m ^ r i WELLESLEY COLLEGE LIBRARY PRESENTED BY uv TRAITÉ PRATIQUE ET DIDACTIQUE DE L'ART DES JARDINS PARCS- JARDINS- PROMENADES Paris. — Typographie Charles UNSINGER, 83, Rue du Bac— 23S2. L'ART DES JARDINS PARCS_ JARDINS. PROMENADES ÉTUDE HISTORIQUE — PRINCIPES DE LA COMPOSITION DES JARDINS — PLANTATIONS DÉCORATION PITTORESQUE ET ARTISTIQUE DES PARCS ET JARDINS PUBLICS TRAITÉ PRATIQUE ET DIDACTIQUE PAR LE BARON ERNOUF TROISIÈME EDITION, ENTIEREMENT REFONDUE, AVEC LE CONCOURS A. A L P H AN D Directeur des Travaux de la Ville de Paris, Inspecteur général des Ponts et Chaussées Ouvrage orné de 510 Illustrations PARIS J. ROTHSCHILD, ÉDITEUR 13, RUE DES SAINTS-PÈRES, 13 Droits réservés 53 Eli 244536 Ji L'ÉDILITÉ PARISIENNE QUI A TANT CONTRIBUÉ A L'ASSAINISSEMENT ET A L'EMBELLISSEMENT DE LA MÉTROPOLE ET AUX PROGRÈS DE L'HORTICULTURE Bois de Vincennes. — Vue de la Route des Buttes. SOMMAIRES DES CHAPITRES vant-Propos de l'Editeur Jre PARTIE. — HISTOIRE DE L'ART DES JAR- DINS Les Jardins de la Grèce Les Jardins de l'ancienne Egypte Les Jardins Orientaux .■'.-. Les Jardins Chinois et Japonais Les Jardins Romains Les Jardins du Moyen Age Les Jardins Italiens de la Renaissance • ■ Les Jardins Français du xvie et du xvne siècle (jusqu'à Le Nôtre) Les Jardins Français du xvne siècle (Le Nôtre) Le Paysage Pages. NI Les Jardins Agrestes ou Irréguliers (Jardins Anglais) y 6 9 17 25 3é 42 62 75 95 101 VIII SOMMAIRE DES CHAPITRES Pages. DEUXIÈME PARTIE. — théorie de l'art des jardins 121 Chap. Ier. — Tracé des Jardins Irréguliers ou Paysagers 123 I. Définition, Principes généraux, p. 124. — IL Étude et appropriation des alen- tours, p. 126. — III. Double destination du Jardin paysager, p. 130. — IV. Rejet des anciennes classifications, p. 131. — V. Relie! du terrain, p. 132. — VI. Nécessité absolue d'un Plan d'ensemble, p. 134. — VII. Premiers travaux de terrassement, p_ I35. _ VIII. Drainage, p. 136. — IX. Terrassements, p. 138 — X. Mouvements de terrain, p. 139. — XL Plantations, p. 140. — XII. Rapport des plantations à l'habitation, p. 142. — XIII. Combinaison des feuillages, p. 148. — XIV. Étude des effets d'ombre et de lumière, p. 150. — XV et XVI. Combinaisons diverses des planta- tions, p. 151. — XVII. Formes diverses des arbres, p. 159. — XVIII. Des Eaux, p. 164. — XIX et XX. Tracé des cours d'eau; Iles, p. 168. - - XXI. Ponts, p. 171. — XXII. Fabriques, Temples, Édicules, p. 175. — XXIII. Loges d'entrées, Maisons de Garde, etc., p. 179. —XXIV. Rocailles, p. 185. — XXV. Gazons et Pelouses, p. 196. — XXVI à XXVIII. Emploi des Fleurs et des Plantes, p. 203. — XXIX. Tracé des Allées, p. 216. — XXX. Allées de ceinture, etc., p. 2:8. — XXXI. Confection, Dimen- sion des Allées, p. 222. — XXXII. Entrées des Parcs, p. 224. — XXXIII. Clôtures, p. 228. —XXXIV. Potagers et Vergers, p. 229. —XXXV. Établissement et Décorations des Potagers, p. 231. — XXXVI. Possibilité de fusionner le Verger avec le Jardin d'agré- ment, p. 232. —XXXVII. Des Serres, p. 238. — XXXVIII. Volières, Ruches, etc., p. 244. Chap. II. — Tracé des Jardins Réguliers, dits Français, et de ceux du genre mixte. . 245 I_ _ Possibilité des nouvelles applications totales ou partielles du Système régulier, p. 245. — IL Règles pour le choix du Style, p. 248. — III. Opérations préparatoires, Établissement des Perspectives, Direction des Allées, p. 251. — IV. Plantation, p. 256. — V. Méthodes de raccordement, p. 262. — VI. Places publiques, p. 266. Chap. III. — Jardins de Ville et d'Instituteurs 269 Chap. IV. — Créations Modernes 274 I. Parcs anglais, p. 274. — IL Parcs allemands et autres Parcs étrangers, p. 278. — III. Parcs français, p 293. Chap. V. — Promenades et Squares 297 I. Considérations préliminaires, p. 297. — IL Promenades modernes de Paris. Bois de Boulogne, p. 306. — III. Bois de Vincennes, Parcs des Buttes -Chaumont et Mont- souris, p. 312. — IV. Squares parisiens, Fleuriste, etc., p. 324. — V. Promenades publiques, Turquie, Egypte, Inde, p. 331. Les Services des Promenades de Paris 54 l Prix des Principaux Travaux de Jardinage 355 Additions et Errata 555 Table alphabétique des Matières, des Figures, des Noms cités, etc 3 57 Parc de Monceau. — Vue de la Naumachie. AVANT-PROPOS DE L'EDITEUR a première ébauche de cet ouvrage, formant deux petits volumes, a paru eu 1S6S. Un deuxième tirage, nus eu vente quelques années après, a été promptement épuisé, et c'est pour satisfaire aux nombreuses demandes qui nous sont adressées, que nous publions cette troisième édition, qui est en .réalité une œuvre nouvelle. Pour ce travail, entièrement refondu, nous avons obtenu le précieux concours de M. Alphand qui a bien voulu nous autoriser à reproduire les préceptes formulés dans l'Introduction de son grand ouvrage sur les Promenades de Paris. L'ART DES JARDINS Les annales tic l'Art eles Jardins en France offrent deux périodes mémorables. Le Nôtre avait inauguré la première, en donnant à ses créations un caractère essentiellement aristocra- tique; Paris a vu commencer la seconde il y a quelques années. Ses nouvelles Promenades ont obtenu, comme jadis les œuvres de Le Nôtre, un succès cosmopolite, et celle impulsion s'est étendue jusqu'aux jardins particuliers. C'est donc la Ville de Paris qui a eu l'initiative de celle évolution, conforme aux tendances de l'esprit moderne et aux justes aspirations de la démocratie; aussi avons-nous regardé comme légitime de dédier la présente publication à /'Édilité PARISIENNE. La question d'art joue désormais un rôle considérable en toute chose; des monuments, elle s'est étendue à la décoration intérieure, aux appartements. Chaque fondation, chaque conception publique ou privée doit en porter le cachet et attester celle préoccupation; elle se reflète partout, à tous les degrés de l'échelle sociale. Les jardins, soit au point de vue du plan général, soit à celui de leur aménagement de détail, de la couleur, de l'harmonie et du dessin, devaient aussi participer dans une large mesure à ce mouvement progressif. On peut dire, en effet, que toutes les branches de l'Art trouvent leur emploi dans leur création : — l'architecture, dont ils furent, à l'origine, une dérivation immé- diate;— la sculpture, qui concourut de tout temps à leur décoration; — la peinture, qui fournit surtout des enseignements indispensables pour les jardins du genre dit irrégulier. Comment, en effet, composer des scènes dans le style paysager, si l'on ne sait pas d'abord ce que c'est qu'un paysage? Cette considération si simple, nous a aussi déterminé à ajouter un chapitre entièrement nouveau sur le paysage. Dans la partie historique, il forme une transition naturelle entre l'ère des compositions régulières, des « architectures vertes », et l'avènement d'un genre absolument opposé, quand l'idée d'imiter la nature « dans ses beaux endroits », prévaut sur celle des combinaisons géométriques. Cette manifestation fut le témoignage non équivoque d'une évolution psychologique, dent les grands paysagistes du XVIIe siècle ont été les précurseurs. L'ouvrage est divisé en deux parties principales; l'une historique, l'autre didactique. Dans la première, qui est un résumé des travaux les plus mémorables accomplis jusqu'à nos jours, les auteurs ont tâché de rassembler les 'indications 'les plus curieuses, et surtout celles dont il peut ressortir des enseignements pratiques. Ils ont apprécié avec une grande impartialité la révolution horticole du siècle dernier. Le premier chapitre de la partie didactique contient les préceptes du genre irrégulier ou paysager, d'après les maîtres les plus autorisés : Repion, Loudon, Mac Intosh, Kemp, Decaisne, Choulot, Barillet Deschamps, Hirsclfeld, Pûckkr-Muskau, Meyer, Pet^hold, Neumauu, etc. On trouvera dans ces pages l'exposé de la méthode et des opérations diverses, au moyen desquelles AVANT-PROPOS DE L'ÉDITEUR xi il est possible d'arriver à la fusion, thaïs un ensemble harmonieux, des formes les plus agréables île la nature et de l'art, fusion sans laquelle il n'existera iamais de jardin. Le deuxième chapitre donne les régies du tracé des jardins réguliers, qu'on a encore asseï souvent l'occasion de mettre eu pratique, au moins partiellement. Viennent ensuite: les préceptes spéciaux pour l'établissement des jardins de villes; une revue sommaire des plus importantes créations modernes en France et à l'étranger. Un dernier chapitre, consacré aux squares et promenades, contient des renseignements techniques qui pourront cire utiles aux administrations municipales disposées à suivre de loin l'exemple de Paris, et aux propriétaires qui voudraient exécuter, sur une échelle moins vaste, des travaux analogues, tels que la transformation d'un bois ordinaire eu parc ou jardin paysager. L'illustration de ce volume a été l'objet de soins tout particuliers. On s'est efforcé de lui donner, dans toutes ses parties, un caractère à la fois attrayant et utile. Aux nombreux dessins, plans de parcs et de jardins anciens et modernes, de plantes et d'arbres d'ornement, empruntés à nos publications horticoles et notamment aux Promenades de Paris, nous avons ajouté un grand nombre d'exemples d'autres tirés des livres les plus rares, représentent des œuvres impôt taules, dont plusieurs ont été modifiées ou n'existent plus. Citons comme exemple Clagny, le domaine quasi-royal de l'allièrc Montespan, dont l'emplacement est aujourd'hui occupé par la gare de Versailles (rive droite); les célèbres parcs et jardins du Ouirinal, Ludovisi, Faruèse, Frascati, Giusli à Vérone, et d'autres spécimens intéressants des villas italiennes de la Renaissance; les parcs anglais de Kew, Baitersea, Birkenhead, Sydcnham, etc.; des' œuvres françaises, comme Gaillon, Chantilly, Louvois, etc.; des créations allemandes, SchwetTJngen, Heidclberg, Sagan, Mitskau, Potsdam, etc.; les parcs espagnols de la Granja, d'Aranjuci; le Bois de la Cambre (Belgique), etc. Nous n'avons pas négligé non plus, à l'occasion, les effets de contraste résultant de l'aspect antérieur ou ultérieur des mêmes localités. Ainsi ou trouvera en regard du parc actuel des Builes-Chaumont, un ancien plan qui donne une juste idée de la physionomie sinistre et repoussante qu'offraient autrefois ces parages, si heureusement transformés. Au chapitre du paysage, nous avons joint la reproduction de plusieurs des œuvres les plus magistrales du Poussin, Claude Lorrain, Ostade, Pynakre, etc. Comme un grand nombre de ces illustrations n'offrent pas seulement un attrait de pure curiosité, mais peuvent fournir des renseignements pratiques, et qu'elles appartiennent par conséquent autant à la théorie qu'à l'histoire, nous avons cru devoir les répartir eu proportion à peu près égale, dans les deux parties de ce volume, historique et didactique. L'harmonie de l'ensemble y a gagné, sans que la logique ait eu à en souffrir. L'ouvrage se termine par un tableau sommaire des travaux de la transformation de XII AVANT-PROPOS DP L'ÉDITKUR Paris, exécutés d'après un plan d'ensemble, et par l'indication des prix principaux des travaux de jardinage à Paris, documents d'un sérieux intérêt pratique. Nous serions largement récompensés de nos peines, si ce travail pouvait contribuer à propager le goût de l'horticulture d'agrément; s'il pouvait donner aux jardiniers paysagistes une plus haute idée de leur art, et ramener aussi nos jeunes architectes aux grandes traditions du seizième siècle, époque où les plus illustres artistes, à la fois peintres, sculpteurs, ingénieurs, archi- tectes, ne croyaient pas déroger, ou plutôt n'auraient pas cru leur œuvre complète, s'ils n'y avaient pus compris l'étude des jardins, corollaire et complément des édifices. Nous espérons aussi que ce rappel de l'œuvre à la fois artistique et philanthropique de la transformation de Paris, encouragera les municipalités à suivre cet exemple, et A établir dans de plus modestes proportions, des promenades, des squares, propices aux joyeux ébats de l'enfance, au délassement des habitants laborieux, et dont la vue repose à la {ois et l'esprit et les yeux. Fig. 2. — Restitution d'une Aula avec son Vestibule. — Au fond une Statue d'Hestia (Vesta). PARCS JARDINS ET PROMENADES PUBLIQUES LES JARDINS DE LA GRÈCE 'art des jardins, tant réguliers qu'irrêguliers ou paysagers, se rattache intimement au progrès de la civilisation. Pendant bien des siècles, ce luxe de l'agriculture fut réservé pour les abords des grands édifices, temples, palais ou tombeaux. Aujourd'hui, les plus modestes habita- tions ont droit à cette parure. Un jardin d'une étendue médiocre peut, s'il est composé HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS avec goût, avoir sur de vastes propriétés mal dessinées une supériorité analogue à celle d'un bon tableau de chevalet sur une grande toile médiocre, ou d'une simplicité élégante sur la richesse mal employée. Ce n'est pas un art à dédaigner, que celui qui met ce triomphe innocent à la portée des plus humbles fortunes, et touche, par tant de côtés, aux sciences les plus utiles, comme aux conceptions les plus poétiques. La plus ancienne description d'un jardin grec est celle du jardin d'Alcinoùs dans l'Odyssée (vu, 1 12-132), faite évidemment d'après nature. Ce jardin, « que les immor- tels se plaisaient à embellir, et qu'Ulysse contemplait avec admiration », comprenait un verger, une vigne et un potager; le tout copieusement arrosé par des rigoles d'eaux courantes, clos de haies vives, et d'une contenance de quatre gyes (14 à 1500 métrés). Le verger était carré et planté régulièrement. Le mot orchatos, qu'emploie Homère pour le désigner, signifie littéralement « plantation alignée ». Les abords des temples ou des autres grands édifices furent de même plantés symétriquement. En Grèce comme partout, sauf chez les Chinois, l'idée de dompter la nature a précédé celle de l'imiter. Pendant bien des siècles, l'homme n'a compris la possibilité d'embellir les alentours immédiats des habitations, qu'en les marquant profondément de son empreinte; les jardins n'étaient que des architectures végétales. Le goût des jardins irréguliers est une déduction moderne du sentiment intime des beautés de la nature, sentiment qui n'existait dans l'antiquité et le moyen âge qu'à l'état d'impression reli- gieuse ou de vague sensation. Cette attraction existait chez les Grecs. On la trouve exprimée au cinquième livre de l'Odyssée, dans la description des abords de la grotte de Calypso, entourée d'arbres toujours 'verts et de gazons fleuris, sillonnés capricieusement par des ruis- seaux. Homère reproduit ici, d'après nature, l'aspect d'une de ces Nymphêes, mysté- rieuses retraites dont les Grecs, « ces éternels jeunes gens », ressentaient si vivement le charme, qu'ils l'attribuaient à la présence des divinités invisibles des bois et des eaux. Ils ne négligeaient pas non plus de se ménager la vue des beaux sites, au moyen de belvédères ou d'exèdres, à la limite des jardins. Mais ces jardins eux-mêmes étaient toujours symétriques. Les plus magnifiques horizons étaient surtout, pour les artistes grecs, des cadres propres à faire ressortir leurs œuvres (1). A l'époque la plus floris- (1) II existe une harmonie intime d'aspect et de proportions entre les plus beaux monuments de la Grèce et leurs alentours. « Il est probable, suivant les hommes les plus compétents, que les artistes grecs fixaient sur place les dimen- sions principales de leurs oeuvres, en ayant égard aux reliefs naturels qui devaient leur servir de soubassement, aux parties LES JARDINS DE LA GRÈCE santé de cette civilisation, les promenades publiques et les plus beaux jardins particu- liers, comme ceux de Pisistrate et de Cimon, à Athènes, étaient toujours régulièrement plantés comme le verger archaïque d'Alcinoùs, mais avec une grande variété d'arbres et quantité d'édicules, de bassins et de statues. de verdure qui devaient les encadrer. Pour obtenir des effets analogues, il faut, non pas calquer ces œuvres servilement, mais travailler d'après la même méthode et en tenant compte de l'ensemble. » Ce précepte est applicable même aux jardins irréguliers. Fig. 5. — Sphinx de Karnak. JARDINS DE L'ANCIENNE EGYPTE es jardins étaient aussi du style le plus régulier, comme on le voit par la Figure 7. Des plantations de citronniers, de grenadiers, de palmiers, disposés en carré long sur trois rangs, encadrent une pièce d'eau de même forme, pouvant porter bateau (1). On plantait aussi les abords des temples et des tombeaux, les cours intérieures des maisons, mais non les rues, car celles-ci étaient généralement fort étroites. Ces lignes inflexibles de plantations se raccordaient bien avec l'architecture invariable- ment rectangulaire des monuments, avec les figures colossales régulièrement alignées. Des canaux nombreux et bien entretenus donnaient une vigueur extraordinaire à la végétation. Cette verdure luxuriante remplissait un rôle essentiel dans les magnificences (1) On employait sans doute aussi d'autres arbres de feuillage plus épais et de plus large envergure, comme le mimosa, et on se procurait un supplément d'ombrage dans les jardins particuliers au moyen de tonnelles de verdure. JARDINS DE L'ANCIENNE EGYPTE ^ 1 A-i ■*< I - «:.■:■! »■ I ^LîlMl de la civilisation égyptienne. Aux teintes d'un éclat violent, elle en mêlait de plus douces; amortissait la lumière trop intense, neutralisait l'action incommode, parfois meurtrière de la chaleur. Les époques les plus pros- pères de l'ancienne monarchie (ive, xif, xvme dynasties) fu- rent aussi celles des plus beaux jardins. Sous les Ptolémèes et dans les premiers temps de la domination romaine, l'Egypte comptait encore parmi les régions les plus fertiles et les plus ver- doyantes du monde. Alexandrie fut pendant plusieurs siècles la - ■ ••^:!:J.,.L *:.' , • ' .". -'" r _'. ' jjl Fig. 7. — Bas-relief représentant un Jardin égyptien. (D'après Hector Horeau.) Récolte de fruits.— Arrosage et Récol te des Oignons. ■' l..;r) seconde cité de l'empire; du temps d'Auguste et longtemps encore après, les jardins publics et les palais qui se succédaient sans interruption du côté du grand port formaient à eux seuls plus du quart de l'immense cité. La décadence avait commencé dés la fin du ive siècle; elle fit de rapi- des progrès lorsque l'Egypte échappa aux empereurs d'O- rient (640). Là comme par- tout, le fanatisme musulman accomplit son œuvre de des- truction. Cependant, tandis que les monuments égyptiens som- braient dans les sables, et que l'effort si prodigieux de cette antique civilisation vers l'im- mortalité n'aboutissait qu'à un engloutissement plus profond; les conquérants, installés sur d'autres points de la vallée du Nil, y refaisaient des jardins. Ceux de Khomarouyah, second prince de la dynastie toulonnide (fin du ixe siècle) n'étaient, dit-on, nullement inférieurs aux Édens des Ramsés et de Cléopâtre. Les fleurs y étaient disposées en parterres de mosaïque Sujets tirés des Édi- fices de Karnak, à Thèbes. Fig. 8 et 9 . — Monuments d'Egypte, par Champollion le Jeune, t. IV, PI. 357, 3 58' (Dl dm') HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS figurant des versets du Coran; la base des grands arbres était enveloppée de tuyaux dorés (i) d'où l'eau retombait en pluie. On parle aussi d'immenses volières en forme de tours; d'un bassin de vif-urgent, à l'usage spécial du khalife, qui s'y balançait à la surface, sur des coussins gonflés d'air, etc. Ces jardins, dont l'imagination des conteurs arabes a probablement exagéré les merveilles, occupaient une partie du vaste espace couvert aujourd'hui par les monticules de décombres qui s'étendent au sud du Caire actuel, entre le vieux Caire et le mont Mokattam (2). Ce fut sous la domination des Turcs, à partir du xvie siècle, que l'Egypte descendit au plus bas degré de barbarie et de stérilité. Sa renaissance date, comme on sait, de l'expédition française et du règne de Méhémet-Ali. Nous parlerons ailleurs des prome- nades publiques et des jardins de l'Egypte moderne. (1) Ou plutôt de revêtements de maçonnerie comme on en voit sur quelques anciens bas-reliefs. Plusieurs traits de cette description (les statues, par exemple), semblent se rapporter à l'ancienne civilisation égyptienne. (2) Voir le beau plan du Caire et de ses environs, dans le second volume de l'Itinéraire d'Orient d'Isambert. __, lig. 10, — Sycomore. JARDINS ORIENTAUX JARDINS ORIENTAUX lNS son Traité des Jardins, en cinq forts volumes in-quarto! Hirschfeld a déployé un grand luxe d'érudition et d'ima- gination à propos des jardins de l'antiquité, et en particulier de ceux d'Asie. Il paraît humilié de ne pouvoir remonter au delà des jardins suspendus de Babylone, qui ne dateraient tout au plus que des pre- mières années du ixe siècle avant l'ère chrétienne, s'ils ont été en effet créés par Sammouramit, femme du mo- narque assyrien Bin-Nirari III (809-780?), laquelle serait, suivant quelques modernes, le prototype de la Sémiramis d'Hé- rodote (1). Ces jardins formaient une petite forêt pyramidale, com- posée de plusieurs étages de terrasses disposées en retrait et soutenues par des piliers. La base était un quadrilatère plein, régulier, dont chaque côté était long de quatre plethres (120 mètres à peu près). Les terrasses ainsi suspendues étaient faites de gros blocs de pierre recouverts d'une triple couche de roseaux imbibés d'asphalte, de briques et de plomb, pour empêcher les infiltrations; le tout supportant une épaisseur de terre suffisante pour faire vivre les plus grands arbres. On montait d'une terrasse à l'autre par des escaliers ou des rampes en glacis, disposés en spirale autour des piliers. Le nombre de ces piliers ou colonnes diminuait naturellement à chaque étage, et la dernière terrasse, suivant Diodore, reposait sur une seule colonne (1) Voir iMaspero, Histoire ancienne des beuples de l'Orient, pp. 381 à 391. io HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS haute de cinquante coudées (près de 25 mètres). Ces jardins étaient arrosés par les eaux de l'Euphrate, que faisaient monter des appareils dissimulés dans l'épais- seur des supports. On y avait rassemblé les plus belles fleurs, les plus beaux arbres et arbustes de toutes les parties de l'Empire assyrien; qui, dans ce temps-là, s'étendait de la mer Méditerranée à la Caspienne et au golfe Persique. Si la description de Diodore est exacte, l'originalité de cette création consistait dans la disposition des terrasses qui les faisait effectivement paraître suspendues, puisqu'elles reposaient sur des piliers et non sur des massifs pleins, comme dans les jardins pyramidaux ordinaires. Il ne reste plus trace de végétation sur la colline Amrou-Ibn-Ali, emplacement présumé de ces jardins, l'une des sept merveilles du monde. Ce n'est pas là, mais parmi les débris du palais fortifié des rois de Chaldée (celui qui vit le festin de Balthazar et la mort d'Alexandre), qu'il faut chercher le seul arbre encore subsistant dans l'immense étendue des ruines de Babylone, le tamarix qui ne doit jamais mourir, suivant les musulmans Schiites, parce qu'il a servi à Ali pour attacher son cheval (1). Les anciens rois de Perse avaient, dans les régions boisées et montueuses de leurs États, des châteaux et jardins de plaisance nommés Paradis, où ils émigraient pendant les grandes chaleurs avec leurs favoris et favorites. Il est fait clairement allusion à cette coutume dans un passage des Acharnicns d'Aristophane; le rap- port burlesque des ambassadeurs athéniens qui reviennent de Perse sans avoir pu remplir leur mission, parce que le grand Roi venait précisément de partir pour plusieurs mois avec l'élite de ses gens, faire une cure dans les montagnes (le texte grec est bien autrement énergique). Nous retrouverons la même habitude chez les grands Mogols. L'Asie-Mineure était renommée pour ses Paradis. L'un des plus beaux, vers l'an 412 avant J.-C, était celui du satrape Tissapherne, à Sardes, auquel se rapporte une curieuse anecdote racontée par Plutarque dans la Vie d'AJcibiade : « Ce barbare « Tissapherne, qui aymoit les personnes fines et maulvaises, nomma Alcibiades le « plus doux séjour qu'il eust, pour les beaulx jardins, fontaines, bocages et prairies (1) L'une des descriptions les plus récentes et les plus complètes des ruines de Babylone est celle qui se trouve dans le voyage du Baron de Thielmann, dont nous avons donné une transcription analytique (Le Caucase, la Perse, etc.). JARDINS ORIENTAUX ii « salubres et délectables qui y estoient, le tout accoustré royalement et magnifkque- « ment. » (PI ut arque.) Cyrus le jeune, non content de rechercher les arbres et les fleurs rares, se plai- sait à les planter et à les cultiver de ses propres mains; heureux s'il n'avait eu d'autre passion que celle de l'horticulture (i)! Fig. 12. — Partie du Jardin indien d'Ondeypoar. — (Voyi\ p. 12.) Dans ces jardins, comme dans ceux d'Egypte, la ligne droite et la forme rectan- gulaire dominaient. Ils se composaient d'avenues pavées de larges dalles, bordées de canaux, et se coupant le plus souvent à angles droits. Les intervalles compris entre les avenues étaient plantés de quinconces, ou ornés de parterres, ou occupés soit par des pièces d'eau, soit par des vergers. Quelquefois ils servaient de parcs à des animaux domestiques ou sauvages. Ce type est encore celui des jardins persans et mogols relativement modernes. Au xvif siècle, Chardin vit dans toute leur splendeur ceux (1) Strabon parle avec admiration d'un autre Paradis, créé par les Séleucides en Syrie, et qui existait encore du temps d'Auguste, dans la vallée de l'Oronte. Il n'avait pas moins de neuf milles de circonférence. I2 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS d'Ispahan formant douze étages de terrasses, coupées à intervalles réguliers par des canaux, parsemées de bassins avec jets d'eau, de pavillons, de volières dorées; ce shah aimait fort les oiseaux! Ces jardins étaient précédés d'une avenue de platanes, longue de trois kilomètres, ayant au centre un canal « dont les rebords étaient si larges que deux hommes à cheval pouvaient y cheminer de front, etc. » Toutes ces beautés sont aujourd'hui aussi délabrées que la monarchie persane elle- même. Les empereurs Mogols ont laissé, dans toutes leurs provinces, des spécimens remarquables de ces « Paradis » (Fig. 12). Ceux de Delhi étaient, comme on sait, la dernière parcelle de territoire laissée par les Anglais au dernier des grands Mogols. Avant la catastrophe de 1857, ils conservaient encore, malgré leur abandon, quelques vestiges de leur ancienne beauté. On cite aussi le parc impérial d'Agra (Rom-Bagh); les jardins qui entourent le tombeau d'Akbar et le monument funèbre érigé par Shah Jehan à sa favorite (Taj-Mahal); le « jardin des conquêtes », créé par Akbar, près d'Ahmedabad, et dans lequel ce prince, aussi grand éducateur d'arbres que destruc- teur d'hommes, avait rassemblé toutes les espèces d'arbres fruitiers cultivés dans son empire. Vers la fin du xvif siècle, le dernier des vrais grands Mogols, Aureng-Zeb, créa à son tour, près d'Ahmehnagora, pour affirmer la conquête du Deccan, un palais et un parc qui existent encore, Farrah-Bagh. Les touristes parlent avec admiration de ce parc que les révolutions ont épargné, où des orangers hauts comme nos chênes ombragent une pièce d'eau trois lois grande comme le lac d'Enghien. Quant au palais, il est aujourd'hui occupé par une magnanerie, dont la cheminée à vapeur s'élève et lance insolemment sa fumée parmi les coupoles et les minarets. Un autre parc, qu'a décrit le voyageur français Thévenot (xvne siècle), passait alors pour un des plus beaux de l'Inde : c'était celui qu'avait planté, près de Surate, la belle Rauchen-Arâ, la sœur chérie d'Aureng-Zeb. Il formait un carré parfait, sillonné d'avenues, dont les quatre principales aboutissaient à un pavillon d'habitation à quatre faces, précédées chacune d'un bassin en hémicycle. Un domaine, encore plus curieux peut-être, était celui de Kajahmahal, sur le Gange, dont nous avons un plan détaillé daté de 1650. Il appartenait à un autre membre de cette famille d'artistes mogols, Shah Soudjâh. Ce plan, reproduit dans l'Histoire JARDINS ORIENTAUX générale des voyages (t. IX, p. 575), nous offre la figure bizarre d'un palais de plai- sance, avec ses jardins et ses dépendances, transformé en forteresse, ou plutôt en agrégation de réduits fortifiés pouvant chacun soutenir un siège. Malgré ces précau- tions, Shah Soudjâh fut vaincu (et tué, cela va sans dire) par son terrible frère Aureng Zeb, en 1659. De tous ces jardins des grands Mogols, les plus dignes du nom de Paradis, par l'abondance et la pureté des eaux, la beauté de la végétation et des points de vue, sont ceux qu'ils avaient créés dans la fameuse vallée de Cachemire (Fig. 13), sur les bords du lac Dal, et qui exis- tent encore : Nashîin- Bagh, le jardin des brises; Nishât-Bagh, le jardin d'allégresse; 5M- hîmar-Bagh, le jardin du roi. Nous ne parle- rons ici que du pre- mier, qui est le plus ancien et aussi le plus grandiose. Il se com- pose d'une série de terrasses plantées, reliées par de majestueux escaliers, et dont la plus basse domine encore le lac d'une quarantaine de pieds. De ce point l'on jouit, au lever du soleil, d'un des effets de réfraction les plus heureux qui existent sur notre planète. On aperçoit, réfléchie avec une intensité extraordinaire dans ces eaux limpides, la plus belle partie de la vallée, avec son double encadrement de collines verdoyantes et de cimes neigeuses. Ces despotes mogols avaient, comme Néron, des instincts artistiques; ce n'était pas, par malheur, la seule ressemblance! Aujourd'hui, de profondes lézardes sillonnent les revêtements des terrasses, les dalles des allées; les marches sont disjointes ou brisées. Mais le merveilleux paysage est toujours là, réfléchi par ce miroir fluide; les arbres, contemporains des jours les Fig. 13. — Vue de Cachemire. M HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS plus brillants de cette dynastie, ont continué de prospérer depuis sa chute et ont atteint des dimensions colossales (i). Nous reproduisons aussi un spécimen de jardin indo-chinois (Fig. 14); c'est un jardin de Siam, avec ses constructions en pilotis. L'Yémen, ou Arabie dite heureuse (surnom contre lequel proteste son histoire) Fig. 14. — Vue d'un Jardin, à Siam. était déjà célèbre par ses jardins au commencement du xvne siècle. Le voyageur Van den Broek (1614) parle d'un repas qui lui fut servi dans un vaste et magnifiqne jardin, planté d'arbres fruitiers et de fleurs de toute espèce, « avec force filets d'eau et cabinets bien ornés ». Notre illustre compatriote Botta, l'un des rares Européens qui ont exploré l'Yémen, y trouva sur les bords de la mer, en 1837, « un jardin régulièrement planté, tenu avec une propreté presque anglaise, et décoré de cabanes de diverses formes, très (1) Nôshim-Bagh est, dit-on, l'œuvre du grand Akbar; les deux autres auraient été créés par son fils, Jehan Guir, et son pelit-fils, Shah Jehan. On en trouvera la description dans l'excellent ouvrage de M. Drcw, Jummoo and Kashmir, dont nous avons publié une traduction libre sous le titre de Cachemire et Petil-Thibet. JARDINS ORIENTAUX 15 simplement, mais très joliment construites avec des troncs et des branches de palmiers (1) ». Les anciens jardins mexicains ressemblent singulièrement à ceux de l'Asie. Les plus remarquables, aujourd'hui détruits, étaient ceux de Tezcotzinco, créés au xve siècle par le grand empereur de Tczcuco, le Renard couronne (Netzahualcoyotl). Ils étaient disposés en terrasses autour d'une montagne porphyrique en forme de cône. Un escalier de 520 marches taillées dans le porphyre et réfléchissant les objets comme des miroirs, reliait ces terrasses et aboutissait à un réservoir supérieur d'où, l'eau, amenée de très loin par un aqueduc gigantesque, retombait en cascades et circulait alternativement en canaux d'étage en étage (2). Après ces jardins, comparables à ceux de Babylone, on peut citer ceux de Chapoltepec, qui existent encore. Ils couvrent les pentes de la colline de ce nom, et les bords du lac de Tezcuco, en face de Mexico, sur une étendue de quatre milles. On y admire surtout d'énormes cyprès, déjà séculaires à l'époque de la conquête, rivaux de ceux du Généralife et de Scutari. Leur sombre verdure s'harmonise bien avec les souvenirs qu'évoquent ces beaux lieux, habités à trois siècles de distance par deux princes également infortunés et dignes d'un meilleur sort : Montezuma et Maximilien. Nous reproduisons, ci-après (Fig. 15), un spécimen de jardin oriental, d'après Mayer; sa disposition est gracieuse et bien conforme aux descriptions anciennes et modernes. Il nous semble pourtant que l'eau y est trop ménagée. Nous voudrions des canaux pour accompagner les avenues et les parterres. Les dessous des bois, les ombres tombant des voûtes élevées des grands arbres, les contrastes d'une lumière éblouissante éclatant brusquement à l'extrémité des parties ombrées, les rayons du soleil se jouant dans les branches, sur les marbres, dans les bassins, dans les gerbes d'eau jaillissantes, les profils des coupoles blanches ou peintes, les flèches dorées scintillant au-dessus de la verdure sombre, dans le bleu intense du ciel, tandis qu'en bas les murs en stuc ou en marbre sont noyés dans l'ombre que cette architecture fleurie semble éclairer, constituaient le décor principal des jardins (1) Relation d'un voyage dans l'Yèmen, publiée pour la première fois à part en 1880, par M. Ch. Levavasseur, p. 154. Botta, qui s'est illustré depuis par la découverte des ruines de Ninive, explorait alors l'Yémen eu qualité de voyageur naturaliste, pour le compte du Muséum. (2) Voir, pour plus de détails, l'ouvrage de Prescott (Introd., ch. VI). i6 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS orientaux... Seulement, ces méthodes ne peuvent être copiées dans nos contrées où le soleil n'a plus le même éclat, où les ombres sont molles, les teintes de verdure pâles, les horizons gris et les habitudes plus expansives. Nos J à 4, mas- sifs de fleurs en pyramides; — S à 6, fontaines, l'une devant l'habitation, l'autre au fond du jardin, sous des pla- tanes ; ■ — 7 et 8, grands parterres à compartiments, dont les côtés les plus longs sont plantés de grena- diers et d'orangers; — m, i2. 15, trois petits parterres dis- posés devant 'a fon- taine n° 6; — 14, massif d'arbres et d'arbustes derrière l'habitation, traver- sé par l'allée qui vient de l'entrée principale ; — 1 j , allée de ceinture plantée de cyprès, et bordée d'un four- ré darbustes. Fig. 1; Jardin de Style oriental. ■ — [Voyex. P- 15) Fig. 16 et 17. — Jardin des Jardins (Yven-Ming-Yven). JARDINS CHINOIS ET JAPONAIS n passant des « paradis » de la Grèce, de la Perse, de l'Inde et de l'Egypte à ceux des Chinois et des Japonais, nous entrons en quelque sorte dans un monde nouveau. Nous y trouvons un sentiment non moins vif des beautés de la nature, mais se manifestant tout d'abord d'une façon très différente, par l'imitation. Ces peuples de race jaune nous ont devancés de bien des siècles pour l'invention des parcs irréguliers, comme pour celles de la porce- laine, de la poudre, de la boussole, de l'imprimerie. Comment leur était venu ce goût des jardir.s paysagers, c'est ce qu'il n'est pas facile de deviner. Des artistes très compétents voient dans ces jardins une dérivation et comme une continuation végétale de l'architecture contournée et capricieuse des Chinois. Nous y verrions volontiers aussi une réminiscence tradi- i8 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS tionnelle des régions montagneuses habitées par les ancêtres de ces peuples. Les inventeurs des arts et sciences qui apparaissent sous le premier empereur historique (Hoang-Ti, souverain jaune, 2698 av. J.-C), venaient, suivant les écrivains chinois, de la région des monts Kouen-Loun, dont sortent les deux grands fleuves de la Chine, le Hoang-Ho (fleuve jaune) et le Yang-Tse-Kiang (fleuve bleu). De plus, on voit que les princes des plus anciennes dynasties résidaient dans les provinces occi- dentales voisines de ces montagnes. Là comme ailleurs, mais dans de plus vastes proportions, les émigrants durent descendre en suivant le cours des fleuves et de leurs affluents, et se répandre comme eux dans différentes directions, à mesure que les terrains inférieurs formés par les terrains d'alluvion devenaient habitables. Cette coutume, si générale chez ces populations émigrées, de reproduire autour de leurs demeures une image réduite des montagnes dont leurs aïeux étaient venus, pourrait bien aussi avoir eu, à l'origine, un caractère religieux, et se rattacher au culte des ancêtres. On a des renseignements fort anciens, mais fort hyperboliques aussi, sur la magnificence et l'étendue des parcs impériaux. Suivant le Livre sacré des Annales, un des principaux griefs allégués contre Cheou-Sin, espèce de Sardanapale chinois (1122 av. J.-C), était ses dépenses excessives en maisons de plaisance. On lui repro- chait, il est vrai, bien d'autres peccadilles, comme de « faire mettre en broche et rôtir les gens de bien. » Nous n'entrerons pas — de peur de n'en jamais sortir — dans les parcs légendaires des anciens empereurs chinois, parcs qui auraient eu trente et jusqu'à cinquante lieues de tour, et trente mille jardiniers!!! Mieux vaut arriver de suite à ceux des empereurs de la dynastie tartare actuellement régnante, sur lesquels nous avons des renseignements plus positifs. Le « Jardin du printemps perpétuel » (Chun-Chctng-Yen), créé dans les environs de Pékin, par Kang-Hi, le Louis XIV de cette dynastie, a été décrit de visu, en 1690, par le P. Gerbillon, jésuite. « Ce palais, dit-il, est situé entre deux grandes pièces d'eau, l'une et l'autre couronnées presque entièrement de petites hauteurs formées de la terre qu'on a tirée pour creuser les pièces d'eau. Toutes ces hauteurs sont plantées d'abricotiers, de pêchers, etc.. Les Chinois, dit-il encore, font consister la beauté des maisons de plaisance et des jardins, dans une grande propreté, et dans certains morceaux de rocailles extraordinaires qui aient l'air tout à fait sauvage... Ils aiment surtout les petits JARDINS CHINOIS ET JAPONAIS 19 cabinets (pavillons) et les petits parterres fermés par des haies de verdure qui forment de petites allées... (Les jardins sont) le goût général de la nation. Les riches y font une dépense considérable. Ils épargnent bien moins l'argent pour un morceau de vieille roche qui ait quelque chose de grotesque ou d'extraordinaire, comme d'avoir plusieurs cavités ou d'être percé à jour, que pour un bloc de jaspe ou une statue de marbre. » Le « Jardin des Jardins» (Yven-Ming-Yven), saccagé en 1860, avait été commencé Fig. 19 et 20. — Jardin des Jardins. en 1723 par l'empereur Yout-Ching, et terminé par son fils Kien-Long. Cette œuvre a une grande importance dans l'historique des parcs et jardins. Aussi nous reprodui- sons en partie la fameuse description d'Attiret (1743), et plusieurs des principales scènes de ce parc (Fig. 16, 17, 19, 20), d'après des peintures chinoises de la même époque qui se trouvent à la Bibliothèque nationale (aux Estampes). Attiret, artiste de talent, était entré dans l'ordre des Jésuites, comme frère convers, et ne voulut jamais sortir de cette humble situation. Il fut envoyé en Chine par ses supérieurs, et y resta jusqu'à sa mort (1770), attaché comme peintre au service de l'empereur, office qui n'était rien moins qu'une sinécure, comme on le voit par sa correspondance, et qu'il exerçait littéralement pour l'amour de Dieu. Il parle avec admiration du Jardin des Jardins, « où presque partout il régne, dit-il, un beau désordre, 20 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS une anti-symétrie rustique et naturelle... Dans un vaste terrain, l'on a élevé à la main de petites montagnes, hautes de vingt à soixante pieds, et qui forment une infinité de vallons. Des canaux d'une eau claire arrosent le fond de ces vallons, et vont se joindre en plusieurs endroits pour former des bassins. On parcourt ces canaux et ces bassins sur de magnifiques barques. J'en ai vu une de treize toises de longueur et quatre de largeur, sur laquelle était un superbe pavillon. Dans chacun de ces vallons, sur le bord des eaux, sont des bâtiments parfaitement assortis de plusieurs corps de logis, de cours, de galeries ouvertes et fermées (comme dans la Fig. 16), de parterres, de cascades, etc., ce qui fait un assemblage dont le coup d'oeil est admirable. On sort d'un vallon par des circuits ornés de petits pavillons, de petites grottes, à l'issue desquels on retrouve un second vallon tout différent du premier, soit pour la forme du terrain, soit pour la structure des bâtiments. Les collines sont couvertes d'arbres à fleurs; les canaux, bordés tout rustiquement avec des morceaux de roche dont les uns avancent, les autres reculent, et qui sont comme l'ouvrage de la nature. Les bords sont semés de fleurs qui sortent des rocailles; chaque saison a les siennes. Outre ces canaux, il y a partout des sentiers, pavés de tout petits cailloux, qui conduisent d'un vallon à l'autre. « Arrivé dans un vallon, on aperçoit les bâtiments (Fig. 1 7). Toute la façade est en colonnes et en fenêtres; la charpente dorée, peinte, vernissée; les murailles de briques grises, bien taillées, bien polies. Les toits sont couverts de tuiles vernissées, rouges, jaunes, vertes, etc., qui, par leur mélange et leur arrangement, font une agréable variété de compartiments et de dessins. Ces bâtiments n'ont presque tous qu'un rez- de-chaussée, quelques-uns un étage. On y monte par des rochers, qui semblent être des degrés naturels... Au-devant on a placé, sur des piédestaux de marbre, des figures en bronze et des urnes pour brûler des parfums. Chaque vallon a sa maison de plaisance. « Les canaux sont coupés, de distance en distance, par des ponts de briques, des pierres de taille ou de bois. Du reste, ils sont toujours différents pour la construction; il en est qui vont en tournant ou en serpentant. On en voit qui ont de petits pavillons de repos soutenus par des colonnes (Fig. 19); d'autres ont aux deux bouts des arcs de triomphe... » « J'ai dit plus haut que les canaux vont se décharger dans des bassins. Il y a un de ces bassins qui a prés d'une demi-lieue de diamètre en tous sens, auquel on a donné JARDIN S CHINOIS ET JAPON AIS 21 le nom de mer; c'est un des plus beaux endroits (Fig. 19). Il y a sur les bords de grands corps de logis séparés par des canaux ou par des montagnes. Les bords de ce charmant bassin sont variés à l'infini; aucun endroit ne ressemble à l'autre. » Attiret cite encore les enclos pour la chasse, les ménageries, les « cages et pavillons moitié dans l'eau et moitié sur terre » (comme les deux qu'on voit sur le devant dans la fig. 19); les réser- voirs entourés d'un treillis de cuivre pour les poissons, etc. 11 décrit aussi la petite ville située au centre du parc, « destinée à faire représenter parles eunuques, plusieurs fois l'année, pour l'amusement de l'Empereur, tout le commerce, le tracas, le mouve- ment et même les friponneries d'une grande ville. » Au milieu de cette ce mer intérieure », comme l'appelaient pompeusement les Chinois, s'élevait une île rocheuse supportant un vaste pavillon ou plutôt un palais en miniature, d'où l'on dominait l'ensemble du parc (Fig. 17). Cette description eut en Europe un retentissement que son modeste auteur ne prévoyait guère. File y fit un grand nombre de conversions... au système des jardins irréguliers. Sa véracité, naguère contestée, a cessé de l'être depuis que nous connais- sons la Chine. Attiret avait même omis quelques détails qui auraient paru incroyables, comme les toits à bords relevés et frangés de sonnettes, et les îles flottantes, dont les habitants de Cachemire et les anciens Mexicains connaissaient aussi l'usage. La seule chose qu'on puisse lui reprocher, c'est un peu trop d'enthousiasme; lui-même convient qu'il subissait à la longue l'influence du goût chinois. En réalité, ces imitations des sites pittoresques ne sont souvent que des réductions étriquées, tourmentées. Les Chinois en agissent avec les rochers, les arbres, les ruisseaux, etc., comme avec les pieds de leurs femmes. Les scènes du « Jardin des Jardins » et autres trahissent une préoccupation constante de donner aux objets de toute nature une apparence baroque, exceptionnelle. On y trouve, par exemple, des ponts à arches carrées, et, par contre, des portails complètement ronds. Les arbres portent des traces visibles de mutilations, de déformations calculées pour modifier leur forme naturelle, et aussi pour obtenir des fleurs plus grandes et en plus grande quantité. Ces chinoiseries paysagères sont à la grande nature ce que les acrostiches sont à la poésie. Avec cette esthétique singulière, les Chinois ne sauraient goûter le style régulier, ni pour les bâtiments, ni pour les jardins. « Lorsqu'ils voient, écrivait Attiret, des estampes de nos édifices, ces grands corps de logis les épouvantent. Nos étages surtout leur paraissent insupportables : Il faut, disait l'empereur Kang-Hi, que l'Europe soit 22 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS bien petite, bien misérable, puisqu'il n'y a pas assez de terrain pour étendre les villes et qu'on est obligé d'y habiter en l'air. » Cependant son petit-fils, Kien- Long, eut, dans la dernière partie de son règne, la fantaisie de faire faire quelques essais d'imitation de ces palais, de ces jardins français si vantés. Les Jésuites plan- tèrent à Pékin même des avenues droites qui subsistent encore. Le palais dit de la Mer sereine, ses jardins, ses terrasses et ses jeux hydrauliques, exécutés sous leur direction, offraient un amalgame curieux et nullement déplaisant des styles français et chinois. On cite surtout une ingénieuse combinaison d'horloge hydraulique, composée de douze figures d'animaux fantastiques disposés autour d'un bassin : le nombre des jets émis à la fois correspondait à celui des heures. Les jardins japonais ressem- blent fort à ceux de la Chine, comme on en peut juger par la reproduction du dessin d'un ar- tiste indigène (Fig. 21). La disposition de ce jardin est tout à fait conforme aux des- criptions rapportées de ce pays, à deux siècles d'intervalle, par Kaempfer et par M. de Hùbner : « Une partie du jardin, écrivait Kacmpfer en 1691, est pavée de pierres de diverses couleurs qu'on prend dans les rivières, ou sur le bord de la mer. Le reste est couvert de gravier, que l'on nettoie soigneusement. Dans toutes les autres parties, il régne une apparence de désordre, qui est d'un agrément infini. Les plus grandes pierres occupent le milieu, et forment une allée. Des fleurs, entre lesquelles il y en a toujours quelqu'une de rare, sont disposées d'espace en espace. A l'un des coins, un petit rocher, parfaitement imité, orné de figures d'oiseaux et d'insectes de métal, offre une cascade formée par un petit ruisseau. Il est accompagné d'un petit bois, composé d'arbres qui peuvent croître les uns près des autres. Les arbres sont d'autant plus estimés qu'ils sont plus vieux, plus tortus et plus difformes, etc. » M. de Hùbner a vu de même, en 1871, « de petits jardins où de petits filets d'eau forment de petites cascades, plantés de petits chênes, de petits sapins Fig. 21. — Jardin japonais (d'après un Dessin original). JARDINS CHINOIS ET JAPONAIS tourmentés, lacérés, tordus, selon le goût du pays. De petits ponts, consistant en une seule pierre, sont jetés sur des torrents artificiels. Le goût, certes, est contestable, et le dessin a je ne sais quoi d'enfantin. Il y a pourtant là de l'imagi- nation, et les proportions sont harmonieuses. Si de votre balcon vous plongez le regard dans un de ces jardins, il vous fait l'effet d'un parc. Mais voici une jeune fille qui passe, et elle est plus haute que ce vieux cèdre. Tout cela n'est qu'un joujou, mais un joujou charmant » (i). Toutefois, les Japonais paraissent savoir faire, mieux que les Chinois, du paysage grand comme nature, quand l'espace le permet. M. de Hùbner cite avec éloge les jardins du château de plaisance des Shoguns, Homagaten ou Palais de la Plage, situé sur le bord de la mer, prés d'Yeddo. « Le château a été gauchement européanise; mais le parc est resté japonais. De magnifiques arbres, des terrasses, de petits lacs artificiels, de petits promontoires, des ponts jetés sur les criques, le terrain naturellement et artificiellement accidenté, et, entre les arbres, l'horizon de la mer; partout la solitude et le silence. » Il signale encore plusieurs parcs de Daïmios, d'un très beau carac- tère, et n'offrant rien, ou presque rien d'étriqué et de contourné. Bien que sujets aux mêmes aberrations de goût que les Chinois, les Japonais semblent doués de plus hautes aptitudes artistiques. Ils l'ont bien prouvé à l'Exposition française de 1878. Nous croyons utile, au point de vue technique, de reproduire le plan d'un domaine chinois non impérial (Fig. 22), mais pourtant d'une certaine importance, situé dans les environs de Pékin. C'était, comme on va le voir, l'habitation d'un mandarin militaire, et qui ne s'épargnait pas les arcs de triomphe avant la guerre de 1860. Fig. 22. Plan d'un Domaine chinois. A. Entrée par un arc de triomphe dans l'a- vant-cour. — B. Casernes. — C. Jer's d'eau. — D. Grande porte pour la réception des gens de qualité. — E. Quatre urnes pour brûler des parfums dans la cour intérieure. — F. Loge- ment des principaux officiers. — G. Logements des domestiques. — H. Demeure du mandarin. — I. Logement de ses femmes. — K. Arc de triomphe dans une ile. — L. Salle de bain et de collation dans une autre ile. — M. Pavillon d'été sur une hauteur formant une troisième île. — N. Bâtiment pour tirer de l'arc ; quatrième île. — O. Monument religieux. — P. Pavillon de fleurs. (1) Promenade autour du Momie, I, 429. Suivant les annales des empereurs du Japon, le goût pour les fleurs commença dans ce pays au printemps de l'an de J.-C. 812, époque où le Daïri alla au jardin de la Source des Génies (Stn-Yeu-Sin), contempler des rieurs et faire des vers. 24 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Par le tracé des eaux et des allées, comme par la multitude de ponts, d'îles et de kiosques, ce parc ressemble encore d'une manière frappante aux premiers jardins irréguliers d'Europe, dits anglo-chinois. Fig. 23. — L'Ile d'Or, Yang-Tse-Kiang. Forum Boarium. Basilique Sempronia. Temple de Jupiter. Fig. 24. — Restauration du Capitule, à Rome. TabuUrium. Temple près du Forum romanum. JARDINS ROMAINS ous ne savons rien de l'horticulture romaine primitive . Cincinnatus et Caton l'Ancien avaient des fermes, des potagers, et non des parterres et des villas. Mais, après la ruine de Carthage, la conquête de la Grèce et de l'Asie, « tout homme riche eut des jardins ». C'était en quelque sorte le complément de son luxe; comme une seconde galerie, où il réunissait les objets d'art achetés, conquis ou volés dans les provinces étrangères. On vantait « les belles allées à se promener » de Lucullus, autant que ses livres, ses tableaux, ses statues, et même que ses dîners. « Tellement, dit Plutarque qui vivait dans le siècle suivant, -*\Sf qu'aujourd'hui que la superfluité a pris un si grand accroisse- Um ment, encore compte-t-on les jardins que fit faire Lucullus entre les plus somptueux et les plus délicieux qu'aient les empereurs. » 4 26 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Cet éloge s'appliquait surtout à ceux qui couvraient la colline où s'élève aujour- d'hui la villa Médias (Monte Pincio), et à la villa du cap Misène, point « d'où l'on jouit, dit M. Reclus, d'une des vues les plus vantées de la planète. » Cette villa avait d'abord appartenu à Marius, mais Lucullus l'avait fort embellie. Réunie dans la suite au domaine impérial, elle fut le théâtre de la mort mystérieuse de Tibère. Parmi les autres, jardins déjà célèbres avant la fin de la République, il faut citer d'abord, à Rome même, ceux de Salluste, de Pompée, de César et d'Antoine; puis ceux de Catulle à Tibur et à Ser- mione sur le lac de Garde; ceux de Cicéron à Tusculum et à Pouzzoles, etc. Les plus importants de ces jardins, bien qu'ayant depuis longtemps et sou- vent changé de maîtres, étaient cependant toujours désignés par les noms de ceux qui les avaient créés. « Il semblait que ce fût pour eux un titre de gloire qu'on crai- gnait de leur ravir. » Les jardins de Salluste, par exemple, portaient encore son nom trois siècles après sa mort. — Ces oasis de verdure, également propices aux plus graves entretiens et à des conversa- tions d'un genre tout différent, étaient très recherchées. Ce n'était pas toujours la sagesse qui prévalait sous les voluptueux ombrages de Baïa (Fig. 29), où déjà, avant Auguste, on se disputait le terrain jusque dans la mer. Du cap Misène au lac Averne, la contrée entière était le plus charmant des jardins. Après la chute de la République, cette passion des jardins tourne à la mono- manie. « Non contents d'avoir transporté la campagne à la ville, les Romains la mettent sur la ville même, en installant sur les terrasses non seulement des parterres et des arbustes à fleurs, mais de grands arbres et des bassins assez larges et assez profonds pour porter bateau. Dans tout le Latium, les villas avaient « écrasé les moissons sous leurs pieds de marbre (1) », si bien que « plusieurs millions d'hommes Fig. 26. — La Casa di Sallustio, à Pompéï. (Restauration.) (1) A. Dumas, Caligula. JARDINS ROMAINS 27 avaient faim comme un seul », quand les vents retardaient l'arrivée des blés d'Egypte ou de Sicile. La résidence favorite de l'aristocratie romaine, pendant les grandes chaleurs, était toujours Baïa, « l'hôtellerie des vices » (vitiorum diversorium), suivant Sénéque. « Non-seulement, dit-il, on y fait le mal, mais on s'en vante (1). Aussi j'en suis reparti dès le lendemain, ne me souciant pas plus de demeurer dans un lieu de débauche, que dans un lieu de torture. » Baïa, au reste, était l'un et l'autre. Pompée, Lucullus, César, Ti- bère y avaient ha- bité, puis Agrippine et Néron. Les ruines des thermes, des mystérieux réduits qu'on y entrevoit encore, à demi sub- mergés, gardent avec les flots, leurs vieux complices, d'étranges secrets du passé! Néron, surtout, aima les jardins jusqu'à la rage. Il tenait cette passion (et bien d'autres) de sa mère, qui jadis avait fait périr l'opulent Statilius Taurus, sous prétexte de magie, mais en réalité pour s'emparer de ses jardins. Après l'incendie de Rome, Néron fit construire sur l'emplacement d'une partie des quartiers détruits un nouveau palais plus beau que l'ancien, et planter un parc encore plus extraordinaire que le palais, s'il faut en croire Tacite et Suétone. On y trouvait des vignobles, des moissons, des pâturages, des enclos contenant du gibier de toute espèce, des bains de mer et d'eau douce, et une vaste salle à manger en forme de rotonde, renfermant des tables servies nuit et jour. Il est probable que ces champs, ces enclos et le reste, étaient compris dans les intervalles des avenues. En dépit des convulsions volcaniques du sol, des ravages et de l'abandon des hommes, les environs de Baïa, ces Champs-Elysées de l'ancienne Rome, conservent Fier. 27 et 28. — Viridaria, d'après des Peintures murales de Pompéï, formant des Retraites ornées de Statues, de Fontaines, etc. (D'après la Vie antique, page 287.) (1) Luxuria non tantum peccal, sed publient . (Ep., Ll.) HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS encore un attrait indéfinissable. « Ils sont, dit de Brosses, comme ces vieilles beautés qui, sur un visage tout ruiné, laissent encore deviner la trace de leurs anciens agré- ments. » Nulle part la nature ne s'entend mieux à parer, à enguirlander les ruines, que sur ce rivage, éternel enchantement des artistes et des poètes (Fig. 29). A l'époque de Domitien, Stace nous donne dans les Silves des détails curieux, et Fig. 29. — Vue actuelle du Golfe de Baïa. rarement cités, sur les villas de deux de ses amis, Vopiscus et Pollius Félix, situées l'une à Tibur, l'autre à Sorrente (Fig. 30). Celle de Vopiscus était entre deux des cascades de l'Anio, dont le bruit n'arrivait à l'oreille que comme un doux murmure. « Dans toutes les chambres, dit le poète, on avait la compagnie des Nymphes »; ce qui veut dire chastement et simplement, que l'eau de l'Anio et de ses affluents y était amenée par des conduits. L'habitation avait vue d'un côté sur la rivière, dont on pouvait, des yeux, suivre fort loin le cours, en amont et en aval; de l'autre, sur des massifs d'arbres séculaires. L'un de ces arbres, qui se trouvait à la place même où l'on bâtissait la maison, avait été religieusement conservé dans la cour intérieure, et projetait ses JARDINS ROMAINS 29 rameaux verdoyants au-dessus des toits et à travers les portiques. « Tout autre propriétaire, dit Stace, eût abattu sans pitié cet arbre magnifique. Aussi l'Hamadryade reconnaissante (1) réserve de longs jours à Vopiscus! » 11 n'est pas facile de ressaisir des détails techniques dans cette poésie ondoyante et ampoulée. On croit pourtant comprendre que les jardins s'étendaient en terrasses sur les deux rives de l'Anio, entre lesquel- les la communica- tion se faisait au moyen d'un bac. Ils étaient sillonnés de ruisseaux, dont l'un, arrêté au passage pour le service des thermes, allait en- suite « réchauffer les Nymphesdel'Anio». Vénus même avait présidé à l'établissement de cette retraite; elle y avait laissé le parfum de sa chevelure et consigné quelques-uns de ses Amours : Et volucres veluit discedere natos. La villa de Sorrente (Fig. 30) avait exigé de plus grands travaux. C'était origi- nairement un terrain aride, d'un accès difficile, sans autre attrait que la beauté de la vue sur le golfe. 