28. On a observé que plusieurs espèces de Serranus, aussi bien que quelques autres poissons , sont hermaphrodites , soit de façon normale et symétrique ou de façon anormale et unilatérale. Le D' Zouteveen m'a indiqué quelques mémoires relatifs à cette question et surtout un mémoire du professeur Halbertsma, Transac. of thc Dutch Acad. of Sciences, vol. XVI. Le D"" Gûnther n'accepte pas ce fait qui, cependant, a été signalé par un trop grand nombre de bons ob- servateurs pour qu'on puisse plus longtemps le mettre en question. Le D"" M. Lessona m'écrit qu'il a vérifié les observations faites par Cavolini sur le Serranus. Le professeur Ercolani a récemment démontré {Acad. délie Scienze, Bologna, 28 déc. 1871) que les anguilles sont androgynes. [CuAi-. VI]. AFFINITES ET GENEALOGIE. 177 sélection se.xuelle, nous rencontrerons des exemples très nombreux de ce genre de transmission, — par exemple, les éperons, les plu- mes et les couleurs brillantes, caractères acquis par les oiseaux mâles dans un but de combat ou d'ornementation, et transmis aux femelles à un état imparfait ou rudimentaire. La présence, chez les mammifères mâles, d'organes mammaires fonclionnellement imparfaits, constitue, à quelques égards, un fait tout particulièrement curieux. Les Monotrèmes possèdent la partie sécrétante propre de la glande lactigène avec ses orifices, mais sans mamelons; or, comme ces animaux se trouvent à la base même de la série des mammifères, il est probable que les ancêtres de la classe possédaient aussi des glandes lactigènes, mais sans mamelons. Le mode de développement de ces glandes semble con- firmer cette opinion; le professeur Turner m'apprend, en effet, que, selon Kôlliker et Langer, on peut distinguer aisément les glandes mammaires chez l'embryon avant que les mamelons deviennent appréciables; or, nous savons que le développement des parties qui se succèdent chez l'individu représente d'ordinaire le dévelop- pement des êtres consécutifs de la même ligne de descendance. Les Marsupiaux diffèrent des Monotrèmes en ce qu'ils possèdent les mamelons; ces organes ont donc probablement été acquis par eux après les déviations qui les ont élevés au-dessus des Monotrèmes, et transmis ensuite aux mammifères placentaires **. Personne ne suppose que, après avoir à peu près atteint leur conformation ac- tuelle, les Marsupiaux soient restés androgynes. Comment donc expliquer la présence de mamelles chez les mammifères mâles? Il est possible que les mamelles se soient d'abord développées chez la femelle, puis qu'elles aient été transmises aux mâles; mais, ainsi que nous allons le démontrer, cette hypothèse est peu pro- bable. On peut supposer, c'est là une autre hypothèse, que longtemps après que les ancêtres de la classe entière des mammifères avaient cessé d'être androgynes, les deux sexes produisaient du lait de façon à nourrir leurs petits; et que, chez les Marsupiaux, les deux sexes portaient leurs petits dans des poches marsupiales. Cette hypothèse ne paraît pas absolument inadmissible , si on réfléchit 20. Le professeur Gegenbaur (Jennische Zeitxc/trift, vol. VII, p. 212), a dé- nionlré qu'il existe deux types distincts de mamelons chez les divers ordres do mammifères; mais il est facile de comprendre comment ces deux types peuvent dériver des mamelons des Marsupiaux et ceux de ces derniers, de ceux des Monotrèmes. Voir aussi un mémoire par le D"^ Max Huss sur les glandes mammaires, ihid., vol. VIII, |). 176. 12 Di LA DÈSCENbANCE DE L'HOMME. [t'c Partie]. que les poissons Syngnathes mâles reçoivent dans leurs poches abdominales les œufs qu'ils font éclore, et qu'ils nourrissent en- suite, à ce qu'on prétend '"; — que certains autres poissons mâles couvent les œufs dans leur bouche ou dans leurs cavités bran- chiales; — que certains crapauds mâles prennent les chapelets d'œufs aux femelles et les enroulent autour de leurs cuisses, où ils les conservent jusqu'à ce que les têtards soient éclos; — que cer- tains oiseaux mâles accomplissent tout le travail de l'incubation, et que les pigeons mâles, aussi bien que les femelles, nourrissent leur couvée avec une sécrétion de leur jabot. Mais je me suis sur- tout arrêté à cette hypothèse, parce que les glandes mammaires des mammifères mâles sont beaucoup plus développées que les rudi- ments des autres parties reproductrices accessoires, qui, bien que spéciales à un sexe, se rencontrent chez l'autre. Les glandes mam- tnaires et les mamelons, tels que ces organes existent chez les mam- tnifères, ne sont pas, à proprement parler, rudimentaires; ils ne sont Qu'incomplètement développés et fonctionnellement inactifs. Ils sont iBiffectés sympathiquement par certaines maladies, de la même façon que chez la femelle. A la naissance et à l'âge de puberté, ils sécrè- leilt souvent quelques gouttes de lait. On a même observé des cas, chez l'homme et chez d'autres animaux, oii ils se sont assez bien développés pour fournir une notable quantité de lait. Or, si l'on suppose que, pendant une période prolongée, les mammifères mâles ont aidé les femelles à nourrir leurs petits '', et qu'ensuite ils aient cessé de le faire, pour une raison quelconque, à la suite, par exemple, d'une diminution dans le nombre des petits, le non-usage de ces organes pendant l'âge mûr aurait entraîné leur inactivité, état qui, en vertu des deux principes bien connus de ^hérédité, se serait probablement transmis aux mâles à l'époque correspondante de la maturité. Mais comme, à l'âge antérieur à la maturité, ces organes n'ont pas été encore affectés par l'hérédité, ils se trouvent également développés chez les jeunes des deux sexes. CondUiionk ^^ Von Baêr a proposé la meilleure définition qu'on dit jamais faite de l'avancement ou du progrès sur l'échelle orga- 30. M. Lockwood (cité dans Quart. Journ. of Science, avril 1868, p. 269) croit, d'après ce qu'il a observé sur le développement de l'Hippocampe, que les parois de la poche abdominale du mAle fournissent en quelque manière de la nourri- ture. Voir, sur les poissons mâles couvant les œufs dans leur bouche, le travail intéressant du professeur Wyman {Proc. Boston Soc. of Naf. Hist., lij septem- bre 1857). Le professeur Turner, dans Journ. of Anat. and Phys., 1" nov. 1866, p. 78. Le D' Oûnther a également décrit des cas semblables. 31. M"o G. Royer a suggéré une hypothèse semblable, Origine de l'homme, etc., 1870. fCiiAn. Vi]. AFFINITÉS ET OÉNÊALOGÎË. 170 nique; ce progrès, d'après lui, repose sur l'élendue de la diiréreii- cialion el de la spécialisation des différentes parties du même être, ce à quoi je voudrais cependant ajouter, lorsqu'il est arrivé à la maturité. Or, à mesure que les organismes , grâce à la sélection naturelle, s'adaptent lentement à différents modes d'existence, les parties doivent se différencier et se spécialiser de plus en plus pour remplir diverses fonctions, par suite des avantages qui résul- tent do la division du travail physiologique. Il semble souvent qu'une même partie ait été d'abord modifiée dans un sens, puis longtemps après elle prend une autre direction tout à fait distincte ; ce qui contribue à rendre toutes les parties de plus en plus com- plexes. En tout cas, chaque organisme conserve le type général de la conformation de l'ancêtre dont il est originairement issu. Leâ faits géologiques, d'accord avec cette hypothèse, tendent à prouver que, dans son ensemble, l'organisation a avancé dans le monde à pas lents et interrompus. Dans le règne des Vertébrés, elle a atteint son point culminant chez l'homme. Il ne faudrait pas croire. Cepen- dant, que des groupes d'êtres organisée disparaissent aussitôt qu'ils ont engendré d'autres groupes plus parfaits qu'eux, et qui sont destinés à les remplacer. Le fait qu'ils l'ont emporté sur leurs de- vanciers n'implique pas nécessairement qu'ils sont mieux adaptés pour s'emparer de toutes les places vacantes dans l'économie de là nature. Quelques formes anciennes semblent avoir survécu parce qu'elles ont habité des localités mieux protégées où elles n'ont pas été exposées aune lutte très vive; ces formes nous permettent souvent de reconstituer nos généalogies, en nous donnant une idée plus exacte des anciennes populations disparues^ Mais il faut se garder de considérer les membres actuellement existants d'uii groupe d'organismes inférieurs comme les représentants exacts dô leurs antiques prédécesseurs. Quand on remonte le plus haut possible dans la généalogie à\i règne des vertébrés, on trouve que les premiers ancêtres de cd règne ont probablement consisté en un groupe d'animaux marins" ^2. Les marées doivent nffecter considérablement tous le» animmix habitant le bord imm«'diat de la mer; en effet, les animaux vivant à peu près à la hau- teur moyenne des plus hautes marées passent tous les quinze jours par un cycle complet de changements dans la hauteur de la maréci En conséquencei leur alimentation subit chaque semaine des modifications importantes. Lés fonctions vitales dos animaux vivant dans ces conditions pendant d'innombra- bles générations doivent nécessairement s'adapter à des périodes régulières de sept jours. ur In Capacité des poumons, p. 471. Voir aussi les tables nombreuses données par le D' Weisbach, d'après les observations faites par les D" Sclierzer et Schwarz, dans le Voyage de la Novnra : Partie anthropologique, 1867. •i. Voir, par exemple, la description du cerveau d'une femme Hoscliimau donnée par M. Marshall {Philos. Transactions, 1864, p. 519). 4. Wallace, The Ma/ag Arrhipehigo, vol. II, 186!», |>. 178. 184 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l" Partie]. ques, et que des nègres, absolument semblables à ceux qui existent aujourd'hui, habitaient le pays il y a au moins 4000 ans *. Un excellent observateur, le docteur Lund *, lui apprendrait, en outre, que les crânes humains trouvés dans les cavernes du Brésil, mé- langés aux débris d'un grand nombre de mammifères éteints, ap- partiennent précisément au même type que celui qui prévaut au- jourd'hui sur le continent américain. Puis, notre naturaliste, après avoir étudié la distribution géo- graphique de l'espèce humaine, déclarerait, sans aucun doute, que des formes qui diffèrent non-seulement d'aspect, mais qui sont adaptées les unes aux pays les plus chauds, les autres aux pays les plus humides ou les plus secs, d'autres, enfin, aux régions arcti- ques, doivent être spécifiquement distinctes. 11 pourrait, d'ailleurs, invoquer le fait que pas une seule espèce de quadrumanes, le groupe le plus voisin de l'homme, ne résiste à une basse tempéra- ture ou à un changement considérable de climat; et que les espèces qui se rapprochent le plus de l'homme n'ont jamais pu parvenir à l'âge adulte, même sous le climat tempéré de l'Europe. Un fait, signalé pour la première fois '' par Agassiz, ne laisserait pas que de l'impressionner beaucoup aussi , à savoir que les différentes races humaines sont distribuées à la surface de la terre dans les mêmes régions zoologiques qu'habitent des espèces et des genres de mammifères incontestablement distincts. Cette remarque s'ap- plique manifestement quand il s'agit de la race australienne, de la race mongolienne et de la race nègre ; elle est moins vraie pour les Hottentots , mais elle est absolument fondée quand il s'agit des 5. M. Pouchet {Pluralité des races humaines, 1864) fait remarquer, au sujet des figures des fameuses cavernes égyptiennes d'Abou-Simbel, que, malgré toute sa bonne volonté, il n'a pu reconnaître les représentants des douze ou quinze nations qu3 quelques savants prétendent distinguer. On ne constate même pas, pour les races les plus accusées, cette unanimité qu'on était en droit d'attendre d'après ce qui a été écrit à ce sujet. Ainsi MM. Nott et Gliddon (Types of Mankind, p. 148) assurent que Rameses II, ou le Grand, a de super- bes traits européens, tandis que Knox, autre partisan convaincu de la distinc- tion spécifique des races humaines {Races of Man, 1850, p. 201), parlant du jeune Memnon (le même personnage que Rameses II, comme me l'apprend M. Birch), insiste, de la manière la plus positive, sur l'identité de ses traits avec ceux des Juifs d'Anvers. J'ai examiné au British Muséum, avec deux per- sonnes attachées à l'établissement et juges des plus compétents, la statue d'Aménophis III, et nous tombâmes d'accord qu'il avait un type nègre des plus prononcés; MM. Nott et Gliddon {op. cit., 146, fig. 53) le considèrent, au contraire, comme un « hybride, mais sans aucun mélange nègre ». 6. Cité par Nott et Gliddon {op. cit., p. 439). Ils ajoutent des preuves à l'ap- pui, mais C. Vogt pense que le sujet réclame de nouvelles recherches. 7. Diversity of Origin of the Human Races, dans Christian Examiner, juil- let 1850. lChap. VII]. LES RACES HUMAINES. 185 Papous et dos Malais, qui sont séparés, ainsi que l'a établi M. Wallace, par la même ligne que celle qui divise les grandes régions zoolOi;iques malaisienne et australienne. Les indigènes de l'Amérique s'étendent sur tout le continent, ce qui paraît d'abord contraire à la règle que nous venons de men- tionner, car la plupart des productions de la moitié septentrionale et de la moitié méridionale du continent diffèrent considérable- ment; cependant, quelques animaux, l'Opossum, par exemple, habitent l'une et l'autre moitié du continent comme le faisaient autrefois quelques Édentés gigantesques. Les Esquimaux, comme les autres animaux arctiques, occupent l'ensemble des régions qui entourant le pôle. Il faut observer que les mammifères qui habitent les diverses régions zoologiques ne diffèrent pas également les uns des autres; de sorte qu'on ne doit pas considérer comme une anomalie, que le nègre diffère plus, et que l'Américain diffère moins des autres races humaines, que ne le font les mammifères des mêmes continents de ceux des autres régions. Ajoutons que l'homme, dans le principe, ne paraît avoir habité aucune île océa- nique ; il ressemble donc, sous ce rapport, aux autres membres de la classe à laquelle il appartient. Quand il s'agit de déterminer si les variétés d'un môme animal domestique constituent des espèces distinctes, c'est-à-dire si elles descendent d'espèces sauvages différentes, le naturaliste attache beaucoup de poids au fait de la spécificité distincte des parasites externes propres à ces variétés. Ce fait aurait une portée d'autant plus grande qu'il serait exceptionnel. M, Denny m'apprend, en effet, qu'une même espèce de poux vit en parasite sur les races les plus diverses de chiens, de volailles et de pigeons, en Angleterre. Or, M. A. Murray a étudié avec beaucoup de soin les poux recueillis dans différents pays sur les diverses races humaines "; il a observé que ces poux diffèrent, non seulement au point de vue de la couleur, mais aussi de la conformation des griffes et d(!s membres. Les différences sont restées constantes, quelque nombreux que fussent les individus recueillis. Le chirurgien d'un baleinier m'a affirmé que, lorsque les poux qui infestaient quelques indigènes des îles Sandwich qu'il avait à bord, s'égaraient sur le corps des matelots anglais, ils pé- rissaient au bout de trois ou quatre jours. Ces poux étaient plus foncés et paraissaient appartenir à une espèce différente de ceux qui attaquent les indigènes de Chiloe dans l'Amérique du Sud, poux dont il m'a envoyé des spécimens. Ceux-ci sont plus grands 8. Transacl. Rot/. Soc. of Edinburgh, vo\. XXII, 1861, p. 567. 186 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. |I'« Partie], et plus mous que les poux européens. M. Murray s'est procuré quatre espèces de poux d'Afrique, pris sur des nègres habitant la côte orientale et la côte occidentale, des Hottentols et des Cafres; deux espèces d'Australie; deux de l'Amérique du nord et deux de l'Amérique du sud. Ces derniers provenaient probablement d'indi- gènes habitant diverses régions. On considère ordinairement que, chez les insectes, les différences de structure, si insignifiantes qu'elles soient, ont une valeur spécifique, lorsqu'elles sont constan- tes; or, on pourrait invoquer avec quelque raison, cà l'appui de la spécificité distincte des races humaines, le fait que des parasites qui paraissent spécifiquement distincts attaquent les diverses races. Arrivé à ce point de ses recherches, notre naturaliste se deman- derait si les croisements entre les diverses races humaines restent plus ou moins stériles. Il pourrait consulter un ouvrage d'un obser- vateur sagace, d'un philosophe éminent, le professeur Broca *; il trouverait, à côté de preuves que les croisements entre certaines races sont très féconds, des preuves tout aussi concluantes qu'il en est autrement pour d'autres. Ainsi, on a affirmé que les femmes indigènes de l'Australie et de la Tasmanie produisent rarement des enfants avec les Européens; mais on a acquis la preuve que cette assertion n'a que peu de valeur. Les noirs purs mettent à mort les métis ; on a pu lire récemment que la police " a retrouvé les restes calcinés de onze jeunes métis assassinés par les indigè- nes. On a aussi prétendu que les ménages mulâtres ont peu d'en- fants ; or, le docteur Bachman ", de Charleston, affirme positive- ment, au contraire, qu'il a connu des familles mulâtres qui se sont mariées entre elles pendant plusieurs générations, sans cesser d'être en moyenne aussi fécondes que les familles noires ou les familles blanches pures. Sir C. Lyell m'informe qu'il a autrefois fait de nombreuses recherches à cet égard et qu'il a dû adopter la même conclusion '-. 9. Broca, Phvn. cThybriiUté dans le genre Homo. 10. Voir l'intéressante lettre de SI .-T. A. Murray, dans Anthropolog. Review, avril 1868, p. LIIL Dans cette lettre, M. Murray réfute l'assertion du comte Strze- lecki. qui prétend que les femmes australiennes qui ont eu des enfants avec des hommes blancs deviennent ensuite stériles avec les hommes de leur propre race. M. de Quatrefages [Revue des Cours scientifiques, mars 1869, p. 239] a aussi recueilli des preuves nombreuses tendant à prouver que les croisements entre Australiens et Européens ne sont point stériles, 11. An Examination of prof. Agassiz s sketch of the Nat. Provinces of the Ani- mal World, Charleston, 1855, p. 44, 12. Le D' Rohlfs m'écrit que les races du Sahara sont très fécondes ; ces races résultent d'un mélange d'Arabes, de Berbères et de nègres, appartenant à trois tribus. D'un autre côté, M. Winwood Reade m'apprend que, bien qu'ils IChap. VII], les races humaines. 187 Le recensement fait aux Élats-rnis, en 1854, indique, d'aprôs lo docteur Bachman, 405,751 mulAlres, chifTre qui semble évidem- ment très faible ; toutefois, la position anormale des muh\lres, le peu de considération dont ils jouissent, et le dérèglement des fommoa tendent à expliquer leur petit nombre. Kn outre, les nègres absor- bent incessamment les mulâtres, ce qui détermine nécessairement une diminution de ces derniers. Un auteur digne de foi " affirme, il est vrai, que les muldlres vivent moins longtemps que les indi- vidus de race pure; bien que cette observation n'ait aucun rapport avec la fécondité plus ou moins grande de la race, on pourrait peut- tUre l'invoquer comme une preuve de la distinction spécifique des races parentes. On sait, en effet, que les hybrides animaux et végé- taux sont sujets à une mort prématurée, lorsqu'ils descendent d'es- pèces très distinctes; mais on ne peut guère classer les parents des mulâtres dans la catégorie des espèces très distinctes. L'exemple du mulet commun, si remarquable par sa longévité et par sa vigueur et, cependant, si stérile, prouve qu'il n'y a pas, chez les hybrides, de rapport absolu entre la diiiiinution de la fécondité et la durée ordinaire de la vie. Nous pourrions citer beaucoup d'autres exemples analogues. En admettant même qu'on arrivât plus tard à prouver que toutes les races humaines croisées restent parfaitement fécondes, celui qui voudrait, pour d'autres raisons, les considérer comme spécifique- ment distinctes pourrait observer avec justesse que ni la fécon- dité ni la stérilité ne sont des critériums certains de la distinction spécifique. Nous savons, en effet, que les changements des condi- tions d'existence, ou les unions consanguines trop rapprochées, affectent profondément l'aptitude à la reproduction ; nous savons, en outre, que cette aptitude est soumise à des lois très complexes; celle, par exemple, de l'inégale fécondité des croisements récipro- ques entre les deux mêmes espèces. On rencontre, chez les formes qu'il faut incontestablement considérer comme des espèces, une gradation parfaite entre celles qui sont absolument stériles quand on les croise, celles qui sont presque fécondes et celles qui le sont tout à fait. Les degrés de la stérilité ne coïncident pas exactement admirent beaucoup les blancs et les mulsltres, les nègres de la Côte d'Or ont pour principe (jue les mulâtres ne doivent pas se marier les uns avec les autres, car il ne resuite de ces mariages qu'un petit nombre d'enfants maladifs. Cette «•royance, comme le fait remarquer M. Reade, mérite toute notre attention, car les blancs ont habité la Vole d'Or depuis plus de quatre cents ans, et, par conséquent, les indigènes ont et» amplement le temps déjuger par l'expérience. \'.i. B.-.\. Oould, MUilfiri/ ami Aiil/iro/>ol. Stntistirs of Aworiran So/dier.i, i8()9, p. 319. 188 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'o Partie]. avec retendue des différences qui existent entre les parents au point de vue de la conformation externe ou des habitudes d'existence. On peut, sous beaucoup de rapports, comparer l'homme aux animaux réduits depuis longtemps en domesticité; or, on peut aussi accu- muler une grande masse de preuves enfaveurla doctrine de Pallas", à savoir que la domestication tend à atténuer la stérilité qui accom- pagne si généralement le croisement des espèces à l'état de nature. On peut, ajuste titre, tirer de ces diverses considérations, la con- clusion que la fécondité complète des différentes races humaines entre-croisées, alors même qu'elle serait prouvée, ne serait pas un motif absolu pour nous empêcher de regarder ces races comme des espèces distinctes. Indépendamment de la fécondité, on a cru pouvoir trouver dans les caractères des produits d'un croisement des preuves indiquant qu'il convient de considérer les formes parentes comme des espèces ou comme des variétés; mais une étude très attentive de ces faits m'a conduit à conclure qu'on ne saurait, en aucune façon, se fier à des règles générales de cette nature. Le croisement amène ordinai- rement la production d'une forme intermédiaire dans laquelle se con- 14. La Variation des animaux et plantes, etc., vol. II, p, 117. Je dois ici rap- peler au lecteur que la stérilité des espèces croisées n'est pas une qualité spé- cialement acquise; mais qu •, nomme l'inaptitude qu'ont certains arbres à être greffés les uns sur les autres, elle dépend de l'acquisition d'autres différences. La nature de ces différences est inconnue , mais elles se rattachent surtout au système reproducteur, et beaucoup moins à la stucture externe ou à des diffé- rences ordinaires de la constitution. Un élément qui paraît important pour la stérilité des espèces croisées résulte de ce que l'une ou toutes deux ont été de- puis longtemps habituées à des conditions fixes; or, le changement dans les conditions exerçant une influence spéciale sur le système reproducteur , nous avons d'excellentes raisons pour croire que les conditions fluctuantes de la do- mestication tendent à éliminer cette stérilité si générale dans les croisements d'espèces à l'état de nature. J'ai démontré ailleurs [Variation, etc., vol. II, p. 196; et Origine des espèces, p. 281) que la sélection naturelle n'a pas déter- miné la stérilité des espèces croisées; nous pouvons comprendre que, lorsque deux formes sont déjà devenues très stériles l'une avec l'autre, il est à peine possible que leur stérilité puisse s'augmenter par la persistance et la conserva- tion des individus de plus en plus stériles; car, dans ce cas, la progéniture ira en diminuant, et, finalement, il n'apparaîtra plus que des individus isolés et à de rares intervalles. Mais il y a encore un degré de plus haute stérilité. Gartner et Kolreuter ont tous deux prouvé que, chez des genres de plantes comprenant de nombreuses espèces , on peut établir une série de celles qui, croisées, donnent de moins en moins de graines, jusqu'à d'autres qui n'en produisent jamais une seule, bien qu'elles soient affectées par le pollen de l'autre espèce, puisque le germe s'enfle. Il est donc ici impossible que la sé- lection s'adresse aux individus les plus stériles qui ont déjà cessé de produire des graines, de sorte que l'apogée de la stérilité, lorsque le germe est seul affecté, ne peut résulter de la sélection. Cet apogée, et sans doute les autres degrés de la stérilité, sont les résultats fortuits de certaines différences incon- nues dans la constitution du système reproducteur des espèces croisées. [CHAr. VII]. LES RACES HUMAINES. 189 fondent les caractères des parents; mais, dans certains cas, une par- tie des petits ressemblent étroitement aune des formes parentes, et les autres à l'autre forme. Ce phénomène se produit surtout quand les parents possèdent des caractères qui ont apparu à la suite de brusques variations et que Ton peut presque qualifier de monstruo- sités". Je fais allusion à ce phénomène parce que le docteur Rohlfs m'apprend qu'il a fréquemment observé en Afrique que les enfants des nègres croisés avec des individus appartenant à d'autres races sont complètement noirs ou complètement blancs et rarement tache- lés. On sait, d'autre part, que les mulâtres, en Amérique, atfectent ordinairement une forme intermédiaire entre les deux races parentes. 11 résulte de ces diverses considérations qu'un naturaliste pourrait se sentir suffisamment autorisé à regarder les races humaines comme des espèces distinctes, car il a pu constater chez elles beau- coup de différences de conformation et de constitution, dont quel- ques-unes ont une haute importance, différences qui sont restées presque constantes pendant de longues périodes. D'ailleurs, l'é- norme extension du genre humain ne laisse pas que de constituer un argument sérieux, car celte extension serait une grande anomalie dans la classe des mammifères, si le genre humain ne représentait qu'une seide espèce. En outre, la distribution de ces prétendues races humaines concorde avec celle d'autres espèces de mammifères incontestablement distinctes. Enfin, la fécondité mutuelle de toutes les races n'a pas été pleinement prouvée, et, le fût-elle, ce ne serait pas une preuve absolue de leur identité spécifique. Examinons maintenant l'autre côté de la question. Notre natura- liste rechercherait sans aucun doute si, comme les espèces ordinaires, les formes humaines restent distinctes lorsqu'elles sont mélangées en grand nombre dans un même pays; il découvrirait immédiate- ment qu'il n'en est certes pas ainsi. 11 pourrait voir, au Brésil, une immense population métis de nègres et de Portugais; à Chiloe et dans d'autres parties de rAméricine du Sud, il trouverait une popu- lation entière consistant d'InditMis et d'Espagnols mélangés à divers degrés ". Dans plusieurs parties du même continent, il rencontre- rait les croisements les plus complexes entre des nègres, des In- diens et des Européens; or, ces triples combinaisons fournissent, à en juger par le règne végétal, la preuve la plus rigoureuse de la 1.'). La Variation fies animaux, etc., vol. II, p. 9!). 16. M. (le Quatrefages [Antliroitolotj. Ilrvicw , jan. 1860, p. 22) a publié quel- ques pages intéressantes sur les succcs et lenergie des Paulistas du Hresil, (jui sont une race très croisée de PorlUf,Mi3 et dludiens, avec un mélange de quelques autres races. i9Ô LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [!'• Partie]. fécondilé mutuelle des formes parentes. Dans une île du Pacifique, il trouverait une petite population, mélange de Polynésiens et d'Anglais ; dans l'arcbipel Fiji, une population de Polynésiens et de Négritos, croisés à tous les degrés. On pourrait citer beaucoup de cas analogues, dans l'Afrique australe, par exemple. Les races hu- maines ne sont donc pas assez distinctes pour habiter un même pays sans se mélanger; or, dans les cas ordinaires, l'absence de mélange fournit la preuve la plus évidente de la distinction spéci- fique. Notre naturaliste serait également très surpris, lorsqu'il s'aper- cevrait que les caractères distinctifs de toutes les races humaines sont extrêmement variables. Ce fait frappe quiconque observe pour la première fois, au Brésil, les esclaves nègres amenés de toutes les parties de l'Afrique. On constate le même fait chez les Polynésiens et chez beaucoup d'autres races. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, d'indiquer un caractère quelconque qui reste constant. Dans les limites même d'une tribu , les sauvages sont loin de présenter des caractères aussi uniformes qu'on a bien voulu le dire. Les femmes holtentotes présentent certaines parti- cularités plus développées qu'elles ne le sont chez aucune autre race, mais on sait que ces caractères ne sont pas constants. La couleur de la peau et le développement des cheveux offrent de nombreuses différences chez les tribus américaines ; chez les nègres africains, la couleur varie aussi à un certain degré, et la forme des traits varie d'une manière frappante. La forme du crâne varie beau- coup chez quelques races "; il en est de même pour tous les autres caractères. Or, une dure et longue expérience a appris aux natura- listes combien il est téméraire de chercher à déterminer une espèce à l'aide de caractères inconstants. Mais l'argument le plus puissant à opposer à la théorie qui veut considérer les races humaines comme des espèces distinctes, c'est qu'elles se confondent l'une avec l'autre, sans que, autant que nous en puissions juger, il y ait eu, dans beaucoup de cas, aucun entre- croisement. On a étudié l'homme avec plus de soin qu'aucun autre être organisé; cependant, les savants les plus éminents n'ont pu se mettre d'accord pour savoir s'il forme une seule espèce ou deux (Virey), trois (Jacquinot), quatre (Kantj, cinq (Blumenbach), six (Buffon), sept (Hunter), huit (Agassiz), onze (Pickering), quinze 17. Chez les indigènes de l'Amérique et de l'Australie, par eSemple. Lé professeur Huxley {Transact. Internat. Congress ofPrchist. Arch,, 1868, p. 103) a signalé que les crânes de beaucoup d'Allemands du Sud et de Suisses sont « aussi courts et aussi larges que ceux des Tartares », etc. [Chap. Vil]. LkS RACES HUMAINES. 191 (Bory Sainl-Vincenl), seize (Desmoulins), viiigL-deux (Morton), soixante (Oawfurd), ou soixanle-lrois, selon Biirkc '*. Celle diversilé de jugemenls ne prouve pas que les races humaines ne doivenl pas èlre considérées comme des espèces, mais elle prouve que ces races se confondent les unes avec les autres de telle façon qu'il est pres- que impossible de découvrir des caractères distinctifs évidents qui les séparent les unes des autres. L'n naturaliste qui a eu le malheur d'entreprendre la description d'un groupe d'organismes très variables (je parle par expérience) a rencontré des cas précisément analogues à celui de l'homme; s'il est prudent, il finit par réunir en une espèce unique toutes les for- mes qui se confondent les unes avec les autres, car il ne se recon- naît pas le droit de donner des noms à des organismes qu'il ne peut pas définir. Certaines difficultés de cette nature se présentent dans l'ordre qui comprend l'homme, c'est-à-dire pour certains genres de singes, tandis que, chez d'autres genres, comme le Cercopithè- que, la plupart des espèces se laissent déterminer avec certitude. Quelques naturalistes affirment que les diverses formes du genre américain Cebus constituent des espèces, d'autres considèrent ces formes comme des races géographiques. Or, si, après avoir re- cueilli de nombreux Cebus dans toutes les parties de l'Amérique du Sud, on constatait que des formes qui, actuellement, paraissent spécifiquement distinctes se confondent les unes avec les autres, on no manquerait [^s de les considérer comme de simples variétés ou de simples races ; c'est ainsi qu'ont agi la plupart des naturalistes pour les races humaines. Il faut avouer, cependant, qu'il y a, tout au moins dans le règne végétal '*, des formes que nous ne pouvons éviter de qualifier d'espèces, bien qu'elles soient reliées les unes aux autres, en dehors de tout entre-croisement, par d'innombrables gradations. Quelques naturalistes ont récemment employé le terme « sous-" espèce » pour désigner des formes qui possèdent plusieurs carac- tères qui dénotent ordinairement les espèces véritables, sans mé- riter, cependant, un rang aussi élevé. Or, si, d'une part, les raisons im[)orlHnte3 que nous avons énumérées ci-dessus paraissent jus- tifier l'élévation des races humaines à la dignité d'espèces, nous 18. Ce sujet est fort bien iliscuté dans Waitz {Inhofittrllon à CAnthropoloyio). Jai emprunté quelques-uns de ces renseignements à H. Tuttle, Or'ujin mul Antiquiti) of Plvfxicnl Mrin, Boston, 1866, p. 35. !9. Plusieurs cas frappants ont été décrits par le professeur Nâgeli dans ses iManisrhe Mittheilunijen, vol. II, 1866, p. 2f)l-.'}69. Le professetir Asa Oray a fait des remarques analogues sur queli|uea formes intermédiaires cher les ("om- posées de l'Amérique du Nord. 192 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. rencontrons, d'autre part, d'insurmontables difficultés à définir ces races; il semble donc que, dans ce cas, on pourrait recourir avec avantage à l'emploi du terme « sous-espèce ». Mais la longue habi- tude fera peut-être toujours préférer le terme « race ». Le choix des termes n'a, d'ailleurs, qu'une importance secondaire, bien qu'il soit à désirer, si faire se peut, que les mêmes termes servent à exprimer les mêmes degrés de différence. Il est malheureusement difficile de réaliser cet objectif, car, dans une même famille, les plus grands genres renferment généralement des formes très voisines entre lesquelles il n'est guère possible d'établir une distinction, tandis que les petits genres comprennent des formes parfaitement dis- tinctes; toutes doivent, cependant, être qualifiées d'espèces. En outre, les espèces d'un même genre considérable n'ont pas entre elles un même degré de ressemblance; bien au contraire, dans la plupart des cas, on peut en grouper quelques-unes autour d'autres comme des satellites autour des planètes *". Le genre humain se compose-t-il d'une ou de plusieurs espèces? C'est là une question que les anthropologues ont vivement discutée pendant ces dernières années, et, faute de pouvoir se mettre d'accord, ils se sont divisés en deux écoles, les monogénistes et les polygé- nistes. Ceux qui n'admettent pas le principe de l'évolution doivent considérer les espèces, soit comme des créations séparées, soit comme des entités en quelque sorte distinctes; ils doivent, en con- séquence, indiquer quelles sont les formes humaines qu'ils considè- rent comme des espèces, en se basant sur les règles qui ont fait ordinairement attribuer le rang d'espèces aux autres êtres organisés. Mais la tentative est inutile tant qu'on n'aura pas accepté générale- ment quelque définition du terme « espèce », définition qui ne doit point renfermer d'élément indéterminé tel qu'un acte de création. C'est comme si on voulait, avant toute définition, décider qu'un cer- tain groupe de maisons doit s'appeler village, ville ou cité. Les interminables discussions sur la question de savoir si on doit regar- der comme des espèces ou comme des races géographiques les mam- mifères, les oiseaux, les insectes et les plantes si nombreux et si voisins, qui se représentent mutuellement dans l'Amérique du Nord et en Europe, nous ofl'rent un exemple pratique de cette difficulté. Il en est de même pour les productions d'un grand nombre d'îles situées à peu de distance des continents. Les naturalistes, au contraire, qui admettent le principe de l'évo- lution, et la plupart des jeunes naturalistes partagent cette opinion, 20. Ongine des espèces, p. 62, [Chap. VII]. LES RACES HUMAINES. 193 n'éprouvent aucune hosilalion à reconnaître que toutes les races humaines descendent d'une souche primitive unique; cela posé, ils leur donnent, selon qu'ils le jugent à propos, le nom de races ou d'espèces distinctes, dans le but d'exprimer la somme de leurs dif- férences *'.Qu;ind il s'agit de nos animaux domestiques, la question de savoir si les diverses races descendent d'une ou de plusieurs es- pèces est quelque peu différente. Bien que toutes les races domes- tiques, ainsi que toutes les espèces naturelles appartenant au même genre, soient, sans aucun doute, issues de la même souche primi- tive, il est encore utile de discuter si, par exemple, toutes les races domestiques du chien ont acquis les différences qui les sépa- rent aujourd'hui les unes des autres depuis qu'une espèce unique quelconque a été primitivement domestiquée et élevée par l'homme, ou si elles doivent quelques-uns de leurs caractères à d'aulros espèces distinctes, qui s'étaient déjà modifiées elles-mêmes à l'état de nature et qui leur auraient transmis ces caractères par hérédité. Cette question ne se présente pas pour le genre humain, car on ne saurait soutenir qu'il ait été domestiqué à une période particulière quelle qu'elle soit. Lorsque, à une époque extrêmement reculée, les descendants d'un ancêtre commun ont revêtu des caractères distincts pour former les races humaines, les différences entre ces races devaient être insigni- fiantes et peu nombreuses; en conséquence, ces races au point de vue des caractères distinctifs, avaient moins de titres au rang d'es- pèces distinctes que les soi-disant races actuelles. Néanmoins, le terme « espèce » est si arbitraire que quelques naturalistes auraient pu peut-être considérer ces anciennes races comme des espèces di- stinctes, si leurs différences, bien que très légères, avaient été plus constantes qu'elles ne le sont aujourd'hui, et si elles ne se confon- daient pas les unes avec les autres. Toutefois, il est possible, quoique fort peu probable, que les pre- miers ancêtres de l'homme aient, tout d'abord, revêtu des caractères assez distincts pour se ressembler beaucoup moins que ne le font les races existantes; puis, que plus tard, ainsi que le suggère Vogt ces dissemblances se soient e/Tacées par un effet de convergence ". Lorsque l'homme croise, pour obtenir un but déterminé, les des- cendants de deux espèces distinctes, il provoque quelquefois, au point de vue de l'aspect général, une convergence qui peut être considérable. C'est ce qui arrive, ainsi que le démontre Von Na- 21. Professeur Huxley, Fortnirfthhj Heview, 1865, p. 275. 22. Leçons mr l'Homme, p. 408. 13 194 La descendance de L^HOMME. [l'e Partœ]. Ihusiiis " chez les races améliorées de porcs qui descendent de deux espèces distinctes ; et d'une manière un peu moins sensible pour les races améliorées de bétail. Un célèbre anatomiste, Gra- liolet, affirme que les singes anthropomorphes ne forment pas un sous-groupe naturel ; il affirme que l'Orang est un Gibbon ou un Semnopilhèque très développé , le Chimpanzé un Macaque très dé- veloppé et le Gorille un Mandrill très développé. Si nous admettons cette conclusion, qui repose presque exclusivement sur les carac- tères cérébraux, nous avons un exemple de convergence, au moins dans les caractères externes, car les singes anthropomorphes se ressemblent certainement par beaucoup plus de points qu'ils ne ressemblent aux autres singes. On peut considérer toutes lies res- semblances analogues, comme celle de la baleine avec le poisson, comme des cas de convergence ; mais ce terme n'a jamais été appli- qué à des ressemblances superficielles et d'adaptation. Dans la plupart des cas, il serait fort téméraire d'attribuer à la convergence une similitude étroite de plusieurs points de conformation chez les descendants modifiés d'êtres très différents. Les forces moléculaires seules déterminent la forme d'un cristal; il n'y a donc rien d'éton- nant à ce que des substances dissemblables puissent parfois revêtir une même forme; mais nous ne devons pas perdre de vue que la forme de chaque être organisé dépend d'une infinité de relations complexes, au nombre desquelles il faut compter des variations provoquées par des causes trop embrouillées pour qu'on puisse les saisir toutes ; la nature des variations qui ont été conservées, et Cette conservation dépend des conditions physiques ambiantes, et plus encore des organismes environnants avec lesquels chacun d'eux a pu se trouver en concurrence; enfin les caractères hérédi- taires (élément si peu stable) transmis par d'innombrables ancê- tres, dont les formes ont été déterminées par des relations éga-» lement complexes. Il semble donc inadmissible que les descendants modifiés de deux organismes, différant l'un de l'autre d'une manière sensible, puissent, plus tard, convergera tel point que l'ensemble de leur organisation approche de l'identité. Pour en revenir à l'exemple que nous avons cité tout à l'heure, Von Nathusius con- state que, chez les races convergentes de porcs, certains os du crâne ont conservé des caractères qui permettent de prouver qu'elles descendent de deux souches primitives. Si les races humaines des- cendaient, comme le supposent quelques naturalistes, de deux ou 23. Die Racen des Schweines, 1860, p. 16, Vorstudien fur Geschichte, etc. Schweinesehudel, 1864, p. 104. Pour le bétail, voir M. de Quatrefages, Unité de l'espèce humaine, 1861, p. 119. [Chap. Vil]. LES RACES HUMAINES. iW de plusieurs espèces dislincles, aussi dissemblables l'une de Taulre que rOrang l'est du Gorille, il n'est pas douteux que l'on pourrait encore constater chez l'homme, tel qu'il existe aujourd'hui, des diffé- rences sensibles dans la conformation de certains os. Les races humaines actuelles présentent à plusieurs égards de nombreuses différences; ainsi, par exemple, la couleur, les cheveux, la forme du crâne, les proportions du corps, etc., offrent d'infinies variations; cependant, si on les considère au point de vue de l'en- semble de l'organisation, on trouve qu'elles se ressemblent de près par une multitude de points. Un grand nombre de ces points sont si insignifiants ou de nature si singulière qu'il est difficile de sup- poser qu'ils aient été acquis d'une manière indépendante par des espèces ou par des races primitivement distinctes. La même re- marque s'applique avec plus de force encore, quand il s'agit des nombreux points de ressemblance mentale qui existent entre les races humaines les plus distinctes. Les indigènes américains, les nègres et les Européens, ont des qualités intellectuelles aussi diffé- rentes que trois autres races quelconques qu'on pourrait nommer; rependant, tandis que je vivais avec des Fuégiens, à bord du Deagle, j'observai chez ces derniers de nombreux petits traits de Caractère, qui prouvaient combien leur esprit est semblable au nô- tre ; je fis la môme remarque relativement à Un nègre pur sang avec lequel j'ai été autrefois très lié. Quiconque lit avec soin les intéressants ouvrages de M. Tylor et de sir J. Lubbock** ne peut manquer de remarquer la ressemblance qui existe entre les hommes appartenant à toutes les races, relati- vement aux goûts, au caractère et aux habitudes. C'est ce que prouve le plaisir qu'ils prennent tous à danser, à exécuter une musique grossière, à se peindre, à se tatouer, ou à s'orner de tou- tes les façons ; c'est ce que prouve aussi le langage par gestes qu'ils comprennent tous, la similitude d'expression de leurs traits, les mêmes cris inarticulés, qu'excitent chez eux les mêmes émotions. Celle similitude, ou plutôt celle identité, est frappante, si on Top- pose à la différence des cris et des expressions qu'on observe che2 les espèces distinctes des singes. Il est facile de prouver que l'an- cêtre commun de l'humanité n'a pas transmis à ses descendants l'art du tir avec l'arc et les flèches; cependant, les pointes de Hè- ches en pierre, provenant dos parties du globe les plus éloignées les unes des autres, et fabriquées aux époques les plus reculées, sont 24. Tylor, Early Hixlory of Mnnkind , 1865. Pour preuves relatives au lan* gage par gestes, voir Lubbock, Prehûtoric Times, p. 54, 2» édit., 1860. 196 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. presque identiques, comme l'ont démontré Weslropp et Nilsson ". Ce fait ne peut s'expliquer que d'une seule façon, c'est-à-dire que les races diverses possèdent la même puissance inventive ou, autre- ment dit, des facultés mentales analogues. Les archéologues ont fait la même observation " relativement à certains ornements très répan- dus, comme les zigzags, etc., et par rapport à certaines croyances et à certaines coutumes fort simples, telles que l'usage d'enfouir les morts sous des constructions mégalithiques. Dans l'Amérique du Sud ", comme dans tant d'autres parties du monde, l'homme a gé- néralement choisi les sommets des hautes collines pour y élever des monceaux de pierres, soit pour rappeler quelque événement mémorable, soit pour honorer les morts. Or, lorsque les naluralistes remarquent une grande similitude dans de nombreux petits détails portant sur les habitudes, les goûts et les caractères entre deux ou plusieurs races domestiques, ou entre des formes naturelles très voisines, ils voient dans ce fait une preuve que ces races descendent d'un ancêtre commun doué des mêmes qualités; en conséquence, ils les groupent toutes dans une même espèce. Le même argument peut s'appliquer aux races humaines avec bien plus de force encore. Il est improbable que les nombreux points de ressemblance si insignifiants parfois qui existent entre les différentes races humai- nes et qui portent aussi bien sur la conformation du corps que sur les facultés mentales (je ne parle pas ici des coutumes semblables) aient tous été acquis d'une manière indépendante ; ils doivent donc provenir par hérédité d'ancêtres qui possédaient ces caractères. Cela nous permet d'entrevoir quel était le premier état de l'homme avant qu'il se fût répandu graduellement dans toutes les parties du monde. Il est évident que l'homme alla peupler des régions largement séparées par la mer, avant que des divergences considé- rables de caractères se soient produites entre les diverses races, car autrement on rencontrerait quelquefois la même race sur des continents distincts, ce qui n'arrive jamais. Sir J. Lubbock, après avoir comparé les arts que pratiquent aujourd'hui les sauvages dans toutes les parties du monde, indique ceux que l'homme ne pouvait pas connaître, lorsqu'il s'est pour la première fois éloigné de sa patrie originelle; car on ne peut admettre qu'une fois acquises 2>. H.-M. Westropp, On analogous foi^ms of impkmenls; Memoirs of Anthrop. Soc. Nilsson, The primitive inhabitants ofScandinaiia. 26. Westropp , On Cromlechs, etc., Journal of Ethnological Soc, cité dans S.icntific Opinion, p. 3, juin 1869. 21. Joitrn. of Researches ; Voyage of the Beagle, p. 46. /' . ', (Chap. VII]. LKS RACES HUMAINES. 191 ces connaissances pussent s'oublier **. Il prouve ainsi que la « lance, simple développement du couteau, et la massue qui n'est qu'un long marteau, sont les seules armes (jiie possètlent toutes les races ». 11. admet, en outre, que l'homme avait probablement déjà découvert l'art de faire le feu, car cet art est commun à toutes les races existantes, et il était pratiqué par les anciens habitants des cavernes de l'iiiurope. Peut-être l'homme connaissait-il aussi l'art de conslmire de grossières embarcations ou des radeaux ; mais, comme l'homme existait à une époque très reculée, alors que la terre, en bien des endroits, se trouvait à des niveaux très dilTét rents de ceux qu'elle occupe aujourd'hui, on peut supposer qu'il a pu occuper de vastes régions sans l'aide d'embarcations. Sir J. Lubr bock fait remarquer, en outre, que probablement nos. ancêtres les plus reculés ne savaient pas compter jusqu'à dix, car beaucoup de races actuelles ne savent pas compter au delà de quatre. Quoi qu'il en soit, dès cette antique période, les facultés intellectuelles et sociales de l'homme devaient être à peine inférieures à ce que sont aujourd'hui celles des sauvages les plus grossiers; autrement, l'homme primordial n'aurait pas si bien réussi dans la lutte pour l'existence, succès que prouve sa précoce et vaste diffusion. Quelques philologues ont conclu des différences fondamentales qui existent entre certains langages, que, lorsque l'homme a com- mencé à se répandre sur la terre, il n'était pas encore doué de la parole ; mais on peut supposer que des langages, bien moins par- faits que ceux actuellement en usage et complétés par des gestes, ont pu exister, sans, cependant, avoir laissé de traces sur les langues plus développées qui leur ont succédé. Il paraît douteux que, sans l'usage de quelque langage, si imparfait qu'il fût, l'intelligence de l'homme eût pu s'élever au niveau qu'implique sa position domi- nante à une époque très reculée. Nos ancêtres méritaient-ils le nom d'hommes, alors qu'ils ne connaissaient que quelques arts très grossiers, et qu'ils ne possér daient qu'un langage extrêmement imparfait? Cela dépend du sens que nous attribuons au mot homme. Dans une série de formes partant de quelque être à l'apparence simienne et arrivant gra-. duellement à l'homme tel qu'il existe, il serait impossible de fixer le point défini auquel le terme « homme » devrait commencer à s'appliquer. Mais cette question a peu d'importance ; il est de mêuiQ fort indifférent qu'on désigne sous le nom de « races » les diverses variétés humaines, ou qu'on emploie les expressions « espèces » . 28. Prehistoric Times, 1869, p. 571. 198 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. flw Partie]. OU « sous-espèces, » bien que cette dernière désignation paraisse la plus convenable. Enfin, nous pouvons conclure que les principes de l'évolution une fois généralement acceptés, ce qui ne tardera plus bien longtemps, la discussion entre les monogénistes et les poly-^ génistes aura vécu. Il est encore une question qu'il ne faut pas laisser dans l'ombre : chaque sous-espèce ou race humaine descend-elle, comme on l'a quelquefois affirmé, d'un seul couple d'ancêtres? On peut, chez nos animaux domestiques, former aisément une nouvelle race au moyen d'une seule paire présentant quelque caractère particulier, ou môme d'un individu unique qui possède ce caractère, en appa- riant avec soin sa descendance sujette à variation. Toutefois, laplu^ part de nos races d'animaux domestiques ne descendant pas d'un couple choisi à dessein, elles résultent de la conservation, incon-^ gciente pour ainsi dire, d'un grand nombre d'individus qui ont varié, si légèrement que ce soit, d'une manière avantageuse ou désirable. Si, dans un pays quelconque , on préfère des chevaux forts et lourds, et, dans un autre, des chevaux légers et rapides, on peut être certain qu'il se formera, au bout de quelque temps, deux sous- races distinctes, sans qu'on ait trié ou fait reproduire des paires ou des individus particuliers dans les deux pays. Telle est évidem- ment l'origine de bien des races, et ce mode de formation ressemble beaucoup à celui des espèces naturelles. On sait aussi que les che- vaux importés dans les îles Falkland, sont devenus, après quelques générations, plus petits et plus faibles, tandis que ceux qui ont fait retour à l'état sauvage dans les Pampas ont acquis une tête plus forte et plus commune; il est hors de doute que ces changements ne proviennent pas de ce qu'une paire quelconque a été exposée à certaines conditions, mais de ce que tous les individus ont été exposés à ces mêmes conditions, et peut-être aussi des effets du retour. Les nouvelles sous-races ne descendent, dans aucun de ces cas, d'une paire unique, mais d'un grand nombre d'individus qui ont varié à des degrés différents, mais d'une manière générale ; or, nous pouvons conclure que les mêmes principes ont présidé à la formation des races humaines ; les modifications qu'elles ont subies sont le résultat direct de l'exposition à des conditions diffé- rentes, ou le résultat indirect de quelque forme de sélection. Nous aurons à revenir bientôt sur ce dernier point. Extinction des races humaines. — L'histoire enregistre l'extinction partielle ou complète de beaucoup de races et de sous-races hu- maines. Humboldt a vu dans l'Amérique du SUd un perroquet, le [Chap. YII]. extinction DES RACES HUMAINES. 199 seul être vivant qui parlai encore la langue d'une tribu éteinte. Les anciens monuments et les instruments en pierre qu'on trouve dans toutes les parties du monde ol sur lesquels les habitants actuels n'ont conservé aucune tradition, tomoi^^nent d'une très grande extinction. Quelques petites tribus, restes do races antérieures, survivent encore dans quelques districts isolés et ordinairement montagneux. Les anciennes races qui peuplaient l'Europe étaient, d'après SchaalThausen ", « inférieures aux sauvages actuels les plus grossiers » , elles devaient donc différer, dans une certaine mesure, des races existantes. Les restes provenant des Eyzics, décrits par le professeur Broca •", paraissent malheureusement avoir appartenu à une famille unique; ils semblent provenir, ce- pendant, d'une race qui présentait la combinaison la plus singU' Hère de caractères bas et simiens avec d'autres caractères d'un ordre supérieur; cette race diffère « absolument do toute autre race, ancienne ou moderne que nous connaissions ». Elle différait donc de la race quaternaire des cavernes de la Belgique. L'homme peut résister longtemps à des conditions physiques qui paraissent extrêmement nuisibles à son existence ". Il a habité, pendant de longues périodes, les régions extrêmes du Nord, sans bois pour construire des embarcations ou pour fabriquer d'autres instruments, n'ayant que de la graisse comme combustible et de la neige fondue comme boisson. A l'extrémité méridionale de l'Amé- rique du Sud, les Fuégiens n'ont ni vêtements, ni habitations mé- ritant même le nom de huttes, pour se défendre contre les intem- péries des saisons. Dans l'Afrique australe, les indigènes errent dans les plaines les plus arides, où abondent les bêtes dangereuses. L'homme supporte l'influence mortelle des Terai au pied de l'Hi- malaya, et résiste aux effluves pestilentielles des côtes de l'Afrique tropicale. L'extinction est principalement le résultat de la concurrence qui existe entre les tribus et entre les races. Divers freins, comme nous l'avons indiqué dans un chapitre précédent, sont constamment en action pour limiter le nombre de chaque tribu sauvage : ce sont les famines périodiques, la vie errante des parents, cause de grande mortalité chez les enfants, la durée de l'allaitement, l'enlèvement des femmes, les guerres, les accidents, les maladies, les dérèglements, l'infanticide surtout, et principalement un amoindrissement de fé- 29. Traduit dans Anthropotogical Reiiew, oct. 1868, 431. ;<û. Trnnsact. Internat. Congress of Prehistoric Arch., 1868, pp. 172-175. Broca, Anthropologicai Review, oct. 1868, p. 410. 31. Docteur Gerland, Ueber dns Auxsterhen der Nntut-vÔlker.p. 82, 1868. 200 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I« Partie]. condité. Si une de ces causes d'arrêt vient à s'amoindrir, même à un faible degré, la tribu ainsi favorisée tend à s'accroître; or, si, de deux tribus voisines, l'une devient plus nombreuse et plus puis- sante que l'autre, la guerre, les massacres, le cannibalisme, l'escla- vage et l'absorption mettent bientôt fin à toute concurrence qui peut exister entre elles. Lors même qu'une tribu plus faible ne dis- paraît pas, brusquement balayée, pour ainsi dire, par une autre, il suffit qu'elle commence à décroître en nombre, pour continuer gé- néralement à le faire jusqu'à son extinction complète '^ La lutte entre les nations civilisées et les peuples barbares est très courte, excepté, toutefois, là où un climat meurtrier vient en aide à la race indigène; mais, parmi les causes qui déterminent la victoire des nations civilisées, il en est qui sont très claires et d'autres fort obscures. Il est facile de comprendre que les défri- chements et la mise en culture du sol doivent de toutes les façons porter un coup terrible aux sauvages, qui ne peuvent pas ou ne veulent pas changer leurs habitudes. Les nouvelles maladies et les vices nouveaux que contractent les sauvages au contact de l'homme civilisé constituent une cause puissante de destruction; il paraît qu'une nouvelle maladie provoque une grande mortalité, qui dure jusqu'à ce que ceux qui sont le plus susceptibles à son action malfaisante soient graduellement éliminés '*. Il en est peut-être de même pour les effets nuisibles des liqueurs spiritueuses, ainsi que du goût invétéré que tant de sauvages ont pour ces produits. II semble, en outre, si mystérieux que soit le fait, que le contact de peuples distincts et jusqu'alors séparés engendre certaines mala- dies '*. M. Sproat a étudié avec beaucoup de soin la question de l'extinction dans l'île de Vancouver; il affirme que le changement des habitudes, qui résulte toujours de l'arrivée des Européens, provoque un grand nombre d'indispositions. Il insiste aussi beau- coup sur une cause en apparence bien insignifiante : le nouveau genre de vie qui entoure les indigènes les effare et les attriste ; « ils perdent tous leurs motifs d'efforts, et n'en substituent point de nouveaux à la place '*. » Le degré de civilisation constitue un élément très important pour assurer le succès d'une des nations qui entrent en concurrence. 32. Gerland (op. c, p. 12) cite des faits à l'appui. 33. Sir H. Holland fait quelques remarques à ce sujet dans Médical Notes and Reflectiom, 1839, p. 390. 34. Dans mon Journal of Researches ; Voyage of the Beagle, p. 435, j'ai enre- gistré plusieurs faits à cet égard; voir aussi Gerland [op. c, p. 8). Pœppig dit que « le souffle de la civilisation est un poison pour les sauvages ». 35. Sproat. Scènes and studies of savage Life, 1868, p. 284. [Chap. VIIJ. EXTINCTION DES RACES HUMAINES. 201 L'Europe, il y a quelques siècles, redoutait les incursions des bar- bares de l'Orient; une pareille terreur serait aujourd'hui ridicule. 11 est un fait plus curieux (ju'a remarijué M. Bagehot, c'est que les sauvages ne disparaissaient pas devant les peuples de l'anti- quité comme ils le font actuellement devant les peuples modernes civilisés; s'il en avait été ainsi, les vieux moralistes n'auraient pas manqué de méditer celte question, mais on ne trouve, dans aucun auteur de cette période, aucune remarque sur l'extinction des peuples barbares ". Les causes d'extinction les plus énergiques semblent être, dans bien des cas, l'amoindrissement de la fécondité et l'état maladif des enfants ; ces deux causes résultent du changement des condi-: tions d'existence, bien que les nouvelles conditions n'aient en elles-) mêmes rien de nuisible. M. H. -H. Howorth a bien voulu appeler mon attention sur ce point et me fournir de nombreux renseigne- ments. Il convient de citer quelques exemples à cet égard. Au moment de la colonisation de la Tasmanie, certains voyageurs estimaient à 7,000, d'autres à 20,000, le nombre des indigènes. En tout cas, et quel qu'ait pu être le chiffre de la population, le nombre des indigènes diminua bientôt, en conséquence de luttes perpétuelles, soit avec les Anglais, soit les uns avec les autres. Après la fameuse chasse au sauvage à laquelle prirent part tous les colons, il ne restait plus que 120 Tasmaniens qui firent leur soumission entre les mains des autorités anglaises et à qui on vou- lut bien accorder la vie ". En 1832, on transporta ces 120 individus dans l'île Flinders. Cette île située entre la Tasmanie et l'Australie a 64 kilomètres de longueur sur une largeur qui varie entre 19 et 22 kilomètres; le climat est sain et les nouveaux habitants furent bien traités. Quoi qu'il en soit, leur santé reçut une rude atteinte. En 183i, on comptait (Bonwick, p. 250) 47 hommes adultes, 48 fem- mes adultes, et 16 enfants; en tout 111 individus; en 1835, ils n'étaient plus que 100. Comme ils continuaient à diminuer rapide- dement en nombre et qu'ils étaient persuadés qu'ils ne mourraient pas si rapidement dans une autre localité, on les transporta, en 1847, dans la baie d'Oysler, située dans la partie méridionale de la Tas- manie. La peuplade se composait alors , 20 décembre 1847, de 14 hommes, 22 femmes et 10 enfants **. Ce changement de ré- 36. Bagehot, Physics and Politics; Forinig/itly Review , \" avril 1868, p. 455. 37. J'emprunte tous ces détails à l'ouvrage de J. Bonwick, The last uf the Tnsmnninns, 1870. 38. Ces chiffres sont empruntés au rapport du gouverneur de la Tasmanie, sir W. Denison, Varieties nf Vice-Regnl Lifo, 1870, vol. I. p. 67. 208 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. sidenco n'amena aucun résultat. La maladie et la mort poursui- vaient encore ces malheureux et, en 1864, il ne restait plus qu'un homme (qui mourut en 1869) ot trois femmes adultes. La perte de la fécondité chez la femme est un fait encore plus remarquable que la tendance à la maladie et à la mort. A l'époque oiî il ne res-i tait plus que 9 femmes à la baie d'Oyster, elles dirent à M. Poq- wick (p. 386) que deux d'entrés elles seulement avaient eu des enfants et, entre elles deux, elles n'avaient donné le jour qu'à trois enfants ! Le D' Story cherche à approfondir les causes de cet état de choses ; il fait remarquer que les efforts tentés pour civiliser les sau-r vages amènent invariablement leur mort. « Si on les avait laissés errer à loisir comme ils en avaient l'habitude, ils auraient élevé, plus d'enfants et on aurait constaté chez eux une mortalité moina grande. » M. Davis, qui a aussi étudié avec beaucoup de soin les habitudes des sauvages, fait de son côté les remarques suivantes : « Les naissances ont été fort restreintes et les décès nombreux. Cet état de choses a dû provenir en grande partie du changement ap- porté à leur mode de vie et à la nature de leur alimentation; mais, plus encore, du premier changement de résidence qu'on leur a imposé et des regrets profonds qui ont dû en être la conséquence. » (Bonwick, pp. 388, 390.) On a observé des faits analogues dans deux parties très diffé-r rentes de l'Australie. M. Gregory, le célèbre explorateur, a affirmé à M. Bonwick, que, dans la colonie de Queensland, «on constate, même dans les parties les plus récemment colonisées, une diminu- tion des naissances chez les indigènes et qu'en conséquence le nom- bre de ces derniers décroîtra bientôt dans de vastes proportions ». Douze indigènes sur treize, originaires de la baie du Requin, qui vinrent s'établir sur les bords du fleuve Murchison, moururent de la poitrine pendant les premiers trois mois ". M. Fenton, dans un admirable rapport auquel, sauf une excep- tion, j'emprunte tous les faits qui vont suivre, a étudié avec soin la progression et les causes de la diminution des Maories de la Nou»- velle-Zélande **. Tous les observateurs, y compris les indigènes eux-mêmes, admettent que, depuis 1830, les Maories diminuent en nombre et que cette diminution s'accentue chaque jour. Bien qu'on n'ait pu jusqu'à présent procéder au recensement exact des indi- 39. Bonwick, Daily Life of the Tasmanians, 1870 , p. 90 ; The last of the Tas- manians, 1870, p. 386. 40. Observations on the Aboriginal inhahitants ofNew Zealand; publié par or- dre du gouvernement, 1859. [Chap. VIII. EXTINCTION DES RACES HUMAINES. 2«a gônes, le nombre des familles a été évaluô avec soia par les per- sonnes habilnnt plusieurs dislricls, et il semble qu'on puisse se fler à colle évaluation. Los chiffres obtenus prouvent que, pondant les qualorxe années qui ont précédé 1858, la diminution s'est élevée à 19.4â p. 100. Quelques tribus sur lesquelles ont porté les ob-r servations les plus parPailcs habitaient des régions séparées par des centaines do kilomôlres, les unes sur le bord de la mor, les autres bien loin dans l'intérieur des terres; les moyens de subsistance et les habitudes différaient donc dans une grande mesure (p. 28). En 1858, on évaluait le nombre total des Maories à 53,700; en 1872, après un autre intervalle de quatorze ans, on n'en trouve plus que 30,359, soit une diminution de 32,29 p. 100 *'l Après avoir dé- montré que les causes ordinairement invoquées, telles que les nouvelles maladies, le dérèglement des femmes, l'ivrognerie, les guerres, etc., ne sauraient suffire à expliquer cette diminution ex- traordinaire, M. Fenton, qui s'est livré aune étude approfondie du sujet, croit pouvoir rallribuer à la stérilité des femmes, et ^ la mortalité extraordinaire des jeunes enfants (pp. 31,34). Comme preuve à l'appui, il indique (p. 33) qu'on comptait, en 1844, un en- fant pour 2,57 adultes, tandis qu'en 1853, on ne comptait plus qu'un enfant pour 3.27 adultes. La mortalité des adultes est aussi consi- dérable, M. Fenton invoque encore comme une autre cause de la diminution la disproportion numérique entre les hommes et les femmes; il naît, en effet, moins de filles que de garçons. Je revien- drai, dans un chapitre subséquent, sur cette dernière assertion qui dépend peut-être d'une raison entièrement différente. M, Fen- ton insiste avec un certaiïi étonnement sur la diminution de la population dans la Nouvelle-Zélande et sur son augmentation en Irlande, doux pays dont le climat se ressemble beaucoup et dont les habitants ont à peu près aujourd'hui les mêmes habitudes. Les Maories eux-mêmes (p. 35) « attribuent, dans une certaine mesure, leur diminution à l'introduction d'une nouvelle alimentation, à l'u- sage des vêtements, et aux changements d'habitudes qui en ont été la conséquence; » nous verrons, en étudiant l'influence que le chan- gement des conditions d'existence a sur la fécondité, qu'ils ont pro- bablement raison. La diminution de la population a commencé entre 1830 et 1840; or, M. Fenton démontre (p. 40) qu'ils ont dé- couvert vers 1K30 l'art do préparer les tiges du maïs en les faisant longtemps séjourner dans l'eau et qu'ils s'adonnèrent beaucoup à cette préparation ; ceci indique qu'un changement d'habitudes sç 41. Alex. Kennedy, New Zealand, 1873, p. 47. 204 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [l'e Partie]. produisait chez les indigènes, alors même qu'il y avait très peu d'Eu- ropéens à la Nouvelle-Zélande. Quand je visitai la Baie des Iles, en 1835, le costume et le mode d'alimentation des indigènes s'étaient déjà considérablement modifiés; ils cultivaient des pommes de terre, du maïs, et quelques autres produits agricoles qu'ils échan-. geaient avec les Anglais contre du tabac et des produits manufac- turés. - Il ressort de plusieurs notes publiées dans l'histoire de la vie de l'évêque. Patteson " que les indigènes des Nouvelles-Hébrides et de plusieurs archipels voisins succombèrent en grand nombre quand on les transporta à la Nouvelle-Zélande, à l'île Norfolk et dans d'autres stations salubres pour les y élever comme missionnaires, . On sait que la population indigène des îles Sandwich diminue aussi rapidement que celle de la Nouvelle-Zélande. Les voyageurs les plus autorisés évaluaient à environ 300,000 habitants la popula- tion des îles Sandwich lors du premier voyage de Cook en 1 779, D'après un recensement imparfait opéré en 1823, le nombre des in- digènes s'élevait alors à 142,050. En 1832, et depuis à diverses périodes, on a procédé à un recensement officiel ; je n'ai pu malheu- reusement me procurer que les renseignements suivants : Proportion annuelle de la POPULATION INDIGENE diminution pour 100, en ad- mettant que cette diminu- ANNÉES. (En 1832 et en 1836 les quel- tion ait été uniforme dans ques étrangers habitant l'intervalle des différents les lies sont compris ilans recensements qui ont été les chiffres ci-dessous.) faits à des intervalles irré- giiliers. 1832 130.313 4.46 1836 108.579 2.47 1853 71.019 0.81 1860 67.084 ( 2.18 1866 58.765 ! 2.17 1872 51.531 S ■ Il résulte de ces chiffres que, pendant un intervalle de quarante ans, de 1832 à 1872,1a population indigène a diminué de 68 p. 100! La plupart des savants ont attribué cette diminution à la mauvaise conduite des femmes, aux guerres meurtrières, au travail forcé im- posé aux tribus vaincues, à de nouvelles maladies introduites par les 42. C.-M. Younge, Life ofJ.-C. Patteson, 1874; voir surtout vol. I, p. 530. [Chap. VII]. EXTINCTION DES RACES HUMAINES. 205 Européens, lesquelles, dans quelques cas, ont provoqué de véritables épidémies. Sans doute, ces causes et d'autres faits analogues peuvent expliquer dans une certaine mesure le décroissement extraordinaire de population que l'on observe entre les années 1832 et 1836; mais nous croyons que la cause la plus puissante est l'amoindrissement de la fécondité des indigènes. Le docteur Ruschenberger, de la marine des États-Unis, qui a visité les îles Sandwich entre' 1835 et 1837, affirme que, dans un district de l'île Hawaï, 25 hommes sur 11 34, et dans un autre district de la même île, 10 seulement sur 637 avaient 3 enfants, sur 80 femmes mariées, 39 seulement avaient eu des en- fants; un rapport officiel remontante cette époque n'indique que 1 demi-enfant pour chaque couple marié comme la moyenne des naissances dans l'île entière. Cette moyenne est presque identique à celle des Tasmaniens à la crique d'Oyster. Jarver, qui a publié en 1813 une histoire des îles Sandwich, dit que « les familles qui ont trois enfants sont exonérées de tout impôt; on concède des terres et on accorde d'autres encouragements à celles qui ont quatre en- fants ou davantage ». Ces dispositions extraordinaires du gouver- nement suffiraient à prouver combien cette race est devenue peu féconde. Le révérend A. Bishop, dans un article publié par le Spec- tator d'Hawaï en 1839, constate que beaucoup d'enfants mouraient alors en bas âge et l'çvèque Staley m'apprend qu'il en est toujours ainsi. On a attribué cette mortalité au peu de soin des femmes pour les enfants, mais je pense qu'il convient de l'attribuer surtout à une faiblesse innée de constitution chez les enfants, conséquence de l'amoindrissement de la fécondité chez les parents. On peut consta- ter, en outre, une nouvelle ressemblance entre les indigènes des îles Sandwich et ceux de la Nouvelle-Zélande; nous faisons allusion au grand excès des garçons sur les filles; le recensement de 1872 in- dique, en effet, 31,650 mâles contre 2o, 257 femelles de tout âge, c'est à dire dire 125,36 mâles pour 100 femelles, alors que, dans tous les pays civilisés, le nombre des femmes excède celui des hommes. Sans aucun doute, la conduite dévergondée des femmes peut en partie expliquer l'amoindrissement de leur fécondité, mais la cause principale de cet amoindrissement est, sans contredit, le change- ment des habitudes d'existence, cause qui explique en même temps l'augmentation de la mortalité surtout chez les enfants. Cook visita les îles Sandwich en 1779; Vancouver y débarqua en 179i, et elles reçurent ensuite les visites de nombreux baleiniers. Les mission- naires arrivèrent en 1819; le roi avait déjà aboli l'idolâtrie et effectué d'autres réformes. Dès cette époque, il se produisit un changement rapide dans presque toutes les habitudes des indigènes, et on put M LA DESCENDANCE t)K LtiOMME. [!'• Partie]. bientôt les considérer ajuste titre comme les plus civilisés de tous les Polynésiens. M. Coan, né dans les îles Sandwich, m'a fait remarquer avec raison que, dans le cours de cinquante ans, les indi- gènes ont été soumis à un plus grand changement des habitudes d'existence que les Anglais pendant une période de mille ans. L'évê- que Staley affirme, il est vrai, que l'alimentation des classes pauvres Ji'a pas beaucoup changé, bien qu'on ait introduit dans les îles beau- coup d'espèces nouvelles de fruits, surtout la canne à sucre. Il faut ajouter que, désireux d'imiter les Européens, les indigènes changè- rent presque immédiatement leur manière de se vêtir et s'adonnè- rent généralement à l'usage des boissons alcooliques. Bien que ces changements ne paraissent pas avoir grande importance, je crois, si l'on en juge par ce qui se passe chez les animaux, qu'ils ont dû tendre à amoindrir la fécondité des indigènes *'. Enfin, M. Macnamara ** constate que les habitants si dégradés des îles Andaman, dans la partie orientale du golfe du Bengale, sont très sensibles à un changement de climat; « si on les enlève à leur patrie, on les condamne à une mort presque certaine, et cela indé- pendamment d'un changement d'alimentation ou de toute autre cir- constance ». Il affirme, en outre, que les habitants de la vallée du Népaul qui est extrêmement chaude en été, ainsi que les habitants des régions montagneuses de l'Inde, souffrent de la fièvre et de la la dyssenterie quand ils descendent dans les plaines, et meurent certainement s'ils essayent d'y passer toute l'année. Il résulte de ces remarques que la santé des races humaines les plus sauvages est profondément atteinte, quand on essaye de les soumettre à de nouvelles conditions d'existence ou à de nouvelles habitudes, sans qu'il soit nécessaire de les transporter sous un nou- veau climat. De simples changements d'habitude, bien qu'ils lie semblent avoir aucune importance, ont ce même effet qui, d'ordi- naire, se produit chez les enfants. On a souvent affirmé, comme le fait remarquer M. Macnamara,que l'homme peut supporter avec impunité les plus grandes différences de climat et résister à des changements considérables des conditions d'existence, mais cette remarque est 43. J'ai emprunté les divers faits cités dans ce paragraphe aux ouvrages sui- vants : Jarves, History of the Hawaïian hlands, 1843, pp. 400-407. Cheever, Life In the Sandwich Islands, 1851, p. 277. Bonwick, Last of the Tasmanians, 1870, p. 378, cite Ruschenberirer. Sir L. Belcher, Voyage i-oundthc world, 1843, vol. Ij p. 272. M. Coan et le D' Youmans de New- York ont bien voulu me communi- quer les recensements que j'ai cités. Dans la plupart des cas, j'ai comparé les chiffres du D' Youmans avec ceux indiqués dans les divers ouvrages que je viens de citer. Je ne me suis pas servi du recensement de 1850, les chiffres ne me paraissant pas exacts. 44. The Indian Médical Gazette, l«f nov. 1871, p. 240. [Chap. Vit]. EXTINCTION DES RACES HUMAINES. 2Ôt seulement vraie quand elle s'applique aux races civilisées. L'homme à l'élal sauvage semble sous ce rapport presque aussi sensible que ses plus proches voisins, les singes anthropoïdes, qui n'ont jamais survécu longtemps quand on les a exilés de leur pays natal. La diminution de la fécondité résultant du changement des condi- tions d'existence, comme nous venons de le voir chez les Tasma- niens, chez les Maories, chez les Hawaïens, et probablement aussi thez les Auslrnliens, présente encore plus d'intérêt que leur ex- trême susceptibilité à la maladie et à la mort; en effet, la moindre diminution de fécondité combinée à ces autres causes tend à arrêter l'accroissement de la population et conduit tôt ou tard à l'extinction. On peut, dans quelques cas, expliquer la diminution de la fécon- dité par la mauvaise conduite des femmes, chez les Tahitiens, par exemple, mais M. Fenton a démontré que celle explication ne sau- rait suffire, quand il s'agit des Nouveaux-Zélandais ou des Tasma- niens. M. Macnamara, dans le mémoire que nous avons cité plus haut, s'efforce de démontrer que les habitants des régions pestilen- tielles sont ordinairement peu féconds; mais cette remarque ne peut s'appliquer dans plusieurs des cas que nous avons cités. Quel- ques savants ont suggéré que les habitants des îles deviennent peu féconds et contractent de nombreuses maladies par suite de croise- ments consanguins très répétés; mais la perle de la fécondité, dans les cas que nous venons de citer, a coïncidé trop étroitement avec l'arrivée des Européens pour que nous puissions admettre celte ex- plication. D'ailleurs, dans l'étal actuel de la science, nous n'avons aucune raison de croire que l'homme soit très sensible aux effets déplorables des unions consanguines, surtout dans des régions aussi étendues que la Nouvelle-Zélande cl que l'archipel des Sandwich qui présentent de nombreuses différences de climat. On sait, au contraire, que les habitants actuels de l'île Norfolk, de même que les Todas dans l'Inde et les habitants de quelques îles sur la côte occi- dentale de l'Ecosse, sont presque tous cousins ou proches parents, et rien ne prouve que la fécondité de ces tribus se soit amoindrie **. L'exemple des animaux inférieurs nous fournit une explication bien plus probable. On peut démontrer que le changement des conditions d'existence influe à un point extraordinaire sur le sys- 45. Sur les rapports étroits de parenté entre les habitants des îles Norfolk, voir sir \V. Denison, Vnrietiea of Vice Rfqnl Life, vol. I, 1870, p. 410. Pour les Todns, voir l'ouvrage du colonel Marshall, 1873, p. 110. Pour les ilos siluees sur la cote occidentale de l'Ecosse, D*^ Mitchell, Edinburyh Médical Journnl, mars à juin 1863. ^08 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I^o Partie]. tème reproducteur, sans que nous puissions, d'ailleurs, indiquer les raisons de cette action; cette influence amène, selon les cas, des ré- sultats avantageux ou nuisibles. J'ai cité à ce sujet un grand nombre de faits dans le chapitre xviii de la Vaination des animaux et des 'plantes à l'état domestique ; je me bornerai donc à rappeler ici quelques exemples et à renvoyer ceux que ce sujet peut intéresser à l'ouvrage que je viens d'indiquer. Des changements de condition très minimes ont pour efi'et d'augmenter la santé, la vigueur et la fécondité de la plupart des êtres organisés; d'autres changements, au contraire, ont pour effet de rendre stériles un grand nombre d'a- nimaux. Un des exemples les plus connus est celui des éléphants apprivoisés qui ne reproduisent pas dans l'Inde, tandis qu'ils se reproduisent souvent à Ava où on permet aux femelles d'errer dans une certaine mesure dans les forêts et que l'on replace ainsi dans' des conditions plus naturelles. On a élevé en captivité, dans leur pays natal, divers singes améri- cains mâles et femelles, et, cependant, ils se sont très rarement reproduits; cet exemple est plus important encore pour le sujet qui nous occupe à cause de la parenté de ces singes avec l'homme, Le moindre changement des conditions d'existence suffît parfois pour provoquer la stérilité chez un animal sauvage réduit en capti- vité, ce qui est d'autant plus étrange que nos animaux domestiques sont devenus plus féconds qu'ils ne l'étaientà l'état de nature, et que certains d'entre eux peuvent résister à des changements extraordi^ naires des conditions sans qu'il en résulte une diminution de fécon- dité *'. La captivité affecte, à ce point de vue, certains groupes d'animaux beaucoup plus que d'autres et ordinairement toutes les espèces faisant partie du groupe sont affectées de la même manière. Parfois aussi, une seule espèce d'un groupe devient stérile, tan- .dis que les autres conservent leur fécondité; d'un autre côté, une seule espèce peut conserver sa fécondité, tandis que les autres espè: ces deviennent stériles. Les mâles et les femelles de certaines espèces j-éduits en captivité ou privés d'une certaine dose de liberté dans leur pays natal ne s'accouplent jamais; d'autres, placés dans les mê- mes conditions, s'accouplent souvent, mais sans jamais produire de petits; d'autres enfin ont des petits, mais en moins grand nombre qu'à l'état naturel. II faut remarquer, en outre, et cette remarque s'applique tout particulièrement à l'homme, que les petits produits dans ces conditions sont ordinairement faibles, maladifs ou diffor- mes et périssent de bonne heure. 46. Voir la Variation des animaux, etc., vol, II. (Paris, Reinwald). [Chap. VIIj. EXTINCTION DES RACES HUMAINES. 209 Je suis disposé à croire que cette loi générale do rinduenco des changements des conditions d'existence sur le système reproducteur qui s'applique à nos proches alliés, les quadrumanes, s'applique aussi à l'homme dans son état primitif. Il en résulte que, si on mo- difie soudainement les conditions d'existence des sauvages appar- tenant à quelque race que ce soit, ils deviennent de plus en plus stériles et leurs enfants maladifs périssent de bonne heure ; de même qu'il arrive pour l'éléphant et le léopard dans l'Inde, pour beaucoup de singes en Amérique et pour une foule d'animaux de toute sorte, dès qu'on modifie les conditions naturelles de leur existence. Ces remarques nous permettent de comprendre pourquoi les habitants indigènes des îles, qui, depuis longtemps, ont dû être sou- mis à des conditions presque uniformes d'existence, sont évidem- ment sensibles au moindre changement apporté à ces conditions. Il est certain que les hommes appartenant aux races civilisées résis- tent infiniment mieux que les sauvages à des changements de toute sorte; sous ce rapport, les hommes civilisés ressemblent aux animaux domestiques, qui, bien que sensibles quelquefois à des changements de conditions, les chiens européens dans l'Inde, par exemple, sont rarement devenus stériles ". Cette immunité des races civilisées et des animaux domestiques provient probablement de ce qu'ils ont subi de plus nombreuses variations des conditions d'existence et qu'ils s'y sont accoutumés dans une certaine mesure; de ce qu'ils ont, en outre, changé fréquemment de pays et que les sous-races se sont croisées. Il semble, d'ailleurs, qu'un croisement avec les races civilisées prémunisse immédiatement une rac(! abori- gène contre les déplorables conséquences qui résultent d'un chan- gement des conditions. Ainsi, les descendants croisés des Tnhitiens et des Anglais établis à l'île Pitcairn se multiplièrent si rapidement que l'île fut bient»jt trop petite pour les contenir et, en consé- quence, on les transporta en juin 1856 à l'île Norfolk. La tribu se composait alors de 60 personnes mariées et de 134 enfants, soit en total, 19t personnes. Ils continuèrent à se multiplier si rapidement à l'île Norfolk que, en janvier 18HK, elle comptait 300 habitants, bien que 16 personnes fussent retournées en 1859 à l'île Pitcairn; on comptait à peu près autant d'hommes que de femmes. Huel contraste étonnant avec les Tasmaniens! Le nombre des habitants de l'île ^Norfolk s'accrut, en douze ans et demi seulement, (le l!»i à 300, tandis que, en quinze ans, le nombre des Tasmaniens 47. La Variation ilex nniinuux, olc, vol. II, p. 16. 14 210 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [1^ Partie]. décrut de 420 à 4H et ce dernier nombre ne comprenait que 10 enfants *'. De même, dans l'intervalle qui s'est écoulé entre le recensement de 1866 et celui de 1872, le nombre des indigènes pur sang aux îles Sandwich diminua de 8,081, tandis que le nombre des demi- castes augmenta de 8i7 ; mais je ne saurais dire si ce dernier nombre comprend les enfants des demi-castes ou seulement les demi-castes de la première génération. Les faits que je viens de citer se rapportent tous à des abori- gènes qui ont été soumis à de nouvelles conditions d'existence, par suite de l'arrivée d'hommes civilisés. 11 est probable, cependant, que, si les sauvages étaient forcés par toute autre cause, l'invasion d'une tribu conquérante par exemple, à déserter leurs demeures et à changer leurs habitudes, la mauvaise santé et la stérilité n'en résulteraient pas moins pour eux. Il est intéressant de constater que le principal obstacle à la domestication des animaux sauvages, ce qui implique pour eux la faculté de se reproduire dès qu'ils sont réduits en captivité, est le même qui empêche les sauvages placés en contact avec la civilisation de survivre pour former à leur tour une race civilisée, c'est-à-dire, la stérilité résultant du changement des conditions d'existence. Enfin, bien que le décroissement graduel et l'extinction finale des races humaines constitue un problème très complexe, nous pouvons affirmer qu'il dépend de bien des causes différentes sui- vant les lieux et les époques. Ce problème est, en somme, analogue à celui que présente l'extinction de l'un des animaux les plus éle- vés, — le cheval fossile, par exemple, qui a disparu de l'Amérique du Sud, pour être, bientôt après, remplacé dans les mêmes régions par d'innombrables troupeaux de chevaux espagnols. Le Nouveau- Zélandais semble avoir conscience de ce parallélisme, car il com- pare son sort futur à celui du rat indigène qui a été presque entiè- rement exterminé par le rat européen. Si insoluble qu'il nous paraisse, surtout si nous voulons pénétrer les causes précises et le mode d'action de l'extinction, ce problème n'a rien après tout qui doive nous étonner. En effet, l'accroissement de chaque espèce et de chaque race est constamment tenu en échec par divers freins, de sorte que, s'il s'en ajoute un nouveau, ou s'il survient une cause de destruction, si faible qu'elle soit, la race diminue certai- 48. Voir, pour les détails, Lady Belcher : The Mutineei's ofthe Bounty, 1870; Pilcairn Islande publié par ordre de la Chatnbre des cortlmUnes, 29 mai 1863. J'emprunte les renseignements suivants sur les habitants des lies Sandwich à M. Coan et à la Honolulu Gazettei [Chap. VII]. Formation des racés humaines. m nement en nombre ; or, ramoindrissement numérique entraîne tôt ou tard l'exlinction, d'autant que les invasions des tribus conqué- rantes viennent, dans la plupart des cas, précipiter l'événement. Formation des races humaines. — Le croisement de races distin- ctes a, dans quelques cas, amené la formation d'une race nouvelle. Les Européens et les Hindous difTèrent considérablement au point de vue physique, et, cependant, ils appartiennent à la même souche aryenne et parlent un langage qui est fondamentalement le môme, tandis que les Européens ressemblent beaucoup aux Juifs qui ap- partiennent à la souche sémitique et parlent un langage absolument dilTérent. Broca " explique ce fait singulier par les nombreux croi-- sements que, pendant leurs immenses migrations, certaines bran- ches aryennes ont contractés avec diverses tribus indigènes. Lors- que deux races qui se trouvent en contact immédiat Viennent à se croiser, il en résulte d'abord un mélange hétérogène; M. Hunier, par exemple, fait observer qu'on peut retrouver chez les Sanlalis ou tribus des collines de l'Inde des centaines de gradations im- perceptibles « entre les tribus noires et trapues des montagnes et le Brahmane grand et olivâtre, intelligent, aux yeux calmes et à la tète haute, mais étroite » ; de telle sorte que, dans les tribunaux^ il est indispensable de demander aux témoins s'ils sont Sanlalis ou Hindous *". Nous ne savons pas encore si une population hétérogène, telld que celles de certaines îles polynésiennes, provenant du croisement de deux races distinctes, dont il ne reste plus que peu ou point de membres purs, peut jamais devenir homogène. On parvient» chez les animaux domestiques, à fixer une race croisée cl à la rendre uniforme en quelques générations, grâce à la sélection pra- tiquée avec soin*' ; il y a donc tout lieu de croire que l'entre-croise- ment libre et prolongé d'un mélange hétérogène pendant un grand nombre de générations, doit suppléer à la sélection, et surmonter toute tendance au retour, de telle sorte qu'une race croisée finit par devenir homogène, bien qu'elle ne participe pas à un degré égal aux caractères des deux races parentes. De toutes les différences qui distinguent les races humaines, la couleur de la peau est une des plus apparentes et des plus accu- sées. On croyait autrefois pouvoir expliquer les différences de ce genre par un long séjour sous différents climats, mais Pallas a 49. Sur l'Anthropologie (tracl. dans Anthropohgkal Review, janv. 1868, p. 38)é 50. The Annals of Rural Bengal, 1868, p. 134. 5h La Variationf etc., vol. Il, p» 182. 212 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [I" Partie]. démontré, le premier, que celte opinion n'est pas fondée, et la plupart des anthropologues "^^ ont adopté ses opinions. On a surtout rejeté cette hypothèse parce que la distribution des di- verses races colorées, dont la plupart habitent depuis très long- temps le même pays , ne coïncide pas avec les différences corres- pondantes de climat. Certains autres faits qui ne manquent pas d'importance viennent à l'appui de la même conclusion; les famil- les hollandaises, par exemple, qui, d'après une excellente auto- rité'^', n'ont pas éprouvé le moindre changement de couleur malgré une résidence de trois siècles dans l'Afrique australe. Les Bohémiens et les Juifs, habitant diverses parties du monde se ressemblent, étran- gement, bien qu'on ait quelque peu exagéré l'uniformité de ces der- niers**; c'est encore là un argument dans le même sens. Onasupposé qu'une grande humidité ou une grande sécheresse de l'atmosphère exerçaient une influence plus considérable que la chaleur seule sur la couleur de la peau; mais d'Orbigny, dans l'Amérique du Sud, et Livingstone, en Afrique , en sont arrivés à des conclusions di- rectement contraires par rapport à l'humidité et à la sécheresse ; en conséquence, toute conclusion sur ce point est encore extrême- ment douteuse ^*. Divers faits, que j'ai cités ailleut-s, prouvent que la couleur de la peau et celle des poils ont quelquefois une corrélation surprenante avec une immunité complète contre l'action de certains poisons végétaux, et les attaques de certains parasites. Cette remarque m'avait conduit à supposer que la coloration des nègres et des autres races foncées provenait peut-être de ce que les individus les plus noirs avaient mieux résisté, pendant une longue série de gé- nérations, à l'action délétère des miasmes pestilentiels des pays qu'ils habitent. J'appris ensuite que le docteur Wells " avait déjà autrefois émis la même idée. On sait depuis longtemps " que les nègres, et 52. Pallas, Act. Acad. Saint-Pétersbourg, 1780, part. II, p. 69. Il fut suivi par Rudolphi, dans son lieitriige zur Anthropologie, 1812. On trouve un excellent résumé des preuves dans l'ouvrage de Godron, de r Espèce, 1859, vol. II, p. 246, etc. 53. Sir Andrew Smith, cité par Knox, Races of Man, 1850, p. 473. 54. De Quatretages, Revue des Cours scientifiques, 17oct., 1868, p. 731. 55. Livingstone, Travels and Researches in S. Africa, 1857, pp. 329, 338. D'Or- bigny, cité par Godron, de V Espèce, vol. II, p. 266. 56. Voir son travail, lu à la Société royale en 1813, et publié en 1818 dans ses Essais. J'ai donné le résumé des idées du D' Wells dans l'Esquisse histo- rique de XOrigine des espèces. Jai cité, Variation des Animaux, etc., vol. II, pp. 240, 357, divers cas de corrélation entre la couleur et certaines particula- rités constitutionnelles. 57. Nott et Gliddon, Types of Mankind (p, 68). [Chap. VII]. FORMATION DES RACES HUMAINES. 213 même les mulâtres, échappent presque complètement aux atteintes de la fièvre jaune qui est si meutrière dans l'Amérique tropicale. Ils résistent également dans uiie grande mesure au.x li^rribles ()(">- vres intermittentes qui régnent sur plus de -(,000 kilomètres le long des côtes d'Afrique , et qui entraînent la niort annuelle d'un cinquième des blancs nouvellement établis, et obligent un autre cinquième des colons à rentrer infirmes dans leur pays "*. Cette immunité du nègre paraît être en partie inhérente à la race et sem- ble dépendre de quelque particularité inconnue de constitution; elle est aussi en partie le résultat de l'acclimatation. Pouchet " constate que les régiments nègres recrutés dans le Soudan et prê- tés par le vice-roi d'Egypte pour la guerre du Mexique, échappè- rent à la fièvre jaune presque aussi bien que les nègres importés depuis longtemps des diverses parties de l'Afrique, et accoutumés au climat des Indes occidentales. Beaucoup de nègres, après avoir résidé quelque temps sous im climat plus froid, deviennent, jus- qu'à un certain point, sujets aux fièvres tropicales, ce qui prouve que l'acclimatation joue aussi un rôle considérable *". La nature du climat sous lequel les races blanches ont longtemps résidé exerce également quelque influence sur elles; pendant l'épouvanlable épi- démie de fièvre jaune de Demerara, en 1837, le docteur Blair con- stata, en effet, que la mortalité des immigrants était proportionnelle à la latitude du pays qu'ils avaient habité à l'origine. Pour le nè- gre, l'immunité, en tant qu'(dle résulte de l'acclimatation, implique une longueur de temps immense; les indigènes de l'Amérique tro-r picalc, qui résident depuis un temps immémorial dans ces régions» ne sont pas, en effet, exempts de la fièvre jaune. Le Rév. B. Tris- tram affirme, en outre, que les habitants indigènes sont forcés pendant certaines saisons de quitter quelques districts de l'Afrique du Nord, bien que les nègres puissent continuera y résider en toute sécurité. On a affirmé qu'il existe une certaine corrélation entre l'immu- nité du nègre pour quelques maladies et la couleur de sa peau ; mais ce n'est là qu'une simple conjecture ; cette immunité pourrait aussi bien résulter de quelque différence dans le sang, dans le système nerveux ou dans les autres tissus. Néanmoins, les faits que nous venons de citer, et le rapport qui existe certainement entre le teint 58. Dans une communication lue à la Société de satistique par le major Tulloch et publiée dans VAlhenirttm, 1840, p. .353. ."iO. La Pluralité (li'x rarcx humaines, 1864. 60. De Quatrefages, l'nité de l'espèce humaine, 1861, p. 205. Wailz, Intrml. to Anthropology, 1863 (trad. anglaise, I, p. 124). Livingstone signale dos cas analogues dans ses Voyages. 214 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ire Partie]. et la tendance à la phthisie , sembleraient prouver que cette con- jecture n'est pas sans quelques fondements. J'ai, par conséquent, cherché, mais avec peu de succès *', à constater ce qu'il pouvait en être. Feu le docteur Daniell, qui a longtemps habité la côte occi- dentale d'Afrique, m'a affirmé qu'il ne croyait à aucun rapport de cette nature. Bien que très blond, il a lui-même supporté admira- blement le climat. Lorsqu'il arriva sur la côte, encore tout jeune, un vieux chef nègre expérimenté lui avait prédit, d'après son appa- rence, qu'il en serait ainsi. Le docteur Nicholson, d'Antigua, après avoir approfondi cette question , m'a écrit qu'il ne croyait pas que les Européens bruns échappassent mieux à la fièvre jaune que les blonds. M. J.-M. Harris " nie complètement que les Européens à cheveux bruns supportent mieux que les autres un climat chaud ; l'expérience lui a, au contraire, appris à choisir des hommes à che- veux rouges pour le service sur la côte d'Afrique. Autant qu'on peut en juger par ces quelques observations, on peut conclure, ce 61. Au printemps de 1862, j'avais obtenu du Directeur général du départe- ment médical de l'armée la permission de remettre un questionnaire aux chi- rurgiens des divers régiments en service dans les colonies, mais aucun ne m'est revenu. Voici les remarques que portaient ce questionnaire : « Divers cas bien constatés chez nos animaux domestiques établissent qu'il existe un rapport entre la coloration des appendices dermiques et la constitution ; il est, en outre, notoire qu'il existe quelques rapports entre la couleur des races humaines et le climat qu'elles habitent ; les questions suivantes sont donc dignes d'être prises en considération. Y a-t-il chez les Européens quelque rapport entre la couleur des cheveux, et leur aptitude à contracter les maladies des pays tropicaux? Les chirurgiens des régiments stationnés dans des régions tropicales insalubres pourraient s'assurer d'abord , comme terme de comparaison, du nombre des hommes bruns ou blonds ou de teinte intermédiaire et douteuse. En même temps, on constaterait quelle est la couleur des cheveux des hommes qui ont eu la fièvre jaune ou la dyssenterie; dès que ces tableaux comprendraient quel- ques milliers d'individus, il serait aisé de constater s'il existe quelque rapport entre la couleur des cheveux et une disposition à contracter les maladies tro- picales. On ne découvrirait peut-être aucun rapport de ce genre, mais il est bon de s'en assurer. Si on obtenait un résultat positif, il aurait quelque utilité pratique en indiquant le choix à faire dans les hommes destinés à un service particulier. Théoriquement , le résultat aurait un haut intérêt , car il indique- rait comment une race d'hommes, habitant dès une époque reculée un climat tropical malsain, aurait pu acquérir une couleur de plus en plus foncée par la conservation des individus à cheveux ou au teint brun ou noir pendant une longue succession de générations. » 62. Anthropological Review, jany. 1866, p. 21. Le D' Sharpe dit aussi par rapport aux Indes {Man a spécial création, 1873, p. 118) que quelques médecins ont remarqué que « les Européens à cheveux blonds et à teint clair sont moins exposés aux maladies des climats tropicaux que les personnes à cheveux brims et à teint foncé ; cette remarque, je crois, est basée sur les faits. » D'autre part, M. Heddle, de la Sierra Leone « qui a vu mourir auprès de lui une si grande quantité de commis », tués par le climat de la côte occidentale d'Afrique, (W. Reade, Africun Sketch book, vol. II, p. 522) a une opinion toute contraire que partage le capitaine Burton. LChap. VII]. I-'OUMATION DES lUCKS HUMAINES. 215 nous semble, que l'hypolhôse, en vertu de laquelle fa couleur des races noires résulte de ce que des individus de plus en plus foncés ont survécu en plus grand nombre au milieu des miasmes pestilen- tiels de leur pays, ne repose sur aucun fondement sérieux, bien qu'elle soit acceptée par plusieurs savants. Le docteur Sharpe " fait remarquer que le soleil des tropiques, qui brûle la peau des Européens au point d'amener des ampoules, n'a aucun effet sur la peau des nègres; il ajoute que ce n'est pas un effet de l'habitude, car il a vu des enfants de six ou huit mois exposés tout nus au soleil, sans qu'ils soient affectés en aucune façon. Un médecin m'a assuré que, il y a quelques années, ses mains se couvraient par places pendantrété,mais non pas pendant l'hiver, de taches brunes ressemblant à des taches de rousseur, mais plus grandes. Ces parties tachetées n'étaient pas affectées par les rayons du soleil, alors que les parties blanches de la peau furent dans plu- sieurs occasions couvertes d'ampoules. Les animaux inférieurs sont aussi sujets à des différences constilulionnolles au point de vue de l'action du soleil sur les parties recouvertes de poils blancs et sur celles qui sont garnies de poils d'autres couleurs **. Je ne saurais dire si la défense de la peau contre l'action des rayons du soleil a une importance suffisante pour que la sélection naturelle ait donné à l'homme une peau foncée. Si l'on admet cette hypothèse, il faut admettre aussi que les indigènes de l'Amérique tropicale ont habité ce pays bien moins longtemps que les nègres n'ont habité l'Afrique ou les Papous les parties méridionales de l'archipel Malais, de même que les Hindous à peau claire ont habité les parties centrales et méridionales de la péninsule beaucoup moins longtemps que les indigènes à peau plus foncée. Bien que nos connaissances actuelles ne nous permettent pas d'expliquer les différences de couleur chez les races humaines par un avantage quelconque qui résulterait pour eux de celte couleur, ou par l'action directe du climat, nous ne devons pas, cependant, négliger complètement ce dernier agent, car il y a de bonnes raisons pour croire qu'on peut lui attribuer certains effets héréditaires "". 63. .Vrt/j a spécial Cl cation, 1873, p. 119. 6*. Variation fies plantes et des animaux, etc., vol. II, pp. 336, 337. (Paris, Eeinwald). «5. Voir de Quatrefages (Retnte des cours scient., 10, oct. 1868, p. 724), Sur les e/fets (le la résidence en Ahi/ssinie et en Arabie, et autres cas analogues. Le ilocte au moins dans la majorité des cerveaux de cet animal, qui, jusqu'à présent « ont été décrits ou ligures. La position su|>erficielle de la seconde circonvolu- » tion est évidemment moins Irétjuente, et, jusqu'à présent, on ne l'a observée, << je crois, que dans le cerveau A décrit dans ce mémoire, ('es trois cerveaux « démontrent en même temps la disposition asymétrique des circonvolutions « des deux hémisphères à laquelle d'autres observateurs ont déjà fait allusion « dans leurs descriptions. » (pp. 8, 9.) En admettant même que la présence de la fissure temporo-occipitale ou fis- sure perpendiculaire extérieure constitue un caractère distinctif entre les singes anthropoides et l'homme, la structure du cerveau chez les singes platyrrhinins rendrait très douteuse la valeur de ce caractère. En effet, tandis que la fissure temporo-occipitale est une des fissures les phis constantes chez les singes ca- tarrhinins ou singes de l'ancien monde, elle n'est jamais très développée chez les singes du nouveau monde ; elle fait complètement défaut chez les petits platyrrhinins; elle est rudimentaire chez le Pithecia '8, et elle est plus ou moins oblitérée par des circonvolutions chez VAtcles. \j\\ caractère aussi variable dans les limites d'un même groupe ne peut avoir une grande valeur taxinomique. On sait, en outre, que le degré d'asymétrie des circonvolutions des deux cotés du cerveau humain est sujet à beaucoup de variations individuelles , que chez les cerveaux bosjesmans, qui ont été examinés, les fissures et les circon- volutions des deux hémisphères sont beaucoup moins compliquées et beaucoup plus symétriques que dans le cerveau humain, tandis que, chez quelques Chim- panzés, la complexité et la symétrie des circonvolutions et des fissures devient remarquable. Tel est particulièrement le cas pour le cerveau d'un jeune Chim- panzé maie figuré par M. Brota. [L'Ordre des Primates, p. 165, fig. H.) Quant à la question du volume absolu, il est établi que la difl'érence qui existe entre le cerveau humain le i)lus granrl et le cerveau le plus petit, à condition qu'ils soient sains tous deux, est plus considérable que la différence qui existe entre le cerveau humain le plus petit et le plus grand cerveau de Chimpanzé ou d'Orang. Il est, en outre, un point par lequel le cerveau de l'Orang ou celui du Chim- panzé, ressemble à celui de l'homme, mais par lequel il diffère des singes in- férieurs, c'est-à-dire par la présence de deux corpora candicanlia, le Cynomor- p/ia n'en ayant qu'un. En présence de ces faits, je n'hésite pas, en 1874, à répéter la proposition que j'ai énoncée en 1863, et à insister sur cette proposition '* : « Par consé(|uent, en tant qu'il s'agit de la structure cérébrale, il est évident « «jue l'homme diffère moins du Chimpanzé ou de l'Orang que ces derniers ne •• différent des autres singes; il est évident aussi que la différence qui existe « entre le cerveau du Chimpanzé et celui de l'homme, est presque insignifiante, « comparativement à la différence qui existe entre le cerveau du Chimpanzé et 11 celui d'un Lemurien. » Dans le mémoire que j'ai déjà cité, le professeur Bischoff ne cherche pas à nier la seconde partie de cette proposition, mais il fait d'abord la remarque, bien inutile d'ailleurs, qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que le cerveau d'un Orang diffère beaucoup de celui d'un Lemurien; en second lieu, il ajoute : « Si iious Il comparons successivement le cerveau d'un homme avec celui d'un Orang; « puis le cerveau d'un Orang avec celui d'un Chimpanzé; puis le cerveau de ce « dernier avec celui dun Gorille et ain.si de suite avec celui d'un Ui/loOatcs, d'un 7.3. Flower, On the Anatomy of Pithecia monacus ; Proceedingt of Ihe Zoological Society 1862. 7J. Man» plaça in \nture. ji. \02. 222 LA bESCÉNDANCE DE L'HOMME. [î'o Partie]. <( Semnopithecus, d'un Cynocephalus, d'un Cercopithecus, d'un Macacus, d'un Ce- « bus, d'un Callithrix, d'un Lemur, d'un Stenops, d'un Hapale, nous n'observons « i)as une différence plus grande, ou même aussi grande dans le degré de dé- « veloppement des circonvolutions , que celle qui existe entre le cerveau d'un « homme et celui d'un Orang ou d'un Chimpanzé. » Je me permettrai de répondre que cette assertion, qu'elle soit fausse ou non, n'a rien à faire avec la proposition énoncée dans mon ouvrage sur la place de l'Homme dans la nature, proposition qui a trait, non pas au développement des circonvolutions seules, mais à la structure du cerveau tout entier. Si le professeur Bischoff avait pris la peine de lire avec soin la page 96 de l'ouvrage qu'il critique, il y aurait remarqué le passage suivant : « Il importe de constater « un fait remarquable : c'est que, bien qu'il existe, autant toutefois que nos con- « naissances actuelles nous permettent d'en juger, une véritable rupture struc- « turale dans la série des formes des cerveaux simiens, cet hiatus ne se trouve « pas entre l'homme et les singes anthropoïdes, mais entre les singes inférieurs « et les singes les plus infimes, ou, en d'autres termes, entre les singes de « l'ancien et du nouveau monde et les Lémuriens. Chez tous les Lémuriens qu'on « a examinés jusqu'à présent, le cervelet est partiellement visible d'en haut, et « le lobe postérieur, ainsi que la corne postérieure et Y hippocampus minor qu'il « contient, sont plus ou moins rudimentaires. Au contraire, tous les marmousets, « tous les singes américains , tous les singes de l'ancien monde , les babouins « ou les singes anthropo'ides ont le cervelet entièrement caché par les lobes « cérébraux postérieurs et possèdent une grande corne postérieure, ainsi qu'un « hippocampus minor bien développé. » Cette assertion était l'expression absolument exacte de l'état de la science au moment où elle a été faite; il ne me semble pas, d'ailleurs, qu'il y ait lieu de la modifier à cause de la découverte subséquente du développement relative- ment faible des lobes postérieurs chez le singe siameng et chez le singe hur- leur. Malgré la brièveté exceptionnelle des lobes postérieurs chez ces deux espèces, personne ne saurait soutenir que leur cerveau se rapproche 1-e moins du monde de celui des Lémuriens. Or, si, au lieu de placer Y Hapale en dehors de sa situation naturelle ,' comme le professeur Bisclioff le fait sans aucune raison, nous rétablissons comme suit la série des animaux qu'il a cités : Homo, Pithe- cus. Troglodytes, Hylohates, Semnopithecus, Cynocephalus, Cercopithecus, Maca- cus, Ccbus, Callithrix, Hapale, Lemur, Stenops, je me crois en droit d'affirmer que la grande rupture dans cette série se trouve entre ÏHapale et le Lemur et que cette rupture est beaucoup plus grande que celle qui existe entre deux autres termes quels qu'ils soient de cette série. Le professeur Bischoff ignore sans doute que, longtemps ayant lui, Gratiolet avait suggéré la séparation des Lému- riens des autres Primates, tout justement à cause de la différence qui existe dans leurs caractères cérébraux, et que le professeur Flower avait fait les ob- servations suivantes en décrivant le cerveau du Loris de Java ''^ : « Il est surtout remarquable que, dans le développement des lobes posté- rieurs du cerveau , on ne remarque chez les singes qui se rapprochent de la famille des Lémuriens sous d'autres rapports, c'est-à-dire chez les membres in- férieurs, ou groupe plntyrrhinin, aucune ressemblance avec le cerveau court et arrondi des Lémuriens. » Les progrès considérables qu'ont fait faire à la science, pendant les dernières dix années, les recherches de tant de savants, justifient donc les faits que j'ai constatés en 18G3 relativement à la structure du cerveau adulte. On objecte toutefois que, en admettant la similitude du cerveau adulte tie l'homme et des singes, cjs organes n'en sont pas moins, en réalité, très différents parce que l'on observe des différences fondamentales dans le mode de leur développement. Personne plus que moi ne serait disposé à admettre la force de cet argu- ment, si ces différences fondamentales de développement existaient réellement, ce que je nie complètement; je soutiens, au .contraire, que l'on peut observer 73. Transactions of the Zoologkal Society, \o\, V, p. 1862. [Chap. VII]. DE LA STRUCTURE DU CERVEAU. 223 une concordance fondamentale dans le développement du cerveau chez l'homme et chez les singes. Oratiolet a prétendu qu'il existe une diflérence fondamentale dans le déve- loppement du cerveau do l'Homme et do celui des singes et que cette différence consiste en ceci : que, chez les singes , les plis qui paraissent d'abord sont si- tués sur la région postérieure des hémisphères cérébraux, tandis que, dans le fœtus humain, les plis paraissent d'abord sur les lobes frontaux '8. Celte assertion générale est basée sur deux observations, lune d'un Gibbon tout prêt à naître, chez lequel les circonvolutions postérieures étaient « bien développées », tandis qjie celles des lobes frontaux étaient à « peine indiquées » [liK. cit., p. 39), et l'autre d'un fœtus humain à la vingt-RINCIPES DE LA SÉLECTION SEXUELLE Caractères sexuels secondaires. — Sélection sexuelle. — Son mode d'action. — Excédent des mâles. — Polygamie. — Le mâle ordinairement seul modi- fié par la sélection sexuelle. — Ardeur du mâle. — Variabilité du mâle. — Choix exercé par la femelle. — La sélection sexuelle comparée à la sélection naturelle. — Hérédité aux périodes correspondantes de la vie, aux saisons correspondantes de l'année, et limitée par le sexe. — Rapports entre les di- verses formes de l'hérédité. — Causes pour lesquelles un des sexes et les jeunes ne sont pas modifiés par la sélection sexuelle. — Supplément sur les nombres proportionnels des mâles et des femelles dans le règne animal. ^- La proportion du nombre des individus mâles et femelles dans ses rapports avec la sélection naturelle. Ghe2 les animaux à sexes séparés, les mâles diffèrent nécessai- fement des femelles par leurs organes de reproduction, qui consti- tuent les caractères sexuels primaires. Mais les sexes diffèrent souvent aussi par ce que Hunter a appelé les caractères sexuels secondaires, qui ne sont pas en rapport direct avec l'acte de la reproduction; le mâle, par exemple, possède certains organes de sens ou de locomotion, dont la femelle est dépourvue ; ou bien, ils sont beaucoup plus développés chez lui pour lui permettre de la trouver et de l'atteindre; ou bien encore, le mâle est muni d'or- ganes spéciaux de préhension, à l'aide desquels il peut facilement la maintenir. Ces derniers organes j très diversifiés, se confondent avec d'autres que, dans certains cas^ on peut à peine distinguer de ceux qu'on considère ordinairement comme les organes primai-' fes} tels sont les appendices complexes qui occupent l'extrémité de l'abdomen des insectes mâles. A moins que nous ne restrei- gnions le terme « primaire » aux glandes reproductrices seules» [Chap. Viii). de la Sélection sexuelle. 227 il n'est presque pas possible d'établir une ligne de démarcation entre les organes sexuels primaires et les organes secondaires. La femelle diffère souvent du mâle en ce qu'elle possède des organes destinés à l'alimentation ou à la protection de ses jeunes, tels que les glandes mammaires des Mammifères, et les poches abdominales des Marsupiaux. Dans quelques cas plus rares, le mâle possède des organes analogues qui font défaut chez la femelle, comme les réceptacles pour les œufs qu'on trouve chez certains poissons mâles, et ceux qui se développent temporairement chez certaines grenouilles mâles. La plupart des abeilles femelles ont un appareil particulier pour récolter et porter le pollen, et leur ovipositeur se transforme en un aiguillon pour la défense des lar-^ vesetde la communauté. Nous pourrions encore citer de nombreux cas analogues, mais qui ne nous intéressent pas ici. Il existe, tou- tefois, d'autres différences qui n'ont aucune espèce de rapport avec les organes sexuels primaires, différences qui nous intéressent plus particulièrement, — telles que la plus grande taille, la force, les dispositions belliqueuses du mâle, ses armes offensives ou défensives, sa coloration fastueuse et ses divers ornements, la fa- culté de chanter, et autres caractères analogues. Outre les différences sexuelles primaires et secondaires aux' quelles nous venons de faire allusion, le mâle et la femelle diffèrent quelquefois par des conformations en rapport avec différentes ha^ bitudes d'existence, et n'ayant que des relations indirectes, ou n'en ayant même pas, avec la fonction reproductrice. Ainsi les femelles de certaines mouches (Culicidés et Tabanidés) sucent le sang, tan- dis que les mâles vivent sur les fleurs et ont la bouche privée dft mandibules". Certaines phalènes mâles ainsi que quelques crusta- cés mâles (Tanais) ont seuls la bouche imparfaite, fermée, et ne peuvent absorber aucune nourriture. Les mâles complémentaires de certains Girripèdes vivent, comme les plantes épiphytiqucs, soit sur la femelle, soit sur la forme hermaphrodite, et sont dé- pourvus de bouche et de membres préhensiles. Dans Ces cas» le mâle s'est modifié et a perdu certains organes importants qu6 possèdent les femelles. Dans d'autres cas, la femelle a subi ces mo- difications; ainsi, le lampyre femelle est dépourvu d'ailes; ces organes, d'ailleurs, font si bien défaut à beaucoup de phalènes femelles que quelques-unes ne quittent jamais le cocon. Un grand nombre de crustacés parasites femelles ont perdu leurs pattes nu- 1. Westwood, Modem Classif. of Insects, vol. II, 1840, p. 541. .le dois à Fritz Mûller le fait relatif au Tanais. 228 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. tatoires. Chez quelques charançons (Curculionidés) la trompe pré- sente une grande différence en longueur chez le mâle et chez la femelle^; mais nous ne saurions dire quelle est la signification de ces différences et d'autres analogues. Les différences de conforma- tion entre les deux sexes, qui se rapportent à diverses habitudes d'existence, sont ordinairement limitées aux animaux inférieurs ; chez quelques oiseaux, cependant, le bec du mâle diffère de celui de la femelle. Le huia de la Nouvelle-Zélande présente à cet égard une différence extraordinaire ; le docteur Buller 'affirme que le mâle se sert de son bec puissant pour fouiller le bois mort, afin d'en extraire les insectes, tandis que la femelle fouille les parties les plus molles avec son bec long, élastique et recourbé ; de cette façon le mâle et la femelle s'entr'aident mutuellement. Dans la plupart des cas, les différences de conformation entre les deux sexes se rattachent plus ou moins directement à la propagation de l'espèce ; ainsi, une femelle qui a à nourrir une multitude d'oeufs a besoin d'une nourriture plus abondante que le mâle, et, par conséquent, elle doit posséder des moyens spéciaux pour se la procurer. Un animal mâle qui ne vit que quelques heures peut, sans inconvénient, perdre, par défaut d'usage, les organes qui lui servent à se procurer des aliments, tout en conservant dans un état parfait ceux de la loco- motion, qui lui servent à atteindre la femelle. Celle-ci, au contraire, peut perdre sans danger les organes qui lui permettent le vol, la natation ou la marche, si elle acquiert graduellement des habitudes qui lui rendent la locomotion inutile. Nous n'avons toutefois à nous occuper ici que de la sélection sexuelle. Cette sélection dépend de l'avantage que certains indivi- dus ont sur d'autres de même sexe et de même espèce, sous le rapport exclusif de la reproduction. Lorsque la conformation dif- fère chez les deux sexes par suite d'habitudes différentes, comme dans les cas mentionnés ci-dessus, il faut évidemment attribuer les modifications subies à la sélection naturelle, et aussi à l'hérédité limitée à un seul et même sexe. lien est de même pour les organes sexuels primaires, ainsi que pour ceux destinés à l'alimentation et à la protection des jeunes; car les individus capables de mieux en- gendrer et de mieux protéger leurs descendants doivent en laisser, cxleris paribus, un plus grand nombre qui héritent de leur supério- rité, tandis que ceux qui les engendrent ou les nourrissent dans de mauvaises conditions n'en laissent qu'un petit nombre pour hériter 2. Kirby et Spence, Introd. to Entomology, vol. III, 1826, p. 309. 3 Birds of New Zealand, 1872, p. 66. [Chap. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 229 de leur faiblesse. Le mille cherche ordinairement la femelle, les or- ganes des sens et de la locomotion lui sont donc indispensables; mais, si ces organes lui sont indispensables, ce qui est généralement le cas, pour accomplir d'autres actes de l'existence, ils doivent leur développement à l'action de la sélection naturelle. Lorsque le mâle a joint la femelle, il lui faut quelquefois des organes préhensiles pour la retenir; ainsi, le docteur Wallace m'apprend que certaines phalènes mâles ne peuvent pas s'unir avec les femelles, si leurs tarses ou pattes sont brisés. Beaucoup de crustacés océaniques mâles ont les pattes et les antennes extraordinairement modifiées pour pouvoir saisir la fcniello; d'où nous pouvons conclure que, ces animaux étant exposés à être ballottés par les vagues de la pleine mer, les organes en question leur sont absolument nécessaires, pour qu'ils puissent propager leur espèce ; dans ce cas, le dévelop- pement de ces organes n'a été que le résultat de la sélection ordi- naire ou sélection naturelle. Quelques animaux placés très bas sur l'échelle se sont modifiés dans le môme but; ainsi, certains vers parasites mâles, qui ont atteint leur développement complet, ont la surface inférieure de l'extrémité du corps transformée en une sorte de râpe ; ils enroulent cette extrémité autour de la femelle et la maintiennent ainsi très fortement *. Lorsque les deux sexes ont exactement les mêmes habitudes d'existence, et que le mâle a les organes des sens et de la locomo- tion plus développés qu'ils ne le sont chez la femelle, il se peut que ces sens perfectionnés lui soient indispensables pour trouver la femelle. Mais, dans la grande majorité des cas, ces organes per- fectionnés ne servent qu'à procurer à un mâle une certaine supé- riorité sur les autres mâles, car les moins privilégiés, si le temps leur en était laissé, réussiraient tous à s'apparier avec des femelles sous tous les autres rapports, à en juger d'après la structure des femelles, ces organes seraient également bien adaptés aux habitu- des ordinaires de l'existence. La sélection sexuelle a dû évidemment intervenir pour produire les organes auxquels nous faisons allu- 4. M. Perrier, Revue scientifique , 15 raars|1873, p. 865, invoque ce cas^^qu'il considère comme portant «in coup fatal à l'hypothèse de la sélection sexuelle, car il suppose que j'attribue à cette cause toutes les différences entre les sexes. Je dois en conclure que cet éminent naturaliste, comme tant d'autres savants français, ne s'est pas donné la peine d'étudier et de comprendre les premiers principes de la sélection sexuelle. Un naturaliste anglais insiste sur le fait que les crochets dont sont pourvus certains animaux mâles ne peuvent devoir ietir développement à un clioix exercé par la femelle! 11 me fallait lire celte re- marque pour supposer que quiconcpie a lu ce chapitre s'imagine que j'aie jamais prétendu que le choix de la femelle avait une influence quelconque sur le déve- loppement des organes préhensiles du mâle. 830 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II» Partie]. sion, car los mâles ont acquis la conformation qu'ils ont aujour- d'hui, non pas parce qu'elle les met à même de remporter la victoire dans la lutte pour l'existence, mais parce qu'elle leur procure un avantage sur les autres mâles, avantage qu'ils ont transmis à leur postérité mâle seule. C'est l'importance de cette distinction qui m'a conduit à donner à cette forme de sélection le nom de sélection sexuelle. En outre, si le service principal que les organes préhen- giles rendent au mâle est d'empêcher que la femelle ne lui échappe avant l'arrivée d'autres mâles, ou lorsqu'il est assailli par eux, la sélection sexuelle a dû perfectionner ces organes en conséquence de la supériorité que certains mâles ont acquis sur leurs rivaux. Mais il est impossible, dans la majorité des cas de cette nature, d'établir une ligne de démarcation entre les effets de la sélection naturelle et ceux de la sélection sexuelle. On pourrait remplir des chapitres de particularités sur les différences qui existent entre les sexes sous le rapport des organes sensitifs, locomoteurs et préhen- siles. Cependant, comme ces conformations ne sont pas plus inté- ressantes que celles qui servent aux besoins ordinaires de la vie, je me propose d'en négliger la plus grande partie, me bornant à indiquer quelques exemples dans chaque classe. La sélection sexuelle a dû provoquer le développement de beau- coup d'autres conformations et de beaucoup d'autres instincts ; nous pourrions citer, par exemple, les armes offensives et défen- sives que possèdent les mâles pour combattre et pour repousser leurs rivaux ; le courage et l'esprit belliqueux dont ils font preuve ; les ornements de tous genres qu'ils aiment à étaler ; les organes qui leur permettent de produire de la musique vocale ou instru- mentale et les glandes qui répandent des odeurs plus ou moins suaves ; en effet, toutes ces conformiations servent seulement, pour la plupart, à attirer ou à captiver la femelle. Il est bien évident qu'il faut attribuer ces caractères à la sélection sexuelle et non à la sélection ordinaire, cardesmâles désarmés, sans ornements, dépour- vus d'attraits, n'en réuissiraient pas moins dans la lutte pour l'exis- tence, et seraient aptes à engendrer une nombreuse postérité, s'ils ne se trouvaient en présence de mâles mieux doués. Le fait que les femelles, dépourvues de moyens de défenses et d'ornements, n'en survivent pas moins et reproduisent l'espèce, nous autorise à conclure que cette assertion est fondée. Nous consacrerons dans les chapitres suivants de longs détails aux caractères sexuels se- condaires auxquels nous venons de faire allusion ; en effet, ils pré- sentent un vif intérêt sous plusieurs rapports, mais principalement en ce qu'ils dépendent de la volonté, du choix, et de la rivalité des [Chap. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 231 individus des deux sexes. Lorsque nous voyons deux mftles lutter pour la possession d'une femelle, ou plusieurs oiseaux mâles étaler leur riche plumage, et se livrer aux gestes les plus grotesques devant une troupe de femelles assemblées, nous devons évidem- ment conclure que, bien que guidés par l'instinct, ils savent ce qu'ils font, et exercent d'une manière consciente leurs qualités corporelles et mentales. De même que l'homme peut améliorer la race do ses coqs de combat par la sélection de ceux de ces oiseaux qui sont victorieux dans l'arène, de même les mâles les plus forts et les plus vigou- reux, ou les mieux armés, ont prévalu à l'état de nature, ce qui a eu pour résultat l'amélioration de la race naturelle ou de l'ospôce. Un faible degré de variabilité, s'il en résulte un avantage, si léger qu'il soit, dans des combats meurtriers souvent répétés, suffit à l'œuvre de la sélection sexuelle; or, il est certain que les caractères sexuels secondaires sont éminemment variables. De même que l'homme, en se plaçant au point de vue exclusif qu'il se fait do la beauté, parvient à embellir ses coqs de basse-cour, ou, pour parler plus strictement, arrive à modifier la beauté acquise par l'espèce parente, parvient à donner au Bantam Sebright, par exemple, un plumage nouveau et élégant, un port relevé tout particulier, de môme il semble que, à l'état de nature, les oiseaux femelles, en choisissant toujours les mâles les plus attrayants, ont développé la beauté ou les autres qualités de ces derniers. Ceci implique, sans doute, de la part de la femelle, un discernement et un goût qu'on est, au pre mier abord, disposé à lui refuser; mais j'espère démontrer plus loin, par un grand nombre de faits, que les femelles possèdent cette aptilude. Il convient d'ajouter que, en attribuant aux animaux infé- rieurs le sens du beau, nous no supposons certes pas que ce sens soit comparable à celui do l'homme civilisé, doué qu'il est d'idées multiples et complexes; il serait donc plus juste de comparer le sons pour le beau que possèdent les animaux à celui que possèdent les sauvages, qui admirent les objets brillants ou curieux et aiment à s'en parer. Notre ignorance sur bien des points fait qu'il nous reste encore quelque incertitude sur le mode précis d'action de la sélection sexuelle. Néanmoins, si les naturalistes, qui admettent déjà la mu- tabilité des espèces, veulent bien lire les chapitres suivants, ils conviendront, je pense, avec moi, que la sélection sexuelle a joué un rôle important dans l'histoire du monde organique. Il est certain que, chez presque toutes les espèces d'animaux, il y a lutte entre les mâles pour la possession de la femelle; ce fait est si notoire- 232 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. ment connu qu'il serait inutile de citer des exemples. Par consé- quent, si l'on admet que les femelles ont une capacité mentale suffisante pour exei cer un choix, elles sont à même de choisir le mille qui leur convient. 11 semble, d'ailleurs, que, dans un grand nombre de cas, les circonstances tendent à rendre la lutte entre les mâles extrêmement vive. Ainsi, chez les oiseaux migrateurs, les mâles arrivent ordinairement avant les femelles dans les localités où doit se faire la reproduction de l'espèce; il en résulte qu'un grand nombre de mâles sont tout prêts à se disputer les femelles. Les chasseurs assurent que le rossignol et la fauvette à tête noire mâles arrivent toujours les premiers; M. Jenner Weir confirme le fait pour cette dernière espèce. M. Swaysland, de Brighton, qui, pendant ces quarante dernières années, a eu l'habitude de capturer nos oiseaux migrateurs dès leur arrivée, m'écrit qu'il n'a jamais vu les femelles arriver avant les mâles. Il abattit, un printemps, trente-neuf mâles de hoche-queue {Budytes Raiï) avant d'avoir vu une seule femelle, M. Gould, qui a disséqué de nombreux oiseaux, affirme que les bécasses mâles ar- rivent dans ce pays avant les femelles. On a observé le même fait aux États-Unis' chez la plupart des oiseaux migrateurs *. La plupart des saumons mâles, lorsqu'ils remontent nos rivières, sont prêts à la reproduction avant les femelles. Il en est de même, à ce qu'il semble, des grenouilles et des crapauds. Dans la vaste classe des insectes, les mâles sortent presque toujours les premiers de la chrysalide, de sorte qu'on les voit généralement fourmiller quelque temps avant que les femelles apparaissent *. La cause de cette différence dans la période d'arrivée ou de maturation des mâles et des femelles est évidente. Les mâles qui ont annuellement occupé les premiers un pays, ou qui, au printemps, sont les premiers prêts à se propager, ou les plus ardents à la reproduction de l'espèce, ont dû laisser de plus nombreux descendants, qui tendent à hériter de leurs instincts et de leur constitution. Il faut se rappeler, en outre, qu'il serait impossible de changer beaucoup l'époque de la maturité sexuelle des femelles sans apporter en même temps de grands troubles dans 5. J.-A. kW&n, M animais and Winter Birds of Florida ; Bull , Comp. Zoology, Harvard Collège, p. 268. 6. Même chez les plantes à sexes séparés, les fleurs mâles arrivent généra- lement à maturité avant les fleurs femelles. Beaucoup de plantes hermaphro- dites, comme C.-K. Sprengel l'a démontré le premier, sont dichogames; c'est- à-dire ne peuvent pas se féconder elles-mêmes, leurs organes mâles et femelles n'étant pas prêts ensemble. Dans ces plantes, le pollen arrive ordinairement à maturité avant le stigmate de la même fleur, bien qu'il y ait quelques espèces spéciales où les organes femelles arrivent à maturité avant les organes mâles. [Chap. VIIl]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 233 la période de la production des jeunes, production qui doit être déterminée par lès saisons de l'année. En somme, il n'est pas dou- teux que, chez presque tous les animaux à sexes séparés, il y auoe lutte périodique et constante entre les mâles pour la possession des femelles. II y a, cependant, un point important qui mérite toute notre atten- tion. Comment se fait-il que les mâles qui l'emportent sur les autres (!ans la lutte, ou ceux que préfèrent les femelles, laissent plus de des- cendants possédant comme eux une certaine supériorité, que les mâles vaincus et moins attrayants? Sans cette condition, la sélection sexuelle serait impuissante à perfectionner et à augmenter les carac- tères qui donnent à certains mâles un avantage sur d'autres. Lors- que les sexes existent en nombre absolument égal, les mâles les moins bien doués trouvent en définitive des femelles (sauf là où règne la polygamie), et laissent autant de descendants, aussi bien adaptés pour les besoins de l'existence que les mâles les mieux partagés. J'avais autrefois conclu de divers faits et de certaines considérations que, chez la plupart des animaux à caractères sexuels secondaires bien développés, le nombre des mâles excé- dait de beaucoup celui des femelles; mais il ne semble pas que cette hypothèse soit complètement exacte. Si les mâles étaient aux femelles comme deux est à un, ou comme trois est à deux, ou même dans une proportion un peu moindre, la question serait bien simple ; car les mâles les plus attrayants ou les mieux armés laisseraient le plus grand nombre de descendants. Mais, après avoir étudié, autant que possible, les proportions numériques des sexes, je ne crois pas qu'on puisse ordinairement constater une grande disproportion numérique. Dans la plupart des cas, la sélection sexuelle paraît avoir agi de la manière suivante. Supposons une espèce quelconque, un oiseau, par exemple, et partageons en deux groupes égaux les femelles qui habitent un district ; l'un comprend les femelles les plus vigoureuses et les mieux nourries; l'autre, celles qui le sont moins. Les premières, cela n'est pas douteux, seront prêtes à reproduire au printemps avant les autres; c'est là, d'ailleurs, l'opinion de M. Jonner Weir, qui, pen- dant bien des années, s'est beaucoup occupé des habitudes des oi- seaux. Les femelles les plus saines, les plus vigoureuses et les mieux nourries, réussiront aussi, cela est évident, à élever en moyenne le plus grand nombre de descendants ''. Les mâles, ainsi 7. Je puis invoquer l'opinion d'un savant ornithologiste sur le caractère des petits. M. J.-A. Allen, MnmmnLs and Winler tiinls of Floriiln, p. 229, dit, en parlant des couvées tardives, produites après la destruction accidentelle des 284 LA DESCEINDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. que nous l'avons va, sont généralement prêts à reproduire avant les femelles; les mâles les plus forts, et, chez quelques espèces, les nyeux armés, chassent leurs rivaux plus faibles, et s'accouplent avec les femelles les plus vigoureuses et les plus saines, car colles- ci sont les premières prêtes à reproduire *. Les couples ainsi consti- tués doivent certainement élever plus de jeunes que les femelles en retard, qui, en supposant l'égalité numérique des sexes, sont forcées de s'unir aux mâles vaincus et moins vigoureux ; or, il y a là tout ce qu'il faut pour augmenter, dans le cours des générations successives, la taille, la force et le courage des mâles ou pour perfectionner leurs armes. Il est, cependant, une foule de cas où les mâles qui remportent la victoire sur d'autres mâles n'arrivent à posséder les femelles que grâce au choix de ces dernières. La cour que se font les animaux n'est, en aucune façon, aussi brève et aussi simple qu'on pourrait le supposer. Les mâles les mieux ornés, les meilleurs chanteurs, ceux qui font les gambades les plus bouffonnes, excitent davantage les femelles qui préfèrent s'accoupler avec eux; mais il est très pro- bable, comme on a eu d'ailleurs l'occasion de l'observer quelquefois, qu'elles préfèrent en même temps les mâles les plus vigoureux et les plus ardents. Les femelles les plus vigoureuses, qui sont les premières prêtes à reproduire, ont donc un grand choix de mâles, et, bien qu'elles ne choisissent pas toujours les plus robustes ou les mieux armés, elles s'adressent, en somme, à des mâles qui, possédant déjà ces qualités à un haut degré, sont, sous d'autres rapports, plus attrayants. Ces couples formés précocement ont, pour élever leur progéniture, de grands avantages du côté femelle aussi bien que du côté mâle. Cette cause, agissant pendant une longue série de générations, a, selon toute apparence, suffi non . seulement à augmenter la force et le caractère belliqueux des mâ- les, mais aussi leurs divers ornements et leurs autres attraits. Dans le cas inverse et beaucoup plus rare où les mâles choisissent premières couvées , que les oiseaux qui en proviennent sont « plus petits, plus pauvrement colorés que ceux éclos au commencement de la saison. Dans le cas où les parents font plusieurs couvées par an, les oiseaux qui proviennent de la première semblent, sous tous les rapports, plus parfaits et plus vigoureux. » 8. Hermann Millier adopte la même conclusion relativement aux abeilles femelles, qui, chaque année, sortent les premières de la chrysalide. Voir à cet égard son remarquable mémoire : Anwendung den Darwiri'schen Lehre auf Bienen; Verh. d. V. Lahrg XXIX, p. 45. 9. J'ai reçu à cet égard, sur la volaille, des renseignements que je citerai plus loin. Même chez les oiseaux tels que les pigeons, qui s'apparient pour la vie, la femelle, à ce que m'apprend M. Jenner Weir, abandonne le mâle, s'il est blessé ou s'il devient trop faible. [Chap. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 235 des femelles particulières, il est manifeste que les plus vigoureux, après avoir écarté leurs rivaux, doivent avoir le choix libre ; or, il est à peu près certain qu'ils recherchent les femelles les plus vigou- reuses et les plus attrayantes à la fois. Ces couples ont de grands avantages pour l'élève de leurs jeunes, surtout si le mâle est capable de défendre la femelle pendant l'époque du rut, comme cela se pro- duit chez quelques animaux élevés, ou d'aider à l'entretien des jeunes. Les mêmes principes s'appliquent si les deux sexes pré- fèrent et choisissent réciproquement certains individus du sexe contraire, en supposant qu'ils exercent ce choix, non seulement parmi les sujets les plus attrayants, mais aussi parmi les plus vigoureux. Proportion numérique des deux sexes. — J'ai fait remarquer que la sélection sexuelle serait chose fort simple à comprendre, si le nombre des mâles excédait de beaucoup celui des femelles. En con- séquence, je cherchai à me procurer des renseignements aussi cir- constanciés que possible sur la proportion numérique des individus des deux sexes chez un grand nombre d'animaux ; mais les maté- riaux sont très rares. Je me bornerai à donner ici un résumé fort succinct des résultats que j'ai obtenus ; je réserve les détails pour une discussion ultérieure, afin de ne point interrompre le cours do mon argumentation. On ne peut vérifier les nombres proportionnels des sexes, au moment de la naissance, que chez les animaux do- mestiques; et encore n'a-t-on pas tenu des registres spéciaux dans ce but. Toutefois, j'ai pu recueillir, par des moyens indirects, un nombre considérable de données statistiques ; il en résulte que, ch(!z 1.1 plupart de nos animaux domestiques, les individus des deux sexes naissent en nombre à peu près égal. Ainsi, on a enregistré, pendant une période de vingt et un ans, 25,560 naissances de chevaux de course; la proportion des mâles aux femelles est comme 09,7 est à iOO. Chez les lévriers, l'inégalité est plus grande que chez tout autre animal, car sur 6,878 naissances, réparties sur douze ans, les mâles étaient aux femelles comme HO, 1 est à 100. Il serait, toutefois, dan- gereux de conclure que cette proportion est la même à l'état de na- ture qu'à l'état domestique, car des différences légères et inconnues suffisent pour affecter dans une certaine mesure les proportions numériques des sexes. Prenons, par exemple, le genre humain : le nombre des mâles s'élève, au moment de la naissance, à 101,5 on Angleterre, à 108,9 en Russie, et chez les Juifs de Livourne, à 120 pour 100 du sexe féminin. J'aurai, d'ailleurs, à revenir sur le fa/t curieux de l'excédent des mâles au moment de la naissance dans 236 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. un supplément à ce chapitre. Je puis ajouter, toutefois, que, au cap de Bonne-Espérance, on a compté pendant plusieurs années de 91 à 99 garçons d'extraction européenne pour 100 filles. Ce n'est pas, d'ailleurs, seulement le nombre proportionnel des mâles et des femelles au moment de la naissance qui nous inté- resse, mais aussi le nombre proportionnel à l'âge adulte; il en résulte un autre élément de doute, car on sait très positivement qu'il meurt, avant ou pendant la parturition, puis dans les pre- mières années de la vie, une quantité beaucoup plus grande d'en- fants du sexe masculin que du sexe féminin. On constate le même fait pour les agneaux mâles, et probablement aussi, il est vrai, pour d'autres animaux. Les mâles de certaines espèces se livrent de terribles combats qui amènent souvent la mort de l'un des adver- saires, ou ils se pourchassent avec un acharnement tel qu'ils finis- sent par s'épuiser complètement. En errant à la recherche des fe- melles, ils sont exposés à de nombreux dangers. Les poissons mâles de différentes espèces sont beaucoup plus petits que les femelles; on affirme qu'ils sont fréquemment dévorés par celles-ci, ou par d'autres poissons. Chez quelques espèces d'oiseaux, les fe- melles meurent, dit-on, plus tôt que les mâles ; elles courent aussi de plus grands dangers, exposées qu'elles sont sur le nid, pen- dant qu'elles couvent ou qu'elles soignent leurs petits. Les larves femelles des insectes, souvent plus grosses que les larves mâles, sont, par conséquent, plus sujettes à être dévorées; dans quelques cas, les femelles adultes, moins actives, moins rapides dans leurs mouvements que les mâles, échappent moins facilement au danger. Chez les animaux à l'état de nature, nous ne pouvons donc, pour apprécier le nombre proportionnel des mâles et des fe- melles à l'âge adulte, nous baser que sur une simple estimation, qui, à l'exception peut-être des cas oîi l'inégalité est très marquée, ne doit inspirer que peu de confiance. Cependant, les faits que nous citerons dans le supplément qui termine ce chapitre semblent nous autoriser à conclure que, chez quelques mammifères, chez beau- coup d'oiseaux, chez quelques poissons et chez quelques insectes, le nombre des mâles excède de beaucoup celui des femelles. Le nombre proportionnel des individus des deux sexes éprouve de légères fluctuations dans le cours des années; ainsi, chez les chevaux de course, pour 100 femelles nées, les mâles avaient varié d'une année à une autre dans le rapport de 107,1 à 92,6, et chez les lévriers de 116,3 à 95,3. Mais il est probable que ces fluctua- tions auraient disparu si l'on avait dressé des tableaux plus com- plets, basés sur une région plus étendue que l'Angleterre seule; [Chap. Vni]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 237 ces différences ne suffiraient pas pour déterminera l'état de nature l'intervention effective de la sélection sexuelle. Néanmoins, comme on en trouvera la preuve dans le supplément, le nombre propor- tionnel des mâles et des femelles paraft éprouver, chez quelques animaux sauvages, suivant les différentes saisons ou les diverses localités, des fluctuations suffisantes pour provoquer une action de ce genre. -Il faut, en effet, remarquer que les mâles, vainqueurs des autres mâles ou recherchés par les femelles à cause de leur beauté, acquièrent au bout d'un certain nombre d'années, ou dans certaines localités, des avantages qu'ils doivent transmettre à leurs petits et qui ne sont pas de nature à disparaître. En admettant que, pendant les saisons suivantes, l'égalité en nombre des individus des deux sexes permette à chaque mâle de trouver une femelle, les mâles qui descendent de ces mâles plus vigoureux , plus recher- chés par les femelles, supérieurs en un mot, ont au moins tout autant de chance de laisser des descendants que les mâles moins forts et moins beaux. Polygamie. — La pratique de la polygamie amène les mêmes résultats que l'inégalité réelle du nombre des mâles et des femelles. En effet, si chaque mâle s'approprie deux ou plusieurs femelles, il en est beaucoup qui ne peuvent pas s'accoupler, et ce sont cer- tainement les plus faibles ou les moins attrayants. Beaucoup de mammifères et quelques oiseaux sont polygames, mais je n'ai pas trouvé de preuves de cette particularité chez les animaux apparte- nant aux classes inférieures. Les animaux inférieurs n'ont peut- être pas des facultés intellectuelles assez développées pour les pousser à réunir et à entretenir un harem de femelles. Il paraît à peu près certain qu'il existe un rapport entre la polygamie et le développement des caractères sexuels secondaires ; ce qui vient à l'appui de l'hypothèse qu'une prépondérance numérique des mâles est éminemment favorable à l'action de la sélection sexuelle. Tou- tefois, beaucoup d'animaux, surtout les oiseaux strictement mono- games, ont des caractères sexuels secondaires très marqués, tandis que quelques autres, qui sont polygames, ne sont pas dans le même cas. Examinons rapidement au point de vue de la polygamie la classe des Mammifères, nous passerons ensuite aux Oiseaux. Le Gorille paraît être polygame, et le mâle diffère considérablement de la femelle; il en est de même de quelques babouins vivant en sociétés qui renferment deux fois autant de femelles adultes que de mâles. Dans l'Amérique du Sud, la couleur, la barbe et les organes vocaux 238 tA DESCENDANCE DE L'HOMME. [li« Partie]. du ^fycetes caraya présentent des différences sexuelles marquées, et le mâle vit ordinairement avec deux ou trois femelles ; le Cebus capucinus mâle diffère quelque peu de la femelle, et paraît être po- lygame '*'. On n'a que fort peu de renseignements à cet égard sur la plupart des autres singes; on sait, cependant, que certaines espè- ces sont strictement monogames. Les ruminants, essentiellement polygames, présentent, plus fréquemment qu'aucun autre groupe de mammifères, des différences sexuelles, non seulement par leurs armes, mais aussi par d'autres caractères. La plupart des cerfs, les bestiaux et les moutons sont polygames; il en est de même des antilopes, à l'exception de quelques espèces monogames. Sir Andrew Smith, qui a étudié les antilopes de l'Afrique méridionale, affirme que, dans des troupes d'environ une douzaine d'individus, on voit rarement plus d'un mâle adulte. V Antilope saïga asiatique paraît être le polygame le plus désordonné qui existe, car Pallas " con- state que le mâle expulse tous ses rivaux, et rassemble autour de lui un troupeau de cent têtes environ, composé de femelles et de jeunes; la femelle ne porte pas de cornes et a des poils plus fins, mais ne diffère pas autrement du mâle. Le cheval sauvage qui habite les îles Falklandetles États situés au nord-ouest de l'Amérique sep- tentrional est polygame ; mais, sauf sa taille plus grande et les pro' portions de son corps, il ne diffère que peu de la jument. Les crocs et quelques autres particularités du sanglier sauvage constituent des caractères sexuels bien accusés ; cet animal mène en Europe et dans l'Inde une vie solitaire, à l'exception de la saison de l'accou- plement, pendant laquelle, à ce qu'assure Sir W. Elliot, qui l'a beaucoup observé dans l'Inde, il vit dans ce pays avec plusieurs femelles; il est douteux qu'il en soit de même pour le sanglier d'Europe, bien que, cependant, on signale quelques faits à l'appui. L'éléphant indien adulte mâle passe une grande partie de son exis- tence dans la solitude, comme le sanglier; mais le docteur Camp- bell affirme que, lorsqu'il est associé avec d'autres, « il est rare de rencontrer plus d'un mâle dans un troupeau entier de femelles ». Les plus grands mâles expulsent ou tuent les plus petits et les plus faibles. Le mâle diffère de la femelle par ses immenses défenses, 10. Sur le Gorille, voir Savage et Wyman, Boston Joiam. of Nat. Hist., vol. V, l845-i7, p. 423. Sur le Cynocéphale , Brehm , lllustv. Thierlcben, vol. I, 1864. p. 77. Sur le Mycetes, Rengger, Naturg. Siiuyethiere von Paraguay, 1830, p. 14, 20. Sur le Cebus, Brehm, op. c, p. 108. 