iii 1 fi! il I il \ LE BOTANISTE Directeur : M. P. -A. DANGEARD docteur es sciences, lacréat de l'institut Professeur de ^Botanique a la Faculté de ^Poitiers TROISIEME SERIE 1892 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger A LA DIRECTION, 34, RUE DE LA CHAINE POITIERS ET CHEZ TOUS LES LIBRAIRES LE BOTANISTE POITIERS. — TYPOGRAPHIE OUDIN ET Cle LE BOTANISTE Directeur: M. P. -A. DANCEARD docteur es sciences, lauréat de i/lnstitut *JVIaitre de -Conférences de Botanique a la "Faculté de 'Çoitiers TROISIÈME SÉRIE 18 9 2 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France — 18 francs pour l'Etranger L*tf**Kï KEW YOKK ■OTAVfcCAL «Akl^V PARIS LONDRES J"B- BÂILUÈRE BERLIN DULÀU à C° Rue Hautefeuille> 19 FRIEDLANDER & SOO Soho Square, 37 ^. .W. CarUtrasse, 11 INTRODUCTION Ce premier fascicule de la troisième série du Botaniste paraît avec un léger retard: ce retard n'a d'ailleurs aucune importance, étant donné notre mode de publication. Il est dû à un changement qui s'est produit dans notre situation. Le gouvernement de la République nous a confié l'en- seignement de la botanique à la Faculté des sciences de Poitiers, avec le titre de maître de conférences. Nous avons des élèves, un laboratoire de recherches qui se complétera peu à peu : nous pouvons imprimer à notre enseignement une certaine direction ; peut-être, dans quelques années, aurons-nous la satisfaction de voir des élèves essayer leurs aptitudes et leurs forces sur des recherches sérieuses, sur des sujets de botanique pure ou appliquée, sur les phénomènes si intéressants de pathologie végétale. Cette dernière étude nécessite des connaissances théo- riques nombreuses; chaque jour, de "nouvelles maladies des plantes sont signalées; chaque jour, de nouveaux CD modes de traitement sont préconisés : il ne suffit pas d'être un bon praticien ; il faut connaître les parasites qui attaquent les cultures : il faut savoir distinguer , parmi les remèdes indiqués, ceux qui ont la garantie d'un nom connu, d'une carrière honorable, d'un savant désin- téressé. 6 P. A. DANGEARD Par suite de circonstances particulières, nous nous trouvons dans la possibilité de pouvoir faire un cours complémentaire de botanique appliquée à l'agriculture, et nous développerons dans le second semestre cette question des plantes utiles, de leurs parasites, des moyens de défense à employer. En effet, grâce à une initiative qui lui fait grand hon- neur, M. Durrande, doyen de la Faculté des sciences, a organisé à Poitiers un Institut agricole, où les divers cours sont faits par les professeurs de la Faculté ; on y a joint des exercices pratiques dont l'utilité ne saurait être méconnue : nous nous proposons, dans ces exercices, de familiariser les élèves à reconnaître l'attaque du parasite à ses débuts, à distinguer ce dernier au milieu des tissus malades, à suivre ses divers modes de reproduction : nous avons commencé une collection dans ce but, et nous serions heureux de l'augmenter par des échanges régu- liers avec les diverses stations et laboratoires qui s'oc- cupent de ces recherches. Poitiers, le 15 février 1892. LA NUTRITION ANIMALE DES PÉRIDINIENS Par M. P. -A. DANGEARD (PI. I, fig. 1 22). La plupart des Péridiniens possèdent des corpuscules colorés en brun ou a phéoleucites » qui leur permettent de vivre à la façon des algues ordinaires ; ils ont une nutrition dite « holophytique ». Quelques espèces cependant sont dépourvues de phéo- leucites : leur protoplasma est incolore ; quel est leur mode de nutrition ? On sait que le représentant inférieur de la famille des ÇhlamydomonadinaB, le Polytoma uvella se trouve dans les mêmes conditions : il ne présente aucune trace de chloroleucites : il a besoin, pour vivre et se développer, d'un milieu chargé de substances organiques ; il est inca- pable d'absorber des aliments solides, car son protoplasma est recouvert d'une membrane continue. A la base des Euglenœ, on trouve également des orga- nismes incolores, les Astasix comprenant les genres Astasia, Menoïdium, Rhabdomonas : ces derniers exigent les mêmes conditions de milieu que le Polytoma: ils ne possèdent ni le mode de nutrition dit « holophytique » ni le mode de nutrition « animale », celui-ci caractérisé par la propriété de digérer les-aliments solides à l'inté- rieur du protoplasma. 8 P-A. DANGEARD On a pensé, jusque dans ces derniers temps, que les Péridiniens incolores, eux aussi, étaient dépourvus de la faculté d'ingérer des particules solides. Quelques observations existaient bien, il est vrai; mais elles étaient trop incomplètes, et personne n'en tenait compte. Il semble que ce soit Schmarda qui ait le premier signalé, dans une espèce dépourvue de membrane, le Gymnodinium roscolum, la présence de petits corpuscules verts de nature étrangère (1). De son côté, Stein rencontra à l'intérieur du Gymnodi- nium Vorticella des sphérules vertes qu'il attribua au Chla7nydomonas monadina (2). Bergh également avait trouvé des organismes ingérés dans les Gymnodinium gracile et Gymnodium spirale, ainsi que chez le Polykrikos auricularia (3 ). On ne peut ranger dans la même catégorie les faits observés par Bovier-Lapierre : ils sont très précis en ce qui concerne les Polykrikos, ainsi que la citation sui- vante (4) le témoigne : « On a signalé, dit-il, des enclaves sphériques consi- dérables par rapport au Polykrikos, au point de le dis- tendre en son milieu. Ces enclaves sont identiques à celles que l'on trouve dans certaines noctiluques prove- nant des mêmes pêches et semblables aux œufs flottants, capturés dans le même coup de filet et que l'on a signalés comme œufs de rotateurs. Ce fait a été annoncé par M. le professeur Pouchet. (i) fcchmarda. Zur Naturgeschichte Ègypteus (Denkschr. d. Wiener Akad. Bd. vu, 1854). (2) Fr. Stein. Der Organismus der Infusionsthiere, n Halfte, Leipzig, 1883. (3) Bergh. Der Organismus der Cilioflagellaten (Morph. Jahrbuch Bd. vu, 1882). (4) Bovier-Lapierre. Observations sur les Noctiluques (Société de Biologie, décembre 1886). NUTRITION ANIMALE DES PERIDINIENS 9 Ces œufs, conservés en culture, m'ont donné des Nau- plius et sont non des œufs de rotateurs, mais bien des œufs de crustacés copépodes ou autres ; j'ai pu constater dans une de ces enclaves, chez un Polykrikos, des pattes semblables à celle de ces nauplius. — Ces œufs semblent digérés à l'intérieur de leur hôte sans que leur coque soit altérée : leur contenu vitellin diminue seulement de volume jusqu'à ne plus former qu'une faible masse gre- nue flottant dans son milieu. A ce moment, le Polykrikos les rejette au dehors par une ouverture qui se fait latéra- lement dans sa couche périphérique et qui se ferme bientôt après, sans laisser de cicatrice visible. Certaines de ces enclaves peuvent présenter un aspect segmenté, mais il provient non de plissements de la coque, comme on l'a décrit, mais de la division de la masse vifcelline contenue dans son intérieur. Il ne m'a pas été possible de faire absorber des œufs flottants par des Polykrikos sans enclaves, pas plus que par des noctiluques conservées dans les mêmes condi- tions. J'ajouterai que mes noctiluques n'ont pas capturé non plus les copépodes ou nauplius que j'enfermais avec elles : cependant, il est fréquent de trouver dans leur cytoplasme ces derniers à tous les degrés de digestion possible, et il est facile de leur faire absorber d'autres corps, tels que des grains d'amidon, ainsi que je l'ai mon- tré dans une communication antérieure. » Bovier-Lapierre conclut en disant que les Polykrikos semblent le trait d'union entre les péridiniens à coque et à coloration verte évoluant vers les végétaux par les cera- tium et les noctiluques, que leur absence de matière colorée et les mouvements volontaires de leur tentacule relient à la série animale. Cette citation nous montre que la nutrition animale se produit indubitablement chez les Polykrikos, mais elle ne nous apprend rien sur la manière dont les aliments sont 10 P- A DANGEARD introduits à l'intérieur du corps, rien sur la façon dont ils sont digérés, rien sur le sort des résidus. D'ailleurs la structure des Polykrikos s'éloigne sensiblement du type péridinien ordinaire. Schilling, qui, dans un premier travail tout récent (1), mettait en doute la nutrition animale des Péridiniens, vient de faire quelques observations très intéressantes sur ce sujet (2). C'est sur une espèce désignée par lui sous le nom de Gymnodinium hyalinum que les faits ont été vus. Quelques mois plus tard, pendant les vacances der- nières, nous observions nous-même, avec détails, la nu- trition animale chez le Gymnodinium Vorticella,, espèce également incolore ; nous avons retardé jusqu'à ce jour la publication d'une note sur ce point intéressant, parce que le travail de Schilling nous manquait : après avoir lu ce travaille n'ai plus d'hésitation : au lieu défaire double emploi, ce que nous avons vu est de nature non seule- ment à mieux faire connaître la nutrition animale des Pé- ridiniens, mais encore à donner sur leur développement des notions nouvelles. Examinons d'abord les résultats obtenus par Schil- ling. Le Gymnodinium hyalinum se présente sous l'aspect de la fig. 1 avec le corps divisé en deux moitiés, l'anté- rieure plus petite : la disposition du sillon transversal accentue la dissymétrie ; le protoplasma n'est pas entouré d'une membrane solide : malgré l'absence de « phéoleu- cites », il contient de nombreux grains d'amidon. Les individus examinés au commencement de l'hiver ne présentaient point la nutrition animale : c'est seule- ment au printemps qu'elle s'est produite. (1) Schilling. Die Sùsswasser peridineen, Dissertation (Flora, 1891). (2) Schilling. Untersuchungen ùberdie thierische Lebensweiseeiniger Peridineen ^Berichte der deutsch. botanisch. Gesellschaft, août 4891). NUTRITION ANIMALE DES PÉRIDINIENS 11 Le mouvement cesse : les flagellums disparaissent et le corps, du côté où il vient à toucher un Chlamydomonas, se prolonge en un gros pseudopode qui entoure ce der- nier et le ramène à l'intérieur du protoplasma (fig. 2-3). Le nombre des cellules qui peuvent être ainsi ingérées par un seul individu est très variable : on en compte quel- quefois plus de dix ; il n'y a pas que le Chlamydomonas pulvisculus qui puisse servir ainsi de nourriture au Pé- ridinien ; Schilling a observé l'englobement d'un jeune exemplaire de Pandorina morum (fig. 4). La digestion des organismes ingérés s'accuse bientôt par leur chan- gement de couleur et de forme : ils sont contenus dans une vacuole dont la réaction acide modifie bientôt la cou- leur verte de la chlorophylle, lui donne une teinte brune. S'il y a plusieurs organismes ingérés, ils sont contenus, soit dans une grande vacuole, soit dans plusieurs vacuoles différentes ; ils se réunissent en une masse avant d'être rejetés à l'extérieur : ces résidus peuvent se retrouver à l'intérieur du corps pendant l'enkystement et pendant la division : dans ce dernier cas, ces résidus se partagent également entre les deux embryons. Pour l'expulsion des résidus, le corps doit reprendre l'état amiboïde qu'il possédait au moment de l'ingestion des aliments : s'il est recouvert d'une membrane, cette membrane difflue dans l'eau : la vacuole qui contient les résidus, est séparée du protoplasma par une mince enve- loppe : par suite des changements de forme et de posi- tion du corps, la vacuole se trouve portée à la surface : elle proémine de plus en plus, et finalement se trouve abandonnée dans le milieu extérieur (fig. 5-6) : de nou- velles vacuoles se produisent dans le corps, et celui-ci re- prend sa forme primitive. Quand les conditions sont défavorables, aussitôt après l'expulsion des résidus de la digestion, le protoplasma passe à l'état de repos en for- mant des cystes tout particuliers (lig. 7). 12 P. -A. DANGEARD Schilling, après avoir ainsi décrit la nutrition animale chez un Péridinien à protoplasma nu, la signale aussi chez une espèce pourvue de membrane qu'il désigne du nom de Glenodinium edax : l'auteur a constaté l'ingestion de corps étrangers, mais, faute de matériaux, il lui a été impossible de voir la manière dont se produit cette inges- tion : il n'a pas été plus heureux en ce qui concerne le rejet des résidus à l'extérieur. Nous allons maintenant exposer nos observations per- sonnelles, en adoptant l'ordre suivant : I. Description et détermination du Péridinien étudié. II. Nature des aliments. III. Ingestion des aliments. IV. Nutrition : expulsion des résidus. V. Comparaison avec les résultats obtenus par Schil- ling en particulier. VI. Notions sur quelques autres espèces de Péridiniens d'eau douce. I J'ai recueilli l'espèce étudiée ici, au cours d'une excur- sion faite aux environs de Ségrie (Sarthe), pendant les grandes vacances dernières : elle se trouvait mêlée à de nombreuses zoospores vertes d'un Chlamydomonas dont il sera question plus loin. La forme du corps variait dans des limites assez consi- dérables (fig. 8-11) : quelques individus avaient la forme d'un rein (fig. 9-10) : l'échancrure à partir de laquelle se montrait le sillon transversal se trouvant à peu près au milieu du corps, d'autres individus avaient la partie an- térieure du corps arrondie, formant une sorte de cou- vercle sur la partie postérieure, beaucoup plus petite, également arrondie (fig. 1 1) ; entre les deux, un sillon trans- versal très marqué : c'est cette forme qui rappelait le NUTRITION ANIMALE DES PERIDINIENS 13 mieux celle du Gymnodinium Vorticella, telle qu'elle a été figurée par Stein : c'est en définitive à cette espèce que nous croyons devoir rapporter les diverses formes pré- cédentes, ainsi que d'autres quelque peu différentes (fig. 15, 20, 21); il se produisait d'ailleurs sur le même individu des déformations remarquables ; ces déforma- tions sont rendues possibles par l'absence de membrane solide : le protoplasma du corps est nu, recouvert seu- lement par une mince pellicule. Ce Péridinien est totalement dépourvu de chromato- phores ; le protoplasma est incolore ; selon les individus, il se montre presque homogène, ou du moins très finement granuleux, ou bien présente des granulations assez grosses dispersées dans tout le corps ou localisées en certains points ; il semble que ce soit des grains d'ami- don ; le nombre restreint des individus en expérience m'a fait négliger d'éclaircir ce point. Le Gymnodinium Vorticella, possède deux mouvements : souvent, il file droit devant lui avec une grande rapidité en tournant sur lui-même, et alors il éprouve une sorte de tremblottement plus ou moins prononcé : d'autres fois, il se met à tourner sur lui-même, à la même place, et alors le mouvement de rotation s'effectue de gauche à droite ou de droite à gauche (fig. 17) ; ce dernier mouvement lui sert pour la préhension des aliments. Pendant le mouvement direct, un cil assez long est traîné à l'arrière : on peut l'apercevoir, non sans difficulté, il est vrai : il s'insère sur le sillon transversal, comme dans les autres espèces : on peut le voir aussi pendant le mou- vement de rotation ; le second flagellum ne s'aperçoit pas en général sur les individus vivants. Après fixation à l'acide osmique et coloration au vert de méthyle, on réussit à le mettre en évidence : le corps est légèrement déformé par ce traitement, mais les deux flagellums deviennent visibles (fig. 12-14) ; selon toute apparence, 14 P. A. DANGEARD le second flagellum est logé dans la sorte de gouttière du sillon transversal : les deux fiagellums s'insèrent près l'un de l'autre. La grosseur des individus est excessivement variable : elle est souvent dans le rapport de 1 à 10. On pourrait croire, d'après ces grandes variations de forme et de gros- seur, que nous avons eu affaire à des espèces différentes : cela ne me semble pas possible, étant données les grandes ressemblances observées pendant le développement. II La plupart des Gymnodinium possédaient à l'intérieur du corps des corpuscules jaunâtres, en général un ou deux, quelquefois un plus grand nombre : ils se trouvaient dans la partie antérieure du corps et dans la partie pos- térieure. Cela me donna l'éveil en me rappelant les résidus de digestion observés maintes fois chez les protozoaires : bientôt, je rencontrai de ces corpuscules qui avaient encore leur couleur verte non modifiée : il ne me restait plus, pour arriver à une certitude complète, qu'à assister à l'ingestion même de ces corps, et l'attente ne fut pas de bien longue durée. Avant de décrire cette ingestion, il me paraît utile d'in- tercaler ici quelques renseignements sur l'algue qui ser- vait de nourriture habituelle au Gymnodinium : c'est un Chlamydomonas qui n'a pas encore été signalé en France, si je ne me trompe ; il présente même dans son organi- sation quelques particularités intéressantes. En nous reportant à l'excellente Monographie du doc- teur Goroschankin(l), nous voyons que notre espèce a (1) Dr Goroschankin. Beitrage zur Kenntniss der Morphologie und Systematik der Chlamydomonaden ; II. Chlamydomonas Reinhardi (Dang.) und seine Verwandten, Moscou, 1894. NUTRITION ANIMALE DES PERIDINIENS 15 des rapports très étroits avec le Clilamydomonas Perty : il y a toutefois certaines différences que nous signalerons. Les zoospores ont une forme globuleuse : leur diamètre est de 20 à 35 ^ (fig. 10-15, PL II) : deux flagellums, dont la longueur est un peu supérieure à celle du corps, diver- gent à droite et à gauche : ils s'insèrent à la base d'une petite papille qui manque assez souvent. La membrane du corps peut être mince, mais souvent aussi elle est très épaisse et striée concentriquement. Le chromatophore se continue à la partie antérieure du corps sous les flagel- lums : il possède encore à cet endroit une grande épais- seur : à la partie postérieure du corps, cette épaisseur est maximum : elle atteint et dépasse même quelquefois la moitié de la longueur totale de la cellule : à cet endroit, se trouve logé un gros pyrénoïde ; la substance du chro- matophore est très dense, tassée ; elle est striée d'une façon très nette (fig. 6-8, PL II). Ces stries sont très nom- breuses et disposées concentriquement : il résulte de cette structure que la limite de séparation est très nette entre le chromatophore et la chambre antérieure qui renferme le noyau : cette chambre antérieure est très petite : outre le noyau, on y rencontre de petites granulations sombres dans un protoplasma clair ; elle a un contour sphérique (fig. 6-8, PL II). Cette description s'applique aux individus qui viennent d'être récoltés ou qui se trouvent dans une culture en très bon état de végétation : dans d'autres cultures, la substance du chromatophore devient moins dense et son contour interne qui délimite la chambre antérieure perd toute netteté (fig. 9, PL II). Il y a deux vacuoles contractiles, à la base des flagel- lums : elles sont situées dans l'épaisseur du chroma- tophore : on n'en voit qu'une à la fois (fig. 6, PL II) ; elle se creuse à l'intérieur de la substance du chromatophore qu'elle refoule un peu dans la chambre antérieure, au 16 P-A. DANGEARD moment où elle atteint son plus grand volume : elle se contracte alors brusquement en dessinant quelquefois une sorte d'étoile (fig. 10-11, PI. II). La seconde vacuole se montre alors à son tour et se développe comme la pre- mière ; il s'écoule environ une minute entre l'instant où la vacuole apparaît et le moment où elle disparaît. A la fin du second jour de culture, on observe déjà de nombreux sporanges renfermant de deux à huit zoos- pores : elles proviennent d'une bipartition du proto- plasma : ces sporanges sont sphériques : leur membrane est épaisse, incolore : elle peut être séparée en plusieurs couches : elle se dissout peu à peu pour mettre les zoos- pores en liberté (fig. 12-13, PL II). Les gamètes sont produites de la même manière que les zoospores ordinaires ; mais elles sont beaucoup plus petites : la grosseur de ces gamètes est assez variable, de 8 à 16 p ; mais il m'a paru que les copulations s'effec- tuaient entre gamètes de même taille ; elles sont elliptiques ou globuleuses. La copulation se fait comme dans les autres espèces (fig. 14, PI. II) ; mais il se produit un fait qui mérite d'être signalé : je ne puis cependant le donner comme ayant un caractère de généralité : l'œuf s'arrondit, grossit, montre une membrane munie de protubérances ; en grossissant, il abandonne sur le côté (fig. 15, PI. II) une mince mem- brane qui n'est autre chose que la membrane commune des gamètes. Cet œuf en augmentant de volume épaissit sa membrane : cette dernière montre de nombreuses pro- tubérances qui lui donnent un aspect particulier. Doit-on réunir cette espèce au Chlamydomonus Perty ? Elle en diffère par la constitution de son chromatophore, et surtout par le nombre des vacuoles contractiles. Dans le Chlamydomonas Perty, il y a de trois à quinze vacuoles contractiles : elles sont grosses et nullement difficiles à apercevoir : d'après le docteur Goroschankin, c'est là une NUTRITION ANIMALE DES PERIDINIENS 17 particularité remarquable de cette espèce qui permet de la séparer de toutes les autres espèces (1). Notre Chlamydomonas ne possède que deux vacuoles contractiles certainement : il a un chromatophore épais, strié : l'œuf se débarrasse de bonne heure de l'enveloppe provenant de la membrane des gamètes. Si ce sont là des caractères spécifiques, nous allons pouvoir faire une res- titution. Perty avait créé, pour une forme semblable, le Chlamydomonas globulosa (2). Goroschankin, trouvant cette espèce insuffisamment caractérisée, a établi le Chla- mydomonas Perty : le Chla.mydom.onas globulosa, bien que le plus ancien, était passé à l'état de synonyme. On pourra donner maintenant le nom de Chlamydomonas globulosa Perty à l'espèce qui possède deux vacuoles contractiles, et le nom de Chlamydomonas Perty Gorosch. à l'espèce étudiée par le docteur Goroschankin. La description précédente me fournit l'occasion d'une remarque : par suite de la continuation du chromatophore sous les flagellums, les deux vacuoles contractiles se trou- vent logées dans la substance même du chromatophore ; en adoptant les idées de Went (3) et de plusieurs auteurs sur la nature des vacuoles, on arriverait à cette consta- tation de la présence d'une sorte de leucite à l'intérieur d'un autre de nature fort différente : ce serait probable- ment ici le premier cas de ce genre signalé. Si l'on admettait que la chambre antérieure des Chla- mydomonas est une vacuole, un hydroleucite (4), on se trouverait en présence également d'une exception : d'un noyau renfermé dans une vacuole : aussi ne considérons- nous pas cette chambre antérieure comme une vacuole, et ( iS®® o® 32®© ®J> 20 19 # ® P.A.D SC. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER Par P-A. DANGEARD INTRODUCTION La culture du pommier a pris une très grande extension et une très grande importance dans l'Ouest de la France ; toutefois il est un fait qui s'impose de toute évidence. Le cultivateur qui voudra conserver ses arbres en bon état et obtenir des récoltes régulières sera obligé, comme le viticulteur, de lutter contre un grand nombre de para- sites qui s'attaquent aux divers organes de la plante, racine, tige, rameaux, feuilles ; il ne devra plus se conten- ter d'attribuer ses insuccès, ses mauvaises récoltes à la nature du sol, à l'action des agents atmosphériques, soleil, humidité, brouillards, etc. Tandis que pour la vigne on connaît, presque jour par jour, le développement du pourriclié, du mildew, de l'oï- dium, de l'anthracnose, il n'en est plus de même en ce qui concerne le pommier et le poirier ; si, en quelques loca- lités, des traitements préventifs et curatifs ont déjà été essayés, c'est souvent uniquement à eau se de l'analogie de ces maladies avec celles de la vigne. Il est facile de comprendre que, dans ces conditions, l'on puisse faire souvent fausse route, et dépenser en pure perte ses efforts et son argent. 1 34 P -A. DANGEARD Il est nécessaire, avant tout, de connaître exactement les symptômes de chaque maladie, d'en suivre les diverses phases, de déterminer la nature du parasite et de con- naître son développement. Nous allons, dans ce travail, essayer d'atteindre ce but pour un certain nombre d'altérations qui se rencontrent sur le pommier et le poirier : nous avons presque toujours contrôlé les renseignements antérieurement acquis à la science ; le lecteur trouvera, en outre, nombre d'observa- tions nouvelles et quelquefois la description de maladies non encore étudiées jusqu'ici. Il nous était impossible, dans ces conditions, de faire exclusivement acte de vulgarisation; mais le praticien, le cultivateur dégagera facilement les notions qui lui sont utiles ; et le spécialiste sera satisfait, nous l'espérons, de trouver, groupés en un ensemble, des observations inédi- tes et des faits disséminés dans un grand nombre de publi- cations françaises et étrangères, la plupart d'un prix très élevé. Nous serons heureux que ceux qui posséderont ce livre deviennent des collaborateurs, nous signalent les erreurs, nous fassent part de leurs critiques, du ré- sultat de leurs expériences ; de notre côté, nous nous mettons complètement à leur disposition pour la déter- mination des maladies qui attaquent leurs cultures, et pour l'indication des meilleurs traitements à employer dans chaque cas particulier : ils n'auront qu'à adresser leurs envois au Laboratoire de Botanique de la Faculté des Sciences de Poitiers. L'ordre adopté dans ce travail est le suivant ; il y a six chapitres dont voici les titres : I. Notions sur les substances insecticides et fongicides. II. Altérations des tiges et des rameaux. III. Id. des feuilles. IV. Ici. des fruits. LES MALADIES DU POMMIER ET DU rOIIUER 35 V. Altérations des racines. VI. Les insectes nuisibles. Chacun de ces chapitres est subdivisé de la manière suivante : ( 1° Substances insecticides. I. • 2° Substances fongicides. ( 3° Mode d'emploi et pulvérisateurs. 1° Le chancre cancéreux. 2° Le chancre noduleux. 3° Le chancre papillaire. 4° Le chancre commun. 5° La gélivure du pommier et du poirier. 6° La pourriture du bois- 1° La fumagine des feuilles. 2° La rouille des feuilles. 3° La gale des feuilles. III. i° La marbrure des feuilles. 5° L'érinose. 6° L'oïdium. 7° La chlorose. Le chancre des fruits. IL . IV < ( La pourriture des fruits. V. ( Le blanc des racines (pourridié). ( La fermentation alcoolique des racines. VI. \ Les insectes nuisibles. CHAPITRE PREMIER NOTIONS SUR LES INSECTICIDES ET LES FONGICIDES Les maladies des plantes et, en particulier, celles du pommier et du poirier, sont presque toujours causées par l'attaque d'un parasite de nature animale (insecte, acarien) ou par celle d'un champignon ; quelquefois elles résultent de l'action combinée des deux organismes. Les substances destinées à détruire les premiers sont des insecticides ; celles qui sont employées contre les champignons sont des fongicides. Etudions d'abord les premières : Les insecticides principaux sont : les arsénites, le pé- trole, le tabac, le pyrèthre, le sublimé corrosif, la chaux, la digitaline, l'alun, l'eau chaude, etc. On doit placer au premier rang les arsénites, semble- t-il : en effet, voici, sur leur emploi, quelques détails que nous empruntons à une publication très sérieuse (1). J.-B. Smith recommande en particulier contre l'antho- nome et les insectes du pommier les poisons arsenicaux, qu'il désigne so:is le nom de pourpre de Londres (London purple), et de vert de Paris (Paris green). « Tous les deux ont leurs avantages et leurs désavantages. Le vert Paris, pourvu qu'il soit pur, a l'avantage d'être un composé dé- fini; l'arsenic y est presque tout insoluble dans l'eau et par suite est moins sujet à endommager le feuillage que le pourpre de Londres. Il est cependant plus pesant, et (1) New Jersey. Agricultural Collège, Experiment Station, Bulletin 86, avril 1892. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIPiIER 37 il ne reste en suspension clans l'eau que s'il est agité continuellement. En achetant le vert de Paris, il ne faut pas prendre l'ar- ticle vendu le meilleur marché, car il est fréquemment adultéré ; mais il est bon de choisir une marque garantie et de le chercher à l'état de plus grande division. Le pourpre de Londres est beaucoup plus fin et reste mieux en suspension dans l'eau ; c'est un produit non défini, dans lequel la quantité d'arsenic est variable. De plus, une petite quantité de cet arsenic est soluble dans l'eau et peut endommager le feuillage, si l'application est trop abondante. On remédie, il est vrai, à cet inconvénient en y mélangeant une quantité égale de chaux, de manière à former une pâte, qui est ensuite diluée pour l'usage : tout l'arsenic libre est pris, et le composé insoluble qui en résulte est tout aussi inoffensif à la végétation que le vert de Paris. Le pourpre de Londres est le produit le moins cher, et il est recommandé de préférence, à condi- tion qu'on y ajoute de la chaux. La quantité d'arsenic est approximativement la môme dans les deux composés, et, clans chaque cas, on peut employer 1|2 kilogr. pour 8 à 900 litres d'eau (1). » Comme ces substances ne sont pas encore employées en France, nous avons dû prendre quelques renseigne- ments sur leur nature et sur leurs prix. Nous nous sommes adressé, d'une part, à la maison FribourgetHesse, 26, rue des Ecoles, Paris ; d'autre part, à la maison Rousseau et Cic, 17, rue SouiTiot, Paris. Voici les renseignements qui nous ont été fournis obli- geamment : I. « Nous regrettons de ne pouvoir vous satisfaire quant au pourpre de Londres, nous n'avons pu trouver ce produit. Quant au vert de Paris, c'est bien un arsénite, (1) Loc. cit. p. 9. 38 P.-A. DANGEARD mais qui se fait à divers titres, de sorte que le prix varie de 80 fr. à 200 fr. les 100 kilogr. — Fribourg et Hesse, 16 juillet 1892.» II. « Nous vous adressons les renseignements que nous avons pu obtenir sur le vert de Paris qui est un acéto-arsénite de cuivre... Il est vendu également sous le nom de vert de Vienne ou de Brunswick ; mais il est connu surtout dans les ouvrages sous le nom de vert de Schweinfurt... ; nous pouvons fournir le vert dit de Paris, depuis le vert que nous indiquons par la lettre A, qui est le meilleur marché à 80 fr. net les 100 kilogr. ; la marque surfine vaut 300 fr. Quant au pourpre de Londres, nous ne le connaissons pas : aucun des spécialistes que nous avons consultés n'a pu nous renseigner, et ils sont étonnés qu'on obtienne des pourpres à base d'arsenic. Ne serait-ce pas un produit naturel ? leréalgar ou sulfure rouge d'arsenic ? P. PtOUSSEAU, 20 juillet 1892. » De ces deux lettres, nous tirons les conclusions sui- vantes : étant donné que les arsénites donnent de bons résultats en Amérique, il y a lieu de les expérimenter en France. Onclevracommencerpar le vert de Paris, puisqu'il est connu dans sa composition et son prix. Aux doses recommandées, qui sont très faibles, son emploi doit être sans danger. Comme nous ne voulons engager notre responsabilité en aucune façon ; comme, d'un autre côté, nous manquons des crédits nécessaires et d'un champ d'expériences pour les essais, nous nous bornons à re- commander la prudence. En ce qui concerne le pourpre de Londres, ce produit n'est pas connu en France sous ce nom; mais c'est proba- blement,comme ledit la maison Rousseau, leréalgar. Que Ton fasse des essais. Le traitement lui-même revient à un excessif bon marché, et les intérêts en jeu sont assez grands pour qu'on ne recule pas devant quelques sacrifices. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 39 Lorsqu'on a affaire à des parasites qui se contentent de sucer l'intérieur des tissus sans les manger, on ne doit plus employer les arsénites ; le poison doit agir par simple contact. La formule suivante peut être conseillée : Pétrole. . . 10 litres Eau. ... 5 litres Savon dur. . Ij4 kilog.. On fait une lessive avec le savon et l'eau, et l'on verse dans le pétrole. On agite jusqu'à complète émulsion, ce que Ton peut faire en se servant d'une seringue ou d'une pompe, aspirant et refoulant le liquide dans le vase. Si le mélange est suffisamment chaud, le liquide doit épaissir au bout de cinq à dix minutes et prendre, après refroidissement, la consistance de beurre (1). Une partie de ce mélange, diluée dans douze parties d'eau, détruira presque toutes les espèces de pucerons ou de poux. Jean Dufour, directeur de la station viticole de Lau- sanne, emploie avec succès, contre le cochylis, insecte qui attaque la vigne, une infusion de pyrèthre. « Peser 5 kilogr. savon noir mou, les mettre dans une petite cuve ou demi-tonneau ; verser dessus environ 10 litres d'eau chaude, en remuant constamment de manière à dissoudre le savon. Puis ajouter 1 kilogr. ou mieux 1 kil. 200 poudre de pyrèthre (pure et sans addition de naphtaline), bien remuer avec un petit balai pour délayer complètement la poudre ; enfin ajouter environ 80 litres d'eau froide. » On traite au pulvérisateur, alors que les larves sont jeunes. Il est possible que cette formule donne de bons résul- tats pour les insectes du pommier : mais son prix est un peu élevé pour entrer dans la pratique. (1) Loc. cit. p. 9. 40 P -A. DANGEARD Le jus de tabac est regardé comme un bon insecticide ; il est surtout employé dans les serres. Le sublimé corrosif n'a qu'un défaut : il détrait très bien les insectes ; mais il altère en même temps aux doses nécessaires le feuillage des arbres. . Le lait de chaux est un insecticide peu énergique; il protège quand même les arbres quand les insectes sont peu abondants ; on peut le projeter sur les arbres au moyen d'un pulvérisateur. L'eau chaude donnerait un très bon résultat si l'on disposait dans le commerce d'instruments pratiques pour l'obtenir et la projeter sur les arbres à la température voulue : il existe en effet une limite assez large entre le degré nécessaire à la destruction des insectes et celui où les feuilles commencent à être brûlées. Ajoutons qu'il est possible, dans plusieurs cas, de dé- truire directement les insectes en les faisant tomber dans une sorte d'ombrelle renversée ou collecteur ; le fond de ce collecteur supporte un réservoir contenant du pétrole ; cette observation s'applique surtout aux insectes qui vivent sur les arbres fruitiers des jardins. Quant aux fongicides, c'est-à-dire aux substances des- tinées à détruire les champignons parasites, elles ont été faites pour la plupart en vue des maladies de la vigne. 