LA R D E LA TEINTURE VA RT dP D E LA TEINTUR DES LAINES, E T DES ÉTOFFES DE LAINE, -■k EN GRAND ET PETIT TEINT. Avec une Inftru&ion fur les Déboüillis. Par M. Heuot , de l’Académie Koyale des Sciences } CT de la Société Royale de Londres. Chez , A PARIS, La Veuve Pi ss or, Libraire, Qnayde Conty, a la Croix d’Or. Jean-Thomas Hérissant, rue S Jacques , à S. Paul & à s. Hilaire. E i s s o r , fils Quay des Augullins , 3 la Sageffe. M. DCC. L. Avec Approbation & Privilège du Roy , » • iPJCS P R É F A C E. ce qui s'employa à l’habillement des hommes -, tout ce qui fert à leurs emmeublemens , eft de fou re/Tort , & n’a prefque de prix qu’autant qu’il en reçoit de cet Art. Il n’di pas néceflaire d’en- trer dans un plus grand détail pour en faire connoître l’utilité : on l’apperçoit aifément , pour peu qu on y fa fie réflexion. Mais ce qui n eft pas à beaucoup près auill connu , ce font les difficultés qui ' 1 accompagnent. Une pratique de plu fleurs an- aces , un fens droit , de l’attcn- V vj P R E* F A O t. tion , fuffifent pour faire un ha- bile Teinturier-, mais cet habile Teinturier ne fçaura que le tra- vail des Laines , ou celui des Soyes , ou quelqu autre partie de cet Art. Ceft beaucoup s il fçait à fond celle à laquelle il s’eft appli- qué. Souvent même il ne travaille , avec un fuccès confiant , que fur un certain nombre de couleurs , qui ont quelque liaifon entr elles , enforte qu'il ne fçait qu imparfai- tement la pratique des autres. ^ La diftinétion , judicieuie & ne- ceflaire , qu on a laite dans les Gouvernemens les mieux policés > de difterens Corps de Teinturiei s, ou de différentes branches dans le même Corps, pour les divers cenres de Teinture , empeche ce- fui , qui travaille dans^ un de ces Corps , de s appliquer a ce qui fait l'objet du travail des autres. Il peut réfulte r un incouveniei.it &6 P R E’ F A C 1. vij cette diftin&ion : elle rend les dé- couvertes plus rares j mais il en naîtroit de beaucoup plus grands de la réiinion , & il feroit diffici- le alors d’en découvrir la fource. Un Phyfîcien , qui veut pren- dre quelque connoillance de l’Art de la Teinture, eft, pour ainfi dire , effrayé par la multitude des objets nouveaux que cet Art lui prefente : il trouve à chaque pas des obfcurités , fans pouvoir efpé- rcr aucun éclaircifîcment de la part du commun des Ouvriers , qui ne fçait prefque jamais que les faits, & qui , pour l’ordinaire, n’a que des mains & fa routine. Prefque toujours , la maniéré dont il s explique , le jargon auquel il s eft habitue , ne font que répan- dre de nouvelles ténèbres, que les circon fiances bizarres , & fou- vent inutiles , de fes procédés , rendent encore plus obfcures. L. • • • • ni) Viij PR B’ F A CB. Ceux , qui n’ont aucune idée de cette matière , croiroient peut- être trouver quelques éclaircifle- mens dans les Livres qui en ont traité ; mais il n’eft que trop cer- tain qu’on n’y peut rien appren- dre. Le Teinturier Parfait , dont on a fait pluficurs Editions , & qui a été réimprimé en dernier lieu à la faite des Secrets fur les Arts & Métiers , n’eft qu’un aftemblage monftrueux , de recettes impar- faites , faillies ou décrites d’une manière inintelligible. Les termes de l’Art , les noms des Drogues y font fouvent confondus , enforte qu’il n’eft pas polfible den tirer aucune utilité. Je ne dirai rien de plus fur ce Livre , ni fur l’Edi- tion qu’on en a faite en Allemand avec un titre féduifant. Il ne mé- rite pas qu’on y falfe la moindre -n attention. Je me ferois meme dif- penfé d’en parler , fi je n’avois pas PREFACE. ix craint qu’on me foupçonnât d’a- voir profité de. ce qu’il contient , fans vouloir le citer. Je ne parlerai pas , à beaucoup près de même , de l’Inftruétion &c des Réglemens fur la Teinture , faits par ordre de M. Colbert. C’eft , fans aucune comparaifon , ce que nous avons de meilleur fur cet Art. On y trouve toutes les notions générales , & aulîi-bien détaillées, que le peut permettre un Ouvrage de peu d’étendue. C’ell la bâte du travail , dont on trouvera les détails dans ce Trai- té, & ce fera toujours un bon gui- de pour les recherches qu’on vou- dra faire dans la fuite. Néanmoins, il y manque un grand nombre de faits y de plus , la manipulation des / T / procédés ne pouvoit y être décri- te ,& ne dcvoit pas l'être dans un Réglement: ainfi cette Inftru- ftion n’eft utile qu’à ceux qui ont / / rl B I Pii x P R E’ F A C E. déjà acquis des connoilfances dans l’Art de la Teinture. On trouve quelques recettes dans le Caneparius de Atramentis , dans le Photo , ou Arte Tintoria f petit Traité Italien fur la Teintu- re des Soyes, dans Wecker , Mi~ z,ault &c autres Compilateurs de Secrets ; elles font , a peu de cho- fe près , dans le cas de celles du. ■ Teinturier Parfait. On peut être alluré que j ai exé- cuté en petit , & qu on a fait en grand > dans differentes Manufa- ctures du Royaume , tout ce qui eft enfeigné dans cet Ouvrage , qui n’eftpas écrit pour les Teintu- tiers habiles , mais pour ceux qui cherchent à le devenir. . J’aurois fouhaité pouvoir donner mie idee des connoilîances e u a— voient les Anciens fur le fait de la Teinture , mais j’avoue qu’après avoir fait beaucoup d extraits j je P R £’ F A C E. xj nai pû en former un tour qui fût de quelque utilité. D’ailleurs, cette érudition, n étant pas mon objet principal , & ne pouvant être efti- mécque comme une curioflté Lit- terane , je n ai pas crû devoir rn’y arrêter. / Je n’ofe me flatter d’avoir por- te cet Ouvrage a Ion dernier ter- me de perfedion : on fçait trop bien que les Arts en acquiérent tous les jours , & que celui-ci efl: dans ce cas , plus que tout autre. Mais j’efpére qu’on me fçaura quelque gré d’avoir tiré cette ma- tière de l’obfcurité où elle étoit enfevelie , & d’avoir mis les Phyfi- ciens & même les Teinturiers , en état de faire des découvertes «Sc de perfectionner un Art très-utile , & duquel il m’a paru qu’on n’avoit que des notions fort confufes. ✓ It B ) R tg tg tg ' ************** ************* asa^»»wia»»«ür“'"' TA L E DES CHAPITRES Contenus dans ce Volume. £ /æ Teinture des Laines , & de s Etoffe s de Laine , page I CHAPITRE I. Tes vaiffeaux & inftrumens fervans d la T einture , 4 CHAPITRE IL J)e la distinction du Gïanddp du Vêtit ‘T tint Juy les Laines > ^5 CHAPITRE III. Tes Couleurs du grand & bon Teint 40, ? TABLE. CHAPITRE IV. Du Bleu , CHAPITRE V. % ê v Xll) De la Cuve de Fajlel , 57 CHAPITRE VI. De la Cuve de Vouede , i i (\ CHAPITRE VII. De la Cuve d’indigo , iz$ CHAPITRE VIII. De la Cuve d’Inde a froid avec l’u- rine > 139 Cuve chaude d’indigo d l’urine D 143. CHAPITRE IX. Cuve d’Inde d froid fans urine , 155 / xïr TABLE. CHAPITRE X. De la maniéré de teindre en bleu , 1 66. CHAPITRE XI. Du Rouge , z 4 1 CHAPITRE XII. De V Ecarlatte de Graine , ou Ecar- latte de Vemfe f Z44 CHAPITRE XIII. De ï Ecarlatte couleur de feu , z y 6 CHAPITRE XIV. Du Cramoif , 341 CHAPITRE XV. Del Ecarlatte deGomme-Lacque ,354 . CHAPITRE XVI. Du Coccus Polonicus , infecte colo- rant f 364 TABLE. xv CHAPITRE XVII. Vu Rouqe de Garence , 369 CHAPITRE XVIII. Du Jaune , ? yj CHAPITRE XIX. Du Fauve , 407 CHAPITRE XX. Du Noir , 42.3 CHAPITRE XXI. Des couleurs que donne le mélange du Bleu & du Rouge , A 477- . . CHAPITRE XXVII. Du mélange du Rouge & du Noir 3 480. * 4 CHAPITRE XXVIII. Du mélange du Jaune & du Fauve } 481. CHAPITRE XXIX. Du mélange du Jaune & du Noir 3 484. TABLE. xvij CHAPITRE XXX. Du mélange du Fauve Ctn du Noir } 485. CHAPITRE XXXI. Des principaux mélanges des couleurs primitives , prtfes trois a trois > 489. CHAPITRE XXXII. De la maniéré dont Ce fondent en - femble les laines de différentes cou- leurs , pour les Draps ou Etoffes de mélange, p0 CHAPITRE XXXIII. De la maniéré de préparer les Feutres d’effai, 504 Du Petit Teint. CHAPITRE I. De la Teinture des Laines de Etoffes de Laine en petit Teint , 5 1 1 TABLE. xviij CHAPITRE IL \ ï , — De la T °,inture de Bourre , 516 CHAPITRE III. De rorfeille , & de la manière de l’employer, 5 41 CHAPITRE IY. * . r > Du Bois d’ Inde , ou de Cawpeche , 5^4- CHAPITRE Y. Du Bois de Br e fil , 59^ CHAPITRE VI. Du Fuftet y 606 CHAPITRE VII. Du Roucou , 6° 9 CHAPITRE VIII. De la Graine d’Avignon > 6ii> TABLE. CHAPITRE IX. xix De U Terra Mérita , ou Curcuma , 6 13. INSTRUCTION 1 « f 11 % Sur le Debo'ûilU des Laines } & Etof- fes de Laine , 6\y Fin de la Table des Chapitres, EXTRAIT des Re dres de f Academie Royale des Sciences. Du vingt-deuxième Décembre 1742. ME (Leurs D e Reaumur 8c l’Abbé Nollet ayant examiné par ordre de l’Académie un Manufcrit de M. H e l e o t , qui a pour titre : U Art de la Tctnture des Lames , & Etoffes de Laine , &c. & en ayant fait leur rap- port , l’Académie a jugé que cet Ouvra- ge étoit trcs-digne de l’imprellion, non feulement pour l’importance de fon ob- jet. >. mais encore pour les nouveautés qu’il contient, & pour la méthode avec laquelle l’Auteur l’a rédigé. En toi de quoi j’ai ligné le prélent Certificat. A Paris, ce 15. Janvier 1743- Dortous de Mairan, Secr.Perp. de l jîcad. Royale des Sciences. PRIVILEGE DU ROI. LOUIS , par la grâce de Dieu , Roy de France & de Navarre ; A nos amez & féaux Confeillers , les Gens te- nans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand Confeil , Prévôt de Paris, Baii- lifs , Sénéchaux , leurs Lieutenans civils , & autres nos Jufticiers, qu’il appartien- dra , Salut. No tr e Academie Royale des Sciences , Nous a tres- humblement fait expofer , que depuis qu’il Nous a plu lui donner , par un Re- glement nouveau , de nouvelles mar- ques de notre affedion , Elle self appli- quée avec plus de foin à cultiver les Sciences , qui font l’objet de fes exerci- ces*, enforte qu’outre les Ouvrages qu- Elle a déjà donnés au Public , Elle ferait en état d’en produire encore d autres, ■ > s’il Nous plaifoit lui accorder de nouvel- les Lettres de Privilège , attendu que celles que Nous lui avons accordées en date du lix Avril 1693 , n'ayant point eu de temps limité , ont été déclarées nul- les par un Arrêt de notre Confeil d'Etat du 13 Août 1704, celles de 1713 & celles de 1717 étant auffi expirées 3 & délirant donner à notredite Académie en corps 8c en particulier , & à chacun de ceux qui la compolènt, toutes les fa- cilités & les moyens qui peuvent contri- buer à rendre leurs travaux utiles au Pu- blic , Nous avons permis 8c permettons par ces Préfentes à notredite Académie, de faire vendre ou débiter dans tous les lieux de notre obéillànce , par tel Im- primeur ou Libraire qu elle voudra choi- sir , un Livre intitulé ; L Art de la Tein- ture des Laines en Grand & Petit Teint, pour en jouir en mon lieu & place , fuivant les conventions faites entre Nous , le 10 Juin £749. H e l l o t« D E LA TEINTURE. ^ la Teinture des Lames, e>> des Etoffes de Laine. ] Va nt que d’entrer dans ■ le detail de la Teinture des Laines > il faut donner üne idée des couleurs primiti- fs , ou plutôt de celles qui por- ■cnc ce nom parmi les gens de Sur lCkr°^Verra Pârk lc<^ul'e lu célébré Ouvrage de M. New- 11 1 AUr la ]unuere & les cou- A 2, L’Art leurs , quelles n’ont point de rap- port avec celles que les Pliyficiens connoi fient fous ce nom ; mais ce qui les a fait qualifier de la forte par les Ouvriers , c eft que parla nature des ingrédiens dont -ces couleurs font compofées , el- les font la bafe d’où dérivent tou- :es les autres de quelque efpece quelles foient. Cette divifion de couleurs , & 1 idee que je me pro- pofe d’en donner , eft aufli com- mune aux différé ns genres de Tcinmre , comme à celle de la Soye , du Fil , &c. ainfi je ne puis nie d ifp en fer de fuivre cet ordiej qui eft pris du tond meme de la matière que je traite. On compte cinq couleurs Fri - rnitives , qui font le bleu f le rouge > le jaune , le fauve , ou couleur de racine , & le noir. Chacune de ces couleurs peut fournir un très- grand nombre de nuances , de-* de la Teinture. * fuis plus claire jufqu’à la plus tonccc 5 & de la combinaifon de deux ou de pluficurs de ces dit-' ferentes nuances , nai fient toutes les couleurs qui font dans la na- ture. Souvent on brunit, on éclair- cit , on change très-confiderable- nient les couleurs par des ingré- diens non colorans , tels que iont les Tels acides, les fels alcalis , les tels neutres , la chaux , 1 urine , 1 arfeme , l’alun, & autres , & dans la plupart des Teintures , on pré- paie avec quelques-uns de ccs in- giédicns, qui par eux-mémes ne donnent point , ou ne donnent que tres-peu de couleur, les lai- ftes ou les étoffes de laine oue Ion employer , doit avoir A ij 4 L’Art de la Teinture. aux moindres circonftances pour réiiffir parfaitement dans un Art li compliqué , & dans lequel il fe rencontre tant de difficulté. CHAPITRE I. Des •vaijfeaux & infimmens fervam À lu Teinture* ( • IL faut premièrement établir un Atelier de Teinture dans un endroit fpacieux , couvert , niais éclairé d’un beau jour , proche d’une eau courante, au- tant qu’il fera poffible •, car elle eft extrêmement neceffitire , foit pour prépareras laines avant que de les teindre , foit pour les lai- te dégorger apres qu elles font teintes. Il faut auffi que 1 Atelier foit pavé avec chaux & ciment, & qu’on y ait ménagé des ruift Chapitre I. y féaux qui ayent affes de pente pour 1 écoulement prompt & fa- cile ac s eaux & vieux bains de teinture , qu on y jette en grande quantité. . On placera dans quelque en- dio.t , dï liant de huit ou dix pieds des Chaudières , pour la plus grande commodité , deux ou plu- sieurs Cuves pour le bleu , fui- Yunt la quantité d ouvrage qu'on préfume avoir à faire. Ces Cuves s appellent Guefdes ou Cuves de Pajtel ; ccd le point de la tein- ture le plus important : & ce qu’il y a de plus difficile dans cet Art, c’cll de bien affieoir & réchauffer une cuve dePaftel, c’eft-à-dire , de la bien préparer & gouver- ner jufqu a ce quelle foie en état le donner fa couleur bleue. Ces fertes de Cuves font de lix a dou2c pieds de diamètre, x dc llx a de hauteur. El- A iij € L’Art de la Teinture. les font formées de douves ou pièces de bois de fix pouces de largeur , &' de deux a’épaiîTeur , & bien cerclées de fer de trois pieds en trois pieds. Lorfcpf elles font conîfruitcs , on les enfonce dans la terre , en forte quelles n’exce dent que de trois pieds & demi ou quatre pieds au plus, afin que l’Ouvrier puîïïfe manier plus commodément les laines ou étoffes qui font dedans ; ce qui fe fait avec de petits crochets dom blés , emmanchés d’un bâton de longueur convenable , felojfi le diamètre de la Cuve. Le fond de ces Cuves n elt point de bois , mais pavé avec chaux ciment, ce qui cependant n eft aucune- ment effientiel , & ne fe pratique qu’à caufe de leur grandeur & pareequ’il feroit difficile qu un fond de bois d’une fi grande étendue pût foutenir tout le poids Chapitre I. y de ce que la Cuve doit contenir. Quand on a de la laine ou de le code à teindre en bleu dans cette Cuve , que je fuppofe pré- parée , comme il fera dit dans le Chapitre IV. on place au-dedans de cette Cuve un Cercle ou Cer- ceau de fer , dont f intérieur eft garni d un rezeau de cordes , &C- dcnt les mailles ont huit ou dix lignes en quarré. Ce Cercle fe nomme une Champagne , & cette Champagne fert à empêcher que les laines ou étoiles ne tombent au fond de la Cuve , &: ne fe mê- lent avec la patec ou le marc qui y cd. On la foutient pour cet effet a la hauteur que l’on veut, par le moyen de trois ou quatre cordes que Ion attache aux bords de la Cuve. On fe fort auffi pour pallier la Cuve , c eft-a-dire , pour la re- muer ou brouiller le marc avec A iuj % 8 L’Art de la Teinture. ce qui eft liquide , d’un infini- ment de bois , appelle un Râble. C’efl une planche épaifTe , aron- die en forme d’un demi cercle, & emmanchée au bout d’un long bâton. On foulé ve avec ce rable la pâtée du fond de la Cuve pour la mêler dans le bain, & l’on s en fert auftî pour heurter lu Cuve , c’efl-à-dire , pour pouffer brus- quement , & avec force , la fur- face du bain jufqu’au fond de la Cuve , & par-là y introduire de l’air , & former des bulles,, ou une efpece d’écume , qui lert a faire connoître l’état où eft la Cuve , ainfi que je 1 expliquerai dans la fuite. Il y a aufli le Trunehoir , qui eft une eipéce de palette de bois , laquelle fert à mefurer la quan- tité de chaux que 1 on met dans la Cuve y je le décrirai en parlant de la maniéré de pofer la Cuve , Chapitre I. c> p je donnerai en même temns 1 explication des termes de à mefure que je ferai obligé de men fervir. La grandeur que je viens d’in- cliquer pour les Cuves, n a rien, de fixe : elle dépend du befoin ou de la volonté. On a fait pofèrr ou a/leojr plufieurs fois avec fuc- ces , une Cuve qui ne tenoit qu un muid, &: une autre dont la .capacité nétoit que de foixantc pintes ; mais dans ce cas , il faut i entourer de fumier ou d’une maifonnerie , ou empêcher par quelqu’autre moyen quelle ne fe refroidi fie trop promptement > rar alors ces petites Cuves fe- oient manquées. On prépare une autre forte de -uvc pour le Bleu , qu on. nom- nc .C/'^ ^ In^e y pareeque c’eflr Indigo fcul qui lui donne facou- -ur. Les Teinturiers qui fe fer- A y * îo L’Art de la Teinture. vent de la Cuve de Paftel > n’em- oloyent point ordinairement cel- ée d’indigo. Cependant comme on fe fort pour la pofer d un vaii- feau particulier à cet ufage , il eft à propos de le décrire. Cette Cuve a pour l’ordinaire cinq pieds de haut & deux de diamètre dans fa partie fupeneu- re ; elle fe rétrécit par en bas > & n’a plus vers le 'fond que huit à dix pouces de large : on enterre cette Cuve d’un pied ou un pied & demi , pour la commo- dité du travail , & on bâtit au- tour un mur cilindrique qui s é- leve jufqu au haut de la Cuve fur lequel fes bords font foutenus. On voit que ce mur étant verti- cal , ou tout droit par dedans s &par confequent cilindrique , & la Cuve qu’il entoure étant en forme de cône , il doit demeurer un efpace vuide par en bas. Cet Chapitre ï. i i eipace lert à y mettre de la braife & du charbon , pour entretenir ia Cuve dans un degré de cha- leur convenable. On pratique pour cet effet dans le bas une petite porte ou ouverture pour y palier le charbon , qu’on a foin de poulfer tout autour de la Cu- ve , afin quelle fe chauffe le plus également qu’il eft poifible. Par cette maniéré de pofer la Cuve, le feu fe trouve au-deffus de l’In- digo , lequel fe précipite au fond, quand on l’a mis dans cette Cuve de cuivre , & par confequent il ne fçauroit fe brûler & perdre fa qualité , comme cela arriveroit , fi le feu étoit immédiatement fous le fond de la Cuve. On prend la même précaution pour les Cu- ves de Paftel à la Hollandoife , dont il fera parlé dans la fuite. Il y a encore une attention a avoir pour que le leu ne foit 7oas A v; y’ ii L’Art de la Teinture. trop promptement étouffé y c’eft de placer un tuyau de fer ou de grais , qui communique depuis cette cavité où elt placé le char- bon jufqu’au-deffus de la Cuve. Ce tuyau fera fceilé pour plus de commodité le long; de la mur ail- fc> n le , contre laquelle la Cuve eft appuyée pour l’ordinaire. On fe fert pour remuer le bain de cette Cuve d’un Rable y mais plus petit que celui qui fert à la Cuve de Paftel : on peut auili y mettre une Champagne , mais cela n’ell pas trop d’ufage, parcequ’onn’y teint ordinairement que des échevaux de laine ou de foye , qu’on ne lâ- che point entièrement de crainte de les broüiller , & qui par confé- quent ne peuvent pas defcendre allés bas dans la Cuve pour tou- cher au marc ou à la pâtée du fond, parce qu’ils n’ont pas allés de longueur, i t ~ ' <1 Chapitre I. ij T’ai fait obferver ci - devant qu’on peut aifeoir une Cuve de :Paftel en petit. Il eft encore plus ni fé d’en pofer une d’indigo d’aufîr petit volume que l’on veut, & la forme du vaiffeau eft alors de très-peu d’importance. J’en ai préparé une de quatre pintes dans une Cucurbite de cryftal, & une de chopine feulement dans une petite Cucurbite. Je donne- rai le détail des précautions né- celTaires pour y réüllîr, lorfque ic parlerai de la Cuve d’indigo. Outre ccs Cuves , il eft nccef- airc d’avoir plufieurs Chaudie- es de différentes capacités 3 fui- ent la quantité d’ouvrage qu’on /eut faire à la fois. On peut les aire conftruire en cuivre rouge >u en cuivre jaune, mais le cui- re rouge vaut mieux, pareequ’il ■ft moins fujet à tacher , lorfque x laine ou lecoffc le touche , ou 14 L’Art de la Teinture. loriqu’elle y féjourne quelque temps. Il eft bon aufil d’en avoir une d’étain fin pour l’écarlate , par- ce que la laine filée , ou les étof- fes , ne s’y tachent jamais ; au lieu qu’il eft à craindre que cela n’arrive dans les Chaudières de cuivre. Les Teinturiers qui fe fervent de ces derniers pour tein- dre en écarlate , ont la précau- tion de mettre au-dedans un filet de cordes ou un grand panier à claire voye , d’ozier écorcé ..pour empêcher que l’étoffe n’appro- che du cuivre , & ne le touche , pareeque le filet ou le panier étant d’un plus petit diamètre que la Chaudière , ily a par con- féquent un elpace confidérable entre l’un &r l’autre. Malgré tou- tes ces précautions, il y a bien des gens qui penfent que l’écar- late n’a pas autant d’éclat & de Chapitre I. 15 rrivaci té, quand elle eft faite dans .des Chaudières de cuivre, que quand elle fort dune Chaudière detain. C’eft de quoi je parlerai dans le Chapitre de l’écarlate. Toutes ces Chaudières feront fccllées le plus qu’il eft poffible , à la même hauteur, & contiguës les unes aux autres ; enforte que les plus profondes defcendent plus bas que les autres , mais ne îoient pas plus élevées. Elles fe- ront revêtues tout autour d’un :mur fait de tuilau & de terre à Ifour : l’extérieur feulement fera ;enduit de plâtre pour plus de pro- preté ; &: afin qu’il ne fe dégrade pas fi facilement, le deftus du contour de ce mur fera formé par des jantes de roué , liées les unes aux autres par des cram- pons de fer. Les bords rabatus de la Chaudière feront cloités fur ces jantes avec des doux de cui- ï6 L’Art de la Teinture. vre , & non de fer , parce que ceux-ci feroient des taches aux étoffés. Ces jantes fervent auffi a empêcher que l’eau bouillante qui fort quelquefois de la Chau- dière, quand le feu de deffous eft trop vif, n’entraîne rien de mal propre avec elle en retom- bant dans la Chaudière. Onfcel- îera par la même raifon une plan- che de champ entre les Chau- dières, afin que le bain de l’une 11e tombe pas dans celle d’à côté , lorfqu’on les fait travailler toutes deux a la fois : mais cette pré- caution fera inutile ,. quand on \ aura un lieu ailes vafle pour éta- blir les Chaudières à une di fian- ce un peu confidérable les unes des autres. On chauffe ces Chaudières par-defïous , 8c ordinairement pour plus de commodité , on en- ferme fous un même manteau, de / . Chapitre I. 17 rhemmée les loyers de toutes les Chaudières, ainfi que les* regif- :res qui font au-deflus pour don- ner de l’a&ivité au feu; ces re- • ▼ filtres font des ouvertures plus i)u moins grandes , par où pallent a fumée & une partie de la dam- ne : la grandeur de ces regiftres } relie du foyer , la chaude de la Chaudière , c’eft-à-dire , la dif- rance de fon fonds à lâtre où ’on fait le feu, font déterminées oar la grandeur des Chaudières^ nais le manteau de la cheminée doit toujours couvrir toutes ces ouvertures venir jufqu’au bord le la Chaudière , afin que la fu- née y entre toute entière , &: qu’il l’y en ait point dans l’endroit où ’on travaille. On ne peut guères ionner un plan fixe de cesChau- iicrcs èc de leur établiUèment dans un Atelier , puifque cela dé- pend de la plus ou moins grande • * i8 L'ÀRf de la Teinture. quantité d’ouvrages qu’on doit y faire. On perce dans le manteau' de la cheminée , ou dans le mur au- deffus de chacune de ces Chau- dières, des trous pour y placer des perches grolîes comme le bras ou environ, à la hauteur d’environ cinq pieds & demi. Elles fervent à y mettre égouter les échevaux de laine ou de foye, ou les étoffes dont on n’a que de petites parties à teindre , afin que le bain retombe dans la Chau- dière. On pafle pour cela des bâ- tons dans tous les échevaux , & on pofe ces bâtons fur les perches. Lorfque ce font des étoffes qu’on veut teindre , &c qu’on en a des pièces entières , & même plu- fieurs à la fois, on fe fert d’un tour. C’eft un axe de bois garni d’une manivelle , & fur lequel font attachés quatre petites pie- f Chapitre I. es de bois un peu larges &répaif- ès, en forme d’aîles de moulin l eau , qui feroient fort courtes. )n fait mouvoir ce tour avec la îain , en pofant les deux extré- mités de fon axe fur deux four- hettes de fer, qui fe placent, [uand on veut, dans des trous 'tatiqués à deffein fur les jantes Le bois qui foutiennent les bords Le la Chaudière -, & pour s’en' ervir , on enveloppe fur ce tour n bout de l'étoffe , & le faifant Durner promptement , il fc char- e fucccilivement de toutes les arti es de l’étoffe ; on le tourne nfuite à contrefais, on y met autre bout de l'étoffe le pre- îier, & continuant toujours de i forte , l'étoffe fe trouve teinte uff également qu’il eft polfible. i la piece d'étoffe eft allés lon- ;ue , ou fi l’on en a plulieurs à “indre de la même couleur , on ’zo L’Art de la Teinture. coud enfemble les deux bouts } enforte qu’elle forme un anneau j on p a lie le tour au travers de cet anneau j on le pofe enfuite fur les fourchettes , & on le tourne com- me on vient de le dire. Si ce qu’on a à teindre eft de la laine en toifon qui doive être mife en couleur avant que d’être filée , on aura une efpéee d’é- chelle de bois fort large , de la longueur du diamètre de la Chau- dière , & dont les échelons foient fort près les uns des autres. C’eft fur cette échelle ou civiere , pla- cée fur la Chaudière , que l’on met la laine pour l’égouter , pour l’éventer , ou pour la changer de bain. Il eft inutile de dire com- bien on doit avoir d’attention à ce que cette échelle les barons dont on fe fert , le tour, &c. foiejit bien lavés & bien propres, îl en eft de même des Chaudie^ Chapitre 1. ir es Sz de tous les inftrumens qui jrvcnt à la Teinture. On con- oit aifément que fans cela on fe- oit des taches à tout moment , u que même 1 éclat de la tein- ire feroit terni par le mélange es différentes matières qui pour- aient s’y rencontrer. On ne fçau- ait trop recommander la pro- reté dans toutes les opérations e cet Art. Je ne parlerai point des autres aideaux ou inffrum ens qui fer- ont à la Teinture , & qui font annus de tout le monde , com- 1e chaudrons , poêlons , féaux , >nncaux , barils , étouftoirs pour anferver la braife du foyer des haudiercs , pelles , couvercles s bois pour les Chaudières , cu- ers , planches à fouler , mor- ers, vaifîeaux de verre & de ais pour les diflolutions rnétal- ^ues j réchauds > fourgons pour %% L’Art ce la Teinture. âttifer le feu des Chaudières , & plufieurs autres pareils utenciles dont le befoin , qu’on en a , mon- tre ailes la maniéré de s’en fer- vir. On doit avoir aulîi un calîin de cuivre pour enlever le bain des Chaudières , quand il a fourni toute fa teinture. C’efl: une efpé- ce de grande cuillère de cuivre, emmanchée de bois, qui tient environ huit à dix pintes. On fe fert , pour achever de vuider les Chaudières, de febilles ouécuel- les de bois j & pour les bien net- toyer, d’un balai de jonc avec du fablon , & d’une éponge pour les elfuyer & delfécher. Dans les grands Ateliers , onfoude au fond des Chaudières de grande capa- cité , un tuyau de cuivre portant en dehors un robinet que l’on ouvre quand on veut en vuider les bains. Ce tuyau fe décharge Chapitre II. zf ans un canal pratiqué fous le ivé de l’Atelier , 6c ce canal a n iifuë julqu’à la riviere , près ; laquelle l’Atelier de Teinture été établi. Voilà , à ce que je crois > toutes s inftru&ions qui peuvent fe jnner fur les outils ou utenciles li fervent à la Teinture en gé- :ral. S’il y en a quelqu’un dont n’ai pas parlé , je le ferai lorf- l’il y aura occalion d’indiquer n ufige. CHAPITRE II. ' la àijhnciion du Grand & du Petit Teint fur les Lames . L y a deux maniérés de tein- dre lesLaines de quelque coù- ir que ce foit. L’une s’appelle ndre en grand dr bon te tnt j l’au-r i4 L’Art de la Teinture. tre , teindre en -petit ou faux teint. La première confifte à employer des drogues ou ingrédiens qui rendent la couleur folide, en- forte quelle ré fille à l’aélion de l’air , & qu’elle ne foit que diffi- cilement tachée par les liqueurs acres ou corrofives j les couleurs de petit teint au contraire le paffent en très-peu de temps à l’air, & fur-tout fi on les expofe au foleil , & la- plûpart des li- queurs les tachent de façon qu’il n’.efl prefque jamais poflible de leur rendre leur premier éclat. On fera peut-etre étonné qu’y ayant un moyen de faire toutes les couleurs en bon teint, l’on permette de teindre en petit teint ; mais trois raifons font qu’il efl difficile , pour ne pas dire im- poflible, d’en abolir l’ufage. Pre- mièrement , le travail en efl beau- coup plus facile : la plûpart des couleurs J Chapitre II. ij couleurs & des nuances qui don- nentle plus de peine dans le bon ceint, le font avec une facilité infinie en petit teint. Seconde- ment, la plus grande partie des :ouleurs de petit teint font plus dves &r plus brillantes que celles le bon teint. En troifiéme lieu , te cette raifon efi: la plus forte de mutes , le petit teint fe fait à beaucoup meilleur marché que c bon teint. Quand il n'y auroit [ue cette derniere raifon , on Ligera aifément que les Ouvriers ont tout ce qu ils peuvent pour ; fervir de ce genre de Teinture référablement à l’autre. C’eft e qui a déterminé le Gouver- emcnt a faire des loix pour la i/hnéhon du grand & du Detit ’eint, Ces loix prefcrivent les fortes e laines & d étoffés qui doivent :re de bon teint , & celles qu’il I ■ . ‘ B 2 ,6 L’Art de la Teinture. eft permis de faire en petit teint. C’eft la deftination des laines fi- • 1 ^ lées & le prix des étoffes qui dé- cident de la qualité de la tein- ture quelles doivent recevoir. Les laines pour les canevas & les tapifferies de haute baffe liffe , & les étoffes dont la valeur ex- cède quarante fols 1 aulne , en blanc , doivent être de bon teint. Les étoffes d’un plus bas prix, ainfi que les laines groffieres def- tinée.s à la fabrique des tapiffe- ries, appellées Ber ga,me & Point ^ de Hongrie , peuvent être en petit teint. Tel étoit l’efprit du Ré- glement de M. Colbert, & c eft fur le même principe qu’a été fait celui de M. Orry , Control- leur Général des Finances en Ï73 3. On y a éclairci un grand nombre de difficultés qui nui- foient à l’exécution du premier, & on y eft entré dans le détail Chapitre II. %y 3ui a ete iu&e néceflai re pour ) revenir, ou au moins pour dé~ ouvrir toutes les prévarications ui pourraient fe commettre. C elt pour ces mêmes railbns ue les Teinturiers du grand & on teint font un Corps féparé .e ceux du petit teint, & qu’il cil pas permis aux uns d’em- loyer , ni meme de tenir chés ux les ingrediens afteétés aux titres. Il y a dans le Royaume ne troifîeme Communauté , qui d celle des Teinturiers en fove„ • S-* | J 3 me & fi 1. Ceux-ci ont la per- li/fion de faire le grand & lepe- c teint : mais cette Commu- té forme trois franches, dont me eft pour la foye , la fécondé )iu la laine filée , & la troifîeme mr le fil. Le Teinturier qui a ite pour un de ces trois genres \ travail, ne peut faire que ce il cft permis a ceux de fa bran-r L’Art de la Teinture. che : ainfi, celui qui a opté pour le travail des foyes , ne peut tein- dre ni la laine filée ni le fil : il en eft de même des autres. Le Tein- turier de cette troifiéme Com- munauté qui a choifi le travail des laines filées , peut avoir ches lui les ingrédiens du grand & du petit teint ; mais il ne lui eft pas permis de faire ufage de ceux affeétés au petit teint, que furies laines grollleres dont j ai parle. Telles font les fages précau- tions qu’on a prifes , &: qu il etoit nécefl'aire de prendre , pour ar- rêter les abus qui s’étoient gliiTés dans un Art dont la perfection eft extrêmement importante au bien & à l’avantage du com- merce. On peut confulter les Ré- crié mens mêmes , fi l’on veut avoir un détail plus exaét de tout ce qui y eft prefcrit pour le maintien de l’ordre & de la police de ces Communautés. Chapitre II. 2,9 Comme on h’a pu s'affiner exa&ement, ni par les informa- tions priles de difrérens Teintu- riers , ni par lale&ure des anciens Réglemens , de ce qui caraétéri- foit précifément les couleurs de bon teint & celles de petit teint, il a fallu, pour y parvenir, prendre le moyen le plus long, le plus difficile , mais en même temps le plus a duré , ou pour mieux dire , le fcul fur lequel on pouvoit com- pter avec certitude. Feu M. Du- fay, de l’Académie Royale des Sciences , que le Minillere avoit choifi pour travailler à la per- cêtion de cet Art, a fait teindre thés lui des laines de toutes les :ouleurs , & avec tous les ingré- iiens qui font ufitës danslaTein- urc , tant en grand qu’en petit e.int. Il a meme fait venir des lifférentes Provinces ceux qui ne ont point en ufage à Paris. En- 3o L’Art de la Teinture. fin , il a raffemblé la plus grande partie des matières qu’il a foup- çonné pouvoir être employées à la Teinture , & il en a efl'ayé un très -grand nombre , fans avoir égard aux préjugés des Teintu- riers, fur les bonnes ou mauvaifes qualités des unes ou des autres. Il avoit commencé d’abord fes épreuves fur des laines file es » mais il a trouvé plus de facilité dans la fuite à fe fervir de mor- ceaux de drap blanc , parcequ’il étoit plus commode pour les ex- périences qu’il avoit deffein de faire. Pour reconnoître enfui te cel- les de toutes ces couleurs qui étoienc folides & celles qui ne l’étoient point, & diftinguer par conféquent celles de bon teint , de celles de petit teint, il a ex- pofé au foleil &: à l’air pendant douze jours des échantillons de Chapitre IL 31 toutes ces couleurs , teintes chés lui , & dont il connoilfoit la com- polîtion. Ce temps a paru fuffi- îant pour les éprouver ; car les bonnes couleurs ne font point ou qiie très-peu endommagées , & les fauiTes font effacées en grande partie j de forte qif après les dou- ze jours d’expofition au foleil en efté, & à l’humidité de l’air pen- dant la nuit, il ne peut relier au- cun doute fur la dalle dans la- quelle chaque couleur doit être rangée, lorfqu’elle a été éprou- vée de la forte. Néanmoins il relloit encore une difficulté , c’ell que n ayant oas expofé toutes ces couleurs à fair , précifément dans le même temps ni dans la même faifon , les unes dévoient avoir eu plus de foleil que les autres, & par confequent avoir beaucoup plus perdu dans le même efpace de B iiij _ rt,% L’Art de la Teinture. douze jours, que celles qui au- raient été expofées pendant un temps fombre ou pendant des jours plus courts. Mais il a remé- dié à cet inconvénient d’une ma- niéré qui ne laide plus aucune difficulté ni aucun doute fur l’exaétitude de l’épreuve ; car il a choifi une des plus mauvaifes couleurs, c’eft - à - dire , une de celles fur lefquelles le foleil avoir fait l’effet le plus fenfible pen- dant l’efpace de douze jours. Cette couleur lui a fervi de piè- ce de comparaifon dans tout le cours de fes expériences , & cha- que fois qu’il a expofé à l’air des échantillons , il y a joint un mor- ceau de cette même étoffe. Ce n’étoit plus alors le nombre des jours auquel il avoir égard, c’é- toit à la couleur que prenoit fon échantillon de comparaifon , & il le laifïbit expofé juîqu’à ce qu’il J Chapitre II.' 33 eut autant perdu que celui qui avoit été expofé pendant douze jours d’efté. Comme il marquoit toujours le jour auquel il expo- foit fes échantillons , il a eu oc- cafion d’obferver que dans l’hy- ver il fuffifoit de les Iaifter au grand air quatre ou cinq jours de plus, pour perdre autant qu’ils auraient fait en efté. En fuivant cette méthode , il ne lui eft refté aucun fcrupule fur la certitude de fes expériences. Cette épreuve , par l’expofî- tion à l’air & aux raïons du fo- leil , avoit encore un autre objet j ce toit de trouver les dé boii illis convenables, à chaque couleur. On appelle Déh oui lli ou Debout , 1 épreuve qui fe fait pour con- noître fi une étoffe eft de bon teint ou non. O11 en fait boiiillir un échantillon dans de l’alun , du tartre , dufavon, du vinaigre , du B v ‘ 34 L’Art de la Teinture. citron , &c. & par l'effet que font ces drogues fur la couleur, on juge quelle étoit fa qualité. Les Déboiiillis pratiqués jufqu’en 1733 étoient li infuffifans , qu'ils n’ont pû fervir à M. Dufay d’in- dication pour en trouver de plus fers. Il y avoit même de bonnes couleurs qu’ils emportoient , fans endommager que très -peu les mauvaifes -, enforte qu’il a été obligé d’en fixer plufieurs , dont chacun fert à un très-grand nom- bre de couleurs 5 c’efl: ce qu’on verra à la fin de ce Traité : mais voici en peu de mots la régie qu'il a fui vie pour les trouver. Après avoir vû l'effet de l’air fur chaque couleur bonne ou mauvaile , il éprouvoit fur la mê- me étoffe différentes eüpéces de déboüiîlis , & il s’arrêtoit à celui qui faifoit fur cette couleur le même effet que l’air avoit pro- Chapitre II. 3 f duit : marquant enfui te le poids des drogues , la quantité de l’eau , la durée de l’épreuve, il étoitfûr de produire fur cette couleur un effet pareil à celui que l’air de- voir y faire ; fuppofé quelle eut été teinte de la même maniéré que l’avoit été la demie , c’eft-à- dire , félon la méthode des Tein- turiers du grand ou du petit teint. Parcourant de la forte toutes les couleurs & tous les ingrédiens qui entrent dans la Teinture, il trouvoit un moyen , qu’on peut regarder comme fur , de connoî- tre la bonne ou mauvaife qualité de chaque couleur , en faifant par le déboiiilli une efpéce d’analyfe de ce qui étoit entré dans fa corn- podtion. On ne peut fe difpenfer , obr«va« fans injuftice , d’avoiier que les moyens qui ont conduit M. Du- bouillis, fay à la découverte de ces dé- boüillis, ou épreuves des couleurs3 ? B vi ‘ . 3 6 L’Art de la Teinture. ne foient très - ingénieufement imaginés , parceqüe l 'épreuve , par l’air & le foleil, ne peut être mife en ufage dans les cas où il faut juger fur le champ fi une étoffe , expofée en vente dansune Foire ou ailleurs , eft de bon teint, au cas que fon prix l’exige. Les déboüillis de la nouvelle in- ftruétion publiée fur les Mémoi- res de M. Dufay , lui font perdre en peu de minutes , Iorfqu’elle eft de faux teint , tout ce quelle per- drait étant expofée pendant dou- ze ou quinze jours à l’air. Mais comme des régies générales, pour de femblables épreuves , doivent être fujettes à bien des excep- tions , ou qu’on n’a pû prévoir , ou qui ayant été prévûës , n’ont pû être détaillées, fans courir le rif- que de faire naître de la confii- fion, ou des fujets de contefta- tions fans nombre j il s’enfuit que Chapitre II. ces régies , données peut - erre .comme trop générales , font auhî rrop rigoureufes dans plufieurs ras, où des couleurs claires de- mandent des fels ou des dofes de [sis moins adives que des cou- leurs bien chargées , qui peuvent perdre une quantité confidéra- ole de leurs ingrédiens colorans dans la liqueur agi hante d’un dé- ooüilli quelconque , fans qu’on y ipperçoive de changemens fort ’enfibles. Il auroit donc fallu pref- :rire un déboiiilli prefque pour :haquc nuance ; ce qui étoit im- >ohible valeurs variétés infinies. Vinfi 1 air & le foleil feront tou- aurs la véritable épreuve ; & tou- e couleur qui n’y recevra point i alteration pendant un certain emps, ou qui y acquierera ce que *s Teinturiers appellent du fond, oit être réputée de bon teint , uand meme elle changeroit # 3 S L’Art de la Teinture. beaucoup aux déboüillis prefcrits par la nouvelle inftru&ion. L’é- carlate en eft un exemple : com- me le favon emporte prefque en- tièrement cette couleur, on l’a foumife à l’épreuve de l’alun -, 6c quand elle eft faite avec la co- chenille feule , fans autre mélan- ge d’ingrédient colorant , elle doit prendre , dans une diffolu- tion d’alun boüillante , une cou- leur pourpre : cependant , fi l’on expofe de l’écarlate au foleil , elle y perd une partie de fon vif, 6c elle devient plus foncée -, mais cette nuance foncée n’eft pas celle que l’alun lui donne. Ainfi les déboüillis, dans certains cas, ne peuvent pas être fubftitués à l’adion de l’air 6c du foleil j au moins quant à la parité de l’effet. J’ai fait avec le bois de Fer- nambouc , qui comme prefque tous les autres bois chargés de Chapitre II. 39 couleur , eft de faux teint, un rou- ge beaucoup plus beau que les rouges de garence, & auflî vif que les rouges faits avec la graine de Kermès ; ce rouge , au moyen de fa préparation particulière , dont il fera parlé en fon lieu , a demeu- ré expofé à l’air pendant les deux derniers mois de 1 740 , qui , com- me 011 fçait , ont été fort pluvieux, & pendant les deux premiers de 1741 : malgré la pluie & le mau- vais temps, il a rélîftéj & bien loin de perdre, il a acquis du fond. Cependant ce même rou- ge li folide à l’air ne rélifte pas à l’épreuve du tartre. Seroit-il jufte de le profcrire , parceque ce fel le détruit , & les étoffes , que nous ■ employons à nos habillemens, font-elles deftinées à être boüil- ilies avec le tartre, avec l’alun, avec le fa von ? Je ne prétends |pas cependant défapprouver les %o L’Art de la Teinture. épreuves par les déboüillis , elles font utiles , parcequ’elles font promptes ; mais il y a des cas où elles ne doivent pas fervir de ré- gies pour prononcer une confif- cation, fur-tout quand elles ne feront pas connoître qu’une cou- leur qui a du être faite avec des drogues de bon teint, l’a été avec les ingrédiens du petit teint. Après avoir donné les notions préliminaires fur la diftinétion du grand & du petit teint , il con- vient de donner la pratique des couleurs de l’une & de l’autre clalfe. CHAPITRE III. Des Couleurs du grand & bon T ünt . ON appelle , comme je l’ai déjà dit , toutes les couleurs folides , couleurs de grand & bon % Chapitre III. 4* \Uint -, & les autres , couleurs de pe- tit teint } ou de fi aux teint . Quel- quefois on nomme les premiè- res, couleurs fines , & les autres, „ couleurs fiaufies .-mais cette expref- fion peut être fujette à équivo- ique \ car on confond quelquefois les couleurs fines avec les cou- leurs hautes, qui font celles où entre la cochenille, & dont le prix eft plus confidérable que celui des autres. Ainfi pour évi- ter toute obfcurité, j’appellerai les premières , bonnes couleurs , ou couleurs du grand & bon teint ; & les autres , couleurs f au fie s , ou cou- leurs du petit teint. Les expériences , qui font un Théorie très-bon guide dans la Phyfique , ainfi que dans les Arts , m ont démontré que la différence des couleurs , félon la diftinélion pré- cédente , dépend en partie de la préparation du fujet qu’on veut 4Z L’Art de la Teinture, teindre , & en partie du choix des matières colorantes qu’on employé enfuite pour lui donner telle ou telle couleur. Ainli je crois qu’on peut dire comme un principe général de l’Art dont je traite , que toute la mécanique invilîble de la Teinture conlifte à dilater les pores du corps à teindre , à y dépofer des particu- les d’une matière étrangère , & à les y retenir par une efpece d’en- duit, que ni l’eau de la pluie ni les raïons du foleil ne pui lient altérer j à choilir les particules colorantes d’une telle ténuité , quelles puifTent être retenues, luffifamment enchaffées dans les pores du fujet , ouverts par la chaleur de 1 eau boiiillante , puis relTerrés par le froid, & de plus, enduits de l’eipece de maftic que lailfent dans ces mêmes pores les fels choifis pour les préparer.D’où Chapitre III. 43 il fuit que les pores des fibres de la laine dont on a fabriqué , ou dont on doit fabriquer des étof- fes, doivent être nettoyés, aggran- dis , enduits , puis relferrés, pour que l’atome colorant y foit rete- nu à peu près comme un diamant dans le chaton d’une bague. Les expériences m’ont fait connoître aufiî , qu’il n’y a point d’ingrédient colorant de la clafie du bon teint , qui n’ait une fa- culté aftringente &: précipitante, plus ou moins grande 5 que cela fuffit pour féparer la terre de l’a- lun , l’un des fels qu’on employé dans la préparation de la laine avant que de la teindre -, que cette terre unie aux atomes colorans forme une efpéce de lacquefem- blable .à celle des Peintres mais infiniment plus fine -, que dans les couleurs vives , telles que l’écar- late, où l’on ne peut employer 44 L’Art dë la Teinture. 1 alun , il faut fubftitucr à fa ter- re , qui eft toujours blanche , quand l’alun eft bien choi/î , un autre corps qui fournide à ces atomes colorans une baie audi blanche ; que l’étain pur donne cette bafe dans la teinture en écarlate ; que lorfque tous ces petits atomes de lacque terreule coloree fe font introduits dans les pores dilatés dufujet, lenduit que le tartre ( autre fel fervant à fa préparation) y a laide , fert à y maftiquer ces atomes , & qu’en- fn le rederrement des pores , oc- cafionné par le froid , fert à les y retenir. Peut-etre que les couleurs de faux teint n’ont ce défaut que par- cequ on ne prépare pas fudîfam- ment le lujet > enforte que les par- ticules colorantes n étant que dé- pofées fur fa furface lifle , ou dans des pores dont la capacité n’eft Chapitre III. r>as fuffifante pour les recevoir , il eft impollible que le moindre rhoc ne les en détache. Si l’on irouvoit. le moyen de donner aux parties colorantes des bois de teinture l’aftri&ion qui leur man- que , & qu’en même temps on préparât la laine à les recevoir > comme on la prépare par exem- ple à recevoir le rouge de la ga- rence, je fuis déjà alluré par une trentaine d’expériences , qu’on parviendrait à rendre ces bois audi utiles aux Teinturiers du bon teint , qu’ils l’ont été jufqu’à préfent aux Teinturiers du petit teint. Les régies précédentes auront leur application dans d’autres Chapitres de ce Traité, où je ne manquerai pas de faire obferver ce qui m’a déterminé à les em- ployer comme principes géné- raux. i&f L’Art de la Teinture. Les couleurs connues par les Teinturiers fous le nom de cou- leurs primitives , font au nombre de cinq ; fç avoir , le bleu , le rou- ge , le jaune , le fauve ou couleur de racine , & le noir. Je ne don- nerai point ici un détail ennuieux & prefque inutile de tous les in- grédiens qui doivent être em- ployés dans ces couleurs pour le bon teint , non plus que de ceux qui ne font permis que dans le petit teint, ou de ceux qui font défendus dans l’un & dans l’au- tre, à caufe de leur mauvaife qualité de ronger, de durcir &: de dégrader les laines. Ces in- grédiens ne font point encore connus du Leéteur, & il fera plus à propos de n’en parler qu’à me- fure que je traiterai des couleurs en particulier , dans la compoli- tion defquelles ils peuvent entrer. Ceux qui voudraient voir le ca- Chapitre III. 47 ilogue de tous ces ingrédiens éünis fous le même coup d’œil, : rangés chacun dans leur clalTe ir rapport à leur bonne ou mau-- aife qualité , n’auront qu’à con- Iter le réglement , où ils les trou- eront dans l’ordre qu’ils défi- •nt. Je vais examiner de fuite les nq couleurs primitives dont je ;ens de parler, &c je donnerai s différons moyens de les pré- arer d’une maniéré folide & du- ble, c’ed-à-dire, conformément ce qui ed prefcritpar les régie - ens aux Teinturiers du grand bon teint. 4$ L’Art de la Teinture. CHAPITRE IV. Du Bletf. LE bleu fe donne aux laines ou étoffes de laine de toute efpéce , fans qu’il foit befoin de leur faire d’autre préparation > que de les bien moüiller dans l’eau commune tiède , & de les exprimer enfuite ou les laiffer égoûter. Cette précaution eft né- ceffaire , afin que la couleur s’in- troduife plus facilement dans le corps de la laine , &: quelle fe trouve par-tout également fon- cée : & il eft néceffaire de le faire pour toutes les couleurs , de quel- que efpéce quelles foient, tant fur les laines filées que fur les étoffes de laine. •r • A l’égard des laines en toifon qui fervent à la fabrique des draps , Chapitre I Y. 49 draps , tant de mélange que d’au- rre forte, & que pour cette rai- ’on on elt obligé de teindre avant quelles foient fiées, il y aune nitre préparation à leur faire , ui eft de les dégraifler, c’eff-à- Eire , les dépoiiiller de la graille aatu relie quelles avoient lur le orps de l’animal, & qu’on 11e :eur ôte que lorfqu’on fe difpofe f les mettre à la teinture ( * ). -ojnme cette opération cil du effort du Teinturier, & quelle d mdilpenfable pour les laines, ui le teignent avant que d’être iCcs , en quelque couleur que ce ut , je vais donner la manière e la faire. Elle n’eft pas abfolu- aent la même par-tout , & il fe ^ut ti ouver quelque différence ans la pratique : mais voici la (*) La graille naturelle adhétente à h înme S»* « ~iigcrgicnt fi die etoit ite- *p, 4 Yi**. A frit* 50 L’Art de la Teinture. maniéré dont on s’y prend dans la Manufa&ure d’Andely enNor- mandie , dont les draps font du- ne très-belle fabrique. Dégrais Onfefert d’une Chaudière qui n*.la 11 tient environ une vingtaine de féaux : on y met douze féaux d’eau & quatre féaux d’urine , qui eft ordinairement fermentec : on chauffe la Chaudière ,%&lorfque le bain eft chaud à pouvoir feu- lement y fouffrir la main , on y jette environ d.ix a douze livres de laine en fkaiw , çeft-a-dire, de laine qui a encore fa graille naturelle. On la laifle environ un quart d’heure dans la Chaudière, en la remuant de temps en temps avec des bâtons : on la leve en- fuite , & on la met égoûter ur moment lut une civiere. ( C eu cette elpece d echelle large 5 doni j’ai parlé dans la defeription de; inftrumens fervant à la Teinture., Chapitre IV. 51 O11 la porte de-là dans une gran- de corbeille quarrée , placée dans une eau courante j & deux hom- mes l’y remuent long-temps avec de grands bâtons , fe la ramenant à plulieurs reprifes de l’un à l’au- tre , jufqu’à ce que la grailfe ou le fuain enfoit entièrement forti. Cette graille trouble l’eau & la rend laiteufe , tant qu’il en relie dans la laine. Lorfquc cette eau celle de le troubler, c’ell ligne que la laine elï allés dégrailiée j on la retire alors , & on la met égoûter dans un panier. Tandis que la première mile de dix à douze livres de laine cil dans la corbeille , on en met une fécondé quantité femblahlc dans la Chau- dière, & l’on continue toujours de la forte tant qu’on a de la laine à dégrailfer. Si le bain de la Chau- dière diminue trop , on y en re- met de nouveau , compolc de Cij 52, L’Art de la Teinture. même d’une partie d’urine & de trois parties d’eau. On dégraiflé ordinairement une balle de laine tout de fuite. Si elle pefoit deux cens cinquante , étant en fuain , elle diminue pour l’ordinaire de loixante livres , &: elle ne pefe dus que cent quatre-vingt-dix ' ivres étant dépraiffée & féchée. p On conçoit aifément que cette diminution peut beaucoup va- rier , fuivant le plus ou le moins de fuain qui étoit contenu dans la laine , & fuivant qu’on la dé- grailfe avec plus ou moins d’exac- titude. Mais on ne fçauroit trop recommander de la bien dégraii- fer , parcequ’elle en eft mieux dif- pofée à prendre la teinture, îouïquoi Le fuain, qui elt une tranfpi- ^ t ration gradé & légèrement uri- neufe du mouton , retenue dans fa toifon > trop épaiffe pour la laUIer échapper , cil indiflolublç Chapitre IV. 53 àl'eau ;par conféquent l’eau feule ne pourroit l’en détacher. On ajoute dans la Chaudière une quatrième partie d’urine , mais il faut qu’elle ait été gardée quel- ques jours, afin que ces Tels vo- latils foient développés par la fer- mentation , c’efl-à-dire , qu’il efl néceflairc que cette urine com- mence à avoir une odeur forte. iCe fcl volatil étant un alcali , for- me avec le fiiain une forte defa- von,parceque ce il toujours ce .qui réfulte de l’union d’une 111a- xiere huileufe avec un alcali quel- conque. Desl mflant qu’un fa von efl formé par la combinaifon de rcs deux principes, il efl diffo- labh a 1 eau , par conféquent 1 efl aiiément emporté par elle. La preuve que dans cette opéra- .ion iL-s efl fait un vrai fa von , “ c.^ cîuc 1 eau qui l’emporte blan- hir, tant qu’elle en détache de » uj 54 L’Art de la Teinture. la laine. S’il y a eu allés d’urine fermentée dans la Chaudière pour la quantité de fuain qui écoit adhérent à la laine , elle fera bien dégraiffée : s’il n’y en a pas eu allés , tout le fuain n’aura pas pu être converti en fa von , & la laine demeurera grade. On pourroit faire la même opération avec des alcalis fixes , comme avec une lelîive de potable ou de cendres g ray clé es -y mais outre que cette leffive couteroit beaucoup plus que l’urine , il feroit à craindre que ii l’on n’en trouvoit pas la jufte proportion , la laine n’en fut altérée. Car j’ai reconnu par dif- férentes épreuves que ces fortes de fels cauftiques détruifent fort ailément toutes les matières ani- males , laine, poil de chèvre, foye , &c. Je prie le Ledeur de fe fou- venir que quoique dans la fuite Chapitre IV. 55 je ne faiTe plus mention de cette •opération du dégrais , elle eft •néanmoins nécefiaire pour toutes lies laines que l’on met a la tein- iture avant que d être filées , de •même qu’il faut toujours moüilier celles qui font filées, & les étoiles de toute elpéce , afin ou elles •prennent la couleur plus égale- ment. Des cinq couleurs matrices ou primitives dont j’ai parlé , il y en a deux qui ont befoin d’une pré- paration que l’on donne avec des iingrédiens qui 11e fournifTent au- .cune couleur , mais qui par leur .acidité &: par la fineiîe de leur Iterre difpofent les pores de la Haine à recevoir la couleur. Cette [préparation s’appelle le Bouillon. Il varie fuivant la nature & la nuance des couleurs. Celles qui en ont befoin font le rouge, le jaune, ôc les couleurs qui en dé- C> • . . • > mj 5 6 L’Art de la Teinture. * ^ • rivent. Le noir exige une prépa- ration qui iui eft particulière. Le bleu & le fauve , ou couleur de racine n’en demandent aucune : il fuffit que la laine foit bien dé- graidee & moüillée j & même pour le bleu , il n’y a pas d’autre façon à y faire que de la plonger dans la cuve, l’y bien remuer & l’y lailfer plus ou moins long- temps , fuivant que l’on veut la couleur plus ou moins foncée. Cçtte radon , jointe à ce qu’il y a beaucoup de couleurs, pour lefquelles il eft nécelfaire d’avoir précédemment donné à la laine une nuance de bleu , m’a déter- miné à commencer par donner fur cette couleur les régies les dus précifes qu’il me fera poffi- de. Car s’il y a beaucoup de fa- cilité à teindre la laine en bleu, lorfque la Cuve de bleu eft une fois préparée 5 il n’en eft pas de J Chapitre V. 57 même de la préparation de cette ' Cure , qui eit réellement l’opéra- tion la plus difficile de tout l’Art de la Teinture. Il ne s’agit dans toutes les autres que d’exécuter d’après des procédés /impies tranfmis des Maîtres à leurs Ap- prenais. Il y a trois ingrédiens qui fer- vent à teindre en bleuj fçavoir., le paflel , le voué de & l’ indigo. J e donnerai les préparations de cha- cune de ces matières > & je com- mence par la Cuve de paftel. ÆAA lP P lP P C & P P P P P P CHAPITRE V. De U Cuve de P a (Ici. E Paftel cft une plante qui le cultive en Languedoc & dans quelques autres endroits du Royaume. On l’apporte en bal- les , qui pefent ordinairement C Y l >- f 58 L’Art de la Teinture. depuis cent cinquante jufqua deux cens livres 5 il reffemble a de petites mottes de terre défié- chées & enlalTées de quelques fi- bres de plantes : auffi n’eft-ce que la plante nommée en Latin ifatis ou GUflum , qu’on fait pou- rir après qu’on l’a cueillie à un certain degré de maturité , & qu’011 réduit enfuite en pelotes pour la faire fécher. Il y a diver- fes précautions à obferver pour cette préparation , fur laquelle on trouvera plufieurs articles dans le Réglement de M. Colbert fur les Teintures. Le meilleur Paftel préparé vient du Diocèle d’Alby. Pour le mettre en état de don- ner fa teinture bleue, on fe fert de ces grandes Cuves de bois , dont j’ai parlé au commencement de cet Ouvrage ; &: plus ces Cu- ves font grandes , mieux l’opéra- tion réüflit. Ordinairement on K Chapitre Y. 59 prend, trois ou quatre balles de Paftel, & ayant bien nettoyé la üCuve , 011 en fait faille etc comme Ü/" • luit. On charge une Chaudière de , ^«te ^ 111/^ de la Cu* cuivre la plus proche de la Cuve , ve. d’eau la plus croupie qu’on puifl'e avoir : ou fi l’eau n’eft pas cor- rompue & croupie , on met dans la Chaudière une poignée de je- nejîrole ou de foin, c’eft-à-dire , environ trois livres , avec huit li- vres de gare lice bile ou croûtes de cette racine. Si fonpeut avoir le bain vieux d’un garençage , il épargnera la garcnce , ôe même il fera un meilleur effet. La Chau- dière étant remplie , & ayant al- lumé le feu de llous dès trois heu- res du matin , on la fera boüillir cinq bons quarts d’heure , ( quel- ques Teinturiers la font boüillir jufqu’à deux heures & demie ou trois heures ) puis on la verfe au C vj 6 o L’Art de la Teinture. moyen d un canal dans la grande Cuve de bois bien nettoyée, & au fond de laquelle on a mis plein un chapeau de fon de froment. En furvuidant le bain boitillant de la Chaudière dans la Cuve , & pendant qu’il coulera par le bout de la goutiere ou canal , on mettra dans cette Cuve les balles de Paftel l’une après l’autre , afin de pouvoir mieux les rompre , pallier & remuer avec les râbles : on continuera d’agiter jufqu’à ce que tout le bain chaud foit fur- vuidé dans la Cuve , & lorfqu’elle fera remplie un peu plus qu’à moitié, onia couvrira avec des morceaux de couvertures , cou- pés un peu plus grands que fa cir- conférence : on mettra encore pardeiîus une pièce de drap , afin qu’elle foit étouffée le plus exacte- ment qu’il eif poflible , & on la laiffera repofer quatre bonnes heure s l Chapitre V. 6t Quatre heures après l’a/fiette, on lui donnera Y évent , c’eft-à- dire , qu’on la découvrira pour a pallier bien & y introduire de nouvel air. On y fera tomber pour chaque balle de Paftel un bon trenchoir de cendres , nom dégui- .