'% •• i^^^ '•jr%r l!i ^^ Yi ■',f^M , ^'«« .••T 'îf* w ' '^À^.^i^Ar\P\f^^^^ n^nnrff r^r'. ^^I^H»? nryf^^ m^L^<^,i mfwmmmm ^myymnm^m^m MmwfmmwYm mmywrrR' ÉBlu .r\r\rs '^=^^ O^hWfe^bh^'^?:)^ />-Sl/7_W„"^ 'IwT-' •T.iS.lSiiEâl! /^/©^'^■'C ^^^^ /::^^'A/ 1^'^^^V LA PROVINCE A CHEVAL L'nnlciir cl les cdilciirs se résorvonl le droit do rrproduclion et de traduction à l'él ranger. Ce volume a été déposé nu ininisicre de riiilérieiir (section de la lii)rnirie) en novenilire 1885. DU MEME AUTEUR PARIS A CHEIAI,, lc:slo et dessins par Craftv, ovec une préface de Gl'stave Droz. 1 11 Ijean voinme grand in-8". — î"" l'dilion. — Pri's : 20 francs. ■AniS. TVrOCRAPHIE E. l' L 0 K , NOURRIT ET C'", R L' E UARAMCIÈRE, 8. LA PROVINCE A CHEVAL TEXTE ET I3ESSINS CRAFTY Vf\\{\S LIBRAIRIE PLON E. PLON, NOURRIT et C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS 10, HUE (iARAXCIKRE Tons droils réserrés A Monsieur MARCELIN Directeur du journal LA VIE P.iRISlEXXE CoibeciUe, 2 octobre 1885. Mox CHER Maître, J'ai déjà mis un gros volume sous la protection de votre nom, et votre patronarje a porté bonJieur à PARIS A CHEVA[>. Le livre que je publie aujourd'tiui est conçu dans le même esprit que son frère aine. Laissez-moi donc donner le même parrain au cadet. C'est d'ailleurs la seule manière dont je ptiisse reconnaître l'influence que vos conseils persévérants à l'un de vos plus anciens collaborateurs ont exercée sur le succès de ses élucubrations. Il vous en remercie cordialement. CRAFTV. x& T^"^**^ ^ ^ En publiant Paris à cheval, notre but était de retracer par le crayon et par la plume, aux yeux du lecteur, le spectacle qu'il aurait pu voir en allant s'asseoir par un beau temps à l'entrée de l'avenue du Bois de Boulogne : Un défilé de la cavalerie parisienne et des personnages les plus marquants dans le monde des amateurs de sport. Nous voudrions, dans le volume que nous publions aujourd'hui, lui présenter par les mêmes procédés un tableau analogue du monde du sport en province, lui montrer d'abord les éléments multiples de la cavalerie rurale; lui faire voir à la fois les sportsmen parisiens en déplacement, et les sportsmen provinciaux à domicile; le faire assister à leurs réunions, à leurs chasses, à leurs courses ; lui faire prendre part aux cross-country et aux rallye-papers , l'initier en même temps à quelques-unes des misères de l'élevage; le promener dans les concours régionaux, lui faire suivre les grandes manœuvres; enfin, lui mettre sous les yeux tout ce qu'on fait pour et par le cheval en dehors des fortifications. X AU LECTEUR. Pan'fi à clicval (^'conomisait au lecteur la location d'une chaise Tron- chon aux Champs-Elysées et quelques courses aux points excentriques de Paris. Nous voudrions que la Province à cheval pût lui éviter ([uelques tickets de chemin de l'cr et hon nomhre de déplacements souvent compliqués et toujours fatigants. " " ^>^^;n^; ';SpÈ^^^3 PREMIERE PARTIE SUR LES ROUTES LA PROVINCE A CHEVAL ^^^ CHAPITRE PREMIER EN ROUTE POUR LU. CAMPAGNE. De la mauvaise habitude qu'on a de quitler Paris précisément au moment où il devient agréable pour les amateurs d'équitation. — l''aut-il expédier sa cavalerie par voie ferrée ou lui faire suivre les nationales? — Réllexions judicieuses à ce sujet. — Conseils y relatifs. La plupart des gens qui pendant l'hiver ont consacré des sommes considérables à l'entretien de chevaux dont ils n'ont pu se servir à cause du mauvais temps, ont con- tracté l'habitude de quitter Paris au moment précis où leur cavalerie pourrait leur rendre de véritables services, et les indemniser des sacrifices qu'ils ont faits pour la main- tenir en brillant état. Tant que les jours trop courts, les pluies ï trop fréquentes, les froids Irop vifs ren- 1 2 I. \ l'ROVIXTE A CHKVAL. (laiciil les pioiiicnadcs au Bois un devoir aussi pénible (jue doulouieiix à reiii|)lir, ils se seraient fait scrupule de s'y soustraire; mais aussitiU ([uc le soleil en se levant de bonne heure et en se couchant tard leur permet d'utiliser les moyens de locomotion d'.int ils jouissent et de substituer à la monotone procession des Acacias ou du tour du Lac des excursions de plus lonjjue durée, ils ont Iiàte de s'écli|)ser. Cette rage de départ sévit dès le commencement de juin, et le nombre des victimes (pi'eile atteint forme la grande majorité des habitués du Bois. Dès lors l'émigration de la cavalerie parisienne conmience. Chaque matin, reux. qui persévèrent dans leur promenade quotidienne constatent de nouvelles désertions et rencontrent à tous les coins de rue des convois de voitures cou- vertes de leurs bâches, de chevaux emmitouilés dans leurs couvertures et munis de genouillères, d'hommes en petite tenue qui gagnent une gare quel- conque ou se dirigent vers l'une des nombreuses barrières auxquelles abou- tissent les routes nationales dont le corps éminent des ponts et chaussées nous assure le mauvais entretien. Les plus raisonnables envoient directement à la gare tons leurs quadru- pèdes et tout leur matériel roulant. C'est une dépense assez considérable, mais qui a le triple avantage de coûter un prix connu, d'opérer rapidement le transport obligatoire, et de donner au propriétaire en cas d'accident la garantie d'une compagnie très-capable de l'indemniser de ses pertes. iJ s e_o c^ Os "S LA PROVINCE A CHEVAL. 5 Comme ce mode d'opérer présenle le plus d'avanlages et n'a que fort peu d'inconvénients, c'est celui qu'on pratique le moins. On préfère généralement expé- dier sa cavalerie par voie de terre, sous la surveillance d'un chef d'écurie, piqueur ou pre- mier cocher, dans lequel on a une confiance aussi absolue qu'iuuné- ritée. Les entêtés qui, malgré leurs déboires précédents, persistent dans l'emploi de cette méthode, prétendent avec raison qu'une marche à petites journées, avec des étapes progressivement augmentées, constitue pour leurs chevaux, peu entraînés parle travaU irrégulier et intermittent qu'ils ont fait à Paris, une excellente préparation au service toujours plus sévère qu'ils auront à four- nir à la campagne. Avant le départ, visiter ea personne les (]nalre pieds de chacun de vos cbevaui, et méticuleosemenl. Théoriquement, le raisonnement est par- faitement juste. Il arrive malheureu- sement que la pratique est le plus souvent en contradiction flagrante avec la théorie. En roule. — Aa passage d^os les villac[fs, od fait ao pea de fanlasia pour épatfr tes pupulalions, qui d'ailleurs resleDl froides. Si les étapes calcu- lées dans l'intérêt des chevaux dans le programme étudié par le maître, contrarient les espérances d'agrément que les hommes attendent de leur voyage, on peut être certain à l'avance que le programme sera singulièrement modiiié, et qu'on brûlera inq)itoyablement les arrêts indiqués si le personnel ne croit pas y trouver les distractions sufdsantL's. LA PROVINCK A CHKVAL. Les auberycs rouliôrcs qui j)Oss('dei)t de l)onncs écuries niauquent sou- vent de billards, de tourniquels et autres jeux indispensables pour charmer les loisirs de M.\I. les palefreniers : en pareil cas, ceux-ci vont directement à -]e annuel de ces messieurB. ? Comme on parinit nntrefoix — nvpc Ips flievaa» de In poBle, el comme on élaît eùr àes relais, on filait jjraDcl train. A l'nuherge. — On noas 8 dil que l'écorie De valait rieo ; ooos l'avins bien va, maii on noai a promis qne le patron uniiB régalerait et que les senanlps étaifol genliUes, est-ce vrai? premier groom, pgali'inent rhoisi au poxla. Non moins encbanlée de Tarrivee des sasdits. oo LE DEPART POUR LA CAMPAGME. À taforge. — Qaeli|ueB poiiiles à remeltre; coi'it : quatre bous par clou, plus une bauleille de cacheté pour trinquer avec lee rompagoniis. t ^^i^î/'^' Wr'*''4''''%M Klîet produit par la çue d'uu pre sur un chenal liabi- tuellemfDt lojje daus une écurie eo sous-sot d'un de iius quartiers élégants. Fin d l'tapc. — i'Ius q 'e iingt kiluoiélrt.'--' avant la iille ! FaisoDS-lea vile. -<Ù> LA PROVINCE A CHEVAI, ses animaux intacls doit prendre en personne la direction du convoi; Veiller par lui-même au train gardé pendant le trajet; Présider à l'installation de sa cavalerie à chaque arrêt, et assister au pansage qui doit précéder la mise à l'écurie. C: y;.-^- Il faut que, pendant toute la durée de la route, il soit le premier levé et le dernier couché; Qu'il examine l'avoine, le foin et la paille; Qu'il goûte l'eau ; Qu'il préside à l'allumage des lanternes d'écurie; En un mot, qu'il se préoccupe de chaque détail, et qu'il ne se relâche pas un instant dans l'accomplissement de la surveillance méticuleuse, insup|)0rtahle et ininterrompue qu'il lui faudra exercer s'il veut mener à bonne fin sa délicate entreprise. 16 LA l'ROVI\T.E A CHKVAL. Encore |)eut-il se faire que celle séiie d'insipides corvées ne lui serve à rien. Un coup de pied entre voisins s'échange en dépit de la surveillance la plus active, et il n'en iaul pas j»lus ])0ur casser une jambe à votre cheval favori. il faut donc souhaiter à l'imprudent qui entreprend pareille besogne, en dehors de toutes les qualités essentielles et indispensables que nous venons d'inditpier, ce don incomparable qu'on appelle la veine, et sans lequel les précautions les mieux prises, les combinaisons les plus ingénieuses n'en- gendrent qu'amères désillusions et mécomptes cruels. CHAPITRE II Ein irons de Paris. — Excursions et piqiie-iiiqiie. — Robiiison, VilIc-d'Avray, Saint-Germain aller et retour. Nous avons vu dans le précédent chapitre que la majorité des propriétaires de chevaux s'empressaient de les expédier en province aussitôt que lesdits animaux pouvaient leur devenir agréables, grâce à l'adoucisseiuent de la température. Quelques-uns, plus sages, — en général ces honorables et intel- IS Î.A rUOVI.VCI', A CHKVAI,. ligonles exceptions sont loiirnies par rélément jeune, — proloiifjenl leur séjour à Paris e( prolileut des premiers beaux jours pour accomplir (piel(pies promenades de plus longue haleine que l'inévitable persil. ^r Ruole de Robinson. Les vrais curieux, ceux qui désirent voir autre chose que ce qu'ils voient chaque jour à l'allée des Acacias, se dirigent sans hésitation '^'j:8-v^ surRobinson, qui passe Z]^^ï^ v-=^~~~ pour être la succursale champêtre du quartier latin. En réalité, la jeu- nesse des écoles y compte beaucoup moins de représen- tants que les diffé- rentes branches du commerce parisien. Les pris de ce restaurant aérien ont suivi une progres- sion telle que l'ad- dition probable dé- passe de beaucoup les ressources bud- gétaires de la bo- hème studieuse, si tant est qu'il existe encore une bohème qiiclconque. Lescouplesjuchés dansles branches des Dans l'arbie de Robinson SUR LE CHEMIX DE ROI!I\SOV. F,/\ PROVIMCE A CHEVAL. 21 châtaigniers coinpient peu de Rodolphes et encore moins de Alimis. — Ce sont pour la plupart de jeunes bourgeois, très-régulièrement mariés, encore -^ MA "^m A Itobinson. — L'ne fûla de famille. sous l'influence de la lune de miel, et que les premiers soleils poussent à déserter pendant quelques heures les arrière-boutiques dans lesquelles ils végètent à l'ordinaire. Itoule de Itobinson. — Uiuiducbes et jours fériés. Ceux-là arrivent dans la voiture qui sert habituellement à leur commerce, véhicule bizarre qui participe à la fois du phaéton, du break et du camion, ce qui lui permet de transporter indifféremment les objets manufacturés et la famille du fabricant. 22 I.A l'HOlIXCM A CIIKVAI.. Ceux qui gardeut l'amour de la prolession coiiserifent cyalenient sur leur voilure l'iudicaliou du yeure de produit à la l'ubricaliou duquel ils se sonl voués, et considèrent que la promenade qu'ils Tout à travers la banlieue a encore sou utilité et leur l'ail une j)ul)licilé profitable. Ils |)cuveut être dans le vrai, mais ceux de leurs collègues qui se figurent, en sujjjiriniant les enseignes qui garnissent habituellement les galeries de leurs ])haétons-lapissières, faire illusion aux yeuv du public sur l'usage liubiluel de ces équipages, ceux-là, dis-je, se laissent étrangement abuser. H 'f- Fquipages commcrciaui. Ces voitures de fabrication compliquée, de modèles ambigus, ne laissent de doute à personne sur leur véritable destination, et leurs habitants ont beau se couvrir des vêlements les plus corrects, voire même les plus sj)orlifs, nul ne se trompe sur leur conq)le. On arrive à Robinsoa de bonne heure, et il est d'usage de faire une prome- nade à âne pendant qu'on prépare le diner. A ROHUvSOAf. Les paniers — c xcliisivcmeiit réservés pour le service, i Que voulez-vous, madame la comlesse, que je dise à mes clieuls habiliicls, quand le mauvais exemple part de si haut? i A ROBINSOX' nOIS DK VF.nRIKRES ET AUTRES LIEUX / l , qm^^V^ \\^'/^V, ^^^V''•V- î/^/<;;;ti...^«./^iî;M,«^«,,ii^^^(Mmf.a> pioorti .rniites viq intincihle rappris. Proportiotne 8P8 di-Tenspi à la résistance probable de sun cavalier. '"M^' '"*^ Retnnrne, aprêii rp'msitp rompiplp, à un trot modéré repreodre sa plare âsoD potPiiii. .a A ROBIXSOX'. — NOCES KT FESTIX'S. /.e retour. — Ou a rfuvoye les domeBliqui's par le train et mis les tnnriB à l'Iutcrieur, X. .. , qui était tout à fuil yris, voulait conduire : ces dames l'ont séquestré sur la seconde biinquctle ; il persiste m>ilgré tuul dans son désir ; de là un li'i^er dlEsentiment qui donne tieu à une paolomiinu aostii énergique qu'innocente, mais que la malceillauce pourrait Il eI interpréter. LA PROVINCE A CHEVAL. 31 C'est la grande et spéciale altraclion du lieu ; et l'espcrance de ce sport incohérent pèse d'un grand poids sur les décisions de la plupart des orga- nisateurs de pique-nique. La route à suivre a cependant peu d'at- traits. La traversée de Montrouge est cer- tainement attristante : et que l'on prenne par Bagneux ou par Cliàtillon, rien ne distrait les yeux pendant toute la durée du trajet : lors- que le paysage perd sa monotonie, on est arrivé. S> N Cependant, on préfère celte excursion insipide à la roule de Saint-Germain ou à celle des étangs de Ville-d'Avray, aussi pittoresques et accidentées l'une que l'autre. Pourquoi"? La perspective de la fameuse promenade à âne, pas d'autre motif plausible, à moins que le mauvais accueil des populations ne soit consi- déré par les excursionnistes parisiens comme un coudinieut nécessaire a leur plaisir. ■.)2 \..\ PUOVIVCK A CHKVAI-. Les bons villageois de Chalenay, d'Aiilnay el autres lieux cireonvoisins, ont honeur de tout individu circulant à clirval dans les parages qu'ils arro- sent de leurs sueurs. Quels sont leurs griefs ? Je l'ignore, et je n'ai aucun désir d'approfondir la ([uestion. Ce que je puis affirmer pour l'avoir personnellement expérimenté, c'est que tout cavalier circulant aux alentours de Robinson est eu butte à une hostilité non dissimulée de la part des agricoles. Inutile de leur demander un renseignement sur la direction à suivre : ou bien ils opposeront à vos questions un silence obstiné, ou, ce qui est pis, ils répondront à vos interrogations naïves par une bordée d'injures, dans laquelle le vocable Robiusonnais deviendra, grâce à l'intonation qu'ils lui donneront, la dernière expression d'un irrévocable mépris. CHAPITRE III .'1 la gare. — Cavalerie locale. — Contingent parisien. — Effectif imligènc. — Voitures pnblicuies et équipages privés. Quand on s'installe dans un pays nouveau, le procédé le plus focile et le moins fatigant pour se rendre parfaitement compte des ressources hippiques que possède le canton, consiste à se rendre à la gare du chemin de fer à l'arrivée des trains. En cinq ou six séances ou a vu tous les chevaux de ses voisins, et l'on sait avec lesquels d'entre eux on peut entrer en relation si l'on a le goût de faire en compagnie sa promenade quotidienne : on apprend même de 5 34 [. \ IMiOVIVC.K A CHEVAI, ccKc Hiriin quels soiil (Cii\ qui se iiictlciit l'acileincnt en moiivcmenl, allcllenl pour un oui, pour un non, et ceux auxquels il faul la croix el la bannière pour se décider au moindre déplacenienl. ■^^.^■hii ■/■■■' ;^.i^^^'^ffwv^w-4 ^>;^ A In Qiire. — Fàtheose surpriEe. — On o'a pas pu emoyei chercher inouÈit-ur, mais je suis venu pour les bagages, et j'ai retouu le coupé pour monsieur tt moi. Tous aiment évidemment la campagne, (juisqu'ils y habitent; mais les premiers ont peur de s'y ennuyer et savent gré à ceux de leurs voisins qui cherchent comme eux toutes les occasions possibles de reculer le moment inévitable de la solitude. Pour les seconds, riiabilude qu'ils ou t de l'ennui l'ait qu'ils regardent comme de véritables ennemis tous individus qui pourraient avoir la velléité de les troubler dans leur retraite. La tenue des équipages respectifs de ces deux variétés |)rincipales du genre voisin de campcKjne vous dit le plus clairement du monde quelle ligne de conduite vous devez tenir à leur égard; — envers les premiers, poussez sans crainte l'amabihté jusqu'à l'indiscrétion! Multipliez les visites, accunudez les invitations, inventez des l'êtes, com- ])inez des excursions, organisez des réunions aux quatre coins du départe- ment sous couleur de points de vue cà admirer, de monuments à visiter, de champs de courses à installer; tous prétextes sont bous, pourvu que vous mêliez un peu d'activité au paisible repos des chanqjs, que le respect humain A LA GARE. — VOISIX'S DE CAMPAGNE. 35 LE CAnT DU TKVOn LEGER. Il est loujourB earoaé et pèse deui cciits. Mais c'eit une pbisdiiletie du cru, el. à la camiiagoe, od est si peu difficile pour Icb plaisanteries que l'on fuit 8oi-rnO'iie ' Jamais mo'DB de quatre cbevaax à la {jare ; les eucoieot même aai traîna par lesquels on n'idtlfnd pcrsODoe. Les poslilIouB oot ordre de traverser les viltages an triple galop, et, dans la craiule qoe les yrtlollières dis postiers ne fisseiil pas assez de bruit, on eu attache à l'iiitêrieur de ta \uilure. Od juierait voir passer U foire de Xeuilly. A Caetel-Xougal : accamulation de créneaux, mâcbiconli^, donjons, poivrières, iourellfs aa souimel de l'iine desquelles Oolte la banLÎère du cbàlelain avec marque de fabrique, signalure et meulioD des rêcumpenses liblencea aus expo&itious uiii\eise!les. :^gji"rSi^Ess=cp -W LES A\I)1:rEUI ou .UDULIV, Le moîsdernier, il n'y araitqa'un clieval à leur sis-à-çîs ; m^js l.i der- nière liquidduiit> uue dut qui lui \tti- iiiftli.* du se suuB'.ra.rf uu ji'uy lunerni'l. .A loué te cbâlcau pair moiiiiil 'lu duc de \.. . forlemeiil etnlic [t.ir le kracb ; Irouie assrz con- rmifthle ce jietil baraque. •Adore la campagne pour sa famille. Y vi - Comment! quinze ans, ce cheval-là? Mais il marque encore! - l'o&Bible, moD colooel ; mais tout le [)ays vous dira qu'il est bégut. Lftisserail volontiers le cheval poar en-'égimenler Tbomme, qui [ai paraît devuir fjire an cavaLer sufâsaoïmeut réiislaol. O. Le bon gendarme, deus ex machina da recensement. — Sans la crainte galiiUire qu'il inspire encore, personie ne viendrai! se faire recenser. — Va relancer les relarda - lairei à domicile. LA PROVINCE A CHEVAL. 53 chevaux défilent et sont examinés un par un par le vétérinaire niililaiie, qui confirme ou combat les déclarations de son collègue civil et du propriétaire de l'animal présenté. <':,v- En lnûn de débioer conscieucicusi menf son chrval, «Jang l'espoir de le fdire refiTmcr. L'origine, l'âge, les tares, les aptitudes se trouvent donc authentiqnement constatés, et il faudrait n'avoir jamais eu à acheter un cheval pour douter de l'importance de pareils renseignements. Avec un peu de mémoire des yeux, un homme qui a assisté à ces opéra- tions ne peut plus être enrossc dans un rayon de quatre lieues à la ronde : il connaît les infirmités de tous les quadrupèdes de son canton. S'il est trompé dans un marché, conclu sur les données recueillies de la sorte, ce sera d'une façon inusitée. Il peut, en effet, se trouver possesseur d'un cheval excellent en croyant se rendre acquéreur d'un animal simplement estimable, puisque, devant le comité de recensement, tout propriétaire apporte à aggraver les défauts de son cheval le même enthousiasme qu'il met à les dissimuler lorsqu'il s'agit pour lui de le céder à un amateur. 54 LA PROVIMCK A CHKVAF,. Dans le premier cas, il dél'eiid son liien contre les exigences du gouver- nement, et il le calomnie sciemment pour reculer autant que faire se pourra l'heure redoutée de la réquisition. Quand au contraire il s'agit de le vendre, la question du prix à en obtenir dicte seule les éloges qu'il en fait; et nous avons tous pu juger après une acquisition faite de l'exagération de semblables panégyriques. ■^^S^^' CHAPITRE V SL'R LES ROUTES. Dos rclalions dos promeneurs aiec los ajjricolcs. — Conducteurs de cliarinls, pasteurs, porcliors cl autres gardions de bestiaux. — Dobéinicns et montreurs d'ours. — Batteuses mécaniques et locomotives routières. — Facéties de rouliers. — Anecdoctes et souvenirs. Le gentleman qui a conduit un peu régu- lièrement dans Paris croit connaître par expé- rience tous les ennuis et tous les dangers auxquels on s'expose en prenant la direction d'une voilure à deux ou quatre roues. — C'est une illusion! L'art de conduire dans Paris, de se garer des cochers d'omnibus, d'éviter 56 LA PUOVI.Vr.E A CHEVAL la renconirc des trariiuays, de se sotisti-aire aux attaques des autonicdons Muuiérolés, de se dérober au contact des voitures des boucliers, fruitiers, vinaigriers, marchands de vin et autres promeneurs d'insecticides, constitue une science éminemment difiicile à ac([uérir, et ceux qui la possèdent savent ce qu'elle leur a coûté d'efforts et de dangers vaillamment supportés. En comparaison des mille difiicullés surmon- tées dans une promenade à travers Paris, un voyage sur une route leur paraît jeu d'enfonls, et ils croient savoir le dernier mot des ^S!^ mauvais tours que la mal- veillance des conducteurs salariés peut inventer pour lasser la patience des cochers amateurs. Certes , l'hostilité des ruraux à l'égard des bourgeois est moins agressive que celle manifestée par la population des grandes villes, mais elle existe cependant; et c'est toujours un grand plaisir, aux ciiamps comme aux f;m- bourgs, pour les classes dirigées de voir dans l'embarras un représentant des classes dirigeantes. A cette liosliiilé latente des paysans, qui se traduit, au passage d'un équipage un peu luxueux, non plus par les interpellations fau- bouriennes de la banlieue de Paris, mais par des sourires qui ont la prétention d'être narquois, il faut ajouter la lenteur habituelle de tous leurs mouvements et l'état d'indifférence voisin du sommeil dans lequel ils ont l'habitude de vivre et d'accomplir ce qu'on est convenu d'appeler le rude labeur des champs, et qui n'est en réalité qu'une interminable promenade somnambulesque. Pour ces endormis, habitués à se contenter de l'allure de leurs bœufs, ceux o LA PROVINCE A CHEVAL. 