J.-B. DE PORTA LA mAGIE NATURELLE ou LES SECRETS ET MIRACLES DE LA NATURE Edition Conforme à celle de Rouen 1 1631) Q 155 H. DARAGON, Libraire-Editeur P814 1913 96-98, Rue Blanche, 96-98 c • 1 PARIS (IXe) GERSTEIN I^c^f iL 'TVv-vx LA MAGIE NATURELLE ou LES SECRETS ET MIRACLES DE LA NATURE J.-B. DE PORTA LA MAGIE NATURELLE ou LES SECRETS ET MIRACLES DE LA NATURE Edition Conforme à celle de Rouen (163 1) H. DARAQON, Libraire-Editeur 96-98,^Rue Blanche, 96-98 PARIS {IX«) INTRODUCTION Il y a plus de deux siècles et demi que la Magie Na- turelle de Giambatiista délia Porta n'a plus été pu- bliée en langue française et les rares exemplaires que Von parvient encore à en trouver de temps à autre, se vendent à des prix très élevés. Il nous a donc paru utile d'offrir à nos lecteurs une édition nouvelle de cette œuvre intéressante et curieuse, à un prix abordable pour tous. Giambatiista delta Porta naquit à Naples en 1540 eî y mourut en 1615. // fut élevé par un de ses oncles, homme fort instruit, qui avait remarqué sa rare et précoce intelligence. Il fit d'étonnants progrès dans les langues anciennes, les let- tres, la philosophie; dès l'âge de dix ans, il composai! des discours remarquables en italien, en grec et en latin. A quinze ans, il parlait le latin avec la même facilité ei la même élégance que sa langue maternelle. Giau Vineenzo delta Porta, son frère, partageait ses goûts ei son ardeur pour l'étude, et avec lui, Giambatiista ie passionna bientôt pour les sciences. Comme itjxppar- II INTRODUCTION tenait à une famille très aisée, il put, pour compléter ton instruction, parcourir la France, l' Italie, l'Espagne^ le Portugal, V Allemagne et V Angleterre, visitant par- tout les bibliothèques et les savants, amassant dans les musées, les laboratoires et les Universités des divers pays un fonds de connaissances énorme, qui devait plus tard justifier V immense réputation dont il jouit parmi ses contemporains. A une extrême curiosité, dit un de ses biographes, il joignait une vive imagination, beau- coup de hardiesse d'esprit, et à l'exemple de Cardan el d'Arnauld de Villeneuve qu'il prit pour maîtres, un penchant déclaré pour le merveilleux, ce qui le porta à s'attacher toujours de préférence aux choses bizarres el singulières, et à partager la confiance de ses contempo- rains dans les chimères de l'astrologie judiciaire. Tout ce qui était remarquable et curieux, bizarre e\ mystérieux, attirait invinciblement son esprit et il cher- chait des solutions positives aux problèmes qui, de sont temps, étaient réputés insolubles. Son érudition devint bientôt telle qu'avant l'âge de vingt ans, il avait déjà composé les trois premiers livres de sa Magie Naturelle. Il entretenait avec la plupart des savants de son époque, une correspondance suivie, écrite en un latin impeccable, rappelant les plus beaux modèles de l'antiquité. Lorsque, après plusieurs années de voyages et d'études à l'étranger, délia Porta revint à Naples, il prit une pari active à la fondation de l'Académie des Oziosi, où l'on n'admettait, contrairement au titre de la société, que les travailleurs les plus acharnés, puis, l'année sui- vante, fonda lui-même V Académie des Secreti, où Von INTRODUCTION IH n'était reçu qu'à la condition de s'être distingué par quel- que découverte scientifique. Le nom de cette dernière société fit croire que les mem- bres qui y étaient admis s'occupaient exclusivemeni d'arts magiques. Il n'en était rien, mais ce qui avait iuriout contribué à accréditer cette opinion, c'est que Giambaiiisia delta Porta, qui était le membre le plus en vue de cette Académie, y fit en effet des prédictions, dont quelques-unes, dit-on se réalisèrent. Dès que le bruit de ces prophéties réalisées se répandit dans le pays, on vit affluer chez lui une foule de gens qui de- mandaient à le consulter sur l'avenir et sur leurs chancet de succès dans le monde. Sur la dénonciation de quelques religieux qui pré- tendaient que delta Porta avait dit publiquement qu'il possédait la puissance de commander aux éléments et de lire dans l'avenir comme dans un livre ouvert, d'évoquer les morts et de disposer à volonté de la vie des hommes et des animaux, le savant fut mandé à Rome par le Pape Paul V pour venir s'y justifier. Delta Porta partit pour Rome, et n'eut point de peine à prouver aux autorités ecclésiastiques qu'il avait été grossièrement calomnié par des gens envieux de sa vaste science. Le Pape accueillit sa justification, mais ne lui permit pas cependant de rouvrir son Académie, qu'il avait fermée provisoirement lors de son départ pour la Ville éternelle. Pendant son séjour dans la cité des Papes, tous les savants de l'Académie dei Lincei le fêtèrent et l'admirent au nombre de leurs membres. De retour à Naples, delta Porta continua à te livrer iV INTRODUCTION avec ardeur à ses études favorites. Depuis un certain nombre d'années déjà, il avait réuni dans sa maison un riche cabinet de curiosités, que les savants étrangers venaient admirer, et où ils puisaient souvent les élé- ments de leurs propres investigations scientifiques. De même, il avait créé, dans le parc de la maison de cam- pagne qu'il possédait près de Adaptes, un véritable jardin botanique, où il cultivait surtout des arbres et des plantes exotiques. On a dit de lui, avec raison, que « plus qu'aucun autre savant de son temps, il répandit le goût des sciences na- turelles, auxquelles il rendit d'importants services. Il s'attacha le plus souvent à ramener à des lois générales les phénomènes alors inexpliqués et quelquefois à les ex- pliquer par des causes naturelles] il dénonça les ma- nœuvres d' alchimistes charlatans et porta ses investiga- tions sur de nombreux points de physique. On lui doit la découverte de la chambre obscure, ainsi qu'un grand nombre d'expériences d'optique très curieuses. Il a beau- coup écrit sur les miroirs planes, convexes, ardents, etc., et plusieurs auteurs lui attribuent même la première idée des télescopes. » Il y a malheureusement une ombre à ce tableau; delta Porta partageait les idées de ses contemporains et leurs superstitions sur l'aslrologie, la magie, la puissance des esprits, et ses ouvrages fournullent de puérilités, de bizarreries, de secrets ridicules, qui cependant ne doi- vent pas faire oublier les services très réels qu'il a rendus aux sciences physiques. Les ouvrages de delta Porta sont nombreux et variés; INTRODUCTION V voici la plupart d'entre eux, dans l'ordre chronologique de leur publication : Magiae Naturalis libri XX {Naples, 1589 in-folio), plein d'observations intéressantes sur une foule de sujets de botanique, de physique, etc., mais rempli aussi de puérilités ridicules. De furtivis litterarum notis [Naples, 1583, m-4°), Iraité de Vécrilure chiffrée, avec 180 procédés différents de cryptographie et les moyens de les multiplier indéfi- niment. Phytognomonica [Naples, 1583, in-folio), traité des propriétés des plantes et des moyens d'en découvrir les vertus par leur analogie avec les différentes parties du corps des animaux. De humana physiognomia libri IV [Naples, 1586, in-folio), ouvrage souvent réimprimé et traduit en fran- çais, en 1655, par Ruaull. Lavater a beaucoup puisé dans ce traité. Aux observations faites par Aristote Polémon, Adamantius, delta Porta a joint beaucoup de remarques curieuses faites par lui-même', après avoir constaté l'influence des affections de l'âme sur le corps, il traite des différentes parties du corps, indique les li- gnes qui décèlent le caractère des individus et s'attache à comparer les physionomies humaines à celles des ani- maux. Villae libri XII [Francfort, 1792, in-49), ouvrage / i 9 "^ dans le genre de la Maison Rustique et qui contient beaucoup d'observations intéressantes. De refractiono optices [Naples, 1593, zn-4°), iraité sur la réfraction el l'anatomie de l'œil. VI INTRODUCTION Pneumaticorum libri III {Naples, 1601, in-4°), traité sur les machines Jiydrauliques. De cœlesti physiognomonia [Naples, 1601, m-4°), traité dans lequel, tout en admettant l'influence des astres, il combat certaines aberrations de V astrologie judiciaire. Ars reminiscendi [Naples, 1602, in-4^), sur les moyens d'aider et de fortifier la mémoire. De distillationibus libri IX [Rome, 1603, in-4^), traité où Von trouve l'état exact de la chimie du temps de Porta. De aeris transmutationibus [Naples, 1609, in-A^), traité de météorologie où l'on trouve beaucoup d'idées saines. Sur la fin de sa vie, delta Porta revint vers la culture des leltres et composa des pièces de théâtre qui furent représentées avec succès. Chose presqu' incroyable, ce sa- vant pour ainsi dire universel, trouva encore le temps de composer quatorze comédies en prose, deux tragédies (Ulysse et George) et une tragi-comédie (Pénélope). Les comédies ont été réunies et publiées à Naples (1726) en 4 volumes in-12. LA MAGIE NATURELLE ou LES SECRETS ET LES MIRACLES DE L\ NATURE LIVRE PREMIER Chapitre Premier Qu'est-ce que la Magie naturelle ? Porphirius et Apulée, qui occupent un rang consi- dérable parmi les Platoniciens, affirment que la magie a pris son nom et est née en Perse, tandis que Suidas estime que son nom lui vient des Maguséens : car les gens de cette nation appellent mages ceux que les La- tins honorent du nom de Sages. Les Grecs les ont nom- més philosophes, les Indiens gymnosophistes, les Egyptiens les ont appelés prêtres, les cabalistes pro- phètes, les Babyloniens et Assyriens, Chaldéens et les habitants de la Gaule lyonnaise druides et bardes, qu'on appelait aussi autrefois Semnothes, et pour tout dire en un mot, la magie a reçu des noms divers dans les différentes nations. Nous verrons que plusieurs hommes ont lui, comme des astres flamboyants, grâce à cette science qu'ils ont portée à un haut degré de perfection, comme par exemple Zoroastre, fils d'Oro- LA MAGIE NATURELLE mase chez les Perses, Numa Pompilius chez les Ro- mains, Thespion chez les Indiens, Hermès chez les Egyptiens, Buda chez les Babyloniens et Abbaris chez les Hyperboréens. On divise la magie en deux parties, à savoir en une infâme, composée d'enchantements, d'esprits immondes, et née d'une curiosité mauvaise, que les Grecs, plus savants, appellent Goëtsia ou Theur- gia; c'est celle qui suscite les charmes et les fantômes ou illusions, qui disparaissent soudain, sans laisser la moindre trace. L'autre partie est la magie naturelle, que chacun révère ou honore, parce qu'il n'y a rien de plus élevé ni de plus agréable pour les amateurs des bonnes lettres, qui estiment qu'elle n'est autre chose que la philosophie naturelle, ou la suprême science. Cette magie, douée d'une considérable puis- sance, abonde en mystères cachés, et fait connaître les choses qui gisent au sein de la nature, avec leurs qualités et leurs propriétés : c'est le sommet de toute philosophie. Encore enseigne-t-elle que par l'aide des choses, par leur mutuelle et opportune application, elle fait des œuvres que le monde estime être des mira- cles, qui surpassent toute admiration, de même que toutes les facultés de l'entendement. C'est pourquoi elle florissait principalement aux Indes et dans l'Ethio- pie, contrées où se trouvaient quantité d'animaux, d'herbes, de pierres, et beaucoup d'autres choses qui convenaient à cet effet. Aussi je vous dirai à vous qui allez là pour voir ces merveilles : ne croyez pas que les effets de la magie naturelle soient autre chose que les œuvres de la nature : l'art est esclave de la nature et se met diligemment à son service. Aussi comme en agri- culture la même nature engendre les herbes, les plantes et les blés, ainsi l'art les prépare. C'est pourquoi Plot in LA MAGIE NATURELLE à a appelé à bon droit le mage le ministre de la nature, et non l'ouvrier ou l'artisan de celle-ci. Or, quel doit être son office, et combien il doit être au courant des scien- ces, nous nous proposons de le montrer au chapitre suivant. Chapitre Deuxième De l'institution du Magicien, et ce que doit être un professeur de Magie naturelle. Maintenant, il convient d'exposer ce que le Mage doit connaître et retenir, afin que, instruit de toutes choses, il puisse comprendre les secrets de la nature et ses admirables effets. C'est la partie active de la phi- losophie naturelle; or, je voudrais que celui qui doit être doué d'un si grand pouvoir, fût consommé en philosophie, en connût toutes les parties. Un tel personnage recherche les causes des commencements et les premiers éléments des choses, et expose aux yeux de tous les richesses merveilleuses qui en pro- viennent; il indique la liaison réciproque et la con- jonction des éléments, d'où provient la source des causes et d'où dérive leur fin ou leur mort. Il étudie la science des choses humaines, d'où procède l'émo- tion des flots de la mer irritée, d'où proviennent les aveugles mouvements qui frappent la terre, ceux des animaux, bêtes à quatre pattes, oiseaux voletant par les airs, animaux aquatiques, en somme de toute créa- ture qui a le bonheur de vivre. Il recherche aussi la nature des métaux, les lieux et les noms de ceux-ci. Il apparaîtra aux lecteurs que nous avons longuement et laborieusement travaillé toutes ces matières, car LA. MAGI :""\TURELLE il n'y a rien de plus malséant à un artisan, que d'igno- rer les instruments qu'il emploie. Je voudrais aussi que notre mage ne soit pas ignorant des choses de la médecine, car la magie est une science du même genre et est fort semblable à celle-là ; on croit du reste que c'est sous cette forme qu'elle s'est d'abord fait con- naître et qu'elle a attiré l'esprit humain. Elle est aussi d'un grand secours, car elle enseigne à composer les mixtures et à fixer les températures, ce qui se fait au grand bénéfice des humains. De là est dérivée la con- naissance des plantes, tant indigènes qu'étrangères, qui est d'une si grande utilité qu'on peut dire que tout dépend de là. Il convient davantage encore d'être au courant des disciplines mathématiques, car il y a beaucoup de choses qui opèrent par la puissance des astres et leur chaleur, par le fléchissement et le mou- vement infatigable des cieux, dispositions qu'enseigne l'astrologie, qui fait connaître également les propriétés et les vertus des choses cachées. La magie contient une puissance et faculté spécu- lative, qui appartient aux yeux et pour les tromper, elle suscite de loin des visions dans les eaux, et dans les miroirs façonnés en rond, concaves, étendus et di- versement fermés, toutes choses dont la plus grande partie de la magie naturelle dépend. Tout bien consi- déré, la magie a asservi tous les arts, de sorte que celui qui les ignorera doit être à bon droit forclos de l'hon- neur d'être mage; et il convient de ne reconnaître personne pour magicien, à moins qu'il ne connaisse ces disciplines et ces sciences. Que donc le magicien soit ouvrier par don de nature, et savant, car étant savant sans artifice, ou ignare artisan, si d'aventure il n'a du naturel, tant toutes ces choses sont conjointes, LA MAGIE NATURELLE O il adviendra qu'il travaillera en vain et ne jouira de ce qu'il désire. Or, il y en a qui sont si savants en ces choses qu'ils semblent être façonnés de Dieu même. Et je ne dis pas cela pour vouloir insinuer que l'art ne puisse livrer quelque chose, et que toutes choses bonnes ne puis- sent encore être faites meilleures. Qu'il considère donc avec des yeux perçants les choses qui se présentent à lui, et que les ayant vues, il mette soudainement la main à l'œuvre. J'ai voulu dire ceci, parce que si par ignorance, il s'égare, il ne nous pourra imputer ce vice, mais qu'il en accuse sa propre bêtise, car un tel défaut procède non de la noncha- lance de celui qui apprend, mais de l'imbécillité du professeur. Car si ces choses sont maniées par les mains de quelque personnage moins expert qu'il ne convient, il en adviendra cet inconvénient que moins on ajoutera de foi à la science, plus ou estimera fortuites les choses vraies, et cela arrivera de toute nécessité. Ainsi ajoutant les dettes actives aux passives, vous ferez des choses merveilleuses; et si vous en recher- chez de plus merveilleuses encore, et que vous désirez qu'on les estime telles, ôtez la connaissance de leur cause efficiente. Car celui qui connaît les choses, prise moins leur autorité, et ne les estime rares que pour autant que la cause lui en est cachée. Si quelqu'un a éteint sa lampe et qu'il l'approche de nouveau d'un mur ou d'une pierre et la rallume, il estimera que c'est là un cas merveilleux; mais il cessera de voir cette merveille, comme dit Galien, lorsqu'il viendra à re- garder le mur ou la pierre saupoudrée de soufre. Et l'Ephésien dit que le miracle s'arrête là où il apparaît être un miracle. Pour retourner à notre magicien, il 6 LA MAGIE NATURELLE convient qu'il soit riche, car nous pouvons difficile- ment travailler, si les richesses nous font défaut. Nous devons nous enrichir afin de philosopher et non pas philosopher pour nous enrichir. Qu'il n'épargne donc point la dépense, mais soit prodigue dans ses recher- ches, et pendant que curieusement il poursuit son cours commencé, quelque soit la difficulté qui se pré- sente, qu'il ne rechigne point au labeur, car les secrets de la nature ne se manifestent ni ne se dévoilent aux paresseux ni aux ignares. Epicharmus a parlé fort sage- ment, lorsqu'il a dit que les dieux vendent tout aux humains à prix de labeur. Et si l'effet ne répond pas à cette description, sachez que quelque chose est en défaut, car nous n'avons pas écrit ce bref discours pour les personnes rudes ou pour les apprentis, mais pour les ouvriers ingénieux et subtils. Chapitre Troisième Les opinions des anciens sur les causes des opérations merveilleuses. Les effets de la nature que nous admirons souvent, ont tellement enflammé les esprits des anciens philo- sophes sur la connaissance des causes qu'ils en ont écrit des merveilles souvent, mais que souvent aussi ils ont erré : avant de passer outre, nous trouvons qu'il est expédient de traiter des diverses opinions qui ont eu cours chez eux. Premièrement, pour commencer par les plus anciens, les Egyptiens, qui semblent avoir recherché les effets des cieux et avoir osé mesurer leur immensité, après qu'ils eurent établi leur demeure dans les plaines et les campagnes spacieuses, et voyant LA MAGIE NATURELLE 7 que rien n'apparaissait sur la terre qui pût empêcher la contemplation du ciel, et considérant les astres ra- dieux brillant d'une perpétuelle clarté, consacrèrent tout leur labeur et vouèrent toute leur sollicitude à connaître les influences des astres. Or, comme la recherche laborieuse des causes éton- nait fort ces gens, ils attribuèrent tout au ciel et aux étoiles et prétendirent que chacun tirait de là son des- tin, du commencement à la fin de son existence, ce qui produisait des effets merveilleux. De là est venu qu'au point de certaines heures, en un temps fixé d'avance, toutes choses ont été prépa- rées et arrêtées aussi : ne passant plus outre, ils se sont arrêtés en leurs opinions. Après eux, les autres philo- sophes ont affirmé que tout procédait des éléments, et en ont fait les commencements ou causes de tout, comme Hippase Métapontin, Heraclite, qui ont attri- bué cette prééminence au feu, et Diogène ApoUoniate et Anaximène qui ont déféré ce pouvoir à l'air. Tha- ïes de Milet a vanté l'eau, Hésiode la terre; mais Hip- pon et Critias ont assigné cette vivacité aux vapeurs sortant des éléments. Il s'en trouve d'autres qui n'ont craint d'attribuer cette excellence aux qualités, au nombre desquels on compte Parménide qui la donne au froid et au chaud : la plus grande partie des médecins ont établi les racines de ces merveilles de la victoire du froid et l'humide, du chaud et du sec, quand ils se trouvent rassemblés ; toutes les expériences qu'ils ont tentées ils soutiennent qu'elles sont faites avec ces éléments el ils sont d'avis qu'on peut trouver toutes les causes des choses dans ces éléments. Empédocle d'Agrigente a ajouté aux éléments — 8 LA MAGIE NATURELLE leur nombre n'étant pas suffisant — la concorde et la discorde, affirmant que l'une engendre les choses et que l'autre les corrompt. Zenon a fait des dieux de matière ; mais les plus récents philosophes, ayant con- sidéré cette matière, ont jugé que cela ne pouvait être soutenu, d'autant plus que souvent les choses con- traires en qualités opèrent de façon semblable, et de là ils ont conjecturé que, outre tous les éléments et toutes les qualités il devait y avoir quelque autre chose. Car Platon et Aristote qui ont atteint aux plus hauts sommets de la philosophie, ont, en recherchant plus loin, trouvé plusieurs autres choses, comme les vertus nées avec les formes substantielles, et d'autres encore, dont il sera parlé aux discours suivants. Chapitre Quatrième D'où procèdent les vertus des choses manifestes, et de celles qui sont cachées. Tous les anciens se sont occupés et ont obstinément débattu des vertus des choses découvertes et des choses cachées ; je n'ai pas jugé utile de les reprendre, attendu qu'elles ont été traitées abondamment par le commun précepteur de tous, le prince souverain des péripatéticiens. Or, maintenant, afin que toutes choses apparaissent plus clairement découvertes, il convient de se souve- nir de certaines choses dont nous recevons force et vertu; cela profitera grandement à trouver et à com- poser des choses nouvelles, et aidera aussi à ce que les studieux apprennent à séparer et à discerner, afin qu'ils ne troublent pas tout l'ordre du vrai. Et bien LA MAGIE NATURELLE que d'un même mélange découlent plusieurs effets fort divers, toutefois ceci est tenu pour résolu, à savoir qu'ils procèdent d'un seul commencement, comme on en verra plusieurs exemples au cours de notre discours. Et parce qu'il nous convient aussi de démontrer d'où elles sortent et dérivent, nous prendrons notre narration d'un peu haut : à la composition de toute substance naturelle. Or, j'appelle substance, ce qui a liaison de l'une et de l'autre : la matière et la forme, comme principes et commencements de tout, et ne rejetons pas les propriétés des qualités qui, dès l'ori- gine, étaient cachées dans les éléments ; ensemble elles accomplissent le nombre de trois. Lorsque les éléments mélangés forment quelque chose, ce qui est formé re- tient quelques qualités excellentes ; et bien que toutes s'assemblent pour la production des effets, on croit cependant que le tout provient des mouvements su- périeurs, vu qu'ils s'attribuent les vertus des autres qui restent : car s'ils se combattaient également, leur vertu demeurerait inconnue. Encore la matière n'est-elle aucunement vide des. forces et vertus; je ne parle pas de cette matière pre- mière et simple, mais de celle qui naît de la vertu et de la substance des éléments, et principalement des deux principaux, à savoir la terre et l'eau, qu'Aristote a coutume quelquefois d'appeler qualités secondes et effets corporels, et que nous appelons offices aux forces de la matière, soit encore que nous les appehons d'au- tres noms, comme le rare, l'épais, l'âpre, le léger, le dur, et le froissable ou aisé à fendre, toutes choses qui gisent au sein de la matière et qui néanmoins procè- dent toutes des éléments. Mais une telle vertu gît en la force de la forme qu'il 10 LA MAGIE NATURELLE n'y a {comme je crois) personne qui ne sache que tous les effets que nous voyons à l'œil nu ne soient premiè- rement engendrés par elle, et n'ait un divin commen- cement. J'estime que toutes choses se peuvent faire par la matière, et que rien ne se fait que par elle. Car si l'ouvrier en exécutant quelque statue, use du ciseau ou du burin, il n'en use pas seulement comme tels, mais s'en sert afin que plus aisément il expédie son ouvrage. C'est pourquoi, comme il y a en chaque chose trois causes efficientes, ne croyez pas qu'elles cessent ou qu'elles demeurent oisives, mais soyez sûr au con- traire que toutes fructifient, l'une toutefois plus lente- ment, et l'autre plus vigoureusement : mais sur toutes la forme travaille avec efficacité, fortifiant les autres parties, car si elle manquait ou faisait défaut, elle les rendrait vaines et elles seraient frustrées, comme non suffisantes à recevoir les dons célestes. Et bien que seule elle ne les puisse exprimer, que les autres sembla- blement ne manifestent les leurs : toutefois elles ne deviennent pas confuses, ni ne se diversifient, mais s'allient tellement entre elles qu'elles ont besoin d'une aide et d'une vertu réciproque. Celui qui par une curieuse recherche de la raison pourra connaître ces choses n'aura rien d'obscur dans l'esprit, et ne confondra pas la science et la vérité. De là ressort que cette vertu qui est appelée propriété de la chose, ne procède pas du tempérament, mais de la forme, comme la plus excellente de toutes, puis du suprême mouvement, et après de l'intelligence, et fi- nalement de Dieu même, de sorte que la même nais- sance qui est en la forme, apparaît dans les propriétés. Car, après que Dieu, comme dit Platon, eut par la di- vinité toute puissante et par mesure convenable, prc- LA MAGIE NATURELLE 11 mièrement créé les cieux, les astres et les mômes com- mencements des choses, il forma conséquemment les genres des animaux, des plantes, et les autres choses inanimées. Mais afin que ces dernières créatures ne fus- sent d'une même condition avec le ciel, ayant appelé les vertus et forces des cieux et des éléments, il les a assi- gnées par degrés et par une loi fatale a ordonné que les choses inférieures fussent assujetties et servissent aux supérieures : de sorte que par l'influence des astres, il a mis en chaque créature sa forme, pleine de vigueur et de vertu. Et afin que la procréation continue des choses ne faiblît point, il commanda que chacune eut à produire la semence nécessaire pour engendrer avec usure de nouvelles formes. Ainsi nécessairement vous jugerez que les formes divines sont descendues du ciel et constituent une cause très noble que Platon, prince des philosophes, appelle âme du monde et le souverain philosophe Aristote universelle nature, et Avicenne donneur de formes. Ce libéral donneur donne forme, non de chose caduque, mais la tirant de soi, et premièrement, il l'impartit aux intelligences et aux étoiles; puis il l'oc- troie aux éléments, comme instruments disposant la matière. Quel est donc le personnage si insensé ou si mal façonné par la nature qui, en présence de cette matière qui procède des éléments du ciel, des mtel- ligences et finalement de Dieu même, osera dire qu'il ne ressent rien de cette nature et ne sent rien de cette majesté divine, dont les œuvres sont si admirables qu'on ne peut rien former ni penser de plus.sublime? Nous avons négligé plusieurs arguments dans ce discours, parce que nous voulons plus amplement exposer les vertus de chaque chose en leur lieu et place. 12 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Cinquième Ce que c'est que les anneaux de Platon et la chaîne d'or d'Homère. Voilà donc la liaison des choses, leur ordre et leur disposition, servant à la Providence divine, et où l'on peut voir que toutes ces choses inférieures qui sont gouvernées premièrement et par ordre, procèdent de Dieu même et ne doivent qu'à lui leur vertu et leur efficacité. Car Dieu (comme dit Macrobe) qui est la cause première et principale des choses, et leur source même, par la fécondité de sa majesté a créé l'entende- ment, et celui-là l'aime, qui en partie développe la rai- son. Virgile, qui est de cet avis, appelle l'âme du monde entendement dans les vers suivants : L'esprit naît an deciaus, crailleurs renlendenient, Et parties infues fait admirablement Mouvoir cette grande masse, et vient à bref parler Avec cet ample corps sagement se mêler. L'homme étant ainsi établi au milieu de l'une et l'autre partie, est doué de raison, ce qui le fait exceller par dessus les autres animaux, lesquels, étant d'une na- ture inférieure à la sienne, ne font que croître et sentir. Toutefois, on dit que les arbres, qui n'ont ni sens ni raison, ne font que croître, et en cela, on estime qu'ils vivent. Le poète a exprimé cette idée dans les vers suivants : De là son être a jiris l'heureux genre des hommes Et animaux foulant le monde où nous sommes De là la vie aussi des volages oiseaux Et ces monstres hideux qui vivent dans les eaux. LA MAGIE NATURELLE 13 Vu donc que l'entendement procède de Dieu, et l'âme de l'entendement, lequel anime toutes choses qui s'en suivent, la plante, l'animal et l'homme for- ment comme une corde tendue par une liaison réci- proque et conliiiue, de sorte que la vertu supérieure, répandant ses rayons, en arrivera à ce point que si on touche une de ses extrémités, elle tremblera et fera mouvoir tout le reste. C'est pourquoi nous pourrons appeler cette liaison des anneaux ou une chaîne, comme qui dirait les anneaux de Platon et la chaîne d'or d'Homère. De ce poète excellent, voici à ce sujet quels sont les beaux vers : Et si voulez dès maintenant savoir Ce que je puis, je vous le ferai voir : Il vous convient une chaîne d'or prendre D'ici à terre, et tout vous en descendre Pour employer votre divin pouvoir A me tirer en bas et me mouvoir. Vous aurez beau travailler, votre peine Enfin sera une entreprise vaine : Mais si je veux au ciel vous élever, Je le ferai sans en rien me grever Et tirerai par une même charge Avecque vous la terre et la mer large. Après cela attacherai d'un bout La chaîne au ciel, et suspendrai le tout A cette fin que l'on connaisse mieux Que je suis chef des hommes et des Dieux. Par ce discours, on peut entendre que Dieu, créateur de toutes choses, par sa Providence a fait que les cho- ses inférieures soient gouvernées par les supérieures, et cela de par une loi nécessaire de la nature. Le mage, connaissant ces choses, marie le ciel avec la terre, et de là, comme ministre des merveilles, il tire et expose 14 LA MAGIE NATURELLE à l'œil nu les secrets cachés au seiu de la nature, et dévoile ce qu'il a reconnu être vrai, pour que tous les hommes, épris de la science de l'ouvrier, le louent et révèrent son omnipotence. Chapitre Sixième Des éléments et de leurs vertus. Jusqu'ici, nous avons traité de la naissance de la forme substantielle, et de l'ordre des choses. Mainte- nant nous allons nous efforcer de faire connaître les choses cachér'S et leurs propriétés diverses. Mais, pour ne pas troubler l'ordre de notre exposition, qui com- mence aux éléments, dont la nature a fait la semence première des choses, nous parviendrons peu à peu au reste que nous jugerons nécessaire d'être su et d'être connu en notre œuvre. Or, les semences de toutes choses sont les éléments, autrement dit les corps sim- ples, qui sont le commencement matériel des corps naturels, sujets à de continuels changements et à des agitations continuelles, et qui remplissent tout ce monde sublunaire. Car le feu, le plus léger et le plus pur de tous les corps, afin d'éviter la vue, s'est élevé et posé au sommet qu'on appelle ciel. L'élément le plus proche de celui-là est l'esprit, qu'on appelle air, un peu plus pesant que le feu et remplissant tout l'es- pace; il s'épaissit parfois en nuées et alors se résout en pluie. A ces éléments succède l'eau, et après l'eau, apparaît le dernier, nourri de la substance des autres, qu'on appelle terre, qui git étendue au-dessous de tout, spacieuse, impénétrable et très solide : de sorte qu'on ne peut rien toucher de solide, qui soit exempt LA MAGIE iNATURELLE 15 de matière terrestre, ni rien de vide, sans feu. Cette terre donc est environnée de tous les autres éléments et seule demeure immuable; car les autres sont por- tés ça et là par un tournoiement et un mouvement de circonférence. Toutefois chacun est enlacé comme par des bras et ils ont des qualités contraires. Mais la sage nature, par une mesure admirable et opportune, a composé l'architecture de cette machine. Car considérant qu'en chacun il y avait double qua- lité, et en certains une société aimable et assujettie au même joug, et, en d'autres des qualités discordantes elle a donné à chacun d'eux pour compagne l'une des deux qualités, à savoir celle à laquelle il adhère. Voilà donc comment on les allie, à savoir l'air avec le feu, car l'un est chaud, et l'autre sec et humide. Or, le sec et l'humide sont contraires; toutefois, par la chaleur, leur compagne, ils se joignent ensemble. Ainsi, la terre est froide et sèche, et l'eau froide et hu- mide, et toutefois, bien que ces deux éléments, par le sec et l'humide, ne s'accordent pas et soient contraires, ils sont cependant alliés, car autrement il leur serait difficile de s'accorder. Ainsi peu à peu le feu se con- vertit en air par la chaleur et l'air en eau par l'humidité, l'eau en terre par la froideur, et la terre se joint au feu par le sec : voilà donc comment ils procèdent. Et après, tout à rebours, ils se transforment de nouveau; l'un se fait réciproqeument de l'autre; tou- tefois le passage ou changement est facile quand il leur arrive de rencontrer une qualité commune, comme le feu et l'air par la chaleur, mais ceux qui sont oppo- sés par deux qualités contraires, comme le feu et l'eau, sont changés moins vite et plus difficilement. Que les prémisses que nous avons posées ici, soient donc con- 16 LA MAGIE NATURELLE sidérées comme les fondements de toutes choses, dont procèdent toutes les autres opérations. Chapitre Septième Des qualités des éléments, et de leurs opérations. Dans les quatre corps déjà décrits, il y a quatre qua- lités élémentaires, qui mutuellement passent l'une dans l'autre et par lesquelles toutes choses qui ont connaissance et sentiment, naissance et mort, com- mencement et fin, sont engendrées et périssent : à sa- voir la chaleur, le froid, l'humidité et la sécheresse. Ces qualités sont dites principales, vu que principale- ment elles dérivent des éléments, et que d'elles dépen- dent les effets seconds. Deux de ces qualités, à savoir la chaleur et la froideur, produisent des effets propres, alors que les deux autres, l'humidité et la sécheresse, sont conservées et transmises par les autres. Elles sont nommées secondes, comme servant aux premières, et sont dites opérer en second lieu, amollir, mûrir, ré- soudre, rendre plus tendre et déhé, comme quand la chaleur, travaillant quelque mélange, en tire la ma- tière impure et s'efforce à le rendre égal à son action : à ce qu'il se fasse plus simple, il devient tendre. Ainsi elle conserve le froid, l'épaissit et le congèle, épaissit le sec et le rend plus âpre. Cai alors qu'elle dévore l'hu- meur qui est en sa superficie, elle endurcit ce qu'elle ne peut dévorer, ce qui produit une âpreté en son des- sus. Ainsi l'humide augmenté corrompt et souvent par soi fait une chose et par accident une autre, comme de la constriction et expulsion. Encore produit-elle d'autres choses semblables aux premières, comme le LA MAGIE NATURELLE 17 lait, l'urine, les menstrues, et attire-t-elle la sueur, effets que les médecins appellent des qualités troi- sièmes, servant ainsi aux secondes, comme celles-ci servent aux premières. Et quelquefois elles opèrent en certains membres, elles renforcent la tête, ou forti- fient les reins, ce qu'on a appelé les qualités quatrièmes. De la procèdent diverses expériences, comme on pourra le voir en maint endroit de cet ouvrage; tou- tefois, avant de retracer l'histoire de ces expériences, il n'était pas hors de propos d'avoir traité de ce qui précède, afin que l'ouvrier instruit connût d'une manière complète et sûre les vertus de ces qualités et la méthode de travail à suivre. Chapitre Huitième Diverses propriétés fies choses cachées qui dérivent de la même forme. 11 y a plusieurs propriétés et vertus occultes des choses, non par la qualité des éléments, mais procédant de la forme, comme nous avons dit, et vu qu'elles dé- rivent de celles-ci, il s'ensuit qu'une matière petite produit un grand effet, et qui même est contraire à cette matière : toutefois, pour travailler plus promp- tement, elle requiert une matière plus abondante. Or, on appelle ces propriétés occultes et cachées, parce qu'on ne les peut connaître par des démonstrations. C'est pourquoi les sages anciens trouvèrent bon d'éta- blir une certaine borne ou limite, outre laquelle ils ne pourraient passer dans la recherche de la raison des choses : attendu que dans les secrets de la nature, il y a beaucoup de choses cachées, pleines d'énergie, dont LA MAGIE NATURELLE l'entendement humain ne peut scruter les causes, ni les comprendre. Car elles gisent ensevelies dans les arcanes de la nature, en une majesté cachée, ce qui fait qu'on doit les admirer plutôt que de les sonder. Théo- phraste, considérant cela, a sagement parlé lorsqu'il a dit : Qui cherche la raison de toutes choses, ôte la raison avec la science. Et Alexandre dit de son côté qu'il y a plusieurs choses dont on ne peut rendre rai- son, d'autant plus qu'elles dépassent totalement la mesure et la capacité de 1 entendement humain et sbht seulement connues du Dieu immortel, qui est père et auteur de toute chose. Car d'autant que ces choses surmontent la nature et la force des éléments, elles ne se peuvent enserrer ni comprendre en des dé- monstrations : c'est pourquoi s'émerveillant des choses trouvées par les philosophes, ils ont mieux aimé en laisser, la curiosité, que de s'efforcer d'en trouver la raison. Et non seulement émerveillés que cette divine grandeur ait créé tous les animaux et que ceux-ci diffè- rent en figure et en grandeur, mais épris de ce que se- lon la diversité de chaque espèce, Dieu a donné à cha- cun d'eux quelque propriété naïve et particulière, par laqyelle ils se distinguent et sont différents les uns des autres dans leurs mœurs et leur manière d'être, nous en proposerons plusieurs exemples qui peut-être se- ront agréables aux, lecteurs et qu'aucun bon esprit du reste ne dédaignera. Commençant donc, nous vous montrerons d'abord le taureau, farouche et furieux, qui attachjé .au figuier, est tout à coup dompté et de- vient, dc}|ix et, apprivoisé; et d'ailleurs, en lui oignant les i narines di' huile rosat, devenu tout étourdi, il se cpritournp.si souyeijit en rond qu'il tombe, ainsi que l'iaffirme Zoroastre, qui a écrit un traité des arrêts LA MAGIE NATURELLE 19 choisis des anciens, appelé Geoponica. Le coq aussi s'attendrit si on le pend à ce même arbre. Les vau- tours et escargots, au dire d'Aristote, meurent de l'o- deur des roses. Si vous tirez avec les mains la barbe d'une chèvre rangée dans un troupeau, tout ce trou- peau s'arrêtera, laissera là sa pâture, et toutes les chèvres seront étonnées et ne cesseront de s'émer- veiller, tant que celui qui a tiré cette barbe ne l'ait laissée. C'est Aristote qui le dit, bien que plusieurs auteurs ont dit sur ce point la même chose de l'herbe nommée Erijngium, lui attribuant aussi cet effet, mais ils ont été abusés, je le crois, par la conformité qu'a cette diction latine Arnucus, qui signifie barbe de chèvre, mais cette plante ne répond pas à l'expé- rience. Si l'hyène vient à regarder un homme ou un chien dormant, elle s'étend tout de son long auprès de lui, et si son corps dépasse celui du dormant en lon- gueur, elle le rend insensé, et afin qu'il ne lui puisse nuire ou tenir tête, elle lui ronge les mains ; mais si elle est de même longueur, prestement elle s'enfuit, comme raconte Nestor dans le discours de sa Panacée. Si une hyène furieuse vient au-devant de vous, gar- dez-vous bien de la recevoir du côté droit, car elle vous causera une si grande frayeur qu'il ne vous sera plus possible de lui résister. Mais si vous l'assaillez du flanc gauche, vous la rendrez impuissante et vous la tuerez facilement. L'ombre des hyènes rend les chiens muets et sans force pour aboyer; sachant cela, lorsqu'elles sont poursuivies, elles courent contre la lumière de l'astre du jour, et dans son ombre, battent de coups vigoureux les gueules des chiens qui les pourchassent. Le lion, travaillé par la fièvre, est guéri s'il dévore un singe. Les chèvres et les boucs sont venimeux pour 20 LA MAGIE NATURELLE l'agriculture, car certaines chèvres corrompent les oliviers plantés et les vignes, de sorte que ces plantes deviennent stériles. C'est pourquoi on a à bon droit immolé à Bacchus, inventeur du vignoble, le bouc, et la chèvre à Minerve, afin que par la perte de leur tête, ils fussent punis de leurs forfaits. L'olive plantée et cueillie de la main d'une pucelle, rendra ses fruits plus savoureux; mais si cela se fait par la main d'une paillarde, elle deviendra stérile. Le serpent (ou la vi- père) frappé d'un roseau, devient tout engourdi, et si vous le frappez de nouveau, reprenant ses esprits, il s'enfuit. Apulée en parle ainsi : « Si le serpent, se ca- chant dans une caverne, est saisi de la main gauche, il sera facilement tiré de là, mais si vous le prenez de la main droite, vous ne pourrez l'on arracher. » La vi- père est toute épouvantée si on jette un rameau de hêtre contre elle. Les fourmis, afin que les tas de fro- ment ne laissent choir leurs grains hors des épis, sont si adroites qu'elles en retirent la moelle. L'autruche, par une vertu secrète, digère le fer et le convertit en nourriture. Si vous mettez un cercle de serment au col d'un coq, vous l'empêcherez de chanter. L'étoile ma- rine a une telle puissance de digestion, qu'elle dévo- rera les couches ou coquilles et étoiles entières et les brisera. Il y a un petit poisson appelé en grec Etheneis, et que les Latins appellent remova ou remiligo, petit à merveille et qui, attaché au gouvernail des navires, bien que ceux-ci soient poussés par un vent favorable et naviguant à leur gré, peut par un frein robuste les retenir et les arrêter. Ce petit et puissant animal, soit que les vents soufflent en tempête, que les vagues s'élè- vent et que les orages grondent, apaise toutes les forces LA MAGIE NATURELL8 21 des nerfs et les rend immobiles, comme si elles étaient liées et retenues par des ancres. La torpille a une telle vigueur d'engourdissement que, prise de loin, en touchant l'hameçon, la soie, le roseau, ou le bâton de la ligne du pêcheur, elle engour- dira et amortira les membres de celui-ci, et usant de la même violence envers tous les poissons qu'elle désire, quelque légers qu'ils soient, elle les engourdit si lour- dement qu'elle s'en repaît à volonté. Elle a encore une autre vertu : si vous l'appliquez sur la tête, elle en apaisera les douleurs; cela est confirmé par l'ex- périence de Platon, d'Aristote, de Galien et le témoi- gnage d'Œlian. Le lièvre marin provoque à vomir tous ceux qui le regardent et incommode les femmes prêtes à accoucher, arrivant même à les faire avorter. Il n'y a pas en mer d'animal plus exécrable et plus pernicieux que la pastinaca, dont l'aiguillon est si puissant, que si vous le poussez dans un arbre ver- doyant et vigoureux, il le tuera sur le coup. Le laurier et le figuier ne sont jamais frappés de la foudre du ciel, pas plus que le derrière du veau marin, la peau de l'hyène et la vigne blanche. C'est pourquoi les marins garnissent les voiles de leurs navires de ces choses, afin que, foudroyées par l'injure du ciel, elles ne brûlent et ne soient consumées. C'est aussi de ces choses qu'Octave se fortifiait pour se garantir contre les violences de la foudre. Tibère César avait coutume de prendre, pour éviter la foudre, comme défenseur le laurier, et s'en entourait la tête; les empereurs ont aussi employé ce moyen dans le même but. Car ces plantes n'échappent pas seulement à la violence de la foudre, elles sont aussi douées d'une nature si puissante qu'elles peuvent re- 22 LA MAGIE NATURELLE pousser l'injure d'un adversaire : c'est pourquoi Tar- con jadis environna sa maison de vigne blanche. Le corps qui est frappé et tué par la foudre, demeure sans être corrompu, c'est pourquoi les anciens ont mis peu de soin à brûler les corps foudroyés. D'ail- leurs, ils ne les couvraient pas davantage de terre, parce qu'ils ne sentaient pas de corruption et qu'ils étaient exempts de pourriture. Aussi c'est à bon droit que nous estimons qu'on a bien fait de blâmer les poètes qui ont écrit que l'audacieux Phaéton, charron des chevaux célestes, frappé de la foudre, est allé pour- rir dans les vallées. Ceci est également merveilleux, c'est que par le re- gard d'un petit oiseau appelé rupex, un homme entaché de vérole recouvre la santé. La force de la Lysimachia est si grande que, posée au joug des bœufs hargneux, elle ne tarde pas à réfréner leur pétulance. La buglose mise dans le vin augmente la liesse et la volupté de l'esprit, et a acquis un tel degré d'excellence qu'on l'ap- pelle euphionona. Le balisic, ainsi que l'affirme Theo- phraste, agacé par les injures et les violences, croît et s'allonge, et plus on le provoque, plus il grandit. Perse y a peut-être fait allusion dans les vers suivants : Ayant du serf fêtard dit mainte injure étrange Dont l'oisif basilic autrement ne s'arrange. Encore est-il certain que si on blesse la rue, elle croit davantage, et que celle qui gît en cachette croît mieux, comme l'ont soutenu les anciens. Il en est de même du persil, quand on le foule lourdement des pieds. Le diamant indien résiste à toute épreuve, tant il est dur, mais s'il est arrosé de sang de bouc, il de- vient mou et aisé à rompre. De toutes les humeurs, LA MAGIE NATURELLE 23 la rhubarbe purge la colère seulement, la teigne de thym la mélancolie, et l'agaric le flegme. Les remèdes qui ont été trouvés par les soins des médecins, pour la guérison des animaux malades, ne sont pas moins inté- ressants. En leur appliquant certaines herbes qui pro- voquent le vomissement, ils purgent le ventre du chien; l'ibis égyptien opère de la même manière. Les chèvres de Candie, blessées par des flèches fichées dans-feïïfs cuisses, vont chercher le dictam et en man- geant cette herbe, font sortir ces flèches de leur corps. Les oiseaux de mer, ayant leurs becs ulcérés, man- gent de la sariette pour se guérir. Quand la tortue, ayant mangé un serpent, devient malade, elle prend de l'origan et recouvre la santé. Après que les ours ont savouré les pommes de la man- dragore, de peur que le malaise occasionné par là n'augmente et qu'ils n'en meurent, ils vont au-devant et mangent des fourmis, ce qui les rend de nouveau sains et saufs. De même que si le cerf s'aperçoit qu'il a mangé quelque herbe vénéneuse, il se purge aussitôt en prenant une herbe qu'on appelle artichaut. Quand un éléphant a dévoré un caméléon qui s'ar- rête sous les feuilles des arbres et qui, par sa couleur, a trompé l'animal, celui-ci, reconnaissant son erreur, y remédie en broutant les feuilles de l'olivier sauvage. Les panthères qui ont mangé le venin répandu par les chasseurs sur des morceaux de chair, pour les suffo- quer, cherchent la fiente humaine qui remédie à leur malaise et les guérit. La palumbe, le geai, le merle, guérissent leurs infirmités à l'aide de feuilles de laurier. Les colombes et les coqs se nourrissant de la parié- taire, fournissent du guano à l'agriculture. Les hiron- delles ont montré suffisamment que l'éclair est salu- 24 LA MAGIE NATURELLE taire à la vue, parce que c'est ainsi qu'ils guérissent les petits, dont les yeux souffrent d'un mal quelcon- que. Certains animaux se transforment en une autre espèce. Ainsi la chenille, ayant pris des ailes, devient papillon. Les chenilles qui naissent dans les figuiers deviennent des cantharides. Le serpent d'eau, après que les étangs ou marais sont desséchés, devient ser- pent parfait. Il y a d'autres transmutations en cer- taines saisons, comme par exemple l'épervier ou le faucon, la huppe, l'éritacus et le phœnicuturus qui muent alors leur plumage. Le bec-figue et l'atripala que les Grecs appellent melancoriphos se transfor- ment réciproquement l'un dans l'autre, de sorte que celui qui aura été bec-figue en été deviendra atripala au temps de la vendange. Ainsi le froment se change eu ivraie et d'ivraie de nouveau il devient froment, et semé, il se transforme en avoine. Si on sème souvent le basilic, ainsi que l'affirme Martial, il deviendra cresson ou menthe aquatique. Aussi, par le témoignage du père Galien, il appert de cette métamorphose natu- relle, — car ayant semé du froment tiré d'une part, et de l'orge bien net, de l'autre, afin qu'il connût cer- tainement l'expérience faite par d'autres, — qu'il trouva de l'ivraie dans le froment, mais bien peu dans l'orge. Cet auteur raconte encore bien d'autres choses, mais il nous suffira d'avoir donné les exemples qui précèdent, pour illustrer le sujet qui nous occupe. LA MAGIR NATURELLE 25 Chapitre Neuvième De la sympathie ou de l'antipathie, à savoir convenance ou désaccord : comme par eux on peut éprouver et trouver les vertus des choses. Ainsi il y a dans les animaux, dans les végétaux et généralement dans toutes les espèces aux propriétés occultes une même passion que les Grecs appellent sympathie et antipathie, et nous plus communément convenance et désaccord. Car certaines de ces choses s'allient et s'enlacent sympathiquement, d'autres au contraire sont en désaccord et antipathiques l'une à l'autre, sans qu'on puisse trouver la raison véritable de cette sympathie ou de cette antipathie. Et cette raison existe pourtant, car la nature n'a formé aucune chose sans lui donner son créateur, et il n'y a rien dans les choses cachées de la nature qui n'ait une secrète et particulière propriété. Empédocle, épris des merveilles qu'il voyait sous ses yeux, affirme que toutes choses se faisaient par noise et concorde, et se dissipaient de même; il ajoute que ces deux con- traires étaient la semence ou la source de tout, qu'ils se trouvaient dans les éléments par quahtés discor- dantes et accordantes, comme nous l'avons exposé ci-dessus. Il continue en disant que la même chose se trouve dans les astres du ciel, alléguant pour exemple que Jupiter et Vénus aiment toutes les autres pla- nètes, excepté Mars et Saturne. Voici du reste com- ment Marilius s'exprime sur ce sujet : 26 LA MAGIE NATURELLE Aussi par propres lois les astres éthérés Ont convenance entre eux et sont énamourés, Voire et heureusement l'un envers l'autre exerce De mainte et mainte chose et trafic et commerce. Ces choses se peuvent voir encore plus clairement dans les livres des astrologues, mais elles paraissent avec plus d'évidence encore dans les animaux. Par exemple, je citerai l'homme et le serpent, qui se haïs- sent d'une haine irréconciliable : de sorte que l'homme, ayant vu le serpent, soudain s'épouvante, et cet ani- mal pernicieux, se présentant devant une femme en- ceinte, la fait avorter, et perd son fruit. La salive de l'homme jeune a également un grand pouvoir, car elle tue les scorpions. Le crocodile du Nil et la panthère sont des animaux très cruels et très dangereux pour l'homme, car le premier, l'alléchant par des larmes feintes, le dévore incontinent, et l'autre lui cause une épouvante mortelle. Le rat d'Inde est pernicieux pour le crocodile, car la nature le lui a donné pour ennemi, de sorte que lorsque ce violent animal s'égaie au soleil, il lui dresse des embûches dont il meurt. Car s'aperce- vant que le crocodile dort la gueule ouverte, décou- vrant ainsi un gouffre monstrueux, le rat entre par là et se coule par le large gosier dans le ventre de la bête. Il ronge ses entrailles et sort enfin par le ventre de l'a- nimal mort. Toutefois cet animal ne s'accorde pas avec l'araignée, et combattant souvent contre l'aspic, il meurt. Le regard du loup est aussi très nuisible à l'homme; si c'est lui qui le regarde le premier, il lui enlève la voix, si bien que s'il désire même crier, il ne le peut plus, car il est soudain privé de l'usage de la parole. Mais si le loup se sent observé, il se tait, sa cruauté se ralentit et il perd beaucoup de ses forces : LA MAGIE NATURELLE 27 d'où est venu le proverbe que Platon a énoncé dans Le loup est en la fable. Si le loup mord un cheval, c'est chose sûre qu'il sera merveilleusement léger et dispos à la course; mais si par sa chute il foule la trace du loup, il sera tout épouvanté et ses jambes deviendront toutes engourdies, comme l'assure Pamphile. Le loup éprouve une haine mortelle pour la brebis, qui le craint et le redoute tellement que si de la peau ou toison de la brebis tuée par le loup et filée, on fait des accoutrements, ils engendreront plutôt des poux que les autres. Les chairs aussi des brebis qui ont senti la dent du loup, deviennent plus tendres et plus savou- reuses. La queue et la tête du loup pendue dans l'éta- ble aux brebis, les consume de regret et de tristesse, de sorte que laissant le soin de la pâture, elles implorent aide et secours par leurs pitoyables bêlements. Le chien est l'ennemi du loup comme il est l'ami de l'hom- me; et celui-ci est aussi aimé du cheval. Mais ce der- nier a pour ennemis les griffons et les ours. La musaraigne ou musette ne s'accorde pas avec le crapaud et le serpent; c'est à tel point que sitôt qu'elle peut apercevoir son ennemi, elle se dépouille de sa toile et va lui planter son aiguillon au milieu du front et par ce moyen cause sa mort. Le lion surpasse tous les animaux en générosité, et il effraie toutes les au- tres bêtes. Mais il s'épouvante au seul chant du coq, principalement s'il est blanc, et sa crête aussi lui ins- pire de la terreur. Le singe a horreur de la tortue ; quand il la voit, il s'enfuit en poussant des cris sauva- ges. L'éléphant qui est le plus grand des animaux ter- restres, éprouve une crainte extrême en entendant la truie pousser des grognements. Il est aussi en conti- nuelle lutte contre le dragon. 28 LA MAGIE NATURELLE Le coq ne se soucie guère de l'éléphant et ne le re- doute point; il méprise cette grande et lourde masse, mais il craint le milan. Lorsque l'éléphant est trans- porté de fureur et de cruauté, s'il aperçoit un mouton, il s'adoucit sur le champ, et son impétuosité cesse im- médiatement. Par cette ruse, les Romains ont mis en fuite les éléphants de Pyrrhus, roi des Epirotes, et ont remporté sur lui une victoire éclatante. La linotte haït l'âne et se bat étrangement avec lui ; ainsi, quand l'âne s'approche des arbrisseaux et des buissons pour se gratter, et qu'en se frottant contre les branches, il dé- truit les nids des oiseaux, de peur qu'il n'en fasse tom- ber les œufs ou les petits, la linotte vient à leur se- cours et piquotte de son bec la partie molle des narines de l'animal. L'épervier est le plus grand ennemi des colombes, mais elles sont protégées par la cresserelle, dont la voix et le regard effraient l'épervier; aussi elles ne s'éloignent guère de la cresserelle, en laquelle elles ont toute confiance. La corneille et le chat-huant sont en guerre perpétuelle ; ils épient les nids l'un de l'autre et mangent les petits qu'ils y trouvent. Le chat- huant opère la nuit, mais la corneille travaille de jour et a plus de force que son ennemi. La belette est l'en- nemie de la corneille, et le milan ne supporte pas la présence du corbeau. La force du milan réside surtout dans ses ongles qui sont très durs. Le pivert-rouge n'aime ni le héron ni le bruant, le corbeau hait le vautour, la guêpe est l'ennemie acharnée du cheval et de lâne. Quand l'âne dort dans son étable, la guêpe entre dans ses narines et à son réveil, l'empêche de manger. Le héron fait la guerre à l'aigle, l'alouette au renard. Contre l'aigle un épervier volant de nuit, nommé cibidus, guerroie LA MAGIE NATURELLE 29 rageusement; acharnés à leur perdition, ils s'enirc-tuent. Les animaux aquatiques se font aussi une guerre continuelle; le congre et la lamproie, par exemple, se mangent réciproquement la queue. Les langoustes ont en horreur les poulpes, qui les enlacent de leurs tenta- cules puissants et les étouffent. Il y a aussi dans la mer un vermisseau, nommé Oslrum, semblable au scorpion, de la grandeur d'une araignée, lequel avec son ai- guillon pénètre sous les nageoires des poissons nommés Thinnis et les presse de telle façon que, saisis de dou- leur et de rage, ils sautent sur les navires qui font voile dans leurs parages. Le chou et la vigne sont pernicieux l'un à l'autre, car bien que la vigne, par ses tendrons tordus, ait cou- tume d'enlacer toutes choses, néanmoins elle fuit le chou, et la répugnance qu'elle a pour ce végétal est telle que, sentant le chou près d'elle, elle se retourne, comme si quelqu'un l'avait avertie que son ennemi est dans son voisinage. Et ceci aussi est digne de re- marque : pendant que le chou cuit, si vous mettez un peu de vin dans le récipient où se fait la cuisson, le chou n'arrivera pas à cuire à point et ne conservera pas sa couleur. La vigne ne souffre pas non plus le laurier, parce que par son odeur, elle empire sa condi- tion. L'ellébore et la ciguë sont, comme on sait, dan- gereux pour l'homme; toutefois c'est chose notoire que les cailles mangent l'un et les étourneaux l'autre, ce que le poète Lucrèce a très bien exprimé dans ces vers : Il est aisé à voir mainte caille barbue S'engraisser maintes fois de Tamère ciguë Combien qu'à l'homme, né pour regarder les cieux Elle soit un poison âpre et pernicieux. 