è que les Ouvriers donnent à la chaux vive qu’ils ont fait étein- Jre , quelques-uns dans l’eau, d’autres à l’air. A l’égard du tren- hoir , c’cft une efpéce de palette de bois qui fert à mefurer grof- ierement la quantité de chaux jue l’on met dans la Cuve. Elle i cinq pouces de large & trois >ouces & demi de long: elle peut ontenir a peu près une bonne toignée de chaux. Quelques Teinturiers la nomment aulfi mltoir. Quand après l’éparpille - nent de cette chaux, la Cuve tira été bien palliée , on la re- ouvrira de même qu’aupara- 6 z L’Art de la Teinture. vant, hormis un petit efpace de quatre doigts qu'on laiii'era dé- couvert pour lui donner un peu d’évent. Quatre heures après on la re- tranchera , c’eft-à-dire > qu on la palliera fans lui donner de chaux, puis on la recouvrira & la laiii'era repofer deux ou trois heures , y lailTant comme delTus une petite communication avec l’air exté- rieur. Au bout de ces trois heures, on pourra la retrancher encore , la palliant bien , & li elle n’eftpas encore prête Sc venue à doux , félon le langage du Teinturier, c’eft-à-dire , fi elle ne jette point de bleu à fa furface , & quelle frille encore , ce qui fe remarque en heurtant ou frappant de plat avec la planche du rable dans la Cuve , il faut après l’avoir bien palliée la lailfer repofer encore Chapitre V. 6$ me heure & demie, prenant oien garde fi elle ne s’apprête point , & fi elle ne vient point a hnx , c’eft-à-dire , fi elle ne jette point du bleu. Alors on lui donnera l’eau , :’eft-à-dire , qu’on achèvera de a remplir , y mettant l’indigo lans la quantité qu’on jugera à >ropos y car le Teinturier a pré- êntement la liberté d’en em- ployer autant qu’il veut. Ordi- îai renient on en employé de dé- lié , comme il fera dit , plein m chaudron ordinaire d’Atte- ier pour chaque balle de Paftel j yant rempli la cuve à fix doigts >rè's du bord , on la palliera bien , îc on la couvrira comme aupa- avant. Une heure après lui avoir lonné l’eau , on lui donnera le ied , fçavoir, deux trenchoirs le chaux pour chaque balle de ^4 L'Art de la Teinture. Laftel , & plus ou moins , félon la qualité du Pâftel, & félon qu’on jugera qu’il ufe de chaux. Je prie le Leéteur de me palfer ces ex- preüîons : j’écris ce Traité pour le Teinturier j ainlî il faut que je parle la langue qu’il entend : le Pliylicien n’aura pas de peine à fubftituer les termes propres que peut-être l’Ouvrier n’entendroit pas. Il y a des Paftcls qui s’apprê- tent beaucoup plutôt les uns que les autres , & l’on ne peut donner fur cela des régies exaétes , qui foient en même temps générales. Il faut remarquer auffî que l’on ne répand la chmx qu’après que la Cuve eft bien palliée. Ayant recouvert la Cuve , on y mettra au bout de trois heures un échantillon qu’on y lailfera entièrement fubmergé pendant une heure. Au bout de ce temps .vous le retirerez pour voir II la Chapitre V. 65 s Cuve eff en état. Si elle y ell, cet échantillon doit fortir verd, & prendre la couleur bleue , étant expofé une minute à 1 air. Si vo- tre Cuve verdit bien l’échantil- lon , vous la pallierez & lui don- nerez un ou deux trenchoirs de .chaux , puis vous la recouvrirez. Trois heures après vous la pallierez ôc y répandrez de la chaux , ce dont elle aura befoin j puis vous la recouvrirez, & au bout d’une heure & demie, la ■Cuve étant ralîile , vous y met- trez un échantillon que vous ne lèverez qu’au bout d’une heu- re , pour voir 1’effet du Paftelj &: (i l’échantillon cft d’un beau verd, :& qu’il prenne un bleu foncé à l’air , vous y en remettrez encore un autre pour vous allure r de l’effet de la Cuve. Si vous trou- vez cet échantillon allés monté en couleur, vous achèverez de €6 L’Art dê la Teinture. remplir votre Cuve d’eau chau- de , & s’il fe peut , d’un vieux bain de garençage , & vous pallierez. Si vous jugez que la Cuve a en- core befoin de chaux , vous lui en donnerez une quantité fuffi- fante félon qu’à l’odeur & au ma- niement vous jugerez qu elle en aura befoin. Cela fait , vous la recouvrirez j & une heure après, fi elle eft en bon état, vous met- trez vos étoffes dedans & vous en ferez l’ouverture. C’eft ainfi que les Teinturiers nomment la pre- mière mife de la laine ou de l’é- toffe dans une Cuve neuve. Indices qui fervent a bien gouverner une bonne Cuve . ON connoît qu’une Cuve eft bien en œuvre , c’eft- à-dire , qu’elle eft en état de tein- dre en bleu, quand la pâtée ouïe marc qui fe tient au fond eft d’un Chapitre V. 6 J 'crd brun ; quand il change étant iré hors de la Cuve; quand la leurée, c’eft-à-dire , l’écume en rodes bules qui fumage , elt dun eau bleu Turquin ou P ers , & iuand l’échantillon, qui y a été .enu plongé pendant une heure , ft d’un beau verd d’herbe foncé. Lorfqu’elle eft bien en œuvre , :11e a au (Ti le brevet ouvert , clair k rougeâtre ,& les gouttes ords qui fe font fous le rable en .evant le brevet , font bruns. Ou- vrir le brevet , c’eft lorfqu’on lève a liqueur avec la main ou avec e rable pour voir quelle couleur x le bain de la Cuve fous fa pre- aiiere furface. La pâtée ou le marc doit chan- ger de couleur , ainii que je viens ie le dire , en fortant du brevet ou du bain, & brunir à l’air ex- térieur auquel on l’expofe. Quand on manie le brevet ou 68 L’Art de la Teinture. bain , il ne doit paraître ni ru- de entre les doigts ni trop gras -, il ne doit avoir ni odeur de chaux ni odeur de lelîive. Voilà a peu près toutes les marques d une Cuve qui eft en bon état. * Indices d une Cuve qui a foujfert par le trop ou le trop peu de chaux , qui font les deux extrêmes au on doit le plus éviter . OUand une Cuve eft trop garnie , c’eft-à- dire , quand on y a mis de la chaux plus que le Paftel n a pû en ufer , on le re- connoît facilement en y mettant un échantillon , qui au lieu de de- venir dun beau verd d’herbe , n eft que fali dun bleu grisâtre & mal uni. La pâtée ne chanp-e point, & la Cuve ne fait prefque point de fleurée -, le brevet ou le bain n’a auiïi qu’une odeur pi- V, Chapitre V. 69 Liante de chaux ou de leflîve de naux. / Il s’agit de remédier à cet in~ nnvénicnt , en dégarnill'ant la .uvc , ce que les Teinturiers font e plulieurs maniérés. Les uns fe srvent de tartre , les autres de n , dont ils mettent dans la Cuve n boilfcau,plus ou moins, félon Telle elt garnie : d’autres y met- nt un feau d’urine. En quelques mx, on fe fert d’un grand ré- îaud de fe r allés longpour pou- oir atteindre depuis la pâtée juf- T au haut de laCuve. Ce réchaud il fourneau a une grille à un pied es de fon fond, & un tuyau 2 fer prenant du delfous de cette 'lie & montant jufqu’au haut u réchaud , pour pouvoir fournir 2 l’air qui anime Je feu du char- an qu ils mettent fur la grille. * enfoncent ce fourneau dans la uvc jufque fur la pâtée , fans jo L’Art de la Teinture. pourtant le faire entrer dedans, & ils l’arrêtent avec des barres de fer, de crainte qu’il ne s’élève. La chaleur communiquée parce fourneau fait monter toute la chaux du fond de la Cuve à la fuperficie du bain; ce qui donne la facilité d’en ôter avec un ta- mis ce qu’on juge à propos. Mah quand on l’a ôtée , il faut être at- tentif à en rendre à cette Cuve la quantité dont elle a befoin. Quelques-uns dégarniffent aull la Cuve de Paftel avec gravelk ou tartre , & vieille urine boüil lies enfemble. Mais le meilleu remède , quand elle eft trop gar nie , c’eft d’y mettre du fon & d< la garence à difcrétion ; & lî ell< n’ell qu’un peu trop garnie , il fui fit de la laifl'er repofer quatre cinq ou fix heures, ou plus, ’ mettant feulement deux plein chapeaux de fon , & trois ou qua Chapitre V. ' . 71 :xt livres de garence, qu’on dif- ;ribue légèrement fur la Cuve j iprès quoi on la couvre. Au bout Je quatre ou cinq heures , on neutre dedans avec un rable , &C ,'elon la couleur que prennent es billes d’air élevées à l’occa- lon de ce mouvement imprimé i tout le bain , on met un échan- tillon dedans pour en voir 1 effet. Si elle eft rebutée , éc qu elle ne jette du bleu que quand elle eft froide, il faut la laifter reve- nir fans la tourmenter, 6c quel- quefois laifter pafl'er des journées entières fans la pallier : quand elle commencera à faire un échantillon paftable , il faudra en remettre le bain au feu pour le réchauffer. Alors ordinairement lia chaux , qni fembloit n’avoir plus la force d’exciter de fer- mentation, fe réveille empê- che la Cuve de donner ft-tôt du 7% L’Art de la Teinture. teint. Si on veut l’avancer , on répand defliis du fon & de la ga- rence , comme auffi plein un ou deux paniers de Paffcel neuf -, ce qui aide le bain réchauffé à ufer fa chaux. v îl faut avoir foin auffi d’y met- tre des échantillons d’heure en heure , afin de juger par la cou- leur verte qu’ils y prennent , com- ment la chaux fera rongée. Par ces épreuves, on fe met en état de la conduire avec plus d’exac- titude 3 car quand une fois une Cuve a fouffert par le trop ou trop peu de chaux , elle eft bien plus difficile à gouverner. Si pendant le temps que vous tra- vaillez à la faire revenir, le bre- vet ou le bain fe morfond un peu trop , il faudra l’entretenir en chaleur , en furvuidant du clair, & remplaçant ce bain clair par de l’eau chaude -, car quand le Chapitre V, te bain ou brevet eft froid , le Paftel n’ufe point du tout de ichaux ou fort peu : quand il effc trop chaud , cela retarde aufiî l’adion du Paftel & l’empêche d’ufer la chaux qu’on y a mife. -Ainfi il vaut mieux attendre un peu que de prelfer les Cuves à fe remettre j lorfqu’elles ont fouf- fcrt. On connoît qu’une Cuve n’a pas été allés garnie de chaux , &: quelle a fouffert , lorfque le bain ou brevet ne fait point de fleu- •rée , c’eft-à-dire , de grolfes bulles i air é lin lit au li 1 r r i j mais qu’il ne donne qu’une écume corn- oofée de petites bulles ternes j k lorfqu’en heurtant delfus avec ■e rable , il ne fait que Jriller: c’elt le bruit que font une infi- nité de petites bulles d’air qui fe :révent à mefure quelles fe for- aient). Le bain a auilî une odeur D 74 L’Art de la Teinture. d'égoût ou d’œufs couvés. Il efl: rude & fec au toucher. La pâtée tirée hors du bain ne change point j ce qui arrive prefque toujours quand une Cuve a fouf- fert difette de chaux. L’on doit craindre cet accident principa- lement lorfqu’on fait l’ouverture & que l’on met en Cuve ; car fi on n’a pas bien obfervé l’état de la Cuve , tant à l’odeur qu’en heurtant dedans avec le rable après avoir mis la champagne, &: qu’on mette imprudemment les étoffes dans la Cuve , lorf- que ie Paftel aura ufé toute fa chaux, il eft à craindre que la Cuve ne fe perde , parceque les étoffes y étant mifes , le peu qu’il y f efte de chaux en état d’agir en- core s’y attache ; le brevet refte dégarni , & alors la Cuve ne fai- fant que barboüiller , il faut reti- rer ces étoffes &: remédier prom- Chapitre V. 75 -ptement à la Cuve pour fauver le relie du teint, en y mettant trois ou quatre trenchoirs de rhaux , plus ou moins , félon que la Cuve aura fouffert , & ce fans avoir encore pallié au fond. Il faut obferver li enpalliant & heur- tant, le Jri lie ment celfe, & li la mauvaife odeur change : alors r f ) on peut elperer qu il n y aura eu que le brevet ou bain qui aura loufïèrt, &: que la pâtée 11’eft pas encore en dilêtte. Lorfque vous aurez appaifé le bruit ou frille- ment , au moins en partie , & que le brevet fendra la chaux & aura le maniement doux vous cou- vrirez la Cuve , & la lailferez re- pofer y & fi la fleurée fublille en- core fur la Cuve au bout d’une heure & demie , vous y mettrez un échantillon , que vous lèverez une heure après, & vous vous gouvernerez lelon le fond du verd Dii Ouver- ture de 1 Cuve. 76 L’Art de la Teinture. f V % * * * quil y prendra. Mais ordinaire- ment les Cuves ainli rebutées ne font pas fî-tôt en état de teindre. La Cuve étant en bon état* vous y defeendrez la Champagne , & prendrez pour l’ouverture une mife de trente aulnes de drap , ou l’équivalent de fon poids en laine bien dégraifiee, que vous aurez deffein de teindre en blca vers , pour en faire enfuite un noir. Ayant palfé & repalfé cette mife , toujours couverte du bain , ou entre deux eaux, pendant une bonne demie heure, voustorde- rez le drap au moulinet attaché à la potence qui doit être au-def- fus de la Cuve -, & fi c’eft de la laine , comme vous l’aurez plon- gée avec fon filet, le même filet fervira à la tordre. Vous dévui- • - * derez le drap par feslifierespour l'éventer &le déverdir, c’elLà- dire , lui faire perdre la couleur a Chapitre V. 77 verte qu’il aura en forçant de ia .Cuve , & prendre la couleur bleue. Si ce drap ou cette laine , à la première torfe , n’étoit pas a de s foncé pour un bleu vers , vous lui donnerez un rejet, en remet- tant dans la Cuve le bout de la pièce de drap' qui en eft forti le premier ; & félon la force de vo- tre Paftel , vous donnerez à cette mife jufqu’à deux ou trois rejets , félon que vous le jugerez nécef- faire à fintenfîté du bleu que vous voulez avoir. Si votre Pailel cft bon,- tel que l’eft ordinaire- ment le vrai Lmraçais , après avoir tiré la première mife, vous pouvez en mettre une fécondé fur cette ouverture ou premier travail de la Cuve. Après avoir fait cette ouver- ture , qu’on nomme aulli premier palliement , vous pallierez de nou- veau la Cuve , & la garnirez de yS L*Art de ia Teinture. chaux avec difcrétion 3 lui laif- - fant 1 odeur & maniement con- formes à ce qui eft dit ci-deffus , obfervant qu’à mefure que le teint diminue, la vertu du Pafteî diminue auffi. Si votre Cuve eft en bon train, vous ferez le premier jour de l’ouverture trois ou quatre pal- lie me ns , & le lendemain deux ou trois. Il faut feulement prendre garde à ne pas la fatiguer , & à ne pas lui donner des mifes aufti for- tes le fécond que le premier jour». Ûuant aux couleurs 3 pour tirer de cette Cuve nouvellement po- fée tout le profitpoftible , on teint d’abord les étoffes deftinées pour être mifes en noir, enfuite les bleus de Roy, puis celles qui doivent être mifes en verds bruns. Les violets & les bleus Turquins fe font ordinairement dans les der- niers palliemens du fécond joue de l’ouverture. Chapitre Y. 79 Le troifiéme jour , fi la Cuve fe trouve trop diminuée de quan- tité , il faut la remplir d’eau chau- de jufqu a quatre pouces près du bord ) quelques Teinturiers ap- pellent cette addition d eau re - jalUge d’une Cuve. Vers les derniers jours de la fe m aine , on fait les bleus les plus clairs j & le famedi aufoir , ayant pallié la Cuve , on la garnit un peu plus que le jour precedent, afin quelle puilfe fe conferver iufqu’au lunch. On remet le brevet Rehaut * 7 . - , r i i J - * d une Cil- ou bam fur le reu le lundi- matin, Ve. en le faifant palier de la Cuve dans la Chaudière de cuivre par- le moyen de la goutiere ou canal qui fe place d’un bout fur l’une , & de l’autre bout fur l’autre : on vuide ce brevet clair jufqu’à la pâtée , & quand il fera boüillant , on le fera rep aller de nouveau dans la Cuve, palliant la pâtée à D mi &o L Art de la Teinture. rnefure que ce bain chaud y tom- be par l’extrémité du canal : on peut y ajouter en même temps plein un chaudron d’indigo pré- paré , comme il fera dit ci-après. Lorfque la Cuve fera remplie à quatre pouces près du borcf , & qu’elle fera bien palliée, on la cou- vrira , & au bout de deux heures on y mettra un échantillon , qu’on n’y lai fiera qu’une heure : on ajou- te de la chaux , félon la nuance du verd que cet échantillon d’elfai aura priïe en palliant cette cuve ■, & au bout d’une heure ou deux , fi la Cuve n’a pas fouftert, on doit y mettre une mife d’étoffe. L’a- yant conduite entre deux eaux pendant une bonne demie heure, on la tord j on donne un rejet à cette étoffe , comme on a fait à la Cuve neuve. Cette Cuve réchauf- fée fe gouverne de même , c’efl- à-dire , qu’on fait jufqu’à trois pal- I C'h-afïtre V. Si lie mens le premier jour , prenant o-ardc à chaque palliement fi elle n’a pas befoin de chaux ; car en ce cas , il faut y en mettre la quan- tité qu’on jugera necelTaire. Le bleu qui feroit fait de P au- tel feul , feroit , félon le fentiment de quelques perfonnes prévenues en faveur des anciens uiagcs , beaucoup meilleur que celui que donne le Paftel auquel on a ajou- té l’indigo : mais alors ce bleu feroit beaucoup plus cher , par-, ccque le Paftel donne beaucoup moins de teinture que cette fé- cule étrangère ; & il a été vérifié,, par des expériences répétées, que quatre livres de bel indigo de- Guatimalo rendent autant qu’une balle de Paftel Albigeois •,& cinq livres autant qu’une balle de Laumgais , qui pefe ordinaire- ment deux cens dix livres. Ainfi l’emploi de l’indigo mêlé avec le, D Y 0 Si L Art de la Teinture. Paftel eft d une grande épargne & évite beaucoup de frais , puif- que pour avoir autant d'étoffes teintes par une feule affiette de Cuve avec l’indigo, il en fâu- droit faire deux , fl on le flippri- nioit j encore n’auroit-onpas pré- cifément autant de teinture. Aux Cuves neuves , on met d ordinaire l’indigo fondu , après que le Paffel a fait paroître fon bleu , & un quart d’heure ou un- demi quart d’heure après, on don- ne le pied, c’eff- à-dire , qu’on y met la chaux , & d’autant que cet indigo fondu en eft déjà garni par la îefliye dans laquelle on la diflbut , on diminue la chaux qu’on donnoit au Paftel feuî. Au réchaut, on met l’indigo des le famedi au loir, afin qu’il s’incorpore avec le bain ou bre- vet , & qu’il lui ferve de garni- ture au moyen de fa chaux. Chapitre V. 8 3 [Préparation de /’ Indigo deJHne a la Cuve de Pajlel. L’ I n d ï g o Guatimalo , ou de Guatimala > eft le meilleur de tous : on nous l’apporte de l’Amérique en forme de petits cailloux d’un bleu fers. On en connoît la bonté a 1 emploi &en le rompant. Pour etre bon , il faut qu’il foit en-dedans de couleur de violette foncée, & quil pren- ne un œil cuivreux en le frottant fur l’ongle : le plus léger eil le meilleur. ' Pour dtlfoudre & fondre l’in- digo il faut avoir dans l’ Attelier au Guefde , c’eit le nom qu’on don- ne aux Cuves de Paftel , une' Chaudière particulière avec foiv fourneau, Quatre-vingt ou- cent livres d’indigo demandent une Chaudière qui tienne trente à? trente -cinq féaux d’eau. % 84 L Art de la Teinture. Ou le fond dans une leihvc - & pour la faire , on charge la Chaudière d environ vingt-cinq féaux d eau claire, 011 y ajoute plein un chapeau de fon de fro- ment avec douze ou treize livres de garence non robée , & qua- rante livres de bonnes cendres gravelees : c elf demie livre de ce fel alcali , & deux onces & de- mie de garence pour chaque li- vre d’indigo ; car toutes ces do- fes font delhnées' à la* diifolution de quatre-vingt livres de cette fecme. On fait boiiillir le tout a gros boiii lions pendant trois quarts d heure ou environ : puis on retire le feu de deffous le fourneau , & on lailîe repofer cette leffive pendant demie heu- re , afin que la lie ou les fèces fe dépofent au fond. Enfuite on furvuide le clair dans des ton- neaux nets placés exprès auprès Chapitre V. 8? j ïc la Chaudière. Otez le marc refié dans la Chaudière, faites- la bien laver : reverfez-y la lefïi- ,ve claire que vous aviez vuidee dans les tonneaux j allumez un .petit feu deffous , & mettez-y en même temps les quatre-vingt li- vres d’indigo réduits en poudre .groffiere. Entretenez le bain dans 'une chaleur forte , mais fans le faire boüillir , 6c facilitez la dif- folution de cet ingrédient en palliant avec un petit rablc fans difeontinuer , afin d’empêcher .qu’il ne s’encroûte & ne fe brûle au fond de la Chaudière. On ientretient le bain dans une cha- leur moyenne 6c la plus égalé iqu’il eft poflible, en y verfantde temps en temps du lait de chaux qu’on aura préparé exprès dans* un b.icquet pour le refroidir. Lorfquc vous ne fendrez plus rien de grumeleux au fond de la Chaur $6 L’Art de la Teinture. diere, & qüë 'l’indigo vous pa- roîtra bien délayé ou bien fondu, vous retirerez le feu du fourneau, & n’y lailferez que fort peu de braife pour entretenir feulement une chaleur tiède : vous couvri- rez la Chaudière avec des plan- ches & quelque couverture , & y mettrez un échantillon d’étoffe pour voir s’il en fort verd , 6s û ce verd fe change en bleu à l’air. Si cela n’arrivoit pas, iffau droit ajouter à ce bain le clair d’une nouvelle leffive préparée comme' la précédente. C’eft de cette dif- folution d’indigo dont on prend un, deux ou plüfîeurs féaux pour les ajouter au Paftel, lorfque la fermentation l’a affés ouvert pour qu’il commence à donner fon bleu. jCc détail de la préparations d’une Cuve de Paftel n’eft pas cxadement conforme à la mé- s Chapitre V. 8*? ftiode ordinaire des Teinturiers ü a-préfent : mais ayant fait po~ fer une Cuve fuivant la defcri- gtion qu’on vient de lire , elle a :rès-bien réiifti & on en a tiré des bleus parfaits de toutes les nuances. Il eft néceftaire cepen- dant d’avertir que pour gouver- ner une Cuve de Paftel & fçavoir remédier à tous les accidens , il Faut qu’un Manufacturier ait à fes gages un bon Guefderon , c’eft te nom qu’on donne au Compa- gnon Teinturier qui a fait fa prin- cipale occupation de la conduite du Paftel. La pratique lui en a plus appris que tout ce qu’on pourroit en enfeigner dans ce Traité. Après m’ètre a (Tu ré des moyens qu’on doit employer pour la réiif- fite d’une Cuve de Paftel en grand , j’ai voulu voir s’il n’étoit pas poflîble d’en, alfeoir une en Cave de Paftel en petit. §8- L’Art de la Teinture. beaucoup moindre volume , ce que quelques Teinturiers pré- tendoient être impraticable. J’ai pris un petit tonneau qui tenoit environ cinquante pintes;' je lai placé dans une Chaudière rem- plie d’eau, que j’avois foin de te- nir chaude autant qu’il étoit né- ! ceflaire. J’ai mis quarante pintes j d eau de riviere dans une petite j Chaudière avec une once & de- mie de garence & une très-petite j poignée de gaude. C’ed une lier- ’ be qui fert à teindre en jaune,. 5 & qui m’a paru dans la luire ne fer vif à rien dans cette opé- ration; mais on me la coiifeilla i alors comme nécellaire. Je iis boüillir le tout trois bonnes heu- res ; & fur les neuf heures du foir je verfai tout ce bain dans le pe- tit tonneau placé dans la Chau- dière , après y avoir mis deux pe- tites poignées de fou : j’y jettar - - V Chapitre V. m même temps quatre livres de Paftel -, ôc ayant bien pallié le tout ivec le rable pendant un quart d’heure , je la couvris, 6c j’eus foin de la faire pallier de même tou- tes les trois heures pendant la nuit. Je n’ai point mis d’eau fore dans cette petite Cuve > comme quelques Teinturiers en mettent à préfent mais le fon que j y avois mis d abord en tient heu , -car il s’aigrit avec le bain meme. Le lendemain. for les neuf heures du matin , la Cuve corn- imcnçoit à faire un petit bruit ou pétillement j ce que quelques Teinturiers prétendent expri- mer , en diiant que la Cuve de- vient fourde. Il s y formoit au fli une efpéce d’écume 6c des peti- tes bulles comme celles d’une eau favoncufc. Elle fut bien palliée, 6c j’y jettai une once 6c demie de chaux éteinte 6c tamifée 3 ce qui 9° L’Art dé la Teinture. ■ fit augmenter l’écume : l’odeur changea un peu , & devint plus forte j ce qui me fit juger que j’aurois pû ÿ mettre un peu plus de Paftel. | A dix heures & demie , la Cu- ve avoit une odeur de chaux plus forte : elle faifoit de l’écume & ün peu de bruit. J’y mis alors un échantillon , qui au bout d’une heure étoit verdâtre, & un mo- ■ ment après,, d’un bleii très-clair. On la pallia enfuite , & au bout d’une heure j’y remis un fécond échantillon, qui y demeura aulfi Une heure , & qui étant forti verd» ; devint d’un bleu plus foncé que le premier. Cela me fit juger quelle étoit en état de recevoir j l’indigo. I A midi & demi , j’y mis deux onces d’indigo non difiout , mais feulement bien pilé , taniifé & dëlaié dans de l’eau chaude avec Chapitre V. ,9l rfos comme une noix de cendres rravelées. ( C’eft de la lie de vin ’alcinée , qui contient beaucoup Be fel alcali , ainfi que je l’ai déjà, lit. ) J’y plongeai enfuite de deux îeures en deux heures un échan- tillon, palliant cette petite Cuve ilternativement , c’efl - a - dire 3 ju’une heure après l’avoir pal- liée je mettois un échantillon qui / demeuroit une heure , apres juoi on la pallioit de nouveau. De qui fut continué de la forte ufqn’à dix heures du foir y & en :omparant enfemble les echan» filions que j’en retirois , on voyoit ^ue leur couleur devenoit tou- ours de plus en plus foncée : ils ievenoient aulfi de plus en plus vifs , à mefure que la chaux s’u- foit, félon le langage des Ou- vriers. Il auroit fallu la remplir alors j. ce que l’on jugeoit neceflaire. 9% L’Art de là Teinture. | parcecjue le dernier échantillon étoit a un point de vivacité qui montrait que l’aétion de la chaux ctoit amortie , & qu’elle n’agilloit plus ; mais il auroit fallu travail- ler delfus vers les deux heures apres minuit : ainli , à caufe de - 1 incommodité de l’heure , je ju- geai à propos de la railensr en la garniflant & en lui donnant de nouvelle nourriture pour la faire aller jufqu’au lendemain j c’eft-à- dire , que j y remis environ une demie once de chaux j après quoi ; ©n la pallia, & une heure après , j on y mit un échantillon , qui , i étant retiré au bout d’une heure,- j étoit à la vérité bien plus bleu ■'! que les autres, mais qui, au moyen I de la chaux , étoit plus terne & moins vif que le précédent. C’eft ainfi que l’on rallentit fa&jon de la Cuve , & qu’on l’amene à être en état de travailler à l’heure la- plus convenable. Chapitré V. 9$ Dans le cours de la nuit , j y fis nettre deux autres échantillons iui augmentèrent toujours en erdeur au fortir de la Cuve , 6c ont le bleu étoit toujours de lus en plus foncé. Celui que l’on ira vers les huit heures du ma- in, étoit encore un peu terne ; e qui prouvoit que la chaux [u’on avoit mife le foir , n étoit >as encore ufée , 6c quelle agif- oit trop fortement. Comme on a pallioit alors , je fis enlever ivec le rable un peu de la pâtée lu fond , pour voir en quel état ■lie étoit. Je la trouvai brune ri- ant fur le jaune j mais aufli-tôt lu’elle avoir pris l’air , fa furface 'erdifiçit 6c devenoit de couleur l’olive. Si f on enlevait cette fur- 1 ace avec la main , le defious étoit le la même couleur que la pâtée ivoit paru d’abord y mais il ver- iilfoit un moment après. L’odeur ?4 L’Art de la Teinture. en étoit affés forte , quoique ce ne fiit pas celle du montant de la chaux. Le bain en étoit jaunâ- tre à peu près comme de la bier- re , & l’écume ou fleurée qui s’en élevoit lorfqu’on le heurtoit avec le rable , étoit bleue. Toutes ces Indications font les meilleures qu’il y ait pour faire juger que la Cuve doit parfaitement réüfiir. Je continuai d’y mettre des échantillons & de la pallier alter- nativement jufqu’à deux heures après midi. L’échantillon que l’on retira alors étoit très-verd, & devint l’inftant d’après d’un bleu très-vif: ce qui dénotoit qu’il étoit temps de remplir la Cuve. Pour cet effet , je mis environ .quinze ou feize pintes d’eau dans une petite Chaudière , avec deux gros de garence & une poignée de fon : je fis bouillir le tout une demie heure , & je mis ce brevet Chapitre V. 9$ ans la petite Cuy.e à trois heu- ;s : on la pallia tout de fuite , & ne heure après j’y mis un échan- llon , que je retirai au bout d’u- - heure , & qui fe trouva très- 2 au & très-vif. Cette petite Cuve fe trouva ir les fept heures en état de tra- ailler , & elle y auroit été de iême dix-fept ou dix-huit heu- ;s plutôt, fi on ne l’avoit pas re- iraée à delfein. On y mit une etite champagne , qui efi: ce cer- e de fer garni de rézeau de fî- “11c , que j’ai décrit en parlant es inftrumens néceflaires à la ’einture , & on la fit defcendre ifqu’à trois ou quatre doigts de t pâtée , l’alïujettiffant à cette auteur par le moyen de quatre celles attachées au bord du ton- eau. « On y pafia alors une aune de ;rge blanche , qui n’avoit point ^6 L’Art m ta Teinture. eu d’autre préparation que de la bien moiiiller auparavant , afin que la couleur prit également par- tout. On la mania pendant un demi quart d’heure dans la Cuve , la remuant avec les mains &: avec un petit crochet de fer. Au bout de ce temps, on la re- tira fort verte j on la tordit pour, exprimer le bain , & elle devint bleue aufïi-tôt quelle eut pris l’air. On la remit encore un demi quart d’heure dans la Cuve, afin que la couleur fut plus foncée, & elle en fortit plus verte que la première fois , & auflî-tot qu elle fut exprimée , elle devint d’un très-beau bleu , tel que je le fou- haitois, ; • M On y p alfa tout de fuite une livre de laine filée qui avoit été auparavant moüillee dans 1 eau chaude & exprimée ; mais il y avoit fi peu de Paftel dans la i Cuve , * Chapitre V. 97 Cuve , que cette laine n’y prit qu’une couleur de bleu célelle. 3n remit donc à l’achever au endemain , &c pour que la Cuve £ put conferver en état, & en nême temps pour la remettre en couleur , j’y répandis une demie >nce de chaux tamifée. Avant ue d’y mettre cette chaux, elle voit une odeur approchante de elle de la viande rôtie ; mais ufîi-tot que la chaux y fut, on n fcntit l’odeur , le montant ou * Pjquant : ou pour en donner ue idée plus nette , il fe déve- jppa quelque choie de volatile & ’urineux. On couvrit la Cuve , le lendemain on acheva la li- re de laine filée. On auroit pu teindre encore une livre ou eux de laine , en la garni fiant 1 entretenant , mais je la fis jet- 1 pour ne pas perdre du temps utilement, parccque ces expé- 98 L’Art de la Teinture. riences me fuflifoient pour prou- ver qu’il eft poflible d’afl'eoir une Cuve de Paftel en petit comme en grand. J’ajoûterai maintenant quel- ques réflexions qui me paroiflent encore néceflaires pour une plus parfaite connoiffance de cette opération. Il 11e faut jamais réchauffer la Cuve de Paftel qu’elle ne foit en œuvre ; c’eft-à-dire , qu’elle n ait ni trop ni trop peu de ehaux , enforte que pour être en état de travailler, il ne lui manque que detre chaude. On reconnoît quelle a trop de chaux, comme je l’ai dit, à l’odorat, c’eft-à-dire, par l’odeur piquante que l’on fent. On juge au contraire qu’il 11’y en a pas afleslorfqu elle aune odeur douceâtre , & que 1 ecume, que l’on nomme aufli mbbat , qui s’élève à la furface en la heur- Chapitre V. 99 tant avec le rable , eft d’un bleu pâle. On doit avoir attention , lorf- qu on veut réchauffer la Cuve, de ne la point garnir de chaux la veille ( bien entendu quelle n’en auroit pas trop befoin ) * car fi elle étoit garnie , elle courroit rilque d avoir ce que les Teinturiers ap- pellent un Coup de pied , parce* qu’en la réchauffant on donne plus d’a&ion à la chaux quiyeft, Sc qu elle s ufe plus prompte- ment. On remet ordinairement de nouvel indigo dans la Cuve cha- que fois qu’on la réchauffe, ôc :ela a proportion de ce qu’on a 1 teindre. Mais il ne feroit pas îéceffaire d’y en mettre fi l’on 1 avoir que peu d’ouvrage à faire, )u qu on n eut befoin que de cou- eurs claires. Il n étoit permis par les anciens ioo L’Art de la Teinture. Régiemens de mettre que dx li- vres d’indigo pour chaque balle de Paftel , .parcequ’on croyoit que la couleur de l’indigo n’étoit pas folide , & qu’il n’y avoit qu u- ne grande quantité de P aftel qui put l’ allure r & la rendre bonne , mais il eft démontré présente- ment, tant par les expériences de feu M. Dufay , que par celles que j’ai faites depuis, que la cou- leur de l’indigo , même employé feul, eft toute aulfi bonne & re- lifte autant à l’aétion de 1 air , du foleil, de la pluie & des déboüil- lis, que celle du Paftel. On a re- formé cet article dans le nouveau Réglement de 1 7 3 7 , & on a per- mis aux Teinturiers du bon teint d’employer dans leurs Cuves de Paftel la quantité d indigo qu ils jugent à propos , ainû que je 1 ai déjà dit. / , , Lorfqu’une Cuve a ete re- Chapitre V. ioi chauffée deux ou trois fois, & que l’on a bien travaillé dediis, on conferve fouvent le même bain , mais on enlève une partie de la pâtée que l’on remplace par de nouveau Paftel. On ne peut prefcrire aucune dofe fur cela ,parcequ’elle dépend du tra- vail que le Teinturier a à faire. L’ufage apprendra là-defliis tout i ce qu’on peut délirer. Il y a des Teinturiers qui confervent plu- sieurs années le même bain dans leurs Cuves, ne faifant que les renouveller de Paftel & d’indigo à mefure qu’ils travaillent delliis : d’autres vuident la Cuve en en- tier, & changent de bain,lorf- que la Cuve a été réchauffée fix ou fept fois, & quelle ne donne plus aucune teinture. Il n’y a qu’un long ufage qui puilfe ap- prendre laquelle de ces pratiques icll la meilleure. Il ell cependant i • • • * £ iij roi L’Art de la Teïnture. olus raiionnable de croire qu’en a renouvellant en entier de temps en temps , elle donnera des cou- leurs plus vives & plus belles. Les meilleurs Teinturiers ne font pas ceux qui agiffent autrement. On conftruit en Hollande des Cuves qui n’ont pas befoin detre réchauffées il fouvent que les au- tres. Meilleurs Van Robbais en ont fait faire depuis quelques années dans leur Manufadure Royale d’Abbeville. Toute la partie fupérieure de ces Cuves , à la hauteur de trois pieds, eft de ciffvre. Elles font de plus em tourées d’un petit mur de bri- que , qui eft à fept ou huit pou- ces de diftance du cuivre. On met dans cet intervalle de la braife qui entretient pendant très-long- temps la chaleur de la Cuve, enforte quelle demeure plusieurs jours de fuite en état de travail- Chapitre V. 105 1er fans qu’il foit néceffaire de la réchauffer. Ces fortes de Cuves font beaucoup plus chères c^vie es autres , mais elles font tres- eommodes , fur-tout pour y paffer des couleurs fort claires , parce- que la Cuve fe trouve toujours en état de travailler , quoiqu elle foit :rès-foible ; ce qui n’arrive pas aux autres , qui le plus fouvent Pont la couleur beaucoup plus Poncée qu’on 11e le voudrait., a moins qu’on ne laide conddéra- blement refroidir ; & en ce cas, la couleur n’en elt plus d bonne , 3c n’a plus la même vivacité. Pour faire ces couleurs claires dans des Cuves ordinaires , il vaut mieux en pofer exprès qui foient fortes en Paftel & foi blés en indigo , parccqu’alors elles donnent leur teinture plus lentement, & les couleurs claires fe font avec plus de facilité. E# • • • mj ï 04 L’Art de ia Teinture À l’égard des Cuves à la Hoî- landoife, dont je viens de par- ler , les quatre , que Meilleurs de Yan Robbais ont fait faire dans leur Manufa&ure , ont lîx pieds de profondeur , dont les trois pieds & demi du haut font en cuivre , & les deux pieds &: demi du bas font de plomb. Le diamè- tre du bas eft de quatre pieds & demi , & celui du haut , de cinq pieds quatre pouces , en forte qu’elles contiennent environ dix- huit muids. Je reviens aux autres obferva- tions qu’il y a à faire fur le ré- chaut des Cuves ordinaires. Si l’on réchauffoit la Cuve, lorf- qu’elle fouffre, c’eft- à-dire , lorf- qu’elle n’a pas tout - à - fait alfés de chaux j elle fe tourne roi t en chauffant , fans qu’on s’en apper- çut, en forte quelle courroit rif- que d’être entièrement perdue , -rl Chapitre V. 105 parceque la chaleur achève roit x i’ufer en peu de temps la chaux qui y étoit déjà en trop petite quantité. Si on s’en apperçoit à iemps, le remède feroit de lare- jetter dans la Cuve , fans la chauf- fer davantage , & de la garnir de .chaux. On attendroit enfuite qu’elle fut revenue en œuvre pour la réchauffer. Quand on la réchauffe , il faut prendre garde de mettre de la. pâtée dans la Chaudière avec le bain ou brevet. Il faut aulîî avoir grande attention de ne la pas chauffer jufqu’à la faire boiiillir, parceque tout le volatile nécef- faire à l’opération, s’évaporeroit. Il y a quelques Teinturiers, qui en réchauffant leurs Cuves , ne mettent pas l’indigo aulfi-tôt apres que le bain efl: verfé de la Chaudière dans la Cuve , & qui ne 1 y font entrer que quelques E v ✓ io 6 L’àrt de la Teinture. heures après , lorfqu’ils voyent que la Cuve commence à venir en œuvre. Ils ne prennent cette précaution que dans la crainte que la Cuve 11e réufliffe pas , & que leur indigo 11e fait perdu : •J * 13* 1* mais de cette manière 1 indigo ne donne pas fi bien fa couleur 3 car on eft obligé de travailler fur la Cuve aufli-tôt qu’elle eft en état, afin qu’elle 11e fe refroidifle pas , & l’indigo n’étant pas toüt- à-fait dilfout, ou tout- à-fait in- corporé , de quelque maniéré qu’on l’employe , il ne fait pas d’effet. Ainfi il vaut beaucoup mieux le mettre dans la Cuve aufti-tôt qu’on y a jetté le bain, & la bien pallier enfuite. Si' l’on réchauffe une Cuve fans quelle ait travaillé , on ne doit pas l’écumer comme dans les ré- chauts .ordinaires , parcequ’on . enlèverait l’indigo 3 au lieu que Chapitre V. 107 orfqu’elle a travaillé , cette écu- me eft formée de la partie ter- eufe de l’indigo & au Paftel, ointe à une portion de la chaux. Quand on a trop mis de chaux Eans la Cuve , il taut l’attendre ufqua ce quelle foit ufée r on •5 eut accélérer en la réchauffant , ou y mettre des ingrédiens qui détruifent une partie de l’a £t ion de la chaux , comme du tartre , du vinaigre , du miel , du fon ou quelque acide minéral , ou enfin quelque matière propre à s’ai- grir -y mais tous ces corre&ifs nfcnt en même temps l’indigo & le teint du Paftel : ainfi le meil- leur eft de la lailTe r ufer fans rien faire. On ne garnit ordinairement' rune Cuve de chaux que le pre- mier, le fécond, & quelquefois le troifiéme jour y & il faut ob- ferver de ne pas y paft'er les vio- io8 L’Art de la Teinture. lets , les pourpres & autres laines ou étoffes, qui ont déjà une cou- leur facile à endommager, le len* demain du jour qu’elles ont été garnies , parceque la chaux , qui y eft encore allés aétive, ternit la première couleur de la laine : ainfi ce n’eftque le cinquième ou le lixiéme jour qu’il y faut paffer les cramoifis pour les mettre en ' violet , & les jaunes pour les met- tre cnverd j avec cette attention, la couleur en fera toujours plus brillante. Lorfque la Cuve a été réchauf- fée , il faut attendre quelle foit en œuvre pour la garnir. Si on le faifoit un peu trop tôt, elle fe troubleroit : il arriverait la même chofe , fi on avoit mis un peu de pâtée dans la Chaudière. Le re- mède , en ce cas , eft de la laiffer repofer avant que de la faire travailler , jufqu’à ce qu’elle foit \ Chapitre V. 109 rcmife -, ce qui va à deux,- trois, ' îuatre heures , & même à un jour. On employé quelquefois de la haux qui eft légère , c’eft-à-dire, jui a moins de force : alors il ar- rive , fi on n’y prend pas garde , jue la Cuve a un coup de pied , >arceque cette chaux légère relie Jans le bain , & ne s’incorpore pas i bien dans la pâtée. On con- îoît cet accident à ce que le bain l une odeur forte , & la pâtée , .11 contraire , une odeur douceâ- tre ; au lieu quelle devroit être a même dans l’un & dans l’autre. „e remède eft encore de la laif- er ufer, en la palliant fouvent >our mêler la chaux avec la pâ- ée , jufqu’à ce que fon odeur de üuve fe rétablilfe , & que la fleu- ée ou écume foit bleue. On peut , fi l’on veut , pofer :n Guefde ou Cuve de Paftel , fans mettre d’indigo j mais alors elle i io L’Art de ia Teinture. • s, . è . ne donnera que très-peu de cou- leur, & ne pourra teindre qu’une petite quantité d’étoffes ou de laine j car une livre d’indigo four- nit , comme je l’ai déjà dit, au- tant de teinture que quinze à feize livres de Paftel. J’en ai fait pofer une de la forte, pour con- noître quelles étoient les facultés du Paftel feul, &je n’ai pas trou- vé, malgré tout ce que la pré- vention peut faire dire fouvent fans preuve , que l’indigo lui cé- dât en rien pour la beauté &la fo- lidité de la couleur. Prépara- tion de la chaux. Comme on employé toujours a chaux , & quelquefois l’eau sûre dans fafliette d’une Cuve , je crois }ue c’eft ici l’occafton de parler Je leur préparation. Pour éteindre la chaux rani- me elle le doit, être , quand elle eft deftinée aux opérations de teinture , on plonge dans l’eau Chapitre V. rrî m après l’autre plulieurs mor- eaux de chaux , & après que iacun y a demeuré jufqu’à ce fil commence à pétiller , on le tire pour en mettre un autre , on les jette à mefure dans une haudiere vuide ou autre vaif- au quelconque , où la chaux :héve de s’éteindre d’elle-mê- e , &: fe réduit en poudre en ugmentant coniidérablement e volume. On palTe enfuite cette uaux dans un fac de cannevas , : on laconlerve dansunbacquet i dans un tonneau bien fec. Les eaux sûres font néceffai- ■s, non-feulement dans quel- aes circonftances de l’alîictte une Cuve de Paftel, mais dans uelques - unes des préparations ne l’on donne à la laine aux :offcs, avant que de les mettre la teinture. Elles fe font de la îanicre fuivante. Prépara^ tion de l’eau sûre* ni L’Art de la Teinture. On remplit d’eau de riviere une Chaudière de la grandeur que l’on veut : on met le feu def- fous, & lorfque la Chaudière a fait un boüillon , on jette cette eau dans un tonneau , où l’on a mis une fuffifante quantité de fon : on remue bien le tout avec un bâton trois ou quatre fois le jour. La quantité du fon & de l’eau n’eft pas bien importante. Quant à moi, j’ai réulîi en met- tant trois boilfeaux de fon fur un tonneau qui contenoitdeux cens quatre-vingt pintes. Ainlî,-cela revient à peu près à un boilfeau fur cent pintes d’eau. Au bout de quatre ou cinq jours , cette eau eft aigrie , & par conféquent propre à être employée dans tous les cas où elle ne nuira pas aux préparations de la laine, qui font indépendantes de la Teinture, dont je traite dans cet Ouvrage. Chapitre V. nj ’ar il peut arriver qu’une laine ti toilon , qui aura été teinte .ans un bain de teinture où 1 on aroit mis une trop grande quan- ité d’eau sûre , en iorte plus dif- .cile à filer, parceque la fécule u fon fait une elpéce d’empoix .ui colle les fibres de la laine , &C s empêche de fournir un fil gai. 11 faut remarquer aufli que ’ert un mauvais ufage de lailfer :journer les eaux sûres dans des ihaudieres de cuivre, comme je ii vû pratiquer chés quelques einturiers fort employés , par- eque cette liqueur étant un. aci- ;e , corrode le cuivre de la Chau- iiere pendant fon féjour , & fi elle a demeuré allés long -temps our fe charger un peu de ce tétai, elle occafionnera une dé- iduofité , tant dans la teinture ue dans la qualité de l’étoffe , ont fouvent on ne fçait à quoi 1 1 4 L’Art de la Teinture. attribuer la caufe : Dans la tein- ture, parce que le cuivre , diffout, communique toujours du verdâ- tre : dans la qualité de l’étoffe , parceque le même cuivre diffout eft efcarrotique fur toutes les ma- tieres animales. i Je crois n avoir rien obmis de tout ce qu’il y a d’effentiel à la Cuve de Paftel. S’il fe trouvoit dans la pratique des difficultés oü des accidens dont je n’aie pas fait mention , ils ne font pas confidé- rables, & on trouvera aifément le moyen d’y remédier , fi on fe rend familière la manœuvre de *r • A . H - t cette opération. Les Leéteurs, qui n’ont point d’idée de ce tra- vail , croiront que je me fuis trop étendu ; ils y trouveront auffi des répétitions j mais ceux qui vou- dront faire ufage de ce que je me luis propofé d’enfeigner dans le Chapitre qu’on vient déliré, me i Chapitre V. nf orocheront peut-être d’avoir s trop court. J’ai crû qu’il étoit eux , à caufe de la difficulté de ' pération , de rapporter en for- s de Mémoire tout ce que j’ai marqué , en conduifant moi- ème la petite Cuve dont j’ai nné le détail , pour aiiffi dire , aire par heure } que de m’en air à la defcription del’affiette ane Cuve en grand , telle que If ai donnée d’abord ,parceque n’y avois pas été toujours pré- nt. Quand on aura lu ce Cha- :re avec attention , on ne fera s étonné que le Chef-d’œuvre donné aux Apprentifs qui veu- at fe faire recevoir Maîtres nnturiers du grand & bon nt, foit de.pofer une Cuve de ftel , & de travailler deffiis. ï ï £ L’Art de la Teinture. -a CHAPITRE VI. 4; De la Cuve de Vouëde. E n’ai prefque rien à dire dé la Cuve de Vouëde, qui foit différent de ce que j’ai dit de cel- le de Paftel. Le Vouëde eft une plante que l’on cultive en Nor- mandie, & qu’on y prépare pref- que de la même maniéré que l’on fait le Paftel en Languedoc. Voyez , liir fa Culture , l’inft ruc- tion générale fur les teintures , du 18 Mars 167! , depuis l’article 159 jufqu’au 188 compris , il y eft traité de la culture & préparation du Paftel & du Vouëde. La Cuve de Vouëde fe pofe ou s’aftîed comme celle de Paftel : toute la différence qu’on y peut trouver , c’eft qu’il a moins de force j & qu’il fournit moins de teinture. Chapitre VI. nÿ ■ici le détail d’une Cuve de mëde que j’ai faite en petit & Bain-marie , comme celle de :ftel du Chapitre précédent : vois pour objet de vérifier un □cédé qui m’avoit été envoyé Normandie. Je plaçai dans une Chaudière on petit tonneau de cinquante ites , 6c je le remplis aux deux rs d’un brevet fait avec de l’eau : riviere , une once de garence un peu de gaude. Je mis en iême temps dans le tonneau une urne poignée de fon de froment cinq livres de Vouëde. Onpal- . bien la Cuve & on l,a couvrit, ■étoit cinq heures du foir. Elle :t encore palliée à fept heures , :ncuf, à minuit, à deux heures à quatre heures. Le Vouëde oit alors en œuvre , c’eft-à-dire, ne la Cuve étoit fourde , comme l’ai dit de celle de Paflel. Il y n8 L’Art de la Teinture. avoit quelques bulles d’air ailés greffes , mais en petite quantité, & elles n’avoient prefque point de couleur. On la garnit alors de deux onces de chaux, & onia pal- lia. A cinq heures , on y mit un échantillon , qu’on leva à fîx heu- res , en la palliant. Cet échantil- lon commençoit à avoir de la couleur. On y en mit un autre à fept heures : à huit heures on pallia , & l’échantillon en fortit a des vif, on y mit une once d’in- digo : à neuf heures , un autre échantillon , à dix heures , on la pallia , & on y mit une once de chaux , parcequ’elle commençoit à avoir une odeur douceâtre. A onze heures , un échantillon : à midi on lapallia. On continua de la forte juiqu’à cinq heures. On y mit alors trois onces d’indigo, à dx heures un échantillon ; à fept heures on la pallia. Il aurait été Chapitre VI. 119 mips de la remplir alors, par- -qu’elle étoit parfaitement en mvre , & que l’échantillon, après 1 être forti bien vert , étoit de- mu d’un bleu fort vif. Mais ou- ;e que j’étois fatigué d’avoir alfé déjà une nuit , j’aimai mieux . retarder jufqu’au lendemain our voir fon effet au jour , &C our cela j’y mis une once de \iaux qui la foutint jufqu’à neuf cures du matin. On y mit de mips en temps des échantillons : : dernier, qui fut levé alors, :ant fort beau , je la fis remplir vec un brevet compofé d’eau &C une petite poignée de fon feu- nient. On la pallia , & on y mit es échantillons d’heure en heu- e : elle fe trouva en état à cinq icures , & l’on travailla deffus. On 1 garnit enfuite de chaux , &c on 1 pallia pour la conferver jufqu’à e qu’on voulut la réchauffer. ./ \i tà L’Art de la Teinture. J’en pofai deux mois après une autre avec le Vouëde feul fans indigo , pour pouvoir juger de la folidité de la teinture du Vouëde, & je la trouvai aux épreuves auffi bonne que celle du Paftel. Ainfi , toute la fupériorité du Paftel fur le Vouëde , confifte ence que ce- lui-ci fournit moins de teinture que l’autre. I Les petites variétés que l’on peut remarquer dans la façon de pofer ces différentes Cuves, prou- vent qu’il y a bien des circonl- tances dans ces procédés , qui ne font pas abfolument néceffaires. Il me paroît que la feule chofe importante , & à laquelle on doit donner toute fon attention , eft de conduire la fermentation avec prudence , & de ne donner la chaux que lorfqu’on la juge né- ceffaire par les indications que j’ai rapportées. A l’égard de 1 in- ( Chapitre VI. ut ligo j qu’on le mette à deux re~ rifes ou tout à la fois , un peu lutôt ou un peu plus tard , cela îe paroît très - indiffèrent. On •ourroit dire la même chofe fur i gaude que j’ai employée deux ois > & fupprimée deux autres j ie la cendre gravelée dont j'ai nis un peu dans la petite Cuve ar s il y en a qui retardent ( ce u on attribue à la foiblefie du aftel ou du Vouëde) il y en a F / m L’Art de la Teinture. auffi qui viennent très-prompte- ment en œuvre. J’en ai vû per- dre une moyenne de foixante- dix livres de Paftel, parcequelle vint en œuvre à huit heures j le Guefderon négligea d’y regarder auffi fouvent qu’il le falloir , &: il y avoir au moins deux heures qu elle étoit en état , lorfqu il la découvrit : la pâtée etoit montée entièrement à la furfaee du bain, & le tout avoit une odeur fort ai- gre. Il ne fut pas poffible de la raccommoder j & il fallut la jetter ^ fur le champ , parcequelle auroit pris dans peu une odeur fœtide ou cadavéreufe infupportable. Cet avancement ou ce retar- dement de l’aétion de la Cuve peut aufli venir de la températu- re de l’air. Car la Cuve fe refroi- dit beaucoup plus promptement en hyver qu’en été. C’eft pour** quoi il eft néceffaire d’y veillei Chapitre VII. 11$ (attentivement , quoique pour il’ordinaire elles foient environ quatorze ou quinze heures avant .que d’être en œuvre. Je tâche- :rai d’expliquer dans la fuite com- :ment fe fait le développement .des parties colorantes de cet in- grédient fi utile à la Teinture; imais il faut auparavant parler des •Cuves qui fe préparent avec l’in- CHAPITRE VII. Indigo eft la fécule d’une plante qu’on nomme Nil ou And. Pour faire cette fécule on a trois Cuves , l’une au-defliis de l’autre , en maniéré de cafcade. iDans la première , qu’on appelle Tremj/oire ou Pourriture , & qu’on 12-4 L’Art de la Teinture. chargée de fes feüilles , de fon é- corce & de fes fleurs ( * ). Au bout de quelque temps , le tout fer- mente ; l’eau s’échauffe & boüil- lonne , s’épaiflit & devient d’une couleur de bleu tirant fur le vio- let -, la plante dépofant tous fes fels , félon les uns , &: toute fa fub- ftance , félon les autres. Pour lors , on ouvre les robinets de la trem- foire , & l’on en fait fortir l’eau chargée de toute cette fubifance O colorante de la plante , dans la fécondé Cuve appellée la Batte- rie , parcequ’on y bat cette eau avec un moulin à palettes , pour condenfer la fubftance de l’Indi- go, & la précipiter au fond , en- forte que l’eau redevient limpide & fans couleur, comme de l’eau * ' ~ * _ ) , - ( * ) Au Village de Sarguefle proche de la Ville d’Amadabat jles Indiens ne Te fervent qiiedes feuil- les de l 'uiml, & ils jettent la tige & les branches. C’eft aufii de cet endroit que vient l’Indigo le plus parfait. Chapitre VIL 115 xommune. On ouvre les robinets .de cette Cuve pour en faire «couler l’eau jufqu’à la fuperficie île la fécule bleue : après quoi on ouvre d’autres robinets qui font au plus bas , afin que toute a fécule tombe au fond de la troifiéme Cuve, appellée Repo- roir , parce que c’eft-là où l’Indigo e repofe & fe defleche. On l’en :ire pour former des pains, des :ablettes , &c. Voyez le P. Labat, mjloire des Antilles. Il y a a la Cote de Coromandel, i P ontichery ,&cc.deux fortes d’In- •ligo , 1 une beaucoup plus belle {uc 1 autre. La belle forte ne fert oieres qu a luftrer , & l’inférieure ; teindre. Il y en a encore plu- ieurs autres fortes qui augmcn- ent de prix félon leur qualité. 1 s en trouve qui coûte depuis uinze pagodes le Bar , qui péfé uarante-huit livres , jufqu’à deux y— 1 • • • r nj 12 .6 L’Art de la Teinture. cens pagodes. Le plus beau fe pré- pare du côté d’Àgra. On en fait auffi d’afles beau à Mafulipatan , à Ayanaon , où la Compagnie des Indes a un Comptoir. A Chan- dernagor , on le nomme Nil > quand il eft préparé & coupé par morceaux. L’Indigo de J-ava ou Indigo Javan eft le meilleur de tous J c’eft aufti le plus cher , 82 par conféquent il y a peu de Tein- turiers qui l’employent. Le bon Indigo doit être fi léger qu’il flotte fur l’eau: plus il enfonce* plus il eft fufped d’un mélange de terre , de cendres ou d’ardoife pilée. Sa couleur doit être d’un bleu foncé tirant fur le violet, brillant, vif, & pour ainfi dire , éclatant. Il doit être plus beau dedans que dehors , & paraître luifant & comme argenté. Il en faut diftoudre un morceau dans' un verre d’eau pour l’éprouver» Chapitre VIL 117 i’il eft pur & bien préparé , il fe liffoudra entièrement ; s’il eft fal- ifié , la matière étrangère fe pré- ipitera au fond du vaiffeau. Le econd moyen de s’aft'urer de fa tonte eft de le briller. Le bon In- iigo brûle entièrement ; & s’il eft àlfifié , ce qu’il y a d’étranger efte après que l’Indigo eft con- umé . L’Indigo pilé eft bien plus ijet à être laliifîé que celui qui ft en tablettes ,parcequ’il eft dii- écile que du fable , de l’ardoife ilée, &c. fe lient û bien enfem- le qu’ils 11e faiTent , en bien des ndroits , des lits de matières dif- férentes i & pour lors, en rom- ant le morceau d’indigo , on les remarque facilement. Il y a plufieurs maniérés de réparer la Cuve d’indigo , & qui ont même affés différentes les mes des autres. J’ai effayé toutes elles qui font venues à ma con- F» • • • mj \ M ixS L'Art de la Teinture. noidance , & elles m’ont prefque toutes réudi. Je vais les décrire le plus exactement que je pour- rai , en commençant par celle qui cftla plusulitée de toutes , & pref- que la feule qui foit connue à Pa- ris. J’ai décrit au commencement de cet Ouvrage le vaideau de O m v , cuivre rouge qui fert a cette ope- ration. Pour en rappeller l’idée , je dirai Amplement que c’eftune Cuve qui a environ cinq pieds de haut , qu’elle a deux pieds de diamètre , & qu’elle va en rétré- ciffant par le bas. Elle eft entou- rée d’un mur qui laide autour d’elle un efpace pour y mettre de la braife. On peut mettre dans une Cuve de cette capacité deux livres d’indigo pour le moins , &C cinq à dx livres pour le plus. Pour pofer une Cuve de deux livres d’indigo dans un pareil vaideau , v Chapitre VII. 12.9 Qui peut contenir environ quatre - ungt pinces, on fait boüillirdans ane Chaudiertf environ foixantc ointes d’eau de riviere pendant me demie heure , avec deux li- bres de cendres gravelées , deux onces de garence & une poignée le fon. On prépare pendant ce .emps-là l’Indigo en cette forte. On en péfe deux livres, que on jette dans un feau d’eau froi- le , pour en féparer les terreftréi- és & les morceaux éventés qui iirnagent les premiers. On verfe nfuice l’eau par inclination , & mpile bien l’Indigo dans un mor- ier de fer ; on jette dans le mor- ier un peu d’eau chaude , & l’a- itant de côté & d’autre , on. erfe par inclination dans un au- ra vailfeau ce qui fumage , & [ui par conféquent eft le mieux •roye. On continue de piler ce [ui relie dans le mortier; on y F v K 130 L’Art de la Teintüre. met enfuite de nouvelle eau pour enlever le plus fin , & l’on pourfuir de la forte jufqu’à ce que tout l’Indigo ait été réduit en poudre afies fine pour pouvoir être en- levé par l’eau. C’eil-Ià toute la préparation qu’on y fait. On verfd enfuite dans cette Cuve haute 8# étroite le bain qu’on avoir fai#' bouillir dans la Chaudière avec . le marc de garence & de cendre^ gravelées , qui peut être refté au fond ; & 011 y jette l’Indigo broyé. On pallie bien le tout avec un pe- tit mble , on couvre la Cuve avec des couvertures, & on met delà braife autour. Si cette opération a été commencée l’après-midi , on remet un peu de braife le foir ÿ on fait la mêmechofe le len-4 demain , matin & foir : on pallie aufli la Cuve légèrement deux fois le fécond jour. Le troifiéme jour , on continue de mettre de Chapitre VII. 1 5 r a braife pour entretenir la eha- -ur de la Cuve , on la pallie deux ois dans la journée. On com- mence alors à voir fur la furface du bain une pellicule luifante & uivreufe , qui flotte de (fus , & qui ft interrompue ou refendue en ilufieurs endroits. Le quatrième our , en continuant le feu , la pel- icule eft plus formée Ik plus com- mue : on voit de la fleurée ou cume bleue qui s’élève en p al- lant la Cuve , & le bain devient l’un verd foncé. Lorfque le bain devient verd de la forte , c’eft une marque qu’il Il temps de remplir la Cuve. On ait pour cet effet un nouveau irevet , en mettant dans une dhaudierc environ vingt pintes d’eau avec une livre de cendres ;ravelées , une poignée de fon T k une demie once de garence. 