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MYTHO LOGIE

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LES FABLES

EXPLIQU E'ES

PAR L'HISTOIRE, T 0 MB IV,

L A

MYTHOLOGIE

E T

L ES FABLES

EXPLIQUEES PAR L'HISTOIRE;

Par M. VAbbé Banier , de V Académie des Infcriptions <& Belles-Lettres.

TOME QUATRIEME,

A PARIS,

Chez BriAsson, Libraire , rue S. Jacques ,' à la Science.

M. DCC. XXXIX.

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.

Digitized by the Internet Archive

in 2012 with funding from

University of Illinois Urbana-Champaign

http://www.archive.org/details/lamythologieetle04bani

JP -

3 TABLE

^vJDES LIVRES ET DES CHAPITRES Contenus dans ce Tome IV. Suite des Dieux d'Occident.

Continuation du Livre I. . CHAR IX. Hijîoire de Minerve , de F allas & de Bellone. page i

CHAP.X, Hijîoire de Mars & de la Viâoire. 3^

CH A P. XL Hijîoire de Venus , de Cupi- don , de Pfycké, & des Grâces. yo V Amour > ou Cupidon. j2

Anteros. jy

PJyché. 81

Les Grâces. po

CHAP. XIL Hiftoiré de Vulcain. ±ào CH A P. XIII. Hiftoiré de Mercure. 1 1 2 CHAP. XIV. Apollon Je Soleil , Bhaè- ton , les Mufes , &c. 1 :> <j>

Art. I. Le Soleil , nommé Helios par les Grecs. jbid.

Art. IL Explication de la Fable de Phaeton > des Heliades fes fœurs i & de Cygnus. i^(j,

Tome IV. a

549887

îj TABLE DES LIVRES.

CH AP. XV. Hijloire d'Apollon. 1 62

Diane & la Lune. 208

CHAR XVI. Des Mufes. 221

CHAR XVII. BJloire de Bacchus. 232

LIVRE II.

Des Dieux de la Mer , des Fleuves > & des Fontaines. 273

CHAP. I. Du culte rendu à PEatL, & des caufes qui donnerentïieu à [on éta~* blijfement. 273

CHAP. IL Des différent Sacrifices quon offroit aux Dieux des Eaux. 289

CHAP. III. De VOcean & de Tethys.

CHAP. IV. Neptune &Amphitrite. 301 CHAP. V. Nerée , les Néréides 7 Doris

& Triton. 328

CHAR VI. Protée. 338

CHAP. VIL Phorcyr, Saron^Portunus^

Matuta , Glaucus & Egeon. 373

CHAP. VIII. Des Nymphes , Dryades ,

Hamadryades , Napées9 Oreades , &c+

361

CHAP. IX. D'Eole & des Vents. 37° CHAP. X. Des Sirènes. 3 8 1

ET DES CHAPITRES. iij

- -■- ...

LIVRE III,

Des Dieux de la Terre. 392

CHAP. I. Démogorgon. 39 £

CHAP. IL De la Terre y adorée fous dif* ferens noms. 399

CHAP. III. De Cybele, ou de la Mère

des Dieux. 405?

CHAP. IV. De Vejla & des Vénales.

426 CHAP. V. Du Dieu Terme. 431

CHAP. VI. Hiftoire de Flore , de Po~

mone , de Venumne y & de Priape,

Dieu des Jardins & des Vergers. 437 CHAP. VIL De Paies , & de quelques

autres Divinités champêtres. 4^4

CHAP. VIII. Des Satyres , Faunes 9

jŒgypans , &c. 463

CHAP. IX. De Faunus <Ù* de Sylvanus.

473

CHAP. X. De Silène & de Midas. 480 CHAP. XI. Des Dieux Lares. 49 1

CHAP. XII. Des Dieux Pénates, 497

XTR AIT DES REGISTRES DE

1 Académie Royale des Infcriptiis L Belles-Lettres.

&rt Mardi 28. Août 173^.

CE jourd'hm M. de Bo*e & M, l'Abbé Stvlnï Commiflaires nommés par TAcàdèmie pX 1 examen de lOuvrape^P m paw ' t> P

titulé : La Myt hohff&ls F-llf^™™^ Vu a JL 6 ^ ies râbles expliquées -bar l^ove, &c.ea ont fait leur Rapport, &dï

Te t " V- °? ' nen trc?vé **' Pût l'empêcher d'î- Effi A C; ? c.°nfécl«ence duquel Rapporta

Sp Ac? deJ?«acedé & tranfporté audit Sieur Abbe Bamer fon droit de Privilège pour faS

GROS DE B07R « *°Ut I7>6'

cadernSeT Secrétaire perpétuel de l'A-l

W. J -1- nd-é m Mon,îeur- Briaffon , Libraire à fL OaS 2ï£î l?f ? aacc<?rdé P°ur m™

Convenr'iôn f " ?***%*■.**. fuivant les conventions faites entre nous A Paris r-~ „.7 ffiîer SeP£embre I/36. ^JL™* *j«f

•r »! / ?% 3- cot>firmément aux Réhemeni t^.fx, " **» OOoh, mil}e/Z

Kgné, G. MARTFN, Syndic.

I A MYTHOLOGIE

L A

MYTHOLOGIE

ET LES FABLES

EXPLIQUEES

PAR L'HISTOIRE.

«SUITE DES DIEUX DU CIEL. CHAPITRE IX.

Hifloire de Minerve , ou P allas , & de Bellone.

E commence l'Hiftoire des Dieux Dieux de cette féconde race , lKqS par celle de Minerve , la plus noble production de Jupiter. Rapportons d'abord la Mythologie Grecque à fon fujet , puis nous recher- Tome IV. A

2 La Mythologie & les Fables Dieux cherons fa véritable origine. Ciceron l^°i:ctjx. ^^conno^it cmçl Déefles de ce nom. « J'ai 33 déjà parlé, dit-il, d'une Minerve, » mère d'Apollon. Une autre, iffue du *> Nil , efl honorée à Sais ville d'Egypte. » Une troifiéme dont j'ai parlé aufîî , » fille de Jupiter. Une quatrième , née *> dejJupiter & de Coryphé fille de l'O- *> cean , nommée par les Arcadiens , »> Corie , & à qui l'on doit l'invention y> des chars à quatre chevaux de front. » Une cinquième, que l'on peint avec » des talonnieres, eut pour père Pallas, *> à qui , dit-on , elle ôta la vie , parce od qu'il vouloit la violer (à).

Saint Clément d'Alexandrie , celui des Pères de PEglife qui connoifToit le mieux l'Antiquité profane , & qui avoit lu un grand nombre d'Auteurs , dont le temps nous a enlevé les Ou- vrages , reconnoît auflî cinq Minerves, mais pour leurs parens , il diffère un peu de Ciceron. La première , étoit Athénienne , & fille de Vulcain ; la fe-

(a) TAinerva prima , qtutm ^Apçllinis rnatrtm fifrà dixi- mm : feennda ortaJs.Ho , cjuam A'gyptii Saitœ colnnt : tertio, tila , ejnarn Jove gtneratam diximus : ejuarta jeve nata , C7' Ccryphc ? Cce/tnifiiia , qaarn ^Areades Oriam nommant , & quadrigarum inventrhem ferunt : quinta PalUntis iqHœpd- trern dicitur interemiffe , viïgrr.itutnn fitam vie/are conan- tem : cui piunaïHm Salaria »jfingH*t , L>e Nat. Deor. lib.3.

Expliquées par PHiftoire. 3

eonde Egyptienne, fille du Nil; la dï^£*. troifîéme qui avoit Saturne pour perc, Liv.i.ch.ix. avoit inventé Fart de la guerre ; la qua- trième , fille de Jupiter ; la cinquième enfin , étoit fille de Pallas & de Tita- nide fille de l'Océan , laquelle après avoir ôté la vie à fon père , l'écorcha & fe couvrit de fa peau.

D'abord il fe préfente un énigme impénétrable au fujet de la naifTance de cette DéefTe. Jupiter , dit-on (a) , après la guerre des Titans , fe voyant , du confentement des autres Dieux , maî- tre du Ciel & de la Terre, époufa Mé- tis qui pafToit pour la plus fage fille qui fût dans le monde : mais la voyant prête daccoucher , & ayant appris du Ciel qu'elle alloit mettre au monde une fille d'une fageffe confommée , & un fils à qui les Deftinées réfervoient l'Empire du monde , ilj la dévora ; & quelque temps après fe fentant une grande dou- leur de tête , il eut recours à Vulcain, qui d'un coup de hache lui fendit le cerveau , d'où fortit Minerve toute ar- mée, & dans un âge même aflez avancé; de forte qu'elle fut en état de fecourir

( a ) Voycfc Homère Hymn. de Pallas. Hefiod. Theog. rhiloftr. Tableau de U naifjante de Minerve > & Lucien, Dial. de Jupiter & de Vulcain»

A ij

4 La Mythologie & les Fables pît-ux fon pere jans ja ^uerre ç}es Géants;

d accident. * . O ?

Liv.i.Lh.ix. ou eile le diitingua beaucoup (i). Ju- piter, fuivant quelques Auteurs , étoit

(i) Voyez *, ,. . , l , A .. . ■-

ce qui a été déjà marie avec Junon ; & il ne prit le dk à iWa- deiTein de mettre Minerve au monde,

faon de cette T r . ~ , -i r>

guerre. que parce que Junon etoit ltenJe. Cette fiétion a toujours paru myftérieufe , & ceux qui ont entrepris de l'expliquer , fe font jettes dans différents partis. De Sçavans Modernes ont crû qu'elle ren- fermoit les vérités les plus fublimes de

h) *«W. ^a Philofophie , ôc cette parole (2) qui avoit créé toutes chofes ; c'eft-à-dire , Tidée éternelle qui avoit été le modèle de tout ce que l'Etre fouverain avoit mis au monde (a) ; qu'on avoit voulu marquer l'égalité de puilTance entre cette D défie & Ton pere , en lui don- (3) Voyex nantie redoutable Egide (3) , qu'aucun

Womer 1. s. autre Dieu que lui ne pouvoit porter; & que on avoit dit qu'elle étoit la Déefle des Arts & des Sciences , c'eft qu'elle étoit l'intelligence de fon pere ; enfin qu'on ne lui avoit confacré la Chouette , le Dragon 5c le Coq , que pour marquer fa vigilance , & nous ap- prendre que la véritable fagelTc ne s'en- dort jamais. Mais fi on demande à ces

( a ) Que S. Paul appelle fiçnra fnbflantiœ ejus. Voyet S. Angola , liy. 7. 4e U Cité de Dieu , après Varron.

Expliquées pur FWJioire. $

Auteurs , les Poètes avoient pris J^^t. ces hautes idées de la plus fublime Liv.i.ch ix. Théologie , ils répondent que c'étoit dans les Livres de Mercure Trifmégifte , cet Auteur célèbre qui fembloit avoir pénétré le myflere de la Trinité ; mais ces Livres ne font-ils pas fuppofés ? D'autres difent (a) que lesPoëtes avoient puifé ces idées dans les Livres de Moy fe , dont les Egyptiens & les autres Peuples voifîns portèrent la connoiffance avec leurs Colonies , dans la Grèce ; & qu'une connoiffance confufe du Verbe éternel, fut le fondement des fables qu'ils dé- bitèrent fur ce fujet. Le Père Tourne* mine eft de ce fentiment , puifqail dit dans un excellent morceau , inféré dans les Mémoires de Trévoux , Novembre & Décembre 1702. que le nom d'A~ thena ou Thena , vient d'un mot hé* braïque qui fîgnifîe connoiffance ; & il trouve un grand rapport entre cette DéeiTe & le Verbe produit par voye de connoiffance. D'ailleurs, ajoute-t-il, les Arcadiens difoient que Minerve étoit fille de Coryphé , que ce mot fîgnifîe le fommet de la tête. Triton , de même,

( a ) Le PereTournemtne , Projet de l'Explication des Fables Journal de Trévoux , Novembre & Décembre Î702.

A iïj

6 La Mythologie & les Fables dans la Diale&eEolienne , veut dire le crâne : on a dit auilî , pour la même rai- fon , que fon père s'appelloit Cranaiis. Ce fçavant Auteur va plus loin encore, & eft perfuadé que le Serpent que les Vierges qui fervoientMinerve portoient dans leurs proceffions , étoit une figure de celui qui trompa Eve. Mais j'ai bien de la peine à me rendre à ces idées ; les Payens avoient-ils la moindre connoif- fance de ces myfteres ineffables ?

M. le Clerc , dans fes Notes fur Hé- fiode , dit que cette fable eft fondée fur ce que Jupiter adopta cette fille , Se prit foin de fon éducation. Pour moi , m'en tenant à Héfiode qui la fait fortir du cerveau de Jupiter , je remarque feulement qu'il ne s'agit pas dans cette fable , comme on le croit communé- ment , de la fage Minerve , mais de la guerrière Pallas , puifque les épithetes qu'il lui donne , ne conviennent qu'à celle-ci. Ce Dieu , dit-il , fit éclore de fon cerveau la Tritonienne aux yeux pers ; elle eft vive & violente , indomptable , aimant le tumulte > le bruit , la guerre Ù* les combats.

Eufebe prétend que la fable de Mi- nerve vient d'une fille qui parut fur les tords du Lac Triton , & qui fe rendit

Expliquées par VHifloire. 7

fameufe par les ouvrages de- laine ; Se ,RIE.^*

/ o 1 r cl Occident*

comme les beaux Arts lont tes fruits Liv.i.ch.ix. de l'efprit , on eut raifon de dire qu'elle étoit fortie du cerveau de Jupiter. Pau- fanias (1) femble confirmer la tradition ( 1 ) in At? cju'a fuivie Eufebe , lorfqu'il dit 5 Quant tlc' c' x*4 a la Déejfe , elle a les yeux pers , ce que je crois fondé fur une fable qui a cours parmi les Libyens 9 car ils difent que Mi- nerve étoit fille de Neptune & de Tri- tonis Nymphe d'un Marais , & que pour cela on lui a donné des yeux pers com?ne àfon père ; cependant comme l'Antiquité varie beaucoup fur tous ces fujets, ceux d'Aliphere dans Y Arcadie , fe vantoient , au rapport de Paufanias , que Pviinerve étoit née chez eux , & qu'elle y avoit été nourrie. Enfin la plus commune opinion eil que Minerve étoit fille de Cecrops {a) , & comme elle fe diftin- guadans les belles-lettres , & peut-être dans les armes , on la regarda après fa mort comme la Divinité qui y préfï- doit , & l'on ne la fit fortir du cerveau de fon père > que parce que les éty- mologies les plus naturelles defon nom, fignifient ou confeil , ou fagejfe , ou ef-

( a) Cette conjecture eft d'autant plu vraifemblabie , que Cecrops eft peut-être Juprer Roi d'Athènes que l'an- tenne Mythologie Q.ec^ue dit être ie père de Minerve.

A iiij

S La Mythologie & les Fables

JoSfcm frît ^9 ^ous *es Sçavans ne convien- Liv.i.ch.ix. nent pas de cette étymologie. On fait (0 Cœlius venir le nom à'Athene , ou 8 Atfiana- €jton.ùetin tos,> immortQ\> ou deThanaï 9 Sf avant 9 Gminis. ou tf Athrena , clairvoyant , ou de Tkena 5 connoiïTance : & celui de Minerve, an- ciennement Menerve, eft tiré de P*'a , ou de minuere , diminuer , ou de mi- nari , menacer , ou de monere , aver-

(2) Con-tir(2\

luttez au/H Ti/r '• ri **•

LyiioGiraldi. Mais je crois qu il y a eu une Mi- nerve plus ancienne que celles dont nous venons de parler , Se qui étoit ho- norée à Sais en Egypte, long -temps avant Cecrops ; que ce Prince qui en étoit originaire , en porta le culte dans la Grèce , & que ce n'eft que dans la fuite que cette DéeiTe fut confondue avec fa fille Athené , à qui il avoit donné ce nom pour la confacrer à la Divinité qu'on adoroit dans fa patrie. Cette Minerve d'Egypte s'appelloit

(3) Dans Neits, félon Platon (1) & Eratofthene, fonTrmée. & c>éto:t eue . fuivant le premier de

ces deux Auteurs , qui avoit fondé la célèbre ville de Sais , les Grecs ap- prirent les cérémonies de fon culte. Et comme les Rois d'Egypte , au rapport de Lucien , portoient fouvent les noms cle leurs Dieux, celui de Nitocris , cette

Expliquées par PHiJîoïre. $

fameufe Reine qui fe diftingua pendant .£* * u x

* r i il o* dOccide.u.

fon règne autant par les belles actions Uv.i.chax. que par les monumens qu'elle fît éle- ver , figninoit Minerve viéîorieufè.

Suivant d'autres Anciens , cette Mi- nerve d'Egypte s'appelloit Ogga , ou Onka , & il faut convenir que leur opi- nion eft mieux fondée que celle d'E- ratofthene & de Platon. En effet , que le premier & le plus ancien nom de Minerve ait été celui de Ogga ou Onka 9 c'eft un fait attelle par plulîeurs An- ciens. Euphorion le dit pofïtivement dans Etienne de Byfance ; & Hefychius s'en exprime ainfî : Athéné était nom- mée Onka à Thebes. Le Scholiafte de Pindare , qui parle d'un village de la Thébaïde nommé Onka , penfe de mê- me qu'Hefychius : or la ville de Thebes en Grèce étoit une Colonie Phénicien- ne. Efchile eft -le premier qui nous ait appris ce nom de Minerve ; Etheoclc en effet dit dans une des Tragédies de ce Poète : * D'abord Onka , Pallas , » cette Déeiïe qui veut bien habiter » près de nous aux portes de cette » ville , Sec.

Le Scholiafte de ce Poëte conclut de-là que Pallas étoit honorée chez les Thebains fous le nom d'Onka : or d'où

Av

io La Mythologie & les Fables Di eux les Thebains avoient-ils appris ce nom*

a Occident. , ,-. . ir-m / *

Liv.i.ch.ix. que des égyptiens ou des Phéniciens que Cadmus avoit conduits dans la Beotie ? Je dis des Egyptiens ou des Phéniciens, parce que lesAnciens étoient partagés fur le pays d'où étoit venu Cadmus , comme nous le dirons dans fon hiftoire.

Mais d'où venoit ce nom d'Ogga,

ou Onka ? C'eft un point fur lequel les

Sçavans ne font point d'accord , ainfî

U)DeDiis qu'on peut le voir dans Selden (i)

s>rus. & Bochart ( 2 ). M. Fourmont ( 3 ) y

(2) Geogr. A - ' iTi 1 J J

facr. îiv. 2. paroit moins embarraile que les autres. C(4') Refl ®nga* dit-il, qui eft le nom Phéni- crit, s. a. ' cien de Pallas , doit fe trouver dans feâ. 2. ja farniHe de Chronos ; or Ghronos , ou Saturne , félon lui , efl incontefta- blement Abraham. Ce nom veut dire une jeune fille , ou une femme , ou une fervante : c'eft donc le même , en ôtant fer , que celui d'Agar , la mère du guer- rier Ifmaël ; mais je renvoyé à l'Au- teur même , pour les preuves de ce fen- timent.

Dès-là je ne doute point que Cice- ron ne fe foit trompé , lorfqu'il dit , dans le paffage que nous avons rappor- te', Miner va Jecunda , ortaNtlo , quam JEgypni Saita colunt , & ce qui prouve

Expliquées par PHtfloire. 1 1 fon ancienneté, c'eft que chez les E- _£LIEVX

n / i r j tt i a Occident.

gyptiens elle etoit la iemme de Vul- Liv.i.Ch.ix. cain , le plus ancien & le premier de tous leurs Dieux : en quoi , comme nous l'avons déjà remarqué , la My- thologie Grecque , qui en faifoit une fille qui garda toujours fa virginité , étoit bien différente de celle d'Egypte. Les Libyens qui avoient reçu des Egyp- tiens , félon le témoignage d'Herodo** te, le culte de cette Divinité , en chan- gèrent toute l'hiitoire , comme le rap- porte cet Auteur (i) , & dirent que (i)Lîy. i. Minerve étoit fille de Neptune ôc du c* i8î' Lac Tritonide , qu'elle s'étoit donnée à Jupiter , qui l'avoit adoptée pour fa fille, &c.

Je dois ajouter avec le même Au- teur , que les Libyens qui habitoient autour du Lac Tritonide , célébroient tous îes ans une Fête folemnelle en l'honneur de Minerve, pendant laquelle les filles fe partageoient en deux bandes y ôc fe battoient à coups de pierres & de bâtons , & qu'elles regardoient comme de fauïTes Vierges celles qui mouroient de leurs bleffures : Fête ancienne , fe~ lon ces Peuples, & qu'ils difoient avoir reçue de leurs ancêtres. Le même Au- teur (i) fait aufli mention d'une Fête c. 5^"iy'

A vj

12 La Mythologie & Us Fables fSSZL ™?h*ée à Saïs en l'honneur de cette lnrJ.Ch.ix. Déeffe ; mais nous en avons affez par- le dans l'Hiftoire des Dieux d'Egypte. Pallas , Minerve , & Athené , n'é- toient parmi les Grecs qu'une même JJivimte, avec cette feule différence, que Minerve étoit proprement la Déeffe des Sciences & des Arts : & Pallas qui avoit pris fon nom du Géant Pal- las fon père , étoit celle qui préfîdoit a la guerre; ce qui la fait confon- dre quelquefois avec Bellone , dont nous parlerons dans la fuite de cet ar- ticle , mais les Poètes varient fouvent la-deffus.

Plufieurs villes fe distinguèrent dans Je culte qu'elles rendirent à Minerve, entr autres Rhodes & Athènes; cepen- dant Sais le difputoit à toutes les au- tres villes du monde ; Se cette Deeife y avoit un Temple magnifique, dont WI.v.*. Hérodote fait la defeription (i). Le même Auteur parle auffi des Temples que cette Déeffe avoit dans différentes villes de la Grèce ; mais il paroît que HfiedeDio, oudeNaxe, quoique confacree a Bacchus, fe diftinguoit par le culte qu'elle rendoit à Minerve , ainfï qu on peut le prouver par trois mé- dailles de cette lue , fur Iefquelles elle

Expliquées par VHifloîre. 13 paroît. Une de ces trois médailles eft $£$££ dans le Cabinet du Roi , & a été ex- Liv.LCh.ix. pliquée par le P. Hardouin ; & las deux autres fe trouvent dans le Thefauro En? tannïco. Mais à propos de Rhodes, je dois expliquer en paffant la Fable qui dit que le jour de la naiflance de cette DéefTe , on vit tomber dans cette ville une pluye d'or (1) ; ce qui n'a d'au- (n pinte tre fondement , finon que cette ville , ^01Jmp- & qui s etoit mile tous la protection de Minerve , excella dans l'art de faire de belles ftatues. On ajouta à la Fable que cette DéefTe , piquée de ce qu'on avoit une fois oublié de porter du feu dans un de fes facrifices , abandonna féjour de cette Ifle , pour fe retirer à Athènes ; ce qui n'eft fondé que fur ce que lesRhodiens ayant négligé le culte de la DéefTe , & le foin qu'ils avoient de cultiver les beaux Arts , les Athéniens commencèrent alors à s'y diftinguer , & à la prendre pour leur Patrone, En effet ils lui dédièrent un Temple magnifique fous le nom de Parthenos , qui veut dire Vierge. Phi- dias l'orna d*une ftatue d'or & d'y voire , qui étoit un chef- d'oeuvre. Mais ce qui rendoit le culte de Minerve plus folemnel encore , étoit la Fête que les

14 La Mythologie & les Fable* Ci E.V x Athéniens célébroient en fon honneur,

Iiy.i~.ch.ix. & dont la célébrité attiroit des fpec-

tateurs de toute la Grèce. Cete Fête:

(O Mewf. eïue Meurfius a décrite avec foin (i) ,

Panathenea. Se que ie ne ferai que copier , s'ap- pelloit Athénées, & avoit été inftituée parEri&honius,troifîéme Roi d'Athènes. Enfuite lorfque Théfée eut rafTemblé les douze bourgades de Y Attique , pour en faire une ville plus considérable , & que cette Fête fut célébrée par tous ces Peuples , elle prit le nom de Pana- thénées. Cette Fête ne duroit d'abord qu'un jour ; mais pour en augmenter la folemnité , on la fît durer dans la fuite pendant plusieurs jours. Ce fut alors que les Panathénées furent dif- tinguées en grandes & en petites : les grandes fe célébroient de cinq ans en cinq ans , le 23. du mois Hecatombeon , qui répond à notre mois de Juin ; & les petites , tous les ans , le 20. du mois Targelion , c'eft-à-dire , au mois d'A- vril. Les Jeux , ou les exercices pu- blics qui accompagnoient cette Fête, ctoient la courfe à pied y avec des flam- beaux & des torches allumées , comme dans les Fêtes de Vulcain & de Pro- methée : puis vers le temps de Platon , l'on introduifît dans cet exercice

Expliquées par mijlolre. If ^ Tufase des chevaux, cette courte le d>0cciaent. faifoit à cheval. Le fécond exercice LW.i.Ch4X. étoit le combat des Athlètes , & le troi- fiéme celui de la Mufique ; les Poètes auffi y difputoient le prix , & prefen- toient quatre Pièces , qu'on appelloit Tetralogies. A ces Jeux on joignoiUa danfe, fur-tout la Pyrrhique , & c e- toient les jeunes gens qui la danfoient. La raifon qu'on rendoit de cet ulage, eft que Minerve elle même , après la défaite des Titans , l'avoit danfée. Lori- que les Romains furent maîtres d A- thenes , ils y ajoutèrent encore le com- bat des Gladiateurs. Ceux qui preii- doient à ces différens Jeux étoient nom- més Athlotethes ; ils étoient dix en tout , fuivant le nombre des Tribus d'Athènes , 6c leur fonction duroit qua- tre ans. Le prix du vainqueur étoit une couronne d'olivier , & un vaifTeau rem- pli d'huile , dont il pouvoit difpofer a fa fantaifie , pourvu qu'il ne l'emportât pas en fa maifon, & il étoit oblige de donner un repas à ceux qui avoient combattu avec lui. _

Après ces combats venoient les ia- crifices , pour lefquels chaque village de l'Attique étoit obligé de fournir un bœuf, & de ce qui reftoiton en faifoit un feftin public.

Dibux r Mythologie & les Fables

^Occident. ,~omme «s grandes Panathénées fc lmi.eh.ix. célébraient plus rarement , elles étoient auffi plus folemnnelles. Aux exercices ce aux facnfices dont nous venons de parler, on avoit ajouté une Proceffion, dans laquelle on portoit le Peplus de Minerve. Ce Peplus étoit une robe blanche fans manches, & toute bro- chée d'or , fur laquelle étoient re- prefentés les combats & les grandes aftions de Minerve , de Jupiter & des -Héros. A cette Proceffion affiftoient gens de tous les états Se de tous les âges , de l'un & de l'autre fexe , avec cette différence que les jeunes gens mar- choient les derniers; que les vieux por- taient un rameau d'olivier à la main les jeunes filles des corbeilles ;, & les jeunes gens couronnés de millet , chan- toient des Cantiques qu'on appelloit Pxan , pendant que ceux qu'on appel- loit Rhapfides , récitoient des vers d Homère. La Proceffion alloit depuis le Céramique jufqu'au Temple de Ce- resEléufîne. Ce Peplus étoit attaché à un Navire qu'on faifoit rouler avec des machines.

L'Antiquité fait mention du diffé- rend qu'eut cette Déeffe avec Neptune pour donner un nom à la ville d'Athé-

Expliquées par r&flolre. 1.7 Vitv%

«m Les douze grandsDieux furent choi- y0ccïient, fi pourltre autres de ce différend^., & y réglèrent que celui des deux qui LU produire tacbofela plus utile à la ville , lui donneront ion nom. Nep- tune , d'un coup de trident, ht fornr de terre un cheval , & Minerve un oli- vier, ce qui lui ht adjuger la v^oire ôc elle donna fonnom à'Athene ala ville

deSCTu°gPuSftLt) nous apprend après g^** Varron , que ce qui a donne lieu a cette Fable . c'eft que Cecrops en ba- rifTant les murs d'Athènes , trouva un olivier & une fontaine ; que 1 on con- fultalà-deffus l'Oracle de Delphes , qui dit, que Minerve & Neptune avoient droit de nommer la nouvelle ville , * que le Peuple & le Sénat affembles, dé- cidèrent en faveur de la Déeffe. Mais , félon quelques Auteurs , cette table n'eft fondée que fur le changement que fit Cranaus , en faifant porter a la ca- pitale le nom d' Athené fa fille , au lieu 5e celui de Pofidonie qu'elle portoit ,

<U) ApolMore , liv. , . m rapporte cette ,£** tit ÊUes deCecropSo

1 8 La Mythologie & les Fables B -i eux quj ^toit nom ^e Neptune : & comme

« Occident. - j . . r r

làr.i.ciux. 1 Aréopage autorila ce changement , on feignit que Neptune avoit été vaincu par le jugement des Dieux.

Quoique ces deux explications ne manquent pas de vraifemblance , un ha- bile homme ( a ) en a imaginé une troifîéme qui eft encore plus fatisfai- fante. Les anciens Peuples de l'Atti- que , dit-il , pofterité de Cethin , gens fauvages <Sc féroces , n'habitoient que les antres , & ne s'occupoient qu'à la chafle. Les Pelafges qui fe rendirent maîtres de leurs pays , leur apprirent l'art de la navigation y & en firent des Pirates. Cecrops , originaire de Saïs en Egypte , y conduifïtune Colon'e , abo- lit les mœurs barbares de ce Peuple , leur apprit la culture de la terre & des oliviers, pour lequel le terrain fe trouva propre : des oliviers , dit-il , dont Saïs (i) Tarttb , avoit pris fon nom ( i )% Il leur enfei-

^rier* gna aufîî à honorer Minerve , qui s'ap- pelloit Athené , fort révérée à Sais, & à qui Polivier étoit confacré. Les Athé- niens regardèrent depuis la Déeffe com- me la protectrice de leur ville , & lui fiirent porter fon nom. Athènes devint

(*) Le Peie Tournemine, Journal de Trévoux, Janvier» 170$.

Expliquées par VHiflorre.

fameufe par l'excellence de fon huile( i ).: ^2*pI le profit qu'on en retira , fît former le Liv.i.ch.ix. deffein de détourner le Peuple de la pir o) v.a«- raterie , pour l'appliquer uniquement à rod% la culture de la terre. Pour y réuffir on compofa une Fable ( c'étoit la ma- nière de propofer quelque chofe au Peuple ) dans laquelle on fuppofa Nep- tune vaiucu par Minerve , laquelle , au jugement Aême des douze grands Dieux , avoit trouvé quelque chofe de plus utile que Neptune. Cette Fable fut compofée dans Pancienne langue du pays , qui étoit la Phrygienne, mêlée de plufieurs mots Phéniciens : & com- me dans ces deux langues le même mot lignifie un cheval & un navire (2) , .(* ) ç°*~ ceux qui interprétèrent cette r able , aroiC qu*0n prirent ce mot dans la première fignifî- vient de cite* cation , & parlèrent d'un cheval au lieu d'un navire , qui étoit l'emblème de la Fable , dont le but étoit de détourner le Peuple de la piraterie. Sans cette mé^ prife , ajoute ce fçavant homme , au- roit-on donné le nom d'Ippius à Nep- tune ( 3 ) i &auroit-on fait un cavalier ($)izir%ita. du Dieu delà Mer ? Ou , pour le dire cavalier- en un mot avec Voffius(4);ce fut un dit (4) Deidoî, ferend des Matelots qui reconnoifîbient IêC,I5# Neptune pour leur Chef, & du Peuple

2.0 La Mythologie & les Fables -Dieux qu\ s'attachoit au Sénat gouverné par

<l Occident. J-. j r 9 t- i i

Liv.i.ch.ix. Minerve , qui donna lieu a cette Fable. Le Peuple, au jugement de l'Aréopage , l'emporta , & la vie champêtre fut pré- férée à celle des Pirates ; ce qui fit dire que Minerve avoit vaincu Neptune.

Quelques vraifemblables que paroif- fent ces explications , je crois qu'on peut encore en donner une plus natu- relle , & qui puifle convenir aux au- tres Fables qui refïemblent à celle-là : car ce différend entre les Dieux n'efl pas le feul dont l'Antiquité fa(Te men- er) InCo- t*on# Pau^*anias (i) rapporte que les Co-

linth. rinthiens difoient que le Soleil & Nep-

tune avoient eu , au fujet de leur pays, une pareille difpute que celle de Nep- tune Se de Minerve pour la ville d'A- thènes , & qu'ils prirent pour juge de leur différend Briarée qui adjugea l'If- thme à Neptune , & le Promontoire qui commande la ville , au Soleil , & depuis ce temps-là Neptune demeura en pofTeffion de l'Ifthme.

Les Argiens , au rapport du même (i)Loc.cit, Auteur (2) , avoient parmi eux une

«.2z. autre Fable pareille aux deux qu'on

vient de rapporter. Ils difoient que Nep- tune avoit inondé une grande partie de leurs terres , lorfque le flçuve Ina-

Expliquées par VHiftoire. 21

fchus , & les autres arbitres prononce- g^S&i rent que ce pays devoit appartenir à Liv,i«Ch.i-Xi Junon , & non à Neptune. Junon pria enfuite Neptune de faire cefler l'inon- dation ; le Dieu lui accorda cette grâce , & à l'endroit par les eaux de la Mer fe retirèrent , les Argiens , pour conferver la mémoire de cet événe- ment , bâtirent un Temple à Neptune , qu'ils furnommerent Proclyjîius ( i ). (i) Du mot Ainfi je crois qu'il s'agiflbit dans ces gre,c *^ occafions, & dans d'autres femblables, bouler/ dont parle encore le même Auteur , de l'introduction du culte de ces Dieux dans ces pays-là , & des oppofitions qui fe formoient à cette occafion. On prenoit des arbitres, & celui du Dieu dont le culte étoit établi par préférence à un autre , étoit cenfé avoir rempor- té la viftoire : ce qui eft bien fenfible , furtout dans les deux premiers exem- ples. Les Athéniens en effet qui pré- férèrent d'abord l'agriculture au com- merce maritime , honoroient plus par- ticulièrement Minerve que Neptune ; & les Corinthiens , fitués entre deux mers , préférèrent le culte de Neptu- ne à celui d'Apollon , c'eft- à-dire , le commerce de la mer 9 aux Sciences & aux beaux Arts.

22 La Mythologie & les Fables

?Occidc«. ,Ce tle fut Pas le feul différend liv.i.Ch.ix. qu'eut Minerve. Arachné , fille d'Id- mon, de la ville de Colophon , lui dif- puta la gloire de travailler mieux qu'elle en toile & en tapifferie. Le défi fut ac- cepté ; & la DéeiTe voyant que l'ou- vrage de fa rivale étoit d'une beauté achevée, lui jetta fa navette à la tête , ce qui picqua Arachné au point qu'elle fe pendit de défefpoir ; & les Dieux par pitié la changèrent en araignée » (i) Met. comme le raconte Ovide (i).

Bochart croit que cette Fable n'a d'autre fondement que le mot Arach , qui veut dire filer , 5c dit que le texte Hébreu fe fert de ce même terme pouf défigner les toiles que file cet infecte; mais n'en déplaife à ce fçavant Auteur, il peut fort bien être arrivé qu'une ha- bile ouvrière s'-étant vantée de furpaf- fer Minerve elle-même , & ayant fait une fin tragique , on imagina la Fable (i) Liv. kl que je viens de raconter. Pline ( 2 ) qui rapporte l'hiftoire d'Arachné , dit qu'elle fe pendit , fans nous apprendre ia raifon de fon défefpoir. Le diffé- rend de cette Déeffe avec Tirefias fut bien-tôt terminé. Comme il avoit eu la témérité de la regarder pendant qu'elle fe baigpoit , elle le priva de

Expliquées par PHiJîoire. 2$ fufap;e de la vue , comme nous le di- J?**?*

o . - . , 7 . d Occident.

*ons dans le iixieme volume. Liv.i.ch.i^

Je m'étendrai peu fur l'avanture de Vulcain avec Minerve , il fuffit de dire que ce Dieu, par la permiflîon même de Jupiter, ayant voulu lui faire vio- lence , elle fe défendit fi bien , que fans fouffrir aucun affront , Vulcain devint père d'Ericthônius ( i ). La DéefTe d.) ?**

., r •.#■•■<■• o ^an« m Ame.

ayant pns reniant qui etoit boiteux <x ovid.Met, contrefait , l'enferma dans une cor- \ *• beille , & chargea les filles de Cecrops de le nourrir ; mais j'expliquerai cette Fable dans le fixiéme Volume, à Toc- cafion de ce Prince.

Il ne me refte maintenant qu'à par- ler des noms qu'on a donnés à cette DéeiTe , & de la manière dont on la repréfentoit. Elle les tiroit, ces noms , ou de fes qualités , ou des lieux elle étoit honorée. Celui ày Alalcornene que lui donne Homère > étoit tiré , félon quelques-uns , du nom de celui qui avoit érigé fa flatue, ou , félon d'autres , de ce qu'elle donnoit du fecours à ceux qu'elle favorifoit , comme Hercule , dont elle étoit la grande prote&rice, contre Junon : & c'étoit , au rapport de Paufanias (2) , dans l'attitude d'une (ijiaEli*, femme prête à défendre ce Héros , que

24 La Myt hologte & les Fables *?*E.YX la repréfentoient les Megaréens dans la

a Occident. n r\ i °, i i t-

liv.i.ch.ix. ltatue qu ils avoient placée dans le 1 em- ple de Jupiter Olympien, On l'appel- loit Mufica , ou la Musicienne , & elle avoit pris ce nom de la ftatue que Dé- metrius lui avoit faite , les ferpens de la Gorgone , quand on lesfrappoit , raifonnoient comme une guitarre. Le nom de Tritonia , ou de Tritogenia , ve- noit du fleuve Triton , près duquel elle étoit née , & elle avoit été vue pour la première fois. Celui de Gigantophon- tis ? du fecours qu'elle avoit donné à Jupiter contre les Géants. Celui de Partkenia , parce qu'elle avoit confer- fa virginité ; celui de Cœjia , à caufe qu'elle avoit les yeux pers : on la nom- moit Ippia ; c'eft- à-dire , Cavalière , Se c'étoit celle-là que Ton croyoit fille de Neptune ; Sthenias y c'eft - à - dire , robufte ; Poliuchos y ou Poliade, comme qui dirait la Patrone de la Ville ; c'eft ainfî qu'on l'appelloit à Athènes , & on trouve ce nom fur une Médaille de cette Ville , au fujet de laquelle on peut confulter une DifTertationdans les Mémoires de l'Académie des Belles- ( i ) Tome Lettres ( i ). Elle avoit auffi fous ce

IIL nom-là , faivant Strabon , une ftatue à

Athènes, toute d'y voire, de la main

de

Expliquées par PHifloire. 2f de Phidias. Elle portoit aufli le même J£IEV*

i 1 r u'ii \ 11 * cl Occident.

nom dans les autres Villes ou elleetoit Liv.LCh.ix. fpécialement honorée. On l'appelloit Ellotès, pour les raifons que nous di- rons dans l'hiftoire d'Europe ; Caripha- gène , parce qu'elle étoit fortie du cer- veau de Jupiter ; c'eft Plutarque qui lui donne cette épithete On lanommaL}72- dia , à caufe de la Ville de ce nom dans la ville de Rhodes ; Ergatiè , ou l'Inven- trice , parce qu'on lui attribuoit l'inven- tion de plufieurs Arts , puifqu'outre ce que nous avons dit de l'art de la guerre, Lucien lui attribue celui de l'Archite- dure : l'art de filer , de faire de la toile , de la tapifTerie & des étoffes de foye & de laine , lui eft auilî attribué par les Anciens. Enfin c'étoitelle qu'on croyoit avoir été la première qui avoit enfei- gné à planter & à cultiver l'Olivier. On lui a encore attribué l'invention des chariots &de l'ufage des trompettes & de la flûte, &c.

On trouve encore un grand nombre d'autres noms de cette Déeffe dans Pau- fanias ôc dans Lylio Geraldi , que l'on pourra confulter ; il me fuffit d'avoir expliqué les principaux.

Minerve eft ordinairement repréfen- tée le cafque en tête , une pique d'une Tome IV. B

%6 r La Mythologie & les Fables ^EP,X y main , & un bouclier de l'autre , avec l^r.ixhax. l'Egide fur la poitrine. L'Egide , fui- vant i'étymologie de ce mot, étoit une peau de chèvre qui fervoit de cuiralTc à cette DéefTe, fur laquelle étoit gra-

> voeï v^e ^a t^te ^e Médufe (i). Le cafquc fHiftoirc'de de Pvlinerve eft différemment figuré fur Perf.e. }es monumens qui nous refient , ainfï qu'on peut le voir dans les Antiquai- res ; mais je ne connois que Paufanias (2) inEliac qui dlfe (2) que les Eléens furmontoient ce cafque d'un cocq , parce que cet animal eft très - courageux , ou parce qu'il lui étoit confacré fous le nom êiErgané. Paufanias dans fes Attiques, parle d'une ftatue de Minerve qui avoit un Sphinx dans le milieu de fon cafque, & des Griffons aux deux côtés. Dans une médaille du Cabinet de la Reine de Suéde , le même cafque eft furmon- d'un chariot à quatre chevaux ; dans une autre du Cabinet de M. MafFei , eft un ferpent , ou dragon à replis tor- tueux , qui marche devant elle. On croit que ce pourroitbien être Minerve Poliade , honorée dans la Proche d'A- thènes , qui étoit gardée par un dra- gon ; nous fçavons d'ailleurs que les animaux confacrés à cette Déefle , étoient le dragon & la chouette. On

Expliquées par PHiftoire. 27

voit en effet , fur nombre de ftatues J^1^ *t de Minerve, des dragons fur fon cafque iiv.LCk.lx. & fur fa poitrine , comme la chouette fur plufîeurs de fes médailles. Dans le Cabinet de M. de la Chauffe , eft une Minerve qui tient de la main gauche un bâton entortillé d'un ferpent, tel qu'on le voit dans les images d'Efculape , & qui étoit le fymbole de la Médecine : le R. P. de Montfaucon (1) a eu rai- (i)Di«xu»; fon de dire , que c'étoit Minerva Me- dica , qui avoit un Temple , ou un Pan- théon à Rome. Elle étoit aufîî hono- rée chez les Grecs fous le nom de Hygeia, qui veut dire Meâïca , ou Déef- fe de la fanté. Mais je n'ai pas deflein d'expliquer tous les monumens qui nous reftent de cette DéefTe , ni toutes les fingularités qui s'y rencontrent , qu'on peut voir dans les Antiquaires.

Je ne dois pas oublier cependant que les habitans de Teuthis , village d'Arcadie , avoient , au rapport de Pau- fanias (1) , une ftatuc de Minerve , ou ^ InAr~ la DéefTe étoit repréfentée avec une blefTure à la cuiffe , dont voici la rai- fort. « Près de Thifoa , dit cet Auteur, » il y a un village qui a nom Teuthis, » c'étoit même anciennement une ville, » qui ; à ce que l'on dit , leva des Trou-

28 La Mythologie & les Fables niEyx T>pes à fes dépens pour le SieVe de

d Occident. £-, o i r i

Liv.i.ch.ix. » lroye, oc les envoya fous la cqn- » duite d'un Chef particulier nommé » Teuthis , d'autres difent , Ornythus : » ce Chef, pendant que les Grecs étoient » arrêtés en Aulide par les vents con- » traires , fe brouilla avec Agamemnon, *> & voulut s'en retourner avec fes Ar- » cadiens. On ajoute que Minerve » ayant pris la refîemblance de Mêlas , » fils d'Ops , tâcha de détourner Teu- y> this de fon deffein ; que Teuthis tranf- » porté de colère, frappa laDéeffe de » fon javelot , & la ble/Ta à la cuiiTe ; » qu'enfuite il partit avec fa troupe , » mais qu'arrivé chez lui il eut une vi- » fion il lui fembla voir Minerve qui *> lui montroit fa bleiîure ; qu'auflï-tôt

* il tomba malade d'une maladie de lan- *> gueur , dont il mourut ; que la terre » il demeuroit fut maudite , & que » par cette raifon c'étoit le feul canton » de toute l'Arcadie qui ne portoit au- » cune efpece de fruit. Dans la fuite les » habitans allèrent confulter l'Oracle de d) Dodone, qui leur confeilla d'appaifer

* la DéeiTe ; ce fut dans cette inten- » tion qu'ils lui érigèrent une Statue , y> elle eft repréfentée avec une blef- » fure à la cuiiTe ; j'ai vu cette Statue ,

Expliquées pur PHiftoire. 29

» une des cuifles a encore une ligature d>^d]L » couleur de pourpre ». Liv.Keh.5ti.

J'ai dit que Minerve paroiiïbit pref- que toujours fur les Monumens qui nous reftent , avec fon Egide ; & je dois à mes Le&eurs une defcription plus particulière de cette armure.

Quoique dans fa lignification natu- relle ce mot fignine une chèvre , & qu'on croye communément que l'Egide étoit la peau de cet animal , cependant il y a des Auteurs qui font perfuadés que c'étoit celle d'un monftre nommé Egide , qui vomiffoit du feu par la bou- che , & qui fit autrefois, dit-on, beau- coup de ravages dans laPhrygie, dans la Phenicie , l'Egypte & la Libye. On dit que Minerve le tua , & en porta la peau fur fon bouclier (1). Elleyavoit (ODioA auflî fait graver la tête de la Gorgone 5 * 3# c* *h environnée de ferpens ; & ce terrible bouclier faifoit trembler ceux qui le re- gardoient (a).

Anciennement tous les boucliers des Dieux , fur-tout celui de Jupiter , cou- vert de la peau de la chèvre qui l'avait nourri , & dont il prenoitfon nom (2), (*) M* 4

(a) Quoique l'Egide marque ordinairement le bou- clier de Minerve , cependant cette Déefîe porte Couvent la tête de Medufe fur fa cuirafie.

Biij

30 La Mythologie & les Fables s'appelloient Egides ; mais depuis lavï- âoire de Minerve, ce nom fut deftine pour fon feul bouclier. Il y a appa- rence que Minerve fît périr quelque brigand fameux qui ravageoit le pays ; & c'eft ce qui a donné lieu à la Fable. Mais comme les Grecs rendoient tou- jours des raifons fabuleufes de leurs anciennes cérémonies , je crois qu'il vaut mieux fur cet article s'en rappor- ts Liv. 4. ter ^ Hérodote ( 1 ) , qui dit que les Grecs ont emprunté des Libyens , Tha*- bit & le bouclier dont ils ornent Mi- nerve, qui eft fort honorée en ce pays- y fur-tout autour du lac Triton , Fon croyoit qu'elle avoit pris naiffance. Le nom même d'Egide marque bien que cette forte de bouclier eft venue de Libye , les habitans portent fur leurs habits des peaux de chèvres cour- royées , que les Grecs nomment des Egides. Mais comme ils prétendoient que Minerve avoit pris naiffance dans leur pays , pour obfcurcir la tradition qui apprenoit que fon culte étoit venu de l'Egypte & de la Libye, d'où Ce- crops l'avoit apporté , ils inventèrent la fable de ce Monftre, & de la vidoire de la Déeffe. Voici comme Homère (i)Uiad. E. peint cette redoutable Egide (2).

Expliquées par ÏHtftoire. 31 « Minerve , fille de Jupiter ^Egio- e?£^,u *> giochus , prend fes armes ; elle cou- Liv.x.ch.ix* » vre fes épaules de l'Egide , Egide » terrible , autour de laquelle étoit la y> terreur, ço£*s la querelle ou la dif- » fention , eV* ; la force , a***? ; l'at- *> taque , r**« : au milieu étoit la tête » de Gorgo , prodige de Jupiter aV/u- » wi* , le terrible ».;

Virgile fidèle imitateur d'Homere5 en fait cette defcription ( 1 ). (i)En.î.s.

JEgidaque borrificum9 turbc.tis Palladis arma ,

Certatim fquammis ferment um , awoqiie foii- banty

Connexofqite angues , ipfamqne in peftore Diva

Gorgona , defcfto vertentern lumina collo*

Bellone. J'ai dît que Ton confondoit quel- quefois Pallas avec Bellone , que les Grecs nomment Enyo ; cependant dans la bonne Mythologie, dles font fou- vent diftinguées 1,'une de l'autre. En ef- fet, Hefîode dit que Bellone était fille de Phorcys & de Ceto , ce qu'on n'a jamais dit de Minerve. Varron ajoute qu'elle étoit fœur de Mars , & qu'on la nommoit anciennement DuellionaÇa);

(a) Ces deux noms Bellone Se Dueiliona, latins d'ori- gine, ne font pas difFérens fun de l'autre, &%nifiemla guerre,

B iiij

32 La Myhologiet& les Fables Dieux *j y a m^me jes Auteurs qui la font fa

d Occident. r ^ *

Liy.i.ciux. femme.

Les Poètes à l'envi la dépeignent comme une Divinité guerrière qui pré- parait le chariot & les chevaux de Mars , lorfqu'il partoit pour la guerre ,

I [ 1 l^fs " a*n** qu'on le voit dans Stace ( i ).

* (2) Êneid. Selon Virgile ( 2 ) , cette DéeiTe armée

■i. 8. v. 70 j. d'un fouet excitoit les Guerriers dans les combats :

Et fcifsâ gaudens vadit Difcordia fallu , Quam cum fanguineo fequitur Bellonajîagello'%

{ i )Pharf. Ou , comme s'explique Lucain ( 3 ) : Sanguineum veluti quatiens Bd'ona flagellum.

On la repréfentoit encore, les cheveux épars , tenant une torche à la main

If fa facern quatiens , ac flavam fanguim

multo Sparfa comam>.medias acies Bellona pererrat (4). (4) SU. l

|ÏÏVS Bellone avoit un Temple à Rome dans la neuvième région , près de la porte Carmentale , & c'étoit dans ce Temple que le Sénat donnoit audience aux AmbafTadeurs , aufquels il n'étoit pas permis d'entrer dans la ville , de même qu'aux Généraux qui revenoient de la guerre. A la porte étoit une petite

Expliquées par VHtfloire. 33 co^oune qu'on nommoit la Guerrière y Se pispx à laquelle on jettoit une lance toutes les Liv,r.ck.ix. fois qu'on déclaroit la guerre.

Servius dit que cette DéefTe avoit fon rang parmi les Dieux qu'il nomme Communs , Se étoit regardée comme égale- en puifTance à Mars , Dieu de la guerre. Les Prêtres de Bellone , nom- més Bellonarii , recevoient leur facer- doce par des incifions qu'on leur fai- foit à la cuifTe , Se dont ils recevoient le fang dans la paume de la main , ainfî que le rapporte Tertullien ; mais Elien Lampridius dans la Vie de Commo- de (1)5 dit que c'étoit au bras que ( ' } c' 9* fe faifoit cette incifion : Bellonœ fer- vientes verè exfecare brachium prœceph fiudio crudtlitatis. Ces malheureux y après avoir ainfî tiré leur fang par ces cruelles incifions , en faifoient un facri- fice à cette DéefTe. Il paroît que dans la fuite cette cruauté n' étoit que fimu- lée. Ces Prêrres ëtoient des Fanati- ques , qui dans leurs enthoufiafmes pré- difoient la prife des villes, la défaite des ennemis , & n'annonçoient que fang & que carnage ; ce qui fait dire à Juvenal ( 2 ) : 05 *#.

v. 124, Sed & fanatlcus ceftro

Bv

34 La Mythologie & les Fahles Dieux n jt « » , , v

d'Occident. rercujjus , Bcllona ytuo divinat > 8tc.(aj.

Le culte de Bellone , quoique cé- lèbre à Rome , l'étoit beaucoup da- vantage à Comane : il y a voit deux villes principales de ce nom > elle étoit honorée d'un culte particu ier , ainfi qu'on l'a dit plus au long dans le Tome I.

Bellone paroît fur quelques Monu- mens & fur les Médailles des Bruttiens avec Mars , armée d'une pique & d'un bouclier; mais il efl très-difficile de la diftinguer de Pallas , comme nous l'a- vons dit dans le premier Tome.

( a ) On peut confuïter Rofin , Ant. Rom* L. 4. Ch.Io. & Cafaubon fur Lampridius , Loc. cit*

CHAPITRE X.

Hijloire de Mars & de la ViBoire.

A Bellone & à la guerrière Pallas il eft naturel de joindre le Dieu des combats. Mars , appelle Ares par les Grecs , étoit , félon Homère (i) & les autres Poètes Grecs, fils de Ju- piter & de Junon ; & ce tfeft que par-

Expliquées par VHifîoire. 3 S

rmfles Poètes Latins qu'on trouve la ^^Lu I fable ridicule qui dit que Junon pi- tm|, Ch.x. i quée de ce que Jupiter avoit mis au monde Minerve fans fa participation , avoit conçu Mars en touchant dans une prairie une fleur que la DéefTe Flore lui avoit montrée : fidion inconnue à la plupart des Anciens , & qui apparem- ment n'a d'autre fondement que quel- que allégorie qu'il eft fort inutile de vouloir pénétrer ; ou qui n'a été in- ventée , comme le prétend un ancien Mythologue (i) , que fur le caraftere caCe Genres féroce de Mars , qu'on n'a pu s'imaginer Dieu*,l. i*j I avoir été fils d'un Prince aufli poli que Jupiter. Il eft vrai qu'Apollodore dit dans fa Bibliothèque , que Junon mit au monde le Dieu Mars , fans la parti- cipation d'aucun homme ; mais il ne dit rien du refle de la fable.

Quoi qu'il en foit , Lucien nous ap- prend ( 2 ) que Junon fit élever le jeune ( 2 > Dia 1 J Mars par Priape , qui , félon le même de h D^,i JJ Auteur, étoit l'un des Titans ou des Daftyles Idéçns ; qui lui apprit la danfe & les autres exercices du corps , comme les préludes de la guerre ; & que d'un Dieu ruftique & groflier il en fit un grand Capitaine (#). Les Bythiniens >

(a) Comme la Mythologie varie beaucoup fur toutes

Bvj

3 6 La Mythologie & les Fables Joeàtett. ajoute l'Auteur que je viens de citer,

Liv.i. ch.x. difent que c'eft pour cela qu'on offre à Pnape la dixme des dépouilles qui font confacrées au Dieu Mars.

Pour bien démêler l'hiftoire de ce Dieu , il cft bon de diftinguer plufîeurs Princes de ce nom. Le premier, à qui Diodore attribue l'invention des ar- mes , & l'art de ranger les Troupes en bataille , eft fans doute Belus , que l'E- criture appelle Nembrot , ce fort chaf- ( t ) Gen. feur devant le Seigneur (i) , qui , après avoir exercé fon adreffe contre les bêtes féroces , s'en fervit contre les hommes ; & en ayant fubjugué un grand nombre, s'en fit déclarer Roi. Juftin donne à Ni- nus , & la Chronique d'Alexandrie à Thutas l'un de fes defcendans > ce que Diodore de Sicile dit de Belus. Hygin { 2 ) F*b. nous-apprend (2) qu'on donna à cet an-

l7+- cien Roi de Babylone le nom de Belus,

à caufe qu'il étoit ( b) le premier qui avoit fait la guerre aux animaux.

Le fécond Mars étoit un ancien Roi d'Egypte: le troifiéme étoit Roi de

tes ancienns fixions , plufîeurs Auteurs prétendent que fut Mars qui apprit à Priape la da nfe & la guerre. Homère donne en erT.t à Mars Tépithete de danfeur.

( b ) Belus à Belles ; mais peut-on compter fur une éty- mologie Latine , tirée d'un nom qui certainement n'y a aucun rapport ?

La

con.

Expliquées par VHifloire. 37 Thracc , nommé Odin , qui fe diftin- Dieu* gua fi fort par fa valeur & par fes con- Li^ch.x» quêtes , qu'il mérita parmi ce peuple belliqueux les honneurs du Dieu de la guerre, & c'eft celui qu'on nomme Mars Hyperboréen. C'eft apparemment de celui-là que Paufanias dit ( i ) qu'il fut J£) In nourri par une femme de Thrace nom- mee Thero, qui étoit peut-être fa mère.

Le quatrième eft appelle le Mars de la Grèce , furnommé Ares ; le cinquième & le dernier eft le Mars des Latins , qui entra dans la prifon deRheaSylvia^ & la rendit mère de Remus & de Ro- mulus : & celui-là étoit Amulius frère de Numitor. Enfin on donna le nom de Mars à la plupart des Princes bel- liqueux , & chaque pays fe fit honneur d'en avoir un, ainfi qu'un Hercule. Oïl le trouve en effet parmi les Gaulois fous le nom d'Hefus ; & cet ancien Peuple , nous en croyons Lucain 9 & après lui Laftance (a) , lui immo- loit même des viftimes humaines ( b )•

On le. trouve auffi parmi les Scythes, qui l'honoroient fous la figure d'une

( a ) Galli Hefum & Teutatem fanguine humano çlacA* bant Deos* Laâ. 1. t. 021.

(b) Et quibus immitis pUratar fanguine cafa Tentâtes ? horrenfane Jeris altaribm Hejtcs» Pharf. 1. 1.

38 La Mythologie & les Fables

^Occident. Epée , & chez les Perfes , fous le nom

Liv.i. ch.x d'Orion , qui étoit le même, fi nous

(i) De idoi. en croyons Voflîus ( i ) , que le fameux

Li- c.i5« Nembrot, dont on changea le nom

dans le temps de fon Apothéofe. Enfin

Julien P Apoftat fait mention d'un Mars

d'Edeffe , furnommé Azifus (2).

(2)Orat. Les Grecs ont chargé Phifloire de

leur Mars des avantures de tous ceux

que je viens de nommer. Ce qu'on

fçait de particulier de lui , c'eft Pavan-

ture qui lui arriva avec Allirrotius fils

de Neptune. Ce jeune Prince , com-

( 3 ) Bibl.me nous Papprennent Apoiiodore (1) ,

l/\ r A4 Paufanias (2), Demofthene & Plutar-

(4) in au , x J j) a 1 rit

fais, que , étant amoureux dAlcippe fille

de Mars , & ne pouvant la rendre fen- fîble , lui fit violence ; ce qui irrita û fort fon père contre ce téméraire , qu'il lui ôta la vie. Neptune d«fefpéré de la mort de fon fils, fit appeller Mars en jugement , & les plus graves Athé- niens s'étant aflemblés fur une affaire û férieufe , le déclarèrent innocent ; Se le purgèrent à la manière accoutumée. Le lieu fut porté ce célèbre juge- ment , fut appelle P Aréopage, nom formé de celui de Mars qu'on nommoit Ares , & du mot Pagos , parce qu'on s'etoit aflcmblé fur une hauteur : ou

Expliquées par ÏHiJloire. s 59 .^ bien , ce qui revient à peu près au d,0ccid7nt:

mpmr A' A' fît ndy»f , MaXtlS TUptS , la Liy.l.Ch.

roche de Mars ; & voila , pour le dire en partant, l'origine du fameux ln- bunal de 1? Aréopage , fi connu dans la fuite. Ce célèbre événement , qui tait une époque confidérable dans l'Hiftoire Grecque, arriva, fi nous en croyons la Chronique de Paros , fous le règne deCranaiis, c'eff-à-dire l'an i;6o. avant Jefus-Chrift (a). Comme on ne- erivoit guéres dans ces temps-la .d évé- nement fans l'embellir , on dit que Mars avoit été abfous par le jugement des douze grands Dieux , parce que les Juges qui travaillèrent à fon procès , étoient au nombre de douze , des pre- mières familles d'Athènes.

Servius raconte autrement cette avarv ture ; mais il convient qu'elle donna lieu à l'érection du Tribunal de 1A- réopage. Allirrotius, félon cet Auteur , pour venger la défai e de fon père que Minerve avoit vaincu , réfolut de cou- per tous les oliviers autour d'Athènes, parce qu'ils étoient confacrés à cette Déeffei ma la coignée lui étant tom- bée de la main , il en fut blefle , & en mourut quelque temps après. Nep-

(<i) Voyex les Interprètes de cette Chronique,

40 La Mythologie & les Fables J£rî,ux tune Ton père accufa le Dieu Mars fon

d Occident. . X .

Liv.i.ch.x. ennemi de la mort de ion lus ; mais ce- lui-ci fut abfous par le jugement de l'A- réopage.

Il falloit que le Poëte Efchile igno- rât ces deux traditions , quand il com- pofa fa Tragédie des Euménides , puif- qu'il fait dire à Minerve , que le lieu fe tenoit le Tribunal de l'Aréopage y avoit pris ce nom lorfque les Ama- zones y avoient immolé des vi&imes au Dieu Mars ; &que la première caufe qui y fut agitée, fut celle d'Orefte; (x ) Bibl. mais nous fçavonspar Appollodore(i), que Céphale y avoit été jugé long- temps auparavant, & condamné à un exil perpétuel , quoique le meurtre de Procris fa femme eût été involontaire; & que Dédale , pour avoir précipité fon neveu Talus du haut de la cita- delle de Minerve , après y avoir pa- reillement été condamné , fut obligé de chercher retraite à la Cour de Mi- nos , comme nous le dirons dans fon hiftoire. Or Céphale & Dédale vivoient avant la guerre de Troye , & ce ne fut qu'après la prife de cette ville qu'O- refte fut abfous.

Arnobe qui vouloit prouver aux Payens que le Mars de la Grèce n'étoit

Expliquées far VHtftire. 4* DlEUX qu'un homme déifié, nous apprend plu- d'Occjden,. fleurs particularités de fon Hiftoire. Il Uvi. Ch.x. leur reproche d'abord qu'ils fçavoient bien qu'il étoit à Sparte , ou félon d'autres , dans les extrémités de la Thrace ; qu'il avoit demeuré treize mois en Arcadie dans une prifon ou les Aloïdes le tinrent enfermé ( i ) ; que f^ffm dans la Carie on lui immoloit des chiens , Enfet„ & chez les Scythes des ânes (a).^

Il ne nous refte maintenant qu a ex- pliquer les noms que les Anciens ont donné au Dieu dont nous faifons 1 hif- toire. Les Grecs l'appelloient Ares, dommage , à caufe des maux que caufe la guerre ; mais il y a appparence que ce nom vient de l'Hébreu Arits , qui veut dire , fort , terrible. Les Latins ti- roient le nom de Mars de Mares , maies , parce que ce font les hommes qu'on employé à la guerre. Ils l'appelloient encore Gradivus , ScQutrmus , & met- toient cette différence entre ces deux noms , que le premier repréfentoit ce

(a) Sms Sv»*t**m fui fi Uavtem, n,nne fyuUrmm Jtorvkr ? Qms in Thracia finibm pracreatum , non $*-

\leremvi*a*m ? >to ttïfc jUmm.s fihus iSÎ&se, c*n si Cm-ibus, qms à Stythis afims tmrmUrt ? f ';»« . «<"f

Z"'h%fi i»l*v* A*-> -rrww*** w;«.

non Sç«ï* * Amob. L 4- adwrf. Cent.

\2 La Mythologie & les Vallès D i£u x Dieu pendant la guerre , & l'autre pen~ l

^Occident, j ' t -11 - j

Livj. Ch,x. dant la paix. Ils avoient même deux Temples dédiés à cette Divinité fous ces deux titres , l'un dans la ville , Se l'autre hors des portes. Les Romains dans l'Apothéofe de Romulus , don- nèrent à ce premier Roi de Rome le nom de Quirïnusy pour foutenir la fable de fa naiffance , qui le faifoit paffer pour le fils de Mars. Denys d'Hali- <i) Liv* 2. carnafTe nous apprend ( 1 ) que les Sa- bins donnèrent le même nom à leur Dieu Enyaïtus , & il n'ofe aifûrer c'é- toit Mars lui-même : mais comme cet Auteur ajoute que le même Peuple ap- pelloit une lance , Cures , d'où les La- tins formèrent le nom de. Quirinus , il y a bien de l'apparence que c'eft la même Divinité , & que la lance en étoit le fymbole parmi eux, comme l'épée chez les Scythes. Les mêmes Sabins, félon le témoignage de Varron, appelloient Mars Mamtrcus , & ce nom fut donné enfuite à la famille Emilia* Le nom d'Enyaliu^ , lui venoit de Bel- lone , & paroît confirmer le fentiment de ceux qui difent qu'elle étoit fa mère. Celui de Thurius , marque fon impétuofi- dans les combats.

Les Grecs & les Latins donnoient

Expliquées par V&ftoire; . 43 foutent à Mars le nom ou Vépithete v*^ de Dieu commun , ainfl qu on peut le livl>Gh.x. voir dans Homère, dansOceron, & dans Servius fur le huitième de 1 Enéide ; & il eft bon de fçavoir qu'on appel- lent ainfî les Dieux qui favonfoient éga- lement tous les partis. Les Romains & les ?utres Peuples Latins lui donnaient auffi l'épithete de Pater , père : ils 1 ap- pelloient auffi , Syhefiris , & on 1 in- voquent , félon Caton , pour la con- fection des biens de la campagne. Les anciens Latins le nommoient Sa- lifubfulur, à caufe desdanfes guerrières, comme nous le dirons dans la fuite , en parlant de fes Prêtres. On lui don- noit quelquefois l'épithete Cœcus , ainii qu'on le voit dans Virgile , cœca Mar- te refiftunt. On trouve dans Homère celle de Rejijlant , & dans d'autres Poè- tes celles de Corhhatx , comme qui di- roit branlant fon cafque; àefangutnaire, de cruel , de terrible , &c. qui lui con- venoient parfaitement.

On a publié un grand nombre de fa- bles au fujet de ce Dieu , qui ne nous arrêteront pas beaucoup, & dont le fens fe découvre aifément ; comme quand on a dit , que fon chariot étoit traîné par Bellonej que fes chevaux.

'44 La Mythologie & les Fahles JDieux nés de Borée & d'Erynnis , fe nom- lîv.L Ch.x. nioient la terreur & la crainte ; que ce Dieu fut blefle au Siège de Troye par Diomede ; que fur fa cuiraffe étoient peints plufieurs monftres; que la Fureur & la Colère ornoient fon cafque ; que la Renommée le devançoit par-tout il alloit ; que la Fureur marchoit de- vant lui, &c.

Quoique Mars ait été adoré en plu- fieurs lieux, il n'y en a point il l'ait été autant qu'à Rome , il avo:t plu- fieurs Temples , parmi lefquels celui qu'Augufte lui dédia après la bataille de Philippes , fous le nom de Mars le Vengeur , étoit des plus célèbres. Par- mi les Collèges Sacerdotaux celui des Saliens , Prêtres de Mars , qui étoient deftinés à garder les AncUes, ou lesBou- cliers facrés , devoit fon inftitution à Numa Pompilius , qui rétablit à Focca- fion d'un événement rapporté par De- nis d'HalicarnafTe.

Un Bouclier étant tombé du Ciel , on confulta les Harufpices fur ce pro- dige , & ils répondirent que Fempire du monde étoit deftiné à la ville ce Bouclier feroit confervé. Numa Pomplius, de peur qu'il ne fût volé, en fit faire plufieurs tout-à-fait fembla-

Expliquées par VHifloire. 45*

blés , afin qu'on ne pût pas reconnoî- $ Dieux tre , le véritable , & les fit mettre au Liv.LCbx, Temple de Mars. Plutarque ajoute :

* que le Roi Numa prédit des chofes » merveilleufes fur ce Bouclier , qu'il » difoit avoir apprifes d'Egerie & des » Mufes : cet Ancile (a) , difoit-il, » étoit envoyé pour le falut de la ville y *> & il falloit le garder avez onze au- » très de même figure & de même » grandeur, afin que la difficulté de le *> reconnoître empêchât les voleurs de

* le prendre. Ce fut Mamurius qui fa* » briqua ces Boucliers , & n'eut d'autre » récompenfe de fon travail , que la y> gloire de les avoir faits. »

Grâces aux Monumens qui nous re- flent , nous connoiflbns la forme de ces Boucliers, & la defeription qu^en fait le dernier Auteur que je viens de citer , eft celle qui approche le plus de la vé- rité. Ils ont , dit-il , une échancrure en forme de coquille, & à caufe de cela , ne font pas tout-à-fait ronds ; ce feroit plutôt des ovales, fi l'échancrure qui eft des deux côtés n'en alteroit la for- me: leur plus grande longueur paroît être de deux pieds & demi.

{a) C'eft le nom que les Latins donnoient auxBou* cliers , qu'ils appelloiem tAncilia*

'^,6 La Mythologie & les Fables Po*d X Numa Pompilius avoit réglé le nom- liv-'i. ch.x. bre des Saliens à douze , Tullus Hofti- lius en doubla le nombre , ainfî que celui desAnciles. Au refte, la cérémo- nie de porter ces Boucliers dans les fê- tes publiques , fe faifoit ainfî. On les ôtoit de leur place , & les Saliens les portoient en proceiîion par la ville , en fautant , danfant , & chantant des vers qui avoient rapport à la folemnité. La fête duroit treize jours , & commen- çoit aux Calendes de Mars. Pendant tout ce temps-là il n'étoit pas permis de rien faire de quelque conféquence , de fe marier, d'entreprendre de voyage, ou une expédition militaire : ce qui s'obfervoit religieufement dans les plus anciens temps ; mais dans la fuite on fe relâcha un peu de cette coutume.

Les anciens Monumens repréfentent Mars d'une manière afTez uniforme , fous la figure d'un homme armé d'un --■ cafque , d'une pique & d'un bouclier ;

tantôt nud, tantôt avec l'habit militai- re , même avec un manteau fur les épau- les : quelquefois barbu; mais le plus fouvent fans barbe ; quelquefois enfin avec le bâton de commandement à la main. Mars vainqueur paroît portant un trophée , & Mars Gradivus eft repré-

Expliquées par VHiftoire. 47 rente dans l'attitude d'un homme qui d»225fc« marche à grands pas ; quelquefois il a Liv.i. ch.x fur la poitrine une Egide avec la tête de Medufe.

Les Scythes , comme nous l'avons dit , en parlant de leurs Dieux , hono- raient Mars fous la forme d'une épée ; êc les Romains , fuivant le témoignage de Varron, rapporté par Clément d Ale- xandrie , le repréfentoient fous celle d'une lance , avant qu'ils euiïent trouvé l'art de donner la figure humaine à leurs ftatues ; coutume qu'ils avoient apprife des Sabins.

La Viâoire.

A Mars & à Bellone nous devons joindre la Viftoire (1) , être imaginaire (i)£esG*«tf dont les Grecs avoient fait une Divinité ^PP«Uount qu'Hefiode (2) dit être la fille de Styx (a)Theog» & de Pallante , ou de l'Acheron , fi nous en croyons Phurnutus. Les An- ciens ajoutent qu'elle affifta Minerve dans le combat des Géants. Paufanias nous apprend que cette Déefle avoit plufieurs Temples dans la Grèce , & Tite-Live parle de ceux qu'elle avoit à Rome.Lorfque les Romains firent venir de Peffinunte la Déefle de Phrygie , ils

4$ La Mythologie & les Fables Dieux portèrent fa flatue dans le Temple de

d Occident. I T7n. r J5 5 1

Liv.i.ch.x. la Victoire , juiqu a cequ on lui en eut bâti un. Mais les Temples qu'elle avoit à Rome n'étoient pas les plus anciens de l'Italie , puifque Denys d'Halicar-

1. u)Ant# na]^e (0 nous apprend que les Arca- cadiens , à leur arrivée en ce pays-là , lui en firent bât'r un fur le mont Aven- tin. Sylla, au rapport de Ciceron, éta- blit des Jeux en 1 honneur de cette Déefle.

La Viétoire , comme il paroît par les Médailles & par les Marbres , étoit toujours repréfentée avec des ailes, vo- lant dans les airs , & tenant dans la main une couronne , ou une palme : mais les Egyptiens la repréfentoient fous la figure d'un Aigle, oifeau tou- jours victorieux dans les combats qu'il a avec les autres. Les Romains fe fer- voient quelquefois pour la repréfenter, du Laurier ou de h Palme. Quelque- fois on la voit montée fur un Globe , pour nous apprendre qu'elle domine fur toute la terre ; & c'eft ainfi qu'elle paroît fur les Médailles des Empereurs, parce qu'ils fe regardoient comme maî- tres du monde. Quand on vouloit dé- signer une bataille navale , on la pei- gnoit montée fur une proue de Navire ,

&

Expliquées par PHifloire. 49 dieux 5c lorfqu'elle tient un Taureau par le d'Occiùcm. mufle, elle indique les Sacrifices qu'on Llv,1,ch,x# faifoit après avoir remporté quelque avantage.

On a donné plufîeurs noms à cette DéefTe , comme à tous les autres Dieux du Paganifme. Plutarque nous apprend que les Egyptiens la nommoient Na-_ phtké , fans nous avoir appris ce que fî- gnifioit ce nom. Les Sabins, au rap- port de Varron, Pappelîoient Vacuva . & de ce nom étoit venue la fête que les Anciens nommoient Vacunalia. Les Grecs lui donnoient l'épithete d'*We\o0 qui veut dire fans ailes; & Paufanias dit que les Athéniens la repréfentoient ainfî pour Pengager à demeurer avec eux. UneVi&oire de Rome , dont les- ailes furent brûlées d'un coup de fou- dre, donna lieu à une jolie Epigramme : Rome Reine du monde,votre gloire ne fçau- roit périr ^ puifque la Viâoire n'ayant plus d'ailes , ne peut plus s'envoler. Pifon nous apprend qu'on donnoit à cette DéefTelenom deVùula; & quoiqu'on rapporte plufîeurs étymologies de ce mot , je m'en tiens à celle qui le fait venir de voce lœtari y fe réjouir , à caufe de la joie qui accompagnoit les Sacrifir ces qu'on lui faifoit.

Tome IV. C

yo La Mythologie & les Fables

II ne fera pas difficile d'entendre les autres épithetes qu'on lui donnoit, telles que Eteralcea dont fe fert Homère , pour nous apprendre qu'elle inclinoit des deux côtés ; celle de Prcvpes & de Volucris , pour marquer fa légèreté ; celle de Cœ'agena^ que lui donne Var- ron , parce que la Vidoire vient du Ciel , & ainfi de quelques autres.

Enfin il paroît par les Anciens qu'on ne lui offroit rien de fanglant en facri- fice , mais feulement des fruits de la terre.

CHAPITRE XL

Hijloire de Venus , de Cupïdon , de Pfyché 3 & des Grâces.

IL y a peu de fujets dans l'Antiquité fabuleufe fur iefquels les beaux ef- prits de la Grèce ayent donné plus d'ef- for à leur imagination , que celui que j'entreprends de traiter dans ce Cha- pitre ; & dès-là il n'y en a point ils ayent plus obfcurci l'ancienne & la vé- ritable tradition. Hefiode fait naître Venus de l'écume de la mer , & du fang

Expliquées par PHlftoire. yi des parties mutilées de Cœlus que Sa- ^RJ^fnt turne avoit jettées dans la mer. De ce Liv.i,ch.xi". mélange affreux naquit , au dire de ce Poète, la plus belle des Dédies , aux environs de Cythere , d'où elle alla en Chypre. Les fleurs naiffoient fous fes pas ; & accompagnée de Cupidon fon fils , des Jeux , des Ris , & de tout Pat- tirail de l'Amour , elle fit également la joie & le bonheur des hommes Se des Dieux. Les Poètes faififfant cette riante idée , enchérirent à l'envi les uns des autres dans les deferiptions qu'ils firent de cette Déeffe : les Peintres & les Scul- pteurs les imitèrent , & la Déeffe parut toujours accompagnée de tout ce qu'il y a de plus aimable. « Regardez attenti- » vement cette Venus, l'ouvrage du fça- a vant Apelles, dit Antipater deSidon: » voyez comme cet excellent maître a » parfaitement exprimé cette eau pleine » d'écume , qui coule au travers de fes *> mains & de fes cheveux , fans rien ca- » cher de leurs grâces : auffi dès que » Pallas l'eût apperçue , elle tint à Ju- *> non ce difeours : Cédons , cédons , ô » Junon , à cette Déeffe naiffante tout *> le prix de la beauté -».

•Cette ancienne tradition qui fait for- tir Venus de la mer > étoit la plus au-

Cij

yi La Mythologie & les Fables Dreux torifée dans la Grèce , 6c prefque tous U^LCh.xi ^es autres Poètes l'ont fuivie. Homère cependant, non moins ancien , & plus accrédité qu'Hefiode , en a fuivi une autre , puifque , félon lui, Venus eft fille de Jupiter & de Dioné. Si nous nous en rapportons à Ciceron, on com- ptoit quatre Venus. La première étoit tille du Ciel & de la Lumière. La fé- conde étoit celle qui fortit de l'écume de la mer , & qui fut mère de Cupidon. La troifiéme étoit fille de Jupiter & de Dioné ; c'eft la femme de Vulcain & la maîtreffe de Mars , dont elle eut Ante- ros- , ou le Contre-amour. Enfin la qua- trième étoit Âftarté , née à Tyr enPhé- nicie , qui époufa Adonis (#).

Platon, dans fon Banquet, n'en ad- met que deux , Tune fille du Ciel , & l'autre fille de Jupiter. « Certes , dit 35 cet Auteur en parlant de deuxAmours, v perfonne n'ignore que Venus n'eft ja- » mais fans l'Amour; mais parce qu'il y * a deux Venus , il faut qu'il y ait deux » Amours. Or qui eft-ce qui peut nier

(a) Venus f rima , Cœlo (y Die nAtx , eu jus ElidcTem* çlitmvidh-mis. pliera ,fj>umà procreata, ex cjua C7 Tviercn- r: Cuyidinem fecHndnm natnm arc^tmus* Tertiajove yiata £7 Dione , qux nu* fit Vulce.no ; Jed ex ra C7 Marte nJftus *4.ntere$ âicitur. Quarta , Syria , Tyrêoue concerta 5 ^k* ^4f- Uivte votât*/ ) qnam ^idoniûi nv>$Jijfe tradîtnm ejh

Expliquées par VHiflotre. H » qu'il y a deux Venus? N'y a-t-U pas ^gg^ *> cette ancienne Venus , fille du Ciel , Liv.L.ch xi» y> dont on ne connoît point la mère , & » que nous appelions Venus la Célefte ; » & cette autre Venus récente , fille de » Jupiter & de Dioné , que nous nom- *> mons Venus la Vulgaire » ?

Epimenide femble en reconnoître une différente de celles de Platon, puis- qu'il dit que cette DéefTe étoit fille de Saturne & d'Eronyme.

Paufanias en diftingue trois : une Cé- lefte, qui préfidoit aux chartes Amours ; tme Terreftre , ou populaire , qui étoit la DéefTe des mariages ; une troifîéme , qu'on nommoit Apoflrophle ou Averfa- tive 3 qui éloignoit des paffions infâmes. « Les Thebains , dit-il , ont aufîî plu- » fleurs Statues de Venus , & ancien- » nés , qu'ils prétendent que c'efl Har- » monie qui les a confacrées ,& quelles » furent faites des éperons de ces Na- y> vires qui avoient amené Cadmus, lef- » quels éperons étoient de bois & non » de fer. Quoiqu'il en foit , l'une de » ces Statues eft Venus Uranie ou la » Célefte ; l'autre Venus la Vulgaire , & » la troifîéme eft Venus Apoftrophia : » ce fut Harmonie elle-même qui leur » impofa ces noms, pour diftinguer les

Ciij

J4 La Mythologie & les Fables » trois fortes d'Amours; l'un célefte, » c'eft-à-dire , chafte & dégagé du corn- » merce des fens ; l'autre vulgaire , qui *> s'attache au fexe & auplaifîr du corps ; » le troifïéme , défordonné, qui porte les hommes à des unions inceftaeufes » Se abominables. Il y avoit donc une » Venus dite Apoftrophia ou Preferva- » trice , parce que c'étoit à elle que l'on » adrefïbit fes vœux pour être préfervé » de ces defirs déréglés ». Mais dans un autre endroit , cet Auteur n'en ad- met que deux , la Célefte & la Popu- laire.

Telle eft la variété qui règne parmi les Anciens au fujet de Venus , & qui eft telle , qu'il n'efl pas pofïîble de dé- cider combien ils en reconnoiflbient : car de dire avec l'Auteur d'une DifTer- tation imprimée dans le feptiéme Tome «omkfadet "^e l'Académie des Belles-Lettres (i) , ' que ce nombre fe réduifoit à fept , c'efl: ce qu'on ne fçauroit fournir , puifqu'en voilà dix bien comptées , lefquelles mê- me n'en feroient pas fept, on vouloit réunir celles qui paroiiTent être les mê- mes.

Parmi les Modernes , le célèbre M. Newton (2) paroît ne reconnoître de Venus que la feule Calycopis , mère d'E-

Expliquées par PHlfloirc. 55 née ,. & fille cTOtrëus Roi de Phrygîe , Dieux que 1 hoas iurnommeCinyras epouia(d?j, Liv.i.Ckxi. & à laquelle il érigea des Temples à Pa- phos, à Amathonthe dans Tlfle de Chy- pre , & à Byblos dans la Syrie; inftitua en fon honneur des Prêtres , un culte facré , & les Fêtes infâmes appellées Orgies : c'eft pourquoi on donna à cette Déefle le nom de Cyprienne & de Syrienne. Cet Auteur fe fonde uni- quement fur l'autorité de Tacite ( 1 ) : ( « ) Hift. qui en parle ainfi : « On dit que Ciny- 2- c* 3- » ras confacra un ancien Temple à Ve- »nus de Paphos, & que cette DéefTe *> qui naquit de l'écume de la mer , y » aborda ». Ce que dit cet Auteur, peut aflez s'accorder avec ce que dit Ladan- ce, diaprés l'Hifloire facrée d'Evhç- mere , fçavoir , que ce fut une femme de Chypre qui par fa conduite favorifa les commerces galans , & donna lieu à la fable de Venus.

Il n'eft pas poffible de rien conclure de raifonnable de ce que difent les Grecs au fujet de cette DéefTe , puîf- que toutes leurs narrations fe trouvent mêlées dePhyfîque, de Morale & d'Hi- ftoirc. Ils regardent Venus , tantôt

( *) Ce Thoas , fe!?n lui , étoit le même que Vulcain , çt que nous examinerons dans THiftoire de ce Dieu.

C iiij

?6 La Mythologie & les Fables ,,5Tï,u* comme une femme débauchée, tantôt

dOccHent. A ta / /r m i r

liv.i.ch.xi. tantôt comme une Deeile : ils la confî- derent quelquefois comme une Planète, Se quelquefois ils en parlent comme d'une paiïîon. De-là ces exprefîîons fi- gurées d'Homère 5 d'Orphée ôc des au- tres Poètes , qui parlant du pouvoir de Venus , difent qu'elle a formé le monde, ôc que c'eft elle qui foumet les hommes ôc les Dieux à fon empire.

Il eft confiant que plufîeurs perfon- nés ont porté le nom de Venus; &fans nous arrêter aux différentes étymalo- gies de ce nom , fi nous nous en tenions (i ) Dom à cel;e d'un habile homme (i), qui croit ^ee2r^?a;v.nt; qu'il vient de Vener, qui en Langue Cel- 4c«Celtes. w tique veut dire belle , nous pourrions croire qu'on l'a fait porter à la plupart des belles femmes , fur-tout lorfqu'elles fe font rendues fameufes par leurs ga- lanteries , autant que par leur beauté : mais cette étymologie , non plus que celles qui font venir ce nom de ventre ou convemre ,ne fçauroient fe foutenir > puifqu'elles ne font tirées que du nom Latin de cette DéefTe , nom inconnu aux Grecs qui lanommoient Aphrodite. Pour dire ce que je penfe fur cette Fable, je crois qu'il faut en chercher l'origine dans la Phenicie. En effet il

Expliquées par PHiftoire, 57 n'y eut jamais d'autre Venus que la Ve- diedx nus célefte , c'efi-à-dire , la Planète de d'Ocddei*.

i / i r\ ' Liv.l.Ch.XÎ.

ce nom , honorée parmi les Orientaux, comme nous Pavons dit dans le premier Volume ; & Aftarté femme d'Adonis , dont le culte fut mêlé avec cette Pla- nète , ou , ce qui revient au même , cette Venus Syrienne , la quatrième dans Ciceron , fi célèbre dans l'Antiquité. Les Phéniciens en conduifant leurs Co- lonies dans les Ifles de la Mer Médi- terranée & dans la Grèce , y portèrent le culte de cette DéefTe. Ils s'arrêtè- rent d'abord dans l'Iile de Chypre, la plus voifine des côtes de Syrie , & le culte de cette DéefTe y fut générale- -ment reçu. De - ils allèrent à Cy- there, Ifle voifine du Continent de la Grèce : ce fut que les Grecs com- mencèrent à commercer avec eux, & à prendre connoifTance de leur Reli- gion ; & voilà pourquoi ils publièrent que c'étoit près de cette Ifle que la DéefTe avoit paru pour la première fois , parce que ce fut qu'ils en entendi- rent parler. Une preuve bien convain- cante, que le culte de Venus fut établi dans cette Ifle , avant que de pafTer dans le Continent , c'eftque le Temple de Cythere pafToit pour le plus ancien

Cv

y 8 La Mythologie & les Fables Dieux Je tous ceux que Venus avoit dans la

d Occident. ^ l « -n r

Liv.i.ch.xi. Orece , comme le remarque rauia- (0 In Lac. nias (i).

De Cythere le culte de cette DeefTe pafTa dans la Grèce ; & comme ceux qui l'y avoient porté étoîent venus par mer , les Grecs qui cherchoient à met- tre du merveilleux par-tout , dirent qu'elle étoit fortie de la mer , & lui donnèrent le nom d'Aphrodite, mot qui veut dire écume ( a) : C'eft - fans doute le véritable dénouement de cette fîétion , & il ne faut pas y cher- cher d'autre myftere.

Sur quoi il eft bon de remarquer en pafTant , qu'Hefiode s'eft trompé fur le chemin qu'il fait faire à cette DéefTe, en la faifant aller de Cythere en Chy- pre , au lieu de dire , ce qui auroit été plus naturel , que c' étoit de cette Ifla qu'elle étoit venue à Cythere , & de-là dans la Grèce. Nous pourrions ajouter pour confirmer cette explication , que û les Grecs ont donné à Venus les deux : fexes , c'eft, félon Selden (2) , à caufe

( a ) Ariftote donne une autre origine au mot JLyhror dît* , & Didyme croit qu'on la nomma ainiî à caufe de fa moleffè ; mais celle que je rapporte eft la plus na- turelle , & eft la même , félon Plutarque , que Tépithete deSaltgena, qui fut donnée à cette Déeflè , fortie de la 61er , dont Tea* «ft falçe.

Expliquées par PHiftoire. 59 de la fable de Dagon , ou d'Atergatis , 5* F.V x

u r P \t ç - d Occident.

que Ion confondit avec Venus , & qui Liv.i.Cn.xi. parmi les Philiftins Se les Phéniciens , étoit une Divinité qui participoit des deux fexes.

Mais peut-on , fuivant cette idée , expliquer ce que les Poètes Grecs ont publié de leur Venus ? Il n'eft ni pof- fible , ni nécefTaire d'expliquer tout ce qu'ils ont dit , ni dans cette fable > ni dans les autres. L'on fçait que lorfqu'ils ont eu un fujet en main , ils l'ont em- belli à leur fantailîe. Ils avoient oui dire qu'Aftarté avoit aimé paffionné- , ment Adonis (a ) , ils ne manquèrent pas d'appliquer cette circonftance à leur Venus. Ils pouffèrent leur pointe , ôc regardèrent l'Amour comme le fils de cette DéefTe , & lui donnèrent pour filles les trois Grâces. Enfin ils formè- rent ce fyftême d'Amour , dont les idées ontfervi dans la fuite à embellir les Ou- vrages de leurs Confrères. Une fille fort de l'écume de la mer , & paroît fur une coquille ; elle s'arrête fur le mont Cythere , les fleurs naiflfent fous fes pas ; les Heures chargées du foin de fon

( <* ) On ne dit rien ici de cette Fable expliquée au long dans l'Hiftoire des Dieux de Phénicie , Tom. lli. *-iv. 7.

Cvj

60 La Mythologie & les Fables éducation , la conduifent dans le Ciel , tous les Dieux charmés de fa beauté, la demandent en mariage ; elle époufe Vulcain le plus difforme de tous ; elle fe déshonore par fes galanteries avec Mars & Mercure : elle a de l'un Cu- pidon ( a ) > & de l'autre le Contre- Amour ; Bacchus eft fon Ecuyer; en- fin elle préfîde aux mariages , & aux commerces de galanterie ; & pour cela on lui donne une Ceinture myftérieufe, nommée leCefte de Venus, qui la rend non-feulement aimable , mais qui a le don de rallumer les feux d'une paffion

<V) &ad. «teinte (i), Sec.

On n'en demeura pas , on chargea l'hiftoire de la Déeffe Venus de la plu- part des galanteries éclatantes* Quel- que belle ayant été furprife dans un commerce d'amour , donna lieu à l'adul- tère de Mars & de Venus , & au ftrata- gême de Vulcain ; & peut-être ne fera- t-on pas fâché de fçavoir l'origine de

WinWdgM- cette Fable. Palephate (2) dit que Sot fils de Vulcain Roi d'Egypte , voulant faire obfervejçà la rigueur la Loi de fon

(a) C'eft Cupidon II. car le premier , félon He/îode > étoit fils du Chaos , ou de la Nuit , félon Arîftophane » ou du Dieu de l'Abondance-, ou de la DécÛè de la Pau* vreté j fi nous en croyons Platon.

Expliquées par PHtJîoire*- 6 r

jpere contre les Adultères ; & ayant été d^xccEld^# informé qu'une Dame delà Cour avoit LivJ.Ch.xu commerce avec un Courtifan , 'entra la nuit dans fa maifon, & l'ayant furprife avec fon Amant , la punit féverement ; ce qui lui attira la bienveillance du Peuple. C'eft, ajoute cet Auteur, l'équi- voque du nom de Sol, qui donna lieu à la Fable qu'Homère propofa aux Grecs d'une manière enveloppée , Se à la- quelle Ovide joint des reflexions peu propres à donner ded'horreur du cri- me.