59 qui aiment à troUer bon train sont de purs agités, et ils ne comprennent pas que des gens tiauquilles soient obligés de déranger de pesants attelages pour livrer passage à des voilures inutiles qui n'ont aucun besoin de marcher aussi vite. — Pour eux, la poste seule a le droit de marcher grand train. Quant aux particuliers, ils n'ad- mclleut pas qu'ils soient pressés, et, toutes les fois qu'on leur reproclie au passage la lenteur qu'ils mettent à faire place, on est sur que leur l'e- proche sera toujours basé sur l'inu- tilité qu'il y a à se dépêcher. " Vous êtes donc bien pressé ? » diront ceux qui sont encore à peu près po- lis. — Il T' es donc enragé? » disent ceux qui ne le sont plus du tout. ■ — Vous tles doQC bieo presbe? Cette apathie naturelle, que les gens de la campagne apportent dans tous leurs actes, a pour premier résultat, quand ils transportent sur une route à l'aide de leurs véhicules primitifs le produit de leurs moissons ou le fumier qui doit féconder leurs terres, d'inlluer sur la manière dont leur attelage (;o LA PROVIXr.K A CHKVAL. traîne le fardeau qui lui est eonfié. Les chevaux, se sachant mollement sur- veillés, ne tirent que tout juste ce qu'il faut pour faire avancer leur fardeau d'un pas processionnel, et s'ctagent de façon à occuper toute la largeur de la route, y compris ses bas cotés ■-O^/v V ^ ^ ' i' Celte fîiçon d'abandonner à eux-mêmes les animaux qu'ils ont mission de diriger est commune aux paysans de toule la France. On peut la constater aussi bien aux approches des barrières de Paris que sur la roule de la Corniche ou celle de Tourcoing : partout même indo- lence, même confiance aveugle dans l'instinct des animaux, qui, il faut bien le reconnaître, se montre la plupart du temps supérieur à l'intelligence de leurs conducteurs. II en résulte que, si vous venez à la rencontre de l'un de ces attelages circulant sous leur propre responsabilité, il vous faut avoir une connaissance |/rofonde de l'escrime du fouet pour parvenir à vous faire place. Ce n'est en effet qu'à l'aide d'une mèche savamment dirigée que vous obtiendrez du cheval de tête que, de la gauche qu'il garde obstinément , il se décide à se porter à droite. Si, au contraire, vous rattrapez et voulez dépasser l'une de ces barricades ambulantes, il vous faudra faire nu tapage exceptionnel pour attirer l'alten- 0-5 6 = fco wî • rt c ftJ = -3 0- ^ i S QJ V 3-3 S - es — » «_ç g J S I 3 o 'U s _ a I ?■ X S ■? 3 3 a.^ M- COMMISSION I)K RECENSEMENT. M. le nu i'g te préoccape peu des rbevaui; sail que, le coBécbeaiil.loas BeraifDl réquisitiounés. !.e ctiiiilnine chargé du rapport- — ToujoutB etunui- du iiombie de russes qui leudeol encore des ttrvices. /,e déltijué de !a préfecture. — \'a jamais pu dj»lin>jupr un cheval d'un aulie. — \e s'occupe que des If udaDCPs elrclorales des populal-oiig. rcs-compelcDl, otsis sveugi par ses préfércDces politiques Le maiire d'éfole. — Secrêlaire de la commis- sioD, — de la mairie, — du conseil oiuDJcipat, — du coDseil de fabrique, L'adjudant. — Toiseur el térîHcaleur. — Inscril aiec une eiaclilude scrupu- leuse le stgDa'ement de chaque quadrupède. Signe partirulifT : écriture litho- iirr.pbiqup. I.ecfipitiiine yrtsidriit. — Kiiraordiuairemerilafijce par les btratajjéioes destines à (air dispenser de la con- BcripIioQ le» trois quarts de l'effeciif. — EnrêjiineDle quaud iiivine. \ À\;,X';| 1,:'/"/^ ^^^\ i-yHïilIli _ SoutHe, 6ouIllp,inoDboiil.umme! WiTY/'- y y^l'-^ -""^ , U'#lw J- l'écoole avec plaisir, mai» si lu cioi. LA PROVINCE A CHEVAL. 67 tiou du conducteur, qui dort sur sa voiture, à moins qu'il ne soit à quelques centaines de mètres en plein champ à discourir avec l'un de ses concitoyens. Udc barricade eo pleine roate. Dans l'un ou l'autre cas, c'est une attente de cinq minutes, et, pour peu que vous rencontriez une douzaine d'obstacles de ce genre dans un parcours d'une dizaine de kilomètres, vous aurez beau avoir des chevaux faisant facilement leurs quatre lieues à l'heure, il faudra vous résigner à ne faire dans le même temps que la moitié du chemin. Si la plupart des campagnards qui conduisent des chevaux fout preuve d'une regrettable insouciance dans l'accomplissement de cette mission, on peut dire, sans crainte d'exagérer, que tous ceux préposés à la garde et à la 08 LA l'UOVIXCE A CHEVAL. conduilc dcsbesliaux en li()ii|)(s poussent à sa deruière puissance celle nième insouciance : plulôl que de se résigner à s'occuper des animaux confiés à leur surveillance, ils se lorlurenl l'imaginalion pour occuper leurs loisirs el chariuci' leur solilude. DvJiniCuin . — On appelle g.irdear on gardeose do dindons, oies et aulres volatiles, toule personne qui, cbargée de conduire ces auiinaui aui ciiampi<, s'occupe d'aulre chose, travani d'aigmIK', Hirlagp ou musiijue. Depuis les plus jeunes gardcuses de dindons jusqu'aux plus vieux bergers, lous, sans aucune exception constatée, par moi du moins, se créent une occupation autre que celle dont ou les a cliargés. Les unes Iricolent, les autres tressent de la paille ou taillent à coups de couteau des morceaux de bois. Certains, qui ont pour toute apparence de travail une horreur plus grande encore, se contentent de souffler dans des instruments innoniés ; mais aucun ne s'occupe jamais de la conduile de son troupeau. LA PROVLYCE A CHEVAL. G9 Qu'il soit composé d'oies, de moulons ou de bœufs, c'est toujours la Pro- vidence qui se charge d'en diriger la marche; quelquefois, tant elle a à faire, elle se fait aider par quelques chiens; quant aux bergers, vachers, porchers et bouviers, il y a long- temps qu'elle a cessé de compter sur leur concours. Il en résulte que les moutons couvrent tout le chemin d'une couche laineuse et bêlante qui entrave la circu- lation et expose le téméraire qui veut passer quand même à payer d'un seul coup une addition de côtelettes et de gigots sufflsante pour le sustenter pendant toute une année ; "'v,'^ Que celui qui persiste à circuler à travers un troupeau de bœufs court le risque de n'arriver au bout opposé à celui de la rencontre qu'après avoir reçu 70 LA PROVINCE A CHEVAL. dans le corps do son cheval ou dans le corps de sa voilure assez de coups de corne pour que le premier ait pris l'apparence d'un fricandeau, et la seconde, l'aspect d'une écumoirc. Pour ce qui est des troupeaux de porcs, leurs conducteurs ne se bornent pas à l'envahissement des voies de communication ; ils pratiquent en oulre l'embuscade. Dans les pays où se ])ralique l'élevage de ces intéressants quadrupèdes, pays pauvres en général, les meilleurs pâturages sont les bas côtés des routes; le jeune porcher s'installe avec ses camarades au fond d'un fossé, laissant ses bêtes en toute liberté; — celles-ci pàlurcut autour de lui dans un désordre aussi complet que pittoresque. Si vous rencontrez au tour- nant d'une route un groupe de cette espèce, le moins qui puisse vous arri- ver est de vous trouver les quatre fers en l'air dans le fossé opposé à celui où s'est installée pour se livrer à ses ébats favoris la bande déjeunes porchei's officiels ou amateurs. 13 LA PROVIX'CE A CHEVAL. 73 Quanl aux troupes d'oies, dindous cl aulre menu bétail, leurs gardiens sont clioisis parmi des individus d'un âge tellement tendre que le plus grand danger qu'on coure avec eux est d'en écraser par mégarde un ou deux, en même temps que la stupide volaille conflée à leurs soins, les uns et les autres se précipitant sous vos roues au moment même où vous les croyez décidés à se garer à droite ou à gauche. $C ^ L'a fficurtre JovoloDlnirc, ou fricasBée pjr imprudence. Aux traversées des villages, redouter également la sortie des écoles et les promenades de poussins. Les élèves gratuits et obligatoires, aussi bien que les jeunes poulets, manquent de décision, et changent de direction avec une telle instantanéité que le plus prudent, quand on tient à respecter leur existence, est de s'ar- rêter jusqu'à ce qu'ils aient complètement disparu. Tous les ennuis qui résultent pour le promeneur de la présence sur les routes des animaux comestibles ne sont rien auprès des désordres occasion- nés par la circulation des animaux savants. Le voisinage de l'ours, notamment, provoque chez la plupart des chevaux 10 7i I.A PROVIVCE A CHEVAL. un véritable aff'olcinoiit. — Or c'est précisément Fintlividii que clioisissent de prél'érencc les bohémiens qui tiennent à répandre dans l'es])èce animale les trésors de l'instruction. Si vous avez bonne vue, et que vous aperceviez à distance l'un de ces convois qui donnent l'impi-cssion d'un village en marche, le mieux et le plus prudent est de faire un détour; — du reste, l'appréhension manifestée par votre cheval, si vous êtes sous le vent, vous avertira, quelle que soit la puissance ou pour mieux dire la faiblesse de votre vision, que vous allez faire quelque rencontre insolite; — dans ces cas-là, n'hésitez pas, quittez le droit chemin volontairement, — cette précaution vous évitera de sauter, à l'in- stant de la rencontre, l'un ou l'autre des fossés qui bordent la route, ce qui est un fâcheux exercice même en tilbury, encore plus déplorable par consé- quent si vous êtes en voiture à quatre roues. s 3 ¥ C3 3 «) O — 2i o 3 Locomotives routières. — On prétend qu'elles sonl iililcs à l'agriculture et à plusieurs autres industries; mais le résultai le moins contestable de leur emploi csl l'emballage régulier des cavaliers qui les rencontrent. LA PROVINCE A CHEVAL. 79 Une autre cause d'effroi pour les chevaux impressionnables, c'est l'appli- cation de la vapeur aux travaux agricoles : les faucheuses, semeuses et bat- teuses mécaniques rencontrées inopinément en plein champ leur causent des terreurs folles qui ne sont égalées que par celles produites par les locomo- tives routières : celles-ci, dirigées par des mécaniciens éduqués dans les grandes villes, ont transporté aux champs la tradition des bons tours à faire aux bourgeois ; — avec eux, on peut être sûr que les sifflets, les jets de vapeur et les flots de fumée jailliront à la fois, au passage de toute voiture un peu élégamment attelée. — Pour un cavalier de tenue correcte ils ne cesseront leur feu d'artifice qu'après la chute du susdit ou sa disparition à l'horizon, à la suite d'un emballage radical. Le roulier ne manifeste pas des sentiments beaucoup plus bienveillants h l'égard du malheureux bourgeois; — lui aussi va dans les cabarets des fau- bourgs agiter les problèmes de la question sociale, et en rapporte pour les soi-disant oisifs porteurs de redingotes une hostilité qui se traduit jiar des claquements de fouet intempestifs et une propension regrettable à monopo- liser la route. 80 LA PROVIX'CE A CHEVAL Le biilor (|iii m'a joué le lotir que je demande la permissiDii de vous raconter, cher lecteur, ne l'a certes pas inventé ; mais, si vieux qu'il soit, il n'en est pas moins insupportable pour celui qui en est la victime. Voici en quoi il consiste : La scène se passe sur un chemin vicinal, bien entretenu, mais ayant juste la largeur nécessaire pour le passage de deux voilures; sur les côlés, les mètres cubes de pierres préparés pour les travaux de l'hiver sont espacés de dix mètres en dix mètres. Sur ce terrain, vous trottez lestement dans une voiture légère : vous êtes seul avec un gamin qui en sait juste assez eu fait de conduite pour garder le cheval devant une porte. A ce Irain, vous rattrapez promptemeut les lourdes voilures des meuniers, marchands de grains ou de pommes de terie, qui conduisent à pied et au pas. Ceux-là se rangent à droite, et vous passez. Un peu plus loin, vous rejoignez les maraîchers qui ont pris sur eux quelque avance, grâce au trottinement habituel à leur cavalerie. LA PROVINCE A CHEVAL 81 Ceux-là dorment à moitié et ne répondent pas toujours à votre première sommation; vous ralentissez un peu et vous renouvelez votre appel. ■ii^ iii ' i, , ,,,„ Sans se réveiller complètement, ils finissent enfin par comprendi'e, eux ou leur cheval, qu'ils encombrent la route, et ils font place, lentement, par- cimonieusement, gardant encore les trois quarts de la voie; mais pourtant ils consentent à dévier de la ligne droite, et, en empiétant un peu sur le gazon, qui forme trottoir, on arrive à passer entre deux tas de pierres. Cette façon de vous réduire à la portion congrue n'est peut-être pas inspi- rée par une politesse exquise, mais, enfin, ils sont fatigues, on les dérange, 11 82 LA PKOVIVCE A CIIKVAI, ils ne sont pas pressés; et l'on peut admettre, à la rifjucnr, que celui (pii aime à aller vite s'arrange connne il peut, et laisse leuis aises aux gens calmes qui marchent lentement. C'est peut-être une taquinerie aux bourgeois, mais elle est supportable, et il faudrait être à l'avance de bien méchante humeur ])our s'en fiicher. Mais voici oii la j)laisanlerie cesse d'èlre acceptable. Vous arrivez derrière une voiture de laitier ou de messager, gens qui marchent au trot et ont la prétention de marcher vite. \'ous voulez passer, et vous criez : Hep! Gare! ou Place! selon que vous avez l'habitude d'employer l'une on l'autre de ces interjections. Rien ne bouge, et il semble que le conducteur du lourd véhicule qui bouche la route n'ait rien entendu. LA PROVIXr.K A CHEVAL. 83 Vous ralentissez et vous trottez derrière lui au milieu du nuage de pous- sière qu'il soulève et qui vous aveugle. Vous criez plus fort, rien. cy Cependant, au bout d'un instant la route décrit une légère courbe, et le chariot qui vous précède incline un peu à gauche, ce qui vous laisse un peu d'espace à droite. ■v^cj' Vous tentez de passer, vous disant qu'il y a des gens bizarres qui préfèrent leur gauche à leur droite. 84 LA PROVIiVCE A CHEVAL Pas (lu ((Mil. .Au niomciil où vous clés bien engagé, la voiture se rabat sur vous. \()us arrèlez, et vous vous préparez à passer à gauche, point! Le passage vous est encore bouché. Vous comprenez alors qu'il y a parti pris, et que vous avez aifaire à une brute facétieuse, que vous vous mettez à invectiver. Pas de réponse, mais continuation du jeu. -^^<ÏV^' ■^n^K •vv^/^'S^-c.-^. Peu à peu la colère vous prend, et vous voulez passer quand même, quilte LA PROVIiVCE A CHEVAL. 85 à verser, et vous finissez par franchir un tas de cailloux, au risque de cou- ronner votre cheval ou de briser vos ressorts. Si vous vous retournez alors, vous voyez une figure stupide qui rit jus- qu'aux oreilles. Vous avez en effet accompli le tour de force que le roulier facétieux vou- lait vous contraindre à faire ; il est satisfiiit et ralentit l'allure de son cheval qu'il avait surmené jusqu'alors. 80 LA PROVINCE A CHEVAL. C'csl à eu nioiiiciil en général que la palienee vous échappe tout à lait. Vous vous aiTetcz. Et lorscpie lui veut j)asser à son tour, vous laites pleuvoir sur la tète du cheval et sur celle de l'honinie une grêle de coups de fouet. C'est un mauvais système, que je condamne après l'avoir consciencieuse- ment pratiqué. Voici celui que je conseille pour le remplacer. Vous manifestez bien votre volonté de passer, et vous teniez de le faire à plusieurs reprises. LA PROVIXCE A CHEVAL. 87 Si l'on persiste h vous barrer la roule, vous allumez uu cigare, ce qui vous prend toujours un certain temps, et vous suivez trancpiillement votre persécuteur jusqu'au premier poste de gendarmerie, oii vous portez plainte. Cette démarche a pour premier résultat de faire disparaître de la face du faquin stupide qui prenait un malin plaisir à vous barrer la route, le sourire narquois qui l'illuminait. L'idée que sa plaisanterie aboutit à un procès-verbal dont le coût ne saurait être inférieur à la somme de seize francs lui enlève immédiatement toute gaieté. gH LA PROVINCE A CHEVAL La plus morne tristesse se répand immcdiatemeut sur sou visage, et vous pouvez être sûr, eu agissant suivant le programme précédent, de supprimer le sourire triomphant qui est, de toute cette tracasserie, la chose la plus désagréable à supporter. CHAPITRE 11 MONOGRAPHIE DU LOl'EUR DE PUOVIKCE. Quel que soit l'effectif de l'écurie dans une installation à la campagne, on ne peut être assuré du service à faire qu'autant qu'on a dans son plus pro- chain voisinage un bon loueur de voitures. 12 90 [.A PROVIXTCE A CHEVAL. i\ lin iiioniciit doniu'", tous les thovaiix des particuliers connaissent la fatigue; seuls, ceux des loueurs restent toujours en mesure de marcher. Pourquoi? On n'en .'■ait rien, et plus on creuse la question, moins ou comprend que des animaux hors d'âge, qui n'ont jamais clé complètement hons, arrivent à un degré d'endurance que le meilleur cheval et le mieux soigné n'a jamais pu atteindre. C'est un luit inexplicable, mais c'est un fait constaté. V^ v=. Le loueur est généralement un cumulard : il est en même temps aubergiste, boucher, charcutier ou cultivateur; — souvent, c'est un an- cien maître de poste qui n'a pu se décider à liquider complètement : d'apparence, c'est toujours un gros homme ; Ou il l'est réellement. Ou bien il porte sous sa blouse une telle accumulation de vestes et de gilets, qu'il paraît l'être. Réelle ou factice, l'obésité est une condition sine qua non de la profes- sion. Peul-èiro cet embonpoint est-il destiné à donner plus de conûance au client, en le rassurant sur la prudence de son futur conducteur. Comment supposer, en effet, qu'un homme d'aspect aussi imposant n'ait pas une expérience consommée, et une prudence égale à son volume? Ce qui nuit le plus souvent à la sagesse que leur âge et leur poids devraient J3 " LA PROVIXCE A CHEVAL. donner à ces entrepreneurs de (ransport, c'est mallieureusement l'usage généralement abusil qu'ils font des liqueurs fortes. Si longae qoe soil la roule .i parcoorir, il n'y a pas d'exemple qu'un lonear qui fle respecle ail pasEê un débil quelconque sans s'arrêter. Comme ils sont d'ordinaire à la fois patrons et cochers, c'est en nature que leurs pratiques habituelles leur offrent les pourboires qu'ils n'osent pas leur mettre en menue monnaie dans la main. Ils connaissent en outre tous les hôteliers de leur canton, auxquels ils ont amené un nombre plus ou moins grand de voyageurs, et qui, dans l'espoir qu'ils leur en ramèneront, ne les laissent jamais dépasser leur porte sans leur offrir un rafraîchissement, qui est toujours accepté. Grâce à ces libations répétées, le conducteur de voitures à volonté se trouve maintenu dans un état de douce ébriété, qui le rend philosophe et lui permet de supporter le froid, le vent, la pluie, les longs trajets dans l'obscurité et les 96 LA PROVIXCE A CHFA'AL. mauvais chemins, sans qu'il perde rien de sa bonne humeur : très-bien renseigne sur tous les potins locaux , il met volontiers son voyageur au courant des récents scandales et des événements saillants survenus daiis les familles dont ils contournent ensemble les propriétés. Heoseignaot son voyagpnr Eor les mcrurs, les babiludes et les maaies des cbâtelaias dont ils IoD<}PQt les propriétés. II approuve ou critique leur gestion, et émet les idées les plus sages sur la manière dont ils devraient vivre, étant donnée leur position. Celui-ci, dont toutes les terres sont hypothéquées, aurait pu vivre très- heureux s'il n'avait pas eu la rage de « fréquenter les plus gros " . Celui-là, c'est sa passion pour la chasse qui le mettra sur la paille, car il se « fait des trous dans le dos i> pour arriver à maintenir sa meute sur le même pied que le comte de X..., qui, lui, n'a qu'à «se baisser pour en prendre» ! Et les racontars se succèdent sans interruption. LA PROVIMCE A CHEVAL. 97 Celte volubilité intarissable est-elle la simple manifestation d'une facilité d'éloculion développée par l'agitation alcoolique, ou bien le résultat d'un calcul machiavélique ? La seconde hypothèse me paraît la plus vraie. Le paysan, quoi qu'il dise, a toujours un but. S'il n'a aucun intérêt à parler, il se tait ; — dès qu'il dépense les trésors d'éloquence que la nature a mis à sa disposition, c'est qu'il eu attend un résultat. Sapplée par la livacilt da moDologae à la lenteur ôe la locomolioD. Dans le cas présent, le conducteur forain n'a pas d'autre espoir que de faire oublier à son patient, par la rapidité de son éloculion, la lenteur de sa loco- motion; et, le plus souvent, il atteint son but. Le colis humain qu'il transporte est tout étonné, une fois arrivé, d'avoir mis trois heures à faire un trajet qui lui a paru court et lestemeut fait; — les claquements de fouet, le tintement des grelots, et la conversation vive 13 98 LA PROVINCE A CHFAAL. et animée qu'il a subie tout d'abord, éeoulée ensuite, lui ont donné l'illu- sion du mouvement rapide qui manquait à rallelagc. Si le conducteur de voitures, patron ou salarié, répond dans toutes les provinces à un signalement à peu près identique, les chevaux et les véhicules ([u'ii emploie varient à l'infini. te Jiacre de Pontà-Moiisson. — Unique daos son genre ; doil èire relena quinze joors à l'avance, et pe a'engagi qa'sprês avoir reça des arrlieg. La nature du terrain, le dimal, influent également sur la conformation des uns et des autres ; mais ce qui différencie le plus l'aspect des véhicules employés, c'est la distance qui sépare le point oîi ils sont exploités d'un grand centre de production; et il serait cuiieux de rechercher, par exenq)le, le nombre d'années qu'il faut à un nouveau modèle de voiture pour arriver de Paris à Castres. A t'ié cODslroite poor conduire madame de VaodcneBBe à LoDgcbampB ea 1837; emmenre a Toars ea I84i, où elle a été repciole. a élé vendue après la mort de l'élégante Jenoe femme à qd Anglais; coûduite ù Poitiers par celai-ci, elle y est reslée jusqu'ea 18'i8; a s?rvi pendant loale la campagne da plébiscite de 1801 à transporter le préfet de la Vienoe ; sert comme fiacre à TouloDGe depuis celle date- Oc:=)0 c;:>O<=:=>0'cc=3y' Un fi.icre à Cotnpié>jne. — Une ancienne cluise de la poste i npérrale. et Ij jumeut rêfûrmée de Tuu des pi([ueurs du mar- quis de l'A Un fiacre à Versailles. — La dernière calèche de M. de Montdliiet, traînée par le chenal de Taïaut- dernier trompette des carabiniers. Deauvitle-Trouville et autres villes. — Payeùt lear attelage à la première cicarsiun, leur toiluie h la Bccoode ; — le refile esl tout bùnéGce. ^. ^A R_0 Eli Brclngne. — Aatti primitif que difScile â trouver. Feu recommaDJablc aui damei habituées aux bcit-resitiits. A eu rim[trudeuce de se laisser inviter à diuer par sou plos ptiiclie voisin (eeiie petits kilomètres) , IV LA PROVIMCE A CHEVAL. 