3n laiffe boüillir le tout un quart ' F vj " i L’Art de ia Teinture. d’heure , & on en remplit laCu- ve. On la pallie enfuite } ce qui fait élever beaucoup de fleurée , & la Cuve eft en état de travailler le lendemain. On le connoît à la quantité de fleurée dont elle eft couverte , à la pellicule ou croûte écailleufe & cuivrée , qui fumage la liqueur ; & à ce que , quoique la furface du bainparoilfe d’un bleu brun , il eft néanmoins verd au- deflous , fl l’on foufle deflùs , ou x qu’on l’agite avec la main. Cette Cuve , dont je viens de décrire le procédé , & qui eft la première que j’aye pofée , fut plus long-temps à venir en couleur que les autres , pareeque le feu fut trop fort le fécond jour , y ayant mis trop de braife : fans cela elle auroit été enétatrde tra- vailler deux jours plutôt. Cela ne lui fit pas d’autre mal, & le jour quelle fut en état , on y paffa de Chai*itRe VII. 133 1 ferge le poids de treize à qua- orze livres , à diverfes reprises. ,'omme cela lui avoit fait perdre ,e fa force , & que le bain étoit iminué par les coupons d étoffé . iu’on y avoit teints , on y refît après-midi un nouveau brevet vec une livre de cendres gravé- es, une demie once de garen- £ y & une poignée de fon. On fît toüillir le tout un quart d’heure .ans une Chaudière. On le mit ..ans la Cuve , on la pallia , on a couvrit, & on mit un peu de raife autour. On la peut confer- ;er de la forte plufieurs jours fans rien faire , & lorfque l’on veut ravailler deffus, il faut la pallier a. veille , & mettre un peu de raife autour. Quand on veut réchauffer & arnir d’indigo cette forte de Cu- 1e , on met dans une Chaudière ~s deux tiers du bain qui n’eft 1 54 L’Art se la Teinture, plus verd alors, mais d’un bleu brun & prefque noir. Lorfqu’ileft prêt à boüillir, on enlève avec un tamis toute l’écume qui fe forme de (Tus , on le fait boüillir enfuite , & on y ajoute deux poignées de fon, un quarteron de garence , & deux livres de cendre gra* Velée. On ôte le feu de deflous la Chaudière , & on y jette un peu d’eau froide pour arrêter le boüillon j après quoi on verfe le tout dans la Cuve avec une li- vré d’indigo pulvérifé & délayé dans une portion du bain, de la maniéré que je l’ai dit plus haut» On pallie enfuite la Cuve , on la couvre , on met un peu de braife autour ,& le lendemain elle eft en état de travailler. j Lorfqu’on a réchauffé plusieurs fois la Cuve d’Inde ou d’indigo, il eft néceffaire de la vuider en* tierement & d’en afïeoir une neu- Chapitre VIL 135 ; , parcequ’elle ne donne plus 2 teinture 11 vive. On reconnoît iielle vieillit à ce que le bain ieft pas d’un li beau verd qu’au nmmcncement , quoiqu’elle foie naude & en état de travailler. J’ai fait pofer plulieurs autres uves de la même maniéré , avec ne plus ou moins grande quan- ié d’indigo ; comme depuis une vre jufqu’à fix : j’avoisfoin d’au- menter ou de diminuer propor- onnellement les autres marié- es , mettant cependant toujours ne livre de cendre gravelée :out une livre d’indigo. Depuis ni fait d’autres expériences qui n’ont prouvé que cette propor- ■on n’étoit pas abfolument né- effaire. Je ne doute pas même m’ilnefe trouvât plulieurs autres maniérés de faire venir l’Indigo ufll parfaitement en couleur. Il ne relie néanmoins quelques L’Art de ia Teinture. obfervations à faire fur cette Cu- ve. « De toutes celles que j’ai fait affeoir de la maniéré que je viens de décrire , je n en ai manqué qu’une feule ; ce qui arriva , par- ceque j’oubliai le fécond jour de mettre de la braife autour. Elle lie put jamais venir en couleur. J’y jettai de l’arfenic pulvérifé , qui ne fit point d’effet. On y plon- gea aufii à plufieurs reprifes des briques rouges y le bain prit de temps en temps un œil verdâtre , mais il ne vint jamais au point où il devoit être. Enfin , après avoir tenté inutilement plufieurs autres moyens fans pouvoir péné- trer la caufe de la non-réufïite 2c l’avoir réchauffé plufieurs fois, je la fis jetter au bout de quinze jours. I Tous les autres accidens qui me font arrivés dans la conduite Chapitre VII. i $7 e la Cuve d’indigo , n’ont fâit ne retarder fa réuffite j enforte ne cette opération peut être "gardée comme très -facile en omparaifon de la Cuve de Paf- d &; de celle de Vouëde. J’ai îême fait plufieurs expériences , xnt fur l’une que fur l’autre , où avois pour objet d’abréger le •mips des préparations ; mais le lus fouvent n ayant point réufti, u n’ayant rien fait de mieux que 2 qui fe pratique à 1 ordinaire , : ne crois pas qu’il loit à propos £ les rapporter. Le bain de la Cuve d’indigo ne effemble point exa&ement à ce- li de la Cuve de Paftel ; fa furface (l d’un bleu brun couvert d’écail- :s cui vreufcs, & le deffous eft d’u- e belle couleur verte. L’étoffe ou . laine qu’on teint eft auflî verte >rfqu’on la retire , & devient leuë un moment après. On a vu- 138 L’Art de la Teinture. ci-devant, qu’il arrive la même chofe à la Cuve de Paftel; mais ce qu’il y a de fiiigulier , c’eft que le bain de cette derniere n’eft pas verd , quoiqu’il produife fur la laine le même effet que l’autre. Il faut encore remarquer que fî l’on tranfporte le bain de la Cuve d’Inde hors du vaiffeau oùileft. (J & qu’en prenant trop long-temps l’air , il perde fa verdeur , toute fa qualité fe perd en même temps: enforte que quoiqu'il donne une couleur bleue , cette couleur n a plus aucune folidité. J’examine- rai cela plus en détail dans la fuite, & je tâcherai de donner la Théorie Chymique de ce chan- gement. W ..... • .. Chapitre VIII. 139 *3\! CHAPITRE VIII. V . . , ^ - * i T>e U Cuve d’Inde d froid avec l’urine. DN fait une Cuve d’indigo avec l’urine qui vient en ouleur à froid , & fur laquelle on availle auffi à froid. On prend our cet effet quatre livres d’in- :igo en poudre , qu’on fait digé- »r fur les cendres chaudes pen- .ant vingt -quatre heures dans :uatre pintes de vinaigre. Au out de ce temps , fi tout ne pa- oît pas encore bien diffout , on ; broyé de nouveau dans un mor- er avec la liqueur , & on y ajoute :eu à peu de l'urine. On y met nfuite une demie livre de ga- ence qu’on y délaye bien , en remuant le tout avec un bâton, .orfque cette préparation efl fai-. î4° L’Art de la Teinture. te , on la ver fe dans un tonneàti rempli d’un muid d’urine : il n’im- porte qu elle loit vieille ou nou- velle. On brade & on pallie bien le tout enfèmble; ce qu’on con- tinue foir & matin pendant huit jours , ou jufqu’à ce que la Cuve paroifle verdir à la fiiperficie, lorfqu’on la pallie , & quelle fade de la fleurée comme la Cuve ordinaire. On travaille alors def- fus fans y faire autre chofe que de la pallier deux ou trois heures auparavant. Cette forte de Cuve eft extrêmement commode ,par- ceque lorfqu’elle a été mile en état une fois , elle y demeure tou- jours jufqu’à ce quelle foit entiè- rement tirée , c’eft-à-dire » que l’Indigo ait donné toute fa cou- leur; ainli on peut y travailler à toute heure , au lieu que la Cuve ordinaire a befoin d’être prépa- rée dès la veille. 4 I Chapitre VIII. 1411 Si l’on veut faire cette Cuve us ou moins conlîdérable , on :gmente ou on diminue la quan- £ des matières fuivant celle de idigo que l’on veut employer j forte que pour chaque livre ndigo on mette toujours une îte de vinaigre , deux onces de nrence , & foixante à foixante- x pintes d’urine. En été , cette ive vient plus promptement en uleur , & plus lentement en ver. Si on vouloit l’accélérer , l’y auroit qu a , lorfqu’elle eft fée , enlever une portion du in , le chauffer dans une Chau- de fans le faire boüillir, & le ver fer enfuite dans la Cuve, tte opération eft fi fimple, qu’il prefque impoffiible delaman- er. Lorfque l’Indigo eft tout-à-fait ” y & d nc donne plus de ileur , on peut recharger la I 14Z L’Art de la Teinture. Cuve fans en pofer une neuve : pour cela , il n’y a qu’à dilfoudre de nouvel Indigo dans du vinai- gre j y ajouter de la garcnce i proportion de l’Indigo , & rever 1er le tout dans la Cuve , la pal liant foir & matin comme la pre miere fois : elle fera auffi bonn< que 11 elle étoit neuve. Il ne fau droit pas cependant la recharge de la forte plus de quatre ou cin< fois , parceque le marc de 1 garence & de l’Indigo ne laide roit pas de ternir le bain , é de rendre par conféquent la cou leur moins vive. Au refte , je dé clare que je n’ai point fait exé cuter cette Cuve , & que par cou féquent je n’en garantis pas 1 réullite i mais en voici une autr à l’urine , qui donne à la laine de bleus fort folides» & que j’ai v préparer. Chapitre VIII. 14$; .Cuve chaude d’indigo à l'urine. ON a commencé par faire tremper pendant vingt- iuatre heures une livre d’indigo ans quatre pintes d’urine nette } nfuite on l’a broyée dans un irand mortier de fer avec la mêr ne urine, & quand à force de iroyer , l’urine s’eft trouvée très- leuë , on l’a coulée à travers un amis fin , dans un bacquet , ôc Indigo qui n’a pû palier, & qui A relié furie tamis , a été remis :royé de nouveau dans le mortier >vec quatre autres pintes d’urine iCtte y ce qui a été continué juf- :u’à ce que tout l’Indigo ait palfé vec l’urine à travers le tamis, blette opération, qui dure envi- on deux heures , étant faite , on mis , à quatre heures après-mi- li , trois muids d’urine dans une -haudiere. On l’y a fait chauffée *44 L’Art de la Teinture. très-fort, mais fans boüillir, &C l’urine a jetté à fa furface une écume épaiffe, qu’on a jettee hors de la Chaudière , en l’enlevant avec un balai. On a continue d’écumer à diverfes reprifes , juf- qu a ce qu’il ne fie fit plus qu’une écume légère & blanche : 1 urine étant alors affés purifiée, & étant prête à boüillir , on l’a verfét dans la Cuve de bois : on y a mis 1 In- digo broyé qui étoit dans le bac- quet, & on a pallie la Cuve avec un rable , afin de bien mêler l’In- digo avec l’urine. Auili-tôt après , oif a verfé dans la Cuve un bre- vet fait de deux pintes d’urine , d’une livre d’alun de glace , & d’une livre de tartre rouge > S>£ ■ jour faire ce brevet , on a^ d a- jord mis dans le mortier 1 alun & le tartre , qu’on y a réduit en poudre fine j puis on a verfe del- fus les deux pintes d’urine , & on a I Chapitre VIII, 14Ç 1 broyé le tout enfemble , jufqu’à •:e que ce mélange , qui se 11 gon- lé tout- à-coup , cellât de fermen- .er. Alors on l’a verfé dans la Cu~ e , qu’on a auili-tôt palliée forte- ment , & l’ayant enfuite couverte le fon couvercle de bois & de [uelques vieilles couvertures , on •a laidée en cet état toute la nuit. _e lendemain matin , le bain s’eft rouve de couleur très -verte* - etoit 1111e marque que la Cuve :toit en bon état, & qu’on y au- oitpû teindre , lion avoir voulu} vais on n’y teignit point , à caufe ue tout ce qu’on avoir fait ci- iefliis , 11 etoit à proprement par- :r, que le premier apprêt , ou une iremiere préparation de la Cuve, : que 1 Indigo , qu’on y avoit mis , étoit deftiné qu’à nourrir & fa- onncrl urine. Ainfî,pour achever c 1 apprêter , on a laill'é repofer 1 Cuve pendant deux jours , tou- G i4 6 L’Art de la Teinture. jours couverte , afin quelle fe re- froidit lentement -, après quoi on y a fait ce qui fuit. On a préparé une fécondé livre d’indigo , en le broyant avec de l’urine purifiée , comme ci-defius : vers les quatre heures après-midi on a verfé dans la Chaudière tout le bain de la Cuve : on l’a fait chauffer très- fort , mais fans boüillir. Il s y eft formé encore quelque ecume épaifle qu’on en a rejettée , & ce bain , étant alors prêt à boüillir, on l’a reverfé dans la Cuve. Auffi- tôt on y a jetté 1 Indigo broyé , avec un brevet fait comme def- fus , d’une livre d’alun , d’une li- vre de tartre , & de deux pintes d’urine , & on y a ajouté mie nou- velle livre de garence : alors on a pallié la Cuve. Enfin, l’ayant bien couverte , on lui a laille paffer la nuit. Le lendemain matin , elle s’eft trouvée en très-bon état , le / Chapitre VIII. 147 bain étant fort chaud &: d’un très- beau verd y ainfi il n’a plus été queftion que d’y teindre , & c’cft zc que l’on a fait comme il fuit. E ’étoit de la laine en toiion qu’on avoit à mettre en bleu. Cette laine a été d’abord bien dégraillèe à l’urine , bien lavée , 5 1 li bien égoûtée , quelle ne ren- doit plus d’eau en la prellant en- :re les mains, mais quelle étoit impie ment humide. Etant ainfi difpofée , on en a mis une tren- :ainc de livres dans la Cuve : 011 ’y a bien étendue entre les mains, afin qu’elle s’y abreuvât égalc- ncnt y enfuite on l’a laifle repofer me heure ou deux , félon qu’on a vouloit plus ou moins foncée. Pendant ce temps-là la Cuve a :oujours été bien couverte , afin quelle confervât fa chaleur ; car plus elle eft chaude , mieux elle teint -y & devenue froide , elle G ij 1 4S L’Art de la Teinture. n’agit plus. Lorfque la laine a été à la nuance de bleu qu’on déli- rait , on l’a retirée de la Cuve par pelotons gros comme la tête •, on les a tordus & exprimés fur le bain, àmelûre qu’on les retirait, & aulîi-tôt on les a donnés à qua- tre ou cinq femmes , rangées près de la Cuve , pour les ouvrir & éventer entre leurs mains , jufqu’à ce que de verds qu’ils étoient au for tir de la Cuve , ils biffent de- venus bleus. Ce changement de verd en bleu fe fait en trois ou quatre minutes. Ces trente livres étant ainli teintes & déverdies, on a pallié la Cuve , puis on l’a Iailfé repofer deux heures , tou- jours bien couverte. Au bout de ce temps , on y a mis trente au- tres livres de laine , qu’on y a bien étendues avec les mains. On a re- couvert la Cuve , & en quatre ou cinq heures , cette laine s’eft trou- Chapitre VIIÎ. 149 vée teinte à la même hauteur ou nuance des trente premières li- vres } alors on l’a retirée de la Cu- ve par pelotons , & fait déverdir comme delîus. Cette opération achevée , la Cuve s’elt trouvée encore un peu chaude , mais pas allés pour y teindre de nouvelle -aine ; parceque quand elle n’a •dus un degré de chaleur fuflxfant, a couleur qu elle donnèrent , ne -croit ni uniforme ni folide}ainfi 1 faut la réchauffer &r regarnir - Indigo comme on a fait ci-de- ant 3 & c’eft ce qu’on peut faire outes les fois qu’on le juge à pro- os : car cette Cuve ne fe gâte amais en vicillillant , pourvû que endant qu on la garde ainli fans ien faire , elle ait un peu d’air. 3 5© L Art de la Teinture Réchaut de la Cuve d l’urine. m A4 M Ers les quatre heures après-midi , on en verfa tout le bain dans la Chaudière , & on ajouta à ce bain de l’urine fuffifamment , pour remplacer ce qui s’en étoit évaporé & perdu pendant le travail précédent. Ce rempliflage va ordinairement à huit ouneuf féaux d’urine : enfuite on fait chaufferie bain: on l’écu- me comme il a été expliqué ci-de- vant , & quand il eft prêt à boüil- lir, on le reverfe dans la Cuve de bois. On y ajoute une livre d’in- digo moulu & broyé à l’urine , & midi un brevet fait comme def- fus , d’une livre d’alun , d’une li- vre de tartre , d’une livre de ga- rence , & de deux pintes d’urine. Enfuite , après qu’on a pallié la Cuve , & qu’on l’a bien couverte, on la laifle repofer toute la nuit. Chapitre VIII. i jf Le lendemain elle fe trouve en 'bon état, & l’on y peut teindre loixante livres de laine en deux fois, comme on a fait ci-deifus. C’eft ainli que fe doivent tou- jours faire les réchmts ou réchauf- fages , la veille qu’on veut tein- dre , & ces réchauffages peuvent aller à l’infini > car la Cuve , une fois pofée , fert toujours , & ne fi- nit jamais, ainfi que je l’ai déjà dit. Il faut remarquer que plus on met d’indigo à la fois dans la Cuve , plus ie bleu quelle donne ,cft foncé : ainfi , au lieu d’une li- vre , on y en peut mettre quatre , cinq & lix livres à la fois, fans qu’il foit néceffaire pour cela d’augmenter la dole de l’alun , du tartre & de la garence , dont on compofe le brevet ; mais fi la Cuve tenoit plus de trois muids, il laudroit proportionnellement i G iiij i$z L’Art de la Teinture. augmenter la dofe de ces ingré- diens. Celle dont il vient d’être ' parlé , n’étoit que de trois muids, & elle étoit trop petite pour y teindre à la fois la quantité de • laine néceffaire pour en faire un drap, fçavoir cinquante-cinq à ' foixante livres. Pour bien faire , il faudroit qu’elle fut au moins de fix muids, & il y auroit un double avantage. i°. Toute la laine ferait teinte en deux ou trois heures : au lieu qu’en la teignant en deux fois, elle n’eft achevée de teindre qu’en huit ou dix heu- res. z°. Au bout de trois heures que la laine ferait teinte , retirée & déverdie , la Cuve fe trouvant encore bien chaude , on pourrait, après l’avoi r palliée & laide repo- fer deux heures, y repailèr cet- te même laine ; ce qui la ferait monter en couleur de près de moitié ; par ce que toute laine déjà Chapitre VIII. 153 rince , éventée & déverdie , y rend toujours une plus belle ouleur, qu’une laine neuve ou anche qu’on laideron pendant ngt heures dans la Cuve. Il faut avoir grand foin de ire éventer déverdir les pe- sons teints qu’on retire de la uve , par pludeurs mains à la >is , afin que l’air les frappe éga- illent , fans quoi la couleur bleue a ferait pas uniforme dans toute . partie de laine. Quelques Fabriquans préten- du que des draps dont la laine voit reçu ce pied de bleu àl’ufi- e , n’ont pû être exactement dé- raides au foulon , même en deux iis -, d’autres ont avoué le con- *airc , ôe je crois que ces derniers lit dit plus vrai. Si cependant s premiers avoient raifon , on outrait foupçonner que l’huile tiimale de 1 urine étant devenue 1 54 L’Art de la Teinture. réiineufe en fe de liée haut fur la laine , ou en s’unifiant avec l’hui- le dont on humecte la laine pour les autres préparations, elle réiif- teroit davantage à la terre du foulonnier & au fa von, qu’une huile fîmple par expre filon. Pour y remédier, il n’y auroit qu’à bien laver «la laine en eau courante après qu’elle eft teinte , expri- mée , éventée , déverdie &: refroi- die. Quoiqu’il en foit , on préfé- rera toujours la Cuve de Pafteî, dans les grands Atteliers de T ein- ture , à ces fortes de Cuves d’in- digo faite s à l’urine ou autrement, O % parcequ’avec un bon Guefde & un habile Guefderon , on expédie beaucoup plus d’ouvrage qu’avec toutes les autres Cuves de bleu ; & fi je comprends toutes les Cuves d’Inde dans ce T raité , c’eft moins dans le de fie in de les introduire dans les grandes Manufactures, Chapitre IX. 155 que pour procurer des facilités iux Ouvriers des petites Fabri- ques , aufquels je iouhaite que cet Juvrage (oit utile comme aux autres. Voici même , pour ceux qui travaillent de ces petites étof- 'es dans lefquelies 011 fait entrer, !e fil & le coton, une Cuve à froid, qui réuflît très-bien , dont a couleur eft folide , niais qui 11e peut fervir pour la laine. CHAPITRE IX. Cuve d'Inde à froid fans urine . ON eft dans l'ufage à Rouen, & dans quelques autres Villes du Royaume , de teindre dans une Cuve dinde à froid , différente de lapremiere du Cha- pitre précédent , qui eft encore plus commode en ce quelle vient plus promptement, & quelle n a L’Art de la Teinture. aucune mauvaife odeur. Voici de quelle maniéré onia prépare. On fait dilïdudre dans un pot de terre verniifé trois li vres d’in- digo bien pulvérifé , dans trois chopines d’eau forte des Savo- nicrs. Cette eau eft une forte lef- fïve de ioude & de chaux vive. Je me fuis fervi de diffolution de potalfe , & j’ai très-bien réuflî. La diffolution de llndigo eft environ vingt-quatre heures à fe faire , & l’on reconnoît qu’elle eft faite , à ce que l’Indigo refte fufpendu dans la liqueur : ce qui lepailîit, &lui donne une confidence d ex- trait. On met en même temps dans un autre vaifteau trois livres de chaux éteinte & tamifée , avec fix pintes d’eau; on fait bouillir le tout pendant un quart d’heure , & après l’avoir laiffé repofer , on verfe par inclination ce qu’il y a de clair. On fait enfui te diftbu- / Chapitre IX. 157 re , dans cette eau de chaux , ois livres de couperofe verte, : on laide repofer le tout juf- ü’au lendemain. On met alors ois cens pintes d’eau dans un rand tonneau defapin (toutau- re bois que le fapin ne convien- roitpas, parcequ’il noircirait & xniroit la teinture , particulie- tment s’il étoit de chêne ) ; on y tte les deux dilTolutions qu’on, /oit préparées la veille ■> on pal- ; bien la Cuve , & on la laide •pofer. Je l’ai vu quelquefois mir en couleur deux heures ?rèsj mais cela ne manque pas arriver au plus tard le lende- ain. Elle lait beaucoup de fleu- e , & le bain prend une belle mleur verte , mais un peu plus unâtre que le verd de la Cuve dinaire. Lorfque cette Cuve commence fufer , pn la xanime fans y met- 1 58 L’Art de la Teinture. rre de nouvel Indigo , en y fai- fant un périt brevet , compofé de deux livres de couperofe verte di doute dans une fufhfante quan-" tité d’eau de chaux. Mais lorfque l’Indigo a ufé toute fa couleur * on la recharge en y en mettant de nouveau , dilîout dans une lef-' live telle que je viens de la déj crire. On juge aifément que pour une plus grande ou une moindre quantité d’indigo , il ne faut qu’augmenter ou diminuer la quantité des autres ingreciiens. Eau de Quelques Teinturiers ajoutent reraiiie. (jans cette Cuve un peu d’eau de feraille. C’eft un mélange d eau & de vinaigre , dans lequel on a fait roüiller de vieux clous oit d’autres morceaux de fer. Ils pré- tendent que cela rend encore la couleur plus folide ; mais j ai éprouvé que fans cela elle left fuffifamnient, & autant que tous Chapitre IX. 159 les autres bleus , dont j’ai donné ri-devant la ' aration. La premie . fis que j’exécu- iai cette derniere Cuve , je la fis voyée de Rouen. L'eau forte de la leffive des Savoniers , y étoit défignée Amplement fous le nom d'Eau forte , je foupçonnai qu’iî y avoir erreur ou malice : cepen- dant, comme en matière de faits, il n’eft pas toujours raifonnable de nier avant que d’avoir vérifié , l’efiayai l’eau forte ordinaire , & voici ce qui en arriva. Je pilai bien une demie livre d’indigo, & je l’abbreuvai d’un demi feptier d’eau forte commu- ne , faite avec le vitriol & le fal- pêtre : il s’y fit une fermentation, je les laifiai ainfi pendant vingt- quatre heures j & ayant dilfout, comme dans l’opération précé- dente , une livre de couperofe , fur une recette qui avoit été en- pr 60 L’Art de la Teinture. qui étoit la proportion convena- ble , dans de l’eau de chaux , je verfai ces deux mélanges l’un après l’autre dans un tonneau qui contenoit environ foixante - dix pintes d’eau de rivière. Je palliai bien le tout , mais il ne parut rien le lendemain. Je continuai en- core deux jours à la pallier trois fois le jour , & je la laiffai deux autres jours fans y toucher * croyant qu’elle étoit abfolunient manquée. Au bout de ces quatre jours , le bain prit une couleur rouffe , mais plus claire que celle des Cuves de Paftel. Je la palliai une feule fois, & la laillaiiix jours fans rien faire : elle avoit un peu de fleurée , mais très-pâle : au bout des lîx jours , la furlace du bain étoit brune , mais le dellous étoit d’un verd brun. Je la- palliai alors , & il me parut que le fond du bain avoit encore une couleur Chapitre IX. i6î ouffeâtre } mais la fleurée qui élevoit , ecoit d une bonne cou- ur j ce qui me fkefpérer quelle rétabliroit , & qu’on y pourrait .availler le lendemain. J’y paflai du coton au bout da ize heures il prit couleur , mais :ès-foiblement , & je fus obligé ^ l’y lailTer pîulîeurs heures pour zoir un bleu d’une nuance iiiffi- mment foncée. Ce bleufoutint lés bien l’aéiion de 1 air & du >leil pendant douze jours d été : tais je fis jetter cette Cuve , par- ^qu'elle ne pouvoit être d’ufage, caufe de la lenteur avec la- aelle elle faifoit fon effet. On iroit certainement pû la rac- ommoder avec de la chaux ou vec quelque autre alcali , falin a terreux, qui aurait abforbé acide de l’eau forte , mais cela en valoit pas la peine. D’ail- urs, fur la lettre que j’ayois fait V 1 6z L’Art de la Teinture. écrire à celui qui avoir envoyé la recette de Rouen * il vint des éclairciffemens fur l’efpéce d’eau forte qu’il falloit employer, & il fe trouva que c’étoit celle desSà- voniers , qui bien loin d’être aci- de , comme l’eau forte ordinaire, eft un alcali des plus cauftiques. En effet , en employant cette lef- jfive alcaline , l’opération me réuf- lit dès la première fois , & depuis je n’en ai manqué aucune. ] J’ai fait plusieurs de toutes ces Cuves en très-petit dans des cu- curbites que je mettois au bain- marie , ou au bain de fable pouf celles qui fe pofent à chaud , & que je laifïois fans y rien faire , pour celles qui viennent d’elles- mêmes à froid. Ces dernieres ne font aucunement difficiles , il n’y a qu’à diminuer la quantité du bain & de tous les ingrédiens dans la proportion de la Cuve que l’on \ Chapitre IX. i£j - ~ut pofer , &: il eft prefque im~ oifible de ne pas réuflîr. A l’égard de celle que j’ai dé- -ite la première , & qui fe pofe à aaud , comme il y a un peu plus z difficultés , & que plufieurs erfonnes pourroient avoir envie éprouver par eux -mêmes une areille opération, qui eft'affés arieufe , & qui ne demande ni .épenfe ni appareil, pour la faire n petit, je vais donner le pro- idé d’une qui m’a parfaitement éuffi , & que j’avois à deffein liargée d’indigo beaucoup plus :u’on ne le fait, en fuivant la roportion ordinaire. Je fis boüillir deux pintes d’eau vec deux gros de garence Sc uatre onces de cendres grave- L’es : après que le tout eut boiiilli n quart d’heure , je le verfai lans une cucurbite qui tenoiten- iron quatre pintes , que j’avois ï6"4 L Art de la Teinture. eu foin d’échauffer auparavant avec de l’eau chaude , & dans laquelle j’avois mis un quart de soignée de fon. Je broüillai bien - e tout avec une fpatule de bois blanc , & je plaçai ma cucurbite fur un feu de fable très-doux , qui ne pouvoit que l’entretenir tiède, & à peu près au degré de cha- leur qui convient à la Cuve d’In- de ordinaire. Je continuai le feu fous le bain de fable toute la nuit , & le len- demain, fans qu’il y arrivât de changement fenlîble, je la remuai feulement deux fois dans la jour- née avec la fpatule. Le jour fui- vant , il commença à s’élever de la fleurée , il fe forma une pelli- cule cuivreufe fur la furface , & le bain étoit d’un verd brun. Je la remplis alors d un brevet com- pofé d’une pinte d’eau , de deux onces de cendres gravelées, & Chapitre IX. i/•<# 4 • ** X Ji ’ ^ C l , v \ I 4L 1 66 L’Art de la Teinture, i •k'k’kicit’kifk CHAPITRE X. 1 De la maniéré de teindre en bleu. LOrsque la Cuve, de quel- que efpéce quelle foit , eft une fois préparée , & qu’elle eft en état , il n’y a plus aucune dif- ficulté à teindre les laines ou étoffes y il ne faut, comme je l’ai déjà dit, que les bien moüiller dans l’eau claire & un peu chau- de , les exprimer & les plonger dans la Cuve , plus ou moins long- temps , fuivant que l’on veut la couleur plus ou moins foncée. On évente de temps en temps l’é- toffe j c’eft-à-dire , qu’on la retire de la Cuve , qu’on l’exprime , en- forte que le bain retombe dans la Cuve , & qu’on l’expofe un mo- ment à l’air , qui la déverdit en moins d’une ou deux minutes. Chapitre X. iur y reprendre une fécondé lance , parceque l’on efl plus a irtée alors de juger de fa cou- ard de voir fl l’on doit encore i donner ce qu’on appelle une l plulieurs pajjes j c’eft-à-dire , plonger encore plufleurs fois .ns la Cuve. C’eft un ancien ufage parmi les einturiers , de compter treize tances de bleu , depuis la plus tncée jufqu’à la plus claire, jjoique leurs dénominations ;ient un peu arbitraires , & qu’il ; foit pas polflblc de fixer au ftc le pafiage de l’une à l’autre , en faut du moins donner les * •!* ï68 L’Art de la Teintüre. noms , tels qu’ils fe trouvent dans l’Inftruétion pour les Teintures, publiée en 1669 par ordre de M. Colbert. Les voici , à commencer par la plus claire. Bleu blanc : Bleu naijfant : Bleu •pâle : Bleu mouvant : Bleu mignon : Bleu célejle : Bleu de Reine : Bleu Turquin : Bleu de Roy : Fleur de Cuefde : Bleu Bers : Bleu Jldego : & Bleu d’ Enfer. Toutes ces diftin&ions ne font pas également reçues de tous les Teinturiers, & dans toutes les Provinces : mais la plus grande partie y font connues, & ceft 'unique moyen que l’on ait de. donner l’idée de la même cou- leur , qui ne diffère que par être plus ou moins foncée. Il n’y a aucune difficulté à faire des bleus foncés : j’ai déjà dit que pour cela il n’y a qu’à paffer plu- sieurs fois la laii\e ou l’étoffe dans ' la Chapitre X. t6ç> a Cuve : mais il n’en eft pas de iiême des bleus clairs j car lorf- jue la Cuve elt bien en état, on je peut pas fouvent y laifl'erla aine allés peu de temps pour lu’elle ne prenne que la nuance [ue l’on veut. Souvent même , orfqu’on a une certaine quantité le laine à palier, & qu’elle ne eut pas être mile dans la Cuve oute en un même inftant , celle ui y entre la première fe trouve ■lus foncée que l’autre. Il y a des Teinturiers, qui pour éviter cet -îconvénient, &c pour faire des leus très-clairs, qu’ils appellent le us deblunchis ou Bleus - blancs , rennent du bain de la Cuve d’In- e qu’ils noyent dans une tres- :rande quantité d’eau claire un eu chaude ; mais cette méthode ’eft pas bonne , pareeque la laine -in te fur ce mélange n’a pas une .ouleur à beaucoup près lï folide 170 L’Art de la Teinture. que celle qui eft teinte fur la Cu- ve même , attendu que les ingré- diens altérans qu’on met dans la Cuve avec l’Indigo , fervent au- tant à difpofer les pores dufujet qu’on y plonge , qu’à ouvrir la fé- cule colorante qui doit le tein- dre : leur concours eft néceflaire pour la ténacité de la couleur. Le meilleur moyen qu’il y ait de faire ces fortes de bleus clairs, c’eft de les palier fur des Cuves , foit d’indigo , foit de Paftel, dont toute la couleur foit tirée , & qui commencent à refroidir. Celle de Paftel y eft même encore plus propre que la Cuve d’Inde , par- cequ’elle ne teint pas auftïpromp tement : je l’ai déjà dit dans un autre endroit. Il eft vrai que les bleus faits fur des Cuves ufées , font plus ter- nes que les autres , mais on peut les aviver allés fenliblement en Chapitre X. 171 paffant la laine ou f étoffe fur de feau bouillante. Cette pratique .eft même néceffaire à la perfec- lion de toutes les nuances de hleu. Outre que par-là on rend la couleur plus vive , on f affurc encore , & on enlève tout ce qui n’eft pas bien incorporé avec la laine , & qui tacheroit les mains ou le linge , comme cela arrive jprefque toujours , pareeque pour :gagner fur le temps, les Teintu- ariers ne prennent pas ailes fou- •vent cette précaution. Après que :la laine eft retirée de l’eau chau- de, il eft néceffaire de la laver encore à la rivicre , ou du moins en ailes grande eau , afin d’ache- ver d’emporter tout ce qui fe peut détacher de la teinture fuperfluë. Si c’eft un bleu foncé , il eft en- core mieux de bien fouler & dé- gorger l’étoffe avec de l’eau & du favon blanc , & de la laver enfuh* Hij ijt L’Art de la Teinture. te à la riviere. Le favon n’endom- mage en aucune façon le bleu , U ne lait que le rendre plus vif & plus brillant. Il faut dégorger avec le même foin les étoffes qu’on teint en bleu pour les mettre en noir , comme Je le dirai dans l’article du noir : mais cela n’eflpas II elfentiel pour celles qui font deftinées à être mi- fes en verd ; on en verra les rai- fons , lorfque je parlerai de cette couleur. Je crois qu’il ne doitplus relier aucune d ifficulté fur ce qui regar- de la préparation du bleu , & la maniéré de teindre en cette cou- leur. Il y a des Teinturiers peu fidèles , qui , pour épargner le Pallel & l’Indigo , font ufage dans le bleu de l’Orfeüle ou au bois > * ”* V “ ^ ** d’Inde & de Brefil ■> mais cela doit être exprelfément défendu, quoi- que ce bleu fallifié foit fouvent Chapitre X. 17$ -beaucoup plus brillant qu’un bleu folide de légitime. J’en parlerai dans les Chapitres qui traiteront du petit teint. Il ne me refte plus qu’à donner .a théorie de la mécanique invi- ible de la teinture bleue. Cette couleur, que je ne confidére ici gue par rapport à fon ufage dans .a teinture des étoffes quelcon- ques , n’a été tirée jufqu’à préfent que du régné végétal , de il ne pa- oîtpas qu’on puiffe elpérer d’em- >loyer un jour dans cet Art les- utres bleus dont les Peintres fe srvent -, tels que font le bleu de ’ruffe , qui tient du genre animal z du genre minéral ; * l’azur , qui H: une matière minérale vitri- ée j l’outremer, qui vient d’une * En 174S m. Macquer, de l’Académie Royale :s Sciences , a trouvé le moyen d’employer la pré- dation du bleu de Pruffe, à teindre la foye & 1er ^7-:m b eU,’ do"t,a vivacité efface tous les :eus laits jufqu’a prêtait. H iij % V \ 174 L’Art de la Teinture. pierre dure préparée 3 les terres colorées en bleu , &c. toutes ces matières ne peuvent , fans perdre leur couleur en tout ou en partie > être réduites en atomes aüés té- nus pour être fufpendus dans le liquide falin , qui doit pénétrer les libres des matières , foit anima- les , loit végétales , dont on fabri- que les étoffes : car fous ce nom, on doit comprendre auffi-bien les toiles de fil & de coton , que ce qui a ététifluenfoyeouenlaine. . Nous ne connoifîbns , jufqu’à préfent , que deux plantes qui domient le bleu, après leur pré- paration} l’une eft X I fat ü ou Gl fa- tum , qu’on nomme V fa el en Lan- guedoc , & Voue de en Norman- die 3 leur préparation confifle dans la fermentation continuée prefque jufqu’à la putréfaélion de toutes les parties de la plante , la racine exceptée 3 par conféquent 4 Chapitre X. 175 dans un développement de tous eurs principes , dans une nouvel- le combinaifon & arrangement de ces mêmes principes > d’ow il -éfulte un aflfemblage de parti- cules infiniment déliées , qui , ap- pliquées fur un fujet quelconque, y réfléchirent la lumière bien dif- éremment de ce qu’elles fe- "oient, fi ces mêmes particules étoient encore jointes à celles que a fermentation en a féparées. L’autre plante efl: Y Ami qu’on cultive dans les Indes Orientales 3c Occidentales , & dont on pré- pare cette fécule qu’on envoyé en Europe fous le nom d 'Inde ou i 'indigo. Dans la préparation de cette derniere plante , les Indiens 3c les Américains , plus induf- rrieux que nous , ont trouvé l’art de féparer les feules parties colo- rantes de la plante, de toutes les autres parties inutiles ; 8c les Co- H nij ij6 L’Art de la Tenture. lonies Françoifes & Efpagnoles qui les ont imité , en ont fait un objet confidérable de commerce. Pour que l’Indigo , tel que l’on nous l’envoye de l’Amérique , dé- pofe fur les étoffes fabriquées ou fur les laines, les particules colo- rantes, dont leTeinturier a befoin dans fon Art, on le fait infufer de plufîeurs maniérés dont on a lu ci-devant la defcription. Elles fe peuvent réduire à trois. L’infu- îion ou la Cuve d’Inde à froid peut fervir aux fils & coton: cel- les à chaud font employées pour toutes les étoffes de quelque gen- re quelles viennent originaire- ment. Dans celle à froid, on joint à l’Indigo les cendres gravelées, la coupe rofe ou vitriol verd , la chaux , la garence 8c le fon. Cel- les à chaud fe préparent ou avec l’eau ou avec l’urine. Si on em- ployé l’eau, on met avec l’Indigo y Chapitre X. 177 ies cendres gravelées & un peu e garence. Si l’on fe ferc d’urine, .ai joint à l’Indigo l’alun & le tar- ie. L’une & l’autre de ces Cu- es, deftinées principalement aux aines , ont befoin d’un degré de haleur modéré , mais cependant ^ JL fies fort , pour que la laine s’y .ouvre d’une teinture folide \ ’eft-à-dire , comme on l’a vu ci- Levant , qui puiffe péfifter à l’ac- ion détruiiante de l’air &: du fo- — il , ou aux épreuves ordonnées Z dont on peut lire le détail dans a nouvelle inftruétion de 17 33. J’ai préparé moi-même ainiî [ue je l’ai dit plus haut , ces trois ^uves en petit, dans des vaif- ~ aux cilindriques de cryftal,ex- •ofés au grand jour , afin de pou- oir voir ce qui s’y pafibit, avant [ue 1 infufion fut venue en cou- eur j c eft-à-dire , qu’elle fut vcr- ;e au-delfous de l’écume ou fieu- H v • OB 17S L’Arï de la Teinture. rée bleue qui monte à fa furface > & qui eft une marque de fermen- tation intérieure. J’ai déjà dit que cette couleur verte du bain, eft une condition abfolument effen- tielle , & fans laquelle la couleur que l’étoffe y prendrait, neferoit pas de bon teint, &difparoîtroit prefque entièrement aux moin- dres épreuves. Je vais décrire la petite Cuve d’Inde à froid , pareeque c’cft celle où les changemens fe font le mieux fait appercevoir , & que ce qui arrive dans les deux autres n’a pas des différences bien effen- tielles. 11 eft bon d’avertir , avant que d’aller plus loin , que ce que j'appellerai partie dans ce Mé- moire d’expériences , eft une me- fure du poids de quatre gros de toute matière , fqit liquide , foit folide ; & que ce fera cette quan- tité qu’il faudra fuppofer toutes Chapitre X. . 1 79 .es fois que je me fervirai de ce .not, dans le détail de ces expé- riences. J’ai mis crois cens parties d’eau dans un vaiffeau dont la capacité etoit de cinq cens douze ou de nuit pintes, & j’y ai fait diiloudre ix parties de couperole verte, qui a donné à la liqueur une tein- te jaune. J’ai fait dilfoudre à part iix parties de potafle danstrente- (ix autres parties d’eau j & lorf- que la dilfolution en a été ache- vée, j’y ai fait digérer pendant rtrois heures fur un feu très-doux ilx parties ou trois onces d’indigo de Saint Domingue bien broyé. Bl s’y eft gonflé , &: ayant pris un :plus grand volume , il s’eft élevé .du fond de cette liqueur alcaline, avec laquelle il a formé une efpé- ce de fyrop épais qui étoit bleuj marque que l’Indigo n’étoit que diviié, mais non pas diiTout; car iSo L’Art de la Teinture. fi fa diiîolution eut été parfaite , cette liqueur épailfe auroit été verte , au lieu a être bleue, par- ceque toute liqueur qui a été tein- te en bleu , par un végétal , quel qu’il foit , verdit , lorfqu’ on y mêle un fel alcali , ou concret , ou en forme liquide, foit qu’il foit fixe, foit qu’il foit volatile. De-là on commence a découvrir la raifon pourquoi l’Indigo ne teint pas une étoile en bleu folide , quand fon bain n’eft pas verd ÿ c’efl: qu’ators la dilïblution n’eft pas complette, & que l’alcali ne peut agir fiir ces premières particules élémentai- res , comme il agit par exemple fur la teinture des violettes , qui elf une dilfolution parfaite des parties colorantes de ces fleurs , qu’il verdit dans l’inflant & au premier contaét. j’ai verfé cette liqueur, bleue, épailfe, dans la diiîolution du vi- I Chapitre X. r8ï -loi; &: après avoir bien agité le nêlange r j’y ai ajouté lix par- .es de chaux , éteinte à l’air : faifoit froid dans le temps de ~tte expérience -, le thermome- e étoit à deux degrés au-def- ous du terme de la congellatron : ’eft ce qui a été caufe que cette Puve a été près de quatre jours venir en couleur; Sclafermen- ation qui doit fe faire nécellai- sment dans toute liqueur vitrio- que , où l’on met un fel alcali sî que celui de la pota/Tc , & une erre alcaline , s’eft faite avec tant ■e lenteur , qu’il n’a paru que "ès-peu d’écume ou de bulles ’air fur la furface du bain.. Dans ne faifon chaude , & en em- ployant de la chaux nouvelle- aent calcinée, ces fortes deCuves- :>nt quelquefois en état de teind- re au bout de quatre heures» A chaque fois que j’ai brouillé y r$i L’Art de la Teintijre. le mélange avec une fpatule , j’ar toujours remarqué que ce qui tomboit le premier au fond du vailfeau étoit le fer du vitriol ou couperofe , que le fel alcali en avoit précipité pour s’unir à l’a- cide. Ainfi , dans cette opération de la Cuve d’Inde à froid , on fait un tartre vitriolé à la façon de Tachenius , au lieu que par la méthode ordinaire de préparer ce fel moyen , on verfe l’efprit acide du vitriol fur un fel alcali vrai , tel que le fel de tartre ou la potalfe. Voilà encore une cir- conftance qui conduit infenfible- ment à la théorie du bon teint. Je prie le Leéteur de s’en relfou- venir , pareeque j’en ferai ufage dans la fuite de ce Mémoire èc dans d’autres Chapitres. Après que le fer s’eft précipi- té , on voit tomber la terre de la. chaux: elle eft aifée àreconnoî- j» . * - Chapitre X. r&| rc par fa couleur blanche , qui ,e commence à difparoîcre pour n prendre une plus difficile à i.iftinguer , que quand les parti- iules colorantes de l’Indigo font •fies développées. Enfin , au-def* as de cette terre blanche fe dé- -ofe la fécule de l’Indigo ,qui peu peufe raréfie de telle forte , que ette matière, qui dans le pre- nier jour n’occupoit au-defïus de a chaux précipitée , qu’un efpa- e d’un pouce de haut , s’eft éle- ée infenfiblement jufqu’à un dé- ni pouce près de la furface dit >ain , qui le troifiéme jour eft devenu tellement opaque qu’on n’y pouvoit plus rien diflinguer. Cette raréfaétion de l’Indigo , ente dans les temps froids , Dtompte dans l’été , & qu’on peut accélérer dans l’hyver, en don- aant à la liqueur quinze ou dix- nuit degrés de chaleur , efl une mt ****** 184 L’Art de la Teinture. / preuve qu’il fe faitdans le mélange une fermentation réelle , laquelle ouvre les molécules de l’Indigo , & les divife en des particules d’une ténuité extrême. Alors leurs furfaces ayant été multi- pliées prefque à l’infini , elles en font d’autant plus également dis- tribuées dans la liqueur, qui par- la devient propre à les dépofer avec l’égalité convenable furie fujet qu’on y plonge pour y pren- dre la teinture. , Si cette fermentation fe fait précipitamment , ou en peu- d’heures , foit à l’occafion de la chaleur de l’air , foit à l’aide d’un petit feu , on voit paroître fur la îurface du bain une grande quan- tité d’écume, que les Teinturiers' appellent fleurée , qui efl: bleue & qui a des reflets qu’ils ont auifi nommés cuivreux , parcequ’on y Voit les couleurs de l’arc-en-ciel * Chapitre X. _ 185 à le rouge & le jaune dominent : : phénomène n’eft pas cepend- ant particulier à l’Indigo , puii- a’on apperçoit de femblables flets dans tous les mélanges qui irmentent actuellement, & prin- .palement dans ceux qui con- snnent des particules grades :êlées avec des parties falines. urine , la fuye , & plufieurs au- rs corps mis en fermentation > nit paroître à leur furface les lêmes couleurs de 1 Iris. Cette écume de la Cuve d In- go paroît bleue , parcequ elle d expofée à l’air extérieur qui i eft contigu. Mais fi 1 011 prend ’/ec une cuillère une petite aantité du bain ou de la liqueur ai eft au-deffous de cette écu- îe , il paroît plus ou moins verd , Ion qu’il eft plus ou moins char- é de particules colorantes. On erra dans la fuite de ce Mémoi- i§6 L’Art de la Teinture. re la raifon de cette différence'* ou au moins une explication très^- vraifemblable de cette altération du bleu , qui , comme je l’ai dit, eft abfolument néceffaire pour là réuftite de l’opération que je dé- cris. I Quand la Cuve eft en cet état, on a déjà vû qu’on y peut teindre le coton , le fil , les toiles qui en font tiftiiës, &c. & la couleur que ces corps y prennent, eft de bon teint $ c’eft-à-dire , que ce fil & ce coton la conferveront, même après avoir refté pendant un temps convenable dans une diffolution, aéhiellement boüil- lante , de favon blanc. C’eft l’é- preuve qu’on leur fait fubir , & celle qu’on a choifi préférable- ment à toute autre , pareeque les toiles de coton & de fil doivent être blanchies avec le favon , quand elles font fales. Chapitre X. 187 ï Quoique le bain d’indigo , qui en cet état , puilfe teindre lo- ement fans addition d’aucune xre matière , les Teinturiers, i font dans l’ufage d’employer itte Cuve à froid , y ajoûtent, mme dans les autres Cuves à iaud, une décoétion de garen- & de fon dans l’eau commune, palfée par un tamis. C’eft ce Vils nomment un brevet. Ils y :ettent la garence , pour affurer, fent-ils , la couleur de l’Indigo , .irceque cette racine en fournit ae lî tenace , quelle rélîfte à tou- s les épreuves. Ils y ajoûtent le n pour adoucir l’eau , qu’ils fup- i>fent contenir prefque toujours es parties d’un fel acide , qu’il t bon , félon eux , d’amortir. Au îoins, c’eft-là le fentiment de eux que j’ai confultés. C’eft une fuite de l’ancien pré- ugé où l’on étoit du temps de i 88 L Art de la Teinture. M. Colbert contre l’Indigo ; & ce Miniflre , qui ne pouvoit pronon- cer que d après des expériences que les grandes occupations ne lui permettaient pas de faire fai- re en fa préfence , défendit d employer l’Indigo feuL Mais depuis que le Confeil a reconnu par les nouvelles épreuves faites par feu M. Dufay , que la Habi- lité de la teinture bleue de cet ingrédient eft telle qu’on la peut délirer, le nouveau Réglement de r 73 7 lailfe la liberté aux Tein- turiers de l’employer feule ou mê- lée avec le Paftel. Ainfî , fi l’on continue d’y unir la gare ne 2 , c’eft plutôt pareeque cette racine fournilîant un rouge ailes foncé , & ce rouge fe mêlant au bleu de 1 Indigo , il lui donne une teinte qui le fait approcher du violet, & lui fait prendre un plus bel œil. Quant au Ion , lorfqu’on l’em- a r Chapitre X. iS'sf ye , c’eft moins pour amortir >rétendu acide répandu dans eaux, que pour y diftribuer certaine quantité de cole ou matière gluante ; puifque la ite portion de farine, qui y te, le divifant dans l’eau du 1, doit diminuer un peu fa o grande fluidité , & par con- sent empêcher que les parti- es colorantes , qui y font fuf- tdués, ne fe précipitent aufli ; qu elles le pourraient faire is une liqueur qui n’auroitpas uis un certain dégré d’épaifif» icnt. ■ ‘ Malgré cette cole diftribuée is la liqueur, tant de la part fon, que de la part de la ga- re , qui fournit aufli quelque fe de glutineux , les particu- colorantes ne laiflént pas que retomber au fond du vaifleau , on cil quelques jours fans agi- L’Art de la Teinture. ter le bain. Alors le haut de la li- queur ne donne plus qu’une foi- ble teinte au fujet qu’on y plonge; & h l’on veut quelle en prenne une convenable , il faut re brouil- ler le mélange , & le lai (Ter re- pofer une ou deux heures , poui que le fer de la couperofe & le« parties groflïeres de la chaux fe précipitent de nouveau par leui péfanteur , de crainte que fe mê- lant inutilement aux véritable! parties colorantes , elles n’alté- rent leur teinture , & ne dépofem fur le fujet qu’on veut teindre une matière peu adhérente, qui er fe delféchant rendrait ce fujei poudreux , & dont chaque petite partie occuperait un efpace oi la particule vraiment colorante ne pourrait ni s’introduire , n même fe dépofer , avec un cor taft immédiat au fujet. I Pour ne rien changer à la mé Chapitre X. 19S de des Teinturiers , j’ai fait iillir une partie de garence ppe &: une partie de fon dans t foixante - quatorze parties ru. Cette proportion de l’eau f pas nécedaire -, on en peut :tre davantage ou moins ; mais roulois remplir monvaifleau, ît la capacité étoit de cinq s douze parties , comme je l’ai plus haut. J’ai pâlie cette dé- tion ou ce brevet, en langage T einturier , à travers un linge, tvec exprefllon : puis j’ai mis ce liqueur , encore chaude , 8c étoit d’un rouge de fang , dans tions néce îr ne pas fer le vailTeau de cryftal qui le itenoit. J’ai broüillé le tout, iu bout de deux heures, le n s’eft trouvé verd; par con- uent propre à teindre , 8c il a it en effet du coton d’une tein-r ?ain d’Ind les pré- rt$% L’Art de la Teinture. cure folide & d’un bleu un peu plus vif qu’il ne l’étoit avant cette addition du rouge de la garence. Cherchons présentement quelle peut être la caufe particulière de la folidité de cette couleur : peut* être fera-t’elle la caufe générale de la ténacité de toutes les autres. Car il paraît d’avance , par l'ex- périence ci-delfus décrite, que cette ténacité dépend du choix des fels qu’on ajoute aux décoc- tions des ingrédiens colorans , quand ces mêmes ingrédiens n’en contiennent pas par eux-mêmes qui foient à peu près de meme nature. Si avec les çonféquences que je déduirai du choix de ces fois , de leur nature , de leurs pro- priétés , on confent à admettre, ce quon ne peut refufer légiti- mement , le plus ou le moins de ténuité & d’homogénéité dans les particules colorantes des ingré- r diens , I Chapitre X. 19.5 liens , dont on peut faire ufage lans la Teinture, toute lathéo- ie de cet Art fera bientôt con- uë , fans qu’il foit nécelfaire de ippofer des caufes incertaines u conteftées. O11 concevra aifément que les els qu’on ajoute dans les Cuves Indigo, fervent autant à ouvrir :s pores naturels du fujet qu’011 eut teindre , qu’à développer les tomes colorans de cette fécule. >ans les autres préparations de dnture , dont il fera parlé dans fuite de ce Traité, on met les oifes de laine bouillir dans une Ablution de fels que les Tein- riers appellent bouillon. Or , ans ces boitillons on employé elque toujours le tartre & Ta- ri. Au bout de quelques heures, x retire 1 étoffe , on l’exprime ge renient , & on la conferve un idc pendant quelques jours I — *94 L’Art de la Teinture, dans un lieu frais , afin que la li- queur faline , qui y eft reltée ad- J hérente , puifte agir encore def- fus , & la préparer à recevoir la teinture des ingrédiens, dans la décodion defquels on la plonge enfuite pour l’y faire boüiilir de nouveau. Sans cette préparation, l’expérience a démontré que les couleurs ne feraient pas folides, du moins dans la plûpart des cas; car il faut avoüer qu’il y a quel- ques ingrédiens qui donnent des couleurs folides, quoique les étof- fes n’ayent pas été préparées pré- cédemment; mais c eft qu alors | l’ingrédient porte en lui-même des fels préparans. Il faut donc élargir, & nettoyer les pores na- turels des fibres de la laine à l’ai- de de ces fels , toujours un peu corrodans ; peut-être y en ouvrir de nouveaux, pour y loger les arômes colorans des ingrédiens. Chapitre X. 19$ IL ébullition du bain y enfonce .ces atomes à coups répétés. Les pores, déjà aggrandis par ces fels, l'ont dilatés encore par la chaleur de l’eau boüillante : ils fe relTer- irent enfuite par le froid extérieur, quand on retire le fujet coloré de ia Chaudière -, quand on i’expole À l’air extérieur, ou quand on le plonge dans l’eau froide : ainfi «voilà l’atome colorant pris & re- tenu dans les pores ou filTures du Corps teint par le refifort de fes fibres qui fe font contràétés & remis dans leur premier état , & ont repris leur première roideur auflî-tôt qu’ils ont fenti le froid. Si , outre ce relfort des parois du pore , on fuppofe que ces mê- mes parois ont été enduits inté- rieurement d’une couche de la li- queur faline du boüillon , on ver- ra aifément que c’eft un moyen 'de plus , employé par l’art, pour, 1 ij tyè LArt de la Teintüre. retenir l’atome coloré. Car cet atome étant entré dans le pore pendant que l’enduit falin des pa- rois étoit encore en difTolution , & par conféquent liquide } cet enduit s’étant enfuite congelé par le froid extérieur , l’atome eft alors retenu , & par le relfort dont il vient d’être parlé , & par cet enduit falin , qui étant deve- nu dur en £e cryftallifant , forme une efpéce de maftic qui ne l’a- bandonne pas aifément. Si outre cela l’atome coloré eft d’une té- nuité,telle que la petite éminence qui relie apparente à l’entrée du pore, & fans laquelle le fujet ne ! paroîtroit pas teint, ne foit pas alfés élevé pour être expofée à des chocs plus puillans que la ré- liftance du relfort des parois 6ç de l’enduit qui le retient , on en doit conclure que la teinture ré- if fultante de tous ces atc>mes fufii- n . ^ ^ [ Chapitre X. i$j /animent retenus, fera extrême- ment folide , & qu’elle fera de la rlaife du bon teint, pourvu que : enduit falin ne puiffe être em- porté , ni par l’eau froide , telle que celle de la pluie , ni calciné ou réduit en poudre par les raïons du foleil.Car pour qu’une couleur, quelle quelle foit, foit réputée olide ou de bon teint, il faut, comme on le fçait déjà , qu’elle édite à ces deux épreuves. On n en doit pas raifonnablement exiger d autres pour les étoffes üeftinées à nos habits & ànos em- ineublemens. ^ Mais nous ne connoilfons en thymie que deux fels , qui , étant ine fois cryi faillies , puilfent être iumeêfes par 1 eau froide fans s’y ii foudre. Il n’y a prefque aufll |uc ces deux fels qui puiflent de- ueuier plufieurs jours expofés au deil fans s y réduire en farine ou I iij *$8 L'Art de la Teinture. pouffiere blanche. Cesfels fondé tartre , ou tel qu’on le retire des tonneaux de vin, ou purifié, &c le tartre 'vitriolé. Tous les autres manquent de l’une ou de l’autre de ces deux propriétés. Or , on peut faire le tartre vitriolé en mê- lant enfemble un fel dont l’acide foit vitriolique , tels que la cou- perofe & l’alun, & un fel qui foit déjà alcalifé ou qui puiffe devenir alcali , aulïï-tôt qu’on en aura chalfé l’acide : ce qui réuffit aifé- ment , pourvû qu’il foit plus foi- ble que l’acide du vitriol : tel eft l’acide de tout fel elfentiel tiré des végétaux. j Dans l’opération de la Cuve de bleu, que j’ai faite en petit pour découvrir la caufe de fes effets , on mêle enfemble la couperofe êc la potaffe , qui efl un fel alcali tout préparé. On voit que dès Imitant que leurs diffolucions s’u- Chapitre X. *99 niffent , l’alcali précipite le fer de la couperofe en une poudre prel- que noire. L’acide vitriolique de la couperofe, n ayant plus alors de bafe métallique , fe tranfporte fur cet alcali j de leur union il fe forme un fel moyen, auquel «on a donné le nom de tartre vi- triolé, comme s’il eut été fait avec le fel de tartre & l’acide du vi- triol déjà féparé de fa bafe } par- ceque tout lel alcali , de qüclqüô végétal qu’il vienne , eft parfaite- ment femblable , pourvu qu’il ait été fuffifamment calciné. Tout ce que je viens de dire dans cet ar- ticle ne fouffre pas de difficulté. Il n’en eft peut-être pas de mê- me du bottillon fervant aux autres couleurs , comme le rouge &c le jaune. Peut-être refufcra-t’on de m’accorder qu’il fe puiffie faire un tartre vitriolé du mélange de l’a- lun & du tartre crud qu’on y fait Y • • • • • Ii înj xoo L’Art de la Teinture. bouillir enfemble. Cependant la théorie en eft la même , & je ne vois pas qu on puifTe la concevoir autrement. On y employé l’alun , qui eft un fel dans lequel l’acide vitrioiique eft uni à une terre : ft l’on y joignoit un fel alcali , cette terre feroit précipitée dans finir tant, & le tartre vitriolé feroit bien- tôt formé. Mais au lieu dé ce fel alcali , on fait boüiilir avec 1 aiJii le tartre crud , qui eft le fel effentiel du vin , c’eft-à-dire , un fel compoie de 1 acide du vin, qui eft beaucoup plus volatile que l’acide vitrioiique , & d’une huile, l’un & l’autre concentré dans un peu de terre. Ce fel, ainlî que ^ tous les Chymiftes le fçavent , de- viendra fel alcali dès qu’on en au- ra chafté l’acide. Ainli , lorfqu’on fait boüiilir enfemble l’alun & le tartre crud, outre î’impreftîon que les fibres de l’étoffe à teindre re- Chapitre X. 2,01 roivent du premier de ces lels , qui eft un peu corrodant , le tar- ife eft par lui purifié -, & de fale de groflier qu’il étoit,il devient net tranfparent à l’aide de la por- iion de terre qui fe fépare de l’a- lun , & qui fait fur le tartre à peu .près le même effet que la terre •de Merviels , dont on fe fert a Montpellier pour la fabrique de Ha crème détartré. Il peut fe faire .aufli , & cela eft très-vraifembla- ble , que l’acide vitriolique de l’a- lun chaffantune partie de f acide végétal du tartre * il s’en forme un tartre vitriolé , aulli dur de aufti tranfparent que le cryftal de tar- tre. Que ce foit l’une oui’ autre fuppolition qu’il faille admettre , il en réfultera toujours , dans les pores ouverts des fibres de la lai- ne,un enduit falin , qui fe cryftalli- fe dès qu’il eft expofé à un air ra- éjraîchiilant l’étoffe qui fort de la I y 2.q% L Art de la Teinture. teinture ; qui ne fe calcine poinc a i air chaud, & qui ne peut être dillout par 1 eau froide. C’efttout ce que j avois à démontrer dans cette digreilîon que je n’aipû évi- ter. Cette théorie eft commune a îa Cuve d Indigo, où l’on met l'urine a la place de leau, l’alun & le tartre crud à la place du vi- triol & de la potafte. Cette Cuve à l’urine ne peut teindre foiide- ment que lorfqu’elle eft très- chaude , Sc il faut même y laifter tremper la laine une heure ou deux , fi f on veut qu elle foit tein- te également. Dès que cette Cu- ve eft refroidie , elle ne teint plus. La raifon de ces faits feroit diffi- cile à découvrir dans une Cuve opaque de métal j mais dans un vaiflèau de cryftal , on la décou- vre aifément. J’ai laide refroidir cette petite Cuve d’eftai , & toute / ' Chapitre X. _ tà$ .1 couleur verte qui y^étoit fuf- oendue , pendant qu elle etoit "haude, sert précipité peu à peu ru tond du vaille au , pateequa- ors le tartre fe cryftallifoit, & fe -réunifiant en des malles plus pe- lantes que fes molécules ne le loient pendant que la liqueur étoit chaude , & qu il etoit en dif- folution , fi tomboit au fond du va i fie au , & entraînoit avec lui les •particules colorantes. Quand je irendois à cette liqueur fon degre •précédent de chaleur , & qu au- près l’avoir broüi liée , puis lai fie repofer un peu, j y fai fois tremper un petit morceau de drap , je l’en rctirois au bout dune heure au fii folidement teint que la pre- mière fois. Àinfi , lorfqu on fe 1ère de cette Cuve , ôc qu on 1 a mile une fois en état, il ne s agit plus que d’y tenir le tartre en dillolu- rion •, ce qui ne fe peut que par I vj £04 L’Art de la Teinture. une chaleur un peu forte. C eft 1 alcali de 1 urine qui la verdit c eft 1 alun qui prépare les fibres de la laine : c’eft le eryftal de tar- tre qui allure la teinture , en maf- • . * tiquant les atomes colorans dé- pofés dans les pores. Il relie une difficulté par rap- port a la Cuve d’Inde , dans la- quelle on n introduit ni vitriol , ni alun, ni tartre , & où l’on ne met fîmplement que la cendre gravelée , en meme quantité que • 1 Indigo , &> qu’on fait chauffer ailes vivement pour y teindre les étoffes de laine. Avant que de rendre raifon de la folidité de fa teinture , qui eft égale à celle des. autres Cuves de bleu où l’on fait entrer les fels que je viens de nom - mer , il faut examiner la cendre gravelée. On fçait que c’efl la lie du vin defféchée , puis calcinée. Cefl donc un fel alcali de la na- r * • Chapitre X. 205: .ire du fel de tartre , mais moins ur , puifqu’il vient de la partie . plus pelante des fèces du vin , zparconféquent la plus terreufe. Outre cela , l’alcali de la cendre .ravelée n’eft jamais aufli homo- .