1° BOUILLIE BORDELAISE. Première formule. Sulfate de cuivre 3 kilog. Chaux grasse en pierre 1 k. 500 Eau 105 litres. Deuxième formule. Sulfate de cuivre 2 kil. Chaux grasse en pierre 1 kil. Eau 105 litres. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 41 Pour faire le mélange, on dissout, d'une part, le sulfate de cuivre clans 100 litres d'eau. On fait éteindre, d'autre part, la chaux grasse en pierre dans 5 litres d'eau. Ce lait de chaux, assez épais, est rendu bien homogène par malaxation. On le verse peu à peu dans la solution de sul- fate de cuivre, et on a le soin de remuer fortement le mé- lange pendant l'opération et quelque temps après. Il se forme une vraie bouillie d'une belle couleur bleue. Lors- qu'on la laisse au repos, il se produit un dépôt. Chaque fois que l'on vient puiser, on brasse le mélange de façon à le rendre bien homogène. Les solutions et le mélange sont faits dans des récipients que le sulfate de cuivre ne peut attaquer ; le plus simple est de se servir de vieilles barriques : on puise avec des instruments en bois, en grès ou en cuivre. Le sulfate de cuivre se dis- sout assez vite ; si on voulait activer sa dissolution, on chaufferait une certaine quantité d'eau (4 à 5 litres environ pour les 2 kilogr. de sulfate de cuivre), dans laquelle on mettrait les cristaux , ensuite le complé- ment d'eau froide, et le lait de chaux quand la solution serait refroidie. On doit verser le lait de chaux dans la solution de cuivre et ne pas faire l'inverse. 2° PROCÉDÉS AUX CARBONATES DE SOUDE ET DE POTASSE. (Bouillie bourguignonne ou dauphinoise.) MM. Perboyre, Patrigeon et Masson ont indiqué, en 1887, un 'procédé qui consiste à remplacer l'ammoniaque ou la chaux par des cristaux de soude ou de potasse du commerce. D'une part, faire dissoudre : Sulfate de cuivre 2 kil. Eau 3 litres. 42 P-A. DANGEARD D'autre part : Carbonate de soude 3 kil. Eau 5 litres. Mélanger les deux solutions et compléter 100 litres d'eau. 3°VERDET. La préparation s'en faitcomme suit : Dans un récipient d'environ 500 litres de capacité (un vieux demi-muid défoncé d'un côté, par exemple), on mettra 50 kilos de verdet gris extra sec en grain et 500 litres d'eau, 3 ou 4 jours avant de commencer le traite- ment. On agitera plusieurs fois dans cet intervalle. Le jour où l'on devra traiter, on versera dans des fûts de2hectolitres de capacité (des fûts pétroliers, par exem- ple : on se les procure dans le commerce pour 2 fr. 50) environ 2 décalitres de cette préparation. On passera à travers un tamis de cuivre, pour éliminer les impuretés légères du verdet, paille, chanvre, etc. Ces 2 décalitres contiendront 2 kilos de verdet ; on complétera chaque fût avec de l'eau : on aura ainsi la dilution à 1 p. 100. Ces barils seront emportés à la vigne et serviront à alimen- ter les pulvérisateurs. On aura un deuxième récipient de 500 litres, dans lequel on commencera une dilution, identique à la première, le jour où l'on aura entamé celle du premier récipient. La dilution aura donc le temps de se faire pendant qu'on emploiera la première. 4° BOUILLIE SUCRÉE. (Procédé Michel Perret.) Dans 80 litres d'eau, délayer 2 kil. de chaux éteinte (pesée à l'état vif). Délayer ensuite dans 10 litres d'eau, en agitant, 2 kil. de mélasse du commerce et mélanger avec LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 43 le lait de chaux. Ajouter enfin 2 kil. de sulfate de cuivre préalablement dissous dans 10 litres d'eau. (On peut rem- placer la chaux par 3 kil. de cristaux de soude.) La teinte bleu-verdâtre du liquide surnageant indique la bonne réussite de la préparation. Il résulte des essais de M. Aimé Girard : 1° Que la faculté d'adhésion aux feuilles varie suivant la composition clans des proportions considérables ; 2° Que, parmi ces compositions, celle qui résiste le moins à l'action de la pluie est la bouillie bordelaise, et qu'en diminuant la proportion de chaux, on augmente un peu sa solidité ; qu'enfin l'addition de composés alu- mineux ne change rien à l'adhérence ; 3° Que la bouillie à la soude et la solution de verdet ont une faculté d'adhésion presque double de celle des bouillies précédentes, et que celle qui résiste le plus est la bouillie cupro-calcaire sucrée de M. Michel Perret. 5° EAU CÉLESTE. Sulfate de cuivre. . . 1 kilog. Ammoniaque 1 litre 5. Eau. : 100 à 200 lit. Pour préparer ce liquide, on dissout 1 k. de sulfate de cuivre dans 10 litres d'eau chaude, en se servant d'un ba- quet en bois. Après refroidissement, on verse l'ammoniaque à 22° Baume : la liqueur, devenue bleue, est étendue avec 100 ou 200 litres d'eau. Il faut avoir bien soin de ne pas l'employer immédiatement, car il peut rester de l'ammo- niaque libre, ce qui occasionnerait des brûlures sur les feuilles. 6° SOLUTION AMMONIACALE DE CARBONATE DE CUIVRE. Carbonate de cuivre. . 250 gr. Ammoniaque 2 litres Eau. ........ 125 litres à 200 44 P-A. DANGEARD On verse le carbonate de cuivre dans 1 litre d'eau : on y ajoute l'ammoniaque, et après dissolution com- plète on porte la quantité d'eau à 125 ou 200 litres. 78 mélange de carbonate de cuivre et de carbonate d'ammoniaque. Carbonate Se cuivre. . 150 gr. Carbonate d'ammoniaque. 500 gr. Eau 225 litres. Aux 500 grammes de carbonate d'ammoniaque pulvérisé on ajoute le carbonate de cuivre, et on dissout le tout dans 1 ou 2 litres d'eau chaude. On ajoute ensuite la quantité d'eau voulue. Ce mélange ne peut amener aucune brûlure sur les feuilles. 8° SULFURE DE POTASSIUM. La solution est clans les proportions de Sulfure de potassium. . 50 gr. Eau 10 litres. Dans plusieurs de ces formules, on emploie du carbo- nate de cuivre : c'est la substance la plus chère. Mais c'est une des plus actives. Je ne parle pas ici, à dessein, de diverses substances pulvérulentes à base de soufre et de sulfate de cuivre, qui sont recommandées pour les maladies cle la vigne : non seulement elles donnent des résultats moins certains, mais encore elles seraient difficiles à projeter sur les arbres avec les instruments dont on dispose actuellement. Pour répandre sur les arbres les insecticides et les fongicides, on se sert d'instruments spéciaux qui sont des pulvérisateurs. L'un des meilleurs et des plus répandus est Y Eclair n° 1, qui est construit par Vermorel, de Villefranche (Rhône) ; il est employé depuis longtemps déjà dans les traitements de la vigne. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 45 Pour le rendre utilisable dans le cas d'arbres assez éle- vés, on ajoute des accessoires qui consistent en un tube de caoutchouc de 1 m. 20 et un de 1 m. 50, un robinet rac- cordant les tuyaux, une lance à coulisse de 0,80 à 1,50, etc. Il y a un jet très fin destiné soit aux insecticides, soit aux substances d'un prix élevé. La fig 2 permet de se rendre compte de la marche de l'opération. Bien que les subs- tances pulvérulentes ne semblent pas devoir être employées fré- quemment dans le trai- tement des pommiers et des poiriers, nous indiquerons cependant un instrument qui pourrait être utilisé soit sous sa forme ac- tuelle, soit après avoir subi des modifications appropriées : c'est la Torpille (fig. 3) : elle ressemble beaucoup à un pulvérisateur : elle comprend un réservoir qui peut contenir 11 à 22 kilog. de soufre ou de poudre ; un curseur permet de régler le débit à volonté : elle se fixe sur le dos de l'ouvrier au moyen de deux bretelles : dans les conditions où elle est fabriquée actuellement, des tubes supplémentaires permettent d'atteindre 6 mètres de hauteur. Lorsqu'on traite un arbre au pulvérisateur, on doit ar- river à couvrir chaque feuille d'une mince couche de la substance employée ; mais il ne faut pas attendre que l'arbre soit inondé : aussitôt que les premières gouttes commencent à tomber sur le sol, il faut s'arrêter ; dans FIG. 1. 46 P. -A. DANGEARD ces conditions, s'il s'agit des arsénites, le poison n'at- teindra pas le sol en quantité suffisante pour que les bestiaux qui viendront dans le verger puissent être in- commodés. Aux proportions indiquées ci-dessus, le feuillage ne F1G. peut guère être endommagé ; pour éviter toute surprise, il ne faut jamais traiter les arbres par un grand soleil et une température élevée : un temps frais et couvert est celui qui convient le mieux ; et si l'on est obligé de pul- vériser dans une journée chaude, on ne devra le faire que le matin ou tard dans l'après-midi. L'effet produit dépend de l'habileté avec laquelle le LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 47 traitement est fait, et non de la quantité de liquide em- ployée. En ce qui concerne spécialement les fongicides, ne pas oublier que ces substances n'atteignent pas le parasite à l'intérieur des tissus : ils empêchent simplement les FIG. 3. corps reproducteurs du champignon de germer et, par suite, ils entravent la propagation de la maladie. Il est donc utile de ne pas attendre, pour le traitement, que le parasite se montre sur les arbres : son action ne peut alors qu'être localisée ; mais si les feuilles sont recou- vertes du poison avant l'arrivée du champignon, celui- ci ne pourra y germer et les arbres resteront complète- ment indemnes, et il est bien plus facile et moins coûteux de prévenir la maladie que de l'enrayer. CHAPITRE II ALTÉRATIONS DES TIGES ET DES RAMEAUX 1° LE CHANCRE CANCÉREUX (PI. III, fig. 1-17.) Cette maladie est assez répandue et elle cause de graves dommages dans les vergers. Entre Fresnay et Sillé dans la Sarthe, on fait un grand commerce de pommes à cou- teau; beaucoup d'arbres sont attaqués; mais toutes les variétés ne le sont pas au même degré ; les pommiers de Jaune et les Reinettes sont particulièrement atteints : les vieux arbres produisent beaucoup de bois mort chaque année ; les jeunes arbres sont déformés et leur croissance est souvent entravée ; à Chambois, la Reinette de Bre- tagne et la Reinette du Canada sont en voie de dispari- tion par suite de cette formation abondante de chancres (l). Les variétés de pommes à cidre sont heureusement moins attaquées ; il en est de même des poiriers. La maladie est certainement de date ancienne, car nous avons vu des arbres en porter des traces non équivoques datant de plus de quarante ans ; on distingue facilement cette espèce de chancre sur des rameaux de diverses gros- seurs, lorsqu'on en fait une étude attentive. Sur les grosses branches, au-dessus et au-dessous du chancre, le diamètre est normal ; mais, à l'endroit du (lj D'après des noies et des envois de M. Duhamel. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 49 chancre, il y a un aplatissement très prononcé ; on aper- çoit le bois noir et dénudé entouré par une sorte de bour- relet irrégulier (PI. III, fig. 1). Si l'on fait une section horizontale à ce niveau (fig. 2), on constate que, du côté du chancre, le bois mort B de couleur noire arrive à dépasser la moelle ; la portion de bois vivant, correspondant à l'écorce, est souvent très limitée* : quelquefois, il ne reste plus aucune trace des formations ligneuses entourant la moelle pendant les premières années de croissance ; elles ont disparu : on ne trouve plus qu'une lame de bois vivant, dans lequel les couches annuelles présentent une épaisseur différente aux divers points ; une faible épaisseur de bois mort le protège du côté du chancre (PI. III, fig. 3.) Sur ces chancres très âgés, en général, le parasite a disparu ; son développement s'est terminé avant d'avoir fait mourir la branche entière. Prenons un chancre plus jeune : nous retrouvons le bourrelet entourant la plaie ; mais, autour de celle-ci, l'écorce est fendillée, crevassée : ces crevasses (PI. III, fig. 5) décrivent des courbes, et c'est là qu'il est possible, avec un peu d'attention, de rencontrer une grande quan- tité de petites sphères rouges : ce sont les organes de fructification du parasite que nous étudierons plus loin ; il y a souvent une délimitation nette entre la portion de l'écorce restée saine et celle qui est mortifiée. Dans les sections que nous venons d'examiner, il reste une portion de l'écorce saine, sur la circonférence, ai/ niveau du chancre : elle suffit à assurer la nutrition de la portion supérieure du rameau : cette partie conserve sa vitalité. Mais, qu'à un moment donné, sur une grosse branche ou sur un jeune rameau, l'écorce vienne à être envahie sur toute la circonférence, la portion de la branche ou clu rameau, supérieure au chancre, meurt : c'est pré- cisément ce qui est arrivé pour le rameau représenté i 50 P.-A. DANGEARD (PI. III, fig. 7) : le chancre s'est d'abord étendu beaucoup suivant la longueur; la section transversale (PL III, fig. 8) nous montre qu'il a débuté sur un rameau de deux ans ; chaque année, une portion nouvelle de l'écorce était détruite : sous cette écorce attaquée, aucune formation ligneuse ne s'est produite, et finalement, lorsque le chan- cre a atteint la circonférence entière du rameau , la partie supérieure de ce rameau est morte. Le fait est facile à comprendre, puisque la communication s'est trouvée interrompue avec l'arbre pour toute la partie située au-dessus du chancre. Cette constatation est très importante : elle explique pourquoi les pommiers chancreux forment chaque année une très grande quantité de bois mort consistant en jeunes rameaux ou engrosses branches. On peut la résumer en disant : chaque fois que le chancre s étend sur toute la cir- conférence, la partie située au-dessus de lui meurt ; chaque fois qu'une portion notable de l'écorce reste vivante, le rameau continue à se développer. On remarquera de plus, dans le chancre de la fig. 7, une séparation nette entre l'écorce saine et l'écorce attaquée ; cette dernière montre les crevasses caractéristiques et les nombreux périthèces rouges du Nectria. Remontons à un état plus jeune (PL III, fig. 9): nous en apprendrons davantage ; nous verrons que l'attaque dé- bute au niveau d'un bourgeon : il est facile de se rendre compte de cette particularité ; à ce niveau, les tissus sont jeunes, délicats ; ils peuvent se dessécher sous l'influence d'une gelée ou d'une autre cause ; c'est là un milieu très favorable au développement du parasite qui peut fonction- ner au début comme saprophyte, avant de s'attaquer aux tissus vivants. L'écorce se crevasse, se fendille ; le parasite n'est point encore fructifié; on rencontre seulement, dans les cellules corticales, le fin mycélium cloisonné du parasite ; les pé- LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 51 rithèces manquent. Quelques observateurs, ne rencon- trant point à ce stade les fructifications, en ont conclu à tort que l'altération n'était point due à un parasite : c'est oublier la manière dont se développent les champignons qui vivent d'abord à l'état de mycélium et ne fructifient souvent que longtemps après. Au début de l'attaque, il y a une dépression à l'endroit du chancre (PI. III, fig. 11) ; ce n'est que plus tard qu'il y a augmentation du diamètre et formation des bourrelets. Nous connaissons maintenant les caractères qui distin- guent le chancre cancéreux ; disons quelques mots du parasite qui le produit. Hartig, dont la compétence est bien connue en ce qui concerne les maladies des plantes, attribue avec raison à un champignon, au Nectria ditissbna,, le rôle actif dans la production des chancres (1). Ce savant signale la présence des chancres de la Nec- trie sur le hêtre, le chêne, le fresne, le cerisier, le pommier, etc. Mais son étude porte sur les chancres des arbres fores- tiers, et elle laisse complètement dans l'ombre les carac- tères et les symptômes particuliers à cette maladie sur le pommier et le poirier. Prillieux se range à l'avis d'Hartig sur le rôle du Nec - tria (2). Sorauer conteste quelques-unes des idées exprimées par Hartig: ainsi, d'après lui, la production des chancres serait indépendante de l'action du Nectria, ; il y voit une prédisposition de certains arbres à l'hypertrophie du bois sous l'influence d'une blessure ; cette opinion ne semble pas pouvoir s'accorder avec les faits que nous venons de signaler dans le développement des chancres ; Sorauer ne (1) Hartig. Lehrbuch der Baumkrankheiten, p. 89-00, Berlin, 1880. (2) Prillieux (Société mycologique de France, séance du 7juin 1888). 52 P.-A. DANGE^RD conteste pas, d'ailleurs, un certain rôle au champignon dans la nécrose des tissus (1). L'organisation du Nectria ditissima est la suivante : les petits modules rouges représentent l'appareil de fructi- fication du champignon ; ce sont des périthèces à contour sphérique ou ovale (PI. III, fig. 13); à la partie antérieure, se trouve une ouverture, par laquelle, à maturité, sortent en grande quantité les asques. Ces asques sont des sacs qui renferment 8 spores bicellulaires (fig. 14); les asques sont placés dans le périthèce au milieu de paraphyses ou poils stériles ; si l'on vient à porter les spores dans l'eau, elles germent très rapidement en donnant en divers points des filaments mycéliens qui s'allongent, se ramifient, en se cloisonnant çà et là (fig. 14) ; c'est ce mycélium qui, péné- trant à l'intérieur de la plante et s'y développant, amène la nécrose des tissus et la formation du chancre ; sur ce mycélium, au bout d'un certain temps, se produisent de nouveaux périthèces rouges. En faisant des sections dans les parties de l'écorce né- crosée, nous avons rencontré une formation de conidies à l'extrémité de filaments groupés en buisson; c'est proba- blement une forme Tubercularia se rattachant au dévelop- pement de la Nectrie. Une autre forme de conidies, développées à la surface d'un périthèce, appartient à YApiosporium mali. Dans l'état actuel de la question, les conseils qui peuvent être donnés au sujet du chancre cancéreux sont les suivants : 1° Il faut éviter de greffer avec un rameau chancreux. Nous avons incliqué les caractères du chancre jeune : il sera donc possible de le reconnaître sur les greffes, s'il existe ; toute blessure de l'écorce serait également préju- diciable, puisqu'elle offre une voie facile à la pénétration (Il Sorauer. HandbuchderPflanzenkrankheiten, p. 405-406, Sédition, Berlin, 1886, et Atlas der Pflanzenkrankheiten, t. 40, p. 33 du texte. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 53 du parasite. Nous avons représenté (PI. III, fig. 4) un arbre dans lequel la greffe avait été de bonne heure attaquée par un chancre ; l'arbre a grossi, montrant chaque année une quantité de bois mort, sans donner aucune récolte appréciable. 2° Si la maladie ne fait que commencer sur un arbre, il faut rapidement supprimer tous les rameaux atteints : ils seraient une source d'infection pour les autres ; on devra les brûler sur place. 3° Si la maladie est passée à l'état chronique, on a le choix entre deux moyens : ou bien supprimer complète- ment un arbre dont le voisinage serait dangereux dans un verger ; ou bien essayer de greffer les grosses branches restées saines ; dans ce dernier cas, il serait bon, si l'on a affaire à une variété de pommes à couteau, d'employer des greffes d'une variété de pommes à cidre. 4° Les diverses variétés ne sont pas également sensibles à cette maladie ; beaucoup résistent encore. Il faut les choisir de préférence, ce qui sera facile par l'examen des arbres du pays où l'on se trouve. 5° La suppression de tout le bois mort, chaque année, est une précaution élémentaire, puisque le Nectria vit bien en saprophyte. On peut, pour essayer de guérir les pommiers chan- creux, faire usage, comme on l'a conseillé, de sulfate de fer : ce traitement est fondé sur l'analogie qui existe entre cette maladie du pommier et l'anthracnose de la vigne. Voici comment l'on procède pour la vigne ; c'est un ba- digeonnage des souches avec une dissolution concentrée de sulfate de fer. « La dissolution doit être à 50 0/0, d'après M. Schnorf, l'inventeur du procédé. On peut l'appliquer avec un gros pinceau, avec un tampon de chiffons fixé au bout d'un manche en bois, ou mieux encore avec-le pulvé- risateur Riley : cet appareil, d'après les expériences faites à l'Ecole d'agriculture de Montpellier, permet d'opérer 54 P.-A. DANGEARD cinq fois plus vite et avec moins de liquide qu'avec le tampon. D'après M. P. Skawinski, on aurait obtenu les meilleurs résultats de l'emploi du sulfate de fer de fabri- cation récente, qui renfermait 1 % d'acide sulfurique : l'acide semble donc l'agent actif dans le procédé que nous venons d'indiquer, et la formule suivante, qui a donné les meilleurs résultats, doit être employée de préférence : Sulfate de fer, 50 kilogr. Acide sulfurique (versé sur le sulfate), 1 litre. Eau bouillante, 100 litres. Cette matière est appliquée à chaud sur les vignes à la fin de l'hiver. La souche noircit après le traitement, et le sulfate de fer prend une couleur rougeâtre : le traitement est sans danger, même lorsque les bourgeons sont déjà gonflés. Il donne lieu à un retard de 8 à 15 jours dans- la végétation (1). 2° LE CHANCRE NODULEUX. (PL IV, fig. 1-12.) Nous distinguons, sous ce nom, un chancre qui se pro- duit sous l'action du puceron lanigère et d'un champi- gnon; c'est le puceron lanigère qui se montre d'abord, le champignon apparaît ensuite. Tout le monde connaît le puceron lanigère, qui dénote sa présence sur les arbres par la présence de flocons blancs, souvent très abondants (PL IV, fig. 1, A): c'est sous ces flocons dont il s'entoure, que le puceron travaille à son oeuvre de destruction ; on connaît moins les modifications internes qu'il détermine dans la structure des rameaux. Ce sont ces modifications qui nous permettront de saisir le rôle du champignon; nous résumerons tout d'abord les 11) Cours complet de viticulture, par G. Foëx, 3e édition, 1891. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 55 faits concernant la manière d'être du puceron lani- gère (1). Le puceron lanigère se tient à la partie basse inférieure des branches et des rameaux et aussi sur les racines ; il est abrité par un épais duvet ressemblant à de la ouate et ne se mouillant pas à l'eau : il se multiplie activement. D'après des observations de Kessler (2) du 18 mai au 12 septembre, dix générations se sont produites: on aper- çoit déjà, lorsque la sève commence à monter au prin- temps, le puceron lanigère, sous forme de petites taches blanches qui se multiplient rapidement et grossissent ; tous les quatorze jours se montre une nouvelle généra- tion. Les individus de chaque génération s'établissent à l'endroit de leur naissance, ou sur les bords de la bles- sure déjà formée, ou enfin vont s'établir sur un jeune ra- meau. De la fin d'août jusqu'au commencement d'octobre, on trouve, au milieu d'une grande quantité d'individus aptères, quelques formes ailées ; ces derniers donnent naissance à des individus aptères, mais sexués ; les femelles de cette génération pondent un œuf presque toujours sur place ; un jeune puceron sort de l'œuf, se nourrit sur les bords du chancre et il passe l'hiver à cet endroit : les pucerons ne descendent donc pas sur les racines en vue de l'hibernation. On n'en constate pas moins la présence, au collet de l'arbre et sur les racines, de nombreux pucerons et de galles, ce qui indique la pos- sibilité pour les colonies de séjourner sous terre. Les individus ailés jouent un grand rôle dans la propa- gation de la maladie aux grandes distances ; et il est bon (1) Prillieux. Tumeurs produites sur le bois des pommiers par le puceron lanigère (Bull. Société Botanique de France, p. 144-151, 1875). Frank. Die Krankheiten der Pflanzen, 2e édition, p. 719-721, fig. 13i, Breslau, 1881. Sorauer. Handbuch der Pflanzcnkrankheiten, 2e édition, p. 792-798, Berlin, 1886. (2) Kessler. Die Entwicklungs und Lebensgeschichte der Blutlaus, Schizaneura lanigera Hausm. (Tagebl. d. Naturf. Verf, 1884.) .) 6 P.-A. DANGEARD de noter que le puceron lanigère a une préférence mar- quée pour certaines variétés. Le puceron, lanigère du poirier a été considéré par Gothe comme une variété qu'il désigne sous le nom de Schizoneura, lanigera. var. piri (1). Les pucerons, à l'endroit où ils sont fixés, enfoncent leur trompe perpendiculairement à travers l'écorce molle jusqu'à la zone cambiale pour y puiser leur nourriture ; sous l'influence de l'irritation causée, les rameaux se dé- forment (PL IV, fig. 1) ; des nodosités irrégulières se pro- duisent qui, plus tard, se crevassent suivant la direction du rameau. Une section transversale de ce rameau, au début de l'altération, montre que, dans toute la partie soumise aux piqûres des pucerons, la zone génératrice a cessé de fonc- tionner normalement; le méristème interne, au lieu de se différencier en bois comme à l'ordinaire, reste à l'état de parenchyme ; les cellules qui constituent ce parenchyme possèdent des noyaux (PI. IV, fig. 4) ; il est possible de s'en assurer en colorant clés sections minces au moyen de l'hématoxyline. L'action du puceron est donc de mainte- nir aux éléments provenant de la zone génératrice leur vitalité, d'empêcher leur lignification et leur transforma- tion en éléments inertes. Ce parenchyme -constituant la tumeur (PI. IV, fig. 2, T) est très abondant, et c'est lui qui détermine les nodosités de la surface du rameau ; il peut être parcouru çà et là par de gros vaisseaux réticulés ponctués. Si l'action du puceron lanigère s'est exercée sur un très jeune rameau, l'altération débute au voisinage immédiat de la moelle; elle peut s'étendre sur une grande partie de la circonférence (PI. IV, fig. 3), ou être limitée à un seul côté, suivant le nombre des points attaqués ; si les puce- (1) Gothe (Gartenzeitung zu Wittmack, 9 octobre 1684) LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 57 rons sont détruits, ou s'ils viennent à disparaître pour une cause ou pour une autre, la zone cambiale recommence à fonctionner normalement et à donner du bois; mais, en général, il n'en est pas ainsi : l'hypertrophie locale de la tumeur amène une déchirure de fécorce ; les jeunes ra- meaux attaqués présentent presque tous une fente longi- tudinale qui s'élargit et met à nu le tissu môme de la tumeur. C'est à ce moment que le champignon se montre et vient compléter l'œuvre de destruction : mon attention a été appelée sur lui, au commencement d'avril 1891 ; on me signala, à Saint-Christophe de Jambet (Sarthe), une pépinière dans laquelle la plupart des arbres étaient très sérieusement endommagés et malades ; le propriétaire ne savait que faire pour sauver ses arbres. Je reconnus bien vite la présence du puceron lanigère : mais il n'était pas seul: il y avait, en outre, un champignon parasite qui, pénétrant à l'intérieur des tissus, les désorganisait et finalement amenait la mort des jeunes branches ; la sec- tion d'une jeune branche (PI. IV, fig. 5) montre le paren- chyme des tumeurs entièrement envahi par un fin mycé- . lium : ce mycélium est constitué par des tubes à cloisons plus ou moins espacées ; il y a de fréquentes anastomoses entre les divers filaments. Le champignon a vite fait de détruire les cellules qui constituent les tumeurs : les cel- lules corticales sont également atteintes, et la branche meurt tout entière au-dessus de ce chancre. Les fructifications qui se produisent sur ces chancres sont de plusieurs sortes : en s'aidant d'une bonne loupe, on voit dans le fond et sur les bords de la crevasse (PI. IV, fig. 6) de petits buissons noirs A et de petites sphères rougeâtres 0. Les petits buissons, examinés au micros- cope, se montrent formés par des filaments mycélicns dressés (fig. 1) ; ils sontcloisonnés une ou plusieurs fois; leur partie inférieure est de couleur noire ou brune, la 58 P. A. DANGEARD partie supérieure reste souvent incolore et elle produit des spores arrondies ; quelquefois l'article terminal se prolonge en un filament allongé et ténu. Les sphères rouges ont leur surface couverte de papilles (fig. 8) ; il s'en détache de nombreuses spores ou conidies falciformes : elles sont unicellulaires ou cloison^ nées plusieurs fois (PI. IV, fig. 8). Enfin, il existe un troisième mode de fructification. A l'intérieur de l'écorce du chancre, se trouvent des cavités sphériques ou irrégulières, dans lesquelles se produisent une quantité innombrable de conidies (PI. IV, fig. 10, B) ; la paroi de ces cavités est très épaisse ; elle est formée par un stroma noir, dense ; ce stroma devient incolore sur la face interne de laquelle se détachent les spores ; ces cavités se creusent à côté les unes des autres dans le même stroma F; elles se montrent, au début, comme une tache claire, entourée par un anneau noirâtre ; on distingue, plus tard, à la surface de cet anneau, un réseau régulier (PL IV, fig. 9). Les conidies qui sortent en nuage de ces cavités (PI. IV, fig. 11) sont arrondies et unicellulaires; elles prennent bientôt une forme elliptique ; une cloison trans- versale les sépare en deux cellules ; elles germent avec la plus grande facilité, soit dans l'eau pure, soit dans un liquide nutritif ; elles développent généralement, aux deux pôles opposés (PI. V, fig. 2), un filament qui s'al- longe, se ramifie, s'anastomose (PI. V, fig. 5), avec les filaments voisins (PI. V, fig. 3) ; dans quelques cultures, les filaments avaient pris une couleur rouille très pro- noncée ; d'autres germinations s'étaient colorées en brun ; le cloisonnement des tubes n'est pas régulier, la distance d'une cloison à l'autre étant variable. La germination des spores falciformes septées n'offre rien de particulier (PI. V, fig. 6). Dans du jus d'orange stérilisé, les conidies germent LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 59 avec une vigueur remarquable (PL. V, fig. 1) ; leur gros- seur augmente de plus de moitié ; le protoplasma est hyalin ; il ne renferme que quelques rares granules ré- fringents. Ces germinations rappellent exactement celles du Cucubitaria, elongata et du Diplodici mamillana qui ont été figurées par Banke dans un travail fort intéressant (1). Au bout de trois jours de culture dans le jus d'orange, les germinations qui se trouvaient au bord de la goutte d'eau ensemencée, dans la chambre de culture, ont déve- loppé, dans Vah\ un appareil conidien nouveau (PI. V, fig- 8). Tout ce développement est bien celui d'un champignon pyrénomycète. Les dégâts causés par le puceron lanigère sont con- nus depuis longtemps ; mais c'est probablement la pre- mière fois qu'est signalée l'action spéciale du champignon parasite; lorsque le puceron lanigère est seul, la zone génératrice peut reprendre son fonctionnement normal : l'arbre est moins vigoureux ; il est déformé; mais, en général, les branches ne meurent point ; si au contraire le champignon se développe, la zone génératrice est dé- truite, les rameaux se dessèchent au-dessus des chancres. Dans le traitement de la maladie, il faut s'adresser d'abord au puceron lanigère, et les moyens indiqués pour sa destruction ne manquent point. Voici quelques formules recueillies, à notre intention, par un ami, dans divers journaux d'horticulture : 1° Ptetrancher en hiver les branches inutiles, couper les exostoses du bois, badigeonner le tout avec solution de savon noir très chaude ou d'huile ; recouvrir d'onguent de Saint-Fiacre. (1) Dr Banke. Beitrage zur kcnntniss dcr Pycniden. I. (Nova Acta Leop. Carol. Bd XXXVIII, n° 5.) 60 P.-A. DANGEARD 2° Brosser énergiquement le puceron avec une brosse imprégnée de Brouet de savon noir. A de jus de tabac | de terre argileuse i de bouse de vache. Notre correspondant veut bien ajouter qu'il a obtenu d'excellents résultats en pulvérisant directement de l'es- sence de pétrole sur le puceron. Dans ce qui précède, la destruction du puceron vivant sur les racines ou au collet de l'arbre est négligée. Gothe conseille une forte fumure plusieurs fois répétée, avec du jus de fumier, ou encore le mélange de terre et de chaux. Pour empêcher les pucerons de grimpera l'arbre, on en- duit la base de celui-ci d'une substance gluante, d'une ceinture de goudron, par exemple. On emploie également, dans le même but, d'après Sorauer, une solution de 50 gr. de savon jaune napolitain dans un litre d'eau, lorsqu'il s'agit du puceron lanigère : 30 gr. par litre suffisent pour détruire les pucerons des feuilles. Enfin, l'eau phéniquée à 5 ou 6P B, qui est employée pour la destruction des fourmis, rend également de bons services. L'application d'une huile ou d'un corps gras suffit en général. Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour lutter contre les chancres noduleux : il serait à désirer que des expériences sérieuses fussent instituées pour se rendre compte de la valeur relative de ces divers procédés. En ce qui concerne le champignon parasite, la plupart de ces procédés ont une action directe sur lui ; mais lors- qu'il a pris son entier développement, le mieux, à notre avis, est d'enlever, de sectionner les branches malades et de les brûler. Nous avons vu quels millions de germes, LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER (51 de spores peut fournir un simple point contaminé; nous avons constaté avec quelle facilité ces spores germent dans l'eau ; il serait utile de chercher si ces spores peuvent également germer dans les liquides employés pour la des- truction du puceron, et employer celui dans lequel la ger- mination de ces spores est impossible. Il faut enlin considérer que le champignon ne peut se développer qu'à partir du moment où les crevasses se pro- duisent dans l'écorce : sa période d'activité succède donc à celle du puceron ; ce dernier travaille du printemps à l'automne : le champignon détruit les tissus, de l'automne au printemps ; il faut donc traiter les chancres de bonne heure et ne pas attendre lo milieu de l'hiver. Nous avons cherché si le champignon réduit à ses propres forces, c'est-à-dire agissant en l'absence du puceron lanigère, pouvait causer aux arbres des dom- mages sérieux; nous sommes arrivé à une conclusion négative. En effet, nous avons retrouvé ce champignon sur des branches de poirier (PI. V, fig. 7) : il était seul : or, les chancres étaient petits, constitués par une petite fente à fond noir entourée par des écailles de l'écorce qui se bri- sait tout autour ; une section transversale, intéressant ces chancres , montrait avec pleine évidence qu'ils étaient tout superficiels; la partie corticale, nécrosée (PI. V, fig. 10) , était séparée du reste de l'écorce par une zone génératrice ;cette zone génératrice formait vers l'in- térieur des éléments sains de phelloderme, alors qu'exté- rieurement elle développait un liège qui se détachait en écailles. C'était bien le même champignon ; les sections du stroma noir fournissaient une quantité considérable de spores bicellulaires caractéristiques (PI. V, fig. 9), les unes déjà noires, les autres incolores, beaucoup unicellulaircs et décroissant de taille par transition insensible ; de plus, en 62 P--A. DANGEARD cullure, ces spores ont donné naissance à l'appareil coni- dien déjà signalé comme se développant dans l'air humide (Pl.V,fig. H-12). 