11. Pallas, Spicilegia Zoolog. Fasc. XII, 1777, p. 29. Sir Andrew Smith, Illustrations of the Zoology ofS. A/'rica, 1849, p; 29, sur le Kobus. Owen, Anat. of Va-tebrates, vol. III, 1868, p. 633, donne un tableau indiquant quelles sont les espèces d'antilopes qui s'apparient et celles qui vitent en troupeaux. < [Chap. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 239 sa grande taille, sa force el la faculté qu'il possède de supporter plus longtemps la fatigue; la différence sous ces rapports est si considé- rable qu'on estime les miiles, une fois capturés, à 20 p. 100 au-dessus des femelles '*. Les sexes ne diffèrent que peu ou point chez les au- tres pachydermes qui, autant que nous pouvons le savoir, ne sont pas polygames. Aucune espèce appartenant aux ordres des Chéiroptères, des Édentés, des Insectivores ou des Rongeurs, n'est polygame, autant, toutefois, que je puis le savoir; le rat commun fait peut-être exception à cette règle, car quelques chasseurs do rats affirment que les mâles vivent avec plusieurs femelles. Chez certains pares- seux (is^e/j/es) les deux sexes diffèrent au point de vue du caractère et de la couleur des touffes de poils qu'ils portent sur les épaules". Plusieurs espèces de chauves-souris {Chéiroptères) présentent des différences sexuelles bien marquées; les mâles, en effet, possèdent des sacs et des glandes odorifères et affectent une couleur plus pâle '*. Chez les rongeurs, les sexes diffèrent rarement; en tout cas, les différences sont légères et portent seulement sur la couleur des poils. Sir A. Smith m'apprend que, dans l'Afrique australe, le lion vit quelquefois avec une seule femelle, mais généralement avec plusieurs ; on en a découvert un avec cinq femelles ; cet animal est donc polygame. C'est, autant que je puis le savoir, le seul animal polygame de tout le groupe des carnivores terrestres, et le seul offrant des caractères sexuels bien accusés. Il n'en est pas de même chez les carnivores marins : en effet, beaucoup d'espèces de phoques présentent des différences sexuelles extraordinaires, et sont essen- tiellement polygames. Ainsi , l'éléphant de mer [Macrncli'mus pro- boscideus) de l'Océan du Sud est toujours, d'après Péron, entouré de plusieurs femelles, et le lion de mer [Otaria Jiihnta), de Forster, est, dit-on, accompagné par vingt ou trente femelles. L*ours de mer mâle, de Steller {Arctocephalus ursinus)^ dans le Nord, se fait suivre d'un nombre de femelles encore plus considérable. Le docteur Gill '* a fait à cet égard une remarque très intéressante : « Chez les espèces monogames, ou celles qui vivent en petites sociétés, on observe peu de différence de taille entre le mâle et la femelle; chea les espèces sociables, ou plutôt chez celles où les mâles pos- 12. t). Cntnpbell, Proc. Zoolog, Soc, 1869, p. 138. Voir aussi un niémoin: intéressant du lieutenant Johnstone, Proc. Asinlic. Soc. of Brnya/, mai 1868. 13. D' Oray, Annnls and Mag. of Nat. Hist., 1871, p. 302. 14. Voir un excellent mémoire du D*" Dobson, Proc. Zooloy. Society, 1873, p. 241. 15. The Sared SeaU; Amei-icaii Nfituralisf, vol. IV, janv. 1871. 240 * LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. sèdent de véritables harems, les mâles sont beaucoup plus grands que les femelles. » En ce qui concerne les oiseaux, un grand nombre d'espèces, dont les sexes s'accusent par de grandes différences, sont certaine- ment monogames. En Angleterre, par exemple, on observe des différences sexuelles très marquées chez le canard sauvage, qui ne s'accouple qu'avec une seule femelle, ainsi que chez le merle com- mun et le bouvreuil, qu'on dit s'accoupler pour la vie. M. Wallace m'apprend qu'on observe le même fait chez les Cotingidés de l'A- mérique méridionale et chez beaucoup d'autres espèces d'oiseaux. Je n'ai pas pu parvenir à découvrir si les espèces de plusieurs groupes sont polygames ou monogames. Lesson soutient que les oiseaux de paradis, si remarquables par leurs différences sexuelles, sont polygames, mais M. Wallace doute qu'il ait pu se procurer des preuves suffisantes. M. Salvin m'apprend qu'il a été conduit à admettre que les oiseaux-mouches sont polygames. Le Chera progne mâle, remarquable par ses plumes caudales, paraît certainement être polygame *®. M. Jenner Weir et d'autres m'ont assuré qu'il n'est pas rare de voir trois sansonnets fréquenter le même nid ; mais on n'a pas encore pu déterminer si c'est là un cas de poly- gamie ou de polyandrie. Les Gallinacés présentent des différences sexuelles presque aussi fortement accusées que les oiseaux de paradis ou que les oiseaux- mouches, et beaucoup d'espèces sont, comme on le sait, polygames ; d'autres sont strictement monogames. Les mâles diffèrent considé- rablement des femelles chez le paon et chez le faisan polygames ; ils en diffèrent, au contraire, fort peu chez la pintade et chez la per- drix monogames. On pourrait citer d'autres faits à l'appui : ainsi, par exemple, dans la tribu des Grouses (Lagopèdes), le capercaiizie polygame eJL le faisan noir, polygame aussi, diffèrent considérable- ment des femelles; tandis que les mâles et les femelles, chez le grouse rouge et chez le ptarmigan monogames, diffèrent très peu. Parmi les Cursores, il n'y a qu'un petit nombre d'espèces qui pré- sentent des différences sexuelles fortement accusées, à l'excep- tion des outardes, et on affirme que la grande outarde [Otis tarda) est polygame. Chez les Grallatores, très peu d'espèces présentent des différences de cette nature ; le combattant {Machetes pugnax) 16. The Ibis, vol. III, 1861, p. 133, sur le Chera Progne. Voir aussi, sur le Vidua axillaris, ibid., vol. II, 1868, p. 211. Sur la polygamie du grand Coq de bruyère et de la grande Outarde, voir L. Lloyd , Game Birds of Svoeden, 1867, pp. 19 et 182. Montagu et Selby affirment que le Grouse noir est polygame et que le Grouse rouge est monogame. CiiAP. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLK. 2H constitue, toulefois, une exception remarquable, ot Montagu allirme qu'il est polygame. 11 semble ilonc qu'il y ail souvent, chez les oiseaux, une relation assez étroite entre la polygamie et le déve- loppement de différences sexuelles marquées. M. Barllelt, des Zooloyicai (iardens, qui a si longtemps élmlié les oiseaux, me ré- pondait, ce qui me frappa beaucoup, un jour que je lui demandais si le tragopan mâle (gallinacé) est polygame : << Je n'en sais rien, mais je serais disposé à le croire en raison de ses splendidrs cou- leurs. » Il faut. remarquer que l'instinct qui pousse à s*accou|)ler avec une seule femelle se perd aisément à l'état de domesticité. Le ca- nard sauvage est strictement monogame, le canard domestique est polygame au plus haut degré. Le Rév. W. D. Fox m'apprend ipie (pielques canards sauvages à demi apprivoisés, conservés sur un grand étang du voisinage, faisaient des couvées extrêmement nom- breuses, bien que le garde luàt les mâles de façon à n'en laisser qu'un pour sept ou huit femelles. La pintade est strictement mono- game; cependant M. Fox a remarqué que ses oiseaux réussissent mieux lorsqu'il donne à un mâle deux ou trois poules. Les canaris, à l'état de nature, vont par couples; mais, en Angleterre, les éle- veurs réussissent à donner quatre ou cinq femelles à un mâle. J'ai signalé ces cas, car ils tendent à prouver que les espèces, monoga- mes à l'état de nature, paraissent sans difficulté pouvoir devenir polygames d'une façon temporaire ou permanente. iNous avons trop peu de renseignements sur les habitudes des reptiles et des poissons pour pouvoir nous étendre sur leurs raj)- porls sexuels. On affirme, toutefois, que l'épinoche {Gfis/e?-()s(eus) est polygame " ; ptmdant la saison des amours, le mâle dilTère con- sidérablement de la femelle. Résumons les moyens par lesquels, autant que nous en pouvons juger, la sélection sexuelle a déterminé le développement des ca- ractères sexuels secondaires. Nous avons démontré que l'accou- plement des mâles les plus robustes et les mieux armés, qui ont vaincu d'autres mâles, avec les femelles les plus vigoureuses et les mieux nourries, qui sont les premières prêtes à engendrer au prin- temps, produit le plus grand nombre de descendants vigoureux. Si ces femelles choisissent les mâles les plus attrayants et les plus forts, elles élèvent i)lus de petits que les femelles en retard (pii ont dû s'accoupler avec les mâles inférieurs aux précédents, sous, le rapport de la force et de la beauté. Il en sera de même si 17. Not'l Hiiniphreys, Hicer Oaiflr>i<, 1857. 16 242 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Partie]. les mâles les plus vigoureux choisissent les femelles les plus at- trayantes et les mieux constituées, et cela sera d'autant plus vrai, si le mâle vient en aide à la femelle et contribue à l'alimentation des jeunes. Les couples les plus vigoureux peuvent donc élever un plus grand nombre de petits, et cet avantage suffit certainement pour rendre la sélection sexuelle efficace. Cependant une grande prépondérance du nombre des mâles sur celui des femelles serait beaucoup plus efficace encore ; soit que cette prépondérance fût accidentelle et locale, ou permanente; soit qu'elle eût lieu dès la naissance, ou qu'elle fût le résultat subséquent de la plus grande destruction des femelles ; soit enfin qu'elle fût la conséquence indi- recte de la polygamie. Les modifications sont généralement plus accusées chez le mâle que chez la femelle. — Lorsque les mâles diffèrent des femelles au point de vue de l'apparence extérieure, c'est, à de rares exceptions près, — et cette remarque s'applique à tout le règne animal, — le mâle qui a subi le plus de modifications ; en effet, la femelle continue ordi- nairement à ressembler davantage aux jeunes de l'espèce à laquelle elle appartient ou aux autres membres du même groupe. Presque tous les animaux mâles ont des passions plus vives que les femelles ; ce qui paraît être la cause de ces différences. C'est pour cela que les mâles se battent, et déploient avec tant de soin leurs charmes devant les femelles ; ceux qui l'emportent transmettent leur supé- riorité à leur postérité mâle. Nous aurons à examiner plus loin comment il se fait que les mâles ne transmettent pas leurs caractè- res à leur postérité des deux sexes. 11 est notoire que, chez tous les mammifères, les mâles poursuivent les femelles avec ardeur. 11 en est de même chez les oiseaux ; mais la plupart des oiseaux mâles cherchent moins à poursuivre la femelle qu'à la captiver; pour y arriver, ils étalent leur plumage, se livrent à des gestes bizarres et modulent les chants les plus doux en sa présence. Chez les quel- ques poissons qu'on a observés, le mâle paraît être aussi beaucoup plus ardent que la femelle; il en est évidemment de même chez les alligators et chez les batraciens. Kirby '* a fait remarquer avec justesse que, dans toute l'immense classe des insectes, « le mâle recherche la femelle ». MM. Blackwall et C. Spence Bâte, deux autorités sur le sujet, m'apprennent que les araignées et les crusta- cés mâles ont des habitudes plus actives et plus vagabondes que les femelles. Chez certaines espèces d'insectes et de crustacés, les 18. Kirby et Spence, Introd. to Entomology , toi. III, 1826, p. 342. [Chap. VIII]. DE LA SÉLECTION SEXUELLE. 243 organes des sens ou de la locomotion existent chez un sexe et font défaut chez l'autre, ou, ce qui est fréquent, sont plus développés chez un sexe que chez l'autre ; or, autant que j'ai pu le reconnaître, le nmle conserve ou possède presque toujours ces organes au plus haut degré de développement; ce qui prouve que, dans les rela- tions sexuelles, le mâle est le plus actif ". La femelle, au contraire, est, à de rares exceptions près, beau- coup moins ardente que le mâle. Comme le célèbre Hunter *" l'a fait observer il y a bien longtemps, elle exige ordinairement « qu'on lui fasse la cour <> ; elle est timide, et cherche pendant longtemps à échapper au mâle. Quiconque a étudié les mœurs des animaux a pu constater des exemples de ce genre. Divers faits que nous cite- rons plus loin, et les résultats qu'on peut attribuer à l'intervention de la sélection sexuelle, nous autorisent à conclure que la femelle, comparativement passive, n'en exerce pas moins im certain choix et accepte un mâle plutôt qu'un autre. Certaines apparences nous portent parfois à penser qu'elle accepte, non pas le mâle qu'elle préfère, mais celui qui lui déplaît le moins. L'exercice d'un certain choix de la part de la femelle paraît être une loi aussi générale que l'ardeur du mâle. Ceci nous amène naturellement à rechercher pourquoi, dans tant de classes si distinctes, le mâle est devenu tellement plus ardent que la femelle, que ce soit lui qui la recherche toujours et qui joue le rôle le plus actif dans les préliminaires de l'accouplement. 11 n'y aurait aucun avantage, il y aurait même une dépense inutile de force à ce que les mâles et les femelles se cherchassent mutuel- lement; mais pourquoi le màlc joue-t-il presque toujours le rôle le plus actif? Les ovules doivent recevoir une certaine alimenlalion pendant un certain laps de temps après la fécondation; il faut donc que le pollen soit apporté aux organes femelles et placé sur le stigmate, soit par concours des insectes ou du vent, soit par les mouvements spontanés des étamines ; et, chez les algues, etc., par la locomotion des anthérozoïdes. Chez les animaux d'organisation inférieure à sexes séparés qui tO. I)a|)rés WVslwooil l Modem Clnssif. of Inaectit, vol. H, p. |(J0). un insecte hyménoptére |>arasite constitue une exception à la l'cglc, car le malc n'a que des ailes rudinientaires et ne quitte jamais la cellule où il est né, lanilis que la lemelle a des ailes bien développées. Au',:i diverses parties du corps chez différentes races, et, dans presque tous les cas, les hommes ont présenté une plus grande somme de variations que les femmes; je reviendrai d'ailleurs sur ce point dans un chapitre subséquent. M.J. Wood ", qui a étudié avec beaucou|) de soin la variation des muscles chez l'espèce humaine, imprime en italiques la conclusion suivante : « Le plus grand nombre d'anoma- lies, dans chaque partie prise séparément, se trouve chez le sexe mâle. » 11 avait déjà remarqué que « sur un ensemble de 102 sujets, les variétés de superfluités étaient moitié plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes, ce qui contrastait fortement avec la plus grande fréquence des déficits précédemment décrits déjà chez ces dernières ». Le professeur Macalister remarque également -* que les variations des muscles « sont probablement plus communes chez les mâles que chez les femelles ». Certains muscles, qui ne sont pas normalement présents dans l'espèce humaine, se dévelop- pent aussi plus fréquemment chez le mâle que chez la femelle, bien qu'on ait signalé des exceptions à cette règle. Le docteur Burt Wilder ** a enregistré. 152 cas d'individus ayant des doigts supplémentaires ; 86 ontété observéschez des hommes, et 39, moins de la moitié, chez des femmes; dans les 27 autres cas, on n'a pas constaté le sexe. Il faut se rappeler, il est vrai, que les femmes cherchent plus que les hommes à dissimuler une difformité de ce genre. Le docteur L. Meyer affirme de son côté que la forme des oreilles est plus variable chez l'homme que chez la femme ". Enfin, la température du corps varie davantage aussi chez l'homme que chez la femme -". On ne saurait indiquer la cause de la plus grande variabilité gé- nérale du sexe mâle; on doit se bornera dire que les caractères sexuels secondaires sont extraordinairement variables et que ces caractères n'existent généralement que chez le mâle, ce qu'il est, d'ailleurs, facile de comprendre dans une certaine mesure. L'inter- vention de la sélection naturelle et de la sélection sexuelle a rendu, dans beaucoup de cas, les animaux mâles très-différents des femel- les; mais, indépendamment de la sélection, la différence de consti- tution qui existe entre les deux sexes tend à les faire varier d'une manière un peu différente. La femelle doit consacrer une grande quantité de matière organique à la formation des œufs; le mâle, de 24. Proceedings Royal Soc, vol. XVI, juil. 1868, pp. 519 et r)24. 25. Proc. Rot/. Irish Acndemij, vol. X, 1868, p. 12.3. 26. Mnsmchusett's Medic. Soc, vol. II, n» 3, 1868, p. 9. 27. Arrhiv. fur Path. Anat. und Phys. 1871, p. 488. 28. Les conclusions du D"^ J. Stockton Hough sur l.i température fie l'Homme ont été récemment publiées dans Pop. Science Review, l*' janv. 1874, p. 97. 246 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. son côté, dépense beaucoup de forces à lutter avec ses rivaux, à errer à la recherche de la femelle, à exercer ses organes vocaux, à répandre des sécrétions odoriférantes, etc., et cette dépense doit généralement se faire dans une courte période. La grande vigueur du mille pendant la saison des amours semble souvent donner un certain éclat à ses couleurs, même quand il n'existe pas de diffé- rence bien marquée, sous ce rapport, entre lui et la femelle ^®. Chez l'homme, et si l'on descend l'échelle organique jusque chez les Lépidoptères, la température du corps est plus élevée chez le mâle que chez la femelle, ce qui se traduit chez l'homme par des pulsations plus lentes ^^. En résumé , les deux sexes dépensent probablement une quantité presque égale de matière et de force, bien que cette dépense s'effectue de manière différente et avec une rapidité différente. Les causes que nous venons d'indiquer suffisent pour expliquer que la constitution des mâles et des femelles doive différer quelque peu, au moins pendant la saison des amours ; or, bien qu'ils soient soumis exactement aux mêmes conditions, ils doivent tendre à varier d'une manière quelque peu différente. Si les variations ainsi déterminées ne sont avantageuses ni au mâle ni à la femelle, ni la sélection sexuelle, ni la sélection naturelle n'interviennent pour les accumuler et les accroître. Néanmoins, les caractères qui en résul- tent peuvent devenir permanents, si les causes existantes agissent d'une façon permanente ; en outre, en vertu d'une forme fréquente de l'hérédité, ils peuvent être transmis au sexe seul chez lequel ils ont d'abord paru. Dans ce cas, les mâles et les femelles en arri- vent à présenter des différences de caractères, différences .perma- nentes, tout en étant peu importantes. M. Allen a démontré, par exemple, que, chez un grand nombre d'oiseaux habitant les parties septentrionales et les parties méridionales des États-Unis, les indi- vidus provenant des parties méridionales affectent des teintes plus foncées que ceux des parties septentrionales. Cette différence sem- ble être le résultat direct des différences de température, de lumière, etc., qui existent entre les deux régions. Or, dans quelques cas, les 29. Le professeur Mantegazza est disposé à croire [Lettera a Cai-lo Darwin, Archivio per f Anthropologia , 1871, p. 306) que les brillantes couleurs com- munes à tant d'animaux mâles résultent de la présence chez eux du fluide spermatique. Je ne crois pas que cette opinion soit fondée, car beaucoup d'oi- î^eaux mâles, les jeunes faisans, par exemple, revêtent leurs brillantes couleurs pendant l'automne de leur première année. 30. Voir, pour l'espèce humaine, le D' J. Stockton Hough, dont les conclu- sions ont été publiées par la Pop. Science Revierv, 1874, p. 27. Voir, sur les Lé- pidoptères, les observations de Girard, Zoological Record, 1869, p. 347. [Chap. VIII]. DE LA SELECTION SEXUELLE. 247 deux sexes d'une même espèce semblent avoir été difTéremment afFectés. Les couleurs de VAgelœns phœniceus mille sont devenues l)ien plus brillantes dans le sud; chez le Cnrdinalis virginianus, ce sont les femelles qui ont subi une modification; les Qniscalus major femelles révèlent des teintes très-variables, tandis que celles des mâles restent presque uniformes ". On signale, chez diverses classes d'animaux, certains cas excep- tionnels ; c'est alors la femelle qui, au lieu du mille, a acquis des caractères sexuels secondaires bien tranchés, des couleurs plus brillantes, une taille plus élancée, une force plus grande et des goûts plus belliqueux. Chez les oiseaux, comme nous le verrons plus tard, il y a quelquefois eu transposition complète des caractères ordinaires propres à chaque sexe; les femelles, devenues plus ardentes, recherchent les mâles qui demeurent relativement passifs, mais qui choisissent probablement, à en juger par les résultats, les femelles les plus attrayantes. Certains oiseaux femelles sont ainsi devenus plus richement colorés, plus magnifiquement ornés, plus puissants et plus belliqueux que les mâles, caractères qui ne sont transmis qu'à la seule descendance femelle. On pourrait supposer que, dans quelques cas, il s'est produit un double courant de sélection : les mâles auraient choisi les femelles les plus attrayantes, et, réciproquement, ces dernières auraient choisi les plus beaux mâles. Ces choix réciproques pourraient cer- tainement déterminer la modification des deux sexes, mais ne ten- draient pas à les rendre difTérents l'un de l'autre, à moins d'ad- mettre que leur goût pour le beau ne différât; mais c'est là une supposition trop improbable chez les animaux, l'homme excepté, pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter. Toutefois, chez beaucoup d'animaux, les individus des deux sexes se ressemblent, et possè- dent des ornements tels que l'analogie nous conduirait à les attri- buer à l'intervention de la sélection sexuelle. Dans ces cas, on peut supposer d'une manière plus plausible qu'il -y a eu un double cou- rant ou un courant réciproque de sélection sexuelle; les femelles les plus vigoureuses et les plus précoces ont choisi les mâles les plus beaux et les plus vigoureux, et ceux-ci, de leur côté, ont re- poussé toutes les femelles n'ayant pas des attraits suffisants. Mais, d'après ce que nous savons des habitudes des animaux, il est diffi- cile de soutenir cette théorie, car le mâle s'empresse ordinairement (h' s'accoupler avec une femelle quelle qu'elle soit. Il est beaucoup plus probable que les ornements communs aux deux sexes ont été 31. Mammah and Birds of Florida, pp. 234, 280, 295. 248 lA DKSCENDANCE DE L'HOMME. illo Partie]. acquis par l'uiid'eux, généralement par le mâle, et ensuite transmis aux descendants des deux sexes. Si, cependant, les mâles d'une espèce quelconque ont, pendant une longue période, été beaucoup plus nombreux que les femelles, puis, qu'ensuite, durant une autre longue période, dans des conditions dilférentes, les femelles soient devenues à leur tour beaucoup plus nombreuses que les mâles, un double courant, bien que non simultané, de sélection sexuelle se serait facilement produit et aurait eu pour résultat la grande diffé- renciation des deux sexes. Nous verrons plus loin que, chez beaucoup d'animaux, aucun des sexes n'est ni brillamment coloré ni paré d'ornements spéciaux, bien que les individus des deux sexes, ou d'un seul, aient probable- ment acquis grâce à la sélection sexuelle des couleurs simples telles que le blanc ou le noir. L'absence de teintes brillantes ou d'autres ornements peut résulter de ce qu'il ne s'est jamais présenté de va- riations favorables à leur production, ou du fait que ces animaux préfèrent les couleurs simples, telles que le noir ou le blanc. La sélection naturelle a dû souvent intervenir pour produire des cou- leurs obscures comme moyen de sécurité, et il se peut que l'immi- nence du danger ait réagi contre la sélection sexuelle qui tendait à développer une coloration plus brillante. Mais il se peut aussi que, dans d'autres cas, les mâles aient lutté les uns contre les autres, pen- dant de longues périodes, pour s'emparer des femelles, sans qu'il se soit produit aucun résultat; à moins que les mâles les plus heureux aient mieux réussi que les mâles moins favorisés à laisser après eux un plus grand nombre de descendants qui héritent de leur su- périorité; or, ceci, comme nous l'avons déjà démontré, dépend de nombreuses éventualités très-complexes. La sélection sexuelle agit d'une manière moins rigoureuse que la sélection naturelle. Celle-ci entraîne la vie ou la mort, à tous les âges, des individus plus ou moins favorisés. Il est vrai que les combats entre mâles lîivaux entraînent souvent la mort d'un des deux adversaires. Mais, en général, le mâle vaincu est simplement privé de femelle, ou en est réduit à se contenter d'une femelle plus tardive et moins vigoureuse, ou en trouve moins s'il est polygame; de sorte qu'il laisse des descendants moins nombreux et plus faibles ou qu'il n'en a pas du tout. Quand il s'agit des conformations acquises grâce à la sélection ordinaire ou sélection naturelle, il y a, dans la plupart des cas, tant que les conditions d'existence restent les mêmes, une limite à l'étendue des modifications avantageuses qui peuvent se produire dans un but déterminé; quand il s'agit, au contraire, des conformations destinées à assurer la victoire à un iChap. VIII'. DR LA SI-:LI:( TION SKXIJKLLE. 249 mâle, soit dans le combat, soit par los attraits qu'il peut présenter, il n'y a point do limite délinie à l'étendue des modifications avanta- geuses; de sorte que, tant que des variations favorables surj^issent, la sélection sexuelle continue son œuvre. Cette circonstance peut expliquer en |)arlie la fréquenct^ et l'étendue extraordinaire de la variabilité que présentent les caractères sexuels secondaires. Néan- moins, la sélection naturelle doit s'opposer à ce que les mâles vic- torieux acquièrent des caractères qui leur deviendraient préjudi- ciables, soit parce qu'ils causeraient une trop grande déperdition de leurs forces vitales, soit parce qu'ils les expost^raient h de trop grands dangers. Toutefois, le développement de certaines confor- mations,— des bois, par exemple, chez certains cerfs, — a été poussé à un dt'gré étonnant; dans quelques cas même, à un degré tel que ces conformations doivent légèrement nuire au mâle, étant données les conditions générales de l'existence. Ce fait prouve que les mâles qui ont vaincu les autres nielles grâce à leur force ou à leurs char- mes, ce qui leur a valu une descendance plus nombreuse, ont ainsi recutulli des avantages qui, dans le cours des temps, leur ont été plus profitables que ceux provenant d'une adaptation plus parfaite aux conditions d'existence. iNous verrons, en outre, ce qu'on n'eût jamais pu supposer, que l'aptitude à charmer une femelle a, dans quelque cas, plus d'importance que la victoire remportée sur d'au- tres mâles dans le combat. LOIS nK l.'MKKKItlTK. [.a connaissance des lois qui régissent l'hérédité, si imparfaite que soit encore cette connaissance, nous est indispensable pour bien comprendra comment la sélection a pu agir et comment elle a pu produire dans le cours des temps, chez beaucoup d'animaux de toutes classes, des résultais si considérables. Le terme « hérédité » comprend deux éléments distincts : la transmission des caractères et leur développement; on omet souvent de faire cette distinction, parce que ces deux éléments se confondent ordinairement en un seul. Mais cette distinction devient apparente, quand il s'agit des carac- tères qui se transmettent pendant les premières années df la vie, pour ne se développer qu'à l'état adulte ou pendant la vieillesse. Elle devient plus apparente encore quand il s'agit des caractènîs sexuels secondaires qui, transmis m\\ individus des deux sexes, ne se développent que chez un seul. Le croisement de deux espèces, possédant des caractères sexuels bien tranchés, fournit la preuve évidente de ces caractères chez les deux sexes; en cirel, chaque 250 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. espèce transmet les caractères propres au mâle et à la femelle à la progéniture métis de l'un et de l'autre sexe. Le même fait se produit également lorsque des caractères particuliers au mâle se déve- loppent accidentellement chez la femelle âgée ou malade, comme, par exemple, lorsque la poule commune acquiert la queue flottante, la collerette, la crête, les ergots, la voix et même l'humeur belli- queuse du coq. Inversement, on observe plus ou moins nettement le même fait chez les mâles châtrés. En outre, indépendamment de la vieillesse ou de la maladie, certains caractères passent parfois du mâle à la femelle; ainsi, chez certaines races de volaille, il se forme régulièrement des ergots chez des jeunes femelles parfaitement saines; mais ce n'est là, après tout, qu'un simple cas de développe- ment, puisque, dans toutes les couvées, la femelle transmet chaque détail de la structure de l'ergot à ses descendants mâles. La femelle revêt parfois plus ou moins complètement des caractères propres au mâle qui se sont d'abord développés chez ce dernier, puis qui lui ont été transmis ; nous citerons plus loin bien des exemples de cette na- ture. Le cas contraire, c'est-à-dire le développement chez le mâle des caractères propres à la femelle, est bien moins fréquent ; il convient donc d'en citer un exemple frappant. Chez les abeilles, la femelle seule se sert de l'appareil collecteur de pollen afin de recueillir du pollen pour les larves; cependant, cet appareil, bien que complètement inutile, est partiellement développé chez les mâles de la plupart des espèces et on le rencontre à l'état parfait chez le Bombus et le Bourdon mâ- les'-. Cet appareil n'existe chez aucun autre insecte hyménoptère, pas même chez la guêpe, bien qu'elle soit si voisine de l'abeille ; nous n'avons donc aucune raison de supposer que les abeilles mâles re- cueillaient autrefois le pollen aussi bien que les femelles, bien que nous ayons quelque raison de croire que les mammifères mâles participaient à l'allaitement des jeunes au même titre que les fe- melles. Enfin, dans tous les cas de retour, certains caractères se trans- mettent à travers deux, trois ou un plus grand nombre de généra- tions, pour ne se développer ensuite que dans certaines conditions favorables inconnues. L'hypothèse de la pangenèse, qu'on l'admette ou non comme fondée,jette une certaine lumière sur cette distinction importante entre la transmission et le développement. D'après cette hypothèse, chaque unité ou cellule du corps émet des gemmules ou atomes non développés, qui se transmettent aux descendants des deux sexes, et se multipliept en se divisant. Il se peut que ces atomes ne se développent pas pendant les premières années de la 32. H. MûUer, Amcendimg der Darwin'schen Lehre, etc., p. 42. [Chap. Vlir. dp: la sélection sexuelle. 25! vie ou pendant plusieurs f,'énéralions successives; leur transforma- tion en unités ou cellules, semblables à celles dont elles dérivent, dépend de leur afiinité el de k'ur union avec d'aulres unités ou ct'llules, préalablement dévelojjpées «lans Tordre normal de la crois- sance. Hérédité aux périodes rnrresjjondanlos de la vie. — Cette tendance est bien constatée. Si un animal acquiert un caractère nouveau pendant sa jeunesse, il reparaît, en règle générale, chez les descen- dants de cet animal, dans les mêmes conditions d'âge et de durée, c'est-à-dire qu'il persiste jjendant la vie entière ou qu'il a une na- ture rssenliéllement temporaire. Si, d'autre part, un caractère nouveau apparaît chez un individu à l'état adulte ou même à un âge avancé, il tend à reparaître chez les descendants à la même période de la vie. On observe certainement des exceptions à cette règle; mais alors c'est le plus souvent dans le sens d'un avancement que d'un relard qu'a lieu l'apparition des caractères transmis. .l'ai dis- cuté cette ([uestion en détail dans un précédent ouvrage ^\ je me bornerai donc ici, pour rafraîchir la mémoire du lecteur, à signaler deux ou trois exemples. Chez plusieurs races de volaille, les pous- sins, alors qu'ils sont couverts de leur duvet, les jeunes poulets, alors qu'ils portent leur premier plumage, ou le plumage de l'âge adulte, diffèrent beaucoup les uns des autres, ainsi que de leur souche commune, le Gal/us bank'iva; chaque race transmet fidèle- ment ses caractères à sa descendance à l'époque correspondante de la vie. Par exemple, les poulets de la race Hambourg pailletée, couverts de duvet, ont quelques taches foncées sur la tête et sur h; tronc, mais ne portent pas de raies longitudinales, comme beau- coup d'autres races; leur premier plumage véritable « est admi- rablfuitMit barré », c'est-à-dire que chaque plume porte de nom- breuses barres transversales prestpie noires; mais les plumes de leur second plumage sont toutes pailletées d'une tache obscure ar- rondie ". Cette race a donc éprouvé des variations qui se sont trans- mises à trois périodes distinctes de la vie. Le j)igeon offre un exemple encore plus remarquable, en ce que l'espèce parente pri- mitive n'éprouve avec l'âge aucun changement de plumage ; la poi- trine seulement prend, à l'état adulte, dt;s teintes plus irisées; il y W'i. Vdiintiou, etc., vol. IF, p. If). L'iiypothése provisoire de la pangenèse, à laquelle je fais allusion, est expliquée dans l'avant-dernier chapitre. :U. Ces faits sont donnés dans le Poullri/ Hook , 18C8, \t. l.")8, de Tepefmeier, sur lautorité d'un grand éleveur, M. Teehay. Voir, pour les caractères des volailles de diverses races et des races de j)igeons, la Variation, etc., vol. I. pp. 169. 264, vol. II, p. 82. 252 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partik]. a, cependant, des races qui n'acquièrent leurs couleurs caractéris- tiques qu'après deux, trois ou quatre mues, et ces modifications du plumage se transmettent régulièrement. Hérédité à des saisons correspondantes de l'année. — On observe, chez les animaux à l'état de nature, d'innombrables exemples de caractères qui apparaissent périodiquement à différentes saisons. Ainsi, par exemple, les bois du cerf, et la fourrure des animaux arctiques, qui s'épaissit et blanchit pendant l'hiver. De nombreux oiseaux revêtent de brillantes couleurs et d'autres ornements, pendant la saison des amours seulement. Pallas constate ^^ qu'en Sibérie, le poil du bétail domestique et celui des chevaux devient périodiquement moins foncé pendant l'hiver; j'ai moi-même remarqué chez certains poneys, en Angle- terre, des changements analogues bien tranchés dans la coloration de la robe, c'est-à-dire que celle-ci passe du brun rougeâtre au blanc absolu. Je ne saurais affirmer que cette tendance à revêtir un pelage de couleur différente à diverses époques de l'année est transmissible ; il est, cependant, très-probable qu'il en est ainsi, car la couleur constitue un caractère fortement héréditaire chez le cheval. D'ailleurs, cette forme d'hérédité, avec sa limite de saison, n'est pas plus remarquable que celle qui est limitée par l'âge et par le sexe. Hérédité limitée par le sexe. — L'égale transmission des caractères aux deux sexes est la forme la plus commune de l'hérédité, au moins chez les animaux qui ne présentent pas de différences sexuelles très accusées, et encore l'observe-t-on même chez beau- coup de ces derniers. Mais il n'est pas rare que les caractères se transmettent exclusivement au sexe chez lequel ils ont d'abord apparu. J'ai cité, dans mon ouvrage sur la Variation à l'état domestique, d'amples documents sur ce point; je me contenterai donc ici de quelques exemples. Il existe des races de moutons et de chèvres, chez lesquelles la forme des cornes des mâles diffère beaucoup de la forme de celles des femelles; ces différences, ac- quises pendant la domestication, se transmettent régulièrement au même sexe. Chez les chats tigrés, la femelle seule, en règle géné- rale, revêt cette robe, les mâles affectant une nuance rouge de rouille. Chez la plupart des races gallines, les caractères propres à chaque 35. Novêe species Quadrupeduin e Glirium ordine, 1778, p. 7. Sur la transmis- sion de la couleur chez le cheval, Variation, etc., vol. l, p. 21. Voir vol. H, p. 76, pour la discussion générale sur l'hérédité limitée parle sexe. [Chai-. VIII]. DE LA SKLKcTlON SKXUELLE. 253 sexe se transmettent seulement au même sexe. Celle forme de transmission est si générale que nous considérons comme une ano- malie, chez certaines races, la transmission simultanée des varia- lions aux individus des deux sexes. On connaît aussi certaines sous- races de volailles chez lesquelles les mâles peuvent à peine se distinme chez le mouton mérinos, dont les brebis ont perdu leurs cornes. De même encore, des caractères propres aux individus appartenant à un sexe peuvent apparaître subitement chez les individus appar- tenant à l'autre sexe; chez les sous-races de volailles, par exemple, où, dans le jeune âge, les poules portent des ergots ; ou chez certaines sous-races polonaises, dont les femelles ont, selon toule apparence, primitivement acquis une crête, (pi'elles ont ullérieiirement trans- ir». Le docteur Chapuis, /'.' Pl'jcon vj;/a;/eiir liehjr, 1865, p. 87. Hoitani <'l Corbié, les Pigeons île volière, <'tc., iSil, p. 173. ^'oil• aussi |)our «les , tendent à se développer chez les individus des deux sexes. Je ne prétends, cependant, pas dire que l'âge soit la seule cause déterminante. Comme je n'ai pas encore discuté ce sujet, je dois, en raison de la portée considérable (|u'il a sur la sélection sexuelle, entrer ici dans des détails longs et quelque peu compliqués. On conçoit facilement ({u'un caractère apparaissant à un âge précoce tende à se transmettre également aux deux sexes. En eiïet, la conslitulion dos mâles et des femelles ne dilfère pas beaucoup, tant qu'ils n'ont pas acquis la faculté de se reproduire. Quand, au contraire, les individus des deux sexes sont assez âgés pour pou- voir se reproduire, et que leur constitution diffère beaucoup, les gemmules (si j'ose encore me servir du langage de la pangenèse) qu'émet chaque partie variable d'un individu possèdent probable- ment des affinités spéciales qui les portent à s'unir aux tissus d'un individu du même sexe, et à se développer chez lui plutôt que chez un individu du sexe opposé. Un fait général m'a conduit à penser qu'il existe une relation de ce genre; toutes les fois, en effet, et de quelque manière que le mâle adulte diffère de la femelle adulte, il diirère de la même faron des jeu- 38. Variation des animaux, etc., vol. II, p. 76. 256 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. nés des deux sexes. Ce fait, comme je viens de le dire, est général; il se vérifie chez la plupart des mammifères, des oiseaux, des am- phibies et des poissons, chez beaucoup de crustacés, d'araignées et chez quelques insectes, notamment chez certains orthoptères et chez certains libellules. Dans tous ces cas, les variations, grâce à l'accumulation desquelles le mâle a acquis les caractères masculins qui lui sont propres, ont dû survenir à une époque tardive de la vie, car, autrement, les jeunes mâles posséderaient des carac- tères identiques; or, conformément à notre règle, ces caractères ne se transmettent et ne se développent que chez les mâles adultes seuls. Quand, au contraire, le mâle adulte ressemble beaucoup aux jeunes des deux sexes (qui, sauf de rares exceptions, sont semblables), il ressemble ordinairement à la femelle adulte; et, dans la plupart de ces cas, les variations qui ont déterminé les caractères actuels des jeunes et des adultes, se sont probablement produites, selon notre règle, pendant lajeunesse.il y a, cependant, ici un doute à concevoir, attendu que les caractères se transmettent quelquefois aux descendants à un âge moins avancé que celui où ils ont apparu en premier lieu chez les parents, de sorte que ceux-ci peuvent avoir varié étant adultes, et avoir transmis leurs caractères à leurs jeunes petits. En outre, on observe beaucoup d'animaux chez lesquels les individus adultes des deux sexes, très-semblables, ne ressemblent pas aux jeunes; dans ce cas, les caractères propres aux adultes doivent avoir été acquis tardivement dans la vie, et, néan- moins, contrairement en apparence à notre règle, ils se transmettent aux individus des deux sexes. Toutefois, il est possible et même probable que des variations successives de même nature se pro- duisent quelquefois simultanément, sous l'influence de conditions analogues, chez les individus des deux sexes, à une période assez avancée de la vie; dans ce cas, les variations se transmettraient aux descendants des individus des deux sexes à un âge avancé corres- pondant; ce qui, alors, ne constituerait pas une exception à la règle que nous avons établie, c'est-à-dire, que les variations qui se pro- duisent à un âge avancé se transmettent exclusivement aux indi- vidus appartenant au même sexe que ceux chez lesquels ces varia- tions ont apparu en premier lieu. Cette dernière règle paraît être plus généralement exacte que la seconde, à savoir, que les varia- lions qui surviennent chez les individus de l'un ou de l'autre sexe, ù un âge précoce, tendent à se transmettre aux individus des deux sexes. Il est évidemment impossible d'estimer, même approxi- mativement, les cas où ces deux propositions se vérifient chez le règne animal : j'ai donc pensé qu'il vaut mieux étudier à fond (Chap. VIIlj. DE LA SELKCTION SEXUELLE. 257 quelques exemples frappants, et conclure d'après les résultats. La famille des cerfs nous fournit un champ de recherches excel- lent. Chez toutes les espèces, une seule exceptée, les bois ne se développent que chez le mâle, bien qu'ils soient certainement Irans-- mis par la femelle, chez laquelle, d'ailleurs, ils se dévelop|)ent quelquefois anormalement. Chez le renne, au contraire, la femelle porte aussi des bois; chez cette espèce, par conséquent, les bois doivent, d'après notre règle, apparaître à un âge précoce, longtemps avant que les individus des deux sexes, arrivés à maturité, dillë- rent beaucoup par leur constitution. Chez toutes les autres espèces de cerfs, les bois doivent, toujours en vertu de notre règle, appa- raître j)lus tardivement, car ils ne se développent que chez les seuls individus appartenant au sexe où ils ont paru en premier lieu chez l'ancêtre de toute la famille. Or, chez sept espèces apparte- nant à des sections distinctes de la famille, et habitant des régions dilïérentes, espèces chez lesquelles les cerfs mâles portent seuls des bois, je remarque que ceux-ci paraissent à des périodes variant de neuf mois après la naissance chez le chevreuil, à dix, douze mois et même plus longtemps chez les mâles des six autres plus grandes espèces ". Mais, chez le renne, le cas est tout dillerent, car le professeur Nilsson, qui a bien voulu, à ma demande, faire, en Laponie, des recherches spéciales à ce sujet, m'informe que les bois paraissent, chez les jeunes animaux des deux sexes, quatre ou cinq semaines après la naissance. Nous avons donc ici une confor- mation qui, se développant dès un âge d'une précocité inusitée, et chez une seule espèce de la famille, se trouve être commune aux deux sexes. Chez plusieurs espèces d'antilopes les mâles seuls sont pourvus de cornes; toutefois, chez le plus grand nombre, les individus des deux sexes en portent. Quant à l'époque du développement, M. Blyth a étudié aux Znolorjical Gardens un jeune Coudou (yl;j/. strrpsireros), espèce où les mâles seuls sont armés, et un autre jeune il'une espèci; très-voisine, le Canna (.l«^«;•(?«s), chez laquelle les individus des deux sexes portent des cornes. Or, conformément à la loi que nous avons posée, le jeune Coudou,bien qu'il ait atteint :$!). Je dois à l'oblijfeance de M. Cupples les renseignemeiils (ju'il s'est pro- rures sur 1? chevreuil et sur le cerf dPkosse auppès de M. Rohertson, le garde fort-stier si expérimente du marfpiis de Breadall)ane. M. Ejton et d'autres m'ont fourni des informations sur le daim. Pour le Cerrus tilces, de l'Américjue du Nord, voir Lnnd nnil Walcv, 1868. pp. 221 et 2."i4; et pour les ('. \ iit/i/iift- UHs et sfnutt/f/locfros du in»'Mne <'i)nlinent, voir J.-I). t^aton, Ottnwa Arnd. i>f S'at. Srinnce, 1868, p. 13. Four le Cervus EUli du Pégou , voir le lieulouaat Beavan, Proc. Zool. Soc, 1867, p. 762, 17 258 LA DESCP:NDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. l'Age de dix mois, avait des cornes très-petites relativement aux dimensions qu'elles devaient prendre plus tard; tandis que, chez le jeune Canna mille, qui n'avait que trois mois, les cornes étaient " déjà beaucoup plus grandes que chez le Coudou. Il est à remarquer aussi que chez l'antilope furcifère {Ant. Americana) *", quelques femelles seules, environ une sur cinq, portent des cornes, et encore ces cornes restent-elles presque rudimentaires, bien qu'elles attei- gnent parfois plus de 10 centimètres de longueur; cette espèce se trouve donc, au point de vue de la possession des cornes par les mTdes seuls, dans un état intermédiaire; or, les cornes ne parais- sent que cinq ou six mois après la naissance. En conséquence, si nous comparons la période de l'apparition des cornes chez l'anti- lope furcifère avec les quelques renseignements que nous avons à cet égard sur les autres espèces d'antilopes et avec les renseigne- ments plus complets que nous possédons relativement aux cornes des cerfs, des bœufs, etc., nous en arrivons à la conclusion que les cornes, chez cette espèce, paraissent à une époque intermédiaire, c'est-à-dire qu'elles ne paraissent pas de très-bonne heure comme chez le bœuf et le mouton, ni très-tard comme chez les espèces plus grandes de cerfs et d'antilopes. Chez les moutons, les chèvres et les bestiaux, où les cornes sont bien développées chez les indivi- dus des deux sexes, bien qu'elles n'atteignent pas toujours exacte- ment la même grandeur, on peut les sentir ou même les voir au moment de la naissance ou peu après *^ Toutefois, certaines races de moutons, les mérinos, par exemple, où les béliers sont seuls armés de cornes, semblent faire exception à notre règle ; car, mal- gré mes recherches ", je n'ai pu prouver que, chez cette race, ces organes se développent plus tardivement que chez les races ordi- naires où les individus des deux sexes portent des cornes. Mais, chez les moutons domestiques, la présence ou l'absence des cornes n'est pas un caractère parfaitement constant; certaines brebis mé- 40. Antilocapi-a Americana, Owen, Anat. of Verlehrates, III, p. 627. 41. On m'a assuré que, dans le nord du pays de Galles, on peut toujours sen- tir les cornes des moutons à leur naissance ; quelquefois même, elles ont alors deux centimètres de longueur. Pour le bétail, Youatt (Cattle, 1834, p. 277) dit que la saillie de l'os frontal traverse la cuticule à la naissance, et que la sub- stance cornée se forme rapidement sur elle. 42. Je dois au professeur Victor Carus des renseignements qu'il a bien voulu demander aux plus hautes atitorités sur le mouton mérinos de la Saxe. Sur la cote de la Guinée, il y a une race où, comme chez le mérinos, les béliers seuls ont des cornes; M. Windwood Reade m'apprend que, dans un cas qu'il a ob- servé, un jeune bélier, né le 10 février, ne poussa de cornes que le 6 mars sui- vant, de sorte que, conformément à la loi que nous avons posée, le développe- ment des cornes eut lieu à une époque plus tardive que chez le mouton gallois, où les deux sexes ont des cornes. [Chap. VIII]. DE LA SELECTION SEXUELLE. 259 rinos portenUen eirol,des petites cornes, tandis que certains béliers sont désarmés; en outre, on observe quelquefois, chez les races ordinaires, des brebis qui n'ont pas de cornes. Le D' W. Marshall a étudié récemment avec une attention toute particulière les protubérances qui existent très-souvent sur la tète dos oiseaux ". Ces études lui ont permis de tirer les conclusions suivantes : quand les protubérances existent chez le mâle seul, elles se développent tardivement; (juand, au contraire, elles sont com- munes aux deux sexes, elles se développent de très-bonne heure. C'est 1;\ une confirmation éclatante des deux lois que j'ai formulées sur l'hérédité. Chez la plupart des espèces de la splendide famille des faisans, h^s mâles diffèrent considérablement des femelles, et ne revêtent leurs ornements qu'à un âge assez avancé. Il est, toutefois, un faisan {Crossoptilnn anritum) qui présente une remarquable exception , en ce que les individus des deux sexes possèdent les superbes plumes caudales, les larges touffes auriculaires et le velours cra- moisi qui couvre la tète; j'apprends que tous ces caractères, con- formément à notre loi, apparaissent de très-bonne heure. 11 existe, cependant, un caractère qui permet de distinguer le mâle de la fe- melle à l'état adulte : c'est la présence d'ergots, qui, selon notre règle, à ce que m'apprend M. Bartlett, ne commencent à se dé- velopper qu'à l'âge de six mois, et même, à cet âge, il est diffi- cile de distinguer les deux sexes **. Presque toutes les parties du plumage chez le mâle et chez la femelle du paon diffèrent notable- ment; mais ils possèdent tous deux une élégante crête céphalique qui se développe de très-bonne heure, longtemps avant les autres ornements particuliers aux mâles. Le canard sauvage offre un cas analogue; en effet, le magnifique miroir vert des ailes, commun aux individus des deux sexes, mais un peu moins brillant et un peu l)lns petit chez la femelle, apparaît de très-bonne heure, tandis que les plumes frisées de la queue et les autres ornements propres aux 43. Urber itie knfichernen SrhâdelhOcker der Vtigel; fiiedo'landinchen Anhiv fur '/.oohfjie, vol. I, part. 2, 1872. 44. Chez le paon commun 'Pnvo cristal us), le mâle seul est arme d'éperons, t.indis que chez le paon de Java (l'. mutictis), les deux sexes , cas fort inusité, eu sont pourvus. Je me crus donc autorisé à conclure que, chez cette dernière osiiéce, ces appendices doivent se développer plus tôt (|ue chez le paon commun ; mais M. Higi. d'Amsterdam , m'apprend qu'il n'a remarqué aucune diffe- rtMice dans le développement des ergots sur de jeunes oiseaux de l'année pré- cédente, ap|>artenant aux deux espèces, et examinés le 2.5 avril 1869. Les er- gots, toutefois, ne consistaient encore qu'en de légers tubercules. Je pense (jue j aurais ele informé si quelque différence de développement eût été ultérieure- ment observée. 260 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. mâles ne se développent que plus tard ". On pourrait, outre les cas extrêmes d'étroite ressemblance sexuelle et de dissimilitude complète, que nous présentent le Crossoptilon et le Paon, signaler beaucoup de cas intermédiaires dans lesquels les caractères suivent dans leur ordre de développement les deux lois que nous avons formulées. La plupart des insectes sortent de la chrysalide à l'état parfait. L'époque du développement peut-elle donc dans ce cas déterminer la transmission des caractères à un sexe seul ou aux deux sexes? Prenons, par exemple, deux espèces de papillons : chez l'une, les màles et les femelles diffèrent de couleur; chez l'autre, ils se res- semblent. Les écailles colorées se développent-elles au même âge relatif dans la chrysalide ? Toutes les écailles se forment-elles si- multanément sur les ailes d'une même espèce de papillons, chez laquelle certaines marques colorées sont propres à un sexe, pen- dant que d'autres sont communes aux deux ? Une différence de ce genre dans l'époque du développement n'est pas aussi improbable qu'elle peut d'abord le paraître; car, chez les Orthoptères, qui atteignent l'état parfait, non par une métamorphose unique, mais par une série de mues successives, les jeunes mâles de quelques espèces ressemblent d'abord aux femelles, et ne revêtent leurs caractères masculins distinctifs qUe dans une de leurs dernières mues. Les mues successives de certains crustacés mâles présentent des cas strictement analogues. Nous n'avons jusqu'ici considéré la transmission des caractères, relativement à l'époque de leur développement, que chez les espè- ces à l'état de nature; voyons ce qui se passe chez les animaux domestiques; nous nous occuperons d'abord des monstruosités et des maladies. La présence de doigts additionnels et l'absence de certaines phalanges doivent être déterminées dès une époque em- bryonnaire précoce, — la tendance à l'hémorrhagie est au moins congénitale, comme l'est probablement la dyschromatopsie ; — ce- pendant, ces particularités et d'autres semblables ne se transmet- 45. Chez quelques autres espèces de la famille des Canards, le spéculum diffère davantage chez les deux sexes; mais je n'ai pas pu découvrir si son déve- loppement complet a lieu plus tard chez les mâles de ces espèces que chez ceux de l'espèce commune, comme cela devrait être selon notre règle. Un cas de ce genre se présente toutefois chez le Mergus cucuUatus voisin, oii les deux sexes diffèrent notablement par leur plumage général, et à un degré considérable par le spéculum , qui est blanc pur chez le mâle, et gris blanchâtre chez la femelle. Les jeunes mâles ressemblent, sous tous les rapports, aux femelles, et ont un spéculum gris blanchâtre, mais qui devient blanc avant l'âge oii le mâle adulte acquiert les autres différences plus prononcées de son plumage. (Audubon, Ovnithological Biography, vol. III, 1835, pp. 249-250.) [Chap. VIII]. de la SELECTION SEXUELLE. 261 lent souvent qu'à un sexe; ce qui constitue une exception à la loi en vertu de laquelle les caractères qui se développent à un ùge précoce tendent à se transmettre aux individus des deux sexes. Mais, comme nous l'avons déjà fait remarquer, celte loi ne paraît pas être aussi généralement vraie que l'autre proposition, à savoir que les caractères qui apparaissent à une période tardive de la vie se transmettent exclusivement aux individus appartenant au même sexe que ceux chez lesquels ces caractères ont paru d'abord. Le fait que des particularités anormales s'attachent à un sexe, long- temps avant que les fonctions sexuelles soient devenues actives, nous permet de conclure qu'il doit y avoir une différence de quel- que nature entre les individus des deux sexes, même à un âge très- précoce. Quant aux maladies propres aux individus d'un seul sexe, nous ignorons trop absolument l'époque à laquelle elles peuvent surgir, pour qu'il nous soit permis d'en tirer aucune conclusion certaine. La goutte semble, toutefois, confirmer la loi que nous avons formulée; car elle résulte ordinairement d'excès faits long- temps après l'enfance et le père transmet cette maladie à ses fils bien plus souvent qu'à ses filles. Les mâles des diverses races domestiques de moutons, de chè- vres et de bétail, diffèrent des femelles au point de vue de la forme et du développement des cornes, du front, de la crinière, du fanon, de la queue, de la bosse sur les épaules, toutes particularités qui, conformément à la loi que nous avons posée, ne se développent complètement qu'à un âge assez avancé. Les chiens ne diffèrent ordinairement pas des chiennes; cependant, chez certaines races, et surtout chez le lévrier écossais, le mâle est plus grand et plus pesant que la femelle; en outre, comme nous le verrons dans un chapitre subséquent, la taille du mâle continue à augmenter jus- qu'à un âge très-avancé; ce qui, en vertu de notre règle, explique quil transmet cette particularité à ses descendants mâles seuls. On n'observe, au contraire, la robe tigrée que chez les chattes; elle est déjà très-apparente à la naissance, fait qui constitue une exception à notre règle. Les mâles seuls d'une certaine race de pigeons portent des raies noires qui apparaissent déjà sur les oiseaux encore au nid ; mais ces raies s'accentuent à chaque mue successive; ce cas est donc en partie contraire, en partie favorable à la règle. Chez les pigeons Messagers et chez les Grosse-gorges le développement complet des caroncules et du jabot n'a lieu qu'un peu tard, et, conformément à notre règle, ces caractères à l'état parfait ne se transmettent qu'aux mâles. Les cas suivants rt-ntront peut-être dans la classe précédemment mentionnée où les individus 262 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. des deux sexes, ayant varié de la même manière à une époque tar- dive de la vie, ont transmis à leurs descendants des deux sexes leurs caractères nouveaux à une période correspondante, et, par conséquent, ne font point exception à notre règle. Ainsi, Neumeis- ter '* a décrit certaines sous-races de pigeons dont les mâles et les femelles changent de couleur pendant deux ou trois mues, comme le fait le Culbutant-amande; ces changements, néanmoins, bien que tardifs, sont communs aux individus des deux sexes. Une variété du Canari, dit le prix de Londres, présente un cas presque analogue. L'hérédité de divers caractères par un sexe ou par les deux sexes chez les races de volailles paraît généralement déterminée par l'épo- que où ces caractères se développent. Ainsi, quand la coloration du mâle adulte diffère beaucoup de celle de la femelle et de celle du mâle adulte de l'espèce souche, le mâle adulte, — ce que l'on peut constater chez de nombreuses races, — diffère aussi du jeune mâle, de sorte que les caractères nouvellement acquis doivent avoir apparu à un âge assez avancé. D'autre part, quand les mâles et les femelles se ressemblent, les jeunes ont ordinairement une coloration analogue à celle de leurs parents ; il est donc probable que cette coloration s'est produite pour la première fois à un âge précoce de la vie. Toutes les races noires et blanches, où les jeunes et les adultes des deux sexes se ressemblent, nous offrent des exemples de ce fait; on ne saurait, d'ailleurs, soutenir que le plumage blanc ou noir soit un caractère tellement particulier qu'il doive se transmettre aux individus des deux sexes, car, chez beaucoup d'espèces naturelles, les mâles seuls sont noirs ou blancs , et les femelles très-différem- ment colorées. Chez les sous-races de poules dites coucous, dont les plumes sont transversalement rayées de lignes foncées, les individus des deux sexes et les poulets sont colorés presque de la même manière. Le plumage tacheté des Bantam-Sebright est le même chez les individus des deux sexes, et chez les poulets les plumes des ailes sont distinctement bien qu'imparfaitement tache- tées de noir. Les Hambourgs pailletés constituent toutefois une exception partielle, car, bien que les individus des deux sexes ne soient pas absolument identiques, ils se ressemblent plus que les individus mâles et femelles de l'espèce souche primitive; cepen- dant ils n'acquièrent que tardivement leur plumage caractéristique, car les poulets sont distinctement rayés. Étudions maintenant 46. Das Ganz garçons, et en 1862, 97 garçons seulement, pour 100 filles; mais, même dans ce petit district, la moyenne des 7,385 naissances des dix ans donnait une proportion de 101,5 garçons, pour 100 filles, c'est-à-dire une proportion égale à celle de toute l'Angleterre **. Des causes incon- nues modifient quelquefois les proportions; ainsi, le professeur Paye constate « que, dans quelques parties de la Norvège, il s'est manifesté, pendant une période décennale, un déficit persistant do garçons, tandis que, dans d'autres parties, le fait contraire s'est présenté. » En France, la proportion des naissances mâles et femelles a été, pendant une période de quarante-quatre ans, comme 10(5,2 est à 100 ; mais, pendant cette période, il est arrivé, cinq fois dans un département et six fois dans un autre, que les naissances du sexe féminin ont excédé les naissances du sexe masculin. En Rus- sie, la proportion moyenne est fort élevée : comme 108,9 est à 100; et, à Philadelphie, aux États-Unis, comme 110,5 est à 100 *'. La moyennt; pour toute l'Europe, moyenne calculée par Bickes d'après environ soixante-dix millions de naissances est 10(5 garçons contre 100 filles. D'autre part, chez les enfants blancs nés au cap de Bonne-Espérance, la moyenne est très-peu élevée, car, pendant plu- sieurs annéi'S successives, on n'a compté que de 90 à 99 garçons con- tre 100 filles. Signalons un fait remarquable : chez les juifs, la pro- portion des naissances mâles est relativement plus forte que chez les chrétiens; ainsi, en Prusse, la proportion estcomme 113, à Breslau comme 114, en Livonie, comme 120 est à 100. Chez les chrétiens, dans ces mêmes pays, la moyenne ne s'élève pas au-dessus de la proportion habituelle : par exemple, en Livonie, elle est de 10 1 gar- 48. Tirenh/ninth nnnunl Report of tlie Reyistrar (jenernl for 1866. Ce rapport contionl {p. XII) uno table décennale spéciale. i9. Extrait dos recherches du professeur Faye sur la Norvège et la Russie, dans Hritish nnil FurrUpi Mpdiro-t' hirurrj . Hevir\r,\t[>. .'Ji:!, 34."j, avril 1867. Pour la France, \' Aimunire de 1867, p. 213. Pour Philadelphie, voir le I)"" Stock- ton-IIough, SorinI scienre Assoc. 1874. Pour le cap de Bonne-Espérance, voir Quetelel, cité dans la traduction hollandaise de cet ouvr;ige, vol. I, p. 407. 268 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. çons pour 100 filles ". Le professeur Paye fait remarquer qu' « on constaterait une prépondérance de mâles encore bien plus considé- rable, si la mort frappait également les individus des deux sexes, tant pendant la gestation qu'à la naissance. Mais le fait est que, pour 100 enfants mort-nés du sexe féminin, nous trouvons dans plusieurs pays de 134,6 à 144,9 mort-nés du sexe masculin. En outre, il meurt plus de garçons que de filles dans les quatre ou cinq premières années de la vie ; en Angleterre, par exemple, dans la première année, il meurt 126 garçons pour 100 filles, la proportion observée en France est encore plus défavorable ''. » Le docteur Stockton-Hough explique en partie ces faits par le développement plus souvent défectueux des garçons que des filles. Nous avons déjà dit que l'homme est sujet à plus de variations que la femme; or ces variations, portant sur des organes importants, sont ordinai- rement nuisibles. En outre, le corps de l'enfant mâle, et surtout la tête, est plus gros que celui de la femelle, et c'est encore là une cause de la mort plus fréquente des garçons, car ils sont plus exposés à des accidents pendant l'accouchement. Eu conséquence, les mâles mort- nés sont plus nombreux, et un juge très-compétent, le docteur Crichton Brow ne, croit que les enfants mâles souffrent fréquemment pendant plusieurs années après leur naissance. Cet excès de la " mortalité des enfants mâles au moment de la naissance et pendant les premières anoées, les dangers plus grands que courent les hommes adultes, leur disposition à émigrer, expliquent que, dans tous les pays civilisés qui possèdent des documents statistiques, le nombre des femmes est considérablement supérieur à celui des hommes ". 50. A regard des juifs, voy. M. Thury, la Loi de production des sexes , 1863, p. 25. 51. British and Foreign Medico-Chirurg. Review, avril 1867, p.343. Le D' Stark {Dixième rapport annuel des Naissances, lUorls, etc., en Ecosse, 1867, p. xxviii) fait remarquer que « ces exemples suffisent pour prouver que, presque à cha- que phase de l'existeuce , en Ecosse , les mâles sont plus exposés à mourir et que la mortalité est plus élevée chez eux que chez les femelles. Toutefois, le fait que cette particularité se présente surtout pendant cette période enfantine de la vie où les vêtements, la nourriture et le traitement général des enfants des deux sexes sont les mêmes, semble prouver que la proportion plus élevée de la mortalité chez les mâles est une particularité naturelle et constitutionnelle due au sexe seul. « 52. W^est Riding tunhtic Asijlum Reports, vol. I, 1871, p. 8. Sir J. Simpson a prouvé que la tète de l'enfant mâle excède de 9 millimètres en circonférence et de 3 millimétrés en diamètre celle de l'enfant femelle. Quetelet a démontré que la femme est plus petite que Ihomme au moment de la naissance. Voir D' Duncan, Fecundily, Fertiiity and Sterility, 1871, p. 382. 53. Azara affirme. Voyage dans l'Am. mérid., vol. II, 1809, pp. 60, 179, que chez les Guaranys du Paraguay les femmes sont aux hommes dans la propor- tion de 14 à 13. [Chap. VIIIJ. DE LA PROPORTION DES SEXES. 269 H semble tout d'abord très-extraordinaire que chez divers peuples, dans des conditions et sous des climats dilTérents, à Naples, en Prusse, en Westphalie, en Hollande, en France, en Angleterre et aux États-Unis, l'excès des naissances mâles sur les naissances fe- melles est moins considérable «piand les enfants sont illégitimes que quand ils sont légitimes ". l*lusieurs savants ont cherché à expliquer ce fait de bien des façons dilVérentes ; les uns l'attribuent à ce que les mères sont ordinairement jeunes, les autres à ce que les enfants pro- viennent d'une première grossesse, etc. Mais nousavons vu que les garçons, ayant la tète plus grosse, souffrent plus que les filles pendant l'accouchement; en outre, comme les mères d'enfants illégitimes sont plus exposées que les autres femmes à des accouchements laborieux résultant de diverses causes, telles qu'une dissimulation de grossesse, im travail pénible, l'inquiétude, etc., les enfants mâles doivent souf- frir proportionnellement. C'est probablement à ces causes qu'il faut attribuer la proportion moindre des enfants illégitimes mâles. Chez la plupart des animaux, la taille plus grande du mâle adulte provient de ce que les mâles les plus forts ont vaincu les plus faibles dans la lutte pour la possession des femelles, et c'est sans doute à cette cause qu'il faut attribuer la différence de grosseur des petits, au moins chez quelques animaux au moment de la naissance. il en résulte que nous pouvons attribuer, en partie au moins, à la sélection sexuelle le fait curieux que la mortalité est plus grande chez les garçons que chez les filles, surtout quand il s'agit d'enfants illégitimes. Il résulte de cet excès de la mortiilité des enfants milles, et aussi de ce que les hommes adultes sont exposés à plus de dangers et émigrentplus facilement, que, dans tous les pays anciennement ha- bités, où l'on a conservé des documents statistiques, on observe que les femmes l'emportent considérablement par le nombre sur les hommes. On a souvent supposé (jue l'âge relatif des parents détermine le sexe des enfants, et le professeur Leuckart" a accumulé des docu- ments qu'il considère comme suffisants pour prouver, en ce qui concerne l'homme et quelques animaux domestiques, que ce rap- port d'âge constitue un des facteurs importants dans le résultat. On a aussi regardé comme une cauâe effective l'époque de la fécon- dation relativement à l'état de la femelle, mais des observations récentes ne confirment pas cette manière de voir. D'après le docteur 51. Habhage, Edinburyh J. of Science, 1820, vol. |)|). 88, 90. Voir aussi lirpurl of Registrur ;/eneral pour 1866. p. xv. 53. Leuckart dans Wagner, Uandworterbuck dcr Phi/s., 1853, Bil. IV, p. 774). 270 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. Slockton-Hough ^*, la saison de l'annéo, l'élal de pauvreté ou de ri- chesse des parents, la résidence à la campagne ou dans les villes, la présence d'immigrants, etc., sont toutes des causes qui exer- cent une influence sur la proportion des sexes. Pour l'homme en- core, on a supposé que la polygamie détermine la naissance d'une plus grande proportion d'enfants du sexe féminin; mais le docteur J. Campbell ", après des recherches nombreuses faites dans les ha- rems de Siam, a été amené à conclure que la proportion des nais- sances de garçons et de filles est la même que celle que donnent les unions monogames. Bien que peu d'animaux aient été rendus aussi polygames que notre cheval de course anglais, nous allons voir que ses descendants mâles et femelles sont presque en nombre exactement égal. Je vais maintenant citer les faits que j'ai recueillis relativement au nombre proportionnel des sexes chez diverses espèces d'animaux, puis je discuterai brièvement quel rôle a pu jouer la sélection pour amener le résultat. Cheval. — Je dois à l'obligeance de M. Tegetmeier un relevé dressé, d'a- près le Calendrier des Courses, des naisscinces de chevaux de courses pen- dant une période de vingt et une années, de 1847 à 1867 ; l'année 1849 seule est omise, aucun rapport n'ayant été publié. Les naissances se sont élevées à 25,560 '•*; elles consistent en 12,763 mâles et 12,797 femelles, soit un rapport de 99,7 mâles pour 100 femelles. Ces chiffres étant assez considérables, et portant sur toutes les parties de l'Angleterre, pendant une période de plusieurs années, nous pouvons en conclure que, chez le cheval domestique, au moins pour la race dite de course, les deux sexes sont produits en nom- bre presque égal. Les fluctuations que présentent, dans les années succes- sives, la proportion des sexes, sont très-analogues à celles qui s'observent dans le genre humain, lorsqu'on ne considère qu'une surface peu étendue et peu peuplée ; ainsi, en 1856, on a compté, pour dOO juments, 107,1 éta- lons, et en 1867, seulement 92,6. Dans les rapports présentés en tableaux, les proportions varient par cycles : ainsi le nombre des mâles a excédé celui des femelles pendant six années consécutives ; et le nombre de celles-ci a excédé celui des mâles pendant deux périodes de quatre années chacune. Il se peut, toutefois, que ce soit là un fait accidentel, car je ne découvre rien de 56. Social Science Assoc. of Philadelplda, 1874. 57. Anlliropologicnl Reciew, avril IÎ570, p. cviir. 58. Pendant onze années , on a enregistré le nombre des juments qui sont restées stériles ou ont mis bas avant terme : il est digne d'attention de con- stater que ces animaux, très-soignés et accouplés dans des conditions de con- sanguinité trop rapprochées, en sont arrivés au point que presque im tiers des Juments n'ont point donné de poulains vivants. Ainsi, en 1866, il naquit 80'J poulains et 816 pouliches, et 743 juments ne produisirent rien. En 1867, 836 mâles et 902 femelles virent le jour, 794 juments restèrent stériles. [CuAP. Vlir. DE LA PROPORTION DES SEXES. 271 semblable dans la table décennale du Happorl relatif à la population liumaiiie j)Our I8()t). Chiens. — On a publié pendant une période de douze ans, de 18."i7 à 18C8, dans un journal, le Field, le relevé des naissances d'un grand nombre de lévriers dans toute l'Angleterre, et c'est encore à l'obligeance de M. Tegetmeier que j'en dois un relevé exact. On a enregistré 6,878 nais- sances, dont 3,603 mâles, et 3, '273 femelles, soit un rapport de H0,1 milles pour iOO femelles. Les plus fortes fluctuations ont eu lieu en 1864, où la proportion a été de 9o,3 milles pour 100 femelles; et en 1867, où elle s'éleva k 116,3 milles pour 100 femelles. La première moyenne, de 110,1 mâles pour 100 femelles, est probablement t\ peu près vraie pour le lévrier ; mais il est quelque peu douteux qu'on puisse l'adopter pour les autres races domestiques. M. Cupples, après avoir questionné plusieurs grands éleveurs de chiens, a conclu que tous, sans exception, admettent (|ue les femelles sont produites en excès; il attribue cette opinion à ce que, les femelles ayant moins de valeur, le désappointement des éleveurs, qui en est la conséquence, les a plus fortement impressionnés. Mouton. — Les agriculteurs ne vérifiant le sexe des moutons que plu- sieurs mois après la naissance, à l'époque où l'on procède à la castration des milles, les relevés qui suivent ne donnent pas les proportions au moment de la naissance. En outre, plusieurs grands éleveurs d'Kcosse, qui élèvent annuellement des milliers de moutons, sont fortement convaincus qu'il péril, dans les deux premières années de la vie, une plus grande proportion d'agneaux mâles que de femelles; la proportion des mâles serait donc quel- que peu plus forte au moment de la naissance qu'à l'âge de la castration. C'est là une coïncidence remarquable avec ce qui se passe chez l'homme, et les deux cas dépendent probablement de quelque cause commune. J'ai re(;u des relevés faits par plusieurs propriétaires anglais qui ont élevé des mou- tons de plaines, surtout des Leicester, pendant les seize dernières années : le nombre des naissances s'élève à un total de 8. '.Mi.) dont i,i07 mâles et i,5.'i8 femelles; soit le rapport de !»6,7 mâles pour 100 femelles. J'ai re(;u sur des moutons cheviot et à face noire produits en Kcosse, des relevés faits par six éleveurs dont deux très-importiints ; ces relevés s'appliquent sur- tout aux années 1867-1869, bien que quelques-uns remontent jusqu'à 1862. Le nombre total enregistré se monte à o0,68o moutons, comprenant 2.'),071 mâles et 25,6 li femelles, soit une proportion de 07,9 milles pour 100 femelles. Si nous réunissons les données des rapports anglais et des rapports écossais, le nombre total s'élève à .■)9,6o0 moutons, consistant en 29,t78 milles et 30,172 femelles, soit le rapport de 97,7 mâles pour 100 femelles. \ Page où l'on châtre les moutons, les femelles sont donc certainement en excès sur les mâles ; mais il n'est pas certain que cela soit le cas au moment de la naissance *'. 5!>. Je dois ii l'obligeance ()-58, p. 8. Pour les antennes en zigzag, mentionnées plus bas, voir FriU Mûller, op. c, 1869, p. 40. 294 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. une des deux pattes postérieures (b) du même côté du corps, con- vertie en forceps, sert aussi à ce but. Chez une autre famille, les an- tennes inférieures ou postérieures présentent, chez les mâles seuls, « une forme bizarre en zigzag ». Les pattes antérieures des crustacés supérieurs constituent une Fig. 5. — Partie antérieure du corps d'un Callianassa (d'après Milne Edwards) indiquant l'inégalité et la différence de structure entre les pinces du côté droit et du côté gauche chez le mâle. N. B. L'artiste a par erreur renversé le dessin, et a représenté la pince gauche comme la plus grosse. paire de pinces généralement plus grandes chez le mâle que chez la femelle à tel point que, selon M. G. Spence Bâte, la valeur du crabe comestible mâle [Cancer pagurus) est cinq fois plus ;. 6. — Deuxième patte de Orchestia Tucnratinga (Vr. Millier). Fig. 7. — La même, chez la femelle. grande que celle de la femelle. Chez un grand nombre d'espèces, ces pinces affectent une grosseur inégale sur les côtés opposés du corps; la pince droite, d'après M. C. Spence Bâte, est ordinaire- ment, mais pas toujours, la plus grande. Cette inégalité est sou- vent aussi plus grande chez le mâle que chez la femelle. Les deux pinces {fig. 5, 6 et 7) ont souvent une structure différente, la plus [Chap. IX]. CRUSTACES. 295 petite ressemble alors à celle de la femelle. Nous ignorons quel avantage peut résulter de cette inégalité de grosseur entre les deux pinces ; nous ne saurions non plus expliquer pourquoi cette inégalité est plus prononcée chez le mâle que chez la femelle, ni pourquoi, lorsque les deux pinces se ressemblent, toutes deux sont souvent beaucoup plus grandes chez le mùlc que chez la femelle. Les pinces atteignent parfois une longueur et une grosseur telles qu'el- les ne peuvent servir en aucune façon , comme le fait remarquer M. Spence Baie, à porter los aliments à la bouche. Chez les mAles de certaines crevettes d'eau douce (Palémons), la patte droite est plus longue que le corps entier '". Il est probable que la grandeur de celte patte armée de ses pinces peut faciliter au mâle la lutte avec ses rivaux, mais cela n'explique pas leur inégalité sur les deux côtés du corps chez la femelle. D'après Milne Edwards ", le Gelasimus mâle et la femelle habitent le même trou ; ce fait a une certaine importance en ce qu'il prouve que ces animaux s'accou- plent; le mâle obstrue l'entrée de la cavité avec une de ses pinces, qui est énormément développée; dans ce cas, la pince sert indirec- tement de moyen de défense. Cependant les pinces servent proba- blement surtout à saisir et à maintenir la femelle, fait qui, d'ailleurs, a été constaté dans quelques cas, chez le Gammarus par exemple. Le crabe ermite mâle [Pagurus) porte pendant des semaines la co- (|uille habitée par la femelle '*. Toutefois M. Spence Baie m'ap- prend que le crabe commun {(.'arcinus m.vnas) s'accouple aussitôt que la femelle a mué et perdu sa coque dure, elle se trouve alors dans un étal de mollesse lelle que les fortes pinces du mâle pour- raient fortemenli'endommagor, s'il s'en servaitpour la saisir; mais, comme le mâle s'en empare et l'emporte avant la mue, il peut alors la saisir impunément. Frilz Millier conslalt^ que certaines espèces do Melita se distin- guent des autres Amphipodes en ce que les femelles ont « les la- mi'lles coxales de l'avant- dernière paire de pattes recourbées en njjophyses crochues, que les mâles saisissent avec les pinces d(; la première paire de pattes ». Le développement de ces apophyses crochues provient probablement de ce que les femelles qui, pendant l'acte de la reproduction, ont été le plus solidement maintenues, ont laissé un plus grand nombre de descendants. Frilz Millier dé- 10. C. Spence BtMe, Proc. Zooloij. Sor., 1868, p. 36.3, et sur la nomenclature du genre, p. 585. Je dois à l'obligeance do M. Spence Bâte j)re8que tous les renseignements précités sur les pinces des Crustacés supérieurs. 11. Hist. nat. des Crustané!<, vol. II, 1857, p. .50. 12. M. Spence Bâte, British Assoc, Fourth rrjiorf on'Jhe fnuna nf S. Devon. 296 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. cril un autre Amphipode brésilien {0)'chestia Darwinii ,fig. 8) qui présente un cas de dimorphisme analogue à celui du Tanais, car il comprend deux formes mâles qui diffèrent par la conformation de leurs pinces ". Les pinces de l'une ou de l'autre forme suffisent certainement à maintenir la femelle, car elles servent actuellement Fig. 8. — Orchestia Barwinii (d'après Fr. Millier) indiquant les deux pinces différemment construites des deux mâles. à cet usage ; il est donc probable qu'elles doivent leur origine à ce que certains mâles ont varié dans une direction et les autres dans une autre; en même temps, les mâles de l'une et de l'autre forme ont dû retirer certains avantages spéciaux, mais presque égaux, de la conformation différente de ces organes. * On ne peut affirmer que les Crustacés mâles luttent les uns avec 13. Fritz MûUer, op. c, pp. 25-28. [Chap. IX]. nUSTACÉS. 297 les autres pour la possession des femelles; mais cela est probable, car, chez la plupart des animaux, lorsque le mille est plus grand que la femelle, il paraît devoir son accroissement de taille à ce que ses ancêtres ont, pendant de nombreuses générations, lutté avec d'autres mâles. Chez presque tous les Crustacés, surtout chez les plus élevés ou les Brachyures,le mâle est plus grand que la femelle; il faut excepter, cependant, les genres parasites chez lesquels les in- dividus des deux sexes suivent des genres de vie différents, et aussi la plupart des Enlomostracés. Les pinces de beaucoup de Crustacés constituent des armes bien ailaptées pour la lutte. Un fds de M. Bâte a vu un crabe {Pnrtunus piiher) lutter avec un Carcinus inxnas; ce dernier fut bientôt renversé sur le dos et son adver- saire lui arracha tous les membres du corps. Lorsque Fritz Millier plaçait, dans un réceptable en verre, plusieurs Gelasinuis mâles du Brésil pourvus d'énormes pinces, ils se mutilaient et s'entrc-tuaient. M. Bâte introduisit un gros Carcinvs inxnas mule dans un baquet habité par une femelle appariée avec un mâle plus petit, celui-ci fut bientôt dépossédé; M. Baie ajoute : « S'il y a eu combat, la vic- toire a été remportée sans que le sang ait coulé, car je n'ai point constaté de blessures. » Le même naturaliste ayant séparé de sa femelle un Gmmnarus marinas mâle (si commun sur nos côtes), les plaça séparément tous deux dans des réceptacles contenant beau- coup d'individus de la même espèce. La femelle ainsi divorcée se perdit au milieu des autres. Quelque temps après, M. Bâte replaça le mâle dans le réceptacle où se trouvait sa femelle , il nagea d'a- bord çà et là, puis il s'élança dans la foule, et, sans aucun combat, il reconnut sa fennîlle et l'emporta. Ce fait prouve que chez les Amphipodes, ordre inférieur dans l'échelle des êtres, les mâles et les femelles se reconnaissent, et éprouvent l'un pour l'autre un cer- tain attachement. Les facultés mentales des Crustacés sont probablement plus dé- veloppées qu'on ne le pt'use ordinairement. Il suffit d'avoir cherché à capturer un de ces crabes du rivage, si nombreux sur les côtes tropicales, pour voir combien ils sont alertes et méfiants. Un gros crabe {liirgus latrn), commun sur les îles de corail, dispose au fond d'un trou profond un lit épais de fibres détachés de la noix de coco. Il se nourrit du fruit tombé du cocotier; il en arrache l'écorce fibre par fibre, et commence toujours ce travail par l'extrémité où se trouvent placées les trois dépressions oculiformes. Il casse ensuite un dt» ces points moins durs en frappant dessus avec ses lourdes pinces frontales, puis il se retourne et extrait le contenu albumi- neux de la noix à l'aide de ses pinces postérieures effilées. .Mais 298 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. c'est là probablement un acte tout instinctif qui serait aussi bien ac- compli par un jeune animal que par un vieux. On ne saurait en dire autant du cas suivant. Un naturaliste digne de foi, M. Gardner '*, observait un Gelasimus occupé à creuser son trou; il jeta vers le trou commencé quelques coquilles, dont une roula dans l'intérieur, et trois autres s'arrêtèrent à une petite distance du bord. Cinq mi- nutes après, le crabe sortit la coquille qui était tombée dans l'inté- rieur et l'emporta à un pied de distance; voyant ensuite les trois coquilles qui se trouvaient tout près, et pensant évidemment qu'elles pourraient aussi rouler dans le trou, il les porta successivement au point où il avait placé la première. Il serait difficile, je crois, d'éta- blir une distiaction entre un acte de ce genre et celui qu'exécute- rait un homme usant de sa raison. Quant à la coloration souvent si différente chez les mâles et les femelles des animaux appartenant aux classes élevées. M, Spence Bâte ne connaît pas d'exemples bien prononcés de coloration diffé- rente chez nos Crustacés d'Angleterre. Dans quelques cas, cepen- dant, on constate de légères différences de nuance entre le mâle et la femelle, qui, selon M. Bâte, peuvent s'expliquer par. la différence des habitudes ; le mâle, par exemple, est plus actif et est ainsi plus exposé à l'action de la lumière. Le docteur Power a tenté de dis- tinguer, au moyen de la couleur, les sexes des espèces habitant l'île Maurice, sans pouvoir y parvenir, sauf pour une espèce de Squille, probablement le S. stylifera; le mâle affecte une superbe teinte bleu verdâtre, avec quelques appendices rouge cerise ; tandis que la femelle est ombrée de brun et de gris avec quelques parties rouges beaucoup plus ternes que chez le mâle '^ On peut, dans ce cas, soupçonner l'influence de la sélection sexuelle. Il semble ré- sulter des expériences faites par M. Bert sur les Daplmia que les Crustacés inférieurs, placés dans un vase illuminé par un prisme, savent distinguer les couleurs. Les Saph'unna mâles (un genre océanique des Entomostracés, inférieur par conséquent) sont pour- vus de petits boucliers ou corps cellulaires, affectant de magnifi- ques couleurs changeantes ; ces boucliers font défaut chez les fe- melles, et dans une espèce chez les deux sexes •*. Il serait toute- fois téméraire de conclure que ces curieux organes ne servent qu'à attirer les femelles. La femelle d'une espèce brésilienne de Gelast- 14. Travels in the Interior of Brazil, 1846, p. 111. J'ai donné, dans mon Jour- nal de recherches, p. 463, une description des habitudes des Birgos. 15. M. Ch. Fraser, Proc. Zoolog. Soc, 1899, p. 3. C'est à M. Bâte que je dois le fait observé par le D"" Power. 16. Claus, Die freilebende?i Copepoden, 1863, p. 35. [Chap. 1X1. crustacés. 299 mus a, d'après Fritz MiilUT, le corps rnlier d'iin-gris brun presque uniforme. La partie postérieure du céphalo-thorax est, chez le mâle, d'un blanc pur, el la partie antérieure d'un beau vert, passant au liruii sombre ; ces couleurs sont sujettes à se modifier en quelques minutes ; le blanc devient gris sale ou même noir, et le vert perd beaucoup de son éclat. Il y a évidemment beaucoup plus de mâles que de femelles. Il faut remarquer que les mâles n'acquièrent leurs vives couleurs qu'à l'âge adulte. Ils dillerent aussi des femelles par les plus grandes dimensions de leurs pinces. Chez quelques espèces du genre, probablement chez toutes, les sexes s'apparient et habi- tent le même trou. Ce sont aussi, comme nous l'avons vu, des ani- maux très-intelligents. 11 semble, d'après ces diverses considéra- tions, que, chez cette espèce, le mâle est devenu plus brillant afin d'attirer et de séduire la femelle. Nous venons de constater que le Gelasimus mâle n'acquiert pas ses couleurs brillantes avant l'âge adulte, et, par conséquent, au moment où il est en état de reproduire. Ceci paraît être, dans toute classe, la règle générale pour les nombreuses et remarquables dif- férences de structure que présentent les individus des deux sexes. Nous verrons plus loin que la même loi prévaut dans l'ensemble du grand sous-règne des Vertébrés, et que, dans tous les cas, elle s'ap- plique surtout aux caractères acquis par sélection sexuelle. Fritz Millier '" cite quelques exemples frappants de cette loi : ainsi, le mâle d'une crevettine sauteuse {Orchesda) n'acquiert qu'à l'âge adulte la large pince qui termine la seconde paire de pattes, dont la confor- mation est tr^s-différente chez la femelle; tandis que, pendant le jeune âge, ces organes se ressemblent chez les deux sexes . Classe : Arnchnidn (.\raignées;. — Les individus des deux sexes ne diffèrent ordinairement pas au point de vue de la coloration ; tou- tefois les mâles sont souvent plus foncés que les femelles, comme on peut s'en assurer en consultant le bel ouvrage de M. Blackwall". Chez quelques espèces, cependant, les sexes diffèrent beaucoup l'un de l'autre par la couleur; ainsi, le Sparassus smaragduUis femelle affecte une teinte vert peu intense, tandis que le mâle adulte a l'abdo- men d'un beau jaune avec trois raies longitudinales rouge vif. Chez quelques espèces de T/iomisus, les deux sexes se ressemblent beau- coup ; ils diiïèrent beaucoup chez d'autres. Les autres genres pré- sentent des cas analogues. 11 est souvent difficile de dire lequel des n. Op. c, p. 79. 18. lUxtoni of thr Spit/nrs of Grenf Rritnhi. 18()l-(i4, pp. 77, 88. 102. 300 L\ DESCENDANCE DE L'HOMME. file Partie]. deux sexes s'écarte le plus de la coloration ordinaire du genre au- quel appartient l'espèce, mais M. Blackwall pense que, en règle générale , c'est le mâle ; Canestrini " fait remarquer que , dans certains genres, on distingue facilement les uns des autres les mâles des différentes espèces , ce qu'il est très-difficile de faire quand il s'agit des femelles. M. Blackwall m'apprend, en outre, que jeunes, les individus des deux sexes se ressemblent habituellement et subissent souvent tous deux, dans les mues successives qu'ils traversent avant d'arriver à maturité, de grands changements de coloration. Dans d'autres cas, le mâle seul paraît changer de cou- leur. Ainsi, le mâle du brillant Spat'asstis, dont nous venons de parler, ressemble d'abord à la femelle, et n'acquiert sa couleur par- ticulière que lorsqu'il arrive à l'âge adulte. Les araignées ont des sens très-développés et font preuve d'intelligence. Les femelles, comme on le sait, témoignent beaucoup d'affection pour leurs œufs qu'elles transportent avec elles dans une enveloppe soyeuse. Les mâles mettent beaucoup d'ardeur à rechercher les femelles, et Canes- trini et quelques autres observateurs affirment qu'ils luttent les uns contre les autres pour s'en emparer. Canestrini constate aussi qu'on a observé chez vingt espèces environ l'union entre les individus des deux sexes. Il affirme positivement que la femelle repousse les avances de certains mâles qui la courtisent, et finit, après de lon- gues hésitations, par accepter celui qu'elle a choisi. Ces diverses considérations nous autorisent à conclure que les différences bien marquées de coloration que présentent les mâles et les femelles de certaines espèces résultent de la sélection sexuelle, bien que, dans ce cas, nous n'ayons pas la preuve la plus absolue, qui con- siste, comme nous l'avons dit, dans l'étalage que le mâle fait de ses ornements. L'extrême variabilité de couleur dont font preuve quel- ques espèces, le Theridion lineatum par exemple, semble prouver que les caractères sexuels des mâles ne sont pas encore bien fixés. Canestrini tire la même conclusion du fait que les mâles de cer- taines espèces présentent deux formes qui diffèrent l'une de l'autre par la grandeur des mâchoires; ceci nous rappelle les crustacés dimorphes dont nous avons parlé. Le mâle est d'ordinaire beaucoup plus petit que la femelle ; la différence de taille est souvent même extraordinaire*"; il doit 19. Cet auteur a récemment publié un mémoire remarquable sur les Carai- teri sessuali secondarii degli Arachîiidi, dans les Atti délia Soc. Veneto-Trentina di Se. Nai. Padova, vol. I, fasc. 3, 1873. 20. Aug. Vinson {Aranéides des îles de la Réunion, pi. VI, fig. 1 et 2) donne un excellent exemple de la petitesse du mâle de VEpeira nigra. Chez cette es- [Chap. IX;. ARAIGNKES. 301 observer la plus grande prudence quand il fait la cour à la femelle, car celle-ci pousse parfois la réserve jusqu'à un point dangereux. De Geer observa un mâle qui, «au milieu de ses caresses prépara- toires, fut saisi par l'objet de ses amours, enveloppé dans une toile et dévoré ; spectacle qui, ajoute-t-il, le remplit d'horreur et d'in- dignation*'. » Le révérend 0. P. Cambridge" explique de la ma- nière suivante l'extrême petitesse du mule dans le genre Nephila : « M. Vinson décrit admirablement l'activité du petit mâle, activité qui lui permet d'échapper à la férocité de la femelle ; tantôt il se dissimule derrière ses membres gigantesques, tantôt il lui grimpe sur le dos. 11 est évident qu'à un tel jeu les mâles les plus petits ont plus de chance d'échapper, tandis que les plus gros sont facilement saisis et dévorés ; il en résulte donc que la sélection a dû agir de façon à diminuer de plus en plus la grosseur des mâles et à les ré- duire à la plus grande petitesse comparable avec l'exercice de leurs fonctions de mâles, c'est-à-dire à les rendre ce que nous les voyons aujourd'hui, une sorte de parasite de la femelle, trop petit pour attirer son attention, ou trop agile pour qu'elle puisse facilement le saisir. » Westring a fait la découverte intéressante que les mâles de plu- sieurs espèces de Theridion *' ont la faculté de produire un son stridulent, tandis que les femelles sont tout à fait muettes. L'appa- reil consiste en un rebord dentelé situé à la base de l'abdomen, contre lequel frotte la partie postérieure durcie du thorax, confor- mation dont on ne trouve pas de traces chez les femelles. Il con- vient de faire remarquer que plusieurs savants, y compris le célè- bre Walckenaer, ont affirmé que la musique attire les araignées ". Les cas analogues chez les Urlhoptères et chez les Homoptèrcs, que nous décrirons dans le chapitre suivant, nous autorisent pres- que à conclure que, ainsi que le fait remarquer Westring, cette stridulation sert à appeler ou à exciter la femelle ; dans l'échelle ascendante du règne animal, c'est le premier cas que je connaisse de sons émis à cet effet ". péce, le radie est lestacé, et la femelle noire, avec les pattes rajées de rouge. On a aussi signale des cas encore plus frappants d'inégalité des sexes (Quarterly Joum. nf Science, 1868, p. 429), mais je n'ai pas vu les mémoires originaux. 21. Kirby et Spence, Introduction to Entomolor/y, vol. I, 1818, p. 280. 22. Proc.Zool. Soc., 1871, p. 021. 2.'». Theridion (Afarjena Sund.) srrratipe.s k-punctatum et yultatum. Voir Westring. dans Kroyer, Naturhist . Tidskrifl, vol. IV, 1842-1843, j). 349, et vol. II , 1846-1849. p. 342. Voir, pour les autres espèces, Aranex Suecica", p. 184. 24. Le D' H. Van Zouteveen a recueilli plusieurs cas analogues. 25. Hilgendorf a récemment appelé l'attention sur une structure analogue chez certains crustacés supérieurs, Zooiogical Record, 1869, p. 603. 302 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partik]. Classe : Myriapoda. — Je n'ai trouvé dans aucun des deux ordres de celte classe, comprenant les millipèdes et les centipèdes, un exemple bien marqué de différences sexuelles du genre de celles dont nous nous occupons. Chez le Glomei'is Ihnbata, toutefois, et peut-être chez quelques autres espèces, la coloration du mâle diffère légèrement de celle de la femelle ; mais ce Glomeris est une espèce très-variable. Chez les Diplopodes mâles, les pattes atta- chées à l'un des segments antérieurs du corps ou au segment pos- térieur se modifient en crochets prenants qui servent à retenir la femelle. Chez quelques espèces de Julus, les tarses des mâles sont pourvus de ventouses membraneuses destinées au même usage. La conformation inverse, qui est beaucoup plus rare, ainsi que nous le verrons en traitant des insectes, s'observe chez le fJthobhis; c'est la femelle, dans ce cas, qui porte à l'extrémité du corps des appendices prenants destinés à retenir le mâle ^®. CHAPITRE X CARACTÈRES SEXUELS SECOMDAIRES CHEZ LES INSECTES Conformations diverses des mâles servant à saisir les femelles. — Différences entre les sexes, dont la signification est inconnue. — Diff'érence de taille entre les sexes. — Thysanoures. — Diptères. — Hémiptères. — Homo- ptères, facultés musicales que possèdent les mâles seuls. — Orthoptères , di- versité de structure des appareils musicaux chez les mâles ; humeur belli- queuse, couleurs. — Névroptères, diff'érences sexuelles de couleur. — Hyménoptères , caractère belliqueux , couleurs. — Coléoptères, couleurs ; présence de grosses cornes, probablement comme ornementation; combats; organes stridulents ordinairement communs aux deux sexes. Les organes locomoteurs et souvent les organes des sens diffè- rent chez les mâles et les femelles appartenant à l'immense classe des insectes ; ainsi, par exemple, les antennes pectinées et élégam- ment foliées que l'on trouve chez les mâles seuls de beaucoup d'es- pèces. Chez un éphéméride, le Cléon, le mâle a de grands yeux portés sur des piliers qui font entièrement défaut chez la femelle '. Les femelles de certains insectes, tels que les Mutillidées, sont dépourvues d'ocelles ; elles sont également privées d'ailes. Mais nous nous occupons principalement ici des conformations qui per- mettent à un mâle de l'emporter sur son rival, soit dans le combat, 26. Walckenaer et P. Gervais, Hist. nat. des insectes : Aptèi'es, tome IV, 1847, pp. 17, 19, 68. ^Sir J. Lubbock, Transact. Liiinean Soc, vol. XXV, 1866, p. 484. Pour les Mimllidées, voir Westwood, Modem classif. ofinsects, vol. II, p. 213. [Chap. X]. INSECTES. 303 soit au moyen de la séduction, par sa force, par ses aptitudes belli- queuses, par ses ornements, ou par la musique qu'il peut faire en- tendre. Nous passerons donc rapidement sur les innombrables dis- positions qui permettent aux mules de saisir la femelle. Outre les conformations complexes de l'extrémiU'! de l'abdomen qu'on devrait peut-être considérer comme des organes sexuels primaires *, la nature, ainsi que le fait remarquer Mr. B. D. Walsh ', « ayant ima- giné une foule d'organes divers dans le but de permettre au mâle de saisir énergiquement la femelle, » les mandibules ou mâchoires servent quelquefois à cet usage ; ainsi le Covi/dalis cornutus mâle (névroptère voisin des Libellules, etc.) a d'immenses mâchoires recourbées beaucoup plus longues que celles de la femelle; ces mandibules lisses et non dentelées lui permettent de la saisir sans lui faire aucun mal *. Un lucane de l'Amérique du Nord {Lucanns elaphus) emploie au même usage ses mâchoires qui sont beaucoup plus grandes que celles de la femelle ; mais il s'en sert probable- ment aussi pour se battre. Les mâchoires des mâles et des femelles d'une guêpe fouisseuse (Ammophila) se ressemblent beaucoup, mais elles servent à des usages très-différents ; eu effet, ainsi que l'observe le professeur Westwood, « les mâles extrêmement ar- dents se servent de leurs mâchoires qui affectent la forme d'une faucille pour saisir la femelle par le cou*, » tandis que les femelles utilisent ces mêmes organes pour fouiller dans le sable et construire leurs nids. Les tarses des pattes antérieures, chez beaucoup de Coléoptères mâles, sont élargis ou pourvus de larges touffes de poils ; chez di- verses espèces aquatiques, ces tarses sont armés d'une ventouse plate et arrondie, de façon que le mâle puisse adhérer au corps 2. Ces organes difTérenl souvent chez les maies «l'espëces très-voisines et fournissent d'excellents caractères spi!citi(jues. Mais on a probablement exagéré leur importance fonctionnelle, comme me le fait remarquer M. R. Mac Lach- lan. On a suggéré fjue de légères rliftérences de ces organes suffiraient pour empêcher l'entre-croisement de variétés bien manpiées ou d'espèces naissantes, et contribueraient ainsi à leur ilèvoloppement. Mais nous ])ouvons conclure que cette suggestion n'est pas fondée, car on a ol>servé l'union d'un grand nombre d'espèces distinctes. (Broun, (ieschichte der Natur,^\u\. II, 1843, p. 164, et "Westwood, Tmns. Ent. Son. , vol. III, 1842, j). lO.'i.) M. Mac Lachlan m'apprend [Stett. Ent. Zeitung, 1867, p. 155) que plusieurs espèces de Phryga- nides, présentant des différences très-prononcees de ce genre, enfermées en- semble par le D' Aug. Mejer, se sont accouplées , et un des couples produisit des œufs féconds. 3. T/ie Pricticai Entomologist, Philadelphia, vol. II, 1867, i). 88. 4. M. Walsh, irf., p. 107. 5. ilodern. Classif., etc., vol. II, 1840, pp. 203-206. M. Walsh, qui a appelé mon attention sur ce double usage des mâchoires, me dit l'avoir observé lui- même très-fréquemment. * .1^ 30i LA DIOSCENDANCK DE L'HOMME. LU" Partik]. glissant de la femelle. Quelques Dytisques femelles présentent une conformation bien plus extraordinaire ; les élytres portent de pro- fonds sillons, destinés à faciliter la tâche du mâle; il est évident que les touffes de poils qui garnissent les élytres de VAcilius sulcatus et les aspérités que présentent celles des femelles de quelques autres Co- léoptères aquatiques, les Bydroponis, servent au même usage*. Chez le Cra- bro cribrarius mâle {fig. 9), c'est le tibia qui s'élargit en une large plaque cornée, portant de petits points mem- braneux qui lui donnent l'apparence d'un crible''. Chez le /*en///e mâle (genre de Coléoptères) , quelques segments du milieu de l'antenne, élargis et revê- tus à leur surface inférieure de touffes de poils ressemblant exactement à celles qui se trouvent sur les tarses des Carabides, « servent évidemment au même but. » Chez les Libellules mâles, « les appendices de l'extrémtté caudale se transforment en une variété presque infinie de curieux appareils qui leur permettent d'entourer et de saisir le cou de la femelle.» Enfin, les pattes de beaucoup d'insectes mâles sont pourvues d'épines particulières, de nœuds ou d'épe- rons, ou la patte entière est recourbée ou épaissie; mais ce n'est pas toujours là un caractère sexuel; quelquefois une paire ou les trois paires de pattes s'allongent et atteignent une longueur extraor- dinaire*. Dans tous les ordres d'insectes, les mâles et les femelles de nom- breuses espèces présentent des différences dont on ne comprend pas la signification. On peut citer, par exemple, un Coléoptère Fig. 9. — Crabro cribrarius. Fig. sup., mâle; fig. inf., femelle. 6. Nous avons là un cas curieux et inexplicable de dimorphisme, cfir quelques femelles de quatre espèces européennes de Dytisques et de certaines espèces d'Hydroporus ont les élytres lisses, et on n'a observé aucune gradation inter- médiaire entre les élytres sillonnées ou rugueuses et celles qui sont lisses. Voir le D-- H. Schaum, cité dans le Zoologist, vol. V-VI, 1847-1848, p. 1896. Kirby et Spence, Introd. to Entom., vol. III, 1826, p. 305. 7. Westwood, Mod. Class. of Insects, vol. II, p. 193. Le fait relatif au Pen- the et quelques autres sont empruntés à M. Walsh, Practical Entomologist, Philadelphia, vol. II, p. 88. 8. Kirby et Spence, Introduct., etc., vol. III, pp. 332-336. * ■»• [Chap. X] INSECTES. 305 inàle (Ug. 10), dont la mandibule gauche s'élargit considérablement, ce qui déforme entièrement la bouche. In autre ('oléoptère Gara- bide, Vhuri/ynnthtis ®, présente un cas unique, s'il faut en croire M. VVollaston : la tète de la fe- melle est, à un degré variable, beaucoup plus large que celle du mâle. On pourrait citer, chez les Lépidoptères, un nombre très-grand d'irrégu- larités de ce genre, l'ne des plus extraordinaires est l'atrophie plus ou moins complète qui frappe les pattes antérieures de certains papillons mâles, dont les tibias et les tarses se trouvent réduits à de simples tubercules rudimentaires. La nervure et la forme des ailes diffèrent aussi chez les deux sexes '°, comme chez VAricoiùs epitus , que M. But- ler m'a montré au Muséum britannique. Certains papillons maies de l'Amérique du Sud portent des touffes de poils sur les bords des ailes, et des excroissances cornées sur les disques de la paire postérieure ". M. VVonfor a prouvé que, chez plu- sieurs papillons d'Angleterre, les mâles seuls ont certaines parties recouvertes d'écaillés parti- culières. On a beaucoup discuté la question de savoir quel pouvait être l'usage de la lumière brillante qu'émet la femelle du ver luisant. Les mâles, les larves et même les œufs émettent une faible lu- mière. O^clques savants ont supposé que la lu- mière émise par les femelles sert à edVayer leurs ennemis, d'autres à guider les mâles vers elles. M. Belt'^ semble avoir, enfin, résolu le problè- me; il a constaté que les mammifères et les oi- seaux qui se nourrissent d'insectes détestent tous les Lampyrides. Ce fait vient à l'appui de l'hypothèse de M. Bâtes qui affirme que beaucoup d'insectes cherchent à ressembler d'assez près aux Lam- pyrides pour être pris pour eux, afin d'échapper ainsi à la des- Fig. 10. — Taphroderes (iislortus (grossi). Fig. super., iiiiUe ; tlg. inf., femelle. 9. Iruecla Maderensia, 1854, p. 20. 10. E. Douhledav, Atw. H Marj. of Nat. Hisl., vol. I, 1848, p. 379. Je puis ajou(»T que chez certains Hyinenoplères les aile.s difTèrenl selon les .sexes au point «le vue «le la nervure (ShuckarJ, Fossorial Hymrnoplera, 1857, pp. 39-43). 11. n. \V. Hâtes. Jouni. i,f Pron. Linn. Sor., vol. VI, 1862, p. 74. Les ob- servations «le M. Wontor sont citées dans Popitlfir Science Recirw, 1868, p. 343. 12. The Snturaliil in Sicnrayua , 1874, pp. 316-320. Sur la phosphorescence lies oMifs, voir A>iiiat.<< ami Magoz.of Sat. Hist., 1871, p. 372. 20 306 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. Iruction. Il croit, eo outre, que les espèces lumineuses retirent de grands avantages de ce que les insectivores les reconnaissent im- médiatement. 11 est probable q^e la même explication s'applique aux Elaters dont les deux sexes sont très-lumineux. On ignore pourquoi les ailes du ver luisant femelle ne se sont pas dévelop- pées; dans son état actuel, elle ressemble beaucoup à une larve; or, comme beaucoup d'animaux font aux larves une chasse très- active, il devient facile de comprendre qu'elle soit devenue beau- coup plus brillante et plus apparente que le mâle, et que les larves elles-mêmes aient acquis une certaine phosphorescence. Uiff'éf'ence de (aille entre les individus des deux sexes. — Chez les insectes de tous genres, les mâles sont ordinairement plus petits que les femelles, différence qui se remarque souvent même à l'état de larve. Le cocons mâles et les cocons femelles du ver à soie [Bombyx nioj'i) présentent à cet égard une différence si considéra- ble qu'en France on les sépare par un procédé particulier de pe- sage". Dans les classes inférieures du règne animal, la grosseur plus grande des femelles paraît généralement résulter de ce qu'elles produisent une énorme quantité d'œufs, fait qui, jusqu'à un certain point, est encore vrai pour les insectes. Mais le docteur Wallace a suggéré une explication plus satisfaisante. Après avoir attentive- ment étudié le développement des chenilles du Bombyx cynthia et du B. Yamamai, et surtout celui de quelques chenilles rabougries provenant d'une seconde couvée et nourries artificiellement, M . Wal- lace a pu constater « que le temps requis pour la métamorphose de chaque individu est proportionnellement plus grand selon que sa taille est plus grande ; c'est pour cette raison que le mâle, qui est plus petit et qui, par conséquent, atteint plus tôt la maturité, éclôt avant la femelle plus grande et plus pesante, car elle a à porter un grand nombre d'œufs^*. » Or les insectes vivent très-peu de temps et sont exposés à de nombreux dangers, il est donc évidemment avantageux pour les femelles de pouvoir être fécondées le plus tôt possible. Ce but est atteint si les mâles parviennent les premiers en grand nombre à l'état adulte et se trouvent prêts pour l'apparition des femelles, ce qui résulte naturellement, ainsi que le fait observer M. A. R. Wallace '*, de l'action de la sélection naturelle. En effet, les mâles de petite taille, arrivés les premiers à maturité, procréent de nombreux descendants qui héritent de la petite taille de leur» 13. Robinet, Vers à soie, 18 i8, p. 207. 14. Transact. E/it. Soc, S» série, vol. V, p. 486. l.ï. Joum. of Proc, Entom. Soc, 4, fév. 1867, p. lxxi. [Chap. XJ. insectes. 307 pareols milles, tandis qiio les milles plus grands parvenant plus tanlivement à l'état adulte, doivent engendrer moins de descen- dants. Il y a toutefois des exceptions à cette rèigle de rinfériorité de la taille des insectes miles, exceptions qu'il est facile d'expliquer. La taille et la force procurent de sérieux avantages aux mâles qui lut- tent les uns avec les autres pour la possession des femelles ; ils doivent donc, dans ce cas, être plus grands que ces dernières, et c'est, en eiïet, ce que l'on observe chez les Lucanes. On connaît, ce- pendant, d'autres coléoptères mâles qui sont plus grands que les femelles, bien qu'on n'ait point observé de luttes entre les mâles, fait dont nous ne pouvons donner l'explication; dans quelques au- tres cas. choz les Ih/nastes et les lUeyasonta par exemple, il importe peu que les mâles soient plus petits que 1ports complexes et faciles à méconnaître dont peut dépendre un caractère aussi insignifiant qu'une différence de taille entre les individus des deux sextîs; M. V. Smith m'apprend, en effet, que, dans la presque-totalité de ce vaste groupe , les mâles, conformément à la règle générale, sont plus petits que les femelles et éclosent une semaine environ avant elles; mais, chez les mouches à miel, les Apis me/lifica, h'S Antlnditnn manicnltim et les Antfifip/iora acervorum mâles, et parmi les Fossoyeurs, les Me- tlinrn icfnteinnoniflns mâles, sont plus grands que les femelles. Cette anomalie s'exjiliquc par h; fait que, chez ces espèces, l'accouple- ment n'est possible que pendant le vol ; les mâles doivent donc pos- séder beaucoup de force et une grande taille pour pouvoir porter les femelles. La taille dans ce cas a augmenté malgré le rapport ordinaire qui existe entre la taille et la période du développement, car les mâles, (juoique plus grands, éclosent avant les femelles plus petites. Nous allons maintenant passer en revue les divers ordres, etétu- 10. Pour Ce renseignement et les autres sur la grosseur des sexes, voyez Kirliy el Spence, id., Ill, p. 300, et sur la durée de la vie des insectes, p. :J4i. 308 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Partie). dier, chez chacun d'eux, les faits qui peuvent nous intéresser plus particulièrement. Nous consacrerons un chapitre spécial aux Lépi- doptères diurnes et nocturnes. Ordre, Thysanoures. — Les individus- qui composent cet ordre présentent, pour leur classe, une organisation très-inférieure. Ce sont de petits insectes aptères, à la couleur terne, à la tête laide et au corps presque difforme. Les individus des deux sexes se res- semblent; mais on acquiert, en les étudiant, la preuve intéressante que, même à un degré aussi bas de l'échelle animale, les mâles font une cour assidue aux femelles. Sir J. Lubbock " dit en décri- vant le Smynthio'us lutcus : « Il est fort amusant de voir ces petites bêtes coqueter ensemble. Le mâle, beaucoup plus petit que la fe- melle, court autour d'elle, puis ils se placent en face l'un de l'au- tre, avancent et reculent comme deux agneaux qui jouent. La fe- melle feint ensuite de se sauver, le mâle la poursuit avec une apparence de colère et la devance pour lui faire face de nouveau; elle se détourne timidement, mais le mâle plus vif se détourne aussi et semble la fouetter avec ses antennes ; enfin, après être restés face à face pendant quelques instants, ils se caressent avec leurs antennes, et paraissent, dès lors, être tout l'un à l'autre. » Ordre, D'iptères (Mouches). — Les sexes diffèrent peu au point de vue delà couleur. D'après M. F. Walker, la plus grande différence s'observe chez le genre Bibio dont les mâles sont noirâtres ou noirs, et les femelles brun orangé obscur. Le genre ^/«jo^o/«^m, découvert par M. Wallace **dans la Nouvelle-Guinée, est fort remarquable en ce que le mâle porte des cornes qui font défaut chez la femelle. Ces cornes parlent de dessous les yeux, et ressemblent singulièrement à celles des cerfs, car elles sont ramifiées ou palmées. Chez une des espèces, elles sont aussi longues que le corps. Elles pourraient ser- vir à la lutte, mais, comme elles ont, chez une espèce, une magnifi- que couleur rose, bordée de noir, avec une raie centrale plus pâle, et que ces insectes ont, en somme, un aspect très-élégant, il est plus probable que ces appendices constituent un ornement. Il est toutefois certain que certains Diptères mâles se battent, car le pro- fesseur Westwood " a plusieurs fois observé des combats chez quelques espèces de Tipules. Les autres Diptères mâles semblent n. Trunsnct. Linnean Soc,, vol. XXVI, 1868, p. 290. 18. The Mal'Uj Archipelugo, vol. II. 1809, p. 313. 19. Modem Claisif., etc., vol. II, 1810, p. 526, [Chap. X]. HÉMIPTÈRKS. 309 essayer de stkluire les femelles par leur musique. M. Millier ** a observé pendant lonij^lonips deux /iristnlis mâles qui courtisaient une ni(-'me femelle; ils lournaienl incessamment autour d'elle en faisant entendre un bourdonnement |)rolongé. Les cousins et les moustiques (Culicidés'i semblent aussi s'attirer l'un l'autre par leur bourdonnement. Le professeur .Mayer a récemment constaté que les poils des antennes du mâle vibrent à l'égal d'un diapason aux sons émis par la femelle. Les poils les plus longs vibrent sympatbi- quement avec les notes graves et les poils courts avec les notes aigués. Landais affirme aussi qu'il a, à maintes reprises, attiré à lui une foule de cousins en faisant entendre une note particulière. On peut ajouter que les Diptères, dont le système nerveux est si dé- veloppé, ont probablement des facultés mentales plus élevées que les autres insectes *'. Ordre, Hrmiptères (Punaises des bois). — AL J. W. Douglas, qui s'est tout particulièrement occupé des espèces britanniques, a bien voulu m'indiquer leurs différences sexuelles. Les mâles de quelques espèces possèdent des ailes, les femelles sont aptères; les sexes diffèrent par la forme du corps, des élylres, des antennes et des tarses; mais nous ne nous arrêterons pas à ces dilférences, dont nous ignorons tout à fait la signification. Les femelles sont généra- lement plus grandes et plus robustes que les mâles. Chez les espè- ces britanniques et, autant que M. Douglas a pu le constater, chez les espèces exotiques, les sexes n'ont pas ordinairement des cou- leurs dilTérentes; mais, chez six espèces anglaises, le mâle est beaucoup plus foncé que la femelle ; d'autre part, une coloration plus foncée de la femelle caractérise quatre autres espèces. Les in- dividus des deux sexes, chez quelques espèces, sont élégamment colorés ; comme ces insectes émettent ime odeur très-nauséabonde, il se peut (|ue ces couleurs l)rillantes servent à indiquer aux ani- maux insectivores qu'ils ne sont pas bons à manger. Dans quelques cas, ces couleurs semblent les protéger directement : ainsi le pro- fesseur Molfmann m'apprend qu'il avait la plus grande peine à dis- tinguer une petite espèce rose et verte des bourgeons du tronc des tilleuls que fréquente cet insecte. Quelques espèces de Réduvides font entendre un bruit stridu- 20. Anurnitunff, etc., Vrrh. il. u. Jn/irr/. XXIX. p. 80. Mayer, Amrriran nntti- rnlixt. ÏSll, p. 236. 21. B. T. Lowne, On Anatomy nf the Rlou-Fl;/, Munra Vomitorin, 1870, p. 14. Il assiire 'p. .13) que <• les mouches capturées font entendre une note plaintive particulière, et que ce l>rui'. provoque la fuite des autres mouches ». 310 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. lent ; on assure que, chez le Pirates stridulus ", ce bruit est produit par le mouvement du cou dans la cavité prolhoracique. D'après Westring, le lieduviiis personatus fait entendre le même bruit; mais je n'ai aucune raison de supposer que ce soit là un caractère sexuel; toutefois, chez les insectes non sociables, on ne peut attribuer aux organes destinés à produire des sons qu'un seul usage, c'est-à- dire l'appel sexuel. Ordre, Bomoptères. — Quiconque a erré dans une forêt tropicale doit avoir été frappé du vacarme que font les Cicadés mules. Les femelles sont muettes, et, comme le dit le poète grec Xénarque, " heureuse la vie des cigales, car elles ont des épouses muettes. » Nous percevions distinctement, à bord du Beagle , qui avait jeté l'ancre à 500 mètres de la côte du Brésil, le bruit fait par ces insectes; le capitaine Hancock dit qu'on peut l'entendre à la dis- tance d'un mille. Les Grecs conservaient autrefois ces insectes en cage pour jouir de leur chant, ce que font encore aujourd'hui les Chinois, de sorte qu'il paraît être agréable à l'oreille de certains hommes -'. Les Cicadés chantent ordinairement le jour, tandis que les Fulgorides chantent la nuit. Landois -* affirme que le bruit que ces insectes font entendre est produit par la vibration des lèvres des spiracules mises en mouvement par un courant d'air sortant de la trachée; mais récemment on a discuté cette opinion. Le docteur Powell ** paraît avoir démontré que le son est produit par la vibration d'une membrane mise en mouvement par un muscle spécial. On peut voir vibrer celte membrane chez l'insecte vivant; après la mort de l'insecte, on peut reproduire le son qu'il émet en agitant avec une épingle le muscle desséché et un peu durci. La femelle possède aussi tout cet appareil musical complexe, mais à un état de dévelop- pement bien moindre que chez le mâle, et il ne sert jamais chez elle à produire un son. A quoi sert cette musique? Le docteur Hartman -* fait au sujet de la Cicada septemdecim des États-Unis les remarques suivantes : « Les tambours se font maintenant entendre (les 6 et 7 juin 1851) dans toutes les directions. Je crois que ce sont les appels des mâles. Me trouvant parmi des rejetons de châtaigniers atteignant à la hau- 22. Westwood, Modem. Class., etc., vol. II, p. 473. 23. Détails empruntés à Westwood. iV/., vol II, p. 422. Voir aussi, sur les Fulgorides, Kirby et Spence, Inh-od., etc., vol. Il, p. 401. 24. Zeitschrift fur wissenschaft. ZooL, vol. XVII, 1867. pp. 132-158. 23. Transad. New Zealand Instittite. vol. V, 1873, p. 286. 26. M. Walsh m'a procuré cet extrait d'un Journal of the doings of Cicada septemdecim, par le D' Hartman. Chap. X]. ORTHOPTKRKS. 311 leur de ma l»He, et entouré de centaines de ces insectes, j'observai los femollos qui venaieul lourner autour dos màlos Inmhouriiiants. » Plus loin, il ajout»' : « l'u poirier nain de mon jardina, pondant celte saison (aoiH 18fi8), produit environ cinquante larves de Cic.priiinoso; j'ai plusieurs fois constat»'- que les femelles viennent s'abattre pr»!;s d'un mAle »l^s qu'il pousse ses notes p»'r»;antes. » Fritz Millier m'»î- cril, du liri-sil m»''ridional, qu'il a souvent assisté- à une lutte musi- cale onlro doux ou trois ci^-^ales mâles, dou»\s d'ime voix parlicnli»''- rement forlo cl i)lac»''S à des dislances consid»''rahles les uns des autres. l)»'?s que l'un a fini son chant, un second commence aussit»H, ol après lui un troisième, et ainsi de siiite, La rivalité élant excessive entre les mâles, il est probable que les sons qu'ils font »>ntendr»' n'ont pas seulement pour objet d'appeler les femelles, mais que, celles-ci, tout comime les oiseaux femelles, se laissen attirer et charmer par le mâle dont la voix a le plus d'attraits. .le n'ai pas trouvé chez les Homoptères d'exemple bien prononcé »lo différences dans l'ornimientation des individus des deux sexes. M. Douglas m'apprend que chez trois espèces anglaises, le mâle est noir ou rayé de noir, tandis que la femelle revêt une teinte uniforme pâle ou sondire. Ordre, Orthoptères. — Dans les trois familles sauteuses apparte- nant à cet ordre, les Achétides ou grillons, les Locustides et les Acridides ou sauterelles, les mâles se font remarquer par leurs ap- titudes musicales. La stridulation produite par quelques Locusli- d»'s est si puissante qu'elle peut s'entendre la nuit à plus d'un kilomètre de dislance "; il existe certaines espèces dont la stridu- lation ne déplaît j)as aux oreilles humaines, car les Indiens dos Amazones les élèvent »lans des cages d'osier. Tous les observateurs s'accordent à dire que ces sons servent h appeler ou à exciter les femelles muellos. Korte " a observé un cas intéressant chez la sau- t»'roll»' émigranle »le lUissie; il s'agit d'un choix exercé par la fe- mell»; au profit d'un mâle. Le mal»; de celle espèce {Pnr/njtyhis uii- (/ratnritis), accouplé avec ime femelle, témoigne de sa colère ou de sa jalousie par des stri»lulalions, lorsqu'un autre mâle approche. Le grillon domestique, surpris la nuit, se sert de sa voix pour avertir les autres •'*. Dans l'Amérique du Nord, le Katy-did {Platij/jfii/Uinn 27. L. OuiMing, Trans. Linn. Soc, vol. XV, p. 154. 2S. J'emprunte cette assertion à KOppen, i'eher die Heuschrecken in Siid- russloufl, 1866. p. 32. car j'ai inutilement essayé de me procurer l'ouvrape «le Kôrte. 29. Gilbert White, Nal. Hist. ofSel/jorne, vol. II, 1825, p. 262. S\2 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II^ Partie]. concavum, un Locustide) monte, dit-on '»^ sur les branches supé- rieures d'un arbre, et commence, dans la soirée, « son babil bruyant; des notes rivales lui répondent, provenant d'arbres voisins, et font toute la nuit résonner les bosquets du Kaly-did-she-did àe ces insec- tes. » M. Bâtes dit, à propos du grillon des champs (un Achétide) européen : « On a observé que le mâle se place dans la soirée à l'orifice de son terrier, et se met à chanter jusqu'à ce qu'une femelle s'approche de lui. Alors, aux notes sonores succède un ton plus douxy pendant que l'heureux musicien caresse avec ses antennes la femelle qu'il a captivée ". » Le docteur Scudder a réussi, en frottant un tuyau de plume sur une lime, à se faire répondre par un de ces insec- tes ^^ Von Siebold a découvert dans les deux sexes un appareil auditif remarquable, situé sur les pattes antérieures *'. Les trois familles produisent les sons d'une manière différente. Chez Fig. 11. — Gryllus campestris (d'après Landois. La figure de droite représente la sur- face inférieure de la nervure de l'aile, très-grossi ; sf représente les dents. La figure de gauche représente la sur- face supérieure de la nervure lisse leS AchétideS mâleS, IcS deUX ély- ttK:n^rareri:ietr"'^"- ^rcs out uu même appareil musical, qui, chez le grillon des champs {Gryllus campestris, fig. H) consiste, d'après Landois'*, en' crêtes ou dents [si) transversales et tranchantes occupant, au nombre de 131 à 138, la surface inférieure d'une des nervures de l'élytre. Cette nervure dentelée est rapidement frottée contre une autre nervure (r) saillante, lisse et dure, qui se trouve sur la surface su- périeure de l'aile opposée. Une des ailes est d'abord frottée sur l'autre, puis le mouvement se renverse. Les deux ailes se redres- sent un peu en même temps, ce qui augmente la sonorité. Chez quelques espèces, les élytres sont pourvues à leur base d'une pla- que d'apparence talqueuse '*. Je reproduis ici un dessin {fig. 12) 30. Harris, Insccts of New England, 1842, p. 128. 31. The Naturalist on the Amazons, vol. l, 1863, p. 232. M. Bâtes discute d'une manière intéressante les gradations des appareils musicaux chez les trois familles, Westwood, Modem. Class., vol. II, pp. 445 et 453. 32. Proc. Boston Soc. of Nat. Hist., vol. XI, avril 1868. 33. Nouveau Majiuel d'anal, comp. (trad. française), t. I, 1850, p. 567. 34. Zeitschrift fur wissensrhafl. ZooL, vol. XVII, 1867, p. 117. 35. Westwood, o. c, vol. I, p. 440. [CiiAr. X]. ORTHOPTERES. 313 représentant les dents du ccHé inférieur de la nervure chez «ne autre espèce de grillon, le Gn/Ifus (loineslinis. Le docteur Gruber " a démontré que ces dents se sont développées gnke à la sélection naturelle; elles constituent une transformation des petites écailles et des poils qui recouvrent les ailes et le corps de l'insecte; j'ai été amené ù adopter la même conclusion rela- tivement à un appareil analogue chez les Coléo- ptères. Le docteur Ciruber a démontré, en outre, que ce développement est dil en partie au frot- tement d'une aile sur l'autre. Chez les Locustides, la structure des élytres opposées dilïért; {/îy. 13); elles ne peuvent pas, comme chez la famille précédente, s'employer indilTéremment dans un sens ou dans l'autre. L'aile gauche, qui agit comme l'archetdu violon, recouvre l'aile droite qui joue le rôle de l'instrument, l'ne des nervures [n) de la surface Fig. 12. — Dents do la nervure chez le (iryl- lus duinesticus (d'a- près Landois). Fiff. 13. - Chlorocxltut Tannnn (d'après Hntes). — n. b, Idihes des èlytres opposées. inférieure de la première est finement dentelée, et vient frotter contre les nervures saillantes de la surface supérieure de l'aile op- 36. Veber der Tonappnrat ilcr Locusliden , ein Bfitrng zum Daruinhmus; Zeihch.fùr Wis$ensch. Zool. vol. XXII, 1872, p. 100. 31* LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. posée, ou de l'aile droite. Chez notre espèce indigène, Phasgonura viridissimn, il m'a semblé que la nervure dentelée vient frotter con- tre le coin postérieur arrondi de l'aile opposée, dont le bord est épaissi, coloré en brun et très-aigu. On remarque sur l'aile droite, mais non sur la gauche, une petite plaque transparente comme du talc, entourée de nervures, dite le spéculum. Chez V Eitlnpjiûier vitimn, membre de la même famille, on observe une curieuse modi- fication subordonnée ; car les élytres ont des dimensions considéra- blement réduites ; mais « la partie postérieure du prothorax se re- lève et forme une sorte de dôme au-dessus des élytres, ce qui a probablement pour effet de contribuer à l'intensité du son ". » On observe donc chez les Locustides, qui comprennent, je pense, les exécutants les plus puissants de l'ordre, une différenciation et une spécialisation de l'appareil musical, plus grandes que chez les Achétides, où les deux élytres ont la même structure et remplissent la même fonction'^. Toutefois Landois a trouvé chez un Locuslide, le Decticus, une rangée courte et étroite de petites dénis, simples rudiments, occupant la surface inférieure de l'élytre droite, qui est sous-jacente à l'autre et ne sert jamais comme archet. J'ai observé la même conformation rudimentaire sur la surface inférieure de l'élytre droite du Phasgonura viridissima. Nous pouvons donc con- clure avec certitude que les Locustides descendent d'une forme chez laquelle, comme chez les Achétides existants, les surfaces in- férieures des deux élytres étaient pourvues de nervures dentelées, et pouvaient indifféremment servir d'archet; mais, chez les Locus- tides, les deux élytres se sont graduellement différenciées et per- fectionné'es, en vertu du principe de la division du travail, et l'une fonctionne exclusivement comme archet, et l'autre comme violon. Le docteur Gruber partage la même opinion; il a démontré que les dents rudimentaires se trouvent ordinairement à la surface infé- rieure de l'aile droite. Nous ignorons l'origine de l'appareil plus simple des Achétides, mais il est probable que les parties formant la base des élytres se recouvraient autrefois, et que le frottement des nervures provoquait un son discordant, qui rappelle celui que produisent actuellement les femelles au moyen de leurs élytres ''. Un bruit de ce genre, accidentellement produit par les mâles, a donc pu, s'il leur a rendu le moindre service comme appel d'amour, se développer au moyen de la sélection sexuelle, par la conserva- 37. Westwood, o. c, vol. I, p. 45.3. 38. Landois, Zeitsch., etc., vol. XVII, 1867, pp. 121-122. 39. M. Walsh a remarqué que, lorsque la femelle du Platyphyîlum concavttm est capturée, elle produit un faible bruit en choquant ensemble ses élytres. [Chap. X]. ORTHOPTKRES. 315 lion continue des variations propres à augmenter la dureté dfs ner- vures. Dans la troisième et dtM'nitTti famille, celles des Aeridides ou sau- terelles, la stridulation est produite d'une manière très-diiïérente, et n'est pas, d'après le docteur Scudder, si aiguë que dans les famil- les précédentes. La surface inlorue du ft'inur ^////. li, ;•) est pour- vue d'une rangée longitudinale de petites dents élégantes, en forme de lancettes élastiques, au nombre de S5 à 93, qui frottent sur les nervures saillantes des élylres, et font vibrer et résonner ces der- nières *". llarris " affirme (|ue, lorsque le mâle v«miI émtMlre des sons, il « replie d'abord l'extré- mité de la patte postérieure, de manière à la loger dans une rai- nure df la surface inférieure de la cuisse, rainure destinée ù la recevoir, puis il meut vigoureu- sement la jambe de haut en bas. Il ne fait pas marcher les deux instruments simultanément, mais l'un après l'autre, en alternant. » Chez beaucoup d'espèces, la base Vig. m. — Patte postèrlenro «lu Stenoho- de l'abdomen présente une gran- l'-m. pralorum,-,; rangée Ao .lents. d„ _ _ ,• • _ •. I ■ Fiifure inférieure, les dents formant cette e excavation qu on croit devoir f^„„,,.^ ...os-^Mossi M^n-s Lan.ioi.). jouer le rùb' de boîte résonnante. Chez \os Pneitinnrn, genre de l'AfriqiK! im'iridioiiab! apparleiianl à celte même famille (^jr/. i. H), on observe iinenouvelle et remarquable modification, qui consiste, chez les màl(îs,en iine|)e(ite crcle entaillée faisant obliq.icmciil saillie de clia(pie côté de l'abdonien ; la partie postérieure des cuisses frotte contre celt<» saillie '-'. Coiiiine le niillc est pourvu d'ailes, organes dontia femelle est privée, il est singulier (jue le frottement des cuisses ne s'exerce pas, comme triiabiliide, contre les élylres ; mais cela provient peut-être de la petitesse inu- sitée des pattes postérieures. J«* n'ai pas pu examiner la surface interne des cuisses, qui, à en juger par analogie, doit être finement dentelée. Les espèces de /'nt'iniiorn ont été plus profondément mo- difiées pour produire la stridulation qu'aucun autre insecte ortlio- ptère ; tout le corps flu mille, en eiïet, semble converti en un instru- ment de musique, car il est tout gonflé d'air, ce qui lui donne l'aspect •40. Landois, id., p. 11"). i\. Insects of Sew Enrjlnnd, 1842, p. V.V.\. 42. W'pstwood. /. c, vol. I, p. 162. 316 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. ni" Partie"!. d'une vessie transparente , et augmente la sonorité. M. Trimm m'apprend que , au cap de Bonne-Espérance, ces insectes font, pendant la nuit, un bruit effrayant. Les femelles, dans les trois familles dont nous venons de parler, sont presque toujours privées d'un appareil musical . Il est, toutefois, Fig. 15. — Pneiimora (daprès des spécimens au British Muséum). Figure supérieure, mâle ; figure inférieure, femelle. quelques exceptions à cette règle, car le docteur Gruber a démon- tré que les deux sexes de Y E phippiger vitium sont pourvus de cet appareil, bien que les organes du mâle diffèrent dans une certaine mesure de ceux de la femelle. Nous ne pouvons donc supposer qu'ils aient été transmis du mâle à la femelle, comme l'ont été les caractères sexuels secondaires chez tant d'autres animaux. Ils ont dû se développer de façon indépendante chez les deux sexes, qui, sans aucun doute, s'appellent réciproquement pendant la saison des amours. Chez la plupart des autres Locustes, sauf le Decticus d'après Landois, les femelles possèdent les rudiments des organes stridulents propres au mâle, qui les leur a probablement transmis. [Chap. X]. ORTHOPTKKES. 317 Landois a aussi trouvé îles rudiments analogues ù la surface infé- rieure des élytres des Adiélides femelles, et sur les fémurs des Acridides femelles. Enliu, les llomoplères femelles possèdent un appareil musical, mais à l'état inerte. Nous rencontrerons, d'ailleurs, dans d'autres 'divisions du règne animal, de noujbreux exemples de- conformations propres au mâle qui se trouvent à l'état rudimen- laire chez la femelle. Landois a constaté un autre fait important : chez les Acridides femelles, les dents des fémurs, qui produisent la stridulation, de- meurent, pendant toute la vie de l'insecte, dans le même état que celui qu'elles affectent lors de leur apparition chez les larves des individus des deux sexes. Chez les mâles, au contraire, elles acquiè- rent leur développement complet et leur conformation parfaite, lors de ia dernière mue, lorsque l'insecte parvenu à l'état adulte est prêt à reproduire. Les faits qui précèdent nous permettent de conclure que les Orthoptères mâles emploient des moyens très-divers pour produire les sons, et que ces moyens diffèrent absolument de ceux qu'em- ploient les llomoptères pour arriver au même but". Le règne ani- mal nous offre, d'ailleurs, de nombreux exemples analogues; il semble que la nature utilise les changements multiples que subit dans le cours des temps l'ensemble de l'organisation, et à mesure que les parties varient les unes après les autres, qu'elle profite de ces variations différentes pour arriver à un même but général. La diversité des moyens employés pour produire les sons, chez les trois familles d'Orthoptères et chez les Homoptères, explique toute l'importance qu'ont, pour les mâles, ces conformations (jui leur ser- vent à appeler et à séduire les femelles. L^^s modifications que les Orthoptères ont subi sous ce rapport n'ont l'itMi (|ui doive nous sur- prendre, car nous savons maintenant, grâce à la remarquable décou- verte du docteur Scudder*', qu'il y a eu pour cela un temps plus que suffisant. Ce naturaliste a récemment trouvé, dans la formation devonienne du Nouveau-Brunswick, un insecte fossile pourvu « du tympan bien connu ou appareil de stridulation des Locustides mâles. » Bien que, à tous égards, cet insecte se rapproche des Névroptères, il [)araît relier, comme cela arrive si souvent chez les formes très-anciennes, les deux ordres voisins des Névroptères et des Orthoptères. K'.\. Landois a rocemment découvert chez certains Orthoptères des structures nidimentaires. ((ui ressemblent l)eaucou|> aux organes destinés à produire des son» chez les Homoptères; c'est là un tait surprenant. Voir Zeitsc/i. fiiv iris- sensc/i. /ool., vol. XXII, part. 3, 1871, )>. 348. i\. Trauiiict. Eut. Soc. , ^^ série, vol. II {Jintni. of l'riirmliiiijs, p. 117i. 318 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. J'ai peu de choses à ajouter sur les Orthoptères. Quelques espè- ces sont très-belliqueuses : lorsque deux grillons mâles {Gryllus campestris) sont enfermés dans une même cage, la mort seule de l'un des deux adversaires met fin à la lutte. On dit que les Mantis manœuvrent leurs membres antérieurs, qui affectent la forme d'un sabre, comme les hussards manœuvrent leur arme. Les Chinois gardent ces insectes dans de petites cages de bambou, et les font se battre comme on fait battre des coqs de combat *". Certains Lo- custides exotiques affectent des couleurs magnifiques; les ailes postérieures sont teintées de rouge, de bleu et de noir; mais les individus des deux sexes, dans l'ordre entier, diffèrent rarement au point de vue de la coloration, et il est douteux qu'ils doivent ces teintes brillantes à la sélection sexuelle. Ces couleurs très-bril- lantes peuvent être utiles à ces insectes comme moyen de sécurité. C'est, en effet, un avertissement pour leurs ennemis qu'ils sont désagréables au goût. Ainsi, on a observé " que les oiseaux et les lézards refusaient invariablement de manger un criquet indien affec- tant des couleurs brillantes. On connaît toutefois dans cet ordre quelques cas de colorations diverses provenant de différences sexuelles. Le mâle d'un criquet américain *' est blanc d'ivoire, tandis que la femelle varie du blanc presque pur au jaune verdâtre. M. Walsh affirme que le mâle adulte du Spectrum femoration (une Phasmide) « affecte une couleur brun-jaunàtre chatoyante ; la fe- melle adulte est brun opaque cendré sombre ; et les jeunes des deux sexes sont verts. » Enfin, je puis ajouter que le mâle d'une cu- rieuse espèce de criquet ** est pourvu n d'un long appendice mem- braneux qui lui tombe sur la face comme un voile , » mais on ignore absolument l'usage de cette conformation. Ordre, NévrojUères. — Nous n'avons guère ici à nous occuper que de la coloration. Les individus des deux sexes, chez les Éphé- mérides, présentent souvent de légères différences dans les teintes obscures dont ils sont revêtus^®; mais il est peu probable que ces légères variations soient de nature à rendre les mâles plus at- trayants aux yeux des femelles. Les Libellulides affectent'des teintes 45. Westwooil, /. c, vol. I, p. 427; pour les criquets, j). 445. 46. M.Ch. Horiie, Proc. Ent. Soc, p. xii, mni 3, 1869. 47. h'VEcauthus )tivalis; Harris, Imects of Sew England, 1842, p. 124. Victor Carus affirme que les deux sexes de VŒpeliucidus d'Europe diffèrent à peu près de la même manière. 48. Platijhlemnus, AVestwood, /. c, vol. I, p. 447. 49. B. D. Walsh, Pseudo-ncvroptera of Illinois (Proc, Ent. Soc. of Philadel- phia, 1862. [Chap. X]. NÉVROPTKRES. .MO mélalliques splendides, vertes, blanches, jaunes et vermillon, elles sexes durèrent souvent. Ainsi, comme le fait remarquer le pro- fesseur Westwood ''°, les mules de certains Agrionides, « sont beau bleu à ailes noires, tandis que les femelles sont beau vert à ailes incolores. » Chez VAyn'un /{nntburii ces couleurs se trouvent précisément renversées chez les doux sexes *'. Chez les Hxter'ma, genre très-répandu dans rAméri(|ue du Nord, les mâles seuls por- tent, à la base de chaque aile, une superbe tache carmin. Chez ÏAnax j'unius mâle, la partie (jui forme la base de l'abdomen est bleu outre-mer éclatant, et vert végétal chez la femelle. Chez le genre voisin, 'des Gamp/tiis, et chez quelques autres, la coloration dif- fère peu chez les individus des deux sexes. D'ailleurs on rencontre fréquemment des cas analogues dans tout le règne animal, c'est-à- dire que les individus des deux sexes appartenant à des formes très voisines présentent entre eux de grandes ou de légères difié- renccs, ou se ressemblent absolument. Bien qu'il y ait chez beau- coup de Libellulides une si grande différence de coloration entre les sexes, il est souvent diflicile de dire lequel est le plus brillant; en outre, la coloration ordinaire des deux sexes peut être précisément renversée comme nous venons de le voir chez une espèce d'.\grion. Il est peu probable que, dans aucun cas, ces couleurs aient été ac- quises comme moyen de sécurité. Ainsi que me l'écrit M. Mac Lachlan, qui a beaucoup étudié cette famille, les Libellules, — les tyrans du monde des insectes, — sont moins sujets que tous autres à être l'objet des attaques des oiseaux et d'autres ennemis. Il croit que leurs vives couleurs servent à l'attraction sexuelle. Il faut re- marquer, à ce sujet, que quelques couleurs particulières semblent exercer une puissante attraction sur certaines Lil)ellules. M. Palier- son " a observé que les espèces d'Agrionides, dont les mû es affec- tent la couleur bleue, viennent se poser en grand nombre sur le flotteur bleu d'une ligne de pèche, tandis que; des couleurs blanches brillantes attirent tout particulièrement deux autres espèces. Schelver a, le premier, observé un fait très-intéressant; les mâles de plusieurs genres appartenant à deux sous-familles ont, au mo- ment où ils sortent de la chrysalide, exactement les mêmes couleurs que les femelles, mais, au bout de (juelque temps, leur corps prend une teinte remarquable bleu laiteux, duo ù l'exsudation d'une sorte d'huile, soluble dans l'éther et dans l'alcool. M. Mac Lachlan r>0. Mfulern Clnxs., etc., vol. II, p. 37. T)!. W'alsli, /. r., p. 381. J'ai emprunté à ce naturaliste les faits relatifs aux llrtjtrina, aux Annx et aux Gomphus. 52. Trnnsnct. Fnt. Sec, vol. I. 1830, |). i.xxxi. 320 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. croit que ce changement de couleur n'a lieu chez le mâle de la Libel- lida depressa que quinze jours environ après la métamorphose, alors que les sexes sont prêts à s'accoupler. Certaines espèces de Newot/iemis, selon Brauer"*, présentent un cas curieux de dimorphisme : quelques femelles, en effet, ont les ailes réticulées à la manière ordinaire, tandis que d'autres les ont '( très-richement réticulées comme chez les mâles des mômes espè- ces. » Brauer explique le fait « par les principes de Darwin, en supposant que le réseau serré des nervures est un caractère sexuel secondaire chez les mâles, qui a été abruptement transmis à quel- ques femelles, au lieu de l'èlre à toutes ainsi que cela arrive or- dinairement. » M. Mac Lachlan me signale un autre cas de dimor- phisme qu'on rencontre chez plusieurs espèces d'Agrion ; on trouve, en effet, un certain nombre d'individus, exclusivement des femelles, qui affectent une teinte orangée. C'est probablement là un cas de retour, car, chez les vraies Libellules, lorsque les sexes diffèrent au point de vue de la couleur, les femelles sont toujours orangées ou jaunes, de sorte que, si on suppose que l'Agrion descend de quelque forme primordiale revêtue des couleurs caractéristiques sexuelles des Libellules typiques, il ne serait pas étonnant qu'une tendance à varier dans cette direction persistât chez les femelles seules. Bien que les Libellules soient des insectes grands, puissants et féroces, M. Mac Lachlan n'a pas observé de combats entre les mâles, sauf chez quelques petites espèces d'Agrion. Dans un autre groupe très-distinct appartenant à cet ordre, les Termites ou four- mis blanches, on voit, à l'époque de l'essaimage, les individus des deux sexes courir de tous côtés, « le mâle poursuit la femelle, quelquefois deux mâles poursuivent une même femelle et se dispu- tent avec ardeur le prix du combat ^'\ » L\At7'opos puhatorlm fait, dil-on, avec ses mâchoires un bruit auquel répondent d'autres individus *^. Ordre, Hyménoptères, — M. Fabre^'^a observé avec le plus grand soin les habitudes du Cerceris, insecte qui ressemble à la guêpe; il fait remarquer « que les mâles entrent fréquemment en lutte pour la possession d'une femelle, spectatrice indifTérente du com- bat qui doit décider de la supériorité de l'un ou de l'autre; quand le combat est terminé, elle s'envole tranquillement avec le vain- 33. Voir un extniit dans le Zooloyical Record, 1807, p. 450. 54. Kirby et Spence, Introd. to Eut., vol. II, 1818, y. 35. 55. Houzeau, Ins Facultés uietilales, etc., vol. I, p. lO'f. .56. The wrilinijs of Fabre dans Nat. Hist. Rcvitw, 18G2, p. 122. [Chap. XI. HYMKNOPTEREii. 