11 avait fallu tout créer, rapporter des terres, niveler le sol, etc. La description de l'établissement de ce jardin régulier ne manque pas d'élégance. « Il y avait un rocher, là où vous ne voyez plus qu'une surface plane; de maigres brous- sailles, à la place qu'occupe aujourd'hui l'habitation. Par contre, voici des futaies, là où il n'y avait pas même de terre, etc. Mous erat hic, ubi plana vides : hac lustra fuerunl, Chue mine tecta subis. Ubi nunc minora ardua r.ernis, Hic nec terra fuit. Domuit possessor, et illum Formantem rupes, exfrugnantemque secuta Gaudet bannis... (Silv., II, 2, v. 54 et suiv.) (1) Celle dont l'existence était attachée à celle de l'arbre. 3o HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Stace ajoute que l'horizon de ce golfe incomparable était habilement réparti entre toutes les chambres. Chacune avait sa vue particulière, encadrée de verdure. Les jardins descendaient en terrasses vers la mer, et aboutissaient à une crique profonde et toujours calme, abritée du côté du large par une ceinture de rochers. Cette agréable retraite était encore embellie « par la présence d'une nymphe d'eau douce accourant au-devant de l'onde amére », c'est-à-dire par un ruisseau d'eau vive... Plusieurs traits de cette description semblent se rapporter à l'un des plus délicieux réduits qu'offre cette côte : le port en miniature dit Bain de Diane. Nous y retrou- vons notamment la « Nymphe d'eau douce qui vient se réunir à la mer », et fait même maintenant un beau saut pour la rejoindre, car elle y tombe en cascade d'une assez grande hauteur. Il est intéressant de comparer cette description avec celle d'une autre villa mari- time à peu prés de la même époque, la Laurentina, de Pline le Jeune, amateur insatiable de jardins, comme on sait. Celle-là était dans une situation moins pitto- resque, mais plus voisine de Rome, et d'un accès plus facile sur la plage. Aussi il avait fallu planter du romarin au lieu de buis, du côté de la Gestalio (allée de ceinture), exposé à recevoir l'écume des vagues, et le jardin était composé prin- cipalement de mûriers et de figuiers, arbres qui supportent bien le voisinage de la mer. Pline possédait dans son pays natal, sur les bords du lac de Côme, deux autres villas auxquelles il a consacré une de ses plus jolies lettres. « Chacune a son caractère et son charme particuliers. L'une, que j'appelle ma Tragédie, est majes- tueusement campée sur un promontoire entre deux golfes, et domine tout le lac. L'autre, ma Comédie, est au contraire tout à fait sur le bord. De l'une je suis au loin les évolutions des pêcheurs; dans l'autre, je puis moi-même pêcher de ma chambre, et presque de mon lit. » (Ép. IX, 7.) Mais sa villa favorite était celle qu'il possédait dans la région du haut Tibre (Fig. 3 1). L'habitation était sur une hauteur isolée, au milieu d'un vaste amphithéâtre de montagnes boisées, de vignes, de prairies et de cultures, dans lequel on n'apercevait pas le moindre rocher; détail sans doute essentiel pour constituer un paysage accompli dans les idées de Pline, qui ne sont plus les nôtres. La propriété était entourée de murs que dissimulaient des palissades de bois et de lauriers, le tout disposé en contre-bas, de manière à dégager de toutes parts la vue des alentours. Elle JARDINS ROMAINS 3* renfermait de nombreux spécimens de sculpture végétale. Ce genre de décoration, mis à la mode du temps d'Auguste par un amateur nommé Matius, avait singulié- rement développé l'art ou l'industrie des jardiniers topiaires, tondeurs ou ciseleurs d'arbustes. Pline montrait avec orgueil à ses hôtes, des parterres à compartiments formant diverses figures de géométrie; des buis façonnés en boules, en lettres com- Fig. ;i. — Villa de Pline, d'après une Restauration, par Schinkel (Foye^ p. 30). posant des mots entiers, tantôt le nom du propriétaire, tantôt celui de l'ouvrier; en animaux de grandeur naturelle se faisant vis-à-vis. Ces tours de force puérils étaient déjà un signe de décadence. L'une des parties les plus intéressantes de ce parc était l'hippodrome, grand parallélogramme coupé d'un bout à angles droits, et aboutissant de l'autre à un labyrinthe en hémicycle terminé par une plantation de cyprès. Les deux grands côtés étaient bordés de platanes que reliaient entre eux des festons de lierre, genre de décoration fort heureusement imité de nos jours dans l'avenue de la fontaine de Médicis, au Luxembourg (i). (1) Les labyrinthes plantés, déjà connus des Grecs, étaient une dérivation des labyrinthes bâtis d'Egypte et de Crète. V- HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Ces jardins étaient encore remarquables par l'abondance et la beauté des eaux, et par la singularité de certains jeux hydrauliques. Pline était surtout fier d'une pièce de marbre sculpté figurant un de ces lits de joncs tressés qui servaient pour les repas (stibadium). L'eau, jaillissant de la partie inférieure du stibctdium, comme sous la Fig. 32. — Vue actuelle de la Villa Adriana, près Tivoli. pression des convives, retombait dans un bassin. Ces artifices mécaniques et ceux de sculpture végétale n'ont été que trop souvent reproduits dans les temps modernes. Ces descriptions des villas et jardins de Pline sont si détaillées, si précises, que Scamozzi, Félibien, et d'autres artistes habiles, ont pu en recomposer des plans assez vraisemblables. La colossale villa Adriana (Fig. 32), édifiée quelques années après, était bien en effet une ville de plaisance, ou plutôt une ville-musée. Cet empereur-artiste y avait rassemblé des reproductions des sites et des monuments les plus fameux de l'empire. JARDINS ROMAINS 35 On y voyait un théâtre grec, un théâtre latin, des imitations grandes comme nature du Pœcile, du Lycée, de l'Académie, de la vallée de Tempe; une Naumachie, des temples de différents pays et de différentes formes; les Enfers même n'y étaient pas oubliés. C'était, dans un périmètre de dix milles, la concentration des merveilles du monde connu. Mais, en ce monde, « les plus belles choses ont le pire destin » ; Fig. ;2. — Restitution d'un Intérieur d'une Villa romaine; au fond le Jardin. celle-là n'a pas échappé à cette loi inflexible. Pillée par les Empereurs de la décadence, saccagée par les rois barbares, ou, pour comble d'opprobre, habitée par eux; ensan- glantée pendant les guerres civiles du moyen âge, transformée en carrière pour la construction du moderne Tivoli, la villa d'Adrien a subi, sous toutes les formes, les caprices destructeurs de l'homme, plus redoutables que ceux du temps. Mais il y avait là une telle accumulation de richesses artistiques, qu'on n'a pu ni tout enlever ni tout anéantir. Les fouilles pratiquées sur cette colline nous ont restitué bien des restes précieux de l'art antique, à commencer par la Vénus de Médicis. Aujourd'hui 34 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS encore, l'emplacement si bien choisi par Adrien fournit de beaux sujets d'étude aux paysagistes, avec ses perspectives d'une mélancolie grandiose sur les montagnes et la campagne romaine; ses arbres séculaires, cyprès, yeuses, pins parasols, dont les racines s'enlacent peut-être à des chefs-d'œuvre encore inconnus. Dans sa correspondance, Sidoine Apollinaire parle de plusieurs villas gallo- romaines considérables qui, par conséquent, existaient encore dans la seconde moitié du Ve siècle; il était temps de les décrire (Fig. 32)! Ce qu'il en dit prouve l'incurable frivolité de cette aristocratie dont les jours étaient comptés. Dans son œuvre poétique, plusieurs pièces sont des dithyrambes en l'honneur des villas de ses amis. On y trouve çà et là, parmi bien des traits emphatiques et de mauvais goût, un sentiment délicat et profond des beautés de la nature. On voit, par ces diverses descriptions, que les Romains n'employaient qu'un nombre assez restreint d'espèces d'arbres, d'arbustes et de fleurs. Ils n'avaient guère dans leurs jardins, en fait d'arbres, que des platanes, des peupliers, des mûriers, des figuiers, des cyprès, des pins parasols. Leur fleur favorite était la rose, mais ils ne connaissaient que celles qui fleurissent une fois l'an, sauf une seule variété remontante, celle de Pœstum. Néanmoins les grands amateurs trouvaient moyen d'avoir des roses toute l'année, en collectionnant les variétés de l'Asie, de la Grèce et de l'Italie, depuis les plus hâtives jusqu'aux plus tardives. L'une des plus estimées était la rose à cent feuilles, aujourd'hui trop dédaignée. Les jardiniers romains dissimulaient les tiges épineuses des rosiers en les mêlant aux lauriers, dont les roses semblaient un produit nouveau. Les Romains affectionnaient aussi les violettes, les pervenches, les pavots, les lis. Pline l'Ancien donne une recette pour obtenir des lis d'un rouge pourpre avec de la lie de vin. On voit aussi dans cet écrivain (xix, 5) que ses contemporains connaissaient l'usage des serres vitrées en talc. Sénèque dit .également (Ep. 122) qu'on faisait violence à la nature en taisant éclore des fleurs en plein hiver, fomenio aquarum cctlentium; ce qui signifie au moyen d'eau chaude circulant dans des conduits, et non pas en arrosant les plantes avec cette eau, comme l'ont cru quelques latinistes peu pratiques. On faisait aussi, dans les jardins, un grand usage de l'acanthe, notamment au pied des lits ou bancs de gazon, où ces feuilles molles, épaisses et rampantes, tor- JARDINS ROMAINS 3) malent une sorte de tapis naturel. Cette plante était évidemment une de celles que les sculpteurs et les architectes avaient constamment sous les yeux. Tous les documents prouvent que chez les Romains l'œuvre du jardinage était subordonnée à la partie monumentale. Les architectures et sculptures végétales des topiaires étaient conçues dans un système régulier, mais non rigoureusement symé- trique, de même que les constructions qu'elles encadraient et continuaient, pour ainsi dire, en plein air. On voit notamment, par les descriptions de Pline, que les formes extérieures des édifices étaient souvent subordonnées à leur destination aux dépens de la symétrie, et que « cette élasticité dans l'ordonnance des bâtiments se retrouvait dans les lignes du jardin. » K\m n Fig. 53. — Buste de Néron étant jeune. tga;Biti> ^r^^^n ' SSSa "#« -^^ 1 I B \\ /A .) 11 ..fffl'r- =x^ Fig. 54. — Château et Jardins de Blois, d'après Du Cerceau. (Voye\ p. 62.) JARDINS DU MOYEN AGE es jardins de l'aristocratie romaine avaient disparu avec elle sous les pas des barbares. Toutefois, la tra- dition n'en fut jamais complètement interrompue. On en retrouvait la trace autour de certaines villas méro- vingiennes, et surtout dans les préaux des cloîtres (Fig. 36). L'horticulture utile fut conservée et même poussée à un haut degré de perfection dans les grandes abbayes d'Italie, d'Allemagne, des Gaules, refuge des lettres et des arts. Parmi les jardins mérovingiens, le plus célèbre est le verger de Childebert, situé sur la rive gauche de la Seine, en aval du palais des Thermes. Fortunat a célébré ses allées couvertes de treilles, ses rosiers, ses pommiers, qui donnaient, comme de raison, les meilleurs fruits du monde, ayant eu l'honneur d'être greffés de la propre main du roi. D'après toutes les descriptions des jardins de cette époque, on aperçoit facilement que les idées de beauté et d'agrément en 'ce genre étaient, dans l'esprit du temps, JARDINS DU MOYEN AGE 37 inséparables de la symétrie. Ainsi l'ordonnance du « jardin tout vert », où siègent Déduict et sa cour dans le roman de la Rose, est absolument régulière en tout ce qui concerne la plantation et la distribution des eaux, Sans barbelolles et sans raines. On v entend, il est vrai, « les oisillons, faisant dans les buissons bien sentans Fig. 56. — Vue de l'Abb.iye de Saint-Germain-des-Prés, avec ses Jardins. — (D'après Albert Lenoir.) une musique qui pouvoit oster tout deuil. » On voit les daims et les chevreuils folâtrer sous les grands arbres; les lapins, hôtes assez compromettants d'un parc régulier, . . . . yssir de leurs lanières En mollit de diverses manières. Mais la tenue des jardins où ces ébats ont lieu n'en est pas moins correcte. Les fleurs « odorantes et de haut prix. » sont réparties en compartiments; on a choisi de préférence les blanches et les rouges, comme « plus franches sur toutes autres », et 38 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS plus propres à dessiner nettement les contours. Les arbustes sont taillés en murailles de verdure, les arbres de toute espèce régulièrement plantés et alignés. La régularité domine pareillement dans l'Éden du Décamèron, calqué, dit-on, sur le jardin d'une- villa italienne du temps. Des ailées droites, couvertes de tonnelles, y rayonnaient d'un point central, occupé par une fontaine monumentale, d'où l'eau s'épanchait en « branches admirablement tracées », etc. Sauvai a recueilli des détails curieux sur les jardins royaux du xivc siècle en France, et spécialement Paul, évidemment tort troubles qui suivirent le fluence de l'adminis- Charlcs V s'étendit aux royaux. 11 fit faire, entre Saint-Paul (Fig. 38) une qui lui coûtèrent « cinq doute sur l'emplacement rue de la Cerisaie. Char- gnes qui garnissaient les promenade, et les ton- delisées dont la rue Beau- le souvenir. Mêlant l'a- Fig. 37. — Projet d'un Jardin gothique, d'après Mayer (i). sur ceux de l'hôtel Saint- négligés pendant les désastre de Poitiers. L'in- tration réparatrice de potagers et vergers autres, dans celui de plantation de cerisiers sous le cent », sans qu'occupe aujourd'hui la les VI renouvela les vi- treillages des allées de nelles crénelées et fleur- Ireillis conserve encore gréable à l'utile, il planta non-seulement des arbres à fruits, mais force roses et lis, et « huit lauriers verts achetés sur le Pont-au-Change ». C'était évidemment, à l'époque de ces travaux (1398), une importation toute 'nouvelle et de grand luxe à Paris. Bien des souvenirs histo- riques se rattachent a ces jardins de l'hôtel Saint-Paul. Ce fut sous ses treillis que Charles VI, le lendemain de l'entrée solennelle de sa femme dans Paris, reçut une députation de notables, costumés en ours et en licornes. Ces aimables bêtes fauves apportaient au jeune couple le don de joyeuse entrée, des plats et hanaps d'or et d'argent, que le roi daigna trouver « biaux et bien ouvrez ». Isabeau de Bavière était (1) Il ne faudrait pas prendre pour des spécimens vraiment historiques les modèles de style gothique donnés par Mayer, Kemp et autres, dans lesquels on s'est amusé à figurer des compartiments en forme de trèfles, feuilles de char- don, etc. Nous croyons cependant devoir donner, comme échantillon de ce genre de travail, un fragment du projet de crand jardin soi-disant gothique vFig. 37), qui fait partie de l'ouvrage de Mayer : Die schatie Gaitenhinst. JARDINS DU MOYEN AGE 39 alors en pleine fleur de beauté, et les Parisiens charmés se demandaient « si elle n'était pas venue du Paradis »! On vit bien, plus tard, qu'elle n'avait rien d'angélique. Au printemps de 143 1, précisément à l'époque du procès et de l'exécution de Jeanne d'Arc, le régent anglais Bedford eut la fantaisie de bouleverser de fond en comble le jardin royal de l'hôtel des Tournelles (Fig. 38). Il y replanta une grande quantité d'arbres fruitiers variés, et, comme arbustes d'agrément, des épines et trente et un houx; c'était évidem- ment aussi une haute nouveauté. De plus, « il fit ouvrir neuf cents toises de tranchées, pour y planter 5,913 ormes qu'on amena par eau au port de l'École et qui coûtaient quatre livres parisis le cent; si bien que pour le nouveau plant il fallut arracher les haies d'un laby- rinthe appelé la Maison de Dedalus, dont on fit 501 quarterons de cotrets; » ce qui semble bien indiquer que l'an- tique tradition des labyrinthes dans les jardins ou promenoirs n'avait jamais été interrompue. Tous ces travaux avaient évidemment pour but d'affirmer la prise de possession de Paris et du royaume. C'était du jardinage politique, comme celui des Grands-Mogols. La fortune des Anglais n'en Fig. 38. — Hôtel des Tournelles et partie du Quartier Saint-P.uil vers 1540. — D'après le Plan de la Tapisserie. était pas moins sur son déclin, et, cinq ans plus tard, Paris et les Tournelles avec leurs nouvelles plantations retombèrent au pou- voir de Charles VII. ené d'Anjou a enfin créé les derniers jardins du moyen âge, qu'il serait bien injuste d'oublier. Dans l'intéressante monographie qu'il a consacrée à ce prince artiste, M. Lecoy de la 40 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Marche cite plusieurs documents qui attestent sa sollicitude pour ses « jardinaiges. » Il y avait au château d'Angers un grand et un petit jardin, que René orna tous deux de treilles « en charpenterie bien ouvrées, belles et bien faites ». Suivant M. Lecoy, « le grand jardin offrait quelque peu l'aspect naturel et pittoresque des jardins anglais modernes (i). » Cependant, les pièces qu'il cite semblent plutôt donner l'idée d'un jardin régulier, comme on l'entendait alors. « On y voyait de petits préaux de gazon, des allées soigneusement ratissées et des roues, c'est-à-dire des corbeilles ou parterres ronds, bordés de clisses de bois. » Dans le mémoire de Desbans, concierge du château, retrouvé aux Archives nationales, on remarque les articles suivants : « X sols pour mote et ouvriers à taire le petit préau du grant jardin. — Item, II sols 6 deniers pour achat d'une clisse de boys jardin. -- Item, pour six hom- audit grant jardin ung jour en- mote, pour lier la vigne et que grimpantes?), nectier (net- petit jardin, pour paye et des- encore parmi les oeuvres d'hor- imitation de la Sainte-Baume toresque, aux environs d'An- surtout ceux d'Aix, son séjour i,%3 i Fig. .(O. — Portrait du Roi René, d'après un Manuscrit d'Albi, pour habiller la roe du grant mes jardrineurs qui ont esté tier pour couvrir ladite roe de falloit à lier (d'autres plantes toyer) les allées du grant et pens XX sols (2) ». Il faut citer ticulture de René, La Baumette, de Provence, dans un site pit- gers, et ses jardins de Provence, favori dans sa vieillesse. Là « se mit à planter, enter arbres, édifier tonnelles, pavillons, vergiers, galeries, jardins... Entre ces louables passe-temps usant le vieux prince ses jours, entr'oublioit et mettoit arriére les causes de sa mélancolie, et dist plusieurs fois aux princes et ambassadeurs qui le venoyent visiter, qu'il aymoit la vie rurale sur toutes les autres, parce que c'estoit la plus seure façon et manière de vivre, et la plus lointaine de toute terriére ambition. » (Bourdigné.) A dire vrai, les jardins de René se ressentaient fort de son séjour à Naples. La Baumette, les bastides d'Aix et de Marseille ne ressemblaient déjà plus guère aux maussades promenoirs de nos châteaux encore militaires, qui, dans leur morgue (:) Le Roi René, t. II, p. 9. (2) L'entretien des jardins d'Angers était primitivement confié à un jardinier spécial payé quarante livres par an. Le concierge Desbans fut chargé de ce soin quand René se retira définitivement en Provence. Il y avait aussi au château de Baugé des jardins soigneusement entretenus, avec un Dédains. JARDINS DU MOYEN AGE 4i féodale, « semblaient dédaigner, éloigner la campagne et le travail des champs, la terre des serfs!! » On retrouve au contraire, dans ces créations de René, sinon un sentiment défini des beautés du paysage, du moins cette admission familière des jardinages s'étendant librement en cultures variées autour des promenoirs royaux ; — ce mélange d'art et de nature, de ménage champêtre, dont il avait pu voir les premiers modèles en Italie. l Sj4"; n Fig. 42. — Vue générale de la Villa d'Esté. (Voyc^ Vues de Détail, pages 57 et 58, et le Texte, page 5,5.) JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE es terrasses aériennes, des jardins suspendus, les vues les plus variées. Tout prés, l'idylle du ménage des champs. Aux jaillissantes eaux des fontaines de marbre, le cerf avec la vache, venant le soir sans défiance; de grands troupeaux au loin en liberté; la fenaison ou les vendanges, une vie virgilienne de doux travaux. Tout cela encadré du sérieux lointain des Apennins de marbre, ou des Alpes aux neiges éternelles. « L'hiver note rien à ces paysages. L'abandon même et les ruines y ajoutent un charme nouveau. Dans les jardins où cesse la culture, les grandes vignes laissées en liberté semblent se plaire en l'absence de l'homme. Elles sont maîtresses du logis, s'emparent des colonnades, se prennent aux marbres mutilés et caressent les statues veuves. Tout cela très sauvage et très doux. » C'est ainsi que Michelet a exprimé d'une manière à la fois juste et poétique JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE 43 l'impression que produisent encore aujourd'hui, malgré leur état d'abandon, ou plutôt à cause de cet abandon, les palais de plaisance et les jardins italiens de la Renais- sance. Les grands architectes de cette époque, en imitant le style des édifices de l'antiquité, reproduisaient d'instinct, en quelque sorte, comme complément d'orne- mentation, les parterres, les terrasses ornées de vases et de statues, les portiques et arceaux de verdure, les piè- ces d'eaux machinées. Ce qui a péri ou vieilli dans ces créations, c'est précisément ce qui fut le plus vanté d'a- bord, les concesssions aux caprices de la mode (comme les fantaisies et les surprises hydrauliques). Ce qui reste aujourd'hui le grand et puis- sant attrait de ces jardins, c'est qu'ils ont été, à l'époque moderne, la révélation de l'art du paysage. Ce ne sont plus de simples promenoirs circonscrits, isolés. « On a réalisé un majestueux décor autour de l'habitation, et ouvert de larges accès pour la vue aux perspectives du dehors. On a fait fête à la nature; on l'a comprise et aimée. On a étudié ses effets gracieux ou grandioses; on est arrivé enfin au vrai sentiment de l'art. » Les grands seigneurs de la Renaissance prenaient quelque plaisir à contempler l'œuvre humble et féconde du serf, que dédaignaient leurs farouches prédécesseurs. 11 est vrai qu'ils n'en étaient pas beaucoup plus tendres pour le serf lui-même. Ces jardins sont généralement disposés en amphithéâtres sur des pentes. Soit qu'ils s'élèvent au-dessus de l'habitation, soit qu'au contraire celle-ci en forme le cou- ronnement, ils offrent toujours des terrasses, de vastes escaliers, des chutes d'eau; Villa Borghèse. (Voye% p. 54.) 1. Entrée. — 2. Petit Pavillon.— ). Jardin fleuiiste et Serre chaude. — 4. Grand Lac avec une Ile où se trouve le Temple d'Esculape. — 5. Jardin orné de fragments an- tiques. — 0. Grand Hippodrome. -* 7 Faisanderie. — 8. Chapelle. — 9. Petit Muséum. — to. Temple en ruine. — 11. Temple de Diane. — 12. Salle fraiche et Glacière. — 13. Palais. — 14. Jardin botanique. — 1;. Volière. — lé. Logement du Jardinier. — 17. Dépendances. — )8. Porte d'entrée. — 19 Potager. — 20. Bosquets. — 21. Grande Prairie. {Voyt^ Vue de Détail, page 56.) 44 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS souvent aussi le relief du sol nécessite des allées obliques ou tournantes, qui rompent la monotonie. On peut dire que, sauf l'intérêt spécial des objets d'art de valeur très di- verse (i), amas- sés souvent avec profusion dans ces parcs de la Renaissance et de l'âge suivant, qui en a vu cinq ou six les a vus tous. Nous nous borne- rons donc à men- tionner ici les plus intéressants par la beauté des sites et des eaux, comme par les souvenirs qui s'y rattachent. Parmi ceux de l'I- talie du Nord, la première place ap- partient à celui du palais Giusti (Ve- ronetta), « que la nature a assez bien servi (Fig. 46), dit de Brosses, pour lui donner dans son jardin même des (1) Beaucoup de ces débris étaient, chez les anciens, des œuvres de pacotille; « ce qui subsisterait chez nous si, après un long enfouissement, on retrouvait des statues d'escaliers et des bustes d'hôtel de ville. ». C'est l'observation fort juste de M. Taine (Voyage en Italie, I, 29S.) JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE 45 Fig. 46. — Vue des Jardins du Palais Giusti, à Vérone, d'après une Photographie. Etat actuel rochers, au moyen desquels on a des grottes et des torrents sans fin, surmontés par de petites rotondes ouvertes de tous côtés sur la ville et sur tout le pays coupé par le cours de l'Adige. A gauche, la vue ne se ter- mine pas, et à droite les montagnes du Tyrol l'arrêtent. Outre cela, la quantité de cyprès prodigieusement hauts et pointus lui donnent l'air d'un de ces endroits où les magiciens tien- nent le sabbat. 11 y a un labyrinthe. J'y fus plus d'une heure au grand soleil à tempêter, sans pouvoir me retrouver. » Ces jardins n'ont guère été entretenus depuis la visite du spirituel magistrat dijonnais, mais ils y ont plutôt gagné que perdu. « La végé- tation y est superbe, dit un touriste de 1878. De beaux arbres, lauriers, citronniers, oliviers, au milieu desquels percent les noirs cyprès, escaladent la colline. On monte par un lacis de sentiers se perdant sous les arbres, tournant les pelouses et longeant des terrasses où des statues quelque peu écornées disparais- sent à demi sous les plantes grimpantes. Plus haut, le sentier s'escarpe davantage, de petits escaliers aux marches tremblantes montent à la terrasse supérieure. Dans le massif, encadrée par un fouillis de bran- ches et de lianes, s'ouvre une grotte où murmure un filet d'eau, le seul bruit qu'on entende avec le frétillement des lézards. De là toute la surface du jardin s'aperçoit sous le grand soleil, les énormes cyprès F>'g- A', Discours du Songe de Poliphile. (Paris, MDLXI.) 4<5 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS donnent de larges masses d'ombre; et, par dessus le palais, les rouges tours de Vérone se profilent sur un ciel superbe. {Les vieilles villes d'Italie, p. 289.) (1). » Non loin de là, les bords de la Brenta offraient naguère une suite d'élégantes villas appartenant à des sénateurs de Venise (Fig. 45). Avant de quitter les bords de l'Adriatique, nous reproduisons une Scène dans un jardin empruntée au cé- lèbre Songe île Poliphile (1499), et qui donne une idée exacte de ces jardins de l'aristocratie vénitienne dans le temps de sa plus grande splendeur. (Fig. 47, Fig. 48. - Lago Mnggiore. Sesto ùlleude. é(J. Jg jjg^ gravure par Jean Cousin.) La plus curieuse était, dans la seconde moitié du siècle dernier, celle de Quirini; Altichiero, qu'a longuement décrite la spirituelle comtesse de Rosenberg, amie très intime du propriétaire. Le parc d'Altichiero se composait également de salles et de cabinets de verdure reliés par des allées treillagées, et dont chacun était le sanctuaire d'une divinité de l'Olympe (2). Parmi les nombreuses villas du lac de Côme, charmantes pour la plu- part, nous citerons seulement les villas Sommariva et Serbelloni, remarquables, la première, par les objets d'art qui la décorent; l'autre, par son heureuse situa- tion sur un promontoire d'où l'on jouit d'admirables points de vue sur les trois branches du lac. Cette situation ressemble si fort à celle de la villa Tragédie, de Pline, qu'on la croirait volontiers identique. 11 y a là aussi un effet de contraste saisis- sant, entre cette villa si riante et la ruine d'aspect farouche qui la domine, débris (il De cette terrasse supérieure, on montre aux voyageurs le champ de bataille de Custoza; on pourrait leur en faire voir bien d'autres ! Il est peu d'endroits au monde où l'on se soit plus exterminé que dans ces plaines de l'Adige. (2) La description d'Altichiero forme un volume in-40, rare et recherché comme tous les ouvrages du même auteur. Parmi les édicules du parc, on remarque un autel dédié aux Furies, sous un berceau de vignes, « pour conjurer les rixes qu'engendre trop souvent l'ivresse ». Fig. 49. — Iles Borromc-es. — Vue de B.iveno. JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE d'un manoir féodal devenu ensuite franchement un repaire de brigands, et détruit au quatorzième siècle par Galéaz Visconti, un de leurs collègues plus chanceux. Sur le lac Majeur, nous citerons Scsto Callendé (Fig. 48), et l'Isola Bella (Fig 49), dont la création ne remonte qu'à l'an 1670; et qui vit, ou plutôt végète sur son ancienne réputation. C'est un essai d'imitation des jardins suspendus de Babylonc, comme on les comprenait à cette époque; une montagne pyramidale carrée, Fig. 50. — Fontaine et Vue du Jardin de Boboli, à Florence. soutenue par des arcades et découpée en terrasses. Cette pièce d'architecture végétale était encore très admirée au xvme siècle; de Brosses y trouvait des « endroits exquis » que, pour notre part, nous y avons vainement cherchés. Le plus célèbre des parcs toscans est le real Giardino ai Boboli (Florence), attenant au palais Pitti (Fig. 50 et 5 1). Ce jardin, dessiné vers 1550, n'a guère conservé de son tracé primitif que la terrasse qui borde la façade méridionale du palais et la longue avenue à la suite, terminée par un bassin où s'élève, au milieu d'un îlot, la fontaine monumentale de Jean de Bologne, représentant Neptune et deux Tri- g- I. JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE 49 tons (Fig. 50). Cet ensemble, d'un effet assez grandiose, a donné, dit-on, l'idée de la scène principale du parc de Versailles, celle qui se déploie en face du palais et ■ >j - ', . .. s ■ ' . W?9m teksiËri Fig. 52. — Vue du Jardin Ludovisi. — D'après Giov. Battista Falda. (Voye^ p. 51.) aboutit au grand canal. Les jardins Boboli sont resserrés à l'ouest et au sud par l'g- 53- — ^'ue des Jardins de la Villa Médicis. — D'après Falda. (l'ow^ p. 52.) la forteresse du Belvédère et les remparts. Leur plus grande étendue est du côté de l'est, dans la direction de la Porta Romctna. Cette irrégularité de forme, les acci- 7 50 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS dents du sol et les variétés de cultures leur donnaient, dès le XVIIIe siècle, une physionomie exceptionnelle. « Ces jardins n'ont pas le sens commun, écrivait de Brosses, et par cette raison me plaisent infiniment. Ce ne sont que montagnes, vallées, bois, buttes, parterres et forêts, le tout sans ordre, dessin, ni suite, ce qui leur donne une physionomie fort agréable. » 11 y a dans ces quelques lignes une sorte de pressentiment de la réaction imminente contre le style régulier. — ., . . . - — — — 'i ,- -J - ■„ a. - / Fig. 54. — Vue de la Villa Pamphili, d'après Falda. (Voye^ p. 52.) Pratolino (n kil. de Florence), qui n'existe plus pour ainsi dire, mérite pour- tant une place dans l'histoire des jardins. Ce domaine avait été créé et arrangé pour Bianca Capello, la courtisane vénitienne aux cheveux d'or, devenue grande-duchesse. Les jardins étaient surtout célèbres par leurs jeux hydrauliques. On y voyait, de grandeur naturelle, un Jupiter lançant un tonnerre aquatique; le siège d'une forteresse, avec canons et arquebuses à eau ; la Samaritaine de l'Évangile, venant remplir et rem- portant son amphore, et la flûte hydraulique d'un dieu Pan accompagnant cette évo- lution, etc. » Toutes ces machines coûteuses plaisaient singulièrement à Bianca, et son mari, « qu'elle tenait à sa dévotion », comme dit Montaigne, n'épargnait rien pour la satisfaire. Ce fut elle qui mit à la mode les surprises hydrauliques, dont l'usage persista longtemps non-seulement en Italie, mais dans des régions où ces douches étaient encore plus désagréables. Dans une des grottes de Pratolino, les visiteurs étaient aspergés (rien que d'eau claire, il est vrai) par des figures de Harpies... Toutes JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE 51 ces gentillesses furent reproduites, avec des variantes, dans les villas romaines. Aujourd'hui, le palais de Pratolino a disparu; le parc, abandonné, n'est plus qu'un massif de broussailles, au milieu desquelles la statue colossale de l'Apennin, seul débris de ces magnificences évanouies, épanche mélancoliquement son urne dans un marécage. On peut citer encore, aux environs de Florence, le Poggio à Caiano, où mourut L •1 ?f$I| iitiJinai F'g- 55- — Vue de la Villa Doria Pauiphili avec ses Parterres. — État actuel. [Voyez P- 5-) subitement avec son mari (en 1387) cette même Bianca Capello, Tune de ces créa- tures décevantes et fatales, « astres qu'un démon conduit »; — la villa Palmieri, qui a remplacé celle où Boccace avait placé son Décaméron; celle del Giojeïïo, qui fut la très douce prison de Galilée. Les villas romaines du XVIe au xvine siècle n'offrent pas moins d'intérêt. Plu- sieurs occupent l'emplacement de célèbres villas antiques. A Rome même, les jardins de Salluste sont remplacés par le parc Ludovisi (Fig. 52), auquel servent d'enceinte les vieilles murailles de Rome; — ceux de Lucullus, de Néron et de Galba, par les 52 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS villas Médicis (Fig. 53), Pamphili (Fig. 54 * 56), B.ubarini. Aussi les travaux de fondation, de terrassement et de plantation ont mis à jour assez d'objets d'art pour décorer, jus- qu'à l'encombre- ment, les nouvel- les créations (1). Parmi celles si- tuées dans les en- virons immédiats de Rome, les villas Mattei, Pamphili, Borghése, Albani, méritent une men- tion spéciale. La villa Mattei (1 581-1586) a gar- dé, par une rare et heureuse excep- tion, le nom de l'artiste qui l'a créée. Son empla- cement offrait plu- sieurs irrégularités dont il a su tirer habilement parti (Fig. 57). Ainsi, contrairement à l'usage ordinaire dans ce temps-là, la grande entrée est latérale. Du côté où les jardins prennent leur principal développement, s'étend une (1) M.Taine a décrit admirablement les villas Ludovisi, Albani et Borghése, dans leur état actuel. (Voyage en Italie, I, 295 et suiv.) B JARDINS ITALIENS DE LA RENAISSANCE 53 longue pelouse bordée de cyprès et aboutissant à un hémicycle (4) en gradins que couronne un buste colossal d'A- lexandre. Tout le long de cette pelouse, du côté droit de l'habitation, règne une terrasse ayant vue par-dessus des bos- quets sur le mont Aventin. Du côté op- posé, une façade latérale plus étroite est enca- drée dans un large per- ron conduisant à une terrasse garnie de plan- tations à gauche, tandis qu'en face s'ouvre bien- tôt la perspective inat- tendue d'un vaste es- pace en contre -bas, encadré de verdure (5) et orné d'antiquités. Il y a là un exemple très remarquable d'alliance de la fantaisie au style régulier. La villa Pamphili est une oeuvre en par- tie française (Fig. 54 à 56). Le Nôtre y mit la main, lors de _ , Fig. 57. — Plan de la Villa Mattei. 1. Entrée. — 2. Bassin. — ;. Grande Terrasse. — 4. Hémicycle. — ;. Salle de Verdure. — 6. Grande Pièce d'eau. — 7. Loge. — 8. Bosquets couverts. 51 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Fig. S- >• Plan de la Villa Albani. il. Entrée. — b. Garde. — r. Portique. — >. — Vue à vol d'oiseau du Palais et des Jardins du Luxembourg au xvi° Siècle. (Voye^ p. 74.) l'on découvre tant de choses, est un beau verger et un bois si agréable, qu'on ne le sçauroit trop louer. Il n'est toutefois pas de grande étendue, car il n'a que huit allées principales, au milieu desquelles est une grande figure de Vénus. Mais il a tant de petits sentiers et de petites routes solitaires, et elles se croisent tant de fois, qu'on peut s'y perdre et s'y lasser. Il y a aussi sept cabinets (de verdure) de diverse grandeur, et les plus jolis du monde. Les arbres en sont si beaux, le vert si frais et l'ombrage si charmant, qu'il n'est pas possible d'être en ce lieu-là sans plaisir et sans esprit. 11 semble qu'on n'ose y estre malade ni malheureux. » C'est aussi de cette époque que date une création plus importante, celle du Luxembourg. (Fig. 83.) Le dernier jardinier habile dont le nom ait été conservé 74 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS avant Le Nôtre, est Boyceau, qui travaillait pendant la minorité de Louis XIV. Nous reproduisons (Fig. 84) le plan d'un parterre de broderies, exécuté à Saint- Germain par ce Boyceau, en 1653. Le dessin ne manque pas d'élégance, mais semble aujourd'hui plus propre à servir de modèle d'orfèvrerie ou de tapisserie, qu'à être exécuté en verdure et en fleurs. Ce fut Le Nôtre qui fit passer la mode de ces parterres, dont il disait « qu'ils n'étoient bons que pour les nourrices qui, ne pouvant quitter leurs enfants, s'y promenoient des yeux et les admiraient du deuxième étage. Il y excelloit néanmoins, comme dans toutes les parties des jar- dins (1). Mais il n'en faisoit aucune estime, et il avoit raison, car c'est où on ne se promène jamais. » (Saint-Simon.) Cette critique est parfaitement justifiée par les spécimens de ces parterres qu'on voit encore dans quelques villas italiennes, par exemple ceux de l'Isola Bella et de la villa Pamphili. Vu des fenêtres du palais, celui-ci produit l'effet d'un vaste tapis de coukurs voyantes, représentant des armoiries ornées de guirlandes et autres ornements. Il existe encore en France, dans le jardin de l'Hôtel-de-Ville de Castres, un curieux parterre de ce genre. (1) Il l'avait bien montré dans l'exécution du Parterre des Fleurs, sur les dessins de Lebrun, au Château de Vaux. sUv^^Ny^N» * rrr^i Fig. 84. — Pnrterre de Boyceau. Fig, 85. — Parc de Versailles. Vue de la Fontaine de Latone et du Tapis-Vert. JARDINS FRANÇAIS DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE (Le Nôtre) près avoir vécu quatre-vingt-huit ans dans une santé parfaite, Le Nôtre (Fig. 91), dit Saint-Simon, mourut (en 1700) avec sa tête et toute la justesse et le bon goût de sa capacité, illustre pour avoir le premier donné le dessin de ces beaux jardins qui décorent la France. « Le Nôtre avait une probité, une exactitude et une droiture qui le faisaient estimer et aimer de tout le monde. Il travaillait pour les particuliers comme pour le Roi, et avec la même application ; ne cherchait qu'à aider la nature et à réduire le vrai beau au moins de frais qu'il pouvait. Tout ce qu'il a fait est encore fort Fig. 87. I. Porte Je U Conférence. — Jardin des Tuileries, d'après Le Nôtre (1680). (Voyc- j\ 79 ) — 2. Cours la Reine. — 3. Mcudon. — 4. Le 1er à Cheval, — j. Nouveau Chemin de Versailles Fig. 88. — Vue des Pièces d'eau \ Versailles. (Voyez ?■ ",s-t 't^^^^^^f, /1IË!--'ir'''^^^^^^^.^^^^M Fig. 89. — Vue du Château de Meudon. (Voye\ p. 79.) . . "0&^t ML ^r j^ - Fig. 90. — Vue du Château de Versailles à vol d'oiseau (16S8). (Voyez F- 780 78 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS au-dessus de tout ce qui a été fait depuis, quelque soin qu'on ait pris pour l'imiter. » Ce fut, comme on sait, le parc de Vaux qui commença la réputation de ce grand artiste; Louis XIV jugea que Le Nôtre ne pouvait être surpassé que par Le Nôtre lui- même. Le parc de Versailles (Fig. 85, 88 à 90, 92), son chef-d'œuvre, a heureusement survécu à toutes les révolutions. C'est le plus prodigieux effort qui ait été jamais tenté, pour met- abords d'une ré- harmonie avec rain. mémorable pour- à bien des obser- nous bornons à pales. D'abord, décorateurs des de la Renaissance que tous pour beauté des sites, sur ce terrain iri- se suffire à lui- par l'harmonie et nance des lignes lité du paysage, Fig. 91. — Portrait d'André Le Nôtre, peint par Carlo Maratti, gravé par Masson. tre la majesté des sidence royale en celle du souve- Çette œuvre rait donner lieu vations. Nous deux des princi- tandis que les villas italiennes avaient eu pres- auxiliaires la Le Nôtre a dû, grat de Versailles, même; suppléer, la belle ordon- factices, à la nul- et il était difficile d'y mieux réussir. Ensuite, au milieu de ce colossal triomphe du genre régulier, on démêle facilement une certaine recherche de la variété. Ce n'est plus là l'inflexible régularité de la villa Aldrobandini, par exemple. En examinant le détail des bosquets, et même l'ornementation des parterres nord et sud, dans le voisinage immédiat du château, on reconnaît que Le Nôtre s'est écarté de la symétrie par goût et sans nécessité. Le Nôtre travaillait en même temps à Versailles pour Louis XIV, et à Chantilly pour le grand Condé. Mais à Chantilly (Fig. 93, 94), son œuvre a subi des retouches qui en ont sensiblement altéré le caractère. En revanche, c'est lui qui a donné aux jardins de Fontainebleau (Fig. 78) leur physionomie actuelle, par la construction de JARDINS FRANÇAIS DU XVII' SIÈCLE 79 la terrasse qui encadre et domine les quatre carrés du parterre et le bassin central. Il refit presque entièrement le jardin des Tuileries, comme on le voit en comparant le plan de 1680 à celui de Gomboust (Fig. 87). Dans cette conception largement ébauchée, déjà l'on reconnaît les principaux linéaments de l'œuvre définitive; à droite, la nouvelle plantation de la terrasse des Feuillants; puis la majestueuse allée centrale avec ses deux bassins, prolongée au delà du pont tournant par « le nouveau chemin de Versailles » (n° 4), la future grande allée des Champs-Elysées. Celle-ci, à peine tracée, escalade fièrement l'horizon, et semble déjà réclamer pour point ter- minas un arc de triomphe. A gauche, on voit la terrasse du bord de l'eau, dégagée, mais non encore plantée. La vue, dans cet état ancien, n'en était peut-être que plus belle. Le regard se portait librement sur la porte monu- mentale de la Conférence, les massifs du Cours-la-Reine et l'amphithéâtre boisé des hauteurs de Meudon. A Meudon (Fig. 89), à Saint- Cloud (Fig. 95 et 96), Le Nôtre avait su tirer un excellent parti des acci- dents de terrain. Bien des détails de la décoration primitive avaient été remaniés ou supprimés dés le siècle suivant, comme la grotte de verdure qui ombrageait naguère la cascade. Mais combien d'autres choses ont péri à Saint-Cloud! Après avoir travaillé pour Fouquet, Le Nôtre travailla pour Colbert, et le parc de Sceaux comptait aussi parmi ses plus belles créations (Fig. 97). On connaît la triste destinée de ce domaine quasi-royal, détruit à la Révolution, sauf une parcelle transformée en guinguette! Mieux vaudrait avoir disparu entièrement, comme 12 LStL^L 1 : .'An*.-:' -. -. fA - , : ■" » Ci !> v-.„ T^^Ëlf ^ Fig. 92. — Vue du Parc de Versailles. (Voye% p. 7S.) A. Cour du Château. — B. Galerie de Tableaux. — C, Parterre d'Eau. — D. Par- terre de Fleurs. — E. Parterre de Fleurs. — F. Orangerie. — G. Bassin de Neptune. — H. Allée du Tapis- Vert. — I. Labyrinthe. — J. Bains d'Apollon. — K. Salle de Bal. — L. Fontaine de Saturne. — M. Fontaine de Cérès. — N. Fontaine de Bacchns. — O. Fontaine de Flore. — P. Fontaine. — Q_. Ile Royale. — R. Bassin d'Apollon. — S. Canal. Fig. 9>- — Château et Jardin de Chantilly. {Voye^ p. 78.) Fig. 94. — Château de Chantilly avec ses Parterres. (Fmr; p. 7S.) Fig. 95. — Jardins et Parc de Saint-Cloud, créés par Le Nôtre. (Voyex, p. 79.) I. Château. — 2. Jardin de M. le duc de Chartres. — 3. Jardin d'Apollon. — 4. Labyrinthe. — j. Orangerie. — 6. La Gerbe. — 7. Canal des 24 Jets. — 8. La grande Gerbe. — 9. Les Trois Bouillons. — 10. La Table de Marbre. — ir. Les Goulottes. — 12. Bassin du Fer à Cheval. — 13. Bassin des Carpes. — 14. Jardin particulier de Son Altesse royale. — 1;. Le Tiller. — 16. Les Cascades. — 17. Les grandes Nappes. — 18. Le Champignon. — 19. Le grand Jet. — 20. Grotte de Eocailles. — ai. Bassin de la Gerbe. — 22. Portique de Treillage. — 23. Les Bassins. — 24. Trianon. — 25. Bassin de Vénus. — 26. Petite Cascade. II 82 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Clagny, le « palais d'Armide » de Montespan. Il n'en reste que trois rares gra- vures du temps, dont une vue d'ensemble (Fig. 98), et quelques lignes de Mme de Sévigné. Elle écrivait, le 7 août 1675 : « Nous fûmes à Clagny... Le bâtiment s'élève à vue d'oeil, les jardins sont faits. Vous connaissez la manière de Le Nôtre; il a laissé un petit bois sombre qui fait fort bien. 11 y a un ': §^&W W^rm^ .!,; ,*"""' ' ' ' " " V>- *■ ' '4L Fig. 96. — Cascade du Parc de Saint-Cloud, d'après Baltar (Calcographie du Louvre). [Voyez p. 79.) bois d'orangers dans de grandes caisses; on s'y promène; ce sont des allées où l'on est à l'ombre; et, pour cacher les caisses, il y a des deux côtés des palissades à hauteur d'appui, toutes fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins, d'œillets. C'est assurément la plus belle, la plus surprenante et la plus enchantée nou- veauté qui se puisse imaginer. » Elle ajoute quon aimait fort ce bois, pour lequel on faisait acheter « les tourterelles les plus passionnées. » On, c'était Yami solide de la grande marquise (le Roi), et la marquise elle-même, qu'un peu auparavant Mme de Sévigné représentait au milieu de ses ouvriers, pareille à Didon faisant bâtir Carthage. Cette charmante description atteste la souplesse du talent de Le Nôtre, qui savait Fig. 97. — Cascade du Parc de Sceaux, d'après Rigaud. [Voye% p. 79. - ~::\ :^~ - r.i~Tl ■,., ;-->« A . - tè^*' Fig. 98. — Jardin du Château de Clagny, près de Versailles, d'après Perelle. (Voyez p. 82.) §4 HISTOIRE DE L'ART D"ES JARDINS Fig. 99. — Parc de Marly (Voyez p. 85.) I I 3 5 7 ,2 I S s 60 ï ^ ^ .S u t - 4J M ïi 1.1 »|J* N U W 3 I g-S a « — allier au besoin la grâce à la occupait dans son œuvre une A Saint-Germain (Fig. 70), le travail de Le Nôtre (1674), reconnaissais, mais la ter- l'une des plus magnifiques rope, pour la vue et l'étendue majesté. Évidemment Clagny place spéciale (1). il faut citer, non le parterre, où plusieurs fois remanié, n'est plus rasse, établie par lui en 1672, promenades qui existent en Eu- du parcours. Le Nôtre, bien qu'octogénaire, conçut et exécuta lui-même en partie une autre création non moins (1) On sait que Clagny coûta à la France, tout compris, la somme de 2,861,728 livres 7 sous 8 deniers. Quand ce fut fini, le règne de la marquise était sur son déclin. Aussi le Roi, qui avai si souvent prescrit de ne rien épargner, trouva la dépense excessive. JARDINS FRANÇAIS DU XVI p SIÈCLE 85 remarquable et d'un genre tout différent, l'Ermitage de Marly (Fig. 99) (1), dont les plantations furent terminées par Duruzé, l'un de ses élèves. On doit aussi à Le Nôtre la promenade publique de Dijon, l'une des plus belles de France, qui a heureusement survécu aux révolutions et échappé a peu près aux remanie- ments; celle d'Amiens (la Hotoie), qu'a chantée Gresset; — le jardin royal de ■ ■■:<- • ,.^ff> iH-X-i ■:r" %v.: :-"*V 'mm **, SU Fig. 100. — Château de Louvois, près de Reiras. Turin, auquel il avait su fort habilement donner un air de grandeur, malgré sa petitesse réelle, etc. Mieux encore que les palais, les parcs de Le Nôtre mettent en relief la grandeur de l'ancienne société française, et celle des catastrophes qui l'ont frappée. On retrouve l'imitation de Le Nôtre dans tous les parcs français ou remaniés en France jusqu'à l'avènement du style irrégulier, dont on a conservé d'anciens plans, comme ceux de Louvois, prés de Reims (Fig. 100) et de Liancourt (Fig. 10 1) (2). (1) Mémoires du marquis de Sotnches, IV, 194. Ce serait à Marly que Louis XIV aurait fait promener Le Nôtre en chaise à coté de lui, un mois avant la mort du célèbre jardinier. (2) Dans ce dernier plan, le grand bocage d'allées couvertes et accolées, qu'on remarque sur la droite, doit remonter à une époque antérieure. Fig. lot. — Château et Jardins de Liancourt. (Voyei p. 85.) Ht m m.. il 8 * i?ÏÏ ■'■' = ' ^M ■ ' f ^Ê^S-'^i-:-^*3^feiS^^^f^ Fie. 102. — Parc de Schceubiunn, prés Vienne. (Voyez p. 90.) ii,..;,l-.;h„,,|. \ 4VjJi 26 ! f. : ilfm / iiiAX- <'>ïttk Fig. 103. — Parc de Wïlhemshœue, près Cussel. (Dessiné par Kaupert. Plan publié par la librairie Schropp, de Berlin.) [J'oyt'i p. 90.) Hauteur d'Hercule. — 2. Montagne de Charles. — 3. Hauteur de la Chaumière. — a. Réservoir Asch. — 5. Ruines de Lion. — 6 Montagne du Hunrod. — 7. Moulaiig. — 8. Grand Lac. — 9. Grand Lac. — 10. Hôtel et Restaurant. — il. Ancien Jardin d'arboriculture. — 12. École d'Arboriculture. — ij. Ecole d'Arboriculture forestière. — 14. Jardin potager, — 1;. Bassin de Neptune. — 16. Réservoir pour les Fontaines, — 17. Cascades. — 18. Bassin de l'Enfer. — 19. Temple d'Apollon. — 20. Grande romaine. — 21. Temple de Mercure et Réservoir des Nouvelles Cascades. — 22. Nouvelles Cascades. — 23. La Bach (Forêts). — 24. Le Seeberg. — 2;. La Tête Rouge. — 26. Le Rammelsberg. —27. Domaine et Ecuries. — 2S. Rivière la Drusel. 'imxm 9 _5ssP£53?3K1Bh6 Fig. 104. — J.irdin du Comte de Pembroke. (Voyez p. 91.) Fig. 105. — P.irc de Drumknrig, au Duc de Buccleucli. [Voyez p. 92 ] Fig. 106. — Vue du Parc du Château de Knebworth. (Voyez p. 92.) Fig. 107. — Château de Knebworth, appartenant à Lord Lytton. (Voye^ p. 92.) 12 90 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Cette influence s'étendit dans toute l'Europe civilisée. L'empereur d'Autriche voulut avoir son Versailles à Schœnbrunn (Fig. 102); le roi de Naples, le sien à Caserte; la Russie eut plus tard le sien à Peterhof. Le landgrave de Hesse avait eu la même ambition pour son château de Wilhelmshœhe (Fig. 103). Il prit pour auxiliaire un réfugié français qui a chèrement payé sa gloire future, Denis Papin. Les rois d'Espagne avaient, dés le xvic siècle, le parc d'Aranjuez, avec des avenues déjà fort Fig. 10S. — Parc de Woodstock, prés Kelkenny. Château appartenant à M™ Louisa Tigbe. (l'on\ p. 92.) belles du temps de l'ambassade de Saint-Simon (1722), et le reste, arrangé et tou- jours entretenu depuis l'origine par la volonté expresse de Charles-Quint, dans ce que le noble duc appelait le goût flamand, c'est-à-dire du temps de la Renais- sance; « coupé de bosquets, de berceaux bas et étroits, et pleins de fontaines de belle eau, d'oiseaux, d'animaux et de statues mécaniques inondant les curieux. » Accoutumé aux jardins de Le Nôtre, Saint-Simon trouva « bien du petit et du colifichet » à Aranjuez, « mais le tout faisait quelque chose de charmant et de surprenant en Castille, par l'épaisseur de l'ombre et la fraîcheur des eaux. » Aujourd'hui, le « colifichet » a disparu, mais les avenues restent, et comptent parmi les plus belles du monde. Dans les autres parcs royaux, l'ambassadeur reconnaît JARDINS FRANÇAIS DU XVIIe SIÈCLE 9i l'application du nouveau style français. Le parterre du Retira ressemblait de tout point au Luxembourg. Le château de La Granja était alors en construction, et les jardins à peine ébauchés s'étendaient jusqu'au pied des montagnes, dont la hideuse beauté faisait tout l'aspect du château, mais qui avaient l'avantage de « fourmiller des plus grosses sources », et d'approvisionner des bassins et des jets d'eau sans nombre, Fig. 109. — Château de Durham, d'après Kip (Britannia îlluslrata). {l'o\t\ p. 92.) « dont plusieurs jetoient gros comme la cuisse, le double de la hauteur de ce beau jet d'eau de Saint-Cloud, qui faisoit la jalousie du feu roi (Louis XIV). » Le jardin du comte de Pembroke (Fig. 104), qui paraît être de la fin du xvie siècle ou du commencement du xvne, est un type curieux des plus anciens jardins réguliers anglais. Nous y retrouvons les parterres en broderies et les tourelles, les ifs réguliè- rement taillés, les carrefours ornés de statues. Après le rétablissement des Stuarts, la prépondérance française s'étendit jusque sur les jardins. Ceux de Greenwich et de Saint-James, dessinés par Le Nôtre lui-même, furent imités dans toute l'Angleterre, et continuèrent de l'être, même après la révolution de 1688. 92 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Nous citerons encore, parmi ces anciens parcs anglais, ceux de Chatsworth (Fig. m), de Kncbworth (Fig. ioé et 107), Drumlanrig (Fig. 105), et Woodskock (Fig. 108). Tout en guerroyant contre la France, l'Angleterre continuait à subir l'in- fluence du goût français. Ce pays, où des principes tout opposés devaient bientôt pré- valoir, est peut-être celui où les plus grands efforts avaient été faits pour appliquer le Parc du Château d'Elvaston (dans le Derbyshire), appartenant au Comte d'Harrington. (Voyei p. 9;.) système régulier, même dans des localités d'où semblaient l'exclure la description capri- cieuse des bâtiments de diverses époques et les accidents du sol, comme à Durham (Fig. 109). On trouvait aussi dans ces jardins réguliers anglais de curieux spécimens de sculp- tures végétales. Tandis que ce système d'ornementation était à peu prés réduit ailleurs, notamment en France, à un rôle tout à fait secondaire, il restait plus que jamais à la mode dans les Pays-Bas et en Flandre. Cette fantaisie persistante s'explique, chez ces peuples, par la monotonie de l'horizon, le morcellement des domaines, la manie de la curiosité, de tout ce qui exige un entretien constant, méticuleux. Un dessinateur de ardins, presque contemporain de Le Nôtre, reproduisait en buis, charmille ou épine- JARDINS FRANÇAIS DU XVIIe SIÈCLE 93 vinette des scènes de chasse, par exemple un groupe composé d'un homme enfonçant un épieu dans la gueule d'un ours et secondé dans ce combat par son chien (i). On a aussi conservé le souvenir d'un jardin, prés de Harlem, où toute une chasse au cerf était représentée en charmille; d'une caricature d'abbé, à Saint-Omer, entouré d'un chapitre d'oies, de dindons et de grues, en ifs et romarins; d'un autre, gardé par des gendarmes en buis, etc. Ces tours de force furent répétés en Angleterre sur une grande Fig. m. — Chatsworth, au Duc de Devonshire. échelle, après l'avènement de Guillaume d'Orange. Un dessinateur nommé Wyse, homme d'imagination, après tout, transforma des parcs en ménageries d'animaux dans diverses attitudes, gardés par des géants, le tout en ifs et en buis. L'ancien plcasarc-groiiml d'Elvaston-Castlc (Fig. no) offrait, dans une enceinte de palissades de verdure faisant office de rempart, quantité d'arbres et d'arbustes taillés (i) On trouve une gravure représentant cette sculpture dans un livre fort rare, VHorticultura, de Lauremberg de Rostok. — Francfort, 1654. Aujourd'hui encore, les jardins du fameux village de Bruck sont remplis de sculptures semblables, représentant des colonnes, des statues, des arcades, des animaux réels ou de fantaisie. Quelques tours de force du même genre ont été longtemps conservés en France. On entretenait encore, en 1808, dans un parc voisin de Chartres, des instru- ments de musique gigantesques, groupés en labyrinthe. 94 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS de manière à figurer les ruines éparses d'un temple. Dans un passage de Pope, qui raille ces fantaisies grotesques, il est question d'un groupe en buis représentant le combat légendaire du patron de la Grande-Bretagne contre le monstre infernal. « Le bras du saint n'est pas encore assez long, mais au printemps prochain il aura suffisamment poussé pour atteindre le dragon. » Ces efforts, souvent malencontreux, pour concilier deux choses absolument contraires, pour introduire la variété, l'imprévu dans l'ordre régulier, indiquaient assez l'approche d'une révolution. Le temps des architectures végétales finissait, celui du paysage allait commencer (i). (i) Parmi les spécimens les plus remarquables de parcs français de cette époque, nous aurions pu citer encore ceux de Le Tellier à Chaville, de Richelieu en Poitou, et plusieurs autres dont il ne reste que les belles gravures de de Pérelle. Une curiosité de ce temps, dont aucun écrivain n'a parlé, c'est, ou plutôt c'était le parc du comte de La Forest, à Frècltint dans le Vendômois, offrant, dans un espace de moins de quatre hectares, une réduction exacte de Versailles. Il a subsisté- dans cet état jusque vers 1850. Les parterres du jardin de Choisy, dont nous reproduisons le labyrinthe (Fig. 112), étaient l'une des œuvres de Le Nôtre les plus réussies. Fi". 