Je donne pour ce qu'elle vaut l'ex- plication de Palephate , qui a inventé louvent de nouvelles Fables pour ex- pliquer les anciennes. J'en dis de même de celle du Père Hardouin, aufïi fpi- rituelle que fînguliere. Ce fçavant Je- fuite (i) eft furpris qu'on ait fait le pro- (i , Amlé ces à Homère, qui employé cent vers d'Homère > dans le huitième Livre de fon OdyfTée, p* à faire chanter à UlylTe cette Fable 9 qui ne paroît nullement édifiante ; mais, dit cet Auteur , c'eft qu'on ne l'a pas entendue. Ce n'eft point du tout , dit- il , l'hiftoire d'un Adultère que chante ce Héros , c'eft la guerre de Troye même. Mars & Venus , c'eft-à-dire > l'efprit guerrier & la vilie de Troye

200.

6 1 La Mythologie & les Fables I»iei/x qui foutenoitles amours de Paris , ré- Liv.LCh.xi. f°lurent de fe joindre dans la maifon deVulcain , & de fouiller fa couche ; c'eft - à - dire , de fe fervir des armes qu'on gardoit dans l'arcenal , mais qui euiTent être employées à de meil- leurs ufages. Mars & Venus formèrent tous deux fecretement ce defTein ; mais le Soleil les vit , & le dit à tous. Vul- cain célèbre par fon art , fit des chaines pour lier tellement Mars & Venus, Tef- prit guerrier & la ville de Troye atta- chée aux amours de Paris y que lorf- qu'ils fe joindraient, ils ne pourroient fe remuer : ce qui ne iîgnifie autre chofe,fïnon que les Troyens, lorfqu'ils prirent les armes , qu'il ne leur conve- noit pas de prendre pour un tel fujet , furent tellement refferrés dans leur ville, qu'ils ne purent plus faire aucune for- tie. Vulcain alors fe plaint que Venus n'eft pas une honnête femme ; ce qui veut dire que les Troyens avoient tort de prendre les armes pour un fujet peu honnête. Mercure de fon côté dit à Apollon qu'il fe joindroit aufli vo- lontiers à Venus : c'eft le corps des Mar- chands Troyens , qui dit aux Soldats albalêtriers qu'il fera les frais de cette guerre. Les Dieux en rirent j Neptune

Expliquées par PHlflohe. 6$ feul n'en rit pas ; il pria Vulcainde dé- livrer Mars , & qu'il le dédommage- roii. C'eft la Flotte des Grecs qui agif- foit fort féneufement , & qui obligea enfin les Troyens de mettre bas les ar- mes.aprèsquoi Mars s'en alla en Thrace y faire la guerre ; Se Venus; ou l'amour des femmes , en Chypre. Voilà , con- tinue cet Auteur , le vrai fens de cette Fable qu'on n'a pas entendue. Je puis bien ajouter * qu'Ovide ne Tentendoit pas non plus ; car apurement ce que dit Mercure à Apollon 9 a dans le Poëte un fens beaucoup moins férieux que celui qu'y donne ce fçavant Jéfuite.

Ce n'eft pas la feule galanterie qu'on ait mis fur le compte de Venus* Anchife , pour fe mettre à couvert de la jaloufîe de fa femme , publia qu'il avoit eu Enée de cette Déeffe , ainfî des autres. Cependant quelque mauvai- fe idée qu'on eût de Venus , on ne laif- foit pas de la regarder comme une des plus grandes Déeffes ; & comme elle favorifoit les paffions infâmes , on l'ho- nora d'une manière digne d'elle. Ses Temples , ouverts à la proflitution , ap- prirent au monde corrompu , que pour reconnoître dignement la Déeffe d'A- mour , il ne falloit avoir aucun égard

64 La Mythologie &ies Fabks ïoLIl aux règles de la pudeur : les filles fe Iiv.J.ch.xi. proftituoient publiquement dans fes Temples, & les femmes mariées n'y étoient pas plus chaftes. Amathonte , Cythere, Paphos, Gnide , Idalie, Se les autres lieux confacrés fpécialement a cette DéeiTe , fe diftinguerent par les défordres les plus infâmes.

Au refte , comme il y avoit plufieurs Venus , fon culte n'étoit pas par-tout le même. Dans quelques endroits on ne faifoit brûler que de l'encens fur fes au- tels ; ailleurs on lui offroit des paflilles il entroit de la chair de moineau ; dans d'autres endroits on lui immoloit une chèvre blanche. Les femmes avoient aufïï accoutumé de confacrer leurs che- veux à la DéefTe , fur quoi on peut eonfulter dans le fécond Volume l'hi- ftoire de Bérénice , dont la chevelure qu'elle avoit vouée à Venus, fut mife au rang des Aftres.

Parmi les Fleurs la Rofe étoit con- facrée particulièrement à cette Déefle , parce que cette fleur avoit été teinte du fang d'Adonis, qu'une de fes épines avoit blefle ; ce qui avoir fait changer (i) yoyex en .rouge la couleur blanche qu'elle Wiu'h.- avoit avant cette avanture(i). LeMvr-

ftoire d Ado- »u i / ,-r- , , ,. , v ' J

nis. îne lui etoit auiïj dédié , parce qu'il

Expliquées par PHtJioire/ 6f vient ordinairement furie bord de l'eau, pIB.yx ou cette beeile avoit pris natliance. Liv.i.ch.xi. Les cygnes & les moineaux lui étoient fpécialement confacrés , mais fur-tout les colombes , à aufe de la Fable qui dit que cette DéefTe jouant un jour avec Cupidon, ce petit Dieu voulut parier de ciieillir plus de fleurs qu'elle , & que là-deïfus une Nymphe , nommée Peri- fiere , ayant aidé la DéefTe, elle gagna la gageure , dont Cupidon fut irrité , qu'il changea la Nymphe en colombe. Mais, pour le dire en paffint , cette Fable n'eft fondée que fur une fîmple équivoque ; car en Grec le nom de la Nymphe veut dire une colombe (i)J /0 **?** quoique Theodontius (2) prétende que V*\9 Co~ Periftere étoit une femme coquette de {i)'^Hd Corinthe , qui ne pafla pour avoir pris Bocc- Gen* le parti de Venus , que parce quelle imita fa conduite,

Pour les noms de Venus , ils font comme ceux des autres Divinités du Paganifme , tirés , ou des lieux elle étoit honorée y ou des occafîons parti- culières qui avoient donné lieu à Péta- bliiïement de fon culte. Expliquons les principaux. Ceux de Cytherée , de Paphienne , de Gnidienne, &c. lui fu- rent donnés des villes ces noms j

€6 La Mythologie & les Fables Briux celui d'Uranie, ou Célefte , parce qu'on

^Occident. . ' , . \r y ^

IxY.i.Ch,xi. croyoït qu elle etoit tombée a raphos un jour de fa fête , fous la forme d'unie étoile. On lui donna le nom d' Aphro- dite , parce qu'elle étoit fortie de la mer; celui de Pandemos , ou populaire, comme l'appelle Théocrite , lui étoit donné pour la diftinguer de la Venus célefte : celui de Verticordia , parce qu'elle tournoit les cœurs du côté de l'amour, ou en détournoit.

Les Romains lui donnoient le nom de Mania , à caufe du myrthe qui lui étoit confacré (a). On Tappelloit Af- tarté, lorfqu'elle étoit confondue avec la Déeffe de Syrie ; Anàiits , elle étoit adorée fous ce nom par les Perf.s & les Cappadociens , comme nous l'a- vons rapporté dans PHiftoire de leurs Dieux ; Amathufia , de la ville d'Ama- thonte * dans l'Ille de Chypre ; Dione , ou Dionea , du nom de fa mère. Migo-i nuis, parce qu'elle préfido;t aux ma- riages. Callypiga , à caufe de fa beauté. Philomedea , pour faire allufîon à fon origine. Speculatrix, cefl le nom que donna Phèdre au Temple qu'elle fît bâtir à cette DéeïTe , pour aller voir

(a) lAra vêtus fuit Vmsri n/yrtbe* quam nanc tAurùéOH vscmt> Pline ,1. 25,

Expliquées par PHifloirc. 6j

de -là Hippolite faifant fes exercices PI1E?UX dans les plaines deTrezene. Anofia , & Liva.ck.xu Androphonos , comme qui dir oit impie & homicide ; & ce nom lui fut donné lorf- que Laïs fut tuée à coups d'éguille dans dans un de fes Temples par la jeune/Te Theffalienne. Armata , parce que les Lacédemoniens qui l'hono- roient fous ot nom, la repréfentoient armée dans fon Temple. Nous avons à ce fujet dans l'Anthologie une épi- gramme , qu'Aufone a tournée en vers latins (a). Barbata Se Mafcula , parce que , comme on croyoit qu'elle avoit les deux fexes , on la repréfentoit quel- quefois avec de la barbe. Les Romains, au rapport de Macrobe , Fhonoroient fous le nom de Genitrix, ou la Mere% les Grecs fous celui de Colias, d'un Pro- montoire de ce nom dans l'Attique .(i). ( * ) ?*& Suivant Paufanias , elle avoit un Tem- ple dans la Grèce ? elle étoit hono- rée fous le nom de Praxis ; & fous ce- lui d'Hortenfîs , lorfque fa ftatue étoit dans les jardins ; fur quoi on peut con- fulter Lucien (2) ; fous celui à'Elicopis , /2)DeImagl

( a ) Armât am Venerern vidit Lacedxmone P allas : "Hnre certemus , ait , judice vel P aride, Cai Venus ; Armatam tu me tweraria temnisy J^rf, quote vici tempvi <c9 Hndafui%

#8 La Mythologie & les Fables FoccXl c?Left-à-dir^ aux yeux noirs ; de Nico- Uv.i.ch.XL pnore , comme qui diroit portant lavi- ftoire : de Byblia , quand elle étoit con- fondue avec la DéefTe de Syrie : de Symmachia, parce qu'on croyoit qu'elle étoit fecourable aux Guerriers ; ce qui lui fit donner aulîî par les Romains le nom de Viârix , ou Vittorieufe ; d'Ele- fhantine , d'une ville de ce nom en Egypte : XArchitis, c'étoit fous ce nom , au rapport de Macrobe , que les AfTyriens l'honoroient : d'Erycina , du mont Eryx dans la Sicile, Enée lui bâtit un Temple ïorfqu'il aborda dans cette lue (a) : d' Argynnis , du nom d'un jeune homme qui fe noya dans le fleuve Cephife ,& du Temple qu'Aga- memnon fit bâtir à cette DéefTe fous le nom de Venus Argynnis. Elle futauffi appellée Zerynthia , à caufe de l'antre nommé Zerynthion , on célébroit les myfteres d'Hécate & des Cory- bantes.

Les Egyptiens lui facrifioient fous le nom de Nephthe , comme qui diroit la fin, ou la mort , ou , félon d'autres, la Vifloire; & les Romains fous celui de Libitine , parce qu'elle préfîdoit aux fé-

(a.) '• T.rycino in vertice fsdem F#nd*l?4t Fèncri ldaiti > GV. ^neid, l 5,

Expliquées par PHiJloire. 69

pulchres. Elle fut honorée par les Ta- P0lJ^^9 rentins , Peuples d'Italie , fous celui de Uv.i.ch.xi. Bafilis , d'où étoit venu le nom d'un Jeu pratiqué par ceux qui faifoient en- tr'eux un Roi pour commander aux au- tres , pendant fa Royauté imaginaire : parles Athéniens fous celui d'Etaira, ou d'Amie , parce qu'elle préfidoit aux unions des cœurs : fous celui de Pela- gici) ou la Marine , parce qu'elle étoit fortie de la mer : fous celui à: ' Aurea , dont fe fervent Homère & Virgile, en louant le beauté de fes pieds. Mais je n'ai pasdeiTein de parcourir toutes les épithetes que les Poètes ont donné à cette Déelte.

De ce que nous venons de dire il effc aifé de conclure qu'on la repréfentoit d'une infinité de manières différentes ; ou tenant un globe célefte à la main, comme on le voit dans MafFei , pour marquer la Venus Uranie ou Célefle ; ou armée , ainfi qu'elle paroît fur quel- ques Médailles de Gorléus & de Beger; ou aflife fur un Dauphin, tenant un pi- geon fur fon giron ; ou avec Adonis accompagné de fes chiens; ou avec l'A- mour & les trois Grâces ; mais plus fou- vent encore fortant de la mer aflife fur une coquille portée par deux (1) Tri* R££ aΣ

70 La Mythologie & les Fables dieux tons ; ou fur un char tiré par deux che- LiY.i-Ch.xi. vaux marins ; ou par une chèvre manne, ou plutôt par un bouc ; puifque , fuit vant Paufanias, faftatue faite parle fa- meux Sculpteur Scopas , étoit fur cet animal , & alors elle eft accompagnée de Néréides & d'Amours , montés fur des dauphins : une feule de ces Néréi- des qui tient une guitarre à la main , eft montée fur un Centaure marin : mais le plus fouvent encore fon char eft tiré par des cygnes , ou par des colombes , oifeaux qui lui éroient confacrés. Quel- quefois elle paroît elle-même appuyée fur un Triton, ayant un bouclier à la main , fur lequel eft repréfentée une tête. Montée quelquefois fur des che- vaux marins , elle paroît parcourir les ondes de la mer , la tête couverte d'un voile que les vents enflent , & Cup'don nageant à fes côtés. Une rame aux pieds de la DéefTe , femble défigner la Ve- nus Pelagia ou Marine. Celle des fi- gures où elle tient à la main la Corne d'abondance , marque les biens que produit le commerce de la mer.

De toutes ces ftatues la plus belle eft fans doute la Venus de Medicis: mais les plus fiagulieres font celles qui fem- bient être faites pour ce vers de Te-

Expliquées par PHifloire. 71 rence , fine Cerere & Baccho f rivet Ve- P*E?X

o 11 i Ti/r rr * \ ta t rr " Occident.

tfwx , & celle de Mattel , ou cette Décile Liv.i.ch.xr. accompagnée de deux Cupidons , & couronnée d'épis de bled, tient unThyr- fe environné de feuilles & de grapes de raifîns ; & comme elle porte à la main trois flèches , elle femble nous appren- dre qu'elle lance plus fûrement fes traits, quand Cerès & Bacchus font de la partie. Les torches allumées que cette DéeiTe & Cupîdon portent , dans un Monument de BoifTart , marquent les feux que Tune & l'autre Divinité allu- ment dans les cœurs. Triomphante de fes vi&oires, elle paroît dans une Image donnée par Beger , fur un char tiré par deux lions. Elle tient un grand voile fur la tête , &une flèche à fa main gauche. Un Cupidon vole au - deffus pour la couronner ; des lauriers tombent fur elle comme d'eux-mêmes , fans que per- fonne les pouffe : un homme nud mar- che devant avec fa lyre , qu'il touche pour faire honneur à la fête. Deux hom- mes à côté des lions, vont le flambeau fur l'épaule pour efeorter la troupe. Un Satyre marche après le char , joue de la flûte à plufîeurs tuyaux , & termine toute la bande.

FiniiTons par la defeription de deux

. 72 La Mythologie & les Fables Jocâdenf ^atues de cette DéefTe dont parle Pau- iiv.i.ch.xi. fanias. Cet Auteur dit qu'il avoit vu dans l'Elide une belle flatue de Venus Uranie , ou Célefte , dont les pieds etoient appuyés fur le dos d'une tor- tue , & une autre de Venus Terreftre, qui pofoit fes pieds fur un bouc ; mais il avoue ingénuement qu'il ne fçait pas la fîgnification de ces myfteres, & cet aveu eft fans doute plus raifonnable que ce que difent à cette occafion quelques Mythologues, fçavoir , qu'on a voulu nous apprendre par-là que Dieu/ défî- gné fous le nom de Venus Uranie, étoit l'auteur de l'harmonie du monde , mar- qué par la tortue, qui étoit le fymbole de cette harmonie.

UÀwouy , ou Cupidor?.

Comme Venus étoit toujours accom- pagnée de l'Amour , ou de Cupidon Ion fils , &des Grâces , il eft bon d'ex- pofer ce que la Mythologie Grecque nous apprend fur ces deux articles. On fent bien qu'il ne faut pas regarder l'A- mour comme un perfonnage réel , mais comme un être qui n'a d'autre origine que l'imagination des Poètes: & à quel point n'ont-ils pas embelli ce fujet dans

leurs

Expliquées par PHiftoire. 75 leurs Ouvrages ? Que d'idées brillantes J> 1 *u *

« 1 ■« D 1 -i r -a d'Occident.

oc badines ne leur a-t-il pas tournies r Liv.i.ch.xu Ce n'eftpas qu'ils ayent laifTé manquer l'Amour de parents , car les Anciens n'étoient jamais en défaut en fait de Gé- néalogies : & lorfqu'on vient à les exami- ner de près , il faut néceflairement con- venir qu'ils ont admis plufieurs Amours , ou Cupidons. On peut en effet en comp- ter jufqu'à treize. Dabord Ciceron en admet trois; le premier étoit fils de Mer- cure , & de la première Diane; le fé- cond, de Mercure & delà féconde Ve- nus; Se le troifïéme,qu'il appelle le Con- tre-Amour ou Anteros , de Mars & de la troifîéme Venus (a).

Platon (1) croyoit qu'il y en avoit (^Daufet deux. Il établit pour principe, comme 4n^U€l* on l'a vu plus haut , que puifque Venus ne va jamais fans l'Amour , ou Cupi- don , & qu'il y a deux Venus , il faut néceffairement reconnoître deux Cupi- dons.

Hefîode au commencement de fa Théogonie paroît n'en reconnoître qu'un , produit en même-tems que le Chaos & la Terre* Mais Tzetzès dans fon

(a) Cup'do primus Mer 'urîo (7 Diana prima n/rttts di. îtur ; Secw dm Meriurio (J Ftnere fnunda : tertius ctuidsm rft Jin* teros Marie V Vencrt tertià* De J^at, Deor. l.b. 3.

TomeW ; D

74 £<* Mythologie & les Fables dieux Commentaire, expliquant les premiers

d Ocadent. j -n " i r i

Iiv.i.ch.xi. vers de ce roete, en admet un fécond: Trois chofesy dit-il, ont été créées cPabordi le Chaos , la Terre , & le Cupidon cèle- Jîe , qui ejl le Dieu : mais il yen a un plus récent , fils de Venus : ce qui s'accorde OOInEUas. avec ce que dit Paufanias (2) qu'à Elis 1. 1. dans le Temple de Neptune , on voyoit

l'Amour ou Cupidon qui recevoit entre fes bras Venus naifTante de la mer , fur la tête de laquelle Pitho , ou Suada, mettoit une couronne j ce qui fait un Cu- pidon plus ancien que Venus.

Ce même Auteur remarque encore dans fes Béotiques , qu'Olen de Lycie , le plus ancien Poè'te de la Grèce qui ait fait des Hymnes , avoit dit dans celui qu'il avoit compofé en l'honneur de Lucine, que cette DéeiTe étoit mère de Cupidon.

Sapho étoit trop galante pour avoir ignoré les parents de l'Amour ; & c'eft fans doute pour accorder la délicateffe des fentimens , avec les fuites de cette paffion , qu'elle a imaginé qu'il y avoit deux Amours ; l'un fils du Ciel , 6c l'au- tre fils de la Terre.

Aculîlaiis vouloit qu'il y en eût un antre, de la Nuit & de l'Ether: Al- cée prétendoit auiîï en faire reconnoî-

Expliquées par ïlîiftoirc. 75* ire un produit par la Difcorde Se le Ze- J?*EV*

« r r 1 £v i / -i d'Occident.

phyre : félon Orphée , il y en avoit un Liv.ixh.xi. fils de Saturne. Enfin fi nous nous en rapportons à Platon, ce Dieu étoit fils de Porus, le Dieu des richeffes, & de la Pauvreté. Didime15, un des interlocu- teurs du Dialogue intitulé le Banquet , dit que les Dieux donnant un grand feftin , Porus qui avoit un peu trop bu, s'étant endormi à la porte de la falle , Penie ou la Pauvreté , qui étoit venue pour recueillir les reftes du feftin , s'étant approchée de lui, il en eut un en- fant qui étoit l'Amour.

Tels font les differens Amours dont il eft parlé dans les Anciens. Il efl évi- dent que toutes ces Généalogies n'ont d'autre fondement que l'imagination qui les inventa ; & qu'on pourroit atfément réduire ces Cupidonsàun moindre nom- bre , puifque les Anciens dont on vient de parler , leur donnent fouvent ou le même père, ou la même mère. Mais fans nous arrêter à de frivoles difcuiîîons , on peut aiTûrer qu'il n'y eut jamais d'au- tre Amour que celui dont parlent San- choniathon & Hefiode; c'eft-à-dire 5 ce principe phyfîque qui fervoit à unir en- femble les parties divifées de la matière qui formoit le Chaos. Et certainement

76 La Mythologie & les Fables Dieux dans l'Hiftoire de la véritable Venus, dva!ch!xi.ou Aftarté , on ne trouve rien de ce fy- fcême badin d'un Amour enfant & aveu- gle , qui porte des flèches dont il blefle les cœurs, fruit de Poifiveté des Poètes Grecs. 11 eft vrai qu'Ovide dit que PA- mour blefla Venus, qui devint éperdue- ment amoureufe d^Adonis, ce qui paroît ne convenir qu'à l'Aftarté des Phéni- ciens ; mais ce n'eft qu'une pure fiftion de ce Poëte , qui a confondu la Venus de Phenicie avec celle de Grèce.

Quoi qu'il en foit , voici à peu près les manières différentes dont on repre- fentoit l'Amour , fur les monumens qui nous reftent. On le peignoit d'abord , comme une jeune enfant aveugle , ou les yeux couverts d'un bandeau , fau- tant , danfant , jouant, badinant , mon- tant fur des arbres : on le peint dans l'air , fur terre , fur mer , & quelquefois dans le feu. Il va fur des animaux , conduit des chariots , touche des Inftrumens ; en un mot , on lui fait faire toutes for- tes de perfonnages. Il n'eft pas rare de le voir jouer avec fa mère Venus : quel- quefois Venus tient fon carquois élevé en l'air; Cupidon tâche de l'attraper en fautant , & tient déjà une flèche. Ail- leurs elle le tient fur fon giron & entre

Expliquées par VHtfloire. 77 fesbras. Quelquefois il joue du cor aflïs écrite*, devant fa mère qui lui montre une fle- Liv.i.ch.xi. che. Tantôt un pied en l'air il paroît méditer quelque rufe : ou pofé fur une bafe , il tient'entre fes mains quelque in- finiment que le temps a effacé ; ou fon- ne de la trompette, le vifage tourné vers le ciel. Quelquefois il tient un oi- feau qui paroît un cygne , & qu'il em- braflfe. On le voit aufli jouant de la flû- te de Pan ; ou endormi ayant Parc & le carquois à fes pieds ; quelquefois le cafque en tête , la pique fur l'épaule , Se le bouclier au bras , il marche d'un air triomphant, comme pour marquer que Mars défarmé fe livre à l'Amour.

Aflïs devant un Autel flamboyant , il joue de la flûte à plufîeurs tuyaux : eft-« ce pour marquer que les exercices de la Religion ne mettent pas à couvert de fes infultes ? Il y a fans doute quelque allégorie , aufli-bien que dans une autre repréfentation à l'ombre d'un palmier il embrafTe un bélier , qui regarde un Autel flamboyant. Se battant à la lutte contre un coq , il paroît fubjuguer Poi- feau le plus porté à PAmour. Aflïs fur un centaure , il nous apprend qu'il do- mine fur tout ce qui refpire , même fur les monftres. On trouve dans les Anti-

Diij

78 La Mythologie & les Fables XcciL*. quaires un^ Venus afïïfe qui joue de la liv.i.cb.xi. harpe , & devant elle un Cupidon qui tient au bout de deux verges un mafque qui repréfente le Jeu, ou Jocus. Cha- cune de ces figures a fon infcription , Venus , Cupido , Jocus ; Statue qui fem- ble être faite fur ces deux vers d'Horace.

Sive tu mavis Erycina , ridens Quant Jocus circumvolat & Cupido.

Monté fur un Dauphin , il annonce fort empire fur la mer; & ce qui prouve cet- te conjecture , c'efl que Neptune paroît auprès de lui avec fon Trident , comme pour rendre hommage à fa puifTance*. Enfin autour du char de Pluton qui en- levé Proferpine , il défîgne que fon em- pire s'étend aufîi jufques dans les Enfers. Mais nous ne finirions pas , nous vou- lions fuivre l'imagination des Poètes y des Peintres , & des Sculpteurs qui fe font donné un libre eflbr,au fujet d'un Dieu auquel on croyoit que le ciel, la terre , la mer , Se l'empire des morts mê- me étoient fournis.

On ne doit pas douter qu'après avoir honoré Venus , on n'ait aufli rendu un culte religieux à l'Amour fon fils. En effet, leurs Temples, leurs Autels , étant les mêmes , les vœux } les prières , & les

Expliquées par VHiftoire. 79 iacrifîces n'étoient pas différent Cepen- d, J^£*t# dant Platon qui fait fi fouvent parler So- Liv4.ch.xr, crate de ce Dieu, introduit dans fon Banquet, Phœdrus quife plaint qu'au- cun Poëte n'ait chanté des Hymnes & des Péans, en l'honneur d'une fi grande Divinité : ce qui doit s'entendre feule- ment àiToccafîon des feftins, pendant lefquels on avoit coutume d'en chanter en l'honneur de Bacchus & en l'honneur des autres Dieux. Car fi la proposition étoit générale , on pourroit dire que Phœdrus s'eft trompé, puifque les Poè- tes n'ont point oublié l'Amour dans leurs Ouvrages : comme il s'eft trompé certai- nement, lorfqu'il a avancé qu'on n'a- voit point donné de parens à ce Dieu, quoiqu'il foit vrai , comme nous venons de le dire, qu'il n'en a pas manqué. Après tout , l'autorité feule de Paufanias déci- derait la queftion , puifqu'il dit que ce Dieu étoit honoré à Thefpis d'un culte particulier.

Ahteros*

Anteros (a) ou le contre Amour J étoit fils de Venus & de Mars. Voici ce

(a) Ce nom eft compofé de deux mots grecs , Em , l'a- mour , &„4nti j contra*

Diij

So La Mythologie & les Fables

Joïafenu 9u'on raconte fur fa naiffance.

Liv.i.ch.xi, Venus 5 difent les Anciens , fe plai- gnant à Themîs de ce que l'Amour fon fils demeuroit toujours enfant , cette De'eiTe lui répondit qu'il le feroit tant qu'elle n'en auroit point d'autre. Il n'en fallut pas davantage à une DéefTe qui avoit tant de penchant à la galanterie : elle fouffrit la paflîon que le Dieu Mars avoit pour elle, & Anteros fut le fruit de leur commerce. L'Amour pour cela n'en devint pas plus grand , lui & fon frère demeurèrent toujours enfans , & on les trouve ainfî représentés avec des ai- les & un carquois , des flèches , & un baudrier. On les voit fur un ancien bas relief jouant enfemble , & tâchant de s'arracher une branche de palmier que chacun tire de toute fa force ; & ce qu'il y a de fîngulier fur le monument que Be- ger a inféré dans fon Tréfor de Brande- bourg , eft qu'il paroît être le même que celui dont parle Paufanias. Le même

(ï)IaAttîc. Auteur (i ) fait mention d'une autre fi- gure d' Anteros , il tient deux cocqs fur fon fein , qu'il tâche d'engager à le piquer fur la tête.

Anteros partagea les honneurs divins avec fa mère & fon frère , puifque Pau-

(i) Loc. cit. fanias (2) parle d'un Autel que les Athéniens lui avoient élevé,.

Expliquées par VHifïoire. S i

d'Occident.

PJyche* Liv.i.ch.xf

Quoique la fable de Pfyché ne ren- ferme aucun événement hiftorique , & qu'elle reflemble à nos Contes des Fées ; cependant comme elle eft liée à celle de Cupidon, ou de l'Amour, je nefçau- roîs m'ernpêcher de la rapporter. De trois filles qu'avoient un Roi & une Rei- ne , dit Apulée , la plus jeune étoit la plus belle, & la nature fembloit s'être furpaflee en la formant. Le bruit de fa beauté s'étant répandu de tous côtés, on venoit en foule à la Cour de fon pè- re, & dès qu'on la voyoit , de l'admira- tion on pafîbit à l'adoration. Venus ja- ioufe de cette naiflante beauté qui fai- foit déferter Gnide , Paphos , & Cy~ there , ordonna à Cupidon de bleffer Pfyché d'une de fes flèches , & de la rendre amoureufe de quelque objet in- digne de fes charmes. Cupidon au lieu d'exécuter les ordres de fa mère, en devint lui-même éperduement amou- reux. Cependant fes fœurs moins belles qu'elle, furent mariées à des Souve- rains, pendant que perfonne n'ofoit af- pirer à fa conquête. L'Oracle d'Appol- lon confulté fur la deitinée de cette jeu-

Dv

S 2 La Mythologie & les Fables ne Beauté , répondit qu'elle ne devoît point efperer un époux mortel , mais un Dieu redoutable à tous les Dieux & à l'Enfer même ; il ajoutoit qu'il falloit expofer cette jeune PrincefTe fur une haute montagne au bord d'un précipi- ce , parée de funèbres ornemens. On obéit à l'Oracle , & Pfyché ne fut pas plutôt dans le lieu que l'Oracle avoit indiqué , qu'un Zéphyr l'en arracha & la porta au milieu d'un bois , étoit un Palais fuperbe brillant d'or & d'ar- gent , & dont le pavé étoit de pierres précieufes. Le Palais paroifîbit inhabité, mais elle entendit des voixqui l'invitoient à y demeurer. Quoiqu'elle ne vît point les Nymphes qui la fervoient , elle ne manquoit de rien. A des repas égale- ment fuperbes & délicats , fuccedoient des concerts & une mufique charmante ; êc les plaifîrs fe fuivoient ainfî les uns les autres. La nuit arrivée l'Epoux qui lui étoit deftiné s'approcha d'elle , & la quitta avant le jour , de peur d'être ap- perçu ; ce qui dura plufïeurs nuits de fuite.

Cependant le Roi & la Reine inquiets du fort de leur fille , envoyèrent fes fœurs , pour la chercher. L'Amour in- formé de cette démarche , défendit dV

Expliquées par PHiJloire. 8?

bord à Pfyché de voir fes fœurs, mais j^J^. la trouvant trifte& rêveufe , il Imper- Liv.i.cux. mit enfin de leur parler, à condition qu'elle ne fuivroit pas leur confeil. Le même Zéphyr qui l'avoit conduite dans ce lieu enchanté , y amena fes lceurs. Pfyché , après leur avoir dit qu elle étoit la plusheureufe du monde, «5c que fon mari jeune & bien fait l'aimoit éper- dûement , les renvoya chargées de pré- fens. Ces deux Princeffes jaloufes du * bonheur de leur Cœur , réfolurent de la perdre , & ayant découvert dans une féconde entrevue, qu'elle ne yoyoït pas fon mari , elles lui rappellerent l'Oracle d'Apollon , qui avoit parle confufément de je ne fçai quel monftre, &lui dirent que fon époux étoit unfer-- pent qui enfin la feroit périr miférable- ment. Pfyché effrayée d'un pareil if- cours , & ne pouvant pénétrer en effet la raifon pour laquelle fon mari vouloit demeurer invifible , dit qu'elle étoit prête de fuivre leur avis , fi elles fça- voient les moyens de la tirer de cet em- barras ; 'elles lui confeillerent de tenir dans un lieu caché une lampe allumée- avec un rafoir ; & que quand le monftre feroit endormi , de fervir de la lampe O pour le voir, & du rafoir pour lui cou-»

Dvj

84 La Mythologie & les Tables

locfickm per *a tête* ^fyché ^uivit le confe^ de Lir.l.Ch!xï. fes fœurs ; & étant fortie du lit , & ayant pris fa lampe , au lieu d'un mon- ftre elle apperçut l'Amour endormi , qu'un teint vermeil, des ailes flottantes ,. & une chevelure blonde lui firent con- noître. Saifie d'étonnement , & au dé- fefpoir d'avoir douté de fon bonheur , elle réfolut de fe plonger dans le feia le fer dont elle avoit voulu égorger fon mari ; mais il lui tomba des mains r & la vue d'un objet fi charmant appaifa fon courroux. Cependant tandis qu'elle confidéroit l'arc de Cupidon , & foa carquois , qui étoient au pied du lit , die fe bleffa au doigt en éprouvant la. pointe d'une de fes flèches : mais peut attentive à une bleïTure légère , elle continua à fe repaître d'un fi beau fpe- £tacle , quand une goutte d'huile tom- bée de fa lampe fur l'épaule droite de Cupidon , le réveilla. Auiïï-tôtil prend fon vol : Pfyché l'arrête par le pied, mais Cupidon l'emporte , & lalaiiïe en- fin tomber. Puis s'arrêtant fur un cyprès, lui reproche amèrement le peu de con- fiance qu'elle avoit eue à fes confeils, & dïfparoît à fes yeux. Pfyché défefperée fe précipite dans un fleuve, mais Tonde qui refpe&e Tépoufe de l'Amour, la

o

Expliquées par PHiJtokeï 8/

jfejette incontinent fur fes bords. Elle d.g*aL; rencontre le Dieu Pan qui la confole , Liv.i.Ch.xi £c lui dit que le feul parti qu'elle eût à prendre, étoit d'appaifer l'Amour. Er- rante par le monde elle arrive chez une de fes fœurs , lui raconte fon avanture , & lui dit que l'Amour pour fe venger avec plus d'éclat de fon indiferétion 3 l'avoit menacée d'époufer une de fes fœurs. Enflée d'une vaine efpérance 9 fa fœur s'échappe du Palais , fe rend à la Roche qui conduifoit au Palais de l'Amour, 8c croyant que le Zéphyr la foutiendroit comme il avoit fait juf- qu'alors , elle fe laiïfa tomber, & périt miférablement. Pfyché fe vengea de même de fon autre fœur , qui donna dans le même piège. Cependant Venus avertie que Cupidon fouffroit de cruel- les douleurs , fe mit en devoir de cher- cher Pfyché , pour lui faire porter la peine de fa témérité.

Pfyché cherchoit toujours l'Amour , & étant arrivée près d'un Temple , elle fit une gerbe de quelques épis épars dans un champ , & l'offrit à Cerès , la priant de la prendre fous fa protefton ;, mais la Déelïe lui répondit que tout ce qu'elle pouvoit faire en fa faveur, étoit de ne la pas livrer à fon ennemie. Ju~

26 La Mythologie & les Fables non qu'elle rencontra dans un de fes Temples lui fît à peu près la même ré- ponfe. Pfyché ne fe défefpere point : elle prend le parti d'aller chercher Ve- nus , efpérant de trouver l'Amour au- près d'elle , & de faire fa paix. Elle la rencontra en effet ; mais la fiere Déeffe, fans paroître faire la moindre attention à elle, monta dans l'Olympe, & pria Jupiter d'envoyer Mercure pour chercher Pfyché par toute la terre , & de la lui amener, n'ayant pas voulu elle - même l'arrêter lorfqu'elle l'avoit rencontrée , parce qu'elle avoit paru en iûppliante devant elle. Pendant que Mercure cherche cette Amante infortu- née , elle rencontre la Coutume , l'une des Suivantes de Venus , qui la traînant par les cheveux , la mène à Venus. La Déeffe irritée lui' arrache les cheveux, lui déchire fa robe, lui donne des coups fur la tête ; ôc ayant enfuite formé un gros monceau de grains , mêlé de fro- ment , d'orge , de millet , de pavots , de pois-chiches , de lentilles , ôc de fè- ves, elle lui ordonne de féparer tous ces grains , & cela avant que la nuit ar- rivât , lui laiïfant pour compagnes deux de fes autres Suivantes , la Trifteffe & k Sollicitude, Pfyché demeuroit inter-

Expliquées par PHiftoire. 87 3ïte& immobile, mais d'officieufes four- J5J2£, mis féparerent les grains , & la tirèrent Liv4.Ch.XH d'embarras. Venus lui commanda en- fuite de lui apporter un floccon d'une laine dorée de certains moutons qui paiffoient au-delà d'une rivière , dans des lieux inacceffibles ; mais au lieu de fonger à exécuter l'ordre de laDéefle^ elle alloit fe précipiter dans cette ri- vière , lorfqu'un rofeau articula quel* ques fons qui lui apprirent le moyen d'avoir ce floccon qu'elle porta à la DéefTe.Venus ', qu'une fi prompte obéif- fance n'appaifoit pas , lui ordonna en- core de lui apporter une urne pleine d'une eau noire , qui couloit d'une fon- taine gardée par des dragons. Une ai- gle prit l'urne , la remplit de cette eau, & la lui mit entre les mains pour la ren- dre à Venus. Un ordre encore plus dif- ficile à exécuter , fucceda à tant de tra- vaux. Venus fe plaint qu'elle a perdu une partie de fes attraits en panfant la plaie de fon fils , & ordonne à Pfyché de defeendre dans le Royaume de Pluton , pour demander à Proferpine une boëte fuffent quelques-uns de fes charmes. Alors Pfyché croyant qu'il n'y avoit pas d'autre moyen de defeendre chez les Morts qu'en mou-

88 La Mythologie & les Vahles Dieun: rant alloit fe précipiter du haut d'une

à Occident, rr» i r , r r. - r r

liv.i.ch.xi. 1 our , loriqu une voix qui le rit enten- dre y- lui apprit le chemin des Enfers , en lui difant d'aller au Tenare , près de Lacédemone , ôc qu'il y avoit un che- min qui y conduifoit; mais qu'elle de- voit fe munir de deux gâteaux , un à chaque main , & de deux pièces de monnoye , qu'elle tiendrait à la bou- che : qu'elle trouveroit Caron , qui la pafTeroit dans fa Barque , & qu'elle lui donneroit une des pièces de monnoye qu'il devoit prendre lui-même de fa bouche ; & que lorfqu'elle rencontre- roit ce grand chien qui garde la Cour de Proferpine , elle lui donneroit un des gâteaux. Qu'enfin elle rencontre- roit Proferpine qui lui feroit un accueil favorable ; qu'elle Pinviteroit à s'afTeoir dans un gnnd feflin qu'elle lui donne- roit ; mais qu'elle devoit refufer fes of- fres , s'afTeoir à terre , & ne manger que du pain bis ; qu'enfin la Déeffe lui don- neroit la boëte , & qu'elle devoit fe donner bien de garde de l'ouvrir. Pfy- ché fuivit tous les avis que cette voix lui donna , & reçut de Proferpine ce que Venus demandoit.

Après qu'elle fut fortie des Enfers, elle eut la curiofîté d'ouvrir la boëte,

Expliquées par PHijtoîre. 8p dans le deffein de prendre quelque ^^fM chofe pour elle de la beauté qu'elle Liv,i«Ch.xi. renfermoit ; maïs elle n'y trouva qu'une vapeur infernale & foporifique , qui la faifit à Pinftant , & la fît tomber en- dormie à terre. Elle ne s'en feroit ja- mais relevée , fi Cupidon guéri de fa plaie , ne fût forti par la fenêtre du pa- lais de fa mère pour aller chercher fa chère Pfyché. Il la trouva endormie , l'éveilla de la pointe d'une flèche, re- mit la vapeur dans la boëte , & lui dit de la porter à fa mère. Cupidon s'en- vola au Ciel , & fe préfenta à Jupiter qui fît aflembler les Dieux , & ordonna qu'il garderoit fa Pfyché , & que Ve- nus ne s'oppoferoit plus à fon mariage .avec elle. 11 commanda en même temps à Mercure d'enlever Pfyché dans le Ciel. Pfyché reçue en la compagnie des Dieux, but de l'ambrofîe, Se de- vint immortelle. On prépara le feftia nuptial, chaque Dieu y joua fon rolle,, .Venus même y danfa. Les noces fu-» rent ainfî célébrées , & Pfyché accou- cha peu de temps après d'une fills qu'on appella la Volupté.

Cette Fable , comme on voit, eft entièrement allégorique . & marque les maux que la Cupidité, figurée pa?

J)0 La Mythologie & Tes Fables Dieux l'Amour , caufe à l'ame fous le fym^ £ïffia.b°le de %ché. Il feroit inutile de tenter d'en expliquer toutes les cir- conflances qui ne font que le fruit de l'imagination de ceux qui l'inventèrent. Il fuffit de dire que les Anciens repré- fentoient Pfyché avec des ailes de pa- pillon , comme on la voit fur quelques monumens , & fur des pierres gravées , & que le papillon & l'ame dans la Lan- gue Grecque s'appelloient Pfyché : mais étoit-il néceffaire de remplir cette fî- ftion de tant de circonflances puériles,, pour une moralité triviale t

Les Graves.

Parmi le grand nombre de Divï* nités inventées par les Anciens, il n'y en avoit point de plus agréables que les Grâces , puifque c'étoit d'elles que: lès autres empruntoient leurs charmes , I fources de tout ce qu'il y a d'agréable & de riant dans la nature. Elles don- noient aux lieux, aux perfonnes , aux Ouvrages v& à chaque chofe en fon genre , ce dernier agrément qui em- bellit toutes les autres perfe&ions, & qui en eft comme la fleur. Enfin on ne Çouvoit tenir que d'elles, ce don fans

Expliquées par PlJtfioirel 9 1 lequel tous les autres font inutiles ; je dî^xJ^n* veux dire le don de plaire. Auffi entre Liv.l.Ckxi* toutes les Déeffes , il n'y en avoit point qui euflent un plus grand nombre d'ado- rateurs. Tous les états , toutes les pro- feffions , tous les âges leur adrefïbient des vœux , & leur préfentoient de l'en- cens. Chaque Science & chaque Art avoit en particulier fa Divinité tutélai- re ; mais tous les Arts & toutes les Sciences reconnoiïïbient l'empire des Grâces.

Comme M. l'Abbé Mafïîeu a laiffé dans les Mémoires de l'Académie des Belles-Lettres ( 1 ) une Differtation , p#(l2Tom* dans laquelle ce fçavant & ingénieux Académicien laifTe peu de chofes à dé- firer fur l'article de ces Divinités r je lie fçaurois mieux faire que de le pren- dre pour guide. Je rechercherai donc comme lui , mais en peu de mots , l'ori- ]

gine des Grâces & leur nombre, les dif— férens noms qu'on leur a donnés , leurs attributs, le culte qu'on leur rendoit, & enfin quels étoient les biens dont on, les croyoit les difpenfatrices.

Quelques Anciens ont crû qu'elles- fiirent le fruit d'un mariage légitime,. & qu'elles naquirent de Jupiter & de Junon ; mais Hefîode allure qu'elles*

£2 La Mythologie & les Fables fècHl £oient fill« de ce Dieu Se de la belle liv.i.ch.xi. fcurynome, fille de l'Océan , qu'Ono- macrite nomme Eunomie , & Laftance, ancien Commentateur de Stace, Har- mione. Suivant Antimaque Poète très- ancien, fameres'appelloitEglé, & fé- lon d'autres Eurymedufe , ou Antino- me. Enfin l'opinion la plus générale- ment reçue eft qu'elles doivent le jow- a Bacchus & à Venus.

Les Anciens n'étoient pas plus d'ac- cord fur le nom Se le nombre des Grâ- ces , que fur leur origine. Les Lace- demomens n'en reconnoiffoient que deux , qu'ils honoroient fous le nom de Clito Se de Phaenné. Les Athéniens n en admettaient pas davantage, mais ils les appelloient Auxo Se Hegemone. He- fiode , Se après lui Pindare , Onoma- ente, Se la plupart des autres Poè'tes fixent le nombre des Grâces à trois , & les nomment Eglé, Thalie Se Eupkro/yne. Ce qu'il y a d'embarraflànt , c'eft que Thalie palfe ordinairement pour une des Mufes : mais quel inconvénient y a-t-il qu'une Mufe Se une Grâce ayent porté le même nom ? Homère change le nom (i) ■niai, d'une des Grâces , Se l'appelle Pafî* ft ) The- thee<1} » en quoi il eft fuivi par Su- baid, L i. Ce (2).

Expliquées par PHifloire. 93 Malgré l'autorité d'Hefîode & d'Ho- J»1 *.?*

O- . . ~ i-i d Occident.

mère , il y avoit plulieurs endroits dans Liv.i.ch.xi. la Grèce, l'on reconnoifïbit quatre DéefTes de ce nom , & on les confon- doit alors avec les Heures , ou plutôt avec les quatre Saifons de l'année ; c'eft pour cela qu'on les repréfentok cou- ronnées , Tune de fleurs , l'autre d'épics, la troifîéme de pampres 6c de raifîns, & la quatrième d'une branche d'olivier , ou de quelqu'un de ces arbres qui con- fervent leur verdure jufques dans i'hy- ver. C'étoit pour la même raifon en- core qu'on voyoit quelquefois Apollon foutenant de la main droite de petites figures des quatre Grâces. Voilà ce que l'Antiquité a de plus allure fur leur nombre. Car pour l'exprefïîon d'Ari- ftenet , qui dit que les Grâces voloient par centaines autour de Cydippe : & celle de l'Auteur du Poëme fur les amours de Hero & de Leandre, qui af- fûre que lorfqu'Hero daignoit foûrire , on en découvroit plus de cent dans fes yeux feuls ; & enfin celle de Nonnus , qui dans le Poëme qu'il a fait en l'hon- neur de Bacchus , dit qu'il 1\'y en avoit pas moins de trois cens à fa fuite ;-ce font de ces expreflions hyperboliques qui n'impofent à perfonne. 11 n'en eft pas de

j)4 La Mythologie & les Fables Dieux même de ce que dit Paufanias (i), que ^'occident. queiques Auteurs mettent la Dédie de (i)InBeot. a Perfua*lon au nombre des Grâces, voulant nous infinuer par là, que le grand fecret de perfuader , c'eft de plaire. Au commencement on ne repréfen- toit ces Déciles, que par de Amples pierres qui n'étoient point taillées ; & telles étoient , comme nous Pavons dé- jà remarqué ailleurs , les anciennes fta- tues* Mais on les repréfenta bien-tôt fous des figures humaines , habillées de ga- ze dans les premiers temps , & toutes £0 Loc. cit. nues dans la fuite. Paufanias avoue (2) qu'il ne fçauroit marquer l'époque l'on cefla de leur donner des habits. On les repréfentoit ainfî , pour faire enten- dre que rien n'eft plus aimable que la fîmple nature ; & avec de fîmples ga- zes,pour nous apprendre que fi quelque- fois on appelle Fart au fecours de la na- ture, on ne doit employer les ornemens étrangers que fobrement & avec rete- nue. On les peignoit jeunes, parce qu'on a toujours regardé les agrémens comme le partage de la jeuneffe. Communé- ment on croyoit qu'elles étoient filles Se vierges , cependant Homère en marie une au Dieu du Sommeil , Se l'autre à Vulcain. On repréfentoit encore les Gra-

Expliquées par PHiftoire. ç$

ces dans l'attitude des perfonnes qui dan- d'oSt. lent ; ce qui fait dire à Horace (i) , Al- Liv.i.ch.xi* terno terram quatiunt pede : on ajoutoit (i)Liv. ut qu'elles fe tenoient par la main fans fe ' ** quitter , fegnefque nodum foluere Gra-

Paufanias (3) dit qu'on voyoït a Elis , (jJ In£^ les ftatues des trois Grâces , elles 1, %. étoient repréfentées de telle forte que l'une tenoit à la main une rofe , l'autre un à jouer , & la troifiéme une bran- che de myrthe: fymboles dont cet Au- teur donne lui-même l'explication. C'eft que le myrthe & la rofe , dit-il , font particulièrement confacrés à Venus & aux Grâces; & quant au , il eft une marque du penchant que la jeunefle ( âge que les Grâces aiment par préférence ) " a pour les jeux & pour les ris. Mais que dirons-nous d'une coutume que les An- ciens avoient de repréfenter les Grâces au milieu des plus laids Satyres ? Juf- ques-là qu'affez fouvent même les fta- tues des Satyres étoient creufes , de ma- nière qu'on pouvoit les ouvrir & les fer- mer ; & quand on les ouvroit , on dé- couvrait au-dedans de petites figures de Grâces. Que pouvoit fîgnifier un aflemblage fi bizarre ? Auroit-on voulu nous indiquer par-là , qu'il ne faut pas

$6 La Mytkologie& les Fahleï ?Ocrid«t Juger ^s hommes fur l'apparence ; que liv.i.cii.Xi. les défauts de la figure peuvent fe re- parer par les agrémens de l'efprit ; & qu'allez fouvent un extérieur difgracié cache de grandes qualités intérieures ? On peut aifément juger que des Divi- nités fi aimables ne manquèrent ni d'Au- tels , ni de Temples. On croit que ce fut Etheocle Roi d'Orchomene dans la Beo- tie t qui leur en éleva le premier , & qui régla les cérémonies de leur culte ; ce qui a fait dire à quelques Anciens qu'il étoit leur père. Cependant les Lacede- moniens en attribuoient la gloire à La- cedemon leur quatrième Roi , préten- dant que le Temple qu'il leur avoit bâti fur les bords du fleuve Tiafe, étoit le plus ancien de la Grèce. Suivant Paufa- nias elles en avoient encore à Elis , à Del- phes, àPerges , à Perinthe, à Byzance, & en plufieurs autres endroits de la Grè- ce Se de la Thrace. Ordinairement les Temples confacf es à l'Amour , l'étoient auffi aux Grâces. On avoit encore ac- coutumé de leur donner place dans ceux de Mercure , pour nous apprendre que le Dieu même de l'Eloquence avoit be- foin de leur fecours. Mais fur tout , les Mufes & les Grâces n'avoient d'ordinai- re qu'un même Temple , & on apperçoit

aifément

Expliquées par VHiftdire. £7 aîfément Punion intime qui devoit être d>Qcad*nt. entre ces deux fortes.de Divinités :auflï Liv.l.ch.XI* Pindare invoque les Grâces prefque aufîî fouvent que les Mufes.

Quoiqu'on célébrât des Fêtes en leur honneur pendant tout le cours de l'an- née , cependant le Printemps leur étoît principalement confacré , comme à Ve- nus leur mère. Mais ce n'étoit pas feu- lement en certains temps que les Anciens fîgnaloient leur dévotion à ces Déefles , il n'y avoit guéres de jour qui ne fût marqué par quelque hommage qu'ils leur rendoient. On faifoit peu de repas fans invoquer les Mufes & les Grâces : avec cette différence , que pour fe concilier la faveur des Mufes on beuvoit neuf coups , au lieu que ceux qui vouloient s'attirer celle des Grâces, n'en beuvoient que trois.

Toute la Grèce étoit remplie de ces xnonumens confacrés à ces Déefles. On voyoit dans la plupart des villes , leurs figures , faites par les plus grands maî- tres. Il y avoit à Pergame un tableau de ces Déefles , peint par Pythagore de Paros (1). Un autre à Srmrne, qui étoit 0)pauf,£ de la main d'Apelle. Socrates avoit fait B**» leurs ftatues en marbre , Bupale les fît tn or. Paufanias parle de plufhurs au-

Tome IV. £

u%

9 8 La Mythologie & les Fables Dieux tres ftatues de ces DéefTes, également livjxh.xi". recommandablesparla riche/Te de la ma* tîere 6c par la beauté du travail. Demo- fthéne rapporte dans fa harangue pour la Couronne , que les Athéniens ayant fecouru les Habitans de la Cherfonefe dans un befoin preÏÏant , ceux-ci pour éternifer le fouvenir d'un tel bienfait , élevèrent un Autel avec cette Infcrip- tion , Autel confacré à celle des Grâces quipréfîde à la reconnoijfance. Et pour fi- nir par des monumens d'une autre ef- pece , il y avoit un grand nombre de Mé- dailles où les Grâces étoient repréfen- tées ; plufieurs font venues jufqu'à nous. Telle eft une Médaille Grecque d'An- tonin Pie , frappée par les Perinthiens ; une de Septime Severe , par les habitans de Perge dans la Pamphilie ; une autre d'Alexandre Severe , par la Colonie Flavîenne dans la Thrace; & enfin une de Valerien, père de Galien, parles By- zantins.

Enfin , quant aux bienfaits qu'on at- tendoit de ces DéefTes , on croyoit qu'el- les difpenfoient aux hommes , non feu- lement la bonne grâce, la gay été, l'é- galité de l'humeur , mais encore la libé- ralité, l'éloquence & la fageïTe, ainfî «|ue le dit Pinçlare ; mais la plus belle de

Expliquées par VHiftoîre. $$ toutes les prérogatives des Grâces , c'eft J?^cn* qu'elles préfîdoient aux bienfaits & à la Liv.x.ch,xi* reconnoiïfance ; jufques-là que dans pref- que toutes les langues on fe fert de leurs noms , pour exprimer, & la reconnoif- fance & les bienfaits.

Finifïbns par les allégories qu'on a trouvées dans le nom de ces DéefTes & dans leurs attributs. D'abord on les ap- pelloit , dit-on , Charités , nom dérivé du mot Grec qui veut dire joye , pour marquer que nous devons également nous faire un plaifir , & de rendre de bons offices , & de reconnoître ceux qu'on nous rend. Elles étoient jeunes, pour nous apprendre que la mémoire d'uni bienfait ne doit jamais vieillir : vives & légères , pour faire connoître qu'il faut obliger promptement , & qu'un bienfait ne doit point fe faire attendre. Auflî les Grecs avoient-ils coutume de dire , qu'une grâce qui vient lentement, ceiTe d'être grâce. On difoit qu'elles étoient vierges, pour nous donnera entendre, premièrement qu'en faifant du bien , on doit avoir des vues pures , faute de quoi on corrompt le bienfait : & en fécond lieu , que l'inclination bienfaifante doit être accompagnée de pru -^nce & de re- tenue. C'eft pour cette féconde raifon

Eij

ICO ha Mythologie & les Fables «ToccKWit ^ue ^ocrate voyant un homme qui pro*^jj Livj. ch. i-. diguoit fes bienfaits fans diftinâion & à tout venant : Que les Dieux te confondent , s'écria-t-il , les Grâces font vierges, &* tu tn fais des courtifanes. Elles fe tenoient par la main, ce qui fîgnifioit que nous devons par des bienfaits réciproques ferrer les nœuds qui nous attachent les uns aux autres. Enfin elles danfoient en rond , pour nous apprendre qu'il doit y avoir entre les hommes une circula- tion de bienfaits ; & de plus , que par le moyen de la reconnoiflance, le bienfait doit naturellement retourner ail lieu 4'où il eft parti,

CHAPITRE X IL

Hiftoire de Vulcain.

X eft jufte de joindre PHiftoïre de Vulcain à celle de Venus & des Grâ- ces , puifqne fuivant les Anciens , il avoit époufé ou la mère d'Amour elleT même, ou fuivant Homère 5 une de ces trois DéeiTes. Si nous en croyons Ci- (i) Lîv. 3. ceron (i) , il y a eu plufieurs Vulcains; icKat.Ueor. je premjer ^toit fils du Ciel, le fécond

V

Expliquées par Ptîîfloire* lût

du Nil ; les Egyptiens qui le reconnoif- Drôtra

foient pour leur prote&eur , l'appelloient LiyJ.CÈrxi

Ovas ; le troifiéme étoit fils de Jupiter

Se de Junon, ou de Junon feule, fui-*

Vant Hefiode * fuivi par les autres Poe-*

tes. Le quatrième étoit fils de Mena-*

lius ; c'efl celui qui habitoit les Mes

Vulcauies. On peut même trouver un

Vulcain plus ancien que tous ceux-là*

C'efl le Tubalcain de l'Ecriture fainte ,

qui s'étant appliqué à forger le fer, corn-* -

mg Moyfe nous l'apprend, eft devenu

le modèle & l'original de tous les autres*

Les Mythologues donnent plulîeurs

étymologies^du nom de Valcain.Phurun-

tus le fait venir de ^ T#3ç$r*i comme qui

diroit brûlant. Pluton dans fon Socrate*

dit qu'il vient de<P«^' '^^^celuiquipréfide

à la*lumiete. Servius prétend qu'il a ézé

appelle Vulcanus quafi Voluanus , pour

marquer que les étincelles du feu volent

en Pair quand on forge le fer. Mais quel

fond peut-on faire fur une étymologiq

tirée d'un nom que les Latins avoient

donné à ce Dieu , & qui n'étoit pas con«

nue des Egyptiens qui avoient porté

dans la Grèce le culte de ce Dieu ? Celle

de Phurnutus eft fans doute plus raifon-

nable , puifque les Grecs nommoient ce

Dieu Epkœfîos. Mais fans nous arrêter

E iij

102 La Mythologie & les Fables #o *? * P^us long-temps à ces étymologies , di~ 3tiv.LCh.xi. ions que les Grecs regardoient Vulcain comme le Dieu des Forgerons , & com- me Forgeron lui même ; & c'eft l'idée qu'en donne Diodore de Sicile, lorf- (2) iib. 5. qu5ii dit ( 1 ) « que Vulcain eft le premier » Auteur des Ouvrages de fer, d'airain, » d'or , & d'argent , en un mot de tou- » tes les matières fufibles. Il enfeigna » auffi, tous les ufages que les Ouvriers * » & les autres hommes peuvent faire da *> feu : c'eft pour cela que tous ceux qui 3> travaillent en métaux , ou plutôt les » hommes en général donnent au feu le *> nom de Vulcain , & offrent à ce Dieu » des facrifices en reconnoifTance d'un s> préfent fi avantageux ».

Il y a beaucoup d'apparence ÇUC \z

* **A Vnî/^tn et oit un ;mrî^** ~R 0; J'T?

gypte , ainii que nous le prouverons à la fin de l'Hiftoire de ce Dieu; ou plu- tôt, c'étoit la plus ancienne Divinité des Egyptiens , puifqu'on le trouve dans Hérodote , dans Syncelle , ôc dans d'au- îres Auteurs encore , à la tête des Di- vinités de ce Peuple ; fans qu'on fçache aujuftece que c'étoit que ce Dieu; à rnoins qu'on ne remonte à Tubalcain , ou à quelqu'un des Rois de ces pays-là , qui fe rendit illuftre dans l'art de forger le fer*

Expliquées par myoiré. Jtgf m^x "Pour le troifiémc Vulcain dont les d>0ccitlenl. Gris ont chargé l'Hiftoire de celle de i***» tous les autres, on peut .croire que ce- toit un Prince Titan, fils de Jupiter, ou du moins un de fes parens , qui ayant £é difgracié, fut obligé de feretnet dans l'Iile de Lemnos , ù établit des forges. Mr.Newton qui le confondavec Thoas , Roi de Lemnos , explique la fa- ble de fa chute du ciel , avec beaucoup d'efprit. Thoas, dit-il (i),éPoufaCol - «cjgj copis , cette même Venus qu'on croyoït pag. ^ mère d'Enée, & fille d'Othreus Roi de Phrvgie. On donna à Thoas le nom de Cinyras à caufe de fon habileté a jouer de la lyre , ce qui fit publier qu il avoit été aimé d'Apollon ou d'Orus. Bacchus devenuamoureuxdela femme de Thoasr fut furpris dans un commerce de galan- terie avec elle , mais il fçut appaifer le mari en lui faifant boire du vin , & ra- commoda Paffalre en le faifant Roi de Byblos & de Chypre; après quoi il paila l'Hellefpont avec fon Armée, & con- quit la Thrace. C'eft à tous ces évene- mens , ajoute l'Auteur que je viens de citer, que les Poètes font allufion , en feignant que Vulcain tomba du ciel dans lTfle de Lemnos , «Se que Bacchus après avoir calmé fa colère en lui faifant boire

Einj

^04 && Mythologie & les Fables piEux du vin , le fit rappeller dans le ciel. Il Liv. Loxiu tomba du ciel des Dieux de Crète , quand il alla de Crète à Lemnos pour forger les métaux ; il fut rétabli dans le ciel , quand Bacchus le fit Roi de Chypre Se de Byblos ; car les Cours des Princes de ce tems-là , à l'exemple de celle de Jupiter , étoient regardées comme le ciel. Thoas régna jufqu'à une grande vieillefTe, vécut jufqu'au temps de la guerre "de Troye, & devint prodigieu- fement (a) riche.

C'efl: ainfi que les Grecs avoient tra- vefti par d'ingénieufes fiftions une hr- ftoire , qui d'elle-même étoit fort ïîm- ple & fort naturelle ; & pour trouver quelque prétexte à l'éloignement , ou , fi l'on veut , à l'exil de Vulcain , ils pu- blièrent que Jupiter qui le trouva fort laid , ou plutôt qui étoit jaloux que Ju- non l'eût mis au monde fans fa partici- pation , l'avoir fait culbuter du ciel en terre d'un coup de pied , & qu'il fe fe- roit tué immanquablement , fans le fe- cours des habitans de Lemnos qui le re- çurent entre leurs bras ; que cependant il lui en coûta une jambe dont il demeu-

(a) M. Newton cite pour garants , Clem. d'Alex. <Ad- inon-ad Genu Appollodore, Pindarc, Pjth* Od. z, Hefycru %n XWj>#y# Steph. in h' pares*

Expliquées pur PHiflotre. 10$ ra boiteux : ou faivant une autre tra- J^*cEi(£n* dition adoptée par Paufanias ( 1 ) , mais Liv. i.c.xiu auffi frivole que la première , ce fut Ju- (1) in Attk. non qui le chalTa de l'Olympe. Cet Au- c' 2CU teur ajoute que Vulcain n'ayant pas ou- blié cette injure , fit une chaife d'or avec un relïbrt caché , & Fenyoya dans le ciel. Junon qui ne fe méfiait pas du préfent de fon fils , voulut s'y afïeoir , &y fut prife comme dans un trebuchet : & il fal- lut que Bacchus enyvrât Vulcain pour l'obliger à venir délivrer Junon, qui avoit préparé à rire à tous les Dieux par cette avanture: mais comme cesfi&ions, que chaque Poète avoit droit d'inven- ter , ne fe foutiennent pas , Homère dit que ce°Dieu s'attira la colère de Jupiter, pour avoir dégagé Junon , qu'il avoit fufpendue en l'air avec une chaîne , à caufe qu elle avoit excité une tempête > pour faire périr Hercule.

Comme l'Ifle de Lemnos efl fortfu- jette aux tremblemens de terre & aux volcans , ainfî que le prouve le fçavant Bochart (2) après Euftathe & quelques ( 2) chaiv autres ,.on dit que Vulcain étoit tombé l* ^ c- **• dans cette Me, il établit fa demeure & fes forges : ou bien , félon d'autres , parce que c'eft dans cette Ifle que fut inventé l'art de faire des armes. On di-

E.y

Î06 La Mythologie & les Fahks ^occident ^olt Pour donner c°urs à cette Fable > ijv.i.c.xii. qu'on entendoit de fort loin les coups de marteau des Cyclopes fes forgerons, parce que véritablement on entendoit le bruit du feu qui faifoit des efforts pour fortir. On établit auffi les forges de ce Dieu dans le mont Etna pour la même raifon ; & dans les Mes Vulca^ nies , dont Liparos efl la principale > ÔC qu'on a depuis nommées Eolies , du nom d'Eole leur Roi : en un mot , dans tous les lieux Ton voyoit quelque volcan. Comme les Grecs, lorfque quel- qu'un s'étoit rendu fameux par fes ou- vrages y fe plaifoient à charger fon hiftoire de tout le merveilleux qu'ils croyoient propre à l'embellir ; les Poè- tes mirent fur le compte de leur Vul- cain tous les Ouvrages qui pafïbient pour des chefs - d'oeuvres dans le pays fabuleux y tels que le Palais du So- Ci ) Ovid. leil (i) , les armes d'Achille (2), celles (") Homer. d'Enée ( 3 ) , le collier d'Hermione , P* la couronne d'Ariadne , le fameux chien

l.«. lr£' "' d'airain que Jupiter donna à Europe, & que celle-ci donna à Procris , Pan- dore, cette femme qui a caufé tous les maux qui font fur la terre : Enfin ces Cymbales d'airain dont il fit préfent à Minerve , qui les dçmns à Hercule % &

Expliquées par PHifloire* I 07 au bruit defquelles ce Héros fît fortir $^££ d'un bois les oifeaux nommés Stympha- Liv.l.ç.Xil lides, qu'il tua enfuite à coups de flè- ches , comme nous le dirons dans fon hiftoire.

Quoique nous n'ayons rien de bieti certain fur les enfans de Vulcain , nous fçavons cependant qu'on regarda com- me tels, Brotheus & Erichthonius , ainfî que ceux qui fe diftinguerent dans l'art de forger le fer & les métaux , comme Olenus , Albion & quelques- autres. On lui donna aufïî plufieurs noms. Il étoit appelle Lemnius , parce que c'efl à Lemnos qu'il tomba lorfqu'il fut chafle du Ciel : Junonigena , parce qu^il étoit fils de Junon. Mulciber , ou Mulet fer , parce qu'il avoit enfeigné l'art d'amol- lir le fer par le feu des forges. Mmeuà, à caufe que fes forges étoient fous le mont Etna : Amphtguneis , parce qu'il étoit boiteux des deux pieds, félon He- iîode , qui lui donne cette épithete ; & Kullopodion , par ceux qui croyoient qu'il ne boitoit que d'un côté : c'eflla même épithete que celle de Tardipes , que Catulle lui donne.

Parmi les Peuples anciens , les Egy- ptiens font ceux qui ont le plus honoré ce Dieu : il avoit à Memphis ce Tem~

1 08 La Mythologie & les Fables Bieux pie fuperbe, & cette ftatue coloflale;

d'Occident, f j r * o * i i

liv.i.c.xii. naute de loixante oc quinze pieds , dont nous avons fait la defcription dans le premier Volume ; quoique fa ftatue qui étoit dans le Temple répondît peu à ce colofle qui étoit au-dehors , qu'elle attira mépris de Cambyfe , qui la fit jetter au feu. Ses Prêtres étoient en grande considération parmi les Egy- ptiens , qu'un d'eux nommé Sethos , monta fur le Trône. Ce Dieu étoit aufîî fort honoré parmi les Romains. Tatius , ;0)Liv. 2. au rapport de Denys d'Halicarnaffe (i), lui fit bâtir un Temple , & Romulus lui confacra des Quadriges d'airain , fai- vant le même Auteur. On avoit cou- tume dans fes facrifices de faire confu- mer par le feu toute la viftime , ne ré- fervant rien pour le feftin facré, en for- te que c'étoient de véritables holocau- fies ; ainfi le vieux Tarquin , après la défaite des Sabins , fit brûler en l'hon- neur de ce Dieu leurs armes Se leurs dépouilles.

Parmi les animaux , le Lion , qui dans dans fes rugiffemens femble jetter du feu par la gueule , lui étoit confacré , & les chiens étoient deftinés à la garde de fes Temples. Il en avoit plufieurs à Rome ? mais le plus ancien ; bâti par

Expliquées par FHiftoire* 109 Romulus, étoit hors de l'enceinte 'de la £oJd"n* ville , les Augures ayant crû que le Liv.l.c.xi/ Dieu du Feu ne devoit pas être dans la ville même. Mais la plus grande mar- que de refpeét que les Romains avoient pour ce Dieu, étoit, félon Denys d'Ha- licarnaffe, que les Afïemblées fe te- noient dans fes Temples , Ton trai- toit les affaires les plus graves de la Ré- publique : les Romains ne croyant pas pouvoir invoquer rien de plus facré , pour afïurer les décidons & les traités qui s'y faifoient , que le Feu vengeur dont ce Dieu étoit le fymbole.

Comme on croyoit que Vulcain avoït enfeigné tous les ufages que les Ou- vriers & les autres hommes peuvent faire du feu , tous ceux qui travailloient en métaux , ou pour parler plus jufle , tous les hommes en général offroient à ce Dieu des facrifîces , en reconnoif- fance d'un préfent fi avantageux 5 ainfî que nous l'apprend Diodore de Si- cile (i )^ ^ (l)LiT.|j

On avoit auffi établi des Fêtes en fon honneur , dont la principale étoit celle pendant laquelle on couroit avec des torches allumées, qu'il falloit por-* ter fans les éteindre jufqu'au but qu'on avoit marqué^ fous peine d'infamie ; ce*

ï I o La Mythologie & les Fables È}*VX lui qui en dévançoit un autre , avoit J Lîv/ï.c.xiî. félon Pline (ï) , fon flambeau pour ré* d)Liv. i3. compenfe.

Les monumens anciens repréfentent ce Dieu d'une mfaniere aflez uniforme ; & il y paroît toujours avec de la barbe , la chevelure un- peu négligée, à demi- couvert d'un habit qui ne lui defcend qu'au-deffus du genou, portant un bon- net rond & pointu , tenant de la main droite un marteau , Se de la gauche des tenailles. Comme on s'efl: toujours ef- forcé de trouver des raifons myftiques dans ces fortes de repréfentations , Eu- <2)Prepar, febe (2) dit que le nom d'Epkœflos mar- wranfc. .3. ^ue ja force ju feu ^ & que \Q bonnet

qu'on lui donnoit , & qui étoit bleu , défignoit le circuit du Ciel 3 le feu tient lieu de la partie la plus fubtile.

Quoique tous les Mythologues di- fent unanimement que Vulcain étoit boi- teux , aucune des images de celles qut nous reftent , ne le repréfente avec cette défecluofité : cependant Ciceron 3 dans fon premier Livre de la Nature des Dieux , parle ainfi cPune de fes ftatues : « Nous admirons ce Vulcain d'Athé- 30 nés , fait par Alcamene ; il effc debout , » & vêtu , & paroît boiteux , mais fans » aucune difformité *>* La plupart des

Expliquées par PHtfloire. ï 1 1 Médailles de l'Ifle de Lemnos repré- d%^*. fentoient ce Dieu avec la légende , Deo Liv.i.cxu. Volcano.

De tout ce que je viens de dire on peut conclure qu'il y a eu trois Vul- cains ; le premier Se le plus ancien, effc le Tubalcain dont parle Moyfe , qui le met dans la dixième génération du côté de Caïn, & qui fut véritablement le pre- mier qui inventa Part de forger le fer. Sanchoniathon qui le met dans la fep- tiéme génération , dit qu'avec cet art il inventa aufïï l'appât , la ligne & la na- celle , & qu'après fa mort il fut honoré comme un Dieu , fous le nom de Dia- mhhios. Il eft vrai que cet ancien Au- teur le nomme aufli Chryfaor > Se qu'on n'eft pas peu embarrafle à trouver dans ce Chryfaor Ephœftos , ou Vulcain , les Grecs faifant naître Chryfaor du fang de Médufe , comme nous le dirons dans Phiftoire de cette Gorgone; mais M. Fourmont l'aîné croit avoir trouvé la véritable origine de ce nom dans un mot Phénicien ) , qui veut dire ce- 0) ofa$ lui qui travaille au feu , ou dans le feu. **"*'

Le fécond Vulcain étoit un ancien Dieu ou Roi d'Egypte ; le troifiéme enfin 7 quelqu'un des Titans , qui par quelque mécontentement fe retira dans l'Ifle de Lemnos*

H2 La Mythologie & les Fables

CHAPITRE XI IL

D

&£&£ Hifioire de Mercure.

l.I.C.XIII.

E tous les Dieux du Paganifme il n'en eft aucun qui ait eu tant d'em- ploi & tant d'occupation que Mercure. Les Grecs le nommoient Hermès , & ce nom fignifioit Interprète , ou félon Pro- ches , Àiejfager. Son nom Latin venoit5 fi nous en croyons Feftus , des Mar- chands 3 ou plutôt des marchandifes 9 Adercurius, à mercibus. Interprète & mi- nière fidèle des autres Dieux, & en par- ticulier de Jupiter fon père , il les fer- voit avec un zèle infatigable , même dans des emplois peu honnêtes. C'étoit lui qui étoit chargé du fom de conduire les âmes des Morts dans les Enfers , Se de les ramener. 11 étoit outre cela le Dieu de l'Eloquence & de l'Art de bien parler ; celui des Voyageurs , des Mar-» chands , & même des Filoux. AmbafTa- deur & Plénipotentiaire des Dieux , il fe trouvoit dans tous les Traités de paix & d'alliance. Tantôt on le voit accom- pagner Junon , ou pour la garder , oa

Expliquée* par PEijloire* î î 5 bour veiller à fa conduite ; tantôt Ju- J2}*V* .

I\ « « a Occident.

piter l'envoyé pour entamer quelque in- l. i. c.xiiî« trigue avec quelque nouvelle maitrefle. Ici c'efl: lui qui tranfporte Caftor & Pollux à Pallene. il accompagne le char de Pluton , lorfqu'il enlevé Pro- ferpine : embarraffés de la querelle mûô entre trois Déeffes au fujet de la beauté, les Dieux l'envoyent avec elles au ber- ger Paris. Tant de fondions différentes ont fait croire qu'il y avoit eu plufieurs Mercures, & qu'on avoit attribué au feul fils de Jupiter , des attributs qu'il auroit fallu partager entre plufieurs Dieux du même nom.

Les Mythologues en effet reconnoif- fent plufieurs Mercures. La&ance le Grammairien en compte quatre ; l'un fils de Jupiter & de Maïa , le fécond, du Ciel & du Jour ; le troilîeme , de LÏ-* ber ou Bacchus , & de Proferpme ; le quatrième, de Jupiter & de Cyllene, qui tua Argus, & qui s'enfuit enfuite , difent les Grecs, en Egypte, il donna la connoiffance des lettres aux Egyp-» tiens. Celui que la plupart des Anciens reconnoiffent , Se à qui les Poètes attri- buent toutes les adions qui paffent fous le nom de Mercure , eft le fils de Ju- piter & de Maïa ; c'eft à lui principal

î 1 4 La My thologle & les Tables Cïîux lement qu'on bâtîflbit des Temples 0 St I.i.c.xiii. qu'on dreflbit des Autels & des ftatues. (î) Le jour Suivant Ciceron il y en avoit cinq :

cft mis pour a L>un fijs <JU QeJ & <}u JQur / j n £>/w aufemi- r1 7 1 o 1 -ni

ma. * autre , lus de V alens & de rhoronis :

» c'eft celui qui fe tient fous la terre, & » qui s'appelle Trophonius ; le troifîéme » eft fils de Jupiter & de Maïa; ce Ju- » piter eft le troifîéme entre les Jupiters » que l'on compte ; c'eft de ce Mer- » cure & de Pénélope qu'on dit que » Pan eft né. Le quatrième eft fils du » Nil , que les Egyptiens croyent qu'il

* n'eft pas permis de nommer. Le cin-

* quiéme , que les Pheneates honorent , » eft celui qui tua , dît - on , Argus , & » qui pour cette raifon , obtint l'empira ® de l'Egypte , & donna aux Egyp- a> tiens des Loix , & la connoiflance de$ » Lettres ( a ).

Sans s^embarraffer de quelle manier© on pourroit réduire à un moindre nom- bre tant de Mercures , dont quelques-

(z) De Nat. ( a ) Mercnrius nnns inquit Cicers (2) , cetîo fatvs Die ma* Peor » 1,2. tre natus 5 ch'jhs objcœnius excitata natura traditur qnod ajpe» Bh> Pojcrpinœ commotm fit : alter Valentis HT Phoronidis fi* liut-i is quifub terris babetur , idem Trophonius. Tertitts Jove tertio nams O" lAaU , ex quo O* Penelopa Pana natumft* runt. Xluartus Nifo pâtre , qnem Aigyptii nef as habent nomh nare. jQgintHS, quem ctfant Pbeneatx, qui J*.rg%m dicitHf interfeciffe , ob eamque caxfam A'gyçto çrafoiffe , atytie Egyp- tiislegesO' Htteras traAidiJfe.

Expliquées par VHifloire. ny tins paroiifent avoir le même père ou la „DlEVK

* r . . h r d Occident.

même mère, je crois pouvoir ioutenir l.i.c.xiil, qu'il n'y en eut jamais que deux ; car pour celui qui eut Pan de Pénélope , & qu'Hérodote dit avoir vécu environ huit cens ans avant lui, c'eft-à-dire vers le temps de la guerre de Troye , il y a bien de l'apparence que c'était quelque Prêtre de ce Dieu qui avoit féduit cette jeune Princefle. Je ne reconnois donc que l'ancien Mercure , ou le Thot , ou Thaut des Egyptiçns , qui étoit con- temporain d'Ofîris ; & celui qui , fé- lon Héfîode , étoit fils de Jupiter & de Maïa ; c'eft de ces deux-là que je vais donner l'hiftoire.

Il n'y a point de perfonnage , fans en excepter aucun , dans l'Antiquité pro- fane , plus célèbre que le Mercure Egy- ptien. Il étoit l'ame du Confeil d'Ofî- ris ( i ) , qui s'en fervit dans les affaires d) Voyefc les plus délicates ; & qui , avant fon dé- ?"??'££* part pour la conquête des Indes, lelaifïa à Ifis qu'il avoit nommée régente du Royaume , comme l'homme le plus pro- pre à la fervir dans l'adminiftration de l'Etat. Ne fe contentant pas de donner des confeils à la Reine , ce Miniftre fi- dèle s'appliqua à faire fleurir les Arts & le Commerce dans toute l'Egypte?

ï 1 6 La Mythologie & les Tables ?o Eicte* Occupé des Sciences les plus fublime^; jt.fcc.xui.il acquit de profondes connoiffances dans les Mathématiques, fur-tout dans la Géométrie , & apprit aux Egyptiens la manière de mefurer leurs terres , dont les limites étoient fouvent dérangées par les accroiflemens du Nil ; afin que chacun pût reconnoître la portion qui lui appartenoit. Enfin il y eut peu de Sciences dans lefquelles il ne fît de grands progrès ; & ce fut lui en parti- culier qui inventa Tufage de ces lettres myftérieufes qu'on appelle hiérogly- phiques, & qui ne fervkent dans la fuite, que dans les matières qui concernoient la Religion. Diodore de Sicile ajoute à fet i « , ces traits ( i ) : « qu'Ofiris l'honora beau- ; » coup, parce qu il le vit doue d un ta- » lent extraordinaire pour tout ce qui » peut aller au bien de la focieté hu- as» maine. En effet , Mercure forma le » premier une langue exaéte 5c réglée , » des dialeftes groffiers & incertains » dont on fe fervoit Ilimpofa des noms * à une infinité de chofes d'ufage , qu? » n'en avoient point. Il inventa les pre- » miers carafteres, & régla jufqu'àl'har- » monie des mots & des phrafes.il inftitua » plufieurs pratiques touchant les facri- » fices & les autres parties du culte des

Expliquées par VRlfloire. S i J » Dieux , & il donna aux hommes les Dieux

i i) An d'Occident.

w premiers principes de 1 Aitronomie. i.i.c. xnl*

» Il leur propofa enfuite pour divertif-

» fement la lutte & la danfe , .& leur fit

» concevoir quelle force , Se même

» quelle grâce le corps humain peut ti-

» rerde ces exercices. Il imagina la lyre,

» dans laquelle il mit trois cordes par

» allufîon aux trois faifons de l'année :

» car ces trois cordes rendant trois fons,

» le grave , l'aigu & le moyen ; le grave

» répond à l'Hyver, le moyen auPrin-

» temps , & l'aigu à PEté. C'efl lui qui

m apprit l'interprétation ou l'élocutioi*

» aux Grecs, qui pour cette raifon l'ont

» appelle Hermès , ou l'Interprète. Il a

» été le confident d'Ofiris qui lui com-

30 muniquoit tous fes fecrets, & qui fai-

3o foit un grand cas de fes confeils. C'eft

33 enfin lui qui , félon les Egyptiens, a

» planté Polivier, que les Grecs croyent

» devoir à Minerve %

Pour ce qui concerne ce grand nom- bre de Livres fur la Théologie, l'Aftro- logie & la Médecine , je fçais que Mar- sham ( i ) les attribue à Mercure fe- (ochro*. cond , fils de Vulcain , lequel, feloa***-1- Eufebe (2), vivoit un peu après Moyfe, {z) InChro^ & environ cinquante ans après que les Ifraelites furent fç>rtis d'Egypte ; & ce

1 1 8 La Mythologie & les Fables T) i e v x fçavant Auteur , fondé fur l'autorité de

Lj?c!xTn. -^anethon cité per le Syncelle , croit

que ce fut ce Mercure fécond qui fut

furnommé Trifmegijle , ou trois fois

grand. Ces Livres , au rapport de faint

(OStrom. Clément d'Alexandrie (i) , étoient au

*• *• nombre de quarante -deux ; ôc on ne

pouvoit rien ajouter au refped: que les Egyptiens avoient pour eux. On les portoit dans les Proceffions avec beau- coup de cérémonie & de refpeét. D'a- bord paroifîbit le Chantre qui en avoit deux à la main , dont l'un contenoit les Hymnes en l'honneur des Dieux , & l'autre la manière dont dévoient fe con- duire les Rois. Venoit enfuite VHorof- cope , c'eft ainfi que Clément d'Alexan-

(z)vQ9(ot- drie appelle ce Miniftre (2 ) , qui por-

xo&ot. t0\t ies quatre Livres d'Aftrologie , dont l'un traitoit des Etoiles fixes, l'au- tre des Eclipfes de Soleil & de Lune ^ les deux derniers du lever de ces deux Planètes. Puis paroifToit le Scribe facré, avec dix Livres qui traitoient de la Cof- mographie, de la Géographie, de la def- cription du Nil, &c. Le Stolijïe fuivoit y avec dix autres Livres qui traitoient des matières de Religion ; fçavoir , des Sa- crifices y des Prières , des jours de Fê- tes , &c. Le Prophète marchoit après ,

Expliquées par PHifloire. 1 1$ pareillement avec dix Livres qu'on nom- Dieux moit facerdotaux , Se qui trairoient des Lj^c! xili. Loix , des Dieux , & de la Difcipline Ecclefîaftique. Ainfi , conclut l'Auteur que je viens de citer , il y avoit qua- rante-deux Livres en tout , dont trente- fîx renfermoient tout ce que contenoït la Philofôphie Egyptienne ; & les fîx derniers regardoient la Médecine , Se traitoient de TAnatomie , des Médica- mens , des maladies des yeux , de celles des femmes , &c.

C'eft de ces Livres , pour le dire en paflant, qui font perdus depuis long* temps y car le Pimandre de Mercure effc un Ouvrage fuppofé , que Sanchonia- thon avoit tiré la Théogonie, dont nous avons donné l'extrait dans le premier Volume.

J'ai dit qu'ils étoient perdus depuis long - temps ; en effet Galien regarda comme fuppofés des Livres de Méde- cine , qui de fon temps pafïbient pour /être de Mercure ; & on doit porter le même jugement de ceux dont parle faint Cyrille ( a ).

Le fécond Mercure, je veux dire le fils de Jupiter & de Maïa fille d'Atlas ,

(a) Fabricius a donné les titres des q larante-deux Livres dans fa Bibliothèque Grecque. Liv« ch. n*

îSO La Mythologie & les Fables ©lit/ x devint célèbre parmi les Princes Ti-

cl Occident. A v , *■ . - , '

L.i.c. AiiKtans. Apres la mort de ion père (i) , il (O.D.Pe-eirt pour fon partage l'Italie, les Gau- 5r°hY^ut q* ^es TEfpagne ( a ) , il fut maître ^esCeKe^abfolu après la mort de fon oncle Plu- ton , & les Mauritanies après celle de fon grand-pere Atlas. C'étoit un Prince fin , rufé, fourbe, artificieux , diffimulé : Il voyagea plus d'une fois en Egypte pour s'inftruire dans les moeurs & dans les coutumes de cet ancien Peuple , ôc pour y apprendre la Théologie , & fur- tout la funefle fcience de la Magie qui étoit alors fort en vogue, & il ex- cella lui-même dans la fuite : aufîî fut- il regardé comme le grand Augure Se le Devin des Princes Titans qui le con- fultoient inceffamment. Jupiter lui-mê- me de fon vivant Pavoit employé fou- vent dans cette fcience , & c'eft ce qui a donné occafionaux Poètes de le faire palier pour l'Interprète des Dieux.

Quelques Auteurs qui ne prennent pas à la lettre ce que je viens de rappor- ter , difent que Mercure n'a païTé pour l'Interprète des Dieux y que parce qu'il apprit à fon Peuple le culte dont ils vouloient être honorés. Ses voyages en

(a) Voyez Evhemere , Dom Pezion ■> Ant. de la langu 4es Celtes ? après Lavt. & d'autres.

Egypte

Expliquées par VRiftoïre. 1 1 1 Egypte lui fervirent beaucoup à cela , E* E.^ x s'étant fait initier dans tous les myfteres L.i.ch.xn des Egyptiens , & ayant appris leurs ce* rémonies.

Jupiter fe fervit auflî fort utilement de l'éloquence de ce jeune Prince , l'ayant employé dans plufieurs négocia- tions pendant les guerres qu'il eut avec les Princes de fa famille , l'envoyant en différens endroits pour traiter avec eux ; & c'eft fans doute ce qui Ta fait paffer pour le Meffager des Dieux. Comme il les raccommoda fou vent enfemble , on î'a pris pour le Dieu de la paix & (des alliances. Confident de Jupiter , ce Dieu l'employa à faire réuflïr quelques-unes de fes intrigues , & il eut le fecret de fes galanteries.

Ajoutons qu'il contribua beaucoup par la force de fon éloquence , & la politefTe de fes mœurs , à cultiver Te£ prit de fes Peuples , à les rendre dociles, les unifiant enfemble par la focieté & le commerce , & réprimant le vice par des Loix fages Se féveres. Ce Prince avoit inventé pendant fa vie , Se perfeftionné plufieurs Arts. Les Gaulois qui Thono- noroient fous le nom de Theutatès , Se & lui offroient même des viftimes hu-* Tome IV. E

€22 La Mythologie &les Fables Dl>u* -mairies , comme Laécance (a) Se Lu- ,xxii. cam (b) nous l'apprennent , le regar- .doient comme Finventeur de tous les " beaux Arts ( c ) : aufîî lui attribue-t-on l'invention de la Lyre, de la Méde- cine^ des Lettres 9 de la Mufique, du Commerce , de la Lutte (d) , de la Ma- gie 5 .& de plufieurs autres Arts (e)0 En- lînonpeut dire que jamais Prince nes'effc rendu plus recommandable par fes belles qualités , Se n'a été plus chéri de fon peuple. Cependant il avoit des défauts, étoit du nombre de ceux qui n'ont rien de médiocre : ce qui obligea les au- tres .enfans de Jupiter , peu contens de fa conduite artificieufe Ce de fon humeur inquiète, à lui déclarer la guerre, pen- dant laquelle ayant été vaincu plufieurs ■fois 5 il prit enfin- le parti de fe retirer en Egypte 9 il mourut. D'autres .eroyent qu'il finit fes jours enEfpagnej

(a) Quelques Mythologue; difent que ce ne fut pas Mer* eure , mais fa fille PaUjîra qui inventa la Lutte 5 mais qui ne voit que ce n'eft qu'une génération métaphorique , qui fît

irder la Lutte comme fa fille , parce qu'il étoit l'inven- teur de cette forte de combat.

(b) G du Hefum atque Tev,tatcm kumAno cYHCYeçUcabant* J,a<îr. 1. i. c. 21.

(c) Et quihus imœiti} çlacatuy fanguine dira Tentâtes Pharf. 1. r .

(fi) D°um maxime 'Mercarium colunt Galli ; hune ommuïft 4tri;nm inventer em féru nt. Coefar. Comment. 1. 6. (c) Voy exfcHin. Nicolai , TraB* dcMennr* p. 5$«

Expliquées par PHiftoîrt.. 123 l'on voyoit même fon tombeau {ci). Pq*m*u

Telle c& l'hiftoïre de Mercure , Prin- U.GhJUi£» ce Titan 9 altérée par les Grecs , & mê- lée de plusieurs fables : car première- ment , il paroît qu'on a donné fon nom aux Princes qui avoient quelques-unes de fes qualités : ainfî il ne faut pas s'éton- ner de ce qu'on dit des chofes fi contrai- res d'une même perfonne , ni de ce grand nombre de voyages qu'on lui fait faire , Se de tant de femmes & d'enfans qu'on lui donne.

Elle a été altérée en fécond lieu pat une infinité d'allégories qui ont rapport à fes grandes.qualités, comme par exem- ple , celle de cette chaîne d'or qui for- toit de fa bouche ? & qui s'attachoit aux oreilles de ceux qu'il vouloit conduire, fignifie qu'il enchaînoit les cœurs Se les efprits par la douceur de fon éloquence. Si on le peignoit avec la moitié du vifa- ge claire , Se l'autre noire Se fombre , c'eft parce qu'on croyoit qu'il condui- foit les âmes dans les Enfers , Se qu'ainil îl étoit tantôt dans le ciel ou fur la ter- re , & tantôt dans le royaume de Pluton. Si les Egyptiens le repréfentoient avec

(a) Voye*, Dom Pezron , Ant. de la langue des Celtes. la Chronique d'Alexandrie , & Suidas fur le mot Zavvoç çuieftle.même, félon cet Auteur, 311e Mercure , difen* çuil mourut en Egypte,

Fij

J24 La Mythologie & les Fables Dieux une tête de chien, comme nous l'avons UixiuxU- dit dans l'hiftoire d'Anubis, c'étoit au rapport de Servius , pour marquer fa vigilance & fa fugacité, Mais fur quoi étoient donc fondées les fables dont par- le Homère , & après lui Virgile (a) ; Tune, qu'il conduifoit les âmes dans les ; Enfers avec fon caducée ( i ) ; l'autre k< lQf qu on ne mouroit que lorfque Mercure

venoit rompre les liens qui attachoient l'ame au corps ? Seroit-ce parce que ce Prince conduisit de fon vivant quelques Colonnies en Efpagne 3 dans le royau- me de fon oncle Pîuton , pays qui étoit regardé comme l'Enfer ? Ou plutôt n'eft- ce pas une cérémonie Egyptienne qui a donné lieu à cette fable ? C'eft ce que Diodore nous apprend (2). Les Egy- (V) Lit. i- pt;ens dit-il , portoient le cadavre d'A- pis en un certain lieu , & le mettoient enfuite entre les mains de quelqu'un pour le conduire au lieu des fepultures; ce qu'Orphée , qui ayoit voyagé en Egy- pte , apprit aux Grecs , & enfuite Ho- rnere raccommoda à Mercure : ou bien parce que ce Prince étoit Fauteur d'une ancienne Loi d'Egypte , qui ordonnoit qu*avant que de donner la fépulture aux

(a) . Hcc animas ille cvocat orco fMientti àiiasjhb tvijiia Tariara mitùt% j£ilt 1. 4?