107 Quant aux chevaux attelés aux différents spécimens de carrosserie échoués chez Jes loueurs, leur provenance est encore plus variée, — et l'élevage local n'a aucune influence sur leur recrutement. La plupart appartiennent à la classe trop nombreuse des anciens bons chevaux qui ont eu des malheurs. ,,iSi:#«SL- CommpQl de cheval de maître on passe cheval de 1oDS<]e. C'est ainsi qu'on retrouve dans des endroits on jamais un cheval de pur sang n'a été élevé, d'anciens outsiders détériorés par les fatigues exagérées d'un entraînement précipité, et quelques fils du désert qui n'ont gardé de leur apparence première que leur crinière échevelée et le majestueux panache de leur queue. Le reste de l'effectif des loueurs est fourni par les réformes de cava- lerie. Pour terminer, un conseil pratique au voyageur obligé de recourir à ce mode de transport antédiluvien et pressé d'accomplir rapidement le trajet qu'il a à faire : Qu'il ne parle jamais au propriétaire du cheval loué du temps qu'il lui faut pour parcourir la distance dont il s'agit : celui-là ne s'engagera 108 LA PROVIX'CE A CHEVAL. jamais ù faire un parcours dans un délai délerminé; mais, une lois en roule, assis aux côtés de son conducteur, qu'il dise nettement quelle somme il compte affecter au pourboire s'il arrive à telle heure au terme du voyage. Il peut être sur de l'atteindre au moment voulu. Une anecdote à l'appui : J'étais parti, l'an dernier, accompagnant un ami avec lequel je devais m'embarquer à Saint-Nazaire pour un petit voyage de circumnavigation de trois ou quatre jours. Après avoir déjeuné à Nantes cbez les bôles à couj) sûr les plus hospita- liers de toute la Bretagne, ceux-ci nous avaient installés dans un wagon qui devait nous conduire au quai d'embarquement précisément à l'heure de la marée. Oû il eel prooçé qop, bien qoe se rendant à on point desserti par on chemin de fer, on peul être forcé de recourir à nu chetal de louage. Malheureusement, à Savenfiy (je me rappellerai longtemps le nom de l'en- droit!), la première partie du train filait droit sur Saint-Nazaire, laissant en plan la seconde, qui bifurquait sur Redon. Le cocher de proviuce. qai lape eu roate aaSBJ impilofableaieat qa'aacua cocher de fiacre parisieii, comble voloaliers son cheval de scias adectueui, ana fois arrêté. CKAft \^ LA PROVINCE A CHEVAL. III Le wagou dans lequel nous clions montés faisait partie de cette dernière moitié, et lorsque nous nous aperçûmes de la manœuvre accomplie, la pre- mière moitié avait repris sa course, cl aucun autre train ne pouvait nous ame- ner à quai en temps utile. C'est du moins ce qui ressortit d'une orageuse conversation avec le chef de gare , dont les hommes avaient insuffisamment annoncé la manœuvre faite à notre insu. Dans de pareilles circonstances, on apprécie h toute leur valeur les ser- vices que peuvent rendre les entrepreneurs particuliers de transport. Ren- seignements pris, nous acquérons la certitude que le principal aubergiste du village possède une carriole qu'il loue qtieqvrfois, — mais on ne peut nous garantir que son cheval ne soit pas en route. C'est au pas gymnastique que nous courons nous assurer de sa présence à l'écurie. N'y a pas à cbuisiri s'y a qae lui Le misérable animal y est, mais quelle mine peu rassurante I ~ Il a marché toute la matinée, et il est vraisemblable, d'après son aspect, qu'il ne consentira jamais à reprendre le trot. 112 LA PROVIMCE A CHEVAL. En faisant notre marché avec le propriétaire de ce lamentable quadrupède, nous parlons naturellement de la distance à parcourir : elle est de seize kilomètres, et nous n'avons pas deux heures pour atteler et les faire. Mon compagnon s'inquiète et veut qu'on lui garantisse que nous arriverons en temps utile. Naturellement notre loueur refuse de prendre aucun engagement; et je me hâte de donner à mon ami un vigoureux coup de coude pour l'avertir de ne pas insister sur la rapidité de la course que nous avons à fournir. J'avais vu, en effet, aux préparatifs qui se Hiisaienl, que nous ne serions pas conduits par le loueur lui-même, mais par son palefrenier. Mou ami se tait, et nous grimpons lestement en voiture. Quel équipage! juste ciel! Jamais je n'en ai vu de plus pitoyable, et j'en suis encore à me demander par quel miracle d'énergie un animal n'ayant plus une seule jambe en état, maigre à faire peur, et par-dessus le marché tout petit, a pu traîner en une heure et demie, à quatre lieues de l'auberge où on l'y avait attelé, la lourde charrette dans laquelle le peu d'enq)ressenient LA PROVINCE A CHEVAL. 113 des employés à avertir le public des combinaisons nécessaires à la marche des trains nous avait forcés de monter. Qu'avait- il fallu pour qu'un fait aussi phénoménal pût être réalisé? La simple promesse d'un pourboire tel, que le Breton qui conduisait la mal- heureuse rosse n'en avait jamais rêvé de pareil. 5^£^-^=ÎQS:-^r^^ Que celle-ci soit crevée peu de temps après avoir accompli ce dernier tour de force, c'est bien possible ; et je le regrette , car la misérable bêle avait vraiment du cœur. 15 114 LA PROVINCE A CHEVAL. . Ce qui est certain, c'est que, grâce à notre machiavélique stratagème nous i^-avons pas manqué le départ de la Xonnandie : c'est pourquoi je le dévoile au lecteur, en l'engageant à l'employer en pareille occmreace. FiiM DE LA PREMIERE PARTIE DEUXIEME PARTIE AU CHATEAU Cl?'", k}' CHAPITRE PREMIER LA CAVALERIE DU CHATEAU. Le strict nécessaire. — Les clievaux de Madame; ceux de Monsieur; ceux des enfants. — Che- vaux d'invilés. — Grosse cavalerie et cavalerie légère. — Carrosserie spéciale. — Apologie du poney en général. — Des qualités d'un poney de tir. Si je ne craignais de passer pour un personnage absolument paradoxal, je me risquerais à dire qu'il n'e.xisle pas de capitale dans laquelle la vie soit aussi chère qu'à la campagne — j'entends vivre avec un certain confort et sans 120 I,A PIIOVLVCE A CHEVAL. trop s'ennuyer. — Il est certain (jue s'il ne s'ayit que du prix du bt!urre, il y a économie; mais pour \k'u (pie l'on veuille se procurer une dislraclion, il faut la payer, et beaucoup plus clier cpie partout ailleurs. Pour ne pas nous perdre dans des considérations générales qui nous éloi- gneraient par trop du point de vue spécial auquel nous nous sommes placé, il sufiit d'étudier les dépenses indispensables à un citadin qui n'aime pas à marcher en regard de celles que doit s'imposer un habitant des champs qui lient à avoir des moyens assurés de locomotion. .— A la dispOBÎcioD de UBled, Avec un budget restreint, le premier pourra se faire transporter pendant toute la journée en omnibus, tramways et autres fiacres. Si le second veut seulement faire deux visites par semaine à quelque voisin, il lui faudra avoir, en propriété personnelle, chevaux, voitures et cochers. LA PROVINCE A CHEVAL. 121 Le minimum de voilures qu'il faut se procurer, si Ton veut circuler par tous les temps et par tous les chemins, s'élève immédiatement à trois : \ . \ \ \ \ c.y Une voiture couverte pour le mauvais temps , crm Une autre découverte pour les beaux jours. 16 122 LA PROVIMCE A CHEVAL. Kl une Iroisièino à doux roues cl ayant la voie pour peu qu'on ait à suivre un chemin à ornières, seule voie de communication existant, jusqu'à pré- sent, dans bien des pays. ^ ^ .>^> \- -^^ Trois voilures comportent un nombre égal de chevaux, dont deux formant paire — harnais double par conséquent, et harnais simple. C'est donc, au bas mol , un capital d'une vingtaine de mille francs de premier établissement pour l'homme modeste qui veut simplement disposer d'un moyen de transport assez confortable pour le garantir des intempéries, et lui permettre de jouir du beau temps, quand, par hasard, il fait beau, ce qui d'ailleurs arrive bien rarement à la campagne, l'été surtout. Si le rural dont nous parlons aime à monter à cheval, et qu'il ait dans sa famille un membre aflligé de la même tendance, c'est immédiatement, en plus, l'achat de deux autres animaux, leur entretien et celui d'un second homme. Avec ces cinq chevaux, le sei-vice quotidien de la famille, si elle n'est pas trop nombreuse, sera peut-être assuré, à la condition, toutefois, de n'avoir LA PROVINCE A CHEVAL. 123 aucuns invités à faire prendre à la gare, sans quoi, il faudra renoncer à toute promenade le jour de leur arrivée et de leur départ. Après cette organisation modeste, à peine sufflsante dans une véritable campagne, située à quelques lieues de toute ville possédant des loueurs ou une ligne de banlieue, dont les trains se succèdent pour ainsi dire sans inter- ruption, examinons l'effectif nécessaire à une installaliou plus grandiose qui permette au cbàtelain de recevoir, De promener ses invités à cheval et en voilure, De les faire chasser; Qui lui donne, en un mot, les moyens de jouir du plein air, et de proflter de l'étendue de ses propriétés ou de celles de ses voisins. Prodi3aaDt à ses ÎQvitéa des conseils sur la manière dont il convient de monter ses cbevanx. Ce n'est plus par unités, mais par dizaines qu'il lui fimdra chiffrer ses chevaux. 121 LA PROVINCE A CHEVAL. Postières pour le transport à la gare dos voyageurs et des bagages, breaks de chasse, transport des victuailles pour les garde n-parties, voyages d'exploration, etc., visites aux monuments locaux ou aux points de vue des enviions ; Chevaux d'attelage pour Monsieur, pour Madame, pour les enfants, pour les invités; Itein^ chevaux de selle pour le même nombre de personnes; Item, effectif égal eu chevaux de chasse ; Item, poneys pour les enfants. C'est à première vue un total de trente à quarante chevaux, s'ils sont con- duits par des gens sages sachant les ménager. ^_'^\/~ ^_ i-^ vuljnire panier. — Eié- ^ ^ _~^' crable poar la lucomolion des *"■ - Iiumaius vivanls. Parfait poar le traosporl da gibier orcis. L'omnibus. — Régervé aa ocrïice de la gare, iadiBpeosable qaaod on va cbcrcber nne dame sfule. \oyageaDt avec 6a seule femme de cbambre. ir LA PROVINCE A CHEVAL. 13c Dans le cas contraire, aucun calcul ne peut permettre de déterminer le chiffre indispensable; ce peut être un tiers en plus, le double ou le triple! nul ne peut le prévoir, et alors l'hôte ne doit plus compter que sur la Providence, qui peut seule limiter ses dé- penses. Son intérêt, comme celui de ses invités , lui commande de re- chercher les chevaux froids , parce que d'abord ils s'usent moins vile, et qu'en- suite ils détériorent moins fréquemment leurs cavaliers impro- visés. Les chevaux pour amazones doivent principalement être doués de carac- tères d'une douceur iualtéi'able et sérieusement éprouvée. Trjin mofen d'un invité auquel on a codBi) un cbeval ayant buDDC volonté. ^#i \ mm Une foule de fem- mes, en effet, qui n'oseraient jamais monter à Paris , par crainte de la foule, se risquent à la campa- gne , par ignorance des difficultés de l'é- quitalion elle-même, et il est de toute né- cessité que , quoi qu'elles fassent pour les horripiler , leurs montures ne se dé- partent jamais du calme nécessaire à la stabilité du centre de gravité de ces téméraires inconscientes. Ch'val d'invité. — Type n" I , pour cavalier on préfinmé ttl. Emballeur, relivard, dur à toutes les allures, mais un fouds du diable. 13(> LA P110V1\-CE A CIIEVAF,. L'idral du dicval d'invilé serait un cheval de bois, ayant de la vitesse et du fonds : il l'audiait ([u'il fût en bois, pour rester insensible aux à-enup qui lui sont prodi- gués , et infatigable pour résister aux corvées qu'on exige de lui. J'ai connu certains queues-dc-rat qui réa- lisaient ce j)rogram- me, mais je crains fort que les derniers spécimens de ce pré- cieux type n'aient \S^r^ f^^'*f^'.YV<^^-t- Chetal cCinvUé. — Type if 2. pour hommes de cabioet. Doux, froid, impassible : de iérilables strapODlius. disparu. L'entretien d'une pareille cavalerie , grosse ou légère, est ruineux — on le comprend de reste; — c'est cependant un luxe de première néces.sité, si l'on tient à ne pas mourir d'ennui. A Paris , les dis- tractions naissent du hasard. Si vous vous en- nuyez ch(!z vous , vous n'avez qu'à pi'endre votre canne et votre chapeau, et, sans espérer des aventures digncsd'è- liife Cheval d'inrilé. — Type ti° 3. Cbecam spécialemeot réservés nnx amazones. Impavidumferient ruinx. le véritable sage d'Horace. tre racontées par Scheherazade, vous pouvez être certain que le spectacle de la rue changera vos idées. LA PROVmCE A CHEVAL. 13" A!a campagne, si la contemplation de la nature ne vous suffît pas, il faut vous procurer à domicile toutes les choses capables de vous maintenir en belle humeur. c. x. La queue-de rfit. — Réservé ponr tontes corvées — Service spi-cial poar le télégraphe et la poste. — On n'a qo'one dislribn- tion par joor, et, ponr des gens qni tiennent à rester an coarant do tout Paris, ce n'est pas suffisant. Si vous aimez voir vos amis, il vous faut les faire venir , et savoir les retenir. Si vous aimez la comédie, vous en êtes réduit à la jouer vous-même, et ainsi pour tout. Quand on ne peut se procurer un visiteur sans l'aller chercher soi- même, ni aucun objet quelconque sans l'envoyer prendre à des distances invraisemblables, la facihté des moyens de locomotion devient une nécessité, et il faut bien se résigner à nour- rir l'efTectif d'un escadron, à moius quion ne préfère entretenir une lé- gion de vélocipé- distes. On en arrivera peut-être là, grâce à la mauvaise vo- lonté des cochers, mais la mode n'y est pas encore. ^1 .^ Cltevaitx d'invilus. — Les poneys : ça sert toujoars, el c'est indispensablp puur l'cducâliou dfs géiiéraliooB futures. Pour atténuer les charges d'une écurie de ce genre, il ne faut donc pas songer à économiser sur le nombre des quadrupèdes ; plus on en a, mieux il 18 i:i8 LA puovivr.r, a cheval. vaut! Mais on ])C'iil se rallrajxT sur leur laillc, cl, par suile, sur leur cou- soinmalion. Le j)oney est, en général , résis- tant et sobre; — en l'employant , on obtient un ser- vice égal à moin- dres Irais. Déplus, il est, à l'ordinaire, beau- coup plus intelli- gent que ses con- génères supé- rieurs par le volume, et, quoique souvent fantasque, il est rarement dange- reux, parce que ses caprices apparents reposent la plupart du temps sur un motif raisonnable. Le poney est un aniaal teltcnienl réBislant qu'aloie même qu'on croit en abuser, on n'en exige rien qu'il ne puiese faire. A l'ajjpui de celte llicoric, pre- nons un exemple, et comparons, si vous le voulez bien, lafaeondont se comportent un cheval et nn poney aux prises avec une mouche. Le premier commencera par donner des preu- ves d'agilalion, et se mettra à tirer à la main, en mettant la tête en l'air, puis filera droit devant lui de toute la vitesse de ses jambes. X.fW%7 Le pODey coDSliluc la moDlure par picellence des cavaliers qui, élast à cbeval , aiment à s'occuper d'aatie clioee que d'équitation. — PeodaDt qu'ils lisent, dostineut ou reflèchisseDl, il »aif, lui aQ^si, trouver loujoars l'eunploi de eod temps. êmmÊM Encore une dépense obligaloire pour QD maître de naaieon qui lient à n'offrir à ses JuvilileB que des animaui réellemeul mis pour daaies! Héberger à poste Gse pendant la durée de leur séjour la drea- seuse en renom. LA PROVINCE A CHEVAL. Pourquoi cette lubie? 145 Vous n'en savez rien, — vous constatez seulement qu'il est affolé; et s'il rencontre un obstacle quelconque, il s'y beurtera avec une violence com- plète, et, du choc ainsi obtenu, il adviendra ce que pourra. AGsailli par les moacbes. Le poney (appelons-le Bob si vous n'y voyez pas d'inconvénient, en sou- venir d'un petit bai brun que j'ai eu en ma possession), le poney, dis-je, est moins bête : Il sait parfoitement distinguer de la piqûre de l'éperon celle du taon ; Il obéit à la première ; Mais, comme il sait que la seconde ne résulte pas de votre volonté, il cherche à vous faire comprendre qu'un intrus vient raiguillontier, et partant contrecarrer vos indications. Aussitôt qu'une mouche bourdonne autour de lui, il couche les oreilles et 19 Ii6 LA PROVINCE A CHEVAT,. s'ébroue de façon à adirer voire attention. Dès qu'elle l'atteint, il porte la tête du colé où elle s'est placée. Comme vous con- naissez ses habitudes, vous regardez dans la direction qu'il vous in- dique et que vous si- gnalent, en outre, les frémissements de sa peau : vous savez, dès lors, si c'est à droite ou à gauche que doivent se porter vos investiga- tions. Sivotre inspection ne vous fait pas voir tout de suite l'ennemi. Bob s'arrête et accentue son mouvement indicateur. Malgré tout, vous n'arrivez pas à découvrir le repaire du monstre ailé qui s est établi, trop bas, sous le ventre ou près des sangles; Bob se i-appelle alors qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, et d'un pied habile, intelligent , précis , il chasse son agresseur... qui s'enlève et va se placer un peu plus haut, hors portée de la jambe du cheval, mais sous l'œil du cavalier : vous prenez alors vos dispositions. Vous réunissez vos rênes et votre stick dans une seule main, de façon à pouvoir frapper juste de la main que vous avez libre. LA PROVINCE A CHEVAL. IVé Bob suit vos préparatifs avec une attention émue : en même temps que votre main s'enlève, son encolure se courbe de plus en plus, et son œil ne perd pas plus de vue la mouche que votre bras; d'ailleurs, il est immobile, et malgré la piqûre, aucun frisson ne ride son flanc. ^^. ^•^<^- Les ap[irèlB d'une eiécatioa. l'otre main suffisam- ment élevée, vous la ra- baissez brusquement : le taon s'écrase sous la claque , roule sur la route dans les derniè- res convulsions de l'a- gonie, et Bob, satisfait de l'exécution dont il a suivi les détails avec l'attention d'un repor- ter de profession, re- prend, satisfait , son temps de trot inter- rompu. Je trouve cela suffisamment intelligent pour uu animal duquel on dit comnmuément : « Béte comme uii cheval. » Il est vrai que pour être juste, et balancer ce que cette locution prover- biale a de fondé, on devrait ajouter : « Intelligent comme un poney. " Ce n'est pas seulement le peu d'élévation de sa taille qui le fait choisir comme monture par les amateurs de tir. A ce compte, l'àne est plus petit, moins cher et aussi robuste : ce qui le fait préférer pour cet emploi spécial à toute autre bête de somme, c'est pré- cisément cette aptitude à comprendre, cette intelligence que nous venons de constater. Posons le problème à résoudre quand il s'agit du choix d'un poney de tir. Ii8 LA PROVIXT.r, A CHEVAL. Un i)oiicy, un gros honinio et un fusil clanl donnes, il s'ayit d'arriver à ce résullal, qu'après la délonalion du dernier, le second demeure sur le pre- mier. Premiers essais. Solution difficile d'un problème dont la complication saute aux yeux! En effet, pour qu'un poney soit capable de transporter un bomme qui se sent trop pesant pour cbasser à pied, la qualité essentielle à lui demander est la vigueur. Or, on peut s'attendre à ce que la surprise ressentie par un cbeval vigoureux se manifeste par des gestes rapides, brusques au besoin, tels que ruades, sauts de côte, départs violents, toutes opérations susceptibles de déplacer notablement le centre de gravité d'un cavalier naturellement lourd, peu agile, et embarrassé d'un fusil qui veut être manœuvré à deux mains. Si donc l'bommc puissant dont il s'agit veut, de prime abord, avant que sa monture ait reçu une éducation préalable, tirer de sa selle un gibier quelconque, voici, point par point, le résultat de sa tentative. LA PROVIMCE A CHEVAL. 149 Supposons le cas le plus favorable à son expérience : Le cheval est arrête depuis un moment au coin d'une enceinte où les chiens chassent. Dans cette hypothèse, l'animal jouit de la sécurité la plus complète ; le lapin, prenons que ce soit un lapin, c'est-à-dire le gibier qui au passage fait le moins de bruit, passe à quelques mètres à sa droite ou à sa gauche. ^•'^"■'-s - 'S. Asx»: if- a,.:n •^\\( K:'"":.a^ Le cheval ne s'est même pas aperçu de sa présence, l'homme puissant ajuste et fait feu. l^. < \ . 41!,, % l 'W Î^^M U '^2^^ '^f. 0§, Instantanément, une sorte d'eflondrement se produit sous lui; — le cheval, terrifié par le bruit tonitruant qui vient d'éclater au-dessus de sa tète. 1.50 LA PROVIMCK A CHEVAr,. s'iipIalK comme quelqu'un qui appréhende la chute d'un plafond; puis, par une hrusqiie détenle de ses quatre jandjcs contractées dans la première surprise, il s'élance du côté opposé où la détouatiou a retenti. Le gros homme, déjà porté par l'inclination de son tir dans la direction du passage du gibier, s'y trouve précipité, à moins d'une puissance de con- traction invraisemblable chez quelqu'un pour qui la sinq)le marche consti- tue un exercice excessif. >^'tt,%'''hi :,_ La situation qui résulte presque forcément de cette succession de faits est celle-ci : au point extrême d'une ligne idéale se trouve le lapin... qui con- tinue sa course; puis on trouve le fusil, puis le gros homme, tandis qu'à l'autre extrémité le cheval fuit à toutes jambes. Tel est le spectacle qui frappe les regards des bassets au moment où, continuant leur poursuite, ils sortent à leur tour de l'enceinte. Si tout s'est passé comme on doit le prévoir, les canons du fusil sont LA PROVINCE A CHEVAL. 151 pour le moins remplis de terre; le tireur est plus ou moins contusionne; Quant au cheval, il restera invisible pour le reste de la journée, Et, dans l'avenir, aucune personne ne pourra plus en approcher si elle a dans les mains quelque objet que ce soit ressemblant même vaguement à une arme à feu. Conclusion : en matière d'éducation de chevaux, ne jamais vouloir aller trop vite. Ceci admis, voyons quels moyens on peut utilement employer pour atteindre la solution du problème ci-dessus énoncé. Et d'abord quelle est la race qui donne des chevaux répondant à l'usage qu'en attend notre lionnne puis- sant , qui aient la force et la douceur nécessaires. Le cob, le poney des fermiers anglais, aux reins solides, aux jambes courtes et nerveuses, dont le pied sûr permet de laisser flot- ter les rênes, est de tous les chevaux connus le plus apte à ce service spécial; mais il a souvent la tête lourde, la mâchoire commune. Il est laid, et, pour beaucoup de chasseurs, un pareil défaut est un vice rédbibitoire. Nous avons dans les montagnes d'Auvergne un type plus élégant, qui joint à une très-grande force une plus grande légèreté de l'encolure, et qui prend un très-bon caractère quand on a su corriger vertement les incartades du premier âge. C'est ce poney trapu, nerveux, très-résistant à la fatigue, porlant le poids 152 LA PROVIMCE A CHEVAF,. avec une aisance merveilleuse, très-peu impressionnable, qui semble le plus apte à profiter des loeons d'un cavalier amateur de cbasse à tir. Ajoutez à CCS (|u;ili- tés ([u'il est générale- ment inlelligcnt et faci- lement éducable, qu'il entend la voix de son cavalier liabituel et obéit souvent mieux à la parole qu'à un mou- vement de la main ou des jambes; en outre, il est gourmand et lérait des bassesses pour un morceau de sucre. Notez ce renseignement qu'il vous sera facile d'utiliser. Le choix arrêté, reste la question de dressage. Vous avez constaté que votre bidet n'a pas facilement peur des différentes choses qui effrayent habituellement les chevaux dans la campagne : Les chiens qui, à la traversée des villages, se précipitent dans ses jambes, le laissent impassible ; Les chats qui, lapis sur le pas d'une porte, s'élancent tout à coup, et passent sous son nez, ne lui causent aucun émoi ; 11 traverse imperturbablement les troupeaux de moulons qui couvrent toute la largeur du cliemin que vous suivez, et le départ d'une compagnie de perdreaux au détour d'un chemin de traverse ne lui fait ni ralentir sou allure, ni dresser les oreilles. Si vous avez à allumer un cigare, il reste au repos jusqu'à ce que vous li;i LA PROVINCE A CHEVAL. 