30 LA MAGIE NATURELLE Et ailleurs, le même poète dit : Et encore d'ailleurs, l'ellébore malin A nous humains appert dommageable venin Mais la graisse il augmente aux chèvres fort actives Et l'accroît mêmement en ces cailles lascives. La férule est une très agréable pâture pour l'âne, mais elle est un poison cruel pour les autres bêtes, qu'elle tue promptement; c'est pourquoi cet animal est voué à Bacchus, de même que la férule. Si le scor- pion rampe au pied de l'aconit, il en est tout épouvanté et s'engourdit aussitôt. Il y a une herbe nommée ceras- tis dont la vertu est telle, que si vous maniez entre vos mains sa graine, le scorpion ne pourra vous faire au- cun mal, mais vous pourrez au contraire l'écrabouiller tout à votre aise. Les chats ne toucheront pas aux oi- seaux qui auront sous leurs ailes des graines de rue sauvage. La belette qui veut se battre avec un serpent, se fortifie aussi en s'armant de cette plante. Le lion foulant les rameaux ou les feuilles de l'yeuse, devient tout à coup très craintif. Si le loup touche un oignon, il perd sa force, ce qui fait que les renards ont coutume d'en couvrir et d'en murer leurs gîtes. Les feuilles du platane chassent les chauve-souris, c'est pourquoi les cigognes en remplissent leurs nids, pour se préserver de leurs attaques. Les oiseaux qu'on nomme harpae se munissent de lierre, les corneilles, de verveine; la grive de myrte, la perdrix, de canne; le héron de carni, l'alouette de la dent-de-chien, ce qui a donné lieu à ce vers : Au lustre gracieux de l'herbe dent-de-chien L'alouette bâtit son gîte et repos sien. LA MAGIE NATURELLE 31 Les cygnes voulant faire éclore leurs petits, appor- tent du vitex, ou agnus caslus dans leurs nids. Mais si nous avons raconté les choses contraires ou nuisibles, combien trouverons-nous plus merveilleuses celles qui sont agréables et bienfaisantes? Si j'ai dit que le ser- pent est l'ennemi de l'homme, je noterai par contre que le lézard l'aime et le chérit même, et que sa vue le réjouit. D'ailleurs, quel animal est plus ami de l'homme que le chien, qui le caresse jusques à lé- cher sa salive ? Et parmi les animaux aquatiques, qu'y a-t-il de plus aimable que le dauphin : il l'est même tellement qu'à bon droit on l'a appelé philan- thropos, et c'est chose notoire, au dire d'Appion, qu'il est sujet à l'amour. Ainsi que le raconte Théophraste, on a connu des dauphins éperdûment amoureux, tel- lement que voyant de jolis petits enfants naviguer le long du rivage dans des barquettes, ils en ont été soudain épris. Le renard vit en bonne intelligence avec le serpent; les paons aiment les colombes; les merles, les grives et les perroquets sont vite épris d'amour pour les tourterelles. Ovide en parle ainsi dans les vers suivants : Du verd oyseau, c'est chose bien notoire, Fort chérie est la tourterelle noire. Les corneilles aiment les hérons et s'entr'aident con- tre l'insolence des renards, leur ennemi commun. Il y a la même familiarité et la même entr'aide entre les poissons qui vivent en troupes. Il y a par exemple une réelle amitié entre la baleine et un petit poisson de la grandeur du goujon, que volontairement elle laissera ce petit animal nager devant elle pour lui servir de 32 LA MAGIE NATURELLE guide, et elle le suivra comme celui à qui elle devra la sécurité de sa vie; et quand il se repose, elle se repose, et quand il reprend sa course, elle fait de même et s'asservit entièrement à lui. Aussi, parmi les plantes, les vignes aiment les ormeaux et les peupliers, tant et si bien qu'elles croissent magnifiquement au- près d'eux, car, mariées ensemble, elles épandent leurs tendrons, montent mignonnement et embrassent de leurs liens les rameaux de ces arbres, de sorte qu'ils ne peuvent plus s'en détacher, ce qui n'est pas le cas pour d'autres arbres. Les palmiers se chérissent d'un amour véhément; ils languissent l'un pour l'autre et sont tel- lement chatouillés du désir amoureux, que s'abaissant, ils inclinent leurs perruques ensemble et s'entr' entor- tillent par un aimable et doux attachement. Et si, entés l'un près de l'autre, ils sont enlacés d'un nœud de corde, ils s'embrasseront par un attouchement réciproque et jouiront des doux présents de Vénus, de sorte que joyeusement ils élèveront la ramée de leurs têtes gracieuses. A cette folie les laboureurs apportent un remède, que nous rapporterons plus tard, remède à l'aide duquel cet amour forcené s'éteint, et l'arbre dès lors est rendu fructueux. Leontius parle aussi de l'ardent désir de ces plantes et il s'appuie sur ce qu'en ont dit les anciens. Le désir vénérien, dit-il, est si grand et si vif dans la palme, qu'elle ne donnera relâche à son amoureux désir que le mâle aimé ne Tait consolée. Si on ne remédie à son mal d'amonr, elle meurt, ce qui n'est pas ignoré de l'expert agriculteur. Aussi, pourvu du remède qu'il lui faut, afin qu'il puisse connaître celui auquel elle a le désir de se joindre par le mariage, il va chercher tous les palmiers qui sont autour de la languissante palme, et ayant touché l'un, LA MAGIE NATURELLE 33 il apporte sa main à l'amante passionnée, et des au- tres, il en fait de même; et lorsqu'il sent que ses mains sont frottées comme d'un baiser, alors il reconnaît que la palme annonce que son désir est assouvi et elle fait branler sa mignonne et gracieuse perruque. Alors le prudent laboureur va arracher des fleurs du tronc du mâle et en couronne la tête de l'amante qui, par ce moyen chargée du présent de son amoureux, porte des fruits, et réjouie de ce gage d'amour, se rend féconde. Le fruit ne peut durer en la palme femelle si on ne ré- pand pas des feuilles du mari avec de la poudre sur elle. L'amour aussi est grand entre l'olivier et le myrte, ainsi que le rapporte Androcius, les vergettes de celui- ci rampent sur l'olivier et leurs racines, s'entremêlant, s'entortillent mutuellement. Aussi ne plante-t-on au- cun autre arbre auprès de l'olivier, sinon le myrte; du reste, il est l'ennemi du figuier et même de tout autre arbre. Le myrte aime aussi le voisinage du gre- nadier, car s'ils sont plantés l'un à côté de l'autre, ils en deviendront plus féconds et plus fertiles. Si le gre- nadier est enté sur le myrte, il donnera beaucoup plus de pommes. C'est Didymus qui l'assure. Il y a aussi plusieurs autres arbres qui deviennent stériles, si près d'eux on ne plante un pieu ou que le mâle ne soit tout près d'eux. Le jeton de l'olivier sauvage ôte la stérilité de l'olivier domestique, ainsi que l'expriment ces vers : L.e sauvage olivier, fécondité naïve, Octroie heureusement à cette grasse olive Et enseigne à donner d'une largesse extrême Les dons lesquels porter il ne peut pas lui-même. lintre les roses et les lys il y a une secrète sympa- 34 LA MAGIE NATURELLE thie, en sorte que naissant les uns près des autres, ils s'entr'aident, et les lys et les roses en produisent des fleurs plus suaves et plus odoriférantes. Là où on plante la squille, toutes autres plantes viendront heureuse- ment, comme toutes sortes d'herbes potagères seront favorablement aidées dans leur accroissement, si on sème près d'elles de la roquette. Les concombres ai- ment autant l'eau qu'elles ont une aversion prononcée pour l'huile. La rue ne sera jamais aussi belle que sous l'ombre du figuier ou même entée dans l'écorce de celui-ci. Le chat se réjouit de la présence de la ver- veine, parce que cette plante fortifie ses yeux. Je crois que je peux clore ici ce chapitre, car m'est avis que nous vous avons amusé, ami lecteur, plus qu'il n'é- tait convenable. Chapitre Dixième Des vertus des choses, qui sont dans les animaux tandis qu'ils vivent. Nous pouvons considérer et voir plusieurs beaux et excellents offices, qui opèrent seulement pendant la vie, et s'évanouissent après le trépas ou gardent très rarement quelques-uns de leurs effets. Les yeux du loup hument la voix, le serpent nommé catoblepas et le basilic soudain ôtent la vie, l'echeneis, que les Latins appellent rémora arrête le cours impétueux des navires et l'autruche digère le fer. Mais quand ces ani- maux sont morts, ils n'ont plus ce pouvoir, car lorsque la vie s'évanouit et vient à manquer, cette vertu dis- paraît de même. C'est pourquoi dans les préceptes de la magie naturelle, j'estime que si l'on veut avoir quel- LA MAGIE NATURELLE 35 que chose dos animaux, il le leur faut prendre tandis qu'ils vivent, et ce sera encore meilleur, si c'est pos- sible, s'ils demeurent en vie après, car si l'animal ex- pire, toute vertu expire avec lui. Car l'âme, comme dit Albert, aide beaucoup dans les choses qui naissent chez les animaux; mais le trépas ou la corruption les pervertit, et surtout les humeurs naturelles meurent avec les corrompues, au moyen de quoi on peut se persuader que les parties vives travaillent plus vigou- reusement et ont des vertus plus efficaces. Les méde- cins sont tous d'accord à ce sujet. Chapitre Onzième Qu'après la mort, il reste encore quelques vertus dans les corps décédés. On peut remarquer qu'il existe encore une certaine efficacité ou vertu dans les choses privées de vie : certaines propriétés ne cessent en effet d'opérer, voire même avec plus de force. Les loups sont des ennemis si acharnés et si mortels des brebis qu'ils se font re- douter encore après leur mort. Car si vous battez un tambourin de la peau d'un loup, et que près de lui soient d'autres tembourins couverts de peaux de mou- ton, lui seul les fera taire, ou bien, selon quelques au- tres auteurs, les peaux des autres tambourins se rom- pront. Le tambour monté de la peau d'un ours ou d'un loup, et battu, chasse et fait fuir au loin les che- vaux. Si de tous les boyaux de ces animaux on façonne des cordes, et qu'on en monte un luth, elles rendront un bruit fâcheux et il n'en sortira aucun son harmo- nieux. L'hyène et la panthère sont ennemies : celui 36 LA MAGIE NATURELLE qui se munit du cuir d'une hyène morte fera fuir devant lui toute panthère. Et si vous pendez les peaux de ces bêtes l'une vis à vis de l'autre, le poil de la peau de la panthère tombera. La peau du lion consume et ronge les peaux de tous les autres animaux; les peaux des loups font de même envers celles des agneaux et les plumes de tous les oiseaux même celles de l'aigle tombent d'elles-mêmes. Le bréant et la linotte sont ennemis et si obstinés dans leur haine que, selon ce que l'on raconte, le sang de l'une et de l'autre, morts, ne peut être mélangé. Les pigeons ou colombes portent une telle amitié à la cresserelle, au dire de Columelle, que si quelqu'un enferme les petits de la cresserelle dans des pots de terre et en bouche les couvercles, et que ces pots, enduits de plâtre, soient pendus aux quatre coins d'un colombier, les pigeons ne voudront plus habiter d'autre lieu, tant ils aiment les petits, après leur mort. De même les herbes, et tous autres simples ne cessent d'opérer, même arrachés de leurs tiges et desséchés; ils conservent une amoureuse affec- tion et des vertus efficaces. Or, considérez ceci, vous qui désirez opérer des choses merveilleuses, et pensez- y beaucoup et longtemps, afin qu'en travaillant, vous ne soyez déçus. Chapitre Douzième De la mutuelle communication des choses, et qu'elles opèrent en leur substance totale et en leurs par- ties. Il y a dans les choses naturelles certaines communi- cations qui réciproquement travaillent et opèrent, et LA MAGIE NATURELLE 37 que je vous conseille d'observer soigneusement. Dans une putain, voire même la plus effrontée du monde, on ne rencontre pas qu'une audace et une effronterie téméraires, mais quelquefois aussi on y peut observer de la vertu. Car elle pourra faire que tout ce qu'elle touchera, ou portera sur soi, aura la vertu de donner de l'audace et de rendre un homme impudent. J'en donnerai pour exemple ceci : à savoir si quelque per- sonne se contemple souvent dans son miroir, ou se re- vêt de ses dépouilles, elle deviendra semblable à elle en impudence et en paillardise. Et non seulement le fer que l'aimant aura touché, est attiré, mais celui-ci à son tour allèche et attire tous autres morceaux de fer; un anneau que l'aimant aura attiré à soi en attire plusieurs autres, de sorte que tous ces anneaux sem- blent pendre comme une chaîne, tant la vertu de l'ai- mant est transportée de l'un à l'autre anneau. Les robes de deuil, dont on se sera servi aux obsè- ques d'un être cher, rendront la personne triste et par- fois mourante. Le même phénomène s'observe encore dans d'autres choses. Ainsi j'estime digne de remarque que les vertus des choses arrêtent quelquefois toute leur substance dans certains endroits, et dans d'autres seulement quelques-unes de leurs parties. L'écheneis, comme nous l'avons vu dans un chapitre précédent, retient et arrête un navire, non pas principalement par l'une ou l'autre de ses parties, mais par toute sa substance, et l'on connaît plusieurs phénomènes du même ordre. Il existe plusieurs animaux qui opèrent selon leurs parties, à savoir des yeux, comme le basilic, le serpent catoblepas, et le loup. Les fourmis fuient les ailes de la chauve-souris, et non son cœur ou sa tête, et elles fuient le cœur de la houppe, et non sa tête 38 LA MAGIE NATURELLE OU ses ailes; vous pourrez constater le même phéno- mène dans nombre d'autres animaux. Maintenant, nous allons enseigner comment il convient d'opérer par la similitude des choses. Chapitre Treizième Des similitudes des choses, et de ceux qui doivent opérer des vertus par elles, et être recherchés. Quand les choses que nous avons dit procéder de la propriété de la substance totale, sont favorablement assemblées, nous pouvons croire et nous l'avons vu, qu'elles s'allient par une affinité naïve ou se combat- tent en vertu d'une haine étrange. Mais laissons cela; notre intention est maintenant de traiter des choses qui opèrent par une certaine simiUtude. Il y faut em- ployer une diligence extrême, voire même une dili- gence aussi grande que celle des anciens dans leurs écrits. Or, nous voyons que les espèces et les qualités universelles des choses peuvent incliner, attirer et allé- cher à soi quelques autres, selon leur pouvoir, et les convertir en leur semblable ; et même si elles sont ex- cellentes en opération, cela arrivera plus facilement, comme l'expérience témoigne que le feu se met au sen- timent du feu et l'eau de même. Et Avicenne affirme que si quelque chose reste longtemps dans le sel, tout en ressentira la saumure, et ce qui croupira en rap- portera de la puanteur. Ainsi l'homme accompagné d'un personnage hardi, se fera magnanime, et celui qui fréquentera un craintif, deviendra couard et de cœur faible. Si quelque animal a coutume de converser avec les hommes, il s'apprivoisera et deviendra gracieux. LA MAGIE NATURELLE 39 L'œil droit de la belette, enchâssé dans un anneau, délivre des charmes ou sorcelleries qui se font par les yeux, comme nous l'expliquerons plus loin. Celui qui portera avec lui l'œil d'un loup ou d'un hornme sera vu avec plaisir. S'il porte avec lui les langues d'un loup ou d'un homme, les langues ou paroles des en- vieux ne lui nuiront pas. Si vous mangez l'estomac d'une poule avant votre souper, encore que vous digé- riez avec difficulté, il vous fortifiera toujours votre estomac. Le cœur du singe empêche le battement du cœur, et augmente sa hardiesse. Si la verge virginale du loup est mangée rôtie, elle poussera la personne à la luxure, si ses forces venaient à défaillir. Le ventre du lièvre sert à donner la fécondité. Si vous mettez le cuir du talon droit du vautour sur le pied droit d'un goutteux, ou le gauche sur le gauche, il apaisera la douleur occasionnée par la goutte. Finalement, en quelque partie du corps que cette humeur travaille la personne, un membre de l'oiseau sur le membre semblable s'appliquera avec profit pour la guérison. Vous pourrez apprendre plusieurs autres remèdes semblables dans les écoles de médecine; ce n'est pas notre intention de les répéter ici. Si vous voulez rendre une femme stérile, considérez un animal stérile, voire un de ceux dont l'excellente passion surmonte toutes choses, et vous obtiendrez le résultat que vous désirez. Si la sueur, l'urine, le cœur, la matrice et la partie naturelle et les génitoires du mulet sont imposés sur le ventre, avalés en breuvage ou mangés avec quelque sauce, ou améliorés par quelque parfum et versés dans la bouche de la personne, il est certain que cela empêchera la femme de concevoir et lui ôtera même l'espérance d'une conception future. La sauge peut 40 LA MAGIE NATURELLE opérer de la même façon car si on boit de sa décoction, elle fera avorter ou rendra stérile : voilà pourquoi on l'appelle la plante perd-fruit. Si vous voulez rendre quelqu'un audacieux ou impudent, faites qu'il porte sur lui la peau d'un lion, ou les yeux d'un coq, et il marchera courageux et invincible contre ses ennemis et les épouvantera. Si vous voulez aimer quelqu'un ou être aimé de lui, cherchez les animaux que retient principalement le désir amoureux, et qui sont sujets à l'amour, comme les passereaux, les colombes, les tour- terelles et les hirondelles. Il sera nécessaire d'observer surtout l'heure à laquelle elles s'abandonnent à leur passion amoureuse et sont en chaleur. De même ce sera pour vous chose utile et profitable de prendre les par- ties où réside principalement le chatouillement amou- reux, comme le cerveau, le cœur, les génitoires, la par- tie naturelle, la matrice, le sperme, les menstrues. Si vous dressez des embûches aux femmes, présentez leur les génitoires ou le sperme, et si vous en voulez à l'homme, les menstrues, la partie naturelle et la ma- trice. Si vous voulez faire caqueter quelqu'un et le rendre babillard, donnez-lui des langues et apprenez- lui le moyen d'en jouir. Vous lui présenterez des lan- gues de grenouilles, de canes sauvages et d'oies. Ceci encore est à considérer, à savoir, que si pouvez pren- dre des animaux criards, et renommés pour l'impor- tunité de leur babil, et que vous posiez les langues de ces bêtes sur la poitrine ou sous la tête d'une femme endormie (ces animaux criant plus la nuit qu'autre- ment) elle déclarera tout le secret de son cœur. Il y a encore plusieurs autres choses, que nous préférons taire, parce qu'elles sembleraient mieux appartenir à une leçon superflue qu'utile et profitable. LA MAGIE NATURELLE 41 Or, pour savoir comment on pourra adroitement administrer ces choses, nous l'enseignerons, Dieu ai- dant, ci-après, lorsque nous en traiterons plus ample- ment. Maintenant, nous allons parler de quelques opérations célestes. Chapitre Quatorzième Que certaines vertus viennent du ciel et des astres, et que de là plusieurs choses dérivent. A mon avis, il n'y a point de doute que les choses inférieures servent aux supérieures, et que de la nature éthérée découle et dérive une vigueur et une efficacité certaines, de sorte que les choses qui, en vertu d'une loi naturelle, sont sujettes à mutation, arrivent à se cor- rompre. J'estime que les Egyptiens ont eu raison d'at- tribuer toutes choses aux influences des cieux, con- sidérant que toutes leur sont asservies. C'est ce qu'af- firme Ptolémée qui a déterminé les règles des influen- ces célestes et en a tiré plusieurs présages. Aristote ayant constaté que le mouvement des astres était la cause et l'origine de toutes choses, déclare qu'elles périssent également sous la même influence : néces- sairement, dit-il, ce monde a été fait sous leur action et il se gouverne par elle. Le même philosophe, sa- chant que le soleil épandait et dardait ici-bas la vertu de ses rayons, a dit encore que la naissance et la mort de toutes choses dépendent de lui. Platon dit qu'il y a quelques circuits célestes qui sont cause de la fécondité et de la stérilité. Le soleil gouverne le temps et les saisons, et règle la vie univer- selle, Jambhque, se basant sur la doctrine des Egyp- 42 LA MAGIE NATURELLE tiens, dit: «C'est chose certaine et indubitable que tout ce qui apparaît de bon nous est communiqué par la puissance du soleil, et si nous recevons quelque chose des autres corps célestes, c'est à l'intermédiaire du so- leil que nous le devons. » Heraclite appelle cet astre radieux la fontaine de la céleste lumière. Orphée le nomme lumière de vie, Platon feu céleste, être animé; les physiciens le cœur du ciel, et Plotin affirme que le soleil a été révéré des anciens comme un dieu. Voilà quant aux vertus du soleil. La lune n'opère pas moins tant par sa vertu propre que par celle du soleil, et d'autant plus même qu'elle est plus rapprochée de nous. Albumasar affirme qu'en toutes choses c'est le soleil et la lune qui font sentir leur action. Le très docte Hermès a dit qu'après Dieu, le soleil et la lune sont à l'origine de la vie dans tous les êtres. Cette lune argentée, voisine de la terre, surpasse tous les autres astres et est connue comme « dame de toutes choses humides ». Sous son influence, les mers, les rivières et les flots croissent et décroissent. Les flots de la mer, par le flux et le reflux, sont agités d'un perpétuel mou- vement que tous attribuent à la lune, qui tour à tour hume les eaux et ensuite les dégorge, mais on ne sait pas d'où provient ce phénomène. Les germes et les se- mences des plantes ne dédaignent pas non plus l'état du ciel, et les laboureurs savent cela très bien, parce qu'ils l'ont souvent éprouvé. Ainsi le bois croissant ne grossit pas les fruits, mais quand le bois languit et s'amaigrit, les fruits s'en ressentent considérablement. Les gens experts et savants en agriculture estiment que le cours que fait chaque mois la lune est nécessaire à la vie des plantes. Pendant que la lune erre par les signes terrestres du Zodiaque, les arbres jettent force LA MAGIE NATURELLE 43 racines dans la terre, mais si marchant par l'air elle s'arrête, l'arbre produira et épandra des rameaux nombreux remplis de feuilles, et croîtra plutôt par le haut que par le bas. Le grenadier est un exemple mani- feste de ce que j'avance, car l'arbre portera autant d'années qu'il y a de jours entre la vieille et la nou- velle lune. On dit aussi que si l'ail est semé alors que la lune est posée sous la terre et si on l'arrache quand elle est de nouveau cachée sous le globe terrestre, il n'aura pas de mauvaise odeur. Toutes les choses qui sont sujettes à être coupées et à tomber abondent en humeurs alors que la lune re- prend sa nouvelle clarté, deviennent vermoulues et pourrissent. C'est pourquoi Démocrite dit, n'en dé- plaise à Vitruve, qu'on peut couper le bois sur le dé- chu de la lune. Les philosophes chaldéens témoignent que l'herbe appelée lunaria, qui a des feuilles rondes, façonnées en forme de croissants, bleues et entassées l'une sur l'autre, a reçu cette dénomination parce qu'elle connaît et observe les jours de la lune. Car quand elle croît, cette plante, en un jour, produit une feuille, et quand elle vient à décroître, elle la laisse. On peut encore voir mieux ce phénomène dans les ani- maux apprivoisés et dans les plantes; nous en pou- vons faire l'expérience journellement. La fourmi, qui est parmi les plus petits des insectes, sent les change- ments des astres, de sorte que dans le temps qui s'é- coule entre la nouvelle et la vieille lune, elle cesse son labeur habituel et se repose, et pendant la pleine lune, elle travaille sans discontinuer, voire même durant les nuits. Les veines des souris répondent également au nom- bre lunaire, car alors que son globe est plein et arrondi, 44 LA MAGIE NATURELLE elles croissent, et quand elle décroît en concavité, elles s'amincissent. D'ailleurs, les cheveux coupés et les ongles rognés après l'espace qui est entre la nouvelle et la vieille lune, reviendront plus tôt; coupés et rognés avant cette époque, ils reviendront plus tard. Les paupières des chats connaissent aussi les changements de la lune, de sorte que tantôt elles sont plus amples, et tantôt plus étroites. Si quelqu'un veut en faire l'expé- rience, qu'il se tienne dans une lumière égale et mo- dérée, car la splendeur trop grande les arrête et les retient, et une lumière moindre les relâche et les fait grandir. Le scarabée manifeste et découvre les âges des as- tres, car il façonne un petit amas de fiente en rond, en forme d'une pelotte, et ayant creusé une fosse sous la terre, il l'enferme là pendant vingt-huit jours, l'es- pace du premier au dernier quartier de la lune, et alors, ouvrant ce globe, il donne naissance à une fa- mille nouvelle. L'oignon, qui est encore plus merveil- leux, seul parmi toutes les plantes potagères, connaît les forces et les modifications des astres ; il vit et germe au déclin de la lune, et décroît quand la lune est nou- velle. C'est pourquoi les prêtres égyptiens n'en man- gent point, comme je l'ai lu dans Plutarque, au com- mentaire sur Hésiope. Il y a un genre de tithimale, ou herbe à lait appelée Helioscopius qui suit le soleil. Selon le cours du soleil, elle se contourne et se tient ouverte, éveillée, puis vers le soir se laisse gagner au repos et au sommeil. Le ma- tin, elle semble se réjouir du retour du soleil, et la nuit elle ferme sa fleur. Il y a encore plusieurs autres herbes solaires, comme le souci. Aussitôt que le soleil commence sa course ra- LA MAGIE NATURELLE 45 dieuse, il penche sa tête et s'incline là où l'astre se transporte. Autant en font les fleurs de la mauve et de la chicorée. Le lupin aussi regarde le soleil à son déclin et n'en- tortille alors aucune de ses feuilles. Et s'il arrive que le Mage importun cache le rayon solaire, qui indique l'heure au laboureur, cette plante fait journellement office d'horloge et sert de montre. Et Théophraste ra- conte que sur les rives de l'Euphrate la fleur du loius non seulement s'ouvre et se ferme, mais que quelque- fois elle cache sa tige et d'autres fois la montre, depuis le coucher du soleil jusqu'à minuit. Ainsi l'olivier, le saule, le tilleul, l'orme et le peupher blanc indiquent le solstice, car ils contournent leurs feuilles et montrent un dos recouvert d'une petite barbe blanche. L'irion et l'herbe du pouliot, encore qu'ils soient privés de racines, pendus et attachés en un bois, fleuriront et ont cette propriété de montrer l'égalité des jours. Le Selivite (qui est autant que si vous nommiez les rayons de la lune) est une pierre appelée aproseliniim. Or, cette pierre porte empreinte en elle l'effigie de la lune qui la rend de jour en jour et croissante et décrois- sante. Il y a aussi une autre pierre contenant une nuée qui de la même façon que le soleil se lève et finalement se plonge, s'entortille et se contourne quand il se cou- che. Le cynocéphale se réjouit de la venue de la lune et élève les mains au ciel et orne sa tête d'un atour royal; il a une telle conjonction avec elle qu'alors il jouit, tandis que dans l'intervalle du mois, elle ne luit pas de nuit et ne colore point toutes choses de son lustre argentin, mais demeure ombrageuse et obscure et alors le triste cynocéphale mâle ne mangera point; il tiendra la tête baissée contre terre, comme pour se 46 LA MAGIE NATURELLE plaindre que la lune lui ait été indignement ravie. La femelle aussi, gravement attristée de passer une nuit sans splendeur lunaire, ne sait ou fixer son regard et souffre autant que le mâle; dans sa détresse extrême, elle lance au loin le sang de ses parties génitales. Voilà pourquoi jusqu'à nos jours les cynocéphales sont nour- ris dans les lieux sacrés, afin qu'on puisse apprendre d'eux à connaître la conjonction du soleil et de la lune. Ceci est tiré d'Orus, au livre de ses Hiéroglyphiques. Lorsque l'archirus commence à naître, il suscite des pluies. Les chiens connaissent très bien l'étoile Sirius, car ils deviennent enragés. Les vipères et les serpents sont furieux, les étangs sont émus, les vins bouillent dans les caves, et on a le sentiment que de grands événements vont se produire. Le basilic pâtit à la naissance de la lune, et le coriande sèche, ainsi que le raconte Théophraste. Les anciens, comme écrit Pon- ticus Hermelides, observaient tous les ans soigneuse- ment le lever de la canicule ou Sirius, et en prenaient conjecture et présage pour savoir si l'année serait sai- ne ou pestilentielle. Car si elle était obscure et sombre, et comme ténébreuse, ils estimaient que le ciel était gras, épais, de sorte qu'il présageait une année pleine de pestilence. Mais si cette étoile apparaissait resplen- dissante, cela signifiait que le ciel était pur, et par conséquent salutaire. Cet astre était si redouté que les anciens lui sacrifièrent un chien, comme Ovide l'a dit dans ces vers : Pour le chien éthéré qui ses feux darder ose Sur l'autel gracieux voici le chien qu'on pose. L'animal sauvage que l'Egypte appelle oringes sent la venue de cette canicule, car alors contemplant LA MAGIE NATURELLE 47 les rayons du soleil, il l'adore. Et Hippocrate dit qu'a- vant son lever, les purgations sont nuisibles et qu'a- près il n'est pas bon d'ouvrir la veine. Galien aussi dé- montre que plusieurs opérations se doivent faire dans les jours déterminés et qu'on ne doit pas appliquer moins de soin à semer les blés et à conserver la semence éparse. Et encore, ô professeur de magie, ne faut-il pas que tu ignores les configurations des grandes planètes et comme les impressions du feu et de l'eau sont ve- nues dans l'air. Que si vous venez à considérer toutes ces choses dans un bon cœur et que chacun fasse de même, qui donc n'estimera que les astres ne soient les causes de toutes choses ici bas. Il faut connaître tout cela, sinon la science des opérations secrètes est vaine. Chapitre Quinzième Que tous les simples soient cueillis en leur temps, et préparés et appliqués de même. Nous avons trouvé bon d'ordonner que l'on amasse et que l'on apprête toutes choses en leur temps, car de même que le ciel rend l'établissement et le cours des ans divers, ainsi aussi il varie la saison des plantes ; et comme dit Théophraste, la température du ciel fait beaucoup à l'accroissement, à la nourriture et à la substance des végétaux. C'est pourquoi le proverbe ne dit pas hors de propos que l'année produit le fruit et non le champ. Et afin que nos simples conservent leurs meilleures vertus, sachez que certains d'entre eux retiennent longtemps leur efficacité et que la vi- gueur des autres expire très rapidement, comme il est facile à tous de le voir et de le constater. Aussi les mé- 48 LA MAGIE NATURELLE decins ont très bien su discerner quels étaient les sim- ples que l'on pouvait conserver de longues années, et quels autres étaient sans grande utilité. Plusieurs esti- ment souvent les expériences des anciens tout à fait vaines, lorsque d'aventure il leur tombe dans les mains quelques simples consumés de vieillesse. Il en est de même pour les vertus qui se trouvent dans les perles et dans les pierres précieuses. Il y aura certes une plus grande efficacité dans les racines, les fleurs et les feuil- les des herbes, si elles sont cueillies en temps propice. Toutes racines doivent s'arracher en automne, parce qu'alors elles abondent en eau et qu'elles sont vigou- reuses ; si vous les cueillez en une autre saison, elles s'épanouiront en séchant, et leurs feuilles tomberont. Au printemps, il convient de cueillir les fleurs, d'autant plus qu'elles naissent alors et qu'elles ont une grande vertu. Quant aux feuilles, nous estimons convenable de les amasser en été. Dioscoride est à ce sujet entiè- rement de notre avis. Il faut avoir soin, dit-il, en pre- mier lieu, que chaque chose soit cueillie et serrée en sa saison, car ainsi on s'apercevra ou bien qu'elles ont de la force, ou bien qu'elles se fanent, et que par consé- quent elles sont inutilisables. Il faut aussi les amasser alors que le ciel est pur et le temps beau, sans quoi elles perdent de leur vigueur et deviennent langoureuses. Chapitre Seizième Que les régions et lieux où naissent les simples doivent être considérés. Il n'est pas étonnant de voir plusieurs personnes se tromper lourdement dans la connaissance des plan- LA MAGIE NATURELLE 49 tes et des métaux, lorsqu'en ne tenant pas compte de la situation des lieux, ils présentent tout ce qui leur tombe dans les mains. Si quelqu'un veut bien appren- dre à connaître la science des plantes et des simples, il sera nécessaire qu'il considère l'état du ciel et les lieux propres à la diffusion des herbes. Car de même qu'un lieu peut avoir diverses températures, de même il peut y avoir diversité dans les vertus des plantes. Non seule- ment ceux qui ont acquis les rudiments de cette dis- cipline sont souvent déçus, en recherchant les vertus des plantes; mais les médecins eux-mêmes, qui ont parfois étudié longuement la philosophie naturelle, s'y fourvoient également. Platon a parlé sagement à ce sujet. La nature, dit-il, a muni les divers lieux de la terre de vertus diverses, de façon à ce que chaque en- droit ait des qualités propres. Porphirius dit la même chose en d'autres termes : le lieu est le commencement de l'engendrement, comme le père. Quant à Disocoride il dit que quant à la vertu des simples, il importe beaucoup si les heux dans lesquels ils croissent sont des lieux élevés ou inclinés, exposés aux vents et man- quant d'eau, car en ces lieux les forces sont plus vigou- reuses. Au contraire ceux qui croissent dans des lieux champêtres, ombragés et arrosés d'eau, là où les vents sont faibles et ne pénètrent pas, souvent dégénèrent et en tout cas ont moins de valeur. Théophraste, qui connaît excellemment les simples, raconte qu'en Achaie et en Cabynia, il y a une espèce de vigne dont le vin fait avorter ; et si les chiennes mangent des grap- pes de ce raisin, il est certain qu'elles avorteront. Quant au goût de ce raisin, il ressemble à celui de tous les autres vignobles et son vin ne diffère pas non plus des autres vins. Et non seulement la région où la con- 50 LA MAGIE NATURELLE trée change la nature des plantes, mais même les mœurs et les formes des hommes. Qui ne sait par exem- ple que les gens d'Asie et de Lybie sont gens pusilla- nimes et craintifs ? Et au contraire que les gens de l'Europe, quant au corps et au courage, sont tout diffé- rents, à savoir qu'ils sont hardis, belliqueux, magnani- mes et doués d'une vivacité d'esprit admirable. Qui ne sait que les Tartares sont efféminés, châtrés et impuissants ? que les uns ont une face grasse et charnue, et les autres une figure tendre et délicate ? Hippocrate en parle dans le livre qu'il a écrit de l'air, des eaux et des lieux. Platon et Galien s'accordent avec lui sur ce sujet. C'est pourquoi si, par rapport aux régions, les simples semblent beaucoup différer de leurs domiciles premiers, et transportés ne retiennent pas leurs vertus natives, qu'ils soient transportés aux lieux où leur efficacité est la plus grande. Car ceux qui sont opposés au septentrion n'opèrent pas, ni au vent du midi, que ceux-là qui regardent le soleil levant ou le couchant. Le pin, le sapin, et le thérébenthin aiment les rivières; les yeuses, les frênes, Ise érables et les coudriers aiment les forêts, et se délectent aussi dans les eaux courantes, dans les lieux marécageux, dans les cavernes ombragées. Je ne nie point que ces plantes ne puissent venir en d'autres lieux, mais non pas avec la même vertu, car en un endroit elles croissent avec plus de vigueur que dans l'autre, selon la disposition de la nature, qui la fait naître plutôt ici que là. Le suc de la ciguë a été jadis fort odieux, pour avoir été ordon- né par les Athéniens comme un venin établi pour un châtiment, venin que Socrate avala par suite d'une condamnation indigne. Toutefois cette herbe est man- gée le matin par les mages sans aucun dommage et les LA MAGIE NATURELLE 51 bêtes s'en repaissent à leur gré sans aucun inconvé- nient. On raconte aussi qu'en Perse croît un arbre dan- gereux et mortel, dont les pommes ont un venin si dangereux qu'il tue soudain ceux qui en mangent; voilà pourquoi dans les supplices ils usaient de ce fruit. Toutefois cet arbre, transporté en Egypte, est devenu bon à manger et très sain. Chapitre Dix-Septième De certaines propriétés des lieux et des fontaines qui peuvent servir à notre œuvre. La diversité des lieux produit aussi des effets di- vers ; il convient par conséquent que le mage les con- naisse bien, parce que souvent il arrive que certaines choses n'opèrent qu'en raison de leur situation, par rapport au soleil. Car si une terre ne différait pas de l'autre, non seule- ment il n'y aurait point d'odeur dans les cannes, les joncs et les herbes, il n'y aurait point d'arbres à en- cens en Syrie et en Arabie, il n'y aurait point de grains de poivre, et l'arbre de la myrrhe ne produirait point ses petites motelettes, mais partout, sur toute l'éten- due de la terre, tous les fruits seraient les mêmes. Certaines fontaines aussi font que des plantes ont des propriétés qu'elles n'auraient pas, si elles étaient dans d'autres lieux, privés d'eau par exemple. Il y a une ville en Afrique nommée Zama, et à vingt milles de là il y en a une autre nommée Ismuc qui a une pro- priété admirable : car bien que l'Afrique soit mère et nourrice de nombreuses bêtes, et principalement de 52 LA MAGIE NATURELLE toutes espèces de serpents, les champs et campagnes de cette ville sont tellement favorisés de la nature qu'il n'y en a pas un seul, et si d'aventure on en porte un dans cet endroit, il meurt subitement. La terre de cette contrée a la même propriété, car si on le trans- porte ailleurs, elle tue aussitôt les serpents qui se ris- quent sur elle. Au grand lac d'Italie, nommé Tarqui- nensis, on voit des forêts entières transportées sur les eaux et flottant en masses carrées ou rondes ou trian- gulaires. En une contrée qui est en deçà du Pô, il y a une espèce de blé ,que l'on appelle seigle, et qui semé trois fois, devient du froment. Près de Harpasa, ville d'Asie, il y a un rocher singulier que l'on peut mouvoir d'un seul doigt, mais si vous y employez toutes les for- ces de votre corps il résistera et demeurera immobile. Il y a aussi des terres qui abondent en feux, comme en Sicile le mont Gibello, où l'Etna fait souvent irruption, et le mont Chymera en Phasélide. Cresias raconte que le feu s'allume par l'eau et s'éteint par la terre, et que ce phénomène se présente aussi à Mégalopolis et qu'à Arcie, si un charbon tombe, la terre brûle. En Lycie les monts d'Ephestus touchés d'une torche brûlent, de sorte que les pierres et le sable brûlent même dans l'eau, et ce qui est plus admirable, si quelqu'un trace quelque sillon avec un bâton, on dit qu'il verra suivre des ruisseaux de feu. Il y a aussi plusieurs espèces d'eaux et qui ont beau- coup de propriétés diverses. En Sicile on trouve une rivière nommée Hymena, qui est divisée en deux par- ties : l'eau qui coule contre le mont Gibello ou Etna est d'une douceur suave admirable, et l'autre partie retient la saveur du sel. Pareillement on dit qu'entre Mrazaca et Tuava, villes de Capadoce, on trouve un LA MAGIE NATURELLE 53 lac OÙ, si VOUS y plongez une canne ou un bois quel- conque, petit à petit il s'endurcira et deviendra pierre, sans pour cela perdre sa forme. En Hierapolis, ville située au delà du fleuve Méandre, il y a une eau qui se durcit en pierre de tuf, de sorte que les conduits qui en dérivent, sont tous enveloppés de cette pierre. D'ailleurs Cemphysius et Mêlas, fleuves de Béotie, sont fort célèbres à cause de leur propriété admirable: quand les bestiaux de cette contrée, lorsque la saison de con- cevoir s'approche, s'abreuvent des eaux de ces fleuves, qui sont blanches, ils produisent des petits de couleur grise, noire ou brune. Il y a plusieurs espèces d'eaux pernicieuses et mor- telles comme celle de la fontaine de Terracina qui s'appelle neptunienne. Ceux qui buvaient de cette eau, en mouraient, c'est pourquoi les anciens, dit-on, l'ont condamnée et bouchée. Il y a pareillement en Thrace un lac nommé Cychros, qui est si dangereux que non seulement ceux qui boivent de son eau, mais même ceux qui s'y lavent, meurent presqu'aussitôt^ En une région d'Arcadie, nommée Nonacris, des pierres d'une fontaine distillent des eaux tellement froides, qu'on nomme cette eau stygoshydo ; elle ne peut être conservée dans des vases d'argent ou d'airain, qu'elle rompt et brise, mais bien dans l'ongle d'une mule. On dit qu'Antipater fit porter par lollas, son fils, de cette eau dans la province où séjournait Alexandre et cet heureux monarque fut tué à l'aide de cette eau. Dans la voie Campane et sur le territoire de Cornette, il y a un lac d'où sourd une fontaine dans laquelle apparaissent de temps à autre épars plusieurs os de serpents, lézards et autres bêtes de cette espèce, et chose remarquable, si vous voulez les retirer de l'eau. 54 LA MAGIE NATURELLE VOUS ne trouvez plus rien. Il y a des fontaines dont l'eau est aigre, comme la fontaine de Lynceste ; et en Italie, dans la campagne de Theavo et ailleurs, il y en a qui ont cette propriété que l'eau que l'on en boit peut rompre les pierres dans la vessie. En Paphla- gonie, il y a une fontaine qui enivre ceux qui boivent de son eau, et qui ne boivent jamais de vin. Dans l'île de Chios on trouve une fontaine qui rend fous ceux qui s'y désaltèrent. L'eau du Nil est si féconde que les mottes de terre en sont animées. En Ethiopie existe une source dont l'eau, sur le coup de midi, est si extrê- mement froide qu'on n'en peut boire, mais qui devient, sur l'heure de minuit, si démesurément chaude qu'on ne peut pas la toucher, comme on peut le voir dans une des Métamorphoses d'Ovide. Il y a encore d'autres propriétés de lieux et de fon- taines, et celui qui voudra les rechercher, n'aura qu'à lire les œuvres de Théophraste, de Timens, de Possi- donius, d'Hegerias, d'Hérodote, d'Aristide et de Metrodorus, qui ont, avec grand soin et un labeur in- fini, recherché les lieux divers qui ont des propriétés extraordinaires, et les ont décrits avec beaucoup de science. Après eux, on pourra consulter également Solin et Pline qui ont amplement traité de ces sujets, dans les ouvrages qu'ils ont consacrés aux sciences naturelles. Chapitre Dix-Huitième Comment on doit mêler et composer les simples, et les incorporer dans nos mélanges. Or, maintenant nous allons traiter de la composition des simples, pour que les hommes studieux, après avoir LA MAGIE NATURELLE 55 appris à rechercher les secrets de la nature, appren- nent encore la méthode de composer les simples, et de mettre en lumière toutes les merveilles naturelles. Les médecins observent soigneusement cette pratique. Comme nous n'avons pas toujours besoin d'un effet seulement produit par les simples, mais d'un effet double et parfois triple, il convient que nous appre- nions à les mélanger, pour qu'ils produisent tous les résultats qu'on en attend. 11 arrive aussi que certains simples opèrent très lentement, et alors afin de les faire agir plus promptement, nous avons l'habitude de les fortifier de diverses façons; et au contraire, il y en a qui travaillent trop hâtivement et avec une effi- cacité excessive, et dans ce cas, nous ralentissons et restreignons leurs forces. Or il arrive souvent que quand nous voulons frapper quelque membre, auquel nous voulons nous attacher plus spécialement, comme la tête, le cœur ou la vessie, nous ajoutons certaines choses aux simples, qui parfois y sont mêlées d'une façon abusive. Mais passons sur ceci et poursuivons le discours que nous avons commencé. Quand vous voudrez donc commencer quelque œuvre, considérez premièrement ceci : à quoi surtout nous tendons et à quels simples nous devons avoir recours; à ce que nous posions un fondement de composition, dont la chose composée prenne la dénomination. Pour opérer heureusement, les simples requièrent une quantité déterminée. Si vous voulez par exemple présenter une mixture damer et de puant, elle est re jetée par cer- taines personnes ; aussi faut-il mêler les parties grosses et rudes des simples aux parties molles et tendres. Si nous voulons prendre les oiseaux endormis, la noix méthelle sera pour cela fort commode, car elle est 56 LA MAGIE NATURELLE douée de cette propriété qui consiste à susciter le som- meil, à rendre les membres stupides et hébétés, et à causer de la pesanteur au cerveau. Afin que cette mixture opère plus vivement, nous y ajoutons de l'opium et de la lie de vin. Et si d'aventure ces choses que nous leur donnons sont trop dures et que nous voulions les rendre plus coulantes, afin qu'ils puissent mieux les ingurgiter, nous leur présenterons des lé- gumes, comme nous le dirons au chapitre des prépara- tions. Nous les ferons aussi dissoudre dans du jus de mandragore ou de ciguë ou de fiel de bœuf, et afin qu'ils ne soient ni amers ni malodorants, nous y mê- lerons du miel, du fromage et de la farine ; pour que la viande soit plus savoureuse, il faudra que les lé- gumes soient plongés dans ce mélange, puis présentés aux oiseaux pour qu'il les mangent. Cela aura tant d'efficacité que, s'étant gonflés de cette viande, ils tomberont à terre, tout endormis et ne pourront plus s'envoler, de sorte que vous les pourrez prendre faci- lement avec la main. Chapitre Dix-Neuvième Comme on doit rechercher et observer le poids dans chaque mixture. Il convient également de prendre garde à ce que la proportion de chaque ingrédient soit observée dans la mixture, parce qu'une opération ne peut être bonne si elle n'a pas été bien proportionnée; et les mixtures ne produiront pas les effets qu'on en attend, si toutes les parties qui les composent ne sont pas parfaites. Les anciens, dans le mélange des simples, ont toujours LA MAGIE NATURELLE 57 tenu compte du choix, du poids et de la quantité des plantes. C'est pourquoi nous vous dirons à vous, qui vous adonnez à l'étude de cette science, occupez-vous d'a- bord et premièrement à trouver le poids qu'il vous faudra; et si vous trouvez qu'on a mis plus que le poids requis dans la médecine que vous préparez, il faut absolument l'en ôter. Sachant le poids qu'il vous faut, posez cela comme fondement et puis ajoutez-y les autres ingrédients, mais ne donnez jamais plus que la mesure exactement dosée, bien que ce soit le simple seul qui a de la vertu. Mais tous les degrés comptés, il ne doit pas être plus grand en quantité qu'en vertu, car nous ne l'ajoutons point pour accroître la dose. En- core ceci est bien digne d'observation, à savoir que l'on doit changer la dose des mixtures et médicaments, selon la diversité des régions et des climats, car ils acquièrent une vortu différente, plus vigoureuse ici, plus lente là, selon les lieux, comme nous vous l'avons déjà dit dans un autre endroit de notre ouvrage. Quant à vous, votre devoir sera de balancer tout cela d'une façon juste, pour que les simples opèrent comme nous le désirons. Nous avons usé d'un très bon moyen dans la des- cription des expériences, en décrivant les poids par parties, et afin qu'on puisse les connaître plus facile- ment, parce que par aventure les divers noms des poids que nous avons vu employer par les autres, pourraient empêcher l'ouvrier dans son travail. Ainsi chacun pourra user librement de la quantité requise et dési- rée, comme nous l'avons vu faire par Cornélius Cel- sus, car par ce moyen on peut plus commodément sa- tisfaire à tous. 58 la magie naturelle Chapitre Vingtième Des préparations des simples. Nous avons enseigné plus haut à composer et à re- chercher les poids : or, maintenant, il nous reste à raconter quelques préparations de simples, qui nous semblent être très à leur place dans notre œuvre, et très utiles à connaître. Et il convient ici de considérer que les opérations ne consistent pas tant dans le choix des simples eux-mêmes que dans les préparations de ceux-ci, car sans une bonne préparation, les simples opéreront bien peu, ou même point du tout. Disons donc tout d'abord que plusieurs simples sont d'habitude préparés par artifice, afin qu ils soient plus convenables ou plus commodes à l'usage. Or, quant aux préparations qui sont surtout fréquen- tes et d'un usage presque journalier, ce sont celles-ci, à savoir la mutation, la putréfaction, la détrempe, la décoction, la cuisson, la réduction en poudre, la dis- tillation, l'assèchement et quelques autres. Nous fai- sons bouillir les simples alors que le jus ne peut en être retiré par quelqu'autre moyen; en les faisant bouillir, nous tirerons la substance de son centre à sa circonférence. Et encore qu'il arrive que par la dé- trempe ou par l'infusion on ne parvienne pas à la fin du dessein qu'on a en vue, au moins cependant cette préparation résout les vapeurs subtiles. Ainsi nous usons de réduction en cendre et de combustion, afin de priver les parties de toute humeur, ce qui a lieu lorsque nous les réduisons en poudre. Aussi nous brû- lons les simples alors qu'ils ne se peuvent broyer pour LA MAGIE NATURELLE 59 les réduire en poudre; mais nous devons avoir soin qu'il n'y ait rien de réellement brûlé, de peur que le brûlé ne perde ses forces, mais que ce soit rôti seule- ment, pour qu'il devienne plus tendre et plus délié. Les simples sont distillés pour qu'on puisse en tirer une eau de vertu plus puissante, et que le médica- ment puisse opérer plus aisément et plus commodé- ment. Nous avons estimé qu'il était convenable et opportun d'ajouter ceci à notre œuvre, mais si quel- qu'un désire des renseignements plus amples et plus détaillés sur cette matière, nous le prierons congrû- ment d'avoir recours aux ouvrages des médecins. Nous commencerons maintenant à vous enseigner les transmutations admirables des plantes. LIVRE DEUXIEME Chapitre Premier Comment nous pouvons faire produire des fruits hâtifs et tardifs. On sait que l'art imite la nature, et tandis qu'il la suit, dans son émulation obstinée, il réussit parfois à faire des choses plus hautes et plus belles qu'elle. C'est pourquoi le mage, revêtu et paré des atours de l'art, ainsi que d'une seconde nature, voit plusieurs choses naître grâce à l'appareil, à l'industrie, aux arti- fices des hommes; ainsi par la force et la violence, il empêche souvent l'œuvre de la nature ou la fait recu- ler, il contraint la plante tardive à se lever et à sortir soudainement de terre et à produire, en vertu de son commandement magique, des fleurs et des fruits. Et d'ailleurs sachant que par la diversité des temps et du cours continuel de la chaleur céleste, les fleurs et les fruits varient, voire même tout ce qui naît sur terre, si bon lui semble de les retarder ou d'en hâter la saison pour qu'ils soient plus précieux et plus chers, il le fait à certains intervalles de temps, changeant ainsi les saisons. LA MAGIE NATURELLE 61 Quand on veut faire naîlre, et avoir des jruils avant la saison. Choisissez la fleur qui vous convient le mieux, car ce qui est vrai de l'une est vrai de toutes dans ce que je vais dire. Prenez par exemple la rose, et aux envi- rons du mois d'octobre , semez-en le bout en terre passée au crible, engraissée de fumier et posée dans un pot de terre assez molle et liquide pour l'entretenir. Deux fois le jour, arroscz-la d'eau chaude, et s'il arrive que l'air soit agité et troublé de vents tempétueux, ou qu'une pluie excessivement abondante survienne, vous serrerez votre pot dans la maison, le tiendrez à couvert, et la nuit ne le laisserez pas au dehors. Mais lorsque vous saurez que les gelées et les pluies d'hiver ont cessé et que l'air rasséréné deviendra doux, met- tez le pot au soleil, si le temps le permet. Or, quand le premier printemps sera arrivé et que le bouton de rose commencera à germer, arrosez-le d'eau chaude, car cette plante demande beaucoup d'eau, mais à petites doses à la fois. Ainsi vous verrez que la fleur qui avait coutume d'apparaître la dernière, entre toutes celles dont le printemps se décore, sortira la première. Il convient aussi de considérer qu'une saison précoce de fleurs apparaît volontiers quand l'hiver est doux, et que le vent du midi y a régné beaucoup, quand il n'est point rigoureux, ni plein de neige, ainsi que le ra- conte Théophraste, car alors les plantes ont une grande vertu générative et une humeur féconde, qui fait avancer toute végétation. 62 LA MAGIE NATURELLE Pour avoir des concombres et des courges fort mûres. Un peu avant que la saison du printemps arrive, vous placerez la semence de ces plantes, comme nous le dirons ci-après. Après que cette graine aura pris de la force, et que les froidures auront cessé, vous les mettrez dans un lieu cultivé et humecté souvent d'eau, et vous y creuserez une fosse. L'ayant posée là, vous romprez votre pot et l'enfouirez jusqu'au bord, et jusqu'à ce qu'il soit à fleur de terre, et si vous élevez là encore les surgeons plantureux, ces plantes rendront plus tôt du fruit. Et soyez sûrs de ne pas laisser ces plantes dans les jardins ou dans les lieux qui sont exposés à l'air, à cause de la rigueur du temps, mais plantez-les pour plus de commodité sur chariots ser- vant de chambre ou faits en façon de litière; lorsque le froid arrivera, elles seront gardées dans des lieux couverts, secrets et garnis de verres, et de la sorte vous éviterez la rigueur de l'hiver. Par ce moyen, on servait chaque jour des concombres sur la table de l'empereur Tibère, qui les aimait beaucoup. Et c'est par ce moyen aussi que les habitants de PouzzoUes produisent des fruits hâtifs, plus tôt que ceux des pays environnants. Car par la chaleur souterraine et par les feux souter- rains dont ce domaine abonde, ce terroir nourrit les arbres avec plus de vigueur et de vivacité que les autres. Pour produire des grappes de raisins au printemps. Lorsque nous apercevons, comme c'est parfois le cas, le cerisier produire au printemps ses rouges pom- melettes et que nous désirons aussi avoir des raisins, LA MAGIE NATURELLE 63 on en pourra avoir à foison (comme disent Tarentin et Pamphile). Commandez que l'on ébarbe un petit poil qui environne l'arbre, car cela pourrait nuire aux greffes que l'on voudrait enter. Après cela faites une ente qu'on appelle amphylismon ; faites une incision dans l'écorce de l'arbre et posez un petit coin, assez fort néanmoins, entre le corps ou bois de l'arbre, et l'écorce; que cela se fasse avec un délicat tour de maiin, pour que la pièce de l'écorce ne soit blessée. Ayant fait cela vous ôterez le coin et enterez ou greffe- rez là-dedans un jeton ou rameau fort long et aigu d'une vigne noire et féconde, puis liez l'arbre avec son écorce. Ainsi au printemps et en la même saison des cerises, la vigne produira des raisins à foison, attendu qu'elle sera contrainte de dérober la nourriture du tronc qui lui est assujetti. Vous pourrez en faire autant au poirier et au pommier, si vous en avez envie. Par ce moyen aussi, nous ferons les figuiers automnaux et printaniers porter deux fois; par ce même artifice nous produirons aussi des raisins en automne. Voilà donc un art à l'aide duquel nous aurons des fruits en toute saison, comme l'a enseigné Didymus, à savoir si on ente un pommier sur un citronnier, attendu que cet arbre tout le long de l'an est doué d'une perpétuelle fécondité, il produira toujours des pommes mûres, les unes naissant alors qae les autres seront blettes. Mais encore faut-il noter ceci, à savoir que ces propriétés ne viennent que dans les arbres humides et fertiles et non dans ceux qui sont moins féconds. Toutefois, il y a des moyens aussi qui peuvent porter aide et secours à ces derniers, comme nous le verrons ci-après. 64 LA MAGIE NATURELLE Pour avoir des fruits et des fleurs précoces. Premièrement, pour avoir des roses, vous planterez le rosier après vendanges et le taillerez chaque mois, sans autre intervalle, les roses en sortiront, comme l'enseigne Didymus, Afin qu'aussi les lys fleurissent^ il convient de planter dans le terrain des échalottes, les unes à la hauteur de douze doigts, les autres de dix, de huit ou de quatre. Qu'aussi l'on plante sou- vent les artichauts et alors ils produiront souvent des fruits. Si vous désirez avoir des figues avant saison, et bien mûres, vous pourrez en obtenir en imposant à l'arbre de la fiente de pigeon, de l'huile et du poivre. Ceci pourra encore se faire autrement, à savoir en faisant de petites et menues incisions et ouvertures au tronc du figuier, au moment où il aura le plus de lait. De même si dans les plantes des figuiers vous met- tez en abondance des cornes de moutons près de la ra- cine des arbres, et aussi si vous y plantez de la ciboule, ils donneront plus tôt leurs fruits. Si vous mettez de la chaux aux racines des cerisiers, vous aurez des cerises avant saison. Mais quoi ! l'entendement humain a osé si curieusement fureter dans le cabinet de la nature, que grâce à son expérience, il ne craint plus d'en dé- couvrir les secrets. Pour faire en bien peu de temps, croître du persil. Bien que parmi les plantes qui proviennent de se- mences, elle ne soit pas des plus difficiles, ce n'est qu'au cinquantième ou au quarantième jour qu'elle a coutume de sortir de terre, comme Théophraste et LA MAGIE NATURELLE 65 les autres en témoignent. Or, les Latins appellent cette plante apium et nous l'appelons persil; pour la bien faire venir, soyez très attentif, car la moindre erreur vous fera manquer votre affaire. Que vos se- mences soient de la même année et vers la venue de l'été plongez-les dans du vinaigre et laissez-les dans de la terre bien labourée et mêlez-y de la cendre de fèves brûlées. Mais après que vous les aurez arrosées d'une pluie légère, de cette eau qu'on nomme eau ardente, et que vous les aurez fréquemment arrosées, couvrez-les d'un drap, afin que la chaleur ne s'en aille ; alors en très peu de temps, l'herbe percera la terre. Cela fait, ôtez le drap, arrosez la plante, et la tige s'allongera à la grande stupéfaction de ceux qui assisteront à cette merveilleuse croissance. Pour produire des concombres en très peu de temps. Si vous plongez la semence des concombres ou des melons dans le sang humain, en été, il faut que l'homme ne soit point malade, mais sain, âgé et fauve ou brun, car alors il aura une vigueur plus grande et d'une efficacité plus considérable. Changez-la sou- vent, afin qu'elle ne sèche, car il convient qu'elle soit exempte de pourriture. Après avoir laissé sécher cette graine au soleil, vous creuserez des petites fossettes dans une terre féconde et poudreuse et vous y mettrez votre semence que vous aurez garde de ne pas mettre à l'envers. Vous pouvez sans inconvénient y intro- duire de la chaux vive, car cela fait, si vous l'arrosse d'eau chaude, la tige en sortira incontinent. Toutefoiz couvrez-la de drapeaux, afin que la chaleur élevée ne s'envole; et alors vous verrez cette tige ramper et 5 66 LA MAGIE NATURELLE croître prodigieusement en grandeur, bien qu'en très peu de temps, elle perdra cette vie acquise par l'art et qui partant n'est que peu durable. Il faut noter que ces plantes qui produisent ainsi avant saison, sont plus faibles que les autres, de sorte qu'ayant jeté tout leur effort avant le temps, elles ne peuvent plus subsis- ter. Or nous avons déjà vu comment nous pourrons avoir des fruits très hâtifs et avant toute saison ; maintenant il nous reste à indiquer comment nous pourrons en avoir de tardifs. J'en donnerai ici quel- ques exemples. Pour rendre les concombres et autres fruits tardifs. Nous savons que ces plantes ne souffrent pas les gelées et les pluies et qu'elles craignent plus encore le froid ; c'est pourquoi vous planterez en été vos se- mences environnées de fumier et par ce moyen, elle résisteront au froid qui ne les tuera pas. Si vous voulez qu'elles demeurent longtemps vigoureuses, plantez-les près du puits, puis mettez dans des puits les fruits qui en sortiront heureusement et en saison ; ayant fait cela, vous couvrirez la gueule de dessus, afin que le so- leil ni les vents ne leur nuisent en les séchant, car les vapeurs de l'eau qui s'élèvent leur donnent de la vi- gueur et les maintiennent longtemps en leur verdeur. Autrement encore vous pourrez faire ceci : si dans un lieu gras et fumé et exposé au soleil, où vous voudrez poser votre semence, vous planterez aussi des ronces après l'équinoxe d'automne, coupées près de terre et enfouies, et que par après, avec un couteau ou poin- çon de bois vous mettrez (comme nous le faisons) du fumier entre les moelles de ces plantes, puis y ajou- LA MAGIE NATURELLE 67 terez la semence de concombre, de là naîtra un fruit qui ne pourra pas mourir, même s'il est exposé au froid. — Si nous désirons avoir au printemps ou en hiver des fraises qui d'ordinaire ne sortent qu'en été, nous en prendrons la plante avec les feuilles alors que les fraises sont encore blanchâtres et n'ont reçu leur teint de pourpre, et nous mettrons le tout dans une canne dont les bouches seront remplies de fumier; puis nous enfouirons le tout en terre, et par ce moyen, en quelque temps que nous voudrons qu'elles rougis- sent, nous les montrerons au soleil. Si vous voulez avoir des citrons tout le long de l'année, vous vous y prendrez de cette façon qui est familière en Assyrie et dans plusieurs autres lieux. Quand il sera temps de les cueillir, vous couperez une partie de la partie géni- tale. Or en cette partie que vous aurez entourée, par la fécondité de l'arbre, il en reviendra une au lieu de celle qui en aura été distraite, et vous pourrez à votre gré cueillir les premiers fruits et la plante produira encore une nouvelle floraison. Mais si vous voulez faire un figuier fort tardif, ôtez les premières figues lorsqu'elles seront déjà grosses comme une fève, car par ce moyen il produira un autre fruit. Nous pouvons encore par le même moyen, avoir des raisins et des roses tardives, comme enseigne en cette matière le Florentin. Si après que vous aurez enté un jeton de vigne au ceri- sier, vous entez alors le rosier sur le pommier : car croissant et prenant nourriture et vigueur en une écorce étrangère, alors que l'arbre donnera son fruit, la rose s'épanouira avec splendeur dans un parfum suave et doux, au grand émerveillement de tous. Si nous désirons des cerises tardives en vendange, nous enterons un jeton de franc cerisier sur celui qui pro- 68 LA MAGIE NATURELLE duit des cerises fort amères, qu'on appelle amarines, et si cela se répète trois ou quatre fois, cet arbre don- nera des fruits tardifs ; le même arbre alors, par un trop rapide accroissement, oubliant son premier suc, les cerises un peu aigrelettes en sortiront plus agréables. Voilà comment nous produisons divers fruits en di- vers temps et vous pouvez user de la recette à votre gré. Chapitre Deuxième Comment on peut faire des fruits composés de diverses espèces. Dans les gigantesques compositions de la nature et ses admirables mutations, on ne peut pour ainsi dire rien trouver de plus grand que ce que l'on appelle Tenture ou la greffe. Nous l'avons louée suffisamment déjà, et le ferons davantage encore au cours de notre œuvre, parce que par un réciproque embrassement des choses diverses, elle les lie d'une façon indisso- luble et merveilleuse. Bien que certains trouveront ces entures laborieuses, voire même impossibles, car je n'ignore pas qu'il se trouvera des gens pour se moquer de ce que je dis, toutefois je désire qu'ils exa- minent les effets et les résultats de mes expériences. Pour vous amener à admettre mes idées, je ne veux que les propos d'un rude laboureur et d'un ouvrier ignorant, qui vous démontreront par l'expérience ce que j'avance. Puis, considérez dans votre esprit la doctrine des anciens concernant la greffe d'un figuier sur un mûrier. Ces vieux pères ont encore enseigné que si le mûrier est enté sur le châtaignier, le thérében- thin ou le peuplier blanc, il produira des mûres blan- LA MAGIE NATURELLE 69 ches. On peut enter également le châtaignier sur le noyer et sur le chêne ; le grenadier peut aussi être greffé sur toute espèce de plantes. Le cerisier aime à être greffé sur le pêcher et même sur le thérébenthin. Le thérébenthin se plaît. dans la société du cerisier et du pêcher. Les anciens nous disent aussi que la vi- gne greffée sur un olivier peut produire des fruits qu'on appelle en grec Elœsophilos, que les Latins appellent oleuva, qui est comme qui dirait une olive- grappe. Le Florentin, dans la onzième Géorgique, dit l'avoir vue chez le grand Marins et affirme qu'il lui semblait exactement goûter d'un grain de raisin et d'une olive tout ensemble. Le myrte enté sur le saule a produit des grenades, à ce qu'on raconte, mais nous ne l'avons jamais vu. Enfin, Columella tient pour vrai et enseigne que sur tout arbre on peut enter ou greffer toute autre espèce d'arbre. De là vient alors toute composition de fruits divers et inusités et des feuilles aussi qu'on n'est pas accoutumé à voir, ainsi que Vir- gile dit dans les Géorgiques : S'émerveillant de si grand nouveauté Qu'avec l'honneur d'une gaie beauté Feuille nouvelle en grand heur lui survienne Et mainte pomme inconnue et non sienne. A la vérité, ce genre d'enture ou de greffe est chose admirable et fait grand honneur à l'industrie de l'hom- me. Ce que nous allons voir dans la suite est plus mer- veilleux encore et mérite toute l'attention du lecteur. 