3o LE CHANCRE PAPILLAIRE. (PI. VI, fig. 1-10.) Cette sorte de chancre ne semble pas fréquente : nous l'avons rencontrée amenant la déformation d'un jeune arbre, dans un pré humide (PL VI, fig. 1) ; il se développe aussi bien sur la tige que sur les rameaux; il forme des plages plus ou moins larges, plus ou moins régulières, montrant de nombreuses papilles autour desquelles l'é- corce est soulevée, déchirée (PI. VI, fig. 2). Ces papilles sont des racines adventives arrêtées dans leur dévelop- pement; autour de celles qui meurent, de nouvelles se produisent, et le chancre, gagnant en surface, arrive quel- fois à entourer un rameau complètement. Les jeunes racines constituant les papilles du chancre ne présentent rien de remarquable : elles restent toujours très courtes ; une section transversale montre un cylindre central com- prenant de 5 à 8 faisceaux ligneux et tout autant de fais- ceaux libériens ; dans quelques-unes de ces racines, l'as- sise génératrice libéro-ligneuse normale a fonctionné pendant quelque temps et a produit un anneau ligneux et un anneau de liber secondaires. L'écorce est épaisse: on y trouve une quinzaine d'assises de cellules recouvertes de liège. Si l'on cherche à se rendre compte de la façon dont cette altération débute, voici ce que l'on observe. Les rameaux de trois ou quatre ans paraissent indemnes ; mais de nombreuses sections transversales de ces rameaux per- mettent de constater l'existence de nombreux bourgeons LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 63 dormants (PI. VI, fig. 3), de ceux qui sont désignés par Hartig sous le nom de « proventivknospe (1) » ; on les reconnaît facilement à leur point de végétation coloré en rose au milieu des cellules corticales. Ce point de végétation (PL VI, fig. 3, D) ne donne chaque année qu'une couche annulaire de bois qui entoure la moelle : elle est d'épaisseur égale aux couches ligneuses annuelles delà branche-support, de sorte que le bourgeon rudimentaire reste sous l'écorce;le bois (fig. 3, 0) formé par ce bourgeon est dépourvu de vaisseaux; il est consti- tué exclusivement par du parenchyme lignifié; lescellules de ce parenchyme ont leurs membranes ponctuées et les cloisons transversales horizontales ou légèrement obliques (PI. VI, fig. 9) ; on y trouve une grande quantité d'amidon, comme dans les rayons médullaires. Les modifications qui précèdent la formation des racines sont les suivantes : Les cellules de la moelle du rudiment de rameau se détruisent peu à peu ; il semble probable que la gelée joue un rôle important dans ce cas, en amenant des déchirures dans ces cellules médullaires : ces déchirures peuvent également résulter d'une accumulation de cristaux se produisant dans le cercle externe. Quoi qu'il en soit, une zone génératrice fonctionne activement, à ce moment, ajoutant du tissu ligneux à celui qui existait déjà et pro- duisant vers l'intérieur un parenchyme destiné à rempla- cer le tissu médullaire. Une section perpendiculaire à l'axe de ce rameau rudimentaire montre donc, à partir du centre (PI. IV, fig. 4) : 1° la moelle M en voie de destruc- tion ; 2° une déchirure ou une lacune ; 3° une zone de cellules cristallifères ; 4° du parenchyme F destiné à former la moelle secondaire ; 5° la zone génératrice ; G0 l'anneau ligneux B qui s'étend jusqu'au bois P delà branche-support. (I) Consulter : Sorauer. Pflanzcnkr. Loc. cit. p. 719-710. 64 P.-A. DANGEARD Ultérieurement, la moelle se ramifie pour ainsi dire (PI. VI, fig. 5), par un phénomène facile à comprendre: la zone génératrice ne fonctionne pas avec la môme activité en tous les points ; il se produit ainsi des anfractuosités dans le contour général ; les deux bords de la zone génératrice finissent par se rejoindre enfermant au milieu du bois un îlot de parenchyme secondaire (fig. 40); cet îlot emporte avec lui sa zone génératrice etil peut, par le même procédé, se ramifier à son tour. On arrive ainsi, plus tard, à clés dis- positions extrêmement irrégulières et variées, qu'il aurait été impossible d'interpréter, sans une étude de toutes les phases du développement ; des masses irrégulières de bois se trouvent isolées, au milieu du parenchyme secon- daire provenant de leur zone génératrice (fig. 10) ; et la disposition, les rapports de ces masses changent avec le niveau de la section. Sur ces coupes,, on rencontre çà et là, au milieu du parenchyme, des sections de racine, les unes encore à l'état de méristème, les autres parvenues à leur période de différenciation libéro-ligneuse primaire ; quel- ques-unes ayant déjà produit une assez grande quantité de bois et de liber secondaires. En faisant une série de sections tangcniielles à la branche chancreuso, nous pourrons trouver les relations des racines advcnlives avec leur support: ces sections sont perpendiculaires naturellement à l'axe du bourgeon rudimentaire. Une première section, faite clans ces conditions, et près de la surface, offre (PI. VI, fig. 6) : 1° La trace du pétiole de la feuille qui s'est trouvé relevé par le chancre et qui par suite est compris dans la coupe : on y voit un faisceau médian F important, et, de chaque côté, deux faisceaux latéraux F. 2° Sous cette trace foliaire, un tissu jeune parenchy- mateux avec de nombreux points de végétation de racines 0. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 65 La prolifération des cellules débute en plusieurs points au contact d'une déchirure des tissus ; au-dessous se forme un anneau ligneux irrégulier A, et à côté un autre petit massif ligneux. 3° Une zone de cellules M, renfermant des cristaux ; cette zone s'étend latéralement à droite et à gauche. 4e Un ensemble à contour arrondi comprenant la section de cinq racines R, à divers états de développement ; à droite et à gauche deux massifs ligneux B ; ils sont dépour- vus de vaisseaux et constitués par le parenchyme lignifié ponctué : à leur surface, se trouve la zone génératrice qui fonctionne comme il a été dit précédemment ; extérieure- ment les fibres libériennes I de la branche-support cou- pées longitudinalement et l'écorcede cette même branche. Les sections plus profondes montrent que les cinq racines centrales viennent se mettre en relation avec les deux massifs ligneux (fig. 7); la zone cristalligènea disparu et les massifs ligneux B sont entourés directement par le bois P de la branche-support; on distingne facilement ce dernier à la présence des rayons médullaires courts à un, deux ou trois rangs de cellules. Dans la partie qui avoisine les faisceaux foliaires, les modifications sont légères : l'anneau ligneux A s'est en- tr'ouvert, et les sections de racines sont à un stade de différenciation différent. Il existe, selonles chancres étudiés, des dispositions plus ou moins compliquées ; mais ce seul exemple nous suffit pour comprendre leur formation. Nous avons rencontré une fois une racine double sous une écorce commune : l'une possédait 6 faisceaux distincts ; la seconde n'en possédait que quatre réunis par des productions secondaires ; à un niveau plus élevé, ces deux racines se séparent complètement : il y a là une sorte de dichotomie. Le chancre papillaire des arbres fruitiers n'a pas une 66 P -A. DANGEARD importance bien grande au point de vue pratique : il parait ne se développer que très rarement, dans des conditions difficiles à préciser; toutefois l'humidité du terrain, la gelée, la prédisposition de l'arbre à former de nombreux bour- geons dormants sont certainement des facteurs importants dans cette maladie ; si elle se généralisait, il faudrait compter avec elle ; mais, pour l'instant, il n'y a lieu de la connaître que pour éviter de la confondre avec d'autres plus importantes : le premier soin, dans le traitement, devra être le drainage du sol. Chez les Biota, on trouve quelquefois des productions analogues (1). 4° LE CHANCRE ORDINAIRE. (PL VII, fig. 1-7.) Les poiriers, clans les jardins, montrent assez fréquem- ment une altération qui est assez bien connue, et que nous étudions ici pour cette raison, sous le nom de chancre ordinaire : il se produit sur les grosses branches et les rameaux des dénudations irrégulières ; l'écorce se frag- mente, s'exfolie en plaques irrégulières (PI. VII, fig. 1). Beaucoup d'arbres présentent des traces de cette maladie ; mais un petit nombre seulement sont sérieusement atteints. Nous avons observé un bon exemple de ce dernier cas dans un jardin à Caen. L'arbre était placé à l'ombre près d'une tonnelle ; il était littéralement couvert de ces chan- cres et sa végétation était languissante ; on supprima une partie de la tonnelle qui entretenait une humidité constante, favorable au développement du parasite; [\) Lignier. Note relative à des protubérances observées sur des branches de Biota (Bulletin Société Linnéenne de Normandie, <887-lS88); LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 67 les branches atteintes furent sectionnées, et les nouvelles branches se montrèrent indemnes et vigoureuses ; on aurait pu, comme nous le verrons tout à l'heure, compléter le traitement. Le parasite qui produit ces chancres est bien connu ; c'est le Fusicladiwn pyrinum. ■« F. pyrinum (Lib) Fuck Symb. Myc. p. 337 Sacc. Micb. II, p. 5S5 Ericks. Odlad. t. VII, Helminthosporium pyrinum Lib. Exs., n° 188, Fusiclad. virescens Bon Handb, p. 80, t. 94. « EfTusum, olivaceum velutinum; conidiis ovato-fusoideis, 28-30 7-9, con- tinuis (semper ?) guttulatis, olivaceis : hyphis brevibus, teretibus ad apicem denticulatis. « Hal». in utraque , saepius inferiore pag. foliorum Plrl communis in Germania, Ualia, Austria, Lusitania (Saccardo) Sylloge Fungorum, V. iv, p. 346). » Pour l'observer, il suffit de faire une section au travers de l'un de ces chancres : on trouve une série de proémi- nences formées par un stroma mycélien très dense : les filaments qui composent ce stroma, arrivent de la profon- deur de l'écorce, écartant les cellules, les désorganisant; à la surface de ce stroma, se produisent les fructifications (PI. VII, fig. 2) ; de courts filaments se dressent perpendiculai- rement au support; ils portent les spores : le même filament peut en produire plusieurs insérées en des points diffé- rents (PL VII, fig. 3): elles germent dans l'eau pure au bout du premier jour de culture ; le filament germinatif se développe rapidement en se cloisonnant çà et là (fig. 4), Quelques-uns de ces filaments ont fourni, à leur tour, de nouvelles spores dans les cultures (fig. 4); elles étaient de grande taille et portées sur de courtes ramifications laté- rales. Dans ces mêmes cultures, bon nombre de filaments ont renflé quelques-unes de leurs cellules : dans ces cel- lules renflées, la membrane s'est épaissie, a pris une couleur noirâtre : le protoplasma est devenu oléagineux : ces formations peuvent être considérées comme des 68 P.-A. DANGEARD kystes (PL VII, fîg. 7); elles étaient nombreuses dans les cultures au jus d'orange stérilisé. La comparaison des fîg. 5 et 6 permet de voir comment agit le parasite sur un jeune rameau : les deux sections sont faites sur le même rameau : la première (fîg. 5) à un endroit sain ; la seconde au travers d'un chancre (fig. 6). Le parasite a complètement rongé la partie externe de Técorce E ; il atteint les groupes fibreux F dont quelques- uns sont déjà exfoliés. On constatait également que l'écorce avait une plus grande épaisseur entre les deux cercles de fibres dans le rameau attaqué. Il est très important de débarrasser les arbres de ce parasite : en effet, il cause de graves altérations sur les fruits ; et si les rameaux sont atteints, les fruits le seront aussi presque fatalement. Pour le traitement, on doit employer de préférence la bouillie bordelaise, l'eau céleste ou la solution ammonia- cale de carbonate de cuivre ; en même temps, ne pas craindre de supprimer les branches chancreuses ; diminuer également l'humidité du milieu, en taillant les arbres ou les haies voisines qui portent ombre. 5° LA. GÉLIVURE DU POMMIER ET DU POIRIER. Le froid détermine quelquefois, à la surface des tiges ou des rameaux, la production de galles, de gerçures, de chancres qu'il est important de ne pas confondre avec ceux qui proviennent de l'action du Fitsicladium ou de la formation de racines adventives. Quelques détails intéressants nous sont fournis sur cette altération par Sorauer (1) : il l'a observée en Alle- magne, en 1890, au printemps ; de nombreux échantillons (1) Sorauer. Uber Frostschorf an Apfel und Birnenstammen ^Zeitschrift fur Pflanzenkrankheiten, I Band, 189I, p. 137-145). LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 60 malades lui ont été envoyés de divers points. Cette maladie a été désignée du nom de , 4-5. In malorum vivorum (1) Saccardo. Sylloge Fungorum. V, p. 345-340. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 75 epidermide in Bavarîa, G allia , etc. Hue verisimiliter Spilocsea Pomi Fr. » Les feuilles du pommier et du poirier se couvrent, au commencement de l'été, d'une couche noire ressemblant à de la suie ; ces taches se montrent à la face supé- rieure et à la face inférieure du limbe ; elles sont arron- dies ou irrégulières. Lorsqu'elles sont arrondies (PI. VIII, fig. 6T), on voit les lignes du mycélium rayonner autour du centre de développement; d'autres fois, surtout avec les feuilles couvertes de nombreux poils, la face inférieure du limbe est entièrement teintée de noir. L'importance de cette maladie nous a engagé à entre- prendre une étude complète du champignon : elle nous a permis d'ajouter de nombreux résultats à ceux, très incomplets, que l'on possédait (1). En grattant simplement la feuille avec un scalpel, on ob- serve déjà des particularités qui paraissent avoir complè- tement passé inaperçues : ainsi, tous les poils épider- miques contiennent de nombreux filaments mycéliens qui se croisent et s'entre-croisent (fîg. 10, 14, 16) : ils sont cloi- sonnés çà et là. Quand on les conserve clans une chambre humide, ils déve- loppent bientôt, à l'extérieur du poil, des tubes mycéliens, pouvant contracter des anastomoses (fig. 14) : j'ai observé fréquemment la formation sur ces tubes de courts minus- cules d'aspect particulier ressemblant à des rhizoïdes (PI. VIII, fig. 15). Le mycélium contenu dans le poil épidermique donne quelquefois à l'extérieur des ramuscules qui produisent des spores à leur extrémité. Le grattage de la feuille fournit d'autres aspects du pa- rasite : ce sont des croûtes noires, d'aspect variable (1) Consulter : Briosi et Cava'ra. .1 Funghi parasite délie niante col- tivate od utili essiccati, delineati e descritti. Pavia. 76 PA DANGEARD (fig. 13), formées par l'agglomération de cellules à mem- brane épaisse : ces croûtes développent des filaments nombreux de mycélium dans les chambres de culture au bout d'un certain temps. On rencontre également en masses considérables des corpuscules à membrane colorée, à forme conique (PL VIII, fig. 9, s) : ce sont des conidies ou spores dont l'origine nous sera révélée tout à l'heure; enfin quelques spores allongées, cloisonnées (fig. 17), représentées en germina- tion, ainsi que d'autres de forme différente. Les sections minces de la feuille vont nous en apprendre davantage : le parasite ne vit point à la surface de la feuille : il s'introduit entre la cuticule et la couche cellulo- sique interne des cellules épidermiques (fig. 1, M) : là, sa membrane reste incolore, mince : il se nourrit aux dépens du protoplasma des cellules épidermiques dont il n'est sé- paré que par une cloison d'épaisseur insignifiante ; et sous l'influence de cette nutrition, il se ramifie abondam- ment, formant une couche de mycélium sous-cuticulaire ; au début de l'attaque, les cellules épidermiques résistent; on y retrouve de petits noyaux légèrement allongés, dépourvus de nucléole (fig. 1, M); plus tard, l'épuise- ment arrive, ils disparaissent, et alors, du mycélium sous-cuticulaire des branches se dressent perpendiculai- rement à la surface de la feuille (fig. 2) ; ces branches for- ment çà et là de petits buissons qui se colorent en noir, elles sont simples ou cloisonnées ; les unes sont stériles (fig. 3), les autres, souvent groupées en grande masse, produisent des spores ou conidies (PL VIII, fig. 9). Les filaments coniclifères sont en général courts et non cloisonnés : la forme de ces conidies et la manière dont elles se produisent sont suffisamment indiquées par la figure 9 ; il yen a fréquemment des quantités considérables détachées de leur support : ce sont elles dont nous avons signalé la présence à la suite de l'opération du grattage. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 77 Il est intéressant de remarquer que, clans les poils, le mycélium du parasite se comporte comme il le fait à l'é- gard des cellules épidermiques : la paroi du poil est une couche cellulosique épaisse : il s'établit à l'intérieur de cette couche et s'y ramifie (fig. 4); le diamètre des fila- ments, ainsi que la longueur des cellules qui les consti- tuent, varient dans des limites assez grandes (PI. VIII, fig. 4-5). Si l'on se contente d'un examen sommaire, le mycé- lium du parasite semble circuler à l'intérieur du poil (fig. 16) : c'est par une étude histologique sérieuse que la véritable position du Fusicladium peut être déterminée. Nous avons déjà décrit un mode de fructification, le seul qui fût connu ; il en existe d'autres. Si l'on examine un grand nombre de sections de la feuille, il est possible de rencontrer des spermogonles (fig. 12) : leur forme est sphérique, leur enveloppe est noire, à tissu dense; elle montre à sa surface des dessins hexago- naux, au moins à une certaine période du développement (fig. 11) : de cette couche corticale, rayonnent de nombreux filaments très étroits qui produisent à leur extrémité de très petites conidies : ces conidies s'amassent clans la ca- vité interne et sont expulsées ensuite au dehors. Ces spermogonies appartiennent bien au Fusicladium ; nous les retrouvons en effet dans les poils, dont ils disten- dent les parois (fig. \ï). Des cultures de ce champignon, entreprises avec le plus grand soin clans des chambres humides, conservées plus de six mois et renouvelées plusieurs fois, nous ont fourni des résultats que nous avons tout lieu de croire exacts. Déjà, après huit jours de culture, on trouve des amas de filaments à diamètre plus grand, à cellules courtes, à membrane noire et épaisse , à contenu oléagineux (PI. VIII, fig. 18). Au bout de quelque temps, on observe, sur le trajet de 78 P.-A DANGEARD ces filaments, la production de kystes ; certaines cellules isolées, ou situées en chapelet à côté les unes des autres, grossissent, s'arrondissent : leur .protoplasma se charge de matières de réserve : ce sont d'abord des globules oléa- gineux de taille variable, qui finissent par se fondre en un globule unique. La membrane éprouve aussi des change- ments notables : elle devient très épaisse et se sépare en deux couches, endosporeetexospore(Pl. IX, fig. 1-3); lacolo- ration de ces kystes est beaucoup plus foncée que dans les autres cellules du filament; dans ces dernières, d'ailleurs, la membrane est également assez épaisse et à l'intérieur se trouvent un ou deux globules oléagineux. Ces kystes sont destinés à permettre au parasite de passer l'hiver ; d'après nos cultures, on peut prévoir qu'ils se forment à l'automne sur les feuilles tombées et dessé- chées : leur germination a lieu au printemps. Nous n'a- vons réussi à observer cette germination qu'une seule fois (PI. IX, fig. 4) ; le globule oléagineux perd son con- tour net ; un mince filament incolore sort au travers de la membrane, se ramifie bientôt et s'allonge à mesure que le contenu du kyste disparaît. Enfin, nous avons observé la formation d'un appareil conidien semblable à celui que nous avons représenté (PI. V, fig. 8) : on pourrait objecter qu'il appartient à une autre espèce de champignon ; heureusement, nous avons pu l'obtenir sur les mêmes filaments qui portaient les kystes ; la continuité était absolument indiscutable : il y avait simplement quelques modifications légères dans l'aspect de cet appareil (PI. IX, fig. 5). Généralement, il se développe sur le mycélium qui se trouve au bord de la goutte d'eau dans la chambre de cul- ture et alors, il a l'aspect élancé déjà décrit : dans le cas particulier où nous l'avons rencontré sur les filaments porteurs de kystes, le pédicelle était court et l'ensemble beaucoup plus massif qu a l'ordinaire : les conidies étaient LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 79 plus grosses, leur membrane plus épaisse, et elles renfer- maient des gouttes d'huile ; mais les relations générales étaient absolument identiques ; nous verrons que d'autres modifications peuvent se produire dans l'aspect de cet appareil conidien. Essayons de rétablir maintenant les choses telles qu'elles doivent se passer dans la nature : 1° Les conidies en bouquets qui se forment soit sur le mycélium ordinaire, soit sur les filaments porteurs de kystes, me paraissent destinées à propager la maladie au printemps : le vent les emporte sur les feuilles des arbres, grâce à leur légèreté. 2° Elles germent sur ces feuilles ; le mycélium se déve- loppe abondamment sous la cuticule, se nourrissant du protoplasma des cellules, les épuisant : la maladie n'est pas encore perceptible, bien qu'elle soit déjà depuis quelque temps sur l'arbre ; lorsque le milieu est épuisé, les petits buissons noirs se montrent à la surface et le champignon fructifie abondamment : il donne des spores assez grosses, coniques; ces spores, à la moindre pluie, germent : aussi, comme elles tombent sur les autres feuilles ou sont dissé- minées par les oiseaux et les insectes, la maladie s'étend- elle rapidement ; ce sont surtout ces spores qui propagent la maladie sur le même arbre. 3° La dissémination à de grandes distances est proba- blement faite par ces minuscules conidies formées dans les spermogonies. 4° A l'automne, les feuilles se dessèchent, tombent: elles emportent avec elles le parasite ; ce dernier prendra ses précautions contre les gelées de l'hiver en formant de nombreux kystes. Au printemps, le même cycle recommencera. Le Fusi- cladium dendriticum est nuisible non seulement parce qu'il vit aux dépens des feuilles : mais la couche noire dont il les recouvre entrave les phénomènes d'assimilation. 80 P-A DANGEARD Une deuxième espèce de Fusicladium, le F. pyrinum, attaque les feuilles de poirier (PL IX, fig. 7). On peut rapprocher de ce groupe, au point de vue des effets, le Septoria piricola Desm. (1). Ce champignon détermine la formation sur les feuilles de nombreuses taches arrondies ou irrégulières (PL IX, fig. 8, T) : au milieu de ces taches, se trouvent de petits points noirs qui correspondent aux fructifications du pa- rasite : ce sont des spermogonies : une section de ces organes montre une enveloppe brune de laquelle partent, en convergeant vers le centre, les filaments conidifères : ces conidies sont longues, étroites et pluricellulaires (PL IX, fig. 9). On peut recommander contre la fumagine l'emploi de la bouillie bordelaise : il faut tenir compte de la connais- sance du développement : ainsi nous avons vu que le Fusicladium se trouvait logé sous la cuticule, avant d'être perceptible à l'extérieur : il sera donc utile de procéder de bonne heure à un premier traitement, au moins sur les arbres les plus fréquemment attaqués, et renouveler l'opération plusieurs fois : si la fumagine apparaît, on l'empêchera de s'étendre, en continuant l'application du traitement. Au lieu d'employer la bouillie bordelaise, on peut se servir des autres mélanges indiqués. Le traitement, nous le répétons, doit être surtout pré- ventif : on évitera ainsi la formation de ces nombreuses spores qui disséminent si rapidement et si facilement la maladie. Les mycologues seront certainement frappés des res- semblances que présente le champignon de la Fumagine du pommier et du poirier avec d'autres pyrénomycètes, tels que les Capnodium salicinum ouïe Pleospora Hya- (I) Briosi et Cavara. Loc.cit* LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 8l cinthi ; quelques-uns pourront même penser que le pre- mier a pu se trouver mêlé dans nos cultures au Fusicla- dium dentriticum ; la chose n'est pas évidemment impos- sible et nous avons nous-même été longtemps indécis; cependant, ayant l'habitude des cultures, nous avons acquis peu à peu la conviction qu'il y avait bien là une seule et même espèce, avec des formes de fructi- fications très variées, comme dans les autres espèces de Pyrénomycètes. Nous rapprochons de ce même Fiisicladium dendriti- cum le champignon qui, en compagnie du puceron lani- gère, est la cause du chancre noduleux ; les petites sphères rouges qui produisent à leur surface des spores falciformes pluriseptées doivent faire exception : elles rentrent peut- être dans le cycle de développement du Xectria ditissima. 2° LA ROUILLE DES FEUILLES. (PI. IX, fig. 10-16.) La rouille des feuilles du pommier et du poirier est produite par des espèces de champignons appartenant au genre Gymnosporangium. On remarque, au printemps, des taches assez grandes de couleur orangée ; à la surface supérieure, la tache (PI. IX, fig. 10, T) montre, en son milieu, une plage de petits points noirs; à la face inférieure, le tissu de la tache proé- mine au-dessus de la surface de la feuille, formant une espèce de galle. Cette hypertrophie est due à une multipli- cation active des cellules du mésophylle lacuneux ; l'irri- tation parasitaire détermine des divisions successives dans les cellules qui se superposent en séries régulières (PL IX, fig. 12). Cette même figure montre que les points noirs de la face supérieure correspondent à autant de spermogonies M. A la base de la spermogonie, existe un lacis dcmycéliumvcrs lequel convergent tous les filaments G 82 P. -A. DANGEARD très fins du parasite, contenus dans le limbe; ces spermo- gonies ont la structure ordinaire (fig. 13); elles donnent naissance à des conidies très petites. A l'automne, la galle qui se trouve à la partie inférieure de la feuille se hérisse de filaments dressés et groupés autour de petites corbeilles microscopiques ; ces corbeilles sont des œcidium, second mode de fructification du para- site (PI. IX, fig. 11, T). Dans ces écides (fig. 14), il y a production de spores disposées en chapelet : les plus extérieures se détachent, et il s'en forme successivement d'autres à la base ; ces spores sont arrondies. La paroi de 1 ecide (pseudopéridium) est constituée par une assise de cellules : cette enveloppe se divise en lanières dans sa partie supérieure, ce qui donne à chacune des corbeilles un aspect hérissé caractéristique. On a donné le nom de Rœstella à ce parasite, tant qu'il n'a été connu que sous les aspects précédents, et on distin- guait plusieurs espèces : R. cornuta, R. lacerata, R. cancel- lata ; depuis, on s'est aperçu que le champignon aban- donnait, pendant l'hiver, les Pomacées et s'établissait sur les rameaux de conifères, et en particulier sur les genévriers. Il passe l'hiver sur ces arbres, amenant des déformations et des hypertrophies sur les rameaux ; il fructifie dans la couche externe de l'écorce, produit un grand nombre de spores bicellulaires ou téleutospores (fig. 16-17) : la «ouche externe de la membrane de ces spores se gélifie ; il en résulte une gomme abondante au milieu de laquelle sont plongées les téleutospores : masses gélatineuses jaunes ou brunes, qui crevassent l'écorce et se montrent à l'extérieur avec des aspects variés servant jusqu'à un cer- tain pointa distinguer les espèces (PI. IX, fig. 15). Chacune des deux cellules, constituant la téleutospore, germe en un filament court ou promycélium ; ce promycélium se LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 83 divise à son extrémité supérieure en quatre cellules superposées ; elles donnent naissance à une conidie (fig. 17); la pluie finit par dissoudre la substance gélati- neuse qui englobe les téleutospores et les conidies sont emportées par le vent. Ces conidies tombant sur les feuilles des pommiers, des poiriers, etc., germent et déterminent la rouille. Ce parasite appartient au genre Gymnosporangium ; on distingue plusieurs espèces : G. juniperinum (conicum), G. clavarise forme, G. tremelloïdes, G. Sabinse, etc. (J). En Allemagne, la rouille la plus redoutée est celle qui est produite par le Gymnosporangiwn Sabinse (fuscum) ; elle attaque les poiriers ; les téleutospores se forment sur les Juniperus Sabina, virginiana, phœnicea, Oxycedrus, et Pinus halepensis. D'après Tubeuf, on doit réunir les G. juniperinum et G. tremelloïdes en une seule espèce et conserver pour elle ce dernier nom (2). Le G. clavariseforme est reconnaissable à ses masses gélatineuses allongées, cylindriques (PI. IX, fig. 15), vivant sur le genévrier commun ; les téleutospores sont longues et assez étroites (PI. IX, fig. 16). Il cause la rouille des poiriers (Pirus communis), des sorbiers (Sorbus Aucuparia, latifolia), des épines {Cratae- gus Oxyacantlia, grandiflora, zanguinea, nigra). Le G. tremelloïdes se distingue à ses masses gélati- (1) Consulter: 4° Hartig.Lehrbuch der Baumkrankheiten, p. 131-134. 2° Sorauer. Handbuch der Pflanzenkrankheiten, p. 232-239. 3° E. Fis- cher. Ueber Gymnosporangium Sabinse (Dicks), und Gymnosporangium confusum Plowright (Zeitschrift fur Pflanzenkrankheiten, IBand, 1891). 4° G. Poirault. Les Urédinées et leurs plantes nourricières (Journal de Botanique, 1890). 5* Plowright. British Uredineœ ond Ustilaginese, p. 230-236. (2) C. von Tubeuf. Générations und Wirtswechsel unserer einheimis- chen Gymnosporangium und die hierbei aut'trctendcn Formverandun- gen (Centralblatt fur Backteriologie und Parasitenkunde, Bel. IX, 1894), 84 P-A. DANGEARD neuses arrondies ou irrégulières ; les téleutosporcs sont peu allongées (PL IX, fig. 17) ; il vit sur le genévrier com- mun. Ce champignon cause la rouille des pommiers (Pirus malus), des sorbiers (Sorbus Aria, Cliamasmespilus), etc. La connaissance du développement complet de ce para- site facilite singulièrement sa destruction ; le genévrier commun lui est nécessaire pour vivre pendant l'hiver ; supprimons donc cette plante aux environs des vergers, lorsque la rouille arrivera à causer quelques dégâts. Il serait bon même, si la rouille arrivait à un caractère aigu dans une localité, de prendre des mesures analogues à celles qui ont été imposées pour la rouille des céréales. On sait que dans certains départements éprouvés par la rouille des céréales, l'arrachage de l'épine-vinette, qui joue par rapport à celle-ci le rôle du genévrier, est devenue obligatoire. 3° LA GALE DES FEUILLES. (PI. X, fig. 4-10). On remarque souvent des boursouflures arrondies ou irrégulières soit sur les feuilles de poirier dans les jardins, soit sur les feuilles de pommier dans les vergers ; quel- quefois l'altération prend un caractère inquiétant ; non seulement toutes les feuilles sont atteintes, mais chacune d'elles est couverte entièrement de ces sortes de pustules. Dans un jardin, à Alençon, au mois de juin dernier, pres- que tous les poiriers présentaient cette maladie avec ce caractère d'intensité ; par contre, j'ai été à même de l'ob- server bien des fois, ne se montrant que sur quelques feuilles et étant par là même dépourvue de gravité. Les pustules proéminent à la face inférieure de la feuille (PI. X, fig. 1) ; elles conservent pendant quelque temps leur couleur verte, mais cette couleur est moins intense LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIkIER 85 que dans le reste de la feuille ; puis le tissu de la tache jaunit, prend une teinte chocolat, et enfin peut devenir complètement noir ; certaines pustules arrivent à se réu- nir et couvrent de larges espaces. Si l'on fait une section de la feuille, à l'endroit où le tissu est boursouflé, on ne tarde pas à remarquer que l'in- térieur de la feuille est habité par des Acariens ; ils sont établis dans le mésophylle, se nourrissent du contenu des cellules, s'introduisent entre les cellules en palissade qu'ils désagrègent (PL X, fig. 3). Ces Acariens (PI. X, fig. 2) appartiennent au genre Phytopus (1) ; j'ai rencontré, au milieu des cellules désor- ganisées, des conidies ovales, la plupart isolées ; quel- ques-unes cependant étaient encore adhérentes (fig. 4). En plaçant ces conidies en culture, on obtient un mycé- lium fin et abondant, et, au bout de quelques jours, il donne naissance à un nouvel appareil conidien de la forme Botrytis (fig. 5). Sur des filaments longs, étroits, cloisonnés, se dressent de nombreux pédicelles très courts ; chacun d'eux sup- porte un chapelet de conidies ; rarement, on observait une légère ramification. Un peu plus tard, dans les mêmes cultures, je rencon- trai d'autres appareils conidiens, ceux-ci arborescents (PL X, fig. 10), vigoureux et rappelant exactement ceux qui ont été obtenus dans les cultures de Fumagine. Il serait mauvais, je pense, de créer des espèces pour toutes ces formes ; elles résultent de simples différences de vigueur, de situation dans les cultures, et je les rappor- terai simplement au champignon de la Fumagine. Ce qui me confirme dans cette idée, c'est le fait que les pustules du Phytopus renferment assez souvent des sper- (1) Consulter pour les détails : Sorauer. Pflanzenkrankheiten, 2e édi- tion, !•* volume, p. 81 f) et suivantes. 86 P -A. DANGEARD mogonies semblables à celles du Fusicl&dium dendriticum (PI. X, fig. 9); on a chance de les rencontrer, lorsque le tissu des pustules devient noir et arrive à confluer en grandes taches (fig. 8); ces spermogonies sont isolées (fig. 6-7), plus rarement groupées (fig. 9) ; l'enveloppe a une épaisseur un peu plus grande que celles des spermo- gonies rencontrées dans la Fumagine. Dans cette maladie, l'action destructive de l'Acarien est complétée par celle du champignon ; elle est difficile à traiter, puisque les parasites habitent l'intérieur des tis- sus. Dans une expérience faite à Alençon, M. Barbé a eu l'idée, sans connaître la cause de l'altération, de pulvériser de l'eau céleste sur les feuilles ; toutes les taches sont de- venues noires sans que les autres parties des feuilles aient subi aucune modification ; le fait prouve que le tissu des pustules est devenu perméable aux liquides : les cellules de ces pustules ont été détruites ; mais l'Acarien lui-même ne parait pas avoir trop souffert ; de nouvelles taches, en effet, se sont montrées par la suite en grand nombre. Il est probable que l'on peut facilement se mettre en garde contre cette maladie dans un jardin ; il suffît chaque année de surveiller ses arbres, d'enlever toutes les feuilles atteintes et de les brûler ; on empêchera ainsi, dans cet endroit, la multiplication du Phytopus en détruisant les œufs et les adultes; le procédé évidemment n'est plus ap- plicable, lorsque toutes les feuilles sont atteintes ; mais on fera bien, quand même, à la chute des feuilles ou un peu avant, de ramasser soigneusement ces débris et de les brûler. D'autre part, il est peu probable que les arbres traités de bonne heure à la bouillie bordelaise souffrent beaucoup ; la couche formée par le fongicide sur les feuil- les doit être un obstacle à la pénétration de l'Acarien. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 87 4° LA MARBRURE DES FEUILLES. (PI. XI, fig. 1-H.) J'ai commencé l'étude de cette altération du pommier et du poirier en juillet 1891 ; les feuilles, sur de nombreux arbres, montraient des taches rougeâtres qui, partant de la base du limbe, s'étendaient, en suivant les nervures, vers le haut et sur les côtés du limbe (PL XI, fig. i, T) ; en cherchant l'explication du fait, je m'aperçus que la partie inférieure du limbe était couverte par une multitude de petits organismes rouges (fig. 2, P) ; c'étaient des Aca- riens. La détermination des Acariens est difficile ; et je dus me contenter d'abord d'étudier l'animal sans connaître l'es- pèce, même approximativement. Il me fut facile ensuite, au moyen des notes recueillies, de trouver, pendant un voyage à Paris, le groupe auquel appartenait l'acarien; ce groupe est celui des Tétranyques, bien caractérisé par Donnadieu (1). Selon cet auteur, tous les Tétranyques vivent sur les végétaux ; on les trouve presque toujours à la face inférieure des feuilles ; tous vivent en société, soit pendant leur vie larvaire, soit à l'état adulte; les uns errent constamment sur les feuilles, sans se construire aucune demeure ; d'autres construisent des toiles dont ils recou- vrent la face inférieure des feuilles ; ils vivent sous un toit commun ; d'autres déterminent sur les feuilles la produc- tion de gales ou érinéums; il y a donc : 1° des Tétrany- ques erratils ; 2° des Tétranyques tisserands ; 3° des Té- tranyques gallacares (3). Dans ce groupe, il existe un sil- lon qui correspond à la déchirure de la membrane ; il se trouve à la partie antérieure et paraît diviser le corps en (1) Donnadieu. Recherches pour servir à l'histoire des Tétranyques, p. 110-411. (2) Donnadieu, Loc. cit. 88 P--A. DANGEARD deux parties; c'est au premier groupe qu'appartient l'Aca- rien du pommier et du poirier ; en ce qui concerne l'es- pèce, c'est du TenuipaipUs glabei* qu'il se rapproche le plus. Donnadieu donne sur ce dernier les renseignements suivants (1) : Tenuipalpus glaber Donnadieu. « C'est le plus gros des Tenuipalpes ; sa couleur est rouge, le corps est allongé; le mâle est la moitié moins grand que la femelle; les pattes sont jaune pâle à deuxième article étroit. La peau est marquée de cellules hexagonales et, au niveau de la région des organes reproducteurs, elle est striée suivant deux systèmes différents qui se touchent et concordent. Le corps de l'adulte porte, ainsi que les pattes, des poils étalés et aplatis, allongés, recourbés vers l'intérieur ouïe bas. Ces poils ont des nervures comme ceux du Tenuipal- pus palmatus et, de plus, ils sont dentelés sur leurs bords. Leurs dentelures sont dirigées en bas. Comme chez tous les Tenuipalpes, le long poil de l'avant-dernier article des pattes est uni et sétiforme. Les poils des pattes sont beau- coup plus petits et plus courts que ceux du corps; leurs nervures sont moins accentuées et ils paraissent plus épineux. L'œuf est rouge; il en sort une larve hexapode, couverte de longs poils épineux qui par leurs formes diffèrent con- sidérablement de ceux de l'adulte. Ces pattes portent des poils de même nature que ceux du corps, mais beaucoup plus courts. Avant la dernière transformation, la larve devient octo- pode. Les poils courts et relativement rares de l'adulte m'ont engagé à donner à cette espèce le nom de glaber. (1) Donnadieu. Loc. cit., p. 114-115. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 89 J'ai très souvent rencontré ces Tetranyques sur les feuil- les de la ronce ordinaire et quelquefois sur les feuilles d'é- glantier. Longueur du corps, de 5 à 6/10 de millimètre (1). » J n'ai point fait une étude particulière de l'Acarien du pommier et du poirier au point de vue zoologique : cela est en dehors du cadre ordinaire de mes études : j'ai pu du moins constater qu'il se rapproche beaucoup du Tenuipalpus glaber : ce dernier habite sur les feuilles de ronce et d'églantier: ce sont des Rosacées, famille qui, comprise au sens large, renferme le pommier et le poirier. Si je ne puis affirmer l'exacte détermination de l'Acarien, je pourrai du moins fournir des renseignements sur sa biologie : cette partie était la plus importante, la seule importante même au point de vue du traitement. A partir de la fin de juillet, on voit le nombre des taches augmenter sur les feuilles : elles gagnent même quelque- fois le bord du limbe: l'ensemble de l'arbre est alors ca- ractéristique ; la fonction chlorophyllienne se trouve en- travée. A la face inférieure, la quantité d'Acariens vacrois- sant : ils s'abritent le long des nervures ; à un faible gros- sissement, on les voit se déplacer activement: leur couleur rouge permet de les suivre avec la plus grande facilité ; vers le 20 septembre, nous rencontrons des individus plus petits, avec deux taches à l'arrière ; leur partie anté- rieure est plus effilée ; ils sont très -actifs : d'autres indivi- dus sont incolores, sauf en quelques points. Il était intéressant de voir ce que devenait l'Acarien au moment de la chute des feuilles. Vers le 7 octobre, je cons- tate une émigration : les Acariens descendent des feuilles; ils s'établissent sur les rameaux (PL XI, fig.6), et lorsque les feuilles tombent quelques jours plus tard, tous les (1) Donnadieu. Loc cit. 90 P A. DANGEARD Acariens se retrouvent sur les branches et les rameaux, non sans être restés presque jusqu'au dernier moment sur les pétioles; on retrouve encore à ce moment quel- ques individus incolores, avec deux taches rouges laté- rales. Les Acariens passent tout l'hiver sur ces rameaux et ■j'ai entrepris des voyages fréquents dans la Sarthe, pour ne pas perdre de vue ces parasites : ils restent actifs, se lo- gent dans les moindres interstices, sous les lichens, sous les écailles des bourgeons, continuant leurs ravages; en janvier, après de fortes gelées, j'espérais qu'un grand nombre auraient disparu. Or, ils n'avaient paru souffrir aucunement. Autant que mes observations permettent de l'affirmer, il ne s'est produit aucune modification notable dans leur mode de vie jusqu'au printemps : lorsque les premières feuilles se montrent, lorsque les bourgeons se dévelop- pent, les Acariens quittent les rameaux et s'établissent à la base des jeunes feuilles. On doit noter ici une observa- tion intéressante ; au commencement de juin, je remarque un grand nombre d'œufs déposés le long des grosses nervures (PI. XI, fig. 8), et surtout le long de la nervure médiane; ces nervures proéminent assez fortement et protègent ces œufs. Ces œufs ont un contour elliptique (PI. XI, fig. 9), la membrane est assez épaisse, incolore; l'œuf, dans son ensemble, est coloré en rouge et le protoplasma d'un côté se retire de la paroi. Plusieurs de ces œufs avaient déjà germé ; car on rencontrait de temps en temps un individu hexapode (PL XI, fig. 5); ce n'est que plus tard, que la larve devient définitivement octopode. La présence de l'Acarien sur les arbres permet à un champignon de s'introduire quelquefois dans les taches pour achever l'œuvre de destruction; les cellules ont été épuisées par le Tenuijialjms ; elles ne peuvent résister LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 91 au nouvel ennemi qui se présente. Cet ennemi, c'est un champignon, le Pestalozzia concentrica; tant qu'il n'existe qu'à l'état de mycélium, il est très difficile de constater sa présence, car ses filaments sont excessivement fins : c'est pourtant le moment où il agit sur le tissu de la feuille. Plus tard, alors que la tache a pris une teinte noire ou brune, il fructifie dans des sortes de corbeilles (PL XI, fig. 10, P): l'épiderme E se trouve soulevé et en forme les bords ; au fond de cette corbeille existe un feutrage de fila- ments excessivement fins M et, au milieu, sont placées des spores S en tonnelets, cloisonnées, à couleur brune (PL XI, fig. 11). Frank a signalé (1) la présence sur quelques plantes de jardin, sur le Pharbitis hispida, sur quelques Dicotylédones etMonocotylédones, d'un Acarien qui produitde nombreux dégâts : c'est le Tetranychus telarius ; il appartient au groupe des Tétranyques tisserands ; sa toile est très four- nie et couvre de grandes surfaces ; le corps est ovoïde, brun verdâtre, couvert de poils longs et nombreux, tous sétiformes. Le mâle est petit, allongé, jaune pâle, trans- parent. Il se montre au printemps, se développe rapidement pendant l'été et disparaît un peu avant l'automne ; d'après ce que nous savons maintenant du Tenuipalpus, nous pou- vons conjecturer que le Tetranychus telarius, lorsqu'il vit sur des plantes vivaces, demeure sur les rameaux pendant l'hiver. En ce qui concerne la maladie du pommier et du poirier que nous venons de faire connaître, voici ce que l'on peut conseiller. Comme ces Acariens sucent le protoplasma des cellules, sans manger la feuille, il est probable que l'emploi des arsénites ne donnerait que de médiocres résultats : il (1) Frank. Die Krankheiten der Pflanzen, II, p. 668-6G9. 92 P.A. DANGEARD vaut mieux essaver d'abord l'insecticide à base de pétrole. Nous avons vu qu'il existe beaucoup d'œufs sous les nervures des feuilles en juin ; qu'un traitement fait à cette époque, soit avec les substances insecticides, soit avec les fongicides, aurait chance de détruire un grand nom- bre d'Acariens dans l'œuf, ou à la sortie des jeunes larves. Enfin, pendant l'hiver, ces Acariens sont réfugiés sur les rameaux : il serait bon de couvrir les branches de lait de chaux au moyen d'un pulvérisateur. 5° L'ÉRINEUM DES FEUILLES. (PI. XI, fig. 12.) On connaît l'aspect gaufré particulier que prennent les feuilles de vigne atteintes par Térinose ; à la face inférieure du limbe, dans la partie concave qui correspond aux gaufrages de la face supérieure, il existe des groupes de poils blancs serrés les uns contre les autres : ce sont des cellules épidermiques, qui, sous l'influence de l'irritation produite par un Phytopus, se développent en longs poils qui abritent l'Acarien. Le pommier et le poirier présentent des phénomènes analogues : nous avons représenté (fig. 12, E), pour un pommier, ces poils épidermiques de la face inférieure qui servent d'abri au parasite ; c'est VErineum pyrinum Pers. (1) ; il n'y a pas lieu, d'ailleurs, de s'arrêter à cette altération des feuilles : elle est trop peu importante ; mais il est bon de savoir la distinguer des autres ; la distinction est facile ; ici, comme chez la vigne, la feuille se creuse à sa face inférieure de ces cavités remplies d'un feutrage de poils blancs, et ces cavités correspondent à un gaufrage prononcé de la face supérieure du limbe. (1) Frank. Loc.cit., p. 679. LES MALADIES DU POMMIER ET DU TOIRIER 93 6° L OÏDIUM DU POMMIER. La vigne reçoit souvent la visite d'un parasite qui forme, sur les feuilles, une efflorescence blanche ; c'est YErysiphe Tuckeri, qui attaque également les jeunes grains de raisins ; il est constitué par des filaments qui rampent à la surface de la feuille et envoient çà et là des suçoirs à l'intérieur des cellules épidermiques. Sur ce mycélium, se dressent de nombreux rameaux fructifères qui portent des spores disposées en chapelet : ces spores, très nombreuses, se détachent, formant une poussière blanche qui dissémine la maladie. On combat avec succès l'oïdium de la vigne par des soufrages. Le pommier, lui aussi, est attaqué par un parasite de même nature : il se développe de préférence sur les jeunes arbres des pépinières et sur les semis ; il est désigné quelquefois sous le nom de Podosphœra Cxyacanthœ de By. ; Galloway constate qu'en Amérique, il y a une autre espèce (YErysiphe produisant cette maladie du pom- mier (l).Sorauer, qui a étudié également YOïdium du pom- mier, constate sa grande ressemblance avec le Sptuero- theca Castagnei Lev.; il en fait une variété sous le nom de S. Castagnei v. Mali (2). Les divers parasites causant cet Oïdium sont assez mal caractérisés: ainsi, il y a le Phyllactinia suffulta vivant sur Pirus malus et communia (3) : il existe d'autre part un Erysiphe Mali Moug (4);Tulasne rapporte le parasite à (1) Galloway. Die Erfolge der im Jahre 1889 in America durchge- fiihrten praktischen Versuche zur Bekampfung von krankheiten an kulturgewachsen. (Report of the chief of the section of vegetable patho- logy for the year, 1889, nov. 1890.) (2) borauer. Der Mehlthau der Apfelbaume(Hedwigia, 1889, p. 8-12). (3) Saccardo. Sylloge fungorum, V, I. (4) Westendorp. Les Cryptogames, 18J4, p. 131. 94 P A. DANGEARD son Erysiphe Prunastri (1); aux Etats-Unis, Farlow et Sey- mour le regardent comme identique au Podosphaera, Kun- zei Lév. qui vit sur les pruniers (2). L'espèce bien étudiée par Sorauer avait des conidies longues de 20 p., larges de 12 p., et si nombreuses que la feuille en était saupoudrée. Les périthèces ont été trouvés sur les rameaux ou les pétioles des jeunes feuilles ; leur diamètre atteignait 70 à 80 /j.. Cette maladie a été rencontrée parHusnot, en Norman- die, s'étendant sur les jeunes feuilles des arbres dans une pépinière (3). Jusqu'ici, nous n'avons pas eu l'occasion de l'observer personnellement. Les résultats obtenus sur l'oïdium de la vigne au moyen des soufrages permettent de penser qu'on obtiendrait les mômes résultats en ce qui concerne le pommier. En Amérique, on a employé avec succès sur plus de 400*000 sauvageons ou arbres adultes la solution ammo- niacale de carbonate de cuivre (4) ; la dépense est minime. Le premier traitement doit être fait au pulvérisateur aussitôt que les feuilles ont atteint le tiers de leur crois- sance normale : il doit être renouvelé cinq fois environ à dix ou douze jours d'intervalle. Ce mode de procéder est donc tout indiqué, chaque fois que le cultivateur recevra, dans ses pépinières, la visite de l'oïdium. 7* LA CHLOROSE DES ARBRES FRUITIERS. On voit quelquefois, dans les jardins, de beaux arbres (!) Tulasne. Selecta fung. Carpol. I, p. 199. (2) Farlow and Seymour. A provisioaal post-index of the fungi of the United States, Cambridge, 1888. (3) D'après des renseignements manuscrits qui nous ont été commu- niqués par le savant bryologue de Caban. (4) Galloway. Loc. cit. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 95 qui deviennent maladifs : leurs feuilles sont jaunes, la chlorophylle, qui est nécessaire à l'assimilation, n'existe plus en quantité suffisante : ces arbres sont chlorotiques. La chlorose peut être due à plusieurs causes différen- tes : défaut de lumière, température trop basse ou trop élevée, présence d'un parasite sur les racines, empêchant la nutrition normale ; mais la cause la plus fréquente de cette maladie est, d'après l'avis général, l'absence de fer dans le sol ; une plante végétant dans un milieu dépourvu de fer devient chlorotique. C'est pourquoi on emploie, pour guérir cette maladie, le sulfate de fer en solution faible ; on l'applique soit sur le sol afin qu'il arrive au contact des racines, soit directe- ment sur les feuilles ; mais il est bon de remarquer que les solutions faibles ne laissent pas longtemps de traces sensibles, alors que les solutions plus élevées à 2 0/0 par exemple peuvent facilement amener des brûlures. M. Dufour a indiqué un mode de procéder qui mérite d'être expérimenté sérieusement : il consiste à faire une sorte de bouillie bordelaise dans laquelle le sulfate de cuivre est remplacé par le sulfate cle fer (1). Voici comment on peut préparer cette bouillie : 3 kilog. de sulfate de fer sont dissous dans quelques litres d'eau, d'un autre côté 2 kilogr. 1/2 de chaux sont délayés dans l'eau. On réunit les deux mélanges auxquels on ajoute 100 litres d'eau, en ayant soin d'agiter fortement. • Cette bouillie est répandue, avec un pulvérisateur ordi- naire, sur les feuilles des arbres atteints cle chlorose. Ce traitement a, paraît-il, produit déjà de bons résultats: après quelques jours, on remarquait sur les arbres en expérience la formation de chlorophylle sur les feuilles, à chaque endroit où une goutte de bouillie était tombée ; (1) Dr J. Dufour. Notiz uber eine neue art den Anwendung von Eisenvitriol bei gelbsuchtigen Pflanzen (Zeitschr. fur Pflanzcnkrank heitens, I Band, 1891, p. 136). 96 P -A DANGEARD l'aspect des arbres avait changé complètement ; quelques- uns cependant étaient restés jaunes. La chlorose n'a pas en effet pour cause unique l'ab- sence de fer : le sol peut être épuisé ; au traitement pré- cédent, on fera donc bien de joindre des fumures, sous forme de nitrates de soude, de potasse, ou de composés phosphatés. Considérant ce qui arrive à la vigne, depuis le traite- ment à la bouillie bordelaise,, un chimiste de nos amis a émis devant nous l'opinion qu'il serait sans doute utile de préparer la bouillie précédente en mettant parties égales de sulfate de fer et de sulfate de cuivre, soit 1 kilogr. 1/2 de chacune des deux substances ; les vignes traitées au sulfate de cuivre acquièrent en effet une vigueur et une couleur verte intense remarquables : il en serait probablement de même avec les pommiers et poiriers. CHAPITRE IV ALTÉRATIONS DES FRUITS Les fruits sont sujets à plusieurs altérations de nature différente, dont les principales sont les chancres et la pourriture. 1° CHANCRES DES POMMES ET DES POIRES. (PI. XII, fig. 1-6,8-9.) Les pommes chancreuses sont souvent déformées : à leur surface, on remarque des crevasses plus ou moins profondes (fig. 1,0), des taches arrondies dont l'aspect rugueux contraste avec la surface épidermique en géné- néral lisse et luisante ; ces taches ont la couleur de liège ; elles s'accroissent pendant le développement du fruit (fig. 1, M) et se fendillent à leur tour de petites cre- vasses. Lorsque les chancres se sont montrés de bonne heure, ils ont arrêté la croissance du jeune fruit : la partie saine seule a subi un accroissement régulier, comme le montre la section d'un fruit chancreux (PI. XII, fig. 2) ; la partie recouverte par les chancres est restée atrophiée. La formation de ces chancres est due au Fusicladium dendriticum, que nous connaissons bien, dans ses divers états, pour les ravages qu'il occasionne sur les feuilles; en cultivant des sections de pomme chancreuse, nous avons obtenu cependant quelques résultats qu'il est bon de no- ter ; il se développe bientôt à la surface de la tranche des 7 98 P-A. DANGEARD filaments végétatifs noirs, à membrane épaisse ; les cellu- les renferment un globule oléagineux (PI. XII, fig. 3). Au bout de quinze jours, certains filaments dissocient leurs cellules : celles-ci s'arrondissent, se séparent, s'iso- lent (PI. XII, fig. 5) ; elles contiennent un ou deux globu- les oléagineux ; après séparation, elles se cloisonnent transversalement en donnant des spores bicellulaires ; d'autres spores, quelquefois assez grosses, s'isolent de la même façon à l'extrémité terminale d'un filament (PI. XII, fig. 4, S). De la section du chancre, se détachent un très grand nombre de spores : elles sont simples, plus souvent bicel- lulaires, isolées ou réunies en groupe (PI. XII, fig. 6) ; elles peuvent former des masses de pseudo-paren- chyme : les unes et les autres bourgeonnent à leur tour; toutes ces cellules sont incolores, ou fortement colorées en brun. Le chancre des poires est très fréquent : il a beaucoup de rapports avec celui des pommes ; les poires chancreu- ses ont des taches irrégulières (PI. XII, fig. 8, T), dans les- quelles le tissu est devenu dur, subéreux ; l'épiderme s'est exfolié et la surface se couvre de petits mamelons mi- croscopiques produisant des spores (PI. XII, fig. 9). Nous reconnaissons là le Fusiclacllum ftyrinuri1 qui produit le chancre des rameaux de poirier ; on peut rencontrer aussi, dans une section, des spermogonies renfermées à l'intérieur de l'écorce. On emploiera, pour prévenir le développement de ces chancres, la bouillie bordelaise et la solution ammoniacale de carbonate de cuivre, l'eau céleste ; le premier traite- ment devra être fait avant que les arbres soient en fleur ; on pourra renouveler l'opération, lorsque les fruits seront déjà bien formés, plusieurs fois, s'il y a lieu. En Amérique, les fruits sont quelquefois couverts de taches brunes qui sont dues au développement du Glœos- LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 99 porium fructigenum Berk : je ne connais point cette espèce ; mais le traitement est le même que celui qui est employé contre le Fusicladium. 2o LA POURRITURE DES FRUITS. (PI. XII, 10-14.) Dans l'ouest de la France, la pourriture ordinaire des pommes et des poires est causée par le Monilia fructigena, Pers. On reconnaît facilement ce parasite : il existe un centre de développement sur le point où se produit la pénétration du champignon ; tout autour de ce point, on trouve de petites touffes blanches ou jaunâtres, com- pactes, serrées les unes contre les autres (fig. 10, P) en cercles concentriques. En dissociant un de ces petits buissons (PI. XII, fig. 1 1), on voit qu'ils sont formés par des filaments dressés, spo- rifères simples ou ramifiés (fig. 12); les spores terminales se détachent facilement : leur protoplasma est incolore, hyalin et renferme de petites vacuoles (fig. 13) ; elles ger- ment très rapidement dans l'eau. Si l'on introduit une de ces spores sous l'épiderme du fruit, celui-ci ne tarde pas à pourrir, et au bout de quelques jours de nouvelles fructifications apparaissent. En faisant des sections de fruits pourris, je me suis assuré que les filaments mycéliens du champignon circu- lent entre les cellules (PI. XII, fig. 14) ; il y a des troncs à grand diamètre, portant des ramifications plus faibles ; les terminaisons sont petites : elles entourent les cellules, à la façon des doigts de la main soutenant une grosse boule : le mycélium est cloisonné. On ne peut songer à détruire le parasite dans la profon- deur des tissus : il faudra se contenter, pour prévenir l'ex- tension de la maladie, d'enlever avec soin, et dès le début, les fruits qui présentent des taches de pourriture : les 100 P A. DANGEARD spores formées en grand nombre contamineraient les fruits sains. Comme la germination des spores est favorisée par une température humide et chaude, il est bon de placer les fruits dans un endroit sec et aéré. Enfin, il est utile de remarquer que la pénétration du parasite a lieu surtout par les interruptions de l'épiderme, par les blessures et les meurtrissures survenues pendant ou après la cueil- lette des fruits. Il parait que l'on a obtenu de bons résul- tats contre le parasite en soufrant les arbres (I ). On a signalé également une pourriture due au dévelop- pement d'un microbe, le Bacillus amylovorus Burl. En Amérique, il existe une autre sorte de pourriture : elle est produite par ÏEntomosporium maculatum Lev., parasite qui attaque également les feuilles ; nous igno- rons si ce champignon se rencontre fréquemment en France; j'ai représenté en c l'asque avec ses spores ; elles sont bicellulaires avec une cellule plus grande B ; en A est un autre stade de développement (PI. XII, fig. 7). La surface des fruits mûrs se recouvre quelquefois d'une mousse de couleur ardoise : c'est un Pénicillium ; il est analogue à celui qui se développe à la surface des confi- tures; les recommandations faites au sujet du Monilia fructigena s'appliquent à cette dernière espèce. UEntomosporium maculatum attaque les feuilles et les fruits (2) : l'expérience a montré que le meilleur remède contre ce redoutable parasite est l'emploi de la bouillie bordelaise (3). (1) New Jersey Agricultural collège, experiment station. Bulletin 86, avril 1892. (2) Ce champignon est aussi désigné sous le nom deMorthiera Mes- pili, Stignatea Mespili (Sorauer. Handbuch der Pflanzenkrankheiten, p. 372 et suivantes). (3) Galloway. Loc. cit. CHAPITRE V ALTÉRATIONS DES RACINES 1° LE POURRIDIE. Le Pourridié ou blanc des racines est une maladie qui est répandue sur un grand nombre d'arbres d'espèces différentes : Pommiers, Poiriers, Cerisiers, Pêchers, Oli- viers, Mûriers, Marronniers, etc. ; elle a été surtout bien étudiée chez la vigne par Viala(l); nous profiterons ici des résultats acquis à la science par Viala et aussi de ceux qui ont été fournis antérieurement par plusieurs savants, Hartig en particulier (2). Chez la vigne, le parasite qui produit le Pourridié est un Ascomycète, c'est le Dematophora necatrix ; le blanc des racines du pommier et du poirier est dû à l'Agaric de miel (Agaricus melleus). Les symptômes qui dénotent la présence de la maladie dans un verger sont les suivants : de beaux arbres qui pa- raissent sains perdent leurs branches les unes après les autres ; quelquefois tout un côté meurt en même temps : les arbres voisins meurent à leur tour dans les mêmes conditions au bout de quelques années. Si l'on a affaire à une pépinière, la maladie se propage plus facilement. En (i) Pierre Viala. Monographie du Pourridié des vignes et des arbres fruitiers, Masson, Paris, 1S91. (2) Hartig. Lehrbuch der Baumkrankheiten, p. 479-184. 102 P.-A. DANGEARD arrachant ces arbres, on voit que les racines sont recou- vertes d'un feutrage blanc qui a valu à la maladie son nom : quelquefois, à la base du tronc, les fructifications deYAga- ricus melleus forment des touffes compactes. Si Ton remplace sans précaution préalable les arbres détruits et arrachés par de jeunes arbres, ces derniers sont attaqués à leur tour et meurent. Le parasite se montre sous plusieurs aspects différents : il recouvre les racines d'un duvet blanc ou bien il forme sur ces racines des cordons irréguliers anastomosés en réseau : ces cordons sont des rhizomorphes. En conservant en culture, dans une cuvette dont le fond est garni d'une mince couche d'eau, des racines attaquées, on peut voir se former à la surface de l'eau ces cordons ou rhizomorphes qui parcourent des distances assez gran- des : dans la nature, ces cordons rampent dans le sol d'une racine à l'autre, d'un arbre à l'arbre voisin. Examinons un de ces cordons formés à la surface de l'eau, nous ver- rons qu'il est constitué par des filaments simples ou rami- fiés, de même diamètre pour la plupart : çà et là, existe un petit renflement : ces filaments sont entrelacés pour for- mer le cordon, mais beaucoup d'autres sont indépendants les uns des autres : à l'extrémité, ils s'étalent en pinceau ; à la surface des cordons, il y a un très grand nombre de petits nodules épineux : chacun d'eux comprend un cen" tre de mycélium irrégulier, coloré en brun, bosselé, d'où partent en divergeant un plus ou moins grand nombre de filaments terminés en pointe. Sur ces rhizomorphes, dans une culture datant de six mois, se dressent de petits massifs blancs en forme de co- lonne un peu élargie à la base, conique au sommet : ce sont les débuts de la formation des chapeaux de l'Agaric ; en général, ils restent à cet état faute de nourriture suffi- sante ; mais, sur les rhizomorphes des racines elles-mêmes, ces chapeaux atteignent leur complet développement; LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 103 toutes ces petites colonnes dressées sur le mycélium sont couvertes de petits nodules épineux. D'autres rhizomorphes se trouvent, dans les racines attaquées, entre le bois et l'écorce: ils forment un feutrage dense, une sorte de matelas : delà, partent un grand nom- bre de filaments mycéliens, dont les uns pénètrent dans le bois et le désorganisent, alors que les autres traversent l'écorce et vont se relier au mycélium externe. Lorsque des arbres sont atteints par le Pourridié, il faut les arracher et brûler sur place toutes les racines ; à l'en- droit de l'arrachage, on évitera de faire une plantation d'arbre quelconque pendant trois ans environ : les pommes de terre, les betteraves, les légumineuses, ne devront pas être cultivées à cette même place, car le parasite peut les envahir et conserver ainsi sa vitalité ; les céréales ne sont pas dans le même cas et leur culture n'a aucun inconvé- nient. Pour éviter la propagation de la maladie dans une pép nière, par exemple, on conseille d'isoler l'endroit conta- miné par une tranchée profonde ; nous avons vu en effet, que le parasite forme des rhizomorphes nombreux qui circulent dans le sol. D'après Viala, l'emploi du sulfure de carbone donne quelques résultats pour la vigne : on s'en sert à la dose de 30 grammes par mètre carré; il détruit le mycélium externe sans atteindre, il est vrai, les rhizomorphes ; ceux-ci au bout de quelque temps, fournissent un nouveau mycélium ; on ne fait guère en somme que d'empêcher la propagation du parasite. L'humidité étant favorable au développement du Pour- ridié, une bonne précaution est de drainer le sol des vergers où la maladie a une tendance à se montrer. !04 P--A. DANGEARD LA FERMENTATION ALCOOLIQUE DES RACINES. ■^o Cette fermentation des racines a été étudiée par Van Tieghem dans une note que nous transcrivons textuelle- ment (1). « Tout le monde connaît les belles expériences de MM. Lechartier et Bellamy sur la fermentation alcoolique sans intervention de levure de bière, qu'éprouvent les fruits sucrés quand on les soustrait à l'action de l'oxygène. Étendues un peu plus tard par M. Pasteur à d'autres organes de la plante, comme les racines et les feuilles, elles' ont reçu leur achèvement le jour où M. Muntz a montré qu'une plante tout entière, prise dans les conditions normales de végétation, si on la soustrait tout à coup au' contact de l'oxygène, produit aussitôt de l'alcool dans toutes les régions du corps. » Ces expériences ont prouvé que toute cellule végétale qui contient du sucre, si on vient à lui retirer l'oxygène, à l'asphyxier, détruit ce sucre en formant de l'acide carboni- que, de l'alcool et quelques autres produits accessoires ; en un mot, développe la fermentation alcoolique. Et de fait les diverses levures alcooliques, qu'elles proviennent de Sàccharomyces ou de mucor, ne provoquent la fermentation du sucre que dans ces mêmes conditions d'asphyxie. La fermentation alcoolique s'est trouvée ainsi ramenée à une seule et même condition générale, nécessaire à la fois et suffisante : l'asphyxie d'une cellule vivante en présence du sucre. La maladie des pommiers, dont je voudrais dire quelques mots à la Société, trouve précisément son explication et aussi son remède, dans l'ordre d'idées que je viens de (1) Van Tieghem. Sur une maladie des pommiers causée par la fermentation alcoolique de leurs racines {Bulletin Sociale Botanique de France, t. 26, 1897, p. 356-328.) LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 10b rappeler. Elle n'est, à tout prendre, que l'expérience de M. Muntz, réalisée spontanément dans la nature, mais sur la racine seulement, une asphyxie de la racine, suivie aussitôt de la fermentation alcoolique du sucre que renfer- ment ses cellules. _ Il y a quelques semaines, M. des Cloizeaux m'a donné à examiner des racines de pommiers malades provenant d'une propriété qu'il a en Normandie, près de Villers-sur- Mer. Elles exhalaient une très forte odeur d'alcool; la fer- mentation alcoolique y était évidente. Quelle est la cause du phénomène et que faut-il faire pour en arrêter le cours ? Telle est la question qui m'était posée. Ces racines, fort âgées et presque entièrement dépouillées de leur écorce, n'offraient à l'étude anatomique que des matériaux fort incomplets. Voici pourtant ce qu'il est facile d'y observer. Le bois y est, par places et souvent sur de grandes étendues, aussi bien au centre qu'à la périphérie, coloré en noir brunâtre ou bleuâtre. En pratiquant dans ces régions des coupes transversales, tangentielles et radiales, on voit que ni les fibres, ni les vaisseaux ne présentent le moindre indice d'altération; le phénomène morbide s'y est concentré tout entier dans les cellules des rayons médullaires et du parenchyme ligneux. Chacune de ces cellules, où la membrane est restée intacte et par- faitement hyaline, a perdu tout son contenu ordinaire, qui estremplacé par un grosglobule brun plus ou moins foncé, d'aspect cireux. Il y a quelquefois plusieurs de ces glo- bules plus petits, dans une même cellule. Ce sont ces globules bruns, laissés comme résidu, pendant que l'alcool formé en même temps par les cellules se répandait dans tous les tissus de l'organe qui donnent aux rayons médul- laires, au parenchyme ligneux et par eux au bois tout entier, la coloration noirâtre caractéristique des régions attaquées. D'ailleurs, pas la moindre trace dans ces régions, ni de levures, ni de microphytes quelconques. 106 P.-A. DANGEARD Les éléments altérés sont précisément les seuls qui, dans les racines normales de cet âge, renferment du sucre et de l'amidon. C'est évidemment sur le contenu sucré, ou capable de se transformer en sucre, qu'a porté la fermen- tation alcoolique éprouvée spontanément par ces cellules, lorsque les conditions de leur vie normale se sont trou- vées brusquement changées. Or, en appliquant les résultats des expériences que j'ai rappelées au début, il paraît certain que cette fermenta- tion alcoolique, apparue spontanément en l'absence de toute levure, a dû être provoquée ici par le manque d'oxy- gène dans le sol, par l'asphyxie des racines. Les renseignements qu'en réponse à mes questions M. Des Cloizeaux m'a donnés sur la nature du sol, joints à cette circonstance que l'année a été extraordinairement pluvieuse, n'ont fait que me confirmer dans cette convic- tion. Dès lors, le seul conseil à donner était d'aérer promp- tement la terre où plongent les racines, soit par drainage, soit par tranchées. M. Des Cloizeaux m'a dit depuis avoir été informé que plusieurs de ses voisins, éprouvés par la même maladie, avaient drainé le sol ou creusé autour des arbres des tranchées profondes. Le mal avait diminué à la suite de ces opérations et les pommiers pourraient être sauvés. On voit par là comment les données théoriques obtenues clans le laboratoire peuvent tout à coup éclairer la pra- tique agricole. Nous nous rappelons très bien que notre regretté maître, le professeur Modère, nous a dit plusieurs fois qu'il avait eu l'occasion d'observer cette maladie dans le pays d'Auge et qu'il avait conseillé un traitement identique. CHAPITRE VI LES INSECTES NUISIBLES Ce chapitre ne peut être considéré que comme un sup- plément dans lequel nous n'apportons aucune observa- tion personnelle. Les renseignements qui suivent sont empruntés aux travaux du Dr Henneguy, de Hérissant, de Louise et Huet, de Lecœur (1), du père Abel (2). Au premier rang des insectes nuisibles au pommier, on peut placer l'anthonome. C'est un coléoptère très petit, appartenant à la famille des charançons. Il se réfugie pendant l'hiver dans les fentes et les cre- vasses du tronc et des grosses branches : on peut à ce moment en détruire une grande quantité en opérant de la manière suivante : 1° Disposer sous les pommiers une bâche entourant le plus exactement possible la base du tronc. 