ène que le fel alcali du tartre lien calciné, & il n’y a prefque oint de cendre gravelée non .urifiée , comme eft celle que l’on .end , dont on ne puilfe retirer ne quantité conlidérable de tar- ~e vitriolé. Il eft même probable , ar une expérience que j’ai rap- .ortée ailleurs , qu’on pourrait à x longue la convertir toute en- ere en ce fel moyen : on peut ire la même chofe de la potalTe Z de tous les fels alcalis qui ne ontiennent pas la bafe du fel ma- n. Ce défaut d’homogénéité eft aufe que la cendre gravelée ne met jamais entièrement en de- cpium à l’air. Or , puifque l’ex- '£06 L’Art dë ia Teintürë. périence démontre qu’il y a un tartre vitriolé tout formé dans la cendre gravelée , il eft clair que cette Cuve d’Inde , qui ne teint bien la laine qu’après que le bain a été chauffé affés vivement pour qu’on ne puiffe y tenir long-temps la main fans fe brûler , diffoudra la petite portion de tartre vitrio- lé qui s’y trouve , & parconfé- quent ce fel s’introduira dans les pores de la laine pour les nettoyer & les enduire , & il s’y coagulera auflî-tôt que la laine , retirée du bain , fera expofée à l’air pour s’y refroidir. J’ai encore à expliquer pour- quoi la Cuve d’indigo eft verte fous la première furface du bain ; pourquoi il faut que ce bain foir verd, pour que la teinture bleue foit folide, & pourquoi l’étoffe qu’on retire verte du bain de- vient bleue auflî-tôt qu’on l’a Chapitre X. tentée. Toutes ces conditions ant néce flaire ment communes ans toutes les Cuves d’Inde , nides ou chaudes , la même ex- ication fervira pour toutes. i°. L’écume ou fleurée qui onte à la furface du bain d’In- igo , lorfqu’il eft en état de tein- te , eft bleue , 2c le deflous de “tte écume eft verd. Ces deux rconftances prouvent que l’Inr igo eft parfaitement diflout , 2c je le fel alcali s’eft uni aux atô- es colorans de cet ingrédient, aifqu’il les verdit; car fans lui , » refteroient bleus. z°. Ces mêmes circonftanceS rouvent aufii qu’il y a dans l’In- igo lui-même un alcali volatile rineux, que l’alcali fixe de la otafle , ou l’alcali terreux de la aaux développe 2c qui s’évapo- ; peu de temps après que cette -urne a été expofée à l’air. On 2- P B L’Art de ia Teintüre. 1 — peut le convaincre de l’exiftence de ce volatile urineux , en exami- nant 1 odeur qui le développe de la Cuve pendant la fermentation -, lorfqu’on l’agite , ou quand on la chaulfe , on y démêle celle d’une viande gâtée , qu’on feroit rôtir, avec quelque chofe d’un peupic- quant. 3°. La préparation de l’anil , pour en féparer la fécule , eft une fermentation continuée jufqu’à la putréfaélion. Or , il y a de l’uri- ne ux dans toutes les plantes pour- ries; foit que ce volatile urineux foit le produit d’une union intime des fels avec l’huile du végétal, foit qu’on doive le rapporter à la multitude prodigieufe des infec- V - . ' y: tes qui abordent de toutes parts fur les plantes qui fermentent,, attirés par l’odeur qui s’en exha- le : ils y vivent, y multiplient, y meurent , & y lailfent parconfét Chapitre X. ; 2 -09 ,ent une infinité de cadavre^, onc il fe joint à ce végétal une atiere animale dont le fel elt .U jours un volatile urineux. Le urineux exifte aufii dans le iftel, qui eft préparé de même ir fermentation & par putrétac- 011 , ainfi que je 1 ai déjà dit , a’on le verra incefïamment dans détail abrégé de fa prépara- on. 40. Enfin , pour derniere preu- ■ï , fi on diftille de l’Indigo ou du aftel dans une cornue , foit feuls, a encore mieux après y avoir ■int quelque alcali fixe falin ou •rreux , on en retire une liqueur , ai dans toutes les épreuves chy- îiqucs fait l’effet de l’efprit vo- tile de l’urine. Mais on demandera peut-être ourquoi ce volatile urineux , que ; fais voir dans l’Indigo ,ne taie ,as paroître cette fécule verte * Aïo L3Art DÈ LA Teinture. puifqu’il doit être diftribué éga- lement entre toutes les parties? Pourquoi même , quand on dift fout l’Indigo dans l’eau boüillan- te pure , il la teint en bleu , & non pas enverd? Je réponds que ce Volatile urineux eft li concentré qu’il lui faut un corps étranger plus adif que l’eau boitillante^ ?our le châtier des particules qui . enveloppent : que la ditiblution de l’Indigo ne fe fait jamais par- faitement dans l’eau feule , quel- que degré de chaleur qu’on lui donne -, qu’il n’y eft que délayé , & non ditiout : qu’à la vérité cette décodion de l’Indigo bleuit les étoffes qu’on y trempe , mais la couleur bleue ne s’y applique qu’i- négalement , & d’autre eau bouil- lante l’enlève prefque fur le champ. Qu’il me foit autii per- mis de répondre par un exemple tiré d’un autre fu jet. Le fel am- Chapitre X. in oniac , dont les Chymiftes ti- nt l’efprit volatile le plus péné- ant , n’a point cette odeur vive- ent urineufe quand on le dîf- ut dans l’eau, & qu’on l’y fait oüillir : il faut y ajouter , ou la naux ou un fei alcali fixe , pour i dégager le volatile urineux » .e même l’Indigo exige des al- calis fixes falins ou terreux , pour ire exactement decompofe , our que fon fel volatile urineux - fafie appercevoir , pour que fes itômes colorans loient réduits a sur ténuité vraifemblablement lémentaire. Je pafTe à la fécondé condi- fion. Il faut que le bain de la Cu- e d’Inde foit verd , pour que la einture qu il donne foit folide. H’eft , comme je l’ai déjà dit , que Indigo ne feroit pas exactement diifout , fi l’alcali n agilloit pas delfus : fa dilfolution n’étant pas &iz L Art de la Teinture, auiîî parfaite qu elle le doit être , il ne pourrait teindre , ni égale- ment , ni folidement. Or , dès que le fel alcali agit defïiis , il doft le verdir, parceque tout alcali, quon niele a un lue ou teinture bleue d une plante ou d’une fleur quel- conque , la verdit dans l’inftant , quand il peut fe diflribuer égale- ment fur toutes fes parties colo- rantes. Mais fi par évaporation, ces memes parties,colorées ou co- lorantes, le font rafîemblées en des maffes dures , compaétes , 1 alcali ne pourra changer leur couleur , qu il ne les ait pénétrées, divjfees & réduites à leur pre- mière tenuité : c’eft ce qui arrivé a l Indigo , dont la fécule eft ,pour ainfî dire , un fuc épaifli & deffé- che de X anil. A l égard de la troifiéme & derniere condition, que l’étoffe doit être retirée verte du bain. Chapitre X. zif & devenir bleue auffi-tôt qu’on l’a éventée , fans quoi le bleu ne feroit pas de bon teint j on peut en rendre les raifons fuivantes : On la retire verte , pareeque le bain eft verdi s’ilneletoitpas, le fel alcali , qu on auroit mis dans la Cuve, ne feroit pas diftribué Egalement , ou bien 1 Indigo ne feroit pas exactement diflout. Si 1 alcali n étoit pas également dif- rribue , la liqueur contenue dans ‘ra .^Llvc ne ^efoit pas également .aline : le bas de cette liqueur aurait tout le fel , le haut feroit nfî aide : en ce cas 1 étoffé qu’on / plongerait ne pourrait être pré- aaiée a recevoir la teinture , ni à a retenir. Mais quand on la re- ire verte au bout d’un quart i heure d immerfîon , c’eft une narque que la liqueur étoit éga- ement faline, également char- gée d atomes colorans : c’eft una ii4 L’Art de la Teinture. marque auffi que le fel alcali apû s’infinuer dans les pores des fi- bres de cette étoffe les élargir comme il a été dit précédem- ment , peut-être y en former de nouveaux. Or, on ne doutera pas que le fel alcali ne puiffe faire cet effet fur une étoffe de laine , lorf- qu’on fe reffouviendra, que quand une lefîîve alcaline eft très-âcre , elle brûle &: diffout prefque dans l’inftant un flocon de laine ou la barbe dune plume qu’on y trem- pe. Une opération de teinture, qu’on nomme la fonte de boure , en eft encore un exemple -, la boure qu’on y employé, & qu’on fait boüillir dans une diffolution de cendres gravelées faite dans l’u- rine , s’y diflout fi parfaitement qu’on n’en retrouve pas la moin- dre fibre. Donc , fi une leffive ex- trêmement âcre détruit entière- ment la laine, une leffive qui 5 vi a Chapitre X. n$ 'aura, de fel alcali que ce qu il li en faut pour agir iur la laine ms la détruire , en préparera les ores à recevoir & conferver les tomes colorans de 1 ingrédient, ui eft l’objet de cette Difterta- ion. On évente l’étofte apres 1 avoir etirée verte delà Cuve & 1 avoir xprimée ou torfe •, & elle devient )leue. Que fait-on en 1 éventant? m la refroidit, Si c’eft le volatile irineux , développé de 1 Indigo , ]ui lui a donné cette couleur ver- • :e , il s’évapore , & le bleu repa- :oît. Si c’eft l’alcali fixe qui eft la ;aufe de ce verd, outre qu on en a ôté la plus grande partie en ex- primant fortement l’etoffe j ce qui en refte ne peut plus agir fur la partie colorée , pareeque le petit atome de tartre vitriolé , qui con- tient un atome coloré encore plus petit que lui , s’eft cryftallifé dès ii 6 L’Art de la Teinture. qu’il a été expofé au froid de l’airj & refferrant ce même atome co- loré à l’aide du r effort des parois du pore , il achève d’exprimer ce qui pourrait y être refté d’alcali , qui ne fe cryftallife pas comme un fel moyen. On avive ce bleu , c’eft-à-dire , qu’on le rend & plus vif & plus beau , en faifant tremper dans de l’eau chaude l’étoffe qui vient d’ê- tre teinte , parcequ’ alors les par- ticules colorantes qui n’avoient qu’une adhérence fuperficielle aux fibres de la laine , font em- portées. On fe fert du favon pour éprouver la folidité de la teinture bleue elle doitlui réfifter , par- ceque le favon , que d’ailleurs on ne met qu’en petite quantité dans beaucoup d’eau , & qui ne doit agir fur l’échantillon teint que pendant cinq minutes , à quoi on a fixé le temps de l’épreuve , eft un, — — y Chapitre X. iî7 un alcali mitigé par l’huile , qui ne peut agir fur un fel moyen, h il déchargé l’échantillon de quelques parties de fa couleur, c eft que ces parties n etoient que iupernciellement adhérentes. D ailleurs le petit cryftal falin enchalle dans le pore , & qui ferc a y maftiquer l’atome colorant ne peut être difTout dans un fi court eipace de temps , de ma- niéré qu il refforte du pore avec • I atome qu il retient. . °n a dans cette Di/Terta- tion un elfai de la méthode que ) employé pour traiter de la Tein- ture , autrement qu’on ne l’a fait jufqu a prefent : je la foumets aux îyfîciens qui feroient peu con- tens d un hmple détail de procè- des, fi je ne leur pré fentois pas en meme temps la théorie de leur reufîîte. Je fuivrai cette méthode -dans les autres expériences fur K 2,1 8 L'Art de la Teinture. les rouges , les jaunes , autres couleurs fimples ; car il eft abfo- lument néceffaire de les connoî- tre avant que de paflêr aux cou- leurs compofées , parceque ces dernières ne font ordinairement que des couleurs appliquées les A unes après les autres , & rarement mêlées enfemble dans un meme bain ou décoétion. Ainfi, con- noiffant ce qui procure la ténacité d’une couleur fimple , on pourra fçavoir plus aifement fi. la fécon- dé couleur peut prendre place à coté , dans les efpaces que la pre- mière a laiflés vuidcs ,ians dcpla cer la première de ceux quelle occupe déjà. C eft-la 1 idée que je me fuis formée de l’arrange- ment des couleurs différentes , appliquées fur une même étoffe ; pareequ’il me paroît affés difficile de concevoir que des atomes co- lorans puiffent fe pofer les uni Chapitre X. %i y fur les autres , & former ainfï des efpéces de pyramides, en con- fervant chacune leur couleur, pour que du mélangé de toutes il en réfulte une couleur compo- fée , & qui cependant paroiffe uniforme , & pour ainfi dire , ho- mogène.- Il faudrait pour cela fuppofer à ces atomes une tranf- parence , qu il ferait difficile de démontrer. De plus , pour qu’un, atome jaune fe place immédia- tement fur un atome bleu , déjà enchaffié dans le pore de la fibre d une étoffe , & pour qu’il y refie folidement attaché , il faut nécef- fairement qu’ils fe touchent par des^ plans extrêmement polis, du un atome rouge vienne en- fuite fe placer fur le jaune , il faut encore fuppofer de nouveaux plans auffi exafts & auffi polis que les premiers. L’imagination a de la peine a fe prêter à toutes ces J ilO L’Art de la Teinture. fuppofitions j & il me paroît bien plus probable , que la première couleur n’a occupé que les pores qu’elle a trouvé ouverts par la première préparation des fibres de l’étoffe : qu’à côté de ces po- res remplis > il en refte encore à remplir , ou au moins des efpaces non occupés , où l’on peut ouvrir de nouveaux pores pour y loger les nouveaux atomes d’une fé- condé couleur , à l’aide d’un fé- cond boüillon compofé de fels corrodans , qui étant les mêmes que ceux du premier boüillon , ne détruiront pas les premiers cryftaux falins introduits dans les premiers pores. Çe que j’ai dit pour expliquer la maniéré d’agir d’une Cuve d’indigo , peut fervir à expliquer aufli l’action de la Cuve dePaftel fur les laines & étoffes qu’on y paffe : il n’y a qu’à fuppofer dans Chapitre X. ziï le Paftei des fels naturellement exiftans , & a peu près de même cara&ere que ceux qu’on ajoute à la Cuve d’Inde. On a vu par la defcription que j ai donnée de 1 une & 1 autre de ces Cuves , que celle de Paftel eft infiniment plus difficile® a conduire que l’autre. J’efiime , & je crois qu’il eft très- raifonnable de le fuppofer , qu’on pounoit applanir toutes ces diffi^ cultes , fi 1 on vouloit tenter de piépaier en France ¥ I fais , com- me on prépare l’Anil aux Indes Occidentales. Il faut donc met* tre ici en parallèle leurs différen- tes préparations. J’emprunte ce ^H011 va lfi'e des Mémoires de M. Am uc, pour 1 Hijloire naturelle du Languedoc. Paris, Cavelier 1737, in-40. pag- 330. & 331. » Selon les Teinturiers, le Paf- “ tc^ nc fait que des couleurs lan- * géantes & foibles , au lieu eue K iij A zzz L’Art de la Teinture. :» celles de l’Indigo font vives & 3> éclatantes. Il faut même con- 33 venir que l’opinion des Teintu- 33riers eft allés conforme à la rai- 3? fon. L’Indigo eft une poudre 33 fine & fubtile , capable parcon- 33 féquent de pénétrer aifément 33 dans les étoffes , & de Peur don- 33 ner une couleur éclatante. Le 33 Paftel au contraire n’eft qu’un 33 marc groffier chargé de beau- 33 coup de parties terreufes, qui 33 rallentiftent l’adion & le mou- os vement des parties fubtiles, & 33 les empêche d’agir efïicace- » ment. 33 Je ne connois qu’un moyen 33 de remédier à cet inconvé- 33 nient j c’eft de préparer le Paf- 33 tel de la même maniéré qu’on 33 prépare l’Indigo : par-là on don- 33 neroit aux couleurs , faites avec 33 le Paftel , l’éclat & la vivacité » de celles qu’on fait avec l’Indi- Chapitre X. 2.2.3' 55 go , fans rien diminuer de l’ex- » cellence & de Xajfurmce qui » rendent particulièrement re- » commandabies les couleurs 011 * le Paftel entre. 35 j’ai déjà fait en petit , ajoûte 33 M. Aftruc , des épreuves de ce 33 que je propofe , & ces épreu- 33 ves m’ont réulll, non-feulement 33 dans la préparation de la pou- 33 dre de Paftel, mais aulïi dans 33 l’ufage de cette poudre pour la 33 teinture. C’eft à ceux qui font 33prépofés pour veiller à l’utilité 33 publique, de faire faire fur cette 33 matière des épreuves en grand} 33 & fi elles ont le fuccès qu’on • • 5 33 croit pouvoir s en promettre , 3* ce fera à eux d’exciter ceux qui 33 cultivent le Paftel à fuivre cette 33 nouvelle maniéré de le prépa- 33rcr, & à régler les encourzge- 33 mens qu’il convient de leur don- 33 ner au commencement, pour Kiiij 2. H L’Art de la Teinture. » les mettre en état de foutenir » les dépcnfes où. cette nouvelle » pratique les engagera , jufqu’à » ce que l’avantage connu qu’ils » en retireront, puifl'e fuffire pour 53 les y déterminer. Je ne fçavoispas queM. Aftrue eut eu la même idée que moi, quand je propofai la première fois d’elfayer en Languedoc la mé- thode des Américains j mais ayant lu depuis fes Mémoires fur cette Province , je fus charmé d’avoir penfé comme cet habile homme ; & puifqu’il a réufii dans des expériences en petit, il elt probable que l’entreprife auroit le même fuccès en grand. Car je fuis bien éloigné d’être de l’avis de celui qui critiqua cette propor- tion, lorfqu’elle lui fut commu- niquée. Trop de préjugés en fa- veur des routines établies dans fa Province lui fit même propofer ■ w/ 'Chapitre X. 2,2,5 d’obliger les Colons de l’ Améri- que à préparer leur Ami auffl groflierement qu’on prépare le Parte! en Languedoc; fans faire réflexion que l’expérience eft contre lui ; que l’Indigo, tel qu’on nous l’envoye , donne une teintu- re non-feulement plus belle , mais aufli folide que celle du Paftel , & fans faire attention à l’embar- ras & aux frais du tranlport d’une marchandife dont le volume dé- cupleroit, s’il falloir apporter en Europe toute la plante de l’Anil. Au refle , l’entêtement 11e prouve rien ; c’eft à l’expérience qu’il faut avoir recours : & fl l’on pouvoit parvenir à féparcr la fécule co- orante du Paftel , comme on pré- pare celle de l’Anil , les habitans du Languedoc n’auroicnt pas dans la fuite autant de fujet de s en repentir, qu’en auraient les François & les Efpagnols de l’A- K v ■ai %i6 L’Art de la Teinture. nié ri que , aufquels on ne peut fe difpenfer d’avoüer qu’une fem- blable fabrique feroit beaucoup de tort. Il eft donc queftion de fçavoir s’il y a plus d’avantage à rétablir dans le Languedoc les produits considérables qui réfui- toient autrefois de la culture du Paftel, avant qu’on fit ufage de l’Indigo en Europe , quà tirer l’Indiu© des Colonies de l’Amé- O ri que , où cette marchandife fait fubfifi:er plufieurs François. Les uns & les autres font fujets du Roy , & doivent avoir part à fa proteétion. Ce font des- combi- naifons & des calculs à faire ? qui font inutiles dans ce Traité. Je vais feulement propofer les moyens de taire réuffir l’expérien- ce propofée par M. Alrruc , & ces moyens réfiiltent naturellement de la comparaifon qu’on fera de la * méthode employée dans le Lan-? Chapitre X. ttf guedoc pour la préparation du • Paftel, & de la méthode ingé- nieufe par laquelle on fépare en Amérique la técule de l’Anil. J’ai déjà donné celle-ci au commen- cement du Chapitre 7 : li 011 la veut avoir plus étendue , il faut lire ÏHiJhire des Antilles du P. du Tertre & du P. Lubat. Quant à la fabrique du Paftel , voici ce que M. Aftruc en dit , & 011 fera bien- aife, à ce que je crois, de trou- ver tout ce détail dans ce Traité. Les Païfans ( de l’Albigeois ) Fabnqi ont accoutumé de diftin'guer du r4tid deux différentes graines de Paf- tel ; l’une violette , & l’autre jaune. Ils préfèrent la violette , parce- que le Paftel , qui en lève , a les feüilles liffes & unies , au lieu que celui qui lève de l’autre graine, les a velues; ce qui fait qu’il fe charge de pouffiere & de terre, & que le Paftel en vaut moins; K vj s. zz§ L’Art de la Teinture. Ce P aile 1 s’appelle Pajîelbourg ou Pour daigne. Le Paftel pouffe d’abord hors de terre cinq ou lix feiiilles , qui fe foutiennent droites pendant qu’elles font vertes. Elles font longues d’environ un pied , & lar- ges de lîx pouces. Elles commen- cent à mûrir vers la Saint Jean : on connoît qu’elles font mûres , en ce qu’elles s’affaiffent & com- mencent à jaunir -, on les cueille alors , &e. On farcie enfuite de nouveau le Paftel , ce qu’on a foin de réitérer à chaque récolte. En Juillet , s’il y a eu quelque pluie , on fait une fécondé récol- te. La pluie ou la féche relié l’a- vancent ou la retardent de huit jours. A la fin du mois d’Août , on en fait encore une autre. On en fait une quatrième à la fin de Septembre ; & huit jours après la Touflaint , on fait la dernierei ? - \ Chapitre X. 219 Elle eft plus forte que les autres, pareeque l’intervalle eft plus long: on coupe à cette récolte le colet , de la plante , c’eft-à-dire , le haut de la racine , d’où partent toutes les feüilles. Le Paftel qui en pro- vient eft mauvais , & cette récol- te eft défendue par les Régle- mens. On ne cüeille jamais le Paftel pendant la pluie ni le broiiillard : il faut que le temps foit ferain , & que le foleil ait donné fur les feüil- les. A chaque récolte , on porte les feüilles au moulin, à mefure qu’on les cueille , pour les écralér & les réduire en pâte fine , où l’on ne diftingue plus les côtes. Cela doit fe faire promptement , pareeque ces feüilles , lorfqu’on les laifte entaftees, fermentent & fe pour- rirent bien-tôt, avec une puan- teur infupportable. Ces moulins £3° L’Art de la Teinture. font affés femblables aux moulins à huile ou à tan. Ils font compofés d’une meule pofée de champ , qui roule autour d’un pivot perpen- diculaire , dans une orniere cir- culaire afTés profonde, dans la- quelle on met le Paftel qu’on veut faire broyer. M. Aftruc en a fait graver la figure. Quand les feüilles font bien écrafées 2c réduites en pâte fous la meule , on en fait une pile dans les galle ri es dumoulin, ou en de- 1 ^ \ «> ♦ » v hors , a 1 air ouvert. Apres avoir bien preffé la pâte avec les pieds & les mains , on la bat & on l’u- nit par-deffus avec la pèle. C’eft- là le Pajlcl en pile. Il s’y forme par dehors une croûte qui devient noirâtre : quand elle s’entr’ouvre , on l’unit de nouveau avec beaucoup de foin : autrement le Paftel s’éven- te, ôc il fe forme dans les crér \ ( Chapitre X. i$î vafles de petits vers qui le gâtent. Après quinze jours, on ouvre le monceau de Paftel , on le broyé entre les mains , & l’on mêle en- femble la croûte & le dedans : il faut même quelquefois écrafer la croûte avec une malfe pour la pouvoir broyer. On fait enfuite de cette pâte de petits pains ou pelotes rondes qui doivent pefer , fuivant les Or- donnances , cinq quarterons , poids de Table. On ferre bien ces pelotes en les formant, & on les donne enfuite à une autre perfonne , qui les appuyant dans une écuelle de bois , les preffe de nouveau , les allonge par les deux bouts oppofés , les rend ovales , & les unit bien. Enfin, on les donne à une troifiéme perfonne qui achève de les façonner dans une autre écuelle plus petite , en les ferrant & les unifiant parfaite- nient, L’Art de la Teinture. Ces pelotes s’appellent Coques ou Coquaignes , & le Paftel ainlî apprêté , Paftel en Cocaigne * G’eft delà que vient l’ufage de dire puis de Cocaigne , pour dire un païs riche , parceque le païs où croît le Paftel ( * ) s’enrichiftoit autre- fois par le commerce de cette drogue. O On étend ces pelotes (**) ou cocaignes fur des claies , & on les expofe au foleil , s’il fait beau j linon, on les porte d’abord au delfus du moulin. Le Paftel qui a été expofé pendant quelques heures au foleil , prend une cou- leur noire au dehors , au lieu que celui qui a été d’abord ren- fermé , eft ordinairement jaunâ- ( * } L 7 Albigeois ôc le Laura ga,is. (** ) Ii y a un endroit dans l’Inde > dont je ne puis retrouver le nom , où Ton prépare Ÿ And com- me 1 e Paftel , & il en vient de Y Indigo en cocaigne* qui contient toute la matière inutile de la plante. Audi eft-il trcs-difficile d’en préparer une Cuve de bleu. Chapitre . X. 13$ tre , fur-tout fi le temps eft plu- vieux. Les Marchands préfèrent le premier ; on allure cependant que la différence n’eft pas conlî- dérable dans l’ufage : il arrive même que le Paftel eft toujours jaunâtre, parceque lespaifansne le travaillent ordinairement que pendant la pluie , & lorfqu ils ne peuvent faire autre chofe. Les pelotes font communément féches en été dans quinze ou vingt jours : au lieu qu en autom- ne, le Paftel de la derniere ré- colte eft long-temps à fécher. Le vent de Sud-Eft,qui eft chaud & fec , contribue beaucoup à le taire fécher plus vite. Les bonnes pelotes fe diftin- guent des autres , en ce qu’en les écrafant elles font violettes en- dedans, & qu’elles ont une odeur allés agréable ; au lieu que les au- tres ont une couleur de terre , & Poudre de Paftel. 234 L’Art de la Teintwre. mie mauvaife odeur : ce qui vient de ce qu’on a cueilli le Paftel pen- dant la pluie , lorfque les feüilles étoient chargées de terre. On ju- ge aulfi de la bonté des pelotes par le poids ; car elles font légè- res , lorfque la matière s’eft éven- tée ou pourrie , faute d’avoir été bien prelfée. C’eft de ces pelotes bien ap- prêtées qu’on fait la poudre ae Paftel. Pour entreprendre cette opération , il faut au moins cent milliers de pelotes. On y procède ainft. On choifît une grange écar- tée , un magalîn plus ou moins grand, fuivant la quantité de Paf- tel. Ce magalîn doit être fur mi terrein pavé de briques , & revê- tu de même jufqu’à la hauteur de quatre ou cinq pieds. Ilferoitbon que les murailles fuftent de pier- res jufqu’à cette hauteur. On fe contente cependant fouvent de Chapitre X. 135 les faire enduire avec de la terre. • Comme cet enduit fe détache & fe mêle avec le Paftel, cela l’al- tère & le gâte. O11 porte les pe- lotes dans ce magalin , & on les écrafe en poudre groflîere avec des malfes de bois. On entafle cette poudre vers le milieu du magalin , à la hauteur de quatre pieds, confervant un efpace à l’entour pour palfer. On hume de cette poudre avec de l’eau j la plus limoneufe ( * ) , pourvu qu’elle foit claire, eft la meilleure. Ce Paf- tel , ainli humedé , fermente , s’é- chauffe , & jette une fumée très- épaiffe & fort puante. On remue ce Paftel tous les jours pendant douze jours , le ( * ) Je ne vois pas pour quelle raifon on préféré de l'eau limoneufe , & qui cependant foit claire. Il me paroît que l’eau de riviere bien claire feroit beau- coup plus liüre. On éviteroit par-là les abus qui doi- vent fuivre d’une eau croupie > toujours remplie d’ordures , ou d’une eau bourbeufe qui contient une terre tout au moins inutile , & qui doit rendre la teinture de cette drogue fort inégale. L’Art de la Teinture. jettant a pelletées d’un côté du magafin a l’autre , & on l’humefte ainlî chaque jour pendant ce temps-la ; après quoi on n’y jette plus d eau : mais on le contente de le remuer , d’abord de deux jours en deux jours , puis de trois en trois , de quatre en quatre , de cinq en cinq. Enfin , on le met en tas au milieu du magafin , & on le vifîte de temps en temps pour 1 éventer , en cas qu’il s’échauffe. C eft le PaJIel en poudre , prêt à être vendu aux Teinturiers. M. Àftruc ,pour faire voir que le commerce du Paftel enrichif- foit autrefois le Haut-Langue- doc , cite le paffage luivant d’un livre intitulé Le Marchand. *> An- » ciennement on faifoit traduire » de Toulouze à Bordeaux, par la » rivière de la Garonne , tous les » ans cent mille balles de Paftel , » qui valent pour le moins fur le i - I Chapitre X. 237 » païs quinze livres la balle 3 ce » qui revient à un million cinq » cens mille livres , d’où procé- » doit l’abondance d’argent & ri- chelTe de ce païs. « Ainfï par- loit Caftel , Auteur du livre cité en 1633. Mémoires de l’Hijloire du Languedoc , Pag. 49. La comparaifon des deux mé- thodes par lefquelles on prépare le P aftel & 1 Indigo , peut fuffire a une perfonne intelligente qui feroit chargée d’expérimenter s jl eft po/Iîble de tirer del ’lfdtis du Languedoc une fécule Sem- blable à celle de l’Anil. Ce n’eft point a un Teinturier qu’il faut s adrelfer pour cela, ni même à un Fabriquant. L’un & l’autre commenceroientpar condamner le projet , pareeque c’oft une nou- veauté, èc je doute même qu’ils fu fient en état de bien conduire Une fermentation. Il faut être un 238 L’Art de la Teinture. peu plus dans l’habitude de faire des expériences de ce genre , qu’ils ne le font communément. Je fouhaiterois que cette expé- rience fe fit en grand, enforte qu’on put avoir au moins cinquan- te livres de cette fécule , pour qu’on pût ici en pofer plufieurs Cuves, au cas qu’on manquât les premières. Celui qu’on aura choi- fi , aura foin de bien décrire tou- tes les circonftances de fon opé- ration. Peut-être la manquera-t’il à la première cueille des leiiilles de Paftel, parcequ’il 11’y aura pas encore allés de chaleur en Juin j mais vraifemblablement il réuf- fira en Août. Suivant les lettres que j’ai re- çues de M. Roman le fils, Ingé- nieur général à la Dominique , le thermomètre monte à la Marti- nique dans les grandes chaleurs de cette Ille, de 30 à 36 degrés. Chapitre X. 2,39 (ai vaut la graduation de M. de Reaumur. En Languedoc,il mon- te pendant les mois de Juillet & d’Août, de 27 à 32 & 33 , qui eft la chaleur de la bouche , de la poi- trine , de l’aillelle 3 chaleur fuffi- fante pour faire fermenter les feüilles du Paftel , qu’on mettroit tremper & macérer comme celles de l’Anil , dans une grande Cuve de maçonnerie remplie d’eau, ôc peut-être ne faudroit-il pas plus de trente ou quarante heures. O11 accélérait la fermentation , en jettant d’abord dans la Cuve ou t rem poire , plein trois ou quatre chaudrons d’eau bouillante. Il faut que celui qui fera char- gé de l’expérience , fe procure les feüilles les moins fannées qu’il fera polTible , & qu’il les fade con- caffer légèrement, s’il le juge né- celTairc. Il pourra, pour ces pre- mières épreuves , faire conftruire 240 L’Art de la Teinture. des Cuves de maçonnerie au tiers de capacité de celles dont le P. Labat a donné les dimenfions. Des échopes ordinaires de Bate- lier peuvent fervir à faire battre l’eau, fi elle fe charge de cou- leur , comme celle où 1 Anil a fer- menté. Tout le refte étant bien décrit dans le Mémoire du P. La- bat , il n’y a qu’à le fuivre. Si 1 on réuffit , il n’y a pas de doute qu il ne fe trouve beaucoup d’autres plantes du même cara&ere que Vlfatis , qui donneront une même fécule. Il eft probable que le verd foncé de p.ufieurs plantes eft compofé de jaune & d’une forte dofe de parties bleues ; fi par la fermentation on pouvoit détruire le jaune , le bleu refteroit. Cette idpe n’eft pas abfolument chymé- rique, & peut-être ne feroit-il pas difficile de prouver qu’on en peut tirer quelque ^ Chapitre XL 2.41 CHAPITRE XI. Du Rouge. E rouge eft, comme je fai déjà die, une des cinq cou- leurs matrices ou primitives , re- connues pour telles par les Tein- turiers. Dans le bon teint il y a quatre principales fortes de rou- ge , qui font la bafe de toutes les autres. Ces rouges font , 1 °. fi> carlatte de graine , connue autre- fois fous le nom d 'Ecarlatte de France , & aujourd’hui , fous celui & Ecarlatte de Venife. a°. L’Ecar- latte a préfent d ufage , ou Ecar- lutte couleur de feu , qui fe nom- moi t autrefois Ecarlatte de Hol- Ifide , & qui eft connue aujour- d hui de tout le monde fous le nom d Ecarlatte des Gobelins. 3 °. Le Cramoifi , & 40. Je R0Uge Garai" 2,4?- L’Art De la Teinture. ce. Il y a auffi le àemi-Ecarlatte & -, le demi -Cramoifi ; mais ce ne font que des mélanges des autres rou- ges , qui ne doivent pas etre regardés comme des couleurs particulières. Le Rouge ou Naca- rat de hource étoit permis autre- fois dans le bon teint j mais fon peu de folidité l’en a fait bannir par le nouveau Réglement. On juge bien que tous ces differens rouges ont leurs nuances particu- lières , depuis la plus foncée jui- qu a la plus claire. Mais cela n’em- pêclie pas qu ils ne puillent etre regardes comme binant des cîal- fes féparées, parce que les nuan- ces des uns ne tombent jamais dans celles des autres. Les rouges font dans un cas tout different des bleus , dont j ai parlé dans le Chapitre précédent : car la laine ou l’étoffe de laine ne fe plonge pas immédiatement Chapitre XI. 243 dans la teinture. Elle reçoit au- paravant une préparation qui ne lui donne point de couleur, mais qui la dilpofe feulement à rece- voir celle de l’ingrédient colo- rant. Cette préparation , ainll quon le içait déjà, fe nomme Bon: lien. Elle fe fait ordinairement avec des acides , comme eaux di- res , alun & tartre , qui peuvent être regardés comme tels , eau forte , eau régale , &cc. On met ces ingrédiens préparans en diffé- icntc quantité, fuivant la couleur & la nuance qu’on veut avoir. On iC fcit iouvent audi de noix de galle , & quelquefois de fels alca- lis. C cil ce que j’expliquerai dans la fuite , en décrivant la maniéré de travailler chacune de ces cou- leurs. V i M4 L’ÀPvT de la Teinture. *.«&:«** CHAPITRE XII. De i Ecartai te de Graine , ou E car- laite de Venife. ON appelle cette couleur Ecarlatte de Graine , parce - qu’elle eft faite avec le Kermès , qu’on a cru long-temps être la graine de l’arbre fur lequel on le trouve. On l’appelloit ancienne- ment Ecarlatte de France , parce- qüe quelques gens penfent que c’eft en France qu’elle a été trou- vée ) & on la connoît aujourd’hui fous le nom d’ Ecarlatte de Venife, parcequ’elle y eft extrêmement en ufage , & qu’on y en fait plus qu’en aucun autre endroit, le goût en étant palfé en Fiance & dans la plupart des autres païs. Elle a efteêlivement moins de feu , & eft plus brune que i’écariatte à la- * Chapitre XII. 2-45 quelle on eft maintenant accou- tumée ; mais elle a fur elle l’avan- tage de foutenir plus long-temps fon éclat , & de 11e point fe tacher par la boue & par les liqueurs acres. Le Kermès , dont 011 la fait, eft une galie-infeéle qui croît , qui vit & qui fe multiplie fur Y Ile x acide ata cocci glandifera. C. B. P. On le trouve dans les Gangues des environs de Vauvert, de Ven- demian &: de Narbonne ; mais en plus grande quantité en Hip a'gne, du cote d Alicant & de V alence. Les Paifans de Languedoc le viennent vendre tous" les ans à Montpellier & à Narbonne, auifi- tot qu ils en ont fait la récolté. Ceux qui l’achetent, pour l’en- voyer a 1 Etranger , 1 etendent fur d'-'S toiles , Sc ont foin de l’arroler avec du vinaigre pour tuer les vei*aîi*caux qui font dedans, èc L iij 2.4(3 L’Art de la Teinture, qui produifent une poudre rou- ge , qu’en Efpagne , fur-tout , on iepare de la coque , après l’avoir raille fecher , en la p allant par un tamis. On en fait enfuite de p-rof- les balles , & l’on met au milieu de chacune , dans un lac de peau, de cette poudre au prorata de la quantité que toute la partie a pro- duite , afin qu’en vendant les bal- les à di hé rens particuliers, cha- cun ait la portion de cette pou- dre. On envoyé ordinairement ces balles à Marfeilie , d’où on les fait palier dans le Levant , prin- cipalement à Alger & à Tunis , où l’on affure qu’on en fait un grand ufage dans la teinture. Les draperies rouges des Fi- gures qu’on voit dans les ancien- nes tapiflèries de Bruxelles & des autres Manufactures de Flandres, font teintes avec cet ingrédient j & leur couleur, qui, dans quel- r> Chapitre XII. 2.47 ques-unes de ces tapifferies, a jufqu’à deux cens ans d’ancien- neté , n’a prefque rien perdu de fa vivacité. Voici de quelle ma- niéré on doit faire cette écarlatte de graine , qui n’eft plus guères en ufage que pour les laines def- tinées aux tapiiTeries. O11 commence oar ébroüer la laine , c’eft-à-dire > que pour vingt livres de laine , qui eh la quantité que j’ai vû teindre à la fois , on met dans une Chaudière un demi boiffeau de fon, avec la quantité d’eau nécefîaire , pour que les vingt livres de laine voient bien baignées & abbreuvées: on les fait boüillir une demie heure dans ce bain , en les remuant de temps en temps ; après quoi on les lève & on les met égoûter. Il cfc bon d obferver , une fois pour toutes > que lorfqu’on teint des laines fi- lées j on paflé un bâton danscha-, L* • • • 111) *4^ L Art de ia Teinture. «|ue botte , qui eft ordinairement dune livre, & on les laide ainlï avec le bâton pendant tout le cours du travail -, ce qui fert à em- pêcher qu elles ne fe broiiillent 1 une avec 1 autre. Cela donne auili la facilité de retourner les laines, pour faire plonger fuccef- fi vement dans le bain chaque partie de f echevau , afin que la couleur foit égale partout. On fouiéve pour cela la botte avec le baron , & on la tire à demi de la Chaudière ; on tient d’une main le bâton , & prenant de l’autre la partie de l’échevau qui le touche, on Là retourne vers le bas , en- forte qu’elle rentre la première dans la Chaudière. Si la laine eft trop chaude , & qu’on craigne de fe brûler, on peut faire la même chofe avec deux bâtons. On ne fçauroit trop recommander de faire cette manœuvre fort fou- / Chapitre XII. 24? vent, parceque de -là dépend l’é- gal i ce de la couleur. Pour mettre égouter les laines après qu’elles ont été ébroüées, ainli au’on vient de le dire , 011 pofe les deux bouts du bâton, qui eit pâlie dans la botte ou dans l’cchevau , fur les deux perches que j’ai dit devoir être fceliées dans la muraille au- dellus de la Chaudière. La laine étant ainhébroüée. Bouillon ' « & pendant qu’elle s’égoûte, on Kermès! prépare un bain frais , c’ell-à-di* re i qu’on jette l’eau qui était dans la Chaudière , qu’on y en met de nouvelle : 011 ajoute à celui-ci environ un cinquième d eau fuie , quatre livres d’alun de Rome pilé groffierement , &c deux livres de tartre rouge : on fait boüillir le tout , & aufli-tôt on y met la laine Air les bâtons , que 1 on y laide pendant deux heures, ayant foin de remuer prcfque L y 25° ^ Art de la Teinture. continuellement toutes les bottes 1 une apres 1 autre , de la maniéré que je l’ai dit. Il faut obferver que lorfque le bain, où 1 on a mis de l’alun, eft fur le bouillon , c’eft-à-dire , prêt à bouillir, il s élève quelquefois très- promptement & fort de la Cham diere , ii I on n a foin d’abattre le bouillon, en y jettantun peu d’eau froide. Si, lorfqu’il eft prêt de monter , on y met promptement la laine ; comme elle a eu le temps de le refroidir, cela l’arrête & fait le même effet que l’eau froi- de. Il eft bon d’avertir auftî que lorfque les Teinturiers travaillent en grand, & qu’ils craignent cet accident , ils doivent avoir les jambes nues , pareeque s’ils vien- nent à être brûlés , l’eau boitil- lante ne féjournant pas , comme elle feroit s’ils avaient des bas , ils n’en font pas fi fort incommodés. Il ■in' ■ MH Chapitre XII. 2,51 Le bain ne s’élève pas de la forte , lorfqu’il y a une quantité de tar- tre un peu confidérable , comme dans l’opération préfente : mais quand il n’y a que de l’alun feul, il fort quelquefois la moitié du bain etc la Chaudière , lorfqu’elle commence à boiiillir, lî l’on ne prend pas les précautions que l’on vient d’indiquer. Lorfque la laine a boiiilli pen- dant deux heures fur ce bain , on la lève, on la laide égoûter, on l’exprime légèrement, & on l’en- ferme dans un fac de toile que l’on aorte dans un lieu frais, où on la ■aide cinq ou hx jours, &£ quel- quefois plus long-temps ; cela s’appelle laijjèr la laine fur le bouil- lon. Ce retard fort aie faire péné- trer d’avantage &: à augmenter l’aétion des fels , pareeque , com- me une partie de la liqueur fa diifipc toujours , il eft clair que ce L vj z5 J L Art de la Teinture. qus relie, étant plus chargé de par- ties faîines , en devient plus aârif, bien entendu qu’il y relie cepen- dant une quantité fuffifante d hu- midité. Car les fels étant une fois cry fhalliles & à fec n’agilfent plus. Je me fuis étendu fur ce boüiilon & lut la manière de le préparer , beaucoup plus que je ne ferai dans la fuite , parce qu’il y a un grand nombre de couleurs pour lesquelles il fe dofe à peu près de même ; ainfî je me con- tenterai alors de le décrire fort légèrement, marquant feulement les changemens qu’il y’ aura à faire dans les dofe s d’alun , de tartre, d’eau fure ou d’autres in- grédiens. Après que les laines ont été fur le bouillon pendant cinq ou lix jours, elles font en état de rece- voir la teinture. On prépare donc un bain frais , fuivant la quantité x Chapitre XI I. 2,55 - de laine que Ion veut teindre , & lorfqu’il commence à être tiede , 1 r J on y jette douze onces de Kermès pulvérifé .ou concafîe pour cha- que livre de laine à teindre , 11 l’on veut une écarlatte bien plei- ne & bien fournie en couleur. Si le Kermès étoit trop vieux ou éventé , il en faudrait une. livre’ pour chaque livre de laine. Lors- que le bain commence à boüil- lir > on y met la laine qui doit être encore humide » h elle a toujours demeuré fur le bouillon , c’clf-à- d;re > fî elle a toujours été enve- loppée dans le fac & tenue dans un lieu frais depuis quelle a été boüillie. Si elle étoit boüiilie de- puis long -temps, qu’on l’eut laide fécher , il faudrait la palier fur f eau limplement tiède , & Fa bien exprimer avant que de la mettre dans la teinture. .Avant que de plonger cette 2* 54 L'Art de la Teinture. lame dans la Chaudière où eftle Kermes , il eft bon d’y jetter une petite poignée de laine de rebut, qu on y laiilera boüillir un mo- ment. Elle enlève une efpéce de noirceur ou de c rafle que jette le Kermes, & la laine qu’on y pafle enflure en prend une plus belle couleur. Lorfqu’on aura levé cet- te poignée de laine , on y mettra celle qui a été boüillie , & que l’on veut teindre : on p aller a les bottes fur des bâtons , comme on fait lors du boiiillon , & on la re- muera continuellement , l’éven- tant, ou faifant de temps en temps prendre l’air aux bottes l’tme après l’autre. On la laiilera bouil- lir de la iorte pendant une bonne X heure : on la lèvera enflure furies chevilles ou perches , on la laif- ^ fera égoûter , on l’exprimera, & on la portera laver à la riviere. ' . Si l’on vouloir profiter de ce Chapitre XII. 2,55 qu’il peut y avoir encore de tein- ture dans le bain , on pourroit y palier un peu de laine boüillie, & elle 11e laiüeroit pas d’y pren- dre de la couleur, à proportion de la bonté du Kermès, & de la quantité qu’on en aura mile dans la Chaudière. Lorfqu’on veut faire une fuite de nuances, dont les unes fosent plus roncées que les autres, 011 met beaucoup moins de Kermès ; enforte que pour vingt livres de laine boüillie , on n’en mettra peut-être que fept ou huit livres. On y pâlie d’abord la quantité de laine que l’on veut avoir- de la nuance la plus claire , & on ne la laide dans la Chaudière que le temps qu il raut pour la retourner, enforte qu elle prenne la teinture également. On la lève enfuite fur les chevilles, &011 y met tout de fuite celle qui doit être d’une L’Art de la Teinture. nuance plus foncée , & on l’y faille un peu plus long-temps. On continue de la forte jufqu’à la derniere qu’on y faille auffi long- temps qu’il elf néceffaire pour acquérir la couleur que l’on veut. La raifon pour laquelle on com- mence parla nuance la plus clai- re , ell que ii on lai fie la laine dans la Chaudière plus long -temps qu il ne faut, il n’y a rien de per- du, attendu qu’on réferve cette botte de laine pour mie nuance plus foncée : au lieu que il l’on commençait par les plus brunes , il n y aurait plus de remède , lorf- qu’on viendrait par hazard à manquer quelqu’une des nuan- ces claires. Il faut prendre la mê- me précaution dans toutes les couleurs dont on fait des fuites , c'eff- à-dire , des nuances dégra- dées toujours de plus faibles en plus foi blés. Il cil rare qu’on en \ Chapitre XII. 157 fafle de la couleur donc il eft queftion maintenant, parceque les baflcs nuances de cette cou- leur ne font pas d’un grand ufage. Mais comme la manœuvre eft la même pour toutes les couleurs, ce que j’ai dit à l’occalion de celle-ci peut fervir pour toutes les autres. Après que les laines font tein- tes de cette maniéré , & avant que de les porter à la riviere ,on peut les palier fur un bain d’eau un peu tiède > dans laquelle on a fait fondre exa&ement une petite quantité de favon : cela donne de l’éclat à la couleur j mais , en même temps , la rofe un peu , c’eft- à-dire , qu’elle y prend un petit œil tirant fur le cramoilî. Comme je me fervirai très-fou- vent dans la fuite de ce Traité, fur-tout en parlant des rouges , du terme de Rofer & de celui '2. 5 S L'Art de la Teintüre. d Aviver , il eft bon d’expliquer ec que 1 on entend par ces mots. Refer eft, comme je viens de, le dire, donner un œil cramoifî au rouge ; le faire tirer un peu for le gris cie lin ou fur le violet. Le fa von & les fels alcalis , tels que la leffive de cendres , la potaffe , les cendres gravelées, la chaux, ro- fent les rouges ; enforte qu’ils fer- vent de moyen pour les amener a la nuance qu'ils doivent avoir, îorfqu on leur a donné un peu trop de feu , & qu’ils font ce qu’on appelle trop avivés ou rancis. Aviver , c’eft faire précifément tout le contraire : c eft donner du feu au rouge •, c’eft le faire tirer un peu for le jaune ou fur ' . l’orangé. On appelle atiffi quel- quefois cette opération Rancir. Elle fe fait lur la laine à l’aide des acides , comme le tartre rouge ou blanc, la crème de tartre, le vi- Chapitre XII. 2.59 naigre , le citron , l’eau forte feu- le. On met plus ou moins de ces acides, fuivant que l’on veut la couleur plus ou moins orangée. Si ,par exemple , dans le cas pré- fent on vouloir que l’écarlatte de graine eût plus de feu & appro- chât un peu plus de lecarlatte or- dinaire , on n’auroit qu’à verfer dans le bain , après y avoir mis le Kermès, un peu de compolltion d’écarlatte , dont il fera parlé dans la fuite , la couleur brune du bain ferait éclaircie fur le champ par cet acide , &: elle deviendrait d’un rouge plus vil : la laine qu’on y palleroic tirerait plus fur l’oran- gé j mais en même temps elle de- viendrait plus fujctte à fe tacher par la boue & par les liqueurs acres. On en verra la raifon dans le Chapitre de i’Ecariatte des Gobelins. j’ai lait fur cette couleur un 2 ,6o L’Art de la Teinture. grand nombre d’expériences pour tâcher de la rendre plus belle & plus éclatante quelle ne l’eft ordinairement; mais je n’ai pû en tirer de rouge qui fut com- parable â celui que donne la co- chenille. De tous les boüillons que j’ai dofés pour préparer la laine, celui qui m’a le mieux réuffi eft celui qui a été fait’ fuivant les proportions que j’ai rapportées. En altérant le teint naturel du Kermès par diverfes fortes d’in- grédiens , de diffolucions métalli- ques , Sec. on en tire diverfes cou- leurs, dont je parlerai inceiTain- ment. Je ne dirai qu’un mot fur la maniéré de teindre les étoffes du même rouge que la laine ci-def- fus } car ne pouvant preferire au- cune proportion par aune d’étof- fe , vû la variété infinie de leur * largeur , de même de leur épaif- 1 Chapitre XÏI. 161 tir, ou de la quantité de laine ti entre dans leur fabrication, n’y a guères que l’ufage qui liffe apprendre les dofes nécef- ires à chaque forte d’étoffe. Si >n veut cependant avoir quel- le chofe de précis pour ne pas ire des expériences au hazard, plus fûr eft de pefer l’étoffe îe l’on veut teindre , & de di- inuer environ d’un quart les in- édiens colorans que j’ai preferit >ur les laines filées , pareeque s étoffes prennent moins de nileur dans l’intérieur , attendu ic leur tiffurc ferrée l’empêche ; pénétrer, au lieu que la laine ée ou la laine en toilon la prend iffi facilement dans l’intérieur , ae fur la furface extérieure. On doit aufîi diminuer, à peu tes dans la même proportion, dun & le tartre qui entrent dans boüillon des étoffes -, & iin’eff i6z L’Art de la Teinture. pas necefïaire que l’étoffe fejour- 11c fur le boiiillon auflî long-temps que la laine : on pourrait même la mettre à la teinture le lende- main qu elle a été bouillie. vSi I on teint en rouge de Ker- mès de la laine en toifon, pour lincorporer enfui te dans des draps de mélange , ou pour en fabriquer des draps pleins , elle fera dans ces fortes de draps un beaucoup plus bel effet que la lai- ne teinte en rouge de garance. J en parlerai dans la defeription des couleurs compofées de celles où entre le Kermès , ou du moins où il devrait entrer préférable- ment à la garance , qui ne donne pas un û beau rouge , mais qui étant à beaucoup meilleur mar- ché , y eft prefque par- tout em- ployée. On appelle Ecart atte demi grai- ne } celle où l’on employé moitié \ Chapitre XII. Kermès & moitié garence. Ce mélange donne une couleur ex- trêmement loiide , mais qui n’eft pas vive , &: qui tire un peu fur la couleur de rang. Elle fe prépare & fe travaille précifément com- me l’écarlatte de pur Kermès, il ce n’eft que dans le bain on ne met que moitié de cette graine, pour me fervir de fexprefîion des Teinturiers , & que l’autre moitié eft remplacée par la ga- rencc. Elle eft parconféquent moins chère , & il arrive fouvent que les Teinturiers qui en font, la livrent beaucoup moins belle qu’elle ne devroit être, parce- qu’ils diminuent la quantité du Kermès , & qu’ils augmentent cel- le de la garence. Par les épreuves qui ont été faites de ,1 ecarlattc de graine ou de Kermès, foit en l’expofantau foie il, foit par les difFérçns dé? 164 L’Art de ia Teinture. boüiliis , on a reconnu qu'il n’y a point de meilleure couleur ni de plus iolide : elle va de pair pour fa folidiré avec les bleus dont j’ai parlé. Cependant le Kermès n’eff prefque plus d’ufage en aucun endroit qu’à Venife. Le goût de cette couleur a pâlie entièrement depuis qu’on a pris celui des écarlattes couleur de feu. On ap- pelle préfentement cette écarlat- te de graine , une couleur de pmg de beuf Cependant elle a de grands avantages fur i'autre ; car elle ne noircit point & ne fe ta- che point , & h l’étoffe s’engraiffe, on peut enlever les taches fans endommager la couleur. Elle n’eft plus de mode néanmoins, & cette raifon prévaut à tout. Elle a fait tomber entièrement la con- fommation du Kermès en Fran- ce. A peine y a-t’il un Teinturier qui le connoiffe , & lorfque j’ai ■voulu Chapitre XII. voulu en avoir une certaine quan- tité pour en faire les expériences ci-delîus rapportées , il a fallu le faire venir de Languedoc -, les Marchands de Paris ne s’en char- geant que de ce qu’ils en peuvent débiter pour l’ufage de la Méde- cine. Quand un Teinturier eft obli- gé de taire quelque pièce de drap de la couleur connue encore fous le nom d écarlatte de graine } comme il n a ni la connoiftance du Kermès ni fufage de l’em- ployer , il la fait avec la coche- nille , ainfi que je le dirai dans le Chapitre iinvant : elle lui coûte plus cher , & elle eft moins folide que celle qui eft faite avec le Kermès. Ils font la même chofe pour les laines filées deftinées aux tapifteiies ; & comme cette nuan- ce eft aftès difficile à attraper dvcc la cochenille j ils y mêlent i66 L’Art de la Teintüre. ie plus fou vent du bois de brefil , qui juiqu’à préfent a été un faux ■ ingrédient , permis feulement dans le petit teint. C'eft ce qui fait qiie ces fortes de rouges le pallént en très-peu de temps , & que quoiqu’ils loient beaucoup plus vils qu’il ne laut en forçant des mains de l’Ouvrier, ils per- dent tout leur éclat fouvent avant que l’année foit révolue. Iis blan- chiment & grifent extraordinai- O rement. Il feroit donc extrême- ment à fouhaiter que l’ufage du Kermès fe rétablît. 