70 LA MAGIE NATURELLE Manière de faire une pomme d'une pêche et d'une pêche- noix. Vous ferez cela au moyen de ce que nous appelons Tenture ou la greffe, et que les laboureurs appellent emplâtrement. Vous coupez les rameaux d'un pêcher et d'un pêche-noyer qui soient nouveaux et portent des fruits. Vous les présenterez sur l'arbre sur lequel vous voulez greffer, éloignés l'un de l'autre de deux doigts et de sorte que les fruits se trouvent au milieu. Puis avec un couteau vous ôterez doucement l'écorce du bois afin de ne pas blesser les fruits, puis vous fen- drez les pêches et les pêches-noix, afin que jointes en- semble, elles croissent sans laisser de cicatrice et comme si les deux fruits n'en faisaient qu'un. Cela fait, entez l'un ou l'autre sur la partie de l'arbre qui sera la plus nette, reluisante, et enlevez tout le reste pour que toute la nourriture de l'arbre aille à la partie greffée. Après cela, ouvrez l'écorce de l'arbre et faites une ouverture de la grosseur du fruit sus- mentionné, puis appliquez-y ce fruit de façon à ce qu'il remplisse exactement l'ouverture. Enveloppez-le ensuite et liez-le, en vous gardant bien de le blesser. Garnissez aussi la plaie de terre grasse que vous recouvrirez d'un hnge pour que la pluie ne la fasse pas couler. Ainsi ce fruit germera et don- nera un exemplaire de l'une et de l'autre progéniture, comme on n'en aura jamais vu de semblable, car il représentera une pêche et une pêche-noix tout en- semble. Par le même moyen, on peut arriver à avoir sur le même arbre d'un côté des grenades douces et de l'autre côté des grenades noires. Et Diophane enseigne LA MAGIE NATURELLE 71 de faire la même opération avec des pommes et des poires odoriférantes et les appelle myrapidia. Les pommiers se greffent heureusement avec les coigniers en Grèce, où les Athéniens les appellent meli- mela, et nous pommes douces, ou pommes de para- dis, suivant Diophane. De même encore les citrons joints aux limons, bien qu'ils soient de genre et d'espèce divers, deviendront moitié doux et moitié aigres. La pomme également imitera parfois, par le dehors l'apparence de la pêche, mais au dedans elle aura une douceur ressemblant à celle de l'amande et non à celle de la pêche, ce qui fait qu'à bon droit nous pouvons nommer ce fruit la pomme-pêche. Pour faire qu'une vigne donne des grappes blanches et des raisins noirs. Quoique, par les exemples que nous avons donnés ci-dessus, nous puissions produire des raisins de diver- ses sortes, toutefois, pour satisfaire les curieux, j'en donnerai encore d'autres, à savoir, comment un même cep pourra porter des raisins blancs et noirs ensemble, et que sur une même grappe apparaîtront des raisins blancs et noirs et que ceux-ci également seront divi- sés en noirs et en blancs. Pour faire cela, vous pren- drez trois ou quatre marcottes de vigne, ou davantage si bon vous semble, de diverses espèces et de diverses couleurs et qui puissent facilement croître. Vous les lierez en un faisceau, les introduirez dans un petit tuyau ou dans une corne de béHer, de sorte qu'elles sortent par l'un ou l'autre côté. Vous réduirez dessous les sarments, les enfouirez dans un creux que vous em- 72 LA MAGIE NATURELLE plirez de terre fumée et vous les arroserez jusqu'à ce qu'elles commencent à produire leur germe et à fruc- tifier. Après un laps de deux ou trois ans, rompez votre tuyau, si toutefois la corne où vous avez introduit les marcottes, est déjà pourrie. Après cela, avec une scie, coupez tous les rameaux à trois doigts au-dessus du tronc, et après qu'il aura donné des tiges, laissez-en une et retranchez toutes les autres, de peur que si vous les laissiez toutes, les sarments ne puissent donner tout leur suc et toute leur vigueur. De cet assemblage naîtra un arbre qui vous donnera des raisins de di- verses couleurs. Autrement, en employant la méthode de Didymus, nous pourrions le faire encore plus facilement. Prenez deux sarments, l'un blanc l'autre noir, et lorsqu'il est temps de les tailler, coupez-les par le milieu, mais en ayant soin que rien ne tombe de la moelle, et ces sar- ments ainsi divisés, vous les joindrez ensemble, de telle façon qu'ils semblent bien n'être qu'une seule et même taille. Puis vous les lierez étroitement et aurez soin de les frotter de terre grasse et pendant trois jours, vous les arroserez souvent, jusqu'à ce qu'il sorte des germes de l'une et de l'autre partie et produise des grappes dans lesquelles vous trouverez des grains de l'une et de l'autre couleur. Si les marcottes coupées du tronc du cep ne peuvent facilement croître de cette manière, où s'il y a une autre plante qui ne puisse se loger en un autre tronc, vous agirez plus sagement en faisant votre greffe de la manière que nous avons l'avons décrite pour d'autres arbres. Par cette manière de greffer, on obtient aussi plusieurs grenades et coings diversement colorés, voire même beaucoup d'autres fruits, dont nous ne parlerons pas, estimant que ce se- LA MAGIE NATURELLE 73 rait chose superflue. Mais il convient encore de noter que l'on amollit les verges (parce qu'elles sont dures) avec un marteau, parce qu'alors elles croissent mieux. Pour faire des pêches-amandes. Cueillez un rameau ou jeton d'un pêcher, et entez- le sur un amandier doux, et si vous entez le germe qui en naîtra sur un autre, et que vous répétiez l'opération trois ou quatre fois, l'arbre enfin vous produira une pêche, ayant le dedans de son noyau doux. Le diligent ouvrier pourra encore, si bon lui semble, composer ainsi plusieurs autres choses, mais il suffira d'avoir montré la voie à suivre, pour que nous puissions passer outre. Comment la figue peut se faire également blanche et noire. Pour arriver à ce résultat, nous voulons vous donner une autre méthode que celle qu'a enseignée Leontius, mais vous prendrez naturellement celle que vous juge- rez convenir le mieux. Vous prendrez des grains de figuier blanc et noir, et les envelopperez et lierez étroi- tement dans un drapeau ou sachet de papier sur le- quel vous écrirez quels sont les blancs et quels sont les noirs. Puis, quand il sera temps, vous les planterez et il en naîtra des figues de deux couleurs, en sorte que d'une part le fruit sera noir, et d'autre part blanc. Il nous semble qu'après le discours laborieux que nous venons d'écrire sur ce difficile sujet, nous pouvons ar- rêter ici nos indications et nos expériences. Il y a bien encore d'innombrables espèces d'arbres et de plantes dont je pourrais parler, mais il me semble que ce serait 74 LA MAGIE NATURELLE véritablement chose superflue d'y insister, après tout ce que j'ai dit dans les pages qui précèdent. Nous allons donc parler maintenant de choses plus étonnantes et plus merveilleuses encore, en commen- çant par ceci, à savoir comment un fruit peut venir sans écorce ou sans peau, et sans noyau. Ce sera là le sujet de notre chapitre troisième. Chapitre Troisième Comment un fruit peut venir sans écorce ou peau, et sans noyau. L'ancienne tradition des philosophes, principale- ment de ceux qui ont écrit le mieux sur l'agriculture, est telle, à savoir que quand on veut enter les jetons ou les vives racines, on leur arrache la moelle avec un cure-oreille ou un couteau d'os, persuadés par ce moyen que les plantes qui en proviendront, produiront un fruit sans écorce, et sans noyau enveloppé de bois, pour autant que cett^ même moelle soit mûre et nourrie de la substance forte, qui participe du bois. Toutefois les Arcadiens sont d'une autre opinion, car, disent-ils, tout arbre auquel on a arraché quelque chose, vit encore, mais si vous lui ôtez sa moelle, non seulement il ne produira pas des fruits sans noyaux mais il est certain qu'il séchera sur place et mourra. Car tout ali- ment de créature vivante est tiré de la moelle comme par une seringue. Et cela se prouve à toute évidence par ce fait que la matière vide ou dépourvue de moelle se tourne et se courbe, jusqu'à ce qu'elle soit complè- tement sèche. LA MAGIE NATURELLE 75 Pour faire qaiine grappe de raisin n'ait point de pépins. Prenez le sarment que vous voulez planter en terre, et fendez-le avec une petite pierre, depuis le sommet jusqu'à l'extrémité de son tronc; puis, d'un côté ou d'autre, ôtez-en toute la moelle avec un burin, cou- teau ou autre instrument d'os, en cette partie seule- ment qui sera cachée en terre. Après liez étroitement les deux parties d'une branche d'osier, enveloppées soigneusement de papier; puis, creusez une fosse en une terre humide et grasse; attachez votre sarment à une canne pour lui servir d'appui, et afin qu'il ne se puisse tordre ou entortiller. Ainsi les deux parties de ce sarment se lieront comme auparavant. La chose se fera encore mieux si dans la partie creusée vous mettez un oignon de squille, car il tiendra la plante humide et s'y appliquera comme glu et l'en- tretiendra d'une chaleur vigoureuse. Le même effet se produira si en plantant le jeton, on en retire toute la moelle. De même si vous voulez qu'un cerisier pro- duise des cerises sans noyau, vous y arriverez de la façon suivante : coupez le tronc de cet arbre encore tendrelet, puis fendez-le et ôtez-en la moelle, ensuite rejoignez et serrez très étroitement les parties sépa- rées et couvrez-les de boue, de fumier ou de terre grasse, jusqu'à ce qu'elles aient pris tout leur dévelop- pement et vous aurez le fruit désiré. Pour faire venir une pêche sans noyau. Par une nouvelle manière de greffe ou d'enture, dont voici la façon, nous planterons un pêcher près d'un saule, en un lieu continuellement arrosé d'eau, ou s'il 76 LA MAGIE NATURELLE ne l'est, il le faut aider par un arrosement artificiel, pour que le bois s'enfle et donne une vigueur abon- dante et à l'arbre et aux rejetons étrangers. Que le saule soit de la grosseur d'un bras, qu'on le perce au milieu par une tarière, et y ayant seulement laissé la tête du pêcher, nous couperons tous ses rameaux et les introduirons dans le trou du tronc du saule. Cela fait avec soin, nous boucherons l'orifice de terre grasse et puis, l'an écoulé, après que le tout se sera joint et in- corporé, de sorte que les deux arbres n'en feront plus qu'un, nous retrancherons tout ce qui apparaîtra au- delà de la perçure, afin que la nourriture ne soit trans- portée à cet endroit, et que la vigueur ne soit détour- née de la croissance, et aussi de peur que l'arbre grevé d'une autre race ne se courbe sous le poids des fruits étrangers qu'il aura à porter. Ensuite, voici une autre manière. Couchez la tête du saule en terre et courbez- le en forme d'arc et après qu'en cet état il aura pris son pli, et sa nourriture et sa croissance, il faudra couper le pêcher, le transporter en terre avec le saule. Par ce moyen le pêcher marié avec le saule produira des fruits sans os ou noyaux. Il en sera de même du prunier, du jujube, du pain de pourceau et des autres sortes de pommes. Pour faire venir la courte sans semence. Comme on peut le voir dans les écrits de Quintillien, si nous prenons un surgeon de courle, de melon et de concombre, après qu'il aura pris croissance, et sera allongé et multiplié comme la vigne, et ayant creusé un trou en terre, l'y enterrez de sorte que rien n'en apparaît sinon la tête droite, et après que la plante LA MAGIE NATURELLE 77 sera arrivée à croissance, de rechef faites la même chose pour la troisième fois. Vous répandrez ensuite de l'eau dessus et après que vous aurez reconnu que vos plantes ont jeté toutes leurs racines et que vous les verrez éparses sur la terre, vous prendrez ces je- tons courbés^et les fendrez par le milieu, et la dernière tige donnera des fruits sans semences intérieures, mais seulement des petits tendrons ou cartilages enve- loppés. De même façon aussi naîtront des fruits sans semence, si pendant trois jours ou plus vous laissez tremper les grains dans l'huile de sisame, avant que de les semer. Pour faire naître une noix iendreleite, et sans coquille. Voici ce qu'en dit l'Africain : rompez de toutes part l'écaillé d'une noix parfaite, de sorte que le noyau entier soit divisé en quatre parties, et tirez-en le bon avec la petite peau dont il est enveloppé et qui sur- vient entre la coquille et la chair de la noix, sans tou- tefois qu'elle soit aucunement endommagée ou blessée, et cela fait, vous l'enveloppez de laine, de papier ou de feuilles de vigne, afin que ce noyau ainsi dépouillé ne soit pas rongé par les vers, et par ce moyen vous aurez des fruits bien tendres. Ou bien, à l'endroit où vous aurez décidé de planter la noix, creusez une fosse et y mettez de la terre poudreuse, et y semez semence de férule, et après qu'elle aura germé, ouvrez-la et posez le noyau de la noix nue dans la moelle de celle-ci, et vous aurez de la sorte pendant longtemps des fruits suaves et agréables. Nous pourrons ainsi rendre la tarentina, que d'au- cuns appellent molusca, car on appelle seulement 78 LA MAGIE NATURELLE tareutina celle qui a une coque molle et fraîche, qu'on rompt facilement à la main. Pour la rendre très déli- cate, arrosez la plante pendant un an d'eau de lessive et entourez ses racines de cendres : c'est Damageron qui l'enseigne ainsi. Puis, si vous percez l'arbre de part en part, vous ren- drez les noix molles et dures et aisées à réduire en poudre. Vous ferez de même de l'avellaine et de l'a- mande, si avant que ces arbres aient donné des fleurs, vous déchaussez les racines, et de temps à autre y ré- pandez de l'eau chaude ; ils produiront alors leurs fruits tendres, avec des noyaux nus, et leur coque sera fraî- che et friable, de sorte qu'ils seront couverts seule- ment d'une peau si fine et délicate qu'on pourra la manger avec le fruit qui y est enclos. On peut en faire autant de tous autres fruits qui sont enveloppés dans des écailles ou des coques. Pour faire que le myrte produise ses grains sans peliis noyaux. Vous fouillez la terre de deux palmes de profondeur en rondeur, et vous l'arrosez souvent d'une eau tiède, ce que Théophraste raconte avoir été fortuitement trouvé, parce qu'il arrivait parfois qu'un myrte dé- daigné était né près d'un bain et donnait des fruits sans rîoyau, ce qui amena beaucoup de gens à en pren- dre de la graine pour en semer à leur tour. C'est ainsi que cette espèce vint tout d'abord à Athènes. Le même auteur prétend que le même effet se produisait aussi avec le pommier, au printemps. Je ne veux pas non plus passer sous silence ce que dit l'Africain, qui pré- tend savoir faire en sorte (ju'un grenadier porte ses LA MAGIE NATURELLE 79 pommes sans grains. Et cela adviendra réellement, si vous en ôtez une partie de la moelle apparente, comme nous l'avons dit à propos de la vigne, et que vous plan- tiez le bois fendu, et si après quelque temps vous cou- pez la partie supérieure de la plante, qui aura déjà bourgeonné, elle donnera alors le fruit désiré. Chapitre Quatrième Comment on pourra faire que les fruits soient plus doux, plus odoriférants et plus grands. Il y a certains arbres qui pour avoir eu leurs troncs fendus ou avoir reçu quelque mutilation ou blessure par suite d'un soudain coup d'air ou de chaleur, pé- rissent; ils deviennent langoureux, et sèchent pour ainsi dire soudainement. Il y en a d'autres aussi qui endurent qu'on fende leur tronc, et souffrent qu'on les perce avec une tarière, ce qui, de peu fertiles qu'ils étaient, les rend féconds, ce qui est le cas du grena- dier, de l'amandier et du pommier. Car ainsi blessés, ils porteront un fruit plus doux et plus suave, parce qu'ils ne prennent de nourriture que juste autant qu'il leur en faut et rejettent l'humeur superflue et nuisible, comme on peut le voir parfois chez les animaux, digé- rant par ce moyen plus facilement ce qui leur reste de suc et de vigueur. Ce qui fait que ces plantes donnent des fruits plus doux et plus beaux, c'est qu'elles vivent ensemble en plus petit nombre et gardent ainsi tout leur suc, sans avoir à le partager avec d'autres. 80 LA MAGIE NATURELLE Pour faire que les amandes el les dirons deviennent doux. Encore que les amandes amères soient estimées les plus saines, toutefois on les dédaigne et, comme on dit communément, on les foule aux pieds. Cependant si vous voulez rendre douce l'amande qui est amère, voici de quelle manière vous devrez vous y prendre. Déchaussez la racine de la largeur de quatre doigts tout à l'entour, puis percez avec une tarière la partie la plus basse de l'arbre. Par ce moyen l'humeur fleg- matique qui abonde en lui s'écoulera continuellement, et l'arbre sera rendu plus doux et portera son fruit plus tôt et plus mûr. Nous aurons aussi des citrons bons à manger par ce moyen, s'il advient que son ai- greur démesurée vous empêche de les goûter. Voici ce qu'il faudra faire dans ce cas. Vous ferez un trou de tarière oblique dans la racine lorsque le citronnier laissera écouler son suc nuisible, et lorsqu'après quel- que temps, ses pommes seront formées, vous boucherez la plaie avec de la boue ou de l'argile. Ou vous coupe- rez le plus gros rameau de cet arbre et l'enterrerez à la hauteur d'une palme, après vous ferez couler du miel dessus, puis le couvrirez de paille, de claie, de tuiles ou autre chose semblable pour le préserver du soleil et de la pluie. Après que la plante aura bu tout le miel, vous en remettrez d'autre, et répandrez de l'u- rine sur la racine et lorsque vous verrez que l'arbre commence à porter des fruits, arrachez les pommes de la partie de l'arbre où vous n'aurez point répandu du miel et laissez les autres, et de la sorte vous aurez des citrons qui seront doux et agréables à manger. LA MAGlli NATURELLE 81 Pour faire que les grenades soient douces. On peut, comme dit Paxamus, adoucir les grenades, car si elles sont aigres, vous pourrez les amander de la manière suivante. Vous ferez une fosse en rond autour de l'arbre, puis vous fumerez ses racines découvertes de fiente de pourceau et d'homme et les arroserez d'urine vieille; à l'époque où il commence à bourgeon- ner et à donner des fleurs, vous déchausserez ses raci- nes et les arroserez d'eau chaude, et par ce moyen avec une saveur aigrelette elles plairont à la bouche. Ainsi que le dit Anatolius, les pommiers rendent leurs fruits fort doux, si assidûment on arrose leurs racines d'urine, de fiente de chèvre et de lie de vin vieux, Dio- phane de son côté enseigne que vous rendrez le poirier doux et très fertile, si vous percez le tronc de cet arbre près de la terre et que vous y introduisiez un coin de chêne ou de hêtre. Pour rendre les fleurs des fruits plus suaves et plus odo- riférantes. Pour rendre les fleurs des melons, concombres, artichaux, citrons, poires, plus odoriférantes, appre- nez-le du Florentin qui enseigne qu'il faudra pendant trois jours tremper les semences de ces plantes dans du vin mielé, du lait de chèvre, ou de l'eau dans laquelle vous aurez fait fondre du sucre. Cela fait, vous les exposerez au soleil, car ainsi les fruits acquerront plus de suavité et de douceur. Mais si vous les désirez plus odoriférants, prenez les semences que vous vou- lez mettre en terre et mettez-les dans de l'huile de 82 LA MAGIE NATURELLE nard, ou dans de l'eau de rose passée par l'alambic, dans laquelle auraient été dissous et fondus quelques grains de musc et de civette. Après les avoir laissé sé- cher quelque peu, vous les sèmerez. Il en naîtra des fruits plus odoriférants et doués précisément du par- fum des essences qui auront servi à mouiller les se- mences. Si vous voulez faire un vin ou un raisin fort odoriférant, Praxamus en a enseigné la recette. Pour le faire, nous prendrons un sarment que nous enfoui- rons avec toute drogue odoriférante, dont nous vou- lons que la grappe retienne le parfum, puis nous lais- serons la plante tremper pendant quelque temps dans l'eau pénétrée de cette drogue. Elle produira un raisin qui aura le parfum de cette drogue. Il en sera de même du malabathrum, appelé autrement Feuille d'Inde et de toutes autres fleurs odoriférantes. De même encore si dans chaque greffe ou jeton on introduit quelques grains de musc, la plante reproduira la même par- fum. C'est la raison aussi pour laquelle on voit des poi- res muscatelles. Si vous voulez rendre la rose aux cent feuilles, blanche et très odorante, entez en une greffe au rosier^muscat (ainsi appelé pour la merveilleuse odeur de musc qu'il répand) et en répétant plusieurs fois la greffe, elle vous réjouira autant par sa forme que par son odeur. Si vous voulez aussi rendre une laitue odoriférante, semez-en les graines avec de la se- mence de citron. Si nous enfouissons, comme dit Var- ron, des grains de laurier, là où nous avons planté de la graine d'artichaux, nous arriverons à donner à ceux-ci l'odeur du laurier. Nous vous avons présenté ci-dessus à suffisance des fruits suaves et odorants. Il nous reste maintenant à enseigner la manière d'augmenter le nombre des fruits. LA MAGIE NATURELLE 83 Pour augmenter toute espèce de fruits. Si vous voulez avoir des grenades qui soient gros- ses, posez un pot de terre plein d'eau auprès de la ra- cine, puis mettez-y la fleur de la plante liée avec son rameau courbé et pour qu'elle ne bouge, liez étroite- ment. Puis mettez votre pot en terre et couvrez-le pour que l'air n'y entre. Lorsque le temps des fruits sera venu, vous serez étonné de leur merveilleuse grandeur; en effet ils seront plus gros que les plus grosses pommes ; toutefois elles seront couvertes d'une fort grosse écorce. Car le pot gardera l'humeur que le soleil et l'air lui déroberont et les vapeurs qui s'élève- ront grossiront les fruits et en accroîtront le nombre. Nous pouvons également grossir de la même façon les grains de grenade. Entez un grenadier près d'un cor- nouiller et percez avec une tarière le tronc du cornouil- ler et par le tronc jetez-y la plante de grenade. Au bout de trois mois environ, vous la séparerez des racines, et couperez le cornouiller à l'endroit où il aura com- mencé de se lier et de prendre nourriture, afin qu'il n'ôte sa vigueur à l'arbre étranger et ne la puisse atti- rer, ou afin qu'il ne serve plus qu'à la plante qui est entée avec lui. Il donnera ainsi des fruits dont les graines imiteront les fruits du cornouiller et seront doués d'une saveur insigne, de sorte qu'il sera impos- sible vraiment d'en voir de plus beaux. Si vous désirez encore avoir des citrons gros à merveille, coupez plu- sieurs de ses rameaux, et n'en laissez que quelques-uns, car plus petit en sera le nombre, et plus grosses seront les pommes qu'il produira. Si de même vous voulez faire qu'une courle soit grosse, ôtez lui sa graine cen- 84 LA MAGIE NATURELLE traie et plantez-la le sommet renversé; si vous la vou- lez petite, prenez de celles qui seront au pourtour et si vous les voulez larges, prenez celles qui sont au fond. C'est ce qu'enseigne Columelle dans des vers fameux. Maintenant, pour rendre les concombres sans eau, vous opérerez de cette manière. Après que vous aurez fait le creux où vous voulez planter vos concombres, vous remplirez la moitié de sa profondeur de paille ou de sarment, puis le couvrirez de terre. Vous plan- terez alors la semence de vos concombres et les recou- vrirez de terre sans les arroser. De la même façon le persil, la roquette, le poireau et autres plantes sem- blables croîtront en hautes tiges et en feuilles très lar- ges (au dire de Sotion), si vous plantez les semences de ces plantes encloses dans des crottes de chèvre, ou si vous les enveloppez de trois doigts de papier, et que vous les posiez dans une fossettf-, en les recouvrant de terre fumée. Pour faire naître une laitue abondante en plusieurs semences. Elle naîtra telle si vous arrachez les feuilles qui se- ront près de la racine et que vous y semiez de l'herbe nommée dragée aux chevaux, ou de la roquette, ou du cresson ou autres plantes semblables, et que vous l'enfouissiez en la couvrant de fumier : il en naîtra une laitue couronnée de toutes ces semences ensemble. Vous obtiendrez le même effet, si vous prenez une crotte de chèvre ou de brebis et mettez au centre ou au milieu de cette crotte les graines de laitue, de basi- lic et autres semences semblables, puis frotterez cette crotte de très gras fumier et la poserez en une fosse LA MAGIE NATURELLE 86 assez profonde, dans laquelle vous jetterez à suffisance de la fiente et l'arroserez souvent, peu à peu, pour la rendre féconde. Ainsi la laitue et toutes autres plantes semblables germeront, chaque semence gardant toute- fois sa saveur particulière. Didymus dit encore que si dans chaque crotte vous enfermez une graine et la plantez enveloppée dans un papier, elle aura le même effet. Et encore (suivant la doctrine de Florentinus) vous pourrez rendre les laitues cabusses ou pommes; vous y arriverez si, déchaussant sa racine, vous ren\'i- ronnez de dents de bœuf et l'arrosez, et lorsqu'elle pro- duira sa tige, vous la couperez; cela fait vous la met- trez en un pot de terre, pour qu'elle ne puisse s'élever en haut; de cette manière, vous l'aurez large et ses feuilles amassées en rond. Si encore vous désirez que la laitue soit d'une saveur plus délicate, Aristoxenus, philosophe de CjTène, homme voluptueux et friand de mets délicieux, vous en enseignera le secret. Car cet homme qui s'abandonnait démesurément aux friandises de la bouche, pour avoir des laitues telles que nous les avons dépeintes, les arrosait le soir de vin miellé et les saoulait littéralement de bon breu- vage. Aussi avait-il de par le monde la réputation bien étabUe d'un grand gourmet. Pour faire que les artichaux n'aient point d'épines. Rebouchez le sommet de la semence des artichaux que vous voulez planter, en le frottant au moyen d'une pierre. Ou bien vous coupez une laitue en pièces et en chacune de ces pièces, vous introduisez une se- mence d'artichaux; par ce moyen, ils croîtront sans épines. Le pêcher aussi produira des fruits fort gros, 86 LA MAGIE NATURELLE si alors qu'il fleurit, vous jetez à son pied trois setiers pleins de lait de chèvre. Chapitre Cinquième Comment les fruits, en croissant, pourront prendre toutes figures et impressions. Le hasard est un grand maître qui nous montre bien des choses ; ainsi nous voyons souvent les citrons abon- der en images et impressions de rameaux ou divers autres dessins, que des hommes ingénieux alors com- plètent à grand labeur. Or, quoique la cause de ces choses merveilleuses soit inconnue à la plupart des hommes, il en est d'autres qui les considèrent avec admiration, de sorte qu'on estime que ces choses arrivent contrairement aux rè- gles, ordonnances et lois de la nature. Ainsi si vous accommodez des pots de terre à la croissance exacte des pommes, elles rempliront, en croissant, les effigies qui leur seront présentées et prendront telle forme que vous voudrez. Il adviendra encore un autre cas, à sa- voir, que si ayant broyé quelques couleurs, vous les posez dans des lieux convenables, ils produiront des fruits semblables et comme naturels. Voilà pourquoi on voit souvent l'effigie du chef d'un homme em- preinte de pommes de coing, montrant des dents blan- ches et découvrant un teint rouge dans les joues et un teint noir dans les yeux. Pour obtenir ce résultat, voici la manière à employer : si vous voulez représenter une tête d'homme, de cheval, ou d'une autre bête quelconque, il vous faudra faire telle forme qu'il vous plaira sur de l'argile, ou du plâtre mou, mais presque LA MAGIE NATURELLE 87 sec. Ayant fait cela, avec un instrument aigu vous fen- drez votre forme afin d'en tirer votre moule, et si adroitement que les deux parties puissent commodé- ment se rejoindre. Toutefois si vous voulez votre forme de bois, faites la creuse au dedans, mais si elle est faite d'argile, faites la cuire au four d'un potier; puis quand vous verrez que le coing ou citron aura pris valeur ou la moitié de sa grandeur, vous le mettrez entre ces deux formes, que vous serrerez de forts liens d'osier, afin que, par la croissance de la pomme, ces pièces ne s'ouvrent, et vous pouvez être assurés que si le fruit arrive à sa juste grandeur, il vous pré- sentera les naïves figures qu'il vous aura plu lui don- ner. Et cela sera merveilleux réellement dans les courles et les poires (ainsi que le raconte Démocrite) de même que dans les citrons, les grenades et les pommes d'amour. Je trouve encore dans Quintillien que si ayant fendu une canne en long et arraché l'entre-deux des nœuds et que là dedans on enferme une courle longue ou un concombre nouvellement né, ce germe croissant remplira tout à fait la canne, s'étendant en forme longue. Mais si vous enterrez la tige de la courle nouvelle entre deux pierres rondes percées au milieu, elle croîtra ronde également. Pour imprimer des traits ou linéaments aux pommes. Pour arriver à ce résultat, vous prendrez du plâtre détrempé fort clairement, et en enduirez toute l'écorce du coing ou de la grenade; puis avec un poinçon vous écrirez les lettres ou autres marques qu'il vous plaira. Et soyez sûr que lorsque ces fruits seront parvenus à la grosseur qui leur appartient habituellement, et que 88 LA MAGIE NATURELLE VOUS les cueillerez, les traces des linéaments du poin- çon enfoncé y demeureront. Mais si quelqu'un veut peindre ou graver l'effigie de quelque chose sur un fi- guier, qu'il écrive avec un poinçon ou un burin d'os ou de bois dans l'œil du figuier; lorsqu'il sera arrivé à sa croissance, il produira un fruit orné des mêmes ima- ges et figures que vous aurez gravées. Autrement, selon Démocrite, si vous écrivez ce qu'il vous plaira à l'œil du figuier que vous voudrez greffer, les figues sortiront écrites. Pour faire que les amandes naissent écrites. Laissez tremper la coque d'amande deux ou trois jours, ou plutôt un noyau de pêche, comme Démo- crite l'a enseigné, vous pourrez mieux le rompre, sans que le noyau soit blessé et écrivez dessus assez profondément ce que vous voulez. Après cela envelop- pez le de papier ou d'une petite pièce de drap et en- graissez-le de fiente, et il vous donnera des fruits écrits. Le même auteur affirme qu'il en sera de même avec toutes autres espèces de fruits. Comment nous pourrons former une mandragore, j'en- tends celle qui est feinte — et se vend souvent par les femmelettes, — imposteurs et bateleurs. Prenez une grande racine de couleur dite Bryonia avec la pointe aiguë d'un burin, formez-y la figure d'un homme ou d'une femme, lui ajoutant les parties génitales, et lorsque vous verrez qu'elle sera parfaite, percez avec une touche les parties naturelles, ou les en- droits qui sont sujets à porter des poils et dans ceux- LA MAGIE NATURELLE 89 ci posez du millet ou quelque autre graine, de sorte qu'en jetant quelques petites racines, elle produise aussi des barbes qui ressemblent à des poils. Cela fait, vous enfouirez celte racine dans une fosse très étroite et la laisserez-là jusqu'à ce qu'elle se soit revêtue d'une écorce et ait jeté ses petites racines. Chapitre Sixième Comment les fleurs et les fruits réciproquement quit- teront leurs couleurs, pour en prendre de nou- velles. Parmi les fleurs innombrables qui couvrent la terre, celles que la nature a pourvues de diverses couleurs donnent tant de plaisir, que rien de plus agréable ne peut être offert aux yeux des hommes. La fleur qui resplendissait par exemple d'un éclat pourpre, haute en couleur, prend une nouvelle couleur et devient perse; celle qui naguère avait une apparence blanche, se revêt de couleur jaune ou de violet rougeâtre : le mélange des teintes diverses délecte ainsi merveil- leusement. Dans la contemplation de ces délices, l'es- prit humain est confondu à la vue de cette exubérance florale, et admire la grandeur de ces sublimes assem- blages, sans pour ainsi dire en comprendre l'excel- lence. Il y a beaucoup de moyens d'arriver à produire ce résultat, comme les greffes, les arrosages, les tailles et autres moyens, dont les anciens ont déjà beaucoup parlé et dont nous allons dire nous-mêmes ce que nous en savons, augmentant de la sorte les renseignements qu'ils nous ont donnés. 90 LA MAGIE NATURELLE Pour faire que les roses el les jasmins prennent une couleur jaune. La fleur du genêt resplendit merveilleusement diaprée d'un teint jaune, comme on sait; si nous dési- rons que la rose et le jasmin l'imitent et lui dérobent sa couleur, voici comment il faudra s'y prendre. Nous plantons la rose tout près du genêt; toutefois nous la transportons avec sa terre — car les roses croissent plutôt dans le sein de leur mère que de leur marâtre. Après cela, nous perçons avec une tarière cette plante et retranchons de toutes parts les parties superflues de la rose ; puis nous l'entons. Ensuite nous la couvrons de terre grasse et la lions ; puis nous la séparons de la racine et au-dessus de la greffe, nous coupons le tronc; de cette façon la rose deviendra jaune. C'est par un moyen semblable que dans notre pays le jasmin re- luit d'une couleur si élégante et si resplendissante qu'il éblouit presque les yeux. Vous en ferez tout au- tant, si vous vous servez des mêmes moyens. Pour faire que la fleur de Vœillel ou giroflée, devienne perse. Cette fleur, pour l'odeur du girofle qu'elle répand, est appelée giroflée ; et quant à sa perfection et à son excellence, si cette fleur tant renommée et qui, soit pour son parfum, soit pour sa couleur ou sa beauté, n'est inférieure à la rose, a été connue des anciens, mais laissée par eux dans l'oubli, nous trouvons, nous, à propos d'en parler en cet endroit de notre œuvre, parce que d'aucuns pourraient trouver cette meta- LA MAGIE NATURELLE 91 morphose de couleur difficile. Voici donc comment vous pourrez en venir à bout. Vour prendrez une plante d'endive ou de bluet, ou plutôt de l'endive erratique et fort ancienne , donc grosse, ayant plus d'un pouce de largeur. Vous la cou- perez près de la racine et la fendrez par le milieu, puis vous ficherez en terre la tige de la fleur arrachée de sa racine. Cela fait, vous la lierez au moyen d'une verge d'osier, et la couvrirez de terre que vous engraisserez de fiente grasse tout autour; de la sorte, cette plante vous donnera une fleur dont le teint bleu réjouira vos yeux. De même, si vous fichez cette fleur blanche dans une racine d'orchanette, vous aurez une fleur rouge. Si encore vous parfumez cette même fleur ou la rose avec du soufre, ou d'autres matières, l'œillet ou la rose changeront encore de couleur. Pour faire la rose verte^ jaune ou perse. Voici comment, pour arriver à ce résultat, nous au- rons à opérer. Nous fendrons en dehors la tige de la rose près de la racine, et nous ferons de même à tous ses rameaux, puis nous remplirons les fentes de telle couleur qu'il nous plaira. Si nous la désirons verte, de vert-de-gris ; si nous la voulons perse, de pierre d'Inde, et si nous la voulons jaune, de safran, bien entendu toutes ces substances réduites en poudre. Toutefois n'y mêlez point d'orpiment ou quelque autre drogue semblable, car son venin tuerait la plante. Ainsi donc, ayant opéré de la sorte, vous fumerez la plante, et la lierez, et par ce moyen elle teindra la fleur de la couleur qu'elle aura reçue. Nous pouvons encore arriver au même résultat par un autre moyen, 92 LA MAGIE NATURELLE à savoir par des arrosages qui donneront à la rose di- verses couleurs. Pour cela, il faudra planter vos fleurs en des pots de terre, dans une terre criblée et très fé- conde, et deux fois le jour vous l'arroserez d'eau colo- rée : j'entends de la couleur dont vous voulez que la fleur soit teinte, et tous les soirs, vous mettrez votre pot en un lieu bien clos et à l'abri du froid. Lorsque vous verrez que le soleil devient passablement chaud, vous la remettrez au jour. Il faut colorer votre eau, non de matières nuisibles, cela va sans dire, mais de matières profitables : ainsi si vous voulez que la fleur soit de couleur perse, vous cueillerez des mûres de ronces qui naissent dans les haies. Vous saurez qu'elles sont mûres, si elles teignent vos mains en noir; faites les bien sécher à l'ombre et colorez-en votre eau. De même si vous désirez avoir une fleur jaune, il faudra prendre ces mêmes mûres, mais encore vertes et vous opérerez de même avec elles; la couleur de vos fleurs deviendra jaune. Puis encore, si vous arrosez les fleurs de quelqu'autre hqueur, l'effet produit sera le même : elles prendront la teinte que vous voudrez. Pour faire que les lys rougissent. Le Florentin nous a enseigné d'ouvrir les oignons et d'y jeter force vermillon, ou telle autre couleur qui s'en approche, de sorte que l'oignon soit suffi- samment coloré; mais ayez soin de ne pas blesser l'oi- gnon. Vous le couvrirez d'une terre grasse et bien fu- mée, et ainsi il vous donnera des lys rouges. Et encore (selon le dire d'Anatolius et des Anciens) nous for- merons ainsi des petits lys purpurins très fleuris. Au mois de juillet, alors qu'ils commencent presque à per- LA MAGIE NATURELLE 93 drc leurs fleurs, prenez-en dix ou douze liges liées en- semble en faisceau, et pendues à la fumée : par ce moyen, ils jetteront de leurs tiges des petits nœuds nus, qui ressembleront à des oignons; puis, au mois de février, alors que le moment de les planter sera venu, vous tremperez ces tiges dans de la lie de vin ver- meille, et lorsqu'elles auront pris une teinte purpurine, vous les planterez dans des petits creux. Epandez alors largement de cette lie de vin sur ces plantes ; lors- qu'elles s'épanouiront, ces fleurs seront d'une belle couleur rouge. Maintenant que nous avons enseigné la manière de teindre les fleurs, nous allons parler des fruits. Pour faire que par la greffe, les pommes deviennent rouges. Or ceci adviendra si nous entons ou greffons un jeton de citronnier, ou de poirier sur un mûrier rouge : les pommes qui en naîtront seront rouges. De même il appert que les pêches deviennent sanguines si elles sont entées sur le mûrier rouge ; mais si vous les dési- rez encore plus vermeilles, Démocrite vous l'appren- dra : il plantait des roses auprès des plantes. Le même auteur décrit une autre manière d'arriver au même ré- sultat. Après que l'on aura enfoui et couvert un noyau de pêche, et qu'on le découvre au bout de sept jours, puis qu'on le saupoudre de vermillon, qu'on l'enterre de nouveau et vous aurez des pêches rouges. Si vous voulez les colorer autrement, mettez-y telle couleur qui vous semblera convenable. Il en sera de même de toutes autres plantes, quelles qu'elles soient. Et même si vous désirez rendre les mûres blanches, il faut ficher 94 LA MAGIE NATURELLE une greffe de mûrier dans un peuplier blanc ou l'enter en forme d'écusson, et elle vous donnera des mûres blanches, comme l'affirme Beritius. Par ce moyen, nous faisons un raisin muscat noir ou vermeil, si nous greffons sa plante sur le cep d'un plan noir ou vermeil. Vous rendrez les poires noires, si vous les entez sur cet arbre, que pour son teint brun et obscur, nous appe- lons Pyrus. Et comme dit Beritius, ces mêmes fruits commenceront à rougir, si on les arrose continuelle- ment d'urine. Les grenades seront plus rouges si l'ar- bre est arrosé d'eau et de lessive chaque jour, au dire de Diophane. D'ailleurs, les grains des grenades de- viendront plus rouges, si vous mêlez un quart de plâtre avec de l'argile et de la craie et que vous la mettiez aux racines de l'arbre. Il est vrai qu'il faut le faire pen- dant trois années consécutives pour arriver à ce résul- tat. Nous pouvons encore produire autrement le même effet, mais de manière peu commode cependant. Si nous l'indiquons ici, c'est uniquement parce que Beritius en a parlé. On arrache les rameaux qui por- tent des fruits, près de la racine, et près d'eux, on pose quelques vaisseaux remplis d'eau. On fait darder sur cette eau les chauds rayons du soleil de midi ; la vapeur chaude qui enveloppera les pommes, leur donnera une couleur rouge. Chapitre Septième De divers fruits et de vins mélangés et médicinaux. Les Anciens se sont appliqués avec grand soin à trouver divers moyens par lesquels, avec diverses dro- gues, antidotes et remèdes, ils pourraient composer LA MAGIE NATURELLE 95 un vin et raccommoder à des usages utiles à l'homme. Pour commencer, on dit qu'en Arcadie on fait un vin qui fait devenir les hommes insensés et les femmes stériles. Atheneus raconte qu'un vin semblable se fait sur le territoire de Tercense. Et dans le pays de Tarse, on fait un vin qui endort. On compose encore un autre vin artificiel qui rend les personnes plus éveillées. Il y a encore diverses autres compositions que vous trou- verez chez plusieurs écrivains qui ont traité plus spé- cialement la médecine et l'agriculture. Ces compositions ne sont pas difficiles à connaître, et elles seront sans peine préparées par ceux qui connaissent les vertus des simples. Finalement, elles opèrent les choses qui leur adviennent par la propriété du lieu et j'estime qu'elles sont très utiles à ceux qui craignent les médi- caments et ont horreur d'en boire. Pour faire la vigne laxalive. Il convient de prendre le sarment que vous vou- drez planter, comme raconte le Florentin aux livres premier et second de ses Géorgiques, et de le fendre trois ou quatre doigts dans la partie de dessous ; et après en avoir ôté la moelle, nous remplacerons celle-ci par du triade, après nous l'envelopperons de papier et lierons étroitement d'une vergette d'osier et nous l'enfouirons en terre. Et par ce moyen il donnera des raisins qui, en les mangeant, amolliront et évacueront le ventre. Encore si vous voulez qu'ils l'évacuent avec une plus grande énergie, posez ce sarment rempli de cet antidote dans un oignon, et le plantez en terre, toujours et continuellement y épandant ce même mé- dicament tant qu'il en soit suffisamment abreuvé. 96 LA MAGIE NATURELLE Mais si vous voulez que les breuvages ou vins médici- naux naissent d'eux-mêmes, ainsi que l'enseigne Pal- ladius, prenez les sarments de la vigne que vous vou- lez planter, puis posez-les dans un vaisseau plein du breuvage dont vous voulez qu'il soit imprégné, com- me du vin d'absinthe, du vin rosa, ou de violettes, puis plantez-les en terre, et arrosez-les de ces compo- sitions en forme de lessive, jusqu'à ce que les yeux des sarments sortent et germent en nouvelles feuilles ; alors vous pourrez mettre ces sarments en tous lieux qu'il vous plaira comme on plante les autres vignes, et ils vous donneront les fruits que nous vous avons dé- crits. Si vous voulez faire du vin qui fasse avorter les femmes et tue leur fruit, vous le ferez ainsi. Vous ente- rez de la scammonée ou de l'ellébore noir au cep de la vigne en perçant celui-ci avec une tarière et il vous rendra tels rameaux de vigne que vous désirerez. Au- trement, semez à l'entour de la vigne de la semence de concombre sauvage, car elle en tirera la force et la vigueur. Et encore si nous trempons l'ellébore dans du vin, il produira le même effet, et acquerra les vertus de divers mélanges. Pour avoir des figues, dont l'absorption lâchera le ventre, et qui produiront un autre effet que leur effet na- turel. Si vous jetez de l'ellébore pilé avec de l'herbe à lait aux racines des figuiers, ou les plantez avec la semence de ces herbes, vous obtiendrez ce résultat. Encore ne faut-il pas oublier que ces plantes ainsi entremê- lées languissent, si elles sont souvent replantées ou LA MAGIE NATURELLE 97 entées, et la vertu surnaturelle de ces plantes dispa- raît et s'éteint alors ; mais vous remédierez à cet incon- vénient en y mettant de rechef du même antidote. Les courles aussi et les concombres vous videront mer- veilleusement le ventre, si deux ou trois jours avant que vous les semiez, vous les laissez tremper dans le jus des susdites plantes. Du reste les concombres, dans leur état naturel, produiront déjà ce résultat. Pour avoir des prunes purgatives et endormantes. Il faut percer avec une tarière un rameau de pru- nier, ou toute la plante, et remplir le pertuis de scammonée ou d'opium ; puis laissez-là bien enveloppée de papier ou d'écorce et après que les fruits seront mûrs, ils feront dormir et seront en même temps d'ac- tifs purgatifs. Encore si vous désirez que cela se fasse plus tôt, prenez des figues que les Grecs appellent Ischiadae et des raisins secs et faites-les tremper pen- dant une journée entière dans du vin ou de l'eau, dans laquelle vous aurez dissous la scammonée ou l'opium, jusqu'à ce qu'elles viennent à s'enfler, et si vous jugez qu'elles sont encore trop amères, raèlez-y une subs- tance douce ; après que vous aurez séché ces fruits au soleil, usez-en. Mais c'est assez parlé des vins artificiels ou mélangés. Chapitre Huitième De la manière de conserver les fleurs et les fruits. La force et l'inconstance de la chaleur de l'astre céleste est si grande, que toutes choses que le monde sublunaire environne et embrasse tendent à leur fin, et 98 LA MAGIE NATURELLE ne cessent point leur mouvement. Toutefois les esprits ne s'éblouissent point tellement et les sens ne s'en- gourdissent point si démesurément, que plusieurs de ceux-ci ne restent suaves et non nuisibles. Bien que nous les ayons diaprés d'une forme agréable de fruit d'une saveur suave, et d'une couleur alléchante, afin que leur beauté ne se ternisse trop tôt et que les intem- péries du ciel ne les flétrissent, vous devrez, pour les rendre constants et durables, les garantir contre la vé- hémence du froid et les ardeurs de la chaleur. De tout votre pouvoir, il faudra les garantir contre les injures de l'air ambiant, qui environne et pénètre toute chose. A ceci la situation des lieux vient beaucoup en aide. Pour cela, vous aurez des fenêtres ouvertes dressées contre le septentrion et vous aurez soin de fermer celles qui sont exposées au vent du Midi. Car ce der- nier vent les riderait complètement. Cependant vous ne laisserez pas les fenêtres sans de petites ouvertures, afin que les pommes, si elles avaient une tache de pourriture, ne se pourrissent complètement. Mainte- nant, nous traiterons de la manière de conserver les fleurs et les fruits, d'abord d'après la doctrine d'Ana- tolius. Comment les roses et les lys pourront conserver leur vigueur. Vous cueillez les roses et d'autres fleurs, alors qu'elles sont épanouies ; puis plongez-les dans la poix liquide, infuse dans une canne fendue et lorsqu'elles seront bien poissées, vous les poserez à l'air, dans un lieu couvert, afin que la pluie ne les endommage. Ou autrement fendez une canne verte et posez-y la rose LA MAGIE NATURELLE 99 OU une autre fleur et ayez bien soin que la fente se puisse joindre, et de cette façon, vous aurez ce que vous désirez. Pour faire que les lys demeurent tels que vous les aurez posés, faites ce qui suit. Cueillez-les alors qu'ils sont encore fermés, c'est à dire en boutons, et introduisez-les dans les petites bouteilles couvertes et bouchez-les fortement pour que l'air n'y pénètre pas, vous les garderez ainsi toute l'année en pleine vi- gueur. Ou encore vous pouvez faire ainsi : faites un vaisseau ou récipient de chêne, remplissez-le de roses et d'autres fleurs qui ne sont pas encore ouvertes, couvrez le récipient très hermétiquement pour que l'eau n'y entre, puis plongez-le dans l'eau d'un puits ou d'une citerne, ou dans une eau courante, afin qu'elles pourrissent moins vite; là elles resteront long- temps vertes et closes, et lorsque vous voudrez qu'elles s'épanouissent toutes, fichez la queue de chaque fleur dans une pomme ou plongez-les dans du vinaigre et exposez-les au soleil. Pour faire que les pommes demeurent longtemps en vigueur. Cueillez des pommes, des poires et des coings, mais pas les douces qui mûrissent avant terme, puis des figues, des truffes, des jujubes primerouges avec leurs feuilles et rameaux et que tous les fruits soient encore verts, toutefois pas trop crûs et hors de saison. De ces fruits vous séparerez ce qui se trouvera gâté; vous aurez soin qu'ils soient entiers et que vous ne les blessiez avec vos mains. Ayez soin aussi que les tenons soient brûlés tout à Tentour avec de la poix chaude, en les touchant très peu, sans quoi ils montreraient 100 LA MAGIE NATURELLE plus facilement le commencement de leur putréfac- tion. Après cela, vous les envelopperez de chanvre ou d'étouppe, et les enduirez de cire fondue et bouillante; ainsi préparés, vous les mettrez dans du miel, de sorte que tous y seront plongés, et après que vous les aurez séparés, ne les mêlez plus ensemble, afin qu'ils ne se touchent, car l'un corromprait l'autre. Après mettez le couvercle sur votre pot et bouchez-le d'une peau, et toute l'année vous aurez des pommes vertes, et l'on peut ainsi garder toutes sortes de pommes dans du miel, surtout celles qu'on veut garder pour l'arrière- saison. Africanus enseigne de garder des figues vertes de cette manière. Otez les courles vertes, les parties ou pellicules qui ressemblent à des emplâtres ou drape- lets et les sèmerez comme des graines ou des petites bourses. Et puis dans chacune de ces bourlettes, vous poserez une figue avec sa queue, car elles seront d'au- tant plus durables si on les y met entières. Cela fait, bouchez-les et pendez-les en un Heu ombragé, afin que le feu ou la fumée ne les flétrisse. Autrement encore vous aurez des pommes cueillies en pleine maturité et qui se garderont très bien, selon l'opinion de Sotion, si vous les frottez de plâtre détrempé, ou les encroûtez de terre de potier; car après que ce couvert se sera durci, vous les garderez longtemps fraîches et saines. Vous pourrez, quand bon vous semblera, les arroser d'eau douce. Vous les empêcherez aussi de se flétrir, si vous mettez chacune d'elles dans des pots de terre, au col desquels vous laisserez une ouverture, sur laquelle vous mettrez une motte ou gazon de terre, pour en chasser la pluie, ou de peur que les pots ne se brisent, vous les entourerez de branchages menus. Vous pou- LA MAGIE NATURELLE 101 vez encore faire autrement. Environnez les pommes de verre broyé, ce qui vous permettra de les conserver longtemps. On les garde aussi en des tonneaux pois- sés, et plongés dans du moût. De même manière vous garderez des verges de myrte avec leurs grains et des rameaux de figuier plongés dans la lie d'huile. Pour faire que les pommes demeurent longtemps sur Varbre. Il faut commander que l'on torde les rameaux du pommier, afin que l'humeur s'en écoule, et les pom- mes seront conservées saines malgré la chaleur esti- vale. Les grenades principalement sont conservées de cette manière, afin qu'elles ne meurent par suite de leur entrebâillement trop grand. Pour garder les sorbes et les poires. Après que vous aurez cueilli ces fruits encore durs, et nullement prêts à tomber, vous les poserez dans des pots de terre, que vous boucherez bien, puis vous les ferez poisser et couvrir de plâtre. Après vous ferez une fosse de deux pieds et y enfouirez votre pot et le couvrirez de terre. Vous foulerez cette terre avec les pieds. Ayez soin que cela se fasse en un lieu incliné, où coule une eau perpétuelle. Pour garder des raisins et des grenades. Ayez des raisins dont l'écorce soit dure et non en- dommagée, toutefois ayez soin qu'ils ne soient pas trop verts ni trop coulants. S'il s'y trouve des grains 102 LA MAGIE NATURELLE pourris, il faut les enlever. Vous prendrez donc vos raisins comme je viens de le dire et les plongerez, pour un peu de temps, dans de l'eau bouillante. Après les avoir retirés de là, pendez-les dans l'ombre. Il convient de rappeler ce que dit Columelle, enseignant comme toute grappe pourra se garder, à savoir si elle est prise sur la vigne après quatre heures, c'est-à-dire après qu'elle aura été baignée dans les rayons du soleil et qu'elle n'aura plus de rosée. Pour faire que la grappe de raisin se garde longtemps sur la vigne, selon V enseignement de Beritius. Il faut creuser une fosse près des racines de la vigne, en un lieu ombragé et incliné, afin que la pluie s'é- coule plus facilement, à la hauteur d'un homme de- bout, et après vous répandrez au fond de cette fosse du sable, afin qu'elle se conserve mieux par sa séche- resse, puis au-dessous vous ficherez des roseaux, ou d'autres bâtons ou appuis semblables, et dénouant les sarments sans blesser les grappes, tordez les conti- nuellement, couvrez-les comme d'un plancher ou toit, afin que la pluie n'y puisse pénétrer et qu'elle soit conservée close toute une année, jusqu'au printemps. Comment nous pourrons tuer les arbres, si nous le voulons. Dépouillons-les de leur écorce, l'arrachant en rond, car tout arbre privé de son écorce, meurt, l'un un peu plus tôt, l'autre un peu plus tard. Encore faut-il bien considérer en quelle saison on pourra le faire. Car si cela se fait au mois de février ou au mois de mars, l'arbre LA MAGIE NATURELLE 103 mourra aussitôt, mais en hiver les arbres tardent plus longtemps à mourir. Mais il convient d'enlever l'é- corce avec du liège, afin qu'elle ne soit pas endom- magée. L'aiguillon de la pastenaque marine fiché en la tige au tronc de toute plante ou de tout arbre les fait mourir. Un drapeau souillé des fleurs d'une femme, posé à la racine d'un arbre, principalement du noyer, fait mourir celui-ci, ainsi que le dit Démocrite. Parlons maintenant des propriétés du bouillon. Le matin, lorsqu'il s'épanouit et ouvre ses fleurs, si on ébranle légèrement sa plante, les fleurs sèchent petit à petit et tombent à terre. Celui qui contemplera ce spectacle croira que cela se fait par des charmes ma- giques; de même si quelqu'un fait tomber ou abat des fleurs, la plante semblera murmurer quelques paroles. De tous les arbres dont nous avons déjà parlé, nous en avons connu un qui était appelé souvent l'arbre des délices du jardin, car il était doué d'une grosseur agréable, planté dans un vaisseau convenable, en une terre grasse et bien arrosée et féconde. Cet arbre s'étendait en trois rameaux portant en l'un d'eux une grappe sans pépins, portant des raisins de diverses couleurs et d'autres, médicinaux, dont les uns provo- quaient le sommeil, et les autres relâchaient les intes- tins. Le second rameau portait des pêches entremê- lées à divers intervalles de pêches-noix sans noyau, portant en un petit rameau encore une pêche et tantôt une pêche-noix. Et s'il arrivait qu'il donnât quelques fruits qui eussent des noyaux, ils se trouvaient être doux comme des amandes et représentaient aussi une figure d'homme, ou la face de quelque animal. Le troisième produisait des cerises sans noyau, aigres, et d'ailleurs donnait des oranges douces et l'écorce était 104 LA MAGIE NATURELLE toute parsemée de fleurs, et entr'autres de roses. Encore est-il à noter que ce fourchon ou rameau pro- duisait ses fruits plus doux et plus odoriférants que les communs, qui fleurissent au printemps et produi- sent leurs fruits avant la saison. A cela s'ajoutait cette autre qualité, que le fruit de- meurait longtemps sur l'arbre et pendant toute l'an- née, donnait un globe de perpétuelle fécondité, car les pommiers naissaient et se succédaient et les fruits se renouvelaient de sorte que les bras se penchaient cour- bés sous de grands fardeaux et finalement le ciel l'a- vait favorisé tellement que je n'ai pas souvenance d'en avoir jamais vu de semblable ni d'aussi beau. Nous avons maintenant suffisamment parlé de ces choses, que nous avons recueillies dans les écrits des anciens, et nous avons même augmenté de plusieurs enseignements ingénieux et utiles celles qui étaient déjà connues. Chapitre Neuvième La manière de préparer divers artifices de feu. Vitruve, auteur célèbre entre les plus fameux, ra- conte que divers arbres fortement agités par les vents, frottant rageusement leurs rameaux les uns contre les autres, jusques à en froisser leurs parties, y ont attiré la chaleur et suscité du feu : d'où il est sorti une grande flamme. Les hommes encore sauvages, épouvantés à la vue de ces flammes, se sont mis en fuite, mais enfin devenant plus civilisés, et considérant que les corps humains pourraient recevoir grande commodité de cela, conservèrent le feu. Et encore la nécessité, mère LA MAGIE NATURELLE 105 d'invention, a suscité divers moyens de susciter du feu, vu^que l'on ne peut pas toujours tirer du feu du fer ou de la pierre, et elle a enseigné quels sont les bois qui pouvaient être employés à cet usage. Nous allons maintenant traiter des différentes manières d'arriver à produire le feu. Des bois qui frottés Vun contre Vautre, produisent le feu. Il y a des bois qui sont merveilleusement chauds, comme par exemple le laurier, le neptun, l'yeuse et le tilleul. Menestor y ajoute le mûrier. De chacun de ces bois on façonne une tarière, afin qu'il résiste mieux; on fait le réceptacle où s'engendre le feu d'un bois plus mou, comme le lierre, la céruse, la vigne sauvage et d'autres bois semblables desséchés et ne contenant plus d'eau du tout. En somme, les bois moins conve- nables à l'usage du feu et que généralement on rejette, sont ceux qui croissent dans des endroits ombragés et couverts. Il me semble que vous réussirez mieux en- core à produire ce résultat en frottant deux rameaux de laurier l'un contre l'autre, ou un rameau de laurier contre un rameau de Herre dénué de son écorce. Si vous mettez soudain une corde sur le bois, aussitôt que vous verrez qu'il commence à fumer, vous y ajoute- rez un peu de soufre réduit en poudre. De cette manière vous donnerez au bois l'aliment qui l'embrasera; vous pouvez également obtenir le même résultat à l'aide d'un champignon sec ou avec des fragments de la mousse que vous trouverez à la racine des arbres, du pas d'âne ou taconne; cette dernière plante cependant demande à être bien séchée. Quant aux bois qui ne sont point propres à engendrer le feu, l'olivier est re- 106 LA MAGIE NATURELLE jeté par les auteurs, parce qu'il est rempli d'une matiè- re grasse qui empêche l'ignition. Mais l'esprit humain ne s'arrête point aux choses qu'il a trouvées, il ne s'en contente point, mais travaille toujours à trouver de nouveaux moyens par de nouvelles voies. La pierre qui, à l'aide de quelque chose d'humide, excite et engendre le feu. Si vous voulez produire ce résultat, voici ce que vous aurez à faire. Vous prendrez une pierre d'aimant, et la mettrez dans un pot de terre ou un autre vais- seau semblable, et vous la couvrirez de chaux vive; mieux encore, vous y mettrez autant de colophane que de chaux. Après que vous aurez rempli le vaisseau, enduisez le soupirail de craie ou terre à potier, puis mettez-le dans la fournaise et laissez-le jusqu'à ce que le tout soit bien cuit. Puis retirez-la, mettez-la dans un pot et, de rechef, remettez dans la fournaise, recui- sant plusieurs fois jusqu'à ce qu'elle devienne mer- veilleusement blanche et soit cuite à point, et vous verrez qu'en y jetant de l'eau ou de la salive, elle pro- duira une flamme. Lorsqu'elle sera éteinte, vous dépo- serez cette pierre en un lieu chaud pour vous en servir à l'occasion. Une aulre manière d'arriver au même résultat. Prenez un poids égal de soufre vif, de salpêtre et de camphre, ajoutez-y de la chaux fraîche, puis broyez le tout dans un mortier en une poussière pour ainsi dire impalpable. Après vous envelopperez le tout dans un linge, le lierez très étroitement, puis le poserez dans LA MAGIE NATURELLE 107 un vaisseau de lerre que vous boucherez, l'enduisant, par dessus, d'argile. Cela fait, vous exposerez le vais- seau à un soleil ardent et le laisserez sécher; après quoi vous le mettrez dans une fournaise de potier; lorsque tout sera bien cuit,vous trouverez que tous ces mélanges seront assemblés et réduits en forme d'une pierre dure. Le même résuliai peiil encore s'obtenir d'une autre manière. Prenez de la chaux, de la pierre d'aimant préparée, comme nous l'avons indiqué ci-dessus, et ajoutez-y quatre fois autant de salpêtre, un poids égal de cam- phre et de soufre vif qui n'aura pas encore vu le feu, d'huile de résine, de térébenthine et de lie de vin, que nous appellerons désormais cendres gravelées. Broyez- le tout dans un mortier jusqu'à ce que le tout soit bien moulu. Ensuite ayez une eau ardente, faite de vm âpre et rude et répandez-la dessus, de sorte qu'elle regorge. Posez le tronc dans un vaisseau de terre et couvrez-le bien, afin qu'aucune vapeur n'en sorte et enfouissez-le dans du fumier, où vous le laisserez pendant deux ou trois mois, le renouvelant de dix en dix jours, jusqu'à ce qu'il acquière l'épaisseur du miel et ne montre plus de solution de continuité. Faites-la ensuite bouiUir sur des charbons ardents tant que toute l'humidité en soit sortie et que l'on ait une pierre. Aussitôt que vous en serez arrivé là, rom- pez le pot ou vaisseau, broyez la composition que vous n'aurez pu en tirer, en y versant doucement de l'eau ou quelque autre liquide, et il en sortira une grande flamme. 108 la magie naturelle Chapitre Dixième Diverses compositions du feu La composition artificielle du feu est chose fort agréable à connaître et nos lecteurs ne trouveront pas mauvais que nous racontions maintenant les divers procédés dont on se sert pour obtenir ce résultat. Le mélange du jeu qui brûlera sous Veau. Il sera plus amplement montré plus bas comment cela peut se faire, car la composition des choses est diverse, mais nous donnons d'abord celles qui sont fa- ciles à faire et qui opèrent le plus vite. Premièrement, prenez de la poudre à canon, car dans ce produit entre toute la mixture des choses qui conviennent comme base : vous y ajouterez un tiers de colophane et un quart d'huile d'olive commune, et la sixième partie de soufre. Vous mêlerez tout cela bien exactement. Mais si votre matière brûle plus fort et avec plus de véhé- mence que vous ne voudriez, ajoutez-y du colophane et du soufre. Si elle est plus lente qu'il ne convient, ajoutez-y un peu de poudre à canon. Vous enveloppez ce mélange de linges, ou vous en faites même des sachets, puis vous les plongez dans de la poix bouillante et ayez soin de la faire bien sé- cher. Après que cette masse aura été séchée au soleil, on fait un creux ou pertuis, dans lequel on met le feu, et lorsqu'elle commence à prendre, on attend jusqu'à ce qu'elle soit entièrement embrasée. On la jette alors dans l'eau et elle y brûlera si fortement que rien ne LA MAGIE NATURELLE 109 parviendra à l'éteindre, même si elle est précipitée au fond du liquide. Il sera bon encore d'y ajouter de la naphte, espèce de bitume qu'on appelle Petroleum, car c'est un feu fort vif, de sorte que l'embrasement sera d'autant plus grand, Il y a encore un autre moyen de faire la même opération. Prenez de la résine de térébenthine, de la poix liquide, du vernis, de la poix d'Inde, de l'encens et du camphre, le tout en parties égales ; du soufre vif, un demi tiers, du salpêtre purifié le double, et trois fois autant d'eau ardente et autant d'huile de naphte et à tout cela, ajoutez de la poussière de charbon de saule. Empâtez tout cela et faites en des boulets ou des pelotes ou remplissez-en des petits pots : cela brûlera tellement que c'est en vain que vous essayeriez de l'é- teindre. Un composé igné que le soleil peut allumer. Cela pourra se faire surtout si le soleil est fort chaud, sur le coup de midi, et principalement dans des régions chaudes et à l'époque de la canicule. Vous préparerez la chose de la manière suivante. Prenez du camphre, ajoutez-y du soufre vif, de la résine de térébenthine, de l'huile de genièvre, et des jaunes d'œufs, de la poix liquide, du colophane réduit en poudre et du salpêtre; puis de l'eau ardente, de l'arsenic et un peu de cendres gravelées. Pilez tout cela, mêlez-le et broyez-le, met- tez-le en un vaisseau de verre, que vous laisserez en- foui pendant deux mois dans du fumier que vous re- nouvellerez souvent. Gela fait, tirez l'eau de ce vais- seau comme nous l'indiquons ci-après. Que cette eau soit clarifiée par de la poudre commune ou mieux par 110 LA MAGIE NATURELLE de la fiente de pigeon passée bien menue par le crible, en sorte qu'elle ait la forme de boue ou de raclure, puis frottez en des bâtons de bois ou autres choses combus- tibles et usez-en dans les jours d'été, en les exposant au soleil. Toutes ces choses sont attribuées à Marchus Gracchus. Or, en ce qui regarde la fiente de pigeon, nous trouvons qu'elle a une grande force pour la com- bustion. Galien raconte qu'en Mysie, qui est une par- tie de l'Asie, une maison brûla par le moyen suivant. Il y avait de la fiente de pigeon répandue près d'une fenêtre, voire si près qu'elle touchait même le bois, qui venait d'être frotté de poix de résine. Or comme cette fiente pourrissait déjà et répandait des vapeurs, il advint qu'à la fin de l'été, le soleil ardent frappa si fortement dessus qu'il embrasa la poix de résine et par suite la fenêtre, de sorte que les autres portes, enduites également de poix de résine, commencèrent à s'en- flammer et mirent le feu à la maison jusqu'au toit. Pour faire du feu que Vhuile éteindra el que Veau allumera. Pour ceci il faut considérer les choses qui brûlent facilement dans l'eau ou s'enflamment d'elles-mêmes, comme le camphre et la chaux vive. Si vous faites une composition de cire, de naphte et de soufre, et vous y jetez de l'huile ou de la fange, elle s'éteindra ; toutefois elle revivra et son feu sera plus vif, si vous y mettez de l'eau. Par le même procédé et la même composition, on fait des flambeaux qui ne s'éteindront pas, même en traversant un fleuve, ou en les exposant à la pluie. Tite- live raconte que dans les jeux des Romains, quelques vieilles ayant allumé des torches composées de cette LA MAGIE NATURELLE 111 façon, passèrent le Tibre, afin de montrer aux spec- tateurs un spectacle miraculeux. Pour faire des torches que le venl ne peul éteindre. C'est ce qui arrive avec le soufre, car il s'éteint dif- ficilement, dès lors qu'il a été embrasé; c'est pourquoi les flambeaux composés de cire et de soufre pourront se porter sans s'éteindre contre tous vents et toute tempête. Pour conduire des armes, on emploie le moyen suivant. On fait bouillir la mèche en salpêtre dans l'eau, puis séchée au soleil, on la trempe dans du soufre et de l'eau ardente; ensuite on fait des chan- delles avec cette mixture. Elle est composée de soufre, de camphre et de la moitié de résine de térébenthine, à quoi il faut ajouter le double de colophane et la troi- sième partie de cire. Vous en ferez quatre chandelles, et les assemblerez, mais au milieu vous jetterez force soufre vif, et par ce moyen cette composition résistera mieux que toutes les autres. Si vous environnez une chandelle de neige ou de glace, on verra la flamme brû- ler dans la neige. Pour faire que Veau ardente s'altume facitement. Ayez du vin puissant et vermeil, mettez-y de la chaux vive, des cendres gravelées et du soufre vif, et par les alambics de verre des alchimistes, tirez en l'eau comme nous vous l'enseignerons, car elle brûlera merveilleusement, et ne cessera de brûler qu'elle ne soit toute consumée, ou du moins il en restera bien peu. Si vous la mettez dans un plat ou autre vaisseau ayant un large orifice et y mettez le feu, soudain le feu 112 LA MAGIE NATURELLE prendra, et si vous la jetez contre une muraille, de nuit, de votre fenêtre dans la rue, vous verrez que l'air s'enflammera d'étincelles et de petits feux. Cette eau brûle aussi quand on la tient à la main, mais pas beau- coup cependant. Si vous la distillez plusieurs fois, elle brûlera moins car l'eau ardente et le vinaigre ne s'ac- cordent point. Pour darder de loin une flamme. Cela se fera très aisément par le colophane, l'encens et principalement l'ambre, car s'il reçoit un coup, la flamme s'élève bien haut, si vous tenez en la main une chandelle composée de ces matières, mais si vous tenez en la main une chandelle composée de ces matières, et dans la paume de la main de la poudre de ces choses, et la chandelle entre deux doigts, et la jetez en haut, elle s'envolera par la flamme de la chandelle. Pour garder qu'une chose ne soit de feu. Prenez les choses qui sont extrêmement froides et qui par la composition de leur substance, ne peuvent être vaincues par le feu, comme est la pierre dite Amian- tus, que l'on appelle alun de plume, la chaux éteinte, le blanc d'un œuf, le suc de guimauve, la jusquiame et l'herbe à puces. Que toutes ces choses soient mêlées avec du jus, jusqu'à ce qu'elles aient pris la consis- tance d'un liniment. Après cela, frottez-vous en les mains et vous porterez le feu sans être endommagé. Toutefois ne soyez pas trop sûr de pouvoir sans crainte manier ce feu. On teint et façonne des nappes d'alun de plume, lesquelles, quand elles sont sales, on jette LA MAGIE NATURELLE 113 au feu et qui en sortent rétablies en leur blancheur première. Pour être vu tout en feu et brûlant. Après que vous vous serez imprégné de cette mix- ture, ayez soin de vous faire sécher, puis saupoudrez- vous de soufre, et mettez-y le feu. Lorsqu'il commen- cera de brûler, vous semblerez être tout entier en feu. Mais si le soufre est moins commode, arrosez-vous d'eau ardente, je veux dire de celle que nous avons décrite ci-dessus, puis mettez-y le feu et vous pourrez, au moins pour quelque temps, demeurer en sûreté sous ce feu. Pour faire de la poudre à canon, opérant chose merveilleuse dans les canons. Mettez dans de la poudre à canon vulgaire la dou- zième partie d'argent vif, de mercassite et de colo- phane : mêlez et broyez bien le tout. Si vous chargez un ou plusieurs canons de ce mélange, soyez sûr qu'a- vec un bruit épouvantable le canon se rompra et tuera plusieurs des assistants. Au contraire, si vous mettez du papier brûlé dans cette poudre à canon, ou bien de la semence de foin commun, la poudre pren- dra une grande force, mais elle ne fera pas un bruit aussi éclatant, ni ne produira une flamme aussi vive. Avec une telle poudre, un homme ingénieux pourra inventer et exécuter des choses étonnantes, admira- bles. 114 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Onzième Comment on pourra faire une liqueur, reluisant dans les ténèbres. Vous qui vous vouez à l'étude des choses que la na- ture libérale, voire prodigue, octroie avec usure au genre humain, qu'elle s'efforce de préserver du danger dans les ténèbres mêmes, cherchez ingénieusement ce qui peut suggérer ces effets. Car vous avez plusieurs choses qui pendant l'obscurité de la nuit frappent et émeuvent les sens, comme Aristote en enseigne plu- sieurs; l'expérience en divers lieux en montre plu- sieurs aussi. De ce nombre sont ces petits animaux du genre des insectes, que les Grecs appellent Pigolam- pidées, les Latins Nitedulae, ou Cincidelae et nous vers luisants. D'ailleurs, il y a des champignons, têtes et écailles de poissons, comme d'un poisson récent que les Grecs appellent Trilizias, ou sardine en langage vul- gaire, qui ont également cette propriété. Aussi le mi- lan, à ce qu'on prétend, est doué de cette vertu, à tel- les enseignes qu'il est appelé Lacupe, parce que ses yeux luisent toute la nuit. Les ongles des coquilles de Saint-Jacques ou Pectungles, luisent dans les té- nèbres comme du feu, et ne cessent même de luire dans la bouche de ceux qui les mangent. De même sont les yeux des loups et des chats. En- core y a-t-il dans une forêt de Germanie, nommée La Forêt Noire, un oiseau qui se laisse volontiers voir, dont les plumes luisent ainsi que du feu, de sorte que les voyageurs, éclairés par la splendeur de ces plumes, se guident dans ces forêts presqu'impénétrables et ne LA MAGIE NATURELLE 115 courent aucun risque de s'égarer. On en dit autant des gaideropes, qui sont du genre des coquilles et de la mousse qui naît sur eux. Aelian a parlé aussi de l'A- glaophodites terrestre, qui a reçu ce nom à cause de sa splendeur. Souvent nous qui faisons ce discours, nous avons vu de l'eau de mer demeurée entre nos mains, reluire en étincelles de feu. Josephus raconte qu'il y a une vallée, dans laquelle est un lieu appelé Baaras, ainsi nommé à cause de la plante de ce nom, et ce lieu projette au loin, la nuit, des rayons de lumière et de feu. Il en est de même du Nitograguetum, dont Dé- mocrite nous a raconté les merveilles. Les tiges d'un chêne fort sec et flétri par une trop longue moisissure, s'allument la nuit et émerveillent le voyageur, par l'éclat argentin de leur couleur. L'escarboucle flam- boie dans les ténèbres, éclairant l'air ça et là selon la disposition de son corps. Il y a beaucoup d'autres choses encore qui luisent la nuit, au dire de savants très graves et d'auteurs très estimés. Mais l'ordre que nous avons à suivre dans notre œuvre nous dit d'enseigner le moyen de tirer de ces choses l'expérimentation dont doit sortir la lumière. Nous traiterons par conséquent de ces moyens dans les discours qui suivent : Exemple. Ce sont, entre tous autres, les vers luisants qui ob- tiennent la première place, tant la lueur de leur feu est merveilleuse. Nous coupons et retranchons la queue de ces vers de leur corps, et nous aurons soin que rien d'étranger ne se mêle à ces deux parties. Nous broyons tout cela avec une pierre de porphyre, puis le 116 LA MAGIE NATURELLE mettons dans un vaisseau de verre et l'enfouissons dans du fumier, ou nous le laissons pendant quinze jours et plus. Il vaudra mieux encore que les queues ne touchent pas les bords du vaisseau, mais demeurent pendus au milieu du vase. Les quinze jours écoulés, vous poserez le vaisseau dans un four, ou dans un bain d'eau chaude et l'accommoderez là tant qu'il fau- dra, petit à petit vous obtiendrez une liqueur qui de- viendra éclairante dans un plat que vous mettrez au- dessous, puis la poserez dans un vaisseau de cristal rond ; et ainsi au milieu de cette chambrette, apparaî- tra une eau pendante, qui illuminera tout l'air am- biant, de sorte que pendant la nuit on pourra lire une grosse lettre. L'autre eau, qui n'est guère dissemblable de celle-ci, est celle qui est tirée des écailles de poissons dont nous avons parlé ci-dessus et que nous avons sou- vent vue nous-mêmes. Chapitre Douzième Plusieurs expériences de lettres et divers secrets d'écriture. On établit une double règle pour marquer les let- tres clandestines et secrètes, que le vulgaire appelle Zipherae, à savoir une visible et une autre cachée. On peut faire des lettres qui jetteront des lueurs et pour- ront se lire la nuit. Si quelqu'un par un écrit secret veut annoncer à un sien ami quelque cas qu'il aurait découvert, et qui se puisse seulement lire au plus fort de la nuit, qu'il écrive sans hésiter sur papier ce que bon lui semblera au moyen de la liqueur secrète, et la lettre apparaîtra au jour, si vous la chauffez. Mais si LA MAGIE NATURELLE 117 ce moyen ne vous semble pas assez sûr, il y en a d'au- tres, que je suis à même de vous faire connaître, par exemple, les suivants. Pour lire des lettres qui ne se peuvent lire, qu'en les in- terposant au devant de ta lumière. Voici la manière d'écrire dans ce cas : vous écrivez d'une couleur qui ait corps et soit blanche, comme la céruse mêlée avec de la gomme liquide ; ou si bon vous semble d'écrire avec une autre couleur, que le papier corresponde à cette couleur, et qu'il n'y ait pas la moindre différence entre les deux. Et alors une telle écriture posée entre la lumière de l'astre éclairant la nuit ou celle de la chandelle, ne permettra que les rayons oculaires la puissent pénétrer, mais les lettres apparaîtront un peu obscures. Pour faire que les lettres blanchissent sur un papier, ou sur un autre exemplaire noir. Il y a encore un autre moyen de faire connaître sa pensée d'une manière occulte. Prenez le jaune et aussi le blanc d'un œuf, mêlez-les bien fort, de sorte qu'il devienne liquide comme l'encre avec laquelle on écrit. Après cela, écrivez les lettres que bon vous sem- blera, et lorsque cette écriture sera séchée, que le pa- pier soit barbouillé de toutes parts de couleur noire; lorsque vous voudrez que les lettres écrites apparais- sent, vous les découvrirez au moyen d'un fer large et d'un couteau, et déchirerez ainsi le voile qui les re- couvre. 