321 queiir. » Weslwood " dit avoir vu des Tenlhrédiiiées mâles « qui, à la suite d'un combat, sont restés engagés pa'* la mâchoire sans pouvoir se dégager. » M. Fabre a constaté que les Cerceris mâles cherchent à s'assurer la possession d'une femelle particulière ; il est indispensable de rappeler à cet égard que les insectes apparte- nant à cet ordre ont la faculté de se reconnaître, après de longs intervalles de temps, et s'allachenl profondément l'un à l'autre. Ainsi, Pierre liuber, dont on ne peut mettre l'exactitude en ques- tion, affirme que des fourmis, séparées pendant quatre; mois de leur fourmilière, mises en présence de leurs anciennes compagnes, se reconnurent et se caressèrent mutuellement avec leurs antennes. Ktrangères, elles se seraient battues. En outre, lorsque deux tribus se livrent bataille, il arrive que, dans la mêlée, des fourmis appar- tenant au même parti s'attaquent quelquefois, mais elles ne tar- dent pas à s'apercevoir de leur erreur et se consolent réciproque- ment **. On constate fréquemment dans cet ordre de légères diirérences de coloration suivant le sexe, mais les différences considérables sont rares, sauf dans la famille des abeilles; cependant les mâles et les femelles de certains groupes alfectont des couleurs si bril-» lanles, — les C/iri/sis, par exemple, chez lesquels prédominent le vermillon et les verts métalliques, — que nous sommes tentés d'at- tribuer celte coloration à la sélection sexuelle. Les Ichneumonides mâles, d'après M. Walsh"*, alîectent presque toujours des couleurs plus claires que les femelles. Les Tenthrédinides mâles, au contraire, sont généralement plus foncés que les Hunelles. Chez les Siricidés, les sexes diffèrent fréquemment; ainsi le Sirex juvencus màU; est rayé d'orange, tandis que la femelle est pourpre foncé; mais il est difdcile de dire lequel des deux sexes est le plus orné. Le Trenwx r ihimhiv femelle est l)eaucoup plus brillamment coloré que le mâle. M. F. Smith assure que les mâles de plusieurs espèces de fourmis sont noirs, tandis que les femelles sont couleur brique. Dans la famille des abeilles, surtout chez les espèces solitaires, la coloration des individus des deux sexes diffère souvent. Les mâles sont généralement les plus biillanls, et, chez les liombus et cIh.'Z les .l/>^////».v, revêtent des teintes plus variées que les femelles. L\\n(/iitp/iora relusn mâle est d'un beau brun fauve éclatant, tandis que la femelle est toute noire; chez plusieurs espèces de Xylncopa, les mâles sont jaune clair et les femelles noires. D'un autre côté, .",7. Jount. of Vror. Enlom. Soc, 7 sept. ISCilJ, p. IGî). .').S. P. Huber. Reilienihes sur les uvnurs tirs fourmis-, 1810, p. 150, Kio. .i!>. l'ror. Enlom. Soc. of Vhiludcli>hi(t, 18GG. p. 2.{8-2;i9. 21 322 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. chez quelques espèces, chez VAndrxnafulva, par exemple, les femel- les affectent des couleurs beaucoup plus brillantes que les mâles. Il n'est guère possible d'attribuer ces différences de coloration à ce que les mâles sont dépourvus de moyens de défense et ont, par conséquent, besoin d'un moyen de protection, tandis que les femelles sont pourvues d'aiguillons. H. Millier *°, qui a étudié avec tant de soin les habitudes des abeilles, attribue en grande partie ces diffé- rences de couleurs à la sélection sexuelle. 11 est certain que les abeilles reconnaissent les couleurs. Millier a constaté que les mâles recherchent avidement les femelles et luttent les uns avec les autres pour s'en emparer. Il attribue à ces combats la grandeur des mandibules du mâle qui, chez certaines espèces, sont plus développées que celles de la femelle. Dans quelques cas, les mâles sont beaucoup plus nombreux que les femelles, soit au commence- ment de la saison, soit à toutes les époques et dans tous les lieux, soit dans certaines localités seulement; dans d'autres cas, au con- traire, les femelles sont plus nombreuses que les mâles. Chez quel- ques espèces, les femelles semblent choisir les plus beaux mâles ; chez d'autres, au contraire, les mâles choisissent les plus belles 'femelles. Il en résulte que, dans certains genres (Millier, p. t2), les mâles de diverses espèces diffèrent beaucoup au point de vue de l'aspect extérieur, tandis qu'il est presque impossible de dis- tinguer les femelles ; le contraire se présente dans d'autres gen- res. H. Millier croit (p. 82) que les couleurs obtenues par un sexe, grâce à la sélection sexuelle, ont souvent été transmises dans une certaine mesure à l'autre sexe, de même que l'appareil destiné à recueillir le pollen, appareil propre à la femelle, a été souvent transmis au mâle bien qu'il lui soit absolument inutile ®'. 60. Anwendumj der Darwinschen Lehre auf Bienen. [Verh. d. n. Jahrg. xxix.) 61. M. Perrier, dans son article De la sélection naturelle , d'après Darwin {Revue scientifique, fév. 1873, p. 8G8\ fait observer, sans avoir évidemment beaucoup réfléchi à ce sujet, que les mâles des abeilles sociables sont produits par des œufs non fécondés, et que, par conséquent, ils ne peuvent pas trans- mettre de nouveaux caractères à leur progéniture mâle. Cest là, tout au moins, une objection extraordinaire. Une abeille femelle, fécondée par un mâle qui pos- sède quelques caractères propres à faciliter l'union des sexes ou à le rendre plus attrayant pour la femelle, pondra des œufs qui produiront seulement des fe- melles; mais ces jeunes femelles produiront à leur tour des mâles l'année sui- vante, et il est au moins extraordinaire de prétendre que ces mâles n'hériteront pas des caractères de leur grand-père mâle. Prenons un exemple aussi rappro- ché que possible chez les animaux ordinaires. Supposons une race de quadru- pèdes ou d'oiseaux ordinairement blancs, et qu'une femelle appartenant à cette race s'unisse avec un mâle appartenant aune race noire; supposons enfin que les petits mâles et femelles provenant de ce croisement soient accouplés les uns avec les autres; osera-t-on prétendre que les descendants n'auront pas ac- quis par hérédité de leur ancêtre mâle une tendance à la coloration noire? Sans [Chap. X]. COLKOPTKRES. Mi Le Mutilla Europa-n fait enleiulro un brnil strident, et Goureaii ** affirme que les deux Sexes possèdent celle aptitude. Il attribue le son au frottement du troisième segment de l'abdomen contre le segment précèdent; je me suis assuré, en effet, que ces surfaces portent des projei'tions concentriques très- fines, mais il en est de même du collier thoracique saillant sur Ie(|uel s'articule la tète, et qui, gratté avec la pointe d'une aiguille, émet le même son. Il est assez surprenant que les deux sexes aient la faculté de produire ces sons, car le mâle est ailé et la femelle aptère. On a constaté que les abeilles expriment certaines émotions telles que la colère, par le ton de leur bourdonnement. H. Millier (p. 80) affirme que les mâles de (pielqdes espèces font entendre un bourdonnement parti- culier quand ils poursuivent les femelles. Ordre, Coléupth'es (Scarabées). — La couleur de nombreux Co- léoi)tères ressemble à celle des surfaces sur lesquelles ils séjournent habituellement; cette coloration identique leur permet d'échapper à l'attention de leurs ennemis. D'autres espèces, le Scarabée dia- mant, par exemple, revêtent des couleurs splendides disposées souvent en bandes, en taches, en croix et en d'autres modèles élé- gants. Ces couleurs ne peuvent guère servir de moyen direct de protection, sauf pour quelques espèces qui fréquentent habituelle- ment les lleurs; mais elles peuvent servir d'avertissement, tout comme la phosphorescence du ver luisant. Les coléoptères mules et femelles affectent ordinairement les mêmes couleurs, de sorte que nous ne pouvons affirmer qu(; ces couleurs soient dues à la sé- lection sexuelle; mais il est au moins possible que ces couleurs se soient développées chez un sexe, puis qu'elles aient été transmises à l'autre, ce qui est probable dans les groupes qui possèdent d'au- tres caractères sexuels secondaires bien tranchés. M. Waterhouse affirme que les Coléoptères aveugles, incapables, par conséquent, d'apprécier leur beauté nmtuelle, n'alfectent jamais de vives cou- leurs, bien qu'ils aient souvent une carapace polie ; mais on peut aussi attribuer leurs couleurs ternes au fait (pie les insectes aveu- gles n'habitent que les cavernes et autres endroits obscurs. Quelques Longicornes, surtout certains Prionides, font, cepen- dant, exception à cette règle générale de la coloration identique doute, l'acquisition de nouveaux caractères par les abeilles ouvrières stériles constitue un cas bien plus difficile; mais j'ai essayé de démontrer, dans Y Ori- gine (les espères, comment il se fait que ces individus stériles sont soumis à l'action de la sélection naturelle. 62. Cité par Westwood, Modem Ctass, etc., vol. II, p. 214. 324 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. des coléoptères mâles et femelles. La plupart de ces insectes sont grands et admirablement colorés. Les Pyredes ", comme j'ai pu m'en assurer dans la collection de M. Bâtes, sont généralement plus rouges mais moins brillants que les femelles, qui sont teintées d'un vert doré plus ou moins vif. Le mâle d'une autre espèce, au contraire, est vert doré, et la femelle est richement nuancée de pourpre et de rouge. Les mâles et les femelles du genre Esmej'alda affectent des couleurs si complètement différentes, qu'on les a pris pour des espèces distinctes : chez une espèce, les mâles et les femelles sont vert brillant, mais le mâle a le thorax rouge. En ré- sumé, autant que j'ai pu en juger chez les Prionides, quand les mâles et les femelles affectent une coloration différente, les femelles sont toujours plus brillamment colorées que les mâles; ce qui ne concorde pas avec la règle générale relative à la coloration due à l'action de la sélection sexuelle. Les grandes cornes, qui s'élèvent sur la tête, sur le thorax ou sur l'écusson des mâles, et qui, dans quelques autres cas, hérissent la surface inférieure du corps, constituent une distinction très- remarquable entre les individus de sexe différent chez les coléop- tères. Ces cornes, dans la grande famille des Lamellicornes, res- semblent à celles de divers mammifères, tels que le cerf, le rhinocéros, etc., et sont fort curieuses, tant par leurs dimensions que par les formes diverses qu'elles affectent. Au lieu de les dé- crire, je me borne à donner les figures des formes mâles et femelles choisies' parmi les plus remarquables [fig. 16 à 20). Les femelles portent ordinairement, sous forme de petites projections ou tuber- cules, les rudiments des cornes des mâles, mais certaines femelles n'en présentent aucune trace. D'autre part, les cornes ont acquis un développement presque aussi complet chez la femelle du P/ta- nxus lanàfer que chez le mâle; elles sont un peu moins dévelop- pées chez les femelles de quelques autres espèces du même genre et chez les Copi'is. M. Bâtes affirme que, dans les diverses subdivi- • 63. Le Pyrodes pulc.herrimus, espèce chez laquelle les sexes diffèrent notable- ment, a été décrit par M. Bâtes dans Transad. Eut. Soc, 1869, p. 50. Je cite- rai les quelques autres cas que je connais d'une différence de coloration ciiez les coléoptères mâles et femelles. Kirby et Spence (Introd., etc., vol. III, p. 301) mentionnent une Cantharis, le Meloe , le Rhngium, et le Lcptura testacea; le mâle de ce dernier est couleur brique à thorax noir, la femelle tout entière d'un rouge pâle. Ces deux coléoptères appartiennent à la famille des Longicornes. MM. R. Trimen et Waterhouse jeune me signalent deux Lamellicornes, un Pe- rilrichin et un Trichius, chez ce dernier, le mâle est plus foncé que la femelle. Le Tillus elongatus mâle est noir, et la femelle est, croii-on, toujours bleu foncé avec thorax rouge. L'Orsodacna atra maie est noir, d'après M. Walsh, la fe- melle [0. ruficclUs) a le thorax roux. [Chap. X]. COI.KOPTKRES. 325 sions de la famille, les dlIFérences de conformation des cornes ne concordent pas avec les antres di(T«'>rencos pins caractéristiqnos et plus importantes; ainsi, dans nn même ^M-oiipe du genre Oiilhopha- (JUS, certaines espèces ont une seule corne, tandis que d'autres ont deux cornes distinctes. Dans presque tous les cas, on constate une excessive variabilité M}.', ir.. - Clialco.inma atlas. Fif^iiri- siiixir.. iiiàlo (rédiiito) : fiffuro infér., femelle (K'"ai)ror. Kniom. Snr. of Phiindelphin, ISfii. p. 228. 326 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. avoir enfin découvert une espèce chez laquelle les cornes ne va- rient pas; mais des recherches ultérieures lui ont fait reconnaître le contraire. La grandeur extraordinaire des cornes, et la différence notable de leur conformation chez des formes très-voisines, indiquent qu'elles doivent jouer un rôle important; mais leur variabilité excessive chez les mules d'une même espèce permet de conclure que ce rôle Fig. 18. — Phanseus faitnus. Fig.|19. — Dipeliciis caiitoi'i. Fig. 20. — Onthophagus rangifer (grossi). ne doit pas avoir une nature définie. Les cornes ne présentent au- cune trace de frottement; elles ne servent donc pas à exécuter un travail habituel. Quelques savants supposent *^ que les mâles, beaucoup plus vagabonds que les femelles, ont besoin de cornes pour se défendre contre leurs ennemis; mais, dans bien des cas, les cornes ne paraissent nullement propres à cet usage, car elles ne sont point tranchantes. La supposition la plus naturelle est qu'elles servent aux mâles dans leurs combats; mais on n'a jamais 65. Kirby et Spence, o. c, vol. III, p. 300. [Chap. XI. COLÉOPTÈRES. 327 observé un seul de ces combats, el, après avoir examiné attentive- ment lie nombreuses espèces, M. Bâtes n'a pu découvrir ni muti- lations ni fractures témoii,Miant que ces organes ont servi à un pa- reil usage. Si les mâles avaient l'habitude de lutter les uns avec les autres, la sélection sexuelle aurait probablement augmenté leur taille, qui aurait alors dépassé celle de la femelle; or M. Baies, après avoir comparé les mâles et les femelles de plus de cent es- pèces de Coprides, n'a pas constaté de (liU'érence marquée, sous ce rapport, chez les individus bien développés. D'ailleurs, chez le Lrt/iriis qui appartient à la mî\me grande divi- sion des Lamellicornes, les mâles se livrent de fréquents combats; or, le Lethrus mâle n'est pas armé de cornes, bien qu'il ait des mâchoires beaucoup plus grandes que celles de la femelle. La supposition que les cornes ont été acquises à litre de simples ornements est celle qui con- corde le mieux avec le fait que ces ai)pendices ont pris de vastes proportions sans se dévelop- v\g.i\.~Omtiifurcifer ,, ., „ o ., ,, , , mùlo, vu on dessous. per d une manière fixe, — fait que démontrent leur variabilité extrême chez une même espèce, et leur diversité chez des espèces très-voisines. Cette hypothèse peut , au premier abord, paraître très-invraisemblable; mais nous aurons plus loin l'occasion de constater que, chez beaucoup d'animaux placés à un rang bien plus élevé sur l'échelle, c'est-à-dire chez les poissons, chez les amphibies, chez les reptiles et chez les oiseaux, diverses sortes d'aigrettes, de protubérances, de cornes et de crêtes, ne doi- vent apparemment leur développement qu'à cette seule influence. Les Onit'is fitrrifer mâles {fisquels la coi'ne thoracique est beaucoup plus courte, tandis que les protubérances situées sur la tète sont très-longues ". » C'est évidemment là un exemple de compensation de croissance, qui jette un grand jour sur la disparition des cornes supérieures chez les Oiu'tis furcifcr mâles. Lui (lu nnnhnt. — Certains coléoptères mâles paraissent mal adap- tés pour la lutte; ils ne s'en battent pas moins avec leurs sembla- bles pour s'emparer des femelles. M. Wallace '" a vu deux Leptn- rlnjnchus nnynslalus mâles, une espèce de coléoplère linéaire, à trompe très-allongée, « combattre pour la possession d'une femelle qui se tenait dans le voisinage occupée à creuser un trou. Empor- tés par la colère, ils se poussaient l'un l'autre, se saisissaient par la trcunpe et se portaient des coups terribles. Bientôt, le mâle le plus petit abandonna le champ de bataille et, prenant la fuite, s'avoua vaincu. » Parfois aussi les mâles sont bien conformés pour la lutte, armés qu'ils sont de grosses mandibules dentelées, beaucoup plus fortes que celles des femelles. .Nous pouvons citer, par exemple, le cerf-volant {Lurauus cerviis) commun; les mâles sortent de la chry- salide une semaint' environ avant les femelles, de sorte que plusieurs mâles se mettent souvent à la poursuite d'une même femelle. Ils se livrent alors dt; terribles combats. M. A. II. Davis *' enferma un jour dans une boîte deux mâles avec une seule femelle; le plus grand mâle s(; précipita immédiatiunent sur le plus petit, et le pinça for- tement jusqu'à ce qu'il eût renoncé à toutes prétentions. Un de mes amis, lorsqu'il était jeune, réunissait souvent des mâles pour les voir combattre; il avait remarqué alors combien ils étaient 67. Moi/. Clnss, etc., vol. I, |). 172. On trouve sur la même page une descrip- tion du Si/if/onium. J'ai remarqué au Hritish Muséum un Siaf/nnium maie dans un état intermédiaire; le dimorphisme n'est donc pas absolu. (>8. Thr Mn/fii/ Arrhiprlnrjo, vol. II, IStiO, p. 27(). Ililey, s'ixt/t licport on In.iedx nf Missouri, 1874. p. 11.*). r»î». Entnmnlog. Mfif/aziiiP. \(>\. I. IS.i.'l, p. 82. Voir, sur des luttes de cette nature, Kirhy et Spence, n. c, vol. III, p. .Tl i. et Westwood. „. r.. vol. I. p. 187. 330 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. plus hardis et plus féroces que les femelles, ce qui, comme on sait, est le cas chez les animaux supérieurs. Les mâles, s'ils pou- vaient y parvenir, se saisissaient de son doigt, au lieu que les femelles ne cherchaient pas aie faire, bien qu'elles aient de plus grandes mâchoires. Chez beaucoup de Lucanes, comme chez le Lepiorhyncims dont nous venons de parler, les mâles sont plus grands et plus forts que les femelles. Le mâle et la femelle du Le- thrus cephaloles (Lamellicornes) habitent le même trou ; le mâle a les mandibules plus grandes que celles de la femelle. Si, pen- dant la saison des amours, un étranger cher- che à pénétrer dans le logis, le mâle l'atta- que immédiatement; la femelle ne reste pas inactive; elle ferme l'ouverture du réduit, et encourage le mâle en le poussant conti- nuellement par derrière. Le combat ne cesse que lorsque l'agresseur est tué ou s'éloi- gne '"^. Les Ateuc/nis cicalincosus, un autre Lamellicorne, mâles et femelles, s'apparient et paraissent être fort attachés l'un à l'autre ; le mâle oblige la femelle à rouler les bou- lettes de fumier dans lesquelles elle dépose ses œufs; si on lui enlève la femelle, il court de tous côtés en donnant les signes de la plus vive agitation; si on enlève le mâle, la femelle cesse tout travail, et, d'après M. Brûlerie "", reste immobile jusqu'à ce qu'elle meure. Les dimensions et la structure des grandes j ' ? mandibules des Lucanes mâles varient beau- v\'^.2i.-Chiasounatkusyrcm- t'0"P; SOUS cc rapport, cUcs ressemblent tu, réduit. f^^x comos qui surmontent la tète et le tho- 1- i^ure supérieme, mâle ; fl- ^^^ ^|g i^eaucouD do Lamcllicomes et de {. 200. M. Wallaco, sur le Diadema {Trans. Entom. Soc. of London, 1869, p. 278). 340 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. des couleurs presque aussi brillantes que celles des mâles. Les mâles de ces deux espèces semblent donc avoir transmis leurs vives couleurs aux femelles; le mâle de la dixième espèce , au con- traire, a conservé ou repris la coloration simple de la femelle et de la forme souche du genre ; dans ces trois derniers cas , les mâ- les et les femelles en sont arrivés à se ressembler tout en suivant une voie différente pour atteindre cette ressemblance. Dans un genre voisin, Eubagis, les mâles et les femelles de quelques espè- ces affectent des couleurs simples et se ressemblent beaucoup ; toutefois , dans le plus grand nombre des espèces de ce genre , les mâles revêtent des teintes métalliques éclatantes très-diverses, et diffèrent beaucoup des femelles. Ces dernières conservent dans tout le genre le même type général de coloration , aussi se ressem- blent-elles ordinairement plus qu'elles ne ressemblent à leurs pro- pres mâles. I Dans le genre Papilio , toutes les espèces du groupe ^neas, re- \ marquables par leurs couleurs brillantes et fortement contrastées, jffrent un exemple de la fréquente tendance à une gradation dans l'étendue des différences entre les sexes. Chez quelques espèces, chez le P. ascanius, par exemple, les mâles et les femelles se res- semblent; chez d'autres espèces, les mâles sont tantôt un peu plus vivement colorés, tantôt infiniment plus éclatants que les femelles. Le genre Jununia, voisin des Vanesses, offre un cas parallèle, car, bien que, dans la plupart des espèces de ce genre, les mâles et les femelles se ressemblent et soient dépourvus de riches couleurs, on remarque quelques espèces, le J. œnone, par exemple, où le mâle est un peu plus vivement coloré que la femelle , et d'autres (le J. andremiaja, par exemple) où il ressemble si peu à la femelle qu'on pourrait le classer dans une espèce entièrement différente. M. A. Butler m'a signalé au British Muséum un autre exemple frappant. Les mâles et les femelles d'une espèce de Theclx de l'Amérique tropicale se ressemblent presque complètement et af- fectent une étonnante beauté ; mais, chez une autre espèce, dont le mâle affecte des couleurs aussi éclatantes, la femelle a tout le des- sus du corps d'un brun sombre uniforme. Nos petits papillons indi- gènes bleus, appartenant au genre Lycxna, nous offrent, sur les diversités de colorations entre les sexes, des exemples presque aussi parfaits quoique moins extraordinaires. Les mâles et les femelles du Lycxna ageslis ont les ailes brunes , bordées de petites taches ocellées de couleur orange ; ils se ressemblent donc Le L. xgon mâle a les ailes d'un beau bleu, bordées de noir, tandis que les ailes de la femelle sont brunes avec une bor- rCHAP. XI]. PAPILLONS ET PHALENES. 341 dure semblable, et ressemblent beaucoup à celles du L. agestis. En- fin, les L. arion mâles et femelles sont bleus et se ressemblent beaucoup; les bords des ailes sont toutefois un peu plus sombres chez la femelle, et les taches noires sont plus nettes : chez une espèce indienne qui affecte une coloration bleu brillant, les mâles et les femelles se ressemblent encore davantage. Je suis entré dans ces quelques détails afin de prouver, en premier lieu, que, chez les papillons, lorsque les mâles et les femelles ne se ressemblent pas, le mâle est, en règle générale, le plus beau et s'écarte le plus du type ordinaire de la coloration du groupe au- quel l'espèce appartient. Il en résulte que, dans la plupart des groupes, les femelles des diverses espèces se ressemblent beaucoup plus que ne le font les mâles. Toutefois, dans quelques cas excep- tionnels, sur lesquels nous aurons à revenir, les femelles affectent des couleurs encore plus brillantes que ne le sont celles deo mâles. En second lieu, les exemples que nous avons cités prouvent que, dans un même genre, on peut souvent observer, entre les mâles et les femelles, toute une série de gradations depuis une identité presque absolue de coloration jusqu'à une difîérence assez pro- noncée pour que, pendant longtemps, les entomologistes aient classé le mâle et la femelle dans des genres différents. En troisième lieu, il résulte des faits que nous avons cités que, lorsque le mâle et la femelle se ressemblent beaucoup, cela peut provenir de ce que le mâle a transmis ses couleurs à la femelle , ou de ce qu'il a conservé ou peut-être recouvré les couleurs primitives du genre auquel l'espèce appartient. II faut aussi remarquer que, dans les groupes où les sexes offrent une certaine différence de coloration, les femelles, jusqu'à un certain point, ressemblent ordinairement aux mâles, Ac sorte que lorsque ceux-ci atteignent à un degré extraordinaire de splendeur, les femelles présentent presque inva- riablement aussi un certain degré de beauté. Nous avons vu qu'il existe d«' nombreux cas de gradation dans l'étendue des différen- ces observées entre les mâles et les femelles; nous avons aussi fait remarquer qu'un même type général de coloration domine dans l'ensemble d'un même groupe ; ces deux faits nous permettent de conclure que les causes, quelles qu'elles puissent être, qui ont déterminé chez quelques espèces la brillante coloration du mâle seul, et celle des mâles et des femelles à un degré plus ou moins égal chez d'autres espèces, ont été généralement les mêmes. Les régions tropicales abondent en splendides papillons, aussi a-l-on souvent supposé que ces insectes doivent leur coloration à la 842 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partik]. température élevée et à l'humidité; mais M. Bâtes ' a comparé divers groupes d'insectes voisins, provenant des régions tem- pérées et des régions tropicales, et a prouvé qu'on ne pouvait admettre cette hypothèse. Ces preuves, d'ailleurs, deviennent con- cluantes quand on voit les mâles aux couleurs brillantes et les femelles si simples appartenant à une même espèce, habiter la même région, se nourrir des mêmes aliments, et avoir exactement les mêmes habitudes. Quand le mâle et la femelle se ressemblent, il est même bien difficile de supposer que des couleurs si brillantes , si élégamment disposées, ne soient qu'un résultat inutile de la na- ture des tissus et de l'action des conditions ambiantes. Quand, chez les animaux de toutes espèces, la coloration a subi des modifications dans un but spécial , ces modifications , autant que nous en pouvons juger, ont eu pour objet, soit la protection des individus, soit l'attraction entre les individus de sexe op- posé. Les surfaces supérieures des ailes des papillons de beaucoup d'espèces affectent des couleurs sombres, qui, selon toute probabilité, leur permettent d'éviter l'observation et, en conséquence, d'échapper au danger. Mais c'est pendant le repos que les papillons sont le plus exposés aux attaques de leurs enne- mis, et la plupart des espèces, dans cet état, redressent leurs ailes verticalement sur le dos; les surfaces inférieures des ailes sont alors seules visibles. Aussi ces dernières, dans beaucoup de cas, sont-elles évidemment colorées de manière à imiter les nuances des surfaces sur lesquelles ces insectes se posent habituellement. Le docteur Rossler est, je crois, le premier qui ait remarqué combien les ailes fermées de quelques Vanesses et d'autres papillons res- semblent àl'écorce des arbres. On pourrait citer une grande quan- tité de faits analogues très-remarqiiables. M. Wallace '' notamment a cité un cas très-intéressant; il a trait à un papillon commun dans l'Inde et à Sumatra [Kallima), qui disparaît comme par magie dès qu'il se pose sur un buisson; il cache, en effet, sa tête et ses an- tennes entre ses ailes fermées, et, dans cette position, la forme, la coloration et les dessins dont sont ornées les ailes de ces papillons ne permettent pas de les distinguer d'une feuille flétrie et de sa tige. Dans quelques autres cas, les surfaces inférieures des ailes revêtues de brillantes couleurs n'en constituent pas moins un moyen de protection ; ainsi, chez le Theclarubi, les ailes closes sont couleur vert émeraude, ressemblant à celle des jeunes feuilles de 6. The Naturalist on the Amazons, vol. I, 1863, p. 19. 7. Westminster Review, juillet 1867 p. 10. M. Wallace a donné une figure du Kallima dans Hardwicke Science Gossip, 1867, p. 196. IChap. XI]. PAPILLONS ET PHALKNES. 343 la ronce sur laquelle le papillon se pose le plus souvent au prin- temps. Il est aussi très-romarquablo que chez beaucoup d'espèces, dont les milles et les femelles afToclent des colorations très-diiïé- rentes à la surface supérieure des ailes, la surface inférieure soit absolument identique chez les deux se.Tes dès que la coloration de celte surface sert de moyen do protection *, Bien que les nuances obscures des surfaces supérieures ou infé- rieures des ailes de beaucoup de papillons servent, sans aucun doute, à les dissimujer, nous ne pouvons cependant pas étendre celte hypothèse aux couleurs brillantes et éclatantes de nombreuses espèces, telles que plusieurs de nos Vanesses, nos papillons blancs des choux {Pieris) ou le grand Papilio à queue d'hirondelle, qui voltige dans les marais découverts, car ces brillantes couleurs ren- dent tous ces papillons visibles à tous les êtres vivants. Chez ces es- pèces, le mâle et la femelle se ressemblent ; mais, chez le Gonepteryx rhamni, le mâle est jaune intense, et la femelle jaune beaucoup plus pi\le; chez VAiit/iocharis cardmm'ncs , les mâles seuls ont la pointe des ailes colorée en orange vif. Dans ces cas, mâles et femelles sont également voyants, et on no peut admettre qu'il y ait le moindre rapport entre leurs différences de coloration et une pro- tection quelconque. Le professeur Weismann * fait remarquer qu'une Lycrnn femelle étend ses ailes brunes quand elle se pose sur le sol et qu'elle devient alors presque invisible; le mâle, au contraire, redresse ses ailes quand il se pose, comme s'il compre- nait le danger que lui fait courir la brillante coloration bleue qui les recouvre; ceci prouve, en outre, que la couleur bleue ne peut servir comme moyen de protection. Il est probable, toutefois, que les couleurs éclatantes de beaucoup d'espèces constituent pour ellos un avantage indirect, en ce que leurs ennemis comprennent do suite que ces insectes ne sont pas bons à manger. Certaines espèces, en effet, ont acquis leur beauté en imitant d'autres belles espèces qui habitent la même localité et jouissent d'une certaine immunité, parce que d'une façon ou de l'autre, elles sont désagréables à leurs ennemis; il n'en reste pas moins à expliquer la beauté des espèces qui servent de type. La femelle de notre papillon Aurore, dont nous avons déjà parle, et celle d'une espèce américaine (Anth. genutia) nous indiquent probablement, ainsi que M. Walsh me l'a fait remarquer, quelle était la coloration primitive des espèces souches du genre ; en elfet, 8. M. G. Fraspr, Nature, avril 1871, p. 489. 9. Einfluss der Isolirung aiifdie ArVAldung, 1872, p. 58. 344 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. les mâles et les femelles de quatre ou cinq espèces très-répandues ont une coloration à peu près semblable. Nous pouvons donc, comme dans plusieurs cas antérieurs, supposer que ce sont les mâles de VAnth. cardam'mes et de VAnth. gemttia qui se sont écartés de la coloration ordinaire du genre dont ils font partie. Chezl'AnM. sara de Californie, les extrémités orangées des ailes se sont en partie développées chez la femelle: cette pointe, en effet, est rouge orangé , plus pâle que chez le mâle , et un peu différente sous d'autres rapports. Chez VIphias glauc/ppe, forme indienne voisine, les extrémités des ailes des mâles et des femelles sont également de couleur orange. M. A. Butler m'a fait remarquer que la surface inférieure des ailes de cet Iphi'as ressemble étonnam- ment à une feuille de couleur claire; chez notre espèce anglaise à pointes orangées, la surface inférieure des ailes ressemble à la fleur du persil sauvage, sur lequel cette espèce se pose pendant la nuit '**. Les raisons qui nous portent à croire que les surfaces in- férieures ont été ici colorées dans un but de protection, nous empê- chent d'admettre que les ailes ont revêtu des taches rouge orangé brillant dans le même but, surtout quand le mâle seul revêt ce caractère. La plupart des phalènes restent immobiles, les ailes déployées, pendant la plus grande partie ou même pendant toute la durée du jour; la surface supérieure des ailes est souvent nuancée et ombrée de la manière la plus extraordinaire pour que ces insectes, ainsi que le fait remarquer M. Wallace, échappent à l'attention de leurs ennemis. Chez la plupart des Bombycidés et des Noctuidés ", au repos, les ailes antérieures recouvrent et cachent les ailes posté- rieures ; ces dernières pourraient donc être brillamment colorées sans beaucoup d'inconvénients; c'est, du reste, ce que l'on remar- que chez beaucoup d'espèces des deux familles. Pendant le vol, les phalènes peuvent plus facilement échapper à leurs ennemis ; néan- moins, les ailes postérieures sont alors découvertes et leurs vives couleurs n'ont dû être acquises qu'au prix de quelques risques. Mais voici un fait qui prouve avec quelle prudence on doit accepter des conclusions de ce genre. Le Tr'iphgena commun à ailes infé- rieures jaunes prend souvent ses ébats dans la soirée ou même pendant le jour; la couleur claire de ses ailes postérieures le rend alors très-apparent. Il semblerait qu'il y ait là une source de dan- 10. Voir les intéressantes observations de M. T.-W Wood {The Student , sept. 1868, p. 81.) 11. M. Wallace, dans Hardwicke, etc., sept. 1867, p. 193. [Chap. Xr. PAPILLONS ET PHALKNES. 345 ger; M. Jenner Weir croit, au contraire, que cette disposition est un moyen efficace qui leur permet d'échapper au danger; les oiseaux, en elTet, piquent ces surfaces mobiles et brillantes au lieu de saisir le corps de l'insecte, M. Weir, pour s'en assurer, intro- duisit dans une volière un vigoureux Triphœnn pronuba, qui fut aussitôt pourchassé par un rouge-gorge; mais l'attention de l'oiseau se porta sur les ailes brillantes de l'insecte et l'oiseau ne parvint à le capturer qu'après une cinquantaine de tentatives inu- tiles; il n'avait réussi jusque-là qu'à arracher successivement des fragments des ailes. Il renouvela la même expérience en plein air avec un 7'. /imbrin et une hirondelle; mais il est probable que, dans ce cas, la grosseur de la phalène a contribué à en faciliter la cap- ture '^ Os expériences nous rappellent un fait constaté par M. Wallace "; le savant naturaliste a remarqué que, dans les forêts du Brésil et des îles de la Malaisie, un grand nombre de papillons communs et richement ornés ont un vol très-lent, malgré la gran- deur démesurée de leurs ailes; souvent, ajoute-t-il, « les ailes des papillons sont trouées et déchirées , comme s'ils avaient été saisis par des oiseaux auxquels ils ont pu échapper; si les ailes avaient été plus petites relativement au corps, il est probable que l'insecte aurait été plus fréquemment frappé dans une partie vitale ; l'augmen- tation de la surface des ailes constitue donc indirectement une con- dition avantageuse. » Etalage. — Les Ijrillantes couleurs des papillons et de quelques phalènes sont tout spécialement dispesées pour que l'insecte puisse en faire montn?. Les couleurs brillantes ne sont pas visibles la nuit; or il n'est pas douteux que, prises dans leur ensemble, les phalènes sont bien moins ornées que les papillons qui sont tous diurnes. Toutefois les membres de certaines familles, telles que les Zygfpnides, divers Sphingides, les l'ranides, quelques Arctiides et quelques Saturnides, voltigent pendant le jour ou le soir au crépuscule , et presque toutes ces espèces revêtent des couleurs beaucoup plus brillantes que les espèces rigoureusement noctur- nes. On connaît cependant quelques espèces à couleurs éclatantes '^ qui appartiennent à cette catégorie nocturne, mais ce sont là des cas exceptionnels. 12. M. W.'ir. Trnusnrt. Eut. Soc, i8G9. p. 23. 13. W'flslmintcr Heuirw, juillet 18G7, p. IG. 11. I^ l.ithosia, par exeni|ile; mais le professeur Westwood (Moilern C/ns.t., etc., vol. II, p. 390) parait surpris du cas. Sur les couleurs relatives des Lépi- doptères diurnes et nocturnes, voir ibid., p. 333 et .392, et Harris, Trpali.se on (he Insech of New England, 1842, p. 315. 346 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. Nous avons d'autres preuves à l'appui. Ainsi que nous l'avons fait remarquer, les papillons au repos portent les ailes relevées; mais, pendant qu'ils se chauffent au soleil, ils les abaissent et les redressent alternativement, et exposent ainsi les deux surfaces aux regards ; bien que la surface inférieure soit souvent teintée de cou- leurs sombres, comme moyen de protection, elle est, chez beau- coup d'espèces , aussi richement colorée que la surface supérieure, et parfois d'une manière toute différente. Chez quelques espèces tropicales , la surface inférieure des ailes est parfois plus brillante que la surface supérieure ". Chez VA7'gynm's aglaia, la surface in- férieure est seule décorée de disques argentés brillants. Toutefois, en règle générale , la surface supérieure de l'aile , qui est proba- blement la plus complètement exposée et la plus en évidence, affecte des couleurs plus éclatantes et plus variées que la surface inférieure. C'est donc cette dernière qui fournit d'ordinaire aux entomologistes le caractère le plus utile pour découvrir les affinités des diverses espèces. Fritz Millier m'apprend que trois espèces de Castnia fréquentent les environs de la maison qu'il habite dans le sud du Brésil ; chez deux de ces espèces les ailes postérieures af- fectent des couleurs sombres et sont toujours recouvertes par les ailes antérieures, quand le papillon est au repos; chez la troisième espèce, au contraire, les ailes postérieures noires sont admirable- ment tachetées de blanc et de rouge, et le papillon au repos a tou- jours soin de les étaler. Je pourrais citer d'autres cas analogues. Or, si on envisage l'immense groupe des phalènes, qui d'après M. Stainton n'exposent pas ordinairement au regard la surface inférieure de leurs ailes, il est très-rare que cette surface soit plus brillamment colorée que la surface supérieure. On peut cependant signaler quelques exceptions réelles ou apparentes à cette règle : VHypopyra, par exemple '*. M. R. Trimen m'apprend que M. Gue- née, dans son magnifique ouvrage, a représenté trois phalènes chez lesquelles la surface inférieure des ailes est de beaucoup la plus brillante. Chez le Gaslrophora australien, notamment, la surface supérieure de l'aile antérieure affecte une teinte gris ochreux pâle, tandis que la surface inférieure est ornée d'un magnifique ocelle bleu cobalt, situé au centre d'une tache noire, entourée de jaune orangé, et ensuite de blanc bleuâtre. Mais on ne connaît pas les 15. On peut voir des différences de ce genre entre la surface supérieure et la surface inférieure des ailes de plusieurs espèces de papillons dans les belles planches de M. Wallace, sur les Papilionides de l'archipel Malais, dans Tram. Lin. Soc., vol. XXV, part. I, i865. 16. Proc. Erit. Soc., mars 1868. [Chap. XI]. PAPILLONS ET PHALÈNES. 347 habitudes de ces trois phalènes, nous ne pouvons par conséquent entrer dans aucune explication sur leur coloration extraordinaire. M. Trimen me fait aussi remarquer que la surface inférieure des ailes, chez certaines autres Géométrides " et chez certaines Noctuées quadrifides, est plus variée et plus brillante que la surface supé- rieure; mais quelques-unes do ces espèces ont l'habitude de « re- dresser complètement leurs ailes sur le dos, et de les tenir long- temps dans cette position » ; elles exposent donc ainsi la surface inférieure aux regards. D'autres espèces ont l'habitude de soulever légèrement leurs ailes de temps à autre quand elles reposent sur le sol ou sur l'herbe. La vive coloration de la surface inférieure des ailes de certaines phalènes n'est donc pas une circonstance aussi anormale qu'elle le paraît tout d'abord. Les Saturnides comptent quelques phalènes admirables, dont les ailes sont décorées d'élé- gants ocelles; M. F". W. Wood •' fait observer que quelques-uns des mouvements de ces phalènes se rapprochent de ceux des pa- pillons; « par exemple, le léger mouvement d'oscillation de haut en bas qu'elles impriment à leurs ailes, comme pour les étaler, mouvement qu'on observe plus souvent chez les lépidoptères diur- nes que chez les lépidoptères nocturnes. » Il est singulier que, contrairement à ce qui se présente si fré- quemment chez les papillons revêtus de vives couleurs, la colora- lion des milles et des femelles soit identique chez nos phalènes indi- gènes et, autant que je puis le savoir, chez presque toutes les espèces étrangères pourvues de vives couleurs. Toutefois on assure que, chez une phalène américaine, le Sntio'nia lo, le mule a les ailes antérieures jaune foncé , tacheté de rouge pourpre, tandis que les ailes de la femelle sont brun pourpre rayé de lignes grises ". En Angleterre, les phalènes qui diffèrent de couleur suivant le sexe sont toutes brunes ou offrent diverses nuances jaune paie et même presque blanches. Chez plusieurs espèces, appartenant à des grou- pes qui généralement prennent leur vol dans l'après-midi, les mâles sont plus foncés que les femelles *". D'autre part, M. Stainton as- 17. Sur le genre Erateina (Géomètre) de l'Amérique du Sud, Transact. Eut. Soc, nouv. série, vol. V, pi. XV et XVI. 18. Pi-oc. Ent. Soc. of Ijuidon, fi juillet 1868, p. xxvii. 19. Harris, Treatise, etc., édité par Flint, 1862, p. 3fl5. 20. Je remarque, par exemple, dans la collection de mon fils que les mâles sont plus foncés que les femelles chez les Lasiocampa quercus, les Ochnrstis potntoria, les Hypofji/mna dispar, les Dosi/chira pudihundn, et les Cycnia men- dica. Chez cette dernière espèce, la différence de coloration entre les mâles et les femelles esi fortement tranchée, et M. "W'allace m'informe qu'il y a là, à son avis, un cas d'imitation protectrice circonscrite à un sexe, comme nous l'expli- querons complètement plus tard. La femelle Manche ,. <:, I, ^.. 2G1 et 26G). 24 370 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. chez le mâle et la femelle; mais l'allongement extraordinaire, chez le mule {fig. 29), do la nageoire dorsale, constitue évidemment la diirérence la plus caractéristique. M. W. Saville Kent, qui a étu- dié ces poissons en captivité, fait au sujet de cette nageoire les remarques suivantes : « Ce singulier appendice semble jouer le même rôle que les caroncides , les crêtes et les autres parties anor- males des gallinacés mâles , c'est-à-dire qu'il sert uniquement à fasciner la femelle '*. » La conformation et la coloration des jeunes mâles sont absolument identiques à celles des femelles adultes. Fig. 29. — CalUonymus lyra; figure supérieure, mâle; figure inférieure, femelle. N. B. — La figure inférieure est plus réduite que la figure supérieure. Dans le genre CalUonymus '* tout entier , le mâle est en général plus brillamment tacheté que la femelle, et, chez plusieurs espèces, non-seulement la nageoire dorsale , mais aussi la nageoire anale prennent un développement excessif chez le mâle. Le Collus scoi'pius, ou scorpion de mer mâle, est plus élancé et plus petit que la femelle. La couleur diffère beaucoup aussi selon le sexe. Il est difficile, comme le fait remarquer M. Lloyd *' , « à 13. Nature, juillet 1873, p. 264, 14. Docteur GUnther, Catalogue of Acanth. Fishes in Brit. Mtcseiim, 1861, p. 538-151. 1.%. Game Hinls of Sweden, etc. 1867, j). 466, . [Chap. XII]. POISSONS. 311 quiconque n'a pas vu à l'époque du frai, alors qu'il revêt ses teintes les plus éclatantes, ce poisson d'ordinaire si mal partagé, de se figurer le mélange de couleurs brillantes qui le transforment entièrement ». Les /MÔrus mixlus, mâles et femelles, sont splen- dides, bien que la coloration diiïère considérablement selon le sexe; le mâle est orangé rayé de bleu clair; la femelle rouge vif kvec quelques taches noires sur le dos. Dans la famille très-distincte des Cyprinodontes — habitant les eau.\ douces des pays e.xotiques, — les caractères du mâle et de la femelle diffèrent quelquefois beaucoup. Le Mollienesia petenensis ^* mâle a la nageoire dorsale très-développée et marquée d'une ran- Kig. 30. — Xiphophorua Beïlerii; figure sup., laâle ; figure infér., femelle. gée de grandes taches arrondies, ocellées et brillamment colorées; chez la femelle, au contraire, cette même nageoire, plus petite, af- fecte une forme différente, et porte seulement des taches brunes irrégulièrement recourbées. Chez le mâle , le bord foncé de la base de la nageoire anale fait un peu saillie. Chez le mâle d'une forme voisine, le Xiphophonis Helleru {fig, 30), le bord inférieur de la nageoire anale se développe en un long filament qui, à ce qu'as- sure le docteur Gunlher, est rayé de vives couleurs. Ce fila- ment ne contient pas de muscles et ne parait avoir aucune utilité directe pour le poisson. La coloration et la structure des jeunes IG. Je iloia mes renseignements sur ces espèces au docteur Gttnther; voir aussi son travail sur les i)oisson8 de l'Amérique centrale, dans Trans. Zool. Soc, vol. VI, 1868, p. 485. 372 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. mâles ressemblent en tous points à celles des femelles adultes ; nous avons déjà fait remarquer qu'on observe le même fait dans le genre Callionymus. On peut rigoureusement comparer les diffé- rences sexuelles de ce genre à celles qui se présentent si fréquem- ment chez les Gallinacés ". Le Plecostomus barbatus ** {fîg. 31), mâle, poisson siluroïde habi- tant les eaux douces de l'Amérique méridionale, a la bouche et l'inter-operculum frangés d'une barbe de poils roides, dont la fe- melle est presque complètement dépourvue. Ces poils ont une nature écailleuse. Chez une autre espèce du même genre , des tentacules mous et flexibles s'élèvent sur la partie frontale de la tête chez le mâle, et ne se trouvent pas chez la femelle. Ces tenta- cules, simples prolongements de la peau même , ne sont donc pas homologues aux poils rigides de l'espèce précédente; on ne peut guère douter cependant que leur usage, dont il est difficile de con- jecturer la nature , ne soit d'ailleurs le même chez les deux espèces. Il n'est guère probable que ces appendices constituent un orne- ment; d'un autre côté, nous ne pouvons supposer que des poils rigides et des filaments flexibles puissent être utiles aux mâles seuls dans les conditions ordinaires de l'existence. Le ChimaTa monstrosa, monstre absolument étrange, porte au sommet de la tête un os crochu dirigé en avant, et dont l'extrémité arrondie est couverte de piquants acérés ; on ignore absolument quel usage le mâle peut faire de cette couronne « qui fait défaut chez la femelle *®». Les conformations dont nous venons déparier existent à l'état per- manent chez le mâle devenu adulte; mais, chez certains Blennies et dans un autre genre voisin ^", une crête se développe sur la tête du mâle seulement pendant la saison du frai; en même temps le - mâle revêt de plus vives couleurs. Cette crête constitue évidem- ment un ornement sexuel temporaire, car la femelle n'en offre pas la moindre trace. Chez d'autres espèces du même genre, les deux sexes possèdent une crête; mais il est au moins une espèce oîi elle ne se trouve ni chez le mâle ni chez la femelle. Le professeur Agassiz affirme que beaucoup de Chromides mâles, le Geop/iagus mâle, par exemple, et surtout le 6'ÀcA/a -', ont une protubérance très-apparente sur le devant de la tête, protubérance qui n'existe 17. Docteur Oùnther, Cat. of Brit. Fishes, etc., vol. III, 18G1, p. 141. 18. Docteur GUnther, Proc. of Zuol. Soc, 1868, j). 232. 19. F. Buckland, Land and Witter, 1868, p. 377, avec ligure. Nous pourrions citer une foule d'autres exemples de conformations particulières aux mâles dont l'usage est inconnu. 20. Docteur GUnther, Catalogue, etc., vol. III, p. 221 et 240. 21. Prof, and Mme Agassiz, Journey in Bmzit, 1868, p. 220. [Chap. XII]. POISSONS. 373 ni chez les femelles ni chez les jeunes mules. M. Agassiz ajoute : « J'ai souvent observé ces poissons pendant la saison du frai , alors Kijr. 31. — PU-conlmnu.% linrbnlu.t; figure sup., tète de mftle; figure iiif., s ont acquis, par sélection sexuelle, leurs vives couleurs et leurs ornements; ces caractèjx'S 43. Bell, Hisl. of Brit. Heptile», 2» édit., 1840. i>, l.iG-laî». IV. VioW , ihi,l., p. 110. 1.51. 384 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile p,^RTIEJ. ont ensuite été transmis soit à la descendance mâle seule, soit aux deux sexes. A)U)U7-cs ou Jialraciens. — Les couleurs servent évidemment de moyen de protection à bien des grenouilles et à bien des crapauds, les teintes vertes si vives des rainettes, et les nuances pommelées de plusieurs espèces terrestres, par exemple. Le crapaud le plus remarquablement coloré que j'aie jamais vu, le Phryniscus nigi'icans ", a toute la surface supérieure du corps noire comme de l'encre, avec le dessous des pieds et certaines parties de l'abdomen tachetés du plus brillant vermillon. On le rencontre ordinairement dans les plaines sablonneuses ou dans les immenses prairies de la Plata, exposé au soleil le plus ardent; il ne saurait donc manquer d'attirer les regards. Ces couleurs peuvent lui être utiles en ce que les oiseaux de proie reconnaissent en lui une nourriture nauséabonde. On trouve au Nicaragua une petite grenouille rouge et bleue ad- mirable ; elle ne cherche pas à se cacher comme les autres espèces, mais sautille tout le jour sans avoir l'air de redouter aucun en- nemi. Dès que M. Belt ** eut constaté ces habitudes, il en conclut qu'elle ne devait pas être bonne à manger. En effet, après bien des essais, il parvint à en faire avaler une à un jeune canard ; mais celui-ci la rejeta immédiatement, et continua pendant longtemps à secouer la tête et à se gratter le bec comme s'il voulait se débar- rasser d'un goût désagréable. Les grenouilles et les crapauds, d'après le docteur Giinther, ne présentent aucun cas frappant de coloration sexuelle; cependant on peut souvent distinguer le mâle de la femelle, car le premier a des couleurs un peu plus intenses. Le docteur Giinther n'a pas non plus observé de différence sexuelle marquée dans la conformation externe de ces animaux, sauf les proéminences qui se développent pendant la saison des amours sur les pattes antérieures du mâle, et qui lui permettent de maintenir la femelle ". Il est surprenant que les grenouilles et les crapauds n'aient pas acquis de différences sexuelles plus prononcées, car, bien qu'ayant le sang froid, ils ont de vives passions. Le docteur Giinther a trouvé, à plusieurs reprises, des crapauds femelles mortes étouffées sous les embrassenients de 45. Zoology of Ihe l'oi/age of Beagle, 18i3. M. Bell, ibkL, p. 49. 46. The Natwalist in Kicaragua, 1874, p, 321. 47. Le mâle seul du Btifo sikimmensts (D^ Anderson, Proc. Zoolog, Syc, 1871. p. 204) porte sur le thorax deux callosités ressemblant à des plaques, et sur les doigts certaines rugosités qui servent peut-être au même but que les proémi- nences dont nous venons de parler. [Chap. XII]. AMPHIBIKS. 385 trois ou quaire màlos. Le profossour Hoirman de Giessen a vu, pondant la saison dfs amours, des grenouilles lutter des journées entières et avec tant de violence, que l'une d'elles avait le corps tout déchi(iueté. Les grenouilles et les crapauds offrent cependant une diUerencc sexuelle intéressante par rapport aux facultés musicales qui carac- térisent les mâles, s'il nous est permis toutefois d'appliquer le termi musique aux sons discordants et criards que nous font entendre les grenouilles taureau mâles et certaines autres espèces. Cependant certiiines grenouilles émettent des sons agréables. Près de llio-de Janeiro, j'interrompais souvent ma promenade dans la soirée pour écouler les petites rainettes {/lyia) qui, perchées sur iW.s liges au bord de l'eau, faisaient entendre une succession de noies harmo- nieuses et douces. C'est surtout pendant la saison des amours cpie lt\s mâles font entendre leur voix, comme chacun a pu le remar- (pier à propos du coassement de notre grenouille commune **. Aussi, et c'est une conséquence de ce fait, les organes vocaux des mâles sont-ils plus développés (jue ceux des femelles. Dans quel- (jues genres les mâles seuls sont pourvus de bourses s'ouvrant dans le larynx ". Chez la grenouille verte [Itiuia esculcnia), par exemple, « les mâles seuls possèdent des bourses (jui forment, lorsqu'elles sont remplies d'air, pendant l'acte du coassement, de larges vessies globulaires qui font saillie do chaque côté de la tôle, près des coins de la bouche. » Le coassemenl du mâle devient ainsi très-puissant, tandis (pie celui de la femelle se rètluit à un lé- ger grognement". Les organes vocaux ont une structure toute dif- férente chez les divers genres de la familh;; om peut dans tous les cas attribuer leur développement à la séleclion sexuelle. UKI'TILKS. r/n'/niin-iis. — On ne remarqm.' clu'Z h^s lorlut's ain'une dillerence sexuelle bien tranchée. La (pieue du mâle, ch»;z (puîhpies es|)èces, ihn'ienl plus longue qiu; celle de la femelle. Chez d'autres espèces, le plastron, ou surface inférieure de la carapace du mâle, présente une légère concavité si on le compare au dos de la femelle. Chez une espèce d«;s Ktals-l'nis [Chri/senn/s piffa), les pattes anléri(>ures du mâle se terminent par des grilfes deux fois plus longues (\\ui 48. H.-ll. Ilht. nf Rrif. l\ni,t.. 1840, p. O.L 49. .1. Hisliop, Toilil's Ci/rloii. of Aiiat. nnl,i/<., vol. IV. |>. i:iO;j. 50. HpII. o. c. I). Il 2-1 H. 386 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» PartieI. celles de la femelle ; ces griffes servent pendant l'union des sexes *'. Les mâles de l'immense tortue des îles Galapagos [Testudo nigrà) atleignenti dit-on, une taille plus considérable que les femelles : le mâle, lors de la saison des amours, mais à aucune autre époque, pousse des cris rauques ressemblant à des beuglements qu'on peut entendre à plus de cent mètres de distance ; la femelle, au contraire, ne se sert jamais de sa voix ". On assure qu'on peut entendre à une grande distance le bruit que font les Testudo eleyans de l'Inde quand elles se précipitent l'une contre l'autre, lors des combats qu'elles se livrent *'. Ci'ocodiles, — Les mâles et les femelles ne différent certainement pas au point de vue de la coloration; je ne saurais dire si les mâles luttent les uns contre les autres, mais cela est probable, car il est des espèces qui se livrent à de prodigieuses parades en présence des femelles. Bartram '* prétend que l'alligator mâle cherche à cap- tiver la femelle en poussant de véritables rugissements, et en fouet- tant avec sa queue l'eau qui rejaillit de tous côtés au milieu de la lagune ; « gonflé à crever, la tète et la queue relevées, il pivote et tourne à la surface de l'eau, en affectant, pour ainsi dire, la pose d'un chef indien racontant ses hauts faits guerriers. » Pendant la saison des amours, les glandes sous-maxillaires du crocodile émet- tent une odeur musquée qui se répand dans tous leurs repaires "'. Ophidiens. — Le docteur Giinther affirme que les mâles atteignent une moins grande taille que les femelles, et ont généralement la queue plus longue et plus grêle qu'elles ; mais il ne connaît pas d'autre différence de conformation externe. Quant à la couleur, le docteur Giinther arrive presque toujours à distinguer le mâle de la femelle par ses teintes plus prononcées ; ainsi, la bande noire en zigzag sur le dos de la vipère anglaise mâle est plus nettement défi- nie que chez la femelle. Les serpents à sonnettes de l'Amérique du Nord présentent des différences encore plus tranchées; le mâle, ainsi que me l'a fait remarquer le gardien des Zoological Gardens, diffère de la femelle par la nuance jaune plus foncée de tout son corps. Le Bucephalus capensis de l'Afrique australe présente une différence analogue, car les côtés de la femelle « ne sont jamais aussi panachés de jaune que ceux du mâle "*. » Le Dipsas cynodon ol. M. C. J. Maynanl. The American \aiura/ist. Dec. 18G9, p. 5oo. ■)2. Voir mon Jour», of Researches, etc., 184o, p. 384. 53. Giinther, Replias of British India, 1864, p. 7. 54. Trnvcls throuuh Carolina, etc., 1791, p. 128. 5.*). O.ven, Anat. of Vert., vol. 1, 1866, p. 615. Ô6. Sir An»l. Smith., Xoolog. of. S, Africa : Reptilia, 1849, PI. X. [Chap. XII]. . REPTILKS. 38l mâle de l'Inde, au contraire, osl brun noirAlro, avec le ventre en partie noir, tandis que la femelle est rougeàtre ou jaune olive avec le ventre jaune uni ou marbré de noir. Chez le Tragaps dispar du même pays, le mâle alTecte une teinte vert clair et la femelle des nuances bronz«''es". 11 est évident que les couleurs de quelques ser- pents contituent pour eux un moyen de protection ; les teintes vertes, par exemple, des serpents qui habitent les arbres, et les divers tons pommelés des espèces qui habitent les endroits sablonneux; mais il est douteux que chez beaucoup d'espèces, telles que le serpent commun d'Angleterre ou la vipère, la couleur contribue à les dissi- muler; on peut en dire autant pour les nombreuses espèces exoti- ques qui aflectent des couleurs brillantes avec la plus extrême élé- gance. Chez certaines espèces la coloration des jeunes diffère beau- coup de celle des adultes *'. I^es glandes odorantes anales des serpents fonctionnent active- ment pendant la saison des amours *'; il en est de même chez les lézards, et, comme nous l'avons vu, pour les glandes sous-maxil- laires des crocodiles. La plupart des animaux mules se chargent de chercher les femelles ; ces glandes odorantes servent donc proba- blement à exciter et à charmer ces dernières, plutôt qu'aies attirer vers le mâle. Les serpents mâles, bien que si inertes en apparence, ont des passions très-vives ; on peut, en effet, voir souvent plusieurs mâles se presser autour d'une seule femelle, quelquefois même quand elle est morte. On n'a pas observé qu'ils luttent les uns con- tre les autres, pour s'assurer la possession des femelles. Les apti- tudes intellectuelles des serpents sont plus développées qu'on ne serait disposé à le croire. Les serpents des Zoological Gardens ap- prennent bientôt à ne plus mordre les barres de fer dont on se sert pour nettoyer leurs cages; le docteur Keen, de Philadelphie, a re- marqué que des serpents qu'il a élevés ont appris à éviter un nœud coulant après s'être laissé prendre quatre ou cinq fois. Un excellent observateur, M. E. Layard *", a vu, à Ceylan, un Cobra passer la tête au travers d'un trou étroit, et avaler un crapaud. « Ne pouvant plus retirer sa tête par suite de cet obstacle, il dégorgea, avec regret, le précieux morceau qui commença à s'éloigner; c'en était plus que ne pouvait supporter la philosophie du serpent, aussi re|)rit-il le crapaml ; mais, après de violents efforts pour se dégager, il fut encore une fois obligé d'abandonner sa proie; il avait du .'(T. Docteur A. Ottniher, Reptiles of lirit. Indin, Hm/ Sorieli/, 1864, p. 304, 308. 58. D' Stoliczkn, Joiitn. nfasintk Soc. of Brufjal, vol. XXXIX, 1870, p. 205, 2H. 59. Owen. o. c, I, 615. • 60. Hniulilex in ('ri/lm,An>i. mit/. Maij. ofSat. Hist., a^îSer., vol. IX. 1852, p. 383. 388 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Partiej. moins compris la leçon, et, saisissant le crapaud par une patte, il le fit passer par le trou et l'avala en triomphe. » Le gardien desZoological Gardens m'assure que certains serpents, les crotales et les pythons par exemple, le reconnaissent au milieu d'autres personnes. Les cobras enfermés dans une même cage semblent éprouverun certain attachement les uns pour les autres**. Il ne résulte cependant pas de ce que les serpents ont quelque aptitude à raisonner, ressentent de vives passions et sont suscep- tibles d'une certaine affection mutuelle, qu'ils aient également assez de goût pour admirer les vives couleurs des mâles, au point de pro- voquer l'ornementation de l'espèce par sélection sexuelle. Quoiqu'il en soit, il est très-difficile d'expliquer autrement l'extrême beauté de certaines espèces, du serpent-corail, par exemple, de l'Améri- que du Sud, rouge vif avec raies transversales noires et jaunes. Je me rappelle la surprise que me causa la beauté du premier serpent de ce genre que je vis au Brésil traverser un sentier. M. Wallace, adoptant en cela l'opinion du docteur Gunther *', affirme qu'on ne rencontre de serpents colorés de cette manière particulière que dans l'Amérique du Sud ; il en existe quatre genres. L'un, VElaps, est venimeux; un second, fort distinct, l'est aussi, croit-on: les deux autres sont inoffensifs. Les espèces appartenant à ces divers genres habitent les mêmes régions et se ressemblent si complète- ment « qu'un naturaliste seul peut distinguer les espèces inoffen- sives des espèces venimeuses. » Aussi, M. Wallace croit que les espèces inoffensives ont probablementacquis cette coloration comme moyen de sécurité, en vertu du principe d'imitation, parce qu'elles doivent paraître dangereuses à leurs ennemis. Il reste, il est vrai, à expliquer la belle coloration de l'Elaps venimeux, et il convient peut-être de l'attribuer à l'action de la sélection sexuelle. Les serpents, outre le sifflement, produisent d'autres sons. Le terrible Echis carinata porte sur les côtés des rangées obliques d'écaillés ayant une structure particulière et les bords dentelés; quand ce serpent est excité, ces écailles frottent les unes contre les autres, et il en résulte un singulier bruit prolongé ressemblant pres- que à un sifflement ". Nous possédons quelques renseignements po- sitifs sur le serpent à sonnettes. Le professeur Aughey '^ a observé, dans deux occasions, un serpent à sonnettes enroulé, la tête levée, qui continua pendant une den)i-heure à faire entendre le bruit qui 61. D"" Gûnther, op. cit., p. .340. 62. \yest7ninster Review, July I, 1867, p. 32. 63. D' Anderson, Proc. Zoolog. Soc, 1871, p. 196. 64. The American Naturaliit, 1873, p. 85. [Chap. XII]. REPTILES. 389 lui a valu son nom, à do très courts intervalles; enfin il vit un autre serpent s'approcher et ils s'accouplt-ronl. Le professeur en conclut que l'un des huis du hruit produit par le serpent est dt; rapprocher les sexes, mais malheureusement il ne put constater si c'était le mâle ou la femelle qui restait stalionnaire et appelait l'autre. H ne faudrait pas conclure de ce fuit que ce hruit ne soit pas avantageux au serpent à tl'autres égards, comme un avertissement, par exem- ple, aux animaux qui pourraient les attaquer; je suis en outre assez disposé à croire que ce bruit leur sert aussi à frapper leur proie de terreur au point de la paralyser. Quelques autres serpents font aussi entendre un bruit distinct, qu'ils produisent en faisant rapide- ment vibrer leur queue contre les tiges des plantes ; j'ai vu dans r.Amérique du Sud un trigonocéphale qui produisait ainsi ce bruit. /Mcet-lilia. — Les mâles de certaines espèces de lézards, et pro- bablement même de la plupart d'entre elles, se livrent des combats acharnés pour s'assurer la possession des femelles, VAno/is cvistn- tellusqm habite les arbres de l'Amérique du Sud, est extrêmement belliqueux : « Au printemps et au commencement de l'été, deux milles adultes se rencontrent rarement sans se livrer bataille. Dès qu'ils s'aperçoivent, ils baissent et relèvent alternativement la tôle trois ou quatre fois de suite, en même temps qu'ils déploient la fraise ou la poche qu'ils ont sous la gorge; les yeux brillant de rage, ils agitent leur queue, pendant quelques secondes, comme pour ramasser leurs forces, puis ils s'élancent furieusement l'un sur l'autre, et se roulent par terre en se tenant fortement par les dents. Le combat se termine d'ordinaire par l'ablation de la queue d'un des combattants, queue que le vainqueur dévore souvent. » Le màle-de cette espèce est beaucoup plus grand que la fem«lle "; c'est là, d'ailleurs, autant que le docteur Giinther a pu s'en assurer, la règU; générale chez tous les lézards. Le Ci/rtodarti/liis rnhidus mâle des îles Andaman possède seul des glandes anales; ces glan- des, à en juger par analogie, servent probablement à émettre une odeur ". On a souvent observé des dillérences assez marquées dans les caractères externes des mâles et des femelles. VAnnlis mâle, dont nous avons déjà parlé, porte sur le dos et la queue une crête qu'il peut dresser à volonté, mais dont il n'existe aucime trace chez la femelle. Le Copholis cej/lanica femelle porto sur le dos une crête moins développée que celle du mâle ; et le docteur Giinther ariirinc Cr>. M. N. L. Anslen a conservé ces nnimnux vivants pendant fort longtemps, Lfiiiil nn'l W'atrr, .Iwly, IStH. p. 0. 00. Sicliizka, Jnurii. nf Axintir Soc. <>f Hmijnl, vol. XXXIV, 1870, p. Kiti. 390 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie! qu'on peut constater le même fait chez les femelles de beaucoup d'Iguanes, de Caméléons et d'autres lézards. Cependant,chez quelques espèces, la crête est également développée chez le mâle et chez la femelle, chez VIguana t ube?'cula ta, T^av exemple. Dans le genre Sitana, les mâles seuls portent une large poche sous la gorge {/îg. 33) ; cette poche se replie comme un éventail; elle est colorée en bleu, en noir et en rouge ; mais ces belles couleurs ne se mani- festent que pendant la saison de l'ac- couplement. La femelle ne possède Kig. 33. — Sitana minor. Mâle avec la même paS UU TUdimcnt dc CCt appcn- poche de la gorge dilatée (Gûnther. ^- qj^^^ VAnolis CntastelluS, d'après Reptiles of India). ' ^ M. Austen, la poche du gosier, qui est rouge vif marbré de jaune, existe aussi chez la femelle, mais à l'état rudimentaire. Chez d'autres lézards, ces poches existent chez les mâles et les femelles. Ici, comme dans un si grand nombre de cas déjà cités, nous trouvons chez des espèces appartenant à un même groupe, un même caractère réservé aux mâles, ou plus développé chez les mâles que chez les femelles, ou égale- ment développé chez les deux sexes. Les petits lézards du genre Draco qui planent dans l'air au moyen de parachutes sou- tenus par leurs côtes, et dont les couleurs si belles qu'elles sont défient toute des- cription, portent sur la gorge des appen- dices charnus qui ressemblent aux barbes des Gallinacés. Ces parties se dressent lorsque l'animal est excité. Elles existent chez les mâles et les femelles, mais elles sont plus développées chez le mâle adulte, où l'appendice médian atteint souvent deux fois la longueur de la tête. La plupart des espèces ont égale- ment une crête basse courant le long du cou; cette crête se déve- loppe bien davantage chez les mâles complètement adultes, que chez les femelles ou chez les jeunes mâles ". Fig. 34. — Cetophora Stoddartii; , ligure sup., mâle; figure infér., femelle. 67. Toutes ces citations et toutes ces assertions relatives au Cophotis, au Sj- tana et au Draco, ainsi que les faits suivants sur le Ceratophora, sont empruntées au bel ouvrage du docteur Gùnther, Reptiles ofBritish India; Ray Society; 1864, p. t22. 130, 135. rcHAP. xir REPTILES. 391 On affirme que les mâles et les femelles d'une espèce chinoise vivent par couples pendant le printemps; « si l'on vient à prendre l'un, l'autre se laisse tomber sur le sol et se laisse prendre sans essayer de fuir; » elTet probable du désespoir **. Ou constate d'autres différences encore plus remarquables entre certains lézards milles et femelles. Le Cet'nfop/nu'n aspern mâle porte à l'extrémité de son museau im appendice lonj? comme la moitié de la lèle. Tel appendice t'sl cylindrique, couvert d'écaillés, FifT. 3."). — ('/iiii)itI''Oii liifiirnin ; lij.'iiro sui>.. iiiAle ; fi}Çiiro infér., fomclle. flexible, et semble pouvoir se redresser; il reste à l'état rudimen- laire chez la femelle. Chez une seconde espèce du même genre, une écaille terminale forme une petite corne au sommet de l'appendice floxible ; chez une troisième esj)èce [C. Sfofldartii, fig. 3t), tout l'appendice se transforme en une corne, ordinairement blanche, mais qui prend une teinte roupeàtre lorsque l'animal est cxcité. Chez le nulle adulte, celte corne a douze millimètres de longueur, mais elle reste extrêmement petite chez la femelle et chez les jeunes. 08. M. Swinhw, /';w. Y.iwhuj. Sor, 1870. p. 210, 392 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» I'artie]. Le docteur Giinther fait remarquer qu'on peut comparer ces appen- dices aux crêtes des gallinacés; ils ne servent, sans doute, que comme ornements. Le genre Chanixleon présente le maximum des différences entre les mâles et les femelles. La partie supérieure du crâne du C. bi- furcus mâle {fig. 35), habitant Madasgacar, se prolonge en deux pro- jections osseuses fortes et considérables, couvertes d'écaillés comme le reste de la léte : modifica- tion importante de confor- mation dont la femelle n'a que des rudiments. Chez le Chamxleon Oiven'n [fig. 36) de la côte occidentale d'A- frique, le mâle porte sur le museau et sur le front trois cornes curieuses dont la femelle n'offre pas de tra- ces. Ces cornes consistent en une excroissance os- seuse recouverte d'un étui lisse faisant partie des tégu- ments généraux du corps, de sorte qu'elles sont iden- tiques par leur structure à celles du taureau, de la chèvre, ou des autres ruminants portant des cornes à étui. Les trois cornes du Chamxleon Oicenii ne res- semblent en aucune façon aux deux grands prolongements du crâne du C. bifwxus; cependant nous croyons pouvoir affirmer qu'elles remplissentle même but général dans l'économie des deux animaux. On est porté à supposer tout d'abord que ces cornes servent aux mâles dans leurs combats, et, comme ces animaux sont très-belli- queux *', il est probable que cette opinion est fondée. M. C. W. Wood a vu deux C. pumilus se battre avec fureur sur une branche d'arbre; ils agitaient constamment la tète et cherchaient à se mor- dre , puis ils se reposaient quelques instants pour recommencer ensuite le combat. La couleur diffère légèrement chez les mâles et les femelles de plusieurs espèces de lézards ; les teintes et les raies sont plus bril- lantes et plus distinctes chez les mâles que chez les femelles. On re- marque tout particulièrement cette différence chez le Cop/iotis, donl Chmnxleon Oweiiii ; figure sup. figure inf., femelle. G9. D"" Bucholz, Monatsbcricht K. Preuss. Akad., Janv. 1874, p. 78. [Chap. XIII. REPTILES, :J93 nous avons drjà parlé, olchez VAcauthodactyliis rapcnsis ilel'Afriqut' australe. Chez un Cordylus habitant cette dernière réjrion, le màU' afîerle une teinte plus rouge ou pins verte que lu femelle. (Miez le Ca- lâtes uùjrilahns de l'Inde, on constate une plus grande dilVérence de couleur entre les deux se.xes ; les lèvres du mâle sont noires, celles de la femelle sont vertes, (^.hez notre petit lézard vivipare commun, Zootora vivipara, « le côté inférieur du corps et lu base dé la queue sont, chez le mâle, couleur orange vif, tacheté de noir; ces mêmes parties sont vert grisAtre pâle sans taches chez la femelle ". » Les Sitnnn màles portent seuls une poche à la gorge, poche magnifique- ment teintée de bleu, de noir et de rouge. Chez le Proctotref us tennis du Chili, le mule seul est marqué de taches bleues, vertes, et rouge cuivré'". Dans bien des cas les màles conservent les mêmes cou- leurs pendant toute l'année; parfois aussi ils deviennent beaucoup plus brillants pendant la saison des amours; je puis citer comme exemple le Cnlotes Marin qui, pendant cette saison, a la tête rouge brillant, tandis que le corps est vert "*. Chez beaucoup d'espèces les màles et les femelles affectent la même coloration brillante, et il n'y a pas lieu de supposer que cette coloration serve de moyen de protection. Sans doute, les teintes vertes de ceux qui habitent les arbres et les fourrés contribuent j\ les dissimuler. Je me rappelle aussi avoir vu dans le nord de la Pa- tagonie un lézard [Proctotrelus multiinnculntm) qui à la moindre alerte ferme les yeux et reste immobile aplati sur le sol ; la couleur de sa peau se confond si bien avec le sable environnant qu'il est alors presque impossible de l'apercevoir. Toutefois, on peut sup- poser que les lézards màles ont probablement acquis les couleurs brillantes qui les décorent, ainsi que leurs curieux appendices, pour séduire les femelles, et que ces couleurs ont été ensuite transmises soit aux màles seuls soit aux deux sexes. La sélection sexuelle parait, d'ailleurs, ayoir joué un rôle aussi important chez les rep- tiles que chez les oiseaux, et la coloration moins apparente des femelles, comparativement à celle des màles, ne peut pas s'expli- quer, comme M. Wallace le croit pour les oiseaux, par les dangers que courent les femelles pendant l'incubation. 70. Rell, 0. <:, p. 10. 71. Sur le Prortolretus voir '/.onloffi/ of the Voi/aye of tho Reaglc, Reptilci, l>y M. I5<'11. p. 8. Poiirli^s lézards de rAfri(jU<' méridionale, voir /uol. '\v Smith, |)I. 25 and .'{). Pour le Calotrs indien, voir l\t'/ili/r\- f,f Hrilis/i Im/in, hy docteur (tftntiier, p. 143. 12. (îilniher. l'mr. /oolii'j. Soc., 1870. p. 77», avec une fi^rnre coloriée. 394 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Paktie!. CHAPITRE XIII CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES DES OISEAUX Différences, sexuelles. — Loi du combat. — Armes spéciales. — Organes vo- caux. — Musique instrumentale. — Démonstrations amoureuses et danses. — Ornements permanents ou temporaires. — Mues annuelles, simples et doubles. — Les maies aiment à faire étalage de leurs ornements. Los caractères sexuels secondaires sont plus variés et plus re- marquables chez les oiseaux que chez tous les autres animaux; ils n'occasionnent peut-être pas cependant plus de modifications de structure chez les uns que chez les autres. Je m'étendrai donc très-longuement sur ce sujet. Les oiseaux mâles possèdent parfois, rarement il est vrai, des armes particulières qui leur permettent de lutter les uns contre les autres. Ils charment les femelles par une musique vocale ou instrumentale extrêmement variée. Us sont ornés de toutes sortes de crêtes, de caroncules, de protubérances, de cornes, de sacs à air, de houppes, de plumeaux, et de longues plumes, qui s'élancent gracieusement de toutes les parties du corps. Le bec, les parties nues de la peau de la tête et les plumes présen- tent souvent les couleurs les plus admirables. Les mâles font une cour assidue aux femelles ; ils dansent, ou exécutent des mouve- ments bizarres et fantastiques sur le sol ou dans l'air. Dans un cas au moins, le mâle émet une odeur musquée qui sert, sans doute, à séduire ou à exciter la femelle, car un excellent observateur, M. Ramsay ', dit en parlant du canard musqué australien {Biziura lobata) que « l'odeur que le mâle émet pendant l'été appartient en propre à ce sexe et persiste même toute l'année chez quelques indi- vidus ; mais jamais, même pendant la saison des amours, je n'ai tué une seule femelle sentant le musc. » Pendant la saison des amours cette odeur est si forte qu'on la sent bien longtemps avant de voir l'oiseau *, En résumé, les oiseaux paraissent être de tous les ani- maux, l'homme excepté, ceux qui ont le sentiment esthétique le plus développé, et ils ont, pour le beau, à peu près le même goût que nous. Il suffit pour le démontrer de rappeler le plaisir que nous avons à entendre leurs chants, et la joie qu'éprouvent les femmes civilisées, aussi bien que les femmes sauvages, à se couvrir la tête de plumes qui leur sont empruntées, et à porter des pierreries qui 1. Ibis, vol. III (nouvelle série), 1867, p. 414. 2. Gould. Hnndhook to ihe Birds of Australin, 186.Ï, vol. II, p. .383. LChap. XIII;. CARACTERES SEX. SECONDAIRES DES OISEAUX. 395 ne sont guère plus richement colorées que la peau nue et les caron- cules de certains oiseaux. Chez l'homme civilisé, toutefois, le sens du beau constitue évidemment un sentiment beaucoup plus com- plexe, en rapport avec diverses idées intellectuelles. Avant d'aborder l'étude des caractères qui doivent plus particu- lièrement nous occuper ici, il me faut signaler certaines distincttons entre les s»'xes, distinctions qui découlent évidemment de différen- ces dans les habitudes d'existence, car les cas fréquents dans les classes inférieures deviennent rares dans les classes plus élevées. On a cru pendant longtemps que deux oiseaux-mouches du genre /•Siisfejt/ianiis, habitant l'île Juaii-Fernandez, appartenaient à des es- pèces distinctes; mais on saitaujourd'hui, d'après M. Oould, que ce sont les mâles et les femelles de la même espèce qui diffèrent légè- rement par la forme du bec. Dans un autre genre d'oiseaux-mouches {fii'i/pus), le bec du mâle est dentelé sur le bord et crochu à son extrémité, différant ainsi beaucoup de celui de la femelle. Chez le .\entnorf/ha de la .Nouvelle-Zélande, on remarque une différence plus considérable encore dans la forme du bec, conséquence de l'ali- mentation difTérente du màlo et de la femelle. On peut observer quelque chose d'analogue chez le chardonneret [Cnrduelis elegans) ; M. J. JennerWeir assure, en effet, que les chasseurs reconnaissent les mâles à leur bec légèrement plus long. Les bandes de mâles se nourrissent ordinairement des graines du cardère {Dipsacus), qu'ils peuvent atteindre avec leur bec allongé, tandis que les femelles se nourrissent plus habituellement des graines de la bé- toine, ou de Sc7'nphularia. En prenant pour point de départ une légère différence de cette nature, on peut admettre que la sélection naturelle finisse par produire des différences considérables dans le bec des mâles et des femelles. Il se peut toutefois que, dans les exemples que nous venons île citer, les mâles aient d'abord acipiis ces becs modifiés comme instrument de combat et que ces modifi- cations aient ensuite provoqué de légers changements dans leurs habitudes d'existence. /j)i du combat. — Presque tous les oiseaux mâles sont très-belli- queux; ils se servent pour se battre de leur bec, de leurs ailes et de leurs pattes. Nos rouges-gorges et nos moineaux communs se livrent chaque printemps des combats acharnés. Le plus petit de tous les oiseaux, l'oiseau-mouche, est un des plus quer«!lleurs. M. Gosse ' décrit un combat auquel il a assisté : deux oiseaux- :». Cité par Goulil, lutrod. to the Trochiliil.r, 18GI, p. 20. 396 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. (Ile Partie]. mouches s'étaient saisis par le bec, ils pirouettèrent sans se lâcher jusqu'à ce qu'enfin, épuisés, ils tombassent à terre. M. Montes de Onca, parlant d'un autre genre d'oiseaux-mouches, affirme qu'il est rare' que deux mâles se rencontrent sans se livrer un furieux com- bat aérien : « en captivité ils se battent jusqu'à ce que l'un des adversaires ait la langue coupée; cette blessure entraîne rapide- ment la mort parce que le blessé ne peut plus manger *. » Les mâles de la poule d'eau commune [GalUmda chloropus) « se disputent violemment les femelles lors de la saison des amours; ils se redres- sent dans l'eau et se frappent avec leurs pattes. » On a vu deux de ces oiseaux lutter ainsi pendant une demi-heure ; puis l'un finit par saisir l'autre par la tête et il l'eût tué, si l'observateur n'était inter- venu; la femelle était tout le temps restée tranquille spectatrice du combat *. Les mâles d'une espèce voisine [Gallicrex cristatus) sont un tiers plus gros que les femelles; ils sont si belliqueux pendant la saison de l'accouplement que, d'après M. Blyth, les indigènes du Bengale oriental les gardent pour les faire battre. On recherche dans l'Inde d'autres oiseaux lutteurs, les bulbuls {Pycnonotus hœmorrkous), par exemple, qui se battent avec beaucoup d'en- train ®. Le tringa {Macketes pugnax, fig. 37), oiseau polygame, est cé- lèbre pour son caractère belliqueux; au printemps, les mâles, qui sont beaucoup plus grands que les femelles, se rassemblent chaque jour à un endroit spécial où les femelles se proposent de déposer leurs œufs. Les oiseleurs reconnaissent ces endroits à l'aspect du gazon, battu et presque enlevé par un piétinage prolongé, lis imi- tent pour se battre les dispositions du coq de combat; ils se saisis- sent parle bec, et se frappent avec les ailes. La grande fraise de plumes qui entoure leur cou se hérisse, et, d'après le colonel Montagu, « traîne jusqu'à terre pour protéger les parties les plus délicates de leur corps; » c'est là le seul exemple que je connaisse, chez les oiseaux, d'une conformation servant de bouclier. Toute- fois , les belles couleurs qui décorent les plumes de cette fraise per- mettent de penser qu'elle doit surtout servir d'ornement. Comme tous les oiseaux querelleurs, les tringas semblent toujours disposés à se battre ; en captivité ils s'entre-tuent souvent. Montagu a ce- pendant observé que leurs dispositions belliqueuses augmentent au printemps, lorsque les longues plumes de leur cou sont complète- ment développées, et qu'à cette époque le moindre mouvement 4. Oould, id., p. 52. .5. W. Thompson, Nai. Hist. of Ireland : Birds, vol. II. 1850, p. 327. 6. Jerdon, Birds of India, 1863, vol. II, p. 96. [Chap. XIII . ( AUACIKHES SEX. SECONDAIRES DES OISEAIX. 307 d'un de tes oiseaux provotjue une mêlée jrénérale \ Je nie con- tenterai de citer deux exemples do ces dispositions belliqueuses chez les palmipèiles; dans la Guyane « lors des combats sanglants que se livrent, pendant la saison des amours, les canards mus- ([iiés (('fn'rina mosrlmtn) mâles, la rivière est couverte de i)liimes jusqu'à une certaine distance des endroits où ont lieu ces batail- les '. » Des oiseaux qui paraissent d'ailleurs peu propres à'ia lutte, 7. .Macpllivray. Ilist. of Urilish lUnls, vol. IV, IS.IJ, |). 177-181. S. .Sir R. Scn; 18(»7. vol. IV, p. .'{.'il. Quelques-tiiics îles assor- tion.s qui prccinlj'iit sont eiiipruiiloes à L. Lloyd, (litmc Hin/s nf Sin-ilrti, etc., I8(i7. p. 79. 400 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [lie Partie]. gant qu'à un guerrier ; il livre cependant quelquefois de terribles combats; le Rév. W. Darwin Fox m'apprend que deux paons, qui avaient commencé à se battre ù une petite distance de Chester, étaient tellement excités, qu'ils avaient passé par-dessus toute la ville en continuant à lutter; ils finirent par se poser au sommet de la tour de Saint-Jean. L'ergot chez les gallinacés est généralement simple ; toutefois le Polyplectron [fig. 51) en porte deux ou un plus grand nombre à chaque patte, et on a vu un Ithaginis C7'uentus (\m en avait cinq. Les mâles seuls possèdent, ordinairement, des ergots qui ne sont représentés chez les femelles que par de simples rudiments; mais les femelles du paon de Ja\a {Pavo muticus), et, d'après M. Blyth, celles d'un petit faisan [Euplocamus erythrophthalmus), possèdent des ergots. Les Galloperdix mâles, ont ordinairement deux ergots, et les femelles un seul à chaque patte **. On peut donc conclure avec certitude que l'ergot constitue un caractère masculin, bien qu'accidentellement il se transmette plus ou moins complètement aux femelles. Comme la plupart des autres caractères sexuels se- condaires, les ergots sont très-variables, tant par leur nombre que par leur développement chez une même espèce. Plusieurs oiseaux portent des ergots aux ailes. Chez l'oie égyp- tienne [Chenalopex œgypt'mcus), ils ne consistent qu'en protubé- rances obtuses, qui probablement nous représentent le point de départ du développement des vrais ergots chez les oiseaux voi- sins. Chez le Plectropterus gamhensis, ils atteignent un développe- ment beaucoup plus considérable chez les mâles que chez les femelles, et M. Bartlett affirme que les mâles s'en servent dans leurs combats. Dans ce cas, les ergots des ailes constitueraient donc des armes sexuelles ; il est vrai que Livingstone assure que ces armes sont particulièrement destinées à la défense des jeunes. Le Palamedea [fig. 38) porte à chaque aile une paire d'ergots qui constituent une arme assez formidable pour qu'un seul coup suffise à mettre en fuite un chien en le faisant hurler de douleur. 11 ne paraît pas toutefois que chez ces oiseaux, pas plus que chez quel- ques râles qui possèdent des armes semblables, ces ergots soient plus développés chez le mâle que chez la femelle '*. Chez certains pluviers, au contraire, les ergots des ailes constituent un caractère 15. Jerdon, o. c, sur VIthagmis, vol. III, p. 523; sur le Galloperdix, p. 541. 16. Pour l'oie égyptienne, Macgillivray, Brilish Birds, vol. IV, p. G39. Pour le Plectropterus, Livingstone, Trnvels, p. 234. Pour la Pnlamcden, Brehm, Vie des animaux, édition française. Voir aussi sur ces oiseaux Azard, Voyages dans l'Amer, mérid., vol. VI, 1809, p. 179, 253. [Chap. XIII] LOI DU COMBAT. 401 sexuel. Ainsi, chez noire vanneau commun {Vanellus ct'islatus) mule, le tubercule de l'épaule de l'aile devient plus saillant pen- dant la saison des amours , alors que les mâles luttent souvent les Fig. 38. — Palamedea cornuta (d'après Brehm , édition française, montrant les doux ergots de l'aile et le filament sur la tète). uns avec les autres. Chez quelques espèces de Lohivanellus, pen- dant la saison de l'accouplement, un tubercule semblable se déve- loppe assez pour constituer « un court ergot corné. » Les L. lohatus australiens mâles et femelles possèdent des éperons , niais ils sont 2G 402 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. beaucoup plus grands chez le mâle que chez la femelle. Chez un oiseau voisin, VHoplopterus armatus, les ergots n'augmentent pas en volume pendant la saison des amours ; mais on a vu, en Egypte, ces oiseaux se battre comme nos vanneaux, c'est-à-dire tourner brus- quement en l'air et se frapper latéralement l'un l'autre, souvent avec un terrible résultat ; ils se battent de la même façon contre leurs autres ennemis ". La saison des amours est aussi celle de la guerre; cependant certains oiseaux mâles, tels que les coqs de combat, le tringa et même les jeunes dindons sauvages et les coqs de bruyère **, sont toujours prêts à se battre quand ils se rencontrent. La présence de la femelle est la tetOTÏma belli causa. Les Bengalais font battre les jolis petits bengalis mâles piquetés [Esti^elda mandava) : ils placent trois petites cages auprès l'une de l'autre, celle du milieu contenant une femelle; au bout de quelque temps, on lâche les deux mâles, entre lesquels un combat désespéré s'engage aussitôt ". Quand un grand nombre de mâles se rassemblent en un point déterminé pour s'y livrer de furieux combats, les coqs de bruyère, par exemple, les femelles ^^ assistent ordinairement au spectacle, et s'accouplent ensuite avec les vainqueurs. Mais, dans quelques cas, l'accouple- ment précède le combat au lieu de le suivre. Ainsi, Audubon *' affirme que chez l'engoulevent virginien {Capinmiilgus Virginianus) « plusieurs mâles font une cour assidue à une seule femelle; dès que celle-ci a fait son choix, le mâle préféré se jette sur les autres et les expulse de son domaine. » Les mâles font^ordinairement tous leurs efforts pour chasser ou pour tuer leurs rivaux avant de s'ac- coupler; il ne paraît pas, cependant, que les femelles préfèrent invariablement le mâle vainqueur. M. W. Kowalevsky m'a affirmé que souvent le T. urogallus femelle se dérobe avec un jeune mâle, qui n'a pas osé se risquer dans l'arène contre les coqs plus âgés ; on a fait la même remarque pour les femelles du cerf écossais. 17. Voir, sur notre Vanneau huppé, M. R. Carr, land and Water, 8 Août, 1868, p. 46. Pour le Lobivanellus, voir Jerdon (o. c), vol. III, p. 647, et Gould, Handb. Birds of Australia, vol. II, p, 220. Pour VHolopterus, voir M. Allen, Ibis, vol. V, 1863, p. 156. 18. Audubon, Ont. Biog., vol. I, 4-13, vol. II, 492. 19. Blyth. Land and Water, 1867, p. 212. 20. Richardson, sur Telrao umbellus, voir Fauna Bor. Amer. Birds, 1831, p. 343. L. Lloyd, Game birds of Swede?i, 1867, p. 22, 79, sur le grand coq de brujère et le tétras noir. Brehm {Thiet^leben, etc., vol. IV, p. 352) affirme toutefois qu'en Allemagne les femelles n'assistent pas en général aux assemblées des tétras noirs, mais c'est une exception à la règle ordinaire : il est possible que les femelles soient cachées dans les buissons environnants, comme le font ces oi- seaux en Scandinavie, «t d'autres espèces dans l'Amérique du Nord. 21. 0. c, vol. II, p. 275. [Chap. XIIIJ. loi du COMBAT. 403 Lorsque deux mules seulement lullcnt en présence d'une même fe- melle, le vainqueur atteint, sans doute, généralement son but; mais parfois ces batailles sont causées par des mâles errants qui cherchent à troubler la paix d'un couple déjà uni ". Chez les espèces même les plus belliqueuses, il n'est pas probable que l'accouplement dépende exclusivement delà force et du courage des mâles; en effet, les mâles sont généralement décorés de divers ornements, souvent plus brillants pendant la saison des amours, et ils les déploient avec persistance devant les femelles. Les mâles cherchent aussi à charmer et à captiver les femelles par des notes amoureuses, des chants et des gambades ; la cour qu'ils leur font est, dans beaucoup de cas, une affaire de longue durée. 11 n'est donc pas probable que les femelles restent indifférentes aux char- mes du sexe opposé, et qu'elles soient invariablement obligées de céder aux mâles vainqueurs. On peut admettre qu'elles se laissent captiver, soit avant, soit après le combat, par certains mâles pour lesquels elles ressentent une préférence peut-être inconsciente. Un excellent observateur " va jusqu'à croire que les Tetrao umhellus mâles « font simplement semblant de se battre, et n'exécutent ces prétendues passes d'armes que pour faire valoir tous leurs avan- tages devant les femelles assemblées autour d'eux pour les admi- rer »>; car, ajoute-t-il, «je n'ai jamais pu trouver un héros mutilé, et rarement plus d'une plume cassée. » J'aurai à revenir sur ce point, mais je puis ajouter que les Tetrao cupido mâles des États- Unis se rassemblent une vingtaine dans un endroit déterminé; puis ils étalent leurs plumes en faisant retentir l'air de cris étran- ges. A la première réplique d'une femelle, les mâles commencent un combat furieux ; les plus faibles cèdent, mais alors, d'après Au- dubon, tant vainqueurs que vaincus se mettent à la recherche de la femelle; celle-ci doit exercer un choix, ou la bataille recom- mence. On a fait la même remarque pour une espèce de stournelle (les Étals-Unis {SUtruella ludoviciaua) ; les mâles engagent des luttes terribles, « mais, à la vue d'une femelle, ils se précipitent tous follement à sa poursuite ^\ » Musique vocale et instrumentale. — Les oiseaux se servent de la voix pour exprimer les émotions les plus diverses, telles que la dé- tresse, la oruinle, la colère, le triomphe ou la joie. Ils s'en servent 22. Rrohm. o. r., vol. IV, p. ftOO 18r.7; Audubon, o. c, vol. II, p. 492. 2.'). Lmi,l (imi Wnlrr, 25 Juillet 18G8, p. 14. 24. Auilubon, o. c, sur le Tetrao citpù/o, vol. II, p. 492, et sur le Stur7ius, vol. II, p. 219. 404 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. évidemment quelquefois pour exciter la terreur, comme le siffle- ment de quelques oiseaux en train de couver. Audubon ** ra- conte qu'un butor {Ardea nyclico7'ax, Linn.) qu'il avait appri- voisé, avait l'habitude de se cacher à l'approche d'un chat, « puis il s'élançait subitement hors de sa cachette en poussant des cris effroyables et paraissait se réjouir de la frayeur que manifestait le chat en prenant la fuite. » Le coq domestique prévient la poule par un gloussement lorsqu'il a rencontré un morceau friand ; la poule agit de même avec ses poulets. La poule, après avoir pondu, «répète très-souventla même note, et termine sur la sixième au-dessus, en la soutenant plus longtemps *®; c'est ainsi qu'elle ex- prime sa satisfaction. Certains oiseaux sociables s'appellent mu- tuellement en voletant d'arbre en arbre ; tous ces gazouillements qui se répondent servent à empêcher la bande de se séparer. Les oies et quelques oiseaux aquatiques, pendant leurs migrations noc- turnes, répondent à des cris sonores poussés par l'avant-garde dans l'obscurité, par des cris semblables partant de l'arrière-garde. Tous les oiseaux appartenant à une même espèce et parfois à des espèces voisines comprennent très-bien certains cris servant de signaux d'alarme, ainsi que le chasseur le sait à ses dépens. Le coq domestique chante et l'oiseau-mouche gazouille, lorsqu'ils ont triomphé d'un rival. Cependant la plupart des oiseaux font enten- dre principalement leur véritable chant et divers cris; ce chant et ces cris servent alors à charmer la femelle ou tout simplement à l'appeler, A quoi sert le chant des oiseaux? C'est là une question qui a pro- voqué de nombreuses divergences d'opinion chez les naturalistes. Montagu, ornithologue passionné et observateur très-soigneux et très-attentif,afrirme que, chez «toutes les espèces d'oiseaux chanteurs et chez beaucoup d'autres, les mâles ne se donnent ordinairement pas la peine de se mettre à la recherche de la femelle ; ils se con- tentent, au printemps, de se percher dans quelque lieu apparent, et là ils font entendre dans toute leur plénitude et dans tout leur charme leurs notes amoureuses, que la femelle connaît d'instinct; aussi vient-elle en cet endroit pour choisir son mâle " . » M. Jenner Weir assure que le rossignol agit certainement ainsi. Bechstein, qui a toute sa vie élevé des oiseaux, affirme de son côté que « le canari femelle choisit toujours le meilleur chanteur, et que, à l'état de nature, le pinson femelle choisit sur cent mâles celui dont les 25. 0. c, vol. V, p. 601. 26. Hon. Daines Barrington, Philos. Trans., 1773, p. 252. 27. Ornithological Dictio?ianj, 1833, p. 473. [Chap. XIII]. MUSIQUE VOCALE. 405 noies lui plaisent le plus **. » Il est, en outre, certain que les oiseaux se préoccupent des chants qu'ils entendent. M . Weir m'a signalé le cas d'un bouvreuil auquel on avait appris à siffler une valse allemande et qui l'exécutait à merveille, aussi coûtait-il dix guinées. Lorsque cet oiseau fut introduit pour la première fois dans une volière pleine d'autres oiseaux captifs, et qu'il se mit à chanter, tous, c'est-à-dire une vingtaine de linottes et de canaris, se placèrent dans leurs cages du côté le plus rapproché de celui où était le nou- veau venu et se mirent à l'écouter avec grande attention . Beaucoup de naturalistes sont disposés à croire que le chant des oiseaux con- stitue presque exclusivement « un résultat de leur rivalité et do leur émulation, et ne sert en aucune façon à captiver les femelles. » C'était l'opinion de Daines Barrington et de White de Selbourne, qui, tous deux, se sont spécialement occupés de ce sujet *®. Bar- rington admet cependant que « la supériorité du chant donne aux oiseaux un ascendant prodigieux sur tous les autres, comme les chasseurs ont pu le remarquer bien souvent. » Il est certain que le chant constitue, entre les mâles, un puissant motif de rivalité. Les amateurs font lutter leurs oiseaux pour voi'' quels sont ceux qui chanteront le plus longtemps ; M. Yarrell affirme qu'un oiseau de premier ordre chante parfois jusqu'à tomber épuisé, et, d'après Bcchstein '", il en est qui périssent par suite de la rup- ture d'un vaisseau dans les poumons. M. Weir soutient que sou- vent les oiseaux mules meurent subitement pendant la saison du chant. Quelle que puisse être d'ailleurs la cause de leur mort, il est certain que l'habitude du chant peut être absolument indépendante de l'amour, car on a observé " un canari hybride stérile qui chantait en se regardant dans un miroir, puis qui, ensuite, se précipitait sur son image ; il attaquait aussi avec rage un canari femelle, lors- qu'on les mettait dans la même cage. Les preneurs d'oiseaux savent mettre à profit la jalousie qu'excite le chant chez les oiseaux ; ils cachent un mâle bien en voix pendant qu'un oiseau empaillé et entouré de branchilles enduites de glu, est exposé bien en vue. Un homme a pu ainsi attraper en un seul jour cinquante et, une fois même, jusqu'à soixante-dix pinsons mâles. L'aptitude et la dispo- sition au chant diffèrent si considérablement chez les oiseaux, que, 28. Naluff/pscfi. ri. Stufir?ir<'ifjrl. 1810, p. 4. M. Harrison Weir m'ôcrit égale- niont : — « On m'informe que les meilleurs chanteurs mâles trouvent les pre- miers une compagne lorsqu'ils sont élevés dans une môme volière. » 20. l'hi/ox. Transactions, 1773, p, 263. White, Nat. Histori/ of Selfjouitir, \o\. I 182."., p. 2lfi. 30. Saluif/.fl. Stuhenrikjrl, 1840, p. 252. 31. M. Bold, Zoologist., 1843-44, p. G59. 406 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il" PartieI. bien que le prix d'un pinson ne soit guère que de cinquante cen- times, M. Weir a vu un oiseau dont le propriétaire demandait soixante-quinze francs ; un oiseau véritablement bon chanteur con- tinue à chanter pendant que le propriétaire de l'oiseau fait tourner la cage autour de sa tête, et c'est là l'épreuve qu'on lui fait subir pour s'assurer de son talent. On peut facilement comprendre que les oiseaux chantent à la fois par émulation et pour charmer les femelles ; il est même tout na- turel que ces deux causes concourent à un même but, de même que l'ornementation et la disposition belliqueuse. Quelques savants sou- tiennent cependant que le chant des mâles ne doit pas servir à cap- tiver la femelle, parce que les femelles de certaines espèces, telles que les canaris, les rouges-gorges, les alouettes et les bouvreuils, surtout, comme le fait remarquer Bechstein, quand elles sont pri- vées de mâles, font entendre les accords les plus mélodieux. On peut, dans quelques-uns de ces cas, attribuer cette aptitude au chant à ce que les femelles ont été élevées en captivité et ont reçu une alimentation trop abondante ^-, ce qui tend à troubler toutes les fonctions usuelles en rapport avec la reproduction de l'espèce. Nous avons déjà cité beaucoup d'exemples du transport partiel des caractères masculins secondaires à la femelle, de sorte qu'il n'y a rien de surprenant à ce que les femelles de certaines espèces aient la faculté de chanter. On a prétendu aussi que le chant du mâle ne peut servir à captiver la femelle, parce que chez certaines espèces, le rouge-gorge, par exemple, le mâle chante pendant l'automne ^'. Mais rien n'est plus commun que de voir les animaux prendre plaisir à pratiquer les instincts dont, à d'autres moments, ils se servent dans un but utile. Ne voyons-nous pas souvent des oiseaux qui volent facilement, planer et glisser dans l'air uniquement par plaisir? Le chat joue avec la souris dont il s'est emparé, et le cor- moran avec le poisson qu'il a saisi. Le tisserin {Ploceus), élevé en captivité, s'amuse à tisser adroitement des brins d'herbes entre les barreaux de sa cage. Les oiseaux qui se battent ordinairement à l'époque des amours sont en général prêts à se battre en tout temps ; on voit quelquefois les grands tétras mâles tenir leurs as- semblées aux lieux habituels, pendant l'automne '*. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les oiseaux mâles continuent à chanter pour leur propre plaisir en dehors de l'époque oii ils courtisent les femelles. 32. D. Barrington, Phil. Traits., 1773, p. 2C2, Bechstein, Stubeiwogel, 1840, p. 4. 33. C'est également le cas pour le merle d'eau, M. Hepburn, dans Zoologist, 1845-46, p. 1068. 34. L. Lloyd, Game Birds, etc., 1867, p. 23. [Chap. XIII]. MUSIQUE VOCALE. 407 Le chant est, jusqu'à un certain point, comme nous l'avons dé- montré dans un chapitre précédent, un art qui se perfectionne beaucoup par hi pratique. On peut enseigner divers airs aux oiseaux ; le moineau lui-même a pu apprendre à chïmtcr comme une linotte. Les oiseaux retiennent le chant de leurs parents nourriciers ", et quelquefois celui de leurs voisins **. Tous les chanteurs communs appartiennent à l'ordre des Insessores, et leurs organes vocaux sont beaucoup plus compliqués que ceux de la plupart des autres oiseaux ; il est cependant singulier qu'on trouve parmi les Inses- sores des oiseaux tels que les corneilles, les corbeaux et les pies, qui, bien que possédant l'appareil voulu ", ne chantent jamais et qui, naturellement, ne font pas entendre de modulations de quel- que étendue. Hunter "^ affirme que, chez les vrais chanteurs, les muscles du larynx sont plus puissants chez les mâles que chez les femelles, mais que, à cela près, on ne constate aucune différence entre les organes vocaux des deux sexes, bien que les mâles de la plupart des espèces chantent bien mieux et avec plus de suite que les femelles. Il est à remarquer que les vrais chanteurs sont tous des petits oiseaux, à l'exception, toutefois, du genre australien Mentira. Le Menura Alberti, en effet, qui atteint à peu près la taille d'un dindon arrivé à la moitié de sa croissance, ne se contente pas d'imiter le chant des autres oiseaux ; « il possède en propre un sifflement très-varié et très-beau. » Les mâles se rassemblent pour chanter dans des endroits choisis ; là ils redressent et étalent leur queue comme les paons, tout en abaissant leurs ailes ", Il est aussi fort singulier que les oiseaux chanteurs revêtent rarement de brillantes couleurs ou d'autres ornements. Le bouvreuil et le chardonneret exceptés, tous nos meilleurs chanteurs indigènes ont une coloration uniforme. Martins-pêchcurs, guêpiers, rollicrs, huppes, pies, etc., n'émettent que des cris rauques, et les brillants oiseaux des tro- piques ne sont presque jamais bons chanteurs*". Les vives couleurs et l'aptitude au chant ne vont pas ordinairement ensemble. Ces remarques nous autorisent à penser que, si le plumage n'est pas sujet 35. Barrington, o. c, p. 264. Bechstein, o. c, p. 5. 36. Dureau de la Malle cite l'exemple curieux {Ann. Se. Nat., 3" sér., Zoo/., vol, X, p. 118) (le quelque.s merles sauvages de son jardin à Paris qui avaient naturellement appris il'un oiseau captif un air républicain. 37. Hishop, dans Todirs Ci/clop, of Annt. et P/u/s., vol. IV, p. 1496. 38. Altirme par Harrington, Philos. Transnrl., 1773, p. '2G2. .39. Gouid, llatulhook, etc., vol. I, 186r), p. 308-310. Voir aussi T. W. Wood dans Student, Avril 1870, p. 12."). 40. Gould, Inlrod. io Trochilid.r, 1861, p. 22. 408 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. à varier pour devenir plus éclatant, de brillantes couleurs pouvant constituer un danger pour l'espèce, d'autres moyens deviennent né- cessaires pour captiver les femelles ; la voix rçndue mélodieuse pourrait être un de ces moyens. Les organes vocaux, chez certains oiseaux, diffèrent beaucoup chez les mâles et les femelles. Le Tetrao cnpido {fig. 39) mâle possède, de chaque côté du cou, deux sacs nus de couleur orangée, qui se dilatent fortement pendant la saison des amours pour pro- duire le singulier cri rauque que fait entendre cet oiseau et qui porte à une si grande distance. Audubon a démontré que cet appareil, qui rappelle les sacs à air placés de chaque côté de la bouche de certaines grenouilles mâles, exerce une influence immé- diate sur la production de ce cri ; pour le prouver, il a crevé un des sacs chez un oiseau apprivoisé, et a constaté que le cri diminuait MUSIQUE VOCALE. 409 (Chap. XIII]. beaucoup en intensité, et n'était plus perceptible si on crevait les deux sacs. La femelle a au cou un espace « analogue mais plus petit, de peau dénudée, mais qui n'est pas susceptible de dilata- lion *'. » Le mâle d'une autre espèce de tétras [T. urop/msianus) gonde prodigieusement, pendant qu'il courtise la femelle, « son 41. Sportsmnn and Sfttiiialist in Canada, hy Major W". Ross Kinp, 1860. p. 141-146. M. T. W. Wood fait . I5(i; M. Haymond dans Gcol. ^wvey of Indiana \y<\r le prof. Cox; Audubon, Ameri- can Ornitholor/. Itioffrap/i., vol. I, p. 21(5. Sur le faisan Kalij, Jcrdon, Birds of India, vol. III, p. 533. Sur les tisserins, Livingstone, Expédition to Zaïnhez]/, 1865, p. 425. Sur le.s i)ics, Macgillivray, llist. of Hrit. lUrds, vol. III, 1440, p. 84, 88, 89 et 95. Sur le Upupa, S\vinhoe,/Vor. /oo/. Soi:, 23 juin, 1863. et 1871, p. 348. Sur les engoulevents, Auduhon, o. c, vol. II, p. 255, ci Aincriran naluralist, 1873, p. 672. L'engoulevent trAnglelerrc fait également entendre au printemps im Viruit curieux pendant son vol rapide. 414 LA DESCENDAiNCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. Il s'aperçut qu'en soufflant sur ces plumes, ou en les agitant rapi- dement dans l'air après les avoir fixées à un long bâton mince, il pouvait reproduire exactement le bruit ressemblant à celui du tam- bour que fait entendre l'oiseau en volant. Ces plumes existent chez le mide et la femelle, mais elles sont généralement plus grandes chez Plume caudale externe de Scolo- pax fronata. Fig.43. — Plume caudale externe de Scolopax Javensis. Kig. 41. — Plume caudale externe de Scolopax gallinago {Proc. Zool. Soc, 1858). le mâle que chez la femelle, et donnent une note plus profonde. Certaines espèces , comme par exemple le 5. frenata [fig. 42) et le J. Javensis {fig. 43), portent respectivement, le premier quatre, et le second huit plumes, sur les côtés de la queue, fortement mo- difiées. Les plumes des diffé- rentes espèces émettent des no- tes différentes, lorsqu'on les Fig. 42. — Plume caudale externe de Scolo- agite danS l'air , et le ScolopaX Wilsonii des États-Unis fait en- tendre un bruit perçant, lorsqu'il descend rapidement à terre *'. Chez le Chamsepetes unicolor mâle (un grand gallinacé améri- cain), la première rémige pri- maire est arquée vers son extrémité et plus mince que chez la fe- melle. M. Salvin a observé qu'un oiseau voisin, le Pénélope ni'gra mâle, fait entendre en descendant rapidement les ailes étendues, un bruit qui ressemble à celui d'un arbre qui tombe ^^. Le mâle d'une outarde indienne [Sypheotides auritus) a seul des rémiges primaires fortement acuminées ; le mâle d'une espèce voisine fait entendre un bourdonnement pendant qu'il courtise la femelle *^ Dans un groupe d'oiseaux bien différents , celui des oiseaux-mouches , les mâles seuls de certaines espèces ont les liges des rémiges primaires lar- gement dilatées, ou les barbes brusquement coupées vers l'extré- mité. Le mâle adulte du Selasphorus platycercus , par exemple, a 53. M. Meve, Proc. Zool. Soc, 1868, p. 199. Sur les habitudes de la bécassine, Macgillivray, Hist. Brit. Bird.i, vol. IV, p. 371. Pour la bécasse américaine, Cap. Blakivston, Ibis, 18G3, vol. V, p. 131. 54. M. Salvin, Proc. Zool. Soc, 1867, p. 160. Je dois à l'obligeance de cet ornithologiste distingué les dessins des plumes de Chamsepetes et d'autres infor- mations. 55. Jerdon, Birds ofindia, vol. III, p. 613, 621. [Chap. XIIIJ. musique INSTRUMENTALE. 415 la première rémige [fig. it) taillée de celle manière. En volligeant de fleur en fleur, il fail entendre un bruit perrant, presque un sif- flement ", mais d'après M. Salvin sans aucune intention de sa pari. Enfin , les rémiges secondaires chez plusieurs espèces d'un sous- genre de pipra ou de manakin, ont été, selon M. Sclater.modifiées chez les mâles d'une manière encore plus remarquable. Chez le P. deliciosa aux couleurs si vi- ves, les trois premières rémiges secon- daires ont de fortes tiges recourbées ...j^ „ _ ^-^^.^^ ,,^.„„„i^^ ,,.„„ vers le corps; le changement est plus oise.au - mouche . i.» srUixjihonui , , , . , , , , platycereus (d'après une esquisse marque dans la quatrième et dans la deM.saivin). Figuresup., m.Ue; cinquième (fia. io, a): dans la sixième Apure inf., plume correspondante / , ^' •' . . , , X , • . • chez 'a femelle. et dans la septième [o, r), la tige, épais- sie à un degré extraordinaire, constitue une masse cornée solide, La forme des barbes est aussi considérablement modifiée, si on les compare aux plumes correspondantes (rf, e, /) de la femelle. Les 09 même de l'aile, chez les mâles qui portent ces plumes singuliè- res, sont, d'après .M. Fraser, fort épaissis. Ces petits oiseaux font entendre un bruit extraordinaire, « la première note aiguë ressem- blant assez au claquement d'un fouet ". » La diversité des sons, tant vocaux qu'instrumentaux, que font entendre les mâles de beaucoup d'espèces pendant la saison des amours, ainsi que la diversité des moyens employés pour la pro- duction de ces sons, constituent des phénomènes très-remarqua- bles. Cette diversité même nous permet de comprendre quelle im- portance les sons produits doivent avoir au point de vue des rap- ports sexuels; nous avons déjà été conduits à la même conclusion à propos des insectes. Il est facile de se figurer les degrés par les- quels les notes d'un oiseau, qui servaient d'abord de simple moyen d'appel, ont dû passer pour se transformer en un chant mélodieux. Il est peut-être plus difficile d'expliquer les modifications des plu- mes qui servent à produire les sons rappelant le roulement du tam- bour, le grondement du tonnerre, etc. Mais nous avons vu que, pendant qu'ils font leur cour, quelques oiseaux agitent, secouent, entre-choquent leurs plumes non modifiées ; or, si les femelles ont été amenées à choisir les meilleurs exécutants, elles ont dû, en conséquence, préférer les mâles pourvus des plumes les plus fortes 5fi. Oould, înti'oiluclion to tlic Trochilid-e, 18(il, p. 49. S.'ilvin, Pror. Zool. Soc, 1867, j). 160. 57. SclaUT. Proc. Zool. Sor,. 1800, p. 00 lOis, vol, IV, 1862, p. n.JSulviii, lf,is, 1860, p. 37. 416 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. el les plus épaisses, ou bien les plus amincies situées sur une par- lie quelconque du corps ; peu à peu les plumes se sont donc mo- difiées et il n'est pas possible d'indiquer des limites à ces modifi- cations. Il est probable que les femelles s'inquiétaient peu de ces modifications de formes, modifications d'ailleurs légères et gra- Fig. 45. — Rémiges secondaires de Pipra âeliciosa (d'après M. Sclater, Pi-oc. Zool. Soc. 1860). Les trois plumes supérieures, a, b, c, appartiennent au mâle ; les trois ]>lumes inférieures, d, c, f, sont les plumes correspondantes chez la femelle. a et d. Cinquième rémige secondaire du mâle et de la femelle, face supérieure. — 6 el e. Sixième rémige secondaire , face supérieure. — c et f. Septième rémige secondaire, face inférieure. duelles, pour ne faire attention qu'aux sons produits. Il est, en outre, un fait curieux, c'est que, dans une même classe d'animaux, des sons aussi différents que le tambourinage produit par la queue de la bécasse, le martelage résultant du coup du bec du pic, le cri rauque de certains oiseaux aquatiques ressemblant aux appels de la trompette, le roucoulement de la tourterelle et le chant du rossi- [Chap. XIIIj. PARADES D'AMOURS ET DANSES. 417 gnol, soient tous également agréables aux femelles des différentes espèces. Mais nous ne devons pas plus juger des goûts des espèces distinctes d'après un type unique que d'après les goûts humains. Nous ne devons pas oublier quels bruits discordants, coups de tam-tam et notes perçantes dos roseaux, ravissent les oreilles des sauvages. Sir S. Baker " fait remarquer que « de même que l'Arabe préfère la viande crue et le foie à peine tiré des entrailles de l'ani- mal et fumant encore, de même il préfère aussi sa musique grossière et discordante à toute autre musique ». Paj'ades (Tamoio's et danses. — Nous avons déjà fait incidemment remarquer les singuliers gestes amoureux que font divers oiseaux; nous n'aurons donc ici que peu de chose à ajouter à ce que nous avons dit. Dans l'Amérique du Nord, un grand nombre d'individus d'une espèce de tétras ( T. phasatiiellus) se rassemblent tous les matins, pendant la saison des amours, dans un endroit choisi, bien uni ; ils se mettent alors à courir dans un cercle de quinze à vingt pieds de diamètre, de telle sorte qu'ils finissent par détruire le gazon de la piste. Au cours de ces danses de perdrix, comme les chasseurs les appellent, les oiseaux prennent les attitudes les plus baroques, tournant les uns à droite, les autres à gauche, Audubon dit que leg mâles d'un héron {Ardea fierodias) précèdent les femelles, posés avec une grande dignité sur leurs longues pattes, et défiant leurs rivaux. Le même naturaliste affirme à propos d'un de ces vautours dégoûtants, vivant de charognes {Catkarles jota), « que les gesticulations et les parades auxquelles se livrent les mâles au commencement de la saison des amours sont des plus comiques. » Certains oiseaux, le tisserin africain noir, par exemple, exécutent- leurs tours et leurs gesticiUations tout en volant. Au printemps, notre fauvette grise [Sylvia cinerea) s'élève souvent à quelques mètres de hauteur au-dessus d'un buisson, « voltige d'une manière saccadée et fantastique, tout en chantant, puis retombe sur son per- choir, » Wolf affirme que le mâle de la grande outarde anglaise prend, quand il courtise la femelle, des attitudes indescriptibles et bizarres. Dans les mêmes circonstances, une outarde indienne voi- sine [Otis benr/alensis) « s'élève verticalement dans l'air par un battement précipité des ailes, redresse sa crête et gonfle les plumes de son cou et de sa poitrine, puis se laisse retomber à terre, » L'oiseau répète celte manœuvre plusieurs fois de suite, tout en faisant entendre un chant particulier. Les femelles qui se trouvent 58. — The Site Trihutarics of A/ji/ssinia, 1867, p. 203. 27 418 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. dans le voisinage obéissent à cette sommation gymnastique, et, quand elles approchent, le mâle abaisse ses ailes et étale sa queue comme le fait le dindon "'. Mais le cas le plus curieux est celui que présentent trois genres voisins d'oiseaux australiens, les fameux oiseaux à berceau, — sans doute les codescendants d'une ancienne espèce qui avait acquis l'étrange instinct de construire des abris pour s'y livrer à des pa- rades d'amour. Ces oiseaux construisent sur le sol, dans le seul but de s'y faire la cour, car leurs nids sont établis sur les arbres, des berceaux {fig. 46), qui, comme nous le verrons plus loin, sont richement décorés avec des plumes, des coquillages, des os et des feuilles. Les mâles et les femelles travaillent à la construction de ces berceaux, mais le mâle est le principal ouvrier. Cet instinct est si prononcé chez eux qu'ils le conservent en captivité, et M. Slrange a décrit *" les habitudes de quelques oiseaux de ce genre, dits sa- tins, qu'il a élevés en volière dans la Nouvelle-Galles du Sud. « Par moments, le mâle poursuit la femelle dans toute la volière, puis, il se rend au berceau, y prend une belle plume ou une grande feuille, articule une note curieuse, redresse toutes ses plumes, court autour du berceau, et paraît excité au point que les yeux lui sortent presque de la tête; il ouvre une aile, puis l'autre, en faisant enten- dre une note profonde et aiguë, et, comme le coq domestiq^ue, sem- ble picorer à terre, jusqu'à ce que la femelle s'approche doucement de lui. » Le capitaine Stokes a décrit les habitudes et les « habitations de plaisance » d'une autre grande espèce ; « les mâles et les femelles s'amusent à voler de côté et d'autre, prennent un coquillage tantôt d'un côté du berceau, tantôt de l'autre, et le portent dehors dans leur bec, puis le rapportent. » Ces curieuses constructions, qui ne servent que de salles de réunion où les oiseaux s'amusent et se font la cour, doivent leur coûter beaucoup de travail. Le berceau de l'espèce à poitrine fauve, par exemple, a près de quatre pieds de long, quarante-cinq centimètres de haut; il est, en outre, supporté par une solide plate-forme composée de bâtons. Ornementation. — Je discuterai d'abord les cas où l'ornementa- tion est le partage exclusif des mâles, les femelles ne possédant 59. Pour le Tetrao p/iasianellus, Richardson, Fauna Bor, Atneric, p. 361 ; et pour d'autres détails, Cap. Blakiston, Ibis, 1863, p, 125. Pour le Cathartes et VArdea, Audubon, Oim. Biograph., vol. II. p. 51 et vol. III, p. 89. Sur la fau- vette grise, Macgillivray, Hist. Brit. Birds, vol. II, 354. Sur l'outarde indienne, Jerdon, Birds of hidia, vol. III, p. 618. 60. Gould, Handbook to the Birds of Australia vol. I, 444, 449, 445. Le ber- ceau de l'oiseau satin est toujours visible aux Zoological Gardens. [CiiAP. XIII! ornp:mentation. 419 que pou ou point d'ornemonls ; je m'occuperai ensuite do ceux où les deux sexes sont également ornés, et enfin j'aborderai les cas beaucoup plus rares où la femelle est un peu plus brillamment colorée que le mâle. Le sauvage et l'homme civilisé portent presque toujours sur la tète les ornements artificiels dont ils se parent; de même aussi les oiseaux portent sur la tête la plupart de leurs orne- ments naturels ". On peut observer une étonnante diversité dans 61. Voir les remarques sur co sujet dans Feeling of Beaiili/ nmouf/ nnimn/s. by J. Shaw. Athenxum, Nov. 1866, p. 681. 420 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Parti:;!. les ornements dont nous avons déjà parlé au commencement de ce chapitre. Les huppes qui couvrent le devant ou le derrière de la tête des oiseaux se composent de plumes qui affectent les formes les plus diverses ; parfois ces huppes se redressent ou s'étalent, de ma- nière à présenter complètement aux regards les splendides couleurs qui les décorent. D'autres fois, ce sont d'élégantes houppes auri- culaires (voy. fig. 39, p. 61). Parfois aussi un duvet velouté recouvre la tête, chez le faisan, par exemple; quelquefois, au contraire, la tête est dénudée et revêt d'admirables colorations. La gorge aussi est quelquefois ornée d'une barbe ou de caroncules. Les afipendices de ce genre, affectant d'ordinaire de brillante couleurs, servents sans doute d'ornements, bien que nous ne soyons guère disposés à les considérer comme tels ; en effet, pendant que les mâles courtisent la femelle, ces appendices se gonflent et acquièrent des tons encore plus vifs, chez le dindon mâle, par exemple. Les appendices charnus qui ornent la tête du faisan tragopan mâle {Ceriornis Temminckii) se dilatent pendant la saison des amours, de façon à former un large médaillon sur la gorge et deux cornes situées de chaque côté de la splendide huppe qu'il porte sur la tête; ces appendices revêtent alors le bleu le plus intense qu'il m'ait été donné de voir '^. Le Calao africain {Bucorax abyssinicus) gonfle la caroncule écarlate en forme de vessie qu'il porte au cou, ce qui, « joint à ses ailes traî- nantes et à sa queue étalée, lui donne un grand air ", » L'iris même de l'œil affecte parfois une coloration plus vive chez le mâle que chez la femelle ; il en est fréquemment de même pour le bec, chez notre merle commun, par exemple. Le bec entier et le grand casque du Bucej'os cotTugatus mâle sont plus vivement colorés que ceux de la femelle ; « le bec du mâle porte, en outre, des rainures obli- ques sur la mandibule inférieure ". o La tête, bien souvent encore, porte des appendices charnus, des filaments ou des protubérances solides. Quand ces ornements ne sont pas communs aux mâles et aux femelles, le mâle seul en est pourvu. Le D' W. Marshall " a décrit en détail les protubérances solides ; il a démontré qu'elles se composent d'os poreux revêtus de peau ou de tissu dermique. Les os du front, chez les mammifè- res, supportent toujours des cornes véritables ; chez les oiseaux, au contraire, divers os se sont modifiés pour servir de support. On peut observer, chez les espèces d'un même groupe, des protubé- G2. Mûrie, Proceed. Zoolog. Soc, 1872, p. 630. 63. M. Monteiro, Ibis, 1862, vol. IV, p. 339. 64. Laiid and Water, 1868, p. 217. 63. Veher die Schâdelhôcker, ytpderliindisches Archiv /tir Zoologie,yol.,l,paTt.U. [Chap. XIII]. ORNEMENTATION. 421 rances pourvues d'un noyau osseux, et d'autres où il n'y a pas trace d'un noyau de cette nature ; on peut établir en outre une série de gradations reliant ces deux points extrêmes. Il en résulte, comme le fait remarquer le D' Marshall avec beaucoup de justesse, que les variations les plus diverses ont aidé au développement do ces appendices par sélection sexuelle. On observe souvent chez les mâles de longues plumes qui sur- gissent de presque toutes les parties du corps, et qui constituent évidemment des ornements. Quelquefois les plumes qui garnissent la gorge et la poitrine forment des colliers et des fraises splendides. Les plumes de la queue ou rectrices s'allongent fréquemment, comme nous le voyons chez le paon et chez le faisan Argus. Chez le paon, les os de la queue se sont même modifiés pour supporter ces lourdes rectrices ". Le corps du faisan Argus n'est pas plus gros que celui d'une poule, et cependant, mesuré de l'extrémité du bec à celle de la queue , il n'a pas moins de 1™, 60 de longueur ", et les belles rémiges secondaires si magnifiquement ocellées attei- gnent près de trois pieds de longueur. Chez un petit engoulevent africain {Cosmetornis vexillarius), l'une des rémiges primaires atteint, pendant la saison des amours, une longueurde 66 centimètres, alors que le corps de l'oiseau n'a que 25 centimètres de longueur. Chez un autre genre très-voisin , les tiges des longues plumes caudales restent nues , sauf à l'extrémité, oîi elles portent une houppe en forme de disque ". Chez un autre genre d'engoulevent , les rectri- ces atteignent un développement encore plus prodigieux. En règle générale, les rectrices sont plus allongées que les rémiges, car un trop grand allongement de ces dernières constitue un obstacle au vol. Nous pouvons donc observer le même type de décoration ac- quis par des oiseaux mâles très-voisins les uns des autres, bien que ce soit par le développement de plumes entièrement différentes. Il est un fait curieux à remarquer : les plumes d'oiseaux appar- tenant à des groupes distincts se sont modifiées d'une manière spéciale presque analogue. Ainsi, chez un des engoulevents dont nous venons de parler, les rémiges ont la tige dénudée et se ter- minent par une houppe en forme de disque, ou en forme de cuiller ou de raquette. On remarque des plumes de ce genre dans la queue du momot {Eumomota superciliaris), d'un martin-pêcheur, d'un pin- son , d'un oiseau-mouche , d'un perroquet, de plusieurs drongos 66. D. W. Marshall, Ueberden Vogelschwanz, ibid. 67. J.irdine, Naturalist Libranj Birds, vol. XIV, p. 166. 68. Sclater, Ibis, 1864, vol. VI, p. 114. Liviugstone, Expédition to the Zam bexy, 1865, p. 66. 422 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [I!e Pautie], indiens {Dicrurus et Edolius, chez l'un desquels les disques sont verticaux) , et dans la queue de certains oiseaux de paradis. Chez ces derniers , des plumes semblables magnifiquement ocellées or- nent la tête , ce qu'on observe aussi chez certains gallinacés. Chez une outarde indienne {Sypheott'des auritus), les plumes qui forment les houppes auriculaires et qui ont environ dix centimètres de lon- gueur se terminent aussi par des disques *'. M. Salvin "'*' a démon- tré ce qui constitue un fait très-singulier, que les momots don- nent à leurs rectrices la forme d'une raquette en rongeant les bar- bes de la plume; il a démontré, en outre, que cette mutilation continue a produit, dans une certaine mesure, des effets hérédi- taires. Les barbes des plumes, chez des oiseaux très-distincts, sont filamenteuses ou barbelées; c'est ce qu'on observe chez quel- ques hérons, chez des ibis, des oiseaux de paradis et des gal- linacés. Dans d'autres cas, les barbes disparaissent, les tiges restent nues d'une extrémité à l'autre ; des plumes de ce genre dans la queue du Pai'adisea apoda atteignent une longueur de 86 centimè- tres '* ; chez le P. Papuana {fig. 47) elles sont beaucoup plus cour- tes et beaucoup plus minces. Des plumes plus petites ainsi dénu- dées prennent l'aspect de soies, sur la poitrine du dindon, par exemple. On sait que toute mode fugitive en toilette devient l'objet de l'admiration humaine ; de même, chez les oiseaux, la femelle pa- raît apprécier un changement, si minime qu'il soit, dans la structure ou dans la coloration des plumes du mâle. Nous venons de voir que les plumes se sont modifiées d'une manière analogue , dans des groupes très-distincts ; cela provient sans doute de ce que les piumes , ayant toutes la même conformation et le même mode de développement, tendent par conséquent à varier de la même ma- nière. Nous remarquons souvent une tendance à la variabilité ana- logue dans le plumage de nos races domestiques appartenant à des espèces distinctes. Ainsi des huppes céphaliques ont apparu chez diverses espèces. Chez une variété du dindon maintenant éteinte, la huppe 'consistait en tiges nues terminées par des houppes de duvet , et ressemblaient jusqu'à un certain point aux plumes en raquettes que nous venons de décrire. Chez certaines races de pi- geons et de volailles, les plumes sont duveteuses, avec quelque tendance à ce que les tiges se dénudent. Chez l'oie de Sébastopol, 69. Jerdon, Birds of India, vol. III, p. 620. ^70. Proc. Zoolog. Soc, 1873, p. 462. 71. Wallace, A}i7i. and Mng. ofNat. Hist., 1857, vol. XX, p. 416 et dans Malay Archipelago, 1869, vol. II, p. 390. [Chap. XIII]. ORNEMENTATION. 423 les plumes scapiilaires sont trèâ-allongées , frisées , et même con- tournées en spirale avec les bords duveteux '*. A peine est-il besoin de parler de la couleur, car chacun sait combien les nuances des oiseaux sont belles et harmonieusement Kig. 47. — l'arndhoa papuana (T. W. Wood). combinées. Les couleurs sont souvent métalliques et irisées. Des taches circulaires sont quelquefois entourées d'une ou plusieurs zones (le nuances et de tons différents; l'ombre qui en résulte les convertit ainsi en ocelles. 72. Variation des animaxix et })lantr.i, etc., vol. I, p. 307, 311. 424 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie PartieJ. Il n'est pas non plus nécessaire d'insister sur les différences étonnantes qui existent entre les mâles et les femelles. Le paon commun nous en offre un exemple frappant. Les oiseaux de para- dis femelles affectent une couleur obscure , et sont dépourvus de Fig. 48. — i Lopkwnis ornatus, mâle et femelle (d'après Brehm, édition française). tout ornement, tandis que les mâles revêtent des ornements si riches et si variés, que quiconque ne les a pas étudiés peut à peine s'en faire une idée. Lorsque le Paradisea apoda redresse et fait vibrer les longues plumes jaune doré qui décorent ses ailes, on croirait voir une sorte [Chap. XIII]. ORNEMENTATION. 425 de halo, au centre duquel la tète « figure un petit soleil d'émeraude dont les deux plumes forment les rayons'* », Une autre espèce, également magnifique, a la tète chauve « d'un riche bleu cobalt, et h"ig. 19. — Spathwii Underwoodi, in&Ie et feiiiello (d'après Brehm, édition frauçaise). ornée en outre de plusieurs bandes de plumes noires veloutées ^* ». Les oiseaux-mouches {fig. iS et 49) mâles sont presque aussi 73. Cité d'après M. de Lafresnaye dans Annals et Muf/. ofSal. Ilist. vol. XIII, 18r)i, p. 157; voir aus.si le récit plus complet de M. \Vall;ice dans le vol. X.\, 18."»7, p. 412, et dans Mniai/ Archipelni/o. 74. Wallace, Mnltnj Archipelagn, 18U9, vol. II, p. 405. 426 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. beaux que les oiseaux de paradis ; quiconque a feuilleté les beaux volumes de M. Gould , ou visité sa riche collection, ne peut le contester. Ces oiseaux affectent une diversité d'ornements très- remarquable. Presque toutes les parties du plumage ont été le siège de modifications, qui, comme me l'a indiqué M. Gould, ont été poussées à un point extrême chez quelques espèces appartenant à presque tous les sous-groupes. Ces cas présentent une singulière analogie avec ceux que nous présentent les races que nous élevons pour l'ornementation, nos races de luxe, en un mot. Un caractère a primitivement varié chez certains individus, et certains autres ca- ractères chez d'autres individus de la même espèce ; l'homme s'est emparé de ces variations et les a poussées à un point extrême, comme la queue du pigeon-paon, le capuchon du jacobin, le bec elles caroncules du messager, etc. Il existe toutefois une différence dans un de ces cas ; le résultat a été obtenu grâce à la sélection opérée par l'homme, tandis que, dans l'autre, celui des oiseaux-mou- ches, des oiseaux de paradis, etc., le résultat provient de la sélec- tion que les femelles exercent en choisissant les plus beaux mâles. Je ne citerai plus qu'un oiseau , remarquable par l'extrême con- traste de coloration qui existe entre les mâles et les femelles ; c'est le fameux oiseau-cloche , Chasmo7'hynchus niveus, de l'Amérique du Sud, dont, aune distance de près de quatre kilomètres, on peut distinguer la note qui étonne tous ceux qui l'entendent pour la première fois. Le mâle est blanc pur, la femelle vert obscur; la première de ces couleurs est assez rare chez les espèces terrestres de taille moyenne et à habitudes inoffensives. Le mâle, s'il faut en croire la description de Waterton , porte sur la base du bec un tube contourné en spirale, long de près de huit centimètres. Ce tube, noir comme le jais, est couvert de petites plumes duveteuses ; il peut se remplir d'air par communication avec le palais, et pend sur le côté lorsqu'il n'est pas insufflé. Ce genre renferme quatre espè- ces; les mâles de ces quatre espèces sont très-différents les uns des autres, tandis que les femelles, dont la description a fait l'objet d'un mémoire intéressant de M. Sclater, se ressemblent beaucoup; c'est là un excellent exemple de la règle générale que nous avons posée, à savoir que, dans un même groupe, les mâles diffèrent beaucoup plus les uns des autres que ne le font les femelles. Chez une seconde espèce, le C. nudicollis, le mâle est également blanc de neige, à l'exception d'un large espace de peau nue sur la gorge et autour des yeux, peau qui, à l'époque des amours, prend une belle teinte verte. Chez une troisième espèce (C. t?'icaninculatus) , le mâle n'a de blanc que la tête et le cou , le reste du corps est brun [Chap. XIII]. ORNEMKNTATION. 427 noisette; le mâle de cette espèce porte trois appendices filamen- teux, longs comme la moitié de son corps, — dont l'un part de la base du bec, et les deux autres des coins de la bouche '*. Les milles adultes de certaines espèces conservent toute leur vie leur plumage coloré et les autres ornements qni les décorent ; chez d'autres espèces, ces ornements se renouvellent périodiquement pendant l'été et pendant la saison des amours. A cette époque, le bec et la peau nue de la ItHe changent souvent de couleur, comme chez quelques hérons, quelques ibis, quelques mouettes, un des oiseaux [C/iasuior/iyne/ius) mentionnés plus haut, etc. Chez l'ibis blanc les joues, la peau dilatable de la gorge et les parties qui entou- rant la base du bec, deviennent cramoisies ''*. Chez un râle, le (jalli- oex crislatus, une grosse caroncule rouge se développe sur la tête du mille à la même époque. Il en est de même d'une mince crête cornée qui se forme sur le bec d'un pélican, le P. erylht'orhynchus ; car, après la saison des amours, ces crêtes cornées tombent comme les bois do \\ tête des cerfs, et on a trouvé la rive d'une île, dans un lac de la Nevada, couverte de ces curieuses dépouilles ". Les modifications de couleur du plumage suivant les saisons proviennent, premièrement, d'une double mue annuelle ; seconde- ment, d'un changement réel de couleur qui affecte les plumes elles- mêmes; troisièmement, de ce que les bords de couleur plus terne de la plume tombent périodiquement; ou de ces trois causes plus ou moins combinées. La chute des bords de la plume peut se com- parer à celle de la chute du duvet des très-jeunes oiseaux; car, dans la plupart des cas , le duvet surmonte le sommet des premiè- res vraies plumes '*. Quant aux oiseaux qui subissent annuellement une double mue , on peut en citer certains, comme les bécasses, les glaréoles et les courlis, chez lesquels les mâles et les femelles se ressemblent et ne changent de couleur à aucune époque. Je ne saurais dire si le plumage d'hiver est plus épais et plus chaud que celui de l'été, ce qui semblerait, lorsqu'il n'y a pas de changement de couleur, la cause la plus probable d'une double mue. Secondement, il y a des oiseaux, quelques espèces de Totnnus et quelques autres éc/iassiers par exemple, chez lesquels les mâles et les femelles se ressemblent, mais qui ont un plumage d'été et un plumage d'hiver 75. Scl&ter, Intelleclttal O/jserver, Janv. 1807, Waterton, Wan(icrinf/x,\i. 11 S. Voir le travail de M. Salvin dans li/ift, 1865, p. î)0. 76. Lnnd and Water, 1867. |.. 394. 77. M. I). O. Elliot, Proc. Zool. Soc, 1860, p. ;i89. 78. Pteryloyraphy, édité par P. L. Sclater, Roy, Socirly, 1867, p. 14. 428 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. un peu difîérents. La différence de coloration est, d'ailleurs , ordi- nairement si insignifiante, qu'elle peut à peine constituer un avan- tage pour ces oiseaux; on peut l'attribuer, peut-être, à l'action directe des conditions différentes auxquelles les individus sont exposés pendant les deux saisons. Troisièmement, il y a beaucoup d'autres espèces chez lesquelles les mâles et les femelles se res- semblent, mais qui revêtent un plumage d'été et un plumage d'hi- ver très-différents. Quatrièmement, on connaît de nombreuses espèces chez lesquelles la coloration du mâle diffère beaucoup de celle de la femelle ; or, la femelle , bien que muant deux fois, con- serve la même coloration pendant toute l'année, tandis que les mâles subissent sous ce rapport des modifications quelquefois très- considérables , quelques outardes, par exemple. Cinquièmement, enfin, il est certaines espèces où le mâle et la femelle diffèrent l'un de l'autre tant par leur plumage d'été que par celui d'hiver, mais le mâle subit, au retour de chaque saison, une niodification plus considérable que la femelle, — cas dont le tringa [Macheies pugnax) présente un frappant exemple. Quant à la cause ou au but des différences de coloration entre le plumage d'été et celui d'hiver, elles peuvent, dans quelques cas, comme chez le ptarmigan ''', servir pendant les deux saisons de moyen protecteur. Lorsque la différence est légère, on peut, comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'attribuer peut-être à l'action directe des conditions d'existence. Mais il est évident que, chez beaucoup d'oiseaux, le plumage d'été est ornemental, même lorsque les deux sexes se ressemblent. Nous pouvons conclure que tel est le cas pour beaucoup de hérons, etc., qui ne revêtent leur admirable plumage que pendant la saison des amours. En outre, ces aigrettes, ces huppes, etc., bien qu'elles existent chez les deux sexes, prennent parfois un développement plus considérable chez le mâle que chez la femelle, et ressemblent aux ornements de même nature qui, chez d'autres oiseaux, sont l'apanage des mâles seuls. On sait aussi que la captivité, en affectant le système repro- ducteur des oiseaux mâles, arrête fréquemment le développement des caractères sexuels secondaires, sans exercer d'influence immé- diate sur leurs autres caractères; or, d'après M. Bartlett, huit ou neuf Tringa canutus ont conservé pendant toute l'année , aux Zoo- 79. Le plumage d'été brun pommelé du ptarmigan a une aussi grande impor- tance pour lui, comme moyen protecteur, que le plumage blanc de l'hiver; on sait qu'en Scandinavie, au printemps, après la disparition de la neige, cet oi- seau se cache de peur des oiseaux de proie tant qu'il n'a pas revêtu sa tenue d'été : voir Wilhelm von Wright dans Lloyd, Game Birds ofSweden, 1867, p. 125. [CHAr. XIII]. ORNEMKNTATION. 429 logical Gardons, leur plumage d'hiver dépourvu d'ornemenls, fait qui nous permet de conclure que, bien que coinnmn aux deux sexes, le plumage d'été participe à la nature du plumage exclusi- vement masculin de beaucoup d'autres oiseaux *°. La considération des faits précédents, et, plus spécialement le fait que certains oiseaux de l'un et de l'autre sexe, ne subissent aucune modification de couleur au cours de leurs mues annuelles, ou changent si peu que la modification ne peut guère leur être avantageuse , qu'en outre les femelles d'autres espèces muent deux fois et conservent néanmoins toute l'année les mêmes couleurs, nous permet de conclure que l'habitude de muer deux fois pendant l'année n'a pas été acquise en vue d'assurer un caractère ornemen- tal au plumage du mâle pendant la saison des amours; mais que la double mue, acquise primitivement dans un but distinct, est sub- séquemment, dans certains cas, devenue l'occasion de revêtir un plumage nuptial. Il paraît surprenant, au premier abord, que, chez des espèces très-voisines, quelques oiseaux subissent une double mue annuelle régulière, et que d'autres n'en subissent qu'une seule. Le ptarmi- gan, par exemple, mue deux ou même trois fois l'an, et le tétras noir une seule fois. Quelques magnifiques Ncctariniées de l'Inde, et quelques sous-genres d'Anthus, obscurément colorés, muent deux fois, tandis que d'autres ne muent qu'une fois par an •". Mais les gradations que présente la mue chez diverses espèces nous permettent d'expliquer comment des espèces ou des groupes d'es- pèces peuvent avoir primitivement acquis la double mue annuelle, ou la reperdre après l'avoir possédée. La mue prinlanièn;, chez certaines outardes et chez certains pluviers, est loin d'èlre com- plète, et se borne au remplacement de quelques plumes; d'autres ne subissent qu'un changement de couleur. Il y a aussi des raisons pour croire que chez certaines outardes, et chez certains oiseaux, comme les râles, qui subissent une double mue, quelques vieux mâles conservent pendant toute l'année leur plumage nuptial. Quelques plumes très-modifiées peuvent, au printemps, s'ajouter au plumage, comme cela a lieu pour les rectrices en forme de dis- 80. Sur les précédentes remarques relatives aux mues, voir, pour les bécas- ses, etc., Macgillivray, Hist. lirit, lliids, vol. IV, p. 371; sur les Glaréolees, les courlis et les outardes, Jerdon, Hirds of Indin, vol. III, p. (ilS, G.'iO, 083; sur le Totnnu-s, th., p. 700; sur les plumes du Héron, th., p. 738; Macgillivray, vol. IV, p. 435 cl 444, et M. StafTord Allen, Ihis, vol. V, 1803, p. .13. 81. Sur la mue du ptarmigan, voir Gould, Hirds of Grent /iriltnn; sur les Nec- larinées, Jerdon, Hirds of India, vol. I, j). 3.'i!), 30.'j, 300; sur la mue de l'An- thus, Blyih, Ibis, 1867, p. 32. 430 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. que de certains drongos {Bhringa) dans l'Inde, et les plumes allongées qui ornent le dos, le cou et la crête de quelques hérons. En suivant une progression de cette nature, la mue printanière se compléterait de plus en plus, et finirait par devenir double. Quel- ques oiseaux de paradis conservent leurs plumes nuptiales pen- dant toute l'année et ne subissent, par conséquent, qu'une seule mue; d'autres les perdent immédiatement après la saison des amours et subissent, en conséquence, une double mue; d'autres enfin les perdent à cette époque la première année seulement et ne les perdent pas les années suivantes, de telle sorte que ces der- nières espèces constituent pour ainsi dire un chaînon intermé- diaire au point de vue de la mue. Il existe une grande différence dans le laps de temps pendant lequel se conservent les deux plumages annuels, l'un pouvant durer toute l'année, et l'autre disparaître entièrement. Ainsi, le Machetes piignax ne garde sa fraise au printemps que pendant deux mois au plus. Le Ckei'a progne mâle acquiert, à Natal, son beau plumage et ses longues rectrices en décembre ou en janvier et les perd en mars ; il ne les garde donc qu'environ trois mois. La plupart des espèces soumises à une double mue conservent leurs plumes décoratives pendant six mois environ. Le Gallus bankiva sau- vage mâle conserve cependant les soies qu'il porte au cou pendant neuf ou dix mois, et, lorsqu'elles tombent, les plumes noires sous- jacentes du cou deviennent visibles. Mais, chez le descendant do- mestique de cette espèce, les soies du cou sont immédiatement remplacées par de nouvelles, de sorte qu'ici nous voyons que pour une partie du plumage, une double mue s'est, sous l'influence de la domestication, transformée en une mue simple **. On sait que le canard commun {Anas boschas) perd, après la saison des amours, son plumage masculin pendant une période de trois mois, période pendant laquelle il revêt le plumage de la fe- melle. Le Pilet mâle [Anas acutd) perd son plumage pendant une période de six semaines ou deux mois seulement, et Montagu remarque a que cette double mue, dans un espace de temps aussi 82. Pour les mues partielles et la conservation du plumage des mâles, voir, sur les outardes et les pluviers, Jerdon, Hirds ofindia, vol. III, p. 617, 637, 709, 711 ; Blyth, Land and Watei; 1867, p. 84. Voir, sur la mue du Paradisea, un inté- ressant article du D"" W. Marshall, Archives Néerlandaises, vol. VI, 1871. Sur la Vidua, Ibis, vol. III, 1861, p. 133. Sur les Drongos pies-grièches, Jerdon, ib., vol. I, p. 435. Sur la mue printanière de YHevodias biibulcus, M. S. S. Allen dans Ibis, 1863, p. 33. Sur le Gallus bankiva, Blyth dans An7i. and Mag. ofNat. Hist., vol. I, 1848, p. 455 : voir aussi ma Variation des Animaux, etc., vol. I, 250 (trad. franc). [Chap. XIIIJ. ORNKMKNTATION. 431 court, constitue un fait extraorilinaire, qui semble mettre en dé- faut tout raisonnement humain ». Mais quiconque croit à la modi- fication graduelle de l'espèce ne sera nullement surpris d'observer toutes ces gradations. Si le pilet mâle revotait son nouveau plu- mage dans un laps de temps encore plus court, les nouvelles plu- mes propres au mâle se mélangeraient presque nécessairement avec les anciennes, et toutes deux avec quelques plumes propres à la femelle. Or, c'est ce qui semble se présenter chez le niàle d'un oiseau qui n'est pas très-éloigné de l'^l/ms acuta, le Harlc huppé {Merganset- seJTator) dont les mâles « subissent, dit-on, un change- ment de plumage qui les fait, dans une certaine mesure, ressem- bler à la femelle ». Si la marche du phénomène s'accélérait un peu, la double mue se perdrait complètement **. Quelques oiseaux mâles, comme nous l'avons déjà dit, affectent, au printemps, des couleurs plus vives, ce qui provient non d'une mue prinlanière, mais soit d'une modification réelle de la couleur des plumes, soit de la chute des bords obscurs de ces dernières. Les modifications de couleur ainsi produites peuvent persister plus ou moins longtemps. Le plumage entier du Pelecanns onocrotalus est, au printemps, teinté d'une nuance rose magnifique, outre des taches jaune citron sur la poitrine; mais, comme le fait remarquer M. Sclater, « ces teintes durent peu et disparaissent ordinairement Six semaines ou deux mois après leur apparition. » Certains pin- sons perdent au printemps les bords de leurs plumes, et revêtent des couleurs plus vives, tandis que d'autres n'éprouvent aucune modification de ce genre. Ainsi le Fringilla tristis des Étals-Unis (ainsi que beaucoup d'autres espèces américaines) ne revêt ses vives couleurs que lorsque l'hiver est passé; tandis que notre char- donneret, qui représente exactement cet oiseau par ses habitudes, et le tarin, qui le représente de plus près encore par sa conforma- tion, ne subissent aucune modification annuelle analogue. Mais une différence de ce genre dans le plumage d'espèces voisines n'a rien d'étonnant, car chez la linotte commune, qui appartient à la même famille, la coloration cramoisie du front et de la poitrine n'apparaissent en Angleterre que pendant l'été, tandis qu'à Madère ces couleurs persistent pendant toute l'année '^ 83. Macgillivray (o. c, vol. V, p. 34, 70 et 223) sur la mue des Anatides, avec citations de Waterton et de Montagu. Voir aussi Yarrell, Hist. of lirit. Birds, vol. 111, p. 243. 