11 eft meme certain que ii quelque Teinturier s’addonnoit à l’employer , il y a plusieurs couleurs qu’il en tirerait avec plus de facilité & moins de dépenfe : l’on pourrait être a duré que ces • couleurs feraient des meilleures & des plus folides , & par-là il parviendrait peut-être à fe mettre en plus grande réputai Chapitre XII. i6j tion. J’ai fait avec le Kermès cin- quante expériences donconpeuc tirer quelque utilité dans la pra- tique. Je ne les rapporterai pas toutes , mais feulement celles qui ont donné les couleurs les plus hngulierés. En employant le Kermès avec la crcrne de tartre fans alun , & autant de compoiition qu’on en mettrait pour une écarlatte de cochenille , on a en un feul bain un canclle extrêmement vif, par- ccque ne failant entrer que de 1 acide dans ce mélange, les par- ties ranges du Kermès devien- nent h tenues qu elles échappent, pour ainfi dire, à la vue. Maislî 1 on pâlie ce candie dans un bain d alun de Rome , on fait reparoî- tie une partie de ce rouge, foie parce que 1 alun ajouté challe une partie de 1 acide de la compoli- tion, foit pareeque la terre dç Mi; m 2.68 L’Art de la Teinture, l’alun , étant précipitée par l’ad- ftri&ion du Kermès qui fait l’ef- fet de la galle, cette terre réünit les parties rouges ddperlées , ôc s’applique avec elles fur la laine. Au relie , le rouge qui reparoît par ce moyen n’eft pas beau. Avec la crème de tartre, la compolîtion pour l’écarlatte &C l’alun mis en plus grande quan- tité que le tartre , le Kermès don- ne une couleur de Lilas , qui varie félon qu’on change les propor- tions de ces ingrédiens. - Si à l’alun & au tartre on fub- * < ' 1 ftitue le tartre vitriolé déjà pré- paré , qui ell un fel fort dur, ré- lultant du mélange de l’acide du vitriol avec un alcali fixe , tel que l’huile de tartre , la lelîive depo- talfe , &c. & qu’après avoir mis boüillir le Kermès dans la diflo- lution d une petite quantité de cç fel % on y plonge l’étoffe pour l’y Chapitre XIL 169 faire boiiiilir environ une heure , on a un gris d’agathe allés beau, dans lequel on apperçoit peu de rougeur, parceque l'acide delà compofition a trop divifé le rou- ge du Kermès , & parceque le tartre vitriolé ne contenant pas la terre de l’alun , elle 11’a pû raf~ fembler ces atomes rouges dif~ perfés en fe précipitant. Mais ces gris d: agathe font de bon teint, parceque , comme je l’ai dit dans le Chapitre de l’Indigo , le tartre vitriolé eft un fcl dur , qui ne fe calcine pas aux raïons du foîeil, & qui ne peut être dilfout par l’eau de la pluie. Le fel de Glauber employé avec le Kermès détruit entière- ment fon rouge , & donne un gris terreux qui ne tient pas aux épreu- ves , parceque ce fel ne rélifte ni à 1 eau froide ni àl’aétion des raïons du loleil qui le réduifent en farine. M iij 1 Jl e iu- *7° L Art de la Teinture. Le vitriol ou couperofe verte , & le vitriol bleu , fubftitués fépa- rement a 1 alun , mais employés avec le cryfial de tartre , détrui- sent pareillement , ou voilent la couleur rouge duKermés,qui dans ces deux expériences fait le mê- me effet que il Ton eut en avec lui la noix de galle ou mach, pmfqu il précipité le 1er du vitriol verd , qui teint le drap en gris-bruni $& le cuivre du vitriol bleu qui teint le lien en olivâtre. Quant au vitriol bleu , je fub- ftitue une di/folution de cuivre dans l’eau forte : j’ai auffi une cou- leur olivâtre , marque certaine que le Kermès a la faculté préci- pitante de la galle, pu ifqu’il pré- cipite le cuivre de ce vitriol , comme le feroit une décodion de noix de galle. Il y a grande apparence que ce qui rend le rouge du Kermès Chapitre XTI. 171’ aufïi folide que celui de lagaren- ' ce , c’eft que cet infeéte s’étant nourri fur un arb rideau aftrin- gent , il a confervé , malgré les changerhens qu’a pû caufer au fuc ou fève de la plante la digef- tion qui s’eîi eft faite dans l’efto- inac de i’infeéte , la vertu aftrin- gente du végétal , & parconfé- quent la vertu de donner plus de reffort aux parois des pores de la laine pour fe refferrer plus vite & plus fortement, quand elle fort de l’eau boitillante , & qu’on f ex- pofe à l’air froid. Car j’ai remar- qué que toutes les écorces, les racines , les bois , les fruits & les autres matières qui ont quelque aftriétion , donnent toutes des couleurs de bon teint. Le vitriol blanc de Gofîar , dont la bafe eft le zinc ( comme je l’ay fans bleu- dit dans mon Mémoire lur ce fe- mi -métal , de l’année 17 5 > ) étant M iiij Vîoîcts L’Art de ia Teinture. employé avec le cryftal de tartre* change le ronge duKermés en vio- let. Ainfi , avec une feule drogue colorante & de /impies altérans , on peut faire des violets fans don- ner auparavant des pieds de bleu. Car cette couleur compofée , ou regardée comme telle , pareeque jufqu à préfent on n’a pu l’avoir qu’en appliquant le bleu fur le rouge , ou le rouge fur le bleu , réulîît aulfi avec la cochenille „ même avec la garence , ainfi qu’on le verra quand je parlerai de ces deux ingrédiens. Comme le vitriol blanc efl tiré d’une mi- ne qui contient du plomb , de l’arfenic , & plusieurs autres ma- tières dont les recrémens fondus enfiute avec le fable & des fels alcalis fe vitrifient en une maife bleue , qu’on nomme le fifre ; je foupçonnai que le vitriol blanc pourrait bien contenir une por~ Chapitre XII. 2.7$ tîon de ce bleu, lequel avoic pu convertir le rouge du Kermès en violet, & que. par conféquent la mine de bilmuth , qui renferme réellement cette matière bleue , 8c le bifmuth lui-même , feroitle même effet que le vitriol blanc : &T l’on va voir que je ne me fuis pas trompé dans ma conjecture. Car ayant fait tomber de l’extradion de la mine de bifmuth fur le bain d une expérience que je faifois avec le Kermès, & de la dilTolu- tion du bifmuth même , fur une autre décoétion du même ingré- dient , 1 une 8c l’autre teignirent le drap blanc en violet. Je ne donnerai point ici la maniéré de faire l’extradion de la mine de bifmuth , parcequ’outre que c’eft une opération un peu difficile pour un Teinturier von ne trouve point de cette mine en France j il faut la faire venir de la Mifnie d Mv 2.74 L-Aïit de la Teinture. cl ou on ne la Jaiile pas forcir ai- fément. Si le Leéteur efl cepen- clanc curieux de fçavoir ce que ) entends par extraéfion de la mi- ne, de bifmuth, il en trouvera le procède dans les Mémoires de i Academie des Sciences de l’an- née 1737, où il y a un Mémoire de moi fur les encres fympathi- ques. Quant à la -dilîolution de bifmuth , qui lait à peii près le meme effet, voici comme je la fais. Je prends quatre parties d’eiprit de nitre & quatre parties d’eau bien pure , je les mêle en- femble, & j’y fais diiîoudre une partie de bifmuth ou étain de glace, que j’ai caffé en petits morceaux , pour les mettre peu à peu dans la liqueur, de crainte qu il ne fe falfe d abord une trop violente fermentation. • ■ 1 * Toutes les fois qu’011 verfefur un bain de Kermès des acides en f. Chapitre XII. ±75 trop grande quantité ; quecefoit i’efprit de vitriol, l’efprit de nitre ou l’eau forte, le vinaigre, le jus de citron, même l’eau fine; on divife 11 fort les particules rouges colorantes , que le drap n’en re- çoit qu’une couleur de caneîle tirant à l’aurore , s’il y a trop d’a- cide , fit un peu plus rouge , s’il y en a moins. Les fels alcalis fixes , joints à l’eau lure fié à la crème de tartre , à la place de l’alun , ne détruifent pas le rouge du Kermès, comme 'es acides, mais ils le rofent fie le falilfent, li l’on en met trop ; en- forte que le d rap n’en reçoit qu’u- ne couleur de lilas ailes terne. D’autres expériences encore plus "variées que celles qu’on vient de lire , m’ont donné une infinité de couleurs ; mais comme elles ne préfentent à la vûë rien de plus beau que ce qu’on peut faire avec %jê L Art de la Teinture, des ingrediens beaucoup moins diers que le Kermès ; je n’ai pas cru devoir les rapporter, parce- que ce feroit allonger inutilement ce Traité. ****** $c * * & * & * * # & CHAPITRE XIII. / Ecarlztte couleur de feu • ’Ecarlatte couleur de feu, connue autrefois fous le nom d Ecarlatte de Hollande , & aujourd’hui fous celui d’Ecœr- latte des Gobe lins , & dont Kunc- Icel attribue la découverte à Kuf- ter, Chymifte Allemand, ell la plus belle & la plus éclatante cou- leur de la Teinture. Elle eftauifi la plus chere , & une des plus dif- ficiles à porter à fa perfection. On ne peut même guère s déterminer quel eft ce point de perfèdion 5 car indépendamment des diffé- Chapitre XIII. î-77 rens goûts qui partagent les hom- mes iur le choix des couleurs , il y a aulîi des goûrs généraux , pour ainlî dire , qui [ont que dans un temps , des couleurs font plus à la mode que dans d’autres. Ce font alors ces couleurs de mode qui font des couleurs parfaites. Autrefois , par exemple , on vou- loit les écarlattcs pleines, foncées, d’une couleur que la vue foutenoit aifément. Aujourd hui , on les veut orangées , pleines de feu , & que l’œil ait peine à en loutenir l’éclat. Je ne déciderai point le- quel de ces goûts mérite la pré- férence ; mais je vais donner la maniéré de les faire d’une façon & de l’autre , & de toutes les nuances qui tiennent le milieu entre ces extrémités. La Cochenille qui donne cette belle couleur, & qu’on nomme Mefcc^ue ou Tefcalle } ell un infec-r *7% L Art dë la Teinture. te donc on fait une récolté confi- dcrable dans le Mexique. Les Naturels du Pais & les Efpagnols, qui n ont que de petits Etablille- înens, le cultivent, c’ell-à-dire , qu ils ont foin de le retirer de def- fas^la plante qui le nourrit avant la fi i ion des pluies. Ils font mou- ru 8e iccher ce qu’ils ont defîein d en vendre , & confervent le icflc pour le faire multiplier * quand la mâuvaife faifon êft paf- fée. Cet infeéte fe nourrit & multi- plie fur une elpéce & Opuntia, épi- neux , qu’on nomme Topai : il fe conferve dans un lieu fec pen- dant des lié clés fins fe gâter, 8C j’en ai une petite quantité qu’on a envoyée d’Amfterdam avec les preuves requifes de cent trente ans d ancienneté. Cependant il cil tout auilî entier que s’il arri- vait de la Vcra-Cruz , & fait en teinture le même effet qu’une Co- chenille nouvelle. ! Chapitre XIII. 179 La Cochenille Sylveftre ou Cœr/î* ■pefjïane eft aufti apportée de la Vera-Cruz en Europe. Ceft dans les bois du Nouveau Mexique & de î’ Ancien que les Indiens vont la chercher. L’infecte s y nourrit , y croît, y multiplie fur les Opun- tias non cultivés, qui y font en abondance. Il y eft expoié, dans la laifon des pluies , à toute l’hu- midité de l’air , & y meurt natu- rellement. Cette Cochenille eft toujours beaucoup plus menue „ que la Cochenille fine ou culti- vée. Sa couleur eft meilleure ô£ plus folidc que celle qu’on tire de la Cochenille fine ; mais elle n’a jamais le même éclat: & d’ail- leurs il n’y a pas de profit à l’em- ployer, ppifqu’il en faut quatre parties , & quelquefois davan- tage pour tenir lieu d’une leule partie de Cochenille fine. On trouve aulli quelquefois à t I 2.8° L Art de la Teinture» Ca de l’eau qui doit fervir à la tein- ture , de de la maniéré de. prépa- rer la diffolution de l’étain , que les Teinturiers ont nommé Com~ tojition four /’ ecarlatte. Comme c’eft par cette com- polition qu’on donne la couleur vive de feu au teint de la Coche- nille , qui fans cette liqueur aci: de feroit naturellement de cou- leur cramoifie , je vais décrire la maniéré de la préparer , qui ni a le mieux réufli. Je prends huit onces d’efpric de nitre, qui eft toujours plus pur que l’eau forte commune , & de bas prix , em- ployée ordinairement par les Compo* fuion d’E- cariatte. 2. 8 2, L Art de la Teinture. Teinturiers. Je m’alîure par les méthodes connues des Chymif- tes, qu il ne contient point d’a- cide vitrioiique. J’affoiblis cet acide nitreux , en veriant deflus huit onces d’eau de riviere filtrée. J y dirions peu a peu une demie once de fel ammoniac bien blanc, P oui en faire une eau régale , parceque , comme on le fçait , l eiprit de nitre feul n’eft pas le diflolvant de l’étain : enfin , j’y ajoute feulement deux gros de faîpêtre de la troifiéme cuite. On pourroit à la rigueur le fuppri- mer j mais je me fuis apperçu qu’il contribuoit à unir la cou- leur , c eft-à-dire > àla faire pren- dre plus également. Dans cette eau régale affaiblie, je fais dif- foudre une once d’étain d’Angle- terre en larmes , que j’ai grenaille auparavant, en le jettant fondu, d un peu haut , dans une terrine 1 ' ) . - . ' \ Chapitre XïïI. 283 pleine d’eau fraîche ; mais je ne fais tomber mes petits grains d’é- tain dans le diffolvant, que les uns après les autres ; attendant que les premiers foient diilous, avant que d’en mettre de nou- veaux, afin d’eviter la perte des vapeurs rouges qui .s’éieveroienc en grande quantité , & qui fe per- draient fi la dillolution du mé- tal le fanait trop précipitam- ment. Ces vapeurs font nécellai- res à conferver -, & , comme Kunckel l’avoit obfervé de fon temps, elles contribuent beau- coup à la vivacité de la couleur, foit, pareeque c’eft un acide qui s’évaporerait en pure perte , foit quelles contiennent un fulphu- reux particulier au falpêtre, qui donne de l’éclat à la couleur. Cette méthode eft beaucoup plus longue à la vérité que celle des Teinturiers , qui verfent a abord 2.84 L Art de ia Teinture. leur eau forte fur letain grenaille* & qui attendent qu’il leWune vive fermentation, & qu’il s’en f»eIe,leaucouP de vapeurs pour a loiblir par l’eau commune» Quand mon étain eft ainlî dif- lout peu à peu , la compolition ecarlatte eft faite , & la liqueur efi d une belle couleur de diffoiu- rmn d’or , fans aucune boue préci- pitée ni fediment noir , parceque je nie fers d un étain très -pur fans alliage , & tel qu’il coule de la première fonte des fourneaux de Cornouailles , au lieu qu’il eft rme de trouver de l’étain à petit enapeau , qui ne faille pas de fe- diment noir au fond du vailTeau. Cette dilïolution de letain, fort tranlparente quand elle eft nou- vellement faite , devient laiteufe &: opaque dans les grandes cha- leurs de l’été. La plupart des Teinturiers font dans l’opinion ) Chapitre XIII. 2.85 qu’alors elle eft Tournée , & qu’el- le n’eftpîus bonne à rien. Cepen- dant j’ai reconnu que la mienne , malgré ce défaut > faifoit l’écar- latte aufli vive que fl elle fut ref- téc limpide. De plus, dans les temps froids , la mienne reprend fa première tranfparençe 3 ce qui, à la vérité, n’arrive pas à une coinpolîtion qui n’a pas été pré- parée avec toutes les précautions que j’ai indiquées. J’ajoute qu’il eft néccffaire de la conferver dans des flacons bien bouchés d’un bouchon de cryftal, de crain- te que le plus volatil ne s’évapore. Les Teinturiers n’ont pas cette attention 3 aufli leur corn- polition leur devient très -fou- vent inutile au bout de douze ou quinze jours. Je leur indique ce qu’il y a de mieux à faire , & s’ils cherchent la perfedion , ils chan- geront leur routine , qui eft dé- zS6 L Art de la Teinture. feéhiëufe.Ceux qui font en état de juger d apres des connoi flanc es préliminaires , qui d’eux ou de moi a raifon, ne peuvent le faire qu «apres la leéfure de ce qui fuit. Les Teinturiers mettent d’a- bord dans un vaifleau de grais, de large ouverture, deux livres de fel ammoniac , deux onces de falpê- tre rafliné , & deux livres d’étain grenaille à l’eau, ou pour le mieux, en rapures , parceque quand il a été fondu & grenaille , il y en a une petite portion de convertie en chaux , laquelle ne fe di floue pas : ils pefent quatre livres d’eau dans un vaifleau à part , & ils en jettent environ un demî-feptier fur ce mélange dans le vafe de grais. Ils y mettent enfuite une livre & demie d’eau forte corn- / mune , qui produit une fermen- tation violente. Lorfque l’ébulli- tion pii ceflée , ils y remettent J Chapitre XIII. 187 encore autant d’eau forte , & un mitant après ils y en ajoutent encore une livre. Après quoi iis y verfent le refte des quatre li- vres d’eau qu’ils avoient mile à part. Iis couvrent bien le vail- le au , & iis lailîent repofer la compofition jufqu’au lendemain. On peut mettre dilloudre le fal- oêtre & le Tel ammoniac dans eau forte , avant que d’y mettre l’étain ; ce qui revient abfolumenc au même , félon eux , quoiqu’il l’oit fur que cette derniere ma- niéré elt la meilleure. D’autres mêlent l'eau &: l’eau forte enfem- ble , &: mettent ce mélange fur l’étain & le fel ammoniac. D’au-? très enfin iuivent différentes pro- portions, Le lendemain de la prépara- yoiiiiioi* • 11 r ■ • , d’Ecatlac. non de la compofition, on raitle te. boiiillon pour 1 écarlatte , qui ne rçüemble. point à celui dont j’ai 2-SS L’Art de la Teinture. parlé dans le Chapitre précédent. Voici de quelle maniéré on le prépare. Pour une livre de laine filée , par exemple , on met dans une petite Chaudière vingt pintes d’eau bien claire , qui foit de ri- vière , & non de puits ou de four- ce trop vive. Lorfque l’eau eft un peu plus que tiède , on y jette deux onces de crème de tartre en poudre fubtile , & un gros &C demi de cochenille pulvérifée 8ç ' tamifée. On pouffe le feu un peu plus fort , & lorfque le bain eft prêt à bouillir , on y jette deux onces de compofition. Cette li- queur acide change tout d’un coup la couleur du bain , qui , de cramoifi qu’il étoit, devient cou- leur de fang d’artere. Auffi-tot que le bain a commencé de bouil- lir, on y plonge ia laine , qui doit avoir été précédemmentmoiiillée dans l’eau chaude, & exprimée; on Chapitre XIII. 289 on remue fans difcontinuer , la laine dans ce bain, & on l’y laide boiiillir pendant une heure & de- mie , après quoi on la lève , on l’exprime doucement, & on la lave dans de l’eau fraîche. En fortant de ce hoiiillon , la laine eft de couleur de chair ad’és vil , ou même de quelques nuances plus foncé , fuivant la bonté de la Co- chenille, & la force de la com- pontion. La couleur du bain eft alors entièrement padée dans la laine , cnforte qu’il demeure pref- qu’audi clair que de l’eau commu- ne ; c’ed-là ce qu’on appelle le boiiillon d’Ecarlatte , &: la pre- mière préparation que l’on doit frire avant que de teindre; pré- paration abfolument nécedaire , fans laquelle la teinture de la Cochenille ne tiendrait pas. Pour l’achever , on prépare un Rougie nouveau bain d’eau claire ; caria 2-9° L Art de la Teinture*. beauté de 1 eau importe infini- ment pour la perfedion de l’E- ca «Jatte ; on y met en même temps une demie once d’amidon; & lorfque le bain eft un .peu plus que tiède , on y mêle fîx gros & demi de Cochenille , auffi pulvé- rifée & tamifée. Un peu avant e ue le bain boüille , on y verie deux onces de compofîtion ; le bain changé de couleur comme la première fois. On attend qu’il ait jette un boüillon 5 & alors on met la laine dans la Chaudière. On 1 y remue continuellement comme la première fois; on l’y laide bouillir de même pendant une heure & demie ; après quoi on la lève , on l’exprime , & on la porte laver à la rivière : l’Ecarlau- te eft alors dans fa perfedion. Il fufïit d une once de Coche- nille par livre de laine , pour la faire belle & fuffilamment fournie / Chapitre XIIL zçt de couleur, pourvû qu’elle foit travaillée avec attention , de la maniéré que je viens de dire, &c qu’il ne relie aucune teinture dans le bain. Si cependant on la vou- loi t encore plus foncée de Coche- nille , on en mettrait un gros ou deux de plus ; mais li on alloit au- delà, elle perdrait tout fon éclat & fa vivacité. Quoique j’aie fixé la quantité de la compofition, tant dans le boiiillon que dans la teinture , il ne faut pas , à beaucoup près , re- garder cette dolc comme inva- riable ; 1 eau forte dont fe fervent les Teinturiers efl rarement d’une force égalé j on juge par-là que fî on la mêle toujours avec une égale quantité d’eau, la compofition qui fera faite avec la plus foible ne fera pas le même effet que l’au- tre. Il y aurait certainement des moyens de s’affurer des degrés nç)% L’Art de la Teinture. de l’acidité de l’eau forte , com- me , par exemple , de ne fe fervir que 4e celle dont deux onces dilloudroient une once d’argent, on pourrait par-là réuilir à taire une compofition qui ferait tou- jours la même : mais la qualité de la Cochenille produira alors de nouvelles variétés j & d’ailleurs, le peu de différence que cela caufe ordinairement dans la nuance de l’Ecarlatte, n’eft pas fort à confidérer, outre qu’il y a moyen de la raccommoder & de la mener préeiüèmçnt au point que l’on veut. Si la compofition eft foible , & qu’on n’en mette pas la quantité que je viens de marquer, 1 Ecar- Jatte fera un peu plus foncée & plus nourrie en couleur ; fi au con- traire on en met un peu plus , elle Ter a plus orangée , & aura ce qu’on appelle plus de leu, On y ■ ■ ' - a % __S Chapitre XIII. 2,93' peut , pour lui donner cette nuan- ce , y ajouter après coup un peu de compolition , li on trouve quelle prenne dans le bain une couleur trop foncée. Mais pour ajouter cette compolition dans le bain, il faut en tirer la laine, & bien mêler la compolition dans la Chaudière j car li elle venoit à toucher une partie de la laine , avant que d etre bien mêlée , elle feroit des taches. Si au contraire on trouve que l’Ecarlatte a trop de feu , qu’elle ell trop orangée ou trop rance , il n’y a qu’à , lors- qu'elle eft entièrement achevée, la palier fur un bain d’eau chau- l de : ce bain la rofe un peu , c’elf- à-dire, qu’il diminue de fon éclat orangé. Si on y en trouvoit en- core trop , il faudrait ajouter dans ce bain d’eau chaude un peu d’a- lun de Rome. Quand on veut faire de la laine Niij 2,94 L’Art de la Teinture. filee de toutes les nuances qui dérivent de l’Ecarlatte , il ne faut mettre qu’en vir on la moitié de la Cochenille &: de la compoli- tion qu’on employeroit pour la même quantité d’Ecarlatte plei- ne : on diminuera aufli à propor- tion la crème de tartre dans le boiiillon -, on partagera la laine en autant de flottes ou d ’échevaux que l’on veut faire de nuances j & lorfque le boiiillon fera prépa- ré, on y palfera d’abord la laine qui doit être la plus claire , qu’on n’y lai liera que très-peu de temps j on mettra enfuite celle qui doit être un peu plus chargée , qu’on y lailfera plus long-temps j ôèl’on continuera de la forte jufqu’à la plus foncée : après quoi on lavera les laines , & on préparera le bain pour les achever. Lorfqu’il fera en état , on y palfera toutes ces nuances bouillies l’une après l’au- Chapitre XIII. 2,9$ tre , en commençant toujours par la plus claire ; & s’il y en avoir quelqu une qu’on s’apperçût n’ê- tre pas affes chargée , enforte que cela fit un trenchant , dans la fuite des nuances, onia repafferoit dans le bain. L’œil juge très-fa- cilement de cette dégradation nécelfaire dans les nuances , & il ne faut qu’un peu d’habitude pour réufîîr parfaitement dans leur af- fortiment. Il y a une circonftance dans la teinture de l’Ecarlatte dont je n’ai point encore parlé , & qui mérite attention : il s’agit de fça- voir de quelle matière doit être la Chaudière dont on fe fert. Tous les Teinturiers font parta- gés fur ce point. On fe fert en Languedoc de Chaudières d’é- tain fin. Il y a à Paris plufieurs Teinturiers qui s’en fervent auflî. Cependant M. de Jullienne , qui N iüj ~ £96 L’Art de la Teintüre. fait des Ecarlattes fort recher- chées, ne le fert que de Chau- dières de cuivre jaune. On n’en a pas d’autre non plus dans la Manufacture des Teintures de Saint Denis. M. de jullienne a feulement la précaution de pla- cer un grand réfeau de corde , dont les mailles font allés étroi- tes , dans la Chaudière , afin que l’étofie n’y touche point. Au lieu d’un' réieau , on fe fèrt à Saint Denis d’un grand panier d’olier écorcé à claires voyes, qui ell moins commode que le réfeau , parce que jufqu’à ce qu’il foit chargé du drap ou de l’étoffe qu’on y doit plonger , il faut un homme a chaque côté de la Chau- dière pour appuyer deffus , & l’empêcher de remonter à la fur- face du bain. Cette pratique li différente par rapport au métal dont on doit Chapitre XIII. *97 faire la Chaudière , ma fait pren- dre le parti d’en faire l’expérien- ce moi-même. J’ai pris deux aul- nes de drap blanc de Sedan , que j’ai teintes dans deux Chaudières égales, dont l’une étoit de cuivre, garnie d’un réfeau ou filet de cordes , & l’autre étoit d’étain. J’ai pefé avec toute l’exaditude pofiible, la Cochenille , la compo- fition, & les autres ingrédiens. Je les ai fait bouillir précisément le même temps. Enfin , j’ai ap- porté toute l’attention néceffai- re, pour que l’opération fût la même de tout point , afin que s’il s’y trouvoit quelque différence , on ne pût l’attribuer qu’à la dif- férente matière des Chaudières. Après le premier boüillon , les deux morceaux de drap étoient absolument femblables , fi ce n’eft que celui qui avoit été fait dans la Chaudière d’étain paroiffoitun N v V 2.98 L Art de la Teinture. peu plus marbre , & moins égal j ce qui pouvoit venir , félon coure apparence , de ce que ces deux aunes de drap avoienc peut-être ete moins dégorgées au moulin, que 1 autre portion de deux au- nes. J achevai mes deux mor- ceaux de drap , chacun dans la Chaudière où il avoir été com- mencé , &r ils devinrent tous deux très-beaux. Cependant il écoit ailé de reconnoître que celui qui avoir été tait dans la Chaudière d étain avoit un peu plus de feu que 1 autre, & que ce dernier étoit un peu plus rofé. Il eut été facile de les amener l’un & l’au- tre à la même nuance , mais ce n’étoit pas alors mon objet. Il ré- fulteroit de cette expérience , que lorfqu on fe fert de la Chaudière de cuivre, il faudrait employer un peu plus de compolition que 011 dilfout cet alun à part dans un chaudron , avec une quantité d’eau fuffifante : on le jette dans le bain avant que d'y mettre la Cochenille. Le refte fe fait pré- cifénaent comme dans l’écàrlatte ordinaire , cela donne au drap la couleur de l écarlatte de Ve- O vj $ 314 L Art de ea Teinture, nife j niais elle n’a pas à beaucoup près la meme lolidité, que fi elle avoir été faite avec le Kermès. Il n y a point de fels alcalis qui ne roient auilî l’écarlatte •, de ce nombre font le fel de tartre, la po- taile , les cendres gravelées bien calcinées , le nitre fixé par les charbons : mais on fe -fert plus cômunémcnt de l’alun, pareeque les fels alcalis ne procurent pas de folidité à la couleur ; & de plus, fi on les fait boüiliir avec l’étoffe, il ed à craindre qu’elle ne s’en trouve confidérablement altérée, pareeque les fels alcalis fixes dif- folvent toutes les matières ani- males. Si, parla calcination, on, prive l’alun de fon flegme , il ro- fe bien plus furement. Le bain qui a fervi à rofer ed rouge , & d’autant plus rouge , que l’écar- latte a été plus rofée j c’ed-delà. que ces couleurs perdent dansle Chapitre XIÏÎ. 52.5 bain qui les brunit , une partie de leur fond. On ne fçauroit pour- tant brunir en bon teint qu’avec des fels. Feu M. Baron marque dans un Mémoire qu’il préfenta il' y a douze ou quinze ans, à l’Aca- démie F. ovale des Sciences, que celui de tous les Tels qui lui avait le mieux réulli en brunillant , pour unir la couleur & lui con- ferver fon éclat & Ion fond, étoit le fei d’urine /mais , comme il le remarque , il ell trop incommode de faire ce lel en quantité. J’ai dit au commencement de ce Chapitre, qu’il étoit important de choilir l’eau qu’on employé dans la teinture en écarlatte; par- ce que la plus grande partie des eaux communes la rofent, atten- du qu’elles contiennent prefque toujours une terre gypfeufe ou calcaire , quelquefois de l’a- cide fülphureux ou vitriolique. 3*6 L’Art de la Teinture. C eft a ces eaux qu’on don- ne communément le nom d’eau crue j on entend déligner par ce terme , une eau qui ne dif- lout pas le la von , & dans la- quelle les légumes ont beau- coup de peine à cuire. En trou- vant le moyen d’ahiorber ou de précipiter toutes ces matières hé- térogènes , on rendra toutes les eaux également bonnes pour cet- te forte de teinture. Si F on a des alcalis à détruire , un peu d’eau fure fera cet effet. Cinq ou lîx pieds cubes de ces eaux fûtes , mis fur foixante ou foixante & dix pieds cubes d’autre eau,. avant qu elle ait boiiillie ,, font élever ces terres alcalines en écume qu’il eft aifé d’enlever du bain : plein un fac de toile de quelque racine blanche & mucilagineufe , cou- pée par petits morceaux , ou con- calice 11 elle eft féche , corrige v Chapitre XIÎL 5 vf auffi très-bien une eau douteufe , fi on tient le lac dans l’eau lori- qu’elle bout pendant une demie heure ou trois quarts d’heure } le fon fait auffi allés bien , ainfi que je l’ai fait obferver plus haut. Tout ce que j’ai dit jufqu’à prélent dans ce Chapitre,efi: pour' infiruire ceux qui voudront en- treprendre d’acquérir des con- noifTances dans l’Art de la Tein- ture j je vais tenter préfentement de fatisfaire le Phylicien , en lui préfentant ce que les expériences m’ont fait appercevoir du mé ca- nif ne , pour ainfi dire >, invilible ,, de toutes ces préparations. La cochenille infufée ou boiiiî- Iie feule dans de l’eau pure ^don- ne une couleur cramoifie tirant fur le pourpre ; c’efl fa couleur naturelle. Mettez -en dans un? verre , & verfez dcffus de l’efprit de nitre , goutte à goutte y vous; 3 2.8 L’Art de la Teinture, éclaircirez tellement cette cou- leur , qu’elle deviendra jaune ■, & li vous en mettez encore , à peine vous appercevrez-vous qu’il y ait eu originairement du rouge dans la liqueur du verre •, ainfi i acide détruit ce rouge , c’elf - à - dire , qu’en le dillolvant , il le divife en des parties fi tenues , que l’œil ne peut plus les appercevoir. Si dans l’expérience , j’employe l’a- cide vitriolique à la place de l’a- cide du nitre , les premiers chan- gemens de la couleur feront pour- pres , puis lilas pourprés , enfuite lilas clairs, enfin couleur de chair, puis fans couleur. Cette différen- ce d’un bleuâtre qui fe mêle au rouge pour faire du pourpre , peut venir de cette petite por- tion de fer , dont toute huile de vitriol eft rarement exempte. Dans le boüilion de l’écarlatte on ne met pour tous fels que la Chapitre XIII. $2-9 crème de tartre : on n’y ajoute joint d’alun , comme dans le iîoüillon ordinaire des autres cou- leurs , pareequ’il roferoit la tein- ture , à caufe de fon acide vitrio- lique. Cependant il faut une ma- tière terreufe qui foit blanche -, une chaux , qui avec les parties rouges de la cochenille , punie faire une forte de lacque des Peintres, laquelle s’enchaffe dans les pores de la laine , a 1 aide du cryftal de tartre. On trouve cet- te chaux blanche dans la dill'o- lution d’un étain bien pur. Qu’on fade l’expérience de cette tein- ture dans quelque petit vailfeau de terre vernifïee j & lorfque la cochenille a communiqué fa tein- ture à l’eau ; qu’on y verfe la com- pofition goutte à goutte , en exa- minant avec une loupe ce qui fe p a de à chaque goutte qu’on fait tomber, on verra un petit cercle 3>° L’Art de la Teinturê. ou le fait une fermentation aifés Vive ,& Ion appercevra la chaux à etain fe feparer & fe teindre iur le champ de la couleur vive dont le drap fera teint dans la luite de 1 operation. Une preuve que cette chaux b anche de 1 étain eft néccflaire a 1 opération c eft que fx l’on employoit la cochenille avec l’ef- pntde nitreou l’eau forte feule, on aurait un tres-vilain cramoilî. 1 1 on fe fervoit de la dilTolution de quelqu’autre métal dans le meme eiprit de nitre , comme de fer ou de mercure , on aurait, de a dilTolution du premier, un oris de cendre foncé * & du fécond, une couleur de maron jafpé , fans qu on put appercevoir, dans l’un ni dans 1 autre, aucun veftige du rouge de la cochenille. Or > C02T1- inc par ce que je viens de dire ? il eft cres-raifonnable de luppoier Chapitre XIII. H1 que la chaux blanche de l’étain , ayant été teinte par les parties colorantes de la cochenille , avi- vées par l’acide du diffolvant de ce métal , a formé cette eipéce de lacque terreuie dont les *tto mes fe font introduits dans les pores des fibres de la laine ^ou- verts pendant la chaleur de 1 eau bouillante : ils s’y font maftiques , à l’aide du cryftal de tartre , & ces pores fe relier tant tort vite > par le froid fubit quon commu- nique au drap en l’éventant , ces particules colorantes s’y trouvent iuffifamment enchâflees pour être de bon teint. Si par la luite l’air leur fût perdre leur premiè- re vivacité , cette perte n’eft pas toujours la même en tous lieux j mais elle eft relative aux matiè- res hétérogènes dont 1 air eft cm- preint. A ta canipagnc5pa-r excni- pie , & fur-tout dans un lieu éler 331 L Art de la Teinture. , un di ap ecar Jatte conferVc beaucoup plus long- temps fon œil vif, que dans les grandes Vil- les , où les vapeurs urineufes & alcalines font plus abondantes. -De meme , la boue de la campa- gne , qui , hors des grandes rou- tes , n’eft ordinairement qu’une terre deiaiee par 1 eau des piuyes, iiC tache pas 1 ecarlatte , comme la boue des Villes où il y a des matières uniiciilcs ? & lonvent beaucoup de fer ciiflout, amù que dans les boues de Paris. Or on fçait , & je l’ai déjà dit , que tou- te matière alcaline , détruit l’ef- fet qu’à produit un acide fur une couleur quelconque. C’eft par cette raifon , que fi l’on fait bouil- lir un morceau d ecarlatte dans une le (rive deç-pôtaife , on rend d’abord la couleur pourprée , & en continuant de le faire boüil- lir > on l’enlève entièrement j -Chapitre XIII. 333 parceque , de cet alcali fixe & du cryftal de tartre , il le forme un tartre foluble que l’eau dilfout & détache aifément des pores de la laine. Tout le mafticdes parties colorantes eft détruit alors , & el- les rentrent dans la leffive des fels. J’ai efïayé plufieurs autres al- térations du teint de la coche- nille , pour connoître ce que pro- duiroit l’union de Ion rouge avec différentes autres matières , qui ordinairement ne font pas ré- putées colorantes ; mais je ne rapporterai ici que les expérien- ces dont les effets ont été les plus finguliers. Le Zinc , par exemple , dif- fout dans l’efprit de nitre , con- vertit le rouge de la cochenille en ardoifé violet. Le fel de Saturne mis à la pla^ ce du cryfial de tartre , fait un t 334 L’Art de la Teinture. lilas un peu terne , marque que des parties de plomb fe joignent à la couleur de la cochenille. Le Tartre vitriolé fait par la potalfe 8e le vitriol , détruit le rouge de cet ingrédient , 8e ne donne qu’un gris d’agathe. Le Bifmuth , dilfout en efprit de nitre , affoibli par partie éga- le d’eau commune , 8e verfé fur un bain de cochenille , fait pren- dre au drap un gris de tourterel- le fort beau 6c fort vif. La diflolution du Cuivre dans f efprit de nitre non affoibli, don- ne , avec la cochenille , un cra- moifi fale. Celle d’argent de Coupelle , une couleur de canelle un peu fauve. L’Arfenic , ajoûté au bain de cochenille , fait un canelle plus vif que le précèdent. • L’Or dilfout en eau régale Chapitre XII L 535 donne une couleur de maron vergetée , qui fait paroître le drap comme s'il eut été fabriqué avec des laines de différentes couleurs. Le Mercure diffout par l’ef- prit de nitre , tait, à peu près , le même effet. Le fcl de Glauber feul , mis dans un bain de cochenille , en détruit le rouge , comme fait le tartre vitriolé , &c donne , comme lui, un gris d Agathe, mais qui n’eft pas de bon teint ; parceque ce fel le diffout trop aifémcnt , mê- me dans l’eau froide, & que d’ail- leurs il eft du nombre des fels qui fe calcinent aifément à l’air. Le fcl fixe de l’urine donne un gris de cendre clair , où l’on n’apperçoit pas la moindre tein- te de rouge ; & comme le précé- dent article , il n’eft pas de bon teint , parceque c’eft un fel qui Violet fans bleu- / 3 3 6 L’Art de la Teinture. ne peut faire un mailic folide dans les pores de la laine , atten- du qu’il cil diiloluble par la fim- ple humidité de l’air. Enfin, 1’ extradion de la mine du Bifmuth convertit le rouge de la cochenille en un pourpre pres- que violet, aufîi beau que fi ce rouge eut été appliqué fur un drap précédemment teint en bleu cèle fie. Il cil aile de conclure , pour peu qu’on faffe quelques réfié- xions fur toutes ces expériences, que les fels & diffolutions métal- liques fourniffent des parties qui s’unifient avec les particules co- lorantes des ingrédiens employés pour teindre , & qu’il efl facile de démontrer que ces mêmes oarties ajoutées , contribuent beaucoup à la ténacité des cou- leurs. Avant que de finir ce Chapi- tre Ch apitre XIII. 33^ tre clc lecarlatte > il y a quelques obfer varions à ajouter , que le • Lecteur feroit peut-être fâché de 11e pas trouver. Ni la boue des rués , ni plulîeurs autres ma- tières âcres , ne peuvent tacher lecarlatte , li l’on a loin de laver fur le champ l’endroit taché avec de f eau pure , & un linge blanc : mais lî l’on a donné le temps à la boue de fécher , alors la tache qui paraîtra d’un violet noirâtre, ne pourra être ôtée que par un acide végétal, tel que le vinai- gre blanc , le jus de citron , ou une dilïolution chaude de tartre blanc , peu chargé de ce fel : mais pour peu qu’on n’cmploye pas ces acides avec un peu d’atten- tion & d adreiTe , en ôtant la ta- che noirâtre , ils feront une tache jaune ; pareeque , comme on l’a vu ci-devant , les acides ranctjfent détruiient même le rouge de O P 3 3 $ L’Art de la Teinture. la cochenille. Un manteau rou- ge extrêmement taché par la crotte , fera palTablement bien nettoyé par les eaux fûres. Il y a telles de ces taches pour lefquel- les il faudra paffer l’étoffe fur le bain qui refte après avoir fait la teinture d ecarlatte. li y en a dam très enfin qui obligent de dé^- boüillir l’étoife & de la reteindre, Les alcalis n’ont pas feuls la propriété d'emporter la couleur de leearlatte. Si l’on met dans | Je boüillon , qui fert de prépara-' tion à cette couleur ? une piécç de drap ecarlatte > elle perdra d’abord une grande partie de fa couleur > & de telle forte que fi l’on attache ayec elle trois autres pièces de drap qui foient blan- ches , il fera difficile, après que les quatre auront boiiilli enfem- ble une heure de temps , de dif- tinguer celle qui étoit écarlat- Ch apitre XIII. 339 te d’avec les autres. Si l’on mettoit une pièce de drap écarlatte , ou déjà en cou- leur , avec les drogues du boüil- lon , d’abord elle perdrait toute fa couleur , parce que les pre- miers fiels fe difioudroient & fe mêleraient avec les nouveaux. Mais fi on continuoit de la faire boüillir de nouveau dans un bain de cochenille ou dans une rou- gie , elle y reprendrait toute fa première couleur , avec de nou- velles parties colorantes , enforte que la fonime totale de ces par- ties colorantes excédant de beau- coup la quantité, uniquement né- cefiaire pour avoir de belle écar- latte , ce drap aurait beaucoup moins de vivacité qu’il n’en au- rait en fortant d’une opération faite à l’ordinaire y d’où il paraît que les premiers inventeurs de cette magnifique couleur, ont du Pij '34° L’Art de la Teinture. faire un nombre confldérable de combinaifons avant que de trou- ver ce terme, pour ainfi dire uni- que , de perfection. Les écarlattes perdent toujours de leur éclat à l’apprêt , parce- que l’apprêt couche le poil , & force fes fibres d’être prelque pa- rallèles a la chaîne. En cet état , le drap a numériquement moins de fuperficies ,& par confequent moins de raïons de lumière en font réfléchis. D’ailleurs, le bout du poil çft toujours ce qui a été le plus pénétré par la teinture , & ce qui fait la plus grande viva- cité de la couleur } quand il eft couché fur le drap , la plupart de ces pointes du poil ne parodient plus. #1** ^ 3? p . 1 m "il 1 „ T"*»” Chapitre XIV. 54 1 CHAPITRE XIV. Du Cramoifi. LE Cramoifi eft, comme orl. fl’a dit plus haut, la coulent naturelle de la cochenille , ou plutôt celle qu’elle donne à la lai- ne botiillie avec l’alun & le tar- tre , qui eft le boüillon ordinaire oour toutes les couleurs. Voici la méthode qui ed: ordinaire- ment en ufage pour les laines fi- lées y elle ell prefque la même pour les draps , ainfi qu’on le ver- ra ci -après. On met dans une Chaudière deux onces & demie d’alun , & une’ once & demie de tartre blanc pour chaque livre de laine. Lorfque le tout commen- ce à boiiillir , on y plonge la laine, que l’on remue bien , & qu’011 y laide bien boüillir pendant deux 542- L’Art ce ia Teinture, heures : on la lève enfuite , or* l’exprime légèrement , on la met dans un fac ; & on la laifle ainfl fur le boüillon , comme pour l’é- carlatte de graine , & pour tou- tes les autres couleurs. Pour la teindre , on prépare un bain frais, dans lequel on met une once de cochenille pour cha- que livre de laine : lorfque le bain eft un peu plus que tiède > & lorf- qu’il commence à boüillir , on y met la laine , qu’on remue bien fur fes ltz,oirs ou bâtons , comme on a dû faire pour le boüillon , èc on l’y laifle de la forte pendant une heure ; après quoi on la lève, on l’exprime , & on la porte laver à la rivière. T . Si on veut en faire une fuite , & qu’on veüille en tirer toutes les nuances, dont les dénominations font purement arbitraires , on fe- ra, comme je l’ai dit pour lécar- Chapitre XI Ÿ. $43 latte , c’eft- à-dire , qu’on lie met- tra que moitié de cochenille j & on y palfera toutes les nuances ? lune après l’autre , en taillant fé- journer dans le bain les unes plus long -temps que les autres , & commençant toujours par les plus claires. La beauté du Cramoili eft F T( qu’il tire fur le gris de lin , le plus qu’il eft poftible , ou qu’il foit ex- trêmement rofé. J’ai fait plusieurs tentatives pour parvenir à porter le Cramoili à une plus grande ierfe on y jette dix livres de fiel marin , au lieu de cryftal de tar- tre •} 6c lorfqu’il eft prêt à boiiil- lir, on y verfe vingt -fept livres de compofition pour l’écarlatte , laite lelon la méthode de Car- cafionne •, 6c ians y ajouter de co- chenille, on pafie le drap lur ce bain pendant deux heures , fans difcontinuer de le tourner fur le tour ou roiiet , 6c fans qu’il celle de boüillir. On le lève enfuite , on l’évente , 6c on le lave à la ri- * * vière , puis on lait un nouveau bain, dans lequel on met huit li- vres 6c trois quarts de cochenille 55° L’Art de ia Teinture. pulvériféc & tanufee y & lorfquiî - cft prêt a boiiillir, on y jette vingt- une livres de compofition. On y fait boüiilir le drap pendant trois quarts d heure, avec les précau- tions ordinaires ; après quoi on îe lève , on l’évente , & on le la- ve. Il eft d’un fort beauCramoilï, mais qui ne fl que très-peu rofé. Si on le veut plus rofé , on met dans le premier bain , fervant à, préparer , une plus grande quan- tité d alun y & dans le fécond , moins de composition ton ajoute au/îi du fel marin dans ce fécond bain. Lufage apprendra facile- ment a faire , félon cette métho- de , toutes les nuances qui font dérivées du Crarnoifi. Après toutes les opérations de couleurs provenant de la coche- nille , dont il a été parlé dans ces deux Chapitres , on trouve au fond du bain des rougies , une N Chapitre XIV. îf J quantité ailes fenftble du» fédf- ment tort brun quon jette avecf le bain , comme inutile. Je m’ert fuis fait apporter pour l'exami- ner ,• & j’ai trouvé que celui des rougics de 1 ec2.rlo.ttc contenoit une chaux d'étain précipitée - j ai même revivifie ce métal y quoique , à la vente , avec beau." coup de peine , enforte qu if n y aurait aucun profit a répète i ce que j’ai tait. Les autres parties de ccfédiment font les faletes du tartre blanc ou de la crème de tartre, unie avec des partiesgroL fie res des cadavres de la coche" nille , qui 7 comme on l’a vu , elt un petit inteéte. J ai lave ces pe" cites parties animales dans de feau : roi de , & agitant cette eau* je reciieillois , avec un petit ta- mis fin , ce que 1 agitation de la. liqueur failoit monter a la furfa- ce. De cette maniéré J’ai féparé 35*- L’Art de la Teinture. ces parties légères de tout ce qu il y avoir de terreux & de mé- tallique. Je les ai fait fccher fé- parement , puis je les ai broyées iur un porphire avec leur poids de- nouveau cryftal de tartre ; & quand ce mélange a été réduit en poudre impalpable , j’en ai fait boiiillir une portion avec un peu d’alun , & j’ai tenu pen- dant trois quarts d’heure , dans ce bain boüillant , un échantil- lon de drap blanc , que j’ai re- tiré au bout de ce temps , teint en fort beau Cramoifî. Cette expérience m’ayant démontré qu’en pulvérifant la cochenille & la tamiiant iimplement , com- me on eft dans l’ufage de le fai- re, on ne tire pas de cette drogue precieuie tout le profit qu’on en doit tirer. J’ai cru devoir com- muniquer ici cette découverte , exhortant les Teinturiers , allés , * + Chapitre XIV. 355 dociles , à en profiter. Je prends , par exemple , une once de cochenille , pulvériféé & tamifée à l’ordinaire ; je mêle avec elle un quart de fon poids de crème de tartre bien blan- che , bien cryftallme , & bien lè- che. Je mets le tout fur une écail- le de mer ou fur un porphire , Sc avec une molette de même du- reté, je broyé ce mélange jui- qu’à ce qu’il foit réduit en une poudre réellement impalpable. J’employe cette cochenille ainll préparée dans le boüillon &c dans la rougie , fouftraiant , du cryftal de tartre que je dois mettre dans le boüillon , la petite quantité qui fe trouve unie avec la co- chenille. Ce que j’en mets dans la rougie , quoique mélangée avec un quart du même fel , ne fait aucun tort à cette couleur : il m’a paru même quelle en étoit s 3 f 4 L ARt DÉ tA TeÏNTÜRÉ, plus folide. Ceux qui m’imite- ront 5 trouveront qu il y a près a un quart de profit. CHAPITRE XV, Ecanatte de Gomme- Lac que. ON peut au/ÏÏ employer la Pai f ip rouge de la Gomme* Lacque a taire de lecarlatte -, & fi cette couleur n’a pas exacte- ment tout 1 éclat d une écarlatte faite avec la cochenille hue em- ployée feule , elle a l’avantage d’avoir un peu plus de folidité. La Gomme-Lacque la plus ef- timée pour la Teinture , elt celle qui eft en branches ou petits bâ- tons y parcequ’eile eft la plus gar- nie de parties animales. Il faut choifir la plus rouge dans l’inté- rieur j & la plus approchante du brun noirâtre à l’extérieur. Il • '.il Chapitre XV. J f ? paroît par un examen particu- lier , que M. Geoffroy en fit , il y a plufieurs années , que c elt une efpece de ruche, approchan- te , en quelque façon , de cchcs que les abeilles 6e d’autres infec- tes ont coutume de faire. Quel- ques Teinturiers l’employent , pulvérifée & enfermée dans un fac de toile , pour teindre les étoffes : mais c eft une mauvaife méthode, car il pâlie toujours > au travers des mailles de la toi- le , quelques portions de la gom- me réfine qui fe fond dans 1 eau boüillante de la Chaudière , & qui s'attache au drap , où elle cil fi adhérente , quand le drap eft refroidi , qu on eft obligé de la gratter avec un couteau. D’au- tres la réduifenten poudre j ils la font bouillir dans l’eau, & après quelle lui a communiqué toute u couleur, ilslaiffent refroidir la L Art de la Teinture. liqueur: la partie réfineufe fe'dé- pofe au fond. On décante l’eau colorée , &£ on la fait évaporer à 1 air ou fouvent elle s’empuantit j & lorfqu’elîe a pris une confifien- ce de Cotignat , on la met dans des vaille aux pour la cdnferver. Sous cette forme il eft ailes dif- ficile de déterminer au jufte la quantité qu’on en employé -, c’eft ce qui m’a fait chercher le moyen d avoir cette teinture féparée de fa gomme réfine, fans' être obli- gé de faire évaporer une fi gran- de quantité d’eau pour l’avoir fé- che , & la réduire en poudre. • Je fupprime le détail de tous les eilais que j’ai faits avec l’eau de chaux afioiblie , avec la dé- codion du cœur d’Agaric, avec la décodion de la racine d’Arif- toloche , recommandée dans un ancien Codex de la Faculté deMé- decine de Paris 3 pareeque l’eau Chapitre XV. 557 lai fie bien , à la vérité, une par- tie du teint, quelle a tiré , fur le filtre de papier ou je la mets ; mais elle paile encore trop colo- rée , ôcil faudrait l’évaporer pour avoir toute la teinture } c eft cet- te évaporation que je voulois évi- ter. Ainfi j’ai eu recours à des ra- cines mucilagineufes , qui par el- les - mêmes ne donnaient point de teinture , mais dont le muci- lage retint les parties colorantes, enforte quelles reftafiênt avec lui fur le filtre. La racine de Grande-Conlou- de elt celle qui jufqu’à préfent m’aie mieux réutTi. Je i’employe féche Se en poudre gro-lliere , j’en mets un demi gros par pinte d’eau que je lais boiulhr un bon quart d’heure -, enluite je la pâlie par un linge , Se je la verie toute chaude fur de la Gomme - Lac- que , pulvérifée St p allée par un 3$S L’ Art de la Teinture. tamis de crin. Elle en tire fur le champ une belle teinture cramoi- lie. Je mets le vailTeau digérer à chaleur douce pendant douze heures , ayant foin d’agiter fept ou huit fois la gomme quife tient au tond ; enfui te je décante l’eau, chargée de la couleur , dans un vailfeau allés grand pour que les trois quarts puilTent relier vui- des , & je le remplis d’eau froide. Je veri'e enfuite une très - petite quantité d’une forte dillolurion d’alun de Rome , fur cette tein- ture , extraite , puis noyée : le teint mucilagineux fe précipite j & fi l’eau qui le fumage paroît encore colorée, j’ajoute quelques gouttes de la dilfolution d’alun pour achever la précipitation, ce , jufqu a ce que 1 eau furna- geante loit aufîi décolorée que de l’eau commune. Quand le mu- cilage cramoik s’eft bien affadie Chapitre XV. 35? au fond du vaille au , je tire l’eau claire avec un llphon , & je verfe le refte fur un filtre , pour ache- ver de 1 çgouter , après quoi je le fais fécher au foleil. Si la première eau mucilagi- ueufe n’avoitpas tiré tout le teint de la Gomme - Lacque , c’eft-à- dire , h cette gomme ne refte pas d’une couleur de paille faible , j’en verfe de nouvelle toute bouil- lante , & je répété tout ce que j’ai fait dans la première extrac- tion. De cette manière, je fépa- re toute la teinture que la Gom- me-Lacque peut fournir ; & com- me je la fais fécher pour la pul- vérifer enfuite , je lçais ce que cette gomme m’en a rendu , &c je fuis auiîl plus fur des dofes que j’employe dans la teinture des étoftes , que ne le font ceux qui fe contentent de l’évaporer en, conftftejice d’extrait , parce que $6o L’Art de la Teinture. le plus compact fera plus colo- rant que le plus humide. f /ne lacque bien choilie , dé- tachée de fes bâtons, ne donne de teinture féche & réduite en poudre , qu’un peu plus d’un cin- quième de fon poids. Ainfi , au ' prix quelle vaut à préfent , il n’y a pas un avantage fi grand, que bien des gens fe l’imaginent , à l’employer à la place de la co- chenille ; mais on peut, pour ren- dre la couleur écarlatte plus bo- lide qu’elle ne l’ell ordinaire- ment, l’employer dans le premier bain ou bouillon, & le fervir de cochenille pour la rougie. , Si l’on veut faire de 1 ecarîatte avec le teint de la Gomme -Lac- que , tiré félon ma méthode , & mis en poudre , il y a aine pré- caution à prendre pour le dé- layer , qui elt inutile quand on fe fert de cochenille. Ceftque fi on Chapitre XV. 561 le mettoit comme elle dans l’eau du bain prête à boiiillir, il fe paf- feroit près de trois quarts d’heu- re en pure perte de temps pour le Teinturier, avant qu’il fut en- tièrement difl'out. Pour aller plus vite , je mets la dofe de cette teinture féche , que j’ai dell'ein d’employer, dans un grand vaif- feau de fayence ou d’étain fin -, je verfe deiius de 1 eau chaude , &: lorfqu’elle efi: bien humeétée , j’y ajoute la dolc néceflaire de compofition pour l’écarlatte , agi- tant le mélange avec un pilon de verre. Cette poudre , qui étoit d’un pourpre laie & foncé, prend, en fe dilTolvant , un rouge cou- leur de feu extrêmement vit. Je verfe la dilfolution dans le bain , où j’ai mis précédemment le cry- ftal de tartre -, & aufli - tôt que l’eau de ce bain commence à boiiillir , j’y fais plonger le drap, Q 5^ L Art de la Teintup.e. le laifant tourner & retourner , félon 1 art du -Teinturier. Tout le relit de l’opération n’a rien de différent de celle qui donne l’é- carlatte par la cochenille. Je crois avoir obfervé feulement , que l’extrait de la Gomme-Lac- que , préparé félon ma méthode, fournit environ un neuvième de teinture plus que la cochenille , au moins , plus que celle dont je me fuis fervi pour faire cette cil il. Si l’on fublfitue au cryllal de tartre & à la compofîtion , quel- que fel alcali fixe , ou de l’eau de chaux , le rouge vif de la Gom- me-Lacque le convertit en cou- leur de lie de vin; ainlî cette tein- ture ne fe rofe pas h facilement que le teint de la cochenille. Si , à la place de ces akérans , on employé le tel ammoniac ieuî, on a des couleurs de canelle ou Chapitre XV. 363 de maron clair, félon qu’il y a plus ou moins de ce fel. J’ai fait encore fur cette dro- gue une vingtaine d’autres expé- riences, que je ne rapporte point ici , parcequ’cllcs ne m’ont don- né que des couleurs fort com- munes, & qu’011 peut avoir plus aifément avec des ingrédiens de qu’un homme pé- trit dans la Chaudière avec.fes pieds. Le Teinturier intelligent fçaura bien profiter de cette note. $c & ’k "k "k ’k & °k 'k'k'k’k'ft'k'k’k'k ** <•»- CHAPITRE XVI. » < • Du Coçcus Polonicus , inflecle colorant, LE Coecus Polonicus eft un pe- tit infeéte rond , un peu moins gros qu’un grain de co- riandre : on le trouve adhérent aux racines du Polygonum Coccife- fum incanum flore majore ferenni , Chapitre XVÏ. de Ray , & que M. de Tourne- fort a nommé Alchymilla grammeo folio majore flore. Selon M. Breyn , il eft abondant dans le Palatinat de Kiovie , voifïh de l’Ukraine , vers les Villes de Ludnow, Piat- ka , Stobdyfzcze , & dans d’au- tres lieux deferts ou fablonneux de l’Ukraine * de la Podolie , de la Volhinie , du grand Duché de Lithuanie , & même dans la Pruf- fe , du côté de Thorn. Ceux qui en font la récolte , fçavent que c’eft immédiatement après lefol- flice d’été , que le Cocons eft meur &: plein de fon fuc purpurin. Ils ont à la main une petite bêche creufe , faite en forme de hou- lette , & ayant un manche court. D’une main ils tiennent la plan- ta > ils la lèvent de terre avec l’au- tre main armée de cet inftru- nient : ils en détachent ces efpe- ces de petites bayes ou infeétes $66 L’Art de la Teinture. ronds , &c remettent la plante dans le même trou , pour ne pas la détruire -, ce qu’ils font avec une dextérité & une vite lie ad- mirable. Ayant féparé le Coccus de fa terre , par le moyen d’un crible fait exprès , ils prennent garde qu’il ne fe convertilTe en vermilTcau. Pour l’en empêcher ils l’arrofent de vinaigre , & quel- quefois aulli d’eau la plus froide \ puis ils le portent dans un lieu chaud , mais avec précaution \ ou bien , ils Fexpofent au foleil pour le fécher & le faire mourir j fans quoi ces infeétes fe détrui- roient , &c s’ils étoient delféchés trop précipitamment , ils per- droient leur belle couleur. Quel- quefois ils féparent ces petits in- feétes de leurs vélîcules , en les preflant doucement avec l’extré- mité des doigts ; alors ils en for- ment de petites malles rondes : / Chapitre XVI. 367 il faut faire cette expreffion avec beaucoup d’adrelle & d'atten- tion , autrement le fuc colorant leroit réfoud par une trop forte comprellion , & la couleur pour- pre le perdrait. Les Teinturiers achètent beaucoup plus cher cet- te teinture réduite en malle , que quand elle elf encore en graine. Bernard de Bernîtz, de la dilfer- taticn duquel j ai emprunté ce que l’on vient de lire , ajoûte que le Grand Maréchal Konitzpols- ki , & quelques autres Seigneurs Polonois qui avoient des terres dans l’Ukraine, affermoient avan- tageufement la récolte du Coccm aux Juifs, & le faifoient reciieil- lir par leurs Valfaux : que les Turcs & les Arméniens, qui ache- toient cette drogue des Juifs , l’employoient à teindre la laine , la foye , les crins les queues de leurs chevaux : que les femmes Q iüj 3 & de G arence-non- robée j c’eft pourtant la même ra- cine : toute la différence pour la qualité , eft que la grappe ou robée fe tire de la moelle de la racine, & que la non-robée contient , avec cette moelle , l'écorce & les peti- tes racines qui fortent de la ra- cine principale. L’une 8c l’autre fe préparent par un feul & même travail ,,que je ne détaillerai point ici , pour ne pas allonger inutile- ment ce Traité. Il confifte à trier les plus belles racines pour la prc- «fi? R- Chapitre XVII. 373 miere forte ; à les taire fécher avec de certaines précautions , à les moudre , & à en féparer l’é- corce au moulin , & à conlerver le milieu de la racine moulue dans des tonneaux , où on la laif- fe deux ou trois ans y pareequ’a- pres ce temps elle eft meilleure pour la teinture , quelle 11e l’ au- rait été en fortant du moulin. Si la Carence n’étoit pas enfer- mée de la forte , elle s’éventerait, & la couleur en aurait moins de vivacité. Elle eft d’abord jaune ; mais elle rougit & brunit en vreil- lillant. Il faut , pour l’ufage de la teinture , la choilir d’une cou- leur de fafran , en mottes les plus fermes , & d’une odeur forte , qui cependant ne foit pas def- agréablc. On la cultive aulîi aux environs de Lille en Flandres , 6c dans plulieurs autres endroits du Royaume , où l’on a reconnu quelle croiilbit naturellement.