118 LA MAGIE NATURELLE Pour faire que les lettres cachées soient vues, et que celles qui sont visibles, soient cachées. "Vous obtiendrez ce résultat si vous écrivez sur du papier déjà écrit, avec une liqueur distillée de vitriol ou couperose, mêlée d'eau ardente, et lorsque les let- tres commenceront à se dessécher, elles s'imprimeront très lisiblement. Après vous prendrez de la paille brû- lée que vous broyerez avec du vinaigre, et ce que vous voudrez écrire, vous l'écrirez entre les lignes de la pre- mière écriture. Gela fait, vous ferez cuire des noix de galle dans du vin blanc, et avec une éponge, vous la mouillerez légèrement; par ce moyen la couleur noire de la première écriture visible disparaîtra et les lettres cachées au contraire apparaîtront et seront lisibles. Pour former des lettres en cuir et chair sur le membre que vous voudrez et qui ne pourront s'effacer. Faites tremper pendant une journée entière des cantharides dans de l'eau forte, ou plus vulgairement dans de l'eau d'où l'or aura été séparé; après cela vous prendrez un burin ou un autre instrument convenable et vous entamerez la première peau du bras, c'est-à- dire l'épiderme, ou la peau d'un autre membre quel- conque, et vous y formerez tels caractères qu'il vous plaira. La chair, dont la peau aura été blessée, s'enflera en petites vessies. Si vous venez à frotter ensuite le membre avec cette eau, qui est douée d'une force et d'une âpreté très considérable, il se formera pour tou- jours sur la peau des cicatrices blanches qui représen- teront les lettres que vous y aurez formées, et elles ne s'effaceront plus jamais. \ LA MAGIE NATURELLE 119 Pour faire des lelires qui soudain apparaissent en quel- que lieu que ce soit. Peignez des lettres de vinaigre ou d'urine que vous tiendrez secrètement en votre main. Après que vous aurez écrit, comme il est indiqué ci-dessus, et séché vos lettres, il ne restera aucune trace de ces caractères. Mais si vous voulez qu'elles apparaissent, frottez-les de suie, ou de cette couleur que vous trouverez en abon- dance dans les boutiques des teinturiers; immédiate- ment elles deviendront noires et apparaîtront à vos yeux. Si au contraire vous les désirez blanches, trem- pez votre papier dans du lait de figuier, puis après qu'elles seront séchées, frottez-les de poudre de char- bon que vous répandrez sur elles et ensuite vous net- toierez votre papier et le résultat désiré sera obtenu. Pour rendre les lettres visibles par le feu et dans Veau. On le fait de la manière suivante : faites que votre lettre ou épître contienne quelque vain ou inutile dis- cours, de sorte qu'elle semble plutôt composée sans but sérieux, et alors ou les curieux n'y verront rien du tout, ou les gens avisés y trouveront ce qui y est caché. Vous écrirez donc avec du jus de citron et d'oignon, tous deux aigrelets et âpres; si cela vient à s'échauffer au feu, incontinent leur âpreté fera découvrir l'écri- ture. Une autre manière plus subtile est la suivante : vous écrivez avec de l'alun dissous dans de l'eau, et quand vous voudrez lire, il faudra que vous trempiez votre papier dans de l'eau : vos lettres apparaîtront alors grosses et lisibles. Et si d'aventure vous les vou- 120 - LA MAGIE NATURELLE lez blanches, c'est à dire cachées aux yeux, vous broyerez d'abord du gravier ou galet, en y mêlant un peu de vinaigre. Vous passerez le tout par un cou- loir ou étamine et vous le garderez pour l'usage sub- séquent. Après cela, vous écrirez vos lettres avec du jus de limon; quand elles seront desséchées, elles dispa- raîtront, et si vous les plongez ensuite dans la liqueur que vous aurez faite comme il est indiqué ci-dessus, vous les apercevrez de nouveau belles et visibles. De plus, si les femmes plongent leurs mamelles dans la susdite liqueur, elles auront un lait abondant ; donc, si elles voient que le lait vient à leur manquer, elles feront bien d'en user. Si on écrit des lettres ou carac- tères avec de la graine de bouc sur une pierre, et qu'on plonge cette pierre dans du vinaigre, elles apparaî- tront incontinent et sembleront comme gravées dans la dite pierre. Mais si vous écrivez avec de l'eau et que vous désirez que vos lettres deviennent noires, vous broyerez des noix de galle, et du vitriol, puis vous ré- pandrez cette poudre sur votre papier en la fouettant à Taide d'un drap ou chiffon de toile. Après cela, vous pilerez de la gomme de Genève, autrement dit du vernis et l'ajouterez aux ingrédients précédents. Puis vous écrirez avec de l'eau ou de la salive et vos lettres deviendront noires. Il y a d'autres procédés encore, trop longs à énumérer. Pour imprimer des lettres sur un œuf, selon renseignement d' Africain. Broyez de l'alun avec du vinaigre et gravez sur la coquille de l'œuf tout ce que vous voulez; faites sé- cher cela à un soleil ardent et plongez ensuite l'œuf LA MAGIE NATURELLE 121 dans de la saumure ou du vinaigre très fort; vous l'y laisserez tremper pendant trois ou quatre jours puis le sécherez et le cuirez. Lorsque l'œuf sera cuit, dé- pouillez-le de sa coquille et vous trouverez vos lettres écrites sur le blanc de l'œuf qui sera dur. Voici un au- tre moyen d'arriver au même résultat : vous enduirez votre œuf de cire, et avec un instrument pointu vous graverez vos lettres, et les laisserez tremper dans le vinaigre pendant un jour. Après que vous aurez ôté votre cire, vous dépouillerez l'œuf de sa coquille et vous trouverez toutes vos lettres empreintes sur le blanc durci. Il y a bien d'autres choses étonnantes en- core, merveilleuses même, qu'un labeur obstiné ou la nécessité nous apprennent. Comme les lettres en certains jours se dessèchent et s'évanouissent. Combien l'on se sent heureux quand on découvre les secrets de la nature! Pour atteindre au résultat que nous indiquons ci-dessus, il faut, en premier lieu, limer fort menu de l'acier et le plonger dans l'eau de sépa- ration pesant le triple. A ce mélange vous ajouterez de la suie de poix liquide et de la résine de térébenthine pour que le tout soit bien noir et vous arriverez à vos fins. Après vous broyerez de la pierre de porphyre et vous écrirez; les lettres, en vieillissant, s'effaceront. Encore ai-je passé sous silence ceci qui pourtant est capital : si cela demeure longtemps sur le papier, ajou- tez-y un peu d'eau-forte, les traces jaunâtres ne de- meureront point. Ou encore prenez du borax, du sel ammoniaque et de l'alun en quantités égales; toutes ces drogues étant broyées, mettez-les dans un vase et 122 LA MAGIE NATURELLE avec de la chaux vive, faites du tout une lessive que vous verserez ensuite dans un autre vase dont vous boucherez l'orifice; faites bouillir un peu et mêlez ensuite avec l'encre que vous voulez employer; quand les choses seront restées pendant quelque temps dans eet état, vous verrez qu'elles s'affaibliront et finiront par disparaître à la vue. Pour nettoyer les macules, taches ou tes lettres. Prenez de l'eau de vitriol ou du salnitre, que l'on appelle du salpêtre et écrivez avec la plume sur les lettres. On bien composez des petites boules de sel athalique et de soufre et frottez-en votre écriture ; vous pouvez être assuré qu'elles la rongeront telle- ment et si bien au'il n'en restera plus la moindre trace. Nous pourrons ainsi envoyer des lettres à ceux qui s'occupent d'étudier les effets de la lune, mais nous n'en parlerons pas, ayant écrit ce qui précède en toute hâte. Chapitre Treizième Des convives, et des viandes délicieusement apprêtées. J'avais estimé convenable de passer sous silence ces choses et de les laisser déchiffrer par les ruffians, les suppôts de tavernes, les cuisiniers et les cabaretiers, car elles sont éloignées de notre dessein et peu pro- pres à faire entendre à des oreilles pures. Cependant, pour satisfaire tout le monde, nous avons ajouté ici quelques choses plus agréables, de sorte que ceux qui se serviront de nos indications ne devront pas craindre LA MAGIE NATURELLE 123 de s'adonner à un bon coup de bonne chère. Mais nous traiterons ce sujet brièvement, afin de ne pas impor- tuner nos lecteurs, et pour entrer en matière, nous fe- rons connaître d'abord comment on peut faire déli- cieusement des petits banquets. Pour empêcher qu'un personnage assis dans un banquet, ne s'enivre. Si quelqu'un est incommodé pour avoir mangé trop de viande, il remédiera à cet inconvénient de la ma- nière suivante, ainsi que nous l'apprend Caton. Qu'au commencement et à la fin de son repas, il mange quatre ou cinq tendrons de choux, cela modère l'excès du vin et maîtrise son effet nocif, le rend aussi dispos que s'il n'avait ni mangé ni bu, tant le vin et le chou s'accordent mal ensemble et se fuient. Ce qui fait qu'Androcydes, réputé personnage fort sage, a estimé que le chou était excellent contre l'ivrognerie et a re- commandé d'en manger pour se préserver de l'abus de la boisson. Je ne veux pas omettre non plus de dire ce que Nestor en a dit dans son Alexicapus : il appelle le chou la larme de Licurgus. Après que Bacchus ayant révéré celui-ci, fut entré en mer, il vit Licurgus ceint de rameaux de vigne, verser une larme, laquelle donna naissance au chou, et c'est pourquoi il y eut toujours discordance et contrariété entre la vigne et le chou. Aristote, de son côté, raconte que cela advint parce que le chou a un jus doux et chasse l'intempérance produite par l'excès du vin. Plutarque, au discours de ses banquets, dit sagement que si les choses douées sont mises dans le vin, elles empêcheront l'ivrognerie. Quelquefois il est arrivé que par suite d'un rhume, 124 LA MAGIE NATURELLE une dent canine est tombée dans le gosier d'un per- sonnage, et l'on procéda adroitement à son extraction; en mettant du jus de chou sur la tête du patient la luette se retirera sous l'extrémité supérieure du palais. De plus, le chou possède une si grande force pour ré- sister au vin, que si vous le plantez dans une vigne, vous n'aurez plus que du petit vin. Voilà pourquoi les Egyptiens et les Sybarites avaient coutume, avant toute autre chose, de manger des choux cuits. D'au- cuns ont coutume de les faire cuire dans des vases ou récipients violets, avant de boire, afin de pouvoir s'a- donner plus librement à de copieuses hbations de vin. Voilà ce qu'en dit Athènes. Si donc vous voulez beau- coup boire, Africain enseigne qu'avant le repas il con- vient de manger trois ou quatre amandes amères, parce que desséchant et consommant l'humidité, elles éloigneront l'ivrognerie. Plutarque de Chéronée raconte que le prince Drusus, fils de Tibère César, eut un mé- decin qui mangeait de deux à six amandes dans les festins et dépassait ainsi tous les autres convives en capacité de beuverie ; mais lorsque son secret fut connu, il n'osa plus tenir tête aux autres et perdit toute sa vaillance. La farine ou poudre de pierre ponce sera bonne aussi, car si le buveur, voulant entrer en com- pétition d'ivrognerie, s'en arme auparavant et en boit, il n'aura pas de surprise. On dit que par ce moyen Eudemus réussit à boire vingt-deux fois, que puis, après être entré au bain, il ne vomit rien, mais soupa au contraire comme s'il n'avait pas bu du tout, parce que la vertu desséchante de cette pierre anéantit la force du vin. On dit du reste que cette pierre a tant d'efficacité que si on la jette dans un vase de malte bouillant, elle apaisera les vapeurs du vin. Il reste LA MAGIE NATURELLE 125 encore à dire que les hommes du temps passé, pour se préserver de la puissance du vin, dans leurs festins, ceignaient leur tête de chapeaux de fleurs, dont les poètes Ovide et Martial ont parlé. De ceci on donne cette raison que ces fleurs, par leur excessive froideur, refroidissent tellement la tête qu'elles annihilent et suppriment la force du vin. Nous lisons que Dionysius avait étabh pour tous ceux qui étaient invités à sa table, une couronne de lierre, parce que par la vertu de la froideur qui pénétrait dans la tête, elle pouvait repousser la force du vin, car elle garantit la personne contre l'impétuosité de l'ivrognerie. Et cela est vrai, parce que la chaleur du vin rend les pores de la tête plus puissants, et le froid les tempère tellement qu'il repousse les vapeurs qui montent. Il y avait encore un autre moyen chez les anciens pour empêcher toute ivrognerie, c'est que les gens, à la fin du souper, mangeaient des laitues, parce que cette plante est d'une merveilleuse froideur; mais maintenant nous en usons au commencement du souper pour nous donner de l'appétit. Le poète Mar- tial a parlé de cela en de beaux vers. Il semble que Dioscoride l'appelle Accepula, parce qu'elle empêche de s'enivrer. Mais puisqu'aussi bien nous sommes arrivés à parler du vin, il ne sera pas mauvais que nous continuions à discourir sur ce sujet, qui est fort intéressant. 126 LA MAGIE NATURELLE Comment on peut faire perdre Vamour du vin aux ivrognes. Comme rien n'est plus pernicieux que l'excès dans la boisson, et que malgré cela beaucoup s'y abandon- nent, et à tel point qu'ils en deviennent malades et quelquefois même en meurent, nous avons estimé con- venable de vous enseigner comment vous le ferez avoir en horreur, — d'autant que la fontaine nommée Cli- toire qui a cette propriété est en somme très éloignée d'ici. Voici donc comment vous ferez. Prenez trois ou quatre anguilles, plongez-les dans du vin et laissez- les y mourir, puis donnez à l'ivrogne de ce vin à boire; il l'abhorrera désormais à tout jamais et ne demandera plus à boire, mais vivra au contraire très sobrement. Athenœûs a également prétendu que si un homme mange d'un surmulet récemment suffoqué dans du vin, cela le guérira du péché de paillardise. Peut-être préférerez-vous arriver au même but de cette manière, de façon à provoquer un plus grand dégoût encore. C'est ce qu'enseigne Jarcas, de même que le montre Philostratus dans la vie d'Apollonius. Cherchez l'en- droit où la chouette fait son nid et dérobez-lui ses œufs. Faites les bouillir et présentez-les à un enfant pour son repas. Vous pouvez être sûr qu'après en avoir mangé, il détestera à tout jamais le vin. Pareil- lement le suc qui coule d'une vigne coupée, si on en boit beaucoup, rendra une personne sobre; c'est Dé- mocrite qui l'enseigne. LA MAGIE NATURELLE 127 Pour savoir si l'on a mis de l'eau dans le vin. Démocrite et le Florentin vous l'apprendront. Pour le savoir, vous plongerez des pommes ou des poires sauvages dans le vin, et si ces fruits surnagent, c'est signe que le vin est pur, mais s'ils descendent au fond du vase qui contient le vin, c'est signe que celui-ci a été coupé d'eau. D'aucuns mettent dans un tonneau de vin une canne ou un sarment, ou quelqu'autre bois frotté d'huile et puis le retirent; si en le retirant, quel- ques gouttes demeurent à cette canne ou à ce sarment, c'est un signe manifeste qu'il y a de l'eau dans ce vin. Faites encore autrement : mettez du vin dans de la chaux vive et si la chaux se fond, soyez sûr que votre vin est sophistiqué avec de l'eau. En outre, beaucoup d'autres expériences peuvent nous conduire à faire la même constatation. Moyen de séparer Veau du vin. Faites tourner ou composer de la façon qu'il vous plaira un vase de lierre et jetez-y du vin; s'il contient une quantité quelconque d'eau, en fort peu de temps, cette eau en sortira : tous, tant anciens que modernes, disent la même chose. Et cependant la raison comme l'expérience contredisent cette observation, car pour autant que ce bois est plein de petits trous, l'eau, qui est le plus subtil de tous les liquides, au dire d'A- ristote, sortira, et ce qui a plus de corps, se maintien- dra mieux. Il y a encore un autre moyen pour séparer l'eau du vin. Prenez des fils et faites-en comme une pelote de 128 LA MAGIE NATURELLE coton OU de lin et mettez-le dans le tonneau, de façon à le voir toujours nager sur le vin; l'eau s'en séparera aussitôt. Une éponge jetée dans du vin, puis pressée fortement, rendra plus de vin que d'eau. Pour rendre le vin diversemenl odoriférant. Mettez les simples dont vous voulez que le vin re- tienne l'odeur, tremper dans l'eau ardente; la nature de cette eau boira incontinent l'odeur. Après, passez cela par l'étamine et après qu'il sera passé, laissez-le reposer un peu. Cela fait, mêlez-le au vin, car l'eau tient le goût et la saveur du vin, et elle vous rendra votre vin assez odoriférant. Pour rendre Veau salée potable, et agréable à boire. C'est Aristote qui nous enseigne ce procédé. Il faut former un vase de cire vide, que nous plongerons dans la mer, et l'eau entrera par les pores de la cire et sera ainsi rendue potable. Semblablement, si vous prenez un pot de terre cru et bouché, et que vous fassiez de même, la salure se séparera de l'eau qui y entrera, car tout ce qui y pénétrera sera coulé. Ensuite, vous pour- rez encore le faire mieux de la manière suivante : mettez du sable de rivière dans l'eau salée et laissez-le reposer quelque peu ; puis vous boucrierez l'orifice du pot avec un linge et la coulerez aussi longtemps qu'elle aura perdu toute sa salure, et l'eau deviendra douce. Nous pourrions donner d'autres indications encore sur le même sujet, mais nous considérons celles-ci comme suffisantes. LA MAGIE NATURELLE 129 Pour faire qu'on puisse voir un oison vif el cuit. On en sert souvent sur les tables des princes et des grands seigneurs, et si vous désirez en apprendre le moyen, nous allons vous l'indiquer. Voici comment il faudra vous y prendre. Prenez un canard, une oie ou un oison, ou quelqu'autre animal plus vif, mais l'oie ou l'oison est ici à préférer à tout autre volatile. Plumez- le entièrement, excepté la tête et le cou, puis environ- nez-le de feu, non trop près, afin qu'il ne soit pas suffo- qué par la fumée ou que le feu ne le rôtisse plutôt que de besoin, ni trop éloigné, afin qu'il ne s'échappe pas. Ayez des petits pots pleins d'eau, à laquelle vous ajouterez du sel et du miel. Faites aussi que les plats soient pleins de pommes bouillies et coupées sur cha- que plat par petites pièces carrées. Que votre oison (ou votre oie si vous le préférez) soit tout surfondu de graisse de lard pour être plus savoureux et se cuise plus facilement, puis après cette préparation, mettez-y le feu. Lorsque vous verrez que l'oison commence à s'é- chauffer, il boira de l'eau en abondance et apaisera son ardeur, rafraîchissant son cœur et ses autres mem- bres par la vertu du médicament, et nettoiera et videra son ventre. Mais après que cette liqueur aura commen- cé de bouillir, elle cuira les entrailles et autres par- ties inférieures. Après cela, vous lui mouillerez conti- nuellement le cerveau et le cœur avec une éponge; alors, lorsque vous verrez qu'il commence à chanceler, soyez sûr qu'il sera à point; ôtez-le du feu et présen- tez-le à table et soyez assuré qu'à chaque membre qu'on lui arrachera, il criera, de sorte qu'il semblera plutôt mangé vivant que mort. 130 LA MAGIE NATURELLE Pour faire qu'au même instant, une lamproie semble être frile, bouillie et rôtie. Pour faire cela, tourmentez-la fort, à force de la frotter à l'aide d'un drap, puis embrochez-la et enve- loppez les parties que vous voudrez bouillies et frites, par trois ou quatre fois de petits drapelets, dont l'un sera saupoudré de poivre et faites broyer du persil, du safran et du fenouil avec du vin cuit, et ayez soin que toujours les parties que vous désirez bouillies soient continuellement trempées dans de l'eau très salée. Quant à la partie que vous voudrez avoir frite, vous la ferez tourner au feu, l'humectant et l'arrosant toujours d'une branche de marjolaine bâtarde et après que la partie sera rôtie, ôtez-la et présentez-la, et soyez sûr que ce sera une fort bonne viande. Pour avoir des œufs qui surpassent en grandeur la tête d'un homme. Prenez dix moyeux et blancs d'œufs, ou davantage, et séparez le jaune du blanc, mêlez légèrement les blancs et mettez-les dans une vessie que vous ferez bien ronde et que vous lierez fortement. Cela fait, mettez la vessie dans un pot plein d'eau, et quand vous verrez qu'elle s'enfle, jetant au-dessus de l'eau des petites bulles, vous y ajouterez les jaunes de telle façon qu'ils se trouvent bien au milieu. Laissez-les cuire de nouveau et ainsi vous aurez un œuf dépouillé de sa coquille. Vous formerez alors la coquille de la manière suivante : broyez les coques de vos œufs, après les avoir bien lavées, de sorte qu'elles soient LA MAGIE NATURELLE 131 réduites en une poudre bien menue, puis faites-les tremper dans du vinaigre fort, jusqu'à ce que cette poudre s'amollisse, car si l'œuf demeure longtemps dans le vinaigre, sa coque se dissoudra et s'amollira. Après que la coquille aura pris forme d'onguent, vous enduirez avec un pinceau la coque sur cet œuf cuit, et la tremperez ensuite dans de l'eau claire; elle durcira complètement et vous aurez ainsi un œuf vrai et na- turel. Chapitre Quartozième De quelques expériences mécaniques Pour faire un dragon volanl ou comèie. Voici la manière de construire un dragon volant. Faites un quadrangle des plus exacts avec les plus fins roseaux que vous pourrez trouver, de sorte que la longueur en soit bien proportionnée et surpassant la largeur d'une fois et demie. Ensuite mettez deux la- melles dans les parties opposées directement l'une à l'autre et ajoutez-y une corde. Vous couvrirez cela de papier ou d'un linge de lin très fin, afin qu'il n'y ait rien de pesant. Puis du haut d'un donjon ou d'une tour, ou du sommet d'une montagne, vous exposerez votre machine aux vents. Mais il faut que le vent soit doux et calme, pour que la machine ne se rompe, s'il était trop fort, mais il faut cependant qu'il se fasse sentir, sans quoi l'appareil ne fonctionnerait pas non plus. En outre, il faut que cette machine ne vole pas en droite ligne, mais obliquement, ce qui se fera en ti- rant la corde de l'un des côtés. D'aucuns appliquent sur cet appareil une lanterne allumée, afin qu'il res- 132 LA MAGIE NATURELLE semble mieux à une comète. L'homme ingénieux pour- ra ainsi comprendre comment il se peut faire qu'on peut arriver à voler, en se liant de grandes ailes aux coudes et à la poitrine, surtout s'il s'accoutume à les balancer et à les jeter en l'air du haut d'un lieu élevé. Pour faire en sorte qu'un œuf monte en Vair. Pour atteindre à cet effet, nous vidons adroitement la coquille d'un œuf de tout ce qu'il contient, et la rem- plissons de rosée. Nous la prendrons surtout au mois de mai (car en été et en automne, il n'y a pas de vraie rosée) et sur le coup de midi, nous l'exposerons au soleil et l'œuf s'élèvera tranquillement. S'il montait cepen- dant avec difficulté, on l'aiderait à l'aide d'un petit bâton et il se soulèverait ensuite de lui-même. Comment on pourra mettre une chandelte ardente sous Veau. Ayez un vase long et d'une capacité raisonnable, mettez dans son orifice un bouchon de bois et faites que dans ce vase la chandelle allumée se tienne com- plètement immobile ; vous plongerez ce vase dans l'eau et aucune goutte n'y entrera, puisqu'il sera rempli d'air, et de la sorte sous l'eau votre chandelle brûlera sans s'éteindre. Pour faire qu^un vase mis à bouchon dans Veau, la puise. Ayez un vase qui ait le col bien long, car plus il sera long, plus l'effet produit sera admirable, mais il con- LA MAGIE NATURELLE 133 vient qu'il soit de verre et bien clair, afin que vous voyiez l'eau monter. Emplissez ce vase d'eau bouil- lante et lorsque le récipient sera bien échauffé, mettez le fond du vase au feu, afin qu'il ne se refroidisse et faites que son orifice touche l'eau jusqu'à ce qu'il l'ait toute humée. Les explorateurs des secrets de la nature disent que les rayons du soleil hument l'eau des lieux creusés de la terre dans les montagnes, d'où alors sor- tent les sources des fontaines. Vitruve parle aussi de la même manière de la naissance des vents, mais comme cela est connu aujourd'hui de tous, nous n'en parle- rons pas. Chapitre Quinzième Des autours et mignardises des femmes. Entre toutes les recettes et expérimentations qui sont en usage et sont fort désirées, principalement celles qui servent à l'ornement des dames et à l'em- bellissement de la face, sont requises et recherchées comme grandement profitables; aussi, pour qu'on n'aille pas les chercher ailleurs, nous avons jugé utile et convenable d'en parler ici avec quelque dévelop- pement. La manière de teindre les cheveux de couleur blonde, ou jaune, noire, dorée, ou telle autre couleur qu'il vous plaira. Si vous les désirez blonds' ou jaunes, vous arriverez à ce résultat en les oignant souvent d'huile de miel et de jaunes d'œufs mélangés ensemble. Et semblable- 134 LA MAGIE NATURELLE ment après avoirlessivé vos cheveux d'une lessive faite des cendres de sarment de vigne, de paille d'orge, d'é- corce, de raclures et de feuilles de buis, de safran et de cumin, ceux-ci deviendront jaunes et imiteront la couleur de l'or. Vous ferez noircir vos cheveux si vous les lavez d'une lessive faite de cendres d'écorce de figuier, de galu, de sapin, de ronce, de cyprès et autres sem- blables. Toutefois si quelques cheveux ou la barbe vous deviennent chenus, vous les colorerez aisément ainsi : prenez de l'écume d'argent et d'airain brûlé, et mêlez-le tout dans quatre fois autant de lessive forte, puis, lorsque posée sur de la braise menue, elle com- mencera à bouillir, vous vous en laverez. Ensuite vous sécherez bien la barbe et les cheveux; puis vous les relaverez encore une fois avec de l'eau chaude et l'o- pération sera faite. Vous pourrez aussi noircir vos sourcils de la façon suivante : faites faire des noix de gale en huile, puis broyez les avec un peu de sel am- moniaque, et mettez-les dans du vinaigre dans lequel vous aurez fait bouillir des écorces de ronce et de mû- rier. Frottez-en vos sourcils, et gardez ce lavement toute la nuit, puis le matin ôtez-le avec de l'eau claire. Cela est utile à faire pour les sourcils, parce qu'il arrive souvent que par suite d'une grande multitude de cils, les sourcils perdent leur grâce, s'ils ne sont noirs. Remède par lequel les endroits chargés de poils se pèle- ront incontinent, et les parties ainsi traitées demeu- reront longtemps sans poils. Il faut frotter les endroits velus de cette décoction vulgaire, à savoir de la chaux vive mêlée d'un tiers de forte lessive, et pendant que votre décoction bouil- LA MAGIE NATURELLE 135 lira, faites-en l'épreuve à l'aide d'une plume. Toute- fois Columelle enseigne que Ton cuise une grenouille de couleur pâle dans de l'eau, et après qu'elle sera con- sumée au tiers, frottez-en votre corps, si vous voulez rendre quelque lieu pelé. Il y a une infinité de choses qui servent au même but, comme la larme de lierre, le suc distillé par la vigne qui est comme de la gomme ; toutes auront la même efficacité. Mais les indications données plus haut sont plus commodes à suivre et suffiront. Si vous voulez que le poil ne revienne plus, vous pourrez déraciner à jamais sa racine, en frottant les parties pelées du mélange suivant : vous prendrez des œufs de fourmis, du jus de jusquiame, de la se- mence de ciguë et de l'herbe aux puces et du sang d'une chauve-souris et d"une tortue. Vous mêlerez le tout ensemble et en oindrez les parties velues. Il en est d'autres qui font passer une feuille d'or toute rougt sur les yeux des jouvenceaux qui n'ont encore aucun poil, de sorte qu'il n'y en aura jamais trace et qu'ils ne seront jamais velus. Si vous voulez que le poil naisse avant le temps. Prenez de la cendre d'abeilles brûlées, avec de la fiente de souris, vous y mêlerez de l'huile de rosat, frottez-en la peau et il vous viendra du poil, même dans la paume de la main. Ajoutez-y aussi de la cendre de châtaignes, de noyaux de dattes et de fèves ou mê- me d'autres légumes, et le poil qui en naît sera fin et délicat. L'empereur Auguste avait coutume de brûler son poil avec une noix ardente, afin de le faire repous- ser plus délicat et plus mou. 136 LA MAGIE NATURELLE Si VOUS voulez changer la couleur des yeux aux enfanls. Oignez le derrière de la tête de l'enfant d'huile et de cendre de coques d'avelaines, et si vous faites cela par deux fois seulement, l'enfant qui avait les yeux blancs les aura noirs. Il y a encore beaucoup d'autres moyens de rendre les yeux blancs, verts ou noirs, ou de leur donner diverses autres couleurs, mais je les pas- serai sous silence, vu que ceux qui n'en ont pas grand besoin pourraient s'y prendre mal ou ne feraient pas cette expérience comme il faut qu'elle soit faite. Comment vous pourrez nettoyer et effacer tes meurtris- sures des joues, et principalement des femmes, lorsqu'elles ont leur flux {leurs menstrues). Oignez l'endroit de céruse, de poudre ou farine de fèves et de vinaigre, mêlez le tout ensemble, ou encore de jaunes d'œufs mêlés avec du miel. Autres manières de se nettoyer des dames, lesquelles font resplendir, embellir ci polir les faces. Prenez de la mie de pain que vous jetterez dans un vase plein de petit lait de chèvre; vous en tirerez de l'eau dont vous frotterez la face; c'est le vrai moyen pour faire blanchir et resplendir la face. Le lait d'â- nesse servira au même office, car il ôte toutes les rides de la peau, la polit et la rend plus molle et plus déli- cate. C'est pourquoi Papea Sabina, femme de Néron, menait toujours avec elle cinq cents ânesses et se bai- gnait tout entière dans ce lait. LA MAGIE NATURELLE 137 Pour donner une couleur vermeille à la face. Vous pourrez le faire aisément et sans vous faire découvrir, de sorte que vous tromperez les gens les plus experts, car avec de l'eau claire vous rendrez les joues vermeilles et cette couleur durera longtemps et sera d'autant plus resplendissante que vous vous laverez plus souvent en vous frottant à l'aide d'un drap. Mais voici le moyen à employer, prenez des graines de pa- radis, de cubèbe, de mûre sauvage, de giroflée, de raclure de brésil et d'eau ardente distillée plusieurs fois ; vous mêlerez le tout ensemble, et lorsque ce mé- lange aura quelque peu reposé, vous en tirerez de l'eau en le tenant sur un petit feu ou sur du fumier pourri. Vous en mouillerez souvent la face. Toutefois si vous faites longuement bouillir une ortie dans de l'eau et que vous en laviez le corps, elle le rendra co- loré, et plus longtemps vous le ferez, plus la couleur deviendra vermeille. Voici comment vous colorerez les lèvres et les gencives : faites broyer de l'alun, de la graine d'écarlate et de la raclure de brésil, mêlez tous ces ingrédients ensemble, trempez-les dans de l'eau, puis séchez-les au soleil. Vous y tremperez aussi de la soie, à l'aide de laquelle vous frotterez les lèvres et les gencives. Eaux pour farder et embellir la face. Si vous voulez que la face soit vraiment resplen- dissante, cuisez des blancs d'œufs jusqu'à ce qu'ils soient très durs, vous en tirerez une eau qui sera fort propre à cet usage, vous le ferez aussi avec du jus de 138 LA MAGIE NATURELLE romarin, de la fleur de fève et du jus de limon. Mais il y a encore une eau meilleure et qui a été faite avec un soin extrême. Réduisez le talc en poudre très me- nue, et mettez-le dans un pot de terre. Vous y ajou- terez une grande quantité de limaçons et fermerez le vase, de peur qu'ils n'en sortent. Ces limaçons, pri- vés de leur nourriture ordinaire, dévoreront le talc, et lorsqu'ils auront tout mangé, vous les broyerez avec leurs coquilles et les poserez dans un alambic de verre, vous les ferez bouillir et l'eau ainsi distillée, vous la conserverez pour l'usage de la face. Puis, vous dépose- rez par trois fois la lie de cette eau dans des endroits ouverts, exposés à l'air, et la remettrez ensuite dans le vase. Vous en tirerez alors de l'huile qui est excellente pour les cheveux. Pour ôter les ordures blanches de la face, qui sonl comme des peaux maries. Les femmes pourront s'y prendre de cette façon : qu'elles prennent un fiel de vache, de bouc et de chè- vre, et qu'elles les mêlent tous trois avec de la poudre de verre. Qu'elles en oignent leur face, cela la purgera de toutes les peaux mortes qui s'y trouvent. De même le jus de la saponaire nettoie toutes les taches qui en- laidissent si souvent la figure des femmes. De quelques poudres pour frotter el blanchir les dents. Les poudres que jadis les anciens préparaient et qui passaient pour excellentes, se composaient de coquilles et de cornes de pourpres brûlées ; mais nous vous indi- querons un autre moyen d'arriver au même résultat. LA magik naturelle 139 Prenez des miettes de pain brûlé, de la poudre de pierre ponce, de coral rouge, des os de têtes desséchés, de corne de cerf et autres choses semblables, dont cha- cune a la vertu de nettoyer les dents, et de tous ces ingrédients, vous ferez une composition. Vous pourrez encore frotter vos dents de graine d'écarlate et de pourpre. Toutefois, il vaudra mieux encore de les frotter d'huile de soufre, car elle polit et ôte toute tache. L'eau d'alun et le sel, distillés ont le même effet. Pour faire en sorte que les îêlons ne croissent. Broyez de la ciguë et posez-en le marc avec du vi- naigre sur le téton de la pucelle, et la vertu de cette herbe le restreindra et l'empêchera de croître, princi- palement durant sa virginité. Vous pourrez rendre dures les mammelles molles et flasques, de la façon suivante. Prenez de l'argile blanche, le blanc d'un œuf, une noix de galle, du mastic et de l'encens ; broyez tout cela et le mettez dans du vinaigre chaud et frottez-en les mammelles pendant un jour entier. Si l'opération ne réussit pas du premier coup, il faut la renouveler. Les noyaux de nèfles, les sorbes non mûres, les prune» sauvages, l'écorce de grenade, la fleur du grenadier sauvage, les pommes ou noix de pin non encore mûres, les poires sauvages et le plantain, tout cela bouiUi dans du vinaigre et appliqué sur les mammelles, les empê- chent également de croître. 140 LA MAGIE NATURELLE Pour que les rides du ventre de la femme disparaissent après les couches. Faites cuire longtemps des sorbes vertes dans de l'eau, et mêlez-y le blanc d'un œuf; puis faites-y dis- soudre de la gomme arabique. Trempez un linge dans cette préparation et appliquez-le sur le ventre de la femme. Vous pouvez encore faire autrement. Prenez de la corne de cerf, de la pierre appelée amiante, vul- gairement appelée alun de plume, du sel ammoniaque» de la myrrhe et du mastic et réduisez le tout en pou- dre, puis appliquez-le, mélangé à du miel, sur le ven- tre, cela enlèvera toutes les rides. Mais si vous voulez rétrécir la porte de nature, c'est à dire la vulve, parce qu'elle s'est élargie à la suite de l'enfantement, et si d'aventure cela déplaît au mari, vous vous y prendrez ainsi : pilez des noix de galle bien menu, ajoutez-y un peu de poudre de girofles, laissez bouillir cela dans du vin. Trempez-y alors un drap et appliquez celui-ci sur la vulve. Si vous voulez rétrécir les vulves des pail- lardes et des femmes de bas étage, vous vous y pren- drez ainsi : prenez des noix de galle, de gomme, d'a- lun, du sang de dragon, de la fleur de grenadier sau- vage, du lentisque, du cyprès, des grains de raisin, des côtes ou écorces de glands, ou de ce petit calice concave dans lequel le gland naît et se tient et d'où sort l'arbre futur, du mastic et du limon et faites cuire toutes ces choses dans du vin rouge ou dans du vinai- gre, et mouillez-en souvent la vulve qui, par ce moyen, se rétrécira beaucoup. Ou autrement encore, réduisez ces ingrédients en poudre et faites-les passer dans la vulve à l'aide d'une canule. Mais si vous voulez ren- LA MAGIE NATURELLE 141 dre à une femme sa virginité, faites-lui des pilules de la manière suivante. Prenez de l'alun brûlé et du mas- tic, ajoutez-y un peu de vitriol ou couperose et rédui- sez tout cela en poudre si menue qu'elle devienne pour ainsi dire impalpable. Faites en alors des pilules avec de l'eau de pluie, émincissez-les en les tournant entre les doigts et puis laissez-les sécher. Appliquez-les en- suite sur la vulve, à l'endroit même où se pratique le plaisir de l'amour, c'est-à-dire au clitoris, là ou l'hy- men de la vierge aura été rompue et déflorée, les chan- geant de six en six heures et les imprégnant constam- ment d'eau de pluie ou de citerne. Ça et là se produi- ront de petites vessies, lesquelles, en crevant, amène- ront un afflux de sang qui rétablira l'endroit endom- magé, de telle sorte qu'on aura de la peine à s'y re- connaître. D'autres appliquent une sangsue à la vulve violée, celle-ci la mord et laisse une légère cicatrice qui, étant frottée, amène le sang à la surface, rétablit les menstrues et rétrécit la vulve. Pour faire pâlir une face fardée, ou connaître si elle l'est. Mâchez du safran à belles dents et approchez-vous de la bouche de la femme en causant avec elle, et soyez sûr que la chaleur de votre haleine fera que sa figure deviendra jaunâtre ; mais si elle ne s'est mis aucun fard sa figure ne changera pas de couleur. Une eau tachant et noircissant la face. Prenez l'écorce verte et rugueuse de la noix et des noix de galle et tirez-en une eau claire à l'aide de l'a- lambic des alchimistes, et soyez sûr que les mains ou 142 LA MAGIE NATURELLE la face étant mouillées avec cette eau, noirciront peu à peu, au point que les personnes ressembleront à de vrais nègres. Mais si vous voulez enlever cette teinte noire et rétablir la partie noircie dans sa première blancheur, prenez du vinaigre, du jus de limon ou ci- tron et du colophane : faites distiller le tout. Ce lave- ment est très efficace. Chapitre Seizième Premièrement, pour combattre vaillamment dans le camp de Vénus. Si quelqu'un désire se montrer vigoureux dans les plaisirs du lit, qu'il se nourrisse principalement de bul- bes d'échalottes, car ces plantes chatouillent fort et excitent le désir vénérien. De tout quoi Martial a parlé et aussi Columelle dans son jardinet. Vienne à ce coup génitale semence Du bulbe chaud que Mégare produit : Que chatouillant le mâle en véhémence Arme la vierge au naturel déduit. Prenez en bonne quantité de la roquette, des poix chiches, des oignons, des carottes, de l'anis, du co- riandre, des noyaux de pommes de pin, l'homme qui prendra cela sera rendu dispos à l'acte vénérien ; mais entre toutes autres choses, le satyrion émeut forte- ment la semence ou le sperme et résiste longtemps aux plaisirs de la couche, et quant aux femmes, cette plante les excite et les chatouille fort et les pousse à l'embras- sement. Les orties ont également la vertu d'exciter l'appétit vénérien. Et semblablement si nous pouvons LA MAGIE NATURELLE 143 nous procurer cette herbe qui vient de l'Inde et dont Théophraste a parlé, ceux qui en useraient sentiraient que, non seulement en la mangeant, mais en en tou- chant les parties génitales, la vertu et le désir de l'acte sexuel croîtra étrangement, à telles enseignes qu'ils pourront pour ainsi dire coiter aussi souvent qu'il leur plaira. Et encore le même auteur raconte que certain personnage, ayant usé par douze fois de cette herbe, fut si animé qu'il exécuta l'acte vénérien sept fois de suite, et avec une telle vigueur que le sperme lui dé- coulait goutte à goutte comme du sang. Donc si vous voulez exciter en vous le désir de luxure, vous em- ployerez le moyen indiqué ci-dessus, et encore le sui- vant. Prenez des racines de satyrion et des noyaux de pommes de pin, de l'anis et de la roquette, — poids égal de l'un et de l'autre, — ajoutez-y la moitié de ces petits animaux qui croissent au Nil et qu'on appelle Scinci et un peu de musc. Faites confire cela dans du miel purifié et écume. Encore conviendra-t-il de renforcer cette compo- sition de cerveaux de passereaux, de roquette sau- vage, de langues d'oiseaux et d'autres ingrédients sem- blables. Mais si quelqu'un veut exciter la femme et la faire jouir, qu'il arrose le gland de la verge de musc et de civette de castoreum, ainsi appelée parce que c'est un jus qui se trouve dans la verge du castor, puis de cubèbe et d'huile de Ben, ou de l'une de ces deux der- nières substances seulement : cela chatouillera am- plement ceux qui s'adonneront au plaisir de la luxure. Mais l'homme et la femme se délecteront merveilleuse- ment s'ils prennent l'un et l'autre du poivre long de pyrèthre et de galaxa, le tout bien broyé et pris dans du miel. 144 LA MAGIE NATURELLE Pour rafraîchir le désir de luxure. Vous arriverez à ce résultat de la façon suivante : mangez de la rue et du camphre, car cela détruit l'état qui fait lever la verge, tellement cju'un homme en pourrait devenir comme châtré. L'agnus castus de la même façon réprime et éteint l'appétit vénérien, et soit qu'on se couche sur les rameaux de celui-ci, ou qu'on en boive en infusion ou qu'on en mange, il des- sèche la semence. Les matrones anciennes, dans les sacrifices des Egyptiens appelés Thermophoria, se fa- çonnaient des couches de ces rameaux, sur lesquelles elles dormaient. La laitue aussi ôte la force du sperme chez ceux qui usent abondamment de cette plante. Callimacchus a laissé par écrit qu'Adonis ayant mangé une laitue, fut tué par un sanglier et qu'il fut enterré par Vénus sous une laitue parce que par la vertu d'une telle plante, au dire d'Athenœus, Vénus devient lan- goureuse et les hommes deviennent impuissants. Le ventre du lièvre profite bien à la conception, si la femme en mange ou le met sur son ventre ; mais sitôt qu'elle aura conçu, elle devra se garder de toutes ces choses, car elles pourraient détruire la conception. La menthe appliquée sur l'orifice de la vulve après le coït, corrompt la semence génitale et mise sur du lait, elle l'empêchera de se cailler, encore qu'on y mette de la présure; même si vous en mettez sur les mammelles d'une femme, elle empêchera le lait de s'épaissir. Le safran ôte merveilleusement la puissance de concevoir. Si une femme boit à jeun de la décoction de saule, elle deviendra stérile et ce, pour autant que le saule perd soudain sa semence. Le même effet est produit par le LA MAGIE NATURELLE 145 parfum de l'ongle d'une mule, l'urine et la sueur de celle-ci, et l'eau avec laquelle les serruriers ou maré- chaux éteignent le feu de leur forge, si l'une ou l'autre de ces choses sont prises par la femme après la fin de ses règles. Mais surtout c'est un long et continu tré- moussement qui est apLe à arrêter la conception, car après que la femme se sera excessivement trémoussée, à la suite du coït ,elle ne pourra retenir la semence gé- nitale et la rendra donc inopérante. Ainsi fit cette chanteuse dont parle Hypocrate, laquelle ne voulant pas retenir le sperme pour concevoir, afin que la con- ception ne la notât d'infamie ou au moins n'amoin- drît son honneur, tressaillit et sauta sur terre, rendit la semence conçue et son germe coula. Les observa- teurs superficiels de la vertu du nombre sept et les pythagorisans ont attribué cet effet à une puissance occulte, parce que Hypocrate aurait répété cela sept fois. Toutefois, cela est argué de faux, attendu que cela coule plus tôt; encore faut-il considérer que plus elle sautera, moins elle concevra. Mais si la femme, avant d'avoir joui, boit du jus de rue et qu'on lui applique sur la vulve un pessaire, façonné à la forme de l'organe génital de la femme, et oint d'un mélange d'opoponax et de soufre vif, à l'aide d'une plume en- duite de savon noir, il est certain que ce procédé amè- nera immédiatement un avortement. Cependant il faut se garder d'employer ces moyens, car ils nuisent géné- ralement aux femmes enceintes. 10 146 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Dix-Septième Des mèches de lampes ou chandelles, et des illusions qu'elles produisent, et comme on pourra faire que les hommes seront vus avoir des têtes de chevaux ou d'autres animaux. J'ai examiné longuement si, dans l'antiquité, ces secrets pouvaient avoir été ignorés, ou si ce qu'on en disait répondait à la vérité, et je ne me suis pas peu réjoui lorsque j'ai appris que certains d'entre eux les avaient connus, entr'autres Anaxilaus, ajoutant foi ainsi aux assertions de Pline. Et comme nous avons beaucoup travaillé pour inventer ces choses, il ne sera pas hors de propos d'en traiter et de les faire connaître à tous ceux que cela intéresse. Comme on pourra voir une chambre colorée. Il faut tout d'abord que toute autre lumière soit éloignée de la chambre, afin que notre lampe ne soit éclipsée et que l'illusion qu'on veut produire ne soit empêchée ou frustrée. Et si l'expérience se fait de jour, fermez les fenêtres, de peur que quelque lumière, ve- nant du dehors, ne détruise aussi l'illusion. Vous pour- rez voir un beau vert dans une chambre de la manière suivante. Ayez une lampe qui soit de verre vert et clair, afin que les rayons qui en sortent soient colorés de cette teinte, et que l'huile, mélangée de vert de gris, devienne verte également. De plus, faites que la mè- che soit aussi de la même couleur, ou qu'elle soit au moins fabriquée d'un coton pénétré de cette teinte. Quand ce coton brûlera dans cette lampe, il fera ap- LA. MAGIE NATURELLE 147 paraître vert tout ce qui se trouvera dans la chambre, voire même les figures des spectateurs. Mais si vous désirez que toutes choses vous appa- raissent noires, mêlez dans votre lampe de l'encre et de la suie, ou mieux encore de l'encre seulement; si mis dans une lampe, elle prend feu, il en sortira une flamme noire. Ainsi, dit-on, a fait souvent Anaxélaus, et il rendait les gens noirs comme des moricauds. Maintenant, pour faire en sorte que toutes choses que vous viendrez à regarder vous semblent jaunes, faites broyer ensemble plusieurs ingrédients jaunes, comme de l'orpiment, du safran, de l'écorce de lupin, que vous mettrez dans une lampe de verre jaune. Allumez ensuite la mèche et tout vous apparaîtra jaune. Si vous êtes désireux de voir que, dans une même salle, tout soit en partie vert, en partie jaune et en partie noir, mélangez tous ces ingrédients, comme l'enseigne Si- méon Sethi; si quelqu'un vient ensuite à tremper la mèche d'une lampe dans de l'encre de sèche, mêlée de vert de gris ou de rouille d'airain, et l'allume, les hom- mes qui assisteront à ce spectacle sembleront en partie de couleur d'airain et en partie de couleur noire. Pour voir une maison argentée et lumineuse. Voici comment vous opérerez : coupez les queues de plusieurs lézards noirs, et recueillez les gouttes de li- queur éclairante qui en découleront; de plusieurs de ces lézards vous en conjoindrez plusieurs, et en mouil- lerez un morceau de papier ou une petite branche de genêt, et si c'est possible, vous y mêlerez de l'huile; aussitôt vous verrez que tout prendra une couleur argentine. Vous ferez de même en toutes autres choses. 148 LA MAGIE NATURELLE Nous allons maintenant traiter d'autres expériences intéressantes, pour lesquelles nous procéderons, com- me pour tout le reste, avec ordre et méthode. Pour faire en sorte qu une face apparaisse maigre el pâle. Vous arriverez aisément à ce résultat de la manière suivante. Prenez une coupe de verre à large gueule, versez-y du vin vieux, ou grec si c'est possible, puis jetez-y du sel, autant que vous pouvez en tenir dans la paume de votre main. Ensuite, mettez cette coupe sur des charbons ardents, mais qui ne flambent point, de peur que le verre ne se casse, et incontinent le contenu commencera à bouillir. Approchez une chan- delle et le liquide commencera à brûler. Vous étein- drez alors toutes les autres lumières qui seront dans la chambre, et ce vin rendra les figures des assistants telles qu'ils auront positivement horreur l'un de l'au- tre. Autant en adviendra-t-il dans les fournaises dans lesquelles on fond les cloches et autres métaux, car tout ce qui est ouvert se voit avec une couleur si étrange qu'on est contraint de s'émerveiller de voir les lèvres des gens fort bigarrées, à savoir couvertes de laine grasse, violettes, rouges ou tirant sur le noir. Si on met du soufre brûlant au milieu d'une société, il opérera davantage que les choses ci-dessus indiquées. Nous savons qu'Anaxilaus avait coutume de s'occu- per de ces expériences. Le soufre mis dans un vase neuf que l'on posera sur des charbons ardents, donnera une grande pâleur aux assistants par la réverbération de son ardeur. Cela m'est souvent arrivé de nuit. LA MAGIE NATURELLE 149 lorsque je cheminais dans la campagne de Naples ou sur les coteaux de l'Eucogène, car le soufre, s'allu- mant de lui-même, rendait les figures des passants telles que je les ai dépeintes ci-dessus. Pour faire que les assistants d'une société sembleront n'avoir point de têtes. Faites bouillir de l'orpiment très finement broyé dans un pot de terre neuf et mêlez-y du soufre. Cou- vrez votre pot, de peur que la vapeur jaune ne s'en- vole, et mettez cette composition dans une lampe neuve, que vous allumerez, et les assistants qui seront là sembleront n'avoir ni tête ni mains, s'ils ferment leurs yeux avec les doigts lorsqu'on allumera cette lampe ou cette chandelle. Vous verrez alors pendant quelques instants le spectacle dont nous venons de vous parler. Pour faire que les hommes vous apparaissent avec des têtes de chevaux ou d'ânes. Coupez la tête à un cheval ou à un âne vivant et ayez un pot de terre de telle capacité qu'il soit si plein d'huile que la graisse surmonte l'orifice du pot. Après bouchez ce pot que vous entourerez de terre fort grasse et bien adhérente. Puis, mettez-le au-dessus d'un feu lent, et faites que l'huile puisse bouillir pendant trois jours, pour que la chair bouillie se réduise en huile, de sorte que rienn 'en apparaisse plus que les os. Broyez tout cela dans un mortier, et mêlez de cette poudre à l'huile, avec laquelle les têtes des assistants seront oints. Qu'on mette de même au milieu des cordeaux 150 LA MAGIE NATURELLE OU mèches d'étoupes, ni trop près, ni trop loin, et vous vous trouverez avoir une figure monstrueuse. Tirez de la tête, fraîchement coupée, d'un homme une huile, et frottez-en la tête des bêtes, elles semble- ront aussitôt avoir des têtes d'hommes. Ainsi par di- verses têtes d'animaux vous ferez que divers corps ap- paraîtront monstrueux. Soyez sûrs que, comme jadis, les secrets étaient soigneusement cachés par les an- ciens, on ne pouvait guère tirer grand'chose de leurs écrits. Anaxilaus donne cependant certaines indica- tions. On prend cette humeur puante qui sort du che- val après l'embrassement ou coït, et les mèches des lampes allumées représenteront monstrueusement à la vue les têtes des hommes comme des têtes de che- vaux. On en dit autant des ânes. Le même spectacle se produira si on tire l'humeur des truies, lorsqu'elles sont en rut et en chaleur, et qu'on l'allume : les gens alors sembleront avoir des têtes de pourceaux. Vous en ferez autant de tous les autres animaux, en faisant brûler l'ordure que vous aurez recueillie de leurs oreilles. Si pareillement vous faites brûler du sperme, et que vous en frottiez les têtes des spectateurs, ils vous sembleront avoir les têtes des animaux dont vous aurez pris la semence. Veuillez garder pour vous ce secret. Pour faire voir une chambre pleine de grappes de raisins. Vous pourrez faire cela de la façon suivante. Alors que le raisin commencera à perdre sa fleur, prenez un vase plein d'huile dans lequel vous plongerez ce raisin avec son rameau et sa feuille. Après cela, assurez bien votre pot, pour que le vent ne le déloge ou l'arrache LA MAGIE NATURELLE 151 de sa place, et faites que le soleil darde ses rayons des- sus. Cependant, bouchez le pot, mettez du plâtre tout autour de votre couvercle et couvrez-le d'une peau. Laissez-y toutefois une ouverture par laquelle la queue puisse entrer. Après que le raisin sera arrivé à complète maturité, pressez-le dans un linge et gardez-le jus- qu'à ce que vous en ayez exprimé toute l'huile, et exposez-le pendant quelques jours au soleil. Ensuite, mettez de cette huile dans les lampes et vous verrez tout l'endroit plein de raisins, il semblera que vous soyez tout environné de feuilles et d'arbres, voire même alors que les arbres sont dépouillés de leur feuillage. Quant à l'effet produit par d'autres fruits, il sera le même si vous employez le même procédé. Chapitre Dix-Huitième De plusieurs expériences intéressantes à propos de lampes. Il y a encore quelques autres expériences que l'on peut faire avec des lampes ; mais bien qu'elles ne soient pas aussi intéressantes que celles qui précèdent, nous allons cependant vous en entretenir, pour que nous n'ayons pas l'air de vouloir passer sous silence des choses qui à tout prendre, méritent d'être connues et enseignées. Pour faire qu'une personne, allumant une lampe, s'effraye el ait très peur. Faites une mèche de linge au milieu de laquelle vous mettrez la dépouille d'un serpent, y ajoutant du sel broyé bien menu. Cela fait, donnez votre lampe 152 LA MAGIE NATURELLE remplie d'huile à quelqu'un; sitôt que cette mèche sentira le feu, le sel tressaillira et la peau du serpent se tordra, lorsqu'elle cuira sous l'action de la chaleur, de sorte que cela effrayera grandement les enfants. De la même manière la queue du chien et du loup, et celle du loup et de la brebis, entortillés ensemble, se tordront si vous les allumez avec cette huile. C'est du moins ce qu'affirme Albert. Pour faire que les raines ou grenouilles ne crient pas la nuit. D'après ce qu'enseigne Albert, il faut prendre de la graisse du dauphin et de la cire blanchie au soleil et en garnir une lampe, que vous poserez toute allumée sur les bords des lacs, et les raines ou grenouilles se tairont. Mais Africain en parle aussi dans ses livres d'agriculture et dit que toute lampe peut amener le même résultat, car si vous posez une lampe allumée sur le bord d'un marécage, d'un étang ou d'un fossé, les raines soudain se tairont. Certains farceurs ont coutume de percer une paroi et mettent dans le trou une grenouille; après, ils bouchent l'ouverture avec du papier, sur lequel ils dessinent un corbeau. Devant le papier, ils allument une torche et lorsque la grenouille commencera à s'échauffer sous l'action du feu, elle se mettra à crier : Crax, crax, c'est-à-dire à imiter la voix du corbeau. Par ce moyen, ils montrent un cor- beau peint qui crie et qui croasse. LA MAGIE NATURELLE 153 On peul faire une mèche qui brûlera la main qui iéleindra et s'éteindra en la main étendue. Tirez de l'eau de camphre à l'aide de l'alambic des alchimistes et façonnez-y des soupiraux de terre grasse afin que l'esprit ne se dissipe; de cette eau frottez- vous les mains et soyez sûr que si cette flamme est mise sur le poing et on clôt la main, elle la brûlera, mais si on laisse la palme de la main ouverte, la lu- mière deviendra de plus en plus faible et finalement s'éteindra. On peul de la même manière faire une lumière à Vaide de laquelle il semble que les aslres errent et se meu- vent. Il y en a qui brûlent des limaces ou des tortues ou de la centaurée, et avec la fumée que donne la flamme, ils contemplent les étoiles, de sorte qu'elles semblent errer et se mouvoir de toutes parts dans le ciel. Si encore on désire voir cela mieux, cachez le feu, de sorte que les spectateurs ne le voient point et que les rayons soient rompus; par ce moyen, un homme ingé- nieux pourra produire plusieurs effets trompant les yeux. Il tirera ces procédés des ouvrages traitant de la perspective. D'une autre lumière par laquelle les hommes sembleront des géants. D'aucuns prennent cette plante que les Arabes appellent Alchac-heni, les Latins Solanunei et nous baguenaudier, ou baguenaudes, et la font confire 154 LA MAGIE NATURELLE dans de la graisse de dauphin, puis la laissent trem- per dans un onguent et la façonnent en de petites masses ayant forme de pains. Après cela, ils la brû- lent, mais faiblement, avec de la bouse de vaches, et par ce moyen ceux qui se trouvent à l'opposé de ce feu sembleront avoir une figure et une corpulence qui dépasseront de beaucoup la moyenne. Cela advien- dra principalement si les spectateurs se penchent ou qu'ils se courbent, et que ceux que l'on regarde se trou- vent dans un endroit élevé, de telle sorte que le rayon touchant la tête de l'homme aille frapper le plancher de l'endroit, et que celui-ci soit regardé d'un même angle. Ce phénomène arrive souvent dans les bois, la nuit, entre chien et loup comme on dit, alors que la clarté de la lune impuissante est voilée par des nuages, car alors les loups et autres bêtes semblent surpasser en hauteur les montagnes et les forêts, en sorte qu'on croirait vraiment que ce sont des fantômes. Et les hommes, dépassant les autres voyageurs, alors qu'il y aura peu de jour, sembleront toucher la tête des pieds, et leur grandeur semblera atteindre les astres, prin- cipalement en gravissant une montagne. Et plus près ils seront, ils sembleront être éloignés d'une demi-lieue, jusqu'à ce que le soleil survenant et illuminant toutes choses, aura fait connaître le véritable éloignement. Quelquefois, afin que la longueur du chemin ne m'en- nuyât, je me mettais en mer. Or, il était fort matin, le jour n'avait pas commencé à poindre, et la lueur incertaine de la nuit faisait que ma stature, qui à l'or- dinaire n'était que d'une grandeur moyenne, semblait au nocher avoir la forme de la statue d'un géant. Et de vrai, j'étais dans un endroit haut et éminent et le pilote de la barque commençait à se fâcher, murmu- LA MAGIE NATURELLE 155 rant entre ses dents qu'il ne voulait pas porter un si lourd fardeau, et faisant le signe de la croix sur sa poitrine, m'abandonna. Je fus bien émerveillé de ce fait, j'en recherchai la cause, dont la découverte me fit grand plaisir. Chapitre Dix-Neuvième De l'art et de la manière dont on peut se préserver des poisons. Or, afin que nous accomplissions l'œuvre que nous avons entreprise, il conviendra que nous entretenions nos lecteurs des divers poisons qui se peuvent présen- ter et des remèdes à opposer à l'empoisonnement. Par les moyens que nous vous enseignerons, vous pourrez vous préserver des effets mortels des divers venins et poisons. Seulement, il faudra bien se rappe- ler que le premier venu ne doit pas se livrer à la con- fection des drogues et remèdes qui peuvent guérir des effets de l'empoisonnement ; il faut se laisser traiter par la main docte d'un habile praticien, sans quoi on pourrait avoir à s'en repentir. La nature a donné des venins universels, mais elle en a donné aussi de parti- culiers. L'aconit, surnommé Pardalianche, tue les léopards et les panthères. Théophraste appelle l'aconit Thelyphonon, parce qu'il étourdit les scorpions, les fait tomber dans un spasme tel qu'il les engourdit. L'autre espèce d'aconit, nommée aussi cynoctonon ou lycoctonon,qui est notre vulgaire pastel ou étrangle- loup, apposé au-dessus de la racine sur la chair qu'on veut présenter aux chiens et aux loups, les trompent et les empoisonnent. C'est chose certaine aussi que les 156 LA MAGIE NATURELLE noix mételles mangées par les chiens les tuent immé- diatement, tant elles sont venimeuses. Comment ceux qui veulent faire une plaie grave par un attouchement soudain, peuvent te faire. Voici la manière d'arriver à ce résultat : on prend un crapaud verdier, grasset, qui vit parmi les épines et qui refronce son dos de façon à y former des petites bosses. Certains auteurs l'appellent aussi buffo, c'est la bête la plus nuisible qui soit, et elle est d'autant plus pernicieuse et mortelle, qu'elle vit dans des lieux froids et ombragés, dans les forêts et les marécages-, où croissent les roseaux. Ce crapaud est particulière- ment venimeux. On met ce crapaud dans un petit sac rempli de sel, puis on le secoue très vivement et on le tourmente jusqu'à ce qu'il meure; le sel, devenu per- nicieux à son tour, gardera le venin du crap^aud. Ou autrement : on ensevelit un crapaud dans du sel et on le laisse reposer pendant quinze jours dans du fumier; cela fait, on garde ce sel et on le fait fondre dans quel- que viande. Je vous assure que celui qui en aura mangé en sera réellement malade et que ce sel, péné- trant dans toutes les parties intérieures du corps, empoisonnera le sang et tuera la personne en très peu de temps. Voici une autre façon d'opérer : on met ce sel dans un lieu humide afin qu'il se dissolve et se réduise en eau et soyez sûr que si on frotte un membre à l'aide d'un linge trempé dans ce venin ou que la liqueur tou- che la chair nue, elle causera une très grande et dange- reuse plaie. LA MAGIE NATURELLE 157 Le souverain remède contre un tel mal. Prenez une bonne poignée de feuilles de la plante nommée millepertuis ou truchereau, avant qu'elle fleurisse, et mettez-la dans de l'huile; puis exposez le tout pendant une semaine au soleil. Ensuite, met- tez-les pendant un jour dans un bain d'eau chaude et tirez-en le jus par le pressoir. Gardez-le dans le même vase et lorsque l'aube aura épanoui ses fleurs et produit sa semence mettez-y les trois choses suivantes : cent scorpions, une vipère et un crapaud verdier au- quel vous enlèverez la tête et les pattes, puis lors de la canicule, vous l'ôterez du feu ; ayant bouché et couvert votre vase d'une peau, exposez-le au soleil pendant quinze jours. Successivement ajoutez-y d'é- gales quantités de gentiane, de dictame blanc, de l'une et de l'autre aristoloche et de tormentille. Vous y ajouterez aussi quelque peu d'une émeraude pulvérisée, puis enfouissez ce vase dans du fumier. Ae cette com- position vous oindrez l'endroit et partie du cœur, le diaphragme, tous les poux et le dos, et ce médica- ment rendra vaines les blessures de toutes espèces de bêtes. Il est à peine possible de trouver un remède plus efficace que celui dont je viens de parler. Pour rendre un homme ladre. Pour ce faire, on prend du sang ou de l'urine d'un ladre et on y fait tremper longuement du blé, tant qu'il soit suffisamment mou. Après avoir fait manger les grains de ce blé et on en engraisse des pigeons ou des poules qui prendront la lèpre, et qui la donneront à 158 LA MAGIE NATURELLE ceux qui mangeront de ces volatiles. Ou autrement on prend des cantharides, de la pierre dite amianthe et cinq fois autant d'orpiment. On fait confire cela dans le jus de racine de tapha ou de squille et on l'y laisse tant que le tout se réduise en une sorte de Uni- ment. De ce venin on frotte les chausses ou les che- mises et soyez sûr qu'il engendrera une inflammation d'abord et ensuite la ladrerie ; aussi gardez-vous bien d'employer ces choses. Et encore si des malins ou pervers désirent opérer plus cruellement, ils y ajou- tent de la sueur des aisselles d'un homme roux et co- lère, du jus d'aconit, du venin de crapaud ou autre chose semblable et tout cela vous fera une plaie mor- telle. Si l'on trempe un fer dans ce jus, il donnera des coups empoisonnés et incurables. Remède convenable et salutaire contre la ladrerie. Prenez un pain tout chaud sortant du four et mettez le dans du jus d'endive, de houblon et d'absinthe» auquel vous ajouterez une mesure égale de vinaigre et de soufre qui aura été mis en infusion. Mettez-y de plus un tiers du jus d'eupatoire, et de rue des chèvres, que les Latins appellent Aristolochia rotunda et nous la sarrasine, la douzième partie d'une écorce de citron, la sixième partie de la semence du même fruit, la moitié, à poids égal, d'ellébore et de scammonée; mêlez toutes ces drogues et mettez-les sur le feu, les y laissant jusqu'à ce que toute l'humidité s'en soit éva- porée, puis conservez cette composition pour votre usage. S'il reste quelque tache sur la peau, usez de l'on- guent qui suit : prenez de la graisse de vipères et mê- lez-y la moitié de la graisse de bouc et de la graisse LA MAGIE NATURELLE 159 d'ours, la quatrième partie d'huile de câpres, autant de soufre vif, la sixième partie d'hépatique. Répandez de l'encens là dessus et faite cuire le tout ensemble jus- qu'à ce qu'il s'épaississe. Après cela faites en un lini- ment avec de la cire et oignez-en le patient tous les deux jours, jusqu'à ce que les écailles des pustules tom- bent. Comment on peul faire devenir une personne insensée. Cela peut se faire avec un vin composé de la manière suivante : on prend des racines de mandragore, et on les jette dans de l'eau bouillante; lorsqu'elles s'en- flent et forment des petits bouillons, on les enlève du feu, on les met dans un vase recouvert d'un couvercle et on les garde ainsi pendant trois mois. Puis, si on veut tenter l'expérience, on présente ce vin à boire et soyez sûr que celui qui en boira, après qu'il aura été saisi d'un sommeil profond, perdra la raison, en sorte qu'il accomplira des actes d'une personne insensée. Cependant, quelque temps après son sommeil, la rai- son lui reviendra et les spectateurs auront eu grand plaisir à ce passe-temps. On en dit autant, si un homme ivre boit de l'écume d'un chameau : toutefois sa folie en est plus considérable, comme nous le verrons ci- après. On prend le cerveau d'une souris, et l'écume d'un chat, d'un ours et d'un chien, et d'une chauve- souris, le tout mêlé avec de la myrrhe; on dépose le tout dans un vase qu'on enfouit pendant huit jours dans du fumier. Après avoir ensuite distillé tout le contenu de ce vase, on en donne à boire, et sa proprié- té néfaste est d'ôter la mémoire et de faire perdre aux gens l'intelligence. 