8i. Sur le pélican, Sclater, Proc. Zool. Sor., 1868, p. 265. Sur les pinson.s Américains, Auduhon, Orn. Itiog., vol. 1, p. 174, 221, et Jerdon, liirr/.s of India, vol. II, p. 383. Sur la Fringilla cannuhinn de Madère, K. Vernon Harcourt, Ihis, vol. V, 1863, p. 250. 432 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. Les oiseaux mâles aiment à étaler leur plumage. — Les mâles éta- lent, avec soin, leurs ornements de tous genres, que ces orne- ments soient chez eux permanents ou temporaires; ils leur ser- vent évidemment à exciter, à attirer et à captiver les femelles. Toutefois les mâles déploient quelquefois leurs ornements sans se trouver en présence de femelles, comme le font les grouses dans leurs réunions ; on a pu aussi remarquer que le paon aime à étaler sa queue splendidc à condition qu'il ait un spectateur quelconque, et, comme j'ai souvent pu l'observer, fait parade de ses beaux atours devant des poules, et même devant des porcs **. Tous les naturalistes qui ont étudié avec soin les habitudes des oiseaux, soit à l'état sauvage, soit en captivité, sont unanimes à reconnaître que les mâles sont enchantés de montrer leurs ornements, Audubon a remarqué que le mâle cherche de diverses manières à captiver la femelle. M. Gould, après avoir décrit quelques ornements parti- culiers à un oiseau-mouche mâle, ajoute qu'il a soin de les exposer à son plus grand avantage devant la femelle. Le docteur Jerdon *' insiste sur l'attraction et la fascination qu'exerce sur la femelle le beau plumage du mâle; M. Bartlett, des Zoogical Gardens, s'ex- prime non moins catégoriquement à cet égard. Ce doit être un beau spectacle, dans les forêts de l'Inde, « que de tomber brusquement sur vingt ou trente paons, dont les mâles étalent leurs queues splendides, et se pavanent orgueilleusement devant les femelles charmées. » Le dindon sauvage redresse son brillant plumage, étale sa queue élégamment zonée et ses rémiges barrées, et, au total, avec les caroncules bleus et cramoisis qui garnissent sa gorge, il doit faire un effet superbe, bien que grotes- que à nos yeux. Nous avons déjà cité des faits analogues à propos de divers tétras (grouse). Passons donc à un autre ordre d'oiseaux. Le Rupicola crocea mâle [fig. 50) est un des plus beaux oiseaux qu'il y ait au monde, son plumage affecte une teinte jaune orangé splendide, et quelques-unes de ses plumes sont curieusement tronquées et barbelées. La femelle, vert brunâtre, nuancé de rouge, a une crête beaucoup plus petite. Sir R. Schomburgk a décrit les moyens qu'ils emploient pour courtiser les femelles; il a pu, en effet, observer une de leurs réunions oii se trouvaient dix mâles et deux femelles. L'espace qu'ils occupaient avait quatre à cinq pieds de diamètre; ils avaient arraché l'herbe avec soin, uni et égalisé le terrain comme auraient pu le faire des mains humaines. Un mâle 83. Rev. E. S. Dixon, Ornamentnl PouUry, 1848, p. 8. 86. Birds of India, Introduction, vol. I, p. xxiv; sur le paon, vol. III, p. 507. Gould, bitrod. to the Trochilidae, 1861, p. 15 et 111. [Chap. XIII). LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEfR PLUMAGE. 433 0 était en train de cabrioler évidemment à la grande satisfaction des autres. Tantôt il étendait les ailes, relevait la tète ou étalait sa queue en éventail, tantôt il se pavanait en sautillant jusqu'à ce qu'il tombât épuisé do fatigue; il jetait alors un certain cri, et était immédiatement remplacé par un autre. Trois d'entre eux entrèrent successivement en scène, et se retirèrent ensuite pour se reposer. » Les Indiens, pour se procurer leurs peaux, attendent que les oi- Fi(j. 50. — Riipicola crocca, inàlo (T. W. Wood). seaux soient très-occupés par le spectacle auquel ils assistent; ils peuvent alors, à l'aide de leurs flèches empoisonnées, tuer l'un après l'autre cinq ou six mâles ". Une douzaine au moins d'oiseaux de paradis mâles, au plumage complet, se rassemblent sur un arbre pour donner un bal, comme disent les indigènes; ils se mettent à voleter de ci de là, élèvent leurs ailes, redressent leurs plumes si élégantes, et les font vibrer de telle façon, dit M. Wallace, qu'on croirait l'arbre entier rempli de plumes flottantes. Ils sont alors si 87. Journal of fi. Geofj. Soc, vol. X, 1840, p. 23G. 28 43t LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. absorbés qu'un archer habile peut abattre presque toute la bande. Ces oiseaux, gardés en captivité dans l'archipel Malais, entretien- nent avec soin la propreté de leurs plumes ; ils les étalent souvent pour les examiner et pour enlever la moindre trace de poussière. Un observateur, qui en a gardé plusieurs couples vivants, affirme que les parades auxquelles se livre le mâle ont pour but de char- mer la femelle **. Le faisan doré et le faisan Amhurst, quand ils courtisent les fe- melles, ne se contentent pas d'étendre et de relever leur magni- fique fraise, mais, comme je l'ai observé moi-même, ils la tournent obliquement vers la femelle, de quelque côté qu'elle se trouve, évidemment pour en déployer devant elle une large surface *'. M. Bartlett a observé un polyplectron mâle {fig. 51) faisant sa cour à une femelle, et m'a montré un individu empaillé placé dans la position qu'il prend dans cette circonstance. Les rectrices et les rémiges de cet oiseau sont ornées de superbes ocelles, semblables à ceux de la queue du paon. Or, lorsque ce dernier se pavane, il étale et redresse sa queue transversalement, car il se place en face de la femelle et exhibe en même temps sa gorge et sa poitrine si richement colorées en bleu. Mais le polyplectron a- la poitrine sombre, et les ocelles ne sont point circonscrits aux rectrices; en conséquence, il ne se pose pas en face de la femelle, mais il re- dresse et étale ses rectrices un peu obliquement, en ayant soin d'abaisser l'aile du même côté et de relever l'aile opposée. Dans cette position, il expose à la vue de la femelle, qui l'admire, toute la surface de son corps parsemée d'ocelles. De quelque côté qu'elle se retourne, les ailes étendues et la queue inclinée suivent le mou- vement et restent ainsi à portée de sa vue. Le faisan tragopan mâle agit d'une manière à peu près semblable, car il redresse les plumes du corps, mais non pas l'aile, du côté opposé à celui oîi se trouve la femelle, plumes que sans cela elle n'apercevrait pas, de sorte que toutes ses plumes élégamment tachetées sont en même temps exposées à ses regards. La conduite du faisan Argus est encore plus étonnante. Les rémiges secondaires si énormément développées du mâle, qui seul en est pourvu , sont ornées d'une rangée de vingt à vingt-trois ocelles, ayant tous plus d'un pouce de diamètre. Les plumes sont, 88. Ann. and Mag. ofNat, Hist., vol. XII, 185i, p. 157. Wallace, ib., vol. XX, 1857, p. 412 et Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 252. Le docteur Bennett, cité par Brehm, Thierleben, vol. III, p. 326. 89. M. T. W. Wood fait {Student, avril 1870, p. 115) une description com- plète de ce mode de déploiement qu'il appelle unilatéral exécuté par le faisan doré et par le faisan japonais, Ph. versicolor. [Chap. XIII]. LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE. 435 en outre, élégamment décorées de raies obliques foncées et do séries de taches, rappelant une combinaison de la fourrure du tigre et de celle du léopard. Le miUe cache ces splendidcs orne- ments jusqu'à ce qu'il se trouve en présence de la femelle; alors, Fig. 51. — Polypleetron chinquis, mâle (T. W. Wood). il redresse sa queue et déploie les plumes de ses ailes de façon a leur faire prendre l'apparence d'un grand éventail ou d'un grand bouclier circulaire et presque vertical qu'il porte en avant de son corps. Il dissimule sa tète et son cou derrière ce bouclier; mais, afin de pouvoir surveiller la femelle devant laquelle il exhibe ses 436 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. ornements, il passe quelquefois la tête, ainsi qu'a pu l'observer M. Bartlett, entre deux des longues rémiges; l'oiseau, dans ce cas, présente une apparence grotesque. Ce doit être là, d'ailleurs, une habitude du faisan Argus à l'état sauvage, car M. Bartlett et son fils, en examinant des peaux en parfait état de conservation qui leur avaient été envoyées de l'Orient, ont remarqué, entre deux des plu- mes, un endroit usé évidemment par le passage fréquent de la tète de l'oiseau. M. Wood pense que le mâle peut aussi surveiller la femelle en regardant de côté sur le bord de l'éventail. Les ocelles qui décorent les rémiges du faisan Argus sont om- brés avec une telle perfection, que, comme le fait remarquer le duc d'Argyll *", ils représentent absolument une boule qu'on aurait posée dans un alvéole. J'éprouvai toutefois un grand désappointe- ment quand j'examinai l'individu empaillé qui se trouve au British Muséum; on l'a monté les ailes déployées mais abaissées; les ocel- les me paraissent plats et même concaves. Mais M. Gould me fit aussitôt comprendre la cause de mon désappointement; il lui suffisait pour cela de placer ces plumes dans la position quo leur donne l'oiseau quand il les étale devant la femelle. Or, dès que les rémiges se trouvent dans la position verticale et que la lumière les frappe par en haut, l'eiîet complet des ombres se produit, et cha- que ocelle (Jîg. 52) prend l'aspect d'une boule dans une cavité. Tous les artistes à qui on a montré ces plumes ont admiré la per- fection avec laquelle elles sont ombrées. Une question vient tout naturellement à l'esprit : comment la sélection sexuelle a-t-elle pu déterminer la formation de ces ornements si artistiques? Nous nous réservons de répondre à cette question dans le chapitre suivant, après avoir discuté le principe de la gradation. Les remarques précédentes s'appliquent aux rémiges secon- daires du faisan Argus, mais les rémiges primaires, qui ont une coloration uniforme chez la plupart des gallioacés, ne sont pas, chez cet oiseau, moins merveilleuses. Elles affectent une teinte brune douce et sont parsemées de nombreuses taches foncées, dont cha- cune consiste en deux ou trois points noirs entourés d'une zone foncée. Mais l'ornement principal de ces rémiges consiste en un seul espace parallèle à la tige bleue foncée, dont le contour figure une seconde plume parfaite contenue dans la plume véritable. Cette portion intérieure affecte une couleur châtain plus clair, et est par- semée de petits points blancs. J'ai montré ces plumes à bien des personnes et plusieurs les ont préférées même aux plumes à ocelles, 90. The Reign of Law, 1867, p. 203. [Chap. XIIIj. LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE. 437 et ont déclaré qu'elles ressemblaient plutôt à une œuvre d'art qu'à une œuvre de la nature. Or, dans toutes les circonstances ordi- naires, ces plumes sont entièrement cachées, mais elles s'étalent Fig. 52. — Kaisaa Argus étalant son plumage (M. T. Wood). complètement, en même temps que les rémiges secondaires, de façon à former un grand éventail. L'exemple du faisan Argus mâle est éminemment intéressant, en ce qu'il nous fournit une excellente preuve que la beauté la plus exquise peut servir à captiver la femelle, mais à rien autre chose ; en effet , les rémiges primaires ne sont jamais visibles , et les ocel- 438 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. les apparaissent dans toute leur perfection , seulement alors que le mâle prend l'attitude qu'il adopte toujours quand il courtise la femelle. Le faisan Argus n'affecte pas de brillantes couleurs, de sorte que ses succès auprès de l'autre sexe paraissent dépendre de la grandeur de ses plumes et de la perfection de leurs élégants dessins. On objectera, sans doute, qu'il est absolument incroyable qu'un oiseau femelle puisse apprécier la finesse des ombres et l'é- légance du dessin, mais nous n'hésitons pas à avouer qu'elle puisse posséder ce degré de goût presque humain. Quiconque croit pou- voir évaluer avec certitude le degré de discernement et de goût des animaux inférieurs peut nier, chez le faisan Argus femelle, l'ap- préciation de beautés aussi délicates : mais alors il faut admettre que les attitudes extraordinaires que prend le mâle , lorsqu'il courtise la femelle, et qui sont les seules pendant lesquelles la beauté mer- veilleuse de son plumage s'étale. complètement aux regards, n'ont aucune espèce de but. Or c'est là une conclusion qui , pour moi tout au moins, est inadmissible. Alors que tant de faisans et de gallinacés voisins étalent avec le plus grand soin leur beau plumage aux regards des femelles, M. Bartlett me signale un fait très-remarquable : deux faisans affectant des couleurs ternes, le Ci^ossoptilon auritwn et le Phasia- nus Wallichii n'agissent pas ainsi; ces oiseaux paraissent donc comprendre qu'il est inutile de faire parade de beautés qu'ils ne possèdent pas. M. Bartlett n'a jamais vu de combats entre les mâles de l'une ou l'autre de ces deux espèces qu'il a eu d'excel- lentes occasions d'observer, surtout la première. M. Jenn^r Weir pense aussi que tous les oiseaux mâles à plumage riche et forte- ment caractérisé sont plus querelleurs que ceux à couleurs som- bres faisant partie des mêmes groupes. Le chardonneret, par exemple , est beaucoup plus belliqueux que la linotte , et le merle que la grive. Les oiseaux qui subissent un changement périodique de plumage deviennent également plus belliqueux à l'époque pen- dant laquelle ils sont le plus richement ornés. Sans doute , on a observé des luttes terribles entre les mâles de quelques oiseaux à coloration obscure, mais il semble que, lorsque la sélection sexuelle a exercé une forte influence et a déterminé, chez les mâles d'une espèce quelconque, une riche coloration, elle a aussi développé chez eux une tendance prononcée à un caractère belliqueux. Nous aurons à signaler des cas presque analogues chez les mammifères. D'autre part, il est rare que l'aptitude au chant et la beauté du plumage se trouvent réunis sur les mâles de la même espèce ; mais, dans ce cas, l'avantage résultant de ces deux perfections [Chap. XIII]. LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE. 439 aurait été identiquement le même : le succès auprès de la femelle. Il faut néanmoins reconnaître que , chez les mâles de quelques oiseaux aux vives couleurs , les plumes ont subi des modifications spéciales qui les adaptent à la production d'une certaine musique instrumentale, bien que, si nous consultons notre goût tout au moins , nous ne puissions pas comparer la beauté de cette musi- que à celle de la musique vocale de beaucoup d'oiseaux chanteurs. Passons maintenant aux oiseaux mâles qui, sans être ornés à aucun degré considérable, exhibent néanmoins, lorsqu'ils courtisent les femelles, les charmes qu'ils possèdent. Ces cas, plus curieux que les précédents , sous certains rapports, ont été peu remarqués jusqu'ici. M. Jenner Weir, qui a longtemps élevé des oiseaux de bien des genres, y compris tous les Fringillidés et tous les Embé- rizidés d'Angleterre , a bien voulu me communiquer les faits sui- vants choisis parmi un ensemble considérable de notes précieuses. Le bouvreuil se présente de face à la femelle , et gonfle sa poitrine de manière à lui faire voir à la fois plus de plumes cramoisies qu'elle ne pourrait en apercevoir dans toute autre position. En même temps, il abaisse sa queue noire et la tourne de coté et d'au- tre d'une manière comique. Le pinson mâle se place aussi devant la femelle pour montrer sa gorge rouge et sa tête bleue; il étend en même temps légèrement les ailes , ce qui laisse apercevoir les belles lignes blanches des épaules. La linotte commune distend sa poitrine rosée, étale légèrement ses ailes et sa queue brunes, de manière à en tirer le meilleur parti en montrant leurs bordures blanches. Il faut cependant faire toutes réserves avant de conclure que ces oiseaux n'étalent leurs ailes que pour les faire admirer, car certains oiseaux dont les ailes n'ont aucune beauté agissent de même. Le coq domestique, par exemple, n'étend jamais que l'aile opposée à la femelle et la fait traîner jusqu'à terre. Le char- donneret mule se comporte autrement que tous les autres pinsons; il a des ailes superbes, les épaules sont noires , et les rémiges fon- cées tachetées de blanc et bordées de jaune d'or. Lorsqu'il cour- tise la femelle, il balance son corps de droite à gauche et récipro- quement, et tourne rapidement ses ailes légèrement ouvertes d'abord d'un coté, puis de l'autre, et produit ainsi un effet lumi- neux à reflet doré. M. Weir affirme qu'aucun autre oiseau du même groupe ne se comporte de cette façon pendant qu'il courtise la fe- melle, pas même le tarin mâle, espèce très-voisine; ce dernier, il est vrai, n'ajouterait rien à sa beauté en prenant cette attitude. La plupart des bruants anglais sont des oiseaux à couleur terne et uniforme, mais les plumes qui ornent la t(^te du bruant des 440 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. roseaux {Emberiza schoeniculus) mâle , revêtent, au printemps, une belle coloration noire par la disparition de leurs pointes plus pâles ; ces plumes se redressent pendant que l'oiseau courtise la femelle. M. Weir a élevé deux espèces d'Amadina d'Australie ; VA . castanotis est une petite espèce à coloration très-insignifiante ; la queue affecte une teinte foncée, le croupion est blanc, et les plumes supé- rieures de la queue noir de jais; chacune de ces dernières porte trois grandes taches blanches, ovales et très-apparentes ''. Le mâle, lorsqu'il courtise la femelle, étale un peu et fait vibrer d'une manière toute particulière ces plumes en partie colorées de la queue. VAmadina Lathami m'dle se comporte d'une manière très- différente ; il exhibe devant la femelle sa poitrine richement tache- tée et lui fait voir en même temps les plumes supérieures écarla- les de son croupion et de sa queue. Je peux ajouter ici, d'après M. Jerdon, que le Bulbul indien {Pycnonotus hxmorrhous) a des plumes soMs-caudales écarlates, dont les belles couleurs, pourrait- on croire, n'apparaîtraient jamais « si l'oiseau excité ne les étalait latéralement de manière à les rendre visibles même d'en haut » ^■. On peut apercevoir, sans que l'oiseau se donne aucune peine, les plumes sous-caudales cramoisies de quelques autres espèces, celles du Picus majo?', par exemple. Le pigeon commun a des plu- mes irisées sur la poitrine, et chacun sait que le mâle gonfle sa gorge lorsqu'il courtise la femelle et exhibe ainsi ses plumes de là manière la plus avantageuse. Un des magnifiques pigeons à ailes bronzées d'Australie {Ocyphaps lophotes) se comporte diffé- remment, selon M. Weir; le mâle, quand il se tient devant la femelle, baisse la tête presque jusqu'à terre, étale et redresse per- pendiculairement sa queue et étend à moitié ses ailes. 11 soulève et abaisse ensuite alternativement son corps de façon que les plumes métalliques irisées apparaissent toutes à la fois et resplen- dissent au soleil. Nous avons maintenant cité un assez grand nombre de faits pour prouver avec quel soin et avec quelle adresse les oiseaux mâles étalent leurs divers charmes. Ils ont, quand ils nettoient leurs plu- mes, de fréquentes occasions pour les admirer et pour étudier comment ils peuvent le mieux faire valoir leur beauté. Mais, comme tous les mâles d'une même espèce se comportent d'une même ma- nière, il semble que des actes, peut-être intentionnels dans le prin- cipe, ont fini par devenir instinctifs. S'il en est ainsi, nous ne de- 91. Pour la description de ces oiseaux, voir Gould, Handbook to the Birds of Australia, vol. l, 1863, p. 417. 92. Birds of India, vol. II, 96. [Chap. XIII], LES OISEAUX MALES ÉTALENT LEUR PLUMAGE. Ul vons pas accuser les oiseaux do vanilé consciente; cependant, lorsque nous voyons un paon se pavaner, la queue étalée et fris- sonnante, il semble qu'on ait devant les yeux le véritable emblème de l'orgueil et de la vanité. Les divers ornements que possèdent les mâles ont certainement pour eux une extrême importance, car, dans certains cas, ils les ont acquis aux dépens de grands obstacles apportés à leur aptitude au vol et à la locomotion rapide. Le Cosnictonu's africain, chez lequel une des rémiges primaires acquiert une longueur considérable pendant la saison des amours, est ainsi très-gôné dans son vol, remarquable par sa rapidité en tout autre temps. La grandeur en- combrante des rémiges secondaires du faisan Argus mdle empê- che, dit-on, « presque complètement l'oiseau de voler ». Les magnifiques plumes des oiseaux de paradis les embarrassent lors- que le vent est fort. Les longues plumes caudales des Vidua mâles de l'Afrique australe rendent leur vol très-lourd; mais, aussitôt que ces plumes ont disparu, ils volent aussi bien que les femelles. Les oiseaux couvent toujours lorsque la nourriture est abondante, les obstacles apportés à leur locomotion n'ont donc pas probablement de grands inconvénients en tant qu'il s'agit de la recherche des aliments, mais il est certain qu'ils doivent être beaucoup plus ex- posés aux atteintes des oiseaux de proie. Nous ne pouvons non plus douter que la queue du paon et les longues rémiges du faisan Argus ne doivent exposer ces oiseaux à devenir plus facilement la proie des chats tigres. Les vives couleurs de beaucoup d'oiseaux milles doivent aussi les rendre plus apparents pour leurs ennemis. C'est là, ainsi que le remarque M. Gould, la cause probable de la défiance assez générale de ces oiseaux, qui, ayant peut-être cons- cience du danger auquel leur beauté les expose, sont plus difficiles à découvrir ou à approcher que les femelles sombres et relative- ment plus apprivoisées, ou que les jeunes mâles qui n'ont pas en- core revêtu leur riche plumage '*. Il est, d'ailleurs, un fait plus curieux encore; certains ornements gênent de façon extraordinaire des oiseaux mâles pourvus d'armes pour la lutte et qui, à l'état sauvage, sont assez belliqueux pour s'entre-tuer souvent. Les éleveurs de coqs de combat taillent les caroncules et coupent les crêtes de leurs oiseaux; c'est ce qu'en 03. Sur le Cosmetornis, voir Livinpstone, Expédition to the Znmbesi. 1865, p. G6. Sur le faisan Argus, Jardine, Nnt. Ilisl. Lihraty, liirds, vol. XIV, p. 107. Sur les oiseaux de paradis, Lesson, cité par Hrehm, Thiertchni, vol. 111, |>. 325. Sur le Vidua, Harrow, Travrh in Afrira, vol. I, p. :>»:{, et l/tis, vol. III, ISHI, p. 133. M. Gould, sur la sauvagerie des oiseaux mules, lIatidbo<.>k to Uirds of Austrolia, vol. II, 1865, p. 210, 457. 442 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [llo Partie]. termes du métier on appelle les armer en guerre. Un coq qui n'a pas été ainsi préparé, dit M. Tegetmeier, « a de grands désavan- tages, car la crête et les caroncules offrent une prise facile au bec de son adversaire, et comme le coq frappe toujours là où il tient, lorsqu'il est parvenu à saisir son adversaire , celui-ci est bientôt en son pouvoir. En admettant même que l'oiseau ne soit pas tué, un coq qui n'a pas été taillé de la manière indiquée est exposé cer- tainement à perdre beaucoup plus de sang que celui qui l'a été ®*. » Lorsque les jeunes dindons se battent, ils se saisissent toujours par les caroncules, et je pense que les vieux oiseaux se battent de la même manière. On peut objecter que les crêtes et les caroncules ne sont pas des ornements et ne peuvent avoir pour les oiseaux aucune utilité de cette nature ; mais cependant, même à nos yeux, la beauté du coq espagnol au plumage noir brillant est fort rehaus- sée par sa face blanche et sa crête cramoisie ; et quiconque a eu l'occasion de voir un faisan tragopan mâle distendre ses magnifi- ques caroncules bleus, pendant qu'il courtise la femelle, ne peut douter un instant qu'ils ne servent à embellir l'oiseau. Les faits que nous venons de citer prouvent que les plumes et les autres ornements du mâle doivent avoir pour lui une haute importance; ils prouvent, en outre, que, dans certains cas, la beauté est même plus essentielle pour lui que la victoire dans le combat. CHAPITRE XIV. OISEAUX (suite). Choix exercé par la femelle. — Durée de la cour que se font les oiseaux. — Oiseaux non accouplés. — Facultés mentales et goût pour le beau. — La femelle manifeste sa préférence ou son aversion pour certains mâles. — Variabilité des oiseaux. — Les variations sont parfois brusques. — Lois des variations. — Formation d'ocelles. — Gradations de caractères. — Exemples fournis par le Paon, le faisan Argus et l'Urosticte. Lorsque les mâles et les femelles présentent quelques différen- ces au point de vue de la beauté, de l'aptitude à chanter, ou de la production de ce que j'ai qualifié de musique instrumentale, le mâle, presque toujours, l'emporte sur la femelle. Ces qualités, ainsi que nous venons de le démontrer, ont évidemment pour lui une grande importance. Quand elles sont temporaires seulement, elles n'apparaissent que peu de temps avant l'époque de l'accouplement. Le mâle seul se donne beaucoup de peine pour exhiber ses attraits 04. Tegetmeier, TIic Poultry Book, 1866, p. 139. [Chap. XIV]. DURÉE DE LA COUR QUE SE FONT LES OISEAUX. 443 veuriés, et exécute de grotesques gambades sur le sol ou dans l'air, en présence de la femelle. Le mille s'efforce de chasser ses rivaux, ou, s'il le peut, de les tuer. Nous pouvons donc en conclure que le mule se propose de décider la femelle à s'accoupler avec lui, et, pour atteindre ce but, il cherche à l'exciter et à la captiver en em- ployant bien des façons différentes; c'est là, d'ailleurs, l'opinion de tous ceux qui ont étudié avec soin les mœurs des oiseaux. Mais il reste à élucider une question qui, relativement à la sélec- tion sexuelle, a une importance considérable : tous les milles de la même espèce ont-ils le pouvoir de séduire et d'attirer également la femelle? Celle-ci, au contraire, exerce-t-elle un choix, et préfère- l-elle certains mâles à certains autres? Un nombre considérable de preuves directes et indirectes permet de répondre affirmativement à cette dernière question. 11 est évidemment très-difficile de déter- miner quelles sont les qualités qui décident du choix exercé par les femelles; mais, ici encore, des preuves directes et indirectes nous permettent d'affirmer que les ornements du mâle jouent un grand rôle, bien qu'il n'y ait pas à douter que sa vigueur, son cou- rage et ses autres qualités mentales n'aient aussi beaucoup d'in- fluence. Commençons par les preuves indirectes. Durée de la cour que se font les oiseaux. — Certains oiseaux des deux sexes se rassemblent chaque jour dans un lieu déterminé pen- dant une période plus ou moins longue ; cela dépend probablement, en partie, de ce que la cour que les mâles font aux femelles dure plus ou moins longtemps, et, aussi, de la répétition de l'accouple- ment. Ainsi, en Allemagne et en Scandinavie, les réunions {leks ou bnlzcn) du petit tétras se continuent depuis le milieu de mars jus- que dans le courant de mai. Quarante ou cinquante individus et même davantage assistent à ces réunions, et il n'est pas rare que ces oiseaux fréquentent la même localité pendant bien des années successives. Les réunions du grand tétras commencent vers la fin de mars pour se prolonger jusqu'au milieu et même jusqu'à la fin de mai. Dans l'Amérique du Nord, les assemblées du J'etrao pha- sianellus, désignées sous le nom de « danses des perdrix », durent un mois et plus. D'autres espèces de tétras, tant dans l'Amérique du Nord que dans la Sibérie orientale ', ont à peu près les mêmes 1. Nordmann décrit {Bull. Soc. fmp. fies Nnt. Moscou, 1861, t. XXXIV, p. 2G4) les lieux de dnnse du Telrao uroyaUohIpx dans le pays d'Amour. Il estime le nombre des milles rassemblés à cent environ, les femelles restent cachées dans les liuissons environnants et ne sont pas comprises dans ce total. Les cris que |)<)ussent ces oiseaux diffèrent beaucoup de ceux du T. urotjallus, le jrrand coq de bruyère. 444 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. habitudes. Les oiseleurs reconnaissent les localités où les Iringa se rassemblent à l'aspect du sol piétiné de telle façon que l'herbe cesse d'y croître, ce qui prouve aussi que le même endroit est fré- quenté pendant longtemps. Les Indiens de la Guyane connaissent fort bien les arènes dépouillées où ils savent trouver les beaux coqs de roches; les indigènes de la Nouvelle-Guinée connaissent aussi les arbres sur lesquels se rassemblent à la fois dix ou vingt oiseaux de paradis au grand plumage. On n'affirme pas expressé- ment que, dans ce dernier cas, les femelles se réunissent sur les mêmes arbres, mais les chasseurs, si on ne les interroge pas sur ce point, ne songent probablement pas à signaler leur présence, les peaux des femelles n'ayant aucune valeur pour eux. Des tisserins {Ploceus) africains se rassemblent par petites bandes lors de la sai- son des amours et se livrent, pendant des heures, aux évolutions les plus gracieuses. De nombreuses bécasses solitaires {Scolopax major) se réunissent au crépuscule dans un marais, et fréquentent pendant plusieurs années de suite la même localité ; on peut les voir courir en tous sens « comme autant de gros rats , ébouriffant leurs plumes, battant des ailes, et poussant les cris les plus étranges *. » Quelques-uns des oiseaux dont nous venons de parler, notam- ment le tétras à queue fourchue, le grand tétras, le lagopède fai- san, le tringa, la bécasse solitaire et probablement quelques au- tres, sont dit-on, polygames. On serait disposé à croire que, chez les oiseaux pratiquant la polygamie, les mâles les plus forts n'auraient qu'à expulser les plus faibles, pour s'emparer aussitôt de nom- breuses femelles; mais, s'il est nécessaire, en outre, que le mâle plaise à la femelle et la captive, on s'explique facilement que le mâle courtise longtemps la femelle et que tant d'individus des deux sexes se réunissent dans une même localité. Certaines espèces strictement monogames tiennent également des assemblées nup- tiales; c'est ce que paraît faire, en Scandinavie, une espèce de ptarmigan, et ces assemblées se prolongent du milieu de mars jus- qu'au milieu de mai. En Australie, l'oiseau lyre [Menwa superba) construit des petits monticules arrondis, et le M. Alberti creuse des trous peu profonds, où on assure que les deux sexes se ras- semblent. Les assemblées dnM. superba comTporienl quelquefois un grand nombre d'individus ; dans un mémoire récemment publié ', 2. Voir, sur les réuaions de tétras, Brehm, Thierleben, vol. IV, p. 330; L. Lloyd, Game Birds of Sweden, 1867, p. 19, 78; Richardson, Fauna Bor. Ameri- eana, Birds, p. 362. Sur le Paradisea, Wallace, Ami. and Mag. of Nat. Hisl. vol. XX, 1857, p. 412. Sur la Bécasse, Lloyd, ib., p. 221. 3. Cité par T. \V. Wood, dans le Student, avril 1870, p. 123. [Chap. XIV]. OISEAUX NON ACCOUPLÉS. U5 un voyageur raconte qu'ayant entendu dans une vallée située au- dessous de lui un bruit indescriptible, il s'avança et vit à son grand étonnement environ cent cinquante magnifiques coqs-lyres rangés en ordre de bataille, et se livrant un furieux combat. Les berceaux des Chasmorhynchus constituent un lieu de réunion pour les deux sexes pendant la saison des amours ; « les milles s'y réunissent, et combattent pour s'assurer la possession des femelles, qui, assem- blées dans le même lieu, rivalisent de coquetterie avec les mrdes. Chez deux genres de ces oiseaux, le même berceau sert pendant bien des années *. » Le Hev. W. Darwin Fox affirme que la pie commune (Corvus picà) avait l'habitude, dans la forêt Delamere, de se rassembler pour célébrer le « grand mariage des pies. » Ces oiseaux étaient si nom- breux, il y a quelques années, qu'un garde-chasse tua dix-neuf milles dans une matinée; un autre abattit d'un seul coup de fusil sept oiseaux perchés ensemble. Alors que les pies habitaient en aussi grand nombre la forêt do Delamere, elles avaient l'habitude de se réunir, au commencement du printemps, sur des points parti- culiers, où on les voyait en bandes, caqueter ensemble, se battre quelquefois, et voler d'arbre en arbre en faisant un grand tumulte. Ces assemblées paraissaient avoir pour les pics une grande impor- tance. La réunion durait quelque temps, puis elles se séparaient, et, s'il faut en croire M. Fox et les autres observateurs, elles s'accou- plaient pour le reste de la saison. Il est évident qu'il ne peut pas y avoir de grands rassemblements dans une localité où une espèce quelconque n'est pas très-abondante, il est donc très-possible qu'une espèce ait des habitudes différentes suivant le pays qu'elle habite. Je ne connais, par exemple, qu'un seul cas d'une assemblée régu- lière du tétras noir en Ecosse, cas que m'a signalé M. VVedder- burn, bien que ces assemblées soient si communes en Allemagne et en Scandinavie que, dans les langues de ces pays, elles ont reçu des noms spéciaux. Oiseaux non accouplés. — Les faits que nous venons de citer nous autorisent à conclure que, chez des groupes très-différents, la cour que les oiseaux mâles fout aux femelles ne laisse pas que d'être souvent une affaire longue, délicate et embarrassante. On a même des raisons de croire, si improbable que cela paraisse tout d'abord, que certains mâles et certaines femelles appartenant à la même espèce, habitant la même localité, ne se conviennent pas toujours, 4. Oould, HandO. to Birds of Axislralia, vol. I, p. 300, 308, 448, 451. Sur le Ptarmigan, voir Lloyd, iT»., p. 129. 446 LA DESCENDANCE DE L'HOMME, [Ile Partie]. et par conséquent ne s'accouplent pas. On a cité bien des exemples de couples chez lesquels le mâle ou la femelle a été promptement remplacé par un autre, quand l'un des deux a été tué. Ce fait a été plus fréquemment observé chez la pie que chez tout autre oiseau, probablement parce que cet oiseau est très-apparent et que son nid se remarque facilement. Le célèbre Jenner raconte que, dans le Wiltshire, on tua sept jours de suite un des oiseaux d'un couple, mais sans résultat, « car l'oiseau restant remplaçait aussitôt son compagnon disparu, et le dernier couple se chargea d'élever les petits. » Un nouveau compagnon se trouve généralement le lende- main, mais M. Thompson cite un cas où il fut remplacé dans la soirée du même jour. Si un des oiseaux parents vient à être tué même après l'éclosion des œufs, il est souvent remplacé ; le fait s'est passé après un intervalle de deux jours dans un cas observé récem- ment par un garde-chasse de sir J. Lubbock *. On peut supposer tout d'abord, et cette supposition est la plus probable, que les pies mâles ^ont beaucoup plus nombreuses que les femelles, et que, dans ces cas et beaucoup d'autres analogues, les mâles seuls ont été tués, ce qui arrive assez souvent. En effet, les gardes de la forêt de Delamere ont affirmé à M. Fox que les pies et les corbeaux qu'ils abattaient en grand nombre dans le voisinage des nids, étaient tous mâles, ce qui s'explique par le fait que les mâles, obligés d'aller et venir pour se procurer des aliments pour les femelles en train de couver, sont exposés à de plus grands dangers. Macgillivray, cependant, assure, d'après un excellent observateur, que trois pies femelles ont été successivement tuées sur le même nid; dans un autre cas, six pies femelles ont été aussi tuées successivement alors qu'elles couvaient les mêmes œufs ; il est vrai que, s'il faut en croire M. Fox, le mâle se charge de couver lorsque la femelle vient à être tuée. Le garde de sir J. Lubbock a tué, à plusieurs reprises, sans pou- voir préciser le nombre de fois, un des deux membres d'un couple de geais {Garruhts glandarius), et a toujours trouvé l'oiseau survivant accouplé de nouveau au bout de très-peu de temps. Le Rév. W. D. Fox, M. F. Bond, et d'autres, après avoir tué un des deux corbeaux {Co7'vus cni'oné) d'un couple, ont observé que le survivant trouvait très-promptement à s'accoupler de nouveau. Ces oiseaux sont com- muns et on peut s'expliquer qu'ils trouvent un nouveau compa- gnon avec une facilité relative; mais M. Thompson constate qu'en 5. Sur les pies, Jenner, Phil. Traiis., 1824, p. 21; MacKÏIHvray, Hist. Brit. Birds., vol. I, p. 570; Thompson, Ann. and Mag. of Nat. Hist., vol. VIII, 1842. p. 494. [Chap. XIV]. OISEAUX NON ACCOUPLES. 417 Irlande, chez une espèce rare de faucon {Falco peregrlnus), « si un mâle ou une femelle vient à être tué pendant la saison de l'accou- plement (ce qui arrive assez souvent), l'individu qui a disparu est remplaeé au bout de peu de jours, de sorte que le produit du nid est assuré, » M. Jenner Weir a constaté le même fait chez des faucons de la même espèce à Beachy Head. Le même observateur affirme que trois crécerelles milles {Falco tinnunculus) furent successi- vement tués pendant qu'ils s'occupaient du même nid, deux avaient le plumage adulte, et un celui de l'année précédente. M. Birkbeck tient d'un garde-chasse digne de foi que, en Ecosse, chez l'aigle doré [Aquila chrysaelos), espèce fort rare, tout individu d'un coui)le tué est bientôt remplacé. On a aussi observé que, chez le hibou blanc (Strix flammen), le survivant trouve promptement un nou- veau compagnon. White de Selborne, qui cite le cas du hibou, ajoute qu'un homme avait l'habitude de tuer les perdrix mâles pensant que les batailles qu'ils se livraient dérangeaient les femelles après l'accouplement; mais bien que cet homme eût rendu une même femelle plusieurs fois veuve, elle ne tardait pas à s'accoupler de nouveau. Le même naturaliste ordonna de tuer des moineaux qui s'étaient emparés de nids d'hirondelles et les en avaient ainsi expulsées, mais il s'aper- çut bientôt que, si on ne tuait pas en même temps les deux individus formant le couple , le survivant, « fût-ce le màlc ou la femelle, se procurait immédiatement un nouveau compagnon, et cela plusieurs fois de suite. » Le pinson, le rossignol et la rubiette des murailles {Phœnicura 77//Jc> 9. Lo prof. Newton a bion voulu me signaler le passage suivant de M. Ailain (Travrls of A nnlnralist, 1870, p. 278) : « Au lieu de donner à une sittelle ja|)ou- naise la noix assez tendre de l'if, sa nourriture ordinaire, je lui donnai des udi- selles dures. L'oiseau fit de nombreux efforts sans pouvoir les briser; entin il les déposa lune après l'autre dans un vase i)lein d'eau, évidemment avec la pensée qu'après avoir trempé quelque temps elles deviendraient plus molles; c'est là une |)reuvc intéressante de l'intelligence de ces oiseaux. » 20 450 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. et le goût pour le beau; et c'est de ces dernières qualités qu'il est question ici. On a souvent affirmé que les perroquets ont l'un pour l'autre un attachement si vif que, lorsque l'un vient à mourir» l'autre souffre pendant longtemps; toutefois M. Jenner Weir pense qu'on a beaucoup exagéré la puissance de l'affection chez la plupart des oiseaux. Néanmoins, on a remarqué que, à l'état sauvage, quand un des membres d'un couple a été tué, le survivant fait entendre, pen- dant plusieurs jours, une sorte d'appel plaintif; M. Saint-John *° cite divers faits qui prouvent l'attachement réciproque des oiseaux accouplés. M. Bennett *' raconte qu'il a pu observer en Chine le fait suivant : On avait volé un canard mandarin mâle, et la femelle restait inconsolable sans qu'un autre mâle de la même espèce la courtisât assidûment et déployât tous ses charmes devant elle. Au bout de trois semaines on retrouva le canard volé, et le couple se reconnut immédiatement en donnant toutes les marques de la joie la plus vive. Nous avons cependant vu que des sansonnets peuvent, trois fois dans la même journée , se consoler de la perte de leur compa- gnon. Les pigeons ont une mémoire locale assez parfaite pour re- trouver leur ancien domicile après neuf mois d'absence ; pourtant M. Harrisson Weir affirme que, si on sépare quelques semaines pendant l'hiver un couple de ces oiseaux, qui reste naturellement apparié pour la vie, et qu'on les associe respectivement avec un autre mâle et une autre femelle, les oiseaux séparés ne se recon- naissent que rarement, pour ne pas dire jamais, lorsqu'on les remet ensemble. Les oiseaux font quelquefois preuve de sentiments de bienveil- lance; ils nourrissent les jeunes abandonnés, même quand ils appar- tiennent à une espèce différente ; mais peut-être faut-il considérer ceci comme le fait d'un instinct aveugle. Nous avons déjà vu qu'ils nourrissent des oiseaux adultes de leur espèce devenus aveugles. M. Buxton a observé un perroquet qui prenait soin d'un oiseau estropié appartenant à une autre espèce, nettoyait son plumage, et le défendait contre les attaques des autres perroquets qui erraient librement dans son jardin. 11 est encore plus curieux de voir que ces oiseaux manifestent évidemment de la sympathie pour les plai- sirs de leurs semblables. On a pu, en effet, observer l'intérêt extra- ordinaire que prenaient les autres individus de la même espèce à la construction d'un nid que construisait sur un acacia un couple , de cacatoès. Ces perroquets paraissaient doués aussi d'une grande 10. A Tour in Sutherlandshire, 1840, p. 185. U. Wanderings in New South Wales, vol. II, 1834, p. 62. [Chap. XIV]. LE GOUT DES OISEAUX POUR LE BEAU. 451 curiosité, et possédaient évidemment « des notions de propriété et de possession '*. » Ils ont aussi une mémoire fidèle, car on a vu, aux Zoological Gardens, des perroquets reconnaître leurs anciens maî- tres après une absence de plusieurs mois. Les oiseaux ont une grande puissance d'observation. Chaque oiseau apparié reconnaît, bien entendu, son compagnon. Audubon affirme qu'aux États-Unis un certain nombre de Mimus polyglottus restent toute l'année dans la Louisiane, tandis que les autres émi- grenl vers les Étals de l'Est; ces derniers sont à leur retour immé- diatement reconnus et attaqués par ceux restés dans le midi. Les oiseaux en captivité reconnaissent les différentes personnes qui les approchent, ainsi que le prouve la vive antipathie ou l'affection permanente que, sans cause apparente, ils témoignent à certains individus. On m'a communiqué de nombreux exemples de ce fait observés chez les geais, chez les perdrix, chez les canaris et surtout chez les bouvreuils. M. Hussey a décrit de quelle façon extraordi- naire une perdrix apprivoisée reconnaissait tout le monde ; ses sym- pathies et ses antipathies étaient fort vives. Elle paraissait « affec- tionner les couleurs claires, et elle remarquait immédiatement une robe ou un chapeau porté pour la première fois ". » M. Hewitt a décrit les mœurs de quelques canards (descendant depuis peu de parents sauvages) qui, en apercevant un chien ou un chat étranger, se précipitaient dans l'eau et faisaient les plus grands efforts pour s'échapper, tandis qu'ils se couchaient au soleil à côté des chiens et des chats de la maison, qu'ils reconnaissaient parfaitement. Ils s'éloignaient toujours d'un étranger et même de la femme qui les soignait, si elle faisait un trop grand changement dans sa toilette. Audubon raconte qu'il a élevé et apprivoisé un dindon sauvage, qui se sauvait toujours quand il apercevait un chien étranger; l'oiseau s'échappa dans les bois; quelques jours après, Audubon, le pre- nant pour un dindon sauvage, le fit poursuivre par son chien ; mais, ù son grand étonncment, l'oiseau ne se sauva pas, et le chien, l'ayant rejoint, nel'attaqua pas , car tous deux s'étaient mutuellement re- connus comme de vieux amis '*. M. Jenner Weir est convaincu que les oiseaux font tout particu- lièrement attention aux couleurs des autres oiseaux, quelquefois par jalousie, quelquefois parce qu'ils croient reconnaître un parent. 12. Arclimalizntion of Pan-ols, p. C. Buxton, M. P., Antials and Mag. of Nai. Ui.it., Nov. 1868, p. 381. 13. Thr Zooloijist, 1847-48, p. 1602. 14. Hpwitt, sur les canards sauvages, Joioti. of Horticulture^ Jan. 13, 1863, p. 39. Audubon, sur le dindon sauvage, Ornilhol. Biofjraphy, vol. I, p. 14; sur le moqueur, ib., vol. I, p. 110. 452 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. Ainsi, il introduisit dans sa volière un bruant des roseaux [Embe- ri'za schœniculus), qui venait de revêtir les plumes noires de sa tôte ; aucun des oiseaux ne fît attention au nouveau venu, excepté un bou- vreuil, qui a aussi la tête noire. Ce bouvreuil, d'ailleurs très-paisible, ne s'était jamais querellé avec aucun de ses compagnons, y com- pris un autre bruant de la même espèce, mais qui n'avait pas en- core revêtu les plumes noires de sa tête; toutefois, il maltraita telle- ment le dernier venu, qu'il fallut l'enlever. Le Spiza cyanea affecte, pendant la saison de l'accouplement, une brillante couleur bleue ; un oiseau de cette espèce, très-paisible d'ordinaire, se jeta cepen- dant sur un S. cirù, qui a la tête bleue et le scalpa complètement. M. Weir fut aussi obligé de retirer de sa volière un rouge-gorge, qui attaquait avec furie tous les oiseaux portant du rouge dans leur plumage, mais ceux-là seulement; il tua, en effet, un bec-croisé, à poitrail rouge, et blessa grièvement un chardonneret. D'autre part, il a observé que, lorsque certains oiseaux sont introduits pour la première fois dans la volière, ils se dirigent vers les espèces dont la couleur ressemble le plus à la leur, et s'établissent à leurs côtés. Les oiseaux mâles prennent beaucoup de peine pour étaler de- vant les femelles leur beau plumage et leurs autres ornements ; on peut en conclure que les femelles savent apprécier la beauté de leurs prétendants. Mais il est évidemment très-difficile de détermi- ner preuves en mains quelle est leur aptitude à cet égard. On a souvent observé que les oiseaux, placés devant un miroir, s'exami- nent avec une profonde attention, que certains observateurs attri- buent à la jalousie, car l'oiseau peut se croire en face d'un rival, que d'autres, au contraire, attribuent à une sorte d'admiration intime. Dans d'autres cas, il est difficile de déterminer quel sentiment l'em- porte : la simple curiosité ou l'admiration. Lord Lilford ** croit pouvoir affirmer que les objets brillants éveillent si puissamment la curiosité du tringa que, dans les îles Ioniennes, « sans se préoccu- per des coups de fusil, il se précipite sur un mouchoir à vives couleurs. » Un petit miroir, qu'on fait tourner et briller au soleil, exerce une telle attraction sur l'alouette commune qu'elle vient se faire prendre en nombre considérable. Est-ce l'admiration ou la curiosité qui pousse la pie, le corbeau et quelques autres oiseaux à voler et à cacher des objets brillants, tels que l'argenterie et les bijoux? M. Gould assure que certains oiseaux-mouches décorent avec un goiit exquis l'extérieur de leurs nids; « ils y attachent instinclive- 15. The Ibis, vol. Il, 1860, p. 344. [Chap. XIV]. PREFERENCE DES FEMELLES. 453 ment de beaux morceaux de lichen, les plus grandes pièces au mi- lieu et les plus petites sur la partie attachée à la branche. Çà et là une jolie plume est entrelacée ou fixée à l'extérieur; la tige est tou- jours placée de façon que la plume dépasse la surface. » Les trois genres d'oiseaux australiens qui construisent les berceaux do verdure dont nous avons déjà parlé, nous fournissent d'ailleurs une preuve excellente du goût des oiseaux pour le beau. Ces construc- tions (voy. fig. 46, p. 75), où les individus des deux sexes se réunis- sent pour se livrer à des gambades bizarres, alTectent des formes différentes; mais ce qui nous intéresse particulièrement, c'est que les différentes espèces décorent ces berceaux de diverses manières. L'espèce dite satin affectionne les objets à couleurs gaies, tels que les plumes bleues des perruches, les os et les coquillages blancs, qu'elle introduit entre les rameaux ou dispose à l'entrée avec beaucoup do goût. M. Gould a trouvé dans un de ces berceaux un tomahawk en pierre bien travaillée et un fragment d'étoffe de coton bleu, pro- venant évidemment d'un camp d'indigènes. Les oiseaux dérangent constamment ces objets, et pour les disposer de façon différente les transportent çà et là. L'espèce dite tachetée « tapisse magni- fiquement son berceau avec des grandes herbes disposées de ma- nière que leurs sommets se rencontrent et forment les grou- pes les plus variés. » Ces oiseaux se servent de pierres rondes pour maintenir les tiges herbacées à leur place, et faire des allées con- duisant au berceau. Ils vont souvent chercher les pierres et les co- quillages à de grandes distances. L'oiseau régent, décrit par M. Ramsay, orne son berceau, qui est très-court, avec des coquil- lages terrestres blancs appartenant à cinq ou six espèces, et avec des « baies de diverses couleurs bleues, rouges et noires, qui, lorsqu'elles sont fraîches, lui donnent un aspect charmant. Ils y ajoutent quelques feuilles fraîchement cueillies et de jeunes pousses roses, le tout indiquant beaucoup de goût pour le beau. » Aussi M. Gould a-t-il pu dire avec beaucoup de raison : « Ces salles de réu- nion si richement décorées constituent évidemment les plus merveil- leux exemples encore connus de l'architecture des oiseaux. » D'un autre côté, nous pouvons conclure que le goût pour le beau chez les oiseaux diffère certainement selon les espèces ". Préférence des femelles pour certains mâles. — Après ces quelques remarques préliminaires sur le discernement et le goût des oiseaux, 16. Sur les nids décorés des oiseaux-mouches, Gould, Iniroti. to thn Trochi- lidie, 1861, p. 19. Sur les oiseaux à berceau, Oould, Handbook to Dirds of Aus- tralia, vol. I, 1865, p. 444-461; M. Ramsay, Ibis, 1867, p. 456. 454 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. je me propose de citer tous les faits que j'ai pu recueillir relative- ment aux préférences dont certains mâles sont l'objet de la part des femelles. On a prouvé que des oiseaux appartenant à des espèces distinctes s'accouplent quelquefois à l'état sauvage et produisent des hybrides. On pourrait citer beaucoup d'exemples de ce fait; ainsi, Macgillivray raconte qu'un merle mâle et une grive femelle se sont amourachés l'un de l'autre et ont produit des descendants ". On a observé en Angleterre, il y a quelques années, dix-huit cas d'hybrides entre le tétras noir et le faisan ** ; mais la plupart de ces cas peuvent s'expliquer peut-être par le fait que des oiseaux solitaires n'avaient pas trouvé à s'accoupler avec un individu de leur propre espèce. M, Jenner Weir croit que chez d'autres es- pèces les hybrides résultent parfois de rapports accidentels entre des oiseaux construisant leur nid l'un auprès de l'autre. Mais cette explication ne peut s'appliquer aux cas si nombreux et si connus d'oiseaux apprivoisés ou domestiques, appartenant à des espèces différentes, qui se sont épris absolument les uns des autres, bien qu'entourés d'individus de leur propre espèce. Walerton **, par exemple, raconte qu'une femelle appartenant à une bande com- posée de vingt-trois oies du Canada s'accoupla avec une bernache mâle, bien qu'il fût seul de son espèce dans la bande et très-diffé- rent sous le rapport de l'apparence et de la taille ; ce couple en- gendra des produits hybrides. Un canard siffleur mâle [Mareca penelopé), vivant avec des femelles de son espèce, s'accoupla avec une sarcelle [Querquedula acuta) . Lloyd a observé un cas d'attache- ment remarquable entre un Tadof'na vulpanser et un canard commun. Nous pourrions citer bien d'autres exemples; le rév. E. S. Dixon fait, d'ailleurs, remarquer que « ceux qui ont eu l'occasion d'élever ensemble beaucoup d'oies d'espèces différentes savent bien quels attachements singuliers peuvent se former, et combien elles sont sujettes à s'accoupler et à produire des jeunes avec des individus d'une race (espèce) différente de la leur, plutôt qu'avec la leur propre ». Le rév. W. D. Fox a élevé en même temps une paire d'oies de Chine {Anse?- cygnoïdes) et un mâle de la race commune avec trois femelles. Les deux lots restèrent séparés jusqu'à ce que le mâle 17. Hist. of Brit. Birds, vol. II, p. 92. 18. Zoologist, 1853-54, p. 3946. 19. Waterton, Essays on Nat. Hist., 2« sér., p. 42, 117. Pour les assertions suivantes, voir sur le siffreur, Loudou,. Mag. ofNat. Hist., vol. IX, p. 616; Lloyd, Scaîidinavian Adventures, vol. I, 1854, p. 452; Dixon, Ornamental and Domestic Poultry, p. 137 ; Hewitt, Jouvn. of Horticulture, 1863, p. 40 ; Bechstein, Stubenviigel, 1840, p. 230. [CiiAP. XIV]. PRÉFÉRENCE DES FEMELLES. 455 chinois eût déterminé une des oies communes à vivre avec lui. En outre, les œufs pondus par les oies de l'espèce commune étant venus à éclore, quatre petits seuls se trouvèrent purs, les dix-huit autres étaient hybrides; le mille chinois avait donc eu des charmes tels, qu'il l'emporta facilement auprès des femelles sur le mâle appartenant à l'espèce ordinaire. Voici un dernier cas; M. Hewitt raconte qu'une cane sauvage élevée en captivité , « ayant déjà reproduit pendant deux saisons avec un propre mule de son espèce, le congédia aussitôt que j'eus introduit dans le même étang une sarcelle mille. Ce fut évidemment un cas d'amour subit, car la cane vint nager d'une manière caressante autour du nouveau venu, qui était évidemment alarmé et peu disposé à recevoir ses avances. Dès ce moment, la cane oublia son ancien compagnon. L'hiver passa, et le printemps suivant la sarcelle mâle parut avoir cédé aux attentions et aux soins dont il avait été entouré, car ils s'accouplèrent et produisirent sept ou huit petits. » Quels ont pu être, dans ces divers cas, en dehors de la pure nou- veauté, les charmes qui ont exercé leur action, c'est ce qu'il serait i mpossible d'indiquer. La couleur, cependant, joue quelquefois un certain rôle, car, d'après Bechstein, le meilleur moyen pour obte- nir des hybrides du Fvhigilla spinus (tarin) avec le canari, est de mettre ensemble des oiseaux ayant la même teinte. M. Jenner Weir introduisit dans sa volière contenant des linottes, des chardonne- rets, des tarins, des verdiers et d'autres oiseaux mâles, un canari femelle pour voir lequel elle choisirait; elle n'eut pas un moment d'hésitation et s'approcha immédiatement du verdier. Ils s'accou- plèrent et produisirent des hybrides. La préférence qu'une femelle peut montrer pour un mâle plutôt que pour un autre, n'attire pas autant l'attention quand il s'agit d'individus appartenant à la même espèce. Ces cas s'observent prin- cipalement chez les oiseaux domestiques ou captifs; mais ces oi- seaux ont souvent leurs instincts viciés dans une grande mesure par un excès d'alimentation. Les pigeons et surtout les races galli- nes me fourniraient, sur ce dernier point, de nombreux exemples que je ne puis détailler ici. On peut expliquer par certaines pertur- bations des instincts quelques-unes des unions hybrides dont nous avons parlé plus haut, bien que, dans la plupart des cas que nous avons cités, les oiseaux fussent à demi libres sur de vastes étangs, et il n'y a aucune raison pour admettre qu'ils aient été artificielle- ment stimulés par un excès d'alimentation. Quant aux oiseaux à l'état sauvage, la première supposition qui se présente à l'esprit est que, la saison arrivée, la femelle accepte 486 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. le premier mâle qu'elle rencontre; mais, comme elle est presque invariablement poursuivie par un nombre plus ou moins considé- rable de mules, elle a tout au moins l'occasion d'exercer un choix. Audubon, — nous ne devons pas oublier qu'il a passé sa vie à par- courir les forêts des États-Unis pour observer les oiseaux, — affirme positivement que la femelle choisit son mâle. Ainsi, il assure que le pic femelle est suivie d'une demi-douzaine de prétendants qui ne cessent d'exécuter devantelleles gambades les plus bizarres jus- qu'à ce que l'un d'eux devienne l'objet d'une préférence marquée. La femelle de l'étourneau à ailes rouges [Agelseus phœniceus) est également poursuivie par plusieurs mâles, jusqu'à ce que, « fati- guée, elle se4)ose, reçoit leur hommage et fait son choix. » Il ra- conte encore que plusieurs engoulevents mâles plongent dans l'air avec une rapidité étonnante, se retournent brusquement et produi- sent ainsi un bruit singulier; « mais, aussitôt que la femelle a fait son choix, les autres mâles disparaissent. » Certains vautours {Cathartes aurea) des États-Unis se réunissent par bandes de huit à dix mâles et femelles sur des troncs d'arbres tombés, « ils se font évidemment la cour, » et, après bien des caresses, chaque mâle s'envole avec une compagne. Audubon a également observé les bandes sauvages d'oies du Canada {Anser Canndensis), et nous a laissé une excellente description de leurs gambades amoureuses; il constate que les oiseaux précédemment accouplés « se courti- sent de nouveau dès le mois de janvier, pendant que les autres continuent tous les jours à se disputer pendant des heures, jus- qu'à ce que tous semblent satisfaits de leur choix ; dès que ce choix est fait, la bande reste réunie; mais chaque couple fait en quelque sorte bande à part. J'ai observé aussi que les prélimi- naires de l'accouplement sont d'autant moins longs que les oiseaux sont plus âgés. Les célibataires des deux sexes, soit par regret, soit pour ne pas être dérangés par le bruit, s'éloignent et vont se poser à quelque distance des autres ". » On pourrait emprunter au même observateur bien des remarques analogues sur d'autres oiseaux. Passons maintenant aux oiseaux domestiques et captifs ; je ré- sumerai d'abord les quelques renseignements que j'ai pu me pro- curer sur l'attitude des oiseaux appartenant aux races gallines pendant qu'ils se font la cour. J'ai reçu à ce sujet de longues lettres de M. Hewitt et de M. Tegetmeier, ainsi qu'un mémoire de feu M. Brent, tous assez connus par leurs ouvrages pour que personne 20. Audubon, Omith. Biog., vol. I, p. 191, 349, vol. II, p. 42, 275, vol. III, p. 2. (Chap. XIV]. PRÉFÉRENCE DES FEMELLES. Viî ne puisse contester leur qualité d'observateurs consciencieux et expérimentés. Ils ne croient pas que les femelles préfèrent certains mâles à cause de la beauté de leur plumage ; mais il faut tenir compte de l'état artificiel dans lequel ils ont longtemps vécu. M. Tegetmeier est convaincu que la femelle accueille aussi volon- tiers un coq de combat défiguré par l'ablation de ses caroncules, qu'un mâle pourvu de tous ses ornements naturels. M. Brent ad- met toutefois que la beauté du mâle contribue probablement à exciter la femelle, et l'adhésion de cette dernière est nécessaire. M. Hewitt est convaincu que l'accouplement n'est en aucune façon une alTuire de hasard, car la femelle préfère presque invariable- ment le mâle le plus vigoureux, le plus hardi et le plus fougueux ; il est donc inutile, remarquc-t-il « d'essayer une reproduction vraie si un coq de combat en bon état de santé et de constitution se trouve dans la localité, car toutes les poules, en quittant le per- choir, iront au coq de combat, en admettant même que ce dernier ne chasse pas les mâles appartenant à la même variété que les femelles. » Dans les circonstances ordinaires, les coqs et les poules sem- blent arriver à s'entendre au moyen de certains gestes que m'a décrits M. Brent. Les poules évitent souvent les attentions em- pressées des jeunes mâles. Les vieilles poules et celles qui cnt des dispositions belliqueuses n'aiment pas les mâles étrangers, et ne cèdent que lorsqu'elles y sont obligées à force de coups. Ferguson constate, cependant, qu'un coq Shanghai *' parvint, à force d'at- tentions, à subjuguer une vieille poule querelleuse. 11 y a des raisons de croire que les pigeons des deux sexes pré- fèrent s'accoupler avec des oiseaux appartenant à la même race; le pigeon de colombier manifeste une vive aversion pour les races très-améliorées ". M. Harrison Weir croit pouvoir affirmer, d'après les remarques faites par un observateur attentif, qui élève des pigeons bleus, que ceux-ci chassent tous les individus appartenant aux autres variétés colorées, telles que les variétés blanches, rouges et jaunes; un autre éleveur a observé qu'une femelle brune de la race des messagers a refusé bien des fois de s'accoupler avec un mâle noir, mais elle a accepté immédiatement un mâle ayant la même couleur qu'elle. M. Tegetmeier a possédé un pigeon à cra- vate femelle bleu qui a obstinément refusé de s'accoupler avec deux mâles appartenant à la même race, bien qu'on les ait laissés 21. Rare and Prize Poultry , 1854, p. 27. 22. Variation des Animaux, etc., vol. II, p. 110 (trad. françaiie). 458 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. avec elle pendant des semaines ; elle consentit au contraire à s'ac- coupler avec le premier dragon bleu qui s'offrit. Comme cette fe- melle avait une grande valeur, on l'enferma de nouveau avec un mâle bleu très-pâle, et elle finit par s'accoupler avec lui, mais seule- ment après plusieurs semaines. Toutefois, la couleur seule paraît généralement n'avoir que peu d'influence sur l'accouplement des pigeons. M. Tegetmeier voulut bien, à ma demande, teindre quel- ques-uns de ces oiseaux avec du magenta, et les autres n'y firent presque aucune attention. Les pigeons femelles éprouvent à l'occasion, sans cause appa- rente, une antipathie profonde pour certains mâles. Ainsi MM. Boi- tard et Corbié, dont l'expérience s'est étendue sur quarante-cinq ans d'observations, disent : « Quand une femelle éprouve de l'an- tipathie pour un mâle avec lequel on veut l'accoupler, malgré tous les feux de l'amour, malgré l'alpiste et le chènevis dont on la nour- rit pour augmenter son ardeur, malgré un emprisonnement de six mois et même d'un an, elle refuse constamment ses caresses; les avances empressées, les agaceries, les tournoiements, les tendres roucoulements, rien ne peut lui plaire ni l'émouvoir; gonflée, bou- deuse, blottie dans un coin de sa prison, elle n'en sort que pour boire et manger, ou pour repousser avec une espèce de rage des caresses devenues trop pressantes ^'. » D'autre part, M. Harri- son Weir a pu constater par lui-même un fait que d'autres éleveurs lui avaient signalé, c'est-à-dire qu'un pigeon femelle s'éprend par- fois très-vivement d'un mâle, et abandonne pour lui son ancien compagnon. Riedel ^*, autre observateur expérimenté, assure que certaines femelles ont une conduite fort déréglée et préfèrent n'im- porte quel étranger à leur propre mâle. Certains mâles amoureux, que nos éleveurs anglais appellent des « oiseaux galants », ont un tel succès dans toutes leurs entreprises galantes que, d'après M. Weir, on est obligé de les enfermer à cause du dommage qu'ils causent. Aux États-Unis, les dindons sauvages, d'après Audubon, « viennent quelquefois visiter les femelles réduites en domesticité, ces dernières les accueillent ordinairement avec beaucoup de plaisir. Ces femelles paraissent donc préférer les mâles sauvages à leurs propres mâles ". » Voici un cas plus curieux. Sir R. Héron observa avec soin, pen- 23. Boitard et Corbié, les Pigeons, 1824, p. 12. Prosper Lucas {Traité de l'Hé- rédité nat., vol. II, 1850, p. 296) a observé des faits analogues chez les pigeons. 24. Die Taubenzucht, 1824, p. 86. 25. Oniithological Biography, vol. I, p. 13. [Chap. XIV]. PRKFÉRENCE DES FEMELLES. 459 dant un grand nombre d'années, les habitudes des paons qu'il a élevés en grandes quantités. Il a pu constater o que les femelles mani- festent fréquemment une préférence marquée pour un paon spé- cial. Elles étaient si amoureuses d'un vieux mâle pie, qu'une année où il était captif mais en vue, elles étaient constamment rassem- blées contre le treillis formant la cloison de sa prison, et ne vou- lurent pas permettre à un paon à ailes noires de les approcher. Ce mâle pie, mis en liberté en automne, devint l'objet des attentions de la plus vieille paonne, qui réussit aie captiver. L'année suivante on l'enferma dans une écurie, et alors toutes les paonnes se tournè- rent vers son rival ** » ; ce dernier était un pan à ailes noires, soit, à nos yeux, une variété beaucoup plus belle que la forme ordinaire. Lichtenstein, bon observateur et qui a eu au cap de Bonne-Espé- rance d'excellentes occasions d'étude, a affirmé à Rudolphi que la Citera progne femelle répudie le mâle lorsqu'il a perdu les longues plumes caudales dont il est orné pendant la saison des amours. Je suppose que cette observation a été faite sur des oiseaux en cap- tivité ". Voici un autre cas analogue ; le docteur Jaeger **, directeur du jardin zoologique de Vienne, constate qu'un faisan argenté mâle, après avoir triomphé de tous les autres mâles et être devenu le préféré des femelles, perdit son magnifique plumage. Il fut aussitôt remplacé par un rival qui devint le chef de la bande. M. Boardman, bien connu aux États-Unis comme éleveurde toutes sortes d'espèces d'oiseaux, signale un fait qui prouve quel rôle im- portant joue la couleur au point de vue de l'accouplement des oi- seaux. Il n'a jamais vu, en effet, un oiseau albinos accouplé avec un autre oiseau, bien qu'il ait eu souvent l'occasion d'observer des oiseaux albinos appartenant à plusieurs espèces **. Il est difficile de soutenir que les oiseaux albinos sont incapables de se repro- duire à l'état sauvage, car on peut les élever facilement en captivité. Il semble donc qu'on doit attribuer uniquement à leur couleur le fait que les oiseaux normalement colorés ne veulent pas s'accou- pler avec eux. La femelle non-seulement fait un choix, mais, dans certains cas, elle courtise le mâle, et se bat même pour s'assurer sa possession. SirR. Héron assure que, chez le paon, c'est toujours la femelle qui 26. Proc. Zool. Soc, 1833, p. 54. M. Sclater considère le paon noir comme une espèce distincte qui a été nommée Pavo niyripennis ; je crois cependant qu'il constitue une simple variété. 27. Rudolphi, Reitrilye zur Anthropologie, 1812, p. 184. 28. Die Darwin'sche Théorie, und ihre Stettung zu Moral iind Hcli'/ion, 18G9, p. .W. 29. A. Leith Adams, Field and forest rambles, 1873, p. 79. 460 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. fait les premières avances, et, d'après Audubon, quelque chose d'analogue se passe chez les femelles âgées du dindon sauvage. Les femelles du grand tétras voltigent autour du mâle pendant qu'il parade dans les endroits oii ces oiseaux se rassemblent, et font tout ce qu'elles peuvent pour attirer son attention '**. Nous avons vu une cane sauvage apprivoisée séduire, après de longues avances, une sarcelle mâle d'abord mal disposée en sa faveur. M. Bartlett croit que le Lophophoi^us, comme tant d'autres gallinacés, est natu- rellement polygame, mais on ne saurait placer deux femelles et un mâle dans une même cage, car elles se battent constamment. Le cas suivant de rivalité est d'autant plus singulier qu'il concerne le bouvreuil, qui s'accouple ordinairement pour la vie. M. J. Weir introduisit dans sa volière une femelle assez laide et ayant des cou- leurs fort ternes; celle-ci attaqua avec une telle rage une autre fe- melle accouplée qui s'y trouvait, qu'il fallut retirer cette dernière. La nouvelle femelle fit la cour au mâle et réussit enfin à s'apparier avec lui; mais elle en fut plus tard justement punie, car, ayant perdu son caractère belliqueux, M. Weir remit dans la volière la première femelle, vers laquelle le mâle revint immédiatement en abandonnant sa nouvelle compagne. Le mâle est assez ardent d'ordinaire pour accepter n'importe quelle femelle, et, autant que nous en pouvons juger, il ne mani- feste aucune préférence; mais, comme nous le verrons plus loin, cette règle souffre des exceptions dans quelques groupes. Je ne connais, chez les oiseaux domestiques, qu'un seul cas où les mâles témoignent d'une préférence pour certaines femelles; le coq domes- tique, en effet, d'après M. Hewitt, préfère les poules jeunes aux vieilles. D'autre part, le même observateur est convaincu que, dans les croisements hybrides faits entre le faisan mâle et les poules ordinaires, le faisan préfère toujours les femelles plus âgées. Il ne paraît en aucune façon s'inquiéter de leur couleur, mais il se montre très-capricieux dans ses affections'*. Il témoigne, sans cause explicable, à l'égard de certaines poules, l'aversion la plus complète, et aucun soin de la part de l'éleveur ne peut surmonter cette aversion. Certaines poules, au dire de M. Hev^^itt, semblent ne provoquer aucun désir chez les mâles, même de leur propre espèce, de telle sorte qu'on peut les laisser avec plusieurs coqs pendant toute une saison sans que sur quarante ou cinquante œufs 30. Pour les paons, voir sir R. Héron, Proc. Zool. Soc, 1835, p. 54, et le rév. E. S. Dixon, Ornamental Poultry, 1848, p. 8. Pour le dindon, Audubon, o. c, p. 4. Pour le grand tétras, Lloyd, Game Birds of Sweden, 1867, p. 23. 31. M. Hewitt, cité dans Tegetmeier, Poultry Book, 1866, p. 165. [Chap. XIV]. PRKFKREXCE DES FEMELLES. 46! il y en ait un sotil de fécond. D'autre part, selon M. Ekslrom, on a remarqué, au sujet du canard à longue queue [Harelda glacinlisj, « que certaines femelles sont beaucoup plus courtisées que les autres; et il n'est pas rare de voir une femelle entourée de six ou huit mâles. » Je ne sais si cette affirmation est bien fondée ; en tout cas, les chasseurs indigènes tuent ces femelles et les empaillent pour attirer les mâles '^ Les femelles, avons-nous dit, manifestent parfois, souvent même, une préférence pour certains mâles particuliers. La démonstration directe de cette proposition est sinon impossible, du moins très- difficile, et nous ne pouvons guère affirmer qu'elles exercent un choix qu'en invoquant une analogie. Si un habitant d'une autre pla- nète venait à contempler une troupe de jeunes paysans s'empres- sant à une foire autour d'une jolie fille pour la courtiser et se disputer ses faveurs tout comme le font les oiseaux dans leurs assemblées, il pourrait conclure qu'elle a la faculté d'exercer un choix rien qu'en voyant l'ardeur des concurrents à lui plaire et à se faire valoir à ses yeux. Or, pour les oiseaux, les preuves sont les suivantes : ils ont une assez grande puissance d'observation et ne paraissent pas dépourvus de quelque goût pour le beau au point de vue de la couleur et du son. Il est certain que les femelles ma- nifestent, par suite de causes inconnues, des antipathies ou des préférences fort vives pour certains mâles. Lorsque la coloration ou l'ornementation des sexes diffère, les mâles sont, à de rares excep- tions près, les plus ornés, soit d'une manière permanente, soit pen- dant la saison des amours seulement. Ils prennent soin d'étaler leurs ornements divers, de faire entendre leur voix, et se livrent à des gambades étranges en présence des femelles. Les mâles bien armés qui, à ce qu'on pourrait penser, devraient compter unique- ment sur les résultats de la lutte pour s'assurer le triomphe, sont la plupart du temps très-richement ornés; ils n'ont même acquis ces ornements qu'aux dépens d'une partie de leur force; dans d'autres cas, ils ne les ont acquis qu'au prix d'une augmentation des risques qu'ils peuvent courir de la part des oiseaux de proie et de certains autres animaux. Chez beaucoup d'espèces, un grand nombre d'in- dividus des deux sexes se rassemblent sur un même point, et s'y livrent aux assiduités d'une cour prolongée. Il y a môme des raisons de croire que, dans le môme pays, les mâles et les femelles ne réussissent pas toujours à se plaire mutuellement et à s'accoupler. Que devons-nous donc conclure de ces faits et de ces observa- :12. Cité dans Lloyd, o. c, p. 34.'». 462 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. lions? Le mâle étale-t-il ses charmes avec autant de pompe, défie- t-il ses rivaux avec tant d'ardeur, sans aucun motif, sans chercher à atteindre un but? Ne sommes-nous pas autorisés à croire que la femelle exerce un choix et qu'elle accepte les caresses du mâle qui lui convient le pliîs? 11 n'est pas probable qu'elle délibère d'une façon consciente ; mais le mâle le plus beau, celui qui a la voix la plus mélodieuse, ou le plus empressé réussit le mieux à l'exciter et à la captiver. Il n'est pas nécessaire non plus de supposer que la femelle analyse chaque raie ou chaque tache colorée du plumage du mâle; que la paonne, par exemple, admire chacun des détails de la magnifique queue du paon; elle n'est probablement frappée que de l'effet général. Cependant, lorsque nous voyons avec quel soin le faisan Argus mâle étale ses élégantes rémiges primaires, redresse ses plumes ocellées pour les mettre dans la position où elles produisent leur maximum d'effet, ou encore, comme le char- donneret mâle, déploie alternativement ses ailes pailletées d'or, pouvons-nous affirmer que la femelle ne soit pas à même de juger tous les détails de ces magnifiques ornements? Nous ne pouvons, comme nous l'avons dit, penser qu'il y a choix, que par analogie avec ce que nous ressentons nous-mêmes ; or, les facultés mentales des oiseaux ne diffèrent pas fondamentalement des nôtres. Ces diverses considérations nous permettent de conclure que l'accou- plement des oiseaux n'est pas abandonné au hasard seul; mais que, au contraire, les mâles qui, par leurs charmes divers, sont les plus aptes à plaire aux femelles et à les séduire, sont, dans les condi- tions ordinaires, les plus facilement acceptés. Ceci admis, il n'est pas difficile de comprendre comment les oiseaux mâles ont peu à peu acquis leurs divers ornements. Tous les animaux offrent des différences individuelles ; et, de même que l'homme peut modifier ses oiseaux domestiques en choisissant les individus qui lui semblent les plus beaux, de même la préférence habituelle ou même acciden- telle qu'éprouvent les femelles pour les mâles les plus attrayants doit certainement provoquer chez eux des modifications qui, avec le temps, peuvent s'augmenter dans toute la mesure compatible avec l'existence de l'espèce. Variabilité des oiseaux, et surtout de leurs caractères sexuels secon- daires. — La variabilité et l'hérédité sont les bases sur lesquelles s'appuie la sélection pour effectuer son œuvre. Il est certain que les oiseaux domestiques ont beaucoup varié et que leurs variations sont héréditaires. On admet généralement '', aujourd'hui, que les 33. D'après le docteur Blasius (Ibis, vol. II, 1860, p. 297), il y a 425 espèces [Chap. XIV]. VARIABILITÉ. 463 oiseaux ont parfois été modifiés do façon à former des races dis- tinctes. 11 y a deux sortes de variations : colles que, dans notre igno- rance, nous appelons spontanées ; celles qui ont des rapports directs avec les conditions ambiantes, de sorte que tous ou presque tous les individus de la même espèce subissent des modifications ana- logues. M. J. A. Allen '* a récemment observé ces dernières varia- lions avec beaucoup de soin; il a démontré qu'aux États-Unis beau- coup d'espèces d'oiseaux alîectentdes couleurs plus vives à mesure que leur habitat est situé plus au sud, et des couleurs plus claires à mesure qu'ils pénètrent davantage vers l'ouest dans les plaines arides de l'intérieur. Les deux sexes semblent ordinairement af- fectés de la même manière ; mais parfois un sexe l'est plus que l'autre. Cette modification de coloration n'est pas incompatible avec l'hypothèse qui veut que les couleurs des oiseaux soient principale- pient dues î\ l'accumulation de variations successives, grâce à la sélection sexuelle; car, alors même que les sexes ont acquis dos dilTérences considérables, l'influence du climat pourrait se traduire par un elTot égal sur les deux sexes, ou par un elTet plus considé- rable sur un sexe que sur l'autre, grâce à certaines dispositions constitutionnelles. Tous les naturalistes sont d'accord aujourd'hui pour admettre que des différences individuelles entre les membres d'une même espèce surgissent à l'état sauvage. Les variations soudaines et forte- ment prononcées sont assez rares; il est douteux, d'ailleurs, que ces variations, en admettant môme qu'elles soient avantageuses, soient souvent conservées parla sélection et transmises aux géné- incontestables d'oiseaux qui se reproduisent en Europe, outre 60 formes qu'on regarde souvent comme des espèces distinctes. Blasius croit que 10 de ces der- nières sont seules douteuses, les 50 autres devant être réunies à leurs voisines les plus proches; mais cela prouve qu'il doit y avoir chez quchiues-uns de nos oiseaux d'Europe une variabilité considérable. Les naturalistes ne sont pas plus d'accord sur le fait de savoir si plusieurs oiseaux de l'Amérique du Nord doivent être considérés comme spécifiquement distincts des espèces européennes qui leur correspondent. ;U. Mammals nnd Hirdi of Eost Florida, et Ornitholof/kal Hcconnaissnncc of Knn.sn.1, etc. Malgré l'influence du climat sur les couleurs des oiseaux, il est difficile d'expliquer les teintes ternes ou foncées de presque toutes les espèces habitant certains pays, les îles Galapagos, par exemjjle, situées sous l'Equa- teur, les plaines tempérées de la Patagonie et, à ce qu'il parait, l'Egypte (Hat- shorne, American Snturnlist, 187.'), p. 747). Ces pîiys sont déboisés et offrent, par conséquent, peu d'abris aux oiseaux ; mais il est douteux qu'on i)uisse ex- |)liquer par un défaut de protection l'absence d'espèces brillamment colorées, car, dans les Pampas également déboisés, mais couverts, il est vrai, de ga/on, et oii les oiseaux sont tout aussi exposes au danger, on constate la présence de nombreuses espèces brillamment colorées. Je me suis souvent demandé si les teintes ternes prédominant<'s du paysage dans les |iays dont il s'agit n'auraient pas influé sur le goût des oiseaux en matière de couleur. 464 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. rations futures ". Néanmoins, il peut être utile de signaler les quelques cas que j'ai pu recueillir qui (à l'exclusion de l'albinisme et du mélanisme simple) se rapportent à la coloration. On sait que M. Gould admet l'existence de quelques variétés seulement, car il attribue un caractère spécifique aux différences si légères qu'elles soient; cependant il admet que, près de Bogota '^, certains oiseaux mouches appartenant au genre Cynanlhus constituent deux ou trois races ou variétés qui diffèrent uniquement par la couleur de la queue, — « les unes ont toutes les plumes bleues, tandis que les autres ont les huit plumes centrales colorées d'un beau vert à leur extrémité. » — 11 ne semble pas que, dans ce cas ou dans les cas suivants, on ait observé des degrés intermédiaires. Chez une espèce de perroquets australiens, les mâles seuls ont, les uns, les cuisses « écarlates, les autres, les cuisses d'un vert herbacé. » Chez une autre espèce du même pays, la raie qui traverse les plumes des ailes est jaune vif chez quelques individus, et teintée de rouge chez quelques autres". Aux États-Unis, quelques mâles du tanagre écar- late {Tanagra ruOm) portent « une magnifique raie transversale rouge brillant sur les plus petites plumes des ailes ''; mais cette variété est assez rare, il faudrait donc des circonstances excep- tionnellement favorables pour que la sélection sexuelle en assurât la conservation. Au Bengale, le busard à miel [Peftiis cristata) porte quelquefois sur la tête une huppe rudimentaire ; on aurait pu négli- ger une différence aussi légère, si cette même espèce ne possédait, dans la partie méridionale de l'Inde, « une huppe occipitale bien prononcée, formée de plusieurs plumes graduées ". » Le cas suivant présente, à quelques égards, un plus vif intérêt. On trouve, dans les îles Feroë seulement, une variété pie du cor- 35. Origine des Espèces, 1880, p. 110. J'avais toujours reconnu que les dévia- lions de conformation, rares et fortement accusées, méritant la qualification de monstruosités, ne pouvaient que rarement être conservées par la sélection naturelle, et que même la conservation de variations avantageuses à un haut degré était jusqu'à un certain point chanceuse. J'avais aussi pleinement appré- cié l'importance des différences purement individuelles, ce qui m'avait conduit à insister si fortement sur l'action de cette forme inconsciente de la sélection humaine, qui résulte de la conservation des individus les plus estimés de chaque race, sans aucune intention de sa part d'en modifier les caractères. Mais ce n'est qu'après lecture d'un article remarquable, de la North British Review (mars, 1867, p. 289 et suivantes), Revue qui m'a rendu plus de services qu'aucune autre, que j'ai compris combien les chances sont contraires à la conservation des variations, tant faibles que fortement accusées, qui ne se manifestent que chez les individus isolés. 36. I?}lrod. to TrochilidfF, p. 102. 37. Gould, Handbnok to Birds of Australia, vol. II, p. 32, 68. 38. Audubon, Ont. Biofj., vol. IV, 1838, p. 389. 39. Jerdon, Birds of hidia, vol. I, p. 108. Blylh, Lnndand Watei-, 1868, p. 381. [Chap. XIV]. VARIABILITÉ. 465 beau ayant la lèle, la poitrine, l'abdomen et quelques parties des plumes,des ailes et de la queue blancs; celte variété n'est pas très-rare, car Graba, pendant sa visite, en a vu huit à dix individus vivants. Bien que les caractères de cette variété ne soient pas absolument constants, plusieurs ornithologistes distingués en ont fait une es- pèce distincte. Briinnich remarqua que les autres corbeaux de l'île poursuivent ces oiseaux pies en poussant de grands cris, et les attaquent avec furie; ce fut là le principal motif qui le dérida à les considérer comme spécifiquement distincts; on sait maintenant que c'est une erreur *". Cet exemple rappelle un cas analogue que nous venons de citer : les oiseaux albinos ne s'accouplent pas, parce qu'ils sont repoussés par leurs congénères. On trouve, dans diverses parties des mers du Nord, une variété remarquable du guillemot commun {i'ria troile) \ cette variété, au dire de Graba, se rencontre aux îles Feroé dans la proportion do un sur cinq de ces oiseaux. Son principal caractère *' consiste en un anneau blanc pur, qui entoure l'œil, une ligne blanche, étroite et arquée, longue d'environ 4 centimètres prolonge la partie posté- rieure de cet anneau. Ce caractère remarquable a conduit quelques ornithologistes à classer cet oiseau comme une espèce distincte sous le nom d'Uria lacrymans; mais il est reconnu aujourd'hui que c'est une simple variété. Cette variété s'accouple souvent avec l'es- pèce commune, et cependant on n'a jamais vu de formes intermé- diaires; ce qui d'ailleurs n'a rien d'étonnant, car les variations qui apparaissent subitement, comme je l'ai démontré ailleurs '*, se transmettent sans altération, ou ne se transmettent pas du tout. Nous voyons ainsi que deux formes distinctes d'une même espèce peuvent coexisltT dans une même localité, et il n'est pas douteux que, si l'une eiU eu sur l'autre un avantage de quelque importance, elle se fût promptement multipliée à l'exclusion de l'autre. Si, par exemple, les corbeaux pies mâles, au lieu d'être persécutés et chassés par les autres, eussent eu des attraits particuliers pour les femelles noires ordinaires, comme le paon pie dont nous avons parlé plus haut, leur nombre aurait augmenté rapidement. C'eût été là un cas de sélection sexuelle. Quant aux légères différences individuelles qui, à un degré plus ou moins grand, sont communes à tous les membres d'une même espèce, nous avons toute raison de croire qu'elles constituent l'é- 40. Grali.i. Tfif/ebur/i eincr Rrisr nnrh Fiirœ, IS'JO, p. 51-51. Macgillivr.iy, Uist. lint. fl/;v/.v, vol. III, p. 745. Ifns, 18G5, vol. V, p. i69. 41. Graba, o. c, p. 54; Macgillivray, o. c, vol. V, p. .'{27. 42. Variation des Animatu:, etc., vol. II, p. 99 (trad. française). 30 466 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. fil» Partie]. lément le plus important pour l'œuvre de la sélection. Les carac- tères sexuels secondaires sont éminemment sujets à varier, tant chez les animaux à l'état sauvage que chez ceux réduits à l'état do- mestique *'. On pourrait presque affirmer aussi, comme nous l'avons vu dans le huitième chapitre, que les variations surgissent plus fréquemment chez les mâles que chez les femelles. Toutes ces con- ditions viennent puissamment à l'aide de la sélection sexuelle. J'es- père démontrer, dans le chapitre suivant, que la transmission des caractères ainsi acquis à un des sexes ou à tous les deux dépend exclusivement, dans la plupart des cas , de la forme d'hérédité qui prévaut dans les groupes en question. Il est quelquefois difficile de déterminer si certaines différences légères entre les mâles et les femelles proviennent uniquement d'une variation avec hérédité limitée à un sexe seul, sans le con- cours de la sélection sexuelle, ou si ces différences ont été aug- mentées par l'intervention de cette dernière cause. Je ne m'occupe pas ici des nombreux cas où le mâle affecte de magnifiques cou- leurs ou d'autres ornements, qui n'existent chez la femelle que dans de très-minimes proportions, car, dans ces cas, on se trouve presque certainement en présence de caractères primitivement acquis par le mâle, et transmis dans une plus ou moins grande mesure à la femelle. Mais que penser relativement à certains oiseaux chez lesquels, par exemple, les yeux diffèrent légèrement de couleur selon le sexe "? Dans quelques cas, la différence est très-prononcée ; ainsi, chez les cigognes du genre Aeno7'hynchus, les yeux du mâle sont couleur noisette noirâtre, tandis que ceux des femelles affec- tent une teinte jaune gomme-gutte ; chez beaucoup de calaos (Bu- ceros), d'après M. Blyth **, les mâles ont les yeux rouge cramoisi, et les femelles les ont blancs. Chez le Buceros bkoi'nis, le bord pos- térieur du casque et une raie sur la crête du bec sont noirs chez le mâle, mais non pas chez la femelle. Devons-nous attribuer à l'inter- vention de la sélection sexuelle la conservation ou l'augmentation de ces taches noires el de la couleur cramoisie des yeux chez les mâles ? Ceci est fort douteux, car M. Bartlett m'a fait voir, aux Zoological Gardens, que l'intérieur de la bouche de ce Buceros est noir chez le mâle, et couleur chair chez la femelle ; or, il n'y a rien là qui soit de nature à affecter ni la beauté, ni l'apparence extérieure de ces 43. Voir, sur ces points, Variation des Animaux, etc., vol. l, p. 269; et vol. II, p. 78-80. 44. Exemples des iris de Podica et GalHcrex dans Ibis, vol. II, 1860, p. 206 ; et vol. V, 1863, p. 426. 45. Jerdon, o. c, vol. I, p. 243-245. [Chap. XIV]. VARIABILITÉ. 467 oiseaux. Au Chili **, j'ai observé que, chez le Gondor âgé d'un an environ, l'iris est brun foncé, mais qu'à l'âge adulte il devient brun-jaunâtre chez le mâle, et rouge vif chez la femelle. Le mâle possède aussi une petite crête charnue longitudinale de couleur plombée. Chez beaucoup de gallinacés, la crête constitue un fort bel ornement, et pendant que l'oiseau fait sa cour elle revêt des teintes fort vives; mais que penser de la crête sombre et inco- lore du Condor, qui n'a, à nos yeux, rien de décoratif? On peut se faire la même question relativement à divers autres caractères, comme, par exemple, la protubérance qui occupe la base du bec de l'oie chinoise {Amer cj/gnoïdes) , protubérance beaucoup plus développée chez le mâle que chez la femelle? 11 nous est impos- sible, dans l'état de la science, de répondre à ces questions; en tout cas, on ne saurait affirmer que ces protubérances et ces divers appendices charnus n'exercent aucun attrait sur la femelle, car il ne faut pas oublier que certaines races sauvages humaines considèrent comme des ornements beaucoup de difformités hideu- ses telles que de profondes balafres pratiquées sur la figure avec la chair relevée en saillie, la cloison nasale traversée par des os ou des baguettes, des trous pratiqués dans les oreilles et dans les lèvres de façon à les étendre autant que possible. La sélection sexuelle a-t-elle ou non contribué à la conservation et au développement de ces différences insignifiantes? C'est ce que nous ne saurions aflirmer positivement. En tout cas, elles n'en obéis- sent pas moins aux lois de la variation. En vertu du principe de la corrélation du développement, le plumage varie souvent d'une fa- çon analogue sur diflërenles parties du corps, ou même sur le corps entier. Nous trouvons la preuve de ce fait chez certaines races de gallinacés. Chez toutes les races, les plumes qui recouvrent le cou et les reins des mâleâ" sont allongées et airoctent la forme de soies ; or, lorsque les deux sexes acquièrent une huppe, ce qui constitue un caractère nouveau dans le genre, les ])lumes qui or- nent la tête du mâle prennent la forme de soies, évidemment en vertu du principe de la corrélation, tandis que celles qui décorent la tête de la femelle conservent la forme ordinaire. La couleur des plumes de la huppe du mâle correspond souvent aussi avec celle des soies du cou et des reins, comme on peut le voir en comparant ces plumes chez les poules polonaises pailletées d'or ou d'argent, et chez les races Houdan et Crèvecœur. On constate, chez quelques espèces sauvages, la même corrélation entre la couleur de ces 4G. Zoology of t/ie Voyage of H. M. S. bcaglc, 18H, p. G. 468 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. mêmes plumes, par exemple chez les splendides mâles du faisan Amherst et du faisan doré. La structure de chaque plume amène généralement la disposition symétrique d'un changement de coloration ; les diverses races de gallinacés dont le plumage est tacheté ou pailleté nous en offrent des exemples ; et, grâce à la corrélation, les plumes du corps entier se modifient souvent de la même manière. Nous pouvons donc, sans grande peine, produire des races dont les plumes sont aussi symétriquement tachetées et colorées que celles des espèces sau- vages. Chez les volailles au plumage tacheté et pailleté, les bords colorés des plumes sont nettement définis; mais j'ai obtenu un métis par le croisement d'un coq espagnol noir à reflet vert, et d'une poule de combat blanche, chez lequel toutes les plumes af- fectaient une teinte vert noirâtre, sauf leurs extrémités qui étaient blanc jaunâtre; mais, entre ces extrémités blanchâtres et la base noire de la plume, chacune d'elles portait une zone symétrique courbe affectant une teinte brun foncé. Dans certains cas, la tige de la plume détermine la distribution des teintes; ainsi, chez un métis provenant du même coq espagnol noir, et d'une poule polo- naise pailletée d'argent, la tige et un étroit espace de chaque côté, affectaient une teinte noir verdâtre ; puis venait une zone régulière brun foncé, bordée de blanc brunâtre. Les plumes, dans ce cas, de- viennent symétriquement ombrées, comme celles qui donnent tant d'élégance au plumage d'un grand nombre d'espèces sauvages. J'ai aussi remarqué une variété du pigeon ordinaire chez laquelle les barres des ailes étaient disposées en zones symétriques affectant trois nuances brillantes , au lieu d'être simplement noires sur un fond bleu ardoisé, comme chez l'espèce parente. On peut observer, dans plusieurs groupes considérables d'oi- seaux, que, bien que le plumage de chaque espèce affecte des couleurs différentes, toutes les espèces, cependant, conservent certaines taches, certaines marques ou certaines raies. Un cas analogue se présente chez les races de pigeons , car habituellement toutes les races conservent les deux raies des ailes, bien que ces raies soient tantôt rouges, jaunes, blanches, noires ou bleues, alors que le reste du plumage affecte une nuance différente. Voici un cas plus curieux encore de la conservation de certaines taches, mais colorées d'une manière à peu près exactement inverse de ce qu'elles sont naturellement; le pigeon primitif a la queue bleue, mais les moitiés terminales des barbes externes des deux rectrices extérieures sont blanches ; or, il existe une sous-variété chez la- quelle la queue est blanche au lieu d'être bleue, mais chez laquelle [Chap. XIV]. OCELLES. 469 les barbes des plumes colorées en blanc chez l'espèce parente af- fectent au contraire la couleur noire ". Furmaùon et variabilité des ocelles ou taches oculiformes sur le plu- mage des oiseaux. — Les ocelles qui décorent les plumes de divers oiseaux, la fourrure de quelques mammifères, les écailles des rep- tiles et des poissons, la peau des amphibies, les ailes des lépi- doptères et d'autres insectes constituent, sans contredit, le plus magnifique de tous les ornements ; ils méritent donc une mention spé- ciale. Un ocelle consiste en une tache placée au centre d'un anneau all'ectant une autre couleur, comme la pupille dans l'iris, mais le point central est souvent entouré de zones concentriques addition- nelles. Chacun connaît, par exemple, les ocelles qui se trouvent sur les plumes de la queue du paon, ainsi que sur les ailes du papillon paon (ra/jess«). M. Trimen a décrit une phalène de l'Afrique méri- dionale {Gi/uanisa Isis), voisine de notre grand paon, chez laquelle un ocelle magnifique occupe presque la totalité de la surface de chaque aile postérieure ; cet ocelle consiste en un centre noir, ren- fermant une tache en forme de croissant, demi-transparente, en- tourée de zones successivement jaune ocre, noire, jaune ocre, rose, blanche, rose, brune et blanchâtre. Nous ne connaissons pas les causes qui ont présidé à la formation et au développement de ces ornements si complexes et si magnifiques, mais nous pouvons affirmer, tout au moins, que chez les insectes, ces causes ont dû être très-simples; car, ainsi que le fait remarquer M. Trimen, « il n'y a pas de caractère qui soit aussi instable chez les Lépidoptères que les ocelles, tant au point de vue du nombre que de la grandeur. M. Wallace, qui le premier a attiré mon attention sur ce point, m'a fait voir une série d'individus de notre papillon commun {Hip- parchia Janira) présentant de nombreuses gradations, depuis un simple point noir jusqu'à un ocelle élégamment ombré. Chez un papillon de l'Afrique du Sud {Cylla Leda, Linn.) appartenant à la même famille, les ocelles sont encore plus variables. Chez quelques individus (A, fig. 53), la surface externe des ailes porte de larges taches noires dans-lesquelles on observe çà et là des taches blanches irrégulières; de cet état on peut établir une gradation complète conduisant à un ocelle assez parfait (A'), qui provient de la con- traction des taches noires irrégulières. Chez d'autres individus on peut suivre une série graduée partant de petits points blancs en- tourés d'une ligne noire (B) à peine visible, et finissant par des 47. Bechstein, Naturgesch. DeutschlancTs, vol. IV, 17itr>, p. .M, sur une sous-va- riété du pigeon Monck. 470 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partib]. ocelles grands et parfaitement symétriques (B*) ". Dans les cas comme ceux-ci le développement d'un ocelle parfait n'exige pas une série prolongée de variations et de sélections. Il semble résulter de la comparaison des espèces voisines chez les oiseaux et chez beaucoup d'autres animaux, que les taches cir- culaires proviennent souvent d'un fractionnement et d'une contrac- tion des raies. Chez le faisan Tragopan, les magnifiques taches blanches du mâle *' sont représentées chez la femelle, par des raies A A» Fig. 53. Cylla Leda, Linn., dessin de M. Trimen, indiquant l'extrême étendue de la variation des ocelles. A. Papillon de Maurice, surface supérieure B. Papillon de Java, surface supérieure de de l'aile antérieure. l'aile postérieure. A*. Papillon de Natal, id. B'. Papillon de Maurice, id. indécises de même couleur; on peut observer quelque chose d'ana- logue chez les deux sexes du faisan Argus. Quoi qu'il en soit, toutes les apparences favorisent l'hypothèse que, d'une part, une tache foncée résulte souvent de la condensation, sur un point cen- tral, de la matière colorante répandue sur la zone environnante, laquelle devient ainsi plus claire. D'autre part, qu'une tache blanche résulte souvent de la dissémination autour d'un point central de la substance colorante qui, en s'y répandant, constitue une zone am- 48. Ce dessin sur bois a été gravé d'après un magnifique dessin que M. Tri- men a eu l'obligeance d'exécuter pour moi ; il faut lire la description des éton- nantes variations que peuvent offrir les ailes de ce papillon dans leur colora- tion et dans leur lorme, et que contient son R/iopalocera Africx Australis, p. 186. 49. Jerdon, Birds of India, vol. III, p. 517. [Chap. XIV]. OCELLES. 471 biante plus foncée. Dans les deux cas, il se forme un ocelle. La ma- tière colorante paraît exister en quantité à peu près constante, mais elle est susceptible de se distribuer dans des directions tant centri- pètes que centrifuges. Les plumes de la pintade présentent un excellent exemple de taches blanches entourées de zones plus fon- cées; or, partout oiî les taches blanches sont grandes et rappro- chées, les zones foncées qui les environnent deviennent confluentes. On peut voir, sur une même rémige du faisan Argus, des taches foncées entourées d'une zone pâle, et des taches blanches entourées d'une zone foncée. La formation d'un ocelle, dans son état le plus élémentaire, paraît donc être un phénomène très-simple. Mais je ne saurais prétendre indiquer quelles ont été les différentes phases de la formation des ocelles plus compliqués, entourés de plusieurs zones successives de couleur différente. Cependant, les plumes zonées des métis produits par volailles diversement coloriés, et la va- riabilité prodigieuse des ocelles chez les Lépidoptères, nous auto- risent à conclure que la formation de ces magnifiques ornements ne peut guère être bien compliquée, mais qu'elle résulte probablement de quelques modifications légères et graduelles de la nature des tissus. Gradation des caractè)'es sexuels secondaires. — Les cas de gra- dation ont une grande importance; ils prouvent, en effet, que l'ac- quisition d'ornements très-compliqués peut, tout au moins, être amenée par des phases successives. Pour déterminer les phases successives qui ont procuré à un oiseau ses vives couleurs ou ses autres ornements, il faudrait pouvoir étudier la longue lignée de ses ancêtres les plus reculés, ce qui est évidemment impossible. Ce- pendant nous pouvons, en règle générale, trouver un fil conducteur en comparant toutes les espèces d'un même groupe, lorsque ce groupe est considérable; il est probable en effet que certaines de ces espèces ont dû conserver, au moins en partie, quelques traces de leurs caractères antérieurs. Je préfère ici, au lieu d'entrer dans d'innombrables détails sur divers groupes qui présentent des cas frappants de gradation, étudier un ou deux exemples très-caracté- ristiques, comme celui du paon, pour voir si nous pouvons ainsi jeter quelque lumière sur les différentes phases qu'a dû traver- ser le plumage de cet oiseau pour acquérir le degré d'élégance et de splendeur que nous lui connaissons. Le paon est surtout remar- quable par la longueur extraordinaire qu'atteignent les plumes rec- Irices de la queue, la queue par elle-même n'étant pas très-déve- loppée. Les barbes qui occupent la presque-totalité de la longueur 472 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partib]. de ces plumes sont séparées ou non composées ; mais on peut observer le même fait dans les plumes de beaucoup d'espèces et chez quelques variétés du coq et du pigeon domestiques. Les bar- bes se réunissent vers l'extrémité de la lige pour former le disque ovale ou ocelle qui constitue certainement un des ornements les plus beaux que nous connaissions. Cet ocelle se compose d'un cen- tre dentelé, irisé, bleu intense, entouré d'une zone vert brillant, bordée d'une large zone brun cuivré, que circonscrivent à leur tour cinq autres zones étroites de nuances irisées un peu diffé- rentes. Le disque présente un caractère qui, malgré son peu d'im- portance, mérite d'être signalé; les barbes étant, sur une portion des zones concentriques, plus ou moins dépourvues de barbilles, une partie du disque se trouve ainsi entourée d'une zone presque transparente qui lui donne un aspect admirable. J'ai décrit ail- leurs '" une variation tout à fait analogue des barbes d'une sous- variété du coq de combat, chez lesquelles les pointes, douées d'un lustre métallique, « sont séparées de la partie inférieure de la plume par une zone de forme symétrique et transparente consti- tuée par la partie nue des barbes. » Lé bord inférieur ou la base du centre bleu foncé de l'ocelle est profondément dentelé sur la ligne de la tige. Les zones environnantes montrent également, comme on peut le voir dans le dessin {fig. 54), des traces d'inden- tation ou d'interruption. Ces indentations sont communes aux paons indiens et japonais [Pavo cristatus et P. muU'cits), et elles m'ont paru mériter une attention particulière, car elles sont probablement en rapport avec le développement de l'ocelle, mais sans que j'aie pu, pendant longtemps, m'expliquer leur signification. Si on admet le principe de l'évolution graduelle, on peut affirmer qu'il a dû exister autrefois un grand nombre d'espèces qui ont présenté toutes les phases successives entre les couvertures cau- dales allongées du paon et celles plus courtes des autres oiseaux ; et aussi entre les superbes ocelles du premier et ceux plus simples ou les taches colorées des seconds; et de même pour tous les autres caractères du paon. Voyons donc chez les gallinacés voisins, si nous trouvons des gradations encore existantes. Les espèces et les sous-espèces de Polyplectron habitent des pays voisins de la patrie du paon, et ils ressemblent assez à cet oiseau pour qu'on les ait ap- pelés faisans-paons. M. Bartlett soutient aussi qu'ils ressemblent au paon par la voix et par quelques-unes de leurs habitudes. Pendant le printemps, ainsi que nous l'avons dit précédemment, les mâles 50. Variation, etc., vol. I, p. 270. [Chap. XIV). GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES. 473 se pavanent devant les femelles relativement beaucoup plus sim- ples; ils redressent et étalent les plumes de leurs ailes et de leur queue, ornées de nombreux ocelles. Le lecteur peut recourir à la figure représentant le polyplectron {fiy. 51, p. 97). Chez le P. Na- poleouis, les ocelles ne se trouvent que sur la queue, le dos est d'un bleu métallique brillant, points qui rapprochent cette espèce du paon de Java. Le P. Hurdwickii possède une huppe singulière assez Pig. S4. - l'iuine de paon, deux tiers environ de grandeur naturelle, desainée par M. Ford. — I.a zone transparente est reprt^sentéo par la zone blanche extérieure limitée à l'exlrémité supérieure du disque. semblable à celle du même paon. Les ocelles des ailes et de la queue des diverses espèces de polyplectron sont circulaires ou ovales , et consistent en un magnifique disque irisé, bleu verdâlre ou pourpre verdàtre, avec un bord noir. Chez le P. chinquis, ce bord se nuance de brun avec un liséré couleur de café au lait, de sorte que l'ocelle est ici entouré de zones concentriques affec- tant des tons différents quoique peu brillants. La longueur inusitée des couvertures caudales est un autre caraclère remarquable du genre polyplectron; car, chez quelques espèces, elles atteignent la 474 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il" Partie]. moitié, et, chez d'autres, les deux tiers de la longueur des vraies rectrices. Les tectrices caudales sont ornées d'ocelles comme chez le paon. Ainsi, les diverses espèces de polyplectron se rapprochent évidemment du paon, par l'allongement de leurs tectrices, par le zonage de leurs ocelles et par quelques autres caractères. Malgré ce rapprochement, j'avais presque renoncé à mes re- cherches après avoir examiné la première espèce de polyplectron que j'ai eue à ma disposition; car je trouvai non seulement que les véritables rectrices, qui sont simples chez le paon, étaient ornées d'ocelles qui, sur toutes les plumes, différaient fondamentalement de ceux du paon, en ce qu'il y en avait deux sur la même plume {fig. 55), un de chaque côté de la tige. Cette remarque m'amena à conclure que les ancêtres primitifs du paon n'avaient pu, à aucun degré, ressembler au polyplectron. Mais, en continuant mes re- cherches, je remarquai que, chez quelques espèces, les deux ocelles sont fort rapprochés; que, sur les rectrices du P. Hardwickii, par exemple, les deux ocelles se touchaient, et enfin que, sur les tec- trices de la queue de la même espèce ainsi que sur celle du P. Ma- laccense {fig. 56), ils se confondaient. La soudure, n'intéressant que la portion centrale, provoque des dentelures aux bords supé- rieurs et inférieurs de l'ocelle, qui se traduisent également sur les zones colorées environnantes. Chaque tectrice caudale porte ainsi un ocelle unique, mais dont la double origine est encore nettement accusée. Ces ocelles confluents diffèrent de ceux du paon qui sont uniques, en ce qu'ils ont une échancrure à chaque extrémité, au lieu de n'en présenter qu'une à l'extrémité inférieure ou à la base. Il est d'ailleurs facile d'expliquer cette différence ; chez quel- ques espèces de polyplectrons les deux ocelles ovales de la même plume sont parallèles ; chez une autre {P. chinquis), ils convergent vers une des extrémités ; or, la soudure partielle de deux ocelles convergents doit évidemment produire une dentelure plus profonde â l'extrémité divergente qu'à l'extrémité convergente. Il est mani- feste aussi que, si la convergence était très-prononcée et la fusion complète, l'échancrure tendrait à disparaître complètement à l'extré- mité convergente. Chez les deux espèces de paons, les rectrices sont entière- ment dépourvues d'ocelles, ce qui provient sans doute de ce qu'elles se trouvent cachées par les longues tectrices caudales qui les re- couvrent. Elles diffèrent, très-notablement, sous ce rapport, des plumes rectrices des polyplectrons, lesquelles, chez la plupart des espèces, sont ornées d'ocelles plus grands que ceux des plumes qui les recouvrent. J'ai donc été amené à examiner avec soin les [Chap. XIV]. GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES. 475 plumes caudales des diverses espèces de polyplectrons afin de m'assurer si, chez quoiqu'une d'entre elles, les ocelles présentent quelque tendance à disparaître, ce que, à ma grande satisfac- tion, je réussis à constater. Les rec- trices centrales du P. .Xnpoleotiis ont les deux ocelles complètement déve- loppés de chaque côté de la tige ; mais i'ocelle interne devient de moins en moins apparent sur les rectrices pla- cées de chaque côté, et il n'en sub- siste plus qu'une trace rudimentaire ou une ombre sur le bord interne de la plume extérieure. Chez le P. Mnla- ccense, les ocelles des tectrices cau- dales sont soudés comme nous l'avons vu; ces plumes ont une longueur ex- traordinaire, elles atteignent en eiïet les deux tiers de la longueur des rec- trices; de telle sorte que, sous ces deux rapports, elles ressemblent aux couvertures caudales du paon. Or, chez le P. Mulaccense , les deux rec- trices centrales sont seules ornées de deux ocelles à couleur vive, ces taches ont complètement disparu des côtés internes de toutes les autres. Par con- séquent, la structure et l'ornemenla- tion des plumes caudales de cette es- pèce de polyplectron, tant les tectrices que celles qui les couvrent, se rap- prochent beaucoup de la structure et de l'ornementation des plumes cor- respondantes du paon. Il est donc inutile d'insister davan- tage, car le principe de la gradation explique les degrés successifs qu'a dû parcourir la queue du paon pour en arriver à être ce qu'elle est aujourd'hui. On peut se représenter un ancêtre du paon dans un état presque exactement intermé- diaire entre le paon actuel, avec ses tectrices si prodigieusement allongées, ornées d'ocelles uniques, et un gallinacé ordinaire à tectrices courtes, simplement tachetées. Cet oiseau devait [losséder Kig. T)."). — l'artie d'une tectrice cau- dalo du Polyplectron chinquis, avec les deux ocelles ff,'r;in(leur natur. . I-'i^r. .')6. — l'.Trtio 7. — Partie d'une réinigo secontlairo du faisan Argiin, montrant doux ocelles complets, a. b. — A, H, C, I), K, K, sont di's ran^jéos fon- ct'ps oliliqiics se dirigeant chacune vers une ocelle. (Une grande partie de la l)arl>e de la plume a été coupée, surtout il gauche de latig'*.) LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. 478 que sa partie inférieure a une teinte plus brune et se trouve indis- tinctement séparée par une ligne courbe oblique de la partie supé- rieure qui est plus jaune et d'une nuance plus plombée; cette ligne oblique fait un angle droit avec l'axe le plus long de la tache blan- che (qui représente la partie éclairée), et même avec toute la por- tion ombrée, mais ces différences de teintes, dont notre figure sur bois ne peut, cela va sans dire, donner aucune idée, n'altèrent en aucune façon la perfection de l'ombre de la sphère. 11 faut surtout observer que chaque ocelle est en rapport évident avec une raie ou une série de taches foncées, car les deux se rencontrent indiffé- remment sur la même plume. Ainsi, dans la figure 57, la raie A se dirige vers l'ocelle a; B vers l'ocelle b; la raie G est interrompue dans sa partie supérieure, et se dirige vers l'ocelle suivant qui n'est pas repré- senté dans la figure ; il en est de même des bandes D, E et F. Enfin les divers ocelles sont séparés les uns des autres par une surface claire portant des taches noires irrégulières. Je vais maintenant décrire l'autre extrême de la série, c'est-à-dire la première trace d'un ocelle. La courte rémige secondaire la plus rapprochée du corps, porte, comme les autres plumes {fig. 58), des sé- Fig. 58. - Base de la rémige secondaire ricS obliqueS et longitudinales de la plus rapprochée du corps. , , . , ,., , , p taches un peu irregulieres tres-fon- cées. La tache inférieure ou la plus rapprochée de la tige, dans les cinq rangées les plus basses (celle de la base exceptée), est un peu plus grande que les autres taches de la même série, et un peu plus allongée dans le sens transversal. Elle diffère aussi des autres ta- ches en ce qu'elle porte à la partie supérieure une bordure de couleur fauve ombrée. Mais cette tache n'a rien de plus remarquable que celles qu'on voit sur les plumages d'une foule d'oiseaux, elle pour- rait donc aisément passer inaperçue. La tache suivante, en montant dans chaque rangée, ne diffère, en aucune façon, de celles qui, dans la même ligne, sont placées au-dessus d'elle. Les grandes taches occupent exactement la même position relative, sur cette plume que celle occupée par les ocelles parfaits sur les rémiges plus allongées. [Chap. XIV]. GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES. 479 En examinant les deux ou trois rémiges secondaires suivantes, on peut observer une gradation insensible entre une des taches que nous venons de décrire, jointe à celle qui la suit dans la même rangée, et il en résulte un ornement curieux qu'on ne peut ap- peler un ocelle, et que, faute d'un meilleur terme, je nommerai un « ornement elliptique ». Ces ornements sont représentés dans la figure ci-jointe {fig. 59). Nous y voyons plusieurs rangées obliques, A, B, C, D, etc., de taches foncées ayant le caractère habituel. Chaque rangée de taches descend vers un des ornements ellipli- — e Kig. 59. — l'orliou d'une rémige secondaire montrant les ornements elliptique». La flgure de droite n'est qu'un croquis indiquant les lettres do renvoi. A. B. C etc. Rangéi.'s de taches se dirigeant r. T.iche suivante de la mémo rangée. vers les ornements elliptiques et les for- d. Prolongement interrompu de la tache c de mant. la rangée B. b. Tache inférieure de la rangée B. ques et se rattache à lui, exactement comme chaque raie de la figure 57 est en rapport avec un des ocelles à boule. Examinons une rangée, B, par exemple [fig. 59) : la tache inférieure {b) est plus épaisse et beaucoup plus longue que les taches supérieures; son extrémité gauche se termine en pointe et se recourbe vers le haut. Un espace assez large de teintes richement ombrées, com- mençant par une étroite zone brune, passant à l'orange et ensuite à une teinte plombée, très-claire, à l'extrémité amincie qui côtoie la tige, succède brusquement au côté supérieur de cette tache noire, qui correspond sous tous les rapports avec la grande tache ombrée 480 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partib]. décrite ci-dessus {fig. 58); elle est toutefois plus développée et a des couleurs plus vives. A droite et au-dessus de ce point [b, fïg. 59), avec sa partie éclairée, se trouve une marque noire (c) longue et étroite, faisant partie de la même rangée, un peu arquée en des- sous, du côté tourné vers b, pour lui faire face. Cette tache noire est quelquefois brisée en deux parties et bordée d'une raie étroite aifectant une teinte fauve. A gauche et au-dessus de c, dans la même direction oblique, mais toujours plus ou moins distincte, se trouve une autre tache noire (rf). Cette tache affecte ordinairement une forme triangulaire ou irrégulière ; celle qui est indiquée dans l'esquisse est exceptionnellement étroite, allongée et régulière. Elle paraît consister en un prolongement latéral et interrompu de la tache (e), ainsi que semblent l'indiquer les prolongements analo- gues qu'on remarque sur les taches supérieures suivantes ; mais je n'ensuis pas certain. Ces trois taches, by c etrf, avec les parties éclai- rées intermédiaires, constituent ce que nous appelons un ornement elliptique. Ces ornements o(îcupent une ligne parallèle à la tige et leur position correspond évidemment avec celle des ocelles sphéri- ques. Malheureusement un dessin ne saurait faire comprendre l'élégance de leur aspect, car on ne peut reproduire les teintes orangées et plombées qui contrastent si heureusement avec les taches noires. La transition entre un de ces ornements elliptiques et un ocelle à sphère est si insensible, qu'il est presque impossible de déter- miner quand il faut substituer cette dernière désignation à la pre- mière. La transformation de l'ornement elliptique s'effectue par l'allongement et par la plus grande courbure dans des directions opposées de la tache noire inférieure {b,fig.b9), et surtout de la tache supérieure (c), jointe à la contraction de la tache étroite et irrégu- lière (d) qui, se soudant toutes les trois ensemble, finissent par for- mer un anneau elliptique peu régulier. Cet anneau devient de plus en plus régulier, prend la forme circulaire et augmente en même temps en diamètre. La figure 60 représente, grandeur naturelle, un ocelle qui n'est pas encore absolument parfait. La partie infé- rieure de l'anneau noir est beaucoup plus recourbée que la tache inférieure de l'ornement elliptique [b,fig. 59). La partie supérieure de l'anneau se compose de deux ou trois parties séparées, et on n'aperçoit qu'une trace del'épaississement de la partie quiconstitue la tache noire au-dessus de la partie claire. Cette partie claire n'est pas encore non plus très-concentrée et la surface est plus brillam- ment colorée qu'elle ne l'est dans l'ocelle parfait. Les traces de la jonction des trois taches allongées peuvent encore s'apercevoir [CuAP. XI VJ. GRADATION DES CARACT. SEXUELS SECONDAIRES. 481 dans un grand nonjbre des ocelles les4)lus parfaits. La tache irré- gulièrement triangulaire ou étroite (iclp;\e Motacilln boaruln{'*);\'Er>i- l/ianis {^?);\c f-Vw/ico/rt, deux espèces ; le Saxirola ; \e RuticHln, deux espèces; le S///r/Vï, trois espèces; \c Parus, trois espèces; la Mecisturn ; VAnurlfiura;\e Ccr- lliifi; le SiHa, le Yunx, le Muscicnpa, deux espèces; VHirundo, trois espèces; et le Ci/pselus. Les femelles des douze oiseaux suivants peuvent être aussi considérées comme apparentes : Pastor, Molnrilla alha. Parus mnjor et /*. c.T- rulrus; i'pupa, l'icit-i, quatre espèces de Coracio-i, Alccdo et Mcrops. 19. Jownnt of Travrl, vol. I, p. 78. 500 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. dé citer ici lés groupes suivants qui nous sont les plus familiers ; lés martins-pêcheurs, les toucans, les trogons, les capitonides, les musophagcs, les pies et les perroquets. M. Wallace croit que les mâles de ces divers goupes ont graduellement acquis leurs vives couleurs grâce à l'intervention de la sélection sexuelle et les ont transmises aux femelles ; la sélection naturelle ne les a pas élimi- nées chez ces dernières, par suite de la sécurité que leur assurait déjà le mode de nidification. En vertu de cette théorie, les femelles avaient, avant de revêtir de vives couleurs, adopté un mode parti- culier pour la construction de leur nid. Il me semble plus probable que, dans la plupart des cas, les femelles, à mesure qu'elles deve- naient plus brillantes en revêtant graduellement les belles couleurs du mâle, ont dû peu à peu modifier leurs instincts (en supposant qu'elles aient primitivement construit des nids ouverts) et chercher à' se protéger davantage en recouvrant leurs nids au moyen d'un dôme ou en les dissimulant avec soin. Quiconque alu attentivement, par exemple, les remarques que faitAudubon sur les différences que présentent les nids d'une même espèce, selon que cette espèce ha- bite le nord ou le sud des États-Unis ^'*, ne peut éprouver aucune difficulté à admettre que les oiseaux ont pu être facilement amenés à modifier la construction de leurs nids, soit par un changement de leurs habitudes dans le sens rigoureux du mot, soit par la sélec- tion naturelle des prétendues variations spontanées de l'instinct. Cette hypothèse sur les rapports qui existent entre la coloration brillante des oiseaux femelles et le mode de nidification, se trouve confirmée par certains cas analogues qu'on observe dans le désert du Sahara. Là, comme dans la plupart des déserts, la coloration des oiseaux et de beaucoup d'autres animaux s'adapte admirablement aux teintes de la surface environnante. On remarque cependant, d'après le Rév. Tristram, quelques curieuses exceptions à la règle; ainsi le Monticola cyanea mâle affecte une vive coloration bleue, et la femelle, au plumage pommelé de brun et de blanc, est presque aussi remarquable que lui; les mâles et les femelles de deux es- pèces de Dromolxa sont noir brillant. La coloration de ces trois espèces d'oiseaux ne constitue assurément pas une protection ; ils survivent cependant parce qu'ils ont l'habitude, en présence du moindre danger, de se réfugier dans des trous ou dans des cre- vasses de rochers. Quant aux groupes d'oiseaux dont nous venons de parler, grou- 20. Voy. des faits norabreiix dans VOrnithol. Biography. Voir aussi quelques observations curieuses sur les nids des oiseaux italiens, par Eug. Bettoni, dans Atti délia Società italiana, vol. XI, 1869, p. 487. [Chap. XV]. SUR L'HEREDITE LIMITEE PAR LE SEXE. 501 pes chez lesquels les femelles affectent de brillantes couleurs et consiruisenl des nids cachés, il n'est pas nécessaire de supposer que l'iuslincl nidificaleur de chaque espèce distincte ait été spécia- lement modifié ; il suffit d'admettre que les premiers ancêtres de cha(|uc groupe ont été pou à peu conduits à construire des nids ca- chés ou abrités par un dômo, et ont ensuite transmis cet instinct à leurs descendants modifiés en même temps qu'ils leur transmet- taient leurs vives couleurs. Cette conclusion, autant toutefois qu'on peut s'y fier, présente un vif intérêt, car elle tond ;\ prouver que la sélection sexuelle, jointe à une hérédité égale ou presque égale chez les deux sexes, a indirectement déterminé le mode de nidification île groupes entiers d'oiseaux. Chez les groupes même où, d'après M. Waliace, la sélection nar turelle n'a pas éliminé les vives couleurs des femelles, parce qu'elles étaient protégées pendant l'incubation, on remarque sou- vent des difléronces légères entre les mâles et les fomollos, et il arrive parfois que ces diflerences prennent une importance consi- dérable. Ce fait est significatif, car nous ne pouvons attribuer ces différences do couleur qu'au principe en vertu du(juel quelques- unes des variations des mules ont été, dès l'abord, limitées dans leur transmission à ce sexe ; car on ne pourrait affirmer que ces différences, surtout lorsqu'elles sont légères, puissent constituer une protection pour les femelles. Ainsi toutes les espèces du groupe splendide des trogons construisent leurs nids dans des trous; or, si nous examinons, dans l'ouvrage de M. Gould *', les figures re- présentant les individus des (hnix sexes des vingt-cinq espèces de ce groupe, nous verrons que, sauf une exception, la coloration chez les deux sexes diffère quelquefois un peu, quelquefois beau- coup, et que les nulles sont toujours plus brillants que les femelles, bien que ces dernières soient déjà fort belles. Toutes les espèces de marlins-pêcheurs construisent leurs nids dans des trous, et, chez la plupart des espèces, les mâles et les femelles sont égale- ment beaux, ce qui s'accorde avec la règle de M. Waliace; mais chez quelques espèces d'Australie, les couleurs des femelles sont un peu moins vives que celles des mâles, et, chez une espèce à magnifiques couleurs, les mâles diffèrent des femelles au point qu'on les a d'abord regardés comme spécifiqueijient distincts ". M. H. h. Sharp, qui a étudié ce groupe avec une attention toute particulière, m'a montré quelques espèces américaines (Ceri/lr) chez lesquelles la poitrine du mâle est rayée de noir. Chez les Car- 21. MoHograph nf Trogonidx, l" édition. 22. A savoir lo C;/a>itilcyo}i, Gould, Ihindhook, etc., vol. I, p. l.'lfl, 1.J.3, 130. 502 LA. DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. cineittes, la différence entre les sexes est remarquable ; le mâle a la surface supérieure du corps bleu terne rayé de noir, la surface in- férieure en partie couleur fauve, il porte en outre beaucoup de rouge sur la tête ; la femelle a la surface supérieure du corps brun rougeâtre rayé de noir, et la surface inférieure blanche avec des marques noires. Nous devons signaler la coloration de trois espèces de Dacelo, car elle nous offre la preuve que le même type de colo- ration sexuelle caractérise souvent des formes voisines ; chez ces espèces, le mâle ne diffère de la femelle que par sa queue bleu terne, rayée de noir, tandis que celle de la femelle est brune avec des barres noirâtres ; de sorte que, dans ce cas, la couleur de la queue diffère chez les mâles et les femelles de la 'même manière que la surface supérieure entière du corps chez les Carcineutes. On peut observer des cas analogues chez les perroquets, qui con- struisent également leurs nids dans des trous ; les mâles et les fe- melles de la plupart des espèces affectent des couleurs très-bril- lantes, etil est impossible de les distinguer l'un de l'autre; mais chez un certain nombre d'espèces les mâles affectent des tons plus vifs que les femelles et sont même autrement colorés qu'elles. Ainsi, outre d'autres différences très-fortement accusées j toute la partie infé- rieure du corps de VAprosmi'ctus scapulatusmàle est écarlate, tandis que la gorge et le poitrail de la femelle sont verts, teintés de rouge ; chez VEupherna splendida, on observe une différence analogue : la face et les rémiges tectrices de la femelle sont, en outre , bleu plus clair que chez le mâle ^'. Dans la famille des mésanges [Parinx), qui construisent des nids cachés, la femelle de notre espèce bleue commune [Parus cxruleus) est « beaucoup moins vivement colorée que le mâle, » et on observe une différence encore plus considé- rable chez la superbe mésange jaune de l'Inde -*. Dans le groupe des pics ", les individus des deux sexes se ras- semblent généralement beaucoup; mais, chez le Megapicus validus, toutes les parties de la tête, du cou et du poitrail, qui sont cramoisies chez le mâle , sont brun pâle chez la femelle. La tête des mâles chez plusieurs pics affecte une teinte écarlate brillant, tandis que celle de la femelle reste terne ; cette différence m'a conduit à pen- ser que cette couleur si voyante devait constituer un grand danger pour la femelle quand elle mettait la tête hors du trou renfermant 23. On peut suivre chez les perroquets d'Australie tous les degrés de diffé- rences entre les sexes. Gould, o. c, vol. II, p. 14-102. 24. Macgillivray, Brit. Birds, vol. II, p. 433; Jerdon, Birds of India, vol. II, p. 282. 25. Tous les faits suivants sont empruntés à la belle Monographie des Pici- dées, 1861, de M. Malherbe. [Cn.vp. XV]. SIR LHÉRÉDITK LIMITÉE PAR LE SEXE. 503 son nid, et qu'en conséquence, conformément à l'opinion de M. Wallace, elle avait été éliminée chez elle. Les observations do Malherbe sur VIndopicus carhlta confirment cette opinion ; selon lui, les jeunes femelles ont, comme les jeunes mâles, des parties écarlates sur la télé, mais cette couleur disparaît chez la femelle adulte, tandis qu'elle augmente chez le mâle à mesure qu'il vieillit. Les considérations suivantes rendent cependant cette explication très-douteuse : le mâle prend une grande part à l'incubation ", il serait donc, dans ce cas, aussi exposé au danger que la femelle; les individus des deux sexes, chez beaucoup d'espèces, ont la tête colorée également d'un vif écarlale : chez d'autres, la différence do nuance entre les mâles et les femelles est tellement insensible, qu'il n'en peut résulter aucune différence appréciable quant au dan- ger couru; et enfin la coloration de la tète chez les individus des deux sexes diiïérc souvent un peu sous d'autres rapports. Les exemples que nous avons cités relativement aux différences légères et graduelles de coloration que l'on observe entre les mâles et les femelles de groupes chez lesquels, en règle générale, les sexes se ressemblent, se rapportent tous à des espèces qui construisent des nids cachés ou recouverts d'un dôme. On peut toutefois ob- server des gradations semblables dans des groupes où, d'ordinaire, les sexes se ressemblent, mais qui construisent des nids ouverts. De même que j'ai cité ci-dessus les perroquets australiens, je peux signaler, sans entrer dans aucun détail, les pigeons australiens ". Il faut noter avec soin que, dans tous ces cas, les légères différences que présente le plumage des mâles et des femelles affectent la mémo nature générale que celles qui sont accidentellement plus tranchées. Les martins-pécheurs chez lesquels la queue seule, ou toute la sur- face supérieure du plumage, diffère de la mémo manière chez les individus des deux sexes, nous offrent un excellent exemple de co fait. On observe des cas semblables chez les perroquets et chez les pigeons. Les différences entre la coloration du mâle et de la femelle d'une même espèce affectent aussi la même nature générale que les différences de couleur existant entre les espèces distinctes du même groupe. En effet, lorsque dans un groupe, où les sexes se res- semblent ordinairement, le mâle diffère beaucoup de la femelle, son type de coloration n'est pas entièrement nouveau. Nous pouvons donc en conclure que, dans un même groupe, les couleurs spéciales des individus des deux sexes, quand elles sont semblables, ainsi que celles du mâle, quand il diffère peu ou beaucoup de la femelle, 2G. Auiluhon, Ornith. Riogr., vol. II, p. 75. Voir l'I/iis, vol. I. p. 2GS. 21. Oould, Ilmi/iO. Birds uf Auxlrnlia, vol. II, p. 109-1 4fl. 504 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. ont été, dans la plupart des cas, déterminées par une même cause générale : la sélection sexuelle. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, il n'est guère pro- bable que de légères différences de coloration entre les individus des deux sexes puissent avoir aucune utilité comme moyen de sécu- rité pour, la femelle. Admettons toutefois qu'elles en aient une, on pourrait les regarder alors comme des cas de transition ; mais nous n'avons aucune raison de croire qu'un grand nombre d'espèces soient, à un moment quelconque, en voie de changement. Nous ne pouvons donc guère admettre que les nombreuses femelles qui, au point de vue de la coloration, diffèrent très-peu du mâle, soient actuellement toutes en voie de devenir plus sombres pour s'assurer une plus grande sécurité. Si nous considérons même des différences sexuelles un peu plus prononcées, est-il probable, par exemple, que la lente action de la sélection naturelle ait agi sur la tête du pinson femelle, du poitrail écarlate du bouvreuil femelle, sur la coloration verte du verdier femelle, sur la huppe du roitelet huppé femelle, afin de rendre ces parties moins brillantes pour assurer à l'oiseau une plus grande sécurité? Je ne puis le croire, et je l'admets encore moins pour les légères différences existant entre les mâles et les femelles des oiseaux qui construisent des nids cachés. D'autre part, les diffé- rences de coloration entre les individus des deuxsexes, qu'elles soient grandes ou petites, peuvent s'expliquer dans une large mesure, par le principe que des variations successives, provoquées chez les mâles par la sélection sexuelle, ont été, dès l'origine, plus ou moins limitées dans leur transmission aux femelles. Quiconque a étudié les lois de l'hérédité, ne doit pas s'étonner de voir le degré de limita- tion différer dans les diverses espèces d'un même groupe, car ces lois ont une complexité telle que, dans notre ignorance, elles nous paraissent capricieuses dans leurs manifestations -*. Autant que j'ai pu m'en assurer, il existe très-peu de groupes d'oiseaux, contenant un nombre considérable d'espèces, chez les- quels les individus mâles et femelles de toutes les espèces affectent des couleurs brillantes et se ressemblent absolument; cependant M. Sclater affirme que les musophages semblent être dans ce cas. Je ne crois pas non plus qu'il existe aucun groupe considérable chez lequel les mâles et les femelles de toutes les espèces diffèrent beaucoup au point de vue de la coloration : M. Wallace affirme que les Cotingidés de l'Amérique du Sud en offrent un des meilleurs exemples; cependant, chez quelques espèces où le mâle a la gorge 28. Voir les remarques dans mon ouvrage de la Variation des Animaux, etc., vol. II, chap. xii. (Chap. XV!. SUR LMKRÉDITÉ LIMITKE PAR LE SKXE. 505 rouge vif, colle de la femelle présente aussi un peu do rouge, et les foniolles des autres espèces portent des traces du vert et des autres couleurs particulières aux mâles. Néanmoins nous trouvons dans divers groupes un rapprochement vers une similitude ou une dis- semblance sexuelle presque absolue, ce qui est un peu étonnant d'après ce que nous venons de dire sur la nature variable de l'Iié- rédité. Mais il n'y a rien de surprenant à ce que les mêmes lois puissent larfrcmenl prévaloir chez des animaux voisins. La volaille domestique a produit do nombreuses races et sous-races, où le plu- mage dt's individus mâles et femelles dilTère si généralement, qu'on a regardé comme un fait remarquable les cas où, chez cer- taines sous-races, il est semblable chez les deux sexes. D'autre part, le pigeon domestique a aussi produit un nombre très-considé- rable (h; races et de sous-races, mais chez lesquelles, à de rares exceptions près, les deux sexes sont identiquement semblables. Kn co!iséquence, si on venait à réduire à l'état domestique et à faire varier d'autres espèces de Gnllus et de Colomba, il ne serait pas téméraire de prédire que les mêmes règles générales de similitude et de dissemblance sexuelles, dépendant de la forme de la trans- mission, se représenteraient dans les deux cas. De même, une forme quelconque de transmission a généralement prévalu à l'état de na- ture dans les mêmes groupes, bien qu'on rencontre des exceptions bien marquées à cette règle. Dans une même famille, ou dans un même genre, les individus des deux sexes peuvent se ressembler absolument ou être différents sous le rapport de la couleur. Nous avons déjà cité des exemples se rapportant aux mêmes genres, tels que les moineaux, les gobe- mouches, les grives et les tétras. Dans la famille des faisans, les mâles et les femelles de presque toutes les espèces sont étonnamment dissemblables, mais ils se ressem- blent absolument chez le Crossoptilon auritum. Chez deux espèces de Cfilor/i/ifif/n, un genre d'oies, les mâles ne peuvent s(; distinguer des femelles que par leur taille; tandis que, chez deux autres, les individus des deux sexes sont assez dissemblables pour être facile- ment pris pour des espèces distinctes **. Les lois de l'hérédité peuvent seules expliquer les cas suivants, dans lesquels la femelle acquiert, à un âge avancé, certains carac- tères qui sont propres au mâle, et arrive ultérieurement à lui res- sembler d'une manière plus ou moins complète. Ici, on ne peut guère admettre qu'une nécessité de protection ait joué un rùle. Le plumage des femelles de VOrinfus mefanoce/t/ni/iis et de queUpies 2n. l/>is, vol. VI, 1861, |>. 122. 506 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II^ Partie]. espèces voisines, arrivées à l'âge de la reproduction, diffère beau- coup, d'après M. Blyth, de celui des mâles adultes; mais ces diffé- rences, après la seconde ou la troisième mue, se réduisent à une légère teinte verdâtre du bec. Chez les butors nains [Ardetta], d'a- près la même autorité, « le mâle revêt sa livrée définitive à la pre- mière mue, la femelle à la troisième ou à la quatrième seulement; elle a, dans l'intervalle, un plumage intermédiaire qu'elle échange ultérieurement pour le plumage du mâle. » Ainsi encore le Falco pet^egrinus femelle revêt son plumage bleu plus lentement que le mâle. M. Swinhoe assure que chez une espèce de Drongo {Dicru- 7'us macrocerrus) le mâle, au sortir du nid , perd son plumage brun moelleux et devient d'un noir verdâtre uniformément lustré ; tandis que la femelle conserve pendant longtemps encore les taches et les stries blanches de ses plumes axillaires et ne revêt complètement la couleur noire et uniforme du mâle qu'au bout de trois ans. Le même observateur fait remarquer que la spatule [Platalea) femelle de la Chine ressemble, au printemps de sa seconde année, au mâle de la première, et qu'elle paraît ne revêtir qu'au troisième prin- temps le plumage adulte que le mâle possède déjà à un âge beau- coup plus précoce. La femelle "du BombycUla carolinensis diffère très-peu du mâle, mais les appendices qui ornent ses rémiges et qui ressemblent à des boules de cire à cacheter rouge '" ne se développent pas aussi précocement que chez le mâle. La partie su- périeure du bec d'un perroquet indien mâle {Palœornis Javanicus) est, dès sa première jeunesse, rouge corail; mais, chez la femelle, ainsi que M. Blyth l'a observé chez des oiseaux sauvages et en capti- vité, elle est d'abord noire, et ne devient rouge qu'au bout d'un an, âge auquel les mâles et les femelles se ressemblent sous tous les rapports. Chez le dindon sauvage, les individus des deux sexes finissent par porter une touffe de soies sur la poitrine, qui, chez les mâles âgés de deux ans, a déjà une longueur d'environ dix centimètres, et se voit à peine chez la femelle; mais elle se développe chez cette dernière et atteint dix ou douze centimètres de longueur, lorsqu'elle entre dans sa quatrième année '*. 30. Quand le mâle courtise la femelle, il fait vibrer ces ornements et les étale avec soin sur ses ailes déployées. Voir à ce sujet A. Leith Adams, Field and forest Ramblcs, 1873, p. 153. 31. Sur YArdctta, traduction anglaise de M. Blyth, du Règne animal, de Cuvier, p. 159, note. Sur le F'aucon pèlerin, M. Blyth dans Charlesworht Mag. of Nat. Hist., vol. I, 1837, p. 304. Sur le Dicrurus, lois, p. 44, 1863. Sur le Platalea, Ibis, vol. VI, 1864, j). 366. Sur le BombycUla, Audubou, Ornith.Biogr., vol. I, p. 229. Sur le PaL-eornis, Jerdon, Birds ofbidia, vol. I, p. 263. Sur le Din- don sauvage, Audubon, o. c.,vol. I, p. 15. Judge-Caton m'apprend que la femelle iCn.vp. XV ]. SUR I/UKRKDITE LIMITKE PAR LK SKXK. 507 Il no faiil pas confondre ces cas avec ceux où des femelles ma- lades ou vieillies révèlent des caractères masculins, ou avec ceux où des femelles, parfaitement fécondes d'ailleurs, acquièrent pen- dant leur jeunesse, par variation ou par quelque cause inconnue, les caractères propres au mille '^ Mais tous ces cas ont ceci de commun qu'ils dépendent, dans l'hypothèse de la pangenèse, de gemmules dérivées de toutes les parties du mille, gemmules pré- sentes, bien qu'à l'état latent, chez îa femelle, et qui ne se dévelop- pent chez elle que par suite de quelque léger changement apporté aux affinités électives de ses tissus constituants. Ajoutons quelques mots sur les rapports qui existent entre la saison de l'année et les modifications do plumage. Les raisons que nous avons déjà indiquées nous permettent de conclure que les plumes élégantes, les pennes longues et pendantes, les huppes et les aigrettes des hérons et de beaucoup d'autres oiseaux, qui se développent et se conservent seulement pendant l'été, ne servent exclusivement qu'à des usages décoratifs et nuptiaux, bien que communs aux deux sexes. La femelle devient ainsi, pendant la période de l'incubation, plus voyante qu'elle ne l'est pendant l'hiver; mais des oiseaux comme les hérons sont à même de se défendre. Toutefois, comme ces plumes deviennent probablement gênantes et certainement inutiles pendant l'hiver, il est possible que la sélec- tion naturelle ait provoqué une mue bisannuelle dans le but de dé- barrasser ces oiseaux d'ornements incommodes pendant la mauvaise saison. Mais cette hypothèse ne peut s'étendre aux nombreux échassiers chez lesquels les plumages d'été et d'hiver diffèrent très- peu au point de vue de la coloration. Chez les espèces sans défense, espèces chez lesquelles les individus des deux sexes, ou les mâles seuls, deviennent très-brillants pendant la saison des amours, — ou lorsque les mules acquièrent à cette occasion des rectrices ou des rémiges de nature, par leur longueur, à empêcher ou à re- tarder leur vol, comme chez les Cosmeloniis et chez les Vidiia, — il paraît, au premier abord, très-probable que la seconde mue a été acquise dans le but spécial de dépouiller ces ornements. Nous de- vons toutefois rappeler que beaucoup d'oiseaux, tels que les oiseaux (le paradis, le faisan argus et le paon, ne dépouillent pas leurs .•icqtiit'rl rarPiTiPiU une houppe dans rillinois. M. R.-K. Sharp a cité, Pror. zoo/. Soi'., i872, p. 40G, des faits aiialo|.'ues relatifs à I,i fenioiln du Prlrnriissi/fifiiir. '.il. M. HIvih (traduction du Rrynr aiiinin/ «le Cuvier, en anjrlai^. \>. l'iS) rapporte divers exemples (lie/ les l.anius , Hutidlla, I.iitnrin. Audulion cite aussi uncassenil)!al>le Ornitfi. Hiot/r., vol. V, p. "iltt) reialil à un l'i/r(iu;/'i .rstiva. 508 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II^ Partie]. plumes ornementales pendant l'hiver; or, il n'est guère possible d'admettre qu'il y ait dans la constitution de ces oiseaux, au moins chez les gallinacés, quelque chose qui rende une double mue im- possible , car le ptarmigan en subit trois pendant l'année ". Nous devons donc considérer comme douteuse la question de savoir^si les espèces nombreuses qui perdent en muant leurs plumes d'orne- ment et leurs belles couleurs, pendant l'hiver, ont acquis cette ha- bitude en raison de l'incommodité ou du danger qui aurait pu au- trement en résulter pour elles. Je conclus, par conséquent, que l'habitude de la mue bisannuelle a été d'abord acquise, dans la plupart des cas ou dans tous, dans un but déterminé, peut-être pour revêtir une toison d'hiver plus chaude; et que les variations survenant pendant l'été, accumulées par la sélection sexuelle, ont été transmises à la descendance à la même époque de l'année. Les individus des deux sexes ou les mâles seuls ont hérité de ces variations, suivant la forme de l'hé- rédité prépondérante chez chaque espèce particulière. Cette hypo- thèse me semble très-probable; il est difficile de croire en effet que les espèces aient primitivement eu une tendance à conserver pen- dant l'hiver leur brillant plumage, et que la sélection naturelle soit intervenue pour les en débarrasser à cause des dangers et des in- convénients que pourrait amener la conservation de ce plumage. J'ai cherché à démontrer dans ce chapitre qu'on ne peut guère se fier aux arguments avancés en faveur de la théorie qui veut que les armes, les couleurs éclatantes et les ornements de divers genres, appartiennent actuellement aux mâles seuls , parce que la sélection naturelle est intervenue pour convertir une tendance à l'égale transmission des caractères aux deux sexes, en une tendance à la transmission limitée au sexe mâle seul. Il est douteux aussi que la coloration de beaucoup d'oiseaux femelles soit due à la con- servation, comme moyen de sécurité, de variations limitées, dès l'abord, dans leur transmission aux individus de ce sexe. Je crois qu'il convient, cependant, de renvoyer toute discussion ultérieure sur ce sujet, jusqu'à ce que j'aie traité, dans le chapitre suivant, des différences qui existent entre le plumage des jeunes oiseaux et celui des oiseaux adultes. :i:i. GouU, Bh(fs ofGreat Britain. [Chap. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 509 CHAPITRE XVI OISKAUX (fin). Rapports entre le plumage des jeuin's et les caractères qu'il affecte chez les indi- vidus adultes des deux sexes. — Six classes de cas. — Différences sexuelles entre les niàles despèces très-voisines ou représentatives. — Accpiisilion des caractères du niùlc par la femelle. — Plumatre des jeunes dans ses rap- ports avec le phMna;_'e d'été et le |)luma}re d'hiver des adultes. — Augmenta- tion de la beauté des oiseaux. — ('olorations protectrices. — Oiseaux colorés d'une manière très-apparente. — Les oiseaux aiment la nouveauté. — Résumé des quatre chapitres sur les oiseaux. Nous avons luainlenaiil ù considérer la transmission des carac- tères, limitée par l'âge, dans ses rapports avec la sélection sexuelle. •Nous ne discuterons ici ni le bien fondé ni l'importance du prin- cipe de l'hérédité aux âges correspondants; c'est un sujet sur lequel nous avons déjà assez insisté. Avant d'exposer les diverses règles assez compliquées, ou les catégories dans lesquelles, autant que je le comprends, on peut faire rentrer toutes les diiïérences qui existent entre le plumage des jeunes et celui des adultes, je crois devoir faire quelques remarques préliminaires. Lorsque, chez des animaux, quels qu'ils soient, les jeunes affec- tent une coloration différente de celle des adultes, sans qu'elle ait pour eux, autant que nous en pouvons juger, aucune utilité spé- ciale, on peut généralement attribuer cette coloration, de même que diverses conformations embryonnaires, à ce que le jeune ani- mal a conservé le caractèn; d'un ancêtre primitif. Cette hypothèse, il est vrai, n'acquiert un grand degré de probabilité que dans le cas où les jeunes appartenant à plusieurs espèces se ressemblent beau- coup et ressemblent également aux aduittîs appartenant à d'autres espèces du même groupe ; on peut conclure en effet de l'existence de ces derniers qu'un pareil état était autrefois possible. Les jeunes lions et les jeimes pumas portent des raies ou des rangées de taches faiblement indiquées, et les membres de beaucoup d'espèces voisines, jeunes ou adultes, présentent des marques semblables ; en conséquence, un naturaliste qui croit à l'évolution graduelle des espèces peut admettre sans la moindre hésitation que l'ancêtre du lion et du puma était un animal rayé, les jeunes ayant, comme les petits chats noirs, conservé la trace des raies qui ont absolument disparu chez \oa adultes. Chez beaucoup d'espèces de cerfs les adultes n'ont aucune tache, tandis que les jeunes sont couverts de taches blanches; le même fiiitst; présente également chez les adultes 510 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile PartieJ. de certaines espèces. Dans toute la famille des porcs (Suidés) et chez quelques autres animaux qui en sont assez éloignés, tels que le tapir, les jeunes sont marqués de bandes longitudinales foncées; mais nous nous trouvons là en présence d'un caractère qui doit, selon toute apparence, provenir de quelque ancêtre éteint, et qui ne se conserve plus que chez les jeunes. Dans tous les cas que nous venons de citer la coloration des adultes s'est modifiée dans le cours des temps, les jeunes ont cependant peu changé, et cela en vertu du principe de l'hérédité aux âges correspondants. Ce même principe s'applique à beaucoup d'oiseaux appartenant à divers groupes : les jeunes se ressemblent beaucoup, tout en différant considérablement de leurs parents adultes respectifs. Les jeunes, chez presque tous les gallinacés et chez certaines espèces ayant avec eux une parenté éloignée, comme les autruches, por- tent des stries longitudinales alors qu'ils sont encore couverts de duvet; mais ce caractère rappelle un état de choses assez reculé pour que nous n'ayons pas à nous en occuper. Les jeunes becs croisés [Loxia) ont d'abord le bec droit comme les autres pinsons, et leur jeune plumage strié ressemble à celui de la linotte adulte et du tarin femelle, ainsi qu'à celui des jeunes chardonnerets, des verdiers et de quelques autres espèces voisines. Les jeunes de plusieurs espèces de bruants [Emberiza) se ressemblent beaucoup, et ressemblent aussi aux adultes de l'espèce commune [E, miUaria). Dans presque tout le groupe des grives , les jeunes ont la poitrine tachetée, — caractère que beaucoup d'espèces conservent pendant toute leur vie, — tandis que d'autres, comme le Turdus migrator'im, le perdent entièrement. Plusieurs grives ont les plumes du dos pommelées avant la première mue , caractère permanent chez cer- taines espèces orientales. Les jeunes de beaucoup d'espèces de pies-grièches {Lam'iis), de quelques pics et d'un pigeon indien {Chalcophaps indicus), portent à la surface inférieure du corps des stries transversales, marques qu'on retrouve chez certaines espèces et chez quelques genres voisins à l'état adulte. Chez quelques cou- cous indiens alliés très-brillants {Ch'ysococcyx), on ne peut distin- guer les jeunes les uns des autres, bien que les espèces adultes diffèrent considérablement entre elles au point de vue de la colo- ration. Les jeunes d'une oie indienne [Sai'kidiornis melanonotus) ressemblent de près, au point de vue du plumage, aux individus adultes d'un genre voisin, celui des Dendrocygna '. Nous citerons 1. Pour les grives, laniers et pics, voir Bhth, dans Charlesworth, Mag. of Nat. Hist., vol. I, i837, p. 304; et dans une note de sa traduction du Règne ani- mal de Cuvier, j). 159. Je donne d'après M. Bl\ th le cas du Loxia. Voir Audu- [CoAP. XVI!. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 511 plus loin quelques faits analogues relatifs à certains hérons. Les jeunes tétras noirs [J'elrao tetrix) ressemblent aux individus jeunes et adultes d'autres espèces, au grouse rouge (7*. scolicus) par exem- ple. Enfin, M. Blylh, qui s'est beaucoup occupé de celle question, a fait remarquer, avec beaucoup de justesse, que les affinités natu- relles de beaucoup d'espèces se manifestent très-clairement dans leur jeune plumage; or, comme les affinités vraies de tous les êtres organisés dépendent de leur descendance d'un ancêtre commun, celte remarque vient confirmer l'hypothèse que le plumage du jeune âge nous indique approximativementrétal ancien de l'espèce. In grand nombre déjeunes oiseaux de divers ordres nous four- nissent ainsi l'occasion d'entrevoir, pour ainsi dire, le plumage de leurs ancêtres reculés, mais il en est beaucoup d'autres, dont la coloration brillante ou terne ressemble beaucoup à celle de leurs parents. Dans ce cas, les jeunes des diverses espèces ne peuvent ni se ressembler plus que ne le font les parents, ni offrir de fortes ressemblances avec des formes voisines adultes. Ils nous fournis- sent donc très-peu de renseignements sur le plumage de leurs an- cêtres; cependant, lorsque les jeunes et les adultes alTectent, dans un groupe entier d'espèces, une coloration semblable, on est aulo- risé à conclure que cette coloration était aussi celle de leurs ancê- tres. Nous pouvons maintenant examiner les catégories dans lesquelles on peut grouper les différences et les ressemblances qui existent entre le plumage des jeunes oiseaux et celui des adultes, entre celui des individus des deux sexes ou celui d'un sexe seul. Cuvier est le premier qui ail formulé des règles à cet égard ; mais il convient, par suite des progrès de nos connaissances, de leur faire subir quelques modifications et quelques amplifications. C'est, autant que l'exlrême complication du sujet peut le permettre, ce que j'ai cher- ché à faire d'après des documents puisés à des sources diverses; mais un travail complet à cet égard, fait par un ornithologiste com- pétfMit, serait très-nécessaire. Pour vérifier jusqu'à quel point cha- que règle peut s'appliquer, j'ai relevé en tableau les faits cités dans quatre grands ouvrages : Macgillivray sur les oiseaux d'Angleterre ; Audubon sur ceux de l'Amérique du Nord } Jerdon sur ceux de l'Inde, et Gould sur ceux de l'Australie. Il est indispensable de faire remarquer que, premièrement, les diiïérentes catégories tendent à se confondre l'une avec l'autre; et, secondement, que, lorsi|u'on bon, sur los grives, Ornith. Riof/r., vol II. p. 105. Sur les f'firi/sororry.r vi C/itil- cofthnp^, Hljll» cité dans .Icrdon, Hirds of liitlia, vol. III, p. 485. Sur le Sarki- (liornis, Illyth, Mis 18G7, i>. 175. 512 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [11= Partie]. dit que les jeunes ressemblent à leurs parents, on n'entend pas par là une similitude absolue, car les couleurs des jeunes sont presque toujours moins vives, les plumes sont plus douces et affec- tent souvent une forme différente. REGLES ou CATEGORIES. I. Lorsque le mâle adulte est plus beau ou plus brillant que la femelle adulte, le premier plumage des jeunes des deux sexes ressemble beaucoup à celui delà femelle adulte, comme chez la volaille commune et chez le paon ; et, s'ils ont quelque ressem- blance avec le mâle, ce qui arrive parfois, les jeunes ressemblent beaucoup plus à la femelle adulte qu'au mfde adulte. II. Lorsque la femelle adulte est plus brillante que le mâle adulte, cas rare, mais qui cependant se présente quelquefois, les jeunes des deux sexes ressemblent au mâle adulte. III. Lorsque le mâle adulte ressemble à la femelle adulte, les jeunes des deux sexes ont un premier plumage spécial qui leur est propre, comme chez le rouge-gorge. IV. Lorsque le mâle adulte ressemble à la femelle adulte, le pre- mier plumage des jeunes des deux sexes ressemble à celui des adultes; le marlin-pêcheur, beaucoup de perroquets, le corbeau, les becs fins, par exemple. V. Lorsque les adultes des deux sexes ont un plumage distinct pour l'hiver et un autre pour l'été, que le plumage du mâle diffère ou non de celui de la femelle, les jeunes ressemblent aux adultes des deux sexes dans leur costume d'hiver, et beaucoup plus rare- ment dans leur costume d'été; ou ils ressemblent aux femelles seules ; ou ils peuvent avoir un caractère intermédiaire ; ou bien encore, ils peuvent différer considérablement des adultes dans leurs deux plumages de saison. VI. Dans quelques cas fort rares, le premier plumage des jeunes diffère suivant le sexe ; les jeunes mâles ressemblent plus ou moins étroitement aux mâles adultes, les jeunes femelles ressemblent, de leur côté, plus ou moins étroitement aux femelles adultes. Catégorie I. — Dans cette catégorie, les jeunes des deux sexes ressemblent plus ou moins étroitement à la femelle adulte, tandis que le mâle adulte diffère souvent de celle-ci de la manière la plus tranchée. Nous pourrions citer d'innombrables exemples à l'appui, exemples tirés de tous les ordres; il suffira de rappeler le faisan commun, le canard et le moineau. Les cas de celte classe se con- fondent souvent avec les autres. Ainsi, les individus adultes des [Chap. XVI]. IIAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 513 deux sexes diffèrent parfois si peu les uns des autres et les jeunes diffèrent si peu des adultes, qu'on se prend à douter si ces cas doi- vent rentrer dans la présente classe ou se placer dans la troisième ou dans la quatrième. Parfois aussi, les jeunes des deux sexes, au lieu d'être tout à fait semblables, diffèrent légèrement les uns des autres, comme dans la sixième classe. Les cas de transition sont toutefois peu nombreu.x, tout au moins ne sont-ils pas aussi pro- noncés que ceux qui appartiennent rigoureusement à la présente catégorie. La force de la présente loi se manifeste admirablement dans les groupes où, en règle générale, les individus adultes des deux sexes et les jeunes sont tous pareils; car, lorsque dans ces groupes le mule diffère de la femelle, comme chez certains perroquets , chez les martins-pêcheurs, chez les pigeons, etc. , les jeunes des deux sexes ressemblent à la femelle adulte '. Le même fait se présente encore plus évident dans certains cas anormaux ; ainsi, le mâle d'un oiseau-mouche, Ilelioth'ix auriculata, diffère notablement de la fe- melle par une splendide collerette et par de belles huppes auricu- laires ; mais la femelle est remarquable par sa queue beaucoup plus longue que celle du mâle ; or, les jeunes des deux sexes ressem- blent, sous tous les rapports (la poitrine tachetée de bronze exceptée), y compris la longueur de la queue, à la femelle adulte; il en résulte une circonstance inusitée ' : à mesure que le mâle ap- l)roche de l'âge adulte, sa queue se raccourcit. Le plumage du grand harle mâle {Mergus merganser) est plus brillamment coloré que celui de la femelle, et ses rémiges scapulaires et secondaires sont plus longues que chez cette dernière; mais, contrairement à tout ce qui e.xiste à ma connaissance chez d'autres oiseaux, la huppe du mâle adulte, quoique plus large que celle de la femelle, est beau- coup plus courte, car elle n'a guère que 3 centimètres de longueur, alors que celle de la femelle en a sept ou huit. Les jeunes des deux sexes ressemblent, sous tous les rapports, à la femelle adulte, de 2. Voir par exemple ce (jue dit Gould (HandO. of the Birds of Australia, I, |). 133j du Cijmialcyon (un niartiu-pécheur) dont le mdle jeune, bien que res- somldant à la femelle adulte, est moins brillant qu'elle. Chez quelques esjièces di' Dacelo, les niàles ont la queue bleue, et les femelles la queue l)rune ; et Mf R. B. Sharp m'apprend que la queue du jeune I). Gaudichnudi est d'abord brune. M. Gould (o. c, II, p. 14, 20, 37) décrit les sexes et les jeunes de cer- tains cacatois noirs et du roi Lory, chez lesquels la même règle s'observe. Jerdoii aussi (Hirtis of India, I, 2G0i l'a constatée chez le Palœornis rasa, où les jeunes ressemblent plus à la femelle qu'au maie. Sur les deux sexes et les jeunes de la Colttuilta pusseritia, voir Audubon (Omith. Hiogr., II, |). 473). 3. Je (lois ces renseipicnicnts à M. Gould, qui m'a montré ses spécimens. Voir son Inlrod. to Trochilida;, 180), p. 120. 33 514 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. (Ile Partie'. sorte que leurs huppes sont réellement plus longues, mais plus étroites que chez le mâle adulte *. Lorsque les jeunes et les femelles se ressemblent étroitement et diffèrent tous deux du mâle, il est tout naturel de conclure que le mâle seul a été modifié. Dans des cas anormaux même de YHelio- thrix et du Mergus, il est probable que les mâles et les femelles adultes de la première espèce étaient primitivement pourvus d'une queue allongée, et, ceux de la seconde, d'une huppe également grande, caractères que quelque cause inconnue a fait partiellement perdre aux mâles adultes, et qu'ils transmettent, dans leur état amoindri, à leur descendance mâle seule , lorsqu'elle atteint l'âge adulte correspondant. M. Blyth ' cite quelques faits remarquables relatifs aux espèces alliées qui se représentent les unes les autres dans des pays différents; ces faits viennent à l'appui de l'hypothèse que, dans la catégorie qui nous occupe, le mâle seul a été modifié quand il s'agit toutefois des différences qu'on observe entre lui, la femelle et les jeunes. En effet, les mâles adultes de plusieurs de ces espèces représentatives ont éprouvé quelques modifications, ce qui permet de distinguer l'un de l'autre les mâles appartenant à deux de ces espèces, tandis que les femelles et les jeunes restent absolument semblables ; il est donc évident que ces derniers n'ont subi aucune modification. On peut observer ces faits chez quelques traquets indiens {Thamnobia), chez quelques Nectarinidés {Nectari- nia) , chez les pies-grièches {Teph'odoj'nis), chez certains martins- pècheurs {Tanysiptei'à), chez les faisans Kallij {Gallophasis) et chez les perdrix des arbres (Arborkola). Les oiseaux qui revêtent un plumage distinct pendant l'été et pendant l'hiver à peu près semblable chez les mâles et les femelles nous fournissent un exemple analogue ; on peut facilement, en effet, distinguer les unes des autres certaines espèces très-voisines, alors qu'elles portent leur plumage nuptial ou plumage d'été, mais il est impossible de les reconnaître quand elles revêtent leur plumage d'hiver, ou qu'elles portent leur premier plumage. On pourrait citer comme exemple quelques hoche-queues indiennes {Motacilla) très-voisines. M. Swinhoe * affirme que trois espèces de Ai'deola, genre de hérons, qui se représentent sur des continents séparés, 4. Macgillivray, Hist. Brit. Binls, V, p.207- 214. 5. Voir son remarquable travail dans Journal of tke Asiatic Soc. of Bengul, XIX, 1850, p. 223 : Jerdon, Birds of hidia, I, Introduction, p. xxix. Quant au Tanysiptera, M. Blyth tient du prof. Schlegel qu'on peut y distinguer plusieurs races, simplement en comparant les mâles adultes. 6. Swinhoe, Ibis, July 1863, p. 131; et un article antérieur contenant un ex- trait d'une note de M. Blyth, dans Ibis, Jaauary 1861, p. 52. [CuAP. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 515 sont « complètement différentes » lorsqu'elles portent leurs plu- mes d'été, mais qu'il est presque impossible de les distinguer en hiver. Le premier plumage des jeunes de ces trois espèces ressemble beaucoup à celui que les adultes revêtent pendant l'hiver. Le cas est d'autant plus intéressant qu'il existe deux autres espèces d'Ardeola chez lesquelles les individus des deux sexes conservent, hiver comme été, un plumage à peu près semblable à celui que les trois espèces précédentes portent pendant l'hiver et le jeune âge; or ce plumage, commun à plusieurs espèces distinctes à différents âges et pendant différentes saisons, nous indique probablement quelle était la coloration de l'ancêtre du genre. Dans tous ces cas, le plumage nuptial, probablement acquis dans l'origine par les mâles pendant la saison des amours, et transmis à la saison corres- l»ondanlc aux adultes des deux sexes, est celui qui a subi des modi- licalions, tandis que le plumage d'hiver et celui du jeune âge n'en ont subi aucune. On se demandera, naturellement, comment il se fait que, dans ces derniers cas, le plumage d'hiver des deux sexes, et dans les cas pré- cédents celui des femelles adultes, ainsi que le premier plumage des jeunes, n'aient subi aucune modification? Les espèces repré- sentatives habitant des pays différents ont dû presque toujours être exposées à des conditions un peu différentes; mais nous ne pouvons guère attribuer la modification du plumage des mâles seuls à l'action de ces conditions, puisqu'elles n'ont en aucune façon affecté celui des jeunes et des femelles, bien que tous deux y fus- s«înt également exposés. La différence étonnante qui existe entre les mâles et les femelles de beaucoup d'oiseaux est peut-être, de tous les faits de la nature, celui qui nous démontre le plus claire- ment combien peu a d'importance l'action directe des conditions d'existence comparativement à ce que peut effectuer l'accumula- tion indéfinie de variations mises en jeu par la sélection ; car les mâles et les femelles ont absorbé les mêmes aliments, et subi les influences du même climat. Néanmoins il n'y a là rien qui nous em- pêche de croire que, dans le cours du temps, de nouvelles conditions d'existence ne puissent produire un certain effet direct soit sur les individus des deux sexes, soit sur ceux d'un seul sexe , en consé- quence de quelques particularités constitutionnelles; nous voyons seulement que ces effets restent, comme importance, subordonnés aux résultats accumulés de la sélection. Cependant, lorsqu'une espèce émigré dans un pays nouveau, fait qui doit précéder la for- mation des espèces représentatives, le changement des conditions auxquelles celle espèce aura presque toujours dû être exposée doit 516 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II^ Partik]. déterminer chez elle, comme on peut en juger par de nombreuses analogies, une certaine variabilité flottante. Dans ce cas, la sélec- tion sexuelle, qui dépend d'un élément éminemment susceptible de changement — le goût et l'admiration de la femelle — doit avoir accumulé de nouvelles teintes de coloration et d'autres difl'érences. Or la sélection sexuelle est toujours à l'œuvre ; il serait donc fort surprenant, à en juger par les résultats que produit chez les ani- maux domestiques la sélection non intentionnelle de l'homme, que des animaux qui habitent des régions séparées, et qui ne peuvent, par conséquent, jamais se croiser et mélanger ainsi des caractères nouvellement acquis, ne fussent pas, au bout d'un laps de temps suffisant, différemment modifiés. Ces remarques s'appliquent éga- lement au plumage d'été ou plumage de la saison des amours, que ce plumage soit limité aux mâles ou commun aux deux sexes. Bien que les femelles et les jeunes des espèces très-voisines ou représentatives dont nous venons de parler diffèrent à peine les uns des autres, de sorte qu'on ne peut reconnaître facilement que les "mâles , cependant les femelles de la plupart des espèces d'un même genre doivent différer les unes des autres dans une certaine mesure. Toutefois il est rare que ces différences soient aussi pro- noncées que chez les mâles. La famille entière des gallinacés nous en fournit la preuve absolue : les femelles, par exemple, du faisan com- mun et du faisan du Japon, surtout celles du faisan doré et du faisan Amherst, — du faisan argenté et de la volaille sauvage, — se res- semblent beaucoup au point de vue de la coloration, tandis que les mâles diffèrent à un degré extraordinaire. On observe le même fait chez les femelles de la plupart des Cotingidés, des Fringillidés et de beaucoup d'autres familles. On ne peut douter que, en règle gé- nérale, les femelles ont été moins modifiées que les mâles. Quelques espèces cependant présentent une exception singulière et inexpli- cable ; ainsi les femelles du Paradisea apoda et du P.papuana diffè- rent plus l'une de l'autre que ne le font leurs mâles respectifs '' ; la femelle de cette dernière espèce a la surface inférieure du corps blanc pur, tandis qu'elle est brun foncé chez la femelle du P. apoda. Ainsi encore, le professeur Newton affirme que les mâles de deux espèces d'Oxynotus (pie-grièche), qui se représentent dans l'île Maurice et dans l'île Bourbon *, diffèrent peu au point de vue de la couleur, tandis que les femelles diffèrent beaucoup. La femelle de l'espèce de l'île Bourbon paraît avoir conservé, en partie au moins, 7. Wallace, the Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 394. 8. Ces espèces sont décrites avec figures eu couleur, par M. F. Pollen, lOii, 18G6, p. 275. [Chap. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DET'X SEXES. r,17 une apparcnco de plumage non arrivé à malurili!; car, à première vue, on pourrait la prendre « pour un jeun«î individu de l'espèce de l'île Maurice. » Ces différences sont comparables à celles qui sur- gissent en dehors de toute sélection humaine, et qui restent inex- plicables chez certaines sous-races du coq de combat, où les fe- melles sont très-différentes, tandis qu'on peut à peine distinguer les mâles les uns des autres '. Je considère que la sélection sexuelle a joué un rôle très-impor- tant pour amener ces différences entre les mâles d'espèces voisines; comment donc expliquer les différences qui existent entre les femelles? Nous n'avons pas à nous occuper des espèces qui appar- tiennent à des genres distincts, car l'adaptation à des habitudes d'existence différentes et certaines autres influences ont dû jouer un grand rôle. Quant aux différences qu'on observe entre les femelles d'un môme genre, l'étude des divers groupes importants me porte à conclure que l'agent principal de la production de ces différences a été le transfert à la femelle, à un degré plus ou moins prononcé, des caractères que la sélection sexuelle a développés chez les mâles. Chez les divers pinsons de l'Angleterre, les deux sexes diffèrent, peu ou beaucoup, et, si nous comparons les femelles des verdiers, des pinsons, des chardonnerets, des bouvreuils, des becs-croisés, des moineaux, etc., nous remarquerons qu'elles diffè- rent les unes des autres, surtout par les caractères qui les font partiellement ressembler à leurs mâles respectifs; or on peut, avec confiance, attribuer la coloration des mâles à la sélection sexuelle. Chez beaucoup d'espèces de gallinacés, les mâles diffèrent des femelles à un degré extrême, chez le paon, chez le faisan , et chez les volailles par exemple; tandis que, chez d'autres espèces, le mâle a transmis à la femelle tout ou partie de ses caractères. Les femelles des diverses espèces de Pn/i/p/ertj'on laissent entrevoir obs- curément, surtout sur la queue, les magnifiques ocelles du mâle. La perdrix femelle ne diffère du mâle que par la grandeur moindre de la marque rouge du poitrail; la dinde sauvage ne diffère du dindon que parce que ses couleurs sont plus ternes. Chez la pintade, les deux sexes sont identiques. Il est probable que le mâle de cette dernière espèce doit son plumage uniforme, quoique singulière- ment tacheté, à la sélection sexuelle, puis qu'il l'ait transmis aux femelles, car ce plumage n'est pas essentiellement différent de celui qui caractérise les mâles seuls chez les faisans tragopans, bien que ce dernier soit bien plus magnifiquement tacheté. '.t. Vnrintinii, ptc, vol. I. |). 2t>7. r,l8 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie], Il faut remarquer que, dans certains cas, le transfert des carac- tères du mâle à la femelle s'est effectué à une époque évidemment très-reculée, depuis laquelle le mâle a subi de grandes modifications, sans transmettre à la femelle aucun des caractères qu'il a ultérieu- rement acquis. La femelle et les jeunes du tétras noir {Teb'ao tetri'x), par exemple, ressemblent d'assez près aux mâles et aux fe- melles ainsi qu'aux jeunes du tétras rouge {T. coHcus); nous pou- vons, par conséquent, conclure que le tétras noir descend de quelque espèce ancienne dont les mâles et les femelles affectaient une coloration presque analogue à celle de l'espèce rouge. Les in- dividus des deux sexes chez cette dernière espèce sont beaucoup plus distinctement barrés pendant la saison des amours qu'à toute autre époque, et le mâle diffère légèrement de la femelle par la plus grande intensité de ses teintes rouges et brunes *** ; nous pouvons donc conclure que son plumage a été, au moins dans une certaine mesure, modifié par la sélection sexuelle. S'il en est ainsi, nous pouvons également conclure que le plumage presque analogue du tétras noir femelle a été développé de la même manière à quelque antique période. Mais, depuis lors, le tétras noir mâle a acquis son beau plumage noir avec ses rectrices frisées et disposées en four- chette; caractères qui n'ont pas été transmis à la femelle, à l'excep- tion d'une faible trace de la fourchette recourbée qu'on aperçoit sur sa queue. Les faits que nous venons de relater nous autorisent à conclure que le plumage des femelles d'espèces distinctes, quoique voisines, s'est souvent plus ou moins modifié, grâce à la transmission, à des degrés divers, de caractères acquis anciennement, récemment même par les mâles, sous l'influence de la sélection sexuelle. Mais il importe de remarquer que les couleurs brillantes ont été beau- coup plus rarement transmises que les autres teintes. Par exemple, le Cyanecula suecica mâle a la gorge rouge et la poitrine d'un bleu magnifique, ornée en outre d'une tache rouge à peu près triangulaire ; or des taches ayant approximativement la même forme ont été transmises aux femelles ; toutefois le point central est fauve au lieu d'être rouge, et est entouré de plumes pommelées au lieu d'être bleues. Les gallinacés offrent de nombreux exemples analo- gues; car aucune des espèces, telles que les perdrix, les cailles, les pintades, etc., chez lesquelles la transmission des couleurs du plumage du mâle à la femelle s'est largement effectuée, n'offre une coloration brillante. Les faisans nous offrent un excellent exemple 10. Macgillivray, Hist. Brif. Birds, vol. I, p. 172-174. [CiiAP. XVII. RAPPORTS ENTRE I.E PLUMAGE DES DEUX SEXES, nift de ce fait; les faisans mâles, en effet, sont généralement beaucoup plus brillants que les femelles; il existe cependant deux espèces, le Ct'ossoptilon aurilum et le Phasianus Wallicltii, chez lesquelles les mâles et les femelles se ressemblent beaucoup et affectent des couleurs sombres. Nous sommes même autorisés à croire que, si une partie quelconque du plumage des mâles chez ces deux espèces de faisans eût revêtu de brillantes couleurs, ces couleurs n'auraient pas été transmises aux femelles. Ces faits viennent fortement à l'appui de l'hypothèse de M. Wallace, c'est- à-dire que la sélection naturelle s'est opposée à la transmission des couleurs brillantes du mâle à la femelle chez les oiseaux qui cou- rent de sérieux dangers pendant l'incubation. N'oublions pas, tou- tefois, qu'une autre explication, déj<\ donnée, est possible ; à savoir, que les mâles qui ont varié et qui sont devenus brillants, alors qu'ils étaient jeunes et inexpérimentés, ont dû courir de grands dangers et être en général détruits ; en admettant, au contraire , que les mâles plus âgés et plus prudents aient varié de la même manière, non-seulement ils auraient pu survivre, mais aussi se trouver en possession de grands avantages au point de vue de leur rivalité avec les autres mâles. Or les variations qui se produisent à un âge un peu tardif de la vie tendent à se transférer exclusive- ment au même sexe, de sorte que, dans ce cas, les teintes extrê- mement vives n'auraient pas été transmises aux femelles. Au con- traire, des ornements d'un genre moins brillant, comme ceux que possèdent les faisans dont nous venons do parler, n'auraient pas été de nature bien dangereuse, et, s'ils ont apparu pendant la jeu- nesse, ils ont dil se transmettre aux deux sexes. Outre les effets de la transmission partielle des caractères mâles aux femelles, on peut attribuer certaines différences qu'on remarque entre les femelles d'espèces très-voisines à l'action définie ou di- recte des conditions d'existence ". Les vives couleurs acquises par les mâles grâce à l'action de la sélection sexuelle, ont pu, chez eux, dissimuler toute influence de cette nature, mais il n'en est pas ainsi chez les femelles. Chacune des différences innombrables dans le plumage de nos oiseaux domestiques est, cela va sans dire, le résultat de quelque cause définie ; or, dans des conditions natu- relles et plus uniformes, il est certain qu'une nuance quelconque, on supposant qu'elle ne soit en aucune façon nuisible, aurait fini tùl ou lard par prévaloir. Le libre entre-croisement de nombreux individus apparlonant à la même espèce tendrait ultérieurement à 11. Voir, sur ce sujet, lo chap. xxiii «le In Vniidlinn ilrs Auhnfiu.r, «'te. 520 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. rendre uniforme toute modification de couleur ainsi produite. Il est certain que les couleurs des mâles et des femelles chez beaucoup d'oiseaux se sont modifiées en vue de leur sécurité ; il est possible même que, chez quelques espèces, les femelles seules aient éprouvé des modifications propres à atteindre ce but. Bien que, comme nous l'avons démontré dans le chapitre précédent, la con- version d'une forme d'hérédité en une autre au moyen de la sélec- tion soit une chose très-difficile sinon impossible, il n'y aurait pas la moindre difficulté à adapter les couleurs de la femelle , indépen- damment de celles du mâle, aux objets environnants , en accumu- lant des variations dont la transmission aurait été, dès le principe, limitée à la femelle. Si ces variations n'étaient pas ainsi limitées, les teintes vives du mâle seraient altérées ou détruites. Mais il est jusqu'à présent douteux que les femelles seules d'un grand nombre d'espèces aient été ainsi modifiées. Je voudrais pouvoir suivre M. Wallace jusqu'au bout, et admettre avec lui qu'il en est ainsi, car ce système permettrait d'écarter bien des difficultés. Toutes les variations inutiles àla sécurité de la femelle disparaîtraient aussitôt au lieu de se perdre graduellement par défaut de sélection, ou par libre entre-croisement, ou par élimination, parce qu'elles sont nui- sibles aux mâles si elles lui sont transmises. Le plumage de la femelle conserverait ainsi un caractère constant. Ce serait aussi un grand avantage que de pouvoir admettre que les teintes sombres de beaucoup d'oiseaux mâles et femelles ont été acquises et con- servées comme moyen de sécurité — comme, par exemple, chez la fauvette des bois [Accentor modularis) et chez le roitelet {T7'oglo- dytes vulgaris), — chez lesquels on ne trouve pas de preuves suffi- santes de l'action delà sélection sexuelle. Il faut cependant se gar- der de conclure que des couleurs, qui nous paraissent sombres, n'ont aucun attrait pour les femelles de quelques espèces, et nous rappeler les cas tels que celui du moineau domestique, dont le mâle, sans avoir aucune teinte vive, diffère beaucoup de la femelle. Per- sonne ne conteste que plusieurs gallinacés vivant en plein champ n'aient acquis, au moins en partie, leurs couleurs actuelles comme moyen de sécurité. Nous savons avec quelle facilité ils se ca- chent bien , grâce à cette circonstance ; nous savons combien les ptarmigans ont à souffrir des attaques des oiseaux de proie au mo- ment où ils changent leur plumage d'hiver contre celui d'été, tous deux protecteurs. Mais pouvons-nous croire que les différences fort légères dans les nuances et les taches qui existent, par exemple, entre les grouses femelles noires et les grouses femelles rouges, puissent servir de moyen de protection? Les perdrix, avec leurs [Chap. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. r,2l couleurs actuelles, sont-elles plus à l'abri que si elles ressemblaient aux cailles? Les légères différences que l'on observe entre les fe- melles du faisan commun et celles des faisans dorés et du Japon, servent-elles de protection, ou leurs plumages n'auraient-ils pas pu être impunément intervertis? M. Wallace, après avoir étudié les mœurs et les habitudes de certains gallinacés en Orient, admet l'utilité et l'avantage de légères dilTérences de cette nature. Quanta moi, je me borne à dire que je ne suis pas convaincu. J'étais autrefois disposé à attribuer une grande importance au principe de la protection, pour expliquer les couleurs plus sombres des oiseaux femelles; je pensais donc que les mâles et les femelles, ainsi que les jeunes, avaient dans le principe été également pourvus de couleurs brillantes, mais que subséquemment le danger que ces couleurs faisaient courir aux femelles pendant l'incubation, et aux jeunes dépourvus d'expérience, avait déterminé l'assombrissement de leur plumage comme moyen de sécurité. Mais aucune preuve ne vient à l'appui de cette hypothèse, et je considère qu'elle est peu probable; car nous exposons ainsi en imagination, pendant les temps passés, les femelles et les jeunes à des dangers contre les- quels il a fallu subséquemment protéger leurs descendants modi- fiés. Il faudrait aussi supposer que la sélection a graduellement pourvu les femelles et les jeunes de taches et de nuances à peu près identiques, et a opéré la transmission de celles-ci au sexe et à l'époque de la vie correspondants. En supposant aussi que les femelles et les jeunes aient, à chaque phase de la modification, participé à une tendance à être aussi brillamment colorés que les mâles, il serait fort étrange que les femelles n'aient jamais acquis leur sombre plumage sans que les jeunes aient éprouvé le même changement. En effet, autant que je puis le savoir, il n'existe aucune espèce où la femelle porte des couleurs sombres et où les jounes en affectent de brillantes. Les jeunes de quelques pics font, cependant, exception à cette règle, car ils ont « toute la partie su- périeure de la tête teintée en rouge », teinte qiii ensuite diminue et se transforme en une simple ligne rouge circulaire chez les adultes des deux sexes, ou qui disparaît entièrement chez les femelles adultes '*. En résumé, quand il s'agit de la catégorie qui nous oc- cupe, l'hypothèse la plus probable paraît être que les varia- lions successives en éclat ou celles relatives à d'autres caractères d'ornementation, qui ont surgi chez les mâles à un âge assez tardif 12. Auduhon, o. c, voL l, p. 193. MacpUivray.o. r., vol. III, p. 85. V'oir aus»i le ra.s de Vlndopicus rmiotta, cité précédemment. 522 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II» Partie;. de la vie, ont été seules conservées; et que, pour ce motif, toutes ou la plupart n'ont été transmises qu'à la descendance mâle adulte. Toute variation en éclat surgissant chez les femelles et chez les jeunes, n'ayant aucune utilité pour eux, aurait échappé à la sé- lection, et de plus aurait été éliminée par cette dernière si elle était dangereuse. Aussi les femelles et les jeunes n'ont pas dû se mo- difier, ou, ce qui a été plus fréquent, n'ont été que partiellement modifiés par la transmission de quelques variations successives des mâles. Les conditions d'existence auxquelles les deux sexes ont été exposés ont peut-être exercé sur eux une certaine action directe, et c'est surtout chez les femelles, qui n'ont pas subi beau- coup d'autres modifications, que leur effet s'est fait le mieux sentir. Le libre entre-croisement des individus a dû rendre ces change- ments uniformes comme tous les autres d'ailleurs. Dans quelques cas, surtout chez les oiseaux vivant sur le sol, les femelles et les jeunes peuvent, indépendamment des mâles, avoir été modifiés dans un but de sécurité, et avoir subi un assombrissement sem- blable de leur plumage. Catégorie IL Lorsque la feinelle adulte est plus b7'illante que le mâle adulte, le premier plumage des jeunes des deux sexes ressemble au plumage du mâle. — Cette catégorie comprend des cas absolu- ment contraires à ceux de la classe précédente, car les femelles portent ici des couleurs plus vives et plus apparentes que celles des mâles; or les jeunes, autant qu'on les connaît, ressemblentaux mâles adultes, au lieu de ressembler aux femelles adultes. Mais la différence entre les sexes n'est jamais, à beaucoup près, aussi grande que celle qu'on rencontre dans la première catégorie, et les cas sont relativement rares. M. Wallace, qui a, le premier, attiré l'attention sur le singulier rapport qui existe entre la coloration terne des mâles et le fait qu'ils remplissent les devoirs de l'incu- bation, insiste fortement sur ce point ", car il le considère comme une preuve irrécusable que les couleurs ternes servent à protéger l'oiseau pendant l'époque de la nidification. Une autre opinion me paraît plus probable, et les cas étant curieux et peu nombreux, je vais brièvement signaler tout ce que j'ai pu recueillir sur cette question. Dans une section du genre Tw'nix, oiseau ressemblant à la caille, la femelle est invariablement plus grosse que le mâle (elle est pres- que deux fois aussi grosse que le mâle chez une espèce australienne), fait qui n'est pas usuel chez les gallinacés. Dans la plupart des es- 1 .{. Westminster Review, July 1 867 ; et A. Murray , 7ow»"»>«/ of Trnvel, 1868, p. 83. [CiiAP. XVI]. RAPPORTS ENTRE LK PLUMAOE DES DEUX SEXES. 523 pèces, la femolle affecte des couleurs plus distinctes et plus vives que le mâle '*, mais il en est quelques-unes où les deux sexes se ressemblent. Chez le Turnix taigoor de l'Inde, « le mâle ne porte pas les taches noires sur la gorge et sur le cou, et tout son plu- mage est d'une nuance plus claire et moins prononcée que celui de la femelle. » Celle-ci paraît être plus criarde que le mâle et est cer- tainement beaucoup plus belliqueuse que lui : aussi les indigènes se servent-ils, pour les' faire se battre , des femelles et non des mâles. De même que les chasseurs d'oiseaux en Angleterre expo- sent des mâles près de leurs trappes pour en attirer d'autres en ex- citant leur rivalité, de même dans l'Inde on emploie la femelle (lu turnix. Ainsi exposées, les femelles commencent bientôt à faire entendre « un bruit très-sonore qui ressemble au bruit du rouet, bruit qui s'entend de fort loin, et amène rapidement sur les iit'ux, pour se battre avec l'oiseau captif, les femelles qui se trou- vent à portée ». On peut ainsi, dans un seul jour, prendre de douze à vingt oiseaux, toutes femelles prêtes à pondre. Les indigènes assurent qu'après avoir pondu, les femelles se réunissent en bandes et laissent aux mâles le soin de couver leurs œufs. Il n'y a pas de rai- son pour douter de cette assertion, que confirment quelques obser- vations faites en Chine par M. Swinhoe ". M. Blylh croit que les jeunes des deux sexes ressemblent au mâle adulte. Les femelles des trois espèces de bécasses peintes [Hhynchxa] [fig. H2) « ne sont pas seulement plus grandes, mais aussi beaucoup plus brillamment colorées que les mâles " ». Chez tous les autres oiseaux où la trachée diffère de conformation dans les deux sexes, elle est plus développée et plus compliquée chez le mâle que chez la femelle; mais, chez le li/tf/nc/i.vn aush'alis, elle est simple chez le inài<;, tandis que, chez la femelle, elle décrit quatre circonvolutions distinctes avant d'entrer dans les poumons ". La femelle de cette rspèce a donc acquis un caractère éminemment masculin. M. Blyth a vérifié, en disséquant un grand nombre d'individus, que la trachée n'est enroulée ni chez les mâles ni chez les femelles de la /i. ben- (ffilemis, espèce qui ressemble tellement à la R. amlralis, qu'on ne peut guère distinguer celle dernière que par un seul caractère : la moindre longueur de ses doigts. Ce fait est encore un exemple li. Pour le« espèces au8tr:ilienne.i, voir Ooultl (Hnntthook, etc., vol. II, p. 178, 180, 186, 188). On voit au British Muséum des spécimens du Pedicnemus tor- ijunlnx australiiMi. présontant dos difTerences sexuelles semblalilos. t.".. J.-rdon. liiids nf Ini/in, vol. III, p. ".î)!;. Swinhoe. l/>ii, lECi, p. 542; 18(i6, p. ».1l. iO:,. It). .lorilnn, liirt/s nf Itu/ia, vol. III, p. (i77. 17. Oould, Uiiu>lh(H,k of liinli nf Aitshdlifi, vol. Il, p. 275. 524 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. frappant de la loi que les caractères sexuels secondaires diffèrent souvent beaucoup chez les formes très- voisines , bien qu'il soit fort rare de trouver ces différences chez le sexe femelle. Le pre- mier plumage des jeunes des deux sexes de la H. bengalensis res- semble, dit-on, à celui du mâle adulte '*. Il y a aussi des raisons de croire que le mâle se charge de l'incubation, car, avant la fin de l'été, M. Swinhoe " a trouvé les femelles associées en bandes comme les femelles du turnix. 18. The Indian FielH,Sept. 1858, p. 3. 19. Mis, 1866, p. 298. [CuAP. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 525 Les femelles du Pfiaiaropus f.ulicarius et du P. lojperhoreus sont plus grandes que les mâles, et leur plumage d'été « est plus bril- lamment orné que celui des mâles », sans que la diiïérence entre les couleurs des sexes soit Itien remarquable; seul le P. fullcaiius mule, d'après le professeur Steenstrup, accomplit les devoirs de l'incubation, ce que prouve d'ailleurs l'état de ses plumes pecto- rales pendant la couvée. La femelle du pluvier {/iudî'omias viortnel- lus) est plus grande que le nulle, et les teintes rouges et noires du dessous du corps, le croissant blanc sur la poitrine, et les raies placées au-dessus des yeux sont plus prononcés chez elle que chez le mâle. Le mâle prend au moins une part à l'incubation, mais la femelle s'occupe également de la couvée *». Je n'ai pu découvrir si, dans ces espèces, les jeunes ressemblent davantage aux mâles adultes qu'aux femelles adultes; la comparaison est très-difficile à cause de la double mue. Passons maintenant à l'ordre des Autruches. On prendrait faci- lement le Casoar commun mâle {Casuarius yaleatus) pour la femelle, en raison de sa moindre taille et de la coloration moins intense des appendices et de la peau dénudée de sa tète. M. Bartlett affirme qu'aux Zoological Gardons, le mâle couve les œufs et prend soin des jeunes *', D'après M. T. W. Wood ", la femelle manifeste pen- dant la saison des amours les dispositions les plus belliqueuses ; ses barbes deviennent alors plus grandes et revêtent une couleur plus éclatante. De même, la femelle d'un Émeu {Dî'omxus hT()7'atus) est beaucoup plus grande que le mâle; mais, à part une légère huppe céphalique, elle ne se distingue pas autrement par son plumage. Lors(|u'elle est irritée ou autrement excitée, « elle paraît pouvoir plus facilement que le màlc redresser, comme le dindon, les plumes de son cou et de son poitrail. Elle est ordinairement la plus coura- geuse et la plus belliqueuse;. Elle émet un boum guttural et pro- fond, qui résonne comme un petit gong, surtout pendant la nuit. Le mâle a le corps plus frêle; il est plus docile ; il n'a d'autre voix 20. Pour ces (liverst?s assertions, voir Oould, Bir(/s' of Grcnt Britnin. Le prof. Newton m informe que ses propres oliservations, autant que celles d'autrui, l'ont convaincu que les niales des espèces nommées ci-dessus prennent tout ou partie de la charjjre des soins que nécessite rincul)ation, et qu'ils témoi},'nent beaucoup plus de dévouement (jue les femelles lorsque les jeunes sont en dan- ger. Il en est de même du Limintn Inpponica et de {|uelques autres échassiers, dont les femelles sont i)lus ^'randes, et ont dès couleurs plus vives que les maies. 21. Les indigènes de Ceram (Wallace, Mnliv/ ArrhiprUif/o, vol. II, |). 150) as- surent que le mâle et la femelle se posent alternativement sur le niii ; mais M. Hartlett croit qu'il faut expliijuer cette assertion par le fait que la femelle se rend au nid pour y pondre ses onifs. 22. n,- Slwh'nt, Avril, 1H70, p. \2i. 526 LA DESCENDANCE DK L'HOMME. [IIo Partie]. qu'un sifflement contenu ou un croassement lorsqu'il est en colère. » Non seulement il se charge de tous les soins inhérents à l'incuba- tion, mais il doit protéger les petits contre leur mère, « car dès qu'elle les aperçoit, elle s'agite avec violence et semble faire tous ses efforts pour les détruire, malgré la résistance du père. Il est imprudent de remettre les parents ensemble pendant plusieurs mois après la couvée, car il en résulte de violentes querelles dont la femelle sort en général victorieuse ". » Cet Émeu nous offre donc l'exemple d'un renversement complet, non-seulement des instincts de la parenté et de l'incubation, mais encore des qualités morales habituelles des deux sexes ; les femelles sont sauvages, querelleuses et bruyantes, les mâles doux et tranquilles. Le cas est tout différent chez l'autruche d'Afrique , car le mâle , un peu plus grand que la femelle, a des plumes plus élégantes, avec des couleurs plus for- tement accentuées ; néanmoins c'est lui qui se charge de tous les soins de l'incubation ". Je signalerai encore les quelques autres cas parvenus à ma con- naissance, dans lesquels la femelle est plus brillamment colorée que le mâle, bien que nous n'ayons aucun renseignement sur le mode d'incubation. J'ai été très-surpris, en disséquant de nombreux Milvagu leucwus des îles Falkland, de trouver que les individus aux teintes le plus accusées, et au bec et aux pattes de couleur orange, étaient des femelles adultes ; tandis que ceux à plumage plus terne et à pattes plus grises étaient des mâles ou des jeunes. La Climac- teris erythi'ops femelle d'Australie diffère du mâle en ce qu'elle est ornée de magnifiques taches « rougeâtres, rayonnant sur la gorge, tandis que cette partie est très-simple chez le mâle ». Enfin, chez un engoulevent (£'wrosto/>olumag<'. 528 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. des mâles ", » — il n'est pas improbable qu'elles aient été ainsi amenées à rechercher les mâles, au lieu d'être courtisées par eux. Ce fait se présente d'ailleurs, dans une certaine mesure, chez quel- ques espèces ; chez les paonnes, chez les dindes sauvages et chez quel- ques tétras, par exemple. Si nous en jugeons par les mœurs de la plupart des oiseaux mâles, la taille plus considérable, la force et le caractère extraordinairement belliqueux des Émeus et des turnix femelles doivent signifier qu'elles cherchent à se débarrasser de leurs rivales pour s'assurer la possession des mâles. Cette hypothèse ex- plique tous les faits, car les mâles se laissent probablement séduire par les femelles, qui ont, par leur coloration plus vive, par leurs autres ornements, et par leurs facultés vocales, plus d'attraits pour eux. La sélection sexuelle, entrant alors enjeu, tendrait constamment à augmenter ces attraits chez les femelles, tandis que les mâles et les jeunes subiraient peu, ou pas, de modifications. Catégorie III. Lorsque le mâle adulte ressemble à la femelle adulte, les jeunes des deux sexes ont un premier plumage gui leur est propre. — Dans cette classe, les deux sexes adultes se ressemblent et diffèrent des jeunes. On peut observer ce fait chez beaucoup d'oi- seaux divers. Le rouge-gorge mâle se distingue à peine de la fe- melle; mais les jeunes, avec leur plumage pommelé olive obscur et brun, ressemblent très-peu à leurs parents. Le mâle et la femelle du magnifique ibis écarlate se ressemblent, tandis que les petits sont bruns; et la couleur écarlate, bien que commune aux deux sexes, est apparemment un caractère sexuel, car elle ne se déve- loppe qu'imparfaitement chez les oiseaux en captivité, comme cela arrive fréquemment aussi aux mâles d'autres espèces très-brillam- ment colorés. Chez beaucoup d'espèces de hérons, les jeunes diffè- rent beaucoup des adultes, dont le plumage d'été, bien que commun aux deux sexes, a un caractère nuptial évident. Les jeunes cygnes sont ardoisés, tandis que les adultes sont blanc pur. Il y a une foule d'autres cas qu'il serait superflu d'énumérer ici. Ces diffé- rences entre les jeunes et les adultes dépendent, selon toute appa- rence, comme dans les deux autres classes, de ce que les jeunes ont conservé un état de plumage antérieur et ancien que les adultes des deux sexes ont échangé contre un nouveau. Lorsque les adultes affectent de vives couleurs, nous pouvons conclure, des remarques faites au sujet de l'ibis écarlate et de beaucoup de hé- rons, ainsi que de l'analogie avec les espèces de la première classe, que les mâles presque adultes ont acquis ces couleurs sous l'in- 20. Jerdon, birds of hulia, vol. III, p. 5U8. [Chap. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SRXES. 529 fluence de la sélection sexuelle, mais que, contrairement à ce qui arrive dans les deux premières classes, la transmission, bien que limitée au même âge, ne l'a pas été au même sexe. II en résulte par couséquent que, une fois adultes, les deux sexes se ressemblent et dillerent des jeunes. Classe IV. Lorsque le mâle adulte ressemble à la femelle adulte, les jeunes des deux sexc$ dans leur premier plumage leur ressemblent aussi. — Les jeunes pt les adultes des deux sexes, qu'ils soient colorés brillamment ou non, se ressemblent dans cette classe; cas qui est, ;\ ce que je crois, beaucoup plus commun que le cas précé- dent. En Angleterre, nous en trouvons des exemples chez le martin- péclieur, chez quelques pics, chez le geai, chez la pie, chez le cor- beau, et chez un grand nombre de petits oiseaux à couleur terne, comme les fauvettes et les roitelets. Mais la similitude du plumage entre les jeunes et les adultes n'est jamais absolument complète et passe graduellement ;\ une dissemblance. Ainsi les jeunes de quel- ques membres de la famille des martins-pôcheurs sont, non seul(3- ment moins brillamment colorés que les adultes , mais ont beaucoup de plumes dont la surface inférieure est bordée de brun ", vestige probable d'un ancien état de plumage. Il arrive souvent que, dans un même groupe d'oiseaux et souvent aussi dans un même genre, le genre australien des perruches (/*/a;ycercus) par exemple, les jeunes de quelques espèces ressemblent beaucoup à leurs parents des deux sexes qui se ressemblent aussi, tandis que ceux d'autres espèces diffèrent considérablement de leurs parents d'ailleurs sem- blables ". Les deux sexes et les jeunes du geai commun se ressem- blent beaucoup, mais chez le geai du Canada {Priso)'euscanndensis), la différence entre les jeunes et leurs parents est assez grande pour qu'on les ait autrefois décrits comme des espèces distinctes ". Avant do continuer, je dois faire observer que les faits compris dans la présente classe et dans les deux suivantes sont si complexes et que les conclusions à en tirer sont si douteuses, que j'invite le lecteur qui n'éprouve pas un intérêt tout spécial pour ce sujet à ne pas lire les remarques suivantes. Les couleurs brillantes ou voyantes, qui caractérisent beaucoup d'oiseaux de la présente classe, ne peuvent que rarement ou même jamais avoir pour eux la moindre utilité au point de vue de la protection; elles ont donc prohabloinent été produites chez les mâles par la sélection sexuelle, puis 27. Jer.lon {o. c, vol.I, p. 222, 228); Gould, Uandbook, etc., vol. I. j). 12i, l.M). 28. Gould, il,., vol. II, p. 37, 46, 56. 29. Audubon, Oriiith. Biof/r., vol. II, p. 55. 34 530 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il" Partie]. ensuite transmises aux femelles et aux jeunes. Il est toutefois possible que les mâles aient choisi les femelles les plus attrayantes; si ces dernières ont transmis leurs caractères à leurs descendants des deux sexes, il a dû en résulter les mt^mes conséquences que celles qu'entraîne la sélection par les femelles des mâles les plus séduisants. Mais il y a quelques preuves que cette éventualité, si elle s'est jamais présentée, a dû être fort rare dans les groupes d'oiseaux où les sexes sont ordinairement semblables; car, en ad- mettant que quelques variations successives, en quelque petit nombre que ce soit, n'aient pas été transmises aux deux sexes , les femelles auraient un peu excédé les mâles en beauté. C'est précisément le contraire qui arrive dans la nature ; car, dans presque tous les groupes considérables dans les- quels les sexes se ressemblent d'une manière générale, il se trouve quelques espèces où les mâles ont une coloration légèrement plus vive que celle des femelles. Il est possible encore que les femelles aient fait choix des plus beaux mâles, et que ceux-ci aient réciproquement choisi les plus belles fe- melles; mais il est douteux que cette double marche de sélection ait pu se réaliser, par suite de l'ardeur plus grande dont fait preuve l'un des sexes; il est d'ailleurs douteux aussi qu'elle eût pu être plus efficace qu'une sélection unilatérale seule. L'opinion la plus probable est donc que, dans la classe dont nous nous occupons, la sélection sexuelle, en ce qui se rattache aux caractères d'ornementation, a, conformément à la règle générale dans !e règne animal, exercé son action sur les mâles, lesquels ont transmis leurs couleurs graduellement acquises , soit également , soit presque également à leur descendance des deux sexes. Un autre point encore plus douteux est celui de savoir si les variations successives ont surgi d'abord chez les mâles au moment où ils atteignaient l'âge adulte, ou pendant leur jeune âge; mais, en tous cas, la sélection sexuelle ne peut avoir agi sur le mâle que lorsqu'il a eu à lutter contre des rivaux pour s'assurer la possession de la femelle; or, dans les deux cas, les caractères ainsi acquis ont été transmis aux deux sexes et à tout âge. Mais, acquis par les mâles à l'état adulte, et d'abord transmis aux adultes seule- ment, ces caractères ont pu, à une époque ultérieure, être transmis aussi aux jeunes individus. On sait, en effet , que, lorsque la loi d'hérédité aux âges correspondants fait défaut, le jeune hérite souvent de certains carac- tères à un âge plus précoce que celui auquel ils ont d'abord surgi chez les parents ^°. On a observé des cas de ce genre chez des oiseaux à l'état de nature. M. Blylh, par exemple, a vu des Lanius rufus et des Colymbus glacialis qui, pendant leur jeunesse, avaient très-anormalement revêtu le plumage adulte de leurs parents ^*. Les jeunes du cygne commun {Cygnus olor) ne dé- pouillent leurs plumes foncées et ne deviennent blancs qu'à dix-huit mois ou deux ans; or le docteur Forel a décrit le cas de trois jeunes oiseaux vigou- reux, qui, sur une couvée de quatre, étaient blanc pur en naissant. Ces jeunes cygnes n'étaient pas des albinos, car la couleur du bec et des pattes de ces oiseaux se rapprochait beaucoup de celle des mêmes parties chez les adultes ^*. 30. Variation, etc., vol. II, p. 84. 31. Charlesworth, Mag. of Nat. Ilint., vol. I, 1837, p. 303-306. 32. Bulletin de la Soc. vaudoise des se. nat., vol. X, 1869, p. 132; les jeunes [Chap. XVI]. RAPPORTS ENTRE LE PLUMAGE DES DEUX SEXES. 5:n Pour expliquer et [rendre compréhensibles les trois modes précités qui, dans la classe qui nous occupe , ont pu amener une ressemblance entre les deux sexes el les jeunes, je citerai l'exemple curieux du genre Passer ^\ Chez le moineau domestique [P. domestivus), le mille diiïère beaucoup de la femelle et des jeunes. La femelle et les jeunes se ressemblent, et ressemblent également beaucoup aux deux sexes et aux jeunes du moineau de Palestine iP. hrachyductilus) et de <|ueli|ues espèces voisines. Nous pouvons donc ad- mettre que la femelle et les jeunes du moineau domestique représentent approximativement le plumage de TanctHre du genre. Or, chez le P. monta- nus, les deux sexes et les jeunes ressemblent beaucoup au moineau doiii -s- lique mille; ils ont donc tous été modifiés de la même manière, et s'écartent tous de la coloration typique de leur ancêtre primitif. Ceci peut provenir de ce (ju'un ancêtre mile du P. ntontanus a varié : premièrement alors (|u"il était presque adulte; ou secondement alors qu'il était tout jeune, et qu'il a, dans l'un et l'autre cas, transmis son plumage modifié aux femelles et aux jeunes; ou, troisièmement, il peut avoir varié à l'état adulte et transmis son plumage aux deux sexes adultes; et, la loi de l'hérédité aux âges corres- pondants n'intervenant pas, l'avoir, à quelque époque subséquente, transmis aux jeunes oiseaux. Il est impossible de déterminer quel est celui de ces trois modes (|ui a pu prévaloir généralement dans la classe qui nous occupe. L'hypothèse la plus probable peut-être est celle (|ui admet que les m.lles ont varié dans leur jeunesse et transmis leurs variations à leurs descendants des deux sexes, .l'ajouterai ici que j'ai tenté, avec peu de succès d'ailleurs, d'apprécier, en consultant divers ouvrages, jusqu'à quel point la période de la variation a pu déterminer chez les oiseaux en général la transmission des caractères à un des sexes ou aux deux. Les deux règles auxquelles nous avons souvent lait allusion (à savoir que les variations survenant à une époque tardive ne se transmettent qu'au même sexe, tandis que celles survenant à un âge précoce se transmetent aux deux sexes) paraissent vraies pour la pre- mière •'^ pour la seconde et pour la (piatriéme classe de cas; mais elles sont en défaut dans la troisième , souvent dans la cinquième •'•• et la sixième classe. Hlles s'appliquent pourtant, autant que je puis en juger, à une majorité con- sidérable des espèces, et nous ne devons pas oublier à cet égard la géné- ralisation frappante que le D' \V. Marshall a faite relativement aux prulii- bérances qui apparaissent sur la tête des oiseaux. Quoi qu'il en soil, nous «lu cygne polonais, Ci/gnu» Los animaux mâles déjà pourvus de dents capables de couper ou de déchirer pour les usages ordinaires de la vie, comme les carni- vores, les insectivores et les rongeurs, sont rarement munis d'armes spécialement adaptées en vue de la lutte avec leurs rivaux, Il en est autrement chez les mâles de beaucoup d'autres animaux. C'est ce que prouvent les cornes des cerfs et de certaines espèces d'antilopes dont les femelles sont désarmées. Chez beaucoup d'ani- maux, les canines de la mâchoire supérieure ou de la mâchoire infé- rieure.ou même des deux mâchoires. sont beaucoup plus grandes chez les mâles que chez les femelles, ou manquent chez ces dernières, à un rudiment caché près. Certaines antilopes, le cerf musqué, le cha- meau, le cheval, le sanglier, divers singes, les phoques et le morse olfrent des exemples de ces différents cas. Les défenses font quel- quefois entièrement défaut chez les morses femelles ^ Chez l'éic- phant imlien mâle et chez le dugong mâle ', les incisives supérieures constituent des armes offensives. Chez le narval mâle, une seule des dents supérieures se développe et forme la pièce bien connue sous le nom de corne, qui est tordue en spirale et atteint quelquefois de neuf â dix pieds de longueur. On croit que les mâles se servent de i. M. Lamoiit \^Scamnx ivith the Sen-lîorses , p. 143, 1861) dit qu'une bonne (léf<'nsi' (l'un morse mâle pèse quatre livres, et est plus longue que celle de la temelle, imi en pèse environ trois. Les mâles se livrent de furieiix comliats. Sur l'absence occasionnelle «les défenses chez la femelle, voir R. lirouw, Proc. Znol. Sor., ISGS. p. \-20. 5. Owcii. .htfit. of Int., m, p. 283. 532 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il" Partie]. celte arme pour se battre , car « on trouve rarement de ces cornes qui ne soient pas cassées, et on en rencontre parfois dont la partie fendue contient encore la pointe de la corne d'un ennemi '. » La dent du côté opposé de la tête consiste, chez le mâle, en un rudiment d'environ dix pouces de longueur, qui reste enfoui dans la mâchoire. Quelquefois cependant, mais le fait est assez rare, on trouve des narvals mâles, chez lesquels les deux dents sont également bien développées. Chez les femelles, ces deux dents restent toujours rudimentaires. Le cachalot mâle a la tête plus grande que la fe- melle, ce qui semble prouver que, chez ces animaux, la tête joue un rôle dans les combats aquatiques. Enfin, l'ornithorhynque mâle adulte est pourvu d'un appareil remarquable, consistant en un er- got placé sur la partie antérieure de la jambe, ergot qui ressemble beaucoup au crochet des serpents venimeux ; Harting affirme que la sécrétion de la glande ne constitue pas un poison ; on observe sur la jambe de la femelle une dépression qui semble destinée à recevoir cet ergot ''. Lorsque les mâles sont pourvus d'armes dont les femelles sont privées, il ne peut guère y avoir de doute qu'elles servent aux combats auxquels ils se livrent entre eux, et que ces armes ont été acquises par sélection sexuelle et transmises au sexe mâle seul. Il n'est pas probable, au moins dans la plupart des cas, que ces armes aient été refusées aux femelles, comme pouvant leur être inutiles ou en quelque sorte nuisibles. Comme, au contraire, les mâles se servent souvent de ces armes pour des buts divers, mais surtout pour se défendre contre leurs ennemis, il est étonnant qu'elles soient si peu développées ou même absentes chez tant d'animaux femelles. Il est certain que le développement de gros bois avec leurs ramifications chez la femelle du cerf, au retour de chaque printemps, et celui d'énormes défenses chez les éléphants femelles, en admettant qu'elles ne leur.[fussent d'aucune utilité, auraient oc- casionné une grande déperdition de force vitale. Par conséquent, la sélection naturelle a dû tendre à les éliminer chez les femelles, mais à condition que les variations successives tendant à cette éli- mination ont été transmises au sexe femelle seul, car autrement les armes des mâles auraient été très-affectées et il en serait évi- demment résulté un préjudice plus considérable pour l'espèce. En 6. M. R. Brown, Proc. Zool. f>nc., p. 533, 1869. Voir prof. Tuvrier, JoumalAnat. andPhys., 1872, p. 76, sur la nature homogène de ces défenses. M. J. W.Clarke parle de deux défenses développées chez les mâles, Proc. Zooloy. Soc, 1871, p. 42. 7. Owen sur le cachalot et l'ornithorliynque, o. c, III, p. 638, 641. Le docteur Zouteveen cite Harting dans la traduction hollandaise de cet ouvrage, vol. II, p. 292. [Chap. XVII]. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES. 553 résumé, et les faits que nous allons citer confirment celte hypo- thèse, il paraît probable qu'il faut attribuer à la sorte d'hérédité qui a provalu, les dilTéronces que l'on observe; chez les deux se.xos au point de vue des armes qu'ils possèdent. Le renne étant la seule espèce, dans toute la famille des cerfs, dont la femelle ait des cornes, un peu plus petites, il est vrai, un peu plus mitices et un peu moins ramiliées que celles du mâle, on pourrait en conclure que ces cornes ont quelque utilité. On a cepen- dant la preuve du contraire. La femelle conserve ses bois depuis le moment où ils sont complètement développés, c'est-à-dire en septembre, jusqu'en avril ou mai, époque où elle met bas. M. Grotch a bien voulu faire pour moi des recherches sérieuses en Norwège ; il i)araîl (jue les femelles, à cette époque, se cachent pendant une quinzaine de jours environ pour mettre bas, puis reparaissent ordi- nairement privées de leurs cornes. D'autre part, M. H. Zecks affirme que dans la Nouvelle-Ecosse les femelles gardent plus long- temps leurs cornes. Le mâle, au contraire, dépouille ses bois beau- coup plus tôt, vers la fin de novembre. Or, comme les deux sexes ont les mêmes exigences et les mêmes habitudes, et que le mâle perd ses bois pendant l'hiver, ces annexes ne doivent avoir aucune utilité pour la femelle dans cette saison, où justement elle les porte. Il n'est pas probable que ce soit quelque antique ancêtre de la fa- mille des cerfs qui lui ait transmis ses bois : le fait que les mâles de tant d'espèces, dans toutes les parties du globe, possèdent seuls des bois, nous permet de conclure que c'était là un caractère primi- tif du groupe ". Les bois se développent chez le renne à un âge Irès-précoco, sans que nous en connaissions lacausc. Quoi qu'il en soit, l'elfet produit paraît avoir été le transfert des cornes aux deux sexes; les cornes sont toujours transmises par la femelle et celle-ci conserve une apli- luile latente à leur développemenl, comme nous le prouvent les cas de femelles vieilles ou malades*. En outre, les femelles de quelques autres espèces de cerfs possèdent normalement, ou de faron occa- sionnelle, des rudiments de bois; ainsi la femelle du Ccrvulns mos- (Imtus a « des touffes réliformes se terminant par un bouton au lieu 8. Sur la structure et sur Xa. cliule des bois du renne, IIoffl)erp, Amaniilntrs Acad., IV, |). 1 iO, 1788; Rithardson, Faunii, etc., p. 2H. sur l'espèce ou varii'te américaine; et Major W. Ross King, tlic SfiortstiuiH in Cunadn, p. 80, IStjG. 0. Isid. Geoffroy Saint-IIilaire, Essais de zoolor/ic générale, p. 5l;t, 18U. Dautres caractères masculins, outre les cornes, peuvent se transférer senilil;il)l('nH'nt à la femelle; ainsi M. Roner {Chamnis lîuntinfj in the Mountains uf Har/ii ia, 18G0, 2" édit., p. 363, dit en parlant d'une vieille femelle de cliamoi.s « «pielle avait non seidement la tète très-masodine d'a|)parence, mais, sur le dos, une crête de longs poils ipi'on ne trouve lialùluellement que chez les maies. » 534 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. (le cornes ; » et « dans la plupart des spécimens du Wapiti femelle {Cervus Canadensis), une protubérance osseuse aiguë remplace la corne '". » Ces diverses considérations nous permettent de conclure que la possession de bois bien développés par la femelle du renne provient de ce que les mâles les ont d'abord acquis comme armes pour combattre les autres mâles; et que leur transmission aux deux sexes a été la conséquence de leur développement, sans cause connue, à un âge très-précoce chez le sexe mâle. Passons aux ruminants à cornes creuses. On peut établir, chez les Antilopes, une série graduée, commençant par les espèces dont les femelles sont entièrement privées de cornes, — passant par celles qui les ont si petites qu'elles sont presque rudimenlaires, comme chez V Ant'ilocapra Amej'icana, espèce chez laquelle une fe- melle seulement sur quatre ou cinq possède des cornes " ; — celles oii ces appendices se développent largement, bien qu'elles restent plus petites et plus grêles que chez le mâle et qu'elles affectent quelquefois une forme différente '*; et se terminant par les espèces oi\ les deux sexes ont des cornes de grandeur égale. De même que chez le renne, il y a, chez les antilopes, rapport entre la période du développement des cornes et leur transmission à un seul des deux sexes ou à tous les deux; il est, par conséquent, probable que leur présence ou leur absence chez les femelles de quelques espèces, et que l'état de perfection relative qu'elles atteignent chez les femelles d'autres espèces, doivent dépendre, non de ce qu'elles servent à un usage spécial, mais simplement de la forme d'hérédité qui a pré- valu. Le fait que, dans un genre restreint, les deux sexes de quel- ques espèces et les mâles seuls d'autres espèces sont pourvus de cornes, confirme cette opinion. Bien que les femelles de Y Antilope bezoartica soient normalement privées de corne, M. Blyth en a ren- contré trois qui en portaient, et chez lesquelles rien n'indiquait un âge avancé ou une maladie. Dans toutes les espèces sauvages de chèvres et de moutons, les cornes sont plus grandes chez le mâle que chez la femelle , et man- quent quelquefois complètement chez celles-ci *'. Dans plusieurs races domestiques de ces animaux, les mâles seuls ont des cornes. 10. Sur le Ccrvnlus, docteur Gray, Catalogue of the Mammalia in the British Muséum, III, p. 220. Sur le Cervus Canadensis ou le Wapiti, voir J. D. Caton, Ottawa Acad. of Nat. Scietices, p. 9. Mai 1868. 11. Je dois ce renseignement au docteur Canfield. Voir aussi son mémoire, Proc. Zoolog. Soc., 1866, p. 105. 12. Les cornes de l'Ajit. Fuchore femelles ressemblent, par exemple, à celles dune espèce distincte, YAitt. Dorcas, var. Corine; voy. Desmarest, Mammaloyie, p. 455. 13. Gray, Catalogue M amm. Drit. 3/«s., part. III, p. 160, 1852. [Chap. XVII 1. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES. o.i5 Dans queK|ues races comme celles du nord du pays de Galles, où les deux sexes sont régulièremenl armés de cornes, elles font sou- vent défaut chez les brebis. Un témoin digne de foi qui a inspecté toul exprès un troupeau de ces moulons à l'époque de la mise bas, a constaté que, chez les agneaux, à leur naissance, les cornes sont plus complètement développées chez le mâle que chez la femelle. M. .). Peel a croisé ses moulons lank dont les mâles et les femelles portent toujours des cornes avec des races Leicester et Shropshire dépourvues de cornes; il a obtenu une race chez laquelle les mâles n'avaient plus que de pclilos cornes, tandis que les femelles en étaient complètement dépourvues. Ces divers faits indiquent que, chez les moutons, les cornes constituent un caractère beaucoup moins fixe chez la femelle que chez le mâle, et nous autorisent à comluro que les cornes ont une origine masculine. Chez le bœuf musqué adulte {Ovibos moschatus), les cornes du mâle sont plus grandes que celles de la femelle chez laquelle les bases ne se louchent pas ". M. Blyth constate, relativement au bétail ordinaire, que « chez la plupart des sauvages de l'espèce bovine, les cornes sont plus longues et plus épaisses chez le taureau que chez la vache; et que chez la vache Banteng [Bos sondaici(s), les cornes sont remarquablement petites et fort inclinées en arrière. Dans les races domestiques, tant chez les types à bosses que chez les types sans bosses, les cornes sont courtes et épaisses chez le taureau, plus longues et plus effilées chez la vache et chez le bœuf; et, chez le buflle indien, elles sont plus courtes et plus épaisses chez le mâle, plus grêles et plus allongées chez la femelle. Chez le gaour (/?. f/nurus) sauvage , les cornes sont à la fois plus longues et plus épaisses chez le taureau que chez la vacho ". » Le D' For- syth Major m'apprend qu'on a trouvé dans le Val d'Arno un crâne fossile qu'on croit être celui d'un Bds elruscus femelle; ce crâne est dépourvu de cornes. Je puis ajouter ici que, chez le /{/linocerossimus, les cornes de la femelle sont généralement plus longues mais moins forles que celles du mâle; et, chez (jnelques autres espèces de rhi- nocéros, on assure (pi'elles sont jjIus courtes chez la femelle '". Ces divers faits nous autorisent à conclure que les cornes de tous genres, même lorsqu'elles sont également développées chez les deux sexes, ont été primitivement acquises par les mâles pour lutter avec les autres mâles, puis transmises plus ou moins coiu- plèlemenl aux femelles. li. Rii li.irilson. Fnunn llnr. .[ninrirnnn, p. 278. \:^. l.rni'/ nixl Walri: 18(17, p. ItWi. Ki. Sir.\n'l. Smitli, Xik,!. o/S. .\ frira, pi. XIX. (hv«'n. Afitil. ofVrrl.UÏ, p. \2\. 556 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Partie]. Nous devons ajouter quelques mots sur les effets de la castration, car ils jettent une vive lumière sur ce point. Les bois ne repoussent jamais chez les cerfs qui ont été châtrés; il faut en excepter toute- fois le renne mâle, chez lequel il pousse après cette opération. Ce fait, aussi bien que la présence des bois chez les mâles et les fe- melles, semble indiquer au premier abord que les bois chez cette espèce ne constituent pas un caractère sexuel ". Mais, comme il se développe à un âge très-précoce avant que la constitution du mâle diffère de celle de la femelle , il n'est pas sur- prenant que la castration n'exerce aucune influence sur ces orne- ments, en admettant même qu'ils aient été primitivement acquis par le mâle. Chez les moutons, les mâles et les femelles portent nor- malement des cornes ; on m'assure que chez les moutons Welch la castration a pour effet de réduire beaucoup la grandeur des cornes du mâle, mais que le degré de cette diminution dépend de l'âge de l'animal sur lequel on pratique cette opération; nous avons vu qu'il en est de même chez d'autres animaux. Les boucs mérinos ont de grandes cornes, tandis que les brebis en sont ordinairement dé- pourvues; chez cette race la castration semble produire un effet un peu plus considérable que sur la race précédente, car, si on l'accom- plit à un âge très-précoce, les cornes ne se développent presque pas **. M. Winwood Reade a observé sur la côte de Guinée une race de moutons dont les femelles ne portent jamais de cornes, et elles dis- paraissent complètement chez les boucs après la castration. Cette opération exerce une profonde influence sur les cornes des mâles de l'espèce bovine, car, au lieu de rester courtes et épaisses, elles deviennent plus longues que celles des vaches. L'antilope bezoartica offre un cas à peu près analogue : les mâles sont pourvus de cornes longues et contournées en spirales qui, presque parallèles, se diri- gent en arrière; les femelles portent parfois des cornes, mais elles affectent une forme toute différente, car elles ne sont pas contournées en spirales, elles s'écartent beaucoup l'une de l'autre et font un coude pour se diriger en avant. Or, M. Blyth a observé le fait re- marquable que, chez le mâle châtré, les cornes affectent la forme particulière qu'elles ont chez la femelle, tout en étant plus longues 17. Telle est, en efTet, la conclusion de ^eïàWiz, Die Dai-winsche Théorie, iHi., p. 47. 18. Le prof. Victor Carus a bien voulu prendre en Saxe, à ma demande, des renseignements sur ce point. H. von Matlmsius {Viehzucht, 1872, p. 04) assure que les cornes des moutons châtrés à un âge précoce disparaissent complète- ment ou restent à l'état de simples rudiments; mais je ne saurais dire s'il fait allusion aux races ordinaires ou à la race mérinos. [Chap. XVII:. CAIIACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES. 557 et plus épaisses. Si on en peut juger par analogie, les cornes de la femelle, dans ces deux derniers cas, nous représentent la condition de ces armes, chez un ancêtre reculé de chaque espèce. Mais on ne peut expliquer que la castration produit un retour vers cette an- cienne condition. Toutefois il semble probable que, de même qu'un croisement entre deux espèces ou deux races distinctes provoque chez le jeune un trouble constitutionnel qui amène souvent la réa- parition de caractères depuis longtemps perdus ",de même le trou- ble apporté par la castration dans la constitution de l'individu pro- duit un effet analogue. Les défenses des éléphants de toutes les espèces et de toutes les races dilfèrent, selon le sexe, à peu près comme les cornes des ruminants. Dans l'Inde et à Malacca, les mâles seuls sont pourvus de défenses bien développées. Quelques naturalistes considèrent l'éléphant de Ceylan comme une race à part, d'autres comme une espèce distincte; or, on n'y trouve pas « un individu sur cent qui ait des défenses et le petit nombre de ceux qui en ont sont exclusive- ment mâles **. » L'éléphant d'Afrique forme certainement un genre distinct; la femelle a des défenses bien développées, quoique un peu moins grandes que celles du mule. Ces différences dans les défenses des diverses races et des di- verses espèces d'éléphants, — la grande variabilité des bois du cerf, et surtout ceux du renne sauvage, — la présence accidentelle de cornes chez la femelle do V Antilope bezoartica et leur absence fréquente chez la femelle de VAntilocapra amcricana, — la présence de deux défenses chez quelques narvals mâles; — l'absence com- plète de défenses chez quelques morses femelles, — sont autant d'exemples de la variabilité extrême des caractères sexuels secon- daires et de leur excessive tendance à différer dans des formes très- voisines. Uien que les défenses et les cornes paraissent dans tous les cas s'être i)rimitivement développées comme armes sexuelles, elles servent souvent à d'autres usages. L'éléphant attaque le tigre avec ses défenses et, d'après Bruce, entaille les troncs d'arbres, de façon à les renverser facilement; il s'en sert encore pour extraire la moelle farineuse des palmiers; en Afrique, il emploie souvent une de ses défenses, toujours la même, à sonder le terrain et à s'assurer si»le sol peut supporter son poids. Le taureau commun défend le 19. J'ai cité plusieurs expériences, et d'uutres témoignages prouvent que tel est le ca.s. Voir la Variation, vol. II (Paris, Reiuwald). 20. Sir J. Emerson Tennent, Ceylan, II, p. 274, 1859. Pour Malacca, Journ. of Indian Archipelago, p. 357. 358 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. troupeau avec ses cornes; et, d'après Lloyd, l'élan de Suède tue roide un loup d'un coup de ses grandes cornes. On pourrait citer une foule de faits semblables. Le capitaine Hutlon *' a observé chez la chèvre sauvage de l'Himalaya [Capra xçjagrus) comme on l'a d'ailleurs observé également chez l'ibex, l'un des usages secon- daires les plus curieux des cornes d'un animal quelconque : si un mâle tombe accidentellement d'une certaine hauteur, il penche la tète de manière que ses cornes massives touchent d'abord le sol, ce qui amortit le choc. Les cornes de la femelle étant beaucoup plus petites, elle ne peut s'en servir pour cet usage, mais ses ha- bitudes plus tranquilles rendent pour elle moins nécessaire l'em- ploi de cette étrange sorte de bouclier. Chaque animal mâle se sert de ses armes àsa manière particulière. Le bélier commun fait une charge, et heurte l'obstacle de la base de ses cornes avec une force telle, que j'ai vu un homme fort renversé comme un enfant. Les chèvres et certaines espèces de moutons, comme VOvis cycloceros de l'Afghanistan -^, se dressent sur leurs pattes de derrière, et, non seulement « donnent le coup de tête, mais encore baissent la tête, puis la relèvent brusquement de façon à se servir de leurs cornes comme d'un sabre; ces cornes, en forme de cimeterre, sont d'ailleurs fort tranchantes, à cause des côtes qui garnissent leur face antérieure. Un jour, un Ovis cycloceros attaqua un gros bélier domestique connu comme solide champion; il en eut raison par la seule nouveauté de sa manière de combattre, qui con- sistait à toujours serrer de près son adversaire, à le frapper de la tête sur la face et le nez, et à éviter toute riposte par un bond ra- pide. » Dans le Pembrokeshire, un bouc, chef de troupeau, après plusieurs générations, et resté à l'état sauvage, très-connu pour avoir tué en combat singulier plusieurs autres mâles, avait des cornes énormes, dont les pointes étaient écartées de 39 pouces (0'",99). Le taureau commun perce, comme on sait, son adversaire de ses cornes, puis le lance en l'air; le buffle italien ne se sert jamais de ses cornes, mais, après un effroyable coup de son front convexe, il plie les genoux pour écraser son ennemi renversé, instinct que n'a pas le taureau **. Aussi un chien qui saisit un buffle par le nez est-il aussitôt écrasé. Mais le buffle italien est réduit de- puis longtemps à l'état domestique, et il n'est pas certain que ses 21. Calcutta, Journal of Nat. Hist., II, p. 526, 1843. 22. M. Blyth, Landand Water, March, 1867, p. 134 ; sur l'autorité du Cap. Hutton et autres. Pour les chèvres sauvages du Pembrokeshire, Field, 1869, p. 150. 23. M. E. M. Bailly, sur l'usage des cornes, Ann. Sciences Nat., 1", série, II, p. 369, 1824, [Chap. XVII]. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRES. ;i:i!) ancêtres sauvages aient eu des cornes afTectanl la même forme. M, Bartlelt m'apprend qu'une femelle de buflle du Cap {liuhalus caffer), introduite dans un enclos avec un taureau de la mT-mo espèce, l'attaqua, et fut violemment repoussée. Mais M. Bartlelt resta convaincu que, si le taureau n'avait montré une grande magna- nimité, il aurait pu aisément la tuer par un seul coup latéral de ses immenses cornes. La girafe se sert d'une façon singulière de ses cornes courtes et velues, (jui sont un peu plus longues chez le mule que chez la femelle ; grâce à son long cou, elle peut lancer la tète d'un côté ou de l'autre avec une telle force, que j'ai vu nur planche dure profondément entaillée par un seul coup. On se demande comment les antilopes peuvent se servir de leurs l''i(f. 63. — Oryx Uuconjx iiiâlo (ménagerie de Knowsley). ornes si singulièrement conformées ; ainsi le spring-bock {Ant. eu- rhore^ a des cornes droites, un peu courtes, dont les pointes aiguës <<• regardent, recourbées qu'elles sont en dedans, presque à angle droit. M. Hartictt pense qu'elles doivent faire de terribles blessures sur les deux côtés de la face d'un antagoniste. Les cornes légère- ment recourbées de VOri/.r Ifucori/x [fig. 03), sont dirigées en ar- rière et assez longues pour que leurs pointes dépassent le milieu du dos, en suivant une ligne qui lui est presque parallèle. Elles semblent ainsi bien mai conditionnées pour la lutte; mais M. Bart- lett m'informe que, lorsque deux de ces animaux se préparent au combat, ils s'agenouillent et baissent la tête entre les jambes de devant, attitude dans laquelle les cornes sont parallèles au sol et presque à ras de terre, avec les pointes dirigées en avant et un peu relevées. Les combattants s'approchent ensuite peu à peu; chacun 5G0 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. d'eux cherche à introduire les pointes de ses cornes sous le corps de son adversaire, et celui qui y parvient se redresse comme mu par un ressort et relève en même temps la tête; il peut ainsi blesser gravement et même transpercer son antagoniste. Les deux animaux s'agenouillent toujours de manière à se mettre autant que possible à l'abri de cette manœuvre. On a signalé un cas oîi une de ces an- tilopes s'est servie avec succès de ses cornes, môme contre un lion; cependant la posture que l'animal doit prendre, la tête entre les pattes de devant, pour que la pointe des cornes vise l'ennemi, est extrêmement désavantageuse en cas d'attaque par un autre ani- mal. Il n'est donc pas probable que les cornes se soient modifiées de façon à acquérir leur longueur et leur direction actuelles, comme moyen de protection contre les animaux féroces. On peut supposer que quelque ancien ancêtre mâle de l'Oryx, ayant acquis des cornes d'une longueur modérée, dirigées un peu en arrière, aura été forcé, dans ses batailles avec ses rivaux mâles, de baisser la tête de côté ou en avant-, comme le font encore plusieurs cerfs ; plus lard il se sera agenouillé accidentellement, puis ensuite habituel- lement. Les mâles à cornes plus longues ayant grand avantage sur les individus à cornes plus courtes, il est à peu près certain que la sélection sexuelle aura graduellement augmenté la longueur de ces cornes jusqu'à ce qu'elles aient atteint la dimension et la direction extraordinaires qu'elles ont aujourd'hui. Chez les cerfs de plusieurs espèces, la ramification des bois pré- sente une difficulté assez sérieuse ; car il est certain qu'une seule pointe droite ferait une blessure bien plus grave que plusieurs pointes divergentes. Dans le musée de Sir Philip Egerton, on voit une corne de cerf commun [Cervus elaphus) de 30 pouces de long et ne comptant pas moins de quinze branches. On conserve encore à Moritzburg une paire d'andouillers d'un cerf de même espèce, tué en 1699 par Frédéric I"; l'un porte trente-trois branches, l'autre vingt-sept, ce qui fait au total soixante branches. Richardson décrit une paire de beis de renne sauvage présentant vingt-neuf pointes **. La façon dont les cornes se ramifient, ou plutôt la remarque de ce fait que les cerfs se battent à l'occasion en se frappant avec leurs pieds de devant", avait conduit AL Bailly à la conclusion que leurs cornes 24. Owen, sur les cornes du cerf commun, Brilish Fossil Mammals, p. 478, 4846. Sur les bois du renne, Richardson, Fauna Bor. Americima, p. 240, 1829. Je dois au prof. Victor Carus les renseignements pour le cerf de Moritzburg. 25. J. D. Caton [Ottawa Ac. of Nat. Science, 9 Mai 1868) dit que les cerfs Américains se battent avec leurs membres antérieurs « après que la question de supériorité a été une fois constatée et reconnue dans le troupeau ». Bailly, sur l'usage des cornes. Ann. Se. Nat., II, p. 371, 1824. ICuAP. XVII]. CAIIACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈRKS. 5til leur étaient plus nuisibles qu'utiles! Mais cet auteur a oublié les combats que se livrent les mâles rivaux. Très-embarrassé sur l'u- sage des ramures ou les avantages qu'elles peuvent offrir, je m'a- dressai à M. Me Neill de Colinsay, qui a longttMups étudié les mœurs du cerf commun : d'après ses reuiarques, les ramures n'ont jamais servi au combat, mais les andouillers frontau.x qui s'incli- nent vers le bas protègent très-eflicacement le front, et constituent par leurs pointes des armes précieuses pour l'attaque. Sir Philip Egerton m'apprend aussi que le cerf commun et le daim, lorsqu'ils se battent, se jettent brusquement l'un sur l'autre, fixent récipro- (luemenl leurs coruos contre le corps de leur antagoniste , et luttent violemment. Lorsque l'un d'eux est forcé de céder et fuir, l'autre cherche à percer son adversaire vaincu de ses andouillers frontaux. 11 semble donc que les branches supérieures servent principale- luenl ou exclusivement à pousser et à parer. Cependant, chez quelques espèces, les branches supérieures servent d'armes offen- sives, comme le prouve ce qui arriva à un homme attaqué par un cerf Wapiti [r^rrus Cnnadensis) dans le parc de Judge Galon, à Ot- tawa; plusieurs hommes tentèrent de lui porter secours; « l'animal, sans jamais lever la tète, tenait sa face contre le sol, ayant le nez presque entre les pattes de devant, sauf quand il inclinait la tète de côté pour observer, et préparer un nouveau bond. » Dans cette position, les extrémités des cornes étaient dirigées contre SOS adversaires. « En tournant la tète, il devait nécessairement la relever un peu, parce que les andouillers étaient si longs que l'ani- mal ne pouvait tourner la tète sans les lever d'un côté, pendant que de l'autre ils touchaient le soi. «Le cerf, de cette manière, lit peu à peu reculer les libérateurs à une distance de 150 à 200 pieds, et riiomnif attaqué fut tué ". Lt;s cornes du cerf sont des armes terribles, mais une pointe unique aurait été plus dangereuse qu'im andouiller ramifié, et .1. ('alon, (pii a longtemps observé cet animal, est complètement de cet avis. Les cornes branchues, d'ailleurs importantes comme moven (le défense contre les cerfs rivaux, remplissent fort imparfaitement ce but de défense, parce qu'elles sont très-sujettes à s'enchevêtrer, .lai donc pensé qu'elles pouvaient en partie servir d'ornement. Tout le monde admettra que les andouillers des cerfs, ainsi que les cornes élégantes de certaines antilopes, cornes affectant la forme d'une lyre et présentant une double courbure extrêmement gracieii.sc 2ti. Voir lo récit tort intéressant dans l'ApjJendice du mémoire de M. J. l). Citon, cite precedt-niMient. 3(1 5G2 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. (/?eau('oiq) de randouiller ordinaire du C. Virgininnus. Elle con- siste en une seide pièce, plus grêle que l'andouiller, atleiinianl à peine la moitié de la loui^ueurde ce dernier, se projetant au-devant du front, et se terminant par une pointe aiguë. Elle donne à son possesseur un avantage considérable sur le mâle ordinaire; il peut courir plus rapidement au travers des bois toulï'us et des brous- sailles (tout chasseur sait que les daims femelles et les mâles d'un an courent beaucoup plus vite que les gros mâles armés de leurs lourds andouillers), et la corne pointue est une arme plus efficace (pie l'andouiller commun. Grâce à ces avantages, les daims à corne pointue gagnent sur les autres, et pourront avec le temps les rem- placer enlièremenldans les Adirondacks.il est certain quele premier daim à corne pointue n'était qu'un caprice de la nature, mais ces cornes ayant été avantageuses à l'animal, il les a transmises à ses descendants. Ceux-ci, doués du même avantage, ont propagé c(;tte particularité qui a toujours été s'étendant, et les cerfs à corne poin- tue Uniront peu à peu par chasser les cerfs à andouillers hors de la région qu'ils occupent. » Un critique discute ces conclusions et de- mande avec beaucoup de justesse comment il se fait que les bois branchus de la forme p irente se sont jamais développés, puisque les simples cornes offrent aujourd'hui tant d'avant igo. La seule ré- l»onseqiie je puisse faire est qu'un nouveau mode d'attaque avec de nouvelles armes peut constituer un grand avantage, comme le |)rouve l'exemple de VOviscydoceros qui a pu ainsi vaincre un bouc domestitpie que sa force et son courage avaient rendu fameux. Bien cpie les bois d'un cerf soient bien adaptés pour ces combats avec les cerfs ses rivaux, et bien que ce puisse être un avantage pour l'espèce à cornes simples d'acquérirdes bois biens dévelo|)pés, si elle n'avait (pi'à lutter avec des animaux armés de la même façon, il ne s'en suit pas cependant, que les bois soient une arme excellente pour vaincre un ennemi différemment armé. H est presque cer- tain en elTet, si nous revenons pour un instant à VOrgx leucoryx, «pie la victoire appartiendrait à une antilope pourvue de cornes C(»urles, qui |iar consécpient n'aurait pas à s'ag(;nouiller, mais en même temps il serait avantageux à un oryx d'avoir des cornes en- core plus longues s'il n'avait à lutter qu'avec des rivaux apparte- nant à son espèce. 561 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. Les mammifères mâles pourvus de crocs, de même que les ani- maux pourvus de cornes se servent de diverses manières de leurs armes terribles. Le sanglier frappe de côté et de bas en haut ; le cerf musqué porte ses coups de haut en bas et fait des blessures sérieuses ". Le morse, malgré son cou si court et la pesanteur de son corps, « peut frapper avec la même dextérité de haut en bas, de bas en haut, ou de côté *®. » L'éléphant indien, ainsi que je le tiens de feu le docteur Falconer, combat différemment suivant la position et la courbure de ses défenses. Lorsqu'elles sont dirigées en avant et de bas en haut, il lance le tigre à une grande distance, jusqu'à 30 pieds, dit-on ; lorsqu'elles sont courtes et tournées de haut en bas, il cherche à clouer subitement l'ennemi sur le sol, cir- constance dangereuse, car celui qui le monte peut être lancé par la secousse hors du hoodah '**. Bien peu de mammifères mâles possèdent deux sortes distinctes d'armes adaptées spécialement à la lutte avec leurs rivaux. Le cerf muntjac [Cervulus) mâle présente toutefois une exception, car il est muni de cornes et de dents canines faisant saillie au dehors. Mais une 'forme d'armes a souvent, dans le cours des temps, été rem- placée par une autre, et nous en avons la preuve par ce qui suit. Chez les Ruminants, il y a ordinairement rapport inverse entre le développement des cornes et celui des canines même de grosseur moyenne. Ainsi le chameau, le guanaco, le chevrotain et le cerf musqué, n'ont pas de cornes, mais des canines bien formées, « tou- jours plus petites chez les femelles que chez les mâles. » Les Ca- mélidés ont à la mâchoire supérieure, outre les vraies canines, une paire d'incisives de la même forme "'. Les cerfs et les antilopes mâles ont des cornes, et rarement des canines; et celles-ci, lors- qu'elles existent, sont toujours fort petites, ce qui peut faire douter de leur utilité dans les combats. Chez les jeunes mâles de V Antilope 7nontana, ces canines n'existent qu'à l'état rudimentaire; elles dis- paraissent lorsqu'il vieillit et font défaut à tout âge chez les fe- melles; toutefois on a accidentellement observé les rudiments de ces dents'- chez les femelles de quelques autres antilopes et de 28. Pallas, Spicilegia Zooiogica, fasc. xiii, p. 18, 1779. 29. Lamont, Seasojis tvitk the Sen-Horses, p. 141, 1861. 30. Voy. Corse (Phil. Trans., p. 212, 1799), sur la manière dont la variété Mooknah de l'éléphant à courtes défenses attaque les autres. 31. Owen, Anal, of Vert., III, p. 349. 32. Rûppel dans Pt-oc. Zool. Soc, Jan. 1836, p. 3, sur les canines chez les cerfs et chez les antilopes, suivi dune note de M. Martin sur un cerf américain femelle. P'alconer {Pnlseontol. Memoirs and Notes, I, 576, 1868) sur les dents dune biche adulte. Chez les vieux cerfs musqués mâles (Pallas, Spic. Zool., [CiiAP. XVII]. CARACT. SKXUKLS SECOND. DES MAMMIFERES. SGj quelques autres cerfs. Les étalons ont de petites canines qui sont absentes ou rutlimentaires chez la jument, mais ils ne s'en servent pas dans leurs combats ; ils ne mordent (lu'avec les incisives, et n'ou- vrent pas la l)Ouche aussi largement que les chameaux et les gua- nacos. Lorsque le mille adulte possède des canines dans un état où elles ne peuvent servir, et qu'elles font défaut ou ne sont que rudi- mentaires chez la femelle, on en peut conclure que l'ancêtre màlo de l'espèce était armé de véritables canines qui ont été partielle- ment transmises aux femelles. La disparition ou la diminution de irrandtMir de ces dents chez les mâles paraît être la conséquence d'un changement dans leur manière de combattre, changement causé souvent (ce qui n'est pas le cas du cheval) par le développe- ment de nouvelles armes. Les défenses et les cornes ont évidemment une haute impor- tance pour leurs possesseurs, car leur développement consomme une grande quantité de matière organique. Une seule défense de léléphant asiatique, — une défense de l'espèce velue éteinte — et une défense de l'éléphant africain, pèsent, me dit-on, liiO, KiO et ISO livn.'s; quelques auteurs ont même signalé des poids plus i*on- sidérables ". Les bois des cerfs qui se renouvellent périodiquement, doivent enlever bien davantage à la constitution de l'animal; les cornes de l'élan, par exemple, pèsent de 50 à 60 livres, et celles de l'élan irlandais éteint atteignent jusqu'à 60 et 70 livres, — le crùne de ce dernier n'ayant, en moyenne, qu'un poids de cinq livres et quart. Les cornes des moutons ne se renouvellent pas d'une manière périodique, et cependant beaucoup d'agriculteurs consi- dèrent leiu' développement comme entraînant une perte sensible p;)ur Tiileveur. Les cerfs, qui ont à échapper aux bètes féroces, sont surchargés d'un poids additionnel qui doit gêner leur course et les retarder considérablement dans les localités boisées. L'élan, par exemple, avec ses bois dont les extrémités sont distantes l'une d»; l'autre de cinq pieds et demi, évite avec adresse de briser ou de toucher la moindre branche sèche quand il chemine tranquillement; mais il ne peut faire de même s'il fuit ilevant une bande de loups. '( Pendant sa cours».', il tient le nez en l'air pour que les cornes soient horizontalement dirigées en arrière, afin qu'il puisse voir dis- tinctement le terrain*'. » Les pointes des bois du grand élan irlan- fasc. XIII, p. 18, 1779), les canines atteignent quelquefois trois pouces de lon- gueur, taudis ((ue chez les femelles âgées ou n'en trouve que des rudiment.-i dépassant la gencive d'un demi-pouce a peine. 33. Emerson Tennent, Ceylan, vol. II, p. 275, 1859; Owen, Brilish Fossil Main- mn/s, p. 215, 184G. 3». Richardson, Fauna Dor, Americuna, sur l'élan, Alces palt)iata,p. 236, 237; 166 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [Il» PartieI. dais étaient à 8 pieds l'une de l'autre. Tant que le velours recouvre les bois, ce qui dure environ douze semaines pour le cerf ordinaire, ces bois sont fort sensibles aux coups : en Allemagne, les mâles, pendant ce temps, changent jusqu'à un certain point leurs habitu- des ; ils évitent les forêts touffues et habitent les jeunes bois et les halliers bas'^. Ces faits nous rappellent que les oiseaux mâles ont acquis des plumes décoratives par un vol ralenti, et d'autres déco- rations au prix d'une perte de force dans leurs luttes avec les mâles rivaux. Chez les quadrupèdes, lorsque les sexes différent par la taille, co qui arrive souvent, les mâles sont, presque toujours , les plus grands et les plus forts. M. Gould affirme que ce fait est absolu chez les Marsupiaux australiens, dont les mâles semblent continuer leur croissance jusqu'à un âge fort tardif. Le cas le plus extraordi- naire est celui d'un phoque {CaUo7'liiniis wsinus), dont la femelle adulte pèse moins de un sixième du poids du mâle adulte "•**. Le docteur Gill fait remarquer que, chez les phoques mâles polyga- mes qui se livrent des combats furieux, les sexes diffèrent beaucoup au point de vue de la taille; on n'observe pas ces différences chez les espèces monogames. On peut faire les mêmes remarques chez les t)aleines relativement au rapport qui existe entre le caractère belli- queux des mâles et leur taille considérable comparativement à celle tle la femelle. Les baleines communes mâles ne se livrent pas de combats et ils ne sont pas plus grands que les femelles; d'autre fiart, les mâles de la baleine franche combattent souvent les uns avec les autres et ils sont deux fois aussi gros que les femelles, La plus grande force du mâle se manifeste toujours, ainsi que Hunter l'a depuis longtemps remarqué ", dans les parties du corps qui jouent un rôle dans les luttes entre mâles, — le cou massif du taureau, par exemple. Les mammifères mâles sont plus courageux et plus be'liqueux que les femelles. Sans doute ces caractères sont dus en partie à la sélection sexuelle mise en jeu par les victoires remportées par les mâles les plus forts et les plus courageux, et on partie aux effets héréditaires de l'usage. Il est probable que les et sur l'extension des cornes, Laud and Water, p. 143, 1869. Voy. Owen, Brit. Foss. Mammals, p. 447, 435, sur l'élan irlandais. 35. Forest Créatures, par G. Boner, p. 60, 1861. 36. Voy. le mémoire intéressant de M. J. A. Allen, dans Bull. Mus. Comp. Zool. of Cambridge, United-States, vol. II, n<> 1, p. 82. Un observateur soigneux, le Cap. Bryant, a vérifié les poids. Le docteur Gill, The Américain naturalist. Janv. 1871 ; le prof. Shaler, sur la taille relative des baleines mâles et femelles, A)nericain naturalist, Janv. 1873. 37. Animal Economy, p. 45. [Chap. XVII]. CAIIACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES. 'Ml modificalions successives de force, de taille et de courage (duos ù ce qu'on appollo la variabilité spontanée ou aux effets de l'usage) et, dont l'accumulation a donné aux mammifères mâles ces qualités caractéristiques, ont apparu un peu tardivement dans la vie et ont, par conséquent , été limitées dans une grande mesure, dans leur transmission, au même sexe. Ace point de vue, j'étais très-désireux d'obtenir des renseigne- ments sur le lévrier courant écossais, dont les sexes diffèrent quant à la taille beaucoup plus que ceux d'aucune autre race (excepté peut-être) les limiers ou d'aucune espèce canine sauvage que je connaisse. Je m'adressai en conséquence à M. Cupples, éleveur fort connu de ces chiens, qui, à ma demande, en a pesé et^mesuré un grand nombre et a recueilli avec beaucoup d'obligeance les faits suivants, en s'adressant de divers côtés. Les chiens mâles supé- rieurs, mesurés à l'épaule, ont vingt-huit pouces, hauteur minimum, mais plus ordinairement trente-trois et même trente-quatre pouces; ils varient en poids entre 80 et 1:20 livres, ou même davantage. Les femelles varient en hauteur de vingt-trois à vingt-sept ou vingt- huit pouces; et, en poids, de 50 à 70 ou 80 livres**. M. Cup|)les conclut à une moyenne assez exacte de 95 à 100 livres pour le mâle, et de 70 livres pour la femelle; mais certaines raisons font supposer qu'autrefois les deux sexes étaient plus pesants. M. Cup- ples a pesé des petits âgés d'une quinzaine de jours : dans une portée, le poids moyen de quatre mâles a dépassé de six onces el demie celui de deux femelles ; une autre portée a donné moins d'un(> once pour l'excès de la moyenne du poids de quatre mâles sur une femelle; les mêmes mâles, à trois semaines, excédaient de sept onces et demie le poids de la femelle, et à six semaines de quatorze onces environ. M. Wright, de Yeldersley House, dit dans une lettre adressée à M. Cupples : « J'ai pris des notes sur la taille et sur le poids des chiens d'un grand nombre de portées, et, d'après mes expériences, les deux sexes, en règle générale, diffèrent très-peu jusqu'à l'âge de cinq OU six mois; les mâles commencent alors à augmenter, et dépassent les chiennes en grosseur et en poids. A sa naissance et pendant quelques semaines, une chienne peut accidiMi- teliementêlre plus grosse qu'aucun des mâles, mais ceux-ci finis- sent invariablement par la dépasser. » M. Me iNeill, de Colinsay. 38. Richardson, Mnnual on the Dog. p. 59. M. Me Neill a donné des renseigiu'- nienls précieux sur le lévrier d'Ecosse, et a le premier attire l'attention sur l'iné^'ulité de taille entre les deux sexes dans .1/7 of Deer Stnlkiny, de Scropc. J'esj)ére que M. Cupples persistera dans son intention de publier uu travail com- plet sur cette race célèbre et sur son histoire. CG8 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. l'onclut que « les mules n'atteignent leur croissance complète qu'à deux ans révolus, mais que les femelles y arrivent plus tôt. » D'a- près les remarques de M. Cupples, les mules augmentent en taille jusqu'à l'âge d'un an à dix-huit mois et en poids de dix-huit mois à deux ans ; tandis que les femelles cessent de croître en taille de neuf à quatorze ou quinze mois, et en poids de douze à dix-huit mois. Ces divers documents montrent clairement que la différence complète de taille entre le mâle et la femelle du lévrier écossais, n'est acquise qu'un peu tardivement dans la vie. Les mâles s'em- ploient presque seuls à la course, car, les femelles, dit M. Me Neill, n'ont ni assez de vigueur ni assez de poids pour forcer un cerf adulte. M. Cuaples a prouvé d'après des noms relevés dans de vieilles lé- irendes, qu'à une époque fort ancienne, les mâles étaient déjà les plus réputés, les chiennes n'é- tant mentionnées que comme mères de chiens célèbres. En conséquence, pendant un grand nombre de générations, ce sont donc les mâles qui ont été princi- palement éprouvés pour la force, pour la taille, pour la vitesse et pour le courage, les meilleurs ayant été choisis pour la repro- duction. Comme les mâles n'at- teignent leurs dimensions com- Fiir. 6'). — Tf'tft flo snnj^lior sauvage ordinaire ,,, , . ,• . -, 'dans la fle<;r de Inge ((raprès Brehm). pletCS qu UU pOU tardivement, lls ont dû tendre à transmettre leurs caractères à leurs descendants mâles seulement, conformément à la loi que nous avons souvent indiquée; ce qui tend à expliquer l'iné- galité des tailles entre les deux sexes du lévrier d'Ecosse. Quelques quadrupèdes mâles possèdent des organes ou des par- ties qui se développent uniquement pour qu'ils puissent se défen- dre contre les attaques d'autres mâles. Quelques cerfs, comme nous l'avons vu, se servent principalement ou exclusivement, pour leur défense, des branches supérieures de leurs bois; et l'antilope Oryx, d'après M. Bartlett, se défend fort habituellement à l'aide de ses longues cornes un peu recourbées, et qu'elle utilise également pour l'attaque. Le même observateur remarque que les rhinocéros, quand ils se battent, parent les coups latéraux avec leurs cornes, qui heur- tent fortement l'une contre l'autre comme les crocs des sangliers. Les sangliers sauvages se livrent des combats terribles, mais il y a rarement, dit Brehm, résultat mortel; les coups portent récipro- Chap. XVI! . CARACT. SP:XUELS SECOND. DES MAMMIKKRKS. ÎG9 quemenl sur les crocs eux-mêmes, ou sur celte couche cnrlilai,^- iKMise de la peau qui recouvre les épaules, et que les chasseurs allemands appellent le bouclier. Nous avons là une partie spéciale- ment modifiée en vue de la défense. Chez les sangliers dans la force de l'âge (//iroussa (Wal'ace, A/almj Arehijtriago), cepeiidanl à être utiles, et même d'une manière plus efficace, comme moyens de défense. En compensation de la perle des crocs infé- rieurs comme armes offensives, ceux de la mâchoire supérieure, (jui font toujours un peu saillie latéralement, augmentent si consi- «lérablement de longueur avec l'âge, et, se recourbent si bien de bas en haut qu'ils peuvent servir d'armes offensives. Néanmoins, u;i vieux solitaire n'est pas si dangereux pour l'homme qu'un san- j-lier de six ou sept ans ". Chez le Babiroussa mâle adulte des Célèbcs (/?*/. 60), les crocs inférieurs constituent, comme ceux du sanglier européen lorsqu'il :J9. Brelmi, Thlcrkie», II, p. 7:Î0, 732. 570 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partir]. est dans la force de l'âge, des armes formidables ; mais les défenses supt-riourcs sont si allongées, et la pointe en est tellement enrou- lée en dedans (elle vient même quelquefois toucher le front), qu'elles sont tout à fait inutiles comme moyen d'attaque. Ces dé- fenses ressemblent beaucoup plus à des cornes qu'à des dents, et sont visiblement impropres à rendre les services de ces der- nières, qu'on a autrefois supposé que l'animal reposait sa tête en les accrochant à une branche d'arbre. Elles peuvent néanmoins, grâce à leur forme convexe bien prononcée, servir de garde contre les coups, lorsque la tête est un peu inclinée de côté; ces cornes soïit en effet « généralement brisées chez les vieux individus, comme si elles avai-ent servi au combat ***. » Nous trouvons donc là un cas curieux, celui des crocs supérieurs du Babiroussa acqué- rant régulièrement dans la force de l'âge une disposition qui, en apparence, ne les approprie qu'à la défense seule; tandis que, chez le sanglier européen, ce sont les crocs inférieurs opposés qui pren- nent, à un moindre degré, et seulement chez les individus très- ùgés, une forme à peu près analogue, et ne peuvent servir de môme qu'à la défense. Chez le Phacochoe7'us yEthiopicus {fig. 67), les crocs de la mâ- choire supérieure du mâle se recourbent de bas en haut , quand il est dans la force de l'âge, et ces crocs, très-pointus, constituent des armes offensives formidables. Les crocs de la mâchoire inférieure sont plus tranchants, mais il ne semble pas possible, en raison de leur peu de longueur, qu'ils puissent servir à l'attaque. Ils doi- vent toutefois fortifier ceux de la mâchoire supérieure, car ils sont disposés de manière à s'appliquer exactement contre leur base. Ni les uns ni les autres ne paraissent avoir été spécialement modi- fiés en vue de parer les coups, et pourtant, sans aucun doute, ils sont, jusqu'à un certain point, armes défensives. Le Phacochoerus n'est pas dépourvu d'autres dispositions protectrices spéciales ; il a, de chaque côté de la face, sous les yeux, un bourrelet rigide quoi- que flexible, cartilagineux et oblong [fig. 67), faisant une saillie de deux ou trois pouces; ces bourrelets, à ce qu'il nous a paru, à M. Bartlett et à moi en voyant l'animal vivant, se relèveraient, s'ils étaient pris en dessous par les crocs d'un antagoniste et pro- tégeraient aiusi très-complètement les yeux un peu saillants. J'ajouterai, sur l'autorité de M. Bartlett, que, lorsque ces animaux se battent, ils se placent toujours directement en face l'un de l'autre. Enfin le Potomochoerus penicellatus africain a, de chaque côté de 40. Voy. Wallace, the Malay Archipelarjo, vol. I, p. 43o, 1869. [Chap. XVII ;. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES. 571 la face, sons les yeu.x, une protubérance cartilagineuse qui corres- pond au bourrelet lle.xible du Phacochoerus ; et, sur la mâchoire supérieure, au-dessus des narines, deux protubérances osseuses, l'u sanglier de celte espèce ayant récemment pénétré dans la cage du Phacochoerus aux Zoological Gardens, les deux animaux se battirent toute la nuit, et on les trouva le malin Irès-épuisés, mais sans blessure sérieuse. Fait significatif et qui prouve que les ex- croissances et les protubérances que nous venons de décrire ser- vent bien de moyen de défense ; ces parties étaient ensanglantées, lacérées et déchirées d'iuie façon extraordinaire. Bien que des membres milles de la famille porcine soient pourvus d'armes offensives et, comme nous venons de le voir, d'armes dé- Kig. 67. -- J'/inror/incnis .lîtliiopiriis (f'rnr. Xnnl. Snr., 1860 . .Je m a po ri; ois que ce dessin représente la tt'le d'une feinelie; elle peut servir iniiîlijiiefois it indiquer, sur une échelle réduite, les caractères du mille;. fcnsives, ces armes semblent avoir été acquises à une époque géo- logi(|iit; comparativement récente, l.e D' Forsyth Major énumère *' plusieurs espèces miocènes chez aucune desquelles les défenses ne paraissent avoir été très-développées chez le mâle ; le professeur Uutimeyer a constaté le même fait avec un certain étonnemenl. La crinière du lion constitue pour cet animal une excellente dé- fense contre le seul danger auxquel il soit exposé, l'atlaciue de lions rivaux; car, ainsi (pie me l'apprend Sir A. Smith, les mâles se livrent des combats terribles, et un Jeune lion n'ose pas approcher (1*1111 vieux. Kn I8.S7, à Bromwich, un tigre ayant pénétré dans la cage d'un lion, il s'ensuivit une lutte elfroyable : « le lion, grâce à 41. Attiilelln Soc. Italiona di Se. Nat., 1873, vol. XV, fasc. IV. 572 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie). sa crinière, n'eut le cou et la tête que peu endommagés; mais le tigre ayant enfin réussi à lui ouvrir le ventre, le lion expira au bout de quelques minutes *-. » La large collerette qui entoure la gorge et le menton du lynx du Canada [Fclis canadensis), est plus longue chez le mâle que chez la femelle, mais je ne sais pas si elle peut lui servir comme moyen de défense. On sait que les phoques mâles se livent des combats acharnés, et les mâles de certaines espèces [Otaria jubata) " ont de fortes crinières, qui sont fort ré- duites ou qui n'existent pas chez les femelles. Le babouin mâle du cap de Bonne-Espérance [Cynocephalus porcarius) a une crinière plus longue et des dents canines plus fortes que la femelle ; or, cette crinière doit servir de moyen de défense : j'avais demandé aux gardiens des Zoological Gardens, sans dire pourquoi, s'il y avait des singes ayant l'habitude de s'attaquer spécialement par la nuque : ce n'était le cas pour aucun, le babouin en question excepté. Ehrenberg compare la crinière de V Hamadryas mâle adulte à celle d'un jeune lion, mais elle fait presque entièrement défaut chez les jeunes des deux sexes et chez la femelle. Je croyais que l'énorme crinière laineuse du bison américain, qui touche presque le sol et qui est beaucoup plus développée chez le mâle que chez la femelle, devait servir à protéger l'animal dans ses terribles combats : un chasseur expérimenté a ditàJudge Caton qu'il n'avait jamais rien observé qui confirmât cette opinion. L'étalon a une crinière beaucoup plus longue et beaucoup plus fournie que la jument; or, les renseignements que m'ont fournis deux grands éle- veurs et dreseurs, m'ont prouvé « que les étalons cherchent inva- riablement à se saisir par le cou. » Il ne résulte cependant pas de ce qui précède que la crinière se soit, dans l'origine, développée comme moyen de défense ; ceci n'est probable que pour quelques ani- maux, et ainsi le lion. M. Me Neill m'apprend que les longs poils que porte au cou le cerf [Cervus elephas) constituent pour lui une véritable protection : c'est à la gorge que les chiens cherchent or- dinairement à le saisir; il n'est cependant pas probable que ces poils se soient spécialement développés dans ce but, car les jeunes et les femelles partageraient ce moyen de défense. Sur la préférence ou le choix dans l'accouplement dont font preuve les mammifères des deux sexes. — Avant de décrire, ce que nous fe- 42. T/ic Times, Nov. 10, 1857. Sur le lynx du Canada, voy. Audubon et Bach- man, Qiiadnipeds of .\. America, p. 139, 1846. 43. Docteur Mûrie, sur VOtoria, Proc. Zool. Soc, p. 109, 1869. M. J. A. Allen, dans le travail cité ci-dessus (p. 75), doute que la garniture de poils, plus longue sur le cou chez le mâle que chez la femelle, mérite d'être appelée une crinière. [Chap. XVII;. CARACT. sexuels second, des mammifères. 573 rons dans le chapitre suivant, les différences qui existent entre les sexes dans la voix, l'odeur émise et l'ornementation, il est conve- nable d'examiner ici si les sexes exercent quelque choix dans leurs unions. La femelle a-t-elle des préférences pour un mâle par- ticulier, avant ou après que les mâles se sont battus pour établir leur supériorité; le mâle, lorsqu'il n'est pas polygatne, choisit-il une femelle particulière? D'après l'impression générale des éle- veurs, le mâle accepterait n'importe quelle femelle; ce fait, en raison de l'ardeur dont les mâles font preuve, doit être vrai dans la plupart des cas. Mais il est beaucoup plus douteux, en règhi géné- rale, que les femelles acceptent indilîéremment le premier mâle venu. Nqus avons résumé dans le quatorzième chapitre, à propos des Oiseaux, un nombre considérable de preuves directes et indi- rectes établissant que la femelle choisit son mâle; or, il serait étrange que les femelles des mammifères, plus haut placées dans l'échelle de l'organisation des êtres, et douées plus heureusement sous le rapport de l'instinct, n'exerçassent pas fort souvent un choix quelconque. La femelle au moins peut, dans la plupart des cas, échapper au mâle (|ui la recherche,, si ce mâle lui déplaît ; et, quand elle est poursuivie par plusieurs mâles à la fois, comme cela arrive constamment, profiter de l'occasion que lui offrent les com- bats auquels ils se livrent entre eux, pour s'enfuir et s'accoupler avec quelque autre mâle. Sir Philip Egerton m'apprend qu'on a souvent observé en Ecosse que la femelle du cerf commun *' agit ainsi. Il est difficile de savoir si, à l'étal de nature, les mammifères fe- melles exercent un choix avant l'accouplement. Voici, cependant, quelques détails fort curieux sur les habitudes que, dans ces cir- constances, le Capt.-Bryanlaeu ample occasion d'observer chez un pho(|ue, le Cnllurhhius nrslniis''^ : « En arrivant à l'île où elles veu- Iciil. dit-il, s'accoupler, un grand nombre de femelles paraissent vouloir retrouver un mâle particulier ; elles grimpent sur les rochers exlérii'urs pour voir au loin ; puis, faisant un appel, elles écoutent comme si elles s'attendaient à entendre une voix familière. Elles changent de place, elles recommencent... Dès qu'une femelle atteint le rivage, le mâle le plus voisin va à sa rencontre en faisant enten- dre un bruit analoguf à celui du gloussement de la poule entourée »'i. Dans son pxcellentfi (U'sriiplioii des nio-nrs fin cerf commun on AUcma^Mic, M. Uin\or ( h'orcst Crrnlurrs, p. 81, 18GI) dit : « Pendant que le cerf dcfond ses droits contre un intrus, un autre envaliit le sanctuaire du harem, et enlève tro- pliee sur trophée. » La même chose a lieu cliez les phoques. .J. A. .\llen, o. c, p. 100. ij. J. .\. -Vllen, Ihtl/. Mui. Comp Zoal. Cniirnit/ye, L'. S., vol. II. !, îtO. 574 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie!. de ses poussins. 11 la salue et la (latte jusqu'à ce qu'il parvienne à se nioltre entre elle et l'eau, de manière à l'empêcher de s'échapper. Alors il change de ton, et, avec un rude grognement, il la chasse vers son harem. Ceci continue jusqu'à ce que la rangée inférieure des harems soit presque remplie. Les mâles placés plus haut choi- sissent le moment où leurs voisins plus heureux ne sont pas sur leurs gardes, pour leur dérober quelques femelles. Ils les saisis- sent dans leur bouche, et les soulèvent au-dessus des autres fe- melles; puis les portant comme les chattes portent leurs petits, ils les placent dans leur propre harem. Ceux qui sont encore plus haut font de même jusqu'à ce que tout l'espace soit occupé. Souvent deux mâles se disputent la possession d'une même femelle, et tous deux la saisissant en même temps, la coupent en deux ou la déchi- rent horriblement avec leurs dents. Lorsque l'espace destiné à ses femelles est rempli, le vieux mâle en fait le tour pour inspecter sa famille; il gronde celles qui dérangent les autres, et expulse vio- lemment les intrus. Cette surveillance est active et incessante. » Nous savons si peu de chose sur la façon dont les animaux se courtisent à l'état de nature, que j'ai cherché à découvrir jusqu'à quel point nos quadrupèdes domestiques manifestent quelque choix dans leurs unions. Les chiens senties animaux les plus favorables à ce genre d'observations, parce qu'on s'en occupe avec beaucoup d'attention et qu'on les comprend bien. Beaucoup d'éleveurs ont sur ce point une opinion bien arrêtée. Voici les remarques de M. Mayhew : « Les femelles sont capables de ressentir de l'af- fection, et les tendres souvenirs ont autant de puissance sur elles que chez des animaux supérieurs. Les chiennes ne sont pas toujours prudentes dans leur choix, et se donnent souvent à des roquets de basse extraction. Élevées avec un compagnon d'aspect vulgaire, il peut survenir entre eux un attachement profond que le temps ne peut détruire. La passion, car c'en est réellement une, prend un caractère véritablement romanesque. » M. Mayhew, qui s'est sur- tout occupé des petites races, est convaincu que les femelles préfè- rent beaucoup les mâles ayant une grande taille *^ Le célèbre vé- térinaire Blaine " raconte qu'une chienne de race inférieure, qui lui appartenait, s'était attachée à un épagneul, et une chienne d'ar- rêt à un chien sans race, au point qu'aucune des deux ne voulut s'accoupler avec un chien de sa propre race avant que plusieurs se- maines se fussent écoulées. Deux exemples semblables très-au- 46. Dogs; their management, par E. Mayhew, M. R. G. V. S., 2" édit.. p. 187- 192. 1864. 47. Cité par Alex. Walker, On Intermarriage, p. 276, 1838. Voy. aussi page 244. [Chap. XVII . CARACT. SKXUELS SECOND. DES MAMMIPM<:RES. 575 thenliqiies m'ont été communiqués au sujet d'une chienne de chasse et d'une épagneule qui loules deux s'étaient éprises de chiens ter- riers. M. Cupples me garantit l'exactitude du cas suivant, bien plus re- marquable encore : une chienne terrier de valeur et d'une rare in- telligence, s'était attachée à un chien de chasse appartenant à un voisin, au point qu'il fallait l'entraîner de force pour l'en séparer. Après en avoir été séparée définitivement, et bien qu'ayant souven.t du lait dans ses mamelles, elle ne voulut jamais aucun autre chien, et, au grand regret de son j)ropriétaire , ne porta jamais plus. M. Cupples a aussi constaté qu'une chienne lévrier, actuellement (i868)chez lui, a porté trois fois, ayant chaque fois manifesté une préférence marquée pour le plus grand elle plus beau, mais non le plus empressé, de quatre chiens de même race et à la fleur de l'âge, avec lesquels elle vivait. M. Cupples a observé que la chienne choisit ordinairement le chien avec lequel elle est associée et qu'elle connaît; sa sauvagerie et sa timidité la disposent à repous- ser d'abord un chien étranger. Le mâle, au contraire, paraît plutôt préférer les femelles étrangères. Il est fort rare qu'un chien refuse une femelle quelconque; c«;pendant M. Wright, de Yeldersley House, grand éleveur de chiens, m'apprend qu'il a observé quel- ques exemples de ce fait ; il cite le cas d'un de ses lévriers de chasse écossais, qui refusa toujours de s'occuper d'une chienne dogue avec laquelle on voulait l'accoupler : on fut obligé de recourir à un autre lévrier. Il serait inutile de multiplier les exemples; j'ajouterai seu- lement que M. Barr, qui a élevé un grand nombre de limiers, a constaté qu'à cha<{ue instant, certains individus particuliers de sexes opposés témoignent d'une préférence très-décidée les uns pour les autres. Enfui, M. Cupples, après s'être occupé de ce sujet pendant une nouvelle année, m'a dernièrement écrit : « J'ai vu se confirmer complètement mon affirmation précédente, à savoir que les chiens témoignent, lorsqu'il s'agit de l'accouplement, des pré- férences marquées les uns pour les autres, et se laissent souvent influencer par la taille, par la robe brillante et par le caractère in- dividuel, ainsi que par le degré de familiarité antérieure qui a existé entre eux. » En ce qui concerne les chevaux, M. Blenkiron, le plus grand éle- veur de chevaux de courses qui soit au monde, m'apprend que les étalons sont souvent capricieux dans leur choix ; ils repoussenl une jument, sans cause apparente, en veulent une autre : il faut avoir recours à divers artifues pour les accoupler comme on le dé- sire. On dut tromper le célèbre Monarque, pour l'accoupler avec la 37G LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie!. jument mère de Gladiateur. On comprend à peu près la raison qui rend si difficile dans leur choix les étalons de course. M. Blenkiron n'a jamais vu de jument refuser un cheval; mais le cas s'est présenté dans l'écurie de M. Wright, et il a fallu tromper la jument. Pros- per Lucas conclut **, sur l'assertion de plusieurs savants français, que « certains étalons s'éprennent d'une jument et négligent toutes les autres. » Il cite, en s'appuyant de l'autorité de Baëlen, des faits î^nalogues sur les taureaux. M. H. Reaks affirme qu'un fameux taureau courtes cornes qui appartenait à son père refusa toujours de saillir une vache noire. HolTberg, décrivant le renne domestique de la Laponie, dit : « Fœmina majores et fortiores mares prae caete- ris admittunt, ad eos confugiunl, a juniribus agitatae, qui hos in fu- gam conjiciunt *'. » Un individu, éleveur de porcs, a constaté que les truies refusent souvent un verrat, et en acceptent immédiate- ment un autre. Ces faits ne permettent pas de douter que la plupart de nos qua- drupèdes domestiques manifestent fréquemment de vives antipa- thies et des préférences individuelles, qui s'observent plus ordi- nairement chez les femelles que chez les mâles. Puisqu'il en est ainsi, il est peu probable qu'à l'état de nature les unions des mam- mifères soient abandonnées au hasard seul. 11 est à croire que les femelles sont attirées ou séduites par des mâles qui possèdent cer- tains caractères à un plus haut degré ; mais nous ne pouvons que rarement, sinon jamais, indiquer avec certitude quels sont ces caractères. CHAPITRE XVIIl CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES DES MAMMIFÈRES fsLITE). Voix. — Particularités sexuelles remarquables chez les phoques. — Odeur. — Développement du poil. — Coloration des poils et de la peau. — Cas anormal de la femelle plus ornée que le mâle. — Colorations et ornements dus a la sélection sexuelle. — Couleurs acquises à titre de protection. — Couleurs, sou- vent dues à la sélection sexuelle, quoique communes aux deux sexes. — Sur la disparition des taches et des raies chez les quadrupèdes adultes. — Cou- leurs et ornements des Quadrumanes. — Résumé. Les quadrupèdes se servent de leur voix pour satisfaire à des besoins divers; ils s'en servent pour s'indiquer mutuellement le danger; ils s'en servent pour s'appeler entre eux : la mère, pour 48. Traité fie l'hérédité naturelle, vol. II, p. 296, 1850. 49. Amœnitates Acacl., vol. p. 168, 1788. [Chap. XVIII]. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFERES. 577 retrouver ses petits égarés, les petits, pour réclamer la protection de leur mère ; ce sont là des faits sur lesquels nous n'avons pas besoin d'insister ici. Nous n'avons à nous occuper que de la diffé- rence entre la voix des deu.\ sexes, entre celle du lion et celle de la lionne, entre celle du taureau et celle de la vache, par exemple. Presque tous les animaux mules se servent de leur voix pendant la saison du rut beaucoup plus qu'à toute autre époque ; il y en a, comme la girafe et le porc-épic ', qu'on dit absolument muets en dehors de cette saison. La gorge (c'est-à-dire le larynx et les corps thyroïdes) * grossissant périodiquement au commencement de la saison du rut chez les cerfs, on pourrait en conclure que leur voix, alors puissante, a pour eux une haute importance, mais cela est douteux. H résulte des informations que m'ont données deux obser- vateurs expérimentés, M. Me Neill et Sir P. Egerton, que les jeu- nes cerfs au-dessous de trois ans ne mugissent pas ; les autres ne commencent à le faire qu'au moment de la saison des amours, d'abord accidentellement et avec modération, pendant qu'ils errent sans relâche à la recherche des femelles. Ils préludent à leurs com- bats par des mugissements forts et prolongés, mais restent silen- cieux pendant la lutte elle-même. Tous les animaux qui se servent habituellement de leur voix, émettent divers bruits sous l'influence d'une émotion, ainsi lorsqu'ils sont irrités ou se préparent à la ba- taille : c'est peut-être le résultat d'une excitation nerveuse déter- minant la contraction spasmodique des muscles; de même l'homme grince des dents et ferme les poings dans un vif état d'irritation ou do souffrance. Les cerfs se provoquent sans doute au combat mortel en beuglant; mais les cerfs à la voix la plus forte, à moins d'être en même temps les plus puissants, les mieux armés et les plus courageux, n'auraient aucun avantage sur leurs concurrents à voix plus faible. Le rugissement du lion a peut-être quelque utilité réelle en ce qu'il frappe ses adversaires de terreur; car lorsqu'il est irrité, il hérisse sa crinière, et cherche instinctivement à paraître aussi ter- rible que possible. Mais on ne peut guère supposer que le brame- ment du cerf, en admettant même quelque utilité de ce genre, ait assez d'importance pour avoir déterminé l'élargissement périodi- que de la gorge. Quelques auteurs ont pensé que le bramement servait d'appel pour les femelles; mais les observateurs expéri- mentés cités plus haut m'ont affirmé que les femelles ne recherchent point les mâles, bien que ceux-ci soient ardents à la poursuite des i. Owen, Anal, of Vertébrales, III, p. 585. 2. Ib., p. 595. 37 578 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. femelles, ce qui ne nous surprend pas, d'après ce que nous savons des autres quadrupèdes mules, La voix de la femelle, d'autre part, lui amène promptement deux ou trois cerfs ', ce que savent bien les chasseurs qui, dans les pays sauvages, imitent son cri. Si la voix du mâle exerçait quelque influence sur la femelle, on pourrait expliquer l'élargissement périodique de ses organes vocaux par l'intervention de la sélection sexuelle, jointe à l'hérédité limitée au même sexe et à la même saison de l'année; mais rien ne nous le fait supposer, et il ne nous semble pas que la voix puissante du cerf mâle pendant la saison des amours, ait pour lui une utilité spéciale, soit pour la cour qu'il fait aux femelles,- soit pour ses combats, soit pour tout autre objet. Mais l'usage fréquent de la voix, dans l'emportement de l'amour, de la jalousie et de la colère, usage continué pendant de nombreuses générations, n'a t-il pas, à la longue, déterminé sur les organes vocaux du cerf, comme chez d'autres animaux mâles, un effet héréditaire? Dans l'état actuel de nos connaissances, c'est l'explication la plus probable. Le gorille mâle a une voix effrayante ; il possède à l'état adulte un sac laryngien, qu'on trouve aussi chez l'orang mâle *. Les gib- bons comptent parmi les singes les plus bruyants, et l'espèce de Sumatra [Hylobates syndaclylus) est aussi pourvue d'un sac laryn- gien; mais M, Blyth, qui a eu l'occasion d'étudier la nature et les mœurs des individus de cette espèce, ne croit pas que le mâle soit plus bruyant que la femelle. Ces singes se servent donc probable- ment de leur voix pour s'appeler, comme font quelques quadru- pèdes, le castor par exemple *, Un autre gibbon, le H. agilis, est fort remarquable en ce qu'il possède la faculté d'émettre la série complète et correcte d'une octave de notes musicales ®, faculté à laquelle on peut raisonnablement attribuer une séduction sexuelle, mais j'aurai à revenir sur ce sujet dans le chapitre suivant. Les organes vocaux du Myceles caraya d'Amérique sont, chez le mâle, plus grands d'un tiers que chez la femelle, et d'une puissance étonnante. Lorsque le temps est chaud, ces singes font retentir matin et soir les forêts du bruit étourdissant de leur voix. Les mâles commencent le concert, les femelles s'y joignent quelquefois avec leur voix moins sonore, et ce concert se prolonge pendant des heures. Un excellent observateur, Rengger"', n'a pu reconnaître la 3. Major W. Ross King {The sportsmati in Canada, 1866, p. 53, 131), sur les mœurs de l'Elan et du Renne sauvage. 4. Owen, o. c, vol. III, p. 600. 5. M. Green, Journal of Linn. Soc, X. Zoologij, 1869, p. 362. 6. C. L. Martin, General Inirod. to Nat. Hist. of Mamni. Animais, 1841, p. 431, 7. Natitrg. der Sciugeth. von Paraguay, 1830, p, 15, 21. [CiiAP. XVlIi;. CARACT. SEXUELS SECOND. DES MAMMIFÈUKS. 579 cause de tant de bniil; il croit que ces singes, comme beaucoup d'oiseaux, se délecleut à raudilionde leur propre musique, etcher- dieul à se surpasser les uns les autres. Ont-ils acquis leur voix puissante pour éclipser leurs rivaux et séduire les femelles, — ou leurs organes vocaux se sont-ils augmentés et fortifiés par les eiïets héréditaires d'un usage longtemps continué sans avantage spécial obtenu, — c'est ce que je ne prétends point décider; mais la pre- mière opinion paraît la plus probable, au moins ponrV//i/laùntes agilis. Je mentionnerai ici deux particularités sexuelles fort curieuses, qui se rencontrent chez les phoques, parce que quelques auteurs ont supposé qu'elles doivent alTecter la voix. Le nez du phoque à trompe {Mncror/iinus //robuscideus) mâle, âgé do trois ans, s'allonge beaucoup pendant la saison des amours; cette trompe peut alors se redresser, et atteint souvent une longueur d'un pied. La femelle ne présente jamais de disposition de ce genre, et sa voix est diffé- rente. (It'lle du mâle consiste en un bruit rauque, gargouillant, qui s'entend ;\ une grande distance, et on croit que la trompe tend à l'augmenter. Lesson compare l'érection de cette trompe au gonfle- ment dont les caroncules des gallinacés mâles sont le siège (piand ils courtisent les femelles. Dans une autre espèce voisine, le pho- que à capuchon [Cystophora a'istala), la tète est couverte d'une sorte de chaperon ou de vessie, qui, intérieurement supportée par la cloison du nez, se prolonge en arrière et s'élève en une crête de sept pouces de hauteur. Le capuchon est revêtu de poils courts, il est musculeux, et peut se gonller de manière à dépasser la gros- seur de la tète! Lors du rut, les mâles se battent sur la glace comme des enragés en poussant des rugissements si forts « qu'on k's entend à quatre milles de distance. » Lorsqu'ils sont attaqués, ils rugissent également, et gonflent leur vessie toutes les fois qu'on les irrite. QueUpies naturalistes croient que cette conformation extraordinaire, à laquelle on a assigné encore divers autres usages, sert principalement à augmenter la puissance de leur voix. M. R. Hrowii jx-nse qu'elle sert de protection contre les accidents de tous gtMires. (k'tte manière de voir me semble peu fondée, car M. Lamont, (|ui a tué j)lus de <)00 de ces animaux, affirme que le capuchon ou la vessie reste à l'état rudimentaire chez les femelles et n'est pas développé chez les mâles encore jeunes *. 8. Voy. sur l'Kléphant marin Phoca proijosciden) un article de Lessim. Dicl. Chiss. Hist. Snt. XIII, |). 418. Sur le Ci/stophorn ou Steininnto/nis, Docteur De- kay. Ann. <>f Li/CPiun uf Snt. Hist. Sew-York, vol. I, p. 94, 1824. l'pnnaiu a aus.si recueilli de la houciie des p«^cheurs de phoques des renseij^'nements sur cet ani- mal. La description la plus coui|)lëte est celle de .M. Hrowii, Vruc. '/oui. Soc. 18G8, p. \:i:>. 580 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. Odeur. — Chez quelques animaux, tels que la célèbre mouffette d'Amérique, l'odeur infecte qu'ils émettent paraît constituer exclu- sivement un moyen de défense. Chez les Musaraignes {Sorex), les deux sexes possèdent des glandes abdominales odorantes, et, à voir comme les oiseaux et bêtes de proie rejettent leurs cadavres, il n'y a aucun doute que cette odeur ne leur soit un moyen de pro- tection; cependant ces glandes grossissent chez les maies pendant la saison des amours. Chez beaucoup d'autres quadrupèdes, les glandes ont les mêmes dimensions chez les deux sexes ^, mais leur usage est inconnu. Chez d'autres encore, elles sont, ou réservées aux mâles, ou plus développées chez eux que chez les femelles, et augmentent presque toujours d'activité pendant la saison du rut. A cette époque, les glandes qui occupent les côtés de la face de l'élé- phant mule grossissent et émettent une sécrétion exhalant une forte odeur de musc. Les mâles et plus rarement les femelles de plusieurs espèces de chauves-souris portent des glandes externes sur plu- sieurs parties du corps ; on croit que ces glandes sont odoriférantes. L'odeur rance du bouc est bien connue, et celle de certains cerfs mâles est singulièrement forte et persistante. Sur les rives de la Plata j'ai pu sentir l'air tout imprégné de l'odeur du Cervus cam- pestris mâle, à la distance d'un demi-mille sous le vent d'un trou- peau; et un foulard dans lequel j'avais remporté une peau à domicile, a conservé pendant un an et sept mois, bien qu'il servît beaucoup et fût souvent lavé, les traces de cette odeur qui s'en exhalait quand on le déployait. Cet animal n'émet pas une forte odeur avant l'âge d'un an, il n'en a jamais si on le châtre jeune *". Outre l'odeur générale qui, pendant la saison des amours, paraît imprégner le corps entier de certains ruminants, le Bos Mos- chetus par exemple, beaucoup de cerfs, d'antilopes, de moutons et de chèvres sont pourvus de glandes odoriférantes placées sur divers points du corps et plus spécialement sur la face. On range dans cette catégorie les larmiers ou cavités sous-orbitaires. Ces glandes sécrètent une matière fétide, semi-liquide, quelquefois en assez grande abondance pour enduire la face entière, ce que j'ai observé chez une antilope. Elles sont « ordinairement plus grosses 9. Pour le castoreum du castor, voir l'intéressant ouvrage de L. H. Morgan, The American Beavev, 1868, p. 300. Pallas {Spic. Zoolog. fasc. viii, p. 23, 1779] a discuté îivec soin les glandes odorantes des mammifères. Owen {Artat. of Vertchrates, III, p. 634) donne aussi une description de ces glandes, compre- nant celles de l'éléphant et de la musaraigne (p. 763). Sur les Chauves-Souris, M. Dobson, Proc. Zool. Soc. 1878, p. 241. 10. Rengger, Nuturg. cl. Sutiget/i, etc., p. 355, 1830. Cet observateur donne queliiues détails curieux sur l'odeur émise. [Chap. XVIII . 0DP:UR. 581 chez les mâles que chez les femelles, et la castration empêche leur développement ". » Elles font complètement défaut, d'après Desmaresl, chez la femelle de VAttfi/o/ie siibgiitturosa. il ne peut donc y avoir de doute que les glandes odorantes ne soient en rap- port intime avec les fonctions reproductrices. Elles sont quelquefois présentes et quelquefois absentes chez des formes voisines. Chez le carï miisqué {Muschus tnoscfiifcnis) mille adulte, un espace dénudé autour de la queue est enduit d'un liquide odorant, tandis que, chez la femelle adulte et chez le mâle au-dessous de deux ans, cet espace est couvert de poils et n'émet aucune odeur. L<> sac du musc proprement dit est, par sa situation, nécessairement limité au mâle, et constitue un organe odorant supplémentaire. La sub- stance que sécrète cette dernière glande offre ceci de singulier que, d'après Pallas, elle ne change jamais de consistance et n'augmente pas en quantité à l'époque du rut; ce naturaliste, tout en admettant que sa présence se rattache à l'acte reproducteur, n'explique son usage que d'une manière conjecturale et peu satisfaisante '-. Dans la plupart des cas, il est probable que, dans la saison du rut, lorsque le mâle seul émet une forte odeur, celle-ci doit servir à exciter et à attirer la femelle. Notre goût ne nous constitue pas juge compétent sur ce point, car on sait que les rats sont alléchés par l'odeur de certaines huiles essentielles, et les chats par la valé- riane, substances qui, pour nous, ne sont rien moins qu'agréables; les chiens, bien qu'ils ne mangent pas les charognes, aiment à les sentir et à se rouler dessus. Les raisons que nous avons données en discutant la voix du cerf, doivent aussi nous faire repousser l'idée que l'odeur des mâles sert à attirer de loin les femelles. Lu usage actif et continu n'a pu ici entrer en jeu, comme dans le cas des organes vocaux. L'odeur émise doit avoir une grande impor- tance pour le mâle, d'autant plus que, dans quekiues cas, il s'est développé des glandes considérables et complexes, pourvues de muscles qui permettent de retrousser le sac, d'en ouvrir et d'en fermer l'orifice. La sélection sexuelle explique le développement de ces organes, si l'on admet que les mâles les plus odorants sont ceux qui réussissent le mieux auprès des femelles et ceux qui pro- duisent par consé(pjent plus de descendants, héritiers de leurs odeurs et de leurs glandes graduellement perfectionnées. 11. Owen. o.r., III, p. 632. Docteur Mûrie, observations sur leurs glandes. Proc. Znnt. Snr., p. 340, 1870. Desmarest, sur V Antilope siif/t/itt(uros/i; Maninia- lopie, p. i.M, 1820. 12. Pallas, Spicilegia Zoolofj., fasc. xiii, p. 2i. 1799; Desmnulins. /)/'•/. rtnsi. Uist. Snt., m, p. .58(3. 582 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partik]. Développement du poil. — Nous avons vu que les quadrupèdes màles ont souvent le poil du cou el des épaules beaucoup plus développé qu'il ne l'est chez les femelles, et nous pourrions citer grand nombre d'autres exemples. Bien que cette disposition soit quelquefois utile au mâle, comme moyen de défense dans ses batailles, il est fort douteux que le poil se soit toujours spéciale- ment développé dans ce but. Ainsi, lorsque ces poils ne forment qu'une crête mince, sur la ligne médiane du dos, ils ne peuvent servir de protection, et le dos n'est pas d'ailleurs un point exposé; néanmoins, ces crêtes ne se trouvent guère que chez les mâles, et quand elles existent dans les deux sexes, elles sont toujours beau- coup moins développées chez les femelles. Deux espèces d'antilo- pes, les Tragelaphus scriptus '' {fig. 70, p. 325) et les Portax picta, en offrent des exemples. Les crêtes de certains cerfs et du bouc sauvage se redressent lorsque ces animaux sont irrités ou effrayés '* ; mais on ne peut supposer qu'elles aient été acquises dans le but d'effrayer leurs ennemis. Une des antilopes précitées, le Porlax picta, porte sur la gorge une touffe bien marquée de poils noirs, touffe beaucoup plus grande chez le mâle que chez la femelle. Chez un individu de la famille des moutons, VAtnmotragus tragela- phus de l'Afrique du Nord, les membres antérieurs se trouvent presque cachés par une croissance extraordinaire de poils partant du cou et de la moitié supérieure des membres; mais M. Bartlett ne croit pas que ce manteau ait aucune utilité pour le mâle, chez lequel il est beaucoup plus développé que chez la femelle. Beaucoup de quadrupèdes mâles d'espèces diverses diffèrent des femelles en ce qu'ils ont plus de poils, ou des poils d'un caractère différent, sur certaines parties de la face. Le taureau seul porte des poils frisés sur le front ''. Chez trois sous-genres très-voisins de la famille des chèvres, les mâles seuls ont une barbe, quelque- fois très-grande ; chez deux autres sous-genres elle existe chez les deux sexes, mais disparaît chez quelques-unes des races domesti- ques de la chèvre commune ; chez VHemiti'agus, aucun des deux sexes n'a de barbe. Chez le Bouquetin, la barbe ne se développe pas en été, et elle est assez courte dans les autres saisons pour iiu'on puisse l'appeler rudimentaire '*. Chez quelques singes, la barbe est restreinte au mâle, comme chez l'orang, ou elle est beau- 13. Docteur Gray, Gleanings from Meiiagcrie ai Kiiowsley, pL XXVIIL 14. Judge Caton, sur le Wapiti; Trmisact. Ottawa Acad, Nat. Scieîices, p. 36- ^'ô, 1868. Blyth, Laiid and W^der, sur le Capra œgagrus, p. 37, 1867. 15. Hunter's Essays ami Observations, edited by Owen, 1861, vol. L p. 236. 16. Docteur Gray, Cat. of Mummalia in Brit. Mus., III, p. 144, 1852. [Chap. xviii; DEVELOPPEMENT DU POIL. 583 coup plus développée chez lui que chez la femelle, comme chez les Mycetes carai/a et les Pltheria sntannsifig. (i8). Il en est de même des favoris de quelques espèces de macaques " et, comme nous ^^:\X,. l'avons vu, des crinières de quelques babouins. Mais chez la plu- part des singes les diverses touffes de poils de la face et de la tète sont identiques chez les deux sexes. Les divers membres mâles de la famille bovine {Bovidiv) et de 17. Rengpor, o. c, p. 14. Desmaresl, M'immalof/ie, p. 66. 