- 374 L Art de la Teinture. ' Les Garences , dont on fait uiage dans le Levant & dans l’In- de , pour la teinture des Cotons, lont un peu différentes de celles qu on employé en Europe : on les nomme chat , à la côte de Coromandel. Cette plante ainii nommée , fc trouve abondam- ment dans les bois de la côte de Malabar , & ce Chat eft le fauva- ge. Le cultivé vient de Vttour & de Tuccorm ; & le plus eftimé de tous , eft le Chat de Perfe , qu’on nomme Damas. On recueille aufli , far la côte de Coromandel , la racine d’une autre plante , qu’on y nomme Raye de chaye , ou racine de cou- leur , & qu’on a cru être une ef- pece de Rubia Tincïorum ; mais qui eft la racine d’une efpece de Gallium flore albo ; ainlî qu’on l’a appris par des Mémoires envoyez de l’Inde en 1748. C’eft une ra- cine longue & fort menue , qui Chapitre XVII. 575 donne au coton une allés belle couleur rouge, lorlqu’il a reçu tou- tes les préparations qui doivent précéder & fuivrc fa tein ure. A Kurder , au voilinaire de lus de la couleur rouge s’y dé- ayer , & elle refte d’une couleur lemi fauve ou laie. Si au lieu de e fel alcali on fc fert de favon , [ui eft un fel alcali mitigé par huile , & qu’on y, faffe boüillir •endant quelques minutes un au- re morceau de drap teint aulîî n rouge de Carence , ce rouge n devient plus beau , pareeque alcali qui , dans le favon , eit en- eloppe d’huile , n’a pu attaquer t fel acide végétal , & que le- •ullition na fait qu’enlever les •articules colorantes mal enchftf- ées j & leur nombre diminuant , e qui en relie doit paroitre 110 ins chargé ou plus clair. Je dirai encore, pour furcroît le preuve de l’exiitence aétuelle / 384 L’Art de la Teinture, j des fels dans les pores de la laine d’une étoffe préparée par le boüillon , avant que d’être teinte avec la Garence , que le plus ou le moins de tartre , donne des variétés infinies , non - feulement de nuances , mais même de cou- leurs avec cette feule racine \ car fi l’on diminue la dofe de l’alun , & qu’on augmente celle du tar- tre , on a un rouge canelle 3 & même , fi l’on ne met dans le boüillon que du tartre feul , on perd le rouge , & l’on n’a que du canelle , foncé ou couleur de fau- ve ou de racine , mais de très- bon teint ; parceque le tartre crud , qui eft un fel acide , a tel- lement diifout la partie qui au- roit coloré en rouge , qu’il n’en eft refté qu’une très-petite quan- tité avec les fibres purement li- gneufes de la racine , laquelle , comme toute autre racine com- mune , Chapitre XVII. 385 mime , ne donne alors qu’une .couleur fauve plus ou moins fon- cée , félon la quantité qu’on en employé. J’ai- déjà prouvé que i’acide , qui rend les rouges plus vifs , les diflbut li l’on en met trop , 6e les divife en des parti- cules d’une il grande ténuité , quelles échappent à la vûë. Si au lieu du tartre , qui eft un iel dur, on employé dans le bouil- lon avec l’alun un fel aifément dilfoluble; le falpêcre ,par exem- ple , pour préparer letoffe à re- cevoir la teinture de la Garence* la plus grande partie de fon rou- ge devient inutile-: il difparoît , ou ne s’applique pas , 6t l’on n’a qu’un canel le, à la vérité, fort vifj mais qui ne réfifte pas liiffifanv* ment aux épreuves , parccquc les deux fels , qui ont été mis’dans le boüillon ne font pas de la du-, reté du tartre. K 3S6 L Art de la Teinture. r Les alcalis volatils urineux, qui développent de certaines plan- tes , telles que la Pérelle , l’Orfeil- le des Canaries, & d’autres mouf- fes ou Lichens , un rouge qu’on n y auroit pas foupçonné aupara- vant , développent auffi le rouge de la racine de Garence j mais en même temps ils lui communi- quent leur volatilité , de telle for- te que lorfque j’ai voulu employer cette Garence, que j’avois prépa- rée , comme on prépare l’Orfeil- le , avec de l’urine fermentée & • de la chaux vive , je n’ai eu que des couleurs de noifettes plus ou moins claires , mais qui font ce- pendant folides , parcequ’il n’é- toir entré dans le bain que la pe- tite portion de volatile urineux qui humeéloit la Garence j que l’ébullition a fuffi pour la faire évaporer , & que d’ailleurs le drap étoit fuffifamment garni des fels . Chapitre XVII. 387 du boüillon fait à l’ordinaire pour retenir les parties colorantes que j’employois pour le teindre. Lorfqu on applique un rouge pur , celui de la cochenille , par exemple , fur un drap précédem- ment teint en bleu , & enfui te préparé par le boüillon de tartre 8c d’alun , pour recevoir & rete- nir ce rouge , on a un pourpre du un violet à proportion de la quantité de bleu , ou de la quan- tité de ce rouge pur. Le rouge de la Gare nce ne fait pas le mê- me effet , pareeque ce n’eft pas an rouge pur comme celui de la cochenille , & qu’ainfi que je l’ai dit plus haut , il eft altéré par le fauve , couleur propre aux fibres ligneufes de fa racine , comme aux fibres ligneufes de toute au- tre racine ordinaire ; ainfi ce rou- ge fali par le fauve , fait fur le tj^cu une couleur de maron plus Rij 1 *3 S 8 L’Art de la Teinture* ou moins foncée , félon l’inten- fité précédente du bleu appliqué le premier. Si l’on veut que cet- te couleur de maron ait un reflet pourpré , il faut néceflairementy. employer un peu de cochenille pour le bon teint. C’efl: pour éviter ce fauve de la racine , que les Teinturiers , qui font les plus beaux rouges de Carence, ont grand foin de n’em- ployer le bain de Garence , qu’un peu plus que tiède , & de retirer l’étofle une minute ou deux après qu’il a commencé à bouillir ; car fi elle bout davantage , la Garen- ce ternit confidcrablement , par- cequ’alors la chaleur de feau eft affés forte , pour que les particu- les qui colorent en fauve , fe dé- tachent & s’appliquent avec les particules rouges. On éviteroit cet inconvénient , fi , dans le temps que la racine de Garence. Chapitre XVII. 3S5? eft fraîche , on .pouvoit trouver le moyen de féparer aifément du refte de cette racine , le cercle rouge qui eftau-delfous de fa pel- licule brune , & qui entoure la moële du milieu. Mais ce travail augmenterait le prix de cet in- V5! • > çrcdient 5 & comme ce qu on en répare roi t ainfî avec beaucoup de patience , ne donne roi t ja- mais un rouge aufli beau que ce- lui de la cochenille , il paroît a.f- !cs inutile de fe/fayer en grand, rout au plus pourroit-on le ten- :er pour teindre en rouge les co- rons , dont le prix pourrait porter es frais de cette préparation. La Carence étant , de toutes es matières qui fervent à teindre ;n rouge de bon teint , celle qui îft à meilleur marché , on s’en êrt pour la mêler avec les autres, k diminuer par-là le prix de ces couleurs. C eîl avec la Garence R iij — — . n * 4 — * — l ■ 590 L’Art de la Teinture. & le Kermès qu’on fait la demi- ecarlatte de Graine , autrement dite e caria tte mi-graine ; & avec la Garence & la Cochenille on fait la demi-écarlatte ordinaire , & le âemi-cramoifi, . a Pour taire l' écarlat te mi- grain er on fait le bouillon , & tout le ref- te de l’opération , comme fi l’on vouloir taire l’écarlatte de grai- ne , de Kermès , ou de Venife or- le fécond bain , on n’y met que la moitié de ce qu’il en faudrait*. & l’on remplace le reffce par au- tant de la plus belle Garence- grappe. Pour la demi - e'carlatte couleur de feu, ou des Gobelins, on fait la compofîtion , & le boüillon à l’ordinaire. On n’y met que de la cochenille pure 5 mais dans la rougie on met moitié coche- Chapitre XVII. 3911 niile & moitié garence. C’eft auf- fi le cas où l’on peut employer la cochenille fylveftre; car après avoir fait le bouillon avec la co- chenille ordinaire ou meftique , û l’on teint une quantité de lai- ne , telle , que pour l’écarlatte ordinaire , il fallut mettre dans la rougie deux livres de coche- nille , on y mettra une demie li- vre de cochenille ordinaire, une livre & demie de cochenille cam- peflianne ou fylveftre , & une li- vre de Garence. Pour que la laine & les étof- fes foient teintes auffi également qu’il eft poiTible , > il eft edèntiel que les deux fortes de coche- nille foient bien broyées & tami- fées , ainlî que la Garence , avec laquelle elles doivent être bien incorporées , avant que de les jetter dans le bain ; ce qui doit s’entendre aufti de toutes les cou- 11 iiij 39* L’Art de la Te/Inture. leurs pour lefquelles l’on mêle enfemblc plufieurs jrigrédiens» Cette demi - écarlatte s’achève comme 1 écarlatte ordinaire, & on la peut rofer de même , ou fur l’eau bouillante , ou fur l’alun. Le de mi-cmmoifi fe fait comme le cramoifi ordinaire , en met- tan t leulement moitié gareceôc moitié cochenille. On peut aufll y employer la cochenille fylvef- tre j en obfervant de ne retran- cher que la. moitié de la coche- nille ordinaire , & de la rempla- cer par trois fois autant de la fyl— veftre. Si f on mettoit une plus grande quantité de la fylveftre > & qu’on retranchât davantage de l’autre , la couleur n’en feroit pas û belle.. ' Si l’on vouloir avoir des nuan- ces moins belles de toutes ces couleurs, & qu’on fut obligé de les affortir à des échantillons Chapitre XVII. 393 qu’on auroit reçus , on peur aug- menter ou diminuer la propor- tion de la garence & celle de la cochenille j c’eft furquoi 011 ne peut donner aucune régie fixe : mais avec ce que je viens de di- re , chacun pourra aifément trou- ver le moyen cle reufiir. Je finirai ce Chapitre par une expérience qui m’a donne un rence fins pourpre allés beau, fans employer de cochenille & fans que le drap eut été précédemment teint en bleu. J’ai fait bouillir un mor- ceau de drap pefant demie once* avec dix grains d’alun de Rome, & fix grains de cryftai de tartre. Au bout d’une demie heure , je fai retiré , exprimé * & iaifié re- froidir -, puis j’ai ajoute au meme bain vingt-quatre grains de ga- rance-grappe : après qu’elle a eu fourni fon teint à cette eau en- empreinte des fiels.* j’y ai Rv cote * 1 de la Teinture*' fait tomber vingt gouttes d’une dmolution de Bifmuth, faite dans parties égales d’eau & d’efprit de nitie ;puis j y ai replongé le drap* Au bout de demie heure je lai retire ,. exprimé & lavé. Ilétoicr d 1111 cramoifi prefque auffi beau: que s’il eut étéfait^vec la coche- nille, & même il avoir alTés de fond,, ou allés de couleur unie , pour relier en cet état. Cepen— d^c Pour Ravoir quelle feroit la. différence en augmentant la tein- fe , je 1 ai replongé dans le même bain j j ai continue de le faire bouilli r encore un quart d’heure,: & je l’ai eu- d’un pourpre alfés vif Ce pourpre éprouvé par le dé- boüilli de 1 alun, s’avive & s’em- bellit 3 & a celui du favon , il ref- te d’un beaucoup plus beau rou- ge que les rouges ordinaires, de Carence.., Si je garde pendant plusieurs; Chapitre XVII. 395 jours le drap humeéte de fon bouillon de tartre & d’alun ; qu - enfui ce je le teigne dans un bain neuf de garence , llmple & fans fels , félon la méthode ordinaire , jufqu’à ce qu’il ait pris une cou- leur de canelle vive , & qu’enfui-- - te j’ajoûte à ce bain de la même - diiTohition de Bifmuth , je n’au- rai qu’une couleur de maron &C point de pourpre. Ce qui fait voir combien il faut être exaét en décrivant les procédés de tein- ture , & que c’eft par ce défaut d’exa&itude , que tous les Livres qu’on a publiés fur cet Art, ont été jufqu’à prefent inutiles , par- ce qu’on a négligé d indiquer les circonftances néceflaires à la réulTite de la couleur qu’on y cherche. - Dans cette fécondé expérien- ce, le drap a trop pris de fels d’abord : ils- ont féjourné trop • R vj t p6 1 Art m la Teinture. long-temps deffi,s,&dans le bain de la ceinture il n’y en avoir pas. e manque d alun a fait que le pourpre n’a pû paraître, parce- que la terre blanche de ee fel n’a e PleÇÎpiter avec les parties di douces du Bifmuth , qui , com- me on l’a vû dans le Chapitre du Kermès , portent avec elles la partie bleue du Smdt , qui fe trouve toujours dans la mine de Bifiiiuth , & dont vraisemblable- ment une portion s unit avec ce lemi métal dans la fonte. Cette précipitation mutuelle fe fait dans cette opération de teintu- re, a 1 aide des parties aftringen- tes des fibres ligneufes de la ra- cine de Garence- Chapitre XVIII. 0j *#?■&*>?*#} WH €#rc#3 m^M****** CHAPITRE XVII L % Du Jaune. ON a connu jufqu’à préfent dans la teinture dix efpé- ces de Drogues qui teignent en jaune j mais par les épreuves 'qu’on en a fartes y on s’eft affiiré que de ces dix , il n’y en a que cinq qui fiiffient aflcs folides pour pouvoir être employées dans le bon teint : ce n’eft pas cepen- dant qu’on n’en puine ajoûter plufieurs autres à ces cinq -, car les jaunes ne font pas difficiles à trouver. Je ne parlerai d’abord que de ces cinq , qui font , la G au de , la S arrêt te , la Ge'nejhole le Bois jaune , & le Fe'nugréc , par- cequ’elles font de bon teint. Les trois premières font des plantes fort communes aux environs. dQ 39% L’Art de la Teinture. Paris , & dans laplûpartdes Pro- vinces du Royaume. Le Bois jaune nous vient des Indes , & le Fenugréc fe trouve par tout, La Gaude eft de toutes ces matières , celle qui eft le plus gé- neialement employée j c eft celle qui fait le jaune le plus franc. La Sarrette & la Géneftrole font meilleures pour les laines que I on deftine à mettre en verd y pareeque leur couleur naturelle tire un peu fur le verdâtre ; les deux autres donnent des nuances de jaune un peu differentes. Les nuances de jaune’ les plus connues dans 1 Art de la teintu- re , font 1 e jaune paillé ou de pail- *P 5 fo jtiune pale , le jaune citron } le jaune naijpmt. Les jaunes oran- gers, faits a 1 ordinaire , ne font pas des couleurs Amples j ainft je n en parlerai pas préfentement. Pour teindre en jaune, on don» Chapitre XVIII. 3 9 9 ne à la laine filée ou à l’étoffe r le boüillon ordinaire , dont il a été déjà parlé plufieurs fois ,c’eft- à-dire , celui de tartre & d’alun. On met quatre onces d’alun pour chaque livre de laine , ou vingt- cinq livres pour cent. À l’égard1 du tartre , il fuffit d’en mettre une once par livre, au lieu de deux onces qu’on employé pour les rouges. L’opération du boüil- lon , ou la maniéré de boüillir , eft femblable aux précédentes. Pour le Gaudage , c’eft-à-dire , pour jaunir le fujety après que la laine ou l’étoffe eft boiiillie , on met dans un bain frais cinq à fix livres de Gaude pour chaque li- vre d’étoffe : on enferme cette Gaude dans un fac de toile clai- re , afin quelle ne fe mêle point dans l’étoffe y & pour que le fac ne s’élève point au haut de la Chaudière , on. le charge d’une ■40cj L’Art de ia Teinture. croix de bois pefant. D’autres font cuire leur Gaude , c’eft-à-di- re , qu ils la font boüiilir jüfqu’à ce qu elle ait communiqué tout fon teint a l’eau du bain, & qu- elle fe foit précipitée au fond de la Chaudière , après quoi ils abat- tent dclliis une Champagne ou cercle de for garni d’un! réfoau de cordes j d’autres enfin la reti- rent avec un rateau lorfqu’elle efl: cuite , & la jettent. On mêle au/fi quelquefois avec la Gaude , du bois jaune 3 & quelques-uns , d autres ingrediens dont je viens de parler , fui van t la nuance du jaune qu’ils veulent faire. Mais en variant les dofes & les pro- portions des fols du boüillon , la quantité de l’ingrédientcolorant, &le temps de l’ébullition, je me fuis alfuré qu’on peut avoir tou- tes ces nuances à l’infini. J’en ai .eu la preuve dans les elfais que Chapitre XVIII. 40 y ai faits avec la fleur de la vtrgfi dur en Canadien/!?, qui deviendra une bonne acquifltion pour 1 Art de la teinture , fl quelqu un le met en devoir de la multiplier , ee qui eft très-aifé , puifque c eft une plante qui poulie beaucoup du pied , & dont les œilletons le peuvent aifément tranfplanter y & former des touffes dans le cou- rant de l’année. Pour la fuite , ou les nuanceâ claires du jaune , on s’y prend comme pour toutes les autres fuites ; fi ce n eft qu’il eft mieux, de faire , pour ces jaunes clairs* un bouillon moins fort. On Re- mettra , par exemple , que dou- zc livres & demi d alun, pour cent livres de luine vô£ on en retr^m^ chera le tartre, pareeque le boüil- lon dégrade toujours un peu les laines , & que quand on n a be~ foin que de nuances claires > on: 40 z L Art de la Teiktvr * cs. ',rcr tout de même avec un bou,IIo„ moins fort , & que Fe H r ? ePrSne auiii la dépen- £ «s ' 1 b°,a'-W ^ais^nf- ,“Àf , Ty,ent y rejuédier en « t fflX" KSr; Ont n?" f ,Ci 11 Prennenc d’ail- ion elt plus foiblcicnforte que fi Ion met en même temps dans ie Cxîi|rgede couleur, des lai- nes dont le boüillon aura été dif- ferent , elles prendront dans le n une temps des nuances diffé- - rentes. On appelle ces bouillons plus folles que les autres , des derms-bcMlUm , ou des qmn, de kvmLm ,&Ion a grande ateen- Chapitre XVIII- 40^ tion à s’en fervir, furtout dans les nuances claires des laines que l’on teint en toifon , c’eft-à-dire , avant que d’être filées, & qui font deftinées à la fabrication ^ des draps & autres étoffes de mêlan- • ee j parceque plus il y a a alun dans le bouillon de la laine , j^lus elle devient rude & difficile a fi- 1er II arrive de- là que les fileu- oMêm« , rr o,. tion com* fes la filent plus grolie > oc que mune à par conféquent î étoffe en coÏÏems!* moins belle. Cette obfervation n’eft pas fi importante pour les laines filees &£ deftinees aux ta- pifferies,ni pour les étoffes: mais il eft toujours bon de la faire, ne fut - ce que pour prouver que la dofe des ingrédiens du boiiillon n’eft pas renfermée dans des li- mites fort étroites , & qu’on peut s’en écarter fans rifque , foit pour donner la même nuance a des laines dont le boiiillon a été dif- 4°4 L Art de la Teinture. fercnc , foir pour ne faire qu’un meme bouillon , fi cela eft plus commode , pour avoir différentes nuances. Pour employer le bois jaune , ©n le fend ordinairement en éclats j ou pour mieux faire , on le donne à un Menuifier qui h débité en copeaux minces avec un gros rabot ; de cette façon , il cit plus ai v-i fé , il donne mieux fa teinture , & par conféquenton en employé une moindre quan- tité. De quelque façon que ce ioit , on 1 enferme toujours dans un lac , afin qu’il ne fe mêle point dans la laine ni dans l’étoffe , que ces éclats pourroient déchirer. On enferme aufîi de même dans un fac la Sarrette & la Géneftro- îe , lorfque l’on s’en fêrt au lieu de Gaude , ou qu’on en mêle ^vec elle pour changer fa nuance. Je renvoyé gu petit teint les Chapitre XVIII. -frf tlnq autres ingrédiens jufqu’icî connus ., qui teignent en jaune : je dirai feulement ici , par rap- port au bon teint que la racine de Patience fauvage , l'e'corce de Irène , furtout celle qui eft levée après la première fève , les feüil- les d’ Amandier , de Pefcher , de Poirier , en un mot , toutes les feüîlles, écorces & racines, qui, ,en les mâchant , font appercc- voir un peu d’aftriétion , donnent des jaunes de bon teint plus ou moins beaux , félon le temps qu’on les fait bouillir , & félon que l’alun & le tartre font en do- le dominante dans le boüillon. L’alun mis en quantité fait appro- cher ccs jaunes du beau jaune de la G au de. Si le tartre domine, ces jaunes tireront à fo rangé j enfin , fi l’on fait boüillir trop long-temps ces racines , ces écor- ces , ou ces feuilles , le jaune fç 4° 6 L’Art de la Teinture. ternira , & prendra des nuances de fauve. Quoique plulieurs Teinturiers loient dans l’ufage d’employer dans le bon teint la terra, mérita t ou curcuma , racine qui vient des Indes Orientales , & qui donne un jaune orangé j c’eft cepen- dant un ufage condamnable, par- ceque cette couleur fe palTe très- promptement à l’air , à moins qu’on ne l’ait allurée par le fel marin, comme le font quelques Teinturiers, qui fe gardent bien de communiquer ce tour de main. Ceux qui s’en fervent dans l’écarlatte ordinaire pour ména- ger la cochenille , & pour don- ner à leur étoffe un rouge vif orangé , font repréhenlibles , pareeque les écarlattes qui ont été teintes de la forte, perdent en peu de temps cet éclat orangé , ainfi que je l’ai déjà dit , & bru- Chapitre XIX. 407 îîiflènt conlîdérablement à l’air. Cependant on eft en quelque fa- çon obligé de tolérer cette fallî- fication , parceque dans un temps où cet éclat orangé eft en mode, il feroit impoflîble de le donner à de 1 ecarlatte , fans mettre une plus grande dofe de compolition, dont l’acide furabondant altère le drap confidérablement. ######### CHAPITRE XIX. Du Fauve. LE Fauve , ou couleur de raci- ne , ou couleur de noifette , eft la quatrième des couleurs primi- tives des Teinturiers. Elle eft mi- fe dans ce rang , parcequ elle en- tre dans la compolition d’un très- grand nombre de couleurs. Son travail eft tout différent des au- tres j car ou ne fait ordinaire'» 4'oS L’Art de la Teîntûrs. : ment aucune préparation à la lai- ne pour la teindre en fauve -, & de même que pour le bleu , on ne fait que la mobilier dans l’eau chaude. On fe fert pour teindre en Fauve , du brou de noix , de lu ra- cine de noyer , de l'écorce d’aulne , du fantal , du fumach , du roudoiil ou fovic y de la fuye , &c. Le brou de noix , cft l’écorcc verte de la noix : on l’amafTe lorfque les noix font entièrement mûres ; on en remplit de gran- des cuves ou tonneaux , &: on y met de l’eau , enforte quelles en foient bien abreuvées : on les con- ferve en cet état jufqu’à l’année fuivante , ou même plus long- temps s’il en étoit befoin. On le fert auffi du brou qu’on enlève des noix avant qu’elles foient mûres , & lorfqu’on les mange en .cernçaux : mais il faut conferver celui-là Chapitre XIX. 409 celui-là à part , pour s’en fervir le premier, parceque le bois ou la coquille molle, qui y eft attachée* le fait corrompre , & qu’il ne fe conferve qu’environ deux mois. Le Santal eft un bois dur qui vient des Indes , on l’employe or- dinairement moulu en poudre très-fine , & même on le conferve quelque temps dans des facs , après qu’il eft moulu , parcequ’on orétend qu’il s’y excite une petite fermentation qui le rend , di:-on, meilleur , mais je n’y ai renia qué aucune différence. Plus ordinai- rement ce bois moulu eft mêlé avec un tiers de bois de Cari a tour, qui fert à le bénéficier , félon le langage de ceux qui le préparent pour le vendre. Il eft beaucoup moins bon que le brou de noix dans les fauves, parce qu’il dé- grade lés laines en les durcilfant confidérablement , fi on l’env ! - ' " S. 4io L’Art de la Teinture.. ployé en grande quantité. Ainfi il eft mieux de ne point s’en fer- .vir pour les laines & étoffes fines , ou du moins de n’en tirer que les plus foibles nuances , parcequ’a- lors fon effet eft moins mauvais. On le mêle prefque toujours avec la galle , l’écorce d’aulne & le fu- mach : ce n’eft que de cette ma- niéré qu’on peut tirer fa couleur, quand il eft feul & non mêlé avec le Cariatour. Il n’en donne que très-peu avec le bouillon d’alun & de tartre , tel qu’on le fait pour le bois jaune, à moins qu’il ne foit râpé. Malgré le défaut dont il vient detre parlé , on le tolère dans le bon teint à caufe de la folidité de fa couleur, qui natu- rellement eft un jaune rouge- brun. Elle brunit & fonce à l’air , elle éclaircit au favon en per- dant de fon intenfité -, mais elle perd moins à l’épreuve de l’alun » \ Chapitre XIX. 411 & encore moins à celle du tartre. De tous les ingrédiens qui fer- vent à teindre en fauve , le brou de noix eft le meilleur. Ses nuan- ces font belles , fa couleur elt fo- lide, il adoucit les laines, & les rend d’une meilleure qualité , & plus faciles à travailler. Pour em- ployer le brou de noix , on char- ge une Chaudière à moitié , & Jorfqu’ellc commence à tiédir, on y met du brou à proportion de la quantité d cto des que l’on ve.it teindre , & de la couleur plus ou moins foncée qu’011 veut lui don- ner. On fait enfui te boüillir la Chaudière , ôc lorfqu elle a boüilli un bon quart d’heure , on y plon- ge les étoffes qu’on a eu foin de moüiller auparavant dans de l’eau tiède, on es tourne, & on les remue bien, jufquà ce qu’elles aient acquis la couleur que l’on déliré. Si ce font des laines filées Sij \ 411 L’Art de la Teinture. dont il faille afïortir les nuances dans la derniere exaétitude , on met d’abord peu de brou , & on commence par les plus claires : on remet enfuite du brou à pro- portion que la couleur du bain fe tire ; & on palfe les brunes. A l’é- gard des étoffes , on commence ordinairement par les plus fon- cées -, & lorfque la couleur du bain diminue, on palfe les plus clai- res -, on les évente à l’ordinaire pour les refroidir , & on les fait lécher & apprêter. La racine de noyer eft , apres le brou , ce qui fait le mieux pour la couleur fauve : elle donne aufïi un très-grand nombre de nuan- „ Ç NI A ces , & a peu près les memes que le brou ; ainli on peut les fubfli- tuer l’un à l’autre , fuivant qu’il y a plus de facilité à avoir l’un que l’autre : mais il y a de la différen- ce dans la maniéré d’employer la Chapitre XIX. 415 racine de noyer. On remplit aux trois quarts une Chaudière d’eau de riviere , & on y met de la ra- cine , hachée en copeaux , la quantité que l’on juge convenir, proportionnellement à la quan- tité de laine que l’on a à teindre, & à la nuance à laquelle on la veut porter. Lorfque le bain eft allés chaud pour 11e pouvoir plus y tenir la main , on y plonge la lai- ne ou l’étoffe, & 011 l’y retourne jufqua ce qu’elle ait acquis la nuance que l’on déliré } ayant foin de l’éventer de temps en temps , & li c’eft de l’étoffe , de la palier entre les mains dans les lilieres , pour faire tomber les petits co- peaux de racine qui s’y attachent &: qui pourroient tacher l’étoffe. ( Pour éviter ces taches, 011 peut enfermer la racine de noyer ha- chée dans un fac , comme je l’ai dit à l’égard du bois jaune. ) On S» ♦ t nj < 4r4 L’Art de la Teinture. pafle enfui te les étoffes qui doi- vent être de nuances plus claires, & J on continue de la forte juf- qu a ce que la racine ne donne plus de teinture. Si ce font des laines fîlees , on commencera tou- jours par les plus claires, pour les mieux afldrtir, comme je l’ai dit en parlant des autres couleurs}, mais fur-tout on obfervera de ne pas pouffer la chaleur jufqu’à fai- re boiiillir le bain au commen- cement, parceque cette racine donneroit toute fa couleur à la première pièce d’étoffe , & qu’il n’en refleroit point affés pour les autres. Le Racinage , c’eft-à-dire , la maniéré de teindre les laines avec la racine , n’efl pas fort facile } car fi l’on n’a pas une grande at- tention au degré de chaleur , & à remuer les laines & étoffes , en- forte quelles trempent bien éga- Chapitre XIX. 415 Iement dans la Chaudière, on court rifque de les rendre trop foncées, ou d’y faire des taches, ce qui eft fans remède. Lorfque cela arrive, le feul parti qu’il y a à prendre , c’cflde les mettre en maron , pruneau SCcajfé , ainfi que je le dirai lorfque je parlerai des couleurs & des nuances réfui tan- te s du mélange du fauve & du noir. Pour éviter ces inconvé- niens , il faut tourner continuel- lement les étoffes fur le tour, & même ne les palier que pièce à pièce, & fur-tout, ne faire boiiil- lir le bain que lorfque la racine ne donne plus de couleur , ou qu on veut achever d’en tirer toute la fubftance. Quand les laines ou étoffes font teintes de la forte , & qu’elles font éventées, on les porte à la riviere ; on les lave bien, &: on les fait fécher. Je ne dirai .de ï écorce d'aulne S* • • • m; 41^ L’Art de la Teinture. que ce que j’ai dit de la racine de noyer , fi ce n’eft qu’il y a moins d inconvénient à la laif- fer boüillir au commencement, parcequ’elle donne beaucoup moins de fond de couleur à l’é- toffe. On s’en fert plus ordinai- rement fur le fil , & pour les couleurs qu’on veut brunir avec la couperofe verte. Elle fait néan- moins un bon effet fur la laine pour les couleurs qui ne font pas extrêmement foncées , & elle xèu v ^ * ■ fille parfaitement bien à l’adion de l’air & du foleil. Le Sumach efl à peu près de même : on l’employe de la même maniéré que le brou de noix : il donne encore moins de fond de couleur, & elle tire un peu fur le verdâtre. On le fubflitue fouvent à la noix de galle dans les cou- leurs que l’on veut brunir, & il fait fort bien 3 mais il en faut une L Chapitre XIX. 417 plus grande quantité que de galle. Sa couleur eft auffi très-folide à l'air. On mêle quelquefois enfem- ble ces différentes matières -, 80 comme elles font également bon- nes , &qu’elles font à peu près le même effet , cela donne de la fa- cilité pour de certaines nuances» Cependant il n’y a que l’ufage qui puiffe conduire dans cette pra- tique des nuances de fauve , qui dépend abfolument du coup d’œil, &: qui n’a par elle-même aucune difficulté. Quant à l’emploi du mélange de ces ingrédiens & du fantaî moulu , on met quatre livres de ce dernier dans la Chaudière , une demie livre de noix de galle pilée , douze livres d’écorce d’aul- ne, &: dix livres de fumach. Ces dofes font pour vingt - cinq à vingt-fept aunes de drap. On fait bouillir le tout > & après avoir S v 41 8 L’Art de la Teinture. abattu le boüillon avec un peu d eau froide , on y met le drap,, qu’on y tourne & remue bien pendant deux heures : après quoi on le lève , on l’évente & on le lave à la riviere. On palTe enfuite furie même bain d’autres étoffes, que l’on veut d’une nuance plus claire j & l’on continue de la for- te , fî le bain efl: encore chargé de couleur.. On augmente ou l’on diminue la quantité de ces ingré- diens à proportion de la hauteur de la nuance & l’on y fait boüil- îir plus ou moins long-temps les laines ou étoffes. J’ai déjà fait obferver que ce n’eft que de cette maniéré que l’on peut tirer la couleur du Santal. J’ai parlé dans cet articiè du Santal & de la maniéré de fan- t aller , quoique c’eût été plutôt le lieu de le faire 5 lorfque je traite- rai du petit teint , attendu que ce Chapitre XIX. 419 bois ne devroit être employé que pour les étoltes de bas prix , à caufe du défaut dont j’ai parlé» Cependant, comme il s’employe prefque de la même maniéré que les autres ingrédiens qui fervent à teindre en fauve , & que d’ail- leurs il y a plulieurs Provinces ou il eft toléré dans le bon teint , parcequ’il ne rélîfte pas moins que les autres à l’air & au foleil, j’ai cm qu’il feroit aulîi bien de donner à la fuite des autres la maniéré de l’employer. Je vais, par la même raifon , décrire aulîi la maniéré de teindre avec la fuye , quoiqu’elle ne foit permife que dans le petit teint, à caufe quelle a moins de folidité que les autres , quelle durcit la laine , & qu’elle donne aux étoffes une odeur défagréable. On met ordinairement dans la Chaudière la fuye en même temps S vj 410 L Art de la Teinture. cjiic 1 ca.ii : on fait bien boiiillir le tout. On y plonge enfuite l’étoffe , que 1 on fait boüillir plus ou moins long-temps , fuivant la nuance que 1 on cherche ■> après quoi on la leve , on 1 evente , & on y met celles qui doivent être plus clai- res -, on les lave bien enfuite , & on les fait lécher. Mais pour mieux faire , il faut faire boüillir la fuye dans 1 eau pendant deux heures ; la laiftèr repofer enfuite, vuider le bain dans une autre Chaudière, fans y mêler de fuye. On pafîe enfuite fur ce bain les laines & les étoffes, & elles font moins durcies & deflèchées , que iorfqu* elles ont é.té mêlées avec la fuye même : mais la couleur n’en eft pas plus folide , & le mieux eft de ne jamais fe fervir de cet ingrédient pour la teintu- re des étoffes de prix ; d’autant plus quelle peut être remplacée Chapitre XIX. '4 if dans toutes fes nuances par les autres ingrédiens précédens , qui font meilleurs , plus folides , & qui adoucilfent la laine. Les TeilT» turiers du petit teint employent le plus fouvent le brou de noix & la racine de noyer pour leurs cou- leurs fauves. L’emploi de ces deux matières étant commun auxTein* turiers- du grand teint & à ceux du petit teint , cela n’en elt que mieux : mais il y a des endroits où il n’eft pas facile d’en trouver j & l’on eft obligé alors de fe fervir du fantal, & même de la fuye. Ce que j’ai dit ci-devant , pour rendre raifon de la folidité des couleurs de la claffe du bon teint , pourrait paraître ne pas conve- nir aux couleurs fauves, dont j’ai traité dans ce Chapitre , puifque celles-ci s’appliquent folidemenc fur la laine fans l’avoir préparée à les recevoir par Iç bouillon. CË LA d- alun & de tartre j & par eon- féquent , fans avoir introduit d’a- bord dans les pores des fibres , un fel capable de fe durcir au froid & de niaftîquer les atomes qui colorenten fauve. Mais fi l’on ex- amine par l’analyfe chymique le brou de noix , la racine de noyer , l’écorce d’aulne ; outre qu’on con- çoit déjà leurs propriétés adftrin- genres , on trouvera aufîî , en les décompofant félon l’art , qu’elles contiennent un tartre vitriolé > lequel eftunfel qui ne fe calcine point aü foleil qui ne fe dif- lout que dans l’eau bouillante , & on verra alors que ces ingrédiens fe fuffïfent à eux -mêmes pour produire fur les étoffes,fans aucun lècours étranger, les mêmes effets que les autres drogues , dont les couleurs ne s’appliquent foli dé- ment qu’à l’aidé d’un fel capable d’en mafliquer les atomes colo- Ch apitre XX. 413' rans. La fuye ne donne pas un fauve aulli tenace, parcequ’elle ne contient qu’un fel volatile & un fel terreux fort aifés à diffoudre.- En effet, la fuye n’étant compo- fée que des parties les plus légè- res & les plus volatiles des corps combuftibles qui ont fervi d ali- ment au feu, n’a pû enlever avec elle du tartre vitriolé qui ne s’élé^- ve point à la chaleur ,& qui d’ail— leurs fe trouve rarement dans les : bois que nous brûlons communé- ment dans nos cheminées. CHAPITRE XX- Du Noir,’ LE Noir eft la cinquième cou- pleur primitive des Teintu- riers. Elle renferme une prodi- gieufe quantité de nuances r à commencer depuis le gris-blanc ■■■ 7 I 4M L’Art de la Teintüre. ou gris de perles ,jufqp’au gris de ti ves ; car la plûpart des bruns, de quelque couleur que ce foit , font achevés avec la même teinture , qui , fur la laine blanche , feroit un gris plus ou moins foncé. Gette opération fe nomme Br uni tare* J’en parlerai lorfque je ferai par- venu aux nuances qui réfultent du mélange des couleurs primitives j mais actuellement je vais donner la maniéré de taire le beau noir fur la laine. Je ferai encore obli- gé , pour cet effet , de parler d’un travail qui regarde le petit teint» Car, pour qu’une étoffe foit par- doit être commencée par le Tein- turier du grand & bon teint, & more , &; enfin au noir. G’elt à raifon de ces nuances qu’il eft mis au rang des couleurs primi- achevée par celui du petit teint H ^ Chapitre XX. >5' ries , ou étoffes de laine que l’on veut teindre en noir , une couleur bleue , la plus foncee qu il eft pof- fible j ce qui fe nomme le pied ou \c fond. On donne donc à l’étoffe le pied de bien-fers , qui doit fe faire pat le Teinturier du grand & bon teint , & de la maniéré que j’ai enfe ignée dans te Cha- pitre du bleu. On lave 1 étoffé à la riviere , aufïi-tot qu elle eft fortie de la Cuve de Paftel, & on la fait bien dégorger au fou- lon. Il eft important de la laves aufll-tôt quelle eft fortie de la Cuve, parceque la chaux, qui eft dans 1e bain , s attache a 1 e- toffe & la dégrade fans cette pré- caution î il eft necelTaire aufîi de la dégorger au foulon , fans quoi elle noirciroit 1e linge & tes mains , comme cela arrive tou- jours , quand elle n’a pas été fuffi- famment dégorgée. 4*^ L Art de ea Téintüre Après cette préparation,?^ te elt portée au Teinturier du pe- tit teint, pour l’achever & la noir- e,ri ce qui fe fait comme il fuit. iJour cent livres nrfanrAt* ou autre étoffe , qui , félon les re- g emens , a dû recevoir le pied de bleu -fers ^ on met dans une moyenne Chaudière dix livres de bois dinde coupé en éclats, & dix livres de galle d’Alep pulvé- rifee, le tout enfermé dans un ac : on fait boüillir ce mélange dans une fuffifante quantité d’eau pendant douze heures. On tranf- jporte dans une autre Chaudière le tiers de ce bain avec deux li- vres de vert de gris , & on y pâlie I etofre , la remuant fans disconti- nuer pendant deux heures. Il faut obferver alors de ne faire boüillir ee bain qu’à très-petits bouillons* ou encore mieux, de ne le tenir que très - chaud , fans bouillir. Chapitre XX. 417 On lèvera enfui te letoffe j on jet- tera dans la Chaudière le fécond tiers du bain avec le premier qui y eft déjà , & on y ajoutera huit livres de couperofe verte : on di- minuera le feu deflous la Chau- dière > & on laiffera fondre la cou- perofe , & rafraîchir le bain en- viron une demie heure*, après quoi on y mettra l’étoffe , qu on y mènera bien pendant une heu- re ; on la lèvera enfuite , & on l’éventera. On prendra enfin le refte du bain , qu’on mêlera avec les deux premiers tiers , ayant foin aulïi d’y bien exprimer le fac. On y a'oûtera quinze ou vingt livres de fumach *. on fera jetter un bouillon à ce bain, puis on le ra- fraîchira avec un peu d’eau froi- de , après y avoir jetté encore deux livres de couperofe , & on y paffera l’étoffe pendant une heure : on la lèvera enfuite , on ^.±8 L Art de la Teintore. 1 éventera , & on la remettra cfe nouveau dans la Chaudière 3 la remuant toujours encore pen- dant une heure. Après cela, on la portera a la riviere , on la la- vera bien , & on la fera dégorger au foulon. Lorfqu’elle fera par- faitement dégorgée , & que l’eau en fortira blanche , on prépa- rera un bain frais avec delà gau- de à volonté : on l’y fera bouillir tm bouillon j & apres avoir rafraî- chi lç bain ,, on y paffera i etoffe. Ce dernier bain l'adoucit & af- fure davantage le noir. De cette manière,. 1 étoffé fera dtin très- beau noir, & auflï bon qu’il ed: podîbîe de le faire, fans que l’é- tolfe foit trop delféchée. Mais le plus fou vent, on n’y fait pas à beaucoup près autant de façons , & on fe contente , lorfque le drap eft bleu, de le paffer iur un bain de noix de galles , où on le fait Chapitre XX. 42.9 boüillir pendant deux heures. On le leve enfuite , 011 jette dans le bain la couperofe & le bois d’In- de , on y pâlie le drap pendant deux heures fans le faire boüil- lir j après quoi on le lave & on le dégorge au foulon. J’ai fait faire encore du noir de la maniéré fuivante : Pour quinze aunes de drap teint en bleu -persy j’ai fait mettre dans la Chaudière une livre & demie * » ' - * ^ de bois jaune , cinq livres de bois d’Inde , & dix livres de fumach. J’y ai fait boüillir le drap pen- dant trois heures -, après quoi 011 l’a levé, & j’ai fait jetter dans la Chaudière dix livres de coupe- rofe. Lorfqu’elle a été fondue, &: le bain refroidi , j’y ai palfé le drap pendant deux heures. On l’a levé & éventé , Sc remis enfuite pendant une heure j après quoi on l’a lavé & dégorgé : il étoic 43© L’Art de ia Teinture. afl'és beau, mais moins velouté que le précédent. Il etoit ordonné par l’ancien Reglement de garencer les étof- fes, apres quelles étoient guef- dées , Sc avant que de les mettre en noir. J’ai voulu voir quel étoit l’avantage qui en réfultoit. Pour cela , j’ai pris un morceau de drap teint en' bleu-^>m > je l’ai coupé en deux , j’en ai fait boüillir la moitié en alun & tartre, & je fai garence enfuitej après quoi, je lai noirci dans le même bain, avec l’autre moitié qui n’avoit point été garencée , & conformé- ment à la première des deux mé- thodes que je viens de décrire. Ces deux morceaux de drap font devenus tous deux d’un très-beau noir : il m’a paru cependant que celui qui avoitété gareneé , avoit un œil rougeâtre : le noir de l’au- tre étoit certainement plus ve- Chapitre XX. 431 louté & plus beau. II eft vrai qu’il eft moins à craindre que celui qui a été garencé noirciife les mains le linge,parceque l’alun & le tartre du boiiillon ont em- porté tout ce que le bleu pouvoit abandonner. Mais je ne trouve pas cet avantage ailés coniîdé- rable, pour dédommager des in- convéniens du garençage , qui font que l’alun & le tartre dégra- dent toujours un peu l’étoffe ; que la garence lui donne un fond de rougeur défagréable àlavûé, & de plus , que cette opération renchérit inutilement le prix de la teinture. Il y a des Teinturiers qui , pour éviter une partie de ces inconvé- niens, garencent les draps fans les avoir fait boüillir précédem- ment en alun &c tartre. Mais j’ai déjà fait voir que la garence , em- ployée de cette maniéré , n’a au- '43 1 L’Art de la Teintüre. cune folidité ; ainfi je ne vois pas que l’on puifle tirer aucun avan- tage d’une fi mauvaife pratique. On teint quelquefois auflï en noir, fans avoir donné le pied de guefde ou de bleu , 8c il a été per- mis de teindre de la forte des étamines , des voiles , 8c quelques autres étoffes de même genre , qui font d’une valeur trop peu confidérable pour pouvoir fup- porter le prix de la teinture ea bleu foncé, avant que d’être mife en noir. Mais on a ordonné en même temps de raciner ces étof- fes , c’eft-à-dire , de-leur donner ' * - ♦ un pied de brou de noix , ou de racine de noyer , afin de n’être pas obligé , pour les noircir, d’em- ployer une trop grande quantité de couperofe. Ce travail pour- roit regarder entièrement le petit teint. Cependant, comme dans les endroits où il a été permis , on a Chapitre XX. 435 a accordé aux Teinturiers du grand teint la permiffion de le taire, concurremment avec les Teinturiers du petit teint, il m’a paru que c’étoit ici le lieu d’en parler, puifque j’en fuis aux cou- leurs qui participent du grand & du petit teint. Il n’y a aucune difficulté dans ce travail. On racine l’étoffe, comme on l’a vu dans le Chapi- tre du fauve , & on la noircit en- fuite de la maniéré que je viens de dire , ou de quelqu’autre à peu près femblables. Car il en eft du noir , comme de l’écarlatte : il y a peu de Teinturiers qui ne croyent avoir quelque fecret pour faire un plus beau noir que les au- tres \ ce qui ne conlifte cependant qu’à augmenter ou diminuer la dofe des mêmes ingrédiens, ou à en fubftituer d’autres qui font le même effet. J’en ai effayé de plu-. ' T t . 434 L’Art de la Teinture. Ixeurs façons , & -il m’a paru que ce qu’on entend à la rigueur par , léullir parfaitement , dépendoit plutôt de la maniéré de travailler, de mener & d’éventer l’étoffe à propos , que de la dofe exaéte des ingrédiens. C’eft pourquoi j’ai dé- crit avec une forte de fcrupule, qui paroîtra fuperflu à plusieurs Ledeurs ,tous les détails de la mé- thode qui m’a paru la meilleure. Il eft bon d’expliquer ici la raifon pour laquelle on demande que les étoffes ayent un pied de bleu , ou pour le moins un pied de racine avant que d’être rnifes en noir , & pourquoi il eftexpref- fément défendu d’en teindre au- cune de blanc en noir. C’eft que ii l’on vouloitteindrede blanc en noir, & faire unnoir, bien foncé,, il faudroit d’abord employer une plus grande quantité de noix de galle j ce qui ne feroit pas à la Chapitre XX. 43$ vérité uii inconvénient , parceque la galle n’endommage pas la lai- ne , attendu qu’elle ne contient tien de corrodant j mais pour furmonter cette galle , en termes d’ouvrier, c’eft-à-dire, pour la noircir, ou encore mieux, pour faire de l’encre fur l’étoffe ( car ceci n’eft autre chofe ) il faudroit une grande quantité de coupero- fe , qui non-feulement rudit l’é- toffe , mais qui la rend caffante par l’acidité que ce fel imprime ou laiffe fur les fibres de la laine : au lieu qu’il faut beaucoup moins de l’un & de l’autre , lorfque l’é- toffe a déjà un pied, c’eft-à-dire, une forte couche de quelque cou- leur foncée, qui la rend moins éloignée du noir que fi elle étoit toute blanche. On la fait bleue par préféren- ce à toute autre couleur , premie- rementparcequ’un bleu foncé eft 4 y & L Art de la Teinture. celle de toutes qui approche le plus du noir ( le noir n’étant vrai- femblablement qu’un bleu' très- foncé^) ; & fecondement , parce- que n ay ant pas hefoin que la laine loit boüillie & préparée aupara- vant, cela ne l’endommage *en au- cune façon. La même raifon de . conferver la laine a fait fubftituer îa couleur de racine au bleu , pour les étoffes dont le prix feroit trop augmenté par la teinture en bleu j & alors il faut donner ce pied de racine le plus foncé qu il eft pofîîble , pareeque plus il fera brun , moins il faudra de cou- pe tcue pour achever de le noircir. Il arrive fouvent auffi que l’on met en noir des étoffes de toutes fortes de couleurs, qui ont été mal teintes ou tachees : le mieux cft alors de les palier en bleu , avant que de les noircir, à moins que leur couleur ne fût déjà très- Chapitre XX. 457 foncée , auquèl cas elles ne laif- feront pas que de prendre un très-beau noir. Mais c’eft-là la derniere relTource: & communé- ment, on ne met pas ces étoffes en noir , que lorfqu’il n’eft pas pofïible de les mettre en une au- rre couleur , parceque comme el- les ont ete déjà bouillies en alun & tartre pour la première cou- leur , la couperofe qu’on eft obligé de mettre pour les noircir , les dé- grade confidérablement, & di- minue beaucoup de leur qualité. Les nuances du noir font les Des Gris grü y depuis le plus brun jufqu’au 2“ ' plus clair. Ils font d’un très-grand ufige dans la teinture , tant dans leur couleur limple , qu’appli- quées fur d’autres couleurs. Celt alors ce qu on appelle Bruniture . Mais je n’en parlerai que quand je traiterai du mélange des cou- leurs primitives entr elles Je m’en 43 § L’Art de la Teinture. tiendrai maintenant aux gris /im- pies , & confidérez comme les nuances qui dérivent du noir ou qui y conduifent , & je rapporte- rai deux maniérés de les taire. La première & la plus ordinal- • re eft de faire boüillir pendant deux heures de la noix de galle conca/fée avec une quantité d’eau convenable. On fait diffou- dre à part de la couperofe verte dans de l’eau; & ayant préparé dans une Chaudière un bain pour la quantité de laines ou d’étoffes que l’on veut teindre, oit y met , lorfque l’eau eft trop chau- de pour y pouvoir fouftrir la main, un peu de cette décoftion de noix de galle , avec de la dif- folution de couperofe. On y paffe alors les laines ou étoffes que l’on veut teindre en gris le plus clair* Lorfqu’elles font au point que l’on de/îre , on ajoute fur le me- r w* >• ‘*4 * / Chapitre XX. 459 me bain de nouvelle déeo&ion de noix de galle , & de l’infufton - ou di Ablution de couperofe ver- te , & on y pâlie les laines de la nuance au-dedus. On continue de la forte jufqu’ aux plus brunes, en ajoutant toujours de ces li- queurs jufqu’au gris de more, & même jufqu’au noir : mais il eft beaucoup mieux pour les gris de more & les autres nuances extrê- mement foncées, d’y avoir don- né précédemment un pied de bleu plus ou moins fort , fui vant que cela fe peut , & cela pour les raifons que j’en ai données ci- devant. La fécondé maniéré de faire les gris me paroît préférable à celle-là, parceque le fuc de la galle eft mieux incorporé dans la laine , de qu’on eft ftir de n’y em- ployer que la quantité de coupe- rofe qui eft abfolument nécefl'ai- 1 lllj -44° L Art de la Teinture. re. li refaite même des expérien- ces que j’en ai faites, que les gris font plus beaux, & que la laine en a plus de brillant : ils ni ont paru au/îi avoir une égale folidité y car les uns & les autres refilent également à l’a&ion de 1 air &r du foleil. Ce qui me dé- termine a préférer la féconde méthode, c’efl qu’elle eft aufïi facile que la première, & qu’ou- tre cela elle altère beaucoup moins la qualité de la laine. On fait boüillir pendant deux heures dans une Chaudière la quantité de noix de galle qu’on juge à propos, après l’avoir con- caifée & enfermée dans un fac de toile claire. On met enfui te la laine ou l’étoffe dans ce bain , & on 1 y fait boüillir pendant une heure , la remuant & la palliant : après quoi on la lève. Alors on ajoûte , à ce même bain , un peu Chapitre XX. 441 de coupe rôle dilToute dans une portion du bain, & on y pafle les laines qui doivent être les plus claires. Lorfqu’elles font teintes, on remet dans la Chaudière en- core un peu de dilfolution de couperofe , & 011 continue de la forte comme dans la première opération , jufqu’aux nuances les plus brunes. On peut aufiî , dans l’un & l’autre procédé , lorfqu’on n’eft pas gêné parles échantillons à failir des nuances précités , commencer par les gris les plus bruns, & finir par les clairs, à x \ mefure que le bain commence a. fe dégarnir d’ingrédiens, en y tenant chaque mife d’étoffes ou de laines, plus ou moins ^1 1 tt rïi s, , jufqua ce qu elles foient à la nuance que l’on defire. Il eft impolfible de fixer la quantité de l’eau néeelfaire à ces opérations , non plus que celle T Y 44- L Art de la Teinture. des ingrédiens , ou le temps que a l^ine doit relier dans le bain. C ell a 1 œil a juger de tout cela* Si le bain ell fort chargé de cou- leiu , la laine y reliera moins de temps pour venir à fa nuance ; 8c au contraire , elle y demeurera plus long-temps , lî le bain com- mence à être tiré. Lorfque la lai- ne n ell pas ailes brune , on la re- met une féconde fois, une troi- lîéme fois, ou julqu’à ce qu’elle le loit alfés. Toute l’attention qu on doit avoir ,c’efl que le bain ne bouille pas , & qu’il foit plutôt Amplement tiède que trop chaud. Si par hafard là couleur étoit trop foncée , le remède feroit de paf- fer 1 étoffe fur un bain nouveau & tiède , dans lequel on auroiü mis un peu de décoétion de noix, de galle. Ge bain emporte une partie du fer précipité de la cou- perofe , & par conféquent éclair- r Chapitre XX. 445- cit l’étoffe ou la laine. Mais à la rigueur , le mieux eft de la retirer O de temps en temps du bain , & de ne pas lui laiffer prendre plus de couleur qu’il ne faut. On peut auffi la paffer fur un bain de fa- ' von ou d’alun : mais alors ce cor- rectif emporte une grande partie de la couleur, & il faut fouvenr la rebrunir enfuite : ce qui ne tait , que dégrader la laine , qui foudre toujours beaucoup de l’aftion réitérée de tous ces ingrédiens. Tous ces gris , de quelque façon qu’ils aient été teints, doivent être aufîi-tôt lavés en grande eau ; & même les plus bruns, dégor- gés avec le favon. Ces brunitures, tant les plus clairesque les plus foncées, fe font par la même opération qui donne l’encre ordinaire à écrire. La couperofe verte contient du fer 5, fr elle étoit bleue, ce feroit du Tvj ■ -y* '.-'ésM i ; ■ ■ 444 L Art de la Teinture, cuivre. Verfez de la diffolution de cette couperofe verte dans un ver- re, tenez-le au grand jour j faites tomber dedans goutte à goutte de la décodion de noix de galle. Les premières gouttes- feront prendre a la dilïolution limpide • de ce fel ferrugineux une couleur rouge , d’autres gouttes le feront palier au bleuâtre , puis au violet fale ; enfin au bleu prefque noir. Voilà de l’encre. Ajoutez à cette encre beaucoup d’eau pure,&laif- fez le vaille au en repos pendant plufieurs jours , peu à peu la li- queur s éclaircira , jufqu a repren- dre prefque la limpidité de l’eau commune, & vous trouverez au fond du vailîèau une poudre noi- si- re.. Mettez cette poudre , après l’avoir fait fée her, dansuncreu- fet y ealcinez-la , y jettant un peu * de fuif ou de quelquautre ma- dère gralfe , vous aurez une pou- Chapitre XX. 445 dre noire-, que l’aimant attirera. Donc c’eft du fer ; donc c’eft ce métal qui noircit l’encre. De même , c’eft lui qui , précipité par la noix de galle , fe loge dans les pores des fibres de la laine dilatés par la chaleur du bain , & contra&és par l’air froid auquel on expofe l’étoffe en l’é- ventant fouvent. Outre la ftipti- cité de la noix de galle , par la- quelle elle a éminemment la pro- priété de précipiter le fer de la . couperofe & de faire de l’encre ,, elle contient auffi une portion de gomme, ce dont on peut fe con- vaincre en faifant évaporer fa dé- coction filtrée. Cette gomme, entrant dans les pores avec les atomes ferrugineux, fert à les maftiquer : mais comme cette gomme eft affés aifément diffo- lubie , ce maftic n’a pas la téna- cité de celui qui eft fait avec uiv 44& ^ Art de la Teinture, , difficile a diffoudre ; suffi les brunitüres n ont-elles pas en tein- ture la folidi te des autres couleurs de bon teint appliquées- fiir un ffijet préparé par le bouillon de tartre & a alun \ &c eft pour cette taifon que les gris fimpîes n’ont pas été fournis aux épreuves des déboüillis. J ai donné , à ce que je crois , la meilleure maniéré de faire toutes les couleurs primitives des Teinturiers } ou du moins , de celles qu ils font convenus d’ap- peiler de ce nom , parceque , de leur mélangé & de leurs combi- naifons, dérivent toutes les autres couleurs Je vais maintenant les parcourir , affemblées deux à deux , en fuivant le même ordre dans lequel je les ai décrites firm- ples; Lorfque j aurai donné la maniéré dé faire les couleurs qui réfukent de ce premier degré de Chapitre XXI. 447' eombinaifon, j’en joindrai trois enfemble j & en continuant tou- jours de la forte, j’aurai rendit compte, pour ainli dire, de tou- tes les couleurs apperçuës dans la nature , &: que l’art a cherche à imiter. ‘k'k'k'k'kic’k'k icft'k'k'k’k'k'k'k CHAPITRE XXI, Des couleurs que donne le mélange de Bleu & de Rouge. J’Ai dit, en parlant du Rouge, qu’il y en avoir quatre diffé- rentes efpéces dans le bon teint. On va voir maintenant ce qui arrive , lorfque ces différens rou- ges font appliqués fur une étoffe qui a été précédemment teinte en bleu. Si on prend une étoffe bleue , qu’on la bouille avec l’a- lun &c le tartre , de la maniereSe avec les proportions que j’ai en- . ‘ • , & -,y i - y - M ■ t -/ •/ i , - , ... • MA d ■ . t » ± "“N V 44^ L’àrt cr la Teinture. feignées dans l’article du Rouge & qu on la teigne enfuite avec le Kermes , il en réHiltera ce qu’on appelle la Couleur de Roy , la Cou- leur de Prince , la Penjee , le Violet, le Pourpre , & plulieurs autres' couleurs fembîables. Mais il eR rare qu on fe ferve du Kermès pour ces couleurs , à caufe de fa ehereté , de la quantité qu’il y en entreroit, & parceque la coche- nille & la garence les- donnent, gu plus belles ou avec plus de fa- cilité. D’ailleurs , j’ai déjà fait re- marquer que l’on eft très -peu dans 1 ufage d’employer le Ker~ mes y quoiqu il y ait plulieurs couleurs compofées où il falfe un très- b on effet, comme on le verra plus particulièrement dans la fai- te. Lorfqu on fe fe rt du Kermès» pour appliquer un rouge fur le bleu, il eft indifférent que le pied de bleu foit donné d’abord ou Chapitre X Xï. 449 qu’on ne le donne qu apres que 1 étoffé eft teinte en rouge ,par- ceque le rouge du Kermès eft une couleur trop folide pour pou- voir être altérée par la chaux qui eft dans la Cuve de Paftel, à moins que cette Cuve n’en foit furchargée , ou par la cendre gra- velée qui eft dans celle d’indigo. Ainft, ft la Cuve de Paftel 11’eft pas trop vieille , on pourra com- mencer par celle des deux cou- leurs qu’on jugera à propos ou qu’on croira la plus commode pour mieux affortir la nuance. On conçoit aifément, que quoi- que je n’aye nommé qu’un très- petit nombre de couleurs , il s’en ocut tirer de ces deux principa- es une très-grande quantité, fé- lon que l’une ou l’autre fera plus dominante. On ne fe fert jamais du mé- lange du bleu avec iecarlatte: 4S° L Art de ta Teinture, couleur de feu ou écarlatte des Ciobelins , dans aucune de leurs nuances. J’en ai voulu fçavoir la raifon par moi-même ; & pour cela y ai paile/ur la Cuve de bleu, un morceau de drap teint en ecarlatte ,, & j’ai teint un fécond morceau félon la méthode de l ecarlatte , après l’avoir mis en bleu auparavant. L un & l’autre ont fort mal réuffi, 8c ont fait une elpece de violet terne &mar- bre , enforte qu’il paroilfoit que les deux couleurs ne s etoient point unies 5 mais clics étoient appliquées chacune fur différen- tes parties de la laine. Cela eft cauie fans doute par les acides qui entrent dans la compohtion ■dc 1 ecarlatte. Mais fans exami- • ner ici le phyhque de cette opé- ration , qui occahonneroit une' diRci cation trop longue & en- nuyeufe par des répétitions de ce- / Chapitre XX I. 45 f tfiie j’ai déjà dit, le fait paroît fufi fire ici. Il prouve quon ne peüt tirer aucune belle couleur du mé- langé du bien avec Féearlatte ,-as moins que l’on ne paffe 1 é< caris- te fur un bain d’alun qui chaffe l’acide de la compofition : mais alors ce feroit un cramoifi , cou- leur fort différente de féearlatte , & dont j’ai donné le procédé dans un Chapitre particulier. Du mélange du bleu & du cra- moifi fe forme le Colombm , le Pourpre , 1 ArnArnnthe > la Penjee & le Violet. Ces couleurs ont, outre cela, un très-grand nom- bre de nuances ,. qui dépendent de ce que l’une ou l’autre des couleurs, d’ou elles dérivent, se- ront plus ou moins foncées. Je me fuis trop étendu fur tout le detail de ces couleurs primitives, pour qu’il puifle relier le moindre em- barras ou la moindre difficulté tarai • ■ 45 & L Art de la Teinture 1“ S-*»™ %. ■££*, leur ,v T . d une Cou~ ,f 5 & on Ja teint enfuite de autre , precifément de la meme manière que fi elle étoit toute blanche. On obfervera feule» 2 d*ns *e cas prc/cnt de qm de la mettre en cramoih, parla raifon que j’ai déjà dite/ que les alcalis de l’une ou de l’au- tre Cuve de bleu temiffent con- nderablement l’éclat du rouge de a cochenille. On obfervera, pour aire les violets , les pourpres & les autres nuances femblables v tout ce que j ai dit au fujet des cramoihs , parceque ces couleurs n auront de vivacité & d’éclat qu en les travaillant avec toutes les précautions qu’il eftnécelTaire apporter pour faire de beaux ctamoilîs.