160 LA MAGIE NATURELLE Pour causer une fièvre éthique après une longue maladie. Ceux qui veulent faire cela donnent aux malades une eau composée de la manière suivante. Ils rédui- sent le plomb en poudre fort menue ou le calcinent ; puis y ayant mis du sel, ils y ajoutent du vinaigre très fort et font distiller le tout sur le feu. De cette com- position, ils donneront un setier au patient par mois et renouvelleront la dose six fois, après quoi le pauvre malade sera pris d'une fièvre éthique triste et perni- cieuse. Mais si ces malheureux veulent rendre ce mal mortel et faire languir longtemps le malade, ils opè- rent ainsi : ils prennent de la céruse, du vert de gris et du vermillon artificiel, à parties égales de chacune de ces substances ; ils mettent le tout dans un vase de verre qu'ils enfouissent dans du fumier et l'y laissent l'espace de quarante jours. Ce terme écoulé, ils l'en retirent et y mêlent de la sueur d'un homme et don- nent cela à boire à celui qu'ils veulent faire mourir, ainsi ils le font languir longtemps avant qu'il meure. Mais pour guérir une personne atteinte d'une pareille infirmité, voici le remède : vous connaîtrez incontinent la maladie si vous faites boire au malade un peu de scammonée réduite en poudre dans du jus de réglisse; ce moyen fera apparaître le mal et le malade en sera délivré. Mais si le venin vous a saisi avant que vous l'ayez aperçu, faites ainsi : prenez de la fiente de pi- geon, et des coquilles d'œufs, la quatrième partie de poivre, un peu d'encens, de la lessive de sarment et vous en retirerez l'eau à l'aide de l'alambic des alchi- mistes. Vous en donnerez à boire le premier mois un setier, pendant sept jours, le second onze, le troisième LA MAGIE NATURELLE 161 quatorze et ainsi jusqu'au sixième, cet antidote ôtera toute la force du venin. Quant à la maigreur, elle dis- paraîtra comme ceci : faites boire de l'eau tirée de cette herbe appelée personnatia, et chez nous bar- danc, avec un mélange de noyaux de pommes de pins, chaque jour à l'homme maigre, avant son dîner, jus- qu'à ce que sa santé soit entièrement rétablie. Pour faire arriver la mort au moyen de fermenialion ou de parfum. Si d'aventure (Dieu toutefois veuille détourner ce mal) vous aviez l'intention d'employer ce procédé, qui consiste à mélanger la lie du sang de l'homme (l'eau étant ôtée) séchée et mêlée avec du storax, et mise en parfum dans une chambre, il peut produire une odeur mortelle. Mais vous vous en tirerez de la ma- nière suivante. Ayez un oignon blanc que vous creu- serez pour pouvoir y introduire les poudres suivantes : deux parties d'aloès, trois de poudre d'agaric, puis fermez-le et liez-le par un fil, de peur que l'oignon ne s'ouvre. Vous le poserez dans un pot de terre et y mettrez du fort vinaigre avec une moitié de miel. A cela il faut ajouter de la fiente d'un jouvenceau roux avec une même quantité de romarin, puis couvrez votre pot et enduisez-le de terre grasse, puis mettez-le dans le four et le faisant bouillir à grande eau pendant un quart de jour, posez-le ensuite, avant qu'il se refroi- disse, dans du fumier et laissez-le reposer là pendant six mois. Puis vous coulerez la composition dans un linge bien propre. Si dans un setier de malvoisie vous mettez quelques gouttes de cette composition, en trois jours le patient qui en boira sera guéri; mais si 11 162 LA MAGIE NATURELLE on prend ce remède immédiatement, une seule fois suffira. Voici d'autres manières d'appareiller d'autres ve- nins. On prend un crapaud avec un aspic fort veni- meux et abondant en venin de vipère, on le met dans un alambic de plomb, pour pouvoir en tirer l'eau plus commodément, puis on les tourmente bien et on les bat, jusqu'à ce qu'on les ait mis en furie. On Jette alors dans l'alambic de l'euphorbe et de l'écume de cristal, le tout réduit en poudre bien menue. On y met ensuite un petit brasier et peu à peu on en fait distiller l'eau, qu'on garde alors dans un vaisseau de plomb. C'est une chose bien sûre que si on en présente une seule gout- telette, chaque jour pendant un mois, il ôtera le sens et l'entendement à celui qui en prendra. Il faut bien prendre garde quand on retire ces eaux, car elles ré- pandent une odeur pernicieuse et répugnante, mais vous y remédierez par les antidotes que nous avons avons indiqués plus haut. Pour tuer un homme par fraude, il y a beaucoup d'expériences, c'est pourquoi les hommes qui les ignorent sont souvent en danger de mort, mais pour qu'ils puissent se garder de ces dangers, quelques autres exemples ne seront pas inu- tiles ici. On met dans un vase qui ne soit enduit à l'in- térieur ni d'étain ni de plomb, un vieux crapaud car cet animal a un venin redoutable et on y jette avec lui un linge qui se souille du sang putréfié que cette bête vo- mit par la bouche. Ge linge aura une telle force que si on en nettoie l'orifice de la vulve, après le coït, elle occira la personne en très peu de temps, c'est pourquoi vous ferez bien devons en garder.Le crachat ou l'écume d'un aspic sourd tué récemment opère de même que le fiel d'un chien marin. On imagine encore autre chose LA MAGIE NATURELLE 163 pour tuer le monde. On prend une coupe d'argent fort creuse, où l'on met un crapaud. On y fait cuire le vi- lain animal à petit feu, et ses humeurs et son venin qui découlent de son corps pénètrent dans les pores de l'argent, de cette façon, cette coupe deviendra perni- cieuse et empoisonnée. Si on la présente à quelqu'un pour qu'il y boive du vin, vous pouvez être sûr qu'il avalera un breuvage mortel et qu'il en mourra. Il y en a qui ont encore un moyen plus rapide de tuer. Ils coupent très menus les poils des queues des chevaux et les mélangeant à d'autres victuailles, les donnent à manger à celui à qui ils en veulent, et lorsqu'il veut digérer cette viande, ce poil s'attache aux parois des intestins et du ventricule et les putréfient, de sorte que l'homme meurt en peu de temps. On nourrit de la même façon des génisses, des pigeons, des femmes ou autres animaux avec lesquels communément on con- verse, de quelque venin, jusqu'à ce qu'il se convertisse petit à petit en nourriture, comme on dit de la pu- celle qui fut envoyée à Alexandre et des gélines qu'on repaît de jusquiame et de cailles nourries d'ellébore. J'en étais là de mon exposition, lorsque j'appris encore ce qui suit. Si par un artifice subtil nous prenons la pierre qui se trouve dans la tête des crapauds, et que nous appelons crapaudine, et qu'on la fasse boire à quelqu'un qui a été empoisonné, elle le garantira des conséquences du venin. Car la pierre pénètre et cir- cule avec le venin et débilite ses forces, et les annihile même complètement. Il y a une pierre dans la tête du grand ou vieux crapaud, qui peut faire mourir. Voici de quelle façon on peut l'avoir. On le met dans une cage, enveloppé d'un drap violet rouge, puis on l'expose à un soleil ardent et lorsque par les coups et 164 LA MAGIB NATURELLE forces de l'air, il est peu à peu gravement tourmenté et qu'il vient à faiblir, il lui fait vomir la charge de sa tête par la bouche, à savoir l'ouverture du milieu, et coule dans un vase qui soit posé dessous. Autre- ment, si on n'ôte la pierre immédiatement, ils la hu- meront de nouveau, mais c'est plutôt un os qu'une pierre, brun obscur, longuet et creusé d'une part. Telle est l'expérience que je suis venu à connaître. Chapitre Vingt-et-Uniême Des médicaments endormants. Les médicaments endormants sont tenus en grande estime, car c'est souvent chose utile de soulager par le sommeil les douleurs de certains malades. Il en est qui ne savent d'autre moyen pour faire dormir profondé- ment que de charger l'estomac de viande et de vin. Nous allons, nous, en faveur des hommes sensés, trai- ter de certaines expériences, de celles qui nous sem- blent se rapprocher le plus près de la vérité, afin qu'ils apprennent eux-mêmes à les connaître et à les com- poser. Premièrement, il faut considérer les choses qui provoquent le sommeil, comme le pavot, la jusquiame, la noix mételle, la mandragore et autres drogues sem- blables ; si par leur mauvaise odeur elles déplaisent, il y faut mêler du sturase, du musc et autres odeurs et mêler le tout ensemble. Si vous voulez donner à man- ger cette composition, faites-la épaisse, et si vous dési- rez la présenter à boire, faites-la liquide et claire. LA MAGIE NATURELLE 165 Moyen par lequel on pourra provoquer le sommeil. Faites distiller par l'alambic du jus de pavot dit opium et des têtes d'oignons dans un vase de verre et mêlez cela avec les autres médicaments et composi- tions et donnez-en à celui que vous voudrez faire dor- mir autant qu'il en pourra contenir dans la coque d'une noix, car ce breuvage avalé remplira la tête de vapeurs, de sorte qu'elle la disposera au sommeil. L'eau de mandragore, tirée d'un bain d'eau bouillante, produira le même résultat, et celui qui en boira ne sera pas incommodé par sa mauvaise odeur. On compose encore un médicament plus efficace avec les drogues suivantes. On prend du jus de pavot et un poids égal de noix mételle et de la semence de jusquiame noire, on fait dissoudre le tout dans du jus de laitue; on verse ensuite dans un vase qu'on enfouit dans du fu- mier et on l'y laisse reposer quelque peu, après quoi on le passe dans un alambic pour le distiller. Lorsqu'il commencera à bouillir, ôtez-en l'eau et gardez le marc, puis séchez-le avec des cendres chaudes ; ensuite, pour le réduire en une poudre bien menue, passez-le par un crible délié. Faites de cette cendre une forte lessive et faites que toute la vapeur chaude qui est en elle s'é- vapore, puis mêlez-y votre première eau et donnez-la en viande ou en breuvage non pas en même quantité mais en moindre quantité qu'on ne la présente à per- sonne, s'il n'y a nécessité ou contrainte. Ou autrement encore qu'on mêle de l'eau de mandragore, du jus de pavot et de la semence de pavot avec un ail ou autres drogues qui portent à la tête, et il suffira d'en prendre la grosseur d'une fève seulement. 166 LA MAGIE NATURELLE Pour faire une pomme endormanie. Cela se fait de la manière suivante. On prend du jus de pavot, de mandragore, de ciguë, de la semence de jusquiame et de la lie de vin, et on y ajoute un peu de musc, pour en rendre l'odeur plus agréable. Puis, for- mez-en des pelotes aussi grosses que vous pouvez en empoigner dans la main. En flairant souvent cette pomme ou en l'allumant, elle provoquera le sommeil. Mais ceux qui s'efforcent de faire cela à de certaines heures travaillent en vain, car il ne faut pas oublier que les températures des hommes sont diverses. Ce- pendant pour amoindrir la force et la vertu de ces mé- dicaments, il vous suffira de frotter les tempes et le nez et les génitoires avec du sel dissous ou distillé dans du vinaigre, afin que par leurs efforts ils chas- sent le sommeil et réveillent l'homme endormi. Chapitre Vingt-Deuxième De plusieurs expériences admirables, dont on ne peut pas à la vérité connaître les causes. J'estimerai encore faire chose utile si je décris ici plusieurs expériences qui ne sont pas moins merveil- leuses à voir qu'à entendre et qui sont d'autant plus admirables qu'on n'en peut connaître les causes. Je ne peux manquer de m'attirer le mépris de ceux qui ont quelque peu de jugement et de savoir, vu qu'il sem- ble que cela n'est presque pas possible. Mais nous l'exposerons ainsi, tel que nous l'avons appris des anciens, et nous y ajouterons plus de choses encore, LA MAGIE NATURELLE 167 pour que ces expériences puissent avoir quelque cou- leur de vérité. Toutefois, afin qu'on ne pense pas qu'on ne doive point du tout ajouter foi à nos paroles, je désire, ce qui vaudrait mieux, qu'avant d'avoir mau- vaise opinion de nous, ils s'employassent eux-mêmes à ce labeur jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé la fève (comme on dit vulgairement) c'est-à-dire la vraie et naïve expérience. Que donc ils recueillent ce que nous avons dit de toutes parts et l'accommodent à leur usage; qu'ils prêtent l'oreille aux explications de ceux qui auront eu le bonheur d'en avoir fait l'épreuve, car il est sûr et certain qu'ils trouveront encore des choses de plus en plus difficiles à croire. Pour restreindre l'urine (Vune femme, qui peut de la sorte garder son eau. Il y a un aiguillon dans la queue de la pastenaque qui est exécrable au-delà de toute expression, comme disent les auteurs et qui fait des choses étonnantes comme celle-ci par exemple. Si vous le mettez en un lieu où il y ait de la terre molle, ou en un jardin et qu'une vieille y pisse dessus ; si après que cela sera fait, vous enfouissez l'aiguillon, de sorte qu'il soit tout ca- ché, toutefois lui ôtant seulement l'urine lorsque vous l'ôterez du creux où il aura été enterré : car vous y de- meurerez peu de jours et que soudain la vieille pisse de rechef, par ce moyen vous connaîtrez comment souvent les jeunes personnes retiendront l'urine aux anciennes, si toutefois elles leur en veulent interdire l'usage en cet endroit. 168 LA MAGIE NATURELLE Pour faire que ceux qui sont assis dans un banquet, ne mangent point. Voici ce moyen, et quoiqu'il me paraisse peu vrai, je ne veux pas cependant le passer sous silence. Ayez une aiguille qui aura servi plusieurs fois à coudre les linceuls dont on enveloppe les morts et secrètement, au commencement du repas, fichez-là sous la table, elle empêchera les assistants de manger, de sorte qu'ils auront plutôt du dédain pour le festin et n'auront au- cun plaisir à être assis au banquet. Toutefois, après que vous vous serez quelque peu moqué d'eux, ôtez l'aiguille de l'endroit où vous l'aviez piquée, et l'ap- péiit reviendra aux convives. Et pour ne pas omettre de parler de ce que le Florentin a raconté dans ses Géorgiques et que l'expérience a déclaré être faux de tous points, je n'ai pas dédaigné de l'écrire. Si vous voulez que les femmes ne mangent point, prenez du basilic à cet effet, ce que nous avons souvent éprouvé, car cette plante est si contraire aux femmes que si quel- qu'un en met une plante avec sa racine sous les plats où voudra manger la femme, elle n'osera toucher à la viande, du moins aussi longtemps que le basilic ne sera pas enlevé. Pour faire qu'un boulanger ne pourra mettre son pain au four. Voici quelle est la manière dont vous pourrez vous- même faire l'expérience. Prenez le licol d'un pendu et liez-le en la partie de l'enfournoir qui entre au four, et alors si le boulanger tâche de mettre son pain au LA MAGIE NATURELLE 169 four, il cherchera ça et là et n'en trouvera jamais le chemin; et de plus, s'il advient qu'il pose le pain de- dans, la pelle sera projetée dehors, ce qui semblera encore fort merveilleux et moins vrai. Lier ensemble les hommes et les femmes, de sorte qu'ils ne pourront se joindre charnellement. Albert, dans son livre des animaux, a écrit que si on lie la verge génitale du loup au cou d'un homme ou d'une femme, ils seront impuissants à goûter les plai- sirs de Vénus, de sorte qu'ils sembleront plutôt châ- trés qu'autrement et ils demeureront en cette peine jusqu'à ce que le nœud soit délié. Toutefois cela pour- rait être trouvé ridicule et il semble que l'expérience journalière s'inscrive en faux contre ce procédé. Pour faire que les femmes se réjouissent. Faites flamboyer et brûler plusieurs lampes avec de la graisse de lièvre et si les femmes demeurent quel- que peu au milieu d'un endroit ainsi éclairé, elles se réjouiront tant qu'elles tressailliront; toutefois cela n'a lieu que rarement. Comment on pourra faire que les chiens n'aboyeroni plus. Arrachez l'œil d'un chien noir encore vivant, et si vous le portez avec vous, et soit que vous soyez près d'autres chiens et que vous cheminiez tout auprès d'eux, ils n'aboieront point et ne jetteront aucun cri, ce qui s'explique par l'odeur de l'œil. Vous obtiendrez 170 LA MAGIE NATURELLE le même effet et vivrez plus sûrement, si vous êtes ac- compagné des yeux ou du cœur d'un loup. Autant on en dit de la langue de l'hyène, si on la tient en main, car non seulement elle rend les chiens sans langue, mais encore garantit celui qui la porte de leurs mor- sures. Pour chasser les grêles el les tempêtes imminentes. Philostrate raconte que si on montre un miroir à un homme couché, que la grêle passera outre. Palladius publie que si quelqu'un porte sur soi le long de ses cuisses, la peau d'une hyène ou d'un veau marin, ou la pend en une métairie ou dans la première salle de cette métairie, alors qu'on verra l'orage prochain, la grêle ne tombera point. De même si vous tenez dans la main droite une tortue de marais, le ventre en l'air, et marchez tout à l'entour d'une vigne, puis la posez sur la terre dans la même position, et que les écailles de son dos entrent justement dans la concavité que vous avez auparavant creusée, et que la tortue soit contrainte de demeurer avec le ventre à l'air, elle fera en sorte que les menaces de grêles ne s'exécuteront pas. Nous avons recueilli ces choses dans les monuments et écrits des anciens; mais (sauf leur bonne grâce) je laisse à considérer aux gens ingénieux combien ces choses sont déshonnêtes et difficiles à faire, pour ne pas dire impossibles et dignes de risée. Mais plus na- turellement le grand et fort son des cloches pourrait empêcher ce mal, ou le bruit des canons pourrait le ralentir : car battant et coupant l'air, ils pourront dis- siper et chasser l'amas des nuées. Plusieurs conseillent de le faire en temps de peste, de façon à ce que l'é- LA MAGIE NATURELLE 171 paisseur des nuées ne puisse plus nuire aux créatures. Toutefois Démocrite dit que les pluies et le tonnerre feront rage soudain, si on brûle la tête et le cou d'un caméléon avec du bois de rouvre et que la même chose arrivera si on brûle le foie du même animal sur les plus hautes tuiles d'une maison. Mais Aulu-Gelle estime que Pline a prétendu que cela était entaché d'une va- nité ridicule, comme cela avait été décrit par Démo- crite. Pour faire que les hommes se travaillent bien par sauter sans cesse, ou par rire, pleurer, chanter, et autres passions et affections humaines. Afin que la raison de l'expérience puisse mieux apparaître, nous traiterons premièrement quelque peu de ces opérations. Il y a un genre de phalanges, lequel, pour être issu de Tarentum, ville de la Fouille, a retenu le nom de Tarentule, car cette région abonde tellement en ce genre d'animaux, qu'il y a bien peu de personnes qui en puissent échapper sains et saufs et sans danger. Or, la morsure de ces bêtes est de beau- coup plus mauvaise que la piqûre des guêpes, et les hommes qui en sont mordus sont affligés de diverses passions, les uns chantent sans cesse, pleurent et rê- vent, mais à peine tous sautent-ils. Les moissonneurs courbés sur leur labeur et ne connaissant pas le mal que peut faire cette bête pernicieuse, en sont souvent terriblement frappés : mais faisant résonner des ins- truments musicaux, ils sont amadoués par leur mélo- die, de sorte que cette harmonie les rétablit en leur première santé. Quant à ces araignées-phalanges si mauvaises, elles demeurent et vivent dans de petites 172 LA MAGIE NATURELLE cavernes, qu'elles se bâtissent au milieu des blés et vous pourrez les prendre de la façon suivante. Faites retentir un sifflet ou produisez une clameur imitant le bourdonnement d'une mouche; sitôt qu'elle l'aura entendu, elle sortira incontinent, parce qu'elle se re- paît souvent de ce genre d'insectes, comme les arai- gnées communes qui tapissent nos maisons de leurs fines toiles, où elles prennent les mouches. Or, après que vous aurez pris cette phalange, réduisez-la en poudre, et mêlez-y un peu d'autres poudres, autant que l'on en pourrait prendre avec deux doigts, afin qu'elle ne blesse celui qui en usera, parce que c'est du venin. Et après que l'homme aura pris cela, il sera ex- cité àdanser et à se trémousser, principalement si vous l'alléchez par les sons harmonieux des instruments. Pour faire peler les géniloires à un homme rompu et grevé. Voici la manière de le faire quand l'envie vous en prendra. Lorsque vous remarquerez qu'il s'approche du feu pour se chauffer, jetez du bois de sureau ou de figuier vert dans le feu, alors ses testicules péte- ront tellement qu'il sera contraint de se retirer de là. Or, cela vient-il du vent que ce bois jette, semblable à celui qui peut lui nuire; c'est assez quant à ce point, car on ignore la vraie cause du phénomène. Comment on pourra éprouver si une femme esl chaste. Nous nous sommes souvent moqués des expériences que l'on faisait avec des pierres et nous avons dû re- connaître plus tard que nous avions eu grandement LA MAGIE NATURELLE 17o tort. Voici par exemple l'expérieiice à faire avec la pierre d'aimant. Or, cette pierre d'aimant, a une telle vertu que si elle est posée sous la tête d'une femme en- dormie, si elle est chaste, elle embrassera son mari d'a- moureux et doux embrassements ; mais si elle est au- trement, c'est-à-dire si elle n'est pas chaste, elle sera jetée hors du lit comme poussée par une main violente. Mais puisque nous sommes arrivés inopinément à par- ler de cette pierre bien connue du reste par la commune renommée, il nous paraît convenable de donner encore ici la description de quelques expériences agréables et gentilles pour montrer l'efficacité de celle-ci. Lucrèce, poète fameux, estime l'aimant que les Latins appellent Magnes, avoir pris son nom de Magnésie et les autres l'appellent Heracleum, de la cité nommée Héraclée, plusieurs encore le nomment Sideritis parce qu'il tire le fer, que les Grecs appellent Siduros, car il attire le fer avec tant de force et de vitesse que les spectateurs en demeurent émerveillés et ce qui a fait dire à Anaxa- goras que l'aimant est doué d'une âme. Cette pierre donc a une telle vertu que si on compose des pièces dessus et aux quatre coins d'une maison et qu'on mette un fer au milieu, ils le tireront d'une et d'autre part, de sorte qu'il demeurera comme suspendu en l'air sans aucun soutien inférieur, et ne sera lié dessus par aucun lien visible. Voilà pourquoi Dunocrate, archi- tecte, avait commencé à Alexandrie de voûter le tem- ple d'Arsinoë, de façon à ce que la voûte, construite en fer, fut vue comme suspendue en l'air. Les Grecs disent aussi que dans la voûte du temple de Serapis à Alexandrie, il y a une pierre d'aimant qui tient sus- pendue en l'air une statue de bronze, dont la tête était en fer. Et non seulement cette pierre attire le fer, mais 174 LA MAGIE NATURELLE elle lui donne une telle force qu'une fois attiré par elle, il en peut attirer d'autres, en sorte que souvent l'on voit jusqu'à dix anneaux joints l'un à l'autre, qu'ils formeront comme une vraie chaîne, et ils seront atta- chés si fortement qu'on pourra à peine les détacher. Que dirai-je de plus ? si grande est la force de l'ai- mant, que non seulement il attire par le seul attou- chement, mais même sans attouchement, car si le fer est du même poids et que cette pierre soit mise sur une table solide, vous verrez le fer qui sera posé sur elle se mouvoir et suivre l'aimant. On peut avec un aimant accomplir bien des choses intéressantes, merveilleuses même. Oh ! que de choses admirables gisent cachées dans la nature ! Une autre vertu de l'aimant, et celle- ci est très remarquable, c'est que si on en frotte une broche en fer, et que vous la mettiez sur un pivot, elle se tournera toujours vers le midi. Par l'usage de cet instrument, on fend et on sillonne la mer immense, et il indique le chemin à suivre. Au moyen de cet ins- trument, nos ancêtres, observant de jour et de nuit les astres, pouvaient naviguer; autrement, errant au mi- lieu de la mer, ils n'eussent pu connaître les places et les contrées du monde où ils voulaient se rendre. Plu- sieurs disent que le fer est attiré par l'aimant, d'autant que l'aimant est de beaucoup supérieur au fer, en s'ap- prochant surtout de l'Ourse céleste. Ou autrement, on dit que par sa pesanteur il ne peut descendre à terre et que cela lui est dénié par un autre empêchement. Il convient par conséquent qu'on soit bien attentif à ce fait, car si vous ne connaissez pas, par expérience, la vraie ligne qui s'étend depuis le vent du Midi jusqu'à l'Aquilon, d'autant plus qu'il sera éloigné de cette li- gne, il penchera vers l'Orient ou vers l'Occident. Nous LA MAGIE NATURELLE 175 voyons aussi qu'où lever et au coucher du soleil, il se meut du lieu qui sera au milieu de ces deux points, qui aura été frappé des rayons solaires. Par quoi si le fer touche la partie qui regarde vers la bise et vous la présentez à la partie australe, vous le chasserez vers la partie du Midi, et au contraire si le fer touché de l'aimant, l'étoile étant à l'extrémité de la queue de l'ourse, se meut du vrai lieu sur lequel s'ap- puie l'axe du ciel. De là est venu ce que les écrivains ont publié, à savoir que le fer frotté de la part du Midi, repoussera celui qui se trouvera tourné vers la bise, comme si deux pierres tombaient. Comme aussi on raconte de Théamède, que Pline dit être né en Ethio- pie, en une montagne non très éloignée de celle dont l'aimant a pris son nom, et cette pierre a la vertu de repousser l'air; mais ceux qui en traitent semblent plutôt écrire des choses admirables que vraies, attendu que personne n'a fait l'expérience de ce fait. Tous aussi tiennent pour incertain pourquoi l'aimant dressant sa ligne au lever du soleil renaissant, montrera aux navi- gateurs le vrai du jour et des nuits et guidera leurs vaisseaux. Et pourtant cette pierre douée de tant de vertus admirables et précieuses, les perd soudain dès qu'on la frotte d'ail. Aussi si les marins ont mangé de l'ail, ils ne pourront observer leur route en mer, car on dit qu'ils seront enivrés. C'est par hasard que nous avons trouvé un procédé pour séparer le sablon blanc du noir, mais peut-être cette expérience a-t-elle déjà été faite par les anciens que comme l'aimant attire le fer, le sablon l'huile et toute chose. C'est ainsi que souvent nous retrouvons à nouveau ce que les anciens avaient déjà depuis longtemps trouvé, mais qui s'était perdu au cours des âges. 176 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Vingt-Deuxième La manière de connaître si une fille est chaste, ou si elle a été souillée par des embrassements ou si vraiment elle a fait des enfants. L'antiquité nous a donné bien des indications à ce sujet, mais depuis lors, nous avons appris par d'autres expériences faciles à faire et parfois merveilleuses ce que nous avons écrit en tête de ce chapitre. Que ceux donc qui sont alléchés par le désir de connaître ces choses et ont soif de savoir tout cela, apprennent ici la règle à suivre. Qu'on prenne de la racine du jayet et qu'on la pile très menu dans un mortier, puis qu'on la passe par un tamis, pour la réduire en une poudre très fine; puis faites-là boire dans de l'eau ou du vin à la femme, et s'il lui prend incontinent envie de pisser, et qu'elle ne peut retenir son urine, c'est signe d'une vierge cor- rompue et donne témoignage de sa défloration ou dé- pucelage; mais si elle ne s'est pas encore livrée à l'homme ou si elle n'a pas fait d'enfant, cela la retien- dra et lui donnera une grande force de retenue. Et l'ambre blanc opère de la même façon, car s'il est ré- duit en poudre et bu à jeun, il coule aux entrailles, si la fille a été souillée, elle sera immédiatement obligée de pisser. Nous pouvons encore faire cette expérience en prenant des parfums. Prenez de la semence de pourcelaine ou des feuilles de glycine, et mettez-les sur de la braise ardente. Faites que la fumée en passe sous la fille et arrive par un entonnoir ou un autre instrument percé dans sa LA MAGIE NATURELLE 177 vulve; si elle est déflorée, elle pissera aussitôt et ne pourra retenir son urine. Mais si elle est chaste et qu'elle n'a jamais encore coïté, elle recevra ce parfum dans sa vulve sans aucun dommage et ne pissera pas, ce qui prouvera qu'elle est toujours pucelle. Si quel- qu'un, par manière de passe-temps voulait que la fille ou la femme non seulement pissât, mais qu'elle jetât et répandît sa semence, il ferait ainsi : il scierait du bois d'aloès et le ferait brûler; il en ferait passer la fumée par la vulve et aussitôt la semence en sortirait avec abondance, chose vraiment assez plaisante. Pour faire que de son bon gré, une femme raconte en dormant ce qu'elle aura fait. Il semble, quant à la pratique de ce fait, que Démo- crite ait été de mon opinion et estime que ceci a mieux opéré chez les femmes que chez les hommes, vu qu'elles sont plus babillardes et ont plus de caquet. Or, vous ferez donc ainsi : en une nuit où la femme sera éprise d'un profond sommeil, vous prendrez des langues de racines de marets et aussi, si bon vous semble, d'un canard sauvage et d'un crapaud, parce que ces ani- maux crient la nuit, et vous les mettrez sur sa poi- trine, dans la partie où le cœur palpite. Vous les laisse- rez séjourner là quelque temps et vous poserez alors toutes sortes de questions à cette femme, les répétant même à plusieurs reprises, si elle ne vous répondait pas aussitôt. Finalement sa voix trahira le secret de son cœur et à toutes vos interrogations, elle donnera des réponses exactes et vraies. D'aucuns croient que cela se fait en vertu de quelques charmes, vu que, toute su- perstition rejetée, cette pratique opère avec tant d'ef- 12 178 LA MAGIE NATURELLE ficacité. Dieu immortel ! d'où vient que cela réussisse si bien, qu'en songe la femme raconte librement ce qu'en veillant nous tâchons en vain de tirer d'elle ? Comment comprend-on que cela puisse se faire ? Et cependant, en s'approchant tout bellement d'elle, elle parlera gracieusement . — Usez du moyen, quand vous en aurez besoin. Chapitre Vingt-Troisième Comme on pourra avoir des enfants, ou des petits, beaux et diversement colorés. Grand est l'effet de l'esprit, et grande aussi la force de l'imagination portée à son plus haut degré d'ex- pansion, si grande même qu'à peine vous le pourriez croire. Car alors que les femmes enceintes convoitent ardemment quelque chose, et pensent et discourent avec véhémence et volubilité, ils changent les esprits intérieurs, et les images de la chose pensée ou désirée s'imprègnent en eux. Ces esprits émeuvent le sang qui fait qu'en cette très molle matière du fruit conçu, ils expriment diverses effigies des choses et de la sorte ils maculent perpétuellement les petits de diverses marques. Si encore de rechef le désir du coït et de l'em- brassement chatouille l'homme et lui fait répandre son sperme, ses petits seront marqués du sceau de sa pen- sée et de son âme. Car vu qu'en l'homme gît une lasci- vité de pensée, une célérité d'esprit et une diversité d'entendement, il est facile de comprendre que toutes ces choses impriment diverses formes et notes. C'est pourquoi on aperçoit plus de différence en l'homme qu'en tous les autres animaux, car la puissance est LA MAGIE NATURELLE 179 impartie à chacun d'eux d'engendrer un être sembla- ble à soi, selon son genre. Jacob a très bien connu cette sorte de pensée, comme témoignent les saintes Ecri- tures, et pour avoir des brebis ou des chevaux mou- chetés de diverses couleurs, il fit ce qui suit, ce que je conseille à tous d'imiter. Il prit donc des branches, vergettes ou bâtons de peuplier et d'amandier, qui pouvaient facilement se dépouiller de leur écorce, puis les en recouvrir de nouveau en les tordant comme des serpents mouchetés de couleurs blanche et noire, et les posa ensuite près des eaux, dans les marais, et dans les étables ou se trouvaient les brebis, et lorsque ces animaux voulaient se livrer aux plaisirs de l'amour, il donna ordre de ne leur laisser voir uniquement que ces verges : d'où il advint que les petits qui procédaient de ce bétail étaient diversement colorés et que partout la toison blanche était mouchetée de marques noires, chose délectable vraiment. Il en arrive ainsi à toute bête portant laine, voire à toutes sortes d'animaux des champs. Mais ce que nous disons ici arrive mieux encore aux chevaux, comme l'observent très bien ceux qui en prennent soin et qui lâchent les juments pour l'acte vénérien, car ils tapissent les écuries où se fait la copulation de draps ou tapis diaprés de diverses cou- leurs et permettent alors aux bêtes d'assouvir leur désir luxurieux, ce qui fait que de ce coït proviennent des chevaux de couleurs diverses. Absyrtus enseigne aussi que si on couvre une jument de la couleur (de ta- pis ou autrement) qu'on voudra que le petit porte, il est certain que le faon ou petit animal qui en naîtra aura ce teint, car le cheval montant sur la jument s'ar- rête à regarder les couleurs qu'on a placées devant lui, et l'imagination étant frappée, il engendrera telle race 180 LA MAGIE NATURELLE qui sera mouchetée de diverses taches, d'autant de taches en réalité qu'il y en aura eu sur le tapis qui lui aura été mis devant les yeux. Comment on peut avoir des paons ou poulets blancs. Voici comment on peut les faire engendrer : il faut enduire les cages ou autres lieux dans lesquels on ren- ferme les paons de l'un et l'autre sexe et les coqs et poules, de couleur blanche, voire les endroits où ils se juchent et les tapisser de linge qui soit très blanc, puis il faut les empêcher, à l'aide de treillis, de sortir des lieux où vous les aurez enfermés. Le pavé ou plan- cher de ces lieux doit être aussi congrûment nettoyé et blanchi, afin que ces oiseaux ne puissent voir absolu- ment rien qui ne soit blanc, alors principalement quand ils entrent en chaleur et viennent à couver leurs pous- sins. Par ce moyen, vous pouvez être sûr que ces oi- seaux vous donneront une race blanchâtre. Faites-en autant aux autres, vous réussirez, si vous observez en- tièrement nos prescriptions. Pour faire que les femmes engendrent de beaux enfants. Empédocle, philosophe éminent, dit que dans l'acte de la conception, le regard donne forme à la progéni- ture, car il s'est trouvé que souvent les femmes ont aimé les statues et ont engendré des enfants semblables à ces statues. On trouve aussi qu'en maints endroits les femmes ont fait des enfants noirs et velus, dont les hommes étonnés après s'être fort travaillé l'esprit, ont enfin aperçu des tableaux exposés au regard de la femme lorsqu'elle était occupée à l'acte d'amour et LA MAGIE NATURELLE 181 sur lesquels sa vue s'était arrêtée; or, la femme accou- chait d'êtres semblables à ceux qu'elle avait vus. C'est pourquoi je suis d'avis qu'il faut conserver dans sa mémoire ce que l'expérience nous enseigne, à savoir qu'on tienne les effigies de Cupidon, d'Adonis et de Ganimède peintes et pendues devant elles, ou bien qu'elles soient forgées de matière solide, et que les femmes, pendant le jeu d'amour, considèrent ces effi- gies et en imprègnent leur esprit, de sorte que leur entendement en soit ravi, et que les femmes enceintes les contemplent longuement, et l'enfant qui naîtra d'elles sera ce que dans l'embrassement amoureux, elles auront conçu dans leur pensée; je suis persuadé que cela les aidera grandement. Ayant quelquefois commandé cela, une femme l'entendit et soudain se proposa devant les yeux la statue d'un enfant de mar- bre blanc, et bien formé, car elle désirait un enfant de cette forme et de fait, et dans l'embrassement et dans le coït et tandis qu'elle était enceinte, elle re- présentait en esprit cette effigie. Il en advint qu'après son accouchement elle montra un enfant grasset, et non dissemblable du simulacre composé de marbre et tellement pâle qu'il imitait un vrai marbre. L'exac- titude de cette expérience est bien patente; plusieurs femmes ont été louées d'avoir employé cet artifice, qui a favorisé leurs succès et leurs desseins. D'ailleurs, il faut prendre garde que les embrassements ne soient pas désordonnés et que le coït ne se fasse point de côté ou debout, car cela a été cause que plusieurs ont pro- duit des monstres. 132 L^ MAGIE NATURELLE Chapitre Vingt-Quatrième Comment les monstres naissent, et de la vertu admirable de la patréfaetlon. Puisqu'il nous faut parler des monstres, disons tout de suite que la manière de les produire ne sera pas aussi facile que ce que nous avons dit ci-dessus. Tou- tefois, pour ceux qui en sont réellement curieux et friands, nous découvrirons plusieurs moyens et voies de produire de telles choses. Démocrite pensait que cela provenait du mélange de plusieurs semences, comme si un sperme, projeté dabord et un autre, répandu après, fussent entrés dans les parties génitales du ventre, et là se confondant ensemble, fissent des membres discordants, — comme on peut voir un hom- me ayant deux têtes ou divers animaux portant cer- tains membres doubles. Mais Empédocle semble avoir conçu la vérité de tout ceci. Car il a affirmé que les ani- maux monstrueux naissaient à cause de labondance trop grande de la semence, ou de sa médiocrité, ou encore parce que le mouvement, au commencement du coït, avait été trop brusque, et que la distribution du sperme dans les diverses parties du corps avait été mal fait. Toutefois Straton enseigne que cela procède de l'addition, ou de la soustraction ou de la transposi- tion ou vraiment du soufflement. Néanmoins, certains médecins ont attribué cela à la partie naturelle, au- trement dit à la matrice, laquelle souvent remplie de vent, se tourne et se renverse sans dessus dessous. Mais la sage nature, en la formation des animaux, pre- mièrement forme les membres principaux du corps, LA MAGIE NATURELLE 183 puis de la matière qui rest* elle opère plus parciiDO- nieusement. Ainsi donc, restreinte par le défaut ou Burmontée par l'excessive abondance, elle est empê- chée de continuer l'œuvre commencée, ce qui fait qu'elle produit une progéniture entachée d'une tare monstrueuse, comme cela peut se voir souvent, jus- que dans l'art même. Car il est loisible de voir plu- sieurs créatures mutilées, comme des enfants boiteux, ou n'ayant qu'un œil, et quelquefois par excès d'her- maphroditisme, des créatures participent des deux sexes, ayant quatre yeux et autant de pieds et de mains ou de bras. Oh ! quant à vous qui désirez pro- duire quelques monstres en lumière, afîn que vous appreniez à le faire par des exemples, nous vous en- seignerons les commencements de ceux-ci, pour que vous y réfléchissiez et considériez ce qui pourra s'en suivre, car la nature favorisera vos desseins et vos en- treprises et vous prendrez plaisir en votre oeuvre; il arrivera des choses que vous n'aurez jamais pensé pou- voir advenir et qui vous donneront occasion de faire des choses que l'Ecriture défend d'imprimer, et sem- bleront plus merveilleuses que tout ou^'rage profane. Premièrement donc, nous de\'iserons de choses exu- bérantes et superflues et principalement : Commeni on pourra faire qu'un eoq naisse avec quaire ailes eî quaire paUes. Aristote enseigne ceci de la manière suivante : choisissez un ou plusieurs œufs, dans lesquels vous trouverez deux jaunes séparés seulement dune bien petite eau, toutefois en\*ironnés de leurs blancs ou aubiûs, voire même de ceux que les poules plus fé- I8i4 LA MAGIE NATURELLE condes ont souvent coutume de pondre. Vous les connaîtrez par leur grandeur. Or, cet œuf ou plusieurs, déjà faits de matière abondante et du mélange de plu- sieurs semences, même ayant la semence de deux pous- sins, vous les poserez sous une poule gloussante pour les faire couver, afin que par son entretien et sa cha- leur elle les couve, et lorsque le temps sera venu, elle vous donnera des poussins tels qu'ils auront quatre pieds et quatre ailes ; vous aurez soin de les faire con- venablement nourrir. Toutefois, si la membrane ou pellicule susdite vient à se rompre, il en naîtra des poules séparées, sans aucune partie superflue. C'est de la même manière que s'engendre un serpent portant deux têtes et tout autre animal qui éclot d'un œuf, naî- tra de même avec l'une ou l'autre monstruosité. Car souvent les monstres naissent d'animaux féconds et prolifiques, mais en même temps d'animaux plutôt vils que nobles. Pour faire engendrer un animal mêlé de plusieurs espèces. Cela arrivera facilement, comme nous l'avons en- seigné à propos des fruits ; toutefois, voici comment vous pourrez commencer l'opération. Cherchez des animaux qui ont coutume de faire un grand nombre de petits d'une seule ventrée et qui sont tellement chauds qu'ils ont toujours le désir de l'embrassement ou du coït. Que donc les mâles soient poussés à solli- citer les femelles à se livrer au plaisir amoureux et ayez bien soin de les mêler ensemble. Toutefois, veillez à ce que ces animaux soient d'égale grandeur et que la saison du rut soit opportune et ainsi par la conjonction LA MAGIE NATURELLE 185 d'animaux d'espèces diverses naîtront divers montres, moitié d'une espèce, moitié d'une autre. Car d'un loup et d'un chien s'engendre une bête qu'on appelle cro- cura, et de cette conception Aristote enseigne. la ma- nière. La lionne aussi admet les léopards à l'acte de l'embrassement, et il en naît des lionceaux moins no- bles que les autres, qui n'ont point de crins et qui forme du reste une espèce maculée de fortes taches, ainsi que le raconte Philostrate. Les loups aussi se mêlent avec les panthères et par ce moyen s'engendre un animal qui participe des deux sexes et qu'on appelle Thoès. Cet animal, par sa peau mouchetée de diverses couleurs, représente la panthère, mais par sa face, il représente le loup, ainsi que le dit Opianus. On raconte aussi qu'en Afrique naissent plusieurs monstres, de renards, loups, tigres, singes, lions et d'autres sortes d'animaux, de sorte que le commun proverbe semble à bon droit avoir été inventé, à savoir que l'Afrique apporte toujours quelque chose de nouveau. Et la rai- son s'y conforme d'autant que dans cette contrée, qui manque absolument d'-eau, les bêtes sont contraintes de venir des lieux secs vers les endroits aqueux et hu- mides, pour étancher leur soif : alors ces bêtes s'é- chauffent, éprouvent de grandes voluptés et par des chatouillements réciproques sont alléchés à se Joindre les uns aux autres, pêle-mêle, c'est-à-dire les mâles et les femelles d'espèces diverses. Du mélange de diverses semences naissent diverses formes d'animaux. Et encore ces sortes d'enfantements ne sont même pas estimés prodigieux ou extraordinaires dans ces régions d'Afrique, comme on le pourrait croire, vu que ces sortes d'enfantements sont familières et communes aux habitants de cette région. 186 LA MAGIE NATURELLE Voici un exemple singulièrement extraordinaire d'une liaison monstrueuse. J'ai lu dans Elianus que jadis, à Sybaris, il y eut un berger, nommé Chratis, qui s'éprit éperdûment d'amour pour une chèvre, belle entre toutes, s'approcha d'elle, l'embrassa comme amie, non sans la baiser plusieurs fois. Il en était tellement amoureux qu'il lui donnait la pâture la plus suave et la plus délicieuse et il continua si long- temps son commerce amoureux avec elle qu'à la fin, à ce qu'on dit, il sortit de cette bestiale intimité un enfant qui, pour les cuisses, représentait la mère, mais de visage ressemblait à son père. — Mais pour avoir des poussins ainsi mélangés, prenez un pigeon ra- mier mâle, adjoignez-lui une poule et faites-la mettre en chaleur, il en sortira un poussin non certes déplai- sant à voir. Il en sera de même des perdrix, des fai- sans, des paons et de plusieurs autres. Pour avoir une couvée d'œufs sans poule. Démocrite enseigne le moyen d'arriver à ce résul- tat. Prenez de la fiente de pigeons ou de poules, faites- la bien broyer, puis enfouissez vos œufs dans un creux subtilement façonné et bien agencé, puis à l'entour bâ- tissez des petites couches pour que les poules puissent y demeurer à leur aise. Encore faut-il que la plus gran- de partie des œufs soit posée la pointe en l'air, et toutes les vingt-quatre heures, il faudra remuer et re- nouveler ces fientes, afin que les œufs s'échauffent également, car c'est ainsi que l'on a coutume de faire avec les poules fatiguées de couver. Puis, gardez cette couvée en un lieu tiède et chaud, et au bout d'une di- zaine de jours, les poussins seront^à point d'être éclos LA MAGIE NATURELLE 18- et commenceront à l'aide de leur bec à rompre leurs coques. Ecoutez s'ils ne pipent point, car souvent pour la dureté et la grosseur de la coque, ils sont empêchés de sortir ou ils tâchent de s'échapper par des crevasses. Or, lorsque vous aurez vu cet effet, vous dépouillerez ces poussins de leurs coques et les mettrez sous la poule. Vous pouvez encore le faire d'une autre façon. Enfouissez vos œufs dans un fumier tiède et renouve- lez-le de six en six jours, afin qu'il ne vieiUisse, mais afin que par sa tiédeur il échauffe et entretienne les œufs, imitant la chaleur de la poule. Vous remuerez constamment ce fumier, jusqu'à ce que les poussins que vous demandez viennent à éclore. Vous en ferez autant dans un four tiède. Mais si quelqu'un désire savoir lesquels de ces poussins seront mâles ou femel- les, il l'apprendra de cette façon : Aristote a dit — ce qu'Avicenne confirme — que d'un œuf rond et court naît un mâle et d'un œuf long et aigu une femelle. Pour faire engendrer un animal en envenimant les personnes de son regard, comme si c'était un basilic, ou le serpent appelé Catoblepas. Si ceci, qui est dangereux, vous plaît à faire, vous vous y prendrez de cette manière : Plongez des œufs féconds dans une liqueur où vous aurez fait distiller de l'arsenic, du venin de serpent et d'autres venins mauvais et pernicieux et laissez-les reposer pendant quelques jours, car ils opéreront d'autant mieux qu'ils seront plus vieux. Après, déposez-les sous des poules qui sont prêtes à couver et ayez soin de ne pas les froisser, de peur que votre expérience ne réussisse pas. Ces poules auront ainsi l'occasion de produire des 188 LA MAGIE NATURELLE monstres, ou des petits qui se font d'eux-mêmes. Léontius commande que là ou ces poules nichent, on apporte une lame de fer, des têtes de clous et des ra- meaux de laurier, de peur que ces animaux ne pro- duisent que des petits monstrueux, tenant du pro- dige. Or, enfouissons cela dans du fumier, car la chaleur du fumier ressemble fort à la chaleur naturelle, et peut produire des choses admirables. Car autant de genres proviennent de la putréfaction des animaux qu'il y en a qui se putréfient. Que les cheveux d'une femme qui a ses fleurs^ lorsqu'ils sont cachés pendant un court temps dans du fumier, se convertiront en serpents ou vermisseaux. Le sang des menstrues putréfié peut engendrer des crapauds et des raines, car il se corrompt et se conver- tit facilement, et souvent des femmes engendrent, en même temps qu'une portée humaine, des crapauds, des lézards et autres bêtes semblables. Ainsi nous li- sons que les femmes de Salerne, au commencement de leur conception, et alors que le fruit doit être vivifié, ont coutume de le tuer à l'aide du jus de persil et de poireaux. Or, il advint parfois qu'une femme, contre toute espérance, semblait être enceinte, et soudain elle enfanta quatre bêtes semblables à des raines ou gre- nouilles. Souvent en ce cas, elles avortent, et on ne doit chercher d'autre cause de cette monstrueuse création que celle qui a été donnée ci-dessus. Aussi par la cor- ruption de la femme s'engendrent dans les entrailles des petites bêtes, semblables à des vermisseaux. Alcipe a enfanté un éléphant, et au commencement de la guerre des Marses, une chambrière enfanta un serpent. LA MAGIE NATURELLE 189 Autre merveille encore : le poil de la queue des che- vaux jeté dans l'eau reprendra vie ! Le basilic broyé entre les pierres dans un lieu humide, puis exposé au soleil, engendrera des scorpions, bien que Galien le nie. Et la poudre d'un canard brûlé, mise entre deux plats, et conservée en un lieu humide, engendrera un crapaud d'une grandeur et d'une grosseur étonnante ? Mais plus facilement encore la raine s'engendrera soudain, si l'on considère sa naissance. Je ne parle point de celles qui sont procréées par un ordre légitime de la nature, à savoir à la suite du frai ou du coït, et qui prennent naissance dans les eaux, mais je parle de celles qui naissent d'elles-mêmes et sont appelées tem- porelles, parce qu'elles ne vivent qu'un certain temps, et s'engendrent des pluies estivales et du sablon qui est aux bords des rivières et des chemins. On sait que la vie de celles-ci est fort brève. Souvent aussi ces bêtes naissent du courroux des vents, qui balaient les som- mets des plus hautes montagnes et alors qu'il se forme et s'élève une poudre entremêlée d'eau, qui s'épaissit non seulement en raines, mais s'endurcit en pierres, Phylactus, de son côté, raconte que parfois il a plu des raines, et Heraclides Lembis affirme que cela est arrivé dans les alentours de Dardanie et de Péonie, et cela en telle affluence que les maisons et les chemins en étaient remplis. Et Œlianus aussi rapporte qu'un jour allant de Naples à PouzoUes, il remarqua sur le che- min des raines dont la partie antérieure rampait et se mouvait sur deux pieds, et dont la partie inférieure n'était pas encore formée et ressemblait à un amas épais d'une pâte visqueuse et limoneuse, de sorte qu'une partie de l'animal vivait et l'autre était encore inerte. Macrobe raconte qu'en Egypte il naît des sou- 190 LA MAGIE NATURELLE ris de terre et de pluie, et ailleurs des raines, des ser- pents et autres bêtes semblables. D'où il suit que la procréation de semblables animaux est très facile. Car il est même arrivé parfois qu'un individu ayant craché vit que de son crachat naquit une raine ou grenouille. Daumatus d'Espagne avait la réputation de produire à foison des raines, toutes les fois que bon lui semblait. De même, si de la manière ci-dessus indiquée, on prend du sperme ou de la semence d'un verrat, et d'une truie qui soit teigneuse, et qu'ils jettent durant leur coït, c'est-à-dire en la saison où le soleil commence à entrer dans le signe du Capricorne, aux poissons, les saoulant toutefois suffisamment de lait et de miettes, alors qu'ils gronderont, étant en rut et en chaleur, et après qu'on aura recueilli cette liqueur qu'on appelle apri, qui est comme celle des chevaux qu'on appelle Hippo- manes, on la mettra dans un vase, qu'on bouchera fort, et qu'on enfouira dans du fumier bien tassé, de peur que la chaleur ne s'en aille. Cachez ce vase pen- dant quelques jours dans ce fumier; faites aussi que le vase soit plombé; je vous assure que celui qui saura composer ceci avec adresse, assistera à une expérience peu ordinaire. J'ai même entendu publier que d'un œuf un animal appelé bête humaine aurait été pro- créé. Si quelqu'un veut faire cette expérience, qu'il jette dans un œuf de la semence génitale humaine, c'est dire du sperme, autant qu'il peut y en avoir de celle du coq, et après cela, que l'œuf soit bouché d'un couvercle, afin que sa chaleur générative ne s'évapore, et par ce moyen l'œuf produira un animal à demi homme, à savoir d'une part ayant forme humaine, et de l'autre d'un poussin, qui est le produit véritable de l'œuf. Avicenne ne nie pas cela et nous en repar- LA MAGIE NATURELLE 191 lerons nous-mêmes plus amplement dans un autre en- droit; qu'il nous suffise pour le moment d'en avoir montré la manière et comment on peut le faire. Nous négligeons ici de dire bien des choses intéressantes; mais ce que nous avons dit des monstres et de ce qui peut se former par le fumier doit suffire. Chapitre Vingt-Cinquième De la lyre, de la harpe, et de plusieurs de leurs propriétés. Puisque nous en sommes arrivés maintenant à par- ler de la lyre, nous avons à dire tout d'abord qu'elle a mainte bonne qualité ou propriété et aussi maint dé- faut considérable, que nous avons estimé convenable de mettre en avant, bien que je sache fort bien que plusieurs gens de basse quahté et de peu de savoir, à peine y ajouteront foi. Et j'espère que personne ne pensera que ce discours constitue une rêverie que nous avons imaginée, mais j'ai l'espérance au contraire que je plairai grandement aux amateurs de bonnes lettres, qui ont l'esprit entièrement adonné à la recherche des merveilles de la nature. Ceci d'autant plus du reste que je ne leur écris point sur des choses inconnues. Or c'est chose bien certaine que les instruments musicaux sont en la puissance et au service de l'homme, et il n'y a cœur si félon et si cruel qui, par une mélodie bien ryth- mée et par une chanson charmant l'esprit humain, ne soit adouci, apprivoisé, subjugué, et au contraire ne soit ennuyé et agacé par des sons discordants et vi- lains. Museus affirme que la poésie est une chose fort douce pour les humains. Et Platon assure que tout 192 LA MAGIE NATURELLE ce qui vit est amadoué et charmé par la musique, ce dont on peut voir plusieurs effets. A la guerre, les tambourins mugissent et rendent un son non moins bruyant qu'effrayant, pour exhorter les engourdis et les animer au combat. On lit que les anciens s'en sont façonnés de tels et en ont usé. On dit que Timothée le musicien, toutes les fois que bon lui semblait, chan- tait un chant phrygien et enflammait tellement le cœur d'Alexandre que, transporté d'enthousiasme, il courait aux armes ; et s'il trouvait bon de faire autre- ment, et de changer de son, il lui changeait aussi le courage et le rendait paresseux et ralentissant son cœur, lui faisait quitter les armes pour les banquets, les festins et les passe-temps mous et délicieux. Et encore sur le même sujet Plutarque raconte que le même mo- narque, ayant ouï Antigenide entonnant sur la flûte des vers très harmonieux sur un rythme très musical, il en fut tellement enflammé que, se levant avec les armes, il commença à s'en servir, à tel point qu'il frappa ceux qui se trouvaient le plus près de lui. Cicé- ron, de son côté, raconte que Pythagore voyant un jouvenceau tantominitain enivré et épris d'amour pour une paillarde, il le vit mettre le feu à la maison de celui qui lui débauchait ses amours, et dans la- quelle il entretenait son amoureuse, en chantant de- vant elle un cantique phrygien. Il l'émut et lui chan- gea tellement ses esprits que par la résonnance mélo- dieuse sortant du mouvement, il l'apaisa et le rendit plus doux et plus gracieux. De même on raconte d'Em- pédocle qu'un jour quelque personnage injurié outra- geusement par son hôte, le voulut attaquer et ce sa- vant personnage fut doué d'une telle adresse et dex- térité, qu'en chantant, il refrénait la colère du pcr- LA MAGIE NATURELLE 193 sonnage offensé et tempéra sa furie. On dit aussi que Théophraste, pour réprimer les troubles de l'esprit, y appliqua des sons musicaux. Et Agamemnon, par- tant de son pays pour aller par mer à Troie, et doutant de la chasteté de Clytemnestre, lui laissa un harpiste qui, par les sons mélodieux qu'il tirait de son instru- ment, l'incitait tellement à la continence qu'Egystus ne put point jouir d'elle, qu'il n'eut fait mourir ce harpiste. D'ailleurs Orphée, de Thrace, ainsi que l'an- tiquité le raconte, a fléchi et apprivoisé les personnes dures et rudes, comme aussi les animaux brutes et durs comme des pierres, sans autre aide que sa harpe, dont il tirait des sons merveilleux. Le harpiste Arion s'est acquis la faveur des dauphins, qui cependant manquent de raison, de sorte que jeté dans la mer, ils l'ont recueilli et porté sain et sauf au rivage. Le son adoucit également les sens tendres des enfants, car pleurant dans leurs berceaux, ils s'apaisent au son de la musique et se tiennent cois. Aussi on dit que Chry- sippe a écrit des vers appropriés pour les nourrices. Strabon raconte que les éléphants sont attirés par le son des tambourins ; les cerfs sont arrêtés par les sons d'un instrument musical, et se laissent souvent pren- dre par un vers harmonieusement chanté. Les cygnes hyperboréens sont vaincus par la harpe et par le chant et les petits oiseaux tombent dans les filets attirés par le son de la flûte; de même aussi la flûte pastorale commande le repos aux troupeaux, après la pâture. Encore, ce qui est plus merveilleux, la sage antiquité a allégé les plaies et les maladies par les sons de la mu- sique, comme on peut le lire dans l'histoire. Terpender et Avion Methymneus ont guéri les Lesbiens et les Ioniens de graves maladies par l'effet de la musique. 13 194 LA MAGIE NATURELLE Asclepiade, médecin, par le son de la trompette, a guéri les sourds, et par la mélodie de son chant, il a réprimé les séditions du peuple. Herminius de Thèbes a guéri ainsi plusieurs personnes de douleurs aiguës des hanches et des cuisses. Thaïes de Candie a chassé la peste au son de la harpe, et Hérophile avait cou- tume d'alléger les infirmités des malades par la mu- sique et ainsi, à chaque affection, les anciens ont appli- qué certaine mélodie : comme la Dorique est estimée donner de la prudence, de la chasteté, la musique phrygienne excite les combats, enflamme les fureurs, et mène à l'assaut de l'ennemi. Aristoxeminus, pour n'avoir pu opérer dans les fables ce qu'il prétendait par la musique dorique, s'adonna à la phrygienne, qui leur était propre et convenable. Lu musique ly- dienne aiguise l'entendement des gens hébétés et ap- porte un désir céleste à ceux qui sont chargés du soin de la terre : cela est traité par Aristote dans sa Poli- tique. Mais à propos n'est-il pas écrit que jadis les Lacédémoniens ont rejeté le genre chromatique ? parce qu'il efféminait trop ceux qui écoutent et ne dit- on pas d'autres choses semblables ? D'une lyre apie à provoquer le sommeil. De fait, cela a été éprouvé par plusieurs, et cela est advenu grâce à la douceur et à la suavité de l'harmo- nie. Voici donc la manière de la façonner : appareillez la matière du bois le plus tendre et le plus délicat que vous pourrez trouver, comme du sapin ou du lierre, et que de l'un de ces bois le dessous de l'instrument soit fait, et de l'autre le dessus. Ensuite, faites que les cordes soient faites de lin et de boyaux de serpent ou LA MAGIE NATURELLE 195 de cette membrane ou petite peau qui touche à la moelle de l'épine du dos, ou échine, que vous arrache- rez dans un fleuve d'eau courante, ayant la tête hors de l'eau et vous laisserez le reste se flétrir. Cela fait, accommodez ces cordes à une harpe, ou eistre, laquelle, dès qu'elle sera touchée des doigts, donnera un son gracieux, mou, délicieux et agréable aux auditeurs, de telle sorte qu'ils cloront les yeux, chargés d'un lourd sommeil. Et cela ne doit pas être jugé bien étrange si l'on considère que les Pythagoriciens ont opéré de la même manière, lorsqu'ils voulaient résoudre et assou- pir divers soucis par le sommeil, car ils usaient de cer- taines chansons qui rendaient tellement les personnes éprises qu'il leur survenait un léger et paisible repos. AeoHo dit que cela advient parce que le son harmo- nieux apaise et rend paisibles les tempêtes de l'esprit et ainsi provoque le sommeil dans les esprits calmes et tranquilles. Il y a encore une autre chose fort admira- ble, à savoir que le son d'un tel instrument constitue un médicament d'une efficacité certaine et absolue pour engendrer la stérilité, alors que par l'orifice de oreilles il pénètre et coule jusque dans l'esprit. Toute- fois pour déduire comment les passions sont chassées de l'esprit par le son mélodieux d'un instrument de musique, je laisse cela au jugement des croyants, et même pour que personne n'en soit offensé, je trouve meilleur de me taire. 