Expliquées par PHiJîoîre. 11$ iHorts , il falloir juger s'ils en étoîent dï- ^^f^u gnes. Les Juges établis pour cela fai- til.ctexafc foient des informations qu'on lifoit pu- bliquement fur les bords du lac Ache- jrufîe , comme nous le dirons en parlant de l'Enfer des Poètes. Ainfion peut pen- fer que ce Prince afiiftoit en perfonne à ces Jugemens, pour mieux faire obferVer la loi; ce qui fit publier dans la fuite qu'il conduifoit lui-même les âmes en Enfer5. Onpourroit ajouter après Lacerda (ï)* (t) Sut le que cette fable tire peut-être fon origine ^êïàe! ^ d'une coutume pratiquée chez lés Athé- niens. Lorfqu'ils avoient condamné plu- sieurs criminels à la mort , ils ne les fup- plicioient qu'en différens jours , & celui qui paflbit le premier étoit appelle Mer- cure , parce qu'il montroit aux autres chemin du Royaume de Pluton ; mais je crois que cette coutume étoit plutôt la fuite que l'origine de la fable , & qu'on ne donnoit le nom Mercure au premier fupplicîé , que par allégorie à la fonction de Mercure qui conduifoit les âmes en Enfer.

Comme le Caducée étoit î'inftrument dont fe fervoit Mercure pour conduire les âmes en Enfer, Se pour lés ramener, il faut en faire la defeription. Le Cadu- cée étoit une baguette entortillée par

Flij

ïz6 La Mythologie & les Fables unbout , de deux fer'pens , dont le corps fe replioit en deux demi-cercles , pen- dant que la tête pafïbit au-delà de la- baguette. Les Mythologues qui ont voulu rechercher l'origine de ce fymbo- le particulier à Mercure , ont débité à ce fujet bien des conje&ures. Athena- gore dit que Jupiter étant devenu amou- reux de Rhea , elle fe changea en cou- leuvre , & qu'auflï-tôt le Dieu prit la figure d'un ferpent ; & que ce font ces deux mêmes infeétes que Mercure porte fur fon Caducée. Selon d'autres An- ciens , Mercure ayant trouvé deux fer- pens qui fe battaient, avoit appaifé leur furie' en les frappant de fa baguette , à laquelle il les avoit entortillés , & c'eft pour cela, ajoutent-ils , que le Caducée a toujours été regardé depuis comme le fymbole de la paix. On dit encore, tant les explications myfliques coûtent peu T que Mercure étoit l'inventeur d'une es- pèce de mufîque , laquelle par fa dou- ceur étoit propre à tranquillifer les fens* vertu particulière du Caducée, qui af- foupilfoit ceux qui en étoient touchés. Enfin on trouve des Auteurs qui croyent que Mercure pratiquoit la Necromanie , ou l'art d'évoquer les âmes des morts , & çuc le Caducée étoit la baguette dont

Expliquées par Vïlifioire* ï %J-

51 fa fervoit pour cette opération, Pour i^^l moi , je luis periuade qu il n y a la d'au- 1 A/àMMi* tre myftere , fînonque les Arnbaffadeurs & les Envoyés portant toujours une: branche d'olivier en forme de baguette y on en a douné une femblable à Mercu- re 5 le grand Ambaffadeuf des Dieux ; & qu'on y a joint les deux ferpens com- me le fymbole de la prudence, qui doit toujours accompagner les négociations.

Comme Mercure étoit le Dieu des Marchands & clés Larrons , on a mis fur fon compte plusieurs fortes de filoute- ries ; & nous apprenons de Lucien (i)^ jyj r>;^. qu'étant encore enfant il avoit volé le df Vitfcain i Trident de Neptune, les flèches d'A- poJ pollon , l'épée de Mars, & la ceinture de Venus: fables fondées fur ce qu'il étoit habile navigateur , adroit à tirer de l'arc, brave dans les combats , 8c qu'il- joignoit à ces qualités toutes les grâces ôc les agrémens du difeours.

Malgré tant de bonnes qualités 8c tant de fervices rendus à Jupiter , Mercure ne conferva pas toujours les bonnes grâ- ces de ce Dieu , qui le chafia du ciel ; & c'eft une nouvelle fiction qu'il faut expliquer.

Boccace dans fa Généalogie det Dieux, allure fur l'autorité de Théo*

F iiij

ï 2% La Mytholog te & les Fables Dieux dontion, que cette avanture ne regarde i.hCh.xiu. Pas notre Mercure ; mais celui qui fut appelle Stilbo, ôc qui vivoit long-tems après lui , étant contemporain de Pho- ronée. Mais n'en déplaife à cet Auteur 9 il n'y eut jamais de Mercure de ce nom: Stilbo , mot grec qui veut dire , je re- luis , n'étant qu'une épithete de la Pla- nète dont ce Dieu porte le nom. Je croirois donc volontiers que par quel- que avanture que nous ignorons, Mer- cure chaffe de l'Olympe demeuroit fon père , fut obligé de garder les trou- peaux pendant quelque temps ; ce qui n'efl pas difficile à croire ; la vie pafto- rale n'étant pas alors indigne des enfans même des Rois. Comme Apollon étoit difgracié dans le même-temps & menoit la même vie , on dit que Mercure lui vola fes bœufs , 8c que le Berger Bat- tus, le feul qui l'avoit vu, & qui lui avoit promis de n'en rien dire , lui ayant manqué de parole, fut changé en pierre de touche , comme le raconte Ovide(i)> fable fondée fur ce que Mercure avoit caché les bœufs d'Apollon près du tom- beau de ce Berger , qui le premier avoit trouvé la pierre de touche.

Les Anciens , comme nous l'avons dit. donnent tant d'emplois à Mercure,

Expliquées par PHiJloire. 129 ûu'îl ne pouvoit jouir d'aucun repos , t,DlEU*

*. <- i Fi* r 'il t r \ dOccide.it.

âinfi que le dit 11 agréablement Lucien(2): L.i.ch.xiir. meffager & confident des Dieux , il avoit , ) Diai. foin de toutes leurs affaires , tant dedeMala&de celles qui regardoient la paix &la guer- re , que de l'intérieur du Palais célefte , qu'il étoit obligé de tenir propre ; de leur fournir & fervir de l'ambrofie , de préfider aux jeux & aux affemblées , ÔC d'écouter & de répondre aux Haran- gues publiques, &c. ce qui me feroit croire que ce Prince étoit le Surinten- dant des affaires de Jupiter, fon Mi- niftre d'Etat , & le Grand Maître de fa Maifon ; 5c cette idée ne doit pas paroî- tre bizarre , puifqu'il eft sûr que les Poè- tes n'ont fait que nous propofer fous des idées fublimes de Dieux , de Ciel , & d'Olympe, l'Hiftoire des Princes Ti- tans.

Le culte de Mercure n'avoit rien de particulier , fînon qu'on lui offroit les langues des Viftimes (2), pour marquer (2) Homère, par-là l'éloquence de ce Dieu : on lui préfentoit par la même raifon du miel & du lait (3). On lui immoloit aulîî (3) Asti quelquefois des veaux & des cocqs. Il s°"™*Cefar , étoit fpécialement honoré dans les Gau~Commem- les (4) , & en Egypte , les Prêtres '(*)»«*« lui çonfoçjroient la Cicogne ( ç ) . qui °^?- &*

F y W

1 3 Ô La Mythologie & les Fables J?™V*' étoit l'animal le plus renommé pafmi

d Occident. v i i r r^i > - - i

L.i.ch.xui. eux après le bœui. C etoit au mois de Mai principalement qu'on célebroit les fêtes de Mercure , & qu'on l'honoroit d'une manière plus folemnelle que dans le refte de l'année.

Il ne faut pas oublier que le fçavant (OPhaleg. Bochart (i) croit quel'hiftoire de Mer-

1. 1. c. 2. cure n>a été compofée que fur celle de Chanaan ; & il fait à ce fujet un paral- lèle fort ingénieux. L'un & l'autre, dit- il , a paffé pour être le fils de Jupiter , ou d'Ammon , qui étoit le même que Cham ; l'un a pris fon nom des mar- chandifes : Mercurius à mercatura ; Cha- naan en hébreu fîgnifie la même chofe. La même raifon qui a fait dire que Cha- naan étoit le ferviteur de fes frères , a fait dire auflîque Mercure étoit le Mef- fager des Dieux. On n'a donné à ce- Dieu le foin des chemins , que parce que les Phéniciens ou Chananéens for- tis de Chanaan, voyagèrent beaucoup, & établirent par-tout des Colonies. Les ailes de ce Dieu font les voiles des Vaiffeaux des Phéniciens.

Mercure n'a paffé pour être le Dieu de l'éloquence, & on n'a dit qu'il avoir inventé les lettres , que parce que les Phéniciens en portèrent Tufage dans

Expliquées par PHtftolre^ I s r J^V* rOccident. Jean jNicolai ( i ) croit au l.i.ch.xhl contraire que Mercure eftlemême que , \l) Tr*a' Moyie, & compare la Verge miracu- leufe de ce Législateur , au Caducée de ce Dieu. M. Huet eft de même fenti-

ment (^ (2) Démons.

ment {J.J. Evang. prop,

M. Fourmont, tant les parallèles 4- coûtent peu à nos Sçavans, en fait un de Mercure avec Eliezer , que Ton peut voir dans fes Réflexions critiques. Mais indépendamment des principes que j'ai établis à ce fujet en plus dun en- droit de cet Ouvrage , la feule diverfîté de fentimens parmi de fçavans hom- mes , ne découvre que trop le peu de folidité de leurs conjectures»

Il y a peu de Divinités payennes dont il nous refte un plus grand nombre de figures, que de Mercure. Je n'ai garde de les parcourir toutes, puifqu'on les trouve dans tous les Antiquaires, & en particulier dans leP.de Montfaucon (3). (3) Ant- Toutes ces figures s'accordent afïez àpPh<i,Tom* repréfenter ce Dieu de la manière que " je vais le dire,

Comme il étoit le Dieu des Mar- chands & des Voleurs r on le peint or- dinairement la bourle à la main. En qua- lité de grand Négociateur des Dieux & des hommes ?il porte le Caducée , fym~

Fvj-

132 La Mythologie & les Fables ûieux bole de paix : s'il a des ailes fur font L.i.cLxili. bonnet, à fes pieds & à fon Caducée * c'effc pour marquer fa légèreté à exé- cuter les ordres des Dieux > fur-tout ce- lui de conduire en Enfer ou aux Champs Elyfées les âmes des Morts , & de les ramener quand le cas le requeroit. La vigilance que tant de devoirs deman- dent , fait qu'on lui donne un Cocq pour fymbole. Comme les Bergers le prenoient pour leur Patron, on le voit quelquefois fur les monumens , avec un Bélier. On croyoit qu'il étoit le pre- mier inventeur d'un inftrumertt de mu- fîque qu'on appelloit Tefludo, ou la tor- tue : c'eft pour cela qu'on le voit quel- quefois repréfenté avec une tortue. On le peint en jeune homme, beau de vi- fage , d'une taille dégagée, tantôt nud, tantôt avec un manteau fur les épaules 9 maïs qui ne le couvre qu'à demi. On trouve auffi des monumensoù Cupidont met des ailes aux talons de Mercure r ôc d'autres fîngularités qui ne font fou- vent que le fruit de l'imagination des Ouvriers ( a ). Finiffons en choififTant parmi les noms

(a) Virgile décrit admirablement tout cet équipage âc Mercure.

Uk çatris j inqnit , magni patt&re farda}

Expliquées par PHiflotre. 133 clifFérens qu'on donnoît à Mercure , ^^t^ ceux qui peuvent rappeller quelques l.i.OuXIIU traits d'Hiftoire ou de Géographie. Les Grecs l'appelloient Hermès ? qui veut dire Interprète ; les Latins Mercurius à mercatura ; Cvllenius , ou parce qu'il étoit fur une montagne de ce nom , ou .parce qu'il aiïbupiïToit avec fon ca- ducée ; Nomius , ou à caufe des Loix qu'il avoit données pour l'éloquence , ou parce qu'il étoit le Dieu des Pa- fteurs ; CamHlus^ c'eft-à-dire , le IVJeC* fager des Dieux ; & les Carthaginois l'appelloient Sûmes , par la même rai- fbn ; les Egyptiens Pkine ( 1) , & les an- J * ' ?irfc" ciens GermamsErminful ou Irrrimfus {d)\ les Alexandrins Thot, les Gaulois , Theu- tates ; & tous ces noms lui étoient don-

Imperîo, , . c & primùm talaxia nectit

xAurea , cjuœ Jublimem alis , five œqmra fupra?

Ssh terrant rapido pariter cum flamm portant.

Tum -virgam capit j hac animas i le evocat Qrc9

P attente f^ue alias fub triflia tariarà mittit;

Dat Çomnos, arUmitque , 1J" tuminatnorte refignat ;

Il freins agit ventos , C? turbidafrœnat

7iithiU. /Eneid. quarto-

Nous ne difons rien ici des fleures appellées Hermès , f)3rce qu'il en eft fuffiiarrment parlé dans le Tome i. à Tar* ticle des Statues ; j'ajoute feulement que chaque Voyageur mettoit une pierre au pied de ces Starues , croyant honorer ce Dieu en nettoyant les chemins , ou pour rendre cqs sta- tues plus remarquables.

( a ) On en parlera daas l%Ûoke des Dieux de $€ Pointe»

î 3 4 La Mythologie & les fables Dieux nés pour marquer Péloquence de Ce loliCh.xiil. Prince. On le nommait Vialis , parce' qu'il préfidoit aux chemins : Qtiadratus% à caufe qu'on le repréfentoit ancienne-* ment fous la figure d'une pierre quar- rée : Triceps , parce qu'il étoit égale* lement parmi les Dieux du Ciel, ceux de la Terre , & ceux de l'Enfer : Ago-*; nios , parce qu'il préfidoit aux Jeux Ago- naux dont il étoit l'inventeur. Les Athé- niens l'honoroient particulièrement dans la Citadelle fous le nom de prof anus 9 c'eft-à-dire, non initié, ainfi que le dit Phavorin. Les Poètes , principalement Homère & Orphée , lui ont donné l'é- i \a*'* t - VlX^etc d'Argicida ( î ) , moins pour' 'ft9Ttffm avoir tué Argus, que parce qu'il pré- iîdoit à l'éloquence qui eft fouvent per- nicieufe. On lui donne aufiî Pépithete A'Harpedopkorus, à caufe de la faulx dont il s'étoit fervi pour tuer Argus (2V

(2,) Vovez ^v 1 1 r - a

Ovid.Hygin, On le nomme quelquefois Argorœus y

&Qr ou le Dieu du marché , ôc la raifon eiï

eft fenfible. Il avoit à Phares dans l'A-* chaïe une ftatue fous ce nom, qui ren- doit des Oracles : cette ftatue , fuivant- Paufanias (3) , étoit de marbre , de mé-

Uebaic. " diocre grandeur, de figure quarrée , ÔC debout à terre fans piedeftal : Finfcri-- ption poxtoit 3 dit cet Auteur^ que cettoi

Expliquées par PHlpire. t *3$ flatue avoit été pofée par Simylus ^*g*;: Meflenien. On lui donnoit quelquefois L9i.Cb.xilf. Tépithete de Chthonius , qui lignifie * fuivant plufïeurs Interprètes , Mercure infernal , & fuivant d'autres , Mercure terreflre. Celle de Criophoros , porte~mou~ ton : il avoit en effet à Lefchée il étoit honoré fous ce nom , une flatue qui le repréfentoit , portant un mouton fur fes épaules, pour marquer, comme le dit Paufanias après Homère &. He- fiode , qn'il étoit le Dieu des Pafteur$# Les Tanagréens l'honoroient aufîî fous le nom de Promacos ? parce qu'il leu étoit apparu combattant pour eux dans une bataille, ainfïque le dit le même- Paufanias. On lui donnoit encore plu- sieurs autres épithetes qui font aifées à expliquer.

Iris*

Gomme Mercure étoit le MefTagef des Dieux , & Iris leur MeïTagere 9 c'eflici le lieu de parler de cette DéelTe; Se il eft bon de remarquer d'abord que comme c étoit prefque toujours Jupiter qui fe fervoit du miniflere de Mer- cure , c'étoit aufli Junon quiemployoit Iris pour l'envoyer fur la terre. On ne ^attend pas fans doute de trouver rien

ï 3 6 La Mythologie & les Fable* Dieux cPiiftorique au fa jet d'Iris qui eft une

d'Occident. TV * * ' i /*

L.i.ch.xm. -^lvlmte purement phylique ; cepen- dant comme la Mythologie Grecque perfonifîoit tout , on a fait de l'Iris ou de l'Arc-en-ciel une jeune perfonne, vêtue d'un habit de différentes couleurs, toujours aiïîfe auprès du trône de Ju- non , Se prête à exécuter fes ordres* (OHeiîod. On lui a formé une généalogie (i) , 6c eog" on a dit qu'elle étoit fille de Thaumas * perfonnage poétique dont le nom eft tiré d'un mot Grec qui veut dire fad- (z ) é«v- mire (2) 5 ce qui après tout marque bien

£*£«/», ad- |a qUalit^ <}u Météore qu'on a voulu

mirer, ,.?. - . .- j 1

décrire 5 ny ayant rien de plus mer- veilleux que cet ârc que forment les goûtes d'eau d'un nuage oppofé au Soleil 5 Mille trahens varias averfa ï$) Virgile, file colores ( 3 ). Comme rien n'attire plus notre admiration que l'Arc- en- ciel 3 je ne fuis pas étonné qu'on en ait fait une Divinité : « Et certes , dit Cotta '( 4 ) De » dans Ciceron (4.) , fi la Lune eft une

Nat. L>eor. # Divinité , il faut crue l'Etoile du ma- 93 tin , que les autres Planètes , que tou- s> tes les Etoiles fixes foient de même » condition. Et pourquoi n'en fera pas » F Arc-en-ciel ? Cette Iris , dis-je , » belle y n admirablement belle , qu'on § dit avec mfon qu'elle étoit fille de

3>

Expliquées pav PHtJîoire. 137 * Thaumas »? Le nom d'Eletfre, qu'on ^^fw- difoit être la mère de l' Arc-en-ciel , & L.i.ch.xilU qui fignifie fplendeur du Soleil ; & ce-» lui tfAello qu'on lui donnoit pour fœur y & qui veut dire Tempête , lui convenoient parfaitement, puifqu'il faut en effet , pour former ce Météore , que le Soleil luife , & que le temps foit di£* pofé à la pluye ou à l'orage.

Iris étoit tellement attachée à Ju- non , qu'elle ne la quittoit jamais , & Callimaque nous apprend que quand elle avoit befoin de repos , elle s'ap- puyoit contre le tronc de la DéefTe. C'eft toujours Junon qui l'employé , Se c'eft ainfi qu'Apollonius de Rhodes (1) (1) Argots nous apprend qu'elle l'envoya à Thetis , *• & qu'Ovide ( 2 ) dit que cette même ( z > m«*; DéefTe voulant apprendre àAlcyonele *•*« naufrage de Ceyx fon mari, lui ordon- na d'aller dans le palais du Sommeil. Cependant elle étoit quelquefois , mais rarement, la Meflagere de Jupiter, ainfi qu'il paroît par Homère ( 3 ) , & par (b) ik^ Valérius Flaccus (4) ; mais fon emploi *• 8 t le plus important étoit d'aller couper le goniuc. l.*< cheveu fatal des femmes qui alloient mourir ; car on étoit perfuadé que comme il falloit que ce fût Mercure qui par ordre de Jupiter fît fortir des corps

ï 3 S La Mythologie & les Fable s ftitux ies ames jes hommes prêts à mourir 1

cl Occident. .- r «. . ta t / t

L.I.Ch.xiii. il talloit que ce tut 1ns envoyée par Ju* non , qui délivrât celles des femmes^ Auffi voyons-nous que Virgile qui pof- fédoit parfaitement la Théologie des Grecs & des Romains , dit que Junon Tenvoya pour couper ce cheveu fatal à Didon , après qu'elle fe fut percé le

fein (

\

Cependant comme Iris n'étoit pas toujours occupée à de femblables em- plois , elle avoit foin dans fes momens de repos , de l'appartement de fa maî- trefle , dont Theocrite dit qu'elle fai- foitle lit. Lorfque Junon revenoit des Enfers dans l'Olympe , c'étoit Iris qui la purifîoit avec des parfums , ainfî que 10 M«* nous Tapprend' Ovide (ï).

Telle eft: l'idée que les Poètes don- nent de cette Déeïïe , idée qui n'a pour fondement que la Phylique, en confî- dérant Junon comme l'air grofïier -In- forme le météore de l'Arc-en-ciel,

(a) TnmJ-uno omntçotem longum miferata dolorem ,' Difficilefijue obtins , ïrim demi fit Olympo , jQuœ luBantern animant nexofque ref Avère crines Ji Jia m quia nec fato , mérita, nec morte perihat , Sed mifera ante diem, fubitoque accenfa farore^ Hondum illiflavum Projerpifia vertke cr'mem sAbflHkrat , flygiocine ca$*t d&wjrwatan.*.

Expliquées par PHtfloire. 1

CHAPITRE XIV.

Apollon , le Soleil , Phaeton $ lesMufes y &c-

JE vais renfermer dans ce Chapitre d'ocda*?. tous ces difFérens fujets , lefquels ont La.ch.xiv, un grand rapport l'un à l'autre ; mais pour éviter la confufîon , je ferai de chacun un Article féparé*

Article L v

Le Soleil y nommé Heliùs par les Grecsl

O N ne fçauroit difconvenir que les Grecs n'ayent fouvent , ou pour parler plusjufte, prefque toujours confondu le Soleil avec Apollon. Il feroit peut- être inutile d'entafler des autorités pour prouver un fait fi confiant : cependant je citerai celle de Platon , qui dans foi* Cratyle aiïure qu'Apollon eft le même que le Soleil ; celle de Ciceron , qui dit (i ) que le Soleil & la Lune font (i) £>e deux Divinités ? dont l'une s'appelle Nat« Deor, Apollon 3 & l'autre Diane; enfin celle '*'

1^0 La Mythologie & les Fables 9 OcdàL dc Plutarque qui nous apprend que preft

t .1. Ch.xiv. que tous les Grecs croyoient qu'Apoï-; Ion étoit le même que le Soleil. Ce- pendant dans l'ancienne Mythologie ces deux Divinités étoient diftinguées Tune de Vautre ; & j'efpere le prouver fans réplique.

Je n'ignore pas que j'ai de grands '(t) DeDiis Adverfaires à combattre; queSelden (i)

Syriissym. dit que les enfans même fçavent que' le Soleil eft le même qu'Apollon ; que

t^lf**1, u Macrobe (2), après avoir mûrement examiné cette queftion , décide pour

0)Deidol. l'affirmative ; que Vofïîus (2) employé pour la prouver , toute Ion érudition 7 ainfî qu'Aleander , dans l'explication de la Table Ifîaque ; mais malgré ces au- torités je foutiens qu'on les regardoit en un fens comme deux Divinités diffé- rentes , quoiqu'on les confondît dans l'autre. Je inexpliqué : Les Payens re- connoifïbient , comme on Ta déjà dit , des Dieux Phyfîques , le Ciel , la Terre, les Aftres , & des Dieux animés. Or je foutiens qu'on n'a jamais cru que le nls de Jupiter & de Latone , qui chafle du ciel fut obligé de garder les troupeaux d'Admete ; le père ou le protecteur des Mufes , le Dieu des Oracles ; Apollon en un mot, fut le même que le fils d'Hy-

Expliquées par PHiftoire. T4T perion & de Thya, ce Dieu qni éclai- roit le monde, cet Aflre qui portoit par- tout la chaleur & la fécondité , qu'on nomme le Soleil. Que les Philofophes qui ont tant rafiné au fuiet de la Reli- gion établie , les ayent confondus , la vulgaire , c'eft-à-dire la Religion domi- nante les a toujours diftingués : en voici d:s preuves qui foufFrent peu de répli- que* Cette dïftinction fe trouve formel- lement dans le Traité célèbre que nous avons, entre les Magnefiens & lesSmyr- néens (1) ; ces deux Peuples y jurent parla Terre , par le Soleil, par Mars,&c. & par Apollon. Spon rapporte une In- fcription déterrée à Utrect , qui efl: con- çue ainfi : A Jupiter très - bon Ù* très* grand, a Pinvincible Soleil, à Apollon y Ù*c. Varron , dans faint Àuguflin ( 2 ) en nommant vingt Dieux, qu'il appelle les Dieux choifîs , en fait deux du So- leil & d'Apollon. Artemidore place l'un parmi les Dieux du Ciel, l'autre parmi ceux de l'yEther. On lit dans une an- cienne Epigramme Grecque , Pythius , c'eft-à-dire , Apollon Pythius ejl honoré à Delphes : les Rhodiens font fous la pro- tection du Soleil ; ou comme s'exprime Sidonius Apollinaris , qui femble avoir su ea vue cette Epigramme ; Soleil

142 La Mythologie & les Fables ^Dieux efl favorable à Rhodes , Delius ou Apol^ Lj. ch.xiv. l°n ?eft à Tymbrée (1). Les Médailles & ( 1 ) L. 2. les autres monumens repréfentoient dif- c* 35- féremment ces deux Divinités (2) , Jovi

Mite. fec.^r 0. A4, fummo., exuperantijfîmo) Soit in- & 7Z* <victo , Apollini , &"<;. Sur une de Lu--

cius Valerianus , Apollon paroît fous la figure d'uu jeune homme qui tient fou arc à la main , & fur une autre d' Anto- nin , il porte fa lyre & une patere ; an lieu que dans celles d'Hadrien & des deux Gordiens , d^Aurelien & de quel- ques autres Empereurs , le Soleil pa- roît la tête environnée de rayons , te- nant un globe à la main gauche ; ce qu'on n'obferve jamais fur les figures d'Apollon.

A tant de preuves que m'a fournies (3) De if. le fçavant Evêque d'Hadria ( 3 ) , je *te Bel. p. yajs en joindre encore de plus fortes.

Homère , dont le témoignage efl: ici d'un grand poids , les diftingue réelle- ment en plus d'un endroit de fes deux Poèmes. Lucien en fait auffi deux Di- vinités, puifqu^il dit que le Soleil étoit un des Titans , conforme en cela avec Diodore de Sicile , qui dans l'endroit ^ Li 3# il parle des Atlantides ( 4) , dit que le Soleil étoit fils d'Hyperion & de la Reine } c'eft-à-dire, de cette fille d'Ura*

Expliquées par PHijîoire. 143

nus & de Titaia , qui fut toujours ap- d»Q^* t; pellée la Reine (a). Il eft vrai que m.ch.xiv. comme la Mythologie ancienne varie infiniment fur toutes ces matières , elle confond quelquefois le Soleil avecHy- perion lui - même ; mais toujours con- vient-elle que le Soleil n'étoit pas le mê- me qu'Apollon. Si ces deux Divinités étoient diitinguées par leurs généalo- gies , elles l' étoient aulîî par leurs en- fans. Efculape , par exemple , fans par- : 1er des autres , pafTa toujours pour le i fils d'Apollou , comme iEetès, Roi de : laColchide , fut regardé comme fils du Soleil ; & Venus , irritée contre la pofterité du Soleil , qui avoit découvert (on adultère , la perfécuta jufqu'à jetter dans les plus honteufes proilitutions Pa~ fiphaé fille d'^Eetès , & Phèdre fa petite- fille , elle ne s'acharna jamais contre les enfans d'Apollon.

Les marbres & tous les anciens mo- 1 numens les diftinguentauiîi, &lesrepré- fent différemment. On peut ajouter en- core que dans le monument antique eft repréfenté l'adultère de Mars & de Venus , Apollon paroît avec les autres Dieux appelles à ce fpeftacle , furpris

( a ) Voyez ce qui en a été dit dans la Theog. des At- lantides . Tom. I. liv. 2.

144 La Mythologie & les Fables "ô'ocddenr. comme tous ceux qui s'y trouvent, pen- fca.Ch.XlV. dant que c'étoit le Solelqui avoit averti Vulcain de cette intrigue. Mais ce qui prouve encore la diftin&ion que j'ai def- îein d'établir, c'eft l'étendue &l'univer- falité du culte du Soleil , la grande & la première Divinité de tous les Peuples idolâtres , ainfî qu'on Pa prouvé dans le premier Volume. Les Egyptiens , les Arabes , les Phéniciens , les Perfes Se les Cappadociens , fans nommer les au- i très Peuples 5 adoroientle Soleil, avant qu'on eût oui parler de l'Apollon Grec. | Ajoutons que les Temples de l'un & de j l'autre étoîent distingués , ainfî que les cérémonies de leur culte.

J'ai dit que les monumens qui nous ^ reftent reprefenteient le Soleil autrement qu'Apollon. En effet ils nous font voir i ie Soleil fousla figure d'un jeune homme prefque nud, n'ayant qu'une efpece de I manteau fur fes épaules , avec la tête 1 rayonnante , & monté fur un char tiré j par quatre chevaux , qu'il prefTe à coups j de fouet. Quelquefois il paroît vêtu ; Se j avec les rayons qui environnent fa tête , fe voit le boilTeau, fymbole de Serapis , qui étoit fouvent pris pour le Soleil, por- tant d'une main la corne d'abondance , qui marque qu'il la procure à l'univers

en

Expliquées par PHifloire. 145* en le parcourant chaque jour. Sur d'au- Vizvx

r 1 r 15 d'Occident.

très monumens on le voit iortir dun l.jl.c. xiv. antre j monté fur fon char , pour mar- quer le lever de cet Àflre qui va com- mencer fa carrière.

Les Mythologues remarquent que les chevaux qui conduifent le char du So- leil , ne font pas de front ? mais que quelquefois ils font tournés vers les quatre parties du monde ; & c'effc ainfî qu'il paroît dans un monument publié par M. de la Chauffe , & dans une mé- daille deBeger; cependant dans une autre médaille du même Auteur , ils font de front. On lit fur ces deux mé- dailles , la légende ordinaire de Soit in? viâo , à l'invincible Soleil ( a), ôc fur une autre médaille d'Heliogabale, celle defanflo Deo Soit. On fçait que cet Empereur fe glorifia toujours d'avoir été Prêtre du Soleil dans la Syrie , ôc que fon nom fait alluiîon à cette digni- té ; mais nous ne devons pas oublier , qu'il confacrà à Rome un Temple au Soleil , , dans le deffein de le rendre plus refpeâable , il fit tranfporter le culte de Cybele ou de Vefta , le Pal-

(a) Les Perfes , cornue on l'a dit 63m le premier Vo* lume donnoiettt les mcm.es épufcetes a le^irs Mithras qui .était le SoleJ.

Tome VA G

-1^6 La Mythologie & les Fables :pxeu x ladium , & les Anciles. Il voulut mê* . ;^"y. me y joindre le culte que rendoient au vrai Dieu les Samaritains , les Juifs & -les Chrétiens ( a ). Herodien nous a xonfervé l'hift'oire du culte que cet Em- pereur rendoit au Soleil dans ce Tem- ple, Heliogabale , dit - il , érigea un Temple magnifique à ce Dieu, (le Soleil ) .& y plaça plufieurs Autels , fur lefquels U immoloit tous les matins des héca- tombes de taureaux , & un grand nom- bre de brebis ; & après y avoir répandu une profufion d'aromates , il y faifoit Àts libations de vins vieux des plus ex- cellens ; en forte qu'on voyoit le vin & le fang ruiffeler de tous côtés. Des Chœurs de Mufique rangés autour de ces Autels augrnentoient la célébrité de ce culte. Des femmes Phéniciennes avec leurs Inftrumens de Mufique, qui étoient des Cymbales & des Tympanons , dan- foient en cercle;& les entrailles des vic- times , ainfî que les aromates , étoient portées dans des baffins d*or , par tout ce qu'il y avok de plus qualifié à Rome. Mais une plus grande marque encore Ac la diftin&ion du Soleil & d'Apollon,

( ;--) An:* Vnrius , au rapport de Lampridius , fit aulTî *.omiruire dans la même ville nn Temple en i'iunn?up du BoU'û , rr.ab ftt*i firt moins célèbre c-uc celui d'Helio^ aie.

Expliquées pur PHifioire, 1 47 c'eft que fuivant le même Auteur , le DîMm premier dont le culte fut très-célebreL.^c.xiV." à Rome , fur-tout du temps dy bas Em- pire , n'étoit pas toujours reprefenté par une ftatue faite de main d'homme, com- me le fécond , & que fa figure n'étoit qu'une grande pierre ronde par le bas, ■Se qui s'élevoit en pyramide. C'eft ainfî qu'il paroît fur la médaille d'Helioga- bale , qui repréfente un char tiré par quatre chevaux , fur lequel , au lieu d'une figure humaine , eft une pierre ronde par le bas , & qui s'élève en pointe. Les Rhodiens 5 dont le Soleil -étoit la grande divinité , & pour lequel ils avoient fait ce magnifique ColofTe, que nous avons décrit dans l'article des Statues ( 1 ) , repréfentoient fur leurs médailles le Soleil tantôt couronné de rayons , & quelquefois feulement avec une face large. Enfin, dans une pierre gravée du cabinet de M. de la Chauffe, le Soleil paroît la tête environnée de xayons , avec deux ailes , les cheveux longs , frifés & bouclés , un Trident , un Croiffant & un inflrument de Mu- fîque. Les Antiquaires croyent que cette Pierre marque le Soleil Levant, le Tri- dent nous apprenant qu'il fort de l'O- céan ; le CroifTant femble annoncer

G ij

ïa8 La Mythologie & les Fables que la Lune difparoît quand le Soleii fe levé ; l'Inftrument de Mufique dé- signe l'harmonie du Ciel tant célébrée par Pythagore , ôc les ailes la rapidité de la courfe de cet Aftre.

L'Antiquité ne nous a pas laifle igno- rer les noms des quatre chevaux qui :.*, conduifent le char du Soleil. Ovide (î) les nomme Eous , Pyrois , JEthon ôc Phle- gon , noms Grecs dont l'étymologie marque les qualités : le Mythologue fe) Liv, t. Fulgence (2) les appelle Ery thons , ou le rouge; Afieon, le lumineux; Lampos, le refplendijjant ; ôc Philogeus , qui aime la terre. Le premier défigne le lever du Spleil , dont les rayons alors font rou- gcâtres. Afteon marque le temps ces mêmes rayons , fortis de l'athmof- pfabre , font plus clairs , c'eft-à-dire les fmxxî ou dix heures du matin. Lampos figure le midi, la lumière de cet aftre efc dans toute fa force ; Ôc Philo- geus repré fente le coucher du Soleil ^ui femble s'approcher de la tprre.

Expliquées par VHifioire. i&$

DïF.U.X

R T I C L E IL L.l.€.XiV,

Explication de la Fable de Phaetôti, des Htiiadesfes Sœurs , & de Cygnus.

Ce que nous venons de dire du So- leil nous conduit à la Fable de Phaëton. " Cette Fable décrite par Ovide (i) dans iijM&t A un grand détail > fe réduit à ceci. Phaë- ton ayant eu un différend avec Epaphus fils de Jupiter & d5Io , celui-ci lui re- procha qu'il n'étoit pas fils du Soleil * comme il s'en van-toit , & que Clymerïe fa mère n'en avoit fait courir le bruit que pour cacher fa foibleffe pour quel- que amant. Phaëton piqué de ce re- proche alla s'en plaindre à fa mère } qui lui ordonna d'aller au Palais du Soleil 9 & de lui demander, pour preuve de fon origine, la conduite de fon char pendant un jour. Phaëton exécuta l'ordre de fa mère , & après avoir expliqué à fon père le fujet de fon arrivée , il le con- jura de lui accorder une grâce , fans la fpécifier. Le Soleil , qui ne foupçon- noit pas que le jeune homme pût lai demander une chofe aufïî au-deffus de fes forces , que l'étoit la conduite dt: fon char , jura par le Styx , qu'il ne lui

Giij

iyo La MyîhoIojrie& les Fables -PIE.HX refuferoit rien ; & Phaeton lui demanda I>i,c. xiv, alors la permiflîon dx'clairer le monde» Engagé par un ferment irrévocable , le Soleil, après avoir fait tous fes efforts pour détourner fonfils d'une entreprife û difficile & fi dangéreufe r & le voyant inflexible , lui accorda ce qu'il deman- doit ; le jeune téméraire monte fur le char du Soleil , mais les chevaux ne re- connoiflant point la main de leur maî- tre , fe détournent de la route ordinai- re , & montant tantôt trop haut menacent le ciel d'un embrafement inévitable , ou défcendant trop bas tariîTent les fon- taines & les rivières. La Terre all.armée s'adrefTe à Jupiter , & implore fon fe- cours. Ce Dieu touché des juftes plain- tes de cette DéelTe , ffenverfg d'un coup cTe foudre le jeune Phaëton9 qui fe no e dans 1* Eridan. Les Heliades fes fceurs fe livrent au plus cruel défefpoir , & font changées en arbres. Cygnus fon frère meurt de douleur , & les DieuK le métamorphofent en cygne.

Ceux qui ne regardent les Fables que comme 1 ?s dépoiîtaires de la morale & de la Phyiique des Anciens ,. n'ont pas beaucoup de peine à expliquer celle-ci, en difant qu'elle eft l'emblème d'un té- méraire qui forme une entreprife iné*

Expliquées par PHtfloire. rj*f rate à fes forces ; mais falloit-il tant r>DlH— d appareil pour nous débiter une mo- l.i. cxiV/ ralité fi triviale ? J'avoue qu'il eft dif- ficile de ramener cette fiftion à fa vé- ritable origine; mais le fond n'en eft: pas moins hiftorique ; & il s'y agit de perfonnages très-réels , dont PAntiqui-: nous a tranfmis la généalogie. Sui- vant l'opinion commune Phaëton étoit fils du Soleil & de Ciymene , foit que fous le nom du Soleil on ait voulu" parler d'Orus Pvoi d'Egypte , car cet- te hiftoire paroît venir de ce pays-là 5 comme nous le dirons dans la fuite ; ou' quelqu'autre perfonnage de ceux qui ont été pris pour cet Aftre. Quelques An- ciens lui donnent pour mère la Nym- phe Rhode , fille de Neptune & d'Am- phitrite , & Hefiodc dit qu'il étoit fils de Cephale Se de l'Aurore ; généalo- gie qui a été adoptée par Apollodore f & de laquelle Eufebe , après Jules Afri- cain , s^eft fervi pour fixer l'époque de' Cecrops. Suivant cet Auteur, Herfé fille de ce premier Roi d'Athènes , fut mère de Cephale enlevé par l'Aurore j c'eft-à-dire y qui abandonna la Grèce pour aller s'établir dans le Levant, Ce- phale eut un fils nommé ïithon , qui Mi au monde Phaëton. Suivant cette.

Giiij

I $2 La Mythologie & les Faites Dieux généalogie, Phaëton reconnoiflbîtCe-

JL-lc^xiv. croPs pour fon trifayeul ; ainfï on peut croire qu'il a vécu iyo, ans après ce premier Roi d'Athènes ; qui regnoit 1582. ans avant l'Ere Chrétienne , 8c près de 4.00. avant la guerre de Troye* comme on peut le prouver par Denys (t) lîv. 5. d'Halicarnafle (1) , ôc par Cenforin (a)+

aeDienat. c Après avoir fait connoître ce Prince!

270 par fa généalogie , & avoir déterminé

le temps auquel il vivoit , il faut voir maintenant ce qui peut avoir donné lieu à la fable fînguliere qu'on a débitée fur fon fujet. Gn voit bien qu'au rabais du merveilleux , elle fait allufîon à quelque chaleur excefïïve qui arriva pendant fon

<2)lnMeteor. regne- Ariftot.e (2) croit for la foi de quelques Anciens , que du temps de Phaëton il tomba des flammes du ciel qui confumerenr plufieurs pays , &Eu- febe place (3) ce Déluge de feu dans le même fiécle qu'arriva celui de Deuca- lion (b). On peut confirmer la penfée d'Ariftote par le nom même de Phaë- ton ) qui formé du mot çuîra , fulgeo , peut fignifier brûlant ou lumineux. Ceu)c

(a) Voici Tordre de fa généalogie , Cecrops , Herfé fa 6He , Cephale > Tithon , Phaëton.

{b) Ovide infinue que cet événement eft arrivé avant (a guerre de Troye , par ces mots , ^rfumjqHe itemm

(i)InChron»

Expliquées par PHiftoirel 1^3 £ui écrivirent les premiers cet événe- 3&V\JX

■*• 1 1 .cl Occident.

ment, employèrent quelque ngure vive l.i.c.xiv. & expreffive , & dirent fans doute qu'il falloit que ce jour-là le Soleil eût confié fon char à quelque jeune étourdi , qui n'ayant pas bien fçûle conduire , avoit embrafé la terre.

On pourrait penfer, ou quel'embra- fement des villes criminelles , ou peut- être le prodige arrivé du temps de Jo- fué , ou celui d'Ezéchias r a donné lieu à cette fiction. Il eft sûr que les Chal- déens remarquèrent la rétrogradation du Soleil , arrivée fous le règne de ce Roi de Juda , & qu'ils envoyèrent une Ambaflade fous prétexte de le féliciter du rétabliffement de fa fanté , mais en effet pour s'inftruire à fond d'un événe- ment fî extraordinaire,

Toutes ces conjectures ont leur fon- dement dans l'Antiquité , & de célèbres Auteurs les ont avancées. Saint Jean- Chryfoflome en propofe une autre. Se- lon lui c'eft le char du Prophète Elie 9 dont le nom a tant de rapport avec ce- lui dElioSj que les Grecs donnent au Soleil , qui eft le véritable fondement de cette fable. Vofïïus (1) prétend qu'ii (l)D: s'agit d'une fable Egyptienne ; & ce &progr.ick>i fçavant Auteur confond le dueil du So-

G v

1^4 La Mythologie & les Fables piEiTv leil , pour la perte de fon fils , avec ce- L. hcxTv. ^ul ^es Egyptiens pour la mort d'Ofiris; ainfi que les larmes des Heliades avec celles que le Prophète Ezéchiel vit ver- fer à ces femmes qui pleuroient la mort de Thammus. Ovide femble donner lieu à une conjecture fi bien fondée , lors- qu'il parle dans cette fable , du diffé- rend de Phaëton avec Epaphus Roi d'E- gypte. Cette idée m^en a fait venir une autre , qui y porte une nouvelle lu- mière. Les Grecs qui anciennement connoiiïbient peu les pays étrangers , les ont fouvent confondus. Ils ont pla- cé dans l'Orient ou dans l'Ethiopie la fcene de plufïeurs événemens qui étoient arrivés en Egypte; ainfi on peut croire qu^ils fe font trompés fur le pays de Phaëton. Je fuis perfuadé que c'étoit l'Egypte; c'eft-là avoit régné Orus, dont cuite fut confondu dans la fuite avec celui du Soleil. Le culte d'Olîris qui étoit le Jupiter des Egyptiens y. y étoit auffi fort célèbre : peut-être que- Phaëton reconnoiflbit l'un de ces deux Rois pour fes ancêtres. Comme Epa- phus rapportoit fon origine au fécond, ces jeunes Princes eurent quelque diffé- rend , dont Phaëton fe tira mal : la Sa- tyre publia le refte de la fable en l'hon-

Expliquées par PHiftotre. x^jr Sieur de celui qui avoit été le vainqueur. £^ E V x

,-v vl r ' rrn / r d Occident.

Quoique en loit , cette Hiitoire a ete l.i.c.xiv. fort embellie , & on y a mêlé de la Phy- fîque Se de l'Aftronomie , comme il eft aifé de s'en appercevoir en lifant Ovide. Car fans vouloir entrer ici dans un trop long détail ? on voit bien que lorfque ce Poète dit que Phaëton , à la vue du Signe du Scorpion , abandonna le Chariot , il a voulu nous marquer que l'événement dont il s'agit 5 étoit arri- vé dans le mois le Soleil eft dans ce Signe.

Enfin û toutes ces explications ne font pas adoptées , on peut s'en tenir à celle dePlutarque (i) ? &de Tzetzès, y^-pyr^' qui difent qu'il y a eu véritablement un " Phaëton qui régna fur les Moloffes , ôc qui fe noya dans le ; que ce Prince s'étoît appliqué à l'Aftronomie r& qu'il' avoit prédit cette grande chaleur qui" arrivade fon temps , ôc quidéfoia tout- fon Royaume.

Ces deux Auteurs ont fans doute fui-* m le fentiment de «Lucien , qui après ; avoir raillé agréablement fur cette fable dans un de fes Dialogues , dit fort fé~ rieufement dans le Traité de l'Aftrono- mie , que ce qui a donné lieu à cette fi- dioiiy c'eft que Phaecon s'étoit Êbt

i$6 Lu Mythologie & les Fables Dieux adonné à PAftronomie , & s'étoit atr-

d'Occident. v > r * ai r

L. JUC. xiv. puque iur-tout a connoitre le cours du Soleil ; mais qu'étant mort fort jeune , il avoit laiffé fes Obfervations impar- faites ; ce qui fit dire à quelque Poète qu'il n'avoit pas pu conduire le char du Soleil jufqu'à la fin de fa carrière. L'Antiquité nous a laiffé quelques monumens de cette fable : le premier, qui eft tiré du Cabinet du Chevalier MafFei , repréfente Phaëton mort- & é- tendu , pendant que le char encore en- tier eft au milieu des airs. Ce Monu- ment a deux chofes fort fingulieres : l'une , que le char n'eft conduit que par deux Chevaux , contre l'opinion commune qui lui en donne quatre. Les (i) Liv. des Anciens au rapport de Tertullien (i) , pe ' c' *' diftinguoient en cela le Char du Soleil d'avec celui de la Lune ; le premier étant toujours tiré par quatre chevaux, & le fécond par deux feulement. L'au- tre Monument eft tiré du Cabinet de Meilleurs de Charlet. Le champ repré- fente des flammes, le char brifé , dont on ne voit qu'une roue , Phaëton mort , & les chevaux en grand défordre. On y voit aufii à côté d'un des chevaux , deux Oifeaux avec des huppes fur la tête y qu'on prend pour deux Cygnes ,

1 Expliquées par PHiftoïre. ïtf "Si on croit que le Sculpteur a voulu J^1^^ peindre en même temps la Mécamor- L.i.ch.xiv^ phofe de Cygnus Roi de Ligurie. Ce- pendant à dire vrai , ces deux Oifeaux ne reflemblent point à des Cygnes. L'Ouvrier a trop bien deffiné le refte de l'Ouvrage , pour croire qu'il fe foit gi oflïerement mépris en repréfentant des Cygnes. Ce font de ces énigmes qu'on ne trouve que trop fouvent dans les Antiques , & qu'il eft fort inutile de vouloir pénétrer. Dans le troisième Monument , qui eft tiré de Beger , Phaë- ton eft monté fur un Char , & les che- vaux en défordre , annoncent une chute prochaine. Ce Monument a cela de fin- gulier , que les Heliades fœurs de Fhaë* ton , y paroiflent fur le bord d'un fleuve dans le moment qu'elles commencent à être changées en Peupliers. Le Cygne qui eft auprès fait voir que le Sculpteur a voulu raiTembler toutes les circonftan- ces de cette fable. Mais je dois remar- quer qu'Apollonius de Rhodes (1) ra- (i)Lîv. des conte fur ce fujet une particularité qu'on Argonautes, ne trouve point dans les autres Poètes ; fçavoir , que Peau de PEridan fut in- fe&ée par l'embrafement , & par la fou- dre que Jupiter lança contre Phaëton , que les Oifeaux qui voloieat fur ce fleu-

T$S La Mythologie & les Fables pTEax ve n'en pouvant fupporter la puanteuff ld?CLziv y tomkoient morts.

Pour ce qui regarde la métamorphofe des trois fœurs de Phaëton , Phœbé , Lampetie ? & Eglé , on peut dire que ces PrinceiTes moururent en effet de re- gret fur le , elles étoient allées pleurer le malheur de leur frère; &que leur métamorphofe n'efl qu'un ornement poétique 5 ainfi que ce qu^on dit de leurs larmes qui furent changées en ambre, parce qu'il dégoûte des Peupliers une e£» pece de gomme qui reiïemble affez à l'ambre jaune» On doit penfer de même de la métamorphofe de CygnusRoi de Ligurie , fon frère , que la raffemblance des noms a fait changer en Cygne.

Les Anciens ne font pas d'accord fur la nature du changement des Heliades; quoique l'opinion la plus commune foii qu'elles furent métamorphofées en Peu- pliers : Virgile (a) fait dire dans une de fes Egiogues à Silène , qu'elles furent changées en Aulnes; cependant dans le dixième Livre de TEneide, il revient au fentiment commun ? puifqu'il nous ap- prend que Cygnus païToit fes jours à dé- plorer la perte de fon cher Phaëton à

(a) Tum PhaètontUdai ffwfco citCHmdat amarx Çortick 2 <B*r. Yirg. Ecl, 6<<

Expliquées par ï>M(loire. i& ,

l'ombre des "Peupliers , en quoi les fœurs dSt, de ce malheureux Prince avoient été L.i.ciiXiv. changées (a). Il y avoir encore à ce fu- iet une troifiéme opinion , qui les faifoit changer en Larix , arbre fcmblable au Pin , & dont la gomme eft une efpece de Terebentine. La famille A ccoleia, ori- ginaire des environs- du , félon Ful- viusUrfinus , avoitpris à caufe de cela le furnom de Larifcola ; & dans la Mé- daille qui nous refte de cette famille , qui eft rapportée auffi dans Vaillant, on voit d'un côté la tête d'une femme , que les Auteurs croient être celle de Cly- înene , mère dëPhaëton, avec cette In- scription , P. Accokius Larifcola , & au revers, trois femmes métamorphofées en Larix, qui font les trois fœurs de Phaë- Tron. Vitruve (i) & Pline (2) difent que ( , > u s; le Larix ne fe trouve qu'aux environs du '•£ ^ jg ; qu'il jette une gomme , & qu il ne c. fo« brûle point; c'eft- à- dire , qu'il brûle difficilement , à caufe des fucs humides dont il eft chargé , & non pas , comme le rapporte Palladius (3) fur la foi de (j)Liv< iaJ quelque Ancien , par la haine qu'il avoit c. i$, contre le feu qui avok confumé fon frère.

(a) Pepuleas inter frondes umhramtjue Somum ' pnm caniti&c Idem ^neid- 1. 10.

iCo La Mythologie & les Fables Me feroit-il permis de hazarder unB

. conje&ure fur toute cette fable , & dire qu'elle vient des Pays du Nord , & que le fleuve Reidan i qui après avoir coulé dans la PrufTe , fe jette dans la mer Baltique , a donné lieu à la plupart des circonstances qui la compofent. En effet, il y a fur les bords de ce fleuve une quantité prodigieufe de Peupliers , & de Cygnes qui viennent au Printemps y faire leurs couvées- L'endroit il fe décharge dans la mer , eft connu par l'ambre jaune qui s'y trouve , êc qui fait un gros revenu au Prince qui gouverne cet Etat , & ne fe trouve que dans ce Pays-là , & nullement fur le II n'effc pas étonnant qiae ce que la tradition ap- prenoit de ce fleuve , ait fait nommer le , Eridan ; ces deux mots fe reffen>' blant trop, pour ne le pas croire.

Les Ifles Elecirides qu'Apollonius de Rhodes, dans fon Voyage des Argonau* tes , fait trouver dans la mer Adriatique vers l'embouchure du , font une fic- tion : l'ambre ne fe trouve ni fur ce fleu- ve, ni dans ces prétendues Ifles; en quoi je ne fais que fuivre le fentiment de Pline

. (a). Ce que rapporte Lucien ( i ) fert

( a ) Juxta eas , Ekflïhit'S , vecave n > in (juibns provenir e* (mçimm ? av.-A ilii fkÇtwm ^çelUnt^ vmitâi Gftf«c (*pz

Expliquées par PHiJloire. Ï6 i auiïi beaucoup à confirmer ma conjeftu- J£®& .

ti 5' rit r i tia d Occident.

_re. Il raconte qu étant aile lur le ro L.i.ch.xiv, dans le deffein d'y chercher de l'ambre , des Peupliers , & des Cygnes , les ha- titans du pays lui répondirent, qu'il n'y avoit fur ce fleuve ni Cygnes , ni Peu- pliers , ni ambre ; Se il ajoute qu'ayant voulu expliquer à quelque Batelier la fable de Phaëton & de fes fœurs , il s'é- toit mocqué de lui , l'afïurant qu'il n'en avoit jamais oui parler.

Pour éclaircir maintenant ce que nous avons dit de Cygnus , il eft bon d'aver- tir que PHiftoîre ancienne fait mention de fix perfonnes de ce nom. Le premier étoit fils de Mars : Hercule monté fur le cheval Arion le vainquit , dont ce Dieu fut fi courroucé, qu'il voulut fe battre contre le vainqueur de fon fils ; ;mais Jupiter les fépara d'un coup de foudre.

Le fécond étoit fils de Neptune , Si étoit invulnérable ; ce fut celui qu'A- chille étouffa près de Troye.

Le troifiéme étoit fils d'Hieres & fut changé en oifeau de ce nom (2 ). < z) °V1&

x •"/ r '• «1 -ni « Met. 1. 2.

JLe quatrième etoit cet ami de Phaë- ton , qui déplorant fa mort fut aulïï chan-

iiffimum documentum ; adeo ut qnas eamm defignent h and unqHttm çonjliteïit, Plin. liv, 3.

r(52 La Mythologie & les Fable*

Dieux en Cygne ( i ). X.i. ch.xv. -Le cinquième ne nous elt connu que

(i) virgil. Par ^on avanture racontée dans Paufa- ïn. i. io. nias. Le fîxiéme enfin , Teft par Conoa

<2)Naxr- dans Photius (2)

CHAPITRE XV. Hîjloire d'Apollon.

J'Ai dit au commencement du Chapi- tre précèdent que les Anciens avoient fait deux Divinités différentes du Soleil & d'Apollon ; cependant quand celui-ci fut devenu chez les Grecs & les Romains le fymbole du Soleil r la diftin&ion dis- parut peu à peu , & on ne le regarda plus que comme le Soleil lui-même. Il me relie maintenant à expofer ce que la My- thologie de ces deux Peuples nous ap«* prend à fon fujet. Cicerondiftingue qua- tre Apollons. Le premier , fils de Vul- cain , étoit le Dieu tutelaire des Athé- niens ; le fécond étoit fils de Coryban- te , & natif de Crète , lequel , dit-on , eut guerre avec Jupiter même , pour cette Ifie-là. Le troifiéme , qui paffadu pays desHyperboréens à Delphes, .étoit

Expliquées par PHiftotre. 163 fils du troifiéme Jupiter & de Latone. Dreux

•r f ' i-> a r o // d Occident»

Le quatrième etoit d'Arcame , & a eteLj.ch.xv* appelle No?raon , parce qu'il avoit donné , des Loix aux Arcadiens.

Il paroît que Ciceron a pris ces qua- tre Apoîlons pour des perfonnages réels, puifqu'il en rapporte les généalogies : cependant Vofîius (1) ne regarde ce (ODeOng.-

-rx- r f &progr.ldol»

.Dieu que comme un perionnage méta- phorique , & foutient qu'il n'y eut ja- mais d'autre Apollon que le Soleil : voici les raifons far lefquelles il fe fonde.. SI l'on a fait pafïer Apollon , dit-il 5 pour être le fils de Jupiter , <c'eft que ce Dieu fut toujours regardé par les Anciens comme l'auteur du monde. On a dit que fa mère s'appelloit Latone 5 noni qui fî- gnifîe caché , parce qu'avant que le So- leil fût créé , tout étoit caché dans l'obt» çurité du Chaos. On ajoute qu'il na- quit à Delos, nom qui fîgnifîe mamfef- tation , parce que la lumière de cet A lire éclaire toute la terre. Si on repréfente ce Dieu toujours jeune & fans barbe, c'eft que le Soleil ne vieillit point , & ne s'afîbiblit point. Que peuvent figni- fier fon arc & fes flèches , que fes rayons ? Il étoit le Dieu de la Médecine , parce que le Soleil fait croître les plantes dont on compofe les medicamens. Enfin qu'on

ï 64 La Mythologie & les Tables ; vpj£ux parcoure , dit-il , toutes les cérémonie^

d occident, j 1 9 1 -• ^

L.i.Ch.xv. du culte quon lui rendoit , on verra qu'elles avoient un rapport marqué à l'Aftre qu^il repréfentoit : d'où il con- clut qu'il ne faut point chercher d'autre Apollon que le Soleil $ Divinité adorée par tout l'univers.

Je conviens avec ce fçavant Auteur; que les Anciens ont fouvent pris Apol- lon pour le Soleil j ainlî que je viens d~e le dire- dans le Chapitre précèdent ; & que la plupart des chofes qu'ils en ont dites doivent fe rapporter à l'Aftre qui nous éclaire ; rhais cela ne prouve pas qu'il n'y ait eu quelque perfonnage iî- luftre nommé Apollon ; qui après fcn apothéofe fat pris peur le Soleil ; com- me il eft arrivé en Egypte qu'Ofiris Si Orus , dont l'exiftence ne fçauroit être doutenfe , furent après leur mort con- fondus avec le Soleil, dont ils devinrent les fymboles; foit qu'on crût que leurs âmes étoient allées habiter dans cet Af- tre , foit pour quelqu'autre raifon que nous ignorons. d ) Div. Laftance (ï) qui connoiiïbit parfaite-

înft. c. s. &■ ment ies Antiquités de la Grèce , prouve aux Payens que leur Apollon n'avoit été qu'un homme dont on nommoit les parera & dont les crimes ; malgré mille

Expliquées par VRi flotte. 16^

bonnes qualités ? n'étoient que trop 5^^*" connus. L.i.ch.XY.

Des quatre Apollons dont parle Ci- ceron , il paroît que les trois derniers étoient Grecs , & le premier , Egyptien, qu'Hérodote dit avoir été fils d'Ofiris & d'Ifîs , & qui s'appelloit Orus. Latone , fuivant cet Auteur , à qui Ifis l'avoit confié, fut fa nourrice : & pour le dé- rober aux perfecutions de Typhon , elle le cacha dans iTfle de Chemnis, qui eft dans un Lac auprès de Butés , de-* meuroit Latone. Paufanias eft de même avis qu'Hérodote, ôc met comme lui Apollon au nombre des Divinités d E- gypte. ce Le Sénateur Antoninus , dit- » il , fît bâtir à Epidaure un Temple à » Efculape & à Apollon , Dieux Egyp- » tiens » . Le témoignage de Diodore de Sicile eft encore plus formel , puif- , qu'en parlant d Ifis , après avoir dit qu'elle avoit inventé l'ufage de la Mé- decine, il ajoute qu'elle l' avoit apprife à Orus fon fils , qu'on nommoit Apol- lon , & qui fut le dernier des Dieux qui régnèrent en Egvpte.

LeChevalierMarsham(i\qui a arr tn? ,r,~ , ge d une manière qui lui elt partiel ère Chron. p.3r.1 lesDynafties d Egypte, met Oru la j^Jf* ir* |êie de celle des ieini pieux;& lui cunne

ï 66 La Mythologie & les Fables Dieux vingt-cinq ans de règne. Cet Auteur le ; I.îlch! xv! diftingue non-feulement du Soleil, qu'il dit , conformément à l'opinion de Cice- ron 5 avoir été le fécond dans la première Dynaltie , à la tête de laquelle étoit Vuicain 5 mais auffi d'un autre Apollon qui ne fut que le huitième Roi de la fé- conde Dynaftie. Ainfi , félon ce fçavant Auteur, le Soleil, Gras . & Apollon étoient trois Princes qu'il faut bien dis- tinguer , & qui ont régné en Egypte en des temps fort éloignés les uns des autres.

De toutes ces difcufïïons il réfulte que le véritable Apollon étoit d'Egyp- te , & que fi les Grecs ont donné ce nom à quelqu'un ce leur Nation , ils ont for- mé fon hiftoirc fur celle de ce Prince Egyptien. N'eft-il pas évident en effet que ce qu'ils difent de leurlfledeDelos, naquit Apollon , eft tiré de ce que les Egyptiens \ au rapport d:Herodote, publioient de celle de Chemnis La- tone avoit caché Grus ? S'ils ont dit que cette Ifle étoit flottante , & qu'elle ne fut fixée qu'à la naiffance d'Apollon & de Diane , les Egyptiens ne difoient-ils pas la même chofe de celle de Chemnis? Hérodote à qui on faifoit ce conte, lors- qu'il étoit en Egypte , dit qu'il regarda

Expliquées par PHiJloire. i &j

cette Iile avec toute l'attention poflïble, pnyx Se qu'il ne la vit nullement flotter. Les lÏcSv* Grecs ajoutaient que c'étoit Neptune qui d'un coup de Trident avoit fait for- tir du fond de la mer l'Ifle de Deîos.9 .pour aiïurer à Latone perfecutée par Junon , un lieu elle pût faire fes cou*- xhes : ne voit-on pas que c'eftune copie fidèle de ce que les Egyptiens publioient -des perfecutions de Typhon contre Ifis, qui pour dérober fon fils à la cruauté de ion beau-frere , en confia l'éducation à Latone qui le cacha dans l'Ifle de -Chemnis ? Pour ce qui regarde l'inter- vention de Neptune , c'eft une fiétion fondée fur ce qu'on attribuoit à ce Dieu ftout ce qui arrivoit dans la mer , & en particulier tous les tremblemens de ter- re : 6c comme le mot Deios , veut dire manifefiation , cette Ifle, ou qu'on ne connoiiToit pas , fuppofé qu'elle exiftât, ou qui fortit de la mer par l'effet de .quelque tremblement de terre , comme on a vu de nos jours fe former dans la :même mer la nouvelle Santorine 9 fut nommée Delos. Si les Grecs ont dit que leur Apollon étoit fils de Jupiter, c'eft .-que l'Egyptien avoit pour père Ofiris, <}ue les Grecs ont fou vent confondu #vec leur Jupiter* Si l'Apollon Grec

i#8 La Mythologie &les Fables Bieux étoit regardé comme le Dieu de l'Elo- Cl. Ch.xv. quence , de la Mufique , de la Médecine & de la Poëfie , c'eft qu'Oiîris qui étoit parmi les Egyptiens le fymbole du So^ leil , auffi-bien que fon fils Orus , y avoit enfeigné ces beaux Arts. Si l'Apollon Grec étoit le Dieu & le condufteur des Mufes , c'eft qu'Oiîris ? comme nous l'a- vons dit après Diodore de Sicile , avoit mené avec lui dans fes voyages des Indes des Chanteufes & des Mufîciens. Si on a regardé l'Apollon Grec comme un Dieu à Oracles , c'eft qu'Oiîris en avoit un en Egypte, ainfi que Latone , com- me nous l'apprenons d'Hérodote. Si les Grecs affûroient qu'un de leurs Apol- lons étoit venu du pays des Hyperbo- réens , c'eft que ce Dieu y étoit parti- culièrement honoré depuis queSefoftris y avoit porté fes armes , & que les Grecs eurent quelque commerce de Religion avec* ces Peuples , comme nous l'avons £rOIiv. i. j-t a;neurs (i). Si l'Apollon Grec étoit fouvent confondu avec le Soleil , c'eft qu'Ofïris & Orus en étoient les fymbo- les en Egypte. Enfin fi on a dit qu'A- pollon étoit à Delos , c'eft que ce fut dans .cette Ifle que fon culte fut le plus folemnel , & que , comme le dit jHerodote , la naiiTance d'un Dieu dans

quelque

Expliquées par VHtJtotre* 1 69 quelque pays , y marque l'introdu&ion ,>^Y*t de fon culte. On pourrok pouffer plus L.i.ch.xv. loin ce parallèle , mais j'en ai affez dit pour prouver que le véritable Apollon étoit celui d'Egypte.

Je ne nie pas cependant que les Grecs n'ayent pu donner ce nom à quelque Prince de leur pays ; & quoique je fois obligé d'avouer que j'ignore parfaite- ment qui il étoit , je ne dois pas moins pour cela en déveloper la Mythologie , & expliquer les Fables qu'on a publiées à fon fujet.

Jupiter, dit-on, étant amoureux de Latone , Junon en conçut tant de ja- loufie , qu'elle perfecuta fa rivale avec une fureur qui n'a point d'exemple. Elle fit fortir de terre un monftre nommé Python , à qui elle confia fa vengeance ; & comme fi l'univers entier avoit époufé le reffentiment de Junon , Latone ne trouva aucun lieu elle pût accoucher. Neptune touché du trifte fort de cette amante infortunée , fit fortir d'un coup de Trident l'Ifle de Delos du fond de la mer ; & Latone , que Jupiter métamor- phofa en caille , s'y étant retirée, mit au monde Apollon & Diane. On publia à ce fujet que cette Ifle , flottante aupara- vant , s'étoit fixée à cette occaiion ; Tome IV. H

£ JO La Mythologie & les F ailes mais Virgile a iuivi une autre tradî- . tion (i),en difant que c'étoit Apollon qui Pavoit fixée dans la fuite, l'attachant à Mycone & à Gyare , deux Mes voi- fines , & du nombre des Cyclades, com- me Delos.

Parmi les Dieux duPaganifme, il n'en eft aucun dont les Poètes ayent publié tant de merveilles que d'Apollon , & félon eux , il excella dans tous les beaux Arts , tels que la Poëfie , la Mufique & FEloquence: & par une hyperbole affez ordinaire en pareille occafion, on publia qu'il les avoit inventés. Il fut le Dieu êc le Prote&eur des Poètes , des Mufï- ciens & des Orateurs. Les Mufes, com- me nous le dirons dans leur hiftoire , étoient auffi fous fa prote&ion , & il préfîdoit à leurs concerts. Avec cela il n'y avoit aucun des Dieux qui poiTedât comme lui l'art de connoître l'avenir; auJïî fut-il celui de tous qui eut un plus grand nombre d'oracles.

A tant de perfections on joignoit la beauté , les grâces , l'art de charmer les oreilles autant par la douceur de fon éloquence, que par les accords harmo- nieux de fa Lyre , qui enchantoient éga- lement les hommes &les Dieux. Cepen- dant avec ces bonnes qualité,? il n'eut pas

Expliquées par VHiftoîre. 1 7 1 toujours le don de plaire aux perfonnes J^JL^ dont il étoit amoureux ; ce qui a attiré L.i.ch.xv* aux Payens quelques railleries de la part des Apologiftes de la Religion Chré- tienne. En effet pour féduire IlTé fille de Macarée , il fut obligé de fe meta- morphofer en berger (1) , & il eut beau (0 Ovi<{. étaler toutes fes perfeâions à Daphné , Met>1'4» elle fut fotffde à fa voix. Mais fans m'a- mufer à rapporter ici ce que difent les Poètes Grecs & Latins , cherchons l'o- rigine des Fables qu'ils ont débitées à ce fujet.

Pour expliquer celle de Daphné chan* Hiftcîreéc gée en Laurier dans le temps qu'Apol- Daphné. Ion la pourfuivoit , on peut dire que quelque Prince du nombre de ceux à qui l'amour des Belles-Lettres fit don- ner le nom d'Apollon , étant devenu amoureux de Daphné , fille de Penée Roi de Theflalie , & la pourfuivant un jour, cette jeune PrincefTe périt fur le bord d'un fleuve aux yeux de fon amant. Quelques lauriers qui fortirent en cet endroit dominèrent lieu à la métamor- phofe ; ou plutôt l'étymologie du nom . de Daphné , qui en Grec veut dire un laurier , fit publier cette Fable. Si nous en croyons Lylio-Geraldi , Daphné a été ainfi nommée de A*<fn», voco , parce

Hij

172 La Mythologie & les Fables que le laurier fait du bruit en brûlant; ; crépitât ; & comme cet arbre étoit con- facré à Apollon , de-là eft venue , félon cet Auteur, la fable des amours d'Apol- lon & de Daphné.

Cependant Paufanïas (1) explique au- trement cette avanture : il dit que Leu- ■cippu-s 5 fils d'Oenomaiïs Roi de Pife , celui-là même qui donna fa fille unique Hippodamie en mariage àPelops , étant amoureux de Daphné , fe déguifa en fille pour l'accompagner à la chaffe qu'elle aimoit fort , & fe confacra à Diane , félon la coutume de ce temps-là. Les foins & les afîîduités qu'il eut pour fa Maîtrefle , lui acquirent bientôt ion amitié & fa confiance ; mais Apollon fon rival , ayant découvert cette in- trigue ., redoubla un jour la chaleur du Soleil ; Daphné & fcs Compagnes ayant voulu fe baigner, on voulut obli- ger Leucippus à imiter leur exemple , & celui-ci s'en étant excufé fur divers prétextes , elles voulurent le desha- biller , & alors ayant déclaré ce qu'il étoit , elles le tuèrent à coups de flè- ches. Paufanias mêle , comme on voit , quelque chofe de fabuleux dans cet évé- nement ; mais comme il eft sûr d'ailleurs qu'Oenomaiïs avoit un fils nommé Leu-

Expliquées par PHifloîre. ï 7 J

dppus * qui périt dans fa jeuneïïe , à peu 9 T E F * rr > ~l r j r^ dOccide, .u

pres comme il le raconte ; pour rect ner Li L ch.xv* fa narration , il fuffit de dire qu'un jour qu'il faifoit fort chaud , ces filles ayant obligé ce jeune homme à fe baigner , elles découvrirent fon déguifement & le punirent de fon infolence.

Diodore de Sicile allure que cette Daphné eft la même que la Fée Manto fille de Tirefias , qui fut reléguée à Del- phes, où elle écrivit plufîeurs Oracles , dont Homère s'efl heureufement fervi dans fes deux Poèmes. En falloit-il da- vantage pour en faire la Maîtrefle d'A- pollon l Les habitans d'Antioche pré- tendoient que cette avanture étoit arri- vée dans lefauxbourg de leur ville, qui porta depuis le nom de Daphné. Saint Jean Chryfoftome décrit , d'après Li- banius , une belle Statue d'Apollon , qui étoit dans ce fauxbourg. Ce Dieu tenoit fa lyre d*une main , & de l'autre une patere , avec laquelle il paroiflbit faire des libations à la Terre qui avoit englouti fa Maîtrefle.

Celle de Leucothoé , enterrée toute i.eucotko* vive par fon père Orchame , & celle de &clytie- Clytie fa rivale métamorphofée enTour- nefol , ne renferment rien d'hiftorique ; du moins je n'ai rien découvert de fatis*

Hiii

174 La Mythologie & les Fables accident. ^a^ant ^ur ce fu3et- J^*1 bien pofé pour » L.i.ch. xv. principe , &je crois l'avoir fuffîfamment : (OT. i.l. i. prouvé (i), que les fables étoient ordi- - nairement fondées fur l'Hiftoire, mais je n'ai pas défavoué qu'on y ait quel- quefois renfermé la Morale & la Phy- - fîque. Ainlî ce qu'on peut dire fur celle dont il s'agit ici , c'eft que Leucothoé n'a parte pour être la fille d'Orchame Roi de Perfe , que parce que ce Prince fut le premier qui fit planter dans fon R oyaume l'Arbre qui porte l'encens , 6c qu'on appelloit Leucothoé. On a ajou- té que cette prétendue PrincefTe aimoit Apollon , parce que l'encens eft une drogue aromatique fort en ufage dans la Médecine, dont ce Dieu étoit l'inven- teur; & on y a joint la jaloufie de Cly- tie , parce que le Tournefol eft une plante qui , félon les Naturaliftes , fait mourir l'Arbre qui porte l'encens. Je dois avouer cependant que Pline , qui donne à l'Héliotrope plufieurs proprie- tés, ne parle point de celle-ci. Je fuis fâché de n'avoir rien à dire de plus par- ticulier fur cette fable , car il me paroît bien furprenant que pour nous appren- dre qu'Orchame a planté l'Arbre qui porte l'encens, on ait dit qu'il avoit en- terré fa fille toute vive , pour la punir

Expliquées par VHijîoh'e. 17Ç d'avoir été fenfîble au Soleil fon Amant ; #§^2kr & que fa rivale Clytie , pour avoir re- l. i.ch.xv. vêlé cette intrigue , ait été métamor^ phofée en Tournefol. Mais il vaut mieux fe contenter de cette explication , que de hafarder des conjeftures qu'il feroit difficile de rendre un peu probables. Je n'ai rien trouvé dans l'Antiquité tou- ; chant cet Orchame, dont a parlé Ovide dans fes Métamorphofes , & qu'il dit avoir été le feptiéme defcendant de Belus,& avoir régné fur les Perfes Ache- ïnenides.

On met auiïïfurle compte d'Apollon d'autres intrigues amoureufes ; entre autres celles qu'il eut avec Coronis , qui lui donna pour fils Efculape ; mais nous en parlerons dans PHiftoire de ce Dieu de la Médecine.

Au refte comme Apollon étoit le Dieu des beaux Arts , ceux qui les cul- tivoient paflbient pour être fes enfans , tels qu'Efculape , Orphée , Linus , & plufieurs autres ; ou pour fes favoris , comme Hyacinthe & Cyparifle dont je. vais rapporter PHiftoire..

Hyacinthe , au rapport de Pau fa- Hyacinthe nias (i), étoit un jeune Prince de la ville ch*n£éc e* d'Amycles dans la Laconie. Son père (oinlaco*. Oebalus, que l'Auteur que je viens de

ij6 La Mythologie & les Fables citer appelle Amyclès, l'avoit fait élever . avec tant de foin, qu'on le regarda com- me un favori d'Apollon , & des Mufes. Pendant qu'il jouoit un jour avec fes Compagnons , il fut malheureufement frappé à la tête d'un coup de palet, dont il mourut quelque temps après. On compofa apparemment quelque Poè- me fur cette avanture , dans lequel on difoit pour confoler fes parents , que Borée jaloux de l'inclination d\Apol- lon pour ce jeune Prince , avoit dé- tourné le palet dont ils jouoient enfem- ble ; &: il faut avouer que lafiûion étoit allez ingénieufe. Les Lacedemoniens célebroient tous les ans auprès du tom- beau de ce Prince , une fête folemnelle , ils lui ofFroient des facrifices ; ils inftituerent même à fon honneur des Jeux qui portoient fon nom , comme (i) Liv.4. nous l'apprend Athénée (1), qui en fait la defeription. Paufanias parle du tombeau de ce Prin- ce , fur lequel il dit qu'on voyoit la fi- gure d'Apollon. Sa métamorphofe en une fleur du même nom , n'eft qu'une epifode du Roman. On ne fçaitpas trop ce que c'eft que l'Hyacinthe : Diofco- ride croit que c'eft le Vaccinium , ou l'Oignon fauvage , qui a la fleur cou-

Expliquées par VHiftohe. 177 leur de pourpre , & fur laquelle on voit, &iev x mais imparfaiteinent,les deux lettres dont L.Lch.xv. parle Ovide. Quoiqu'il en foit , cette fable fait voir quelle idée la Religion payenne avoit de fes Dieux , puifqu'on ne rougifïbit pas de leur atribuer les for- bleiïes les plus infâmes. Les pîaintesd' A- pollon à la mort d^Hyacinthe ont fou- vent fait parmi les Payens même , le fujet des railleries les plus piquantes contre ce Dieu.

CyparifTe , qui félon Ovide > avoit cypariflè pris naiffance à Carthée , ville de Fille changée en de Cos , étoit un jeune homme qui avoit ypre$* beaucoup de talent pour la Poè'fie Se pour les beaux Arts ; ce qui le fit paiïer pour le favori d'Apollon. Sa métamor- phofe en Cyprès eft fondée fur la ref- femblance des noms , cet arbre étant ap- pelle par les Grecs Cyparijfos. On a ajou- té à la fable , qu'Apollon pour fe con- foler de fa mort , avoit voulu que le Cyprès fût dans la fuite le fymbole delà trifteiTe ; qu'il accompagnât les funé- railles, & qu'on ne plantât point d'au- tres arbres auprès des tombeaux ; cir- conftances fondées fur la nature de cet- arbre > dont les branches dépouillées de feuilles , n'ont rien que de lugubre. IL y a des Auteurs qui prétendent queCy-

Hv

178 La Mythologie & les Fables parifle fut aufïi aimé de Sylvain, & que c'eft pour cette raifon qu'on voit fou- vent ce Dieu avec des branches de Cy- près à la main.

Si Apollon ne fut pas toujours heu- reux en amour, il le fut dans les défis qu'on eut la témérité de lui faire , & dont il fortit toujours victorieux. Pan qui croyoit exceller dans Part de jouer de la flûte , voulut comparer cet instru- ment à la lyre d'Apollon. Le défi fut accepté ; & le Tmolus pris pour arbi- tre 3 adjugea la viftoire à Apollon. Midas témoin de cette difpute , reeufa le jugement de Tmolus , & Apollon pour faire connoître fa ftupidité lui don- na des oreilles d'âne. Midas eut toujours grand foin de cacher fous un bonnet Phrygien cette difformité qui le desho- noroit ; mais fon Barbier qui l'avoit dé- couverte, & qui n'ofoit en parler , con- fia fon fecret à la Terre , d'où il fortit des rofeaux qui le divulguèrent. Ces fic- tions font fondées fur l'Hiftoire , âiniï je dois les développer. Hifloirede Midas, félon Paufanias (j) , étoitfils Midas & de je Gordius & de Cybele . & régna dans

Tmolus. - i t\i > 9 "1? 3

d) uAt- la grande rhrygie, ainli qu on 1 apprend

tkii' de Strabon. Le premier des deux Auteurs

que je viens de nommer , dit qu'il avoit

Expliquées par VHiftotre. 1J9

bâti la ville dAncyre 5 aujourd'hui An- Dieux goura, & celle de Peffinunte, fur le mont l.i. ch.xv* A gdiftis, devenu célèbre parle tombeau d^Atys ; & le fécond dit feulement que lui & Gordius fon père faifoient leur ré- sidence auprès du fleuve Sangar, dans des villes , qui au temps qu'il écrivoit 5 n'étoient plus que de méchans villages» On ignore le temps auquel Midas a vécu; mais il a été contemporain de Tmolus , comme il paroît par Ovide : ce que je dirai de ce Prince à la fin de cet article , fervîraà fixer l'époque de fon règne*. Comme Midas étoit fort riche & fort ceconome , on publia qu'il convertiiîbit en or tout ce qu'il touchoit , & Ton ne fait peut-être intervenir Bacchus qui lui enfeigna, fuivant la fable, le moyen de fe défaire d'une qualité fi incommode pour lui , que parce qu'il étoit le Dieu de la Vigne y Se que Midas l'honoroit d'un culte particulier. On peut ajouter en- core que ce qui avoir donné lieu à cette fable , c'eft qu'il fut peut-être le pre- mier qui découvrit de Por dans le Pactole, Strabon en parlant des lieux d'où quel- ques Princes avoient tiré leurs richefies, dit feulement (i) que Midas avoit trouvé (i)Liv. r4. celles qu'il pofledoit , dans les Mines du Pas- 6ÎC- montBermius* Dès fon enfance on avoit

ï 8o La Mythologie & les Fables Dieux prévu qu'il feroit extrêmement riche 5c

4 Occident, r * r ï r

1.1. Ckxv. *ort ménager , fur ce que des fourmis s'étant approchées de fon berceau , lui avoient mis des grains de bled dans la bouche. Comme il étoit fort groflîer & fort ftupide, on inventa la fable du Ju- gement qu'il avoit porté en faveur de Pan contre Apollon. Le Scholiafte d' A- riftophane , pour expliquer la fiétioii des oreilles d'âne dont Apollon fît pre- fent à Midas , dit qu'on avoit voulu marquer par-là qu'il avoit l'oreille très- iïne , comme cet animal ; ou parce qu'il, cntretenoit des efpions dans tous ks Etats ; ou enfin parce qu'il habitoit or- dinairement dans un lieu nommé â'r* &* , les oreilles d'âne.. Strabon rappor- <0 Liy. ï. te (ï) que Midas avala du fang de Tau-* V%)TTnhé re^u dont il mourut ; & Plutarque (2) «le & superft. ajoute que ce fut pour fe délivrer des fonges fâcheux qui l'affligeoient depuis long-temps : comme on fçait le temps auquel les Cimmeriens entrèrent dans la Phrygie, il eft aifé de fixer l'époque du règne de Midas , puifque Strabon dit qu'ils y arrivèrent au temps de fa morte. Comme Ovide parle du Jugement de Tmolus que Midas défapprouva , il efl à propos de parler de ce Prince & de* il généalogie*

Expliquées par PHifloire. 181 Tmolus Roi de Lydie , fi nous en J?IEV*

r-\ l * a\ i ta- a Occident.

croyons Clytophon , etoit fils du Dieu L.i.ch. XV* Mars & de la Nymphe Theogene, & fé- lon Euftathe, de Sipylus & d'Eptonia. Un jour comme ee Prince chafïbit , il ap- perçut une des Compagnes de Diane 9 qui fe nommoit Arriphé. Comme elle étoit parfaitement belle , Tmolus en devint amoureux. Les partions des Grands font prefque toujours violentes. Le Roi réfolu de fatisfaire la fïenne r pourfuivit vivement cette jeune Nym- phe , qui pour ne pas tomber entre fes mains , prit le parti de chercher un afyle dans le Temple de Diane : mais que peut la crainte du ciel fur le cœur des Ty- rans ? Arriphé fut violée au pied des Autels : un affront fanglant la jetta dans l'accablement, & elle ne voulut pas furvivre au malheur qui lui venoit d'ar- river. Les Dieux ne laifTerent pas fa mort impunie : Tmolus enlevé par un Taureau tomba fur des pieux dont les pointes le firent expirer au milieu des douleurs les plus cuifantes. Ainfî périt ce Prince , qui fut inhumé fur la monta- gne qui depuis porta fon nom*

Marfyas ( a) ? antre joueur de flûte r Hiftoire de

Marfyas. ( a ) Voye* les Notes de M. Burette fur le Traité de k Mufique par Plutarque , d'où j'ai tiré prévue tout cet artà? «le , Vian* de f^icad* Tw* ic.

i S 2 La Mythologie & les Fables Dieux fut encore pLs malheureux que Midas

t SciSv; dms le défl qu?l1 avok ofé faire à Apol- lon i puîfque ce Dieu le fit écorcher vif. Voici i'Hiftoire de ce perfonnage, célèbre dans l'Antiquité. 11 étoit deCe- lênes ville de Phrygie , & fils d'Hyagnis^

(1XCap.155.ou félon Hygîn (i), d'Oeagre (Oeagrï); auquel nom le Commentateur Munhtr fubiîituoit volontiers Fancien génitif ihagrv. Humfroi Prideaux eft de même avis , dans les notes fur la Chronique de

(0 p2g. i<5s>. Paros (2) ; & ils ont raifon l'un & l'au- tre , puifque Oeagre étoit père , non pas de Marfyas , mais d'Orphée. Quel- ques-uns , dit Plutarque , ont prétendu que le vrai nom de Marfyas , étoit Map- ses. Il joignoit , fuivant Diodore , à beaucoup d'efprit & d'induftrie une fa- geffe & une continence à toute épreu- ve. Son génie parut fur tout dans l'in- vention de la flûte , il fçut raffembler tous les fons , qui auparavant fe trou- Voient partagés entre les divers tuyaux de chalumeaux, il eut un attachement fîngulier pour Cybele fille de Dindyme & d'un Roi de Phrygie & de Lydie r appelle Meon , & les malheurs arrivés à cette Princeffe en conféquence de fes amours avec Atys , ne purent obliger Marfyas à fe féparer d'elle. CheiTée de

Expliquées par ViHflotre. 183 la maifon de fon père , après le meurtre «53J? de fon Amant , & devenue furieufe & lj. ch xv! vagabonde , elle eut en la perfonne de Marfyas un fidèle compagnon de fes courfes & de fes voyages , qui les con- duifirent i'un & l'autre àNyfe^fejpur de Bacchu? , ils rencontrèrent Apollon, fier de fes nouvelles découvertes fur la Lyre.

Marfyas lui fît un défi j qu'Apollon accepta , à condition , dit Paufanias 9 que celui qui demeureroit vainqueur , feroit à fon concurrent le traitement qu'il voudrait ; & ce Dieu ayant rem- porté la viétoire le fit écorcher vif, ou, félon Diodore, ce fut lui-même qui fit cette cruelle opération. Hygin & Phi- loftrate le jeune qui prétendent qu'A- pollon fe fervit pour cela du minis- tère d'un Scythe , fe font trompés fur lemot ■ATFOirxvTttrui qui étoit dans l'Ou- vrage Grec qu'ils lifoient , & qu'ils ont cru bonnement fignifier damier corn- miffion à un Scythe , au lieu que félon Hefy.chius il fignifie amplement écor- cher*

On ajouta que fon fang avoit été métamorphofé en un fleuve qui portoit le nom de Marfyas , dont en effet les eaux étoient rougeâtres > & qui traver-

ï 84 La Mythologie & les Fables foit la ville de Celênes , l'on voyoit dans la place publique, au rapport d'Hé- rodote , la peau de cet infortuné Mufi- fîcien fufpendue en forme d'outre , ou de ballon : il falîoit qu'elle y eût été tranfporcée , puifque Xenophon nous apprend qu'Apollon l'avoit fufpendue dans une caverne. D'autres Auteurs le font mourir moins cruellement , & affû- tent que de defefpoir d'être vaincu , ou ayant Pefprit aliéné, ainfi que nous l'ap- prend Suidas , il s- étoit précipité dans ce fleuve, & s'y étoit noyé.

L'ancienne Mufique inftrumentale lui étoit redevable de plufieurs découver- tes , & on le fait , avec Olympus , Au- teur du mode Phrygien & du Lydien , que d'autres attribuent à fon père Hya- gnis. Il perfectionna far-tout le jeu de la flûte & du chalumeau , qui avant lui étoient fimples. Il joignit enfemble par le moyen de la cire ôc de quelques fils, plufieurs tuyaux ou ro féaux de diffé- rentes longueurs, d'où refulta le chalu- meau compofé , & il fut l'inventeur de la double flûte , dont quelques-uns c&r pendant font honneur à fon père.

L'Antiquité nous a confervé plufieurs monumens qui repréfentent cette a&ion» Qxx le voit dans Beger? dans MafFei, &;

Expliquées par PHlfloire. i £y dans du Choul , attaché à un arbre les J^"^*# mains derrière le dos : Apollon qui tient Liv.i.C.xv* fa lyre à la main gauche , a à fes pieds un jeune homme qui paroît implorer fon affiftance ; on croit que c'eft Olympus fon Difciple , qui demande grâce pour fon Maître , ou plutôt la permiiïïon de lui rendre les devoirs funèbres ; ce qu'il obtint , comme nous l'apprenons d'Hygin.

Le Marquis MafFei a fait defïïner auffi une Statue magnifique qui eft à Rome, Fon voit Marfyas les bras étendus , attaché à un arbre. On en trouve d'au- tres où Apollon tient d'une main un couteau , & de l'autre la peau de Mar- fyas ; ce qui confirmeroit l'opinion de ceux qui croient qu'il Pécorcha lui-mê- me. D'autres enfin Marfyas a les oreilles 5c la queue des Faunes & des Satyres. On voyoit anciennement dans la citadelle d'Athènes une Statue de Minerve qui châtioit le Satyre Marfyas, pour s'être approprié les flûtes que la DéefTe avoit rejettées avec mépris. Ces flûtes de Marfyas avoient été confacrées dans le Temple d'Apollon à Sicyone , par un Berger qui les avoit recueillies. On voyoit aufli à Mantinée dans le Temple de Latone , un Marfyas jouant

1 8 6 La Mythologie & les Fables fiiEux de la double flûte , & il n'avoit point été L. i?ch1xv. oublié dans le beau tableau de Poly- gnote. Servius le Grammairien attelle que les villes libres avoient dans la place publique une Statue de Marfyas , qui étoit comme un fymbole de leur liberté, à eaufe de la liaifon intime de Marfyas , pris pour Silène , avec Bacchus , connu des Romains fous le nom de Liber. Il y avoit à Rome dans le Forum une de ces Statues , avec un tribunal crefTé tout auprès , l'en rendoit la juftice. Les Avocats qui gagnoient leurs caufes , avoient foin de couronner cette Statue , comme pour remercier Marfyas du fuc- cès de leur éloquence , & pour fe le ren- dre favorable en qualité d'excellent joueur de flûte ; car on fçait combien le fon de cet infcrument & des autres , in- fluoit alors dans la déclamation , & com- bien il étoit capable d'animer les Ora* leurs & les Afteurs.

Malgré tant de témoignages qui at- teftent que Marfyas fut écorché vif, il y a des Auteurs qui croient que cen'efl qu'une pure allégorie , fondés fur ce que le fleuve Marfyas faifoit un bruit defagréable & qui écorchoit les oreilles ; ou plutôt , û nous en croyons Fortunio Liceti (i), fur ce qu'avant l'invention

Expliquées par rHiftoîre. 187 de la lyre , la flûte l'emportoit fur tous 5i F Y *

1 n \ rw r o 1 r d'Occident.

les inlirumens de Muiique , oc enrichit- L.i.ch.xv. foit tous ceux qui en fçavoient jouer; & comme le jeu de la lyre décredita ce- lui de la flûte, & qu'on n'y gagnoit plus rien , on feignit qu'Apollon avoit écor- ché Marfyas : ce qui étoit d'autant mieux \ imaginé , que la monnoye dont on fe fervoit alors étoit de cuir (1). (,) VolUx

La défaite du ferpent Python que ra- lfr-4-«b. 10. conte Ovide (2), elt mile aulli par les Python. Poètes fur le compte de ce même Dieu. (OMct.U. Ce monftre caufoit de grands ravages : mais Apollon à coups de flèches en pur- gea la terre , & délivra fa rnere des per- sécutions qu'elle en founroit.