- I Chapitre XXI. 455 Du bleu & du rouge de garen- ce fe tirent auffi . la Couleur de Roy , la Couleur de Prince , ( mais beaucoup moins belles que quand on employé le Kermès, à caufe. que le rouge de cette racine eft toujours terni par le fauve de fes fibres ligneufes , ) le Minime , le Tanné , l’ Amaranthe obfcur , le Rofe fe'che , toujours moins vives , que fi on fe fervoit du Kermès. On le mêle cependant quelque- fois avec la garence , comme je ai déjà dit-, pour faire les écar- attes mi-graines ; & les couleurs lui en viennent font plus belles . ]ue lorfque la garence eft em- >loyée feule fur une étoffe teinte ;n bleu. On mele auffi la garen- ne avec la cochenille , comme lans le demi-cramoifi , & on en ire un très-grand nombre de bêl- es nuances qu’il n’eft pas poflî- >lô*de défignerpar des noms par- 454 L’Art de la Teinture. ticuliers , mais qui tirent toutes fur celles que je viens de nom- mer. Il y en a quelques-unes qui peuvent fe faire auffi belles qu’en y employant des ingrédiens plus chers. C’eft au T einturier à cher- cher fon avantage , & à ne pas employer les plus chères , lorfqu’il pourra faire le même effet avec Jes communes. Il m’eft impoffible de donner aucune inftru&ion fur ce point , parce qu’il n’y aquel’u- fage feul qui puiffe l’apprendre. On fe fert auffi très-fou vent dè vieux bains de cochenille ou de garence , dont la teinture n’a pas été entièrement tirée j ce qui ne laide pas de faire une épargne çonfidérable > & la couleur n’eu eft pas moins bonne. Je ne puis encore riendire fur cela de pofitif, puifque l’effet > qui en réfultera, dépend de ce qui refte de teintu- re dans le bain , & de la nuance que l’on a deffein de faire. \ Chapitre XXII; 455 CHAPITRE XXII. L ne vient qu’une feule cou- leur du mélange du bleu& du jaune. C’eft le Ver à. Mais il y en a une infinité de nuances , dont les principales font le Verd jaune, Verd naijfant , Verd gai , V erd d'herbe , Verd de laurier , Verd mo- le quin , Verd brun , Verd de mer , V erd céladon , Verd de perroquet ,, & Verd de Chou. Y y ajoûte le Verd d'ailes de canard , & le Verd céla- don fans bleu. Toutes ces nuances & les intermédiaires fe font de la même maniéré & avec la mê- me facilité. On prend l’étoffe ou la laine teinte en bleu , plus ou moins foncé ; on la fait bouillit avec l’alun .& le tartre, comme pour mettre en jaune à l’ordinai- Du mélange du Bleu quoiqu’a- lors cette couleur foit de la clafte du petit teint. Les Hollandois font très-bien cette couleur, &- la rendent plus folide qu’elle ne. l’eft communément avec le verd de gris. Voici leur maniéré d’o- pérer. Il faut avoir deux Chaudières montées à peu de diftanee l’une de l’autre. Dans la première on met , pour deux draps de qua-» rante-cinq à cinquante aunes de long , huit ou dix livres de favoa blanc haché , qu’on y fait fondre bien exaftement. Quand le baia eft prêt à boüillir, on y plonge les draps , & on les y fait boüillir pendant une bonne demie heure.. On prépare un autre bain dans la Chaudière d’à côté , & quand il eft afles chaud pour n’y pou- Chapitre XXïL 465 voir plus tenir la main , on y plonge un fac de toile blanche ,- dans lequel on a fait entrer au- paravant huit à dix livres de vi- triol de Chypre ou vitriol bleu, & dix a douze livres de chaux , l’un & l’autre pulvérifés àc bien mêlés enfemble j car il faut que- ce mélange foitle plus exad qu’il eh poflible. On promène ce fac dans ce tte eau chaude , mai s non boüillante , jnfqu’à ce que tout le vitriol bleu foit fondu dans le- bain. Alors onplace , fur les deux fourchettes , un tour de bois fait à l’ordinaire ,.mais qu’on a eu foin d’envelopper d’un linge blanc de leffive , qu’on y afïujétit, bien fermé bien bandé par une couture. On place un des bouts des deux draps fur ce tour, & l’on fait aller -la manivelle fort vite , aiîn que les draps partent promptement de la Chaudière 4 L’Art de la Teinture. au favon dans la Chaudière au vitriol -, puis l’on tourne le tour plus lentement, pour donner le temps au drap de fe charger des parties de cuivre que la chaux a obligé de fe répandre dans le bain, en les féparant 8c les préci- pitant du vitriol bleu qui les con- tenoit. On laide les draps dans ce bain , qui ne doit jamais boiiil- lir , jufqu’à ce qu’ils ayent pris la nuance du Céladon que l’on cher- che. Alors on les retire en les dévuidant en l’air pardedus le tour, & les éventant par leslide- res. On les laide refroidir entiè- rement fur le chevalet avant que de les laver à la riviere. 11 ne faut pas qu’ils touchent à aucun bois, • jufqu’à ce qu’ils ayent été lavés ,, parcequ’ils fe tâcheraient. C’eft: pour cette raifon qu’on enve- loppe de toile le tour, & qu’iK faut mettre une nappe fur le che? Chapitre XXIII. 467 valet avant que d’y placer le drap plis à plis. t&çjiMii? CHAPITRE XXIII. A * 4 t 4 Du mélange du Bleu & du Fauve. ON fait très-peu d’ufage des nuances qui pourraient ré- liilter du mélange du bleu & du fauve. Ce font des Grü verdâtres , ou des efpeces d’olives , qui ne peu- vent guères convenir que pour alfortir des nuances dans la fabri- que des tapi/feries. Quand on a befoin de ces fortes de couleurs , il n’y' a aucune difficulté à les faire, & il eft' abfolument indif- férent de commencer à donner à la laine filée la couleur bleue , ou la couleur fauve : fi ce 11’eft que dans le dernier cas , il faut avoir foin de bien dégorger la lame , comme on le doit toujours Y vj, 468 L’Art de la .Teinture. faire pour le bleu , & pour les couleurs compofées que l’on achève en les palfant fur la Cu- ve. Lorfqu’on aura de ces cou- leurs à faire , on fe fervira indif- féremment de toutes les matiè- res qui teignent en fauve ; & la feule chofe qui doit déterminer » c’eft que les unes donneront plus, facilement que les autres la nuan- ce dont on aura befoin.. CHAPITRE XXI Y. Du mélange du Bleu & du Nom IL ne fe tire aucune nuance particulière de ce mélange » c’eft-à-dire , de celui du bleu avec le gris ; car cela ne feroit que bru- nir le bleu. En ce cas » il. fera. beaucoup plus beau & meilleur , en l’amenant fur la, Cuve même » à: la hauteur où il doit. être. On Chapitre X X IV. 4^ peut néanmoins , par le mélange du bleu &c des gris , qui font des nuances du noir, comme je- l’ai dit dans le Chapitre XX. faire le gris de more. Le bleu alors ne doit pas être bien- foncé ; & ilîfe trar vaille enfuite de même que le noir, li ce n’eft, que, comme la couleur ne doit pas être aufli brune , on met moins de coupe- rofe : mais je le répété j cette couleur ne doit pafler que pour une nuance du noir. Ainli il fera toujours vrai de dire qu’il ne fe tire aucune nuance du bleu? &dü noir employés feuls ; & très? peu, du bleu & du fauve 3 W 47° L’Art de la Teincure, CHAPITRE XX Y. Des mélanges du Rouge & du Jaune . *•' * f’ ON tire, de fécàrlatte de grai- ne o u de Ke rmé s & du j aune , I Aurore , le couleur de Soucy , ÏO- rangé. On peut, pour cet effet, après avoir fait boüillir la laine avec l’alun & le tartre ,1a teindre d’abord en l’une de ces couleurs,, & la paffer enfuite dans la fécon- dé, ou mettre dans le même bain le Kermès avec la'gaude, la far- rette , &c. & la teindre ainfî en: une feule fois. Mais il eft plus fa- cile d’atteindre àl’exaètimde des nuances , en la teignant en deux fois , parcequ’on- peut paffer la laine ou letoffe alternativement fur l’un & l’autre bain, jufqu’àce qu’elle foit précifément de la couleur que l’on fouh.aiter Chapitre XXV. .47* On cire de l’écarlatte ordinai- re ou des Gobelins, & du jaune' les couleurs de langoujle & de fleurs de grenade : mais elles ne font pas d une grande folidité. Voici de quelle maniéré elles fe font. On commence l’écarlatte préci- fément de la maniéré que je l’ai enfeignée ; c’eft-à-dire , qu’on la, fait boüillir avec de la crème de tartre , la cochenille &: la corn- polîtionj on ia lève enfuite,.on l’évente , & l’on va la laver à la riviere. Pour l’achever, on pré- pare un nouveau bain,. comme pour achever l’écarlatte -, mais on; y met moins de cochenille. On lui fubftitue un peu de bois jaune moulu. Je ne puis prefcrire au jufte la quantité qu’il faut de co- chenille & de bois jaune , parce- que cela dépend de la couleur que l’on veut donner à l’étoffez Plus on voudra quelle tke fur 47 1 L’Art de la- Teinture. l’orangé , & plus on mettra de' bois jaune , en diminuant la quan- tité de la cochenille. J’ai effayé de faire cette cou- leur de trois façons , & j’y ai réuftî de toutes les trois. La première eft celle que je viens de décrire. La fécondé eft de mettre le fuflet à la place du bois jaune, cela épargne conftdérablement de co- chenille , parceque la nuance du fuflet eft beaucoup plus orangée que celle du bois jaune ; mais cet ingrédient n’a aucune folidité ,r. & ne devroft être employé que dans le petit teint; ainfî, û on le tolère dans les teintures, desdraps de Languedoc , pour faire les couleurs de langoûfie qui plaifent dans le Levant, c’eft que le bois jaune ne donne jamais cette cou- leur li belle que le fuflet , & qu’il faut fe prêter un peu pour la fat- alité des alfortimens» > . C HT A P I T R E XXV. 47$ La troifiéme maniéré eft de faire le langoujle , la fleur de gre- nade , &c. avec la feule coche- nille , en augmentant la quantité de la compofition, ce qui rancit la cochenille ôc la fait oranger autant qu’on le fouhaite -, mais cette méthode a encore de très- grands inconvéniens. i°. La couleur en devient très - chère T parcequ’il y faut plus de coche- nille que dans l’écarlatte or- dinaire , attendu que la grande quantité de compofition , qui eft acide , lui fait perdre une partie de fon fond. 2.0. Par la même raifon , la couleur paroît prefque toujours affamée , c’eft-à-dire , qu’il femble qu’on y ait épargné- la cochenille , la compofition en- ayant diffoutune partie. 3 °. Cet- te grande quantité de compofi- tion durcit la laine , & même elle la reftd beaucoup plus facile à- 474 L’Art de la Teinture. lâcher par la boue & par les li- queurs acres : par conféquenty cette maniéré eft peut - être la moins bonne de toutes. J’ai dit que l’inconvénient de la fécondé ©toit d employer le fujlet qui eft un bois défendu dans le bon teint ; par conféquent , la premiè- re devroit mériter la préférence, û elle donnoit le langoufte aufli vif que la fécondé. Mais cette couleur faite par le bois jaune n’a pas meme toute la folidité qu’on jpourroit defirer, ainliqueje l’ai éprouvé , en l’expofant au foleil cela paroît d’abord extraordi- naire , puifque l’on n’y employé que des ingrédiens qui ont toute la folidité polîible. Mais voici ce qui fait qu’ils font moins bons dans le cas préfent. La cochenille , employée avec la compofition d’écarlatte & la crème de tartre, eft très-folide * Chapitre XXV. 475 suffi dans ces couleurs de Un- çroujïe ne perd-elle rien a 1 air. Mais il n’en eft pas de même du bois jaune , quoiqu’il loit très-fo- lide , fur la laine boiiillie en alun & tartre, fur-tout quand on a ajoûté un peu d’alun au bain de fa teinture, il ne l’eft pas à beau- coup près de même , lorfque la laine ou letoffe a reçu le bottillon d’écarlatte , dans lequel on ne fçauroit faire entrer a alun : par conféquent, loriqu’on expoie ces fortes de couleurs à l’air , elles rofcnt en très -peu de temps, c’eft-à-dire, qu’elles perdent une partie de leur couleur orangée, produit du mélange du jaune avec le rouge ^ & en cela , 1 ellet de l’air fur cette couleur , quoi- qu’il paroille différent de celui qu’il fait fur toutes les autres , en. ce qu’ordinairement il les pâlit,» au lieu que celle-ci lonce & bru*- 47 6 L'Art de la Teinture. niffe , parcequ’il lui fait perdte une partie de fon éclat orangé, cft pourtant lé même fur celle- ci comme fur les autres. Car rl effc démontré par plufieurs ex- périences chyrtiiques , qu’il y a dans l’air un acide vitriolique femblable à celui qü’on peut re- tirer de 1 alun en le décompo- fant. Or, fi l’on pafloit une étoffe teinte en couleur de langoufle dans une dilfolution légère d’a- lun, l’acide de ce fel la roferoit fur le champ , & le rouge de la cochenille éclipferoit la teinte orangée ; là même ehofe doit donc arriver quand on expofe une telle couleur à l’air, puifque l’air efl empreint du même aci- de. On tire très-peu de nuances du cramoifî & du jaune, à caufe du prix de la première de ces deux couleurs-, & parce qu’on Chapitre XXVI. 477 a a peu près les mêmes nuances , en employant la Garence ou Je •Kermès. On en peut aulîi tirer du jaune Sc de la demie écarlatte de graine , ainli que du jaune & du demi cramoili. C’eft avec ces différens mélanges que l’on fait toutes les couleurs de foucy , oran- ge , jaunes à' or & autres nuances femblables, qu’on voit alTés de- voir être produites par le mélan- ge du jaune & du rouge. £&}■&&{&} MM MMMM-MM CMMMWîcfcîgc&î CHAPITRE XXVI. Du mélange du Rouge & du Fauve. ON ne fe fert guères, pour les couleurs qui résultent de ce mélange , des rouges de Kermès ou de cochenille , parce- que la garence fait un tout aulïï bel effet dans ces fortes de cou- leurs, qui ne peuvent devenir 478 L’Art de la Teinture. éclatantes , à caufe du fauve qui les ternit. Seulement, après les avoir garencées , on les pafl'e fur de vieux bains de cochenille ou de Kermès. Mais il arrive rare- ment que l’on prépare exprès un bain de ces ingrédiens, parce- qu’ils font trop chers pour les employer dans des couleurs fi • communes , qu’on peut faire auffi 'facilement avec la garence. Si donc , après avoir boüilli une étoffe avec une quantité d’alun & de tartre , proportionnée à la nuance de rouge de garence qu’on lui veut donner , on la pafie dans le bain de cette racine, - comme il a été enfeigné dans le •Chapitre XVII. & qu’enfuite on la plonge & remue dans un autre bain de racine de noyer , ou de brou de noix , on fera toutes les couleurs de canelle , de tabac , de châtaigne t tmtfc,, foil d ohïs t &C Chapitre XXVI. 479 autres femblables , qui , pour ainii dire , font fans nombre , & qui fe ifont fans aucune difficulté, en variant le pied ou fond de garen- ce, depuis le plus brun jufqu’au plus clair , & les tenant plus ou moins long-temps fur le bain de racine. On peut commencer par celle des deux couleurs que l’on veut j mais pour 1 ordinaire c’eft par le rouge , pareeque le boüil- ion , abfolument necefïaire pour la garence , ne lailleroit pas que d endommager un peu le fauve* Ainfi , on ne doit jamais les mê- ler enfemble, comme j’ai dit que l’on mêle quelquefois le rouge ôc le jaune. V 480 L’Art de la Teinture, ######### CHAPITRE XXVII. Du mélange du Rouge & du Noir. CE mélange fert à faire tous les rouges bruns , de quel- que efpéce qu’ils foient ; mais ils ne font ordinairement d’ufage que pour les laines deftinées à la fabrique des tapilferies. Il faut fe fouvenir de ce que j’ai dit à l’occalion des gris, lefquels peu- vent fe faire, ou à un feul bain, en mettant dans la Chaudière la décodion de noix de galle , & la dilfolution de couperofe verte , ou à deux bains , en palfant d’a- bord la laine fur un bain de galle, & y mettant enfui te la coupero- fe; mais cette méthode eft un peu embarralfante , lorfqu il faut brunir des couleurs qu’il eft né- celfaire de bien aflbrtir à des échantillons. Chapitre XXVII. 481 échantillons. Ainfi le plus com- mode , eft de préparer un bain de Galles & de Couperofe , com- me je l’ai enfeigné dans l’article des gris, & dy palier les laines, après quelles ont été teintes en rouge avec quelque ingrédient que ce foit, jufqu’à ce quelles foient brunies autant qu’il eft né- ceüaire. On fera , par cette mé- thode , les Ecur luttes brunes , les Crum&ijts bruns , & tous les autres rouges brunis , de quelque nuan- ce qu’ils foient. On tire auffi de ce mélange tous les gris vineux , en donnant a abord a la laine une légère teinte de rouge , avec le Kermès , la Cochenille , ou la Garcnce , & la paffant enfuite fur la Bruniture , plus ou moins long-temps , félon qu’on veut que le vineux domine dans le gris. Je ne puis donner fur ce travail d’inftruétion plus X 482, L’Art de la Teinture. étendue , puifqu’il dépend de la couleur que l’on veut faire *, & il n’eft pas à foupçonner que per- fonne y trouve la moindre diffi- culté. CHAPITRE XXVIII. Du mélange du Jaune & du Fauve. ON forme de ce mélange les nuances de Feuille morte 8£ de Poil d'ours. Il eft affés d’ufage d’employer la fuye dans ces cou- leurs , au lieu du brou de noix ou de la racine de noyer , parce- qu elles en font effectivement un peu plus belles ; mais il faut avoir attention de bien faire dégorger la laine ou l’étoffe après quelle eft teinte > pour emporter la mauvaife odeur qu elle a contra- ctée dans ce bain. Il faut auffi n’employer à cette teinture que \ Chapitre XXVIII. 485 le bain de la fuye ciré à clair, ainli que je l’ai enfeigné ci-de- vant. Je conieilierois néanmoins de préférer toujours le brou de noix à la fuye , à moins qu’on ne fut obligé d’adortirune nuance de feuille morte dans la derniere exa- •ébitude , & qu’on ne pût y par- venir avec le brou ou avec la ra- cine de noyer. Ce font les deux feuls fauves dont on le fert dans ces nuances ; le fumach & l’écor- ce d aulne ne donnant pas allés de fond. On fera bouillir la lai- ne en alun tartre , pour la teindre en jaune , avant que de la palier en fauve : mais li l’on apperccvoit que l’on n’a pas donne d abord un pied de jaune fulfifant , on pourroit la palier de nouveau dans le bain de jaune , quoiqu elle eut déjà le fauve : quoique , a dire vrai , cette ma- niéré de trouver exactement la Xi; I 484 L’Art de la Teinture. nuance ne fade pas une couleur auffi lolide , que quand on a eu d’abord le jaune fuffifant. •V CHAPITRE XXIX Du mélange âu Jaune & du Noir » LE mélange de ces deux cou- leurs n’eft utile que lorf- qu’on a quelques gris à faire qui doivent tirer fur le jaune : ces gris fe font même beaucoup mieux avec le fauve, & les Teinturiers le préfèrent ordinairement , par- eequ’il eft plus folide , & qu il fe fait beaucoup plus aifément , & à meilleur marché. De plus , ils n’ont pas befoin de faire botiillir la laine -, ce que l’on fait fort bien d’épargner toutes les fois qu’on le peut, ; ! I Chapitre XXX. 485 CHAPITRE XXX. Du mélange du Fauve & du Noif. ON tire de ce mélange un très-grand nombre de cou- leurs,comme les C ajfe', Maron, Pru- ne au, Afufe, Epine, & autres nuan- ces femblables,dont le nombre efl prefque infini, & d’un très-grand ufage. Voici de quelle maniéré on les travaille. Après que les lai- nes ou les étoffes ont été palfées en fauve , de la maniéré que j’ai décrite , & qu’on en a fait pla- ceurs nuances , relatives par avance , à celles qu’on a delfein de faire en les bruniflant , c’cft- • à-dire , en obfervant de don- ner toujours plus de fond de fauve à celles qui doivent être plus brunes , comme aux Gaffes , Marons , &c. on met dans une X iij /fi 6 L’àrt de la Teinture. Chaudière de la noix du galle, du fumach & de l’écorce d’aulne , à proportion de la quantité d’é- toffes qu’on veut teindre ; on fait boüillir le tout pendant une heu- re , après quoi 011 y ajoute de la couperofe verte. On paffe en- fuite fur ce bain les étoffes qui doivent être les plus claires , com- me les eûmes. Lorfqu’elles font achevées , on les lève , & on y paffe les autres qui doivent être plus brunes , ayant foin de gar- nir le bain de couperofe à cha- que lois, & à mefure que Ion voit qu’il en a beloin c ce qui le reconnoît facilement lorfqu’il ne brunit pas affés promptement l’é- toffe. On continuera de la forte , & fur le même bain , jufqu’à ce que toutes les étoffes foient bru- nies : on aura attention d’en- tretenir toujours du feu fous la Chaudière , mais ailes foible pour Chapitre XXX. 487 quelle ne boüille pas : il fuffic quelle foit plus que tiède , c’ell- à-dire , qu’on paille y tenir la main. Quand on a fait boüillir la première fois la galle & les au- tres ingrédiens , on abbat le boiiil- lon , en rafraîchilïant le bain avec de l’eau froide , avant que d’y mettre l’étoffe. C’eft une précau- tion abfolument nécelfaire , com- me je l’ai déjà dit plusieurs fois. On fe reffouviendra aulîi qu’il faut moüiiler les étoffes en eau tiède, avant que de les mettre dans la Chaudière , en cas que depuis qu elles ont pris le fauve elles euffent eu le temps de fe fécher , & qu il faut les éventer lorfqu elles ont demeuré quelque temps dans la byunituye , en les paflant dans les mains par les li- zieres: fans cela, les étoffes coure- roient le rifque de contraéler des taches , des flambuyes ; en un -vr •••• X mj ' v 488 L’Art de la Teinture. mot, d’être teintes inégalement, & de plus à défaut d’évent , la bruniture ne feroit pas fuffifam- ment folide , parcequ’il ne fe fe- roit pas une congélation fuccelïi- ve de la partie faline du vitriol ou couperofe. Je viens de parcourir, autant qu’il étoit nécelfaire , toutes les couleurs ou nuances qui peuvent être produites par le mélange des couleurs primitives , prifes deux à deux. Le détail , que j’en ai don- né , me paraît allés étendu , &: pour peu qu’on veiiille fuivre ce Traité, en opérant dans l’ordre que j’ai fuivi , il eft très proba- ble qu’en moins de deux ans un Ouvrier , tant foit peu intelligent , aura acquis , avec ce fecours , les principales connoilfances qui lui font nécelfaires. Je vais , pour l’aider encore, lui préfenter le- xamen que j’ai fait des combi- Chapitre XXXI. 489 naifons de ces mêmes couleurs primitives , priées trois à trois. Ce mélange en fournit un très-grand . nombre. Il eft vrai qu’il s’en trou- vera de femblabics à celles qui réfultent du mélange de deux feulement j car il y a peu de cou- leurs qui ne puiflent être faites de diverfes façons ; & alors c’eft au Teinturier à choifîr celle qui lui paroît la plus facile , lorfque la couleur en eft également belle. •t CHAPITRE XXXI. Des principaux mélanges des couleurs primitives , prifes trois a trois. DU bleu , du rouge ôc du jaune fe 1 ont les Olives roux , les Gris verdâtres , & quelques autres nuances femblables de peu d’ufage , li ce n’cft pour les lai- nes filées, deftinées aux TapilTe- X v 49° L’Art de la Teinture. ries. Je ne répéterai plus ce que j’ai dit de la maniéré d’employer ces couleurs , pareeque je l’ai fuf- fifamment expliquée dans les ar- ticles précédens j ce feroit re- dire précifément les mêmes cho- fes. Dans les mélanges, où entre le bleu , c’eft ordinairement par cette couleur qu’on commence. On fait enfuite boüillir l’étoffe pour lui faire prendre les autres couleurs , dans lefquelles on la paffe l’une après l’autre. On les mêle néanmoins quelquefois en- femble , & elles n’en font pas moins bonnes , lorfque ce font des couleurs qui demandent le même bouillon j comme, par e- xemple , le rouge de Garence & le jaune. A l’égard de la Coche- nille ou du Kermès , on ne rem- ployé point ordinairement dans ces couleurs communes y mais Chapitre XXXI. 491 feulement dans les couleurs clai- res qui ont un œil vineux , & qui doivent être vives & brillantes , & alors elles ne fervent qu’au dernier bain -, c’cft-à-dire , qu’on n’y p a (Te l’étoffe que lorfqu’elle a reçû les autres couleurs , à moins qu’on n’ait befoin de les faire grifer un peu ; ce qui fe fait , en la paffant en dernier lieu dans la bruniture. Il eft encore impoffi- ble de donner aucunes régies précifes fur ce travail , & la moin- dre expérience manuelle en ap- prend plus qu’on ne pourrait faire par un grand détail d’opérations. Du bleu , du rouge & du fau- ve , fe tirent les Olives , depuis les plus bruns jufqu’aux plus clairs j & , en ne donnant qu’une très- petite nuance de rouge , les Gris ardoifes, les Gris lavandes autres femblables. Du bleu , du rouge du noir , X vj 49 \ L’Art de la Teinture. fe tirent une infinité de Gris de toutes nuances , comme Gris de Jauge , Gris de ramier , Gris d’ardoijè, Gris plombe , les couleurs de Roi & de Prince, plus brunes quaf ordinaire* une infinité d’autres couleurs , dont on ne peut faire l’énuméra- tion, & dont plufieurs nuances retombent dans celles qui fe font par d’autres combinaifons. Du bleu, du jaune & du fau- ve , fe tirent les Verds , Merde d’oj/e & Olives de toute eipéce. Du bleu , du jaune & du noir * on fait tous les Verds bruns , juf- qu au noir. Du bleu, du fauve & du noir, les Olives bruns & les Gris verda- ires. Du rouge , du jaune & du fau- ve , fe tirent les Orangés , couleur d’Or, Soucy , Feuille-morte , Carna- tions de vieillards , Canelles brûlés & Tabacs de toutes efpéces. Chapitre XXXI. 493' Du rouge , du jaune & du noir , à peu près les mêmes nuances, & le Feuille-morte fonce'. Et enfin , du jaune , du fauve & du noir , les couleurs de Poil de bœuf, de Noifette brune & quel- ques autres femblables. Je ne donne cette énuméra- tion , que comme une Table qui peut faire voir en gros feule- ment, de quels ingrédiens on doit fe fervir pour faire ces fortes de couleurs , qui participent de plu- fieurs autres. On peut aufiî mêler quatre, de ces couleurs enfemble , & quel- quefois cinq, ce qui eft cepen- dant très-rare. Mais tout détail à ce fujet me paroît inutile , par- ccque tout le poflible eft fouvent fuperflu. Je vais feulement rap- porter de quelle maniéré j’ai vu ; aire une quarantaine de nuances différentes de carnations en laine '494 L’Art de la Teinture. filée. Cet exemple enfeignera ce qui doit fe pratiquer dans tous les autres cas. Il n’y avoit dans ces nuances aucunes de ces cou- leurs vives qui font des nuances de l’écarlatte , Si qui fe font ^com- me je l’ai enfeigné dans le Cha- pitre qui traite de cette couleur. Toutes ces carnations étoient de Vieillards , ou pour des Ombres i enforte qu’on fut obligé de les tirer toutes du mélange du rou- ge de Kermès , du jaune , du fau- ve & du noir. On donna d’abord à ces laines un bouillon inégalement fort , ré- fervant , pour les nuances claires , celles dont le boiiillon étoit le plus foible. Lorfqu’elles eurent demeuré fur le boüillon quatre ou cinq jours à l’ordinaire , on commença par teindre les nuan- ces les plus claires. On avoit dif- pofé toutes ces couleurs féparé- • Chapitre XXXI. 495 ment dans quatre vailfeaux , que l’on avoit foin d’entretenir aufïï chauds qu’il falloit fans boüillir on paffa d’abord un échevau de laine , un moment, fur le bain de Kermès ; l’ayant retiré & expri- mé , on le palfa fur un bain de gaude , & un moment après , fur celui de fauve ; il vint de la cou- leur que le Teinturier delîroit. Il en paffa un autre enfuite , qui demeura un peu plus long-temps dans chaque bain. Il continua de la forte, &: lorfqu’il y en avoit quel- qu’un , qui après l’avoir forte- ment exprimé , paroifïoit man- quer un peu de rougeur, ou de quelque autre couleur , il le paf* foit fur le bain dont il paroilfoit avoir befoin. Par cette méthode , il amena toutes fes couleurs à la nuance où elles dévoient être. Il palla fur la bruniture celles qu’il étoit nécelfaire de rendre plus • • 49 6 L’Art de la Teinture. foncées. Je fus bien confirmé , par cette maniéré de travailler , qu’il ne falloit que de la patien- ce, & un peu d’habitude , pour faire de cette forte toutes les cou- leurs imaginables. On ne fçauroit trop recom- mander , dans cette efpéce de travail , de commencer toujours par les nuances les plus claires, parcequ’il arrive fouvent qu’on les laiffe plus long-temps qu’il ne faut dans quelqu’un de ces bains, &: alors on eft obligé de deftiner cet échevau à une nuance plus brune. Mais , lorfque les nuances claires font une fois afforties & bien dégradées , il n’y a plus de difficulté à faire les autres. Ce que je viens de rapporter ne regarde que les laines defti- nées aux Tapifferies, dont il eft nécef faire que les nuances foient exécutées avec la derniere pré- / Chapitre XXXI. '497 cifion , fans quoi il feroic impof- iiîble d’imiter les couleurs des chairs que le Peintre a noyées dans le Tableau qu’on s’eft pro- pofé de copier , dans les hautes ou balles lifïes. A l’égard des étoffes , il n’arrive prefque jamais qu’on en faffe de cette fuite de nuances , ni qu’on mêle tant de couleurs enfemble ; prefque tou- jours deux ou trois fuffiient , puif- qu’on a vû qu il nailioit tant de couleurs de leur combinaifon , qu’on ne peut pas trouver affés de différens noms pour les déli- gner. Je ne crois pas avoir rien ob- mis de tout ce qui regarde la teinture des laines, ou étoffes de laine en grand & bon teint , & je ne doute pas , qu’en fuivant exa- ctement tout ce que j’ai preferit fur chaque couleur , 011 ne par- vienne facilement à exécuter , 49 8 L’Art de la Teinture. dans la derniere perfedion tou- tes les couleurs & toutes les nuan- ces imaginables , tant fur les lai- nes en toifon , les laines filées , que fur les étoffes fabriquées en blanc. Je crois neanmoins devoir en- core ajouter quelque chofe pat irapport aux étoffes de mélange j c eft-a-dire, dont la laine eff tein- te avant la fabrication de l’étof- /•C ^ enfeigner la façon dont ic doit faire le mélangé des lai- nés teintes en differentes cou- leurs, pour être enfuite cardées &: filées enfémble , & former une couleur refultante de celles des differentes laines dont on s'cft fervi. On pourront dire que cet Ar- ticle regarde plutôt la fabrique des étoffés que leur teinture ; mais je répondrai à cela qu’on fait quelquefois , par le mélange m Chapitre XXXI. 49? des laines de différences nuan- ces, des couleurs qu’il ne feroit pas facile d’imiter , en teignant l’étoffe d’une couleur compofée de toutes ces différentes nuan- ces , & qu’il y auroic même dans quelques-unes de ces couleurs des ingrédiens qui demandent une préparation différente j au lieu que teignant chaque partie de laine féparément , le mélange s’en fait lans inconvénient. Quoi- qu’il en foit , je ne crois pas que ce détail foit inutile : ainfi je vais donner la maniéré de mêler en- femble les laines de différentes couleurs pour la fabrique des étof- fes de mélange , & celle de faire les feutres , pour effayer en petit ( ce qui eft toujours néceffaire ) les combinaifons qui doivent fai- re l’effet le plus agréable. 500 L’Art de la Teinture. CHAPITRE XXXI L De la maniéré dont Je fondent en- femble les laines de differentes couleurs , pour les Draps ou Etof- fes de mélange. ' IL fuffira de donner un feu! exemple de cette maniéré de mêler enfemble , le plus exa&e- ment qu’il eft poflible , plulîeurs laines de différentes couleurs , & il fera facile d’en faire l’applica- tion à tous les cas dont on pour- rait avoir befoin. Je üuppofe qu’on veiiille faire un drap mélangé , de couleur de caffé. Voici de quelle maniéré on s’y prend dans les Fabriques de Languedoc. On pratique à peu près la même cho- \ fe dans les autres Manufactures. On teint d’abord en couleur de Caffé 3 50 livres de laines -, qu’on Chapitre XXXII. 501 nomme la laine de fond , c’eft-à- dire , celle qui doit dominer dans L’étoffe. On prend enfui te cinq livres de laine teinte en rouge de Carence ou de Kerme's , & deux livres teintes en bleu de Roi. On nomme celles-ci laines de mélange. On diftribuë ces laines à plu- fieurs femmes , que l’on difpofe en cercle , dans un grand grenier. Le Facteur , ou celui qui a foin du mélange, eft placé, avec un bâton , au milieu de ce cercle , & les femmes font à lix pieds de lui. On en prend ordinairement huit ou dix pour ce travail j & on leur diftribuë toute la laine. Il y en aura , par exemple , dans le cas préfent, ftx deftinécs à por- ter la laine de fond ou couleur de caffé y & deux autres porteront, l’une la bleuë & l’autre la rouge : mais on les arrangera de forte en- tr’elles , qu’il y en ait crois de fuir ■502- L’Art de la Teinture. te qui portent la laine caffé f en- fuite celle qui porte le rouge, puis trois de caffé , & enfin celle qui porte le bleu. Lorfqu’il y a un plus grand nombre de cou- leurs , on les diftribuë pareille- ment } ayant toujours foin de les entrecouper le plus qu’il eft pof- fible , les unes par les autres. Lorfque ces femmes font ain- fi difpofées, elles marchent à pas lents autour du Fadeur , en ob- fervant toujours entr’elles une é* gale diûance y & à chaque pas qu’elles font , elles jettent aux pielis du Fadeur un petit flocon de la laine qu elles tiennent j avec cette différence que celles qui portent le rouge ou le bleu , n’en ayant qu’une très-petite quantité à diftribuer , n’en jettent que très- peu à la fois , au lieu que les aur très doivent en jetter beaucoup davantage. Le Fadeur remue / Chapitre XXXII. vec fon bâton la laine , pendant ue les femmes la jettent ; & pour ue le mélange foit bien fait , il iut quelles ayent toutes diftri- ué dans le même temps, la lai- e dont elles étoient chargées, e Fadeur la remue encore un eu , & on la donne enfuite aux 'ardeurs. Les cardes achèvent de fon» re parfaitement ce mélange , en- >rte qu on ne démêle plus aucu- e couleur en particulier, & qui! en réfulte plus qu’une totale : n la file enfuite, on fabrique le rap & on le porte au foulon. O11 onçoit aifément de quelle im- ortance il eft que ce mélange >it exadement fait ■> car fi les ouleurs étoient inégalement dif- ribuées , le drap paroîtroit plein e taches. Comme dans la compofition de es mélanges , il n’eft pas poffible j jo4 L’Art de la Teinture. de juger exa&ement de l’effet que peut produire la combinai- fon de toutes ces couleurs en dif- férentes proportions , je vais don- ner le moyen d’en faire les épreu- ves en petit y & lorfqu’on eft con- tent d’une couleur formée de la forte , par un mélange d’autres couleurs en proportion connue, on l’exécute en grand , 1 fur que la couleur de l’étoffe fera pareille à celle de l’échantillon. kkk&JMkk CHAPITRE XXXIII. . De la maniéré de préparer les Feutres â'ejjœi. 'E tte petite manœuvre eft très-fimple & fort utile ,puif- qu’on peut voir eil un quart- d’heure ce que doit devenir une étoffe de mélange après quelle aura été fabriquée , & même en- tièrement Chapitre XXXIII. tiérement apprêtée. On prend, pour cet effet , des laines de dif- férentes couleurs , & après avoir pele exaélement chacune en par- ticulier , 011 en fait le mélange avec les doigts dans la proportion que l’on juge à propos , mais le tout dans une très-petite quanti- té , enforte que le mélange étant fait, il y en aitàpeuprèsgros com- me le poing. On humecte alors cette laine d’un peu d’huile , & on la carde à plufïeurs reptiles avec de petites cardes , jufqu a ce que l’on voye que toutes les cou- leurs font fondues enfemble & parfaitement bien mêlées. On prend enfuite cette laine , qui eft très-ouverte & de la forme quar- ré e de la carde ; on la plie en qua- tre ,& on la prelle légèrement en- tre les mains. On la plonge dans une eau de favon fort chargée & froide , & la remettant entre les Y / -I 50 6 L’Art de la Teinture. mains , on la preffe fortement à plufieurs reprifes , frappant quel- quefois d’une main fur l’autre. On frote enfuite les deux mains lé- gèrement, & en tournant l’une dans l’autre , ce qui affermit la laine en la refferrant de tous fens , & lui faifant occuper moins de volume. On la trempe de nou- veau dans de l’eau de favon, & l’on continue de la fouler , jufqu a ce qu’elle ait acquis de la con- fidence , & quelle foit devenue femblable au feutre , & à peu près de la même confidence que le drap ordinaire. Ce Feutre ed , pour lors, une vraie image de ce que fera le drap après la fabrication : car quand il a ete bien foule , que la laine a été étendue bien également dans la main en fortant de la car- de , & qu’il a été fait avec foin , il fe trouve audi égal &c aufïi uni que le drap le peut être. Pour fâche- Ch A PI* RE XXXIII. 507 ver même aulli parfaitement que le drap , après qu’il a été bien la- vé , pour emporter tout le favon , on le fait lécher, & l’ayant mis entre deux papiers , on le pr elfe avec un fer un peu chaud. Il ac- quiert y par ce moyen, un luftre & un cdty qui le fait relfembler paifaitement a un drap qui a re- çu les derniers apprêts. Lorfqu on elt content de la cou- leur du Feutre , on fait le mélan- ge du drap en grand, en fuivant exactement les memes propor- tions, & Ion elt alluré qu’il lera femblablc au Feutre : car non-len- tement les laines de difFérentes couleurs font aulîi exactement mclecs & 1 approchées les unes des autres dans le Feutre que dans le drap ; mais le favon , dont on ' ; clt lcrvi pour le fouler, a fait fur ui le même effet que ce qui doit irriver au drap dans le moulin à y ü " 508 L’Art de la Teintüre. foulon : car il y a plufieurs cou- leurs, & fur tout celles qui ont été brunies , c’eft-à-dire, dans la compofition defquelles il entre des nuances du noir & du gris , qui perdent au foulon une partie de leur bruniture ; enforte qu’il faut toujours les teindre dune couleur plus foncée que celle dont on veut qu elles demeurent. Ce délaut de folidité dans la bru- niture n’empêche pas quelle ne rélifte très-bien àl’aêtion de 1 air j mais elle fe tache facilement par les liqueurs acres , ainlï que je 1 ai déjà dit. Les couleurs qui font brunies fur la cuve de Paftel ou d Indigo , ne font pas dans le même cas , elles ne perdent prefque rien au foulon : ainfi on ne les fait gueres plus brunes qu’elles ne doivent être. Le Feutre fait le meme ef- fet, & l’on peut être alluré que Chapitre XXXIII. fo9 Fétoffe ne perdra en grand au foulon, que ce que perd le Feu- tre avec le fa von. Par conféquent cette opération préliminaire du Feutre doit être regardée com- me un guide alluré pour le choix & l’affortiment des laines qui doi- vent entrer dans la compolition JL des draps de mélange. Les Feutres fe font encore mieux avec le fa von noir qu’avec le favon blanc ; mais il leur donne une odeur défagréa'ole , qu’on a bien de la peine à leur ôter en les lavant, à pluneurs repriies , dans différentes eaux. On ncut teindre auffi des Feu- 1 très tout laits , en -cas qu’on vou- lût faire des étoffes dans lefquel- les une couleur couvrît toutes les autres ; pour lors , après que l’é- toffe auroit été mélangée des me- mes couleurs que le Feutre , on la palferoit dans la même teinture fur Y iij 5io L’Art de la Teinture. laquelle on l’a paflee , & par ce moyen , on la feroit de la même couleur que ce feutre : mais cela ne doit fe faire fur l’étoffe qu’après qu’elle eft revenue du foulon , qu’elle a été tondue en Fin , & qu’il ne refte plus qu’à l’apprêter. Cette méthode fera employée utilement , lorfque ce feront des mélanges , où l’on voudra em- ployer la cochenille ; car elle fe roj'e par trop , & fe gâte au fou- lon. Ainfi , lorfqu’on veut en em- ployer dans des étoffes de mélan- ge , il faut en compofer un bain frais , dans lequel on paffera le drap lorfqu’il n’aura plus d’autres apprêts à recevoir , que ceux que l’on donne à un drap teint en blanc , après qu’il eft forti de la teinture. Fin du Grand & bon Teint, D E LA TEINTURE DES LAINES EN PETIT TEINT. •kk’k'k^'k’k'k'k'k'kk'k'k'k’k’k CHAPITRE I. ’Ai dit , ail commence- ment du Traité précé- dent, que la Teinture des Laines ou des Etoffes , qui en font fabriquées, fe diftinguoiten grand & en petit Teint. Les Régie mens ont fixé quelles font les qualités des Laines des Etoffes qui doi- vent être teintes en bon teint , & quelles font celles qui le peu- Y mj V ■*? 5 1 1 L’Art de la Teinture. vent être en petit Teint. Cette di Hindi on a été faite fur ce prin- cipe , que les étoffes d’une cer- taine valeur, & qui font ordinai- rement le deffiis des habillemens, doivent recevoir une couleur plus folide &: plus durable , que des étoffes de bas prix , qui devien- droient néceffairèment plus chè- res & d’un débit plus difficile , fi on obligeait de les teindre en bon teint, parceque le bon teint coûte réellement beaucoup plus que le petit teint. D’ailleurs , les étoffes de bas prix, qu’il efbpermis de teindre en petit teint, ne font pour l’ordinaire employées qu’à faire des doublures , enforte qu’- elles ne font prefque point expo- fées à fadion de l’air ; & fi on s’en fert à d’autres ufages , elles s’ufent trop promptement , à caufe de la foibleffe de leur tiffure , & par conféquent il n’efb pas néceffiaire Chapitre I. 515 que la couleur en foie auili folide que celle d’une étoffe de beau- coup plus longue durée. J’ai rapporté, dans le Traité précédent , avec le plus de pré- cision & d’exaditude qu’il m’a été poffible , la maniéré de faire en bon Teint toutes les couleurs * ■ imaginables : je vais faire la mê- me chofe dans le petit Teint. J’enfeignerai les moyens de faire les mêmes couleurs avec d’autres ingrédiens que ceux dont j’ai par- lé jufqu’à préfent , & qui, s’ils n’ont pas la foîidité des premiers, ont fouvent l’avantage de donner des couleurs plus vives & plus bril- lantes ; outre que la plupart ren- dent la couleur plus unie & s’em- ployer avec beaucoup plus de facilité que les ingrédiens du bon Teint. Ce font là les avantages de ces matières , qu’on nomme ïaux Ingrédiens j & quoiqu’il feit Y v 514 L’Art de la Teinture. à defirer que l’ufage en fût beau- coup moins répandu qu’il ne l’eft, on ne peut pas dire qu’ils n’ayent aufli leur utilité pour des étof- fes moins expofées à l’air, ou dont la couleur n’a pas befoin d’être fort durable. Je puis encore ajou- ter que les couleurs s’affortilTent prefque toujours avec beaucoup plus de facilité, & plus vite, en pe- tit Teint, qu’on ne pourroit le faire en bon Teint. Je 11e fui vrai point, pour ce genre de Teinture , le même or- dre que j’ai fuivi dans le bon Teint, parcequ’ici on ne recon- noît point de couleurs primiti- ves. 11 y en a peu qui fervent de pied à d’autres : la plupart ne nailfent pas de la combinaifon de deux, ou de plufieurs couleurs limples. Enfin, il y a des couleurs, comme le Bleu , qui ne fe font prefque jamais en petit Teint* Chapitre I. 515 Voici donc l’ordre que je me propofe de luivre. Je vais d’abord expofer les noms de tous les in- grédiens qui doivent particuliére- ment être afleétés au petit Teint j je donnerai enfuite la maniéré d’employer chacun de ces ingré- diens , ôc d’en tirer toutes les cou- leurs qu’ils peuvent fournir. On verra qu’il y a plusieurs de ces in- grédiens qui donnent des cou- leurs femblables , enforte qu’il eut été impodible de traiter ces couleurs féparément , fans tom- ber dans des répétitions ennuyeu- fes & même embarraffantes pour le Leêteur. Voici quels font les , ingrédiens jufqu’ici connus , du petit Teint -, & mis’dans l’ordre que je fuivrai dans le cours de cet Ouvrage. La Teinture de Bourre ou Poil de chevre garencé , ÏOrfcille , le bois d’Inde ou de Camtêche , le bats de Y vj 5 16 L’Art de la Teinture. Brefil , le Fuji et , le Roucou , la. grai- ne d Avignon , le Curcuma ou terra mérita. Je ne parle point ici du Santal ni de la Suye , quoique ces ingrediens foient fingulicrement afreétés au petit Teint, parceque j ai donné la maniéré de les em- ployer dans le Chapitre XIX. qui traite du Fauve. On y trouve les raifons que j’ai eues de les placer en cet endroit. CHAPITRE II. De la Teinture de Bourre. "|TL. y a dans la Teinture de J| Bourre deux préparations fort différentes l’une de l’autre : la première eft pour la garence ; & elle appartient au grand & bon Teint : la fécondé eft pour la fondre & l’employer ; ce qui ap- partient au petit Teint. La Tein- Chapitre II. 517 ture de Bourre étoit autrefois permife dans le bon Teint 3 mais c’étoit plutôt parcequ’elle fe tire de la garence , que par aucune expérience qu’on eut faite pour s’affurer de fa folidité. Je l’ai éprouvée avec grand foin , &C j’ai reconnu , à 11’en pouvoir dou- ter, qu’il n’y a point de couleur qui fe paife plus vite à l’air. C’ell fans doute pour cette raifon, qu’on l’a reftrainte au petit Teint dans le nouveau Reglement de 1737. Cependant , comme parle même Reglement , il n’eft pas permis aux Teinturiers du petit Teint d’employer la garence , ni même d’en tenir chés eux , il a été fta- tué qu’il ne feroit permis qu’aux Teinturiers de bon Teint de ga- rencer la Bourre , & à ceux du petit Teint de la fondre &: de l’employer. Ce garençage de la Bourre au- '5 1 § L’Art de la Teinture. . roit dû fe trouver au Chapitre XVII. du précédent Traité j mais j’ai mieux aimé rapporter tout de fuite les opérations qui ont entr’elles une liaifon nécelTaire , que de m’attacher trop fcrupu- leufement à cette diftinétion du grand & du petit Teint, qui eft l’objet particulier de la Police de cet Art , & qui dans quelque oc- casion m’auroit fait tomber dans l’obfcurité , ou dans des répéti- tions continuelles : d’ailleurs , la Police de la Teinture n’eft pas l’Art confidéré en lui-même. Pour garencer la Bourre , on en prend quatre livres, ou quatre livres de poil de Chevre , bien écharpi & bien ouvert ou féparé , afin que la teinture puiffe mieux le pénétrer. On le fait bouillir pendant deux heures, dans une luffifante quantité d’eau lu re j en- suite on le met égoûter pendant Chapitre II. 519 une heure , & on le plonge dans une moyenne Chaudière , à demi remplie d’eau , avec quatre li- vres d’alun de roche » deux livres de tartre rouge, & une livre de garence. On fait boüillir le tout pendant {ix heures, en y remet- tant de l’eau chaude à mefure que le bain fe tarit , puis on le lailfe palier la nuit dans ce boüil- lon , ainlî que la journée du len- demain. Le troiliéme jour , on le retire , & on le met égoûter dans un panier. Quelques Teinturiers l’y laill'ent huit jours, mais il ar- rive fouvent qu’il fe trouve terni par ce féjour dans un vailfeau de cuivre y dont le boüillon a le temps de corroder des parties. Après qu’on a bien lavé ces qua- tre livres de Poil garencé , on charge aux deux tiers la moyen- ne Chaudière , de moitié eau fure & moitié eau commune > & lorf- 52.0 L’Art de la Teinture. que ce bain eft prêt à boüillir , on y met huit livres de garence qu on a bien dépecée & écrafée entre les mains. Lorfque la ga- rence a été mêlée dans le bain, on y met les quatre livres de Bourre ou Poil , & on fait boüil- lir le tout pendant ftx heures. Enfuite on lave bien cette Bour- re , & le lendemain on la ga- rence une fécondé fois & de la même maniéré ; mais feulement avec quatre livres de garence , au lieu de huit qu’on a employées la veille. Après ce fécond garen- 1 . O çage , on la lave bien & on la lait fé cher: elle eft alors prefque noi- re & en état d’être employée. On voit que par cette opération, quatre livres de Bourre fe trou- vent chargées de la teinture de treize livres de garence. Néan- moins il refte encore de la tein- ture dans le bain , qu’on appelle Chapitre II. 52,1 alors un vieux garencage , & que l’on garde pour s’en fervir en certaines occafions , comme dans des couleurs de Tabac, de Ca- nelle & plusieurs autres. Lorfque la Bourre eft ainfi g a- rencée par le Teinturier du grand & bon Teint , il la vend au Tein- turier du petit Teint , qui a le droit de la fondre &: de l’em- ployer. Voici de quelle maniéré on s’y prend pour la fondre. C’effc la méthode ordinaire , mais qui ne laide pas que d'avoir fa diffi- culté , & qui n’eft connue que d’un petit nombre de Teinturiers. On met à fept heures &: demie du matin, fix féaux d’eau claire dans une moyenne Chaudière ,& lorfque l’eau eft tiède , on y jette cinq livres de cendre gravelée bien pilée. On fait bouillir le tout juf- qu à onze heures } & le bain é- L’Art de la Teinture. tant diminué allés conlidérable- ment pour pouvoir tenir dans une Chaudière plus petite , on l’y tranfvafe , ayant attention de tailler dépofer auparavant les fè- ces de la cendre gravelée , afin de n’en employer que le plus clair. On prend enfuite un feau de ce bain , qu’on remet dans la moyenne Chaudière après l’avoir bien nettoyée j on refait delïous un peu de feu. On y met petit à petit les quatre livres de Bourre garencée & éparpillée ; & en mê- me temps , on ajoute du bain tiède & falin de la petite Chau- dière , pour abattre le boiiillon qui s’élève de temps en temps jufqu’au haut de celle où fe fait l’opération. Lorfque toute la Bourre & le bain de la petite Chaudière ont été mis dans la moyenne , on re-: Chapitre II. 513 met un feau d’eau claire fur les fèces de la cendre gravelée , de- meurées dans la petite Chaudie- re.Cette eau fert à remplir le bain de la moyenne à mefure qu’il s’é- vapore. Toute cette Bourre fe fond , ou eft dilfoute par l’a&ioft de la cendre gravelée , & dès la première demie heure on n’en voit plus le moindre poil. Le bain elt alors d’un rouge très-foncé. On fait boüillir ainfi le tout, fans y rien ajouter jufqu’à trois heu- res après midi , afin que la difio- lution de la Bourre foit plus exa- ctement faite. Alors on met un bâton en travers fur la Chaudiè- re -, & fur ce bâton , on pofe un feau rempli d’urine fermentée. Il faut avoir fait auparavant, à ee feau , un petit trou vers fa partie inférieure , & y mettre un peu de paille \ enforte que l’uri- ne puifle couler très - lentement 5 2-4 L’Art de la Teinture. dans la Chaudière. Pendant qu’- elle coule , on fait boüillir le bain à gros boüillons , & cette urine remplace ce qui s’en perd par l’é- vaporation. Cette opération dure cinq heures , pendant lefquels on y fait entrer jufqu’à trois féaux d’urine. On l’y fait couler à filet plus fort quand l’ébullition efi: vio- lente, que quand elle eflr modérée* Il faut obferver que c’efi: à caufe de la petite quantité de Bourre , on a mis dans l’expérience dont je donne ici le détail , juf- qu’à cinq livres de cendres gra- vclée 3 mais lorfqu on fond trente livres de Bourre à la fois , ce qui eft la quantité ordinaire qu’em- ployent les Teinturiers de Paris , on ne met que douze onces de cendre gravelée pour chaque li- vre de Bourre. On fent , pendant tout le temps de cette opération , une affés foi- * Chapitre II. 517 te odeur de fel volatil d’urine ; il fumage prefque toujours une écume fur le bain j elle eft ailes brune au commencement, mais elle le devient encore plus après l’addition de l’urine. On recon- noît que le bain eft fuffifamment cuit lorfqu’il ne s’élève plus , ôr qu’il bout à petits boüillons , c’eft ce qui eft arrivé à l’opération pré- fente vers les huit heures du foir. Alors on ôte le feu, on couvre bien la Chaudière avec fon cou- vercle & des couvertures , & on la lailTe ainlî jufqu’au lendemain. On avoit pris, à diverfes repri- fes , depuis trois jufqu’à huit heu- res du foir , des échantillons de la couleur du bain , en y trem- pant des petits morceaux de pa- pier : les premiers étoient fort bruns , & ils alloient toujours en s’éclairci (Tant & s’uni (Tant de plus en plus , à mefure que le volatil de "5 2-6 L’Art de la Teinture. l’urine agifïoit fur les parties co- lorantes du bain. Il ne reftoit plus alors qu a tein- dre la laine dans ce bain ainli préparé , & que l’on nomme Fon- te de Bourre. C’eft l’Ouvrage le plus facile qui foit dans la Tein- ture. On y procède de Cette for- te : Un quart-d’heure avant que de teindre dans ce bain , on y met un petit morceau d’alun de roche bien net, & on pallie la Chaudière pour le faire fondre. Comme ce bain qui étoit dans la moyenne Chaudière avoit été tenu couvert toute la nuit , & qu’on n’ avoit pas éteint le feu de fon fourneau , il étoit encore chaud à ne pouvoir y tenir la main. On en pritleplusclair,qu’on tranfporta dans une petite Chau- •diere, avec une fuffifante quan- tité d’eau tiède j on y plongea de la laine teinte en jaune avec la gau- Chapitre IL 52,7 de , &eUe y devint d’un bel orangé tirant fur le couleur de feu ; c’eft- à-dire , de la couleur appellée Nucarat , & connue chés les Tein- turiers fous le nom de Nacurut de Bourre ? parce qu’il fe fait commu- nément avec la Bourre fondue , quoiqu’on puilfe le faire auflî beau & beaucoup meilleur , en bon teint , comme on peut le voir dans le Chapitre XXV. du Traité précédent , qui traite des cou- leurs réfultantes du mélange du rouge & du jaune. On palTa , fur le même bain , vingt bottes de laines blanches , 1 une après l’autre > en commen- çant par celles qui dévoient être les plus brunes , & les y laiflant plus ou moins long - temps , fui- vant la nuance plus ou moins fon- cée qu’on vouloit leur donner : on en fit de la forte une fuite dé- gradée,depuis le Nacarat jufqu’au ■52.8 L’Art de la Teinture. couleur de Ccrifes. O11 doit faire ©bferver qu’à mefure que le bain fe confommoit , on en reprenoit de celui de la moyenne Chau- dière , ayant grande attention de ne pas remuer le fédiment du fond : on avoir foin aulli d’entre- tenir toujours un peu de feu fous la petite Chaudière , afin de con- ferver au bain à peu près le mê- me degré de chaleur. On conth nue de la forte à palfer de la lai- ne , jufqu’à ce que tout le bain foit employé , & qu’on en ait tiré toute la couleur. Mais on ne pour- rait pas y teindre les couleurs fort claires , pareeque lorfque la couleur du bain eft autant affoi- blie quelle doit l’être pour ces couleurs , elle fe trouve ordinai- rement chargée d’impuretés , qui ôteraient la vivacité nécellaire à ces fortes de nuances, plus qu’à contes les autres. Voici « Chapitre II. Voici donc comment le font les nuances , plus claires que le couleur de Cenfes. On charge une Chaudière d’eau claire, & l’on y met cinq ou lix bottes de laine la plus foncée que l’on ait teinte fur la Bourre } c’eft-i-dire , de la nuance qui fuit immédiatement le Nacarat. L’eau , venant à boiiil- li r ? enlève toute la couleur que la laine avoit prife ; & c’eft dans ce nouveau bain que l’on palfe 1 autre laine qu’on veut teindre , depuis le couleur de cerifes jul- qu’au couleur de chair le plus pâle , en obiervant toujours de commencer par les nuances les plus foncées. La plupart des Teinturiers qui ne fçavcnt pas fondre la Bourre, ou qui n’en veulent pas prendre la peine , achcttent quelques li- vres de cette écarlatte de Bour- re , qu’ils font déboüillirde la for- z 530 L’Art de la Teinture. te pour taire toutes leurs nuances claires , ce qui , comme on le voit , réuilit avec beaucoup de facilité. Mais cette même opération prou- ve combien peu on doit compter fur la folidité d’une couleur qui s’en va ti promptement dans l’eau boitillante. En effet , c’eft une des plus mauvaifes couleurs qu’il y ait dans la teinture 3 & c’eft pour cette raifon que dans le nouveau Réglement on l’a retranchée du bon teint, pour ne la tolérer que dans le petit teint feulement , ainft qu’on l’a dit ci-devant. Il fe préfente ici une réflexion à faire : c’eft qu’il eft démontré par cette opération finguliere , qu’on peut tirer une très-mauvai- fe couleur d’un ingrédient , qui , de tous ceux qu’on employé en teinture , eft peut-etre le meilleur & le plus folide. La Garence eft connue pour telle 3 cependant > Chapitre II. 531 lorfque ce poil teint, avec toutes les préçautions nécelîaires , pour en alïürer la couleur autant qu’il eft poiîîble , vient à être dilTout ou fondu dans un bain de cendres gravelées , fa couleur , en acqué- rant un nouvel éclat , perd toute fa folidité , & ne peut plus être mife que dans la dallé des plus faulfes teintures. On pourrait croire que le peu de folidité de cette couleur, vient de ce que la laine n’a reçu aucu- ne préparation , ni retenu aucun fel avant que d’être palîéc dans la fonte de Bourre j mais j’ai é~ prouvé que cela n’y faifoit rien , & j’ai palfé dans cette teinture de la laine boüillic à l’ordinaire, & d’autres laines di vcrfcmcnt pré- parées , fans que la couleur qu’el- les ont prifes , ait acquis plus de folidité -, elles ont eu même moins d éclat , c eft-à-dire , qu’elles font ✓ 5 3 2- L'Art de la Teinture. forties plus ternes que celles qui y ont été teintes fans aucune pré- paration. Quoique je dife que les laines ne reçoivent aucune préparation • avant que de les teindre fur la fonte de Bourre , il eft cependant néceffaire de fouffrer celles qui font deftinées pour les nuances claires , parceque cela leur don- ne beaucoup de vivacité de- clat, attendu que le rouge de la fonte de Bourre s’applique fur un fond beaucoup plus blanc qu’il ne le feroit fans la vapeur du fouf- fre , qui l’a nettoyé de toutes fes impuretés. On fait la même cho- fe pour les bleus clairs ou deblan- chis , & pour quelques autres cou- leurs 3 mais cette operation n eft ordinairement mife en ufage que fur les laines deftinées aux Cane- vas , ou à la fabrique des Tapif- feries. ti , . I Chapitre IL 535 Ce ne font point les Teinturiers qui la font, à caille de la puan- teur du foudre de de l’embarras que cela occafionne. Pour en don “ Souffrer la 11er cependant une idée , je dirai Lîinc' que l’on fufpend la laine blanche - fur des cerceaux ou fur des per- ches , dans une chambre bien fer- mée , & qu’on place au-deiîbus de cette laine des réchauds pleins de charbon allumé , dans lefquels on jette du foudre puivérifé. On ferme enfuite la porté de la cham- bre afin que la fumée s’y confer- ve plus long-temps , de agi fié fur la laine , qui y demeure jufqu’à ce qu’elle foit entièrement blan- che : c’efi: alors ce que l’on appel- le de la laine fouffrée y de c’efi la pré- paration qu’elle doit avoir pour donner de la vivacité aux cou- leur de rôle , couleur de cerifes de couleur de chair , qui fe tirent de la fonte de Bourre. 