196 LA MAGIE NATURELLE Une lyre qui, iouchée,émouvrael fera résonner du même ton une autre, gisant à terre, sans être fredonnée par un artifice de main. Faites que les cordes soient tendues, et d'égale pro- portion, de sorte que l'harmonie de ces cordes puisse résonner d'un même ton, et si vous touchez des doigts une des grosses cordes de cet instrument, l'autre bruira et rendra un même son. Le son qui sortira de celle-ci sera plus grave, il en sera de même des plus aigus et des plus délicats ; et si cela ne peut pas se voir, jetez dessus delà paille et vous la verrez se mouvoir. Toutefois Sué- tone, au cours de son histoire joyeuse, raconte que si les nerfs ou cordes sont tendus sur les instruments pondant les jours d'hiver, quand les uns seront poussés des doigts, ce sont les autres qui sonneront. Et par ce moyen, quelqu'un ignorant les sons de la lyre, la pourra accommoder de cette manière, à savoir si l'autre corde est également tendue et s'accorde avec celle qu'on fera bruire, elle se tiendra immobile; et la personne mon- tant et lâchant les nerfs de celle qu'il fera bruire la sonnera jusqu'à ce que le nerf de celle qui est immobile, se meuve et donne le même ton, et ainsi de suite des autres . Si vous voulez qu' un sourd puisse entendre le son de lalyre Bouchez-vous les oreilles de vos mains, afin que vous ne puissiez entendre aucun son, et alors prenez à belles dents le manche de la harpe ou du cistre, qu'un autre le touche et le fasse résonner, elle rendra un son joyeux et allègre au cerveau et plus gracieux qu'on ne LA MAGIE NATURELLE 197 saurait imaginer. Cela n'arrivera pas seulement en te- nant le col de l'instrument avec les dents, mais aussi en prenant un long bâton qui touche la lyre, et le son sera clairement ouï. Tous en peuvent faire l'expé- rience. Pour faire que les lyres, cislres et autres instruments soient touchés et résonnent par le vent. Vous accomplirez cela de la manière suivante : lorsque vous verrez une grande tempête de vent, vous opposerez de l'autre côté vos instruments, tels que lyres, cistres, harpes, luths, flûtes. Le vent survenant avec impétuosité, les fera sonner légèrement et passera au travers des tuyaux ouverts, et de la sorte de tous ces instruments un accord très doux pénétrera dans les oreilles, et qui sera fort réjouissant. Chapitre Vingt-Sixième Comment on peut arriver à avoir des songes clairs et joyeux, obscurs et terrifiants. La viande par sa concoction (ce qui doit être tenu pour éprouvé et constant) se dissout en vapeur, et devient chose légère. Et comme la nature des choses légères est de s'élever en haut et qu'elles vont par le moyen des veines au cerveau, le siège duquel est tou- jours froid de sa nature, et parce qu'il se fait humide et s'obscurcit de nuées, comme souvent on voit en ce vaste monde naître les bruines, ainsi il recommence son retour et se transporte au cœur, domicile du sens principal. Cependant, il remplit la tête et la rend pe- 198 LA MAGIE NATURELLE santé, tellement que la personne se sent plongée en un sommeil profond. Et encore il arrive que pendant la nuit, qui est plus sereine et plus tranquille, la personne se trouve endormie plus profondément : alors, les ima- ginations, en descendant, se forment, de sorte qu'elles apparaissent monstrueuses, sinistres et bizarres. Mais si cela arrive le matin, alors que l'excrément et le gros sang (qui est comme de la lie) séparé du sang pur et bon, aura cessé de bouillonner, alors les visions seront plus claires et apparaîtront plus agréables. C'est pour- quoi nous n'avons pas estimé déraisonnable de croire que la vertu naturelle chargée d'un breuvage immodéré, languisse endormie pour avoir trop bu, et qu'on voie alors en songe divers brûlements, diverses ténèbres, greffes et pourritures, ce qui est causé par la colère et la mélancolie et par une humeur froide et pourrie. Ainsi Galien a estimé, et Hippocrate a été de son avis, que si quelqu'un songe qu'on coupe la gorge à un autre, ou qu'on le massacre, il a abandance de sang, et encore témoignent-il que de là on pourrait tirer le présage de cette température. Aussi, ceux qui se nourriront de viandes venteuses, verront en dormant des images bizarres et monstrueuses; mais si les viandes sont plus légères, elles réjouiront les esprits et apparaîtront saines et entières. Et ainsi quand les simples sont ap- pliqués extérieurement, ils portent avec eux les fan- tômes de ces choses aux Princes des sens, car les ar- tères de notre corps, ainsi que le dit Galien, attirent à eux tout ce qui est au-dedans ou qui les environne, cependant que continuellement elles s'éloignent, ce qui fait que souvent nous songeons ce que nous avons dé- siré. Or, pour faire que nous nous réjouissions, tant éveillés qu'endormis, voici certaines indications. LA MAGIE NATURELLE 199 Le moyen assuré d'exciter des songes agréables. Si, sur la fin du souper et à l'heure d'aller se cou- cher, la personne mange du phypogrossum, de la mé- lisse, appelée autrement citrago, et autres herbes et plantes semblables, elle aura en dormant des illu- sions et représentations d'effigies diverses, voire telles que l'esprit humain n'en pourrait désirer de plus joyeuses, car elle verra des champs, des vergers, des fleurs, et la terre diaprée de verdure, il la verra om- bragée de divers bocages, et finalement, en jetant les yeux autour de lui, il lui semblera voir que le monde entier verdoyera et fera rire pour sa merveilleuse beauté. Encore pourrez-vous faire cela, si vous oignez les tempes de la personne de fleurs nouvelles de peu- plier, de baguenaudes, de pomme épineuse et d'aconit, et principalement si ces plantes sont verdoyantes, et il sera très utile aussi d'en frotter le col ou gésier par lequel les veines, où coule le sommeil, montent, de même qu'aux endroits où apparaissent les veines des pieds et des mains. Il sera utile aussi d'en frotter la région du foie, d'autant que le sang s'évaporant de- puis le ventricule en haut coule dans le foie, et du foie au cœur. Et par ce moyen les vapeurs réciproques sont teintes, et rapportent des effigies de même couleur. Pour rendre des songes obscurs et tumultueux. Il faut pour cela manger des fèves, parce qu'elles sont sèches et venteuses, ce qui les rendait désagréa- bles, horribles même aux Pythagoriciens, et aussi parce qu'elles font naître des songes comme ceux que 200 LA MAGIE NATURELLE nous avons relatés ci-dessus. Il me souvient d'avoir ouï dire à plusieurs qu'ils avaient lu ce proverbe : Abstenez-vous de manger des fèves, et qu'ils avaient interdit et défendu presque tous les légumes, principa- lement les fèveroles ou poix à visage, qu'on appelle en latin Similaces horrenses, les lentilles, parce qu'elles engendrent un sang gros et mélancolique. Les ails, les poireaux têtus, les oignons et le chou parmi les herbes potagères, de même les raiforts et presque toutes les racines et parmi ces choses le vin de vigne, parce que toutes les plantes ci-dessus indiquées sont pleines de vent et d'eau, engendrent des flatulences et sug- gèrent des songes qui apparaissent sous la forme de fantômes étranges et turbulents, ténébreux et fâ- cheux. Et ainsi élevé dans les airs, il vous semblera que vous nagez dans la mer ou dans les rivières, que vous voyez beaucoup de villes, plusieurs événements étranges, des morts et des tempêtes. De même vous apparaîtront des jours nébuleux, il vous semblera que vous voyez tomber la pluie et que la splendeur du soleil sera éclipsée; en somme rien ne vous sera montré que toute chose épouvantable. Et en frottant les chambres de suie et de vinaigre (le vinaigre, pour que le médicament acquière la force de pénétrer) vous apparaîtront des feux, des incendies, des éclairs, de la foudre et toutes autres choses enveloppées de ténè- bres. Pour produire les mêmes résultais à Vaide de parfums et autrement encore. Nous prenons, pour arriver à ce résultat, le talon d'un homme nouvellement mort et le réduisons en LA MAGIE NATURELLE 201 poudre, à quoi nous ajouterons quelque peu d'aimant, tout cela mêlé ensemble avec un poireau et jeté sur des charbons ardents, de telle façon que la fumée se ré- pande en plusieurs endroits de la maison et pénètre jusqu'à son sommet. Il est certain que de la sorte vous ferez voir à ceux qui dorment des choses étran- ges, et les épouvanterez par des illusions de corps morts, d'esprits et d'autres visions horribles. Si de même vous posez la tête d'un singe fraîchement coupée au- dessous de la tête du patient, il ne verra que des bêtes en dormant et il lui semblera qu'elles le déchirent et le déchiquètent, en sorte que ce spectacle lui causera une grande crainte et une excessive terreur. Autant en fera la cornaline, si vous la pendez à votre cou. Mais cette convoitise enragée a tellement envahi les esprits des hommes qu'ils abusent des choses que la nature nous a dormées pour notre commodité, et qu'ils en compo- sent les liniments des sorcières. Et bien que ces mal- heureuses y mêlent plusieurs superstitions, il pourra toutefois sembler au spectateur, curieux de ce fait, que cela peut arriver par vertu naturelle, comme je vais vous l'apprendre. Elles recueillent la graisse de plusieurs enfants qu'elles auront fait cuire dans un vase d'airain rempli d'eau, l'épaississant si bien à force de le faire bouillir que la dernière liqueur soit assai- sonnée à point. Après elles se servent continuellement de ce liniment qu'elles mêlent d'aconit, de feuilles de peuplier et de suie. Ou autrement elles prennent de l'Acorum vulgaire, du quintefeuille,du sang de chauve- souris, de mourelle endormante et de l'huile, et après avoir mélangé toutes ces choses ensemble, elles en oi- gnent toutes les parties, les ayant auparavant fort frottées, afin qu'elles rougissent et que la chaleur soit 202 LA MAOIK NATURELLE révulséo. Afin quf; la chair soil relâchée cl que les pores s'ouvrent, ils y ajoutent de la f^raisse, ou h son défaut de l'huile, afin que la vertu des sucs y descende et se fasse plus puissante et plus vii^oureusfî, et je no doute aucunement (jue cela n'en soit la cause. Et de la sorte en une nuit claire et que la sijlendeur de la lune illumine, elles sembleront être portées par l'air et il leur semblera qu'elles assistent aux banquets, qu'elles entendent divers chants mélodieux, qu'elles auront un commerce charnel avec de beaux et délicats jouven- ceaux, qu'elles désirent ardemment : tant est grande la force de l'imagination et la disposition des impres- sions, que cette partie du cerveau que l'on appelle mé- moralive est pleine de ces conceptions, et d'autant que ces personnes sont fort faciles à croire par la légè- reté de leur nature volage, elles sont éprises ainsi faci- lement de ces impressions, de sorte que leurs esprits sont transportés, ne pensant nuit et jour à rien d'autre, et à cela elles sont aidées quand elles ne mangent que des blettes, des racines, des châtaignes et des légumes. Or, pendant que je travaillais fort pour rechercher ceci, mon jugement sur ces choses étant demeuré perplexe et douteux, d'aventure survint vers nous une de ces vieilles qu'on appelle Striges, h cause de leur ressemblance avec l'oiseau nommé Astriages volant de nuit, et lesquelles sucent nuitamment le sang des petits enfants reposant au berceau. Cette vieille donc se trou- vant devant moi, de son bon gré me promit de me ren- dre réponse au sujet de mon doute et de ma per- plexité en un bref espace de temps, et pour ce faire commanda que tous ceux que j'avais appelés comme témoins sortissent. Alors elle, dépouillée de ses vête- ments et toute nue, se graissa de je ne sais (pifl iini- LA MAGIE NATURELLE 203 ment et s'en frotta bien fort, comme nous le vîmes par les fentes de la porte et ainsi, par la vertu des sucs endormants, elle tomba éprise d'un très profond som- meil. Nous entrâmes ensuite et la fouettâmes violem- ment. Mais quoi ? la force de la saveur et le sommeil furent si grands qu'elle lui ôta le sentiment, puis nous sortîmes comme auparavant. Enfin ce poison venant à se ralentir et à perdre sa force et son activité, nous l'interrogeâmes d'où elle venait et elle nous raconta qu'elle avait franchi les mers et les montagnes et ra- conté beaucoup de mensonges, à quoi nous répondîmes que cela ne pouvait être, mais de plus fort elle affirma que c'était vrai, tant qu'à la fin nous fûmes contraints de lui montrer la meurtrissure des coups que nous lui avions donnés, mais elle nous résista avec plus d'obsti- nation encore. Que puis-je donc penser de ces per- sonnes ? Quelquefois, nous aurons encore occasion d'en parler, et nous reprendrons ainsi le fil de notre dis- cours, car pour le moment, il me semble que nous avons été assez prolixes. Puis j'estime encore qu'il est convenable de vous avertir, de peur que ceux qui voudraient expérimenter ces choses ne se fourvoient et n'éprouvent des désillusions. Chapitre Vingt-Septième Comment l'amour se peut engendrer, et des choses qui retiennent la vertu du médicament amoureux. Dès le commencement de notre œuvre, nous n'a- vons eu d'autre dessein que d'expliquer naturelle- ment toutes choses et principalement celles qui arri- vent par les œuvres des mages iniques, afin de fouler 204 LA MAGIE NATURELLE aux pieds leur pernicieuse science, car par ces lacs et filets d'erreur ils enveloppent les esprits des humains, attendu que la plus grande partie des hommes s'arrê- tent à cette science, comme aussi j'en vois plusieurs travaillés par les fallacieux artifices de cet art dia- bolique. Quant à nous, nous ne trouverons pas qu'il ne soit pas convenable de discourir sur les attraits amoureux, dont nous aurons eu connaissance, ne vou- lant toutefois nous départir ou nous éloigner du droit de nature, c'est pourquoi je prie le lecteur qu'il prenne tout en bonne part. Donc, pour commencer, il con- vient de savoir que l'entendement humain ne s'in- cline à rien plus volontiers qu'à allumer les flambeaux de l'amour dans les cœurs et les esprits des hommes, afin de les rendre plus doux et plus gracieux et plus prompts à obéir à notre volonté. Et pour autant que cela arrive pour certaines choses dans lesquelles la puissance d'opérer cet effet est caché, usons de celles dont quelques-unes ont été enseignées par nos ancê- tres et approuvées de nous par l'expérience que nous en avons faite et de plusieurs aussi qui ont été ac- quises et trouvées par l'industrie des modernes. Pre- mièrement, entre ces appareils, l'Hippomanès ancien- nement a été élevé jusqu'au ciel ; combien qu'il y en ait eu encore qui ont affirmé que c'étaient là des fic- tions et de vaines fables de femmes peut-être assujettis à de fausses démonstrations, et non aux miracles pro- digieux de la nature et ajoutant foi aux causes aux- quelles l'expérience contredit et répugne. Or, ces gens estiment que cet Hippomanès est être double, l'un qui est une semence ou sperme distillant des parties hon- teuses de la jument enflammée d'une ardeur dé- mesurée de luxure, que le poète, en ses Géor- LA MAGIE NATURELLE 205 giques, a chanté comme suit dans les vers suivants : De là finalemoat cette semence lente, Estimée à bon droit horrible et violente (Et que d'un propre nom Hippomanès appelle Des experts pastoureaux la fidèle séquelle) Dit-elle, et [)ar ardeur découle lentement Du membre naturel de la chaude jument. L' Hippomanès, que l'injuste marâtre A souvent recueilli, folle et acariâtre Dans l'herbe encore et ajustant de même Plusieurs mois moyennant encore naissance extrême, Tibulle, à son tour a parlé de ceci dans les vers sui- vants : L' Hippomanès distille et bien ouvertement Du membre naturel de la chaude jument. Et encore cette humeur n'est pas sans efficacité à tel dessein et ailleurs nous avons traité de l'usage à en faire, quand le lien et la saison l'ont requis; mais l'autre Hippomanès est de la grandeur d'une noix commune ronde et toutefois largette, et d'une cou- leur noirâtre, et est posée au front d'un poulain nais- sant; et la jument a cette nature qu'après qu'elle a fait son poulain, elle dévore les Secondines, et ayant mis son travail en oubli, léchant et nettoyant son faon, elle arrache enfin cette apostume qui s'appelle Hippomanès. Et si quelqu'un s'avisait de la dérober, il se garderait bien de présenter le petit poulain aux mamelles, car la jument le haïra et le chassera loin d'elle, sans que jamais elle l'aime, ce que le poète a très bien rendu dans son Enéide par les vers suivants : On cherche aussi l'amour, je dis l'amour puissant Qu'on arrache du front du poulain déjà naissant 206 LA MAGIE NATURELLE Et qui est dérobé à la chéLive mère Laquelle vient concevoir en douleur amère. C'est pourquoi les anciens ont à bon droit estimé que de cette chair là s'engendrait l'amour et que c'é- tait un charme d'amour bien puissant. Et comme ra- conte Pausanias, ce que Alianus n'oublie pas non plus, qu'Arcus Olympien a reconnu qu'il y avait tant de force dans cette humeur, qu'ayant bâti une jument de bronze mêlée en fonte, sans queue (non toutefois si naïve que les chevaux en dussent être alléchés et trom- pés) mais il y enferma cet Hippomanès : au moyen de quoi les chevaux en furent tellement épris que pris de trop excessive furie et rompant leurs brides, ils couraient vers le cheval de bronze et la saillaient plus courageusement qu'une jument belle et vivante. Et encore que les cornes des pieds des chevaux adhé- rentes à la statue d'airain se foulassent par un lubrique écoulement, pour cela ils n'étaient distraits du coït et de l'embrassement, mais plus ardemment et à gueule ouverte et plus fortement qu'auparavant, ils lui hen- nissaient et ne purent être distraits de l'amour de cette statue qu'ils n'en fussent chassés à grands coups de fouet et par la force de ceux qui les chevauchaient. Or pour parler de l'étymologie d'Hippomanès et pourquoi ce nom lui a été donné, c'est parce que sem- blablement à la ressemblance de la convoîtise luxu- rieuse des chevaux, elle induisait et causait l'amour aux hommes et les faisait, transportés de furie, passer incontinent à l'acte vénérien. Il y a plusieurs personnes de grande autorité qui ont des pasteurs qui connais- sent fort bien tout cela, et si ces galants veulent faire quelque promesse d'amour à quelque personne pour LA MAGIE NATURELLE 207 l'enflammer d'embrassements amoureux et faire queles femmes soient passionnées d'une langueur amoureuse, voire jusques à en mourir inclusivement, ils observent avec soin le temps que la jument doit faire son pou- lain, et aussitôt qu'il l'a produit, ils dérobent et se sai- sissent de l'Hippomanès et le gardent très bien dans le pasturon ou corne d'une jument : afin que quand ils en auront affaire, réduit en poudre bien menue, ils le mettent bien fallacieusement dans les potages ou breuvages, au moyen de quoi ils rendent l'esprit for- cené plus doux et plus apprivoisé, induisant une ar- deur d'amour telle que celle dont les jouvenceaux lascifs sont généralement épris au commencement du printemps et continuellement petit à petit enflam- ment leur convoitise qu'à tout âge ils lui donnent des yeux pleins de luxure, et captive tellement le mâle et la femelle qui auront savouré ce brouet qu'il rendra l'a- mour réciproque. Le rémora était jadis réputé pour infâme et déshonnête dans les empoisonnements an- ciens. Aussi si un homme a la partie naturelle d'une hyène liée au bras, et regarde une femme, c'est un attrait amoureux tellement vif qu'incontinent elle le suivra. Or, je ne saurais dire si ceci est vrai ou faux, de peur qu'on veuille me reprocher ce que je reprends chez les autres, car la prise de tels animaux est bien difficile, pour ne pas dire impossible. Il y en a qui l'enseignent autrement, et si vous y tenez, vous pour- riez l'apprendre également. Vous pourrez donc faire ceci, en regardant des animaux excessivement épris d'amour, comme des passereaux, des pigeons et des colombes, mais il vaut mieux encore prendre pour exemple les petits chiens. Qu'on lie une petite chienne de six mois ou d'un an, alors qu'on croit qu'elle vou- 208 LA MAGIE NATURELLE drait se joindre au chien pour être couverte, au com- mencement du printemps, car c'est la partie de l'an- née où elle recherche le plus ardemment le mâle, et en effet elle le désire alors si fort qu'elle ne cesse de courir et d'aboyer après lui. Que donc on les lie étroitement, toutefois de sorte que le mâle et la femelle ne puissent se joindre ou s'accoupler, et surtout que l'un et l'autre soient en âge de puberté, c'est à dire capables de faire acte d'amour. Cela fait, qu'on leur donne à manger à foison et d'excellente nourriture, afin que par l'abon- dance du sperme ils s'enflamment et désirent faire des petits ; ils seront embrasés d'une chaleur tellement fu- rieuse que cela les fera crier et se démener extrême- ment. Et lorsque vous verrez que la femelle est par- venue au suprême degré de chaleur, en sorte que les parties génitales commenceront à lui démanger, à s'enfler et à grossir, ce qui arrivera au bout d'une jour- née, il faudra lui couper la gorge et prendre les parties où gît principalement le désir d'amour et les jeter au chien. Il y a beaucoup d'autres expériences encore dont nous pourrions parler, mais nous estimons que nous avons assez parlé de ce sujet, et nous sommes sûrs que tout ce que nous avons dit jusqu'ici est de la plus exacte vérité. Chapitre Vingt-Huitième Des charmes et ensorcellements, ou comme on peut- être empêtré par eux, et de leurs préservatifs. Maintenant il convient de traiter des ensorcelle- ments et de ceux qui en ont usé, car s'il nous arrive de feuilleter les ouvrages des anciens, nous trouverons LA MAGIE NATURELLE 209 que plusieurs choses de cette espèce ont déjà été mises en lumière, pour servir à la mémoire de la postérité, vu que les événements plus modernes ou plus récents, se rapportent à la renommée ancienne. J'ai trouvé bon de mettre en avant ce que d'autres ont dit à ce sujet, et dont vous trouverez des exemples dans Théophraste et dans Virgile, comme en témoignent les vers sui- vants : Mais je ne sais quel œil par accidents nouveaux Me vient ensorceler mes tendrelets agneaux. Isigonus et Memphrodonus racontent qu'en la terre d'Afrique il y a certaines feuilles qui ensorcellent par la voix et par la langue, et qui, si elles admirent et con- templent plus qu'il n'est loisible, ou louent les beaux arbres, les blés plus féconds, les enfants plus gracieux, les chevaux meilleurs ou les brebis plus grasses et plus johes, incontinent on les verra sécher et mourir, sans que ces animaux ou plantes soient asservis à une autre cause : Solin a exposé cela dans ses écrits. Le même Isigonus publie qu'en la contrée des Tri- bales et Esclavons, il y a des races de gens qui ont aux yeux des doubles prunelles et font un mortel ensor- cellement par leur regard, de sorte qu'ils tueront incon- testablement ceux qu'ils regarderont un peu longue- ment et principalement s'ils sont courroucés, mais sur- tout les jouvenceaux qui n'auront encore poil de barbe, en sentiront le mal et le dommage. Apollon des Philarcus raconte aussi qu'en Scythie, il y a un semblable genre de femmes, qu'on appelle Bithies et une autre espèce d'hommes du même cali- bre au Pont des Thibiens, dont il affirme qu'ils ont les uns des yeux à double prunelle, les autres l'effigie 14 210 LA MAGIE NATURELLE d'un cheval. De ces dernières Didymus a parlé. Da- mon de son côté a raconté qu'il y a en Ethiopie une drogue d'un genre semblable, dont la sueur fera mai- grir les corps de ceux qu'elle aura séchés, de sorte que, leur embonpoint perdu, ils deviendront secs et étiques. Aussi on dit que toutes les femmes de cette contrée ensorcellent par leur regard, et cela est notoire, car elles ont deux prunelles aux yeux. Cicéron a également parlé de ces femmes. Et semblablement Plutarque témoigne que les gens qui habitent en la contrée de Pont de Palethébères, ensorcellent non seulement les petits enfants, dont l'état et la disposition corporelle et mentale est encore faible, mais s'attachent aussi aux personnes âgées, dont le corps est fort et robuste, et cela si outrageu- sement qu'ils en deviennent pestilentieux, car par leur seul regard, ils rendront malades ceux qu'ils voudront tuer et commenceront par les rendre éthiques. Et notez qu'ils ne traiteront pas seulement ainsi ceux qui con- versent continuellement avec eux, mais aussi les étrangers et ceux qui sont éloignés d'eux, tant est grande la force de leurs yeux. Et bien que l'ensorcelle- ment commence par l'attouchement ou communica- tion directe, toutefois il se parfait et s'achève par les yeux, comme si l'esprit était exterminé et coulait par les yeux au cœur de l'ensorcelé. Il adviendra alors qu'un jouvenceau doux, d'un sang subtil, clair, pro- jettera une semblable haleine, attendu qu'elle naît de la chaleur du cœur et du sang le plus pur. Et parce qu'elle est très légère, elle parviendra à la partie la plus haute du corps, c'est à dire dans les yeux. Et encore avec l'haleine ou souffle sort une certaine vertu ignée, qui opère par rayonnement, de sorte que ceux qui LA MAGIE NATURELLE 211 auront le malheur de regarder des yeux rouges et chassieux, finiront par avoir ce même mal. Et de vrai cet accident arrive toujours, car cela infecte l'air, et l'air infect en empoisonne un autre, et ainsi celui qui sera le plus proche de l'œil, porte avec soi une va- peur de sang corrompu, de la contagion de laquelle les yeux se contaminent également. Ainsi encore le loup hume la voix, ainsi le basilic ôte la vie, le basilic qui par son regard projette le venin et darde des coups mortels par le rayonnement de ses yeux, mais si on lui présente un miroir, ces rayons retournent vers leur auteur. Ainsi, le miroir poli redoute le regard de la femme immonde, comme le raconte Aristote, car son regard le souille et lui enlève son éclat et sa splendeur, ce qui arrive parce que la vapeur sanguine s'attache sur la surface du miroir, où elle apparaîtra clairement. Si la tache est récente, vous l'enlèverez difficilement, parce que le miroir résistera à son enlèvement. Ainsi donc la fluxion des rayons des yeux par la con- duite de l'haleine parvenant aux yeux de celui qu'elle rencontre, les perce de part en part et infecte les par- ties inférieures, cherchant sa propre région, attendu qu'elle sort du cœur et ainsi l'haleine aux bords du cœur, s'épaissit en sang, et ce sang étranger, ne s'ac- cordant pas avec la nature de la personne ensorcelée, infecte le reste d'une maigreur langoureuse et étique, qui fait que la personne ainsi atteinte devient malade, et cette contagion ou empoisonnement durera tandis que la force de ce sang faible demeurera dans les mem- bres ; et vu que c'est un accident ou une indisposition du sang, il n'est jamais frappé que de fièvre continue. Mais afin que le tout soit mieux éclairci et puisse ap- paraître plus distinctement, il convient d'abord de sa- 212 LA MAGIE NATURELLE voir que les auteurs affirment qu'il y a deux sortes d'ensorcellement : l'un d'amour, et l'autre d'envie ou de malveillance. Si donc on veut rendre une personne éprise du désir d'une forme belle et l'empêtrer dans les lacs d'une beauté élégante, bien que cet encorcelle- ment soit dardé de loin, toutefois il se hume par les yeux, ainsi que l'idée de la forme exquise réside au cœur de l'amour, au moyen de quoi il embrasse des petits feux, dont il a coutume d'être continuellement tourmenté, et parce que là le sang plus mou de la per- sonne aimée vague et erre, il lui présente la face qui reluit en lui, par le miroir de son sang. Il n'a pas de repos en soi, étant tellement attiré par la personne ai- mée, que le sang de cette personne coule en quelque sorte vers celle-là. Lucrèce en a parlé ainsi : Or, ce venin hideux saisit le corps, dont l'âme D'amour, force navrée éperduement s'enflamme Car hélas ! presque tous tombent (ce dont je m'enivre) En l'accident cruel de l'amoureuse plaie. Et le sang purpurin resplendit cette part Dont le sang amoureux qui nous navre départ Mais si de loin il vient, alors avec grâce L'humeur rouge soudain occupe notre face. Mais si la personne qui a été infectée de ce venin est atteinte de l'ensorcellement d'envie ou de malveil- lance, c'est alors un ensorcellement bien dangereux, et ce poison se rencontre souvent chez les vieilles. Personne ne peut nier que, l'esprit étant mal disposé, le corps ne se trouve malade, et que l'esprit passionné n'augmente les forces du corps et les rende plus valeu- reuses, et non seulement change le corps propre, mais le rend aliéné, et cela d'autant plus que les ardeurs inté- rieures de vengeance ou de convoitise s'embrasent au LA MAGIE NATURELLE 213 cœur. A ce propos, l'avarice, la tristesse, l'amour ne changent-ils pas les couleurs et les dispositions ; l'en- vie ne teint-elle pas le visage d'une pâleur insigne et ne le couvre-t-elle pas d'une maigreur extrême ? La convoitise de la femme enceinte ne grave-t-elle pas en son petit enfant encore tendrelet la marque de la chose désirée ? Ainsi, pour revenir à notre sujet, après que la personne entachée aura retranché ses yeux brûlants d'envie, tordus et renfrognés et que le désir de nuire ressort plus âprement par l'organe des yeux et que l'ardeur intérieure procède de ceux-ci, alors ils endommageront le corps de ceux qui assisteront en ce lieu, et principalement les plus beaux, car la prunelle de l'œil transperce comme un dard, brûle les parties précordiales, et suscite la cause de la maigreur; prin- cipalement si les personnes sont colères et sanguines, car facilement le mal pénètre par l'ouverture des pores et la subtilité des humeurs. Et non seulement le corps est fait tel par la passion, mais il est facile aussi que le venin même puisse se trouver dans le corps humain, comme l'a du reste prouvé Avicenne. Et plusieurs sont doués de telle nature et on ne doit estimer cela merveilleux, que plusieurs aient trouvé bon que cela puisse se faire artificiellement. Jadis ainsi que le ra- conte Aristote, la reine des Indes envoya à Alexandre une pucelle douée d'une grande beauté, qui avait été nourrie de venin de serpents à tel point qu'elle était réellement farcie de ce poison. Avicenne affirme la même chose et Rufus l'a déclaré aussi. Galien témoi- gne qu'il y en avait une autre qui dévorait la jusquia- me, sans aucun dommage et une autre qui mangeait impunément de l'aconit, de sorte que la géline n'en osait approcher. On raconte aussi que Mithridate, roi 214 LA MAGIE NATURELLE de Pont (selon ce que nous avons appris dans les écrits des anciens) pour s'être fort accoutumé à manger de cette plante d'aconit, le rendit tellement fort contre le venin, que voulant se donner la mort à l'aide de ce poison, de peur de tomber aux mains des Romains, ses ennemis, il ne fut aucunement incommodé par l'énorme dose qu'il en avala. Les gelines étant engraissées de chair de serpents et de lézards, ou de froment cuit au brouet de ces bê- tes, auront une efficacité telle, que si vous les donnez à manger à un épervier, elles lui feront incontinent tom- ber les plumes, et feront encore plusieurs autres choses qu'il serait trop long de relater ici. Semblablement, il y a plusieurs personnes qui guérissent certaines maladies par le seul attouchement; plusieurs qui, mangeant les araignées, méprisent les morsures des serpents et n'en éprouvent aucune incommodité. Leur regard ou la res- piration qui sort d'eux sont si pernicieux, qu'ils en infecteront tellement les petites plantes, et les herbes, qu'elles sécheront sur-le-champ. Et encore souvent, là où résident ces animaux, les blés qui ont été infestés de ce venin, sèchent sur place, grâce à la force de leurs yeux qui projettent sur eux un souffle délétère. Mais du reste, les femmes, quand elles ont leurs mois, ou règles ou menstrues, n'infectent-elles pas aussi les concombres et les melons et ne les flétrissent-elles pas par leur simple attouchement ? Les enfants aussi sont- ils plus innocemment traités des hommes que des femmes ? Encore trouverez-vous plus de femmes que d'hommes qui se mêlent de sorcellerie, à cause de leur complexion : car elles vivent de plusieurs choses dom- mageables, de sorte que tous les mois elles se remplis- sent de superfluités : leur sang bout et répand des LA MAGIE NATURELLE 215 vapeurs qui sortent par les yeux et infectent de leur venin le corps des assistants. Mais si vous aimez une jouvencelle accorte et belle, et que vous vouliez la charmer, ou si la femme amoureuse veut envelopper l'homme dans les lacets de l'amour, voici le procédé dont il faut user pour arriver à ce résultat. Le moyen d'enlacer les femmes aux lacs d'amour. Premièrement, il convient que les personnes soient en partie sanguines, et en partie colorées, reluisant d'une gentille netteté, avec des yeux verts et étince- lants, tirant sur le bleu : encore vaudra-t-il mieux qu'elles vivent chastement, afin que par un trop fré- quent coït le suc des humeurs ne s'épuise pas trop vite. Ensuite entrent en jeu le regard et des œillades très fréquentes, puis par un effort obstiné de leurs imagi- nations respectives, les deux parties inclinent leurs yeux, prunelle contre prunelle, rayons contre rayons et joignent la lumière de leurs yeux; et ainsi de ce re- gard réciproque naîtra l'amour. Mais pour savoir pourquoi la personne aimée de vous sera prise par votre regard et non par celui des autres, on le peut voir par la raison que j'ai donnée plus haut, et encore par celle-ci. Cela advient par l'in- tention de l'attrayant, laquelle est dardée par l'ha- leine ou les vapeurs, et la personne qui est touchée de cette haleine est faite semblable à l'autre. Car étant principalement dans cette passion, et l'imagination étant fortement tournée vers la chose désirée, une lon- gue habitude fait que l'esprit et le sang obéissent fata- lement. Et alors la personne aimée peut être enlacée et enflammée du désir de la chose aimée par ces vertus, 216 LA MAGIE NATURELLE bien que toutefois l'esprit par la seule affection puisse produire et causer de tels effets. C'est ce que l'on attri- bue à Avicenne, dont l'opinion ne s'éloigne guère de celle que nous donnons ici. Selon l'avis de Museus, l'œil pose les premiers fondements de l'amour, et sert prin- cipalement à allécher l'attrait amoureux. Diogenia- nus, de son côté, dit aussi que l'amour naît du regard, d'autant qu'il est impossible qu'une personne puisse aimer une chose qu'elle ne connaît pas. Juvénal ra- conte d'un amant, ce qui doit être tenu pour un pro- dige, ce qui est exprimé dans les vers suivants : Auquel éperduement épris de la pucelle, Non vue encore ardait l'amoureuse étincelle. Car le regard des yeux reluisants contraindra à l'amour la créature aimée et vue, voire même jus- qu'au transport forcené des sens. Le commencement de l'amour prend naissance par les yeux; les autres membres n'en donnent pas la cause efficiente et vraie, mais la suscitent, de sorte que par l'attrait et l'élé- gance de la beauté, ils arrêtent celui qui regarde et le subjuguent. Et alors, poétiquement, — on dit que Cupidon aux aguets lance ses dards, de sorte que l'ai- guillon, dardé des yeux, passe aux yeux des assistants et finalement brûle les entrailles. Voici comment Apulée en parle : Car, dit-il, les yeux étant dévallés par les miens dans mes parties intimes, produisent une grande ardeur dans mes moelles. Or, n'avons-nous pas donné une petite racine aux curieux rechercheurs : et de peur que tu ne deviennes insensé, tu pourras corro- borer cela par de nombreuses expériences. Que si quelqu'un trouve cela étonnant, ayant bien considéré les maux qui surviennent par contagion, comme la dé- LA MAGIE NATURELLE 217 mangeaison, la rogne, la chassieuseté, la peste, elle infecte ou entache la personne présente par simple at- touchement, ou par le regard ou parfois par la parole, pourquoi ne pourrait-on croire que la contagion amou- reuse, qui est la plus pernicieuse de toutes les maladies, ne puisse envahir soudainement les hommes : et non seulement cela prend dans les personnes auxquelles on s'attache, mais retourne à celles qui l'ont dardé, de sorte qu'ils attirent le même charme ou le même empoisonnement qu'ils ont dardé. Aussi les anciens écrits publient une merveille de certain personnage nommé Eutalida, lequel par eaux, par miroirs et par fontaines regorgeantes, donna un aspect à l'encontre de l'image qu'il regardait, et l'au- teur même de ce regard en fut endommagé, car il s'e- namoura tellement de soi-même et se trouva si beau qu'il tomba sous le charme et porta ainsi le châtiment de sa maladie particulière. Ainsi les enfants par leurs propres attraits se charment et s'énamourent l'un l'autre, dont les pères et autres parents attribuent la faute aux sorciers. Mais comme on trouve remède à toutes choses, excepté cependant à la mort, voici quel- ques remèdes préservatifs contre ce mal. Les remèdes préservatifs, ou secourables contre ce mat. Il y en a plusieurs, que la sage antiquité a établis, mais si vous voulez rompre ce charme, vous pourrez le détourner de la manière suivante. Otez la vue et l'ob- jet de la chose aimée, de peur qu'il ne fixe son regard sur vous et que les lumières ne se joignent aux lu- mières, et après, pour en ôter la cause, ôtez en peu à peu la conservation, empêchez aussi l'oisiveté, mais 218 LA MAGIE NATURELLE chargez l'entendement de la personne aimée de graves soucis. Après, jetez son sang, sa sueur, et tous ses ex- créments, afin qu'ensemble toutes ces choses nuisi- bles soient poussées au loin par le vent. On trouve aussi des médicaments contre les premiers maux. Mais si le maléfice procède des yeux, vous vous en rendrez compte de la manière suivante : la personne offensée perdra sa couleur, elle ne lèvera jamais les yeux, mais les tiendra toujours baissés, elle soupirera souvent, et son cœur sera étreint d'angoisse, sans qu'on aper- çoive aucun symptôme de mal, et elle versera des lar- mes salées et amères. Or, pour la délivrer de cet ensor- cellement et parce que l'air qui l'environne est conta- gieux et contaminé, qu'on lui apphque des parfums odoriférants, afin qu'ils purifient l'air; vous obtien- drez le même résultat en l'arrosant d'eau distillée, de canelles, de girofles, de musc et d'ambre. Par ce moyen, l'ancienne coutume s'est étendue jusqu'à nous, et les femmes ont retenu ceci, à savoir que si elles remar- quent que les enfants aient pris quelqu'objet nuisible, pour les purger de ce mal, elles les parfument d'encens ; puis elles les gardent et les font séjourner dans une atmosphère claire et pure, et leur pendent au cou des pierres précieuses, comme une escarboucle, une hya- cinthe, ou un saphir et Dioscoride estime que l'aloès pendu en la maison ou la valériane servent de médi- cament secourable pour ce mal. Toutefois il sera utile de flairer souvent l'hysope et le lys. Il sera bon aussi de porter un anneau façonné de la corne d'un pied d'un âne domestique, et d'orchis, qu'on appelle en notre idiome vulgaire couillon de chien. Aristote loue la rue, pour obtenir de l'efficacité à cet égard. En somme, toutes ces choses ralentissent et annihilent LA MAGIE NATURELLE 219 même la force des charmes. Nous avons écrit dans ce livre toutes celles qui étaient éprouvées par la voie de l'expérience et même les autres, plus incertaines, mais qui nous ont semblé cependant conformes à la vérité. LIVRE TROISIÈME Chapitre Premier Des extractions de l'eau et de l'huile et de plusieurs opérations qui entrent communément dans ce travail. Il nous a semblé bon de mettre premièrement en avant quelques opérations, qu'on peut lire en passant, afin que les choses que l'on enseigne procèdent par ordre et ne soient pas cherchées ailleurs. Et comme dans notre ouvrage nous avons fait mention de la distillation et des vaisseaux ou vases propres à cette distillation, afin que cela ne soit ignoré, nous avons jugé convenable d'en traiter en ce moment. Certains philosophes modernes ont trouvé bon de tirer eau de toutes choses, de façon à ce que nous ayons de l'eau pure sans terre, comme du reste cela se peut faire. Car vous pouvez voir de l'eau distillée qui ne laisse point de mare ou de lie, et par cette eau plusieurs choses sont délivrées de leur putréfaction, surtout si nous avons besoin d'en boire. Premièrement, on prend un pot de terre, toutefois il sera préférable d'en avoir un de verre, concave, gros, et façonné en la forme d'une pelote, ou finissant sa rondeur en pointe, comme une LA MAGIE NATURELLE 221 poire, et qui ait un col long, auquel il faut accommoder un bouchon ou chapeau, pour que la braise, étant mise dessus, les choses qui y sont encloses se résolvent en petites vapeurs, remplissent toutes les parties vides et s'élèvent. Car sitôt que cette épaisseur vaporeuse aura touché la froideur du chapeau, et rencontrera le verre, elle s'amasse en rosée sur les bords de celui-ci, et en- suite, dévalant par la voûte du chapeau, tombe en eau, et par un canal ouvert, coule en larges ruisseaux ; le réceptacle posé au-dessous la reçoit ensuite. Les chimistes appellent cela un distilloir ou alambic. Plu- sieurs, de peur que la mauvaise odeur n'offense ceux qui viendraient à boire de cette eau, mettent cet instru- ment dans un vaisseau plein d'eau bouillante, par le- quel on tire une eau plus claire; cet instrument s'ap- pelle un bain. Vous tirerez également une eau bien claire, si vous accommodez ces vaisseaux de terre dans quelque pot de terre, en telle sorte que le col sorte dehors, puis vous ajouterez un vaisseau de cuivre plein d'eau chaude, afin que par la vertu de la fumée qui s'élèvera, ne pouvant sortir par ailleurs, on tirera ingénieusement de là une eau, qui sera la meil- leure de toutes les eaux potables. Il y en a qui lient ce vaisseau de verre en un pot de terre vide, en telle sorte qu'il n'en touche aucun des côtés; et bouchant l'orifice de celui-ci, y laissant seulement une ouver- ture par laquelle le col puisse passer, et ainsi l'eau s'échauffant fort et échauffant l'air, résoud en va- peur, les choses contenues dans ce vaisseau. Choisis- sez donc la manière qui vous paraît la plus commode ; pour nous, il nous suffira de vous en avoir indiqué quel- ques-unes. — Il y a bien encore d'autres vaisseaux dont on use ; voire même il en est en nombre presque 222 LA MAGIE NATURELLE infini. Toutefois si la chose est rebelle et obstinée à la distillation, on a coutume de la putréfier et de la mé- langer avec de la fiente de cheval, qui garde toujours une chaleur uniforme. Il est bon cependant de la re- nouveler de cinq en cinq jours, puis on l'expose au so- leil à l'aide d'un miroir concave. Nous tirons encore souvent de l'eau de cette manière, à savoir en enfouis- sant l'alambic dans le marc des raisins et encore en le posant sur des cendres chaudes ou allumant en dessous des charbons de genévrier, car plus le bois est épais, plus le charbon allumé dure longtemps. Maintenant, il nous faut en venir aux opérations que nous avons annoncées. Comment on pourra faire de Vhuile de talc. Cette opération est si ardue et si difficile, au juge- ment de plusieurs, qu'ils estiment qu'il leur est im- possible d'en venir à bout. Toutefois, si vous avez be- soin de la faire, voici comment vous vous y prendrez. Vous mettrez votre talc dans un petit sac, avec du gra- vier qu'on trouve sur les rivages des rivières et qu'on voit souvent dans les fleuves; après, faites les forte- ment agiter et secouez-les jusqu'à ce qu'ils se trans- forment en une poudre fort menue. Après que vous aurez fait ce qui est dit ci-dessus, accommodez votre mixture dans un pot de terre crue qui soit d'épaisseur et de force suffisante, puis bouchez-le avec un cou- vercle, et entourez-le de cercles de fer, et après que vous l'aurez enduit de terre de potier, exposez-le au soleil pour le faire sécher, puis mettez-le dans une fournaise de pierre, d'où les flammes sortent avec une grande force et une extrême violence, ou ailleurs, pour- vu qu'il y ait un feu très vif, et après que la fournaise LA MAGIE NATURELLE 223 aura cessé de brûler, ôtez votre pot et rompez-le, si vous voyez que votre talc est bien calciné; mais s'il en est autrement, réitérez encore une fois l'opération. Après que la chaux sera devenue fort blanche, broyez- la avec un marbre de porphyre, et posez-la dans un autre sachet, ou dans un marbre en un lieu fort hu- mide, comme un puits bien profond ou une citerne et laissez-le séjourner là très longtemps. Vous le verrez couler goutte à goutte, puis posez-le dans un vase de verre, comme ceux dont se servent les alchimistes pour l'extraction des huiles ou des eaux, et ainsi par la force du feu, vous recevrez la liqueur désirée, car il se ré- soud en eau plus facilement et plus tôt, s'il a été brûlé plus parfaitement et plus longtemps; les parties cal- cinées devenues plus subtiles par le feu, se mêlent avec les eaux et se confondent avec elles. Pour extraire de Vhuile ou de Veau du soufre. Voici la manière de procéder. Ayez un vaisseau de verre qui ait un goulot large et soit concave, et fa- çonné en la forme d'une cloche, et après que vous l'au- rez enduit de terre grasse, mettant au-dessous un pied de fer, qu'il soit pendu à un fil. Plus bas vous pose- rez un large réceptacle afin qu'il reçoive l'huile décou- lant des bords de la cloche, au milieu duquel appliquez un vaisseau de terre ou de fer, plein de soufre. Mettez- y le feu et pendant qu'il brûlera, mettez-le dans un autre vase; la liqueur s'épaissira en liqueur d'huile et découlera des bords de la cloche. Cette huile est bonne pour blanchir les dents et pour les nettoyer, nous vous en donnons l'assurance. Puis, voici un autre cas : pre- nez du soufre vif, qui n'aura point senti le feu, et mê- 224 LA MAGIE NATURELLE lez-le avec une égale portion d'huile de genièvre et tirez-en l'huile par le feu, pour en user selon vos be- soins. Pour tirer Vhuile des œufs. Voici la manière de le faire. Mettez une poêle ou un autre vase large et ample sur le feu et jetez-y vos œufs, les mêlant souvent et les remuant avec une spatule, de peur qu'ils ne brûlent, puis après qu'ils seront réduits en poudre, faites-en sortir l'huile par le pressoir; gar- dez ensuite l'huile dans un vase ou vaisseau de bois. Ou autrement, si vous le préférez, laissez-les bouillir et devenir durs et ainsi vous en tirerez l'huile. Mais quant aux mélanges et compositions ignées et faciles à enflammer, vous pourrez faire une autre huile : mêlez ensemble plusieurs jaunes d'œufs, avec la moitié de soufre vif et mettez-les sur le feu dans une poêle; quand vous verrez une certaine fange, ou écume ou crasse, ou quelque chose d'huileux nageant sur la sur- face, gardez-la, car ce sera là l'huile que vous cherchez. Vous ferez aussi de l'huile de résine ou gomme de té- rébenthine et de miel et ainsi de beaucoup d'autres sortes. Mettez votre résine dans un vase sur un petit feu parce qu'un grand feu ferait monter et mettrait le feu dans le vase. Par quel moyen on peut tirer Veau de Vargent vif. Prenez un pot ou vaisseau de terre, qui ait un ventre gros et rond, mais le col un peu aiguisé pour qu'à la partie supérieure de l'orifice on puisse accommoder un chapeau en verre. Après cela, enduisez de terre de LA MAGIE NATURELLE 225 potier les soupiraux, afin que le vif argent, s'évanouis- sant en vapeurs subtiles, ne puisse respirer. Cela fait, mettez au-dessous du canal ouvert un vaisseau, pour qu'il puisse recevoir la liqueur, puis faites que d'un côté il y ait un vaisseau ouvert, dans lequel l'argent vif puisse être reçu. Tout cela doit être échauffé par le feu, et par un entonnoir ou un autre instrument, vous épandrez et ferez couler votre vif argent dedans, et le boucherez incontinent avec de la terre à potier, de telle façon qu'elle soit bien appropriée à la partie qu'il conviendra. Alors, après qu'il aura bien tonné et fait un pet, il se résoudra en vapeur et peu à peu s'épais- sissant, s'écoulera dans le pot de terre qui sera fixé au-dessous. Chapitre Deuxième De raffinement ou sublimation, calcînation ou réduc- tion en chaux, et autres choses nécessaires à cet effet. Maintenant il nous reste à enseigner comment on pourra sublimer et calciner, choses que nous trouvons et qui nous semblent en tout et pour tout être néces- saires à nos opérations, dont nous n'avons pas encore parlé ci-dessus, mais dont nous allons parler briève- ment maintenant. Nous parlerons d'abord de la subli- mation. Comment nous devons affiner ou sublimer. Afin qu'à l'imitation de cet effet, vous appreniez à faire l'orpiment et autres choses, parce que nous voyons quelquefois les choses se corrompre et qu'elles se font 15 226 LA MAGIE NATURELLE noires et se souillent, et que cela arrive selon leur diversité, d'autant que cela se fait quelque- fois par les parties terrestres qui abondent en elles, nous les.purgerons et les nettoyerons, ce qui ne se peut faire que par le seul affinement. Premièrement, pilez et broyez votre orpiment, ou autres drogues, le plus menu que vous pourrez, puis jetez-le dans un pot de terre qui soit verni etépandez-y l'huile si abondamment qu'il surmonte environ d'un tiers, laquelle huile vous mêlerez avec un bâton, afin qu'elle ne demeure ou ne s'attache au fond. Après qu'il sera séché, broyez-le encore et faites comme nous l'avons enseigné ci-des- sus, avec du vinaigre et de la lessive forte. Finalement que la poudre avec du tartre, de la chaux vive et des raclures d'airain soit enclose dans un vaisseau de verre long et voûté, et qui ne soit pas empli jusqu'au bord, mais seulement jusqu'au milieu. Après cela, que le ven- tre soit muni extérieurement de fange ou de terre grasse^ puis exposé au soleil, et laissez l'y séjourner jusqu'à ce qu'il soit bien séché et qu'il puisse résister au feu. Gela fait, posez-le dans un fourneau, toutefois ne bou- chez point l'orifice du pot, afin que l'esprit étant clos, il ne s'étrangle et suffoque. Qu'au dessous du vaisseau, il y ait un petit feu, qu'on laisse peu à peu croître en six heures, et que finalement il rougisse et par la force du feu la partie fugitive descendera dans les chambres du vaisseau et là il résidera et s'amassera en argent blanc. Cela fait, rompez le vaisseau, et tirez-en la ma- tière que vous garderez pour vos besoins. Autant en advient en la descente, car plus facilement elle coule en contrebas; mais si les corps sont pesants et massifs, qu'ils soient ajoutés à d'autres plus légers, afin qu'elle monte plus légèrement. Telle est la manière d'affiner. LA MAGIE NATURELLE 227 dont VOUS userez en toutes autres choses, car elles ne diffèrent guère Tune de l'autre. Pour cultiver ou iourner le vif argent en chaux ou en quelqu'autre métal. Composez un amollissement de raclures d'argent, ou de vif argent, mis au triple, et après vous le polirez et aplanirez fort avec un marbre de porphyre en sel commun. Lorsqu'il sera parfaitement uni, mettez-le en un vaisseau de terre qui soit tors, afin que la ma- tière monte plus facilement. Cela fait, mettez-le sur le feu, et par la force de celui-ci, le vif argent, par les tuyaux, s'écoulera dans le réceptacle, puis vous frotterez ce qui sera demeuré au fond du vase d'eau douce, en y épandant toujours de la nouvelle eau jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune trace d'humeur salée, et que votre matière ait perdu toute sorte d'amertume. Et lorsque l'eau sortira tout à fait douce, alors la calcination sera faite. Il y a encore une autre manière d'arriver au mê- me résultat. Faites liquéfier ou dissoudre votre vif argent dans de l'eau-forte, comme le font communé- ment les orfèvres, et mêlez-y de l'eau de fontaine, que vous renouvellerez jusqu'à ce que le sel commun soit consommé, et par ce moyen vous verrez le vif argent remplir la partie basse du vaisseau. Après sucez ou tirez-en l'eau avec un pinceau, mettez cette chaux en un pot de terre sur de la braise bien embrasée, puis en- levez la salure avec force d'eau douce. Vous renou- vellerez cela jusqu'à ce que vous constatiez que tout s'en est allé. Par ce moyen vous transformerez l'ar- gent en chaux et en cire, et ayez soin que les raclures mêlées avec le vif argent, sublimé, soient bien adroite- 228 LA MAGIE NATURELLE ment posées dans un vaisseau de verre, approprié à cet effet; puis posez-le sur la braise ardente, jusqu'à ce que la force du feu chasse dehors le vif argent, et vous le trouverez dans la partie la plus basse du vaisseau, fixe, et comme cire propice aux pierres précieuses. Pour faire tourner le plomb ou élain en chaux. Faites fondre votre plomb ou étain dans quelque vaisseau de terre ou de fer, puis jetez-y du sel pulvé- risé aussi menu que possible, en le tournant avec l'é- corce, le tronc ou la vergette du coudrier, de façon à ce que les parties qui adhèrent les unes aux autres se sé- parent et se forment en grains semblables aux grains de millet. Ou bien, le plomb ou étain étant fondu, faites-les passer par les trous fort étroits d'un crible, dans de l'eau froide et vous en formerez comme des petits vermisseaux. Puis, il faudra recommencer l'opé- ration, jusqu'à ce qu'ils deviennent les plus menus possible. Plongez alors cette poudre dans de l'eau bouillante, la renouvelant jusqu'à ce que cette eau, ayant vaincu la force du sel, commence à s'adoucir et que peu à peu la salure disparaisse tout à fait. Vous mettrez ensuite votre matière dans un pot de terre et la déposerez dans une fournaise où l'on cuit les tuiles ou bien où l'on fond le verre, pendant trois jours, et vous le trouverez calciné. Vous pouvez encore le faire de la manière dont l'en- seigne Geber, Faites fondre et liquéfier votre étain ou plomb dans une coupe ayant un large orifice, raclant la superficie ou crasse avec un fer crochu, afin qu'il dé- pouille sa peau superficielle, et continuant cette opéra- tion jusqu'à ce que vous le trouviez tout réduit en LA MAGIE NATURELLE 229 poudre ou en cendre. Après, mettez-le dans une outre de terre et fourrez-le dans une fournaise, jusqu'à ce qu'il se change en chaux blanche. Si bon vous semble, vous pouvez encore le faire de la manière suivante. Faites fondre voire plomb dans une coupe ouverte, qui ait un large orifice et soit tout enduite et couverte de terre grasse, et remuez-le sans discontinuer, pendant le quart d'un jour, à l'aide d'une spatule, jusqu'à ce qu'il se tourne tout en poudre. Après, mettez-le dans un pot de terre sur le feu, pendant une journée et vous le verrez bientôt blanchir. Ensuite, passez-le par un crible de soie et l'opération est faite. La manière de cuire Vairain Ce sujet a été traité par plusieurs auteurs, mais je ne trouve pas qu'en aucun endroit, que je sache du moins, on parle de l'antimoine. Voici comment il vous faudra procéder. Fondez votre airain dans un pot ou vaisseau destiné à cet usage, avec une égale portion d'anti- moine; puis ajoutez-y encore autant d'antimoine et épandez ensuite le tout sur un marbre bien uni, afin qu'il se refroidisse et qu'il se réduise plus aisément en larmes. Après vous creuserez deux tuiles, afin que les deux larmes puissent s'y accommoder; puis couvrez les avec une autre tuile et entourez le tout de liens de fer, et de fange ou terre grasse. Lorsque le tout sera séché, fourrez-le dans un fourneau de verre et laissez-le séjourner là pendant une semaine, jusqu'à ce qu'il soit parfaitement brûlé; puis ôtez-le et accommodez-le à votre usage. 