113. — Diogène. Paysage de N. Poussin, gravé par Boudet, 168^. (Calcographie du Louvre.) LE PAYSAGE uiVANT un de nos contemporains, à la fois penseur profond et grand écrivain, « les jardins anglais (agrestes ou irréguliers) indiquent l'avènement d'une autre race, la domination d'un autre goût, le régne d'une autre littérature, l'ascendant d'un autre esprit, plus compré- hensif, plus solitaire, plus aisément fatigué, plus tourné vers les choses du dedans. » (Taine, Voyage en Italie, I, 297) (1). Une des conséquences de cette évolu- tion psychologique, et non l'une des moindres, a été ce qu'on peut appeler (1) Ceci n'est pas absolument exact, ou plutôt est incomplet. On ne saurait nier que le style des jardins chinois, prototype du genre irrégulier, n'ait une corrélation intime avec celui des constructions. Mais l'observation de M. Taine n'en est pas moins vraie, en ce qui concerne la disposition morale qui a déterminé et favorisé l'adoption de ce genre en Occident. 96 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS l'étude analytique des beautés de la nature, des sites de différents caractères. On a recherché à quoi tiennent les impressions si variées qu'ils produisent, à quelles combinaisons d'eaux, de feuillages, de lumière, d'horizons tourmentés ou paisibles, correspondent ces impressions tristes ou gaies, douces ou violentes; ce qui fait la Fi". 115. — Polyphème, par N. Poussin, gravé par Boudet. (Cakographie du Louvre.) grâce de certains aspects naturels; et, pour parler comme Saint-Simon, la hideuse beauté de certains autres; — hideuse, et pourtant triomphante! Quelques grands peintres, et notamment le plus grand de l'école française, Poussin, ont été les initiateurs du monde moderne dans cette voie nouvelle. La peinture de paysage n'était, a l'origine, qu'un accessoire de la peinture historique. Les événements reproduits par les artistes se passant souvent en plein air, ils se trou- vèrent entraînés insensiblement à étudier tous les aspects sous lesquels peut être reproduite la nature. Plus tard, les figures prirent souvent moins d:importance dans les tableaux, tandis que le site en obtenait davantage. Les représentations des LE PAYSAGE Fig. 116. — Claude Lorrain. — Paysage avec la Vache. (l'oye^ p. 99.) Mystères, en Italie et ailleurs, exigèrent des décorations, et cette imitation en grand des paysages et des perspectives fit naître l'idée de peindre des sujets analogues dans des dimensions rédui- tes, en les animant de quelques figures. Avant que des artistes se vouassent exclusi- vement à. ce genre, des maîtres de premier ordre, à commencer par Raphaël, avaient donné plus d'impor- tance au paysage dans leurs compositions. A Venise, Titien lui avait imprimé un accent de mâle grandeur et de vérité saisissante. Dans l'un de ses chefs- d'œuvre, le Martyre de Saint Pierre le Domini- cain (qui malheureu- sement n'existe plus), il avait placé cette scène terrible dans un paysage admirable- ment assorti au sujet, et dont les premiers plans étaient grands comme nature. A Rome, le Dominiquin Fi°\ 117. — Claude Lorrain. — Paysage; Mercure endort Argus. (Voye^ p. 99.) s exerça dans cette branche de l'art, en traitant parfois des sujets mythologiques en figures de petite 98 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Fig. 118. — Paysage par Berghex. {Voye{ p. 99.) dimension dans des tableaux où le rôle principal appartient au paysage (i). Dans ce genre, il fut imité et sur- passé par le Poussin. Cet artiste, grand entre les plus grands, avait été souvent amené à composer des sites en harmonie avec les sujets d'histoire sacrée ou profane qu'il avait à traiter. Il l'avait toujours fait avec le plus heureux discernement, non pas avec une fidélité litté- rale et absolue dont les élé- ments n'étaient pas à sa portée, mais en tirant de ce qu'il connaissait le parti le meilleur et le plus judicieux. Ce goût si sûr, ce sentiment si développé du beau ne lui firent pas défaut, quand, dans quel- ques moments d'enthou- siasme pour le spectacle de la nature, il choisit le paysage comme but prin- cipal et presque unique de ses compositions. Ses ta- bleaux dans ce genre ne sont pas nombreux, mais tous portent le cachet de son génie. Tous offrent, le di 1 r • 1, Fig. 119. — Nicolas Berghem. — Paysage. (Isk n. 99.) ouble mente d une com- position grande et simple, malgré la richesse des détails et de l'heureuse combinaison r 1 (1) Voir notamment au musée du Louvre les n°s 495, 496, 300. On trouve des exemples semblables dans les oeuvres de Carrache, de l'Albane, de Mola, etc. LE PAYSAGE T) des lignes pour l'unité de l'effet (i). L'étude de ces œuvres n'est pas moins nécessaire aux dessinateurs des jardins paysagers qu'aux peintres. Ils y trouve- ront, pour la composition des scènes de différents caractères, des modèles dont il convient de s'inspirer, sans les copier servilement (2). On comprend qu'il n'est pas question ici de l'imitation parfaite de la nature. Sous ce rapport, Pous- sin est inférieur, non seulement à son con- temporain Claude Lor- rain (Fig. 116 et 117), mais à plusieurs au- tres maîtres anciens et modernes. En re- vanche, il n'a pas d'égal pour la compo- sition des paysages, bien que quelques-uns de ses successeurs, Gaspardj Dughet, par exemple, aient 'mar- ché avec succès sur ses traces, et laissé des œuvres dignes d'être étudiées (3). Parmi les grands paysagistes, il faut citer également Salvator Rosa, Watteau, dans l'école hollandaise, Berghem (Fig. 118 et 119), Ostade (Fig. 120), Pynaker (Fig. 121), Ruysdaël, Hobbema; dans l'école française moderne, Rousseau, Cabat, Corot, Millet, etc. On a voulu attribuer au Tasse une part d'initiative dans les commencements (1) Il ne faut pas oublier, pour bien juger son oeuvre, « qu'il y a maintenant deux siècles passés qu'il est mort et qu'il n'y a guère plus de cent ans que l'Afrique du Nord et la côte occidentale de l'Asie sont bien connues au point de vue de l'art et de la nature ». (Bouchitté, Le Poussin, p. 395.) (2) Notamment les Funérailles de Phocion, où le paysage s'harmonise si bien avec le sujet; l'Ouragan, la Peur, le Diogène (Fig. 113), le Polyphème (Fig. 115) où un artifice de perspective produit un si grand effet, et où Poussin a si heureusement fait intervenir, au second plan, l'idylle du ménage champêtre. (3) J'ai un paysage de lui, dont le sujet principal est un cours d'eau qui forme successivement plusieurs petits lacs ou bassins naturels bordés de plantations. On pourrait y trouver des indications utiles pour la disposition d'eaux abondantes dans un jardin paysager. Fig. 120. — Isaac Ostade. — Paysage. 100 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS des jardins paysagers, à cause de la description des bocages enchantés d'Armide, au Chant XVI de la Jérusalem délivrée : « L'art qui créa ces beautés, les accroît encore en se dissimulant....; et la nature, en retour, se plaît à imiter son propre imitateur.)» Ces gracieux eoucelli auraient, dit-on, été inspirés au Tasse par le souvenir d'un jardin irrégulier qui existait de son temps prés de Turin. L'existence de ce jardin ne nous est connue que par une lettre du Tasse écrite au temps de ses pires accès de folie (1580), et doit, par conséquent, être tenue pour suspecte. C'était d'ailleurs l'époque de la plus grande splendeur des villas italiennes de la Renaissance, notamment de celles d'Esté et Aldobrandini, bien plus conformes à la tradition antique, et par conséquent au génie italien (1). Aujourd'hui encore, pour la même raison, les jardins irréguliers sont assez rares en Italie. Ils produisent, en général, moins d'effet dans les contrées du Midi, baignées d'une clarté égale, que dans l'atmosphère brumeuse du Nord. Aussi, suivant des hommes très compétents, ce nouveau style devait réussir d'abord dans le pays brumeux par excel- lence, l'Angleterre, où les paysages sont moins admirables par la richesse de la végétation, que par les contrastes que produit le jeu de la lumière. (1) Cette description des jardins d'Armide ne serait-elle pas tout simplement une réminiscence des abords de la grotte de Calypso dans l'Odyssée? Fig. 121. — Adam Pynaker. — Paysage. (Tini- p, 99.) Fig. 122. — Eridge Castle (Sussex), un des plus anciens Parcs d'Angleterre, appartenant au Marquis d'Abergavenny. JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS (Jardins Anglais) ette révolution dans l'art des jardins, dont l'Angle- terre fut le premier théâtre, n'y commença que vers 1720, mais elle avait été pressentie et même for- mulée dans la première moitié du siècle précédent. Les principes d'une théorie des jardins, fondée, au rebours de l'ancienne, sur le sentiment et la reproduction des beautés de la nature, avaient été nettement posés par l'universel Bacon, dans un passage important de ses Sermones, imprimés dés 1644. Suivant sa théorie, un parc doit se composer de trois sections ou fractions principales, reliées entre elles par un système d'allées embrassant la totalité du domaine. 11 commence par une pelouse ouverte et se termine par des 102 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS bosquets. Entre la pelouse d'entrée et le bocage final, s'étend le jardin proprement dit, enveloppant de tous côtés l'habitation. Bacon recommandait que les allées de liaison et de ceinture fussent plantées de manière à donner de l'ombre à toute heure, mais il défendait de rechercher cet avantage au moyen d'aucune disposition symé- trique d'arbres ou d'arbustes. Il proscrivait, jusque sous les fenêtres des châteaux, les sculptures végétales et les parterres de mosaïque « dont il faut, dit-il, laisser le . ■ . Fig. 124. — Château de Badminton, appartenant au Duc de Beaufort. (J?oye% p. 103.) monopole aux confiseurs. » Il condamne aussi, comme désagréables et insalubres, les réservoirs, les bassins où l'eau reste immobile. Un parc doit présenter des ondu- lations, et, s'il est possible, un point culminant avec belvédère. Il serait bon aussi de ménager sur la lisière quelques élévations, d'où l'on jouirait des plus beaux points de vue des environs et de l'ensemble de la propriété. Il recommande de réserver un emplacement bien exposé, destiné à former un arborctum ou pépinière d'essai pour les arbres fruitiers et d'ornement susceptibles d'être acclimatés. Ces préceptes, aujour- d'hui d'usage commun, étaient, du temps de Bacon, d'une hardiesse singulière. Lui-même, un peu plus loin, semblait s'effrayer de sa propre audace, et admettait, dans le plcasure-ground ou jardin réservé, des ornements réguliers et des édicules conformes au goût du temps. JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS 103 La fameuse description du Paradis de Milton, composée quelques années après, est visiblement conçue dans le même ordre d'idées. Ce jardin, dont Dieu même a été l'ordonnateur, ne contient rien de symétrique; les ruisseaux y tracent de capricieux sillons sous les ombrages; « les rieurs n'y sont pas curieusement disposées en com- partiments ou en rosaces, mais répandues en profusion par la nature parmi les vallons, les plaines et les collines boisées... » Fig. 12). — La Favorite, ancien Parc près Mayence. Ces aspirations étaient prématurées. Tous les plans de parcs anglais du temps des Stuarts, de Guillaume III et de la reine Anne, appartiennent encore au style régulier (Fig. 122 et 124). Il en était de même en Allemagne, où la lutte se prolongea longtemps entre les deux genres opposés, comme en font foi les curieux plans des jardins de la Favorite, près Mayence (Fig. 125 et 126), de Heidelberg (Fig, 127), et le jardin épiscopal de Wùrtzbourg, encore remanié d'après le système régulier, dans la seconde moitié du xvmc siècle (Fig. 128). On y remarque, dans le voisinage du palais épiscopal et de l'église (1 et 22), un labyrinthe (18) renfermant deux édicules singulièrement placés en si édifiante compagnie; des temples de Flore (20) et de Bacchus (19). Ce jardin est encore conservé dans le même état. 104 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Pourtant le système contraire avait eu en France, et auprès de Louis XIV lui- même, un zèle partisan dans le poète Dufresny, homme fort irrégulier de toute manière, et qui improvisait avec la même facilité des jardins et des comédies. Il est au moins vraisemblable que les premières indications des Jésuites sur les jardins chinois (vers 1690) avaient vivement frappé l'imagination ardente et paradoxale de Dufresny. Il avait, dit un de ses biographes (qui écrivait en 1733 et l'avait connu), Fig. 126. — Fontaine du Parc de la Favorite, d'après Salomon Kleiner. (Voye^ p. 10; un goût dominant pour l'art des jardins. Mais les idées qu'il s'était faites à ce sujet n'avaient rien de commun avec celles des grands hommes que nous avons eus et que nous avons encore en ce genre. Il ne travaillait avec plaisir, et pour ainsi dire à l'aise, que sur un terrain inégal et irrégulier. Il lui fallait des obstacles à vaincre, et quand la nature ne lui en offrait pas, il s'en donnait à lui-même: c'est-à-dire que d'un emplacement régulier et d'un terrain plat, il en faisait un montueux, afin, disait-il, de varier les objets en les multipliant. Pour se garantir des vues voisines (1), il leur opposait des élévations de terre, qui formaient en même temps des belvédères. Il (1) C'est-à-dire pour empêcher les voisins Je voir. JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS 105 disposa dans ce goût les jardins de Mignaux, aux environs de Poissy, ceux de l'abbé Pajot, près de Vincennes, etc. Louis XIV, dont Dufresny était, dit-on, arriére-cousin de la main gauche, s'intéressait à lui et voulut à diverses reprises faire sa fortune, mais le grand Roi lui-même n'était pas assez puissant pour cela! On a prétendu aussi, tantôt qu'il avait hésité à l'origine entre les plans de Le Nôtre et ceux de Dufresny pour les Fig. 127. — Château et Jardins de Heidelberg. [Voyn p. 105.) jardins de Versailles, tantôt que dans sa vieillesse il avait failli se décider à les refaire complètement d'après les idées de ce dernier. Ces assertions viennent, dit-on, de Dufresny lui-même, ce qui ne prouve pas qu'elles soient vraies, au contraire (i)! Cette première tentative n'eut qu'un succès éphémère, et la vogue du système opposé, considéré plus que jamais comme national, se prolongea en France jusqu'à la (1) Dufresny descendait, dit-on, d'un fils naturel d'Henri IV et de la femme d'un jardinier, ce qui expliquerait bien, au gré des partisans de la théorie des affections héréditaires, le caractère hâbleur et spirituel du poète et ses goûts de jardi- nage. Né en 1648, Dufresny était beaucoup trop jeune pour présenter des plans en concurrence avec ceux de Le Notre pour Versailles, à l'époque où ceux-ci furent adoptés. D'autre part, dans ses dernières annéts, Louis XIV n'était préoccupé, en fait de jardins, que de ceux de Marly. Enfin, ce fut surtout dans les dernières années de sa vie (1714-24), et par consé- quent après la mort de Louis XIV, que Dufresny s'occupa de jardins. 14 io6 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS fin du régne de Louis XV. Tous les auteurs français qui ont écrit jusque-là sur les a3 I 4» ? OQ •? I 7 — 3 I J I Ol J ? 3 - C M 3 g. I I I I | I " g ON ni ^ I *rr "^ m- 'J! 3 °5. ^ " « S in ft I - C ' O » < 3 3 fl -3 | ? ? ;"•''"" .-fila jardins, ne font mention que de ceux du genre régulier, et ne paraissent pas en soupçonner d'autres. Il n'en était pas de même en Angleterre. Le nouveau système indiqué par Bacon JARDINS AGRESTES OU IR RÉGULIERS 107 et esquissé à grands traits dans le Paradise lost, fut nettement formulé par Addisson. Par une anomalie curieuse, l'auteur froid et compassé de Caton proscrivait en horti- culture la régularité classique qu'il introduisait dans la tragédie anglaise. On a souvent cité un passage de son poème intitulé: La Campagne, qui contient le pro- gramme de la « ferme ornée », telle qu'on la comprend aujourd'hui. « Pourquoi, disait-il, un propriétaire ne ferait-il pas de son domaine entier une sorte de jardin?... Fig. 129 — Vue du Jardin de Kew. (l'oyt\ p. 108.) Si les prairies recevaient de l'art du fleuriste quelques embellissements, il composerait un délicieux paysage, rien qu'avec son petit domaine. » Ces idées furent vivement reprises par un autre écrivain, qui a joui de son vivant d'une réputation aujourd'hui bien amoindrie. Pope attaqua énergiquement les jardins classiques : il se moqua des arbres taillés, « semblables à des coffres verts posés sur des perches, » et des autres architectures végétales. 11 joignit l'exemple au précepte, en disposant dans le goût nouveau son petit domaine de Twickenham près de Londres. Cette plantation fait époque dans les annales de l'horticulture anglaise. Ce fut là que le célèbre dessinateur Kent trouva, dit-on, ses meilleures inspirations : le parc d'Esher, maison de campagne du premier ministre Pelham, et le parc histo- ioS HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS rique de Claremont. En rapprochant la date de ces premiers travaux (1720) de celle des essais de Dufresny (1714-24), on est amené à penser que la France, en ceci comme en bien d'autres choses, pourrait réclamer le mérite de la priorité. Mais, en Angleterre, cette réaction contre le genre régulier, spécialement réputé français, devint une affaire d'amour-propre national. Alors, au rebours de la prophétie d'Isaïe, les espaces unis se soulevèrent en collines, les chemins droits se recourbèrent. Les eaux jadis captives dans des bassins ou des réservoirs, asservies à des fantaisies grandioses ou puériles, furent rendues à i &■ accélérée par des accidents nues détruites ou absorbées tours capricieux. Un peu cette révolution reçurent de fort. Ce fut la revanche des par Louis XIV! Nous avons suite Attiret, sur le jardin tecte anglais, collaborateur parc important de Kew un livre sur les jardins chi- neur à son imagination qu'à peu de temps en Chine, et Fig. iîo. — Acer negundo. (rcyn P. 109.) parcs impériaux. Mais, leur pente naturelle, encore factices de terrain; les ave- dans des massifs aux con- plus tard, les partisans de la Chine un puissant ren- « magots », jadis repoussés déjà signalé la lettre du jé- des jardins. Chambers, archi- de Kent dans la création du (Fig. 129), publia à son tour nois, qui faisait plus d'hon- sa mémoire, car il était resté n'avait pas même vu les comme il prêchait au nom des Chinois le retour absolu à la nature; ses descriptions, conformes à l'esprit du temps, obtinrent un grand succès, non seulement dans son pays, mais en France et en Allemagne. Ses préceptes furent bientôt développés et commentés dans un grand nombre d'autres ouvrages. L'un des meilleurs est encore celui de Whately, "publié en 1770 sous le nom modeste d'Observations (1). "Plusieurs de ces observations sur la forme des bosquets, la direction des allées, des ruisseaux, le rapprochement des diverses teintes de verdure, peuvent encore être consultées utilement. Plus sage que la plupart des dessinateurs et propriétaires anglais contemporains, il blâme la prétention de contrefaire, dans des jardins d'agrément, les scènes naturelles les plus violentes. (1) Whately (Sir Thomas) était, à cette époque, membre du Ministère. JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS 109 Il avoue, malgré son antipathie pour le style français, « que les avenues formant d'épaisses voûtes de verdure ont un charme particulier, et qu'il vaut mieux con- server cette disposition que de sacrifier des arbres importants, qui ne peuvent plus être déplacés. » C'est aussi à cette époque de révolution horticole qu'appartient la Théorie des Jardins, du professeur danois Hirschfeld. Celui-là, plus radical que Whately, Fig. 131. — Ëtang du Désert, à Ermenonville. (Voye^ p. 110.) repousse toute symétrie. Il paraît avoir voulu reproduire dans son livre le désordre pittoresque qu'il vante, et manque absolument de goût, bien qu'il répète ce mot à chaque instant. Ses extravagances sont quelquefois curieuses. Il donne, par exemple, un plan de répartition des parcs en quatre compartiments distincts, suivant les saisons; ou bien des préceptes pour appliquer la métaphysique à l'art des jardins, en assortissant leur physionomie a la profession, au caractère et même à la figure du propriétaire, ou aux sentiments dont il veut favoriser l'expansion chez ses visi- teurs. Ces impressions morales peuvent être obtenues infailliblement au moyen de certaines combinaisons d'arbres et d'arbustes, indiquées par le jardiniste philosophe. L'Acer negundo (Fig. 130) en considération de son feuillage d'un vert tendre, est particulièrement recommandé pour les scènes d'amour! Hirschfeld traite de fabuleuses I 10 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS les descriptions de Chambers et même celle d'Attiret, et bannit en conséquence la chinoiserie de ses parcs. En revanche, il les encombre de temples grecs. Malgré ces puérilités, cet ouvrage est re- cherché à cause des nombreuses figures qu'il con- tient, notamment des jardins paysa- gers composés par Brandt, l'un des introducteurs du genre irrégulier en Allemagne. En France, Jean- Jacques Rousseau (Fig. 131) fut l'un des plus énergi- ques promoteurs du nouveau sys- tème. « Il faisait voir l'aurore à des gens qui ne s'é- taient jamais le- vés qu'à midi, le paysage à des yeux qui ne s'étaient encore arrêtés que sur des salons et des palais, le jar- din naturel à des hommes qui ne s'étaient jamais promenés qu'entre des charmilles tondues et des plates-bandes rectilignes. » (Taine, Y amen Régime, p. 357.) L'emploi des jardins irréguliers commença à prévaloir en France vers 1770. Il -■:. TVuïS"-!..'^ -, ----- ------ ^W-1 'i''11!" 5GD Metjes Fig. 132. - — Parc de Stowe en Buckinghamshire, amélioré par Kent, en 1738. (Voyez p. 112.) Maison d'habitation. — 2. Deux Jardins potagers. — 3. Orangerie. — 4. Temple de Bacchus. — 5. Ermitage Saint- Augustin. — 6. Statue de Dryade. — 7. Pavillon et Grille. — S. Pyramide. — 9. Monuments de la reine Caroline. — 10. Cascade, — 11. Temple de Vénus. — 12. Rotonde. — 13. Caverne de Didon. — 14. Colonne et Statue du roi George. — 15. Théâtre de la Reine. — 16. Grotte du Berger. — 17. Entrée des Jardins. — 18, Temple de l'Amitié. — 19 Pont de Pembrocke. — 20. Temple gothique. — 21, Hémicycle des sept Divinités saxonnes. — 22. Statue de lord Cobham. — 23. Temple de la Poésie pastorale. — 24. Temple Grec. — 2j. Temple des Dames. — 26. Grotte et silex, porcelaine et coquillages, décorée de glaces et d'une statue de Vénus. — 27. Bains froids. — 28. Rivière des Aulnes. — 29. Pont de rocailles et Cascades. — 30. Temple des illustres Bretons. — 31. Église paroissiale. — 32. Temple de l'ancienne Vertu. — 33. Temple à la moderne Vertu et Arcade d'Armide. — 34. Monu- ments de Congrève. — 55. Grotte en cailloux. — 36. Statue de George Ier. — 37. Salon de Nelson. F„ ,» - Les Jardins royaux de Potsdam (avec Sans-Souci et Marly). - Reproduction d'après un Plar .gravé en 1853 g' 55' par M. G. Meyer, et appartenant à M. Juhlke, Directeur général des Parcs royaux. (Fi* p. Il6.) ,. Pépinière. - 4. Hippodrome. - S. Petit Château appelé Charlo.tenhof. - 6 Marly. - -7. L= Tableau,. - 9. Moulin à Vent de Frédéricle-Grand. - .0. Orangerie. - ... V .«noble. I, Palais nouveau. — 2. Temple antique. Château de Sans-Souci. — 8. Galerie de Tableaux. — 9. -.- ^Belvédère. - .;. Champ de culture. - .4. Montagnes avec ruines. - .5. Montagnes des Uo»l.n.. I 12 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS donna lieu à la publication d'un grand nombre de dissertations et de traités, parmi lesquels on remarque ceux de Watelet, de Valenciennes, de Morel, de Girardin, l'ami et le dernier hôte de Rousseau. Les anciens jardins avaient été spécialement célébrés par le P. Rapin; les nouveaux le furent par Dalliéres, Delille et Fontanes. Comme on l'a dit avec raison, les formes délicates de l'architecture de cette époque s'encadraient mieux dans les jardins irréguliers, que les constructions pompeuses et emphatiques Fig. 134. — Parc impérial de Laxenbourg, près Vienne (Autriche). (Toyrçp. lié-) WM m I. Château. — 2. Monu- ments. — ;. Temple de Diane. — 4 et 5. Dé- pendances. — 6. Tom- beau. — 7. Donjon. — S. Ruine. — 9. Cascade. — to. Lac — 1 1. Cas- cade. — 12. Temple. — 13. Parc à Gibier. — 14. Ile. — 1 j. Lac. de l'époque antérieure. C'est un nouveau témoignage en faveur du système de corré- lation intime entre le caractère des constructions et celui des jardins. * Il y eut au début de cette révolution, comme de toutes les autres, des tâton- nements et des erreurs regrettables. On s'écarta fort de cette harmonieuse unité dont les compositions paysagères du Poussin offraient pourtant de si beaux modèles. « Les jardins furent des essais de poèmes divisés en différents chapitres », dont les sujets, tantôt religieux, tantôt sérieux ou des plus profanes, formaient des contrastes souvent choquants ou grotesques. Le type le plus curieux de ce genre d'ornementation fut longtemps le fameux parc de lord Granville, Stowe (Fig. 132). Ce parc, dessiné régu- lièrement à l'origine, avait été remanié de fond en comble par Kent et Brown, vers 1738. On pouvait, en quelques heures, y visiter, dans une étendue de 350 arpents, plus de vingt édifices de premier ordre, sans compter les autres. C'était le plus étrange JARDINS AGRESTES OU IRRÉGUL*IERS "3 chaos de souvenirs grecs, latins, anglo-saxons, religieux, philosophiques, mytholo- giques et folâtres. A moins de cinquante mètres du « Temple de Bacchus », se trouvait ce l'ermitage de saint Augustin », au sortir duquel on accostait une statue de Dryade. Prés du « Temple des illustres Bretons », on voyait la sépulture d'un lévrier favori, avec une épitaphe interminable. La « caverne de Didon », ornée du groupe des deux amants, s'ouvrait non loin du « Temple de la Vertu féminine antique », et de la véri- Fig. 155. — Parc de Monceaux, d'après un Plan gravé en 1783. (Voyez P- 116.) r. Tertre de Diane. — 2. Abreuvoir. — 5. Salle des Marronniers. — 4. Jeu de Bagues. — S- Pavillon. — 6. Entrée de la Rue de Chartres. — 7. Propriété particulière. — 8. Ecuries. — 9. Basse-cour. — 10. Propriété particulière — 11. Serre chaude. — 12. Couches avec châssis. — 13. Jardin d'Hiver. — 14. Serre chaude. — ij. Porte du Jardinier donnant sur la rue de Monceaux — 16. Ferme. — 17. Ruines du Temple de Mars. — :S. Ile des Rochers. — 19 Château ruiné. — 20. Ile des Fleurs. — 21. Temple de marbre blanc. — 22. Bosquet d'aliziers. — 23. Pont Chinois. — 24. Petit aqueduc. — 25. Tente Tartare. — 26. Fontaine de la Nymphe. — 27. Chemin creux. — 28. Naumachie. — 29. Fontaine des Baigneuses. — 30. Bois irrégulier. — 31. Vigne italienne. — 52. Bois des Tombeaux. — 33. Bois d'Ébéniers. — 34. Jardin jaune. — 35. jardin rose. — 36. Jardin bleu. — 37. Marais de Fleurs. — 3S. Hauteur du Minaret. — 39. Glacière. — 40. Marais. — 41. Potager. — 42. Bosquet des Marronniers. — 43. Rochers, Source d'eau. — 44. Moulin à vent. — 43. Laiterie, table église paroissiale, comprise dans le parc. 11 y avait aussi, fort près de cette église, un temple de la Vertu féminine moderne. C'était un édifice en ruines, presque entièrement caché sous des plantes pariétaires, allégorie peu flatteuse pour le beau sexe contemporain... Le parc de Ke\v(Fig. 129), non moins célèbre, offrait un nouvel élément de variété, ou plutôt de confusion. Plusieurs fabriques de style chinois, notamment « la maison de Confucius », toute voisine d'un « Temple du Dieu des Vents », attestaient que Chambers avait passé par là. Ce même Chambers donnait des recettes soi-disant chinoises, plutôt iroquoises, pour forger des sites terribles. Il fallait : Choisir des rochers de forme hideuse et fantastique, arrangés de façon qu'ils semblent prêts à tomber sur les promeneurs; 15 ii4 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS Rechercher aussi les arbres les plus contournés, les planter de manière qu'ils semblent ployés sous l'effort incessant des tempêtes (il sera bon d'en casser et d'en enfumer quelques-uns, pour simuler les traces de la foudre); Précipiter les eaux sur des pentes abruptes, à travers des obstacles de toute espèce (quartiers de rocs, troncs d'arbres, etc.), qui les maintiennent à l'état de cataractes mugissantes; Fig. i;6. — Parc de Bagatelle, appartenant à Sir Richard Wallace. — Exécute par Thomas Blaikie, vers I780. (Voyez p. 117.) rangeas USUrlt ■S m ) il» 1 Disposer çà et là quelques sefm- bres cavernes, qu'on puisse supposer habitées par des bêtes ou des hommes de proie. Çà et là, aussi, des croix ou des obélisques avec des inscriptions rappelant la cruauté et la fin tragique des bandits. La fumée de fours à chaux ou de verreries masqués par les bois, ajoutera à la terreur en simulant des volcans. Quelques petits gibets, dressés de distance en distance, seront aussi du meilleur effet; Enfin, pour couronner le tout, dans un ravin ou sur une. hauteur de l'aspect le plus farouche, un temple de la Vengeance ou de la Mort, auquel conduira un sentier escarpé, « couvert d'herbes sinistres ». Bien que novateur zélé et convaincu, le dessinateur français Morel, auteur de la Théorie des Jardins, reste ébahi de cette fantasmagorie, à propos de jardins d'agrément. Ces excentricités n'en avaient pas moins passé dans la pratique- on exagérait le pittoresque en dépit de la nature elle-même. Kent planta à Kensington des arbres rachitiques, d'autres tout à fait morts. Son collègue Brown, surnommé le Shakespeare du jardinage, proscrivait toute trace apparente de culture, et con- duisait jusque sous les fenêtres principales de l'habitation des bosquets de la plus sauvage apparence (i). (1) On trouve de curieux exemples, avec figures, de parcs anglais créés ou remaniés à cette époque, dans un volume intitulé : Observations sur les jardins anglais, publié à Londres en 1801. JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS "5 ^riMïtx^m ^K Y %r ■s ?#Sï % Bientôt les parcs du continent rivalisèrent avec ceux d'Angleterre, pour la bizar- rerie et le mauvais goût des décors artificiels. Celui des Radziwill, auquel Delille a consacré quelques vers, était un des chefs-d'œuvre du genre. Pour franchir un cours d'eau large d'une vingtaine de pieds, on montait dans un bac amarré d'un côté à un Sphinx, emblème des périls de la navigation, de l'autre à un autel de l'Espérance. On débarquait dans un bois sacré, encombré d'autres autels. Un sentier ombragé condui- sait à un édicule go- thique, asile de la Mélancolie, d'où l'on passait au temple grec, où un goût exquis avait réuni des figures de Vestales autour des statues de l'Amour et du Silence!!! On ren- contrait ensuite la tente d'un paladin, un salon oriental avec des portes en aca- jou, un Musée d'an- tiquités, la plupart factices; enfin, le mo- nument funèbre que la princesse Radziwill s'était fait faire d'avance, pour l'agrément des visiteurs. Dans la plupart des grands parcs allemands, le style régulier est maintenu aux alentours immédiats des habitations; le reste est du style pittoresque. Dans ce genre mixte, c'est surtout le travail de raccordement qui fait ressortir le mérite du dessina- teur. Parmi ces parcs, on remarque Nymphenbourg (Bavière), Wœrlich (Anhalt- Dessau), Wilhelmshcehe (Fig. 103) près Cassel, déjà nommé; puis, en Prusse, Postdam et Sans-Souci (Fig. 133); en Autriche, Laxenbourg (Fig. 134) et Lunden- bourg, le plus vaste et le plus beau. Il faut citer encore, dans de plus lointains parages, l'ancienne résidence favorite de Catherine II, Tzarskoë-Selo. Il y a là aussi une collec- tion d'édicules cosmopolites, des ruines gothiques, un pavillon chinois, un bain ilfti ■■ ■* « n *. m Fig. 137. — Parc d'Ermenonville. (Voyez p. 117.) u6 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS turc et un obélisque égyptien qui est le monument funéraire des chiens favoris de la grande Impératrice. Ce parc, comme bien d'autres œuvres du même genre, offre encore de l'intérêt, non pour ces ornements factices auxquels on attachait jadis l'importance la plus grande, mais à cause des souvenirs historiques qui s'y rattachent et de la beauté des plantations. Fig. i;8. — Vue du Château de Méréville. (Toye- p. 117.) L'un des plus remarquables jardins irréguliers français créés avant la Révolution, fut celui de Monceaux, dessiné en 1778 par Carmontelle, pour le duc d'Orléans. (Fig- 13 5)- Le plan primitif offre un des plus anciens exemples de compromis entre les deux genres opposés. Le style régulier était maintenu aux abords de l'habitation; et l'on retrouvait même, dans l'intérieur du parc, une réminiscence des plus anciens parterres; les « jardins rose, jaune et bleu. » Tout le reste était franchement irrégulier, et le dessinateur avait fait de loua- bles efforts pour intéresser par des moyens purement naturels. Néanmoins, il JARDINS AGRESTES OU IRRÉGULIERS 117 s'était conformé au goût du jour, par l'installation d'un pont chinois, d'une tente tartan' et autres fabriques dont les plus intéressantes ont été conservées dans le Square actuel. Les parcs de Bagatelle (Fig. 136), d'Ermenonville (Fig. 137), de Méréville (Fig. 138 et 143), de Morfontaine (Fig. 142), justifient encore leur vieille célébrité. Ermenonville, chef-d'œuvre de Morel, reste l'un des plus beaux types du genre Fig. 139. — Château de Guiscard. (Dessin de Constant Bourgeois.) irrégulier primitif. Il y a encore trop de fabriques, plus que n'eût voulu le dessinateur, qui n'était pas tout à fait le maître. Mais tout n'est pas factice dans les ornements de- ce parc; on y trouve, habilement encadrés, la dernière habitation de Rousseau et son monument funèbre. Inspiré par le souvenir de l'homme célèbre auquel la France devait déjà, en attendant mieux, la Révolution dans les jardins, Morel s'est surpassé lui-même, en cherchant surtout ses effets dans la disposition des points de vue, le caractère varié des eaux et des plantations. Le contraste du Désert avec le reste du parc est à lui seul presque un trait de génie; malheureusement il lut reproduit à satiété. Chaque propriétaire voulait avoir son désert, comme autrefois son laby- rinthe. n8 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS On citait encore de confiance, il y a très peu d'années, une autre oeuvre très :miïp^ S? »] vtifrj/*,*sftjsijiM*'jjjjr*f"j^ I. Cli'uc.m Fig. 141. — Jardin de la Malmaison. 2. Temple. — 3. Serres. — 4. Entrée. — 5. Lac. — 6. Potager. Les plus anciens jardins paysagers, échappés aux dévastations, fournissent aux dessi- nateurs modernes des renseignements précieux. Par un heureux et rare privilège, en vieillissant ils embellissent! La nature, en reprenant ses droits, a opéré dans ces jardins d'heureuses transformations. Elle a lait disparaître bien des ornements puérils, et le développement des plantations autour des pavillons, des grottes, des ruines (1) Bien d'autres parcs, depuis longtemps détruits, méritent au moins un souvenir; celui de Boutin, par exemple, dessiné avant Monceaux dans le genre agreste, et fameux depuis comme jardin public sous le nom de Tivoli. Pans renfermait déjà, à l'époque de la Révolution, un grand nombre de jardins irréguliers, quelques-uns publics ou quasi-publics ; nous en citerons quelques-uns, dans le chapitre des jardins de ville anciens ou modernes. (2) Deux parcs des plus remarquables, celui de la Malmaison (Fig. 141) (détruit) et celui de Morfontaine (Fig. 142) (dans son état actuel), datent des premières années du xixc siècle. 120 HISTOIRE DE L'ART DES JARDINS factices, leur donne souvent bien plus de caractère et d'agrément qu'elles n'en avaient à l'origine. On peut aussi se rendre compte, dans ces parcs, de l'effet définitif d'un grand nombre d'arbres et d'arbustes relativement nouveaux. En résumé, après des changements qui correspondent aux évolutions psychologi- ques et sociales des différents peuples, l'Art des jardins, exercé par d'habiles artistes disposant de ressources plus étendues que jamais, est entré, depuis la seconde moitié du présent siècle, dans une voie plus rationnelle, dans un ordre 'd'idées plus en harmonie avec l'esprit moderne et le mode actuel de division et d'exploitation des propriétés. Nous allons essayer, dans les pages suivantes, de formuler les principes admis par les hommes les plus autorisés pour l'établissement des parcs et jardins, et particuliè- rement celles du genre ou style paysager, le plus fréquemment appliqué aujourd'hui. Fig. 142. — Bosquet à l'entrée du Fig. 143. — Tombeau de Cook dans petit Parc de Morfontaine. le Parc de Méréville. 144. — Vue prise dans le Parc 145. — Ruine dans le Parc de Rambouillet. de Boétz. là Fig. 147. — Rotonde et Grotte de l'Ile de Reuilly, au Bois de Vincennes. CHAPITRE PREMIER TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS OU PAYSAGERS oulant donner à notre travail un caractère marqué d'utilité pratique, nous allons exposer avec plus de détail les préceptes qu'on a le plus fréquemment occasion d'appliquer, ceux qui concernent les jardins et parcs irréguliers. Cependant nous consacrerons un chapitre spécial au style régulier, à cause de l'usage partiel qu'on en fait encore assez souvent aux abords des habitations, dans les œuvres du genre mixte, ou symétriques-paysagères. 12 1 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS I. — Définition. — Principes généraux. — Suivant un des classiques de l'art des jardins paysagers, cet art consiste dans « la concentration d'un ensemble de paysages naturels, idéalisés et poétisés (i). «Nous reproduisons ici (Fig. 149) le Fig. 149. — Tare de la Duchesse de Sagan, d'après le Plan de Teichert. I. Rivière le Bober. — 2. Branche de la Rivière du Bober. — ;. Chemin de fer de Sagan à Glogau. — 5. Jardin hollandais et Orangerie. — 7. VHIe de Sagan. — S. Ville de Sagan. — 9. Château. — lu. Orangerie derrière le Château. — 11. Serre. — 12. Ponts sur le Bober. fameux parc de Sagan, strictement conforme à ce système, dont les adeptes les plus habiles ont été en Allemagne, L. de Sckell et le prince Puckler. Cette définition ingénieuse paraîtra peut-être trop complexe, trop aristocratique, pour un art qu'on (1) Prince Piicklcr-Muskau, Élude sur la Plantation dts Parcs (1847). TRACÉ DES JARDINS I R R É G U LI ER S 125 Fig. 150. — Maison sur une Hauteur. peut aujourd'hui pratiquer avec succès, même avec des ressources pécuniaires très limitées. Il se peut, en effet, que les conditions restreintes de l'emplacement ne per- mettent qu'une scène, qu'un tableau; et ce tableau unique offrira de l'intérêt, s'il est bien composé et bien exécuté. De plus, il importe de tenir compte de l'effet que produisent, considérés isolément, les mouvements de terrain et les effets de plantation qui concourent a l'ensemble. Us doivent satisfaire au besoin de variété, fournir des incidents ou épisodes agréables. Mais l'unité doit, partout et toujours, être une condition prédomi- nante et comme la clef de voûte de la composition du parc le plus vaste, comme du plus modeste jardin paysager. Cette unité, qui paraît facile à obtenir, est trop fréquemment mal comprise ou violée. Aujourd'hui encore, on rencontre souvent, dans des propriétés arrangées d'une façon prétentieuse, un pitoyable amalgame d'or- nements artificiels, un mélange incohérent de tous les genres; une profusion d'édicules inutiles et de mauvais goût, d'allées mal dessinées et fusant double ou triple emploi; d'arbres et d'arbustes mal assortis, etc. Dans les jardins comme partout, l'harmonie est la base de tout ce qui est beau, de ce qui donne à l'esprit une satisfaction durable, et mérite par là de fixer l'attention. Cette harmonie sera toujours plus aisément réalisée, si l'habitation est située sur une éminence. Alors le jardin, disposé en pente douce, paraît plus grand et donne à l'habitation plus d'apparence. Ceci sera mieux compris par l'examen de la figure ci-jointe (Fig. 150), qui représente un terrain convexe avec une maison à son sommet. Si le terrain est ondulé, comme dans la figure suivante (Fig. 151), l'aspect sera encore plus agréable. Ajoutons que des objets qui souvent seraient à peine remarqués en rase campagne, gagnent infiniment s'ils se présentent habilement encadrés dans les perspectives d'un jardin paysager. Dans ces conditions, la plus modeste église, une tour, une ruine même peu importante, une chaumière, un moulin, peuvent ajouter quelque chose à l'intérêt d'une propriété (Fig. 152). Il ne faut pas négliger, si «la disposition des lieux le permet, d'augmenter l'effet d'un paysage, de lui donner l'attrait de l'imprévu, en le faisant apparaître Fig. 15t. — Maison sur une Hauteur dominant un Terrain ondulé. 126 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS tout à coup comme dans un cadre, au débouché d'une allée sous bois, ou d'un passage souterrain, comme Petzhold l'a fait, en dégageant dans le parc de Muskau, une perspective soudaine sur la Neisse (Fig. 153 et 154). Sans aller si loin, on peut trouver un exemple très remarquable et peu connu de ce dernier effet dans un parc de la vallée d'Auge, aux environs d'Orbec. A- l'issue d'un court tunnel pratiqué à travers les hauteurs faisant point de partage, on se trouve tout à coup en présence Fig. 152. — Moulin de Longchamps, au Bois de Boulogne. (J'oye^ p. 125.) d'une nouvelle vallée non moins gracieuse, celle de Livarot. Nous reproduisons une autre de ces surprises, ménagée dans la transformation du bois de Vincennes avec la perspective lointaine- et imprévue du donjon (Fig. 1 5 5). II. — Étude et Appropriation des Alentours. — L'étude et l'appro- priation des alentours est un des préceptes les plus essentiels pour les plus grandes créations, comme pour les moindres. « Tous les objets éloignés qui offriront un intérêt quelconque, dit le prince Pùekler-Muskau, devront être, pour ainsi dire, attirés dans notre domaine, de manière à dissimuler les limites. » — Par contre, les aspects disgracieux seront soigneusement cachés par les plantations. En thèse générale, un jardin paysager doit d'autant moins s'isoler, qu'il peut davantage TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 127 Fig. 155. — Bords plantés de la Rivière Neisse, dans le Parc du Prince Pùckler. — Vue avant les Travaux. — (Voye^ p. 126.) emprunter au dehors. Il est rare que la campagne la plus unie n'offre pas quelque scène intéressante; par exemple, quand le printemps déroule d'immenses pelouses de blés verdoyants; ou bien encore à l'époque des travaux de la moisson, ou même plus tard, quand les bestiaux sont parqués dans les champs. C'est là l'idylle, le « ménage champêtre », dont l'at- trait est si puissant, que des per- sonnages fort peu idylliques, Néron, par exemple, ou les Bor- gia, aimaient à le contempler, soit en perspective, soit même en détail et de près, dans les inter- valles des avenues de leurs jardins réguliers. (Voir les Jardins ro- mains, irc partie.) On augmentera l'intérêt de ces horizons de cultures, si l'on peut les relier à la propriété au moyen de quelques bouquets de bois habilement disposés. On peut même, par des artifices de terrassement et de plantation, tirer bon parti d'une grande route ou d'un chemin de fèr (Fig. 156), qui borde ou traverse le domaine en vue de l'habitation. Si ce travail est bien exécuté, les trains, les voitures, les piétons, qui semblent circuler dans l'enceinte du parc, lui donnent de l'animation, et le talent du dessinateur transforme en un ornement nouveau ce qui semblait un défaut sans remède (1). (1) On peut voir un bel exemple de ce genre de travail dans le parc de Franqueville, près Rouen, coupé en deux par la route de Paris. C'est une des œuvres les plus réussies d'un habile dessinateur normand, Duclos, mort miséra- blement en 1858. Fi". 154. — Percée pratiquée par Petzhold, dans le Parc de Muskau. - D'après ses Dessins. — Vue actuelle donnant sur la Neisse. — {Voyei p. 126.) 128 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS ar 11 est pourtant des circonstances où le jardin paysager, cerné impitoyablement p des constructions ou d'autres obstacles d'aspect disgracieux, doit tirer tout son agré- ment de lui- même. Une 'Tl crê' œuvre de ce genre, bien réussie, est un des plus beaux triom- phes de l'art du dessina- teur paysa- ger. L'un des meilleurs spécimens de ce genre est le Square desBatignol- les (Figure 15 7). 11 offre l'aspect de certains val- lons solitai- res des Vos- ges et du Jura, et un contraste des plus heu- reux avec les abords plus que prosaïques qu'il a fallu cacher complètement. Mais, dans tous les cas, qu'il taille masquer les alentours ou les démasquer, les clôtures doivent être soigneu- sement dissimulées; c'est une des lois inilexibles du genre. Cette dissimulation est toujours facile à réaliser; dans les espaces ouverts par des artifices de terrassements, TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 129 des levées qui dérobent à la vue le fossé, le mur ou la haie établis en contre-bas; — et, dans les intervalles fermés, par des rideaux de plantations dont les arbres à verdure persistante doivent toujours former pour ainsi dire la trame. Dans les plus anciens parcs de style irrégulier, le tracé des allées de ceinture trahissait une préoccupation constante d'obtenir le circuit le plus long possible, pour Fig. 156. — Vue à vol d'oiseau du Parc des Cuttes-Chaumont. [Voyei p. 127.) faire paraître le domaine plus grand. En conséquence, Kent, Brown et leurs premiers imitateurs effleuraient presque les murs, cachés seulement par une mince lisière de broussailles. L'expérience a condamné ce système. Au bout d'un certain nombre d'années, les grands arbres prennent leur essor, détruisent les broussailles et décou- vrent les clôtures, dont l'aspect incessant fait au contraire paraître la propriété moins grande qu'elle ne l'est. Pour produire et entretenir l'illusion, il faut donc ne pas serrer de trop près les limites, et les dissimuler le mieux possible en couvrant les murs ou les palissades de plantes grimpantes, si on ne peut pas établir un saut- de-loup. 17 130 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Nous reproduisons ici, d'après Repton, un modèle de ce genre de travail sur la limite mim iii \UM il\ "I " T VIP; ,, d une pro- priété (Fi- gures 158 et I59)- III. Dou- ble Des- tination du Jard;n paysager. — La ten- dance à la retraite, à la possibilité de s'isoler, n'est pas moins con- forme à la nature que l'amour du paysage. Bien des gens, même, sacrifient le plaisir de voir à celui de ne pas être vus. L'un des mé- rites de l'art des jardins consiste précisément à combiner ces deux avantages, qui au premier abord semblent 1 TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIRRS i *i s'exclure; à s'emparer en quelque sorte de l'extérieur par des percées intelligentes, mais sans se laisser envahir, de manière à être chez soi, tout en jouissant à volonté de vues agréables sur le dehors. Ce précepte est d'une application générale. Tous les jardins irréguliers, grands et petits, doivent être disposés de manière à satisfaire ce double besoin de retraite ou d'expansion. Il faut dire encore que des tableaux d'un aspect vulgaire prennent une élégance imprévue quand ils sont ajustés habilement dans un paysage bien composé. Dans cette condition, l'aspect d'un village des plus ordinaires, de constructions isolées, comme un petit pont, un moulin ':-yi Fig. 158. Vue d'une Plantation de Limite, avant la Transformation. D'après Repton. (Voyez p. 130.) ma : s • &*£# '."^msffQ^aamjF0"! -3 ou même une simple chaumière, produira un excellent effet. On peut aussi tirer parti de la vue d'une gare, d'un kâtiment indus- triel ou de toute autre construc- tion, pourvu qu'elle soit con- venablement encadrée dans le paysage. (Fig. 160). IV. — Rejet des ancien- nes Classifications. — Divi- sion des études. — Nous croyons devoir rejeter absolument les classifications de jardins ima- ginées par les novateurs du dernier siècle. Ainsi, outre les jardins maraîchers, fruitiers, botaniques et d'agrément symétriques, G. Thouin distinguait huit genres de jardins de plaisance irréguliers : chinois, anglais, fantastique, champêtre, sylvestre, pastoral, romantique, plus le parc proprement dit ou carrière. D'autres se contentaient de quatre genres : le pays, le parc, h ferme, le jardin. Il serait facile de montrer, par de nombreux exemples, que ceux-là même qui ont imaginé ces divisions n'en ont tenu aucun compte dans la pratique. Parmi les jardins irréguliers primitifs, les plus agréables présentaient un caractère complexe; des ornements chinois, mythologiques, cosmopolites. Ils auraient dû par conséquent être considérés comme appartenant à la fois a ces diverses catégories, dont la délimitation rigoureuse n'a jamais existé que dans les livres. Fig. 159. — Même Emplacement, après la Transformation. Ces deux dessins sont empruntés à l'ouvrage de Petzhold. (l'oyc^ p. 130.) 112 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Les études pour le tracé d'un jardin irrégulier ou agreste peuvent être décom- posées en trois parties principales : Le Relief du Terrain; Les Plantations; Les Allées. V. — Relief du Terrain. — L'étude du relief d'un projet de jardin agreste Fig. 160. — Vue prise dans le Bois de Vincennes. (l'oye- p. 131.) doit comprendre : i0,' la forme et la direction des vallées ou vallonnements; 20, l'emplacement des plateaux, belvédères et stations de promenade, tant dans l'intérieur que sur les limites de la propriété; 30, tout ce qui se rapporte à la direction et cà l'aménagement des eaux; 40, le choix et l'encadrement des points de vue. Il est évident que ces diverses parties du travail ont entre elles une corrélation intime. Le tracé des cours d'eau, par exemple, est déterminé par le relief naturel ou factice du terrain, par sa pente plus ou moins rapide. Réciproquement, l'abondance TRACÉ DES JARDINS IRRHCULIERS plus ou moins grande des eaux doit être prise en sérieuse considération dans la for- mation ou l'accentuation des mouvements de terrain. Les travaux préparatoires d'un jardin paysager sont justement l'inverse de ceux des jardins réguliers, où l'on ne craint pas au besoin, suivant l'expression heureuse de Stace, de dompter la nature (domuit possessor), d'asservir le terrain à la fantaisie de son maître. Tout au contraire, dans le jardin paysager, l'art n'est jamais le dompteur, le tyran de la nature, il s'en fait en quelque sorte le courtisan. Il la consulte sur le choix de sa parure, sur tout ce qui peut l'orner et l'embellir. Cette étude préliminaire du terrain fournit à l'artiste intelligent toutes les données principales de Fig' l6ï' ~ Exl— ™" d'un «• son plan d'ensemble; la direction des perspectives principales, celle des ruisseaux, l'emplacement des rapides, des cascades, des pièces d'eau, l'emploi le plus judicieux à faire des déblais. Remuer la terre pour composer un relief de fantaisie, est un mauvais système qui aboutit presque toujours a une déception, après d'énormes dépenses. On peut et souvent l'on doit retoucher le sol, mais sans modifier trop sensiblement le relief primitif. Ainsi, essayer, dans une plaine, un vallonnement trop tourmenté et trop accusé, c'est s'épuiser à faire de petites buttes, dont l'effet est toujours mesquin... C'est l'opération fondamentale, dont tout le reste dépend. Dans un terrain accidenté, cette tâche est souvent facile. Il suffit d'adoucir les pentes, de donner aux courbes une forme agréable, Fig. 162. — Creux pour les Allées. d'effacer les bosses et de combler les vides disgracieux. Mais dans une plaine, les ondulations du sol ne peuvent être obtenues qu'au moyen et en proportion des déblais. L'une de ces éminences sera réservée pour l'habitation, s'il n'y a ni hauteur, ni versant naturel où l'on puisse l'établir. Cette disposition est importante au point de vue de la salubrité, comme de l'agrément. Le parc ou jardin, vu de la maison, doit s'élever en pente douce à mesure qu'il s'en rapproche. Il paraîtra ainsi plus grand, et donnera aussi meilleure apparence à l'habitation, tout en dégageant le paysage. Le rez-de-chaussée doit être toujours exhaussé de quelques marches. On devra pareillement, s'il se peut, exhausser les massifs, les plates-bandes, afin de les grandir, d'en dissimuler les limites (Fig. 161). Entre ces levées, il y aura une sorte de creux où l'allée trouvera sa place (Fig. 162). THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Nous recommandons aussi de ménager ou de créer au besoin un ou deux plateaux, d'où l'on puisse embrasser non seulement l'intérieur du jardin, mais des vues extérieures. Ce précepte a été appliqué avec succès dans les embellissements de Paris, notamment au bois de Boulogne, par la création de la butte Morte- mart (Fig. 163). VI. — Nécessité absolue d'un Plan d'ensemble. — Travail préparatoire. — Dans tous les cas, en plaine ou sur un terrain accidenté, il importe, avant tout et par-dessus tout, de ne commencer les travaux qu'avec un plan d'ensemble bien arrêté, sous peine de tcâtonnements ruineux, ou même d'é- chec complet. Après avoir terminé I'a- vant-projet, on le con- trôle et on le rectifie par une nouvelle série de recherches et d'épreuves préparatoires sur le terrain, en plaçant des jalons dans les directions principales, et s'efforçant de se rendre compte des effets qu'on veut obtenir. Les lignes tracées dans l'avant-projet suivant les axes de vision, doi- vent être reportées sur le terrain au moyen des jalons, reliant le centre de chaque tableau à créer aux stations principales, d'où il sera visible en tout ou en partie. D'au- tres lignes de jalons relient entre elles ces stations principales, et aussi les points secondaires. Les résultats de ces épreuves préparatoires, qu'on ne saurait trop réitérer, sont reportés sur l'avant-projet, qu'ils transforment en projet définitif. C'est d'après cette reconnaissance du champ d'opérations que se règlent : i° les modi- fications à apporter au relief du sol, qui sont comme des jours ouverts sur les perspectives et les paysages; i° les plantations qui encadrent ces perspectives', Fig. 16;. — Vue du Lac du Bois de Boulogne, prise de la Butte-Mortem.-irt. TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS ) ) 3° la distribution des eaux. Nous plaçons ici, comme spécimen de ce genre travail, l'avant-projet du parc de Montsouris (Fig. 164). VII. — Époque des premiers Travaux de Terrasse- ment. — L'époque de la création du jardin est un détail de la plus haute importance. Dans les climats tempérés, L'été et l'automne sont les meilleures saisons pour les terrassements. Les terres qui ont été disposées pendant l'été ont le temps de se tasser avant que l'on ne plante, et tous les travaux s'y font dans des con- ditions meilleures. Le moment le plus favorable est la fin de l'été et le commence- de Fig. 164. — Avant-projet Ju P..rc de Montsouris, avec Indication des Courbes de niveau et des Axes des Perspectives. ment de l'automne (fin août-septembre), parce que dans cette période le sol com- mence à être ramolli par les pluies, et qu'aussitôt après, les gazons et les arbres peuvent être changés de place sans trop souffrir. (Régie variable, bien entendu, suivant i)6 THÉORIE DH L'ART DES JARDINS les latitudes.) La terre réclame des soins différents, suivant qu'elle est destinée à recevoir des plantations ou des gazons. Il y a des plantes, comme par exemple le Gynerium (Fig. 165), des arbres, comme Y Eucalyptus (Fig. 166), qui exigent une terre fertile et légère. D'autres arbres, notamment le mé- lèze, YAylanthe (vernis du Japon), préfèrent Jes sols les plus médiocres; d'au- tres, comme YAbies pinsapo (Fig. 167), se plaisent dans tous les terrains, même crayeux ; ou, comme le Pi nus exe chu (Fi- gure 168), exigent une terre légère substantielle. Une forte proportion de terre végétale neutralise dans une certaine me- sure, pour les planta- tions d'arbres et d'arbus- tes, le désavantage d'un climat ingrat et d'une mauvaise exposition. Pour les pelouses, au contraire, mieux vaut un sol léger, même pauvre, s'il a été bien nettoyé et préparé. Les herbes fines y réussiront plus facilement, et les mauvaises herbes ne s'y plai- ront pas. VIII, — Drainage. — L'opération préliminaire du drainage dans les terrains humides n'est pas moins nécessaire pour la création d'un jardin ou d'un parc que pour toute autre culture. Un sol marécageux à l'excès ne convient pas plus aux végétaux qu'aux animaux et aux hommes. ~Y''^m ffWfa* Fig. 165. — Gynerium argenteiin TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 137 Le drainage est non seulement nécessaire pour débarrasser le sol de l'eau sta- gnante préjudiciable aux plantes, mais aussi pour permettre à l'air d'y pénétrer plus librement. 