534 L’Art de la Teinture. La raifon pourquoi d’un ingré- dient, tel que la racine de Ca- rence , on tire des couleurs aufli oeu folides que celles que donne a fonte de Bourre, n’eft pas dif- ficile à trouver. Dans la premiè- re opération du garençage de la Bourre , on a affiné , par le boiiil- lon d’alun & de tartre , le rouge de la garence fur ce poil, autant qu’il étoit poffible : mais comme on le lurcharge de cette couleur, il cft aifé de concevoir que les atomes colorans fuperfius , ne- tant appliqués que fur ceux qui rempiîffent déjà les pores de ce poil1, il n’y a que les premiers qui foient réellement retenus dans ces pores , & qui foient maftiqués par les fels. Ce poil ainfi rougi par la garence , jufqu’à devenir prefque noir , perdroit beaucoup de l’intenfité de cette couleur , fi on le faifoit boüillir dans quelque Chapitre II. 535 liqueur , ne fut-ce qkue de l’eau fimple -, mais on ajoute à cette eau de la cendre gravelée , à pa- reil poids que la Bourre déjà teinte qu’on y veut fondre : par conféquent , on fait une leffive de fel alcali fixe très-forte, j’ai déjà dit , dans un autre endroit du Traité précédent, que lesleffives alcalines, fort chargées, détrui- foient le tifl'u naturel de prefque toutes les matières animales , ainfi que des gommes & des réfines -, en un mot, que le fel alcali eft leur di/folvant. Dans l’opération préfente , la leffive des cendres gravelées eft fort concentrée , fort acre ; & par conféquent elle eft en état de fondre la Bourre , qui , comme on le fçait , eft le poil d’un animal: aufii le fait-elle très- promptement & avec une fer- mentation vive , aifee à reconnoî- tre par l’élévation prompte Se vio- 2* • • • inj 5 3 6 L’Art de la Teinture. lente du boiiillon. Par conféquent elîè détruit la tijfure naturelle de chacun de ces poils ; & les parois des pores étant en même temps rompues & réduites en parties infenlibles , ces parois n’ont plus ni confidence , ni reffort pour re- tenir les fels & les particules co- lorantes qui leur étoient adhé- rons. Donc les particules anima- les du poil , les parties coloran- tes de la garence , les parties fa- illies du boiiillon , & les fels alca- lis de la cendre gravelée , fe trou- vent confondus & forment un mélange nouveau , qui ne peut plus fournir de teinture folide , pareeque de toutes ces parties fa- illies mélangées , il ne fe peut plus former une quantité fuffifante de fels capables de fe eryftallifer , & de donner des molécules réliftan- tes à l’eau froide & aux rayons du foleil. En un mot, il ne peut Chapitre II. 537 s’y former de tartre vitriolé , par- ceque le lel alcali s’y trouve en trop grande abondance. Pour aviver la teinture obfcure & furchargée de la garence appli- quée d’abord fur la Bourre , & de- puis confondue par la fonte de ce poil dans le mélange dont il vient d’être parlé , on ajoute de l’urine fermentée en quantité coniîdéra- ble : ainfi, c’ell encore une ma- tière de plus pour ôter toute ef- pérance de cryftallifation : par conféquent , il eft déjà clair que toute laine , non préparée par d’autres fels , qu’on trempera dans un bain tellement compofé , ne oeut s’y enduire que d’une cou- eur fupcrfîcielle , qui 11e trouve point de pores préparés, ni rien de falin dans ces pores, qui pu if- fe en maftiquer les atomes colo- rans ; il s’eniuit que cette teintu- re doit abandonner fon fujet au Z v 538 L’Art de la Teinture. moindre effort , de quelque na- ture qu’il foit , & de quelque part qu’il vienne. Mais une laine préparée parle boiiillon de tartre & d’alun, ne prend pas dans le bain de la fon- te de Bourre une couleur plus folide qu’une laine non prépa- rée par ces fels. Cette Angulari- té , qui n’eft pas fans caufe , n’efl pas non plus fans explication : c’eft qu’un bain , dans lequel il fe trouve en abondance , des alcalis Axes, attaque le tartre relié du boüillon précédent dans les pores de la laine. Ce tartre change de nature 3 & de difficile à fondre qu’il étoit auparavant, il devient un tartre foluble , c’eil-à-dire , un fel qui fe dilïout très-aifément , même dans l’eau la plus froide. On dira , peut-être , qu’il étoit relié des particules d’alun dans les pores de la laine préparée , Chapitre IL 539 que de ces particules d’alun , & du morceau de ce même fel qu’on met dans le bain rougi par la fonte de Bourre , il doit le for- mer , avec le fel alcali de la cen- dre gravelée , un tartre vitriolé qui devrait affiner la teinture fé- lon mes principes. Je puis répon- dre , premièrement , qu’outre que 1 urine empêche la combinaison des deux fels , nécelfaire pour la formation du tartre vitriolé ; quand même cet empêchement n exigerait pas, la quantité qui fe formerait de ce fel , que j’ai nom- mé dur dans un autre endroit , ne ferait pas fufïifante pour man- quer tous les pores de la laine , 6e les mettre en état de recevoir Se retenir les atomes colorans. De plus, l’acreté des fels alcalis du bain , qui a été capable de diifoudre entièrement la Bourre pendant une longue 6e forte ébul- 540 L’Art de la Teinture. lition , feroic encore en état de diftoudre la laine qu’on y trem- pe , lî on l’y faifoit boüillir com- me la Bourre. Mais quoiqu’on ne donne pas au bain le degré de chaleur qui feroitnéceflaire pour cette deftru&ion totale , il eft ai- fé de concevoir que , ii la fom- nre de l’a&ion dé traitante n’efl pas la même , au moins il en exi- fte une partie , & , pour ainlî dire , une fraétion , qui n’eft peut-être qu’un millième de cette homme, mais qui fuftit encore pour cor- roder les parois des pores de la laine , les aggrandir exhorbitam- ment, & les mettre par-là hors d’é- tat de retenir les arômes qui colo- rent. Joignez à cela, que le poil eft fondu dans le bain , & par conféquent. mêlé avec les par- ties colorantes de la garence , en très-grande quantité ; que ce font des parties hétérogènes qui eni- Chapitre III. 541 pechent le contaét immédiat de ces mêmes parties colorantes , & qu ainli tous ces empêehemens rciinis doivent rendre cette cou- leur moins folide , moins tenace qu aucune de celles du petit teint. C’cft ce que l’expérienee ne prou- ve que trop, puifqu’il n’y a qu’à plonger un échevau de laine , teinte en rouge par la fonte de Bourre , dans de l’eau boüillante pour la décolorer entièrement. vfe-lfe t-fôds -il'’ : Æ -aE’ ■&> tfe tfc* -cC? Itl «f? CHAPITRE III. De l’Orfeille , & de la maniéré de l’ employer. L’Orseille eft une pâte mol- le d’un rouge foncé , qui é- tant limplement délayée dans de l’eau chaude , fournit un grand nombre de différentes nuances. Il y en a de deux fortes 3 la plus 541 L’Art de la Teinture. commune , qui eft en même temps la moins belle & la moins bonne , fe fabrique pour l’ordinaire en Auvergne , d’un Lichen ou efpéce de moufle fort commune fur les rochers de cette Province. Elle efl connue fous le nom d’Orfeille d'Auvergne ou de terre. L’autre eft beaucoup plus belle & meilleure : elle fe nomme f Or feule d'herbe ou des Canaries , ou du Cap-Ferd. On en prépare à Lyon , à Paris , en Angleterre, & en quelques autres endroits. L’Orlêille d’Auvergne , qu’on nomme aufli PérUle , efl: une ef- péce de croûte ou de moufle qu’on ramafle fur les rochers. On la broyé & on la mêle avec de la chaux , l’arrofant pendant plu- fleurs jours avec de l’urine fer- mentée. Au bout de huit ou dix jours , elle devient rouge en fer- mentant j & elle eft en état d’être Chapitre III. 543 employée à la teinture. L’Orfeille d’herbe , qui eft le Lichen grxcus , Polypoïdes tmcîorius Saxatilis Coroll. 40 . ou le Fucus Ver- ru co fus Tiucorms J. B. 3. Inft. R. herb. 568 , &c. croît dans les Ifles Canaries , attaché aux rochers , principalement à ceux qui font en vûë de la mer. Toutes ces Mes donnent de l’Orfeille j mais celle des Mes de la Gomére & de Fer , paffe pour la meilleure. Elle eft brune , bien nourrie , avec de pe- tites taches blanches, argentées deflus. * Année commune , il s en recueille environ 500 quintaux dans rifle de T énériffe ; 400 à cel- le des Canaries ; 300 à F uer ta- Ven- tura , 300 a Lanfarotte ; 300 à la Gomére , &: 800 à 1 Me de Fer. Les Orfeilles de Ténénjfe , Ca- naries & Palene , font affermées * Mémoire de M.Porlier Conful , datte de Sainte Croix de Ténériffe le 25). Janvier 1731» 544 L’Art de la Teinture. pour le Roi d’Elpagnc à des par- ticuliers qui la font cüeillir. En dernier lieu ( 173 0 ) ils ont donné jufqu’à la fomme de 1 500 piaftres pour cette Ferme , & outre cela ils payent, depuisquinze jufqu’à vingt Ré aux du quintal , aux hommes qui la recueillent. Les autres Ides apartiennent à d’autres Seigneurs, qui la font ramaifer & vendre à leur profit. 11 faut remarquer que dans les années de difette , il fe recüeille beaucoup plus d’Orfeil- les que dans les années abondan- tes , parceque tous les pauvres s’occupent à la ram aller. Dans les temps pâlies , l’Orfeil- le ne vallon , rendue à bord à fain- te Croix de Ténériffè , que trois à quatre piaftres le quintal; mais depuis 172.5, on a beaucoup de peine à en trouver à dix piaftres , parcequ’elle eft très - demandée pour Londres, pour Amfterdani, * ■ w M # Chapitre III. ^4^ pourl’Ftalie & pour Marfeille. En 1730 elle lut vendue à Londres jufqu’à quatre livres fterlings le quintal. ' Les Illes de Maàcre , Porto San- to &i les Sauvages , produifent aullî de l’Orfcille. Vers la fin de 1730, le Capi- taine d’un Vai fléau Anglois , ve- nant des Illes du Cap- Verd, -ap- porta àfainte Croix un fac d’Or- :*eille pour montre. Il communi- qua fon fecret à des Négocians Efpagnols & Génois , lefqucls fe . déterminèrent dans le mois de Juillet r 7 3 r à envoyer un bateau aux mêmes Illes. Sur ce bateau ils mirent huit Efpagnols accou- tumés àcüeiilir l’Orfeille. Ils abor- dèrent aux Illes de faint Antoine & de faint Vincent , où , en peu de jours , ils firent un chargement d’environ 500 quintaux de cette plante qu’ils y trouvèrent en abon- ! 54*> L Art de la Teinture. dance , fans qu il leur en coûtât autre chofe , qu’une piaftre par quintal, de préfent au Gouver- neur. L’Orfeille des Mes du Cap- Ve rd paroilîoit plus grolle , plus longue & plus fournie que celle des Canaries , c’eft apparemment- parcequ on n etoit pas dans 1 ufa- ge de la cüeillir toutes les années , comme on fait aux Canaries. Les ouvriers qui préparent l’Or- feille d herbe , font un myftérc de cette préparation , mais on la trouve anés bien détaillée dans un Traité de M. Pierre- Antoine Micheli , qui a pour titre : Nova Fiant arum généra , imprimé in-40. à Florence en r 72 c, , page 78 , en ces termes : » In fe clore s ( Florentini ) hanc » plantain appellant Vernaculo » nomine Rocella vel Orcella vei » Rafpa , ejufque ope fericum & » lanam , non folum peculiari ■ Chapitre III. 547 yiodam colore fub purpureo « mbuunc , c] ne 111 Columbtnum vo- «x :ant , ob limilitudinem cum « collo Columbino , fed etiam « aliis compolitionibus adrnif- « cent, ut diverfos colores cffi- « ciant. Préparant vero illam hoc quand même on ne compteroit pour rien fa fupériorité fur 1 au- tre > en bonté Sc en beauté. La couleur naturelle qui fe tire en cette maniéré , de l’une & 1 autre Orfeille , eft un beau Gris- de- Un , tirant fur le violet. On en tire aufii le- Violet , la couleur de P en Je e , d’ Am anmthe , & autres fernbla- bles , en donnant à l’étoffe un pied de bleu , plus ou moins foncé , avant que de la palier fur 1 Or- feille. On obfervera , qu afin que les Chapitre III. 557 nuances claires de ces couleurs foient aufli brillantes quelles peu- vent 1 etre , il eft à propos que la laine foit fouffrée , ainfi que je l’ai dit d ans le Chapitre precedent , foit avant que d etre paftee fur l’Orfeille , pour les gris-de-lin , foit avant que d’être mife en bleu , pour les violets , & autres couleurs semblables. Cette maniéré d’employer l’Or- feilie eft la plus ftmple de toutes ; mais les couleurs qui en viennent n’ont aucune folidité. On pour- roit croire qu’on la rendroit meil- leure en donnant à la laine une préparation avant que de la tein- dre , comme cela fe pratique dans le bon teint, lorfqu’on employé la Garence , la Cochenille , la Gau- de , &c. Mais l’expérience prouve le contraire , & j’ai employé l’Or- feillc fur la laine boüillie en alun & tartre , lans qu’elle ait plus ré- A a iij 558 L’Art de la Teinture. lifté à l’air que celle qui n’avoit reçu aucune préparation. II y a néanmoins une maniéré d’employer f Orfeille d Herbe , & de lui donner prefque autant de folidité qu’en ont la plûpart des ingrédiens de bon teint j mais on lui ôte alors fa couleur naturelle de gris-de-lin, & elle donne du rouge , ou écarlatte , ou pour mieux dire cette couleur connue fous le nom de Demi-écarUtte. On ■peut aulïi en tirer la couleur du fermés ou de fécarlatte de Veni- fc, & pluiieurs autres nuances qui tirent fur le rouge & fur l’orangé. C’eft par le moyen des acides que ces fortes de couleurs fe tirent de l’Orfeille , &: toutes celles , que l’on fait ainlï , doivent être regar- dées comme beaucoup plus foli- des que les autres , quoiqu’à la ri- gueur elles ne foient pas encore exactement de bon teint. Chapitre III. ^9 II y a deux maniérés de tirer de I Orfeille ces couleurs rouges : la première eft d’incorporer quel- que acide dans la eompolition même dont on Te fert pour ré- duire cette plante en pâte , telle que les Teinturiers la connoident fous le nom d’Orfeille. On m’a alluré qu’on pouvoir la rendre vio- lette & même bleue $ ce qui le fait vraifemblablemcnt par le mélan- ge de quelques alcalis ; mais j’a- vouë que je n’ai pû y parvenir , quoique j’aye lait pour cela plus de vingt elfais. Je vais donc paf- fer à la fécondé méthode de tirer de l’Orfeille une couleur rouge belle & allés folide , parceque je l’ai exécuté quatre fois avec fuc- cès. On prend de l’Orfeille des Ca- Demi- naries préparée, on la délaye à l’or- dinaire dans’un bain d’eau tiède, & feille- on y ajoûte une petite quantité de h • • • • A a 111) 5^0 L’Art de ia Teinture. compolition ordinaire pour Té- carlatte ; qui eft , comme on l’a vu dans le 7 raite précédent , une dillolution de l’étain dans une eau regale afloiblie : cet acide éclair- cit le bain fur le champ , & lui donne une couleur d’écarlatte. Il n’y a plus qu’à palier dans ce bain 1 étoile ou la laine , & l’y lailïer jufqu’à ce qu’elle ait acquis la nuance que l’on déliré. Si l’on ne trouve pas que la couleur ait ailes de feu, on remettra encore un peu de compolition ; & on fuivra , pour ce genre de teinture , à peu. près la même méthode que pour î’écarlatte ordinaire. J’ai elfayé de la faire à deux bains comme l’écarlatte : c’efl-à-dire , de boüil- lir l’étoffe avec la compolition & un peu d’Orfeille , & de la finir enfuite avec une plus grande quantité de l’un & de l’autre, & j’ai réulfi également j mais l’opé- i Chapitre III. ration efl plus longue de cette maniéré, & j’ai fait quelquefois une aulîi belle couleur en un feul bain. Ainfi le Teinturier aura le choix de 1 une ou l’autre métho- de. Je ne puis fixer au jufte la dofe des matières dans cette opération, i°. parceque cela dépend de la nuance que l’on veut donner à 1 e- toffe -, en fécond lieu , parceque c’efl un travail nouveau dans la teinture , & que je n’ai pas eu occa- fion de faire teindre de la forte une ailes grande quantité d étof- fés pour connoîtrc allés, précifé- ment la quantité d’Orfeille & de compofition que l’on doit em- ployer : on fçait aulli que le fuccès dépend du plus ou moins d’acidité de la compofition. Enfin , cette manière de teindre avec l Orfcil- le elt fi facile , qu’aulli-tôt qu’on en aura fait deux ou trois elfais , A a v 5 6% L’Art de la Teinture. même en petit , on en fçaura plus que je n’en pourrois enfeigner par lin très-long détail.’ Je dois feule- ment avertir , que plus la couleur tirée de cet ingrédient approche de f écarlatte , plus elle eft folide. J’en ai fait d’un fort grand nom- bre de nuances différentes , tou- tes tirées de la même Orfeille, & qui , par conféquent , ne diffé- raient que par le plus ou le moins de composition ; & j’ai toujours éprouvé , que , plus l'Orfeille s’é- loignoit de fa couleur naturelle, plus elle acquérait de folidité 5 enforte que lorfque je 1 amenois à la nuance connue fous le nom de demi - écarlatte , elle réfiftoit pref- que autant à l’action de l’air & du déboiiilli , que celle qui fé fait or- dinairement avec la cochenille de la garence. Si on mettoit trop de compofî- tion dans le bain , la laine devien- / Chapitre III. ^ droit d une couleur orangée & défagréable Mais la même chofe arrive avec la cochenille : ainfi ce n’eft point un inconvénient parti- culier a ce genre de teinture : d ailleurs il eft tres-facile à éviter j & comme on eft toujours à portée d’ajoûter de la compofition , il n y a qu’à aller par degré , & en met- tre moins qu’il n’en faut au com- mencement , plutôt que de rifquer d’en trop mettre. J’ai efiayé de fubftituer divers acides a la compohtion d’écarlat- tc , mais aucun ne lait au/ïi-bien. Le vinaigre n’a jamais pu donner au bain allés de rougeur ; & le- toffe teinte dans ce bain n’a pris \ qu’une couleur de lie de vin , qui même n’étoit pas plus folide à l’air que celle de l’Orfeille dans fon état naturel. Les autres acides ont rendu la couleur terne. Enfin , il paroît , que , comme dans l’o- Aa yj 564 L’Art de la Teinture. pération de l’écarlatte par la co- chenille , il faut unir au rouge de 1 Orfeille une bafe métallique ex- trêmement blanche : cette bafe eft la chaux d’étain qui fe trouve dans la compofition. J’ai répété les mêmes opéra- tions avec l’Orfeille d’Auvergne ou de Terre ; mais les couleurs qui en font venues n’ont pas été à beaucoup près li belles , ni fi bon- nes -, ainfi tout ce que je viens de dire ne doit s’entendre que de l’Orfeille d’Herbe , & fur-tout de celle qui étoit fabriquée à Paris, par le Sieur Lafond. CHAPITRE IV. Du Bois d'Inde , ou de Cumpêche. LE Bois de Campêche , connu .fous le nom de Bois d'Inde , elf d’un très-grand ufagedans le Chapitre IV. petit teint ; & il feroit fort à fou- haiter qu’on ne s’en fervîtpas dans le bon teint, ce qui neanmoins n’ar- rive que trop fou vent, parceque la couleur , que ce bois fournit, perd en très - peu de temps tout fon é- clat , & difparoît même en partie , étant expofee à l’air. Son peu de valeur elf une des raifons qui le font employer li fouvent ; mais la plus forte elf que par le moyen des différentes préparations , & des différens fels , on tire de ce bois une grande quantité de couleurs & de nuances , qu’on ne fait qu’a- vec peine lorfqu’on ne veut fe fervir que des ingrédiens de bon teint. Cependant il elf poffible , &je l’ai déjà dit, de faire toutes les couleurs fans ce fecours -, ainii on a eu très-grande raifon de dé- fendre dans le bon teint, 1 ’ufage d’une matière dont la teinture ri a, aucune folidité. 5 66 L’Art de la Teinture. On a vu , dans le Chapitre XX, que le bois d’Inde étoit nécelfai- re pour adoucir & velouter les noirs : c’eft ce velouté qui fait tout le mérite des noirs de Sedan j ainlî je renvoyé à ce Chapitre pour ce qui regarde l’emploi du bois de Campêche dans les noirs , n’ayant rien à y ajouter. J’ai eu foin d’y avertir que cer achève- ment des noirs étoit l’ouvrage des Teinturiers du petit teint. Je vais préfentement dire un mot des au- tres couleurs dans lefquelles on employé ce . bois : & j’ajouterai , une fois pour toutes, que lorf- qu’on fe fert dans la teinture de quelque bois que ce foit , il faut au moins , qu’il foit haché en copeaux fort menus , 6c qu’on doit l’enfermer dans un fac de toile , afin qu’il ne s’attache point aux lai- nes ou étoffes, parce que indépen- damment de ce que les copeaux \ Chapitre IV. 5 6y pourroientles déchirer , le bois fe- roit des taches dans les endroits où il s’attacheroit : par conféquent cette précaution eft abfolument néceffaire. On fe fert du bois d’Inde avec la galle & la couperofe , pour tou- tes les nuances de gris , qui tirent fur Vardoifé , le lavande , le gris de ramier, gris de plomb , & autres fem- blables. Pour cet effet , on char- ge une Chaudière d’eau claire; on y met la quantité de noix de galle que l’on juge à propos , fui- vant celles des étoffes qu’on a à teindre , & la nuance plus ou moins foncée qu’on veut leur don- ner: on ajoûte dans ce bain un fac de bois d’Inde , & lorfque le tout a fait un boüillon , on y paffe l’étofle après avoir rafraîchi le bain , &: l’on y jette , peu à peu , de la couperofe verte , difloute à part dans de l’eau. Je ne puis i 5 &• la paifant fur un bain de Breiil mélé avec un peu de bois d’Inde ; ce violet , quoique de pe- tit teint , eft beaucoup meilleur que le premier, pareeque le pied de bleu fubfifte toujours, 6c fou- tient un peu la couleur. Le bois d’Inde donne encore la couleur bléuë ; mais elle eft fi peu folide , 6c le bleu de bon teint coûte fi peu , quand il n’eft pas des plus foncés , qu’il n’arrive prefque jamais qu’on fe ferve du Chapitre IV. 571 bleu tiré de ce bois. Si cependant on vouloir le faire , ne fut-ce que par limple curiofïté , il ne faut que préparer un bain avec le bois d’Inde , y mêler un peu de vitriol de Chypre ou vitriol bleu , & y palier la laine fans autre prépa- ration. On peut aulîî , par le même moyen, faire le verd en un feul bain. Pour cela , on met dans la Chaudière du bois d’Inde , de la graine d’Avignon & du verd de gris ; ce mélange donne au bain une belle couleur verte. Il luffit alors d’y palier la laine , jufqu’à ce qu’elle foit à la hauteur que l’on déliré. On voit que ce verd fera de la nuance que l’on vou- dra , en mettant la quantité qu’on jugera à propos de bois d’Inde & de graine d’Avignon. Cette cou- leur verte ne vaut pas mieux que la bleue , & elles devroienc être » 57* L’Art de la Teinture. lune & l’autre , bannies de la tein- ture * li j’en ai donné les Procédés , c eft pour ne rien obniettre de ce qui eft venu à ma connoiftance fur ce qui concerne cet Art. Verd de Je mets ici au nombre des vcrds de petit teint , ce- £ax€* lui qu on nomme Verds de Saxe , qui , depuis quel- ques années , eft eftinié en Allemagne , parcequ’il eft plus beau de plus brillant qu'aucun verd qu’on ait- fait jufqu’à prefent en grand de en petit teint : mais il ne rende à aucune épreuve, de en douze jours d’ex- pofition aux rayons du foleil , il perd plus de la-moi- tié de Ton intenftté. La compofition , telle que je fai reçue d’Allema- gne j le fait amft : On met , dans un matras de verre $ trois parties d’indigo choift , trois parties de cobolt , trois parties d’orpiment, de douze parties d’huile de vitriol redifiée & blanche. Il fç fait une fermenta- tion violente , dont on évite de refpirer le fulfureux volatile qui en fort. On fait digérer le mélange pen- dant vingt quatre heures ; puis on verfe ce qu’il y a de liquide , par inclination , dans un vaifteau à part y on a une liqueur acide d’un bleu très-foncé. On peut Kibftituer au cobolt , qui eft rare en Fran- ce, l’antimoine qui y eft beaucoup moins cher. Enfin, M. Baron , Dodeur en Médecine , que j’avois prié de faire diverfes expériences avec cette compofition , a trouvé qu’on pouvoit fupprimer l’orpiment , le co- bolt de l’antimoine , de qu’il fuffifoit de verfer l’huile de vitriol fur l’indigo fèul , fans autre addition , pour avoir une compofition de bleu toute auftl belle que la précédente. On fait bouillir le drap dans le quart de fon poids d’alun, auquel on ajoute fi l’on veut, une très-pe- tite quantité de tartre. On le laifTe pendant trois jours humedé de fon bouillon $ puis on le lave, de le drap eft préparé. Chapitre IV. 573’ L’ufage le plus ordinaire du bois d Inde dans le petit teint , eft pour les couleurs de prunes , de pruneau, de pourpre & leurs nuances. Ce bois , joint à la noix de galle , donne toutes ces couleurs avec beaucoup de facilité , fur la laine guédée : on les rabbat avec un peu de couperofe verte qui les brunit -, & l’on parvient, par ce moyen , & tout d’un coup , à des nuances qui font beaucoup plus Faites chauffer de l’eau , prête à bouillir , de y verfez une petite quantité de la compofition de bleu, elle s'y étendra dans l’inftant, de teindra le bain en bleu clair. Plongez-y le drap préparé de l'y roulez fans faire bouillir : lorfqu’il aura pris le bleu celefte , retirez-le de le plongez dans une autre Chau- dière, où vous aurez fait un bain de jaune avec la Terra-Mcrit a bien pulvérifee : ce bain doit être chaud, mais non bouillant. Le drap y prendra la nuance de verd telle que vous la fouhaiterez , en l’y tenant plus ou moins long-temps. Pour accélérer , de pour épar- gner un fécond feu , on peut mettre la Tcrra-Merita. dans le premier bain de bleu après qu’il eft tiré , de le fuccès fera Je même. Quoiqu’il ne foit pas queftion des Soyes dans ce Traite, je ne puis me dilpenfer de dire que par le procédé que je viens de décrire , 011 peut teindre les Soyes en bleus de en verds très-beaux , de de toutes fortes de nuances , avec la plus grande facilité 3 de, dème , les verds , en un feul bain. 574 L’Art de la Teinture. difficiles à failiren bon teint, par- ce que les degrés difFérens de bru- ïiiture font beaucoup moins aifés à prendre , tels qu’on les veut , fur une Cuve de bleu, qu’à l’aide du fer de la couperofe. Mais ces cou- leurs ont le défaut de palier très- promptement à l’air -, & en peu de jours , on voit une fort grande dif- férence , entre les parties de l’é- toffe qui ont été expofées à l’air, & celles qui font demeurées cou- vertes. Ayant éprouvé , comme je l’ai dit dans le Chapitre précédent , que la compolîtion d’écarlatte , changeoit la couleur de l’Orfeille & la rendoit plus folide , j’ai vou- lu voir fi elle ne feroit pas fur le bois d’Inde quelque effet à peu près fcmblable : mais ce qui m’a paru fingulier, c’eft que quelque quantité de compofition que j’aye mis dans le bain de ce bois , Chapitre V, fa couleur violette n a point été changée- Voulant cependant ré- & je nus dans le bain une quantité de compolition , à peu près égale a celle que j’aurois mi- te pour une pareille dofe d’Orfeil- Ie ; mon drap prit une afles belle couleur violette : j’expolai ce drap a 1 air pendant douze jours d’été ; Sc je reconnus que la couleur ne- toit pas meilleure que fi je n’y avois pas mis de compofition. A la ve- nte , en ajoutant une petite quan- cité de cryftal de tartre dans un autre bain , compofé comme le précédent , ) ai eu une couleur plus loi i de , mais confidérable- nent différente. al> Ï9(> L’Art de la Teinture. kkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkkk CHAPITRE Y. Du Bois de Br e fil. ON comprend fous le nom général de Bois de Brefil , celui de Fernambouc , de Sainte- Marthe y du Japon, & quelques au- tres , dont ce n’eft pas ici le lieu de faire la diftinélion , puifqu’ils s’employent tous de la même ma- niéré pour la teinture. Il eft vrai qu’il y en a qui donnent plus de couleur les uns que les autres, ou qui la donnent plus belle , mais cela vient fouvent dès parties de ce bois qui ont été expofées à l’air les unes plus que les autres , ou de ce qu il y a des endroits qui auront été éventés ou pourris. 11 faut choifir , pour la teinture , le plus fain & le plus haut en cou- leur. . | .T ous; Chapitre V. 597 Tous ces bois donnent une allés belle couleur , foie qu’on les em- ployé feuls , foit qu’on les mêle avec le bois d’Inde , ou avec d’au- tres ingrédiens colorans. On vient de voir que dans le violet faux , on mettoit un peu de Br e fil avec le bois d’Inde ; mais dans les gris vineux , ou qui tirent tant foit peu fur le rouge , on en met beaucoup plus. Quelquefois on ne met qu’un peu de noix de galle avec le Bre- îil , & on brunit avec la coupero- fe i fouvent même on y ajoûte un peu de bois d’Inde , d’Orfeille ou de quelqu’autre matière , fuivant la nuance ; d’où l’on voit qu’il n’eft pas pollible de donner au- cune régie fixe fur ce genre de travail , à caufe de la diverfitc prefque infinie des nuances , qui le tirent de ces différens mélanges. La couleur naturelle du Brefil , Sc celle pour laquelle il eft le plus B b 598 L’Art de la Teinture. fouvent employé , eft la fuujfe é car- latte qui ne laide pas que d’être belle &r d’avoir de l’éclat , mais un éclat fort inférieur à celui de l’é- carlatte de cochenille ou de gom- me lacque. Pour tirer la couleur de ce bois , il faut fe fervir d’eau de puits la plus dure , de celle qui ne diffout pas le favon. L’eau de riviere ne fait pas , à beaucoup'près , fi bien le même effet. Après avoir fait boüil- lir fur ce bois haché en copeaux, la première eau qu’on y a mife , pen- dant trois heures , onia verfe dans une tonne. On remet de nouvel- le eau de puits fur ce Brefil , &C t>n l’y fait boüillir encore trois heures , puis on la verfe fur la pre- mière. Il faut que cette teinture , qu’on appelle fie ou jus deBrefil foit vieille & fermentée , & quelle file commenm vin gras , avant que de s’en fervir. Pour en tirer un rouge J Chapitre V. c99 qui foit vif : il faut auiîî que letofFe loit garnie des fels du boüillon or- dinaire , mais ou 1 alun domine , car le tartre feul altère beaucoup la beaute de cette couleur, a mli que les eaux lures ; en un mot , les acides lui nuifent & diffolvent la partie qui colore en rouge. Ainfi il faut mettre dans le bain , de- puis fix jufqu’i huit onces d’aluh de Rome pour chaque livre de laine ou d* étoffé , & feulement deux onces de tartre , & même moins. On y fait boüilli r la laine pendant trois heures ; après quoi on 1 exprime légèrement , & on la tient ainfi hume dé e dans un lieu frais , au moins pendant huit jours, afin que , par le féjour de ces fels * elle foit fuffifamment préparée à recevoir la teinture. Pour la tein- dre , on met dans une Chaudière de capacité convenable , un ou deux féaux de jus de Brefil bien 5 B b ij 600 L’Art de la Teinture. vieux , & on y teint quelque étoffe commune qui ait été aulli boüillic en alun & tartre. Cette premiè- re étoffe groffiere étant teinte , on remet dans le bain du jus de Brelil nouveau , la moitié feule- ment de ce qu’on en a mis la pre- mière fois , & l’on fait bien boüil- lir une fécondé étoffe commune , auffi préparée par les fels , dans ce bain, dont il faut que ces deux étoffes tirent près des trois quarts de la couleur. Ce bain étant ainfî affoibli de teinture , on y plonge la piece d’étoffe qui a refté huit ou dix jours fur le boüillon , & on l’y roule bien fans trop faire boüil- ' lir le bain, jufqu’à ce quelle foit teinte bien uniment. Mais il faut avoir l’attention d’exprimer de temps en temps un coin de cette étoffe, comme je l’ai dit ci-de- vant , pour juger de fa couleur j car quand elle eft moüillee , elle Chapitre V. 6b i paroît au moins de trois nuances plus loncée qu’elle ne le fera après avoir été féchée : par cette métho- de , qui à la vérité eft un peu lon- gue,on a des rouges vifs fort beaux, imitant parfaitement certaines couleurs que les Anglois vendent fous le nom d ecarlatte au campê- che, qui, éprouvées par les déboiiil- lis , ne font pas meilleures que cel- le-ci , li ce n’eft quelles paroiifent avoir été légèrement garencées. Le rouge , dont je viens de don- ner le^jrocédé , qui n’eft décrit en aucun endroit, rélîfte à l’air pen- dant trois & quatre mois d’hyver fans rien perdre de fa nuance > au contraire , il y brunit & fem- ble acquérir du fond; mais il ne. réfifte pas au déboüilli du tartre. Quelques Teinturiers du bon teint fe fervent du Brefil pour monter les rouges de garence , foit pour épargner cette racine , B b ii i éoi L’Art de la Teinture. foie pour donner au rouge, qu’elle fournit , plus de vivacité qu’il n’en a ordinairement. Cela fe fait en pafîant fur un bain de Brefîl une étoffe commencée avec la garen- ce j mais cette forte de teinture frauduleufe eft expreffément dé- fendue par les réglemens , ainfî que tout mélange du grand teint avec le petit teint , pareequ’il ne peut fervir qu’à tromper, & faire paffer , pour un beau rouge de ga- rence , une couleur qui perd en peu de jours, à l’air, toutfon éclat &■ cette portion de nuance qui a été tirée du Brefîl dans un bain de ce bois préparé à l’ordinaire. Car la première couleur qu’on en tire n eft jamais de bon teint , vraifem- blablement pareeque c’eft une fè- ve mal digérée, & dont les particu- . les colorantes n’ont pas été affés at- ténuées pour être retenues , fufïi- famment enchaffées , dans les po- * V * , Chapitre V. 603 res de la laine qu’on y teinc. Quand ces premières parties groilîeres de la couleur ont été enlevées par des étoffes communes , ainfî qu’on l’a vu ci-delfus, celles qui reffent en petite quantité , font plus fines & fe mêlant aux parties jaunes que fournit la partie purement li- gneufe , ou confidérée comme tel- le , le rouge qui en réfultC/efi; beau- coup plus folide. On peut, parles acides, quels qu’ils foient, enlever ou faire dif- paroître toute la couleur rouge de ce bois j alors l’étoffe qu’on y teint prend une couleur de veqtre de biche claire ou foncée , à propor- tion du temps qu’on la tient dans ce bain, & cette couleur efl de très-bon teint. On dit que les Teinturiers d’Amboife ont une méthode pour afîurer la couleur du Brefil. Après que leurs Pinchinats, rougis légé- Bbiiij 604 L’Art de la Teinture. rement par la garence , ont été pafTés dans un bain de gaude , & par conféquent boiiillis deux fois en alun & tartre , ils mettent fur le jus de Brefil une fufïifante quan- tité d’arfenic & de cendres gra- velées , & l’on ajoûte qu alors cet- te couleur rélifte aux épreuves. J’ai elfayé ce procédé , mais il ne m’a pas réufti. Lorfqu’on ne cherche pas à ti- rer un rouge bien brillant du bois de Brelil , je fçais par expérience qu’il eft poftible d’afllirer la cou- leur qu’on en tire , de telle forte , que l’ayant expofé pendant tren- te jours aux rayons du foleil de cet écé , elle n’a point changée. Mais ces fortes de couleurs font des caffés & des m cirons pourpres. Pour les faire , je tiens pendant quinze jours à la cave l’étoffe hu- meétée de fon boüillon, compofé comme pour les rouges dont j’ai Chapitre V. 605 parlé ci - devant. Je charge la Chaudière d’eau de puits jufques aux deux tiers : j’acheve de la remplir de jus de Brefil , auquel j’ajoute de la galle d’Alep en pou- dre fort fine, environ une once par livre d’étoffe , & de la gom- me Arabique la moitié du poids de la galle ; je fais boiiillir une heure , une heure & demie ou deux heures , félon que je veux la nuance foncée. J’évente de temps en temps, Sdorfque l’étoffe a pris la couleur que je fouhaite , je la laide bien refroidir avant que de la laver. Cette étoffe étant brof- fée , le poil couché , & mife en prefïè a froid, en fort très-belle , très-unie , & d’un caty parfait. & Bb y 6o6 L’Art de la Teinture. *3&>*5S«"»Sï' ■♦3S*-->SS*»2S»»îS» CHAPITRE VI. Du FuJIet. LE bois de Fuji et donne une couleur orangée qui n’a au- cune folidité. Il s employé ordinai- rement dans le petit teint , com- me la racine de noyer ou le brou de noix , fans faire boüillir l’étof- fe , enforte qu’il n’y a aucune dif- ficulté à l’employer. On le mêle Couvent avec le brou & la gaude pour faire les couleurs de tubuc > de cunelle > & autres nuances fem- blables. Mais on peut regarder ce bois comme un très-mauvais ingrédient ; car fa couleur expo- fee à l’air pendant très -peu de temps , y perd tout fon éclat & la plus grande partie de fa nuance de jaune. Si l’on p aile fur la Cuve de bleu Chapitre VI. 6oj une étoffe teinte avec le Fuftet , on a un olive alfes défagréable , qui ne réfifle point à l’air , & qui de- vient très-vilain en peu de temps. J ai déjà dit qu’on fe fervoit en Languedoc du Fuftet pour faire les couleurs de Lungoufte qu'on en- voyé dans le Levant : il épargne confidérablement la cochenille. On mêle , pour cet effet , dans un meme bain , de lagaude , du Fuf- tet & de la cochenille , avec un peu de crème de tartre , & l’étof- fe boiiillie dans ce bain , en fort de la couleur qu’on nomme Lan- goufte ; & fuivant la dofe de ces différer! s ingrédiens , elle efl plus ou moins rouge , ou plus ou moins orangée. Quoique cet ufagc , de mcler enfemble des ingrédiens de bon teint avec ceux du petit teint, foit condamnable , il paroît ce- pendant que dans ce cas, qui eff très-rare , & pour cette couleur B b vj \ 608 L’Art de la Teinture. feulement , que les Commilîion- naires du Levant demandent de temps en temps , on peut tolé- rer le Fujlet ; parcequ ayant tenté de faire la même couleur avec les feuls ingrédiens du bon teint, je n’ai pas eu de couleur plus fo~ lide. Voyez ce que j’en ai dit au Chapitre XXV. du Traité précé- dent. Le changement que fair ap- porte à la couleur de Lmgoujîe faite avec le Fuflet , eft fort fen- fible ; mais il n’eft pas fî défagréa- ble que les changemens qui arri- vent à plusieurs autres couleurs , car toute la nuance s’efface & s’af- foiblit à la fois , enforte que c’efl plutôt une diminution qu’un chan- gement de couleur , au lieu que la couleur de Langoufte , faite avec le bois jaune , devient couleur de cerife, • "• Chapitre VII. 609 CHAPITRE VIL Du Roucou. LE Roucou ou Rmcourt eft une efpéce de pâte féche qui nous vient de l’Amérique. Cette matière donne une couleur oran- gée , à peu près comme le Fuftet, & la teinture n’en eft pas plus fo- lide. Ce ne ferait pas néanmoins par le déboiiilli de l’alun qu’il fau- drait juger de la qualité du Rou- cou : car il n’altére en rien fa cou- leur , & elle n’en devient que plus vive & plus belle ; mais l’air l’em- porte & l’efface en très-peu de temps^ le favon fait la même chofe, & c’eft en effet parce déboüilli qu’il en faut juger, ainfî qu’il eft pref- critdans l’Inftrudion fur ces fortes d épreuves. Cette matière eft fa- cilement remplacée , dans le bon >_ ; I 6io L’Art de la Teinture. teint , par la gaude & par la ga- rence mêlées enfemble : mais on fe fert du Roucou dans le petit teint, & voici de quelle maniéré il s’employe. On fait fondre , dans une Chau- dière , de la cendre gravelée avec une fufHfante quantité d’eau j on la fait bien boüillir pendant une heure , afin que la cendre foit e- xaétement dilfoute -, on y jette en- fuite autant de livres de Roucou pulvérifé , qu’il y a de livres de cendres -, on pallie fortement le bain on le lailfe boüillir pen- dant un quart-d’heure , & on y palTe enfuite les laines ou étoffes que l’on veut teindre , fans leur donner d’autre apprêt que de les avoir moiiillées dans l’eau tiède , afin que la couleur prenne éga- lement. On les lailfe dans ce bain , en les remuant toujours , jufqu’ à ce quelles foient à la nuan- Chapitre VIL éiï ce qu’on déliré -, après quoi , on les lave bien à la riviere, & on les fait fécher. On mêle fouvent le Roucou avec d’autres ingrédiens du petit teint ; mais je ne puis donner au- cune inftruftion fur ce mélange , parcequ’il dépend des nuances que l’on veut faire , ôc que d’ail- leurs il n’a en foi aucune difficulté. J’ai effiayé de faire bouillir l’é- toffe en alun & tartre avant que de la teindre en Roucou } mais quoique la couleur y ait acquis un peu plus de folidité , elle n’étoit oas fuffilante pour être réputée de 3on teint. En général , le Roucou eft un tort mauvais ingrédient pour la teinture des laines, & mê- me il n’eft pas d’un grand ufage , parcequ’il ne lai lie pas que d’être cher, &: qu’il eft facilement rem- placé par d’autres plus tenaces, & à meilleur marché. - 6 1 1 L’Art de la Teinture. La laine teinte avec le Roucou, mife enfuite en Cuve d’Inde ou de paftel , prend une couleur dV live rouffeâtre , qui en très-peu de temps devient prefque toute bleue à l’air, parceque la couleur donnée par le Roucou difparoît. CHAPITRE VIII. De la Graine à’ Avignon. LA Graine d’Avignon eft de très - peu d’ufage en teintu- re : elle fait un alfés beau jaune , m'ais qui n’a aucune folidité -, non plus que le verd quelle donne en palfant dans fon bain une étoffe qui a reçû un pied de bleu. Pour l’employer , il faut que l’étoffe foit boüillie en alun & tartre , comme pour la gaude. On prépare en- fuite un bain frais avec la Graine d’Avignon 3 & on y paffe l’étoffe , Chapitre IX. 6 13 . qu’on y laifté plus ou moins long- temps , fuivant la nuance que l’on defire. Il n’y a aucune difficulté à employer cette Graine , aiiffi je ne m’étendrai pas davantage : me contentant d’avertir qu’il n’en faut faire ufage que quand on manque abfolument de toutes les autres matières pour teindre en jaune : elles ne font ni rares , ni che- De la Terra Mérita , ou Curcuma. A Terra Mérita eft une ra- cine qu’on nous apporte des Indes Orientales , où celle qui vient de Patena eft la plus eftimée. Les Teinturiers, dans l’Inde, la nomment Haleli. Elle eft nommée Concomme dans le Réglement de M. Colbert. On k réduit en pou- les. CHAPITRE IX. 6 14 L’Art de la Teinture. dre très -fine pour s’en fervir, 8r elle s’employe à peu près de mê- me que la Graine d’Avignon , mais en beaucoup moindre quantité , parcequ’elle fournit beaucoup plus de teinture. Elleeftun peu moins mauvaife que les autres ingrédiens jaunes , dont il a été parlé dans les Chapitres précédens. Mais com- me elle eft chere , c’eft une raifon fuffifante pour ne l’employer pres- que jamais dans le petit teint. On s’en fert quelquefois dans le bon teint pour dorer les jaunes faits avec la gaude , & pour éclair- cir & oranger les écarlattes , mais cette pratique eft condamnable j car l’air emporte en très-peu de temps, toute la partie de la cou- leur qui vient de la Terra Mérita ; enforte que les jaunes dorés re- viennent dans leur premier état , & que les écarlattes brunilfent conlidérablement. Quand cela ar- .« % \ Chapitre IX. éif rive à ces fortes de couleurs , on peut être alluré qu’elles ont été fallîdées avec ce faux ingrédient, qui n’a aucune folidité, Je ne parle point du SafFran vrai , qui peut fervir aulîl a tein- dre en jaune , mais dont je ne crois pas qu’on fade aucun ufage ; pre- mièrement , pareequ’il eft trop cher ; & en fécond lieu , pareeque fon jaune vaut encore moins que celui des deux matières précé- dentes. Voilà tout ce que j’ai à dire fur les ingrédiens du petit teint : ils ne doivent être employés dans la teinture , que pour les étoffes communes , ou de bas prix. Ce n’eft pas que je croye qu’il foit im- oodible d’en tirer des couleurs fo- ndes ; mais alors ces couleurs ne feront plus précifément celles que ces ingrédiens donnent naturelle- ment , ou par les méthodes ordi- € ïê L’Art de la Teinture, &c. naires -, comme il faut y ajoûter l’adftriétion & le gommeux qui leur manque , ce n’eft plus alors le même arrangement des parties j & par conféquent les rayons de la lumière feront réfléchis différem- ment. Tin de l’Art de Teindre les Laines* INSTRUCTION Sur le Déboüilli des Laines , & Etoffes de Laine. Omme il a été reconnu que la méthode prefcrite pour les dé- boiiillis des teintures , par l’ar- ticle XXXVII. des reglemens pour les Teinturiers en grand & bon teint, des draps , ferges & autres étoffes de laine , du mois d’Août 1669. & par les arti- cles CCXX. & fuivans de l’inftruCtion générale pour la teinture des laines de routes couleurs, & pour la culture des drogues & ingrédiens qui y font em- ployés, du 18. Mars 1 671. n’eft pas fufïïfante pour juger exactement de la bonté ou de la fauffeté de plufieurs cou- leurs -, que cette méthode pouvoit mê- me quelquefois induire en erreur , & donner lieu à des conteftations ; il a été fait , par ordre de Sa Majefté , différen- tes expériences fur les laines deftinées f ^ï8 Instruction à la fabrique des Tapifferies , pour con- noître le degré de bonté de chaque couleur , & les déboiiillis les plus con- venables à chacune. Pour y parvenir , il a été teint des laines fines en toutes fortes de couleurs , tant en bon teint qu’en petit teint , & elles ont été expofees à l’air & au foleil pendant un temps convenable. Les bon- nes couleurs fe font parfaitement foû- tenues , & les fauflfes fe font effacées plus ou moins , à proportion du degre de leur mauvaife qualité : & comme une couleur ne doit etre reputee bonne , qu’autant qu’elle réfifte à 1 action de 1 air & du foleil , c’efi: cette épreuve qui a fervi de réglé pour décider fur la bon- té des différentes couleurs. Il a été fait enfuite , fur les mêmes laines dont les échantillons avoient été expofés à l’air & au foleil , diverfes é- preuves de déboiiilli ; & il a d’abord été reconnu que les mêmes ingrédiens ne pouvoient pas être indifféremment employés dans les déboiiillis de toutes les couleurs , parce qu’il arrivoit quel- quefois qu’une couleur reconnue bon- ne par l’expofition a 1 air ? croit conh- i; , — SUR LE DEBOÜILLI , &C. 6l$ dérablement altérée par le déboiiilli , & quune couleur faulle réfiftoit au mê- me déboiiilli. Ces différentes expériences ont fait fentir l’inutilité du citron , du vinaigre , des eaux-lures & des eaux-fortes , .par l’impolTibilité de s’alîurer du degré d a- cidité de ces liqueurs-, & il a paru que la méthode la plus fûre , eft de fe fer- vir avec 1 eau commune , d’ingrédiens dont 1 effet eft toujours égal. En lîiivant cet ob^et, il a été jugé neceffaire de féparer en trois claffes, toutes les couleurs dans le/quelles les laines peuvent être teintes, tant en bon une livre d eau & une demi once d’alun -, on mettra le vailfeau fur le feu , & lorfque l’eau boiiillira à gros bouillons , on y mettra la laine dont l’épreuve doit être faite , & on l’y laif- fera bouillir pendant cinq minutes *, après quoi on la retirera , & on la lave- ra bien dans l’eau froide : le poids de l’échantillon doit être d’un gros ou en- viron. H. Lorsqu’il y aura plufîeurs échantil- lons de laine à déboiüllir enfemble, il faudra SUR LE DEBOiirLLr , &• C. 6l t faudra doubler la quantité d’eau & cel- le d’alun , ou même la tripler , ce qui ne changera en rien la force & l’eflët du déboiiilli , en obfervant la propor- tion de l’eau 8c de l’alun > en forte que pour chaque livre d’eau , il y ait tou- jours une demi once d’alun. III. Pour rendre plus certain l’effet du déboiiilli , on oblervera de ne pas faire déboüiilir enfemble des laines de diffé- rentes couleurs. IV. Le déboiiilli avec le favon blanc , Ce fera en la maniéré fuivante. . On mettra dans une livre d’eau , deux gros feulement de favon blanc haché en petits morceaux ; ayant mis enfliite le vaifl'eau fur le feu , on aura foin de re- muer l’eau avec un bâton , pour bien faire fondre le favon -, lorfqu’il fera fon- du , 8c que 1 eau bouillira à gros bouil- lons , on y mettra l’échantillon de lai- ne , qu on y fera pareillement boiiillir pendant cinq minutes , à compter du moment que 1 échantillon y aura été mis , ce qui ne fe fera que lorlque l’eau bouillira à gros bouillons. 1 Ce 6it Instruction V. Lorsqu’il y aura plufieurs échan- tillons de laine à déboiiillir enlemble , on obfervera la méthode prefcrite par Tarticle II. c’eft-à-dire , que, pour cha- que livre d’eau, on mettra toujours deux gros de lavon. Le déboüilli avec le tartre rouge , fe fera précifément de même , avec les mêmes doles , & dans les mêmes pro- portions que le déboiiilli avec l’alun % en obfervant de bien pulvérifer le tar- tre avant que de le mettre dans l’eau , afin qu’il foit entièrement fondu lors- qu’on y mettra les échantillons de laine. V T 1. ■ Les couleurs buvantes fe ront dé- bouillies avec l’alun de Rome -, fçavoir , le cramoifi de toutes nuances , l’écar- latte de Venife , l’écarlatte couleur de feu , le couleur de cerife & autres nuan- ces de l’écarlatte , les violets & gris-de- lin de toutes nuances , les pourpres , les langouftes , jujubes , fleur de grenade , les bleus , les gris ardoiies , gris lavan- des , gris violents , gris vineux , & tou- tes les autres nuances femblables. V • SUR LÉ DéBOÜILLI , &C. 6 Z } VIII. Si , contre les difpofitions des regle- inens fur les teintures , il a été employé dans la teinture des laines fines en cra- moifi , des ingrèdiens de faux teint , la S C7 contravention fera aifément reconnue par le déboiiilli avec l’alun , parcequ’il ne fait que violanter un peu le cramoi- £ fin , c’eft-à-dire, le faire tirer fur le gris-de-lin , mais il détruit les plus hau- tes nuances du cramoifi faux , & il les rend d'une couleur de chair très-pâle , il blanchit même prefqu entièrement les balles nuances du cramoifi faux ainfi ce déboiiilli eld un moyen afïuré pour difiinguer le cramoifi faux d'avec le fin. O IX. L’Ecarlatte de kermès oude grai- ne, communément appellée Eearlatte de Eentfe, n’eft nullement endommagée f>ar ce déboiiilli il fait monter l’écar- atte couleur de feu ou de cochenille , à une couleur de pourpre , & fait vio- lanter les balles nuances , enforte qu’el- les tirent fiir le gris-de-lin •, mais il em- porte prefque toute la faullè écarlatte du Brefil , & il la réduit à une couleur de pelure d’oignon : il fait encore un Ce ij 624 Instruction effet plus fenfible fur les balles nuances de cette faulle couleur. Le meme déboiiilli emporte aulli preiqu entièrement l'écarlatte de bour- re, & toutes fes nuances. X. Quoique le violet ne Toit pas une couleur fimple , mais qu'elle loit for- mée des nuances du bleu & du rouge , elle eft néanmoins lî importante , qu'el- le mérite un examen particulier. Le même déboiiilli avec l'alun de Rome ne lait prelqu'aucun effet fur le violet fin , au lieu qu'il endommage beaucoup le faux : mais on obfervera que fon ef- fet n'efi: pas d’emporter toujours éga- lement une grande partie de la nuance du violet faux , parcequ'on lui donne quelquefois un pied de bleu de paftel ou d’indigo •, ce pied étant de bon teint , n’eft pas emporté par le déboiiil- li , mais la rougeur s'efface , & les nuan- ces brunes deviennent prefque bleues , & les pâles , d’une couleur défagréable de lie de vin. XI. A l'égard des violets demi fins , dé- fendus par le préfent réglement , ils le- SUR LE DeBOÜILLI , &C. 6l$ ront mis dans la clafle des violets faux , & ne réliftent pas plus au déboüilli. ’ XII. On connoîtra de la même maniéré les gris-de-lin fins d'avec les faux, mais la diftérence eft légère le gris-de-lin de bon teint perd ieulement un peu moins que le gris-de-lin de faux teint. XIII. Les pourpres fins réfiftent parfaite- ment au déboiiilli avec l'alun , au lieu que les faux perdent la plus grande par* tie de leur couleur. XIV. Les couleurs de langoufte , jujube 5 fleur de grenade , tireront fur le pour- pre apres le déboiiilli , fi elles ont été faites avec la cochenille , au lieu qu'el- les pâliront confidérablcment , fi l'on y a employé le fuftet , dont l'ufage eft dé- fendu. XV. Les bleus de bon teint ne perdront rien au déboiiilli , foit qu'ils loient de paftel ou d’indigo , mais ceux de faux teint perdront la plus grande partie de leur couleur. mâ 1 1 1 fl 1 as 2 4 6i6 Instruction XVI. Les gris ardoifés , gris lavandes , gris violents , gris vineux , perdront prefque toute leur couleur , s’ils font de faux teint , au lieu qu’ils le loûtiendront par- faitement , s’ils font de bon teint. XVII. . On déboiiillira avec le favon blanc , les couleurs fuivantes •, fçavoir , les jau- nes , jonquilles , citrons , orangés > & toutes les nuances qui tirent fur le jau- ne : toutes les nuances de verd , de- puis le verd jaune ou verd naifiant , jufqu’ au verd de chou ou verd de per- roquet , les rouges de garence , la ca- ndie , la couleur de tabac ? & autres femblables. X Y 1 1 L Ce déboiiilli fait parfaitement con- noître il les jaunes , & les nuances qui en dérivent > font de bon ou de faux teint : car il emporte la plus grande partie de leur couleur 5 s'ils font faits avec la graine d'Avignon , le roucou , la terra-merita , le fuftet ou le fatran y dont Tufage eft prohibé pour les tein- tures fines 3 mais il n' altéré pas les jau- nes faits avec la farette 9 la geneftrolle * SUR LE DeBOÜILLI , &C. 6l 7 le bois jaune , la gaude & le fenugrec. XIX. Le même déboiiilli fera connoître auiïï parfaitement la bonté des verds , car ceux de faux teint perdent prefque toute leur couleur , ou deviennent bleus , s'ils ont eu un pied de paftel ou d'indigo j mais ceux de bon teint ne perdent prefque rien de leur nuance 5 & demeurent verds. XX. % Les rouges de pure garence ne per- dent rien au déboiiilli avec le làvon , & n’en deviennent que plus beaux » mais fi on y a mêlé du brefil , ils per- dent de leur couleur , à proportion de la quantité qui y a été mile. XXI. Les couleurs de canelle , de tabac , & autres femblables , ne font prefque pas altérées par ce déboiiilli , fi elles font de bon teint mais elles perdent beaucoup , fi on y a employé le rou- cou , le iuftet ou la fonte de bourre. XXII. Le déboiiilli fait avec l’alun ne leroit d aucune utilité , & pourroit même in- duire en erreur fur pluiieurs des cou- 6i8 Instruction leurs de cette fécondé dalle , car il n'endommage pas le fuftet , ni le rou- cou , qui cependant ne rélîftent pas à l’adion de l’air , & il emporte une par- tie de la farette & de la geneftrolle , qui font cependant de très-bons jaunes éc de très-bons verds. XXIII. On déboiiillira avec le tartre rouge tous les fauves ou couleurs de racine ; on appelle ainfi toutes les couleurs qui ne font pas dérivées des cinq couleurs firimitives -, ces couleurs le font avec e brou de noix , la racine de noyer , l’écorce d’aune , le fumach ou roudoul , le fantal & la fuye •, chacun de ces in- grédiens donne un grand nombre de nuances différentes , qui font toutes comprifes fous le nom général de fau- ve ou couleur de racine. X X I Y. Les ingrédiens dénommés dans l’ar- ticle précédent , font bons , à l’excep- tion du fantal & de la fuye , qui le font un peu moins , & qui nidifient la laine lorfqu’on en met une trop grande quan- tité : ainfî tout ce que le déboiiilli doit faire connaître fur ces fortes de cou- SUR LE DeBOÜILLI , &C. leurs , c’eft fi elles ont été furchargées de fantal ou de fuye , dans ce cas elles perdent confidérablement par le dé- Doüilli fait avec Je tartre } & fi elles font faites avec les autres ingrédiens , ou qu’il n’y ait qu’une médiocre quantité de fântal ou de fuye , elles réfiftent beaucoup davantage. XXV. Le noir étant la feule couleur qui ne puiilë être comprife dans aucune des trois cîalles énoncées ci-delfus , parce- qu’il eft nécelfaire de le fervir d’un dé- boiiilli beaucoup plus aétif , pour con- noître fi la laine a eu le pied de bleu tur- quin , conformément aux réglemens , le déboüilli en fera fait en la maniéré fuivante. On prendra une livre ou une cho- pine d’eau , on y mettra une once d’a- lun de Rome , & autant de tartre rou- ge, pulvérifés -, on fera bouillir le tout , & on y mettra l’échantillon de laine , qui doit boiiillir à gros boiiillons pen- dant un quart - d’heure -, on le lavera enfuite dans l’eau fraîche, & il fera fa- cile alors de voir fi elle a eu le pied de bleu convenable > car dans ce cas la Instruction laine demeurera bleue prelque noire » & fi elle ne Ta pas eu , elle grilêra beaucoup^ XXVI. Comme il eft d’ufage de brunir quel- quefois les couleurs avec la noix de ga- le & la couperole , & que cette opéra- tion appellée Bruniture , qui doit être permife dans le bon teint , peut faire an effet particulier fur le déboiiilli de ces couleurs •, on obfervera que quoi* qu’après le déboliilli , le bain parodie chargé de teinture , parceque la bruni- ture aura été emportée , la laine n'en fera pas moins réputée de bon teint , fi elle a conlervé fon fond •, fi au contrai- re elle a perdu fon fond , ou fon pied de couleur , elle fera déclarée de faux teint. XXVII.- | Quoique la bruniture qui fe fait avec la noix de gale & la couperofe , foit de bon teint , comme elle rudit ordinaire- ment la laine , il convient , autant que faire fe pourra , de fe fervir par préfé- rence de la Cuve d’inde ou de celle de / . $ 9 SUR LE DeBOÜILLI , &C. 6 J I XXVIII. On ne doit (biimertre à aucune épreu- ve de déboüilli , les gris communs faits avec la gale & la couperofe , parceque ces couleurs font de bon teint , & ne le font pas autrement *, mais il faut obfer- ver de les engaler d’abord , & de met- tre la couperofe dans un fécond bain beaucoup moins chaud que le premier , parceque de cette maniéré ils lont plus beaux 3c plus allurés. — — - — «I , — -, ly-ït 3^ /