584 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. certaines antilopes ont un fanon, ou fort repli de la peau du cou, qui est beaucoup moins développé chez les femelles. Or, que devons-nous conclure relativement à des différences sexuelles de ce genre? Personne ne prétendra que la barbe de certains boucs, le fanon du taureau, ou les crêtes de poils qui gar- nissent la ligne du dos de certaines antilopes mâles, aient une uti- lité directe ou habituelle pour eux. H est possible que l'énorme barbe du Pithecia mâle, ou celle de l'Orang mâle, puisse servir à leur protéger le cou lorsqu'ils se battent, car les gardiens des Zoological Gardens m'assurent que beaucoup de singes essayent de se blesser à la gorge ; mais il n'est pas probable que la barbe se soit développée pour un autre usage que les favoris, les mousta- ches et les diverses touffes de poils; or, ils ne sont pas utiles au point de vue de la protection. Devons-nous attribuer à une varia- bilité provenant du simple hasard tous ces appendices de la peau, et les poils qui.se trouvent chez les mâles? On ne peut nier que cela soit possible; car, chez beaucoup de quadrupèdes domesti- ques, certains caractères qui ne paraissent pas provenir d'un retour vers une forme parente sauvage, ont apparu chez les mâles et les ont seuls affectés, ou au moins se sont développés beaucoup plus chez eux que chez les femelles — par exemple, la bosse du zébu mâle de l'Inde, la queue chez les béliers de la race à queue grasse, la forte courbure du front des mâles dans plusieurs races de mou- tons, et enfin la crinière, les longs poils sur les jambes de derrière et le fanon, qui caractérisent le bouc seul de la race de Berbura •*. La crinière, chez le bélier d'une race africaine, constitue un vérita- ble caractère sexuel secondaire, car, d'après M. Winwood Reade, elle ne se développe pas chez les mâles ayant subi la castration. J'ai démontré dans mon ouvrage sur la Variation, que nous devons être fort prudents avant de conclure qu'un caractère quelconque, même chez les animaux domestiques de peuples à demi civilisés, n'est pas le résultat d'une sélection faite par l'homme et augmentée par lui; mais il est peu probable que tel soit le cas dans les exem- ples que nous venons de citer, car ces caractères se présentent uni- quement chez les mâles ou sont plus développés chez eux que chez les femelles. Si nous savions d'une manière certaine que le bélier africain, avec sa crinière, descend de la même souche primitive que les autres races de moutons, ou le bouc de Berbura, avec sa cri- 18. Voy. les chapitres concernant ces animaux dans mes Variatiotis, etc., vol. l. Dans le vol. II, p. 73, aussi le chap. xx sur la sélection pratiquée par les peuples à demi civilisés. Pour la chèvre Berbura, docteur Grav, Catnl., etc., p. 157. [Chap. XVIir. COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE. 585 nière, son fanon, elc, de la même souche que les autres races de chèvres, et que ces caractères n'ont pas subi l'action de la sélection artificielle, nous dirions qu'ils sont dus à une simple variabilité, jointe à l'hérédité limitée à l'un des sexes. Il paraît donc raisonnable d'appliquer la même explication aux nombreux caractères analo^'ues que présentent les animaux à l'état de nature; cependant je ne puis croire qu'elle soit applicable dans beaucoup de cas, tels que le développement extraordinaire des poils sur la gorge et sur les membres antérieurs de VAmmofj-agus mâle, ou de l'énorme barbe du Pithecia mâle. Les études naturelles (|u'il m'a été donné de faire m'autorisent à penser que les parties ou les organes très-développés ont été acquis à une période quel- conque dans un but spécial. Chez les antilopes, où le mâle adulte est plus fortement coloré que la femelle, et chez les singes où les l)oils du visage sont disposés de la façon la plus élégante et alTec- lent plusieurs couleurs, il semble probable que les crêtes et toulfes de poils ont été acquises dans un but d'ornementation, opinion que partagent quelques naturalistes. Si cette opinion est fondée, on ne peut douter que ces ornements ne soient dus à l'intervention de la sélection sexuelle, ou au moins qu'ils n'aient été modifiés par elle ; mais cette explication peut-elle s'appliquera d'autres mammifères? C'est là un point au moins douteux. Couleur du poil et de la peau nue. — J'indiquerai d'abord briève- ment tous les cas de coloration différente entre quadrupèdes mules et femelles, qui sont venus à ma connaissance. D'après M. Gould, les sexes ne iliffèrent que rarement sous ce rapport chez les Marsu- piaux; mais le grand kangourou rouge fait une exception remar- (|uable, « un bleu tendre chez la femelle étant la teinte dominante des parties qui sont rouges chez le mâle ". » La femelle du Didel- phis opossum, de Cayenne, est un peu plus rouge que le mâle. Le docteur Gray dit, au sujet des Rongeurs : « Les écureuils africains, surtout ceux des régions tropicales, ont une fourrure de couleur plus claire et plus brillante à certaines saisons de l'année, et celle des mâles revêt généralement des ttiintes plus vives que celle des femelles*". >/ Le docteur Gray m'apprend qu'il a cité les écureuils africains, parce que la diiïérence est plus apparente chez eux, en raison de la vivacité extraordinaire de leurs couleurs. La femelle 19. ()sj,/n anfcr Hufus, Oould. Mammuh of Australin, II, 1863. .Surlo Diddiihif, Desmaresl, Mtinimaloyie, p. 256. 20. Ann. ami Ma;/. ofSat. Hisl., p. 325. Nov. 1807. Svir le Mus minutus, I)cs- marest, o. c, p. 301. 586 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile PaktieI. du Mus 7ninutus, de Russie, a des tons plus pâles et plus laids que le mâle. Chez beaucoup de Chauves-souris, la fourrure du mâle est plus claire et plus brillante que celle de la femelle ". M. Dobson fait aussi remarquer par rapport à ces animaux : « Les différences provenant en partie ou en totalité de la possession par le mâle d'une fourrure affectant des teintes beaucoup plus brillantes ou remarquables par différentes taches ou par la plus grande lon- gueur de certaines parties se rencontrent seulement chez les chau- ves-souris frugrvores qui ont le sens de la vue bien développé, » Cette dernière remarque mérite toute notre attention, car elle porte sur la question de savoir si les couleurs brillantes sont avanta- geuses pour les animaux mâles en ce qu'elles constituent de simples ornements. On sait aujourd'hui, comme l'a constaté le docteur Gray , que les mâles d'un certain genre de paresseux « ont des ornements différents de ceux des femelles, c'est-à-dire qu'ils portent entre les épaules une touffe de poils courts et doux ordinairement de cou- leur orange et chez une espèce d'une couleur blanche. Les femelles ne possèdent pas cette touffe. » Les carnivores et les insectivores terrestres ne présentent que peu de différences sexuelles, et leurs couleurs sont presque tou- jours les mêmes dans les deux sexes. L'ocelot [Felis pardalis) fait toutefois exception, car les couleurs de la femelle, sont « moins apparentes, le fauve étant plus terne, le blanc moins pur, les raies ayant moins de largeur et les taches présentant un plus petit dia- mètre ^-. » Les sexes de l'espèce voisine, /♦'. mitis ^ diffèrent aussi, mais à un degré moindre, les tons généraux de femelle étant plus pâles et les taches moins noires. Les carnivores marins, ou phoques, au contraire, diffèrent considérablement par la couleur, et offrent, comme nous l'avons déjà vu, d'autres différences sexuelles remar- quables. Ainsi, VOlar'm nigj'escens mâle de l'hémisphère méridional présente sur la surface supérieure de son corps de riches teintes brunes, tandis que la femelle, qui revêt beaucoup plus tôt sa colo- ration, est en dessus gris foncé, et les jeunes des deux sexes cou- leur chocolat intense. Le Phoca (ji'oenlandica mâle est gris fauve et porte sur le dos une tache foncée qui affecte la forme curieuse d'une selle ; la femelle, plus petite, offre un aspect tout différent, car elle est « blanc sale ou couleur jaune paille, avec une teinte fauve sur le dos; » les jeunes sont d'abord blanc pur, et dans cet état peuvent 21 . J. A. Allen, Bull. Mus. Comp. Zool. of Cambridge, United States, p. 207, i869, M. Dobson, sur les caractères sexuels des Chiroptères, Proc. Zool. Soc, 1873, p. 241. D' Gray, sur les Paresseux, lôid, 1871, p. 436. 22. Desuiarest, o. c, p. 220, 1820. Sur le Felis mitis, Rengger, o. c, p. 194. lChap. XVIII]. COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE. 587 ù peine se distinguer de la neige et des blocs de glace ; la couleur de leur robe leur sert ainsi de moyen de protection **. » Lfs diiïérences sexuelles de coloralioy sont plus fréquentes chez les ruminants que dans les autres ordres. Elles sont générales chez les antilopes à cornes tordues; ainsi le nilghau mâle [Portai picta) »>st gris bleu bien plus foncé qtie la femelle ; il porte, en outre, beau- coup plus distinctes, la tache carrée blanche de la gorge, les taches également blanches des fanons, et les taches noires des oreilles. •Nous avons vu que, chez cette espèce, les crêtes et les toulTes de poils sont également plus développées chez le mâle que chez la femelle sans cornes. Le mâle, m'apprend M. Blyth, revêt périodi- «piement des teintes plus foncées pendant la saison des amours, sans cependant que son poil se renouvelle. On ne peut distinguer le sc.xe des jeunes avant l'Age d'un an, et si on châtre le mule avant celte époque il ne change jamais de couleur. L'importance de ce dernier fait, comme preuve absolue de la coloration sexuelle, de- vient évidente lorsque nous apprenons " que, chez le cerf de Vir- irinie, ni le pelage d'été, qui est roux, ni celui d'hiver, qui est bleu, ne sont affectés parla castration. Dans toutes les espèces très-ornées du Tragelnphus, ou dans presque toutes, les mâles sont plus foncés que les femelles sans cornes, et leurs touffes de poils sont plus développées. Chez cette magnifique antilope, VOreas derbianus, le corps est plus rouge, tout le cou beaucoup plus noir, et la bande blanche qui sépare ces deux couleurs beaucoup plus large chez le mâle que chez la femelle. Chez l'Élan du Cap {Orcas catum) le mâle est légèrement plus foncé (|ue la femelle **. Chez une antilope indienne {.-l. hezoarticn), appartenant à une autre tribu de ce groupe, le mâle est très-foncé, presque noir; la femelle sans cornes est fauve. On observe chez cette espèct;, m'ap- prend .\L Hlyth, une série de faits exactement semblables à ceux du Porlax picla, à savoir, un changement périodique dans la colo- ration du mâle, pendant la saison des amours. La castration a les mêmes effets sur ce changement, et le pelage des jeunes des deux sexes est identique. Chez V Antilope tiif/er, le mâle est noir, la fe- 2.h Docteur Mûrie, sur VOtavio, Proc. '/.ont. Soc.,\>. 108, 1860. M. R. Hrown. sur le l'Ii. fjvornlnndirn, ihiil., p. 417, 18G8. Voy. aussi sur la couleurdes plioques, Desm.irt'st. Mtiinma(t>(/ie, \>. i'i:J, 2\9. 24. J. Caion, Trnns. OItnwn A<\ Nai. Se, p. 4, 1868. 2.Î. Docteur (tray, Cnf. Mnmm. in Hrit. Mus., vol. III, p. i:}4-42, IS.'ii; et dans (Urnninf/x from the Mrunyerin of Knouslrif, où se trouve un nia^rnifKiue dessin de lOtcns derhinnu.s; voy. le texte relatif an Traf/e/aphiis. Pour VOrens rtmnn, .\nd. Sniiih, Zool. of S. Afrirn, pi. XLI et XI, II. (es antilopes sont nom- lireuses dans les jardins de la Zoological Society. 588 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie I'artie]. melle et les jeunes sont de couleur brune; chez VA. sing-sing, la coloration du mâle est beaucoup plus vive que celle de la femelle sans cornes, et son poitraU et son abdomen sont plus noirs ; chez VA. caama mâle, les lignes et les taches des divers points du corps sont noires, elles sont brunes chez la femelle ; chez le gnou zébré {A. gorgon)., les couleurs du mâle sont presque les mêmes que celles de la femelle, elles sont seulement plus intenses, et plus brillantes ^*, » Je pourrais citer d'autres exemples analogues. Le taureau Banteng [Bos sondaicus), de l'archipel Malais, est pres- que noir avec les jambes et les fesses blanches ; la vache est couleur fauve clair, comme le sont les jeunes .mâles jusqu'à trois ans, âge où ils changent rapidement de couleur. Le taureau châtré revêt la coloration de la femelle. On remarque, comparées à leurs mâles respectifs, un ton plus pâle chez la chèvre Kemas, et une teinte plus uniforme chez la femelle du Capra segagrus. Les différences sexuelles de coloration sont rares chez les cerfs. Judge Caton m'ap- prend cependant que chez les mâles du cerf Wapiti [Cervus Cana- densis), le cou, le ventre et les membres sont plu-s foncés que chez les femelles, mais que ces nuances disparaissent peu à peu pen- dant l'hiver. Je mentionnerai ici que Judge Calon possède dans son parc trois races du cerf de la Virginie, qui présentent dans leur coloration de légères différences, différences portant presque ex- clusivement sur le pelage bleu de l'hiver ou celui de la saison des amours; ce cas peut donc être comparé à ceux déjà cités dans un chapitre précédent , et relatifs à des espèces voisines ou représen- tatives d'oiseaux qui ne diffèrent entre eux que par leur plumage nuptial-''. Les femelles du Ce7'vus paludosus de V Amérique du S>ud, et les jeunes des deux sexes, n'ont pas sur le poitrail et sur les naseaux les raies noires et la ligne brun noirâtre qui caractérisent les mâles adultes **. Enfin le cerf axis mâle adulte , si magnifique- ment coloré et tacheté, est, à ce que m'apprend M. Blylh, beaucoup plus foncé que la femelle; il n'arrive jamais à cette nuance lorsqu'il a subi la castration. Le dernier ordre que nous ayons à considérer est celui des Pri- se. Sur YAnt. niger, Proc. Zoo/. Soc, 1850, p. 133. Sur une espèce voisine présentant une semblable différence sexuelle de couleur, Sir S. Baker, The Albert ^!/a?lza, II, p. 327, 1866. Pour VA. sing-sing, Gray, Cat. Biit.Mus., p. 100. Desma- rest, Mfimmalogie, p. 468, sur 1*^4. caama. Andre-\v Smith, ZooL of S. Africa, sur le gnou. 27. Ottawa Acad. of Sciences, p. 3, 5, Mai 1868. 28. S. Millier, sur le Banteng. Zool. d. Indischen Archipel., 1839, p. 44, lab. XXXV. Rames,cité par M. Blyth, dans Landand Water, p. 476, 1867. Sur les chèvres, Gray, Cat Brit. Mus., p. 146. Desraarest, Mammalogie, p. 582, Sur le Cervus pahidosus, Rengger, o. c, p. 345. [Chap. XVIII]. COULEUR DU POIL ET DE LA PEAU NUE. 589 mates. Le Lemur macaco mâle t-sl noir do jais; la femelle est jaune rougeàlre, mais de nuance Irès-v.iriable -', Parmi les quadrumanes du nouveau monde, les femelles cl les jeunes du Miceles caraya sont jaune grisâtre et semblables; les jeunes milles deviennent brun rou- geùtre pendant la seconde année, et noirs pendant la troisième, à l'exception du poitrail, qui finit toutefois par devenir entièrement noir pendant la quatrième ou la cinquième année. Il y a aussi une différence marquée entre les couleurs des se.xes chez les Myceles seniculus et chez les Celtus cupucinits; les jeunes de la première, et, à ce que je crois, ceux de le seconde espèce, ressemblent aux fe- melles. Chez le Pithena leucocephala , les jeunes ressemblent à la femelle, qui est noir brunâtre en dessus, et en dessous d'une teinte rouille claire ; les mâles adultes sont noirs. Le collier de poils qui entoure le v^sage de VAleles maryin'itus est jaunâtre chez le mâle et blanc chez la femelle. Dans l'ancien monde , les Hylobates hoo- rolli mâles sont toujours noirs, une raie blanche sur les sourcils exceptée; les femelles varient d'un brun blanchâtre à une teinte foncée mêlée de noir, mais ne sont jamais entièrement noires ". Chez le beau Cercopithecus diana, la tète du mâle adulte est noir intense, celle de la femelle est gris foncé; chez le premier, le pelage entre les deux cuisses est d'une élégante couleur fauve , plus pâle chez la dernière. Chez le magnifique et curieux singe à moustaches [Cercopithecus cephus), il n'y a différence pour la couleur du pelage des deux sexes que dans la queue, qui est châtain chez les mâles et grise chez les femelles; mais je tiens de M. Bartlett que toutes les nuances bien prononcées chez le mâle adulte, restent pour les fe- melles ce qu'elles étaient dans le jeune âge. D'après les figures coloriées exécutées par Salomon Millier, le Sennutpùhecus chryso- melas mâle est presque noir, la femelle est brun pâle. Chez les Cer- cnpitfiecus cynosufus et grisen-viiudis, les organes génitaux du mâle sont vert ou bleu brillant et contrastent d'une manière frappante avec la peau nue de la partie postérieure du corps, qui est rouge vif. Enfin, dans la famille des Babouins, le Cynoccphalus hamadryas mâle adulte diffère non seulement de la femelle par son énorme crinière, mais aussi un peu par la couleur du poil et des callosités nues. Chez le drille {Cynoccphalus leucophœus), les femelles et les 21). Sciater, Proc. Zool. Soc. I. 18C6. MM. Pollen et Van Dam ont vériti»' le même fuit. Voir aussi le D' Gray, Annnls and Mag. of Nat. Ilist., Mai 1871, p. 340. 30. Sur le Mt/celes : Renpjrer, o. c, p. 14; Brehm, Illuxlrirtfs Thievlehru, vol. I, p. 06, 107. Sur VAtelrs, Desmarest, Manimalorjie, p. 75. Sur Vllylohatea, Blyth. Landand Wnler, p. 135, 1867. Sur le Semnopithecus , S. Mûller. Zoog. Ind. Archip., tab. X.' 590 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [Ile Partie]. jeunes sont plus pâles et ont moins de vert dans leur coloration que les mâles adultes. Aucun autre membre de la classe entière des mammifères ne présente de coloration aussi extraordinaire que le mandrill mâle adulte {(^ynocephalus mormon) [fig. 69). Son visage, à Tâge adulte, est d'un beau bleu, tandis que la crête et l'extrémité du nez sont d'un rouge des plus vifs. D'après quelques auteurs, son Fig. 69. — Tête de Mandrill (d'après Gervais, Hist. nat. des mammifères). visage serait aussi marqué de stries blanchâtres, et ombré par places en noir; mais ces couleurs paraissent variables. Il porte sur le front une touffe de poils, et une barbe jaune au menton. « Toutes les parties supérieures des cuisses et le grand espace nu des fesses sont également colorés du rouge le plus vif, avec un mélange de bleu qui ne manque réellement pas d'élégance *'. » Lorsque l'ani- mal est excité, toutes les parties nues revêtent une teinte beau- 31. Gervais, Hist. Nat. des Mammifères, p, 103, 1854 : il donne des figures du crâne du mâle. Desmarest, Mammal., p. 80. Geoffroy Saiut-Hilaire et F. Cuvier, Hist. nat. des Mamm., 1824, tome I. [Chap. XVIII'. couleur DU POIL ET DE LA PEAU NUE. 591 coup plus vive; plusieurs auteurs ont employé les expressions les plus fortes pour donner une idée de l'éclat de ces couleurs, qu'ils comparent au plumage des oiseaux les plus resplendissants. Une autre particularité des plus remarquables distingue le mandrill : (puuid les grosses dents canines ont acquis tout leur développe- ment, d'énormes protubérances osseuses se forment sur chaque joue, lesquelles protubérances sont profondément sillonnées dans le sens de la longueur, et la peau nue qui les recouvre très-vivement colorée, comme nous venons de le dire {fig.()9). Ces protubérances sont à peine appréciables chez les femelles adultes et chez les jeunes des deux sexes qui ont les parties nues .bien moins brillantes en couleur, et le visage presque noir, teinté de bleu. Chez la femelle adulte cependant, à certains intervalles réguliers, le nez se nuance de rouge. Dans tous les cas signalés jusqu'ici, c'est le mille qui est plus vivement ou plus brillamment coloré, et qui diffère à un plus haut degré des jeunes des deux sexes. Mais de même que chez quelques oiseaux se présentent des cas de coloration inverse dans les deux sexes, de même chez le Rhésus {Macacus r/iesus), la femelle a une large surface de peau nue autour de la queue, surface d'un rouge carmin vif, qui devient périodiquement plus éclatant encore, à ce que m'ont assuré les gardiens des Zoological Gardens ; son visage aussi est rouge, mais pâle. Chez le mâle adulte, au contraire, et chez les jeunes des deux sexes, ainsi que j'ai pu le constater, on n'observe pas la moindre trace de rouge, ni sur la peau nue de l'extrémité postérieure du corps, ni sur le visage. 11 paraît cepen- dant, d'après quelques documents publiés, qu'accidentellement ou pendant certaines saisons, le mâle peut présenter quelques traces de cette couleur. Bien que moins orné que la femelle, il ne s'en conforme pas moins à la règle commune, d'après laquelle le mâle l'emporte sur la femelle par sa plus forte taille, des canines plus grandes, des favoris plus développés, et des arcades sourcilières plus proéminentes. J'ai maintenant indiqué tous les cas qui me sont connus de diffé- rences de couleur entre les sexes des mammifères. Dans quelques cas, les différences peuvent provenir de variations limitées à un sexe et transmises à ce sexe sans aucun résultat avantageux, et, par conséquent, sans intervention de la sélection. Nous avons des exemples de ce genre chez nos animaux domesti(|ues, certains chats mâles par exemple, (pii sont d'un rouge de rouille, tandis 592 LA DESCENDANCE DE L'HOiMME. [IIo Partie], que les femelles sont tigrées. Des cas analogues s'observent dans la nature; M. Bartlett a vu beaucoup de variétés noires du jaguar, du léopard, du phalanger et du wombat, et il est certain que la plupart, sinon tous, étaient mâles. D'autre part, les individus des deux sexes, chez les loups, les renards et les écureuils américains, naissent quelquefois noirs. Il est donc tout à fait possible que, chez quelques mammifères, une différence de coloration entre les sexes, surtout lorsqu'elle est congénitale, soit simplement le résultat, sans 'aucune sélection, d'une ou plusieurs variations, dès l'abord limitées sexuellement dans leur transmission. Toutefois on ne peut guère admettre que les couleurs si diverses, si vives et si tranchées de certains mammifères, telles que celles des singes et des antilo- pes mentionnés plus haut, puissent s'expliquer ainsi. Ces couleurs n'apparaissent pas chez le mâle dès sa naissance, mais seulement lorsqu'il a atteint l'état adulte ou qu'il en approche ; et, contraire- ment aux variations habituelles, elles ne se produisent pas lorsque le mâle a été châtré. En somme, la conclusion la plus probable, c'est que les couleurs fortement accusées et les autres ornements des quadrupèdes mâles, leur procurent un avantage dans leur lutte avec d'autres mâles, et sont, par conséquent, le résultat de la sé- lection sexuelle. Le fait que les différences de coloration entre les sexes se rencontrent presque exclusivement, comme le prouvent les détails précités, dans les groupes et les sous-groupes de mam- mifères présentant d'autres caractères sexuels secondaires distincts, également le produit de l'action de la sélection sexuelle, augmente beaucoup la probabilité de cette opinion. Les quadrupèdes font évidemment attention à la couleur. Sir S. Baker a observé à de nombreuses reprises que l'éléphant afri- cain et le rhinocéros attaquent avec une fureur toute spéciale les chevaux blancs ou gris. J'ai prouvé ailleurs '- que les chevaux à demi sauvages paraissent s'accoupler de préférence avec ceux de la même couleur; et que des troupeaux de daims de colorations diffé- rentes, bien que vivant ensemble, sont longtemps restés distincts. Un fait plus significatif, c'est qu'une femelle de zèbre qui avait absolument refusé de s'accoupler avec un âne, le reçut très-volon- tiers, comme le remarque John Hunter, dès qu'il fut peint à la manière du zèbre. Dans ce fait fort curieux « nous observons un instinct excité par la simple couleur, dont l'effet a été assez puis- sant pour l'emporter sur tous les autres moyens. Mais le mâle n'en exigeait pas autant ; le fait que la femelle était un animal ayant 32. Variatio7i, etc., vol. II, 111 (trad. française), 1869. [Ch.vp. XVIII]. COULEUR DU POIL KT DK LA PEAU NUi:. 513 (le l'analogie avec lui, siiflisait pour éveiller ses passions '*. » iNous avons vu, dans un des premiers chapitres de C(*l ouvraire, que les facultés mentales des animaux supérieurs ne dillerenl pas en natiu'e, bien qu'elles dilTèrenl énormément en degré, des facultés correspondantes de l'homme, surtout île celles des races inférieures et barbares; et il semblerait mémo que le goût de ces dernières pour le beau est peu différent de celui des Quadrumanes. De mémo que le nègre africain taille la chair de son visage de façon à pro- duire des " crêtes ou des cicatrices parallèles faisant fortement saillie au-dessus de la surface normale, alVreuses dilVormités qu'il considère comme constituant un grand attrait personnel *', » — de même que les nègres aussi bien que les sauvages de beaucoup de parties du monde peignent sur leur visage des bandes rouges, bleues, l)lanches on noires, — de même aussi le mandrill africain mâle seml'le avoir acquis son visage profondément sillonné et fas- lut'usement coloré, pour devenir plus attrayant pour la femelle. Il peut, sans dnute, nous sembler grotesque que la i)artie postérieure du corps se soit colorée encore plus vivement que le visage dans un but d'ornementation, mais cela n'est pas plus étrange que It's décorations spéciales dont la queue de tant d'oiseaux forme le siège. Il ne semble pas que les mammifères mtiles se donnent la moin- dre peine pour étaler leurs charmes devant les femelles; les oiseaux mâles au contraire s'ingénient de toutes les façons pour y arriver, et c'est là un des plus forts arguments en faveur de l'hypo- thèse que les femelles admirent les ornements et les couleurs étalés devant elles et se laissent séduire par ce spectacle. On observe toutefois un parallélisme frappant entre les mammifères et les oiseaux au point de vue des caractères sexuels secondaires; les uns et les autres sont en effet pouvus d'armes pour combattre les mâles leurs rivaux, d'apj)endices et diî couleurs diverses constituant des ornements. Dans les deux classes, lorsque le mâle diffère de la femelle, les jeuni'S des deux sexes se ressemblent presque tou- jours, et, dans la majorité des cas, ressemltlent aux femelles adul- tes. Dans les diMix classes, le mâle revêt les caractères propres à son sexe au moment de parvenir à l'âge adulte, et la castration l'empêche de jamais acqiu';rir ces caractères, ou les lui fait perdn- plus tard. Dans les deux classes, le changement de couleur dé|)end (pu^bjut-fois de la saison, et les teintes des parties nues augmentent pai'fois d'intensité i)endant la saison des amours. Dans les deux ;t:(. Avv'/;/ «/»// OA<»'/iy;/io7j.v, de Huntor. tvliic par Owcn, v(»l. I, |i. lOi. ISil. ;{(. Sii- S. HaktT, Tlie SUr tiihutavus vf .{////••■sini/i, 1SG7. ;J8 59i LA DESCENDANCE DE L'HOMME. II^ Partie]. classes, le niùle alTecle toujours des couleurs plus vives et plus brillantes que la femelle, et il est orné de plus grandes touffes de poils ou de plumes, ou d'autres appendices. On remarque cepen- dant dans les deux classes quelques cas exceptionnels; la femelle est plus ornée que le mâle. Chez beaucoup de mammifères et au moins dans le cas d'un oiseau, le mâle émet une odeur plus forte que la femelle. Dans les deux classes la voix du mâle est plus puis- sante que celle de la femelle. Ce parallélisme nous conduit à admettre qu'une même cause, quelle qu'elle puisse être, agit de la même manière sur les mammifères et sur les oiseaux ; or, il me semble qu'en ce qui concerne les caractères d'ornementation, on peut, avec certitude, attribuer le résultat obtenu à une préférence longtemps soutenue de la part d'individus d'un sexe pour certains individus du sexe opposé, combinée avec le fait qu'ils auront ainsi réussi à laisser un plus grand nombre de descendants pour hériter de leurs attraits d'ordre supérieur. Transmission égale aux deux sexes des caractères d'ornementation. — Chez beaucoup d'oiseaux, l'analogie conduit à penser que les ornements ont été primitivement acquis par les mâles, puis trans- mis également, ou à peu près, aux deux sexes : recherchons main- tenant jusqu'à quel point cette remarque peut s'appliquer aux mammifères. Dans un nombre considérable d'espèces, et surtout chez les plus petites, les deux sexes ont, en dehors de toute inter- vention de la sélection sexuelle, acquis une coloration toute pro- lectrice; mais, autant que j'en puis juger, ce fait est surtout fré- quent, et frappant dans les classes inférieures. Audubon nous dit qu'il a souvent confondu le rat musqué **, arrêté sur les bords d'un ruisseau boueux, avec une motte de terre, tellement la ressem- blance est complète. Le lièvre dans son gîte est un exemple bien connu de l'animal dissimulé par sa couleur; cependant l'espèce voisine, le lapin, n'est pas dans le même cas, car la queue blanche et redressée de cet animal, quand il se dirige vers son terrier, le rend très-visible au chasseur et surtout aux carnassiers qui le pour- suivent. On n'a jamais mis en doute, que les quadrupèdes habitant les régions couvertes de neige, ne soient devenus blancs pour se protéger contre leurs ennemis, ou pour s'approcher plus facilement de leur proie. Dans les contrées où la neige ne séjourne pas long- temps sur le sol, un pelage blanc serait nuisible; aussi les espèces de cette couleur sont extrêmement rares dans les parties chaudes 35. Fiber zibethicus, Auduboa et Bachman, The Quadnipecls of A'. America, 1846, p. 109. Chap. XVIli;. TRANSMISSION DKS CAUACT. DORNKMKNTATIoN. :,î>5 tlu globe. L'n jrrand nombre de mammifères des zones tempérées, qui ne révèlent pas pendant Ihiver un pelage blanc, deviennent plus paies pendant cette saison; ce qui, selon toute apparence, est le résultat direct des conditions auxquelles ils ont été longtemps l'xposés. Pallas " assure qu'en Sibérie un changement de cette nature se produit chez le loup, chez deux espèces de muslela, chez le cheval domestique, chez Ihémione, chez la vache domestique, chez deux espèces d'antilope, chez le cerf musqué, le chevreuil, l'élan et le renne. Le chevreuil, par exemple, a une robe rouge pendant l'été, et, pendant l'hiver, d'un blanc grisâtre, qui doit le proléger dans ses courses au travers des taillis sans feuilles, sau- poudrés de neige et de givre. Que ces animaux se répandent peu à peu dans îles régions toujours converles de neige, et la sélection naturelle rendra probablement leur pelage d'hiver de plus en plus blanc jusqu'à ce qu'il devienne aussi blanc que la neige elle-même. M. Heeks m'a cité un curieux exemple d'un animal qui lire profil de ses couleurs particulières. Il a élevé, dans un grand verger entouré de murs, cinquante ou soixante lapins blancs et pie; il avait en même temps chez lui des chats affectant la même couleur. Ces chats, comme je l'ai souvent remarqué, sont très-apparents pen- dantle jour, mais ils avaient l'habitude de chasser pendant la nuit, de se tenir alors à l'entrée des terriers, les lapins ne pouvaient pas les distinguer de leurs compagnons pie. Il en résulta qu'au bout de dix-huit mois presque tous ces lapins pie avaient été détruits, et on a la preuve qu'ils avaient été détruits par les chats. La colo- ration rend à un autre animal, le Putois, des services dont on trouve l'équivalent dans quelques autres classes. Aucun animal n'attaque volontairement une de ces créatures, à cause de l'odeur épouvantable qu'elle émet quand on l'irrite; mais, pendant le cré- puscule, il est difficile de reconnaître le Putois et les bêtes de proie pourraient se laisser aller à l'attaquer. M. Belt '" croit qui; pour cette raison le Putois est pourvu d'une grande queue blan- che qui sert d'avertissement à tous les animaux. Nous devons admettre que beaucoup de mammifères ont revêtu leurs nuances actuelles comme moyen de protection; il y a cepen- dant une foule d'espèces dont les couleurs sont trop brillantes et trop singulièrement disposées pour que nous puissions leur atlri- iiuer cet usage. Prenons pour exemple certaines antilopes : la tiiclie blancht' carrée du poitrail, les taches de même couleur sur •'i(>. S'ov.r S/ifi-irs Quaitrup. e i'tlirium ordine, 1778, p. 7. L'animal ijue jai .-•pitelo chevreuil est le Cnprrulns Si//iririi.s suhrcaïuhitu.s de Pallas. •'(7. TIte natuvnlist in Sicfivfujua, p. 2i9. 596 LA l»fSCENDANCE DE L'HOMME. [11^ Par ne]. les fesses, et les taches noires arrondies sur les oreilles, sont toutes beaucoup plus distinctes chez le mâle du PoiHax picta que chez la femelle; — les couleurs sont plus vives, les étroites lignes blanches du flanc et la large bande blanche de l'épaule sont plus tranchées chez le mâle de VOi'eas Dei'byanus que chez la femelle ; — une différence semblable existe entre les sexes du Tragelaphm scrijjtus [fîg. 70), si curieusement orné : — nous en conclurons que 0. — Tragelaphus scriptus, mâle (ménagerie île Knowsley). des différences de cette nature ne rendent aucun service à l'un ou l'autre sexe relativement aux habitudes quotidiennes de l'existence. H est beaucoup plus probable que ces divers ornements ont été primitivement acquis par la sélection sexuelle, augmentés par le même moyen et partiellement transférés aux femelles. Cette hypo- thèse admise, on peut penser que les couleurs également singu- lières, et les taches de beaucoup d'autres antilopes, bien que com- munes aux deux sexes, ont dû èlre produites et transmises de la même manière. Les deux sexes, par exemple, du Coudou {Strepsi- [Chap. XVIir. TRANSMISSION DKS CARACT. D'ORNEMENTATION. 507 reros Kudu) (fig. 61), portent sur leurs flancs postérieurs d'élroilos lignes vorticalos blanches, et une élégante tache blanche angulaire sur le front. Dans le genre Dntnafis, les deux sexes sont bizarre- ment colorés; chez le Dainn/is pygnrgn, le dos et le cou sont rouge pourpré, virant au noir sur les flancs, et brusquement sépa- rés de l'abdomen blanc et d'un large espace blanc sur les fesses; la léte est encore plus étrange, car un largo masque blanc oblong, entouré d'un bord noir étroit, couvre la face jusqu'à la hauteur des l'ig-. 71. — Dnmnlis pijynrrjn.mkXe (inénngcrie de Knowslev). yt iix fig. 71); le front porte trois bandes blanches et les oreilles sont tachetées de blanc. Les faons de cette espèce sont d'un brun jaunâlre pâle imiforme. Chez le Dnmnits albifi'om, la coloration de la tête diffère en ce qu'une unique raie blanche remplace les trois raies dont nous venons de parler, et que les oreilles sont presque entièrement blanches '*. Après avoir étudié de mon mieux les diffé- rences existant entre les mâles et les femelles de toutes les classes, je dois conclure que la sélection sexuelle a produit chez beaucoujt •tS. Voir les belles planches de A. Smith, Zool. ofS. Afrkn, et docteur Gray. iil'finiiujs friim Ifir Mrnnfjrrir nf Knou-shy. 598 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. (l'anlilopes ces arrangements bizarres des couleurs qui, bien que communs aujourd'hui aux deux sexes, ont dû intervenir d'abord chez le mâle. On doit peut-être étendre la même conclusion au tigre, l'un des plus beaux animaux qui existent, et dont les marchands de bêtes féroces eux-mêmes ne peuvent distinguer le sexe par la coloration. M. Wallace croit ^' que la robe rayée du tigre « ressemble assez aux tiges verticales du bambou, pour contribuer beaucoup à le dissi- muler aux regards de la proie qui s'approche de lui ». Mais cette explication ne me paraît pas satisfaisante. Le fait que chez deux espèces de Felis des taches et des couleurs analogues sont un peu plus vives chez le mâle que chez la femelle, nous autorise peut-être à penser que la beauté du tigre est due à la sélection sexuelle. Le zèbre est admirablement rayé, et des raies, dans les plaines dé- couvertes de l'Afrique méridionale, ne peuvent constituer aucune protection. Burchell*", décrivant un troupeau de ces animaux, dit : « Leurs cotes luisantes étincelant au soleil et leur manteau brillant, si régulièrement rayé , offrent un tableau d'une beauté que ne pourrait probablement surpasser aucun autre quadrupède ». Nous n'avons pas de preuves que la sélection sexuelle ait joué ici un rôle, car les sexes sont, dans tous les groupes des Équidés, identiques par la couleur. Néanmoins, si on attribue les raies verticales blan- ches et foncées des flancs de diverses antilopes à la sélection sexuelle, on sera probablement porté à penser de même pour le Tigre royal et le Zèbre magnifique. Nous avons vu, dans un chapitre précédent, que si les jeunes de classe quelconque, ayant les mêmes habitudes de vie que leurs pa- rents, présentent une coloration différente, c'est qu'ils ont hérité de quelque ancêtre éloigné et éteint. Dans la famille des Porcidés et dans le genre Tapir, les jeunes portent des raies longitudinales, et diffèrent ainsi de toutes les espèces adultes de ces deux groupes. Dans beaucoup d'espèces de cerfs, les faons sont tachetés d'élé- gants points blancs, dont les parents n'offrent aucune trace. On peut établir, depuis l'Axis, dont les deux sexes sont, en toutes sai- sons et à tout âge, magnifiquement tachetés (le mâle étant plus for- tement coloré que la femelle), — une série passant par tous les de- grés jusqu'à des espèces chez lesquelles ni adultes ni jeunes n'ont aucune tache. Voici quelques termes de cette série : le Cerf Mant- chourien {Cervus Mantckwicus) est tacheté toute l'année ; mais, ainsi que je l'ai observé aux Zoological Gardens, les taches sont 39. Westminster Review, l^r Juillet 1867, p. 5. 40. Traveh in South Africa, vol. II, 1824, p. 315. Chap. XVIII:. TRANSMISSION DKS CARACT. DORNK.MKNTATIoN. 599 moins clislinclcs l'hiver, alors qiio lo pelage devient plus foncé et que les ocM'nes acquièrent leur entier iléveloppement. Chez le Cerf cochon {llijclajihtis pnrrinus), les taches, très-apparentes pendant l'été, alors que la robe est l)run roufreàlre, disparaissent entière- ment à l'hiver, celte robe révélant une teinte brune *'. Les jeunes des deux espèces sont tachetés. Chez le Cerf tic Virginie, les jeunes sont éiralement tachetés, et Judge Caton m'informe; qu'environ cinq pour cent des adultes qu'il i)Ossède dans son parc, portent temporairement sur chaque flanc, à l'époque où la robe rouge va être remplacée par la robe plus bleuâtre de l'hiver, une ligne de taches en iK^mbre toujours égal, bien que très-variables quant à la netli'lé. De cet état à l'absence complète de taches chez les adultes |)(MKlaul toutes les saisons, et, enfin, comme cola arrive chez cer- taines espèces, à leur absence, à tous les âges, il n'y a qu'une très- faible distance. L'existence de cette série parfaite, et surtout le fait du tachelage des faons d'un aussi grand nombre d'espèc(>s, nous |»ermellenl de conclure que les indivitlus actuels de la famille des '•erfs descendent de quelque espèce ancienne qui, comme l'Axis, l'tail tachetée à tout Age et en toute saison. Un ancêtre, encore plus ancien, a probablement dû ressembler jusqu'à un certain point au /fi/onKisr/ius (if/itnticiis, car cet animal est tacheté, et les mâles, qui n(^ portent jias de cornes, ont de grandes canines saillantes dont ipK.'icpii's vrais cerfs ont encore conservé les rudiments. L'/fi/omas- rfiiis (i//natirns olfre aussi un de ces cas intéressants d'une forme rattachant deux groupes : il est, par certains caractères osléologi- ques, intermédiaire entre les pachydermes et les ruminants, qu'on "•royail autrefois tout à fait distincts **. Ici se jtrésente une difficulté curieuse. Si nous admettons (pie les taches et les raies de couleur aient (tU't acquises dans un but d'or- nenumlalion, comment se fait-il que tant de cerfs actuels, descen- dant d'un animal primitiveuient tacheté, et toutes les espèces de porcs et de tapirs, descendant d'un animal primitivement rayé, aient i»erdu à l'état adulte leurs ornements d'autrefois? Je ne puis répondre à cette question d'ime manière satisfaisante. Il est à |)eu près certain que les taches et les raies ont disparu chez les ancê- tres de nos espèces actuelles, alors qu'ils étaient à l'état adulte ou î\ pou près, de sorte qu'elles ont été conservées par les jeunes, et, 41. Docteur Oray, Gleanings, etc., p. Gi. M. Rlylh {Lmvl and Watri-, I8(;t), j). 4J\ parlant ilu Cerf cochon de Ceylan, dit qu'il est, dan.s la saison où il rt-nou- vello ses cornes, beaucoup plus hrillaninient tacheté de blanc que It-spece or- dinaire. 42. Falconer et Cautley, Proc. Oeolofj. Soc, 1843; et Falconer, /'«/. Manoirs, vol. I. i>. int). GOa LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. en vertu de la loi d'hérédité, aux âges correspondants, transmises aux jeunes de toutes les générations suivantes. Il peut avoir été très-avantageux au lion et au puma, qui fréquentent habituellement (li's lieux découverts, d'avoir perdu leurs raies, et d'être ainsi deve- nus moins apparents pour leur proie ; or, si les variations succes- sives qui ont amené ce résultat se sont produites à une époque tardive de la vie, les jeunes ont conservé les raies, ce qui, nous le savons, est en elTet arrivé. En ce qui concerne les cerfs, les porcs et les tapirs, Fritz Millier m'a fait remarquer que la disparition des taches et des raies, provoquée par la sélection naturelle, a dû ren- dre ces animaux moins facilement visibles à leurs ennemis, pro- tection devenue d'autant plus nécessaire que les carnassiers ont augmenté en taille et en nombre pendant les périodes tertiaires. Cette explication peut être la vraie, mais il est assez étrange que les jeunes n'aient pas été également protégés, et plus encore que les adultes de quelques espèces aient conservé partiellement leurs taches ou toutes leurs taches pendant une partie de l'année. Nous savons, sans pouvoir en expliquer la cause, que, quand l'âne do- mestique varie et devient brun rougeâtre, gris ou noir, les raies de l'épaule et même celles de l'épine dorsale disparaissent ordinaire- ment. Peu de chevaux, les chevaux Isabelle exceptés, portent des raies sur le corps, et cependant nous avons de bonnes raisons pour croire que le cheval primitif portait des raies sur les jambes et sur la ligne dorsale, et probablement aussi sur les épaules *^. La disparition des taches et des raies chez nos porcs^ chez nos cerfs et chez nos tapirs adultes, peut donc provenir d'un changement dans la couleur générale de leur pelage, mais il nous est impossi- ble de déterminer si ce changement est l'œuvre de la sélection sexuelle ou de la sélection naturelle, s'il est dû à l'action directe des conditions vitales, ou à quelque autre cause inconnue. Une observation faite par M. Sclater prouve notre ignorance des lois qui règlent l'apparition ou la disparition des raies; les espèces d'Asinns qui habitent le continent asiatique ne portent pas de raies, et n'ont même pas la bande en croix sur l'épaule; tandis que les espèces qui habitent l'Afrique sont iiettement rayées, à l'exception de VA. txniopiis, qui n'a que la bande en croix 'sur l'épaule et quel- ques traces de barres sur les jambes ; or cette espèce habite la région à peu près intermédiaire entre la haute Egypte et l'Abys- sinie *\ V-). La Variation, etc., vol. l, p. 65-68. il. Proc. Zool. Soc, 1862, p. 164. Docteur Hartmann, Ann. cl. Landw. vol. XLin, p. 222. .CiiAP. XVIir. giADlirMANKS. COI Quadrumanes. — Avant de conclure, il esl bon d'ajouler quelques remarques ù propos des caractères d'ornementation chez les singes. ! >ans la plupart des espèces les sexes se ressemblent par la couleur : mais les mâles, comme nous l'avons vu, diffèrent des femelles par la couleur des parties nues do la peau, le développement de la barbe, des favoris et de la crinière. Beaucoup d'espèces sont colo- rées d'une manière si belle et si extraordinaire, et sont pourvues de |p Fijr. "".'. — 'r«"'lo clo St'iniiopil/icciix rnbicuiiitu.i. ■tt«> (Igdre et l-'s suivanti-s, tirées de» l'oiivrajço clu professeur Oervais . indiquent J'ar- ranjrfiiieni hizarre et lo di'velo|ipenieiit «les poils sur la t<'to). lonlfes (le poils si curieuses et si élégantes, que nous ne pouvons nous empêcher de considérer c^i^ cara:lères comme des ornements. Les figures ci-jointes (/?//. 7*2 à 70) indiquent l'arrangement des poils sur le visage et sur la tète de (|uel(|iies espèces. Il n'est pas à croire t|ue ces touffes de poils et les couleurs si tranchées de la fourrure et (h; la peau, puissent èln; le résultat de simples variations sans le coucours de la sélection ; il est probable (pie ces caractères puissent avoir une utilité usuelle pour ces animaux, lis sont donc probablement dus à l'action de la sélection sexuelle, (pioicpie trans- mis également ou presque également aux deux sexes. Chez beau- U02 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. coup do. Quadrumanes, nous trouvons d'aulres prouves de l'action de la sélection sexuelle, la plus grande taille et la plus grande force des mâles, par exemple, et le développement plus complet des dénis canines chez les mrd(!S que chez les femelles. Quelques exemples sut'liront pour faire comprendre les disposi- tions étranges que présentent la coloration des deux sexes dans SemnopithecHs comatiti. Fig. "1. — Ceijus capiiciiius. Vh Ateles mnrginatus. V\-r 7G. — Cebus vellerosus. quelques espèces, et la beauté de cette coloration chez d'autres. Le CcrcopUhecus petaurista {flg. 77) a le visage noir, la barbe elles favoris blancs, et sur le nez une tache blanche arrondie bien dis- tincte et couverte de courts poils blancs, ce qui donne à l'animal un aspect presque romiipu^. Le Semnopithecus frontalus a aussi le visage noirâtre avec une longue barbe noire, et, sur le front, une grande tache nue d'une couleur blanc bleuâtre. Le Macacus iasiotus a le visage couleur chair sale, avec une tache rouge bien définie sur chaque joue. L'aspect du Cej'cocebus «Ihiops est grotesque avec son visage noir, ses favoris et son collier blancs, sa tête couleur mar- iCii.vr. XVIII giAOIUMANKS. 603 ron, et une grande tache hianchr au-dessus de chaque sourcil. Chez beaucoup d'espèces, hi barbe, les favoris et les toulfes de poils qui entourent le visage ont des couleurs fort dilTérentes du li^'. ÎT. — l'errofiithiTus jiflaHriata iira|iro» liroliin, c'Iilioii fram.-aise). resl»; dt- la bHe, et elles sont toujours alors d'une teinte plus claire '■', soit tout à fait blanches, soit jaiuie brillant, soit rougfàlres. Le 15. J'ai oliservé ce fait aux Z<)olf)pical Gardons el on peut en voir «le nom- lireux ex»'nii>les dans les planches coloriées «ie Geoffroy Saint-Ililaire et de F. Cuvicr, llist. tint, des Mnmmif^rrs, t. I. \H2\. 60* LA DESCENDANCE DE L'HOMME. fll^ Partie]. Brachyuvus calvus de l'Amérique du Sud a le visage entier d'une nuance écarlatc brillante, mais cette coloration n'apparaît pas avant la maturité du mâle *®. La couleur de la peau nue du visage diffère étonnamment sui- vant les espèces. Elle est souvent brune ou de couleur chair, avec des taches parfaitement blanches; mais, souvent aussi, noire comme la peau du nègre le plus foncé. Chez le Drachyurus, le visage est d'un écarlate plus brillant que la joue de la plus rougissante Caucasienne; ou plus jaune parfois que chez aucun Mongolien, et dans plusieurs espèces il est bleu, passant au violet ou au gris. Dans toutes les espèces que connaît M. Bartlett, espèces chez les- quelles les^dultes des deux sexes ont le visage fortement coloré, les teintes sont ternes ou font défaut pendant la première jeunesse. On observe le même fait chez le Mandrill et chez le Rhésus, chez lesquels le visage et la partie postérieure du corps ne sont vive- ment colorés que chez un seul sexe. Dans ces derniers cas, nous avons toute raison de croire que ces colorations sont dues à l'ac- tion de la sélection sexuelle ; or, nous sommes naturellement con- duits à étendre la même explication aux espèces précédentes, bien que les deux sexes, lorsqu'ils sont adultes, aient le visage coloré de la même manière. Les singes sont loin d'être beaux, mais quelques espèces se font remarquer par leur élégant aspect et leurs brillantes couleurs. Le Semnopithecus nemxus, quoique très-singulièrement coloré, est, dit-on, fort joli ; son visage teinté d'orange est entouré de longs favoris d'une blancheur lustrée, avec une ligne rouge marron sur les sourcils ; le pelage du dos est d'un gris délicat; une tache car- rée d'un blanc pur marque les reins, la queue et l'avant-bras ; un collier marron surmonte la poitrine; les cuisses sont noires et les jambes rouge-marron. Je citerai encore deux autres singes remar- quables par leur beauté, et je les choisis parce qu'ils offrent de lé- gères différences sexuelles de couleur, ce qui permet de supposer que les deux sexes doivent à la sélection sexuelle leur élégance. C'est d'abord le Cercopithe.cus cephus, au pelage pommelé, verdâtre, avec la gorge blanche ; l'extrémité de la queue, chez le mâle, est marron ; mais le visage est la partie la plus ornée : peau gris bleuâtre, ombrée de noir sous les yeux; lèvre supérieure d'un bleu délicat, et bordée à la partie inférieure d'une mince moustache noire ; favoris orangés, noirs à la partie supérieure et s'étendant en bande jusqu'aux oreilles, et celles-ci revêtues de poils blanchâtres. J'ai 4G. Bâtes, The Naturalist on thc Amazom,yo\. II, 1863, p. 310. [CiiAP. XVIli; RKSUMK. 605 souvent enlendu admirer par les visiteurs des Zoological Gardons la beauté d'un autre singe, appelé avec raison Cercopitfiecus Diana {/{y. 78); son pelage a une teinte générale grise; la poitrine et la face interne des membres antérieurs sont blanches; un grand es- Fig. 78. — Cercopit/iecus Diana (d'après Urebin, édition frain;aiso;. pace triangulaire bien défini, d'une riche teinte marron, occupe la partie postérieure du dos ; les côtés intérieurs des cuisses et l'ab- domen sont, chez le mâle, d'une délicate nuance fauve, et le som- met de la tète est noir, le visage et les oreilles, d'un noir intimse, conlraslfut Irés-nnemeul avec une créto blanche transversale au- 606 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile partie]. dessus des sourcils, et une longue barbe à pointe blanche dont la base est noire ". La beauté des couleurs de ces singes, et de beaucoup d'autres, la singularité de l'arrangement des teintes, et plus encore les dis- positions si diverses et si élégantes des crêtes et des touffes de poils sur la tête, me donnent la conviction que ces caractères ont été acquis exclusivement dans un but d'ornementation par l'inter- vention de la sélection sexuelle. Résumé. — La loi du combat pour s'assurer la possession de la femelle paraît prévaloir dans toute la grande classe des mammi- fères. La plupart des naturalistes admettront avec moi que la taille, la force et le courage plus grands du mâle, son caractère belli- queux, ses armes offensives spéciales, et ses moyens particuliers de défense, ont tous été acquis ou modifiés par cette forme de sé- lection que j'appelle la sélection sexuelle. Ceci ne dépend d'aucune supériorité dans la lutte générale pour l'existence, mais de ce fait que certains individus d'un sexe, géné- ralement ceux du sexe mâle, ont réussi à l'emporter sur leurs ri- vaux et à laisser une descendance plus nombreuse pour hériter de leurs avantages. Il est un autre genre de luttes, d'une nature plus pacifique , dans lesquelles les mâles cherchent à attirer et à séduire les femelles par divers charmes. Ceci peut se faire par les odeurs qu'émettent les mâles pendant la saison des amours, les glandes odorantes ayant été acquises par sélection sexuelle. Il est douteux qu'on en puisse dire autant de la voix, car les organes vocaux des mâles, fortifiés peut-être par l'usage pendant l'état adulte, sous les puissantes in- fluences de l'amour, de la jalousie ou de la colère, ont dû être transmis au même sexe. Diverses crêtes, diverses touffes et divers revêtements de poils, qu'ils soient propres aux mâles, ou simple- ment plus développés chez eux que chez les femelles, semblent être, dans la plupart des cas, des caractères d'ornementation, et cependant ils servent quelquefois de défense contre les mâles ri- vaux. On a même des raisons de supposer que les andouillers rami- fiés des cerfs et les cornes élégantes de quelques antilopes, bien que servant aussi d'armes offensives et défensives, ont été en par- tie modifiées dans un but dornementation. Lorsque le mâle diffère de la femelle par sa coloration, il offre, 47. J'ai vu la plupart des singes ci-dessus décrits aux Zoological Gardens. La description du Semnopithecus }ietttœus est empruntée à W. C. Martin, Naf. Hist. of Mammalia, 1841, p. 460; voir aussi les pages 473, 523. [CiiAP. XYIII). RKSUMK. IJ07 en général, des tons plus foncés et conlraslanlplus fortement entre eux. Nous ne rencontrons pas dans cette classe ces magnifiques couleurs rouges, bleues, jaunes et vertes, si commîmes aux oiseaux mâles et à beaucoup d'autres animaux; les parties nues de certains • piadrumanes, souvent bizarrement placées, présentent cependant parfois, chez quelques espèces, les coideurs les plus vives. Les couleurs du mâle peuvent être dues à une >imple variation, sans le concours de la sélection ; mais, lorsque les couleurs sont diverses et fortement tranchées, lorsqu'elles ne se développent qu'à l'état adulte et que la castration les fait disparaître, nous pouvons en tirer la conclusion qu'elles sont dues à l'action de la sélection sexuelle, qu'elles ont pour objet rornementation, et qu'elles se sont trans- mises, exclusivement ou à peu prés , au même sexe. Lorsque les deux sexes ont une coloration identique, lorsque les couleurs sont très-vives et bizarrement disposées sans qu'elles semblent répon- dre à aucun besoin de protection, et, surtout, lorsqu'elles sont accompagnées d'autres ornements, l'analogie nous conduit à la même conclusion, c'est-à dire à penser qu'elles sont dues à l'action de la sélection sexuelle, quoique transmises aux deux sexes. Il ré- sulte de l'examen des divers cas cités dans les deux derniers cha- pitres que, en règle générale, les couleurs diverses et tranchées, qu'elles soient restreintes aux mâles ou communes aux deux sext^s, sont associées dans les mêmes groupes et dans les mêmes sous- groupes avec d'autres caractères sexuels secondaires, servant à la lutte ou à l'ornementation. La loi d'égale transmission des caractères aux deux sexes, en ce (pii a trait à la couleur et aux autres caractères décoratifs, a prévalu d'une manière beaucoup plus étendue chez les Mammifères qui; chez les Oiseaux; mais, en ce qui concerne les armes, telles (jiie les cornes, les défenses et les crocs, elles ont été transmises plus souvent, soit plus exclusivement, soit plus complètement, aux mâles qu'aux femelles. C'est là un fait étonnant, car les mâles se servent en général de leurs armes pour se défendre contre des ennemis de tous genres, et elles auraient pu rendre le même ser- vice aux femelles. Autant que nous en pouvons juger, leur absence, chez ce dernier sexe, ne i)eiit s'explicpier que j)ar la forme d'hén';- dité qui a prévalu. Enfin, chez les quadrupèdes, les luttes pacifiques ou sanglantes entre individus du même sexe, ont, à de rares ex- ceptions près, été limitées aux mâles; de sorte que la séleclioii sexuelle a modifié les mâles beaucoup plus généraleineiit ipu; les femelles, en leur donnant soit des armes pour se comballre entre eux, soit des charmes pour séduire l'autre sexe. 608 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. CHAPITRE XIX CAKACTÈRES SEXUELS SECO.NDAIRES CHEZ l'hOMJIK Différences entre l'homme et la femme. — Causes de ces différences et de cer- tains caractères communs aux deux sexes. — Loi de combat. — Différences dans la puissance intellectuelle et la voix. — Influence qua la beauté sur les mariages humains. — Attention qu'ont les sauvages pour les ornements. — Leurs idées sur la beauté de la femme. — Tendance à exagérer chaque par- ticularité naturelle. Les différences entre les sexes sont, dans l'espèce humaine, plus grandes que chez la plupart des Quadrumanes, mais moindres que chez quelques-uns, le Mandrill par exemple. L'homme est en moyenne beaucoup plus grand, plus lourd et plus fort que la femme ; il a les épaules plus carrées et les muscles plus prononcés. Par suite des rapports qui existent entre le développement musculaire et la saillie des sourcils S l'arcade sourcilière est plus fortement ac- cusée en général chez l'homme que chez la femme. II a le corps et surtout le visage plus velu, et sa voix a une intonation différente et plus puissante. On assure que, dans certaines tribus, le teint des femmes diffère légèrement de celui des hommes; Schweinfurth dit à propos d'une négresse appartenant à la tribu de Monbuttoas qui habite l'intérieur de l'Afrique, à quelques degrés au nord de l'équa- teur : « Sa peau, comme celle de toutes les femmes de celte tribu, est plus claire que celle de son mari ; on pourrait comparer celte teinte à celle du café à moitié grillé *. » Les femmes de cette tribu travaillent aux champs et vont tout à fait nues ; il n'est donc pas probable que la couleur de leur peau difTère de celle de la peau des hommes par suite d'une exposition moindre aux intempéries. Chez les Européens les femmes sont peut-être plus brillauimenl colorées, ainsi qu'on peut le voir lorsque les deux sexes ont été également exposés aux mêmes intempéries. L'homme est plus courageux, plus belliqueux et plus énergique que la femme, et il a le génie plus inventif. Le cerveau de Thomme est, absolument parlant, plus grand que celui de la femme; mais est-il plus grand relativement aux dimensions plus considérables de son corps? c'est là un point sur lequel on n'a pas, je crois, de données très-certaines. La femme a le visage plus arrondi; les mâ- choires et la base du crùne plus petites; les contours du corps plus 1. Schaaffhausen, traduit dans Anthrop. lieikir, p. 419, 420, 427, Oct. 18G8. 2. The Heurt of Africa, vol. I, p. 5, 44. [CnAP. XIX i. CARACT. SKXUELS SECONDAIRES CHEZ LHOMME. 60» ronds, plus saillants surcorlaines parties, et le bassin plus large *. Mais ce liernior caractère constitue plutôt un caractère sexuel pri- maire qu'un caractère sexuel secondaire. La femme atteint la ma- turité à un âge plus précoce que l'homme. Les caractères distinctifs du sexe masculin no se développent complètement chez l'homme, comme chez les animaux de toutes classes, qu'au moment où il devient adidle ; ces caractères n'appa- raissent jamais non plus après la castration. La barbe, par exemple, est un caractère sexuel secondaire, et les enfants mâles n'ont pas de barbe, bien que, dès le jeune âge, ils aient une chevelure abon- dante. C'est probablement à l'apparition un peu tardive dans la vie des variations successives qui donnentà l'homme ses caractères masculins, qu'il faut attribuer leur transmission au sexe mâle seul. Les enfants des deux sexes se ressemblent beaucoup, comme les jeunes de tant d'autres animaux chez lesquels les adultes diffèrent considérablement; ils ressemblent également beaucoup plus à la femme adulte qu'il l'homme adulte. Toutefois la femme acquiert ultérieurement certains caractères distinctifs, et par la conformation de son crAne elle occupe, dit-on, une position intermédiaire entre l'homme et l'enfant*. De même encore que nous avons vu les jeunes d'espèces voisines, quoique distinctes, différer entre eux beaucoup moins que ne le font les adultes, de même les enfants des diverses races humaines diffèrent entre eux moins que les adultes. Quelques auteurs soutiennent même qu'on ne peut distinguer dans le cràn<> de l'enfant les différences de race \ Quant à la couleur, le nègre nou- veau-né est d'un brun rougeàtre qui passe bientôt au gris ardoisé ; la coloration noinî est complète à l'âge d'un an dans U' Soudan ; en Egypte elle ne l'est qu'au bout de trois ans. Les yeux du nègre sont d'abord bleus, et les cheveux, plus châtains que noirs, ne sont frisés qu'à leurs extrémités. Les enfants australiens sont, à leur naissance, d'un brun jaunâtre, qui ne devient fonci; qu'à un âge plus avancé. Ceux des Guaranys, dans le Paraguay, sont d'a- bord jaune blanchâtre, mais ils acquièrent an bout de quelques semaines la nuance brune jaunâtre de leurs parents. On a fait des observations semblables dans d'autres parties de l'Amérique '. 3. Ecker, irad. dans Anthrop. Review, p. .'Ml-SSG, OcU 1868. Welcker . 185. 191, Avril 1870. 10. ('atlin, Sorth Ameriran hidinns, 3= édit., II, p. 227, 18i2. Sur les Ouara- nvs. .\zara, voijnrje dans f Amérique >}iéri(l.,ll, p. 58, 1809; Rengger, ^7«artieI. reil pour l'inspiration et l'expiration de l'air, appareil pourvu d'un tube qui peut se fermer à son extrémité. Aussi, au moment d'une vive excitation, alors que les muscles se contractent violemment, les membres primordiaux de cette classe ont dû certainement faire entendre des sons incohérents; or, si ces sons ont rendu un ser- vice quelconque à ces animaux, ils ont dû facilement se modifier et s'augmenter par la conservation de variations convenablement adaptées. Les amphibies sont les vertébrés aériens les plus infé- rieurs; or, un grand nombre d'entre eux, les crapauds et les gre- nouilles par exemple, ont des organes vocaux, qui sont constam- ment en activité pendant la saison des amours, et qui sont souvent beaucoup plus développés chez le mâle que chez la femelle. Le mâle de la tortue seul émet un bruit, et les alligators mâles rugis- sent et beuglent pendant la saison des amours. Chacun sait dans quelle mesure les oiseaux se servent de leurs organes vocaux comme moyen de faire leur cour aux femelles; quelques espèces pratiquent égal^ent ce qu'on pourrait appeler de la musique in- strumentale. Dans la classe des Mammifères, dont nous nous occupons ici plus particulièrement, les mâles de presque toutes les espèces se servent de leur voix pendant la saison des amours beaucoup plus, qu'à toute autre époque; il y en a même quelques-uns qui, en toute autre saison, sont absolument muets. Les deux sexes, dans d'autres espèces, ou les femelles seules, emploient leur voix comme appel d'amour. Si l'on considère tous ces faits, si l'on considère que, chez quelques mammifères, les organes vocaux sont beaucoup plus développés chez le mâle que chez la femelle, soit d'une manière permanente, soit temporairement pendant la saison des amours ; si l'on considère que, dans la plupart des classes inférieures, les sons produits par les mâles servent non seulement à appeler, mais à sé- duire les femelles, c'est la preuve complète que les mammifères mâles emploient leurs organes vocaux pour charmer les femelles. Le Mycetes caraya d'Amérique fait peut-être exception, comme aussi l'un des singes les plus voisins de l'homme, VUylobates agih's. Ce Gibbon a une voix extrêmement puissante, mais harmonieuse. M. Waterhouse '" dit au sujet de cette voix : « Il m'a semblé qu'en montant et en descendant la gamme, les intervalles étaient réguliè- rement d'un demi-ton, et je suis certain que la note la plus élevée était l'octave exacte de la plus basse. Les notes sont harmonieuses, et je ne doute pas qu'un bon violoniste ne puisse reproduire la 30. Donné dans W. C. L. Martin, Geyieral Intvod. to Nat. Hisl. of Mamnu Animais, p. 432, 1841 ; Owen, Anatomif of Va'te/jrates, III, p. COO. [Chap. XIX]. VOIX ET FACrLTKS MISICALKS. C21 composition «lu gibhon , et on donntM* uno idc't» oxacle, sauf en ^•^^ qui concerne rintensilt'. » M. Walerhouse en donne la notation. Le professeur Owen, qui est aussi un musicien, confirme ce qui précède, el fait remarquer, à tort il est vraî, « qu'on peut dire di; ce gibbon qu'il est le seul des mammifères qui chante. » Il paraît Irès-surexcité après l'exécution de son chant. On n'a malheureuse- ment jamais observé avec soin ses habitudes à l'état de nature ; mais à en juger d'après l'analogie avec tous les autres animaux, on peut supposer qu'il fait surtout entendre ses notes musicales pen- dant la saison des amours. Ce gibbon n'est pas la seule espèce du genre qui ail la faculté de chanter, car mon fils, Francis Darwin, a entendu aux Jardins Zoo- logiques, un //. leuciscns chanter une cadence de trois notes en observant les intervalles musicaux. Il est plus surprenant encore que certains rongeurs émettent des sons musicaux. On a souvent cité, on a souvent exposé des souris chantantes, mais la plupart «lu temps, on a soupijonné quelque tour de passe-passe. Toutefois nous possédons (Mifin une description faite par un observateur bien connu, le rév. S. Lockwood •", relativement aux facultés musicales d'une espèce américaine, V /fespi'fomt/s cognalus, appartenant à lui genre distinct de celui aucpiel appartient la souris anglaise. Ce pe- tit animal vivait en captivité et répétait souvent ses chansons. Dans l'une des deux principales qu'il aimait à chanter, « il faisait parfois «lurer la dernière mesure pendant le temps qu'en auraient duré deux ou trois; parfois aussi il allait de do dièze et vê à do naturel et re, et faisait pimdant quelque temps une trille sur ces deux notes, puis terminait par un mouvement vif sur do dièze et re. H obs<'rvait atlmirabli'uient les demi-tons, et les faisait sentir à une bonne oreilb'. » .M. Lock\v«)0(l a noté ces chants, et il ajoute (pu; bien que cette petite souris « n'ait pas d'oreille pour la mesure, elle en a pour rester dans le ton de si (deux bémols) et strictement «lans le ton majeur... Sa voix claire el douce baisse «l'iinf; octave avec toute la précision possible, puis en terminant, elle remonte à sa trille de do dièze à ré. » In critique s'est demandé comment il pouvait se faire que la sé- lection ail adapté les oreilles de l'homme, et il aurait dil ajout<,'r d'autres animaux, de façon à distinguer les notes musicales. Mais cette question indique quelque confusion du sujet; un bruit est la sensation ({ue nous causent plusieurs simples vibrations a«''ri«'niifs ayant diverses périodes, «lonl chacune s'entre-croisi» si fn-qncin- •Jl. The American SatuialisI, 1871, y. 701. 622 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. ment qu'on n'en peut percevoir l'existence séparée. Un bruit ne diffère d'une note musicale que par le défaut de continuité des vi- brations et par leur manque d'harmonie inter se. En conséquence, pour que l'oreille soit capable de distinguer les bruits, et chacun admet l'importance de cette faculté pour tous les animaux, il faut qu'elle soit sensible aux notes musicales. Nous avons la preuve que cette faculté existe chez les animaux placés très-bas sur l'échelle : ainsi, des crustacés possèdent des poils auditifs ayant différentes longueurs, et qu'on a vus vibrer quand on emploie certaines notes musicales ^^ Comme nous l'avons dit dans un précédent cha- pitre, on a fait des observations semblables sur les poils qui cou- vrent les cousins. Des observateurs attentifs ont positivement af- firmé que la musique attire les araignées. On sait aussi que certains chiens se mettent à hurler quand ils entendent certains sons ^*. Les phoques semblent apprécier la musique ; les anciens connaissaient leur amour pour la musique; et les chasseurs de notre époque ti- rent avantage de ces dispositions. Par conséquent on ne se trouve en présence d'aucune difficulté spéciale, qu'il s'agisse de l'homme ou de tout autre animal, en tant que l'on s'occupe seulement de la simple perception des notes mu- sicales. Helmholtz a expliqué, d'après les'principes physiologiques, pourquoi les accords sont agréables à l'oreille humaine, les désac- cords désagréables; peu importe d'ailleurs, car l'harmonie est une invention récente. La mélodie seule doit nous occuper, et ici encore, selon Helmholtz, il est facile de comprendre pourquoi nous em- ployons les notes de notre échelle musicale. L'oreille décompose tous les sons pour retrouver les simples vibrations, bien que nous n'ayons pas conscience de cette analyse. Dans un accord musical, la note la plus basse est généralement prédominante, et les autres, qui sont moins marquées, sont l'octave, la douzième, etc., toutes harmoniques de la note fondamentale prédominante ; chacune des notes de notre gamme a cette même propriété. Il semble donc évi- dent que si un animal désirait toujours chanter le même air, il se guiderait en essayant tour à tour ces notes qui font partie de plu- sieurs accords, c'est-à-dire qu'il choisirait pour son air des notes qui appartiennent à notre gamme. Si l'on demandait en outre pourquoi les sons disposés dans un 32. Helmholtz, Théorie phys. de la Musique, p. 187, 1868. 33. Plusieurs faits ont été publiés sur ce sujet. M. Peach m'écrit qu'il a sou- vent remarqué qu'un de ses vieux chiens hurlait quand la flûte donnait le si bémol, mais à cette note seulement. Je puis ajouter qu'un autre chien gémissait quand il entendait une noie fausse dans un concerto. ,Chap. XIX;. voix et FACIXTKS MUSICALES. G23 Certain ordre et suivant un certain rhythmo procurent un sentiment (Je plaisir à l'homme et à d'autres animaux , nous ne pourrions ré- pondre qu'eu invoquant le plaisir que font ressentir certaines odeurs et certaines saveurs. Le fait t|ue beaucoup d'insectes, d'araignées, de poissons, d'amphibies et d'oiseaux font entendre ces sons pen- dant la saison des amours, nous autorise à conclure qu'ils évoquent un certain sentiment de plaisir chez les animaux; en effet, il fau-* drail croire, ce qui est impossible, que les efforts persévérants du mâle et les organes complexes qu'il possède souvent pour produire ces sons, sont absolument inutiles, si l'on n'admettait que les fe- melles sont capables de les apprécier et se laissent exciter et séduire par eux '^''. On admet que, chez l'homme, le chant est la base ou l'origine de la musique instrumentale. L'aptitude à produire des notes musi- cales, la jouissance qu'elles procurent, n'étant d'aucune utilité di- recte dans les habitudes ordinaires de la vie, nous pouvons ranger ces facultés parmi les plus mystérieuses dont l'homme soit doué. Elles sont présentes, bien (|u'à un degré fort inférieur, chez les hommes de toutes les races, même les plus sauvages; mais le goût des diverses races est si différent, que les sauvages n'éprouvent aucun plaisir à entendre notre musique, et que la bnir nous paraît horrible et sans signification. Le docteur Seemann fait quelques re- marques intéressantes à ce sujet '"', « il met en doute que même parmi les nations de l'Europe occidentale, si intimement liées par les rapports continuels qu'elles ont ensemble, la musique de l'une soit interprétée de la même manière par une autre. En allant vers l'Est, nous remanpions certainement un langage musical différent. Lt'S chants joyt'ux et les accompagnements de danses ne sont plus, comme chez nous, dans le ton majeur, mais toujours dans le ton mineur. » Que les ancêtres semi-humains de l'homme aient ou non possédé, comme le gibbon cité plus haut, la capacité de produire et daiiprécior les notes musicales, nous avons toute raison de croire (pie Ihomme a possédé ces facultés à une époque fort re- culée. .M. Lartet a décrit deux flûtes faites avec des os et des cornes de rennes; on les a trouvées dans les cavernes au milieu d'instru- ments en silex et de restes d'animaux éteints. Le chant et la danse sont aussi des arts très-anciens, et sont aujourd'hui pratiqués par presque tous les sauvages, même les plus grossiers. La poésie, .14. M. 11. Urown, P,vc. Zool. Soc, p. 410, 1868. :t5. JoUDinl of Antrop. Soc, j). ti.v, Oct. 1870. Voir les derniers cliapitri^s de Prehistorii Tiiiirs de Sir J. Lubhock, 2'^ édit. 1869, qui contient une description reniartiual)l<; îles habitudes des sauva{je8. (i2i L\ DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il" Partie;. qu'on peut considérer comme la fille du chant, est également si ancienne, que beaucoup de personnes sont étonnées qu'elle ait pris naissance pendant les périodes reculées sur lesquelles nous n'avons aucun document historique. Les facultés musicales qui ne font entièrement défaut dans aucune race, sont susceptibles d'un prompt et immense développement, ce que nous prouvent les Hottentots et les nègres, qui deviennent ai- sément d'excellents musiciens, bien que, dans leur pays natal, ils n'exécutent rien que nous p.uissions appeler musique. Toutefois, Schweinfurth a écouté avec plaisir quelques simples mélodies du centre de l'Afrique. Mais il n'y a rien d'anormal à ce que les facul- tés musicales restent à l'état latent chez l'homme ; quelques espèces d'oiseaux, qui naturellement ne chantent jamais, apprennent à émettre des sons sans grande difficulté; ainsi un moineau a appris le chant d'une linotte. Ces deux espèces, étant voisines et apparte- nant à l'ordre des Insessores, qui renferme presque tous les oi- seaux chanteurs du globe, il est possible, probable même, qu'un ancêtre du moineau a été chanteur. Un fait beaucoup plus remar- quable encore est que les perroquets, qui font partie d'un groupe distinct de celui des Insessores, et qui ont des organes vocaux d'une conformation toute différente, peuvent apprendre non seu- lement à parler, mais à siffler des airs imaginés par l'homme, ce qui suppose une certaine aptitude musicale. Néanmoins, il serait téméraire d'affirmer que les perroquets descendent de quelque an- cêtre chanteur. On pourrait, d'ailleurs, indiquer bien des cas ana- logues d'organes et d'instinct primitivement adaptés à un usage, qui ont été, par la suite, utilisés dans un but tout différent '^. L'ap- titude à un haut développement musical que possèdent les races sauvages humaines, peut donc être due, soit à ce que leurs ancê- tres semi-humains ont pratiqué quelque forme grossière de musi- que, soit simplement à ce qu'ils ont acquis dans quelque but dis- tinct des organes vocaux appropriés. Mais, dans ce dernier cas, nous devons admettre qu'ils possédaient déjà, comme dans le cas précité des perroquets, et comme cela paraît être le cas chez beau- coup d'animaux, quelque sentiment de la mélodie. 36. Depuis l'impression de ce chapitre j";ii lu un article remarquable de M. Chauncey Wright {North American Review, p. 293, Oct. 1870). qui, discutant le sujet en question, remarque : « Il y a beaucoup de conséquences des lois finales ou des uniformités de la nature par lesquelles l'acquisition d'une i)uis- sance utile amènera avec elle beaucoup d'avantages ainsi que d'inconvénients actuels ou possibles qui la limitent, et que le principe d'utilité n'aura pas com- pris dans son action. » Ce principe a une portée considérable, ainsi que j'ai cherché à le démontrer dans l'un des premiers chapitres de cet ouvrage, sur l'acquisition qu'a faite l'homme de quelques-unes de ses facultés mentales. [Chap. XIX]. VOIX ET FACULTÉS MUSICALES. 625 La musique excite en nous diverses émotions, mais non par elle-même, les émotions terribles de l'horreur, de la crainte, de la colère, etc. Elle éveille les sentiments plus doux de la tendresse et de l'amour, qui passent volontiers au dévouement. « On peut nu moyen de la musique, disent les annales chinoises, faire descendre le ciel sur la terre. » Elle éveille aussi en nous les sentiments du triomphe et de l'ardeur glorieuse de la guerre. Ces impressions puissantes et mélangées peuvent bien produire le sens de la subli- mité. Selon la nMuarque du docteur Seemann, nous pouvons résu- mer et concentrer dans une seule note de musique plus de senti- ment que dans des pages d'écriture. Il est probable que les oiseaux éprouvent des émotions analogues, mais plus faibles et moins com- plexes, lorsque le mille luttant avec d'atilres mâles fait entendre tous ses chants pour séduire la femelle. L'amour est de beaucoup le thème le plus ordinaire de nos propres chants. Ainsi que le re- marque Herbert Spencer, « la musique réveille des sentiments dont nous n'aurions pas conçu la possibilité, et dont nous ne con- naissons pas la signification; ou, comme le dit Richler; « elle nous parle de choses qiuj nous n'avons pas vues et que nous ne verrons jamais ■*'. >» Kéciproquemenl, lorsqu'un orateur éprouve ou exprime de vives émotions, il emploie instinctivement un rhythme et des ca- dences musicales, et nous faisons de même dans le langage ordi- naire. Un nègre sous le coup d'une vive émotion se met à chanter, " un autre lui répond en chantant aussi, et tous les assistants, tou- chés pour ainsi dire par une onde musicale, finissent par imiter les lieux interlocuteurs. » Les singes se servent aussi de tons diffé- rents pour exprimer leurs fortes impressions, — la colère et l'im- patience par des tons bas, — la crainte et la douleur par des tons aigus *". Les sensations et les idées que la musique ou les cadences M. Voir l'intéressante discussion sur VOriginr et ta fonction de la musique, par M. Herhert Spencer, dans ses Essaijs, p. 359, 1858, dans laquelle l'auteur arrive à une supposition exactement contraire ù la mienne. Il conclut, comme autrefois Diderot, que les cadences employées dans un langage ému fournissent la lase d'après laquelle la musique s'est développée, tandis (|ue je conclus que les notes musicales et le rhythme ont été en premier lieu acquis par les ancêtres mâles ou femelles de l'espèce htuuaine pour charmer le sexe opposé. Des tons musicaux, s'associant ainsi fixement :\ quelques-uns des sentiments passionnés les plus énergiques que l'animal puisse ressentir, sont donc émis instinctivement ou par association, lorsque le langage a de fortes émotions à ex- primer. Pas plus (jue moi, M. Spencer ne peut expliquer, d'une façon satisfai- sante, pourqutji les notes hautes ou basses servent à exprimer certaines émo- tions, tant chez l'homme que chez les animaux inférieurs. M. Spencer ajoute une discussion intéressante sur les rapports entre la poésie, le récitatif et le chant. 38. Rcngger, o. c, 49. 40 626 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie!. d'un discours passionné peuvent évoquer en nous, paraissent, par leur étendue vague et par leur profondeur, comme des retours vers les émotions et les pensées d'une époque depuis longtemps dis- parue. Tous ces faits relatifs à la musique deviennent jusqu'à un cer- tain point compréhensibles, si nous pouvons admettre que les tons musicaux et le rhythme étaient employés par les ancêtres semi- humains de l'homme, pendant la saison des amours, alors que tous les animaux sont entraînés par l'amour et aussi par la jalousie, la rivalité ou le triomphe. Dans ce cas, d'après le principe profond des associations héréditaires, les sons musicaux pourraient réveil- ler en nous, d'une manière vague et indéterminée, les fortes émo- tions d'un âge reculé. Nous avons raison de supposer que le lan- gage articulé est une des dernières et certainement une des plus sublimes acquisitions de l'homme; or, comme le pouvoir instinctif de produire des notes et des rhythmes musicaux existe dans des classes très-inférieures de la série animale, il serait absolument contraire au principe de l'évolution d'admettre que la faculté musi- cale de l'homme a pour origine les diverses modulations employées dans le discours de la passion. Nous devons supposer que les rhythmes et les cadences de l'art oratoire proviennent au contraire de facultés musicales précédemment développées '*. Ceci nous explique que la musique, la danse, le chant et la poésie sont des arts anciens. Nous pouvons même aller plus loin et, comme nous l'a- vons déjà fait remarquer dans un chapitre précédent, affirmer que la faculté d'émettre des notes musicales a servi de base au déve- loppement du langage ***. Certains quadrumanes mâles ont les or- ganes vocaux bien plus développés que les femelles, et le gibbon, un des singes anthropomorphes, peut employer toute une octave de notes musicales et presque chanter ; il n'y a donc rien d'impro- bable à soutenir que les ancêtres de l'homme , mâles ou femelles, ou tous deux, avant d'avoir acquis la faculté d'exprimer leurs ten- dres sentiments en langage articulé, aient cherché à se charmer l'un l'autre au moyen de notes musicales et d'un rhythme. Nous savons si peu de chose sur l'usage que les quadrumanes font de leur voix pendant la saison des amours, que nous n'avons presque 39. WJnwood Reade, The Martyrdom ofmarij 1872, p. 441, et Africain Sketch Book, 1873, vol. II, p. 313. 40. Je trouve dans Lord Monboddo, Origin of Langage, vol. I (1774), p. 469, que le docteur Blacklock pensait également que le premier langage de l'homme avait été la musique, et qu'avant que nos idées fussent exprimées par des sons articulés, elles l'avaient été par des sons inarticulés graves ou aigus selon la circonstance. iChap. XIX]. INFLUENCE DE LA BEAUTE SUR LES MARIAGES. 6i7 aucun moyen de juger si l'habitude de chanter a été acquise en premier lieu par les ancêtres mâles de Thumanilé ou bien par les ancêtres femelles. Les femelles sont généralement pourvues de voix plus douces que les hommes, et, autant que ce fait peut nous servir de guide, il nous autorise à penser qu'elles ont été les pre- mières à acquérir des facultés musicales pour attirer l'autre sexe ". Mais, si cela est arrivé, il doit y avoir fort longtemps, et bien iivani que les ancêtres de l'homme fussent devenus assez humains pour apprécier et ne traiter leurs femmes que comme des esclaves utiles. Lorscjue l'orateur passionné, le barde ou le musicien, par ses tons variés et ses cadences, éveille chez ses auditeurs les émotions les plus vives, il ne se doute pas qu'il emploie les moyens dont se servaient, à une époque extrêmement reculée, ses ancêtres semi-humains pour exciter leurs passions ardentes, pen- dant It'urs rivalités et leurs assiduités réciproques. Influence de la beauté sur les mariages humains. — Chez les na- tions civilisées, l'apparence extérieure do la femme exerce une influence considérable, mais non exclusive, sur le choix que l'homme fait d'une compagne; mais nous pouvons laisser de côté cette partie de la question, car, comme nous nous occupons surtout des temps primitifs, notre seul moyen de juger est d'étudier les habitudes des nations demi-civilisées et même des peuples sauvages actuels. Si nous pouvons établir que, dans des races dilTérentes, les hommes préfèrent des femmes qui possèdent certains caractères, ou, inver- sement, que les femmes préfèrent certains hommes, nous aurons alors à rechercher si un tel choix, continué pendant de nombrcu.^cs générations, a diï exercer quelque elTet sensible sur la race, soit sur un sexe, soit sur les deux; cette dernière circonstance dépen- dant de la forme héréditaire prédominante. Il est utile d'abord de prouver avec quelques détails que les sauvages apportent une grande attention à l'extérieur personnel '*. 41. Voy. une discussion intéressante sur ce sujet dans Ilàckel, (irnrrelle Mor- }>holofjie, voL II, p. 246, 1866. 42. Le professeur Mantegazza, voyageur italien, donne une description excel- lente de la manière dont, dans toutes les parties du globe, les sauvages se dé- corent, dans " Rio de la Plnfa, Magr/j e Slud;, 1867, p. 52")-.545, •> et c'est à cet ouvrage (jue nous avons emprunté les documents suivants, lorsrjue nous n'in- (licjuons pas une autre origine. Voy. Waitz, Introd. to Anfhrn/ifi/iitfi/, vol. I, p. 275, 1863 trad. anglaise). Laurence, lectures on Physiologi/, 1822, entre dans de grands détails. Depuis (jue j'ai écrit ce chapitre. Sir J. Luhhook a puldié «on Origin of CirHisalion, 1870, contenant un intéressant chapitrf sur le pré- sent sujet; je lui ai emprunte (|Uel(|Ues laits (\t. 42, 48) sur rhnl)i(ud<- (piont les sauvages de teindre leurs cheveux et leurs dents et de percer celles-ci. G28 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partik]. Il est notoire qu'ils ont la passion de l'ornementation, et un philo- sophe anglais va jusqu'à soutenir que les vêtements ont été imagi- nés d'abord pour servir d'ornements et non pour se procurer de la chaleur. Ainsi que le fait remarquer le professeur Wailz, « si pau- vre et si misérable que soit un homme, il trouve du plaisir à se parer. » Les Indiens de l'Amérique du Sud, qui vont tout nus, atta- chent une importance considérable à la décoration de leur corps, comme le prouve l'exemple « d'un homme de haute taille qui gagne avec peine par un travail de quinze jours de quoi payer le chica nécessaire pour se peindre le corps en rouge ". » Les anciens bar- bares, qui vivaient en Europe à l'époque du renne, rapportaient dans leurs cavernes tous les objets brillants ou singuliers qu'ils trou- vaient. Aujourd'hui les sauvages se parent partout de plumes, de col- liers, de bracelets, de boucles d'oreilles, etc., etc. Ils se peignent de la manière la plus diverse, c Si l'on avait examiné, » remarque Ilumboldt, « les nations peintes avec la même attention que les nations vêtues, on aurait vu que l'imagination la plus fertile et le caprice le plus changeant ont aussi bien créé des modes de pein- ture que des modes de vêtements. » Dans une partie de l'Afrique, les sauvages se peignent les pau- pières en noir, dans une autre ils se teignent les ongles en jaune ou en pourpre. Dans beaucoup de localités les cheveux sont teints de diverses couleurs. Dans quelques pays, les dents sont colorées en noir, en rouge, en bleu, etc., et dans l'archipel Malais on consi- dère comme une honte d'avoir les dents blanches comme un chien. On ne saurait nommer un seul grand pays compris entre les régions polaires au nord, et la Nouvelle-Zélande au midi, où les indi- gènes ne se tatouent pas. Cet usage a été pratiqué par les anciens Juifs et les Bretons d'autrefois. En Afrique, quelques indigènes se tatouent, mais beaucoup plus fréquemment ils se couvrent de pro- tubérances en frottant de sel des incisions faites sur diverses par- ties du corps; les habitants du Kordofan et du Darfour considèrent que cela constitue de « grands attraits personnels. » Dans les pays arabes il n'y a pas de beauté parfaite « tant que les joues ou les tempes n'ont pas été balafrées **. » Comme le remarque Humboldt, dans l'Amérique du Sud, « une mère serait taxée de coupable indif- férence envers ses enfants, si elle n'employait pas des moyens artificiels pour donner au mollet la forme qui est à la mode dans le 43. Humboldt, Personal Narrative (trad. angl.), IV, p. 515; sur l'iniagination déployée dans la peinture du corps, p. 522; sur les modifications dans la forme du mollet, p. 466. 44. The Nile Tributaries, 1867; The Albert N'yaaza, vol. I, p. 218, 186G. [Chap. XIXJ. influence DE LA BEAUTE SUR LES MARIAGES. 62<) pays. » Dans l'ancien, comme dans le nouveau monde, on modifiail autrefois, pendant l'enfance, la forme du crilne de la manière la plus extraordinaire, et il existe encore des endroits où ces défor- mations sont considérées comme une beauté. Ainsi les sauvages de la Colombie " regardent une tète très-aplatie comme « une con- dition essentielle de la beauté. » Les cheveux reçoivent des soins tout particuliers dans divers pays; là, on les laisse croître de toute leur longueur juscpi'à alt(Mn- dre le sol; ailleurs, on les ramène en « une touffe compacte et frisée, ce qui est l'orgueil et la gloire du Papou **. » Dans l'Africpie du .Nord, un homme a besoin d'une période de huit ou dix ans i)our parachever sa coiffure. D'autres peuples se rasent la tête; il y a des parties de l'.Amérique du Sud et de l'Afrique où ils s'arrachent même les cils et les sourcils. Les indigènes du Nil supérieur s'ar- rachent les quatre incisives, eu disant qu'ils ne veulent pas res- sembler à des brutes. Plus au Sud, les Ratokas se cassent deux incisives supérieures, ce qui, selon la remarque de Livingslone *', donne au visage un aspect hideux, par suite de l'accroissement d<; la mâchoire inférieure; mais ils considèrent la présence des inci- sives comme une chose fort laide, et crient en voyant les Euro- péens : « Regardez les grosses dents! » Le grand chef Sebituani a en vain essayé de changer cette mode. Dans diverses parties de l'Afrique et de l'archipel Malais, les indigènes liment leurs dents incisives, et y pratiquent des dentelures semblables à celles d'une scie, ou les percent de trous, dans lesquels ils sertissent des boutons. Le visage, qui chez nous est la partie la plus admirée pour sa beauté, devient chez les sauvages le siège princii)al des mutilations. Dans toutes les régions du globe, la cloison, et plus rarement les ailes du nez, sont perforées de trous dans lesquels on insère des anneaux, des baguettes, des plumes et d'autres ornements. Par- tout les oreilles sont percées et semblablemcnt ornées. Les Roto- cudos et les Lenguas de l'Amérique du Sud agrandissent gra- duellement le trou afin que le bord inférieur de l'oreille vienne toucher l'épaule. Dans l'Amérique du Nord, dans l'Amérique du Sud et en Afrique, on perce la lèvre supérieure ou la lèvre infé- rieure; chez les Rotocudos l'ouverture de la lèvre inférieure est assez grande pour recevoir un disque en bois de quatre pouces de 45. Cité par Prichard, P/njs. Hift. of Mnnkind, 4" éd., vol. I, p. .'J21, ISM. UJ. Sur les Papous, W'allace, Mnlny Archipe/nr/o, vol. II, p. 4i5. Sur la coif- fun» (les .\fricains, Sir S. Baker, The Alhert .S';/anzn, vol. I, j). 210. 47. Traveh, etc., p. 533. 630 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. diamètre. Mantegazza fait un curieux récit de la honte qu'éprouva un indigène de l'Amérique du Sud, et du ridicule dont il lut cou- vert, pour avoir vendu son tembeta^ grosse pièce de bois colorée qui occupait le trou de sa lèvre. Dans l'Afrique centrale, les femmes se percent la lèvre inférieure et y portent un morceau de cristal, auquel les mouvements de la langue communiquent une agitation frétillante, « qui, pendant la conversation, est d'un comique indes- criptible. » Le chef de Latooka a dit à Sir S. Baker *' que sa femme serait « bien plus jolie si elle voulait enlever ses quatre incisives inférieures, et porter dans la lèvre correspondante un cristal à longue pointe. » Plus au midi, chez les Makalolo , c'est la lèvre supérieure qui est perforée, pour recevoir un gros anneau en mé- tal et en bambou, qui s'appelle un pelélé. a Ceci détermina chez une femme une projection de la lèvre qui dépassait de deux pouces l'extrémité du nez; et la contraction des muscles, lorsque cette femme souriait, relevait sa lèvre jusqu'au-dessus des yeux. » On de- manda au vénérable chef Chinsurdi pourquoi les femmes portaient de pareils objets. Évidemment étonné d'une question aussi absurde, il répondit : « Pour la beauté ! Ce sont les seules belles choses que les femmes possèdent; les hommes ont des barbes, les femmes point. Quel genre de personnes seraient-elles sans le pelélé ? Elles ne seraient pas du tout des femmes, avec une bouche comme l'homme, mais sans barbe **. » Il n'est pas une partie du corps qui ait échappé aux modifications artificielles. Ces opérations doivent causer de très-grandes souf- frances, car beaucoup réclament plusieurs années pour être com- plètes; il faut donc que l'idée de leur nécessité soit impéralive. Les motifs en sont divers : les hommes se peignent le corps pour pa- raître terribles dans les combats ; certaines mutilations se ratta- chent à des rites religieux ; d'autres indiquent l'âge de puberté, le rang de l'homme, ou bien servent à distinguer les tribus. Chez les sauvages, les mêmes modes se perpétuent pendant de longues pé- riodes *"; par conséquent, des mutilations, faites à l'origine dans un but quelconque, prennent de la valeur comme marques distinc- tives. Mais le besoin de se parer, la vanité et l'admiration d'autrui en paraissent être les motifs les plus ordinaires. Les missionnaires 48. The Albert X'yanza, vol. I, p. 217, 1866. 49. Livingstone, British Association, 1860; rapport donné dans VAthenxum, July 1860, p. 29. 50. Sir S. Baker (o. c, I, 210), parlant des indigènes de l'Afrique centrale, dit que chaque tribu a sa mode distincte et invariable pour l'arrangement des che- veux. Voir, sur l'invariabilité du tatouage des Indiens de l'Amazone, Agassiz, Journey in Brazil, p. 318, 1868). [Chap. XIXl. INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGES. 631 de la Nonvolli^-Zélandi' m'ont dit, au sujet du tatouage, qu'ayant cherché à persuader à quelques jeunes filles de renoncer à cette pratique, elles avaient répondu : « Il faut que nous ayons quelques lignes sur les lèvres, car autrement nous serions trop laides en devenant vieilles. » Quant aux hommes de la Nouvelle-Zélande, un Juge compétent *' dit que « la grande ambition des jeunes gens est d'avoir une figure bien tatouée, tant pour plaire aux femmes que pour se mettre en évidence à la guerre. » Une étoile tatouée sur le front et une tache sur le menton sont, dans une partie de l'Afrique, considérées par les femmes comme des attraits irrésistibles ". Dans la plupart des contrées du monde, mais non dans toutes, les hommes sont plus ornés que les femmes, et souvent d'une manière différente; quelquefois, mais cela est rare, les femmes ne le sont presque pas du tout. Les sauvagQ^ obligent les femmes à faire la plus grande partie de l'ouvrage, et ne leur permettent pas de man- ger les aliments de meilleure qualité; il est donc tout naturel qu'avec son égoïsme caractéristique, l'homme leur défende de por- ter les plus beaux ornements. Enfin, fait remarquable que prouvent les citations précédentes, les mêmes modes de modifications dans la forme de la tête, l'ornementation de la chevelure, la peinture et le tatouage du corps, le percement du nez, des lèvres ou des oreilles, l'enlèvement et le limage des dents, etc., prédominent encore, comme elles l'ont fait depuis longtemps, dans les parties les plus différentes du globe. Il est fort improbable que ces pratiques , aux- quelles tant de nations distinctes se livrent, soient dues à une tra- dition provenant d'une source commune. Elles indiquent plutôt, de même que les habitudes universelles de la danse, des mascarades et de roxéculion grossière des images, une similitude étroite de l'esprit de l'homme, à quelque race qu'il appartienne. Après ces remarques préliminaires sur l'admiration que les sau- vages éprouvent pour divers ornements, et même pour des défor- mations qui nous paraissent hideuses, voyons jusqu'à quel point les hommes se laissent attirer par l'aspect de leurs femmes, et quelles idées ils se font sur leur beauté. On a affirmé que les sau- vages sont tout à fait indifférents à la beauté de leurs femmes et qu'ils ne les regardent que comme des esclaves; il importe donc de faire remarquer que cette conclusion ne s'accorde nullement avec le soin que les femmes prennent à s'embellir, non plus qu'avec leur r>\. Rpv. R. Taylor, \ew Zealnnd and Us InkabUants, p. 152, 1855. 52. Mantegazza, Viaggj e Studj, p. 542. 632 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. vanité. Burchell " cite l'amusant exemple d'une femme boschimane qui employait assez de graisse, d'ocre rouge et de poudre bril- lante « pour ruiner un mari qui n'aurait pas été très-riche. » Elle manifestait aussi « beaucoup de vanité, et la certitude très-évi- dente de sa supériorité. » M. Winwood Reade m'apprend que, sur la côte occidentale d'Afrique, les nègres discutent souvent sur la beauté des femmes. Quelques observateurs compétents attribuent la fréquence ordinaire de l'infanticide au désir qu'ont les femmes de conserver leur beauté **. Dans plusieurs pays les femmes por- tent des charmes et emploient des philtres pour s'assurer l'affec- tion des hommes ; et M. Brown indique quatre plantes qu'emploient à cet usage les femmes du nord-ouest de l'Amérique ^'. Hearne ^', qui a vécu longtemps avec les Indiens de l'Amérique, et qui était un excellent observateur, dit en parlant des femmes : <( Demandez à un Indien du Nord ce qu'est la beauté, il répondra : un visage large et plat, de petits yeux, des pommettes saillantes, trois ou quatre lignes noires assez larges au travers de chaque joue, un front bas, un gros menton élargi , un nez massif en crochet, une peau bronzée, et des seins pendant jusqu'à la ceinture ». Pallas, qui a visité les parties septentrionales de l'Empire chinois, dit: « On préfère les femmes qui ont le type mandchou, c'est-à-dire un visage large, de fortes pommettes, le nez très-élargi et d'énormes oreilles " ; » et Vogt fait la remarque que l'obliquité des yeux qui est particulière aux Chinois et aux Japonais, est exagérée dans leurs peintures, surtout lorsqu'il s'agit de faire ressortir la beauté et la splendeur de leur race aux yeux des barbares à cheveux rou- ges. On sait, ainsi que Hue en a fait plusieurs fois la remarque, que les Chinois de l'intérieur trouvent que les Européens sont hi- deux avec leur peau blanche et leur nez saillant. D'après nos idées, le nez est loin d'être trop saillant chez les habitants de Ceylan ; cependant, «au septième siècle, les Chinois, habitués aux nez apla- tis des races mongoles, furent si étonnés de la proéminence du nez des Cingalais, que Tsang les a décrits comme ayant le bec d'un oiseau avec le corps d'un homme ». 53. Traveh in S. Africa, vol. I, p. 414, 1824. 54. Voir Gerland, Ueber dos Aussterben der Naturvulker, p. 51, 53, 55, 1868; Azara, Voyage, etc., II, p. 116. 55. Sur les Productions végétales employées par les Indiens de l'Amérique du Nord-Ouest, Phamiaceutical Journal, X. 56. A Journey from Prince of Wales Fort, p. 89, 1796. 57. Cité par Pricliard, Phys. Hist. of Mankind, 3" éd., IV, p. 519, 1844. Aogt, Leçons sur l'homme, p. 166 (trad. française). L'opinion des Chinois sur les Cin- galais, E. Tennent, Ceyla7i, II, p. 107, 1859. [Chap. XIXi. INFLUENCE DE LA BEAUTE SUR LES MARIAGES. 633 Finlayson, après avoir minulieusemenl décrit les habitants de la Cochincliine, remarque qu'ils se caractérisent par leur tète et leur visage arrondis, et ajoute : « La rondeur de toute la figure est plus frappante chez les femmes, dont la beauté est estimée d'autant plus que cette forme est plus prononcée. » Les Siamois ont de petits nez avec des narines divergentes, une large bouche, des lèvres un peu épaisses, un très-grand visage, à pommettes très- saillantes et très-larges. Il n'est donc pas étonnant que « la beauté telle que nous la concevons leur soit étrangère. En conséquence, ils considèrent leurs femmes comme beaucoup plus belles que les Européennes ** ». On sait que les femmes hottentotes ont souvent la partie posté- rieure du corps très-développée, et sont stéatopygcs ; — particu- larité que les hommes, d'après Sir Andrew Smith", admirent beaucoup. Il en a vu une, regardée comme une beauté, dont les fesses étaient si énormément développées, qu'une fois assise sur un terrain horizontal, elle ne pouvait plus se relever , et devait, pour le faire, ramper jusqu'à ce qu'elle rencontrât une pente. Le même caractère se retrouve chez quelques femmes de diverses tribus nègres; et, selon Burton, les hommes de Somal « choisis- sent leurs femmes en les rangeant en ligne, et prenant celle qui a tergo a la plus forte saillie. Hien ne peut paraître plus détestable ù un nègre que la forme opposée *°. » En ce qui concerne la couleur, les nègres avaient coutume de railler Mungo Park sur la blancheur de sa peau et la proéminence de son nez, deux conformations qui leur paraissaient « laides et peu naturelles.» Quant à lui, il loua le reflet brillant de leur peau et la gracieuse dépression de leur nez , ce qu'ils prirent pour une flatte- rie; ils lui donnèrent pourtant de la nourriture. Les Maures afri- cains fronçaient les sourcils et paraissaient frissonner à la vue de sa peau blanche. Sur la côte orientale d'Afrique, lorsque les en- fants nègres virent Hurlon,ils s'écrièrent : « Voyez l'homme blanc, ne ressemble-t-il pas à un singe blanc? » Sur la côte occidentale, m'a dit M. VV'inwood Reade, les nègres admirent une peau très- noire beaucoup plus qu'une peau à teinte plus claire. Le même 58. PrichartI, emprunté ù Crawlurd et Finlayson, Phys. Hist of Mnnkind, IV, p. 534, 535. 59. <■ Idem illustrissimus viator dixit mihi pnocinctorium vel lahiilam femi- nte, qui)d nobis teterrimum est, quondara permagno lestimari ab hominibus in liac gentp. Nunc res miitata est, et ceusent talem conformationem minime optandam esse » 60. Anihrop. Revieir, p. 2.37, Nov. 1864. Waitz, liitrnd. In Ant/a-opologi/, vol. I, p. 105, 1863 trad. anglaise). 634 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. voyageur dit qu'on peut attribuer leur horreur de la couleur blanche en partie à ce qu'ils supposent que c'est la couleur des démons et des esprits, et en partie à ce qu'ils croient que la couleur blanche de la peau est un signe de mauvaise santé. Les Banyai sont des nègres qui habitent la partie la plus méri- dionale du continent; mais « un grand nombre d'entre eux sont d'une couleur café au lait claire, qui est considérée, dans tout le pays, comme fort belle. » Il existe donc là un autre type de goût. Chez les Cafres , qui diffèrent beaucoup des nègres , « les tribus de la baie Delagoa exceptées, la peau n'est pas habituellement noire, la couleur dominante est un mélange de noir et de rouge, et la nuance la plus commune celle du chocolat. Les tons foncés , les plus répandus , sont naturellement les plus estimés; et un Gafre croirait qu'on lui fait injure si on lui disait qu'il est de couleur claire , ou qu'il ressemble à un blanc. On m'a parlé d'un infortuné qui était si peu foncé, qu'aucune femme ne voulait l'épouser. » Un des titres du roi du Zoulou est « Toi qui es noir *'. » M. Galton, en me parlant des indigènes de l'Afrique méridionale , me fit remar- quer que leurs idées sur la beauté sont fort différentes des nôtres ; il a vu dans une tribu deux jeunes filles minces , sveltes et jolies , que les indigènes n'admiraient point du tout. Dans d'autres parties du globe, à Java, d'après madame Pfeiffer, une femme jaune, et non blanche, est considérée comme une beauté. Un Cochinchinois « parlait dédaigneusement de la femme de l'am- bassadeur anglais à cause de ses dents blanches semblables à celles d'un chien, et de son teint rose comme celui des fleurs des pommes de terre. » Nous avons vu que les Chinois n'aiment pas notre peau blanche, et que les tribus américaines du Nord admirent une « peau basanée. » Dans l'Amérique du Sud, les Yura-caras, qui habitent les pentes boisées et humides des Cordillères orientales, sont re- marquablement pâles de couleur, ce que leur nom exprime dans leur langue; néanmoins ils considèrent les femmes européennes comme très-inférieures aux leurs ®^ Chez plusieurs tribus de l'Amérique du Nord , les cheveux attei- gnent une longueur remarquable, et Catlin cite, comme une preuve curieuse de l'importance qu'on attache à ce fait, l'élection du chef 61. Mungo Park, Travels i?i Af)ica, p. 53, 131, 1816. L'assertion de Burton est citée par Schaflfhausen, Archiv fur Anthropolog., 1866, p. 163. Sur les Banyai, Livingstone, Travels, p. 64. Sur les Cafres, le Rev. J. Shooter, The Kafirs and the Zulu country, vol. l, 1857. 62. Pour les Javanais et les Cochinchinois, W'aitz, o. c, vol. L P- 305. Sur les Yura-caras, A. d'Orbigny cité par Prichard dans Phys. Hist., etc., V, p. 476, 3e édit. [Chap. XIX;. influence de la BEAUTE SUR LES MARIAGES. «35 des Crows, Il fut choisi parce que c'élnil l'homme de la tribu qui avait les cheveux les plus longs; ces cheveux mesuraient 3",:225 de longueur. Les Aymaras et les Quichuas de l'Amérique du Sud ont également les cheveux très-longs , et je tiens de M. D. Forbes qu'ils les considèrent comme une telle marque de beauté , que la punition la plus grave qu'on puisse leur inlliger est de les leur couper. Dans les deux moitiés du continent les indigènes augmen- tent la longueur apparente de leur chevelure en y entrelaçant des matières fibreuses. Bien que les cheveux soient ainsi estimés , les Indiens du nord de l'Amérique regardent comme « très-vulgaires » les poils du visage, et ils les arrachent avec grand soin. Cette pra- tique règne dans tout le continent américain , de l'île Vancouver au nord, à la Terre-de-Feu au midi. Lorsque York Minster, un Fué- gien à bord du Beagie, fut ramené dans son pays, les indigènes lui conseillèrent d'arracher les quelques poils qu'il avait sur le visage. Ils menacèrent aussi un jeune missionnaire qui resta quel- que temps chez eux de le déshabiller et de lui enlever tous les poils du visage et du corps, bien qu'il ne fût pourtant pas un homme très-velu. Cette mode est poussée à un tel point chez les Indiens du Paraguay, qu'ils s'arrachent les poils des sourcils et les cils, pour ne pas ressembler, disent-ils, à des chevaux ". Il est remarquable que , dans le monde entier, les races qui sont complètement privées de barbe n'aiment pas les poils sur le visage et surle corps, et se donnent la peine de les arracher. Les Kalmouks n'ont pas de barbe, et, comme les Américains, s'enlèvent tous les poils épars ; il en est de même chez les Polynésiens, chez quelques .Malais et chez les Siamois. M. Veitch constate que les dames japo- naises « nous reprochent nos favoris, les regardant comme fort laids ; elles voulaient nous les faire enlever pour ressembler aux Japonais. » Les Nouveaux-Zélandais ont la barbe courte et frisée; ils s'arrachent avec soin les poils du visage, et ont pour dicton : « 11 n'y a pas de femme pour un homme velu, » mais la mode parait avoir changé, peut-être à cause de la présence des Européens, et on m'affirme que les Maories admirent aujourd'hui la barbe ". Les races, au contraire, qui possèdent de la barbe, l'admirent 6.'{. Sorth American hiflians, par O. Catlin, vol. I, p. 40; II, p. 227, 3<^ édit., 1812. Sur les naturels de llle Vancouver, voy. Sproat, Scènes and Studies of Savn;je life, p. 23, 1868. Sur les Indiens du Paraguay, Azara, Voyages, etc.. vol. Il, p. 105. 64. Sur les Siamois, Prichard, o. c, IV, p. 533. Japonais, Veitch, dans Gard- ner's Chrcnirle, p. 1104, I8G0. Nouveaux-Zelandais, Mantepaza, Vinyiji, etc., p. .■>2G, 1807. Pour les autres nations voir les références dans Lawrence, Lectures ou P/ii/siolnijy, etc., p. 272, 1822. 636 L.\ DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. j et resliment beaucoup. Chaque partie du corps, d'après les lois des Anglo-Saxons, avait une valeur reconnue; « la perte de la barbe était estimée à vingt shellings, tandis que la fracture d'une cuisse n'était fixée qu'à douze *". » En Orient, les hommes jurent solennellement par leur barbe. Nous avons vu que Chinsurdi, chef des Makalolos en Afrique, re- gardait la barbe comme un grand ornement. Chez les Fidjiens, dans le Pacifique, « la barbe est abondante et touffue, et ils en sont très-fiers »; « tandis que les habitants des archipels voisins de Tonga et de Samoa n'ont pas de barbe et détestent un menton velu. » Dans une seule île du groube Ellice , les hommes ont de fortes et grosses barbes dont ils sont très-fiers ^^ Nous voyons donc combien l'idéal du beau diffère dans les di- verses races humaines. Dans toute nation assez avancée pour fa- çonner les effigies de ses dieux ou de ses législateurs déifiés, les sculpteurs se sont sans doute efforcés d'exprimer leur idéal le plus élevé du beau et du grand ®^. A ce point de vue , il est utile de com- parer le Jupiter ou l'Apollon des Grecs aux statues égyptiennes ou assyriennes, et celles-ci aux affreux bas-reliefs des monuments en ruines de l'Amérique centrale. Je n'ai rencontré que peu d'assertions contraires à cette conclu- sion. M. Winwood Reade , cependant, qui a eu de nombreuses occasions d'observer, non seulement les nègres de la côte occi- dentale d'Afrique, mais aussi ceux de l'intérieur, qui n'ont jamais été en relations avec les Européens, est convaincu que leurs idées sur la beauté sont, en somme, les mêmes que les nôtres. Le doc- teur Rohlfs affirme qu'il en est de même chez les Bornons et dans les pays habités par les PuUo. M. Reade s'est, à plusieurs reprises trouvé d'accord avec les nègres sur l'appréciation de la beauté des jeunes filles indigènes, et leurs idées sur la beauté des femmes européennes correspondait souvent à la nôtre. Ils admirent les longs cheveux et emploient des moyens artificiels pour en augmen- ter, en apparence, l'abondance; ils admirent aussi la barbe, bien qu'ils n'en aient que fort peu. M. Reade est resté dans le doute sur le genre de nez qui est le plus apprécié. Une jeune fille ayant dé- claré qu'elle ne voulait « pas épouser un homme parce qu'il n'avait pas de nez, » il semble en résulter qu'un nez très-aplati n'est pas 65. Lubbock, Origin., etc., p. 321, 1870. 66. Le docteur Barnard Davis cite Prichard et d'autres pour ce qui est relatil aux Polynésiens, dans Anthrop. lieview, p. 185, 191, 1870. 67. Ch. Comte fait quelques remarques sur ce sujet dans son Traité de Légis- lation, p. 136, 3» édit., 1837. rCHAr. XIX . INFLUENCE DE LA BEAUTE SUR LES MARL\GES. 637 admiré. Il faut toutefois se rappeler que les types à nez déprimés très-larges et à mâchoires saillantes des nègres de la côte occiden- tale , sont exceptionnels parmi les habitants de l'Afrique. Malgré les assertions qui précèdent, M. Reade admet que les nègres « n'ai- ment pas la couleur de notre peau ; ils ont une grande aversion pour les yeux bleus et ils trouvent notre nez trop long et nos lèvres trop minces ». 11 ne pense pus que les nègres préfèrent jamais, « par les seuls motifs d'admiration physique, la plus belle Euro- péenne à une négresse d'une belle venue •* ». Un grand nombre de faits démontrent la vérité du principe déjà énoncé par llumboldt *', que l'homme admire et cherche souvent à exagérer les caractères quelconques qui lui ont été départis par la nature. L'usage dos races imberbes d'c.xlirper toute trace de poils sur le visage et généralement sur tout le corps en est un exemple. Beaucoup de peuples anciens et modernes ont fortement modifié la forme du crâne, et il est assez probable qu'ils ont, surtout dans IWmérique du iNord et du Sud, pratiqué cet usage pour exagérer ({uelque particularité naturelle et recherchée. Beaucoup d'Indiens américains admirent une tète assez aplatie pour nous paraître sem- blable à celb; d'un idiot. Les indigènes de la côte nord-ouest com- priment la tète pour lui donner la forme d'un cône pointu. En outre, ils ramènent constamment leurs cheveux pour en former un nœud au sommet de la tète, dans le but, comme le fait remarquer le docteur Wilson, » d'accroître l'élévation apparente de la forme conoïde, qu'ils alfectionnent. » Les habitants d'Arakhan admirent « un front large et lisse, et, pour le produire, attachent une lame (If plomb sur la tète des enfants nouveau-nés. » D'autre part, « un ()cci|)ut large et bien arrondi est considéré comme une grande beauté chez les indigènes des îles Fidji '" ». 08. « T/t>- Africain Skrtdi f/ook », vol. H, 187;i. p. 2.)3, "JDi.jil. « Le.s Fuégicns, mi- (lit un iiii.ssionnaire (|ui a longtemps résilie ciiez eux, regardent les foinnies t'uro|)t'(M»nes coinnie fort belles » ; mais, d'après co (jue j'ai vu du juj,'eni»>nt d'autres indi^'ènt's américains, il me semblf fjue cela doit être erroné, h moins qu'il ne s'agisse de quelques Fuégiens qui, ayant vécu pendant quelque temps avec des lOuropeens, doivent les considérer comme des êtres supérieurs. J'ajouterai qu'un oliservateur expérimenté, le cap. Hurton. croit qu'ime femme que nous considé- rons comme belle est admin-e dans le monde entier. Anthrop. lieview, p. 24."), March, i8(i4. ti!>. l'nsotinl Sfirraliue, IV, p. "ilS (trad. ang.). Mantegazza, Viarjyj e Sludj, I8(»7, in>i>ie fortement sur ce même principe. 70. Sur les crânes des tribus américaines, Nott et Gliddon, Ti/}jr.s ofMnnkint/, p. liO, 18.">l; Prichard, o. c, I, p. •i2[ ; sur les naturels d'Arakhan. ih., l\".j). 'i.'n ; WilM.n, PhysirttI Ellnioloyy, Smithsoniati Inst., p. 288, 1863; sur le» l'idjiens, \i. 290, Sir J. Luliliock [Vrehisioric Times, 2" éd., p. 506, 1860; donne un excel- lent résume sur ce sujet. 038 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partik]. Il en est du nez comme du crâne. A l'époque d'Attila, les Huns avaient l'habitude d'aplatir, au moyen de bandages, le nez de leurs enfants « afin d'exagérer une conformation naturelle. » A Tahiti , la qualification de nez long est une insulte, et, en vue de la beauté, les Tahitiens compriment le nez et le front de leurs enfants. Il en est de même chez les Malais de Sumatra, chez les Hottentots, chez certains nègres et chez les naturels du Brésil '''. Les Chinois ont naturellement les pieds fort petits ", et on sait que les femmes des classes élevées déforment leurs pieds pour en réduire encore les dimensions. Enfin Humboldt croit que les Indiens de l'Amérique aiment à se colorer le corps avec un vernis rouge pour exagérer leur teinte naturelle , comme les femmes européennes ont souvent cherché à augmenter leurs couleurs déjà vives par l'emploi de cos- métiques rouges et blancs. Je doute pourtant que telle ait été l'in- tention de beaucoup de peuples barbares en se couvrant de pein- tures. Nous pouvons observer exactement le même principe et les mêmes tendances vers le désir de tout exagérer à l'extrême , dans nos propres modes, qui manifestent ainsi le même esprit d'émula- tion. Mais les modes des sauvages sont bien plus permanentes que les nôtres , ce qui devient nécessaire lorsqu'elles ont artificielle- ment modifié le corps. Les femmes arabes du Nil supérieur mettent environ trois jours à se coiffer; elles n'imitent jamais les femmes d'autres tribus , « mais rivalisent entre elles pour la perfection de leur propre coiffure. » Le docteur Wilson, parlant des crânes com- primés de diverses races américaines , ajoute : « De tels usages sont de ceux qu'on peut le moins déraciner; ils survivent longtemps au choc des révolutions qui changent les dynasties , et à des parti- cularités nationales d'une bien autre importance '''. » Ce même principe joue un grand rôle dans l'art de la sélection et nous fait comprendre, ainsi que je l'ai expliqué ailleurs''*, le développe- ment étonnant de toutes les races d'animaux et de plantes qu'on élève dans un but unique de fantaisie et de luxe. Les amateurs désirent toujours que chaque caractère soit quelque peu exagéré ; ils ne font aucun cas d'un type moyen : ils ne cherchent pas non 71. Sur les Huns, Godron, De F Espèce, vol. H, p. 300, 1839. Sur les Taïtiens, Waitz, Anthropologie, vol. I, p. 303 (tr. angl.) ; Marsden cité dans Prichard. o. c., V, p. 67; Lawrence, o. c, p 337. 72. Ce fait a été vérifié dans le voyage de la Novara ; partie anthropologique : docteur Weisbach, p. 265, 1867. 73. Smithsonian Institution, p. 289, 1863. Sur les modes des femmes arabes, Sir S. Baker, The Nile Tributarics, p. 121. 1867. 74. La Variation des Animaux et des Plantes, etc., vol. I, p. 214 ; vol. Il, p. 240. [Chap. XIX]. INFLUENCE DE LA BEAUTÉ SUR LES MARIAGE^. G39 plus un chun^'emenl bruscjue ol très-prononcé dans le caractère de leurs races; ils n'admirent que ce qu'ils sont habitués à contempler, tout en désirant ardemment voir toujours chaque trait caractéris- tique se développer de plus en plus. Les facultés perce|)tives ilc l'homme et des animaux sont certai- nement constituées de manière que les couleurs brillantes et cer- taines formes, aussi bien que les sons rhythmiques et harmonieux, leur procurent du plaisir et soient considérées comme choses belles; mais nous ne savons pas pourquoi il en est ainsi. Il n'existe dans l'esprit de l'homme aucun type universel de beauté en ce qui concerne le corps humain. 11 est toutefois possible, mais je n'ai aucune preuve, que certains goûts puissent, avec le temps, être transmis par hérédité. Dans ce cas chaque race posséderait son type idéal inné de beauté. On a soutenu "* que la laideur con- siste en un rapprochement vers la conformation des animaux infé- rieurs, ce qui est sans doute vrai pour les nations civilisées, oîi l'intelligence est hautement appréciée ; mais cette explication ne peut évidemment pas s'appliquer à toutes les formes de la laideur. Dans chaque race, Ihomme préfère ce qu'il a l'habitude de voir, il n'admet pas de grands changements; mais il aime la variété, et apprécie tout trait caractéristique nettement tranché sans être trop exagéré ". Les hommes accoutumés aune figure ovale, à des traits réguliers et droits, et aux couleurs vives, admirent, comme nous Européens, ces points, lorsqu'ils sont bien développés. D'autre part, les hommes habitués à un visage large, à pommettes saillantes, au nez déprimé, et à la peau noire , admirent ces caractères lors- qu'ils sont fortement accusés. Les caractères de toute espèce peu- vent sans doute facilement dépasser les limites exigées pour la beauté. Une beauté parfaite, impliquant des modifications particu- lières d'un grand nombre de caractères, sera donc dans toute race un prodige. Comme l'a dit, 'il |y a longtemps, le grand anatomiste Bichal, si tous les êtres étaient coulés dans le même moule, la beauté n'existerait plus. Si toutes nos femmes devenaient aussi belles que la Vénus de Médicis, nous serions pendant quelque temps sous le charme, mais nous désirerions bientôt de la variété, et, dès qu'elle serait réalisée, nous voudrions voir certains caractè- res s'exagérer un peu au-delà du type commun. 75. Schaaffhnusen, Archiv fût- Anthropoloyie, p. 164, 1866. 76. M. Bain-a recueilli [Mental and Moral Science, p. 30i-."iU, i8(l8 environ une douzaine de théories plus ou moins tliilérentes sur l'idée de beauté; mais aucune n'est identique avec celle donnée ici. CiO LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [IIo Partie]. CHAPITRE XX CARACTÈRES SEXUELS SECONDAIRES CHEZ l'hOMME (sUITe) Sur les effets de la sélection continue des femmes d'après un type de beauté différent pour chaque race. — Causes qui, chez les nations civilisées et chez les sauvages, interviennent dans la sélection sexuelle. — Conditions favorables à celle-ci pendant les temps primitifs. — Mode d'action de la sélection sexuelle (l;ins l'espèce humaine. — Sur la possibilité qu'ont les femmes de choisir leurs maris dans les tribus sauvages. — Absence de poils sur le corps, et le déve- loppement de la barbe. — Couleur de la peau. — Résumé. Nous venons de voir, dans le chapitre précédent, que toutes les races barbares apprécient hautement les ornements, les vête- ments et l'apparence extérieure, et que les hommes apprécient la beauté des femmes en se plaçant à des points de vue très-différents. Nous avons maintenant à rechercher si cette préférence pour les femmes que les hommes, dans chaque race, considèrent comme les plus attrayantes, et la sélection continue qui en a été la consé- quence, pendant de nombreuses générations, ont modifié les ca- ractères des femmes seules, ou ceux des deux sexes. La règle gé- nérale chez les mammifères paraît être l'égale hérédité des caractères de tous genres par les mâles et par les femelles ; nous sommes donc autorisés à penser que, dans l'espèce humaine, tous les ca- ractères acquis par les femmes en vertu de l'action de la sélection sexuelle, ont dû ordinairement se transmettre aux descendants des deux sexes. Si ce principe a amené des modifications, il est presque certain que les diverses races ont dû se modifier d'une façon diffé- rente, car chacune a son type propre de beauté. Dans l'espèce humaine, surtout chez les sauvages, de nombreuses causes viennnent s'immiscer dans les effets de la sélection sexuelle, en ce qui concerne l'ensemble du corps. Chez les peuples civilisés, les charmes intellectuels des femmes, leur fortune et surtout leur position sociale exercent une influence considérable sur l'esprit des hommes ; car ceux-ci choisissent rarement une compagne dans un rang de beaucoup inférieur à celui qu'ils occupent eux-mêmes. Les hommes qui réussissent à épouser les femmes les plus belles, n'ont pas une meilleure chance que ceux qui ont une femme moins belle, de laisser une longue lignée de descendants, à l'exception du petit nombre de ceux qui lèguent leur fortune selon la primogéniture. Quant àla forme contraire de la sélection, celle des hommes les plus beaux par les femmes, bien que , dans les pays civilisés, celles-ci ICiiAP. XX]. CARACT. SEXUELS SECONDAIRES CHEZ LHOMMK. GH aient le choix libre ou à peu près , ce qui n'est pas le cas chez les races sauvages, ce choix est cependant considérablement inducncé par la position sociale et par la fortune de l'homme; or, le succès de ce dernier dans la vie dépend beaucoup de ses facultés intellec- tuelles et de son énergie, ou des fruits que ces mêmes facultés ont produits chez ses aïeux. 11 est inutile d'invoquer une excuse pour traiter ce sujet avec quelques détails; comme le fait si bien remar- (|ucr le philosophe allemand Schopenhauer, « le but de toutes les in- trigues d'amour, que ce résultat soit comique ou tragique, a réel- lement plus d'importance que tous les desseins que peut se proposer l'homme. En effet, il ne s'agit de rien moins que de la composition de la génération suivante... il ne s'agit pas ici du bonheur ou du malheur d'un individu, mais c'est le bonheur ou le malheur de la race humaine qui est en jeu '. » Il y a toutefois des raisons de croire que la sélection sexuelle a j)roduit quelques résultats au point de vue de la modification de la forme du corps, chez certaines nations civilisées ou à demi civili- sées. Beaucoup de personnes ont la conviction, qui me paraît juste, que les membres de notre aristocratie, en comprenant sous ce terme toutes les familles opulentes chez lesquelles laprimogéniture a longtemps prévalu, sont devenus plus beaux selon le type euro- péen admis, que les membres des classes moyennes, par le fait qu'ils ont, pendant de nombreuses générations, choisi dans toutes les classes les femmes les plus belles pour les épouser; les classes moyennes, cependant, se trouvent placées dans des conditions éga- lement favorables pour un parfait développement du-«orps. Cook fait la remarque que la supériorité de l'apparence personnelle « qu'on observe chez les nobles de toutes les autres îles du Paci- fique se retrouve dans les îles Sandwich; » ce qui peut principale- iin'iit provenir d'une meilleure nourriture et d'un genre de vie moins rude. ^ L'ancien voyageur Chardin, décrivant les Persans, dit que << leur sang s'est considérablement amélioré par suite de fréquenls mé- langes avec les Géorgiens et les^Circassiens, deux peuples quil'em- |)orlent sur tous ceux de l'univers par leur beauté personnelle. Il y a en Perse peu d'hommes d'un rang élevé qui ne soient nés d'une mère géorgienne ou ,circassienne. » Il ajoute qu'ils héritent de la l.eaulé (le leurs mères, et non de leurs ancêtres; car, sans b; mé- lange en (jucstion, les Persans de distinction, qui descendent des 1. " Schopenhauer and Darwinism » in Journal of Anthrop. Janvii-r 18*1, ].. 323. 41 W2 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. Tartares, sont fort laids *. Voici un cas plus curieux : les prêtres- ses attachées au temple de Vénus Erycinaà San Giuliano, en Sicile, étaient choisies dans toute la Grèce entre les plus belles femmes ; n'étant pas assujetties aux mêmes obligations que les vestales, il en est résulté, suivant de Quatrefages ', qu'aujourd'hui encore les femmes de San Giuliano sont célèbres comme les plus belles de l'île et recherchées comme modèles par les artistes. Les preuves cependant sont évidemment douteuses dans les deux cas que nous venons de citer. Le cas suivant, bien qu'ayant trait à des sauvages, mérite d'être rapporté comme très-curieux. M. Winwood Reade m'apprend que les Jollofs, tribu nègre de la côte occidentale d'Afrique, « sont re- marquables par leur beauté. » Un des amis de M. W. Reade ayant demandé à l'un de ces nègres : « Comment se fait-il que vous ayez tous si bonne façon, non seulement vos hommes, mais aussi vos femmes ? » Le JoUof répondit : « C'est facile à comprendre : nous avons toujours eu l'habitude de vendre nos esclaves les plus laides. » Il est inutile d'ajouter que, chez tous les sauvages, les femmes esclaves servent de concubines. Que ce nègre ait, à tort ou à raison, attribué la belle apparence des hommes de sa tribu à une élimination longtemps continuée des femmes laides, n'est pas si étonnant que cela peut paraître tout d'abord, car j'ai prouvé ail- leurs * que les nègres apprécient pleinement l'importance de la sé- lection dans l'élevage de leurs animaux domestiques, fait pour le- quel je pourrais emprunter à M. Reade de nouvelles preuves. Sur les causes qui empêchent et limitent Faction de la sélection sexuelle chez les sauvages. — Les causes principales sont : première- ment, la promiscuité; secondement, l'infanticide, surtout du sexe féminin; troisièmement, les fiançailles précoces; enfin, le peu de cas qu'on fait des femmes, qui sont considérées comme de simples esclaves. Ces quatre points méritent d'être examinés avec quelques détails. Si l'accouplement de l'homme ou de tout autre animal est une sim- ple affaire de hasard, sans que l'un des deux sexes fasse un choix, il est évident que la sélection sexuelle ne peut intervenir; la réus- site plus complète de certains individus ne produira aucun effet sur 2. Ces citations sont prises dans Lawrence {Lectures on Physiologij, etc., p. 393, 1822), qui attribue la beauté des classes supérieures, en Angleterre, au fait que les hommes ont longtemps choisi les femmes les plus belles. 3. Anthropologie., Rev. des Cours scientifiques, p. 721. Oct. 1868. 4. De la Variation, etc., vol. I, p. 219 (trad. franc., 1868). [Chap. XX]. SIR LES CAUSES QUI EMPECHENT LA SELECTION. G4.T la descendance. On assure qu'il existe des tribus qui pratiquent ce que Sir J. Lubbock appelle des mariages en commun; c'est-à-dire que tous les hommes et toutes les femmes de la tribu sont récipro- quement maris et femmes vis-à-vis les uns des autres. Le dérègle- ment est très-grand chez les sauvages, et pourtant de nouvelles preuves seraient nécessaires avant d'admettre celte promiscuité absolue dans les relations des deux sexes. Néanmoins, tous les au- teurs qui ont étudié de près le sujet', et dont les appréciations ont plus de valeur que les miennes, croient que le mariage en commun (cette expression s'entend de deux ou trois façons différentes), que ce mariage en commun donc, y compris même le mariage entre frères et sœurs, a di\ être la forme primitive et universelle dans le monde entier. Feu A. Smith, qui a beaucoup voyagé dans l'Afrique australe et qui a longuement étudié les moeurs des sauvages en Afrique et autre part, m'a affirmé qu'il n'existe aucune race chez laquelle la femme soit considérée comme la propriété de la communauté. Je crois que son jugement a été largement influencé par la significa- tion qu'il donne au terme mariage. Dans toute la discussion suivante, j'attribue à ce terme le sens qu'implique le mot monogame, attri- bué par un naturaliste aux animaux, c'est-à-dire, que le mâle est accepté par une seule femelle, ou choisit une seule femelle cl vit avec elle, soit seulement pendant l'élevage des jeunes, soit pen- dant toute l'année, s'assurant cette possession par la loi de la force ; ou le mot polygame, c'est-à-dire que le mâle vit avec plusieurs femelles. Nous n'avons à nous occuper ici que de cette seule espèce de mariage, car elle suffit pour évoquer l'action de la sélection na- turelle. La plupart des écrivains que j'ai cités plus haut attribuent au contraire au terme mariage l'idée d'un droit reconnu et protégé par la tribu. Les preuves indirectes qui viennent à l'appui de l'hypothèse du mariage en commun sont très-fortes, et reposent surtout sur les termes exprimant les rapports de parenté employés par les mem- 5. sir J. Lubbock, Origin of Civilization, chap. m, p. 60-67, 1870. M. Mc-Lennan, ilans son excellent ouvrage : Primitive Mnrrinije, p. 16.'{, 186."), parle des unions (les sexes comme ayant été dans les temps anciens fort relAchées, transitoires, et à certains degrés entachées de promiscuité. M. Mo Lennan et Sir J. Lub- bock ont recueilli beaucoup de preuves du dérèglement des sauvages actuels. M. L. H. Morgan, dans son intéressant mémoire sur le système de classifica- tion par la parenté iProc. Amrrican Acad. of Sciences. VII, p. 475, 18CS), con- clut que, dans les temps primitifs, la |)olygaraie, ainsi que le mariage sous toutes ses formes, étaient absolument inconnus. Il parait, d'après Sir .F. Lub- bock, que Bachofen partage également l'opinion que primordialement la pro- miscuité a été prépondérante. 0*4 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [II« Partie]. bres d'une même tribu; ces termes impliquent parenté avec la tribu seule, et non avec des parents distincts. Ce sujet est trop étendu et trop compliqué pour que je puisse même en donner ici un aperçu; je me bornerai donc à présenter quelques observations. Il est évi- dent que, dans le cas des mariages en commun, ou de ceux où le lien conjugal est très-relâché, la parenté de l'enfant vis-à-vis de son père reste inconnue. Mais il est presque impossible que la parenté de l'enfant avec sa mère puisse jamais avoir été ignorée complètement, d'autant plus que, dans la plupart des tribus sau- vages, les femmes nourrissent très- longtemps leurs enfants; aussi, dans beaucoup de cas, les lignes de descendance ne se tracent que par la mère seule, à l'exclusion du père. Cependant, dans d'autres cas, les termes employés expriment une parenté avec la tribu seule, à l'exclusion même de la mère. L'aide et la protec- tion réciproques si nécessaires pour les individus d'une même tribu sauvage, exposée à toutes sortes de dangers, ont pu donner une plus grande force, une importance beaucoup plus grande, à l'union à la parenté entre ces différents individus qu'à l'union même entre la mère et l'enfant : de là sans doute ces termes de parenté qui expriment les rapports de chacun avec la tribu. M. Morgan ne trouve cette explication nullement suffisante. D'après cet auteur, on peut grouper les termes exprimant, dans toutes les parties du monde, les rapports de parenté, en deux classes : l'une classificatoire, l'autre descriptive ; c'est cette der- nière que nous employons. Le système classificateur conduit à la conclusion que les mariages en commun, ou de formes très-relà- chées, étaient à l'origine universels. Mais, il n'en résulte pas la né- cessité de croire à des rapports de promiscuité absolue, et je suis heureux de voir que Sir J. Lubbock partage cette opinion. Dans le cas d'unions rigoureuses, en vue de la naissance de l'enfant, mais temporaires, à la manière de grand nombre d'animaux inférieurs, il a pu s'introduire dans les termes exprimant la parenté presque autant de confusion que si l'on admet la promiscuité absolue. En ce qui concerne la sélection sexuelle, il suffit que le choix soit exercé avant l'union des parents, et il importe peu que les unions durent toute la vie ou une seule saison. Outre les preuves tirées des termes de parenté, d'autres raisons viennent indiquer que le mariage en commun a eu autrefois la pré- pondérance. Sir J. Lubbock' explique l'habitude étrange et si ré- 6. Discours à l'Association Britannique, On the Social and religions Concluions of the lotver races of Man, p. 20, 1870. <;iiAP. XX ;. sru les causes qui empêchent la sélection. g4.-, panduc de l'exogamie, — c'est-à-dire que les hommes d'une tribu prennent toujours leurs femmes dans une autre tribu, — en suppo- sant que le communisme a été la forme primitive du mariag»;. L'homme, selon Sir J. Lubbock, no pouvait avoir de femme à lui seul à moins de l'enlever à une tribu voisine et hostile; elle deve- nait naturellement alors sa propriété particulière. Le rapt des femmes a pu naître ainsi, et devenir ultérieurement une habitude universelle, en raison de l'honneur qu'il procurait. Cette hypothèse nous permet aussi, d'après Sir J. Lubbock, de comprendre « la né- cessité d'une expiation pour le mariage, lequel était une infraction aux règles de la tribu, puisque, selon les idées anciennes, un homme n'avait aucun droit à s'approprier ce qui appartenait à la tribu entière. » Sir J. Lubbock ajoute unensemblede faits des plus curieux, prouvant que, dans les temps anciens, on honorait haute- ment les femmes les plus licencieuses, ce que, comme il l'explique, l'on ne comprend, qu'en admettant que la promiscuité a été une coutume primitive, et par conséquent une coutume respectée de- puis longtemps par la tribu ''. Bien que le mode de développement du lien conjugal soit un sujet obscur, comme semble le prouver la divergence, sur divers points, des opinions des trois auteurs qui ont étudié ce sujet avec le plus de soin, MM. Morgan, Me Lennan et Sir J. Lubbock, il pa- raît cependant résulter de diverses séries de preuves que l'habitude du mariage ne s'est développée que graduellement, et que la pro- miscuité était autrefois très-commune dans le monde *. Néanmoins, à en juger par l'analogie avec les animaux, et surtout avec ceux (|ui, dans la série, sont les plus voisins de l'homme, je ne puis croire que la promiscuité absolue ait prévalu à une époque extrê- mement reculée peu avant que l'homme ait atteint son rang actuel (huis l'échelle zoologique. L'homme, comme j'ai cherché à le démontrer, descend certainement de quelque être simien. Autant que les habitudes des Quadrumanes nous sont connues, les mâles de quelques espèces sont monogames, mais ne vivent avec les femelles qu'une partie d«; l'année, ce «pii paraît être le cas de l'O- rang. D'autres espèces, plusieurs singes indiens et américains, par exemple, sont strictement monogames et vivent l'année entière avec leur femelle. D'autres sont polygames comme le Gorille etplu- 7. Originof('ivilizatiûn,p.Sii, 1870. Voiries ouvrages précités sur lajpareni»' rattachée au sexe féminin, ou à la tribu seulement. 8. M. C.Sianiland Wake se prononce vivement [Anthropologia, Mardi, 187i, p. 197) contre les opinions île ces trois écrivains relativement à l'existence antérieure dune promiscuité presque absolue ; il pense que l'on peut expliquer autrement le système classiflcatoire de parenté. 640 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile PartieJ. sieurs espèces américaines, et chaque famille vit à part. Même dans ce cas, les familles qui habitent le même district ont probablement quelques rapports sociaux; on rencontre quelquefois, par exemple, de grandes troupes de Chimpanzés. D'autres espèces sont poly- games, et plusieurs mâles, ayant chacun leurs femelles, vivent as- sociés en tribus; c'est le cas de plusieurs espèces de Babouins *. Nous pouvons même conclure de ce que nous savons de la jalousie de tous les mammifères mâles, qui sont presque ti)us armés de façon à pouvoir lutter avec leurs rivaux, qu'à l'état de nature la promiscuité est chose extrêmement improbable. Il se peut que l'accouplement ne se fasse pas pour la vie entière, mais seulement pour le temps d'une portée; cependant si les mâles les plus forts et les plus capables de protéger ou d'assister leurs femelles et leurs petits, choisissent les femelles les plus attrayantes, ceci suffit pour déterminer l'action de lasélection'sexuelle. Par conséquent, si nous remontons assez haut dans le cours des temps, et à en juger par les habitudes sociales de l'homme actuel, l'opinion la plus probable est que l'homme primitif a originellement vécu en petites communautés, chaque mâle avec une seule femme, et, s'il était puissant et fort, avec plusieurs femmes qu'il devait dé- fendre avec jalousie contre tout autre homme. Ou bien, l'homme n'était pas un animal sociable et il peut avoir vécu seul avec plu- sieurs femmes, comme le Gorille, au sujet duquel les indigènes s'accordent à dire « qu'on ne voit jamais qu'un mâle adulte dans la bande, et que lorsqu'un jeune mâle s'est développé, il y a lutte pour le pouvoir; le plus fort, après avoir tué ou chassé les autres, se met à la tête de la communauté ***. » Les jeunes mâles, ainsi expulsés et errants, réussissent à la fin à trouver une compagne, ce qui évite ainsi des entre-croisements trop rapprochés dans les limites de la même famille. Bien que les sauvages soient actuellement très-licencieux et que la promiscuité ait pu autrefois régner sur une vaste échelle, il existe cependant chez quelques tribus certaines formes de mariage, mais de nature bien plus relâchée que chez les nations civilisées. La polygamie est presque toujours habituelle chez les chefs de tribu. 11 y a, néanmoins, des peuples qui sont strictement monogames, bien qu'ils occupent le bas de l'échelle. C'est le cas des Veddahs 9. Brehm (lllustr. Thierleben, I, p. 77) dit que le Cynocephalus hamadi^yas vit en grandes troupes contenant deux fois autant de femelles que de mâles adultes. Voy. Rengger, sur les espèces polygames américaines, et Owen {Anat.of Vevt., III, p. 746), sur les espèces monogames du pays. 10. Docteur Savage, Boston Joum. Nat. Hist., Y, p. 423, 1845-47. [Chap. XX], INFANTICIDE. 647 de Ceylan, chez lesquels, d'après Sir J. Lubbock ", on dit « que la mort seule peut séparer le mari de la femme. » l'n chef Kandyan, intelligent et polygame bien entendu, « était fort scandalisé à la pensée qu'on pilt vivre avec une seule femme, et qu'on ne s'en sé- parât qu'à la mort. C'est vouloir, disait-il, ressembler aux singes Ouanderous.» Je ne prétends nullement faire des conjectures sur le point de savoir si les sauvages qui, actuellement, pratiquent le ma- riage sous une forme quelconque, soit polygame, soit monogame, ont conservé celle habitude depuis les temps primitifs, ou s'ils y sont revenus après avoir passé par une phase de promiscuité. Infanticide. — L'infanticide est encore très-répandu dans le monde, et nous avons des raisons de croire qu'il a été bien plus largement pratiqué dans les temps anciens '*. Les sauvages ont beaucoup de difficulté à s'entretenir, eux et leurs enfants ; ils trou- vent donc très-simple de tuer ces derniers. Quelques tribus de r.Anu'-rique du Sud avaient détruit tant d'enfants des deux sexes, dit A/ara, qu'elles étaient sur le point de s'éteindre. Dans les îles Polynésiennes, il y a des fenmies qui ont tué quatre, cinq et même jusqu'à dix de leurs enfants. Ellis n'a pu rencontrer une seule femme qui n'en ait tué au moins un. Partout où l'infanticide si; pra- tique, la lutte pour l'existence devient d'autant moins rigoureuse, et tous les membres de la tribu ont une chance également bonne d'élever quelques enfants qui survivent. Dans la plupart des cas, on détruit un plus grand nombre d'enfants du sexe féminin que du sexe masculin; ces derniers ont évidemment plus de valeur pour la tribu j car, une fois adultes, ils peuvent concourir à sa défense, cl|)Ourvoir eux-mêmes à leur entrelien. Mais plusieurs observateurs, et les femmes sauvages elles-mêmes, mentionnent, comme autres motifs de l'infanticide, la peine que les mères ont à élever les en- fants, la perte de beauté qui en résulte pour elles, la plus grande valeur des enfants et le sort meilleur qui les attend s'ils sont en pt'lit nombre. En Australie, où l'infanticide des filles est encore fré- (juenl. Sir G Grey estime que le nombre des femmes et des hom- mes indigènes est dans le rapport do un à trois; 'd'autres disent de deux à trois. Dans un village situé sur la frontière orientale de rinde, le colonel MaccuUoch n'a pas trouvé un seul enfant du sexe féminin "'. li. Pre/nstorie Times, 1869, p. 42*. 12. M. Me Lennan, Primitive Marriage, 1865. Voy. surtout, sur rexog.imie et linfanticide, p. 130, 138, 16.'). 13. Docteur Gerland (Veher dos Aussterben der Naturvôlker, 1868) a recueilli beaucoup de renseignements sur l'infanticide; voy. les p. 27, .51, 54. Azara 648 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Paeitik'. La coutume de l'infanticide des filles, diminuant le nombre des ' femmes dans une tribu, a dû naturellement faire naître l'usage d'en- lever celles des tribus voisines. Toutefois, Sir J. Lubbock, comme nous l'avons vu, attribue surtout cet usage à l'existence antérieure de la promiscuité, qui poussait les hommes à s'emparer des femmes d'autres tribus afin qu'elles fussent de fait leur propriété exclusive. On peut encore indiquer d'autres causes, ainsi le cas oi!i la com- munauté était fort peu nombreuse, le manque des femmes à ma- rier. De nombreuses coutumes, des cérémonies curieuses qui se sont conservées, et dont M. McLennan fait un intéressant résumé, prou- vent clairement.que l'habitude d'enlever les femmes a été autrefois très-répandue, même chez les ancêtres des peuples civilisés. Dans notre cérémonie moderne du mariage, la présence du « garçon d'honneur » semble rappeler le souvenir du complice et principal compagnon du fiancé, alors que celui-ci cherchait à capturer une femme. Or, aussi longtemps que les hommes employèrent la ruse et la violence pour se procurer des femmes, il est peu probable qu'ils aient pris la peine de choisir les plus attrayantes ; ils ont dû se contenter de celles qu'ils pouvaient enlever. Mais dès que s'est établi l'usage de se procurer des femmes dans une autre tribu par voie d'échange, par le trafic, ce qui a encore lieu dans bien des endroits, ce sont les femmes les plus attrayantes qui ont dû de pré- férence être achetées. Le croisement continuel entre les tribus ré- sultant nécessairement de tout commerce de ce genre aura eu pour conséquence de provoquer et de maintenir une certaine uniformité de caractère chez tous les peuples habitant le même pays, fait qui doit avoir beaucoup diminué l'action de la sélection sexuelle au point de vue de Indifférenciation des tribus. La disette de femmes, conséquence de l'infanticide dont les en- fants de ce sexe sont l'objet, entraîne à une autre coutume, la po- lyandrie, qui est encore répandue dans bien des parties du globe, et qui, selon M. Me Lennan, a universellement prévalu autrefois : conclusion que mettent en doute M. Morgan et Sir J. Lubbock'*. Lorsque deux ou plusieurs hommes sont obligés d'épouser la même femme, il est certain que toutes les femmes de la tribu sont ma- riées, et que les hommes ne peuvent pas choisir les femmes les plus attrayantes. Mais il n'est pas douteux que, dans ces circon- {Voyages, etc., II, p. 94, 116) entre dans les détails sur ses causes. Voj-. aussi Me Lennan (o. c, p. 139) pour des cas dans l'Inde. 14. Me Lennan, Primitive Marriage, p. 208; Sir J. Lubbock, Oriyin, etc., p. 100. Voy. aussi M. Morgan (o. e.) sur la prépondérance qu'a eue autrefois la polyandrie. [Chap. XX . FIANÇAILLES PRÉCOCES ET ESCLAV. DES FEMMES. 61!» stances, les femmes de leur côlé n'exercent quelque choix, et pro- fèrent les hommes qui leur plaisent le plus. Azara nous dit, par exemple, avec quelle ténacité marchande une femme Guana, pour avoir toutes sortes de privilèges, avant d'accepter un ou plusieurs maris; aussi les hommes prennent-ils pour cette raison un soin tout spécial de leur apparence personnelle '*. Chez les ïodas de l'Indtî qui pratiquent aussi la polyandrie, les femmes ont le droit d'accep- ter ou de refuser qui leur plaît. Les hommes très-laids pourraient, dans ce cas, ne jamais obtenir de femme, ou n'en obtenir qu'à une époque fort tardive de la vie ; quant aux plus beaux hommes, quoique réussissant mieux à se procurer une femme, ils n'auraient pas, à ce qu'il nous semble, plus de chance de laisser un plus grand nombre de descendants pour hériter de leur beauté, que les maris moins beaux de ces mômes femmes. fi Innrailles précoces et esclavage des femmes. — Chez beaucoup d" peuples sauvages, il est d'usage de fiancer les femmes lorsqu'elles sont en bas âge, ce qui empêche, des deux côtés, toute préférence motivée sur l'apparence personnelle ; mais cela n'empêche pas les femmes plus attrayantes d'être par la suite enlevées à leurs maris par d'autres hommes plus forts, ce qui arrive souvent en Australie, en Amérique, et dans d'autres parties du globe. L'usage presque exclusif que font de la femme la plupart des sauvages, comme esclave ou comme bêle de somme, aurait jusqu'à un certain poiiil les mêmes conséquences, quant à la sélection sexuelle. Toutefois, les hommes doivent toujours choisir les plus belles femmes escla- ves d'après leur idée de la beauté. Nous voyons ainsi qu'il règne chez les sauvages plusieurs cou- tumes qui peuvent considérabh^ment diminuer ou même arrêter complètement l'action de la sélection sexuelle. D'autre part, les con- ditions de la vie des sauvages et quelques-unes de leurs habitudes sont favorables à la sélection naturelle, qui entre toujours en jeu avec la sélection sexuelle. Ils soulTrerit souvent de famines rigou- reuses; ils n'augmentent pas leurs aliments par des moyens artifi- ciels; ils s'abstiennent rarement du mariage" et se marient ordi- nairement jeunes. Ils sont, par conséquent, souvent soumis à des 1.'