11 peut, de plus, fournir au parc futur un supplément précieux d'eau courante. Plus le sous-sol est dur et serré, plus il faut que les drains soient enfoncés pro- fondément. La profondeur requise pour les drains ordi- naires est de im à im,2), et de quelques centimètres de plus pour les drains plus forts. Un métré suffit, en général, quand la couche inférieure est sablonneuse. La distance entre les drains varie suivant la pro- fondeur des tranchées et la nature du sol; la pente se règle d'après l'inclinaison du terrain à assainir. Les tuyaux de tuile ou d'argile, qu'on emploie d'ordinaire, ne va- lent rien dans les terrains boisés. Us y sont promp- tement effondrés et obs- trués par les racines. En pareil cas, et pres- que toujours, les drains en moellons ou en cailloux sont bien préférables. Ceux-là doivent avoir quinze à seize centimètres de largeur dans le haut. Les grands drains recevront une inclinaison plus prononcée (1). (1) Le drainage, qu'on croit d'invention moderne, était déjà pratiqué de temps immémorial dans les grandes cultures monastiques. Nous avons vu, dans le vaste enclos d'une chartreuse détruite à la Révolution, de ces drains de cailloux admirablement installés, qui fonctionnaient encore soixante ans plus, tard, sans avoir eu besoin d'être réparés. Les drains en fascines ou en branchages disposés en croix sont absolument condamnés par l'usage. ■ - Fig. 166. — Eucalyptus globulus. (Fo)*c p. 136.) i38 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Après le drainage, la terre doit être bien remuée à un mètre de profondeur, pour faire bénéficier de l'opération une plus grande quantité de terre végétale. Il faut que le produit des drains déversé dans le collecteur ait une issue d'accès facile, pour qu'on puisse en tout temps s'as- surer qu'ils fonctionnent bien. L'observation de cette régie est particulièrement importante dans les jardins et parcs où ce produit peut être employé d'une façon agréable et utile, pour ali- menter un bassin, simuler un ruisseau d'eau cou- rante, pour l'irrigation, etc. Il faut bien se rendre compte de la nature du sol, avant d'entreprendre cette opération, qui, même dans un espace restreint, peut être bonne à certaines places et inutile ou nuisible dans d'autres; par exemple, si le sol est naturellement sec, léger, disposé en pente, ou si l'on trouve un fond sablonneux ou pierreux. Les deux figures 169 et 170 représentent, l'une un petit drain fait avec des pierres cassées et couvertes de mottes, l'autre un grand drain plus enfoncé en terre, avec un tuyau au fond. IX. — Terrassements. — Les terres lourdes, épaisses ou nouvellement drainées devront être retournées à fond, soit pour être mises en herbes, soit pour recevoir des plantations. Si le sous-sol est argileux, il faut éviter de le ramener en dessus. L'argile ne fait jamais bon effet a la surface d'un jardin d'agrément. Il en est Abies pinsapo. (Voyex_ p. 136.) TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 139 autrement dans les potagers : là, elle peut servir à des mélanges, et sa présence n'est point un empêchement à l'application du système de culture qui consiste à intervertir alternativement le sol et le sous-sol. Toute la terre végétale enlevée sur l'emplacement des allées, des constructions, doit être utilisée pour les planta- tions, le potager et les parterres. On peut aussi en reprendre, pour la même destination, dans les en- droits destinés aux pelou- ses, où il suffit ample- ment d'une couche de vingt-cinq à trente centi- mètres de bonne terre. En général, les en- grais, la chaux, les phos- phates, les cendres, ne sont pas nécessaires dans la partie ornementale, sauf pour les rosiers, qui récla- ment un sol riche. Tou- tefois, quand la superficie est dure ou argileuse, les engrais deviennent indis- pensables partout. Si les circonstances le permettent, le sol du futur jardin devra être préparé une- année d'avance. On pourra alors détruire les mauvaises herbes et améliorer la terre, en y cultivant des pommes de terre, navets et autres plantes sarclées. Une année ainsi employée n'est pas perdue. X. — Mouvements de Terrain. — Les retouches des accidents naturels du sol, et la création d'éminences et d'ondulations artificielles, constituent l'une des parties les plus intéressantes et les plus difficiles du travail. ■ ■ ■ v Fig. 168. — Pinus excelsa. (Pby«£ p. 136.) 140 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Petit Dr.tin . . Pierre^ cassées tchcllt de J c. pour lm20, Fig. 169. — (Voyez p. 158.) La règle fondamentale en ce qui concerne les mouvements de terrain dans les jardins et parcs irréguliers, c'est que tous ces changements doivent avoir un air naturel. C'est en quelque sorte d'après elle-même que la nature doit être corrigée et embellie. En général, il ne faut user des mouvements de terrain artificiel qu'avec sobriété, en tenant compte de la physionomie générale du pays, ou de l'importance du parc ou jardin a créer. Des accidents de terrain trop multipliés dans un pays naturellement uni, et dans une propriété peu étendue, rappellent la fable de la Grenouille voulant se faire aussi grosse que le Bœuf. Toute éminence factice doit s'harmoniser avec les alentours, se raccorder en pente douce avec la plaine, comme la plupart des vraies collines, et présenter de même, sur sa surface entière, des ondulations plus ou moins caractérisées. D'autre part, l'importance de ces ondu- lations doit être proportionnée à celle de la hauteur elle-même. Une éminence lilli- putienne trop accidentée, est aussi ridicule dans un grand parc que dans une petite propriété. Disons encore que les points culminants de collines artificielles devront être, en règle générale, les plus larges, les plus arrondis, suivant la forme la plus harmonieuse des collines naturelles. La figure 171 nous donne les contours d'une éminence, avec des lignes désignant les points auxquels se rapportent les sections. De plus, comme on le verra tout à l'heure, l'importance des accidents de terrain naturels ou factices, pourra être singulièrement accrue par les artifices de la plan- tation. Le système d'adoucissement général des pentes, d'exclusion des lignes abruptes, comporte de nombreuses exceptions dans les grands parcs, où l'on dispose d'assez vastes espaces pour rechercher les effets pittoresques. Mais cette recherche serait presque toujours de mauvais goût dans les petits jardins paysagers, auxquels convient essentiellement le style tempéré. XI. — Plantations. — Après l'étude du sol, vient naturellement celle des \-3Br fiEy Pierres cassées . . . 1 \3jêê Tuyau au fond . . , w ; ÉJirlletlt Sc.p,„r j« 0 Fig. 170. — (Voye^ P- I3?0 TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 141 plantations (1). Les effets du développement des arbres, qui se rapproche et associe les feuillages, justifient les prévisions du véritable artiste, révèlent tout le mérite de ses combinaisons, souvent incomprises à l'origine. Le dessinateur habile esquisse des tableaux dont il confie l'achèvement à la lente mais infaillible collaboration de la nature. Il lui préparc, lui impose en quelque sorte sa tâche, et travaille ainsi plutôt pour l'avenir; — comme le fameux luthier de Crémone, Stradivarius, qui eut le courage de fabriquer des instruments dont le mérite ne pouvait être pleinement apprécié qu'un siècle plus tard. On a beaucoup écrit, beaucoup divagué sur la manière d'assortir le caractère des plantations avec celui des édifices. Par exemple, un célèbre artiste anglais, Repton, prétend que les arbres de forme pointue s'harmonisent mieux avec l'architecture gothique, et ceux a tètes rondes avec le style grec. Cette distinction nous paraît au moins subtile, à propos de jardins irréguliers. Si l'habitation a un caractère archi- tectural tellement important et accentué, qu'on éprouve le besoin de lui raccorder le décor du jardin d'une façon tout à fait marquée, mieux vaudrait revenir franchement à « l'architecture verte », et aux préceptes des Molet et des Le Nôtre. Mais, si la régularité en est bannie, on aura bien de la peine à démon- trer que le voisinage d'un sapin colossal, d'un if plusieurs fois centenaire, puisse être plus convenable dans le voisinage d'un édifice gothique ou pseudo-gothique, que celui d'un chêne ou d'un orme; et que la présence d'un cèdre du Liban ait quelque chose de shohing à proximité d'un portique corinthien. En un mot, il nous paraît chimérique et anormal de rechercher à maintenir, (1) Arboretum et Fleuriste de la Ville de Paris. Description, culture et usage des arbres, arbrisseaux, et des plantes herbacées et frutescentes de plein air et de serre, employées dans l'ornementation des parcs et jardins, par A. Alphand. — Un volume in-folio. Prix : 50 fr. — Paris, J. Rothschild, éditeur. « Cet ouvrage intéresse au plus haut degré les Horticulteurs, Pépiniéristes et Propriétaires de parcs et jardins. Il contient les noms français et latins de toutes les plantes ornementales, l'origine, l'indication du sol, l'exposition, l'emploi, les caractères principaux des feuilles, fleurs, fruits, l'époque de la floraison et la hauteur des végétaux. Il est divisé en deux parties : « 1. _ Arboretum. — i. Arbres et grands arbrisseaux d'ornements à feuilles caduques. — 2. Conifères. — 3. Arbrisseaux et arbustes à feuilles caduques. — 4. Arbrisseaux et arbustes à feuilles persistantes. — 5. Arbrisseaux et arbustes de terre de bruyère. « n. — Fleuriste. — Plantes herbacées et frutescentes, de plein air et de serres, fleurissantes et à feuillage décoratif. » Fig. 171. — Contours d'une Éminence. 142 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS dans le genre irrégulier, une harmonie entre la forme naturelle des arbres et la structure des édifices. Un bel arbre de n'importe quelle essence sera toujours le bienvenu prés d'une habitation de n'importe quel style. Si pourtant l'on veut à toute force que les contours de certains arbres s'accordent mieux avec certaines architectures, nous ajouterons qu'il importe encore plus de tenir compte des teintes de la verdure, et aussi de la densité et de la forme du feuillage. Ainsi, la verdure sombre sied bien aux abords des édifices antiques ou qui simulent l'antiquité, tandis que les teintes moins foncées s'harmonisent mieux avec ceux d'un caractère plus moderne et moins grave. Suivant Kemp, les feuilles légères, découpées, conviendraient aux abords des constructions de style grec ou oriental, tandis que les feuillages épais feraient mieux ressortir les détails délicats des sculp- tures gothiques et de la Renaissance. Pourtant tous les amateurs qui connaissent l'Orient ont pu apprécier le puissant effet que produit le rapprochement de la verdure opaque des cyprès pyramidaux, tranchant sur les blancheurs ensoleillées et les décou- pures de l'architecture orientale, et sur le bleu du ciel (Fig. 172). XII. — Rapport des Plantations à l'Habitation. — En général, « les grandes plantations ne doivent commencer autour d'un édifice qu'à une distance double de sa hauteur. Aucun détail intéressant de construction ou de sculpture ne doit être dissimulé, de tous les côtés, par ces plantations. Pour la même raison, il ne faut pas, en principe, mettre de grands arbres trop prés d'une construction monu- mentale. » Tels sont les préceptes fort sages de Lothar Abel, l'auteur de YEsthetik der Gartenkunst. Mais des buissons, ou quelques arbustes, peuvent être employés avan- tageusement pour dissimuler les inégalités de niveau qui se présentent fréquem- ment aux abords des constructions vraiment anciennes. Dans une propriété du genre irrégulier, l'habitation ne doit jamais paraître isolée; il importe qu'elle se relie au paysage. Si les lignes ne peuvent se raccorder d'une manière harmonieuse, on y pourvoit au moyen d'arbres isolés ou en groupes. L'observation de ce précepte est encore plus nécessaire quand la maison est sur une hauteur. Mais, à moins de circonstances exceptionnelles, les arbres ne doivent jamais toucher aux constructions. La plantation est une des parties les plus difficiles de l'art. L'harmonie entre les formes diverses des arbres comme entre les nuances des feuillages est une étude inépuisable, mais dans laquelle les plus habiles peuvent se tromper. Là aussi, toute- TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS M3 fois l'observation de certains principes-généraux pen. préserver de graves erreurs, et mettre au moins sur la route du succès. Le premier de tous est un respect scrupuleux pour les beaux et vieux arbres (Fig. 173, Chêne vert du bois de V.incennes).«La main de l'hom- me est prompte et forte pour dé- truire, lente et débile pour re- créer. Ni les Crésus, ni les Alexandre ne sauraient réta- blir dans sa ma- jesté le chêne que dix siècles avaient respec- té.» Sans doute, dans les rares contrées encore riches en grands arbres, il est parfois indispen- sable d'en sacri- fier quelques- chène vert au Bois de Vincennes. uns pour mettre en évidence d'autres plus beaux, démasquer un point de vue remarquable, etc. Mais une absolue nécessité peut seule justifier ces sacrifices, et c'est faire acte de bon goût que de pousser jusqu'aux dernières limites l'audace de la transplantation, pour des arbres très forts qu'il faut absolument déplacer. Ce sujet (la transplantation) est d'un intérêt majeur. Nous y reviendrons, Fig. 175. — Jardin princier au Caire, (l'oyci p. 142.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS M5 au point de vue pratique, dans un autre chapitre de ce volume, celui des Pro- menades publiques. Nous rappellerons encore, comme susceptible d'une application au moins fréquente, le précepte d'un dessinateur anglais : « Ne plantez jamais un arbre isolé, sans lui donner un buisson pour compagnon et pour protecteur! » On est sûr, par exemple, d'obtenir des effets agréables en associant au feuillage d'arbres verts de teintes sombres, des touffes de chè- vrefeuilles ordinaires ou à réseaux d'or, de rosiers grimpants, de vignes vierges, de sureaux, qui égaient tour à tour ces compagnons sévères; de leurs grappes de fleurs ou des teintes variées de leurs feuillages. C'est aussi une régie générale- ment admise de composer la plus grande partie des plantations, sur- tout dans le fond des parcs, d'arbres et d'arbustes indigènes, et de réser- ver les productions exotiques, même de pleine terre, pour les groupes isolés au premier plan (Fig. 174), et surtout pour les places les plus rap- prochées de l'habitation et des serres. C'est d'ailleurs le meilleur moyen de faire l'essai des variétés nouvelles, de connaître leurs qualités et leur tempérament. D'habiles horticulteurs ont conçu, pour ces végétaux exotiques, une aversion qui semblerait justifiée par d'insignes déceptions, et aussi par l'abus qu'on a fait quelque- fois de certaines variétés à feuilles panachées. Il est certain que ces produits de caprices maladifs de la nature (et quelquefois d'artifices mercantiles), n'offrent souvent qu'un médiocre intérêt; l'amateur, qui les a payés fort cher, est exposé à les voir demeurer malingres et rachitiques, ou se confondre, en grandissant dans un terrain plus riche, avec les espèces ordinaires. Toutefois, une exclusion absolue des nouveautés susceptibles d'acclimatation serait par trop rigoureuse. Si l'on avait 19 Fig. 174. — Groupe de Cèdres du Liban. 146 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS toujours procède ainsi, nous ne compterions parmi nos arbres fruitiers ni le cerisier, ni le pêcher, d'origine persane. Nous aurions repoussé des arbres comme sophora, le ma- l'acacia-robinia, le gnolia, et même Lombardie, qui fait isolément ou dans bien qu'on en cri- les. avenues où il célèbredessinateur, grenadiers au port saurions non plus duction récente de conifères rusti- Vuc d'une Plantation variée. le peuplier de très bonne figure certains massifs, tique l'emploi pour produit, suivant un l'effet d'une file de d'armes. Nous ne regretter Pintro- d'un grand nombre ques, quoique exo- mmwTwm, ■ .a j.:'> Fig. 176. — (Voyi\ p. 148.) Fig- i?; tiques, dont les teintes variées tranchent agréablement (Fig. 175) sur celles en général plus sombres de nos arbres verts d'Europe (1). Des arbres symétriquement alignés seront tou- jours d'un mau- vais effet dans les petites pro- priétés. Il faut y éviter aussi les plantations trop denses. Un d'une prison dont l'intérieur ne peut être vu de personne, mais d'où l'on ne peut rien voir non plus. Rien de plus monotone en- core, qu'une plantation dont les arbres sont tous de même hauteur, de même variété, de même forme. lar ''■- ■•v.-.ï rdinet ainsi obstrué a l'air Fig. 17S. — (Voyez p. 148.) (1) L'hiver de 1880 a été, il est vrai, une terrible épreuve pour plusieurs de ces conifères, notamment pour le Wellington ia, Y Àlies pinsapo des sierras espagnoles, le cèdre Deoâara, le Pinus excelsa. Comme les animaux malades de la peste, Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappes. En revanche, plusieurs autres, et des plus beaux (par exemple les A. Norimanniana, Canadensls, Pindrow, le Cupressus Lawsoniana, ont victorieusement résisté. B O -2 Q 1 tu -g E O 148 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS La Figure 176 nous montre une de ces lignes symétriques sur un terrain plat. La Figure 177 nous apprend la manière de rompre cette uniformité, en employant quelques arbustes, tels que des épines, des houx, etc.. Le même défaut apparaît, moins disgra- cieux toutefois, sur un terrain ondulé (Fig. 178), et la manière de le cor- riger est indiquée dans la Figure 179, où les arbres sont disposés en massifs, suivant le relief du ter rain. XIII. — Combinai- son des Feuillages. — La combinaison des feuil- lages est un des sujets sur lesquels il est le plus diffi- cile de donner des régies fixes, et qui font le dé- sespoir des artistes. Plu- sieurs des plus habiles (notamment le prince Puckler), ont loyalement avoue que les dispositions sur lesquelles ils comp- taient avaient très souvent échoué, et qu'en retour ils avaient reçu force compliments à propos d'effets qu'ils n'avaient ni cherchés ni prévus lors de la plantation. Nous voilà bien loin de la confiance naïve de Hirschfeld, qui donne imperturbablement des recettes infaillibles pour fabriquer à volonté des scènes des quatre saisons, mélancoliques, amoureuses ou terribles. Ici, comme presque toujours, la vérité est entre les extrêmes. Il est difficile, mais non impossible de produire, par la combinaison de divers feuillages, des Fig. 181. Araucaria imbricata. (Voyc^ p. 151 ) TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS r D effets originaux et gracieux. On peut, par exemple, tirer un heureux parti des reflets du soleil sur des arbres d'une couleur exceptionnelle, comme le hêtre pourpre; sur des tiges élancées d'une nuance particulière, comme celles des bouleaux, des platanes, apparaissant dans la pénombre d'une futaie. On peut également combiner d'avance un effet vraiment féerique, qui se produira infailliblement au bout d'un certain nombre d'années, en plaçant sur la lisière des massifs, aux endroits Fig. 182. — Ile des Cèdres. [Voye^ p. 1 52.] les plus exposés aux vents, des arbres à feuilles bicolores, comme le tilleul argenté, le taxodium, le genévrier-cèdre (Oxycedrus), qui donnent de charmants reflets en ondulant au gré de la brise. Nous avons vu aussi les dispositions fortuites ou préparées d'arbres à feuillages d'un vert tendre; — trembles, peupliers suisses, érables negundo, mélèzes, etc., — apparaissant à la suite de masses d'un vert sombre, simuler à s'y méprendre des prolongations de perspective, surtout quand ces cimes s'éclairaient des rayons du soleil levant, ou se coloraient des derniers feux du soir. Mais, pour obtenir de ces résultats exceptionnels, il faut s'affranchir des règles banales du poncif paysager; tenir compte de l'orientation des arbres, des variantes i5o THÉORIE DE L'ART DES JARDINS i d'allure des diverses essences juxtaposées, des changements de teintes suivant les saisons. Il fout, pour donner ces touches magistrales, non seulement un grand fonds d'expérience, de connaissances spéciales, mais un instinct divinatoire fort semblable au génie. XIV. — Étude des Effets d'Ombre et de Lumière. — On voit, par ce qui précède, que la re- cherche et l'étude des effets d'ombre et de lumière con- viennent aux dessinateurs de jardins, aussi bien qu'aux peintres et aux architectes. Parmi les ondulations d'un jardin paysager, comme à travers les lignes majes- tueuses des avenues classi- ques, le soleil a son rôle ainsi que l'ombre. Ces jeux alternatifs sont d'un attrait singulier par les temps bru- meux, si fréquents dans les régions du Nord, alors que le soleil ne brille que par intermittences, et que l'om- bre des nuages interposés promène çà et là parmi les pelouses, les massifs, les cimes des grands arbres, ses traînées capricieuses. Le dessinateur doit s'appliquer à faire valoir ces gracieuses oscillations, ces fuites et ces retours de lumière. Aussi il importe de disposer spécialement les plantations à l'ouest et au sud-ouest, en vue de ces effets alternatifs. C'est en effet la direction dans laquelle ils se produisent avec le plus d'avantage, a cause de l'allongement des ombres. Fig. 183. — Larix europeca pendula. Voye\ p. 1,3.) TRACT: DES JARDINS IRRÉGULIERS 151 "■V-= * ^P:jjIÊÈ&$mF$^ ■ ;i:; Parmi ces effets, l'un des plus heureux est celui d'un rayon de soleil couchant, arrivant par une coulée habilement ménagée entre deux massifs, en traçant un long sillon d'or sur la verdure des pelouses. Les autres expositions, bien que moins importantes à ce point de vue spécial, ne sont pas à négliger. A l'est, on ne doit planter qu'avec pré- caution, car trop d'ombre de ce côté serait nuisible. Dans toute l'étendue de la propriété, la position des massifs doit être cal- culée de manière à donner des ombres commodément variées suivant les heures, et à diversifier agréable- ment l'aspect des allées. XV. — Combinai- sons diverses des Plantations. — Les plantations d'un grand parc doivent naturelle- ment être plus denses que celles d'une petite pro- priété, à moins toutefois que le climat ne soit par- ticulièrement froid. Ainsi, la plantation de Battersea Park, à Londres (Fig. 180, p. 147), habilement disposée pour accompagner les eaux et les pelouses, mais sans profondeur, est bien appropriée au climat de Londres. Il importe que l'aspect d'un grand parc tende insensiblement à se confondre avec celui des alentours. Pour cette raison, les arbres et les arbustes, même de pleine terre, dont le port et le feuillage trahissent l'origine exotique, comme Y Araucaria imbricata (Fig. 181, p. 148), seraient déplacés dans les parties lointaines du parc. On Fig. 1S4. — Cedrus DtoJara. {l'oye^ p. 155.) I52 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS .-,. m emploiera avantageusement les épines, les diverses variétés de houx, sur la lisière des massifs, ainsi que les rhododendrons et azalées ordinaires, réservant les plus belles variétés pour le voisinage de l'habitation. Quand on défriche un bois pour l'arranger en parc, il faut avoir soin de réserver çà et là, surtout dans les endroits les plus retirés, des touffes de bruyères et de fougères, pour retenir quelque chose du caractère forestier. Les essences d'arbres à feuilles caduques les plus propres à composer, dans nos climats, les masses principales d'un parc, sont le chêne, le châtaignier, le charme, l'orme, le bouleau, les diverses variétés de til- leuls, de peupliers, l'érable, le frêne, le hêtre ordinaire et pourpre; les acacias (pseudo), le catalpa, le tu- lipier et autres arbres d'A- mérique dont le feuillage prend de si belles teintes en automne; le marronnier, l'aune ordinaire et à feuilles en cœur, les magnolias, le vernis du Japon, etc. Parmi les grands conifères, il faut citer d'abord les espèces indigènes; épicéa et sapinette, puis le mélèze et le pin d'Autriche, qui ont le précieux avantage de réussir dans les plus mauvais terrains. Le cèdre du Liban soutient fièrement sa vieille réputation. C'est encore un des arbres verts qui produisent le plus d'effet; planté isolément ou par petits groupes (Fig. 182, p. 149). Mais sa verdure est trop sombre, son aspect trop sévère pour qu'on puisse en composer exclusivement de très grandes Fig. 185. — Cupressus Lawsoniaiu. (l'owi p. 15J.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 153 masses, comme on a fait en Angleterre dans le parc de Chiswick, qui présentement a l'air d'un cimetière de grands hommes. Ce roi des conifères produit au contraire un excellent effet, mélangé à d'autres essences d'une teinte plus gaie et à branches plus flexibles, comme le Larix pendula (Fig. 183) ou le cèdre deodara. Ce dernier (Fig. 184) est d'un aspect des plus séduisants, surtout dans sa jeunesse, mais résiste difficilement " h nos grands hivers, quand il n'est pas très abrité. On peut en dire autant d'un autre arbre également d'o- rigine himalayenne, et plus remarquable encore par son encolure et les teintes variables de son feuillage, le Pinus excelsa ou du Népaul. Nous recommandons particulièrement les es- pèces suivantes d'arbres verts, très rustiques, avec lesquelles on peut arriver à des combinaisons de verdure très heureuses : cèdre de l'Atlas ou argenté; — Cupressus Laivsoniana (Fig. 185), l'un des plus élégants, et trop peu employé jusqu'ici; — Picea Morinda (Fig. 186); — Tsuga Canadensis (Hemlok), très attrayant à cause de ses branches allongées et flexibles; — A. Nordmanniana, l'un de ceux qui forment le mieux la pyramide; beau feuillage bicolore; — Thuya gigantea (Fig. 187), arbre magnifique, d'une verdure sombre, mais brillante; — Abies Pindrow, très rustique; — A. Pinsapo, qui nous vient des sierras d'Espagne, et semble en effet Yhidalgo des conifères par sa Fig. 186. — Picea Morinda. 20 154 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS fière tournure; — Thuyopsis borealis, à plusieurs tiges se reliant en faisceau de forme spkérique, l'un de ceux qui produisent le plus d'effet, plantés isolément. Son surnom indique à quel point il est rustique; celui-là ne se contente pas de braver les grands froids, il les aime! Le géant des conifères, Scquoia JTelliiiglonia (Fi- gure 1S8), paraît définitive- ment acclimaté, ainsi que l'autre Séquoia qui croît également très vite; celui à feuilles d'if, dont les bour- geons, toutefois, sont fré- quemment atteints par la gelée. On sait que ce dernier offre une exception remar- quable à l'une des princi- pales lois de la végétation des conifères. Il drageonne et donne sur le vieux bois, sur la souche, même sur les racines, des cépées d'une beauté remarquable. Comme en même temps il supporte bien l'ombrage et le cou- vert, on entrevoit la possi- bilité d'obtenir, au moyen de cet arbre, un effet tout à fait original; des taillis rési- neux sous futaie d'arbres verts ou même à feuilles caduques. En premier plan, on emploiera avantageusement les conifères de seconde et troisième grandeur, comme les diverses variétés de Thuyas, de Genévriers, VAbits nigra nana, le Taxas hibernica (Fig. 189), le Cèdre de Virginie. On peut aussi, à l'occasion, y joindre des arbustes à feuilles persistantes : houx, lauriers, alaternes, etc. Au rebours de nos essences indigènes, plusieurs de ces conifères étrangers, ■;.'■■■ '^M Fig. 187. — Thuya gigamea. (Voyt\ p. 15;.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 155 notamment le Wellingtonia, le Pinus excelsà, le P. Cimbro (Fig. 190), le C. Lawsoniana, VA. Nordmanniam, préfèrent les terres fraîches aux sablonneuses. L'un des massifs du bois de Boulogne nous offre un heureux essai de réunion du cèdre du Liban avec le Laryx pendula (Fig. 183). Ce rapprochement rap- pelle le beau vers de Victor Hugo : C'est la grâce tremblante à la force appuyée. Nous avons obtenu un effet du même genre en mêlant le vert presque noir de VA. Pindrow au feuil- lage plus gai de VA. Nord- manniana (Fig. 191) et du Laivsoniana, et en y joi- gnant deux arbres encore peu employés en France, VA. Ccphilonica et le Cha- maropsis Fortumi. Nous recommandons aussi cette autre combinai- son expérimentée par nous avec succès : P. Moriiuhi, A. Canadensis, Thuya fasti- giata, Pinus excelsa, Cunninghamid sinensis (Fig. 192), Abies Douglasii (Fig. 193). XVI. — Autres Conseils sur le même Sujet. — Si les grandes pers- pectives se présentent obliquement, on atténuera ce défaut en traçant des lignes partant des fenêtres, et arrivant dans cette direction (Fig. 194, p. 161). On réglera les plantations d'après ces lignes, en laissant des intervalles irréguliers entre les projections. Ces intervalles sont indiqués dans la figure par les flèches. Généralement, d'ailleurs, la plantation doit être ordonnée d'après les points de Fig. 1S8. — Wellingtonia gigantea. (Voye$ p. 154.) i56 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS vue pris des principaux appartements. En conséquence, quand on crée un jardin, il faut tracer une série de lignes partant en faisceau de la partie la plus importante de l'habitation et se dirigeant vers différents points de l'horizon, de manière à s'entre-croiser avec les pers- pectives latérales et à for- mer ainsi une sorte de da- mier irrégulier sur le terrain d'opérations. La figure 195 (page 161), donnera une idée suffisante de l'impor- tance de ce travail préli- minaire, pour la fixation des éléments essentiels de la plantation. Voici encore, sur ce sujet, quelques observa- tions essentielles : Les lignes de vision (Fig. 196, p. 161) ayant été établies dans toutes les di- rections choisies, il faut évi- ter de créer, trop prés de ces lignes, des masses de ver- dure trop compactes, qui resserreraient ou obstrue- raient les perspectives. Les abords de l'habitation doivent rester libres, ou très peu couverts, et être disposés en pelouses. Les plantations des pelouses se composent de quelques arbres isolés, ou de groupes de trois à quatre sujets (Fig. 197), ou de quelques bouquets d'arbustes. C'est là que doivent figurer les espèces les plus rares... En plantant les massifs ou les arbres isolés, on doit tenir compte de la forme des silhouettes, du feuillage, de la grandeur des feuilles, de manière à obtenir un grand nombre d'oppositions et de plans dont la succession augmente, en apparence, les profondeurs de la perspective et produise d'agréables contrastes de coloris... Fig. 189. — Taxus baccata Hibemica. (Voye% y. 154.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS ïS7 Les massifs rapprochés de l'habitation sont le plus souvent composés, partie d'arbres de haute taille et partie d'arbustes à fleurs ou à feuilles décoratives. Les arbustes à fleurs doivent être mélangés de manière à obtenir des floraisons succes- sives (i). Il en est de même de la couleur chan- geante des feuilles... Il faut donc prévoir le rôle que jouera un arbre ou un arbuste dans un massif, surtout quand il occupe une place bien en vue... Il faut encore tenir compte de la hauteur des végétaux employés, éviter que ceux qui atteignent un très grand développement soient placés dans le voi- sinage d'autres sujets qu'ils écrasent par com- paraison; ou bien qu'ils n'occupent un espace trop considérable. Cette pré- caution est utile surtout dans les jardins peu éten- dus; il faut en bannir les arbres et les arbustes de trop large envergure. On trouvera plus loin un curieux spécimen de plantations transformées par Petzhold dans le parc de Tieffurt. La figure 198 nous montre ces plantations dans l'état antérieur. Elles cachaient la vue de l'eau, que l'habile paysagiste a restituée en leur donnant la forme que nous voyons dans la figure 199, page 162. Enfin, on doit disposer, dans les parties découvertes, quelques arbres auprès (1) Par exemple, arbres de Judée, lilas, syringas, Virgilia lutea; les diverses variétés de spirées, les magnolias gramlifoliu et grandiflora. ftgpt^ #¥»*■**' t-&tC" Fig. 190. — Pinus Cembro. (Voye^ p. 155.) i58 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS des allées. Il est indispensable de placer sur les hauteurs les espèces qui y croissent naturellement, et, dans les parties basses, celles qui aiment l'humidité ou qui ont besoin d'être abritées. Cette répartition conserve au paysage un air de réalité (Fig. 200). Par exemple, les trembles, les platanes, les diverses variétés d'ar- bres pleureurs, se plaisent au bord de l'eau. Il faut y joindre l'aune, qui con- traste heureusement avec la verdure argentée des saules; et le cyprès chauve ou de la Louisiane, dont le feuillage, d'un beau vert, prend une si belle teinte rouge dans les der- niers jours d'automne. Le tulipier, qui devient à la même époque d'un jaune orangé magnifique, de- mande aussi un terrain humide; il produit beau- coup d'effet, planté isolé- ment dans un îlot, surtout en automne, quand il se détache sur la verdure sombre des rives de la pièce d'eau. C'est un des arbres qui, pendant quelques semaines, donnent à nos parcs du Nord quelques-unes des teintes éclatantes de la végétation tropicale. Les cimes des peupliers d'Italie, s'élançant au-dessus des masses, produisent un excellent effet. Cette espèce est du très petit nombre d'arbres à feuilles caduques qui peuvent être mélangés aux arbres verts. Les hauteurs doivent être plantées, suivant la physionomie générale du pays, tantôt de sapins, tantôt de charmes, d'ormes, de châtaigniers et de chênes. Ce Fig. 191. — Abies Nordmanniana. {Voye^ p. 155.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS i59 dernier arbre sera toujours un des plus beaux ornements des grands parcs, comme des forêts. Son seul défaut est la trop grande lenteur de croissance, mais les sujets remarquables qui se trouveraient sur le terrain confié au dessinateur, devront être soigneusement réservés et mis en évidence (Fig. 201, p. 1 64, chêne du parc des Mi- nimes). Cette régie est d'ail- leurs applicable aux beaux arbres de toute espèce; aucun ne doit être sacrifié qu'en cas de nécessité absolue. XVII. — Formes diverses des Arbres. — Pour un paysagiste, les ar- bres peuvent être classés d'après leur taille, leur forme, la couleur ou la dimension de leurs feuilles. Certains arbres affectent nettement une forme fuselée (peupliers d'Italie), pyra- midale (sapins), de para- sols (pins du Midi) (Fi- gure 202), sphérique (mar- ronniers, tilleuls), retom- bante (arbres pleureurs) (Fig. 203, p. 165), ou franchement irrégulière, comme le chêne, le frêne, l'orme, etc. Chaque arbre a une attitude particulière, qui se rapproche plus ou moins d'une de ces formes simples. Dans les parcs iréguliers, les plantations doivent être généralement composées de plusieurs espèces d'arbres, mais assortis avec goût et discernement au point de vue de la taille, de l'attitude, des formes et des teintes de feuillage. Dans toute plantation, deux écueils sont à éviter : la monotonie et la confusion. Si le jardin Fig. 192. — Cunninghamia sinensis. (Fcye{ p. 155. i6o THÉORIE DE L'ART DES JARDINS paysager est, comme on l'a dit, « une symphonie de formes et de couleurs », une plantation composée d'une seule espèce d'arbres produit la même impression de fatigue qu'un seul et même son prolongé, tandis qu'une plantation trop mélangée et faite au hasard est un cha- rivari « de formes et de couleurs ». 11 importe de faire prédominer, dans le jardin paysager à créer, les espè- ces d'arbres les plus com- munes dans le pays; parce que ce sont elles qui four- nissent les plus beaux su- jets. On y ajoute d'autres essences, en les répartis- sant de telle sorte que les masses forment des lignes onduleuses, dont émer- gent çà et là des cimes plus élevées, peupliers d'Italie, trembles, etc. La composition des silhouet- tes doit être prévue quand on plante de jeunes ar- bres; il faut les disposer d'après la taille moyenne qu'ils atteindront, arrivés à leur entier développement. Il importe aussi de varier les essences, non seulement sur les rebords, mais jusque dans l'intérieur des massifs, même les plus profonds, afin de ne pas avoir un couvert d'un aspect trop mono- tone, comme dans les futaies ordinaires. Pour les dessous de bois, que l'on peut appeler les paysages intérieurs, on doit mélanger les essences, afin d'obtenir de la variété dans l'éclairage des massifs de verdure. Ainsi, il est bon d'avoir tantôt des groupes d'arbres à feuillages très épais, et tantôt des feuillages légers, laissant Fig. 193. — Abies Dougl.isii. (Voye^ p. 155.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 161 pénétrer la lumière. Pour ces effets d'irradiation dans les bois, l'artiste consultera utilement l'œuvre de Diaz; comme celle de Poussin pour la composition générale Fig. 194. — (Voyei p. 155.) Fig. 195. — (Voyci p. 156 ) du paysage. Afin de faciliter ces jeux de lumière au fort des massifs, il faut y ménager des clairières qui permettent aux rayons du soleil de descendre ça et là Fig. 196. — Jardin paysager, dessine et exéculé par eu Barillet-Dcschamps, Jardinier en chef de la Ville de Paris, {l'oyc^ p. 156.) jusqu'au sol. Il faut tenir compte aussi, à l'intérieur comme à l'extérieur, des péri- péties de la coloration des feuillages : du bel effet, par exemple, que ne manquera pas de produire en automne le contraste de la riche coloration des hêtres avec le vert persistant des chênes. 21 162 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS s a Nous recommandons encore d'éviter, dans la composition des massifs, le rap- prochement continu d'un trop grand nombre d'arbres absolument de la même teinte, ce qui donnerait des plaques disgracieuses de couleurs trop sombres ou trop pâles. Sur le tond doucement nuancé de la masse, on peut détacher âge» çà et là des groupes ayant des tons plus clairs ou plus sombres. Il faut encore Kg. 1 97. -Massif a-Arbres et d'Arbustes. (k«j«ï P. 156.) observer la grandeur du feuillage; ce dernier détail permettra d'isoler davantage certains groupes et d'approfondir les pers- pectives. Une autre précaution r~- — --- — indispensable, et trop souvent négligée, est de ne mettre aux prises que des essences de force à peu prés égale; sans quoi les plus vigoureuses étoufferaient les plus faibles, au grand détriment de l'harmonie générale. Le hêtre, par exemple, et l'épicéa, parmi les conifères, passent avec raisor pour des voisins dangereux. Chaque massif doit avoir son rôle dans la scène entière, et être disposé de manière à former partie du tout. Il faut donc, quand on dispose des groupes, ne jamais perdre de vue le plan général. Un massif double qu'une allée divise, doit, par l'arrangement des contours, sembler de loin n'en former qu'un. Les bords de ces m f î ■<¥£ '■' >kw -'■ïi Fig. IqS. — Vue du Parc de Tieffurt. (Voye% p. i>7-) — _~ : ^-r — ±2 ^ •■ ' __i_._:_.^_:^.~J Fig. 199. — Vue du P.irc de Tieffurt après la Transformation, faite par Pctzhold. ((W; p. 157) groupes doubles, du côté de l'allée, doivent affecter un profil plutôt irrégulier, quand TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 163 les masses ont une certaine ampleur (Fig. 204); plutôt uniforme, si elles sont étroites et petites (Fig. 205). Dans une grande propriété, si le sol est acccidenté, on obtiendra un effet heureux en plantant ci et là des arbres sur le versant et le sommet d'une hauteur, pour simuler les abords d'une torêt (Fig. 206). On ne saurait trop le répéter, la disposition des groupes sera toujours défec- tueuse, si on ne tient pas compte de l'effet à venir des lignes supérieures. La Fig. 200. — Vue du Château de Bleenlieim, terminé en 1715. — Appartenant au Duc de Marlboroùgh. (Voye^ p. 158.) meilleure partie de l'art du dessinateur consiste à tout combiner en vue de la collaboration de la nature, de manière à l'avoir pour auxiliaire, et non pour ennemie. Dans les grands parcs irréguliers, largement conçus, notamment dans ceux d'Angleterre, le « ménage champêtre » a son rôle comme dans ceux des grandes villes de l'Empire romain et de la Renaissance. Les plantations s'y confondent pour ainsi dire avec les cultures : « les larges allées sinueuses » servent à la fois à la promenade et aux transports agricoles. Par contre, on passe des champs cultivés, des grands bois et des taillis au parc, et du parc au jardin (Pkasure Ground). C'est pour celui-ci qu'il faut réserver les arbres, arbustes et plantes exotiques qui réclament des soins particuliers, ou qui, par leur rareté et leur beauté, méritent d'être le plus en i6. THÉORIE DE L'ART DES JARDINS vue; les bordures et les corbeilles de fleurs et de plantes à feuillage ornemental; les plantas de serre installées sur les pelouses pendant la belle saison, etc. La -nature n'y est ni an- nulée niesclave, comme dans les « architectures vertes » d'autre- fois, mais au contraire culti- vée avec une recherche spé- ciale, et comme revêtue d'art. XVIII. — Des Eaux. — Forme àleur donner. — Plantations surlesBords • — Un ruisseau d'eau courante dirigé avec in- telligence, une pièce d'eau bien dessiné^, bien entretenue, contribuent beaucoup à l'a- grément d'un jardin ou d'un parc. Mais, si les eaux ne sont pas l'objet de soins bien entendus et suivis, elles cessent d'être un agrément pour devenir un fléau; — celles surtout qui ne peuvent se renouveler d'une façon constante. Suivant la judicieuse maxime d'un célèbre dessinateur anglais, l'artiste doit surtout se préoccuper de la marche (progress) en ce qui concerne l'eau courante, et 201. — Le Chêne des Minimes, au Bois de Vinceiines. (l'mï; p. 159.) TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 16-, des détails du pourtour (circuily) pour les eaux plus ou moins dormantes (i). Les premières pourront cheminer sans inconvénient sous bois, tandis que les autres devront être exposées, au moins d'un côté, à l'action de l'air et de la lumière. On sait en effet par expérience, que les étangs entièrement enve- loppés d'arbres sont généralement tristes et mal- sains. Quant aux formes du pourtour, les plus simples sont toujours les meilleures, surtout si la pièce d'eau est petite. Dans ce cas, la recherche de bords contournés à l'excès serait absolument ridicule. Dans les jardins irréguliers, la forme la plus convenable est celle d'une ellipse allongée. Le principal avantage de cette configuration est d'em- pêcher qu'on n'embrasse entièrement la pièce d'eau d'un seul coup d'oeil. Quelques courbes, quelques creux garnis de plantations hautes ou basses, sui- vant les circonstances, pourront faire paraître une pièce d'eau plus grande qu'elle n'est en réalité. Les îles et les îlots contribuent aussi beaucoup à la beauté des pièces d'eau, pourvu qu'elles soient suffisamment grandes. On peut en voir des exemples remarquables : à Ermenonville (la fa- meuse île des Peupliers) (Fig. 207), plusieurs au bois de Boulogne, et à Vincennes (Fig. 208), l'île de Saint- Mandé. (Voyeip. 167.) Les bords doivent toujours être plus ou moins exhaussés, et plantés en partie d'arbres dont les branches fassent saillie ou s'inclinent sur l'eau. Les di- verses variétés d'arbres à branches retombantes, saules, sophoras, frênes, hêtres pleu- (1) Repton, Observations 011 modern garàening (1801). Fig. 202. — Pin Parasol. (IW; p. 159.) Fig. 203. — Massif avec Arbres retombants. (J'o\t\ p. 159.) i66 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS rc rcurs, seront toujours d'un excellent effet dans cette situation. On obtiendra aussi un ésultat très heureux et peu commun, en mettant un platane sur un rebord escarpé. de manière à ce que la tige incline fortement sur l'eau. Pour les plantations isolées sur le bord des lacs ou étangs artificiels, nous recommandons aussi le cyprès de la Loui- | siane, qui se plaît dans les terrains humides, et dont le feuillage se colore magnifiquement Fig. 204. — (P. p. 165). en automne; les Anmdo donctx, Bambusa aurea Fig. 20;. — (P. p. :6j.) (Fig. 209), Thalia dealbata (Fig. 210), etc. On peut aussi l'employer avec avantage dans les îlots. Toutes ce plantations, dans le voisi- nage immédiat de l'eau, doivent être faites avec la plus grande circonspection, .- Fig. 206. (Voyez page 165.) en ménageant les points de vue et réservant des es- paces libres pour l'air, la lumière et le jeu des re- flets (Fig. 211, p. 170.) Petzhold cite, dans son remarquable ouvrage sur l'Art des Jardins, la Transfor- Fig. 207. — Vue du Château d'Ermenonville. (Vo\e^ p. ]6v) mation de Fromhouse; nous le reproduisons (Voir"p. 171), avant et après les modifi- cations faites par Repton. L'eau est traversée aux extrémités par deux ponts produisant TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 167 ainsi l'illusion d'une grande étendue, grâce aux arbres qui masquent la perspective (Fig. 210 et 21 1). Dans les ondulations des rives, il faut s'efforcer de reproduire les caprices gracieux de la nature. On peut, pour varier les effets, disposer çà et là sur les berges quelques rocailles ornées, principalement à l'approche d'une cascade ou d'un gué. Mais il faut user sobrement de ce genre de décor, ainsi que des plantes aqua- tiques, roseaux, nénuphars, etc., surtout dans les jardins et les pièces d'eau d'étendue mé- diocre. Il est facile de tirer parti du moindre fi- let d'eau cou- rante, mais on peut aussi ren- dre les eaux dormantes a- gréables, en ayant soin d'en combattre les inconvénients. En thèse générale, plus l'eau d'un étang ou lac artificiel se renouvelle difficilement, plus il importe que les bords soient en partie découverts, surtout du côté le plus exposé aux grands vents. Ils emportent la mauvaise odeur, et donnent à l'eau une agitation factice, capable de faire illusion, si la pièce d'eau est bien dessinée. On' ne doit pas négliger non plus d'augmenter l'approvisionnement d'eau, au moyen du drainage. Si la forme et la nature du terrain s'y prêtent, des drains dont l'orifice est dissimulé par quelques pierres ou quelques plantes, déversant leurs eaux sur une pente rapide, produiront, pendant une grande partie de l'année, l'effet de sources d'eau vive. Les cygnes, canards, sarcelles, etc. (Fig. 214, p. 172), animent singulièrement une pièce d'eau, mais ils ont l'inconvénient d'en dégrader les bords, de détruire les plan- tations aquatiques et le frai des poissons. Fig. 208. — Lac de Saint-Mandé au Bois de Vinceunes. (Voyei p. 165.) i6S THÉORIE DE L'ART DES JARDINS *a, «?» i ■■// .-;'•'; m PP f " V XIX. — Conduite des Cours d'Eau; Iles. — Les eaux sont une des parties les plus difficiles des jardins irréguliers. — La création d'une cascade, d'un étang ou d'une rivière demande à la fois des connaissances pratiques très appro- fondies, beaucoup de goût et d'imagination, pour évi- ter tout effet banal ou af- fecté. Nous donnons, comme spécimens de cas- cades, la cascade des Buttes- Chaumont (Fig. 2 15), celles des bois de Boulogne (Fi- gure 216) et de Vincenncs (Fig. 217), la très curieuse cascade Aldobrandini (Fi- gure 218), exemple raris- sime et dont nous ne conseillons pas l'imitation, d'emploi du style régulier dans la disposition des ro- cailles; enfin, les cascades pittoresques de Méréville (Figure 219) et du parc Monceaux (Fig. 220). Meyer est un des meil- leurs auteurs à consulter pour la conduite des cours d'eau (Fig. 221). 11 donne de judicieux conseils sur les plantations les plus conve- nables aux abords des rivières et ruisseaux; sur la manière de motiver, par des exhaussements tactices auxquels les plantations donneront, en grandissant, un air de plus en plus grand de vérité (Fig. 222); des courbes brusques, des replis qui, tout en ménageant l'espace, donnent au cours de l'eau l'attrait de la surprise. Dans les courbes, les rives doivent en général être plus écartées (Fig. 223, p. 176). Kemp, auquel nous empruntons un projet bien conçu de lac artificiel avec ût . w^m^'h- ■ "*■■■ ■ Fig. 209. — Bambusa aurea. (Voye^ p. 166.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 169 îlot (Fig. 224), recommande de ne pas encaisser les cours d'eau trop profondé- ment. Cette disposition peut néanmoins avoir son utilité pour l'effet pittoresque, dans certains passages accidentés. Mais, employée d'une façon continue, elle aurait le double inconvénient de trop cacher l'eau et de lui retirer son plus grand charme, la trans- parence. Aussi, quand on ne peut éviter cet encaisse- ment, il faut dégager les rives par des talus très ou- verts. La forme des îles, l'escarpement et la com- position de leurs bords, doivent se régler d'après la rapidité plus ou moins grande du courant. En 1er, rapprochant ou les écartant plus ou moins des rives de la pièce d'eau, on peut simuler, suivant les cir- constances, tantôt le con- fluent de deux rivières, tantôt une seule embou- chure. Dans l'un et l'autre cas, les promontoires à la pointe des îles ou à l'extrémité des courbes les plus prononcées, sont un empla- cement des plus favorables pour l'installation d'édicules ou de stations de repos. (Fig. 225.) Le prince Pùckler-Muskau a donné des indications pratiques fort utiles à ce sujet. 11 conseille notamment de multiplier les plantations, tant de grands arbres, que d'arbustes et de roseaux (Fig. 226, Saccharum egyptiense, Fig. 227, Andropogon for- mosum) dans les îles, et généralement sur le bord des ruisseaux, des pièces d'eau, car « c'est surtout dans les lignes sèches que la nature est difficile à imiter. » 2; Fis;. 210 Tluli.i dcalbata. (Fbyr; p. H1"-) I/O THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Voici encore, sur ce sujet délicat, quelques indications dont on pourra tirer parti. Quand il est nécessaire d'avoir recours à des chutes, il faut éviter de les faire trop rapprochées ou équidistantes. Pour rendre moins apparent cet in- convénient, quelquefois difficile à éviter, on dissimule les chutes dans la verdure... Les pièces d'eau, dans des endroits découverts, doivent avoir le plus d'étendue possible. Dans les parties boisées, au con- traire, elles peuvent n'avoir qu'une étendue restreinte... Les contours de leurs rives, toujours justifiés par les mouvements du bassin qui les contient, sont d'autant plus agréables que leurs lignes sont d'un dessin plus simple. En géné- ral, il faut bien se garder d'établir le niveau des eaux au-dessus des pelouses et des allées voisines. Toutefois, cette régie comporte quelques exceptions. Nous avons obtenu un effet assez original, en faisant passer une allée dans un isthme entre deux pièces d'eau situées à des niveaux très différents, et dont l'une est alimentée par le trop plein de l'autre, que ramène un ruisseau artificiel. Cette allée passe en corniche au-dessus de l'étang de décharge inférieur, et en même temps en contre-bas de la pièce d'eau supérieure, qui paraît comme suspendue au-dessus d'elle avec son cadre de verdure. Enfin, il importe de disposer les plantations, aux abords d'une pièce d'eau, de telle sorte que le spectateur n'en puisse embrasser d'un coup d'œil toute l'étendue. Au moyen d'iles boisées et de massifs sur les bords, l'on peut toujours donner à Fiç. 21 r. — Vue de la Rivière de Ch.irenton. (Voyez p. l6é.) TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIER S 171 Fig. 212. — Vue Je Fromhouse avant la Transformation, (l'o)e^ p. 1C7 ) une nappe d'eau une apparence de grandeur indéterminée. Ajoutons que la forme donnée au contour des rives peut et doit aider puissamment à l'illusion. Nous en trouvons un exemple remarquable dans la disposition de la pièce d'eau irrégulière du jardin Flora, à Cologne, l'une des œuvres du célèbre jar- dinier paysagiste Lenné. (Fi- gure 228) (1). XXI. — Ponts. — Dans les grands parcs, comme dans les petits, les ponts rustiques sont presque toujours d'un aspect plus agréable que ceux en bois ouvragé et que les ponts métal- liques. Si toutefois on préfère ces derniers, à cause de leur solidité, il faut du moins que leurs lignes maigres et anguleuses soient dis- simulées par des plantes grim- pantes. Les Promenades de Paris fournissent des spécimens de ponts rustiques, ponceaux, passe- relles, etc., etc., entre lesquels on n'a que l'embarras du choix. Nous recommandons spéciale- ment le pont rustique sur le ruisseau de Longchamps (Fig. 229), la passerelle sur le lac de Charenton, qui toutefois ne convient que pour un très grand parc; le pont rustique sur la rivière de Joinville, et celui du restaurant de la Porte-Jaune (Fig. 231) au bois de Vincennes. (1) Quelques dessinateurs de jardins recommandent ce qu'ils appellent Us cascades par dérivation, c'est-à-dire l'emploi, sous cette forme décorative, du trop plein des retenues d'eau affectées à des usages industriels ou à l'arrosemcnt des prairies. Cette combinaison de l'effet utile avec l'effet pittoresque ne saurait être bonne, que si la retenue est assez forte pour que la cascade ne reste jamais complètement à îec. Fig. 213. — Vue de Fromhouse après la Transformation, (l'oye^ p. 167 172 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Nous y joignons un modèle de ponceau plus modeste qui peut convenir dans une petite propriété (Fig. 235, p. 183). Nous reproduisons aussi deux types de ponts rustiques assez originaux, empruntés à l'ouvrage d'Hirschfeld (Fi- gures 233, 254, p. 183). Celui en forme d'escalier pourrait être d'un heureux effet dans un emplacement accidenté, où l'une des rives serait fort en contre-bas de l'autre. Fig. 214. — Lac du JarJin d'Acclimatation, au Bois do Boulogne. {l'oyci p. 167.) Nous avons vu un essai, probablement unique, de ponceau végétal. Les balus- trades étaient faites avec de jeunes plants d'osier recourbés, dont on avait piqué en terre les extrémités qui avaient repris de boutures, tandis que des tiges ainsi ployées en arcs repoussaient des jets verticaux. Cette combinaison neuve et d'un effet gra- cieux, avait été imaginée par Duclos, le dessinateur normand dont nous avons déjà parlé. Nous figurons également un pont en osier d'un paysage de Java (Fig. 232, p. 182), dont on peut se servir comme modèle. TRACE DES JARDINS IR RÉGULIERS Les ponts rustiques en pierre sont d'un usage moins fréquent (Fig. 230, p. 181) que ceux en bois. On peut les em- ployer avec avantage dans les pays où la pierre est commune, et surtout aux abords des agrégations de ro- ches ou de rocailles. Certains passages, dits gués, ne demandent ni ponts ni ponceaux ; il y suffit de quel- ques pierres disposées d'une façon commode, mais dont le rappro- chement doit toujours paraître naturel (Fi- gure 230, p. 181). Disons enfin que tout pont ou pon- ceau, si modeste qu'il soit, doit être suffi- samment motivé; cette régie ne comporte pas d'exception. Ainsi, un pont jeté sur une pièce d'eau trop exi- guë, et dont une extré- mité au moins n'est pas dissimulée par des plantations, sera toujours d'un effet mesquin, sinon ridicule. 