2° Gratter légèrement le tronc et le bas des grosses branches charpentières, pour faire tomber sur la bâche les écailles et une partie des insectes. (4) E. Lecœur : 1° L'anthonome du pommier ; 2» de l'emploi des bandés goudronnées contre les chenilles de la Chématobie. (2) Etude sur l'anthonome des pommiers. Consulter également le rapport de Gustave Heuzé sur le prix de 1500 fr., proposé pour le meil- leur travail sur l'anthonome. 108 P-A. DANGEARD 3° Brosser, avec une brosse en chiendent, le tronc gratté pour faire tomber le reste des anthonomes tapis dans les fissures. 4° Jeter au feu les insectes et les débris tombés et re- cueillis sur les bâches. On peut compléter l'anthonomage d'hiver par un badi- geonnage au lait de chaux, ou mieux avec une dissolution à 20 OjO de sulfate de fer, à laquelle on ajoute un peu d'ar- gile ou de bouse de vache. Vers le 15 avril, d'après les observations de Lecœur, les anthonomes, en grande quantité, quittent en quelques jours le tronc, montent dans les branches et se répandent sur les petites branches, dont les boutons commencent à débourrer. Ils se mettent à se nourrir, soit en rongeant le paren- chyme inférieur des jeunes feuilles, soit en perçant les ovaires des boutons à fleurs avec leurs mandibules. Plus tard, ils percent le bouton de fleur près de s'épa- nouir, à la base d'un pétale, d'un petit trou rond, et la fe- melle y dépose un œuf. Vers le 20 avril, les anthonomes s'accouplent et la ponte commence quelques jours après ; chaque femelle pond une quinzaine d'oeufs, d'après le docteur Henneguy, dans autant de boutons de fleur. Les premiers sont pondus sur les pommiers de pre- mière fleur; d'autres vers le 10 mai, sur les pommiers de deuxième fleur ; vers le 20 mai, ce sont les pommiers tardifs qui reçoivent la visite de l'insecte. Ces conditions permettent de poser les règles de l'an- thonomage du printemps. On se sert d'une grande bâche de 10 à 12 mètres de côté et de gaules munies d'un crochet de fer ; celui-ci est garni intérieurement de cuir ou de caoutchouc, afin de ne pas endommager les arbres. On secoue, sans exception, toutes les branches de la LES MALADIES DÛ POMMIER ET DU POIRIER 109 grosseur du poignet, en évitant de casser les bour- geons très tendres. Le contenu de la bâche est détruit par le feu ; d'après ce qui vient d'être dit, on doit secouer les pommiers de première fleur du 20 avril au 5 mai, les pommiers de deuxième fleur du 5 mai au 20 mai, et les pommiers tardifs à partir du 20 mai. Du 10 juin au 15 juin, on procède à une opération ana- logue ; elle est fondée sur ces faits que les fleurs dans lesquelles existe une larve ou bien une nymphe d'antho- nome se dessèchent ; ce sont des fleurs roussies qui tom- bent avec la plus grande facilité : c'est l'anthonomage d'été. Dans la bâche, en compagnie des larves et des nymphes danthonome, se trouve une grande quantité de chenilles de la Chématobie. La Chematobia bruinât a dévore les feuilles de pommier de fin mai au commencement de juin; vers le 15 mai, beau- coup tombent sur le sol, entraînées parla pluie ou lèvent; quelques-unes descendent volontairement ; elles remon- tent bientôt sur l'arbre. De là, une manière de les détruire : on enduit le tronc du pommier d'une bande goudronnée ou d'une autre substance visqueuse ; on les y prend par milliers. Tels sont les moyens recommandés pour la destruction de ces deux insectes nuisibles : ils donnent d'excellents résultats (1). Il existe encore d'autres insectes nuisibles au pommier ; leur action se rapproche de celle des précédents. En résumé, nous voyons que le traitement, en France, se réduit à l'emploi des bandes goudronnées, au grattage de l'écorce, au secouage des branches. (1) Lecœur. La guerre à la Chématobie (Le Cidre et le Poiré, revue mensuelle, 1er juillet 1892). 110 P-A DANGËARD Pourquoi n'essaierait-on pas les traitements employés en Amérique, et que nous avons fait connaître dans le chapitre consacré aux insecticides ? On peut objecter que les arsénites sont des substances dangereuses : mais leurs propriétés sont les mêmes partout et aux doses indi- quées les expériences ont montré qu'elles ne présentaient aucun danger ; en tout cas, il me semble qu'il y a là un nouveau champ ouvert aux investigations. Et, à résultats égaux, il est plus simple et moins coû- teux, en ce qui concerne la main-d'œuvre, de pulvériser un arbre aux insecticides que de secouer une à une toutes les branches, ou de visiter tous les jours des bandes goudronnées. LES MALADIES DÛ POMMIER ET DU POIRIER 1 1 I EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE III. Le chancre cancéreux, fig. 1-16. \. Un chancre sur une branche âgée de pommier. 2. Section transversale de cette même branche; le bois mort est représenté par des hachures ; les premières couches annuelles en- tourant la moelle sont atteintes. 3. Section d'une branche chancreuse plus âgée ; il ne reste plus aucune trace des anneaux ligneux qui entouraient la moelle ; une couche peu épaisse de bois noir et mort O recouvre la surface du chancre. 4. Un chancre au niveau de la greffe sur un pommier d'une trentaine d'années. 5. Un chancre sur un rameau ; le bois est mis à nu et de couleur noire ; l'écorce crevassée est recouverte de petites sphères rouges qui appartiennent au Nectria ditissima. 6. La section du chancre de la figure 5. 7. Chancre ayant envahi toute la circonférence; nombreuses sphères rouges ou périthèces ; la partie supérieure du rameau O est morte. 8. Schéma indiquant la manière dont le champignon détruit chaque année une nouvelle portion d'écorce ; on voit aussi comment le bois ne se forme annuellement qu'en face la portion d'écorce restée in- demne. 9. Début de la formation d'un chancre autour d'un bourgeon. 10. Section transversale de ce chancre, montrant qu'elle est la portion de bois et d'écorce attaquée par le parasite. 11. Chancre un peu plus avancé, produit dans les mêmes conditions. 12. Section transversale de ce chancre. 13. Trois périthèces de Nectria ditissima.' 14. Asques et paraphyses de cette Nectrie. 15. Germination des spores dans l'eau. 16. Conidies formées à la surface d'un stroma. 17. Apiosporium Mali, avec formation de conidies en chapelet à la surface du périthèce. PLANCHE IV. Le chancre noduleux. L Rameau devenu noduleux et crevassé sous l'influence du puce- ron lanigère; en A, touffes laineuses recouvrant les pucerons; en 0> crevasses. 112 P.-A. DANGEARD 2. Section au niveau d'un nodule : R, bois ; P, zone génératrice ; T> tumeur parenchymateuse ; F, fibres. 3. Section transversale à un endroit plus attaqué ; mêmes lettres que dans la figure précédente. 4. Cellules de ces tumeurs avec noyaux. 5. Le tissu des tumeurs a été envahi et détruit par un champignon parasite: D, bois ; M, filaments mycéliens; B, fructifications super- ficielles. 6. Crevasses sur une branche déformée par le puceron lanigère ; à la surface du rameau, se trouvent diverses sortes de fructifications; en touffes noires, A ; en sphères rouges, O. 7. Les buissons noirs (forme Cladosporium) : production des spores. 8. Les sphères rouges ; leur surface est couverte de papilles qui four- nissent des spores falciformes septées. 9. Une spermogonie. 10. Lambeau d'écorce; en D, la forme Cladosporium; en F, début d'une - spermogonie ; en B, spermogonie fournissant de nombreuses spores ; elles se détachent d'un tissu incolore d'épaisseur assez faible, situé sous la couche corticale noire ; ces spores arrondies se divisent bientôt en deux cellules. 41. Les spores bicellulaires. PLANCHE V. 1. Les spores du champignon, en culture dans du jus d'orange ; ger- mination. 2. Culture dans l'eau. 3. Germinations après quelques jours ; les filaments ont contracté de nombreuses anastomoses. 4. Les articles deviennent noirs ou couleur de rouille dans certaines germinations ; il en est de même des spores non germé es. 5. Anastomoses entre les filaments du mycélium. 6. Spores falciformes en germination. 7. Rameau avec de simples crevasses résultant de l'action exclusive du champignon. 8. L'appareil conidien arborescent qui se produit dans l'air, sur le mycélium. 9. Les spores qui forment une croûte noirâtre au fond de ces chancres. 10. Section de l'un des rameaux chancreux ; la partie superficielle de l'écorce est seule attaquée ; une zone génératrice sépare la partie saine de la partie contaminée. 11. Pédicelle supportant des conidies. ,12. Mycélium de la culture portant ces appareils conidiens. Lt£S MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 113 PLANCHE VI. Le chancre papillaire, fig. 1-10. 1. Un jeune pommier couvert de chancres. 2. Aspect d'un chancre grossi ; O racines. 3. Section transversale d'un rameau de trois ans, au niveau d'un bourgeon dormant ; B, bois normal du rameau ; O, couches de bois produites annuellement par le bourgeon ; D, ce bourgeon réduit à une masse de méristème. 4. Section tangentielle du rameau au niveau de l'un de ces bour- geons ; P, le bois du rameau avec ses rayons médullaires; M, moelle primaire se détruisant au centre ; B, bois sans vaisseaux du bour- geon ; à sa face interne, il existe une zone génératrice qui forme de nouveau bois vers l'extérieur et une moelle secondaire F, vers l'in- térieur ; O, massif isolé par fragmentation ; il emporte sa zone géné- ratrice et une portion de la moelle secondaire. 5. Section transversale d'un rameau passant par l'axe d'un bour- geon dormant après fragmentation de la moelle secondaire ; M, moelle du rameau ; B, son bois normal ; E, son écorce ; le bois sans vaisseaux du bourgeon est ombré au moyen de hachures ; I, partie où se développent les racines. 6. Section tangentielle du rameau à l'endroit de formation des ra- cines ; la section comprend les faisceaux foliaires F d'une feuille dont la base s'est trouvée relevée par le chancre perpendiculaire- ment à la surface ; I, fibres de l'écorce; M, tissu cristalligène ; B, bois dépourvu de vaisseaux avec indication de la zone génératrice en pointillé tout autour ; R, racines à divers états de développement. Dans la portion externe, formation de méristème autour de blessures faites par la gelée ? et début déjeunes racines. 7. Section plus profonde au même endroit ; F, faisceaux foliaires ; .0, point de végétation ; B, Bois sans vaisseaux ; la zone cristalligène est remplacée par le bois normal du rameau avec ses rayons médul- laires. La figure montre comment plusieurs de ces racines se sont réunies au bois sans vaisseaux. 8. Section du rameau au moment où la moelle primaire M, disparaît ; M, moelle secondaire ; O, zone génératrice ; B, bois sans vaisseaux. 9. Section longitudinale du bois sans vaisseaux. 10. Section tangentielle d'un rameau chancreux ; R, racine ; B, bois sans vaisseaux. PLANCHE VIL Le chancre commun, fig. 1-8. 1. Rameau de poirier chancreux. 2. Section au niveau d'un chancre ; du stroma mycélien, se dressent les pédicelles sporifères [Fusicladiwn pyrinum). 3. Pédicelles sporifères portant plusieurs spores. 8 114 P.A. DANGEARD 4. Germination de ces spores ; en A, production de nouvelles spores sur le mycélium. 5-6. Deux sections du même rameau ; Tune au-dessus du chancre, la seconde au niveau du chancre ; B, bois; F, deux rangs de fibres ; dans 6, l'écorceest rongée par le chancre jusqu'à l'anneau extérieur défibres. 7. Spores intercalaires ou kystes obtenus dans une culture. 8. Autre disposition des kystes. La pourriture du bois, fïg. 9-15. 9. Le Polyporus sulfureus, cause de la pourriture. 10. Section longitudinale d'un tronc de pommier sur lequel est fixé le Polypore : P, fructification du Polypore : M, la partie de l'arbre atta- quée par le mycélium du parasite. 11. Section transversale de ce tronc au niveau delà partie attaquée : E, ccorce; O, couronne ligneuse intacte ; O, partie centrale désagré- gée et limitée par un cercle extérieur noir. 12. Détail de la partie désagrégée : O, feutrages mycéliens intercalés entre les formations ligneuses annuelles. 13. Disposition du feutrage mycélien. 14. Le mycélium désagrégeant les fibres ligneuses. 5. Formation de conidies sur le mycélium (cette figure, d'après J. de Seynes). PLANCHE VIII. La Fumagine, fig.1-18. 1. Le mycélium M sous la cuticule. 2. Un filament dressé partant du même mycélium. 3. Nombreux filaments dressés, noirs, partant du même mycélium. 4. Filaments mycéliens dans un poil épidermique: ils se trouvent logés dans l'épaisseur de la membrane. 5. Même disposition avec structure plus ténue des filaments : l'un d'eux, plus gros, se montre à l'extérieur. 6. Une feuille de poirier montrant à sa face inférieure les taches cir- culaires de la Fumagine T. 7. Une feuille de pommier, vue par sa face supérieure et à moitié détruite. 8. Section du pétiole de cette feuille ; la partie détruite P montre à sa surface les fructifications ; F, le faisceau foliaire. 9. Aspect des fructifications ordinaires du Fusicladîum dendriticum : spores S, rarement cloisonnées. 10. Autre aspect des fructifications sur le mycélium d'un poil épi d er mique d'une feuille de poirier. 11. Une spermogonie à l'intérieur d'un poil. 12. Une autre spermogonie sous la cuticule : elle est sectionnée en son milieu. 13. Croûtes noirâtres du même parasite. LES MALADIES DU POMMIER ET DU POIRIER 115 14. Mycélium d'un poil se développant en culture : anastomoses. 15. Mycélium développé dans l'eau pure; nombreux rhizoïdes. 16. Mycélium à l'intérieur d'un poil. 17. Diverses germinations. 18. Aspect d'un mycélium dans une culture. PLANCHE IX La Fumagine {suite), fig. 1-9. 1. Spores intercalaires ou kystes. "2. Kystes. 3. Un des kystes de ce filament est arrivé à maturité. 4. Germination F d'un de ces kystes. 5. Le même filament mycélien porte des kystes B et des appareils conidiens D. 6. Spores nombreuses contenues dans les cultures. 7. Fusicladium pyrinum sur une feuille de poirier. 8. Septoria piricola, sur une feuille : T, taches. 9. Section transversale de la feuille, au niveau d'une tache : spermo- gonie (d'après Briosi et Cavara). La rouille des feuilles, fig. 10-17. 10. Une feuille vue par sa face supérieure : T, taches. 11. Une feuille vue par la face inférieure: T, plage des écides. 12. Section de la feuille avant le développement des écides : M, spermo- gonies de la face supérieure. 13. Spermogonie plus grossie. 14. Un écide du Gymnosporangium. 15. Le Gymnosporangium clavariasforme sur le genévrier. 16. La téleutospore. 17. La téleutospore du Gymnosporangium tremelloïdes : promycélium et conidie. PLANCHE X. La gale des feuilles, fig. 1-10. 1. Une feuille couverte de pustules. 2. Le Phytopus. 3. Section de la feuille avec le parasite. 4. Conidies en chapelet trouvées dans ces taches. 5. Leur développement en culture et formation d'un nouvel appareil conidien : B, conidies bourgeonnant. 6-7. Spermogonies rencontrées dans le tissu des taches. 8. Une feuille avec taches noires confiuentes. 9. Section de la feuille montrant trois spermogonies dont deux incom- plètement développées. 10. Appareil conidien arborescent provenant des cultures. 116 P. A. DANGEARD PLANCHE XI. La, marbrure des feuilles, fig. 1-11 . I.Face supérieure d'une feuille de pommier montrant les taches rouges T produites par l'Acarien. 2. Face inférieure de la même feuille : P, les Acariens sous forme de points rouges. 3. Le Tenuipalpus fortement grossi. 4. Partie antérieure de l'Acarien et détails des pattes.- 5. Un Acarien à l'état larvaire; il ne possède que trois paires de pattes. 6. L'Acarien réfugié sur les rameaux pendant l'hiver. 7. Une des formes de petits individus incolores avec deux taches postérieures. 8. Œufs déposés près des nervures en juin. 9. Œuf grossi. 10. Section de la feuille, au niveau des taches figurées en hachures : P, le champignon fructifié ; B, le faisceau foliaire de la nervure. H. Corbeille fructifère du Pestalozzia concentrica. 12. h'Erineum pyrinum : section partielle du limbe avec les poils épi- dermiques. PLANCHE XII. Le chancre des pommes, fig. 1-8. 1. Pomme chancreuse : O, crevasses; M, taches circulaires. 2. Section d'une pomme chancreuse. 3. Mycélium du chancre développé en culture. 4. Formation de spores à l'extrémité des filaments. 5. Formation de spores intercalaires qui se dissocient ensuite. 6. Spores sous divers aspects : production de bourgeons ou conidies. 7. Stigmatea Mespili Sorauer : C,asque; B, spores et germination. Le chancre de la poire, fig. 8-9. 8. Poire chancreuse avec des taches irrégulières, étoilées. 9. Section au niveau d'un chancre : stroma fournissant les spores ; M, spermogonie (d'après Sorauer). La pourriture des fruits, fig. 10-14. 10. Une pomme pourrie avec les cercles concentriques P formés par les fructifications du parasite. 11. Ces fructifications en touffes. 12. Filaments sporifères qui forment ces fructifications. 13. Les spores détachées. 14. Le mycélium du parasite à l'intérieur du fruit ; P, cellules pier- reuses ; D, les ramifications terminales du mycélium. POITIEHS. — TYPOGRAPHIE OUDIN ET C'". Le Botaniste ,e Boisai irte 7 e c ' ' o. jerre PJ.IV 7e C ' • j- jerie P1.V1 Le Botaniste 3! Série PI .VII Le Bo tcunste 3? Série PI .VIII Le Pot&niste V Se ene Le Bof ïuiiste T S ene PU Le Bof^hisb o Jerre pua Le Botaniste ô= oerre pi . Nous reproduisons ici, pour nos lecteurs, deux notes publiées dans lesGomptes rendus de l'Académie des sciences en collaboration avec un de nos élèves ; elles marquent une nouvelle étape pour notre Recueil. Notre but, en fondant le « Botaniste », a été indiqué dans l'introduction qui précède la i" série ; ajoutons que nous avions le secret désir de pouvoir donner, plus tard, l'hospitalité aux travaux sortis de notre Laboratoire ; cela est devenu possible. L'Académie des sciences, en nous accordant l'année dernière une subvention de 1200 fr. sur la proposition de M. Duchartre, nous a permis d'envisager l'avenir de notre publication avec confiance ; nous lui en sommes profondément reconnaissant, ainsi qu'à M. Du- chartre. Jusqu'ici, nous avons publié, seul, trois volumes presque entière- ment ; dans ces volumes, on trouvera beaucoup de questions soulevées qui attendent des développements ; il en est qui touchent aux organismes inférieurs ; d'autres, se rapportent à l'anatomie des plantes vasculaires ; quelques-unes intéressent plus particulièrement les algues et les champignons ; les dernières s'appliquent à la patho- logie végétale, et ce ne sont pas les moins intéressantes à étudier : elles ont de plus l'avantage de présenter un intérêt pratique ; la sol- licitude des pouvoirs publics est assurée à ceux qui dirigeront leurs efforts de ce côté : nous en avons comme preuve la souscription dont M. le Ministre de l'agriculture a bien voulu honorer notre dernier travail sur les maladies du pommier et du poirier. Le Laboratoire de Botanique de la Faculté des sciences de Poitiers dispose d'un certain nombre de places pour les travailleurs ; nous espérons que l'exemple de M. Sappin-Trouffy sera suivi ; il n'y a que rarement profit immédiat à retirer de ces sortes d'études ; mais à faire un travail original, personnel, on ne "peut que gagner dans sa propre estime et dans celle des autres, et rien n'est plus propre à développer l'esprit d'observation si nécessaire dans toutes les situa- tions. UREDINEES PAR P.-A. DANGEARD ET SAPPIN-TROUFFY 1° Recherches histologiques sur les Urédinées « La famille des Urédinées, qui comprend un grand nombre d'espèces parasites sur des plantes cultivées, offre un vaste sujet d'étude : on peut espérer d'y saisir et d'y fixer les rapports étroits qui s'établissent entre le Champignon et son hôte ; les recherches expérimentales ayant appris que la même espèce peut vivre sur deux plantes différentes, il sera intéressant de rechercher dans quelles limites la structure propre du parasite est influen- cée par le changement de milieu, et, si elle ne l'est pas, nous aurons là un moyen rapide de vérifier le résultat de ces recherches expérimentales. La pathologie végétale ne peut manquer tôt ou tard de profiter des résultats obtenus dans cette voie. « Nous examinerons successivement, dans cette note, la structure intime du mycélium et celle des divers appa- reils de fructification. « Les noyaux nous ont présenté dans le mycélium une structure identique cheztoutes les espèces étudiées : on y remarque tout d'abord l'absence de nucléole bien appa- rentai), ce qui permet de les distinguer des noyaux des (1) Note ajoutée. 120 P.-A. DANGEARD Saprolégniées, par exemple (1) ; ils sont constitués par un hyaloplasme qui renferme de petites granulations de chro- matine; ces granulations peuvent être régulières, très pe- tites et très nombreuses ou plus grosses et irrégulières; ces noyaux (2^ — 3ix ) sont globuleux à l'état de repos; ils sont allongés, étirés dans les filaments en voie de croissance ; dans ce dernier cas, ils sont plongés dans un protoplasma dense, granuleux, et ils semultiplient par division directe. Le protoplasma chemine dans la plante attaquée en for- mant derrière lui des cloisons ; si l'on considère en par- ticulier YUromyces Rumicis, il est facile de constater que la cellule terminale renferme de trois à six noyaux, et que les autres cellules sont également plurinucléées. Bien qu'il soit souvent difficile de préciser pour chaque cellule le nombre exact des noyaux, nous pouvons affirmer que, d'une manière générale, le nombre des noyaux pour chaque cellule chez les Urédinées est rarement inférieur à deux, et que ce nombre est souvent dépassé ; c'est donc par erreur que M. Vuillemin a admis tout récem- « ment que le mycélium des Urédinées est formé de cel- « Iules typiques, l'espace compris entre deux cloisons « consécutives renfermant un seul novau bien diffé- « rencié » (2). .. « Nous pouvons ajouter que l'on considère à tort égale- ment les Urédinées comme étant, à peu d'exceptions près' dépourvues de suçoirs ; en réalité, ils existent aussi nets et aussi développés que chez les Péronosporées : ils on de deux à six noyaux et nous indiquerons bientôt leurs diverses formes et les remarquables relations qui s'éta- blissent entre eux et le noyau des cellules de la plante hospitalière. Ces premiers résultats ont été vérifiés sur de nombreuses espèces appartenant aux genres Uromyces, (1) P.- A. Dangeard. Recherches histologiques sur les Champignons (Le Botaniste, 2e série, p. 100-124). (2) P. Vuillemin. Comptes rendus, n. 21, 4891 UREDINEES 121 Puccinia, Coleosporium, Phragmidium, Gymnosporan- gium et Triphragmium. « Examinons maintenant les divers appareils de fructifi- cation : spermogonies, écidies, urédospores, téleutospores. « Les spermogonies montrent de nombreux noyaux, soit dans le feutrage mycélien qui les délimite, soit dans les filaments qui rayonnent vers le centre de la bouteille et qui portent les spermaties : dans cesiilaments, les noyaux sont allongés suivant l'axe ; chaque spore qui s'isole par étranglement n'emporte qu'un noyau ; nous avons pu nous assurer que ce noyau possède la structure ordinaire il est entouré par une zone étroite de protoplasma inco- lore (Uromyces Pisi,Puccinia Caricis,P. Graminis, etc.). « L'étude des écidies n'est pas sans offrir de grandes difficultés, si l'on veut se rendre compte du rôle des noyaux dans la formation des spores. Nous constaterons tout d'abord que le pseudoperidium n'est pas entièrement dépourvu d'activité, comme on l'admet. Chacune de ses cellules renferme deux noyaux isolés ou accolés, reliés à la paroi par des traînées de protoplasma granuleux ; ces noyaux très tard seulement perdent peu à peu leur chro- matine et se réduisent à un globule à contours indécis, placé contre la paroi. Quant aux spores, elles se déta- chent successivement au sommet renflé de filaments my- céliens groupés dans la corbeille et qui sont des basides; chacune des basides ne montre que deux noyaux placés au milieu d'un protoplasma abondant qui se colore par l'hématoxyline ; ces deux noyaux sont gros, très denses et se divisent. Au moment de la bipartition, les deux noyaux sont disposés parallèlement suivant l'axe de la baside ; à la suite delà division, une spore s'isole par une cloison, emportant les deux noyaux supérieurs ; il se forme ainsi successivement une certaine quantité de spores à l'extré- mité d'une même baside et elles restent longtemps réunies en chapelet mélangées à des cellules stériles intercalées, 122 P"A DANGEARD très réduites ; toutes ces spores possèdent deux noyaux accolés ou isolés, sans rapport de position déterminé ; ils nous ont quelquefois montré, sous la couche superficielle qui renferme les granules de chromatine, un petit glo- bule oléagineux que nous avons retrouvé jusque dans la baside (Puccinia, Caricis, P. Graminis, P. Poarum, Uromy- ces Pisi, etc.) (1). « Les urédospores se développent sur un stromamycélien perpendiculairement à la surface des feuilles ; ils ont la forme de poils dans lesquels une cloison médiane établit la séparation entre la spore et son pédicelle. Les urédos- pores renferment deux noyaux qui peuvent atteindre un diamètre de 5 f* avec une structure normale; ces noyaux sont suspendus au centre de la téleutospore et ils sont reliés par des traînées de protoplasma à la couche pariétale. Le pédicelle qui supporte Turédospore, est aussi pourvu de deux noyaux ; ces derniers restent visibles après la chute de la spore (Phragmidium, Puccinia, Uromyccs, Coleosporium). Les paraphyses souvent très longues ne renferment que deux noyaux. Nousavonsrencontré quatre noyaux dans l'urédospore d'Uromyces Detœ; le nombre des noyaux est sans aucun doute en relation avec celui des filaments germinatifs ; par exception, les fructifications peuvent se former à l'intérieur de la plante hospitalière [Puccinia Porri). « La formation des téleutospores débute comme celle des urédospores et, lorsqu'elles sont unicellulaires, comme chez les Uromyces, il est impossible de les distinguer les unes des autres au début : le renflement et le pied possè- dent chacun deux noyaux ; dans les téleutospores bicellu- laires des Puccinia,, une cloison médiane isole chacun de ces noyaux qui se divisent ensuite par division indirecte (1) Ce globule n'est autre chose qu'un nucléole dont la présence dans les noyaux ordinaires est souvent excessivement difficile à apercevoir (mai lt»83). UREDINEES 123 (Puccinia Buxi). Dans les téleutospores à trois cellules des Triphragmium, le renflement présente trois noyaux qui se divisent, donnant ainsi deux noyaux par cellule. 5° Pinus excelsa Wall. (Eustrobus). Les cotylédons sont dépourvus de canaux sécréteurs ; il y en a de huit à dix avec quatre faisceaux à la racine. Le péricycle est peu épais, réduit à quatre ou cinq 158 P. -A. DANGEARD assises ; les canaux sécréteurs se montrent de très bonne heure ; il existe de nombreux tubes sécréteurs sous l'é- piderme et dans le péricycle. GENRE PICEA Les feuilles des Picea reposent sur de volumineux cous- sinets ; elles sont tétragones, persistantes, dressées sur les rameaux comme celles des Cedrus et desLarix. Le tissu fondamental de la feuille n'est pas différencié en paren- chyme, en palissade et en parenchyme rameux ; les stomates se trouvent sur les deux faces du limbe et lorment quatre groupes, deux à la face supérieure de la feuille et deux à la face inférieure ; chaque feuille a deux canaux sécréteurs accolés à l'épiderme de la face inférieure, à droite et à gauche de la nervure (1). Daguillon a étudié avec soin les cotylédons et les feuilles primordiales du Picea excelsa ; il a constaté que ces dernières étaient finement dentées, au lieu d'être lisses comme celles des années suivantes ; il a vu également que leur section était fréquemment aplatie, au lieu d'être té- tragone, et que l'hypoderme y est absent ou à peine indi- qué (2). Notre étude a porté sur la plantule entière du Picea alba ; les résultats nouveaux se rapportent au mode d'u- nion de la tige et de la racine, à la structure de Taxe, à la disposition des canaux sécréteurs et aux variations de structure suivant les individus considérés. (1) Bertrand. Loc. cit. p. 84. (2) Daguillon. Loc. cit. p. 255-263. RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 159 1° Picea alba Ait. (PI. XVI, fig. 3-14.) C'est sous le nom ft Abies alba, que m'ont été fournies les graines qui ont donné les plantules étudiées ici ; je pensais avoir affaire à Y Abies albaMiW (A. pectinata D. C.) ; mais son étude achevée, je me suis aperçu que cette plante n'était pas un abies, mais un picea, très probablement le Picea alba. Ce fait n'a rien qui puisse surprendre, les es- pèces du genre Picea ont été longtemps réunies aux Abies, et le public désignant indifféremment du nom de sapins les véritables Abies et les Epicéas. La plantule possède de cinq à sept cotylédons qui res- tent longtemps engagés dans la coque de la graine (fig. 3, PL XVI). Structure des cotylédons, — La section des cotylédons est triangulaire ; la pointe est tournée vers l'intérieur et le triangle est à peu près équilatéral. Au milieu se trouve le faisceau libéro-ligneux entouré par un endoderme à grandes 'cellules ; le mésophylle est homogène; il ne pos- sède pas de canaux sécréteurs. Structure de Vaxe hypocotylé. — Les rachis cotylédon - naires deviennent coalescents à la façon normale pour constituer l'axe hypocotylé et les six faisceaux libéro-li- gneux se rangent en cercle (fîg. 5, PI. XVI) ; si la plan- tule est assez âgée, on trouve ces six faisceaux rapprochés par deux et, dans chacun des trois intervalles, un faisceau libéro-ligneux foliaire à l'état procambial ou différencié ; ils sont destinés aux premières feuilles. L'écorce a quatre ou cinq assises de cellules, le péri- cycle en a trois ou quatre. Descendons vers la racine : nous voyons les faisceaux 160 P--A. DANGEARD libériens s'unir tangentiellement par deux ; ils se conti- nuent ainsi directement (fig. 5, 6, 7, PI. XVI) par un fais- ceau libérien de racine ; vers le haut, ils se trouvent en communication immédiate avec les faisceaux foliaires. D'un autre côté, au milieu des faisceaux ligneux cotylé- donnaires également groupés par deux, on voit poindre les premières trachées des faisceaux ligneux de la racine; les éléments vasculaires à développement centripète s'ajou- tent à mesure que les éléments ligneux cotylédonnaires diminuent (fig. 7, PL XVI). Structure de la racine. — La racine, d'après ce qui vient d'être dit, est ternaire : elle possède trois faisceaux li- gneux qui confluent vers le centre en formant une étoile à trois branches et trois faisceaux libériens alternes bien développés. Il y a quatre assises de cellules à l'écorce et à peu près autant au péricycle ; les premières cutinisent leur membrane de bonne heure ;à ce moment, il n'y a pas trace de canaux sécréteurs opposés aux faisceaux ligneux. Structure de Vaxe épicotylé. — Immédiatement au-des- sus des cotylédons, la structure de l'axe se caractérise ; la surface est cannelée et il y a autant de côtes que de ra- chis phytonnaires au même niveau, c'est-à-dire trois en général ; ces côtes sont des coussinets dans lesquels deux rangées de grandes cellules s'allongent suivant le rayon. Tout le reste du tissu conjonctif de l'écorce et la moelle sont formés par des cellules polyédriques beaucoup plus petites. La moelle est très réduite. Le cylindre central comprend en général trois faisceaux foliaires F et trois faisceaux anastomotiques A (fig. 11, PI. XVI) ; leurs relations sont indiquées en course longi- tudinale (fig. 13, PI. XVI). Dans l'écorce, se trouve un cercle de canaux sécréteurs analogue à celui des Pinus ; comme il y a en général trois phytons au même niveau et que chaque feuille a deux ca- RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 161 naux sécréteurs, il devrait y avoir six canaux sécréteurs dans l'écorce ; ce nombre subit les réductions signalées déjà chez les Pinus ; elles sont dues aux mêmes causes, ce qui réduit le nombre des canaux à quatre ou cinq ; ils se montrent immédiatement au-dessus des cotylédons (fig. 9, PL XVI, S) ; il peut arriver qu'une feuille soit dé- pourvue de canal sécréteur ; ce fait a son retentissement dans l'écorce. Structure des feuilles primordiales. — Les feuilles les plus voisines des cotylédons sont aplaties (fig. 10, PI. XVI) ; leur mésophylle est homogène ou peu lacuneux ; il n'y a pas d'hypoderme ; les canaux sécréteurs sont situés sous l'épiderme. L'endoderme est complet, le péricycle est peu épais (fig. 10). Ce n'est qu'un peu plus haut que les feuilles deviennent tétragones et acquièrent ainsi la forme caractéristique des Picea,. Les modifications que l'on observe dans la structure du Picea alba, proviennent soit de différences dans le nombre et la disposition des phytons, soit du fonctionnement régu- lier des zones génératrices ; examinons d'abord les pre- mières. Si la plantule possède un nombre de cotylédons infé- rieur ou supérieur à six, le mode d'union de la tige et la course longitudinale des faisceaux subiront les mêmes variations déjà signalées chez les Pinus ; mais ce n'est pas tout, les premiers phytons normalement se placent, on l'a vil, dans le plan vertical des faisceaux libériens ; il y a ainsi un premier verticille de trois ; par exception, on en trouve quatre et alors l'axe hypocotylé se trouve posséder quatre foliaires et quatre anastomotiques au lieu de trois; il suffit de signaler ces faits négligés jusqu'ici ou à peu près pour se rendre compte des particularités que l'on peut rencontrer ; les plantes sont comme les animaux, au- cun individu ne ressemble complètement à un autre. 