230 LA MAGIE NATURELLE Pour tirer le vif argent du plomb. Jetez des raclures de plomb bien tendres et fines dans une eau bouillante, où il n'y ait pas trop d'é- cume, y ajoutant un peu de sel de lie, ou tartre, ou cendres gravelées et une pincée de sel commun et que l'eau dépasse d'un quart le plomb; après cela bouchez l'orifice du vaisseau et enfouissez-le dans du fumier. Ensuite, quand vous l'en aurez retiré, posez votre ma- tière dans un vaisseau de verre tors, afin qu'elle ne monte pas trop; puis mettez-le feu dessous et vous verrez le vif argent, tourné en gouttelettes sous l'ac- tion de la distillation de l'eau, monter. Lorsque vous aurez constaté tout cela, vous augmenterez encore l'intensité du feu et vous retirerez le vif argent. Le sel de lie ou tartre, et que vulgairement on appelle cendres gravelées, se fait aussi de la sorte. Il faut choisir de la lie de vin vieux, que vous sé- cherez avec soin; vous la ferez brûler dans un pot de terre neuf, à grand feu, jusqu'à ce qu'elle ne brûle plus. Vous vous en apercevrez lorsqu'elle deviendra blanche d'une blancheur airée et qu'elle semble brûler la langue, quand on l'en approche. Après, vous dis- soudrez ce sel dans de l'eau chaude et le passerez avec l'étamine et l'outre neuve par un feu lent, qui fera sor- tir toute la vapeur et laissera le sel au fond. Autrement, vous tirerez le vif argent du plomb d'une manière plus aisée encore. Que le fond du pot de terre plein de petits trous soit posé dans un autre vaisseau, et remplissez les interstices de terre grasse bien adhérente, puis ense- • LA MAGIE NATURELLE 231 vclissez-le dans une fosse étroite, de la capacité du pot. Cela fait, couvrez la terre que vous foulerez des pieds, mais l'outre vide, vous la remplirez jusqu'au milieu de chaux qui n'a pas encore été mouillée, puis limez votre plomb, et étant pilé bien menu, vous le sèmerez. De rechef vous remplirez cette outre de chaux vive, de sorte que le plomb soit colloque au milieu et répan- dez par dessus de l'urine de petits enfants : et ainsi ayant bouché ce vaisseau, faites dessous un gros feu et puis vous l'ensevelirez de toutes parts et vous l'y laisserez séjourner pendant une journée entière. Car par suite de l'intensité du feu, l'argent vif descendra par les trous du fond du vaisseau, dans lerécipient placé au-dessous de celui-ci et donnera comme quantité la sixième partie du plomb. Pour tirer iesprii de Vélain. Pour arriver à ce résultat, vous mettrez la limaille ou sciure d'étain avec un égal poids de salpêtre dans un pot, au-dessus duquel vous accommoderez sept pots ou davantage, si bon vous semble, tous perforés, et vous en boucherez les trous avec de la terre grasse. Au-des- sus de tous ces pots vous mettrez un vaisseau de verre, l'orifice en contrebas, ou avec le canal ouvert avec un plat mis au-dessous. Puis, mettez le feu dessous et vous entendrez le bruit du métal qui s'échauffera et ainsi l'esprit se dissipera en fumée et le trouverez dans les voûtes du vaisseau de verre. Et pour ne pas dépenser beaucoup de temps en limant l'étain, mettez dedans de l'étain fondu, la moitié de vif argent et broyez le tout en un mortier et incontinent vous l'aurez en poudre et l'esprit se dissipera, et vous aurez du vif argent fixe 232 LA MAGIE NATURELLE et arrêté. Toutefois si vous percez de côté l'instrument de terre, vous jetterez plus commodément et peu à peu votre matière et puis vous le boucherez. Pour extraire Vespril de Vaniimoine. Prenez du Stybium, que les apothicaires appellent de l'antimoine et broyez-le finement avec des meules à main, puis posez-le dans un pot de terre neuf et au- dessus de charbons ardents, de sorte que ce pot soit si bien échauffé qu'il rougisse de toutes parts. Cela fait, vous ajouterez encore de l'antimoine, le double de sel de tartre, et quatre fois autant de salpêtre, le tout très bien moulu et broyé et le jetterez peu à peu dans le ré- cipient. Lorsque la fumée s'élèvera, vous boucherez votre pot avec le couvercle, de peur que cette fumée ne s'envole. Finalement, levez votre pot de dessus le brasier, et jetez-y encore de l'antimoine, jusqu'à ce que toute la poudre soit brûlée, puis laissez-le sur le feu quelque temps encore. Ensuite, laissez-le refroidir, et en levant les lies qui seront dessus, vous trouverez un vif argent dissous et au fond, ce que les chimistes ap- pellent regulus, qui ressemble au plomb et qui du reste se transforme facilement en ce métal, ainsi que Disoco- ride le dit. Chapitre Troisième Comme la qualité frangible est ôtée et réduite en corps, et la couleur tirée en peau. Il m'a semblé bon d'ajouter quelques autres choses qui sont nécessaires, car en fardant et falsifiant les mé- taux, souvent il est utile de les connaître, et nous avons LA MAGIE NATURELLE 233 voulu, par notre labeur, soulager l'ouvrier dans son travail. Par suite de l'expérience que nous en avons, nous rendrons les métaux plus beaux et plus parfaits. Nous enseignerons donc ici ce qu'il est expédient de sa- voir à ce sujet. Comment on pourra tirer en peau Vor^ le plus noble de tous les métaux. Ainsi en parlent les ignorants chimistes, car ils pensent qu'attirer en dehors par leurs impostures les parties qui gisent au milieu de ce métal et que les par- ties plus nobles et intérieures sont composées seule- ment des plus viles. Mais ils sont loin de la vérité, parce que les parties plus molles ou lâches gisent au contraire en la superficie et le vif argent est attiré de- hors. Car en rongeant il consume toutes les choses qui entrent dans la médecine, de sorte qu'elles demeurent plus dures, au moyen de quoi on les polit et les blanchit, amenées peut-être à ce point par la foi des monnaies anciennes, dans lesquelles est enclos le pur métal et dehors apparaît le simple argent. Mais ces choses sont ainsi conjointes et fondées, bat- tues au marteau et puis frappées au coin. Toutefois c'est chose fort difficile de pouvoir expédier ceci avec un travail semblable et j'estime même que cela ne se peut faire. Or, les choses qui polissent sont telles : le sel com- mun, l'alun, le vitriol, ou couperose et l'airain pur, et pour l'or, le vert-de-gris seulement et le sel ammo- niaque. Lorsque l'on veut mettre la main à l'œuvre, on réduit une partie de ces drogues en poudre et on les 234 LA MAGIE NATURELLE met dans un vaisseau enduit tout autour de terre de potier et couvert, y laissant seulement ouvert et pé- nétrable un petit soupirail. Puis on les met sur un petit feu où on les laisse brûler. Toutefois, de peur que le métal ne se liquéfie, n'attisez pas le feu avec les souf- flets. Or, quand les poudres sont brûlées, on le sait par la fumée qui s'échappe. Si le métal s'enflamme au feu, jusqu'à ce qu'il soit tout à fait embrasé, les ou- vriers le plongent ainsi enflammé dans les choses sus- dites. Voici une autre manière d'arriver au même ré- sultat. On l'accommode en vinaigre jusqu'à ce qu'il devienne comme des raclures, de la boue ou de l'or- dure et après que vous aurez enveloppé de linge votre ouvrage, il le faudra poser dans un pot de terre plein de vinaigre et le cuire longuement et tiré de là, vous le jetterez dans l'urine, puis le laisserez de rechef bouil- lir avec du sel et du vinaigre, jusqu'à ce qu'il ne sorte plus d'ordure et les laides taches du médicament soient effacées. Si vous ne le trouvez assez blanc, usez encore une fois du même procédé, jusqu'à ce que votre ou- vrage soit parfait. Ou bien encore, voici une autre ma- nière de procéder. Laissez bouillir votre ouvrage avec du sel, de l'alun, plein d'eau et alors que toute la sur- face aura pris une couleur blanche, laissez-le reposer un peu ; puis faites-le bouillir pendant trois heures, avec d'égales portions de soufre, de salpêtre et de sel, de sorte qu'il pende au milieu de ces ingrédients et ne touche aucunement aux côtés du vaisseau; ensuite ôtez-le. Après cela, vous le frotterez fort avec du sable, afin que la vertu du soufre s'évanouisse; cela fait, vous le ferez bouillir de rechef, comme cela été dit ci-dessus et par ce moyen, il deviendra extrêmement blanc. LA. MAGIE NATURELLE 235 Chapitre Quatrième Gomment on peut rendre tout métal plus pesant que son poids naturel. Souvent on demande aux chimistes et à ceux qui sont versés dans cette étude, comment il se peut faire que l'argent augmente au poids de l'or, et que chaque métal surmonte son poids naturel. Nous qui avons pris la charge d'enseigner dans ce traité la pratique de faire facilement et à peu de frais les choses qu'ils font avec de grands efforts et des dépenses considérables, nous allons donner à ce sujet des notions et des indications que nous jugeons utiles. Commençons donc de la manière suivante : Certains tiennent l'argent réduit en feuilles tenues et déliées dans du sel et des vieilles coquilles sur le feu, à ce qu'ils le garantissent, du moins en partie, de toute humidité, et les parties qui amènent les poids devien- nent épaisses. Il vaut mieux encore faire comme ceci : arroser l'argent aplati et réduit en petites lames de vermillon, ou de cinabre et de vif argent affiné, dans un vaisseau réfractaire au feu, et lequel soit au-dessous ceint, environné et enduit de terre grasse et de cercles. Après cela allumez du charbon et tenez-le au milieu pendant une journée entière puis jetez dehors les pe- tites lames dans un canal de cendre qui blanchissent au feu et dans du plomb fondu et par la force des souf- flets, ils rejettent le plomb qui va au fond, aux extré- mités du réceptacle, attirant avec lui les ordures et laissant l'argent pur de tout alliage. Si vous le trouvez fort pesant, de rechef faites encore la même opération, 236 LA MAGIE NATURELLE jusqu'à ce qu'il égale le poids de l'or. Nous pouvons en- core faire ceci autrement et augmenter l'argent. On répand un fort vinaigre distillé dans un petit vaisseau, puis on prend de l'antimoine brisé et du plomb limé qu'on broie et passe par le crible; ce qui ne peut passer est remis dans le mortier et on le broie de rechef, afin qu'il se crible plus finement. Gela fait, on jette le tout dans du vinaigre distillé et on l'enfouit dans du fumier, jusqu'à ce que tout soit dissous. Puis mettez le vaisseau au feu et tirez en l'eau à plusieurs reprises. Comme l'en- seigne Geber, en le calcinant et le réduisant de nou- veau en corps, il acquerra beaucoup de poids. Pour faire que l'or croisse et augmente beaucoup. Qu'il soit formé en un vaisseau ou autrement, si la grandeur ne répond pas au poids, vous frotterez avec les mains ou les doigts l'or avec de l'argent fluide et vous continuerez cet exercice jusqu'à ce qu'il ait bu tout l'argent, et qu'il ait le poids désiré. Après, vous préparerez une lessive forte de soufre et de chaux vive, et avec l'or vous la jetterez dans un vaisseau à large orifice, sous lequel vous mettrez de la braise légère et l'y laisserez bouillir sans cesse, jusqu'à ce que l'or ait repris sa couleur primitive, et lorsque cela sera fait, vous l'ôterez du vaisseau et vous aurez ce que vous désirez. Si vous voulez que Vun et l'autre froisse, voici une très bonne recette. Si vous faites cette opération comme il convient, vous rendrez l'or assez pesant et sans qu'il cesse à être LA MAGIE NATURELLE 237 bon pour le buriner et le graver et sans lui ôter sa forme. Prenez des quarteaux anciens d'un sel très rouge, que l'on vend partout dans ce pays, et de la poudre ardente de vitriol ou couperose préparée, et répandrez dans un vaisseau de forme commode. Après vous pulvériserez votre argent soit avec de l'eau-forte, ou en le calcinant et cela fait, épandant l'or avec la poudre, vous en remplirez votre vaisseau et le boucherez. Vous allumerez du feu dessus, que vous laisserez brûler pendant le tiers d'une journée; toutefois gardez-vous bien de le travailler à l'aide du soufflet; puis vous l'ôterez et avec la poudre seule et sans chaux d'argent vous renouvellerez votre matière et l'emplirez. S'il arrive que l'or perde sa couleur, vous la rétablirez de la manière suivante. Vous ferez un mé- lange ou composition de salpêtre, de sel ammoniaque, de vitriol et de tuiles menues avec de l'urine : vous en couvrirez l'or, et le mettrez sur un petit feu. On a cou- tume aussi de le faire d'une autre manière. Faites-le bouillir dans le vinaigre, le sel ammoniaque, le vert-de- gris, le tartre ou cendres gravelées jusqu'à ce qu'il ait retrouvé sa couleur perdue. Mais s'il devient fort relui- sant et que vous désirez qu'il le soit moins, vous le laisserez tremper dans l'urine et le laisserez refroidir sur une lame rouge. Vous brûlerez aussi le vitriol ou couperose pour le rendre très ardent, de la manière suivante : mettez le dans un vaisseau, et tout envi- ronné de charbons, faites-le cuire jusqu'à ce qu'il se change en une couleur très vive. Nous pouvons encore obtenir le même résultat à l'aide de raclures d'airain, qui pourront servir au lieu d'argent et acquérir un fort grand poids. On peut aussi faire comme il suit : pre- nez des tailles ou carreaux anciens et après que vous 238 LA MAGIE NATURELLE les aurez fait rougir au feu, trempez-les dans de l'huile, puis broyez-les et mêlez-les avec du vif argent, ensuite aplanissez le tout avec un marbre et posez-le dans un vaisseau de verre sur le feu et retirez-en l'huile; de la sorte le poids du métal croîtra. Mais l'or s'augmentera encore davantage, si vous faites fondre le double d'ai- rain avec l'argent et que vous préparerez une poudre à savoir de salpêtre et de vitriol, et après les lamelles, la poudre et l'or qu'on doit augmenter seront posés dans un vaisseau à fondre qui soit très solide. Enfin, bouchez l'orifice du vaisseau avec de la terre grasse et mettez-le sur un feu lent pendant une demi-journée, puis ôtez-le et renouvelez l'opération jusqu'à ce qu'il soit arrivé à son juste poids. Nous vous avons enseigné la manière d'augmenter le poids de l'or et de l'argent, il nous reste maintenant à vous apprendre la manière de diminuer le poids de ces métaux, sans dommage pour la forme de la gravure. Comment l'or et Vargenl se pourront diminuer, sans en- dommager la forme ou gravure. Certains ont coutume de faire cela avec de l'eau- forte, mais l'eau-forte rend l'ouvrage scabreux et le macule de petits gonflements et de petites fossettes. Faites-le plutôt de la manière suivante. Vous saupou- drerez votre travail de soufre, et tout à l'entour vous y mettrez une chandelle ardente, ou bien vous mettrez le feu par dessous, et peu à peu elle se consumera. Après, avec un marteau, jetez-la en la partie opposée, et elle tombera de même quantité que vous voudrez, et vous en userez comme de soufre. LA MAGIE NATURELLE 239 Chapitre Cinquième De l'air et des médicaments de l'air, du premier ordre. Premièrement, ici on enseigne les choses qui peu- vent donner de la couleur aux corps métalliques, qui les fardent et les falsifient, non pas pour toujours ce- pendant, car peu à peu les couleurs s'évanouissent et passent, ne pouvant résister à toute touche ou épreuve. Mais comme il existe beaucoup d'ouvrages où l'on traite de ces matières, nous écrirons seulement sur les choses qui sont faciles à appareiller. Or, pour entrer en matière et parler des choses qui principalement blanchissent l'airain, il convient de savoir que ce sont les suivantes : l'arsenic, le vif argent, l'argent que les Grecs appellent Lythargiron, la pierre pirite, l'aimant, l'argent vif sublimé, le tartre ou cendres gravelées, le sel ammoniaque commun, que les Arabes appellent Alhali, salnitre ou salpêtre et l'alun. Mais s'il arrive que l'airain embrasé est éteint par la liqueur dissoute de l'une ou l'autre de ces substances, ou de toutes en- semble, qu'il soit mis avec elles dans un vaisseau à fondre et tenu longtemps sur le feu, afin qu'il soit rendu coulant. Il en recevra par ce moyen une si mer- veilleuse blancheur qu'il semblera être de l'argent. Mais pour que vous puissiez à votre tour user du pro- cédé que nous vous avons enseigné, nous ajouterons ici quelques exemples. Comme en somme la théorie est plus facile que la pratique, il convient que l'opération effectue réelle- ment ce que la parole a enseigné et décrit. Faites blan- chir un pot de terre sur les charbons, puis jetez-y du 240 LA MAGIE NATURELLE plomb, et lorsque vous verrez que la force du feu l'aura fondu, vous y répandrez la troisième partie de cet arsenic (qui reluit et est transparent comme du cris- tal) réduit en poudre, que vous éparpillerez petit à petit, jusqu'à ce qu'il brûle et s'écoule, comme de l'huile, par la superficie. Après cela, cassez votre pot et raclez l'huile amassée en la superficie et ôtez éga- lement la cendre que vous y trouverez. Broyez cela et l'airain blanchira. Si vous désirez qu'il prenne couleur d'argent, faites fondre votre argent avec une petite masse d'airain, tenez-le sur le feu, mais pas trop long- temps, et vous aurez ainsi un argent bien blanc, mais qui cependant sera faux. Vous pouvez aussi faire un mélange ou composition de raclures d'airain et de vif argent, mettez le tout dans un vaisseau de verre et faites en sorte que le vif argent s'évapore au feu et l'ai- rain demeurera blanc. De même, si vous broyez du sel ammoniaque et des coques d'œufs et en retirez l'eau, l'airain qui y aura été plongé sera d'une merveilleuse blancheur. Autre exemple pour faire blanchir l'airain. Faites piler de l'arsenic, du sel et du tartre avec un marbre de porphyre, et le tout bien broyé, faites-le tremper souvent dans du vinaigre distillé. Après met- tez votre composition au soleil ardent et laissez-la sécher, puis de rechef faites la tremper et de rechef aussi sécher. Vous couvrirez ensuite cette composition d'un vaisseau et la ferez affiner par la force du feu, tant que ce que vous désirez se trouve attaché au col et aux chambres, ou petites voûtes du vaisseau, ce qui arrivera au bout de douze heures, et soudain le vi- LA MAGIE NATURELLE 241 triol fait, il se fera liquide, car il ne refusera point la fonte. Après ajoutez-y la moitié de vif argent, que vous mêlerez bien avec un bâton, puis le tout ayant été re- tiré de là, vous le broyerez fort avec un marbre de porphyre, y jetant aussi du vinaigre. Ce mélange étant séché au soleil, on le posera en un lieu chaud, de peur qu'il ne se liquéfie et se dissolve, et il donnera un très bon pseudogiron qui cédera à l'appréhension de la dent sans âpreté et endurera le marteau. Pour obtenir le même résultai par un autre moyen. Prenez du cuivre fort ressemblant à l'or, mais cepen- dant son ennemi, parce qu'il ne le peut imiter en au- cune façon comme le dit Populas, et vous le rendrez facilement blanc de la manière suivante. Faites bouillir des lames de cuivre dans un pot tout neuf plein de vi- naigre, pendant l'espace d'un jour, avec une égale quantité de vif argent, de sel et de tartre, sur lesquels vous répandrez de l'eau, mêlant toujours le tout avec un bâton, Or, faites que votre pot ne soit point de fer ou d'autre métal, mais de terre cuite, parce qu'un vase de fer gâterait tout votre mélange. Vous mettrez cuire cette composition jusqu'à ce qu'elle semble avoir pris une blancheur suffisante. Vous jetterez alors le vif argent que vous garderez pour votre usage. Quant aux petites larmes, vous les jetterez dans un vaisseau rebelle au feu, c'est à dire réfractaire, avec de l'arsenic et du tartre répandus tour à tour jusqu'à ce que vous ayez rempli votre vaisseau ; puis vous en boucherez l'orifice et l'entourerez de terre grasse, de peur que la fumée ne s'envole. Aussi la poudre de l'aimant blanchit l'airain; mais si vous 16 242 LA MAGIE NATURELLE cherchez un très bon exemple, jetez un égal poids d'ar- senic artificiel et de salpêtre dans un vaisseau, dont vous boucherez bien l'orifice et réduisez ce mélange en poudre. Lui aussi blanchira très bien l'airain. Pour rendre l'airain ou le cuivre argentin. Prenez du sel ammoniaque, de l'alun, du salpêtre, le tout de poids égal et mêlez ces substances avec un peu de limaille d'argent. Mettez le tout sur un bon feu jusqu'à ce que l'ébuUition se produise. Lorsque cette composition se sera refroidie, vous répandrez sur cette matière de la poudre ou la mouillerez avec de la sa- live, puis vous la broyerez entre vos doigts et vous ver- rez qu'elle imitera la couleur de l'or. Il y a encore un meilleur moyen d'arriver au même résultat. Faites dissoudre un peu d'argent dans de l'eau forte, plongez- y autant de tartre, et de sel ammoniaque, jusqu'à ce qu'il s'épaississe en forme de raclure; après, faites-en des pelotes et laissez-les sécher. De cette manière l'ai- rain ou un autre métal analogue, étant souvent ma- nié dans les doigts ou arrosé de salive, semblera ar- genté. Avec de l'argent vif, le même effet se produira mieux encore, car le métal deviendra merveilleuse- ment blanc. Gardez soigneusement ces métaux ainsi argentés, de peur que des choses aigres ou acides ne les gâtent, comme par exemple de l'urine, du vinaigre, du jus de citron, et autres substances semblables; car ils perdraient leur couleur et la supercherie serait dé- voilée. la magie naturelle 243 Chapitre Sixième Du fer et des médecines de fer, premier ordre. Premièrement, nous disons qu'il le faut avant toutes choses nettoyer de la rouille et de la paille, car il est plus sujet à se rouiller que tout autre métal; autant de fois on le cuira, autant de fois il rejettera de l'écume ou de l'ordure. Vous étendrez souvent les lames ténues, déliées et toutes ardentes du fer dans une forte lessive de vinaigre, à laquelle vous aurez ajouté du sel com- mun et de l'alun, jusqu'à ce qu'elles blanchissent, puis vous broyerez les raclures avec du sel dans un mortier. Vous changerez souvent le sel, jusqu'à ce qu'il n'apparaisse plus aucun signe de noirceur et que le fer se dépouille de toutes ses particules superflues, puis vous blanchirez les lames de la manière suivante. Faites un emplâtre ou composition de vif argent, broyez-la et mettez cette poudre dans un pot de terre avec les lames, bouchez-le et enduisez-le de terre grasse si bien que vous n'y laisserez aucune ouverture. Après, laissez-le sur un feu véhément pendant une journée, jusqu'à ce qu'il soit fondu, car la composition facihtera la blancheur et la liquéfaction. Et si le fondant descend au fond du vaisseau avec le plomb, vous y mêlerez de la pierre pyrite, de l'arsenic, ou toute autre substance dont nous avons parlé en traitant de l'airain. 244 LA MAGIE NATURELLE Pour teindre le fer et lui donner couleur d'or. Le safran que les Latins appellent crocum est ainsi dénommé à mon avis parce qu'il est d'un teint jaune doré; toutefois le fer opère très bien cet effet. Pour arriver à ce résultat, vous mettrez des lames de fer, mêlées à du soufre vif, dans un pot de terre, que vous garnirez de terre grasse. Vous les mettrez au feu et quand vous les retirerez, vous les trouverez friables et fort aisées à rompre. Pour la troisième fois, mettez-les dans un vaisseau qui ait un large orifice, vous y ré- pandrez du vinaigre fort et qui soit distillé, puis vous les étalerez au soleil, lorsque la canicule régnera. Si le fer n'est pas encore parvenu à sa rougeur voulue, sou- mettez-le encore aux rayons du même soleil ou dans un bain d'eau bouillante, et laissez-le là dedans jusqu'à ce qu'il rougisse. Après cela, enlevez toute cette hu- meur avec un linge, un pinceau ou une éponge ou mettez votre matière dans un autre vaisseau et de rechef ajoutez-y du vinaigre jusqu'à ce que toute l'hu- meur s'évapore. Alors ce qui demeurera dans le vais- seau imitera la couleur de l'or. Pour transmuer le fer en airain, de sorte qu'il n*y reste plus rien de la nature du fer. Il peut se teindre et se colorer avec de l'alun et du vitriol ou couperose. On dit que dans les monts Kar- pathes, en Hongrie, dans la ville de Smolinitium, il y a un puits duquel l'eau sort par trois canaux diffé- rents, et le fer qu'on y jette se transforme en airain, et si les morceaux sont menus et déliés, il se transforme LA MAGIE NATURELLE 345 mcme en boue ; et cela recuit au feu, revient en airain très pur. Mais il se change encore facilement de cette manière : mettez le fer dans un vaisseau à fondre, et après que, par un feu intense et très véhément, il sera échauffé tout rouge et commencera à devenir liquide et traitable, vous l'arroserez avec du soufre vif, puis peu à peu vous l'ôterez et le jetterez en petites ver- gettes et le ferez broyer, car il se froissera et s'émiet- tera facilement. Après cela, dissolvez-le dans une eau- forte composée de salnitre ou salpêtre laquelle, bouillie sur des cendres chaudes jusqu'à ce que, toute réduite en vapeur, elle s'envole en fumée, et la poudre qui restera se réduira en corps et vous aurez ce que votre cœur désire. Chapitre Septième Du plomb et des médecines du plomb du premier ordre. Ce serait chose ardue et bien difficile de transformer le plomb en un plus noble métal; toutefois il se teint facilement en rouge et en couleur d'or; mais de penser qu'on pourrait le transformer en vrai or, ce serait chose totalement difficile, vu qu'il est bien éloigné de la noblesse de l'or. Voyons toutefois ce qu'il est pos- sible d'en faire. Avant d'entreprendre quoi que ce soit, il convient qu'il soit très bien lavé, car il contient en grande abondance des particules de terre, mais lorsque vous l'aurez bien lavé, vous réussirez parfaite- ment à lui donner la couleur de l'or. Pour cela, pilez de l'airain très finement dans un mortier, puis passez- le dans un crible bien délié, faites-le même de cristal, et ensuite vous remplirez un pot de terre tout neuf 246 LA MAGIE NATURELLE de petites lames de plomb en faisant encore une couche, et mettant de la poudre de ce mélange dessus, puis encore une autre couche, jusqu'à ce que le vaisseau soit comble, de sorte que l'airain touche de toutes parts les côtés du vaisseau ; cela fait, mettez-y peu à peu le feu, puis par le vent des soufflets que le plomb fonde, et lorsqu'il sera un peu refroidi, vous séparerez l'écume. Après vous prendrez de la terre dite Cadmia, finement pilée et de la rouge, des raisins de passe, des figues sèches et des dattes, et les étendrez dans un vaisseau; vous y ajouterez de la racine du soucher ou de la petite chelidoine et apphquerez aussi vos lames à demi colorées. Puis vous boucherez l'orifice de votre pot, laissant toutefois une petite ouverture, et vous mettrez le feu dessous, un feu lent et peu fort, et vous l'y laisserez jusqu'à ce que la matière ait rendu toute son humidité. Ensuite, à force de souffler, pressez le feu et le faites fondre : puis, réduisez en vergettes. Ce mélange ne souffre point le voisinage de l'or. Mais la terre Cadmia deviendra rouge de la manière sui- vante. Quand les raclures du fer s'embraseront dans un chaudron, épandez-y du sel ammoniaque, mêlez le et jetez-le dans un mortier et broyez-le. Mettez-le ensuite quatre fois de suite sur le feu, à de courts intervalles et finalement, déposez-le dans un vaisseau où vous répandrez du fort vinaigre, puis vous en- fouirez ce vaisseau dans du fumier, où vous le laisserez croupir pendant un mois. Puis vous en ôterez le vi- naigre et avec ces lies ou excréments, vous arroserez souvent la terre Cadmia et elle deviendra rouge. Il y a encore un autre moyen de colorer. Prenez autant de limaille de fer que nous avons indiqué ci-dessus, puis ayez du safran et du vitriol en quantités égales ; met- LA MAGIE NATURELLE 247 tez le tout dans un mortier de bronze, y ajoutant en- core d'égales portions de pierre hématite et de soufre. Il faudra y ajouter la sixième partie de terre Cadmia artificiellement rouge et vous ferez que le tout soit pilé bien menu, et puis le mettrez sur le feu dans un vaisseau convenable, l'y laissant séjourner jusqu'à ce que toute l'humidité se soit évaporée. Cela fait, chauf- fez-le très bien, de sorte que cette force affine toute cette composition, une partie de laquelle mise sur quatre de plomb, les convertira en couleur d'or. Or, le plomb a une si grande affinité avec l'étain, que nous pouvons facilement transformer le plomb en étain. Cela se fera par un simple lavement, car quand il est souvent lavé, de sorte que les particules de terre disparaissent, nous l'avons souvent vu se transformer en étain. Car ce vif argent par lequel il était réduit en une substance pure, sans la moindre souillure, de- meure toujours adhérente au plomb, ou du moins il y demeure partiellement attaché, et cela suffit pour que le plomb se transforme en étain. Chapitre Huitième De l'étain, et des médecines du premier ordre. Il y a encore une autre espèce de plomb blanc, que l'on appelle étain, et qui en diffère bien peu, ce qui fait que souvent l'étain se tourne en plomb et le plomb en étain. Cependant l'étain est plus pur que le plomb. L'étain imite l'argent, car de sa propre nature il ac- quiert la couleur de l'argent. Il ne peut facilement blanchir les autres corps, mais il rompt ces corps et les rend friables et aisés à s'émietter en poudre, hormis 248 LA MAGIE NATURELLE toutefois le plomb. Efforçons-nous donc d'imiter l'ar- gent, ce qui se pourra faire aisément, si nous en ôtons la surdité du son, la crasse et la mollesse. Car ce métal, échauffé seulement, ne se fond point, mais adhérent au feu, il se liquéfie aussitôt. Nous enseignerons donc d'abord le moyen d'ôter la surdité du son et la mol- lesse. Le moyen d'ôter le cressinemeni ou surdité du son, et la mollesse. Il y a des auteurs qui estiment que cela peut se faire à l'aide de cendres, de chaux, d'huiles et d'eaux distillées, et non moins par bouillonnement. Toute- fois vous exécuterez ce travail bien plus commodé- ment de la manière suivante. Après que l'étain sera fondu au feu, jetez dedans du vif argent et mettez-le dans une bouteille ou un autre vaisseau, qui ait le centre fort large, et le cou long et grêle, et tors. En- suite faites-le bouillir au feu, et que l'intensité de celui-ci l'affine, et que le vif argent coule goutte à goutte par le col, de sorte qu'il disparaisse entièrement, laissant l'étain demeurer au fond. Faites cela trois ou quatre fois, jusqu'à ce qu'il ne donne plus aucun cres- sinement, non plus qu'une glace. Mais vous pourrez en- core faire la même chose d'une autre manière, en le calcinant, comme nous l'avons enseigné déjà dans une autre partie de cet ouvrage. Pour ôler la surdité de Vétain. Parce que l'étain mou est sourd de son naturel, il arrive qu'il cède facilement à celui qui le bat; mais LA MAGIE NATURELLE 249 joint à d'autres métaux, il se fait plus sourd et plus dur. Car il ne veut souffrir la compagnie d'aucun métal, si ce n'est du plomb, et rend tout autre friable. Tou- tefois vous pourrez accomplir cette opération de la façon suivante. Faites-le dissoudre dans de l'eau-forte, et cet argent étant bien purgé, vous le mêlerez avec du plomb et avec l'étain dans l'eau, et ayez soin que le vaisseau bouille à petit feu et que par l'intensité de la chaleur, l'eau se résolve en vapeur et finalement s'évapore complètement. Lorsque cette matière sera séchée, retirez-la et mettez-la dans un autre vaisseau, y ajoutant de nouveau de l'eau-forte, jusqu'à ce que le tout soit bien joint et incorporé. Mais s'il arrive que, fondu au feu, ce mélange s'obscurcisse, plongez-le dans le jus de l'herbe appelé pain de pourceau ou seau de Notre-Dame, et par ce moyen, vous aurez un étain doux, reluisant et très bon. Encore l'étain pourra-t-il se mêler à l'argent et à d'autres métaux, ce que je vois faire par plusieurs, qui font ainsi un argent faux d'un fort bel aspect. On peut transformer Vétain en plomb. De fait, on pourra le faire très facilement, si l'on calcine souvent ce métal et principalement si on le fait surun feu convenable et bien entretenu, car pendant son cressinement, il se tournera aisément en plomb. 250 la magie naturelle Chapitre Neuvième De l'or et de l'argent et des médecines, du premier ordre Il n'y a personne qui puisse transformer l'or, car c'est le plus noble métal, mais tous s'efforcent encore de l'imiter, bien qu'anciennement on le mêlait fort rarement avec d'autres métaux. C'est pourquoi si je venais à raconter quelques expériences faites avec l'or, je ne pourrais faire que répéter ce qui a déjà été dit plusieurs fois. Mais nous tâcherons plutôt de parler de l'argent. Pour teindre V argent en or. On le peut faire de cette manière. Premièrement, vous préparerez une lessive forte, faite ainsi : mettez de la chaux dans un pot de terre dont le fond soit percé en plusieurs endroits de petits trous. Au-dessus, vous étendrez un bois ou une tuile percée, puis, petit à petit, vous jetterez votre poudre dedans, et y répan- drez de l'eau chaude, de façon à ce que par ces petits trous elle puisse descendre dans l'autre vaisseau, posé au-dessous de celui qui est troué. Vous répéterez cela deux fois pour rendre la composition plus âpre et plus forte; puis, dans ce vaisseau, vous mettrez de l'anti- moine bien broyé et réduit en poudre tout à fait me- nue. Ensuite faites bouillir le tout lentement, à petit feu, car après que l'eau aura bouilli, elle deviendra rouge. Alors, avec un linge vous coulerez cette matière dans un nouveau vaisseau, et de rechef jetterez de la lessive sur les poudres qui resteront. Après vous ferez LA MAGIE NATURELLE 251 bouillir cela jusqu'à ce que l'eau n'apparaisse plus rouge ni sanglante, et quant à la lessive colorée, vous la ferez bouillir sur la braise, jusqu'à ce que l'eau soit toute consommée; puis vous ferez sécher la poudre restante avec de l'huile de tartre et les ferez dissoudre ensemble. Cela fait, répandez dessus des petites lames d'or et d'argent, de poids égal, dans un pot de terre, couvrez-le un peu avec des charbons , jusqu'à ce que vous voyiez votre argent prendre une parfaite couleur d'or. Vous donnerez également une couleur d'or avec de l'airain brûlé, à savoir si avec du vitriol, du salpê- tre, de l'alun, du cinnabre ou vermillon et du vert-de- gris vous composez une eau-forte et que vous le rédui- sez en corps, alors il aura une belle couleur d'or. Chapitre Dixième Du vif argent et des médecines, du premier ordre. Maintenant, il me semble qu'il convient que je traite des propriétés du vif argent, et de ses congéla- tions, ce que j'avais cru autrefois ne pouvoir se faire, mais je sais aujourd'hui que la chose est très possible. Aussi nous enseignerons maintenant aux curieux quelques expériences qu'il est utile de connaître. Manière de congeler l'argent vif avec odeur de métaux et principalement du plomb. Purgez d'abord bien votre plomb et séparez-le de son écume, puis étant fondu, jetez-le dans un fossé et lorsqu'il commencera à se refroidir, fichez dans celui- ci une vergette pointue de bois, et ensuite jetez-y de 252 LA MAGIE NATURELLE l'argent vif fluide, qui se congèlera. Cela fait, broyez-le tout dans un mortier, et réitérez cela plusieurs fois et lorsque vous le verrez durcir, jetez-le dans une eau claire. Vous ferez cela jusqu'à ce que vous le trouviez tout à fait dur et susceptible de résister aux coups du marteau et l'argent vif sera de la sorte congelé. On fait encore une autre congélation d'argent vif, avec une salade de fer ou un plat. Jetez avec l'argent vif de l'eau dans laquelle les ma- réchaux éteignent leur fer, et mettez-y le double de sel ammoniaque, de vitriol ou couperose et de vert-de- gris; cela fait, faites bien bouillir votre composition à gros feu, remuant constamment votre matière avec une spatule de fer. Si l'eau se consume, à force de bouillir, tenez-en d'autre toute prête. De la sorte, en la quatrième partie d'un jour, vous aurez un argent vif fixe, ferme et congelé. Mettez alors votre argent vif congelé dans un sac de lin ou de cuir que vous pres- serez très fort avec les mains, pour que toute l'eau en sorte. Puis mettez-le dans un pot de terre qui soit bien lavé avec de l'eau de fontaine, pour en ôter les écumes ou ordures qui y sont restées, lesquelles ensuite vous remettrez dans le même vaisseau et vous les mêlerez jusqu'à ce que vous ayez le tout net et blanc. Enfin, mettez-le au frais pendant trois nuits et il sera très dur. LA MAGIE NATURELLE 253 Manière de teindre ce même argent vif congeté en couleur noire. Vous rompez cet argent vif congelé en petites pièces, et avec de la poudre de terre cadmie, vous le mettrez ensemble dans un vaisseau de terre propre et destiné à fondre, et au milieu de cette composition vous ajou- terez un mélange de raisins de passe et de racine de souchet, que les apothicaires appellent curcume, le tout bien pilé. Lorsque le vaisseau sera bien rempli, vous l'enduirez tout autour de terre grasse et le ferez sécher au soleil, ou bien à petit feu, ce qui remplacera la chaleur du soleil. Ensuite, vous le mettrez sur un feu véhément, tellement qu'il bouille pendant six heures, jusqu'à rougir. Vous soufflerez fort avec le soufflet pour que le feu s'embrase davantage et réduise la matière en liqueur. Ensuite, lorsqu'elle sera liqué- fiée, laissez votre pot tout environné de charbon re- froidir petit à petit, et de cette manière vous aurez un or coloré et très reluisant. Congeler Vargent vif avec poids d'airain. Il convient pour cela de forger deux chaudrons, ou vaisseaux de bronze façonnés de telle façon qu'ils en- trent l'un dans l'autre, à ce qu'il n'en puisse sortir aucune vapeur. Mettez là dedans votre vif argent, avec une égale portion d'arsenic et de tartre, broyez comme il appartient, puis passez au crible. Faites que les insterstices qui pourraient exister soient bouchés avec de la terre grasse, de peur que rien n'en sorte. Vous les ferez sécher en les entourant de charbon, et les couvrirez pendant le quart d'un jour. Vous les ferez 254 LA MAGIE NATURELLE ensuite rougir au feu, puis en les ouvrant, vous verrez que tout ce que vous trouverez au fond du vaisseau d'airain, frappé par le marteau, tombera. Vous ferez alors fondre cette matière qui vous donnera une très bonne couleur d'argent. Si vous désirez la mêler à de l'airain, mélangez-la avec un tiers d'airain fondu, et sans argent, elle vous donnera l'éclat d'un argent bien blanc, doux, mou et traitable. Autrement, vous bou- cherez un pot de terre d'un couvercle d'airain, et ayant allumé votre feu, vous verrez, chose merveilleuse, l'argent vif amassé au couvercle se congeler admirable- ment. Les autres font une composition de fer, d'acier, d'argent et d'or et en usent de diverses façons. Congélation d'argent vif faite avec de l'huile. Formez un vaisseau d'argent, d'arsenic rouge, et de cuivre, façonné en forme de tasse, et qui soit bouché par un couvercle, pour que la vapeur n'en sorte. Rem- plissez ce vaisseau de vif argent et faites que les join- tures, ou ce qui apparaîtra d'ouvert, soit soigneuse- ment enduit et fermé de terre grasse, d'aubin, de blancs d'œufs ou de racine de pin, comme cela se fait communément; puis vous ferez prendre ce vaisseau dans un pot de terre plein d'huile de lin, et le laisserez bouiUir pendant un demi jour. Après, retirez votre vif argent et enveloppez-le dans un morceau de cuir et si une partie quelconque n'est pas congelée, recommencez l'opération jusqu'à ce que la congélation soit complète. Si vous voyez que le vaisseau tarde à se congeler et qu'il a perdu du poids, rétablissez ce poids en y met- tant du cuivre et de l'arsenic, ce que nous pouvons toujours faire. LA MAGIE NATURELLE 255 La fixation de l'argent vif congelé. Cette fixation a lieu de cette façon. Préparez un vaisseau de terre qui puisse résister au feu, au fond duquel vous mettrez des raclures ou sciures de racine de suyer, que vous foulerez avec les mains. Après, étendez une autre couche de verre de cristal, pilé bien menu, dans un mortier et passez-le au crible. Puis ajoutez-y un mélange ou composition de poivre, de gingembre et de canelle. Cela fait, mettez-y votre argent vif congelé, puis remplissez ce vaisseau de la même poudre, couvrez-le en l'enduisant de terre grasse tout autour, puis exposez-le au soleil, pour qu'il re- vienne à sa blancheur première. Vous mettrez le vais- seau sens dessus dessous, avec au-dessus une braise légère, pour que d'abord il s'échauffe en la partie de dessus, pendant environ une heure, puis le ferez fondre au-dessous; ainsi vous trouverez de l'argent pur, et s'il y demeure encore quelque matière étrangère, tout ce qui ne sera pas congelé disparaîtra. De fait, de toutes les pratiques qu'il m'a été donné de voir, celle-ci m'a paru la plus heureuse. Il y a encore une autre fixa- tion d'argent vif, non inférieure en utilité, et dont vous pourrez user, si bon vous semble. Faites broyer du salpêtre et du tartre, et des cendres gravelées ensemble et réduisez-les en une poudre très menue. Allumez le feu dedans et par la flamme qui restera, prenez le résidu et faites le convertir en eau ; puis, mettez le tout sur le feu, et veillez à en faire sortir toute la va- peur. Gela fait, vous mêlerez le sel qui restera avec le triple de borax artificiel (qui se brûle comme de l'alun) et le double de sel alcali, puis enveloppez ce qui sera 256 LA MAGIE NATURELLE congelé d'un vaisseau dur et mettez le feu dessus et ensuite tout à l'entour et enfin au-dessous de six en six heures et vous trouverez à l'intérieur la congélation faite. Chapitre Onzième Des médecines du second ordre. C'est maintenant qu'il convient de traiter des mé- decines du moyen ordre. Elles ont encore tant d'effi- cacité que, jetées sur quelques corps imparfaits, elles les altèrent tellement que peu s'en faut qu'elles ne les rétablissent en leur perfection première. Mais parce qu'elles sont difficiles à établir et qu'on les trouve du reste malaisément, nous en avons éprouvé quelques- unes, — bien peu en vérité, — que nous allons faire connaître dans cette partie de notre œuvre. Comment on pourra teindre Vargeni en or. Nous allons vous enseigner le moyen d'arriver à ce résultat, et nous vous assurons que la teinture sera si accomplie et si parfaite, que vraiment vous croirez que c'est de l'or. Faites un emplâtre de limaille d'or, avec trois fois autant d'argent vif et faites le chauffer sur les charbons dans un vaisseau de verre, jusqu'à ce que la force de l'argent vif, qui surmontait l'argent, s'évanouisse. Après cela, mettez-y un poids égal de sel ammonia- que et de soufre et broyez bien le tout, puis laissez-les demeurer sur la braise ardente jusqu'à ce que la cha- leur affine le sel ammoniaque, le soufre et finalement LA MAGIE NATURELLE Qgy l'argent vif, demeurant attaché au col du vaisseau. Puis rompez votre pot et vous aurez un argent splen- dide et de couleur d'or. Prenez ensuite du vitriol ro- main, avec le double du rouge, ensuite du vitriol de cuivre distillé qu'on appelle vulgairement couperose et surtout que tout soit de bonne qualité, car toute l'opération dépend de là. Et ainsi avec le triple de salnitre ou salpêtre, et la troisième partie de vert-de-gris, la sixième de cinnabre ou vermillon, vous en tirerez avec un alambic une eau, dont vous' ferez bouillir les deux parties pendant une journée, avec l'argent vif en réserve, sur un petit feu. Ensuite' faites qu'accroissant le feu de la distillation, toute l'eau s'é- vapore, puis posez tout ce qui restera au fond, avec le borax calciné, dans un pot de terre destiné à fondre lui ayant bouché l'orifice et le couvrant entièrement de terre grasse. Vous mettrez le feu sous le vase et vous aurez ce que votre cœur désire. Car l'argent se teindra, voire même d'une couleur qui ne se perdra ja- mais, ou qui pourra à peine se changer, lorsqu'il sera soumis à l'épreuve, tant son lustre et son éclat seront sohdes. Et encore il peut se faire que l'argent imite la couleur de l'or, voire parfaitement, il faudra pour cela prendre de l'antimoine et des raclures d'airain brûlé le tout fondu avec la moitié d'argent, cela vous don- nera une superbe couleur d'or, qui fera ressembler tout à fait votre composition à de l'or vrai. Toutefois SI vous le mélangez avec de l'or, son lustre n'en sera que plus beau, et il supportera l'épreuve de tous De plus. Il se fait encore d'une autre manière, à savoir si vous mêlez la congélation de l'argent vif (que nous avons enseigné à faire plus haut) avec le tiers d'argent vous trouverez votre argent illustré d'une splendidè 17 258 LA MAGIE NATURELLE couleur d'or. Vous le mettrez dans un pot et répandrez dessus du très fort vinaigre, puis vous le ferez bouillir pendant le quatrième partie d'un jour, ensuite il changera de couleur. Vous pourrez mettre hardiment ce métal à l'épreuve dernière de l'or. Chapitre Douzième Des médecines de troisième ordre. II serait temps, à mon avis, de commencer à traiter des médecines du troisième ordre parce que je sais que la difficulté inhérente à ces études trouble plu- sieurs bons esprits. Or, maintenant les plus profonds secrets de la Nature sont découverts, pour ceux du moins qui les ont étudiés. Bien qu'ailleurs nous ayons traité des matières du troisième ordre, selon ce que nous en avons appris des anciens, nous n'avons plus maintenant loisir ni commodité pour nous répéter. Toutefois, il y a plusieurs matières encore dont nous pouvons parler, et nous choisirons celles qui nous pa- raîtront les plus utiles et les plus profitables. Comment on pourra rendre le cinnabre ou vermillon fixe. A celui qui voudra entreprendre cette opération, je conseille de procéder de la façon que je vais dire. Qu'il prenne des morceaux de vermillon brisés en forme de noix, puis qu'il mette ces pièces dans un vaisseau de verre, qui ait la capacité de contenir trois fois autant de matière qu'il en sera mis dedans, ou même encore davantage, et qu'il pose ensuite ces pièces par ordre, et assez éloignées les unes des autres. Cela fait, qu'il LA MAGIE NATURELLE 259 bouche son vaisseau et l'enduise de terre grasse, puis le laisse sécher. S'il ne sèche pas aisément, il pourra le mettre au soleil. Ensuite, il devra cuire cette compo- sition plongée dans les cendres à petit feu, jusqu'à ce que le plomb devienne comme fondu. Puis qu'il prenne le double de plomb et le purge avec celui-ci : et ainsi purgé et présenté à toute épreuve, il résistera avec plus grand poids, et d'autant plus que vous userez le petit feu, d'autant plus heureusement l'ouvrage s'achèvera. Mais voici encore un autre secret par lequel l'argent sera restauré. Faites-le bouiUir avec du vif argent affiné et distillé avec du vinaigre, et ensuite mêlez le vif argent dans un vaisseau de verre courbé et faites que celui qui est échauffé tombe dans son récipient. Gardez-le et vous trouverez que vous aurez perdu bien peu de votre poids. Vous pouvez encore vous y prendre de la manière suivante. Mettez votre vermillon brisé en parties semblables à la forme d'un dé dans un sac de toile long, éloigné de toutes parts des côtés du vaisseau ; après vous y répandrez de la lessive bien forte, faite avec de l'alun, le double de tartre ou cendres grave- lées, quatre fois autant de chaux vive et de cendre de Romove; laissez bouilhr tout cela l'espace d'un jour, puis ôtez-le pour le faire rebouillir avec de l'huile pen- dant un jour et une nuit. Après que vous aurez tiré de l'huile les parties du cinnabre, vous les frotterez d'aubins ou blancs d'œufs bien broyés, puis, enve- loppés dans la troisième partie de la limaille d'argent, vous le coucherez au fond d'un vaisseau commode bien enduit et environné de terre de potier et, comme nous l'avons dit, mettez-y le feu pendant trois jours, ce que vous continuerez jusqu'à ce qu'il se fonde presque et se liquéfie. Après cela, ôtez-le et le purgez avec la dernière 260 LA MAGIE NATURELLE épreuve de l'argent et réduisez-la à son état naturel et à sa vraie qualité. Du combat de Phœbus et de Pylhon. Que ce grand et monstrueux Python soit ôté de son lieu, ce Python, dis-je, qui a un aspect si horrible et si épouvantable, hérissé d'écaillés resplendissantes et menaçant le monde de son venin pernicieux, environné d'un grand nombre d'aiguillons, le plus effroyable et le plus pestilentiel de tous les animaux que la Mère Terre a produits, à quoi le lieu aide beaucoup, de sorte que presque tout dépend de là. Cet exécrable animal, plus venimeux qu'une vipère, avec la force de l'air putréfié, tire des coups horribles et durs de loin, et après qu'il aura tué ou dévoré son ennemi, qu'il soit plongé en des gouffres ténébreux sitôt qu'il com- mencera à se tenir coi, de peur que se réveillant par la force de la vapeur, et vomissant une haleine pestilen- tielle, il ne tue les assistants. C'est pourquoi il sera né- cessaire que ces assistants enveloppent leurs têtes dans des vessies, si cela peut les garantir, mais la plus sûr sera qu'ils les laissent s'entretuer eux-mêmes. Ainsi donc Phœbus petit à petit avec la violence de ses flè- ches dextrement lancées, tuera ce grand Python et le frappera tant à la fin que son carquois demeurera vide, et le venin de la bête prodigieuse sera répandu. Tou- tefois il sera nécessaire que la clémence du Ciel ne manque pas à cela, mais que par une longue tempête de pluie, il refrène la malignité du serpent et en tire et hume l'humeur. En cet état demeurera le combat de Phœbus et de Python par l'espace d'un quart de jour- née ou un peu plus, en quoi je crois qu'il n'y aura point LA MAGIE NATURELLE 261 d'inconvénient, moyennant que Phœbus remporte la victoire. Ainsi donc les entrailles du serpent malin étant arrachées, son corps gisant mort et son venin consumé, le courroux de Phœbus cessera, s'il advient que cet animal vienne à revivre, qu'on lui coupe le moyen de lever la tête : bref, qu'on combatte si valeu- reusement que le serpent en bataillant tombe mort. Et alors Phœbus victorieux ayant sa tête ornée de chapeaux de feuilles et de fleurs portera le trophée de sa victoire insigne. Je ne doute point qu'il n'y en ait quelques uns que Jupiter équitable aimera, se mon- trant envers eux favorable et propice, mais peu en se- ront trouvés dignes. Si la recherche diligente ou la viva- cité d'esprit peuvent quelque chose pour tirer le sens d'un discours, celui-ci, de même que les autres, sera compris par les vrais enfants de la science. Or, j'ai voulu pour cette fois m'ébattre en choses graves et sé- rieuses. Comment on pourra donner diverses formes au corail, ei de plusieurs fragments faire une seule pièce. Souvent il arrive qu'on fait plusieurs pendants de corail et quelquefois aussi des petites tablettes, on en façonne diverses formes et figures, jusques à en former des vases et autres choses semblables; cela se fait par assemblement, de sorte qu'elles acquièrent la dureté des pots et ne se vendent pas à des prix minimes. Mais nous vous apprendrons le moyen de les prépa- rer, d'autant que plusieurs désirent en savoir la ma- nière, et ce corail ne sera guère différent du vrai. Vous ferez broyer dans un mortier des raclures, ou petits morceaux de très bon corail, qui sera fort rouge, ou si 262 LA MAGIE NATURELLE VOUS préférez, vous le ferez moudre au moulin, puis le passerez au crible. Ce qui ne pourra y passer, vous le remettrez au mortier et le ferez piller de rechef jusqu'à ce qu'il soit réduit en une poudre bien menue, de telle sorte qu'on puisse à peine la toucher, sans qu'elle s'en- vole en l'air. Et pour nettoyer toute ordure, plongez-le dans une eau composée de sel alcali pour le faire liqué- fier; puis épandez cette eau dans une coupe bien am- ple, et après que vous y aurez aussi jeté la poudre, vous la frotterez souvent avec les doigts et la mélan- gerez très fortement. Après qu'elle aura déposé et sera descendue au fond, coulez-la, et jetant la première eau, mettez-en de la nouvelle, que vous agiterez et remuerez encore avec les mains, jusqu'à ce que toute l'ordure en soit sortie, et puis vous ferez disparaître tout le sel en y versant de l'eau pure en grande quan- tité, pour qu'il n'en reste plus ni trace ni saveur. Mettez alors le tout dans un chaudron avec des substances qui ont la faculté de teindre en rouge, pour que votre poudre puisse se teindre plus facilement, telles que du cinnabre, du sang de dragon, du vermillon, de l'hé- matite, de la terre rouge, du pastel ou graine d'écar- late, du sandral, des racines de garance et autres subs- tances pouvant produire le même effet. Vous répan- drez amplement sur cette composition du jus de ci- tron qu'auparavant vous aurez préparé et purgé et avec l'instrument des alchimistes, vous ferez cuire toutes ces choses ensemble, tant que vous verrez qu'il y a du liquide, tournant souvent le tout avec une spa- tule ou une cuiller. Ensuite, mettez toutes ces choses dans un vaisseau de terre avec le reste du jus, et faites que ce vase ait un col long et le corps large et qu'il ait un orifice au milieu qui touche presque au mélange et LA MAGIE NATURELLE 263 mêlez le tout fortement. Enfouissez alors votre pot dans du fumier, que vous renouvellerez souvent, jus- qu'à ce que le tout soit liquéfié, ce que vous constaterez quand vous en verrez de jour en jour découler une huile assez rouge. Lorsque vous verrez qu'il commence à en jeter abondamment, abaissez le vaisseau et le désemplissez, et ce que vous en aurez retiré, vous pour- rez le manier avec les mains, parce qu'il sera moucomme une pâte. Mais auparavant graissez bien vos mains de lard ou de quelque autre corps gras, car cette pâte s'attacherait si fort aux mains que vous auriez grand' peine à l'en arracher. Après mettez cela dans un vais- seau que vous exposerez aux rayons d'un soleil ar- dent, mais ayez soin de le garder des vents et de la poussière, de peur que la surface en soit salie et gâtée, ou pour plus de sûreté, mis dans des fioles, enfouissez- les dans du fumier, avec l'huile que vous aurez mise en réserve, et comme elle est rouge, elle lui donnera une semblable couleur; puis, petit à petit s'endur- cissant, il prendra sa première forme et aura son même son. Vous lui donnerez alors de l'éclat en le polissant et le brunissant légèrement et vous lui rendrez ainsi sa forme primitive. Chapitre Treizième On peut rétablir plusieurs perles rompues en une, et en former un seul globe. Il faut traiter avec autant de soin que le reste les perles, parce qu'elles sont aimées des dames, qui en font leurs délices et les font même servir à leurs amours. Premièrement, afin qu'elles ne soient maculées d'au- 264 LA MAGIE NATURELLE cune souillure, vous pourrez les avoir claires et res- plendissantes de la manière suivante. Mettez-les dans un sachet avec de la poudre d'émeri, de pierre ponce et d'os de seiche et avec de l'eau ; maniez tout cela avec les mains jusqu'à ce que vous vous aperceviez qu'elles sont bien lavées et bien polies. Faites-les alors bien sécher, puis réduisez-les en poudre, faites-les liquéfier et dissoudre. Mieux vaut encore de les en- fouir dans du fumier, renouvelant celui-ci de cinq en cinq jours, jusqu'à ce que vous voyiez vos perles li- quéfiées et je ne sais quelle graisse ou huile nager à sa surface. Alors vous tirerez votre composition par le goulot du vaisseau, avec une cuiller d'argent. Prenez ensuite cette poudre ramollie qui ne résistera pas, et la maniant comme une pâte, réduisez-la en de petits globes ou formez-en des perles rondes en forme de poi- res. Si vous ne pouvez le faire avec les mains, faites avec un moule d'argent ou d'autre métal doré. Pour les percer, employez des soies de cochon, ou une ai- guille d'argent, les plongeant d'abord dans l'huile que vous aurez en réserve. Pendez-les ensuite dans un vaisseau de verre assez mince, que vous boucherez et exposerez au soleil pendant quelques jours, pour les faire sécher. Prenez garde qu'elles ne touchent aux côtés du vaisseau et gardez-les aussi des injures du vent et de la poussière, de peur qu'elles ne s'obscur- cissent et ne se souillent, et vous donnent des perles avec des taches. Lorsque les perles seront devenues bien dures, vous ferez une pâte de farine de millet et d'orge bien blutée et pétrie, comme si l'on voulait en faire du pain, puis vous envelopperez vos perles dans cette pâte et les mettrez cuire dans un four. Ou bien donnez-les à manger à des pigeons qui ayant purgé LA MAGIE NATURELLE 265 leurs entrailles, soient à jeun, et après qu'ils les auront ava ées, laissez-les quelque peu reposer, puis reti- rez-les de leurs ventres, soit en tuant les pigeons, soit en les arrachant de leur corps par un filet resté en de- hors et auquel vous aurez attaché les dites perles Mais s. vous voulez faire autrement, après que vous aurez fait dissoudre votre matière dans du jus de ci- tron, ou dans de l'eau-forte, vous la laverez en de la belle eau claire ou distillée. Alors vous l'enduirez avec du lait de figues, de l'eau de limaces distillée dans un bain bouillant et des blancs d'œufs. Puis vous la per- cerez et la ferez sécher, la lavant toujours et y mêlant de leau argentée. Vous ferez l'eau d'argent de cette mamere : mettez dissoudre de l'argent purgé dans de 1 eau-forte et faites qu'à petit feu l'eau diminue jus- ques au tiers, puis ôtez votre vaisseau de dessus le feu et laissez-le reposer. La nuit, vous le mettrez au trais, Jusqu a ce que la matière se congèle et vous trouverez votre argent formé d'une pierre de cristal, que vous la- verez dans de l'eau de fontaine pour qu'il apparaisse encore plus clair. Gela fait, vous poserez ces petites pierres cristallines dans un vase ou fiole de verre et 1 enfouirez dans un fumier bien pourri pour les dis- soudre, puis vous mettrez dedans vos perles artifi- eielles et les y laisserez pendant quelque temps Par ce moyen vos perles prendront un beau lustre et un éclat argentin. Pour effacer les taches des perles, j'ai trouvé un moyen que je trouve facile à employer et qui est excellent. Au mois de mai, cueillez la rosée que vous trouverez éparse sur les laitues et plongez-y vos perles pendant l'espace d'un jour, puis frottez-les bien et pohssez-les et vos perles deviendront reluisantes. Je crois que ce n'est pas sans raison que ce moyen a été 266 LA MAGIE NATURELLE trouvé et employé, d'autant plus que les perles nais- sent de la rosée. De la façon dont nous avons traité ce sujet vous aurez des perles ou des rangs de perles ex- cellentes en blancheur, en lustre, en éclat, en grandeur, en rondeur et en poids. Nous allons maintenant con- tinuer en vous parlant des opérations du cristal. Chapitre Quatorzième Des opérations du cristal et du verre, dont on se sert pour falsifier les pierres précieuses. Maintenant nous allons nous occuper de la compo- sition des pierres précieuses, dont l'antiquité, au dire de Pline, a fait le plus grand cas. Mais tant la con- voitise de l'argent a envahi l'esprit de l'homme, et l'a tant enflammé d'un désir immodéré d'en gagner, que ceux qui font profession de se connaître en pierreries, composent ces pierres avec du verre ou du cristal ou d'autres choses, et cela d'une manière si parfaite qu'elles semblent naturelles. Nous allons donc dire comment ces opérations se font. Comment on pourra faire fondre le cristal. Broyez votre cristal, et réduit en poudre bien fine, passez-le par un crible bien délié, puis avec la moitié du sel de tartre, vous formerez des petits globes comme des perles et les poserez dans un pot de terre qui soit fort et mettez-le dans un four ardent où vous le maintiendrez tout rouge pendant toute une nuit. Ce- pendant ne le laissez pas se liquéfier alors; mais après faites le liquéfier dans un vase commode, ayant bien LA MAGIE NATURELLE 267 soin qu'il n'y ait pas la moindre ordure; car s'il est souillé de la moindre immondice, la fraude se décou- vrira. Si vous y ajoutez un peu de sel, la liquéfaction se fera plus vite. Nous vous avons déjà dit cela plus haut à propos du sel. Il y en a qui préparent autrement le cristal pour le faire liquéfier; voici cette manière qui est, par le fait, plus facile à suivre. Ils prennent une grande cuiller de fer, et la garnissent de terre grasse, et ayant mis en petites pièces le cristal qu'ils mettent dans cette cuiller, ils la mettent sur le feu jusqu'à ce qu'elle s'échauffe puis l'éteignent avec de l'huile de tartre. Après avoir répété cela plusieurs fois, ils le broyent dans un mortier de bronze, où cette poudre se fond plus aisément. Pour faire un verre artificiel pour falsifier les pierres précieuses. Vous prendrez plusieurs jaunes d'œufs, dont vous emplirez une vessie, que vous mettrez dans un pot de terre rempli d'eau bouillante et vous la laisserez cuire longuement. Puis vous l'ôterez et la mettrez sécher en un lieu qui ne soit point poussiéreux, parce que l'ouvrage n'est point prisé s'il ne reluit pas, et ainsi cette matière s'endurcira, de sorte qu'elle acquerra la dureté du verre. Mais si vous voulez rendre votre matière colorée, faites-la bouillir dans de l'eau colorée; si vous désirez la couleur de la topaze, faites-la bouillir dans une eau dans laquelle on aura dissous et hquéfié du safran; si vous souhaitez celle d'un rubis ou d'une escarboucle, faites-la bouillir dans une eau où auront bouilH des raclures de brésil, et de même vous la tein- drez d'autres couleurs à votre gré. Toutefois si votre 268 LA MAGIE NATURELLE matière ne pèse pas autant que le verre, mettez-y des couleurs pesantes, comme du cinnabre, qui n'est pas léger, à cause du vif argent qui abonde en lui, et ainsi vous pourrez imiter le poids du verre, non toutefois avec une dureté si grande qu'il puisse résister au burin ou à la lime. Chapitre Quinzième Comment on peut falsifier les pierres précieuses de diverses manières. Avant d'assigner à chaque espèce de pierre pré- cieuse sa composition, il nous a semblé convenable d'indiquer par une expérience faite ce qui sert à les farder ou à les falsifier, car par la méthode de l'une d'elles, les autres seront connues aisément. La pre- mière de celles qui s'offrent à nous est la Jacinthe. Mettez du plomb dans un pot de terre dur, et posez-le dans un fourneau de verrier et laissez l'y séjourner pen- dant un mois et demi ; de cette manière vous aurez une composition qui imitera le verre et la couleur de la Jacinthe naturelle, dont vous serez très aise, et qui ne pourra pas être reconnue comme artificielle. Celle- ci sera tenue pour la première de toutes. Le rubis ou escarboucle. Cette sorte de pierrerie est aisée à froisser et se rompt et se brise en pièces très aisément. Vous pren- drez l'orpiment bien broyé et le mettrez dans une fiole ronde, puis l'exposerez au feu et au col de cette fiole vous trouverez des rubis très beaux et hauts en cou- LA MAGIE NATURELLE 269 leur et qui auront un lustre d'écarlate, projetant des rayons très éblouissants. L'ambre. Mettez du mastic liquifié et passé par l'étamine dans un pot de terre, afin qu'il se purifie de ses ordures et qu'il apparaisse plus reluisant; après vous prendrez un peu de racines de curcuma et mêlez-les avec votre matière. Cela se fera de même si vous mettez du tartre ou de la lie de vin blanc, avec du cristal liquéfié et que vous le mettiez dans un vaisseau qui ait l'orifice enduit de terre grasse et bien bouché, et que vous le teniez au feu pendant l'espace d'une journée. Pour faire les pierres précieuses artificielles. Premièrement on brunit le cristal et autres pierres à la roue, et les ayant bien façonnées en carrés, on leur donne telle forme qu'on veut. Puis on prépare la tein- ture, si on veut avoir une émeraude, on la colore de vert-de-gris ; si un rubis, avec cinnabre ; si un saphir, avec de l'azur, et si l'on veut avoir une chrisolite, on la colore avec de l'orpiment entremêlé d'or. Et pour obscurcir ou chasser la clarté, il conviendra d'y ajouter des larmes de mastic ou de la gomme, puis les pierres étant éparses ça et là sur une lame, il faudra les poser sur un petit feu, elles deviendront par ce moyen jointes et unies comme de la colle et s'incorporeront si ferme- ment qu'elles ne se pourront séparer. Si d'aventure elles deviennent trop rouges, mettez-y de l'eau, mais si elles apparaissent trop blafardes, ajoutez-y de la couleur, ce qui augmentera l'ornement et la beauté des 270 LA MAGIE NATURELLE perles. Au-dessous de la pierre, on accommode une feuille carrée et après que la pierre est enchâssée dans l'anneau, si les coins ou extrémités de la pierre qui toucheront le cabochon ne sont convenablement colo- rés, alors on saura qu'elles sont fausses et bien des gens en apercevront le fard et la couleur artificielle. Pour transformer un saphir en diamant. Prenez un saphir pâle et blafard, de sorte qu'il tire presque sur le blanc et enterrez-le dans de la limaille de fer, dans un vaisseau destiné à fondre, et lorsqu'il sera bien échauffé sur un feu intense (visitez-le sou- vent cependant, de peur qu'il ne se fonde, et qu'il ne demeure pas sur le feu plus longtemps qu'il ne con- vient) et qu'il aura reçu beaucoup de couleur et em- prunté beaucoup de l'aimant, ôtez-le et appliquez-le à votre usage. Une pierre précieuse nommée Sardonic ou Sardoine et par d'aucuns Camayeu, qui soit blanche, en une autre pierre qui V imite. Faites broyer plusieurs couches ou colliques, je veux dire de ces petites à l'aide desquelles les femmes fardent leur face et la polissent pour l'embellir, et dé- posez-les dans du jus de limon bien purgé et enfouissez- les dans du fumier, où vous les laisserez pendant une dizaine de jours. Cela fait, et ayant bien lavé ce mé- lange, vous le broyerez avec un marbre de porphyre et y graverez telle figure que vous voudrez, puis le lais- serez sécher et vous pourrez mettre cette pierre en un anneau, selon votre bon plaisir. LA MAGIE NATURELLE 271 De cerlaines composilions de pierres précieuses. Nous allons maintenant nous occuper d'ajouter à notre œuvre quelques compositions de pierres précieu- ses, telles qu'on en compose et façonne en plusieurs endroits, si d'aventure vous veniez à en avoir à faire. Comment faire la pierre précieuse appelée le diamant. Premièrement prenez du très bon cristal, posez-le dans un pot de terre que vous mettrez dans une four- naise de verrier où vous le laisserez pendant l'espace d'une nuit. Après, éteignez-le, pilez-le, et broyez-le bien menu, mêlez-le avec du sel de tartre, puis avec de l'eau formez-en de petites pillules. Après l'espace d'une nuit faites-le demeurer sur un feu ardent jus- ques à en rougir, sans toutefois le laisser fondre ; puis retirez-le et posez-le dans un autre vase qui soit plus réfractaire à l'action du feu et vous l'y laisserez séjour- ner pendant deux jours, et vous aurez un très beau et bon diamant. Comment faire la pierre précieuse appelée émeraude. Prenez du très bon airain, faites-le brûler pendant trois jours dans la fournaise, qu'il rougisse par suite de l'intensité du feu; après, ôtez-le et broyez-le dans un mortier, puis passez-le par le crible. Mettez-le ensuite dans un autre vaisseau et exposez-le de rechef au feu, mais à un feu d'une moindre intensité. Vous l'y laisse- rez pendant quatre jours avec le double de ce sablon au moyen duquel on fait le verre, puis que dans un 272 LA MAGIE NATURELLE vaisseau dur il soit mis sur un feu plus lent, par l'inter- valle de la moitié d'un jour et vous trouverez une éme- raude très belle et agréable à voir. Pour faire la pierre précieuse appelée saphir. Il est facile de teindre cette pierre. Prenez de la poudre de verre, et mêlez-la avec la moitié de cette terre azurée que les potiers appellent Zofa, puis met- tez ce mélange bien essuyé dans un vaisseau fort, en la fournaise, et laissez-le reposer la dedans pendant trois jours et il en sortira un parfait saphir. Pour faire cette espèce d'escarboucle que nous appelons rubis, et d'autres pierres plus obscures que nous nommons grenat. Nous mettons du cristal dans un vaisseau fort et propice à fondre et l'exposons au feu pour le faire liqué- fier, y ajoutant un peu de vermillon et le laissons sé- journer l'espace d'un jour. Le jour suivant, nous l'ô- tons et le laissons refroidir, après cela nous le broyons finement dans un mortier et le passons par le crible, puis ajoutant un peu d'airain calciné, nous le présen- tons de rechef au feu et quand il est liquéfié, nous y ajoutons de nouveau un peu de cette poudre. Et après, on y met de l'étain fondu pendant trois jours au feu et on mêle cette écume jaune qui en est sortie par dessus, et pendant tout un jour on le remue et on l'agite sans cesse jusqu'à ce qu'il soit refroidi; de cette manière tous deviendront colorés plus ou moins. LA MAGIE NATURELLE 273 Pour faire la pierre précieuse appelée topaze. Prenez du gravier, comme nous l'avons déjà dit plus haut, avec lequel vous mêlerez quatre fois autant d'é- tain brûlé, puis le tout posé dans un pot de terre fort dur, vous le mettrez sur un petit feu pendant un jour. Le gravier le fond aisément. Pour faire la pierre précieuse appelée crysolile. Ayez du cristal fondu, et ajoutez-y six fois autant ou même davantage d'excrément ou superfluité de fer et accommodez le tout dans un vaisseau bien fort et qui s'endurcisse au feu, et pendant trois jours, tenez-le dans la fournaise ardente; puis vous aurez la crysolite. Pour former celle espèce d'émeraude qui s'appelle Prasius. Faites liquéfier du cristal auquel vous ajouterez la douzième partie de fer et deux fois autant d'airain cal- ciné, et pendant une journée entière mêlez cette ma- tière exposée au feu, avec une verge de fer; ce mélange deviendra semblable à une émeraude, et si voulez que la couleur de la pierre soit moins vive et plus pâle, mettez-y la sixième partie de plomb et d'étain calciné. Après, mêlez bien le tout et agitez-le fortement, puis laissez-le encore au feu pendant un jour. Lorsque votre vase aura été retiré du feu et sera refroidi, vous aurez une émeraude de l'espèce dite Prasius. 