Les eaux du Déluge, dit Ovide (3), (5)Mec.U* qui avoient inondé la terre , laiflerent un limon d'où fortirent plusieurs infeftes r entre autres le ferpent Python qui cau- foit beaucoup de ravages aux environs du ParnafTe. Apollon armé de fes flè- ches , lui ôta la vie ; ce qui expliqué phy- siquement , veut dire que la chaleur du Soleil ayant diflipé les mauvaifes exha- laifons , ces monftres difparurent bien- tôt. Si on rapporte cette fable à l'hiftoi- re , ce Serpent étoit un brigand qui s'é- toit établi aux environs de Delphes, Se qui incommodoit fort ceux qui alloient

1 88 La Mythologie & les Fables ^Dieux y facrifier. Un Prince qui portoit lenom L-i. ch.xv. d'Apollon, ou un Prêtre de ce Dieu, en délivra le pays. Cet événement donna lieu à l'établifTement des Jeux Pythiens , fi connus dans la Grèce. On les célebroit de quatre ans en quatre ans , & on don- noit pour prix aux Vainqueurs , ou des pommes confacrées à Apollon, ou , com- me le prétend Pindare , des couronnes de Laurier. On s'y exerçoit principale- ment à chanter , à danfer, & à jouer des inftrumens. Sur quoi on peut confulter (OPag.202. les Marbres de Paros ( i) & Meurfius (2)* dk d'Oxford" ^et événement qu'Ovide place d'abord (2) Gracia après le Déluge , ne doit être arrivé que long-tems après , puilque du temps de Deucalion, Apollon n'étoit pas encore connu à Delphes. C'eft Themis , fui- vant le même Poëte , & fuivant toute l'Antiquité, qui y rendoit alors des Ora- cles , & avant Themis il y avoit encore un autre Oracle qui étoit rendu par la Terre.

Je viens de dire que les flèches d'A- pollon n'étoient que les rayons du So- leil , & c'eft ce qui donna lieu à deux fa- bles auffi anciennes que célèbres. La pre- mière, qu'on attribuoit à Apollon tou- tes les morts fubites & prématurées. On en trouve cent exemples dans Home*

Expliquées par PHijloire. 1 89 te , & toutes les fois que ce Poëte parle , Dieux de quelque mort de ce genre, il ne man- l.l ch.xv. que pas de l'attribuer à Apollon , ou à Diane ; avec cette différence qu'il met fur le compte de ce Dieu celles des hom- mes , & fur celui de Diane , celles des femmes. Mais l'exemple le plus marqué dans l'Antiquité , eft celui des enfans de Niobé , qu'Apollon Se Diane tuèrent à coups de flèches : l'Hiftoire en eft trop remarquable , pour ne pas la rapporter ici.

La fiere Niobé , dît Ovide ( f ) , piquée Hiflcke cte de ce qu'on rendoit à Latone un culte Niobé & de

.. . x 0 , * . . , . , y Ces enfans ,

religieux , & qu on ne lui avoit érige a tués par A- elle aucun Autel , quoique par la naif- P°u°n & Par fance & le grand nombre de fes enfans, ( 1 ) Met. elle méritât à jufte titre les honneurs di- *• 5* vins , couroit à travers les rues de The- bes pour faire ceffer les facrifices qu'on offroit à cette DéefTe. Latone pour fe venger implora le fecours d'Apollon Se de Diane , qui ayant découvert dans les plaines voifînes de cette ville, les enfans de Niobé qui y faifoient leurs exercices, . les tuèrent à coups de flèches.

Tous les Hifloriens anciens convien- nent avec Diodore de Sicile, & Apollo- dore, que Niobé étoit fille de Tantale & fœur de Pelops, car.iijne faut pas con-

lfO La Mythologie & les Fables Dieux fondre celle dont il s'agit dans cette fa- L. i.ch.xv. ble.avec une autre Niobé qui étoit fille de Phoronée , & qu'Homère dit avoir été la première mortelle aimée de Jupi- ter. Pelops ayant abandonné la Phrygie pour fe retirer dans cette partie de la Grèce qui a depuis porté fon nom , em- mena fa fœur avec lui. Comme il cher- choit à affûrer fa nouvelle domination par quelque alliance , qui pût le foutenir contre les efforts de fes ennemis , il la donna en mariage à Amphion , Prince auiîî puîflànt qu'éloquent , & qui venoit d'enfermer de murailles la ville de The- bes. La dot de Niobé fut apparemment employée à bâtir une ville dans la Béo- tie , ou du moins ce fut une condition du mariage , puifque Paufanias nous ap- prend que ce fut alors que Pelops en jetta les fondemens. Le même Paufanias parle en plus d'un endroit de l'alliance d'Amphion avec la Maifon de Pelops ; Se il dit pofîtivement dans fes Béotiques, que ce Prince ayant fait alliance avec Tantale , avoit appris des Phrygiens le mode Lydien, & ajouté trois nouvelles cordes aux quatre que la lyre avoit au- paravant.

Il y a grande apparence que Niobé fut le fceau de la:paix qui fut faite entre

Expliquées par PHifloire. ip i Amphion &Pelops: Car ce dernier s'é- {,q™^*m toit brouillé avec le Roi de Thebes , l.UCIuXV. pour avoir reçu dans fes Etats Maïus , qu'Amphion & Zethus en avoient chaf- fé, ainfi que le rapporte Apollodore ( i). (i) lw. u Quoiqu'il en foit , ce mariage fut fort heureux par la fécondité de Niobé , qui eut un grand nombre d'enfans. Homère lui en donne douze , fix garçons & fîx filles ; Hérodote ne lui donne que deux garçons & trois filles ; Diodore de Si- cile , quatorze , fept de chaque fexe. Apollodore (2) fur l'autorité d'Hefiode , (2) it»id. prétend qu'elle eut dix garçons & au- tant de filles. Cependant cet Auteur n'en nomme que quatorze , dont voici les noms, Sipyle, Minytus , Ifmene, Damafichthon , Agenor , Phcdine ôc Tantale , & autant de filles ; Echodée , ou félon d'autres Thera, Cleodoxe, Af- tyoche , Phthia, Pelopie , Aflycratie, & Ogygie.

Fiere de fa fécondité, Niobé mépri- foit Latone , qui pour fe venger , enga- gea Apollon & Diane à faire périr tous fes enfans , de la manière que le raconte Ovide après les autres Poètes anciens, & comme on peut le voir dans Plutarquc au Livre de la Superftition. Cet épifode ingcnieufement inventé , renferme une

192 La Mythologie & les Fables pi eux Hifîoire auffi tragique, que véritable. La

L. I. Ch.xv. pefte > clu^ r^vagea la ville de Thebes , fit périr tous les enfans de Niobé ; & parce qu'on attribuoit les maladies con- tagieufes à la chaleur immodérée du So- leil , on publia que c'étoit Apollon qui les avoit tués à coups de flèches. Ce que j'avance ici fur le fond de cette fable , (i ) iliad. eft autorifé par l'Antiquité, Homère (i)

l. 2. v. 20. jjj. que Laodamïe & la mère d'Andro- maque avoient été tuées par Diane. Va- (i)Liv. 3. lerius Flaccus (2) rapporte les plaintes de Clyte femme de Syiîque fur la mort de fa mère , à qui Diane avoit ôté la vie {a) ; & fans vouloir entaffer un plus grand nombre d'exemples , j'ajoute feu- (çs ep1- lement clue Ie Scholiafte de Pindare (3)

thique. remarque après Pherecyde, qu'Apollon envoya Diane fa fœur , pour faire mou- rir Coronis & plufieurs autres femmes , pendant qu'il alloit lui-même ôter la vie à Ifchis. Après cela il n'eft pas étonnant de voir Pénélope , dans Homère, prier Diane de la faire mourir. Si ces témoi- gnages ne fuffifoient pas pour prouver cette tradition , je joindrois l'autorité

U) Liv. ^e Strabon (4 ) & d'Euftathe qui difent " la même chofe ; & ce dernier obferve

(a).... Triviaque potentîs

Qccidit arcanà genitrix abfumpta fagittà»

fort

Expliquées par PHiJtoirt. ^ Ip3 fort judicieufement que les Poètes qui Vizxsx attribuoient à ces Divinités les morts fu- LJ# cc£ ^v* bites , & celles que la pefte caufoit , mettoient toujours celles des hommes fur le compte d'Apollon , & celles des femmes fur celui de Diane (i). Homère ( r ) Surl4l s'eft à la vérité écarté de cette règle 2- dei'iiiad. en difant que Diane avoit fait mourir Orion (2): mais comme il avoit voulu t.*1 0c,y^ attenter à l'honneur de cette Déeffe , il n'eft pas étonnant qu'elle ait voulu le punir elle-même ; ce qui pourtant eft fort contre l'ufage ordinaire , qu'il y a des Auteurs, au rapport d'Euftathe (z\ (*)$wi*

r 1 J5TT L.dcl'OdyC

qui croient que cet endroit d Homère J

eft fuppofé.

Rien n'eft mieux imaginé que ce fyf- teme , puifqu'on a raifon d'attribuer les maladies contagieufes aux exhalaifons de la terre, & à la chaleur immodérée du Soleil : auffi , félon Homère , la peftc furvint dans le camp des Grecs , dès que ce Dieu irrité eut lancé fes flèches ; c'eft-à-dire , dès que fes rayons trop chauds eurent corrompu l'air. Il eft bon de remarquer en paftant que les flèches , étoient le fymbole d'Apollon irrité , comme la lyre fîgnifioit qu'il étoit ap- paifé , ainfî que l'obferve Servius (4 ) : (*\ î«r le aufli ne manquoit-on jamais dans ces for-?# del£ncrî#

Tome IK I

ip4 La Mythologie & les Fables Dieux tes de maladies épidemiques d'implorer

i.i. c! xv. ^e fecours de cette Divinité , Se de lui offrir des facrifices , comme Horace & Paufanias nous l'apprennent. On avoit même grand foin alors de mettre fur les portes des maifons des branches de lau- rier , dans l'efperance que ce Dieu épar- gneroit des lieux qui étoient fous la pro- tection d'une perfonne qu'il avoit ché- rie , ainfi qu'on peut le voir dans Dio- gene Laërce y & dans l'Auteur du grand Etymoiogicoru

Ovide fait mourir les enfans deNiobé dans un Cirque , ces jeunes Princes s*exerçoient à manier des chevaux ; mais

(i)IflBeot. Paufanias dit (i) avec plus de vrai-fem- blance,qu'ils moururent fur le mont Cy- theron ils étoient allé chaffer, & les filles àThebes. Si on a ajouté fur l'autori-

( i ) îliad. d'Homère (2 ) que ces enfans infortu- *• 24.. nés demeurèrent neuf jours fans fépultu-

re, parce que les Dieux avoient changé çn pierres tous lesThebains, & que les Dieux eux-mêmes leur rendirent les de- voirs funèbres , le dixième jour , c'eft que comme ils étoient morts delà pefte, perfonne n'avoit ofé les enterrer , & tout le monde avoit paru infenfibîe aux malheurs de la Reine ; figure vive des calamités qui accompagnent ce fléau *

Expliquées par PHifloire. 195* chacun craignant une mort prefque ,5IÇHX .

/Ta / r ^ r a Occident.

ailuree , ne longe qua la propre con- L.i.çh»xVa fervation , & néglige les devoirs les plus effentiels.Cependant comme les Prêtres, après que la violence du mal fut un peu paffée , fe mirent en état de les enfevelir, on publia que c'étoient les Dieux eux- mêmes qui leur avoient rendu ce de- voir. On ajoute qu'Ifmenus l'aîné de ces Princes , pour fe délivrer des douleurs que lui caufoit un mal violent, fe jetta dans un fleuve de la Béotie , qu'on ap- pelloit alors le pied de Cadmus , & qui depuis cet événement porta le nom d& ce jeune Prince.

Niobé ne pouvant plus fouffrir le fé- jour de Thebes après la mort de fes en- fans & fon mari , qui s'étoit tué de dé- fefpoir , retourna dans la Lydie , & finit fes jours près du mont Sipyle , fur le- quel , félon le rapport de Paufanias (1% on voyoit une roche qui regardée de loin reïTembloit à une femme accablée jde douleur & d'affliâion , quoique de près elle ne reffemblât à rien moins qu'à cela , comme l'affûre le même Auteur , qui y avoit voyagé. Voilà ce qui a fait dire à Ovide qu'un tourbillon de vent avoit emporté cette Princefle infortunée fur cette montagne 3 & qu'elle avoit été

195 La Mythologie & les Fables "DrTu* changée en rocher , circonftance qui

t* ?ch? xv. nous apprend, comme le dit Ciceron ( 1), (i)TufcuL que Niobé avoit gardé un profond fi-

guafft. iib. 3. lence dans (on affiiâion , & qu'elle étoit devenue comme immobile & muette ; ce qui eft le caraftere des grandes dou- leurs. Sophocle dans fon Antigone , dit que cette Princefle ne fut pas d'abord changée en pierre , mais que les Dieux dans la fuite lui accordèrent cette grâce à fa prière. Le même Poëte dans Elec- tre , dit que Niobé verfe des larmes dans un tombeau de pierre.

Ovide a cru fans doute que l'Hiftoire feroit plus touchante, en difant que tous les enfans de Niobé avoient été la vi&ime de la vengeance de Latone. Cependant

(i)InAttic Paufanias (2) rapporte que Melibée ou Chloris , & Amyclée , deux de fes filles, appaiferent Diane , qui leur conferva la vie ; c'eft-à-dire , quelles guérirent de la pefte. La première de ces deux Prin- ceffes époufa Neleus père de Neflor , (3) Liv. 1. ainfi que le rapporte Apollodore ( 3 ) ; mais le même Paufanias protefte qu'il aime mieux fe ranger au fentiment d'Ho- mère , qui dit que tous les enfans de Niobé périrent par les mains d'Apollon Se de Diane. Je ne dois pas oublier de rapporter auffi ce qui fit donner à Me-

Expliquées pur PHijtoire. * 97 libée le furnom de Chloris ; c'eft que ne p «u x.

•r i i r d Occident.

s étant jamais remiie de la trayeur que u I# CiXV. lui a voit caufé la mort de fes frères & de fes fœurs , elle demeura toujours ex- traordinairement pâle , ainfi que le ra- conte encore Paufamas (i). ifaS?1?^

L'hiftoire que je viens d'expliquer ar- riva environ 120. ans avant la guerre de Troye ; ce qui feroit aifé de prouver par la gernéalogie de Neftor , fils de Chloris , encore plus par celle de Laïus père d'Oedipe , qui fucceda à Amphion & à Zethus au Royaume de Thebes , comme je le dirai, lorfque j'expliquerai la fable d' Amphion.

Telle eft la vérité de cet événement fi célèbre dans les anciens Poètes. Ad- mirons la fertile imagination d'Ovide qui le raconte fi bien : tranfportons-nous avec lui auprès de Thebes , pour voir ces jeunes Princes montés fur de fuper- bes chevaux faire leurs exercices , pen- dant qu'Apollon & Diane , prenant la défenfe de leur mère outragée , les per- cent impitoyablement à coups de flè- ches. Les fœurs de ces Princes infortu- nés accourent fur, les remparts au bruit de ce funefte accident , & tombent fous les coups invifibles de Diane : enfin la xnere arrive qui outrée de douleur Si

Iiij

ip8 La Mythologie & les Fables tfocodfm. ^e défefpoîr arrofe de fes larmes le* fc.LCh.xv. corps de fes enfans , & eft enfin changée en Rocher : & on avouera que fi la fa- ble donne de grands ornemens à la vé- rité 5 la découverte de cette même vé- rité donne encore plus de plaifir à l'ef- prit , que ces vains ornemens n'en don- nent à l'imagination.

Un monument antique rapporté paf < i ) A«. ex- le P. de Montfaucon ( i ) repréfente cette t«s- om» hifto^ félon la tradition qu'a fuivie Ovide. Les fils de Niobé y paroiffent avec leurs chevaux de manège, Apollon & Diane leur lancent leurs flèches , ôc la mère defolée de les voir périr l'un après l'autre , en tient quelques-uns en- tre fes bras.

Mais ifclesfleches d'Apollon lui avoïent été fi utiles en tant cPoccafions, elles lui furent bien funeftes dans celle dont je vais parler. Jupiter indigné qu'Efculape eût rendu la vie à Hippolite, prétendant que le droit de refïufciter les morts de- voit être refervé à lui feul , frappa l'in- fortuné Médecin d'un coup de foudre ; & Apollon y pour venger la mort de fon fils , ayant tué à coups de flèches les Cy- clopes qui avoïent fabriqué la foudre dont Jupiter s'étoit fervi , il fut chafTé du Ciel. Obligé de gagner de quoi vi-?

Expliquées par PHijloire. ip£ vre , il fe mit au fervice d' Admete , dont â^<fciïL il garda les troupeaux. L. i. c. xv.

Boccace (i) fur l'autorité deTheodon- ( t ) Gcn> tion , dit que cette avanture regarde cet des DicuXfc Apollon que Ciceron dit avoir donné desLoix aux Arcadiens, &qui fut chaf- du Trône pour avoir voulu gouver- ner fes Sujets avec trop de feverité. Il fe retira à la Cour d' Admete qui le reçut favorablement , & lui donna en fouve- raineté la partie de fes Etats qui étoit fur les bords du fleuve Amphrife. De-là l'origine de la Fable qui dit qu'il fut banni du Ciel , parce qu'il fut chafle du Trône. Celle qui porte qu'il fut obligé de garderies troupeaux d' Admete, nous apprend qu'il devint Roi d'une partie de la ThefTalie. Les deux noms de Roi & de Pafteur font fouvent fynonimes , fur-tout dans Homère ; & en effet tout Roi doit être le Pafteur de fon Peuple, qui eft fon vrai troupeau. Comme ces anciennes traditions n'étoient pas tou- jours uniformes , Ovide dit que ce n'é- toit pas dans laTheflalie, mais dans TE- lide , qu'Apollon devint Pafteur, Se que lui arriva l'avanture de Battus qui lui vola quelques bœufs.

L'Hiftoire que je viens de raconter, prouve qu'Apollon ne fouffroit pas vo^

Iiiij

200 La Mythologie & les Fables pi eux lontîers qu'on l'infultât : celle de Phor-

<i Occident. , \ , 1 A i i

I. I. c.xv. bas qui s etoit rendu maître du chemin qui conduifoit à Delphes , en eft une nouvelle preuve. Ce Dieu en effet s'é- tant métamorphofé en Athlète, lui ôta la vie : mais pour expliquer la plupart de ces Fables , il faut de temps en temps fe rappeller le principe que j'ai établi dans le premier Volume , qu'on chargeoit prefque toujours l'hiftoire d\in Dieu ou d'un Héros des avantures de tous ceux qui avcient perte le même nom 5 & fouvent de celles de leurs Prêtres : celle dont je viens de parler, pourroit bien être de ce nombre. Quelqu'un des Miniftres de Delphes qui voyoit dimi- nuer tous les jours les offrandes qu'on portoit dans le Temple d^Apollon , par les incurfions de Phorbas , fe déguifa, & ayant été affez heureux pour tuer ce brigand, publia que c'étoit Apollon lui- même qui avoit vengé l'infulte faite à fon Temple.

Quoiqu'il en foit , il n'y eut gueres de Dieux dans le Paganifme , plus ho- noré qu'Apollon. 11 avoit des Tem- ples dans toute la Grèce & dans toute l'Italie , des Oracles fans nombre , & on célebroit un grand nombre de Fêtes en fon honneur , fur-tout à Delos. Je n'ai

Expliquées par VHiftoire. 201 pas befoin de m'étendre beaucoup fur iLIE.y*

r *i r rr i r <* Occident.

ce iujet , il iumt de remarquer que prei- l- i. c. xv. que toutes les cérémonies du culte qu'on lui rendoit avoient rapport au Soleil , dont il étoit le fymbole, ou aux attributs qu'on croyoit qu'il pofTedoit. Ainlî le loup Scl'épervier lui étoient confacrés, parce que l'un Se l'autre a la vue fine Se perçante ; le corbeau , la corneille & le cygne 5 à caufe qu'on croyoit que ces oifeaux avoient un inftind naturel pour prédire l'avenir. Si le laurier étoit un arbre confacré à ce Dieu , c'eft qu'on étoit perfuadé que ceux qui dormoient ayant fous la tête quelques branches de cet arbre , recevoient des vapeurs qui les mettaient en état de prophetifer. Porphyre nous apprend même que les Anciens annonçaient les chofes futures fur le bruit que faifoit le laurier lorfqu'iL brûloit ; ce qui fait dire à Tibulle : lors- que le Laurier vous donne un bon augure 9 Laboureurs , rejouijfez - vous (a) : . mais agffi quand il brûloit fans aucun pétille- ment c'étoit un mauvais fîgne(&). On lui avoit aufli confacré le coq , parce qu'il annonce par fon chant le lever du Soleil ; & la cigale , à caufe que fon

(a) Laurus uoi borta figna dedii , gandete coUni.

(b) Ep jacet e^inclo Uurns adxjla fico. Propert.

Iv

202 La Mythologie & les Fables Dieux chant honore le Dieu de la Mufîque.

tj.ch.xv.' -^e temPs nous a confervé un grand nombre de monumens de ce Dieu ; je n'ai pas defTein de les parcourir, on peut les voir prefque tous raffemblés dans l'Antiquité expliquée par les figures. Il fuffit de remarquer que ce Dieu y eft toujours reconnoiffable par fa jeuneffe, par les rayons qui brillent fur fa tête , Se par fa lyre , ou la cythare qui l'accom- pagne. J'ai dit qu'on repréfentoit Apol- lon jeune & fans barbe , ainfî que Bac- chus, ce qui, félon Tibulle, convenoit parfaitement à Pun & à l'autre ; mais comme celui-ci paroît quelquefois avec ( t ) De de la barbe , Lucien nous apprend (i)

Dea Syr. qU'il y avoit aufïi un Apollon barbu : cependant nous n'avons aucun monu- ment qui le repréfente ainfî.

Enfin pour terminer cet article > il me refte à parler des differens noms qu'on donnoit à Apollon. Comme tout l'uni- vers adoroit ce Dieu , ou du moins l'Af- tre dont il étoit le fymbole , il a^|oit prefque autant de noms qu'il y avoit de pays differens qui lui rendoient un culte religieux \ ainfî que nous Pavons dit plus d'une fois; mais indépendamment de ces noms , les Grecs & les Romains lui en donnoient plufieuxs autres»

Expliquées par PHiftoire. 20 3 Celui de Vultunus lui fut donné par P * *u x

. . r ,- l d Occident.

une avanture bien linguliere que raconte l, i. c. xv. Conon (1). Deux Bergers qui faifoient ( X) Nart paître leurs troupeaux fur le mont Lif-rat' **• fus près d'Ephefe , ayant vu fortir d'une caverne quelques mouches à miel , l'un d'eux s'y fit defcendre avec une cor- beille , & y trouva un trefor. Celui qui étoit demeuré dehors l'ayant retiré par le moyen de cette même corbeille , il y laiiTa fon compagnon , ne doutant pas qu'il n'y pérît. Dans le temps que le Berger abandonné étoit livré au plus cruel defefpoir , il s'aflbupit , & Apol- lon lui apparut en fonge , qui lui dit de fe meurtrir le corps avec un caillou , ce qu'il fit. Quelques vautours attirés par la puanteur des playes qu'il s'étoit faites, entrèrent dans la caverne , & ayant en- foncé leur bec dans fes playes & dans fes habits , & ayant pris leur vol en même temps , tirèrent ce malheureux hors de la caverne. Dès qu'il fut guéri, il porta £cs plaintes devant les Magiftrats d'E- phefe qui firent mourir l'autre Berger ; & ayant donné à celui-ci la moitié de l'or qui s'étoit trouvé dans la caverne,, il en fît bâtir fur la même montagne un Temple en l'honneur de fon libérateur, fous le nom d'Apollon aux Vautours.

Ivj

204 La Mythologie & les Fables Eté tj x On l'appelloit Hyper boréen , pour les

d'Occident. -r. rr Jr / j

1*1. c. xv. raiions que nous avons rapportées dans l'article de la Religion des Peuples du (i) Tel. Nord (i) Pkœbus , pour faire allufion llvv 1% à la lumière du Soleil & à fa chaleur, qui donne la vie à toutes chofes , ou du nom dePhœbé3 mère de Latone : De- Vius , ou à caufe de Tlfle de Delos il étoit i ou parce qu'il éclaire toutes chofes : Gynthïus , d'une montagne de ce nom , comme on l'apprend de Ser- vius & de Feflus : Epidelius, à caufe d'un Temple qu'il avoit près du Promontoire de Malée. Menophanès qui comman- doit la flotte de Mithridate , ayant faca- Tlfle de Delos, fit jetter dans la mer la ftatue d'Apollon ; les Lacedemoniens l'ayant trouvée, firent bâtir un Temple en l'honneur de ce Dieu , qu'ils nom- mèrent Epîdelîus , comme pour marquer qu'il étoit venu de Delos.

Le Peuple de Chio l'honoroit fous

le nom de Phanxus , & donnoit le nom

de Phar.ée à un cte leurs Promontoires 5

parce que c'étoit ae-ià que Latone avoit

vu Tlfle de Delos (2). Celui de Lycius

fJ2iVmot lui fut donné, fi nous en croyons Pau-

çchut fanias (3)3 par Danaiis , qui ayant ap~

|iinAcuc ; perçu , lorfqu'il difputoit la couronne

à Gelanor 3 un Loup . que les Grecs ap^

Expliquées par PHiftoire. 2 o £ pellent /«W, emporter la vi&oire fur ^ccide** un Taureau contre lequel il combattoît , L.h ch.XY, publiaqu'Apollon avoit voulu faire voir au Peuple d'Argos , qu'un Etranger de- voit l'emporter fur un citoyen , puifquc le Loup qui efl un animal étranger, avok vaincu le Taureau. Lorfque ce Prince fut monté fur le trône T il fit bâtir un Temple en l'honneur d'Apollon Ly- cius. On l'appella Delphintus , parce qu'on crut qu'il avoit accompagné fous la figure d'un dauphin le navire de Caf- talius , qui conduifoit une colonie de Plfle de Crète dans la Phocide : Delphi- eus-, de la ville de Delphes , fi fameufe par TOracle de ce Dieu : Clarius, de celle de Claros, il y avoit auflî un Oracle. Ifmevius, d'une colline près de Thebes, comme nous l'apprend Paufanias ( i ) , ou d'un fleuve de ce nom , fi nous en croyons Stephanus r Nomius , parce qu'il avoit gardé les troupeaux d^Ad- mete : Pythius y à caufe de la viftoire qu'il remporta fur le ferpent Python (a) ; & les Jeux qu'on inftitua en mémoire de cet événement, furent appelles Py- thiens, comme Ovide (b) nous l'apprend*.

(*) Lifez fur ce nom Jes pages 202. & 20?. des NoiÇfi fur les Marbres , & les Auteurs qui y (ont cités. ( b ) ~N.?ve operis famarn pqjjtt delere vetnf}at InjiitHit facros celebri vertamine indus ; Pjthia, perdomiti Serpcntis nomme diflos*

2o6 La Mythologie & les Fabler

Le nom de Sminthien lui fut donné "J. parce que , comme le rapporte Stra- bon (i) après Gallinus & Heraclide de Pont , les defcendans de Teucer étant partis de l'Ifle de Crète pour aller cher- cher un lieu propre à s'établir , appri- rent de l'Oracle qu'ils dévoient s'arrêter dans l'endroit les habitans viendraient les recevoir. Comme ils furent obligés de pafTer la nuit fur les bords de la mer dans l'Afîe mineure , un grand nombre de rats vinrent la nuit manger leurs ceinturons & leurs boucliers. Le len- demain ayant vu ce dégât , & croyant que l'Oracle étoit accompli , ils s'arrê- tèrent en cet endroit , & donnèrent à Apollon , qui y étoit fort honoré , le nom de Smynthien r qui dans leur lan- gue veut dire un rat. Ce même Auteur ajoute qu'on voyoit dans la ville de Chryfe une flatue d'Apollon > de la main de Scopas célèbre Sculpteur de rifle de Paros , avec la figure d'un rat près de fes pieds ; ôc Heraclide de Pont af- faire que les Rats qui étoient autour de ce Temple , étoient facrés.

Orphée,Homere,Ovide &plufîeurs au- tres Poètes donnent fouvent à Apollon le nom de Sminthien (a). Celui iïAfiius

(a) On donne d'autres origines du nom de Sminthien , comme on peut le voix dans Lylio Giraidi ,Synt. 7.

Expliquées par PHiJlbtrel 207 lui venoit du promontoire de ce nom , £T*^e* connu par la viâoire d'Augufte fur L.LCh.xY; Antoine : celui de Daphnœus , à caufe de la Fable de fes amours avec Daphné : celui de Soraâe , d'une montagne d'I- talie où il étoit honoré r & dont les Prêtres, fi nous en croyons Pline & Vir- gile,marchoientfans aucune incommodi- té fur des charbons allumés (a). Strabon parle auflî de cette même merveille (1) , Ml** # mais il dit que c'étoit la Déeiïe Feronie qui étoit honorée furie mont Sora&e ^ & que c'étoit à fon honneur que ces Prêtres marchoient fur ces tifons en- flammés.

Enfin Apollon avoit encore pîufieurs autres noms , tirés la plupart des lieux il étoit honoré , fans parler de ceux: que les autres Peuples lui donnoîent^ ainfi que nous l'avons déjà dit au com- mencement de fon hiftoîre , & lorfquc nous avons parlé de l'origine de l'Ido^ latrie.

( a ) Haud procul urbe Roma in VaTifcomm agr* funt patte* famtliœ , quœ Hircin* vocantur , quafacrificio annuo , qmd. fit ad montent SoraBem Jlpollini , Jitper ambujiam ligné firuem ambulantes non adurantur ■>(!? ùb id perpétua Sena- tufconfultu , militue aliotumqice munemm vacationem babott$% Plin. lib. 2. C$3.

Summe Deum , fanBi euflos SoraElis ^Apollo 5

jQttcm primi colimus , eni Pineus ardor acervê

Pafcitnr , C7 médium freti pietate per ignem

inities mnbà premimns vefiigia plartH* Yirg.

20 8 La Mythologie & les Fadlef Diane & la Lune.

Dieux L'H istoire de Diane ne nous t?i?Ckxv« menera Pas ^ loin que celle d'Apollon, i puifque les mêmes attributs conviennent au frère & à la fœur. En effet Diane peut être regardée comme la Lune , & alors elle étoit la même qu'Ifis> & c'eft- de toutes les Dianes la plus ancienne. On pourra faire de l'une & de l'autre un parallèle femblable à celui qu'on vient de lire d'Apollon & d'Ofîris. On peut dire de même que les Grecs , qui avoient reçu la Théologie des Egyp- tiens , l'ajufterent à leurs idées , êc at- tribuèrent à la fœur d'Apollon ce que ceux-là avoient dit de la fœur d'Ofîris. Ainfî pour fuivre mon même plan , je n'ai qu^à rapporter & expliquer la My- thologie Grecque au fujet de Diane.

<0 De Natr- Ciceron (i ) reconnoît trois Dianes : •c la première , que l on croit mère ou » Cupidon ailé , étoit fille de Jupiter » & de Proferpine ; la féconde , qui effc la plus connue, étoit fille du troifiéme » Jupiter & de Latone ; la troifiéme , à » quifouvent les Grecs donnent le nom » de fon père } étoit fille d'Upis & de ? Glaucé »..

Expliquées par PHiftoire. 2op Strabon (i) & Paufanias parlent cPune Dieu*

-rv* > t> * TT11 /l'Occident.

autre Diane nommée Britomams. Iule L#1. c.xv. étoit fille d'Eubulus , & aimoit fort la (i)Lîy. xo, chafTe. Comme elle fuyoit Minos qui en étoit amoureux , elle fe jetta dans la mer , & fut prife dans les filets de quel- ques Pêcheurs ; ce qui, félon Voffius, lui fit donner le nom de Diéiynna ; fi vous n'aimez mieux dire que ce nom lui fut donné à caufe du mont Diété ; ou bien, comme le prétend Solin , parce qu'il fignifte une Vierge douce & humaine. 21 y a même bien de l'apparence que Ciceron & Strabon n'ont prétendu par- ler que des Diaaes de la Grèce. Ovide eft allé plus loin , puifqu'il nous fait connoître une Diane encore plus an- cienne ; c'étok celle d^Egypte , qui fe métamorphofa en chat , dans le temps que Typhon fit la guerre aux Dieux : fêle foror Phœbi latuït (2) ; c'eft la mê- me que celle dont parle Hérodote (3) , nommée Bubaflis , qui ajoute que les Egyptiens difoient qu'elle étoit fille de Dionyfius,c'eft-à-dire, d'Ofîris & dTfis, & que Latone n'étoit que fa nourrice : ou pour mieux dire, c'eft Ifis elle-même qui eft la véritable & la plus ancienne Diane , puifque c'eft elle que les Egyp- tiens prirent pour le fymbole de la Lune#

2io La Mythologie & Us tables ; *5IEHX comme nous Pavons dit dans fon hiftoi-

«Occident. air ' \ r-> a

£.1» c.xv.re* Mais parce que les Grecs ont tou- jours copié les Egyptiens , ils ont dit de quelques-unes de leurs PrincefTes ce qu« ceux-ci attribuoient à leur Ifis ; & il femble que ce qu'ils en racontent , doit fe rapporter à cette Diane qui étoit fille de Jupiter & de Latone , & fœur d'A- pollon. Comme elle aimoit la chaiTe , ils Pont regardée comme la Divinité de ceux qui s'adonnoient au même exer- cice. L'amour qu'elle eut pour la chaf- teté lui fit donner des vierges pour com- pagnes. On Iarepréfente ordinairement avec un carquois & des chiens , traînée dans un chariot par deux cerfs blancs : on la peignoit cependant quelquefois avec des ailes , comme nous l'apprend Paufanias , ayant à une main un lion & à l'autre une pantnere, fon chariot étant traîné ou par deux vaches, ou par deux chevaux de différentes couleurs ; mais cet Auteur avoue en même temps qu'il ne fçait point ce que ces fymboles li- gnifient.

Il efl: bon de remarquer , i°. Que comme dans la Théologie payenne Diane étoit une Divinité en même temps naturelle & animée > les Poètes en difent fcien des chofes qu'il feroit ridicule de

Expliquées par PHiJloire. 2.11

Vouloir rapporter à l'hiftoire , puifque ^"^ l'on voit évidemment qu'elles ne peu- L.i.c. xv. vent s'entendre que de la Lune qu'elle repréfentoit A fuîvremême leurs princi- pes, Diane, Lucine5Junon,Venus.Buba- ftis & Ifis n'étoient fouvent qu'une même Divinité, c'efl>à-dire,laPlanette qu'elles reprefentoient, & c'eft-là le dénouement de tout ce qu'on trouve dans leurs Ou- vrages > touchant la plupart des attributs de cette Déefïe. ù.o. Que lorfqu'elle re- préfentoit la Lune , elle s'appelloit Lu- cine ; Diane , quand on la prenoit pour cette DéefTe qui aimoit la chafle ; ÔC Proferpine , ou Hécate , quand elle étoit regardée comme une Divinité de l'Enfer. De-là le nom de Triformis que ' lui donnent les Poètes (1) , & Pufage M}*0™** ou 1 on etoit ne la reprefenter avec trois &* têtes (a) , dont celle qui étoit à droite , étoit celle d'un cheval , celle qui étoit à gauche d'un chien , & celle du milieu , d'un fanglier. Mais cet ufage, fi nous en croyons Paufanias ( 2 ) , n'étoit ni (%) jn c#. univerfel , ni bien ancien. « Autant que nn*»* 3<m » j'en puis juger , dit cet Auteur , c'eft » Alcamene qui s'efl avifé le premier de » faire une triple ftatue à trois corps &

(a) Tergem'mamqne Hnttem , trU virginit wvt Di*&4± Vif£. ^nçid. 1.

212 La Mythologie & les Fables » à trois vifages , pour repréfenter la » Déeiïe Hécate ; & c'eft cette ftatue » que les Athéniens nomment l'Epipyr- » gide ( a) y & qu'ils ont placée à Athe- » nés auprès de la vi&oire fans ailes.

Lorfque Diane étoit invoquée par les femmes prêtes à accoucher, elle s'ap- pelloitLucine , ainfî que la Junon Pro~ nuba. Elle avoit encore plufieurs autres noms. Celui de Trivia , marquoit qu'elle étoit honorée dans les carrefours des rues & des chemins l'on mettoit or- dinairement fes flatues. Celui ÛOrthionê, lui étoit donné ou d'un lieu de ce nom dans PArcadie , elle étoit honorée , ou plutôt de la feverité avec laquelle elle punifToit celles de fes compagnes qui ne gardoient pas une exa&e chafteté; ou enfin parce que les jeunes garçons Lacedemone fe fouettoient cruelle-» met , & quelquefois jufqu'à en mourir , en prefence de fes flatues : coutume dure & barbare , qui peut avoir occa- fionné ce furnom de Diane , les Grecs appellant Orthion ce qui étoit dur & inr flexible ; les nc*ms de Mtlltta , ^Alïlat & # Àndiùs lui étoient donnés par les Phéniciens , les Arabes 6c les Cappada*

(a) Ce mot vient âe'xvpyûç, une tour , parce que ce:tc Statue étoit fort haute.»

Expliquées par PHiJlotre. 2.1$

tiens , ainfî que nous l'avons dit dans le Dieux I. Tome. Celui de Diane, qui efl le plus l. i/cLxv. ordinaire , & qui eft le même que Iana9 lignifie la Lune , félon Varron. Celui de Deviana venoit de ce que cette DéefTe aimoit la chafTe, & que ceux qui aiment cet exercice font fujets à s'égarer, ou à fe dévoyer. Spon (i) eft le premier qui (J) ^irc« ait fait graver un monument , Diane eft nommée Clatra. Cette DéefTe y eft repréfentée avec Apollon, l'un & l'autre chargés de fymboles , à la manière des figures Pœnthéts. Apollon avec fa lyre, tient à la main la foudre de Jupiter , & a la tête environnée de rayons , & au- *Ieffus un foleil dans un cercle. Diane a fur la tête le croifTant , une tour & une pomme de pin, comme Cybele , un fer- pent entortillé à fon bras, ainfî qu'Hy- giea , DéefTe de la famé, le fiftre d'Ifîs, une proue de vaiffeau , comme Ifis fur- nommée Pelagia. Il eft clair que c'eft Diane ,en tant qu'elle repréfente la Lune, c'eft- à-dire , une Ifis à la manière des Grecs.

Les autres noms qu'on donne à la même DéefTe viennent la plupart des lieux elle étoit honorée ; ainfî Hefy- chius l'appelle Aerea , d'une montagne de ce nom dans l'Argolide ; & Paufaniat

214 La Mythologie & les Fables . Biîux Coryphœa , d'une autre montagne près

IrtX.Ch.xv. d'Epidaure. Les Eléens la nommoient la Spéculatrice , les Cretois Diéïytme ; les Eginetes , Aphœa ; ceux de Sicile , Lye , parce qu'ils croyoient qu'elle les avoit guéris d'un mal de rate. Ceux de la Tauride , T arnica , du nom de leur pays ; Thoantina, de celui deThoas leur Roi; Or ejlina , parce qu'Orefte en en- leva la ftatue. Ceux d'Ephefe, Ephefia , & nous avons dit dans ladefcription du ir) Liv. 4, Temple qu'elle avoit dans cette ville (1), combien elle y étoit honorée. Ceux d'E- lide , Alphea , comme nous l'apprenons de Strabon ; & la raifon qu'ils rendoient de ce furnom , étoit que l'Alphée étant devenu amoureux de cette DéeiTe , elle fe couvrit le vifage de boue , & en fit autant à fes compagnes. Comme la fu- gacité des Dieux , que les Payens hono- roient, n'étoitpas grande, l'Alphée ne put diftinguer la DéefTe d'avec les Nym- phes de fa Cour, & ceffa fes pourfuites. Ceux d'Achaïe Triclaria (a). Paufa-

( z ) In G> nias (2) raconte que Menalippus &

"*• Cometho fatisfirent leur paffion dans le

Temple de Diane Triclaria. Cette pro-

( *) Mot compofé de rpW> trois, 8c dcjcMjpoç parce que Diane étoit honorée dans !e territoire de trois ville* , do* t Paufanias parle a cette occaiion.

Expliquées par PHijlotre. 21 $ fanation tut fuivie d'une ftcrilité gène- Dieux raie , en forte que la terre ne produifoit LtIt ch.xvl aucun fruit , & d'une maladie populaire qui emportait une infinité de monde* Les Achéens ayant confulté l'Oracle d'Apollon , la Pythie leur répondit que Pimpieté de Menalippus & de Cometho étoit la caufe de tous leurs maux , & que le feul moyen d'appaifer la Déeffe étoit de lui facrifier tous les ans un jeune garçon & une jeune fille.

Hypermneftre ayant gagné fa caufe contre Danaiis fon père , qui la pourfui- voit pour avoir fauve Lyncée fon mari , contre l'ordre qu'il lui avoit donné de le faire périr , dédia un Temple à Diane fous le nom de Pitko , ou de Déefle de la Perfuafion , comme nous l'apprenons du même ( I ) Paufanias. Pindare lui ( i ) ibî*» donne celui de Didyme , pour marquer qu'elle étoit fœur jumelle d'Apollon. Les habitans de Pellene la nommoient Yellené , à l'occafion de quoi Plutar- que ( 2 ) raconte que lorfqu'on portoit fa ftatue dans les procefïions, fonvifage devenoi.t fi terrible , que perfonne n'o- foit la regarder. Cet Auteur ajoute mè- ne que le Prêtre qui la fervoit , ayant porté fa ftatue dans l'Eolie , tous ceux qui la virent devinrent inienfés. Stra-

21(5 La Mythologie &les Fables Dreux bon ( i ) parle d'une Diane Ferafie, ainfi f? cbxv nommée , parce que fon culte avoit été iitW zu Porté Par mer à Caftabalis > ville de Cappadoce. Enfin on trouve dans les Anciens, fur-tout dans Paufanias , plu- sieurs autres noms de cette Déeffe , qui font aifés à expliquer , & qu'on peut lire dans cet Auteur.

On voit , par ce que nous venons de dire , que plufieurs Peuples fe diftin- guoient par le culte qu'ils rendoient à cette Déeffe , pour laquelle on pouffa la fuperftition jufqu'à lui offrir des victi- mes humaines. L'Ille de Delos célebroit des Fêtes nommées Délies, qui attiroient un grand concours d'étrangers. Lille Nicaria , nous en croyons Strabon , avoit un Temple confacré à cette Déef- (0 c'eft-à- fe , fous le nom de Tauropolie (2) , & on aire Protec- trouVe dans Goltzius une médaille frap-

^desTau- ^ ^ ^ Ifl^ cu ^ côté pa,ok

Diane en équipage de chaffe , & de l'au- tre une perfonne montée fur un taureau, De l'Ifle Nicaria le culte de cette (3)Liv.44. Déeffe paffa, félon Tite-Live ( 3 ) , à Andros, & à Amphipolis ville de Thrace. Diane eft aifée à reconnoître dans les figures qui la repréfentent , ou par k croiffant qu'elle a ordinairement fur la tête , ou par fon habit de chaffe , ou

enfin

Expliquées par PH^foire. 217 enfin par les chiens qui l'accompagnent. Dieux On trouve encore fur ces monumens L< i/chocv. une infinité de fîngularités qu'on peut voir dans les Antiquaires. Je dois dire cependant que la Diane d'Ephefe étoit repréfentée avec un grand nombre de rnammelles,&avec d'autres fymboles qui marquoient la terre & Cybele , ou plu- tôt la nature elle-même que cette DéefTe repréfentoit. Les Fayens regardoient cette Déeiïe comme le fymbole de la chafteté , qu'elle faifoit obferver avec beaucoup de régularité aux Nymphes de fa fuite. On fçait de quelle manière elle chafla Callifto , que Jupiter avoit féduite , & ce qu'il en coûta à A&eon pour l'avoir vue dans le bain(i) ; mais ÇO Voy«t comme la Mythologie ne fe foutenoit !^lu^! de gueres dans fes principes , on racontoît qu'elle avoit été amoureufe d'Endy- mion , qu'elle alloit voir toutes les nuits dans les montagnes de la Carie. Il eft vrai qu'on croit que cette fiéiion n'eft fondée que fur ce qu'Endymion , que quelques Auteurs prétendent avoir été un Roi d'Elide, fe retiroit fouvent dans un antre qui étoit fur une montagne de la Carie , pour aller obferver les mou- vemens de la Lune (a): & que c'eit

(a) On le voit dans quelques Antiques fous la fleure d'un homme qui dort , & Diane ou la Lune auprès de lui.

Tome IV. K,

2 1 8 La Mythologie & les Fables Dieux pour nous apprendre qu'il y méditoit

«Occident. * 11 *• * , r 5*1 1

L.i. cl xv. continuellement, qu on a dit quil dor- moit toujours , & que la Lune profîtoit de ce fommeil pour le venir embraf- fer (a). (2)ïnEL'ac. Mais Paufanias (i) nous înftruit dans un plus garnd détail de l'hiftoire de ce Prince. » La Fable,dit-il, raconte qu^En- *> dymion fut aimé de la Lune , & qu'il » en eut cinquante filles ; mais une cpi- » nion plus probable, c'eft qu'il époufa ^Ailerodie ; d'autres difent Chromie , s> fille d'Itonus , & petite -fille d^Am- » phi&yon ; d'autres , Hyperipné , fille » d'Arcas , & qu'il eut trois fils, Peon , » Epéus & Etolus , & une fille nommée * » Eurycide. Endymion propofa dans » Olympie un prix de la Courfe aux: » trois Princes fes enfans ; ce prix étoit *> le Royaume. Epéus remporta la vic- » toire , régna après fon père , & fes » fujets furent appelles Epéens. On dit » que fon frère Etolus demeura avec lui » dans le pays ; mais que Péon , înconfo- » lable d'avoir été vaincu dans une telle importance,alla chercher fortune hors » de fa patrie , & s'étant arrêté fur les » bords du fleuve Axius,il donna fon nom

(a; V. Ciceron , Liy, [. fyfc* £»*jî. & Lucien , Dnl*

Expliquées par PHiftoire. 219 » à cette contrée qui depuis s'eft ap- ^JSd» » pellée la Peonie. Les Eléens & les L.i.ch. xv. » Heracleotes ne s'accordent pas fur » la mort d'Endymion ; car les Eléens « montrent Ton tombeau dans la ville » d'Olympie , & les Heracleotes qui » font voifins de Milet , difent qu'Endy- » mion fe retira fur le mont Latmus. En » effet il y a un endroit de cette monta- 35 gne que l'on nomme encore aujour- » d'hui la grotte d'Endymion. »

Le même Paufanias dit que le tom- beau de ce Prince étoit dans la place qui précédoit le ftade d'Olympie , que l'on nommoit la Barrière, & qu'à Metaponte étoit une ftatue de ce Prince qui étoit toute d'yvoire , à la referve de l'habit.

Nous venons de voir que Paufanias dit que les Eléens & les Heracleotes ne s'accordoient pas fur la mort d'Endy- rnion. Pour les accorder , Paulmier de Grantmenil dit avec beaucoup de vrai- femblance (1) , qu'il y a eu deux per- (i)Dai*fc fonnes de ce nom , l'un Roi d'Elide ; Grece- l'autre qui étoit ce Berger célèbre du mont Latmus : en effet fi le Berger étoit le même que le Roi d'Elide , comment peut-on diftinguer deux Endymions ?

Je devrois parler ici du Dieu Lunus , Le qu'on trouve fur quelques monumens ; Lum*.

Kij

120 La Mythologie & les Fables Dieux mais j'en ai aflez dit fur fon fujet dans

il^ch.Tv. l'Hiftoire des Dieux de l'Orient. On fçait d'ailleurs que les Payens don- noient quelquefois les deux fexes à leurs Dieux. La Nmt. Comme j'ai dit dans PHiftoire du So- leil un mot de l'Aurore qui devance fon lever , je dois parler ici de la Nuit, que les Anciens regardoient auffi comme une Divinité. Hefiode nous apprend qu'elle étoit fille du Chaos , & félon les My- thologues 3 c'étoit la plus ancienne des Divinités. Il efl vrai en effet que les té- nèbres ont été avant la lumière , & c'eft ainii qu'on doit juger de cette chiméri- que Divinité , & qu'on doit entendre Fauteur d'un hymne qu'on attribue à Orphée , la Nuit efl nommée la mère des Dieux & des hommes. Theocrite la reprefente courant fur un Chariot pré- cédé des Aftres du Firmament. D'au- tres lui donnent des ailes, comme à l'A- (z)Dansla mour. & à la Victoire ; mais Euripide (i)

Tr*g. îmir. ]>a mieux dépeinte , en la repréfentant lur ion char , accompagnée d étoiles , & environnée d'un grand voile noir. Ce portrait s'accorde aiïez avec un deffein qui fe trouve dans un Manufcrit de la Bibliothèque du Roi , que le P. de Montfauco.n nous a donné dans fa Pa-

Expliquées par VHifloire. 221 leographie , cette Déefle paroît ve- „?***{*

°, £ . -, L r / 15 / d Occident.

tue de noir , avec un voile parieme d e- l% 1, c. XV. toiles , qui voltige fur fa tête i ayant fon flambeau tourné en bas , conme fi elle vouloit l'éteindre. Les Anciens donnent à la Nuit plufîeurs enfans , tous perfon- nages métaphoriques ; la Douleur , la Crainte , l'Amour, l'Envie , laVieillef- fe , &c. dignes fruits de cette Décile & del'Erebe leur père.

CHAPITRE XVI.

Des Mufes,

CO M M E Apollon étoit le conduc- teur des Mufes , d^où il avoit pris le nom de Mufagetes , il efl jufte de par- ler préfentement de ces DéefTes. Rien de plus connu dans les Poètes que les Mufes , qu'ils invoquent à chaque mo- ment ; & rien en même temps de plus obfcur , que ce que la Mythologie rap- porte à leur fujet. En effet 3 les Anciens varient également fur leur origine , fur leur nombre , fur leurs attributs , & fur leurs noms.

Hefiode qui a employé les cent dix-

Kiii

222 La Mythologie & les Tabler fept premiers Vers de fa Théogonie , à invoquer les Mufes , & à célébrer leur mémoire , dit qu'elles étoient neuf, filles de Jupiter & de Mnemofyne. Il les ap- pelle Heliconiades, parce qu'elles ha- bitaient fur le mont Helicon,& Piérides parce qu'elles étoient nées dans la Pie- xie. Ce Poëte qui leur donne les noms que j'expliquerai dans la fuite , dit que quand elles étoient dans l'Olympe, elles chantoient les merveilles des Dieux , fur-tout de Jupiter leur père ; qu'elles connoifïbient le paffe, le prefent, & l'a- venir , & que rien ne rejouiffoit tant la Cour céiefte , que leurs voix & leurs concerts. Il ajoute enfin que c'étoient celles qui lui avoient appris la Poëfîe , & lui avoient infpiré tout ce qu'il alloit tdire dans fa. Théogonie.

Ciceron (i) en compte d'abord qua- tre, Thelxiopé , Aœdé , Arche, Me- leté , filles du fécond Jupiter. Après cela , neuf , qui ont eu pour père le troifiéme Jupiter , & pour mère Mne- inofyne. Autres neuf encore , qui n'ont pas d'autres noms que les précédentes, & qui font nées dePiérus & d'Antiope : les Poètes ont coutume d'appeller cel- les-ci Piérides & Piérietmes.

Varron n'en admettoit que trois. Les

Expliquées par VHiftoire. 22 5 Mufes, difoit-il , défignent le chant : B*«-t>* or le chant ne s'exécutant que de trois L.L€b?xv. manières, ou avec la voix, ou avec les initrumens à vent , ou enfin avec ceux qu'on touche des mains 5 il ne doit y avoir que trois Mufes. D'autres Anciens croyoient qu'il y en a eu neuf. L'un rapporte qu'elles étoient filles de Pie- rus , l'autre dit que Jupiter étoit leur père. Mufée prétend qu'elles étoient filles du ciel; plufieurs autres leur don- nent la Terre pour mère. Saint Auguf- tin rapporte d'après Varron , que dans une ville , qu'on croit être celle de Si- cyone , on avoit employé trois habiles ouvriers à faire chacun les trois Statue* des Mufes , dans le deiTein de confacrer celles qui feraient les plus belles ; mais qu'on les trouva fi bien faites , qu'on les prit toutes neuf pour les confacrer dans le Temple d'Apollon.

Paufanias ( i ) nous a confervé les (t) iaBeo* noms des trois Statuaires dont parloit Varron , & il les appelle Chephifidote, Strongylione , & Olympheofthene.

Diodore de Sicile (2) donne aux Mufes une origine plus ancienne. Si (2)Llv*4dk nous en croyons cet Auteur , ces Déef- fes, f\ fameufes parmi les Grecs, étoient d'habiles Chanteufes qu'Ofiris menoit

Kiiij.

224 La Mythologie & les Fables Dieux avec lui dans fes conquêtes , & auf-

îaTc!x^ que^es 1.1 avoit donné pour chef Apol- lon l'un de fes Généraux : voilà peut- être ce qui a fait donner à ce Dieu le nom de Mufagete , ou de Conduâeur des Mufes , aufli-bien qu'à Hercule , qui avoit comme lui été un des Généraux

Jll£fofè. d'Ûfiris. M- le Clerc (i ) croit que la fable des Mufes vient des concerts que Jupiter avoit établis en Crète. Si on l'en croit , ils étoient compofés de neuf filles qui formoient fon Académie Roya- le de Mufique. Il ajoute que ce Dieu n'a paffé pour le père des Mufes , que parce qu'il efl le premier parmi les Grecs , qui , à l'imitation de Jubal , avoit un concert réglé ; & qu'on a donné à ces Chanteufes , Mnemofine ou la Mé- moire pour mère , parce que c'eft elle <juî fournit la matière des Vers & des Poèmes.

On ne varie pas moins fur le nom des Mufes que fur leur origine. Diodore dit qu'il vient de Miftn , qui fîgnifie , enfeigner des chofes relevées. M. le Clerc dérive ce nom de Mot/a , inventer ; M. Huet le fait venir du nom de Moyfe. Les autres étymologies qu'en donnent Platon & Suidas , en tirant ce mot de celui d'Inquifitio y approchent allez de

- >>

Expliquées par PHijloire. celles que je viens de rapporter. Mais J*J?À**

i is- r c mi or d Occident.

comme les Mules turent célèbres & iovi ui.cxyi. honorées dans la contrée de la Macé- doine , qu'on appelloit anciennement Piérie, long-temps avant que leur culte fût connu fur le mon- ParnafTe 6c fur PHelicon , il eft très-vraifemblable que c'eft dans cette Province qu'elles ont pris leur origine. Ce fentiment eft con- forme à ce qu'on Ht dans PAbregé Chro- nologique de M. Newton. Ofiris , dit cet illuflre Auteur , avoit marié une des Chanteufes qui Pavoient fuivi dans fes expéditions, avec Oeagrius Roi de Thrace , & de ce mariage naquit Or- phée. Les Muficiennes de ce Conqué- rant , ajoute - t'il , devinrent célèbres dans la Thrace , fous le nom de Mufes r êc les filles de Pkrus , Thracien d'ori- gine, ayant appris leur Mufîque & imité leurs Concerts , prirent le nom de ces DéefTes. Voilà ce qui a fait dire que les Mufes étoient filles de ce Pierus.

Comme les anciens Auteurs & les Monumens confondent fou vent les noms- des neuf Mufes , & les fymboles qui les repréfentent , il eft bon de rap- porter ici la manière la plus ordinaire de les nommer & de les peindre,- Clio , la première des Mufes , qui prend fon nom

Kv

0.1 6 La Mythologie & les Fables de lagloirt , ou de la renommée , tient une Guitarre d'une main , & de l'autre un Pleétre au lieu d'archet ; elle eft, à ce qu'on croit , l'inventrice de la Gui- tarre.

Euterpe, ainfi appellée parce qu'elle réjouit > a un mafque à fon côté gauche , & une maflue à la main droite. Elle a inventé la Tragédie , ce que fignifie le mafque qu'elle porte. Sa double face qu'on trouve dans une Médaille , ne s'obferve pas ailleurs : elle tient la maf- lue d'Hercule , peut-être parce que la- Tragédie repréfente les Héros , entre- lefquels Hercule eft le plus illuftre ; d'autres affûrent que la maflue marque Thalie , pour la raifon que nous dirons plus bas : ils croyent auffi que c'eft Tha- lie , qui a la double tête. Spon qui a publié un beau Marbre qui repréfente les Mufes , les a quelquefois confon- dues.

Thalie , ou lafloriffante , qui a inventé la Comédie, tient auffi un mafque de la- main droite: les Médailles la repréfen- tent appuyée contre une colomne.

Melpomene , ou Rattrapante , eft diftinguée parle Barbitoti. Terpfichore, c'eft- à-dire , la divertijjante , l'eft par $es flûtes qu'elle tient, tant fur les JVH-

Expliquées par Pïitjioîre. cTailîes que dans les autres Monumens. ^^f^

Erato , ou V aimable, n'eft pas aifée à L,i, c.xvfc diftinguer.

Polyhymnie , ainfî appellée de la multiplicité des Chanfons , & non pas de la fidélité de la mémoire, comme quel- ques Auteurs l'ont prétendu , fe trouve fur quelques Médailles. On la peint avec une lyre , comme inventrice de l'harmonie ; c'eft le Barbiton qu'Horace lui donne. /

Uranie , ou la Celeffe , eft l'inventrice de l' Aftronomie , & tient un Globe à la main : dans les Médailles ce globe eft pofé fur un trépié.

Calliope,ainfî appellée de la douceur de fa-voix , tient un volume > comme inventrice du Poëme héroïque;

Apollon a toujours été regardé par' les Poètes comme le chef & le conduc- teur des Mufes ; & rien n' eft fi charmant que ce qu'ils difentdes concerts du Par- Baffe aufquels ce Dieu préfidoit , Se ou elles chantoient d'une manière capable de charmer également les hommes & les Dieux. Mais on ne s'eft pas contenté de leur donner Apollon pour conducteur , Hercule a eu la même qualité , & c'eft de que lui eft venu le furnom de Mu- fagete , comme nous le dirons dansfon hifloire^ Kvj,

22 8 La Mythologie & les Fables dëcddem. Voflîus a eu de la peine à compren- L. L CXVi. dre comment les Anciens ont pu croire que les Mufes étoient des DéefTes guer- rières : mais puifqu'elles étoient confa- crées à Apollon & à Bacchus, qui félon Diodore , avoient paffé leur vie à faire la guerre , pourquoi ne regarderoit-on pas comme des guerrières , les femmes qui les accompagnoient dans leurs con- quêtes ? D'ailleurs les Mufes ont été fouvent confondues avec les Bacchan- tes, & il eft sûr , félon Plutarque ( i ) , qu'on leur faifoit des façrifices dans la Grèce , avant que de donner bataille.

L'avânture des Mufes qui fe retirent chez Pyrenée , & qui font obligées de demander aux Dieux des ailes pour fe fauver,eft félon Plutarque, une méta- phore , qui nous apprend que ce Tyran, qui regnoit dans la Phocide , n'aimoiî pas les Belles-Lettres. Comme il avoit: fait démolir les Collèges Se les Acadé- mies où elles étoient enfeignées, on dit, pour le rendre odieux, qu'il avoit voulu faire violence aux Mufes ; que les Dieux, pour les en garantir, leur avoient donné des ailes , & qu'il avoit perdu la vie en les pourfuivant. Ovide eft le feul que je fçache , qui ait parlé de ce Tyran, qui n'eft connu que par une avanture fi des-

Expliquées par PHiftoire. $$9 honorante. C'eft fans do*te fur cette J£*£Z

L'/l ha / > n r 1 > d'Occident,

hntoire que 1 Antiquité s elt fondée pour *,. u c.xvk donner des ailes aux Mufes,comme nous les voyons repréfentées dans un Mo- nument rapporté par le R. P. de Mont- faucon.

Le défi que firent les Piérides aux Mufes j de mieux chanter qu'elles , efi encore une avanture que je n'ai trou- vée dans aucun Poëte plus ancien qu'O- vide.On dit,pour l'expliquer, que Pierus étoit un fort mauvais Poëte , dont les Ouvrages étoient pleins d'hiftoires peu avantageufes aux Dieux. Plutarque mê- me nous apprend (i) qu'il en avoit com- pofé un qui deshonoroit les Mufes. Voilà l'origine du combat que décrit Ovide. On publia que fes filles , c'efl- à - dire , fes Ouvrages avoient été changées en Pies , parce qu'ils étoient remplis d^un verbiage également en- nuyant & dégoûtant.

Quoique je ne veuille pas entrepren- dre d^entrer dans un grand détail fur Particle des Mufes T que Lylio Giraî- di (2) a traité fort au long , & dont on (2 ) 5, peut voir toutes les Images dans le pre- M^ mier Tome de P Antiquité expliquée , je ne dois cependant pas omettre de mar- quer ici du moins une partie des difxe-

2 30 La Mythologie & les Tahles tes épithetes qu'on a données à ces- Dédies , & les motifs qu'on a eus de les- leur donner^

Celui de Camœnœ vient , félon Fef- tus , Macrobe & Servius, du verbe cano^ parce que leur principale occupation étoit de célébrer les adions des Dieux & des Héros. On les a appellées He- liconiades , d'une montagne de Béotie nommée THelicon , qu'Otus Se Ephial- tes fils d'Aloéus confacrerent aux Mu* fes , & non pas d'une colline de même nom joignant le mont ParnafTe , comme Servius & la plupart des Grammairiens Pont penfé. Quelques Auteurs ont ce- pendant prétendu que ce nom ne venoit pas de Tune ni de l'autre de ces monta- gnes , mais d'un infiniment de Mufique, aufîi appelle Helicon , dont Ptolomée fait mention.

Le nom de Varnajjiàes que lui don- nent aufîî les Poètes , vient du mont ParnafTe dans la Phocide , on a pu- blié qu'elles fe trouvoient ordinaire- ment: celui $ Aonïde -> eft tiré des mon- tagnes de Béotie appellées les monts Aoniens , d'où cette Province elle-mê- me eft fouvent nommée Aonie. De Thefpia ville de Béotie , elles furent nommées Thefpades : & Caftalides , du

Expliquées par PHifloire. 231

nom de la Fontaine de Caftalie qui étoit P ? E Ç x

. , , -n rr d Occment*-

au pied du mont Jrarnalie. L..i. cxv-fc

Quoique les Mufes ayent reçu les honneurs divins , & que leur culte ait été célèbre dans plufieurs endroits de la Grèce & de la Macédoine , on leur offroit des facrifices , perfonne ne les a tant honorées que les Poètes , qui à l'i- mitation d'Hefiode , d'Homère & de Virgile , ne manquent gueres de les in- voquer au commencement de leurs Poè- mes , comme des DéefTes capables de leur infpirer cet enthoufiafme qui eft il effentiel à leur art.

On les a nommées Citkeriades , du mont Citheron ; Piérides ou Pieriœ , dn mont Pierus , félon Feftus , ou fuivan<: Stephanus , du nom d'une ville, ou de cette partie de la Macédoine appellée Fieria ; les noms de Pegafides & d'Hippo- crewœ leur furent donnés de la Fontaine que Pegafe fit fortir de terre d'un coup de pied : c'eft encore du nom de la même fontaine qu'elles font fouvent nommées Aganippides , parce que cette fontaine a été également appellée Aganippe & Hip~~ pocrene.

232 La Mythologie & les FaBUs

CHAPITRE XVII.

Hifloire de Baechus.

LES Grecs qui vouloient que tous les Dieux & tous les Héros euffent pris naiffance dans leur pays , ne man- quèrent pas de mettre Baechus de ce nombre ; & pour donner plus de mer- veilleux à l'hiftoire qu'ils en publièrent, ils y ajoutèrent à leur ordinaire plufieurs fables.

Euripide (1), Orphée, Ovide ôc plu- sieurs autres, difent que Jupiter étant de- venu amoureux de Semelé fille de Cad- mus , Junon en devint jaloufe , prit la fi- gure de Beroé Nourrice de fa rivale, pour tâcher de lui infpirer adroitement des foupçons fur la perfonne de fon Amant ; lui faifant entendre que s'il étoit en effet Jupiter, comme il fe vantoit de l'etre,il ne fe déguiferoit pas comme il faifoit , fous la figure d'un homme mortel ; qu'il fal- loit que quelqu'autre Amant fans doute abusât d'un nom augufte , pour la fé- duire , & qu'il était important de s'en éclaircir ; que le moyen d'y réuffir était

Expliquées par l'Hiftoire. 233 de lui propofer de paroître devant elle avec la même majefté qu'il voyoit Ju- non ; & que s'il étoit véritablement le père des Dieux , il ne lui refuferoit pas cette marque de tendre/Te , qui ferviroit à un éclairciiTement fi néceffaire à fon repos. Semelé ayant fuivi le confeil de la fauffe Beroé ; & Jupiter étant allé chez elle avec fes foudres & tout l'éclat de fa majefté , mit le feu au Palais , & Semelé périt dans cet incendie. Comme elle étoit greffe alors de fept mois , ce Dieu fut obligé de retirer de fon fein le jeune Bacchus , pour le porter dans fa cuiiïe les deux mois qui reftoient pour être à terme , ainfi que le rapporte au long Ovide dans fes Metamorphôfes (a); le PoëteManilius dit la même chofe(è): ou nous en croyons Hygin (1) & Lu- cien , Mercure le retira des fiâmes , & le porta à Nyfus , qui le fit élever dans les antres du montNyfa en Arabie. Pau- fanîas rapporte qu'à Brention , ville de Laconie , il y avoit une autre tradition fur la mort de Semelé.

Il femble que les Anciens ayent ré- pandu à deffein fur l'éducation de ce Prince l'obfcurité myftérieufe de fa

(a) înferitur femorz , maternaefue tempora complet. Met, 1. £«. (b )*dtqr*e iterum patrio nafeentem corpwe Baaktï/n*

234 La Mythologie & les Fables Dieux naiffance ; car fi nous en croyons Ovî-

L.i.cxvii. ^e » ^no ^a tante ^ut & première nourri- ce^): mais le même Poëte>peu conf- iant dans fes narrations , dit que ce Dieu fut nourri par les Hyades (h) : Demar- chus dans le Poè'te Nonnus , afïure que les Heures furent les nourrices de ce Dieu. Paufanias prétend que c'é- toit une tradition reçue parmi le peu- pie de Patras en Achaïe , que Bacchus avoit été élevé dans la ville de Mefatis, & que Pan & les Satyres lui avoient dreffé des embûches , dont il avoit eu de la peine à fe d livrer. Apollonius dit que Mercure porta , par Tordre de Jupiter le jeune Bacchus daas rifle d'Eubée , pour le donner à Macris fille cTAriftée ; & que Junon jaloufe que le fils de fa rivale fût élevé dans une Me qui lui étoit confacrée , en avoit chaffé la jeune nourrice , qui s'étant retirée dans le pays des Phéaciens, Ta voit éle- vé fecretement dans un antre.

D'autres Auteurs aflurent qu'il fut élevé dans l'Ifle de Naxe > & plu-

[al Turtim illum pvimîs Ino matertcra cunit JLducat , inde datnm ~Kympb<£~fy>feides «intris Occuiuere fuis, UBifcjHe alimenta dedere. Ov. 1 oc. cit. [b] Or a mie ans Tauri feptem radianti* fiammist tlavîtaquas Hjadas Grains ah im!>ï? vocai , Tors Bacc/mm nutriffe çutal ». &c. ià. F«£UU 5^

Expliquées par PHifloire. 2 5 <? fîeurs alTurent après Lucien , que ce fut rp*l "* dans l'Arabie. Prenoient-ils plaifir , ces Li.c xvii. graves Auteurs , à donner tant de nour- rices à un Dieu qui devoit être immor- tel ? ou plutôt dans l'envie de faire croire que tous les Dieux étoient ori- ginaires de la Grèce , ne s'aveugloicnt- iîs pas jufqu'à ne point appercevoir le ridicule de tant de narrations extrava- gantes ?

Quoiqu'il en foit , plufieurs anciens Auteurs mieux inftruits que ceux que je viens de citer , & parmi lefquels fe trouvent Hérodote (1) , Plutarque (2) , [j]l1v. 2, Se Diodore (3) y difent avec plus de vrai- d?ffis & «m- femblance , que Bacchus étoit en fiY'ls* . Egypte , qu'il fut élevé à Nyfa , ville de l'Arabie heureufe , fon père Am- mon l'avoit envoyé ; & qu'en un mot , c'eft le même que le fameux Ofiris qui fit la conquête des Indes. Et certes ^ difent ces Auteurs, il eft évident que ce que les Anciens racontent de Bacchus , ne peut convenir qu'à cet ancien Roi d'Egypte : car, pour ne pas parler ici de fes autres avantures , le fecours que ce Dieu donna à Jupiter dans la fameu- fe guerre des Géants , qui a précédé de plufieurs fiécles la naiflance de Cad- mus & de Semelé , peut-il regarder

22 6 La Mvtholocrie & les Fables Prince Thebain que les Grecs font pai- fer pour le vrai Bacchus ? Il eft pour- tant vrai , félon la tradition Poétique, que Bacchus , couvert de la peau d'un Lion ou d'un Tigre , fecourut vigou- reufemeut le père des Dieux , & que les Géants le mirent en pièces \ circons- tance qui regarde la mort funefte d'O- fîris , tué par le Géant Typhon fon frè- re , comme nous l'avons dit en fon lieu. £i]Loc.cit. Diodore ajoute (i) que ce qui peut avoir trompé les Grecs , c'eft que le culte de cette ancienne Divinité d'E- gypte étoit pafle dans la Grèce , que c'étoit Orphée qui l'y avoit apporté , ôc qu'y ayant ajouté plusieurs cérémo- nies de fa façon , il tâcha de le rendre méconnoiiTable 5 dans le deffein qu'il avoit pour honorer la famille des Cad- méens qui l'avoient fort bien reçu , d'ac- commoder la fable & les cérémonies de cette ancienne Divinité d'Egypte , peu connue en Grèce , à quelque Prin- ce de la famille de Cadmus.

On ne fçauroit contefter cette véri- té , que deux chofes rendent certaine ; l'une que le culte de Bacchus refTem- ble trop à celui d'Ofiris , à quelques cérémonies près , pour ne pas croira

Expliquées par PHiftoire. 237 qu'il ne foie le même ; l'autre , qu'il eft Dieux împoffible de comprendre comment £.V.Cc\xv'ii. Foppofition que fit Cadmus à Fétablif- fement du culte de Bacchus , & qu'O- vide décrit fi au long , peut regarder fon petit-fils. Se feroit-il *>ppofé , ce Prince nouvellement établi dans la Grè- ce , il devoit chercher à fe rendre recommendable , à un culte qui faifoit tant d'honneur à fa famille ? Auroit-il rifqué par une déiicateiïe mal enten- due, à perdre fon Royaume, à palier pour un impie , en empêchant qu'on ne mît au rang des Dieux fes enfans ? Cependant il lui en coûta la Couron- ne , ainfi qu'à Polydore fon fils , & la vie à Penthée fon petit-fils , qui fut dé- chiré fur le mont Citheron , par les Bacchantes , qui dans leur fureur le prirent pour un lion , ainfi que le ra- content le Poète Nonnus (1), Philof- L^Dionyf' trate (2) , Euripide (3) , & Ovide (4). ô ) in Bac- Mais on pourra m'obje&er que C d- c(^' In Pen- mus & Penthée furent punis , non pour theo. s'être oppofés au culte de Bacchus, (4)Met,I,î' mais aux cérémonies infâmes qui fe glifïbient dans les fêtes qu'Orphée avoit établies. Je répondrai que cela peut être ; mais 011 ne prouve pas par- , que ce culte regardât le fils de Se-

23 8 La Mythologie & les Fables mêlé. Eft - il croyable qu'un grand- père voye de fon vivant fon petit-fils mis au rang des Dieux , & fon culte établi dans tout un pays ? Il n'y a à cela nulle vraifembiance , & l'on doit dire fîmple- ment que le culte de Bacchus étant pafle d'Egypte dans la Grèce , Cadmus s'oppofa fortement à l'abus qu'on com- mençoit à en faire ; ce qui le fit chaiïer de fon Royaume , & que ce ne fut que plusieurs années après , qu'on mît le fils de Semelé au nombre des Dieux. Ainfî raifonnent ceux qui après avoir étudié l'Antiquité , trouvent le plus fouvent hors de la Grèce l'origine des Dieux , dont le culte y paifa avec les Colonies d'Orient.

Pour rendre à chacune de ces opi- nions le degré de vraifembiance qui lui appartient , il faut avoir recours à la pluralité des perfonnes qui ont porté le même nom , & diftinguer pluiieurs Bac- chus. Diodore de Sicile en connoît trois ; l'Indien , ou plutôt l'Egyptien , qui fit la conquête des Indes , furnom- le Barbu ; celui qu'on difoit être fils de Jupiter & de Proferpine , ou de Ce- rès , Se qu'on repréfentoit avec des cor- nes , ou parce qu'il avoit appris à la- bourer la terre , ou parce que les cor-

Expliquées par FHiftoirel 239 nés étoient les anciens Vaiffeaux dont Dieux on fe fervoit pour boire (car ce Héros l.lc!Î\vii. étoit le Dieu du vin , ) ou enfin pour marquer les rayons du Soleil dont il étoit le fymbole. Enfin le troifiéme Bacchus étoit fils de Jupiter & de Se- melé , & c'étoit celui-là qu'on nommoit ordinairement le Bacchus de Thebes. ,

Ciceron dit qu il y en a eu cinq. Le premier , félon cet Auteur , étoit fils de Proferpine. Le fécond reconnoiffoit le Nil pour fon père, & ce fut celui-là qui bâtit la ville de Nyfa. Le troifîéme étoit fils de Caprius , & ce fut lui qui régna dans les Indes , & qui fut fur- nommé Sabazius , nom qu'on fit porter aux fêtes qu'on inftitua à fon honneur. Le quatrième étoit fils de Jupiter ôc de la Lune ou de Diane , & c^eft à ce- lui-là qu'on avoit dédié les Orphiques; le cinquième enfin étoit fils de Thyone & de Nifus , & ce fut lui qui inflitua les fêtes qu'on célébra depuis en fon hon- neur tous les ans {a).

Cette variété d'opinions a jette nos

£a] Multos Dionyfîos habemus ; primum Jove £7* Proferpina nalum : jeeundum Kilo y qui Kyfam dicitur condidifje ; ter- tium Caprio pâtre , eumque ^Ijiœ P^gem prœfuijfe dicunt , cu- 1us Siiba\ia funt iriftituta : qua.rtumJove <L7 Luna , cul facr* Orphie a putantur confia : qnintum Nifo natum (7 Thjone , & que T, îeterides cMJiitutœ jjhtantttr. CiçtL 3, de Nat. Deo- rura.

I4p La Mythologie & les Fables d5o *'&** ^oc^rnes dans une autre extrémité ; ils L.I. c.xvii. ont voulu chercher l'origine de cette Divinité dans les Livres de l'Ecriture, Se ils ont cru que ce Héros de la Fa- ble , étoit copié d'après ceux de la Bi- ble. r<^Trajtédc Voffius (i) a prouvé fort au long que Bacchus eft le même que Moyfe ; & voici les principaux chefs du paral- lèle qu'il en fait. Moyfe eft en Egy- pte , ainfî que Bacchus : le premier fut expofé fur le Nil , les Poètes difent la même chofe du fécond 5 & l'un & l'au- tre ont tiré leur nom de ce qu'ils avoient été fauves des eaux ; car Or- phée appelle Bacchus Afyfas. Celui-ci fut élevé dans une montagne d'Arabie , nommée Nyfa , c'eft dans ce même pays que Moyfe a paffé quarante an?. Le Poëte Nonnus parle de la fuite de Bacchus vers les eaux de la mer Rou- ge ; il ne fe peut rien de plus précis pour Moyfe. L'armée de ce Dieu , fé- lon Diodore , compofée d'hommes & de femmes > traverfa l'Arabie pour aller aux Indes ; celle du Legiflateur rem- plie de femmes Se d'enfans , paifa le dé- fert pour aller dans la Paleftine qui étoit dans l'Afie. Les cornes qu'on don- ne au Dieu de la Fable ne font-elles pas

ailulion

Expliquées par VRijloire. 241 allufîon aux rayons de lumière , qui Dieux faifoient fur la tête de Moyfe le même lj?c?xviÎ. effet que deux cornes ? Le mont Nyfa n'eft-il pas le même que Syna , par la tranfpofition d'une feule lettre ?

Le Père Thomaffin ( 1 ) ajoute de nou- (0 ***?•" |* velles preuves au parallèle de Voffius : desPoëtes. Bacchus armé de fon thyrfe défait les Géants , félon Nonnus ; Moyfe n'eft-il pas obligé de combattre les defcendans d'Enac , refte des Géants ? & fa verge eft rinftrument de fes miracles. Le Lé- gislateur traverfe la mer Rouge ; & Nonnus nous raconte la même merveil- le d'une Nymphe de Bacchus. Jupiter envoyé Iris à Bacchus pour lui ordon- ner d'aller détruire une Nation impie dans les Indes ; & Dieu ordonne à Moyfe d'aller dans la Paîelline abolir les abominations d'un Peuple idolâtre. Caleb , dont le nom approche de celui d'un chien , fut le fidèle compagnon de Moyfe ; les Poètes nous difent que Pan avoit donné à Bacchus un chien pour l'accompagner dans fes voyages. Moy- fe Se Jofué arrêtent le Soleil ; Non- nus le dit formellement de Bacchus. Le Legiflateur enfin fait fortir ' une fontaine d'un rocher ; le Conquérant en frappant la terre de fon thyrfe , Tome IV. L

2.^2 La Mythologie & les Fables Ditux en fait fortir des torrens de vin.

t!i?ëx\ii M- Huet (i) eft du même fentiment , (i)Demon- & fait aufïï un parallèle entre Moyfe <5c

cm. ^vans- gaccjlus : ]e fçavant Bochart (2) au (2)Chan.l. contraire , & après lui M. le Clerc , qui n'abandonne jamais fes opinions, croyent que Bacchus eft le même que Nembrot fils de Chus, ce qui lui fit donner le nom de Bar-chus , & ces deux Auteurs trouvent beaucoup de vraifemblance entre ce premier Conquérant & le He- (î)Comp. ros de la Fable (3). Bochart fait voir que tous les noms de Bacchus font tirés de la Langue Aflyrienne , que les Grecs ont ajuftée à la leur. Ainfi , félon cet Auteur , le culte de Bacchus a com- mencé en Aflyrie , d'où il eft paiïe en Phenicie & en Egypte , & de-là dans la Grèce par le moyen de Cadmus & de Melampe.Un parallèle fi frappant n'a pas cependant gagné tous les fuffrages; & il y a des Sçavans qui prétendent que Bacchus eft le même que Noé , puifque l'invention de la vigne qu'on attribue au Grec , convient uniquement au Pa- triarche , comme l'Ecriture Sainte nous

(4)Genefc5.1,enfeigne(4); & ceux-là ajoutent avec raifon que c'eft le premier & le plus an- cien Bacchus, & celui qui a été le pre- mier modèle de tous les autres.

Expliquées par PHijloire. 243 Je conviens qu'il y a des traits allez femblables entre Moyfe & Bacchus ; & comme le Legiflateur des Hébreux fe rendit très-celebre en Egypte , il peut bien être arrivé qu'on a emprunté quel- ques-uns de ces traits pour embellir Phiftoire de Bacchus ou Dionyfîus ; c'eft-à-dire d'Ofîris , qui eft le véritable Bacchus. Le culte de cette Divinité fut porté dans la Grèce par la Colonie de Cadmus ; & Semelé fa fille ayant eu un fils qui fut appelle , ou du moins fur- nommé Bacchus , qui fit quelques con- quêtes Se quelques aftions femblables à l'ancien , on les a confondus dans la fuite ; & pour faire honneur à la famille de Cadmus , on a mis fon petit-fils au nombre des Dieux ; on lui a rendu tout le culte qui s^étoit long-temps aupara- vant établi parmi eux à l'honneur de l'ancien Bacchus , & ona chargé fon hiftoire des avantures d'Ofîris & des autres Bacchus.

Nous avons fuffifamment parlé à la fin du premier Tome du véritable Bac- chus , c'efl - à - dire d'Ofîris , il faut maintenant raconter Phiftoire de celui qui en a été la copie ; c'eft-à-dire du Prince de la famille de Cadmus , qui ufurpa les honneurs divins qu'on avoit

Lij

244 La Mythologie & les Fabks\ Dieux rendus long-temps avant lui au Prince L.I.C.XYII. dont « porta le nom.

On voit d'abord que ce qui a donné lieu à la Fable de fa nai/Tance , c'eft que Semelé ayant eu quelque galante- rie , on voulut pour îauver fon hon- neur , la mettre fur le compte de Jupi- (i)Paufaiu ter. Quelques Auteurs (i) difent que Cadmus irrité contre fa fille , l'expofa fur la mer avec fon fils , qu^ils s'arrêtè- rent fur les rivages d'Orcate , ancienne ville de Laconie , Ton trouva Se- melé morte dans une efpece de coffre , elle avoit été enfermée , & on l'en- terra avec beaucoup de magnificence. Selon d'autres , elle fut frappée de la foudre , ce qui joint avec le bruit qu'on avoit fait courir de fon intrigue avec Jupiter , donna lieu à la Fable que les Grecs nous racontent. Diodore de Si- cile ajoute que cette Princeffe accou- cha d'un fils à l'âge de fept mois , Se que comme on ne croyoit pas que les enfans nés à cet âge pulfent vivre , Cad- mus publia que Jupiter qui en étoit le père , Pavoit tenu renfermé dans fa cuifle pendant deux mois (a) ; mais -n'en

(a) C'eft de cette circonftance qu'on avoit pris occallon de repréfenter Jupiter en couche , accompagné de celles des Déeflès qui afîiftoienr aux accouchemens , comme Pline le rapporte Liy. s 5 .

Expliquées par VHijtoire. 245* déplaife à Diodore , c'elt une équivo- que qui a donné lieu à cette Fable , & elle regarde l'ancien Bacchus ; le mê- me mot Grec w* s, lignifie également la cuifTe & une montagne, latus montis , ainfî au lieu de dire que Bacchus avoit été nourri fur le mont Nyfa , fon père Ammon l'ayant envoyé à quelques Payfans pour le dérober à la jaloufie de fa femme (a) , on ajouta cette circons- tance au Grec qui en étoit la copie, ôc on dit qu'il avoit été porté dans la cuif- fe de Jupiter : de deux fens les Grecs prenoient toujours le merveilleux, Bo- chart , qui s'eft efforcé de trouver dans la Langue Phénicienne , ou dans l'Hé- braïque , la clef de toutes les Fables , prétend que celle-ci tire fon origine de cette phrafe il ordinaire dans les Livres Saints , natus exftmore.

Les Auteurs Grecs & Latins difent que le Bacchus de Thebes alla dans les Indes avec une armée compofée d'hom- mes & de femmes , mais nous avons fait voir dans le premier Volume que ce voyage regardoit l'ancien Bacchus ou Ofiris. Car en effet le petit-fils de Cad- mus ne fortit jamais de la Grèce , ôc il

(a) Ce qui a fait dire qu'il avoit éré nourri par des Nym- phes dans l'antre dom parle Hômëie.

Liij

2^6 La Mythologie & les Fables ixteïd*' ^ev^nt P*us ^ameu^ par l'ufurpation du i.*i.cxvii. culte de l'ancien Ofiris , que par ces prétendues conquêtes , dont aucun His- torien ancien n'a fait mention avant Megaftene , qui mit le premier cette Fa- ble en vogue pour flater Alexandre , qui prenoit ce Héros pour fon modèle ? Comme Quinte-Curce le remarque fou- vent. D'ailleurs , c'étoit la coutume des . Orientaux , & non pas des Grecs , de mener des femmes dans leurs armées ; & cette circonftance regarde plus parti- culièrement Ofiris que quelqu'autre Prince , puifque , comme le remarque piodore ? il mena un grand nombre de Muficiennes & une efpece de Sérail am- bulant ; mais on n'a nulle preuve que le Bacchus Grec ait jamais porté (es armes en Afie.

Comme Bacchus s'étoit attiré l'a- mour des Peuples il avoit voyagé ; qu'il s'étoit appliqué à cultiver leur ef- prit , & leur avoit enfeigné l'art de plan- ter la vigne, il fut honoré comme un Dieu j même de fon vivant. Un certain Eleutherus , au rapport d'Hygin(i), fut le premier qui lui fit élever une fia- tue, & qui enfeigna de quelle forte il falloit l'honorer. Tous les Peuples des Indes chez qui il avoit voyagé , lui dé-

Expliquées par mjtoire; 2jJ v % cernèrent les honneuts divins ; & il n y d>0ccident. eut que les Scythes qui refuferent dho- l.i.C.xvh- porer un Dieu qui avoit trouve 1 ulage d'une boiflbn qui mettoit Couvent les hommes au rang des bêtes. La Grèce enchérit dans la fuite fur les cérémonies des Indiens & des Egyptiens, & recon- nut Bacchus comme une de les plus grandes Divinités. Elle inftitua a 1 hon- neur de fon Héros ces Fêtes tumul- tueufes , les Bacchantes pour célé- brer la mémoire de fes conquêtes , cou- roient toutes échevelées , faifant reten- tir l'air du bruit de leurs tambours , & criant Evohe Bacche. La principale de ces Fêtes étoit celle qu'on célébrait tous les trois ans O) pour marquer qu'il avoit employé tout ce temps- a la conquête des Indes. Je n'entreprends pas d'en faire une plus longue defcrip- tion ; il fuffit de dire qu'il s'y mêla plu- fieurs infamies : on y portoit un Phal- lus , à l'imitation de celui qu'lfis avoit confacré à Ofiris ; quoique les Auteurs Grecs , qui vouloient prouver à tout propos que les Dieux & leur culte avoient pris naiffance dans leur pays , ayent inventé une autre raifon de l'inf- titution de cette cérémonie , en difant

(<0 HomtaicTrieterica. Voyez Dioilore , Liv. 4-

Llllj

248 La Mythologie & les Fables que fon origne venoit de ce que les Peuples d'Attique n'ayant pas voulu re- cevoir le culte de Bacchus, ceDieulejs avoit affligés drune maladie honteufe , & que pour l'appaifer ils avoient été obligés de confacrer la repréfentation des parties fur lefquelles la vengeance du Dieu étoit tombée.

Il efl à propos d'expliquer ici en peu de mots les différens noms qu'on don- ne à cette Divinité. Il y a bien de l'ap- parence d'abord qu'on ne lui donna le nom de Bacchus , qu'à caufe des pleurs & desfchurlemens des Bacchantes. He- fychîus le dit formellement (a). On l'ap- pelloit Bimater, pour marquer qu'il avoit eu en quelque manière deux mères. Diojîyfms , pour faire allufîon au Dieu qui étoit fon père , & au mont Nyfa il fut élevé (b). Liber , parce qu'il ré- jouit. Bromius , à caufe du bruit des Bacchantes (c). Livus , parce qu'il chaf- fe le chagrin. Evan , à caufe du Lierre qui lui eft confacré. Lœneus , ou Torcu- larius , parce qu'il avoit inventé l'ufage des preflbirs ; & c'eft pour la même rai-

(*) Bcixzo'v y,>.*vQpo<; Qoi'kivîïi ainfi qu'Euftaehe , qui fait venir ce mot ïm ri ,2cb%etv> *l*l*re, inconditè cU- rnare. f ~

{h) Comn;e qui diroit Aios vvazi,

(c) Ce mot veut dire frémiflement.

Expliquées par PHifloire. 249 fon qu'il fut nommé Sabazius , comme Ditux on peut le voir dans Bochart (1). «^fî&Stvir. w/V y parce qu'on le repréfentoit tantôt ( 1 ) ciwn. comme un enfant , tantôt comme un homme barbu. Triambé , parce qu'il avoit triomphé trois fois. Bon-fils , parce que s'étant changé en lion pour défen- dre fon père contre les Géants, ce Dieu l'avoit excité par ces paroles : Eugefili, evoke Bacche , courage mon fils Bac- ehus.

Celui Thyonœus lui efl: donné par Horace , parce que félon Diodore Se Hefychius , il y avoit un Bacchus qui étoit fils de Thyoné , comme nous l'a- vons dit il n'y a qu'un moment ; quoi- que quelques Auteurs cités par Lylio- Giraldi (2) en donnent d'autres rai- (2)Cynt,t, fons.

Celui de Dlthyrcimhus vient , û nous en croyons Diodore , Origene 6c Eufebe , de la Fable qui dit que les Géants ayant mis Bacchus en pièces, Cerès fa mère rafTembla fes membres épars , & lui redonna la vie.

Il prit celui de Meliafte 5 d'une fon- taine de ce nom , près de laquelle on célébroit les Orgies. Celui de Pfilas lui fut donné , nous en croyons Pau- fanias (3), par les Amycléens , du mot (*) tn U

L V *»•*»*

2 yo La Mythologie & les Fables Po*id X PfT!a > 9U* en engage Dorien fignifîe la i-ï.cxvii. pointe de l'a^e d'un oifeau , pour mar- quer que l'homme eft emporté & foute- nu par une pointe de vin , comme un oifeau dans l'air par les ailes ; & cette dénomination eft tout-à-fait ingénieufe. Celui de Bicorniger , à caufe des cornes qu'il porte quelquefois à la tête, fym- boles des rayons du Soleil que ce Dieu repréfentoit. Celui de Corymbiftr , pour faire allufion aux grains de Lierre, nom- més Corymbes , dont fa couronne étoit quelquefois garnie.

On donnoit au même Dieu plufieurs autres noms, tirés ou des lieux il étoit honoré , ou de quelques autres cérémonies de fon culte. Ovide en a rafTemblé quelques-uns dans fes Meta- morphofes (a).