153 ayez indiqué d'une façon quelconque qu'il peut se remellre en marche ; il a, en un mot, toute la tranquillité que peut acquérir un cheval habitué à son cavalier, et est arrivé à la docilité d'un cheval de troupe à la fin du congé de son titulaire. C'est le moment psychologique attendu : Faites prendre une allumette-bougie à tête bleue; la chose n'est pas absolument impossible! Si, au moment où l'explosion aura lieu, votre monture n'est agitée par aucun tressaillement, tout ira bien... Alais ne risquez cette expérience que quand vous aurez constaté, par son indifférence aux incidents notés plus haut, qu'il est arrivé à un degré de scepticisme déjà remarquable. Du bruit produit par l'explosion d'une allumette officielle à celui d'un pis- tolet de salon, la différence est faible, et vous pouvez, si la première expé- rience a réussi, tenter la seconde avec une sécurité d'autant plus grande qu'il 20 15i r. A l'ItOVIVC.K A CHEVAr,. vous reste une main libre pour irpriiner les éearls que pourrait tenter voire moulure. Le mieux serait de faire la tentative à pied, en vous tenant prêt à ealnier l'émotion du poney, en le flattant de la main — après quoi vous laites appr.- raître un morecau de sucre, que vous ne donnez que quand les dernières traces d'elfroi vous paraissent dissipées. Du pistolet de salon il fiiut passer au fusil, car je ne connais pas d'arme intermédiaire : mais la détonation en est tellement plus forte qu'il y aurai! danger à passer brusquement de l'un à l'autre. Pour habituer progressivement l'élève à la vue du fusil et à son explosion, voici les moyens à prendre : Avoir soin que l'homme qui donne les repas au cheval soit porteur d'un fusil foutes les fois qu'il entre dans l'écurie; Vous-même, soyez armé si vous faites sur le dos du conscrit quelques promenades dans le parc. Au bout d'un lenqjs très-court, l'étonnement que lui causera au début cet appareil guerrier aura complètement disparu; si, en même temps, vous LA PROVINCE A CHEVAL. 155 avez fait tirer des coups de fusil répétés, à des distances de plus en plus rap- prochées, son oreille sera bien vite familiarisée au bruit formidable du lefaucheux. Ces deux points acquis, reste à lui faire accepter sans protestation la vue de la fumée, du trait de feu qui illumine dans les jours sombres aussi bien qu'à la nuit l'oriGce du canon ; Enfin, pour que son éducation soit complète, il faut qu'il supporte sans terreur la secousse produite par la détonation même, c'est-à-dire l'ébran- lement de l'air. Cette absolue indifférence ne s'acquiert pas du jour au lendemain ; mais on l'obtient avec de la patience et en multipliant les détonations. 11 est cependant essentiel que l'émotion causée par l'une soit complètement calmée avant qu'une autre ait lieu. -H^V^m. ^■ni;P'i)7'iir'^'^'" Ce n'est qu'après une très-longue expérience qu'un cheval arrive à écou- ler sans broncher un feu de peloton : le jour où il en est là, son éducation est terminée, et n'importe qui peut alors se livrer sur son dos au plaisir de fusiller à discrétion. 151! LA PROVIVCE A CHEVAL. Il n'est pas dit pour cela que tous vos coups porteront I Bien au contraire; attendez-vous à ceci que, pendant les premiers jours de ce nouvel exercice, votre tir aura un imprévu considérable. ' ;/v^,va^3;v^'^i.^, x\yKiw»v>BM^. li:i#Hsë#&* .Mmmmit ■;%^'^m ■:^^^ ^■^^ Si paisible en effet que soit devenue votre monture, elle sera pendant assez longtemps encore agitée par un frémissement qui, si léger soit-il, aura encore assez de force pour faire dévier votre coup. Il faudra, en outre, vous habituer à tirer d'un seul bras, à vous équilibrer sur votre selle de façon à pouvoir tirer à droite ou à gauche sans perdre votre assiette ; Il faudra que l'encolure de votre cheval ne vous gène en rien, que vos rênes ne soient plus un embarras pour vous, que votre fusil ne parte qu'au moment où vous le voudrez... Ces mille riens obtenus, si le parc dans lequel vous chasserez de la sorte est excessivement giboyeux, mais ce qui s'appelle excessivement giboyeux; Si vous avez habituellement et en toutes choses une chance considérable, r,A l'ROVIX'CE A CHEVAt.. 159 vous arriverez, certains jours, pas tous les jours, mais enfin quelquefois, si vous êtes à pied ce qu'on appelle un bon fusil, vous arriverez, dis-je, à fuer, ou tout au moins à blesser un lapin ou deux, mais vous aurez Irès-agréable- nient passé votre après-midi. '&«;> ../,-^-r^^^^,^,(t^ Nota. — Grand nombre de chasseurs préfèrent descendre de cheval an moment où ils ont chance de tirer. L'apologie du poney à laquelle nous nous sommes laissé entraîner nous a quelque peu éloigné du sujet de ce chapitre, qui est l'approvisionnement nécessaire au châtelain désireux de pourvoir au transport de ses hôtes. En réservant dans son écurie une large place aux poneys et doubles poneys, il atteindra une somme de travail égale à celle que fourniraient de grands chevaux, et réalisera sur ses frais d'entretien une réelle économie. Un autre moyen, non pas d'éviter, mais de retarder la ruine finale, consis- tera dans le choix des voitures à employer, à la fois résistantes et légères, et construites en raison de la conformation du pays dans lequel l'infortuné châtelain dont il s'agit compte les mettre en service. Pour cela, il lui faudra trouver un carrossier intelligent, ayant l'expérience et l'amour de son métier, et qui ne soit pas encore devenu un assez gros seigneur pour dédaigner de s'occuper lui-même des travaux exécutés dans ses ateliers. Il faut encore que ces ateliers ne soient pas une usine dans laquelle on i(;o LA PROVIXCE A CHEVAL fabrique uiiiformcment un unique modèle, de façon qu'on ne vous réponde pas, si vous demandez une modificalion quelconque au type à la mode, par celle phrase slupide qui n'a de sens que dans les Irailcs de civililé puérile et honnête : " Cela ne se fait pas. » J'en connais un qui réunit ces j)rccieuses qualités, et, an risque d'avoir l'air de faire une réclame, ce qui, grâce au ciel, ne m'est jamais arrivé, j'écris ici la première lettre de son nom : il s'appelle Stiebel ; au lecteur de cher- clier son adresse, s'il veut la connaître. QaFI-^ CHAPITRE II L ART DE SE PROCURER DES IMVITES. PIEGES SPECIAUX. Quand un châtelain se sent les reins assez solides pour héberger un grand nombre de ses contemporains, et qu'il est résolu aux sacrifices nécessaires pour leur faire agréablement passer le temps, il ne lui reste plus qu'à les décider à quitter leurs occupations habituelles, pour venir prendre leur part des nombreux plaisirs qu'il leur réserve. 21 ir.2 LA PROVINT!' A C.HKVAI,. La tàclie nvs[ pas toujours larilc, cl les plus agréables commensaux sont Soiivnit les |)Iiis (lillirilcs à allircr. Se sachant très-demandes, ils se l'oul désirer souvent au delà des délais assignés à la villégiature, et reportent sur l'année suivante les invitations (|iii leur ont été faites. Nous avons retrouvé une série de lettres destinées à ranimer l'ardeur de retardataires de ce genre, écrites par un maître de maison à court d'invités : c'était un vieux chasseur, habile à piéger toute espèce de gibier, et qui avait eu recours à ses souvenirs de braconnier amateur pour arriver à prendre dans ses lacs les invités les plus récalcitrants. Il prétendait avoir réussi. l'oici quelques spécimens de ses lettres, eu tète desquelles il avait eu soin de noter à quel système de piège connu chacune d'elles correspondait , en même temps que la voiture qu'il convenait de faire atteler pour envoyer prendre la victime. CHASSE A L APPAT. mi/s^'m^'^i' \«C#*.i4tei^sf]t'' Â Monsieur Raoul de Chauvin, > -^'tW^^fC?!--''^' fpk^ûr'^lmt." ''f^'^ capitaine de reserve. Mon cher Raoul, ceci est une oc- casion sans pareille pour toi. \ -— -^ -■='^s^~~7 ~— ^ Le général Ledur est en tournée d'inspection dans nos parages, il a établi son état-major à Castelkrevan. Viens, el tu t'y trouveras naturellement attaché. Ou essaye les nouveaux uniformes. \J. B. — Le général vient d'être i)ris d'un accès de goutte qui arrête toute inspection : soit pour Raoul huit jours de piquet forcé! Envoyer un cheval Icnu en main , cl voir aux écuries s'il n'y a pas par hasard un palefrenier récemment sorti du scriice auquel on n'ait pas songé i faire couper sa moustache. LA PROVINCK A CHEVAL. 1G3 La baronne douairière Dudiapclais. — Cliàteau de Cliappevillcj par Fouillis-lc-Béni. — Eure. CH.ISSE A l'appât. - \ "'"--^fc,. Madame, On m' apprend que vous allez quitter Chappeville pour rentrer à Paris. Vous feriez acte de charité en vous arrê- tant à (]astelkrevan. Vous y trouverez quelques pécheurs qui ont bon besoin de vos exemples. Nous avons fait restaurer la chapelle, où vous pourrez prier pour eux, de concert avec Monseigneur de Meniphis, qui a bien voulu accepter notre hospitalité pendant son .séjour en Europe. C'est une âme admirable qui com- prendra la vôtre. P. S. — Amenez donc votre charmante nièce. Envoyer le landau. CHASSE A L APPELAXT. Les meilleurs appelants sont les niàles, principalement les jeunes; mais tous les mâles n'appellent pas, tandis que presque toutes les femelles appellent plus ou moins. [Secrets anciens et modernes de la chasse aux oiseaux.) Au maestro Piccolominardi. Cher Maître, Vous qui vivez par l'oreille et le goût, laissez donc l'O- péra, où l'on ne vous donne rien, et venez à Castclkre- van. IGi LA PROVINCE A CHEVAL. L'incomparable iiiadainc Z... y clianle Ions les soirs. C'est, vous le savez, un infalijjnhle conlralloj elle assure qu'elle n'a Ions ses moyens que quand vous (Mes là. Venez, il y a ini Irain à quatre heures, qui vous amènera pour diner demain. On vous al tend. Envoyer ce (|u'on possùile de plus éclalant en fail dV-qnipage : dcmi-daumoiit, si possible. l.E riftCE A LOUP. Il ne doit être tendu que dans les endroits tout à fait écartés, et quand on connaît bien le ])assaj}e de l'animal. [Guide du cliasscur.) \Jvy Castollircvan. M. V. de rcuxscullcs, Paris. Mon cher, nous som- mes seuls à présent ; nous n'avons plus que madame V. . . et sa fille. Je crois que le moment est venu de te déclarer. Tu sais tout : les avantages et les inconvénients de cette alliance j réflé- chis et décide-toi. Ou mieux encore, ne réfléchis pas et décide-toi. Envoyer la Victoria, avec bouillolle el énorméinenl de couvcrlurcs. CHASSE A L APPAT. On a soin, avant de se mettre à l'affût, d'appâter avec la nourriture dont l'oiseau qu'on veut chasser est le plus friand. Le marc de raisin est excellent pour la grive. [L'Art dupiégeur.) LA PROVIVCE A CHEVAL. 165 Monsieur René Grandgillcl, — au Café Anglais, cabinet Caslclkrcvan, 3 novembre. AIoû gros Reué, j'adresse ma lettre ici, parce que tu vas là plus régulièrement que chez toi quand tu passes à Paris. Sais-tu que tu uous as fortement négligés depuis la mort de l'oncle Abcl? Je comprends qu'on «>A ue tienne pas à sé- ■'i* journer dans une ** maison triste. Mais notre deuil louche à sa fin, et ii=|& ., une chose que tu " — ignores peut-être , c'est que le pauvre oncle avait une cave dont on dit le plus grand bien, et qui est nôtre à présent. Tu serais bien gentil de venir uous en dire ton avis, qui est décisif. A toi. Envoyer la voiture la niicuï suspendu:^ qu'on possède : le huit-ressorts de madame au besoin. ^f:^,;^^^m- u<'K CHASSE A LA PIPEE. En pipant, c'est-ti-dire en imitant le cri de la chouette, on attire ses ennemis ordinaires, le geai, la pie, etc., etc. [Manuel du c/iasseur.) Monsieur Ferdinand Razafroijlli. — Paris. Mon cher ami, nous appelons au secours. Ce sempiternel poseur de Sanggheue est toujours ici, où tu l'as laissé à ta dernière apparition. Impossible de le faire déguerpir, quoique nous soyons plusieurs conjurés dans ce but. l(i(5 I.A l'ROVIX'CK A niKVAI-. Il se |)iuaiic, caiisc, ril, jonc cl (•lia.s,s(! coin me s'il no s'apercevait de rieu. Toi seul trouveras le inoycii de le im'llre en l'iiile. Accours doue, et plus tôt que plus lard. Aller le clierclicr soi-même en bug^y, afin de combiner dans le tètc-i-lôte la marcbe îi suivre. CHASSE A L APPAT. A Monsieur E. Leijtac, à Quimper. Mou cher poëte, uiadanie l'almont, doul (u admires le talent, a lu les vers que tu as dédiés à ma femuie. Elle tieut à le voir. Apporte tes manuscrits. Elle veut que tu les lui lises. Nos oreilles s'impatientent . Viens! viens! viens!... A^. B. — Madame Valniout a quatre-vingt-seize ans et est sourde des deux oreilles. Envoyer le garçon de ferme avec une carriole. Rien n'est lourd comme un manuscrit. LA PROVINCE A CHEVAL. I()7 CHASSE AUX MOUVANTS. On nomme mouvants des oiseaux attaches de diverses manières à l'endroit où l'on veut en attirer d'autres. [Guide du chasseur.) Monsieur le vidante de Frolhennage. Très-cher valseur, il n'y a pas de vrais cotillons sans vous. Une foule d'accessoires sont préparcs, et ma femme |V me charge de vous dire que , ,,,,,, I toutes ces dames vous al- 'l 'J !'' '' , , , MlVlm, tendent. (Suit l'cnumération des susdites, qui sont réelle- ment invitées, mais dont aucune n'est encore arrivée à Caslelkrevan.) lùivoycr n'importe quoi, pourvu que ce soil lierméliquement clos, le vidame ayant une peur atroce de tout ce qui ressemble à un refroidissement. CHASSE a L APPEAU. L'appeau est un inslrtunent au moyen duquel ou imite, soil le cri de l'oiseau que l'on veut prendre, soit un autre susceptible de l'attirer également. [Manuel de l'oiseleur.) Monsieur le baron de Rhéaclc. Mon cher député. ,'/',. "(S^Mm;:y¥ Venez donc, mais vite. Nous avons, lundi prochain, un Comice agricole, et quoique nous '^^^^ ~^ — - f\C soyons ici heaucoup qui pensons comme vous, nous n'avons ni votre autorité ni votre éloquence , et personne au château ne se sent de force |(;8 LA PROVINCE A CHEVAF.. à vous siipplci'r. Ce n'csl doue [)as uuc iuvilaliou, uiais uu appel à voire palriolisnie, etc., ele. L'aller chercher soi-même tu grand pliaéloii. CHASSE A LA TRAITE. La (lil'ficulté est d'appàler de uiauière assez allécliaufe pour que le giljier y pcuètre. C'est en temps de neige que ce geure de i)iége réussit le mieux. (Manuel du chasseur des animaux de j)ruie.) Monsieur Guzman des Hobstack, à la légation des Pays-Bas. Mon eher ami, e'est bien la der- nière fois qu'où me preudra à parler de toi devant les femmes. J'ai eu la bêtise de le faire devant la jolie madame de K..., qui est ici sans mari, et elle ne cesse de m'accabler de questions sur ton compte. Est-il réellement aussi bien qu'on le dit ? Vous savez, il n'y a rien de si trompeur que ces réputations-là, et patati, et patata. Bref, je lui ai dit qu'elle pourrait juger de visu. Ai-je eu tort? Non, n'est-ce pas?... Ton ancien complice. Envoyer le coupé. Il est nulispcnsablc que pour la présentation, il apparaisse immaculé, sans l'ombre de poussière, en possession de tous ses avanl.iges plastiques. LA TROVINCE A CHEVAL. IG9 CHASSE AU LEURRE. On appelle leurre l'aiiiinal postiche dont le chasseur se couvre pour approcher du gihier. [Guide jwatique du chasseur.) M. Eugène Duprism, avenue de Villicrs, Paris. ):\„ Cher Monsieur, je crois V H' ^ f ^^"^ que je tiens votre modèle pour votre tableau. C'est un type d'une pu- reté rare et d'une régularité extraordinaire par ces temps de croisements invraisemblables. Venez la voir et la peindre. L'aile nord de Castelkrevan vous donnera du jour à discrétion et sans reflets. Nous comptons sur vous. N. B. — Ladile demoiselle a vingt-neuf ans, cent sept mille francs et pas d'espérances. Envoyer le cliar à Laiics, pour rapporter du même coup le maître et son outiilajje. CHASSE AUX MOUVANTS. On peut attacher le mouvant à l'aide d'un corset fait avec une peau de gant très-souple qui laisse ses ailes libres. [Art diipiégcur. Collection Roger.) Monsieur le comte Olivier de C... Si vous êtes toujours, mon cher Olivier, le même amateur de beautés hautes en corsage, arrivez ici par le premier train. 170 LA l'uov ixcM A chp:val. \oiis avons parlô do vous dcvaiil iiKulamc de K..., qui (icnl absoIunuMil à ce que vous lui soyez présenté. \o tardez pas, elle en maigrirait. .1 vous. Roger. /'. S. — Elle a l'habitude de se déeolleter eu earré. CB.1SSE A L APPAT. Monsieur G. de Toospotir. Le Havre. Par dépêche. Caslelkrevan. Dear, es-tu toujours passionné j)our le lauii -tennis? Sir John est iei. Gaston prétend plus fort que toi. Vïens leur z'y prouver le contraire. Lui envoyer l'araignée et la IroKeuse américaine pour le distraire pendant le trajet. CHASSE A L APPELANT. On nomme appelant (out oiseau captif que l'on place de manière à appeler par son chant ou ses cris les autres oiseaux dans les pièges qu'on leur a tendus. [Manuel du tendeur.) LA PROVINCE A CHEVAL. 171 Casieiki'cvan, 3 novembre. Mon bon Toto, voilà qniuze jours que je suis ici, où je ne devais te précéder que de vingt-quatre lienres. Tu y es plus intime que moi, et je suis embarrassé de mon personnage. liens vite! c'est le seul moyen honorable d'y prolonger mon séjour, et il laut qu'il se prolonge. Elle le veut. A toi et à charge de rcvanclie. Ton archidévoué, Erxest. Demander au maître de la maison la permission de l'aller chercher vous-même avec le dog-car. A Monsieur Anatole du Buisson, à Corneville, Somme. ...Les chasses sont reprises et marchent à merveille. On prendrait toute la meute i'IrâAiW*'^*" d'un coup d'épervier. l'as un défaut, pas même un balancer. 172 r,A l'ROVIMCE A CHEVAL. Je vous ai jjardé Soulouquc et Malvina, sur le dos desquels vous avez déjà galopé l'an passé. .V. B. — Souloucjuc esl boiteux depuis la dernière eliasse, el Alahiua rue à loul défoncer aussitôt qu'on lui met, non pas la selle, mais le lapis. Envoyer une voilure quelconque, pourvu qu'elle soit découverte et coniluite par le piqueur. CHAPITRE III UNE CREMAILLERE AU CHATEAU. Je ne crois pas qu'un esprit droit puisse contester la vérité que je vais émettre : à savoir, que la peine qu'on se donne en vue d'un plaisir double, quadruple, centuple au besoin la jouissance qu'on en éprouve. Pendre une crémaillère est en soi nue chose agréable, mais la pendre à une trentaine de lieues de Paris, daus un endroit où le village le plus 174 LA PROVI.VCK A r.HKVAL. voisin csl éloigné do plusieurs kilonièlres, où la gare la plus proche est à plusieurs heures de voilure, où pour se procurer le moindre ruban de fil il laul enlrelenir une correspondance diploniati(pie avec les principaux coni- inereanls du chef-lieu, cela se rapproche du tour de force, el c'est uue joie sans pareille pour de véritables amateurs de difficultés. Considérez en outre (|ue les invités sont éparpillés sur nn territoire consi- déral)le ; Que bon nombre d'entre eux demeurent à luiil ou neuf lieues du point de rendez-vous ; Que la marquise des Étangs, dont la présence est essentielle pour la réussite -^=- de votre fêle, a de vieux — — ^^ chevaux et des gens qui n'ont pas /sj^ 1'- bougé de- puis dixans, passé six heures du soir; Que le comte des Tiiliers, dont l'absence serait remarquée par tous vos invités, et commentée pendant toute la saison par leurs connaissances les plus éloignées, chasse deux fois par semaine, et ne quitterait pas son châ- teau pour le retour du roi, ni la veille, ni le jour, ni le lendemain de l'une de cesdiles chasses; Qu'il est presque impossible d'obtenir des parents des demoiselles du Chesnay qu'elles assistent à une réunion nocturne, et que sans elles le nombre des danseuses serait trop limité, puisque, pour avoir le comte des Tiiliers, la marquise des Etangs, le duc de Chars, la comtesse de Chaumonl et la baronne de la Bonde, il faut de toute nécessité renoncer à inviter le monde officiel; LA PROVIMCE A CHEVAL. 175 Qu'il est de plus iudispeusable de moatrer aux indigènes sédentaires quel- ques notabilités parisiennes! Jugez après cela de l'état de fatigue, de liarassemeut, d'éuervement d'un maître de maison qui est parvenu à vaincre toutes ces difficultés et à réunir chez lui tous les personnages marquants de sou canton. Qu'on le décore! dirais-je, si j'avais quelques chances d'être obéi. N'en ayant aucune, je me borne à constater que peu de gens ont aussi bien mérité de porter un insigne qui les distingue des oisifs. Huit heures. La distance est longue de mon domicile au château qu'on inaugure. Nous nous installons en deux voitures qui se suivent pas à pas. Il est huit heures. Le village dort pro- fondément : notre passage réveille quel- ques chiens qui font vacarme. Le cocher tourne à gauche. Nous sommes en plaine. Absence complète de clair de lune; mon hôte, mon seul compagnon de route, en homme prudent qui prévoit qu'il s'éloigne de son lit pour toute une nuit, prend un sérieux à-compte de sommeil. Impossible de suj)pléer au manque de conversation par la contemplation du paysage. \ous roulons au milieu d'un encrier, et, n'étaient les lanternes de la voiture de ces daines, qui jettent devant nous sur la route une traînée blanche, on se prendrait volontiers pour saint Paul sur le chemin de Damas. 176 LA l'IiOVI.VCK A CI lia AI,. 'l'diil à ((iiip iiiu- liimicre \ivo, j)uis deux, apparaissent à iiolic ;jauche. Nous approchons de la «[raiidc roule, cl ces pliarcs sont les laiilernes du liin- daii du conile des Tilliers. La roule s'anime. Nous dépassons la marquise des Étangs, et le coupé de la baronne de la Bonde nous rattrape ; puis ce sont les demoiselles du Cliesuay, dont les figures encapuchonnées s'illuminent tout à coup sous la lueur de nos lan- ternes, nous donnant ainsi à l'improviste cl en rase campagne un premier aperçu de sourires jeunes montrant, au milieu de lèvres écarlale, une collection invraisemblable de dents blanches. Le défilé me plait, et je profile du sommeil prolongé de mon camarade de coupé pour donner au cocher l'ordre de nous laisser dépasser par les voi- tures qui se succèdent. LA PROVINCE A CHEVAL. 