11 faut que l'établissement d'un pont soit justifié par la direction de l'allée, par l'im- portance du cours d'eau ou du ravin à franchir, ou par celle au moins apparente Fis Cascade des Buites-Chauiiioiit. [P*oye{ p. 168.) Fig. 216. — Cascade du Lac supérieur, au Bois de Boulogne. (Fo)£Ç p. 16S.) t'ig. 217. — Cascade du Lac des Minimes, au Bois de Vincennes. (Voye^ p. it>S.J TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 175 de la pièce d'eau. Nous insistons sur ce précepte, parce qu'il est souvent oublié, même par d'habiles dessinateurs. Combien ne voit-on pas de passerelles et même d'ou- vrages plus importants, jetés sur des flaques d'eau aux- quelles on dirait volontiers, comme Saint-Amant au Ti- bre, dans sa Rome ridicule : C'est bien à vous d'avoir un pont! XXII. — Fabriques; — Temples, Édicules mythologiques, allégoriques ou historiques. — C'est surtout dans le choix et la disposition des ornements de ce genre, que le vrai style paysager, dont nous cherchons à formuler les principes, s'écarte des errements primitifs du genre irrégulier. L'art tend aujourd'hui à réunir, autant que possible, l'agréable à l'utile; il rejette les monuments, ermitages, ruines factices, les pièces à surprises, les inscrip- tions, dont on abusait si fort autrefois. « Les pensées des plus célèbres auteurs ne sont nulle part mieux placées que dans Fig. =18. — Cascade dans la Villa Aldobrandini. {Voyci p. 168.) ■ i i t .''.■: . JL , . "-ij-ifa I vjglll èÊÊÊÈÊÊÊÈS _-"•■ ■* leurs ouvrages. » Fig. 219. — Cascade naturelle du Parc de Méréville. D'aptes de Laborde. (Voye^ p. 168.) Cependant ce genre de décoration a encore ses partisans. Il n'y a pas bien des années qu'on a vu s'élever, dans le parc d'un prince germanique, un pavillon crénelé de notes figurant l'air populaire : Freul euch des Lebens! Non loin de là, on rencontre un banc dédié à l'Amitié, avec un dossier dont les courbures en bois rustique forment les noms d'Oreste et de Pylade. Dans un parc prés de Vienne, nous avons I76 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS vu, il n'y a pas longtemps, un édicule en forme de tonneau, dans laquelle est assis un Diogène tenant sa lan- terne allumée. En arrivant sur le seuil, le visiteur marche nécessairement sur un ressort qui fait éteindre la lanterne, comme si le philosophe apercevait enfin l'homme longtemps cher- ché. Tous les colifichets, toutes les puérilités cos- mopolites des anciens jar- dins réguliers et irréguliers se retrouvent accumulés dans un parc moderne italien, admirablement si- tué, celui de la villa Pala- vicini (Fig. 237, p. 184), prés de Gênes, encombré de monuments et d'édicules égyptiens (un obélisque sur- gissant brusquement au beau milieu d'un lac), turcs, grecs, temples païens, chapelle gothique, etc. On y a même repro- duit, pour l'agrément des touristes qui ai- ment le Irais, quel- ques-unes des sur- :v jpg" prises aquatiques des parcs de la Renais- sance. L'art n'a rien à voir dans ces en- fantillages, mais Fig. 220. jasm Cascade et lintrée Je la Grotte, nu Parc Monceaux, (l'oyi- p. 168.) Fig. 221 — (''">'"" P i6c.'i ''''-',. Fig. 222. — (Vm-i p. 168.) Sk Fig. 224. — (Voyez p. 169.) Fig- >«i8P ■'♦./■ 22;. W^llPllJ (Fo,n p. ,68.) " certaines rémi- niscences allégoriques ont encore de nos jours leur raison d'être. Ainsi, l'on comprend qu'après d'immenses travaux poursuivis avec TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS r77 ardeur pendant de longues années, le prince Pùckler-Muskau ait élevé dans son célèbre parc un temple à la Persévérance. Nous croyons qu'on peut aussi considérer comme bien motivée une autre construc- tion plusmoderne du même genre, le « Temple de la Sibylle », érigé dans le parc des Buttes-Chau- mont (Fig. 239), sur un promon- toire qui domine cet océan parisien si plein de mys- tères. Mais ces édicules symboli- ques ne doivent être admis dans un jardin paysa- ger (Fig. 238), que dans les cir- constances, tort rares, où ils ont le mérite de l'à- propos. Nous en dirons autant des évocations de l'Egypte, de la Grèce et de Rome, et des imitations du style chinois. Cette exclusion ne saurait s'étendre avec la même rigueur au rappel de souvenirs locaux, quand la mémoire d'un ancien édifice, d'une ruine, d'un événement mémorable ou d'un personnage célèbre se rattache à l'emplacement ou au proche voisinage du jardin paysager. C'est 23 i78 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS ainsi qu'un des plus beaux ornements du parc de Méréville est la colonne rostrale érigée à la mémoire des deux frères de Laborde, compagnons de Lapeyrouse, héroïques jeunes gens qui se dévouèrent pour sauver leur camarade d'Escures, et périrent avec lui. Le parc de Rambouillet se recom- mande surtout par la chau- mière (entièrement cons- truite en coquillages) et la laiterie de Marie-Antoi- nette; par l'île des Roches, où suivant une ancienne tradi- tion, Rabelais serait venu souvent, quand il était de la suite de François Ier; et par le kiosque octogone, bâti au bord de cette île. C'était la place favorite de Napoléon. « On sait par lui-même, dit Gozlan, que ses plus hardies entreprises furent conçues au murmure des eaux de Rambouillet, et tracées au crayon dans le petit kiosque qui porte son nom. » De même, en dépit de la profusion des sen- tences anciennes ou modernes, de « l'autel de la Rêverie », de la pyramide dédiée aux poètes, de la pierre moussue, sous laquelle sont censés ensevelis les infortunés tués dans les temps de superstition, du temple de la «nouvelle Philosophie», etc., les restes du parc d'Ermenonville empruntent un charme réel à l'aspect du donjon authentique de Mont-Épiloy, superbe ruine féodale heureusement dégagée par Morel, .et au souvenir de J.-J. Rousseau, « l'homme de la Nature et de la Vérité (?) ». Plusieurs des plus beaux parcs modernes de l'Europe offrent, de même, des souvenirs — *~^ ~ «&' Fig. 226. — Saccharum egyptiense. (Voye^ p. 169,) TRACÉ DES JARDINS IR RÉ G ULI ERS 179 locaux du plus vif intérêt (Fig. 244). A Twickenham, par exemple, le tombeau véritable de la mère de Pope; et à Sans-Souci, le fameux moulin qui rappelle un des plus beaux traits de la vie du grand Frédéric, font bien plus d'impression que tous les monuments et ruines factices. A Prague, le parc Kinsky, magnifique- ment planté, occupe l'em- placement de l'ancienne for- teresse, théâtre de plusieurs des scènes les plus émou- vantes de l'histoire d'Alle- magne, de l'héroïque dé- fense du maréchal de Belle- Isle. Ces souvenirs ajoutent encore à l'effet que produi- sent, parmi les massifs de verdure, les restes authen- tiques de cette citadelle. Nous citerons encore dans ce genre, en France, le parc de Radepont (Eure), qui jouit du rare avantage de réunir dans l'espace d'une centaine d'hectares : un ra- vin d'aspect farouche, où s'accomplit jadis plus d'un sacrifice humain; les substructions d'un château-fort pris et ruiné par Philippe- Auguste, et de beaux débris gothiques d'une abbaye de femmes dont la fondation remonte au xie siècle. Avec de pareilles ressources, pas n'est besoin de ruines artificielles. La récente transformation des grandes promenades parisiennes offre aussi plu- sieurs exemples du respect et de l'évocation des souvenirs historiques; au bois de Boulogne, la Croix-Catelan (Fig. 245); àVincennes,la pyramide de 173 1 (Fig. 243), etc. XXIII. — Loges d'Entrée, Maisons de Garde, etc. — Toutefois, ,a'- r?^ rï^-NS? Fi". 2i~. — AuJropogon ormosum. (Voyez p. 169.) iSo THÉORIE DE L'ART DES JARDINS en dehors de ces bonnes fortunes exceptionnelles, les meilleures fabriques dans les jardins paysagers sont celles qui joignent à l'attrait d'une forme gracieuse et pitto- resque, le mérite d'une destination utile : belvédères, salles de repos, abris pour les cavaliers, volières, embarcadères, maisons de garde, de jardinier, loges d'entrée, etc. 5 POUR 1*00 *" 5° Fig. 228. — Jardin La Flora, à Cologne, dessiné par Leuné, exécuté et modifié par J. Niepraschk en i S 6 5 . (Voyez. P- '71) I. Entrée principale. — 2. Jet d'eau. — 3. Jardin d*hiver. — 4. Kiosque à musique. — j. Machine à vapeur. — 6. Bassin. — 7. Aquarium d'eau douce et de mer. — 8. Cascades. — o Cascades. — 10. Temple de Lysicratc. — il. Véranda. — 12. Tente. — 13. Dépendances. — 14. Magasin de charbon. — 15. Water-dose ts. — 16. Galerie de communication. — 17. Serres. — 18. Orangerie. — îo. Roche. — 20. Entrée de l'aquarium en été. — 21. Bassin de Neptune. — 22. Serre chaude. — 23. Culture de Conifères. — 24. Gloriette. — 2;. Kiosque. — 26. Habitation du Directeur. — 27. Habitation du Jardinier. — 28. École d'Horticulture. — 20. Serres. — 30. Jardin fruitier. Dans une propriété un peu étendue, l'un des buts de promenade les plus agréables qu'on puisse créer, sera toujours une loge d'entrée en forme d'habitation rustique avec une petite pièce d'eau soigneusement entretenue; un potager et un verger touchant immédiatement à la campagne, et d'une dimension assez restreinte pour qu'on comprenne de suite qu'ils sont à l'usage d'une seule famille. Plus l'aspect de cette maisonnette sera champêtre,, plus heureusement il contrastera avec l'élégance croissante de la décoration végétale jusqu'aux abords de la grande habitation, « tout . Fig. 229. — Pont rustique sur le Ruisseau de Longcliamps, au Bois de Boulogne. (Voyc^ p. 171.) Fig. 250. — Barrage sur le Ruisseau de Longcliamps, au Bois de Boulogne, (Voyez p. 175.) i8a THÉORIE DE L'ART DES JARDINS en projetant à une grande distance l'idée de cette habitation. » C'est à Whately que revient le mérite de cette remarque, dont nous avons plus d'une fois constaté la Fig. 231. — Pont du Restaurant de la Porte jaune, au Bois de Vincennes. (Voye^ p. 171.) justesse. Par contre, on doit proscrire absolument ces constructions bâtardes impro- prement nommées chalets, amalgame choquant des styles les plus opposés, moitié helvétiques, par tié gothiques, édificeshybrides dés le temps des irréguliers (i), sèment persisté qu'à nos jours, rions trop enga- teurs et les pro- tenir de telles Fig. 232. — Pont dans un Paysage de Java. (Fovc; p. 172.) exemple, et moi- L'usage de ces avait commencé premiers jardins et a malheureu- sans cesse jus- Nous ne sau- ger les dessina- priétairesàs'abs- aberrations, et nous mettons sous leurs yeux plusieurs modèles de loges, d'abris, stations de repos, etc., d'un goût plus pur, parmi lesquels ils n'auront que l'embarras du choix. (1) Voir, par exemple, dans la collection Le Rouge, le chalet d'entrée de Bagatelle, avec son toit en saillie à la façon des chalets du Jura, surplombant une terrasse gothique! Nous avons eu le regret de trouver, dans certains ouvrages très modernes, de ces constructions hybrides, proposées comme modèles. Les deux maisons de garde du Bois de Boulogne et des Buttes que nous reproduisons ici, sont gothiques; mais l'unité de style y a été scrupuleusement observée. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIKRS 183 Le style et l'importance de ces loges doivent être en harmonie non seulement avec l'habitation principale, mais avec les alentours immédiats de la loge. La forme de la grille, celle de l'entrée, doivent aussi être prises en considération. Ces construc- tions doivent généralement être Fig. 235. (Foyec p. 172.) simples, garnies de plantes grim- Fig. 234. (Voyei p. 172.) pantes. Voici d'abord deux spé- Fig. 23s. (Voyc-x p. 1/2.) Fig. 236. — Rapide du petit Ravin de Saint-Mandé. (Voyez p. 173.) cimens empruntés à Kemp. Le premier (Fig. 241) convient pour une propriété de moyenne étendue; l'autre (Fig. 242) se rapporte évidemment à un domaine plus considérable. Nous indiquons ensuite les maisons de garde et pavillons du bois de Bou- logne (Fig. 246, p. 189), l'Exèdre à la pointe nord de l'île du grand lac (Fig. 248), le modèle d'abris (Fig. 249); les maisons de garde du parc des Buttes-Chau- wSSfSÊ I . 237. _ Temples du Parc de la Villa Pallavicini, pas Je Gènes. (Tojv; p. 176.) TRAC li DES JARDINS IR RÉGULIERS 185 mont, dans la décoration desquelles on a fait un essai d'emploi de la faïence, imité du château de Madrid et de quelques autres constructions du xvie siècle (Fig. 24e). Sans doute on ne doit pas s'en tenir, pour l'ornementation d'un grand parc (même irrégulier), à l'emploi des arbres et des rieurs. Les œuvres de l'architecture et de- là sculpture sont char- mantes dans un paysage, lorsqu'elles sont bien employées et qu'elles ont une destination sé- rieuse. Que tous ces édicules soient donc dé- coratifs, mais justifiés par une certaine néces- sité; que les ponts soient proportionnés à l'importance des cours d'eau; que les salles de repos soient aménagées et visiblement cons- truites pour l'usage au- quel on les destine; qu'on ne leur donne pas, par exemple, un faux air de temple an- tique; qu'un banc soit un banc, et non un rocher, un fragment de colonne, et ainsi du reste. — Ces petites constructions ne doivent pas être placées trop en évidence, mais se montrer discrètement, et ne se laisser voir tout à fait que d'un ou deux points de vue (1). XXIV. — Rocailles. — Même dans un parc d'étendue médiocre, il serait (1) Un lavoir rustique, bien encadre Je verdure, est un des ornements les plus naturels et gracieux d'une pièce d'eau. 24 Fig. 2j8. — Temple de Vénus, à Trianon. (D'après la Calcographie du Louvre. (V. p. 177.) iS6 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS regrettable de se priver des plantes dites rocaille; notamment des plantes alpines et des fougères. Nous em- pruntons à l'ouvrage de M.Verlotsur les plantes alpines les conseils ju- dicieux qu'il donne pour leur emploi dans les ro- cailles, et générale- Fig. 239. — Temple des Buttes-Ch.iumont. (Voyez, p. 177.) ment dans les jardins paysagers. « Plus on seloigne des lieux où croissent spontané- ment les plantes exigences de cul- et partant plus leur difficile. Aussi n'y espèces essentiel- qu'un très petit être cultivées en les jardins situés très éloignée de turelles. Si, en Ions établir le bi- sont répandues nous ne trouve- dehors des rusti- et Sedum et de w Fig. 2\q. — Temple dans le P.ire de Saragota. (Voyez v. I77-) alpines, plus les turc augmentent, emploi est rendu a-t-il , parmi les lement alpines, nombre pouvant pleine terre dans à une distance leurs stations na- effet, nous vou- lan de celles qui dans nos parterres, rons à citer, en ques Sempervivum quelques Saxifra- ges à feuilles cartilagineuses, que quatre espèces : les Gentiana acaulis, Arabis alpina, Valeriana montana et Myosotis alpeslris, employées à la formation de belles et durables TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 187 bordures; et encore avons-nous vu que la première avait besoin, pour produire tout son effet, d'habiter un lieu quelque peu éloigné des grands centres, et que là seulement elle pouvait montrer en nombre ses admirables rieurs. Cependant, si on modifie un peu la nature du sol naturel du jardin et qu'on Fig. 241. (Voyez p. 181. lui substitue une terre légère, fraîche et plus perméable, on jTig, ,4;. _ Pyramide, au Bois de Vincennes. (Voyez p. 179O Fig. 2J2. Q'oye^ p. iSj.) aura un petit nombre d'espèces à ajouter aux précédentes. Nous les trouverons surtout dans le genre Saxifraga, ce seront les : 5. hypnoides, geranioides, jurcata, Garni, Ursula et umbrosa, etc. Si enfin à un terrain plus léger et plus poreux, mais un peu élevé au-dessus du niveau du sol, s'ajoute une exposition demi-ombragée, ce nombre s'accroîtra encore, et nous verrons, sur les talus ou les glacis qui présenteront ces conditions, prospérer un nombre plus grand d'espèces empruntées aux altitudes Fig. 244. — Pyramide et Obélisque du Parc Monceau. (Voy?; p. 179.) Fig. 245. — La Croix Catelan, au Bois de Boulogne. (ï'oyi\ p. 179.) •-%;>.; , ,-' ft⣠■ Fig. 246. — Façade principale d'un Pavillon de Garde, aux Buttes-Chaumont. (Vmv^ p. 1S5 ) Fig. 217. — Maison de Garde à la Porte des Princes, au Bois de Boulogne, (l'oye^ p. 1S5.) 190 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS élevées. Là pousseront, outre plusieurs Saxifrages délicats, tels que S. muscoides, oppsi- tifolia, tenella, cuneifoïia, etc., la plus grande partie des primevères à souches caules- centes, notamment les Primula marginata et viscosa, puis Y Adonis vernalis, le Gentiana asdcpiadca, le Swertia perennis, les Campanula cœspitosa, murdlis et garganica. Les plantes alpestres qui caractérisent la végétation d'une zone moins élevée et qui se rapprochent par conséquent davantage des lieux où nous pouvons les placer, Fig. 248. — Elévation de l'Exèdre au Bois de Boulogne. (l'on\ p. 183.) offrent par cela même moins de difficultés. Aussi, la plupart des espèces cultivées généralement sous l'épithéte d'alpines n'appartiennent, il faut le reconnaître, qu'à cette seconde division. Mais il ne faudrait pas croire cependant que celles-ci n'ont pas besoin de soins particuliers. Ces soins ne seront pas différents de ceux que nous venons d'indiquer pour les plantes de nos hautes montagnes. Les plus rustiques de la série : Potentilla aïba, Alchimilla alpina, etc., pourront servir à former des bordures ; d'autres, un peu plus délicates, exigeront une terre spéciale comme aussi un lieu incliné ; d'autres enfin se refuseront à croître en pleine terre, si le sol n'offre pas les qualités de légé- TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 191 Fig. 249. — Abri de Cavaliers. (Voyez, p. 183.) reté nécessaire, ainsi qu'une exposition convenable. Ajoutons qu'il ne faut pas donner une importance absolue à l'altitude peu considérable à laquelle une plante aura été trouvée, car il n'est pas rare de voir les plantes des hauts sommets descendre dans des ré- gions plus basses où elles ne seront en réalité que des trans- fuges. Tel est le cas des Silène valksia, Saponaria ocimoides, Gyp- sophïla repens, etc. (i). 11 est donc indispensable, pour cultiver dans nos plaines les plantes alpines ou alpestres, de les réunir dans un lieu qui remplira au plus haut degré les conditions suivantes : sol léger, frais, incliné, reposant sur un épais drainage et situé à une exposition à demi ombragée. Cette exigence, qu'explique du reste le milieu dans lequel elles vivent spon- tanément, est facile à sa- tisfaire jusqu'à un certain point, car, dans un jardin de quelque étendue, il est bien rare de ne point ren- contrer un endroit sinon montueux au moins in- cliné (talus ou tertres) qui pourrait en recevoir (V. Fig. 256). Nous avons dit que les conditions essentielles pour ces plantes étaient, dans le milieu que nous habitons, un sol léger, poreux et frais, et un endroit abrité autant que possible contre les (1) Voir pour plus de détails l'ouvrage de M. Verlot : Les Plantes Alpines; leur Culture, Botanique, Emploi, etc. Avec 50 ehromotypies. — J. Rothschild, Éditeur. Fig. 250. — Partie d'un Pont du Central Park, à New-York. (Voyez P- I72-) 192 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS rayons du soleil. Dans les jardins paysagers, il n'est pas rare de rencontrer ces conditions réunies. Nous repro- duisons ici le Sali un opposili- t^^fÊ foliwn (Figure Fig. 251. — Sedum opposiiifolium. 25 1), le Liiiiiin flavum (Fi- gure 252), le ■"IIP fl( rv juivum (Fi- Fig. 252. — Linum flavum. Liiiiuii suffruiicosum (Fig. 253), le Cypripedium spectabile (Fig. 254), le Saxifrctga longi- alpinus (Fig. 257), et le (Fig. 258, p. 193). discrétion, usage des fou- moins gracieux que cu- s' accroît tous les jours (1). l'appelle M. Naudin, de- façon pittoresque, en évi- gération dans ce sens, en fol ici (Fig. 253), l'Aster Dicmlhns motispessuhnus 11 faut aussi faire, avec gères, ces végétaux non rieux, et dont la vogue La Fougcraie, comme vra être organisée d'une ^sg^-yzi. tant néanmoins toute exa- &i—-~ — Fig. 25;. — Linum suftruticosum. désaccord avec la nature générale du terrain et l'importance du parc. Les arbres et arbustes à feuilles per- sistantes conviennent particulièrement aux abords de ces retraites. Ces plantations doi- vent être faites avec un soin particulier. On doit réserver des parties couvertes pour les fougères et autres plantes qui ont besoin d'ombre, et aussi des parties découvertes (1) Consulter Les Fougères, par MM. Rivière et Roze; 2 volumes in-8°. — Paris, J. Rothschild, Éditeur. .*$!%* F'g- 254- — Cypripedium spectabile. Fig. 2;;. — Saxiiraga longifolia. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 193 pour celles qui réclament du soleil. L'humidité est très nécessaire a plusieurs de ces plantes. Il faut donc tâcher d'amener de l'eau courante dans les rocailles, et d'y organiser une petite cascade. Le choix de l'emplacement de la future fougeraie Fig. 256. — Rocailles au Pied d'un P0.1t du Bois de Vincennes. (l'oye^ p. 191.) a son importance, dit M. Rivière. La partie d'un parc ou d'un jardin abritée par de hauts murs, ou par des arbres de haute futaie, devra particulièrement attirer l'attention. Quoiqu'un grand nombre de fougères ne puissent supporter les rayons du soleil, le terrain qu'on choisira ne sera pas tellement dé- pourvu des rayons bienfaisants de cet astre, qu'on n'y puissetrouverune place convenable pour les plantes qui aiment cette exposition. « L'emplace- Fig. 257. — Aster alpinus. (Voya p. 102.) . 1. . 1 l )iV y ' mentetanttrouvé, il faudra préparer le terrain destiné à recevoir la plantation. Nous agissons ici comme nous le faisons dans toutes les serres : drainage au fond, recouvert d'un compost con- venable pour asseoir les fougères; l'ornementation, suivant le goût du propriétaire, sera 25 Fig. 258. — Dianthus monspcssulanus. {Voyc^ p. 192.) 194 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS également en rapport avec l'étendue dont on disposera; ainsi : massifs entourés d'allées, ruisseaux et rochers, cascatelles, etc., s'uniront pour apporter leur contin- gent d'élégance et de fraîcheur. Il importe, on le comprendra, que la fougeraie soit légèrement en pente, mais de telle sorte, cependant, que chaque petite partie supportant une plante reste horizontale et un peu en cuvette entre les fragments de roche, afin que les eaux d'arrosement y soient rete- nues et remplissent leur office. Les plus grandes es- pèces devront occuper l'ar- rière-plan, les moins éle- vées le premier; de cette façon toutes les plantes seront en vue. « Les espèces cultivées ainsi sur des rochers de- mandent l'ombre constante et une grande humidité, particulièrement de onze heures à trois heures. « Les fougères cultiva- bles en plein air peuvent, par leur contexture, supporter, sous notre climat, les hivers les plus rigoureux, 11 en existe un assez grand nombre d'espèces ou de variétés, toutes plus jolies Jes unes que les autres. Disposées avec art par groupes isolés sur les pelouses, elles contribuent singulièrement à orner nos jardins. Quelques-unes, en raison de leur beau développe- ment, pourront être plantées isolément. Quoique, en général, ces fougères vivent à l'état spontané dans les parties de bois abritées des rayons du soleil, elles préfèrent, étant cultivées, une exposition peu ombragée. » Fig. 2;g. — Alsophila australis. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 195 ^ . -A 1.-' *►." " Wê- Fig. 260. — Osmunda Qavtoniana. Nous reproduisons ici quelques-unes des fougères les plus ornementales : YAsophila australis (Fig. 259), l'Osmunda Clayfoniana (Fig. 260), Y Os- munda cinnamoniea (Fig. 261), le Pteris tricoîor (Fig. 262), le Dichsonia squarrosa (Fig. 263). Les rocailles doivent être for- mées, autant que possible, de pierres du pays; jamais de pro- duits artificiels, tels que bri- ques, scories, etc. Dans ce dé- tail des jardins paysagers, comme dans tous les autres, il faut s'écarter le moins qu'on peut de la nature. Leur sil- houette ne doit être ni trop sim- ple ni trop tourmentée. Nous donnons un joli spécimen de rocailles, emprunté au parc de Sydnope Hall (Fig. 257). Les ao,rée;ations rocheuses ne doi- vent jamais commencer ni finir brus- quement, mais être préparées par des affleurements disposés comme au ha- sard. Les buissons traînants, le Coto- ncasicr et autres arbustes du même genre; toutes les plantes d'un aspect pittoresque et sauvage, trouvent leur place dans le voisinage ou dans les interstices des rochers. Quelques-unes même, par la bizarrerie de leur atti- tude, ne conviennent que là; le Juni- perus recurva, par exemple. L'importance des grottes et rochers artificiels doit être proportionnée à celle du Fis. 2(n. ...•■ ■;. ' - Osnuinda cinnamomea. 196 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS W1 ■'<*% :-ï Fig. 262. — Pteris tricolor. {l'oye^ p. 195.) parc. Quand une grotte un peu considérable s'ouvre suffisamment en contre-bas, le dessus doit être réservé pour les Il espèces de conifères du vert le plus sombre : épicéas, ifs, pins noirs d'Autriche, etc. (Fig. 264, p. 197). Pour peu que le terrain favorise leur croissance, ils don- neront bientôt une tournure véridiquc et imposante aux ro- chers factices. Mais gardons-nous de vou- loir ajouter à l'illusion par des moyens artificiels, comme l'exhi- bition d'un mannequin d'ermite, ou même d'un ermite figurant, loué pour la circonstance, comme on faisait au siècle dernier! Il faut aussi qu'une grotte ait une assez grande étendue, pour qu'on puisse y risquer convenablement des imitations de stalagmites et de stalactites, comme au parc Monceaux (Fig. 271), et, sur une plus grande échelle, à la grotte du Bois de Boulogne (Fig. 268). XXV. — Gazons et Pe- louses. — Suivant deux des maîtres de l'horticulture, De- caisne et Naudin, « les pelouses différent des gazons proprement dits, en ce que l'herbe, moins choisie, y devient plus haute, et qu'on leur donne des soins moins assidus. Le gazon, plus fin et mieux entretenu, est fait pour être regardé de près; la pelouse gagne à être vue d'une certaine distance, Fis ;. — Dicksonia squarrosa. (Voye^ p. 19;. Fig. 264. — Les Cascades du Bois de Boulogne, en lace Longchamps. (/W; p. 196.) Fig. 265. — Fougeraie et Jardin floral du Paie de Sydnope Hall (Derbyshire), appartenant à M. Barrow. (J'ov.'; p. 195.) 198 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS ce qui suppose toujours une certaine étendue. » L'herbage, pelouse naturelle, forme le dernier terme de cette pro- gression. On peut r é s u m e r en quel- ques mots ce triple caractère, en disant que les gazons doivent être tondus, les pelouses fauchées, les her- Fig. 2G6. — Alternanthera :essilis. Y.ir. amcena. (l'oye- p. 204.) Fig. 267. — Bégonia Rex (Bégonie royale de Marshall). (Voyex p. 204.) Dages patu- r - BjaaeffiaBgjBâi • DUSSES- ■ "< rés. Toute- 1 fois, la pré- , ^plll ' s e n c e d u bétail est M ^^^^Rs^f ^^^^lîNïlHiisl d ' u n b 0 n effet sur les - ^rSwÉ^"^6 '"- *■"'" " ' pelouses, même assez bitation, toutes les w m;'} prés de l'ha- pourvu que précautions soient pri- (fflssk i?;^^I ses pou r protéger les K1 ÉÊÊ jifcii^ 3 1; : plantations et les cor- Le choix ¥ WËih WÊÈÉ% Jff jp*% '. "t beilles. et la pro- portion des ffli»1"^ i 'V'"M ';" J graminées les plus pro- blissement ^§lt§ ■3* '"';! ■" '-"";.. près à l'éta- des gazons, pelouses et BÇ; : iP K herbages, varient sen- lil ( m '; JJfijT ' siblement su i van t le K ~ SS|V; climat et la nature des terrains. Dc- ± 1 CL l 1 1 ï w V_ï V- fcj -^jjfJ— B-J-^j c a i s n e s i - ' V~ zrzzs- ^^tÉEzjf ~~-~7^ • gnaledepré- férence la fétuque des m 0 u 1 0 n s Fig. 268. — Intérieur des Cascades du Bois de Boulo, ;ne. (Foye^ p. 1 96.) ( F e s 1 11 c a ovina) et les espèces voisines (Festuca rubra, duriuscuh), puis le paturii 1 des prés (Poa TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 199 v pratensis), la fléole (Phleum praknse), le cynosure (Cynosurus cristatus), la llouve odorante, l'i- vraie vivace ou ray-grass, les agrosti- des. Il écarte les bromes et autres grami- nées trop for- tes, qui cau- sent presque toujours des Fig. 269. — Portrait de J. Decaisne, Membre de l'Institut, Professeur de Culture au VldeS dlSTa- Muséum. c i e u x . La Fig. 2;o. — Pelargonium zonale, var. qundricolor. {Voyez, p. 204.) même considération d'uniformité d'aspect doit faire bannir des gazons proprement Fig. 271. — Intérieur des Cascades du Parc Monceaux. Voye^ p. 196. dits le trèfle et autres herbes à fleurs trop voyantes. Mais cette régie n'est pas 200 THÉORIE D\l L'ART DBS JARDINS applicable aux pelouses d'une certaine étendue. Le trèfle blanc, surtout, y est d'un bon usage et d'un effet agréable. Lors de la création des pelouses du Bois de Boulogne, on a semé, par hectare, environ 250 kilog. du mélange suivant : ray-grass, 40 kilog.; brome des prés, io kilog.; fétuque tra- çante, 10 kilog.; id., ovine, 1 5 kilog.; cretelle des prés, 5 kilog.; flouve odorante, 2 kilog. Les terrains sili- ceux du bois étaient sin- gulièrement défavorables à cette transformation; ils ont été amendés à l'aide de détritus de l'ancien bois et de terres argileuses. Pour les endroits les plus ari- des, on a employé avec succès une autre compo- sition, le hriuii-grass. Dans les parties les plus diffi- ciles, le prix du mètre de ces pelouses n'a pas dé- passé 75 centimes, ce qui prouve bien qu'avec de l'habileté et de la persévérance, on peut imposer la verdure aux sols les plus réfractai res. Voici encore une recette que donne Mayer pour obtenir un gazon épais, court et d'une finesse exceptionnelle. C'est un mélange de graines composé comme il suit : Loliam perenne, 3 ; Poa pratensis, 1 ; Poa compressa, 1; Poa Irividlis, 1 ; Agwstis stoloni- fera, 1; Agwstis vuJgaris (alba), 1; Cynosunis cristaius, 1; Anthoxanthum odoralum, 1. (En tout, 10 parties.) Yucca iil.imentosa. (Voyez p. 205.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 201 Ces proportions doivent subir des variantes, suivant que le terrain est plutôt sec ou humide. Dans le premier cas, il faut renforcer d'une demi-part la proportion des deux Agrostis; dans le cas contraire, c'est sur Poa pratcusis et P. trivialis, que l'augmen- tation doit porter. Pour obtenir une herbe passable dans les endroits ombra- gés, Mayer conseille les deux Agrostis et le Poa nc- moralis ( i ) . Ces indications évidemment ne sont pas absolues, mais un jardi- nier habile trouvera bien vite la proportion conve- nable pour son terrain. Si les herbes d'espèces fortes sont en moindre quantité, le gazon est plus fin, plus doux, et a moins sou- vent besoin d'être tondu. Quand on peut se procu- rer de belles mottes de gazon, il est plus avanta- geux de les employer pour créer une pelouse que de la semer. Même si l'on procède parvoie de se- mailles, il faut toujours que les bords soient gazonnés; cet encadrement profite à la solidité du travail. L'automne est la saison la plus favorable pour ce mode de forma- tion de pelouses avec des mottes. La terre s'enlève alors plus facilement sans se séparer; elle se divise d'une manière plus nette; l'humidité assure et accélère la (i) Cependant, lorsque les grands massifs sont trop épais, leur ombrage finit par empêcher absolument le gazon de pousser jusqu'à une certaine distance, et favorise la croissance des mauvaises herbes. Pour y remédier, il faut couvrir ces terrains de plantes qui croissent volontiers à l'ombre, comme la pervenche, le lierre, l'Hyperiaim calycinum. 2G âfô. as ;- ; . y. V Fig. 275 Heracleum çisranteum. 202 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS >fc à : HLdel HD sseséê- m reprise. Quand le plaquage du gazon est fait, il faut jeter de la graine dans les inters tices poul- ies effa- cer. Lors- qu'on se- ra e une pelouse, il importe que la ter- re ait été ; bien la- S bourée fin mars ou f l fin août : et une se- maine a- I prCS 011 FiS- 276- — Conduites pour an oser les Pelouses. [V. p. 203.) ^'S- 275- — Lance pour arroser. (Voye% p. 203.) P'g- 274- — Amarantus melancholicus. peut commencer le travail. Il faut semer épais, puis fouler, ratisser, et finalement :à Aucuba japonica. passer le rouleau. Un jour relati- vement sec, dans une saison plu- vieuse, est celui qui convient le mieux pour semer les graines de gazon com- 1 Fig. 278. — Coleus Verschaffelti. (Foyrç p. 204.) me toutes les autres. Des soins apportés à ces premières préparations dépend toute la beauté TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIER S 203 à venir de la pelouse. Pour l'arrosage des pelouses dans les grandes propriétés, il y a avantage sous tous les rapports, même celui de l'économie, à employer le système de la lance (Fi- celui des condui- roulettes (Fi- XXVI. Em- Fleurs et Feuillage en Corbeilles, de border de les massifs d'ar- tes, devenu fort d'hui, n'en est Fig. 279. — Sedum Sieboldii. (l'owz p. 204.) gure 275), ou tes articulées sur gure 276). p 1 o i des Plantes à Bordures, etc. — L'usage fleurs cultivées bres et d'arbus- commun au jour- pas moins vive- ment critiqué par des horticulteurs émérites. Dans tous les cas, cette ornementation ne doit être employée, dans les jardins particuliers, qu'aux abords de l'habitation. Depuis quelques années, la mode a prévalu des cor- beilles rondes ou elliptiqucsdefleurs ou de plantes à feuillage, soit tou- tes de même es- pèce, soit par zones parallèles alter- nées (comme deux de Colcns, séparées par une bande de Pelargonium), soit encore en une seule masse avec bordure de plantes plus basses, aussi de couleur tranchée. On a même essayé, depuis quelques années, des compartiments en croix, des bordures en festons, etc. Mais il serait prudent de s'arrêter dans cette voie; elle nous ramènerait aux anciens Fig. 280. — Wigandia macrophylla. 2S1. — Achyrantlies Vcrschalïeltii. (/". p. 204.) 204 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS ; '. , - m ' t . . parterres en mosaïque, dont l'entretien serait d'un prix exorbitant et hors de propor- tion avec l'effet obtenu. Le grand avantage du système des corbeilles, c'est que chaque groupe de plantes à fleurs ou à feuillage ornemental peut être soigné d'ensemble. Parmi celles qui font le meilleur effet, ainsi disposées en corbeilles ou en bordures, nous citerons les diverses variétés de Pelargonium (notamment le zpiialc) (Fig. 270), de Bé- gonias (Fig. 267), de Colcus (Fig. 278), de Sedum (Fi- gure 279), de SoJaninn (sur- tout V Amwzpnicum, le plus rustique et le plus florifère); les Pétunias, les Anthémis, les Cannas (Fig. 289), Achyran- thes, Alternanlhcra sessilis (Fig. 266); puis encore les Verbenas (verveines), les Lanlanas, d'une coloration très riche, mais d'une odeur désagréable, etc. L'emploi de la plupart de ces plantes est aujourd'hui général; on trouve même dans d'hum- bles jardins de majestueux cannas entourés de Colcus, des corbeilles d'anthemis bordées d'achyranthes, des Bégonias bulbeux à fleurs rouges ou roses, avec un entourage de Salvias aux larges feuilles d'un blanc d'argent, etc. Mais chaque année voit paraître quel- ques variétés de plantes, et aussi quelques dispositions nouvelles. L'une des plus belles et des plus originales est un semis âAchyranthcs sur un fond de Lobélias à fleurs bleues. Cette combinaison produit un effet gracieux et fantastique, digne d'un jardin de fées. XXVII. — En principe, les plantes les plus curieuses, les plus délicates, doivent être placées sur les gazons et au bord des massifs les plus voisins Fig. 282. Ferdinand a emmens. TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 205 de l'habitation, pour composer une sorte de Musée végétal. Les yuccas (Fig. 272), les fuchsias, les dahlias et autres plantes rustiques seront distribués dans des parties du parc plus éloignées. Mais les traces de culture des rieurs doivent graduel- lement devenir moins apparentes, et finir par disparaître aux endroits où, grâce à l'habile dissimulation des limites, le domaine se con- fond avec les alentours. Ce principe est également applicable aux arbustes. Les amateurs dépour- vus de serre chaude, et même de serre tempérée, peuvent y suppléer au moyen de certaines plantes très rustiques, dont les ro- bustes attraits ne doivent d'ailleurs être dédaignés nulle part. Ainsi, on peut se consoler de l'absence des Colcus avec le Pcriïla, plante annuelle qui pro- duit un effet analogue, soit en bordures, soit en mas- sifs, grâce à son feuillage élégamment découpé, d'un violet presque noir. Ils ont aussi à leur disposition bien d'autres végétaux reeomman- dables par leur feuillage ornemental ou leurs fleurs; comme le Ricinus sanguineus (Fig. 286) qui peut figurer honorablement partout, soit isolé, soit en massifs; l'Hor- tensia, trop dédaigné aujourd'hui, et qui, bien abrité, forme d'admirables massifs roses, toujours fleuris depuis le commencement de l'été jusqu'aux gelées : puis encore les diverses variétés de Brassica (Fig. 288) ou choux violet et panaché, qui rivalisent avec les plus belles plantes ornementales pour la découpure élégante et la belle coloration du feuillage, et, de plus, résistent aux froids les plus rigoureux. ' <^~ y%3. Fig. 285. Guuuera scibra. 206 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS' La rose, qui, en dépit de toutes ces nouveautés envahissantes, mérite et garde toujours son titre de reine des fleurs; — une royauté à l'abri des révolutions! — joint beauté le mé- Fig. 284. — Cissus discolor. ticité. Dans les tes propriétés les plus hum- l'un des prin- ments des par- potagers. On mer, sur les belles corbeil- aussi à la rite de la rus- plus opulen- comme dans blés, elle fait cipaux orne- terres et des peut aussi for- gazons, de très les avec des rosiers à hautes et basses tiges dissimulées sous d'autres plantes. Les rosiers francs de pied, principalement ceux du Bengale, de Bourbon, noisette, font très bonne figure sur la lisière des massifs. On peut aussi les mêler, ainsi que les va- riétés sarmenteu- ses; non seule- ment aux buissons de lauriers, comme faisaient déjà les Romains (Voir Jardins romains, ire partie), mais aux autres arbus- tes à feuilles per- sistantes, notam- ment aux rhodo- dendrons qui se parent ainsi, en été et en automne, d'une floraison nouvelle. Nous recommandons d'une façon toute spéciale cette combinaison, dont nous avons fait l'expérience avec succès. Fig. 285. — Montagnaa heracleifolia. Fig. 286. — Ricinus sanguineus. (I . p. 205.) TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 207 XXVIII — Suite et Fin. — Comme nous l'avons dit précédemment, ces bordures de- fleurs ou col- lerettes fleuries autour des plantations, e m p 1 o y é e s pour la pre- m i è r e f o i s dans les pro- menades pari- siennes, et au- jourd'hui un peu partout, sont quelquefois composées de plusieurs sortes de plantes à fleurs ou à feuillage, Fig. 2S7. — Potlios argyrœa. Fi»-. 288. — Brassica sinensis, Var. (l'oyci p. 205.) disposées en zones bandes trop étroites un bon effet : cha- 30 à 40 centimètres donc mieux, si la très large, n'em- espèce de plantes, beilles, on ne peut sion au-dessous de mètre d'une cor- le petit diamètre tique. Dans quel- priétés, on s'est de- écarté à tort de cette de tout petits mas- plantes rares en une innovation mal- mes circulaire et Fig. 289. — Canna atronigricans. {Voyex_ p. 204.) parallèles. Mais des ne produiraient pas cune doit avoir de de largeur. 11 vaut bordure n'est pas plover qu'une seule Quant aux cor- en réduire la dimen- 2 mètres pour le dia- beille circulaire, ou d'une corbeille ellip- ques grandes pro- puis quelque temps règle pour former sifs circulaires de forme de pâtés; c'est heureuse. Les for- elliptique sont pré- férables à toutes les autres, et surtout la forme elliptique : d'abord parce qu'elles 208 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS s'adaptent bien au renflement du sol qui supporte les corbeilles, et au mouvement circulaire des allées; en second lieu, parce que le groupement des rieurs se fait plus naturellement dans un périmètre arrondi (i) ». Un autre gracieux ornement des pelouses consiste à y placer, pendant la belle saison, des plantes exotiques d'un port remarquable, que l'on y dis- tribue isolément. Il faut tou- tefois varier les espèces, les grouper, les mettre à dis- tance, et les entretenir avec tous les soins qu'elles mé- ritent. Ce mode de décoration a été employé avec succès dans les Promenades de Pa- ris, avec des plantes em- pruntées au Fleuriste de la Muette. Pour remédier à l'incon- vénient d'avoir de grandes places vides sur les pelouses dans les derniers beaux jours d'automne; quand on a en- levé les plantes annuelles et les plantes de serre, on peut les remplacer par les espèces les plus basses d'arbustes à feuilles persistantes, réservées en pots pour cette desti- nation, comme : Erica carnea, Cotoneaskr microphylh, Mahonia Aquifolium, MeiiTJe^ia Dtibœci, Andromcda, Perncliya, Scdum JatifoHum, Gaultheria Shallon et procumlcns, etc. Quelle que soit leur lorme, les massifs de fleurs doivent être bombés au milieu, (i) On dispose assez fréquemment aujourd'hui des corbeilles circulaires, autour des grands arbres placés en saillie sur les pelouses et n'ayant de feuillage qu'à la cime. Cette décoration est d'un effet assez gracieux, mais on n'y peut guère employer que des plantes en pots, à cause du voisinage des racines. Fig. 2JO. Nkoti.uia Wiç;andio:des. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 209 Fig. 291. — Allée bombée Fig. 21)2. — Pente graduée. d'une hauteur moyenne de 20 à 25 centimètres au-dessus du gazon. Cette méthode, aujourd'hui universellement admise, a l'avantage d'assainir le sol, de donner plus d'air aux racines, et de mieux hure valoir la beauté des feuillages ou des rieurs (Fig. 291). Cet exhaus- sement de la surface des massits a aussi l'utilité d'en faire res- sortir les contours; mais il faut que les pentes soient bien graduées (Fig. 292). Le gazon doit s'élever de même en pente douce sur les bords; et une bande de terrain, Jarge de quelques centimètres, doit être ménagée entre l'extrémité supérieure du gazon, et le rebord inférieur du massif. Nous donnons comme spécimen des dis- tributions de plantes en massifs et en cor- beilles, quelques-unes des dispositions qui ont été adop- tées pour l'em- bellissement de la Ville de Paris : Avenue du Bois de Bou- logne. Mas- sifs.— i.zEs- ciilus nibîcunda (M arronnier : --^whesi^ rouge) ; Araliû spinosa (Aralie épineuse); Pelargonium Lutcciœ gJoricc (Pelargonium gloire de Paris). — 2. Abelia triflora (Abélie à trois fleurs); Aralia spinosa (Aralie épineuse); Colcus marmoratus (Coléus marbré). — 3. Symphoricarpos (Symphorine) ; Trop^oJiiin liicijhiuii (Capucine de Lucifer). — 4. Pavia (Pavier); Ga^ania spkndais (Gazanie éclatante). — 5. Quercus (Chêne); Sapouaria ocimoides (Saponaire faux basilique). — 6. Sambucus (Sureau); 27 Fig. 293. — Fusain du Japon. Fig. 294. — Digitalis purpurea. 210 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Chrysanthemum pinnatifidum (Chrysanthème pinnatifide). — 7. Berberis (Épine-vinette) ; Cuphea platycentra (Cuphéa à larges éperons). — 8. Corylus (Noisetier); Gatira Lin- dheimeri (Gaura de Lindheimer). — 9. Lonicera (Chèvrefeuille); Penstemon gentianoides _ (Penstemon gentianoïde). mi _ -':;,-.• .' ;- ■ ''îÇ^SjP3* — 10. Cîematis (Cléma- tite); Scabiosa nana (Sca- bieuse naine). — 11. Pla- ianus (Platane); Fuchsia (Fuchsie). — 12. Catalpa (Catalpa); Amygdalus (Amandier); Pétunia (Pé- tunie). — 1,3 .Robinia pseudo- Acacia (Robinier faux Aca- u e- cia); Vcronica mcldensis (Y ronique de Meaux). 14. Chioiuuithiis (Chionan- the) ; Pelargonium ipnah (Géranium zone). ■ — 1 5 . Hippophae rlamnoides (Argousier rhamnoïde) ; Phillyrea (Fi la ri a); Phlox Drummondi (Phlox de Drummond). — 16. Cy- donia japonica (Cognassier du Japon); Verbena ru- bra (Verveine rouge). — 17. Fraxinus (Frêne) ; Pétunia (Pétunie). — 18. Tilia (Tilleul); Campanula pyramidalis (Campanule pyramidale). - - 19. Biixiis (Buis); Pelargonium Tçnale (Géranium zone). — 20. Acer (Erable); Chrysanthemum frutescens (Chrysanthème frutescent). — 21. Hi- biscus syriacus (Althéa, Mauve en arbre); Pelargonium gramliflorum (Géranium à grandes fleurs). — 22. Carpinus (Charme); Dianthus barbatus (Œillet barbu ou de poète). — 23. Ilex (Houx); 'Agent t mu acruleum (Eupatoire bleue). — 24. Ilex (Houx); Chrysanthemum frutescens (Chrysanthème frutescent). — 25. Fagus (Hêtre); Fuchsia Fig. 29;. — Solamim macranthum. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 211 fulgens (Fuchsie brillante). — 26. Cratœgus Pyracantha (Buisson ardent); Verbena Rosa- mnnda (Verveine de Rosamonde). — 27. Ribcs (Groseillier; Gaura Lindheimeri (Gaura de Lindheimer). — 28. Quercus (Chêne); Phlox Drummondi (Phlox de Drummond). — 29. Populus (Peuplier); Erysimum Petrozuskia- num (Vélar de Pétrowski). — 30. Hydrangca (Hydran- gée) ; Ribes (Groseillier) ; Verbena (Verveine). — 31. Betula (Bouleau); Mi- rabilis jdlapa (Belle-de-nuit, faux Jalap). — 3 2. Jasminum (Jasmin) ; Laiitana rosea nana (Camara rose nain). — 33. Cornus (Cornouiller); A m a ra ut us m cl a ncholicu s (Amarante triste). — 34. Ul- uius (Orme) ; Tagetcs erecta (Rose d'Inde dressée). — 3 5 . Cytisus (Cytise) ; Lan- tana (Camara).— 36. Pwo- nia arborai (Pivoine en ar- bre); .Phlox Drummondi (Phlox de Drummond). — 37. Salix (Saule); Calendula officinûlis (Souci des jar- dins). — 38. Sorbus (Sorbier); Anémone japonica (Anémone du Japon). — 39. Monts (Mûrier); Amarantus speciosus (Amarante gigantesque). — 40. Ccanothus (Céanothe); Verbena (Verveine). — 41. Acer (Érable); Amarantus caudatus (Amarante queue-de- renard). — 42. Corylus (Noisetier); Anémone japonica (Anémone du Japon). — 43. Vi- burnnm Tinus (Laurier-tin); Phlox Drummondi (Phlox de Drummond). — 44. JEsculus (Marronnier); Lantana (Camara). — 43. Gleditsehia iriacanthos (Févier à trois épines); Lycium (Lyciet); Amarantus melancholicus (Amarante triste). — 46. Juglans (Noyer); Fi"-. 296. — Ferdinanda eminens. !I2 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Campanula pyramiddis (Campanule pyramidale). — 47. Fraxinus (Frêne); Campanula carpatica (Campanule à fleurs en cœur). — 48. Syringa (Lilas) ; Linum percnne (Lin vivace). — 49. Paulownia imperialis (Paulonie impérial); Rhus copallina (Sumac co- pal) ; Diantlms semperflorens (Œillet toujours fleuri). — 50. Magnolia grand iflora (Magnolier à grandes fleurs); Peîargonium tpnah (Géranium zone). — 3 i.iEs- cuîus rubicunda (Marronnier rouge); Aralia spinosa (Ara- lie épineuse); Dianthns bar- batns (Œillet barbu ou de poète). Avenue du Bois de Boulogne. — Corbeilles. — 1. Centaurea candidissima (Centaurée cinéraire, très blanche); Loklia Erinns (Lo- bélie Érine). — 2. Souri 0 platanifolius (Séneçon à feuil- les de Platane); Solanum amazpnicum (Morelle des Amazones). — 3. Hibiscus sinensis (Ketmie, Rose de la Chine). Iles du Bois de Boulogne. — Corbeilles. — 1. Nicotiana unvandioidcs (Tabac a feuilles de Wigandie). — 2. Solanum ama^onicum (Morelle des Amazones). — 3. Musa rosacca (Bananier à spathes roses). — 4. Solanum ama^onicum (Morelle des Amazones) ; Loklia Erinns (Lobélie Érine. - - 5. Ficus clasiica (Figuier élastique). — 6. Colocasia esculenta (Aroïdée comestible). — 7. Colocasia batavicnsis (Aroïdée de Batavia ; Loklia Erinns (Lobélie Érine). — 8. Hydrangea horicnsis (Hortensia) ; Phlox dccussata (Phlox acuminé). — 9. Hydrangea foliis varicgatis (Hydrangée à feuilles .a- W Fig. 297. — Musa rosacea. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 2H panachées); Pblax decussata (Phlox acuminè). — 10. Conodinium janthimm (Hébé- cline violette); Phïox decussata (Phlox acuminè).— ri. Hibiscus Cooperi (Ketmie de Cooper, à trois couleurs) ; Dianthus Hedewigi (Œillet de Hedewig). - - 12. Farfugium grande (Ligulaire grande). — 13. Duranta PJuinicri (Durante de Plumier) ; Lc- belia Pàxtoni (Lobélie de Paxton). — 14. Achyrantes Verschajjcili (Irésine de Vers- ehaftelt); Pelargonium hedc- raceum (Géranium lierre). — 1 5. Dracœna Draco (Cor- dyline s an g- dragon); Ver- bena Maboneii (Verveine de Mahonet). — 16. Aràlia papyrifcra (Aralie à papier); Portulaca grandiflora (Pour- pier à grandes fleurs). — 17. Salvia spkndeiis (Sauge éclatante); Kccniga mari- tinui (Alyssc maritime). — 18. Bégonia ioiucittosa (Bé- gonie tomenteuse). ■ — 19. Plumbago cœfula (Den- telaire bleue). — 20. Bé- gonia fuchsioides (Bégonie à fleurs de Fuchsie). — 21. Chrysantheiiiuiii frutescens (Chrysanthème frutescent); Ageraium cceksiinum (Eupatoire bleue) ; Pelargonium ^ouale (Géranium zone). — 22. Pboniiiiint tenax (Lin de la Nouvelle-Zélande). — 23. Bégonia lucida (Bégonie luisante). — 24. Canna (Balisier). — 23. Seneeio platanifolim (Séneçon à feuilles de Platane). — 26. Enrybia rosmarinijolia (Astère à feuilles de Romarin). — 27. Centaurea candidissima (Centaurée cinéraire, très blanche); Lobelia Erinits (Lobélie Érine). — 28. Canna (Basilier); Fuckia conqueror (Fuchsie conquéror). — 29. Erylbrina crista Fig. 29S. — Charmcrops excelsa. 2I4 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS galli (Érythrine créte-de-çoq). — 30. Colocasia odora (Aroïdée odorante); Phlox Drunimondi (Phlox de Drummond). - -31. Cassia floribunda (Casse à rieurs nom- breuses); Scabiosa nana (Scabieuse naine). — 32. Conoclinium macrophyllum (Hébécline à grandes fleurs); Kœniga maritima fol. var. (Alysse maritime à feuilles pana- chées). — 33. Sparmannia africain! (Sparmannie d'Afri- que); Sanvitalia procumbens (Sanvitalie rampante). — 34. Solarium robusium (Mo- relle robuste); Achyranthcs Verschaffcl H (Irésine de Vers- chaffelt). — 35. Musa para- disiaca (Bananier à gros fruits); Ga%ania spkiidens (Gazanie éclatante). — 36. Dracctna congesta (Cor- dyline entassée). — 37. Bé- gonia grandis (Bégonie grande). — 38. Urtica ma- crophylla (Ortie à grandes feuilles). — 39. Bégonia Pres- toniensis (Bégonie de Pres- ton). — 40. Eucalyptus Glo- bulus (Eucalypte à fleurs globuleuses); Guaphaliiun lanatuni (Immortelle laineuse). — ^i.Paoma arborea (Pivoine en arbre); Delphiniuiu pulchrum (Pied d'alouette remarquable). — 42. Pelargonium (Géranium). — 43. Escallonia macrantha (Escallonie à grandes fleurs); Sanvitalia procum- bens (Sanvitalie rampante). — 44. Fuuhia subcordata (Hémérocalle à feuilles en cœur). Pré Catelan au Bois de Boulogne. — Massifs. — 1. Picea cxcelsa (Pesse, Sapin Epicéa) ; Cerasus lusitanica (Laurier de Portugal) ; Ageratum cœlestinum (Eupa- toire bleue). --2. Biota orientalis (Thuia de la Chine); Taxas baccata (If commun); Fig. 299. — Latania borbonica. TRACÉ DES JARDINS IR RÉGULIERS 215 Peïargonium Nosegay (Géranium Nosegay). — 3. Acer Negundo foins variegatis (Érable à feuilles de Frêne panachées) ; Perilla nankinensis (Périlla de Nankin). - - 4. AEsculus (Marronnier); Evonymus latifolius (Fusain à larges feuilles); Tagetes patuh (Œillet d'Inde étalé). — 5 . Acerpscudo- Platanus (Érable Sycomore); Cerasus Lauro-Cerasus (Laurier- amande) ; Tagetes erecta (Rose d'Inde dressée). — 6. Pinus Laricio (Pin Laricio) ; Cea- nothus anicricanus (Céano- the d'Amérique) ; Pelargoiiiitiii Rabais (Géranium à ileurs rouges). — • 7. Thuia occiden- lalis (Thuia du Canada); Evo- nymus (Fusain); Chrysanlhc- 111111)1 frutesec ns (Chrysanthème frutescent). — 8. Pav'ia lutea (Pavier jaune); Ligustrum ja- ponicum (Troène du Japon); Callistephus sineiisis (Reine- Marguerite). — 9. Pauloiunia (Paulonie); Buxus arborescens (Buis en arbre) ; Fuchsia Venus de Medicis (Fuchsie Vénus de Médicis). — 10. Rhododendrum ponticum (Rhododendron à fleurs violettes); Peïargonium christinus (Géranium christinus) 300. Cyperus papyrus. - 11. Pinus Strobus (Pin de lord Weymouth); Rhamnus Alaterntis (Alaterne ordinaire); Plmnbago cœnda (Dentelaire bleue). — 12. Picea exeelsa (Pesse, Sapin épicéa); Peïargonium Rubciis (Géranium à fleurs rouges). — 13. Picea exeelsa (Pesse, Sapin épicéa); Mahomet (Maho- nie); Veronica meldensis (Véronique de Meaux). - - 14. Magnolia grandiflora (Magno- lier à grandes fleurs); Veronica Andersoni (Véronique d'Anderson). — 15. Magnolia cpiispicua (Magnolier Yulan); A^alea ponlica (Azalée politique); Hydrangea hortensis 2:6 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS (Hortensia). — 16. Magnolia grandi flora (Magnolier à grandes fleurs) ; Amarantus caudatus (Amarante queue-de-renard). 17. Magnolia (Magnolier); Callistephns sinensis (Reine-Marguerite). — 18. Picca exçeha (Pesse, Sapin épicéa); Ligustrum ova- lifolinni (Troène à feuilles ovales); Amaranlus caudaius (Amarante queue-de-renard). — 19. Magnolia Souhngeana (Magnolier de Soulange). — 20. Rhododendrum poniicnm (Rhododendron à fleurs violettes); Panicum plicalum (Panie plié). — 21. Robinia pseudo- Acacia (Robinier faux Acacia); Ligustrum japonicum (Troène du Japon); Amaranlus bicoior (Amarante de deux couleurs). — 22. Pinus sylvestris (Pin sylvestre); Ceanothus americana (Céanothe d'Amérique). — 23. Quercus (Chêne); Ilex (Houx). — 24. Qucrcus (Chêne); Rhododendrum ponlicum (Rhododendron à fleurs violettes). — 25. Quercus (Chêne); Kahuia lalifolia (Kalmie à feuilles larges). XXIX. — Tracé des Allées. — Le tracé des allées est, pour les dessi- nateurs habiles, la dernière opération au point de vue de l'étude. C'est, en effet, un accessoire tout à fait subordonné au reste de .la composition, et dont il convient de ne s'occuper qu'après que l'ensemble de cette composition est arrêté, le terrain nivelé, les plantations distribuées. L'allée n'est, ne doit être qu'un itinéraire. Elle permet de se transporter d'un point à un autre, en suivant la direction la plus commode et la plus agréable. Elle n'ajoute aucun charme au tableau, et lui nuit souvent; aussi doit-elle être complètement effacée dans les perspectives. Pour restreindre ces surlaces arides, on fait leur jonction dans des massifs de ver- dure, qui masquent les parties' latérales. Etant donné un certain nombre de points de vue déterminés à l'avance, le tracé des allées doit être exécuté de manière a diriger le promeneur vers ces points, en suivant des lignes légèrement circu- laires. Il est bon que ces lignes présentent un mouvement continu, sans brisures ni retours multipliés. On n'emploie guère la ligne droite dans les jardins irréguliers, parce qu'elle ne s'harmonise pas avec les ondulations des vallées. La ligne droite est agréable sur une surface plane horizontale ou inclinée. Mais elle est d'un mauvais effet sur les surfaces ondulées, qui la font paraître brisée, parce qu'elle accuse trop lès inégalités. Pour suivre les mouvements des rampes et pour contourner les obstacles, la courbe a toute la souplesse désirable. Elle se prête mieux a surmonter les difficultés, et elle permet de dérober plus aisément à l'œil les surlaces arides (sections d'allées), que sa direction sinueuse lait disparaître derrière des rideaux de verdure. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 21- II faut éviter les lignes serpentantes, et ne les admettre qu'autant qu'elles sont a. I ,'"BT^S£â*& i, — r-,-,. .■,■ 1 — r~~\ r~-" ' — 1( 1 ^SÈ^^è ^™ ™ justifiées par la nécessité : par exemple, si elles suivent les sinuosités d'une rivière, 2S 2i8 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS d'une pièce d'eau; si elles servent à franchir des déclivités un peu fortes, ou à contourner un obstacle inévitable. Dans les pelouses, il est indispensable de tenir les allées un peu enfoncées, ou (plutôt) de relever légèrement le gazon sur leurs bords, de manière qu'à une certaine distance la zone sablée disparaisse sous la verdure, et que les promeneurs semblent marcher sur l'herbe. Le tracé des allées exige beaucoup de soin. Leurs contours, formant des lignes très pures, doivent se détacher nettement sur le gazon. Il faut éviter les contre-courbes, qui prolongent la vue des parties sablées et font réapparaître l'allée dans une direction inverse ; — ou du moins tâcher de masquer ce retour. XXX. — Allées de Ceinture, creuses, etc. — Le style régulier, désor- mais et à bon droit dénommé français, despote plus universel et plus obéi que Louis XIV lui-même, tenait encore tous les jardins des pays civilisés soumis à ses lois, quand le peintre Hogarth, précurseur révolutionnaire, proclama que la ligne serpentine était la véritable ligne de beauté. Sans doute les allées ne sont qu'un accessoire, ou plutôt un corollaire dans la composition d'un jardin paysager; mais un corollaire indispensable. Leur contour ondulé est un des principaux élé- ments de charme et de variété; dans des allées de ce style bien tracées, on recon- naît l'imitation des plus gracieuses fantaisies de la nature. C'est par le caprice et le mystère de leurs allures, que les ruisseaux et les sentiers naturels plaisent aux yeux et parlent à l'imagination. Aussi une allée dont toutes les courbes se voient en même temps, perd tout son intérêt. Il importe donc que ces courbes offrent autant de variété que le permettent leur longueur et leur étendue (Fig. 302). Pour les relier et les dissimuler en même temps, soit d'une section de l'allée à l'autre, soit de l'extérieur, on a recours à des groupes de plantations, composés surtout d'arbres à feuilles persistantes, et accompagnant des sièges ou des abris rustiques; épisodes dont l'importance doit être en rapport avec celle du domaine. Un léger terrassement en contre-bas suffit souvent pour dissimuler la courbe d'une allée. Pour faire naître et entretenir l'illusion de la grandeur, il importe que les allées ne soient pas trop aperçues de l'habitation, que leur sol soit continuelle- ment dissimulé par des massifs de plantes et d'arbres, et des combinaisons de TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 219 Fig. 306. Fig. 302 F'g- 5°7- Fig- 3°>- terrassements. La figure 303 nous montre une section d'allée venant de la maison, traversée par une autre allée, qui ne doit pas être vue de loin. Dans les jardins tant réguliers qu'irréguliers, on peut marquer, par des combinaisons diverses, la termi- naison, la rencontre ou la bifur- cation des allées : placer, par exemple, soit un siège semi-cir- culaire, soit une statue ou un vase à l'extrémité de l'allée (Fi- gure 304); un buisson ou tout autre objet à l'endroit où une ^ grande allée se bifurque en deux plus étroites (Fig. 305), ou change de direction (Fig. 306). La figure 307 indique une allée droite avec double bifurcation, et une volière ou autre édicule au point d'inter- section. La figure 308 indique une allée avec ouverture sur la campagne. L'allée doit se diriger vers le but à atteindre, non directement, mais par un mouvement continu; car incliner à droite sans cause apparente, après s'être dirigé vers la gauche, indique un certain désordre d'esprit, comme si le but était indéterminé. Dans les propriétés d'une étendue médiocre, les plus nombreuses de beaucoup, le des- sinateur doit savoir faire naître et multiplier « ces causes apparentes », pour allonger le parcours sans monotonie, faire naître et entretenir l'illusion. De brusques déviations (quand elles ne sont pas motivées) semblent inspirées par une réflexion subite, qui ramène le promeneur dans une direction imprévue ou oubliée... Il faut que le paysage change d'aspect à mesure que l'on se déplace; c'est encore une des raisons qui doivent faire proscrire la ligne droite dans les jardins pittoresques... La ligne courbe force le promeneur à se déplacer latéralement, et la ligne de vue est toujours tangentielle à la courbe de l'allée ; par conséquent, le tableau change constamment d'aspect durant Fig. 308. 