On donnoit auflï plufîeurs noms aux femmes qui celebroient fes fêtes; on les appelloit Bacchantes , à caufe des hur- lemens & du bruit qu'elles faifoient : Mimallonides , parce qu'elles babilloient

(a) Thuraquc dant , Eacchamque voca*.t , Eromiumque y

LixHmque , Ignigenamque , Satumque iterurn 5 folumnue Eimatrem, lAdditur bis Nyfens , indeionfufque Thyonens , Êi curn Lœneo genialis Çonfitor uvœ , Jtyfteliujgue , Eleleufque parens , £7 Iacchus & £v*» » Et qnœ prœterea per Graias plurûn* gentes HflâffiM liùtr hakeU Met. I.

Expliquées par PHtftoire. 2jt avec une licence effrénée , & Thiades , à ,g£™ caufe qu'échaufées par le vm elles er- l.i.c.xvii. roient comme des folles ( i). f Bo^rt *

Tout ce qui compofoit 1 armée de chan.i. i.c Bacchus , hommes & femmes » étoit ar- >8a de thyrfes. Le thyrfe étoit une pe- tite flèche , environnée de pampre & de lierre , qui en cachoient la pointe* Les Poètes lui attribuent des vertus fur- prenantes. Une Bacchante , au rapport d'Euripide , ayant frappé la terre avec celui qu'elle portoit , il en fortit fur le champ une fontaine d'eau vive; & une autre , félon le même Auteur , fit re- jaillir de la même manière une fource de vin.

Les Grecs ajoutèrent encore d'autres Fables à Fhiftoire de Bacchus , qu'il ed néceffaire d'expliquer. Lorfque Diodo- re de Sicile (2) & Plutarque (3) difent ttgMjj que Bacchus defeendit aux Enfers pour ^^Ij en retirer fa mère , il y a apparence aida. qu'ils ont voulu nous parler de quel- que évocation qu'il fit de l'ombre de Semelé , ou plutôt de fon apotheofe, Payant, pour ainfi dire , retirée des en- fers pour la placer dans le ciel , elle futmife au nombre des DéeïTes fous le nom de Thyoné. Paufanias dit que Bac- chus defeendit aux enfers près du lac

L vj

0.^1 La Mythologie & les Fables , Dieux Alcionien , qui eft aux environs de Ler-

L.I. c.xviL ne > q^un certain Polymnus lui en avoit montré le chemin , parce qu'apparem- ment Bacchus l'employa pour faire l'évocation ou l'apotheofe de fa mè- re (a).

D'autres Auteurs ajoutent avec Ovi- de , que Bacchus changea en dauphins les mariniers qui avoient voulu Penle- (i) Ovid. ver(i) , & cette Fable n'a d'autre fon-

PfaUoftwte. dément que Pavanture qui arriva à quel- ques Marchands Phéniciens , qui por- tant du vin en Italie firent naufrage y ou plutôt , fi nous en croyons Bochart 7 parce que ces Marchands qui étoient Tyriens , avoient fur leur vai fléau la fi- gure d'un poilTon de mer nommé, Tur- JtSy m arfouin(b), dont Iz nom reffembloit au leur; ce qui donna lieu à dire qu'ils avoient été changés en dauphins : fur quoi il eft bon de remarquer que les Poè- tes rapprochoient dans l'hiftoire d'une même perfonne, des évenemens arrivés en des temps bien éloignés.

Le Poète que je viens de nommer, dit auflï que Bacchus changea en chauve- fouris les Minéides , pour avoir travaillé

(a) Les Anciens mêlent à cette, fable des ordures que la pudeur m'oblige de fupprimer.

(b) Le Maifoiun & le Dauphin fc relîemblent beau- coup.

Expliquées par PHîfloire. 2 £ 3 le jour de fa fête ( a). C'efî apparem- C i bu '< ment que quelques filles considérables l.i.cxvu. de Thebes ayant fait paroître leur mé- pris pour le culte de Bacchus , on en fit une exa&e recherche, & que n'ayant pu les trouver , ou plutôt les Prêtres les ayant fait périr fecretement , on publia que Bacchus les avoit changées en ces oifeaux qui fe cachent avec tant de foin* Ces prétendus chàtimens de Penthée , des Mariniers , des Minéïdes & de Ly- curgue , firent palier Bacchus pour une Divinité fort vindicative , & les Prêtres ne manquoient pas de faire valoir ces liiftoires , pour rendre fon culte plus refpe&able.

La fable de ce Lycurgue eft ainfî rap- portée dans Homère (i). « Lycurgue , (i)I1m& » fils de Dryas , ne jouit pas d'une îon- » gue vie pour avoir voulufaire la guer- » re aux Dieux céleftes. Un jour il pour- » fuivit fur le mont Nyfa les Nourrices » de Bacchus le furieux ; auffi-tôt tou- » tes jetterent à bas leurs thyrfes , le » meurtrier Lycurgue les ayant frap- *> pées de fa hache. Bacchus lui-même » fe jetta dans la mer ; Tethys le reçut

(a) . . . Minent proies

Urgetepusy Jpey nit que Deum fejlumque profanât, Ovul. Met. i. ?.

2 £ 4 La Mythologie & les Fables B i * v x * tremblant de peur , tant étoit grande

dent. i . u i -

JUi. c.xvn. * ia terreur que cet homme lui avoit x imprimée. Les Dieux en furent irrités, » & le fils de Saturne l'aveugla. Il mou- 30 rut bientôt après , car il étoit haï de » tous les Dieux immortels. *>

L'explication que le Père Hardouîn donne à cette fable dans fon Apologie (Opag. 82. d'Homère (i), m'a paru ingénieufe. Ly~ curgue , dit-il , eft un Prince qui défend le vin à fes fujets. On appelle un Ly- '* curgue , un homme qui fait des aftions de Loup ,>Jias ïpyct, qui ravage la campa- gne 3 & qui fait du dégât comme les loups. Il étoit fils de Dryas ; c'eftà-dire, qu'il étoit impitoyable , qu'il avoit le cœur dur comme un chêne r que les Grecs appellent <jy*. Les Nourrices de Bacchus , qui eft un Dieu célefte , dit- on, parce que le vin eft le fruit d'un ciel 5 ou d'un climat tempéré ; ces Nour- rices, ou ces Vignes jetterent tout auffi- tôt à bas leurs Thyrfes , c'eft-à-dire 7 les feps ou les pieds de vigne , qui fu- rent déracinés. Comme on craignoit qu'il n'exterminât aulîî le vin des Caves, on offrit ce vin à Tethys ; on le vendit aux gens de mer 3 ou aux Officiers ma- rins, qui lui firent très-bon accueil. Ju- piter ou le dejîin voulut après cela ; c'eft-

Expliquées par PHiftoire. 2££ à- dire , qu'il arriva en effet que Lycur- „Dtïux

* r c v 1 ^ G cident.

gue mourut ennn , oc a la mort on lj.c.xyu* perd /# iw & la vie. Il étoit haï de tous les Dieux ; c'eft-à-dire , il n'avoit au- cune bonne qualité.

Plutarque en rapportant cette fable » n'y a pas cherché tant de raftnement.Cer Auteur nous apprend feulement que Lycurgue ayant entrepris de faire arra- cher les Vignes qui étoient dans la Thra- ce , il regnoit, & ayant voulu mettre lui-même la main à l'œuvre , il fe coupa les deux jambes ; ce qui fut regardé comme l'effet de la vengeance des Dieux*

J'ai oublié de dire que la Panthère étoit confacrée à Bacchus,ou parce que cet animal eft fort chaud , ce qui con- vient au vin ; ou parce que Bacchus étant POïïris des Egyptiens , qui étoit le fymbole du Soleil , la Panthère mar- quoit par fes taches les Etoiles, comme Pont penfé quelques Auteurs (i) ; ou (X) jec^ plutôt à caufe que ce Héros portoit la des poete*- peau de cet animal , fuivant Pufage de cet ancien temps.

On le repréfentoit quelquefois com- me un jeune homme , pour marquer la joye des fcftins (a)9 quelquefois com-

(a) Tu puer œternus , tu foïmoftjfimus alto Confacem cceio. Ovid. Met, 1.

2 $ 6 La Mythologie & les Fables , Dieu* me un vieillard , pour nous apprendre

d Occident. i r i > r i

.-1.1. ex vu. Clue levm pns lans modération uie la fanté , & nous rend comme les vieillards incapables de garder aucun fecret. La Pie lui étoit confacrée , parce que dans les triomphes dont il étoit l'inventeur , on avoit permiffion de parler avec une licence effrénée , & d'infulter même aux Vainqueurs , en leur reprochant leurs défauts, comme Suétone nous l'apprend à Foccafion du triomphe de Cefar.

C'eft ainfî que les Egyptiens avoient allegorifé cette Hiftoire ; e'étoit leur génie , & toute leur Théologie étoit remplie de fymboles femblables. Mais les Grecs qui ne Fentendoient pas , Se qui ne vouloient pas voir que tout ce qu'on racontoit de Bacchus avoit rap- port au vin ou au Soleil , dont ce Dieu étoit le fymbole , n'avoient pour l'ex- pliquer d'autre refïburce que leurs fa- bles. Ils difoient , par exemple , qu'on lui donnoit des cornes , parce que Cerès dont Jupiter avoit abufé , étoit accou- chée d'un enfant fous la figure d'un Taureau ; qu'il étoit couronné de fi- guier, parce que la Nymphe Syca , dont le nom veut dire un figuier , & dont Bacchus étoit amoureux, avoit été chan- gée en cet arbre. C'eft par la même rai-

Expliquées par Tïûfioire. 25*7 fon qu'ils publioient que la Vigne & le Sj2£* Lierre lui étoient confacrés , parce que L.i.cxvn» la Nymphe Staphile & le jeune Cijjbn avoient été métamorphofés en ces plan- tes , ainfi des autres.

Je n'ai pas deflein d5expliquer toutes les figures , les bas-reliefs & les piem s gravées qui nous relient de Bacchus. Il y a peu de Divinités payennes dont le temps ait confervé un plus grand nom- bre de repréfentations , & on peut co.ii- fulter à ce fujet les Antiquaires , & le Père de Montfaucon fur-tout , qui les a rafTemblées. Mais comme il y en a qui par les fymboles qu'elles portent , fervent infiniment à éclaircir FHi£ toire de ce Dieu , il eft bon d'en dire un mot.

Il eft ordinairement repréfenté en jeune homme , fans barbe , quoiqu'il y ait auffi le Bacchus barbu : fouvent mê- me en enfant couronné de Lierre ou de Pampre ; & il eft , félon Pline, le pre- mier des Dieux qui ait porté une cou- ronne, tenant le Thyrfe d'une main , de l'autre des grapes de raifîn , 6c quelque- fois une corne , qui étoit un vafe à boi- re. Un beau vafe de terre donné par mMifceU Spon ( 1 ) , nous repréfenté Mercure Erud. a™. donnant le jeune Bacchus à une Nym-

2<;B La Mythologie- & les Fahks phe , que cet Auteur croit être LeuccK thoé. Mais comment pouvoir deviner , attendu la variété qui règne dans les Anciens , au regard de l'éducation de ce Dieu ? Il effc vrai que Lucien dit que Bacchus après fa naiiîance fut porté par Mercure à Nyfe , pour être élevé par la Nymphe du lieu ; mais il y a d'autres Anciens qui aflurent qu'il fut élevé à Melatis 3 ou dans Fille d'Eubée r ou à Naxe.

Quelquefois on le repréfentoit nud , quelquefois les épaules couvertes d'une peau de Panthère, & quelquefois furies épaules de Pan , ou entre les bras de Si- lène , qui fuivant Nicandre de Colo- phon , étoit fon père nourricier. On le voit auffi afïîs fur un Globe célefte cou- vert d'étoiles , Se c'eft alors le Soleil ou Ofiris ; de même que quand il paroît avec des flèches, qui marquent les rayons de cet Aftre , ainfî qu'on le voit fur une Médaille de Maronée , ville bâtie félon Diodore de Sicile , par ce Maron com- pagnon d'Ofiris , dont j'ai parlé dans le fO Hiftoîre premier Volume (i).

Les Symboles qui accompagnent Je plus ordinairement les figures, de ce Dieu , font le Thyrfe , le Lierre , le Pampre , des grapes de raifîn , la peau

Expliquées par PHiftotre. 25*9 de chèvre , ou de léopard , ou de pan- d»S*^r. there , ou de lion. l.i.c.xyu.

La figure de Bacchus y furnommé Efymnete , que Beger dit être fur une pierre gravée , & M. Vaillant fur une Médaille , renferme un trait d'Hiftoire que je ne dois pas omettre. Paufanias ( 1 ) Ac^ la raconte que les Grecs ayant , après la prife de Troye, partagé les dépouilles , Erypile eut dans fon lot un coffre dans lequel étoit une Statue de Bacchus , de la main de Vulcain , que Jupiter avoit donnée à Dardanus ; &qu'Erypiîe ayant ouvert le coffre Se jette les yeux fur cet- te Statue , étoit devenu furieux. Dans un de ces moments d'intervalle que la fureur lui laifFoit , il alla confulter FOVacîe de Delphes , qui lui répondit qu'il devoit s'arrêter dans un lieu il trouveroit des gens prêts à offrir un fa- Crifice barbare 9 y dépofer le coffre , & y établir fon domicile. Erypile de retour dans l'endroit étoit fon Vaiffeau , fe rembarque , & fe laiffant aller au gré des vents , il aborde à la côte de Patras, étant defeendu à terre dans le temps qu'on alloit immoler un jeune garçon &une jeune fille à Diane Triclaria, fui- vant la coutume du pays , il fe préfenta avec fon coffre : ceux du pays perfua-

2 6o La Mythologie & les Fables , Dieux £gs qu'il y avoit dedans quelque Divï-

d Occident, . , *. J . «//••*•

L.i.c.xvn. nite , interrompirent le lacnnce , & re- çurent ce Prince, qui fe trouva dans ce moment guéri de fa folie. Eurypile fixa fa demeure , & après fa mort les habi- tans du pays lui rendirent de grands honneurs, & célébrèrent tous les ans Pan- niverfaire de fes funérailles. Us inftitue- rent auffi une fête annuelle en l'honneur du Dieu qui étoit renfermé dans ce cof- fre , qu'ils nommèrent Bacchus Efymnete. Parmi les monumens qui nous refient de Bacchus , les plus beaux font ceux qui repréfentent fon mariage avec Ariad- ne , que Thefée , comme nous le dirons dans fon Hiftoire , avoit abandonnée dans Tille de Naxe. Cette cérémonie eft gravée fur une pierre ineftimaBle , qu'on nomme le Cachet de Michel- Ange , qui eft dans le Cabinet du Roi , & qui a été deffinée en grand par Mr. le Hai. Mais un bas-relief de la Vigne Montalte , repréfente encore plus en détail cette cérémonie. Sur un char tiré par des Centaures , font Bacchus & A- riadne ; le Cortège qui les fuit eft ma- gnifique. D'abord on voit des Joueurs de flûtes & de tymbales , de l'un & de l'autre fexe , qui paroiffent à la tête de la troupe ; un Eléphant qui vient après >

Expliquées par PHiftoke. 261

defïgne la conquête des Indes ; il efl P**.¥-x

. o T ? d Occident.

ceint dun ruban comme les victimes l.i.c.xyh. deftinées aux facrifices. Silène monté fur un âne , & yvre à fon ordinaire , vient enfuite , accompagné de Faunes , de Satyres & de Nymphes, qui portent des pots , des vaifTeaux à boire , des pampres , des grapes de raifîn y ôc des thyrfes.

Ces deuxsrfnonumens qui repréfentent le triomphe de ce Dieu après la con- quête des Indes , font auffi très-magnifi- ques. Ce Dieu y paroît fur un Char traîné par des Lions ou des Panthères. Comme ce Char eftfuivi de tout l'attirail qui ac- compagnoit les fêtes de ce Dieu, qu'on nommoit Trieterides , & que l'autre dont je viens de parler appartient aux Orgies, je dois faire la defcription de ces deux fêtes, dont je croyois d'abord ne devoir pas parler.

Comme Bacchus avoit été trois ans à conquérir , ou plutôt à parcourir les Indes, on célebroit les Trieteries après deux ans révolus , ôc dans la troifiéme année ; & on croyoit que pendant la cé- lébration de cette folemnité , Bacchus venoit converfer avec les hommes. Cette Fête étoit célébrée par des femmes Ôc des filles , comme les autres myfteres de

2 62 La Mythologie & les Fables Dieux ce Dieu. Les Vierges qui portoient des

L^cxvi'i. thyrfes > paroîflbient failles d'enthou- fîafme ainfi que les Matrones , qui divi- fées par bandes , couroient toutes éche- velées avec des grimaces & des contor- fîons affreufes , branlant la tête d'une manière effrayante , & reffemblant en tout à des forcenées. Elles faifoient un grand bruit avec leurs tambours ou cymbales , & criant à tue-t^fe , Evohe Bacche. Des repréfentations infâmes ac- compagnoient cette horrible proceffion ; la nuit qui étoit employée à cette fête, cachoit du moins les abominations qui s'y commettoient. Ce fut , pour le dire en paffant 3 dans une de ces Fêtes que (OMet.1.4. tas Bacchantes , dont Ovide (1 ) peint bien la fureur , déchirèrent en pièces le malheureux Penthée , qui vouloit ré- primer les défordres qui fe commet- toient dans la célébration de cette Fête. Orgies, leur Quoique par les Orgies on entende

origine. quelquefois les facrinces, non-feulement ceux qu'on offroit à Bacchus, mais aufîî ceux des autres Dieux , ce mot étoit plus particulièrement employé pour déiigner les fêtes qui portoient ce nom , qu'on appelloit auffi les myfteres. La Grèce avoit trois folemnités de ce nom j celles

Expliquées par PHlfloire. 263 de Bacchus , celles de Cybele , & celles ,£IFL;X

1 r^ \ o 1 c 1 d Occident.

de Ceres ; & les unes & les autres l.i.cxvUv avoient plufieurs cérémonies qui leur étoient communes. Je ne parle ici que des Orgies de Bacchus > & je vais re- chercher en peu de mots leur origine , leur étendue , leurs cérémonies ; ce que iïgnifïoient les fymboles qu'on y em- ployoit, & jufqu'à quel temps durèrent ce infâmes myfteres.

Que les Orgies tirent leur origine de l'Egypte , c'eft un fait dont convien- nent également les Mythologues & les Antiquaires , & qu'on n'a pas befoin de prouver ; & elles doivent leur inftitu- tion à Ifis , qui ayant recouvré les mem- bres épars de fon mari maffacré par les conjurés , à la tête defquels étoit Ty- phon fon frère , & n'ayant pu trouver des parties de ce cadavre que les ppif- fons du Nil avoient dévorées , en con- facra la repréfentation , que les Prêtres portèrent enfuite dans les Fêtes établies en l'honneur de ce Prince. C'eft-là la véritable origine du Phallus , ou Ithy- phallus , quifaifoit partie des cérémonies des Orgies. Qu'Orphée & Melampus , dans leur voyage d'Egypte , ayant vu célébrer les Fêtes d'Ofiris , en ayent porté Tufage dans la Grèce , il fut

0. 6\ ha Mythologie & les Fakl s a^Sknt reçu comme toutes les autres Fêtes ,

h.LOLvii .fur-tout celles la licence & le liber- tinage régnent le plus impunément ; c'eft un fécond fait dont on convient le plus encore , à moins qu'en confondant les Orgies avec les Thefmophories , qui avoient beaucoup de rapport entr'elles , & il étoit fait mention de Bacchus,

(OLiv.2. cn ne dife avec Hérodote (î) quelles furent portées dans la Grèce par Danaiïs & fes nlles,long-temps avant la naiïfance d'Orphée &_de Melampus, Enfin que Bacchus en l'honneur duquel on cèle- broit les Orgies, foit le même qu'Ofiris , c'eft encore une vérité qui n'eft pas conteftée.

La célébration des Orgies ne fut pas renfermée dans la Grèce , & cette Fête fut bientôt répandue prefque dans tout le monde payen. C'étoît fans doute la même que célebroient les Moab'tes, les Madianites , & quelques autres Peuples voifins , en l'honneur de Beelphegor , cette idole de nudité , comme l'appelle I(îdore5& qui étoit le même que Priape, & celui-ci le même qu'Ofiris, & honoré avec les mêmes cérémonies.

De la Grèce elles pafferent dans la aePhrygie , l'on croit qu'Orphée en

fkif.2 Keïigtporta l'ufage du temps de Laomedon (2);

Expliquées par PHiftoire* 2.6 ^ '& ce petit coffre , ou cette corbeille Pieux

, t? *i n d*Occident.

qu eut en partage iLurypile , elt une L.i. c.xvn. preuve que les Troyens célebroient cet- te fête, dont cette corbeille myfterieufe, ainfî qu'on le verra dans la fuite , faifoit une partie confidérable.

Que ce foit les Arcadiens , lorfqu'ils conduifirent une colonie dans le Pays Latin , ou Enée lui * même avec fes Troyens , qui portèrent en Italie la connoiffance des Orgies , c'eft ce que je n'ai pas befoin d'examiner ; mais il efi fur que dès les premiers temps ces fêtes y étoient connues , & qu'on les y céle- broit avec beaucoup de folemnité. Je n^ai pas deiïein de parcourir tous les pays elles furent reçues & célébrées fous des noms differens (a) ; on peut en trouver le détail dans le Traité des Cif- tophores du P. Panel.

Dans les commencemens les Orgies . étoient peu chargées de cérémonies : on portoit feulement en proccffionune cru- che de vin, avec une branche de farment ï puis fuivoit le bouc , qu'on immoloit comme un animal odieux àBacchus, . dont il ravageoit les vignes ; enfuite pa- roiflbit la corbeille myfterieufe , qui

( a) Apateria ,Lena>a, Anthefleria , Phattophoria , Li- feeialia, Branno ia, Sabazia ,& une infinité d'autres»

Tome W. M

2 66 La Mythologie & les Fables étoit fuivie de ceux qui portoient le Phallus ; mais cette première fimplicité -ne dura pas long-temps, & le luxe qu'in- îroduifire.nt les richeflfes , paffa dans les cérémonies religieufes. Le jour deftiné à cette Fête , les hommes & les femmes couronnés de lierre, les cheveux épars , & prefque nuds , couroient à travers les rues, criant comme des forcenés , Evohe Baccke , &c. Au milieu de cette troupe on voyoit des gens yvres , vêtus en Sa- tyres , en Faunes & en Silènes , faifant des grimaces & des contorfions la pudeur étoit fi peu ménagée , qu'il y auroit de l'effronterie à les vouloir dé- crire. Venoit enfuite une troupe mon- tée fur des ânes , qui étoit fuivie de Faunes , de Bacchantes , de Thyades , ée Mimallonides, de Naïades , de Nym- phes & de Tityres, qui faifoient retentir toute la ville de leurs hurlemens. A la fuite de cette tumuitueufe troupe on portok les îlatues de la Viftoire , & des Autels en forme de feps de vignes , cou- ronnés de lierre , & fur lefquels fumoient l'encens & les autres aromates : puis on voyoit paroître plusieurs chariots char- gés de thyrfes , d'armes , dt couronnes, de tonneaux , de cruches & d'autres ^vafes^ de trépiés & de vans. Déjeunes

Expliquées par PHiftoire. 2.6 y filles fuivoîent ces chariots ; & portoient & T.E v * les corbeilles & les caflettcs ètôh tfuc.xxiL

enfermé ce qu'il y avoit de plus myfté- rieux dans cette fête > & pour cela on les nommoit Ciflophores. Les Phallophores les fuîvoient avec un chœur à'It phal- lores habillés en F aunes contrefaifant des perfonnes yvres , & chantant en l'hon- neur de Bacchus des cantiques dignes de leurs fonétions. Cette proceflîon étoit fermée par une troupe de Bacchantes , couronnées de lierre en-trelafle de bran- ches d'if & de ferpens.

Dans quelques-unes de ces Fêtes , qui étoient les mêmes fous d'autres noms , des femmes nues fe donnoient le fouet , d'autres fe déchiroient la peau ; mais tirons le rideau fur ces infamies : difons feulement qu'à ces jours de fête on com- mettoit tous les crimes qu'autorifoit l'y- vrefïe , l'exemple , l'impunité & la licen- ce la plus effrénée. Après cela ne rougit- on pas de voir une Pveine même, Olym- pias, célébrer ces infâmes myfteres.

Pour entendre ce que fignifioient tou- tes les circonftances de cette Fête , & les fymboles qu'on y portoit , il fuffit de fe rappeller ce qui a été dit dans le pre- mier Volume au fujet d'Oïîris qui eft le même que Bacchus , & de fon voyage

M î j

26$ La Mythologie & les Fables Dieux des Indes , dont les Orgies étoient une

d'Occident. ^ , C* S

La. c.xvn. commémoration. Ce rnnce avoit em- mené avec lui des femmes , des Mufi- ciens & des Musiciennes , des Satyres , des Faunes , &c. c'eft-à-dire , des hom- mes avec l'habillement qui convenoit aux Faunes & aux Satyres, Et voilà ce qui étoit repréfenté par ces Bacchantes & ces autres femmes en fureur , dont nous venons de parler , par ces Silènes, ces Satyres, & le refte de cette troupe ïnfenfée ; par ces chœurs de mulîque, ces chants , ces cris, ces hurlemens.

Le lierre qui fe trouvoit par tout dans cette cérémonie , étoit fpecialement confacré à Bacchus, &les Mythologues en rapportent plufieurs raifons ; entre autres , la métamorphofe du jeune Cit- ton , qui ayant perdu la vie dans la fu- reur d'une de ces fêtes , fut changé en lierre ; mais la véritable eft que cette plante toujours verte marque lajeunefTe de Bacchus,qu'on difoit ne point vieillir; c'eft-à-dire , l'état permanent du Soleil dans la mêmeforce & lamêmefécondité. Le ferpens dont la corbeille myftérieu- fe étoit environnée , & que plufieurs de ceux qui afîîftoîent à cette fête portoient fur eux , ou en baudrier , ou autrement , étant des animaux dont la jeunefle

Expliquées par VHiftoire. 2 6g renouvelle chaque année lorsqu'ils chan- p ïiu x gent de peau, fignifioient lamêmechofe. l.^c.xvii.

L'infâme repréfentation du Phallus , rappelloit le fouvenir de celui qu'Ifis avoit confacré , ainfî que nous Pavons dit. Pour ce qui regarde le van , que Virgile (a) nomme le vanmyftique de Bacchus j je fuis perfuadé qu'il ne faut point y chercher d'autres myfteres,finon qu'on vouloit marquer par -là que ce Prince avoit enfeigné l'art de l'agricul- ture, & la manière de nettoyer les bleds.

L'arc & les flèches qu'on portoit dans cette fête , apprenoient qu'avec la dou- ceur Olîris avoit employé la force dans la conquête des Indes, Oeil de-là que dépend auflî la vraie figniacation du thyrfe ; car on dit que les femmes que ce Prince avoit emmenées avec lui , at- taquèrent les Indiens avec cette arme, dont ils ne fe défioient point , n'apper- Cevant que le lierre & le pampre , qui ca hoîent de véritables piques.

Comme une partie deiafolemnité des Orgies fe célebroit la nuit, d'où Ba chus avoit pris le furnom de Nyflileius , il n'eft pas étonnant qu'on portât des torches allumées dans la procefïîon qu'on vient de décrire : nous devons feulement re-

(a). . Myftica ranmts Iaccbi. Georg. Liv. 3,

M iij

2.J0 La Mythologie & les Fables- marquer que la fonftion des Daduches , } c'eft-à-dire , de ceux qui portoient ces torches?étoit de toutes la plus honorable. Le caducée qu'on y voyoit aufïî quel- quefois y apprenoît que Bacchus avoit toujours préféré la paix à la guerre y ôc que dans la conquête des Indes il n'avoit employé les armes que quand il avoit tout tenté pour foumettre par la douceur des Peuples indociles. C'eft pour cela que les Anciens donnent le caducée à ce Dieu aufïî-bien qu'à Mercure. Ils ajoutaient même que c'étoit lui qui avoit reconcilié Jupiter avec Junon , dans le temps de leurs plus grandes brouilleries..

Les Antiquaires croyent voir fur quelques médailles, de celles qu'on ap- pelle Cijîophores , la plante nommée fé- rule, ferulay qui efl une efpecede canne fort légère ôc remplie de moelle , com- me nous l'avons dit dans l'hiftoire de Promethée ; & fi on la portoit dans la folemnité des Orgies , c'étoit pour marquer qu'Offris , qu'on regardoit com- me l'inventeur de la Médecine , avoit compofé quelques remèdes de cette (i) Liv. 17. plante , que Pline (1) dit être fort falu- taire. Car de prétendre avec quelques Anciens , qu'il avoit ordonné qu'on en fît des flèches , afin que la légèreté ds

Expliquées par PHifïoire. 2fi cette canne empêchât qu'elles ne fiffent Dieux beaucoup de mal, cela regarde le temps £jCc.xvik- il étoit en paix.

Enfin de tous les fymboles qui accom- pagnoient cette folemnité , il ne rerte: que la corbeille myflérieufe à expliquer : mais je dois imiter le fîlence des Anciens, qui , quand il a été queffion de dire ce qu'elle renfermoit /fe font retranchés fur le refpeâ religieux qui les retenoit. Je fçais que Clément d'Alexandrie, pour dévoiler les abominations du Paganif^ me , n'a pas imiter la même retenue ; mais étoit-ii bien informé lui-même de ce que contenoit cette cafTette ?

Le défordre, l'infamie & la proftitu- tion étant portés au dernier degré , on s'avifa enfin , quoiqu'un peu tard , d'en arrêter le cours. Ciceron (i ) nous ap~ ^T2\DeL^ prend que Diagondas abolit à Thebes ces infâmes fêtes ; & fous le Confulat de Pofthumius, Tan de Rome cinq cens foixante-huit , parut ce célèbre Senatuf- confulte qui les interdit. Cet Edit qui menaçoit de mort ceux qui les célebre- roient à l'avenir , fut publié & affiché par tout l'Empire , avec toute la folem- nité requife en pareil cas. On le déterra il y a foixante ou quatre-vingts ans, gra-? fur une table d'airain , que Fabretti

M iiij

a.'] 2 La Mythologie & les Fables nous a donnée , mais avec plusieurs fau- tes. Enfin un Moderne l'a copié & ex^ pliqué avec plus de correftion 5 ainfî qu'on peut le voir dans le huitième Vo- lume de la Bibliothèque Italique.

De telles infamies dévoient être de- puis long-temps enfévelies dans l'oubli; mais on avoit eu grand foin d'en porter le fouvenir dans tous les temps : car in- dépendamment des Hiftoriens & des Poètes qui en font fouvent mention , on en frappok par l'autorité publique des médailles , & on élevoit des monumens qui en rappelloient le fouvenir : ces mé- dailles font nommées Ciftophores, parce qu'on y voit la corbeille empreinte avec les ferpens autour , ou qui en fortent. Pour les monumens, ils repréfentent tou- te la pompe de ces Fêtes , & on y voit avec Bacchus , les Bacchantes , les Me- nades , les Joueurs de flûtes , des femmes & des filles , avec le crotale & le tympa- num ; des Faunes , des Satyres , tenans à la main des vafes & des coupes; des Prêtres qui conduifent les vi&imes def- tinées au facrifice, tels que le verrat , le le bouc , le taureau , &c. & enfin le vieux Silène toujours y vre fur fon âne , qu'il a bien de la peine à conduire.

Fin du premier Livre.

LIVRE S E COND.

Des Dieux delà Mer , des Fleuves, & des Fontaines.

Liv. II.

E S Eaux occupent une partie dieux1 ttop considérable fur la Ter- d'Occiden£ re , pour avoir été biffées fansD.vinités tutelaires ; c'efl peut-être même la partie du monde fur laquelle le Paganifme en avoit établi un plus grand nombre : l'Océan , les autres Mers, les Fleuves, les Rivières y les Fontaines , les Ruiffeaux , les Lacs , & tous les autres amas d'eaux, avoient leurs Dieux particuliers ; 1 eau elle même fut regardée comme une Divinité , & on lui rendit un cu;te religieux ; c'eft ce que je vais tâcher de prouver dans le Chapitre fuivant*

îftr*

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27# La- Mythologie & les Fables

GH.APIT RE L,

Du culte rendu à ÏEau y& des caujes:

qui donnèrent lieu à Jon

établi ff ement..

T les befoins de la vie firent inventer une infinité de Dieux ,= & portèrent les premiers Payens à divinifer prefque toutes les parties du monde , principa- lement les quatre Elemens , l'Eau a être une de leurs premières Divini- tés , puifque l'ancienne Philofophie , dont Thaïes puifa les principes en Egyp- te ,. pour les répandre enfuite dans la Grece,enfeignoit qu'elle étoit le premier * principe de toutes chofes ; qu'elle avoit la meilleure part à la produftion des corps i qu'elle rendoit la Nature féconde, nour- riflbit les plantes, & les arbres5& que fans elle la terre feche , brûlée , & fans aucune fuc,demeureroit ftérile>& ne préfenteroit qu'un defert affreux : mais avant que de pafTer outre , il faut fe rappeller ce que nous avons dit des Dieux naturels Se phyfiques, & des Dieux animés. L'Eau, en tant qu'Elément 9. ne^ pouvoir être;

Expliquées par PHijhhe. 2 7 1 qu'une Divinité phyfîque ; mais on ne Dikux laifToit g.uéres ces Dieux fans leur w|^c^ joindre d'animés qui en devenoient les fymboles ,-aînfi qu'Ofiris, Orus , & Ifis chez les Egyptiens , ôc Apollon & Diane parmi les Grecs , devinrent ceux du Soleil & de la Lune.

Le culte que l'on rendit à'cesDieux fut confondu, & on ne diftingua plus le Dieu naturel d'avec le Dieu animé. On en ufa de même à Pégard de lEau: l'Océan , les autres Mers, les Fleuves , écc. s'attirèrent un culte religieux ; mais on regarda Neptune comme un Dieu animé qui y préfidoit : il en fut de même de chaque fleuve , & de chaque fontaine^ & de tout autre amas d'eaux , qui eurent chacun un Dieu particulier y ou une Nymphe, ou une Naïade , & les hon- neurs qu'on rendoit à l'Eau en gênerai ,? furent mêlés dans la fuite avec ceux- qu'on rendoit à ces Divinités repréfen— tatives del'Eau<,

Que l'eau comme Elément ait reçiP les honneurs divins , c'eft un fait qu'ont ne fçauroit contefter. On a vu dans le feptiéme Livre ce qu'Hérodote dit du^ refpe& que les anciens- Perfes avoient: pour elle , les facrifices qu'ils lui of~ ftoisskt-- r. & de quelle manière ils pou£

Mvj>

2l6 La Mythologie & les Faites

Diïhx foient la fuperftition jufqttfà n'ofer y

t. u?ci^h cracher, s'y moucher, s'y laver les mains,

y jette* ou y faire la moindre ordure,

ni s'enfervir pour éteindre le feu. Stra-

bon parle à ce fujet à peu près comme

Hérodote , & attribue aux Cappado-

ciens ce que celui - ci attribue aux

Perfes.

^ v a , Saint Cyrille (i) dit que les Perfes ne - 1 0 Adv. j . / ^/ , \ , « , j«i. rencloient pas a la vérité les honneurs

divins aux bois , & aux pierres comme' les Grecs , qu'ils nadoroient pas non plus Tlbis & l'Ichneumon , comme les Egyptiens , mais qu'ils reveroient feu- lement le feu & l'eau.

Quoique les Egyptiens euffent une raifon particulière d'avoir la Mer en horreur,parce qu'ils croyoient qu'elle re- préfentoit Typhon, ils n'en avoient pas moins pour cela l'eau en vénération. Saint Athanafe qui étant en Egypte devoit connoître la Religion de (on ( i ) Ora'o Pays, après avoir dit (2) que les Payens

contra Gen~ i 15 i t?

^5. adoroient 1 eau , ajoute que les égyp-

tiens fur-tout fe diftinguoient dans le culte qu'ils rendoient à cet Elément , qu'ils regardoient comme une Divinité* (ïï D. Er. Julius Firmicus ( 3 ) aiTûre la même

ptoïaa. ivci. chofe; les Egyptiens, <à\t~\\,rendent à Peau un culte religieux ? & lui adrejfem leurs

Expliquées par PHiflo're. 277

prière? , Ù° leurs vœux i 'eau Hu Nil fu;- Dieux:

tout étoit parmi eux en gl inde vénéra- L.°u.ch!'l.

tion: ce Fleuve bienfaisant qui a porté

parmi eux le nom d'Océan , d'Ypeus, &

de Nilus , a été aufîi appelle Sitis , qui

eft par abréviation le même nom qu'O-

fîris, parce qu'en effet il repréfemoit ce

Dieu ; car comme nous Pavons dît plus

d'une fois , le même Dieu étoit le fym-

bole de plufieurs chofes à la fois ; ainfî

Ofiris qui dans le ciel repréfente le

Soleil , marquoit fur la terre Peau du

Nil. Sans cette diftinétion on n'entendra

jamais la Théologie duPaganifme;mais

aulîî dès qu'on Padopte , il faut croire

que le Nil étoit la grande Divinité des

Egyptiens.

Nous avons dit dans le premier Vo- lume que les Egyptiens repréfentoient le Dieu de Peau par un vafe percé de tous côtés qu'on nommoit Hydria , & nous avons parlé en même temps de la vi&oire que ce Dieu avoit remportée fur le feu des Perfes qui étoit leur gran- de Divinité. Je dois ajouter ici que,felon Vitruve (1) les Prêtres rempliiïbient à (^ iiVt îy certains jours ce vafe d'eau , Pornoient avec beaucoup de magnificence , & le pofoient enfuite fur une efpece de Théâ- tre public j, qu'alors tout le monde fe

27$ £* Mythologie & les Fables Dieux profternoit devant ce vafe , les mains

d Occident, r,i , 110 i

LU. ch.i. élevées vers le ciel , <x rendoit grâces aux Dieux des biens que cet Elément leur procurait* Le but de cette céré- monie étoit d'apprendre aux Egyptiens que l'eau étoit le principe de toutes chofes , & qu'elle avoit donné le mou- vement & la vie à tout ce qui refpire.

Mais parmi ces peuples l'eau par ex- cellence étoit le Nil, & c'étoit à lui que fe rapportoit tout le refpeél qu'on avoit pour cet Elément. Il eft vrai que jamais Fleuve ne fut utile ni fi néceffaire que celui-là , puifqu'outre la bonté de fon eau , qui eft un breuvage auffi délicieux quefalutaire,c'eftluiqui par-fes déborde- mens périodiques rend l'Egypte un des pays des plus féconds de Punivers , qui fans celaferoitde tous le plus ftérile& le plus defert. Cette fécondité là-même,ii la procure aux femmes , tous les ani- maux, & il n'eft pas rare de voir dans ces pays des brebis qui ont porté des deux ou trois agneaux , des chèvres qui alaitent trois ouquatres cabris^ ainfi des autres; & certes fi quelque chofe a mérité parmi des hommes qui ne fçavoient pas rap- porter tout ce qui eft dans la. Nature, à celui qui créée pour notre utilité r une jufte & .vivareçonnoiffanec* même

Expliquées par PHîfloire*. 279 dès Hommages 5c'eft fans contredît un 'E15u'f

a r i : C T rr d Occident.

fleuve il bienrailant : aulii ne peut-on l,u. Q\\ 1. rien ajouter au refpeft , & à la vénération que les Egyptiens avoient pour lui.

Mais de toutes les fêtes qu'on céle- broit en fon honneur , celle de l'ouver- ture des canaux au temps de fes accroif- fémens étoit la plus magnifique & la plus folemnelle. Je n'entrerai point ici dans la defeription de cette Fête , à laquelle afïîftoient en perfonne les anciens Rois d'Egypte , accompagnés de leurs Mi- nières , de tous les Grands du Royau- me , & d'une foule innombrable de peu- ple ; on peut confulter les voyageurs (a) qui font entrés fur cet article dans les détails les plus curieux ; & me renfer- mant dans ce qui regarde mon fujet , je dirai feulement que pour remercier d'a- vance le Fleuve des biens que l'inonda- tion alloit produire , on jettoit dedans par forme de facrifice , de l'orge , du bled, dufucre& d'autres fruits. Ce qui fe pratiquoit à Memphis,. à l'ouverture du canal , s'exécutoit de même à pro- portion dans les Provinces ; & Ton peut dire que la faifon de couper le Nil , c'efb

(a) Voyez, le treifiéme Voyage de Paaî Lucas ; la defeription que M. de Maillet fait de cette fèce & ks au- tres Voyageurs >

2%0 La Mythologie & les Fables Dieux ajn{] qu'on s'exprime dans le pavs , étoît

L. il. ch. i. pour toute 1 Lgypte une rete géné- rale.

Mais comme la fu perdition ne con- noît point de bornes , on enfanglantoit de la manière la plus cruelle une jour- née qui ne fembloit refpirer quelajoye, par le facrifice d\jne jeune fille qu on noyoit dans ce fleuve : coutume barbare qui a duré fort long-temps , & qu'on a eu tant de peine d^abolir , qu'il a fallu pour contenter le Peuple, lorfque ce fa- crifice a été abfolument défendu , im- moler du moins la repréfentation d'une jeune perfonne.

La Fête dure encore , quoique par l'avarice des Pachas elle eft moins fo- lemnelle ; on fait encore au Nil les mê- mes libations , & des offrandes de fruits & de légumes ; & les Prêtres Coptes y les plus ignorans de tous les hommes , croyent le fana; fier , en y jettant quel- ques grains de chapelet , ou quelques morceaux de croix. Les mêmes Egyp- tiens rendoient encore à leau un culte religieux fous le fvmbole de leur Dieu Canopus , qui repréfentoit cet élément : mais je n'ajouterai rien ici à ce que j en ai die dans l'hiftoire des Dieux de ce

COT-I.U. Peuple (i>

Expliquées par VHtfloire. a8i ^^ On fcait que les Indiens rendoient d,0cci.lent. de grands refpeds au Gange , dont les l. u- <*•!• eaux , aufquelles ils attribuoient de grandes vertus , paffoient parmi eux pour faintes & facrées: leur fuperftmon à cet égatd dure encore , & les Princes qui régnent fur les bords de ce fleuve , fçavent bien la mettre à profit , en lai- fant acheter à leurs fujets la permiffion d'y puifer de l'eau ou de s'y baigner.

Le culte rendu à l'eau ne demeura pas long-temps renferme dans la Perfe &dans l'Egypte , & il fut bien-tot ré- pandu comme les autres fuperftitions des Peuples de l'Orient , dans les autres pays. Maxime de Tyr nous apprend que les Peuples du Nord du Pont Euxin rendoient un culte religieux aux Palus Méotides , qu'ils en avoient des ftatues , & juroient en leur nom. Voffius ( i\ «£•{£ qui a traité cet article avec Ion érudi- tion ordinaire, affûre la même chofe des anciens Germains, & de quelques autres Peuples , ainfi qu'on peut le voir dans fon fçavant ouvrage fur l'origine & le progrès de l'idolâtrie.

On fçait que les Anciens faifoient de fréquentes libations à l'Océan , aux au- tres Mers Se aux Fleuves , & qu'on ne s'embarquoit guéres fans avoir fait au-

2$ 2 La Mythologie & les Tables a'Occidenf paravant des facrifîces aux eaux & aux L. il ch. i. Divinités qui y préfidoient ; je pourrois en rapporter une infinité d'exemples , mais je me contente de celui des Argo- nautes. Lorfqu'iis furent prêts de met- a < LVaP°1, tre à la voile , Jafon (0 ordonna un fa-

èe Rhodes . ~ r « ' K / * r

L*. crince folemnel pour le rendre tavora-

blés les Divinités de la Mer ; chacun s'empreiTa à répondre aux vœux du chef de cette entreprife , on éleva un autel fur le bord de la Mer , & après les obtations ordinaires , le Prêtre ré- pandit defïus de la fleur de farine , mê- lée avec du miel & de l'huile , immola deux bœufs aux Dieux en l'honneur def- quels fe faifoit le facrifice , & les pria de leur être favorables pendant leur na-

(zV Voyez vigatioil (2). Phift de cette °»r 1 -j 1 r> >

expédition , Maxime de Tyr , que j ai déjà cite > Xom. vi. en rapportant les raifons qui engagèrent différens Peuples à honorer les Fleuves qui arrofoient leur pays , nous apprend en même temps l'univerfalité du culte qu'on leur rendoit. Les Egyptiens, dit- il , honorent le Nil , à caufe de fon uti- lité ; les TheïTaliens , le Penée , pour fa beauté ; les Scythes , le Danube , pour la vafte étendue de fes eaux ; les Eto- liens , FAcheloiïs , à caufe delà fable de fon combat avec Hercule ; les Lacede-

Expliquées par T'Hijloîre. 283 monîens , l'Eurotas , par une Loi ex- >P**?J?

m '11 1-1 a 1 / a Jccicient.

preile qui le leur ordonnoit ; les Athe- h. lu ch. h niens, rilifïus par un ftatut de Religion, jacro injîituio.

Les Grecs & les Romains étoient trop fuperftitieux pour n'avoir pas adopté le culte rendu aux eaux. Indépendamment de ce que l'Auteur, que je viens de citer, dit des Theflaliens , des Etoliens , des Athéniens & des Spartiates , l'Antiquité nous fournit mille exemples des excès aufquels ils fe portèrent à cet égard, Leurs Temples renfermoient les ftatues des Fleuves & des Fontaines , comme celles des autres Dieux. Il y avoit peu de Rivières & de Fontaines dans la Grèce , auprès defquelles on ne trouvât de ces ftatues , un nombre infini d'in- feriptions , & des autels confacrés à ces Rivières & à ces Fontaines ; on y alloit régulièrement faire des libations ,. & of- frir des facrifîces , ainiî que. nous l'ap- prenons de Paufanias.

Les médailles nous repréfentent les Fleuves comme des Dieux, entr'autres - une de Pofthume, eft le Rhin avec cette infeription , Deus Rhenus. Le Ty- bre de même paroît au revers d'un Vef- pafien , non-feulement comme une Di- vinité , mais encore comme le Patron &

284 La Mythologie & les Fables Dieux le Prote&eur de Rome. Lorfqu'Enée

L^ch!';. fut ar-riv^ en Italie , il rendit à ce Fleu- ve des devoirs religieux, s'abandonna à fa protedion & le pria de lui être favo- rable (a). Sibotus Roi de Meflene, ne fe contenta pas d'honorer le Fleuve Pa- mife , il fit une Loi qui obligeoit fes fucceffeurs à aller tous les ans y offrir des facrifices ; mais pour ne pas mul- tiplier des exemples qui ne finiroient point , je me contente de rapporter ici après Pline le jeune, ce que la Religion avoit confacré au Clitumne , fleuve cTOmbrie. » Près de la fource de ce (1 )Epift. * fleuve, dit cet Auteur (1), eft un Tem-

ad Rom. l.s. » ple auflî refpedé qu'ancien : le Dieu * du fleuve lui-même y paroît vêtu d'une » robberc'eft un Dieu fort fecourable, 8c » qui prédit ravenir,ainfi que le témoigne » tout l'appareil qu'on y voit, & qui eft » propre à rendre les oracles. Autour » de ce Temple font répandues des cha- » pelles en grand nombre ; chacune a » une ftatue du Dieu , chacune eft cé- » lebre , cha une eft diftinguée par » quelque dévotion particulière , Sec. » Si la grande ut lté dont l'eau eft fur la terre , engagea les premiers Idolâtres

(a) Tucjw c Tybri tuogenitor cnm fiumine fanfto ,

jLcàyite Jpneam ;

jlàju 0 tandem , C7V. jEneid. 1.8.7.72,

Expliquées par PHiftoire. 28 £ à en faire une Divinité , on peut dire Dieux que les merveilles qu'on en reffentoit y £ .^["ili'î. contribuèrent auiïï beaucoup. Ditu eft admirable dans les eaux, difent les Livres faints (1 ) y & c'eft dans cet élément fur- (0 uir&* tout qu'il femble avoir prodigué fes mer- mi'*H£tu Doz veilles. Le flux & le reflux de l'Océan , ce mouvement périodique, qui élevé & abaifle les eaux de fix heures en fix heu- res , & leur perpétue un mouvement qui les empêche de fe corrompre ; Tir- régularité de ce mouvement , plus ou moins grand dans les différens quartiers de la Lune , comme dans les différentes faifons ; le flux de l'Euripe qui ne ref- femble prefque en rien à celui de l'O- céan ;lafalure delà Mer, féconde fource de fon incorruptibilité ; le nombre pro- digieux & la variété des monftres qu'elle enfante , & la grandeur énorme de quel- ques uns de fes poiflons , comme la Ba- leine , & quelques autres qui furpafient de beaucoup les plus grands animaux de la terre , tout y eft merveilleux , tout y eft furprenant. Ce qu'on racontoit de la propriété de quelques fontaines, dont quelques-unes ont un flux réglé comme l'Océan , d'autres qui font périodique- ment chaudes & froides ; un grand nom- bre qui font très-falutaires ; les fables

2 26 La Anthologie & les FaUes D iiux qU'on débitoit à l'occaïïon de quelques

ë Occiaei.t. l -. - , i 1 ,

i. lu Ch- 1. autres , dont les unes donnoient , quand on en bûvoit , de l'horreur pour le vin, d'autres qui amolifïbient le courage , & faifoient changer de fexe ceux qui s'y baignoient; d'autres d'où lorfqu'on s'y étoit baigné , on fortoit couvert de de plumes ; quelques-unes qui faifoient perdre l'efprit , d'autres qui en don- noient ; ici c'étoît une fource dont Peau guérifibit d'une pafîïon malheureufe, en étoit une autre qui donnoit de l'a- mour : celle-ci augmentoit la mémoire , celle-là faifoit tout oublier ; enfin on pu- blioit de quelques eaux qu'elles avoient le don de prédire l'avenir , & celui de rendre des oracles. On pourroit s'é- tendre beaucoup fur cet article ; mais on peut confulter les Naturaliftes 3 & en particulier le quatorzième Livre des Métamorphofes d'Ovide , ce Poëte fait débiter à Pythagore une infinité de chofes far les propriétés de quelques Rivières & de quelques Fontaines. 1 out cela donne de l'admiration, & au lieu de rapporter à des caufes naturelles , ou à des relations peu fûres , des effets fur- prenans , on abrégea la Phyfique , & l'adoration de l'Elément même qui pro- duisit ces merveilles } prit la place des recherches.

i

Expliquées par les Tables. 287 Enfin les Poètes par leurs fi&ions «q^SJ contribuèrent infiniment à Pldolatrie l. u. c& U qui avoit l'Eau pour objet. En effet ils ne parloient des Fleuves , des Rivières & des Fontaines , que comme d'autant de Dieux ; ils les peignoient & les re- préfentoient dans leurs ouvrages, com- me fi véritablement ils les avoient vus : ils les font fortir de leurs grotes humi- des pour apparoître à leurs Héros , & leur prédire leurs deftinées ; ils en ra- content les amours , les combats ? &c. c'eft F Alphée qui pourfuit Aréthufe, que Diane change en fontaine ; ici c'eft l'Achelous qui difpute Dejanire à Her- cule , & qui eft vaincu par fon rival ; tantôt ce font de jeunes perfonnes qui pour éviter les pourfuites de quelque Dieu amoureux , fe précipitent dans quelque fleuve , & font fur le champ métamorphofées en Nymphes > ou en •ÎNiaïades ; ou qui pleurant leur foiblefle, & fondant en larmes , deviennent des fontaines. Les charmes de la Poëfie ani- îiioient ces deferiptions 5 & à force de les lire & d'en être touché , on les prit à la lettre , & on ne regarda plus les Fleuves & les Fontaines que comme des Divinités animées De-là ce nombre prodigieux de Dieux

288 La Mythologie & les Fa h les Dieux & de DéefTes des Eaux , nombre qui î°uch\ &rpaffe celui du Ciel , & des autres par- ''■'•"' ties de i'Univers. En effet, outre qu'on croyoit que chaque Fleuve, chaque Ri- vière , chaque Fontaine , & tout autre amas d'eau étoit une Divinité , ou du moins avoit un Dieu tutelaire ; la Mer en contenoit un nombre infini, L'Océan avoit eu de Tethys foixante - douze Nymphes , nommées Océanides ; Né- rée , cinquantes Néréides , dont Hefio- de rapporte les noms. Le nombre des Nymphes , fi nous en croyons Hefio- de, montoit à trois mille , & apparem- ment qu'il ne les avoit pas toutes comp- tées. Si on ajoute aux Nymphes 5 les Naïades, lesNapées, les Limniades, &c. on trouvera que les Dieux des Eaux étoient innombrables. 4

Mais ce n'eft pas affez d'avoir prou- vé qu'on rendoit un culte religieux à l'Eau & aux Divinités qui y habitoiént, il faut examiner en quoi confifto.it ce 1 culte , & de quelle manière on reprc- fentoit ces Dieux.

CHAPITRE IL

Expliquées par les Tables. 289

CHAPITRE IL

Des différeras Sacrifices qiJ!on offrait aux Dieux des Eaux.

JE ne dirai rien du facrifice fingulier Difux que les Perfes & les Cappadociens ^^Sl offroient à l'eau, fuivant le témoignage d'Hérodote & de Strabon , parce qu'il faudroit repeter ce que j'en ai dit dans l'hiftoire de la Religion de ces Peu- ples (1). Pour donner quelque ordre à d)T.I.L>; cette matière , je parlerai d'abord du culte rendu à l'Océan , & aux autres Mers, enfuite de celui qu'on rendoit aux Fleuves Se aux Fontaines f & je fi- nirai par celui des Nymphes & des au- tres Divinités des eaux.

L'Antiquité nous apprend peu de chofes touchant le culte de l'Océan ; Juftin eft celui des Anciens qui en a parlé le plus clairement , lorfqu'il a dit qu'Alexandre étant retourné à fes vaif- feaux , fit des libations à l'Océan , en le priant de lui accorder un heureux retour dans fa Patrie (a). Ariftée étant allé

('a ) ExpHgnata. demie urbe , reverfus ad naves libamtnta. dédit 5 profpernm in çatriam reditHm^recatar, Juft. Iiy. 2.

Tome IV. N

29° La Mythologie & les Fables D i h u x trouver fa rnere dans les grotes du fleu-

d "Occident. -n XT , ° v

jl. iju ch. it. ve renée , cette JNymphe après avoir appris le fujet qui l'avoit amené , offre un facrifice à l'Océan auteur de tous les Etres ; mais le facrifice neconfîfte qu'en de lîmples libations. Elle épancha trois fois , dit Virgile , la liqueur fur les bra- fîers de l'autel , & trois fois une flamme éclatante fortit du feu facré s & s'éleva jufqu'à la voûte (a).

Les viâimes qu'on offroit le plus or- dinairement à Neptune , étoient le che- val & le taureau : le premier de ces deux animaux étoit fpécialement confacré à ce Dieu , qu'on croyoit avoir produit le premier cheval, qu'il avoit fait fortir de terre d'un coup de trident ; fi&ion que j'ai expliquée dans l'hîftoîre du dif- férend qu'il eut avec Minerve ; le tau- reau marquant par fa force & fes mugif- femens les flots de la Mer agitée , ôc étant le fymbole des Fleuves , ainlî qu'on le dira dans la fuite. Il eft inutile de rapporter des exemples pour prou- ver l'ufage l'on étoit d'offrir ces deux fortes de viftimes à Neptune; Fhiftoire en eft remplie , & Virgile qui ne s'éloi- gne guéres des ufages ordinaires , nous

(a^ Oc»ano i.bemus , ait, f.mul :'pfa precatu* »

Ocea/mœqut çatrem remm , C7V. Virg. Gcorg. 1. 4;

Expliquées' par VHiftoire. 29 1 f cpréfente Laocoon immolant fur le ri- Dieux vage un taureau à Neptune (a). if 2!a5u$U

Les facrifices que l'on ofFroit à la Mer etoient de différente nature. Nous ap- prenons d'Homère (1) que quand elle (X)odyfl.7. étoit agitée , on lui immoloit un Tau- reau noir ; ou un porc & un agneau , lorfqu'elle étoit calme & tranquille.Mais la vi&ime qu'on offroit le plus ordinai- rement à la Mer , étoit le Taureau , Se le cheval , comme à Neptune qui en étoit le fouverain ; quelquefois on im- moloit véritablement ce dernier animal , quelquefois on le précipitoit dans les flots , quelquefois enfin on fe contentoit de le confacrer à la Mer 5 & aux Fleu- ves , en lui laiffant la liberté de paître dans les pâturages voilîns ; fouvent le facrifice fe faifoit fur la Mer même , quelquefois furie rivage ; & l'Antiquité nous fournit des exemples de toutes ces variations. Cloante dans Virgile (&), s'a- dreffe ainfi aux Dieux de la Mer , Dieux de la Nier Jur laquelle nous courons , je fais vœu lorfque je ferai fur le rivage, de vous immoler un Taureau blanc.

( a ) Laocoon duBus , "N.e[timi forte Sacerdos Solemnes Taurum ingèntem rnatl.ibat ad aras. J£ru 1. 3. (b) D: qmbus imper um p L1-g' , dtooi uni JF.quorA carra , Pubis lœtus ego hoc canderitem in littore taxrnm Cc/njïituam voti reas. J£n<, 1. 5 .

Nij

292 La Anthologie & les Fables tVoSL. C'étoit un ufage dans ces fortes de L.ii. Cn 11. facrifices de recevoir dans une patere le fang de la viftime qu'on répandoit en- fuite dans la Mer , en forme de libation. Lorfque le facrifice étoit offert fur la Mer même , on y laiflbit couler le fang de la victime , & on y jettoit les en- trailles , ainfi que nous l'apprend Tite- Live (a) à l'occafion du facrifice quW- frit à la Mer Scipion l'Africain , prêt à partir pour l'Afrique.

Quelquefois on joignoit à cette pra- tique une libation de vin, & une offrande

de fruits (i). On en voit en effet fur la

* Colonne Trajane , près de l'Autel Trajan paroît une patere à la main pour faire une libation à la Mer. Pour les Fleuves on les honoroit de différentes manières.

D'abord Hefiode établit pour pré- cepte , qu'on ne doit pas les paffer fans s'y être auparavant lavé les mains. Les Magistrats Romains ne paiîbient jamais le petit ruiffeau qui étoit près du champ de Mars, fans avoir auparavant con- fulté les Augures , & les Généraux avant qu e parnr pour laguerre en faifoient autant. Il efr certain , dit Ciceron (2) , que nos Capitaines ont coutume de fa-

{2)undf. exta ùf J4 vUHmà^û mn eft.tn mare çsiYigiuT^L.z* »

Expliquées par PBpire. %$$ crifier aux Flots avant que de s'embar- -tf*^ quer. Mais on pouffa encore bien plus L.n. .ch.ii. loin le refpeft religieux qu'on avoit pour eux , puifqu'avant de les traverfer pour quelque expédition militaire , on leur offrait des chevaux en facrifice ; c'eft ainfi que Xerxès ,au rapport d'Hé- rodote , avant que de paffer le Strymon pour venir dans la Grèce , lui en immo- la , & que Tiridate en offrit un à l'Eu- phrate , pendant que Vitellius qui étoit avec lui , fit en l'honneur de ce Fleuve le facrifice Taurobolique ; car on -îm- moloit auffi des taureaux- aux fleuves , comme à l'Océan, & à la Mer. Lucullus au rapport de Plutarque(i) en facrifia (x) ** S* à FEuphrate, dans le temps qu'il pour- Luc* fuivoit Tigrane : il falloit même que Tufagè en fût fort ancien , puifqu'A- chille dit à Lycaon : ce Fleuve fi rapide , le Xante , à qui tous offrons tantâeTau- reaux 9 ne vous garantira pas. Enfin on porta la fu perdition à cet égard m point que les jeunes filles de Troye étoient obligées la veille de leur maria- ge r d'aller offrir leur virginité.au fleuve Scamandre , & on fçait ce qui en arri- voit quelquefois. La jeunefFe Grecque > au rapport de Paufanias (2) , fe conten- (2) In Am toit d'offrir fa chevelure au fleuve Neda,

N %

294 La Mythologie & les Fables iD ivx& Homère nous apprend que Pelée

L-j/ot/îi avoit confacré au Sperchius celle de 1 ' fon fils d'Achille.

Les Nymphes , les Napées , les Naïa- des avoient auffi leurs facrifices ; c^étoit quelquefois des chèvres & des agneaux qu'on leur immoloit , avec des libations de vin , de miel & d'huile ; fouvent on fe contentoit de leur préfenter du lait, des fruits & des fleurs. Il eft vrai qu' A-

,, Geor^ riftée , au rapport de Virgile (i) , offre aux Nymphes quatre taureaux & autant de genifïes ; mais un facrifice fi folemnel pour ces petites Divinités des eaux , eft fans autre exemple dans l'Antiquité. Pour les Fêtes champêtres qu'on cèle- broit en leur honneur , elles étoient or- dinaires aux gens de la campagne , Se c'étoit dans ces cérémonies ruftiques qu'on voyoit couler le lait , le miel & l'huile en abondance.

CHAPITRE I IL

De l'Océan & de Tethys.

I'O c e AN tenoit àjuftetitre la place du premier Dieu des eaux , puis- qu'il en contient le plus grand amas ; Ôc

Expliquées par PHijlotre. 19 ï ^^ qu'il les communique aux autres mers & Rident, à toute la terre , par cette admirable cir- l. li. ch.ui. eulation qui y porte par-tout la fécon- dité.

Les Poètes qui l'ont perfonmfié , en ont donné la généalogie , & Hefiode nous apprend qu'il étoit fils du Ciel & de la Terre. « La Terre , dit-il , de fou * mariage avec Uranus eut l'Océan aux y> gouffres profonds , & avec lui Cœus *> & Creius , Hy perion , Iapet , Rhea , »Themis,&c.(i). , j (l)Theo^

Comme ce Poëte joint la génération de l'Océan avec celle de plufieurs per- fonnes qui ont véritablement exifté , ainfi qu'on l'a prouvé dans l'hiftoîre des Dieux du Ciel, on fero^r porté à croire qu'il s'agit dans cet endroit , non d'une génération purement phyfique ,- mais dune génération naturelle ; & de-là on peut croire que parmi les Titans il y en eut un qui porta le nom d'Océan. Par- on expliqueroit à la lettre, r. Ce que dit Homère que tous les Dieux tiroient leur origine de l'Océan & de Tethys (2), t< \\ J*! parce que véritablement ils eurent un grand nombre d'enfans qui furent mis au rang des Dieux , comme les autres Titans. 2°. Ce que dit le même Poëte que les Dieux alloient fouvcnten Ethio-

N iiij

n$6 La Mythologie & les Tables ? * E y x pie vifiter l'Océan , & prendre part aur

d Occident. £A r . r, £ .

1.11. cluJJi. xet^s oc aux iacrinces qu on y oftroit , ce qui voudroit dire que tous ceux des Ti- tans , qui à Poccafïon de leurs conquê- tes s'étoient établis en differens endroits, s^aflembloient de temps en temps pour aller rendre leurs devoirs à l'Océan dans îe lieu il regnoit. 30. Que Junoa avoit été élevée chez l'Océan & Tethys, parce que véritablement Rhea l'envoya à fa belle-fœur pour prendre foin de fon éducation, Scia dérober à la cruelle fuperflition de Saturne. 40. Ce que dit Efchile , que l'Océan étoit intime ami de Promethée frère d'Atlas ; mais il faut avouer en même temps que les Anciens n'ont le plus fouvent regardé l'Oceaa que comme une Divinité naturelle ; ôc comme fon nom , fuivant Diodore de (î)lnPro- Sicile (1) , veut dire mère nourrice , c'efl

jm«heo,li. avec ra}fon qu'il a dit qu'il étoit le père, non-feulement des Dieux , mais de tous les Etres ; ce qui eft vrai en ce fens , que l'eau contribue plus feule à la produc- tion^ &ir1a nourriture des corps , que tout le refte de la Nature. En effet , fui- vant les expériences faites par les An- ciens & par les Modernes , un arbre , ou une plante confumentdans leurs accroif* femens plufîeurs milliers de portions

Expliquées par PEtftoire. 297 a'eau , contre une de terre. Ce que les a^Hçn^ Grecs difoient de l'Océan , les Egyp- L.u.ch.iïi., tiens le difoient du Nil , qui parmi eux a porté pendant un temps le nom d'O- céan, & peut-être avec plus de raifon, puifque c'étoit véritablement dans leur pays qu'a voient vécu les premiers Dieux. 3> L'Océan chez les Egyptiens, dit Dio- » dore de Sicile (1) , n'eft autre chofe (I)Liv,u* » que 1er fleuve du Nil , ils préten- » dent que les Dieux ont pris naiffance,.. *> parce que de tous les pays du monde , » PEgypta eft le feul qui ait des villes » bâties par les Dieux mêmes. *>

Les Grecs dérivoient le nom d'Océan mtctatoe , du mot **>»* , qui marquoit la rapidité de Peau (2) ; ils Pappelloient ^\ iiA auiîï/SaWm* , parce que fon mouve- - vefaita&ï. ! ruent ëtoit vif & fe faifoit dans le fomF même des eaux. Euripide, dans fon Orefte , lui donne l'épithete de Tamt-- çeps (3) , qui convient également à Nep*- (5) T*&# tune & aux Fleuves mêmes, tant à caufè p«*f***** des vagues agitées qui femblent imiter le mugifTement de cet animal , que des branches différentes qui forment les Ri^ vieres , qu'on défignoit par des*cornes; Ainff on dit qu Hercule avoit arraché une des cornes d' Acheloiis , parce qu'il avoit fait -rentrer dans le lit de ce Fleuve

298 La Mythologie & les Fables Dieux un des bras qui inondoit PEtolie (1). L^n'chtm Si on donne à FOcean Tethys pour

(1) voyez époufe. c'eft pour marquer qu'il épure He" Ce & lave toutes chofes, & qu'il les affem-

ble, ou pour m'expliquer dans les ter-

(2) Lyl. mes d'un fçavant Mythologue (2) , dr. sym. 5. qUOj pura omnja &> fplendidà efficiat ,

refque contrarias concordi ac mutuo nexu décerner copulet. Au refte il faut bien diftinguer cette Tethys femme de l'O- céan , de la Néréide Thetis qui époufa Pelée , & dont elle eut Achille. Les Mythologues même obfervent à ce fu- jet y car il faut tout dire iufqu'aux minu- ties , que le nom de la première s'écrit avec un y grec , & celui de la mère d'Achille avec un ïota. Une ancienne fable nous apprend que Jupiter ayant été lié & garotté par les autres Dieux, Tethys avec l'aide d'Egeon le remit en liberté; ce qui veut dire fans doute que cette Princefle fe fervit de ce Géant

^pour délivrer fon parent de quelque péril , ou lui faire éviter les embûches les autres Titans , qui étoient en guerre contre lui , vouloient le faire tomber.

L'Antiquité ne nous a tranfmis que deux monumens qui repréfentent PO- cean ± l'un eit uue ftaîue qui a été dé-

Expliquées par PHiftoire. 2$$ terrée à Rome vers le milieu du feizié- JL1*?*

r 1 . r . . - d'Occident.

me liecle , qui nous tait voir 1 Océan tiir.ch.ur. fous la figure d'un vieillard afïîs fur les ondes de la Mer , avec une pique à la main , & ayant près de lui un monftre marin qu'on ne connoît pas ; l'autre efl une pierre gravée de Beger , fur la- quelle ce Dieu eft pareillement peint fous la figure d\m vieillard aiils fur les ondes , font dans le lointain quel- ques vaifleaux.

Mais avant que de finir ce Chapitre, je dois dire ce que je penfe de ces fre- quens voyages qu'Homère fait faire aux Dieux chez l'Océan , ils ailoient paffer douze jours parmi la bonne chère & les feftins. Ce Poète veut nous par- ler en cette occafion de la pieté de ces Peuples, & en particulier d'une ancienne coutume de ceux qui habitoient fur les bords de l'Océan Atlantique, Se qui cé- lébraient dans une certaine faifon de l'année des fêtes folemnelles , pendant lefquelles ils portoient en procefïïon la flatuc de Jupiter & de leurs autres Dieux , leur offraient des facrifices , & faifoient de grands feflins , ce qui du- rait douze jours. Paufanîas (i) parlant (Oln, de ceux des Ethiopiens qui habitoient la ville de Meroé & les plaines voifincs,

Nv]

3Ô0 La Mythologie & les Fables Dieux & qUi pafïbient pour les plus iuftes de

<1 Occident. 11 v

"LAL ch ni. tous les nommes, dit qu on croyoït que, c'éioit chez eux que le Soleil tenoit fa table ; & c'eftfans doute de cette table & de ces feftins que les Grecs, &enfuite les Romains , prirent Fufage de fervir des tables devant les flatues de leurs. Dieux , cérémonie qu'ils nommoient le Leftiilerne {a).

Je fçais que ceux qui ramènent à l'al- légorie toutes les anciennes fixions , prétendent que le Poe te a voulu nous apprendre par celle-ci , que le Soleil, & les Planètes dont les Dieux portoient les noms , fe nourriffoient des vapeurs de l'Océan, mais avoît-il penfé là-deïïus comme le Philofophe Cleante f

Quoiqu'il en foit > la Fable de PO-- cean eft très obfcure , & ce qui y a ap- porté tant de confufion , c'eft qu'on y a mêlé THiftoire avec la Phyfique , & qu'on a regardé l'Océan tantôt comme un Prince Titan , tantôt comme le grand amas d'eaux qui porte fon nom. Les Anciens ont débité à ce fujet bien des chofes qu'il feroit également ridicule de rapporter toutes à THiftoire, ou toutes à la Fhyfîque ; on doit penfer de même

GO Voye2. ce qui a été dit à ce fujet dans l'article des Sacrifias , 1. 1, 1.4»

Expliquée* par Pffiftoire. 3 or des enfans qu'on lui donne, & qu'il eut, j>t&v* dit-on , de Tethys fa femme & fa foeur y La(nxhJV. puifqu'on met de ce nombre non-feule- ment les Fleuves , les Nymphes & les Fontaines 3 mais encore la plupart des* perfonnes qui avoient régné ou habité fur les côtes de la mer , comme Protée y Ethra femme d'Atlas , Perfé mère de Circé , & plulîeurs autres,,

CHAPITRE IV.

Neptune & Amphitrite^

CO M M E FOcean , aînfi que le re- marque Girard Voffius (1) après (i)Dtid<*J les Mythologues anciens , marquoit la Mer extérieure, ou le grand amas d'eaux qui environne toute la terre , Neptune, étoit pris pour la Mer intérieure , com- me la Méditerranée & les autres Mers.. Les Philofophes Stoïciens embarraffés de . fçavoir ce que c'étoit que ce Dieu, con- vinrent enfin que c'étoit une intelligen- ce répandue dans la Mer, comme Cerès, étoit celie de la Terre; mais Ciceron (2) {l ) l>^;fj

vi •: " / Nat. Dcoi.

avoue qu il ne lçavoit , ni ne concevoit 1, 3%. ce que c'étoit que cette intelligence de;

?02 La Mythologie & les Fahîer p i h u x k Mer & de la Terre , ni ne foupçon-

d Occident. 5 ' . JtT

L.li.ch.iv. nojt. Pas même ce que ce pouvojt être. Si nous nous en rapportons à Varron, les Latins donnèrent à ce Dieu le nom de Neptune, à nubendo , parce qu'il cou- vre la Terre {à) ; le fçavant Père Tour- nemine fait venir ce 'mot de l'Hebrea Naphta, qui veut dire couler , & cette étymologie vaut mieux fans doute que celle qui dérive ce nom de nager , ei* changeant un peu les premières lettres; car comment fauver cette étymologie , puifque bien loin de changer les pre- mières lettres , la première eft la feule qui fe trouve dans le mot Neptune , & dans celui de nare , nager. Auffi. Cotta CiSor'. dans Çîceron ( * ) s'en mocque-t'il : Il efï vrai > dît cet Interlocuteur, que fai- fant venir Neptune de nager , en quoi , pour awfi dire , vous ni* avez paru nager vous-même plus que Neptune , vous trou- verez aifément V origine de tous les noms imaginables , puifqu'il ne vous faut pour la fonder , que la conformité (Tune feule lettre.

Remarquons en pafTant, & cette re- marque aura lieu plus d'une fois dans cet Ouvrage , la négligence de quel-

( a ) KeçtnnHs 4 nubendo , quod i.ub.u , id eft ? ttenM ter /as*

et

Expliquées par VEijlotre. 303 ques Auteurs , (railleurs très-fcayans , tg^ qui trouvant un mot dans un Ecrivain , ££chilV. croyent que c'eft fon fentiment. Lylio Giraldi (1 ) dit que Ciceron fait venir le (lî Synt $. nom de Neptune du mot nager. Il eft de »**£■ vrai que dans le fécond Livre de la Na- ture des Dieux un des Interlocuteurs de ce Dialogue , dit que les Perfes ; le di- foient ainfi ; mais dans le troifieme , Cotta , qui eft Ciceron lui-même , dé- truit prefque toujours ce que les deux autres avoient avancé ; encore ne peut- on pas trop fçavoir ni dans les deux pre- miers Livres de cet Ouvrage, m même dans le troifieme , quel eft le véritable fentiment de cet Auteur. Quant à ceux, dit-il , qui veulent fçavoir quelle elt lin- cerement ma penfée fur chaque matière, ils pouffent leur curiofité trop loin. Qu'on me pardonne cette petite digrei- fion , je rai crue néceffaire.

Les Grecs nommoient Neptune ¥0- ftidon, & l'on trouve de ce nom plufieurs étymologies ; en effet il peut figmher celui qui foule la terre avec les pieds, ou qui voit plufieurs chofes , ou qui brijeles laijfeaux(a). Ceux qui ont voulu cher- ( a m.tT>S>ii i *ï* t**> & '«'* **** ; & h FOlir

y,", Uterrk-, dans le Dialecte Dorique. Ce mot peut ve- nir de K«*« t'ï*> W ¥# tH"™ ch°J«> M- Ie clerC & le P. Tournemine font pour la troifieme étymologie.

J04 La Mythologie Ù> les Fables aSddfm. cher r°rigine de ce Dieu , ont été en*- Lii.Gh.iv. core plus embarraffés que ceux qui fV font contentes de ne trouver que cells de fon nom. Si nous en croyons Hero- Jff^Y^ dote (r>i Neptune étroit Libyen d'ori- gine , & avoit de tout temps été en grande vénération dans ce Pays. Les Egyptiens , dit ce même Auteur, ne le connoifïbient point ; même quand ils le mirent au nombre de leurs Dieux , ils ne lui rendirent aucun culte ; ce ne fut donc point des Egyptiens , conclut-il enfin , que les Grecs reçurent ce Dieu, comme ils en avoient reçu prefquetous les autres, mais immédiatement des Li- byens. L'Hiftoire nous apprend que les Peuples d'Afrique avoient connu la Grèce, & y avoient amené de leurs che- vaux dès les temps les plus reculés , ÔC peut-être même avant que les premières colonies d'Egypte & dePheniciey fuL . fient arrivées. Ce fut par ce moyen fans doute qu'ils commencèrent à connoî- tre Neptune , qu'ils mirent au rang de leurs grands Dieux j> & l'honore? rent d'un culte particulier. -Mais après tout on ne fçait pas quelle idée ea avoient les Libyens. Le regardoient-ils comme le Dieu de la Mer , ou comme celui (jui le premier avoit appris à ékvcr

Expliquées par PHifloïre. $0$ & à dompter des chevaux ? Pour moi je ^g^g^ eroirois volontiers que c'étoit cette der-L,iLCkiv, niere idée qu'ils avoient de ce Dieu; & les Grecs qui le prirent pour le Dieu de la Mer, peut-être parce que c'étoit par Mer que la connoiffance leur enétoit venue, confervoient toujours l'ancienne notion qu'ils en avoient prjfe des Li- byens ; de-là l'épithete d'Ippius , ou de cavalier , qu'ils lui ont donnée ; de-là encore la prétention ils étoient que c'étoit lui qui avoit fait fortîr de terre le premier cheval > comme le dit Vir- gile , en Pinvoquant dans fes Georgi- ques : Et vous , Neptune, à qui la terre frappée de votre trident offrit un cheval fougueux ; & il falloit bien que ce fût fous cette idée que le Poëte l'invoquoit ; fe feroit-il adreffé au Dieu de la Mer dans un Ouvrage il parloit de la vie champêtre , & nommément des chevaux dont il traite dans le troifiéme Livre ?

Quelques Auteurs appellent le che- val que forma la terre frappée d un coup de trident , Arion ; d'autres , comme Servius, le nomment Scythius. Mais fon véritable nom étoit Scyphius , & corn-

(a) Tuque , o , cui prima furentem

Vu dit equum magno te lias percujja trident i &gtH»9 ■' Georg. I ^ v* i3;

3 o 6 La Mythologie & les Fables

«roïcknt me ce mot dé%ae un Pet* bâtiment de L. il ChJV. Mer 5 un efquif , que les Allemands nomment Ckiph , on aura pris pour un cheval le vaifleau qui emmena les Li- byens dans la Grèce , & pour un cava- lier , le Dieu dont ils y portèrent le culte. Ce qui confirme cette conjectu- re 5 c'eft qu'on peut très bien comparer un cheval à un vaifleau , à caufe de fa légèreté à courir ; &nous fçavons que les anciens habitans de Gadès9 ou Cadis, appelaient des chevaux leurs petits bâ- timens de Mer , parce qu'ils alloient vite : auffi les Poètes ont-ils formé leur cheval Pegafe d'un vaifleau à voiles.

Quoiqu'il en foit , les Anciens & les Modernes font également partagés au fujet de l'idée qu'on doit avoir de Nep- tune. Le plus grand nombre ne le re- garde que comme un Etre phyfique,ou Divinité naturelle , qui défigne Peau , fur laquelle il préfldoit ; d autres ce- pendant , comme Diodore de Sicile Se La&ance, d'après l'Hiftore facrée d'E- vhemere , le prennent pour un Dieu animé , pour un perfonnage réel. Parmi les Modernes , Dom Pezron & M. le Clerc en ont penfé comme les Anciens que je viens de nommer ; & je fuis con- vaincu avec eux que Neptune étoit ua

(iJL.î,

Expliquées par PEipire. 307 Prince de la race des Titans. Il étoit , ^g*»^ félon Hefiode (1), fils de Saturne & de L.u.ch.iv. Rhea , & frère de Jupiter & de Pluton ; W »**• Rhea l'ayant caché pour le dérober a la voracité de Saturne , dit qu'elle étoit accouchée d'un poulain , que le Dieu dévora de même que les autres enfans de fa femme. Comme il fut le premier, fuivant Diodore (2), qui s'embarqua fur la Mer avec l'appareil d'une armée navale , il mérita d'en avoir l'empire , & Saturne fon père lui ayant donné tout pouvoir fur cet élément , il en fut regardé dans la fuite comme le Dieu ; & c'eft auflîce qui fait , continue l'Auteur que je viens de citer, que les Nautoniers lui adreffent leurs vœux & leurs facnfi- ces ; ou, ce qui revient au même, dans le partage que les trois frères firent de l'Em- pire des Titans , Neptune eut pour fon lot la Mer , les Mes & tous les lieux qui en font proches. Laftance qui avoit lu Phifioire d'Evhemere , le dit positi- vement (a) : ce qui cependant, ainfi que le remarque M. le Clerc , ne doit s'en- tendre que de la mer Méditerranée , l'Océan étant alors fi peu connu , qu'on

(a) Jupiter impermm V.eptuno Mtris , ut Infulis omnibus, & cjux fecttndùm TAaie bcafunt , omnibus regnaret. U«.. Div. ln'ftit. 1. l.C. U

3°8 La Mythologie & les Fable? Jocm£. n'ofoit prefque y entrer : Neptune Ce ML Ch.iv. rendit très -fameux fur la Mer , même pendant le vivant de Saturne fon père 9 qui,<i nous en croyons Diodore de Sici- CO liv, 5. le (i).lui avoit donné le commandement de fa flotte; il eut toujours foin d'arrê- ter les entreprifes des Princes Titans y empêcha les établifTemens qu^ils vou- loient faire dans quelques Mes , & lorf- que Jupiter fon frere,qu^il fervit toujours îrès-fîdélement , eut obligé fes ennemis à fe retirer dans les pays occidentaux y il les y ferra de fi près, qu'ils ne purent jamais en fortir; ce qui donna lieu à la fable qui porte qu'il tenoit les Titans enfermés dans l'Enfer , & les empêchoit de remuer, ainfî que nous l'avons dit- dans le Livre précédent.

Je ne doute pas auiîi que Neptune île fe foit rendu célèbre fur la Mer , au- tant par rétabliiTement du Commerce que par Ces vi^.oires : il efl vraisembla- ble qu'il y avoit des vaiiïeaux marchands qui alloient de fon temps trafiquer fur les côtes d'Afrique , & qu'il avoit foin de faire efeorter. En un mot , ce (z) Liv. i.prince) feion La&ance (i) , étoit amiral de Jupiter, & le furintendant des Mers, tel que Marc Antoine le fut par ordre du Sénat, cujusregnum tak fwjje did*

Expliquées par PHtfoir e. 3 Op

mus , qualis Muret Amonxï fuît, Prfin* Viwx^ ■t«w illud tmperium eut tonus or ce manu- L. n. c. iv mapoteftatem Sevatus decreverat. Voilà ce quia donné lieu aux Anciens de re- garder ce Prince comme le Dieu delà Mer , de n'en parler que fous cette idée ; -de lui confacrer des Temples & des Au- tels , & de tâcher de fe le rendre favo- rable par les prières & les facrifïces-

II eft confiant toutefois que les Grecs ont embelli Fhiftoire de Neptune de cel- le de Japhet & de Javan : celui-ci qui avoit eu pour fon partage les pays d'Oc- cident , fit équiper quelques vaiffeaux ^pour y aller ( i ), .& c'efl fans doute ce qui dJ\^{Vo^ a donné lieu à Bochart (2), qui a trouvé u)Phaleg. beaucoup de conformité entre l'hiftoire l 2* c- Zo de Neptune & celle de Japhet. de croire epe ce n'étoit qu'une même peifonne , A il en fait un parallèle qui ne reffemble pas mal.

On ne peut pas de même douter qu'on n'ait donné le nom de Neptune à la plu- part des Princes inconnus, qui venoient par Mer s'établir dans quelque nouveau Pays , ou qui regnoient fur des Mes , ou qui s'étoient rendus célèbres fur la Mer par leurs vi&oires ou par Pétablif- fement du commerce. On étendoit mê- me ce nom , fi nous en croyons Aulu-

3 1 o La Mythologie & les Fables Dieux gelle, à ceux gui avoient autant de fierté

d Occident. & ' . T

L. xi. c. iv, oc de terocite que de valeur (#) , com- me Cercyon , les Cyclopes &c. De-là tant de Neptunes, tant de femmes & de maîtrefles , ôc tant d'enfans qu'on donne à ce Dieu ; tant de métamorphofes , ôc tant d'enlevemens qu'on met fur fon ( i ) Dans compte. Voffius (i) s'eft donné la peî-

fidoîatrie. dC ne ^e démafquer quelques-uns de ces Neptunes , &. de déterminer le temps auquel ils ont vécu* Celui qui eut de Libye , Beîus & Agenor,étoit quelque Prince Egyptien qui vivoit vers l'an avant Jefus-Chrift, 1483. Il s'étoit ren- du apparemment fameux fur la Mer , 8c en même-temps par le foin qu'il avoit pris de dompter les Chevaux. Celui qui cPÂmymome, fille de Danaiis, eut Nau- plius , père de Palamede , vivoit vers le temps de ce Prince, Il eft bon de rapporter en paflant fon avanture ; on dit que Danaiis ayant envoyé fa fille puifer de 1 eau pour offrir un facrifice , (i)Phihoft. Satyre voulut lui faire violence (2).

fable de i\ep- J , . . 15 vj /

tune & d'A- La Prmcefle effrayée implora 1 aide de

ipymome. Neptune , ce Dieu la fecourut , & mit

le Satyre en fuite ; mais il lui fit la même

( a ) Praftantijfimos virtute , €7f. Javis filiw* 2cè;<e af pellaverunt ; ferociffimos C7 imm.tnes tanquam è mari genitss •, Tieptuni filios dix ère Çy dopas , O Cerryona , O Scyrona , CT Ltprigonas* L . 1 5 . c. z 1 .

Expliquées pur PHiftoke. 3 1 î ïnfulte qu'elle venoit d'éviter par fon f**g^ fecours. Il y a apparence que cette Lai.ch. iv« avanture qui arriva près d'un Temple de Neptune aux environs d'Argos , Danaùs qui venoit d'Egypte vouloit of- frir un Sacrifice , regarde quelque Prê- tre de ce Dieu. Celui qui fut père du fameux Cercyon que Thefée tua , vi- voit un peu avant la conquête des Ar- gonautes.Celui qui de Tyro, fille de Sal- monée , eut Pelias , vivoit environ le même temps. Celui qui pafla pour le père de Thefée 3 étoit Egée Roi d'A- thènes , qui voulut tenir fecret fon ma- riage avec Ethra, fille de Pithaeus. Ce- lui enfin , qui donne lieu à cet article , & dont l'Hiftoire eft chargée des avan- tures de tous les autres , vivoit du temps dTfaac , un peu après la mort d'A- braham (i). Ji)Vo^

K ' ^r-r j ce qui a ete

Les Scythes, au rapport d Hérodote, dït ae l'âge avoient auffi leur Neptune > & le nom- deJupiter.Lw moient Thamlmafades ; enfin le premier Neptune eft fans doute Japhet , ou quelqu'un de fes fils , puifque c'eft à ce Prince que l'Ecriture dit (2) que les (2) Genef. Ifles étoient tombées en partage. C'eft I0* peut-être de lui que parle Sanchonia- thon , lorfqu'il dit que Chryfor inventa les radeaux, & fut le premier qui navi-

3 1 £ La Mythologie & les Fables T)ieux gea , & que pour cela après fa mort, il fi. ilc. -iv* &* m*s au rang des Dieux; à moins qu'on ne veuille l'entendre de Noé lui- même , qui dans ce fens-là eft le plus an- cien de tous les Neptunes. Mais celui qui fe rendit le plus célèbre de tous , c'eft le fils de Saturne , ou le Prince Titan dont je viens de parler.

On dit au refte que Neptune eut pour femme Amphitrite fille de l'Océan & de Doris , que ce Prince en étant de- venu amoureux , & ne pouvant la por- ter à Pépoufer , il lui envoya un Dau- phin , qui joua fi bien fon perfonnage, qu'il l'obligea enfin à confentir à deve- nir époufe de ce Dieu de la Mer. On ajoute que Neptune, pour récompenfer le Dauphin, le plaça parmi les Aftres (#). Quejques Auteurs croyent que cette Amphitrite n'eft qu'un perfonnage Poé- tique , dont le nom fignifie environ- ner (jb\ Ainfi on ne doit pas s'étonner fi on Ta donnée pour femme à Neptune ou à la Mer , qui environne la Terre* Cependant rien ne nous empêche de la

[ a ] Voyez Hygin , Calo Poét. aflr. Caefius , Cœlo *flr» in Drlphino , & Aratns , in Phœ'i.

{b)ccp(piTii<fiv •> cinumterere , hinc Ovid. lib. L«> Met.

nec brach,d longo "Margint tenarum çsrrexerat tAmçlriiritt*

regarder

Expliquées par VRiftotre. 313 regarder comme Reine de quelques Dieu* Mes , & la Fable du Dauphin , comme Li i^c.'iv. l'intrigue de quelque Confident habile , ou de quelqu'Ambaiïadeur qui régla tous les articles du mariage de fon maî- tre , & qui s'attira par-là beaucoup de confidération auprès de lui.

Amphitrite étoit peut-être fille de l'Océan , qui étoit un Prince du fang des Titans, oncle de Neptune, qui étoit allé s'établir fur les côtes d'Afrique p comme nous lavons dit , & alors il ne paroîtra rien d'extraordinaire dans cette alliance , ni dans la généalogie de cette Prince/Te. Il ne faut s'éloigner de ce qui paroît hiilorique dans les Poètes , que le moins qu'on peut , & ne pas nier l'exiftencede ces anciens Princes, fur de foibles étymologies , comme fur celle du nom de Neptune que nous venons de rapporter, on alloit dire qu'il n'y a jamais eu de Prince à qui les Latins ont donné le nom de Neptune pour s'être rendu fameux fur la Mer. Saint Àuguf- tin (1) après Varron nomme Sclacta la .(Opeci- femme de Neptune > & on en pénétre vlt,Dei- aifément la raifon. Il faut avouer ce- pendant que les Poètes prennent fou- vent Neptune pour la Mer même (2) ; ioc.at.Euripi mais il eft aifé de difcerner ce qui eft in Cyciop.

Orph. in - gOil , &c<

Tome IF. O

3 T4 La Mythologie & les tables Dt eux véritablement hiftorique , d'avec ce qui

d Occident , n , c cl'

l. il c- IV. n Qft qu une Pure nction ; comme cette agréable defcription du Cortège de Neptune que fait Virgile (a) , il re- préfente ce Dieu fur un chariot , dont les roues touchoient à peine l'eau , ac- compagné de toutes les Divinités de la Mer , des Tritons & des Dauphins , de- vant qui il dit que les ondes s'abaif- foient , & reconnoiiToient ainfi par leur fourmilion & leur filence , la préfence de leur maître. De même ce qu'Home- re avoit dit avant ce Poëte Latin de l'é- quipage de ce même Dieu , lorfqu'il le fait fortir de fon Palais humide, monté fur fon char tiré par des chevaux aux ( i ) iliad. pieds d'airain (i). Mais que doit-on pen-

*'3* fer des autres fi étions qu'on a publiées à

Poccafîon de ce Dieu : pourquoi a-t-on dit, par exemple , qu'il avoit bâti les murailles de Troye , que Laomedon qui

(&)Jungît equùs curm genitcy ^foumantiaque addit Frena feris > manibufque omnes ejfundit habenas ,* CœvuUo $er fumma levis rotf.t œqwra eu-nu : Subfidunt undœ , humiâûmqueft^b axe tonantt Sternitur œquor aquis ,fugiunt vajh œtkere nimbi, Tum varia coynitum faciès , immania cete , htfenior Glauci chorus ; ïnoufque PaUmon , Tritonefque ciù-> Phorçique exercitus omnisp Lava tenent Thetis V Melite Panopœaque viïgo , Kefaee- , Speicque , Tbefiiaque 5 Çymoditeque.