177 Xeiiflicurcs et demie. Les chevaux tournent vivement à droite, et le pavé, succédant au maca- dam, sonne bruyamment sous les roues; nous sommes arrives. |É|,H, Au fond, la iîh i|iil|i;,|| f silhouette du ';,''*;']/* '>'■ ,,; ' .•'■■, [ji! ii' t^hateau se des- (Illli|||||pl sine surle ciel, r:!i'|:55ll!liil| quis'estéclalré V\^_^ depuis un mo- ment. Sur les pelouses, à droite et à gauche de l'allée qui conduit au per- ron, de petites lampes, veilleuses, godets multicolores tracent le chemin à suivre. Cette preuve de civilisation rassure et fait bonne impression après une étape faite entièrement à tâtons. Plusieurs voitures reviennent sur leurs pas, regagnant la ferme où les écuries sont préparées. Nous ne sommes donc pas les premiers arrivés. Tant mieux! Dix heures. Ce sont les grands parents cpii font les honneurs à l'arrivée. On croit à un accroc, une indisposition su- bite de l'un ou l'autre des nouveaux châte- lains. Il n'en est rien. Le seul dinger qui nous menace est un à-propos drama- tique, dans lequel tigurent le maître et la maîtresse de la maison. 23 17S LA PROVINCE A CHEVAL. Dix heures et demie. Nouvelle alerte. Des pompiers, casque en tcle, escaladcut l'escalier. Est-ce un incendie? Heureusement non. Alais il faut tout prévoir, et, puisqu'il y a des coulisses, il est tout naturel qu'il y ait des pom- piers — et, d'ailleurs, c'est une gloire locale, puisque nous som- mes dans l'Eure. Onze heures. On a distribué les programmes, illustrés par un Clairin du cru. L'à-propos, dû à la plume d'un habitue de la maison, comporte trois Silii; actes et un grand nombre de la- bleaux, mêlés de I % ^ HnmU^ _ chant, de vers, de ™" ' """;^'"""""|]l|||lfl' danses et de pan- (^^^^" ' tomimes. Nous en avons pour deux bonnes heures ! I ! — Avez-vous déjà vu jouer ces dames? — Non, et vous? LA PROVINCE A CHEVAL. 179 — Aloi non plus, mais elles peuvent jouer aussi mal qu'elles voudront, il me suffit de pouvoir les regarder pour être sûr de ne pas m'euuuyer. — Et les acteurs mâles? — Dame ! vous savez, j'aime autant Dupuis. — Lequel? — Les deux. — Très-jolie, la salle. — Certainemeut. — II parait qu'en temps ordinaire c'est un atelier. Il y a donc quelqu'un de la maison qui fait de la peinture? — Personne. — C'est rare à l'heure qu'il est dans une famille nombreuse. — Comme vous dites. — Mais alors pourquoi une consfrucliou de cette inqjortance? — Ça peut toujours servir aux invités. — Vous avez raison, et puis ils pourront y mettre un billard. — Assurément, ou y étendre le linge des enfants. Onze /lettres et demie. La salle est comble. Presque tout le monde a pu s'asseoir. On frappe les trois coups. Le rideau ne se lève pas. Pourquoi? On entend derrière la rampe des bruits confus. C'est la voix de madame : — Non , mon ami , jamais je n'oserai. Tout ce monde, ce costume, je ne sais plus un mot de mon rôle; laites une annonce, dites que l'un des acteurs vient d'avoir une attaque. IRO LA PROVIMCK A CHF.VAr,. — Clière ainir, vous n'y pensez pas (c'est la voix de monsieur, et elle est sévère) ; si vous voulez que lout le pays se moque de nous jusqu'à la vie éternelle, nous n'avons pas autre chose à l'aire. Vous n'êtes plus une enfant. La voix se perd dans un duicliolemcnt inarticulé... puis trois nouveaux coups. Les rideaux s'entr'ouvrent, et madame apparaît dans un costume admirablement décolleté. Un tonnerre d'applaudissements éclate. Minuit. Roger et moi allons faire un tour à la ferme. Il y a là de quoi raonler un escadron, de manière inégale, il est vrai; mais le nombre y est. J|ljnUiJiilliril''lMLLliili''*'IÛ''illBiiii'llil-au!'.iL^ui,.i..M.-. La taille varie entre un mètre soixante-dix et un mètre vingt ; l'âge, entre deux ans et trente-quatre; mais eu général le modèle est satisfaisant. LA PROVINCE A CHEVAL. 181 On voit qu'où a affaire à des chevaux de connaisseurs, de bourse et de prodigalité diverses, mais sachant choisir et tirant les uns et les autres le meilleur parti de leurs ressources. Les hommes, étendus sur la paille, dorment d'un sommeil sonore qui fait envie. Une heure. Nous rentrons dans la salle. On en est au hallet. Le succès s'accentue. Excessivement gentilles, les danseuses en coslunie de bergers et de bergères. On a supprimé l'élément mâle dans cette =- partie purement décorative. On a bien fait. Une fleure et demie. C'est fini pour l'art dramatique. Tout le monde applaudit et prodigue à haute voix les compliments les plus hyperboliques. C'est ravissant, invraisemblable. Le monde est le véritable Con- servatoire. Les plus intrépides pénètrent dans les coulisses pour aller por- ter à domicile le compliment qu'ils ont élaboré au cours de la repré- senlatiou. 182 LA PROVINCE A CHEVAL. Dciix heures. Le maître de la maison n|)|)araîl dans les salons; il est harasse, el, (juoiqn'il ait enlevé la j)errnque et les l'avo- \ \~ /y^ f ''*" ''" premier rôle, on a peine à ' ' "^ '' le reconnaître; on se l'arrache. — Quel mal vous avez dû vous donner, mais aussi comme c'est réussi ;t — Mille fois trop bon ; mais ayant fait tout ce qu'on peut, on fait ce qu'on doit. Trots Iienres, qualre heures, cinq heures. On tourne, tourne, tourne; on cotillonue; la jeunesse s'entend; les gens graves tentent de quart d'heure en quart d'heure une motion en faveur du souper. Démarche inutile; il y a là quelques enragées habituées à se contenter des sauteries diurnes, et qui ne sont pas disposées à lâcher pied. LA PROVIiX'CE A CHEVAL. 183 Mêmes heures. Ici l'on dorl. — Ce sont les parents résignés qui oui métamorphosé l.i pièce eu dortoir. Les organisateurs de la fête, l'auteur du drame, le beau- père du châtelain , qui ont veillé aux répétitions , monté le théâtre, décoré la salle , gagnés par l'exemple , se sont joints aux premiers et ronflent sur leurs lauriers . Six heures. Ou soupe! enfin! disent les aucétres. Déjà! disent les générations nou- velles . ilÎM! I 1 ,-^ ---/-*jNi- ^s ^ Cependant, une fois installé, chacun consomme consciencieusement. ISi LA PROVINCE A CHEVAL. Le cliampayiin csl rra|»pc à poiiil ; il aplalil défi- nilivemciit les sanguins et surexcilc à nouveau les iier\('ux. Ces derniers divaguent et déclarent qu'ils ne sont _ absolument j)as faliyucs ; ils veulent chasser, mon- ter à cheval, faire des armes; on les abandonne, cl l'on grinij)e en voiture. Les routes sont bonnes, les ressorts moelleux, et chacun se réveille à sa porte, en plein soleil. ^^^^. CHAPITRE IV DU MAIL-COACH ET DE LA MASIERE DE S EN SERVIR. Quand par ruse, violence ou séduction, un châtelain est parvenu à imposer à des amis les rigueurs de l'hospifalité campagnarde, le moins qu'il leur doive est de leur procurer le moyen de tuer le temps, de diminuer la durée des jours caniculaires où le soleil, pareil aux viveurs néophytes, ne se cache tout juste que ce qu'il faut pour n'avoir pas l'air de découcher. 24 18G LA l'ROVIXTF, A CHEVAL. Le iiicillfur remède au calme des champs est d'y porter le mouvement. A la campagne, il ne suffit ])as d'avoir des chevaux; il en faut trop, pour soi d'abord, pour ses invités ensuite; — il ne faut jamais qu'une tentative d'évasion soit empêchée par ce motif que tous les chevaux ont été ou attelés ou montés, et les amphitryons doivent comprendre qu'ils n'ont pas le droit d'isoler les gens dans des prisons dont les murs sont remplacés par des déserts dont l'étendue se chiffre par kilomètres, sans leur fournir en même temps les moyens de les franchir. L'obligation pour tout iuvitcur champêtre de posséder un nombre exagéré de clievaux admise, il est facile de démontrer que rien ne lui est plus aise que d'organiser un repas sur l'herbe. Dix ou douze chevaux peuvent amplement faire la besogne. Deux niail-coach, dont un aménagé de façon qu'on y puisse faire la cuisine, car rien d'insupportable comme les repas dont le nu'nu se compose exclusivement d'aliments froids, doivent suffire au transport des convives. m^^ ( '' vMii ■"-0 H' ■" «■ 0. a. 4, \ a C «y- _ -3 — ■£ eu R '=^ Q. ^"L.-^ Si le trajet s'est opéré dans voire mail, " lotre droit et votre devoii n . comme disait feu Tiochu, veulent qu'à l'arrivée vous présidiei, en personne, an débarqnemenl de vos passagères. Obligé, par la politesse la plus élé- mentaire, d'offrir la main au\ dnmes , tant mieux pour vons si elles vous tournent le dos au moment même où vous la leur préseuterez. s^ x> LA PROVINCE A CHEVAL 201 La réuniou de tous les âges fait uu merveilleux effet daus les tableaux aca- démiques, j'eu conviens volontiers; mais rien d'absurde dans la vie journa- lière comme d'accoupler les vieux aux jeunes, et les éphèbes aux adultes. Les vétérans, à quelque armée qu'ils aientappartenu, fût-ce celle du plaisir, ont droit aux égards et au repos, rien de plus; quant aux tout jeunes, c'est à eux d'orgauiser leurs plaisirs comme ils l'entendent! La distribution des places à bord des mails est également de la dernière importance. La conduite du premier appartient de droit à l'anipiiitryon qui doit diriger la promenade; à son côté, une vieille connaissance à lui, plutôt taciturne que bavarde ; Car il a besoin de tous ses moyens pour la direction de sou attelage. Sur h première banquette, rien que des femmes. 26 202 LA PROVINCE A CHEVAL. Mt sur la sccoiulc, le plus de célibataires possible, qui, s'ils conuaissent leur devoir, eni|)ccheront leurs voisines de lier conversalion avec le directeur de ré^:#^' A l'intérieur, Madame n'a pas déployé une moindre activité. Tout son temps s'est dépensé eu conférences multipliées avec le cuisinier, la femme de charge, la lingère, tout le personnel, en un mot, auquel il a fallu donner les instructions les plus détaillées et les plus précises. Enfui, chaque domestique a son service réglé et sait de quels invités il doit s'occuper. Pour plus de sîjreié. Madame a, de sa blanche main, écrit pour chacun d'eux sur une fiche spéciale un ordre du jour oîi tout est prévu. Quel travail ! mais aussi quelle sécurité pour elle pendant le séjour de ses nombreux hôtes! Depuis la veille, les voitures se succèdent au perron, amenant du chemin LA PROVINCE A CHEVAL. 215 de fer les convives éloignés. Colis vivants ensevelis dans des gâteuses invrai- semblables qui empêchent de discerner les sujet.';, nantis de couvertures et escortés de sacs de voyage, de valises et de malles. Tous ces objets de forme bizarre, animés ou inertes, donnent aux corridors du château un fau.\ air d'hôtel de province un jour de comice agricole. Ces gens vont et viennent, apportant bagage, eau chaude et le reste. Les portes s'ouvrent et se ferment, livrant passage à des figures d'invités ou d'invitées, inquiètes du sort de la valise qui renferme l'habit noir, ou du sac de bijoux qui manque à l'appel. Le programme des courses est complexe. Quelque chose comme un projet de fusion entre les classes dites dirigeantes et les couches nouvelles. II s'agit, en effet, de s'amuser aristocratiquement, tout en faisant la part du suffrage universel, notre maître à tous. 2IG LA PROVIiVCn A CHEVAL. Le lot de l'élément démocratique est re|)rôsenté par deux courses au trot. L'allure des gens qui montent à cheval pour faire du chemin. Prix en numéraire. L'une pour chevaux et juments de trois ans, nés dans le pays : celle-ci pour encourager l'élevage; L'autre pour tous chevaux : Celle-là pour flatter la manie de tous les électeurs qui prétendent que leur vieux cheval est le meilleur du canton. VeDDs poar O^jorer dons la coarsc aa Irol. Dire la tenue des cavaliers est impossible. Le harnachement des montures indescriptible. On voit des selles de poste à croupière, des selles d'armes modèle 1822, des brides et des mors dignes de ûgurc-r au Musée d'artillerie, et des étriers comme on n'en trouve que dans les maréchaleries, suspendus à la chaîne qui met en mouvement le soufflet. a. 28 LA PROVINCE A CHEVAL 219 L'accoutrement des concurrents est à l'avcuaut : blouses, chapeaux mous, casquettes à pont, pantalons sans sous-pieds, redingotes antédiluviennes, gilets de tricot; un fonds de fripier à cheval et trottant vite, très-vite même, ce qui donne à toutes ces défroques les aspects les plus inattendus. De la route départementale n" 20, où a eu lieu ce premier acte, la foule rentre dans le parc. C'est le moment où de spectateurs nous allons passer au rôle d'acteurs. Les chevaux des voisins, qui doivent figurer dans la seconde partie du pro- gramme, sont arrivés emmitouflés dans leurs couvertures, les jambes gar- nies de flanelle; graves et dignes comme des huissiers précédant la cour. Les coureurs non hospitalisés arrivent à leur tour en voitures découvertes, capes et en casaques sous les lourds pardessus, conduisant eux-mêmes, comme ri convient à de véritables amateurs de sport. 220 LA PROVI.VCE A CHEVAF,. Pondaiit ce leinps, les sportsmen domitilics au château procèdent à leur toilette dans la pièce qui leur sert de vestiaire. C'est là que se trouve, préparée à tout événement, la petite pharmacie destinée aux avariés : bandes pour compresses, et perchlorure de fer en cas d'héniorrhagies persistantes . Ou a beau faire, ce spectacle fait impression. La cloche a annoncé la sortie des chevaux : Les indigènes qui n'ont, de leur vie, jamais vu ni toque ni casaque, pa- raissent stupéfiés par la tenue des coureurs, qu'ils regardent de tous leurs yeux. Les loustics déclarent qu'ils n'ont jamais vu \)nrc\h porricliinelles. LA PROVIMCE A CHEVAL. 221 On sonne au départ; les chevaux prennent leur canter et vont se placer à la distance en franchissant à contre-sens la dernière haie du parcours. Le gros X..., qui lliit les fonctions de starter, ne résiste pas à la tentation de renouveler les exploits de sa jeunesse, et fait passer l'ohslacle à sa double ponelle; cette niasse imposante s'enlève et retombe de l'autre côté avec une légèreté que son volume ne permettait pas de prévoir. On part, on est parti; le jeune de G..., faisant uu jeu d'enfer, emmène le peloton grand train devant la façade du château, dont les fenêtres, 'garnies à iriple rang, tiennent lieu de tribune officielle. C)C)0 LA PROVINCE A CHEVAL. 11 yardo la Icte jusqu'à lu banciucUe irlandaise, tiop étroite pour être abor- dée à cette vitesse, où il panache heureusement sans douleur. Nous arrivons à la rivière, qui, elle, doit être prise crânement. C'est le tour de René d'y prendre un bain de pieds, à la plus grande joie du populaire, très-élonné qu'on aime à prendre des bains en pareille saison. LA PROVlNfCE A CHEVAL. 225 De G..., qui est remonté et a rejoint, trouve moyen de culbutera nou- veau sur une simple haie. - ^* Cette fois, il s'écrase le nez et se dirige vers la pharmacie. Nous ne sommes plus que trois qui arrivons de front sur le mur, que les chevaux passent avec le respect qu'ils professent pour les obstacles fixes , sautant haut et ayant soin de ne pas cogner. A la barrière fixe, pour la confection de laquelle notre hôte a sacrifié do bien beaux arbres, mêmes précautions de nos mon- tures ; elles sav ent pertinemment que rien n'est désagréable comme les coups de bâton dans les jambes, et dire qu'il y aura toujours des gens pour dire : « Bête comme un cheval ! » '^v;^ ^\ Repassage de la rivière, où René disparaît définitivement, son cheval n'ayant pas eu l'attention de l'attendre. 29 226 LA PROVINCE A CHEVAL Plus (l'iiic'idenLs jusqu'à l'arrivée, où X..., après avoir passe le dornicr oitslaelo, — le quatorzième, si j'ai bien compté, — nous passe sous le nez et arrive tout seul. L'objet d'art destiné au vainqueur (un très-joli bronze, ma foi, du comte du Passage) lui est remis, séance tenante, par la maîtresse de la maison. Toujours galant, il l'ait observer que les distributions de prix ne sont réellement complètes qu'autant que le triomphateur a été vigoureusement embrassé par celui ou celle qui le couronne. La réclamation est trop juste pour qu'il n'en soit pas tenu compte. On le pousse dans les bras de l'adjoint, qui l'étreint et le baise. CHAPITRE VI UN RALLYE-PAPERS. Le mieux serait de ne jamais organiser de rallye-papers. Et cela pour plusieurs raisons : 1° On fatigue inutilement les chevaux; 2' Les cavaliers qui y participent peuvent, s'ils tombent, se l'aire du mal; 3' S'ils ne tombent pas, cela ne prouve pas qu'ils sachent monter à cheval. Si l'on voulait faire d'un rallye-papers un exercice sérieux, il faudrait que la piste fût semée de véritables obstacles, résistants, hauts et larges, et 228 \..\ PROVIMCE A r.HF.VAL. dans ce cas il y aurait cruaulé à y convier les gens avec lesquels on esl en éciiange de politesses. Il n'csl pas d'usajje d'inviler ses amis à venir se casser une ou plusieurs clavicules, cl la formule pour ce genre d'invitations n'est pas encore trouvée. Au surplus, le recrutement du personnel nécessaire pour la sauterie qui termine inévitablement toutes les réunions rurales, deviendrait excessive- ment difficile si les danseurs avaient de trop grandes chances de détério- ra lion. Comme, d'autre part, il importe que le spectacle offert ait un intérêt appa- rent, il est indispensable de donner aux obstacles les plus inoffensifs un aspect formidable. Les boîtes en bois blanc employées au concours hippique pour simuler des murs, peuvent être utilement employées dans les rallye-papers. Ce])endant, des papiers peints sur lesquels seraient habilement reproduits des obstacles, tels que barrières tixes, claies, bull-finsh, etc., etc., paraissent devoir être employés de préférence. La résistance, en cas de contact, paraissant devoir être moins grande que celle opposée par des objets dont la (librication exige des matériaux dont la densité est forcément supérieure à celle du papier en rouleaux. A mérilé l'honnpar de faire u la bete " pdT des années de liavaux sppciaai. A franchi pins d'ohsiyclee qoe G'jzmaD laimeme, ftpgt dpiuenrê sinoD intact, do m\ au premier sang. Pour le choix des objets à i ... donner en prix, il est bon d'éviter que leur volume soit par trop exagéré. j'I u evui 'M par tr A ea le mûlheor d'arriver premier et de gagner une supeibe gravure anglaise, Y\ laut DCnSCr GUC ICS Volin- tout encadrée. ^ ^ queurs aiment à emporter immédiatement leurs trophées, et que la plupart regagnent leur domicile à cheval . Il est délicat de ne pas les affliger d'objets encombrants, tels que tableaux grandeur nature, paniers de Champagne, faïences artistiques ou nécessaires en vermeil. Des objets portatifs, cravaches, fouets, couteaux de chasse, porte-ciga- res, etc., sont de beaucoup préférables. Au cas où, malgré l'innocuité des obstacles, un maladroit serait victime 31 2i2 LA PROVINCK A CHEVAL. (l'un accident invraiseiiiblahlc, il conviendrait de le l'aire reconduire inconti- nent chez lui, avant que le public ait pu juger de la gravité de son état. S'il avait le mauvais goût de pousser des cris, le niaîlre de la maison devrait aviser aux moyens de les élouffcr sans délai. Si les suites de l'accident étaient funestes, il devrait également aviser aux moyens d'en rejeter la cause sur des infirmités antérieures, Le devoir d'un organisateur de cross-cowilrij, course au clocher, paper- hunl et autres sports récréatifs étant avant tout d'éviter tout commentaire de nature à discrédiler ces utiles exercices. .'-,.-.A^>/^i* CHAPITRE VII UN CR0SS-C01J\TRY. Cross-counlnj . — Qu'est-ce? Une longue promenade à travers champs, comme le mol l'indique d'ailleurs clairement. Le prétexte est de juger de l'état des chevaux préparés pour les chasses ; le but réel, d'organiser une réunion qui rapprochera des voisins que mille riens éloignent les uns des autres, et qui, au fond, ne demandent qu'une occasion de déserter leurs solitudes respectives. 244 I-A PROVIMCE A CHKVA!-. Le (liflicilc esl de trouver rorijjiiiisaleur d'une pareille fête. Il faut qu'il ne s'occupe pas de polilirpie, et que cependant il soit suHi- sammeut mal avec les autoiitcs pour que les réactionnaires de toutes nuances puissent se réunir chez lui; Qu'il ])ossède des (erres en assez grande étendue pour que la plus grande partie du ])arcours se fasse sur son terrain; Qu'il soit assez connu pour que tout ce qui est quelqu'un dans l'arron- dissemeut consente à se déplacer en son honneur, et enfin que le château qu'il habite se refuse absolument à contenir un trop grand nombre d'invilés, sans quoi la fête terminale du soir ne saurait avoir le caractère d'intimité qui attire invinciblement les sportsmen, race forcément un peu sans gêne eu raison même des fatigues qu'elle s'impose, et qui ne consent à se coucher tard que si l'on s'amuse réritablement. On est parvenu à réunir une douzaine de coureurs; le canton compte certaine- ment un plus grand nombre de veneurs, mais les uns se considèrent, à tort, comme trop âgés pour se donner en spectacle, et beaucoup d'autres craignent de ris- quer leurs chevaux dans une galopade de huit mille mètres (il faut bien qu'on juge si les chevaux ont réellement du fond) et semée d'obstacles, qui, pour être moins féroces que ceux des hippodromes faits de main d'homme, n'en sont pas moins délicats à passer. I a nature a des façons si singulières de mélanger les trous aux monti- cules I Sa i ieiile cipèrience lui ayant démontré qne te plus cimrt cbt mil n'est pas la ligne droite. On nionie à cheval, les uns énnis, les antres calmes, et le président de Ganache eu Texin donne le départ : LA PROVINCE A CHEVAL. Messieurs, quand il vous fera plaisir. 2i5 Ou part, ou saule une haie, obstacle bénévole, mais d'aspect formidable, que les chevaux enlèvent haut les jambes; puis c'est le passage d'un chemin creux, puis un saut eu contre-Las, puis un ruisseau. Somme toute, c'est un steeple-chase dont le parcours, marqué par des dra- peaux dont on distingue à peine les premiers, laisse au coureur lui-même un imprévu complet. Cet imprévu supprime bien des choses dans l'art de mener la course, mais l'important est que les dames qu'on a conviées à ce spectacle, et les enfants qui ont supphé qu'on les y conduise, y prennent plaisir, et ils paraissent le goûter vivement. L'imprévu du parcours est si complet qu'à un moment donné les dra- peaux sont remplacés par des indigènes qui donnent les signes les moins équivoques d'une agitation violente. Il paraît que nous sommes sur le territoire de cultivateurs mal disposés à l'égard des anciennes couches, et qu'on a négligé d'avertir. Ils ont enlevé 2i6 I,A PROVI.VCE A CHEVAL. les (lra|)oaux, cl Torfc nous est de l'aire un lorl détoui- pour retrouver la pisle. I I I NoQS sommes sar le lerriloire de cuUivalenrs mal disposés à l'égard des aDCieones coaches.... Malgré ce relard, ou arrive beaucoup moius groupes qu'au départ, mais trois des concurrents sont visibles à l'œil nu. C'est l'essentiel, puisqu'il y a trois prix. Les autres occupent à l'horizon des situations prévues seulement par les lorgnettes qui marquent : thcàtro, campagne, marine. LA PROVINCE A CHEVAF,. 