220 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS tétt'afe . & ' -'• (S *?/ r\\ 7 >***•■ Va--! «s^1 §^;::;: :T*. VJ 3.^5 la promenade. Le tracé d'une allée ne doit donc jamais être parallèle a l'axe d'une ligne perspective, à moins qu'on ne veuille prolonger la durée de la vision dans une même direction. Dans un jardin particulier, le réseau des allées est en quelque sorte concentrique; les voies qui sont situées sur les points éloignés, doivent toujours ramener le promeneur vers les parties cen- trales ou vers l'habitation. Ordinairement on établit une voie ou allée qui côtoie de plus ou moins prés les limites h^2* — Plan du Pré Catelan, au Bois de Boulogne. 1. Théâtre des Fleurs. — 2. Buffet. — 3 Brasserie. — 4. Photographie. — 5. Théâtre de Magie. — 6. Orchestre. — 7. Jeux divers — S. Aquarium. — 9. Cabinets. — 10. Vacherie. — u. Bureau de Tabac. — 12. Croix Catelan. O C* -rt rï I 222 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Fig en est séparé par une forte dépression de terrain. Quand deux allées suivent forcément une direction h peu près parallèle, ce parallélisme sera dissimulé soigneusement par des mouvements de terrain ou des plantations. Si l'allée se bifurque, les embranchements doivent prendre une direction si nettement divergente, qu'ils semblent bien ne plus devoir jamais se réunir (Fig. 311). Les arbustes ou plantations qui garnissent par inter- valles les côtés des allées ne doivent jamais former une ligne régulière, ni les ombrager de façon a les rendre impraticables par l'humidité. Aussi, dans les climats plu- vieux, il importe de réserver les ombrages les plus épais pour les endroits disposés en pentes rapides. Une allée creuse, si elle est tracée avec intelligence, ajoutera toujours quelque chose à l'intérêt d'un jardin régulier, même peu étendu. Elle concourt à l'agrandissement factice, en donnant une promenade de plus, dont on peut facilement prolonger le parcours au moyen de courbes bien ménagées. D'autre part, ce ravin sinueux, ombragé par places, pourra produire un effet pittoresque, vu de la partie supérieure du jardin. Celui de l'hôtel d'Espagnac (Paris, faubourg Saint-Honoré), dont le plan figure dans la collection Le Rouge, était un spécimen remarquable de ce genre de travail. Il était traversé obliquement par une allée creuse, dont les diverses sections étaient dominées par les ponts qui reliaient de distance en distance les allées supérieures. En résumé, il faut, dans une propriété irrégulière bien dessinée, que toutes les allées emmènent ou ramènent, sans répétition des mêmes objets, ou en les montrant dans un axe différent, et, par conséquent, avec une autre physionomie. Ce principe s'applique aussi bien aux petites qu'aux grandes voies. Chacune doit avoir sa raison d'être spéciale, vraie ou apparente, et concourir à l'effet de l'ensemble. Le tracé de deux allées voisines sera donc, calculé de telle sorte, que les mouvements de terrain et les plantations les maintiennent distinctes dans tout leur parcours. On doit éviter soigneusement la trop grande multiplicité des allées, le parallélisme, les inflexions brusques sans raison suffisante, les chemins trop sinueux trop prés de l'habitation. XXXI. — Confection, Dimensions des Allées. — Voici quelques indi- cations techniques, empruntées aux meilleurs auteurs, pour la confection des allées. Elles doivent être bombées au milieu; de 20 a 25 centimètres selon la largeur et TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 223 même davantage dans les lieux très humides, afin de donner à l'eau un écoule- ment facile. Ce précepte n'est applicable qu'aux jardins irréguliers; dans ceux dits à la fran- çaise, les allées doivent être plates, pour conserver le caractère du genre. Une allée ordinaire doit reposer sur un empierrement d'environ 30 centimètres; mais une voie carrossable réclame une plus grande épaisseur. Un tiers environ de ce ballast doit être composé de gravier fin, le reste de tuileaux, cailloux, pierres concassées. La nature du gravier varie beaucoup suivant les pays. 11 réclame quelque mélange, s'il contient de l'argile ou de la chaux, car alors il devient fangeux quand il est mouillé. Il faut, dans ce cas, y joindre du sable d'une nature plus sèche. Au contraire, le sable de mer (à moins qu'il ne contienne les matières que dépose une rivière a son embouchure) sera toujours trop friable; il faudra y joindre de la chaux ou de l'argile dans la proportion d'un sixième environ. Un tel mélange est excellent très réfractaire à l'humidité (Kemp). Pour former la surface, le sable de rivière sera toujours préférable, si l'on peut s'en procurer. La figure ci-jointe (Fig. 312) représente la coupe d'une allée large de im,5o. Ses bords doivent être formés de matériaux ménageant une sorte de drainage naturel qui, d'espace en espace, communique avec un drainage véritable. Dans les terrains accidentés, on creuse sou- vent, soit dans les pentes, soit aux endroits les plus bas où les eaux se réunissent et séjournent, des rigoles latérales, afin d'empêcher la dégradation des allées. Ce détour- nement n'a guère d'inconvénients dans les parties boisées; il en a au contraire beaucoup dans les pelouses, où ces rigoles portent souvent autant de sable que d'eau. Ce qu'il y a de mieux à faire en pareil cas, c'est d'installer dans ces mauvais et- endroits de petits réservoirs construits en cailloux ou en tuiles, et recouverts d'une grille. La figure 313 représente un de ces déservoirs : a est le couvercle grillé au niveau de l'allée; b le drain qui forme déversoir. Les bordures des allées doivent être particulièrement soignées, car elles jouent un grand rôle dans l'aspect général. Elles doivent être unies, juste au même niveau des deux côtés (sauf, bien entendu, dans les allées en corniche), et dessinées d'une manière précise. Pour que les bordures remplissent ces conditions, 2:4 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Fig. Ji5- il faut que les mottes de gazon soient compactes, empruntées à une prairie de bonne nature. Leur largeur doit être d'environ 15 centimètres, l'épaisseur de 10 a 15. Il importe qu'elles soient, en moyenne, légèrement bombées au milieu, et un peu plus basses sur les côtés que la pelouse adjacente (Fig. 314). Les allées courbes, qu'on dïssi— Fig. ;M. mule ordinairement le plus possible, doivent en con- séquence être tenues à un niveau un peu inférieur aux pelouses (Fig. 315). Il faut aussi leur donner une surface plus convexe que celle des allées droites (Fig. 316). Les dimen- sions des allées varient assez sensiblement, suivant leur destination (voir Fig. 310, Allée du Parc Monceaux). Les allées carrossables doivent avoir au moins 4 mètres; les ordi- naires, permettant à 4 personnes de circuler de front, de 2m,)0 à 3 mètres; les petites allées im,5o. Kemp réduit à 3 mètres la largeur des allées carrossables; cette dimen- sion n'est suffisante que dans les petites propriétés. XXXII. — Entrées des Parcs. — Suivant quelques auteurs, l'entrée d'un parc franchement irrégulier ne doit être aperçue ni de l'habitation, ni des principaux endroits de promenade. Ce précepte est une déduction logique du principe de la dissimulation des clôtures, mais son application n'est pas toujours possible. La perspective plus ou moins lointaine d'une loge d'entrée, construite avec goût et bien accompagnée, peut produire un excellent effet, et il serait souvent fâcheux de s'en priver (1). Kemp dit aussi « qu'une route d'arrivée ne doit pas s'engager dans le domaine à une trop grande distance des beâtiments, ni suivre les clôtures ». Nous croyons, au contraire, qu'une propriété ne peut que gagner à. cette prolongation d'arrivée, si tout est convenablement disposé sur le passage. Par la même raison nous pensons aussi (et nous en avons fait l'expérience), que l'on peut faire avec succès, pour l'arrivée principale, l'emprunt d'une section plus ou moins considérable (1) Nous n'avons pas à revenir sur ce qui a été dit ci-dessus de ces loges d'entrée, dont nous avons donné d'excel- lents modèles. Nous répéterons seulement que si l'entrée se trouve suffisamment éloignée de l'habitation, on obtiendra sûrement un effet des plus heureux, en donnant au logement du concierge et à ses dépendances l'aspect d'un collage ou petite demeure à part, accompagnée par les premiers massifs qui se présentent à l'entrée du parc. Fig- 3T7' — Entrée du Parc Monceau. Fig. 318. — Entrée du Pré Cuclan au Bois de Boulogne. 29 226 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Fig. 319. — Entrée de Pa de l'allée de ceinture; et, par conséquent, côtoyer souvent d'assez prés les clô- tures pendant ce parcours; pourvu, bien entendu, qu'elles soient habilement dissi- mulées. Le même auteur se contredit et revient implicitement à notre opinion, quand il ajoute, un peu plus loin : « qu'il importe de s'élever vers l'habitation par la pente la plus douce, et conséquemment la plus pro- longée. » En principe, l'entrée doit être perpendiculaire au grand chemin; cependant il peut être quelquefois néces- saire de la placer dans un angle ou dans une courbe. — Généralement, les murailles ou autres clôtures de chaque côté de l'entrée, doivent affecter une forme convexe en abordant la grande route (Fig. 319). Tou- tefois, si l'on veut donner à l'entrée un caractère plus imposant, il faudra faire les murs concaves, et disposer de chaque côté des bornes reliées de chaînes, formant la courbe convexe. L'inter- valle compris entre ces deux courbes sera gazonné, et orné d'arbustes ou de buissons à fleurs, si l'espace est suffisant (Fig. 320). Quelquefois deux entrées sont indispensables, quand la propriété est importante et voisine de deux villes ou bourgs situés dans des directions différentes. La figure 321 donne le modèle d'une de ces entrées doubles, régulièrement disposées. Cet arrangement suppose que les deux villes ou bourgades voisines sont à l'opposite l'une de l'autre, et reliées par une route sur laquelle s'embranchent les deux entrées. Cette dis- position d'embranchement pourrait, sans inconvénient, être moins régulière, et n'en ferait même que meilleur effet, dans une propriété du style paysager. Quand le relief du sol est fortement accidenté entre la route et l'habitation, il faut dissimuler les remblais de l'allée d'arrivée avec tout le soin possible, en les reliant par des plantations a l'ensemble. Si, au contraire, le terrain est uni, le style de la maison régulier, et l'intervalle Fig. 320. — Entrée de Parc. Fig. 321. — Entrée double TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 227 entre elle et la route assez grand, si enfin la route est déjà reliée à l'habitation par une belle avenue, ce serait une faute de la sacrifier. Mais, pour que cette combinaison, empruntée au style régulier, produise tout son effet, il est essentiel que l'avenue s'ouvre en ligne droite, sur un terrain plat, ou au moins sur une pente doucement et régulièrement inclinée. A l'arrivée devant l'habitation, on est toujours disposé Fig. 322. — Entrée du Parc réservé de Saint-Cloud. à exagérer la largeur de l'allée, au détriment de l'étendue en pelouse et de l'effet général, pour donner aux voitures une plus grande facilité de tourner. Pour déterminer cette largeur, il faut naturellement prendre en considération l'importance de l'habitation et d'autres circonstances; mais, en moyenne, 10 à 12 mètres doivent suffire. Nous figurons ici quelques entrées de grands Parcs des Promenades de Paris et des environs (Fig. 317, 318, 322). Quand l'entrée n'est séparée de l'habitation que par un espace étroit et borné de tous côtés, il faut bien, même dans un jardin du style paysager, recourir à la THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Fig- 324- Fig. 3*3- Fig- 325- combinaison d'une petite pelouse ovale ou circulaire, ornée de fleurs et d'arbustes à feuilles persistantes (Fig. 323). Mais, pour peu qu'on puisse s'étendre à droite et à gauche, il vaut beaucoup mieux prolonger cette devanture en ellipse, en la reliant aux plantations de clôture, de manière à éviter toute apparence de régularité (Fig. 324). Les routes angulaires (Fi- gure 325), ou octogones (Fig. 326), sont d'un effet satisfaisant quand on veut se conformer au style classique, bien que l'habitation ne soit ac- cessible que latérale- ment. S'il n'est pas pos- sible d'organiser une entrée de service parti- culière, on tournera la difficulté en établissant, sur le chemin qui se dirige vers les communs, un embran- chement circulaire, affecté à l'habitation (Fig. 327). XXXIII. — Des divers Systèmes de Clôtures. — On ne saurait trop le redire; il importe toujours de dissimuler les clôtures, d'empêcher même qu'on les soupçonne ou qu'on y pense. Les fossés, faciles à rendre invisibles au moyen de légers mouvements de terrain, sont donc, quand la nature des limites le permet, le meilleur mode de clôture. Il ne faut user qu'avec discrétion des fossés partiels, dits sauts-de-loup, et seule- ment quand c'est le seul moyen de faire brèche sur une perspective intéressante, placée dans cet axe. Les abords de cette brèche doivent être habilement raccor- dés avec les premiers plans, au moyen des plantations. Fig- 328- Nous donnons (Fig. 328) un modèle de clôture assez élégant. Le mur a 80 centimètres de hauteur; les barres des balustrades 25 milli- Fig. Fig. 326. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 229 Fig. 329. îi°- Fig- 331- F'g. 332 mètres de diamètre. On peut y substituer, soit des treillages mécaniques, soit des balustrades en bois de chêne ou de châtaignier, dans le genre de celle-ci (Fig. 329). Nous citerons aussi, comme clôture extérieure solide et facile à dissimuler, les palis- sades en bois, dont voici le modèle le plus simple (Fig. 330). Pour les clôtures intérieures, qui n'exigent ' pas la même solidité, on emploiera soit celles en fil de fer galvanisé, soit, dans les pays où le bois est commun, des clôtures de bois rustique (Fig. 331). Enfin, pour dissimuler, soit au dehors, soit dans l'inté- rieur, une vue désagréable, on peut recourir au système de palissade ci-joint (Fig. 332), haute de ini,)0 à 2 mètres, couverte de lierre et autres plantes grimpantes. Malgré leurs nombreux inconvénients, dont les plus graves sont la cherté d'entretien et le peu de sûreté, les haies sont encore le système de clôture extérieure le plus usité. Il faut les soustraire aux regards en les plantant en contre-bas. Si cela est absolument impossible, le prince Pùckler-Muskau conseille de les masquer, dans les parties couvertes, par un rideau serré d'ifs, de thuyas ou autres arbres verts de seconde grandeur, en avant duquel on dispose les autres plantations. Dans les parties découvertes, on peut atténuer la raideur des lignes de la haie au moyen de quelques buissons d'épines ou de houx irrégulièrement disposés. Beaucoup d'arbres à feuilles caduques peuvent servir à faire des haies; celles d'épines sont les plus solides. On en fait aussi, dans certains pays, avec différentes espèces d'arbres verts. Celles de houx sont peut-être les plus belles de toutes, mais bien lentes à croître. Tout ce qui vient d'être dit sur la nécessité de dissimuler les haies, soit en les disposant en contre-bas, soit par la plantation, s'applique également à tout autre système de clôture, murailles, treillages, grilles ou palissades. XXXIV. — Potagers et Vergers. — L'adjonction d'un potager et d'un 230 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS verger à une petite propriété d'agrément ne doit se faire qu'après mûre réflexion; non seulement sur le choix de la meilleure place, mais sur une question préalable qu'on néglige souvent à tort. Le domaine peut être assez restreint, les circonstances locales se présenter de telle façon, qu'il soit préférable de s'épargner l'établissement d'un potager, d'un verger, ou même de tous les deux. Com- me l'a dit un judicieux horti- culteur anglais, pour cette ins- tallation, « un coin du jardin ne peut suffire. Un potager, un verger n'ont de raison d'être que si l'on dis- posed'unespace assez vaste pour suffire à l'appro- visionnement domestique de fruits et de légumes : sans quoi le profit et l'agrément ne compense- raient pas les dépenses d'établissement et d'entretien. » Il en est autrement dans les propriétés d'une certaine importance; là l'horticulture utile joue un grand rôle. Elle peut même, comme nous le dirons tout à l'heure, concourir plus qu'on ne pense à l'ornementation du domaine. Toutefois, bien des gens estiment que les potagers des particuliers coûtent Fia 533 Potager de Versailles, dessiné et planté par de La Quintinie, gravé par Pérelle. I. Entrée pour le Roi. — 2. Entrée du commun. — 5. Cour du jardinet. — 4. Maison du jardinet. — J. Logement des garçons du jardinet. — 6. Basse-cour du jardinet. — 7. Petit jardin de fleurs. — 8. Grand quarré où jardin des gros légumes. — 9. Espaliers de Pesches admirables et Nivettes. — 10. Espaliers de Poires. — n. Terrasse du grand quarré avec muscats. — 12. Pavillon où l'on distribue les herbes et salades. — 13. Melonnière avec couches de quelques fruits reptiles. — 14. Eiguerie de Figuiers en caisses et en Espaliers. — ij. Galerie des Modelles au-dessous de laquelle est la serre pour Figuiers. — 16. Couches de petits Concombres et Pesches en Espalier. — 17, Couches d'herbes à Salade avec Espaliers de Pavies et Burgnons. — 18. Figuiers en Buisson et en Espalier. — 19. Couches d'Asperges avec Espaliers de Pesches. — 20. Prune laye de pruniers en Buisson et en Espalier. — 21. Petits jardins des différents légumes avec peschers, poiriers et pommiers en Buisson et en Espalier. — 22. Jardins biais avec Espaliers de Pesches. — 2;. Jardins pour les fraises avec cerises précoces. — 24. Terrasses avec serres au dessous. — fy. Réservoirs pour l'arroser. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 231 toujours plus qu'ils ne rapportent. Telle était l'opinion bien arrêtée d'un souverain français qui passait pour entendre fort bien toutes les questions d'économie domestique. Il disait souvent « qu'il n'y avait pas de potagers ni de vergers plus économiques que la halle de Paris. » Nous croyons toutefois que, dans une propriété un peu étendue et située loin d'une grande ville, le potager et le verger sont indispensables. Bien placés et cultivés, ils ne tarderont pas à rendre plus qu'on ne leur a donné. Nous donnons ici, à titre de curiosité, le potager planté à Versailles par le célèbre La Quintinie (Fig. 333). XXXV. — Établissement et Décoration des Potagers. — En général, on donne aux potagers, installés sur une surface plane ou disposés en terrasses, une forme régulière. Tout le monde sait qu'un potager doit être bien protégé du côté du nord; la meilleure garantie d'abri est un bois épais, placé, par exemple, derrière la serre ou autres dépendances, dans tous les cas à une distance et avec des précautions suffisantes pour le défendre des racines des grands arbres. Les murs doivent être hauts de deux mètres au moins, avec des chaperons en saillie. Nous conseillons de les construire plutôt en briques, si l'on peut se procurer facilement ce genre de matériaux. Ces murs sont les plus commodes pour établir les espaliers. A défaut de briques, on peut employer toute espèce de pierres, soigneusement jointes pour se préserver autant que possible des insectes. Dans une grande partie du nord de la France, on construit encore fréquemment des murs dont la base est en cailloux ou en moellons et le reste en argile. Ces murs, quand ils sont établis avec soin, sont excellents pour les espaliers dans les pays froids, à cause de la réverbération intense du soleil sur l'argile. Pour les treillages, il faut employer le fil de fer galvanisé ou le bois de châtaignier. On installe aussi d'ordinaire, dans les parties les mieux exposées, des treillages ou espaliers supplémentaires, pour les diverses variétés d'arbres à fruit qui ont le plus besoin d'être abritées. Quand un potager est en forme de parallélogramme, les côtés les plus longs doivent être dans le sens de l'est à l'ouest, afin de ménager un plus grand espace à l'exposition du sud. On ne doit pas oublier que le côté de l'est est le moins sujet aux gelées perfides du printemps. L'opération du drainage est rigoureusement indispensable dans un potager où le sol est très humide. Une position en pente légèrement inclinée vers le midi, est la plus avantageuse pour toutes les cultures. Les arbres fruitiers ne réclament pas une THÉORIE DE L'ART DES JARDINS très grande profondeur de terre végétale. Si elle excède deux pieds, on peut disposer une couche de petites pierres, de tuileaux ou autres décombres, pour empêcher les racines de trop descendre. Ce sous-sol sera conduit en pente douce vers des drains s'embranchant dans le sys- tème général (Fig. 334). Un potager prend vite un aspect agréable, quand il est décoré de fleurs avec soin et avec goût. C'est là qu'on peut taire l'essai des nouveautés; donner asile aux plantes qui attendent le moment de figurer dans les massifs, ou qui ne sauraient y figurer à cause de leur attitude, et aussi à ces fleurs si recherchées autrefois, aujourd'hui trop dédaignées, déesses en exil; comme les tulipes et les œillets. XXXVI. — Possibilité^ de Fusion du Verger avec le Jardin F'g- 334- F'g- 3 3 5» — Jardin potager et paysager réunis. d'Agrément. — L'idée dé l'incorporation du verger et même, suivant quelques TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 233 auteurs, du potager au jardin d'agrément est une conséquence naturelle de cette tendance si prononcée de nos jours, à joindre l'utile au pittoresque (Fig. 335). Sous ce rapport, nous sommes bien en arriére de nos voisins d'Outre-Manche. On ne s'entend nulle part aussi bien qu'en Angleterre, à orner et à disposer des vergers pour la promenade. Un grand nombre d'arbres à fruit joignent l'agrément de la forme à l'utilité; tels sont ceux en éventail, les néfliers, les cognassiers, la vigne em- ployée comme plante grimpante. L'agence- ment pittoresque de ces arbres, leur ad- onction, dans des expositions favora- bles, aux plantations d'agrément, consti- tuent un détail par- ticulier de décor paysager, qui peut \^ donner lieu à d'in- téressantes appli- cations, même dans de petites pro- priétés. Nous don- nons, comme spé- cimen, le plan des jardins fruitiers de démonstration et de production du bois de Vincennes (Fig. 336). Plusieurs des artistes modernes, notamment Kemp et Mayer, se sont préoc- cupés sérieusement de cette fusion de l'utile avec l'agréable. Mais ces étrangers avaient eu pour prédécesseur dans cette voie, un Français, le fameux Morel (d'Ermenonville). Ennemi juré de la symétrie, l'auteur de la Théorie des Jardins la poursuivait jusque dans les potagers et les vergers. Il soutenait que bien souvent un arrangement irrégulier des arbres à fruit et même des légumes, serait non 30 tig. 330. rlan gênerai des Jardins fruitiers de Démonstration et ae Production, au Bois de Vincennes. I. Jardin fruitier de démonstration. — 2. Jardin fruitier de production pour le climat de Paris — 3. Verger. 4. Vignoble. — %. Jardin potager. — 6. Pépinière. — 7. Hangar. — 8. Maison de Garde. 234 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS seulement plus agréable à voir, mais plus avantageux sous le rapport économique. « Le légumier, dont l'aspect est si froid, la distribution ordinaire si peu favorable à ses productions, — pourquoi n'attirerait-il pas mon attention sous le rapport de l'agrément? — Ce qui dé- pare cette culture, ce sont les allées larges et inutiles qui la découpent en petits carrés; ce sont les arbres fruitiers et les plates-ban- des qui l'entourent et lui portent préjudice. Ce sont surtout les murs dont on l'environne de toutes parts ; c'est le cadre qui l'attriste et en fait une partie isolée, sans liaison avec le site. Cette opposition entre le potager et les sites des en- virons ne saurait provenir du tableau même de cette culture, qui réunit une verdure soutenue et une grande diversité de pro- duction, à une grande vé- gétation sans cesse en ac- tivité, fruit d'un travail journalier. Le goût et la facilité de la culture décideront de la forme de mon légumier. La qualité du sol et l'exposition convenable lui assigneront sa place. Le buissonnier d'arbres à fruits, que j'appelle le verger cultivé, ne sera pas confondu avec les légumes, mais séparé et placé à l'abri des vents. Ces arbres étant ainsi groupés par espèces, le jardinier, pour les soigner, ne sera pas obligé de perdre ses pas et son temps à parcourir tous les points d'un grand espace, sur lequel on a coutume de les éparpiller. Les espèces étant ainsi rassemblées, au temps de leurs fruits, la récolte se fera a propos 337- Cocos australis. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 235 et sans embarras. Enfin, j'aurai de grands arbres, là où les murs seront inutiles, parce qu'ils feront un meilleur abri. » Cette sage observation, faite pour la première fois par Morel, est entrée dans l'usage général. « Si je veux avoir des arbres en espaliers, dit -il encore, je construirai des murs dans la position la plus favorable. Mais je n'aurai pas des espa- liers parce que j'ai des murs de clôture; rarement ces murs d'enceinte sont expo- sés de manière à remplir ce but. Les gros légumes, qui ont moins besoin d'arrose- ment, auront leur place dans la partie la plus élevée du terrain; les plantes les plus délicates seront dans le bas, ordinairement plus frais, plus à portée des eaux dont elles ont journellement be- soin. Les sentiers n'auront de largeur que celle que ré- clame la facilité de la culture. Mon potager (étant) ainsi distribué, tout le terrain sera mis à profit, je n'en perdrai pas par de fastidieux compartiments et d'inutiles allées. Cet ensemble de verdure, dont la forme ne sera pas un carré entre des murs, mais où seront donnés le mouvement naturel du terrain et les facilités de la culture, flattera l'œil par le spectacle d'une riche et vigoureuse végétation non interrompue. Ces dispositions, différentes de celles que suit l'aveugle routine, plus agréables comme effet, seront aussi mieux entendues sous le rapport de l'utilité. Elles ménageront le terrain, épargneront les bras et feront gagner du temps. » Dans la seconde édition de son ouvrage, publiée en 1802, Morel revenait et ),v "^v" 1 1-\, ■ .' ' - ^',' pjg# jj8. — Calamus Impératrice-Marie. 236 T£ULQRIE DE L'ART DES JARDINS insistait énergiquement sur ces avantages de l'application du style irrégulier à l'horti- culture utile. ce Les arbres fruitiers destinés à former des vergers; plantés, suivant l'usage ordi- naire, en quinconces sur une prairie naturelle, y sont distribués de la façon la plus désavantageuse pour eux et pour la prairie. Ces arbres ainsi espacés, s'élèvent moins qu'ils ne s'étendent; leurs branches finissent par se rappro- cher, par ombrager la to- talité du terrain... L'herbe, sous leur ombre perpé- tuelle, est rare et ne sau- rait mûrir. Mais que les arbres soient groupés, que les groupes plus ou moins forts soient espacés de manière à laisser entre eux de grandes clairières! Dans cette disposition", les arbres donneront du fruit en plus grande abondance, et l'herbe gagnera en quan- tité et en qualité. En effet, l'ombre que projettent les groupes étant passagère, l'herbe ne subit la fraîcheur et l'humidité que par intervalles, et non d'une façon continue, comme il arrive quand les arbres couvrent toute la surface. Cette impression momentanée d'humidité est favorable a la densité de l'herbe ; l'action alternative du soleil vient ensuite échauffer le sol, mûrit les plantes et n'a pas le temps de les sécher. Voilà ce que cette méthode a d'avantageux pour la prairie; — voici ce que les arbres y gagnent. La disposition en groupes est le meilleur moyen de les préserver des Cycas urcinalis. TRACÉ DES JARDINS IRRÉGULIERS 237 froids tardifs du printemps, des brouillards malfaisants qui altèrent les fleurs à peine écloses des sujets les plus hâtifs... 11 ne s'agit que de mettre les plus tardifs en opposition à ces vents destructeurs... Ces arbres ainsi assemblés se défendent mieux aussi contre les vents vio- lents de l'automme. Enfin, ainsi groupés, et néan- moins espacés convena- blement entre eux, ils s'ar- rangent ensemble sans se nuire. Ceux qui sont à la circonférence étendent li- brement leurs branches à l'air et à la lumière; et ceux du centre s'élèvent pour aller chercher les mêmes secours. » C'est peut-être aller bien loin que de pour- suivre l'application du style irrégulier et paysager jusque dans le domaine des légumes, bien que les feuilles de plusieurs d'en- tre eux aient incontesta- blement un caractère ornemental; l'asperge, par exemple. Mais nous avons peine à croire qu'une pelouse de carottes, par exemple, avec un massif d'artichauts; des oignons disposés en corbeilles, puissent jamais produire une impression bien poé- tique, nonobstant l'opposition des formes et des couleurs. Il n'en est pas de même de l'autre idée de Morel; ce qu'il appelle « le buissonnier d'arbres à fruits ou verger cultivé », disposé dans un coin retiré et bien abrité du jardin. Nous avons vu quelques applications partielles très heureuses de ce système; c'est un nouveau genre de surprise, mais agréable et d'un excellent goût. Fig. 540. — Tlirirux radiata. 238 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS XXXVII. — Des Serres. — Une serre est aujourd'hui une annexe indis- pensable à tout jardin un peu important. Il est agréable d'en avoir une attenant à l'habi- tation; c'est une pro- y) menade accessible en tout temps. Mais, du dehors, l'aspect d'une serre de ce genre est Fig. 543. — Dichorisandra undata. rarement gracieux; soit qu'elle Fig. 3 4 1 . — Coupe d'une Serre. Fig. 344. — Maranta rosea pL'ta. fasse partie du plan général, soit qu'elle ait été rajoutée après coup. De plus, elle ne peut Fig. 342. — Plan d'une Serre. 1. Plates-bandes bordées de pierres. — 2. Estrade centrale. — 3. Étagères soutenues par des tasseaux. — 4 et 6. Piédes- taux supportant des vases. — ;. Corbeilles en fil de fer pour pots de fleurs. — ;. Paniers ou hottes suspendus au mur. servir qu'à disposer des plantes en pleine fleur, et non au détail de la culture. Il faut absolument Fig. 345. — Calathea Veitckiana. , , , Ti r 11 Fig- 34^- — Bertolonia guttata. alors une seconde serre, d'utilité pratique, où l'on se procure de quoi orner la première. SERRES HOLLANDAISES , ; ; ; t== F'g- 347 à 352- — Serr" diverscs du Fleuriste de la Ville de Paris. Coupe en travers Coupe en long. pS^4,4^v,4^iiiï'4* ^ilfcÉSÉ 1^ PLAN DE LA SERRE Fig- 355 à 355- - Appareil de Chauffage au Gaz et à l'Eau. — Serre aux Népenthès (Fleuriste de la Ville de Paris). A PUn au-dessus des BSd.es. - B. Plan au niveau du vaporisateur. _ C. Régulateur thermo-électrique. - D Robinet à gaz communiquant avec le régulateur. - E. Calorifère. _ F. Petit réservoir d'eau muni d'un flotteur alimentant le calorifère. - G. Vaporisateur. — H. Conduits d'eau chaude. 240 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Les serres en fer léger avec des toits curvilignes ne font un bon effet qu'isolées; elles ne s'adaptent jamais d'une manière satisfaisante à un bâtiment. Dans une serre d'un style sévère, les statues, les vases, peuvent être employés avantageusement. Leur blancheur ressor- tira heureusement sur la verdure des camélias et autres feuillages sombres. On évitera d'employer des porcelaines ou des faïences à tons éclatants et criards, qui nuiraient à l'effet de l'ensemble. Le toit de la serre doit généralement être plat. Dans celles de style gothique, fantaisie assez com- mune en Angleterre et que nous ne conseillons pas d'imiter, les poutres sont en saillie, et utilisées pour les plantes grimpantes. Une serre destinée à la cul- ture, doit être exposée au sud. Il est avantageux pour la croissance et le bon entretien des plantes, que le toit n'ait que la hauteur suffisante pour qu'on puisse circuler aisément dans l'intérieur. Les plantes grimpantes sont un des plus agréables ornements d'une serre, et ne font aucun tort aux autres plantes quand elles sont bien dirigées. On peut les placer dans des caisses ou des pots sur les étagères, ou leur réserver une plate-bande, si la serre est assez vaste. En groupant les plantes par espèces sur les gradins, on donnera a l'ensemble une certaine harmonie. 11 ne faut pas, même dans le Nord, négliger les moyens de garantir les plantes de serre d'un soleil trop ardent. On y parvient au moyen de paillassons, de Fig. 356. — Appareil de Chauffage au Gaz et a l'Eau. — Serre aux Népentliès de la Ville de Pans. A. Fosse. — B. Robinet i gaz mû par l'électri- cité. — C. Fils du régulateur thermo-élec- trique.— D Conduit de gaz. — E. Robinets — F. Porte du Fourneau. — G. Becs de gaz du foyer. — H. Cloches remplies d'eau. — I. Conduit d'eau du vaporisateur. — |. Réservoir d'eau chaude — K. Conduit d'eau chaude (Sortie). — !.. Conduit d'eau chaude (Rentrée!. — M. Aire en béton. — N. Enduit au ciment. — O. Espace vide. — P. Aire en tuiles. - Q, Couche de gros sable. — R. Terre de Bruyère. — S. Terre végétale. ^^«t Plan générai. :i ni '1. Nil \ \ H B ; s i a * i -;" """: """■- •""'" K 1] a _i pu rj=j-, ■ '■ : = ï s »--.~-*i.;- >k . |j/- p=rf=?Hï i j (.' Jù h * ï -j" "a"" "a: * i 1 Û il 1 |-~ r- \- "^ r i,, !:; 11 M 111 -. J U A. Galerie de Service. — B. Plan au-dessus du Fourneau. — C. Plan au milieu de U Chaudière. — D. Cendrier. — E. Chaudière. — F. Passage à fumée. — C. Conduis d'F.au chaude (Sortie). — H. Conduits d'Eau chaude 'Rentrée). — I. Cheminée. A. Serre à sevrage. *~ B. Serre à multiplication. — C. Emplacement des Calorifères. — D. Galerie de Service. — E. Conduits d'Eau chaude. — F. Bassin d'Eau chaude. A. Galerie de Service. - B. Cendrier. - C. Entrée du Foyer. — D. Foyer. - E. Passage pour la flamme et la fumée. - F. Eau chaude. — G Conduit d'Eau chaude (SortieV — H. Conduit d'Eau chaude (Rentrée). — I. Cheminée. — J. Robinet de vidange. 51 Plan des Calorifères. lil&ïSWt •— ■''wmM m ■''" tt*';!: ! a ■'li|| 1 A. Calorifère à eau. — B. Calorifère à air. — C. Conduits d'air chaud. — D. Conduits d'eau chaude. — E. Bouches de chaleur. — F. Galerie recouverte d'une grille contenant les conduits d'eau chaude. — G. Cheminée. — H. Bâches A. Foyer. — B. Serpentin. — C. Conduits d'air chaud. — D. Conduits d'eau chaude. — E. Calorifère. Serres aux Palmiers et aux Camélias (Fleuriste de la Ville de Paris). Coupe sur le Calorifère. A. Foyer. — B, Serpentin. — C Conduits d'air chaud. — D. Valve réglant l'introduction de l'air chaud. — E. Bouche de chaleur. — F. Calorifère. — G, Conduits d'eau chaude. Fig. 360 a 362. Appareils de Chauffage à Air chaud (Serres du Fleuriste de la Ville de Paiis). TRACÉ DES JARDINS IRRKGU LIERS 243 Fig. 563. — Grande Volière. — F.içade. (Voyez p. 244.; persiennes, ou de verres dépolis. Les murs doivent être ornés de treillages pour les plantes grimpantes, ou pour celles qui s'étalent facilement en espaliers, comme les fuchsias. C'est encore au moyen de l'eau, comme du temps des Romains, qu'on chauffe le mieux une serre. Quel que soit l'appareil employé, il est important de pouvoir augmenter la chaleur avec promptitude, car bien des plantes pré- cieuses peuvent être fou- droyées par une aggravation de gelée soudaine. C'est ce qui est arrivé dans plus d'une serre importante, lors du grand hiver de 1880. Le voisinage du potager, le centre d'un parterre de fleurs sont les situations les plus convenables pour une serre isolée de l'habitation. On devra y joindre, en les dis- simulant, des abris pour les calorifères, les opéra- tions du rempotage, etc. Les cultures sous châs- sis et sur couches, annexes indispensables du potager, sont aussi un auxiliaire pré- cieux pour la multiplication des plantes d'agrément de pleine terre et de serre tem- pérée. Nous donnons ci-joint la coupe extérieure et le plan de l'intérieur d'une petite serre d'agrément (Fig. 341 et 342). Ce modèle, et ce que nous venons de dire des serres, ne convient que pour les petites et moyennes propriétés. Pour les serres de grand luxe et de reproduction sur une vaste échelle, on trouvera les meilleurs types au Fig. 564. Grande Volière. — Coupe. {Voye\ p. 244.) 244 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Jardin d'Acclimatation et au Fleuriste de la Muette. Nous les avons reproduits ci-dessus (Fig. 347 à 362). On sait aujourd'hui tirer un bien meilleur parti qu'autrefois des plantes de serre d'un caractère ornemental, en les distribuant soit par groupes, soit isolément sur les pelouses pendant la belle saison. Nous donnons seulement quelques beaux spécimens choisis parmi les milliers d'arbustes et de plantes exotiques les mieux appropriés à cet emploi (Fig. 337a 346). XXXVIII. — Volières, Ruches, etc. — Nous finirons par quelques observations indispensables sur certains accessoires ordinaires des parcs et jardins. Les volières leur donnent beaucoup d'animation. Elles doivent toujours être bien abritées du froid et de l'humidité, ainsi que du trop grand soleil. Une volière élégante est un excellent motif de construction isolée dans une clairière ou un carrefour, ou bien encore à l'extrémité d'une serre (Fig. 363, 364). Quant aux ruches, c'est dans le potager qu'elles seront le mieux placées, ou dans un coin retiré du parc. Elles doivent être reléguées à quelque distance des allées les plus fréquentées, par considération pour les abeilles, et aussi pour les promeneurs. Le nombre des places de repos, berceaux, bancs et sièges de bois et de métal, doit être, comme celui des pavillons rustiques et autres, proportionné à l'étendue du jardin et du parc. Il est puéril de les multiplier à l'excès dans une petite propriété. Pourtant bien des gens d'esprit, sans parler des autres, ne savent pas se défendre de cette puérilité. "-^.■d-'-'-.~-;": "-■-T-i'Vf^-- ■- *: Fig. 566. — Vue des Jardins du Château de Noizi, près Versailles, dessinée et gravée par^Pérelle. CHAPITRE SECOND TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS, DITS FRANÇAIS ET DE CEUX DU GENRE MIXTE ossibilité des nouvelles Applications totales ou partielles du Système régulier. — Comme on l'a vu dans la partie historique de notre travail, le style régulier, longtemps seul compris, seul pratiqué, fut, dans la seconde moitié du siècle dernier, l'objet d'une proscription presque absolue. Comme la plupart des révolutions, celle-ci avait dépassé le but. On est revenu de nos jours à des idées plus éclectiques. Les hommes les plus compétents ont reconnu que, dans certains cas, on pouvait encore faire d'heureuses applications de ce style, soit partiellement aux 246 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS abords d'habitations importantes, soit même dans la totalité du domaine, quand ce mm, imàM Fig. 368. — Ancien Labyrinthe de Versailles avec les Marbres représentant les Fables de La Fontaine, dessiné et gravé par Pérelle. système paraît mieux en rapport avec la configuration du sol et le caractère général Fig. 569. — Parterre d-e Saint-Germain, dessiné par Boyceau en 1653. du pays. Nous croyons donc indispensable de donner quelques indications pratiques TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS m sur le tracé d'un jardin de ce genre. Le style régulier proprement dit subordonne tout à l'habitation, qu'il prolonge pour ainsi dire en plein air par ses « architectures vertes. » Nous avons déjà cité Fi". 370. Percées régulières dans un Bois de haute Futaie. l'un des exemples les plus carac- téristiques de cette symétrie inflexible, impitoyable : la fon- taine soi-disant rustique de la villa Aldobrandini, dans laquelle la disposition, la forme des moin- dres rocailles ont été scrupuleu- sement répétées des deux côtés (Fig. 218). Autant l'effort hu- main doit se dissimuler dans le genre paysager, autant il doit s'affirmer, s'imposer dans ce genre si différent. Les seules formes de la na- ture à rechercher ici, sont celles qui se rapprochent le plus du caractère arti- ficiel, et peuvent s'y en- cadrer avec le moins d'ef- fort. Hâtons- nous d'ajouter qu'il n'est et ne peut être question ici que d'un re- tour modéré, mitigé aux principes du genre, et non à ses exagérations, comme les amphithécâtres et les portiques de verdure; les arbres taillés en boules, en sphères, en figures; les parterres à compartiments et à dessins compliqués, faits pour être vus seulement des fenêtres; les boulingrins et même les labyrinthes, depuis long- t'ig- 37i- Autre dessin d'Allées. — Bois de haute Futaie. 24S THÉORIE DE L'ART DES JARDINS temps supprimés dans presque tous les jardins français qui existent encore (i). l^r^M /1>:.:C^ Fig. 572 à 574. — Parterre en Mosaïque figurant un Tapis (xvin° Siècle). II. — Règles pour le Choix du Style. — Nous croyons devoir placer F'S- >/)■ — Château lie Herbeke, près Anvers, d'aprèô Castella (JPrœtoria Xobilium Brabantia cœnobiiupie celcbrhra), par Jacobi Baronis. (Antvcrjnw, MDCXCVII.) ici quelques observations préalables sur le « choix du style à adopter dans la création (1) Nous joignons à ce chapitre plusieurs beaux spécimens de jardins et parcs réguliers qui n'avaient pu trouver place dans notre première partie, comme l'ancien parc de Herbeke, près d'Anvers (Fig. 375), qui offrait un curieux mélange de fantaisie, d'imprévu, avec la symétrie; comme aussi l'anc'en parc de Triels (Fig. 377), remarquable par la disposition originale de ses avenues latérales en forme d'ellipse allongée, e:c. TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS *49 d'un jardin. » Ce style doit, en principe, s'accorder avec celui de l'habitation déjà construite ou à construire. Mais si le développement des constructions n'est pas considérable, que le rap- entre elles et pose beau- Un petit édi- symétrique, s'accommo- n âge d'un j ar- que. Il suffit une distance de la façade, F'o- 576- — Parterre figurant nu Tapis (xvin" Siècle). groupes d'arbres de haute futaie. C'est ce qu'attestent de nombreuses créations du il est évident port à établir le jardin s'im- coup moins, fice, de style peut fort bien der du voisi- din pittores- de reculer, à convenable les premiers r~~ «5 „- ^g ' xàj Fig. J77. — Château de Triels, prés Saint-Marcellirj (Isère), dessiné et gravé par Pérelie. (7W; p. 248.) siècle dernier, parmi lesquelles on cite le petit Trianon et le parc de Monceau dans son ancien état (voir ci-dessus, Fig. 135). Nous terons remarquer, toutefois, que 52 2)0 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS l'œuvre de Carmontelle appartenait plutôt au genre mixte. Non seulement le dessin des parterres et l'agencement des eaux devant l'habitation étaient du genre régulier, mais on en trouvait encore plusieurs réminiscences encadrées dans le parc agreste, notamment les jardins rose, bleu et jaune. C'est l'œuvre d'un novateur timide, qui ne rompt qu'en hésitant avec la tradition classique, et s'efforce d'en retenir quelque chose. La configuration, le relief du terrain doivent également être pris en sérieuse considération pour déterminer le choix du style. Si le terrain était tout à fait plat, il serait assez difficile d'y créer un jardin régulier sans des terrassements coûteux, pour obtenir des différences de plans artificiels. Mais une construction monumentale impose en quelque sorte la régularité, au moins dans la partie du jardin qui est en rapport immédiat avec elle. Cette régularité n'implique pas la symétrie absolue, et se concilie parfaitement avec une certaine élasticité dans l'ordonnance. Nous en avons vu des exemples dans les descriptions des villas romaines, de la Renaissance, et même dans celles de Le Nôtre; à Saint-Cloud, par exemple (Fig. 95 ci-dessus), où il avait dû surmonter de graves difficultés pour concilier l'application de ses méthodes ordinaires avec les accidents du sol et l'irrégularité des bâtiments. S'il s'agit d'une habitation considérable et d'un caractère monumental, dominant un terrain accidenté, l'inclinaison du sol facilite, et même peut nécessiter, si elle est très prononcée, la création de terrasses, bien plus commodes pour la promenade et plus faciles à entretenir que des allées en pente rapide. Or, si ces terrasses sont accompa- gnées de rampes, d'escaliers, de balustrades, les lignes géométriques doivent être prolongées, complétées par l'ornementation végétale. Le tracé régulier a pour raison, dans ce cas, le relief même du terrain. Donc, indépendamment des rapports de style entre l'habitation et le jardin, les tracés réguliers seront heureusement employés au milieu de paysages offrant de puissants reliefs, des profils mouvementés et des horizons étendus. Telle est la situation d'un des plus anciens parcs polonais qui subsistent encore, celui du palais de Villanov (1677), ancien domaine de Sobieski, fièrement campé sur une hauteur qui domine la vallée de la Vistule, non loin de Var- sovie (Fig. 378). L'un des exemples modernes les plus curieux d'application du style régulier à la totalité d'un jardin, dans une de ces situations exceptionnelles, est celui du parc de Monte Carlo prés de Monaco (Fig. 379). On y remarque l'heureux emploi des rochers dans les soubassements des terrasses; et, dans l'ensemble, une certaine souplesse d'ordonnance, qui, tout en maintenant l'idée générale de régularité, TRACÉ DES JARDINS REGULIERS 2 \l exclut la monotonie. Mais ces retours complets aux dispositions symétriques seront toujours très rares dans les régions du Nord, parce qu'elles exigent de trop vastes espaces, et que d'ailleurs les raisons qui ont amené le triomphe du style paysager subsistent toujours. (Voir ci-dessus le chapitre du Paysage, pages 93 et suiv.) En revanche, on y trouvera souvent l'occasion d'appliquer le genre mixte dans le voisi- nage immédiat des habitations monumentales, parfois même à une grande distance, dans la partie la plus en vue de la principale façade. Les parties latérales seront seules dessinées dans le style pittoresque. On attribue au dessinateur allemand Skell l'initiative de cette réhabilitation partielle du style régulier. D'autres en avaient eu le pressentiment avant lui, comme on le voit par les anciens plans des parcs de Monceau et de Bagatelle (Fig. 136); mais Skell travailla dans ce genre mixte d'une façon suivie, systématique. Plusieurs artistes ont marché avec succès sur ses traces, notamment Lenné, Siebeck, Nieprascht en Allemagne; Paxton, Nash et Kemp en Angleterre, Thouin et Hardy en France. Le prince Pùckler-Muskau, dessinateur si habile de jardins pittoresques, n'en a pas moins concouru à cette réaction. 11 a même été jusqu'à dire que le style régulier était le seul convenable dans les pays où il a pris naissance; qu'en Grèce, en Italie, la prétention de concentrer les beautés naturelles si multipliées, si intenses, devient téméraire, sinon ridicule. « Dans ces belles contrées méridionales, dit-il, nos plantations pittoresques ne sont, pour ainsi dire, qu'un hors-d'œuvre. C'est comme si, dans un coin d'une belle toile de Claude Lorrain, on voulait ajouter un petit paysage à part. » Malgré cette opinion judicieuse, l'usage « d'ajouter de petits paysages à part » a pénétré partout. L'Egypte, l'Afrique australe, l'Inde, ont aujourd'hui des jardins pittoresques, où l'on est bien forcé de se passer de ces Ions doux et voilés, qui sont l'un des grands charmes des paysages et des jardins paysagers du Nord. III. — Opérations préparatoires. — Établissement des Perspec- tives. — Direction des Allées. — Il n'est pas plus possible aujourd'hui qu'autrefois de donner des règles inflexibles pour le tracé total ou partiel d'un jardin régulier; — de prescrire, par exemple, soit une avenue, soit une pelouse inclinée ou une série de terrasses, correspondant à l'axe principal d'un bâtiment. C'est à l'artiste qu'il appartient de juger, d'après les ressources dont il dispose, la forme du terrain et celle de l'habitation, des combinaisons qui pourront le mieux faire valoir celle-ci. Toutefois il est toujours indispensable que des perspectives soient ménagées en Fig. 57S. — Palais et Terrasses de Villanov, près Varsovie. (J'oy\ p. 250.) WMwTû Fig. 379. — \"ue de Monte Carlo, pus Monaco. (J'cye- p. 2,0.) TRACÉ DES JARDINS REGULIERS -) s avant (de la façade ou des façades) de l'édifice; qu'un assez vaste espace découvert soit réservé tout autour; et que du point qu'il occupe, on puisse dominer les environs. Une série de lignes droites coupées régulièrement à angles droits, de plates-bandes dans lesquelles la forme géométrique demeure toujours apparente; des escaliers, des murs de soutènement, des balustrades, des objets d'art et des bancs régulièrement y;,. jSo — Parterres Je la Villa Giulia, rrès Bellagio, avec Vue sur le Lac de Corne. espacés, des arbres alignés, des massifs disposés à intervalles égaux, sont les principaux éléments de ce genre de travail. Les proportions des terrasses, des parterres, des pelouses, etc., varient en raison de la grandeur du champ d'opérations et de la forme du tracé adopté. Mais l'artiste doit tenir compte de la disposition du terrain et des lois de l'optique (Fig. 380). C'est en établissant les perspectives d'après les véritables positions qu'un spectateur doit occuper pour embrasser la vue d'un paysage, qu'on arrive à déterminer la juste dimension des avenues, des pelouses principales, la largeur des terrasses, etc., et qu'on évite des retouches coûteuses. Sans cette étude préalable des perspectives sur le terrain, les dessinateurs, comme les architectes, sont exposés à de désagréables ^54 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS surprises, en exécutant des plans dans lesquels ils ont négligé de tenir compte des déclivités et des distances relatives. Il faut employer la même méthode pour fixer la dimension des objets d'art, statues, vases, etc., qu'on veut placer auprès de l'habitation, dans les carrefours ou aux extrémités des allées. Dans un jardin ou une fraction de jardin régulier, les eaux peuvent être Fig. 381. — Les Jardins de Vaux-le-Vicomte, d'après Pérelle. employées, suivant leur abondance et la forme du terrain, en canaux, en cascades, en bassins (Fig. 381, 382). Pour cet emploi, les artistes pourront toujours s'inspirer utilement des oeuvres de la Renaissance italienne et de celles de Le Nôtre. Le style régulier ne doit être employé que dans des terrains où les arbres poussent promptement et vigoureusement : il n'admet pas une végétation médiocre, et ne doit pas par conséquent être appliqué sur un sol ingrat. On se souvient encore du triste aspect qu'offrait la majeure partie du bois de Boulogne avant sa transformation. Les allées dites françaises doivent être droites, ou en forme d'hémicycle : celles obliques, autrefois très usitées en Hollande et en Angleterre, sont presque toujours TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS ■■>) d'un effet disgracieux. Nous avons donné ci-dessus un exemple ancien de deux avenues latérales, plantées, venant se rallier en demi-cercle à l'avenue centrale (Fig. 377). Cette disposition, qui naturellement doit influer sur le dessin des par- terres qu'elle encadre, est originale et d'un heureux effet. Dans les jardins réguliers, ce sont principalement les allées qui attirent l'attention Fig. 582. — Avenue et Parterres qui faisaient partie des Jardins de Saint-Germain, d'après Pérelle. (Voyez p. 254.) et donnent le caractère. Dans ceux du style paysager, nous avons vu que c'était précisément le contraire. La largeur atténue l'effet de la longueur; mais cette atténuation peut être à son tour neutralisée par l'emploi des statues, vases et autres ornements, placés aux points d'intersection. Dans ces compositions, comme dans celles de l'autre style, il faut tenir grand compte de la nature environnante, mais la manière d'en tirer parti n'est pas la même. « Une belle vue doit motiver la création d'une percée, et influer ainsi sur la composition générale, au point d'être quelquefois le motif principal de la disposition d'un plan. » 256 THÉO RI H DE L'ART DES JARDINS Dans tous les cas, un beau paysage à l'extrémité d'une avenue majestueuse, sera toujours d'un effet grandiose. Il est essentiel alors que la clôture soit placée en contre-bas. Une autre disposition très heureuse est celle de plusieurs avenues convergeant à une terrasse en forme de rond-point. On en voit un remarquable exemple dans le parc de la Muette (Fig. 383 et 384). Les allées qui ne donnent pas sur la campagne, doivent aboutir à une statue ou à quelque vase monumental, se F'S* 383. — Château et Parc de la Muette, à P.issy. 1. Château de la Muette. — 2. Aile menue du Château. — 3. Vieux bâtiments. — 4. Jardin de la Reine. — >. |ardin du Roi. — 6. Orangerie d'été. — 7. Laiterie du Roi. — S. Pompe. — o. Logement du jardinier. — 10. Pavillon de l'Observatoire. — ir. Jardin potager. — 12. F.iis.mderïe. — 13. Réserve de la Faisanderie. — 14. Logement de l'inspecteur des chasses. — 15. Orangerie d'hiver. — 16. Porte royale. détachant sur un fond d'arbres ou d'arbustes taillés, ifs, buis ou charmilles. IV. — Plantation. — La régularité des masses de feuillages est une des conditions essentielles du genre. Pour y satisfaire, on compose souvent les plantations avec des arbres de même espèce. 11 en résulte une fâcheuse uniformité de coloris; et l'on connaît l'étroite parenté qui unit l'uniformité à l'ennui. Afin d'obvier à cet inconvénient, nous conseillons de ne planter que le bord des allées et des avenues en arbres de même essence, et d'introduire dans les massifs des espèces variées, de hauteur à peu prés égale. Toutefois, il conviendra d'alterner régulièrement TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS ;)7 ces variantes pour conserver le caractère. Une autre modification aux anciennes méthodes semble en voie de prévaloir, non seulement dans les nouvelles plantations régulières, mais dans l'entretien des anciennes. Au lieu de tailler, comme autrefois, Fig. 384. — Grande Avenue de la Muette, .1 Passy. (Piyrç p. 2;6.) les arbres des allées en palissades dans toute ou presque toute leur hauteur, on se borne à retrancher les branches inférieures qui peuvent obstruer la promenade ou gêner la vue. Il est évident, toutefois, que la hauteur de la taille demeure subordonnée aux règles de la perspective. Une avenue de grands arbres dont les cimes forment, en se rejoignant, une voûte élevée au-dessus d'une allée ou d'un cours d'eau, produit toujours un effet majestueux, qui doit être respecté et soigneusement entre- tenu (Fig. 384). Une des sections de la rivière de Charenton au bord de Vincennes 53 258 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS fournit un autre exemple d'un effet de ce genre (Fig. 211). La Colle de la Reyiia dans le parc d'Aranjuez, que Saint-Simon admirait déjà en 1722, est peut-être aujourd'hui la plus belle avenue de l'Europe. Nous donnons ici le plan et, quelques-unes des anciennes vues de détail les plus intéressantes de cette résidence (Fig. 385 à 388). Nous reproduisons également la façade de San Ildefonso (la Granja), et le plan ' JarJin de lu Jj-Uta ARANJUEZ C>M41ȧ; "^y^"?