. Voijages, etc., II, p. î)2-95. Colonel Marshall, « Amongst the Todos », p. 212. IG. Rurchell (Trnvels in S. Africn, II, p. 58, 1824) »lit que chez les |K'uplf.s sauvages fie l'Afrique du Sud, le célibat ne 8'ol>scrve jamais, ni chez les homnjes ni chez les femmes. Azara (o. c, II, p. 21, 180!>) fait preci.sement la même n— manpn' à propos des Indiens sauvages de l'Amérique méridionale. 650 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il* Partie]. luttes très-rigoureuses pour l'existence, luttes auxquelles ne peu- vent résister et survivre que les individus les plus favorisés. A une époque très-reculée, avant que l'homme eût atteint sur l'échelle des êtres la position qu'il occupe aujourd'hui, les condi- tions de son existence devaient être très-difîérentes de ce qu'elles sont à présent. A en juger par analogie avec les animaux inférieui*s, il vivait avec une seule femme ou pratiquait la polygamie. Les mâles les plus capables et les plus puissants devaient mieux réus- sir à obtenir les femelles les plus belles. Ils devaient mieux réussir aussi dans la lutte générale pour l'existence et dans la défense de leurs femelles et de leurs petits, contre leurs ennemis de tout genre. A cette époque primitive, les ancêtres de l'homme ne devaient pas diriger leurs regards vers des éventualités éloignées, car leurs fa- cultés intellectuelles étaient encore bien imparfaites ; ils ne devaient donc pas prévoir que l'élevage de tous leurs enfants, et surtout des enfants femelles, rendrait plus difficile pour la tribu la lutte pour l'existence. Ils devaient écouter beaucoup plus leurs instincts et beaucoup moins leur raison que les sauvages actuels. Ils n'ont pas dû, à cette époque, perdre l'un des instincts les plus puissants, commun à tous les animaux inférieurs, celui de l'amour pour leurs petits, et l'idée d'infanticide peut être écartée. Il ne devait donc y avoir aucune rareté artificielle de femmes, et, comme conséquence, pas de polyandrie ; car la rareté des femmes est la seule cause assez puissante pour contrebalancer les instincts de jalousie que l'on rencontre chez presque tous les animaux, et le désir que chaque mâle éprouve de posséder une femelle pour lui seul. La polyandrie me paraît mener directement à la promiscuité complète ou au ma- riage en commun ; toutefois les meilleures autorités à ce sujet croient que la promiscuité a précédé la polyandrie. A cette époque primitive il ne devait pas y avoir de fiançailles prématurées, car cette coutume implique une certaine prévoyance. Les deux sexes, si les hommes le permettaient aux femmes, devaient choisir leur compagnon, sans avoir égard aux charmes de l'esprit, à la fortune, à la position sociale, mais en s'occupant presque uniquement de l'apparence extérieure. Tous les adultes devaient s'accoupler ou se marier, tous les enfants devaient autant que possible s'élever; de sorte 'que la lutte pour l'existence devait devenir périodiquement très-rigoureuse. Dans ces temps primitifs toutes les conditions favorables à l'action de la sélection sexuelle devaient donc exister dans une proportion beaucoup plus grande que plus tard, alors que les aptitudes intellectuelles de l'homme avaient progressé, et que les instincts avaient diminué. Par conséquent, quelle qu'ait pu être [Ch.vp. XX :. LA SELECTION SEX. DANS L'ESPECE HUMAINE. 651 l'influence de la sélection sexueIK' pour produire les différences qui existent entre les diverses races humaines et entre rhomme et les (|uadrumanes supérieurs, cette influence, à une époque fort recu- lée, a dû être beaucoup plus puissante qu'elle ne l'est aujourd'hui. Mode d'action de la sélection sexuelle sur Vespèce humaine. — Chez l'homme primitif placé dans les conditions favorables que nous venons d'indiquer, et chez les sauvages qui, de nos jours, contractent un lien nuptial quelconque (lien sujet à diverses modiflcations selon que les pratiques de l'infanticide des enfants du sexe féminin, des fiançailles prématurées existent plus ou moins, etc.), la sélec- tion sexuelle a dû probablement agir de la manière suivante : les hommes les plus forts et les plus vigoureux, — ceux qui pouvaient le mieux défendre leur famille et subvenir par la chasse à ses be- soins, — ceux qui avaient les meilleures armes et ceux qui possé- daient le plus de biens, tels que chiens ou autres animaux, ont dû parvenir à élever en moyenne un plus grand nombre d'enfants que les individus plus pauvres et plus faibles des mêmes tribus. Sans doute aussi ces hommes ont dû pouvoir généralement choisir les femmes les plus attrayantes. Actuellement, dans presque toutes les tribus du globe, les chefs parviennent à posséder plus d'une femme. Jusqu'à ces derniers temps, me dit M. Mantell, toute jeune fille de la Nouvelle-Zélande, jolie ou promettant de l'être, était tapu, c'est-à-dire réservée à quelque chef. D'après M. C. Ilamilton", chez les Cafres, « les chefs ont généralement le choix des femmes à plusieurs lieues à la ronde, et ils font tous leurs efforts pour éta- blir ou pour confirmer leur privilège. » Nous avons vu que chaque race a son propre idéal de beauté, et nous savons qu'il est naturel chez l'homme d'admirer chaque trait caractéristique de ses animaux domestiques, de son costume, de ses ornements, et de son appa- rence personnelle, lorsqu'il dépasse un peu la moyenne habituelle. En conséquence, si on admet les propositions précédentes, qui ne paraissent pas douteuses, il serait inexplicable que la sélection des femmes les plus belles par les hommes les plus forts d«' chaque tribu, qui réussiraient en moyenne à élever un plus grand nombre d'enfants, ne modifiât pas, jusqu'à un certain point et à la suite de nombreuses générations, le caractère de la tribu. Lorsqu'on introduit une race étrangère d'animaux domestiques dans im pays nouveau, ou qu'on entoure la race indigène de soins prolongés et soutenus, qu'il s'agisse, d'ailleurs, d'une race utile ou 17. Anthrop. Review, p. xvi, Janv. 1870. 652 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partie]. d'une race de luxe, on remarque, lorsque les termes de comparai- son existent, qu'elle a éprouvé plus ou moins de changements après un certain nombre de générations. Ces changements résul- tent d'une sélection inconsciente poursuivie pendant une longue série d'années, c'est-à-dire de la conservation des individus les plus beaux, sans que l'éleveur ait désiré ou attendu un pareil résultat. Ou encore, si deux éleveurs attentifs élèvent pendant de longues années des animaux appartenant à une même famille sans les com- parer à un étalon commun ou sans les comparer les uns aux autres, ils s'aperçoivent, à leur grande surprise, que ces animaux, après un certain laps de temps, sont devenus un peu différents'*. Chaque éleveur, comme le dit si bien Nathusius, imprime à ses animaux le caractère de son esprit, de son goût et de son jugement. Quelle raison pourrait-on donc invoquer pour soutenir que la sélection des femmes les plus admirées, par les hommes capables d'élever dans chaque tribu le plus grand nombre d'enfants, sélection continuée pendant longtemps, n'aurait pas des résultats analogues? Ce serait une sélection inconsciente, car elle produirait un effet inattendu, indépendant de toute intention, de la part des hommes qui auraient manifesté une préférence pour certaines femmes. Supposons que les individus d'une tribu dans laquelle existe une forme de mariage quelconque, se répandent sur un continent inoc- cupé : ils ne tarderont pas à se fractionner en hordes distinctes, sé- parées de diverses façons, et surtout par les guerres continuelles que se livrent toutes les nations barbares. Ces hordes, dont les habi- tudes se modifieront selon les conditions dans lesquelles elles se trouveront placées, finiront tôt ou tard par différer quelque peu entre elles. Chaque tribu isolée se constituerait alors un idéal de beauté un peu différent '* ; puis, par le fait que les hommes les plus forts et les plus influents finiront par manifester des préférences pour certaines femmes, la sélection inconsciente entrerait en jeu. Ainsi les différences entre les tribus, d'abord fort légères, s'aug- menteront graduellement et inévitablement. A l'état de nature, la loi du combat a amené, chez les animaux, le développement de bien des caractères propres aux mâles, tels que la taille, la force, les armes particulières, le courage et les dis- positions belliqueuses. Cette même cause a sans doute produit des 18. De la Variation, etc., IL 19. Un auteur ingénieux conclut, après avoir comparé les tableaux de Raphaël, ceux de Rubens, et ceux des artistes fra-nçais modernes, que l'idée de la beauté n'est pas absolument la même dans toute l'Europe : voir les Vies de Haydn et de Mozart, par M. Bombet. [CiiAP. XX;. LA SÉLECTION SEX. DANS L'ESPÈCE HUMAINE. G.13 modincations chez les aDcêlres semi-humains de Thomme, ainsi que chez leurs voisins les Quadrumanes; or, comme les sauvages se ballent encore pour s'assurer la possession de leurs femmes, un mode semblable de sélection a probablement continué, à un degré plus ou moins prononcé, jusqu'à nos jours. La préférence de la femelle pour les mâles les plus attrayants a amené, chez les ani- maux inférieurs, le développement d'autres caractères propres aux mâles, ainsi les couleurs vives et les ornements divers. On remar- que toutefois quelques cas exceptionnels, car ce sont alors les mâles qui choisissent au lieu d'être l'objet d'un choix; dans ces cas, les femelles sont plus brillamment décorées que les mâles, — et leurs caractères décoratifs se transmettent exclusivement ou principale- ment à leur descendance femelle. Nous avons décrit un cas de ce genre relatif au singe Rhésus, dans l'ordre auquel appartient l'homme. L'homme a plus de puissance corporelle et intellectuelle que la femme; à l'étal sauvage, il la tient en outre dans un assujettisse- ment beaucoup plus complet que ne le font les mâles de tous les autres animaux à l'égard de leurs femelles ; il n'est donc pas sur- prenant qu'il se soit emparé du pouvoir de choisir. Partout les femmes comprennent ce que peut leur beauté, et, lorsqu'elles en ont les moyens, elles aiment plus que les hommes à se parer d'or- nements de toute nature. Elles empruntent aux oiseaux mâles les plumes que la nature leur a données pour fasciner leurs femelles. Comme elles ont été pendant longtemps l'objet d'un choix à cause (le leur beauté, il n'est pas étonnant que quelques-unes de leurs variations successives aient été liniilées à un sexe dans leur trans- mission, et quelles passent plus directement aux filles qu'aux gar- çons. Les femmes sont donc devenues, ainsi qu'on l'admet généra- lement, plus Ix^^es que les hommes. Toutefois elles transmellenl la plupart de leurs caractères, la beauté comprise, à leur progéniture des deux sexes; de sorte que la préférence continue que les hommes de chaque race ont pour les femmes les plus attrayantes, d'après leur idéal, tend à modifier de la même manière tous les individus des deux sexes. Quant à l'autre forme de sélection sexuelle (la plus commune chez les animaux inférieurs), celle où les femelles exercent leur choix, et n'acceptent que les mâles qui les séduisent, nous avons lieu de croire qu'elle a autrefois agi sur les ancêtres de l'homme. H est probable que l'homme doit héréditairement sa barbe, et quel- ques autres caractères, à un antique aïeul qui avait acquis sa pa- rure de cette manière. Celle forme de sélection peut, d'ailleurs, 854 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. avoir agi accidentellement plus tard, car chez les tribus très-bar- bares, les femmes ont plus de pouvoir qu'on ne s'y attendrait, pour choisir, rejeter, ou séduire leurs amoureux, ou pour changer ensuite de mari. Ce point ayant quelque importance, je donnerai les détails que j'ai pu recueillir. Hearne raconte qu'une femme d'une des tribus de l'Amérique arctique avait quitté plusieurs fois son mari pour rejoindre un homme qu'elle aimait ; Azara nous apprend que chez les Charmas de l'Amérique du Sud, le divorce est entièrement libre. Chez les Abipones, l'homme qui choisit une femme en débat le prix avec les parents ; mais « il arrive souvent que la jeune fille annule les tran- sactions intervenues entre son père et son futur, et repousse obsti- nément le mariage. » Elle se sauve, se cache, et échappe ainsi à son prétendant. Le capitaine Musters, qui a vécu chez les Patagons, affirme que chez eux le mariage est toujours une affaire d'inclina- tion : « Si les parents, dit-il, arrangent un mariage contraire aux volontés de la jeune fille, elle refuse et on ne la force jamais. » Dans les îles Fidji, l'homme qui veut se marier s'empare^ de la femme qu'il a choisie, soit de force réellement, soit en simulant la violence ; mais, « arrivée au domicile de son ravisseur, la femme, si elle ne consent pas au mariage, se sauve et va se réfugier chez quelqu'un qui puisse la protéger; si, au contraire, elle est satisfaite, l'affaire est désormais réglée. » A la Terre-de-Feu, le jeune homme com- mence par rendre quelques services aux parents pour obtenir leur consentement, après quoi il cherche à enlever la fille ; mais, si celle-ci ne consent pas, « elle se cache dans les bois jusqu'à ce que son admirateur se lasse de la chercher, et abandonne la poursuite, ce qui pourtant est rare. » Chez les Kalmucks, il y a course régu- lière entre la fiancée et le fiancé, la première partant avec une cer- taine avance ; et Clarke dit : « On m'a assuré qu'il n'y a pas d'exem- ple qu'une fille ait été rattrapée, à moins qu'elle n'aime l'homme qui la poursuit. » Il y a course semblable chez les tribus sauvages de l'archipel Malais, et il résulte du récit qu'en fait M. Bourien, comme le remarque Sir J. Lubbock, « que le prix de la course n'ap- partient pas au coureur le plus rapide, ni le prix du combat au lut- teur le plus fort, mais tout simplement au jeune homme qui a la bonne fortune de plaire à celle qu'il a choisie pour fiancée. » Les Koraks, qui habitent le nord-est de l'Asie, observent une coutume analogue. En Afrique, les Cafres achètent leurs femmes, et les filles sont cruellement battues par leur père si elles refusent d'accepter un mari qu'il a choisi ; cependant, il paraît résulter de plusieurs faits Chai'. XX . LA SELECTION SEX. DANS L'ESPECE HUMAINK. GÔ5 signalés par le Rév. Shooter, qu'elles peuvent encore faire un choix. Ainsi dos hommes très-hiids, quoique riches, n'ont pu se procurer (le femmes. Les (illes, avant do consentir au.\ liançailles, obligent les hommes à se montrer d'abord par devant, puis par derrière, et à << oxhiber leurs allures », Elles font souvent des propositions ;i un homme et se sauvent avec leur amant. M. Loslio. qui connaît bien les Cafres, conllrmc ces observations et il ajoute : « C'est une erreur de supposer qu'un père puisse vendre sa fille comme il ven- drait une vache. » Chez les Boschimans, dans r.\frique moridionale, « lorsqu'une fille est devenue femme sans avoir été fiancée, ce qui arrive rarement, son prétendant doit obtenir son consentement et celui des parents *". » -M. Winwood Reade, qui a étudié les habitiulos des nègres de l'.Vfriquc occidentale, m'apprend que, « au moins dans les tribus les plus intelligentes, les femmes n'ont pas do peine à obtenir les maris qu'elles désirent, bien qu'on considère ooinmo i)ou digne de la femme de demander ù un homme do l'o- pouser. Elles sont très-capables d'éprouver de l'amour, de former des attachements tendres, passionnés et fidèles.» Je pourrais citer d'autres exemples. Nous voyons donc que, chez les sauvages, les femmes ne sont pas, on ce qui concerne le mariage, dans une position aussi abjecte (ju'on l'a souvent supposé. Elles peuvent séduire les hommes qu'elles préfèrent, et quelquefois rejeter, avant ou après le ma- riage, ceux qui leur déplaisent. La préférence de la paitdes femmes, agissant résolument dans une direction donnée, affecterait par la suite le caractère do la tribu, car les femmes choisiraient non sou- lomont les plus beaux hommes selon leur idéal, mais encore les plus capables de les défendre et de les soutenir. Dos couples bien doués doivent en général produire plus de descendants que ceux qui le sont moins. Le môme résultat serait évidommonl encore plus prononcé s'il y avait choix réciproque, c'est-à-dire si les hommes les plus forts et les plus attrayants, en choisissant les femmes les plus séduisantes, étaient eux-mêmes préférés par colles-ci. Ces deux formes de sélection semblent avoir domino, simidtanément ou ÛO. Azara, Voyaijrs, etc., H, p. 2;j. Dohrizhoffer, An Account of the Ahipones, n, p. 207, 1822; Capitaine Muslers, in < Proc.R. Oeograph. soc», vol. XV, p. 47. Williams, Sur 1rs hahilnnU des lies Fiilji, cité par Lubbock, Origin of Civifi-, zalion, p. 79, 1870. Sur les Fuéyiens, Km>; and Fitzroy, Voyages of the Adieu- turc and Hentjle, H, p. 182, 1839. Sur les Kalmucks, Me Lennan, Primit. mar- riagr, p. 32, 1865. Sur IfS Malais, Lubbock, o. c, p. 76. Le Ilev. J. Sbooter On the Kfifirs of Satal. p. 52-60, 1857. M. D. Leslie, Kafir Clunnrler and fus- tonif, 1871, p. 4. Sur les Boschimans, Burchell, Trav. in S. Africa, II, p. .50, 1824. Sur les Koraks par Me Lennan, cités par .M. W'ake in Anthropologio, octobre 1873, p. 75. 656 LA DESCENDANCE DE LHOMME. [Il* Partie]. non, chez l'espèce humaine, surtout dans les premières périodes de sa longue histoire. Nous allons actuellement étudier, avec un peu plus de détails, quelques-uns des caractères qui distinguent les diverses races humaines entre elles, et qui les séparent des animaux inférieurs, à savoir l'absence plus ou moins complète de toison sur le corps, et la coloration de la peau. Nous ne parlerons pas de la grande diver- sité dans la forme des traits et du crâne entre les différentes races, car nous avons vu, dans le chapitre précédent, combien l'idéal de la beauté peut varier sur ces points. Ces caractères, absence de toison plus ou moins complète sur le corps et coloration de la peau, ont subi l'action de la sélection sexuelle, mais nous n'avons aucun moyen de juger si elle a principalement agi par l'entremise du mâle ou par celle de la femelle. Nous avons déjà discuté les facul- tés musicales de l'homme. Absence de toison sur le co7-ps et son développement sur le visage et sur la tête. — La présence du duvet ou lanugo sur le fœtus humain, ot des poils rudimentaires qui, à l'âge d'adulte, sont disséminés sur le corps, nous permet de conclure que l'homme descend de quelque animal né velu et qui restait tel pendant toute sa vie. La perte de la toison est un inconvénient réel pour l'homme, même sous un climat chaud, car il se trouve exposé à des refroidisse- ments brusques, surtout par les temps humides. Ainsi que le re- marque M. Wallace, les indigènes de tous les pays sont heureux de pouvoir protéger leur dos et leurs épaules nues avec quelques légers vêtements. Personne ne suppose que la nudité de la peau ait un avantage direct pour l'homme, ce n'est donc pas l'action de la sélection naturelle qui a pu lui faire perdre ses poils*'. Nous avons vu dans un chapitre précédent, qu'il n'est pas à croire que la perle de la toison puisse être due à l'action directe des conditions auxquelles l'homme a été longtemps exposé, ni qu'elle soit le résul- tat d'un développement corrélatif. L'absence de poils sur le corps est, jusqu'à un certain point, un 21. Contributions to the Theorij of Naturnl Sélection. M. Wallace croit, p. 350, << que quelque pouvoir intelligent a guidé ou déterlniné le développement de l'homme, » et considère l'absence de poils sur la peau comme résultant de ce fait. Le Rév. T. Stebbing, dans un commentaire sur cette opinion (Transactions of Devonsfiire Assoc. for Science, 1870), fait la remarque que si M.ÀVallace « avait nppliqué son talent ordinaire à la question de la nudité de la peau humaine, il aurait pu entrevoir la possibilité de l'intervention de la sélection par la beauté supérieure qui en résulte, ou par l'avantage que procure une plus grande propreté. » CiiAP. XXI. ABSENCE DE TOISON SUR LE CORPS. 657 caractère sexuel secondaire; car, dans toutes les parties du monde, les femmes sont moins velues que les hommes. Nous pouvons donc raisonnablement supposer que ce caractère est le résultat de la sé- lection sexuelle. Nous savons que le visage de plusieurs espèces de singes, ainsi que de larges surfaces à l'extrémité du corps chez d'autres espèces, sont dépourvus de poils; ce que nous pouvons, en toute sécurité, attribuer ;\ la sélection sexuelle, car ces surfaces sont non seulement vivement colorées, mais quelquefois, comme chez le Mandrill mâle et chez le Rhésus femelle, le sont beaucoup plus brillamment chez un sexe que chez l'autre, surtout pendant la saison des amours. Lorsque ces animaux approchent de l'àgo adulte, les surfaces nues, dit .M. Barlett, augmentent d'étendue relative- ment à la grosseur du corps. Le poil, dans ce cas, paraît avoir dis- paru, non en vue de la nudité, mais pour permettre un déploiement plus complet de la couleur de la peau. De même, chez beaucoup d'oiseaux, la tète et le cou ont été privés de leurs plumes, par l'ac- tion de la sélection sexuelle, pour que les couleurs de la peau ap- paraissent plus brillantes. La femme a le corps moins velu que l'homme, et ce caractère est commun à toutes les races ; nous pouvons en conclure que nos an- cêtres semi-humains du sexe féminin ont les premières perdu leurs poils, et que ce fait doit remonter à une époque très-reculée, avant que les diverses races aient divergé de la souche commune. A me- sure que nos ancêtres femelles ont peu à peu acquis ce caractère de nudité, elles doivent l'avoir transmis à un degré à peu près égal à leurs enfants des deux sexes ; de sorte que cette transmission n'a été limitée ni par l'âge ni par le sexe, comme il arrive pour une foule d'ornements chez les mammifères et chez les oiseaux. Il n'y a rien de surprenant à ce que la perte d'une partie des poils ait été considérée comme une beauté par les ancêtres simiens de l'homme : nous avons vu. chez des animaux de toutes espèces, que des carac- tères étranges étaient considérés comme ornements, et qu'ils ont été par cor)séquent modifiés j)ar l'action de la sélection sexuelle. Il n'est pas non plus surprenant qu'un caractère quelque peu nuisible ait pu s'acquérir ainsi : nous savons qu'il en est de même pour les plumes de certains oiseaux, et pour les bois de certains cerfs. Nous avons vu dans un chapitre précédent que les femelles de certains singes anthropomorphes ont la surface inférieure du corps un peu moins velue que les mâles; or ce fait nous présente peut- être les premières phases d'un commencement de dénudation. Quanta l'aclièvement de la dénudation par rinlerventioii de la sé- lection sexuelle, il n'y a qu'à se rappeler le proverbe de la Nou- 42 658 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Il» Partikj. velle-Zélande : « Il n'y a pas de femmes pour un homme velu. » Tous ceux qui ont vu les photographies de la famille siamoise velue, reconnaîtront que l'extrême développement du poil est co- miquement hideux. Aussi le roi de Siam eut-il à payer un homme pour qu'il consentît à épouser la première femme velue de la famille, laquelle transmit ce caractère à ses enfants des deux sexes ". Quelques races sont beaucoup plus velues que d'autres, surtout les hommes; ainsi les Européens; mais il n'est pas à supposer que ces races aient conservé leur état primordial plus complètement que les races nues desKalmucks ou des Américains. Il est probable que le développement du poil, chez les premiers, est dû à une ré- version partielle, les caractères qui ont été longtemps héréditaires étant toujours aptes à reparaître. Nous avons vu que les idiots sont souvent très- velus, et que souvent aussi ils affectent d'autres caractères qui les rapprochent de la brute. Il ne paraît pas qu'un climat froid ait exercé quelque influence sur cette réapparition, sauf peut-être chez les nègres, depuis plusieurs générations, aux États- Unis *', et chez les Aïnos qui habitent les îles septentrionales de l'archipel du Japon. Mais les lois de l'hérédité sont si complexes que nous pouvons bien rarement nous rendre compte de leur action. Si la plus grande villosité de certaines races est le résultat d'une réversion non limitée par quelque forme de sélection, la variabilité considérable de ce caractère, même dans les limites d'une même race, cesse d'être remarquable **. En ce qui concerne la barbe, les Quadrumanes, nos meilleurs guides, nous fournissent des cas de barbes également bien déve- 22. La Variation, etc., IL 23. Investigations into Militanj and Anthropological Statistics of American soldiers, de B. A. Qould, p. 568, 1869. — Un grand nombre d'observations faites avec soin sur la pilosité de 2,129 soldats noirs et de couleur pendant le bain, donnent ce résultat, « qu'au premier coup d'œil il y a fort peu de différence, si même il y en a une, entre les races noires et les races blanches sous ce rap- port. » Il est cependant certain que, dans leur pays natal de l'Afrique, beau- couj) ])lus chaud, les nègres ont le corps remarquablement glabre. Il faut d'ail- leurs faire attention que les noirs purs et les mulâtres sont compris dans cette énumération. Ce mélange constitue une circonstance fâcheuse, en ce que, d'après le principe dont j'ai ailleurs démontré la vérité, les races croisées seraient éminemment sujettes à faire retour au caractère primitivement velu de leurs ancêtres originels demi-simiens. 24. Je pourrais à peine citer une opinion exprimée dans cet ouvrage, qui ait rencontré autant de défaveur que la présente explication sur la perte de.s poils chez l'homme, grâce à l'action de la sélection sexuelle; mais aucun des arguments quon m'oppose ne me semble avoir beaucoup de poids si l'on réflé- chit aux faits qui tendent à prouver que la nudité de la peau est, jusqu'à un certain j)oint, un caractère sexuel secondaire chez l'homme et chez quelques- uns des quadrumanes. "Voir Spengel, Die Fortschritte des Darwinism, 1874, p. 80. [CiiAP. XX ;. ABSENCE DE TOISON SUR LE CORPS. 659 loppéos chez les deux sexes de beaucoup d'espèces ; chez d'autres pourtant elles sont ou circonscrites aux mâles seuls, ou plus déve- loppées chez eux que chez les femelles. Ce fait, ainsi que le singu- lier arrangement et les vives couleurs des cheveux d'un grand nom- bre de singes, donnent à penser que les mâles ont d'abord acquis leurs barbes par sélection sexuelle et comme ornement, et qu'ils les ont ordinairement transmises à un degré égal ou presque égal à leurs descendants des deux sexes. Nous savons par Eschricht '* que le fœtus humain des deux sexes porte beaucoup de poils sur le visage, surtout autour de la bouche, ce qui indique que nous des- cendons d'ancêtres chez lesquels les deux sexes étaient barbus. Il parail donc à première vue probable que, tandis (jue l'homme a conservé sa barbe depuis une période fort éloignée, la femme l'a perdue lorsque son corps s'est presque entièrement dépouillé de st;s poils. La couleur même de la barbe dans l'espèce humaine pa- raît provenir par héritage de quelque ancêtre simien ; car, lorsqu'il y a yne différence de teinte entre les cheveux et la barbe, cette der- nière est, chez tous les singes et chez l'homme, de nuance plus claire. Chez les (Juadrumanes, alors que le mùb; a une barl)e plus forte que celle de la femelle, elle ne se développe qu'à l'âge mi">r ; et les dernières phases du développement peuvent avoir été exclusive- ment transmises à l'humanité. Contrairement à cette hypothèse, on peut invoquer la grande variabilité do la barbe chez des races diffé- rentes, et, même dans les limiti^s d'une seule race, ceci indique en effet l'influence d'un retour, car les caractères depuis longtemps perdus sont très-aptes à varier quand ils réapparaissent. Huoi qu'il en soit, il ne faut pas méconnaître le rôle fjue la sé- lection sexuelle peut avoir joué, mêm»» dans des temps plus ré- cents; car nous savons que, chez les sauvages, les races sans barbe se donnent une peine infiniii pour arracher, comme quelque chose d'odieux, les poils qu'ils peuvent avoir sur le visage ; tandis que les hommes des races barbues sont tout fiers de leurs barbes. Les femmes partagent sans doute ces sentiments, et, par conséquent, la sélection sexuelle ne peut manquer d'avoir produit quelques ef- fets dans des temps plus récents *". Il est possible aussi que l'habi- liule d'arracher les poils, habitude continuée pendant de longues générations, ait produit un effiît héréditaire. Le docteur Hrown- Séqiiard a démontré que, si on, fait subir certaines opérali(»ns à di- 25. l'rher (II'! Hii/itiin;/ fin' llnnre a»i mensdiliihen Kiir/irr, dans Mûllrrs Archiv fur Annt. tind l'/n/s., p. 40, 1837. 26. Sur l«s rectrices une très-grande, proviennent de l'action de la sélection sexuelle. Sans doute l'homme, comme tous les autres animaux, présente des conformations qui, autant que notre peu de connaissances nous permettent d'en juger, ne lui sont plus utiles actuellement, et ne lui ont été utiles, dans une période antérieure, ni au point de vue des conditions générales de la vie, ni au point de vue des rapports entre les sexes. Aucune forme de sélection, pas plus que les effets héréditaires de l'usage et du défaut d'usage des parties, ne peut expliquer les conformations de cette nature. Nous savons, toute- fois, qu'un grand nombre de particularités bizarres et très-pronon- cées de conformation, apparaissent quelquefois chez nos animaux domestiques, et deviendraient probablement communes à tous les individus de l'espèce, si les causes inconnues qui les provoquent agissaient d'une manière plus uniforme. .Nous pouvons espérer que, par la suite, nous arriverons à comprendre, par l'étude des mons- truosités, quelques-unes des causes de ces modifications acciden- telles; les travaux des expérimentateurs, tels que ceux de M. Ca- mille I)areste, sont pleins de promesses pour l'avenir. Tout ce (jue nous pouvons dire, c'est que la cause de chaque variation légère et de chaque monstruosité dépend plus, dans la plupart des cas, de la nature ou de la constitution de l'organisme que des condi- tions ambiantes; des conditions nouvelles et modifiées jouent ce- pendant un rôle important dans les changements organiques de tous genres. L'homme s'est donc élevé à son état actuel par les moy<;ns que nous venons d'indiquer, et d'autres peut-être qui sont encore ù découvrir. Mais depuis qu'il a atteint le rang d'être humain, il s'est divisé en races distinctes, auxquelles il s(,'rait peut-être plus sage 666 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. d'appliquer le terme de sous-espèces. Quelques-unes d'entre elles, le Nègre et l'Européen par exemple, sont assez distinctes pour que, mises sans autres renseignements sous les yeux d'un naturaliste, il doive les considérer comme de bonnes et véritables espèces. Néanmoins, toutes les races se ressemblent par tant de détails de conformation et par tant de particularités mentales, qu'on ne peut les expliquer que comme provenant par hérédité d'un ancêtre commun; or, cet ancêtre doué de ces caractères méritait probable- ment qualification d'homme. Il ne faut pas supposer qu'on puisse faire remonter jusqu'à un seul couple quelconque d'ancêtres la divergence de chaque race d'avec les autres races, et celle de toutes les races d'une souche commune. Au contraire, à chaque phase de la série des modifica- tions, tous les individus les mieux adaptés de quelque façon que ce soit à supporter les conditions d'existence qui les entourent, quoi- qu'à des degrés différents, doivent avoir survécu en nombre plus grand que ceux qui l'étaient moins. La marche aura été analogue à celle que nous suivons, lorsque, parmi nos animaux domestiques, nous ne choisissons pas avec intention des individus particuliers pour les faire se reproduire , mais que nous n'affectons cependant à cet emploi que les individus supérieurs, en laissant de côté les individus inférieurs. Nous modifions ainsi lentement mais sûrement la souche de nos animaux, et nous en formons une nouvelle d'une manière inconsciente. Aussi, aucun couple quelconque n'aura été plus atteint que les autres couples habitant le même pays par les modifications effectuées en dehors de toute sélection, et dues à la nature de l'organisme et à l'influence qu'exercent sur lui les condi- tions extérieures et les changements dans les habitudes, parce que tous les couples se trouvent continuellement mélangés par le fait du libre entre-croisement. Si nous considérons la conformation embryologique de l'homme , — les analogies qu'il présente avec les animaux inférieurs, — les rudiments qu'il conserve, — et les réversions auxquelles il est sujet, nous serons à même de reconstruire en partie, par l'imagi- nation, l'état primitif de nos ancêtres, et de leur assigner approxi- mativement la place qu'ils doivent occuper dans la série zoologique. Nous apprenons ainsi que l'homme descend d'un mammifère velu, pourvu d'une queue et d'oreilles pointues, qui probablement vivait sur les arbres, et habitait l'ancien monde. Un naturaliste qui aurait examiné la conformation de cet être l'aurait classé parmi les Qua- drumanes, aussi sûrement que l'ancêtre commun et encore plus ancien des singes de l'ancien et du nouveau monde. Les Quadru- [Chai-. XXI . CONCLUSION PRINCIPALE. 667 mancs et tous les mammifères supérieurs descendent probablement d'un Marsupial ancien, descendant lui-même, au travers d'u*ie lon- gue ligne de formes diverses, de quelque être pareil à un reptile ou à un amphibie, qui descendait à son tour d'un animal semblable à un poisson. Dans l'obscurilé du passé, nous entrevoyons que l'ancè- Irc de tous les vertébrés a dii être un animal aquatique, pourvu de branchies, ayant les deux sexes réunis sur le même individu, et les organes les plus essentiels du corps (tels que le cerveau et le cœur) imparfaitement ou même non développés. Cet animal paraît avoir ressemblé, i)liis qu'à toute autre forme connue, aux larves de nos Ascidies marines actuelles. Il y a sans doute une difficulté à vaincre avant d'adopter pleine- ment la conclusion à laquelle nous sommes ainsi conduits sur l'ori- gine de l'homme, c'est la hauteur du niveau intellectuel et moral auquel s'est élevé l'homme. Mais quiconque admet le principe gé- néral de l'évolution, doit reconnaître que, chez les animaux supé- rieurs, les facultés mentales sont, à un degré très-inférieur, de même nature que celles de l'espèce humaine et susceptibles de dé- veloppement. L'intervalle qui sépare les facultés intellectuelles de l'un des singes supérieurs de celles du poisson, ou les facultés intellectuelles d'une fourmi de celles d'un insecte parasite, est im- mense. Le développement de ces facultés chez les animaux n'offre pas de difficulté spéciale; car, chez nos animaux domestiques, elles sont certainement variables, et ces variations sont héréditaires. Il est incontestable que la haute importance de ces facultés pour les animaux à l'état de nature, constitue une condition favorable pour que la sélection naturelle puisse les perfectionner. La même con- clusion peut s'appliquer à l'homme; l'intelligence a dû avoir pour lui. même à une époque fort reculée, une très-grande importance, en lui permettant de se servir d'un langage, d'inventer et de fabri- quer des armes, des outils, des pièges, etc. Ces moyens, venant s'ajouter à ses habitudes sociables, l'ont mis à même, il y a bien longtemps, de s'assurer la domination sur tous les autres animaux. Le développement intellectuel a dû faire un pas immense en avant quand, après un progrès antérieur déjà considérable, le lan- gage, nïoilié art, moitié instinct, a commencé à se former; car l'usage continu du langage agissant sur le cerveau avec des effets héréditaires, ces effets ont dû à leur tour pousser au perfectionne- ment du langage. La grosseur du cerveau de l'homme, relativement aux dimensions de son corps et comparé à celui des animaux infé- rieurs, provient surtout, sans doute, comme le fait remarquer avec 668 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [Ile Partie]. justesse M. Chauncey Wright', de l'emploi précoce de quelque simple forme de langage, — cette machine merveilleuse qui attache des noms à tous les objets, à toutes les qualités, et qui suscite des pensées que ne saurait produire la simple impression des sens, pensées qui, d'ailleurs, ne pourraient se développer sans le lan- gage, en admettant que les sens les aient provoquées. Les apti- tudes intellectuelles les plus élevées de l'homme, comme le raison- nement, l'abstraction, la conscience de soi, etc. , sont la conséquence de l'amélioration continue des autres facultés mentales. Le développement des qualités morales est un problème plus intéressant et plus difficile. Leur base se trouve dans les instincts sociaux, expression qui comprend les liens de la famille. Ces ins- tincts ont une nature fort complexe, et, chez les animaux inférieurs, ils déterminent des tendances spéciales vers certains actes définis; mais les plus importants de ces instincts sont pour nous l'amour et le sentiment spécial de la sympathie. Les animaux doués d'instincts sociaux se plaisent dans la société les uns des autres, s'avertissent du danger, et se défendent ou s'entr'aident d'une foule de manières. Ces instincts ne s'étendent pas à tous les individus de l'espèce, mais seulement à ceux de la même tribu. Comme ils sont fort avan- tageux à l'espèce, il est probable qu'ils ont été acquis par sélec- tion naturelle. Un être moral est celui qui peut se rappeler ses actions passées et apprécier leurs motifs, qui peut approuver les unes et désap- prouver les autres. Le fait que l'homme est l'être unique auquel on puisse avec certitude reconnaître cette faculté, constitue la plus grande de toutes les distinctions qu'on puisse faire entre lui et les animaux. J'ai cherché à prouver dans le quatrième chapitre, que le sens moral résulte premièrement, de la nature des instincts sociaux toujours présents et persistants ; secondement, de l'influence qu'ont sur lui l'approbation et le blâme de ses semblables ; troisièmement, de l'immense développement de ses facultés mentales et de la vivacité avec laquelle l3s événements passés viennent se retracer à lui, et par ces derniers points il diffère complètement des autres animaux. Cette disposition d'esprit entraîne l'homme à regarder malgré lui en arrière et en avant, et à comparer les impressions des événe- ments et des actes passés. Aussi, lorsqu'un désir, lorsqu'une pas- sion temporaire l'emporte sur ses instincts sociaux, il réfléchit, il compare les impressions maintenant affaiblies de ces impulsions passées, avec l'instinct social toujours présent, et il éprouve alors 1. Limits of Naturnl Sélection, dans North American Review, Oct. 1870, p. 295. [Chap. XXI]. CONCLUSION PRINCIPALE. 669 ce sentiment de mécontentement que laissent après eux tous les instincts auxquels on n'a pas obéi. Il prend en conséquence la résolution d'agir différemment à l'avenir, — c'est là ce qui consti- tue la conscience. Tout instinct qui est constamment le plus fort ou le plus persistant, éveille un sentiment que nous exprimons en disant qu'il faut lui obéir. Un chien d'arrêt, s'il était capable de rénéchir sur sa conduite passée, pourrait se dire : J'aurais dû (c'est ce que nous disons de lui) tomber en arrêt devant ce lièvre, au lieu de céder à la tentation momentanée de lui donner la chasse. Le désir d'aiiler les membres de leur communauté d'une manière générale, mais, plus ordinairement, le désir de réaliser certains actes délinis, entraîne les animaux sociables. L'homme obéit à ce même désir général d'aider ses semblables, mais il n'a que peu ou |)oint d'instincts spéciaux. 11 diffère aussi des animaux inférieurs, en ce qu'il peut exprimer ses désirs par des paroles qui deviennent l'intermédiaire entre l'aide requise et accordée. Le motif qui le porte à secourir ses semblables se trouve aussi fort modifié chez l'homme; ce n'est plus seulement une impulsion instinctive aveu- gle, c'est une impulsion que vient fortement influencer la louange ou le blâme de ses semblables. L'appréciation de la louange et du blâme, ainsi que leur dispensation, repose sur la sympathie, senti- ment qui, ainsi que nous l'avons vu, est un des éléments les plus importants des instincts sociaux. La sympathie, bien qu'acquise comme instinct, se fortifie aussi beaucoup pas l'exercice et par l'habitude. Comme tous les hommes désirent leur propre bonheur, ils accordent louange ou blâme aux actions et à leurs motifs, sui- vant que ces actions mènent à ce résultat; et, comme le bonheur est une partie essentielle du bien général, le principe du plus grand bonheur sert indirectement de type assez exact du bien et du mal. A mesure que la faculté du raisonnement se développe et que l'ex- périence s'acquiert, on discerne quels sont les eiïets les plus éloi- gnés de certaines lignes de conduite sur le caractère de l'individu, et sur le bien général ; et alors les vertus personnelles entrent dans le domaine de l'opinion publique, qui les loue, alors qu'elle blâme les vices contraires. Cependant, chez les nations moins civi- lisées, la raison est souvent sujette à errer, et à faire entrer dans le même domaine des coutumes mauvaises et des superstitions ab- surdes, dont l'accomplissement est regardé par conséquent comme une haute vertu et dont l'infraction constitue un crime. On pense généralement, et avec raison, que les facultés morales ont plus de valeur que les facultés intellectuelles. Mais ne perdons pas de vue que l'activité de l'esprit à rappeler nettement des im- 670 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. [lie Partie]. pressions passées, est une des bases fondamentales, bien que secon- daire, de la conscience. Ce fait constitue l'argument le plus puissant qu'on puisse invoquer pour démontrer la nécessité de développer et de stimuler, de toutes les manières possibles, les facultés intel- lectuelles de chaque être humain. Sans doute, un homme à l'esprit engourdi peut avoir une conscience sensible et accomplir de bonnes actions, si ses affections et ses sympathies sociales sont bien déve- loppées. Mais tout ce qui pourra rendre l'imagination de "l'homme plus active, tout ce qui pourra contribuer à fortifier chez lui l'habi- tude de se rappeler les impressions passées et de les comparer les unes aux autres, tendra à donner plus de sensibilité à sa conscience, et à compenser, jusqu'à un certain point, des affections et des sym- pathies sociales assez faibles. La nature morale de l'homme a atteint le niveau le plus élevé auquel elle soit encore arrivée, non seulement par les progrès de la raison et, par conséquent, d'une juste opinion publique, mais encore et surtout par la nature plus sensible des sympathies et leur plus grande diffusion par l'habitude, par l'exemple, par l'instruction et par la réflexion. Il n'est pas improbable que les tendances ver- tueuses puissent par une longue pratique devenir héréditaires. Chez les races les plus civilisées, la conviction de l'existence d'une divinité omnisciente a exercé une puissante influence sur le progrès de la morale. L'homme finit par ne plus se laisser guider unique- ment parla louange ou par le blâme de ses semblables, bien que peu échappent à cette influence; mais il trouve sa règle de con- duite la plus sûre dans ses convictions habituelles, contrôlées par la raison. Sa conscience devient alors son juge et son conseiller suprême. Néanmoins les bases ou l'origine du sens moral reposent dans les instincts sociaux, y compris la sympalhic, instincts que la sélection naturelle a sans doute primitivement développés chez l'homme, comme chez les animaux inférieurs. On a souvent affirmé que la croyance en Dieu est non seulement la plus grande, mais la plus complète de toutes les distinctions à établir entre l'homme et les animaux. Il est toutefois impossible de soutenir, nous l'avons vu, que cette croyance soit innée ou instinctive chez l'homme. D'autre part la croyance à des agents spirituels pénétrant partout, paraît être universelle, et provient, selon toute apparence, des progrès importants faits par les facul- tés du raisonnement, surtout de ceux de l'imagination, de la cu- riosité et de l'étonnement. Je n'ignore pas que beaucoup de per- sonnes ont invoqué, comme argument en faveur de l'existence de [Cnvi-. XXI]. CONCLUSION PRINCIPALE. G71 Dieu , la croyance en Dieu supposée inslinclive. Mais c'est là un argument téméraire, car il nous obligerait à croire à l'existence dune foule d'esprits cruels et malfaisants, un peu plus puissants que l'homme, puisque cette croyance est encore bien plus généra- lement répandue que celle d'une divinité bienfaisante. L'idée d'un Créateur universel et bienveillant de l'univers ne paraît surgir dans l'esprit de l'homme, que lorsqu'il s'est élevé à un haut degré par une culture de longm; durée. Celui qui admet que l'homme lire son origine de quelque forme d'organisation inférieure, se demandera naturellement quelle sera la portée de ce fait sur la croyance à l'immortalité de l'âme. Ainsi que le démontre Sir J. Lubbock , les races barbares de l'humanité n'ont aucune croyance définie de ce genre, mais, comme nous venons de le voir, les arguments tirés des croyances primitives des sauvages n'ont que peu ou point de valeur. Peu de personnes s'inquiètent de l'impossibilité où l'on se trouve de déterminer à quel instant précis du développement, depuis le premier vestige qui paraît sur la vésicule germinative, jusqu'à l'enfant avant ou après la naissance, l'homme devient immortel. Il n'y a pas de rai- son pour s'inquiéter davantage de ce qu'on ne puisse pas détermi- ner cette même période dans réchelle organique pendant sa marche graduellement ascendante '. Je n'ignore pas que beaucoup de gens repousseront comme hau- tement irréligieuses les conclusions auxquelles nous en arrivons dans cet ouvrage; mais ceux qui soutiendront cette thèse sont tenus de démontrer en quoi il est plus irréligieux d'expliquer l'ori- gine de l'homme comme espèce distincte, descendant d'une forme inférieure, en vertu des lois de la variation et dt; la sélection natu- reib) , que d'expliquer par les lois de la reproduction ordinaire la formation et la naissance de l'individu. La naissance de l'espèce, comme celle de l'individu, constitue, à titre égal, des parties de celle vaste suite de phénomènes que notn^ esprit st; refuse à consi- dérer comme le résultat d'un aveugle hasard, La raison se révolte contre une pareille conclusion : que nous puissions croire ou non que chaque légère variation de conformation , — que l'appariage de chaque couple, — (jue la dispersion de chaque graine, — et que les autres phénomènes analogues, aient tous été décrétés dans fpieltjue but spécial. La sélection sexuelle a pris une place considérable dans cet ou- 2. Le Rev. J. A. Picton discute ce sujet dans son livro inliluli- Sew Théories nnd ()/is Natire, Londres, le 2 novembre 1876, page 18). Aucun point ne m'a plus intéressé et je puis ajouter ne m'a plus embar- rassé dans la discussion de la sélection sexuelle, quand j'écrivais la hes- ccndancc de l'homme, que les couleurs brillantes qui décorent les extrémités postérieures ft les parties adjacentes du corps de certains singes. Ces parties sont plus brillamment colorées chez un sexe que chez l'autre, et deviennent plus brillantes encore pendant la saison des amours; je me crus donc auto- risé à conclure que les singes avaient acquis ces couleurs comme moyen d'attraction sexuelle. Je comprenais parfaitement qu'en adoptant cette conclusion je m'exposais à un certain ridicule, bien qu^en fait il n'y ait rien de plus surprenant à ce qu'un singe fasse étalage de son derrière rouge brillant qu'un paon de sa queue magnifique. Toutefois, à cette époque, je n'avais pas la preuve directe que les singes fissent étalage de cette partie de leur corps pendant qu'ils courtisent la femelle; or, quand il s'agit des oiseaux, cet étalage constitue la meilleure preuve que les ornements des miles leur rendent service pour attirer ou pour exciter la femelle. J'ai lu dernièrement un article de Joh. von Fischer, de Gotha, publié dans Der Zoologische Gai'tcn, Avril 1876, sur l'attitude des singes au cours de di- verses émotions; cet article mérite l'attention de quiconque s'intéresse à ce sujet, et prouve que l'auteur est un observateur habile et consciencieux. Von t'ischer décrit l'attitude d'un jeune mandrill mâle placé pour la pre- mière fois devant un miroir, et il ajoute qu'au bout de quelques minutes il sr> retourna et présenta au miroir son derrière rouge. En conséquence, j'écrivis à M. Fischer pour lui demander ce qu'il pensait de cet acte étrange, ft il a bien voulu me répondre deux longues lettres pleines de détails nou- veaux et très-curieux. 11 me dit que cet acte l'étonnatout d'abord, et qu'en conséquence il observa avec soin l'attitude de plusieurs individus apparte- nant à d'autres espèces de singes qu'il élève chez lui. Non-seulement le mandrill (6'y«ocep/ia/KS mormon), mais le drill (C.lcucophœus), et trois autres espèces de babouins (C. hamadryas, sphinx et babouin) , le Cynopithccus niger, le Mttcacus rhésus et le Menestrinus tournent vers lui, quand ils sont de bonne humeur, cette partie de leur corps qui, chez toutes ces espèces, affecte des couleurs plus ou moins brillantes, et la tournent aussi vers d'autres personnes quand ils veulent leur faire un bon accueil. Il s'est efforcé^ 680 LA DESCENDANCE DE L'HOMME. et il a consacré cinq ans à cet apprivoisement avant d'y parvenir, de faire perdre à un Macacus l'hesus celte habitude indécente. Ces singes, présentés à un nouveau singe, mais souvent aussi à un de leurs vieux compagnons, agissent tout particulièrement de cette façon, et, après cette exhibition, se mettent à jouer ensemble. Le jeune mandrill cessa spontanément au bout de quelque temps de présenter le derrière à son maître. Mais il continua de le présenter aux étrangers et aux singes qu'il ne connaissait pas. Un jeune Cynopithecus nigcrne se présenta qu'une fois ainsi à son maître, mais fréquemment aux étrangers. .\L Fischer conclut de ces faits que les singes qui se sont conduits de cette façon devant un miroir, c'est-à-dire le man- drill, le drill, le Cynopithecus niger, le Macacus rhésus et le Macacus menes- trinus, ont pensé que leur image dans le miroir était un nouveau singe. Le mandrill et le drill, dont le derrière est particulièrement ornementé, l'exhi- bent dès la plus tendre jeunesse, plus fréquemment et avec plus d'osten- tation que les autres espèces ; puis vient le Cynocephalus hamadryas, et ensuite les autres espèces. Toutefois les individus appartenant à une même espèce varient sous ce rapport, et les singes très-timides ne font jamais étalage de cette partie de leur corps. Il faut noter avec soin que von Fischer a constaté que les espèces dont le derrière n'est pas coloré, n'attirent jamais l'attention sur cette partie de leur corps; cette remarque s'applique au Ma- cacus cynomolgus et au Cercocebus radiatus (très-proches voisins du M. rhésus), à trois espèces de Cercopithèques et à plusieurs singes améri- cains. L'habitude d'accueillir un vieil ami ou une nouvelle connaissance en lui présentant son derrière, nous semble sans doute fort étrange; toutefois, elle n'est certainement pas plus extraordinaire que quelques habitudes analogues des sauvages, qui, dans la même occasion, se frottent réciproque- ment le ventre avec la main ou se frottent le nez l'un contre l'autre. L'habi- tude chez le mandrill et chez le drill paraît instinctive ou héréditaire, car on l'observe chez de très-jeunes animaux ; mais, comme tant d'autres ins- tincts, elle a été modifiée par l'observation, car von Fischer affirme que ces singes se donnent la plus grande peine pour que l'exhibition ne laisse rien à désirer, et, s'il se trouve deux observateurs en présence, ils s'adressent de préférence à celui qui "semble les examiner avec le plus d'attention. Quant à l'origine de cette habitude, von Fischer fait remarquer que ces singes aiment à ce qu'on caresse les parties nues de leur derrière, et qu'ils font alors entendre des grognements de plaisir. Souvent aussi ils présentent cette partie de leur corps aux autres singes, pour que leurs camarades en- lèvent toutes les poussières qui pourraient s'y trouver, et les épines qui pourraient s'y être fixées. Mais, chez les singes adultes, l'habitude dont nous parlons semble, dans une certaine mesure, en rapport avec les senti- ments sexuels; von Fischer, en effet, a surveillé un Cynopithecus niger fe- melle et qui, durant plusieurs jours, « umdrehte und dem Mànnchen mit gurgelnden Tonen die stark gerothete Sitzflàche zeigte, was ich frùher nie an diesem Thier bemerkt hatte. Beim Anblick dièses Gegenstandes erregte sich das Mànnchen sichtiich, denn es polterte heftig an den Stàben, eben- falls gurgelnde Laute ausstossend. » Comme tous les singes qui ont le der- rière plus ou moins brillamment coloré habitent, selon von Fischer, des endroits rocheux et découverts, il croit que ces couleurs servent à rendre un sexe plus voyant que l'autre ; mais les singes étant des animaux très- NOTE SUPPLEMENTAIRE. 681 sociables, je n'iiurais pas cru qu'il fût nécessaire (|ue les sexes pussent se reconnaître à une grande «listance. Il me semble plus probable que les bril- lantes couleurs (jui se trouvent soit sur la face soit sur le derrit^re, ou, fomme chez le mandrill, sur ces deux parties du corps, constituent un orno- inent sexuel et une beauté. Quoi qu'il en soit, comme nous savons aujourd'hui que les singes ont l'habitude de présenter leur derrière à d'autres singes, il cesse d'être surprenant que cette partie de leur corps ail acquis une décoration plus ou moins brillante. Le fait que, autant (ju'on le sait du moins Jusqu'à présent, les singes ainsi décorés sont les seuls qui agissent de cette façon, nous porte à nous demander si cette habitude a été acquise par quelque cause indépendante, et si les parties en question ont reçu une coloration comme ornement sexuel; ou si la coloration et l'habituile de pré- senter le derrière ont été acquises d'abord par variation et par sélection sexuelle, et si l'habitude s'est conservée ensuite comme un signe de plaisir et de bon accueil, grâce à l'hérédité. Ce dernier principe se manifeste dans bien des occasions : ainsi, on admet que le chant des oiseaux constitue principalement une attraction pendant la saison des amours, et que les Icks ou grandes assemblées du tétras noir ont un rapport intime avec la cour ipie se font ces oiseaux ; mais quelques oiseaux, le rouge-gorge, par exemple, ont conservé l'habitude de chanter quand ils se sentent heureux, et le tétras noir a conservé l'habitude de se réunir pendant d'autres saisons de l'année. Je demande la permission d'ajouter quelques mots sur un autre point relatif à la sélection sexuelle. On a objecté que cette forme de sélection, en ce qui concerne au moins les ornements du m<\le, implique que toutes les femelles, dans une même région, doivent posséder et exercer exactement les mêmes goûts. Toutefois il faut se rappeler en premier lieu que, bien que l'étendue des variations d'une espèce puisse être considérable, elle n'est certes pas infinie. J'ai cité à cet égard un excellent exemple relatif au pigeon : on connaît au moins cent variétés de pigeons différant beaucoup au point do vue de la coloration, et au moins une vingtaine de variétés de poules dill'é- rant de la même façon; mais, chez ces deux espèces, la gamme des couleurs est extrêmement distincte. En conséquence, les femelles des espèces natu- relles n'ont pas un choix illimité. En second lieu, je crois (ju'aucun partisan du principe de la sélection sexuelle ne suppose que les femelles choisissent des points particuliers de beauté chez les mâles ; elles sont simplement excitées ou attirées à un plus haut degré par un mâle que par un autre, et cette séduction semble souvent dépendre, surtout chez les oiseaux, de la colora- tion brillante. L'homme lui-même, sauf peut-être l'artiste, n'analyse pas chez la femme qu'il admire les légères différences de traits <|ui constituent sa beauté. Le mandrill m5(). Am>fi rKiR. présence d'un muscle, sur le ciiii|uieme iiK'tatarsieu, chez l'homme, 11. AiiKiu.K.s. 1U5; (lestructioii des bourdons e( des reines. IM: corbeilles ù pollen et ni^:uillons des, 01: caractères secondai- res de 1.1 femelle, i'il ; diirérences des sexes. :}'.M. .\iiKi(cK. Ariliii-i siilcnliis. éWtres do la femelle, ,301, Aroiiiii.t. présence d'ergots chez la fe- melle. 193. .\<-Kii>li>Ks , organes de stridulation chez les, 311; rudiinentaires chez les femel- les, 317. .\cTlMKs. brillantes couleurs des, 2K7. .XiioiTloN des jeunes d'autres animaux par des singes femelles, 73. .Vkhy. dilierences entre les criVnes humains et ceux des quadrumanes, 163. .Knkas, couleur des, 3tO. Akkkjtk'N tiliale, résultat partiel de la sé- lection naturelle, 112. .Vkkkction maternelle. 72; ses manifesta- tions chez les animaux, 72; entre pa- rents et descendants, elle est un résultat partiel «le la sélection naturelle, 112; s'observe vis-ii-vis de certaines person- nes chez les oiseaux en captivité, •.')1 ; mutuelle parmi les oi.seaux, i.'iO. AKRigUK, lieu probable de la naissance de l'homme, 169 ; population croisée dans le Suil. l'.M); conservation du teint des Hol- landais dans le >Sud, 212; |>ropnrtion entre les sexes chez les papillons, 27,"i; emploi (lu tatouage, (V.'K : coiffure des indigènes dans le Noréranco frontale des mAles de (ifo- phiigus et Cirhla. 372, 380; légères diffé- rences sexuelles chez les .Vméricains du Nord, 613 ; tatouage des Indiens de l'A- mazone, 630, .\UK, au point de vue de la transmission dos caractères chez les oiseaux, 509; va- riations qui y correspondent chez eux, 531. Affelriif phœiiiccus, 456. Ageronia feronia, bruit produit, 338. Agrion, diniorphisme, 320. AuRioN Katnburii, ses sexes, 319. AoRioNtDKs, différences dans les sexes des, 319. A gratis exclamationis. 318. .\i<;i.K. jeune Cercopithenis sauvé par une bande du ses camarades, 107. Aiui.K, il tète blanche, reproduisant pendant qu'il a son plumage de jeunesse, 532. Atai.ES dorés, s'appariant avec de nou- veaux individus, 447, Aigrettes indiennes, .533 ; plumage de no- ces des, 427-428; blanches, 5M. Aiorii.i.oN des abeilles, 227. A'i.Nos. villosité des, 612. Ait/tiirux polt/timu, jeunes du, .536. Alca tarda, jeunes d", .531. Al.cooL, goût des singes pour 1', 4. .Al.DKK et lIxNiocK, M.M.. sur les mollusques nudi -branches, 291. .Vl.lMKNTATloN , influence probable très- grande sur l'appariage d oiseaux de di- verses espèces, 455 ; son influence sur la taille. 30. .Vi.i.K.N, J.-A. sur la taille relative des deux sexes chez le Callorhinux ursinus, 566; sur la crinière de l'Olaria jubata, 572 ; sur l'appariage des phoques, 579. .Vl.l-EN. S., habitude (les llaplopli-rus, 402; sur les plumes des hérons, 129 ; sur la mue printanière de Vlleroilias ImbulcM. 4,30, .Vi.LiiiAToR, assiduités du niùle. 212, 386, .Vi.Di'KTTK . proportions îles sexes chez r, 273; chant de la femelle, 405. .Vl.ofKTTKs, sont attirées par un miroir, 452. Ammiavat (Bengali), caractère belliqueux du mille. 402. Amaitinn Lathnmi, étalage des plumes des m&les. 110, Amailinii rastrinoti-f , étalage des plumes des miTiles. 410. .Vmazonk, lépidoptères de 1", 276: pois- sons. 377,378. .Vmki.iiiration progressive, suiiposition c)ue l'homme seul soit capable d , 83. .\MKKKAiNs. leur vaste extension géographi- 68i INDEX. que, 27: (iitlérences avec les nègres, 190; aversion qu'ils professent pour tout poil sur le visage, 635: variabilité des indi- gènes, 190. AMKRrgrE, variation dans les crilnes des indigènes, 21: leur vaste extension, 184; poux des indigènes, 185: leur défaut gé- néral de barbe. 613. A.MKKIQUE du Nord, lépidoptères de 1', 275- 276: les femmes sont chez les Indiens un motif de discorde, 614: notions des In- diens sur la beauté du sexe féminin, 632-634. Amkrique du Sud , caractère des indigè- nes, 183; population de quelques par- ties, 190: piles de pierre dans \\ 196: extinction du cheval fossile, 203; oiseaux du désert, 538 ; légères différences sexuel- les entre les naturels, 541 ; prédominance de l'infanticide chez eux, 647. Ammnphila. mâchoires de 1', 303. Ammotragus tragelaphus , membres anté- rieurs velus de 1', 582. Amphibia, leur affinité aux poissons ga- noldes, 180; leurs organes vocaux, 620. Amphibiens, 172, 382; reproduisent avant l'âge mûr, .532. Amphioxus, 173, 175. .\mphipodes mâles précocement reproduc- teurs avant qu'ils soient adultes, 532-533. Amunoph III, caractères nègres des traits de, 183-184. Anas acuta et boschas, leur plumage mâle, 430. Anas histrionica, 532. Anastomiis oscitans , sexes et jeunes, 534: leur plumage nuptial blanc, 541. Anax jtmius, différence des sexes, 319. AxcÈTRES primitifs de l'homme, 163. .\NE, variations de couleur de 1', 600. Anglais, succès des, comme colonisateurs, 154. Angleterre , proportion numérique des naissances masculines et féminines. 266. Anglo-Saxoss, appréciation de la barbe des, 636. Animaux, cruauté des sauvages pour les, 126: les domestiques sont plus féconds que les sauvages, 44; caractères com- muns à l'homme et aux, 159-160; change- ments de races dans les domestiques, 651. Animaux domestiques, races d', 193; chan- gements dans ces races d', 400; fécon- dité des, 208. Annélides, 292 (.\nnelés). Anobhmi tessellatum, sons produits par les, 336. Anolis cristatelhtx, crête du mâle, 389: son caractère belliqueux, 389; et sa poche de la gorge, 390. Anser canadensis. 4.")6. Anser cyrjnoides, 454: bouton à la base du bec, 467. Anser hijperboreus, blancheur de 1", 541. Antennes , munies de coussins chez le Penthe mâle. ,304. Antidium manicatum, grand mâle de 1', 307. Anthocharis cardamines, .339, 343 : différence de couleur sexuelle dans 1', 355. Anthocharis genutia, 343-344. Anthocharis sara, 34.3-344. Anthophora acervorum. grand mâle de l',307. Anthophora relusa, différence des sexes, 321. Anthiis, mue de 1', 429. Anthropidés, 166. Antigua. observations sur la fièvre jaune à, 214. Antilocapra umericana, cornes de 1', 258, 554. Antilope à cornes fourchues, 258. Antilope bezoartica, femelles à cornes, 554: différence sexuelle dans la couleur, 587. Antilope Dorcas et euchore, 554. Antilope euchore, cornes de 1', 359. Antilope montana, canines rudimentaires chez les jeunes mâles de 1', 564. Antilope niger, sing-sing, caama et gorgon, différences sexuelles de couleurs, 587. Antilope orcas, cornes, 257. Antilope saiga. mœurs polygames de, 238. Antilope strepsiceros, cornes, 257. Antilope snbgiitturosa, absence de creux sous-orbitaires, 581. Antilopes, généralement polygames, 238 : cornes d', 257, 554; dents canines chez quelques mâles, 551 ; usoge des cornes, 564 ; crêtes dorsales, 582 : fanons, 582 : changement hibernal de deux espèces, 595 ; marques particulières, 596. Antip.\thie qu'éprouvent les oiseaux captifs pour certaines personnes, 451. Anura (Anoures), 384. Apatania muliebris, mâle inconnu, 280. Apathus. différences entre les sexes, 321. Apatura Iris, 337, 309. Apis mellifica, mâle grand, 307. Apollon, statues grecques, d'. 636. Apoplexie, chez le Cebus Azarx, 3. Appendices anaux, des insectes, 303, Approbation, influence de l'amour de 1', 117, 124, 141, 142. Aprosmictus scapulatus, 502. Aquatiques, oiseaux, fréquence chez eux du plumage blanc, 542. Aquila chrysaétos, 447. Arabes, coiffure particulière et très-com- pliquée chez les femmes, 638; balafres que se font les hommes sur les joues et les tempes, 628. Arachnides, 299. Araignées, 299-300 : activité supérieure des mâles, 243; rapports des sexes, 280: pe- tite taille des mâles, 300. Arakhan, élargissement artificiel du front par les indigènes, 637. Arboricola, jeunes, 514. Arc, usage de 1', 197. Archéoptéryx, 173. Arctiides, coloration des, 345. Ardea asha, rufescens et cxrulea, change- ments de couleur, 543. Ardea cxrulea, reproduisant dans son jeune plumage, 532. Ardea gularis, changement de plumage, 543-544. Ardea herodias, gestes amoureux du mâle, 417. Ardea ludoviciana, âge auquel il revêt son plumage définitif, 531 : croissance con- tinue de l'aigrette et des pennes dans le mâle, 5,33. Ardea nycticorax, cris de, 404. Ardeola, jeunes de 1', 514. Ardetta, changements de plumage, 506. Argenteuil, 20. Argus faisan, 420. 441, 507; étalage de plumes par le mâle, 434: taches ocellées. 471, 476: gradation de caractères dans r, 477. Argyll, duc d', la façon des instruments spéciaux à l'homme. 86: sur la lutte chez rnomme entre le bien et le mal, 135: sur la faiblesse physique de l'homme, 65: sur sa civilisation primitive, 155-156: sur le plumage du mâle du faisan argus, 436 : INDEX. 685 sur llrostiele Brnjamini, MX : sur les nids d'oiseaux. 497. Argynnii aglaia. coloration do la surface inférieure, 316. Ârcoris epiliis . ditrërences sexuolles de» ailes, *•:.. AiiRKT de (léveloppemenc, 31. Arterk, efff t de la ligature sur les branches voisines, 30. Artkkks, variations dans le trajet des, 31. Artiiroi-ooks, 39î. Arts pratiqués par les sauva^^es. 196 AscKNsioN, incrustations colorées sur les rochers de 1'. 291. A.sciuu, afHnités avec IWmphioxus, 171: larves en forme de têtards des, 171. AsnoïKNs. 3H9; couleurs vives de quel- ques, 2H7. Asiituf', espèces asiatiques et africaines. 600.' A.^iitut Irniopiis, 600. AsTKRiKs. couleurs brillantes do quelques, 2«7. Atrif.x effets de reau-<>iN. V.. sur un parasite hyménoptère dont le mille est sédentaire, 213. AinmoN. J.-J. sur le caractère belliqueux «les oiseaux mAles. 398: Tetrtio rupiilo, Ui3: sur .In/.vi iiytocorax, 401: Slumella Inilnviciann. Ktt: organes vocaux du Te- trao eiipitin, 4(13 : sur le bruit du tambour du Telrao umheUus mAle. 412: sons pro- duits par l'engoulevent. 412: sxir VA ni fa herodia-t et Cathartes jota, 417; sur un changement printanier de couleur dans Î|uelques pinsons, 131 : sur le Mimiis po- yglottus, 4.">1 : sur le dindon, 4:>8-46(): variations dans le tangara écarlate mAle, 461: sur les mo-urs du l'yrangn xstivn, 497 ; sur îles ililférences locales dans les nids des mêmes espèces d'oiseaux. 497- 498: sur les m'J\. .Vfl>fB<):v et Hach.mans. sur les con)bats d'écureuils, 550; sur le Ivnx du Canada, .572. .\i;sTKN, N.-I,., sur Anolit rrLtlati'IlHx. \VM\. .Vl'sTRAl.lK, destruction de métis nar les iniligenes. IW'»: poux des naturels de 1', 1H6; n'est pas lo lieu do naissance ilo 1 homme, 169: préponiléranco de l'infanti- cide du sexe femelle, 617. .\fsTR\l.iK MKRiiiioNAl.K. Variation dans les cri\nes des indigènes, 24. AfsTRAi.iKXs, couleur des nouveau-nés, 610: taille relative des sexes. 611: femmes étant une cause de guerre chez les, 61 1. AfTRircHF. africaine, sexes et incubation, 526. At)TRiTiiE.s, raies des ieunes, 510. AVANCKMKNT, dans l'échelle organiipie, d'a- près la detinition do von Baer, 178. .VvoRTKMKNT. Usage prévalant de 1', 45. Axis CKRK, différence sexuelle de couleur, .588. AVMARAS, mesures des, 32 ; absence de che- veux blancs, 611: visage imberbe des, 613: longueur de leurs cheveux, 635. AZARA. proportion entre les hommes et les femuies ciiei les (iuaranys, 268: l'alame- deit rornula, 4(K); barbes des (iuaranys, 613; luttes des (iuanas pour les femmes, 614: sur l'infanticide, 632; sur la po- lyandrie jiarmi les Uuauas, 619; le céli- bat est inconnu chez les sauvages de l'Amérique du Sud, 649: liberté du divorce chei les Charruas, 651. BarbaciK, C, sur la proportion plus grande de naissances illégitimes féminines, 269. Bandks. de couleurs, conservées dans des groupes d'oiseaux, 4('>8 ; leur disparition chez les inAles adultes, 599. Bauiroi-ssa, défense du, 569. Babouin, utilisant un paillasson pour s'a- briter du soleil. 87; manifestation de mémoire, 77: protégé par ses camarades, 110; fureur excitée par une lecture, 74. Babouin du Cai». crinière du inàle, 572; Hamadryas, crinière du niAle, 572. Babouins, effets des liqueurs spiritueuses sur les, 4; oreilles, 12; manifestation d'affection maternelle, 72; emploi de pierres et bâtons comme armes, 85 : coo- pération, 107: silence observé dans leurs expé60 ; sur le mode de combat du butfle italien, X-tH. Bain, .\.. sur le sentiment du devoir, 103; l'aide provenant de la .sympathie: 109: sur l'amour de rapprobâtion, etc., 113, 117 : sur l'idée de beauté, 6.'»9. Bairi>, W'., différence de couleur entre les mâles et les femelles de quelques Kn- tozoaires, 287. Bakp.h, m., observation sur la proportion des sexes chez les petits de» faisans, 273. Bakkr, Sir S., amour des Arabes pour la musique discordante, 417; différences sexuelles des couleurs chez une antilope. ,587 : chevaux gris ou blancs attaques par l'clephant et le rhinocéros, ,592: sur les dédgurations en usa^'e chez les nègres. .593: balafres que les ,\rabes se font sur les joues et les tempes, 628; coiffures des Africains du .Nord. 62<.) : perforation de la lèvre inférieure chez les femmes de I.a- touka. 6,'JO: caractères distinctifs de la G86 INDEX. coiffure des tribus de rAfrifjue centrale, 631 ; sur la coiffure des femmes arabes, 038. Bals du Tétras noir, 3îm, 443. Banbks, colorées, conservées dans certains groupes d'oiseaux, 468: leur disparition chez les mâles adultes, 598. Bantam, Sebright, 231. Banteno , cornes du , 555 : différences sexuelles dans les couleurs du, 588. Banyai, couleur des, 634. Barharisme, primitif, des nations civili- sées, 155. Barbk, développement de la, chez l'homme, 608 ; son analogie dans l'homme et les (juadrumanes, 610; variations de son dé- veloppement dans les diverses races hu- maines, 612 ; appréciation de cet appen- dice chez les nations barbues, 636 : son origine probable, 659. Barbe, chez les singes, 164. Barbes, des plumes filamenteuses chez cer- tains oiseaux. 420-421. Barbus (Capitonidis), couleurs et nidifica- tion des, 500. Bakr, m., sur la préférence sexuelle chez les chiens, 575. Barrixgton', Daines, langage des oiseaux, 91 : gloussement de la poule, 402 ; but du chant des oiseaux, 403 ; chant des femel- les, 405, sur les oiseaux apprenant le chant d'autres oiseaux. 405; sur les mus- cles du larynx dans les oiseaux chan- teurs, 406: sur le manque de puissance de son chez les femelles, 494. Barrow, sur les oiseaux mâles, 411. Bartlbtt, A.-D., sur le Tragopan, 241 ; développement des ergots dans Crossopti- lon tturitiim, 259; combats entre mâles de Plectropterus gambensis, 400: sur la houppe, 428 ; étalage chez les mâles, 432 : étalage des plumes chez le mâle l'obj- plectron, 434 : sur le Crossoptilon auritum et P/iasianus Vallic/iii, 438; sur les mœurs du Lophophoriis, 460 ; couleur de la bou- che dans Buceros bicornis, 466: sur l'incu- bation du casoar, 525: sur le buffle du Cap, 559 ; sur l'usage des cornes dans les antilopes, 559; sur les combats des Phacochères mâles, 571 : sur VAmmoti-a- gus tragelaphiis, 582 : couleurs du Cerco- pithecus cephus, 589: sur les couleurs du visage des singes, 641 : sur les surfaces nues chez les singes, 657. Bartram, sur les assiduités de l'alligator mâle, 386. Basque, langage très-artificiel, 96-97. Bassin, différence du, dans les deux sexes, 609. Bâte, C.-S., sur l'activité supérieure des crustacés mâles, 242 : proportions dans les sexes chez les crabes, 281 ; sur les pinces des crustacés, 295; grosseur rela- tive des sexes chez les crustacés, 297: siir leurs couleurs. 298 Bâtes, H.-\V., variations dans la forme de la tête des Indierts de l'Amazone. 26; sur la proportion entre les sexes des pa- pillons de l'Amazone, 275-276: différences sexuelles dans les ailes des papillons, 305 : sur le grillon des champs, 312 ; sur \e Pyrodes pulc/ierrimus. 321; sur les cor- nes des coléoptères lamellicornes, 328; sur les couleurs des Epicoliie, etc., 339; sur la coloration des papillons tropicaux, 342; sur la variabilité des Papilio Se- sostris et Childrense, 351 : sur des papil- lons habitant des stations différentes suivant leurs sexes, 351 ; sur l'imitation, 355 ; sur la chenille d'un Sphiiix, 358 ; sur les organes vocaux du Cephalopterus, 410; sur les Toucans, 540: sur le Bra- chyuriLi calvus, 604. Batokas, font sauter leurs deux incisives supérieures, 629. Baton.s, employés comme outils et armes par les singes. 85. Batraciens, 381; ardeur du mâle, 243. Beau, goût pour le, chez les oiseaux. 419; et chez les quadrumanes, 593. Beauté, sentiment de la, chez les animaux, 98; son appréciation parles oiseaux, 452; son influence, 627. Be.vvan, lieut., sur le développement des cornes chez le Cermts Eldi, 257. Bec, différences sexuelles dans sa forme, 394: dans sa couleur, 420; présente de vives couleurs chez quelques oiseaux, 541. Becs-croisés, caractères des jeunes, 510. Bécasse, bruit de tambour de la, 412-413; sa coloration, 540); arrivée du mâle avant la femelle, 232 ; mâle belliqueux, 396 ; dou- ble mue, 427. BÉCASSINE, double {scolopax major), assem- blées de la, 444. Bechstein. oiseaux femelles choisissant les meilleurs chanteurs parmi les mâles, 404 ; rivalité chez les oiseaux chanteurs, 404; chant des oiseaux femelles, 404; acqui- sition du chant d'un autre oiseau, 406; sur une sous-variété du pigeon moine, 469; poules à ergots, 492. Beddoe, docteur, causes des différences de taille, 29. Belgique, anciens habitants de la, 193. Béi.iek, mode de combat du, 557; crinière d'un africain, 584: à queue grasse, 584. Bell, Sir C, muscles grandeurs des, 40; muscles sur la main, 51. Bkll, t.. proportion numérique des saxes chez la taupe, 272; sur les tritons, 383; sur le coassement de la grenouille, 385; différence de coloration des sexes dans Zootoca vivipara, 393 ; combats de taupes, 550. Bennett, a. W,, sur les mœurs du Dro- tnœns irroratus. 526. Bennett, docteur, oiseaux de paradis, 434. Bernache, mâle s'étant apparié avec une oie du Canada, 454. Bernicla antarctica, couleurs de la, 541. BÉTAIL, domestique, différences sexuelles se développant tardivement. 259 : son aug- mentation rapide dans l'Amérique du Sud, 46 ; cornes du, 258. .587 ; proportion numé- rique des sexes, 271. Bettoni, E., différences locales des nids d'oiseaux en Italie, 500. Bhoteas, couleur de la barbe des, 611. Bhringn, rectrices disciformes du, 4.30. Bibio, différences sexuelles dans le genre, 308. Bichat, sur la beauté, 639. Bienveillance, manit'estée par les oiseaux, 449. Bile, colorée, chez beaucoup d'animaux, 288. Bimanes, 102. Ilirgns latrn. m(t>urs du, 297. BiKKBECK, M., aigles dorés trouvant de nouvelles compagnes. 447. BiscHOKF, prof., accord entre le cerveau humain et celui de l'orang, 2; figure de l'embryon du chien,6; circonvolutions céré- INDEX. 687 braies du f(i«tiis humain. 7-8; iJifférence entre les crAnes «le rhoiniiip et «les qua- (Irumanes^, 162: sur les circonvolutions cérébrales «le l'honiuie et «les sinfres, 219. Hisiiop, J.,ori;aues vocaux «les jn'euouilles. ;W,"» : orjranes vocaux des oiseaux du jçiMirc corljcau. -107; trachée «lu Mrrgaimer. 110. HisoN américain, crinière du mâle, r)72. Uiziura lobata. odeur musquée du mùlc, :<9i ; sa ffrosseur. 398. Bi.AKW.\i,L, J.. lanjrairede la pie,9.">: hiron- delles abandonnant leurs jeunes, lir>; ac- tivité supérieure des araifrnécs mâles. 242; proportion des sexes chex les araignées. 280: variations sexuelles de couleur chel ces animaux, 299; araij.'nées mâles, 300- 301. Hi.AiNK, sur les affections des chiens, 575. Iti.AtR, docteur, disposition des Kuropéens a avoir la lièvre jaune, 213. Hi.AKK, C.-C, sur la miVchoire de la N'au- lette, 39. ni.AKisTON, cap., sur la bécasse américaine, 411: danses du Tftran phnsianellus, 417. Hi.Asir.s, docteur, sur le» espèces d'oiseaux européens, 462. Bleiliux taurus, appendices comus du m&le, 412. Bi.KNKiRoN. M., préférences sexuelles chez 11- cheval. 575. Hi.KNMKs, crête se iléveloppant pendant la saison de reproduction, sur la tète des miiles, 372. Ulethisa miiltipunclatn, stridulation chez la, 333. Bi.ocii, proportion des sexes dans les pois- sons. 271. ni.r.MKMiACii. sur l'homme. 26: grosseur des cavités nasales chez les indigènes de r.Vmeri({ue. 32: situation de l'homme, 1G2: sur le nombre des espèces humaines, HK). Hi.YTii. K.. observations sur les corbeaux indiens, |0<): stnicture delà main dans les Hyliibates. 51 ; différences sexiielles de couleur dans le Hytnbnte.% hnnlork, .589 ; caractère bolli(^«ienx des m&les de la flalli- nuln rrislatu. 396: présence d'ergots dans la femelle Kiipluramux erythrophtlinhnus, 400; sur le caracton- belliqueux de l'ama- «la vat. 102 : sur le bec en cuiller. H 1 : mues de VAntlius, 429: mues chez les outardes, (>luvi<>rs et Gnllu.i haiikira, 130 ; sur la •use H'ernis rrixlnta de l'Inde, 461; diffé- rences sexuelles dans la coloration «les yeux des calaos, 46«> ; sur X'Urinlux mrlti- nocephalnx, 505 : sur le l'alntniix jiivnnirus, 506; sur le genre Anlflln, .506; sur le faucon pèlerin. .VM>: sur de jeinn-s oiseaux femelle» prenant «les caractères mascu- lins, 5«i7 : sur le pluiiingo des oise.-iux nim adultes. 510 ; espèces représentatives d'oi- seaux, 511; sur les jeunes Titrnij-, Ti2'!- 523; jeunes anorm .iix de lAiniiu rufiix et Ciihj'nbux (iliicinlix, 5.30; sur les sexes et lesjeunesdes moineaux.. 5.'<0; dimorphisnie chez quelipies hérons, 532; orioles repro- duisant avant encore leur jeune plumage, 5.12; sur les deux sexes et les jeunes «le lliiphii.t et .\iin.ilitiiin.i,7>H ; sur les jeunes do la fauvette il tète noire et du merle. .5;ii: sur le plumage blanc de V.Xiiaftnmiu, 512; sur les cornes de V.inlilnpe bfinartirn, 551; sur les cornes «les bêtes bovines, .".55; sur la manière de combattre de l'Ori.» ri/rttirrrof, .5.58: sur la voix df's (tib- bons. 578; sur la crête du bouc sauvage. .582; couleurs du l'urtnx pirln, .587: c«>u- leurs de V.inlilope bezoarlica, 587; sur le dévelojipement des cornes dans les anti- lopes Koudou et Kland, 596: couleur du cerf axis, ,588: sur le cerf-cochon {Hyeln- phux i>orriniis\, ,599: sur un singe dont la barbe est devenue blanche avec l'Age, 610-611. BoiiKMiKNN. uniformité des, dans toutes les parties du monde, 212. BorTAKi) et Corbiê, transmission des parti-' cularites sexuelles chez les pigeons, 253; antipathie ipie ({U<>l<|ues femelles «le pi- geons éprouvent pour certains mAles, 458. Itoi.i). M., chant d'un canari hybride et sté- rile. 405. Bo.MBRT. variabilité du type de beauté en Kuropc. 652. BoMRUS, différence dans les sexes du, 321. BoMnvciD.K. leur coloration, 341 : leur .ippa- riage, 319. /lomhyrilla carolinfiisit, appendices rouges du, :>06. Hniiihyx rynihio, .306 : proportion des sexes, 275, 278; appariage du. 349. Itombyx iitori, différence de irrosseur entre les cocons mâles et femelles, 306; appa- riage, 3,50. Uombyx J'ernyi. proportion des sexes de, 278. Uombyx Vanwmai.'SlHi; M. Personnal, sur le, 276; proportion des sexes, 278. BoNAi'ARTK, C.-I.., sur les notes d'appel du dindon sauvage. 111. Bond, K., sur des corbeaux ayant renouvelé leurs femelles, 446. UoNKR. C, transmission k une vieille femelle de chamois de caractères niAles, 5.53; sur les bois du cerf commun, 561 ; mœurs des niAles, .566; appariage du cerf. 573. BoNNKT-ciiiMMS {Miiraciis radiatu.i). 161. BoOMKRANO, 157. /Joreus hyfineilis, rareté «lu inAle, 280. BoRV Saint-Vincknt. nombre d'espèces hu- maines, 191 : couleurs du Lnbrux tmvo, 376. Dos gaurus, cornes du. 5.55. IIds primigrniii.i, 550. /Ifix somliiicus, cornes du, 535; couleurs du, 5h8. B»««MiMAXK. cerveau d'une femme, 183: coutumes nuptiales, 6.55 ; ornementation exagérée d'ime femme, 632. BoSCIlIMANS, 66. B<>T5l. BorvRKfii.. difff-rences sexuelles «lans le, 240: chant de la femell<>. 401: assiduités auprès des femelles, 4.38-1.39; veuf, se r<-apiiariant, 417; atta(|uant un bniant lA'mfterijn xc/iniirliu), 452; on vérille le sexe des jeunes dans le nid en arrachant des plumes pectorales, .532 ; «listingue les per-sonn»-», 4.50; rivalité entre fem'dles. 160. BoviDKs. fanons des. .581. BKA«'III<>I*<>|iKS, 289. BRACiivcKPHAi.HfiîK, explication possible «le la conforniatiim, 57. Brachvi-ra. 297. Urnrhynrus riilrii.t. visage êcarlate du, 604. BKAKKNniiMii:. docteur, sur l'influence du climat. .30. (i8K INDEX. Bras, proportion des, chez les soldats et les matelots. 30; direction des poils sur les, 165. Bkas et mains, l'usage libre des deux or- ganes est en corrélation indirecte avec la diminution des canines, 53. Ukaubacii, professeur, sentiment quasi re- ligieux qu'éprouve le chien pour son maî- tre, 102; sur la contrainte du chien vis-à- vis de lui-même, 110. Braukr, 1'\, dimorphisme chez le Neurothe- mis, 320. Brehm, effets des liquides spiritueux sur les singes, 4; reconnaissance des femmes par les Cynocéphales niàles, 5 ; vengeance des singes, 72 ; manifestations d'affection ma- ternelle chez les singes, 72; leur terreur instinctive des serpents, 75; babouin se servant d'un paillasson pour s'abriter du soleil, 87; usage de pierres comme pro- jectiles par les babouins, 86; cris de si- gnaux des singes, 92; des sentinelles qu'ils postent, 107; la coopération des animaux, 107 ; cas d'un aigle attaquant un jeune cercopithèque, 108; babouins captifs évitant la punition de l'un d'eux, 110; habitudes des babouins lorsqu'ils sont en expédition pour un pillage, 111 ; diversité dans les facultés mentales des singes, 25; mœurs des babouins, 51; polygamie chez les CynocepUalus et Cebns, 237-238; sur la proportion numérique des sexes chez les oiseaux, 273; sur la danse d'amour du tétras noir, 399 ; snr Palamedea rorimla, 400; sur les mœurs du petit té- tras, 402; sons produits parles oiseaux du paradis, 412; assemblées de grouses. 414; oiseaux se réappariant, 418-, combats entre sangliers sauvages, .568; mœurs du Ci/nocephaliis hamadryas, 646. BuKME, proportion des sexes dans la. 275. Bkknt, m., cour que se font les espèces gallines, 457. Brésil, crânes trouvés dans des cavernes du, 184; population du, 190: compression du nez chez les indigènes, 638. Brkslau, proportion numérique des nais- sances masculines et féminines, 267. Bridgman, Laura, 93. Broca, professeur, sur l'existence du trou supra-condyloïde dans l'humérus humain, 19; capacité des crânes parisiens à diffé- rentes périodes, 55 ; influence de la sé- lection naturelle. 62 ; sur l'hybridité chez l'homme, 186; restes humains des Eyzies, 199; cause de la différence entre les Eu- ropéens et les Indiens, 211. Brcchet mâle dévoré par les femelles, 274. Brochet américain, mâle du. vivement co- loré pendantla saison de reproduction,374. Brodie, Sir B., origine du sens moral chez l'homme, 104. Bronn, h. g., copulation d'insectes d'es- pèces distinctes, 303. Bronze, période du, hommes en Europe de la, 138. Bro\vn, R., les sentinelles postées par les Ehoques. généralement femelles, 107; com- ats entre phoques. 550; sur le narviil. 551 ; absence occasionnelle des défenses chez la femelle du morse, ij.v.' : sur le pho- que à capuchon (Cystopitnrn cristata),'i'9: couleurs des sexes dans le Phoca i/roen- liindicn, 586; amour de la musique chez les phoques, 621; plantes que les femmes de fWmérique du Nord emploient comme philtres, 6.32. Bruant des roseaux (Emberiza schœniclus), plumes de la tête chez le mâle, 440; atta- qué par un bouvreuil, 452. Bruants, caractères des jeunes, 510. Bruce, usage des défenses de l'éléphant 557. Brûlerie, P. de la, mœurs de YAteuchus cicatricosus, .330 ; stridulation de l'A leuchus, 336. Brunnicii, corbeaux-piesdes iles Féroë, 465. Bryant, capit., sur la mode de courtiser du Collorliinus ursiiius, 573. Bitbas bison, projection thoracique du, 327. Bucephalus capensis, différence de couleur des sexes, 386 liuceros, nidification et incubation, 498. Buceros bi$cornis, différences sexuelles dans la coloration du casque, bec et bouche, 466. Buceros corruf/atus, différence sexuelle dans le bec, 420. Buchner. sur l'emploi du pied humain comme organe préhensile. 52 ; mode de progres- sion des singes, 52-53. Buckinghamshire, proportion numérique des naissances mâles et femelles dans le, 267. Buckland, p., proportion numérique des sexes chez le rat, 272 ; chez la truite, 274; sur Chimxra monstrosa, 372. BucKLAND, W., complication des crino'ides, 97. BucKLER, W., proportion des sexes chez les Lépidoptères élevés par, 278. Bucorax abyssiniens, gonflement des caron- cules du cou du mâle, pendant qu'il cour- tise la femelle, 420. BitdytesBaii, 232. Buffle du Cap, 559 ; indien, cornes du, 555 ; italien, mode de combattre du, 558. BuFKON, nombre d'espèces chez l'homme, 190. BuiST, R., proportion des sexes chez le sau- mon, 274; caractère belliqueux du sau- mon mâle, 366. BuLBUL, caractère belliqueux du mâle, 395 ; son étalage des plumes qui sont sous les couvertes, 440. Buplius corromandus, sexes et jeunes, 534 ; changement de couleur, 543. BuRCHELL, docteur, sur le zèbre, 598; exa- gération d'une femme boschimane dans son ornementation, 632 ; célibat inconnu chez les sauvages du sud de l'Afrique, 649 ; coutumes de mariage des femmes boschi- nianes, 655. BuRKE, nombre d'espèces d'hommes, 191. BuRToN, capit., idées des nègres sur la beauté féminine, 634: sur un idéal uni- versel de beauté, 637. BusK, indienne {Pernis cristata), variation dans la crête de, 464. BusK, G., prof., sur l'existence du trou supra- condylo'ide de l'humérus humain, 19. Butler, A. -G., différences sexuelles sur les ailes de Aricoris epiliis, 305; coloration des sexes dans les espèces de Thecla, 340 ; ressemblance de Iphias f/laucippc à une feuille, 344; rejet de certaines phalènes et chenilles par les lézards et grenouilles, 359. Butors nains, coloration des sexes, 506. BuxTON, C, observations sur les perro- quets, 108 ; sur un exemple de bienveil- lance chez un perroquet, 450. INDEX. 689 Cacatoks, 5I0-:>Iî; bâtissant leur nid, 450; pluniajfe jpune des noirs, 'yli. Cachalot, tt-io du mâle lrés-j;rossc, r>5î; combats entre mâles, 550. ("ADKxrF. iniLsicale, perception par les ani- maux do la, 6Î.1. <^AKK. goût des sin^res pour le, 4. t.'AKRK, diast^me existant dans le crâne. 39. Cakkk.s, i>oux des. 185: leur couleur. 634; possession des femmes les plus belles par les chefs, 051 : coutumes nuptiales des 655. l'iiiriiia mnsrhata. mâU* fort bellii|uenx, .197. C'ai.ao d".Vfri'|ue. f^ontlcment de» caroncules du cou lorsiiu'il courtise la femelle. 4î(). Calaos, différence sexuelle dans Ift couleur des yeux. 466; leur niditlcaiion et incu- bation. 4W. ralliann'fa. pinces du, 294. ('(illionyinn.i lyra, caractères du mâle, 369. l'itllitrhinus iirsiniif. ^.Tandeur relative des sexes. 566 : leur mode de se courtiser. 573. Ciilotfs iiigrilnbri.t, ditTérence sexuelle de couleur. 393. C'AMBRiiMiR . O. Pickard, sexes des arai- f.'n.'es, Î80. Camklk.oss. 391. Campbki.l. J., siir l'éléphant indien, 239: proportion entre les naissances mâles et lemelles dans les harems de Siam, 270, Ciimpylopt^rti.i /ifmilfuntrii.t, 274. CASAnn. arloijuin. â^'e ou il revêt le ulu- majre adulte. 531 : se reproduit déjh dans son jilumage antérieur. .532. Canakii i» longue queue (llarelila ytncialis); prt'ference du mâle pour certaines fe- melles. 461. Caxar» {QiierqHfiliil(f acuta), sarcelle s'ap- pariant avec un siflleur [Mnrera pene- lope). 45 t. Canard musqué d'Australie, 391; grande taille du mâle, 3Î>6 ; de Guyane, caractère beirn{ueux du mâle. 396. Canari», voix s. reconnus p;ir les chiens et les chats, 151 : sauvages, deviennent poly- games sous l'influence do la domestica- tion. 241. Canaris, («olygamie des, 241 ; changement de plum.Tge après la mue, 261-262; sé- lection par la femelle du mâle chantant le mieux. tOlMttl; chant d'un hybride sté- rile. 1(15: chant chez la femelle, 40t ; choix d'un verdier. 455: appariage avec un tarin, 455; reconnaissent les person- nes, 451. Candollk. de. Alph., cas de mobilité du scalp. 10. Cankstrini. C».. caractères rudimentaires. 8; mobilité de Foreille chez l'homme, 11 ; variabilité de l'appendice vermiforme, 18; division anormale de l'os malaire, 37; conditions anormales de l'utérus humain. 37; persistance chez I homme delà su- ture frontale, 37: proportion des sexes chez le ver à soie, 275. Canink-s, dent.s, chez l'homme. 39 ; diminu- tion chez l'homme, les chevaux, et dispa- rition chez les Ruminants mâles, 54 ; étaient fortes chez les premiers ancêtres do l'homme, 175; développement inverse avec celui des cornes, 561. Canots, usage de, 48. t'aniharix. différence de couleur des deux sexes d'une esjiece de. 324. (-'ai-itoniuks, couleur et indication des, 500. Vanra rgagrus. 'X^: crête du mâle, 582; différence sexuelle de couleur, 588. Capmilus Sibiricux xubecaudalus, .595. <."ai>ri< K. commun & l'homme et aux ani- maux, 99. Cnprimulgus, bruit que font avec leurs ailes les mâles. 412. Caprimulgiis lirgininiiiis, appariage du, 402. Carabii>ks, vives couleurs des, 6.53. Caractiïrk.s mâles, développés chez les fe- inelles, 251 ; exagération artiticielle par l'homme des caractères naturels, 637; sexuels secondaires , transmis par les lieux sexes, 2.50. CvRAc-rkRKs mentaux, différence des. dans les diverses races humaines. 193-191. Caracticrks ornementaux, leur égale trans- mission dans les deux sexes chez les mammifères, .591: chez les singes, 601. CAHACTi-:RKS sexuels .secondaires, 227 ; rap- ports de la polygamie avec les, 237 ; gra- dation des, chez les oiseaux, 471 ; trans- mis par les deux sexes, 250. Carbonnikh, hist. naturelle du brochet, 274; grosseur relative des sexes chez les |H)issons, .369. Careineutei, différence sexuelle de couleur, .502. CarciiiHs mgna.t, 295. 297. Caritiielix elegans, différences sexuelles du bec, .■J95. Carnivores marins, habitudes polygames, 2,39: différences sexuelles de couleur, 586. Cari'k. proportion numérique des sexes, 275. Carr, R., sur le vanneau huppé, 402. CARfs, V., prof., développement des cornes chez le mérinos, 258. Ca.soar, sexes et incubation du, 525. Castor, instinct et intelligence du. 69; voix du, .580; castoréuin du, 580; combats des mâles. 519. Castorki-m, .580. CaMiariiit gnirniux, 525. Cataracte, chez un Cetiii-i nznrx, 3. Catarrhk. le Cebus nznrte sujet au, 3. Catarrhinlns. singes, 166. Cathartes aura, 456. Cathartf* jota, gestes amoureux du mâle, 417. Catlix, O. , développement de la barbe chez les Indiens de l'Amérique du Nord, 613 ; grande lonirueur de la chevelure dans quelques trinus de l'Amérique du Nord, 635. Caton. J.-I).. développement des cornes chez les Crrnis rirginiamtu et slrongylo- crro.n, 257 ; sur la présence do vestiges de cornes chez la femelle du \k°apiti. 554 ; combats de cerfs. .561 ; crête du wapiti mâle, 582: couleurs du cerf de Virginie, 587; différences sexuelles chez le wapiti, 588: taches du cerf de Virginie, .599. CAfnALKs, vertèbres, nombre dans les ma- caques et b's babouins, 59; occlusion de leur base dans le corps des singes, 59-60. (.'avitks sous-orbitaires des Ruminants, ,580; . Crbii-s, affection mafernelle chez tin. 72. graduation des espèces de, 191. U 690 INDEX. Cebus Asarr, sujet aux mêmes maladies aue l'homme, 3: sons distincts qu'il pro- auit, 89: précocité de la femelle du, 610. Cebiis capuemus, polygame, 238 : différences sexuelles de couleur, 589; chevelure cé- phalique du, 602. Cebus cellerosus, cheveux sur la tête du, 602. CÉciDOMYiDEs, proportion des sexes, 279. CÉLIBAT, inconnu parmi les sauvages de l'Afrique et de TAraérique méridionale. 649. CÉPHALOPODES, absence de caractères sexuels secondaires, 290. Cephaloptents ontatus, 409. Cephalopterus penduliger, 410. Cerambyx héros, organe stridulant, 333. Ceratophora aspera, appendices nasaux, 391. Cerutophora Stoddartii, corne nasale du, 391. Cerceris, mœurs du, 321 . Cercocebtts xthiops, favoris, etc., 602. Cercopithecus jeune, pris par un aigle et délivré par la bande, 107 ; détinition des espèces de. 151. Cercopithecus cephus, différences sexuelles de couleur, 589, 601. Cercopithecus cynosurus et griseoviridis, cou- leur du scrotum dans les, 589. Cercopithecus Diana, différences sexuelles de coloration, 589, 605. Cercopithecus griseoviridis, 107. Cercopithecus petaurista, favoris,etc.,de,603. Cerk , taches des jeunes . 509 ; bois des. 552, 556 ; leurs dimensions, 565 ; femelle s'appariant avec un mâle tandis que d'autres se battent pour elle, 573 ; mâle attiré par la voix de la femelle, 577; odeur émise par le mâle. 580; dévelop- pement des bois, 257; bois d'un cerf en voie de moditication, 563. Cerf axis, différence sexuelle dans la cou- leur, 588. Cerf mantchourien. 598. Ckrf virginien. 587 ; sa couleur n'est pas affectée par la castration, 587; couleurs du, 588. Ceriomis Temminckii, gonflement des ca- roncules pendant qu'il fait sa cour, 420. Cerveau humain, concordance du, avec celui des animaux inférieurs, 2; circon- volutions du, dans l'embryon humain, 7 ; plus grand chez quelques mammifères actuels que chez leurs prototypes tertiai- res, S5 ; rapports entre son développement et les progrès du langage, 93: maladie du, affectant la parole, 93; influence du développement des facultés mentales sur le volume du, 55 ; influence de son ac- croissement sur la colonne épinière et le crâne, 56; différence des circonvolutions dans les diverses races humaines, 182. Cerculus, armes du. 564. Cerculiis moschattts.cornes rudiment&ires de la femelle, 553. Cerciis alces. 257. CerrtL'! campestris, odeur du, 580. Cerous canadensis, traces de cornes chez la femelle, 554 : attaque l'homme, 561 ; diffé- rence sexuelle dans la couleur, 588. Cercus elaphus, bois avec de nombreuses pointes, 560. Cerous Eldi. 257. Cervus mantchuricus, 598. Cercus paludosus, couleurs du, 588. Cernis strongyloceros, 257. • Cervus virginianus, 257 ; bois de, en voie de modification, 563. Ceryle, inàle k bande noire dans quelques espèces, 501. CÉTACÉS, nudité des. 57. Ckylv.n, absence fré<|uente de barbe chez les indigènes de, 612. CHACAL.apprenant par les chiens k aboyer ,75. Chalcophaps indicus, caractères des jeu- nes, 510. Chalcosoma atlas, différences sexuelles, 325. Chaleur, effets supposés de la chaleur, 29-50. Chanueleon, différences sexuelles dans le genre, 391. Chamxleon bifurcus, 391. Chamxleon Owenii. 392. Chamxpetes unicolor , rémige modifiée dans le maie. 414. Chameau, dents canines du luàle, 551. Chamois, signaux de danger, 107 ; trans- mission H une femelle âgée, de caractè- res mâles, 553. Chant des oiseaux mâles, son appréciation par les femelles, 98 ; son absence chez les oiseaux k plumage éclatant, 439: des oiseaux, 494 ; constituant une attraction pendant la saison des amours, 681. Chant des Cicadés et Fulgoridés. .'UO; des rainettes. 385 ; des oiseaux, son but, 403. Chapuis, docteur, transmission de particu- larités sexuelles chez les pigeons, 253 : sur des piçeons belges rayés. 262, 489. Charadrius hiaticula et piuvialis, sexes et jeunes de, 533. Chardin*, sur les Perses, 641. Chardonneret. 407, 430: proportion des sexes. 273; différences sexuelles du bec dans le, 395 ; cour du mâle, 439. Chardonneret , de l'Amérique du Nord, jeune du, 534. Charmes, portés par les femmes. 631. Charruas. liberté de divorce chez les. 654. C hasmorhynchus, différence de couleurs dans les sexes, 426; couleurs du. 541. Chasteté, appréciation précoce de la. 128. Chat, rêvant, 77-78: tricolore, 253, 255. 261 ; corps enroulé dans la queue d'un, 20-21 : excité par la valériane, 581 : ses cou- leurs, 591. Chauve-souris , différences sexuelles de couleur, 586. Chéiroptères. absence de caractères sexuels secondaires dans les. 239. Chéloniens, différences sexuelles. 385. Chenalopex xyyptiacus, tubercules des ailes du. 400. CHEN^LLES, vives couleurs des. 359. Chera progne, 4.30, 459. Chev.vl, polygame. 238; canines chez le mâle, 551 : changement pendant l'hiver. ,'j95 ; extinction dans l'.Xmêrique du Sud du cheval fossile, 201 : sujet aux rêves, 78 ; accroissement rapide dans l'Amérique méridionale. 46; diminution des canines, 54; des îles Falkland et des Pampas, 198: proportion numérique des sexes. 269: çlus clair en hiver en Sibérie, 252 : pré- férences sexuelles. 576: s'appariant de préférence avec ceux de même couleur, 592 ; autrefois rayé. 600. Cheveux, développement chez l'homme, 16; leur caractère supposé être déterminé Sar la chaleur et la lumière, 30; leur istribution, 57, 656; changés peut-être dans un but d'ornement. 51 ; arrangement et direction des, 164 ; des premiers an- cêtres de l'homme, 175: leur structure différente dans les races distinctes, 182- INDEX. 601 183; corrélation entre la couleur des cheveux et cell»» «le la peau. 217; leur développement chez les Maniiiiitereit. 58'.' ; leur arrani^ement chei divers peuples, t>39; leur longueur extrême dans quel» qucs tribus de l'Auiérique du Nord, 634; leur allooRement sur la tète humaine, 65H-2r>9, 554 : différences sexuelles se développant tardivement chez la chèvre domestique. 261 : barbes de. .'>82 ; mode de combattre, ( 'iiKVRKCiL, changement d'hiver chei le. 595. Chkvrotai.n musqué, canines du mt\le, 262- 279; organes udorirérants du mile. r>80: mour son maître, 110; utilit<> |K)ssiblo des poils couvrant les pattes antérieures du, IGt; races de. 193; s'eloignant entre eux lorsqu'ils arrivent avec le traîneau sur la glace mince, 78; rêves 3; di- rection des poils sur les bras, 161; évolu- tion supposée du, 194 : nueurs polygames et sociales du, 645. , t'HiNK du Nord, idée de la beauté fémi- nine, 632. CiliNK méridionale, habitants de la, 216. i.'iiiNors, usage d'instruments de silex chez les. 157; difliculté de distinguer les races des, 182-iai; couleur de la barbe, 611; défaut général de barbe. 612; opinion dns. sur l'aspect des Kuropéens et des Cingalais. 6.'{3: compression des pieds, 638. CiiiN'sL'Rbi, opinion de, sur la barbe, 636. Chlnmyilern mtiritlntn, 419. (hlnephaga, coloration des sexes, 505. Chlorofglits Tnniiiin (ligure', 313. ClIORDA ItORSAI.I.S. 174. ("Hor. papillons du, 312-313. Choucas, bec rouge du, 5t0. Chhomioks. protubér.nice frontale du mi'ilc. 374 : différences sexuelles de couleur. 380 Chrysfmys pirla, longues griffes du mule, 385. Chryioeofcyx, caractères des jeunes, 510. Chrtsomki.ides, stridulation chez les, 332. Cicada pruinosa, 311. Cicaila seplemderim, 310. CuAiiKEs, chants des, 310; organes d« sons rudimentaires chez les femelles, 310. Cirhla, protubérance frontale du, 372. CKi'.mNii noire, différences sexuelles dans les bronches de la. 411; son bec rouge, 540. CiuouNE.s. 510: différences sexuelles dans la couleur des yeux des, 466. Cius , arrachements des cils pratiqués par les Indiens du Taraguay, 635. CiMKTii-:RK du Sud. Paris. 19-20. CiNci.K, couleurs et moditication du, 499. Cincloramphus cruralis, grandeur du mâle, 398. CiHcliis aquaticHS, 499. CiNOALAis. opinion des Chinois sur l'aspect des, 632. CiKRiPÉDEs.mAles complémentaires des. 227. Civilisation, effets de la sélection natu- relle, lit; son influence sur la concur- rence des nations, 20o. Ci-Ai'AKi-;i)K , K., sélection naturelle appli- quée il l'homme, 48. Ci.AKKE. coutumes nuptiales des Kalmucks, 654. Cl.ASSIKICATIO.N. 160. Cl.AfS, C, sexes du Sii/i/iiriiia, 298. Climdcleriii enjtliropx, sexes du, 526. Climat, 33 ; froid , favorable aux progrés de l'humanité, 143-144; aptitude de 1 homme k supporter les extrêmes de, 199; défaut de connexion avec la coloration. 211. Ci.oACAL. passage, existant dans l'embryon humain. 7. Cloaqck. existence d'un, chez les ancêtres primitifs de l'homme, 175. Clylhra i-punclata, stridulation chez. 332. CoASSEMKNT des grenouilles. 385. Cobra, ingéniosité d'un, .387. Coccus, 1.59. Coccyx. 20; de l'embryon humain. 7; corps enroulé à l'extrémité du, 21 : enfoui dans le corps, 60. CoriiiN'ciiiN'K. notion de la beauté chez es habitanu de la. 6.T{-634. CŒ(:t:.M, 18: gros chez les premiers ancê- tres de l'homme, 175. Cœlentkrata, absence de caractères sexuels secondaires, 286. ('iel'R. chez l'embryon humain, 7. CoLKopTKRA. 323; leurs organes do stridu- lation. 331. ('oi.ERK, manifestée par les animaux, 71. • <,'<)LLlNO\k"ooD. C, caractère bellii|ueux des papillons de Hornén. 'Xit ; papillons atti- rés par un spécimen mort ae la mé:ne espèce, 319. Colombie, tètes aplaties des sauvages de. 629. Colonne épinièrr. modifications de la. pour correspondre ». l'attitude verticale de l'homme, .53. (-'oLoNiSATKCRs. succès des .Vuglais comme. 15t. Coloration, protectrice pour les oiseaux, 5.38. CoLyi'HiUN. exemple de raisonnement chez un chien de chasse. 81. Cnlymhiix f/liiriali.i. jeunes anormaux de. .5.10. C"MBAT, loi du. 151: chez les coléoptères, 6î)2 INDEX. 329; les oiseaux, 894; les mammifères, 550; chez l'homme, 614. Combattant, supposé polygame , 240-241 ; proportion des sexes du, 273; caractère belliqueux du, 395, 402 ; double mue, 429 ; durée des danses, 443; attraction du, par les objets brillants, 452. CoMMANDKMENT de soi, habitude du, héré- ditaire, 12»-121. Communauté, conservation des variations utiles à la, par sélection naturelle, 63. Composées, gradations d'espèces chez les, 191. CoMi'TÉR, origine de l'art de. 156: faculté de, limitée chez l'homme primitif, 197. Comtk, C, sur l'expression par la sculpture de l'idéal de la beauté, 636. Conditions vitales, action de leur change- ment sur l'homme, 28; sur le plumage . des oiseaux, 522. Condor, yeux et crête du, 467. Conjugaisons, origines des, 97. CoNsciENCK, 122, 125; absence de, chez quelques criminels, 124. Conservation de soi-même, instinct de la, 117-118. Consomption, mal auquel est sujet le Cebus Azarx, 3. Constitution , différence de la, dans les diverses rares humaines, 182. Convergence, 193. Convoitise, instinct de, 1 18. CooK, cap., nobles des îles Sandwich, 641. Cope. Ê.-D. sur les Dinosauriens, 173. Cophotis ceylanica, différences sexuelles, 389, 392. Copris, 325. Copris Isidis, différences sexuelles, 325. Copris lunaris, stridulation du, 333. Coq, de combat, tuant un milan, 398 ; aveu- gle nourri par ses camarades, 109 ; crête et caroncules du coq, 441 ; préférence du, pour les jeunes poules, 460; de combat, zone transparente dans les soies d'un, 472. Coquilles, différences de formes des, dans les Gastéropodes mâles et femelles. 289 ; splendides couleurs et formes des, 291. Coraux, belles couleurs des, 287. Corbeau, voix du, 411 ; vole les objets bril- lants, 452 ; variété pie des îles Féroë, 464. Cordylus, différence sexuelle de couleur dans une espèce de, 393. CoRKOU, mœurs d'un pinson de, 274. Cornélius, proportion des sexes chez le Lucanus cerous, 279. Cornes, de cerf, .552, 556, 565 : et canines, développement inverse des, 501 ; diffé- rences sexuelles, chez les moutons et les chèvres, 253; leur absence dans les bre- bis mérinos , 2.53 ; leur développement chez le cerf, 256: chez les antilopes, 257;" occ\ipant la tête et le thorax dans les coléoptères mâles, 324. Corps de Wolff. 175; leur concordance avec les reins des poissons, 7. Corrélation, son innuence sur la produc- tion des races, 217. CoRRÉLATive, variation, 42. Corse, manière de combattre de l'élé- phant, 564. CorvHS corone, 446. Corvus garculm, bec rouge du, 5 10. Corvim pica, assemblée nuptiale du, 445. Corydaîis cornutun, grosses mâchoires du, 303. Cosmetornis, 507. fosmetorr.is vexillariiis , allongement des rémiges chez le, 421. CoTiNGiDÉs, différences sexuelles des, 240 coloration des sexes, 504 ; ressemblance entre les femelles des espèces distinctes, 516. Cottus scorpius, différences sexuelles du, 370. Cou, proportion du, ainsi que du coude- pied chez les .soldats et les marins, 30. Coucous, race de volailles, 262. Couleur , supposée dépendante de la lu- mière et de la chaleur, 30; corrélation entre la couleur et l'immunité contre cer- tains poisons et parasites. 213; but de la, chez les Lépidoptères, 348; rapport de la, aux fonctions sexuelles chez les pois- sons, 374 ; différences de, dans les sexes chez les serpents, 387 ; différences sexuel- les chez les lézards. 393 ; l'influence delà, dans l'appariage d'oiseaux de diverses espèces, 456; r:ipports avec la nidifica- tion, 497, 501 ; différences sexuelles, chez les mammifères, 591 : reconnaissance de la, par les quadrupèdes. 592 ; des enfants dans les différentes races humaines, 609 ; de la peau chez l'homme, 660. Couleurs, admirées également par l'homme et les animaux, 98 ; brillantes, dues à une sélection sexuelle, 287 ; vives chez les animaux inférieurs, 288: vives, pro- tectrices pour les papillons et phalènes, 345 ; brillantes, chez les poissons mâles, 369, 374; leur transmission chez les oi- seaux, 490. Courage, variabilité du, dans la même espèce , 71 ; haute appréciation univer- selle du, 127; son importance, 140; ca- ractérise l'homme, 617. Courlis, double mue, chez les, 427. Cousins, danses de, 309. Coutumes, superstitieuses, 102. Crabe commun, mœurs du, 297. Crabes, proportion des sexes dans les, 280. Crabro cribrarius, tibias dilatés du, 304. Craxe, variation du, chez l'homme, 23-24 ; sa capacité ne constitue point un crité- rium absolu d'intelligence, 55; du Néan- derthal, sa capacité, 55 ; causes de mo- difications du, 56 ; différences de forme et de capacité dans différentes races hu- maines, 182 : variabilité de sa forme, 190 ; différences suivant le sexe chez l'homme, 608 ; modifications artificielles à la forme du, 629. Cranz, sur l'hérédité de l'habileté à captu- rer les phoques, 31. Crapaud, 385; mâle, soignant quelquefois les œufs, 178 ; mâle prêt avant la femelle à la reproduction, 232. Crawkurd, nombre d'espèces humaines, 191. Crécerelles, remplaçant leurs compagnes perdues, 447. Crenilabrus massa et melops, nids construits par les, 379. Crête, développement de la, chez les vo- lailles, 263. Crêtes et caroncules dans les oiseaux mâles, 514. Crinoides, complication des. 97. Criocérides, stridulation des, 332. Cris des oies, 403. Cristal que quelques femmes de l'Afrique centrale portent sur la lèvre inférieure, 629. Crocodiles, odeur musquée , pendant la saison de reproduction, 386. Crocodiliens, 386. Croisements chez l'homme, 188-189; effets du croisement des races, 211. * INDEX. U93 Croisks, becs, caractères des jeunes, 510. CrossoptiloH Hurilum, j:W. -195, .'•19 ; orne- ments des deux sexes, ?59; sexes sem- blables chex le, 5U5. Ckotcii. g. R., stridulation des coléoptères. 3.32. 334 : chex le heliopathes, Xib ; ches VAcalles. 3,16. Crows (Indiens), longueur des cheveux des, 635. Crl'avtk des sauvages pour les animaux, 126. Cri'st.kck.s, ampbipodes. iiiiVIes jeunes étant dèjii sexuellement développes. .VU: pa- rasites, perte des membres che* la fe- melle. ii7 • pattes et antennes préhen- siles des, 23(); m&les plus actifs que les femelles, ÎI2; parthénogenèse chez les. 280 ; caractères sexuels secondaires des. 281 ; poils auditifs des, 623 : facultés men- tales des. 297 ; couleurs des, 298. Cri.m-T\.NT. pigeon, changement de *plu- matre, 596. Cri.uiiiKs. 227. Ci'i.i.KN. docteur, sur la poche de la gorge de l'outarde mâle, IIU. Cci.ti'rr des plantes, origine probable de la, III. ('ri-Pi.KS, M., proportions numériques des sexes chez les chiens, bétail et moutons, 271; sur le lévrier d'Koosse, .567: prefér renée sexuelle chex les chiens, 575. CfRccLioNinKS, ditférence sexuelle chex quelques, dans la longueur do la trompe, 228; appendices en forme de cornes chex des miles. 328; musicaux, 332. C'l'riositk, manifestations de, chez des ani- maux, 71. CrKSORKs, absence comparative de diffé- rences sexuelles chez les, 210. CrRTis. J., propt^rtion des sexes dans Athntia, 279. Ci'viKR. K., reconnaissance des femmes par les quadrumanes mâles, 5. Cl'vikr, g., opinion sur la position de l'homme. 162 ; instinct et intelligence. 69; nombre de vertèbres c.iudales chez le mandrill. 59; position des phoques, 162-163: sur V Hertorotyle. 2<.((). Cyunalrynn, différences sexuelles de cou- leur. 5()1 ; plumage jeune du. 513. Cyaneculn sufcicn, différences sexuelles. 518. Cyrhrux. sons produits par le, .334. Cyrnia mendica, ditférence sexuelle de cou- leur. .347. CvoNB ii cou noir, 542 ; blanc, jeunes du, .5.30: trachée du cygne sauvage, 410. Cv30. Cyllo Li'ila, instabilité des taches ocellées, 470. f'yiiiinthiti, variation dans le genre. 464. CvMi'iiiKs. proportion des sexes. 279. Cynorep/iiiliif. différences entre jeunes et adultes. 5: inàle reconnaiss;K8. proportion des sexes, 275. Cyi'RIMors indiens, 377. Cyi'Rinodontidrs, différences sexuelles, .169, 371. Cypriiiux auratut, 377. Cypris, rapports des sexes chex le. 281 . Cy.ftophora cristata, capuchon du, 579. Daerlu, différence sexuelle de couleur, 502. Dacela (inmiichaudi. jeune mâle, 513. Daims, troupeaux différemment colorés de, .592. Dai.-riiv\, sorte de piarmigan, 273. Damalit nlbifrons. marques spéciales, 597; et />. l'yyargn. .597. Danaidrks, 339. DANKR.S d'oiseaux. 417; danse, 195. Damki.i., docteur, expérience de sa rési- dence dans r.Vfri<|ue méridionale. 211. Darkour, protubérances artitlciclleuient produites dans le, 628. Darwin. F., stridulation chez le Dennfitrs muriiius, 'Xi'i. Dasychira pudibiiinla, différence sexuelle de couleur chez la. 347. Dauphins, nudité des, 57. Davi.s. \.-H.. caractère belliqueux du lu- cane mâle, 329: sur les habitudes des sauvages, 202. Davis, J.-B., capacité du crâne dans di- verses races numaincs, 55; barbes de Polynésiens. 613. Dk c'andoi.i.k, .\lph., cas de mobilité du scalpe, 10. Dkci.iNAisoN.s. origine des, 96. Dkcokation des oiseaux, 119. Decticus, 311. DÉKAtiT d'usage, effets du, en produisant des organes rudinientaires, 9; effets de l'usage des parties, 30: influence du, sur les races humaines. 216. Dkkrnsiks, organes, des inaiiimifàres, 441. Dk Gkkr, C, sur une araignée femelle tuant un mâle, 301. Dkkav, docteur, sur le phoque capucin, 579. Dkmkrara, fièvre jaune à, 213. iJendrueygna, 510. Dendrophila frontali*. jeunes de. ,5.35. Dknison W., sur les rapports étroits de parenté entre les habitants des lies Nor- folk, 207. Dknnv, h.. pour des animaux domestiques, 185. Drnts. incisives rudimentaires chez les Kuminants, 8; molaires postérieures, chez l'homme, 17; de sagesse, 17; diver- sité des, 21; canines, chez les premiers ancêtres de l'homme. 175; canines chez les mammifères mâles. .551 ; réduites chez l'homme par corrélation, 614 ; colo- ration des dents. 628 ; antérieures cassées ou limées par les sauvages, 629. Dkrkolkmrnt. prévalence du, chez les sauvages, 127; obstacle ù la population. i:.o. Derme.tte.t murinus, stridulation de, .332. Dksckndanck, retracée par la mère seule, 643. Dkskrtr, couleurs protectrires pour les animaux habii.nnt les. .5.39. Dksmakkst, absence de fosses sous-orbi* 694 INDEX. taires dans l'Antilope subgulturosa, 581 ; favoris du Alaeacu», 583 ; couleur de l'o- possum, 585: couleurs des sexes de Mus minuhts, 586; sur la coloration de Toce- lot, 586; des phoques, 586; sur V Anti- lope Caama, 588; sur les couleurs des chèvres 588; différence sexuelle de cou- leur dans Ateles marginatus, 588: sur le mandrill, 590 : sur le Macacus cynomol- gus, 610. Desmoulixs, nombre des espèces humaines, 191; sur le cerf musqué. 581. Dksor, imitation de l'homme parles singes, 75. Dkspink, p., sur les criminels dépourvus de toute conscience, 124. DÉVELOPPEMENT, embrj'onuaire, de l'homme 5, 7 ; corrélatif, 467. Devoir, sens du. 106. Devonian, insecte fossile du, 317. Diable, les Fuégiens ne croient pas au, 101. Diadema, différen<:es sexuelles de colora- tion dans les espèces de, 339. Diastkma, chez rhomme, 39. DiASTYLiDÉES, proportion des sexes des, 281. Dicrurus. plumes terminées par un disque, 121 ; nidiâcation du, 497. Dicrwiis macrocercus, changement de plu- mage, 506. Didelphis opossum, différences sexuelles dans la couleur, 585. Dieu, absence d'idée de, dans quelques races, 99. Différences comparatives entre diverses espèces d'oiseaux du même sexe, 517. Différences sexuelles chez l'homme, 5. DiMORPHiSME, dans femelles de Coléoptères aquatiques, 296; dans Neurothemis et Agrion, 320. Dindon, gonflement des caroncules du mâle. 418; variété avec une huppe sur la tête, 422 ; reconnaissance d'un chien par un, 481 ; jeune mâle sauvage fort belliqueux, 402; femelles domestiques acceptant le mâle sauvage, 458 ; notes du, sauvage, 411 ; premières avances faites par les fe- melles âgées aux mâles, 460; touffes de soies pectorales du, sauvage. 506. Di.NDON. sa manière de racler le sol avec ses ailes, 412; sauvage, étalage de son plumage, 393 : habitudes belliqueuses du, 141. DiODORus, absence de barbe chez les indi- gènes de Ceylan, 612. Dipelicus Cantori, différences sexuelles, 326. Diplopoda, membres préhensiles du mâle, 302. Dipsas cynodon, différence sexuelle dans la couleur du, 386. DnTERA, 308. Distribution, étendue de l'homme, 47 ; géographique, comme preuve de la dis- tinction spécifique des hommes, 183-184. Divorce, liberté du, chez les Charmas, 654. Dixon, E.-S., habitudes des pintades. 241 ; appariage des diverses espèces d'oie, 454 ; cour que se font les paons. 459-460. DoBRiZHOFFER, coutumes de mariage des Abipones, 655. Doigts, supplémentaires plus fréquents chez l'homme que la femme, 245 ; ils sont héréditaires, 255; leur développement est précoce, 261. DoLicHOCKPHALiQUR, stfucture, causes pos- sibles de, 56. Domestication, influence -de la, sur la di- minution de la stérilité chez les hybrides, 188-189. D'Orbionv, a., influence de la sécheresse et de l'humidité sur la couleur de la peau, 212; sur les Yuracaras, 634. Doré, poisson, 498. DocBLEDAY, K., différences sexuelles dans les ailes des papillons, .305. DouBLKDAY, H., proportion des sexes dans les phalènes de petite taille, 276 ; attrac- tion des mâles de Lasiocampa quercus et Saturnia carpini par les femelles, 277 ; proportion des sexes chez les Lépidop- tères, 277-278; sur le tic-tac que produit l'Anobium tessellatum, 336; structure de Y Ageronia feronia, 338; sur les papillons blancs s'abattant sur le papier, 349. Douglas, J.-NV., différences sexuelles des Hémiptères, 309 ; couleurs des Homop- tcres anglais, 311. Draco, appendices en poches gutturales du, 390. Drill. différence sexuelle de couleur dans le. 589. Droite, attitude, de l'homme, 51. Dromxus irroratus, 525. Dromolaa, espèce saharienne de, 500. Drongo, mâle, 506. Drongos, rectrices en forme de raquettes des, 421, 428. Dryopithecus , 1 70. Dugong, défenses du, 551 : nudité du, 57. DujARDiN, grosseur relative des ganglions cérébraux chez les insectes, 54. DuNCAN, docteur, fécondité des mariages précoces, 150. Dupont, M., existence du trou supracondy- lo'ide dans l'humérus humain, 19. Durand, J.-P.. sur des causes de varia- tion, 28. Dureau de la Malle, sur le chant des oi- seaux, 91 : merles acquérant un air, 406. DuvAUCEL, femelle Hylobates lavant son petit, 72. Dh\-et des oiseaux, 427. Dyaks, orgueil des, pour homicide, 125. Dynaxtes, grosseur des mâles, 307. Dynastini, stridulation des, 333. Dytiscus, dimorphisme des femelles de, 304; élytres sillonnés des femelles, 304. ÉcHASsœRS, jeunes des, 533. Echidne, 170. Échinodermks, absence de caractères sexuels secondaires chez les, 286. EcKER, figure de l'embryon humain, 6 ; dif- férences sexuelles du bassin humain, 609 ; présence d'une crête sagittale chez les Australiens, 609. Écriture, héréditaire, 156. ÉCLTîEUiLS, combats des mâles, 549: afri- cains, différences sexuelles dans la co- loration, 585 ; noirs. 591. Edentata, autrefois très-répandus en Amé- rique, 185; absence de caractères sexuels secondaires, 239. Edolius, plumes en raquette chez les, 422. Edwards, M., proportion des sexes dans les espèces ae Papilio de l'.Amérique du Nord, 276. Egkrto.n, Sir P., usage des bois des cerfs, 560; appariage du cerf ordinaire, .573; sur les mugissements des mâles, 577. IXDEX. 695 Ehrenbeku. crinière du mâle du C. hama- drya.t, 572. Kkstkom, m., sur Harflda glaeiali». -461. KItir/ihlu rufociuerfo. iiiipurs du inâlp,'277. Ki.AN", â<*7 : changement hil>ernnl de 1', r>«7, KiJVN aiii)*ricaiu, combats, yu): ses bois considérés comme encombrants. 565. Klan irlandais. l>ois de 1', 565. fCIn/j/iomia. différences sexuelles de, 308. Klaphru-t uligiHosus, stridulation, XiH. Kln/m. .«W. Ki.vTKRs, lumineux. 306. Kl. ATKKIOK.S, proportions des sexes des, 279. Ki.Ki'ii.vNT . nudité de 1'. 57 ; taux de son accroissement, 16; indien polvgame, '.'Stt; caractère bellii|ueux du mi\le, 550; ses défenses, 5.M. TtMt. Ml, 5r>5; indien, moarbes des indigènes. 612. Ki.i.ioT. H., proportion numériijue des sexes dans les jaunes rats. 272: proportion des sexes cheï les moutons. 271. lù.i.ioTT, D.-Cî.. Pelirnnux cri/lfirorhynrit.i , r.'T. Ki.i.ii>Tr. Sir W.. habitudes polvgames du sanglier indien. 2:W. Ki.i.is. j)revalence de l'infanticide en Po- lynésie. 617. Ki.i'HixsT«)NK . M., différences locales de taille chez les Indous. 29; difficulté de reconnaître les races indigènes de l'Inde, 182. Ki.vTRKs. des femelles de Dylisriix, Aciliiis. f/yiirnporiis. 301. Kinhfriza. caractères des Jeunes de, 510. Einbrriza miliaria, 510. Kmberizii schgnicliis, 452. K.MBRYON humain, 6; du chien, 6; ressem- blance entre les embryons des Mammi- fères, 22. F.MKiRATlKN. 119. Kmotions, i|u'éprouvent en commun avec l'homme les animaux inférieurs, 71 ; ma- nifestées par les animaux, 73. Kmci.atios des oisenux chanteurs, 101. Kmi', sexes et incubation de 1". 526. KNKRrtiE, caractéristique de l'homme, 6n. Knkant-s légitimes et illégitimes, propor- tion des sexes dans les, 267-268. K.Niii.KnRART. M., etourneaux s'etant réap- paries avec de nouvelles femelles. 118. F.NiiocLEVKNT, virginien, appariage de 1', li»2. Kntomostraca, 297. Kntozka. ditréronce rie couleur entre les miles et les femelles 3 ; leur dévelop- pement dans diverses espèces de l'ha- sianides, 259; des oiseaux gallinacés, 127, etc.; leur développement chez des femelles de (îallinaces, 192. Rrchriciit, développement du poil chez l'homme, 16; sur une moustache lanu- gineuse chez un fœtus femelle, 16; sur l'absence d'une séparation entre le front et le scalpe dans queli|ues enfants, 165; arrangement des poils dans le fcetus hu- m.nin, 165; sur la villosité du visage des deux sexes de l'embryon humain, 659. KscLAV.uiK, prédominance do 1', 126; des femmes, 619. Ksn.AVKs, différences entre ceux des champs et ceux de la maison, 216, Esmrrnltla, différence de couleur entre les sexes. 321. Esox luciiix, 271. Kiox relirulatii.i, 37-1. KsPAOXK, décadence de 1", 153. Ksi'i-:cK8, causes du progrès des, 18; leurs caractères distinctifs, 181 ; ou races hu- maines, 190; leur stérilité ou fécondité lorsqu'on les croise, 187 ; gradation des espèces, 18.3;difriculté de les dértnir, 191; représentatives chez les oiseaux, 514 ; d'oiseaux distinctes, comparaison des différences entre les sexes, 517. E.syfiMAfx, 66, 141: leur croyance k l'hé- réetites dents canines des, 565. Kt\ts-1'n!s. taux d'accroissement aux, 43; l'intluence de la sélection naturelle sur les progrès des. 154; modifications qu'y ont éprouvées les Européens, 216. Ktoi'rnkaii . trois habii.int le inénie nid, 148; remplacement de leurs femelles, 417. Euhngix. différences sexuelles de coloration dans. 310. Rurhiriix Umgimanux, son produit par, 334. Endrnmiax moriiielliis, 525. Kft.KR, taux d'accroissement des États- Unis, 43. Enmiimnta xiiperriliaris, rectrices à raquette lie la queue, 421. Euphfina xplendi'ln , .502. KfRofK, anciens habitants de 1", 199. Kt'Roi'KKNs. leurs différencias avec les Hin- dous, 205; leur villosité due h une réver- sion, 6.58. Eiiroxtopoiliiii. sexes du, 526. Eunjgiiathux. différentes proportions do la tète dans les deux sexes du, 305. Eunlrphanus, différences sexuelles dans les espèces d', .395; jeunes de, 5,36. KxAciKHATioN par l'homme des caractère» naturels, 636. Kxor.AMiE. 613. Kxi'RESsiDN, resseinblonce dans 1', entre l'homme et les singes. 163. KxTiNCTiiiN des races, cause, 198. KvToN, T.-C, observations sur le dévelop- pement des l»ois chez le daim, 257, Ky/ies. restes humains des. 199, 4¥ 696 INDEX. Fabre, m., mœurs des Cerceris, 320. Pack, os de la, causes des modiâcatioas des, 56. F.\cuLTÉs , intellectuelles, leur influence sur la sélection naturelle chez l'homme, 137 ; probablement améliorées par la sé- lection naturelle, 138. Facultés mentales, variations des, dans une même espèce, 18; leur diversité dans une même race humaine , 25 ; hérédité des, 25; leur diversité dans les animaux de même espèce, 25 ; chez les oiseaux, 4 19. Faim, instinct de la, 120. Fais.vn argenté , coloration sexuelle du , 541 ; mâle triomphant, repoussé à cause de son plumage gâté. 459. Faisan Argus, 420; étalage de ses plumes par le mâle, 433 ; taches ocellées du, 471, 476 ; gradation des couleurs chez le, 476. Faisan, doré, déploiement du plumage du mâle, 433; sexes des jeunes déterminé par l'arrachement des plumes de la tête, 532 ; âge auquel il revêt son plumage adulte, 531. Faisans, époque à laquelle ils revêtent les caractères mâles dans la famille des, 259; longueur de la queue, 488, 495. Faisan Kalij, bruit de tambour du mâle, 412. Faisan polygame , 240 ; production d'hy- brides avec la volaille commune, 460; hybrides de, avec le tétras noir, 454 ; plumage jeune du, 513. Faisan de Reeve, longueur de la queue du, 511. Faisan de Sœramering, 488, 495. Faisan Tragopan, 420; déploiement du plu- mage par le mâle, 434 ; marques des sexes cnez le, 471. Fakirs indiens, tortures subies par les, 127. Folco leucocephalus, 532. Falco peregrinus, 447, 506. Falco tinnunculus, 447. Falconer, h., mode de combattre de l'é- léphant indien , 564 ; canines chez un cerf femelle, 565; sur Hyomoschus aqtta- ticus, 599. Fai.kland, îles, chevaux des, 198. Famines, fréquence des, chez les sauva- ges, 615. Fanons, chez le bétail et les antilopes, 582: Farr, docteur, structure de l'utérus, 36. effets du dérèglement, 149: influence du mariage sur la mortalité, 151. Fabrar, F.-W., sur l'origine du langage, 91 ; croisement et mélange des langues, 96; l'absence de l'idée dun Dieu dans certaines races humaines. 99: mariages précoces chez les pauvres, 149 ; sur le moyen âge, 153. Faucons, nourrissant des petits orphelins dans le nid, 448. Fauvette à tète noire, arrivée du mâle avant la femelle, 232: jeunes de, 529. Fauvette d'hiver ou des bois, 520. Fayk, professeur, proportion numérique des naissances mâles et femelles en Nor- vège et en Russie, 267 ; sur la morta- lité plus grande des enfants mâles avant et après la naissance, 268. FÉCONDATION, phénomène de, dans les plan- ^ tes, 244 : dans les animaux inférieurs, 244. FÉCONDITÉ, diminution de la, causée par l'inconduite des femmes, 207 ; perte de la, chez les femmes, 202. Felis canadensis. fraise de, 572. Felis pardaliiet F. mitis, différences sexuel- les dans la coloration, 386. Femelle, conduite de la, pendant l'époque de la cour, 243. Femelles d'oiseaux, différences dans les, 517. Femelles, présence d'organes mâles rudi- mentaires chez les, 176: leur préférence pour certains mâles, 234-235 ; existence de caractères sexuels secondaires dans les. 245 : développement des caractères mâles par les femelles, 219. Femelles et mâles, mortalité comparative des, pendant le jeune âge, 236 : nombres comparatifs de, 235. FÉMUR et tibia, proportions chez les In- diens Âymaras, 33. Fenton, diminution de la population dans la Nouvelle-Zélande, 203 : augmentation de la population en Irlande, 203 ; causes de diminution chez les Maories, 203. Feu, usage du, 197, 157, 48. Fiber zibethicus, coloration pçotectrice du, 196, Fidélité des sauvages entre eux, 127 ; importance de cette, 140-141. Fièvres, immunité des nègres et des mu- lâtres pour les. 213. Fièvre tierce, chien affecté de, 4. Fiji, iles, barbes des naturels, 636 ; coutu- mes nuptiales des, 654-655. FiJiENS enterrant vivant leurs parents vieux et malades, 109 : appréciation de la barbe parmi les, 636: leur admiration pour un large occiput, 637. Filum terminale, 20. FiNLAYSON. sur les Cochinchinois, 633. Fischer, sur le caractère belliqueux du mâle de Lethnis cephalotes, 330. Fischer Joh. sur l'attitude des singes au cours de diverses émotions, 679. Flèches, têtes de, en pierre, ressemblance générale des, 195 ; usage des, 195. Floride, Quiscalus major en, 274. Flower, W.-H., sur l'adduction du cin- quième métatarsal des singes. 41 ; sur la situation des phoques, 163; sur la poche gutturale de l'outarde mâle, 410. Fœtus humain, couverture laineuse du, 16 ; arrangement des poils sur le, 165. Folie, héréditaire, 26. FoRAMEN, supracondiloïde exceptionnel sur l'humérus humain. 19, 42; dans les an- cêtres de l'homme, 175. FoRBES, D., sur les Indiens Aymaras, 32; sur les variations locales de couleur chez les Quechuas. 215: absence de poils des Aymaras et Quechuas, 613 : longueur des cheveux chez ces deux mêmes peuples, 611, 635. Forkl, F., sur les jeunes cygnes blancs, 530. Formica rufa, grosseur des ganglions cer- vicaux des, 55. Fossiles, absence de tous , rattachant l'homme aux singes, 171. Fous, oies, blancs seulement à l'âge adulte, 541. Fourmis, 159 ; se communiquent entre elles par les antennes, 94; ganglions céré- braux très-grands, 55: différences entre les sexes, 321 : se reconnaissent entre elles, après séparation, 321. FouR.Mis blanches (termites), mœurs des,321. INDEX. G97 Ebi'KKL'KK. lilauche eu hiver chez les ani- maux arctiques, iyi. FouKRi'KKS. animaux h, sagacité acijuise par les. Mi. Kt>\. W'.-I)., sur 4ueli{ues cauanis sauva- ges devenus pol^'i^ames après un demi- apprivoisement, et la poly(camie chez la pintade et le canari. 241 : proportion des sexes dans le bétail, '.i72 ; caractère bel- liqueux du paon. 399: assemblée nuptiale de pies, U4: renouvellement des leniel- les par les corbeaux, 116; perdrix vivant trois ensemble, 118: appariage d'une oie avec un mâle chinois, 4r>.'>. Fit VI, lies poissons. 371, 379 et suiv. Fkance. proportion numérique des nais- sances mi\les et femelles, 266-267. Fk.\8KR. ('., couleurs ditTerentes dans les sexes chez une espace de Sijuilla, 298. Fringilla nutnabinn. Vi\. Fringilla ririt et Fr. cyaHea, àjçe du plu- mage adulte, .*>3l. Fringilla Ifucophrys, jeunes de, 534. Fringilla spintu, !.">. Fringilla trixtiâ, changement de couleur .iu printemps, 431. FKiN(tiLLii>K.s, ressemblance entre femelles d'espèces différentes, .MG. Fkoiii, effets supposes du, 30: aptitude de l'homme à supi>orter le, 216. Fkoxtal, os, persistance de la suture dans r, 38. Fruits vénéneux , évités par les ani- maux. 69. Fi'KoïK.Ns, capacité mentale des. 67: sen- timents (|uasi-religieux des, 101 ; puis- sance de leur vue, 32 : leur adresse à lancer les pierres, 19: résistance à leur climat rigoureux, 6r> : genre de vie des, 216 : leur aversion [tour les poils sur le vi- sage, 63Ô: admirent les femmes euro- |»éennes, 637. FuLOoKiDEs, chants des. 310. <î.KRTKNKK. Stérilité des planU>s hybrides, 188. (tAI.LKS. 61 . liaUirrex, différence sexuelle dans la cou- leur des iris îles, 466. flallicrex rristuliu, caroncule rouge appa- raissant chez le mule pendant la saison de reproduction, 427. Oaixinacks, polygamie et ilifférences sexuel- les fréquentes chez les, 210: gestes amoureux des, 41.'!: plumes déromp17-ril8: plumage des. .')18. (ÏAi.l.iSACKKNs. oiseaux, défenses des mâ- les, 397: plumes en forme de ra(|uette sur la tète. 422. (iallinula chlompim. mâle belliqueux, .196. liallinula rristata, mâle belliqueux. 396. Galloperilir , ergots du. 400: développe- ment d'ergots chez la f'einelle, 493. flnllop/in.tig. jeunes du. .'>14. dallus ftankipa. 490: soies du cou du, 4.10. (inllus SinnUyi, caractère belliqueux du niâ|p. .399. (iM.ToN. M., lutte entre les impulsions so- ciales et les personnelles, 131; génie héréditaire. 2.'i: sur les effets de la sé- lection naturelle sur les nations civilisées, III; sur la stérilité des fille-s uniques, 1 47 ; degré du fécondité des hommes du génie, 148; mariages précoces des pau- vres. 149: des Orecs anciens, 152; moyeu âge, ir>3; progrés des Ktais-Unis, Kil: notions do la Iteauté dans l'.Vfrique du Sud. 634. (iiimmarHS, emploi des pinces du, 295. linmmarut mannus, 297. Oa.noiukk, poissons, 180, GaiU'R, cornes du, r>55. ('•ARDKNKR, sur uu exemple de raison chez un tiftasimiu, 298. (ïARiHi.v, éclat du mâle pendant la saison de la reproduction. 37 4. Gurrului glainlariiis, 4 46. Oastkroimkks, 289: cour que se fout les gastéro|>odes pulmonaires, 289. (ln.la, jeunes, 529. (ïKAls. renouvelant leurs femelles. 116 : re- connaissant les personnes, I.M . (iKOK.NHAl'ii, C, heriiiuphroditisiiie des an- ciens aucëtn's îles Vertèbres. 176. Gelasimut , emploi des grosses pinces du mule. 295; caractère belliqueux des mu- les 298 ; proporti(Uis îles sexes dans une espèce, 281 ; actions raisonnées d'un, 298: différences de couleurs entre les sexes d'une espèce, 299. GK.NKAl.iKiiK de l'hoiniiie, 170. (iKNiK. 616: héréditaire, 25-26; fécondité des hommes et des femmes de génie, 1 48. (iivoKi-Rov Saixt-Hii.airk, Isid., les quadru- manes mules reconnaissant les femmes, 5 ; sur l'existence d'une queue rudimeutaire chez l'homme, 20: monstruosités. 28; anomalies semblables à celles des ani- maux dans la conformation humaine, 38; corrélation des monstruosités, 42 : répar- tition du poil chez rhoiiime et les singes, 58 ; sur les vertèbres caudales des sin- ges, .")9: sur la variabilité corrélative, 59-60: classification ike l'homiiie, 1.59: longs cheveux occupant la tète d'espèces de Semnnpitheriiii, 164; développement de cornes chez les femelles de cerfs, 5.53 et F. Cuvier, sur le mandrill, .5'.>0: sur l'hylobates, 610, (îKiMiRAfiiiucK , distribution, preuve en hiver chei les ani- maux ai'cti4ues, 'iji. ForKKi'HKs. animaux h, sagaoiie acquise l>ar les, 81. Fi>\. W.-I>., sur 4uel<(ues ctuianis sauva- ges deveous polygames après un denii- apprivoisemeut. et la polvgaïuie chez la piuiaite et le canari. 211 ;' proportion des seies dans le bétail. i72 ; caractère l>el- liqueux du paon,SV9: assenihléo nuutiali' de pies, 111: renouvellement des temel les par les corbeaux, 116; perdrix vivaJii trois ensemble, llt<: apparia^e d'une oie avec un niàle chinois, 45.'>. Kkvi. des poissons. 371, ;<7'J et suiv. France, proportion numérique des nais- sauces miVleset temelles. 266- ?67. Fk-^skr. t'., couleurs différentes dans les sexes cliei une espèce de Si/iiilla, 298. Fringilla rnniuibinn. 131. Fringilta riris et Fr. eyanea, kge du plu- mage adulte, .Vil. Fringilla Uueophn/s, jeunes de, 534. Fringilla spinus, i.V). Fringilla tri»tis, chaudement de couleur .au printemps, 131. FKiNtiii.i.ii>ks, ressemblance entre femelles d'espèces différentes, ."iie. Fki>ii>, effets supposés du, 30; aptitude de l'homme & supi>orter le, 216. Frontal, os, persistance de la suture dans r, 38. Frl'its vénéneux , évités par les ani- maux. 69. FfKiiiKNs, capacité mentale des, 67 : sen- timents >)uasi-religieux des, 101 ; puis- sance de leur vue, 32 : leur adresse ii lancer les pierres, 19 : résistance à leur climat rigoureux, e.''» : genre de vie des, 216 : leur aversion |K)ur les poils sur le vi- sage, 635: admirent les femmes euro- |)éennes, 637. FcLOoRiDEs, chants des. 310. («.KRTENKR. stérilité des plant(>s hybrides, 188. (iALLICS, 61 . fiallicrrx, différence sexuelle dans la codes pulmonaires, 289. (iasterusteiis, 211: nidilicntion du, 379. (iasirrosifiis leiuru.i, 365, 37 t, 379. (iaslerosleiu Irnchuriiii, 365. Gastrophora, ailes hrillamment colorées en dessous. 346. Oal'CHOs, défaut d'humanité chez les, 132, (tAUDRV, M., sur un singe fossile. 167. (iavia, changement de plumage avec la saison, 511. Gkai. jeunes du, 529; du Canada, jeunes, 529. (iKAis. renouvelant leurs femelles, 116 : re- connaissant les personnes. 151 . (tKKKNliAl'U, C, hermaphroditisme des an- ciens ancêtres des Vertèbres. 176. Gelaximut , emploi des grosses pinces du mule, 295: caractère belli<|Ueux des mâ- les 298 ; proportions des sexes dans une espèce, 281 : actions raisonnées il'un, 298 ; différences do couleurs entre les sexes d'une espèce, 299. ('KNKAi.ociiK de l'homme, 170. (iKNiK. 616: héréditaire, 2.V26; fécondité des hommes et des femmes do génie, 1 18. ('■UOK1.ROY Saint-Hi:.aikk, Isid., les quadru- manes mâles reconnaissant les femmes, 5 ; sur l'exi.stence d'une queue rudimentaire chez l'homme, 20: monstruosités, 28; anomalies semblables k celles îles ani- maux dans la conformation humaine, .'18: corrélation des monstruosités, 42: répar- tition du poil chez l'homme et les singes, 58; sur les vert«>lires cainlales des sin- ges, .">9: sur la vari;ibililé corrélative, 59-60: classification d. Okrbk, m., sur la nidihcalion des Crrnila- brus mnuxa et C. mplopt. 379. Gkri.and. docteur, prédominance de l'in- fanticide, 125, 6.32. 617; sur l'extinction (les races, 195. 199 2. 125: cause supposée. 632: pré val«>no)- ot caus<>8. 617. Inkkrikritk physique sup|K>sée cheï l'hom- me. 61. Inflammation d'entrailles se présentant chex le Obux .{zarr, 3. iNKi.tKN» M locales, effet des, sur la taille, 29. iNvriMTiKN, iiitlunnce do T. 153. Inskctks. grosseur relative des ganglions c>Tébram des, 54 ; poursuite des femelles p.ir les miVles. 232 ; éi>o^; absence de caractères sexuels secnudaires cher les. 2.38. iNSKssoRKs, organes vocaux des. UHJ. Instinct et intelligence, 69. Instinct migrateur, dominant l'instinct ma- ternel. lU. In.stinctiks, actes, résultat de l'hérédité, 111. 1 NsTiNTTivKa, impulsions, différences dans leur puissance. 117: leur alliance avec les impulsions morales, 122. Instinits 69, leur origine compliquée, par sélection naturelle, 69-70: origine pos- sible de queloues-uns, 69-70; acquis par les animaux domestiques. 110: varinbi- liié de leur force, 111; différence d'inten- sité entre les sociaux et les autres, 117, 133. Instinct migratoire, — voyez Mikratoikk. iNSTRfMENTs, employés parles singes. 85: façonnement d'. propres k l'homme, 87. H.sTRrMENT.M-K. musique, chez les oiseaux. U2. 4l.->. Intki.i.kiknck. m. n. Spencer, sur l'aurore de r. 69: son influence sur la sélection naturelle dans la société civilisée, 146. Intempérance, admise chez les sauvages, I •-'" . Ivresse, chez les singes, I. //lAiVj.t glaurippf, 314. Iris, •iifférence sexuelle de couleur chez les oiseaux, 420-466. Is<:iiio-iTniEN, muscle, 40. Ithar/inis rrurntn». nombre d'ergots, 400. /u/f(.f. suçoirs tarsaux des mi\ies, 302. .IvryriNoT, nombre d'espèces humaines, 190. JAE(tER, docteur, difticiillé d'approcher les troupeaux d'animaux sauvages, 107; ac- croissement de longueur des os, 30: des- titution d'un mâle de faisan argenté, pour cause de détérioration de son plu- mage. l.'>9. JAc.fAR, noir. .591. Jamres, variations de longtieur des, dans l'homme, 21: proportion des, dans les soldats et les matelots, .30: antrrieures, atrophiées dans ijuflques papillons mâ- les, 303; particularités dans des insectes mâles, .'«)2. Janson, E.-W., proportion des sexes du Tomirii» fi7/o*M«, 279; coléoptères stridu- lants, 332. •Iai-on, encouragement ii ladébauche au, 46. Japonais, généralement imberbes, 612; ont une aversion pnuioucee |M>ur les favoris, 6,35. Jardine, Sir W., sur le faisan argus, 421, 411. Jarrold, docteur, modiflcations du crâne causées par des positions non naturelles, 56. Javanais, taille relative des sexes, 612: leurs mitions sur la beauté féminine, 631. Jekkrevr. J.-<'iwyn, forme de la coquillo suivant les sexes des (iastéropodes, 289; influence do la lumière sur la couleur des coquilles. 290. Jennkr, docteur, sur la voix du corbeau, 411 ; pies trouvant de nouvelles femelles, 416; sur le retard des organes généra- teurs chez les oiseaux, 448-419. Jenyns. L., hirondelles abandonnant leurs petits, 115; sur des oiseaux mâles chan- tant en dehors de la saison voulue, 449. Jeriwin, docteur, sur les rêves des oiseaux, 78; caractère belliqueux du bulbul mâle, 396; de Vf>rtygornisgul(iris,'.i9V; ergots du (inUoperilix, 400 ; mœurs du Lobivnnellus, 401; sur le bec en cuiller, tll : bruit de tambour effectué parle faisan kalij, 413; surl'Ofi.t fii'iigalensis, 417; sur les huppes auriculaires du Si/pheotiiles nuritits, 422; doubles mues chez certains oiseaux, 429 ; mues des Nectarinides, 429 ; étalage des inàles. 431 ; changement printanier de couleur chez quelques pinstms. 131 ; éta- lage des tectrices inférieures par le bul- bul iiiAle, 440; sur le busard de l'Inde, 464 ; différences sexuelles dans la couleur des yeux des calaos, 466 ; niartpies du faisan tragopan, 470; nidillcation des orioles, 511 ; nidiflcation des calaos, 512; sur la mésange sultane jaune, ,503 : sur l'nlxoriiix jaraniciis, .506; plumage des jeunes oiseaux, 511 et suiv.; espèces re- présentatives d'oiseaux, 514; habitudes du Turnix, 522; augmentation continue de la beauté du paon, 533: de la colora- tion dans le genre l'nlxornis, 543. Jevosh, W.-S., migrations de l'homme, 47. JoiiNsToNK, lient., sur l'éléphant indien, 238-239. Joi.l.oKS, belle apparence des, 612. Jones, Albert, proportion des sexes dans les papillons élevés par, 278. JfAN Fernande/-, oiseaux-mouches do, 536. JriKs. anciens, emploi chez les, d'instru- ments en silex, 157-158; leur uniformité dans les diverses parties du globe, 212; proportion numérique des naissances masculines et féminines parmi las, 266 ; chez les anciens, pratiques du tatouage, 628. Ji'MEAUX, tendance héréditaire à produire des. 44. Junniiia, différences sexuelles de coloration dans les espèces de, 310. Jupiter, statues grecques de. 636. Knltima. ressemblance h une feuiile flétrie. 702 INDEX. Kai.mi-cks, aversion des, pour les poils sur la figure, 635; coutumes inatrimoniales, G51. Kangourou, grand rouge, différence sexuelle de couleur, 585. Kant. Imni., sur le devoir, 103; sur la contrainte de soi, 117; nombre d'espèces d'hommes, 190. Kkllkr, docteur, difficulté de façonner des instruments de pierre, 49. KiXG, W.-R., organes vocaux du Tetrao cttpido, 408; bruit de tambour du grouse, 412 ; sur le renne, 553 : attraction du cerf mâle par la voix de la femelle, 578. KiNG et Kitzroy, coutumes matrimoniales des Kuégiens, 655. KiNGSLKY, C, sons produits par VUmbrina, 382. KiRBY et Spence, cour des insectes, 242; différences sexuelles sur la longueur de la trompe des Curculionides, 238 ; élytres des Dytiscus, 304 ; particularités dans les pattes des insectes mâles, 304 ; grosseur relative des sexes chez les insectes, 307; luminosité des insectes, 307 ; sur les Kul- goridés. 310; sur les habitudes des Ter- mites, 320;différences de couleur dans les sexes des Coléoptères, 323-324 ; cornes des Lamélicornes mâles, 326 ; saillies en forme de corne chez les Curculionides mâles, 328; caractère belliqueux du lu- cane mâle (cerf-volant), 330. KNox,,sur le pli semi-lunaire, 15; trou suprâ-cond3'loïde dans l'humérus de l'homme, 19: traits du jeune Memnon, 184. Koala, longueur du caecum. 18. Kobus ellipsiprymnus, proportion des sexes, 272. Kœlredtkr, stérilité des plantes hybrides. 187. Kœim'kn, F. -T., sur la sauterelle émigrante. 311. Kordokan, protubérances artificiellement produites en, 628. KouDou, développement des cornes du, 257 ; marques du, 597. Kowai.kvsky, a., affinité des Ascidiens avec les Vertébrés, 174. Kowai.kvsky, W., caractères belliqueux du grand Tétras mâle, 399 : appariage du même oiseau, 402. Kravsk, corps enroulé placé à l'extrémité de la /<(c«s, 314; organes stridulants des .\cridiens, 315; présence d'organes stridulants rudimentaires dans quelques Orthoptères femelles, 317; stridulation du Necrophorux, 332 ; organe stridulant du Cerambyx héros, 333 ; organes stridulants dans les Coléoptères, 333; sur les batte- ments de VAnobhim, 336; organe stridu- lant du Geotrupes. 333. Lang.vge, un art, 90; origine du, articulé. 91 ; rapports entre ses progrès et le dé- veloppement du cerveau, 93; effets de l'hérédité sur la formation du, 93 ; sa com- plication chez les nations barbares, 96; sélection naturelle du. 96; gestes, 195; primitif, 197 ; d'une tribu éteinte.couservé par un perroquet, 198-199. Langues, présence de rudiments dans les, 95 ; classification des, 95 ; leur variabilité, 96; leur croisement et mélange, 96; leur complication n'est point un critérium de perfection ni une preuve de leur créa- tion spéciale, 97 : ressemblances entre les. prouvant leur communauté d'origine, 161. Langues et espèces, preuves identiques de leur développement graduel, 95, Lanius, 507 ; caractères des jeunes, 510. Lanins rufus, jeunes anormaux du, 530. Lankester, É.-R., longévité comparative, 144,147: effets destructeurs de l'intem- pérance, 149. Lanugo, du fœtus humain, 17, 656. Lapin, queue blanche du. 594; signaux de danger chez les lapins, 106 : domestique, allongement du crâne chez le. 57 ; modi- fication apportée au crâne par la chute de l'oreille, ,56; proportion numérique des sexes dans le, 270. Lapon, langage, très-artificiel, 96. Larmiers des Ruminants. 580. L.\RTKT, E., grosseur du cerveau chez les Mammifères, 85 ; comparaison des volumes des crânes de Mammifères récents et ter- tiaires. 55 ; sur le Dryopithecu-s, 169. Lartis, changement périodique de plumage. 541. Larynx, muscles du, chez les oiseaux chan- teurs. 406. Lasiocampa querciis, attraction des mâles par les femelles, 277 ; différences sexuelles de couleur, 347. Latha.m. R.-G., migrations de l'homme, 47. Latooka, femmes du, se perforent la lèvre inférieure, 630. Laurillari>, division anormale de l'os nia- laire dans l'homme. 37. Lawrence, W., sur la supériorité des sau- vages sur les Européens parla puissance de leur vue, 32 ; coloration des enfants nègres, 609 ; sur le goût des sauvages pour les ornements, 627 ; races imberbes. 635; beauté de l'aristocratie anglaise, 641. Layard. E.-L., exemple de raisonnement chez un Cobra, 387 ; caractère belliqueux du (inllKS Stmileyi.399. INDEX. 703 Laycock, docteur, sur la uériotlicité vitale, I. Lkcky, m., sur le sens mi devoir. 103: sui- cide, r.'6: pratique du célibat, l'iS : opinion sur les crimes des sauvages, 128; élé- vation graduelle de la inuralité, 13t. I.KcoNTK, J.-L.. orîrane stridulant des Co- prini et Dynaslitii, 333. I.KK, II., proportion numérique des sexes dans la truite, 375. I.ÉuiTiMKS et illégi'i i.iM, prtiportion des sexes ches les enfants. 