162 P-A. DANGEARD Le fonctionnement des zones génératrices se fait comme chez les Pinus, mais nous devons faire une remarque en ce qui concerne les canaux sécréteurs de la racine. Une première fois, Van Tieghema admis que les canaux sécréteurs opposés au bois primaire appartenaient à ia période secondaire ; dans une note récente (1) il les con- sidère comme péricycliques au même titre que ceux des Pinus. J'ai déjà donné mon sentiment sur la nature des canaux sécréteurs des Pinus ; ce sont simplement les premiers formés du système qui existe dans le bois secondaire de la tige et de la racine ; l'apparition très tardive de ces ca- naux dans la racine terminale des Picea ne peut que me confirmer dans ma première opinion, de ne pas les regar- der comme péricycliques. Alors que chez les Pinus, ces canaux se montrent peu au-dessous des cotylédons, dans les Picea, il faut aller les chercher beaucoup plus bas et on ne les trouve qu'à un moment où la zone génératrice a commencé à fonc- tionner. GENRE LARIX On sait que les Mélèzes portent des feuilles dites feuilles longues à l'extrémité de pousses longues et des feuilles courtes insérées en fascicules à l'extrémité de rameaux courts; elles sont caduques, tombent tous les ans à l'au- tomne ; elles reposent sur des coussinets comme celles des Picea, mais elles sont aplaties ; le mésophylle est dif- férencié en parenchyme, en palissade et en parenchyme rameux ; chaque feuille possède deux glandes très petites qui sont entre les cellules hypodermiques du bord de la (1) Van Tieghem. Sur la structure primaire et les affinités des Pins. Loc. cit. RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFERES 163 feuille et les cellules épidermiques ; les stomates ne se rencontrent qu'à la face inférieure en deux bandelettes symétriquement placées par rapport à la nervure ; les cellules du péricycle dans l'unique faisceau de la nervure sont aréolées, sclérifiées, transformées en fibres (1). La structure des cotylédons et des feuilles primordiales a été indiquée par Daguillon pour le Lavix europaea (2) ; nous nous sommes borné, dans cette espèce, à étudier le mode d'union de la tige et de la racine. 1° Larix europaea D. G. (PI. XVI, fig. 15-16.) Dans cette espèce, le nombre des cotylédons varie de cinq à sept ; il semble que le nombre normal soit six; ces cotylédons, en section, ont la forme d'un triangle équila- téral ; le mésophylle est homogène : il renferme, d'après Daguillon, deux canaux sécréteurs aux angles externes. Dans les jeunes plantules que nous avons étudiées, aucun cotylédon ne présentait de canaux sécréteurs, alors qu'ils étaient visibles dans les feuilles primordiales ; comme conséquence directe, l'écorce dans l'axe hypocotylé était également dépourvue de canaux sécréteurs, il y a seule- ment des tubes sécréteurs sous l'épiderme et dans le pé- ricycle. Avec cinq, six ou sept cotylédons, la racine terminale est ternaire. Il est inutile de donner les détails du passage de la tige à la racine ; ce serait la reproduction de ce que nous avons dit à propos du Picea, alba. La fig. 16, PL XVI, indique la course longitudinale des faisceaux cotylédon- naires donnant insertion aux trois faisceaux de la racine pour le cas d'une plantule à sept cotylédons. (1) Bertrand. Loc. cit. p. 90. (2) Daguillon. Loc. cit. p. 317. 164 P.-A. DANGEARD Un peu au-dessous du début de l'assise pilifère, l'endo- derme a des plissements radiaux ; l'écorce est à cinq rangs de cellules assez grandes ; le péricycle est consti- tué par quatre assises de cellules plus petites ; elles res- semblent à celles de la moelle ; les îlots libériens sont mal délimités : le faisceau ligneux, composé de cinq ou six vaisseaux, est normal à ce moment, ils sont largement séparés ; on n'observe pas encore de canal sécréteur au contact de leur première trachée et extérieurement ; il y a seulement à cette place une ou deux cellules qui se dis- tinguent par leur gros noyau ; ce sont elles qui donneront le canal sécréteur ; sa formation est plus tardive que chez les Pinus, moins tardive que chez les Picea (1). Les feuilles primordiales très jeunes ont un canal sé- créteur de chaque côté de la nervure, aux extrémités ; ces feuilles sont aplaties ; leur section est celle d'un triangle surbaissé; le faisceau procambial est analogue à celui des Pinus ; l'endoderme n'est pas encore différencié ; le mé- sophylle est homogène ; les stomates sont repartis en deux bandelettes à la face inférieure. GENRE TSUGA Les feuilles, excepté chez le T. Canadensis, sont à bords lisses ; elles sont persistantes, sessiles, portées sur un coussinet très accentué, couchées sur les rameaux ; deux bandelettes de stomates se trouvent à la face inférieure. Le mésophylle est différencié en parenchyme, en palis- sade et en parenchyme rameux ; sous la nervure mé- diane qui ne comprend qu'un seul faisceau se trouve une grosse glande résinifère qui ne pénètre pas dans la tige (2). (1) Van Tieghem. Sur la structure primaire et les affinités des Pins. Loe. cit. (2i Bertrand. Loc. cit. p. 87-S8. Le Botaniste V- Séri erie PI. XIII 10 Le Botaniste vs ene PI. XIV Le Botaniste 3 Série P1.XV I ai rate 3< Série ?[.X\fI RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 165 1° Tsuga Canadensis (L.) Carr. (PL XVI, fig. 17-19.) Dans ce genre, nous voyons le nombre des cotylédons descendre à trois (fig. 17, PJ. XVI) ; leur section est celle d'un triangle surbaissé ; ils sont dépourvus de canaux sécréteurs, ainsi que l'écorce de l'axe hypocotylé. Le mode d'union de la tige et de la racine est des plus simples (fig. 19, PI. XVI); les faisceaux ligneux cotylédon- naires se continuent directement parles faisceaux ligneux de la racine ; les faisceaux libériens cotylédonnaires se divisent en deux moitiés qui se groupent par deux dans l'intervalle pour se continuer par les faisceaux libériens. La racine terminale est donc ternaire ; son péricycle est large (fig. 18, PI. XVI) ; la présence d'un canal sécréteur axile y a été établie par Van Tieghem, ce qui place la plante dans la tribu des Myélocèles ou Cédrées. GENREA RAUC ARIA hes Araucaria sont des arbres à feuilles sessiles trian- gulaires aplaties ousubtétragones, mucronées; ces feuilles reçoivent de la tige un faisceau unique, qui se divise en passant dans l'écorce et va former dans le limbe plusieurs nervures parallèles, excepté chez l'Araucaria Cunnin- ghami; le tissu fondamental de ces feuilles est fréquem- ment différencié en parenchyme rameux et parenchyme en palissade ; il contient des glandes résinifères qui occupent diverses positions suivant les espèces ; ces canaux sé- créteurs se retrouvent dans le parenchyme cortical de la tige ; les Araucaria, comme les Pinus, possèdent donc un système de canaux sécréteurs corticaux. \ 166 P. -A. DANGEARD Les stomates sont disposés en files parallèles aux ner- vures ; ils existent sur les deux faces de la feuille. Dans les Araucaria,, les fibres ligneuses, très grosses, ont leurs parois radiales couvertes de plusieurs rangs de ponctuations aréolées ; le bois primaire ou secondaire ne renferme pas de canaux sécréteurs ; le liber primaire a la structure ordinaire ; le liber secondaire est constitué par du parenchyme, des fibres, et des cellules grillagées mé- langés ; les grillages ne se voient que dans le liber secon- daire âgé, et à ce moment les cellules du parenchyme libé- rien se boursouflent, se déforment et compriment les autres éléments, les faisant même disparaître ; quelques- unes finissent par se sclérifier (1). Le liber secondaire renferme un système de canaux sé- créteurs. Araucaria imbricata Pav. (PI. XVII, fig. 13-20.) L'étude des plantules, dans cette espèce, était intéres- sante surtout à cause de la présence de plusieurs nervures aux cotylédons ; nous avons montré en effet que chez les Dicotylédones, l'influence du mode de nervation des co- tylédons sur la structure de la racine principale était très importante (2). Les graines d'Araucaria imbricata. sont de la grosseur du doigt ; le tégument se prolonge à une de leurs extrémi- tés en un bord écailleux quj se continue clans sa partie médiane par un petit mucron (fig. 13, PI. XVII). La radicule se développe à l'extrémité opposée sous la forme d'un cône ; bientôt, la graine se trouve soulevée par les cotylédons et au-dessous, l'axe se renfle sur une cer- (1) Bertrand. Loc. cit. p. H 7-118. (2) P. -A. Dangeard. Recherches sur le mode d'union de la tige et de la racine chez les Dicotylédones, loc. cit. RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 167 taine longueur (fig. 13-15, PI. XVII) ; ce renflement forme une sorte de bulbe sur les plantules qui ont développé leur tige et leurs premières feuilles (fig. 16, PI. XVII); les par- ticularités intéressantes que présente la germination des espèces dans ce genre ont été très bien indiquées par Heckel(i). Les plantules ont deux cotylédons très larges, pourvus de plusieurs nervures parallèles ; il existe quelquefois trois cotylédons; par exception, la graine renferme deux embryons (fig. 17, PL XVII). Structure des cotylédons. — La section des cotylédons a la forme d'un demi-cercle ; le tissu fondamental est homo- gène ; l'exoderme n'est pas différencié d'une façon spé- ciale ; les stomates existent sur les faces interne et ex- terne ; les faisceaux des nervures au nombre de sept dans la section que nous étudions sont d'inégale impor- tance ; leur contour est arrondi et le bois est étalé sur la face interne; la zone génératrice s'y développe, donnant surtout du liber secondaire; la non-différenciation de l'en- doderme ne permet pas de délimiter le péricycle. Dans chaque cotylédon, on trouve un cercle de canaux sécré- teurs, au nombre de vingt à trente ; ils sont séparés de l'épiderme par un nombre variable de cellules, de deux à quatre environ ; en approchant de Taxe hypocotylé, ces canaux sécréteurs disparaissent à la face interne ; en même temps, les faisceaux cotylédonnaires se réunis- sent tangentiellement en un faisceau unique ; nous arri- vons à l'axe hypocotylé. Structure de Vaxe hypocotylé. — Dans le cas de deux cotylédons, chaque large faisceau cotylédon naire, prove- nant de la réunion tangentielledes faisceaux des nervures, se courbe en deux branches formant un Va pointe externe; (1) Edouard Heckel. La germination des graines d'Araucaria Bidwilli (Annales de la Faculté des sciences de Marseille, T. II, fasc. VI). 168 P.-A. DANGEARD il se divise ainsi en deux faisceaux qui s'écartent et res- tent distincts ; plus bas, en se rapprochant, ils donnent insertion à un faisceau de racine (fig. 20, PL XVII) ; avec des plantules à trois cotylédons, la racine sera naturelle- ment ternaire ; la section de l'axe hypocotylé aura dans le premier cas quatre faisceaux distincts groupés par deux; dans le second cas, elle en aura six, en trois groupes de deux. Dans le renflement, chacun des faisceaux oriente son bois B radialement : le liber L reste extérieur à chaque lame ligneuse (fig. 19, PI. XVII); la zone génératrice y fonctionne, produisant surtout du liber secondaire ; les canaux sécréteurs des cotylédons se continuent dans l'axe hypocotylé, à quelque distance de l'épiderme : leur nombre peut dépasser quatre-vingts; ils rappellent exacte- ment ceux de certains Pinus ; moelle, péricycle et écorce sont très larges ; un second système de canaux sécréteurs existe dans le péricycle ; ils sont au nombre d'une ving- taine ; les uns sont directement opposés au liber primaire des faisceaux ; les autres occupent les larges intervalles qui les séparent (fig. 19, PL XVII). En descendant vers la racine, au-dessous du renflement, on constate que la production des vaisseaux s'accuse en ordre centripète ; les deux lames ligneuses radiales, d'a- bord éloignées l'une de l'autre, se rapprochent au contact; il en est de même des faisceaux libériens, ce qui donne lieu aune racine binaire. Structure de la, racine. — La racine est en général bi- naire ; extérieurement, l'écorce comprend trois ou quatre assises de cellules plus petites cutinisées ; viennent ensuite huit ou neuf assises de cellules plus grandes, polyédriques, puis l'endoderme plissé ; quelques-unes des assises les plus voisines ont des cadres d'épaississement surlesfaces radiales des cellules ; dans le reste de r écorce, les épais- RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 169 sissements lignifiés se retrouvent sur les parois tangen- tielles. Le cylindre central comprend deux faisceaux ligneux et deux faisceaux libériens ; les faisceaux ligneux, formés d'une ou deux files de vaisseaux et par conséquent très étroits, débutent à une assez grande distance de l'endo- derme ; ils ne se rejoignent pas tout d'abord au centre, ils sont séparés des faisceaux libériens par deux assises de cellules ; la zone génératrice s'établit dans Tas- sise externe ; les canaux sécréteurs se retrouvent dans le péricycle ; celui-ci a une épaisseur de trois ou quatre assi- ses, en face des faisceaux ligneux; son épaisseur est plus grande en face les faisceaux ligneux. Les canaux sécré- teurs corticaux que nous avons rencontrés dans l'axe hy- pocotylé, manquent dans la racine où l'écorce primaire s'exfolie jusqu'à l'endoderme, comme chez les autres Co- nifères. Non loin des Araucaria, , on place les genres Stachycar- pus, Dammara, Podocarpus ; il sera fort intéressant d'étu- dier la plantule dans ces divers genres ; nous prévoyons des résultats importants. Van Tieghem, donnant l'anatomie des Stachycarpus montre les affinités de ce genre avec les Araucaria et les Dammara qui possèdent, eux aussi, des canaux sécréteurs dans le péricycle de la racine ; d'un autre côté, ces deux derniers genres par leur ovule unique et renversé se rap- prochent des Podocarpus qui. eux-mêmes, comme les Stachycarpus, possèdent des canaux sécréteurs dans le péricycle de la feuille. Voici comment Van Tieghem s'exprime au sujet de ces genres ; on peut : « Ou bien conserver les Stachycarpus dans les Taxinées, en les plaçant en tête de la série, avant les Podocarpus, tan- dis que les Abiétinées finiront tout près par les Araucaria et Dammara. Ou bien faire passer les Stachycarpus dans 170 P.-A. DANGEARD les Abiétinées, à la suite des Araucaria, et Dammara avec lesquels ils constitueront la sous-tribu des Araucariées, la série des Taxinées commençant tout près par les Po- docarpus. Ou bien remonter en même temps les Stachy- carpus et les Podocarpus dans les Abiétinées, à la suite des Araucaria et Dammara, en commençant la série des Taxinées par les Dacrydium. Ou bien enfin, ériger les quatre genres Araucaria, Dammara, Stachy car pus et Podo- carpus, sous le nom d'Araucariées ou de Podocarpées, en une tribu distincte caractérisée par l'ovule unique et ren- versé, intermédiaire entre les Abiétinées et les Taxinées. De ces quatre solutions, laseconde est la plus conforme à la structure, celle qui satisfait le mieux l'anatomie ; elle a l'inconvénient de séparer peut-être un peu trop les Stachy car pus des Podocarpus. La troisième pourra paraî- tre préférable en ce que, tout en n'écartant pas les Stachy- carpus des Podocarpus, elle permet de définir les Abiéti- nées par l'ovule renversé et de limiter, par conséquent, ces deux tribus avec plus de simplicité et de précision qu'il n'a été fait jusqu'ici. La structure du pollen, qui est, comme on sait, muni d'ampoules latérales chez les Stachy- ca)yus et les Podocarpus, tout aussi bien que chez les Abié- tinées, plaide encore en sa faveur. La quatrième offre à peu près les mêmes avantages que la troisième. La pre- mière, qui est la plus conforme à la tradition généralement adoptée, est la moins bonne de toutes; elle ne satisfait, en effet, ni l'anatomie, puisqu'elle écarte les Stachy car pus des Araucaria et Dammara, ni la Morphologie externe, puis- qu'elle laisse deux genres à ovule renversé et à pollen ampullifère dans une tribu dont les autres genres ont l'o- vule dressé et lepollen normal (1). » A la suite de ce lumineux exposé, je voudrais faire en- (l)Van Tiegbem. Affinités des Stachycarpus (Bullet. Société Botani- que, n» 3, 1891). RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 171 trevoir tout le parti que Ton pourrait tirer en pareil cas de la considération des phytons ; faute d'avoir eu les plan- tules de ces genres à ma disposition, je serai forcé d'é- mettre quelques suppositions ; on verra si les études ulté- rieures les vérifieront. Les Stachycarpus ont des canaux péricycliques à la racine; ils en ont également dans leurs phytons foliaires ; à priori, je présume que ces mêmes canaux se retrouvent dans les phytons cotylécionnaires. De ce genre se détachent les Ara.uca.risi qui ont égale- ment des canaux péricycliques à la racine ; mais dans le phyton cotylédonnaire, ils sont en voie de disparition ; clans Y Araucaria imbricata, par exemple, nous n'en trou- vons guère que dans le rachis, et à la base du limbe ; des canaux corticaux y apparaissent en grand nombre ; dans les phytons foliaires, il n'y a plus que des canaux corti- caux. C'est à ce niveau que se détachent les Abiétinées, par exemple, avec le genre Pinus, où les phytons foliaires et les phytons cotylécionnaires n'ont plus que des canaux corticaux. D'un autre côté, les Podocarpus s'éloignent des Stachy- carpus ; la racine est dépourvue de canaux sécréteurs péricycliques ; il me paraît probable que la disparition de ces canaux sécréteurs doit débuter clans les phytons cotylé- donnaires ; mais ils existent clans les phytons foliaires ; dans le Podocarpus Thunbergii, le phyton foliaire montre en plus deux canaux corticaux ; cette espèce établit proba- blement ainsi le passage aux Ginkgo et par là aux Taxi- nées. CHAPITRE IL CONIFÈRES RECT10VULÉES. Ce groupe se divise en deux tribus : Cupressées et Taxées, nous commencerons par le premier. Dans les Cupressées, les feuilles sont en général petites, sessiles, triangulaires ; l'organisation phytonnaire se voit avec la plus grande netteté, grâce aux décurrences bien marquées des rachis qui constituent les axes ; ces axes ou rameaux sont fréquemment aplatis ; par exception (Juniperus communis, Callitris Macleyana, etc.), les feuilles sont allongées, en forme d'aiguilles ; ces feuilles sont le plus souvent verticillées par deux, plus rarement par trois ou quatre, quelquefois disposées en spirale. Il n'y a jamais qu'une seule nervure foliaire et, entre le faisceau de cette nervure et l'épiderme delà face externe du limbe, se trouve un canal sécréteur ; le tissu fondamental est peu différencié; la plupart des cellules exodermiques se trans- forment en fibres à paroi épaisse, et de chaque côté du fais- ceau est un tissu particulier dit tissu de transfusion, sur lequel nous donnerons plus loin quelques détails. La dis- position des stomates est très variable : elle est différente d'une feuille à l'autre. La structure du système libéro-ligneux se rapproche beaucoup de celle des Taxus ; les fibres ligneuses n'ont pas cependant ces épaississements spirales qui ornent la paroi destrachéides chez les Taxus ; le liber secondaire se compose d'une succession de parenchyme libérien, cellu- RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 173 les grillagées, fibres libériennes, cellules grillagées ; dans beaucoup de Cupressées, des canaux sécréteurs se for- ment dans le liber secondaire (1). D'après Bertrand, il n'y a pas lieu de rechercher les ca- ractères que la structure anatomique des Cupressinées peut fournir pour différencier les genres et les espèces. Nous allons maintenant étudier quelques plantules, appartenant à divers genres de Cupressées. GENRE CUPRESSUS. Les feuilles sont, en général, verticillées par deux ; on ne saurait choisir de meilleur type pour comprendre l'or- ganisation phytonnaire d'une plante, les rachis restant presque indépendants dans l'axe, ce qui fait souvent dire que les feuilles sont appliquées sur les rameaux. Les stomates se rencontrent sur la face externe des feuilles : il y aune tendance très prononcée sur toute cette face à la formation d'un parenchyme en palissade ; en effet, sous l'assise exodermique différenciée en fibres de sclérenchyme, une assise au moins de parenchyme allonge ses cellules perpendiculairement à la surface ; le reste du tissu fondamental est un parenchyme chlorophyllien ac- compagné de grandes cellules incolores ; au milieu de ce parenchyme, dans l'angle médian, se trouve un canal sé- créteur à diamètre très grand ; nous avons quelquefois rencontré, par exception, deux canaux sécréteurs clans la même feuille, symétriquement placés à droite et à gauche (Çupressus Lawsoniana). Le faisceau foliaire présente de chaque côté deux ailes vasculaires dont la nature va nous arrêter un instant. Le faisceau foliaire des Conifères est fréquemment ac- compagné de chaque côté par un tissu aréole ou réticulé (1) Bertrand. Loc. cit., p. 134-138. 174 P. -A. DANGEARD qui s'étend latéralement jusqu'à l'endoderme, et le dépasse parfois : ce tissu a été vu pour la première fois par Tho- mas dans les Podocarpus macrophylla, chilina, chinensis (1); un peu plus tard, H. de Mohl l'étudié dans les Podocarpus neriifolia, macrophylla (2); Bertrand distingue ce tissu en tissu réticulé s'étendant jusqu'à l'endoderme et tissu de transfusion (H. de Mohl) allant de l'endoderme plus ou moins profondément dans le tissu fondamental ; dans le cas particulier des Cupressées, il considère cette forme de tissu comme intermédiaire entre le tissu réticulé et le tissu aréole (3) ; De Bary a figuré plusieurs caractères de ce tissu (4). Récemment Zimmermann (5) et Scheit (6) se sont égale- ment occupés de ce sujet ; enfin Van Tieghem propose de conserver le nom de tissu de transfusion à la partie qui va du faisceau à l'endoderme, et d'appeler tissu d'irrigation l'aile vasculaire qui s'étend plus ou moins loin dans le parenchyme (7) ; ce savant pense que ces « deux tissus et l'endoderme qui les sépare servent à transmettre latéra- lement la sève ascendante depuis le bois du faisceau libéro- ligneux jusqu'au tissu palissadique du bord du limbe ». Dans les Cupressées, l'endoderme étant mal différencié, la démarcation est impossible ; mais ce tissu y présente des caractères remarquables ; le Cupressus Lawsoniana fournit un bon type d'études. Dans le faisceau foliaire, le bois est très réduit et de bonne heure, ses trachées et vaisseaux grêles sont hors de service ; il ne reste donc, pour établir la circulation de la (1) Fr. Thomas. Loc. cit. p. 37. (2) H. de Mohl. Ueber Morphologie der Blattern Sciadopitys verticillata (Bot. Zeitung, 4 871). (3) Bertrand. Loc. cit. p. 62 et p. 136. \k) A. de Bary. Vergleichende Anatomie, fig. 183, 184. (5) Zimmermann. Flora 1880. (6) Scheit. Jenaische Zeitschrift, \vi, 1883. (7) Van Tieghem. Structure et affinités des Stachycarpus (Bulletin Société Botanique de France, 1891, n' 3, p. 170). RECHERCHES SUR LES PLA.NTULES DES CONIFÈRES 175 sève ascendante, que quelques trachéides peu nombreux ; c'est sans aucun doute à cette insuffisance prématurée du faisceau ligneux qu'est dû le grand développement de ce tissu ; examinons d'abord sa structure et sa disposition, nous essaierons ensuite d'établir son rôle. Structure du tissu de transfusion et du tissu d'irrigation. — Lorsque le faisceau foliaire quitte le cylindre central, les deux ailes vasculaires sont très développées ; les cellules qui les composent, sont polyédriques à parois lignifiées couvertes d'aréoles ; ces ailes suivent à quelque distance le bord interne de chaque phyton ; mais, avant d'accom- pagner le faisceau dans le limbe, elles se recourbent sous le sillon qui les sépare pour s'unir avec l'aile correspon- dante de la feuille opposée. Nous devons donc remarquer déjà que les deux feuilles opposées avant de se séparer sont en communication directe par ce pont vasculaire qui s'éta- blit sous le sillon ; d'autres communications s'établissent avec les feuilles supérieures ; voici comment : Le pont vasculaire situé sous le sillon est à un niveau donné complètement séparé par du parenchyme chloro- phyllien, du tissu vasculaire analogue voisin du cylindre central ; chacune de ces moitiés s'écartant beaucoup se mettra en relation avec le tissu de transfusion de chaque faisceau foliaire des deux feuilles du verticille supérieur ; ainsi donc le tissu de transfusion établit aussi une commu- nication directe d'un verticille à Vautre, sans l'intermé- diaire du cylindre central ; la communication se fait de même entre une branche et son rameau ; nous pouvons maintenant essayer de comprendre le rôle de ce tissu. Rôle du tissu de transfusion. — On sait que, chez les ani- maux, si l'on vient à ligaturer un des vaisseaux, la circula- tion se fait quand même ; d'autres vaisseaux prennent plus d'importance : il s'établit une compensation. Le tissu de transfusion représente, il me semble, quelque chose 170 P-A. DANGEARD d'analogue ; le faisceau ligneux, incapable de remplir son rôle, est suppléé par le tissu de transfusion qui établit dans les rameaux supérieurs de la plante une circulation de la sève ascendante presque indépendante et en tout cas fort remarquable. Et, pour généraliser, il serait sans doute possible démontrer que, dans les divers genres, le plus ou moins grand développement de ce tissu est en relation avec la nature du faisceau ligneux ; si le faisceau foliaire a des trachéides nombreux, le besoin du tissu de transfu- sion se fera moins sentir et la communication indépendante d'un phyton à l'autre ne sera nullement nécessaire ; si, au contraire, le nombre des éléments ligneux est faible, si leur cavité se trouve obstruée de bonne heure, le tissu de trans- fusion deviendra nécessaire avec circulation indépendante, comme chez les Cupressus. 1* Cupressus funebris Endl. (PI. XVI, fig.1-4'.) Nous n'avons eu à notre disposition que de très jeunes plantules (fig. 1, PI. XVI) ; aussi, nous nous bornerons à constater le mode d'insertion des faisceaux de la racine. Les deux faisceaux cotvlédonnaires lm-neux descendent verticalement et, sans se diviser, donnent insertion chacun à un faisceau ligneux de racine ; les faisceaux libériens cotylédonnaires se divisent en deux et chaque moitié se réunissant à celle du côté opposé, forme un faisceau libé- rien unique qui se continue par celui de la racine (fig. 2-4'); dans chaque massif ligneux (fig. 4), le développement des vaisseaux ne devient nettement centripète qu'à partir du collet. RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 177 2° Cupressus Corneyana Hort. (PI. XVI, fig. 5-9.) Les plantules de cette espèce ont été étudiées à l'état représenté fig. 5, PL XVI ; un certain nombre de feuilles primordiales étaient développées, ces feuilles présentent dans leur disposition surlatigedes caractères particuliers; ainsi au-dessus de deux cotylédons allongés, se trouvent insérées les deux premières feuilles ; mais elles sont si rapprochées des deux cotylédons qu'elles paraissent for- mer avec ces derniers un verticille de quatre feuilles ; vient ensuite un entre-nœud, surmonté par un verticille de quatre feuilles ; elles sont opposées en croix avec les deux cotylé- dons et les deux premières feuilles ; un peu plus haut, un second verticille de quatre feuilles alterne avec le précé- dent (fig. 5-6, PL XVI) ; ces feuilles sont aciculaires, apla- ties, les quatre rachis phytonnaires s'accusent à la surface de la tige par des clécurrences, ce qui rend la section de l'axe quadrangulaire. Structure des cotylédons. — Les cotylédons sont dépour- vus de canaux sécréteurs ; les stomates se trouvent sur la face interne ; sous l'épiderme, il y a quelques rares fibres exodermiques ; le faisceau médian n'est pas entouré d'un endoderme caractérisé ; son bois et son liber secondaires sont bien développés ; le tissu fondamental est homogène. La racine est binaire et le mode d'union de la tige et de la racine se fait comme dans l'espèce précédente. Dans l'axe hypocotylé, au stade considéré, il existe quel- ques fibres exodermiques sous l'épiderme ; Lécorce est réduite à quatre ou cinq assises de larges cellules : l'endo- derme s'est cloisonné un certain nombre de fois ; le péri- cycle est peu épais; le liber secondaire, large, régulier, pré- sente seulement dans sa partie externe des fibres libé- 178 P--A. DANGEARD riennes ; tout le reste du cylindre central est lignifié jus- qu'au centre. Il nous reste à étudier le développement de l'axe épico- tylé et de ses premières feuilles. Structure de Vaxe. — La section de l'axe intéresse quatre rachis phytonnaires, nettement délimités extérieurement par quatre sillons (fig. 7, PI. XVI) ; leur partie médiane proémine en formant un angle à l'intérieur duquel se trouve logé un canal sécréteur séparé de l'épiderme par une gaine de cellules : l'exodermeest différencié en fibres ; un groupe de ces fibres se trouve de chaque côté du canal, un autre au voisinage des sillons. Lé cylindre central comprend quatre faisceaux foliaires F et quatre faisceaux anastomotiques A (fig. 7, PI. XVI) ; il n'y a pas d'endo- derme; la moelle est étroite, à cellules petites ; l'écorce a une partie médiane comprenant de grandes cellules ; elle se continue par des cellules plus petites du côté de l'écorce et du côté de la moelle. Immédiatement au-dessus des cotylédons, l'axe, ne com- prenant que deux phytons, ne possède que deux canaux sécréteurs, deux foliaires et deux anastomotiques. En avançant vers la partie supérieure d'un entre-nœud, on voit le sillon se bifurquer ; l'angle de bifurcation corres- pond à l'angle médian des phytons du verticille supérieur; aussi voit-on apparaître à ces angles un canal sécréteur ; on est arrivé au point de séparation des feuilles. Les relations des faisceaux foliaires et anastomotiques dans la plantule sont indiquées en course longitudinale (fig. 8, PI. XVI). Structure des feuilles. — Les quatre feuilles, près du point d'insertion, ont la forme indiquée fig. 9; plus loin, la section s'élargit un peu. Les stomates, d'abord localisés sur la face interne, se montrent plus loin également* sur RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES COMPERES 179 la face inférieure ou externe ; le faisceau a un endoderme complet ; une ou deux cellules endodermiques aréolées représentent seules ici le tissu de transfusion. Le méso- phylle, vers les parties moyennes et supérieures, est pa- lissadique sur sa face interne ; il est rameux sur l'autre face; en approchant de l'axe, le parenchyne rameux se trouve remplacé par des cellules chlorophylliennes mélan- gées à de grandes cellules incolores; en général, de chaque côté du canal sécréteur, se trouve un groupe de fibres exodermiques ; deux occupent les ailes, et sur l'autre face, il en existe encore deux autres opposés aux pre- miers. 3° Cupressus Lindleyi Klotsch. (PI. XVI, fig. 11-16.) Le phyton, dans cette espèce, est à peu près identique à celui de l'espèce précédente, mais leurs rapports diffé- rents de position entraînent des modifications de structure dans Taxe et dans la racine ; le point de départ de ces modi- fications est le nombre trois des cotylédons. La plantule possède trois cotylédons (fig. 11, PI. XVI) ; un peu plus tard, les trois premières feuilles étant situées presque au même niveau, il semble qu'il y ait six cotylé- dons (fig. 12, PI. XVI) ; on distinguera toujours les cotylé- dons à leurs dimensions plus grandes ; le second verticille de feuillesest superposé aux cotylédons, mais rentre-nœud, ainsi que ceux qui suivent, est assez allongé. La présence de trois cotylédons détermine trois fais- ceaux à la racine, chacun des faisceaux se comportant comme chez les précédentes espèces ; dans une partie de l'axe hypocotylé, l'endoderme n'est pas muni de plisse- ments, Técorce est épaisse de sept ou huit assises decellules; plus bas, en arrivant à laracine, l'endoderme est bien diffé- 180 P.-A. DANGEARD rencié (fig. 14, PL XVI), et les assises corticales voisines de l'endoderme ont des cadres d'épaississement. Immédiatement au-dessus des cotylédons, la tige montre trois canaux sécréteurs qui passent dans le premier verti- cille; la section d'un entre-nœud est triangulaire (fig. 15, PL XVI) et on y trouve trois foliaires et trois anastomoti- ques; les relations de ces faisceaux sont établies pour la plantule tout entière (fig. 17, PL XVI) ; comme chaque anastomotique peut être divisé en deux, il en résulte que la section peut offrir trois foliaires et six anastomotiques. La structure des feuilles rappelant étroitement celle du Cupressus Corneyana,, il est inutile de s'y arrêter (fig. 16, PL XVI) ; nous dirons seulement que nous y avons trouvé un plus grand développement du tissu de transfusion qui se met nettement en rapport direct avec le bois du faisceau. GENRE ACTINOSTROBUS Dans ce genre, les phytons foliaires sont disposés par verticilles de trois ; aussi, on aurait pu croire que les plantules possédaient trois cotylédons normalement ; cependant, dans nos semis, nous avons rencontré des plantules ayant soit deux, soit trois cotylédons. Actinostrobus pyramidalis Miq. (PL XVI, fig, 18-19.) * Le plus grand nombre des plantules possédait deux cotylédons (fig. 18, PL XVI) ; ils ont un faisceau très large qui n'est accompagné que d'une ou deux cellules aréolées, et encore ces dernières manquent-elles fréquemment; l'en- doderme n'est pas différencié; on peut cependant attribuer ces cellules aréolées au tissu de transfusion ; il existe des stomates sur les deux faces ; ils sont plus nombreux à la face interne. RECHERCHES SUR LES l'LANTULES DES CONIFÈRES 181 Dans l'axe hypocotylé, les deux cordons ligneux descen- dent directement, éloignés l'un de l'autre par un large intervalle (fig. 19, PI. XVI); ils se continuent directement parles faisceaux de la racine; à la face interne des deux faisceaux libériens, se trouvent de petites cellules hexa- gonales dans lesquelles s'établira la zone génératrice ; le péricycle est double en général ; l'endoderme n'offre des plissements qu'à partir du voisinage du collet ; l'écorce a une épaisseur dehuitou neuf assises de cellules. Si la plantule possède trois cotylédons, la racine est ter- naire, chacun des faisceaux ligneux cotylédonnaires se continuant directement par un faisceau ligneux de racine, alors que les faisceaux libériens se divisent en deux moitiés qui s'unissent deux par deux dans l'intervalle. GENRE THUIA Ce genre comprend les Thuia proprement dits et les Biota; un grand nombre de variétés du Biota orientalis sont cultivées en Europe. Eichler place à côté des Thuia, les Thuiopsis et les Libocedrus (1) ; dans le Libocedrus chi- lensis End. il n'y a guère, de chaque côté du faisceau foliaire, que du tissu de transfusion ; dans le Thuiopsis dolabrata, il eh est autrement : au tissu précédent, s'ajoute une bande de tissu d'irrigation qui atteint presque, au niveau de l'insertion du limbe, les deux bords de la feuille; il est formé de tissu aréole ; enfin, dans le Biota orientalis, ce tissu prend encore un plus grand développement ; il rappelle par sa disposition et sa structure celui des Cu- pressus, avec circulation indépendante. Nous devons remarquer que le phyton chez le Thuiopsis dolabraia nous a présenté une particularité qui semble avoir passé jusqu'ici inaperçue; à lapartie supérieure des (1) Eichler. Loc. cit.