^^' t : .»»* '■'' ■^.'■k:^ Uuii&ùl es tir i-j/i/ de. fa. {n*/>-mar4ffn iJAf drl^Osmixt* _xS2/i.del L'upùtm,. \§Jtt-drl,Fidrùtét> . 17 Jd dr.t Jley ift/d-dr ■Jm**/.arnt ii}Z,{. dt JBvnUfsmcf • ■U { J'Ai» »£s£ Zetcxrù . 33 /,/ <£-^ Jfew/ . 34 Jd .dei Oobemadci' . 3 G Ttf ■ Q ÊP eu 41^ O ■o" (/> *T3 ?» m b/> *-• „£; ^ U* cq *&^ umu^--> ™ *<<■<•■>'»>■ É^Èm&B^^ dres), œuvre de Paxton, '£%.>, -sss^tv ^^5 l'un des plus habiles des- sinateurs anglais. Toute la partie centrale est ré- gulière: la forme des bas- sins, des cascades et de leurs encadrements, rigou- reusement symétrique (Fi- gure 393), tandis que le fond du parc et les parties latérales sont du genre irrégulier. Un simple rideau de plantations sépare les deux principaux bassins absolument pareils, et d'une régularité mathématique, d'un grand et d'un petit lac pittoresques, aux con- tours capricieusement évidés et contournés. La grande difficulté dans ces œuvres mixtes, c'est le rac- cordement, l'arrangement de la zone limitrophe, dans laquelle doivent s'harmo- niser et se fondre les deux caractères. Paxton a tiré habilement parti, pour ce travail de fusion, du demi-cercle classique. La plupart des embranchements ou allées de jonction affectent cette forme au point de bifurcation, et semblent d'abord continuer le tracé régulier. Mais le changement de caractère se révèle insensiblement à mesure qu'on - -i mm j.-,„ ;9j — parc Je Sydenham Palace, près de Londres, exécuté par Paxton. Entrée principale du Palais de Cristal. — 2. Station du Chemin de fer et galerie vitrée conduisant au Palais. — ;. Bassins. — 4. Réservoir pour l'alimentation des Fontaines. — ;. Tour avec réservoir au sotnmet. — 6. Pavillons d'où jaillissent les eaux pour les cascades. — 7. Bassins. — 8. Lac. — 9. Grand lac — 10. Bassins. —II. Balançoire et chevaux de bois. — 12. Emplacement des serres chaudes et de la pépinière. — Ij. Fontaines. — 14. Pompe servant à alimenter le réservoir 4. — 1;. Ménagerie. — ib. rompe servant à alimenter le réservoir 5. — 17. Puits artésien servant à l'alimentation des pièces d'eau et des fontaines jaillissantes. L'eau du puits est élevée par les pompes n« 14 et 16 dans les réservoirs n« 4 et ;. — t8. CnUet-Ground. — 19. Anerley. — 20. Sydenham, — il. Gare de High-Level. — 22. Norwood. >rM THÉORIE. DE L'ART DES JARDINS s'éloigne de la jonction, par les prolongements des courbes et des inflexions nouvelles, par les vallonnements et la variété de plantation. Ce travail de raccordement est opéré fort habilement (et dans un petit espace, ce qui compliquait encore la difficulté) dans le parc de Sydenham, entre le lac pittoresque, avec îles à l'extrémité sud-ouest (N° 9) Régent' 5=a; a| Fig- 459- s Parc à Londres, exécuté par John Nash et Nesfield. et le grand bassin régulier placé immédiatement au-dessus de ce lac, dont il forme le réservoir supérieur. A Regent's Park (Fig. 394), l'effet peu gracieux de cette espèce de disque formé par une allée circulaire emmanchée sur une longue avenue droite, a été assez habilement atténué dans un ensemble irrégulier par quelques bordures, et par les contours des massifs adjacents, qui rappellent la forme de l'allée, sans s'y conformer rigoureusement. Cette allée ronde formait, en 1812, l'encadrement des serres et des TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS 26; parterres du Jardin botanique, qui la débordent aujourd'hui. D'autres dispositions de raccordement, dignes d'attention et d'étude, nous sont fournies par le parc de Schwetzingen, un des plus anciens de l'Europe (Fig. 395), et par le jardin Flora . x-Miê A' :: n <■■': ; 31 : | ; ;: ï S: ! ; 5 : 3 .....1 a :::|Tll:p ::;:ïti ^ r:, i, ■ f plP F'g- 395- — l1'-111 du Parc "Ie Schwetzingen, près Heidelberg, d'après Zeyher et G. Rœmer. ci Cologne, œuvre posthume du célèbre dessinateur Lenné, exécutée avec quel- ques modifications par un de ses élèves. Ici la fusion des deux styles offrait d'autant plus d'obstacles, que la part laite au style régulier était plus consi- dérable (Fig. 228). C'est encore, comme on voit, par l'habile emploi des courbes dans les contours des allées d'embranchement, et aussi dans ceux de la pièce d'eau irrégulière, qu'on est arrivé à former un ensemble harmonieux des éléments les plus disparates. 34 266 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Fig. 396. — Square des Arts et Métiers. VI. — Places publiques. — « Tout espace employé en plantations sur des quais, des places, des carrefours et des rues larges dans l'in- térieur des villes, si cela se peut, sans nuire à la circulation, est un véritable bien- fait pour le peuple (Mayer). » Cette opi- nion avait déjà été émise, au siècle der- nier, par l'horticulteur français Morel. L'ap- plication de ce prin- cipe philanthropique a été réalisée sur une vaste échelle dans la transformation de Paris {Voir ci-après, cha- pitre v). Suivant les horticul- teurs les plus compétents, le style régu- lier est le plus conve- nable pour la décoration végétale des places publi- q u e s . La forme, le caractère, l'importance des plantations doivent se régler d'après ceux des édifices dans lesquels elles sont enclavées, la grandeur et la configuration de l'empla" Fig. 397. — Place de la République. TRACÉ DES JARDINS RÉGULIERS 267 cément, les directions des rues qui viennent y aboutir (Fig. 397). « Il faut autant que possible, dit Mayer, réserver quelques endroits ombragés, avec des bancs d'où la vue puisse se porter librement sur la statue, la fontaine ou Pédicule quelconque, installés au centre. Si la place est petite, il faut se contenter d'une allée unique, et ne planter que des arbres d'une hauteur médiocre. Si elle est grande, on emploiera des arbres plus hauts. » player conseille, dans ce cas, ' f 1 7 CCO» CC ££ ' M> ^3 Ih *. *; *T^jt J^i* I l'uu JA '•«j'.CI QT'i n^ Fig. 398. — Place publique. tÂ'/ jg&^lbs _j^ii. m « 1 1 ^ d'entourer la place entière de grands ar- bres, en réservant un espace suffisant devant les constructions. On cite généralement la place Royale (Paris), comme un modèle de l'applica- tion du style régulier aux places publi- ques. Néanmoins elle est moins belle, depuis qu'elle a perdu, sous Louis XVI, son encadrement d'arbres séculaires. Deux autres spécimens tout à fait modernes d'un travail de ce genre, sont le square planté régulièrement, qui sépare le bou- levard de Sébastopol du Conservatoire des Arts et Métiers (Fig. 396), et la place de la République (Fig. 397). Nous reproduisons deux plans de places régulièrement décorées, qui font partie du grand ouvrage de Mayer. Le premier (Fig. 398), avec son agencement d'allées obliques, est dans le goût hollandais et anglais de la fin du xvnc siècle. Les n0b 1 à 6 désignent des bancs; le n° 7 une plantation d'arbustes toujours verts, alternant avec des plantes à grand feuillage; le n° 8, un cordon d'arbustes à fleurs. Le second plan (Fig. 399), se rapproche beaucoup du style de Le Nôtre. L'artiste a fort habilement dissimulé la forme irréguliére de la place. F. est une fontaine monumentale, placée au centre. Les nos 1 à 8 indiquent les endroits convenables pour placer des bancs. La décoration du pourtour est formée fe ;f%^Ukv * t. k- :•■ Fig. 399. — Autre Place publique. 268 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS d'arbustes à basse tige. En principe, tout espace réservé dans une place publique à des plantations régulières ou non, a droit au titre de square. Mais comme c'est en Angleterre que s'est d'abord établi le plus généralement l'usage de décorer les places de plantations irréguliéres, le mot square, aujourd'hui naturalisé dans notre langue, correspond plus particulièrement à l'idée d'une plantation qui, bien qu'entourée d'édifices, est conçue dans le style paysager, avec vallonnements, allées sinueuses, corbeilles d'arbustes, de plantes à feuillage et de fleurs, disposées capri- cieusement. Fig. 400. — Vase d'un des Parterres de San Ildefonso (La Granja). CHAPITRE III JARDINS DE VILLES ET D'INSTITUTEURS n s préceptes qui suivent concernent spécialement les jardins particuliers de l'intérieur des villes, dont la composition pré- sente d'habitude trois sortes de difficultés : irrégularité de forme, surface trop unie, espace étroitement limité. Parmi les artistes modernes qui ont le mieux réussi dans ce genre, on doit citer Lenné, Mayer, Barillet- Deschamps, Siebeck, Kemp, Neumann de Dresde. Nous empruntons à un ouvrage spécial de ce dernier sur les jardins de villes, deux plans, dans lesquels les trois difficultés indiquées ci-dessus sont habilement surmontées (Fig. 403,404). Dans le premier, le terrain d'opération forme un quadrilatère imparfait, dont la 270 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS plus grande longueur, du côté de l'ouest, est d'environ trente mètres. L'entrée n'est ni directement en face de la maison, ni au milieu du mur donnant sur la rue. La maison elle-même est placée d'une manière des plus fantaisistes; sa façade principale (n° 2) est parallèle, et non perpendiculaire à la rue. Sur un tel emplacement, on ne pouvait faire qu'un jardin irrégulier. Un massif d'arbustes à fleurs (n° 1) s'étend vis-à-vis de la façade de l'habitation, perpendiculairement à la rue : des arbres fruitiers à haute et à basse tige (n° 3) sont jetés en avant du mur nord-ouest, garni d'espaliers. Du côté de la rue, il y a deux tonnelles couvertes de plantes grimpantes, mais leur situation et leur forme n'ont rien de symé- trique. L'une touche au mur de clôture et donne sur la rue; l'autre, au con- Arbres fruitiers à haute tige. Arbres d'ornement à haute tige. Buissons élevés. : iiïïî ri i 1 ■ LL 1I2 ,saon —^ s ? , -> e Arbustes à ba -■■■ j0-~ ■'■' '.^^^iWi^im^waaaiwaicsB >£-'• ^MlëS sont parfaitement appropriés à cette nouvelle phase du jardiaj fc±_iJ Fig. 41 S. — Le CcntrJPa ceux qui s'enferment dans quelques hectares de terrain; mais l'art triomphe de bien des obsucl explications et les légendes, quatre de ces plans (Fig. 420 à 423), dans lesquels les circonstance!» CRÉATIONS MODERNES 283 Fig. 414. — Jardin anglais à Munich, dessiné par Louis Skell {/'. p. 278). A. Jardin zoologique. — B. Tour chinoise. — D. Tivoli. — E. Bains de Diane. — E. Monument de Rumford. et des arbres isolés, pour laisser un libre jeu aux accidents de la lumière et au bon effet leau continu de clôture, pareil à la lisière d'une forêt, tandis qu'à droite elle s'en écarte dans l'intervalle des cou- groupes d'arbres et d'ar- l'auteur n'ait pas, à l'exemple de la plantation de ce char- vaux de l'habile directeur des traduits dans plusieurs lan- çais, ont singulièrement con- annees, a populariser Je goût n'avait encore mieux démon- était possible, sans grande lents résultats dans un es- au besoin se passer de toute les alentours n'offrent rien oresque, celle des petits parcs. « Ce sont en effet, dit M. Naudin, de bien modestes paysages que inrrirnf 1- iï •* \i y \i n .v-York (Vcya p. 282). 1 jusque dans ce cadre étroit il parvient à réaliser des merveilles. Nous reproduisons, avec les I; difficiles semblent accumulées à plaisir, pour l'instruction des amateurs de l'art des jardins. 286 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS FIGURE 420. — Pl>.n dessiné par Sif.iseck, Jardinier en chef de la Ville de Vienne. On a, dans ce plan, combiné le double caractère du riant et du grandiose, selon des proportions répondant à l'étendue du site; mais on les a combinés de telle façon, que, non seulement l'un paraît être une des qualités de l'autre, mais que là même où chacun d'eux devrait être accentué à part, le passage nécessaire de l'un à l'autre ne forme qu'une insaisissable transition. C'est ce qui a lieu, par exemple, pour l'entrée, où le riant est subordonné au grandiose, et pour la perspective principale, où le riant pré- domine, tandis que le grandiose n'est guère mis en relief que par les fleurs et les massifs. Du dehors on peut, a.i travers des sveltes colonnades, avoir vue sur l'entrée imposante, à laquelle sert de fond la façade de les côtés. Par devant se présente à la vue le carré de fleurs dans le goût moderne, et la perspec- tive ouverte jusqu'à l'ha- bitation. f. Banc avec om- brage sur l'emplacement libre derrière le pavillon. g. Banc à dossier, avec vue sur une petite scène accessoire et déta- chée du reste. //. On aperçoit de ce banc le devant du pa- villon et l'emplacement qui le précède. 7'. Banc abrité par un fourré de jolis arbus- tes, et d'où l'on jouit de la perspective qui se dé- couvre en face. k. Banc avec une large vue de côté sur une portion considérable du jardin. /. Banc à dossier ombragé de tous côtés. m. Banc sur un emplacement découvert, ayant de tous côtés une vue peu étendue, mais libre. Nos 1. Statue de Flore; 2, 3. Carrés de fleurs, I. Jacinthes ; 1 1 . Erythrina Coralloden- dron. Les carrés 4 et 10 seront garnis, I. de Tulipes de Hollande précoces, à tige basse, avec un encadrement de Crocus; II. de Scarlet Pelargonium; 6, ,, 8, 12, 13, 14. I, Myosotis alpestris; II. 6, 8, 12, 14. Verveines violettes; 7, 13. Verveine rouge-pâle; les figures 5, 9, II et 15 seront formées de gazon; 16, 17, iS. Liriodendron tuhpfera; 19. Picea pectinata; 20. Fraxinus Ormis; 21. Cratœgus oxxacantha flore albo; 21, 23. Cratœgui oxyac. flore rubro; 24. Picea canadensis; 25. Viburnum opuhis; 26. Syringa persica; 27. Catalpa syringœfolia; 2S. Acer Negvndo; 29. Magnolia tripetala; 30. Robinia hispida; 31. Abus alba; 32. Parla flava; 33. Faguî pur pur ea; 34. Acer striaium; 3;. Dîospyros virg.'niàna; 36. Ouercus lyrata; 37. ^sculus rubicunda; 38. Dlospyros Lotus; 39. Sophora japonica; 40. 41. Picea canadensis; 42. Robinia Imputa; 43. Broussénnetia papyrjera; 4^. Magnolia cordata; 45. Lirioden- dron tulipifera; 46. Picea pectinata; 47. Cratœgus oxyac antha flore rubro; 48 à 56. Carrés de fleurs ; 57. Syringa persica; 58. Salisburia adiantifolia; 59. Robinia hisp'da; 60. Ailantus glandulosa; 61. Quercus coccinea; (2. Catalpa syringœfolia; 63. Aralia spinosa; 64. Platanus occidentale; 6;, 66, 67. Populus italien, au .tronc desquels s'enlaceront des Chèvrefeuilles; 68. Gleditschia brachycarpa; 69, 70, 71. Liriodendron tulipifera. la maison. Des deux côtés des bâtiments, situés sur les flancs, on a le coup d'ceil des parties laté- rales du jardin ménagées avec diversité. a. Indique l'habita- tion,dont les proportions présenteront un caractère imposant. On jouit, par devant, dans son en; ier effet, du coup d'œil de l'entrée, tandis que sur les côtés commencent à se dessiner de plus libres perspectives. Du côté du jardin se développe, en paysages naturels, la perspective principale qui, à une distance éloi- gnée, attire encore le regard par le beau pa- villon et ses alentours disposés avec goût. b, c. Edifices laté- raux reliés par un pé- ristyle. d. Pavillon de forme circulaire. e. Grand pavillon reproduisant, sous un as- pect nouveau, les propor- tions des constructions ci-dessus. Il est situé sur un emplacement décou- vert, et des massifs l'abri- tent par derrière et sur CRÉATIONS MODERNES 287 FIGURE 421. — Plan dessiné par Siebeck, Jardinier en chef de la Ville de Vienne. On a supposé cette propriété entourée de beaux horizons de campagnes qui, des deux façades de l'habitation, se relient aux jardins. A cet effet, des grilles ont été posées aux deux lignes d'enceinte de devant et de derrière, afin d'ouvrir la vue dans toutes les directions. La mise en scène du rond-point d'entrée est disposée dans de grandes proportions, pour s'harmoniser avec le paysage extérieur. a. Indique l'habitation, qui devra être construite dans un style simple. b. Pavillon dans un espace ombragé et isolé. De hauts massifs l'abritent, et la vue n'est libre que par devant, afin de diriger l'attention sur un des points du dehors. c. Petit pavillon. d. Habitation du jardinier. e. Pavillon de forme circulaire. La partie fai- sant face à ce pavillon est ménagée de telle sorte que, vue d'ici, la portion restante du jardin à la- quelle elle se relie change complètement d'aspect. De ce point de vue s'ou- vre une large perspective jusqu'à la limite no 10. f. Carré de fleurs où l'on plantera des rosiers à tiges basses, fleurissant dans toutes les saisons. g. Carré de fleurs, I. Jacinthes; IL Plum- bago cœrulea. 11. Carré de fleurs, I . M y osotis alptstr is; IL Dianthus chinensis. 1. Carré de fleurs, I. Belles Tulipes pleines ; IL Francoa sonchifolia. k. Banc ombragé, d'où l'on aperçoit la mai- sonnette du jardinier et ses alentours. /. De ce banc on a sous les yeux la même scène, seulement à une d'un point de vue diffé- rent. m. Banc à dossier, avec vue sur la perspec- tive dont le point capital est le pavillon e. n. Ce banc se trouve sur une petite pelouse entourée de massifs sau- vages. 0. Siège à dossier avec vue de côté sur les alentoars du devant de la maison. p. Banc sous d'épais ombrages. Nos 1, 2. Quercusfas- tigiata; 3. Platanus orien- tais; 4. Picea peclinata; 5. Catalpa syringœfolia ; 6, 7, 8, g. Populus ita- Uca ; to. Plius pumila ; 1 1. Tilia europœa; 12. Ro~ binia hispida; 13. Rosiers a haute tige ; 14. Acer pseudo-platanus ; 15. Soi- b u s II ybr ida p e 11 du la; 16. Amorpha fruticosa ; 17. Ehv ■agnus angustifo- lius ; 18. Cratœgus cocci- nea; 19 A/nus americana; 20. Abies a/ba; 21. Brous- sonnetia papyrifera; 22. Li- riodendron tulipifera; 23. Rlius coriaria ; 24. Picea canadensis ; 25. Picea pec- tinata ; 26. Magnolia pur- distance plus grande et purea; 27, 28. /Esculus rubicunda ; 2g. Acer laciniatum; 30. Cratœgus purpurea; 31. Quercus coccinea; 32. Picea balsamea; 33, 34. Abies excelsa; 35. Rhus cotin'us ; 36. Fraxinus excelsior ; 37. Gymnocladus canadensis; 38. Syriiiga persica ; 39. Acer Negundo ; 40. Catalpa syringœfolia; 41. Picea canadensis; 42. Fagus purpurea; 43, 44. Rosiers à hautes tiges; 45. Magnolia tripeiata; 46. Diospyros Lotus ; 47. Picea canadensis. ^88 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS FIGURE 42 Plan dessiné par Sieiîeck, Jardinier en chef de la Ville de Vienne. Dans ce plan, l'entrée qui fait face à l'habitation sert exclusivement à l'usage du propriétaire. Les grandes portes d'entrée et de sortie sont latérales. Du dehors, on aperçoit à droite le pavillon b, et à gauche l'espace découvert avec les environs qui l'encadrent. De l'habitation a, on a la vue de l'entrée et du grand cane de fleurs à compartiments. Dans la direction opposée, la perspective s'étend derrière le pavillon *■, sur le paysage du dehors. b. Pavillon de forme ronde d'où l'on aperçoit en droite ligne la voie, et à droite une partie du jardin. Du côté de ce dernier, de Christ enlevés du vase. Les carrés ;' et /sont garnis comme suit : I. Hepatica trilobafl. enrru- on distingue, par une échappée entre des mas- sifs, le paysage qui se relie à l'habitation. c. Lieu de repos de forme circulaire, ombragé par un sapin et des mas- sifs contigus ; on a de là vue sur le dehors à travers la grille. d. Autre lieu de re- pos, suffisamment ombra- gé parles trois tilleuls qui s'y trouvent, et offre, au moment de la floraison de ces arbres, une station des plus agréables. e. Pavillon plus grand, placé dans un en- droit très découvert, et faisant ainsi point de vue de différents côtés, en mêms temps qu'on dé- couvre de ce pavillon une grande partie du jar- din et des environs. / Carré de fleurs, I. Tulipes pleines; II. Verveines bleues. Le carré g sera garni, I. de Jacinthes; I I. d' Eythrina cristii- galli. Les carrés h et k au- ront, I. des Myosotis ai- pestris; IL des Nemophi- la insignis; III. des Œils N« 1, 2, 3, 4, 5. Rosiers leo pleno; IL Viola trico- lor maxima; III. Œils de Christ en vase. ni. Banc d'où l'on jouit parfaitement de la vue de l'entrée et de celle de l'habitation, tandis que l'on peut apercevoir à droite le pavillon /;. 11. Banc ombragé, avec vue sur le paysage accessoire isolé qui se trouve en face. 0. De ce banc, on aperçoit, entre des bos- quets, une partie de l'ha- bitation. Le banc à dossier p présente une vue de côté du pavillon e. q. Bine dont l'ho- rizon découvert paraît meublé par les massifs qui abritent le pavillon e Le banc r laisse pareillement apercevoir l'entrée, mais dans une autre direction. 5. Banc à dossier, qui permet de distinguer le pavillon b, une partie de l'entrée et la voie, hautes ti°"es ; 6. Sorbits nepalensis; 7» 8. Picea canadensis, 9. Robinia hispida; 10. Liriodendron tulipifera; 11. Magnolia purpurea; 12. Picea canadensis; 13. Chionanthus virginicus; 14. Cratœgus oxyacantha jtore rubro; 13. Viburnum Opulus flpre pleno; 1'. Catalpa syringœfolia; 17, 18. 19. 20, 21, 22, 23. Rosiers à hautes tiges; 24, 25, 26. Quercus fastigiata; j7, Cratiegus 'oxyacantha flore allô; 28. Rosiers à longues tiges; 29. Salisburya adiantifolia; 30, 31, 32. Rosiers à longues tiges; 33. Abies alba; 34. Cratœgus splendens; 35. Catalpa syringœfolia; 3''. 37. 38. Robinia hispida; 39, 40, 41. Cratœgus oxyacantha flore rubro; 42. Ulmus alba; 43, 44. Picea pectinata; 43. Elœagnus angustifolius; 46. Acer striatum; 47. Ailantus glandulosa; 48. Lit dron tulipifera; 49 Picea pectinata; 51. Abies alba; 52, 53, •>. Picea pectinata; 55. Robinia hispida; 56, 57. Lilas de Marly : 58. Acer Negimdo; 59. Catalpa syringœfolia; 60, Picea pectinata; 61, 62, G3. Populus italica; 64. Gymnocladus canadensis; 63. Syringa persica; 65. Sophora japonica; 67. Abies alba; 68. Cratœgus oxyacantha flore albo; 69. Fraxmus excelsior; 70. Rhus juglandifolia; 71. 72. Picea pectinata; 73. Platanus occidentalis; 74. Picea pectinata; 75. Hibiscus syriacus flore pleno; 76. Pavia flava; 77, 78, 79. TUia europœa; 80. Magnolia purpurea. CRÉATIONS MODERNES 289 FIGI'RF. 4-1. — Plan dessiné par Sieueck, ancien Jardinier es ciiff de la Ville de Vienne. Dans ce travail, retendue plus grande du terrain permet une combinaison plus variée d'aspects, et autorise un plus riche emploi de moyens. Le but est le même : joindre l'utile à l'agréable. Nous trouvons ici un élément nouveau ; une vigne avec une gentille maisonnette de vigneron au sommet. La pente doucement inclinée de ce coteau et la fraîche verdure des ceps, doivent contribuer à la grâce de l'ensemble. Du dehors nous apercevons, à travers la grille, la maison d'habitation a, entre des massifs de verdure. Du côté gauche, elle n'est protégée que par quelques arbres isoles contre les rayons du soleil, tandis que d'épais bosquets donnent de l'ombre au côté droit. Du côté du jardin par-dessus la grande pe- louse ornée de massifs, et par-dessus la vigne, la perspective se prolonge jusqu'à la maisonnette du vigneron. b. Maisonnette du vigneron. On voit de là l'habitation et sur le côté le grand pavillon c. c. Grand pavillon. Des bosquets l'om- bragent sur les côtés, et l'on aperçoit par devant la vigne et la maison- nette. d. Petit pavillon sous des ombrages ; les massifs qui l'entourent ne s'entr'ouvrent que d'un seul côté. e. Carré de fleurs. 1. Myosotis alpestris; II. Viola tricolor. maxima. / Carré de fleurs. I. Jacinthes; II. Horten- sias bleus. g. Carré de fleurs. I . Tulipes pleines; II. Giroflées d'été; Œils de Christ coniques en vases. II. Carré de fleurs. I. Myosotis scorpioides ; II. Pétunias. i. Carré de fleurs. I. Jacinthes; IL Plum- bago cteruiea. k. Banc ombragé avec vue sur la vigne. /. De ce banc à dos- sier on aperçoit la mai- sonnette du vigneron. m. Ce banc ouvre la vue sur la grande pelouse et sur son encadrement varié. ». Banc à dossier sous des ombrages. 0. Banc ombragé placé à l'entrée. /. Espalier de rai- sins et de pêches. q, r, s, t, », v, w. Car- rés de légumes. x. Plates - bandes avec arbres fruitiers, gro- seillers blancs et rouges, et encadrement de frai- siers. N" I. Robinia his- pida; 2. Plalanus occiden- talis; 3, 4, 5. Picea pecti- nata; 6. Cratœgus oxya- cantha flore albo; 7. Pavia Jlava; 8. Juglans regia. 9. Ailanthus gtandulosa; 10. Aïsculus Hippocasta- num; 1 1. Sophora japoni- ta; 12. Abies alba; 13. Acer striatum; 14, 15, 16. Ro- siers à haute tige; 17. Tilia europœa; 18. Lirio- dendron iulipifera; 19. Catalpa syr'.ngœfolia; 20. Robinia liispoda; 21. Elœagnus angustifolius ; 22. Acer Negundo; 23, 24, 25. Cratœgus oxyacantha flore rubro; 26. Juglans cinerea; 27. Chionanthus virginicus; 28. Fagus purpurea; 29. Abies alba; 30. Catalpa syr in gœ. folia; 31. Amygdalus commuais; 32. L'n Pommier; 33. Un Pêcher; 34. Cerasus pendula semperflorens; 35. Robinia liispida; 36. Syringa vu/g. flore albo; 37, 38. Picea canadensis; 39. Aùcu/iis rubicunda; '40, Quercus coccinea ; 41. Celtis australù; 42. Cratœgus coccivea. 29ô THÉORIE DE L'ART DES JARDINS On remarque dans ces plans et dans quelques autres, d'ingénieuses tenta- tives pour associer, dans une juste mesure, le potager au jardin d'agrément; tendance que nous avons déjà signalée, dans un des précédents chapitres, chez Morel et d'autres habiles dessinateurs français. Comme le dit spirituellement M. Naudin, beaucoup d'amateurs, « dans ce siècle d'économie forcée », sauront gré à l'artiste viennois d'avoir développé ce système, montré comment on peut, suivant le précepte d'Horace, marier l'agréable à l'utile. « Pourquoi, après tout, n'en serait-il pas ainsi? Un arbre fruitier n'est pas sans beauté, surtout au moment de sa floraison (i), et combien de nos légumes seraient prisés, pour leur feuillage et leurs fleurs, à l'égal de plantes plus recherchées, s'ils étaient rares et venaient de loin! » Ces plans, ceux du prince Pùckler-Muskau, du comte de Choulot, des grands squares parisiens et autres semblables, peuvent donner aux amateurs des indications précieuses, soit pour les dispositions générales, soit pour la plan- tation. Mais, comme le leur conseille M. Naudin, « ils ne copieront pas servilement ces plans; ils les modifieront suivant les conditions particulières où ils seront placés; ils en inventeront même de toutes pièces, en s'inspirant des principes des maîtres, et en s'appropriant leurs procédés. C'est qu'ici, même en s'aidant de l'expé- rience d'autrui, il faut savoir mettre quelque chose de soi. C'est un tableau à com- poser d'après des régies générales et strictement formulées, mais qu'il faut faire entrer dans un cadre déterminé d'avance par les conditions d'emplacement, de climat et d'entourage. Qu'on ne s'en plaigne pas! Dans les œuvres de cette nature, la jouissance est d'autant plus vive qu'on a pris une plus large part à leur créa- tion. » Ce précepte d'étude indépendante et intelligente est l'un des plus essen- tiels. Un calque servile du meilleur plan n'est pas plus une œuvre d'art, que l'exécution du plus beau morceau de musique, en tournant la manivelle d'un orgue de Barbarie. Il y a toujours, dans le tracé comme dans la plantation, des variantes (i) Quelques-uns même, comme le cognassier, le néflier, offrent un aspect tout à fait ornemental, quand on les dispose avec intelligence. Plus loin, l'éminent horticulteur parle des choux; on sait quel parti sait tirer aujourdhui l'horti- culture d'agrément des choux violets et à feuilles frisées et panachées, qui font très bonne figure à côté des magnificences exotiques, dans le beau recueil des Plantes à Feuillage coloré (2 vol. avec 120 chromolithographies). — Paris, J. Rothschild, Éditeur. CRÉATIONS MODERNES 291 imposées tantôt par l'aspect des alentours, tantôt par le climat, par la nature du sol, l'étendue plus ou moins grande du terrain à employer, la forme différente des constructions, etc. J'ajoute que, même dans des conditions à peu prés identiques, les indications d'arbres, d'arbustes et de plantes ne doivent pas être ponctuellement reproduites, mais utilisées comme renseignements sur la disposition générale des plantations, leurs formes, les rapprochements ou les oppositions de feuillages. Par exemple, dans les plans de petits parcs de Siebeck, le chèvrefeuille est seul indiqué pour garnir les peupliers placés en premier plan. 11 ne faut voir là qu'une recommandation générale d'orner de plantes grimpantes les arbres pyramidaux, ou les tiges d'arbres d'une grande hauteur en bonne exposition, qui n'ont de feuillage qu'au sommet. Alors on peut employer à leur décoration non seulement le chèvrefeuille, mais tantôt les rosiers Banks, tantôt les diverses variétés de clématites, les aristoloches, les bignonias, le pcriploca, la vigne vierge, le lierre, etc. De même, l'association de l'Epicéa et de l'Hemlock-Spruce (P. canadensis), répétée dans la plupart de ces plans, ne doit être imitée que très librement, comme un heureux type de rapprochement entre des conifères de nuances et de ports variés, mais également vigoureux et croissant avec la même facilité dans des terrains semblables, comme les cèdres du Liban et argenté, VA. pinsapo, VA. Nordmanniana, VA. pindrow, le Pinus execha, VA. Morinda et le Cupressus Lazusoniana. Nous recommandons spécialement pour les petits parcs l'association de ces deux dernières espèces, d'introduction relativement récente, mais qui ont fait victorieusement leurs preuves sous tous les rapports. Au triple mérite de l'élégance de forme, de la beauté du feuillage et de la rusticité, elles joignent l'avantage, précieux dans les propriétés d'une étendue médiocre, de n'occuper qu'un espace restreint, à cause de leur forme pyramidale. Enfin, le plan ci-joint (Fig. 424) d'un parc de 140 hectares, emprunté au Guide pratique de M. Siebeck, prouve que cet artiste n'est pas moins habile dans la composition des grandes propriétés, que dans celle des petits parcs et des jardins paysagers de villes et de faubourgs. L'arrangement de ce domaine offrait de grandes ressources paysagères, à cause de sa situation dans une région fertile et accidentée, sur les premières pentes des Carpathes, avec de beaux points de vue sur leurs cimes boisées et leurs contre-forts rocheux, couronnés de ruines féodales. Mais il fallut surmonter bien 202 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS des difficultés, pratiquer de nombreuses éclaircies pour dégager les perspectives des alentours et les abords de l'habitation, reste d'un couvent bâti au fond d'un vallon solitaire; — créer un lac en élargissant et creusant le lit d'un ruisseau et drainant des prairies marécageuses, construire sur les points culminants des CRÉATIONS MODERNES 2;3 bâtiments de différents caractères; pavillons de repos, chalet, maison de garde, tour gothique, etc. A dire vrai, nous n'aimons guère ce gothique factice, rapproché d'édifices et de ruines du moyen âge authentiques, non plus que certaines réminis- cences mythologiques, comme un Temple de Thétis au milieu de cette région des moins maritimes, et un Temple des Grâces, « composé de forts fils de fer et de rosiers grimpants »... Néanmoins, cette vaste composition offre bien des détails intéressants à étudier. On remarquera que les frais d'établissement du parc (terrassements, gazons et allées), montant à 31,000 florins (77,500 fr.), ont été couverts avec le produit des arbres sacrifiés pour dégager les perspectives, et qu'un vaste terrain a été réservé pour l'établissement de pépinières d'arbres à fruits, d'arbres et d'arbustes d'agrément, etc., dont le produit pourra, dit-on, couvrir les frais d'entretien du parc et donner même un excédent de bénéfices. Ce système économique d'adjonction de pépinières a déjà été appliqué avec succès à Eisgrub et dans d'autres grandes propriétés, dont il assure la conservation. III. — Parcs français. — La France, à laquelle il est temps de revenir, nous offre aussi des exemples nombreux de créations modernes d'un grand intérêt. Nous avons reproduit page 161 (Fig. 196) l'un des meilleurs plans d'un artiste habile, feu Barillet-Deschamps. Ce plan est celui d'un jardin paysager de deux à quatre hectares, mais dont les dispositions principales pourraient être librement imitées sur une plus grande échelle. A l'extrémité supérieure de la pièce d'eau en forme de rivière, dans plusieurs endroits des rives, et au-dessous du pavillon de l'îlot, le dessinateur a placé des rocailles en bonne exposition, propres à la culture des fougères. Le gracieux développement de la pelouse centrale autour de l'eau, permet d'y distribuer sans confusion les arbres isolés, les massifs d'arbustes et les corbeilles. On remarquera le raccordement habile du jardin pittoresque avec la disposition régulière des abords de l'habitation. Nous donnons aussi le plan du parc breton de M. le marquis De Langle-Beau- manoir, chef-d'œuvre d'un dessinateur des plus habiles, le comte.de Choulot, auquel la mort n'a malheureusement pas laissé le temps de terminer son ouvrage sur les jardins (Fig. 425). Ce parc, d'une superficie de 230 hectares, est entièrement du genre irrégulier, le plus convenable sur un sol aussi accidenté. Le château est assis sur un plateau cen- tral, d'où Ton descend dans la vallée profonde où passe la rivière, par une pente Ï94 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS rapide, sur laquelle s'élève une superbe réserve de chênes, forêt druidique, dont l'étendue est de 15 à 16 hectares. Le comte de Choulot a créé ou remanié, avec le même talent, plusieurs autres propriétés importantes, notamment celles de Wartegg en Suisse, et de Chamarande, près Paris. Ce n'était pas trop de tout son art pour faire oublier, dans ce dernier parc, la destruction des majestueuses futaies plantées par Le Nôtre. Bien d'autres parcs, récemment créés ou remaniés, peuvent offrir aux amateurs d'intéressants sujets d'étude. Leur nomenclature, rien que pour les environs de Paris, formerait un volume. Toutefois, dans ce genre comme dans tous les autres, les œuvres ori- ginales ne sont pas communes. On y trouve presque toujours des ré- miniscences plus ou moins .heureuses d'Er- menonville, de Morfon- taine, du petit Trianon, de Méréville, de la Mal- maison, de Bagatelle. L'un des plus estimés pour la plantation est l'ancien parc du prince d'Eckmùhl, Savigny-sur-Orge, qui bientôt peut-être ne sera plus qu'un souvenir, comme le Rair.cy, Guiscard, Issy, Petit-Bourg, et tant d'autres grandes et belles propriétés. Le grand parc de Ferrières est dû à l'artiste anglais Paxton. Ce domaine est l'un des plus mal partagés en fait d'alentours. L'artiste a heureusement surmonté cette difficulté; grâce à l'habile distribution des masses et des groupes de verdure, des eaux et des pelouses, ce parc est à lui seul un pays, qui fournit au château de charmants points de vue. Les nombreuses et belles plantations de conifères exotiques ont mal- heureusement beaucoup souffert à Ferrières, comme dans toute la banlieue de Paris, de l'hiver exceptionnel de 1880. Le domaine célèbre de Dangu, remanié par M. Bûhler, présente un exemple très remarquable d'un jardin français conservé et encadré dans un parc irrégulier. Nous pjer. 425. Parc du Marquis de Langlc-Beaumnnoir, exécuté par le Comte de Choulot. CRÉATIONS MODERNES 295 rencontrons encore, dans l'ancien Vexin normand, deux grandes propriétés très dignes de l'attention des artistes; le parc du Chesnay, supérieurement dessiné par son propriétaire, le comte de Pulligny, qui a été aussi l'architecte et le sculpteur de son propre château; — et, dans la riante vallée d'Andelle, le parc de Radepont, qui satis- fait plus largement peut-être qu'aucun autre à toutes les conditions du genre pitto- resque. Nous croyons, comme le prince Pùckler-Muskau, que le style régulier, ou tout au moins le style mixte est celui dont l'emploi convient le mieux dans les parcs et jardins méridionaux, pour accompagner les édifices ayant un caractère architectural imposant et nettement déterminé. Toutefois on peut y créer, dans certaines localités plus favorisées et autour d'habitations plus simples, des jardins franchement irréguliers. L'un des plus intéressants de ce genre est celui qu'avait planté le célèbre botaniste-amateur, M. Thuret, auprès d'Antibes; c'est aujourd'hui une annexe du Jardin des Plantes de Paris. Il réunit tous les genres d'agrément : beauté du site, disposition gra- cieuse des plantations, acclimatation de végétaux exotiques. Cet Eden provençal occupe une superficie d "environ quatre hectares, au sommet d'un promontoire situé entre le golfe Juan et celui de Nice, sur lequel s'ouvre la principale pers- pective. Grâce à de copieux arrosements, et à des conditions exceptionnelles d'abri, M. Thuret avait accompli de véritables tours de force d'acclimatation. On trouve là, en pleine terre, et dans les plus belles conditions de végétation et d'effervescence, une foule de végétaux dont il n'existait encore en France que des spécimens rachi- tiques dans quelques grandes serres. On y voit des Eucalyptus de la taille de nos plus grands arbres d'Europe. Les palmiers, les dattiers, les bananiers même, sont là comme chez eux; le figuier d'Inde y atteint des proportions presque aussi fortes que dans les climats tropicaux. La nombreuse et élégante famille des cistes y fleurit comme les rosiers dans nos jardins du Nord. Nous citerons encore les nombreuses variétés d'acacias d'Australie, entre autres le pukscciis, arbuste remarquable par ses énormes grappes de fleurs d'un jaune d'or; plusieurs rares conifères australiens, notamment X Aciinostrobas pyramiâalis, espèce naine très élégante; de très beaux spéci- mens d'un des arbustes les plus curieux de ce même pays, le Banhia, remarquable surtout par la forme étrange de ses énormes graines zébrées de jaune et de noir. 296 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Ce petit parc, plus digne d'attention que bien des grandes propriétés, est un type accompli des ressources exceptionnelles qu'offre à l'horticulture d'agrément le littoral de la Provence. Des résultats analogues ont été obtenus à Cannes, dans les environs de Nice, dans ceux de Marseille transformés en oasis par l'aqueduc de Roquefavour. Suivant la judicieuse remarque de Decaisne, « avec de l'eau, il n'est pas de terre stérile dans le Midi ». Fig. 426. — Composition d'une Corbeille. "N"5 i. Cerasus n.ina pendula. — â. Coleus multîcolor. — 3. Pyre- ihriim Panhenîum aureum. — 4. Alternanthera anixrna. — 5. Me- senibrvjinhi.'nHim cordîfolîum variegamm. — 6. Mendia gibral- tarica. -'- 7. Pyreihruni Panhenîum aureum. — S. Alternanthera paronvchîoïdes. — 9. Seduni gtaucum. — 10. Echeveria secunda var, glauca. É^PÏïiïifSHy Fig. 4:7. — Terrasse au Bord de l'Eau dans le Jardin des Tuileries. CHAPITRE V PROMENADES ET SQUARES ONSIDÉRATIONS préliminaires. — Cette bran- che de l'art des jardins est celle qui a pris de nos jours le développement le plus considérable, principalement en France. 11 était naturel, en effet, que les raffinements et les perfec- tionnements les plus dispendieux de l'horticulture, désormais moins accessibles aux particuliers par suite de la division des fortunes, fussent recueillis dans le domaine public. Au train dont vont les choses, il n'y aura plus bientôt d'autres grands parcs que ceux qui appartiennent à tout le inonde. C'est là un signe des temps nouveaux, et l'un des plus 38 298 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS caractéristiques. Ce n'est pas qu'on ne puisse faire remonter à une antiquité reculée l'usage des promenades publiques. Ce caractère appartenait évidemment aux jardins orientaux au milieu desquels s'élevaient les mausolées des souverains, aux bois sacrés plantés autour des temples grecs et romains, aux jardins des citoyens romains opulents, et, plus tard, à ceux des Empereurs (V. première partie). En France, il n'existait point, à proprement parler, de promenades publiques avant Louis XIV, saut quelques plantations régulièrement alignées dans l'intérieur ou aux abords des grandes villes, comme le Palais-Royal (Fig. 429), les tilleuls de la place Royale, et le Cours la Reine, planté par Marie de Médicisem6i6, et qui ne devint public que quel- ques années plu s tard. Le reste de l'emplace- ment actuel des Champs-Elysées (Grand-Cours), était encore à peine ébauché en 1680. C'est de la seconde moitié du règne de Louis XIV que datent les premières promenades publiques vraiment dignes de ce nom, comme celle de Dijon, créée par Le Nôtre. Vers la même époque, autour d'un grand nombre de villes de l'intérieur, à commencer par Paris, les anciens boulevards de défense, indispensables au temps des guerres privées, furent plantés d'arbres, et ce mot, jadis tout militaire, prit insensiblement l'acception pacifique, seule comprise aujourd'hui. C'est un exemple curieux de l'influence si puissante des mœurs sur le langage. Le nombre des promenades s'accrut sensiblement en France pendant le xvme siècle. Ce fut, comme on sait, par des excursions plus ou moins édifiantes à l'abbaye de Longchamps que commença, sous Louis XV, la vogue des Champs- Elysées (Fig. 430), a peine interrompue pendant les plus mauvais jours de la Révo- Fig. ^29. — L'ancien Parterre du Palais-Royal, dessiné et grave- par Pérelle. PROMENADES ET SQUARES 299 lution. Cette promenade avait été entièrement remaniée, vers 1764, par le surin- tendant Marigny (Poisson), qui en renouvela les plantations en réservant, à droite et à gauche de la grande allée, les deux Carrés qui ont subsisté jusqu'à nos jours. C'est également à ce régne que remontent l'agrandissement, ou plutôt la transformation du Jardin des Plantes par Buffon, et l'établissement d'un grand nombre de belles promenades dans d'autres villes; comme les allées de Tourny à Bordeaux, le cours -k * ^<--W^ m «.-" 4"V**È RU f^S»4. rrt. Fig. 430. — Vue â vol d'Oiseau des Champs-Elysées et du Cours-h-Reine. d'Ajot à Brest, etc., etc. En même temps, on s'habituait peu à peu à considérer aussi comme publics, ou quasi-publics, les jardins des résidences royales, ainsi que ceux des grands seigneurs et des « partisans », où l'on était admis gratuitement ou moyennant une légère rétribution. Le style régulier régnait en maître absolu dans les promenades, comme dans les parcs. L'importation du système anglo-chinois souleva d'abord des oppositions nombreuses. L'Encyclopédie, qui patronnait tant d'autres réformes, repoussait vivement celle-là. « De tous les arts de goût, disait-elle, c'est peut-être celui-là qui a le plus perdu de nos jours (1760). Nous ne savons plus faire des jardins comme ceux des ;oo THÉORIE DE L'ART DES JARDINS Tuileries, des terrasses comme celle de Saint-Germain, des boulingrins, des treil- lages et des parterres (Fig. 431), comme à Trianon, celui de Saint-Cloud (Fig. 43 1), des portiques naturels (?) comme à Marly, des treillages comme à Versailles (Fig. 432) et à Chantilly, ni des parterres d'eau comme ceux de Versailles... Comment décorons-nous aujourd'hui les plus belles situations de notre choix, et dont Le Nôtre aurait su tirer des merveilles? Nous y employons un goût . ■ -.— -~ =»-----. _ A ' - F '■■m 7*j r--r-; T7" - ■ ' •- ■•■ :~"T" ^T" T7" **" T"ïr^??hAgtl jmf ■■■■ " t%i^-ird& Fig. 4ji. — Trianon de Saint-Cloud (détruit), d'après Pérelle. ridicule et mesquin. Les grandes allées droites nous paraissent insipides, les palis- sades froides et uniformes. Nous aimons à pratiquer des allées tortueuses, des par- terres contournés, des bosquets découpés en pompons. Les corbeilles de fleurs, fanées au bout de quelques jours, ont pris la place des parterres durables; on voit partout des magots chinois, etc. » Jusqu'à la Révolution, il y eut des jardiniers conservateurs fanatiques, tenant le genre irrégulier comme non avenu. Dans le Jardinier-Fleuriste, du sieur Liger, dont la dernière édition est de 1787, il n'est question que des arbres et arbustes suscep- tibles de former des arcades, des colonnades, et autres tours de force. Voici, par PROMENADES ET SQUARES exemple, comment il décrivait « une invention moderne, toute des plus curieuses, pour faire des ormes en boule, ne bornant pas la vue dans les endroits où ils sont plantés. Pour parvenir à cette forme, on les plante la tige haute de quatre à six pieds; et à mesure qu'ils poussent, il faut, tous les ans, tondre les branches, de manière Fig. 4^2. — Berceau de Treillage au Labyrinthe de Versailles, par Pérelle. qu'elles forment, à l'extrémité de chaque tige, une boule qui paraisse comme un globe de deux pieds et demi de diamètre. Pour donner un plus grand relief à ces ormes, on plante tout autour un petit rond de charmille qui, lorsqu'il est construit artistement, forme une manière de pot seins anse, au milieu duquel l'orme est planté. » L'auteur affectionnait singulièrement ce genre de décoration, « fort propre à être employé soit en avenues, soit en quinconces, et chez tous ceux qui ont de quoi. » Paris était déjà renommé au xvne siècle pour ses jardins publics ou quasi-publics, situés dans les faubourgs et même dans les parties centrales de la ville. Nous avons ;o2 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS cité celui de des Yveteaux. D'autres étaient célèbres par leurs treillages. Ceux du jardin de l'hôtel de Condé avaient un caractère monumental; on voit que « M. le prince le héros », comme l'appelle Saint-Simon, entendait faire grand en toutes choses. Dans d'autres jardins de cette époque, conformément au précepte d'André Molet, on sup- pléait à l'insuffisance d'espace au moyen de perspectives peintes. Celle du jardin de Ficuhet représentait les ruines d'un palais antique; celle du jardin de Dangeau, une futaie à la cime de laquelle apparaissait un groupe de figures mythologiques arrivant de l'Olympe en visite (Fig. 433). Les plans des principaux jardins publics et quasi- publics de Paris au siècle sui- vant, se trou- vent dans la curieuse collec- t i o n de Le Rouge (1776- 1784). Le plus fréquenté était celui du Palais- Royal, plus vaste et plus beau qu'aujour- d'hui, car ses allées de marronniers séculaires couvraient, en plus, tout l'espace aujourd'hui occupé par les constructions à arcades et la galerie vitrée qui a remplacé les fameuses galeries de bois. L'allée à la mode était celle de gauche, où, dans l'après-midi, la bonne com- pagnie se réunissait, et revenait le soir à la sortie de l'Opéra. Le jardin de Biron (rue de Varennes) passait pour un type parfait du genre régulier. On vantait son potager orné, ses tulipes, son « allée des Guirlandes », où les arbres étaient reliés par des festons de plantes grimpantes; — disposition toute nouvelle alors, mais en réalité renouvelée de Pline. Celui de Laboëssiére couvrait une grande partie de l'emplacement du quar- tier actuel de la Madeleine. Il était renommé par son élégant pavillon, du style rococo; pour ses bassins et ses statues, notamment les deux groupes représentant d'un côté Vénus et l'Amour, de l'autre Vénus et l'Hymen (Fig. 433). .. L'une des planches les plus Fj,r. 435, — Perspective du Jardin du Marquis de Dangeau, dessinée et gravée par Pérelle. PROMENADES ET SQUARES yj> intéressantes est le théâtre de verdure du jardin de Hanovre (hôtel de Richelieu) (i), avec sa rampe et ses coulisses en charmilles, et ses ifs symétriquement espacés et taillés; le tout scrupuleusement conforme aux méthodes classiques. Les jardins du maréchal étaient aussi réguliers que ses mœurs l'étaient peu. — Parmi les jardins du nouveau style, déjà ouverts ou entr'ouverts au public dans l'in- térieur de Paris, l'un des plus ori- ginaux était celui d'Espagnac, dont nous avons parlé ailleurs. D'aUtrCS planches de la ColleC- FiS' «4- - Montagnes russes dans le Jardin Beaujon, en 1800. tion Le Rouge nous montrent, dans leur ancien état, le parc de Monceaux et toutes les Folies qui en avaient fait faire et vu faire tant d'autres, et qu'allait détruire, trans- former ou défor- PLA.N GF.NERM. ' Df J.1RD1S de M H. Libpfficn . ■ «&/ SWÉP JF*Âm£y^ fsg&ïf ! mer la Révolution aux environs du Paris de ce temps- là, absorbés dans le Paris actuel : Folies d'Artois (Bagatelle) ; Bou- tin (premier Ti- voli); Marbeuf (Idalie);Beaujon; Pajot (Reuilly); Eig. 435. — Parc de Laboëssière, à Paris. JailSeeil (Porte Maillot). Bagatelle surtout justifiait surabondamment son surnom de Folie. « Le comte d'Artois, pour donner une fête à la reine (d'autres disent pour gagner le pari d'avoir tout terminé, construction et plantation, dans l'espace d'un mois), lit démolir, rebâtir, arranger et meubler Bagatelle de fond en comble par neuf cents ouvriers £Us. % ù. <2 (1) 11 n'en reste que le pavillon de ce nom, sur le boulevard, au coin de la rue Louis-le-Grand. 5o4 THÉORIE DE L'A HT DES JARDINS employés jour et nuit; et, comme le temps manquait pour aller chercher au loin la chaux, le plâtre et la pierre de taille, il envoya sur les grands chemins des patrouilles de la garde suisse qui saisissaient, payaient, amenaient sur-le-champ les chariots ainsi chargés. » En même temps, un jardinier anglais, Blaikie, élève de Kent, rema- niait de fond en comble la plus grande partie du parc dans le style à la mode, avec un Tombant de Pharaon, une Tour du Paladin, et une grotte, demeure du philosophe obligé. Ainsi fut faite et parfaite, il y a un siècle, cette Folie, qui survécut à tant de choses sérieuses (Fig. 136, page 114). Le jardin du chevalier Jansecn offrait un essai de compromis entre les deux genres. La majeure partie était plantée régulièrement en quinconces, avec des allées tortueuses, mais circulant entre des palissades de charmilles, et donnant accès à des cabinets de verdure ornés de vases ou de statues, parmi lesquelles la Vénus Anadyo- mène et l'autre Vénus n'étaient pas oubliées. De plus, tout un coin du parc avait été réservé pour les amateurs intransigeants de la nature abandonnée à elle-même. Au milieu d'un fourré simulant une forêt vierge, s'élevait une butte dont le sommet était occupé par des chèvres et des boucs sous la garde d'une bergère; et le dessous, formant grotte, par un soi-disant ermite. La cabane de la bergère et l'ermitage se trouvaient ainsi fort rapprochés, et cette disposition, indiquée sur le plan, semblait calculée pour inspirer aux visiteurs des réflexions iolâtres. Pendant la Révolution, la plupart de ces beaux jardins particuliers, confisqués et vendus comme propriétés nationales, furent ou détruits, ou transformés en jardins publics par des entrepreneurs de plaisirs, qui se firent une concurrence effrénée d'illu- minations, de tours de force pyrotechniques, d'ascensions en ballon, de jeux et amuse- ments de toute espèce. Telle fut la nouvelle destination du jardin des Biron, des Folies Beaujon (Fig. 434), Boutin (ancien T.ivoli), Marbeuf (Idalie), Laboèssière (Fig. 435) (nouveau Tivoli), de Monceau, de Bagatelle, de l'Élysée-Bourbon. Nous n'avons pas à raconter ici ces métamorphoses, qui n'avaient rien de commun avec l'art des jar- dins (1). Nous nous bornerons à rappeler que pendant la première moitié du xixe siècle, le nombre et l'importance des jardins publics, anciens et nouveaux, cessé- (1) « Biron eut un instant la vogue, mais ne la garda pas. Son jardin était coupable d'être un jardin français et de n'avoir ni pont, ni torrent, ni bosquet en façon de forêt vierge. » Tous ces avantages se trouvaient réunis dans quarante arpents du jardin Boulin (premier Tivoli). Aussi celui-là fit longtemps les plus belles recettes, et sa direction fut disputée comme un empire. (V. E. et J. de Goncourt, Histoire de la Société française sous le Directoire, ch. vi.) 59 306 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS rent peu à peu d'être en rapport avec l'accroissement de la population. A partir de 1825, cette disproportion augmenta d'une manière sensiblement préjudiciable, non seulement à l'agrément, mais à la santé des habitants. On vit en peu d'années les constructions nouvelles, marée montante sans reflux, envahir successivement l'ancien et le nouveau Tivoli, Marbeuf, Beaujon, une partie des Champs-Elysées. Fig. 457. — lit.it ancien du Bois de Boulogne. Restaient, il est vrai, les bois de Boulogne et de Vincennes; mais ces deux prome- nades étaient indignes de Paris, et bien inférieures à celles de Londres (1). De nos jours, Paris a repris l'avantage, grâce à la transformation de ces deux bois et des Champs-Elysées, à la création des parcs des buttes Chaumont, de Mont- souris, à celle des nombreux squares qui ont embelli et assaini la ville. II. — Promenades modernes de Paris. — Bois de Boulogne. (1) Th. Gautier écrivait, au retour d'une excursion à Londres (1840) : « Il serait bien a désirer que l'usage des squares se propageât à Paris, où les maisons tendent à se rapprocher de plus en plus, et d'où la végétation et la verdure finiront par disparaître complètement, » PROMENADES ET SQUARES 307 (Fig. 436 à 439). — Ce fut, comme on le sait, le pèlerinage mondain de Longchamps qui fit la fortune du bois de Boulogne. Après avoir été dévasté par la Révolution et plus cruellement encore par l'invasion étrangère, il était redevenu à la mode depuis 1830, Fig. 458. — Le Bois de Boulogne, état actuel. mais ne méritait guère cet honneur. Le sol porte des traces visibles du séjour de la mer; il est composé de sables siliceux mélangés de galets. Saut dans certaines parties où le sous-sol argileux se rapproche davantage de la surface, ce terrain ne produisait guère que des arbres médiocres. Dans son ancien état, le bois de Boulogne avait tous les défauts du genre régulier sans ses qualités. Sa métamorphose 30S THÉORIE DE L'ART DES JARDINS en un vaste jardin paysager dont la superficie a été portée de 676 à 873 hectares, présentait des difficultés considérables. Nous nous bornerons à signaler ici les renseignements pratiques que fournit ce travail aux artistes et aux amateurs. D'abord, la comparaison du plan de l'ancien état avec l'état actuel (Fig. 437 et 438) leur donnera d'excellentes indications, s'il s'agit d'une entreprise analogue, dans Fig. 459. — Vue à vol d'Oiseau du Bois de Boulogne. D'après une Aquarelle de MM. Hochere.iu et Didier. des proportions même beaucoup plus restreintes, c'est-à-dire de la transformation d'un bois ordinaire, sillonné d'allées droites, en jardin paysager. Ils verront comment on est arrivé à faire disparaître toute trace de l'état antérieur, en fermant, au moyen de plantations d'arbres et d'arbustes forestiers, les allées droites sup- primées, en isolant et mettant en vue les quelques beaux arbres perdus dans les fourrés, en rompant les lignes droites des pelouses par des plantations ajoutées sur les lisières; par la distribution de massifs, de groupes d'arbres, variés de port et de feuillage. Nous retrouvons l'application de l'un des préceptes les plus essentiels de l'art PROMENADES ET SQUARES 309 des jardins paysagers dans la création de la Butte Mortemart, formée des déblais provenant du creusement des lacs. Bien que cette éminence artificielle n'ait rien d'alpestre, son ascension mérite d'être recommandée (Voir page 134, fig. 163). On y jouit de l'ensemble du bois, et de jolis points de vue sur les hauteurs qui dominent Paris de ce côté. Pour les nouvelles avenues, on a employé surtout le marronnier, qui réussit facilement dans les plus médiocres terrains. Cet arbre offrait de plus l'avantage local d'être en pleine floraison à l'époque où le bois de Boulogne est le plus fréquenté. tige déjà forte est revenue rien d'exorbitant pour la de tels assauts; mais il villes de province et bien importe de remarquer que chaque arbre, un apport dé- tale au prix de 5 fr. ; apport considérablement réduit ail- dispenser souvent du Corset- ployer cet appareil ingé- exccptionnels. Japon) convient aussi bien plantations de ce genre. Il mauvais terrains; ses pous- ses nouvelles, jaunes et rouges, sont d'un très bel effet. Elles ont de plus un avantage encore peu connu; celui de distiller une substance sucrée, qui attire et empoisonne les hannetons. Dans les plantations forestières proprement dites, qui ne demandaient pas de soins particuliers, on s'est contenté de défoncer le sol à 50 centimètres de profondeur maxima, et d'y planter des tiges de 8 à 15 centimètres de circonférence, dans la proportion de 54 par are. Sur les points où l'on tenait à obtenir immédia- tement des fourrés, on a ajouté 150 touffes par are. Ces proportions devront également être réduites dans des sols plus riches. Pour l'exécution des massifs composés d'arbres et d'arbustes de choix, le terrain a été défoncé de 50 à 80 centimètres de profondeur, suivant la nature des essences La plantation de chaque à 16 fr. 50 c. Ce prix n'a ville de Paris, aguerrie à pourrait effrayer bien des des particuliers. Donc, il dans ce total figure, pour deux mètres de terre végé- qui peut être supprimé ou leurs. On pourra aussi se Tuteur (Fig. 440), et n'em- riieux que pour des sujets L'ailante (Vernis du que le marronnier pour des affectionne également les Fig. 440. — Corset Tuteur. THÉORIE DE L'ART DES JARDINS employées; et fortement bombé, de manière à donner à l'ensemble de la plantation une forme pyramidale; — en plaçant au centre les arbres les plus hauts et les plus forts; puis ceux de moyenne grandeur; et enfin les arbustes, étages aussi par rang de taille. Ce système est critiqué par quelques artistes modernes, qui prétendent qu'il donne aux massifs l'aspect de fortifications. C'est pourtant celui qui, dans la pratique, permet le mieux aux arbres et aux arbustes de croître les uns auprès des autres sans se nuire. Dans ce renouvellement de la plus fréquentée des grandes promenades de Paris, on a scrupuleusement respecté les souvenirs historiques qu'elle renfermait; la croix Catelan (Fig. 243), l'allée dite de la Reine Marguerite; le moulin de Longehamps (Fig. 132), auquel on a restitué sa physionomie d'autrefois; le « Rond des Chênes », prés de la mare d'Auteuil. Le détail des plantations du bois de Boulogne, faites dans des conditions difficiles, est, pour cette raison même, plus particulièrement instructif. Parmi les arbres lorts, plantés d'abord à l'entreprise dans les parties sablonneuses, un tiers de ceux à feuilles caduques et les deux tiers des conifères avaient péri. Dans les parties basses (terrains d'alluvion), les arbres à feuilles caduques ont seuls réussi. Un beau massif de cèdres et de pins laryx, placé dans un endroit des plus apparents, à l'entrée de la route de Passy, dépérissait a cause de la mauvaise nature du sol, composé de sable et d'une argile noire compacte. Cette plantation n'a prospéré que depuis l'époque où le terrain a subi l'opération du drainage. Ce rapprochement de la sombre verdure et du port rigide des cèdres du Liban avec la teinte plus claire et l'attitude ondoyante du pin laryx est d'un joli effet. Toutefois, dans des climats plus froids, il sera prudent de remplacer les laricios par des essences plus rustiques. Pour la décoration des pièces d'eau, la conduite des ruisseaux, la disposition des gués, des ponts, etc., on pourra s'inspirer de l'arrangement de la mare aux Biches, aujourd'hui permanente, de celles d'Auteuil et d'Armenonville, des méandres du ruisseau de Longchamp. On a peine à comprendre le reproche adressé naguère aux auteurs de cette transformation « d'avoir retranché a la mature quelques-uns de ses charmes! » Qu'avait donc de si naturel et de si charmant un bois presque par- tout chétif, sillonné d'allées droites mal entretenues? Avant de quitter le bois de Boulogne, nous devons encore mentionner le Pré-Catelan (Fig. 309), ainsi que le Jardin zoologique d'acclimatation, établissement spécial créé de 1858 à 1861, et qui occupe dans la partie nord du bois, entre la porte PROMENADES ET SQUARES 311 des Sablons et celle de Neuilly, une surface d'environ 20 hectares. Ce jardin (Fig. 441) a été dessiné par Barillet-Dcschamps. Sa forme générale, parfaitement appropriée à sa destination, est celle d'un vallon à pentes douces, dont le centre est occupé par un cours d'eau qui, sur plusieurs points de son parcours, s'élargit en bassins et aboutit a un petit lac d'une forme gracieuse (Fig. 214). Toutefois, des constructions multipliées ont enlevé à ce jardin, dans ces derniers temps, beaucoup de son caractère. Nous n'avons pas à nous occuper ici des établissements zoologiques, ni de {'Aquarium, mais seulement de la plantation et de l'acclimatation des végétaux. Cet Fis Ai: Plan du Jardin d'Acclimatation au Bois de Boulogne emplacement avait été pris dans la partie la plus ingrate du bois. Aussi, ce n'est qu'à force de fumures qu'on a obtenu des pelouses et des arbres d'une beauté exception- nelle. L'Arboretum contient la plupart des arbres et arbustes exotiques, à feuilles caduques ou persistantes, qui peuvent prospérer sous notre climat. Plusieurs, des plus remar- quables, étaient encore très rares, et les expériences faites dans cet Arboretum ont beau- coup contribué à faire connaître leur mérite ornemental, et A en accréditer l'emploi (1). (1) Comme le C. Lauisoniana, dont l'introduction en Europe ne remonte qu'à 1855. — Ce jardin contient de plus un terrain d'expériences consacré à l'essai des graines et végétaux nouvellement importés. C'est là aussi qu'on a transplanté la belle collection de vignes qui se trouvait dans l'ancienne pépinière du Luxembourg (ci-devant enclos ou spaciment des Chartreux), en contre-bas de l'allée de l'Observatoire; — pépinière qui formait, depuis 1849, une promenade unique en son genre, détruite en 1S66. — Nous avons parlé précédemment de la serre monumentale du Jardin d'Acclimatation. ROMENADES modernes de Paris. — Bois de Vincennes, Parcs des Buttes- Chaumont et Montsouris. — Le bois de Vincennes a subi une métamorphose analogue à celle du bois de Boulogne. Mais il offrait des ressources naturelles qui ont permis de lui conserver un caractère d'ensemble plus fores- tier. Le terrain y est meilleur, et les beaux arbres plus nombreux. Les parties de cette promenade (Fig. 443 à 445) qui méritent particulièrement l'attention des amateurs, sont : à l'est, les Minimes; à l'ouest, le lac de Saint-Mandé, celui de Charcnton et ses abords. Dans l'ancien enclos des Minimes, dont une partie a été convertie en lac, on a scru- puleusement conservé (Fig. 201) les beaux arbres isolés, la vieille avenue de tilleuls (Fig. 443), l'allée circulaire qui servait de spaciimnt aux religieux, et que sa forme permettait de raccorder facile- ment aux nouvelles allées irrégulières. Enfin l'on s'est attaché à imiter le mieux possible la nature, dans l'arrangement de la cascade (Voir ci-dessus, Fig. 217), et de sa décoration végétale. A une autre extrémité, le petit lac de Saint-Mandé occupe une dépression de terrain où coulait naguère un égout dont les exha- laisons écartaient les promeneurs de cette partie du bois, précisément l'une des plus belles. Fii;. 