5 '1.7 Sur ce, le gros des invites s'écoule, après force salutations à l'aimable organisateur de celte charmante réunion. Cette première opération d'une intelligente sélection terminée, on procède au lunch. Les héros de la fête, couverts de flots de rubans, comme de simples lau- réats du concours hippique, ingurgitent petits-fours sur sandwiches, et flûtes de Champagne sur verres de porto, pour réparer les forces dépensées au ser- vice public. On devise sur les incidents du parcours, et l'indignation produite par la manifestation incongrue des ruraux mal pensants est qualifiée en termes sévères. Cela vous fait toujours passer une heure ou deux. Après quoi, une deuxième opération sélective étant indiquée par l'heure du diner, ceux qui dînent chez eux s'éloignent, laissant les héros du jour substituer à leurs bottes Ciiantilly l'escarpin du soir, et l'habit noir à l'habit rouge. 2i8 LA PROVIMCE A CHF.VAL llosloiil alors en présence ceux qui oui réclleiuenl en, dans toul ceci, l'in- lenlion de s'anuiser, les oryanisaleiirs de la fête et ceux de leurs hôtes qu'ils ont tenu à conserver. On bavarde à qui mieux mieux, jusqu'au moment imprévu oii l'un de ces messieurs qui « d'un bras rcjjulier sait tourmenter l'ivoire » entame une valse qui met tout le monde eu branle. Alors s'organise une de ces sauteries oii, les femmes étant en minorité, tout le monde est satisfait : elles, parce qu'elles dansent tout le temps; nous, parce que nous ne dansons que quand le cœur nous en dit. La réussite d'un cross-countnj exige le concours d'un nombre respec- table de cavaliers, car il tant que les concurrents forment un groupe assez compacte pour que le spectateur puisse le suivre de l'œil à travers le paysage plus ou moins accidenté de nos campagnes françaises. Il faut, par conséquent, que le châtelain qui l'organise offre à ses invités une tentation exceptionnelle pour prévenir les désertions probables au der- nier moment : indisposition subite de l'homme ou de sa monture, affaire aussi urgente qu'imprévue, arrivée inopinée d'hôtes inattendus, etc., etc. ensabla ieiB eu qui août Ipb, et bBlenir. 32 -^-^:SSÎH\^ A pour miBSÎoa d'aDimer li cherche deeobstaclfs et en trou OD lel entraÏD à les paiser qu' muaiqDe bod ardeur aai plus et aai ploi replels. Ci>urse; ve. Met 1 com- timorês Ponetledurbam epéctalemeot dressée sur l'obslacle. Fleur de crèmfi. — \e reproche qo'ane chose à ce sport . d'avoir lieo en pleio air, ce qni gâte le teint. f^î^/-^ — Il y otajt poDftanlDo gué ici l'aonée dernière! qne diable a-l-il pa devenir? Ud pea crampoQDé- \e sera raaflDré que quand il sera lombé-.. sans doulear. Klève tes chevani lui-même, ponr n'avoir aocuD prétexte d'aller à Paris qu'il abomine. Trop beau poor rif-ofaire... debou. ^7 fit . tS^'l \\il ! Il T0D8 soivonfl parce que vous êtes 8ûre- ll[|V^^\A^/r^ ^^ „ menl do pays. ILîiV . '1 \1lh,^Jjj — Moi? Pas dn loul, je loi. Belge. \KCrj x{Ul 33 LA PROVIMCE A CHEVAL. 250 La présence d'un personnage d'une importance exceptionnelle est abso- lument nécessaire dans la circonstance. Une ex-téte couronnée, un prince du sang, sont d'un effet irrésistible. La difficulté est de se procurer une Altesse disponible. Si le rang que vous occupez, l'os attaches de famille vous permettent de la vaincre, vous êtes assuré de la réussite. Tout le voisinage accourra de dix lieues à la ronde, quel que soit l'état de la vicinalité. Si l'Altesse est du genre bon enfant, et connue pour l'accueil familier qu'elle foit aux gens qui lui sont présentés, vous serez obligé de refuser du monde. Si elle est assez jeune pour prendre part à la lutte, l'af- flueuce des concur- rents sera torrentielle. Surtout, si l'on prévoit qu'une indis- crétion mettra les journaux spéciaux en mesure de publier les noms des concurrents de Alonseigneur. Le principal, que dis-je? l'uniqae invité. Altesse Koyhle en tillégialore aui environs, qne chacttn s'arrache. L'espoir de battre une Altesse double l'ardeur des concurrents, et l'bon- neur d'être battu par elle enlève toute amertume aux regrets des vaincus; d'autant qu'il est toujours loisible d'attribuer sa défoite aux sentiments de 2(30 I.A PROVIXCE A CHEVAI,. (IrliToncr qui, à Ici ou (cl iiKiinctil du parcours, les oui cnipèclics tic « brû- ler le poil ù Moiiseiyiicur « . mm HacotileroDl, dès le l^'odemata de leui diTaile, qoe le rCEperl seul les a empùcbês de « passer goas le aez de Monseigneur • . Quand le châtelain s'est procure le personnaye de marque qui doil assurer le succès de la fête, il ne lui reste plus qu'à trouver aux environs de sa rési- dence un parcours aussi pittoresque qu'inoffensif. LA PROVINCE A CHEVAL. 281 Malyré la jouissanco durable ([ue la victime d'un accident sérieux éprou- verait, sa vie durant, à rappeler dms quelles circonslauces honorifiques il a eu lieu, il est essentiel d'éviter les obstacles qui pourraient donner lieu à des événements tragiques. il'fc • \^{mi'^f^i'''^'''i^. En conséquence, choisir les parcours en terrains mous, qui empêchent la trop grande rapidité du train... Éviter les obstacles d'une trop grande rigidité, ou trop encaissés... Laisser de côté les passages de routes à ornières profondes... Faire déblayer les abords des obstacles des herbes, ronces, etc., qui pour- raient tromper les concurrents sur la largeur des susdits... .lux routes bordées de trottoirs, faire combler d'une façon solide les dif- férences de niveau entre la chaussée et la bordure desdits trottoirs, qui peuvent être une cause de cliute très-brutale... 262 I, A l'ROViivr.i': A r.HKVAr, Si la courso donne lirii ;i une poule, fixer à une soninio niiuimc lo prix d'culrce (la dépense n'esl pas aimée en province)... Laisser anx concnrrenis la liberlé de elioisir la lenne qui lenr convienl... I']| enlin, si l'élendne de voire domicile lo permel, que tonl le monde, figurants e( assistants, soit égaltMiient convié aux réjouissances gastrono- micpies , théâtrales et chorégraphiques, qui doivent, de toute nécessité, terminer la journée. ili;/lll|.. CHAPITRE VIII DERMERS BEAUX JOURS. Extrait d'un manuscrit trouvé dans le second tiroir de la commode de la chambre bleue, à Caslelkrecant. Voilà la cinquième aunée que je m'y laisse prendre. De toutes les saisons, l'automne est la plus belle à la campagne. La plus poétique, possible; mais pour agréable, c'est uue autre affaire! D'abord un froid de loup, un vent perpétuel, de la pluie tous les trois ■2(>i ]..\ PllOVI.VCK A CIIKVA!, (jiiarls (l'Iiciirc, cl, (h'piiis deux ans, pas j)liis de yiljiiT (juc sur la place (l(! la Comun-dc. Éloiincz-vous avec cela de ne jxtiuiiir récolter un niallieiirenx invité après le 15 octobre! Le seul ami cpu' j'aie vu est vomi me demander si ji' n'aurais pas par hasard cinquante mille l'raucs disponibles, pour payer une dilfcrcnce opérée |)ar lui au baccarat. Comme si, ayant l'ait de semblables économies, je n'étais |)as assez <[rand pour les disperser moi-niùme! Le matin, on se lève, tard, c'est vrai, mais enfin on se lève. 11 y a nn |)en de bleu au ciel. i\\i\ ah! c'est l'occasion d'aller tirer un ou deu.x lapins! A peine en ronle, il pleut. . On est parti, on continue. L'ondée devient averse, el l'on rentre " se changer « , une Léle d'e.xpressiou, car grincheux j'étais, grincheux je reste. Dix heures. — Un rayon de soleil, tiens, liens, tiens! Est-ce que le temps LA PROVINCE A CHEVAL. se iiiellrail au beau pour lout do bon? Il n'y aurait à cela rien trinipossible. l'as de nuages à l'ouesl, el la girouelle a fait volle-face; faisons seller! A six kilomètres de toute habitation, le déluge recommence. Ma consolation est que je ne suis pas seul mouillé. Si j'ai l'air d'un fleuve, Alarlhe a l'air d'une oudine, et Toni, d'un affluent de la Tamise. Le diable soit de l'odeur des chevaux mouillés, et pas moyen de rien allumer pour combattre ce miasme qui voyage avec nousl Onze lieurcs. — J'ai encore changé. Les enfants veulent monter à âne; je les accompagne pas à pas, car cet animal stupide part au grand galop aussitôt qu'il a le nez tourné vers l'écurie. Dès qu'il galope, les enfants s'égrènent avec des cris suraigus qui amènent toute la maison sur le théâtre de l'accident et toutes les récriminations sur ma tète. 2()G LA PROVIXCE A CHEVAL. Ddi.r licurcs. — .l'ai di-jouiK' iiuil, livs-mal. Ajfallic se laisse ga-jucr, olh; aussi, par le spleen. Klle n'a |)l(is la noie; el j)uis, (oiijoiirs les nicmes viandes, pas de poisson, pas de jjiljicr, (piand on n'en envoie pas de Paris. - \\,- i<.mï&i.hté'-. Mellon.s-noHs à l'affût des grives. Voilà deux heures que j'y suis! J'en ai lue une, el nous sommes douze à (able; par contre, j'cMeniueconi nie loule une compagnie de ponlon- niers, et j'ai des champignons dans mes bottines. Allons rechanger! Quatre heures. — Je viens de changer! mais je suis encore gelé. Que faire pour allrajier l'heure du dîner? J'ai essayé du Journal des économistes. Mais c'est trop pénible; il faut avoir été habitué à cela tout petit, tout petit. Cinq fleures. — Peul- clrequ'un bain trop chaud rétablirait la circulation ! car, positivement, je suis glacé. Payer une grive d'une fluxion de poitrine, c'est hors de prix. Bon! le cygne à l'eau chaude qui ne ferme pas ! Jean! Alfred!! Jean!!! Sept Jieures. — J'ai failli cuire! Mais je me suis réchauffé. Ça m'a fait LA PROVIMCK A CHEVAL. 2G7 dormir, et voilà qu'on sniiiic pour le diuer. Voilà une journée fjui louche à son ternie. Dieu .soit loué! Mais demain! — .Allons changer. Huit heures et demie. — J'ai dîné mal, abominahlement niai! .Agallie a besoin de distractions; la rue de la Pépinière est décidément trop loin d'ici. Marthe a regardé Lucien bcàiller pen- dant toute la .soirée. Julia fait un ou- vrage au crochet (pii est horrible à voir. Berihe a lu tout haut quelque cliose d'insupportable dont je vais rêver. Elle lit du nez. c-Y Ma belle-mère a, en dormant, un petit sifflemeut terriblement agaçant. Dix heures. — Le général est odieux, avec ses parties de piquet inter- minables. 11 a un asthme qui l'empcclie de dormir, c'est vrai, mais ce .iU|VJH n'est pas une raison pour em- pêcher les gens de se coucher. Qu'il apprenne le solitaire, et qu'il le joue dans sa chambre. .Ah! les égoïstes! Quelle race! et comme on la connaît mieux et plus vite à la campagne ! 2G8 LA PROVIXCK A CIIEVAI,. Miiiuil ci/i/jl. — Après une joiinu'c cor > celle-là, on ne se couclie j)iis. On se 11 nKjue an lit. J'y snis, j'y reste. Mais demain ! AU I demain, j'aurai mie ad'airc imporlanle (jiii m'appellera à l'aris, d'urgence! et qui m'y retiendra. FIN DE LA DEUXIEME DARTIE ■'^ TROISIÈME PARTIE EN FORET CHAPITRE PREMIER C0J.S1DERATI0XS GENERALES SLR LA CHASSE A COURRE. CE qu'elle est aujourd'hui. DU CHOLK d'un CHEVAL DE CHASSE. SES ORIGINES. Il paraît difficile d'établir de façon certaine à quelle époque remonte l'habitude de la chasse à courre. Elle est, à n'en pas douter, fort ancienne, et remonte au moment où l'homme, s'étant aperçu que certains quadrupèdes, possesseurs d'une chair succulente, étaient doués d'une agilité très-supérieure à la sienne, a eu l'idée 33 I.A PUOVIVCK A r.HKVAr,. de rcfoiirir pour leur (loniicr la chasse aux jarreLs du l'animal le plus rapide qu'il eût sous la main. •^ & -^■SV.a- s.-f^.-'V*-"^...*! ■■ S'il est impossible de déterminer la date de la .;>>.j^f%'(J, première chasse a courre ■■~~ i'^^mII ''""'' ''■ ^'^'PJ^^^'^ '^ jusqu'à '^l'M'^^l présent échappé aux re- .■}%'\ ; ' cherches des archivistes ^ ;'; ■'^'^'^^'^J^^Û^ 'es plus paléographes, on Pi'fe/''^'^^î^« P^"' affi"""' liardiment * ' ^''i'^i'/ 'f.-'^ que la tenue de nos pre- miers veneurs était très-proche voisiue de la nudité. Elle s'est nu)difiée peu à peu, et si conq)létenient, qu'il n'y a pas plus d'un siècle on partait encore en chasse outillé comme pour la guerre. S^^ 'V- v Les malheureux chevaux de nos arrière -grauds-pères avaient à porter, outre les susdits, qui n'étaient pas en général ce qu'on appelle aujourd'hui des 1- poids légers n , un nombre invraisemblable de kilogrammes en cha- peaux, habits, bottes, selles, caparaçons, fontes pour les pistolets, housses, ctriers, etc., etc. Nous avons heureusement renoncé à tout cet attirail. LA PROVIMCE A CHEVAL. 275 Le moyen, eu effet, de suivre en pareil équipage, à travers un pays coupé, morcelé comme l'est à présent le nôtre, des chiens aussi vîtes que des fox- hounds ou même des bâtards d'Anjou ? Il fallait, pour que la chose fût possible, le traiu processiounel des grands chiens de France, poitevins ou griffons vendéens, des diicns de saint Hubert; et encore n'était-il pas inutile que ces chiens, majestueux dans leur allure, eussent en outre un timbre de voix assez puissant pour qu'on put les entendre encore quand la fatigue du cheval ou la difficulté du terrain vous avait mis en arrière d'une petite lieue. Aujourd'hui, si l'on veut assister à la mort, il faut être à la queue des chiens, passer où ils passent; car si vous vous laissez aller à faire un détour, la chasse serait vite loin, et du diable si vous sauriez où elle pourrait être, pour peu que le vent fût contre vous. II en résulte que la première qualité à rechercher dans un cheval de chasse est une certaine vitesse. Il a le droit d'être laid, mais il lui faut des jambes et une poitrine iufali- 27(J LA l'ROVI.VCK A CHEVAL. gables. Ce sonl là les deux points esseuliels ; le reste ne vient qu'en toute dernière ligne. Il est bon qu'à ces qualités de eonforniation il joigne une certaine adresse; mais celte qualité-là est de celles qui s'acquièrent, et deux ou trois culbutes un peu sévères apprennent bien vile à un cbcval qu'il doit regarder où portent ses pieds. Mèmêm Je parle, bien entendu, des cbasses en pays franc, oîi l'on a des ravins, des fondrières à traverser, des coteaux plus ou moins roides à grimper ou à descendre, et non des chasses qui ont lieu dans les quelques forêts bien percées qui résistent au défrichement. \\y .^;|i!ïJ'ih Là , pourvu qu'un cheval sache franchir un fossé d'un mètre de large, son éducation est faite, et le premier hack venu, pourvu qu'il ait du fond, peut faire très-convenablement la besogne qui lui incombe. Dans Ica pays diffiriles, le plos court n'eni pas loujoarfl le plQS droit. Si l'on nVsl pa;- f!u pays, le plus sage est de s'atlacher aux pas d'uu indigèoe qui connaisse les chemins et sache que quand la chasse marche dan» celle direction, c'est dans telle antre que duil aller le chaseenr. Rien pour le chic, t confortable ! lequel compi pipe, sa peau de bi{|ue, sei h sa nd niches el sa bouti vieux cognac. Le jJtijKfUj' du liuUtj-Lamlais n'a jamais qu'uu éperon. Répond à ceux qui s'en étorrnenl en Ii-ur demandant s'ils ont deux fouels. 36 L'invite officiel, préret. trésorier gé- néral, elc, etc., preod un plaisir res- t teint à ces réunions. Outre que lu plupart du temps il monte mal, Eon cheial, peu bdbilué à la trimipe et aat chiens, est d'une animaliim inusi- tée. Figure scolemeut au rendez-vous. Met sur le compte da poids des affaires sa retraite précipitée. L'invité officiel ne couipteodra jamais pourquoi l'on appelle Cftie façon dfi marclici plus i ito qu'oL ce ceut, on bien-aller. — Kt votre m.iîlre? — 11 a préféré reulterà pied. Z-j"r --^o LA PROVINCE A CHEVAL. 285 Mais combien comptc-t-on encore de forêts assez grandes pour que l'ani- mal attaqué s'y tasse prendre sans débucher? Une dizaine tout au plus I C'est dire qu'elles sont le monopole des veneurs les plus fortunés, des capitalistes du sport, qui en sont propriétaires ou les détiennent en vertu de baux ruineux et dûment enregistrés. Pour le gros des équipages qui chassent en France, ils doivent se résigner à faire les deux tiers de leur parcours à travers champs, et par champs il faut entendre : terrains de toutes espèces, landes, prairies plus ou moins défoncées, terrains abrupts, coteaux ravinés, semés de pierres roulantes terres labourées, plants de vigne ici, champs de pommes de terre là-bas, sans compter le pavé des routes nationales, les pas- sages à niveau des voies ferrées et les ornières vertigineuses des chemins de petite communication. Quand on sait avoir à galoper pendant plusieurs heures consécutives à travers toutes ces chausse- trapes, vous avouerez qu'il serait imprudent de se faire porter par un animal affligé d'inquiétudes dans les jambes — d'autant que les terrains susdésignés, bien que réputés plats, sont de temps en temps, sous prétexte de dérivation des eaux, coupés par une douve, absolument sèche en toute saison, traversés par une haie vive, c'est-à- dire formée de toutes les plantes épineuses connues, entourés de ban-ières plus ou moins (îxes, mais parfois encore assez résistantes. 28G LA PROVIMCK A CIIKVAL. Ajoutez à ces obstacles formés par la iiiaiii des hommes, ceux qui sont dus à la nature : Hrusques iliangonu^nts do niveau, petits cours d'eau à bords encaissés, à fonds rocailleux, dont les berges minées par le courant ne demandent qu'un prétexte pour s'écrouler, et profitent de votre arrivée pour réaliser ce fallacieux projet. Après cinq ou six heures de promenade rapide à travers toutes ces embûches, le cavalier dont le cheval n'a foit aucune faute peut se vanter d'avoir eu la main beureuse le jour où il en a fait emplette. En effet, si les points et les virgules servent à marquer les différentes LA PROVINCE A CHEVAL. 287 parllos du discours, on peut dire que la chute est la ponctuation de la chasse à courre. Si l'on sait, en effet, ce qu'on laisse connue terrain, du côté où l'on ahorde un ohstacle, ce qu'on trouvera de l'autre côté laisse une large part au doute. Consacrer à un exercice aussi aventureux un cheval d'une grosse valeur, c'est donner, aux yeux de M. Prudhonime (Joseph), la mesure de sa pro- digahté. Quelques veneurs exceptionnellement fortunés méprisent ouvertement l'opinion de cet homme ultra-raisonnable, et pensent que l'argent risqué de la sorte n'est pas plus mal placé que dans les actions du Vigo; mais la plupart 288 F,A PROVI\'CE A CHEVAL. (les cliassciirs cIiltcIiciiI à Iroiucr j)()iir iiu |)C'til |)rix im animal |)Ilis ou moins (aii', mais ajanl garde la libre disposilioii de Ions ses membres, que l'expérience a rendn adroit, sans le délériorer dans ses parties essentielles. 11 en est d'assez benrenx pour le rencontrer. Puissiez-vous, cher lecteur, être au nombre do ces privilégies ! C'est la grâce que je vous souiiaite, cl à moi aussi ! CHAPITRE H DU MAITIlE D EQUIPAGE. — SES JOIES ET SES PEINES. — DU LOUVETlEIt. DÉSACilÉ.\lEA,'TS. CONSEILS POUR LES ATTÉXUER. SES Les maîtres d'équipage peuvent être classés eu deux catégories bieu distinctes : Ceux qui agissent eu leur nom personnel, et assument la responsabilité complète de leurs actes, dépense comprise; Et ceux qui sont chargés de gérer les intérêts d'une association. Ces derniers sont incontestablement les plus à plaindre; car, outre qu'ils ne sauraient éviter tous les ennuis inhérents à la profession de veneur, ils 37 290 I,A l'ItOV l.Vr.R A C.IIKVAL. peuvent ("'Ire sûrs (|m';ui((iii acic de leur ;[('sli(ni tTaiira lieu sans cxcilcr les proleslalidiis tWi\t ou |)liisi('urs de leurs associés. La Rainée, piniiicr piiiiiciir. — MaDge le minus possible. — CA alourdil, — man liiiit ld[it qu'il peol, — ça suulieut. Vatel ih chiens — A loul quitté pour la cliasse. \ a emporté de chez Bon pêre, épicier au ciief-lieu. que ia malediclioD de ce uolable cum- menaut. Le \\i'\\\ piqueiir qu'il aura elioisi sera, selon ceux-ci, dans un élat voisin du «jàlisnie, elles appoinlenienls qu'il aura dû lui accorder seront trouves exorbitants par ceux-là mêmes qui recounaisseut sa valeur. Toutes les rédamatious du second piqueur, qui n'a qu'une idée, devenir premier, seront appuyées énergique- ment par l'un ou l'autre des socié- taires . Tous les chiens, quelque soin qu'il mette à les choisir, serout invariable- ment critiqués. L'étal des chevaux, chaque nouvelle acquisition, sera cgcalement l'objet de remarques généralement acerbes, mais ])lus géucralement encore dé- pourvues de toute espèce de sens comuum. La tenue des hommes fera l'objet d'une série d'observations perpétuelles, et de propositions répétées pour la modificatiou de tel ou tel détail. Tout le soiu des travaux à exécuter pour rainéufigemeut des écuries et du chenil lui incombera. La nourriture de la meute fournira également uu thème inépuisable aux LA rROVIXCE A CHEVAL. 291 critiques et aux conseils de ses associés, qui lui ierout un crime de ne pas goûter assez régulièrement la soupe. Prêsentalion ani assock'S du cheval acheté poor le Iroisième piqnenr. — C'est no carcan ! — \ oyeî ddiic ces jarrels, — el ces lendons ; — c'est on cheial qui n'a pas de boyatii. etc., etc. — Le malheureoi chef d'équipage était autuiisé à consacrer à cette iraporlaute acquisition un crédit de trois cents francs maiimam. C'est à lui qu'incombera également le soin de régler les indemnités aux cultivateurs, Et de faire les démarches nécessaires auprès de l'autorité préfectorale en cas de difficultés. S'il y a procès, c'est lui qui devra assister au débat et qui sera personnelle- ment condamné, s'il y a condamnation. Au jour de l'assemblée générale, il devra subir, en une seule séance, la récapitulation des griefs articulés par chacun des mécontents pendant la sai- son entière, et entendre critiquer chacune de ses dépenses. Après quoi, on lui votera à l'unanimité des remercîments. Le sort du maître d'équipage indépendant n'est pas beaucoup plus enviable. 