18 274 LA MAGIE NATURELLE De celle manière aussi, vous ferez la calcidoine. Lorsque vous mettrez du cristal à liquéfier, ajoutez- y un peu d'argent calciné et mêlez-le bien; laissez-le ensuite séjourner une journée entière dans la fournaise et une partie où l'argent aura été incorporé sera relui- sante et l'autre demeurera quelque peu obscure. Pour former la pierre précieuse appelée lurquoise. Jetez dans le cristal liquéfié un peu de cette terre dont nous avons parlé en traitant du saphir et mêlez le tout très fortement avec une verge de fer, jusqu'à ce que tout soit bien mélangé et laissez-le reposer pen- dant une journée entière. Ensuite ajoutez-y un poids égal d'argent calciné et laissez-le encore au feu pen- dant un autre jour. Pour faire la pierre qu'on appelle smaltus, blanche. Mettez de la cendre de plomb avec le double de poudre de cristal, et le tout étant bien mêlé, réduisez-le en petits globes, comme des pilules, et pendant une nuit mettez-le dans un vaisseau sur un petit feu. Tou- tefois ayez soin que la matière ne s'attache pas aux parois du vase. Mêlez bien tout cela avec une spatule de fer, puis augmentez le feu de la liquéfaction et vous obtiendrez ce que vous désirez. Cependant, si vous voulez que d'une part elle blanchisse et reluise de l'autre, formez la dite terre en y mêlant le double de verre, avec l'eau des pelotes, comme il a été dit ci-des- sus, et pendant toute une nuit faites-la fondre au feu LA MAGIE NATURELLE 275 dans un vase commode, remuant souvent la matière avec une verge de fer et de cette façon vous aurez le smaltus clair et transparent d'un côté et de l'autre en partie blanc et pâle. Mais si vous voulez l'avoir vert, comme celui avec lequel on enduit et peint les murailles, après que vous l'aurez fait devenir blanc, mêlez-le avec de la terre azurée et faites le fondre, en le remuant avec assiduité à l'aide d'une verge de fer, et cela pendant l'espace d'une nuit. Par l'exemple de ce qui précède, vous pouvez, par votre propre travail et votre propre industrie, faire vous-même les autres pierres, un jaspe par la poudre de vieilles, ou blanc, si vous le faites avec de la chaux et du plâtre. Toutefois, s'il arrivait que toutes ou quelques-unes de ces pierres fussent pâles et blafardes en couleur, et moins resplendissantes que vous le désirez, ou que leur éclat soit obscurci par quelque nuage, il sera bon qu'elles soient pourvues de plusieurs coins, qu'on frap- pera et qu'on échantillonnera, pour que la couleur obscure et nébuleuse soit excitée par la répercussion des angles et donne ainsi un éclat plus vif. Voilà donc ce que nous avons cru utile de vous raconter au sujet de ces choses qui sont du domaine de l'alchimie, c'est-à-dire au sujet de la falsification des pierres pré- cieuses. Nous allons maintenant traiter des miroirs, et des gravures des pierres précieuses, mais ceci sera pour le livre quatrième et dernier de notre œuvre. LIVRE QUATRIÈME Chapitre Premier Comment l'on pourra, de jour, voir les étoiles. Je crois qu'il n'y a personne qui ne sache qu'une petite lumière, approchée d'une plus grande et plus vive clarté, perd sa splendeur. Si vous présentez une torche allumée aux rayons du soleil, la lumière de cette torche sera amoindrie, annihilée, et s'obscurcira. Il en est absolument de même des astres, car pendant le jour, ils sont cachés par la trop grande splendeur du soleil, quoiqu'ils luisent également de jour comme de nuit. Donc, afin que nous puissions les voir, retenons ce que nous allons en dire. En un grand jour, que le so- leil s'obscurcit par suite d'une éclipse, de sorte que les yeux ne sont point éblouis par sa lumière, le ciel ap- paraît tout parsemé d'étoiles, ce que Thucydide a très bien décrit et ce que nous avons vu souvent nous-mê- mes de notre temps. Et non seulement les yeux s'obs- curcissent par une lueur très forte, mais en sont même gravement offensés, comme on lit des Soldats de Xé- nophon et de Denys, tyran de Sicile, lequel faisait aveugler les pauvres prisonniers en les tirant d'une LA MAGIE NATURELLE 277 prison très ténébreuse, pour les exposer à une lumière très resplendissante. Disons donc comment celui qui les désire voir pourra le faire, ainsi que l'enseignent Galien et Phi- lopponus. Il faut que celui qui est si curieux descende dans un puits très profond, à ce que par les ténèbres et un long intervalle et distance il puisse voir le ciel serein et sans nuages, et à ce que sans fermer les yeux ou les cligner, il puisse voir clairement les astres éclairant le ciel. Toutefois vous n'éprouverez point ceci, lorsque le soleil occupera le point du midi, car vous seriez ébloui par sa trop grande lumière. Et plus vous descendrez, bas, et plus clairement et plus tôt vous verrez, et si moins profondément, plus obscurément et plus tard. De cette façon une personne descendue dans un antre obscur et profond, verra la lueur d'une chandelle allu- mée, encore qu'elle soit présentée au soleil, ce qui tou- tefois n'adviendra pas si elle rencontre soudain une très resplendissante lumière, parce que la lueur de la chandelle sera empêchée par celle du soleil qui est plus grande. Et de fait, quant à cette expérience, j'ai lu et entendu plusieurs personnes de grande autorité avoir été tellement déçues et abusées, que si de jour elles ne pouvaient voir les étoiles, ils s'essayaient à les contem- pler de cette manière. Ils plongent un miroir dans l'eau en plein midi et alors croient qu'ils voient les astres fichés au ciel, parce que les rayons perpendiculaires du soleil frappant la superficie de l'eau, frappent aussi obliquement le miroir, et de cette superficie le réver- bèrent aux yeux de celui qui attentivement le regarde et lui représentent la figure du soleil : mais les rayons qui obliquement frappent l'eau, viennent à frapper le miroir et la vue, ainsi qu'il apparaîtra de cette même 278 LA MAGIE NATURELLE figure, ou moindre pour la réverbération du milieu plus épais : au moyen de quoi il est certain que vous verrez une étoile qui suivra le cours du soleil, ce que la science de l'optique vous démontrera claire- ment. De là vient que plusieurs pensent que cet astre n'est autre que Mercure, attendu qu'il s'éloigne peu du corps du soleil, et d'autant qu'ils le voient toujours être à sa suite. Il y en a d'autres qui estiment que c'est l'astre de la canicule, et c'est pourquoi ils se hâtent de l'aller voir pendant les jours de l'été. Si vous ajoutez moins de foi à la démonstration, mais croyez plutôt à l'expérience et à la raison, cherchez son intervalle dans l'Equinoxe et vous n'y trouverez toujours même distance, bien qu'encore l'étoile vous apparaîtra plus lointaine tantôt, et tantôt plus rapprochée, car le mi- roir ne montrera pas toujours une distance égale, si vous le disposez toujours de la même manière. Toute- fois je ne nie point que de cette façon on ne puisse voir le soleil plus librement quand il se lèvera et se cou- chera, mais aussi son point méridional et cela même avec une plus grande facilité. Davantage encore se pourront voir les éclipses et les défauts des deux lumi- naires, parce que nos yeux, étant faibles et débiles, nous ne pouvons supporter la splendeur et l'éclat du soleil, si nous le regardons à travers une feuille de papier, ayant au centre un petit trou ou pertuis. Comment dans les ténèbres, vous pouvez voir avec leurs propres couleurs, les choses qui par dehors sont frappées du soleil. Si quelqu'un veut voir cela, il faut qu'il ferme toutes les fenêtres du lieu où il sera et encore sera-t-il bon de LA MAGIE NATURELLE 279 boucher toutes les ouvertures, si petites soient-elles, afin que la lumière pénétrant à l'intérieur, ne détruise toute l'expérience. Cela fait, il faut percer avec une tarjette une fenêtre seulement et faire en sorte que le trou ait la forme d'une pyramide ronde, dont la base regarde le soleil, et que son sommet dresse son aspect vers la chambre à l'opposé ou vis à vis ; vous aurez soin que les parois soient enduits de couleur blanche ou couverts de linceuls blancs ou de linge ou même de papier blanc. De cette manière vous verrez toutes les choses qui se- ront frappées des rayons du soleil et ceux qui marche- ront par les places de la ville vous apparaîtront comme allant la tête en bas; les choses droites vous semble- ront gauches, bref, toutes choses vous apparaîtront comme renversées. Et plus les choses représentées seront éloignées du trou, plus grandes seront-elles, et si vous les approchez du trou (comme un papier ou une table) elles sembleront moindres. — Maintenant il conviendra que j'enseigne ce que j'ai jusqu'à présent caché et estimé convenable de taire. Comment on pourra voir toute chose avec sa propre couleur. Si on désire cela, il faut mettre vis à vis un miroir non qui puisse dissiper en séparant, mais au contraire les unir en amassant les rayons, tant en approchant qu'en reculant, jusqu'à ce que vous voyiez que l'image soit parvenue à sa propre grandeur, par le rapproche- ment de son centre. Si alors vous regardez ce que vous avez obtenu, vous verrez les gestes, les mouvements, les vêtements des hommes, le ciel voilé de nuages d'une couleur d'azur, et les oiseaux qui volent. Mais vous 280 LA MAGIE NATURELLE verrez aussi toutes choses tournées sans dessus des- sous parce qu'elles sont près du centre du miroir, et si vous les éloignez de leur centre, vous les verrez plus grandes et telles qu'elles seront. Que le soleil vous frappe le visage ou que du moins ses rayons frappent le miroir, tellement qu'il resplen- disse, toutefois à une distance convenable, variant sa situation jusqu'à ce que vous puissiez apercevoir la vérité, c'est ainsi que les philosophes et les médecins ont appris à connaître d'où procède et se fait la vue dans les yeux, et encore comment se décide la question tant controversée de l'intromission de la clarté ou de la lumière. Et en somme cela ne pouvait mieux se dé- montrer que de cette manière, d'autant plus que l'i- mage ou la figure est introduite par la prunelle, comme par une fenêtre et la petite partie de la grande sphère prend la place d'un miroir, logé au fond de l'œil. Si quelqu'un veut mesurer cette distance, il verra que la vue se fera au centre. Chapitre Deuxième Comment on pourra voir l'arc du ciel. Cela pourra se faire de plusieurs manières que nous vous indiquerons l'une après l'autre; toutefois, la meilleure manière et la plus commode se fera à l'aide du cristal, ou encore avec cette pierre précieuse que l'on appelle iris, formant une figure à six angles, donc hexagone, et semblable au cristal. Cette pierre exposée et soumise aux rayons du soleil, par son ombre frap- pera les lambris ou planchers du toit, de même que le pavé plus bas, et montrera des couleurs semblables LA MAGIE NATURELLE 281 en tous points à l'arc du ciel, qui lui aussi possède six angles et naît de la même façon. Mais quand vous chercherez à voir l'arc céleste, prenez en main votre triangle ou quelqu'autre instru- ment de cristal ou de verre, et accommodez vos yeux à sa longueur, et si alors vous venez à regarder par la surface d'en bas, vous verrez toutes choses colorées de violet, de rouge, de vert, d'azur et de perse. Et si vous tournez votre regard vers la surface de dessus, vous verrez changer l'assiette des couleurs. Vous le verrez plus clairement encore au soleil et ce ne sera pas un spectacle à mépriser. Car vous verrez des jardins tout diaprés de tapisseries excellentes et ornés de mille sortes de fleurs. Les hommes qui chemineront vous sembleront être des anges et les bords de leurs vête- ments décorés de ces mêmes couleurs ; mais si vous re- gardez selon la largeur, vous apercevrez les couleurs en longueur, et si vous regaerdez dessus, vous ne ver- rez rien de coloré, et même celui qui regardera ainsi aura l'air d'avoir quatre yeux, et pour l'inflexion du regard, toutes choses lui paraîtront pendantes ou pi- lées. Nous pouvons encore voir l'arc céleste de la ma- nière suivante : Si vous mettez un miroir dans un bas- sin plein d'eau, et que vous veniez à regarder la face du mur, vous verrez resplendir les couleurs de l'arc céleste. Vous les verrez encore plus vives et plus belles si vous prenez un vaisseau de verre rond, poli et bien net extérieurement; vous l'exposerez au soleil après l'avoir rempli d'eau, et les rayons de celui-ci frappe- ront cette eau, dans laquelle alors vous pourrez voir la forme de l'arc céleste. 282 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Troisième Comment on pourra voir des choses multipliées. Prenez un verre, le plus solide et le plus gros qu'il vous sera possible, de sorte qu'il puisse d'autant plus commodément tourner sur ses faces, et accommodez-le en sorte qu'il ait plusieurs angles. Toutefois il faut faire en sorte qu'au milieu de ces faces, il y ait un point de mire qui convienne à la prunelle des yeux et à la force de la vue, à ce que le regard se divise et ne puisse contempler une chose vraie ni en l'état qu'elle est. Ayant façonné de plusieurs de ses surfaces déjà pré- parées, un miroir pour représenter aux yeux, si de près nous regardons la face de quelqu'un, il nous semblera tout parsemé d'yeux comme un Argus, et si vous con- templez son nez, vous ne verrez rien que l'ombre d'un nez. Il en sera de même, si vous regardez les mains, les doigts et les bras, le spectacle sera aussi monstrueux que celui que présente ce Briareus, qu'ont imaginé les poètes. Si vous venez à voir une espèce de monnaie, vous en apercevrez aussitôt plusieurs, et non une seule ; vous ne pourrez toutefois pas les toucher de la main, mais elles tromperont souvent la main qui cherchera à les toucher, de sorte qu'il serait meilleur en cet endroit de donner que de recevoir. Si vous regardez de loin une galère, il vous semblera que vous verrez toute une armée navale, et si vous jetez les yeux sur un soldat cheminant, vous croirez voir marcher tout un esca- dron en bon ordre. Bref, il se fera que la chose appa- raîtra double, et vous verrez doubles faces d'hommes et doubles corps, de sorte qu'une chose vue en semble une autre. LA MAGIE NATURELLE 283 Chapitre Quatrième Comment de plusieurs miroirs pleins on pourra faire un miroir auquel, en même temps, apparaîtront plusieurs effigies. L'antiquité a trouvé un miroir composé de plusieurs miroirs plats, auquel présentant une chose, il appa- raîtra qu'il y en ait plusieurs, et qui donnera maintes et diverses effigies, comme on peut le lire dans les écrits de Ptolomée. Voici comment il est fait. Appareil- lez sur une table pleine ou en un autre lieu commode un cercle à demi rond, que vous diviserez selon le nom- bre des images en parties égales, avec des points de repère. Ces points, vous les étendrez sous des cordes, et vous en couperez les joints. Après vous dresserez dans les miroirs pleins un paralelle de la même hau- teur, le collant et l'accommodant très bien, de peur qu'ils ne puissent se séparer, et faites qu'ils soient conjoints selon la longueur et dressez une superficie pleine. Finalement, que l'œil du regardant soit posé au centre du cercle, pour qu'il puisse regarder égale- ment toutes choses et par toutes les parties, et par ce moyen, il verra sa face ou chacune de ses faces repré- sentée et disposée en mode de cercle ou de contour, comme on le voit souvent dans les danses ou dans un spectacle de théâtre qui tient le peuple rangé autour de soi. Et voilà aussi pourquoi il est appelé théâtral, parce que toutes les lignes partant du centre perpen- diculairement tombent sur leur superficie, au moyen de quoi elles retournent et se réfléchissent vers elles- mêmes, et ainsi elles représentent les images aux yeux, 284 LA MAGIE NATURELLE chaque particule montrant la sienne, et diversifiant son assiette, il montrera diverses situations des effi- gies. Chapitre Cinquième Comment on pourra composer un miroir, à l'aide du- quel on pourra voir beaucoup de choses au même instant. Dressez deux miroirs d'acier ou de cristal, opposés l'un contre l'autre sur une même base ou fondement, et qui soient en la proportion de Hemiollia, c'est à dire qu'un côté soit une fois et demie plus grand que l'autre et qu'ils unissent ensemble leurs bouts et côtés, de sorte qu'ils se puissent commodément ouvrir et fer- mer comme un livre, et que les côtés soient diversifiés comme ceux que l'on fait à Venise. En présentant un visage, en l'un et l'autre vous verrez plusieurs bou- ches, et plus vous serrerez étroitement et l'angle appa- raîtra moindre, d'autant plus grande se présentera l'i- mage. Plus vous le tiendrez ouvert, plus elle sera fai- ble et petite. Si vous montrez un doigt, vous ne verrez que ce doigt, et les choses qui seront droites, vous les apercevrez droites, et les gauches, vous les apercevrez gauches, ce qui est contraire à tous les miroirs; cela résulte de la répercussion des lignes, dont naît le changement des images. LA MAGIE NATURELLE 285 Chapitre Sixième Comment des miroirs pleins on pourra en composer un où l'on verra au même instant qu'une personne viendra et une autre s'en ira. Prenez deux miroirs pleins et faites que la longueur de ceux-ci soit double de leur largeur, ou soit une fois et demie aussi grande; ceci pour votre commodité, car la proportion importe peu ; toutefois, faites que les mi- roirs soient pareils et d'une même longueur. Vous incli- nerez et abaisserez et unirez réciproquement ces mi- roirs sur une pièce de bois, puis les dresserez et poserez sur une table perpendiculairement. Les miroirs se mouvant sur un côté mobile, il n'y a aucun doute qu'en l'un vous verrez une effigie ou représentation de per- sonne venir, er en l'autre s'en aller. Et plus cela sera rapproché, plus la représentation s'éloignera, de sorte qu'ensemble on verra en l'un une personne venir, et en l'autre une personne s'en aller. Chapitre septième Des imaginations et opérations des miroirs concaves. Quand le centre de l'hémicycle ou demi-cercle sera trouvé, il sera facile de connaître toutes les diversités, attendu que toutes choses sont connues et réglées par celui-ci. Si donc vous voulez voir une personne mon- trant le chef renversé, ayez la tête en bas et les pieds en haut. Mais si l'hémisphère n'est entier et parfait, et qu'il n'y ait qu'une seule partie de celui-ci, vous 286 LA MAGIE NATURELLE pourrez plus facilement accommoder la tête, et dans celle-ci vous verrez la grande face d'un Bacchus, qui montrera un doigt gros comme un bras. Jadis Hor- tius, comme le raconte Sénèque, a fait des miroirs tels qu'ils représentaient la figure beaucoup plus grande que véritablement elle n'était. Et ce personnage se montra très luxurieux en disposant des miroirs de cette façon; quand il voulait prendre plaisir à contem- pler ses membres, il les voyait aussi gros que lorsqu'il commettait cet horrible forfait de sodomie bougres- que, et voilà comment par la fausse grosseur de ses membres, ce malheureux se délectait. Mais laissons cela et enseignons plutôt comment les choses qui sont droites sembleront être gauches. En éloignant petit à petit le chef, la face se fait plus grande, et lorsqu'il sera tout près du centre, il verra deux faces et quatre yeux, lesquels, en un plus grand miroir, sembleront se mouvoir, — ou du moins la tête, parce que la petitesse du miroir empêchera de voir le tout ensemble. Si vous posez votre miroir en terre, ou sur quelque table, et faites en sorte qu'également soient éloignées de celui-ci deux bouches, l'une étroite et l'autre large, alors apparaîtra une face fort contrefaite et très dif- forme. Toutefois entr'autres choses, ce miroir a ceci de bon, qu'il peut causer un bien grand feu. Si vous voulez l'expérimenter, opposez ce miroir aux rayons du soleil et mettez auprès quelque chose qui soit com- bustible et soudain une flamme jaillira. Si cela se conti- nue longtemps, le miroir pourra même faire fondre le plomb etl'étain, et j'ai même souvenance d'avoir lu que quelquefois les rayons du soleil avaient liquéfié l'or et l'argent. Si c'est une partie d'une sphère plus grande, il allumera le feu d'une plus grande distance. LA MAGIE NATURELLE 287 Comment on allumera du feu avec une fiole pleine d'eau. Mettez la fiole opposée au soleil, bien entendu qu'elle soit de verre et ronde, car quand elle sera directement opposée au soleil et en la partie du derrière droitement à la ligne par laquelle le rayon solaire pénètre le centre. Mettez quelque chose qui se puisse aisément brûler et sur quoi les rayons du soleil se rassemblent et frappent, ce qui se reconnaîtra par je ne sais quoi de lumineux, et incontinent il suscitera le feu, à la grande admiration des spectateurs qui verront que le feu naît de l'eau. Le feu peut être encore allumé par le cristal rond, on par une petite sphère ronde, ou un bassin rond. Si vous appareillez un verre plein comme un miroir, et l'exposez au soleil par un peu d'espace et par la partie du derrière recueillant et unissant les rayons, il fera feu ; vous remuerez ou approcherez cette matière propre à concevoir le feu, tant que vous trouviez le sommet des rayons réverbérés, et après le feu couvant un peu en sortira. Et nous serons étonnés surtout s'il y a une petite portion de la sphère : les médecins disent que les choses qui doivent être brûlées dans le corps, ne se peuvent mieux brûler qu'à l'aide d'une plaque de cristal opposé aux rayons du soleil. 288 LA MAGIE NATURELLE Chapitre Huitième Comment il se peut faire que l'image se révèle en dehors en un miroir concave. L'industrie des modernes a trouvé qu'en un même miroir on peut voir plusieurs bouches, ou diverses effigies d'une même chose, sans que le premier objet disparaisse. Ceux qui font ces miroirs, les creusent en la partie de derrière et font une petite concavité, sur laquelle ils mettent une feuille petite et déliée. De là on a trouvé qu'en se regardant dans un tel miroir, on voit l'image droite et élevée d'une autre chose. Le spectateur voulant attraper avec les mains cette fi- gure, ne touchera rien que de l'air. J'ai souvent vu cela; voici comment cela se fait. Faites un miroir de cristal, bien que la pierre précieuse appelée Iris con- vienne mieux; derrière ce miroir, il faut creuser une image ou effigie avec beaucoup de soin, puis dessus on accommode une feuille bien placée, car plus elle est fixée profondément, et plus apparaîtra-t-elle au dessus de la superficie. De cette manière, on peut lire des lettres qui sembleront être faites d'argent, et il n'y aura vue si aiguë qui ne se trompe en regardant ce spectacle. la magie naturelle 289 Chapitre Neuvième Des liaisons physiques ou naturelles. Parmi les expériences naturelles on compte encore les ligatures physiques ou (comme certains le veulent) les Joyaux que l'on porte pendus au cou ou ailleurs pour l'ornement et l'embellissement du corps, à ce qu'ils communiquent à ceux qui s'en parent la vertu que la nature a mise en eux. J'ai cru bon d'ajouter ici ce que j'ai pu recueillir dans les écrits des Indiens et des Grecs et principalement d'Hermès. Constabenluces et d'autres auteurs. Car ces liaisons opèrent naturelle- ment, et l'efficacité qu'elles ont, leur vient de la vertu que Zenon appelle universelle, ou du ciel même, et personne ne saura jamais scruter le mystère qu'elle recèle. Et à ce propos Platon dit que si l'entendement humain a la ferme opinion qu'une chose lui puisse ai- der, encore qu'elle n'en ait pas la puissance elle lui pourra néanmoins aider pour la seule intention de son esprit. — Or, les unes, parmi les liaisons, servent à la santé du corps, d'autres à la force et à la sagesse, d'autres rendent les personnes joyeuses, les autres sont tristes, malheureuses, infortunées, paresseuses et ti- mides. Si quelqu'un pend ou entortille à son cou une vipère ou un autre serpent, et vient à l'étrangler avec un fil, ou étreindre avec une pourpre marine, jusqu'à ce que la bête meure : ce fil-là sera utile aux suffoca- tions du cou et aposthumes de la bouche, s'il est appH- qué au cou du patient. De même, si vous pendez une chaîne de jaspe vert au cou d'une personne, de sorte qu'elle touche la bouche de l'estomac, elle fortifiera 19 290 LA MAGIE NATURELLE bien, ainsi que l'affirme Galien, la bouche du ventri- cule. De plus, les dents d'un chien qui aura mordu un homme, froissées en pièces et portées sur l'épaule? garantiront celui qui les portera de la morsure d'un chien enragé. La racine de piérine pendue au cou des petits enfants les guérit du mal de Saint-Jean. Si au croissant de la lune vous fendez les petits de l'hiron- delle, j'entends ceux qui sont éclos de la première ni- chée, vous trouverez dans leur ventre des petites pierres et entr'autres vous en tirerez deux, l'une des- quelles sera de couleur blanche, et l'autre marquée de diverses couleurs. Avant qu'elles touchent terre, vous les envelopperez d'une pièce de cuir d'une génisse ou d'un cerf et les lierez au bras ou au cou d'une personne qui souffre du mal de Saint-Jean, et elles lui procure- ront souvent du soulagement. Le doigt auriculaire d'un avorton pendu au cou d'une femme, fera qu'elle ne concevra pas pendant tout le temps qu'elle le por- tera. La racine de l'asperge opère le même effet. Il y a une espèce d'araignée qui ourdit et tisse une toile blanche, déliée et espacée, cette toile, liée dans une peau et pendue ou attachée au bras, remédie au cours de la fièvre quarte. Le corail rouge conforte l'estomac, et vaut contre la passion du cœur, si on le lie contre celui-ci. La pierre appelée aetites, étant liée au bras d'une femme enceinte, l'empêchera d'enfanter, prin- cipalement si elle a la matrice débile et ne peut retenir son fruit. Mais si vous la liez sur la cuisse de la femme qui sera au travail de son enfantement, elle fera qu'elle enfantera sans douleur. L'albâtre pendu au cou aug- mente les tristesses du dormant, comme nous avons dit, et fait tomber l'homme en mauvaise disposition, LA MAGIE NATURELLE 291 le saphir refroidit l'ardeur intérieure, car il donne du rafraîchissement aux fièvres ardentes, lorsqu'on l'at- tache près des veines pulsatives du cœur. L'émeraude pendue au cou chasse la demi-tierce, préserve du mal de Saint-Jean; c'est pourquoi on le fait porter au cou des enfants des nobles personnages, afin qu'ils s'en puissent défendre et garantir. L'améthiste attachée et pendue au cou sur la bouche du ventricule, délivre de l'ivrognerie. Toute sorte ou espèce de jacinthe pen- dant au cou ou portée au doigt d'une personne, sera qu'elle ne sera pas atteinte du mauvais air malsain d'une région pestilentielle; tuotefois, il faut qu'il y ait le poids de vingt-deux grains. De même le pied droit d'une tortue lié sur le pied droit d'un goutteux lui apaise la douleur de la goutte ; et le gauche mis sur le gauche, apaise la douleur de celui-ci; et il en sera de même de la main de cet animal avec la main de l'hom- me atteint de cette maladie. La fiente d'un loup qui mange des os, liée avec un fil de laine d'une brebis qui aura été mordue et tuée par le loup, sera excellente pour guérir de la colique; mais les sages prétendent que les effets de ces pierres ont plus d'efficacité encore, si vous avez des pierres solaires ou lunaires, et que vous liiez les solaires avec un fil d'or et les lunaires avec un fil d'argent, puis les pendiez au cou, elles recevront plus grande vertu des rayons du Soleil et de la Lune. La pierre sélénite n'imite pas seulement la figure de la lune, mais elle suit le cours de celle-ci, parce qu'elle fait sa course avec elle; et cette pierre portée au cou rend l'esprit lunatique et lui infuse les vertus de la lune. La pierre qui vient de Heliosemium, et qui montre les conjonctions du soleil et de la lune, étant portée, fait que l'homme participe de la vertu de l'un et de 292 LA MAGIE NATURELLE l'autre astre. Voilà donc ce que nous avons recueilli dans les livres des anciens, et nous avons tiré profit nous-mêmes, et très souvent, des indications quenous vous avons données ici. Chapitre Dixième Des vertus des pierres précieuses et de leurs images. Bien que le traité des images et des pierres précieuses gravées, et de leurs vertus, appartienne à une autre fa- culté, toutefois, afin de satisfaire les personnes dési- reuses de connaître les secrètes opérations à l'aide d'une abondante doctrine, j'en ai donné ici quelques indications. Ptolémée assure que les figures de ce monde sont sujettes aux faces et aux aspects célestes moyennant desquels les sages anciens faisaient des choses merveilleuses, en composant ou figurant des images. D'ailleurs Hali Aben Rhodan, tenant rang parmi les sages d'Egypte, ayant imprimé sur un mor- ceau d'encens la figure d'un scorpion, guérit une per- sonne malade de la morsure d'un scorpion. Et lui- même avait coutume de porter sur un anneau l'effi- gie d'un scorpion et l'avait fait graver lorsque l'astre du scorpion était au milieu, ou qu'il occupait le pôle ou bout de sa naissance conjointe avec la lune, ce qui est raconté de la même manière par Sérapion. Por- phyre estime qu'on peut faire une image utile avec des serpents, si on la forme alors que la lune entre au ser- pent céleste ou quand elle se regarde heureusement, et cet auteur parle encore de plusieurs autres choses que nous omettons, parce que nous désirons être bref. Par- lons maintenant des configurations. LA MAGIE NATURELLE 293 Et pour entrer en matière, nous les trouvons avoir été décrites par les anciens pour beaucoup de raisons, de sorte que notre connaissance s'est peu étendue. Pre- mièrement, on les enserrait dans un anneau à ce que les lettres fussent closes par un tel sceau, et que.la face de celui qui les envoyait fût connue et la part de qui ces missives arrivaient. Suétone a raconté cela d'Au- guste Gésar, témoignant qu'en ses écrits impériaux et autres mandements et missives, il a usé de la figure d'une Sphninoz, puis de celle d'Alexandre le Grand, et finalement de la sienne propre, gravée par la main de Dioscoride, célèbre parmi les graveurs de ce temps. Et les autres monarques qui lui ont succédé en l'Em- pire ont suivi la dernière forme et y ont persévéré : Ovide le dit dans le livre des Fastes. Souvent aussi on trouve dans notre pays et nous tombent dans les mains plusieurs pierres, où les faces humaines se peuvent voir représentées, comme on a coutume de faire au rubis, parce que seul il n'arrache point la cire. On trouve encore plusieurs caractères écrits sur diverses pierres contre certaines infortunes et divers accidents. Mais entre toutes sont plus convenables et plus propices les pierres précieuses, pour être capables de recevoir les influences célestes et bien qu'elles semblent dures à recevoir les présents favorables du ciel. Toutefois, quand elles les reçoivent, elles les retiennent et les conservent plus longtemps, ce qui me semble plaire à Jambicus. 294 la magie naturelle Chapitre Onzième Des vertus des pierres. Maintenant il convient que nous parlions des vertus des pierres; toutefois, ne pensez pas que nous ayons entrepris de vous parler de toutes leurs vertus, car ce serait là un travail vraiment excessif. Nous parlerons néanmoins de celles qu'on rencontre le plus souvent et que nous avons éprouvées par expérience. Vous trou- verez plusieurs livres pleins de cette matière, au point de ne pas parler d'autre chose. La première de ces pierres sera l'agate, dite en latin achates, et qui se trouve sur les rives du fleuve Achates, et cette pierre est noire, entrelardée de plusieurs lignes blanches. Cette pierre est bonne contre les morsures des scor- pions et des serpents, rend l'homme fécond, agréable et lui acquiert l'amitié des rois. Nous lisons qu'Isme- nias Choraules avait coutume de porter bien des pierres précieuses fort reluisantes. En Perse, par le parfum de ces pierres on chasse et détourne les tem- pêtes et on fait arrêter le débordement des rivières. Et on dit qu'on peut en prendre argument, parce que si on jette des pièces dans un chaudron tout bouillant, elles le feront refroidir et apaiser. La pierre nommée Alectoriussetiredu ventre d'un coq, qui aura été cha- pon, pendant quatre ans, mais nous l'arrachons aussi du ventricule d'une vieille géhne. Cette pierre tenue en la bouche ôte la soif, et fait acquérir honneur et gloire à celui qui la porte sur soi, le rend fécond et rend aussi la femme agréable au mari. Aussi la pierre geranites est arrachée de la grue ; celle qui se nomme draconites ou LA MAGIE NATURELLE 295 drachenias, du dragon, et celle qui se nomme borax est extraite du crapaud, et délivre la personne du poison ou venin. Pareillement encore se trouve la pierre ché- lidonienne, après qu'on a ouvert le ventre des hiron- delles ; toutefois elle ne se forme ni ne se congèle en pierre, si on ne les trouve toutes vives, car si l'animal dont vous voudrez tirer quelque pierre, soit serpent ou autre, meurt premier, la pierre se perd. Mais les pierres extraites durant la vie des animaux, auront les mêmes effets que les astres, car l'alectorius a puis- sance solaire, au moyen de quoi il rend ceux qui le portaient invincibles et ainsi la chélidonienne prise des hirondelles purge la mélancolie et rend la personne aimable, parce que cette pierre est joviale : losrqu'on froisse la pierre aerites, on sent encore dedans une autre pierre, elle aide aux femmes qui sont en travail d'enfant et les empêchent d'avorter, et aussi elle apaise la douleur du mal de Saint-Jean. L'améthiste a un lustre violet rouge et est ainsi nommé, comme n'étant ivre; aussi il résiste à l'ivrognerie, aux ban- quets et rend la personne ivrogne, sage, lui faisant reprendre ses esprits et profite aussi à ceux qui veulent s'adonner à l'étude. Et parce qu'elle se peut facilement graver, on trouve beaucoup de figures empreintes sur les pierres, comme il sera dit ci-après, mais au reste elles font l'homme vigilant et lui donnent un bon et vif entendement. Le corail aide à beaucoup de choses, on use communément du port du corail pour éloigner les périls ou préserver des charmes et sorcelleries, et pour cela aussi les mères aiment garnir les cous ou esto- macs de leurs petits enfants de branches ou patenôtres de corail. La Calcidoine favorise tant celui qui la porte, qu'elle lui fait gagner ses procès, lui fortifie les forces 296 LA MAGIE NATURELLE corporelles et garantit contre les illusions des esprits ma- lins, et autres pensées fantastiques qui naissent de la mélancolie. La cornaline adoucit les impétuosités et les courroux bouillants, apaise la fureur ou le flux de sang, et est utile principalement aux femmes qui sont malades de leurs flueurs. L'héliotrope posé dans un vaisseau plein d'eau fera paraître les rayons du soleil qui frapperont en cet endroit, sanguins, ou suscitera la pluie; c'est pourquoi on l'appelle éclipse ou obscur- cissement du soleil. Porté, il fait acquérir bonne re- nommée, arrête le flux du sang, chasse les venins et ne permet que celui qui le porte soit trompé. Encore dit- on que celui qui porte une hyacinthe est garanti contre le tonnerre. Le jaspe rend la personne chaste et arrête le sang et les menstrues coulantes. Il profite aussi à ceux qui sont travaillés de ces eaux qui gisent entre cuir et chair et que la fièvre brûle, et rend la personne victorieuse et puissante sur ses ennemis, conforte et fortifie l'estomac, lorsqu'on le porte pendu au cou et moyennant qu'il soit rouge et touche la bouche de l'estomac. On doit cependant le désirer vert, parce qu'il s'en trouve beaucoup de faux, qui n'ont du jaspe que le nom. Si la pierre L4s légèrement s'arrondissant et finissant de toutes parts en pointe sexangulaire est opposée sous un toit aux rayons du soleil, et d'une part soit couverte d'ombre, elle montrera aux parois la figure exacte de l'arc céleste, ce qui arrive par la forme sexangulaire qu'on lui a donnée; cette pierre a également la propriété d'alléger le travail des femmes en couches. La turquoise est utile contre la mélanco- lie, la fièvre quarte et la défaillance du cœur. Le saphir qui semble avoir une poudre d'or, pour autant qu'il re- luit moucheté de petits points d'or, conserve les mem- LA MAGIE NATURELLE 297 bres vigoureux, fait surmonter les envieux, et celui qui le portera aura le bonheur de n'être point sujet à la peur. Au reste, il refroidit et ralentit les fièvres, les inflammations, et guérit par son attouchement les antrax et aposthumes froides. De plus, il est utile contre le venin, réprime le sang coulant du nez, si on l'applique à la tempe. L'émeraude excellente en sa ver- doyante couleur, récrée et conforte la vue par sa ver- deur, qui fait que celui qui la contemple longtemps s'en trouve bien et principalement si elle est aidée ou renforcée de la splendeur d'une autre pierre précieuse. On en voit bien peu de gravées et ce n'est pas sans rai" son, pour que les gravures ne lui fissent tort ou obs- curcissent la splendeur de son éclat et la beauté de son lustre et de sa couleur; elle est aussi fort difficile à tailler. Il est à noter qu'on doit la parter chastement, parce que le coït ou embrassement charnel lui fait perdre sa vertu, si elle est portée pendant l'acte, com- me Albert l'a écrit d'un roi de Hongrie, lequel, à l'heure où il se livrait à l'acte charnel avec sa femme, aperçut et sentit l'émeraude qu'il portait se briser en pièces, de sorte qu'elle fut toute froissée. On dit aussi que l'empereur Néron en avait une, dans laquelle il voyait les combats des gladiateurs. Mais que dirai-je de plus ? Finalement cette pierre accroît les richesses et l'éloquence persuasive. La topaze guérit la passion lunatique, augmente les biens et par sa vertu le flux de sang est retenu. Portée, elle fait acquérir grâce et bien- veillance, et si elle est concave, elle représentera l'image opposée tout au contraire. 298 la magie naturelle Chapitre Douzième Des images du ciel et des planètes. Ce sont les images des planètes et du ciel que vous trouverez souvent gravées sur les pierres, comme un Mercure jouvenceau grêle, portant son caducée et ayant des ailes aux pieds et sur la tête. Puis, Mars armé, ayant le maintien d'un guerrier belliqueux, au reste portant la lance et l'écu-mars; Vénus, repré- sentée comme une femme nue, portant son miroir et tenant par la main son petit Cupidon, avec un attrait lascif; et pareillement Jupiter, assis sur son trône et commandant avec l'autorité d'un roi. De même le vieillard faucheur Saturne, et le Soleil diapré et orné de tous ses rayons. On voit moins souvent les configu- rations de la huitième sphère sur les pierres, comme le Singe, l'Ourse, la Couronne, le Cygne, l'Aigle, le Che- val volant, le Serpentaire et les autres. Ainsi en est-il de tous les signes, comme Béliers, Taureaux, Jumeaux, Cancres, Lions et autres signes célestes, qui ont encore tant d'efficacité qu'ils donnent aux pierres mêmes dans lesquelles leur effigie se trouve empreinte, les mêmes vertus et propriétés, que ces mêmes astres ou planètes opèrent par leur influence. Il y a encore beaucoup d'autres sortes de figures, que les anciens gravaient sur les pierres, selon l'opinion des Indiens, Egyptiens, Mages et Astrologues. Comme on affirme qu'en la première face du Bélier il y a un homme noir fort grand, ayant des yeux rouges et ceint d'un linge blanc, en la seconde monte une femme revêtue d'une robe de lin, ceinte de drap vert, se retenant avec un seul LA MAGIE NATURELLE 299 pied. En la troisième monte un homme vêtu de rouge ayant un bracelet d'or aux mains, désirant faire bien et ne le pouvant : et en plusieurs autres, s'en trouvent maintes autres gravées, qu'il serait trop long de détail- ler ici. Chapitre Treizième Quelles images on doit graver sur les pierres ou les pierres précieuses. Nous avons parlé des vertus des pierres, quelles figures il faut y graver pour obtenir la faveur du ciel ; maintenant il nous reste à enseigner comment on les doit accommoder ou les préparer pour les graver, et élire le temps opportun pour le faire. On trouve sou- vent sur l'améthiste gravé un jouvenceau portant un caducée, le chapeau en tête et les talonnières ailées aux pieds, et quelquefois tenant en sa main gauche un coq, lequel personnage tous remar- quent et reconnaissent pour un Mercure. On trou- ve aussi des scorpions gravés sur l'agathe, on y voit aussi empreints des araignées, des serpents, et autres animaux venimeux et encore un homme monté sur un serpent, qui est connu pour un Esculape céleste, et qui fait que cette pierre remédie aux venins et aux morsures des serpents. Cette agathe, en latin agathes, naît au fleuve Achate, où vivent les plus grands scor- pions, et par le nombre énorme de ces agathes la peste des scorpions de cette province demeure éteinte, et c'est ainsi que par la vertu de ces pierres la nature compense la défectuosité de cette contrée. On taille aussi en l'Hématiste un personnage qui porte un ser- 300 LA MAGIE NATURELLE pent, et il me semble avoir lu que les mages de Perse quelquefois conseillèrent à leur roi de porter cette pierre, qu'ils disent être de grande valeur et efficacité contre les venins. Au jaspe on voit souvent ciselés des lions, des coqs, des aigles, des trophées et des armes, encore un Mars et tantôt un gendarme armé foulant aux pieds les serpents. Au cou ils lui façonnent un bouclier pendant, et le forment si avantageusement qu'ils le font ressembler à un guerrier victorieux, con- forme à la vertu de la pierre : le roi Nechepsos, pour guérir son estomac, commanda d'y graver un Dragon jetant des rayons, parce qu'il se fortifie par la vertu de celui-ci. En l'aimant on voit souvent taillée la fi- gure de l'étoile nommée cynosura, qu'on appelle aussi la petite ourse, ou la queue du chien, attendu que cette pierre est bien éprise de l'amour de cet astre, car l'aimant par son seul attouchement attirant le fer le tourne droit, vers l'aspect de celle-ci. Toujours en la pierre Sélénites on voit empreinte l'image de la lune, et celui qui la portera entourée d'un fil d'argent, de- vient lunaire. Au saphir on imprime diverses sortes d'animaux, pour qu'il puisse guérir les morsures qu'ils peuvent faire. On imprime un éclair à la jacinthe, pour garantir les personnes de la foudre. Quant à la cornaline, on lui donne diverses figures, et cette pierre est facile à tailler et à trouver, au moyen de quoi on pubUe que les enfants d'Israël gravèrent plusieurs de ces pierres. Nous avons par plusieurs exemples ensei- gné comment on doit préparer les pierres et quelles fi- gures on y doit graver, qui soient conformes aux opé- rations de celles-ci. Il y en a qui composent et façon- nent les animaux où ces pierres sont encloses, métaux appropriés et sujets à la planète, de laquelle ils de- LA MAGIE NATURELLE 301 mandent l'opération et afin qu'ils acquièrent une plus soudaine efficacité : comme si on désire Saturne, il conviendra de prendre du plomb, si le soleil, l'or; si la lune, l'argent, pour que celui qui le portera devienne saturnien, solaire ou lunatique. Chapitre Quatorzième Quelles choses on doit élire nécessairement pour tailler les pierres. Toutefois les écrivains antiques témoignent que les pierres reçoivent et tirent leur plus grande vertu du ciel, si elles sont taillées à temps et à des heures dé- terminées et précises, car alors elles s'animent da- vantage, et leurs opérations deviennent plus vigou- reuses et mieux aussi les figures des astres s'impriment en elles. Ces auteurs établissent cela pour fondement de tout, car si vous voulez introduire et exciter l'a- mour, il convient d'user de la saison où sont en vigueur les aspects bénévoles, gracieux et convenables pour ce fait et au contraire, si nous voulons enflammer une grande haine et beaucoup de malveillance, il se faudra servir du temps où régnent les gens iniques et malfaisants. Si on veut tailler les images de Vénus ou de Saturne, il faut attendre que la déesse amoureuse entre au Tau- reau, ou aux Balances; et quant à Saturne, il faudra épier quand il entrera en Aquarius ou en Capricorne. Et afin que la vérité de ceci apparaisse et saute aux yeux, il est certain que dans les gravures, nous trou- vons toujours le Soleil en Lion, la Lune en cancer, Mercure en jumeaux et en Virgo. Et en cette manière aussi ils veulent que si on taille la figure du lion, ou du 302 LA MAGIE NATURELLE Cancer, que le Soleil et la Lune cheminent par dessus, et alors ils la taillent. Toutefois ils ont soin que la Lune libre ne reçoive aucun empêchement de Mars ou de Sa- turne, et qu'aussi le soleil soit délivré de toute ardeur, inflammation et brûlure. De plus, ils conseillent que la Lune ne soit point vide de sa course, mais croissante et légère, et ne se trouve à l'extrémité du signe, parce que quelquefois les fins sont infortunées, mais veu- lent qu'elles soient au trigone ou hexagone, montant à sa naissance ou au sommet du Ciel, et non que la pla- nète tombe, pour autant qu'elle décline et perd sa force Et pour cela il conviendra que les signes diurnes mon- tent de jour, et ceux qui errent de nuit, montent aussi de nuit, afin que toute chose demeure dans sa dispo- sition naturelle et qu'on puisse jouir de l'effet sans aucun empêchement. Au rebours, si vous voulez intro- duire la malveiHance ou l'infirmité, il faudra procéder tout au contraire, car délibérant de graver quelque fi- gure, il sera nécessaire de la trouver par la triplicité, que je vais décrire maintenant. La première triplicité gît au Bélier, au Lion et au Sagittaire, lesquels signes le Soleil maîtrise de jour et Jupiter de nuit, mais au point du jour l'astre de Saturne. Par ces signes et gra- vures, jadis les anciens guérissaient certaines maladies, à savoir l'hydropisie, la paralysie et autres maladies semblables, et ainsi aussi selon les autres triplicités on taille les autres signes, comme remèdes à d'autres infirmités. Toutefois je n'oublierai ceci, que les siè- cles antérieurs témoignent, à savoir qu'avec le temps la vertu de ces pierres se ralentit et s'éteint, ce qui fait que les choses que nos ancêtres ont faites, appa- raissent maintenant vaines et de nulle valeur. Avons-nous donné fin au traité de notre Magie ou LA MAGIE NATURELLE 303 Sagesse Naturelle, selon le pouvoir de nos petits moyens, et délibéré de ne plus vaquer désormais à ce labeur, aussi merveilleux qu'il est vrai ? Toutefois s'il reste quelque cas que nous n'ayons abordé, ou si quelque chose se présente que nous ayons mal pro- posé et à propos de quoi nous ayons imparfaitement parlé, je supplie très humblement que cela soit attri- bué à la difficulté du sujet et à la brièveté du temps que nous avons eu à notre disposition. Ceci d'ailleurs n'est qu'un commencement et nous espérons écrire bientôt sur des choses plus hautes et secrètes, si la faveur divine nous en donne la grâce. Fin de la Magie Naturelle. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION LIVRE PREMIER Chapitre Premier. — Qu'est-ce que la Magie naturelle. . 1 Chapitre Deuxième. — De r Institution du Magicien et ce que doit être un Professeur de magie naturelle. . . 3 Chapitre Troisième. — Les opinions des anciens sur les causes des opérations merveilleuses 6 Chapitre Quatrième. — D'où procèdent les vertus des choses manifestes, et de celles qui sont cachées 8 Chapitre Cinquième. — Ce que c'est que les anneaux de Platon et la chaîne d'or d'Homère 12 Chapitre Sixième. — Des éléments et de leurs vertus 14 Chapitre Septième. — Des qualités des éléments et de leurs opérations 16 Chapitre Huitième. — • Diverses propriétés des choses cachées qui dérivent de la même forme 17 Chapitre Neuvième. — De la sympathie ou de l'antipa- thie, à savoir convenance ou désaccord : comme par eux on peut éprouver et trouver les vertus des choses . 25 Chapitre Dixième. — Des vertus des choses qui sont dans les animaux tandis qu'ils vivent 34 306 TABLE DES MATIERES Chapitre Onzième. — Qu'après la morl il reste encore quelques vertus dans les corps décédés 35 Chapitre Douzième. — De la mutuelle communication des choses, et qu'elles opèrent en leur substance totale et en leurs parties 36 Chapitre Treizième. — Des similitudes des choses, et de ceux qui doivent opérer des vertus par elles, et être recherchés 38 Chapitre Quatorzième. — Que certaines vertus viennent du ciel et des astres, et que de là plusieurs choses dérivent 41 Chapitre Quinzième. — Que tous les simples soient cueillis en leur temps, et préparés et appliqués de même 47 Chapitre Seizième. — Que les régions et lieux où nais- sent les simples doivent être considérés 48 Chapitre Dix-septième. — De certaines propriétés des lieux et des fontaines qui peuvent servir à notre œuvre 51 Chapitre Dix-huitième. — Comment on doit mêler el composer les simples, et les incorporer dans nos mé- langes 54 Chapitre Dix-neuvième. — Comme on doit rechercher el observer le poids dans chaque mixture 56 Chapitre Vingtième. — Des préparations des simples. . 58 LIVItE DEUXIÈME Chapitre Premier. — Comment nous pouvons faire pro- duire des fruits hâtifs et tardifs 60 Quand on veut faire naître et avoir des fruits avant la saison 61 Pour avoir des concombres et des courges fort mûres 62 Pour produire des grappes de raisin au printemps 62 Pour avoir des fruits et des fleurs précoces. . 64 Pour faire en bien peu de temps croître du persil 64 »ABLE DES MATIÈRES ;i07 Pour produire des concombres en très peu de ^emps g5 Pour rendre les concombres et autres fruits tardifs gg Chapitre Deuxième. — Comment on peut faire des fruits composés de diverses espèces gg Manière de faire une pomme d'une pêche el d'une pêche, noix ^q Pour faire qu'une vigne donne des grappes blanches et des raisins noirs -j Pour faire des pêches-amandes 73 Comment la figue peut se faire également blanche et noire -,3 Chapitre Troisième. — Comment un fruit peut venir sans écorce et sans peau, et sans noyau 74 Pour faire qu'une grappe de raisin n'ait point de pépins ^^ Pour faire venir une pêche sans noyau 75 Pour faire venir la courte sans semence 76 Pour faire naître une noix tendrelet te et sans coquille ™- Pour faire que le myrte produise ses grains sans petits noyaux «g Chapitre Quatrième. — Comment on pourra faire que les fruits soient plus doux, plus odoriférants et plus grands -^ Pour faire que les amandes et les citrons de- viennent doux gQ Pour faire que les grenades soient douces 81 Pour rendre les fleurs des fruits plus suaves et plus odoriférantes gl Pour augmenter toute espèce de fruits 83 Pour faire naître une laitue abondante en plusieurs semences g^ Pour faire que les artichaux n'aient point d'épines g^ Chapitre Cinquième. —Comment les fruits, en croissant, pourront prendre toutes figures et impressions .' 86 Pour imprimer des traits ou linéaments aux pommes 87 308 TABLE DES MATIÈRES Pour faire que les amandes naissent écrites. . 88 Comment nous pourrons former une man- dragore, j'entends celle qui est feinte, — et se vend souvent par les femmelettes, — imposteurs et bateleurs 88 Chapitre Sixième. — Comment les fleurs el les fruits ré- ciproquemeut quitteront leurs couleurs, pour en prendre de nouvelles 89 Pour faire que les roses et les jasmins pren- nent une couleur jaune 90 Pour faire que la fleur de l'œillet ou giroflée, devienne perse 90 Pour faire la rose verte, jaune ou perse 91 Pour faire que les lys rougissent 92 Pour faire que par la greffe, les pommes de- viennent rouges 93 Chapitre Septième. — De divers fruits et de vins mélan- gés et médicinaux 94 Pour faire la vigne laxative 95 Pour avoir des figues, dont l'absorption lâ- chera le ventre, et qui produiront un autre effet que leur effet naturel 96 Pour avoir des prunes purgatives et endor- mantes 97 Chapitre Huitième. — De la manière de conserver les fleurs et les fruits 97 Comment les roses et les lys pourront con- server leur vigueur 98 Pour faire que les pommes demeurent long- temps en vigueur 99 Pour faire que les pommes demeurent long- temps sur l'arbre 101 Pour garder les sorbes et les poires 101 Pour garder des raisins et des grenades 101 Pour faire que la grappe de raisin se garde longtemps sur la vigne, selon l'enseignement de Béritius 102 Comment nous pourrons tuer les arbres si nous le voulons 102 Chapitre Neuvième. — La manière de préparer divers artifices de feu 104 TABLE DES MATIÈRES 309 Des bois qui, frottés l'un contre l'autre, pro- duisent le feu 105 La pierre qui, à l'aide de quelque chose d'hu- mide, excite et engendre le feu 106 Une autre manière d'arriver au même résul- tat 106 Le même résultat peut encore s'obtenir d'une autre manière 107 Chapitre Dixième. — Diverses compositions du feu. . . . 108 Le mélange du feu qui brûlera sous l'eau .... 108 Un composé igné que le soleil peut allumer. . 109 Pour faire du feu que l'huile éteindra et que l'eau allumera 110 Pour faire des torches que le vent ne peut éteindre 111 Pour faire que l'eau ardente s'allume faci- lement 111 Pour darder de loin une flamme 112 Pour garder qu'une chose ne soit de feu 112 Pour être vu tout en feu et brûlant 113 Pour faire de la poudre à canon, opérant chose merveilleuse dans les canons 113 Chapitre Onzième. — Comment on pourra faire une li- queur, reluisant dans les ténèbres 114 Exemple 115 Chapitre Douzième. — Plusieurs expériences de lettres et divers secrets d'écriture 116 Pour lire les lettres qui ne se peuvent lire qu'en les interposant au devant de la lumière. ... 117 Pour faire que les lettres blanchissent sur un papier, ou sur un autre exemplaire noir 117 Pour faire que les lettres cachées soient vues et que celles qui sont visibles, soient cachées 118 Pour former des lettres en cuir et chair sur le membre que vous voudrez et qui ne pourront s'effacer 118 Pour faire des lettres qui soudain apparais- sent en quelque lieu que ce soit 119 Pour rendre les lettres visibles par le feu et dans l'eau 119 Pour imprimer des lettres sur un œuf selon l'enseignement d'Africain 120 310 TABLE DES MATIERES Comme les lettres en certains jours se dessè- chent et s'évanouissent 121 Pour nettoyer les macules, taches ou les let- tres 122 Chapitre Treiiième. — Des convives el des viandes délicieusement apprêtées 122 Pour empêcher qu'un personnage, assis dans un banquet ne s'enivre 123 Comment on peut faire perdre l'amour du vin aux ivrognes 126 Pour savoir si l'on a mis de l'eau dans le vin . 127 Moyen de séparer l'eau du vin 127 Pour rendre le vin diversement odoriférant . . 128 Pour rendre l'eau salée potable et agréable à boire 128 Pour faire qu'on puisse voir un oison vif et cuit 129 Pour faire qu'au même instant une lamproie semble être frite, bouillie et rôtie 130 Pour avoir des œufs qui surpassent en gran- deur la tête d'un homme 130 Chapitre Quatorzième. — De quelques expériences mé- caniques. Pour faire un dragon volant ou comète 131 Pour faire en sorte qu'un œuf monte en l'air. 132 Comment on pourra mettre une chandelle ardente sous l'eau 132 Pour faire qu'un vase mis à bouchon dans l'eau, la puise 132 Chapitre Quinzième. — Des autours el mignardises des femmes 133 La manière de teindre les cheveux de cou- leur blonde, ou jaune, noire, dorée, ou telle autre couleur qu'il vous plaira 133 Remède par lequel les endroits chargés de poils se pèleront incontinent et les parties ainsi traitées demeureront longtemps sans poils 134 Si vous voulez que le poil naisse avant le temps 135 Si vous voulez changer la couleur des yeux aux enfants 136 TABLE DES MATIÈRES 31 1 Comment vous pourrez nettoyer et effacer les meurtrissures des joues, et principalement des femmes, lorsqu'elles ont leur flux (leurs mens- trues) 136 Autre manière de se nettoyer des dames, lesquelles font resplendir, embellir et polir lès faces 136 Pour donner une couleur vermeille à la face . 137 Eaux pour farder et embellir la face 137 Pour ôter les ordures blanches de la face qui sont comme des peaux mortes 138 De quelques poudres pour frotter et blan- chir les dents 138 Pour faire en sorte que les tétons ne croissent 139 Pour que les rides du ventre de la femme dis- paraissent après les couches 140 Pour faire pâlir une face fardée ou connaître si elle Test 141 Une eau tachant et noircissant la face 141 Chapitre Seizième. — ■ Premièremenl, pour combattre vaillamment dans le camp de Vénus 142 Pour rafraîchir le désir de luxure 144 Chapitre Dix-septième. — Des mèches de lampes ou chandelles, et des illusions qu'elles produisent et comme on pourra faire que les hommes seront vus avoir des têtes de chevaux ou d'autres animaux. . . . 146 Comme on pourra voir une chambre colorée. 146 Pour voir une maison argentée et lumineuse . 147 Pour faire en sorte qu'une face apparaisse maigre et pâle 148 Pour faire que les assistants d'une société sembleront n'avoir point de têtes 149 Pour faire que les hommes vous apparaissent avec des têtes de chevaux ou d'ânes 149 Pour faire voir une chambre pleine de grap- pes de raisins 150 Chapitre Dix-huitième. — De plusieurs expériences in- téressantes à propos de lampes 151 Pour faire qu'une personne, allumant une lampe, s'effraye et ait très peur 151 Pour faire que les raines ou grenouilles ne crient pas la nuit 152 312 TABLE DES MATIÈRES On peut faire une mèche qui brûlera la main qui réteindra et s'éteindra en la main étendue. . . 153 On peut de la même manière faire une lu- mière à l'aide de laquelle il semble que les astres errent et se meuvent 153 D'une autre lumière par laquelle les hommes sembleront des géants 153 Chapitre Dix-neuvième. — De Varl el de la manière dont on peut se préserver des poisons 155 Comment ceux qui veulent faire une plaie grave par un attouchement soudain, peuvent le faire 156 Le souverain remède contre un tel mal 157 Pour rendre un homme ladre 157 Remède convenable et salutaire contre la ladrerie 1 58 Comment on peut faire devenir une personne insensée 159 Pour causer une fièvre éthique après une longue maladie 160 Pour faire arriver la mort au moyen de fer- mentation ou de parfum 161 Chapitre Vingt-et-unième. — Des médicaments endor- mants 164 Moyen par lequel on pourra provoquer le sommeil 165 Pour faire une pomme endormante 166 Chapitre Vingt-deuxième. — De plusieurs expériences admirables, dont on ne peut pas, à la vérité con- naître les causes 166 Pour restreindre l'urine d'une femme qui peut de la sorte garder son eau 167 Pour faire que ceux qui sont assis dans un banquet, ne mangent point 168 Pour faire qu'un boulanger ne pourra mettre son pain au four 168 Lier ensemble les hommes et les femmes de sorte qu'ils ne pourront se joindre charnellement . 169 Pour faire que les femmes se réjouissent. . . . 169 Comment on pourra faire que les chiens n'aboyeront plu? 169 TABLE DES MATIÈRES 313 Pour chasser les grêles et les tempêtes im- minentes 170 Pour faire que les hommes se travaillent bien par sauter sans cesse, ou par rire, pleurer, chanter, et autres passions et affections humaines 171 Pour faire péter les génitoires à un homme rompu et grevé 172 Comment on pourra éprouver si une femme est chaste 1 "72 Chapitre Vingt-deaxième. — La manière de connaître si une fille est chaste ou si elle a été souillée par des embrassements ou si vraiment elle a fait des enfants, 176 Pour faire que de son bon gré une femme raconte en dormant ce qu'elle aura f lit 177 Chapitre Vingt-troisième. — Comme on pourra avoir des enfants, ou des petits beaux et diversement colo- rés 178 Comment on peut avoir des paons ou des poulets blancs 180 Pour faire que les femmes engendrent de beaux enfants 1^0 Chapitre Vingt-quatrième. — Comment les monstres naissent et de la vertu admirable de la putréfaction . 182 Comment on pourra faire qu'un coq naisse avec quatre ailes et quatre pattes 183 Pour faire engendrer un animal mêlé de plusieurs espèces 1 84 Pour avoir une couvée d'œufs sans poule .... 186 Pour faire engendrer un animal en enveni- mant les personnes de son regard, comme si c'était un basilic, ou le serpent appelé Catoblepas. 187 Que les cheveux d'une femme qui a ses fleurs, lorsqu'ils sont cachés pendant un court temps dans du fumier, se convertiront en serpents ou vermisseaux 188 Chapitre Vlngt-elnqulème. — De la lyre, de la harpe et de plusieurs de leurs propriétés 191 D'une lyre apte à provoquer le sommeil 194 Une lyre qui, touchée, émouvra et fera ré- sonner du même ton une autre, gisant à terre, sans être fredonnée par un artifice de main 196 314 TABLE DES MATIÈRES Si VOUS voulez qu'un sourd puisse entendre le son de la lyre 196 Pour faire que les lyres, cistres et autres instruments soient touchés et résonnent par le vent 197 Chapitre Vingt-sixième. — Comment on peut arriver à avoir des songes clairs et joyeux, obscurs ou terri- fiants 197 Le moyen assuré d'exciter des songes agréa- bles 199 Pour rendre des songes obscurs et tumul- tueux 199 Pour produire les mêmes résultats à l'aide de parfums et autrement encore 200 Chapitre Vingt-septième. — Comment V amour se peut engendrer et des choses qui retiennent la vertu du médicament amoureux 203 Chapitre Vingt- huitième. — Des charmes et ensorcelle- ments, ou comme on peut-être empêtré par eux et de leurs préservatifs 208 Le moyen d'enlacer les femmes aux lacs d'amour 215 Les remèdes préservatifs ou secourables con- tre ce mal 217 LIVRE TROISIÈME Chapitre Pre mier. — Des extradions de Veau et de V huile et de plusieurs opérations qui entrent communément dans ce travail 220 Comment on pourra faire de l'huile de talc . . 222 Pour extraire de l'huile ou de l'eau du soufre . 223 Pour tirer l'huile des œufs 224 Par quel moyen on peut tirer l'eau de l'ar- gent vif 224 Chapitre Deuxième. — De Va/finemenl ou sublimation, calcination ou réduction en chaux, el autres choses nécessaires à cet effet 225 Comment nous devons affiner ou sublimer. . 225 TABLE DES MATIÈRES 315 Pour cultiver ou tourner le vif argent en chaux ou en quelqu'autre métal 224 Pour faire tourner le plomb ou étain en chaux 228 La manière de cuire l'airain 229 Pour tirer le vif argent du plomb 230 Le sel de lie ou tartre, et que vulgaireme^nt on appelle cendres gravelées, se fait aussi de la sorte 230 Pour tirer l'esprit de l'étain 231 Pour extraire l'esprit de l'antimoine 232 Chapitre Troisième. — Comme la qualité frangible est ôlée et réduite en corps, el la couleur Urée en peau . . . 232 Comment on pourra tirer en peau l'or, le plus noble de tous les métaux 233 Chapitre Quatrième. — Comment on peut rendre tout métal plus pesant que son poids naturel 235 Pour faire que l'or croisse et augmente beau- coup 236 Si vous voulez que l'un et l'autre froisse, voici une très bonne recette 236 Comment l'or et l'argent se pourront dimi- nuer, sans endommager la forme ou gravure 238 Chapitre Cinquième. — De Voir el des médicaments de Voir, du premier ordre 239 Autre exemple pour faire blanchir l'airain . . . 240 Pour obtenir le même résultat par un autre moyen 241 Pour rendre l'airain ou le cuivre argentin . . . 242 Chapitre Sixième. — Du fer el des médecines de fer, pre- mier ordre 243 Pour teindre le fer et lui donner couleur d'or. 244 Pour transmuer le fer en airain, de sorte qu'il n'y reste plus rien de la nature du fer 244 Chapitre Septième. — Du plomb et des médecines du plomb du premier ordre 245 Chapitre Huitième. — De V étain et des médecines de premier ordre 247 Le moyen d'ôter le cressinement ou surdité du son, et la mollesse 248 Pour ôter la surdité de l'étain 248 On peut transformer l'étain en plomb 249 316 TABLE DES MATIÈRES Chapitre Neuvième. — De Vor et de V argent el des mé- decines de premier ordre 250 Pour teindre l'argent en or 250 Chapitre dixième. — Du vif argent et des médecines du premier ordre 251 Manière de congeler l'argent vif avec odeur de métaux et principalement du plomb 251 On fait encore une autre congélation d'argent vif, avec une salade de fer ou un plat 252 Manière de teindre ce même argent vif con- gelé en couleur noire 253 Congeler l'argent vif avec poids d'airain 253 Congélation d'argent vif faite avec de l'huile . 254 La fixation de l'argent vif congelé 255 Chapitre Onzième. — Des médecines de second ordre. . . 256 Comment on pourra teindre l'argent en or. . . 256 Chapitre Douzième. — Des médecines de troisième ordre 258 Comment on pourra rendre le cinnabre ou vermillon fixe 258 Du combat de Phœbus et de Python 260 Comment on pourra donner diverses formes au corail, et de plusieurs fragments faire une seule pièce 261 Chapitre Treizième. — On peut rétablir plusieurs perles rompues en une, el en former un seul globe 263 Chapitre Quatorzième. — Des opérations du cristal et du verre, dont on se sert pour falsifier les pierres pré- cieuses 266 Comment'on pourra faire fondre le cristal. . . 266 Pour faire un verre artificiel pour falsifier les pierres précieuses 267 Chapitre Quinzième. — Comment on peut falsifier les pierres précieuses de diverses manières 268 Le rubis ou escarboucle 268 L'ambre 269 Pour faire les pierres précieuses artificielles . . 269 Pour transform.er un saphir en diamant 270 Une pierre précieuse appelée Sardonic ou Sardoine et par d'aucuns Camayeu. qui doit blanche en une autre^pierre qui l'imite 270 STABLE DES MATIÈRES 317 De certaines compositions de pierres pré- cieuses ^71 Comment faire la pierre précieuse appelée le^diamant 27 1 Comment faire la pierre précieuse appelée émeraude • • • • ^7 1 Pour faire la pierre précieuse appelée saphir. 272 Pour faire cette espèce d'escarboucle que nous appelons rubis, et d'autres pierres plus obs- cures que nous nommons grenat 272 Pour faire la pierre précieuse appelée topaze . 273 Pour faire la pierre précieuse appelée cry- solite 273 Pour former cette espèce d'émeraude qui s'appelle Prasius 273 De cette manière aussi vous ferez la calci- doine 274 Pour former la pierre précieuse appelée tur- quoise 274 Pour faire la pierre qu'on^appelle smaltu«, blanche 274 LIVRE QUATRIÈME Chapitre Premier. — Comment Von pourra, de jour, voir les étoiles 275 Comment dans les ténèbres vous pouvez voir avec leurs propres couleurs, les choses qui par dehors sont frappées du soleil 278 Comment on pourra voir toute chose avec sa propre couleur 279 Chapitre Deuxième. — Comment on pourra voir Varc du ciel 280 Chapitre Troisième. — Comment on pourra voir des choses multipliées 282 Chapitre Quatrième. — Comment de plusieurs miroirs pleins on pourra faire un miroir auquel, en même temps, apparaîtront plusieurs effigies 283 318 TABLE DES MATIÈRES Chapitre Cinquième. — Comment on pourra composer un miroir à l'aide duquel on pourra voir beaucoup de choses au même instant 284 Chapitre Sixième. — Comment des miroirs pleins on pourra en composer un où Von verra au même ins- tant qu'une personne viendra eî une autre s'en ira . . 285 Chapitre Septième. — Des imaginations et opérations des miroirs concaves 285 Comment on allumera du fer avec une fiole pleine d'eau 287 Le feu peut être encore allumé par le cristal rond ou par une petite sphère ronde ou un bassin rond 287 Chapitre Huitième. — Comment il se peut faire que r image se révèle en dehors en un miroir concave .... 288 Chapitre Neuvième. — Des liaisons physiques on natu- relles 289 Chapitre Dixième. — Des- vertus des pierres précieuses et de leurs images 292 Chapitre Onzième. — Des vertus des pierres 294 Chapitre Douzième. — Des nuages du ciel et des planètes 298 Chapitre Treizième. — Quelles images on doit graver sur les pierres ou les pierres précieuses 299 Chapitre Quatorzième. — Quelles choses on doit élire nécessairement pour tailler les pierres 301 Librairie H. DARAGON, 96-98, Rue Blanche PARIS-9* DERNIÈRES PUBLICATIONS P. Piobb. - Vénus, déesse de la Chair 1 \nl. 6 fr. Formulaire de Haute Magie, 1 volume in-18 2 50 li. Scliwaeblé. — Sorcellerie pratique l vol. 3 5(.i /?. Sclnvaeblé. — Le Livre de la Veine - ~ 50 ./. Mavérir. — Lumière Astrale "^00 V. Tisserand. - Magnétisme personnel 1 50 Keiulal. — Magnétisme personnel '2 ô(J E.Bosc. — L'Alimentation naturelle — 1 pierres astrologiques. 1 volume franco 0 FR. I T» H. D.^RAGON. Imprimeur-Éditeur Paris