366-367. I.Kin'AV, sur l'existence du trou supra-coii- d^loîde dans riiumérus humain. 19-30. I.KKS, du Ti'tras noir et du T. uriujnllitit, llll. I.KMOINK. .\lbert. origine du langage, 91. l^inur maearo, différence sexuelle de cou- leur. .VO. liKMi'K.s. Utérus des, 37 ; esp«'ces sans <|ueue, 106. l.KMi'Hiiik.s, 166; leur origine, 180; leur l>osition et dérivation, 171 ; oreilles des, 13; variabilité de leurs muscles, 40. I.KMit'As, défigurent leurs oreilles, 6;t0. I.Ki>iix>i>rr;RB», .337 ; proportion numérique des sexes, 375: couleurs des, 338 : taches ocellées, 169. Leiiiihairen, 173. 180. lA-ptorhynrhux aiigustiitiu. caractère belli- queux du mule. 339. Lrptitrii testacea, différence de couleurs des sexes. .331. I.KKOY, sur la circonspection des jeiuies re- n.nrds dans les districts de ch.nsse. 8 1 ; sur les hirondelles abandonnant leurs jeunes, 115. I.KSSK, vallée de la. 30. I.KS.soN, oiseaux du paradis, 111 ; sur l'élé- phant marin. 579. Lethrux cephalotes, caractères belliqueux des mâles, 337. Lei'ckxrt, R,, sur la vésicule prostatique, 31 ; influence de l'âge des parents sur le sexe des descendants, 369. LkvRKS, percement des lèvres par les sau- vages. 630. LkvRiKR.s. proportion numérique des sexes, 336; proportion des naissances mâles et femelles dans les. 271. Lkzxrds, grosseur relative des sexes de. 390 : poches de la gorge des. .389. Lihfitluln rlrpi-fssti, couleur du mâle, 330. I.iiiK(.i.i;i.ii>KK. appendices de l'extrémité rnudale. 301: grosseur relative des sexes. 'M)': différences dans les sexes, 318-319: mâles peu belliqueux, 320. LlciiTKNHTKlN. sur C/ierii progne. 1.59. I.ii':vRK, coloration protectrice du, 599; com- bats entre mâles de. 519. I.iKU de naissance de l'homme. 169. I.ii.KORT, lord, attrait qu'ont les objets brillants |)our le combattant, t52. I.imosa liip/Hmira, 52."i. I.inaria, ."i07. Linaria montana, 373. LiNxk, vues de, sur la position de rhoiiimi'. 163; son opinion sur l'homme, 330. I.lNoTTK, proportion nnmérii)ue des sexes chez la. 373; front et poitrail écarlates de la. i.3<) : .issiduites de cour, l.'W. I.ioN, polygame, 339: crinière du, défensive 571 ; rugissement du. 577; raies chez les jeunes du, .VW. Lion marin, 23".». Lilhohiiis, appendices préhensiles de la femelle, ,302. Lifhofia, c.50; sur l'élan. 557. LohivanfUus, ergots aux ailes, 401. I.ocALi-ui.effetdes influences, sur la taille, 29. I-ocKWoon, M., développement île \ Hippo- rnmpiis. 178. I/OCfsTiDKES, stridulation chez les, 311 ; descendance des, 313. l,oN(iicoKNKS coléoptères, différences de couleurs dans les sexes, 323; stridulation des. 3.33. I-oNsMAi.K. M., exemple irallachemeiit per- sonnel observe chez un J/rlixjtomntiu, 390, Loî'iioBRANCHKs. réceptacles marsupiaux des inâles, .381. hiphnpkoru.i. habitudes des, 160. Aophorina ntra, différence sexuelle de cou- leur. 540. [jOphornis onmtiix, 131. l.oRi), .I.-K., sur Saimo f.yrnoilim, 367. LowNK, B.-E., sur Musca vomilon'a. 51, .309. Lfiria. caractères de, jeunes du, 510. LiBocK, .Sir,,I., cajt.acités mentales des sau- vages, 67 : origine dos instruments, 8rise par .M. Wallace m l'origine de I idée de la sélection naturelle, 49; absence de remords chez les sauvages. 1 12: barbarisme antérieur des naticMis civi- lisées. 1.55 : améliorations des arts chez les sauvages, 157; sur les ressemblances des cariicteres de l'esprit dansdifferentes races humaines. 195; aptitiid<> ii compter chez l'homme primitif. 197: arts pratiques chi-z les sauvages, 157 ; org;iiies [irélieMMles VM'> . déformation arti- ficielle rjii crâne. (Vt7 ; m.iriages coiiimu- 704 INDEX. naux, 642; exoganiie, 615 sur les Ved- dalis, 646-617 ; la polyandrie, 648. LucANii>K.s, variabilité des mandibules, chez les niAlcs des, 330. Lttcanus, yrande taille des mâles de, 307. Lucantis cervus, proportion numérique des sexes, 279. Lucanus elaphiis, usage des mandibules du, 330-331 ; fortes mâchoires du mkle, 303. LtîCAS, Prosper, préférences sexuelles chez les étalons et les taureaux, 576. I.UMiiiRE, effets supposés de la, 30; son in- fluence sur les couleurs des coquilles, 289. Luminosité, chez les insectes, 304. Lunaires, périodes. 179. LuND, docteur, crânes trouvés dans des cavernes du Brésil, 184. Lutte, pour l'existence chez l'homme, 154, 158. I>uxE, comparativement innocent, 147. Lyccena, ditférences sexuelles dans les es- pèces de, 340. Lyell, Sir C, parallélisme entre le déve- loppement de l'espèce et celui deslangues, 95; extinction des langues, 96; sur Tinqui- sition, 153; les restes fossiles des Verté- brés, 171 ; fécondité des mulâtres, 186. Lynx canadien, collerette du, 572. Lyre, oiseau {Menura superba), 444. M Macacus, oreilles de, 14; corps enroulé à l'extrémité. de la queue du, 21; variabi- lité de la queue dans les espèces de, 58 ; favoris d'espèces de, 582. Macacus cynomolgus, arcades sourcilières, 610; barbe et favoris blanchissant avec l'âge, 611. Macacus brunneiui, 60. Macacus lasiotiis, taches faciales du, 602. Macacus radiatus, 164. Macacus r/tesus, ditférence sexuelle dans la couleur du, 591 ; habitude indécente du, 680. Macalister, professeur, variations dans le muscle palmaire accessoire, 24 ; anomalies musculaires chez l'homme, 41-42; plus jrrande variabilité des muscles chez 1 homme que chez la femme, 245. Mac Clelland, J., cyprinides indiens, 378. Mac Culloch, Col., village indien ne ren- fermant point d'enfants du sexe fémi- nin, 647. Mac Culloch, docteur, fièvre tierce chez un chien, 4. Mac Gii.i.ivray. W., organes vocaux chez les oiseaux, 95: sur 1 oie ég^tienne, 400, habitudes des pics, 412: de la bécasse; 412; de la fauvette grise, 417; sur les mues des bécasses, 429 ; mues des Ana- tides, 430; pies trouvant de nouvelles femelles, 446 ; appariage d'un merle et d'une grive, 454 ; sur les corbeaux-pies, 465; sur les couleurs des mésanges, 502; sur les guillemots, 465; et sur le plumage non adulte des oiseaux, 511 et suiv. Machetes, sexes et jeunes des, 533. Muclietes pugnax, proportion numérique des sexes, 273 ; suppose polygame, 240 ; mâle très-belliqueux, 396; aouble mue chez le, 428. Mâchoire, influence des muscles de la, sur la physionomie des singes, 54. Mâchoires, suivent dans leur rapetisse- ment le même taux que les extrémités, 31 ; influence de la nourriture sur la frosseur des, 31 ; leur diminution chez homme, 54 ; réduction des, par corré- lation chez l'homme, 615. Mackintosh, sur le sens moral, 103; ori- gine du, 103. Mac Lacui.an, R., sur Apatania miiliebris et Boreus hyemalis, 280; appendices anaux d'insectes mâles, 303; accouplement des libellules, 307 ; sur les libellules, 319-320 ; dimorphisme chez YAgrion, 320 : manque de dispositions belliqueuses chez les li- bellules mâles, 320 ; sur les phalènes [Hepiolus humuli) des îles Shetland, 350. Mac Lennan, M., sur l'origine de la croyance à des agents spirituels, 100; prédomi- nance de la débauche chez les sauvages, 127 ; sur l'infanticide, 45, 647 ; sur 1 état barbare primitif des nations civilisées, 155 ; traces de la coutume de la capture forcée des femmes, 157, 647 ; sur la po- lyandrie, 648. Macnamara, m., sur la sensibilité des ha- bitants des îles Adaman, 206. Mac Neill, M., usage des bois du cerf, 561 ; sur le lévrier d'Ecosse, 568 ; poils allon- gés de la gorge du cerf, 572; mugisse- ment du cerf mâle, 577. Macreuse noire, différence sexuelle de cou- leur chez la, 540; bec brillant du mâle, 541. Macrorhinus proboscideus, structure du nez, 579. Maillard, M., proportion des sexes chez une espèce de Papilio de Bourbon. 276. Maine, M., sur l'absorption d'une tribu par une autre, 138; absence d'un désir a'a- mélioration, 143. Mains, plus grandes chez les nouveau-nés des campagnards, 31 ; conformation des, dans les quadrumanes, 49: la liberté de mouvement des, et des bras, est en cor- rélation indirecte avec la diminution des canines, 54. Makalolo, perfection de la lèvre supé- rieure chez les, 630. Maladie, engendrée par le contact des peuples différents, 199. Maladies, communes à l'homme et aux animaux inférieurs, 3 ; différences que présentent différentes races humaines dans leur aptitude à contracter certaines maladies, 182 ; effets de nouvelles, sur les sauvages, 199; limitation sexuelle des, 261. Malaire, os, division anormale de, chez l'homme, 38. Malais, archipel, coutumes nuptiales des sauvages de 1', 654. Malais et Papous, contraste entre les ca- ractères des, 183; ligne de séparation entre . les deux, 185; absence générale de barbe chez les, 612 ; leur habitude de se teindre les dents, 628 ; leur aversion pour les poils sur le visage. 635. Mâles, animaux, luttes pour la possession des femelles, 231 ; leur ardeur dans la recherche de celles-ci. 211 ; sont en gé- néral plus modifiés que les femelles, 241 ; diffèrent de même manière des femelles et des jeunes, 257. Mâles , caractères , leur développement chez les femelles. 249; leur transmission à des oiseaux du sexe femelle, 517 ; pré- sence d'organes femelles rudiraentaires chez les, 176; mortalité comparative entre les mâles et les femelles dans le INDEX, 705 juune âge, ?30; nombre comparatif do, 233, 236. M.VI.KAITKl-KS, U8. Mai.thus, !•'., sur le taux d'accniisscment du la population, 13. !.'>. Mai.I'kiuk.s, niditication dos. 198. Malurus, jeunes de, .'>34. Mamki.lk.s rudimnntaires chez les Mammi- fères mâles, 8-2Î. 176 : surnuméraires chez la femme, 38 : che« l'humine. 12. Mamki.iins, absence de, cher les Monotrè- ines, 177. Mammiki.kbs, rlassifioation des, du profes- seurl'. Hubert, 159: K<''>«"al"K'<"l<-"*. 172 : leurs caractères sexuels secondaires; ."ijO: armes des, r>.">l : comparaison de la capacité du cri'ine des récents et tertiai- res. ,'>j; grosseur relative des sexes, r>66 ; poursuite des femelles par les inAIcs, 212: parallélisme, quant aux caractères secondaires sexuels, entre eux et les oiseaux, T>91: voix des, servant .spéciale- ment lors de la saison reproductrice, 6?(). .Mandan.h, corrélation entre la couleur et la texture des cheveux, 217. .M vMiiuui.K, gauche, agrandie cbe« le mftle du Ta/ihroilerex rii.i„ nombre de vertèbres caudales du. :>9: couleurs du niAle. 590, .^gS, 601. -Mantkc.azza, professeur, sur les ornements des sauvages, 627 et suiv.; absence de barbe cher les Nuuveaux-Zélandais, 635; ex,'igération des caractères naturels par rhorame. 637. .Mantki.l. \V., sur l'accaparement des jo- lies filles par les chefs de la Nouvelle- Zélande, 651. Mdiitis, dispositions belliiiueuses d'espèces de, 318. Maorii» de la Nouvelle-Zélande, 202: causes de la diminution des, 203; recensement das, 203. MARC-.\rRKt.K, sur l'influence des pensées habituelles. 132. Mnrfra prnelopp, l.M. MAKiMiK. son iullucnco sur les mœurs, 127- 128; entraves au mariage chez les sau- vages. 16; influence du. sur la mortalité. 151 : développement du, 6M. MAi03: plumage an- térieur à celui de l'état adulte, 513-511; Jeunes des, 528-529; rectrices caudales en raquette chez un, 121. Mastoidik.nnks, apophyses chez l'homme et les singes, .53. M.vtki.ot», croissance de», retardée par leurs conditions de vie, 2*.i; ditrerences entre les proportions des soldats et des,30. .Ma(-i>si.kv, docteur, influence du sens de l'odorat sur l'homme, 15; sur I.aura Hridirman, 93 ; développement des orga- nes de la voix, 93. Mavkrs, W.-K., domestication du poissoo dore en Chine, 377. Mavhkw, K., atrection entre chiens de sexes difleronta. 574. Mavnari), C.-J., sexes du Chryttmi» picla, 385, Mkckkl, variation corrélative entre les muscles du bras et ùa la jambe, (3. Mtntusrx, couleurs brillantes de quelques, 287. MK0Ai.iTitiQt;K8, prédominance do construc- tions, 196. ilfgapicuM validut, ditférence sexuelle de couleur, 502. Megasoma, grande taille des iiiiMes, 307, Mkigs, docteur. A., variations dans les crânes des Américains indigènes, 21. Mkynkckk, proportion numérique des sexes dans les papillons, 276. MKt.ii'iiA(iii)Ks, australiens, leur nidifica- tion, 498. Afelitn , caractères sexuels secondaires des, 295. AIrlo)i, différence de couleur dans les sexes d'une espèce de, 324. MÉMoiRK, manifestations de, chez les ani- maux, 77. Mrntai.k, puissance, différences dans les deux .sexes de l'espèce humaine, de la, 616. Menura Alhfiti. 414; chant du, 407. Meniira sitperba, 44 4; longue queue des deux sexes, 491. Mkroan.skr, trachée du mâle, 410. Merganser xerrator, plumage mâle du. (31. Mergux riicitllatuf, miroir du, 260, Mergns merganser, jeunes du, 513. Mkri.k, différences sexuelles dans le, 2tO; proportion des sexes, 36; a^'ant appris un chant, 406; couleur du bec, dans les sexes, 511; appariage avec une grive, 451; cs. r>02. Mkssaokr, pigeon, développement tardif des caroncules dans le, 262. Melallura, rectrices splendides du, 485, Methnrn irhneumnnidex, (rrand mâle du, 307. MKVK.H, M., bniit de iamlK>urde la bécasse, 413. Mkxicainn, civilisation des, non étrangère, 157, Mkvkk, corps enroulé li l'extrémité des queues d'un Mnraeus et d'un chat, 21. Mkvkk, docteur, \.. sur l'accoupN-inent de phrvganides d'espèces distinctes. :t03. Ml. Mih-ago leucurus, sexes et jeunes du, 526. MiMiQfES, formes imitatrices, 356. Mimus polyylottus, 451. Miroir, alouettes attirées par le, 452. MivART, Saint-Georges, réduction des or- ganes. 9: oreille des Lémuroïdes , 13: variabilité des muscles chez les Lému- roïdes, 10; vertèbres caudales des sin- ges, 58; classification des Primates, 167; sur l'oran? et rhomine, 168 ; dilTérences dans les Lémuroïdes. 168: crêtes du Tri- ton mâle. 382. Modes, longue durée des, chez les sauva- ges, 631, 638. Modifications inutiles. 63. MoiNKAU , caractère belliqueux du mâle , 395 : acquisition par un, du chant d'une linotte. 407; coloration du, 521; plumage prématuré précédant l'adulte du, 512: trouvant de nouvelles compagnes, 117: sexes et jeunes du, 530; apprend à chan- ter, 624. Moineau à couronne blanche, jeune (Frin- gilla leucophrys), 534. Mollets, modification artificielle des, 628. Mollienesia petenensis, différence sexuelle, 371. MoLLnscoiDA, 289. >foLi,csQUES. belles formes et couleurs des. 287-288; absence de caractères sexuels secondaires chez les, 289. Mongols, perfection des sens chez les. 32. Monogamie, pas primitive. 157. MONOGKSISTES, 192. Mononychus pseudacori. stridulation du, 335. MoNOTRÉMBS. 172: développement de la membrane nictitante chez les, 15: glan- des lactifères, 177. Monstruosités, analogues dans l'homme et les animaux inférieurs, 27 ; causées par arrêt de développement. 34 ; leur corrélation, 42; leur transmission. 189. MoNTAGU. G., mœurs des grouses noir et rouge. 211 ; caractère belliqueux du com- battant. 396; sur le chant des oiseaux. 404; la double mue de la sarcelle mâle. 430. MoNTEiRo, M., sur Biicorax abyssiniens. 420. Montes de Oca, M., caractère belliqueux des oiseaux-mouches mâles, 396. Monticola cyanea, 500. Monuments , traces de tribus éteintes . 198-199. Moqueur, migration partielle du, 451 ; jeu- nes du, 531. Moral , origine du, 132-133 ; dérive des instincts sociaux, 130. Morales, alliance des impulsions instinc- tives et, 117; influence des facultés mo- rales chez l'homme sur la sélection natu- relle, 137: distinction entre les règles morales supérieures et inférieures, 131 : hérédité des tendances. 133. Moralité, supposée. ba.., faucons nourrissant un oi- seau orphelin dans le nid, 449. Morse, défenses du, 551, .556; emploi des défenses, 564. Mortalité, taux de, plus élevé dans les villes que dans les campagnes, 43 : com- parative entre les mâles et les femelles, 236, 214, 267. Morton, nombre d'espèces humaines, 191. Morve, peut se communiquer des animaux k l'homme, 3. Mosehus moschi férus i organes, odorants du, 581. Motaeilla, indiens, jeunes, 514. Motmot, rectrices en raquette de la queue du, 421. Mouette, exemple de raisonnement chez une , 449 ; changement périodiques de plumage chez la, 541 ; blanches, 541. Moules, singes ouvrant les coquilles de, 50. Moustache, singe k, 589, 607. Moustaches, chez les singes. 163. Moutons, signaux de danger, 106-107 ; dif- férences sexuelles dans les cornes de. 252 ; cornes de, 258, 554, 565 ; domesti- ques, développement tardif des différen- ces sexuelles, 261 : proportion numérique des sexes, 371 ; mode de combat, 557 ; front arqué de quelques. 584 ; mérinos, perte des cornes chez les femelles de, 253 : cornes des. 258. Mues, doubles chez les oiseaux, 531 ; dou- bles annuelles chez les oiseaux, 427: partielles, 429. Mulâtres, fertilité persistante des, 186- 187 : leur immunité contre la fièvre jaune. 213. Mulet, stérilité et forte vitalité du, 187. MuLLKR. Ferd., sur les Mexicains et Péru- viens, 157. MuLLER, Fritz, sur les mâles astomes de Tanais, 227: disparition de taches et de raies sur les Mammifères adultes, 600; proportion des sexes dans quelques Crus- tacés. 281 : caractères sexuels secon- daires dans divers Crustacés, 293; larve lumineuse d'un Coléoptère. 305 ; luttes musicales entre Cicndés mâles. 310 ; ma- turation sexuelle de jeunes Crustacés ainpbipodes, 533. MuLLER, J., membrane nictitante et pli semi-lunaire, 15 ; MuLLER, Max. origine du langage. 92 : lutte pour l'existence des mots et des lan- gues, 96. MuLLER. S., sur le banteng, 588: couleurs du Semnopithecus chryxomelas, 589. Mungo-Park, — voyez Park. MuKiK. J., sur la réduction des organes, 9; oreilles des Lémuroïdes, 13 : variabilité des muscles chez les Lémuroïdes. 40. 47: vertèbres caudales basilaires enfouies dans le corps du Afacacus brunneus, 61 ; différences dans les Lémuroïdes, 168; poche de la gorge de l'outarde mâle, 110; crinière de Otaria jubata, 572: fosses sous-orbitaires des Ruminants. 580: cou- leurs des sexes dans Otnria Higrescens,ô86. MURRAY, X., poux des différentes races humaines, 185. MuRRAY. F.-.\., sur la fécondité des fem- mes australiennes avec les blancs. 186. Afiis coninga. 84. INDEX. 707 1/m.s- iiiinulu-s. différence sexuelle do cou- leur, 586. MusARMiiSK, odeur de la, j«0. Miuricapa grisolii elucluosa, 199. AtHsricapa ruticiUa, reproduisant avant d'a- voir revêtu son plumage adulte, TkW. MfscLK ischio-puhien, 10. Mu.scuvs rudinientaires chei l'houinie, 10: variabilité des, 24-25: effets de l'usago et du défaut d'usage sur les. 'M\: anoma- lies chez l'honinie rappelant des confor- mations animales des, 10: variations corrélatives des muscles, du liras et de la jainlie. 12 : variabilité des, dans les mains et les pieds, 17: influence des muscles de la mâchoire sur la physiono- mie des sinjres, M : spasmes ha'bituels des. causant des modifications des os do la face, .")* : chez les ancêtres primitifs de l'homme, 17.">: plus grande variabilité des muscles chez l'homme que chef la femme, 245. .Viisniliis xli-riialiii. professeur Tumer sur sur le, 10. .MrsiyfK, 195; d'oiseaux, 40.1: attraits qu'a la musique discordante pour les sauva- ges. 116: appréciation variable chez les divers |M>nples do la, 625: origine de la. r>?l-<)2.">: effets de la, 625: perception des cadences musicales chez les animaux, )i23 : apti tuile do l'homme, 619. Miiinili/iiigf.t , couleur et nidification dos, .'MNl: éclat égal des doux sexes, r>OI. Mr.sviK, rat [onihilrn). ressemblance pro- tectnce du, it une motte de terre, ,591. Miistrlii, changement hibernal chez deux espèces lie. 595. .MrTii.ATioNs, guérison de, i. Mittilla eiimpga. stridulation chez la, 323. M('TiLi.ii>kF.s. absence d'ocelles dans les femelles des, 302. MijretM raraya. polygame, 238 : organes vo- caux du. 578: barbe du, 58,{: ditferences sexuelles de couleur du, .589: voix du. r.20. Myrrtitx sfitinilus. différences sexuelles de couleur du, '.t^. Mviti\pi>i>Ks. 302. N N i-.iiKi.i. influence de la sélection naturelle sur les piailles. 62: sur les grn>lations des espèces île plantes. 191. Nmss.vN(k.<«. proportion iiumérii|ue de», des deux sexes chez l'homme et les animaux, 2:?5-236: jiroportion en Angleterre, 266. N\iss.\NTs, organes. 8. Nm'I.k.s, plus grande proportion d'enfants illégitimes du sexe féminin ii. 267. .NvnvM., defflises du. .551. .5.56. Nasales, grandeur chez les indigènes aîné, ricains. des cavités, 32, NvTiifsifs, II, von. races améliorées du porc. 19.'<-I9J ; élevage, reproduction des .niiimaiix domestiques, 652. Nmtuki.I.K, sélection, ses effets sur les premiers ancêtre» de l'homme, 17: son influence sur riiomme. 61, 61: limitation gres des Ktats- Inis. 15». N.\fi.KTTK (lai, màchoirtMle, grosseur de ses canines, .19. Nkamikrth.vi.. caiiacité du crùne de, 55. .Verro/iAor«j, striilulation chez le, 332. Sfctarinia, jeunes du, 514. Xeclarinir, nidiflcation des. 514 : leurs mues. 429. Nkohkk, ressemblances avec les Kiiropéens par les caractères d'ordre mental, 195; caractères de». 190: i>oux. 185: noirceur des. 188. 616: variabilité des .1<.«(>-]91 : leur immunité pourlaflevre jaune, 213: diffé- rences avec les Américains, 217: defigu- ration pratiquée par les. .591 : couleur des nouveau-nés. 609: sont relativement im- berbes. 613; deviennent aisément musi- ciens, 624: leur appréciation de la beauté de leurs femmes, 631, 633; leurs idées sur la beauté 636: compression du nez prati- quée par quelques, 638. NKI1RK.SSKS. bienveillance des. pour Mungo- l'ark. 127. NKoi.iTHigfK, période, 157. Sephila, 301. Nki'mkistkh. changements de couleurs chez de» pigeons après plusieurs mues, 262. yfurnthemi.1. dimorphisme. 320. Nkvration. différence dans l.i. entre les deux sexes de quelques papillons et Ilviiieiiop- tères. .105. Nkvroitkrks. 280. Nkwtox, a., poche de la gorge de l'outarde iniVle. 410; différences entre les femelle.s de deux espèces (VOtijuhIiis, 516; iiiiiMirs du phalarope. pluvieret iruignard. 525. Nkz, ressemblance chez rhomine et les sin- ges, 161 : perforation et ornementation du nez. 629: aplatissement du. 637-6.18: les nègres ne 1 admirent pas trop a]ilati. ()36. NirnoujoN. docteur, les Kuropéeiis bruns ne sont pas ménagés par la fièvre jaune. 211. Nidification des poi.ssons. 3''9 : rapports entre la. et la couleur. I97..501 ; des oi- seaux d'Angleterre. 498. Nids, construits parles poissons. 379: déco- ration de ceux des oiseaiix-iiii)ticlies.4.52. Nll.r.HAt'. différences sexuelles de couleur, 587. Nif.».soN. professeur, ressemblance entre les têtes de flèches de diverses provenances. I95-I;t6: développement desboisdii renne. 261. NiT/.sKi).MANX, A., sur le Teirao nmgalloidrs , 413. NoRwkiiK. proportion des naissances mas- culines et féminines. 267. Noi>: supplémentaire sur la sélection sexuelle dans ses rnpimrts avec les sin- ges. 679. NoTT et (îliddon. traits do Unineses M, 181: traits d'.VmiiMoph 111. 181; cnViies des cavernes du Ilrésil, IKI: iiiiniiinité des nègres pour la flevre jaune. 213; sur In déformation des criknes dans les tribus américaines. 6.17. NiDlliRSMllKs. iiiolliisques. coulcufs bril- lantes des 291. NiMKRATioN romaine, signes de la. 156. NfNF.MAVA. indigènes Imrbus de. 613. 708 INDEX. f)BÉissANCE, importance de 1' MO. Observation, capacité des oiseaux pour 1' 451. Occupations, causent quelquefois une dimi- nution de taille, 29 ; leurs effets sur les proportions du corps, 30. Ocelles, absence des, chez les Mutillidées femelles, 302 ; formation et variabilité chez les oiseaux des, 469. Ocelot, différences sexuelles de couleur dans r, 586. Ocyphaps lopkotes, -440. Odeur, corrélation entre 1', et la colaration de la peau, 217; qu'émettent les serpents pendant la saison de reproduction, 387; des Mammifères, 580. Odonata, 280. Odonestis potatoria, différence sexuelle de couleur, 347. Odorantes, glandes, chez les Mammifères, 580-581. Odorat, sens de F, chez l'homme et les ani- maux, 15. Œcanthns nivalis, différence de couleurs dans les sexes, 318. Œil, destruction de Y changement de po- sition dans r, 56; obliquité de 1' regardée comme une beauté par les Chinois et les Japonais, 632 ; différence de coloration dans les sexes des oiseaux, 458; porté par un pilier dans le mâle du Cléoii, 302. Œi!Ks, couvés par des poissons mâles, 380. Oidemia, 540. Oie, antarctique, couleurs de 1', 541 ; du Ca- nada, appariée avec une bernache mâle, 451. On:, chinoise, tubercule sur le bec de 1' 467. Oie. égyptienne, 400; de Sébastopol, plu- mage, 422: oie de neige, blancheur de 1', 511; oie d'Egypte, ailes de 1', portant un ergot, 401. OisEAL'x aquatiques, fréquence du plumage blanc, 572. Oi.sEAUX, imitant le chant d'autres oiseaux, 76: rêves des, 78; leur langage, 90; leur sentiment de la beauté, 99 ; plaisir de cou- ver, 111; incubation par le mâle, 178; connexions entre les oiseaux et les rep- tiles, 180; différences sexuelles dans le bec. 228 ; migrateurs, mâles arrivant avant les femelles, 231 ; rapport apparent entre la polygamie et des ififférences sexuelles prononcées, 239; monogames devenant polygames sous domestication, 241 ; ar- deur du mâle à rechercher la femelle, 242 ; proportion des sexes chez les, 272 ; carac- tères sexuels secondaires chez les, 394; différences de taille dans les sexes, 396; combats de mâles, auxquels assistent des femelles, 401 ; étalages du mâle pour cap- tiver les femelles, 402 ; attention des, aux chants des autres, 405 ; pouvant apprendre le chant des parents qui les nourrissent, 407; les oiseaux brillants rarement chan- teurs, 407 ; danses et scènes d'amour, 415; coloration des, 423 et suiv.; non cou- plés, 445; mâle chantant hors de saison. 448; mutuelle affection, 449; distinguent les personnes en captivité, 451 ; produc- tion d'hybrides, 454 ; nombre d'espèces eu- ropéennes, 463; variabilité des, 463 ; gra- dation des caractères sexuels secondaires 471 ;de coloration obscure, construisant des nids cachés, 498 ; femelle jeune, revêtant des caractères mâles, 507 ; reproduction dans le plumage qui précède l'adulte, 532; mues 532 ; fréquence du plumage blanc dans les, aquatiques, 542 ; assiduités voca- les des, 619 ; peau nue du cou et de la tète chez les, 657. OisEADX-MoucHES,rectrices en raquette chez le mâle d'une espèce, 421 ; étalage du plumage des mâles, 432 ; décorent leurs nids, 97, 453; polygames, 240: proportion des sexes, 273, 537 ; différences sexuelles. 394,483; caractère belliqueux des mâles, 395; rémiges primaires modifiées chez les mâles, 413 ; coloration des sexes, 424 ; jeunes, 535; nidification des, 498; cou- leurs des femelles, 498. Olivier, sons produits par le Pimelia striata, 3.36. Omaloplia brunnea, stridulation de la, 333. Ombre, coloration du mâle pendant la sai- son reproductrice, 374. Ongles, coloration en Afrique en jaune ou pourpre des, 628. Onitis furcifer, apophyses des fémurs anté- rieurs du mâle, et (le la tête et du thorax de la femelles, 327 Onlhophagus rangifer, différences sexuelles, 325 ; variations des cornes du mâles, 325. Ophidiens, différences sexuelles, 386. Opossum, vaste distribution en Amérique, 185. Optique, nerf, atrophie provoquée par la perte de l'œil, 30. Orang-outan, 613; concordance de son cerveau avec celui de l'tiomme, recon- nue par Bischoff, 2; âge adulte de 1', 5; ses oreilles, 11 : appendice vermiforme, 18; plates-formes qu'il construit, 68; craintes éprouvées à la vue d'une tortue, 75; usage d'un bâton comme levier, 85; jetant des projectiles, 86 ; se couvrant la nuit de feuilles de Pandanus, 87 : ses mains, 49; absence d'apophyses masto'ides, 53 ; direction des poils sur les bras, 164 ; caractères aberrants, 167-168; évolution supposée de 1', 194 ; sa voix. 578 ; habi- tudes monogames de 1', 645 ; barbe chez le mâle, 582. Oranges, épluchées par les singes, 50. Orcliestia Darwinii, dimorphisme des mâles, 296. Orchestia Tucuratinga, membres du, 291. Oreas canna, couleurs, 587. Orens Derbianus. id., 587-596. Oreille, mouvements de T, 10; conque externe, inutile chez l'homme, 1 1 ; son état rudimentaire chez l'homme. 11 ; per- foration et décoration des oreilles, 629. Organes naissants, — voyez Naissants. Organes rudimentaires, — voy. Rudimen- taires. Organes préhensiles, 229; utilisés à de nouveaux usages, 624. Organes sexuels primaires, — voyez Pri- maires. Oriolks, nidification des, 497. Ori'ilits, espèce d', reproduisant avant d'avoir acquis son plumage adulte, 533. Oriolus melanocephaliis, coloration des sexes, 505. Ornements, prévalence d', semblables, 196; goût des sauvages pour les, 628; des oi- seaux mâles, 82. Ornithoptera crœsiis, 276. Ornithorfii/nchus, 170; ergot du mâle, 552; tendance vers le reptile del', 173. INDEX. 70Î) Orocetef ori/throyastra, JAunes de 1", r»3r>. Orroi-y, grotte - tères, 317. (tftygornis ^m/ai-j^, dispositions belliqueuses du mâle. 399, 0/-yc/M,stridulation chez 1". .1.33; ditrerences sexuelles des organes qui In |irorn<'s chez 1". 559. Os, accroissement en longueur et en épais- seur lies, lorsqu'ils ont «lus de poids il porter, 30: fabrication d instruments en os, 49. Oxphranter riifus, différence sexuelle do couleur, .")»t5. Oliirin jubniii. crinière du mile, 572. Otaria nigresrfii.i, différence do coloration des sexes. 586. (ilit briignlfiiiiâ, prouesses du mâle en cour, 117. (ilix larda, polygame, 210: poche do la gorge du mille, 110. OfRs, marin, polygame. 241. OCTARDKS. differe'nces sexuelles et poly- gamie chez les, 211. Oribits mosehatuit, cornes de 1', 555. Orix cijrlorerns, mode de combat de 1', 5:>8. Ovri.K humain, 5. OwKN, professeur, sur les corps de Wolff, 7; gros orteil de l'homme, 8; membrane nictitante et repli semi-lunaire, 15; dé- veloppement des molaires postérieures dans diverses races humaines, 17: lon- gueur du ciecum dans le koala, 18: ver- tèbres coccygienne, 20; conformations rudimeiitairês appartenant au systV'me reproducteur. 21: conditions anormales do l'utérus humain, 37; nombre de doigts dans les IchthyopU'rygiens, 36 : canines dans l'homme. 39; mode de progression des chimpanzé et orang. 50 ; apophyses mastoîdes dans les singes supérieurs. 53: éléphants plus velus dans les régions élevées, ,58: vertèbres caudales des singes, ,59: classitlcation des Mammifères, 160; poils chez les singes, 101: polygamie et monogamie chez les antilopes. 238: cornes de VAnlilocapra americann 2.58: odeur musquée des crocodiles pendant la saison de leur reproduction, 386: glandes odo- rantes des serpents. ;187 ; sur les dugong, cachalot et Ornilhorynrhux. ,552: sur les bois du cerf commun, .561 ; dentition des ('amélidés, 561: sur les défenses du mammouth, 565: sur les bois de l'élan irlandais, 566; voix de la girafe, du porc- epic et du cerf, 577 : sac laryngien des g80: effets de l'emascu- lalion sur les organes vocaux de l'hom- me. 620: voix de V Hylnlintrs iif/ilin. e,-2i): sur des singes américains monogames, 616. Oxynolux, différences entre les femelles de deux espèces d , 516. l'AriivtiKKMATA, 239. I'akkt, développement anormal do cheveux chez l'homme, 16; épaisseur de la peau sur la plante des pieXi. I'aonnes, leur préférence pour un niàle par- ticulier so manifeste parco qu'elles font les premières avances vis-à-vis du mule, 460. l'anilio. différences sexuelles de coloration dans les es|>èces de, 310: proportion des sexes dans les espèces do r.Vmeriquo du Nord, 276: coloration des ailes, 346. l'apilio Ascaniux, 340. l'anilio Sesoxtris, et Childreng, variabilité des. 351. l'apilio Turnux, 276. l'Aril.ioNtiiKs, variabilité dans les. 3r)0-,351. l'Ai-it.i.oN, bruit pnxtuit par un. 338: le grand-mars, 337-,339; le satyre (Hippar- r/iia Janira\. instabilité des taches ocel- lées dans, 469. rAiMl.l.<>N du chou, 342-343. Paimi.i.ons. proportions des sexes dans les, 275: pattes antérieures atrophiées dans quelques miUes, :<04 : différence sexuelle clans les nervures des ailes, '3Q\ ; carac- tère belliqueux du ni&le. 338: ressem- blance protectrice do leur face inférieure. 342-343: étalage des ailes par les. 315: blancs, se posant sur des morceaux ilo papier. 318: attirés par un papillon mort lie leur espèce. 31'J: cour des. 349: inAles et femelles habitant les stations diffé- rentes, ,351. Papous, ligne do séparation entre les. et les Malais. 1H5: l)arbe des, 612: cheveux des. 629: contraste des caractères des, et des Malais, 183. 710 INDEX , Paradis, oiseaux du, 411, 5()7; supposés polygames par Lesson. 240: bruit qu'ils produisent en agitant les tiges de leurs pennes, 112; plumes en raquette, 421 : ditférences sexuelles de couleur. 422: plumes décomposées, 421, 441 ; déploi- ment de son plumage par le mâle, 432. Paradisea apoda, absence de barbes sur les plumes de la queue du, 422 : plumage du, 421; f. papwana, divergence des fe- melles des, 516. Paraguay, Indiens du, s'arrachant les cils et les sourcils, 635. Parallélisme du développement des es- pèces et des langues, 95. Par-VSitks, de Thomme et des animaux. 4: considérés comme preuve d'identité ou de distinction spécifiques, 185 : immunité contre ,les, en corrélation avec la cou- leur, 212. Parenté, termes de la, 644. Parents, affection entre, résultat partiel de la sélection naturelle, 112: inliuence de rage des, sur le sexe de leur progé- niture, 267. Parinés, différence sexuelle de couleur,502. Park, Mungo, négresses enseignant k leurs enfants l'amour de la vérité, 127; bien- veillance avec laquelle il fut traité par elles, 84, 127, 634: opinion des nègres sur l'aspect des blancs, 633. Parole, connexion entre le cerveau et la , faculté de la, 93. Parthénogenèse, chez les Tenthrédinés, 280: les Cynipidés, 279: les Crustacés, 280. Parus cseruletis, 502. Passer, sexes et jeunes de, 530. Passer brachydactylus, 531. Passer domesticus et montanus, 499, 531. Patagoniens, se sacritiant aux leurs, 119. Pattekson, m., sur les Agrionides, 319. Patteson, l'évêque, sur les indigènes des Nouvelles-Hébrides, 204. Paulistas, du Brésil, 190. Pavo cristatus, 259, 472. Papo muticiis, 259. 472 : présence d'ergots chez la femelle, 400, 493. Pavo nigripennis, 459. Pa vaguas, Indiens, jambes grêles et bras épais des, 31 : proportion des sexes chez le mouton, 271. Peau, mobilité de la, 10: nue chez l'homme, 57: couleur de la, 211: corrélation entre la couleur, de la. ei les cheveux, 217. Pediculi des animaux domestiques et de l'homme, 185. Pedionomtis torquatus australien, sexes du, 523. Peinture, 195. Pélagiques, transparence des animaux, 287. Pelecanus erythrorhynchus, crête cornée sur le bec du mâle pendant la saison de re- production, 427, Pelecanus onocrotalus, plumage printanier, 431. PÉLÉLÉ, 6,30. PÉLICAN, aveugle nourri par ses cama- rades, 109; jeune individu guidé par les vieux, 108-109; caractère belliqueux des mâles, 396; péchant plusieurs de concert, 107. Pelobius Hermanni, stridulation, 333. Pénélope nigra, son produit par le mâle. 414. Pennant, combats de phoques, 550 : sur le phoque à capuchon, 301. Pensées, contrôle des, 132. Penthe, coussins des antennes du mâle. 304. Perche, beauté du mâle à l'époque du frai. 371. Perdrix, monogame, 240; proportion des sexes, 272-273 ; femelle, 518 ; danses de, 415; vivant à trois, 448; couvées printa- nières de mâles, 418 : reconnaissant les personnes, 451. Période de variabilité, rapports de la, à la sélection sexuelle, 263. PÉRIODES lunaires, fonctions de l'homme et des animaux correspondant aux, 4, 193. PÉRIODES de la vie, hérédité correspon- dant aux, 263. PÉRIODICITÉ vitale, d'après le docteur Lay- cock, 4. Perisoreits canadensis, jeunes du, 529. Prionides, différence de coloration dans les sexes d'une espèce de, 323. Pernis cristata, 161. Perroquet, pennes à raquette dans la queue d'un, 421 : cas de bienveillance chez un, 450. Perroquets, facultés imitatives des, 76; vivant par trois, 448 : affection des, 448 ; couleurs des, 538 ; différences sexuelles de coloration, 542 ; leur nidification, 500. 502,503; plumages des jeunes, 512; apti tudes musicales, 624. Perses, améliorés par mélange avec les Géorgiens et les C'ircassiens. 441. Persévérance, caractérisant l'homme. 617. Personnat, m., sur le Bombyx Yamamai, 276. Péruviens, civilisation des, non étrangère, 157. Pétrels, couleurs des, 542. Petrocincla eyanea, jeunes de, 535. Petronia, .531. Pfeiffer, Ida, idées javanaises sur la beauté, 634. Phacochœrus œthiopicwt, défenses et bourre- let, 570. Phalanger, renard, variétés noires du, 592. Phalaropus fulicarius hyperboreus, 525. Phalènes, 311; bouche manquant chez quel- ques mâles, 227: femelle aptère, 227 ; usage préhensile des tarses par les mâles, 229; mâle attiré par les femelles, 276; couleur des. 315; différences sexuelles de couleur, 317. Phanxus, 328. Phanxits carnifex, variation des cornes du mâle, 325. Phanxus faumis, différences sexuelles du, 326. Phanxus lancifer. 324. Phasgonura viridissima, stridulation, 314. Phasianus Sœmmerringii, 488. Phasianus versicolor, 134. Phasianus Wallichii,A3B, 519. Philtres, portés par les femmes, 632. Phoca groenlandica, différences sexuelles de coloration du, 586. Phxnicura ruticilla, 447. Phoqub k capuchon, 579. Phoques, sentinelles généralement femelles. 107 ; preuves que tournissent les, sur la classification, 163 ; différences sexuelles dans la coloration des, .587 ; leur goût pour la musiaue. 621; combats de maies, 550 ; canines au mâle, 551 ; habitudes poly- games des, 239; appariage des, 573; par- ticularités sexuelles, 579. Phosphorescence des insectes, 305. INDEX. 711 Fhrvo.vnidbs, accouplement d'espécas dis- tinctes, 303. /'hi-r»i.icuM nigricaHs, .381. l'HYsiviCK, infériorité supposée che» l'homme, l'U', sélection du niAle par la tV-melle, tôC. l'ics, 407: leur usa^e <1h frapper. 112: cou- leurs et niditic.ition. .Vu). r>t)i. .VW : oiirac- téres des jeune», ."il(», ."iJl, 5îy. Pu'KKKiNO, nombre d'espèces humaines, 190. l'itTos, J.-.V.. sur l'âme humaine. t>71. l'ieus niiratiis, 398. l'iK, faculté de lau(;a^e. 9.'>: volo les objel-s brillants. 4.'ri : assemblées nuptiales, 411: jeunes de la, 5Î9: sa coloration, T)!;': or- (;aues vocaux de la. 106. FlKl>, préhensile chez les ancêtres |>rimi(ifs de l'homme, 17ri: aptitude préhensile con- servée chez quelques sauvai;es, 5î ; mo- dification des pieils chez 1 homme. U'î : épaississement de la |>eau sur les plantes des. :h)-31. l'ikoKs, évités par les animaux, 83: usage des, 48. i'iKKinK.H, imitation des, femelles, 3.57. l'it'ris, 313. l'iKKRK, instruments de, difficulté de fabri- quer les, r>0: traces de tribus éteintes, 199. l'iKKKK.s, usa^re des, par lus sin^'cs pour briser des fruits it coque dure et comme pi-«>jeciles, 50 : armes de. 196. l'KiKoN. messager, développement tardif des barbes. 261 : roces et sous-races du, .'■05: développement tardif du jabot d:ins le grosse -gorge, '.'fil : femelle abandon- nant un mâle atfaibli, 2:14. l'iiiKoNs. dans le nid. nourris par le oroduit du jabot des deux sexes, 178: change- ment de plumage, 2ril : transmission des particularités sexuelles, 253: changement de couleur après plusieurs mues, 262 ; pro- {tortion numérique des sexes, 272 : roucou- ement du, 410: variations de plumage. 422: étalage que faille mule de son plu- mage. 4t'J: mémoire locale des, 449: an- tipathie de la femelle pour certains mâles, ir>8: appariage du. 458; m&les et femelles déréglés, 458 : rectrices et barres sur les ailes des, 4KT<>MK.s, iKtissons. .164. l'Iaiiarii^a. couleurs vives do quelques, 287. ri.ASTKs, cultivées, plus fertiles que les sau- vages, II: N'Ageli, sélection naturelle chez les. 62 : fleurs mâles, mûrissant avant les fleurs femelles, 232 : phénomènes de fertilisation dans les, 213. l'Ititalca. 411 : changement de j)lumage chez la femelle de resj>éco chinoise, r>06, PliilybUmiiiix, 318. l'itityrercwi, jeunes du, 529. J'talyphyllui» ronraviiin, SI 1-312. 314. IM.vTVRKiiiNs, singes, 167. l'i.ATVSMA myoïdi-x. 10. l'IerimtomHs. tentacules céphaliques du mAle d'une espèce de, 372. Plfcostimiut harbaliu, barbe particulière du mâle, 372. I'lfrlro/>tn-iu gainfifiixis, ailes k ergot du. 100. l'i.iK. coloration de la. 379. /•loceiix, 406 l'i.tiMAOK, hérédité des changements dans le, 251 : tendance à la variation analogi- que du, 422 ; étalage que fout les mâles de leur, 431 : changements du, se rattachant aux saisons, 513, non adulte des jeunes oiseaux, .509,511: coloration du, en ritp- |)ort avec la pretection, 5.38. l'i.i'MKs, modifiées, produisant des sons, 412. 194; allongées dans les oiseaux mâles, 120; en forme de raquette, 421 : sans barbe, ou dans certains oiseaux portant des barbes filamenteuses, 422 ; caducité lies bords des, 431. Pli.'mks, différences des, ornant, d'après le sexe, la tète des oiseaux, 495. I'l.t'ViKR, ergots des ailes des, 400 : double mue, 431. Pneumora. conformation du, 315. PiKPi'io, contact des races sauvages et ci- vilisées, 200. roii.-s et pores excréteurs, rapports numé- rlipies cnez les moutons, 217. Poi.soN, évité par les animaux. 68-69, 82: immunité contre le. en corrélation avec l:i coiileur, 212. l'ois.soxs, projiortions des sexes chez les. 274; ardeur du mâle. 212: rein» des. re- présentés dans l'embryon humain par les corps de WollT. 7 : nii'iles. couvant les ipuis dans leur bouche. 178: réceptacles pour les leufs, 22(5; grosseur relative de;i sexes, .368: d'eau douce dans les tropi- ques, 378 ; ressemblances protectrires.379 : construction des nids. 379: frai, 379; sons produits par les. .381 . 619 : leur crois- sance continue, .533; dores. 377. l'oiTRiNK, proportion de la. chez les soldats et les matelots. 31; grandi-ur di? la. «liez les Indiens Qiiichiias et Aymaras, 32. Poi.i.KN Van Dam, couleurs 'du Lftnur ma- cnro, 589. Poi.DNAisK, race galline. origine de la crête, 2.--3. P<>l,VANDRlK,618; daDS({uelques Cyprinides, 275; parmi les l-^latérides, 279. Pol.YDArTVi.lK, dans l'homme, .38. Pol.YiiAMiK, son influence sur la sélection sexuelle. 237: provoqu pnr la
  • mesli- calion, 210-241; accroissemeiii des nais- sances femelles qu'on lui attribue, 269: chez l'epinoclie, 3<>5. Pol.vaKMSTKs. 192. Poi.vNKsiK. prevalence de l'infanticide en, 617. 712 INDEX. Polynésiens, leur aversion pour les poils de la face, 633; vaste -extension géogra- phique des. 27 ; différences de taille parmi les. 29: croisements, 190: variabilité des, 190: leur hétérogénéité, 211. Polyplectron, déploiement de son plumage par le mâle, 434 : nombre d'ergots chez le, 399; graduation des caractères, 474: fe- melle, 518. Polyplectron chinquit, 435, 473, 474. Polyplectron Hardwickii, 473. Polyplectron malaccense, 474. Polyplectron Napoleonis, 473, 475. POLVZOAIRES, 289. Pontoporeia affinis, 293. Population inaigène des îles Sandwich, 204. Porc, origine des races améliorées du. 193: proportion numérique des sexes, 272 : raies des jeunes, 510, 598; témoignant des pré- férences sexuelles, 576. PoRc-ÉPic, muet hors de l'époque du rut, 577. Pores, excréteurs, leurs rapports numé- riques avec les poils, chez le mouton, 217. Porpila. couleurs vives de quelques, 287. Portax picta, crête dorsale et collerette de la gorge dans, 582; différences sexuelles dans la couleur, 587, 596. Portunus puber. caractère belliqueux du, 297. Potamochxrus penieillatus, défenses et pro- tubérances faciales du, 570. PoucK, manque chez les Ateles et Hylobates, 51. PoucHET, G., sur le taux de l'instinct et de l'intelligence, 69: instinct des fourmis, 159; grottes de Abou-Simbel, 181: immu- nité des nègres vis-à-vis de la fièvre jaune, 213. PoDMOSS, agrandissement des poumons chez les Indiens Quechua et .\ymaras, 32: vessie natatoire moditiée, 174 : volume différent des, dans les races humaines. 182. Poux, des animaux domestiques et de riiomme, 185. Power, D'., différentes couleurs des sexes dans une espèce de Squilla, 298. PowYS, M., habitudes du pinson à Corfou. 274. Prééminence de l'homme, 48. Préférence d'oieeaux femelles pour les mâles. 453, 461 ; manifestée par les Mam- mifères dans leur appariage, 573. Préhensiles, organes, 232. Presbytis enlellits, combats des mâles, 614. Prichard, différences de taille chez les Polynésiens, 29: sur la connexion entre la largeur du crâne des Mongols et la perfection de leurs sens, 32 : capacité des crânes anglais à divers âges, 55 : têtes aplaties des Colombiens sauvages. 629 : notions des Siamois sur la beauté, 633 ; sur l'absence de barbe chez les Siamois. 635 : déformation de la tête dans les tri- bus américaines, et les naturels d'Ara- khan.629. Primaires, organes sexuels, 226. Primates, 163: différences sexuelles de couleur, 588-589. Primogéniture. inconvénients de la. 146. Prionides. différences des sexes en cou- leur, 323. Proctotretus multimaeulatiis, 393. Progrès, n'est pas la règle normale de la société humaine, 143; éléments du. 152. l^opoRTioNS, différences des. dans les ra- ces distinctes. 182-183. Protecteur, but. de la coloration chez les Lépidoptères, 341 : lézards. 392; oiseaux .520, 538; Mammifères. 595; des sombres couleurs des Lépidoptères femelles, 343, 3.57. Protectrices, ressemblances, chez les pois- sons, 379. Protozoa, absence de caractères sexuels secondaires chez les, 286. Pruner-Bev, présence du trou supra-con- dyloîde dans l'humérus de l'homme, 19; sur la couleur des enfants nègres, 609. Prusse, proportion numérique des nais- sances mâles et femelles, 267. Psocus, proportions des sexes, 280. Ptarmigan. monogame, 240: plumages d'été et d'hiver du, 428: réunions nuptia- les du, 445: mue triple du, 507; colora- tion protectrice du, 520. Pumas, raies chez les jeunes. 509. Pycnonotus hxmorrhous , caractère belli- queux du mâle, .396; étalage par le mâle oes rectrices inférieures. Ito. Pyranga Xiliva, concours du mâle à l'incu- bation, 497. Pyrodes, différence de couleur des sexes,. 321. Q Quadrumanes, mains des, 49-50 : différen- ces entre l'homme et les, 163: leur dé- pendance du climat, 181; différences sexuelles de couleur. 588 ; caractères d'ornementation des, 601 ; analogie avec celles de l'homme, des différences sexuel- les des, 610 : combats entre mâles pour la possession des femelles, 614 ; mono- garnie, 645: barbes chez les, 658. QcAiN, R., variation des muscles chez l'homme, 24. Quatrekages, -A., de, présence occasion- nelle d'une queue rudimentaire chez l'homme, 20 : sur le sens moral comme dis- tinction entre l'homme et les animaux. 103: variabilité, 27; sur la fécondité des fem- mes australiennes avec les blancs, 186 : sur les Paulistas du Brésil, 189; évolu- tion des races de bétail, 193 ; sur les juifs, 212: susceptibilité des nègres après un séjour dans un climat froid , pour les fièvres tropicales. 213: différence entre les esclaves de campagne et ceux de la maison, 216 : influence du climat sur la couleur. 214 ; sur les Aïnos, 612 : sur les femmes de San-Giuliano. 642. Quechua , Indiens , 32 : variations locales de couleur chez les. 215: absence de che- veux gris chez les, 611 ; absence de poils, 613 : et longueur des cheveux des, 635. Querquedula acuta. 454, QuEUK, rudimentaire chez l'homme, 20 : corps enroulé à l'extrémité de la, 21 : absence de, chez l'homme et les singes supérieurs, 58: sa variabilité dans quelques Macacus et babouins, 59: présence d'une, chez les ancêtres primitifs de l'homme, 175; lon- gueur de la, chez les faisans, 488, 495 : différences de longueur dans les deux sexes des oiseaux, 495, Quixcalits major, proportion des sexes, en Floride et Honduras, 274. R Races, caractères distinctifs des, 182; ou espèces humaines. 183: fécondité ou sté- •2 INDKX. 713 rilité des races ontisées. 186: varialtilité «les races hiliiiniiies. 190; leur ressem- blauce parleurs caractères meiitaiix. I9.'>: formation des. 197 : extinction des races humaines, 199 : effets des croisements (le, ?U1 : formation des, humaines, ill: enfants des , humaines , C09 : aversion chez les. imberbes, pour la présence de j><>ils sur le visofre. fiTlTi. l{.\riKvrx. emploi de, lr<. 197. Jiaiit bati», dents de la, :t68. Haia rlnvala. épines du dos de la femelle , :ir>l: différences sexuelles dans les dents de la, 368. /tain marulata, dents de la, 368. KviKs. ori^aues préhensiles des mâles, 361. Kmson, cnez les animaux. 79. Kmsonnkxknt. chez les oiseaux. U9. Um.ks it niles portant des er)rots. 400. U\MKSE.S II. IHI. KvMSAY. M., sur le cnnani musqué austra- lien. 391: sur l'incubation du Menura mi- p^rba, 194: sur l'oiseau-régent, 453, Jttiiin esculenta, sacs vocaux de la. 385. li vT commun , sa distribution jrénérale, une conséquence d'une ruse développée, 8r>: remplacement dans la Nouvelle-Zé- lande du rat indigène par celui d'Ku- rope, ^Ol : est dit pol\-g,'«me. S:W : propor- tion numérique des sexes. $73. KvT musijué, — vo_v, MfsyUK. Hat.s, pout des. pour les huiles essentiel- les. .',81. Ukauk. \Vin«ood, sur les moutons de (iui- née. î."»8 : défaut du développement des cornes chez les béliers de cette race cjLstrée. 551 : présence d'une crinière chez un bélier africain, ,584 : appréciation par les nèffres de la beauté de leurs femmes, 63? : admiration des nègres pour une peau noire, 6.33: notions sur la beauté, chez les nègres, 6.37: les Jollofs, 612: coutu- mes nuptiales des nègres, 657. ItKciKs. poissons fré(]uentant les, 377. KKorviDK.s. stridulation chez les. 310. UK80 ; barltes de Afycelft rarnija et /'ithfrin Milnnnf. 583 : couleurs du Cerru.i pnlwlo- .«».». .588: différences sexuelles de couleur ilaiis les Myrftff. .589: couleur de l'enfant guaranys. r><)«»: précocité de la matura- tion de Is femelle du Cebuit Aznrx, 61(1; barbes des Guaranys, 613: notes expri- mant des émotions chez les singes, 6Î5 ; singes américains polygames, 645. Rkn.sk. bois du, garni de |K>intes nom- breuses, 5«>0; préférences sexuelles mani- festées par le, 576: changement hibernal. .595; combats, ,5,50; cornes chez la fe- melle. 5:k3. Kki'rkskntativks , es|»èces, chez les oi- seaux, 513, RKi'iionucTKfR, système, conformations ru- dimentaires dans le. 21 : parties acces- soires du, 176. Kki'Roix'ction, unité du phénomène de la, dans l'ensemble des Mammifères, 5: pé- riodes de. chez les oiseaux. 532. Uei'Tii.ks. :w:> ; connexions entre les. et les oiseaux, 180. RKgi'iNN, organes préhensiles d(>8, mâles, .361. Rkkskmbi.aM'Ks, petites, entre l'homme et les singes, 163. Rktour. 35; cause probable do quelques dispositions défectueuses. 150. RftvKs, 77 : origine possible de la croyance k des actions d'esprits, ItiO, Rhngium. différence de couleur dans les sexes d'une espèce de. 324. Rhamphitstox rnrinattu, 5fl. RliiNocKRos. nudité du. 57 : cornes . M., muscles rudimentaires chez l'hoiiime, 9. RiCHARDSox, Sir J.. appariage chez le Tf- trao uinhrllnx, 403 : sur le Tftrno uropha- sianiu, 409 ; bruit de tambour du grouse, 413: danses du Tfitrao p/iasiaiifUiis, 418; assemblées de tétras, 444 : combats entre cerfs miUes, .5,50 : sur le renne. .5.53 ; sur les cornes du Ixeuf musqué. 5,55: sur les andouilles du roiine k nombreuses poin- tes, ,561 : sur l'élan américain, 565. RicHARDSoN. sur le lévrier d'Kcosse. .507. RicHTKR. Jean-I'aul, sur l'imagination. 77, KiKDEi., sur les femelles déréglées de pi- geons. 458. Ripa (le père), sur la difficulté de distin- guer les laces chinoises, 182. Rivai. ITK pour le chant entre oiseaux du sexe miUe, 404. RlviKRRS, analogie des, avec les Iles, 173. RoiiKRTsoN. M., remarques sur le dévelop- pement des bois chez le chevreuil et le cerf commun. 2.57. RoniNKT, différence de grosseur des cocons de vers à soie inAles et femelles, .306. Roi.i.K. F., changement opéré chez les fa- milles allemandes établies en (Jéorgie, 215. Romains anciens, spectacles de gladiateurs chez les, 132. RoNOKtiRs, Alténis chez les, 36 : absence de caractères sexuels secomlaires . 238: différences sexuelles dans les couleurs. :>85. RoRKAfx. bruant des, plumes cephaliques du miUe. 4:W : attaque par un lM>uvreuil. 4,52. RossioNoi.. niAle arrivant avant la fi-iiielle. 2S2: but du chant du. 403: réappariage du. 417. 714 INDEX. Kossi.KR, docteur, ressemblance entre l'é- corce d'arbres et la face inférieure de (|uelques papillons. 342. UosTRK , différence sexuelle dans la lon- fçueur du, chez quelques charançons, 228. RoucouLKMKNT des pigeons, 410. UortiE-GOROK, caractère belliqueux du inàle, 39.">: chant d'automne du mâle. ■405: chant de la femelle, 405 ; attaquant d'au- tres oiseaux ayant du rouge dans le plu- mage, 452; jeunes du, 528. Ui'DiMKNTAiRES, organes, 8: origine des, 22. KuniMKNTs , présence de , dans les lan- gues, 96. KuDoi.PHi , absence de connexion entre le climat et la couleur de la peau, 212. Ruminants màle.s . disparition des dents canines chez les, 481, 614; généralement polygames, 237 ; analogie entre les lamel- licornes et les, 328: cavités sous-orbi- taires des, 580; différences sexuelles de couleur, 586. liupicola crocea, étalage du plumage du mâle, 432-433. Ri:pKLL, canines chez les cerfs et antilo- pes, 5fi4. lifssiK, proportion nnmérique des naissan- ces des deux sexes en, 267. niiticilla, 507. RivriMKYER, prof., sur la physionomie des singes, 54: différences sexuelles chez les singes, 613. RrTLANDiSHiRE, proportion numérique des naissances des deux sexes dans le, 267. Sachs, professeur, mode d'action des élé- ments mâles et femelles dans la fécon- dation, 244. .Sacrifice de soi, chez les sauvages, 118; estimation, 127. Sacrikick.s humains, 158. Sagittale, crête, chez les singes mâles et les .\ustraliens, 610. Sahara, oiseaux du, 500: animaux du, 537. Saisons, changements de couleurs chez les oiseaux suivant les, 427 : change- ments de leur plumage en rapport avec les, 507 : hérédité aux. correspondantes, 251. Saint-John, M., attachement d'oiseaux ap- pariés, 450. Saint-Kilda, barbe des habitants de, 612. Salmo eriox et S. umbla, coloration du mâle pendant l'époque du frai, 374. Satmo hjcaodon et saîar, 367. Salvin, O., proportion numérique des sexes chez les oiseaux-mouches, 273, 536 ; sur les Chamœpates et Pénélope, 414 ; sur le Se- la.tphorim plntycerciis, 414 : sur le Pipra deliciosa, 416 ; sur le Chasmorhynchus, 127. Samoa, îles, indigènes des, imberbes, 612- 636. Sandwich, îles, variations dans les crânes des indigènes des, 24 : supériorité des no- bles des, 611: poux des habitants des, 185. Sano artériel, couleur rouge du, 290. San-Giui.iano, femmes de, 642. Sangmkr sauvage, polygame dans l'Inde , 2.38: usage des défenses du, 564 ; combats du, 569. Santali. accroissement rapide et récent des, 44: M. Hunter sur les, 211. Sapharina, caractères des mâles de, 290. Sarkidiomis melanonotus caractères des jeunes, 510. Sars. O.. sur Pontoporeia offinix, 293. Saturnin carpini, attraction des mâles par les femelles, 277. Satiirnia lo, différences sexuelles de cou- leurs, .347. Satarniidés, coloration des, 345. SAtJMON, bondissant hors de l'eau, 115; le mâle prêt à la reproduction avant la fe- melle, 232 : proportion des sexes chez le, 275 : dispositions belliqueuses du mâle, 365 ; caractères du maie à l'époque du frai, 365, 374: frai du, 379: le maie re- produisant avant d'avoir atteint l'état adulte, 532. Saut, entre l'homme et les singes, 163. Sauterelles aux couleurs vives repous- sées par les lézards et oiseaux, 318; sauterelles migratoires, 309. Sauvages, facultés imitatrices des, 92, 139: causes de leur basse moralité, 128; exa- gération de leur uniformité, 32 ; vue per- çante des, 32: taux ordinairement faible de leur accroissement, 43-44; leur con- servation de l'aptitude préhensile du pied, 52; tribus se supplantant entre elles, 138; progrès des arts parmi les, 156; arts des, 197 : leur goût pour une musique grossière, 416; attention qu'ils accordent à l'apparence personnelle, 627 ; relations entre les sexes chez les, 646. S.i^VAGE, docteur, combats de gorilles mâles, 614 sur les mœurs du gorille, 646. Savage et Wyman, mœurs polygames du gorille, 238. Saxicola rubicola, jeunes du, .536. Scalpe, mouvement du, 10. Schaafhausen, professeur, sur le déve- loppement des molaires postérieures dans différentes races humaines, 18 : mâchoire de la Naulette, 39; corrélation entre le développement musculaire et les arcades sus-orbitaires saillantes, 43 : apophyses mastoïdes chez l'homme, 56 ; modifications des os du crâne, 57 ; sur les sacrifices humains: 156: sur l'exter- mination très-rapide probable des singes anthropomorphes, 170: anciens habitants de l'Europe, 199; effets de l'usage et du défaut d'usage des parties, 217: sur l'arcade sus-orbitaire de l'homme, 608 ; sur l'absence 'dans le crâne enfant des différences de races, 609: sur la laideur. 639. ScHAUM, H., élytres des Dytiscus et Hydro- porus. 304. Schelvkr, sur les libellules, 319. Schiodte, stridulation de Y Heterocerus, 332. ScHLEOEL, F., complication des langues, des peuples non civilisés, 96. Schlegel, professeur, sur le Tanysiptera, 514. ScHLKiDEN, professeur, sur le serpent k sonnettes, 387. ScHOMBURGK, Sir R., caractère belliqueux du canard musqué de Guyane, 397 ; sur le mode de cour du Rupicola crocea, 432. ScHOOLCRAtT, M., difficulté de façonner des instruments de pierre, 49. Scie, mouches k, caractère belliqueux des mâles. 318 : proportion des sexes chez les, 278. ScLATER, P.-L., rémiges secondaires modi- fiées dans les mâles de Pipra, 415 ; plu- mes allongées chez les Engoulevents, INDEX. 715 Vî\: sur les <>N{><>ces de Chutmorhynchiis, 126: iiluniage du l'fUcnnnx onocrotatui, 131 : sur les Musophages. MM : sexes et jeunes de la Tmlnrna rariegata. .%ï6: cou- leur ilu Ijtmur macaro. 5Jft>: de» raies de l'àne. 600. SiOi.KciDA, absence de caractères sexuels seconilaires ohei le», 286: Scopular fre- Nd/a. rectrices des. 414. Scolo/tax galliiiago, bruit de tambour du. 113. Srolopax jai'fHsi.i. rectrices du. III. Si-iilopax major, rasseniblemeuts de. Ili. Sfolopax l\'i/«oiiii, son produit par le, 114. Srotfitux. stridulation du, 332. StoKl'IoN de mer H'oltits .scorjiius\. se sur la coloration de la |>eau, 212. SKixiwicK. W.. sur la tendance héréditaire H produire de» jumeaux. 44. Sfln.fphi>rus platycerrus. amincissement, ii leur extrémité, des réKiines primaires, 114. .Sei.iiy. I'.-J., inieurs des frrouses f lajropèdes) noir et rou);e. 240. SKi.KfTiox double, 217: des mules par les oiseaux femelles, 442 : méthodii|ue de gre- nadiers prussiens, 27: sexuelle, intluence de la, sur la coloration des Lépidoptères, .3.'>2: application de la, 228. n\, 241: sexuelle et naturelle, contraste entre la, 247. •Ski.kctio.n naturelle, — voy. Natuhei.i.k. .Ski.kction sexuelle. — voy.' SKXfKt.l.K. Skmii.uxairk. repli, 15. SfiiinnfiifheruJt 167 : longs cheveux sur la tète de quelques espèces de, 161, 660. SfiDiiopitherim rhryaoïnrlas, différences sexuelles de couleur, .">X9. Semnopilheou rnmatiix, poils d'ornenuMit sur la tête du. 602. Semnopitherus frontalun, barbe, etc., 602. S^niHopitheciis neuirti, nex du. 161. Sfmiinpitheciis nenitrux, couleur du, 604. SfinHopilherus rubicundiu, poils ornant la tète, 601. .Skns, infériorité des Européens vis-«»-vis des sauvages, quant h la tlnesse des. 32. Skntinkli.ks, 107. SkRI'KNT-<'oRaII.. .388. Skki'KNT à sonnettes, différence des sexes, .386: se servant, ilit-on. de leur appareil sonore pour l'appel sexuel. .387. .Skrpknts, terreur instinctive des singes polir les, 69, 71; différences sexuelles «les. .TWi : ardour des miVles. .387. SfrrniDtt. hermaphroditisine du, 176. Skxk, hérédité limit^'ie par le, 241. SKXK.H. proportions relatives des. dans l'homme, 266. 611: rapports probables des. dans l'honune primitif. 616. Skxikus, effets lie la perte des caractères. 2r>2 : leur limitation. 2ril. SKxrKLi.K. sélection, explication de la, 228, 231, 241: son influence sur la colo- ration des I.ej)idoptère8, 352: son action dans l'huiuanité, 6.50: similarité sexuelle, 218. SK\t'KU.Ks, différences che« l'homme, 5. Shari-k, R.-H.. Tanysinlerit sjfiria, 495: O- rutf, 5411 : jeune maie de Itneelo Gnuiti- rhau'li. 513. SiiAW. .M., caractère belliqueux du saumon mule. 365. Shaw, J., sur les décorations des oiseaux, 119. SiKMiTKR. J.. sur les Cafres. 6;ll ; coutumes nuptiales des Cafres. 6.55. Siii-ikiiARii, W.-K.. différences sexuelles dan-s les ailes des Hyménoptères. 305. Siagiinuin. pro|>ortion des sexes, 279: di- morphisme dons les mules, 329. SiAM, jiroporlion de naissances mâles et femelles, 270. Siamois, généralement imberijes. 612 : leurs notions sur la beauté, 633 : famille velue de, 658. SiRBOLD, C.-F.. von. appareil auditif des t>rlhoptères stridulants, 312. Signaux, cris de, des singes, 92. SiLKX, instruments de, 154). SiMiADB. 166: origine et division des, 180. SiMll.ARiTK sexuelle, 217-248. .SiNGR, bonnet chimois. 161: rhésus, diffé- rence dans la couleur. t)04 : ii moustache, couleur du. .589,601 : jouant ensemble, 680. Singf-1, leur dis|>osition aux mêmes mala- dies que l'homme, 3: niAles. reconnais- sent les femmes, 5: vengeances des, 72: affection maternelle, 72 : variabilité de la faculté d'attention, 77 : usage de pierres et de bâtons. 85: facultés imitatives. 92-93: cris, signaux des. 92: sentinelles postées. 107 : diversité des facultés men- tales, 25: attentions réciproques, 107: leurs mains, 19: brisant les fruits au moyen de pierres. 50; vertèbres caudales basilaires enfouies dans le corps, .59-60: caractères humains des, 16;{ : gradation dans les espèces de. 190 : barbe des. ,580 : caractères d'ornementotion des. 6: divers degrés de différence dans îes sexes des. 613: expression des émotions par les. 625 : généralement inonognnies, 645 ; moeurs jMdygames chez queli|ues. 645 : parties nues de leur surface, ti.57 : mani- festation de raison chez quelques singes américains, 81 : direction des poils sur les bras de quelques-uns de ceux-ci, 165; SiRKNiA. nudité des. 57. Sirex juvfnru.^. 321. SiRiciDKS. différences des sexes. 321. Sitnna, |M>che de la gorge des mnles, 390. Smitii. .\dam. base de la sympathie. 113. Smith. Sir A., exemple de mémoire chez un babouin. 77: Hollandais fixés dans l'Afrique méridionale conservant leurs couleurs, 212: polygamie des antilopes de l'Afrique du Sud. 237-238 : projiortion des sexes dans le Knfiiis rllipsiprymnHs. 272 : sur le Iturephaliis rn/Xinif, 386 : sur les combats des gnous, .5:>0 : cornes des rhinocéros. .5.55: cmiilints des lions. 572 ; couleurs du caina ou élan du Cap, .587 : couleur du gnou. .587 ; notions des Mottentots sur b- beau. KV.\. Smith. !•'.. sur les (?ynipides et Tenthrédi- nees. 279: grosse'^ur relative des sexes 716 INDEX. chez les Hyménoptères à aiguillon, 307; différences dans les sexes des fourmis et des abeilles, 321 : sur la stridulation du Trox sabulosus, 333 ; stridulation du Mo- nonychus pseudacori, 335. Smynthurus luteus, manière de faire la cour des, 308. Sociabilité, connexion entre la, et le sen- timent du devoir, 103: impulsion vers la, chez les animaux, 108; manifestation de, dans l'homme ; instinct de la, dans les animaux, 116-117. Sociale, vie probable des hommes primitifs, 64 ; son influence sur le développement des facultés intellectuelles, 138-139; ori- gine de la. chez l'homme, 139. Sociaux, animaux, affection réciproque des 108; leur défense par les mâles, 114. Soldats, américains, mensurations faites sur les, 30-31 ; et matelots, différences dans les proportions des, 29. Solenostoma, vives couleurs et poche inar- supiale des femelles de, 381. Sons, admirés par les animaux comme par l'homme, 99; produits par les poissons, 382 ; par les grenouilles et crapauds mâles, 38.5 ; produits d'une manière ins- trumentale, par les oiseaux, 412 et suiv. Sorcellerie, 102. Sorex, odeur des, 580. Souffrances chez les étrangers, indiffé- rence des sauvages pour les, 125. Sourcils, élévation des, 9; développement de longs poils dans les, 16 ; chez les singes, 163; arrachement des, dans des Parties de l'Amérique méridionale et de Afrique, 629; leur enlèvement par les Indiens du Paraguay, 635. SouRCiLiiîRE, arcade, chez l'homme, 610. Sous-KsràcES. 191. Sparassus smara^di/lus, différence de cou- leur dans les sexes du. 299. Spectrum femoratum, différence de couleur dans les sexes, 318. Spel du tétras noir, 411. Spencer, Herbert, sur l'aube de l'iiitelli- gecce, 69 ; origine de la croyance à des agents spirituels, 100 : origme du sens moral, 132-133; influence de la nourri- ture sur la grosseur des mâchoires, 31 : musique, 625. Sphingidés, coloration des, 345. Sphinx, oiseau-mouche, 348. Sphinx, M. Bâtes sur une chenille de, 358. Spilosoma ment/irasti, repoussé par les din- dons, 348. Spirituelles, agitations, croyance eu, presque universelle, 99. Sprengel, C.-K., sexualité des plantes, 232. Spro.\t, m., extinction des sauvages dans l'Ile Vancouver, 200 ; enlèvement des poils du visage par les Indiens indigènes de cette île, 635, 660. Squilla, différence de couleur dans les sexes d'une espèce de, 298. Stainton. h. -T., proportions numériques des sexes dans les petites phalènes, 276 : mœurs de VEtaehista rufoeinerea, 277 ; coloration des phalènes, 316 : aversion des dindons pour le Spilosoma menthrasti. 348 : sexes de Agrotix exclamationis, 348. Staley,, sur l'alimentation des classes pauvres. 206. Stansburv, Cap., observations sur les pé- licans, 109. Staphylinidks, apophyses en cornes des mâles. 329. Stark, docteur, taux de la mortalité dans les villes et les districts ruraux, 1.V): in- fluence du mariage sur la mortalité, 151: plus grande mortalité dans le sexe mas- culin en Ecosse, 268. Statues grecques, égyptiennes, assyriennes, etc., opposées, 636. Staudingkr, docteur, liste de Lépidoptères, 278 ; élevage des Lépidoptères, 277. Stebbing, T.-R., nudité du corps humain, 656. Stemmatoptis , 579. Stenobothrus pratorum, organes stridulants, 315. Stérilité, générale des filles uniques, 147; un caractère distinctif de l'espèce lors d'un croisement, 181. Sterna, changement de plumage de saison dans le, 541 : blancs, 541 : noirs, 542. Stokks, cap., habitudes d'une grande es- pèce à berceau, 418. Strange, m., sur les oiseaux satins, 418. Strepsiceros kudu, cornes du, 562; masque du, 597. Stretch, m., proportion numérique des sexes chez les poulets, 272. Stridulation, chez les mâles de Theridion. 301 : discussion de la, des Orthoptères et Homoptères,317 ; chez les Coléoptères, 331 . Strix flammea, 447. Structure, existence de modifications de, qui ne peuvent être d'aucune utilité, 63. Struthers, docteur, présence du trou su- pra-condyloïde dans l'humérus humain, 19. Sturnella ludoviciana, caractère belliqueux du mâle, 403. Sturmts vulgaris, 447. Suicide, 148; n'était pas autrefois consi- déré comme un crime, 126 ; rare chez les sauvages les plus inférieurs, 126. Suidés, raies des jeunes, 510. Sulivan, Sir B.-J., sur deux étalons atta- quant un troisième, 551. Su.MATRA, compression du nez des Malais de, 638. Su.MNER, Arch., l'homme seul capable d'un développement progressif, 83. Superstitieuses, coutumes, 102. Superstitions, 157; leur prédominance, 131 SupRACoNDYLOiDE, trou, daus les ancêtres primitifs de l'homme, 175. Surnuméraires, doigts, plus fréquents chez l'homme que chez la femme, 211- 245; hérédité des, 254: leur développe- ment précoce, 259. SwAYSLAND, M., arrivée des oiseaux mi- grateurs, 232. Savinhoe, R.. rat commun à Kormosa et en Chine, 84 ; sons émis par la huppe, mâle, 413 : sur le Dicruriis macrocerctts, et la spatule. 506; jeunes ardeola. 514: mœurs des Tiirnix, 523 : mœurs du Rhyn- chxa bengaîensis, 523 : oriolus reprodui- sant dans leur plumage de jeune, 532. Sylvia atricapilla, jeunes du, 535. St/lvia ceinerea. danse amoureuse et aérienne du mâle, 417. Sympathie, 145; chez les animaux, 108; sa base supposée, 114. Sympathies, extension graduelle des. 132. Syngnathes, poissons, poche abdominale du mâle. 178. Sypheotides aiiritiis, rémiges primaires du mâle effilées à leur extrémité. 414 : touffes auriculaires du, 422. Système reproducteur. — voy. Reproduc- teur. INDEX. 717 Tabampks, mœurs des. ■ii'. Taciik» , se conservant chei J! les Manimiteres adultes. .VJ9. Tiuloriiii varieijata, sexes et jeunes de. 5î6. Tiitlurna vulpnnser, apparié au canard com- mun, -ISI. T.viiiTiKNs . comiiressioii du nez chez les, 63^. Taii.i.k, dépendance de In, d'influences lo- cal.-s, 29. Tait. I.awson, effets de la sélection natu- relle sur les nations civilisées. lit. Tai.on, faible saillie du, chez les ludiens Aymaras, 33. Tniutgia rxtita, Hjre auquel le, revêt son pluma;.'e adulte, 531, Tiimiqra nibrii. 164; jeunes «lu, .'iS.'). TanaU. absence do bouche dans les mâles de quelques espèces de. Î27 ; rap|>orts des sexi.'s. 281 : luAli-s dimorphes dans une espèce de. 293. Tanciik.. proportions des sexes de la. 275: aspect lirillant du mâle pendant le frai. 3Ti. Tankkrvilix, combats des taureaux sau- vages, 550. Tanysipifra, races de, déterminées d'après des mâles adultes, 514. Tnni/xiptfiui xylcia, longues rectrices do la, Tii/ihrfxirrex diitortus. grosse mandibule gau- che du mâle, 3ur>. Taimks. raies longitudinales des jeunes. 598. Takin. appariage avec un canari d'un. 455. Tahsk.s, dilatation des, sur les mcml)res antérieurs de Coléoptères mâles, 301, Tomiii.t, 170. Ta.smanik, métis tués par les indigènes de la. 186. TATotAifK, 195: universalité du, 628. Taiim-s, combats des mâles, 549, TAfKKAfx, moiie de combats des. 5.57 : noils frontaux frisés des, 582 : union de deux jeunes, pour attaquer ensemble un plus â^-e. lu": combats Miii^:s. stridulation des. .332. Tk.nnknt, .Sir J.-K., défenses de l'éléphant do Cevian, ,557, .565 ; absence fréquente de barbe chez les nt^urels de Cevlan, 612: opinion des Chinois sur les Ci'nga- lais, 632. Tennvson, a,, sur le contrôle de la pen- sée. 132. Tkntiikkkimdkks , proportion des sexes chez les, 279 : habitudes belliqueuses des mâles, 321 : différences entre les sexes des, 321. Tfpfirfufiiriiif, jeunes de, 514. Tkk;.i, 199. Tt'rmitr.t, iiupurs des. 320. Tkkkkik. effet» de la. communs aux ani- maux inférieurs et à l'hoiiime, 70-71, Testudo nif/ra. 386. Tih-K. situation inodiAée de la, chez l'homme, en conformité avec sa station verticale, .53: chevelure de la, chez l'homme, .58; apophvses de la, chez le» Coléoptères mâles, 320: altérations artidcielles de la l'orme de la, 637. Trirao rupiilo, combats du, 403 : différen- ces sexuelles dans les organes vocaux du, 408. Trtrait jthasiaHfllux , danses du, 417: leur durée. 413. Tftran srotirus. 499, 511, 518. Tetrao tftrix, 199, 511, 518: dispositions belliqueuses du mâle, 399. Trirno umbrUus, appariage chez le. 403: combats de, 403: bruit de tambour pro- duit par In mâle, 412, Tetrao urogalloiiift. danses du, 413. Tfirno urof/aUua, caractère belliqueux du mâle. :J99. Tfiran untphnsianiu, gontlemeut. de l'icso- phage chez le mâle, 409. Thamnotiia, jeunes du, 514. TllK, goût des singes pour le, 4. Therlti, différences sexuelles de coloration dans des espèces de, .340. T/ieela rubi, coloration prolectrice du, 312. ThcriiiioH , 300: stridulation des mâles du, »)1. Thrridion linrnluin, variabilité NUN, J,-ll,, combats des cachalots, 5.50. Thomi'son, \V.. coloration de l'ombre mâle Centlant l'eiMHjue du ft>ai. 374: caractère elliqueux des mâles do (ialhnula chlom- pus. 396: pies renouvelant leur appa- ringe. 446: même observation sur le fau- con pèlerin, 447. Thorax. ap|M>ndices au, chez les Coléoptè- res mâles, 324. Thorki.i., t.. proportion des sexes chez les araignées, 280. Tiifc, regrets d'un, 126, TiirRV, M.. pro|K)rtion numérique des nais- sances masculines et féminines chez les .Juifs. 268. T/ii/lariiiiis . mâle du, pourvu d'une poche iii.arsupiale, 176. Thvsax<>i:kks. :t08. Tint*. .'., mille de V /i/ii-irii iiigra, 301. ViPKRK, différence des sexes chei la, ."186. ViRKY. nombre d'espèces humaines. ISK). Vis« KKKs. variabilité dans l'homme. 25. VixAi.K. musique, chez les oiseaux. lO;?. ViMArx, orgfaues, chez l'homme, 91: les oiseaux, 95, 491: les grenouilles. :{85 : les insessores. 107: différence des. entre les sexes d'oiseaux. 407: usage primitif se rattachant ii la propagation de l'espèce, tiix. YiM.r. Cari, pli semi-lunaire chez l'homme. 15: facultés imitatives des idiots micro- céphales, ie de l'.Xilanthe, 277: sur 1.1 propagation des Lépidoptères, 277 ; proportion élevée par, des sexes fie Hitmhyj- rynihiii. li. yiiiiianmi, //. /''••iii/i. 278: développement des Huinhyj- ryiilhin et //. yamnmai. .306 ; accouplement du Boitiliyx ryiilhin. .3.*><» : fécondation des pha- lènes. .iXt. NVallack, .\.-K., pouvoir de l'imitaliou chez l'homme, 71 : usage, par l'orang, de pri>- jectiles, 86 ; appréciation variable de la vérité chez les différentes tribus, 131 : limites de la sélection naturelle chez l'homme. 18: du remonis chez les sauva- ges, 112 ; ellets «le la sélection naturelle chez les nations civilisées, Ht: but de la convergence «lu poil vers le cou«le de l'orang, 161 : contraste entre les caracti-- res «les .Malais et des l*a|MUis, 183 : ligue de séparation entre les l'ajHius, et les Malais, 185: "sexes «lans VOmithruiitrin i'iirsu.i, 276: ressemblance» servant de pr«ilection, 271 : grosseur relative des sexes chez les Insectes, :106: sur Hlii/iho- myin. 308: oiseaux du paradis, 210: ca- ractère belliqueux des mAles de Ae/»^»- rliyiirhiif (iiigiistaliut, 329 : sons produits par f-'Hchirut longimnims . XM: sur le hiillima. 312; colorati«>n protectrice chez les phalènes, 344: couleurs vives comme pnitegeant les papillons, 315; variabilité des l*apilloni«lés, 351 : papillons mules «-t femelles habitant des stati >ns «liflTérentes, .'Cil ; avantages protecteurs des couleurs ternes des papillons femelles, 3J2 ; do l'imitation chez les papillons, 356; imita- tion des feuilles par les l*hasmi«les. 3,5<>: c«>uleurs vives «les chenilles, 3.''>8; sur lu t'réiiuentation des récifs par «les piis brillamment colorés, 377: serpentc«irail. 3S8: J'nrailisrn n/nnlii, 122. 121: étalage «lu phimago par les oiseaux «lu para«lis mules. 132: reunions des oiseaux du pa- radis. 411: instabilité des taches ocellées ch«'Z Y llipparrhia Jnnirn, 469 : sur la limi- tation sexuelle «le rhéré«lité, 187 ; colora- tion .sexuelle chez les oiseaux, 197. 519: 522. .5'26: relati«in entre la c«d<>raii«>n et la nidification des «liseaux. t96. .500; colo- ration des Cotingides. 501; femelles d«'* Pnrntiinon aptutn et imimnnn , 516: sur l'incubation «lu casoar, 525: colorations protectrices chez les oiseaux, 538 ; che- veux des l'apous. 629; sur le babir«>ussa. .589; mar«|ues du tigre, 598; barbe des Papous. 612; «listribiition «les poils sur le corps humain. 6.56. NVvi.sii, IJ.-l).. priq)orti«id«'s et Ocidomyidés. 279; mricli«iires il'.lm- iiiophila, .303 ; sur Cnrydnlix rnrniitua, 303; organes préhensiles di>s insectes lin'iles, .3<)2: antennes du l'rntlir. ;iol; appendices «le l'alxlomen des Libellules. .KM; l'Inty- phylluiH ronraruiii, 311: sexes «b-s Kplie- mérides. 31,S; différence «le c«>uleiirs «les sexes du Si>rrtriim friunrnttim. 318: sexi-s des Libellules. 31H: differeiu-e. «lans les sexes des Ichneumonides. 321 : sexes «-liez V Omoifnrnii atrii. 321; variati«>ns «les cor- nes du /'hniiriif rttriiifi'T mule. 325: colo- ration «les «'SI PS iUnl/iitfiirit. 313. Wapiti, combats du. .5.">o : traces «le cornes chez la femelle, .551; atta<|uant l'homme, .563; crétc du mAle, ."^2: différences sexuelles de couleur rhex 1 . ,'>88. WARIMiTi»', K.. IIKi'Urs «les epino«-h.'V ;t»t.>. 379: vives coub-iirs d«- l'epin^iche mule p<>ni'sK. (i.U.. v«iix de VHylnbntm nf/ilii. 62". \V\ti-:kto>. •'.. appariage dune oie du t'a- 720 INDEX. uada avec un bernacho iiiûle, 454; coin> bats de lièvres, M9; sur le Chasmorhyn- chus, 427. We.vi.k, J.-Mansel. sur une chenille du raidi de l'Afrique, 358. W'ebu. docteur, sur les dents de sagesse, 17-18. Wedgwood, Hensleig, origine du langage, 91. Wkir, Harrison, proportion numérique des sexes chez les porcs et les lapins, 272 ; sexes des jeunes pigeons, 272 ; chant des oiseaux, 405; pigeons, 450; antipathie des pigeons bleus pour les variétés d'autres couleurs, 457 ; pigeons femelles abandon- nant leur mâle, 458. Wkik, J.-Jenner, sur le rossignol et la fauvette à tète noire, 232; maturation sexuelle relative des oiseaux, 233 ; pi- geons femelles délaissant un raàle affai- bli, 233-234; trois sansonnets fréquentant le même nid, 240; proportions des sexes chez le Machetespugnax et autres oiseaux, 273 ; coloration des Triphxnx, 345 : aver- sion des oiseaux pour quelques chenilles, 358 ; différences sexuelles au bec chez le chardonneret, 395 ; sur un bouvreuil sif- fleur, 405 ; but du chant du rossignol, 404; oiseaux chanteurs, 405; caractère belli- queux des oiseaux mâles à beau plumage, 438 ; cour que se font les oiseaux, 439 ; faucons pèlerins et crécerelles rempla- çant leur compagne, 447 ; bouvreuil et san- sonnet, 447 ; cause pour laquelle il reste des oiseaux non appariés, 445 ; sansonnets et perroquets vivant par trois, 448; recon- naissance des couleurs chez les oiseaux, 451 : oiseaux hybrides, 454 ; choix d'un verdier par une femelle de canari, 455 ; cas de rivalité entre femelles de bou- vreuils, 460; maturité du faisan doré, 531. Wkisbach, docteur, mesures d'hommes de diverses races, 182 ; plus grande varia- bilité chez l'homme que chez la femme, 245; proportions relatives des sexes dans les diverses races humaines, 611. Wki.cker, m., sur la brachycéphalie et la dolicocéphalie. 57 ; différences sexuelles dans le crâne humain, 609. Wells, docteur, immunité des races colo ■ rées pour certains poisons, 212. Westphalik, plus forte proportion d'enfants illégitimes au sexe féminin en, 269. Westrixg, docteur, stridulation àMReduvim personaf us, 310; organes stridulants des Coléoptères, 332; sons produits par le Cychrus, 334 ; stridulation des Theridions mâles, 300; des Coléoptères; 331, de VO- maloplia brunnea, 333. NVkstropp, H.-M., prédominance de cer- taines formes d'ornementation, 196. M'e.stwood, J.-O., classification des Hymé- noptères, 161 ; sur les Culicidés et Taba- nidés,227; Hyménoptère parasite mâle sé- dentaire, 243; proportions des sexes chez le Lucanus cervus et Siagonium, 279; ab- sence d'ocelle chez les Mutillides, femelles, 302; mâchoires de V Ammophila,303 ; accou- ple'ment d'insectes d'espèces différentes, 303 ; mâle du Crabro cribrarius, 304 ; carac- tère belliqueux des Tipules mâles, 308; stridulation du Pirates stridulus, 310 ; sur les Cicadés, 310; organes stridulants des sauterelles, 312 ; sur Pneumora, 315 ; Ephip- piher vitium, 316; dispositions querel- leuses des Mantides, 318; sur le Platy- blemmis, 318 ; différences dans les sexes des Agrionides. 319; dispositions belli- queuses des mâles dans une espèce de Tenthrédines, 321 ; mêmes dispositions chez le Lucane mâle, 331 ; s\>r les Bledius taunis et Siagonium, 329 ; sur les Laraelli- cornes,331; coloration chez \&Lithosia,3.i5. Whately, Arch., langage pas spécial k l'homme, 89; civilisation primitive de l'hoiriine, 155. Whewell, professeur, sur l'affection ma- ternelle, 72. White, Gilbert, proportion des sexes chez la perdrix, 273; sur le grillon domestique, 311; but du chant des oiseaux. 405; hi- bous blancs trouvant de nouvelles com- pagnes, 447 ; couvées printanières de per- drix mâles, 448. WiLCKENS, docteur, modification des ani- maux domestiques dans les régions mon- tagneuses, 33 ; rapport numérique entre les poils et les pores sécréteurs chez le mouton, 217. WiLDER, docteur, Burt, plus grande fré- quence de doigts surnuméraires chez la femme que chez l'homme, 245. Williams, coutumes nuptiales des Fidgiens, 655. Wilson, docteur, tètes coniques des peuples du nord-ouest de l'Amérique, 637 ; les Fid- giens, 637 ; persistance de l'usage de com- primer le crâne, 638. WoLFK, variabilité des viscères dans l'hom- me, 25. Woi.KK. corps de, voyez Corps. WoLL.\sTON, T.-V, sur Eurygnathus. 305 ; Curculionides musiciens, 331 ; stridula- tion de VAcalles, 336. WoMBAT; Variétés noires du, 592. WoNFOR, M., particularités sexuelles dans les ailes des papillons, 305. WooD, J., variations musculaires, 24, 40, 41; plus grande variabilité des muscles chez l'homme que chez la femme, 245. WooD, T.-W., coloration d'un papillon, 344 ; mœurs des Saturniidées. 317; habitudes du Menura Alberti, 407; sur le Tetrao cu- pWo,408; déploiement du plumage des fai- sans mâles, 434 ; taches ocellées du fai- san argus, 476; habitudes de la femelle du Casoar, 525. WooLNER, M., observations sur l'oreille humaine, 12. WoRMALD, M., coloration de Bypopyra, 346. Wright, C.-A., jeunes de Orocetes et Petro- cincla, 535. Wr[Ght, m., lévrier écossais, 568; préfé- rences sexuelles chez les chiens, 575 ; aversion d'une jument pour un cheval, 576. Wright, Chauncey, acquisition corrélative. 624; agrandissement du cerveau humain, 668. Wright, W., plumage protecteur du Ptar- migan, 428. WvMAN', professeur, prolongation du coc- cyx dans l'embrvon humain, 7 ; état du gros orteil chez le même embryon, 7 ; va- riation dans les crânes des indigènes des îles Sandwich, 24 ; œufs couvés dans la bouche et cavités branchiales des pois- sons mâles, 178, .380. XÉNARQUE. sur les Cicadées. 310. Xenorhynchus, différence sexuelle dans la coloration des veux du, 466. INDKX iil Xiphophorus HfUerii, nageoire anale |iarti- cnlière au niùlo du, 371. Xylocopa, différence dans les sexps, 3îl. Y.VRRKLL, W., habitudes des Cypriuides,î79; sur la Hnia claeata, 361 : cararières du saumon m&le pendant le frai, 30*i. 371; ca- ractères des raies, 308: sur le Callionymus lyra, 369 ; frai du saumon, 379 : inculialion des Ix)phobranches, 3jJ1 : rivalité des oi- seaux chanteurs, 105; trachée du cvjfne, 110: mue des Anatidcs, 130: sur les jiMines échassiers, 531. YorjkTT, M., développement de» corne» dans le bétail. 1i». YrR\-<'\K.%ii, notions de l»«aut« ch«< le*, 631. Zkbkk. refus d'un ioe par une femelle dt«, r>92 ; raies du, MM. /kmi's, lH>sse des. Mi. Zioivis. prédominance des, daiis l'ome- mentation, 19i>. ZiNCKK, M., émigration Puro|Mi. Xitotora viripnrtt. diiriTence Besuelle dan* la couleur du. '.t93. ZY(iKMi>K.H. coloration des. 315. FIN DE LINDKX. iii En vente à la Librairie de C. REINTVALD, à Paris EMBRYOLOGIE ou TRAITÉ COMPLET ^ DÉVELOPPEMENT DE L'HOMME ET DKS ANIMAUX SLIM-RIKIJRS Par Albert KŒLLIKER Prof.-»«.iir .r.\ii!\li.ii,i.- \ 1 liinriMi.- il.- Wurtibouru TRADUCTION FAITK SI U LA I) K f X I h^ M K K U I T I O N AI.LKMANOK Par Aimé SCHNEIDER IVof.'sii'iir !\ la Fii.'ull.' .I.-h h.I.ii.-.» .),• J'.iilirm Rrvuprt mis-r nu cournnt îles lifriiiérex ronnaixsanriw par l'nutetir mrr une prrfacr Par H. de LACAZE-DUTHIERS Mriiil.rf lU lIiiHlitiil .1.- Kran.-.-. sors I.KS Alsl'irKS DfyrKI- I.A TR.MiriTIdN A KTll KAITK. I.p préspiU. ouvrage «lu professeur A. Kr.i.i.iKKR . «lout la «louxièino (-(lition allciiiaii)!'- vient d'être achevée, formera un volume grand in-«* d<' plus do Loin» pajçes, avec tVHï gravures intercalées dans le texte. Ce traité d'Hiubr^vologie est trop important, les oliservations et les recherches de son célèlire auteur sont trop récentes |iour cju'il ne doive pas <^iro mis le plus tôt |K>saible & la portée rie nos savants, de nos^néderins et de nos étudinuls français, par une tra- duction fidèle ei l'emploi des ligures idonli(|uev dessinées sous les veux de l'auteur et reproduites avec \ine gran' de A. Kôi.i.ikkr est publié en 10 cahiers «le 6 feuilles environ, format gran«l in-8*. ('hai|ue cahier est du prix de 2 fr. 7tO. Kn prenant le premier cahier, on .s'engage pour l'ouvrage entier et on pavera d'avance le lie cahier (dernier), ipii sera livre gratis, do manière «pie l'ouvrage entier ne surpassera pas le prix de 2r. t'rancs pour les souscripteurs. — Les sej>l premiers cahiers sont en vente. Après la publication dfî l'ouvra.ge entier, son prix sera augmenté et fixé à :M) francs. A II Cil IV KS ZOOLOGII' KMM'KIMI'NTAIi: ET (IKINÉHALK HISTOIRE NATURELLE MORPHOLOGIE - HISTOLOGIE ÉVOLUTION OES ANIMAUX IM iii.ii;i>< sDi s I.A i)ini:cTi<)\ i>k HENRI DE LACAZE-DUTHIERS M.inlin' ilr riinliiut. |irof.«!i.-iir .rAn.i|..iiu.- .1 l'hj «inli.cir r..i,ipari'r .1 il.- /.•tnlngir « la Snrtioiino I" volume. 1872. Il' volume. 187:». III' viduine. 1874. IV' volume. |h7:.. V' vo- lume. IHTt'i. — VI' v(diime. 1877. VII' v«IÎ. le prix de l'abonnement, par volume ou année de iiuatre cahiers, avec au moins 24 planches, est pour l'aria, 10 fr.: le» département», 12 fr.: — l'étranger, le port en sus. Le VIII' volume vient d être complété. Prix cartonné toile. 12 fr. Le I" cahier du IX' v<.- lume (ISSU est en préparation. Pari». — Typ. iirorirr« ("hsnurnf. 19. ni' Ar* s«inl» IVr^t. — ai*' CATALOGUE on LIVRES DE FONDS G. REINWÂLD Libraire ' Éditeur ET COMMISSIONNAIRE POUR L'ÉTRANGER 15, rue des Saints-Pères, 15 DIVISION DU CATALOGUE Publlcatiofl» périodiques 2 BibJioth*qa« de» Science conUmpo- rainM ' I. Dictionnaire» ]J II. Sciences naturelles ^ III. Hiatoire, Politique, Géographie .. . U IV. Archéologie et Sd«BCes préhis- toriques ^5 V. làtu'rature ï* VI. Philosophie ** VII. Lingtjisiique, Livres classique».. Vt VIII. Bibliographie et divers -W PARIS Octobre 1883 PUBLICATIONS PÉRIODIQUES Archives de Zoologie expérimentale et générale. Histoire naturelle. — Morphologie. — Histologie. — Evolution des animaux. Publiées bous la direction de Henri de ilacaze-Duthiers, membre de l'Institut, professeur d'anatomie et de physiologie comparée et de zoologie à la Sorbonne. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale paraissent par cahiers trimestriels. Quatre cahiers ou numéros forment un volume. Prix de l'abon- nement : pour Paris, 40 fr.; pour les départements et l'étranger, 42 fr. Premier volume, 1872; Deuxième volume, 1873; Troisième volume, 1874; Qua- trième volume, 1875;Cinquièmevolume, 1876; Sixième volume, 1877; Septième volume, 1878; Huitième volume, 1879-1880; Neuvième volume, 1881; Dixième volume, 1882, gr. in-8* avec planches noires et color. Prix du vol. cart. 42 fr. Le onzième volume ou 2* Série, 1" volume fannée 1883) est en cours de pu- blication. Prix de la souscription, 40 fr. pour Paris; pour les départements et l'étranger 42 fr. Revue d'AnthropolOë^ie. Publiée sous la direction de M. Paul Broca, secré- taire général de la Société d'anthropologie, directeur du laboratoire d'An- thropologie de l'Ecole des hautes études, prolesseur à la Faculté de méde- cine. 1872, 1873 et 1874. — 1", 2* et 3* année ou vol. I, II et III. Prix de chaque volume 20 fr. Pour la 4* année et les suivantes, s'adresser à M. G. Masson, éditeur. Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme. Revue men- suelle illustrée, fondée par M. G. de MortiJlet, 1865 à 1868, dirigée depuis 1869 par M. Emile Cartailhac, avec Je concours de MM. P. Cazalis de Fondouce (Montpellier) et E. Chantre (Lyon). Dix-septième année (2* série, tome XIII, 1882). Format in-8'', avec de nombreuses gravures. Prix de l'abonnement pour la France et l'étranger 15 fr. Prix de la Collection : Tomes I à IV (années 18fô-1868), tome Y (ou 2* série, tome I, 1869) {les volumes là V ne se vendent pas séparément) tome VI (ou 2* série, tome H. 1870-1871), 15 fr.; tome VII (ou 2* série, tome III, 1872), 15 fr.; tome VIII (ou 2« série, tome IV, 1873); 15 fr. ; tome IX (ou 2* série, tome V, 1874), 15 fr.; tome X (ou 2* série, tome VI, 1875) (le volume Xne se vend pas séparément), tome XI (ou 2' série, tome VII, 1873). 15 fr. ; tome XII (2' série, tome VIII. 1877), 15 fr. ; tome XIII (2'série, tome IX, 1878), 15 fr.; tome XIV (2- série, tome X, 1879),'l5 fr.; tome XV (2- série, tome XI, 1880), 15 fr. tome XVI (2* série, tome XII, 1881), 15 fr. La 7' livr. du tome XVII (2* série, tome XIII, 1882), vient de paraître. Bulletin mensuel de la librairie française. Publié par C. Reinwald. 1883. 25* année. 8 pages in-8°. — Prix de l'abonn' : France, 2 fr. 50. Etranger, 3 fr. Ce Bulletin paraît au commencement de chaque mois, et donne le titre et les prix des principales nouvelles publications de France, ainsi que de celles en langue française éditées en Belgi(jue, en Suisse, en Allemagne, etc., avec indications des éditeurs ou de leurs dépositaires à Paris. LE MONDE TERRESTRE AU POINT ACTUEL DE LA CIVILISATION. Nouveau Précis de Géographie comparée, descriptive, politique et commerciale, avec une introduction, l'indication des sources et cartes, et un répertoire alphabétique, par Charles Vogel, membre des Sociétés de Géographie et d'Eco- nomie politique de Paris, membre correspondant de TAcademie royale des sciences de Lisbonne, etc., etc. L'ouvrage entier formera trois volumes grand in-8*, divisés en 5 parties, et sera complet dans le cours de l'année 1883. Premier volume, prix, cartonné à l'anglaise 15 fr. Second volume, prix, cartonné à l'anglaise . 18 fr. Troisième volume, première partie (Fin de l'Europe). Prix, cart. . . 9 fr. Troisième volume, deuxième partie (Asie et Afrique). Prix, cart.. 12 fr. La publication de la troisième partie du troisième volume, contenant l'Amérique et l'Australie, se poursuit par livraisons mensuelles et forme la fin de l'ouvrage. Prix de chaque livraison, 1 fr. 25. BIBLIOTHÈQUE DES SCIENCES CONTEMPORAINES mLiÉi «VIO Li concouM DES SAVANTS ET DES LITTÉBATEURS LES PLUS DISTINGUÉS PAR LA Librairie C. REINWALD Depuis le siècle dernier, les sciences ont pris un énergique essor en s'inspirant de la féconde méthode de l'observation etderexpérience. On s'est misa recueillir, dans toutes les directions, les faits positifs, à les comparer, à les classer et à en tirer des conséquences légitimes. Les résultats déjà obtenus sont merveilleux. Des problèmes qui semblaient devoir à jamais échapper à la connaissance de l'homme ont été abordés et en partie résolus. Mais jusqu'à présent ces magni- fiques acquisitions de la libre recherche n'ont pas été mises à la portée des gens du monde : elles sont éparses dans une multitude de recueils, mémoires et ouvrages spéciaux, et, cependant, il n'est plus permis de rester étranger à ces conquêtes de l'esprit scientifique moderne, de quelque œil qu'on les envisage. De ces réflexions est née la présente entreprise. Chaque traité forme un seul volume, avec gravures quand ce sera nécessaire, et de prix modeste. Jamais la vraie science, la science consciencieuse et de bon aloi, ne se sera faite ainsi toute à tous. Un plan uniforme, fermement maintenu par un comité de rédaction, préside à la distribution des matières, aux proportions de l'œuvre et à l'esprit général de la collection. Conditions de la souscription. — Cette collection paraît par volumes in-12 format anglais, aussi agréable pour la lecture que pour la bibliothèque; chaque volume a de 10 à 15 feuilles, ou de 350 à 500 pages au moins. Les prix varient, suivant la nécessité, de 3 à 5 francs. EN VENTE I. La Biologie, par 1« docteur Letourneau. 3* édition. 1 vol. de 518 pages avec 112 gravures sur bois. Prix, broché, 4 fr. 50; relié, toile anglaise 5 fr. II. La Lingnistique, par Abel Hovelacque. 3* édition. 1 vol. de 454 pages. Prix, broché, 4 Ir. ; relié, toile anglaise 4 fr. 50 III. L'AnthropolOgriei par le docteur Topinard, avec préface du professeur Paul Broca. 3* édit. 1 volume de 576 pages avec 52 gravures sur bois. Prix, broch^, 5 fr. ; relié, toile anglaise 5 fr. 75 IV. L'Esthétique, par M. Eugène Véron, directeur du journal l'Art. — Origines des Arts. — Le Goût et le Génie. — Définition de l'Art et de l'Esthétioue. — Le Style. — L'Architecture. — La Sculpture. — La Peinture. — La Danse. — La Musique. — La Poésie. — L'Esthétique de Platon. — 2* édition, 1 vol. de 524 pages. Prix : broché, 4 fr.; relié, toile anglaise 4 fr. 50 V. La Philosophie, par M. André Lefèvre. 1 vol. de 612 pages. Prix, broché, 5 fr. ; relié, toile anglaise 5 fr. 75 VI. La Sociologrie d'après l'Ethnographie, par le D' Charles Letourneau. 1 vol. de 598 pages. Prix : broché, 5 fr. ; relié, toile anglaise 5 fr. 75 VII. La Science économique, par Yves Guyot. 1 vol. de 474 pages, avec figures graphique». Prix : broché, 4 fr. 50; relié, toile anglaise 5 fr. VIII. Le Préhistorique. Antiquité de l'homme, par Gabriel de Mortillet, pro- fesseur d'anthropologie préhistorique à l'école d'Anthropologie de Paris. 1 volume de 642 pages avec 64 figures intercalées dans le texte. Prix, broch^. 5 fr.; relié, toile anglaise 5 fr. 75 IX. La Botanique, par J. L. de Lanessan, professeur agrégé d'histoire natu- relle à la Faculté de médecine de Paris. 1 volume de 570 pages avec ISsîfigures intercalées dans le texte. Prix, broché, 5 fr.; relié toile anglaise. . . 5 fr. 75 C. REINWALD, LIBRAIRE À PARIS. 1. — DICTIONNAIRES ITouyeau Dictionnaire universel DE LA LANGUE FRANÇAISE Bédigé d'après les travaui et les Mémoires des membres DES CINQ CLASSES DE L'INSTITUT KNRICHI d'exemples EMPRUNTÉS AUX ÉCRIVAINS, AUX PHILOLOGUES ET AUX SATAMTâ LB8 PLUS CÉLÈBRES DEPUIS LE XVI» SIÈCLE JUSQU'A NOS JOURS Par M. P. POITEVIN Nouvelle édition, revue et corrigée. 2 vol. in-4°, imprimés sur papier grand raisin. Prix, ouvrage complet, 40 fr. Relié en 1/2 maroq. très solide, 50 fr. DICTIONNAIRE TECHNOLOGIQUE DANS LES LANGUES FRANÇAISE, ANGLAISE ET ALLEMANDE Renfermant les termes techniques usités dans les arts et métiers et dans l'industrie en général Rédigé par M. Alexandre TOLHAUSEN Revu et augmenté par M. Louis TOLHAUSEIî r* partie : Français-allemand-anglais. 1 vol. in-12, avec un nouveau grand supplément 12 fr. 50 Le Nouveau grand suppléiueiU de la Impartie se vend séparément 3 fr. 75. II* partie : Anglais-allemand-français. I vol. in-12 10 fr. m* partie : Allemand-français-anglais. 1 vol. in-12 10 fr. A complète Dictionary of the English and French Languages with the Accentuation and the littéral Pronunciation, by W. James and A. Mole. In-12. Broché 7 fr, A complète Dictionary of the English and Italian Languages with the Italian Pronunciation, by "W. James and Gius. Grassi. In-12. Broché. 6 fr. A complète Dictionary of the English and German Languages with the Pronunciation after Walker and Heinsius, by W. James. In-12. Broché. 5 fr. Dictionnaire français -anglais et anglais-français, par Wessely. 1 vol. in-16. Cartonné toile 2 fr. Dictionnaire anglais-allemand et allemand-anglais, par Wessely. 1 vol. in-16. Broché, 2 fr.; cart 3 fr. Dictionnaire anglais-italien et italien-anglais, par Wessely. 1 volume in-16. Broché, 2 fr. ; cart 3 fr. Dictionnaire italien-allemand et allemand-italien, par Locella. 1 volume in-16. Broché, 2 fr. ; cart 3 fr. Dictionnaire anglais-espagnol et espagnol-anglais, par Wessely etGironès. 1 vol. in-16. Broché, 2 fr. ; cart 3 fr. Dictionnaire allemand-français et français-allemand, de J. E. Wessely. 1 vol. in-16 de 466 pages, se vend relié en toile, édition classique 1 fr. Relié en toile anglaise 2 fr. C. RBINWALD, LIBRAIRB A PARIS. //. — SCIENCES NATURELLES OUVRAGES DE CH. DARWIN L'Oriçine des Espèces au moyen de la sélection naturelle ou la Lutte pour l'existence dans la nature, traduit sur Tédiiion anglaise définitive par Ed- mond Barbier. 1 volume in-8*. Cartonné à l'anglaise 8 fr. De la Variation des Animaux et des Plantes à l'état domestique, traduit sur la seconde édition anglaise par Ed. Barbier, préface par Cari Vogt. 2 vol. in-8*, avec 43 gravures sur Dois. Cart. à l'anglaise 20 fr. La Descendance de l'Homme et la Sélection sexuelle. Traduit de l'anglais rar Edmond Barbier, préface de Cari Vogt. Troisième édition française, vol. in-8* avec grav. sur bois. Cartonné à l'anglaise 12 fr. 50 De la Fécondation des Orchidées par les insectes et du bon résultat du croi- sement. Traduit de l'anglais par L. Rérolle. 1 vol. in-8* avec 34 grav. sur bois. Cart. à l'anglaise 8 fr. L'Expression des Émotions chez l'homme et les animaux. Traduit par Samuel Pozzi et René Benoit. 2* édition, revue. 1 vol. in-8*, avec 21 grav. sur bois et 7 photographies. Cartonné à l'anglaise 10 fr. Voyage d'un Naturaliste autour du Monde, fait à bord du navire Beugle, de 1831 à 1836. Traduit de l'anglais par E. Barbier. 1 vol. in-8* avec gravures sur bois. Cartonné à l'anglaise 10 fr. Les Mouvements et les Habitudes des Plantes grimpantes. Ouvrage tra- duit de l'anglais sur la deuxième édition par le docteur Richard Gordon. 1 vol. in-8* avec 13 figures dans le texte. Cart. à l'anglaise 6 fr. Les Plantes insectivores, ouvrage traduit de l'anglais par Edm. Barbier, précédé d'une Introduction biographique et augmenté de Notes complémen- taires par le professeur Charles Martins. 1 vol. in-8* avec 30 figures dans le texte. Cartonné à l'anglaise 10 fr. Des Effets de la Fécondation croisée et directe dans le règne végétal. Traduit de l'anglais par le docteur Ed. Heckel, professeur à la Faculté des sciences de Marseille. 1 vol. in-8*. Cartonné à l'anglaise 10 fr. Des différentes Formes de Fleurs dans les plantes de la même espèce. Ou- vrage traduit de l'anglais avec l'autorisation de l'auteur et annoté par le D' Ed. Heckel , précédé d'une Préface analytique du professeur Coutance. 1 vol. in-S* avec 15 gravures dans le texte. Cartonné à l'anglaise 8 fr. La Faculté motrice dans les Plantes, avec la collaboration de Fr. Darwin fils, traduit de l'anglais, annoté et augmenté d'une préface par le D' E. Heckel. 1 toI. in-8* avec gravures. Cartonné à l'anglaise 10 fr. Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale, traduit par par M. Levèque, préface par M. Edmond Perrier, professeur au Muséum d'histoire naturelle. 1 vol. in-8*, avec 15 gravures sur oois intercalées dans le texte. Prix, cartonné à l'anglaise 7 fr. LA SÉLECTION NATURELLE ESSAIS par Alfred -Russel WALL A CE TRADUITES SUR LA 2* ÉDITION ANGLAISE, AYKC L'aUTORISATION DE L'aUTEUB par Lucien de CANDOLLE 1 vol. in-8* cartonné à l'anglaise 8 fr. C. REINWÀLD, LIBRAIRE A PARIS. TRAITE D'ANATOMIE COMPARÉE PRATIQUE Par MM. le professeur Cari VOGT, directeur, et Emile YUNQ-, docteur ès-sciences, préparateur du Laboratoire d'Anatomie comparée et de Microscopie de l'Université de Genève. Le Traité d'Anatomie comparée pratique, dont nous annonçons la publication, est destiné surtout à servir de guide dans les travaux des laboratoires zoologiques. Une longue expérience, acquise autant dans divers laboratoires et stations maritimes que dans la direction du laboratoire d'anatomie comparée et de microscopie de l'Univer- sité de Genève, a démontré à MM. C. Vo^t et E. Yung l'utilité d'un traité résumant la technique à suivre pour atteindre à la connaissance intime d'un type donné du règne animal. Ce Traité, conçu à un point de vue essentiellement pratique, sera, aux manuels d'ana- tomie comparée usités jusqu'ici, ce que les manuels d'analyse chimique, par exemple, sont aux traités de chimie générale. 11 enseignera les méthodes a suivre pour acquérir la science et non pas seulement Ta science acquise, comme le font les autres ouvrages sur l'anatomie comparée. Les auteurs ont choisi pour chaque classe un représentant typique facile à se procu- rer et résumant en lui le plus grand nombre de caractères propres à cette classe. Pour certains embranchements, ils ont même jugé nécessaire de descendre jusqu'aux ordres. Après avoir indiqué les méthodes pratiques qui doivent être appliquées pour faire l'étude approfondie du type et après avoir suivi couche par couche, organe par organe, les faits dévoilés par le scalpel et le microscope, les auteurs mentionnent, dans un résumé, les modifications les plus importantes qui sont réalisées chez les autres animaux de la même classe, en les comparant entre elles pour en tirer des conclusions scientifiques. De nom- breuses figures intercalées dans le texte et dessinées, pour la plupart, par les auteurs d'après nature, élucident les descriptions. Sous le titre de « Littérature «, les principales sources — monographies et mémoires originaux — auxquelles le lecteur devra remonter pour avoir de plus amples renseignements, sont indiquées à la fin de chaque chapitre. En résumé, le but de ce Traité, qui sera composé comme nous venons de l'indiquer, d'une série de monographies anatomiques de types, résumant l'organisation animale tout entière, est de mettre l'étudiant en mesure de questionner méthodiquement la nature pour lui arracher ses secrets. En sortant des écoles préparatoires, le jeune homme doit apprendre à voir, à observer, à faire des expériences, et c est alors qu'il lui faut des jalons, des points de repère pour suivre une route aussi hérissée de difficultés. Mais, si le Traité d'Anatomie comparée pratique s'adresse, en premier lieu, aux étu- diants et aux commençants, il ne sera pas moins utile aux professeurs et aux chefs de tra- vaux chargés d'enseigner la science ou de diriger des laboratoires, car ils y trouveront un résumé de toute 1 anatomie comparée et pourront y renvoyer l'étudiant arrêté par une difficulté. Cet ouvrage formera un volume grand in-8, publié par livraisons de 5 feuilles chacune, avec des gravures intercalées dans le texte. L'ouvrage entier se composera d'environ 12 livraisons. Prix de chaque livraison : S fr. 50. La 3* livraison est en vente. AUTRES OUVRAGES DE CARL VOGT Lettres physiologiques. Première édition française de l'auteur. 1vol. in-8°de 754 pages, 110 gravures sur bois. Cartonné toile 12 fr. 50 Leçons sur les animaux utiles et nuisibles, les bêtes calomniées et mal jugées. Traduites de Tallemand par M. G. Bayvet, revues par l'auteur et ac- compagnées de gravures. 3° édition. Ouvrage couronné par la Société protec- trice des animaux. 1 vol. in-12. Prix, broché, 2 fr, Cart. toile anglaise, 2 fr. 50 Leçons sur l'Homme, sa place dans la création et dans l'histoire de la terre. Traduites par J. J. Moulinié. 2" édition, revue par M.Edmond Barbier. 1 vol. in-8°, avec gravures intercalées dans le texte. Cartonné toile 10 fr. La Provenance des EntOZOaires de l'homme et de leur évolution. Conférence faite au Congrès international des sciences médicales à Genève, le 15 sep- tembre 1877. Gr. in-8 avec 61 figures dans le texte 2 fr. C. RBINWALD, LIBRAIRE A PARIS. OUVRAGES DE ERNEST HAECKEL Professeur de Zoologie à l'Université d'Iéna. Histoire de la Création des Êtres organisés d'après les lois naturelles. Conterences scientifiques sur la doctrine de l'évolution en général et celle de Darwin, Goethe et Lamarck en particulier, traduites de Tallemand par le D' Letourneau et précédées d'une introduction par le prof. Ch. Martins. Deuxième édition. 1 vol. in-8* avec 15 planches, 19 gravures sur bois, 18 ta- bleaux généalogiques et une carte chromolithogr. Cart. à l'anglaise. . 15 fr. Anthropogénie ou Histoire de l'évolution humaine. Leçons familières sur les principes de l'embryologie et de la philogenie humaines. Traduit de l'alle- mand sur la 2* édition par le D' Ch. Letourneau. Ouvrage contenant 11 pi., 210 grav. et 36 tableaux généalogiques. 1 vol. in-8*. Cart. a l'anglaise. 18 fr. Le Règne des Protistes. Aperçu sur la Morphologie des êtres vivants les plus inférieurs suivi de la classification des protistes, traduit de l'allemand et précédé d'une introduction de 64 pages par Jules Soury. Ouvrage contenant 58 gravures sur bois. Broché, 5ir.; cartonné à l'anglaise 6 fr. (Notre édition du Règne des Protistes est la seule qui soit précédée de l'introduction complète de 61 pages de M. J. Soury.) Lettres d'un voyageur dans l'Inde, traduites de l'allemand par le D'. Ch. Letourneau. In-8*. Cartonné 8 fr. OUVRAGES DU PROFESSEUR LOUIS BUCHNER L'Homme selon la Science, son passé, son présent, son avenir, ou D'où venons- nous? — Qui sommes-nous? — Où allons-nous î Exposé très simple, suivi d'un grand nombre d'éclaircissements et remaraues scientifiques, traduit de l'alle- mand par le docteur Letourneau, orné de nombreuses gravures sur bois. Troisième édition. 1 vol. in-8* 7 fr. Force et Matière, études populaires d'histoire et de philosophie naturelles. Ouvrage traduit de l'allemand avec l'approbation de l'auteur. 5* édition, revue et augmentée. 1 vol. in-8* 5 fr. Conférences sur la Théorie darwinienne de la transmutation des espèces et de l'apparition du monde organique. Application de cette théorie à l'homme, ses rapports avec la doctrine du progrès et avec la philosophie matérialiste, du passé et du présent. Traduit ue l'allemand avec 1 approbation de l'auteur, d'après la seconde édition, par Auguste Jacquot. 1 vol. inS' 5 fr. La Vie psychique des bêtes, traduit par le docteur C. Letourneau. 1 vol in-8* avec gravures. Broché, 7 fr.; relié, toile, tr, dorées 9 fr. Lumière et Vie. Trois leçons populaires d'histoire naturelle sur le soleil dans ses rapports avec la vie, sur la circulation des forces et la fin du monde, sur la philosophie de la génération, traduit de l'allemand par le docteur Ch. Le- tourneau. 1 vol. in-8* 6 fr. MANUEL D'ANATOMIE COMPARÉE par CARL GEGENBAUH ProfefMur à l'UnivcrtiM d'Heidaltxrg. AVEC 319 GRAVURES SUR BOIS INTERCALÉES DANS LE TEXTE TRADUIT EN FRANÇAIS SOUS LA DIRECTION DU Professeur CARL VOGT 1 vol. gr. in-8*. Broché, 18 fr. ; cart. à l'anglaise, 20 fr. C. REINWALD, LIBRAmE A PARIS. EMBRYOLOGIE ou TRAITE COMPLET DU DÉVELOPPEMEHT DE L'HOMME ET DES ANIMAUX SUPÉRIEURS par Albert KÔLLIKER Professeur d'anatomie à l'Université de Wurzbourg. TRADUCTION FAITE SUR LA DEUXIÈME ÉDITION ALLEMANDE par Aimé Schneider Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers. Revue et mise au courant des dernières connaissances par l'auteur avec une préface par H. de LACAZE-DUTHIERS Membre de l'Institut de France. SOUS LES AUSPICES DUQUEL LA TRADUCTION A ÉTÉ FAITE. L'ouvrage du professeur A. Koelliker forme un volume grand in-8* de 1,078 pages, avec 606 gravures intercalées dans le texte. Ce traité d'Embryologie est trop important, les observations et les recherches de «on célèbre auteur sont trop récentes, pour qu'il ne devait pas être mis à la portée de nos savants, de nos médecins et de nos étudiants français, par une traduction fidèle et l'emploi des figures identiques dessinées sous les yeux de l'auteur et reproduites avec finesse par la gravure sur bois. C'est donc une bonne fortune pour nos savants et nos Universités que le pro- fesseur Koelliker ait bien voulu consentir à collaborer à l'édition française, en l'enrichissant d'observations nouvelles et de notes qui n'ont pu trouver place dans l'édition allemande. Prix de l'ouvrage complet, 1 vol. gr. in-8* avec 606 figures dans le texte, cartonné toile anglaise 30 fr. ÉLÉMENTS D'EMBRYOLOGIE PAR M. POSTER et Francis BALFOUR OUVRAGE CONTENANT 71 GRAVURES SUR BOIS, TRADUIT DE L'ANGLAIS par le D' E. ROCHEFORT 1 vol. in-8°. Cartonné à l'anglaise 7 fr. LE LIVRE DE LA NATURE ou Leçons élémentaires de Physique, d'Astronomie, de Chimie, de Minéralogie, cle Géologie, de Botanique, de Physiologie et de Zoologie, par le docteur Frédéric Schôdler. Traduit sur la 18* édition allemande, par Adolphe Scheler, et Henri Welter. 2 volumes in-8° avec 1026 gravures dans le texte, 2 cartes astronomiques et 2 planches coloriées. Broché 12 fr. Relié, toile tr. jaspée, 14 fr. Relié, avec plaque spéciale et tr. dorées. 16 fr. On vend séparément : Le Tome II contenant les Éléments de Mlnéralo^e, de Géologie, de Botanique, de Physiologie et de Zoologie. 1 vol. avec 656 flg. et 2 planches coloriées. Broché 7 fr. Eléments de Botanique. In-8« avec 237 gravures. Broché 2 fr. 50 Éléments de Physiologie et de Zoologie. In-S" avec 226 gravures. Broché. 4 fr. » C. REINWALD, LœRAIRE ▲ PARIS. . 0 LES INSECTES ET LES FLEURS SAUVAGES LLLHS RAPPORTS RÉCIPROQUES Par sir John LUBBOCK, M. P. — Traduit par Edmond BARBIER 1 vol. in-12 avec 131 gravures dans le texte. Broché, 2 fr. 50. — Relié toile anglaise, plaque spéciale 3 fr. DE L'ORIGINE ET DES MÉTAMORPHOSES DES INSECTES Par Sir John LUBBOCK, M. P. Traduit par Jules 6R0L0US 1 volume in-12 avec de nombreuses gravures dans le texte. Broché, 2 fr. 50. — Relié toile anglaise, plaque spéciale 3 fr. ARCHIVES ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE BISTÙIRI iNATCRÏLLÏ — «ORPHOLÛGIK — HISTOLOGIE — ITOLDTION DIS iNUiDI publiées sous la direction de HENRI DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l'IntlUat d» France (Académie <1es sciences), Profeisear d'anatomie comparée et de zoologie à la Sorbonne (Faculté des sciences). Fondateur et directeur des laboratoires de zoologie expérimentale de Roscoff et do Itt station de Banyuls-sur-Mer. Les Archives de Zoologie expérimentale et générale paraissent par cahiers trimestriels. Quatre cahiers ou numéros forment un volume format gr. in-8*, avec planches noires et coloriées. Prix de l'abonnement : pour Paris, 40 fr.; pour les départements et l'étranger, 42 fr. Les volumes I à X (années 1872 à 1882) sont en vente. — Prix de chaque volume, cartonne toile : 42 francs. — Le tome XI (année 1883). 2* Série, tome I, est en cours de publication. Prix de l'abonnement, 40 fr. pour Paris et 42 fr. pour les départements et 1 étranger. BROCA (Prof. P.). - Mémoires d'Anthropologie, de Paul Broca. T. I, II et III. 3 vol. in-8*, avec cartes et grav. Prix de chaque vol., cart. à l'angl.. 7 fr. 50 Le torae III se vend séparément sous le titre : Mémoires d'Anthropologie xooloffique et biologique, broché, 7 fr. 50. — Le tome IV a paru fin avril 1883, et est du prix de 10 (r. Portrait de Paul Broca, gravé par Ch.Courtry(in-fol. impr.parSalmon). 4 fr. CASSELMANN (A.). — Guide pour l'analyse de l'urine, des sédiments et des concrétions urinaires au point de vue physiologique et pathologique, par le docteur Arthur Casselmann. Traduit de 1 allemand, avec l'autorisation de l'auteur, par G. E. Strohl. Brochure in-8*, avec 2 planches 2 fr. CODTANCE (A.). — La Lutte pour l'existence, par A. Coutance, professeur d'histoire naturelle à l'Ecole de médecine navale de Brest, officier de la Lé- gion d'honneur. 1 vol. in-8* de 524 pages. Prix, broché 7 fr. — La Fontaine et la Philosophie naturelle, par A. Couunce. l vol. in-8*. Pri X , broché 2 fr. DARESTE Camille). — Recherches sur la production artificielle des Monstruosités, ou Essais de Tératogénie expérimentale, par M. Camille Da- reste, docteur es sciences et en médecine, professeur à la Faculté des sciences de Lille, lauréat de l'Institut. 1 volume gr. in-S* avec 16 planches chromoli- thographiques. Cartonné à l'anglaise 18 fr. 10 C. RBINWÀLD, LIBRAIRE A PARIS. DESOR (E.) et P. de LORIOL. — Échinologie helvétique. Monographie des Echinides fossiles de la Suisse, pai- E. Desor et p. de Lonol. Echinides de la période jurassique. 1 vol. in-4*, atlas in-fol. de 61 planches. Cart. 100 t'r. L'ouvrage a été publié en 16 livraisons. GORUP-BESANEZ (E.). — Traité d'Analyse zoochimique qualitative et quanti- tative. Guide pratique pour les recherches physiologiques et cliniques, par E. Gorup-Besanez, professeur de chimie à l'université d'Erlangen. Tracfuit sur la troisième édition allemande et augmenté par le D' L. Gautier. 1 vol. grand in-8% avec 138 figures dans le texte. Cartonné à l'anglaise.. 12 fr. 50 HODZEAU (J. C). — Études sur les Facultés mentales des Animaux com- Êarées à celles de l'homme, par J. C. Houzeau, membre de l'Académie de eigique. 2 volumes in-8°. (Mons.) 12 fr. HUXLEY (le Prof.). — Leçons de Physiologie élémentaire, parle professeur Huxley, traduites de l'anglais par le docteur Daily. 1 vol. in-12, avec de nom- breuses figures dans le texte. Broché, 3 Ir. 50; relié, toile 4 fr. ISNARD (le D' Félix). — Spiritualisme et Matérialisme, par le D' Félix Isnard. 1 vol. in-12. Broché 3 fr. JORISSENNE (le D' G-). — Nouveau signe de la grossesse, par le D' G. Jo- rissenne. Brochure gr. in-8 (Liège) , 2 fr. 50 KALTBRDNNER (D.). — Manuel du Voyageur, par D. Kaltbrunner, membre de la Société de géographie de Genève. Avec 280 figures dans le texte et 24 planches. 1 vol. in-8°, cartonné. (Zurich) 15 fr. — - Aide-Mémoire du Voyageur, notions générales de géographie mathéma- tique, de géographie physique, de géographie politique, de géologie, de bio- logie et d'anthropologie à l'usage des voyageurs, des étudiants et des gens du monde. 1 vol. in-8° avec 25 planches et cartes. Cart 13 fr. 50 KÉKDLÉ (Aug.) et 0. WALLACH. — Tableaux servant à l'analyse chiinique, publiés par Otto Wallach, traduits de l'allemand par Jean Krutwig. Première partie, par 0. Wallach, contenant : Caractères des éléments et de leurs com- binaisons. Brochure in-4'' composée de 14 tableaux 2 fr. 50 •^ Tableaux servant de guide dans l'enseignement de l'Analyse qualitative, traduits de l'allemand par Jean Krutwig. Brochure in-8° conte- nant 16 tableaux 2 fr. 50 LABARTHE (P.). — Les Eaux minérales et les Bains de mer de la France. Nouveau guide pratique du médecin et du baigneur, par le docteur Paul Labarthe. Précédé d'une Introduction par le professeur A. Gubler. 1 vol. in-12. Relié toile 5 fr. LETOURNEAU (le D' Ch.). — La Biologie, par le docteur Ch. Letourneau. 3* édit. 1 vol. in-12 de 518 pages, avec 112 grav. Broché, 4 fr. 50; relié. 5 Ir. Fait partie de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, voir p. 3. Physiologie des Passions, par Ch. Letourneau. 2' édition, revue et aug- mentée. 1 vol.iii-12 de 392 pages. Broché, 3 fr. 50 ; relié 4 fr. 50 Science et Matérialisme, 1 vol. in-12, 480 p. Broché, 4 fr. 50 ; cart. 5 fr. 25 LUBBOCK (Sir John). — Les Mœurs des fourmis, traduit par J. A. Battandier. Brochure gr. in-8° 1 fr. 25 MAGNDS (Hugo).— Histoire de l'Évolution du sens des couleurs, par Hugo Magnus, professeur d'ophthalmologie à l'Université de Breslau, avec une Introduction par Jules Soury. 1 volume in-12. Broché 3 fr. MARCOD (J.). — De la Science en France, par J. Marcou. 1 v. in-8' 5 fr. MARTIN (Ernest). — Histoire des Monstres, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, par le docteur Ernest Martin. 1 vol. in-8°. Broché 7 fr. MAUDSLEY (Henry). — Physiologie de l'esprit, par Henry Maudsley, traduit de l'anglais par A. Herzen. 1 vol. in-8* cartonné 10 fr. MOHR (Fr.). — Toxicologie chimique. Guide pratique pour la détermination chimique des poisons, par le docteur Frédéric Mohr, professeur à l'Univer- sité de Bonn. "Traduit de l'allemand par le docteur L. Gautier. 1 volume in-8*, avec 56 gravures dans le texte. Broché 5 fr. C. REIN.WALD, LIBRAIRE A PARIS. H . „ • ' REICHABDT (E.). — Guide pour l'analyse de l'Eau, au point de vue de l'h^rgiène et de l'industrie. Précédé de l'Examen des principes sur lesquels on doit s'appuyer dans l'appréciation de l'eau pouble, par le docteur E. Reichardt, professeur à l'Université d'Iéna. Traduit de l'alleaiand par le docteur G. E. Strohl. In-8*, avec 31 flg. dans le texte. Broché 4 fr. 50 ROLLAND (Camille). —'Esprit et Matière, ou Notions populaires de Philoso- phie scientirique, suivies de l'Arbre péuéalogique complet de l'homme, d'après les données de Haeckel, par Camille Roland, ingénieur. 1 vol. in-12 avec 2 planches (Mons). Cartonné, toile anglaise 2 fr. 50 ROSSI (D. C). — Le Darwinisme et les Générations spontanées, ou Réponse aux réfutations de MM. P. Flourens, de (juatrefages, L. Simon, Chauvel, etc., suivie d'une Lettre de M. le D' F. Pouchet, par D. C. Rossi. 1 vol. in-12. 2 Ir. 50 SALMON (Philippe). — Dictionnaire paléoethnologique du département de l'Aube, par Philippe Salmon, membre delà commibsion des monuments mé- Salithiques de France et d'Alçérie, membre correspondant de la Société aca- émique de l'Aube. 1 vol. gr. iu-8', avec 3 cartes. Broché 15 fr. SCHLESINGER (R.). — Examen microscopique et microchimique des fibres textiles, tant naturelles que teintes, suivi d'un Essai sur la Caracté- risaiiou de la laine régénérée (shoddy), par le docteur Robert Schlesinger. Préface du docteur Emile Kopp. Trad. par L. Gautier. In-8*, 32 gravures. 4 fr. SCHMID (Ch.) et F. WOLFRUM. - Instruction sur l'Essai chimique des médicaments, à l'usage des Médecins, des Pharmaciens, des Droguistes et des élèves qui préparent leur dernier examen de pharmacien, par le docteur Christophe Schmid et F. Wolfrum. Traduit par le D' G. E. Strohl. 1 vol. gr. in-8*. Cart. à l'anglaise 6 fr, STAEDELER (G.). — Instruction sur l'Analyse chimique qualitative des substances minérales, par g. Staedeler, revue par H. Kolbe, traduite, sur la 6* éd. allemande, par le D' L. Gautier, avec gravure et tableau spectral. In-12. Cart. àl'angl § fr. 50 TOPIIIARD (le D' P.). — L'Anthropologie, par le D' Paul Topinard, 3* éd., avec une Préface du prof. Paul Broca. 1 vol, in-12 de 576 p., avec 52 figures intercalées dans le texte. Broché, 5 fr, ; relié, toile anglaise 5 Ir. 75 Fait partie de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, voir p. 3. WALLACH (Otto). Tableaux. Voyez Kékulé et Wallach, ci-dessus. ///. — HISTOIRE, POLITIQUE, GÉOGRAPHIE, ETC. L'HOMME A TRAVERS LES AGES ESSAI DE CRITIQUE HISTORIQUE Par André LEFÈYRE, auteur de la Philosophie 1 Tol. in-12 de 418 pages. Broché, 3 fr.50; relié toile angl., 4 fr. HISTOIRE MUNICIPALE DE PARIS DEPUIS LES ORIGINES JUSQU'A L'AVÈNEMENT DE HENRI HI Par Paul ROBIQUET avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation. 1 vol. in-8' de 688 pages. Broché 10 Ir. Relié toile aux armes de la Ville de Paris 12 fr. 12 . C. REINWALD, LIBRAIRE A PARIS, LE MONDE TERRESTRE AÙ POINT ACTUEL DE LA CIVILISATION NOUVEAU PRÉCIS DE GÉOGRAPHIE COMPARÉE DESCRIPTIVE, POLITIQUE ET COMMERCIALE Avec une Introduction, l'Indication des sources et cartes, et un Répertoire alphabétique par CHARLES VOGEL Conseiller, ancien chef de Cabinet de S. A le prince Charles de Ronmanie Membre des Sociétés de Géographie et d'Economie politique de Paris, Merabre correspondant de l'Académie royale des Sciences de Lisbonne, etc., etc. La publication de l'ouvrage entier sera terminée dans le cours de la présente année. Le premier volume, gr. in-8 , cartonné toile, est du prix de 15 fr. Le second volume. Prix cartonné 18 fr. La première partie du troisième volume. Prix cartonné 9 fr. La deuxième partie du troisième volume, contenant l'Asie et l'Afrique. Prix cartonné 12 fr. La publication du troisième volume se poursuit par livraisons composées de 5 feuilles du prix de 1 fr. 25. Il a été fait un tirage spécial de la 1" partie du tome III de cet ouvrage, sous le titre : L'EUROPE ORIENTALE DEPUIS LE TRAITÉ DE BERLIN Cette partie contient la Russie, la Pologne et la Finlande, la Roumanie, la Serbie et le Monténégro, la Bulgarie, la Turquie, l'Albanie et la Grèce. Elle forme un volume gr. in-8°, cart. à l'anglaise 9 fr. MŒURS ROMAINES DU RÈGNE D'AUGUSTE A LA FIN DES ANTONINS par L. FRIEDLiENDER Professeur à l'Université de Kœnigsberg. TSADUCTION LIBRE FAITE SUR LE TEXTE DE LA DEUXIÈME ÉDITION ALLEMANDS Avec des considérations générales et des remarques par CH. VOGEL. 4 vol. in-8°. Brochés 28 fr. BULWER (Sir H.). — Essai sur Talleyrand, par Sir Henry Lytton Bulwer, ancien ambassadeur. Traduit de l'anglais, avec l'autorisation de l'auteur, par Georges Perrot. 1 vol. in-8°. Broché 5 fr. DELTUF (P.) — Essai sur les Œuvres et la Doctrine de Machiavel, avec la traduction littérale du Prince, et de quelques Fragments historiques et litté- raires, par Paul Deltuf. 1 vol. in-8°. Broché 7 fr. 50 DEVÂUX (S.). — Études politiques sur l'Histoire ancienne et moderne et sur l'influence de l'état de guerre et de l'état de paix, par Paul Devaux, membre de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 1 vol. grand in-8° (Bruxelles) 9 fr. FISCHEL (Éd.). — La Constitution d'Angleterre, exjjosé historique et criti- que des origines, du développement successif et de l'état actuel des institu- tions anglaises, par Edouard Fischel. Traduit sur la 2* édition allemande compareeavecredit.angl.de R. Jenery Shee, par Ch. Vogel.2 vol. in-8. 10 fr. c. Reinwald, ubrairb a Paris. 13 GUTOT (Yves).— La Science économique. 1 vol. in-12 de 474 pages avec flgures graphiques dans le texte. Prix broché, 4 fr. 50. Relié toile anglaise... 5 fr. Kait partie de U Bibliothèque des science» contemporaines. Voir paf^e 3. LACROIX (Auguste). — Conférences sociales et industrielles, par A. Lacroix. 1 vol. iu-8* 4 fr. MOLINARI (O. de). — L'Évolution économique du dix-neuvième siècle, théorie du progrès. 1 vol. in-8* de 480 pages. Broché 6 fr. MOREAD DE JONNÈS (A.). — État économique et social de la France depuis Henri IV jusqu'à Louis XIV (1589-1715), par A. Moreau de Jonués, membre de l'institut. 1 vol. in-8'. Broche 7 fr. RÉVILLE (Alb.). — Théodore Parker, sa Vie et ses Œuvres. Un chapitre de l'histoire de l'Abolition de l'esclavage aux Etats-Unis, par Alb. Réville. 1 vol. in-12 3 fr. 50 TISCHENDORF (C). — Terre sainte, par Constantin Tischendorf, avec les sou- venirs du pèlerinage de S. A. 1. le grand-duc Constantin. 1 vol. in-8* avec 3 gra- vures 5 fr. VOGEL (Ch.). — Le Portugal et ses colonies. Tableau politique et commercial de la monarchie portugaise dans son état actuel, avec des annexes et des notes supplémentaires, ln-8* (1860) 8 fr. 50 LA MYTHOLOGIE COMPARÉE par Girard de RIALLE. TOME PKEMIER Théorie du fétichisme.— Sorcier et sorcellerie. — Le fétichisme étudié sous ses divers aspects. — Le fétichisme chez les Caffres, chez les anciens Chinois, chez les peuples civilisés. — Théorie du polythéisme. — Mythologie des na- tions civilisées de l'Amérique. Un volume in-12 de 3/6 pp. Broché, 3 fr. 50. Cart. à l'angL, 4 fr. Le second volume est en préparation. LA MYTHOLOGIE DES PLANTES ou LES LÉGENDES DU RÈGNE VÉGÉTAL par Angelo de GUBERNATIS Aatonr d« la "Mythologie loologique" ; professeur de sanskrit et de mythologie compara à l'Iottital des Études supérieures K Florence. Deux vol. in-8*. Cart. à l'anglaise 14 fr. IV. — ARCHÉOLOGIE ET SCIENCES PRÉHISTORIQUES LA CIVILISATION PRIMITIVE par M. EDWARD B. TYLOR, F.R.S., L.L.D. TOME PREMIER TRADUIT DB I. 'ANGLAIS SUR LA DEUXIÊUB ÉDITION par M"" Pauline BRUNET TOME SECOND Traduit par M. Edm. BARBIER. 2 vol. in-8*. Cartonnés à l'anglaise 20 fr. 14 C. REINWALD, LIBRAIRE A PARIS. MUSÉE PRÉHISTORIQUE par Gabriel et Adrien DE MORTILLET. Album de 100 planches contenant 800 dessins classés méthodiquement. Format grand in-8°, dit grand Jésus ; broché 35 fr. LE PRÉHISTORIQUE ANTIQUITÉ DE L'HOMME par G. DE MORTILLET Professeur d'anthropologie préhistorique à l'École d'Anthropologie de Paris. 1 vol. in-12° de 642 pages avec 64 figures. Prix broché 5 fr. Relié toile anglaise 5 fr. 75. Fait partie de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, voir page 3. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ÉVOLUTION DES IDÉES LA MORT ET LE DIABLE HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DES DEUX NÉGATIONS SUPRÊMES Par POMPEYO GENER PRÉCÉDÉ D'UNE LETTRE A L'AUTEUR DE E. LiITTRÉ Membre de l'Académie française. 1 gros vol. in-8° de 820 pages. Cartonné à l'anglaise 12 fr. JE AN JE AN (A.). — L'Homme et les Animaux des cavernes des Basses- Cévennes, par M. Adrien Jeanjean. In-S", avec planches. (Nîmes.). . 2 t'r. 50 LEPIC (Le Vie). — Les Armes et les Outils préhistoriques reconstitués. Texte et gravures par le vicomte Lepic. Gr. in-4'' de 24 pi. à i'eau-forte. 12 fr. Grottes de Savigny, communes delaBioUe, canton d'Albens (Savoie), par M. le vicomte Lepic. ln-4°, avec 6 planches lithographiées 9 fr. LEPIC (le vicomte) et J. de LUBAC. — Stations préhistoriques de la valléa du Rhône, en Vivarais, Châteaubourg et Soyons. Notes présentées au Con- grès de Bruxelles dans la session de 1872, par MM. le vicomte Lepic et Jules de Lu bac. In-folio, avec 9 planches. (Chambéry.) 9 fr. MORTILLET (G. de). — Le Signe de la croix avant le christianisme, avec 117 gravures sur bois, par M. Gabriel de Mortillet. In-8° 6 fr. Origine de la Navigation et de la Pêche, par Gabriel de Mortillet. l vol. in-8% orné de 38 figures 2 Ir. NILSSON (S.). — Les Habitants primitifs de la Scandinavie. Essai d'ethno- graphie comparée, matériaux pour servir à l'histoire de l'homme, par Sven Niisson, prolesseur à l'Université de Lund. 1" partie : L'Age de pierre, traduit du suédois sur le manuscrit de la 3* édition préparée par l'auteur. 1 voL grand in-8°, avec 16 planches. Cartonné 12 fr. SCHLIEMANN (H.). — Ithaque. — Le Péloponèse. — Troie. Recherches archéo- logiques, par Henry Schliemann. 1 vol. in-8°, 4 grav, lith. et 2 cartes. 5 fr. SCHMIDT (Valdemar). — Le Danemark à l'Exposition universelle de 1867. Etudié principalement au point de vue de l'archéologie, ln-8* 4 fr. C. REINWALD, LIBRAIRE A PARIS. 15 V. — LITTÉRATURE BRÉMER (F.).— Hertha, ou l'Histoire d'une âme, par Frëdérica Brémer. Tra- duit ilu suédois par M. A. GeftVoy. 1 vol. iii-12 3 fr. 50 BRET-HARTE. — Scènes de la vie californienne et Esquisse de mœurs trans- atlantiques, par Bret-Harte, traduites par M. Amédée richot et ses collabora- teurs de la Èevue britannique. 1 vol. in-12 2 fr. BROUGHTON (Miss). — Comme une fleur, autobiographie, traduite de Tan- glais par Auguste de Viguerie. 2* édition revue. I vol. in-12, imprimé avec encadrement en couleur. Relié toile angl., tr. dor. et plaque spéciale. . . 5 fr. BÛCHNER (A.). — Étude SUr lord B3rron, par A. Bûchner. Brochure in-8*. 75 c. Choix de Nouvelles russes, de Lermontoff, de Pouschkine, Von Wiesen, etc. Traduit du russe par M. J. N. Chopin, auteur d'une Histoire de Russie, de l'Histoire des révolutions des peuples du Nord, etc. 1 vol. in-12 2 fr. DELTUF (P.). — Les Tragédies du foyer, par P. Deltuf. 1 vol. in-12 2fr. GOLOVINE (I.). — Mémoire d'un Prêtre russe, ou la Russie religieuse, par M. Ivan Oolovine. 1 vol. in-8' 7 fr. HETSE (P.). — La Rabbiata et d'autres Nouvelles, par Paul Heyse, traduites de l'allemand par MM. G. Bayvet et E. Jonveaux. 1 vol. in-12 2 fr. Impressions de voyage d'un Russe en Europe, l vol. in-12 2 fr. 50 MANTEGAZZA (P.). — Une Journée à Madère, par P. Mantegazza. Traduit de l'italien par M"* C. Tliiry. 1 vol. in-12. Broché 2 fr. MARSH (Mrs.). — Emilia Wyndham, par l'auteur de a Two old men's taies ; Mount Sorel, etc. » (Mrs. Marsh). Traduit librement de l'anglais. 2 vol. in-12 réunis en un seul 5 fr. MART LAFON. — Histoire littéraire du Midi de la France, par Mary Lafon. 1 vol. in-8*. Broché 7 fr. 50 MÛLLER (0.). — Charlotte Ackermann. Souvenirs de la vie d'une actrice au xviii* siècle, par Otto Mûller, traduction de J.-J. Porchat. 1 vol. in-8*. 2fr. POMPERY (E. de). — La Vie de Voltaire. L'homme et son génie. 1 vol. in-12. Broché 2 fr. STRAUSS (David -Frédéric). — Voltaire. Six conférences par David-Frédéric Strauss. Ouvrage traduit de l'allemand sur la troisième édition par Louis Narval, précédé d'une Lettre-Préface du traducteur à M. E. Littré. 1 vol. in-8*. Broché 7 fr. VOLTAIRE. — Œuvres choisies. Édition du centenaire (30 mai 1878). 1 vol. in-12 de 1000 pages avec portrait de Voltaire 2 fr. 50 WITT (M"*de). — La Vie des deux côtés de l'Atlantique, autrefois et au- jourd'hui, traduit de l'anglais par M"* de Witt. 1 vol. in-12 2 fr. VI. — PHILOSOPHIE HISTOIRE DU MATÉRIALISME KT CRITIQUE DE SON IMPORTANCE A NOTRE ÉPOQUE Par F. A. LANGE PBOFBSSEUR A L'UNIVERSITK DE MARBOURO. Traduit de Pallemand sur la deuxième édition, avec Tautorisation de l'auteur, par B. Pommerol «T«c une Introduction par D. NOLEN, Prof, à la Faculté des lettres de Montpellier. 2 vol. in-8* cartounés à Tanglaise 20 fr. 16 ^ C. REINWALD, LIBRAIRE A PARIS. ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DE LA RELIGION ÉTUDIÉS A LA LUMIÈRE DES RELIGIONS DE L'INDE Leçons faites à Westminster-Abbey par J. Max MÛLLER Traduites de l'anglais par J, DARMESTETER 1 vol. in-8° de 364 pages. Broché 7 fr. ÂSSIER (Ad. d'). — Essai de Philosophie positive au dix-neuvième siècle. Le Ciel, la Terre, l'Homme, par Adolphe d'Assier. Première partie : le Ciel. 1 vol. in-12 2 fr. 50 Troisième partie : L'Homme, 1 vol. in-12 3 fr. 50 La deuxième partie : la Terre, paraîtra après la publication de la deuxième édition du Ciel. BÉRAUD (P. M.). — Étude sur l'Idée de Dieu dans le spiritualisme mo- derne, par P. M. Béraud. 1 vol. in-12. Broché 4 fr. BRESSON (Léopold). — Idées modernes. Cosmologie. Sociologie, par Léopold Bresson. 1 volume in-S" 5 fr. COSTE (Adolphe). — Dieu et TAme. Essai d'idéalisme expérimental, par Adolphe Coste. 1 vol. in-12. Broché 2 fr. 50 LEFÈVRE (André). La Philosophie. 1 volume in-12. Broché, 5fr.; relié, toile anglaise 5 fr. 75 Fait partie de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, voir p. 3. MICHEL (Louis). — Libre arbitre et liberté, par L. Michel. 1 vol. in-12. 2 fr. 50 NERVA (S. Emile). — Dieu dans les cieux, dans la nature et l'humanité ou la Philosophie positive de l'histoire. Edition augmentée d'une expo- sition sommaire de fa doctrine de l'auteur. 1 vol. in-S" (Ferrare) .... 10 fr. RUELLE (Ch.). — De la vérité dans l'Histoire du christianisme. Lettres d'un laïque sur Jésus, par Ch. Ruelle, auteur de la Science populaire de Claudius. — La théologie et la science. — M. Renan et les théologiens. — La résurrection de Jésus d'après les textes. — Lecture de l'encyclique. 1 vol. in-S" 6 fr. SOURY (Jul.). — Études historiques sur les religions, les arts, la civilisation de l'Asie antérieure et de la Grèce, par J. Soury. 1 vol. in-S" 7 fr. 50 STRAUSS (David -Frédéric).— L'Ancienne et la Nouvelle foi. Confession par David-Frédéric Strauss. Ouvrage traduit de l'allemand sur la 8* édition par Louis Narval, et augmenté d'une Préface par E. Littré. 1 volume in-8°. — Broché 7 fr. VIARDOT (Louis). — Libre examen. Apologie d'un incrédule, par L. Viardot. Sixième édition très augmentée (édition populaire). 1 vol. in-12 1 fr. 50 C. REINWALD, UBRAIRE A PARIS. « 17 VIL — LINGUISTIQUE — LIVRES CLASSIQUES AHM (F. H.). — Syllabaire allemand. Premières notions de langue alle- mande, avec un Nouveau traité de prononciation et un Nouveau système d'ap- prendre les lettres manuscrites, par F. H. Ahn. 6* édition. Iu-12... 1 fr. BRUHNS (C). — Nouveau Manuel de logarithmes à sept décimales, pour les nombres et les fonctions trigonométriques, rédigé par C. Bruhns, docteur en philosophie, directeur de Tobservatoire et professeur d'astronomie à Leipzig. 1 vol. grand in-8', édition stéréotype. (Leipzig, B. Tauchnitz.) 5 fr. FAURIEL (C). —Histoire de la Poésie provençale. Cours à la Faculté des lettres de Paris, par M. C. Fauriel, membre de Unstitut; 3 vol. in-8' (1847). Broché 21 fr. HOVELACQUE (A.). — La Linguistique, par Abel Hovelacque. Troisième édition. 1 vol. in-12 de 454 pages. Broché, 4 fr. ; relié toile anglaise.. 4 fr. 50 Fait partie de la Bibliothèque {Us sciences contemporaines, voir p. 3. — et Julien VINSON. — Études de linguistique et d'ethnographie. 1 volume ia-12. Prix, broché, 4 fr.; relié, toile anglaise, 5 fr. MAIGNE (J.). — Traité de Prononciation française et Manuel de lecture à haute voix. Guide théorique et pratique des Français et des étrangers, par M. Jules Maigne. 1 vol. iu-12. Broché, 2 fr. 50; cartonné 3 fr. MOHL (Jules). — Vingt-sept ans d'histoire des études orientales. Rapports faits à la Société asiatique de Paris de 1840 à 1867, par Jules Mohl, membre de l'Institut, secrétaire de la Société asiatique. Ouvrage publié par sa veuve. Tome 1" et II. In-8*. Chaque volume 7 fr. Le Livre des Rois, par Abou'l Kasim Firdousi, traduit et commenté par Jules Mohl, membre de l'Institut, professeur au collège de France. 7 vol. in-12 (Imprimerie nationale) 52 fr. 50 SANDER (E. H.). — Promenade de Paris au Rigi, racontée (en allemand) pour servir d'introduction à la lecture des auteurs allemands, par E. H. Sander, professeur de langue allemande à l'Ecole d'application d'état- major. Seconde édition, revue et corrigée. 1 vol. in-18. Cartonné 75 cent. VIII. — BIBLIOGRAPHIE ET DIVERS BÏÏLLETIN MENSUEL DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE PubUé par G. REIN"WAL.D 1883. — 25' année. Format in-8*. — 8 pages par mois. Prix de l'abonnement : Paris et la France, 2 fr. 50. Étranger, 3 fr. Ce Bulletin parait au commencement de chaque mois et donne les titres et l«s prix des principales nouvelles publications de France, ainsi que de celles «n langue française éditées en Belgique, en Suisse, en Allemagne, etc., etc. 18 0. REINWALD, LIBRAmB A PARIS. HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ARCHITECTURE PAK DANIEL RAMÉE ARCHITECTE. 2 vol. gr. in-8% orné de 523 gravures sur bois. — Prix, broché, 30 fr. dict^ioxivaire: geiveral. DES TERMES D'ARCHITECTURE EN FRANÇAIS, ALLEMAND, ANGLAIS ET ITALIEN par DANIEL RAMÉE Architecte, auteur de l'Histoire générale de l'architecture. Un volume in-8° 8 fr. BERLEPSCH. — Nouveau Guide en Suisse, par Berlepsch. 2° édition illus- trée. 1 vol. in-12 cartes et plans, panoramas sur acier, etc. Cart. à l'angl. 5 fr. Bibliotheca Americana vetustissima. A description of works relating to America, published between the years 1492 and 1551, par H. Harrisse. 1 vol. grand in-8° (New-York, 1866) 100 fr. Instructions aux capitaines de la marine marchande naviguant sur les côtes du Royaume-Uni, en cas de naufrage ou d'avaries. In-8° 2 fr. 50 ERIEG (Henri). — Cours de Sténographie internationale d'après le système de Gabelsberger, précédé d'un Abrégé d'une histoire de la Sténographie avec beaucoup de modèles d'écriture intercalés dans le texte, par Henri Krieg, professeur, directeur de l'Institut royal sténographique de Dresde. 1 vol. in-8' avec 26 planches lithographiées. Broché 7 fr. 50 LIEBIG (J. de). — Sur un nouvel Aliment pour nourrissons (la Bouillie de Liebig), avec Instruction pour sa préparation et son emploi. In-12 1 fr. MOLTKE (de). — Campagnes des Russes dans la Turquie d'Europe en 1828 et 1829. Traduit de l'allemand du colonel baron de Moltke, par A. Demmler, professeur à l'École impériale d'état-major. 2 vol. in-S" 6 fr. TÉLIAKOFFSKY (A.). — Manuel de Fortification permanente, par A. Télia- koffsky, colonel du génie. Traduction du russe par Goureau. 1 vol. in-8", avec un atlas de 40 planches 20 fr. VÉRON (Eug.).— L'Esthétique, par M. Eug.Véron, directeur du Journal VArt. 1 vol. in-12 de 506 pages. Broché, 4 fr. ; relié, toile anglaise 4 fr. 50 Fait partie de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, voir p. 3. WELTER (H.). — Essai sur l'Histoire du café, par Henri Welter. 1 vol. in-12 3 fr. 50 'i * i>H»H ' Il «1 TABLE ALPHABÉTIQUE. Abou'l Kasim Fwbovu, I« Livre de* Rois. Voy. Mohl 17 Abn 0-H)- Syllabaire allemand 17 Akcbitcs de Zoolock, par Lacaze-Duthier*. S, 9 AstiEK (Ad. d'). Es&ai de philosophie positive. 16 BALFOom. Embryologie. Voy. Poster .... 8 Bamier (E.). Voy. Darwin, Lubbock, Tylor, Vogt. Battakoii*. Moeurs des Fourmis. V. Lubbock. 10 BavvET (G.). La Rabbiata. Voy. Heyse ... 15 BtKAUD (P. -M.). Etude sur l'idée de Dieu. . . 16 BiKLErscu. Nouveau guide en Suisse 18 Bisliotheca americana vetustissima 18 BiiLioTuftouE des sciences contemporaines . . 3 Beemee (Frédirika). Hertha 15 Brrsson. Idées modernes 16 Best- Haetb. Scènes de la vie californienne. . 15 Brocà. Mémoires d'Anthropologie 9 — Revue d'Anthropologie 2 — Son portrait, gravé par Courtry 9 BaoucHTON (Miss). Comme une flein' .... 15 Beuhms (C). Nouveau manuel de logarithmes 17 Bevmit (P.). Civilisation primitive. V. Tylor. 13 Bucukee (L.). Conférences sur la théorie dar- winienne 7 — Force et Matière 7 — L'homme selon la science 7 — Lumière et Vie 7 — Vie psychique des bètes 7 BucBMEE (Alex). Etude sur lord Byron .... 15 Bulletin mensuel de la librairie 2, 17 BuLWE*. Essai sur Talleyrand 12 Camdolli (De). Sélection naturelle. Voy. Wal- Uce '> Caetailhac. Matériaux pour l'hist. de l'homme 2 Casse'.uakn (A.). Guide pour l'analyse de l'urine 9 CnrrEHAïKB de Voluire 15 Choix de nous'elles russes 15 Comme une fleur 15 CosTilAd.). Dieu et l'Ame 16 CouTANCE (A.). Lutte pour l'existence .... 9 — La Fonuine et la philosophie nat 9 Dallt. Leçons de physiologie. Voy. Huxley . 10 Dakbste (C.). Monstruosités 9 Daemestetee (J.). Origine et développement de la religion. Voy. Max MOUer 16 Daewin. Descendance de l'homme 5 — Expression des émotions 5 — Faculté motrice dans les plantes 5 — Fécondation des orchidées 5 — Fécondation croisée et directe 5 — Les différentes Formes des Fleurs 5 — Origine des espèces 5 — Les Plantes grimpantes 5 — Rôle des vers de terre 5 — Les Plantes insectivores 5 — Variation des animaux 5 — Voyage d'un naturaliste 5 DELTvr. Essai sur Machiavel 12 — Tragédies du foyer 15 Desoe et DE LoEioL. Echinides fossiles de la Suisse 10 Devaux. Etudes politiques 12 DicnoNKAiEE universel de la langue franfaise, par P. Poitevin 4 — technologique en 3 langues, par Tolhausen. 4 — de* termes d'Architecture , par D. Ramée. 18 Fmilia Wyndham. Voy. Marsh 15 Faueikl (C.). Histoire de la Poésie provençale. 17 FiscuEL. Constitution d'Angleterre 12 FosTEE et BatrouE. Embryologie 8 Feiedlamdee. Moeurs romaine* 19 Gautiee (L.). Analyse qualitative des sub- stances minérales. Voy. Staedeler Il — Analyse xoochimiijue. Voy. Gorup-Besanex 10 — Toxicologie chimique. Voy. Mohr 10 — Examen de» fibres textiles. V.Schlesinger. 11 GErraoT (A.). Hertha. Voy. Bremer 19 Gegeneau*. Anaiomie comparée 7 Geneh (P.). U Mort et le Diable 14 Gieaeo de Rialle. Mytholo|;ie comparée. . . 13 GiRONfts et V/ksselt. Dictionnaire anglais- espagnol 8 Golovime (Ivan). Mémoires d'un prêtre russe. 15 GoEDON. Plantes grimpantes. Voy. Darwin . . 5 Goeuf-Besanez. Analyse zoochimique .... 10 G»olou«(J.). Métamorphose des Insectes. Voy. Lubbock 9 GuBEENATis ( Angelo de). Mythologie de* plantes 13 GuTOT. Science économique 3, 13 Haeckel (E.). Histoire de la création naturelle 7 — Anthropogénie ' — Règne des Protistes 7 — Lettres d'un voyageur dans l'Inde 7 Haekisse. Bibliotheca americana 18 Heckel (Ed.). Fécondation croisée et directe. Voy. Darwin 5 — Les différentes Forme* des Fleur*. Voyer Darwin ^ Hbrzkn (Aiex.). Physiologie de l'Esprit. Voy. Maudslex 10 Heyse. La Rabbiata 15 Hot^BAU. Etudes sur les facultés menules des animaux 10 HovELAcauE. La Linguistique 3, 17 — et ViNSON. Etudes de Linguistique .... 17 Huxley. Leçons de Physiologie 10 iMrEBSSiONS de voyage d'un Russe 15 Insteuctions aux capitaines de la marine mar- chande 18 IsMARD (D' F.). Spiritualisme et Matérialisme. 10 jAcauoT. Conférences sur la théorie darwi- nienne. Voy. Buchner James (W.). Dictionnaire anglais-allemand . . — et Geassi. Dictionnaire anglais- iulien. . . — et MoLÈ. Dictionnaire anglais- français . . . Jeanjeam. L'homme et le* animaux 1 JoRissENNB (le D'). Nouveau signe de la grossesse 10 Kai.t»eumnee(D.). Aide-Mémoire du voyageur. 10 — Manuel du voyageur 10 Kékulé et Wallacu. Tableaux d'analyse chi- mique 1" — Tableaux d'Analyse qualitative 10 KoLBE (X.). Analyse qualitative des substance* minérales. Voy. Staedeler 11 KoBLLiKBR (A.). Embryologie 8 KRiBO(H.)Cours de sténographie internationale 18 Labartbb (P.). Les eaux minérales et les bain» de mer '0 Lacaze-Duthiees (H. de). Archive* de Zoologie 2, 9 — Embryologie. Voy. Koelliker 8 Lacroix, Conférences sociales 13 Lanessan (de). La Botanique 3 Lancb. Histoire du Matérialisme 15 Lefèveb (A.). La Philosophie 3, 10 — L'Homme & travers les iges 11 Leeic (le V»). Les Armes et le* outil* pré- historiques 11 — Grottes de Savigny H — et DE LuBAC. Sutions préhistorique* de la vallée du Rhône 1 * LEBMONTorr. Choix de nouvelle* ru**e*. ... 15 20 C. REINWALD, LIBRAIRE A PARIS. Lbtoumeàu (Ch.)- Anthropogénie. Voy. Haeckel 7 — La Bioloeie 3, 10 — Histoire de U Création. Voy, HaeckeL . . 7 — Physiologie des Passions 10 — Science et Matérialisme 10 — I^ Sociologie 3 LiBBiG (J. de). Sur un nouvel aliment 18 LivKE (le) de la Nature 8 LocELLA. Dictionnaire italien-allemand et alle- mand-italien. . 4 LuBBOCK (Sir J ohn). Insectes et Fleurs sauvages. 9 — Métamorphoses des Insectes 9 — Mœurs des Fourmis 10 Magnus (H.). Évolution du sens des Couleurs. 10 MaiGNE (}.). Traité de prononciation 17 MxNTEGAZza (P.). Une Journée à Madère . . 15 Marcou. De la science en France lU \Llrsu (Mrs.). Emilia Wyndham 15 Martin (E.). Histoire des monstres 10 Martins. Création naturelle. Voy. Haeckel . . 7 — Plantes insectivores. Voy. Darwin 5 Mary-Labom. Histoire littéraire du Midi de la FrancB'' 15 Matériaux pour l'histoire de l'Homme. ... 2 Maudslet (Henry). Physiologie de l'Esprit. . 10 Michel. Libre arbitre et liberté 16 MoHL (J.). Le Livre des Rois. ........ 17 — Vingt-sept ans d'histoire des études orien- Ules 17 MouR. Toxicologie chimique 10 MoLÉ (A.). Dictionnaire français-anglais. ... 4 MoLiNAii [G. de). L'Evolution économique. . 13 Moltke (De). Campagne des Russes 18 Monde (Le) terrestre, par Charles Vogel . . 2, 12 MoREAu DE JoNNÈs. Etat économique et social de la France 13 Mortillet (G. de). Matériaux pour l'histoire de l'homme. Voy. Matériaux 2 — Origine de la navigation 11 — Le Préhistorique 3, 14 — Si£;ne de la croix , • • • ^^ — (G. et A. de). Musée préhistorique. .... 14 MuLLER (Otto). Charlotte Ackermann 15 MuLLER (Max). Origine et développement de la religion 16 Musée préhistorique. Voy. Mortillet 14 Nerva (S. L.) Philosophie positive de l'histoire 16 NiLSSOM (Sven). Habitants de la Scandinavie. 14 NoLEN (D.) Histoire du Matérialisme. Voyez Lange 15 Perrot(G.). Essai sur Talleyrand. V. Bulwer 12 PiCHOT (Amédée). Scènes de la vie califor- nienne. Voy. Bret-Harte 15 Poitevin (P.). Dictionnaire de la tangue fran- çaise 4 PoMUBROL. Histoire du Matérialisme. Voyez Lange 15 PoMPERT (E. de). La Vie de Voltaire 15 PoRCHAT (J.J.). Charlotte Ackermann. Voy. MuUer 15 Pozzi (S.). Expression des Emotions. Voyez Darwin 5 PouscuiUNE. Choix de nouvelles russes. ... 15 Ramée. Dictionn. des termes d'Architecture. . 18 — Histoire de l'Architecture 18 RÉicuARDT. Guide pour l'analyse de l'eau ... II Reinwald. Bulletin mensuel 2, 17 RéROLLE. Fécond, des orchidées. Voy. Darwin. 5 Réville. Théodore Parker 13 REVt;E d'Anthropologie 2 RoBiQUET (P.). Histoire municipale de Paris. 11 RocHBPORT (le D'). Embryologie. Voy. Po- ster et Balfour 8 Rolland (C). Esprit et Matière 11 Rossi. Le Darwinisme 11 Ruelle. De la Vérité dans l'histoire du chris- tianisme 16 Salmon (R.). Dictionnaire paléoethiiologique. 11 Sander (E.-H.). Promenades de Paris au Rigi. 17 ScuELER. Livre de la nature. Voy. Schoedler . 8 ScuLESiNGER. Examen des fibres textiles. ... Il ScHLiEMANN. Ithaque. Le Péloponése. Troie. . 14 ScHMiD et WoLFRUM. Essai des Médicaments. 11 ScBMiDT. Le Danemark à l'exposition 1867. . 11 Schneider (A.). Embryologie. Voy. KoeUiker. S Schoedler. Livre de la Nature 8 SouRT (J.). Etudes histor. sur les religions. 16 Staedeler (G.}. Analyse qualitative des sub- stances minérales 11 Stracss. L'ancienne et la nouvelle Foi .... 16 — Voltaire. Six conférences 15 Strohl. Analyse de l'urine. Voy. Casselmann. 9 — Analyse de l'Eau. Voy. Reichardt Il — Essai des Médicaments. Voy. Schmld. ... 11 TiLiAKOFFSKi. Manuel de Fortification perma- nente 18 T1SCUEND0RF. Terre sainte 13 Toluausen. D,ictionnaire technologique . ... 4 TopiNARD. Anthropologie 3, 11 Ttlor. La Civilisation primitive 13 Véron (E.). L'Esthétique 3, 18 ViARDOT (L.). Libre Examen 16 ViNSON (J.). Etudes de Linguistique. Voyez Hovelacque 17 Vogel. La Constitution d'Angleterre. Voy. Fischel 13 — L'Europe orientale 12 — Mœurs romaines. Voy. Friedlaender .... 12 — Le Monde terrestre 2, 12 — Le Portugal et ses colonies 13 VoGT. Leçons sur l'Homme 6 — Leçons sur les Animaux utiles 6 — Lettres physiologiques 6 — La Provenance des Entozoaires 6 VoGT et YuNG. Anatomie comparée pratique. 6 Voltaire. Œuvres choisies.'Ed. du Centenaire. 15 Wallace. Sélection naturelle 5 Wallacu (O.). Tableaux d'analyse chimique. Voy. Kékulé. 10 — Tableaux d'Analyse qualitative. V. Kékulé. 10 Wbltbr (H.). Minéralogie et Géologie. Bota- nique et Zoologie. Voy. Livre de la Nature. 8 — Essai sur l'histoire du Café 18 Wesselt. Dictionnaire anglais-français .... 4 — Dictionnaire anglais-allemand 4 — Dictionnaire anglais-italien 4 — Dictionnaire français-allemand 4 — et GiRONÈs. Dictionnaire anglais-espagnol. 4 WiTT (De). La vie de deux côtés de l'Atlan- tique 15 WoLFRUU. Essai des Médicaments. Voyez Schmid II Pari». — Typographis Paul SCHinOT, rua Perronet, 5. I / I I