41;. — Avenue de Tilleuls L'organisation des terrains nouvellement annexés, entre Charenton et Saint-Mandé, est une œuvre 1 fig. 144. — Bois de Vincennes. — El.it ancien. Fig- 445- — Bois de Vincennes. — État actuel. 40 3r4 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS absolument nouvelle. Elle forme un jardin paysager à part, soigneusement relié d'ailleurs aux massifs forestiers. Il comprend le grand lac dit de Charenton, ses deux îles, les pelouses et les plantations adjacentes. En comparant ces îles avec celles du bois de Boulogne, on voit comment il est possible d'éviter les répétitions, nonobstant certains traits généraux de ressemblance, et d'obtenir des effets différents, par des Fi»-. 446. — ■ Vue .1 vol d'Oiseau du Bois de Vincennes. D'après un Fusain p.ir MM, Hoclierenu et Dardoize. variantes dans la disposition des édicules, des ponts, dans la forme des bords et la plantation. — Enfin, le bois de Vincennes a aussi sa butte (le plateau de Gravelle); mais la vue dont on y jouit sur Paris et les environs est incomparablement plus belle que celle de la butte Mortemart. Entre les deux grandes promenades pari- siennes, bien des amateurs donnent la prélérence à celle de Vincennes, malgré son éloignement des quartiers aristocratiques, et l'énorme solution de continuité résul- tant du champ de manœuvres, qui l'a littéralement coupée en deux. On sait que le parc des Buttes-Cbaumont occupe l'emplacement du gibet légendaire de Montfaucon, de sa voirie, et des carrières à plâtre voisines, jadis PROMENADES ET SQUARES 5 i-S le repaire favori des pires bohèmes parisiens. On a eu l'idée d'utiliser la super- ficie profondément accidentée de ces lieux, où tout était repoussant ou sinistre, en y établissant une promenade pittoresque (Fig. 447). H ne manquait pour cela que de l'eau, de la terre végétale, des plantations et des chemins. Aussi les travaux, entrepris au commencement de 1864 et terminés en 1869, ont coûté, sur une étendue de 25 hectares, 3,412,000 francs (chiffres ronds), dont 2,936,000 francs pour les terrassements et les plantations. La portion du terrain qui a exigé les travaux les plus considérables, est celle où se trouvaient les carrières Fig. 447. — ■ Le Gibet de Montfaucon, d'après le Plan de Vassalicu (1609). et la tranchée du chemin de fer de ceinture. La ligne des falaises était heu- reusement mouvementée par un grand promontoire, surplombant les terrains inférieurs anciennement exploités. On a détaché ce promontoire de la masse, de manière à en faire un îlot rocheux relié à la partie supérieure du parc par un pont en maçonnerie, et dont la base est baignée par un lac. L'extrémité de cette île, faisant saillie sur le lac, a été exhaussée et consolidée au moyen d'un revêtement en maçonnerie imitant les rochers de la base, et c'est sur ce point culminant qu'a été érigé le Temple de la Sibylle, dont nous avons parlé ailleurs. Le lac est alimenté par deux ruisseaux qui parcourent les deux vallons du parc. Ils proviennent d'une prise d'eau du canal de l'Ourcq, refoulée par une machine spéciale 3X6 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS dans un réservoir installé sur le boulevard qui domine le pair. L'un des ruisseaux, sortant de la base du mur de soutènement du boulevard, forme une cascade de 32 mètres d'élévation, qui se précipite dans une vaste grotte ornée de stalactites artificielles : c'est vraiment la reine des cascades parisiennes. Grâce au relief exceptionnel du sol, on a pu faire là du paysage de montagnes grand comme Fig. 448. — Parc des Buttes-Chaumont. nature. Les artistes auront rarement l'occasion d'imiter des créations de ce genre. Mais ce qu'ils peuvent étudier avec profit dans le détail des travaux, c'est leur double caractère d'utilité et d'ornement. Ainsi, le mur d'où jaillit la cascade, le fond solide- ment maçonné de la grotte, empêchent l'éboulemcnt des terrains supérieurs. Les talus marneux, presque verticaux et trop peu consistants, ont été tranchés en pentes permettant au sol de se soutenir, de recevoir la terre végétale et les planta- tions. En un mot, il a fallu surmonter des difficultés exceptionnelles, pour assimiler ces terrains à une destination si nouvelle pour eux. PROMENADES ET SQUARES 317 On ne peut contenter tout le monde; aussi la création de cette promenade souleva des critiques de diverse nature. Les uns auraient voulu là « quelque riche fantaisie, quelques terrasses »; apparemment un pastiche des villas italiennes de la Renaissance; absolument déplacé, suivant nous, dans un pareil milieu. D'autres, se plaçant à un point de vue tout opposé, ont qualifié ce travail de « prétentieux », Fig. 4_|9. _ Vue à vol d'Oiseau du Parc de Montsouris. D'après un Fusain de MM. Hochereau et Dardoize. se plaignant qu'on eût détruit « l'aspect primitif, sauvage et pittoresque de ces lieux. » Eût-il donc fallu s'inspirer ici des souvenirs sinistres du passé, créer une de ces promenades du genre terrible que rêvait Chambers, avec fac-similé du gibet, des campements de bandits dans les carrières, etc.! Au reste, ces critiques remontent à une époque où les travaux étaient en cours d'exécution ou à peine finis, et où l'on ne pouvait juger équitablement du mérite de l'œuvre. La quatrième grande promenade, dont beaucoup de Parisiens ignorent encore l'existence, est le parc de Montsouris (Fig. 449), le dernier terminé. Ce parc, d'une étendue de 16 hectares, est situé à l'extrémité méridionale de Paris, sur 3iS THÉORIE DE L'ART DES JARDINS la pente d'un coteau qui domine la vallée de la Biévre. Ce point a été choisi pour obtenir, en sens inverse, une vue de la capitale aussi intéressante que celles dont on jouit des hauteurs en face, mais d'un caractère tout autre. C'est de Montsouris qu'on peut le mieux apprécier l'immense développement des quartiers de la rive droite, qui y forment le fond du tableau. Ce parc a d'ailleurs été judicieusement S^^nS* < < A Fig. 461. — Square MontHulon. * 1872, il peut produire par an environ trois millions de plantes, qui ne reviennent qu'à o fr. 13 cent., tandis que la valeur marchande des plantes de choix sorties du Fleuriste dépasse en moyenne o fr. 50 cent. Grâce à lui, la Ville de Paris peut orner plus richement ses Promenades, et à moins de frais, que si on était resté tributaire de l'industrie privée. Mais cette « manufacture de plantes », dont la réputation est européenne, a un caractère d'utilité plus général. Dans l'état actuel de division des fortunes, rien ne saurait remplacer l'initiative d'un tel établissement. On peut y faire et on y fait journellement des essais impraticables pour la plupart des particuliers, et d'un grand intérêt pour l'horticulture. C'est ainsi qu'on a pu expérimenter, dans les serres du Fleuriste, la substitution économique du gaz à tout autre combustible. C'est 328 THÉORIE DE L'ART DES JARDINS là aussi qu'ont eu lieu les premiers essais pratiques des procédés, présentement à l'étude, de l'accélération de la croissance des plantes par la continuité du jour, Fig. 462. — Elévation latérale du Chariot à transplanter. Fig. 465. Plan du Chariot. Fig. 46 Cerclage des Moues - ■ obtenue au moyen de la lumière électrique. Enfin, le Fleuriste a rendu d'incontes- tables services, en vulgarisant l'emploi dans nos jardins des plantes colorées, très décoratives, et dont un grand nombre étaient encore à peine connues, ou même tout à fait inconnues en France. On a obtenu ce résultat important à peu de irais, par des dons de voyageurs, ou des échanges avec les établisse- ments horticoles étrangers. Nous donnons ici l'indication des plus belles de ces plantes, dont plusieurs, et non des moins remarquables, peuvent être introduites sans grande dépense dans de petites propriétés; étant susceptibles d'être conservées dans des serres d'orangerie, et même cultivées en pleine terre dans certaines parties de la France : Canna annal, zebrina, nïgricans, Porlcnna — Aralia papyrifera, Sieboîdii — Solanum Fig. 464. Elévation de l'Avant-train. Fig. 466. — Presse à cercler la Motte. PROMENADES ET SQUARES 329 amazpnicum, marginatum, robustum, macranthum, criait mu, Warscewic^ii, hyporhodium — Hibiscus Uliflorus (fleurs rouges), Cooperii — Begoxias - - Musa rosncca — Ficus, elastica, Chau- vierii — Colocu- iia esculenta — Drac.enas — Pelargo- niums, variétés aujourd'hui in- nombrables— i < -if WlGANDIAff/ro- sana, robuste et d'ungrand effet — Montagnea heracleifolia, Ferdinanda cini- Fig. 467. — Grille en Fonte pour garantir le Pied des Arbres. Fig. 470. — Arbre enveloppé d'une Plaque de Mousse. liens, Vcrbena. Arrosées avec de l'engrais liquide, ces trois dernières plantes peuvent atteindre cinq métrés de hauteur (1). Pour la transplantation des gros arbres, on se sert Promenades et voie publique de la Ville de Paris Fig. 468. — Grilles pour garantir les Pieds des Arbres. Fig. 469. — Plan indiquant la distribution des Drains Plan au-dessus des Trottoirs sur la Voie publique. servant A l'Aérage et à l'Arrosage. de chariots de diverses dimensions (Fig. 462 à 464) : pour les arbres verts et autres d'espèces rares déjà forts, on fait depuis longtemps usage, dans les pépinières de la (i) Nous avons donné précédemment les figures Je la plupart de ces plantes. 42 THEORIE DE L'ART DES JARDINS ./Vfff Fig. 471. Banc. V?2- B.inc. Ville de Paris, d'un procédé aussi simple qu'économique. 11 consiste à entourer la motte de l'arbre, comprenant, s'il se peut, toutes ses racines, ou tout au moins les plus importantes, d'une sorte de bac improvisé au moyen de planches légères ou voliges cordccs au- tour de la motte avec une pxesse de tonne- lier, ensuite cerclées et complétées par l'application d'un fond composé de planches semblables. On a calculé que cet appareil revenait à moins de 2 francs, non compris la main-d'œuvre et 18 francs une fois payés pour la presse à cercler la motte, qui peut servir pendant bien des années (Fig. 465 et 466). Mais, si adroitement que l'on s'y prenne, des arbres très forts, transplantés, restent sta- tionnants pendant plusieurs années, et ne valent jamais, dans la suite, ceux qui ont été déplacés dans leur jeune âge. Afin d'arriver à un bon aerage et a un arrosage taciie des plantations sur la voie- publique, les pieds des arbres sont garantis par un grillage en fonte (Fig. 467 à 469). Très souvent, la suppression d'une partie des racines au moment de la transplantation provoque le dessèchement. Pour éviter l'arrêt complet de la sève, il faut envelopper le tronc de l'arbre de plaques Fig. 47;. — Kiosque pour 1.1 Vente des Journaux. Fig. 474. — Bureau pour les Voitures de Plac?. PROMENADES ET SQUARES 331 de mousse, maintenues par un fourreau en toile (Fig. 470); tenir cette enveloppe • constamment humide, par le godet placé au Les promenades cemment en Europe, des réminiscences de ne voyons guère France, que pour le parc d'Or, superbe prome- plantée en 1856 par fois un Jardin d'accli- irrégulier. La partie su- principalement de co- des modèles les plus de plantation, des publiques. Fig. 475. — L'éducation maternelle, par Eugène Delaplanche (Square Sainte-Clorld- ). en introduisant de l'eau sommet du tronc, publiques créées ré- sont presque toutes celles de Paris. Nous d'exception à faire, en lyonnais de la Tête- nade de 100 hectares, M. Bûhler. C'est à la matation et un parc périeure, composée nifères variés, est un instructifs de ce genre V. — Promena- Turquie, Egypte, ce sont les qui ser- promena- ques. Les de ce gen- grand et Inde, etc. - On sait que dans les villes turques, et notamment à Constan- tin o p 1 e , cimetières vent de des publi- plus belles l re sont « le le petit morts» de celui de bien d é - Th. Gau- u n i m - bois de (C. Fuiw- vrant un m champdes Péra, et Scutari, si crit par tier.ee C'est m e n s e cyprès bris) cou- terrain ontueux, coupé par de larges allées. On ne se tait pas une idée, dans les pays Fig. 476. — Kiosque dans l'ile Daumesnil, au Bois de Vincennes. ))• THÉORIE DE L'ART DES JARDINS « Le tronc se vures rugueu- du Nord, du degré de beauté et de développement qu'acquiert cet arbre sous de chaudes latitudes. » C'est surtout dans l'extrême vieillesse que cet heureux arbre est le plus beau. divise en ner- ses, semblables des colonnettes écorce effritée branches s'insé- inattendue, font rieusement dif- truirecependant midal. Ses raci- agrippent la des serres de ~>g- 47; lion en Bronze, p.ir Barye; galerie du Bord de l'Eau, Jardin des Tuileries. aux agrégations gothiques. Son s'argente; ses rent d'une façon des coudes cu- formcs,sans dé- le dessin pyra- nes tortueuses terre, comme vautour posé sur une proie. Sa verdure solide et sombre ne se décolore pas aux âpres feux du soleil, et garde toujours assez de vigueur pour trancher sur le bleu intense du ciel. » (Constantinoplc, ch. 13.) Ce mode d'appropriation des cimetières tend aussi à s'éta- blir en Amérique. Nous reprodui- sons deux spéci- mens curieux de cimetières améri- cains établis ré- cemment dans ce système, ceux de New- York et de Fi". 478 et 47g. — Chevaux de Marly, par Coustou, provenant de l'Abreuvoir de l'ancien Château de Marly. — Ces deux Groupes sont placés à l'Entrée de l'Avenue des Champs-Elysées. Cincinnati (Fig. 483 et 484). En Egypte, l'irrigation a produit, depuis quelques années, des merveilles végétales qui rendent vraisemblables les anciens récits. A Alexandrie, sur la belle promenade plantée d'acacias et de sycomores qui borde le canal Mahmoudiéh, s'ouvrent les jardins quasi-publics de Nubar-Pacha, Pastré, Anto- PROMENADES ET SQUARES 333 niadis, etc. Fig. 480. — Au Jardin des « Ces jardins, dit un voyageur récent, sont couverts de palmiers (Fig. 485), de bananiers, de cactus, d'aioès, de bambous, de daturas, de mimosas à fleurs jaunes, d'euphor- bes rouges, de figuiers bengalais dont les Ion- gués tiges, partant du ' ''-■'■: '. ' ■ . !■'"' :',-,? '.'Xi» ^P^pjHS^^^^f' » — — 2 64 Dressement de talus, règlement de forme, y compris une fouille de moins de om,20 d'épaisseur le mètre carré » 05 Jet à la pelle, charge en brouette, en tombe- reau, en rejet dans la fouille, le mètre cube » 25 45 351 L'ART DES JARDINS Montage à la hotte, au seau, à la corde, par échelle ou parescalier, de déblais de toute nature, par chaque mètre de hauteur, le mètre cube » 25 Reprise avec piochage de déblais en cava- lier le mètre cube » 1 5 Ramassage de pierrailles. . . 3 » Ratissage , y compris le ramassage de pierres le mètre carré » 002 Ratissage simple d'allées sablée ou enfouis- sage de graines le mètre carré » 005 Régabge de déblais ., » 05 Pilonnage par couches de om,io le m. cube Répandage de sable ■ — Semis de pelouse, comprenant le répandage de la graine, passage au râteau et roulage, l'h. Roulage après semis, avec un cheval — — à bras d'homme — Découpure de bordure en terre ou en ga- zon le mètre linéaire Les remblais de terre sont comptés suivant le cube de la tranchée, c'est-à-dire avec une réduction de 1/6 sur le volume de la terre transportée » 20 » 25 200 5 60 ERRATA ET ADDITIONS AGE 14, note, au lieu de : Nos- hîm, lisez : Nashîm. Page 33, au lieu de : Fig. 32, lisez : Fig. 33. Page 54, ligne 31, au lieu de : 1774, lisez : 1744. Page 73, légende de la Fig. S3, au lieu de : XVI", lisez : XVII°. Page 92, ligne 2 : ait lieu de : W Lkock, lisez : Woodstock. Page 92, ligne 6 : au lieu de : description, lisez : dis- position. Page 94, note I : au lieu de : de de Pérelle, lisez : de Pérelle. Page 107, ligne I, au lieu de : Addisson, lises : Addison. Page 110, numéro 26 de la légende, au lieu de : Grotte et silex, lisez : Grotte en silex. Page 154, ligne 12, après : à feuilles d'if, ajouter : (Taxodium semper virens). Page 1 £9, ligne 30, au lieu de : iréguliers, lisez : irréguliers. Page 163, légende de la Fig. 200, au lieu de : Bleenheim, lisez : Blenheim. Page 172, supprimez les lignes avant-dernière et dernière, et lisez : dans le paysage javanais (Fig. 232); le pont, d'une structure originale, est également en osier. Page 179, Fig. 227, au lieu de : ormosum, lisez : formosum. Page 1S0, Fig. 228, au lieu de : Jardin La Flora, lisez : Jardin Flora. P. 190, Fig. 24S, légende, au lieu de : Elévation de l'Exèdre, lisez : Exèdre. Page, 193, Fig. 256, légende, au heu de : Rocailles au pied, lisez : Soubassement en rocailles. Page 195, ligne iS, au lieu de : (Fig. 257), lisez : (Fig. 265). Page 200, au lieu de : Mayer, lisez : Meyer, rage 202, légende de la Fig. 275, au lieu de : Fg, lisez : Fig. Page 204, légende de la Fig. 282, au lieu de : Ferdinanda eminens, lisez : Acanthus lusitanicus. Page 219, la Figure 303 doit être retournée. Page 223, ligne 27 : au lieu de : déservoirs, lisez : réservoirs. Page 223, ligne 29, au lieu de : reversoir, lisez : réservoir. Page 224, les Figures 315 et 316 doivent être retournées. Page 227, ligne 10, au lieu de : Nous figurons ici, etc., lisez : Nous donnons ici quelques vues d'entrées des Promenades de Paris et des grands Parcs des environs. Page 230, ligne dernière, au lieu de : Toutefois, lisez : Néanmoins. Page 235, ligne 28, supprimer : des. Page 262, Fig. 391, ajouter la note suivante : Cette allée, taillée dans un bois d'orangers avec palissades fleuries, offre une analogie frappante avec la description du parc de Clagny, par M">° de Sévigné. (F. p. 82.) Page 264, au lien de : Fig. 439, lisez : Fig. 394. Page 282, ligne 28, au lieu de : Parc, lisez : Park. Page 2S3, ligne 9, au lieu de : de, lisez : du. Page 2S6, lignes I et 4, remplacer : riant, par : gracieux. — ligne 2, au lieu de : selon, lisez : dans. — ligne 9, au lieu de : flancs, lisez : côtés. Page 2S8, passim, au lieu : d'œils de Christ, lisez : œils du Christ (Aster). Page 289, légende, lettre m, au lieu de : Ce banc ouvre la vue, lisez : De ce banc, on a vue. Page 293, ligne 22, au lieu de : effervescence, lisez : efflorescence. Page 297, légende de la Fig. 427, au lieu de : au, lisez : du. Fage 300, Fig. 431, légende, ajouter : Ces parterres occu- paient une partie de l'avenue actuelle de Breteuil. Page 302, ligne S, ajouter : Ces nymphes ou génies appor- taient un portrait laissé en blanc dans la gravure. Peut-être celui de Mercure, qui devait être le dieu favori de Dangeau, joueur et tricheur émérite. Page 319, ligne avant-dernière, après : Pré-Catelan, ajoute: : spécimen intéressant de plantations d'arbres et d'arbustes à feuilles persistantes. Page 316, ligne avant-dernière, au lieu de : assimiler, lisez : approprier. Fig. 4S8, p. 339, Vallée d'Yosemiti. La meilleure description de ce parc naturel justement célèbre, est celle qui fait partie de la Promenade autour du Monde, de M. le baron de Hiibner. On jouit là de plusieurs des plus remarquables sites de notre planète, grâce à l'incomparable beauté des eaux, de la végéta- tion, à la forme élégante et grandiose des montagnes qui encadrent et surplombent cet Eden californien. « La nature n'a été nulle part meilleur architecte et meilleur jardinier »f dit M. de Hiibner. Parmi les plus beaux sites de cette vallée, il faut signaler la vue de la cascade à trois étages formée par la Yosemiti, l'une des plus grandes et peut-être la plus belle du globe ; Nerval Fall, autre chute presqu'aussi pittoresque ; /<■ Lac Miroir et les Trois Frères, majestueux pics superposés qui se reflètent, avec une prodigieuse netteté de contours, dans ces eaux limpides, etc. Une autre merveille presque comparable à celle-là, c'est le parc naturel africain des bords du Zambèze, dans le voisinage des Victoria Fal/s, où s'étalent toutes les splendeurs de la végétation tropicale. (V. notre transcription du voyage de Mohr, Du Weser au Zambèze). Fi», yuy. — Bois de Vincennes. — Vue de l'Avenue Daumesnil. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES, DES NOMS ET DES FIGURES (,) 193 191 167 249 282 441 130 281 58 59 218 65 291 392 162 314 Pages. Abus Douglasii 160 — Nordmanmava 158 — pinsapo 138 Abri de cavaliers 191 Acanihus lusitaniens (est indiqué là par erreur Fcrdinanda cmiiuns) 204 Acclimatation (Plan du Jardin d') 311 Acer negundo 108 Acbyranles Verschaffelti 203 Addison icj Adriana (Villj), aspect actuel 32 Agrostis 201 Albani (Plan de la Villa) 5 1 — (Vue générale) 55 Aldobrandini (Cascade de la Villa) 175 — f (Plan de la Villa) 60 Alentours (F.tude et appropriation des). . . 126 Allée bombée 209 — (Coupe d'uni.) 223 ■ — d'orangers de la Villa Carlotta .... 262 Allées (Bordures des) 223 à 308 Allées (Conduite des) 219 — (Confection, dimensions des). 222 Allées (Creux pour les) 133 — de ceintures, creuses, etc 218 — de gazon 2 58 371 — régulières 247 à 316 — (Surface tt largeur des). . . . 224 (1} Les chiffres qui précèdent les articles indiquent les numéros des lig 259 26S 274 227 36O 3)7 181 387 386 388 3S5 470 l)i, 81 62 275> 396 257 277 Allées (Tracé des) Alsopbila australis Alternanthera sessilis . . ' Altichiero (Parc d') Amarantus mehncholieus Andropogon formosum à 362 Appareils de ebauffage à air (Fleuriste de la Ville de Paris) à 359 Appareils de chauffage à l'eau. Serres à sevrage et à multiplication . . . Araucaria imbricata Aranjuez (Buen Retiro) — (Fontaine des Dauphins) — (Parc d') — (Parterre et Fontaines) — (Plan) Arbie enveloppé de mousse Arbres (Formes diverses des) 500 Arc de Triomphe et Avenue du Bois de Boulogne 319 Architecture découpée en verdure . . . Aréthuse (Fontaine d'). Villa d'Fste ... 494 Arroser (Lance pour) (Voiture pourj 202 Art des Jardins (Théorie de 1') — paysagers (Définition) . . Arts et -Métiers (Square des) Aster alpinus Aucuba japonica Pages. 2l6 194 I98 46 202 179 242 24I I48 259 259 90 259 258 329 159 349 7i 58 345 121 124 266 193 202 ceux qui les suivent désignent les pages du texte. 46 35- L'ART DES JARDINS 5 507 457 458 443 452 45i 124 Fig. P 2 Aula (Restitution d'une) 164 Avant-projet du Parc de Montsouris . . . 384 Avenue de la Muette Avenue Daumesnil — de l'Observatoire . — — (Fontaine). . . . — de Tilleuls (Bois de Vincennes) . . — des Champs-Elysées — du Bois de Boulogne Ailanthe (Vernis du Japon) Babylone (Jardins suspendus de) Bacon (Fr.) '• • Badminton (Château de) 136 Bagatelle (Parc de) 114 3°3 29 Baïa (Vue actuelle de) 27 495 Balayage (Voiture de) 209 Bambusa aurca 471 et 472 Bancs 45 Barbaro (Villa) 196 Barillet Deschamps 161 Barrackpoor (Parc de) 336 230 Barrage sur le ruisseau de Longchamps . . 460 Batignolles (Square des) 128 jcy — — Vue à vol d'oiseau 180 Battersea-Park (Londres) 454 Beaujon (Jardin) (Montagnes russes). . . . 267 Bégonia rex 1:8 et 119 Berghen (Paysage par) 346 Bertolonia gntiala 311 Bifurcations 301 Birkenhead (Parc de), près Liverpool . . . Biron (Jardin de) 200 Blenheim (Château de) 34 Blois (Château et Jardins de) '. . 50 Boboli (Jardins de), (Fontaine) Bois de Boulogne (Corbeilles de l'avenue du). Création des Pelouses. . . État actuel État ancien (Exèdre au) '. . Lac 134 Massifs de l'Avenue du . . — Vue à vol d'oiseau. . . . Bois de la Cambre, à Bruxelles Bois de Vincennes État actuel État ancien Vue à vol d'oiseau. . . . Bordures des allées — et Corbeilles 44 Borghése, Villa 43 60 — entrée des Bosquets 49 Borromées (Iles) Botanic Garden de Calcutta 499 Boulevard Richard-Lenoir 491 Saint-Germain (Coupe) ... 496 et 497 Boulevard de Strasbourg Boulogne (Bois de) 306, et Boyceau 2S8 Brasska sinemis Brosses (de) 45 Brown Buitenzorg (Parc de), a Ja\a 215 Buttes-Chaumont (Cascade des) . (Parc des) 448 (Plan). . . 156 — (Vue à vol d'oiseau). . . 3 135 257 357 324 324 3 '2 320 319 136 9 101 102 304 28 345 i65 330 44 293 337 181 326 130 '47 i93 98 2j8 222 217 302 163 36 47 212 438 437 248 163 et 436 439 417 444 445 446 200 307 306 190 305 209 308 281 312 313 3'3 3*4 223 205 54 56 46 336 348 34i 346 suiv. 74 207 55 114 337 '73 3U 316 129 Cachemire (Jardins de la vallée de). 13 — (Vue de) 173 Caire (Jardin au) 338 Calamus Impératrice Marie 345 Calathea Veiiclnana Calcutta (Botanic Gardens de) . . . Calypso (Grotte de) 289 Canna atronigricans 24 Capitole (Restauration du) 26 Casa di Sallustio 2:8 Cascade à la Villa Aldobrandini. . . 66 219 215 217 216 96 97 de la Villa Mandragone de Mcréville des Buttes-Chaumont du Lac des Minimes du Lacsupérieur(BoisdeBoulogne). du Parc de Saint-Cloud du Parc de Sceaux 220 271 Cascade du Parc Monceau ... 176 406 Cascades du Jardin de l'Elysée 264 — en face Longchamps 268 — (Intérieur des) Bois de Boulogne. 318 Catelan (Entrée du Pré). 249 Cavaliers (Abri de) 184 Cedrus Deodara 250 418 Central Park à New-York. 85 191 465 Cerclage des Mottes Chambers 298 Cbaniœrops excelsa 452 Champs-Elysées 219 430 — ' et Cours la Reine (Vue). 453 — Vue intérieure Chan-Chang-Yen (Jardin du Pi intemps per- pétuel) 93 94 Chantilly (Parc, Château et Jardin). 78 225 Charenton (Gué de la rivière de) 211 — (Vue de la rivière de) 464 Chariot à transplanter (Élévation de l'avant- train) 462 — Élévation latérale 463 — (Plan du) 200 Château de Blenheim de Knebworth de Meudon de Triels (Dauphiné) et Jardins de Blois et Jardin de Chantilly et Jardins de Clagny et Jardins de Durham et Jardins de Fontainebleau . . . . 67 Château et Jardin de Montargis (1576) . . . 413 — et Parc de Muskau 487 et Parcs de Pétropolis, au Brésil . 94 — ■ et Parterres de Chantilly m — et Parterres de Chatsworth .... 1 1 1 Chatsworth (Château et Parterres) 201 Chêne des Minimes (Bois de Vincennes). . 172 Chêne vert (Bois de Vincennes) Chesnay (Parc du) 481 et 482 Chevaux, par Coustou 112 Choisy-le- Roi (Labyrinthe de) 425 Choulot (Parc du Marquis de Langle-Bcau- manoir) 293 484 Cimetière de Cincinnati (Spring Grove) . . 483 ■ — ' Green Wood à New-York . . 2S4 Cissas discolor 98 Clagny (Château et Jardins de) 107 89 377 34 93 98 109 '8 Pages. 13 13 144 235 238 336 4 207 25 26 175 61 175 173 17-1 174 82 S3 199 272 197 :98 225 191 151 284 328 113 213 320 299 321 1S 80 177 170 328 328 328 165 §9 77 249 36 80 §3 9i 68 62 278 358 80 93 93 164 '43 295 332 94 294 3 35 334 206 8> TABLE DES MATIÈRES ET DES FIGURES 3 59 Fig. 328 357 27S 426 302 221 276 8 3 171 143 426 440 312 43° 162 245 486 192 185 339 300 254 433 269 194 258 343 263 294 54 313 170 169 468 105 109 410 221 223 Pages . Classification ancienne de Jardin1; 131 Clôtures (Dissimulation des) 128 à 332 Clôtures (Modèles divers de) .... 229 Cocos auslralis 234 Coleus Vtrschaffelti 202 Combinaison des feuillages 14^ Combinaisons de conifères 153 — diverses de plantations. ... 151 Composition des Gazons, Pelouses et Hc - bages 198 d'une Corbeille 296 Conclusion 5 39 54° à 308 Conduite des Allées 219 Conduite des Cours d'eau : Iles 168 à 223 Conduite des Eaux 176 Conduites pour arroser les Pelouses .... 202 Confection, dimensions des Allées 222 Conifères (Combinaisons de) 153 Conrart (Jardin de) 73 Contours d'une éminence 141 Cook (Tombeau de) (Mérévillc) 120 Corbeille (Composition d'une) 296 Corbeilles de l'Avenue du Bois de Boulogne. 2 1 2 — des Iles du Bois de Boulogne et Bordures 205 Corset tuteur 309 Coupe d'une Allée f 223 Cours-la-Reine et Champs-Elysées (Vue) . 299 Créations modernes 274 Creux pour les Allées 133 Croix Catelan 188 Cuba (Jardin de) 337 Cunniiigbamia siuensis 1 59 Cupressus Lawsoniana 152 Cycas circiualis 236 Cyperus papyrus 215 Cypripedium spcclabile 192 Dahgeau (Perspective peinte du Jardin de) . 302 Dangu (Parc de) 294 Decaisne et Naudin 196, et suiv. Définition de l'art des Jardins paysagers . . 124 Delagrive (Plan de) 34S Delille 115 et 195 Détermination des Perspectives . . . 161 Diantbus monspessulanus 193 Dichorisandra uiidata 238 Dicksonia squatrosa 196 Digitalis purpurca 209 Diogène, par N. Poussin 95 Dissimulation des clôtures 128 Domaine chinois (Plan d'un) 23 Dominiquin (Le) 97 55 56 Doria Pamphili (Villa), avec ses par- terres, sa grotte 50 à 53 Drainage 136 Drain formant réservoir 223 — (Grand) 140 — (Petit) . 140 469 Drains et Grilles (Promenades de Paris). 329 Drumlanrig (Parc de) 88 Du Cerceau 65 Dufresny 104 Durham (Château et Jardins) 91 Eaton Hall 275 222 Eaux (Conduite des) 176 — (Forme à leur donner, Plantations sur les Bords) 164 Fig. Pages. 223 Édicules symboliques, etc 177 350 476 Éducation maternelle (squareSainte-Clotilde) 531 Effets d'ombre et de lumière (Etude de<=). . 150 Egypte (Jardins de l'ancienne) 6 Eisgrub (Parc d'), en Autriche 280 110 Elvaston Castle (Parc d') 92 171 Éminence (Contours d'une) 141 Emploi des Fleurs et Plantes à feuillage en bordures, corbeilles, etc ... . 203 — des Plantes Alpines 186 Encyclopédie (Critique des Jardins anglais). 300 317 Entrée du parc Monceau 227 322 — du Parc réservé de Saint-Cloud ... 225 31S — du Pré Catelan (Bois de Boulogne). 225 319 320 321 Entrées de Parcs 224 226 323 à 327 — principales (Combinai- sons diverses) 228 Époque des premiers travaux de terrassement. 1 53 122 Eridge Castle 10 1 Ermenonville 117 131 -- (Étang du Désert) 109 137 (Parc d') 115 178 207 (Vue du Château) 166 Essences d'Arbres 34^ Este (Villa d') 5 5 62 Fontaine d'Aréthuse 58 61 PalaisetTerrassedesJetsd'Eau. 57 42 — Vue générale 42 131 Étang du Désert, Ermenonville 109 Étude des effets d'ombre et de lumière. . . 150 — et appropriation des alentours. ... 126 — préliminaire du terrain 132 166 Eucalyptus globulus x37 248 Exédre au Bois de Boulogne 19° 161 Exhaussement d'un Massif. 133 Ezbekieh (Place). . 334 Fabriques, Temples, Édicules. . . 175, et suiv. 63 Famèse (Terrasses du Jardin) 59 125 et 126 Favorite 103 104 296 Ferdiuanda eminens 211 Ferriéres (Parc de) 294 Feuillages (Combinaison des) 146 411 Finsbury Park à Londres 276 3 57 à 359 Fleuriste de la Muette (appareils de chauffage à l'eau, serres à sevrage. 327 228 Flora (Jardin à Cologne) 180 265 78 Fontainebleau (Château et Jardins de). 65 68 126 Fontaine de la Favorite 104 85 — de Latone, Tapis vert (Versailles) . 75 458 — de l'avenue de l'Observatoire (par Carpeaux) 324 391 Fontaine de Médicis au Luxembourg . ... 261 50 — ■ du Jardin Boboli 47 Formes diverses des arbres 159 265 Fougeraie et Jardin floral de Sydnope Hall. 197 Fougères (Emploi des) 192, et suiv. 213 Fromhouse après la transformation 171 212 — avant la transformation. ... 171 293 Fusain du Japon 209 Gaillon (Jardins de) 63 69,72 — (Parterre et Labyrinthe) ... 63 65 7I _ (Portail de) 65 246 Garde (Pavillon de), aux Buttes-Chaumont. 189 Gautier (Théophile) 69, 306, 332, 334 Gazon (Allées de) 238 Gazons, Pelouses et Herbages . ... 196 198 360 L'ART DES JARDINS 447 380 46 47e 389 390 400 483 467 468 56 147 174 139 283 165 150 127 273 375 38 182 208 224 23 49 268 271 173 214 441 50 486 7 406 228 72 37 21 19 16 435 Tages . Gibet de Montfaucon 315 Giulia (Parterres de la Villa) 253 Giusti (Jardin du P'alais), à Vérone ... 43 Gloria Victis, groupe du Square Montholon. 333 Granja (Façade du palais de la) 259 — (Parc de la) 91 260 — (Vase d'un des parterres de la). . . 268 Grèce (Jardins de la) 3 Green Wood, cimetière à New-York . . . 334 Grille pour garantir le pied des arbres ... 329 et 469 Grilles et drains dans les Promenades. 329 Grotte de Calypso 4 — de la Villa Pamphili 52 — de Rabelais (Rambouillet) 71 — et Rotonde de l'Ile de Rcuilly. ... 123 Groupe de Cèdres du Liban 145 Gué de la rivière de Charenton 177 Gués 173 Guiscard (Château et Parc de) 117 Giiiincra scabra 205 Gynerium argenteum 136 Habitation (Rapport des plantations à) . . . 142 Hanovre (Jardin de), de l'Hôtel Richelieu. . 305 Hauteur (Maison sur une) 125 He/delberg (Château et Jardins) 105 Heracleum giganteum 201 Herbéke, prés Anvers (Château de) .... 248 Hirschfeld 9 109 Hooghe (Romain de), Portiques de verdure. 71 Hortensia 205 et 9 Horticulture égyptienne 7 Hôtel des Tournelles (vers 1540) 59 Ile des Cèdres 149 — et Lac Saint Mandé (Bois de Vincennes) 167 — et Pièce d'Eau 176 ■ — (1') d'or, dans le Yang-Tse-Kiang (Fleuve bleu) 24 — Borromées 46 — Conduite des cours d'eau 168 Inde (Jardins de 1') 12 Instituteurs (Jardins d') 273 Intérieur des Cascades (Bois de Boulogne) 198 au Parc Monceau . 199 Invalides (Esplanade) 343 Jans.een (Jardin) 304 Jardin au Caire 144 — d'Acclimatation (Bois de Boulo- gne) ... 310 311 — (Lac du) 172 — (Plan du) 311 — de Biron 302 — Boboli 47 (Fontaine) 47 — de Cuba 337 485 Jardins égyptiens 7 336 Jardin de l'Elysée (Cascades) 272 — Flora (à Cologne) 180 — de Gaillon (Parterre et Laby- rinthe) 65 — Gothique (Projet de Meyer) 38 — de Hanovre (Hôtel de Richelieu). . . 303 Indien d'Ondcypour 11 • Janseen 304 — Japonais 22, et sujv. et 20 — des Jardins 19 et 17 — (Yven-Ming-Yven) . 17 Laboëssière (Paris) 303 Fig. Pages. 52 Jardin Ludovisi 49 (.14 de Munich, par Skell 284 285 119 — paysager, d'après Meyer 283 454 paysager des Tuileries 322 104 — du Comte de Pembroke 88 des Plantes 323 439 — — (Vue ancienne) .'.... 325 335 potager, paysager et verger réu- nis 232 du Printemps perpétuel (Chun- Chang-Yen) 18 — Thuret, à Antibes 295 royal des Tournelles 39 15 — de style oriental (par Meyer) 16 — tout vert (Roman delà Rose). ... 37 — des Tuileries 65 87 — (d'après Le Nôtre) ... 76 103 et 404 Jardins de Ville (Neumannï . . 270 271 |Oj — (Kemp) 271 Jardinier fleuriste du Sr Léger 300 Jardins (Classifications anciennes de) ... 131 — suspendus de Babylone 9 de la vallée de Cachemire 13 . — chinois et japonais 17 — de l'ancienne Egypte 6 — de Fontainebleau 63 — français du xvic et du xvne siècles (jusqu'à Le Nôtre) 62 — français du XVIIe siècle (Le Nôtre) . 75 336 — fruitiers de démonstration et de production (Bois de Vincennes). 233 46 — du palais Giusti (Vérone) 45 — de l'Inde 12 — d'instituteurs 273 — irréguliers ' 101 — ou paysagers (Tracé des) 123 — italiens de la Renaissance 42 de la Villa Médicis 49 mexicains 15 du moyen âge 36 orientaux 9 de Potsdam : 1 1 64 Jardins du Quirinal (xvne siècle) 59 — de René d'Anjou 39, et suiv. — Romains 25 9j — et parc de Saint-Cloud 81 — de l'hôtel Saint-Paul 38 — de ville 269 128 — du palais de Wùrtzbourg 106 — de l'Yémen 14 232 Java (Pont en osier dans un paysage de) . . 182 Jùhlke (Directeur des Parcs de Potsdam). . 279 Jurjavés (Parc de) 281 3 Karnak (Sphinx de) 6 Kemp 142 223 224 Kent et Chambers 108 129 Kew (Parc de) 107 113 Kinsky (Parc à Prague) 179 473 Kiosque dans l'ilc Daumesnil 331 — de l'île des Roches (Rambouillet). 178 473 et 474 Kiosques pour journaux et fiacres. . 330 106 et 107 Knebworth (Château et Parc de) . . 89 435 Laboëssiére (Jardin), Paris 303 112 Labyrinthe de Choisy-le-Roi 94 368 — de Versailles 246 163 et 436 Lac au Bois de Boulogne . . . 134 303 214 ■- du Jardin d'Acclimatation 172 53 — 133 TABLE DES MATIÈRES ET DES FIGURES 361 Fig. Pages. 208 Lac et Ile de St-Mandé 1 Bois de Vincennes) 167 216 — supérieur (Cascade du Bois de Boulogne') 174 275 Lance pour arroser ; 202 183 Larix européen pendilla 130 299 Latania borbonica 214 134 Laxenbourg (Parc de) près de Vienne ... 112 Le Nôtre 75 — jardins français au xvnc siècle. . . 75 91 — [Portrait de) 78 101 Liancourt (Château et Jardins de) 86 174 Liban (Groupe de Cèdres du). 145 159 Limite (Plantation de) après la transforma- tion 131 15S — (Plantation de) avant la transforma- tion 131 232 Linum flavutn 192 233 — suffrulicosum 192 479 Lions par Barye iTuileries) 332 479 Loges d'entrée, Maisons de garde . . . . 179 241 et 242 Loges d'entrée (Plans des) 1S7 230 Longchamps (Barrage sur lt^ruisseau) . . 1S1 264 (Cascade en face de) . . . . 197 152 (Moulin de) 126 229 ■ — ( Pont rustique sur le ruisseau de) 1S1 116 et 117 Lorrain (Claude) (Paysage par) . . . 97 100 Louvois (Château de) 83 52 Ludovisi (Jardin) 49 Lundenburg et Laxenburg (Parcs de). 2S1 282 391 Luxembourg (Fontaine de Médicis) .... 261 83 — (Palais et Jardins; 73 456 — (Parterre au Jardin du) . . . . 323 455 — (Vue à vol d'oiseau) 323 247 Maison de garde de la porte des Princes. 189 151 Maison dominant un terrain ondulé ... 123 150 — sur une hauteur 123 Maisons de garde (Loges d'entrée) 179 141 Malmaison (La) 119 344 Maranta rosea picta 238 99 Marly (Parc de) 84 197 Massif d'arbres et d'arbustes 162 203 — avec arbres à branches retom- bantes 165 161 ■ — (Exhaussement d'un) 133 Massifs de l'avenue du Bois de Boulogne. . 209 — du Pré Catelan 214 Mattei (Villa) 52 57 — (Plan) 53 53 Médicis (Jardins de la Villa) 49 219 Méréville (Cascade de) 175 138 — (Château et Parc de) 116 89 Meudon (Château de) 77 Meyer (G.) 168 200 Michelet 42 Milton J05 217 Minimes (Cascade du Lac des) 174 79 Molet (Parterre par A.) 66 69 Monceau (ancien Parc de) 116 220 (Cascade du Parc) 176 317 (Entrée du Parc) 225 135 (Parc de) 113 43° (Plan du Parc) 318 244 (Pyramide et obélisque du Parc). 188 310 (Grande Allée) 221 285 Montagnaa heracleifolia 206 434 Montagnes russes (Jardin Beaujon) 303 67 Montargis (Château et Jardin de) 62 379 Monte Carlo (Vue d'ensemble de) 232 447 164 449 142 372 I52 1 ^2 384 383 4:4 297 415 416 1)3 154 — 33 418 483 290 477 366 12 261 260 120 389 5i 429 61 37S 237 54 56 136 448 1 10 129 423 134 99 '35 Pages. Montfaucon (Gibet de) 315 Montsouris (Avant-projet du Parc de 1. ... 135 — (Parc de) Vue à vol d'oiseau1. . 317 Morel 114 233 à 237 Morfontaine (Petit Parc de) 120 à 374 Mosaïques (Parterres figurant un tapis du xvme siècle 24S Moulin de Longchamps (Bois de Boulogne 1. 126 Mouvements de terrain 139 Moyen âge (Jardins du) 36 Muette (Avenue de la) 257 — (Château et Parc à Passy) 236 — (Fleuriste de la) 327 Munich (Jardin de) par Skell 284 2.S3 M usa rosacea 212 Muskau (Château et Parc de) 278 — (Plan du Parc de) 280 — (Vue prise dans le Parc de) après les travaux) 127 (Vue prise dans le Pue de) (avant les travaux) 127 Naudin 196 285 290 Néron jeune (Buste de) 27 33 New-York (Central Park) 284 285 — (Cimetière de Green Woodi . . 334 Nicoliaiui wigandioides 208 Nil, statue aux Tuileries 333 Noizi ou Noisy (Jardins de 1 245 Olivier de Serres 64 Ondeypour (Jardin indien d') 11 Opérations préparatoires (pour Jardins régu- liers) 231 Osmunda ànnamomea 195 — ■ Claylouiaiia 195 Ostade (van) Paysage 99 Palais de la Granja 1 Façade) 259 — Pitti (Florence) |8 — Royal 1 Parterre du) 298 — et Terrasse des Jets d'Eau (Villa d'Esté) 57 — et Terrasses de Villanov (Pologne) . . 252 Palissy (Bernard) 68 Pallavicini (Temples du Parc de la Villa) . . 184 (Villa) 176 Pamphili (Villa) 50 33 — (Grotte de la Villa) 52 Paradis de la Perse et de PAsie-Mineure . . 10 Parc d'Altichiero 46 — de Bagatelle 114 — de Barrockpoor 336 337 — de Birkenhead 217 — de Buitenzorg (Java) 337 — des Buttes-Chaumont (Plan) 316 — de Chantilly 78 — du Chesnay 293 — de Dangu 294 — d'Elvaston Castle 92 — d'Ermenonville 17N — de Ferriéres 294 — de la Granja 91 — de Kew 107 115 Kinsky (Prague) 179 — du Marquis de Langle-B.aumanoir, par Choulot 293 294 — de Laxenbourg, prés Vienne 112 — de Marly 84 de Monceau 1:3 !62 L'ART DES JARDINS Fig. Pag"- 310 P.ii'c de Monceau (Grande allée du) ... 221 271 — Cascades) 199 450 — (Plan) 318 449 Parc de Montsouris, vue à vol d'oiseau. . 317 424 — paysager, par Siebeck 291 à 293 144 — de Rambouillet 120 149 — de Sagan 124 102 — de Schcenbrunn 86 — de Stowe 112 199 — de Tieffurt (après sa transformation) . 165 198 — — (avant sa transformation) . 162 — de Tzarskoë-Selo 115 — de Versailles 78 103 — de Wilhelmsbœhe 87 106 — de Woodstock 90 Parcs (Entrées des) 224 — Allemands 278 — Anglais 274 — Français 293 — de Lundenburg et Laxenburg. . 281 282 Paris, Promenades publiques. 299 et suiv., 341 84 Parterre de Boyceau 74 79 — par A. Molet 69 429 — du Palais-Royal 298 ^69 — de Saint-Germain (1653) 249 73 80 — ciselé (J. de Vriès) ...... 66 70 372 à 374, 376 Parterres en mosaïque figurant un tapis (xvme siècle). . . . 248 249 74 à 77 Parterres des Tuileries sous Henri IV . 67 3 — et Château de Chatsworth. . 93 246 Pavil'on de Garde, Buttes-Chaumont. . . . 189 Paysage (Le) 95 118 et 119 Paysage, par Berghem 98 116 et 117 — par Claude Lorrain . ... 97 270 Pelargonium \onale 199 Pelouses du Bois de Boulogne (Création des) . 200 276 — (Conduites pour arroser les). . . . 202 — et Gazons 196 292 Pente graduée . 209 104 Pembroke (Jardin du comte de) 88 155 Percée dans le Bois de Vincenncs 128 370 Percées régulières dans un bois 247 Penlla 205 Perse et Asie-Mineure (Paradis) 10 194 et 195 Perspectives (Détermination des). . 161 factices 68 obliques 153 — peintes 67 68 _I3 3 ■ — — du Jardin de Dangeau . . 302 4S7 Pétropolis (Château et Parc de), au Brésil . 328 186 P.cca Morinda 153 224 Pièce d'Eau et lie 176 88 Pièces d'Eau à Versailles 76 202 Pin parasol 165 190 Pinus cembro 157 16S — excelsa 139 5 1 P.tti (Palais), Florence 47 397 Place de la République . 266 — Ezbekieh 334 398 et 399 Place publique (Meyer) 267 Places publiques 266 5S Plande la Villa Albani 54 57 — de la Villa Mattci 53 163 — d'ensemble (Nécessité d'un) 134 22 — d'un domaine chinois 23 309 — du Pré Çatelan 220 Kg. 420 241 159 I58 175 176 204 47 1 r 250 229 256 7i 231 247 269 9i 333 334 2S7 133 il) 309 366 262 153 121 243 244 64 144 236 394 4i 40 Pages. à 423 Plans par Siebeck 286à2S9 et 242 Plans de loges d'entrée 187 Plantation-. ..." 140, 346 350 de limite (après la transiormation) 1 3 1 — (avant la transformation) 1 3 1 — variée i-i6 Plantations (Combinaisons diverses de) . . i>i à 179 Plantations défectueuses corrigées . 146 à l'habitation (Rapport des) 142 à 206 (Spécimens de) .... 166 sur les bords des Eaux. 164 Plantes alpines (Emploi des) 186 Pline (Villa de), Restauration 30 31 Poa pralcnsis, trivialis, ncmoralis 201 Polyphile (Songe de) 45 Poliius Félix (Villa de) 28 Polyphéme, par N. Poussin 96 Ponceau végétal 172 Pont du Central-Park à New-York .... 191 — (en osier) dans un paysage de Java . 182 — du Restaurant de la Porte jaune . . 182 — rustique sur le ruisseau de Long- champs (Bois de Boulogne) .... 1 S 1 Pont (Soubassement en rocailles d'um . . . 193 à 235 Ports 171 183 Pope 107 Portail de Gaillon 65 Porte jaune (Pont du Restaurant de la). 182 — des Princes (Maison de Garde à la). 189 Portrait de Decaisne 199 — de Le Nôtre 7^ Potager de Versailles, par La Quintinie . . 230 Potagers (drainage des) 232 (Établissement et décoration des) 231 — et Vergers 229 Polbos argyrœa 207 Potsdam 1 Jardins de) m 279 Poussin (Polyphéme parle) 96 98 Pratolino .." 5° Pré Catelan (Plan du) 220 — (Massif du) 214 Presse à cercler la motte 328 Prix de Travaux de jardinage à Paris . ... 353 Promenades publiques, Egypte . . 332 et suiv. — — de Paris ." 306 341 — et Squares. . . 297 306 341 — Turquie 331 332 Pleris trkolor 196 134 Pùckler-Muskau (Prince). 124, 127, 169, 229, 251 278 Puget de la Serre ■ 68 Puiligny (Comte de) ■ 293 Pynaker, paysage • io° Pyramide, au Bois de Vincennes 187 et Obélisque du Parc Monceau . 188 Quirinal (Jardins du) (xvnme siècle) .... 59 Rabelais (Grotte de) à Rambouillet .... 71 Radepont (Parc de) 179 Rambouillet (Parc de) 71 120 Rapide du petit ravin de Saint-Mandé. . . 183 Rapport des plantations à l'habitation . . . 142 Regent's Park, à Londres 264 Renaissance (Jardins italiens de la) .... 42 René (Armoiries du roi) 41 — (Portrait du roi) 4° — d'Anjou (Jardins de) 39 TABLE DES MATIÈRES ET DES FIGURES 3°3 3'3 2S6 M7 145 226 I 19 96 322 95 382 70 369 36 208 236 240 25 5 97 102 395 251 279 341 342 356 353 357 3-17 48 14 239 424 420 295 47 30 256 412 Pjges. Réservoir (Drain formant) 223 Reuilly (Rotonde et Grotte de l'île de). . 123 Riciiws sanguineus 206 Rivoli (Rue de) 344 Rocailles (Emploi des) 185 195 — (Parcs anglais) 277 Roches (Kiosque de l'île desj, Rambouillet. 178 Roman de la Rose (Jardin tout vert) .... 37 Rosiers 206 Rotonde et Grotte de l'Ile de Reuilly ... 123 Rousseau (J.-J.) 110 Route des Buttes, figure page vu Rueil (Jardins de) 70 Ruffinella (La) 61 Ruine dans le Parc de Boëiz 120 Saccbarum egyptiacum 178 Sagan (Parc de) 124 Samt-Cloud (Cascade du Parc de) 82 — (Entrée du Parc réservé) . . . . 227 Saint-Cloud (Jardin et Parc de) 8t — (Parc de) 79 Saint-Germain-en-Laye 62 (Anciens Jardins de) 255 — (Château et Jardins) 64 (Parterre, 1653) . . 246 Saint-Germain-des-Prés (Vue de l'Abbaye) . 37 Saint-Mandé (lie et Lac de) 167 (Rapide du petit Ravin de) . . 183 Saint-Paul (Jardins de l'Hôtel) 38 Saint-Simon (Mémoires de) 75 Sand (George) 56 et suiv. Saragota (Temple dans le Parc de) 186 Saxifraga longijolia 192 Sceaux (Cascade du Parc de) 83 — (Parc de) 79 Schœnbrunn (Parc de) 86 Schwttzingcn (Parc de) 265 Sedum opposilifolium 192 — Sieboldii 203 Séquoia à feuilles d'if [Taxodium semper- vircns) 154 Serbelloni et Sommanva (Villas) 46 Serre (Coupe d'une) 238 — (Plan d'une) 238 — des Népenthés de la Ville de Pans. — Appareil de chauffage, gaz et eau. 240 à 355 Serre des Népenthés (Fleuriste) (Plan delà) .- 239 Serres 238 à 359 Serres à sevrage et a multiplication. Appareils de chauffage à l'eau (Fleuriste de la Ville de Paris 241 à 352 Serres diverses du Eieuriste de la Ville de Paris 239 Service des Promenades de PariN 345 Sesto Calende (Lac Majeur) 46 Siam (Vue d'un jardin à) 14 Sibylle (Temple de la) (Buttes-Qiaumont) . 186 Sidoine Apollinaire 34 Siebeck (Parc paysager pai) 291 3293 à 423 Siebeck (Plans par) 286 289 Solarium maaanlhum 210 Sommariva et Serbelloni (Villas) 46 Songe de Poliphile ' 45 Sorrente (Vue de) 29 Soubassements en rocailles d'un pont . . . 193 Southwark Park, à Londres 276 Fig. Pages. 5 Sphinx de Karnak 6 484 Spring Grove, Cimetière de Cincinnati. . . 335 396 Square des Arts-et-Métiers 266 341. 460 — des Batignolles 128 326 157 — — (Vue à vol d'oiseau). 130 461 — Montholon 327 501 — Temple 345 351 — Tour Saint-Jacques 344 Squares 324 et suiv. Squares et Promenades (Considérations pré- liminaires) 297 Stace 28 et suiv. Stansted (Ch. de Durham) 275 408 Stoneleigh Abbey 274 132 Stowe (Parc de) 1:0 112 314 à 316 Surface et largeur des allées 224 10 Sycomore S 393 Sydenham Palace (Parc de) 263 265 Sydnope Hall (Fougeraie et Jardin floral de). 197 Taine 110 Tallemant des Réaux 71 et suiv. 376 Tapis (Parterre figurant un) (xvnie siècle). . 249 85 ■ — vert; Fontaine de Latone à Versailles. 75 Tasse (Le) 100 189 Taxus baccaii Hibernica 156 240 Temple dans le Parc de Saragota 186 239 — de la Sibylle (Buttes-Chaumont). . 186 238 — de Vénus à Trianon 185 237 Temples du Parc de la Villa Pallavieini . . . 184 Terrain (Étude préliminaire du) 132 — (Mouvement de) 139 151 — ondulé (Maison dominant un) ... 125 427 Terrasse du bord de l'eau (Tuileries). . . . 297 Terrassements 135 138 63 Terrasses du Jardin Farnése 59 210 Thaïia àealbata 169 340 Thrinax radiata 237 Thuret (Jardin) à Antibes 295 187 Thuya gigantea 154 Théorie de l'Art des Jardins 121 199 Tieffurt (Parc de) après la transformation. . 163 198 — ( — ) avant 162 Titien (Le) 97 143 Tombeau de Cook à Méréville 120 38 Tournelles (Hôtel des) vers 1540 39 (Jardin royal des) 39 Tracé des Allées 216 et suiv. Tracé des Jardins irréguliers ou paysagers . 123 — — réguliers et du genre mixte 245 432 Treillage au Labyrinthe de Versailles. . . .' 301 140 Trianon (Petit) 1 1 S 238 — (Temple de Vénus ai 185 431 — de Saint-Cloud (détruit) 300 377 Triols (Château de), Dauphiné 249 82,493,344 Tuileries (Jardin des), 1652, 171 5. 65 72 Tuileries (Jardin des), refait par Le Nôtre . 79 454 — ■ (Jardin paysager des) 322 76 et 77 Tuileries (Parterres des) sous Henri IV 67 427 — (Terrasse du berd de l'eau) . 297 Tzarskoë-Selo (Parc de) 115 Unité de composition 125 488 Vallée ou parc naturel de Yosemili ... 339 381 Vaux-le-Vicomte (Jardins de) 254 478 Velléda, statue par Maindron (Luxembourg) 333 Verger (Fusion du) avec le Jardin d'agrément 232 335 — Jardin potager et paysager réunis. . 232 Versailles (Parc de) 78 364 L'ART DF.S JARDINS Fig- 88 230 432 90 92 415 65 45 44 392 55 6i 61 42 66 54 378 445 Pages. Versailles (Pièces d'eau à) 76 ■ — (Potager de) par La Quintinie . . 230 — (Treillage au Labyrinthe de) . . . 301 — à vol d'oiseau 77 — (Vue du parc de) 79 Victor Hugo 275 Victoria Park : . . . 277 Villa Adriana (Aspect actuel) 32 — Albani 54 — — Vue générale 55 Villa Aldobrandini (Plan) 60 — Barbaro 14 — Borghése ... 43 54 — — Entrée des bosquets .... 56 — Carlotta (Allée d'orangers) ...... 262 — Doria Pamphili avec ses parterres (Etat actuel) 51 — d'Esté 5 5 — — (Fontaine d'Aréthuse) (hg. p. 360J 58 — — Palais et Terrasse des jets d'eau. 57 — — Vue générale 42 — Mattei 52 — Mondragone (Cascade de la) 6; — Pallavicini 176 — Pamphili 52 — — état ancien 50 — de Pline (Restauration) 31 — de Pollius Félix . . 29 — romaine (Intérieur d'une), restauration 33 — de Vopiscus 28 Villas de Pline le Jeune 30 — Sommariva et Serbelloni .* 46 Villanov (Palais et Terrasses de), Pologne . 252 Vincennes (Bois de), état actuel 313 Fig. 444 155 243 160 27 364 363 80 156 45 3 211 207 4)9 153 36 160 18S 280 103 108 128 23 488 272 16 Pages. Vincennes (Bois de), état ancien 313 — (Percée dans le Bois dt ) 12S — (Pyramide au Bois de) 1S7 — (Vue prise dans le Bois dej. ... 132 et 28 Viridaria (Pompéï) 27 Volière, Coupe 243 — Façade 243 Volières, ruches, etc 241. Vopiscus (Villa de) 28 Vriés (J. de), Parterre ciselé 70 Vue à vol d'oiseau du Parc des Buttes- Chaumont 129 — intérieure des Champs-Elysées .... 321 — de la Rivière de Charenton 170 — du Château d'Ermenonville 166 — (ancienne) du Jardin des Piailles. . . . 323 et 154 Vue prise dans le Parc de Muskau. . 127 Vue de l'Abbaye Saint-Germain des Prés. . 37 — prise dans le Bois de Vincennes. ... 132 Wellingtonia gigantea 155 Whàtely (Sir' 7 'bornas) 108 Wigandia macrophjlla. : 203 Wiïhelmshœhe (Parc de) 87 Woodstock (Parc de) 90 Wùrtzbourg (Jardins du Palais de) 106 Yang-Tse-Kiang (l'Ile d'Or dans) (le Fleuve Bleu) 24 Yémen (Jardins de F) 14 Yosemiti (Vallée ou Parc naturel de) . . . 339 Yucca filamentosa 200 et 17 Yven-Ming-Yvcn (Jaidin des Jar- dins) 17 Yveteaux (Nicolas des) 71 Zapania nodiflora 333 PIN DE LA TABLE A L P H A B F. T H I QU E Fig. $08. — Fontaine de la Villa d'Esté. V\H Date Due lltww** 1 - Library Sureau Cat. No. 1137 ■H F