L. 5. in fine.

M. de Cambray dans fon Telemaque a bien imité cet en- droit de Virgile.

Expliquées par PHijloire. 315* favoit employé, n'ayant pas voulu lui ^1.^ux

r V , J. t\' 1 d Occident-

payer ion lalaire , ce Dieu ravagea les l. ii.g iv. champs de Troye , & envoya un mon- ftre pour dévorer Héfione fille de ce Roi f Comme je dois expliquer au long cette fable dans l'hiftoire d'Hercule , qui délivra Héfione y il fuffit de dire ici en peu de mots , que les murailles de la ville de Troye étoient fi bien bâties , & les digues qu'on y avoit élevées pour les mettre à couvert des inondations de la Mer , fi fortes, qu'on publia par une hy- perbole affez naturelle , que le Dieu de la Mer lui-même les avoit conftruites: mais comme rien ne réfifte au temps & & aux tempêtes > ces ouvrages ayant été détruits dans la fuite , on dit que Neptune fe vengeoit de la perfidie de Laomedon, qui effectivement avoit em- ployé l'argent qu'il avoit trouvé dans le Temple de ce Dieu, pour élever ces di- gues , & ne l'y avoit pas remis (1). (1) Voyez On donne le Trident à Neptune , î^otSe & ' & les Mythologues en rendent plu- celle de Lao-| fîeurs raifons. C'eft , difent qûel-^on?Tom,1 ques-uns d'eux , pour marquer par fes trois pointes la qualité des trois fortes d'eaux qui fe trouvent fur la Terre ; celles de la Mer qui font falées ; celles " des Fontaines d'eau douce ; & celles

Oij

3 ï 6 La Mythologie & les Fables

d'Occident. es étangs qui tiennent un peu des unes

L.11. c. iv. & des autres (ï) : ou pourfaire allufîon

l. 2!c.V2.Nat' au tr^ple pouvoir de Neptune fur la

Mer , qu'il peut troubler , appaifer &

(2)ld.ibid. qu'iï conferve (2). Tour moi, fans y

chercher de myfteres , je fuis perfuadé

que le Trident étoit une efpece, de f:ep^

tre dont les Rois fe fervoient autrefois.

Il refleroit maintenant à parler des

métamorphofes de Neptune ; mais je

n'en ai rien à dire , finon que ce font des

enveloppes qui nous cachent quelques

intrigues : Ainfî quand on dit qu'il

(3) Hyg. changea Theophane en brebis (3) , qu'il

Fab. 188. fc métamorphofa en cheval pour fédui-

re Cerès , & en Dauphin pour Melan-

tho , on doit penfer que ce Dieu, ou

ceux qui dans la fuite prirent ce nom ,

enlevèrent ces Princeffes , ou fur des

chevaux , ou fur des vaiffeaux qui por-

toient pour enfeignes les animaux dont

nous venons de parler.

On trouve dans les Médailles, & dans les autres monumens qui nous reftent de l'Antiquité, Neptune repréfenté de dif- férentes manières ; mais ordinairement fous la figure d'un homme âgé , traîné dans une conque par deux chevaux ma- rins , tenant d'une main fon Trident , Se I winCo-de l'autre un Dauphin. Paufanias (4)

Expliquées par VRiftoire. %1J dit que les Trezeniens l'honoroient fous D**u*

Î-A J i) ' fc't 1 d Occident.

le titre de r\oi 5 & il ajoute que lamon-L,IIt c.iv. noyé de Trezene repréfentoit d'un côté un Trident , & de Pautre une Tête de Minerve. On trouve en effet dans Goltzius deux Médailles, une qui a un Trident , Pautre une Minerve avec Pépithéte de ******, ou proteftrice de la ville.

L'Antiquité donne pîufïeurs noms à Neptune , outre ceux que nous avons déjà expliqués ; & comme il y en a plu- fîeurs qui contribuent beaucoup à faire connoître ce Dieu , il eft nécefïaire de s'y arrêter quelques momens. Le nom tfAjbhalion ou â? AfphaUion , car il fe trouve écrit de cette dernière manière fur une Médaille des Rhodiens (i), qui OHiv. i. fignifie ferme , fiable , immobile, & qui répond au Stabilitor des Romains , lui fut donné au rapport de Strabon (2) , à (0 L^« U Poccafion d'une Me nouvelle qui parut fur la Mer. Les Rhodiens alors fort puifTants , y ayant débarqué, y bâtirent un Temple en Phonneur de Neptune Afphalhn , & il en eut bientôt plufieurs autres. Si nous en croyons l'ancien Scho- liafle Grec d'Ariilophane , on en voyoit un au Cap de Tenare dans la Laconie , & félon Paufanias ( 3 ) un autre près du (3) i* a*

O iij cW

3 1 8 La Mythologie & les Fables Dieux port de Fatras : ce furnom aurefte, con-

d Occident. r ^ t^-

l.u. c#iV. venoit partait ement a ce Dieu, parce que comme on croyoit qu'il avoit le pouvoir d'ébranler la Terre?il avoit auffi celui de l'affermir (a) ; ce qui fait dire' à Macro- (OSat.l.i, be (i) que les Dieux avoient fou vent des titres oppofés , fur une même chofe de leur dépendance , & que fi Neptune avoit le nom de Enoftâon , qui marquoit qu'il avoit le pouvoir d'ébranler la Terre 3 il pcrtoit auffi celui à'Afyha- ïion , pour nous apprendre qu'il pou- voit aulîi Taffermir, & la rendre fiable ; auffi ne manquoit-fon guéres de lui of- frir des facrifices dans les grandes tem- pêtes , 6c dans les tremblemens de Terre.

Les Ioniens , au rapport d^Herodo- te , appelloient ce Dieu Heliconien , & s'aiTembloient avec un grand concours des Peuples voifins fur le Promontoire de Mycale , pour lui offrir des facriiî- <i) L. i. ces (2) ; on lui donna le nom de Roi depuis Favanture qu'il eut avec Miner- ve au fujet du Territoire de Trezenne.

[ a ] Servius, fur cet endroit Virgile parle de Nep- tune,

Iteptttr.ttsru.-ros , magncqve emota trider.ti

Tundamentu cuattt. di: que les frndemens de la terre étoient fous le pouvoir & la domination de Neptune,.

Expliquées par PHiftoire. 319 Car Jupiter ayant ordonné qu'il leur „DlEU* 4

-, r . J .t * . « d Occident.

demeureroit en commun , il en prit le l. u.c. iv. nom de Roi , & Minerve, celui de P0- liade, ainfi que nous apprenons de Pau- fanias (1) , comme il prit celui de Pro- (1) inC#- fcriftius , d'un autre différend qu^il eut rinth- avec Junon au fujet du Pays d'Argos. Pour fe venger de ce que Jupiter l'avoit adjugé à cette Déeffe, il inonda toute la Campagne ; mais Junon l'ayant fup- plié d'arrêter le débordement , il fc rendit à fa prière , & on lui donna à caufe de cela l'épithete qu'on vient de voir , & qui fîgnifie s'écouler , efftuere ; parce qu'il avoit fait retirer les eaux des fleuves qui innondoient le pays. On lui bâtit auffi un Temple fous ce nom. Le furnom de Porte-Trident n'a rien de dif- ficile , celui de^>**'T**, faifoit fallufion au bruit de la Mer , qui reffemble aux mugiffemens des Taureaux : c'efl: pour cette raifon , difent les Mythologues , qu'on lui immoloit cet animal , & qu'il fut lui-même nommé T*»t*s ou T*»tt**y & les fêtes qu'on célebroit en fon hon- neur étoient appellées t*^ii*. Mais les deux Epithetesles plus fuperbes étoient celles dont parle Paufanias (2) de Maî- U) in Lu- tre de la Terre , & qui étoit dans la Lu- cait canie } fur une de fes Statues ; & celle

O iiij

5 20 La Mythologie & les Fables

Dieux de Sottr ou le Sauveur , qui félon

L^ii^cïv. Hérodote (i ) lui étoit donnée appa-

coliv. 7- remment par quelqu'un de ceux qui

croyoient qu'il les avôit garantis de

quelque grand danger. Enfin ce Dieu

eut plufieurs autres noms des lieux

il étoit fpécialement honoré , comme

ceux de T en anus , du Promontoire de

ce nom dans la Lucanie. Oncheftius de

la ville d'Onchefte ; Ifimius de l'Ifthme

de Corinthe , il avoit un Temple

(2) inCo- magnifique dont Paufanias ( 2 ) fait la

Sftjfr. defcriptîdn y Heliconim , de THelicon,

&c. Les Romains lui donnoient celui

de Confus , qui répond à celui d'Ippius ,

que nous avons expliqué : De-là le

nom des fêtes Confualia, célébrées en

fon honneur pendant les Jeux du

Cirque.

Comme les avantures que nous ve- nons de rapporter, & plufieurs autres encore qu'on trouve dans Paufanias , donnoient prefque toujours lieu à Vé- reftion de quelque Temple en l'hon- neur de Neptune , & à des fêtes parti- culières , il a été un des Dieux du Pa- ganifme des plus honorés : car indé- pendamment des Libyens qui le regar- doient comme leur grande Divinité , il y avoit dans la Grèce & l'Italie , furtout

Expliquées par PHiflotre. 321 dans les lieux maritimes, un grand nom- Ej^wL bre de Temples élevés en fon honneur, l, û; C. iv- des fêtes & des jeux ; en particulier ceux de Plfthme de Corinthe , & ceux du Cirque à Rome lui étoient fpécialement confacrés fous le nom d'Ippius , parce qu'il y avoit des courfes de chevaux* Les Romains même avoient tant de vé- nération pour ce Dieu ? qu'indépen- damment de la fête qu'ils célebroient en fon honneur le premier de Juillet , ôc qui étoit marquée à ce jour-là dans leur Calendrier, par ces mots, D. Neptuni ludi , tout le mois de Février lui étoit confacré , foit parce que la moitié étoit deftinée parmi eux aux purifications 7 d'où il avoit tiré fon nom (1) , & 9u*fJ^*"^ fe faifoient principalement avec de l'eau, pierjgutifie* Elément auquel ce Dieu préfidoit \ foit pour le prier d'avance d'être favorable aux Navigateurs qui dès le commence- ment du Printemps fe difpofoient aux voyages de Mer. Ce qu'il y avoit de plus fingulier , c'efl: que comme on croyoit que Neptune avoit formé le premier cheval , les chevaux & les mulets , cou- ronnés de fleurs , demeuraient fans tra- vailler pendant les Fêtes de ce Dieu , & jouilîoient d'un repos que perfonne n'ofoit troubler-

Ov

3 22 La Mythologie & Us Vallès dJ?I£,ux' Outre les victimes ordinaires , c'efî-

Occident. A ,, 1 toi \ r

L. il c iv. a-dire , le cheval & le taureau immoles à ce Dieu , & les libations qu'on faifoit en fon honneur , ainfi que le dit Hero-

(OLiv. 7. dote (1), les Arufpices lui offraient particulièrement le fiel de la viétime, par la raifon que l'amertume de ce vif- cere convenoit à l'eau de la Mer.

Ce feroit entreprendre une chofe im- poffible que de faire mention de tous les Temples qui lui étoient confacrés ; mais je ne puis me difpenfer de dire qu'il y en avoit un chez les Atîantides , dans lequel il étoit repréfenté fur un char tiré par quatre chevaux ailés , dont il tenoit les rênes ; & fa ftatue étoit fi grande , qu'elle touchoit la voûte du Temple y quoique fort élevée ; c'eft ce que nous apprenons de Platon dans le long dif-

(2) Dans cours qu'il fait de l'Ifle Atlantide (2). fon aidas. Pline (3) fait mention du Temple qu'il

bb tir.)\ avoit chez les Cariens , & Hérodote (4) d'un autre que les Pafidéens lui avoient confacré. Ce même Auteur parle aufïî d'une ftatue d'airain, haute de fept cou- dées , ou dix pieds & demi , qu'il avoit près de l'Ifthme de Corinthe. 0)ln£liac. Paufanias ( j) , qui dans la defeription détaillée qu'il fait du ftade d'Olympie, dit qu'il y avoit près de la borne la fi-

Expliquées pur PHiJïotre. 323 gure d'un Génie qu'il appelle Taraxip „DlEux

. / 1 x , 1 « Occident.

pus- , qui etoit la pour épouvanter les 1. u, c. îv. chevaux , nous apprend en même temps qu'on ne manquoit pas avant de paffer auprès , d'invoquer Neptune Ippius , & de le prier que les chevaux qui conduis foient les chars , n'en fuiTent eflro- pies (a)..

J'ai dit qu'on attribuoit à Neptune les tremblemens & les autres mouve- mens extraordinaires qui arrivoient fur la terre & dans la mer , je dois ajouter ici qu'on regardoit auffi ce Dieu com- me l'auteur des changemens confidé- rables dans le cours des fleuves & des rivières ; auflî les ThefTaliens , dont le pays étoit inondé , lorfque les eaux s^é- coulerent;ne manquèrent pas de publier que c'étoit Neptune qui avoit formé le canal par elles s'étoient retirées : » Et certes5dit Hérodote (1) à cette oc- (OLiv.17 » cafion . leur fentiment eft raifonna- » ble ; car tous ceux qui eftiment que ce Dieu fait trembler la terre , & » que les goufres qui fe forment font » des ouvrages de ce Dieu, n'auront pas » de peine à croire que Neptune avoit

WOn peut confuîter fur cet articleDenys d'Halicarnafîê, î. 2 que rapporte les manières différentes dont on par- loit de ce Génie»

Ovj

3>4 La Mythologie & les Fables a^oc- a* " ^ 'e cana' ' quand ils le verront ?2

i-.il. c.iv. On le regardoit pour la même raifon comme le Dieu tutelaire des murailles & de leurs fondemens , qu'on croyoit qu'il renverfoit quand il lui plaifoit. Auffi Virgile le repréfente-t'il , le tri- dent à la main , détruifant les murailles Troye , & ébranlant leurs fonde- mens (a).

Comme on met plufieurs galanteries fur le compte de Neptune , indépen- damment de celles dont on a parlé dans ce Chapitre 9 on n'a pas manqué de nous apprendre que pour réuffir dans fes amours , il s'étoit fouvent métamor- phofé : Arachné dans le bel ouvrage qu'elle traça en prefence de Minerve ; y raffembla Phiftoire de tous ces clian- gemens ; elle avoir auffi repréfenté %

f;3)M«.1.6. dit Ovide (2), Neptune métamorphofé en taureau dans l'avanture qu'il eut avec une des filles d'Eole ; fous la forme du fleuve Enipe , dans fes amours avec Iphimedie , femme du Géant Aloeiis, dont il eut les deux Aloïdes , Ephialte & Otus ; fous celle d'un bélier , lors- qu'il voulut féduire Bifaltis ; fous celle d'un cheval pour tromper Cerès , qui

£ a] Neptomus muros , magnoque emota tridsnti

Expliquées par miftoire. 3 z?

s'étok elle-même métamorphofée en dÇ)1cc^*r#. jument pour fe dérober àfes pourfuites. l.U. c. iy. Enfin elle le peignit en oifeau , dans l'intrigue qu'il eut avec Medufe ; & en dauphin dans celle de Melanthe (a).

Après ce que j'ai dit fur la manière dont on repréfentoit Neptune , & du portrait qu'en fait Virgile , je n'aurois rien à ajouter par rapport aux flatues* médailles & bas-reliefs que le temps nous en a confervés en très-grand nom- bre , fi quelques-uns de ces monumens ne nous rappelloient quelques traits particuliers de fon hiftoire , ou de celle des Princes qui avoient fait graver ces figures. On le trouve fur ces monumens tantôt débout , tantôt affis fur les flots de la Mer ;fouvent fur un char traîné par deux ou quatre chevaux ; ce font quel- quefois des chevaux ordinaires , quel- quefois des chevaux marins qui ont la partie fuperieure de cet animal , pen- dant que l'inférieure fe termine en queue de poiflbn , comme prefque tous les monflres marins ; une feule fois avec des chevaux ailés #, ainfi qu'il eft repré- fenté fur une pierre gravée 9 donnée

[ a ] Or. fçait après ce que j'ai dit dans les fourres des Fa~ blés, ce qu'on doit penfer de ces difîèrens chargement , Ôc je n'y ajouterai rien ici»

326 La Mythologie & les Wahles p i f u x par Beger qui croit avec raifcn que c'efî

cl Occluent. 1x7 \ î i i -i tm

Lu. c. iv, ie Neptune Atlantide , dont parle Pla- ton. Dans toutes ces occafions ce Dieu preffe fes chevaux , & leur lâche la bri- de ; ce que Virgile a fi bien- exprimé dans ce vers ; Flectït equos , eunuque (OiEneid. <volans dat lora fecundo ( i ). Neptune couronné par la viétoire , dans Maffei r marque la reconnoiflance de celui qui croyoit lui devoir le gain d'une bataille navale ; tenant le pied droit fur un glo- be , dans une médaille d'Augufte , Se dans une autre de Tite, il nous apprend que ces Empereurs étoient également les maîtres de la terre & de la mer. Afïïs fur une mer tranquille ( a ) avec deux dauphins qui nagent far la fuperficie de l'eau , & ayant près de lui une proue de vaifleau , chargé de grains ou de per- les , il marque l'abondance que procure une heureufe navigation. Lorfqu'il pa- roît aiïïs fur une mer agitée (b) , avec le trident planté devant lui , & un oifeaau rnonflrueux à tête de dragon &des ailes fans plumes comme une chauve-fouris , qui femble faire un effort pour fe jetter fur lui , pendant que Neptuae demeure

( a ) Figure donnée par M- Maffei. ( b ) Figure donnée par le I?eie de Montfâucon dans fen Voyage d'Italie.

Expliquées par VKtjloire. 327 tranquille , & paroît même détourner la D* *£*. tête , c'eft pour marquer que Dieu Lêll.c. îv. triomphe également des tempêtes & des monftres de la Mer. Sur une mé- daille donnée par Beger , la viaoïre paroît fur la proue d un navire , fonnant de la trompette , pendant que Neptune au revers , en pofture de combattant darde fon trident pour mettre en fuite les ennemis , il nous repréfente , comme l'a très-bien remarqué cet Antiquaire , la grande viftoire de Démetrius Polior- cetès fur Ptolomée , que décrit Plutar- que. Enfin un bas -relief d'une très- grande beauté (1) , nous repréfente Wg~ Neptune enlevant un jeune nue , qu Ji emporte fur fes chevaux marins. L'a- mour , à qui ce Dieu a abandonné fon trident , s'en fert pour animer fes che- vaux dont il y en un qui tient la queue d'un dauphin dans fa bouche. Deux jeunes filles paroifTent fur le rivage prier Neptune de leur rendre leur compagne. Les Mythologues qui parlent tant des amours de ce Dieu & de fes différentes métamorphofes , ne difent rien que je fçache de cet enlèvement.

Mais il ne faut pas confondre Nep- tune avec Taras fon fils , qui paroît fui? les médailles desTarentins avec les fym-

3^8 La Mythologie & les Fables

*Ocd<££ boles d.e fon Pere' La vilîe de Tarent* lal civ.^11 Italie , que les Grecs nomment Ta- ras , rapportait fon origine au fils de ce Dieu , qui en avoit jette les fondemens. fOVottB- ^es Tarentîns en reconnoiflance le re- gl-r\°Tre1br préfentoient fur leurs médailles (i)fous ^ur^rande" *a %ure d'un Dieu marin , monté fur un dauphin , Se tenant ordinairement à la main le trident de fon pere : je dis or- dinairement , car quelquefois il a à la place , la mafïue d'Hercule , fymbole de la force ; ou une chouette , pour dé- signer Minerve protectrice des Taren- tins ; ou une couronne pour faire allu- fïon à fes conquêtes ; ou avec la corne d'abondance , pour frgnifîer la bonté du pays il avoit bâti la ville de Taren- te ; ou enfin avec un pot à deux anfes , & une grape de raifin avec le thyrfe de Bacchus , fymbole de l'abondance du vin chez les Tarentins-

CHAPITRE V.

Nerée , les Néréides ) Boris & Triton.

^JERErE , que tous les Anciens \ mettent au nombre des Dieux de gonl TKe°" îa Mer y étoit felon Hefiode (2) ,. fils

Expliquées par ™tjlotre 329 ^ de r Océan & de Tethys. Apollodore [t) ,,0 ideilt. lui donne l'Océan pour père , & pourt. . c.v. mère la Terre, & d'autres Mythologues le font fils de Neptune. Hefiode loue beaucoup ce Nérée qui etoit félon lui un vieillard doux & pacifique , qui ai- moit la juftice & la modération. Les Anciens ont recherché la raifon pour- quoi ce Poète , ainfi que l'auteur dun Hymne qu'on attribue a Orphée , le font étendus furies louanges de ce Dieu marin. Le Diacre Jean en rapporte une raifon auffi ridicule que faune ; celt, dit-il, que les Marins , qui ont toujours la mort préfente devant les yeux , font ordinairement gens de bien ; mais mal- heuresement c'eit tout le contraire. Le bon Diacre , comme le remarque M le Clerc , qui habitoït dans un lieu loin de la Mer , n'avoit jamais vu tlfc navigateurs ni matelots , & en par e comme nous parlons des habitans de la Lune. Ce fçavant Critique a donc re- cours à la langue des Phéniciens , dans laquelle les mois, Nahae, Noae, don le nom de Nérée a été formé , figwnent briller, éclairer, et qui rapporté a 1 hom- me , veut dire , fc avoir , avoir de l intel- ligence , êtrefageia).

( a ) vdye* Note de M. le Clerc fui k vers m de la Theogon. d'Hefiode.

3 3 O La Mythologie & les Fables ttteteL Q«o;qu'il en (bit , tous conviennent l.u.ch.v. avec. Hefiode , qu'il époufa fa fccur Dons , & qu'il en eut les cinquante Né- réides , dont voici les noms. Proto , Eucrate, Sao , Amphitrite , Eudore , Thetis, Galené , Glaucé , Cymothoé, Speo, Thalie, Melite , Eulimene, Aga- ve , Pafithée, Erato, Eunicé , Doto, Pherufa , Dynamene , Nefée , Aclée , Protomedée , Doris , Panope , Galatée, Hippothoé , Hipponoé , Cymodocé , Cymatolege , Amphitrite , Cymo , Eto- ne,_Halimede, Glauconomé , Ponto- poria , Liagore, Evagore , Laomedée , Polynôme , Autonome , Lyiknafle , Evarné , Pfamathé , Menippe , Nyfo , Eupompe , Themillo , Pronoé , Nemer- tès. On trouve dans cette lifte , faite far Hefiode , deux fois Amphitrite, parce qu'il y a deux Néréides de ce nom , qui différent en quantité , de quelques fyl- labes.

(0 iliad. Homère (i) en rapporte les noms un 1S- peu différemment , & n'en nomme que

trente-trois ; les autres , dit- il , étant reliées au fond de la mer : Glaucé, Tha- lie , Cymodocé , Nefaea , Spio , Thoa, Halia , Cymothoa , Aclea , Limnoria , Mehta , Jera , Amphithoé , Agave , Doto , Proto , Pherufa , Dynamene ,

D ! F " *

Expliquées par VHifloye.Jli

"Dexamcns , Amphinome , CaUianira , gQcà^

Sort Panope ^Galatée Nemertis L.n. a, ..

Apfeudès, Callianaffe . C.lytncne,^-

nre Janeffe , Mœre , Onthye, Ama- ?h .Csnoms,aurefte,prefquetous

tirés de la Langue Grecque , convien-

Mer, puifqu'ils expriment les flots, es 7aguesP,leqs tempêtes, la bonace, les

Rades, les Mes, les Ports , &c

Toute l'Antiquité convient que JNe- tée excelloit dans l'art de connoitre l'avenir. Il prédit à Fans la guerre que

l'enlèvement d'Helene devoit attirer fur kpatrie(i), & il apprit à ^rcule ou {l )«* étoient les pommes d'or qu Euryftnee kiordonné'd'aller chercher. Il vou m,

dit-on , fe changer en plufîeurs figures , pour s'empêcher de donner cet eclair- ïiffement au Prince Grec ; mais celui-ci k retint jufqu à ce qu'il eût repris fa pre- mière forme- Apollodorenous apprend que Nérée faifoit fon féjour ordinaire dans la mer Egée (2) , il etort : envi- & ronné de Néréides qui le divertnToi ent ^ ^ oar leurs chants & leurs danles U > Hymn. » n*-' Xufli Paufanias(4) croit que le vieillard M . qu'honoroient les Gytheates , & qui félon eux, avoit fon palais dans la mer, n'étoit autre que Nérée j& il cite pour

3 32 La Mythologie & les Fables Dieux le prouver , les trois vers d'Home-

UjloÏÏ îe ï ^ue M' PAbbé Gedo7n * traduit 1 ainfi :

Pour vous , Nymphes , rentrez dans vos grottes

profondes > Un vieillard fortuné vous attend fous les ondes : Allez revoir Nérée, & briller a fa Cour.

Il eft évident qu'il y a beaucoup d'e Phyfique mêlée dans cette Fable , les Poètes ayant pris fouvent Nérée pour l'eau même , que fon nom lignifie. He- fychius en effet le dérive de **\ii , qui fîgnifie, coulant ; mais je crois cepen- dant que le fond de la fable nous re- préfente quelqu'ancien Prince de ce nom, qui fe rendit fameux fur la mer, & qui perfeâionna fi fort la navigation , qu'on venoit le confulter de toutes parts fur les dangers des voyages maritimes. Ces prétendues métamorphofes , & ces figures différentes qu'il prenoit pour fe défaire de ceux qui venoient le conful- ter, ne font que des fymboles qui nous marquent qu'il étoit fin Se rufé , fage & prévoyant , comme nous le dirons dans Un moment de Pr°tée. Quelques Au- rtGm. *" teur.s (0 cependant ont crû que Nérée avoit été l'inventeur del'Hydromancie, ou de la feience de prédire l'avenir par

Expliquées par VHijloire. 333 le moyen de l'eau ; & que c eft pour d,0ccldent. cela qu'on le' repréfente comme unL.u.ch.V. grand Devin , & peut-être même que ce n'efl que pour cette raifon qu il a ete mis au nombre des Divinités de la Mer. M le Clerc confirme ce fentiment (i) par une heureufe conjecture , faifant (i)SurHc- venir le mot de Nérée de la langue He- braique , dans laquelle il figmhe pro- phète , videns , ôc c^eft ce qui la fait regarder par tous les Anciens comme un° homme habile dans l'art de pré- dire l'avenir ; ce qu'Horace exprime ainfi ,

Ut canem fera Nereus fata (*)• <2)0<3. *•:

il. j.

Ainfi pour entendre cette fable , il faut diftinguer deux Nerées ; l'un Poé- tique , dont les fables ne font fondées que fur les étymologies de fon nom ; l'autre réel , dont l'hiftoire a été char- gée d'idées poétiques.

Mais que devons -nous penfer des Néréides fes filles ? doit-on les regarder comme des perfonnages métaphoriques, ainfi que leurs noms le fignifient , ou comme des perfonnes réelles ? Je con- viens , i°. Que les Néréides, que nom. ment Hefiode & Homère } ne font la

334 La Mythologie & les Fables ^ Dieux plupart que des Etres poétiques , maïs L.iLChTv. <Iu'îl y en a qui ont exifté véritablement, telle que Caffiopé merc d'Andromède, Pfammathé mère de Phoque, laquelle , félon Paufanias , étant allée dans le pays voilîn du ParnalTe , lui donna fon nom ; ce pays en effet a depuis été appelle la Phocide ; Thetis mère d'Achille , ôc quelques autres. Mais 2°. il faut conve- nir auffi qu'on a donné le nom de Né- réides à des Princeffes qui habitoient , ou dans quelques Mes , ou fur les côtes de la mer, ou qui fe rendirent fameufes par l'établiffement du commerce ou de la navigation. On le tranfporta enfuite, non-feulement à quelques perfonnages poétiques , & dont Pexiftence n'eft due qu'à des étymologies conformes aux qualités de leurs noms ; mais auffi à cer- tains poifTons qui ont la partie fupé- rieure du corps à peu près femblable à celui d'une femme.

Pline dit que du temps de Tibère on vit fur le rivage de la Mer une Néréide, telle que les Poètes les repréfentent (a)9 & qu'un Ambalfadeur de Gaule avoit dit à Augufte , qu'on avoit vu fur les bords de la Mer plufieurs Néréides

[a] Speftata in eodem littore Kereis humant effile , Phn.

Expliquées par PHiftohe. 3 3 f mortes. Albert le Grand [a]9 & quel- Dieux ques autres , parlent fouvent de pareils l, 11] ch, v, prodiges.

On publioit la même chofe des Tri- tons que les Poètes repréfentent comme des monftres , ayant la moitié du corps d'un homme & l'autre d'un poiflbn, avec une conque à la main , dont ils font re- tentir le rivage [£]. Lorfque ce nom étoit pris au fîngulier , il marquoit celui des Tritons qui précédoit toujours Nep- tune , dont il annonçoit l'arrivée au font de fa conque , & qui a pafle à caufe de cela pour être le Trompette de ce Dieu. Hefiode qui en a donné la généalogie , dit qu'il étoit fils de Nep- tune & d'Amphitrite ; Virgile & Ovide en ont fait le portrait [c] Pline rapporte qu'on écrivit à Tibère [d] , qu'on en avoit vu un près de Lifbonne , fonnant de fa conque, &tel qu'on les repréfente

[ a ] Voyei fon Entretien des Animaux , & Paufanias; in ^4rcad.

[b] Vo ci la defeription quefait Virgile d'un Triton 3ea parlant d'Auletès , &neid. 1. 10.

Hue venit imm^nis Triton 3 C7* cœrula csnckâ Exterrensfi'ta 3 cm latzrum tenus bifpida nanti Frons hominem çrœfe/t , in priflin définit aivus»

[c] CotraleHm Triton* v oc at , comhatjue fonanti Injpirare jub;t y fluùlufque (JT flumina Jtgm jf/im revocarc dato , £7Y. Ovid. Met. 1. 10.

[d~] Ttberîù nunciatum efl vijum O* anditum céinentem cm- chd Trihncm quâ. nojùthr forma» Pljn. Joe. cit.

g 3 6 La Mythologie & les Fable* tfOclà** ordinairement. On a vu fouvent pren- L. il. Ch.v. dre par les Pêcheurs des poifîbns aifez reiTernblans à ce qu'on nous dit des Tri- tons , & c'eft: peut-être fur ces relations qu'on a inventé les fables que les Poè- tes racontent de ces fêtes qu'ils don- noient au bon Nerée , Triton Trom- pette de Neptune , marchoit fur la mer avec fon chariot Se fes chevaux bleus. Macrobe obferve qu'on plaçoit la fta- tue de Triton au haut des Temples de Saturne.

Les anciens monpmens, de même que les médailles [_a] , s'accordent à repré- fenter les Néréides comme de jeunes filles portées fur des dauphins ou fur des chevaux marins , tenant ordinairement d'une main le Trident de Neptune , Se de l'autre un Dauphin, Se quelquefois une viétoire ou une couronne. On les trouve cependant quelquefois moitié femmes Se moitié poiiTons , conformé- ment à ce vers :

An *pl?t- Définit in fifeem muîier formofa fuperne ,

telles qu'on les voit fur une médaille de Marfeille Se fur quelques autres en- core.

\a\ A'mfi qu'on peut le voir dans Bcger , Trefor de Brandebourg.

Pour

Expliquées par VHtftoire. 337 Pour les Tritons ils font toujours re- „£IE. "x

,r f - / 1 o / •/■ a Occident.

preientes moitié hommes oc moitié poil- l. 11. ch. v. fons , ils ont la chevelure femblable à la grenouillette , herbe marine , le refte du corps paroît couvert de petites écailles ; ils ont des nageoires au-def- fous de l'oreille , la bouche large , des dents de bêtes féroces, des yeux bleus , les mains & les doigts couverts d'écaillés, & des nageoires au lieu de pieds , fur la poitrine & fur le ventre. Mais foit ca- price d'Ouvrier , ou myftere que nous ignorons , on en trouve fur les monu- mens qui ne reffembîent prefque en rien à ce que nous venons de dire. Tel effc celui qui étoit repréfenté fur une Frife trouvée en Bourgogne. Il a la tête & tout le corps d'un homme , fans qu'il y paroiffe aucune écaille , excepté les cuiffes qui fe terminent en deux longues queues de poiffon. Il tient un manteau fur un bras , & une coquille à la main droite. Il a près de lui un monftre, & un chien marin couché. Quoiqu'il en foit , la plupart de ces Divinités de la Mer étoient honorées dans la Grèce ; Paufanias ( 1 ) dit en particulier que les (,) ja Co. Néréides avoient des bois facrés & des nnthix. autels en plufieurs endroits, fur-tout fur les rivages de la Mer ; Témoin , dit-il , la Tome iV. P

338 La Mythologie & les Fables Dieux Néréide Dow qui avoit un Temple célèbre

d'Occident, v y, > 7 ^ '

CHAPITRE VI.

Ien n'eft plus célèbre que ce Dîeu marin , & les deux plus grands Poè- tes de l'Antiquité fe font efforcés àl'en- vi d'en faire le portrait. Homère ( I ) (j) odyfl £m$ je difcours de Menelas à Telema-

que , lui fait raconter comment s'étant égaré près d'une petite Me d'Egypte , Eidotée fille de Protée lui apparut , & lui confeilla d'aller confulter fon père pour apprendre de lui fes deftinées , FavertifTant toutefois que pour en venir à bout,il falloit le lier pendant qu^il dor- moit , & ne point le laifler échaper , quelque figure qu'il prît , jufquà ce que revenu enfin en fon premier état , il lui eût révélé fes avat» ures. Menelas prend avec lui trois de fes compagnons , qui furprennent Protée endo-rfriî , fe jettent fur lai; & fans être eiFrayés de le voir métamorphofé en lion , en dragon, en léopard ; en fanglier , en eau , en arbre ,

Expliquées par PHifloire. 539 ils le retiennent toujours entre leurs <r0cTcYdext. bras, jufqu'à ce que rev^pu à fa pre- i. u.ch.vl. miere forme , ils le lâchent, & alors il ap- prend à Menelas #ce qui le retenoit en Egypte , & en même temps ce qu'il de- voit faire pour arriver heureufement dans fa patrie.

Virgile , qui n'a fait que changer les perfonnages , mais qui pour le flfcid a copié fidèlement fon modèle , racon- te ( i ) comment Ariftée ayant perdu fes (l) Georg; abeilles , alla trouver Cyrene fa mère , I. ±> qui lui parla ainfi. ce II y a dans la mer 3> Carpatienne O) un Devin , nommé »Protée , qui parcourt les mers fur un 33 char attelé de chevaux marins ; je le » vols qui drefiTe fa courfe vers PEma- *> thie ; il va revoir Pallene lieu de fa 33 naiilance. Les Nymphes , & même le 33 vieux Nerée révèrent ce célèbre De- » vin , dont la pénétration s'étend fur 33 le pafîe , fur le prefent & fur l'avenir. » Cette rare connoiffance eft un don » qu'il a reçu de Neptune, pour réconv 33 penfe du foin qu'il prend de nourrir 33 fous les eaux les monftres marins qui 3* compofent le troupeau du Dieu des » Mers. C'eft ce Devin , mon fils , qu'il

(a) Car^thos , aujourd'hui Scarpantho , eft une Iflc en- tre celles de Crète & de Rhodes , du côté de l'Egypte,

Pij

34° La Mythologie & les Fables pnvx » vous faut furprendre & enchaîner , fi

d'Occident. •u 5*1 r /\ i

L.n. chx. vi. * vous voulez qui! vous révèle la

» caufe fecrette de vptre malheur , &

3> les moyens de reparer vos pertes. Si

33 vous n'employez la violence , n'ef-

» perez pas d'en tirer des réponfes, non,

&c. Aufïï-tôt que le Soleil aura at-

» teint le milieu de fa courfe , que {es ar-

33 deurs brûlantes deflecheront les cam-

33 pagnes 5 & forceront les troupeaux à

33 chercher la fraîcheur des bois, je vous

» conduirai dans la grotte le vieux

» Protée fe retije pour fe répofer au

53 fortir des eaux : vous le furprendrez

« aifément dans fon premier fommeil.

33 Dès qu'il fe fentira faifi .& garrotté, il

» fera cent efforts pour échaper de vos

» mains : il fe préfentera à vos yeux fous

33 la figure d'un lion , d'un fanglier he-

33 rifle , d'un tigre menaçant , d'un dra-

33 gon armé d'écaillés. Peut-être pour

33 mieux fafeiner vos yeux paroîtra-t-il

o> comme un feu qui pétille en Pair , ou

33 comme un torrent qui s'écoule. Mais

30 plus il prendra de formes différentes ,

33 plus vous ferrerez fes liens , jufqu'à

33 ce qu'il paroiiîe dans la forme

133 vous l'aurez furpris pendant fon fom- » meil. » Ariftée exécuta exactement Tordre

Expliquées par PHifiaire. 341 ie fa mère , & apprit de Protée la ma- g™*,. nierede reparer fes efTams. Comme le L.n.ch. vi. fond de la fable de Protée eft véritable- ment hiftorique , voyons ce qui peut y avoir donné lieu ; mais elle n'eft pas ai- fée à expliquer , & lès Auteurs qui l'ont entrepris , varient autant ent^eux que Protée varioit lui-même. D'abord les Grecs qui vouloient que tous les Dieux &tous les grands hommes fuifent nés chez eux , prétendoient que Protée étoit de Pallene en Theffalie ; mais que la cruauté de fes enfans l'avoit obligé d'en fortir pour fe retirer en Egypte , & fur cela on publia que c'étoit Neptune qui Pavoit fauve , ainfi que le dit Lyco- W«c^ phron (1). On ajoutoit qu'il étoit re-'a venu dans la fuite , & Virgile a fuivi cette tradition , puifqu'il dit :

, . . Patriamque revifit Pallenneé

Les deux fils de Protée qui s'appelloient Polygone & Teiegone, faifoient mourir tous ceux qui venoient loger chez eux , après les avoir vaincus à la lutte ; Her- cule après le départ de Protée , délivra la terre de ces deux tyrans.

Servius confirme tout ce que nous

Piij

342 La Mythologie & les Fables t Dieux venons de dire (à) ; mais cette préten- }-. iLCh.vi. tl0n ^es Grecs n'efl qu'une chimère , Protée ayant été Roy d^Egypte , com- me nous le prouverons dans la fuite.

Madame Dacier a bien vu que cette fable d'Homère étoit hiftorique, voici comme elle en a parlé dans fes Remar- ques fur le quatrième Livre de l'Odyf- fée. « Il s'agit ici , dit-elle , de trouver » les raifons de cette fi&ion, & fur quoi » Homère a imaginé un Dieu marin ca- » pable de tous ces changemens : car il 'a» ne faut pas penfer que ce foit une fable » toute pure, & que ce Poè'te n'ait vou- » lu que défîgner par-là la matière pre- » miere qui fubit toutes fortes de chan- » gemens, ou que donner un emblème »> de Famitié , qui ne doit paroître fûre » qu'après qu'on l'a éprouvée fous tou- » tes les formes. Ce font-là de vaines » fubtilités & des fonges creux : car com- *> me dit Strabon , ce n'efl pas la coutume

(?l) Carpathos , inqnit , infu/a eft contra /Fgyptum , à qua vicinus Pelagus Carpathium appellatum efl. Hic aliquando reg- wavit Proteus.-reliBâ Pallene civitateTbe(]alix,ad quam tamén reverfus eflpojlea : quod oftendit ( Virgilius ) hêc loco dicens : Patriamque revifit Pallenem. Hoc ideo dicit 5 quia Proteus antequam in j^Pgyptum cemmigraret -y Thraciœ fuit inccla , ubi hakuit uxorem,ex quafiiios Thelegonum C7 Priygonum , qui cùm advenas fecum luclari adigerent 07 excruciarent , ad pQftrtmum ab Hercule viBi C7 interempti , patris animurn $i>rcu!?runt : quapropter tœdio prœfentium rerxmJolnm verteta «uaclus-, JB-çypium petiit.

Expliquées pat PHtftotre. 343, m.n« » âTRomerede n'attacher à aucune -vente dV0c;;dc.nr,. » ces fables prodigieufes. ïl a ajufté la fable L. u. ch-vi- x à des faits certains, pour rendre par- la Ja » narrationplus agréable, comme un Orje- » vre ajoute l'or a l'argent. Pour bien de- » mêler le myflere merveilleux de cette » fidion , il faut d'abord trouver le vrai, » qui en eft le fondement , & enfuite » nous verrons facilement le menfonge » dont il l'a envelopé , félon fa cou-

» tume. ». . , i, i

Démêlons donc la vente d avec le menfonge. D'abord l'hiftoire nous ap- prend qu'il y avoit à Memphis un Roi nommé Protée , qui avoit fuccedé a Pheron , voilà la première venté : .a féconde , qui n'eft pas moins confiante , c'eft que l'Egypte étoit le pays des plus habiles enchanteurs qui opéroient les plus grands prodiges. Nous voyons dans l'Ecriture fainte que les Enchanteurs de Pharaon imitoient une partie des mira- cles de Movfe ; que par leurs ènchante- mens ils changèrent une verge en Cer- nent , comme avoit fait ce grand Ser- viteur de Dieu; qu'ils convertirent com- lui l'eau en fang ; qu'ils couvrirent com- me lui de grenouilles toute la terre d'Egypte. Il y a donc de l'apparence que Menelas étant à Canope , alla con- P ïiij

344 La MythJogie & les Fables «&îî£. Ju!ter,un de ces Enchanteurs qui fe mê- Ui.ch.VL <oit de prédire l'avenir : & voilà le fondement qu'Homère a trouvé , & fur lequel il a bâti fa fable, qu'il a attachée cnfuite à un nom connu , à Protée, dont il a fait un Dieu de la Mer , à qui il donne des monftres marins à conduire, & auquel il impute tous ces change- mens , par rapport à tous les prodiges qu'opéroient les Enchanteurs. Voilà donc le vrai , & la fable qui lui fert d'enveloppe , fenfiblement démêlés. Euftathe rapporte qu'il y a eu des An- ciens qui ont été dans le fentiment que Protée étoit un faifeur de prodiges ; Se je m'étonne que cette vue ne l'ait pas conduit à la fource delà vérité. On dira peut-être que les Enchanteurs dont il efî parlé dans l'Ecriture , opéroient ces prodiges hors d'eux , Se que Protée les opéroit fur lui-même : mais outre que la fable ne rend pas toujours les vérités telles qu'elle les a prifes , peut-on dou- ter que ces Magiciens qui faifoient des chofes furprenantes hors d'eux , n'en fiffent aufïï fur eux-mêmes, qui n'étoient pas moins prodigieufes ; & qu'ils ne fe fiflent.voir fous différentes formes très- capables d'effrayer , puifque parmi les Grecs , qui certainement dans cet art

Expliquées pa^ VHîftohe. 345* magique n'auroient été tout au plus que les apprentis des Egyptiens , il s'en eft trouvé qui ont opéré fur eux-mêmes des prodiges de cette nature. Euftathe rap- porte l'exemple de Callifthene Physi- cien , qui , quand il vouloit , paroifîoit tout en feu , & fe faifoit voir fous d'au- tres formes qui étonnoient les fpe&a- teurs.

Il y a des Auteurs qui prétendent que Protée étoit un Orateur habile, qui fça- voit faire aifément changer de fentiment ceux à qui il parloit. Lucien aflïïre que c'étoit un Comédien extrêmement fou- pie , un Scaramouche parfait, qui pre- noit , pour ainfî dire , toutes fortes de figures. Heraclide de Pont prétend que la fable de Protée renferme le myftere de la formation du monde ; que par fes changemens on a voulu nous appren- dre que la matière pouvoit recevoir toutes fortes de figures ; & qu'Eidotée qui confeille de lier fon père , c'eft la Providence divine qui fixe à certains fujets cette même matière. D'autres pré- tendent que Protée lignifie la vérité qm demeure cachée à ceux qui ne s'atta- chent pas à l'étudier»

•Mais l'opinion la plus vrai-femblabley Se qui eft commune parmi les Anciens ?

Pv

34^ La Mythologie & les Fables

Dieux au nombre defquels font Homère (i),

L. n.Cch!vi. Hérodote (2) , Diodore de Sicile (3) ,

(1) oiyfT. Clément d'Alexandrie (4) , Lyco-

' (L) Liv. z. phron (5*) , Ifaacius & plusieurs autres ,

(3) Liv. 1. efj- que Protée a été un ancien Pvoi

(orCsfa d'Egypte qui tenoit fa Cour à Memphis,

Cafcdre. & quj regnoit vers le temps de la guerre

de Troye. Voici en particulier ce qu'en

dit Hérodote ; & quoique le partage

que ie vais citer de lui foit un peu long,

j'ai crû qu'il meritoit d'être rapporté en

entier, ce Pheron Roi d'Egypte eut pour

» fucceiïeur un habitant de Memphis ,

» appelle en Langue Grecque Protée ,

» dont on voit encore aujourd'hui un

* Temple dans Memphis , qui eft fort x beau & fort magnifiquement paré. Il *> eft fitué auprès du Temple de Vulcain, » du côté du Midi : les Phéniciens de *> Tyr habitent à l'entour , & le lieu en » eft appelle le Camp des Tyriens. 11 y x a dans ce Temple de Protée une Cha- » pelle dédiée à Venus , furnommée »TEtrangere , que je conjefture être

* Hélène , fille de Tyndare , parce que » j'ai oui dire qu'Helene féjourna quel- » que temps chez Protée , & qu'on lui » donna le furnom de Venus étrangère, » Car il ne fe trouve point autre par* de x Temple de Venus qui lui foiteonfacré

Expliquées par Pîtijlolre. - 347 »fous ce nom. Et certes quand je de- Jgg^ » mandai aux Prêtres ce qu'ils penfoient juU; Cl*, vi. » d'Helene , ils me dirent que comme 33 Paris Alexandre s'en retournoit en » fon pays après l'avoir enlevée de y> Sparte > il fut jette par la tempête vers *> les côtes d'Egypte , & voyant que la 33 tourmente continuoit , il fut contraint » d'y prendre terre à la bouche du Nil y 33 qu'on appelle Canopique , il s'ar- » rêta. Il y avoit fur le rivage un Tenv * pie d'Hercule , que Tony voit encore 33 aujourd'hui , quelque Efclave , » de quelque perfonne que ce foit , fe » retire ,*& s'y fait marquer des faintes 33 marques qui y font , fe mettant fous 33 la protection de ce Dieu , il eft défen- 33 du de le prendre , & même ceprivile- 03 ge eft demeuré inviolable jufqu à no- ta tre temps : les Efclaves d'Alexandre 33 ayant oui parler de la franchife que 33 Ton trouvoit dans ce Temple s'y reti- 33 rerent auffi-tôt , & fe mettant à ge- 33 noux devant le Dieu , ils commence- *> rent à accufer leur Maître , & à pu- 33 blier le raviffement d'Helene , &Vin- 33 jure qu'il avoit faite à Menelas. Ils fi- rent ces plaintes en k préfence des » Prêtres & du Gouverneur de cette » bouche du Nil * notnmé Thonis , qui

pvj

348 La Mythologie & les Fables

gSSSL " ks aWoui parler , envoya prompte-

L. h. ch. vi. * ™ent a Memphis porter cette nouvelle » à Protée ? à qui on parla en ces ter- a»me& Il vient d'arriver ici un Etranger » de la race de Teucer , qui a commis » dans la Grèce un crime étrange. lia

* féduit la femme de fon Hôte : il l'a en- » levée , & l'emmené avec lui avec un a* grand nombre de richeffes. Il a été

* pouffé fur vos Côtes par les vents con- » traires > le laifferons-nous aller impu- *> nément , ou lui ôterons-nous ce qu'il » a apporté avec lui ? Auffi-tôt Protée » manda au Gouverneur qu'il fe faisîtde

* cet homme ; le Gouverneur obéit ; & » après que Protée l'eut accablé de re- » proches, il le chaffa de fa préfence , » ne voulant pas toutefois le faire mou- »mir pour ne pas violer les droits de » Thofpitalité ; lui ordonna de fortir *> dans trois jours de fes Etats , & retint » Hélène pour h rendre à fon Epoux. *

Diodore de Sicile convient auffi que Protée , qn'il nomme Cetès , étoit Roi d'Egypte , & affûre en même temps que tout ce que les Grecs publioient de fes différentes métamorphofes , les Egyp- tiens le difoient de leur Roi Cetès ; mais il diffère d'Hérodote en deux points: l°. en ce qu'il dit qu'il monta fur le trô-

Expliquées par VHipire. 349 ne après un interrègne de 1 50. ans , au ££g* lieu qu'Hérodote le fait régner immedia- l.u. Ch. vL tement après Pheron. 2«.En ce qu'il croit qu'il affilia à la guerre de Troye ce qui a fait avancer à quelques Modernes qu'il étoit le même que Tithon , père de Memnon.

Quoiqu'il en foit , voici ce qui peut avoir donné lieu aux metamorphofes dont parlent Homère & Virgile. Prote'e étoit un Prince fage & éloquent ; & fa prévoyance qui lui faifoit éviter tous les dangers, pouvoir lui tenir lieudu don qu'on lui accorde de prédire l'avenir ; car félon Ciceron , la prévoyance eft eft une efpece de prophétie. Comme il étoit très - difficile d'apprendre fes fe^ crets, on a eu raifon de dire qu'il falloit le lier. Il étoit d'ailleurs extrêmement fier , & paroiffoit peu en public : il n'é- toit permis à perfonne de fe trouver en fon chemin ; il n'y avoit qu un petit nombre de gros Seigneurs qu'Homère nomme allegoriquement les gros poif- fons , 0»*"« , qui puffent l'accompagner. C'étoit ordinairement fur le midi qu'il fortoit de fon palais, que le même Poëte appelle fa caverne : il alloit prendre fur le bord de la Mer la fraîcheur du vent de Nord , couvert peut-être d'un para-

3 JO La Mythologie & les Vallès

^OcadentX fo1 ' ^^ nomme un nuage. On le i.ii'ch/U. voyoit quelquefois au milieu de fes fol- dats , comme un pafteur au milieu de fes troupeaux : il en fçavoit le nombre Se les noms , Se en faifoit fou vent la re* vue. Voilà pourquoi le même Poète dit qu'il comptoit régulièrement tous les jours Ces troupeaux fur l'heure du midi. Prompt Se vif jufqu'à Pexcès , on pou- voit dire qu'il étoit tout de feu ; & maî- tre de fa paffion il paroiïîbit un moment après plus fouple & plus coulant que l'eau. Ne paroît-il pas par tous ces traits que nos deux Poètes ont voulu peindre allégoriquement un Roi fage & pré- voyant ? fin & rufé , & non un monftre marin , ou un caméléon qui changeoit de forme Se de figure ? Rien n'eft plus ordinaire dans les Poètes , Se même dans PEcriture-Sainte \ que ces deferip- tions fymboliques qui nous marquent fous des termes couverts le caraétere de quelqu'un. Ainfi le Prophète Ifaïe regarde Nabuchodonofor comme Paftre- du jour ; Se Jacob , fon fils Judas , Ci) Genef. commeun lion (i), &c. ce qu^on auroit *' tort de prendre à la lettre.

De même , par ce peuple maritime y que Virgile appelle après Homère gmr humida Bonn , il eft évident que ces

Expliquées par VHtfoire. 3?1 DlEHX Poètes entendent parler des Egyptiens d,0ccidem. voifins de la Mer ; & par ces veaux ma- L.u.ch.vU rins , turpes phocas , des Satrapes d E- gypte : & s'ils les appellent les trou- peaux de Neptune , c'eft parce qu'un Roi doit être le père & le pafteur^ de fes Sujets ; c'eft encore dans le même fens qu'ils difent que Protée étoit nls de Neptune- , parce qu'il étoit puiflant fur la Mer , & étoit maître de Carpa- thie ; ce qui l'a fait dans la fuite regar- der lui-même comme un Dieu marin. Peut-être auffi que l'équivoque du nom Cetès qu'il portoit , félon Diodore, ou plutôt Ketin , ainfi que le nomme Pe- rizonius , & qui veut dire une baleine , ou un gros poifïon , a fervi a donner cours à cette fable ; & ce qui confirme admirablement ces conjures , c elt qu'Homère , qui en eft l'Auteur , 1 avoit apprife des Egyptiens , qui couvroient fouvent leurs hiftoires des voiles ingé- nieux de l'allégorie & de la fiftion.

Cependant^ nous nous en rapportons à Diodore de Sicile, il y a là-deflous moins de myftere qu'on ne pente, pml- que félon lui , cette fable eft née chez les Grecs , & fut inventée fur une cou- tume qu'avoient les Rois d'Egypte , qui portoientfur leur tête pour marque de

W La Mythologie & les Vallès *oMl leur force & de leur puiffance , la dé- L. u. ch.vi. pouille d'un lion , ou d'un taureau , ou dun dragon ; quelquefois même des branches d'arbres , du feu & des par- fums exquis : ces ornemens fervans à les parer , & à jetterla terreur & la fu- perftition dansl'ame de leurs Sujets.

Protée laifTa un fils un nommé Rem- phis , qui lui fucceda. Pour lui il fut mis au rang des Dieux ; & on vient de voir ce qu'Hérodote dit de fon Temple. Finiûons par quelques réflexions criti- ques de nos Sçavans. M. Fourmont (a) prétend que les Grecs formèrent le nom de Protée qu'ils donnèrent à ce Roi d'E- gypte , de Phrao, ou Pkro, dont ils font Prot, avec la finale eus : étymologie préférable fans doute à celle de Perizo- nius, qui dit que ce Prince n'eut le nom Protée que parce qu'il fut élu après une anarchie. Feû M. Huet qui a fait un » » * « Parallele de Moyfe & de prefque tous fâKS IeS Dieux du Pàganifine(i) , n'a pas 4. manqué de le comparer à Protée , foû-

tenant que cette fable eft fondée fur ce que l'Ecriture- Sainte raconte de la ver- ge de Moyfe ; mais n'en déplaife à ce içavant Prélat , Protée, que toute l'An-

U Reflexions critiques fur THiitoire des anciens Peu- ples, liv. j.chap. io.

Expliquées par Vtiijlotre. 3 Ç 3

tïquité convient' avoir vécu au temps ^ggg^ de la guerre de Troye , eft pofteneur L.u.ch.vu. de près de 240 ans au Législateur des Hébreux.

CHAPITRE VIL

Phorcys, Saron ', Partums, Matuta, Glaucm & Egeon.

PHorcys , ou Phorcus , autre Dieu marin , étoit , fi nous en croyons Hefiode ( 1 ) fils de Pontus , & de la (OiaTheog. Terre , & il eut de fa femme Ceto , les Grées , dont les cheveux blanchirent au moment de leur nailîance (2) ; généra- v^J;jfe tion phyfique, qui nous apprend que les Perfée.,&des flots blanchiffent quand ils font agités. Gorgones.*. Homère (3) parle de l'antre qu'habitoit ^ Qdy£ Phorcys , fur lequel Porphyre a fait un u l3. dofte Commentaire ; mais qui fe réduit à quelques idées d'une Phyfique myfie- rieufe & abflraite. Varron eft le feul qui ait ramené à fhiftoire ce que difent ces deux Poètes ; & il prétend que Phorcys étoit un Roi de Corfe. Comme il perdit la vie & une partie de fon ar- mée dans une bataille navale contre

3 £4 La Mythologie & les Fables

Dieux Atlas, ceux qui étoient reftés de cette â Occident. , ,r . . ^ ri . , -, ,

L.n.ch.vii. detaite , publièrent qu il avoit ete chan- gé en Dieu de la mer. Saron. Saron étoit regardé comme le Dieu

particulier des Matelots , & les Grecs, pour cela , lui avoient donné le nom du bras de mer qui eft proche de Corinthe, ou du golphe Saronique. C'eft ce que nous fait entendre Ariftide , lorfqu'il dit : car ils n habitent pas toujours dans la mer , comme Glaucus ? Anthedon , Ù* Saron. Il y a apparence au refte que ce Saron eft le même dont pa vie Paufa- (0 InCo-n^as (0> & (P1 &oit ^Q1 ^e Corinthe. linth. » Althépus , dit-il , fucceda à Saron :

» celui-ci , fuivant ce qu'ils racontent , » bâtit un Temple à Diane Saronide » dans un lieu ou les eaux de la mer » forment un marécage ; auflî l'appel- » lent-ils le marais Phœbeen. Ce Prince » aimoit paffionnément la chafTe : un 35 jour qu'il chaiîbit un Cerf, il le pour- » fuivit jufqu'au bord de la mer , le Cerf » s'étant jette à la nage , il fe jetta après » lui , & fe laiflant emporter à fon ar- » deur , il fe trouva infcnfîblement en 35 haute mer , épuifé de forces , & 35 lafle de lutter contre les flots il fe 35 noya. Son corps fut rapporté dans le ) » bois facré de Diane auprès de ce ma-

Expliquées par PHifiolre. 3S$ » rais , & inhumé dans le parvis du *ry* r, Temple : cette avanture a ete came L.h.c.\ii. » que le marais a changé de nom , & s cit x appelle le Marais Saronique.

Portunus fi nous en croyons S er- gg-. vius , préfidoit aux Ports de ia mer , &InoollMa. comme fon nom le marque affez. Son ««au *«* hîftoire eft fort connue , & fon premier nom étoit Melicerte. Atharaas for. père, Roi de Thebes enBéotie, étant devenu furieux , tua un de fes fils nommé Lear- que, & Ino mère de ce jeune Prince , fuyant avec fon autre fils Melicerte , le précipita avec lui 'dans la mer : ils fu- rent l'un & l'autre changés en Dieux marins : Melicerte fous le nom de Pa- lemon , & Ino fous celui de Leuco- thoé(i). Le fond de cette hiftoire «eft ^Vjg véritable, & j'explique fort au long dans L 4. Hygin, le feptiéme Tome le refte des évene- **• mens de cette famille.

Les Grecs n'eurent pas plutôt lait l'Apotheofed'Ino & de Melicerte, qu'ils établirent en leur honneur un culte re- ligieux , qui fut reçu dans dirferens pays. Melicerte furtout fut honore dans 1 lilc de Tenedos , l'on porta la fuperfti- tion jufqu'à lui offrir des enfans en fa- crifice. A Corinthe Glaucus inftitua en fon honneur les Jeux Iflhmiques , qui

3 $6 Mythologie & les Fables d'Occident. ayant été interrompus dans la fuite , foJ L. a. c. vii. rent rétablis par i hefée en l'honneur

de Neptune, rmth/c. ?" Pau/anias raconte ( i ) que dans le Temple que les Corinthiens avoient confacré à Neptune , étoient trois Au- tels ; un de ce Dieu , l'autre de Leu- cothoé , & le troifiéme de Palemon : on y trouvoit auiTî , ajoute ce même Auteur , une Chapelle baiTe , l'on defcendoit par un efcalier dérobé , & on difoit que Palemon étoit caché , & quiconque ofoit faire un faux ferment dans ce lieu , foit citoyen , foit étranger, étoit auiîï-tôt puni de fon parjure.

Leucothoé fut auffi honorée à Rome, & elle y avoit un Temple, les Dames Romaines alloient offrir leurs vœux pour les enfans de leurs frères , n'ofant pas prier la Déeffe pour les leurs , parce qu'elle avoit été trop malheureufe en enfans. C'eft ce que nous apprenons d'Ovide (a). Il n'étoit pas permis aux femmes efclaves d'entrer dans ce Tem- ple i & on les battoit impitoyablement lorfqu'on les y trouvoit.

Comme les Peuples qui recevoîent le culte des Divinités étrangères , en -

(a) W.ontam*n bancproftjrpe fia pia mater adorct ;■ Itfa pawmfeiix vifafrijje \artni* Paft. i. f.

Expliquées par VHiJtoire* 35*7 cfaangeoient foulent les noms, Ino , que ** ^«r* Jes Grecs nommoient Leucothoé, fut ap- L 11. c.vn. pellée Matuta par les Romains ; & Meli- certe que les premiers honoroient fous le nom de Palemon,fut connu à Rome fous le nom de Portumnus. On ne trouve aucu- ne figure de ce Dieu ; mais BoifTart nous en a confervé une de Matuta , au bas de laquelle on trouve ces mots, Mat. Lug.

Quoiqu'Homere ne regarde Egeon Egeon; que comme un Géant , cependant Ovide dit qu'il étoit un des Dieux de la mer* Suivant Hefiode (1) , il étoit fils du (i)Theog. Ciel & de la Terre. Eumelus, autre an- cien Poète , dans fon Poëme de la Ti- tanomachie , le fait fils de Pontus & de la Terre , & dit qu'il habitoit dans la mer, dVù il fecourutles Titans. Conon afsûre que Neptune le vainquit,& le pré- cipita dans la mer. Voilà à peu près ce qu'on fçait d'Egeon.

On mettoit auffi parmi les Dieux de la mer Scylla & Charybde ; mais ce que j'en dirai dans l'Hift&ire d'Ulyf- fe (2) , medifpenfe d'en parler ici. (2vrom.3*

Glaucus , fi nous en croyons Ser- Tom- Vii- vius (a) , étoit un célèbre Pêcheur de Glaucus.

(b) Ptfcator fuit de ^Anthcdone cruitats , qui cutn cs.ptos pifces î>oJnijjït in litière , O' iili recepto JpiritH rurjus mare fpetiïffènt} fenjit qkarmndem herbarum potentiam > (juibui lonverfuseJUn Denm mawwm* fcerv. in i.Georg.

3^8 La Mythologie & les tables ^Dieux la ville d'Anthedon dans la Béotie, le- bl&cvu <3ue^ ayant mis fur l'herbe fies poifTons qu'il avoit pris, s'apperçut qu'ils fe don- noient de grands mouvemens, & fe jet- toient dans la mer. Il ne douta pas que cette herben'eûtune vertu particulière ; il en goûta,& fut changé en Dieu marin. Ovide & Aufone racontent ainfî cette fîélion ; mais l'Hiftoire fait voir qu'elle n'étoit fondée que fur l'habileté de ce célèbre Pécheur , ainfî que nous l'ap- (OGeogr. prenons de Strabon ( I ). Philoftrate * lu dans un de fes Tableaux , n'ayant égard

qu'aux fixions des Poètes, peint ainfî Glaucus. Sa barbe 3 dit-il, effc humide & blanche , & fes cheveux flottent fur fes épaules. Il a les fourcils épais & fi proches l'un de l'autre , qu'ils femblent n'en faire qu'un. Ses bras font faits d'une manière propre à nager , & fa poitrine eft couverte dherbe marine. Le refle de fon corps fe termine en poiffon , dont la queue fe recourbe jufqu'aux reins.

L'Antiquifé reconnoît trois Glaucus ; l'un fils de Minos, l'autre fils d'Hippo- locus , dont il effc parlé dans PIliade , le troifîéme furnommé le Pontique : cette pluralité de noms a porté beaucoup de confufion dans la Généalogie du Glau- cus dont il s'agit ici : quelques Auteurs

Expliquées pur l'Hiftoire. 3 jp lui donnent pour perePolybe, d'autres JP^-J" le font fils de Phorbas, d'autres enfin de l. n.c.vii. Neptune. Ce que nous pouvons con- clure de plus certain, c'eft qu'il étoit un habile Pêcheur , qui fçavoit très-bien nager. Comme il demeuroit long-temps plongé dans l'eau , pour s'attirer de la confédération , il publioit qu'il avoit dans ce temps-là des entretiens avec les Dieux de la mer. Cependant , malgré fon habileté il fe noya , ainfï que nous l'apprenons de Palephate (1) ; & pour (OLiv.2. honorer fa mémoire , on dit qu'il avoit c- z8, été changé en Dieu marin. La ville d'Anthedon lui rendit un culte reli- gieux , lui éleva un Temple , & lui offrit des Sacrifices. La manière dont Ovide raconte cette fable, eft très-fin- guiiere , & je ne me fouviens pas d'avoir jamais rien lu de femblable dans les An- ciens. Les Poètes ont aufii débité dans la fuite un grand nombre de fiftions à fon occafion : les uns difent que ce fut lui qui enleva Ariadne dans l'Ifle de Naxe , Thefée Favoit ebandonnée , Se que Bacchus pour le punir, rattacha à un fep de vigne , ainfi qu'on peut le voir dans Athénée (2). Selon Diodore (i)Uv.?; de Sicile (3) , ce fut lui qui apparut aux c' [^ Iiv< 4% Argonautes fous la figure d'un Dieu

360 La Mythologie & les Fables Dieux marin , îorfqtr Orphée , à Poccafion d'u-

d'Occident. *^ x r ri 1

t. u, c. vu. ne tempête , nt un vœu lolemnel aux Dieux de Samothrace. Il leur prédit même , au rapport d'Apollonius de Rhodes , qu'Hercule & les deux Tyn- darides , Caftor & Pollux , feroient un jour mis au nombre des Dieux. On ajou- te encore que dans le combat qui fut donné entre Jafon & les Tyrrheniens , il fe mêla avec les Argonautes , & fut le ' (i) Dans feul qui ne fut point blefle. Euripide (i), foa Orefte. ^ apr£s \n\ Paufanias , rapportent qu'il étoit l'interprète de Nerée, & qu'il pré- difoit l'avenir. Si nous en croyons Ni- candre , c'étoit de lui qu'Apollon lui- même avoit appris l'art de lire dans l'a- venir. Enfin Strabon. fuivi en cela par Philoftrate dans fon Tableau de Glau- cus , prétend qu'il fut metamorphofé en Triton , & le porrrait qu'en fait le dernier de ces deux Auteurs , reflemble parfaitement à ce qu'on raconte de cet- te #efpece de Monftre. De toutes ces fiftions on peut conclure que Glaucus s'étant noyé , on l'honora comme un Dieu de la mer. L'endroit il périt étoit devenu célèbre , & Paufanias par- lant delà ville d'i\nthedon dans la Béo- tie , remarque qu'on y voyoit le Sault de Glaucus : c'eft- à-dire, le lieu d'où il s'étoit jette dans la mer. CHAP.

Expliquées par PHifloire. $6i

Dieux

» d'Occident.

CHAPITRE VIIL

Des Nymphes- , Dryades , Hama^ dryades , Napées ,Oreades, &c.

QUoique quelques-unes des Divi- nités qui font nommées dans le titre de ce Chapitre, foient dans la Claiïe de celles de la terre , comme les Drya- des , les Hamadryades , les Oreades , &c. j'ai crû cependant que comme la plupart tirent leur origine de l'eau , je ne devois pas les féparer , mais les ran- ger toutes parmi les Dieux de la mer.

Les Nymphes en général étoient parmi les Payens des Divinités des bois, des montagnes , des fleuves Se des fon- taines , ce qui leur fit donner plufieurs noms. Celles qui habitoient fur la terre, retenoient le nom de Nymphes : celles qui gardoient les fleuves & les fontaines, étoient appellées Naïades : on nom- moit Limniades celles qui habitoient les Etangs & les Marais : celles qui préfî- doient aux Bocages , Napées : celles qui fe plaifoient dans les bois , Drya- des ; ou Hamadryades fi elles étoient

Tome IV. Q

ZÔ2 La Mythologie & les Fables attachées à quelque arbre particulier ; B & celles-ci naîfToient & mouroient avec lui ; celles qui étoient fur les monta- gnes , Oreades (a) ôc celles enfin quiha- bitoient la Mer , Néréides. On leur of- ftoit en facrifice du lait , de Fhuile , ôc du miel , ôc on leur immoloit quelque- fois des chèvres.

Il n'eft pas aifé de dire quelle eft l'o- rigine des fables qu'on débite fur les Nymphes ;car de vouloir rapporter tout ce qu'en ont dit les Poètes à de fimples allégories , c'eft ce qui n'eft pas foutc- nable : je ne fçaurois me perfuader qu'on ait voulu feulement nous laiffer fous ces fymboles , l'idée des proprié- tés de l'eau ôc des corps humides , qui font les principes de la génération des arbres ôc des plantes , parce que peut- être le mot de Nymphe vient de Lym-, pha , qui veut dire de Veau ; & que c'eft pour cela qu'Hefîode les fait naître de l'écume de la mer , ainfi que Venus; Se qu'on nous dit qu'elles étoient les mères des fleuves , filles des eaux ou de l'O-

(4) Tous ces noms marquoient en grec les lieux eu elles habiroient. Vuye\ Hoel le Comte , liv. $■> C7 12. Elles ont eu auiîi plusieurs autres noms, comme Ionides , îfmenides , & cent autres qu'elles tiroient , ou du lieu de leur naiiTan- cc- , ou plutôt , des lieux elles étoient adorées , comme Paiifaniqs & Strabon les interprètent.

Expliquées par PHiJîche. 363 ccan , & le refte (à). Ainfi je croîs que Ri| « x l'idée des Nymphes eft venue de l'opi- Lj^c.vnr. nion Ton étoit anciennement, que les âmes des morts erroient autour des tom- beaux où leurs corps etoient enterrés , ou dans les lieux qu'elles avoient habi- tés pendant leur fejour dans ce monde ; c'efl le fentiment de Porphyre ( 1 ). CODeAmïr. Meurlius remarque fort a propos la- z$. defius que le mot Grec , Nymphe, n'efl: autre que le mot Phénicien Nephas , qui veut dire ame ; & il ajoute que cette opinion, ainfi que plufieurs autres de ce temps-là 5 tiroient leur origine des Phé- niciens.

Pour entendre mieux cette penfée i il faut fe reffouvenir qu'avant le fyf- teme des Champs Elyfées & du Tar- tare , dont l'opinion n'etoit guéresplus ancienne parmi les Grecs qu'Orphée & Homère , on croyoit ou que les âmes demeuroient auprès des tombeaux , ou dans les jardins & les bois délicieux qu'elles avoient fréquentés pendant qu'elles étoient unies à leurs corps. On avoit même pour ces lieux un refpeft religieux ; on y invoquoit les ombres de

( b ) Les Sçavans donnent à ce nom plufieurs é:ymolo- gies , quelques-uns le font venir du mot hébreu tlou^h , ftiilare , d'où les Grecs- ont fait leurs Napées. Foye\ le F. Tbamajjin , Lecî. des Poètes 3 c. 2. /. 7.

3 64 £a Mythologie & les Fables J5IEHX ceux qu'on croyoit y habiter : on tâ-

ci Occident. t i r 1 y 1 r - 1

: JLii.c.vjji choit de le les rendre favorables par des vœux Se des facrifices , afin de les obliger à veiller fur les troupeaux & fur les maifons. De-là eft venue l'ancienne coutume de facrifîer fous des arbres verts , fous lefquels on croyoit que les âmes errantes fe pîaifoient beaucoup ; coutume autrefois pratiquée par les anciens Gaulois , ou Celtes , qui facri- fioient fous des chênes , qui en langue Celtique s'appelloient Deru ; de-là le nom de Dryades & Hamadryades , ou de ces Nymphes qui habitoient dans les bois.

Mais ce qui donne encore beaucoup de crédit à cette opinion , c'eft l'idée que Ton avoit que tous les Aftres étoient animés (ci) ; ce que Ton étendit enfuite jufqu'aux fleuves & aux fontaines , à qui on afïigna des Dieux tutelaîres. Voilà quelle a été l'origine de ces Divinités; mais il faut convenir que dans la fuite on a pris pour des Nymphes , jufqu'à de fîmples bergères (b) , & des Dames il- luftres dont on apprenoit quelque avan-

(*t) Voy«s ce que nous avons dit dans la feptit'rne feurce des fables , dans leTom. I. 1. 1.

(b) C'eft pour cela fans doute qu'Homère appelle Nym- phes Phaëtufe & Lampetie , ^ui gardoiem en Sicile les troupeaux du Soleil,

Expliquées par VRifloire. 3 £ $ ture (à). Ainfî nos Poètes, fidèles imita- teurs des rêveries des Anciens, appel- lent ordinairement du nom de Nymphes les belles perfonnes qui entrent dans les fujets de leurs Poèmes* Enfin on peut ajouter ce que dit Diodore de Si- cile (1) , que les femmes des Àtlantides (1) lîv. 3. étoient communément appellées Nym- phes ; ce qui me fait croire que c'étoit en ce pays-là que prit naiffance Popi- nion de Fexiftence de ces Déciles , parce qu'on difoit que c'étoit dans les jardins délicieux de la Mauritanie Tingitane y ou près du mont Atlas , qu'habitoient après leur mort les âmes des Héros.

Les Payens ne croyoient pas à la ve-« rite que ces prétendues Divinités fuf- fent immortelles ; mais on s'imaginoit qu'elles vivoient très-long-temps (2) j Heliode (3) les fait vivre plufieurs mil- (^Theo^l liers d'années. Plutarque en a déterminé le nombre & il a réglé la chofe à 9720 ans. (£).

Si l'on me demande ce qu'on a voula dire par tant de métamorphofes de per-

(a) Selon Servius , le nombre des Nymphes étoit réduir à-200. Hefîode en met 300. & je pente qu'il étoit arbi- traire , vu le nombre des perfonnes à oui on donna le nom de Nymphe-

(6) Dans Ton traité de la cefïàtion des Oracles , il fait furcefuje: un rai [ornement pitoyable , quelque allégorie 311'ony veuille chercher»

%66 La Mythologie & les Fables ,,PIEVX formes chençées en Nymphes, en Drya-

<< Occident, j o . ° r J \ r i

l.ii.c.vjii, des 5 °cc* )e penle que lorique quelque PrincefTe étoit enlevée à la chafTe, ou qu'elle périflbit dans les bois , la ref- fource ordinaire des flatteurs étoit de dire que Diane , ou quelqu'autre Di- vinité favorable , l'avoit changée en Nymphe. On racontoit la même choie de celles qui par defefpoir fe retiraient dans les bois pour y pleurer leurs mal- heurs; car elles mouroient auprès de quelques fontaines > on ne manquoit pas de dire quelles en étoient devenues les Nymphes , & on faifoit là-defîus quelque Poème l'on donnoit à la fon- taine le nom de la PrincefTe ; ainfî qu'il arriva au fujet de la prétendue Egerie , cette célèbre Nymphe que NumaPom- pihus alloit fouvent confulter dans la forêt d'Aricie. Ce Prince pour perfua- tler au Peuple Romain que le culte reli- gieux qu'il avoit deflein d'établir , étoit divin , publia qu'une Nymphe lui en di&oit les cérémonies y & il inventa fon prétendu commerce avec Egerie. Après la mort du Roi les Romains allèrent chercher cette prétendue Nymphe , & n'ayant trouvé qu'une fontaine dans l'endroit Numa fe retirait , & vrai-femblablement il avoit coutume de

Expliquées par PHiftoire. 3 67 Faire quelque aéte d'hydromancie, corn- ^"dent. me le prétend S. Auguftm \ on s'ima- l.ii. c.yiii. gina que la Nymphe avoit été changée en fontaine. On doit juger fur cet exem- ple , de toutes les autres fables qu'on a publiées au fujet des Nymphes ou des Naïades*

Nous ne dirons rien de la belle des- cription que fait Homère de l'Antre des Nymphes , ni de ces vers Horace nous repréfente Bacchus inftruifant les Nymphes (à) : car on ne feroit pas con- tent des allégories que quelques Au- teurs on dit y être renfermées , & en- core moins des obfcenités qu'un Philo- fophe Stoïcien, homme grave & ferieux, a débité là-deflus. (1). Pvlais pour ne rien d) LaM©- .laifler à délirer fur ce fujet, je dois &>n*âani fonHe£ ner ici la lifte des Nymphes & des Naïa- sam. raflrr des : voici leurs noms par ordre alpha- bétique.

Acafla

AmphitTioé

Admer

Amphinome

iEgerie

Amphitas

JEglc

Amphyro

Agatete

Arethufe

Agave

Afîa

Amathie

Atté

(a) liai Bacchttm dot

entem Nympbas.

Qiiij

î> I F. V X d'Occident. L.II. C.VHI.

36S La Mythologie & les Fables Beroé Calianafte Calliroé Calypfo Cafînaria Cercéis Clio Clotho Clymene Clytie Corafîce Crefeis Cydippe Cymodufe Cymothoé Deîopée Dianafte Dîoné Dorîs Dofithée Doxo Drymo Dynamne Ele&re Ephyre Erece Eudore Europe Eurybie Eurymene

Galatée Gralaxaura Glaucis Halia Hippo Hyale Jacra Janira Ianthé Idothée Idya Laodicé Lara

Leonthadome Lîgea - Limneria Lycefte Lycorias Marcia Melantho Melite Meloborîs Memnefthe Métis Minetra Minopene Nemeritis Nefo Nifaea Nife

Expliquées par PHiftohe. 369

Ocyroé

Opis

Orithye

Panope

Panopea

Sangaris Spio

Styx

Syrinx

ThalefTa

Pafîthoé

Thaiia

Peloris

Thero

Perfa Perfeis

Thefpie- Thetis

Petrea

Thoé

Pherufa

Thyca

Pholoé

Phyllidocé

Pitho

Thyella Thysbé Thorebiai

Plexaura

Plione

Polydora

Thyche

Thyro

tirante-

Proto

Xanto

Prymno Rhodea

Zeuxo Zexo.

DiF

d'Occi

MI. G.

dcnr. WIJ.

Sagaritis

Remarquons en paffant que quelques- unes de ces Nymphes font nommées deux fois , fuivant la manière différente dont les Poètes, defquels Beger a tiré cette Lifte , pronoçoient leurs noms \ & que d'autres , comme on a pu s'en appercevoir, font les mêmes que quel- ques-unes des Mufes, -

Qv

SJO La Mythologie & les Fable*

d'Occident- t. U.C. IX.

CHAPITRE IX.

D'Eole & des Vents.

ON met auiîî Eole parmi les Dieux de la mer , parce qu'on croyoit qu'il étoit le Dieu des vents & des tem- pêtes. Ce Prince, filsd'Hippotus, & que fon mérite a fait palier pour fils de Ju- piter , vivoit du temps de la guerre ce Troye , êc regnoit , fi nous en croyons Servius après Varron , fur les Ifles qu'on appelloit Vulcanies , & qui ont depuis porté le nom d'Eolies. Ces Ifles au nombre de fept , font entre la Sicile & l'Italie , du côté du Promon- toire de Pelore , ainfi que Diodore de Sicile Se Pline le difent. Homère ne parle que d'une , qu'il appelle Eolie , quoiqu'il n'y en ait point qui porte ce nom, mais il la nomme ainfi à caufe de fon Roi Eole : e'étoit fans doute celle de Lipara , il y a beaucoup de Volcans ; ce qui a fait dire à Arifiote , parlant de cette Ifie , que la nuit on la voit éclairée par des feux. Strabon efl: du même fen~ liment, âcc'eft pour cela qu'on plaçoit

Expliquées par PHiftoire. 3 7 r quelquefois dans ce lieu-là les forges de *? l E. y x Vulcain ; fable fondée fur le nom que Lai/ch.Tx. les Phéniciens donnèrent à cette Me : ces premiers Voyageurs y ayant abordé, & y ayant vu les feux qui en fortoient, la nommèrent , comme Bochart Ta re- marqué, Nibaras , ou Nibras , qui fîgni- iîe un flambeau , une torche allumée.

C'eft dans ces Ifles qu'Eoîe regnoit lorfqu'Ulyffe y aborda. Ce Prince étoit fort fage & fort prudent r & recevoir bien les étrangers ; il ne manquoit pas fur-tout de leur donner de bons avis touchant les danger de la navigation ( 1 ). <x) DIo(!# 11 s'appliquoit fur-tout à obferver les te Siaie,L5. vents par l'infpeftion de la fumée qui fortoit des antres de Lipara , comme Pline Ta remarqué : il pouffa même loin fes connoiffances là-defïus , à l'aide d'un peu d'Aftronomie (2) & par Pinfpe- <0 ch- î- étion du flux & du reflux de la mer, com- me le dit Strabon (3) qu'il prédifoit fou- (3) Liv» ** vent quel vent devoit fouffler pendant quelques jours; ce qui n'eft pas impof- fible à prévoir , lorfquVm a long-temps; expérimenté dans un climat, que le vent. qui y règne un jour , y dure ordinaire- ment quelques jours de fuite. Comme il vivoit dans un temps la navigation etoit tort imparfaite , oc ou il etoit tort

Qvj

yj2 La Mythologie & les Fables JlI£y x difficile lorfqu'on s'éloignoît un peu des

c Occident» A -. . *oi>'* i A

l.jj. ch.ix. cotes , d y revenir & d éviter la tempê- te , on avoit fouvent recours à lui pour fçavoir quels vents dévoient fouffler pendant qu'on feroit fur mer. Plufieurs perfonnes fe trouvèrent bien de fes confeils ; & fa réputation alla loin , qu'on le regarda comme le Roi des vents,leur maître & leur furintendant {a). Les Poètes défigurèrent enfuite cette hiftoire par leurs fictions. Homère , au lieu de dire Amplement qu'UlyfTe qui avoit confulté ce Prince , n'ayant pas ajout é foi à fes confeils, & étant demeuré far mer plus long-temps qu'il ne falloit, effuya une rude tempête qui fît périr fa flotte à la vue de PI (le d'Ithaque , dit cPune manière enveloppée , qu'Eole avoit enfermé les vens dans une peau . de bouc, & les avoit donnés à UlyfTe, lui ayant défendu fur-tout d'y toucher avant un cenain jour. Il ajoute que les Compagnons de ce Prince le voyant ea- dormi , s^imaginerent que cette peau renfermoit fes tréfors , & l'ouvrirent ; Se que dans ce moment les vents fortirent avec fureur , & excitèrent cette horrible

(a) . . . . Hic vajlo Rex J£olns ar.tro Luflatitfs ventos , tem;ejlatefque faneras Jmierto prewrt , ac vint l'. s £7 carcere frxnxt. Virg. /Entid» l. i . rioinc-re dit prefque U même choie.

Expliquées par PHîJioirel 575 tempête qui les fit périr. Virgile d'un-^^^5. autre côté, travaillant d'après les idées l. 11 c IX. du Poète Grec , a encore embelli ce fujet. Il dit (1) que Junon voulant éloi- (i)Eneid* gner Enée de l'Italie elle fçavoit que *• u les Deftins lui promettaient un établif- fement , alla trouver Eole dans les Mes il faifoit fon fejour , & il tenoit les vents enfermés dans une profonde caverne (/?), qu'elle le pria d'exciter une tempête pour éloigner Enée d'Italie , & le refle. Les autres Poètes en parlent de même : on en vint jufqu^à dire qu'a- vant qu'Eole eût pris l'intendance des vents.ils caufoient fur la terre des renver- fements épouvantables ; qu'ils avoient féparé la Sicile de la terre ferme ; qu'une tempête avoit autrefois ouvert ce fa-* meux paflage de l'Océan dans la Médi- terranée , quron appelle le Détroit de Gibraltar , &c.

Il ne faut cependant pas s'imaginer que cette circonftance des vents renfer- més dans une peau de bouc , n'enve- loppe quelque myftere : les Mytholo- gues (b) y ont fait plufieurs découvertes

(a) Senequc raille Virgile d'avoir enfermé les vents dans une caverne , puifqu'ils ne font tels que par leur mouvement impétueux ; mais cette critique tombe d'elle-même , puif- epe ces vents fon: dans un antre , à peu ptès comme l'air dans l'E°lipile , d'où il ne cherche qu'a s'exhaler avec ira- petuonté ; & cela ne hit qu'une qneftion de nom»

{b) Voyez Natal. Hift. d'£oie.

374 I*a Mythologie & les Fahles Dilux fur la nature des vents, qui feroient ad- i. îucAx. niirables fi les Auteurs de cette fable y avoient penfé. On peut croire que par cette fî&ion Homère fait allufîon à quel- que ancienne coûtume.femblable à celle qui fe pratique encore aujourd'hui dans la Laponie, Ton trouve plufieurs Ma- telots qui vendent les vents à ceux qui s'embarquent?& leur promettent,moyen- nant une certaine fomme d'argent , de tenir enfermés ceux qui pourroient trou- bler leur voyage. Il y a apparence que les Anciens pratiquoient quelque chofe defemblable ; ce qui a donné lieu à cette circonftance de vents renfermés dans la peau de bouc.

Eratofthene n'avoit pas pris fiferieu- fement cette circonftance de la fable r lorfqu'il dit ; qu)o?2 trouverait tous les Veux oit Ulvjfe avait été porté , quand on auroit trouvé celui qui avoit coufu lefac tous les vents étoient renfermés. C'eft un trait aflez plaifant , mais que Polybe a très- bien refuté en foûtenant , comme nous l'avons dit plufieurs fois des fables en gênerai , que le fond des voyages d'U- lyfTe eft vrai ; mais qu'Homère y avoit mêlé les fictions de la Poefie & les allé- gories de la Phyfique. Je foupçonne , par exemple , qu'iLy en a une de cette

Expliquées par PHtftoire. 575* nature dans ce que ce Poète dit des oP*^* douze enfans d'Eole , fix filles & fîx l. 11. c. IX. garçons qui s'étoient mariés les uns avec les autres : car fi on ne veut point pren- dre cet article à la lettre , comme Dio- dcrj (1) , on peut croire qu'il a voulu (i)Uv* $. parler des douze vents principaux, qui fe mêlent fouvent dans les orages.

Mais puifque nous fommes fur le cha- pitre des vents , nous remarquerons que la fuperftition Payenne alla jufqu'à les adorer comme des Divinités : on leur fa- crifîoit lorfqu'on entreprenoit quelque voyage , comme plusieurs Auteurs nous l'apprennent (a). Ovide parle du Tem- ple que Scipion érigea aux tempêtes: Augufte , félon Seneqtie (2) , bâtit un (2) Qu*aï Temple dans les Gaules au vent Cyr- nau ks-c.j/*. cius; & Virgile dit (3) qu'Enée facrifia (3) Ene«£ aux Zéphyres une brebis blanche : Fe- 1#-3' cuclem Zephyrisfelicibus albam\ fur quoi il eft bon de remarquer que les Grecs dans le culte qu'ils rendoient aux vents, & dans la fable d'Eole , qu'ils en avoient fait le Souverain , n'avoient fait qu'imi- ter les Peuples d?Orient , fur-tout les Perfes qui , au rapport d?Herodote (4), ^ ilYt lt rendoient un culte religieux à ces Divi-

(a) Très T.rlci vit.dos , C7 tem$?Jlallbj*s agnam Cxdere * . jubé*

%y6 La. Anthologie & les Fables

cTocc/îent. n*t(^s f°^gu^ufes ; & c'eft à cette coûtu-

L.u. c.ix. me que l'Auteur du Livre de la Sageffe

fait allufion , quand il met au nombre.

des Divinités des Gentils , l'air & le

vent : aut ventum , aut celerem aerem

Ci)sap.c3- Deos putaverunt (1) ; & cela dans un

temps apparemment les fables des-

Grecs fur ce fujet , n'étoient pas encore^

paffées en Orient.

Pour revenir à l'hiftoire d'Eole , il eft bon d'expliquer une circonftance que d) odyfi: rapporte Homère (2), de l'Ifle de Li- E lo' para il regnoit. Ce Poëte dit que le

Palais de ce Prince retentiffoit tout le jour de cris de joye , & qu'on y enten- doit un bruit harmonieux : car il y a ap- parence que cela eft fondé fur les mer- veilles qu'on publioit de cette Ifle : Dans une des fept If.es d'Eole , dit Arif- (OLiv.rfes tx>te (3) , on raconte qu'il y a un Tom- chîoks m- beau, dont on dit des chofes prodigieufes. . . croyaoïes. q^ ajfùre qu on y entend un brun de Tam- bours Ù* de Cymbales , avec des cris écla- tans ) &c. Il eft aifé de voir que tout cela eft fondé fur le bruit que faifoit le feu enfermé dans les cavernes de cette Ifle ; ôc par-là Homère fait allufion à l'ancien nom de l'Ifle, qui étoit appellée Meligorms , comme Callimaque nous \m£F* apprend (4) : Diane alla chercher , dit-

Expliquées par PBijfoïre. 377 il , les Cyclopes , & les trouva dans Vlfle , ©m/x de Lipara ( c^ejl le mm quelle a préjen- Lt ii^c. IX- tement ; mais alors elle étoit appellée Me- ligorms ) &c. Bochart (1) a très-bienre- (1) Chan.1.4. marqué que ce bruit fouterrain y dont nous venons de parler , avoit fait don- ner ce dernier nom à cette Ifle, puifque dans la langue des Phéniciens , Melogi- rnn , ou Menaggiriin , iîgnifie l'Ifle de ceux qui jcu^nt des instruments. Le même Auteur tire aufiî très - heureufe- ment de la même langue , l'origine du nom d Eole & de toute cette fable , qui avoit été fans doute écrite par les Phé- niciens, &il y a apparence que les Grecs ayant trouvé le mot Aol , qui dans cette langue, ainfî que Aella dans la Grecque, veut dire tempête^ ôc ayant peut être lu dans les mêmes Annales le mot d'Aolin, c'efi-à-dire , le Roi des vents & des tempêtes, en ont formé après Homère le nom propris d'un homme , qu'ils ont appelle Eole.