202 I, A niOVIMCE A CIII'.VAF,. Il ;i, ((iimiic l'iiulrc, rciiiiiii des aclials, des iiuk'ninik's à pMjcr, des |)i()i'('.s Jisoulciiir ; mais an moins il n'a pas à subir les rcciiiiiinalions de ses soi- disaiil camarades de plaisir. Les seules (diservalious f|ii'il enleude sur roxagéralion de ses dépenses lui sont laites par sa conscience d'abord, son noiaire ensuite, e( enfin, la plu- pail du lem|)s, par son conseil judiciaire. Si le maîlre d'é(pnpage a eu par surcroît la lâcheuse andjition de se faire nommer lieutenant de louveterie, les diflicidtés de ses relations avec ses voisins, pro- priétaires, frères en saint Hubert et paysans, se trouvent décuplées par ce seul t'ait. Le louvelier, ainsi nommé parce qu'il a la mission de com- battre les sangliers, reçoit ses droits et privilèges de l'autorité préfectorale. Le louvelier, — Ne sp consolpra jamais d'atoir pris, en 1849, le deruier loop de 1h cootii'c iiui etjil uue louve pleine. Ils consistent dans l'obligation d'entretenir, à ses frais, un nombre déterminé de chiens en état de détruire, à toute réquisition, les fauves et animaux nuisibles qui lui sont signalés. En général, le louvetier est déterminé à solliciter ses fonctions par des visées électorales, qui n'aboutissent à aucun résultat, parce que: 1" Les réactionnaires le considèrent connue vendu au pouvoir; 2° Et ceu.x qui ne le sont pas sont convaincus que tout homme qui chasse à courre appelle de ses vo^ux le rétablissement de la dime. Peau de biqae irrémédiable. A rpçu déjà huil coups de fueil nioliçés par ce vOtemeul. Propriétaire deS pommes de lerre raraflées la nuit précêdeute. A IVovre on connaîl l arlisan. — Xu voil pas le sanglier, mais se doule bien qu'il o'est pas loin. LA l'UOVIX'CE A CHEVAF,. 2f)7 Au surplus, personne ne lui sait gré des animaux déIruKs. Et chacun lui reproche le passage à travers champs de son équipage. En sa qualité de fonctionnaire, il lui est impossible délimiter à ses amis les invitations qu'il doit ftiire. Connue les convocations ont pour but olliciel la destruction, il est obligé de convier à ses battues les tireurs du voisinage ; obligation aussi dangereuse pour ses chiens que pour ses invités privilégiés. Quand, au moment de l'attaque, il n'est pas parvenu à éloigner du pas- sage de l'animal les bons lusils locaux, la bcte est tuée au lancer, et la chasse se trouve supprimée à son origine. Dans le cas contraire, les tireurs convoqués inutilement se répandent dans les cabarets voisins, oii ils débinent avec acharnement sa prochaine candi- dature. En conséquence, ne solliciter sous aucun prétexte le titre de louveticr. Au cas où il vous serait oflert, le refuser avec énergie. Si vous habitez un pays où ce titre ait été porté de tout temps par des membres de votre famille et soit devenu en quelque sorte indélébile et héré- ditaire, 38 298 I.A IMiOVIVCE A CHKVAI-. Oiiillor ce j)ays «u renoncer définitivemenl à l;i cluisse, Simuler des iliumalisnies fjoulleiix, Pendre tous vos cliiens sans exception, Congédier vos gardes, Renvoyer vos piqueurs, valets de chiens. Kl faire défricher vos forêts. Au besoin, et la crainte de ne pouvoir se soustraire à la fatalité d'èlre louvetier a fourni plusieurs exemples de celte fatale extrémité, Se ruiner radicalement, ne llioon à être inscrit d'office au bureau de bienfaisance. CHAPITRE III U.\E VISITE AU CHEXIL. Il faut que le chenil soit placé en dehors du parc, assez loin de l'hahila- lion et sous le veut qui souffle le moins fréquemment dans notre pays, au nord-est par conséquent. Les miasmes qui résultent de l'emploi de la viande de cheval rendent cet éloignement indispensable. Les visites aux chiens en deviennent plus rares, mais ce n'est pas là un grave inconvénient. 300 LA I'1U»VI\CK A CHKVAL. Le ciiliiR- et le repos sont ce dont les cliiens ont le plus i)cs<)iii au clieiiij. Coueliés sur des hancs douceiiieiil incliuL's, la plupart dorment dans un mol abandon; (pielques-uns l'ont leur toilette, léchant leurs pieds endoloris parla dernière eliasse, ^f^rallant leurs oreilles encore irritées par les piqûres récoltées dans les fourrés. Lendemain de chasse. Celui-là ronfle, cet autre rêve, car les chiens rêvent, quelque étrange que puisse paraître au premier abord une semblable habitude chez un être auquel ou ne veut accorder que l'instinct. Quoiqu'il en soit, ils rêvent comme une personne nalurelle, et qui plus est, ils rêvent tout haut, laissant aux témoins de leur sommeil toute liberté de suivre et de comprendre le travail qui s'opère dans leur imagination... Ima- gination vous choque ? 11 faut pourtant appeler les choses par leur nom. Vous ne me paraissez pas suflîsammeni convaincu. Approchons-nous de Marengo que je vois là-bas sur le banc, à gauche, étendu sur le liane; il s'agite et remue la queue, mais regardez sa tête; sa LA PROVINCE A CHEVAL 301 bonne fignre de chien est bien endormie; écontez, il aspire violemment, il quête ; attendez un moment, un coup de gueule ! Il croit avoir retrouvé la piste, ses cris continuent et deviennent plus fré- quents; la chasse va bien, et il nage dans un océan de délices, il ne fait plus aucun mouvement. Serait-ce un défaut? Point, voyez comme il remue la langue sur ses babines ; il fait curée lui- même, et il est plus heureux qu'un spéculateur rêvant qu'il a doublé ses capitaux. ,ii||i||Mr^-iï3,,,,...,;„^ VMl/^k Rî-vaal de curùe cliaude N'allez pas croire au moins que tous leurs rêves soient aussi brillants ; les pauvres bètes ont leurs cauchemars, ils reçoivent des coups de fouet ima- ginaires , souvenirs cuisants , la plupart du temps , de corrections trop réelles. Allons réveiller ce pauvre Verdo, qui geint comme un malheureux et qui se croit en ce moment battu par un piqueur, pris dans un piège ou dégue- nillé par quelqu'un de ses camarades. Allons changer le cours de ses idées. Encore un mot qui paraît vous choquer. ■M)-2 LA PUOVIXCM A CHEVAL. Itoii ! deux camarades de lit eu grande discussion : Eléocle et Polijnice. OuVst-ce que cela veut dire?... Troubler ainsi le repos public! Heurousenieut que le chùtiiuent n'est j)as loin, le voilà qui s'approche sous la forme d'uu valet de chiens, arme de son ibuet : Clic, clac, Figaro^ au banc ! Tous les jours promenade; on couple les chiens, el en marche! piqueur eu tète. Cet exercice dure deux heures en moyenne, après quoi l'on rentre au chenil en attendant la soupe. L'aspect du chenil n'est plus ce qu'il était tout à l'heure ; plus de ciiiens qui dorment! ils attendent : toutes les oreilles sont dressées, les queues s'agitent, tous les yeux sont dirigés vers la porte : c'est que la promenade est un apéritif puissant, et que des estomacs qui n'ont rien absorbé depuis vingt-quatre lieures ressemblent, à s'y tromper, à l'intérieur d'une machine pneumatique : cependant ])as un chien ne descend de sou banc, car les fouets des valets de chiens sontlevés, prêts à s'abattre sur l'échiné du premier i-éfractaire : la consigne veut qu'on reste en place, on le sait, et l'on se con- tente de manifester son impatience par des mouvements sur soi-même et d'éloquents soupirs. LA l'IlOVliYCE A CHEVAL. 303 Déjà le bruil des homnios qui pré|)arent les auges, oii la soupe'Lint désirée doit è(re versée, se fait euleudre; l'agilalioii de la meule redouble; les jambes soûl toutes en mouvement, les reins frétillent comme des serpents, les queues s'abattent sur les flancs par un mouvement de plus en plus préci- pité, toutes les langues s'agitent, fous les regards s'allument, toutes les voix gémissent; c'est un frémissement universel. Altendaiil la soupe. La porte d'entrée s'ouvre à deux battants, les fouets des piqiieurs s'a- baissent : immédiatement la descente commence, en une seconde il n'y a plus un cbien sur les bancs ; la meute entière se précipite dans la cour, où le repas attend, répandu dans de longues auges en bois placées sur le sol. Ici, nouvel arrêt, les chiens, maintenus à coups de fouet, se rangent à dix pas des auges, alignés comme de vieux grenadiers; pas un museau ne dépasse! le front de la meute est aussi correctement droit que les bordures de buis d'un jardin à la française. Les vétérans de la bande, messieurs les limiers, au nombre de vingt, sont appelés les premiers : une fois repus, ces vénérables quadrupèdes abandon- nent la place au gros de la meute. Trois fois le piqueur placé devant les auges abaisse et relève sou fouet, trois fois la meute s'élance et recule, en rechignant et en grognant... enfin le :i()i LA l'IlOVlNCE A ClliaAI, piqiu'iir se relire lonlemeiit, loul en lenaiil son Iniiel levé ; la meule le siiil pas à pas, eoiiservant reliyieiiscnieiil la dislaiiCL' (jiii les sépare et qui se Iroiive èlre préciséiiieni la mesure exacte de la portée de la mèche. Le piqneiir a enjambe l'ange et s'est relire à nne distance respectueuse , en abaissant son terrible fouet; les fanfares éclatent, les chiens s'élancent, se précipitent ; pendant nne seconde, c'est un désordre indescri|)lible, nu lohu-bohu, un vacarme épouvantable ; les retardataires veulent s'emparer des places prises par les premiers arrives : ils montent les uns sur les autres, les pattes sont en l'air ; c'est un mouvement infernal, un véritable assaut donné àceux qui ont pris les meilleures places, et (|ui, du reste, ne li'ur l'ail pas perdre un coup de dent. Ces mpsEJeurs sont servis! Bientôt quelques coups de fouet, frappés d'une main sûre, viennent réta- blir l'ordre : silencieux, alignés des deux côtés de l'auge, les chiens man- gent, chacun pour son compte, sans se préoccuper du voisin; c'est à |)eine si l'on entend, de temps à autre, un léger grognement : ils sont recueillis LA PROVIMCE A CHEVAL. 30S comme il convient pour l'accomplissement d'un semblable sacerdoce ; au reste, ils ne mangent pas, ils engloutissent ; les morceaux disparaissent avec une rapidité vertigineuse, on ne s'explique pas leur disparition et comment cette auge, pleine tout à l'iieure jusqu'aux bords, se trouve maintenant aussi nette qu'au moment où l'ouvrier venait d'y mettre son dernier clou. Le repas terminé, on rentre au cbenil accomplir l'important travail de la digestion. Les jours de cbasse, rien d'animé comme l'intérieur du chenil ! Dès le matin, les chiens ont deviné, aux allures des piqueurs, qu'on allait les conduire sur le champ de bataille; aussi, avec quel intérêt suivent-ils toutes les allées et venues des valets de chiens ! Aucun de leurs gestes ne les laisse indifférents ; debout sur leurs bancs, ils suivent les progrès des préparatifs, et, au moment où les piqueurs arrivent en tenue de chasse et sonnent la sortie du chenil, leur enthousiasme se traduit par des cris dont l'accent ne permet pas de mettre en doute le plaisir qu'ils éprouvent. La meute se met en valets de chiens. marche, précédée par les piqueurs et escortée par les Notre meule est composée de fox-hounds tricolores ; suivons-les tandis qu'ils se rendent au rendez -vous; ils marchent lentement, et nous aurons tout le temps d'admirer la vigueur de leur conformation. Voyez quelle ouverture de poitrine et quelle largeur de reins ! Ces membres courts et trapus, ces doigts serrés, ce fouet large à la nais- sance et planté à angle droit sur cette large croupe. 39 3or> LA PUOVINCE A CHEVAL Si co ne sont pas là des indices eerlains de force, je ne sais à qnels signes «n poniTa jnger des qualités d'un animal. Avec de semblabl(\s appareils ils ne peuvent manquer d'avoir de la vitesse et du fond, c'est-à-dire les qualités les plus précieuses du chien courant. Voilà les chiens dont vous avez souvent entendu médire. Les chiens anglais n'ont pas de fond, les chiens anglais n'ont pas de train, les chiens anglais n'ont pas de voix, etc., etc. Voilà ce qui se répète tous les jours, et si l'on ne savait par expérience ce qu'ils sont capables de faire, on serait tenté de croire que ce sont des hari- delles sourdes et muettes, et, ce qui est plus grave chez un chien, perpé- tuellement enrhumées du cerveau. Vous les avez vus ? Qu'en pensez-vous? CHAPITRE IV E\ CHASSE. C'est à la fin de l'automne, par un temps un peu gris ; pas de froid, pas de vent; on a très-finement déjeuné chez le maître d'équipage, qui a trouvé plus hospitalier de désigner sa salle à manger comme lieu de rendez-vous que l'un des carrefours de la forêt. Les invités qui viennent de quatre ou cinq lieues se sont montrés sensibles à ce procédé et savourent les cigares de l'amphitryon en écoulant le rapport des piqueurs. 308 LA PROVINCE A CHEVAL. Pierre a connaissance d'une liarde grosse de huit animaux, dcboiil, (|u'ii a laissée en surveillance dans le quartier des Grands-Ormeaux ; c'est un pis aller, et l'on pourra lâcher de détourner l'un des cerfs, si aucun des aulrcs hommes n'a pu rembucher un animal isolé. La jeunesse n'a rien à dire. Marin a vu pas corps un daguet qu'il juge arrêté dans le taillis de l'Homme mort. Quant à Pavillon, il a rembuché un dix cors jeunement dans la futaie du Gros-Chêne. Il suppose que c'est l'animal chassé l'avant-dernière réunion, et dont la poursuite a été arrêtée par l'arrivée de la nuit. JM '-,.. ^ ''' \\^ MIS* X Le rapporl. Ceci est sérieux, et l'on décide que c'est au Gros-Chêne qu'il faut aller. Le Gros-Chêne est au fond d'un pli de terrain assez profond, au milieu d'un carrefour dont les routes bordées par une haute futaie remontent toutes au sommet d'une sorte d'entonnoir. LA PROVINCE A CHEVAL. 313 Pavillon a mis pied à terre et est entré sous bois : ses chiens ont ren- contré et commencent leur musique. Un accord de trompe éclate : c'est la vue. Le cerf a bondi sous le nez des chiens d'attaque après cinq minutes de rapprocher. On découple : Trente chiens, a prononcé le grand maître de la fête, en désignant du fouet ceux qui doivent prendre part au lancer. Il semble que le lieu ait été choisi à loisir pour faire [valoir la scène : les bardes, attachées chacune à un arbre, sont justement du côté du carrefour opposé à la coupe où l'animal est lancé. Les chiens découplés traversent la route au galop, et, d'un bond, fran- chissent le fossé qui les sépare de la futaie. Les chevaux sont frémissants ; ils voudraient s'élancer en même temps que les premiers chiens; ils sentent que la chasse est commencée, et ne comprennent pas qu'on retarde la poursuite. Mes bons dadas, vous n'êtes que des utilités, et il s'agit de laisser la place 40 314 LA PROVIXCK A CHEVAL. aux premiers rôles, les léiiors à quatre pâlies qui jcltenl aux échos leurs premières notes. Les cLasseurs oui suivi les cliiens. Quelques hardes restent attachées à leurs arbres respectifs, avec l'air tout décontenancé d'animaux qui ont eu de grandes espérances, complclement déçues maintenant. Les pauvres toutous ont l'air affadi qu'aurait une aquarelle de de Penne tombée dans un baquet. A gauche, deux ou trois valets de chiens, cramponnés à leurs laisses, courent à la lisière par laquelle on présume que débouchera le cerf attaqué, incident probable, si c'est bien le même animal qu'on a déjà chassé. c-\c Dès le début, on voit quels sont les chasseurs friands de l'obstacle. Un fossé assez large ferme le carrefour, ils l'abordent immédiatement, taudis que les autres, plus prudents ou plus ménagers des forces de leurs montures, suivent tranquillemcnl la route qui contourne le taillis. [lemords. — J'ai cfrtuiDeinenf 'dépassé le maître de rêqnipagp, el le ccmMe de l'impo- lilesse, c'cBl qo'il m'a élé impoEstble de le saluer !!! Â 4 LA PROVINCE A CHEVAL. 319 C'est le chemin choisi par les dames, peu nombreuses d'ailleurs, qui suivent la chasse. En France, c'est déjà très-joli quand le beau sexe est représenté, et je ne me rappelle pas avoir jamais vu ici les tableaux que l'on aperçoit couram- ment en Angleterre : une demi-douzaine de jeunes fdles passant d'un même élan une barrière fixe à double travée, sans interrompre pour cela la conversation commencée. Qu'est-ce qui vient d'arriver? La moitié de ces messieurs sont à pied, et chacun discute. Une chasse qui marchait si bien, et voilà un change. La tète de la meute s'est divisée, et il n'est certes pas facile de distinguer le bon pied du mauvais, car les deux animaux sont de même taille et de même force. Pierre, le vieux piqueur, qui, je le parierais, reconnaît les animaux à l'odeur, affirme que l'animal de chasse a pris à gauche, et la meilleure preuve en est que Ravaude est restée parmi les chiens embarques de ce côté; mais La Jeunesse est sûr que c'est à droite qu'il faut marcher, car il y entend la voix de Tonnante. 320 LA PKOVIMCE A CHEVAL. Kn allomiaiil (iiriin Saloiiioii quelconque ait décidé, les frais du procès, représentés par de maîtres couj)s de l'ouct, sont supportés par les chiens (pi'on à pu ninqire. La gent canine paraît, du reste, être d'avis aussi partagés que la race humaine, car, si bon nombre de chiens l'ont mine de s'élancer à droite, un assez bon groupe ne dissimule pas sa prédilection pour la gauche. Derrière nous retentit la voi\ d'un retardataire, c'est celle du vieux Mi- rant, devenu le plus lent de tous les chiens de la meute, mais resté le plus sûr. Nous sommes sauvés! et où il ira, il faudra aller. Chacun remonte en selle, et l'on attend son passage. Miraut opte pour la gauche, et les chiens incertains jusqu'alors s'élancent sans plus d'hésitation à sa suite. Il n'y a pas à en douter, nous sommes sur la bonne piste, et cette fois encore c'est le vieux Pierre qui a vu juste. II est radieux de voir son opinion conflrmée parle flair de son vieil ami Miraut, et c'est avec un entrain juvénile qu'il entonne un bien aller... ■*5S CHAPITRE V EXCLl'SIVEMEXT COXSACRE Al'X ACCIDENTS LES PLl'S LSITES. Il y a des gens qui ne peuvent se battre, raênie au premier sang, à moins de faire au préalable leur testament. Ceux-là ne doivent pas manquer au moins de le relire, quand ils doivent chasser le lendemain Outre la chance que tout cavalier a de se casser les reins, les fronts des cerfs et les hures des sangliers sont , en effet, surmontés ou terminés par des armes autrement terribles qu'un fleuret démoucheté. 41 322 I,A l'UOVIXriE A r.HKVAI,. (]('.s animaux, qui, lorscju'oii les alla(]uc, oui parfois la uicchancclc' de se (léfcndic, font niioux, quand ils s'y nicllcnl, que de découdre un ou deux chiens acliarnos à leur poursuilc cl foiiccut volontiers sur leurs poursui- vants luiniains, qui ne paraissent pas d'un grand poids au bout de leurs an- douillers. 1/ m ^ >^'.^ :*i!'i!i'illi:.,\ Un cavalier et son cheval ne résistent pas mieux à un pareil choc qu'un enAxnt de sept ans au coup de poiny d'un maître boucher, et dans cette occurrence, il n'est pas besoin que le coup porte di- rectement sur riiomme pour que sa situation soit diyne d'intérêt. Il est lancé à une telle distance qu'il ne peut prévoir où doit aboutir sa chute, et que, semblable au sauteur marseillais, il a le temps de " s'em- bêter en l'air d . c.^ ^MSi^tâ La dernière culbute de ce genre que j'aie vue n'a cependant produit aucun mauvais résultat. Le veneur, le cheval et le sanglier, qui ont roulé en un seul groupe, se sont relevés tous trois à peu près intacts, et, l'instant d'après, tous trois galopaient à nouveau les uns derrière l'autre. Voici comment les choses se sont passées. LA PROVINCE A CHKVAL. 323 La nuit approchait, et le comte L. de C..., arrêté au milieu d'une ligne, attendait de pied ferme un sanglier chassé depuis plusieurs heures qui venait droit sur lui, et attendait, pour tirer, qu'il fût à belle portée. Le coup part; mais, soit que la jument du comte eût remué, soit que son tir eût été gêné par le crépuscule, le sanglier, au lieu de rouler sur lui-même, comme nous nous y attendions tous, poursuit sa marche d'un élan plus rapide, et, passant au travers des jambes de la jument, la retourne comme une simple crêpe. Jugez quelle culbute ! Elle fut complète en ce sens que le dos du cheval toucha le premier au sol ; par bonheui' le cavalier avait été jeté quelque peu de côté et ne fut pas écrasé, comme il s'y attendait, sous le poids de sa monture, mais sa trompe, qui avait supporté la pression de son corps, est demeurée depuis aussi aplatie que ces fleurs collectionnées entre les feuilles d'un livre j)ar les amoureux platoniques. :î2i LA PROVIVCK A CHKVAL Je me rappelle égalcmeiil un (Mpitainc de cliasse quasi royale qui, au (luieiil (le servir à la carabine un dix rors tenant tête aux chiens, fut cliaryé „'ec une telle impéluosilé, que nous aurions eu certainement à déplorer la lin trajjique de l'un de nos plus aimables causeurs, si, par un liasard |)r()vi- deuliel, il n'avait relayé l'instant d'auparavant. m avec Grâce à la vitesse de son cheval, complètement frais, l'avance qu'il put prendre le mit rapidement hors d'atteinte, mais je vous affirme que les pre- miers moments de cette fuite désespérée n'avaient rien de rassurant pour les spectateurs. Le cerf louchait de son mufle la croupe du cheval, et je n'ai, quant à moi, jamais eu aussi peur de voir des andouillers disparaître dans un uniforme de veneur. A défaut d'accidents aussi tragiques, il est rare que toute une chasse se passe sans une chute quelconque, effrayante quelquefois, le plus souvent comique : d'autant plus que la culotte et l'habit accusent de leur note blanche ou rouge la position extraordinaire prise par le cavalier. LA PROVIMCE A CHEVAL 325 Si la culotte est bien rcnij)lle, il y a telles combinaisons de lignes dont l'ellct est irrésistible, et, quelque empire qu'on ait sur soi-nu'me, il faut y aller de son éclat de rire. Première position. — Le cheval qui vous précède a refusé l'obstacle et s'est piqué sur les deux pieds de devant. 4 ^ '> fi^^\^^^-%^J^^-0 ^' Vous voyez son arrière-main puissamment contractée, la selle vide, et le cavalier, cramponne au sommet de l'encolure, vous tourne exactement le dos, en s'efforçaut de se maintenir en équilibre sur ce support très-peu stable. 2'' posilion. — Vous avez passe un obstacle, et, par un sentiment de curiosité bien naturelle, vous regardez de quelle façon s'en tirent les chas- seurs qui vous suivent. L'uu d'eux fait panache : Son cheval a touché également des deux genoux, de telle sorte qu'il s'élève 326 LA PKOVIX'CE A niKVAI,. pcrpcadiiiilairt'iiiciit au-dessus de Tubslaclf, tandis que le cavalier plane coinnic un oiseau de proie eu Iraiu de choisir le ])oinl où il doit s'abattre. T-^^^^iiiiip! y position. — C'est un obstacle en hauteur, et qui demande au cheval un effort sérieux : le saut eu hauteur étant toujours plus déj)laçant que le saut en largeur, le cavalier a glissé sur la croupe et s'est accroché des deux mains aux quartiers de la selle ou à la crinière. Vous ne voyez guère que le dos du cavalier et les jambes de derrière du cheval, de telle sorte que la queue de l'auimal parait plutôt appartenir au cavalier. LA PROVINCE A CHEVAF.. A' position. — La cluile est accomplie. 327 Votre ami, peut-être uu de vos plus chers amis, est tombé à plat au foud d'un fossé pendant que sou cheval a contiuuc sa course. w Vous ne voyez que deux jambes qui s'agitent, ornées de leurs bottes et de leurs éperons; l'effet est irrésistible, et vous riez aux. larmes. Dans les pays de meulières, espèces de cliausse-trapes remplies de boue recouverte d'herbe, la même chute produit un spectacle encore plus réjouissant. c.