Mais n'en déplaife à ceux qui ont in- venté ces conjectures , ne fçaurois être de leur fentiment. Le Prince dont je viens de faire l'Hiftoire , fe nommoit véritablement Eole , & defcendoit de l'ancien Roi de ce nom , qui étoit fils de Deucalion, dont les defcendans après

37S La Mythologie & les Fables Dieux avoir donné plufieurs Rois à la Grèce , L. n^cTx. envoyèrent plufieurs Colonies dans l'A- fîe mineure, dont ils peuplèrent les côtes & paflerent enfuite en Italie ; & voici comment Diodore de Sicile parle de (Oliv. i. cette dernière tranfmigration(i).Mimasr fils d'Eole , regnoit dans une partie de la Theffalie : fon fils Hippotus qui lui fucceda fut père d'Eole IL Se celui-ci d'Arnès qui donna fon nom à la capi- tale de fon Royaume. Celte Princefle s'étant laiflee feduire par fon Amant , fon père la vendit à un Marchand de Metaponte , qui la mena en Italie <jù elle accoucha peu de temps après de deux fils , qui furent adoptés par leur Maitre. Un meurtre qu'ils commirent dans la fuite , les fit chafîer de Meta- ponte : Eole fe retira chez Liparus , fils d'Aufon , qui regnoit fur les Mes Li- paries , dont il époufa la fille , & lui fuccéda après fa mort. Eole eut plu- fieurs enfans : Aflioche l'aîné' régna fur les mêmes Mes, qu'on nommoit Eo- liennes , du nom de fon père. Iocaftes s'établit aux environs de Rheggio ; Xu«- thus , Androclée , Pheremon & Aga- thyrfe régnèrent dans plufieurs parties de la Sicile , & leurs defeendans y de- meurèrent jufques à ce que les Dorien3

Expliquées pur PHifloire. 379 y envoyèrent une colonie. Nous appre- Dieux

a J TV d'Occident.

nons toutes ces circonltances de D10- Lil ch lx# dore de Sicile (1), de Strabon (2) & (,)Liv. 5. d'Euftathe (2). W^;.

Les vents , comme nous Pavons dit , fertiéme ' de avoient aufîî été érigés en Divinités ; & rodyffée. quoique l'Antiquité nous ait tranfmis peu de chofes furie culte qu'on leur ren- doit, nous apprenons cependant de Pau- t . T

r / \ 1 i_ j> M In Co-

iamas (4) « qu on voyoït au bas d une rinth.

» montagne qui étoit près de l'Afope un » Autel confacréaux vents, à qui, dit-il, x certaine nuit de l'année un Prêtre offre » des facrifices , 6c y pratique autour de » quatre foifes je ne fçais quelles cere- » monies fecrettes , propre à appaifer 33 leur fureur. Le même Prêtre pendant cette cérémonie chante quelques vers 30 magiques, dont on dit que Medée fe fervoit dans fes enchantemens ». On découvrit encore il y a quelques années près de Nettuno en Italie , un Autel confacré aux mêmes Divinités , avec cette Infcription : Ara Ventorum. Hé- rodote (j) & Strabon affûrent que les (5)tW. 7, anciens Perfes facrifioient aux vents * , * ï*içm* & dès-là on ne peut pas douter qu'ils ne les ayent regardés comme des Divinités,, puifquelefacrilîce eft la marque la moins équivoque du culte de latrie» Vitruvs

380 La Mythologie & les Vallès d'ocadciu. Par^e de cette célèbre Tour des vents L. il, c. IX. qui étoit à Athènes , que M. Spon qui k découvrit , a fait deffiner , & en a, donné la defcription dans le Tome fe- (3)Psg^i. cond de fon voyage de Grèce (i). On 76e voyoit fur cette Tour les huit princi-

paux vents repréfentés avec leurs noms ; mais on ne peut rien conclure de ce mo- nument pour le culte rendu aux vents : Vitruve n'en parle que comme d'un- morceau fingulier d'Archite&ure.

Voici ce qu'on peut tirer du peu de monumens qui nous reftent 5 touchant la manière de repréfenter les Vents. Sur la Tour dont on vient de parler , les huit principaux font repréfentés comme de jeunes hommes avec des ailes , dont Pun paroît fouffler , l'autre verfer de l'eau d'une cruche , &c. Dans un Ma- Bufcrit de M. de Peyrefc , confervé dans la Bibliothèque de S.Viétor, on voit un bas-relief qui repréfente quel-* ques Divinités , avec les Signes du Zo- - diaque , Se un Vent qui fcuffle , qui a des oreilles de Satyre, & deux ailes fur le devant de la tête , comme Mercure. Enfin le Vent qui étoit à l'Autel de Nettuno , fouffle dans une Coquille à. peu près comme un Triton-

Expliquées par PHîjloirt. 381

CHAPITRE X.

Des Sirènes.

PERSONNE n^ignore que les Poe- dieux tes repréfentent les Sirènes comme l^o^x de belles perfonnes qui habitoient des rochers efcarpés fur le bord de la mer , ayant attiré les paflans par la beauté de leur chancelles les faifoient périr. Les uns veulent qu'elles fuflent filles du fleuve Acheloiis & de la Nymphe Cal- liope , d'autres prétendent qu'elles for- tirent du fang delaplaye qu'Hercule fit au Dieu de ce fleuve , en lui arrachant une corne. Leur nombre n'efl pas dé- terminé : Homère n'en reconnoifïbit que deux, d'autres en admettoienteinq; fçavoir, Leucofie, Ligie, Parthenope, Aglaphon & Mopfe ; d'autres enfin ne reconnoiffent que les trois premières de celles que je viens de nommer (1). (o scmui

On débite plufieurs fables fur leur fu- inllb^ &D* jet : Ovide dit qu'elles accompagnoient Proferpine lorfqu'elle fut enlevée , & que les Dieux leur accordèrent des ailes

382 La Mythologie & les Fables Dieux pour aller chercher cette PrinceiTe (a). L. il^ch/x. -^ aj°^te que dans le defefpoir elles furent de n'en point apprendre de noun velles , elles s'arrêtèrent fur des rochers leur occupation fut de faire périr ceux qu'elles y attïroient. ' (0 odyfl; Homère (1) qui place les Sirènes au l,i1, milieu d'une prairie enfanglantée du

meurtre de ceux qu'elles avoient fait mourir (b) , nous apprend que le Defbin leur avoit permis de régner jufqu'à ce que quelqu'un les eût trompées ; que le prudent Ulyffe fut celui qui accomplit leurs deftinées, ayant évité leurs embû- ches en bouchant les oreilles de fes Coït :g pagnons avec de la cire , & fe faifant at- tacher au mât de fon Vaiffeau. Il ajoute qu'elles en conçurent tant de defefpoir, qu'elles fe précipitèrent dans la mer , elles furent changées en poilfons de la ceinture au bas. C'eft, pour le dire en paffant , au fujet de ces deux opinions

(a) jln quia cum l-geret flores Projerpina vernos , De numéro comitum mijiœ Sirènes eratis ? Quam pcjrqnam tstofrufira quœfijlis in orbe , Vrotimis ut vefiram fentirent œquora curant j Pojfè fuper fluclus /tUrurn înjiflerè remis Optaftis : facilefque Deos babuijtis , C7 urtus yidijlis veftros fubitis flavefcere penms. Metam. 1. <f.

{b) Virgile les place lur des rochers environnés d'oflé- mens.

panique adeo rcopulos Sirenum adduSlafubibat , Difficiles quondam , muliorumque offibus albos» JEneiâ.. 1. 5.

Expliquées par PHifloire, 383 <THomere & de Virgile , qu'on agita il PlE \IX

« . 1 M n &/~ 1 d'Occident.

y a quelques années la queition , 11 les l. il c x. Sirènes étoient regardées par les Poètes comme des poiflbns , ou comme des oi- Seaux. Un illuftre Prélat (1) crut décider o)M.Hu«; la choSe, en difant qu'avant leur Méta- morphose , c'eft-à-dire ? avant qu'elles fe fuffent jettées dans la mer, on les re- gardoit comme des oifeaux à caufe des ailes que les Dieux leur avoient don- nées ; mais que depuis on doit les met- tre au nombre des Divinités de la mer. Il falloit ajouter à cela , qu'on doit confiderer les Sirènes dans trois temps : d'abord c'étoient de belles filles , des Nymphes qui n'avoient rien de mons- trueux ; c'eft ainfi qu'elles étoient lors- qu'elles accompagnoient ProSerpine, & qu'elles cueilloient des fleurs avec elle dans les prairies d'Enna :

Cum léger et flores Proferpina vernos , De numéro comitum mifîœ Sirènes eratis ;

Se qu'après avoir cherché cette Princefle par terre Sans la trouver , elles deman- dèrent aux Dieux des ailes pour courir les mers :

Protiniis ntveftram [émirent œquora curam , PoJJèfaperfiutlus alarum injijlere remis Optaftis ;

ce qui leur Sut accordé ;

384 La Mythologie & les Tables

D 1 £ u x . . Facilefque Decs habuijlis , & artut

«l'Occident. Vidiftis veftros fubitis fiavefcere fennis : i--» Ut

On doit dès-lors les regarder comme de*; oifeaux avec des vifages de filles ;

Cum virginis cra geratis.

Enfin du moment que par le defefpoîr d'avoir été vaincues par Ulyffe , elles fe précipitèrent dans la mer , on doit les confiderer comme des poiflbns & des Divinités de la men

Cependant, pour ne rien diiîïmuler , je crois que M. Huet s'eft trompé , ôc jamais l'Antiquité n'a regardé les Sirènes comme des poiflbns : ni Homère , qui les peint feulement fous la figure de femmes voîuptueufes ; ni Virgile , ni Servius fon Commentateur ; ni Ovide , qui les décrit ainfi ;

Vobis y Acheloides , undè

Pluma, pedejque avhiûi) cumVirginis orageratis l

ni aucun des autres Anciens , que je fça- che , n'en a jamais eu cette idée ; & quand Homère dit que le defefpoîr d'a- voir été vaincues par Ulyfle les porta à fe précipiter dans la mer , il ne parle point de leur metamorphofe enpoiflbn: ce font les Peintres , les Sculpteurs , & les Relations qui parlent du poiflbn Si- rène,

Expliquées par VHiftohe. 385* Dieux Sirène , qui ont donné lieu àrepréfenter f °fïCI£untV les Sirènes des roetes lous cette ngure. On en trouve même fur d'anciennes Mé- dailles avec des pieds de Coq ou de Moi- neau (a) , & de différentes autres figu- res (b).

Si après toutes ces difcuflïons nous voulons remonter à la fource de cette fable , Servius nous apprendra qu'elle tire fon origine de certaines Princefles qui regnoient autrefois fur les côtes de la mer de Tofcane , près de Pelore Se de Caprée , ou dans trois petites Mes de la Sicile qu'Ariftote appelle les Ifles des Sirènes. Ces petites Reines étoient fort débauchées , & attiroient par leurs charmes les Etrangers , qui fe perdoient dans leur Cour par la mollefle & par la dépenfe. Voilà fans doute le fondement de tout ce qu'Homère ditdesSirenes(i), (0 o<fyfc qu'elles enchantent ceux qui ont l'im- I2s prudence de les approcher & d^écouter leurs chants ; qu'elles les retiennent dans une vafte prairie l'on ne voit que des monceaux d'offements , & que des cada* vres que le Soleil achevé de fecher. Ja- mais , ajoute ce Poète , leurs femmes Se

(a) Voyex le Traité «ju'a fait fur ce fujet M. l'Abbé Ni- caife.

{$) Ovid. liv.5. Meram. Elian. liv. 7. Servius, in Jfcneid* Voflîus , de UoU 1. 3. <k l'Abbé Nieaife , lu* cit.

Tome IV. R

385 La Mythologie & les Fables Dieux leurs enfans ne vont au-devant d'eux ,

l. ii^ch^x. ^es fa^uer &fe réjouir de leur retour \ ils

y periffent tous. (OProverb. Ce que Salomon dit (i) des malheurs

*■ *' s'expofent ceux qui s^abandonnent

aux charmes de la volupté, ne fert il pas admirablement à confirmer l'idée que le Poète Grec & le Commentateur de Virgile nous donnent des Sirènes ? <* Ces » femmes infenfées , dit le fage Roi , ap- » pellent ceux qui paffent près d'elles , 30 & qui continuent leur chemin. Que 30 les petits, difent-elles , fe détournent » pour venir à nous. Les eaux déro- » bées (cejl-à dire les plaifrs dérobés) « font plus douces , & le pain qu'on 33 mange en fecret eft le plus agréable : 30 ces infenfés ignorent que près d'elles » font les Géants, & que leurs Convives » font dans le plus profond de l'Enfer.

Quelque naturelle que foit l'explica- tion que Servius donne à la fable des Sirènes . il y a des Auteurs qui croient 'qu'elle n'a d'autre fondement que l'équi- voque du mot Grec Syrein , qui veut dire tirer a foi, ou Syra,qui fignifïe chaîne, ou félon Bochart , du mot hébreu Sir, qui veut dire Cantique , ou Chanfon , d'où l'on a compofé le nom des Sirènes, comme qui diroit Chanteufes.

Expliquées par VHiftoire.' 387 Ne pourrois-ie pas, pour, concilier Dieux

A r j* vi '-il d'Occident,

Ces Auteurs , dire qu il y a eu véritable- L# n. c^, ^

ment des PrincefTes débauchées qui de-

meuroient fur les bords de la mer , &

qui ont donné lieu à toutes ces fables ;

mais que le nom des Sirènes ne leur a

été donné dans la fuite , que parce que

ceux qui trouvèrent dans l'ancienne

langue le mot Sir, ou Syràn, qui mar-

quoit leur cara&ere, le prirent pour leur

nom ? & lorfqu'on a dit qu'elles étoient

filles du fleuve Achelous ,c'efl que l'Ifle

de Taphos , d'où on dit que ces filles

étoient forties pour venir s'établir à

Caprée , eft à l'embouchure de ce

fleuve.

Au regard des temps elles vivoiemy Ovide nous apprend que c'étoit dvt temps de Proferpine , & qu'elles accom- pagnoient cette PrincefTe dans les prai- ries du mont Etna elle fut enlevée* Homère les fait vivre du temps d'Ulyt 4e, après la guerre de Troye; &jepenfe que pour accorder ces opinions diffé- rentes, nous pouvons dire qu'elles n'ont pas vécu dans le même temps, mais les unes après les autres ; que leur règne a duré jufqu'au temps d'UlyfTe , qui fit peut-être périr la dernière PrincefTe de cette Ifle, Il ne faut pas s'étonner que

Rij

3 88 La Mythologie & les Fables les Poètes ayent réuni tout ce qu'ils ont dit des Sirènes : ce n'eft pas la première fois qu'ils ont rapproché ou reculé de plufieurs fiéclesles événemens des temps fabuleux ; & je crois que cela vaut mieux que de dire Amplement que par la ma- gnifique fable des Sirènes , Homère n'a eu d'autre vue que de nous apprendre que fon Héros évita les charmes de la volupté , lui qui le fait demeurer fept ans chez Calypfo , & qu'il rend fi amou- reux de Circé. Je ne dois pourtant pas (i) Archi- diffimuler qu'un ancien Auteur (i) a cru

£e!#v* Nat' que l'origine de Ja fable des Sirènes vient de ce qu'auprès des Promontoires , ou de Sorente ou de Caprée , on entendoit un certain bruit harmonieux caufé par les flots de la mer , reflerrés entre des rochers , ce qui attiroit les pafTans qui y faifoient quelquefois naufrage. Sur quoi on peut dire que cette circonftance n'a peut-être pas peu contribué à embellir la fable ; du moins une pareille harmonie , mais beaucoup plusdéfagréable, a-t-elle contribué à celle de Charybde & de Scylla , comme nous le dirons une au- U) Hlft,trefois (2).

a'iJiyflc. Mais , que veulent dire les Relations

qui nous apprennent que les Pêcheurs ont quelquefois trouvé des Sirènes dans

Expliquées par PHijloire. 3 89 la mer , à peu près comme celles nue P1?,** les Peintres repréfentent dans leur Ta- L< i\.coi X* bleaux , & qu'ils ont apportées à la Cour des Princes ? Je réponds à cela , qu'on a quelquefois trouvé des monftres dans la mer, qui avoient une figure allez refTemblante au vifage d'une femme? , avec une queue de poiffon , mais fott noirs & couverts d'écaillés , & qui oc reflembloient nullement ni aux Sirènes, ni aux Tritons des Poètes ; & l'on doit penfer que tous ces prétendus monftres, Satyres, Nymphes, Sirènes, &c. dont les Relations des Voyageurs font rem- plies , n'ont jamais exifté que dans le pays que Rabelais nomme le pays de Tapifferie.

Si l'on me demande encore ce qu'en- tendoit le faint homme Job (a), lorfqu'iî difoit qu'il pleuroit fes malheurs fur le ton des Sirènes ? Je crois qu'il ne vou- loit parler que de certains oifeaux, qui, félon Pline (1) , endormoient les pafTans muL par la douceur de leurs chants ; & com-c *«>. me ils habitoient dans les déferts , le^ faint homme a voulu marquer par-là % &

Taffreufe folitude il étoit réduit; ; Jicut paff&-felnarius in teéio-

(a) Facfns f*m frater ïiremim ) (7 fidalis paJfirHm. Job > eap 30.

Riij

3^0 La Mythologie & les Fables* vJ*1^* On trouve des Interprètes de l'Ecrï-

é Occident. 0 . r * 1 t

i*iï. ch.x.cnt:ure"^alnte qui ont prétendu que le CO Cap. i3. Prophète Ifaie (i) avoit auflï voulu*

w/. »&w. parler des Sirènes , lorfqvfll prédit que la ville de Jerufalem feroit habitée par des monftres qui dévoient avoir la par- tie fuperieure du corps femblable à une belle femme , & les pieds & la queue d'un âne : c'eft du moins cette idée qui a donné lieu à l'ancien Architecte qui a bâti l'Eglife de Notre-Dame de Paris ,, de faire graver fur un des Portiques une Sirène avec le corps d'une femme , ôc M Nîcaife les pieds & la queue de cet animal (2). j'avoue que les Septante , & après eux faint Jérôme, ont traduit le mot Tanin9 dont s'eft fervi le Prophète , par celui de Sirènes ; mais il eft clair qu'Ifaïe n'a voulu marquer en cet endroit-là , que 1& folitude devoit être réduite un jour la ville de Jerufalem , en prédifant que les monftres mêmes y feroient leur fejour ; & qu'il n'a fait aucune allufioa à la fable des Sirènes , non plus que le Prophète Jeremie , aux Lamies (a) qui

(a) Philoftrate , * vit* AçoL dit que les Lamies avoient

vifage comme unefemme,& la gorge fort blanche qu'elles

iflbient vbir aux pafîants pour les attirer & les dévorer.

On croit que le nom de L*mie vient de Lamos, qui veut due

rofînr , ou de Uware , qui veut dire dévorer , ou plutôt du mot Arabe Lanama , qui félon Bochart , %nific h mêiû3

Expliquées par PHifloïreï 59 r decouvroient leur fein aux pafTans pour Dieux les attirer & les dévorer, & qui étoient L^ch^i des efpeces de Dragons qui fecachoient dans les buiiïbns, ils dévoroient les pafTans qui s'en approchoient.

chofe. U y a eu autrefois nne Lamie , Maîtrefte de Jupiter, dont Junon fit mourir lesenfans: die devint fi 6lH?ufe-?.. qu'elle devoioit tous çews qu'elle uquyoÙ»

r

mi

T> I E « X

«^Occident,

JLiv. III.

LIVRE TROISIEME.

Des Dieux de la Terrr.

' AN C I E N Paganifme ne s'é- toit pas contenté de remplir le Ciel & la Mer de Dieux & de Déeffes , il en avoit encore peuplé toute la Terre. La Terre elle- même étoit une Divinité , & toutes fes parties avoient leurs Dieux particuliers; ainfï les bois avoient leurs Dryades , leurs Hamadryadcs , leurs Satyres , &c« Les montagnes leurs Oreades ;les bleds, les jardins , & les campagnes , une infi- nité de Dieux particuliers qui y préfî- doient , ôc qui veilloient à la conferva- tion des fruits; les maifons, leurs Lares & leurs Pénates, ôc chacun de ces Dieux avoit fes fondions marquées , fes hon- neurs & fon culte. Il eft vrai que la plu- part de ces Dieux n'étoiéht que des Etres phyfiques , que la crainte ou le befoin avoient fait inventer; on ne peut pas nier cependant qu'il n'y en ait eu

Expliquées par FHiftoire. 393 quelques-uns qu'on peut regarder corn- Dieux me des Dieux animés : c'étaient des a>?^clnT# hommes îllultres , qui s etoient diftin- gués , ou dans la culture des champs & des jardins , ou par quelque invention utile au labourage , & qui pour cela avoient reçu les honneurs de FApo« theofe.

Au rcfte , ces Dieux de la Terre & de la Campagne n'étoient pas tous du du nombre de ceux qu'Ovide appelle la Populace des Dieux , & il y en avoit du premier ordre. Varron qui les invoque au commencement de fon Ouvrage de la Vie Ruftique , dit qu'il y en avoit douze , qu'il appelle Consentes , diffé- rons de ces douze grands Dieux du confeil , dont nous avons parlé dans le premier Volume. D'abord Jupiter & la Terre , dont l'un étoit le père & l'autre la mère ; 2°. Le Soleil & la Lune , auf- quels on a de fi grands égards dans le temps des femailles, & qui influent beau- coup fur les fruits de la campagne & fur la récolte. 30. Cerès & Bacchus , dont les productions font fi nécefTaires à la vie. 40. Robigus & Flora , qui empê- chent que les fruits ne fe gâtent , & qui les font fleurir & meurir à propos. 5-e Minerve & Venus , dont l'une avoit

Rv

f$4 La Mythologie & les Fallu a?!V-X n ^ es Oliviers, & l'autre des Jardina Uy-'ul' 6°* Enfin l'Eau, & Bonus-Eventus , parce que fans eau la terre demeure feiche, & fans le bon fuccès, on ne fait point de récolte , ou on la fait mauvaife.

Virgile , dans le commencement de fes Georgiques , fait à peu près une in- vocation pareille , & femble avoir copié larron : « Aftres , qui éclairez l'Uni- « vers , dit-il , qui nous ramenez tour à » tour les diverfes faifons de Tannée : » vous Bacchus, vous Cerès, Divinités 2* qui nous avez appris à préférer les *> moiffons aux glands de nos forêts , Se » à mêler avec Peau de nos fleuves cette *■ divine liqueur que vous avez inven- ta tée : Faunes , Dryades , Dieux tute- » laires des Campagnes , venez enfem- ble à mon fecours , ce font vos bien- faits que je chante : & toi , Neptune , » à qui la terre frappée de ton trident r » offrit un cheval fougueux ; divin ha- ^bitant des bois , Ariftée , dont les nombreux troupeaux paillent dans les » gras pâturages de PIfle de Cée ; Pan 3o Dieux des Bergers , quittez vos fo- oo rets & vos montagnes , le Lycée &le ^> Menale > dont le fejour fait toutes » vos délices ; venez , Dieu que Tegée * révère , venez faveurife? mon entre-

Expliquées par PHiftoire. 395* » prife. Minerve, qui fîtes fortir delà Dieux » terra le premier Olivier; Triptoleme, Lpm^cha. »> qui fûtes l'inventeur de la charrue ; » & vous Sylvain , venez , appuyé fur le tronc d'un Cyprès qui fert à affer— » mif vos pas : enfin vous tous , Dieux » & DéeïTes , dont le foin s'étend fur les » campagnes , qui répandez dans le fein » de la terre une fecrette fécondité , ôc » qui verfez les pluyes abondantes fur sn les champs cultivés ».

Telle eft d'abord l'idée qu'on doit avoir des Dieux de la Terre : com- mençons par le Génie qu'on croyoit l'animer.

CHAPITRE L

Démogorgon..

NO u s mettons avec raifon Démo- gorgon à la tête des Divinités do la Terre , puifqu'il en étoit le Génie , comme fon nom le fignifie (a). Boccace dans fa Généalogie des Dieux (1) , en parle fur l'autorité de Theodontion ,

(*) Ce nom eft tompofë de deux mots grecs dupât êi yùçyav ; $tnie vh l/rtelligençe de la iew+

Kvj

3P 6 La Mythologie & les Fables

û'Owide*t ^U* av°^ ^U^m^me copié Pronapidès £ L.ui. ch. 1. & ce qu'il en raconte fe réduit à ceci* Demogorgon étoit un vieillard craf- feux , couvert de moufle, pâle & défi- guré , qui habitoit dans les entrailles de la terre. Il avoir pour compagne l'Eter- nité & le Chaos : s'ennuyant , ajoute- tron , dans cette trifte folitude , il fît une petite boule fur laquelle il s'afïît , ôc s'étant élevé en Pair , il environna toute la terre , & forma ainfî le Ciel. Ayant palTé par hazard fur les monts Acro-Cerauniens (à) , il en tira de la boue enflammée , qu'il envoya dans le Ciel pour éclairer tout le monde , & forma ainfi le Soleil, qu'il donna en ma- riage à la Terre, d'où naquirent le Tar- tare & la Nuit , &c.

Les Auteurs que f ai cités donnent plufîeurs enfans à Demogorgon , & Boccace en a drefTé un arbre généalo- gique. Le premier de fes enfans étoit la Difcorde litigieufe. Demogorgon , di- foit Pronapidès , troublé dans le fond de fon antre par les douleurs que fentoit le Chaos , lui ouvrit le ventre & en tira la Difcorde , qui fortit du fond de la

(b) Mot qui veut dire , frappé de ta fondre. fooimct de •es Montagnes jettoit quelquefois des flammes ; ce «jui fttflSt f ©ut expliquer c*ue «rçenftance dtto fable.

xpîiquées par les Fablef. 3P7 Terre , pour venir habiter fur fa fuper- ^^ ficie. Il en tirade même Pan , qui eft fon l, m* Owfc fécond fils , & les trois Parques , Clo- tho, Lachefis, & Atropos ; puis le Ciel, Python , & la Terre qui fut fon huitiè- me enfant, La Terre eut enfuite plu- fleurs autres enfans dont on ignoroit le père ; fçavoir , la Nuit , le Tartare ; Pharca , Tagès, & Antée. Le neuvième enfant de Démogorgon fut TErebe qui eut lui-même une grande pofterité ; mais f ai honte de rapporter de pareilles rê- veries.

Il efl: aifé de juger que ce n'eft qu'une fable phyfique , une Théogonie particulière, fous l'enveloppe de la- quelle les Anciens ont renfermé d'une manière fort groflîere le myftere de la création du monde , qu'une Tradition défigurée leur avoir appris. Voici à peu près de quelle manière cette fable s'efl introduite. Le& Arcadiens ayant vu que la terre portoit d'elle-même des fleurs & des fruits ; qu'elle formoit des fontai- nes,des ruifTeaux & des Rivières j qu'elle jettoit fouvent dés feux & des flammes*, & qu'elle étoit fujette à des tremble- mens , s'imaginèrent qu'elle étoit ani- mée , & donnèrent à la Divinité qu'ils crurent qui y préfidoit , le nom de Dé~

5 p S La Mythologie & les Fahlef â-'Occidem mogOYgon- On avoit tant de vénération' iix.jn. * pour ce nom terrible , qu'il n'étoitpas permis de le prononcer ; & on peut croire ii) Xiy. ■«- que ce que Lucain (i ) & Stace (2) difent lv'4'du Dieu qu^iln'eft pas permis de nom- mer , doit s'expliquer de Démogorgon. Il y a apparence que les Philofophes n'entendoient par cette Divinité > que cet efprit de chaleur qui donne la vie aux plantes (a) ; mais le peuple s'imagi- noit que c'étoit un véritable Dieu , rélî- dant aux entrailles de la terre , auquel on offroit des facrifices , fur-tout en Ar- cadie. N'oublions pas de dire cependant que quelques Auteurs ont cru que Dé- mogorgon avoit été un Magicien ha- bile dans fon art, qu'il gouvernoit à fon gré les Ombres & les Efprits aériens , fe faifoit obéir en tout ce qui leur corn- mandoit , & puniflbit féverement ceux qui n'exécutoient pas fes ordres.

(a) SpiritHs intns alit 5 tetamejue infnfaf&t art* s Mens agiut rmkm* Virgil. Georg. lib»

Xftr

Expliquées par PHiftoirc*. 3^

CHAPITRE IL

De la Terre r adorée fous différent noms.

Dieu g

LA Terre fut une des principales 5c f^îfdchY des plus anciennes Divinités du Pa- ganifme , & il y a eu peu de Peuples idolâtres qui ne lui ayent rendu un culte religieux : ce qu'il y a de plus fîngulier , c'eft que les Philofophes ont penfé ou du moins affe&é de penfer comme le peuple. Platon dit dans le Timée & dans lesLoix , que le Monde , le Ciel , les Aftres , & la Terre , font autant de Di- vinités ; Heraclide de Pont fon Difci~ pie , fans parler des autres , range auflî la Terre au nombre des Dieux , furquol on peut confulter Ciceron , dans fon premier Livre de la Nature des Dieux.

On fçait que la Terre a porté plulîeurs noms : le plus ancien de tous eft celui de Titaïa , ou Titée , dont parlent Sancho- niatbon , Diodore , & plufieurs autres Anciens. Ce nom , comme nous l'avons dit dans PHiftoire des Princes Titans qui étoient fes enfans > fignifîç boue ? qb>

^ocr La Mythologie & les Fables Dieux terre , & dès-là il lui étoit très-convena* UiiTchTikle , aufïî-bien que celui à'Uranus à fort époux , qui fîgnifioit le Ciel : & comme les Payensne reconnoifïbient rien, après le Chaos , de plus ancien que le Ciel & k Terre , on en doit conclure que; c'é- taient leurs deux premières Divinités. Un autre nom de la Terre étoit celui de Rhea, femme de Chronos ou Saturner, Déefîe plus jeune d'une génération que Titée , mais fouvent confondue avec elle : on la confondoit encore avec Dia- ne 3 Cerès 5c Proferpine , avec cette dif- tin&ion cependant , que Diane étoit prife pour PHemifphere fuperieur de la Terre , & Proferpine, ainfi que le Dieu Tellumo , que l'on avoit cru le même que Pluton , pour THemifphere infé- rieur ; enfin Ops , ôcTellus, Vefta , Bona~ Dea> Cybelle, la Grande-Mere, étoient auffi d'autres noms qu^on donnoit à la Terre (a). Comme nous avons fuffifam* ment parlé des Déeffes qui portoient les premiers de ces noms , il ne nous refte qu'à expofer la Mythologie ancienne par rapport aux autres. (ODcCiv. Varron dans faint Auguflin ( i ) , rend

Bei , 1. 7. c,

34. {a) Nous avons trois Hymnes fous le nom d'CJrphée en

l'honneur de la Terre , l'un fous le nom de Xhea , l'autre. Tous celui de la mère des Dieux , & le troisième fous fou no» propre de Tene*

Expliquées par PHîJïoire. 401 raïfon de ces différents noms , & en ex- dieux plique le myftere. » Ils croyent , dit-il , y^m. c. L » que Tellus eft la DéeiTe Ops , parce » qu'elle s'amendepar le travail (1) ; la (2)Ops,*& 3f Mère des Dieux , parce qu'elle engen- 0!ere' » dre beaucoup de chofes ; la grande- as» Mère , parce qu'elle produit des ali- » mens ; Proferpine , parce que les bleds » fortent de fonfein ; Vefta, parce qu'elle » fe revêt d'herbes & de gazons : c'eft ainfî qu'ils rapportent plufieurs Déefles » à celle-ci , & avec quelque fonde-. » ment. On l'appelle auffi , dit le même » Auteur , la Mère des Dieux : le tam- » bour qu'on lui donne , eft une figure » du globe de la terre ; les tours qu'elle » porte fur la tête , repréfentent les vil- » les ; les iîéges dont elle eft environ- * née , marquent que tandis que toutes » chofes fe meuvent autour d'elle , elle » feule demeure immobile. Les Prêtres y> Eunuques qui la fervent , montrent » que pour avoir des grains & des fe- » mences , il faut cultiver la terre, parce » que tout fe trouve dans fon fein. De » ce qu*ils s'agitent & fe tourmentent » devant elle , c'eft pour apprendre à » ceux qui cultivent l'a terre à ne de- » meurer pas oififs , parce qu'ils ont tou- » jours quelque chofe à faire. Le for*

4°f £<* Mythologie & les Fables *'Occi£nXt. "fdes cymbales , marque le bruit que" i-W». Ci. liront les outils du labourage ; & elles » font d'airain , parce que ces outils » etoient autrefois de ce métal , avant » qu'on eût trouvé le fer. Le Lion dé- » & apprivoifé , feit entendre qu'il » n'y a point de terre fi fauvage & fi » fterile , qui ne puifle être domptée Ôc » cultivée ».

Les Romains & les autres Peuples du pays Latin facrifioient à la Terre, dans «différentes faifons de l'année. D'abord le 24.. de Janvier , pour la prier de don- ner croiffance aux grains , & aux autres fruits qu'elle porte ; & les fêtes qu'once- lébroit à cette occafïon , s'appelloient les Fériés de la Semaille , Ferïce Sementi- vtx. La féconde Fête qu'on oélebroit k fon honneur , & dans laquelle on l'in- voquoit pour qu'elle reçût du Soleil ane chaleur modérée , & des rayons fa* vorables à la confervation des fruits; étoit nommée la Fête de la Joye ; c'eft du moins comme je crois qu'il faut traduire le nom d'Hilaria qu'elle portoit : on la célébrait le huitième des Kalendes d'A- vril , temps auquel les jours , comme le ïcmarque Macrobe (a) , commencent

(a) Celebratur LœiitU exordium ad oHavam Ulendas ^îpvt-

Expliquées par PHijloire, 403 à être plus longs que les nuits. Diihx

r^ i- t> v P / \ d'Occident.

Cœlius Rhodiginus ( 1 ) croit que L. 111. ch. u cette Fête étoit célébrée en l'honneur 0)Am. de Pan; mais il eft contredit en cela par c' x toute l'Antiquité , qui attefte que c'é- toit à la Terre, fous le nom de la grande- Mere des Dieux , qu'elle étoit confa- crée. Jepourrois alléguer pour le prou-» ver, le témoignage d'une infinité d'Au- teurs ; mais je me contente de nommer le feul Herodien , qui le dit pofitive-, ment , {b) & qui a été fuivi en cela paç Lylio Giraldi , Cafaubon , le P. Petau | Lacerda , Lazius , Struck , Meurflus* Gronovius , & plufîeurs autres.

La troifiéme Fête qui étoit célébrées le premier jour de Mai en l'honneur de la Terre fous le nom de la Bonne Déef-; fe , étoit appellée Damium , d'un nom de cette DéefTe, qu'on furnommoit Da- mia , ainfî que nous l'apprenons de Fef- tus : Dea quoque ijia &*&'* appellabatur* Les Critiques font embarafTés de la figni^

hngiorem diem noBe protendit Macr. Sat. 1. i; c. .%!•

(b) Veris initia iflate folemnique die pompant Tbiatri Deùnt. Romani célébrant- In ea ,' quœ apud qucmquefunt divitiarunt prœcipua,fuppellexquepleraque Imperatoria , materiœ aut ar+ tis fpeciandA , prxferri ante Deam [oient. PaJJimque omnibus lu-dendi licentia permijfa , fie ut perfonas induant qtMs cuique libitum^ nullamque non "MagijîratHum quoque imaginem , prout CHjufque fludium ) représentent :fic. tttnen temerè àfaljîs vsrm. dignofeas,

Di£„v #°4 Lf MVhohg\e & les Vallès d'occident. Jcatlon de ce nom , & lui donnent plu- l. ni. ch, 1. fieurs étymologies , mais Cicéron nous ^ODeHar. en apprend la véritable

Lorfque le temps defliné à la celé- Jrat,on de "tte Fête étoit arrivé , les Veftales fe tranfportoient dans lamaifon du fouverain Pontife , pour faire un Sa- crifice à la Bonne DéefTe, Divinité myf- téneufe dont les hommes ignoraient le nom, qui n'étoit connu que des femmes. Ce Sacrifice inftitué pour le falut & la profperité du peuple Romain, fe faifoit avec de grands préparatifs , &une éton- nante circonfpeaion. Onornoit à grands frais le logis la Fête fecélebroit , Se comme on choififfoit la nuit pour cette cérémonie , une infinité de lumières en éclairoient les appartenons, te princi- pal foin étoit de n'admettre à cette Fête que des femmes , d'en écarter les hom- mes, auffi-bien que le maître même de la maifon, fes enfans & fes efclaves d'un

(c) Aciftmv eft un mot du Dialede Dorique , & eft mi» pour <*««*, cVft-à-dire, «&»>«.0\.f ^blic Pau]us & ceu. qui lontfuivi ont pris cette expreffion pour une m„ ^e-vente, comme elle fignifioit qu'il nvlvoi". rim£

Expliquées par VHiftoire. 46 f autre fexe que celui de la DéefTe qu'on ^occident: honorait. La fuperllition alloit jufqu'à l.iii. ch,U condamner les fenêtres par les paf- ians auroient pu appercevoir des myf- teres fi fecrets , & jufqu'à tirer des ri- deaux fur les peintures qui repréfen- toient des hommes , ou des animaux mâles,

Le même voile qui nous a caché les myfteres de Cerès Eléufîne, nous a dé- robé la connoifTance du culte fecret qui s'obfervoit pendant la Fête confacrée à la Bonne DéefTe. Il n'eft pas poflîble de parler avec certitude du nom de cette Divinité , & des hommages qu'on lui rendoit. Les Hiftoriens même de Rome avouent fur ce point leur ignorance , & ce que quelques-uns en ont dit , ne pafTe pas le bornes de la conjecture. Macrobe attribue le titre de Bonne DéefTe à Cy- bele , ou à la Terre , parce qu'étant la fource de tous les biens , elle fournit à nos befoins. Plutarque femble la con- fondre avec Flore , autre forte de Divi- nité dont nous parlerons dans ce Livre. Varron prétend qu'elle fut femme de Faunus, & que fa conduite pleine de modeftie & de pudeur , lui mérita les honneurs divins. Elle futfî chafte, ajoute cet ancien Auteur, que jamais elle n'en-

%0<5 La Mythologie & les Fables vifagea d'autre homme que fon mari. Pour cette raifon les femmes feulement étoient admifes au Sacrifice folemnel qui fe célébrait tous les ans pour hono- rer fa mémoire. La fuperftition du peu- ple alloit même jyfqu'à fe perfuader que la DéefTe devoit frapper d'aveuglement tout homme qui aurait of# porter fes regards fur les myfteres qui faifoient l'objet de la cérémonie.

Le lieu fe faifoit cette Fête noc- turne étoit paré de fleurs & de diiférens feuillages; on en excepte le myrthe ?foit parce que félon la Tradition fabuleufe rapportée par Plutaque , Faunus em- ploya les branches de cet arbrifleau , pour punir l'intempérance de fa femme, qui avoit du vin contre Pufage de ces temps-là ; foit parce que le myrthe eil confacré à Venus DéefTe impudique , dont le culte ne s'accordoit point avec celui d'une Divinité reconnue par les Romains pour un modèle de la chafteté conjugale.

Quoique la plupart des Modernes ayent cru que la célébration de ce Sa- crifice myfterieux fût fixée dans la mai- fon du fouverain Pontife , nous avons la preuve du contraire dans le difcours de Ciceron fur les Eeponfes des Arufpices.

Expliquées par PRtftoire* %pi Il dit que le lieu prefcrit pour cette fom- > Dieu* lemnité,ne pouvoit être ailleurs que dans L, xu^c! 8U' le logis des premiers Magiftrats, qui par la prérogative attaché à leurs charges , avoient ce qu'il appelle Imperium, c'eft- à-dire une autorité abfolue , & le droit d^Aufpices. Or ce droit ne convenoit qu'aux Confuls & aux Préteurs : Dion confirme la même chofe (i) , & Plutar- (x)Lir»?7< que nous apprend qu'au temps de la conjuration de Catilina, les Dames Ro- maines célébrèrent la Fête de la Bonne Déefle chez Ciceron , qui étoit alors Conful.

J'ai dit que cette Fête fe célébroitle premier jour de Mai , ce qui ne doit -s'entendre que depuis la réformation à\x -Calendrier faite par Jules Céfar , car au- paravant elle tomboit dans le mois de Décembre, comme ileftaifé de le prou- ver parla deuxième Lettre de Ciceron à Atticus(2). Elle eft datée du premier jour (a) lin i$ de Janvier , & Ciceron y fait le récit de l'attentat de Clodius , comme d'une nouvelle toute récente. Les Calendriers qui fuivirent la correftion Julienne , pla- cèrent cette Fête au premier jour de Mai.

Ajoutons que les Grecs avoient aulîî leur Bonne Déefle , &aufïîpeu connue

ÎJ08 La Mythologie & les Vallès

'd'Occident* *1UC Ce^e ^eS R°maînS> Par ^e ^om qu'of!

&. m. chi 1. avoit de cacher les infamies qui accom- pagnoient fes myfteres.

On ne dit rien ici de Clodius qui s'in- troduiiît déguifé dans la maifon de Céfar, dans le temps qu'on y célébroit la Fête de la Bonne DéefTe , ce qui obligea ce Diftateur de répudier fa femme Pom- péia , parce que cette avanture n'efi ignorée de perfonne.

Enfin la quatrième Fête en l'honneur de la Terre, s'appelloit Opalia^ d'Ops , un des noms de cette DéefTe. Ancienne- ment elle étoit célébrée le quatorze des Kalendes de Janvier , le même ' jour que celle des Saturnales , ce qui a fait croire à Suidas que cette dernière Fête étoit également célébrée en l'honneur de Saturne , & de la Mère des Dieux ; en quoi il s'eft certainement trompé , pufque lors de la reformation du Calen- drier , les Saturnales pafTerent au feize des Calendes de Janvier , pendant que les Opales continuèrent d'être célébrées le quatorze.

On ne fçait pas trop fous quelle fi- gure les Romains repréfentoient la Ter- re : il y a apparence que c'étoit fous celle d'une femme ; mais on ignore quel- les marques particulières ladiftinguoient

des

Expliquées par VHiJloîre. 40^ 2es autres Dédies. Car quoiqu'elle fût ,%t confondue fouvent avec Cybele , & LAiitc^iii. les autres que nous avons nommées, elle avoit cependant une image & un culte particulier. Nous la voyons quelquefois repréfentée fous la figure d'un Globe*

CHAPITRE III.

De Cybele y ou de la mère des Dieux.

^N raconte tant de chofes particu- lières de cette DéeïTe, que quoi- qu'elle foit la même que la Terre , nous avons cru quelle meritoit un Chapitre particulier. Voici d'abord de quelle ma- nière Diodore de Sicile rapporte fon Hiftoire. (1).

» Les Phrygiens difent qu'ils avoient ^ a? autrefois un Rai nommé Meon (V),qui tegnoit auiïî fur la Lydie. Ce Prince

(a) Ce Meon, que Xantus, dans Denys d'Halicarnafle ap- pelle M^nès, a été vrai-femblablement le premier Roi de Ly- die,aufîi dit-on qu'il étoitfils de Jupiter ; cardansleftyledes anciens Auteurs ,1e commencement des temps hiftoriques de chaque nation eft décriteomme le commencement du genre humain , & lorfque la fucce/Tion des Roisn'efl: plus connue , ils font habiter la terre par les Dieux, de quelqu'un defquels le premier Roi defeend toujours- Ce Meon, ou Manèsdon* na fon nom aux Méonicns.

Tome IK S

4T0 La Mythologie & les Fables ; Dthtx » epoufa une femme nommée Dindyme lïïctrtï. - 0*) dont il eut une fille. Ne voulant » pas Télever , il l'expofa fur le mont » Cybele : cependant les Dieux permi- » rent qu'elle fut allaitée par des femelles » de Léopards & d^autres animaux féro- s> ces. Quelques Bergères du lieu l'ayant *> remarqué, enlevèrent cette enfant , & » l'appellerent Cybele, du nom du lieu

* elles l'avoient trouvée. Cette fille » devenue grande furpafïbit fes compa- 33 gnes.non-feulement par fa beauté & par 30 fa fageffe 5 mais aufîi par fon efprit : car 33 elle inventa une flûte compoféede 33plufieurs tuyaux , & ce fut elle qui la 3> première fit entrer dans les*Chœurs ,

* les tymbales & les tambours. Elle gué- a> rifïbit par des purifications & par des

* airs de mufique , les maladies des en- 33 fans & celles des troupeaux. Comme » elle avoit fauve plufieurs enfans , & 3, qu'elle en avoit fouvent entre les bras, 3D elle fut appellée d'un commun con- » fentement , Mère de montagne. Le 33 principal de fes amis étoit Marfyas , 33 Phrygien , homme recommandable par

* fon efprit & par fa tempérance (£).

(a) Xantus donne pour femme à Meon Callirhoé fille cte

{b)Voyci ce qu'on a iit de ce Marfyas , dans fhiftoire d'Apollon.

Expliquées par VUiftoire. 411 5D Cybele étant parvenue en âge de Dieu*

, ^ , , r i* J} d Occident.

» puberté, devint amoureuie d7un jeune L.iu.ch.iU.

33 homme du pays, appelle d'abord Atys

» & enfuite Papas. Ses pareils la recon-

20 nurent dans le temps qu'elle avoit ei*

» un commerce fecret avec lui, & qu'elle

33 en étoit devenue grofle. Ils la mené-

» rent fans en rien fçavoir à la cour du

» Roi fon père. Ce Prince la crut d'a-

53 bord fille ; mais ayant découvert le

» contraire , il fit mourir Atys & les Ber-

0 gères qui avoient trouvé & nourri fa

» fille , & il voulut qu'on laifîat leurs

» corps fans fépulture. Cybele tranfpor-

» tée d'amour pour ce jeune homme , Se

» affligée de l'avanture de fes nourrices,

» devint folle , & fe mit à courir le pays

» en pleurant & en battant du tambour*

» Marfyas ayant pitié de fon infortune,

» à caufe de l'amitié qu'il lui avoit au-

33 trefois portée, fe mit à la fuivre : ils ar-

» rivèrent enfemble chez Bacchus à Ny-

» fe , & ils y trouvèrent Apollon.

33 On dit qu'après que ce Dieu eut » confacré dans l'antre de Bacchus fa » lyre & les flûtes de Marfyas, il devinr 33 amoureux de Cybele , & l'accompa- 35 gna dans fes courfes jufqu'aux monts *> Hyperboréens. Vers ces temps -là les Phrygiens furent affligés par de

Si]

4i 2 La Mythologie & les Fabks Dieux *> cruelles maladies , & la terre ne pro- LJuT&itt. * duifoit P*us aucun fruit. Ayant deman- *> à l'Oracle un fecours à leurs maux, » on dit qu'il leur ordonna d'enterrer w corps d'Atys , & d'honorer Cybele *> comme une Déeffe : mais comme le a> corps d'Atys avoit été entièrement » confumé par le temps , ils le repréfen- » terent par une figure devant laquelle *> ils firent de grandes lamentations , ôc n appaiferent la colère de celui qu'ils » avoient injuftement mis à mort , cere- *> monie qu'ils ont confervée jufqu'à pre- » fent. Ils inftituerent à l'honneur de & Cybele des Sacrifices annuels , fur les *> mêmes Autels qu'elle avoit autrefois » élevés : enfin ils lui bâtirent un fuperbe » Temple dans la ville de Pefîïnunte •yy enPhrygie , & y établirent des Fê- tes ».

L'Auteur que je viens de copier , & qui compofoitfon Ouvrage de différents morceaux qu'il avoit recueillis , ou de fes leâures , ou dans fes voyages , après avoir parlé ainfi de Cybele dans le Livre troifiéme , en rapporte au Livre $e. une tradition tout -fait différente, a Du » commerce que Jupiter avoit eu avec » Ele&re l'une des filles d'Atlas , dit-il , x naquirent Dardanus ; Jafion , & Har-

Expliquées par PHifioire* 41 3 » monie : celle-ci ayant époufé Cad- 5^^, » mus dans le temps <jue cherchant Eu- l.iu. c in. » rope il avoit paffé jufques dans la Sa- » mothrace , les Dieux voulurent bien » affifter au feftin des noces ; plufieurs » d'entr'eux firent des préfens aux raa- » ries, & les autres Dieux applaudirent » tous à ce mariage par des acclamations » de joye. Quant à Jafion, on dit qu'il » époufa Cybele , & qu'il eut de cette » Déeffe un fils nommé Corybas; mais » peu après ayant été mis au rang des » Dieux , Cybele & Corybas fe retire- * rent en Afîe , ils portèrent les myf- wteres de la Mère des Dieux. Cybele » époufa enfuite le premier Olympus , » qui la rendit mère d'Alée, à laquelle » elle donna fon nom de Cybele. Co- a> rybas de fon côté fe maria avec Thebé *> fille de Cilix , & donna le nom de Go- 30 rybantes à ceux qui entroient dans une 30 efpece de fureur en célébrant les myf- 30 teres de laDéefle ».

Arnobe a dit qu'Atys étoit un jeune garçon qui gardoit les troupeaux, & que Cybele déjà vieille en devint amoureu- fe (a) ; & quoiqu'elle fût Reine , il ne

(a) Contra decus œtatis Ma Pcjpnuntia Vyndimene in ba< Met unins amflcxH flagitiofa a^etitione gejtire. Lib. ^. adv» Gcntes»

S'iij.

4*4 La Mythologie & les Fabhî laifTa pas de la méprifer , ce qui fait dire à Tertullien , que Cybele avoit fou- pire pour un ingrat (a). Mydas Roi de Peflïnunte , continue Arnobe , voyant la fierté du jeune berger , en conçut bonne efpérance , & lui deftina fa fille en mariage ; mais comme il appréhendoit la jaloufie de la Reine amoureufe , il prit la précaution de faire fermer les portes de la ville le jour qu'on célébroit le mariage. Cybele avertie qu'une jeune rivale lui enlevoit fon amant 9 courut comme une furieufe à Peffinunte , ôc en ayant fait rompre les portes , ou obligé les Gardes à les lui ouvrir , ce que la Fable exprime en dt- fant que d'un coup de tête elle les avoit renverfées , elle entra dans la ville avec fes troupes , y fit beaucoup de ravage , & ayant enfin trouvé Atys caché derriè- re un Pin , elle le fit traiter comme Coe- lus avoit été traité par fon fils (b). Ag- diftis , c'étoit le nom de la rivale de Cybele , n'ayant pu furvivre à la dif- grace de fon Amant , fe tua de défef- poir.

(a)(yheLiPjflûrernfuJpiratfaftidiofuirt. Apol- c. i5.

(b) Minutiiis Félix fait allufîon à cette Hiftoire , lorfqu'il cUt : Cybele Dyndimene , pudet dicere , adalterum futim infi- liciter implkitum , cjuoniam ipfa deformis erat £7 vetnla , »* vnultorum Deïtm matrem , ad finprum illicere non poterat ex* {eiHÏt ; ut Deuw fcilketjaceret eHnhchnm» lu 0&av«

Difjk* cl'Occiden*.

Expliquées par VBfioirel '41 Ç Servius (1) , Tatien (2) , Laftance ôc ^^ S. Auguftin racontent un P^df c«m- l m.c. n ment l'Hiftoire de Cybele Ôc d Atys , J^ da mais il paroît toujours qu'il s'agnToitdes ^ amours d'une vieille Reine pour un jeu- ^ç— ne homme qui laméprifa. Quelques Au- teurs prétendent que tout cela n eit ton- que fur ce que le jeune Atys étant Prêtre de Cybele , ne garda pas la chaf- teté qu'il lui avoit vouée , & qu il s en punit lui-même de la manière la plus cruelle : & on n'ajouta que la Deeile l'avoit changé en Pin , que parce que cet arbre lui étoit confacré. Mais il y a plus d'apparence , comme le remarque _ Voulus (3) , qu'il s'agit d'une véritable Jg*~* Hiftoire ; Ôc la différence qui fe rencon- 10, tre fur ce fujet dans les Auteurs ne doit point nous éloigner de ce fentiment , puifqu'il eft prefqu'impoffible de trou- ver de l'uniformité fur des Hiftoires fi anciennes. . ..

Catulle qui a fait un petit Poème des amours de Cybele & d'Atys , nous ap- prend feulement que ce jeune Prince ayant quitté le lieu de fa naiffance, te retira dans les bois de la Phrygie , ou s'étant mutilé par je ne fçais quel trani- port de rage , Cybele le prit au nombre de fes Prêtres : d'autres Anciens dilent

S iiij

^ï'6. La Mythologie & les Fables ^ocdde^t Ç11'^11* ^mé de Cybele , il fe punît Lia. c ni. ainfi , pour avoir été fenfible aux char- mes de la belle Sangaride; ou plutôt on peut penferque Cybele étant déjà vieille lorfqu'elle devint amoureufe du jeune Atys, lui donna quelque breuvage pour s'en faire aimer , & que ce breuvage trop violent, fit faire à ce jeune garçoiï la folie qu'on nous dit qu'il fit.

Il y a apparence que toutes ces His- toires ne font fondées que fur la plura- lité des perfonnes qui ont porté le nom de Cybele. Je crois que la première eft la même que Titée femme de Cœlus, dont le nom veut dire terre. La deuxième efl la même que Rhea, fœur & femme de Saturne : la troifiëme une Princeffe de Phrygie qui vivoit du temps de Mar- fyas , dont l'Hiftoire a été chargée des avantures des autres , parce qu'elles avoient demeuré en Phrygie les Princes Titans tenoient leur cour (a)* C'eft dans ce pays que le culte de notre DéeiTe fut établi : les Prêtres dans la fuite embrouillèrent fon Hifloire, & lui donnèrent le nom de Cybele , d'une montagne de Phrygie. D'autres tirent ce nom du mot Hébreu qui veut dire

U) Voyez Dom Pezroe Antig. de la -Langue des Cel-

Expliquées par l'Htfoire. 417 enfanter avec douleur , & prétendent que Jg™^ la tradition d'Eve condamnée aux dou- l.Hi.c M. leurs de l'enfantement , eft cachée fous cette fable. On y joignit des circonf- tances impénétrables : on dit que Nana en touchant une grenade , ou un aman- dier qui s'étoit formé du fang d'Agdifhs que Bacchus venoit d'immoler à fa ven- geance, avoit conçu Atys, & on mêle à cela des obfcenités qui renferment les myfteres ■• les ' plus abominables de la Théologie des -Payera , comme le leur reproche Arnobe (1). JL1^1*' 5

Le culte de Cybele devint célèbre ,;^Gcn^ fur-tout dans la Phrygie ; fes fêtes y étoient folemnifées avec un grand tu- multe : les Prêtres faifant retentir le bruit des tambours , & frappant leurs bou- cliers avec des lances , danfoient & fai~. foient plufieurs mouvemens de leurs corps & de leurs têtes , ce qui leur fit donner le nom de Corybantes : ils y mêloient des cris & des heurkmens pour pleurer la mort d'Atys -, dont ces malheureux Prêtres foufFroient volon- tairement le fupplice. On les nommoit Galli , & le Grand Prêtre Archigallus , ainfi que nous l'avons rapporté dans le Tome 1.(2) On ne fçait pas exa&ement (*) Liv. : l'origine de ce nom : ce n'eft pas appa-

S v

41 8 La Mythologie & les Fables

'SoàSEL remment i comme le dit S. Jérôme (i);

L. m. c. m. parce qu'on ne prenoit que des Gaulois

^ OHneap. pour être Prêtres de Cybele , & qu'on

ïes^ traitoit ainfï, parce qu'ils avoient fait

brûler la ville de Rome ; ni parce que le

premier Prêtre de cette Déefle s'appel-

(2) stepha- loit Gallus (2) ; mais plutôt , comme

uns fur le mot «,• r *x'isv*iVisi .

Eik,. 1 infinuent Ovide (3) & Feftus , à caufe r (0 Eafton du fleuve Gallus près duquel ces Prêtres s'impofoient le fupplice dont nous par- lons , pour fatisfaire à la loi que Cybele leur avoit prefcrite. L'eau de ce fleuve les faifoit entrer en fureur ; Qui bibit , indefurit) comme dit Ovide. C'eftpour la même raifon qu'ils honoroient le Pin près duquel Atys avoit été mutilé ; qu'ils couronnoient fes branches, & en couvroient le tronc avec de la laine , parce que la Déeffe avoit ainiî couvert le corps de fon Amant , efpérant lui re- donner la vie qu'il venoit de perdre ; qu'ils s'abflenoient de manger du pain , parce que Cybele avoit obfervé un long jeûne pour mieux marquer fon afflic- Mv.Ar- tlon* (4). Enfin toutes leurs autres céré- i»Vs,i. monies fembloient n'être qu'un mémo- rial de l'Hiftoire que j'ai rapportée ; mais parce que la fable de Cybele , hiftorique dans fon origine , devint phyfîque dans la fuite , & qye cette DéefTe fut prife

Expliquées par les Fables. 4 1 9

pour la terre , il fe mêla dans fon culte a,Gccident# plufieurs circonftances qui y avoient L- 1U. c. m. rapport.

En effet les Anciens ont toujours con- fondu Cybele avec la terre , que l'on appelloit pour cela la mère des Dieux , puifque c'eft elle qui donne naiffance à , toutes chofes ; mais ils donnèrent encore d'autres noms à cette Déefïe qu'il eft néceffaire de rapporter. Celui de Rhea, vient du verbe peeTv , couler , à caufe des pluyes qui communiquent la fécondité à la terre ; ou plutôt du mot e>* , terra > par une fîmple tranfpofïtion de lettres ; & ce nom tire fon origine de l'hébreu erets, qui lignifie la même chofe. On la nommoit auuTi Vefta , qmafionbus <vejlie- hatur ; ou Maia, qui fignifie mère ou nourrice ; y* p?r^ , comme qui diroit terre mère. Le nom de Déeffe de Pefli- nunte , étoit tiré d\me ville de ce nom , elle étoit fpécialement honorée > comme ceux de Berecynthe ( a ) , de Dyndimene, & quelques autres , des lieux qui portoient ces noms. Celui d'I- d*a9 du mont Ida enPhrygie, fur le- quel elle avoit un Temple, que Claudien décrit avecbeaucoup d'élégance (i ). JfS^

(a) Berecyntbus erat caftellwn Phvygia f*XU Sangarinm flHvinm , nbi Mater DeàmcolcbAtHr* Servais.

S vi

42 o La Mythologie & les Fables a£tl Lcs Romains célebroient tous les an<r I.iU. c. iif. ur*e Fête dans laquelle on mêloit des combats , en l'honneur de Cybele,fous le nom d'Idéenne ; & pour ne pas s'é- carter des cérémonies pratiquées dans le Temple dont nous venons déparier , ils fe fervoient du miniftere d'un Phrygien & d une Phrygienne. Celui de Mena- gyrte que lui donnoient les Grecs , $* gnifioit qu'elle étoit la grande Mère; celui àcPafithée (a), qu'elle étoit la mère de tous les Dieux. On l'appelloit auflî Purtopkoros , por te - tours , parce qu'on la repréfentoit toujours la tête couronnée de tours (b). Valerius Flac- cus lui donne le furnom de M gdona± qui efl tiré d'un lieu de ce nom dans la Phrygie , elle étoit honorée {c) , de même que celui tfAndirine : en effet (Oliv.is. Strabon nous apprend (i) qu'auprès d'Andere étoit un Temple confacré à la mère des Dieux , furnommée pour cela Andirine: le même Auteur remar- que auflî que cette Déefle étoit appellée Adporina , d'une montagne rude & dif- ficile y qui étoit près de Pergame , & qui

(a) Comme qui dirait vruffi èto7ç ^j/r^p.

{b) Les Latins renvoient cette dénomination par celle de Tnrrha , ou Turrigera.

(c) MjgdoaU Pan JHJia fercns favjJJimA mains , Val. flmt tlb. S.

'" Expliquées par miflotrel ***' m^ avoit pour cela même donne ce nom a la A.0ceWentS Déeffe & au Temple qu'elle avoit fur L.m.c.K. cette montagne. Arrien cft le fçul que je fçache, qui donne à Cybele l'epithete de Phafiana : c'eft dans fon Périple du Pont-Euxin , il dit qu'en remontant le Phafe , on trouvoit fur la droite la li- gure d'une Déeffe qui tenon d'une main Sn tambour , & avoit des lions fous fon throne , comme la Cybele ou la Bhea d'Athènes , ouvrage de Phidias.

Onlarepréfentoit comme une femme tobufte & puiffante , & prête d'accou- cher , pour marquer la fécondité de la terre : tout le relie de fon équipage y faifoit auffi allufion. Les clefs qu elle tenoit à la main , apprenoient que la ter- re renferme dans fon fein pendant 1 ny- ver les femences de tous les fruits, ba, couronne de chêne, faifoit fouvemt que les hommes s'étoient autrefois nour- ris des fruits de cet arbre. Ses Temples étoient ronds , pour marquer la rondeur, de la terre ; elle étoit couronnée de tours , pour faire allufion aux villes qui font deffus : auprès de fon char étoient des lions couchés «Se tranquilles , pour nous apprendre que les terres, même les plus incultes , peuvent devenir fertiles : fi elle étoit afllfe , c'étoit pour defignei

422 La Mythologie& les Fables aident. ^u'fIle eft en repos (a). Le bruit des Mfrcni. tambours & des lances , faifoit allufion au brait des inftrumens d'airain dont on fe fervoit pour labourer la terre avant l'invention du fer.

Le culte de la Terre eft très-ancien , & ce n'eft pas dans la Phrygie qu'il en faut chercher l'origine , puifqu'il ne fut reçu en Europe que du temps de Cad- mus qui l'y porta ; Se que ce fut Darda- nus contemporain de ce chef de Colo- nie , qui après la mort de fon frère Ja- fion s'en alla avec Cybele fa belle-fœur , & fon neveu Corybas , dans la Phrygie' ils introduisirent les myfteres de la Terre, ou de la Mère des Dieux. Cy- bele donna fon nom à cette DéeiTe , Se Corybas fit appeller fes Prêtres Cory- bantes. Voilà ce qui dans la fuite a fait croire que Cybele elle-même étoit la mère des Dieux. lOLiv.i. Quoique Denys d'Halycarnafie (i) ne foit pas entièrement d'accord avec Diodore, puifqu'il prétend que Darda- nus n'établit que les myfteres de Samo- thrace , que Chryfès fon époufe avoit appris dans l'Arcadie,& que ce ne fut que leur fils Idaeus qui porta dans la

C;^T?vr Ce'3, eft 6ré l,e faim Ausuftm , liv. 7. de la ^-ite de Dieu , diap. z$.

Expliquées far VElfiotre. 423 phrygie ceux de la mère des Dieux : on d £»«£ voit toujours le temps auquel ces myl- umciiU teres y furent établis , par celui ou vi- voientces perfonnages (i). Si nous en (i) Voyet croyons Lucien (a), il y a beaucoup de .g. v* oreuves que la Deefle de byne elt la Cadmus. même que Rhea , puisqu'elle a comme «gjpri* elle des Lions, des Tambours , des *m Prêtres eunuques , & la tête couronnée de Tours. Macrobe prétend que la JJeei- fe Atergatis des Syriens étoit parmi ce Peuple lefymbole de la terre (a). Voila donc déjà le culte de la terre établie ea Syrie: mais le Peuple de ce Pays n en étoit pas le véritable inventeur, puil- qu'il l'avoit puifé chez les Egyptiens qui honoroient la Terre fous le nom d Ifis. C'eftceque nous apprennent Servius(3), (a) * & Indore après lui : Ifis lingua Mgyptto- . mm e(l terra. Macrobe «Se plufieurs au- tres Auteurs , difent la même choie , ôc Hérodote convient quTfis eft la même que Cerès, Divinité toujours confondue avec la Terre; «5c c'eft pour cela que les Egyptiens fe fervoient de Tambours ÔC d'autres inftruments femblables dans les fêtes de Cybele, comme Aufone le dit, Ifacos agitant Mareoticajiftraturmltus.

fal Affvii M«d nome» dederunt ; Çub\»»gmt « lib. i.c ij.

'244 La Mythologie & les Fables FocMel. Ce ^e Je<lis n'eft point oppofé £ t;ili.c.M. ce que j ai rapporté ailleurs d'Ifîs , puif- que les mêmes Dieux étoient fouvent le? fymbole deplufîeurs chofes différentes: voilà fans doute l'origine du culte de Terré , qui paffa avec les autres cérémo- nies des Egyptiens , d'abord dans la Sy- rie & la Phenicie , de-là dans la Phrygie qui eft une partie de PAfie mineure , en- fuite dans la Grèce & enfin dans l'Italie: c'eft le chemin ordinaire des fables 3c de ridolâtrie. Mais pour dire quelque chofe plus polîtif du culte particulier de^Cybele , il eft bon de remarquer qu'ayant été établi du temps même de fcn père Meon , félon Diodore de Si- cile , & de l'apparition de fa Statue à Pefïïnunte , marquée dans une des épo- ques de la Chronique de Paros à l'an1 2J7. avant la prife de Troye, & quel- ques années après l'arrivée de Cadmus & de Danaiïs dans la Grèce, il s'enfuivra que le règne de Mepn & le commence- ment des myfteres de Cybele , tombera Vers Pan 1580. avant l'Ere chrétienne. Les Romains ne fe distinguèrent pas moins par le culte de cette Divinité que les Phrygiens. Ce peuple averti par quelques vers des Sibylles , envoya une célèbre Ambaffade enPhrygie, & fitap-

Expliquées par VHiftoire. %$ «orter la Statue de cette Déeffe , qui Jgg* étoit d'une pierre noire, qu'il reçut avec t. m, c. MU beaucoup de pompe & de folemmte. De graves Auteurs rapportent que te Vaiffeau s'étant à fon retour arrête a. l'embouchure du Tybre, fans quonpu* le faire avancer , on fut oblige de con- fulter l'Oracle des Sibylles ; & 1 on ap- prit qu'une Vierge devoit le faire entre* dans le Port. Alors Claudie (celle des Veftales dont la réputation étoit la plus équivoque ) croyant que c'étoit-la une «ne belle occafion de prouver fa vertu i qu'un air trop libre joint au grand foin de fe parer avoit rendue fufpe6-.e , ht la prière tout haut à la Déeffe ; & ayant at- taché fa ceinture au VaiiTeau K elle le fit avancer fans réfiftance ; ce qui la fit ad- mirer de tout le monde. Je fçais que Tertulien attribue cet événement au démon ; &que d'autres penfent que 1 ha- bile Veftale profita du vent qui com- mença alors à fouiner ; mais je dirai fans craindre de bleffer la vénérable Anti- quité , que Claudie étoit , ou bien et- frontée , ou bien fuperflitieufe de tenter; ainfi la Déefle.

Les Romains ne manquoient pas tous les ans d'aller laver dans le fleuve Almon le Simulacre de cette Déefle , comme.

qi6 La Mythologie & les Fables tfoc^d"'* P^u^eurs Auteurs nous l'apprennent (<*)» I.III.cjv. Ammian Marcellin dit que cette céré- monie fe faifoit le fîx des K alendes d'A- vril ; & Herodien dans FHiftoire de l'Empereur Commode , ajoute qu'il re- gnoit une licence effrénée dans les fêtes de cette DéefTe ; pajjlmque omnibus lu- dtndi lïcentia permifja , &c. Cet Auteur dit auffi qu'on y portoit tout ce qu'on avoit de plus fomptueux en meubles ôc en vaifTelle.

CHAPITRE IV.

De Vefia> &des Veftales.

POur parler avec quelque exacti- tude de cette DéefTe , il faut remar- quer que comme on diftinguoit deux Vefta , Pune étoit regardée comme le fymbole de la terre , & l'autre du feu ; & leur culte étoit un peu différent. Après ce que nous venons de dire de Cybele , nous n'avons rien à ajouter à l'Hiftoire tde Vefta prife pour la Terre ; nous allons feulement expofer ce qui regarde cette

(a) Lrcain , liv. i. OvLd. 4. Fa3. Vakrius Flaccus j liv. 2* Claudiea, &o

Expliquées par PHipolre. fl ^ Déefïe , comme repréfentant le teu. oon,d,0ccidem. culte confiftoit principalement à garder L.m.c.iY. le feu qui lui étoit confacré. Les Ro- mains avoient des Vierges deftinees a cet ufage , qu'on appellent Veftales : on croit qu'Enée fut Finftituteur de cet Ordre en Italie , que Numa Pompihus rétablit dans la fuite. On choififloit pour Veftales de jeunes filles entre 1 âge de fix & de dix ans , dont la naiffance de- voir être fans tache & le corps fans dé- faut. On n'en prit d'abord que quatre, on y en ajouta deux dans la fuite : les dix premières années étoient pour le no- viciat ; pendant les dix années fuivantes elles faifoientles fondions de Prêtreffes, & pendant les dix dernières elles for- moient à leur tour d'autres Novices. Après trente ans il leur étoit libre de fortir , & même de fe marier ; mais pen- dant le temps qu'elles étoient confa- crées à la Déeffe , on exigeoit d'elles une chafteté fi fevere, que lorfqu'elles péchoient contre leurs vœux on les en- terroit toutes vives (a).

Quand le feu facré venoit à s'étein- dre par leur faute , le Pontife les punif-

U) L'Empereur Commode, pour rendre Ton règne reconv mandable , £ t enterrer vive la malheureufe Cornehe , qu on aceufoit d'avoir été fubornée par un Chevalier Romain nommé Celer»

© i i « x t> r > La My'Mogi* & les Fahles forent. Io1; sévèrement , & on en tiroit de man- i-.iil.uiv. vais augures. On croyoit même , outre les calamités publiques dont on étoit menacé , que la Déefle vouloit marquer par la le crime de quelque Veftale , ce celle qui étoit foupçonnée coupable etoit obligée de s'en purger. On ajoute qu Emilie une des Veftales dont la vertu etoit équivoque, jetta fon voile au mi- lieu de la cendre facrée ; & que le feu fe ralluma. On le laifîbit éteindre feule- ment au dernier jour de l'an , & on le rallumoit le premier jour de Mars , qui étoit le premier jour de l'année.

L'opinion commune étoit que l'orr confervoit dans le Temple des Veftales, outre le feufacré , plufieurs autres cho- ies qu'Encc avoit apportées de Phry- gie : c'étoit fans doute le véritable Pal- ladium, avec les Dieux Pénates, & quel- ques autres images des Dieux Samo- thraces que Dardanus avoit apportés en Phrygie , & que le religieux Enéé avoit eu foin de conferver au milieu des tem- pêtes (i)X2e fat pouHàuver ces précieux dépôts qu'on regardoit comme nécef- faires à la confervation de la ville , que Cecilius Metellus fe jetta au milieu des flammes lorfque le feu brûloit le Temple des Veftales, & que ces timides PrêtreÇ

Expliquées par PBjloire: \i§ Tes s'enfuioient ; ce qui lui mérita une ^ ftatuedans le Capitole avec une belle nu. c. ivi infcription. C'étoitNuma qui avoit fait bâtir ce Temple , Romulus n'ayant ja- mais ofé , quelque dévotion qu'il eût à la Déefle , en faire élever un , de peur de renouveller le fouvenir du crime de fa mère , & d'autorifer par fon exemple le dérèglement des autres Veftales ; s'é- tant contenté , comme nous l'apprend Denys d'Halicamafle , de faire confirm- ée en l'honneur de Vefta depetitesCha- pelles dans chaque Tribu. .

Il eft confiant que le culte delaDéef- fe Vefta & du feu , avoit éét apporté [de Phrygie en Italie par Enée & les autres Troyens qui y abordèrent ; mais les Phrygiens eux-mêmes l'avoient reçu des autres Peuples de l'Orient. Les Chal- déens avoient une grande vénération pour le feu , qu'ils regardoient comme une Divinité: il y avoit dans la Province de Babylone une ville confacrée à cet ufage , que l'on nommoit la ville d'Ur , ou du Feu. Les Perfes étoient encore plus fuperftitieux fur ce fujet que les Chaldéens : ils avoient des Temples qu'ils nommoient Pyrées , deftinés uni- quement à conferver le feu facré , com- me nous l'avons dit dans l'Hiftoire des

43^ La Mythologie & les Fables Dieux Dieux des Perfes (i ;, nous avons fait

iEulcav. voir 9 que Ie culte du Feu avoit pénétré (i)Tom3. dans les pays les plus éloignés, & même

*s vil . jufqu'au Pérou , & dans d'autres pays de l'Amérique. On doit ajouter feulement ici , i°. que ce n'étoit pas feulement dans les Temples & dans les Pyrées que l'on confervoitle feufacré, puifque cha- que particulier devoit prendre foin de l'entretenir à la porte de fa maifon ; & ( 2)iFafL c'eft ^e ^3 ^ nous en croyons Ovide (2)

*• «♦ qu'eft venu le nom de veftibule. Virgile

nous fait remarquer qu'Enée. avant que de fortir du palais de fon père , avoit retiré le feu du facré foyer (a). 2°. Que le nom de Vefta efl fynonime avec celui de feu , appelle par les Grecs Ejia (b) , par les Chaldéens & les anciens Perfes, j4vejîa. C'eft fans doute , nous en croyons le fçavant M. Hyde , ce qui porta le fameux Zoroaftre , de donner à fon Livre , il étoit parlé du culte du feu , le nom d'Avejla , comme qui (3) DeRel. diroit la garde du feu (3).

vcuPerfamm. Qn n>a fait que parcourir rapidement

THiftoire des Veftales , ceux qui fouhai- tent des détails plus circonftanciés pour-

(a) Alteïmmque adytù effert çenetralibus ignem. 7£ne lib. 2.

(1)) Eftj. , undc refta matath ajçirattêse in V- Vo.Tuis,

Expliquées par FRiJloireï 43 r tont lire le Traité de Jufte-Lipfe , & ce Pieu* qu'a donné à ce fujet M. l'Abbé NadaL Kf c%

Telles étoient les Divinités qui repré- fentoient la Terre en gênerai ; mais 011 en avoit introduit une infinité d'autres, quoique d'un moindre rang pour cha- cune de fes parties. Il y en avoit pour les champs & pour les pierres qui les Jbornoient ; pour les jardins & les ver- .gers ; pour les bois & pour les bocca- ges ; pour les montagnes & les collines ; pour les troupeaux & pour ceux qui les gardoient ; pour les boeufs & les che- vaux ; pour les bleds & pour les moi£- fons ; pour les villes & les villages; pour les chemins & les carrefours ; pour les maifons , &c. ainfi qu'on va le voir dans les Chapitres fuivans.

CHAPITRE V. Du Dieu Terme.

SI les bornes qui féparent les champs avoient toujours été refpeftées , les Loix & la Religion n'auroient pas eu befoin de prêter leur miniflere contre ceux qui les dérangeoient. Le fiécle d'or

IIJL C, V,

|5 2 La Mythologie & les Fables dont les Poètes parlent tant , ce temps heureux tous les biens étoient com- muns , dura peu ; & la même cupidité qui avoit porté les hommes à vouloir poffeder quelque chofe en propre , les engagea bientôt à ufurper ce qui ne leur appartenoit pas : de l'origine de ces bornes que les Législateurs obligèrent chaque particulier de mettre au terrain qu'il poffedoit. Si nous en croyons Vir- gile , ce fut Cerès elle-même , cette fa- meufe Législatrice , qui fit tant d'hon- neur à la culture des champs & au la- bourage, qui la première établit la Loi qui engageoit chacun à borner fes ter- res : partiri limite campum. Plutarque ne fait pas monter û haut l'ufage des bor- nes , du moins par rapport aux Romains, puifqu'il dit pofitivement qu'avant Nu- ma Pompilius , les champs & les pofTef- fions qui fe trouvoient dans l'étendue du territoire de ce peuple , n'avoient au- cunes limites déterminées , foit par des arbres , foit par des pierres , ou par quelqu'autre marque qui put en faire diftinguer Pétendue. Mais ce n'eft ni dans les Auteurs Grecs, ni dans les La- tins qu'il faut chercher l'inftitution des anciens ufages. Celui de borner les champs paroît être établi dès les temps

les

Expliquées par VHiJîoirél 433 les plus reculés , & je foupçonnerois y Dieux: volontiers que les Egyptiens en ont été L.^iLChfv, les premiers instituteurs. Comme le Nil par fes inondations périodiques confon- doit leurs terres, ils s'appliquèrent à la Géométrie , dont on les regarde comme les inventeurs , afin qu'après le déran- gement caufé par l'inondation , on pût aflîgner à chacun ce qui lui apparte- noit : mais comme cette manière de reconnoître les champs de chaque parti- culier étoit longue & pénible, il y a ap- parence qu'on lui en fubftitua une plus facile, en mettant aux champs des bornes qui tinffent contre les défordres de leur fleuve. M. de Boze , Secrétaire perpé- tuel de l'Académie des Belles-Lettres, qui a fait une fçavante DifTertation fur le culte du Dieu Terme (1), de laquelle O) Mem. ie profiterai beaucoup dans ce Chapitre , del'A«d.T.i. obferve que les Hébreux reçurent des Egyptiens l'ufage de borner les champs, & que Moyfe (2) n'ordonne pas à fon te) Dent, peuple de mettre des bornes à leurs ter- c' l9% res , puifque la chofe étoit établie par tout ; mais qu'il leur défend feulement de les déranger.

Cependant comme les loix établies pour la feureté des bornes , n'étoient pas un frein capable d'arrêter la cupidi-

Tome W. T

434 L* Mythologie & les Fables d'o^dent t^ 9 Numa perfuada au Peuple qu'il y *-• m. c.v. avoit un Dieu proteéteur des limites ôc vengeur des usurpations. Il lui fit même bâtir un Temple fur le mont Tarpéien , inftitua des fêtes & des facrifices en fon honneur , & en régla les cérémonies. Pour rendre la fuppofition plus vraifem- blable, il fit représenter le nouveau Dieu fous la figure d'une pierre , ou d'une fouche , comme nous l'apprenons de L <0 Eleg. Tibulle ( i), & d'Ovide (2) ; & fi nous en ' ("2 ) Faft. croyons Laftance (a) , cette pierre étoit *" 2* la même que celle que Saturne avoit dé-

vorée au lieu de Jupiter. Cependant dans la fuite on peignit le Dieu Terme avec une tête humaine , placée fur une borne pyramidale.

La fête de ce Dieu s'appelloit de fon nom Terminalis , & on la célebroit vers la fin de Février > le fixiéme avant les Ralendes de Mars. Onluifaifoitce jour- des facrifices publics & particuliers , mais fans aucune effufion defang; tout devoit fe réduire à des libations de vin , de lait , à des offrandes de fruits & à quelques gâteaux de farine nouvelle. Les facrifices publics étoient offerts dans

(a) Cette pierre étoit nommée par les Latins Aladir , & Bœtile par les Grecs, Voyez ce qui en a été dit dans le Tome \,

Expliquées par PHiftoire. 43 J le Temple , & les autres fur les bornes Dieux des champs ; les deux particuliers dont l, uj?<j!vt les terres fe touchoient , venant de cha- que côté orner la borne d'une guirlan- de , lui offroient leurs prefens, ainfï que le dit Ovide (a). Enfuite on l'oignoit d'une huile préparée fur le lieu même f & ainfî finiffoit la fête. Mais cette pre- mière (implicite ne dura pas long-temps ; on oublia la Loi de Numa qui avoit ordonné qu'on n'offrît rien d'animé au Dieu prote&eur des bornes , dont le culte devoit être tout champêtre , & on lui immola dans la fuite des agneaux ÔC de jeunes truyes , dont les deux familles de ceux qui facrifioient faifoient un repas près delà borne , l'on— ehantoît les louanges de la Divinité qui les affem- bloit.

Ccn 'jeniunt célébrant que dapes viciniafupplex , Et contant laudes Termine fantle tuas Ci).

v J (1) OvM.

L'événement que je vais raconter fer- *#*• vit beaucoup à accréditer le Dieu Ter- me , & ne fit pas certainement diminuer le culte qu'on lui rendo:t. Tarquin le Superbe voulant faire bâtir fur le Capi- tole le Temple que Tarquin l'ancien avoit voué à Jupiter , . il fut néceflaire

(a) Te dm dtverfa domini de parte coron «nt ,

Binaque ferta tibi , bmayne libaferunt. Faft. lib. Z*

Tij

43 à La Mythologie & les Vallès ^ocddem dc déranger les Statues ,& d'abattre les £. Jii. c. v. Chappelles qui y étoient. Tous les Dieux cédèrent fans réfiftance la place qu'ils occupoient ; le Dieu Terme tint bon contre tous les efforts qu'on fit pour l'enlever , & il fallut bon gré malgré le laifTer ; & ainfi il fe trouva dans le Tem- ple même qui fut conftruit en cet en- droit.

Telle eft l'origine du Dieu Terme : cependant il ne faut pas diflimuler qu'a- vant Numa il y avoit un Dieu protec- teur des limites : c'étoit Jupiter lui- mê- me fous le nom de Jupiter Termwalis ; que plufieurs Auteurs très-anciens con- fondent avec le Dieu Terme. Denys <i)Lîv, i. d'HalicarnafTe (i) dit même que ce fut à Jupiter Terminal que Numa confa- craies limites des champs ; &fi nous re- montons plus haut, nous trouverons dans la Grèce ce même Dieu protecteur des bornes, fous le nom de Jupiter Homo- rius ou Horius , ainfi que le nomme Po- (z)[Uy. 2. lybe (2) , & il eft vrai que les Grecs & les Romains adoroient Jupiter Terminal fous la forme d'une pierre , & que c'é- toit par cette pierre que fe faifoient les fermens les plus folemnels félon la For- mule , Jovem lapidemjurare , dont nous avons parlé dans le premier Volume.

Exptiquées par PMjîolre; _ 437 On ne pouvoit pas rendre les limites difv-c plus refpeftables qu'en fuppofant que le gg^ fouverain des Dieux étoit le protedeur de leurs privilèges.

CHAPITRE VI.

Hijîoire de Flore > de Pomone , de Per-

tumne & de Priape , Dieux des

Jardins & des bergers.

S

I nous en croyons La&ance , Flore ^j étoit une femme de mauvaife vie , qui ayant gagné beaucoup de bien , fit le Peuple Romain fon héritier , & laifla une fomme confiderable pour faire cé- lébrer tous les ans le jour de fa naiffance, par une fête folemnelle & des Jeux qui de fon nom furent appelles Floraux. Mais, continue ce fçavantPere de l'E~ glife , la honte tant de la fucceffion que d'une telle fête , porta le Sénat à met- tre cette Courtifane au nombre des Dieux ,& à feindre qu'elle étoit la Déef- fe des fleurs. Ovide (1) , pour donne*' (lJfcft< un air de vérité à cette fable , a dit que Flore étoit une Nymphe appellée Cillo- ns , qui étant mariée avec le Zéphyre >

Tiij

43 8 La Mythologie & les Fables mlfÂt, avoit re?u de fon époux pour fon douai- L.xn.c. \i. re , un Empire fur toutes les fleurs.

Quelques Critiques, entre lefquels rfjiD^icnà-font1Vrofïïus & Bayle(i),ne trouvant l'art, déflore. nen de Semblable dans les Anciens, fe font fort élevés contre Ladance,& le dernier a ofé dire qu'il avoit emprunté lefecours du menfonge ; & qu'aucun autre Père dePEglife, ni aucun Ancien n'avoient nen dit de femblable. Mais s'il eft vrai que Minutius Félix , Arnobe , & feint Auguftin , parmi les Pères de l'Eglife ; Plutarque, Macrobe & unrncienScho- liafte de Juvenal parmi les Auteurs pro- fanes , parlent à peu-près de même que Laftance , la Critique de ces deux Cen- seurs tombera d'elle-même. Or Minu- tius Félix (a) dit qu'Acca Larentia & Ilore étoient deux célèbres Courtifanes que les Romains avoient élevées au nombre des Dieux. Arnobe donne à Flo- , MAAvat. re la même épithete de Courtifane (z) : pour ce qui regarde faint Auguftin , que peut-on répondre à la queftion qu'il fait aux Payens , fçavoir , Qifétoit-ce dom que cette mère Hors, quelle Déejje é;oit-cey puifqu elle ne tire toute fa célébrité que de

(a) tAcca. larentia 6r F'cra meretrices . propudiat* inter r>torhtsfyihàn&rHm7{S> Dm'compHtandk. Dial, cm nomen Pa:.v.

Expliquées par VHiftoire. 439 fis infamies ? fînonque c'étoit une fem- gg* me débauchée , telle que la reprefente L n, c v . Ladance (i). Le même faint . Dofteur jygu obferve en un autre endroit (2) , que les vang. c. 35. ■impudicités qui fc commettoient aux ^ Jeux Floraux , étoient une expreiiion £#i7. de la conduite de celle qui y avoit don- né lieu. . * Plutarque raconte, quoique avec quel- que différence , la même Hiftoire que Laftance. Un Prêtre d'Hercule , dit-il , s'avifa un jour de jouer avec le Héros , à condition que celui qui gagneroit, re- e-aleroit l'autre : après cette convention il ietta les dez pour lui , & enfuite pour Hercule qui gagna. Pour fatisfaire a te promeffe , il fit préparer un fuperbe lei- ïin; 6c fuivantladéteflable coutume de ce temps-là , il fit conduire dans le 1 em- ple une des plus belles femmes de la vil- le , nommée Laurentia , pour y palier la nuit. Cet Auteur ajoute qu'elle plut au Dieu , qui lui apparut , «Se qui lui dit que la première perfonne qu'elle trouveroit au fortir du Temple , la rendroit heu- reufe ,&la combleroit de biens. Tartu- tius , homme riche & puiflant, fut celui qu'elle rencontra le premier , & qui en devint fi éperdument amoureux, qu'é- tant mort quelque temps après , il lui

T iij

44° La Mythologie & les Fahles A&ta. klffa d'in™enfes richeffes : elle les aug- i.iii.c. vi. menta encore beaucoup par l'infâme mé- tier qu'elle exerça pendant plufieurs an- nées ; & lorfqu'elle fe vit fur le point de mourir , elle nomma héritier le Sénat Romain ., qui en témoigna beaucoup de reconnoiffance : fon nom fut écrit dans les Faftes , & on inftitua des Fêtes en fon honneur.

Macrobe, dans fes Saturnales, raconte à peu près la même avanture , & dit qu'elle arriva fous le règne d'Ancus Martius. L'ancien Scholiafte de Juve- nal , qui viyoit peu de temps après Con- ftantin , dit en parlant des Jeux Flo- raux , qu'ils avoient été inftituées par Flora , & que ces Jeux étoient mêlés d obfcenités (a). Qu'on fe fie mainte- nant aux décidons d'un Critique auffi hardi que Bayle , & fouvent auffi mal fondé. Il eft vrai cependant que Varron (f) dit que le culte de Flore fut inftitué à Rome par Tatius collègue de Romulus, & dès-là il eft certain qu'elle étoit ho- norée chez les Sabins avant la fondation de Rome , & par confequent quelques

(a) Ht ludi à Flora meretrice infiitutifunt , in honorent Flora &e*qu*Floritwspyœ*ft : ludi jnnt imiudici. Ad Satyr 6 verf» 2fp. J *

Expliquée! par les tables. 441 Dmix ^écles avant le temps dont parle Lac- a>0cc;dent. tance. Il eft vrai encore que Pline (i) &f£C.vL parle dune Statue de cette DéefTe, de Jg l la main de Praxitèle, ce qui prouve que fon culte étoit célèbre dans la Grèce , d'où il étoit paffé dans l'Italie , long- temps avant Romulus , qui l'adopta lorfqu'il s'affocia avec Tatius & les Sa- bins. Enfin Juftin nous apprend (2) que M lv*4 ' les Phocéens qui bâtirent Marfeille , ho- noroient la même DéefTe.

Pour concilier des opinions fi con- traires, ne peut-on pas fuppofer qu'à la vérité Flore étoit plus ancienne. qu'Ac- ca Laurentia ; mais que celle-ci ayant înftitué le Peuple Romain fon héritier , on la confondit avec la DéelTe Flore. En effet il étoit ordinaire de joindre fouvent des perfonnages modernes dont onfaifoit l'Apotheofe, à des Dieux plus anciens , & de mêler leur culte. C'eft ainfi , pour ne pas me fervir d'autres exemples , que Romulus fut confondu avec Quirinus, honoré long-temps avant lui par les Sabins.

Quoiqu'il en foit , comme le nom de Laurentia rappelloit toujours fes infa- mies , on lui donna celui de Flore ; mais ce changement n^abolit pas le fouvenir des débauches de cette Courtifane ,

Tv

442 La Mythologie & les Fables tfoSfde^ <Ia'on avo^ f°in même de renouvellef i.iiféCvi. dans les Jeux Floraux, Ton commet- toit une infinité d'infamies dignes de la Deefle en Fhonneur de qui ils avoient été inftitués.

N'oublions pas de dire que quelques Auteurs confondennt cette Laurentia avec celle qui nourrit Remus & Romu- lus ; mais on doit les diftinguer. Il eft vrai que Tune & l'autre furent honorées d'une fête ; mais ces fêtes étoient célé- brées en des temps différents. Celle de la Nourrice de Remus & de Romulus,ar- rivoit au mois de Décembre ; celle de la Courtifane, au mois d'Avril. Dans celle-ci on joignait des Jeux à la fête , Se ces Jeux furent nommés les Jeux Flo- raux ; on ne dit rien de femblable de l'autre ; la Courtifane portoit le nom de Tarentia, ou Tarrutia ; la Nourrice des deux Princes n'avoit point d'autre nom que celui d'Acca Laurentia.

Les Jeux Floraux, fi nous en croyons Pline , furent inftitués l'an yi 3. ou 5* 14. fuivant la correction du Père Hardouin ; mais on doit préfumer que cet Hiftoriert parle du rétablifTcment de ces Jeux , in- terrompus pendant plufieurs années par des raifons que nous ignorons , puifqu'il efï confiant , comme on l'a dit au com-

Expliquées par VEifloire.^ 44J __ mencement de cet article , fur 1'autome d>0cciaePf, de Varron , qu'ils avoient commencé au l, MiC.yi- temps de Romulus. Ceux qui préten- dent qu'il faut prendre à la lettre ce que dit Pline , s'autorifent d'une Médaille d'argent de la famille Servilia , fur la- quelle on lit cette légende : Floraha pn- _ mus , comme fi le fens étoit , Servthusa le premier célébré les Jeux Floraux , puif- qu'en fuppofant l'interruption dont on vient de parler , le fens de la légende eft naturel , comme fi elle portoit effeftive- mont qu'après une longue interruption, Servilius fut le premier qui ordonna la célébration des Jeux Floraux dans ls temps qu'il étoit Edile. Nous apprenons des Anciens que même après ce rétabliffement on nei.es célebroit pas régulièrement tous les ans , mais feu- lement lorfque l'intempérie de Pair an- nonçoit ou faifoit craindre la ftérilité, ou que les Livres de Sibylles l'ordonnoient ; car on ne manquoit pas de les confulter dans ces occafions. Ce ne fut qu'en l'an- née de Rome ;8o. qu'on commença aies célébrer régulièrement , jufqu'au temps ils furent entièrement profcnts. Au refte les infamies qui fe commettoient a la célébration de ces Jeux étoient il criantes , que Caton qui voulut y aflit-

Tvj

444 La Mythologie & les Vallès

aident. îer? fe retira avant <ïu'on cn eût donné L.iu. c. vi. lefpeftacle au peuple , qui loua haute- ment fa retenue. Voici de quelle manière Valere Maxime & le Philofophe Se- neque racontent cette Hiftoire. Caton étant allé à la célébration des Jeux Flo- raux , le peuple plein de refped & de confidération pour un homme fi grave & fi fevere , n'ofa demander , félon la coutume, que les femmes fe proftituaf- fent publiquement. Favonius fon ami Tayant averti des égards qu'on avoit pour lui, il prit le parti de fe retirer, pour ne point troubler la fête , & ne point fouiller en même -temps fes re- gards par la vue des défordres qui fe commettaient à ce fpeétacle. Le peuple qui s'apperçut de cette complaifance , donna mille louanges à Caton. Mais ce îage Romain n'auroit-ilpas mieux fait,ou de ne point paroître à ces Jeux , ou d'y demeurer, puifqu'il y étoit pour en ré- primer la licence ? C'eft à peu près ainfî qu'en penfoit Martial. Pourquoi, dit- il, » en apoflrophant Caton , paroifïïez-vous » aux Jeux , puifque vous en connoif- » fiez la licence ? N'étiez-vous venu au 30 Théâtre que pour en fortir {a) ?

(a) Cttrin The atrum^Cato, fevere vcnifliÇ iAn idc$ tmttm venem Ht extra i

Expliquées par THifiotre. 44? DIEU* Pomone , fi nous en croyons les roe- xo™*f tes Latins , étoit une belle Nymphe , i- J^Jj dont tous les Dieux de la campagne dii- Vmumne. putoient la conquête. Son adreffe à cul- tiver les jardins , fur-tout les arbres frui- tiers , autant que fa beauté & fes agre- mens , leur avoient infpiré de tendres fentimens pour elle. Vertumne fur- ^ tout (i) cherchoit à lui plaire, ôc pour Metl I+> avoir occafion de la voir fouvent , il prenoit différentes figures.

Enfin s'étant métamorphofe un jour en une vieille femme, il trouva le moyen de lier convention avec elle ; «après lui avoir donné mille louanges fur fes charmes & fur fes talens pour la vie champêtre , il lui raconta tant dayan- tures funefles à ceux qui comme elle le refufoient à la tendreffe , & marquoient du mépris pour leurs Amans , qu enfin il la rendit fenfible, & devint fon époux. Il y a bien de l'apparence i°. que cette fiaion qu'Ovide raconte fi au long (2) ,n'efl qu'un pur Roman fans au- (4 bc *■ cun fondement;2o. que cette fable eftnee dans le Pays Latin , fans qu on en trou- ve aucune trace chez les Grecs ni chez les autres peuples. Cependant je ne dois pas difllmuler qu'il y a des Auteurs qui proyent qu'on peut la rapporter a 1 lui-.

44<5 La Mythologie & les Fa^ks *£«£.. t0ire ?e <3uelclu& Perfonne du fexe qui l.m.c.vi. aima la vie champêcre , & s'appliqua iur-tout a la culture des arbres fruitiers ce qui lui mérita dans la fuite les hon- neurs divins ; car il fuffifoit dans ces fîé- cles de ténèbres , pour parvenir au nom- bre des Dieux , d'avoir excelle dans quelque art utile aux hommes. Elle v participa en effet , & elle eut à Rome des lempies&des Autels. Son Prêtre Pçrtmt le nom de Flamm Pomonalis, & luioffroit des facrifices pour la confer- vation des fruits de la terre , comme nous 1 apprenons de Feftus , qui n'a fait en cela que copier Varron.

Quant à Verturane, dont le nom vient 4e vertere, changer, tcttrver, on croit qu'il etoit le fymbole de l'année &de fes va- riations. C'eft apparemment ce qu'O- vide a voulu marquer par toutes les m^'- tamorphofes qu'il lui attribue , qui ne lont dans le fond que l'image des diffe- rens changemens qui arrivent dans les différentes faifons de l'année. Ainfi lorf- que ce Poète raconte que ce Dieu prit fucceiïïvementla figure d'un Laboureur, celle duc. AionTonneur , d'un Vigneron, & enfin celle d'une vieille femme , c'efr pour déngner le Printemps, l'Eté , l'Au- tomne de l'Hyver. Il y a des Auteurs,

Expliquées par VBJtoire: 447 Se en affez grand nombre , qui croyent Jpgfe que dans le fond Vertumne etoit le me- L. m. c. v* me que Janus ; ce qui reviendrait ^a ce que nous venons de dire , puifque Janus êc Vertumnus marquoient 1 année &ies révolutions. D'autres enfin prétendent qu'il avoit été un ancien Roi d Utrune, qui par le foin qu'il avoit pris de la cul- ture des fruits & des jardins^ , avoit mé- rité les honneurs divins ; & ils citent pour le prouver , Properce qui fait dire a ce Dieu : Je (uis Etrunen c? 'origine , & je ne me repens pas d'avoir abandonne un pays oh régnent la guerre & les combats Ileft vraiqu! la foule ne me fuit pas , p lie je n'ai pas unTemple ou brille? y voire , liais hjtaffetpour moi de voirie match de Rome. (a). . -,

Properce dans toute cette Elégie o,i il fait parler Vertumne , lui fait raconter fes métamorphofes , du moins avec au- tant d'élégance ,& plus de brièveté que ne les raconte Ovide : mais de tout ce que dit ce Dieu de lui-même,onne peut pas en conclure qu'il ait .règne, fur les Etruriens. Il en refaite feu ement qu il avoit reçu de ce Peuple les honneurs di»

(a) ïhfiw ego , ThHfiis orkr :«tf«-W «***

Tlec me i»rb* luv * , *r Stafb Ut* tbmm r , RfZ^mfatis efi f# vx<krt Bw». «•& •- 4*

D »« &? /* ^'fe%> * Ut Fable* ffe STS* <ïu/on culte étoitpaffé àRonuT i.in.c VJ. ou il -jouiflbit du même privilège

Nous apprenons de Varron que la fête deVenumne,. nommée Venumnalia , etoit célébrée au mois d'Octobre.

Vertumne n'étoit pas feulement re- garde a Rome comme une Divinité champêtre ; mais encore comme le Dieu des Marchands, &ainlî que Mercure (a).

Marche C'eft a cela qu'Horace fait al- lufion , lorfqu'adreflant la parole à fon Livre , il dit , II mefemble , mon Livre , que vous vous tournez fouvent du coté de Vertumne & de J anus. Vous mourez d'en- me dette relié posément , & expefé en vente. * J

Vmumnum Janumque, Liber , f^are vide- fis , 0*c.

Le temps nous a confervé quelque* représentations de Pomone, qu'on trou- ve dans Patin , dans Beger , & fur quel- ques pierres gravées. La DéeiTe y pa- roit fojisjU figure d'une jeune perfonne , tantôt alïïfe fur un grand panier rempli «le trwts, ou ayant elle-même fur fon

n.mtLCnt0!^efH,0raCed/rivedelà le nom^ Ver-

ExpUquéét par VBJhïre. 40 mvt

ff^î^^A enfin : Sa peint Ovide , qui dit que cette ftéeffe ? une des plus diligentes & des Su avives Hamadryades cultivoit Tec beaucoup de foin Sc.dWuft^

les iardins & les arbres fruitiers, fur-tout le Pommier , d'où elle avoit pris le nom

deNousTve;nsaufll quelques ftatoe. :de Vertumne: on le trouve dans Beger fous

la fieure d'un jeune homme , avec une coufonne d'herbes de difTerentes efpe- ces & un habit qui ne e couvre qu a Terni ; tenant de la mam gauche des

fruits, & de la droite une corne d abon- dance. Dans une autre image tirée d un MS de M. dePeyrefc, qui eft.auiour- tf hui dans laBibhotheque de S. ViSo' ce Dieu paroît entièrement vêtu , ayant de la barbe , & portant fur fon habit la dépouille de quelqu'animal fur un re- 'pîidtlaquelle font des fruits de plufieurs

A Rome, dans la rue appellée ^ TUi.Cnjt on vovoit uneftatue de Ver-

à l'occafion de l'avance de Verres ,X a-fil qudfiunsù dam lj dçmm £«?

4fo . La Mythologie & les Fables conduit deaflatue de Vmumne augrand . Cirque n'ait trouvé fur chacun des dé- gtes. des marques de ton avance ?

Jj\ dlt^°vide & Properce décri- vent les diiFerentes métamorphofes de

5»C SU-îrqui prenoit tantôt ]a figure d un Moiflbnneur , d'un Faucheur "tan- tôt celle d'un Vigneron , d'un Labou- reur ; tantôt celle d'un Pêcheur , d'un Soldat &c. Cependant on ne l'a amais Pemt fous ces déguifemens, ou le temps a détruit les monumens qui le repréfen- toient fous quelqu'une de ces figures.

. A vendions avant que de finir ce Cha- pitre, que les Etruriens reconnoiffoient une autre Divinité champêtre , fous le nom de Voltumna , ou Vulturna. Tite- W parle en plus d'un endroit de fon Hiltoirp du Temple qu'elle avoit près <*u lac Ciminius , les peuples délibe- xoient de leurs affaires.

Priape étoit auiîî parmi les Romains le Dieu des Jardins , & il n'y en avoit aucun foit fruitiers , foit de fimples par- terres , ou l'on ne trouvât une ou plu- fieurs ftatues de ce Dieu. J'ai prouvé dans le premier Volume , que Priape etoit le même que Belphegor, cette loole d iniquité dont parle S. Jérôme : que Ion culte avoit été porté à Lampfa-

Expliquées par VHtjîoîre. 4P que, vilUe l'Afie mineure fur les co- $g* /es de l'Hellefpont, & que de-la û ayoït L. m. c vfc ^danslaG^ceacdanslltaLellme

refte maintenant à expofer au fujet de ceDieuda Mythologie des Grecs & des Romains. Mais il faut obferver aupara- vant qu'il y a apparence qu'il ne fut con- nu qu'affez tardera ces deux Peuples , puifque Hefiode & Homère n en par- lent point. . - Quoiqu'on ne convienne pas unani- mement fur le père & la mère de Pnape, puifque quelques anciens affûtent qu il étoitfils d'une Nymphe nommée Naïa- de , ou félon d'autres Chione , le grand nombre des Auteurs s'accorde affez a dire qu'il étoit fils de Bacchus & de Venus. Junon , ajoute t-on, jaloufe de celte Déeffe fit tant par fes enchante- mens qu'elle rendit monflrueux & tout contrefait le fils qu'elle portoit dans fon fein. Ainfi Venus l'ayant mis au monde , l'éloigna de fa préfence & le fit élever a Lampf-aque , d'où ce Dieu a toujours porté depuis le furnomde Lampfacenus. Devenu dans la fuite la terreur des ma- ris il fut chaffé de cette ville ; mais les hab'itans affligés d'une maladie fecrette , le rappellerent , & il fut depuis 1 objet de la vénération publique ; on lui bâtit

DiEax ll2TpL*Myfol°gte&les Fables ^•occ'dem. un .Temple , & on établit des facrifîceî L. m. c. vi. en fon honneur. ^cnnces

11 eft f ifé de voir que fous cette fiftion on a caché fhiftoire de la tranfadiondu cuke de ce D^d'Egypte à Lampfaq„e" & que ce que j'a, rapporté d'aprèf Héro- dote, que la .nanTance d'un Dieu dans un

pays „etolt que rintroduaion de

culte dans ce même pays, doit fur-tout ayonrheu ic,En eiFet,onpublia qu'il Jtoi filsdece Baçchus ou Dionyhus qui fit la conquête des Indes, qui étoitlemême qu'Ofîns & il n'eftpaï douteux qucfc Venus qu'on lui donne pour mere\ ne fou Ifîs. Cette Reine d'Lypt^ co" »e nous Pavons dit, av^rSt après la mort de fon mari l'infâme ufage

Priant '" V°'làrt?Ut le "J^re de Pnape qu on repréfentoit dWc manière fi obfcene. On me difpenfera de m'é ter! dre davantage fur les jnfamies j _ compagnoientle culte de ce Dieu , au- quelonimmoloit l'âne. Saint AuSurtin avoit : pour es révéler des raifons qui n" fubfîftent plus aujourd'hui ; & il me fuf- fit d ajouter que Boiffarta faitgraverun

fête de Pnape Ce font des femme/qui la célèbrent. Lapnncipale d-entr'elles qui eft apparemment la Pré trèfle , arrofê

Expliquées par V&Jloire. 453 la flatue de ce Dieu , pendant que d au- »™*ent : très lui préfentent des paniers remplis de L.llt c.\Ui fruits,& des vafes pleins de vin,comme au Dieu des Jardins & de la compagne. On en voit d'autres qui font en attitude de danfeufes , jouant d'un inftrument allez femblable à un cerceau. Il y en a deux qui jouent de la flûte , un autre tient un fîftre", nouvelle preuve que cetoit une cérémonie Egyptienne ; une autre vêtue en Bacchante, porte un emant lur fes épaules. H y en a quatre autres qui font occupées aufacrifice de l'anequ on lui offroit. La vidime ceinte au milieu du corps d'une large bande , a déjà reçu le coup mortel , & fon fang coule a grands flots dans un baffin. Enfin on voit près delaPrêtreflequi fait la fondion de viftimaire , un étui à plufieurs cou- teaux. ' . , . J'ai dit que les ftatues dePnapeetoient

dans tous les Jardins , j'ajoute ici , que Boiflart en a fait graver une avec cette infcription : Hortorurn cujlodi , vigtli , confervatori propaginis villicorum (i)* r_ (0 Boiflart.

Dieux

4^4 La Mythologie & les Fables

CHAPITRE VIL

De Paies & de quelques aimes Divi* nités champêtres.

PA l e' s étoit proprement la Divi- nité des Bergers , la Tutrice Se h SuMM Cc?nfervatrice des Troupeaux. La Fête J qu'on célébroit à fon honneur au 21.

d'Avril , s'appelloit Palilia , ou Parilia. Toute la cérémonie confiftoit à faire brûler de grands amas de paille , fur les- quels on fautoit (a). On n'y tuoit point d'animaux , & les purifications fe fai- foient avec de la fomée de fang de che- val , & avec les cendres d'un veau qui avoit été tiré d'une vache immolée, ou avec des cendres de fèves. On purifioit auffi les Troupeaux avec de la fumée defoufre, d'Olivier, dePin, de Lau- rier & de Romarin : enfuite après que les Bergers avoient fauté autour du feu de paille dont nous avons parlé , ils of- froient en facrifice du lait , du fromage, du vin cuit , & des gâteaux de millet: Fête véritablement paftorale & ruftique,

(a) Moxque per ardentes fîipuU créditantes acervos , Trajuias céleri firetw a membra pede, Ovid. 4,Fail.

Expliquées pat VBftoire. 45? 8c telle qu'elle convenoit à la Déeffe Ijgg^ des Bergers & des Troupeaux. L. m. c.viW

t Comme Romulus jetta les premiers fon- demer.s de la ville de Rome au 21 .du mois d' A vril,& que ce jour étoit confacre des- lors à Paies , ce Prince fit fervir la Fête qu'on célébroit en l'honneur de cette Déeffe, à la mémoire de la fondation de de fa nouvelle ville : ainfi on les confon- dit toujours depuis l'une avec l'autre. Il eft vrai que Manilius dit (a) qu'on com- mença à bâtir Rome dans l'Automne, fous le figne de la Balance , & fon auto- rité pour un fait de cette nature , doit être d'autant plus grande, qu'il étoit ha- bile Aftronome ; mais comme le déran- gement des mois & des faifons etoit caufé par le défaut de l'ancien Calen- drier, après qu'on l'eut reforme , la t ete de la fondation de Rome fe trouva avec celle de Paies fixée au 21. d'Avril.

Les Latins connoiffbient encore une Anna Peren- autre Divinité champêtre , qu'ils nom- na. moient Anna Pemma , que quelques Auteurs croyent être lafœur du Didon, fi célèbre dans le quatrième Livre de l'Eneide,& qui fe retira dans le pays des Laurentins oùEnée la reçut. Mais com- me elle craignoit que Lavinie ne voulut

(a) HeftiriamjHA libra tenet j«â nndha R<»««.

45^ La Mythologie & les Fahlei

'd'Occide" 1U1 Ôt5r la Vie > elIe fe Jetta danS le fle^Vé

L--lu. c.vii. Numicus,dont elle devînt une des Nym- phes. D'autres penfent que c'étoit la 'Lune elle-même qui avoit pris le nom $Anna , de l'année , ab anno , parce que Tannée étoit compofée de mois Lu- naires. Mais la plus commune opinion cil que c'étoit une bonne femme de la campagne , qui apporta quelques gâ- teaux au Peuple Romain dans le temps qu'il s^étoit retiré fur le mont Aventin ; lequel en reconnoiiïance voulut quefon nom fût éternellement honoré; & c'eft àperennitate cultùs , qu'elle prit le fur- nom de Terenna. Je la compte au nom- bre des Divinités de la campagne , fur l'autorité de Varron qui la met dans le même^ rang que Paies , Cerès , &c. (à) Sa Fête étoit célébrée avec folemnité aux Ides de Mars, fur les bords du Ty- bre , pendant laquelle le Peuple donnoit de grands témoignages de réjouiflance , comme on le verra dans les vers que cite Ovide (b) : on y bûvoit largement, on y

(a) Varron dans fa Satyre Menipée, avoit mis ces deux vers , qu'Àulu-Gelleiiv. 13. ch- 21. nous a coniervés , & que Louis Carrion dans fon Comrentaire fur Us Antiqui- tés , Leçon première , dit qu'il faut lire ainfi:

Ted , JLnna Pevenna , Panda ,te Lœti, Pales j Herienes O4 Minerva , Portuna ac Cercs.

(b) Idibusefl ^Annœfeflum géniale Perenna tiùn çroail à rqis advenu Tybri tah

dahfoit ;

Expliquées par VHiftoire. 4 £ 7 danfoit , & les jolies filles y chantaient *"£ des vers dans lefquels la pudeur n'étoit L. nf.cvil. pas ménagée. Mais auffi faifoit-on allu- lîon à une avanture galante qu'Ovide rapporte dans le même endroit. Anna , dit-il , ayant été reçue dans le ciel , Mars qui étoit amoureux de Minerve, pria la nouvelle Déeffe de le fervir dans fes amours : celle-ci à qui le Dieu de la guerre n'étoit pas indiffèrent , lui ayant promis ce qu'il fouhaitoit , vint lui dire un jour que Minerve confentoit à Fé- poufer ; & ayant pris un habit femblable à celui de la Déeffe , elle fe trouva au rendez-Vous ; mais elle fut la dupe de fon déguifement , qui fut décou- vert (a).

Cbmme Pales étoit la Déeffe des Troupeaux & des Bergers qui les gar- doient , Bubona ou Burona étoit celle des bœufs & des Bouviers (1). On lui ^ (ï)Auguftl facrifioit d une manière champêtre , &a^/r'"cî' on l'invoquok pour la fanté des bœufs.

plcbs venit ac virides pajjlm disjeBa per hevbas Votât , 0 accumbit cura pare qKifcjue jua. Subjove pan durât-, pauci tentoria pr/nunt ,

Sttnt qmbns è ramisfrondeafacla cafa eft. Ovid. Faft. 1.3. v. 523. (a) Ludis amatorem charge nova nupta TAinerva ,

liée res hac Vtneri gratter uîUfmU Inde joci veteres obfccéhaque dicta ferunttir ,

Et JKvat hanc magno vsrbddedijje Deo* Idem ibid.

Tome W. V

4y8 La Mythologie & les Fables T)jïux Mellon a , autre Divinité champêtre*

LiiTcvn. prenoit foin des Abeilles , & du miel (2)id.ib. Su?onenretiroit(i).

On invoquoit auflî pour la même .chofe , Arîftée , celui-là même qui a adonné lieu à cebelEpifode du quatriè- me des Georgiques, que Virgile a em- belli de tous les ornemens de la Poèïîe. On croit que cet Ariflée à qui Virgile donne pour mère la Nymphe Cyrené , étoii Roi d' Arcadie , & qu'il s'appliqua au foin que demandent les Mouches à miel , dont il fçavoit reparer les pertes* Ce que le Poète que je viens de citer dit, qu'à l'occafion d'une maladie qui avoit fait périr tous fes EfTains , il alla trouver fa mère dans la grote profonde qu'elle habitok à la fource du Penée , & qu'elle le renvoya au fage Protée ; ainfi que la manière dont ce Dieu lui dit qu'il pouvoit reparer cette perte, ne font que d'ingenieufes liftions qui nous cachent Padreffe qu^avoit ce Prince à conferver 6c à faire renouveller fes Abeilles. Quoi- qu'il en foit, Ariftée fut mis au ran \ des Demi-D eux , & en reçut les honneurs. Sera Se Segecia ou Segefla , étoient deux autres Divinités de la campagne , «qui ayoient fo;n des bleds , & que les Laboureurs ho noroient d'un cuite par-

Expliquées par Ptiiftoire, 4?9 ticulier ; avec cette différence que h gg$£. première veilloit à la confervation des l.ui.cvi1. grains dans le temps qu'ils étoi|nt enco- re enfermés dans la terre , & la féconde au temps de la moiffon, commeTutilina, cuTutelina en avoit foin lorfqu'ils étoient dans les greniers (i). Turnebe croit que (01** l*. c'étoit cette Déeffe , dont il n'étoit pas permis de proférer le nom , de laquelle Pline fait mention (2). Macrobe dit (3) ^ (i)Llv u. que ceux qui invoquoient cette Divim- c',3")Sat. i.,. té, s'abftenoient de tout travail le jour c. u. qu'ils lui facrinoient. Elle avoit une Chapelle fur le mont Aventin , & une ftatue dans le Cirque. Quelques Au- teurs donnent à la même DéeîTe le nom de Tttulina,& Scaliger fur l'autorité de Varron , dit qu'on lui avoit confacré un Autel fur le mont Aventin , comme à une Divinité protedrice du Peuple Ro- main. t

Robigus , qui tire fon nom du mot la- tin robigo oarubigo , qui fîgnifie/fl rouil- le , étoit encore une Divinité qu'on în- voquoit pour la confervation des bleds, qu'on croyoit qu'il préfervoit de la rouille ; il y avoit une Fête en l'hon- neur de ce Dieu , que l'on appelloit Ko- bigalia. Varron en parle Couvent dans fon cinquième Livre de la langue Lati-

Vij-

460 La Mythologie & les Fables Dieu x ne , auffi bien que dans celui de l'Agri- l.iii.ç.' vli. culture. Quoique tous les autres Aa- . teurs i'ampt regardé comme un Dieu r Saint Auguftin en fait cependant une (1) DeCiv. Déeffe, qu'il nomme Robigo (i). Dçi, lib: 4. Bonus Eventus, leBon Succès, a auffi ' ■*_. été honoré par l'Antiquité ., d'un culte 1V'35" particulier. Pline rapporte (2) que la fta- tue de ce Dieu avoit été faite par Eu- phranor , tenant une coupe de la main droite , & de la gauche un épi de bled & un pavot. Le même Auteur dit en- core que Praxitelle avoit auffi fait une ftatue du même Dieu dans le Capitole: & Varron qui fait mention de cette Di- de Reraftic! vînité(3) , le met au nombre des grands Digux des gens de la campagne. Plu- sieurs perfonnes croyent encore aujour- d'hui que quelques débris d'un Temple qu'on voit à Pvome entre FEgîife de la Minerve & celle de S. Euftache, font les reftes du Temple qui étoit confacré à ce C(^M^ Dieu (4). _

Populoma , dont le nom eft dérivé de populatio , pillage, dégât , étoit auffi au nombre des Divinités champêtres : on prioit dans les facrifices qu'on lui of- froit , d'empêcher que la grêle & la fou- dre ne ravageaient Ja campagne.

Cet oit pour la même raifonfans dou-

Expliquées par VUijUre. $t ^ te qu'on honoroit une autre Divinité d»0ecjdem-. fus le nom de l'Eclair (i) ; & le culte l. m-ovu. qu'on lui rendoit étoit pour qu'il pre- ca. t>ei.i,«. fervât les biens de la campagne. [•£§£"£

Pilumnus & Picumnus etoient ielon Servius (2), deux Dieux qui étoient fre- (Oinô.iEn. res , dont le dernier avoit inventé l'ufa- ge de fumer les terres , d'où il fut fur- nommé Sterquilmus ; & , Pilumnus celui de moudre le bled , c'eft pourquoi il étoit particulièrement honoré par les Meuniers. Nonius Marcellus dit que Pilumnus Se Picumnus préfidoient aux aufpices des mariages , & pour appuyer fon opinion il cite un paffage de Var- ron (3) qui dit que fi l'enfant que venoit («JJJ* de recevoir la Sage-femme , avoit i ap- Rom> parence de vivre long-temps , elle le pofoit à terre pour conjefturer s'ii fe- roit d\ine taille bien droite ; & qu'on dreffoit dans les Temples des lits pour les Dieux Pilumnus & Picumnus, Divi- nités qui préfidoient aux mariages.

Sterculïus étoit un des furnoms qu'or* avoit donné à Saturne , parce qu'il avoit le premier mis du fumier dans les terres pour les rendre fertiles (4). (4)Macrofc.

Hippona étoit la DéelTe des Juments s*i*.i.c7. & des Ecuries (<*).

(a) Plutarc. in Pareil. Apul.l. 3. deAfin. aur. Termll. 1rs Apol. Fulgt-nt. ik o'ofe. vocibas , Sec.

462 La Mythologie & les Fables Dieux Le Dieu Jugatittus, préfidoit aux cô-

o. Occident, o 3 r

L«Ul. C.vii. teaux & aux montagnes , & la Déçue Coltina, aux collines. Saint Auguftin la nomme Collatina ; mais peut-être s'eft-iî mépris en lui donnant ce nom. Vallonia, félon ce Père del'Eglife, étoitla DéefTe des Vallées.

Rufî?iay qui fut ainfï nommée du mot Rus , la campagne , préfidoit , fuivantle même faint Dofteur , aux campagnes. Lylio Giraldi rapporte que cette DéefTe étoit par quelques Auteurs appellécRtf- tina.

Quelques partages tirés du quatrième Livre de la Cité de Dieu de S. Auguf- tin , vont nous faire connoître plufieurs autres de ces Dieux champêtres , & il fuffira de les avoir nommées pour con- noître les emplois aufquels ils étoient deftinés. Les Romains dit-il , avoient une DéeiTe Fruâufée, qu'ils invoquoient pour faire une bonne récolte : un Dieu Spineufe , pour arracher les épines des champs ; une DéefTe Nielle , pour em- pêcher lanielle dans les bleds. Ils avoient Proferpine pour préfîder au germe des bleds : un Dieu Nodotus,pour les nœuds du tuyau : la DéefTe Volutina, pour l'en- veloppe de l'épi : Patelene , pour l'épi qui commence à s'ouvrir : Hojliline r

Èxpîiquées par FB^lolre. 463* quand la barbe de l'épi & l'épi font à ni- ^g»* * veau(». Laéîurce, quand le gram etoit L.ui.c.v «li- en lait : Maturnt > , quand il étoit mûr; & Runcine , quand on le coupoit.

Obfervons i°. Que prefque tous ces Dieux avoient leurs Fêtes marquées , qu'on célébroit à la campagne dans les faifons l'on croyoit avoir befoin de leurs fecours , & dans les lieux mêmes Ton croyoit qu'ils préfidoient ; ainû qu'on peut le voir dans les Faftes d'Ovi- de ,'& dans le Calendrier Romain ■■dreffé- par Rofin ( 1 ). a°. Que prefque tous ces (l) Antiq. Dieux tiroient leur origine des Latins, Ron>.l.,r. comme leurs noms le marquent affez , & l'on ne trouve rien qui les regarde dans: les Ecrits des Grecs»

(a) Les anciens Romains difoieot ktfKre , au lieu à'^na-: rt, égaler.

CHAPITRE VIII.

Des Satyres , Faunes , JEgipans,&e*

PArmi les Dieux de la campagne ,' les Satyres & les autres qui font dé- nommés dans ce titre , étoient les plus célèbres : c'étoient autant de Dieux, ou;

V iiij.

5^4 La Mythologie & les Fables d-o&m. piurôt. de D^i-Dieux que les Payent i.Jil.C.viii. s imaginoient habiter dans les Forêts ou dans les Montagnes, Se qu'ils repréfen- to.ent comme de petits hommes fort ve- lus , avec des cornes à la tête, des pieds de chèvre, Se une queue derrière le dos. On les nommoit indifféremment ou fans, ou ^gipans,ou Satyres, ou Silè- nes ; avec cette feule différence, que les (llMf,t ?lkners ét01ent des Satyres avancés en (2) m ï. *Se>.n nous en croyons Paufanias (i) Se Ma. oervius (2).

wraiéihe "dé ^e Poëte Nonnus dit (3) que les

ic-sDionyf. Satyres naquirent de Mercure Se de la Nymphe Yphtimé , Se Memnon dans Photius aûure qu'ils tiroient leur ori- gine de Bacchus & de la Naïade Nicée fille de Sangar , qu'il avoit enyvrée en changeant en vin l'eau d'une fontaine elle bûvoit ordinairement ; mais ce ne font que des origines fabuleufes.

Quelques Auteurs ont crû que les Satyres étoient véritablement des hom- mes ; Se faint Jérôme a été de ce fenti- ment. Albert le Grand , & Pic de la Mi- randole qui l'a fuivi , parlent de deux efpeces d'hommes , Satyres , & non Sa- tyres : mais il eil plus vrai-femblable que î'introdu&ion des Satyres dans le monde Poétique , eft venue de ce qu'on a vu

Expliquées par VRijïoîre^ 46 S quelquefois dans les bois de gros finges pun refîemblans affez à des hommes velus ; H&\ïit ou peut-être des Barbares reffemblans de loin à des finges : c'eft le fentiment de Pline (a) qui prend , comme nous , les Satyres pour une efpece de Singes ; ôc cet Auteur affûte que dans une monta- gne des Indes il fe trouve des Satyres à quatre pieds , qu'on prendroit de loin- pour des hommes. Ces fortes de Singes ont fouvent épouvanté les Bergers , & pourfuivi quelquefois les Bergères ; & c'eft peut-être ce qui a donné lieu à tant de fables , touchant leur complexiotu amoureufe : fi on ajoute à cela que des Bergers couverts de peaux de chèvres , ou quelques Prêtres de Bacchus r ont fouvent contrefait les Satyres pour fé- duire d'innocentes Bergères r je crois qu'on aura la vraye clef de cette fable. Dès-là l'opinion fe répandit que les bois: étoient remplis de ces Divinités mal-fai- fantes : les Bergères tremblèrent pour leur honneur,. & les Bergers pour leurs troupeaux ; ce qui fit qu'on chercha à les; appaifer par des facrifices , & par les of- frandes des premiers fruits , ou des pré- mices des troupeaux. On compofaquel- «pes Cantiques que les Paftcurs chan-

V V

<±66 La Mythologie & les Fables 3,PIEyx toient dans les forêts , <Sc on tâchoit

d Occident. - ^ r \ i r

î.iii.c.v.i:. en les invoquant, de le les rendre favo- rables. Les Poètes ayant trouvé le fujet divertiiTant , inventèrent mille contes. Les Peintres donnèrent auffi quelque cours à. ces fables , en peignant Pan ôc les Satyres comme desj^omrnes.

Telle a été l'origine de ces Divinités; champêtres , tel a été le fujet de leur* culte & des facrifices qu'on leur ofFroit. Je n'ignore pas que de grands Hommes ont crû le contraire , & qu'ils ont huma- nifé les Faunes & les Satyres ; mais on doit convenir auïfi que la plupart des Auteurs n'examinent pas affez fcrupu- leufement les matières fur lefquelles ils travaillent, & quefouvent ils font efcla- ves des préjugés ; il fuffit qu'un homme en réputation d'un fçavoir extraordi- naire ait avancé une opinion , pour fou- mettre leur raifon fous le joug de fon autorité. D'ailleurs on aime mieux nei fe point fatiguer par des recherches en- nuyeufes , que d'éviter par un ferieux examen , de tomber dans Terreur fur des préjugés qu'on a aveuglement adoptés* Mais , dira-t-on, que répondre à faint (0 vîe te Jérôme lorfqu'il rapporte (i) que faint Antoine allant vifiter faint Paul Hermi— te y, rencontra d'abord un Hippocen-

raui ;oùte

Expliquées par PHiflohe. éfj taure, & en faite un Satyre tel que les *£$*£ Poètes & les Peintres- les repréfentent;- L.m.c.Vi.U.. Se que l'ayant interrogé , il lui répondit qu'il étoitune de ces créatures mortelles^ qui habitent les Béferts , & que l'aveu- gle Paganifme appelloit Faunes ou Sa- tyres : il lui préfenta même du fruit5qu'on: croit être des dattes. Si le refpeft que^ nous avons pour faint Jérôme, nous em- pêche de penfer comme un Auteur mo- derne (i) qui traite cela de fable , nous- U) ml***

. -1 t / j ^A Hif^-ire des*

poumons au moins repondre que c e- -Animaux.., toit quelque démon qui apparut au bop Saint : auffi étoit-il accotumé à en voir fouvent fous différentes figures , ainfî' que le rapportent ceux qui ont écrit fa vie : onpourroit ajouter encore , que le Cardinal Baronius dit que ce prétendu- Satyre n'étoit non plus que les autres r qu'un Singe à qui Dieu permit de parler,, Gomme autrefois à TÀneffe de Balaam.* Si Ton m'obje&oit encore ce que rap- porte Paufanias (2) d'un certain Euphe- MlnA^ mus, qui ayant été jette par la tempête rlc* avec fon VaifTeau fur le3 côtes d'une; Me déferte , vit venir à lui des efpeces' d'hommes fauvages , tous velus- , avec des queues derrière le dos , prefqu'auffi- longues que celles des chevaux , qui* voulurent faifir leurs femmes avec tant

V vj

4<58 La Mythologie & les Fables d'Occident ^e fureur> qu'ils eurent bien de la peine* Liilcviil à les arracher ; ce qui fit appeller ce lieu (OGeogr. 17^ie ^es Satyres : Que Ptolomée (i) L 7- dit que fur la mer de l'Inde au-delà du

Gange, il y a trois Ifles habitées par des Satyres ; & que Pomponius Mêla ajou- (z) Geogr. te (2) qu'il y a au-delà de la Mauritanie ll^7- dans l'Océan Atlantique , des Ifles

l'on ne voit perfonne pendant le jour , mais que la nuit on y apperçoit de grands feux , qu'on y entend un bruit confus de flûtes & de tambours , Se que Ton croit communément que ces Mes font habi- tées par des Satyres : que Pomponius au refte , n'a fait que copier la Relation c!u fameux A.nnon chef des Carthaginois , qui avoit été dans ces Ifles : que Plu- 0}De>lla. tarque( 3 ) rapporte que du temps de Sylla, on trouva en Epire un Satyre tel que les Poètes le décrivent, qui for- mait quelque voix femblable aux cris des chèvres, & que perfonne ne put ex- pliquer : Que l'Archiduc Philippe, félon Traité Albert le Grand (4) , en mena deux à Gènes l'an 1598. loriqu'il y fît fon en- trée ; cet Auteur ajoutant même qu'on en prit deux dans les forêts de Saxe,l'urv mâle 5 & l'autre femelle ; que la femelle étant morte , on apprivoifa le mâle , Se qu'on Iw apprit même à. articuler quel- ques paroles*.

(4)

Expliquées par Vhîftohe. 4^ DmJX. Je répondrois qu'admettant toutes ces XOmi^f,. relations, fur lefquelles il y auroit peut- L.ui.cviU, être bien des chofes à dire , on peuttort bien y appliquer ces efpeces de Singes , dont nous avons parlé après Pline (1). (OLooc Ce que dit Pomponius Mêla n'eft pas difficile à expliquer : lorfq^Annon alla dans ces Mes , qu'on croit être vers 1 lue de faint Thomas furies cotes de uumee, ou plutôt près de celles du Cap verd r les habitans effrayés , fe cachèrent pen- dant le jour dans des cavernes , & allu- mèrent du feu pendant la nuit ; & firent un grand charivari pour épouvanter ces étrangers , & les obliger à forur de leur Me ; ce qui leur réunit. . ' . ■■ , -

Il eft encore plus facile de repondre è ce qu'on pourroit m'alleguer de ce J>a- tyre qui paffa le Rubicon en préfence de Céfar & de toute fon armée : ce fut. un ftratagême de ce fameux Capitaine. Céfar voyant la peine que fes ioldats avoient à palier ce fleuve , en nt lecret- tement habiller un en Satyre , pourper- fuader aux autres que puifqu une Divi- nité leur avoit montré le chemin , ils pouvoient & dévoient y pafTer. De me- me, lorfque Diodore (2) dit que Bac- (OL.* chus ,c'eft-à-dire Ofiris ( car c'eft de lui qu'il parle eivcet endroit , ) fut accom-

470 La Mythologie & 1er tables *«&!!*£ paSné dans fa conquête des Indes par L.m.c.wil quantité de Satyres; c'eflque quelques, ioldats de ce Conquérant s habillèrent en Satyres pour épouvanter les Peuples qu'on vouloit fubjuguer ; ou bien qu'il mena avec lui de ces fortes de gros fin- ges qu'on trouve en Afrique , pour le divertir ou faire des gambades avec fes. ioldats habillés comme eux; ou comme 1 ont voulu quelques Auteurs , on lui amena quelques Ethiopiens greffiers, & tous velus , comme il s'en trouve parmi ces Barbares , pour le divertir & l'amu- fer : car ce bon Prince aimoit fort à rire, fi nous en croyons l'Auteur eue nous. venons de citer (à) &n'aimoit nullement, aie battre ; n'ayant entrepris ce voyage que pour apprendre l'agriculture aux Peuples étrangers , & mériter par d'ê- tre mis au rang des Dieux. On peut ajouter qu'on n'a jamais tant fait de dé- couvertes que depuis deux fiécles , &. qu'on ne voit pas qu'on ait rien trouvé de femblable aux Satyres, que les finges. dont je viens de parler.

Après tout , fi nous en croyons Bo- chart (i) , l'origine des Satyres vient du mot hébreu Satr , qui veut dire un Dé- mon fous la figure d'un Bouc ; & c'eft

Cl) »«« JFthif* vo-j0tfw<o,i Sttfmxm ci «Umàmi rtp&a UmbiriMiere/fowZ Diod.l. i. """"""■'

(0 Chan

' I».C 12.

Expliquées par myoire; ^ 471 Dl-Einr cour cela , félon cet Anteur , qu on les A>0càAÈnt. Sente comme des efpeces de Boucs, L.nl.c.vni. danfants & fautants d une manière lalci- ve (à). Nous pouvons confirmer notre fentiment fur la nature des Satyres , pat ce oui eft rapporté dans une Relation, des Indes Orientales (£) , ou on dit. au'on trouve dans llfle de Ceilan des Satyres ou Bavianes ,.que. les Indiens nomment Orangs , c'eft-à-dire , hommes fauvages. Ils font prefque de la même figure que les autres hommes, ont le dos tout couvert de poil, le nez plat &le vifage rude : ils font robuftes, ag.les &. hardis. On en prend avec des lacets, & on les apprivotfe fi bien , qu'on leur

montre à marcher fur les pieds , ou plu- tôt fur les jambes de derrière. Ces Sa- tyres , ajoute l'Auteur , rendent de bons Il Valeurs maîtres : ils lavent les verres, verfent à boire ristournent la

broche, & balayent la maifon. Un autre ^

Voyageur (i) dit que du temps qu u denbreilk , étoft à Angola, on tua à Maniçongo un Toau 4. de ces hommes fauvages, qui avoit le

/ > t p Atffii traduifent le mot hWcus par celui <te Sa-

*cwWr dc Scboutcn 2UX Ind£S ' Toœe 2'

472 La Mythologie & les Fab^f <ro" L c.orPsherifTé de poil , le nez plat, les na=- tiiLcviil nnes larges , & une queue fur le dos. On le prit dans un arbre il étoit avec fa femelle & fon petit, qui fe fauverent. JJaper dans fa Relation de l'Afrique, parle d'une autre efpece de linge qui eft encore plus relîemblant à l'homme. C'eft fans doute ces animaux , répandus dans les bois , dont la terre étoit toute couverte , qui ont donné lieu de prendre ces fortes de linges ou de monftres, pour des efpeces d'hommes ; je n'en fuis nul- lement furpns , puifqu'ils reffemblenf beaucoup plus aux CafFres& aux Otten- tots qui habitent dans les extrémités de i Afrique , que ceux-ci ne reffemblenr aux autres hommes : & on auroit moins de luiet de s'étonner on avoitpris c*s derniers pour de véritables Satyres , que de ce qu on a regardé les finges dont nous venons de parier, comme de véri- tables hommes. Maïs en voilà allez fur Çl r]Ç}' J?lfons maintenant quelque chofe de taunus Ôc de Sylvanus , que 1 on a toujours regardés comme des Di- vinités champêtres , & \cs Deres des * aunes &. des Satyres.

ÎW^"

Expliquées par PBfioire. 473

CHAPITRE IX. De Fournis & de Syivanus.

T? Aunus , fi nous en croyons Virgi- fmbuj^ P le Ci^ , étoit fils de Picus , dont^,lLc. i*.

bous parlerons dans la fuite , & quatrié- :■«*■* me Roi d'Italie. Il vivoit du temps que Pandion regnoit à Athènes , vers 1 an avant l'Ere chrétienne treize cens , ou environ , cent- vingt ans avant la guerre de Troye , ou un peu plus tard , fi nous en croyons Denys d'Haiicarnafle ; celt- à dire , du temps d'Evandre & d'Her- cule. Ce même Auteur ajoute que ce- toit un Prince rempli de bravoure & de fageffe ; ce qui fit apparemment publier qu'il étoit fils de Mars (2). Lacïance J>> OvuL nous apprend qu'il étoit fort religieux. Eufebe eft de l'avis de ces deux Auteurs, lorfquil place Faunus dans le catalogue des Rois Latins. Comme il s'appliqua pendant fon règne à cultiver la terre , on le mit aorès fa mort au rang des Di- vinités champêtres , & on le repréfenta avec tout l'équipage des Satyres. On sifùroit même qu'il rendoit des Oracles 5

474 La Mythologie & UsFaBles

<mcadè* mais f tte fable n'eft ^ndée que fur l'é-

L.ni. eu. tymologie de fon nom , car Pkoni, en

grec . â^/àw en latin , dont il eft com-

pofé , frgnifie 'parler ; Se c'eft peut-être

par la même raifon qu'on a nommée

Fauna fa femme Fatua , comme qui di-

roit Fandica , Devintreffe C'étoit une

perfonne très-chafte, Ci nous en croyons

fi) Dans Varron (i) , & Ladance qui l'a copié

i#*m*,hL va jufqu>a dire qu,d[e poufra k retenue.

& la pudeur à tel point , qu'elle ne vou- lut jamais voir d'autre homme que fon mari. Elle avoir accoutumé de prédire la venir aux femmes, comme Faunus en ufoit à l'égard des hommes. Tant de bonnes qualités la firent mettre après fa mort au rang des Divinités , & on l'ap- Tpdh la Bonne Déejje. Les femmes lui offraient des facrifiees dans des lieux il n etoit pas permis aux hommes d'en- C*WQ.Rom. trer. Je fçai bien que Plutarque (a) 8c Arnobe ne parlent pas fi avanrageufe- ment de Fauna , que Latfance & Var- ron , & que ces Auteurs croyent même qu'elle étoit un peu fujette au vin : mais auroit-on divinifé uçe perfonne qui au- roit eu un défaut fi indécent à fon fexe? Ceux qui veulent rapporter les fables à l'allégorie, ne manquent pas de dire ici'

Expliquées par P&ilotre. 475 que Faunus & Fatua ne font que des per- ffgWSL. fonnages feints, fous les noms dcfqucls L.ULC.1X les Payens adoroient la Terre ; & qu ils ne font connus en ItaUe,que parce qu 1> vandre apporta d'Arcadie le culte de ces Divinités. Mais les témoignages formels de Varron , de Denys aTïalicarnaue de Plutarqae & de Laftance , doivent l'emporter fur ces Allegonfles , qui ne font tombés dans cette erreur, que pour n'avoir pas fçû que fouvent une même perfonne étoitdans la Théologie payen- ne une Divinité animée & naturelle [a\; ce qui eft pourtant la. clef de la plupart

des fables.

Sylvanus , félon quelques Auteurs r étoit fils de Faune, ou félon Plutarque, de Valerius & de Valeria fa fille. Elien & Probus lui donnent une origine en- core plus infâme ;. mais il ne faut pas bleffer les oreilles chaftes par les récits fabuleux que l'Antiquité nous a lailies a. ce fuiet. L'Auteur de l'origine du Peu- ple Romain , tant il y a d'incertitude fur ces matières, dit qu'on croyoït que Sylvanus, bien loin d'être le fils de *au- nus , étoit le même Dieu que lui ; &. d'autres le confondent avec Pan , ou. Egipan , fi nous en croyons Plutarque :

[a] Voycice a été ditli-deû'us Tome *. liv. *

47 ,La -Mythologie & les Fahles tfoJdew. 5Jr. (3U1 convient avec ce que rapporta L. jij.#c. iÀ. «me, que les Egipans étoient les mêmes queles Sylvams. Les monumens qui nous rehent , le repréfentent tantôt comme un Satyre , &même quelquefois avec la moitié du corps d'une chèvre ; quelque- fois avec une forme toute humaine , prefque toujours avec une branche de cyprès , & cela pour l'amitié qu'il avoit pour le jeune Cypariflus qui fut changé en cet arbre. La pomme de Pin , une ierpe qu'il tient à la main, une couronne groffierement faite , Se un chien , parent te plupart des figures de ce Dieu cham- pêtre, fur lefquelles il paroît tantôt nud, tantôt couvert d'un habit ruftique qui lui defeend jufqu'aux gerroux.

Comme Sylvain étoit extrêmement honoré , fur-tout en Italie, on voit fou- vent fur ces mêmes Images, des Autels, des Prêtres , des Joueurs de flûte , & îà vi&ime qu'on lui immoloit le plus fou- vent , qui étoit le cochon.

Un monument confacré à ce Dieu par un nommé Lâches , lui donne l'épi- thete de Ltttoralis ; ce qui nous apprend qu'on l'honoroit auilî fur les rivages de la mer. to

Les Prêtres de ce Dieu formoient un des principaux Collèges de Rome , &

Expliquées par PHifloire. 477 ëtoient en grande réputation : ce qui P^I1EUX marquoit bien la célébrité de fon culte, l, iii.c.îx Quand les Romains furent maîtres des Gaules , ils y portèrent fans doute les cérémonies de ce culte , & y établirent un Collège de Prêtres femblable à celui de Rome , puifqucn trouva il y a quel- ques années à S. Maur-les-Fofles, près de Paris , ils s^étoient établis , une pierre fur laquelle étoit une infcription que le R. P. Dom Bernard de Pvlontfau- con communiqua à l'Académie des Bel- les Lettres, qui faifoit mention du Col- lège des Prêtres du Dieu Sylvain.

J'ai dit que Faunus étoit fils de Picus, picllç# ôc voci comment les Sçavans , fur-tout Ryckius(i), nous donnent la fuite de pWiffc

J -ai- pimis ita.iae

ces anciens Aborigènes qui régnèrent en CoiQ»is,Can. Italie avant la guerre de Troye. Lèpre- chron- mier de ces Rois s'appelloit Stercès ; Janus qui lui fucceda , quoiqu'il fût étranger , eft le fécond , Picus fils de Stercès , le troifiéme , & Faunus fils de Picus le quatrième. Je laiffe les autres dont je ne parlerai que dans le fixiéme Volume.

Picus étoit un Prince accompli , qui fe djftingua par fes talens. Ovide (2} fait WMet.l.14. un portrait charmant de ce Prince & de la belle Canentc fa femme. Comme il

47*3 La Mythologie & les Fables

d'occident P^"* * 'a c^la^e dans un âge Peu avancé, L. -in. c.lx. & qu'on ne trouva point Ton corps , on publia qu'il avoit été changé en Pivert, oifeau dont le nom latin eft le même que le fien ; & pour donner quelque créance à cette fable, on ajouta que c'étoit Circé qui avoit opéré ce changement. Ellel'a- voit rencontré, dit le Pcëte que je viens de citer , dans un bois elle étoit ve- nue cueillir des herbes pour fes opéra- tions magiques : elle avoit fenti dans le moment un violent amour pour lui ; & l'ayant trouvé înfenfible , elle le frappa de fa baguette , & auffi-tôt fon corps fut revêtu de plumes , & il difparut , &c. (i) Sur le Servius (i) prétend que cette iidion t. Liv.£ de n'eft fondée que fur ce que ce Prince qui fe vantoit d'exceller dans l'art de connoH tre l'avenir , fe fervoit d'un Pivert qu'il avoit fçû apprivoifer : Augur fuit Ficus , &* donna habuit Picum , per quem futur a rtofetbat. On peut ajouter que la relTem- bïance du nom de ce Prince ave : celui du Pivert , ne contribua pas peu à la fa- ble de fa métamorphofe. Quoiqu'il en foit , Picus fut honoré après fa mort , & mis au nombre des Dieux lndigctes.

Canente défolée de la perte d'un époux qu'elle aimoit tendrement, fe re- tira dans une folitude, elle ne le fur-

Expliquées par PHiflotre. 479 •Vécut pas long-temps ; & à l'aide de fon Dieux

UV fil •/'<.' U d'Occident.

nom , on publia qu elle avoit ete cnan- Lt hlt c# ix. gée en voix.

Malgré l'autorité deServius, deDenys tî'HalicarnafTe & de plufieurs autres An- ciens , qui tous regardent Picus comme un perfonnage réel , & un Roi des Abo- rigènes , nous avons plufieurs Auteurs qui prétendent qu'il n'y eut jamais de Roi de ce nom en Italie ; & Gérard Voffius (1) veut que toute cette fable ^progl^doU ne foit fondée que fur ce qu'il y avoit i- 1. c. 12. anciennement dans le pays des Sabins , un Oracle de Mars , pour lequel on fe fervoit du Pivert. Bochart (2) qui trou- (2) Chan. ve toujours le dénouement des fables ' x* dans la langue Phénicienne , dit que celle-ci n'eft fondée que fur le mot Pic- -ca y qui veut dire un devin , & que c'eft fur la reiïemblance de ce nom avec celui -de Picus , qu^on a forgé un Roi qui pré- ■difoit l'avenir. Enfin il y a des Sçavans qui foutiennent que Picus eft le même que Jupiter, honoré par les anciens Abo- rigènes fous le fvmbolc du Pivert, oi- feau d'un grand ufage dans les Augures. Pour moi , je crois qu'on peut fort bien s'en rapporter aux Anciens que j'ai cités, fur-tout àDenys d'Halicamafle, Auteur -tres-inftruit des Antiquités dltalie , Se

4§o La Mythologie & les Fables D i eu x affurer avec eux , .que Picus y a régné L.ui'cTx. aPrès Janus ,&aeu Faunus pour lue- ' ceiTeur.

CHAPITRE X.

De Stlene & de Adidas.

% U oiqu'en gênerai les vieux Sa- L__ tyres fuflent appelles Silènes , comme nous l'avons dit après Paufa- ; (s) in At- nias (i) , il y en avoit cependant un à qui on avoit donné ce nom a parantono-» mafe, & qui n'en portoit point d'autre. Comme c'eft un des perfonnages des plus célèbres dans l'Antiquité , on a publié à fonfujet une infinité de chofes, dont les unes font vraies , pendant que les autres ne font que de pures fi&ions ; mais des fixions dont le fens n'efî pas toujours impénétrable. H,w Var- Elien (2) prétend que Silène devoit c. iL ' 3# *e j°ur à une Nymphe , & que quoiqu'il ne fut pas au nombre des Dieux, ilétoit cependant d'une nature fupérieure à cel- le de Thomme : mais ccflnme il ne nomme pas cette Nymphe, il y a apparence qu'il n'en avoit d'autre preuve que celle qu'il

avoit

n

Expliquées par VRifloire. 4S1 avoit tirée d'Hefiode , qui dit en gène- d>0cIcfdë^. rai (1) que tous les Satyres avoient des l. m. a. Nymphes pour mères. Silène naquit à (I)T COâ> Malée, ou du moins il y fut élevé, félon le témoignage de Pindare , qui s'expri- me ainfi : Silène ce danfeur incomparable , qu'un Citoyen de Malet , heureux époux de la belle Nais , a eu le bonheur d'é- lever. Les habitans de Pyrrhique , ville de Laconie (2) difoient que Silène ayant (2)pauf. in quitté Malée , s'étoit retiré chez eux , Lac' & ils montroient un puits , fans lequel ils auroient totalement manqué d'eau , qu'ils croyoient qu'il avoit fait creufer.

Lucien (3) fait ce portrait de Silène : cJr3f^an5d*c il étoit d'une taille médiocre , gras & D°TU^ charnu. C'eft ainfi effe&ivement qu'il paroît fur les Médailles & fur les autres Monumens que le temps nous a confer- vés (4). Un valet , dans une des Corne- (4) Voyez dies de Plaute , fait de font Maître un J^a* portrait très-reffemblant à celui qu'on & l'Ant. ex- vient de voir (y) , & je fuis bien trompé p lfa p^ fi l'Auteur n'a pas fait une allufion ma- inRud. ligne à Silène , à qui peut-être le Maître reffembloit un peu , ainfi que Socrate, tel qu'il paroît fur quelques pierres gra- vées. On repréfentoit auili Silène mon- té fur un âne, prefque toujours y vre, & . ayant bien de la peine à fe foutenir : Ù- Tqïyis IV. X

48 1 La Mythologie & les Fables

Dieux tubantem annifque meroque (i) , comme

L.°in!c!\ il. ^ dit Ovide* C'étoit dans cet équipage

(i)Metam.L5. qu'il fuivoit Bacchus , dont il étoit le

père nourricier & le compagnon infépa-

rable , & à qui , félon Diodore de Si-

C2) Liv. 3. cile (2) , il communiqua une partie de

fes lumières. Sur toutes les Antiques qui

le repréfentent , il a toujours Pair d'un

homme y vre , & qui cuve fon vin : &

Virgile le fait paroître dans une de fes

Eglogues , c'eft comme un homme plein

de vin à fon ordinaire :

Infatum heflerno venus ut fernper Iaçcho*

Telle étoit l'idée qu'on avoit ordi- nairement de ce perfonnage,tels étoient les portraits qu'on en faifoit. Cependant d'anciens Auteurs , & très-dignes de foi, enpenfoient bien plus avantageusement. Silène étoit , félon eux , un Philofophe profond, dont la fagefTe égaloit les lu- mières j & cette yvrefle dont on a tant parlé, n'étoit qu'une yvrefle myflerieu- fe , qui figninoit qu'il étoit profonde- ment enfeveli dans fes fpéculations. Theopompe de l'Ifle de Chio,lui fait te- nir undifcours à Midas, qui eft rapporté (5) Var.Hifl par Elien (3) , fur une Ifle qui eft fituée 1.3. *. 18. au-delà de toutes les mers, il y avoit entre autres deux villes, dont Tune étoit

Expliquées par VHifloire. 4S3 nommée la ville pacifique , l'autre la 1,Dï?"x

.n . t r i J 1 à Occident.

ville guerrière. Les habitans de la pre- l, m. <j, x. miere fans chagrin & fans inquiétude , couîoient des jours heureux, & vivoient plufîeurs fîecles ; pendant que ceux de la féconde , toujours en armes contre leurs voifins , mouroient prefque tous à la guerre. On ne fçait de quel pays Si- lène vouloit parler : étoit-ce des Mes fortunées , qu'on croit être les Canaries, ou de la célèbre Ifle Atlantique , fur la- quelle Platon a tant difcouru , ou enfin des Hyperboréens qui , félon les An- ciens , menoient une vie femblable à celle des habitans de la ville pacifique ? C'efl ce que je ne déciderai point (a).

Ciceron , Plutarque, & bien d'autres encore , avoient conçu de Silène la même idée , Se l'ont toujours regardé comme un homme très habile , & un grand Philofophe. Virgile lui fait débi- ter, dans fa fixiéme Eglogue , les prin- cipes de la Philofophie des Epicuriens, fur la formation du monde , & des êtres qui le compofent : Namque canebat utï , &c.

L'avanture au refte qui livra Silène à

(<)Vojrei fur les Hyperboréens , la Dilïèrtation de Mo l'Abbé Gedoyn , & une autre de moi. Mem. de TAcacU «les lklles-Le.tres } T. 7.

Xij

484 La Mythologie & les Fables Dieux Midas eft finguliere , & a donné lieu à L. MLcïx. ^'ien ^es ferles que je dois expliquer.

Ce Prince informé des rares talens de Si- lène , fouhaitoit depuis long-temps s'en- tretenir avec lui. Bacchus qui avoit abandonné la Thrace, les Bacchantes venoient de déchirer le malheureux Pen- thée , étoit venu dans la Lydie aux en- virons du mont Tmolus, il croifïbit d'excellent vin. Silène qui rodoit dans le pays , monté fur un âne , s'arrêtoit fouvent près d'une fontaine pour cuver fon vin , & fe répofer de fes fatigues. L'occafion parut favorable à Midas : il fit jetter du vin dans cette fontaine , & mit quelques payfans en embufcade.. Si- lène but un jour de ce vin avec excès, & ces payfans qui le virent yvre , fe jet- terent fur lui , le lièrent avec des guir- landes de fleurs , & le menèrent ainfi au Roi. Ce Prince qui étoit lui-même initié aux myfleres de Bacchus , reçut Silène avec des grandes marques de refpeft; & après avoir célébré avec lui les Or- gies pendant dix jours & dix nuits con- sécutives , & l'avoir entendu difcourir fur plusieurs matières > le ramena à Bac- chus. Ce Dieu charmé de revoir fon père nourricier, dont Pabfence lui avoit caufé beaucoup d'inquiétude , ordonna

Expliquées par l'Hiftoire. '4$J à Midas de lui demander tout ce qu i ^^ voudroit. Midas qui étoit extrêmement L>m.ch.x. avare . fouhaita de pouvoir convertir en or tout ce qu'il toucheroit ; ce qui lui fut accordé. Mais le prefent devint bien- tôt funefte à celui qui l'avoit fouhaite avec tant d'empreffement. D abord les expériences qu'il fit le charmèrent : il toucha un rameau, des pierres, des epics, tout devint or; mais auffi , quand il tut prêt à fe mettre à table , & qu'il voulut laver fes mains , l'eau reçut le même changement: enfin le pain , le vin , les viandes qu'on lui fervoit , deyenoient de l'or à mefure qu'il y touchoit ; & il étoit prêt à mourir de faim au milieu de tant dericheffes , lorfque s'étant adreffs au même Dieu pour le prier de^ le déli- vrer d'un pouvoir fi incommode , tfac- chus lui ordonna de laver fes mains dans le Padole, ce qu'il fit ; & perdant cette fatale vertu , il la communiqua au neu- ve, qui depuis roule un fable d or.

C'eft ainfi que les Grecs fe plaifoient à traveftir l'Hiftoire en fables îngémeu- fes Je dis l'Hiftoire , car c'en eft une véritable , & quoique j'aye ; déjà. parlé affez au long de Midas dans 1 tiii- toire d'Apollon, la liaifon qu elle a avec celle de Silène m'oblige à y revenir , Se

6 LaMythologie & les Fables

<?oX. Cela. d?a.ut^nt PIus volontiers que j'en I- 1H. Ch.x. av.ois laifle plufîeurs circonftances à ex- pliquer, ou que j'explique ici les mêmes, d une manière qui m'a paru plus fatisfai- fante. Midas , fuivant tous les Anciens , étoit Roi de cette partie de la Lydie Se de la Phrygie, coule le Paftole. He- fi) Lir. i. rodote(i)qui dit qu'il régna après fon c- ** père Gordius , ajoute qu'il envoya de

grands prefens au Temple de Delphes > & entre autres une chaîne d'or d'un prix îneftimable. Ce même Auteur parle ail-

<2)liv. g. leu^s Q2) des Jardins de ce Roi , il I 138. ' ' croiflbit fans culture des rofes d'une grande^beauté , & c'étoit dans ces Jar- dins mêmes , qu'on croyoit qu'avoit été pris Silène. Midas œconome jufqu'à l'avarice , regnoit fur un pays fort ri- che , & retiroit de la vente de fes grains , de fes vins , & de fes beftiaux , des fom- mes considérables ! voilà fans doute ce qui fit dire qu'il convertiffoit en or tout ce qu'il touchoit , jufqu'au pain , au vin , aux viandes qu'on lui fervoit. Son avarice changea d'objet , & ayant appris que le Pa&ole rouloit des grains d'or , il abandonna le foin de la cam- pagne , & employa fes Sujets à retirer l'or de ce Fleuve, ce qui lui procura de nouvelles richeïTes : c'eft encore le

Expliquées par VBjhire. 4^7 fondement de la fiftion qui porte qu il *»•* avok^ommuniqué au Padole fa vertu u m. c. *

aUAuqmîlieu des foins que demandoient tant de travaux différents , Midas na- bandonnoit pas les affaires de la Reli- sion , Se il fit tant de changemens dans «lie des Lydiens , qu'on le regarda , au rapport de Juftin (i), comme un fécond ML, -c7. Numa. Il fe fervoit même , dit-on , pour faire recevoir ces changemens, du ltrata- gême qui fut dans la fuite fi utile au Roi de Rome : car comme celui-ci pub lioit qu'il apparnoit delaNympheEgene, tout ce qu'il faifoit en matière de Religion , Midas difoit de même que c'etoit Silène qui l'inftruifoit dans les nouveaux myi- teres qu'il avoit deffein d'établir , prin- cipalement dans ceux des Orgies ; car ce Prince qui poffedoit d'exceUens ; vi- gnobles , étoit très-dévot a Bacchus. Quelques Auteurs même («)_ penfent qu'ayant pris près de la fontaine dont 2n a parlé, quelque Satyre , c eft-a- dire , quelque animal reffemblant au Singe , il avoit allure que c'etoit Si- lène , le nourricier & le compagnon de Bacchus , qu'il interrogeoit fur tous

(„) Voyez les Notes d'Abraham Gronovins fur le ChaF. XV lll. du troifiéme L ivre d'Elien» —.....

Xmj

488 La Mythologie & les Fable* E •? * fes deffeins , à peu près comme on a dît

g Occident. o . * r r tt i

U iii. Ch.x. (ïue àertonus interrogeoit fa Biche pri- vée; mais , pour parler plus jufte , c'é- toit véritablement Silène lui-même qui lui communiquoit une partie de fes lu- mières , puifqu'il vivoit en même temps que lui , & étoit fon voifin , comme on le dira dans la fuite.

Comme Midas avoit par tout des ef- pions , qu'il interrogeoit & écoutoit avec attention, on difoit qu'il entendoit de loin, qu'il avoit de longues oreilles, comme on dit d'un Roi puiflant , qu'il a les bras longs ; & voila encore l'ori- gine de la fable qui lui donna des oreiU les d'âne ; explication plus naturelle en- core que celle que nous avons déjà don-

(0 Hiftoïie à la même fiftion (i).

rApoiion. Qn (j0jt conciure de tout ce que je

viens de dire que Midas étoit un Prince puiffant , & que Silène dont il fe fervoit utilement , étoit un profond Philofo- phe qui l'aidoit de fes confeils dans Pé- tablifîement de fes Loix & de fes Céré- monies religieufes. Peut-être auflî qu'on n'a dit qu'il étoit un peuyvrogne, ce qui l'a fait paffer pour le père nourricier de Bacchus & fon compagnon inféparable, que parce que c'étoit lui qui avoit fait recevoir dans la Lydie les Orgies & les

Expliquées par rWJtotre. 489 autres Fêtes de ce Dieu. Comme je £>«* fuis entrain d'expliquer les Fables qu on L. W. C. * a débitées à fon occafion , je crois voir le dénouement de celle qui le faifoit toujours aller fur un âne , dans ce qu a dit Diogene Laërce , lorfque com- parant Ariftote à Silène , il dit que le premier étoit toujours à cheval , & que le fécond n'avoit qu'un âne pour mon- ture : ce qui veut dire fans doute que Silène ne faifoit dans la Phiiofophie que des progrès lents , mais fûrs ; au lieu que Tautre alloit au grand trot , & bron- choit quelque -fois. Celle des oreilles d'âne , félon Tertullien (i) , nous ap- (0 Liv. u prend qu'il étoit doué d'une grande in- ***;»«• telligence. Enfin Voulus (2) explique, (2) De idoi. celle de la Fontaine de vin , dont nous ' * avons parlé , en difant qu'elle fignifie feulement l'envie qu'avoit Midas de pofleder Silène , qui félon lui étoit Roi de Carie , & devint en effet grand ami de Midas.

Quelques Auteurs , au relie , confon- dent Silène avec Marfyas , ce célèbre Joueur de flûte dont on a parlé dans l'Hiftoire d'Apollon , qui le fit écorcher vif. Ce qui peut donner de la vrai-fem- blance à cette opinion , c'eft que Mar- fyas eft repréfenté comme un Satyre ,

Xv

49° La Mythologie & les Fables

aSt. amfî ^on Peut le voir dans fes Ima- l.iii. c. x ges(i) : or les Silènes étoient de vieux

wS-tu' Sat7res » comme on vient de le dire; mais ce qui achevé de déterminer en fa- veur de ce fentiment , c'eft qu'Héro- dote parlant de Marfyas, l'appelle Si- <2)L.7.c.26. *ene C2)- Dès-là les temps conviennent à merveille , & il n'eft plus étonnant que Midas ait fait û grand cas de lui , puifque ce fut pour avoir jugé en fa fa- veur contre Apollon , que ce Dieu lui donna des oreilles d'âne.

; Après cela je ne rapporterai ce qu'a dit Bouchart au fujet de Silène , que comme une de ces conjectures fçavan- tes dont ceux qui poiTedent les Lan- gues , veulent à tout propos faire pa- rade. Les Anciens , dit-il , par la Fable de Silène, nous font juger qu'ils a voient quelque connoiffance du ?vïeffie , puif- que le nom de ce Satyre vient de Siloy que prefque tous les Interprètes enten- te) Chan. dent de Jefus-Chrift (3). c- i8- Silène fut honoré après fa mort com-

me un Demi Dieu , & recevoit les hon- neurs dûs aux Héros , indépendamment même de Bacchus. Ceft la remarque de (4)lnEtia*. Paufanias (4) 9 qui parlant du Temple que Silène avoit dans l'Elide , s'exprime ainil : La vous ver,ez encore un Temple de

Expliquées fat VHipire. 491 Dirux giltm, mais un Temple qui lui eji propre ^^ & particulier , fans que Bacchus en par- L.in. c. ^ tage l'honneur.

CHAPITRE XL

Des Dieux Lares.

T E dois finir l'Hiftoire des Dieux de J la Terre par celle des Lares & des Pénates, qui étoient les gardiens &les proteaeurs des maifons «5c des biens de

a OrT ïïuTdans le fécond Volume (1) (l) Liv. . que chaque homme «Se chaque femme avoit fon Génie particulier : il y en avoit aufli pour chaque maifon , pour chaque ville , &<?n gênerai pour toute la cam- pagne ; fiç pendant que ceux des hom- mes & des femmes retenoient le nom de Génies , ceux des maifons étoient ap- pelles Lares , & ceux des villes «Se des lieux particuliers, Pénates , quoiqu il ioit vrai cependant , que fouvent on con- fondoit ces derniers les uns avec les

autres. ,r \'

Comme les Dieux du Paganifme , de quelqu'ordre qu'Us luttent , ne man-

^ * A V]

Dieux

<VOccirîent

492 La Mythologie & les Fables quoient jamais de généalogie , les Lares i.nr.c xi. lelon Ovide (1), étoient fils de Mercure (t)Faft.iz. & de Lara , fille d'Almon. L'indifcrette Lara ayant fait confidence à Junon des galanteries de Jupiter , ce Dieu lui cou- pa la langue , & ordonna à Mercure de la conduire en Enfer. Le trifte état elle étoit , n'avoit pas éteint tous fes charmes ; fon conduâeur en devint amoureux , & en eut des jumeaux qui furent appelles Lares (a) , qui devinrent dans la fuite les Gardiens des rues & des chemins. Les infcriptions favorifent le fentiment d'Ovide, puifqu'on en trouve fur lefquelles font écrits ces mots: Lar *vïaïis , le Lare des chemins.

Cependant comme rien n'ëft moins foutenu que les généalogies des Dieux du Paganifme , il fe trouve des Auteurs qui donnent Laronda pour mère aux Lares ; mais ne feroit-ce pas la même perfonne , fous des noms fi approchans ? Je ne dirai pas la même chofe d'une au- tre mère de ces Dieux , qu'on nomme Mania : auflî confond-on alors les Lares avec les Mânes, Les Lares , félon Var- ron (2) , font les mêmes que les Mânes ; auflî dit-on qu'ils étoient fils de Mania.

(a) FUqnegravts, geminofye parti , qui ctmpiui frrv*nt : & V V'<*-> Krjivafe^ev in aide Ltru. Fait. La.

Expliquées par PHiftoire. 4P5 Feftus eft en cela d'accord avec ce ^Jgarfj fçavant Romain. Aux Fêtes , dit - il , L. m, c. xl* appellée Comphalia , on plaçoit dans les carrefours fur des poteaux , des figures d'hommes & de femmes , parce qu'on croyoit que cette Fête étoit célébrée en l'honneur des Dieux , qu'on appel- ait Lares. Mais une nouvelle preuve que ces Dieux étoient les mêmes que les Mânes , c'eft que ceux-ci étoient aufli nommés Lance , d'où les mafques des Anciens avoient pris leur nom.

Servius vient encore à l'appui de cet- te opinion , lorfque fur le cinquième de l'Enéide , il rapporte l'origine des Lares à la coutume l'on étoit ancien- nement d'enterrer les morts dans les mai- fons , qu'on honoroit enfuite comme fes Dieux domefliques , car il cft évident qu'alors les Lares étoient les mêmes que les Mânes.

Mais ce n'étoient pas feulement les rues & les chemins que gardoient les Lares ; ils étendoient ce même foin fur les champs , & j'ai pour garant Tibulle :

Vos quoquefelicis quondam , nunc fauperis agri

Cuftodes , fcrtis munaa vejlra Lares (i). (i) Eieg. îj<

Comme ordinairement les chiens font les gardiens des maifons & même des

4P4 La Mythologie & les Fablet a'oSdem <?amps ' ? ne faut P^ s'étonner fi Plaute ï m. c. xl dlt que les Lares étoient repréfentés WinAuifous la figure de ces animaux (i) ; du moins eft-il fur qu'ils étoient revêtus de leurs peaux. Remarquons ici que lorf- que les enfans étoient dans l'âge ils quittoient la Bulle , ils la pend'oient au cou des Dieux Lares, & les Efclaves qui recevoient la liberté , en faifoient au- tant de leurs chaînes. Pétrone qui em- ployé toujours fi agréablement l'an- cienne fiaion, dit que de jeunes garçons étant entrés dans la falle du repas de Tnmalcion , revêtus de tuniques blan- ches , mirent fur la table les Dieux Lares , ornés de Bulles.

Comme l'ancien Paganifme avoit pour- vu à tout , on établit auflï des Lares pour les VaiiTeaux , qui certainement en avoient autant de befoin que les mai- fons , & ceux-ci s'appelloient Lares de la mer , Lares marini. Etoient-ils diffe- rens de ces Dieux Pataïques , dont nous avons parlé dans le troifiéme Volume, qu'on mettoit fur la proue desBâtimens de mer pour en être les Patrons & les Gardiens ? C'eft ce que je ne crois pas , puifqu'il y a des Auteurs qui penfent que ces Lares marins étoient Neptune , Tethys & Glaucus : pouvoit-on donner

Expliquées par PHiftoke. 495* aux vaiffeaux de plus puîffans & de plus J^^^u fidèles Gardiens ? L. ni. c. xi*

La place la plusordinaire de Lares des maifons , fi nous en croyons S. Jérôme, étoit derrière la porte ; & on étoit per- fuadé qu'ils en éloignoient tout ce qui auroitpû nuire, fur-tout les Lémures , Génies qui ne fçavoient faire que du mal.

Les obligations que chacun croyok avoir aux Dieux Lares , avoient engagé leurs adorateurs à leur faire de fréquen- tes libations, & on alloit même jufqu'aux facrifices : c'eft du moins ce qu'on peut tirer d'un ancien marbre , donné par Soiffard, & dédié par C. Sempronius Pifon , aux Dieux Lares des Empe- reurs (i) , puifqu'avec les deux figures *A<£talh* l'une d'un jeune homme , l'autre d'un sempronius homme plus âgé , on y voit un Autel P!fo* flamboyant , avec les préfericules , un vafe , & une patere, &c. Par deffus cela on ornoit de fleurs & de guirlandes les ftatues des Dieux Lares , on leur ofFroit des fruits , on les tenoit propres , & on en avoit enfin un foin tout particulier. Il y avoit même, du moins dans les grandes maifons , un domeflique uniquement oc- cupé au fervicede ces Dienx;& Suétone (2)nous apprend que Domitien avoit un (z)jni^

irut.

4P<$ La Mythologie & les Fables a'OccidL. valet.de chambre de cette efpece.Cepen- t. IH.C.X1. dant il eft bon d'obferver qu'on perdoit quelquefois le refped à ces Dieux , comme dans certaines occafions la douleur pour la mort de quelque per- fonne chère , l'emporte fur toute autre confîdération , & alors on les jettoit mê- me par la fenêtre, ainlî que le dit Sué- tone , dans l'Hiftoire de Caligula.

Le nom de Grondiles qu'on donnoit quelquefois aux Lares ? devoit fon infti- tution à Romulus , qui les appella ainlî , en l'honneur de la Truye qui avoit mis bas en une feule portée trente petits co- chons ; & c'eft du cri de ces petits ani- maux , que ce nom étoit tiré.

Outre les noms dont on vient de par- ler , on leur en donnoit encore d'autres, On appelloit Lares publici , ceux qui avoient foin desbâtimens publics ; Faml- liares , ceux des maifons de chaque par- ticulier ; Viales, ceux des chemins ; Com- ptaits , ceux des carrefours , &c.

Comme il ne faut pas trop s'en fier aux Romains fur l'origine de leurs Dieux , je finirai cet article en remarquant que le mot Lare , vient d'un mot Tofcan Lars , ou Larte, qui veut dire , Chef, ou Cou* dudeur.

Expliquées par les fables. 427

CHAPITRE XII. Des Dieux Pénates.

kU o i Q.U1 1 L foit vrai que l'on corr ' fondoit quelquefois les Dieux Pe- n^ avec les Dieux Lares &lesGenies, ^Di^ux

il eftfûr qu'on les difhnguoit encore plus L,m.c.xil/ fouvent les uns des autres ; & leur dif- diftinétion eft très-bien marquée dans l'Adieu de Coriolan à fa mère , à laquel- le , félon Denys d'Halicarnaffe (r>* 3 dit : Adieu , vous Pénates^, vous Lares _

paternels , & vous Génies âe ce lieu. u^t[

Il ne faut pas s'imaginer d'abord, que les Pénates formaffent une claffe diffé- rente de Divinités , puifqu'au contraire ils étoient choifis dans chacune d'elles. C'étoit quelquefois Jupiter , plus fou- vent Vefta, ainfi des autres, félon la dé- votion des particuliers qui en faifoient le choix. Nigidius , ancien Auteur cité par Arnobe(2) , diftingue quatre for- tes de Pénates. Les premiers font de la. claffe de Jupiter, c'eft-à-dire , choi- W> Adverf fis parmi les Dieux du Ciel. Les fé- conds , de celle de Neptune , ou des Dieux de la Mer. Les troifîémes de cel- le de Pluton ou des Dieux des Enfers,

49 8 La Mythologie & les Vallès Les derniers enfin , pouvoient être pris indifféremment dans la clafTe de tous les hommes Déifiés. Il faut pourtant avouer qu'on entendoit ordinairement par les Dieux Pénates ceux des Samothraces j mais on doit convenir en même-temps qu'il étoit libre à chacun de choifirceux qu'il vouloit : aufïî avons-nous d'ancien- nes Infcriptious qui font mention des Dieux Pénates & des Dieux Lares de toutes fortes , & même des Empereurs vivans. Il étoit même permis de mettre fes Ancêtres au nombre de ces Dieux ; & c'eft ce qui arrivoit le plus fouvent. Les Romains 5 au rapport de Denys fOLivao. d'HalicarnafTe (i), nommoient indiffé- remment Penates,tous ces Dieux ; « mais » ceux qui ont rendu ce mot grec , les » ont appelles , les uns des Dieux pater- *> nels 9 les autres , des Dieux originai- » tes : d'autres encore les Dieux de pojftf- y>Jton .-quelques-uns , les Dieux fecrets, *> ou cachés ; enfin les Dieux défenfeursy » par il paroît que chacun a voulu » exprimer quelque propriété particu- r> liere de ces Dieux , quoique dans le » fond , ils veulent tous dire la même » chofe ».

Anciennement il n'étoit pas permis d'avoir de ces Dieux particuliers , ni de

Expliquées par PHiflolre. 4Pp leur adrefTer aucun culte ; maïs enfin , pnv* non-feulement on en fouffrit l'introduc- ^m.cxii. tion , mais elle fut encore autorifée par les Puiffances féculieres. Il y avoit mê- me une des Loix des douze Tables, qui ordonnoît de célébrer religieufement les facrifîces des Dieux Pénates , & de les continuer fans interruption dans les familles , de la manière que les chefs de ces familles les avoient établis. On fçait, d'ailleurs , que lorfque quelqu'un par l'adoption pafToit dans un autre famille , le Magiflrat avoit foin de pourvoir au culte des Dieux que l'adopté aban- donnoit.

Si on veut maintenant remonter à l'origine des Pénates, je crois] qu'elle eft fondée fur l'opinion l'on étoit , que les mânes des Ancêtres fe plaifoient en- core après leur mort à demeurer dans leurs maifons , même fouvent on les faifoit enterrer, fi nous en croyons Ser- vius (a) , & on gardoit ordinairement leurs portraits dans les lieux les plus ref- peftables. Car après les avoir regardés comme des perfonnes illuftres , on vint peu à peu àleur rendre des hommages ôc des refpefts ; enfuite on implora leur

(3) Sur ces paroles de l'Enéide , Liv. Sidibvs bine refer antejuij,

500 La Mythologie & les Fables pnvx affiftance , & on leur établit un culte L.ULC.XIL &^es cérémonies» Le palTage du Livre de la Sagefle , que nous avons déjà cité , Tom. L il eft parlé de la mort d'un enfant, cher à fesparens, dont le culte enfin s'établitxdans la famille , en eft une preuve convaicante. Ainfi je crois qu'an- ciennement les premiers Pénates n'é- toient que les mânes des Ancêtres , com- (ODeCîv. me faint Auguftin(i) le prouve fur l'au- efei*.cix. tor\t£ d'Apulée & de Photin ; mais que dans la fuite on y afïbcia tous les autres Dieux fans diftinélion.

On faifoit les Statues des Dieux Pé- nates 5 non de Cire feulement , comme le prétendent quelques Auteurs , mais indifféremment de toutes fortes de ma- tière, même d'argent. On les confacroit dans le lieu le plus fecret , qu'on appel- lent le Laraire , penetralia. on leur élevoit des Autels , on tenait les lam- pes allumées, & on y joignoit des fym- boles qui marquent toute la vigilance , entr'autres le chien , dont ces Statues portoient fouvent la peau fur les épau- les , ainfi que les Lares , ou en avoient fous leurs pieds une figure (à). Apulée renferme tous les facrifices des Dieux

(a) Voyez l'Harpocrate de Cupper , & l'Utilité des Voya* ges , par _\1» Baudelot.

Expliquées par VHiftoîre. yoi Lares & Pénates , en trois mots, thure, mero , & aliquando viâimis ; de V encens , du vin, & quelquefois des viéîimes. Il y avoît pour cela des Autels , tels qu'on peut en voir dans l'Utilité des Voyages, ouvrage de M. Baudelot (i). La veille de leurs fêtes on avoit foin de frotter les Statues avec du baume & de la cire pour les rendre propres & luifantes , Se pour pouvoir y imprimer les vœux qu'on leur faifoit. Cette cire formoit à la lon- gue une croûte qui cachoit la matière dont ces Statues étoient faites ; Se c'eft fans doute ce qui a trompé les Auteurs , dont j'ai parlé , qui croyoient qu'on ne les faifoit que de cire.

Anciennement on leur offroit des en- fans en facrifîce , mats Brutus , celui qui chafla les Tarquins, changea ce bar- bare facrifîce , en un plus raifonnable , <& on n%e leur offrit dans la fuite que du vin , de l'encens , des fruits , & quel- quefois des viâimes fanglantes , des agneaux , des brebis y Sec. comme on le voit dans Horace, qui invitant fa Maî- trefTe de venir affilier au facrifîce qu'il préparait dans fa maifon en l'honneur, du Génie, lui marque la manière dont il en avoit fait les préparatifs (a). Tibullè

(a) Ridet argento domus ; uva cajiis lrmHx verùenis , avet immolât* SçMgicr agvn.

'J02 La Mythologie & les Fables Dieux de même parle du facrifïce d'une brebis d'Occident, qia'îl immoloit aux Dieux Lares cham- ' pêtres. Oncouronnoit auffi leurs Statues de feftons , d'ail & de pavot , & on y ajoutoit plulîeurs autres petites cérémo- nies qu'il eft inutile de rapporter. Ilefl bon de remarquer feulement que dans îes facrifices publics qu'on ofFroit aux Pénates, on leur immoloit une truye , ainfi que nous l'avons dit dans l'article des Lares, après Varron & Properce (a), & on croit que cette coutume avoit été introduite par Enée. C'étoit pendant les Saturnales qu'on célebroit la fête des Dieux Lares & Pénates, & il y avoit outre cela un jour de chaque mois ,def- îiné à honorer ces Dieux domefîiques. Le zélé alloit même quelquefois jufqu^à en fêter quelqu'un tous les jours, & mê- me plufieurs fois dans le même jour , comme Suétone 5c Tacite le prouvent par l'exemple de Néron , qui négligeoit tous les autres Dieux , en faveur d'un Penate favori.

Comme non feulement les partial- es Liv. 4. Eleg*I. Martial , 14. ditaufS : Tjîs tibifacietbona Sattirnalia. porcus , Inter fpumantes ilke partm apros. Ou comme du Horace Satyr. L. r. Sat. 3.

Immolet aquis

Hic py/c^m Laribus*

Expliquées par PHiftoire. $0% liers avoient chacun leurs Dieux Mânes P T E?x

i -ri 1 d'Occident.

ou Pénates-, mais que chaque Peuple l.m.cxii» en choifîflbit pour veiller à la çonfer- vation de l'Etat, on voyoit .dans Rome un Temple confacréaux Dieux domef- tiques , & on leur avoit marqué un jour de fête qu'on célebroit avec beaucoup de folemnité , le deux des Kalendes de Janvier. On y joignoit les Jeux Com- pitales , comme qui diroit des carre- fours , parce que les Pénates y prefï- doient.

Enfin on avoit tant de refpeft pour les Dieux Pénates , qu'on n'entreprenoit rien de considérable fans les confulter : on portoit même quelquefois dans les voyages leurs figures, comme nous l'ap- prenons d'Apulée ; En quelque endroit que faille , dit-ii , je porte toujours pen- dant mon voyage la figure de quelque Dieu, Et apparemment que Ciceron eut peur de fatiguer fa Minerve favorite , lorfque prêt à partir pour fon exil, il alla folemnellement la confacrer dans le Ca- pitole.

La figure des Dieux Pénates étoît quelquefois la fimple repréfentation de quelque Dieu , d'un Génie , d'un Héros ou demi -Dieu, ou enfin de quelque Ancêtre célèbre : fouvent c'étoient des

yô4 La Mythologie & les Fables 'dieux Panthées , c'eft-à-dire , de celles qui tau.C.xiL portoient les fymboles de plufîeurs Di- vinités. On en trouve plusieurs de cel- 1 es dans Spon , dans Cuper , & par- ticulièrement dans l'Utilité des Voya- ges, par Baudelot.

Comme Phomme eft naturellement curieux ; & que l'avenir l'inquiette , il y a apparence que parmi les Dieux Pé- nates il y en avoit qui rendoient des Oracles. On fçait qu'on n'entreprenoit rien de confidérabte fans aller à l'Ora- cle , mais comme les lieux ils fe ren- doient, étoient quelquefois éloignés; qu'il falloit pour les confulter bien des préparatifs & bien de la dépenfe, il étoit plus commode d'en avoir chez foi, que l'on confultoît du moins pour les afFai* res domeiliques. Il eft vrai que je n'ai trouvé aucune autorité pofitive , qui nous apqrenne ce fait ; mais fouvent une Médaille , une Pierre gravée , nous inf- truifent de bien des chofes que nous ignorions auparavant. M. le Marquis Cupponi, Correfpondant honoraire de PAcademie des Belles-Lettres , envoya en T733. à M. de BozePempreinte d'u- ne Cornaline antique gravée en creux , qui repréfente un Autel fur lequel eft une tête , ou plutôt , un mafque ; à côté,

ôc

Expliquées par VHiftoire. $0$ & prefque derrière , eft la figure d'un ^** homme courbé , appuyant fa tête , coin- L-iU^c/xiL me pour écouter- Sur le devant eft une femme debout , & au bas de l'Autel , un petit Animal L'explication qu'on en donne dans le neuvième Tome des Mé- moires de l'Académie ^convient parfai- tement àunDieuPenatequi rendoit des Oracles- Le Mafque repréfente , ou le Dieu Pan ou Sylvain, ou quelqu'autre: l'homme qui prête l'oreille pour écou- ter , attend fa réponfe : la femme qui .eft debout, femble être venue pour s'é- clairer ou fur quelque fonge ^ ou fur quelqu'autre affaire qui l'inquiette : le petit animal, qu'on peut prendre pour tm chien , ou pour un cabrit , eft la vic- time deftinée au facrifice. On peut voir tout ceci plus au long , dans l'endroit que je viens de marquer.

Il eft confiant qu'il n'y a point eu de Peuple idolâtre, la fuperftition pour les Dieux Pénates ait été portée fi loin que parmi les Romains , quoique pref- que toutes les Nations les avent eu en grande vénération 0),comme les Grecs, les Egyptiens , les Phéniciens , les Chal- déens. Il y a apparence que ce culte

(a) Ettoto qui^emundo-i G' hçh vnmbtfj >' omnium V9Çi*. bus , forîuna (où imffifUtttfi !'-" -'■■ A

Tome IV. Y

fO$ La Mythologie & les Fables Dieux avoit été apporté à Rome par les Phry-

JlU?c.xîl Siens' Vir§ile nous éprend qu'Enée

' eut grand foin d'emporter avec lui les

Dieux Pénates {a) , fuivant Tordre qu'il

en avoit reçu des Deftins par la bouche

d'Hedor (b).

Ces Dieux Phrygiens adoptés avec grand refpeft par les Romains, que rien ne flattoit tant que l'idée qu'ils avoient de defcendre d'Enée &deVenus fa mère, furent placés dans un Temple près du mrv t î?arché- Voici la defcription qu'en fait *'> -1' Denys d'Halicarnaffe (i). « C'étoit , » dit-il , deux jeunes hommes afïïs , ar- » mes chacun d'une pique, & lafculptu- » re en étoit très-ancienne. Nous avons » encore , ajoute cet Auteur , plufîeurs *> autres Statues de ces Dieux dans de » vieux Temples , qui font toutes en » habit militaire ».

Le feu facré ou Vefta , qu'emporta aufïï avec foi Enée , étoit fans doute le plus diftingué des Dieux Pénates (c) 9 puifqu'après qu'HeAor lui eût recom- mandé ces Dieux , il s^approche lui-mê- me du facré foyer,& en retira les bande-*

(a) Il'mm in UalUm portons , -viclofiue Pénates. En. J. f.

(b) Sacra fuofiue tibi commendat Troja Pénates :

Hos cape fctorum Comités , hisw<x>iia quatre. IbicL

(c) Sic ait , & manihus vittas , ^epamcjne potentem JEtcrmmqH'e adjtîs effert çenetraUbm igncm* /En. 1,*,

Expliquées par PHîftoïre. 5*07 lettes de Vefta , & le feu qui y brûloit. ARlW p

TT / tuf d Occident.

Si nous en croyons Varron cite par Ma- l.iu. c.xiU crobe (1) , Dardanus avoit apporté d'a- bord ces Pénates Phrygiens dans PIfle (i)sar. !.*• de Samothrace , & Enée les transfera c> *• enfuite de Troye dans le Pays Latin.

Je dois dire aufli que les Idoles que Jacob emporta de la maifon de fon beau- pere Laban , & que PEcriture-Sainte appelle du nom de Therapkim , étoient des Dieux Pénates , dont le culte pafTa dans la fuite enPhrygie, de-làen Grèce êc en Italie; c'eft-là fans contredit leur véritable origine.

Ajoutons enfin qu'on croyoït appa- remment dans le Paganifme , que les maifons n' étoient pas fuffifamment gar- dées par les Lares & par les Pénates , puifqu'on avoit encore d'autres Dieux pour avoir foin des portes , des clefs ôc des gonds , fur quoi on peut confulter ce que j'en ai dit en parlant du progrès de l'Idolâtrie (2). b)i.hiu

Fin du Tome IV.

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