\l' ^,x\|^%l^__ Le cheval s'abat aussitôt que le sol manque sous ses pieds, et le cavalier, projeté en avant, se trouve fiché en terre la tète la première. 328 LA PROVIMCF, A ('.IIKVAr,. (^(iiiimc il esl jncnaci! d'aspliyxic, s(îs jambes s'agilenl froiiéliqucniPnt, et ajoiileiil par leur lolé<]Ta|tliic désospéiTC à ranirnation de la scène. Dans le Ucrry, où ces Irciiibles sont lrès-notiibreii\, on cite des cas de dis|)arition définilive, et des sauvetages aussi émouvants que celui du puisa- tier d'hleceiiilly. Le marquis de M..., le vieux lonvelier bien connu, et qui mériierail, |)ar sa passion pour la cliasse et par bien d'autres particularités, de trouver un biograplie spécial, avait, à la nuit tombante, IVaiulii une baie qui coupait par le milieu une assez vaste prairie. A l'époque dont il s'agit, le marquis, dont les débuts avaient été des plus brillants, et qui avait jadis atlacbé une grande importance à la tenue de ses équipages, avait dès longtemps, et pour des causes multiples, renoncé à toute ostentation. Sa mise était devenue plus que négligée, il n'avait plus qu'un ebeval, excellent, mais d'un aspect qui ne permettait pas de préjuger ses (pialités. Il fallait le voir à l'œuvre, sans quoi le plus grand connaisseur l'eût à première vue imj)iloyablement classé dans la catégorie des coursiers destinés à la remonte de AIM. les maraîcbers. Après cette parentbèse nécessaire pour expliquer la tenue laiilaisiste, quoique scrupuleusement exacte, reproduite dans le croquis ci-dessus, reve- nons à nos moulons. LA PROVINCE A CHEVAL. 329 Du côte où il avait pris son clan, le terrain élait solide; mais de l'aulre, c'était le plus beau tremble qu'on put imaginer, et, du premier coup, le cheval y enfonça à mi-corps, et le cavalier jusqu'aux genoux. \x\r '11' iv' 'H/Wj;!;.'- A chaque effort de l'animal, le groupe s'enfonçait plus profondément, et malgré les appels désespérés du marquis, aucun secours n'arrivait. Les chasseurs étaient loin derrière, et pas un paysan à l'horizon. ■\ Sa situation était critique, et le vieux veneur, aussi peu patient que pro- fondément religieux, alternait les jurons et les actes de contrition, puis réem- bouchait sa trompe et sonnait à pleins poumons. 42 330 I,A l'ROVl.YCE A CHEVAL. Cepoiidaiit il cnfonçail loiijoiirs. Quand on arriva, le rlu'val avait coniplôloinciit disparu, cl le veneur n'avail |)lus hors de houe (jue \c inas(|iie. Avec des rênes et des cordes mises houtàboul, (|u'oii parvint non sans peine à lui passer sous les aisselles, el auxquelles on dut atteler nn hœuf, on finit par l'extirper de son hain de vase. Il en sortit avec le hruil d'un bouchon violemment tiré de sa bouteille. Quant au cheval, il y est encore. CHAPITRE VI FANFARES ILLUSTREES. I. — Le point du jour. S n]M iliJlJilJ;^ ^^^ ^^ LA PROVIX'CE A CHEVAL. 333 II. — La sortie du dienil. ^^^^rr^^-iqi^HwSJ^^^^ III. — Le départ. m^ piSr-[j:A-^^ OT r • f pjL. ^ LA PROVINCE A CHEVAL. 335 11^ — Le volcelest. _^: '■ i-vA PI c^V V. — Le laisser-courre. ^iv ,v LA PROVINCE A CHEVAL. 337 VI. — Le lancé. %^rri^F^rn[j^rFfé^Fgi vu. — La vue. 43 LA PROVINCE A CHEVAL. 339 VIII. — Le change. .WrsT-'^ ;^r ^^*t?^SB^t^tS^ -^i... -^t.c.t^ IX. — Le débucher. Irftfr^-fg^rncrr^ 4 > >'l> -«-1 4t±* ^^ i^J .^^ LA PROVINCE A CHEVAL. 341 X. — La plaine. m frn^rg^r'i-r-[^ >^-v-'^ ^\^. V c V XI. — Le remhttclicr. LA PROVIXCE A CHEVAL. 343 XII. — L'animal à l'eau. iF'rn^r-rPiccf'^rFf%g# ^5 XIII. — L' hallali sur pied . "^■^ S^\V(Vt '^■cAV LA PROVINCE A CHEVAL. 345 XIV. — L'hallali imr terre. '■ ï :A# ' 'P'él. ■'~^w ^1^-; i^^ sj>\\^ .— XV. — La curée. 44 LA PROVINCE A CHEVAL 347 XVI. — Les honneurs du pied. EiCrf[xri^r-B /^,.rr^i^' ^m XVII. — La retraite prise. ppj.|^l>- rf y l^r g^ ^^ LA PROVINCE A CHEVAL. Xl/lII . — la retraite manquée. 349 ~-^^^^^^(^^3s^ FIN DE LA TROISIÈME PARTIE QLATRIKSIE PARTIE C/\ l'T LA 4ô .xvA^^ CHAPITRE PREMIER Les courses de province. — Ces messieurs du comité. — Propriélaircs et cavaliers indigènes. Acteurs et spectateurs. Le principal attrait des courses de province est qu'elles ont généralement lieu dans un joli endroit que, sans elles, on n'aurait vraisemblablement pas l'occasion d'admirer. Alalheureusement, l'obligation pour les organisateurs de ces fêtes de ne pas fixer le moment des réunions à des dates réservées pour des champs de courses plus renommés, les force, la plupart du temps, à choisir les jour- nées les plus caniculaires de l'année. 356 LA l'ROVIXTE A CHKVAI,. Los lii|)p()(lroiiics qui jouissent de la faveur j)ul)li(|ue ayant monopolisé tous les jours disponibles de l'aiitonine et du ptinl('iii|is, les journées tro- picales sont les seules qui restent disponibles; et, eoiiiine tous les fondateurs de sociétés départementales nourrissent le secret espoir d'attirer dans leur chef-lieu la foule des étrangers, ils préfèrent avoir un jour à eux, quelque lorride qu'il soit, plutôt que d'avoir à lutter contre la concurrence de champs de courses plus achalandés et plus accessibles. Hippodromes de province. — L'n coin du lurf. Il en résulte que l'étranger convoité, ayant à choisir entre l'abstenlion et les chances les plus probables d'insolation, reste généralement chez lui, et que les indigènes et les intéressés qui auraient assisté à la réunion locale, alors même qu'il y aurait eu courses le mêmejourà Auteuil ou à Longchamps, se trouvent condamnés à une station de plusieurs heures en plein soleil, par une température d'un nombre déjà exagéré de degrés à l'ombre. Ils souffrent, mais se résignent en pensant que leurs souffi ances sont suppor- tées pour la plus grande gloire de la société des courses de la localité, et en LA PROVINCE A CHEVAL. 357 se rappelant quelles (lifficiiltés il a fallu surmonter pour parvenir à constituer ladite société. Ce n'est pas en effet une petite affaire que la constitution d'un comité, dont tous les membres voudraient être pour le moins présidents, — pour ce posie aussi lionorifique que peu absorbant ]es candidats affluent, et l'on n'a que l'embarras du clioix; — mais c'est autre chose quand il s'agit de trouver le vice-président, qui, lui, doit mettre la main à la besogne; le secrétaire, chargé de la correspondance, et le trésorier, qui doit sous sa responsabilité personnelle effectuer la rentrée du montant des souscriptions. Meinbi-es fondateurs. — Ont BOascrît dod pag commf sporlGOifp, maiB comme légitioiisle — bonaparlistr — orlraoïsle — républicain, afin de ae pas laisser moDopoliscr p.ir an parti une JDSlilutiuD qui d'aillears ne les iuteiesae ea aucune façon. Quand on a la chance d'avoir pour président un personnage d'une impor- tance incontestable, grand seigneur puissamment riche ou notabilité mar- quante dans le monde du sport, les difficultés que présente la formation du comité chai-gé de le seconder se trouvent considérablement réduites : — chacun s'empresse à sa suite, et brûle du désir de devenir le collaborateur d'un homme aussi en vue. Mais les champs de courses sont si nombreux et les illustrations si peu fréquentes, que le cas est tout à fait exceptionnel. 358 LA l'IlOVINCK A CHKVAF,. I,a plupart du Icnips, les iH)lal)ilil(''s sporlives dont dispose l'arrondisse- ment sont aussi contestables que contestées, et les partisans de l'une ou l'autre sont généralement en lutte ouverte, de telle sorte que le triomphe de tel ou tel crée immédiatement tout un groupe de mécontents qui critiquent de parti pris tout ce qui est fait, et, ce qui est plus grave, profitent du succès du parti ennemi pour refuser énergiquement de souscrire. On dit partout qu'il n'y a pas de petites économies, mais ce n'est qu'en province qu'on le croit et qu'on agit selon ses croyances. ,^^= ^,:^r:;ji^^mm jtM^\v-^^,^ :.v ■Y*'' N^x N^^-k \xssN ^ - ^""^ «nt.Ç^nû^,.'^^"^^'?" -P.) 11 ni • ■ Il !\riint le dt'jKirt. — Dernièrpe recomniaDdalionB ao champion local. 3. Les difficultés budgétaires viennent imniédialeinent aggraver la situation déjtà tendue par les rivalités de personnes, et le malheureux comité se trouve obligé de faire quelque chose avec rien, ce qui justifie l'emploi de l'expression consacrée en pareille circonstance : la création d'un nouvel hippodrome. Dès lors les démarches auxquelles doit se livrer tout membre du comité deviennent incessantes; il doit solliciter partout et sans cesse : A la Société d'encouragement, Au ministère, Au conseil général, A la préfecture, A l'administration du chemin de fer ; La ti-ibune des jiigfs. — Tuul ce que rarrondisseinent piiBsède de | — Da vrai marquis , ua baron juif, l'aDCieu Bous'prt'fet et uu quincail Bomplif, — s'inlércEseiit pasaioDuénieat à réquilaliuii d'autrui, adorent, lout ce qui leur fuuroîl l'occasion de aicger à une place réietvée, prési ce qui a besoiu d'ùlre présidé , conronnent les roaièri^B, assisleol au des écoles libres, Boireot les processions et (oastenl à loor de lole au lous les banquets qui suiveol chacune de ces cérémonies nV ,AV)~ nlll - Eh beo, v'Ià un chevau Uljl , .hi^ ^^Vv VÎ^^?l, IV I qu'fll cràuement hab.llc ! f i lllluW'' "~i /; v^^ 4] — Pour sûr que j'aimerais mleui êlre son tailleur que son propriétaire. p4Î^aM\ Jockeijs iniligéites. — Spécîdui pour les épreuves au Irut monté. lotesli par la coorianc toyens de l'hooDear de d oU'Crève, le crack du religicoBemenl avant l'éprençe une non- veWe édition des inslruclions sor le jeu à faire. înBtroclioDS qoi résollent de la délibéralioD prise eo léaDCe du comilé à la dale da 3 juillet, et dont cumma- iiicatiuL loi a été donnée audit jour. Aj^^. Doit û la tigocuF de ses biceps d'atoir été désigné par no vote snaaime du comilé , spécialement détégné par le cercle pour nommerle gentleman cLarge de tenir en laisse le cbampion local 'tmm OdI fuit par tuuecrtplion lei frais du voyage d'une lendreste parisieniic qu'île comblent de petite buÎde, au plue grand scandale de leuis concitoyetin. L émulalion sportive est souvent cause qu'un cLàttlaia quelconque croit devoir faire ane tentative d'altelage à quatre, dont la popolalioo IcrnSée raconte les dangers plueieure acneee iiprés. JÙ> 46 ^^^.^w.^ Le bvenck dit régiment. — En train de donner un pea de vilesse aox cbeiaui pour le reloor par l'intermédiaire des postillons. — Moitié champague et biandy. \ f nu de l'ariB a\et l'un des detji chevaui qu'il «cciinimode Ioor les ans, dans le seul l'Bpoîr de recoller (iuili)ue6 lauiicrg départemenliiuï. l'dr un liasard cruel, toutes les fuis (|uil sa se metlre en selle, son cheval se met a boiter, de telle sorte que, depuis Onze ans qu'il doit courir, il n'a pas encore couru. Généralement enlrainé dans la Bolitode, le champion local emballe son cavalier dès le départ, et ee fait uo rigoureux devoir de lai arracher les hias. LA l'ROVIX'Cl'; A CHEVAL. ;]«',) Obtenir ini prix de celle-ci, une nulorisalion ailleurs, faire reconnailre lu société par toutes les autorités constituées, Réclamer l'organisation de trains spéciaux, Solliciter l'envoi d'hommes de corvée pour l'aniénagement de l'iiippo- dronie, Assurer le service d'ordre, Organiser le service médical, Passer des traités pour l'installation des tribunes provisoires, S'entendre avec les propriétaires fonciers sur les terres desquels doivent avoir lieu les courses, Conclure avec les limonadiers, installer le buffet, que sais-je encore? Répondre aux demandes de renseignements sur les conditions d'engage- ments, de poids, d'âge, de parcours, etc., etc. Tribune ojficidle. — l'n loi d'anlorilot C'est un affairement de tous les instants, qui conduit à bref délai le malheu- reux qui y est soumis à un état d'ahurissement dont il est souvent plusieurs années à se remettre. 47 ;î70 i,,a ruovixcK a chlval. Cependaul, lo yrand jour anive. A forte d'allôes el d(; venues, de slalioiis dans loules les anliclianibres officielles, de marches et de conlre-niarelies, d'audiences sollieilées, de s()uscri])li()ns ouvertes après l'obtention de l'autorisation préalable, on est parvenu à inscrire au programme un certain nombre de prix qui varient entre huit cents et deux mille francs. On a réuni, tant parmi les éleveurs indigènes que parmi les propriétaires de chevaux |)arisiens, un nombre d'engagements honorable; D'autre part, on sait de source certaine que toutes les notabilités de la ville et des châteaux comptent assister aux courses; après tant d'efforts, on est en droit décompter sur ime journée complètement réussie. S'il n'est pas de plaisir sans peine, on est quelquefois récompensé de la peine qu'on s'est donnée en vue du plaisir, et l'on peut sans outrecuidance LA PROVINCE A CHEVAL. 371 espérer qu'on lieut le succès, et, par conséquent, une recello iructueuse pour la sociélé à laquelle on s'est dévoué corps et âme. ^ fe ^ 1 « 1 w Ëi il l ('' 11' >.\..ji ^sfc i \/è Ml \f ^ il^ 1 W , 'W LK l'IflLlC HE Lft rlSTK. ■ — On ne peul pis nipr qu'ils inarcIteDl, ces tiidels-là! Mois ils ne feraient pas assez de cli^min avec moi dessus , que je dis. — R.n sûr que ces rlicvain-là , (oui roidcs qu'ils ooiil. ce feraieof piiies ont l'ail ddaul, cl, sur cinq courses, il y a eu (rois walk-ovor. I,c comilé est dans le marasme le plus complet, et le |)arli adverse triomphe : dès le lendemain, diacun de ses membres s'informe avec intérêt auprès de toute personne qu'il rencontre si elle a assisté aux «charmantes rc,'];ales organisées par le comilé » . Cnft^ Q^' nl"--/0^-"^'^ iJPf s*v :-y\ .r.f ■-V^ — t-*--v_-- V.sV^ LtL CHAPITRE II E\ TEMPS DE GUAXDES M AXOEU V RE S. Par le temps de service obligatoire qui court, chaque Français est, a été ou sera soldat. Il en résulte que rien de ce qui touche à l'armée n'est indifférent à per- sonne, — on le voit du reste, quand, les moissons terminées, le moment arrive où, sur l'ordre du général en résidence momentanée au ministère de la guerre, les troupes se mettent en devoir de simuler les opérations mili- taires les plus compliquées. ;i7i LA rHOVI.VCK A CHKVAL. Dans les régions désignées comme devant servir de Ihéàlre aux manœuvres projetées, il n'est pas question d'autre chose un mois à l'avance, et l'ouver- ture de la chasse, qui coïncide généralement avec ces graves événements, s'en trouve tout naturellement reléguée au second plan. 11 ne s'agit plus de savoir si l'on sera invité chez tel ou tel propriétaire, mais bien de savoir dans le voisinage de quel châtelain aura lieu la prin- cipale bataille, et auquel des geuticmea du voisinage reviendra l'honneur d'hosj)ilaliser l'état- major. ---£^-^-:--^t = Comme en province les amours-propres sont toujours en quête d'occasions de se montrer au grand jour, il s'agit d'arriver à se procurer au moins un gé- néral à héberger, et chacun se met à étudier l'annuaire avec frénésie pour y chercher si l'on ne connaît pas dans l'effectif mis en mouvement dans l'arron- dissement quelqu'un de ces personnages que Boquillon appelle, avec son irrévérence habituelle, « une grosse légume « , par allusion à la graine d'épinards. LA l'ROVIMCE A CHEVAL. 3:5 Si on le découvre, il n'est pas de bassesse à laquelle on ne se livre sans vergogne pour obtenir qu'il honore votre domaine de sa présence ; tout pro- priétaire tient à ce qu'on dise en montrant son château : C'est là qu'a demeuré le général X..., Z... on *** pendant les grandes manœuvres de cette année, avec tout son état-major. Il y avait tant d'hommes au château et tant de chevaux aux écuries. Plus il y en a, plus le châtelain est satisfait. Gomme disait Lhéritier dans je ne sais plus quel chef-d'œuvre de l'im- mortel Lfibiche, en montrant sur sa tabatière le portrait d'une belle inconnue qu'il faisait passer pour son épouse défunte, « cela llatte un veuf». De même, cela flatte un propriétaire d'avoir hébergé une iuq)ortante fraction de l'armée nationale. Dès que les premiers éclaireurs ont fait leur apparition, tous les habitants ne quittent plus le pas de leur porte; chacun est aux aguets et veut être le premier à signaler l'arrivée des nouvelles troupes. :57 ; I,A IMIOVIMCK A r.HEVAr,. An iiioiiulro bruil, rliacuii accoml, cl si l'on niloiul imc soiiiiorie (|ni'I- con(|iic à un kiloiiièlic, l(uit le iiiiiikIo se ])rcci|)itc' iliiiis la tlir('(,'li()i) oli elle a éclalé. C'est un émoi général ; les paysans quillcnt leur cliarnie, les ménagères leurs inarniiles, et au moindre mouvement des corps en présence, les villages se vident pour se porter à leui- rencontre. Rien de ce qui constituait la vie au cliàteau n'existe plus; le laun-tennis est désert, le crocket sommeille, et si l'on monte à cheval, c'est que c'est encore le moyen le plus pratique de suivre les évolutions devenues la préoc- cupation générale. ^^v^> -V La plus vulgaire sagesse exige toutefois que les curieux qui choisissent ce moyen de transport, s'assurent au préalable que leurs montures sont insensibles à la mousqueterie et à la canonnade. 4? LA PROVINCE A CHEVAL. 379 S'ils négligent celte précaution, ils ont tout à craindre de l'ouverture des hostilités, et ils courent le risque, à la première explosion, de se trouver com- plètement emballés ou prestement déposés sur le sol. C'est surtout aux amazones qu'il faut éviter de donner dans ces occasions des animaux trop allants, qui pourraient les entraîner plus loin qu'il ne con- vient à la suite de MAI. les militaires. On cite de fâcheux exemples, et j'ai entendu parler d'une très-aimab!e femme qui, emballée de la sorte, n'a pas encore réintégré le domicile con- jugal depuis cet accident, qui s'est produit lors des manœuvres de 1877. ^^ricv' ..i^ En dehors des sentiments chauvins dont est animé à l'égard de l'armée tout véritable Français, le côté pittoresque du spectacle suffirait d'ailleurs à expliquer très-suflisamment l'empressement des populations. Si la vue d'un bataillon en marche suffit à attirer sur son passage tout ce que Paris possède de badauds toujours empressés à admirer un tableau qu'ils 380 I.A PUOVl.VCK A CHEVAL. ont vu cent l'ois, el que la corrcclioii de la leime des (roupos rend forcément idenli(|ue avec celui qu'ils ont déjà maintes fois contemplé, n'est-il pas tout naturel (]uc les populations canqjajjnaides fassent preuve d'une curiosité é;j;alc quand il s'a;;il pour elles d'une occasion jieul-èli-e unicpie de voir réunis une fjrande (piaulilé de militaires, elles qui ne connaissent la force armée de leur pays que par les rares échantillons contenus dans la bnjjade la ])]us proche di> gendaimcrie départementale? La plupart des paysans accourus au-devant des détachements en marche apprennent non-seulement à connaître l'uniforme, l\ distinguer un cavalier d'un ianlassin, à laire la différence entre un sergent et un général, mais ils ont encore l'avantage de les voir en pleine action, manœuvrant et coui- batlanl. C'est donc plus qu'un spectacle allrayant. C'est pour ceux qui n'ont pas encore été appelés au régiment un ensei- gnement préparatoire qui kur permit d'avoir une idée de ce que l'on attend LA l'ROVIXCE A CHEVAL. :581 d'eux, et de ce qu'ils auront à faire quand de sppclalcurs ils seront appelés à devenir acteurs. Comme spectacle pur, c'est encore bien supérieur à la revue la plus impo- sante. S'il est vrai que la variété soit une condition essentielle pour soutenir Tintérêt, il est constamment tenu en éveil par la multiplicité des tableaux qu'offre une armée en marelie, et le déiilé successif de l'inlanferie, de la Demande de reoselgnements. cavalerie et de l'artillerie, sans compter les véhicules de toutes sortes enq)loyés pour le transport des mille objets nécessaires à l'approvisionnement des can- tines, le matériel des ambulances, les forges ambulantes et autres appareils télégraphiques, électriques, voire même aérostatiques. 382 I.A l'iîOVIMCE A CIIEVAF,. La vue (lu bal de l'Opéra arracliail aux doininos de Gavanii ce cri du cœur : « Quand on pense que lotit e.i uiaiiyc lous les jours, c'est ça qui donne une ( ràue idée de riioiniue! 'i En voyant les files interMiinal)les des colonnes en niarclie, il n'est pas besoin d'être un observateur aussi pers|)icace et aussi attentif que le uiaîtr(! regretté pour s'écrier : « C'est ça qui donne une crâne idée du budget! » li£:^mi Wm '^^^^^^'W, rV^.I CHAPITRE III ELEVAGE D AJIATEUK. Je ne voudrais pas qu'on pût croire, après avoir lu ce qui va suivre, que je ne professe pas à l'égard des éleveurs français tout le respect qui leur est dû. Autant que personne, je reconnais les difficultés qu'ils rencontrent dans l'accomplissement de la tâche mcriloirc à laquelle ils se sont consacrés, et ;!8i I,A PROVIXCE A r,IIi:VAF,. |)fr.s()iiii(' lu' l'ail (le ifpux plus siiifrrcs [xiiii- la réussite (le leurs cllurls; mais c'est j)rétiséinent parce que je me reuds compte des conditions délavorables dans lesquelles la valeur excessive des |)n)])riétés foncières, la cherté chaque jour plus onéreuse de la main-d'œuvre et mille autres causes placent les hommes sérieux qui luttent énergiqiiemenl pour maintenir la production indigène, que je suis horripile par la prcleuliou qu'ont de se dire éleveurs tous les désœuvrés qui lâchent dans un paddock de leur parc une vieille jumeni dont ils attendent un produit quelconque. ;À-;Tn. , frira.. ÎV§^* ^•>^'>^ ni s, A^. ^■■\ri f'-VC^K. -• ^< K Mh^^^'" ;i^\'^ V^v^^ .-.-. J^\î\Vi^=^ii<^'' =sr^=!r,3^^'^ i=t;±L>'\'*;. //;*'. La manie de l'élevage se contracte de façons différentes; mais la plupart du temps c'est au moment où les premiers signes de décrépitude se font remarquer chez une jument exceptionnelle , propriété de la victime, que la maladie se déclare : Le plus souvent sans qu'aucun symptôme précurseur ait pu faire prévoir ce regrettable accident. 49 386 LA l'KOVIX'CE A CHEVAL. La juineiit vieillie, et appelée de j)ar la faiilaisie du malade à fonder une famille, a élc réellement une hèle remarquable ; Malheureusenieut son propriétaire, qui l'a achetée chez Bartlett, Tom ou Maurice, ne sait quoi que ce soit sur son origine. Elle est de demi-sang, ce n'est pas douteux, mais de quelle combinai- son est-elle le résultat? Est-ce son père, sa mère ou seulement son arrière-grand-père qui figu- rait au Stud-book ? Il l'ignore absolument, ce qui ne l'empêche pas de choisir hardiment l'éta- lon chargé de l'aider dans la tâche qu'il attend d'elle. : .f 1 j PAniS. — TïPOGRAl'HIK E rLO.\, NOURRIT ET C", RUE GARA.VCIÈRE, 8. V M ! WH^' Jalatel^*'*" Mi '1'^ jg^^opjf^ iiMMPiniirTrTff nrfYTYTO ,^/^/^Af '''^'■%fe'/^ ^T^;«^fal ^nr V yr^n' m^.fâ»^e^ UW^tei^î^^l^oOif rfW^R WsH. 4(; - V~-\( wiwm^s: r^^^fmm0m Qç^m-n^i^ f/^^^HwmmMr SnnWMWiMBmRRI "^mmaWM^fW rrm nT'l i^(«:2^;^^Bî6i; (^*^ f*n;'- .•;î;.."' ■ -M» b'. 'î iLft.i"i'ii'i.^ ^Vf' :m ^ir LT'