* p. 95. 182 P.-A. DANGEARD branches, les rameaux sont très aplatis et les phytons n'y présentent, comme chez les autres Cupressées, qu'un canal sécréteur cortical opposé au faisceau foliaire ; plus bas, les rameaux sont presque arrondis ; à ce niveau, les phy- tons possèdent trois ou cinq canaux sécréteurs ; dans le premier cas, le canal sécréteur médian est accompagné de deux canaux sécréteurs, situés à quelque distance ; dans le second cas, il existe en outre un canal sécréteur situé plus ou moins loin du bord du limbe ; faut-il voir dans ce caractère une affinité plus ou moins proche dés Thuiopsis avec les Araucariées ? Je me borne à signaler le fait inté- ressant en lui-même, puisqu'il semble unique jusqu'ici, sans en tirer aucune conséquence ; ces canaux sécréteurs appartiennent à l'ensemble du phyton ; autrement dit, ils se continuent du limbe dans l'écorce. Thuia orientalis L. (PI. XVII, fig. 4-4.) Dans la plantule, nous avons étudié les stades repré- sentés fig. I, 2, PL XVII. Les cotylédons sont bien déve- loppés ; leur section est large (fig. 3, PL XVII); le méso- phylle est homogène ; le faisceau foliaire est très aplati; de chaque côté du bois, on trouve une aile vasculaireà cellu- les aréolées-réticulées qui ne représente guère que le tissu de transfusion ; l'endoderme n'est pas délimité; il existe de nombreux stomates à la face interne. L'écorce de l'axe hypocotylé est épaisse d'une dizaine d'assises de cellules ; l'endoderme à la partie supérieure y est mal délimité ; on peut dire cependant que le péricycle n'est formé que de deux ou trois assises ; en passant dans l'axe hypocotylé, le faisceau cotylédonnaire se courbe en forme de V à pointe externe, de telle sorte que les deux moitiés libériennes sont isolées de très bonne heure, alors que les deux moitiés ligneuses restent réunies ; les deux RECHERCHES SUR LES PLANTULES DES CONIFÈRES 183 moitiés libériennes se portant vers l'intérieur de la tige se réunissentà cellesdu côté opposé, pour se continuer direc- tement ensuite par le faisceau libérien de la racine ; pendant ce temps, les deux branches ligneuses du V se rapprochent suivant le diamètre ; c'est à ce moment que s'insère le faisceau ligneux de la racine qui ne présente rien de parti- culier. Dans l'axe épicotylé, les deux premières feuilles sont opposées aux cotylédons; le faisceau foliaire, même sur les très jeunes feuilles que nous avons étudiées, présente du tissu de transfusion ; les quatre feuilles qui suivent s'insèrent entre les cotylédons et les deux premières feuil- les, comme s'il s'agissait simplement de feuilles verticillées par quatre; cette disposition est indiquée (fig. 4, 5, PI. XVII). Les Taxées comprennent, d'après Eichler (1), les genres Phyllocladus, Ginkgo, Cephalotaxus, Torreya, Taxus ; ces trois genres sont caractérisés par Bertrand de la manière suivante (2). Taxus. — Pas de glande résinifère dans le parenchyme herbacé, cellules de l'épidermede la tige à parois minces ; pas d'hypoderme, ni de sclérite ; fibres libériennes très lentes à s'épaissir; le liège primaire apparaît dans le paren- chyme herbacé. — Feuilles sans glande résinifère ; cellu- les de l'épiderme à parois minces, mamelonnées dans les bandelettes, pas d'hypoderme ; les bords de la feuille por- tent de très petites saillies. Torreya. — Des glandes résinifères dans le parenchyme herbacé ; cellules de l'épiderme de la tige à parois épaisses, (1) Eichler. Loc. cit. (2) Bertrand Loc. cit., p. 56-dT. 184 P-A. DANGEARD pas d'hypoderme, des sclérites ; fibres libériennes s épais- sissant rapidement ; le liège primaire apparaît entre l'épi- derme et le parenchyme herbacé. — Feuilles avec une grosse glande médiane sous la nervure ; cellules de l'épi- derme à parois épaisses ; celles des bandelettes ont leurs parois minces et sont mamelonnées ; pas d'hypoderme ; les bords de la feuille sont lisses. Cephalotaxus. — Des glandes résinifères dans le paren- chyme herbacé; cellules de l'épiderme de la tige à parois minces ; de l'hypoderme, des sclérites ; fibres libériennes s'épaississant très rapidement ; le liège primaire apparaît dans le parenchyme herbacé. Feuilles munies d'une petite glande médiane sous la nervure ; cellules de l'épiderme à parois minces, lisses; de l'hypoderme ou des fibres pseu- dolibériennes ; les bords de lafeuille sont lisses. Van Tieghem, qui vient de signaler un canal sécréteur médullaire axile dans les Cephalotaxus, établit la parenté étroite de ce genre avec les Ginkgo : « en effet, dit-il, le Ginkgo a, dans l'écorce de sa tige et de sa feuille, des poches sécrétrices ovales ou fusiformes, représentant les canaux corticaux des Cephalotaxus, et surtout il possède, dans la moelle de sa tige, deux canaux sécréteurs, par où il se dis- tingue de toutes les autres Conifères, mais en même temps se rapproche singulièrement des Cephalotaxus (1) ». Nous avons cherché à nous faire une opinion person- nelle au sujet des divergences d'opinion qui se sont mani- festées relativement à la nature des canaux sécréteurs ou poches sécrétrices des Ginkgo. ■'_ - .• . • 9 ■ 14 - RECHERCHES SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS Par P.-A. DANGEARD INTRODUCTION Ce mémoire fait suite à nos « Recherches histologiques sur les Champignons (1) » ; il a été effectué dans d'excel- lentes conditions de travail ; aussi, bien que la famille des Ustilaginées ne soit pas favorable aux recherches histo- logiques, comme en témoignent le peu d'observations que nous possédons à son sujet, nous avons pu cependant en faire une étude assez complète. Ce qui devra attirer par- ticulièrement l'attention des naturalistes, c'est la question de la sexualité des champignons qui semble devoir trou- ver bientôt, dans ces recherches histologiques, sa solu- tion définitive. On pourrait peut-être ajouter que cette solution aura un intérêt plus général et indiquera la voie à suivre pour la recherche des phénomènes de féconda- tion dans les groupes d'animaux ou de végétaux qui sont considérés jusqu'ici comme en étant dépourvus. (1) Le Botaniste, 2e série, pages 03- 140. <> CHAPITRE I CARACTÈRES DE LA REPRODUCTION SEXUELLE CHEZ LES ALGUES ET LES CHAMPIGNONS La sexualité se présente, dans l'ensemble des êtres vi- vants, comme un phénomène général d'une importance capitale : elle assure la perpétuité de l'espèce : elle est en même temps la source des variations qui s'y produisent ; de nombreux savants se sont occupés de déterminer les conditions clans lesquelles elle s'effectue et de caractériser l'acte même de la fécondation. Guignard, à la suite de ses belles recherches sur la fécondation des plantes supé- rieures, a pu énoncer cette conclusion : « Au total, la partie fondamentale dans l'étude morphologique de la fécondation paraît résolue : le phénomène n'est pas, comme on avait cru pouvoir l'admettre jusqu'ici, de na- ture purement nucléaire ; il ne consiste pas simplement clans l'union de deux noyaux d'origine sexuelle diffé- rente, mais aussi clans la fusion de deux corps protoplas- miques, dont les éléments essentiels sont les sphères directrices de la cellule mâle et de la cellule femelle (l). On est loin d'être aussi avancé clans l'étude de la re- production chez les Algues et les Champignons : la peti- tesse des noyaux rend leur étude pénible et difficile ; d'un autre côté, il n'est pas toujours facile de se procurer les matériaux d'étude en bon état. (I) L. Guignard. Nouvelles études sur la fécondation (Ann. se. natu- relles, Bot., T. XIV, 1891, p. 276). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 223 On connaît, à l'heure actuelle, un certain nombre d'Algues dans lesquelles la fusion des noyaux sexuels a été constatée d'une manière certaine : les Chlamydomonadi- nées, les Conjuguées, les Œdogoniées. I. Chlamydomonadineœ. — Dans le Chlamydomonas Rei- 77/iaî'cZ^Dang., chaque gamète possède un noyau ; après la fusion des protoplasmes, les deux noyauxs'unissent en un seul qui est le noyau unique de l'œuf (l) ; nous avons vu la même chose se produire dans le Corbierea vulgaris Dang. ; ce sont les deux pyrénoïdes qui arrivent d'abord au contact l'un de l'autre en conservant leur structure ; les noyaux se portent beaucoup plus tard l'un vers l'autre ; ils se réunissent en une masse anguleuse qui s'arron- dit ensuite et ne montre plus aucune trace cle sou- dure (2). Goroschankin a étudié particulièrement à ce sujet le Chlamydomonas Braunii, espèce dans laquelle on peut sai- sir, sur le vivant, la réunion des noyaux sexuels dont l'un, le noyau femelle, est en général plus gros que le second (3). IL Conjuguai. — Schmitz a le premier indiqué la copu- lation des noyaux dans les zygospores du Spirogyra (4); le fait a été confirmé d'abord par Overton (5). Klebahn a étendu beaucoup ces premières observations : d'après lui, chaque noyau sexuel nucléole reste longtemps distinct (!) P. -A. Dangeard. Recherches sur les algues inférieures (Ann. des sciences natur. Bot., T. VII, p. lOi). (2) P.-A. Dangeard. Mémoire sur les algues (Le Botaniste , Ire série, p. 148-149). (3) Goroschankin. Beitrag zur Kenntnis der Morphologie und Syste- matik der Chlamydomonaden, I Chl. Braunii (Bull, de la Société Impé- riale des naturalistes de Moscou, 1880, no 3). (4) Schmitz. Untersuchungen uber die zellkerne.der Thallophyten (Verhandlungen des naturhistorichen Vereins der preussischen Rein- lande und Westfalens, 1879, p. 346). (5) Overton. Ueber den Conjugation svorgang bei Spiroggra (Berichte der Deutschen botanischen Gesellschaft, 1888, p. 08). 224 P.-A. DANGEARD dans la zygospore après la réunion des deux proto- plasmes ; mais la fusion est toujours complète dans la zygospore mûre (1). Le noyau sexuel se comporte, à la germination, d'une façon remarquable dans les Cosmarium et les Closterium. La zygospore produit deux embryons, mais le noyau, au lieu de ne subir qu'une seule bipartition, se divise une première fois selon le mode indirect, puis une seconde fois, donnant ainsi naissance pour chaque embryon, à un « gros noyau » et à un « petit noyau » ; ce dernier est destiné à disparaître sans que l'on puisse déterminer s'il se dissout dans le protoplasma ou s'il se réunit ulté- rieurement au premier. Il faut rapprocher de ces faits ceux qui ont été signalés par Chmielewsky chez le Spirogyra crassa(2). D'après cet auteur, le noyau unique de la zygospore, provenant de la fusion, subit deux bipartitions successives : des quatre noyaux ainsi formés, deux se fragmentent et dispa- raissent, les deux autres se fusionnent en un seul. Il est impossible jusqu'ici de tenter une explication plausible de ces observations ; d'ailleurs Klebahn n'a vu qu'un noyau dans la zygospore des Spirogyra et Zygnema, sans trace d'anomalie quelconque (3). III. Œdogonieœ. — Les renseignements que nous possédons sur ce groupe sont dus à Klebahn qui a étudié VŒdogonium Boscii: le noyau mâle de l'anthéro- zoïde n'est pas nucléole, mais il est très riche en chromatine; (1) Klebahn. Ueber die Zygosporen einiger Conjugaten [Berichte cler Deutchen botanischen Gesellschaft, 1888, p. 160). — Studien uber Zygo- ten (Pringsheim's Jahrbùcher, Bd. xxn). (2) Chmielevsky. Matériaux pour servir à la morphologie et physio- logie des procès sexuels chez les plantes inférieures, Charkow, 1890 (Mémoire écrit en langue russe, sans résumé français). (3) Klebahn. Studien iiberZygoten (Pringsheim's Jarbùcher, Bd. xxil . SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 225 le noyau femelle de l'oosphère est plus gros, possède un fort nucléole ; il est très pauvre en chromatine. Après la pénétration de l'anthérozoïde, on voit le noyau mâle aug- menter de volume sans modifier sa structure et parvenir jusqu'au noyau femelle dans lequel il pénètre : on n'aper- çoit aucune trace de « sphères attractives (1) ». Nous possédons aussi quelques renseignements sur les phénomènes intimes delà reproduction sexuelle des Fuca- cées et des Volvocinées. IV. Fucacese. — Behrens a indiqué la présence de huit noyaux dans les oogones clés Fucus (2) ; ils proviennent par division indirecte de la division d'un noyau unique, et ils sont destinés à chacune des oosphères ; Oltmanns a confirmé ces résultats ; il a montré de plus que l'oogone contienttoujours huit noyaux, alors que le nombre des oos- phères formées peut être inférieur à huit (3) ; ainsi, dans VAscophyllum nodosum qui ne produit que quatre oos- phères, quatre noyaux sont destinés à disparaître : il n'en persiste qu'un seul dans YHimanthalia lorea, dont l'oogone ne forme qu'une oosphère. Behrens a observé que les oosphères, maintenues pendant cinq à dix minutes au contact des anthérozoïdes, possédaient deux noyaux; il en concluait que la présence d'un second noyau est due à la pénétration d'un anthé- rozoïde: cependant Oltmanns a vu que le noyau de l'oos- phère encore contenue dans l'oogone présentait des traces de division ; nous devons donc attendre avant de conclure définitivement. (i) Klebahn. Studien ùber Zygoten, II. Die Befruchtung von Œdogo- nium Boscii (Pringsheims Jahrbùoher fur. W. Bot. 1892, p. 235-267). (2) Behrens. Beitrag zur Kenntniss der Befruchtungsvorgange bei Fucus vesiculosus (Berichle Deut. bot. Gesullschaft, 1886). (3) Oltmanns. Beitrag zur Kenntniss der Fucoceen [Bibliotheca bota- nica, Heft xvi, 1889). 226 P.-A. DANGEARD V. Volvocinese. — L'œuf des Volvox renferme au centre un gros noyau nucléole, et Overton a mis en évidence la présence à l'intérieur de cet œuf d'un second noyau beau- coup plus petit, nucléole, qu'il attribue, non sans raison, à un spermatozoïde ayant opéré la fécondation : après quelque temps, l'œuf ne montre plus qu'un seul noyau, ce qui rend la fusion excessivement probable (1). Dans les cas qui précèdent, les cellules ne possèdent qu'un seul noyau et la question de la sexualité est ré- duite à sa plus simple expression ; il eût été intéressant de savoir ce qui se passe lorsqu'on a affaire à des espèces comme les Vaucheries, où la séparation en cellules n'existe pas, le thalle non cloisonné renfermant de nom- breux noyaux; malheureusement, ici, les observations des divers auteurs, outre qu'elles sont incomplètes, concor- dent mal. Ainsi, Schmitz (2) et Behrens (3) n'ont vu qu'un seul noyau central clana l'oospore ; mais la nature nu- cléaire de ce corps est mise en doute par Klebahn, d'a- près lequel chaque oospore, longtemps après la fécon- dation, montre encore de. 'nombreux petits noyaux (4); nous retrouverons des divergences analogues d'interpré- tation dans les Champignons. Nous allons maintenant voir quel est l'état de la ques- tion chez les Champignons et nous examinerons séparé- ment les Oomycètes chez lesquels la formation des œufs est connue et les autres familles où l'existence d'une fécon- dation ne peut tarder, pensons-nous, à être admise comme générale. (1) Overton. Beitrag zur Kenntniss der Gattung Volvox (Bot. Cen- tralblatl, Bd. xxxix). (2) Schmitz. Untersuch. ùber die Zellkerne der Thallophyten [Ver- handl. 0. natur. hist. Vereins der preussischen Rheinlande, 1879). (3) Behrens. Einige Beobachtungen ùber die Entw. des Oogons und der Oosphaere von Vaucheria (Bericht. der Deut. bot. Gesells., 1890). (4) Klebahn. Studien ùber Zygoten Prïngsheim's Jahrbùcher, Bd. xxvi, p. 235). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 227 Dans le premier groupe, les recherches ont porté sur les Entomophthorées, les Ancylistées, les Peronosporées et les Saprolégniées. I. Entomophthoraceœ. — Le Basidiobolus ranarum seul a été étudié au point de vue de la fécondation : les cellules végétatives de cette espèce ne renferment qu'un seul noyau nucléole (1) ; les zygospores, d'après Chmielewsky, possèdent deux noyaux qui, dans l'espace d'une quinzaine de jours, se fusionnent en un seul (2). Ceci nous rappelle exactement, tant au point de vue de la structure clu thalle, qua celui de la fécondation, ce qui existe chez les Algues : il n'en est plus de même dans les groupes suivants : II. Ancijlistefe. — Il résulte de nos propres observations que, dans YAncylistes Closterii, chaque article du thalle renferme de nombreux noyaux ; les jeunes oospores pos- sèdent sept ou huit noyaux (3). Depuis la publication de ces recherches, nous avons réussi à rattacher ces noyaux au type ordinaire avec membrane nette et nucléole cen- tral; dans l'oospore, on voit souvent un noyau central, les autres noyaux restant pariétaux ; nous ignorons en quoi consiste l'acte même de la fécondation. Peronosporeee. — D'après Wager, l'oogone et l'anthé- ridie du Peronospora parasitica renferment de nombreux noyaux (4) ; leur nombre, dans l'oogone, peut dépasser une centaine; il est de six à douze dans l'anthéridie ; ces (1) Eidam. Basidiobolus eine neue Gattung der Entomophthoraceen (Cohns Beitrd'je zur Biologie der P flan zen, Bd. iv). (2) Chmielewsky. Zur frage iiber die Copulation derKemebeim Geschlechtsprocess der Pilze (Arbeiten der neurussischen naturfors- chev-Gesellschafl, Bd. xm, Odessa, 1883). (3) P.-A. Dangeard. Recherches histologiques sur les champignons {Le Botaniste, 2e série, p. 94-95% (4) Wager. Observations on the structure of the nuclei in Peronos- pora parasitica [Annals of Botany,Vo\. IV, p. 127). 228 P. -A. DANGEARD noyaux se multiplient par division indirecte en diminuant de volume ; deux ou quelquefois peut-être trois cle ces noyaux se placent au centre de l'oosphère et s'unissent en un seul noyau, alors que les autres restés clans la couche de périplasme contribuent à la formation de l'exospore. Des noyaux de Tanthéridie, les uns passent probablement dans le périplasme, alors qu'un seul va peut-être s'unir au noyau de l'oosphère. Le Plasmopara clensa possède également dans l'oogone et dans l'anthéridie de nombreux noyaux (1). Chmielewsky, étudiant les Cystopus, dit que l'oogone ne contient qu'un seul noyau, de grosse taille, nucléole ; l'anthéridie ne contiendrait également qu'un noyau. L'oos- pore mûre ne renfermant, d'après cet observateur, qu'un noyau, la fécondation consisterait dans la fusion du noyau de l'anthéridie avec celui de l'oogone (2). Dans un travail plus ancien, Fisch avait vu cependant plu- sieurs noyaux dans les oogones et les anthéridies, et Wager a mis en doute dans son travail l'exactitude des observations cle Chmielewsky. Reprenant ce point controversé, nous avons établi que l'oogone possède de nombreux petits noyaux ; ils sont placés, clans l'oogone jeune, à l'intersection des mailles d'un protoplasma trabéculaire : les anthéridies ont la même structure. Au moment où l'oosphère se sépare du périplasme, une partie des noyaux reste dans cette der- nière couche et contribue à la formation de l'exospore : il n'a pas été possible de dire d'une façon certaine com- ment se comportent ceux de l'oosphère au moment de la fécondation ; au centre cle l'oosphère, se développe un (1) P. -A. Dangeard. Recherches histologiques sur les Champignons. Loc. cit. p„ 134-137. (2) Chmielewsky. Zur Frage iïber die copulation der Kerne beim Geschlechtsprocess der Pilze (Arbeiten der neurussichennaturforscher Gesellschaft, Bd. xm, Odessa, 183S). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 229 globule oléagineux , il est séparé de l'endospore par une couche de protoplasma granuleux, dans lequel on retrouve après quelque temps plusieurs noyaux (1). Le Pythium proliferum possède également de nom- breux novaux soit clans les oogones, soit dans les anthé- ridies : d'après Fisch (2), ces noyaux s'uniraient en un seul dans l'oospore mûre ; il est probable que l'idée de cette fusion en un seul noyau central vient de la présence d'un globule oléagineux qui rappelle exactement celui des Cystopus. IV. Saprolegnîaceœ. — Schrnitz (3) avuplusieurs noyaux dans l'anthéridie et dans l'oogone de YAphanomy- ces lœvis: n'en trouvant qu'un seul dans les oospores mûres, il pensait que ce dernier provenait d'une réunion de plusieurs noyaux. Hartog admet que les vacuoles de l'oosporange sont des noyaux à tous les stades de con- jugaison ; les oosphères jeunes renferment un certain nombre de ces noyaux composés qui se fusionnent en- suite dans l'oospore en un seul gros noyau central (4). D'après nos observations (5) confirmées par celles d'Hum- phrey (6), les vacuoles ne représentent point des noyaux en conjugaison; de plus, nous avons trouvé clans les oos- pores mûres, entre le globule oléagineux et la membrane, un certain nombre de noyaux ; dans les jeunes oospores, (DP. -A. Dangeard. Recherches histologiques. Loc cit. p. 125-130» (2) Fisch. Ueber das Verhalten der Zelikerne in fusicnirenden Pilz- zellen (Tageblatt Versammlung Deut. naturforscher und Aerzte, 1885). (3) Schrnitz. Untersuch. uber die Zelikerne der Thallophyten [Ver- handlungen des natur -historischen Vereins der preussischen Rhein- lande und Weslfalens, 1880) (4) Hartog. Recherches sur la structure des Saprolégniées (Comptes rendus, Ac. se. T. cvnr, 1889). (5; P. -A. Dangeard. Recherches histologiques. Loc. cit. p. 101-111. (0) Ilumphrey. The Saprolegniaceœ of the United States (Transac- tions of the American Philosop. Society. Vol. xvn). 230 P.-A. DANGEARD Humphrey a vu un ou deux noyaux. La question reste à résoudre : si l'on admet la formation de noyaux composés, s'unissant en un seul dans les oosphères, doit-on identifier ce noyau unique avec le gros corpuscule central oléagi- neux ? 11 est nécessaire alors de suivre la division de ce corpuscule au moment de la germination ; or, nous avons établi que ce globule central abandonne son huile au mo- ment de la germination et se trouve ainsi remplacé natu- rellement par une vacuole. En résumé, chez les champignons oomycètes, à articles plurinuclées, qui forment la très grande majorité, les organes sexuels, mâle et femelle, qui se trouvent en pré- sence possèdent un assez grand nombre de noyaux : c'est là le seul point définitivement acquis. On peut toutefois penser que, parmi ces noyaux, le plus grand nombre est destiné à un rôle purement végétatif ; leur substance est utilisée pour la formation dos membranes ou la produc- tion des réserves ; les autres, réduits peut-être dans quel- ques cas à un seul noyau mâle et à un seul noyau femelle, se fusionnent pour constituer le noyau sexuel unique, du- quel proviendront, au moment de la germination, les nom- breux noyaux destinés aux zoospores ou au jeune thalle. Nous arrivons maintenant à l'étude des champignons dans lesquels la sexualité n'a pas été rencontrée : ce sont les Basidiomycètes, les Ascomycètes, les Urédinées, les Ustilaginées ; après de nombreux insuccès, on a fini par admettre à peu près généralement que ces champignons étaient dépourvus de reproduction sexuelle ; rappelons brièvement quelques-uns des travaux qui, de temps à autre, ont fait entrevoir au moins l'idée d'une solution par- tielle de ce difficile problème ; les plus anciens, dépour- vus d'intérêt, sont cités par de Bary (I). (1) A. de Biry. De la génération sexuelle dans les Champignons (Annales se. nat., Bot., Ve série, T. V, 4866;. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 231 En 1875, Max Rees annonce qu'il a découvert; en culti- vant le mycélium du Coprinus stercorarius, des éléments mâles en forme de bâtonnets, destinés à féconder d'autres organes en forme d'ampoules, représentant les éléments femelles (1). Cette opinion est d'abord adoptée et étendue par Van Tieghem (2) ; mais ces observations reçoivent bientôt une autre interprétation (3). Le groupe des Ascomycètesa donné lieu à un beaucoup plus grand nombre de travaux pour ou contre l'existence d'une reproduction sexuelle au moyen d'anthériclies et d'oogones. En 1863, de Bary (4) annonçait la découverte d'organes copulateurs chez les Ascomycètes, et ces idées devenaient classiques avec la publication de son ouvrage sur la morphologie et la physiologie des Champignons (5); il considère spécialement le développement des asques dans les Erysiphe, les Eurotiumetle Pyi^onernsL confluens. Le mémoire de Woronine, consacré à l'étude de la struc- ture et du développement de YAscobolus pulcherrimus (6), indique les premiers états du développement de la cupule : on y rencontre un corps vermiforme, composé d'une rangée de cellules courtes, à diamètre supérieur à celui du mycélium ; d'autres filaments émettent des ramuscules ou pollinodes qui viennent s'appliquer sur le corps ver- miforme. Tulasne constate la présence de ce corps ver- (1) Mnx Rees. Ueber den Befruchtungsvorgang bei den Basidiomy- ceten (Sitzungsberichle der physih med. societ. in Erlangen, Heft vu, 1875). (2) Van Tieghen. Sur la fécondation des Basidiomycètes (Comptes rendus, Acad. se., 8 février 1875). (3) Van Tieghem. Sur le développement du fruit des Coprins et la prétendue sexualité des Basidiomycètes (Comptes rendus Acad. se, 15 novembre 1875). (4) De Bary. Fruchtentw. d. Ascomyccten, Leipzig, 1?C3. (5) De Bary. Morphologie und physiologie der Pilze, Flechten, und Myxomycelen, Leipzig, 1866. (6) De B.\ryet Woronine. Beitrage Z. Morphol. und Physiol. d. Pilze, Heft ii. 232 P-A. DANGEARD miforme qu'il désigne du nom de scolécite, clans YAsco- bolus furfuraceus et clans le Peziza melanloma (1), sans toutefois y voir un phénomène de copulation certain et constant ; par contre, il regarde comme une véritable con- jugaison celle qui se produit entre les macrocystes et les paracystes duPyronema confluens. De nouveaux faits sont apportés par de Janczewski (2), à l'appui de cette théorie d'une reproduction sexuelle chez les Àscomycètes ; le scolécite, sur lequel viennent s'appuyer intimement les pollinodes, est recourbé en virgule ; une de ses cellules, dite cellule ascogène, fournit un certain nombre de fila- ments ou hyphes ascogènes qui fournissent directement les asques. En 188-4, de Bary, utilisant les travaux d'Eiclam, de Brefeld, de Stahl, de Kihlman, etc., expose clans un cha- pitre spécial : « Entstehung der Sporenfrucht », cette théorie de la reproduction sexuelle des Ascomycètes avec tous les développements qu'elle comporte (3). Cette théorie a eu pour principal adversaire Van Tieghem qui, clans une série de notes, en a signalé les points fai- bles ; on trouvera l'indication de ces notes, ainsi qu'une réfutation complète de cette théorie, dans son Traité général de Botanique, 2e édition : d'après ce savant, les prétendus organes sexuels ne sont autre chose que des réservoirs nutritifs qui permettent à la plante de concentrer « en un point du thalle une réserve de substance assimilée, suffisante pour alimenter clans chaque cas parliculier la formation du périthèce. Suivant l'espèce considérée et (I) L. R. et C. Tulasne. Note sur les phénomènes de copulation que présentent quelques Champignons (Ann.sc.nat., Bot. Y* série, tome VI, 1866). (?) E. de Janczewski. Recherches morphologiques sur YAscobolus furfuraceus (An. se. nat., Bot. Ve série, tome XV, 1872). (3) De Bary. Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze. Leipzig, 1884 (avec bibliographie complète). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 233 suivant les conditions de nutrition où elle se trouve placée, ce réservoir nutritif se constitue d'une manière un peu différente, voilà tout (1) ». Nous dirons, dans un instant, quel est notre sentiment dans cette question. Tulasne, qui a démontré que les spermogonies sont des organes particuliers des Ascomycètes, des Urédinées, etc., supposait que les spermaties correspondaient aux anthé- rozoïdes, représentaient des éléments mâles : il n'y a plus lieu de s'arrêter à cette supposition, depuis que l'on connaît la germination de ces corpuscules. Dans les Ustilaginées, les sporidies produites par le promycélium contractent fréquemment des anastomoses. De Bary voyait là une véritable copulation, un processus sexuel caractérisé (2) ; Brefeld considère cette anastomose comme étant d'ordre exclusivement végétatif (3), et son opinion est généralement partagée. Puisque tous les efforts des observateurs en vue de découvrir dans ces champignons une reproduction sexuelle caractérisée morphologiquement sont restés vains, il faut changer les méthodes d'investigation. L'idée conductrice est celle-ci : clans un être dont les cellules ne possèdent qu'un seul noyau, il existe une cellule renfermant le noyau mâle et une cellule renfermant le noyau femelle : l'appareil sexuel est alors nécessairement différencié : c'est le cas des Volvox, des Chlamydomonas, des Conjuguées, des Œdogoniées, du Basidiobolus : mais la différenciation morphologique .peut être réduite à sa plus simple expression, comme clans le Splrogyra. quadrata où ce sont deux cellules contiguës du même filament qui mélangent leurs protoplasmas et unissent leurs noyaux. (1) Van Tieghem. Traité général de Botanique, 29 édition, p. \ 132. (2) Consulter De Bary, Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze ..p. 195-199. (3) Brefeld. Botanische Unterschungen ùber Hefenpilze, V Ileft, Die Brandpilze, I, 1883. 234 P-A. DANGEARD Ce dernier cas est éminemment suggestif; supposons que Je filament de ce Spirogyra soit dépourvu de cloisons ; il ressemblera à un filament mycélien de champignon ; dans ce filament, il existera de nombreux noyaux mélangés dont les uns seront des noyaux végétatifs, alors que les autres seront des noyaux sexuels : pour saisir la sexualité, nous n'aurons d'autre ressource que de cons- tater la fusion des noyaux sexuels. Il se formera donc à l'intérieur du filament un certain nombre de spores que nous reconnaîtrons pour des œufs à ce caractère de la fusion ; nous aurons encore la ressource, afin d'appuyer cette première observation, de chercher si ces spores se conduisent comme des œufs par comparaison avec ce qui a lieu dans les oospores formées avec différenciation morphologique. S'il en est ainsi, nous devons, clans tous les groupes où la reproduction sexuelle est encore inconnue, rechercher avec soin, dans tout le développement, le moment où il se produit une fusion de noyaux et étudier d'une façon par- ticulière l'organe où s'opère cette fusion. Il est vrai que cette recherche n'est pas sans difficultés puisqu'il faut arriver à connaître la structure intime de l'organisme étudié à divers moments et dans tout son développement. C'est donc une série de recherches histologiques qui devait mettre en évidence ce mode de fécondation sans différenciation morphologique des éléments sexuels: c'est ce qui a eu lieu, en effet. Ainsi, en collaboration avec un de nos élèves, Sappin- Trouffy, nous avons signalé l'existence d'une fusion de noyaux dans les Urédinées : elle se produit clans les écidiospores et dans les téleutospores (1). Quelle est de ces deux fusions de noyaux celle qui remplit les conditions (1) P. -A. Dangeard et Sappin-Trouffy. Une pseudo-fécondation chez les Urédinées [Comptes rendus, Acad. de» se, février 1893). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 235 d'une véritable fécondation ? c'est à ce moment qu'inter- vient la nécessité de considérer la nature de l'organe dans lequel s'est opérée la fusion. Or, prenons un œuf de Clamyclomonas, par exemple, nous voyons que le noyau de l'oospore ne donne pas directement celui de la nouvelle plante ; il subit un nombre de bipartitions déterminé qui ici donne naissance à quatre nouveaux noyaux, qui sont ceux des nouvelles zoospores ; dans un Volvox, le noyau fournira un nombre plus grand de bipartitions pour la nouvelle colonie : clans les Closte- rium et les Cosmarium, le nombre des bipartitions est éga- lement déterminé ; et, si nous appelons du nom général d'embryon, la nouvelle plante provenant de la germina- tion de l'œuf, nous constatons que pour arrivera ce stade, le noyau de l'œuf subit toujours un nombre déterminé de divisions. Revenons maintenant aux Urédinées : Técidiospore germe immédiatement en un nouveau tube végétatif ; ce ne sont pas là les caractères d'un œuf, et nous ne consi- dérerons pas la fusion des noyaux qui s'y produit comme une véritable fécondation, bien que Vuillemin, à la suite de notre Note à l'Académie des sciences, ait donné à ce sujet des aperçus plus ingénieux que solides (l). Mais si nous considérons la téleutospore, il n'en est plus de même ; en effet, ici chaque cellule de la téleutospore, s'il en existe plusieurs, se comporte comme une véritable oospore : son noyau va subir dans le promycélium un nombre déterminé de divisions ; il y aura "ainsi quatre nouveaux noyaux dont chacun passera dans une sporidie, point de dé- part d'une plante nouvelle (2) ; la sporidie, c'est l'embryon et, ce qui est remarquable, c'est que la pluralité des noyaux (1) Vuillemin. Sur la fécondation des Pucciniées {Comptes rendus, Acad. Sciences, n<> 25, juin 1893). ("2) Sappin-Trouffy. La pseudofécondation chez les Urédinées et les phénomènes qui s'y rattachent (Le Botaniste, 3e série, 5* fascicule, 1893). 536 P A DANGEARD va s'y montrer immédiatement, comme elle existe dans tout le système végétatif. Ajoutons que chaque oospore a sa membrane distincte du filament, de sorte que celui-ci, en réalité, est un véritable oogone. Laissant M. Sappin-Trouffy étudier en détail la famille des Urédinées, nous avons dirigé nos observations du côté des Ustilaginées, dans l'espoir d'y rencontrer égale- ment la reproduction sexuelle : voici comment nous avons résumé les résultats obtenus, dans une Note à l'Académie des sciences (1). « Les phénomènes de fécondation ne sont connus que dans un nombre relativement restreint de Champignons ; beaucoup de familles, après avoir lassé la patience des observateurs, ont été considérées comme entièrement dépourvues de toute sexualité. «Nos études d'ensemble sur Thistologiedes Champignons nous ont mis sur la voie qui conduira, pensons-nous, à une solution générale et définitive de la question ; déjà, en collaboration avec un de nos élèves, M. Sappin-Trouffy, nous avons signalé l'existence d'une fécondation chez les Urédinées. Dans la présente Note, nous indiquerons les résultats obtenus en ce qui concerne les Ustilaginées, à la suite d'une étude histologique de cette famille. « Les noyaux, très petits, ne se laissent fréquemment définir que sous l'aspect d'une simple tache chromatique ; dans les cas les plus favorables, on y distingue une membrane d'enveloppe et un nucléole. La fécondation s'opère dans les cellules qui, jusqu'ici, ont été considérées comme spores et qui sont en réalité des oogones pro- duisant des oospores ; en effet, clans chaque cellule renflée au début, on trouve deux noyaux qui se comportent l'un comme noyau mâle, l'autre comme noyau femelle ; le pro- (1) P. -A. Dangeard. La reproduction sexuelle des Ustilaginées (Comptes rendus, Acad. sci., n° 15, 9 octobre 1803). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 237 toplasma de la cellule se condense, les deux noyaux se rapprochent au contact et se fusionnent en un seul noyau central ; la surface du protoplasma condensé s'est recou- verte en même temps d'une double membranedont l'externe présente fréquemment des ornements qui varient avec les genres et les espèces : la cellule renflée primitive corres- pond à l'oogone et la spore qu'elle contient est une oospore, ce qui rappelle d'assez près ce qui a lieu dans un Pythium ou un Leptomitus. La condensation du protoplasma qui accompagne la fécondation, étant en général très faible, la membrane de l'oospore se trouve presque au contact de la paroi de l'oogone ; de là vient l'erreur qui a conduit à considérer jusqu'ici ces organes comme de simples cellules renflées en spores. A ceux qui voudront vérifier nos obser- vations, nous conseillons de choisir de préférence Y Ustilago receptaculorum Fries, espèce clans laquelle oogone et oosphère se laissent facilement différencier à cause de leurs dimensions (13 p.- 17 fi). « Afin de pouvoir généraliser, il nous était nécessaire d'établir l'existence des mêmes phénomènes dans plusieurs genres et espèces. Tout d'abord, nous l'avons fait pour YUstilago violacea Pers., où la petitesse des spores (7 a) rend l'observation très difficile ; ensuite, nous avons constaté l'existence de deux noyaux, leur fusion dans les oospores du Doassansia Alismatis Cornu. Un troisième genre, le genre Entyloma, a été également étudié et il a fourni les mêmes résultats. Nous pouvons donc affirmer que les Ustilaginées ont une reproduction sexuelle. « Que devient le noyau unique de l'oospore à la germi- nation ? « Pour résoudre cette question, nous avons établi de nombreuses cultures d'oospores appartenant kYUrocystis ViolaeSow., et au Tilletia Caries Tul. A la germination, dans la première espèce, le noyau de l'oospore passe dans le promycèle ; ce dernier forme à son sommet huit sporidies ; 238 P "A DANGEARD pendant que ces sporiclies s'allongent et se caractérisent, le noyau subit trois bipartitions successives. Chaque sporidie reçoit un de ces noyaux ; elles peuvent à leur tour former d'autres sporiclies qui leur sont reliées par un fin pédicelle. Ces sporidies secondaires ont en général deux noyaux. Les choses se passent de la même façon clans le Tilletia Caries avec des sporidies filamenteuses et les anastomoses qui les réunissent fréquemment n'ont aucun rôle sexuel à remplir. « En résumé, si l'on se reporte à la division provisoire des Champignons en six ordres : Myxomycètes, Oomycètes, Urédinées, Ustilaginées, Basidiomycètes, Ascomycètes, on voit que la reproduction sexuelle n'était connue que chez les Oomycètes : elle l'est maintenant chez les Urédinées et les Ustilaginées. Nous sommes fondé à croire que les Basidiomycètes et les Ascomycètes ne tarderont guère à livrer leur secret. » En effet, il devient permis de raisonner par analogie en ce qui concerne ces deux derniers ordres et de se demander à quel endroit du développement se produit la fécondation. 1° Basidiomycètes. Le promycèle d'une téleutospore d'Urédinéeou d'une oospored'Ustilaginée rappelle étroite- ment les basides ; dans les basides, un noyau unique subit un nombre déterminé de bipartitions et chaque nouveau noyau passe dans une spore : je pense que ces spores représentent l'embryon, que le noyau de la basicle est un noyau sexuel qui provient de la fusion d'un noyau mâle et d'un noyau femelle ; labaside serait un œuf à germination immédiate,etce qui esta remarquer c'est que Rosen(l),sans se douter nullement de l'importance du fait ni de sa signi- fication, regarde comme très probable l'existence de cette (1) Rosen. Studien iiber die kerne und die membranbildung bei Myxomyceten und Pilze [Cohns Deitrâge zur Biologie der Pflurtzen, Bd. V). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 239 fusion, et que Wager (1) a vu la fusion de deux noyaux se produire dans les jeunes basides cYAgaricus Ster cor avilis. Nous n'avons pas encore eu le loisir d'établir la certitude de la chose ; nous nous proposons d'achever, sitôt que nous le pourrons, les observations commencées. 2° Ascomycètes. Le même raisonnement nous conduit pour ce groupe à considérer le noyau de l'asque comme un noyau sexuel provenant de la fusion d'un noyau mâle et d'un noyau femelle ; il subit, en effet, un nombre déter- miné de divisions pour arriver à fournir le noyau du nou- vel individu, de la spore, qui équivaut pour nous à Y em- bryon tel que nous l'avons défini précédemment. Ajoutons qu'au moins pour les cas simples comme celui de YEre- mascus albus, deYErysiphe, la théorie de deBary contient peut-être une indication de la direction suivie par les noyaux, mâle et femelle, pour arriver dans l'asque. Quoi qu'il en soit, c'est aux recherches histologiques qu'il appartient maintenant de fixer la présence ou l'absence de fécondation. Si ces vues reçoivent confirmation, nous en aurons fini avec cette question de la sexualité des Champignons qui menaçait de s'éterniser: nous aurons en même temps un guide pour la recherche de la fécondation dans les groupes soit végétaux, soit animaux, encore nombreux où elle est inconnue. (1) Wager. On the Nuclei of the Hymenomycetes (Annals of Bolany, vol. VI, 1892). CHAPITRE II RECHERCHES HISTOLOGIQUES SUR LA FAMILLE DES USTILAGINÉES Les recherches histologiques sur la famille des Usti- laginées sont bien peu nombreuses : en consultant le résumé fourni tout récemment par Zimmermann(l), on voit que Schmitz a constaté la présence de plusieurs noyaux dans les cellules du mycélium qui va fournir les spores clans ÏUstilago longissima (2) ; ces cellules se divisent en cellules filles à un seul noyau dont chacune va fournir une spore. Fisch est arrivé à des résultats analogues (3). Enfin Mceller a constaté que les cellules des Ustilaginées qui bourgeonnent comme les Levures ne possèdent qu'un seul noyau (4). Nous avons donc devant nous un vaste champ d'explora- tion et si nous avons laissé des lacunes, nous avons du moins réuni un grand nombre d'observations propres à faciliter les recherches ultérieures et à mieux faire con- naître la famille. Les matériaux d'étude ont tous été fixés à l'alcool absolu ; (i) Zimmermann. Sammel-Referate aus dem Gesammtgebiete der Zellenlehre (Bcihefte zum Botanischen Centra.lbla.tl, Heft 6, Bd. III, Oassel, 1S93). (2) Schmitz. Untersuchungen ùber die Zellkerne der Thallophyten. Loc. cit. (3) Fisch. Ueber das Verhalten der Zellkerne. Loc. cit. (4) Mœller. Ueber den Zellkern und die sporen derHefe (Centralblalt fur Bactériologie und Parasiten hunde, Bd. XII, 1892). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 241 comme réactifs colorants, nous avons employé l'héma- toxyline en cristaux, quelquefois l'hématoxyline de Bôhmer et celle de Grenadier ; pour ces deux derniers réactifs, il y a quelquefois utilité à les mélanger à du phénol ; le picro-carmin a ses avantages dans certains cas à déterminer. Il en est de même de F eau anilinée colorée au moyen d'une solution de fuchsine, de bleu de méthylène, etc., avec ou sans application de la méthode de Gram. Je dois ajouter qu'en général, c'est encore l'hématoxyline en cristaux avec décoloration à l'eau alunée, s'il y a lieu, qui m'a fourni les meilleurs résultats. Enfin les sections de tissus ont été faites au microtome, le plus souvent après inclusion dans le collodion; les méthodes de double colo- ration sont quelquefois indispensables. Ces recherches ont porté sur les genres Ustilago, Doas- sansia, Entyloma, Urocijstis, Tilletia. GENRE USTILAGO. Les Ustilago sont caractérisés d'après Plowright par des téleutospores simples, produites à l'intérieur d'hyphes renflées et gélatinisées ; elles forment, lorsqu'elles sont mûres, une masse pulvérulente. La germination se fait par un promycèle cloisonné qui produit des sporidies terminales ou latérales, quelquefois les deux (1). Trois espèces ont été étudiées : 1° Ustilago Tragopogi Pers. (PI. XX, fig. 1-12.) On rencontre abondamment cette espèce sur les capi- tules de Tragopogon pratensis et orientalis : le mode de (1) Plowright. A Monograph of the british Uredinese and Ustilagi- nesc, London, 1889. — Fischer von Waldeim (Ann. se. nat., Bot. 68 série, tome IV). 242 P -A. DANGEARD formation des spores a été indiqué par de Bary(l) ; en 1854, Tulasne a obtenu la germination des spores (2) et il signale les anastomoses qui se produisent entre les sporidies : cette germination a été suivie un peu plus loin par Brefeld, dans un milieu nutritif (3). Nous étudierons ce parasite dans sa structure et dans ses rapports avec la plante attaquée. Il est nécessaire de prendre de très jeunes capitules pour observer les débuts : le parasite fructifie abondamment d'une part entre les fleurons, d'autre part entre chaque pièce des fleurons. Les fleurons sont profondément modifiés : ils ne dépassent guère un ou deux centimètres de hauteur ; ils sont plus ou moins réunis par les masses sporifères du parasite. Si on les dégage de cette poussière de spores, on voit que la corolle est restée tubuliforme ; mais une section transversale permet de se rendre compte, qu'en réalité, on a affaire au type liguliforme (fîg. 3) ; à l'intérieur du fleuron, se trouve l'ovaire atrophié, se continuant par un style court, ter- miné par deux longues branches stigmatiques couvertes de poils ; la longueur cle ces branches stigmatiques égale et dépasse même la longueur totale de l'ovaire et du style ; nous n'avons rencontré à l'intérieur de l'ovaire aucune trace d'ovule, ni même de cavité ovarienne ; clans quelques cas, nous avons vu le tissu conducteur du style rempli par le mycélium du parasite (fig. 5). Ainsi donc, l'action du parasite a pour premier effet d'atrophier l'ovaire et l'élongation du style, consécutive de la féconda- tion, ne se produit point. Le mycélium de ÏUstilago se répand dans les espaces intercellulaires de l'ovaire et de la corolle ; mais les (1) De Bary. Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze, p. 189. (2) Tulasne. Second Mémoire sur les Ustilaginées et les Urédinées {Ann. se. nat. Bot., 4<= série, tome II). (3) Brefeld. Botanische Untersuchungen ùber Hefenpilze, V. Heft, Die Brandpilze, p. 81-82. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 243 masses sporifères se montrent entre ces deux organes : elles sont plus abondantes encore à la surface des fleu- rons (fig. 3) ; elles sont constituées au début par des filaments qui s'entre-croisent (fig. 4). Les jeunes étamines peuvent, malgré la présence de YUslîlago, développer normalement leurs grains de pollen (fig. 1) ; dans la file unique de cellules mères qui occupe l'axe de l'anthère, la division en quatre grains de pollen se produit ; c'est au moment où ils s'isolent au milieu du plasma provenant de la destruction de l'assise interne, que nous avons observé les filaments mycéliens de YUstilago (fig. 2) ; il se nourrit, lui aussi, des débris de cette assise et s'y développe. Au moment de la formation des spores, les filaments mycéliens se cloisonnent en nombreuses cellules termi- nales, en ampoule (fig. 6); chacune de ces cellules renferme du protoplasma limitant une vacuole centrale plus ou moins grande ; dans le protoplasma, on trouve deux noyaux dont l'un va jouer le rôle de noyau mâle et le second le rôle de noyau femelle. En effet, tandis que la membrane de la cellule s'épaissit et devient gélatineuse, tout en conservant son contour externe distinct, les deux noyaux se rappro- chent au contact et se fusionnent en un seul (fig. 7, 9, 10). En même temps que la fécondation s'opère, le proto- plasma qui a subi une légère condensation, s'entoure d'une membrane propre (fig. 8, 10, B) ; cette membrane est d'abord lisse, elle montre . ensuite le réseau d'épaississement que nous retrouverons sur l'oospore mûre. La jeune oospore grossit, atteint ses dimensions définitives et, à ce moment, il ne reste plus trace de la membrane delà cellule qui lui a donné naissance (fig. 11) ; à maturité, la paroi de l'oospore se divise en deux couches :l'endospore et l'exospore, celle-ci présentant des épaississements réticulés. Le noyau sexuel occupe le centre; il est nucléole et limité par une membrane 244 P.-A. DANGEARD nucléaire : ce noyau est relié à la couche pariétale de protoplasma par des trabécules ; il se rapproche de la paroi au moment de la germination. En résumé, chaque cellule est un oogone renfermant un noyau mâle et un noyau femelle; dans cet oogone, il se produit une oospore provenant de la fusion des deux noyaux et du protoplasma qui les accompagnent. Cette oospore avec son noyau sexuel va se comporter, à la germination, comme les zygospores des Conjuguées, comme l'œuf des Chlamydomonas en donnant naissance à un certain nombre de plantes nouvelles que je qualifie du terme général d'embryons. Nous allons examiner maintenant cette germination que nous verrons beaucoup plus en détail dans YUstilago cavbo ; elle se fait très simplement : le noyau unique de l'oospore passe dans le promycèle et là, se divise en deux (fig. 12), puis en quatre ; le promycèle se divise lui-même en quatre cellules qui produisent chacune une sporidie dans laquelle passe un noyau (fig. 12) ; cette sporidie est l'embryon qui donnera la nouvelle plante. 2° Ustilago carbo Tul. (PI. XX, fig. 13-21.) Cette espèce qui cause chez les céréales la maladie connue sous le nom de charbon, a été étudiée par Tu- lasne (1), Kuhn (2), Fischer von Waldheim(3), Wolf (4). Brefeld a fait une étude très complète de la germination des oospores (5). (1) Tulasne. Mémoire sur les Ustilaginées comparées aux Urédinées (Ann. se. nat. Bot., £e série, tome VII, 1847). (2) Kuhn. Krankheiten der Culturgewachse, Berlin, 1858. (3; Fischer von Waldheim. Beitrâge zur Biologie und Entwick- lungeffeschichter der Ustilagineen (Jahrbucher, Bd. 7, 1869-70). d) Wolff Brand des Getreides, Halle, 1874. (5) Brefeld. Die Brandpilze. Loc. cit. p. 54. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 245 Nous ne nous occuperons que de la structure histolo- gique de ces germinations qui a été complètement négli- gée ; les cultures d'oospores que nous avons faites, pro- venaient d'un épi d'avoine : ces spores ont été simplement semées à la surface de cuvettes remplies d'eau. Au bout du premier jour, on observe déjà quelques germinations ; nous les avons suivies ainsi pendant cinq à six semaines, fixant ces germinations à tous les stades au moyen cle l'alcool absolu. Les oospores, dans ces cultures, commencent par aug- menter beaucoup de volume ; leur surface, quelquefois lisse, était le plus souvent recouverte de petites verrues. Nous avons fréquemment rencontré des oospores dans les- quelles l'endospore &e trouvait à nu sur toute une moitié de la surface, l'exospore n'ayant pu suivre l'augmentation cle volume précédant la germination. Au centre se trouve un noyau nucléole (fîg. 13) : il se trouve entouré par du protoplasma qui le relie à la couche pariétale par des trabécules limitant quelques vacuoles ; le début du pro- mycélium est un tube étroit qui ne renferme que du pro- toplasma, le noyau étant resté dans la spore (fig. 14). Ce noyau passe ensuite clans le tube et commence à s'y diviser une première fois (fîg. 14) ; la première bipartition peut commencer dans la spore. Le promycèle s'allonge sans se ramifier ; alors, des deux premiers noyaux, c'est celui du bas qui commence le premier à se diviser ; c'est ainsi que l'on rencontre souvent des promycèles à trois noyaux (fig. 16). Pendant que le noyau du haut se divise à son tour, une cloison commence à se former en bas (fig. 17), séparant les deux noyaux inférieurs; puis une seconde cloison se produira au-dessus vers la moitié du promycèle, et enfin une dernière séparera les deux noyaux supérieurs. On aura ainsi un promycèle normal divisé en quatre cel- lules dont chacune renferme un noyau : si, par exception, le noyau ne se divise qu'une fois, le promycèle n'aura 946 P. -A DANGEARD que deux cellules ; si le noyau du haut ne subit pas de bipartition, le promycèle présentera seulement trois cellules. Dans nos cultures, cependant très nombreuses, les pro- mycèles n'ont donné que fort peu de sporidies : c'est là d'ailleurs un caractère de l'espèce ; ces sporidies sont petites (fig. 21) ; elles débutent par un petit bourgeon dé- pourvu de noyau ; le noyau de la cellule n'y pénètre que plus tard, après ou sans bipartition préalable. Après huit jours de culture, les germinations avaient changé d'aspect dans plusieurs de nos cuvettes : ainsi, dans les promycèles,les cellules étaient rétrécies dans leur partie médiane et remplies à leurs deux extrémités ; à chacune de ces extrémités, se trouvait un globule sphérique ré- fringent, d'aspect oléagineux (fig. 18) ; ces globules n'é- taient séparés de la paroi que par une couche mince de protoplasma finement granuleux ; les cellules ainsi cons- tituées peuvent s'isoler. Nous avons recherché quelle était leur structure, mais, dans ce cas particulier, les colora- tions se font beaucoup plus difficilement; on arrive cepen- dant à mettre hors de cloute la présence d'un seul noyau dans ces cellules ; il se trouve situé entre les deux globules oléagineux, dans la couche de protoplasma granuleux qui les sépare (fig. 19) ; ces cellules du promycèle ont subi une sorte d'enkystement qui leur permet de rester à l'état de vie latente pendant que les conditions du milieu sont défa- vorables à leur développement. Les cellules du promycèle peuvent se développer direc- tement en filament germinatif ou en sporidies : Brefeld a incliqué avec détails comment se comportent ces filaments germinatifsquifréquemment contractentdes anastomoses ; il a obtenu, dans des milieux nutritifs, un bourgeonnement des sporidies analogue à celui des Levures (1). (1) Brefeld. Loc. cit. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 247 3° Ustilago violacea Pers. (PI. XXI, fig. 1-11.) Cette espèce se rencontre sur diverses Caryophyllées (Silène, Cerastium, Stellaria, Lychnis) ; elle a été étudiée par un grand nombre d'observateurs à divers points de vue. La germination des spores y a été observée pour la première fois par Tulasne (1) et ses observations ont été complétées par Fischer von Waldheim (2), Schroeter (3), et surtout par Brefeld (4). Ce savant a suivi avec détails la formation d'un promycélium cloisonné le plus souvent en deux ou trois cellules, la formation des sporidies, leur bourgeonnement à la manière des Levures clans un milieu nutritif; il a signalé et décrit les anastomoses qui se pro- duisent entre les sporidies ou entre les cellules des pro- mycèles ; ces promycèles se détachent en général de bonne heure de la spore. L'action du parasite a été plus particulièrement étudiée par Vuillemin (5) qui rappelle tout d'abord que Tulasne, miss Becker, Cornu, Hoffmann, Giarcl, Magnin signalent le fait que les fleurs femelles de Lijchnis dioica, envahies par cet Ustilago, prennent l'apparence de fleurs herma- prodites. Vuillemin constate que la castration est réelle, car le développement du pistil se trouve arrêté à une longueur de 5 à 6 mm. ; sur l'androcée, l'action est inverse ; les ru- (1) Tulasne. Mémoire sur les Ustilaginées comparées aux Urédinées (Ann. se. nat. Dot., 3e série, Tome VII). (•2) Fischer von Waldheim] Beitriige zur Biologie undEntwicklungsges der Ustilagineen [Jarhrbùcher. Bd. 7, 1869-70). (3) Schroeter. Beobachtungen ùber einige Ustilagineen (Beitràge zur Biologie, Bd. II, Heft Hi). (4) Brefeld. Loc. cit. p. 36. (5) Vuillemin. Sur les effets du parasitisme de YUstilago antherarum (Comptes rendus, Acart. se, 1891). 248 P.-A. DANGEARD diments d'androcée qui existent normalement dans les fleurs femelles s'hypertrophient;le mycélium s'entortille et forme finalement quatre pelotons sporogènes dans le sac pollinique, le parasite détruit les cellules destinées à évo- luer en pollen : il y substitue des spores qui sont mises en liberté par une déhiscence normale des sacs polliniques. Nous ne pouvons que constater l'exactitude des observa- tions de Vuillemin ; nous les compléterons sur plusieurs points avec figures à l'appui. Il faut choisir de très jeunes étamines pour prendre le développement de VUstilago à ses débuts (fig. 1) ; on trouve alors dans la masse de parenchyme non différencié qui constitue le tissu de l'anthère, les traces d'un mycélium in- tercellulaire : ce mycélium est d'abord peu abondant (fig. 2) et localisé aux angles ; plus tard, il finit par entourer com- plètement les cellules qui occupent le centre de l'anthère (fig. 3, ivi). Dès lors, ce mycélium va se développer de plus en plus autour des cellules, rétrécissant leur cavité ; finalement, le mycélium prend complètement leur place et remplace les cellules mères des grains de pollen. Il se fait ainsi, au centre de l'anthère, une masse sporifère qui pendant quelque temps montre encore çà et là des amas se colorant fortement par l'hématoxyline; c'est tout ce qui reste des cellules et de leurs noyaux (fig. 4, A). Les filaments mycéliens de YUstilago ont leur membrane épaisse et gélatineuse ; ils forment un nombre de pelotons indéterminés, ce qui est dû à leur mode même de forma- tion au sein de l'anthère. Il nous a étéimpossibleàcestacle d'apercevoir les noyaux : ce n'est qu'au moment où ces filaments se cloisonnent en cellules que nous avons pu voir et encore très difficilement deux noyaux clans chacun des articles(fig. 8) ; d'après ce que nous avons décrit dans VUs- tilago Tragopogi,nous sommes autorisé à admettre que ces noyaux se fusionnent en un seul pour former le noyau unique des oospores (fig. 9) ; celles-ci prennent naissance SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 249 à l'intérieur des cellules de la masse sporifère ; l'exos- pore réticulée se formant très près de la membrane de l'oogone, la formation endogène des oospores est beaucoup moins nette que dans YUstilago receptaculorum. Les spores occupent en quantité considérable les quatre sacs polliniques de l'anthère (fîg. 6) et elles sont mises en liberté par une déhiscence normale, tout comme le seraient les véritables grains de pollen (fig. 7, S). On voit dans cette dernière figure, sous l'épiderme, l'assise à épaississe- ments spirales, dont les cellules ont encore leurs noyaux pour la plupart ; l'assise sous-jacente a été écrasée, aplatie et finalement a disparu ; enfin, on voit des filaments my- céliens qui partent de la masse sporifère et qui se rendent jusque sous l'épiderme et jusqu'au voisinage du faisceau ; l'un d'eux a été représenté (fig. 5). Lorsque ces spores ont été semées sur l'eau, il devient facile de déterminer leur structure intime ; nous avons obtenu de très belles préparations montrant à l'intérieur de chaque spore un noyau central relativement assez gros; il est limité par une membrane nucléaire et au centre se trouve un nucléole, fortement coloré par les réactifs (fig. 9) ; selon les spores, le protoplasma environnant se colore fortement ou reste au contraire faiblement coloré ; l'endospore est mince et l'exospore est réticulée, ce qui est dû à des lignes d'épaississement en forme de crêtes. Un grand nombre de ces spores montraient dans nos préparations un commencement de germination ; l'oospore se vide dans un promycèle claviforme ; le noyau ne passe qu'assez tard dans le filament et il s'y divise ; la plupart des promycèles étaient à cet état et renfermaient deux noyaux ; les plus jeunes n'en possédaient qu'un seul (fîg. 10-11). Quelques-uns, assez rares du reste, étaient divisés en trois ou quatre cellules qui renfermaient cha- cune un noyau ; nous n'avons pas suivi le passage de ces noyaux dans les sporidies. 250 P A. DANGEARD On remarquera l'augmentation énorme que subit le vo- lume de l'oospore, à partir du moment où elle s'organise dans les oogones, en comparant les fig. 8 et 9 qui ont été dessinées à la chambre claire au même grossissement (2,0 mm. deZeiss). GENRE DOASSANSIA Cornu. Mycélium formé de tubes grêles, cloisonnés ; sores entourés de cellules stériles disposées en une seule assise autour des cellules fertiles ; le promycèle produit à son sommet une toufte de sporidies qui peuvent s'unir par des anastomoses (D. sagittariae). Ce genre comprend deux espèces : D. alismatis, D. sagittariœ ; nous étudierons la première. Doassansia alismatis Ness (Cornu). (PI. XXI, fig. 12-14.) Cette espèce a été décrite par Maxime Cornu qui en a fait le type du genre (I). On la rencontre sur les feuilles de l' Alisma Plantago, à la surface desquelles elle détermine des taches, couvertes de pustules brunes ; ces pustules représentent les fructifications du parasite et on peut les désigner du nom de sores. Il est facile, au moyen de sec- tions de feuilles à l'endroit des taches, de reconnaître la dispersion des sores dans le mésophylle; ils se déve- loppent en général, comme l'a reconnu Maxime Cornu, au- dessous d'un stomate dans la chambre stomatique ; mais ils peuvent aussi se former à un niveau quelconque du mésophylle, dans un espace intercellulaire ; une section delà feuille présente donc une série de ces sores sous les deux épidémies et quelquefois il en sxiste d'autre dispersés (1) Maxime Cornu. Sur quelques Ustilaginées nouvelles ou peu con- nues (Ann.Sc. nat. Bot., 6e série, Tome XV, 1883). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 251 dans l'épaisseur du limbe ; ils ne déterminent aucune hypertrophie des tissus. Ces sores ont une enveloppe externe formée de cellules allongées normalement à la surface, arrondies à leurs deux extrémités et colorées en brun ; ce sont des cellules stériles ; les cellules fertiles occupent l'intérieur ; elles sont ovales arrondies ou un peu polyédriques par pression réciproque ; elles sont remplies d'un contenu oléagineux « tout à fait blanc et brillant t. La germination de ces spores a été obtenue par Maxime Cornu ; « elles germent très facilement sur l'eau en émettant un promycélium qui atteint quatre ou cinq fois au plus la longueur de la spore et qui se couronne par des conidies grêles, fusiformes, allongées, divergentes ,,clavifor- mes dans leur jeunesse, mais presque effilées à leur matu- rité; elles peuvent germer naturellement à l'air humide (1).» Nous allons incliquer, en suivant le développement des sores, quelle est la structure histologique du Doassansia. Dans toute l'étendue des taches produites par le parasite, les filaments mycélicns sont excessivement abondants dans les grandes lacunes du mésophylle ; ce sont des tubes ramifiés, très ténus, cloisonnés de loin, enloin, à dia- mètre peu variable ; vers le centre de la tache, les cellules du mycélium ne possèdent plus trace de noyaux : elles ne renferment plus que de l'eau ; vers les bords de la tache, où s'organisent les jeunes sores, on trouve dans chaque cellule plusieurs noyaux ; ces noyaux forment une tache chromatique dense, arrondie ou cylindrique ; dans ce der- nier cas, le petit bouchon chromatique peut obstruer complètement le tube; le protoplasma reste toujours très clair. C'est dans cette partie que l'on peut suivre la for- mation des jeunes sores; ils débutent par un groupement de filaments mycéliens au milieu desquels apparaissent (I) Max. Cornu. Loc. cit. p. 281. 252 P -A DANGEARD des renflements ; ces renflements, au moins le plus sou- vent, ne sont pas intercalaires ; ce sont de courts rameaux qui se produisent sur les filaments principaux, et se renflent en vésicules ; ces vésicules représentent autant d'oogones : leur protoplasma est clair et renferme deux noyaux ; l'observation n'est pas facile, mais la fig. 12, PI. XXI, dessinée à la chambre claire, ne peut laisser aucun doute à ce sujet ; ces noyaux, destinés à se fusionner, sont arrondis et situés à quelque distance l'un de l'autre. On comprendra notre satisfaction, lorsqu'aprèsde nombreux essais de coloration restés infructueux, nous avons enfin réussi à bien voir ces deux noyaux, dont nous avions prévu la présence à l'intérieur de ces vésicules ; ces vésicules sont arrondies, ovales ou elliptiques ; les rameaux mycé- liens continuent à produire, du centre vers l'extérieur, ces courts rameaux renflés en oogones, qui finissent par se presser les uns contre les autres en une masse compacte. Dans chacun des oogones, le noyau mâle et le noyau femelle s'unissent en un seul noyau central (fig. 13) ; le protoplasma devient dense ; il se recouvre d'une membrane propre et l'oospore se trouve formée à l'intérieur de l'oo- gone. Elle augmente considérablement de volume ; son protoplasma se charge de matières oléagineuses et sa membranese divise en deux couches: l'une externe, épaisse, cutinisée, est l'exospore, l'autre interne, cellulosique, est l'endospore. Dans la masse totale du sore, la différencia- tion que nous signalons dans chacune des vésicules, se produit du centre vers la périphérie, selon l'ordre même de leur formation ; les vésicules extérieures du sore produites les dernières restent stériles et en constituent la couche corticale. Il est facile de s'expliquer maintenant la structure d'un sore arrivé à maturité : extérieurement, quelques tubes mycéliens vides qui représentent le reste des filaments sporogènes ;puis vient l'assise colorée des cellules corti- SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 253 cales restées stériles ; leur protoplasma a disparu ; à l'intérieur, des cellules arrondies ou polyédriques serrées les unes contre les autres. On parvient cependant encore quelquefois à retrouver la trace des filaments sporogènes qui leur ont donné naissance (fig. 14) ; ces oospores se présentent sous deux aspects différents dans les sections traitées par les réactifs colorants ; les unes ont été atteintes parla section et le réactif colorant a pu pénétrer à leur intérieur ; le noyau est alors très visible au centre ; il est nucléole, chargé de chromatine et recouvert d'une mem- brane nucléaire ; à peine observe-t-on quelques fins trabécules de protoplasma qui rayonnent vers la paroi ; tout le reste est formé d'une substance oléagineuse qui donne aux oospores vivantes leur aspect blanc et réfrin- gent ; les autres cellules, restées intactes, n'ont pas laissé passer le colorant et à cause de l'huile qu'elles renferment, examinées en préparations dans le Baume de Canada, elles semblent vides (fig. 14). Les matériaux dont nous nous sommes servi pour cette étude, ont été récoltés à Caen ; si nous rencontrons cette espèce aux environs de Poitiers, nous en profiterons pour étudier la manière dont se comporte le noyau dans le promycèle ; mais nous pouvons prévoir qu'il y a un nombre déterminé de bipartitions et par suite un nombre limité de sporidies, d'après ce que nous avons vu dans les Tilletia. et les Urocystis qui ont un mode de germination analogue. Fisch, étudiant le Doassansia. Sagittariae, a observé la formation d'anastomoses entre les sporidies et il a suivi la pénétration des filaments qu'elles émettent, dans la plante hospitalière ; ces filaments s'insinuent entre les cellules épidermiques. Il faut d'ailleurs remarquer que les oospores ne germent pas immédiatementdans cette espèce, mais seulement au printemps suivant (1). (1) Fisch. Eiïtwicksiungsgeachichte von Dsassansia, Sagittariae. (Berichted. deuls.Bot. Gèsehchaft, Bd. II, T. X, 1802). 3 254 P-A DANGEARD GENRE ENTYLOMA Le mycélium est formé par des filaments ramiliés, cloi- sonnés, intercellulaires, qui ne subissent pas de trans- formation gélatineuse ; les oospores sont intercalaires ou terminales ; le promycèle fournit à son sommet des spo- ridies qui s'unissent, à leur base ou à leur sommet, par des anastomoses ; elles peuvent produire des sporidies secondaires qui fournissent des filaments mycéliens très ténus. Ce genre comprend un assez grand nombre d'es- pèces (1) ; nous en avons eu deux à notre disposition. Entyloma Glaucii Dang. (PI. XXII, fig. 1-2.) Nous avons fourni, au sujet de cette espèce, il y a déjà quelque temps, les renseignements suivants (2) : « A l'automne dernier, mon attention fut attirée, en examinant les Glaucium du Jardin botanique de Caen, par de nombreuses petites taches dispersées sur les deux faces du limbe des feuilles ; en les étudiant de plus près, je reconnus que ces taches étaient dues à la présence d'une Ustilaginée appartenant au genre Entyloma Le mycé- lium est d'une finesse extrême ; il forme, dans tout le mésophylle, un feutrage très dense, qui, se développant entre les cellules, les enserre et les épuise. On trouve deux sortes d'organes de fructification : d'une part, de nombreuses spores sphériques ou ovoïdes, à paroi épaisse colorée en brun ; ces spores sont intercalaires et (1) A. de Bary. Protomyces microsporus und seine Verwandten (Botf Zeitung, 1874). — Plowright. Loc.cit.— Marshall Ward. On the struc - ture and life History of Entyloma Ranunculi (Philosophical Tranta c- /ions.p. 173, PI. 10-13). (2) P. -A. Dangeard. Sur une Ustilaginée parasite des Glaucium (Bullet. Soc. Botanique de France. 2e série, Tome XIII, 1891, p. 71- 72) SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 255 le plus souvent disposées sans ordre ; d'autre part, de fines conidies, portées par un bouquet de basides qui sort, de chaque côté du limbe, par les stomates. « En employant pour l'étude de cette espèce la technique que nous avons recommandée pour les Champignons (1), on arrive aux résultats suivants : «Le mycélium renferme de petits noyaux espacés les uns des autres ; ces noyaux sont formés par un petit globule de chromatine sans nucléole apparent. « Pour étudier les noyaux des spores, il faut suivre ces dernières à leurs débuts, c'est-à-dire lorsqu'elles commen- cent à former une petite nodosité sur le trajet de filaments mycéliens. On voit que chaque spore ne présente qu'un noyau central ou un peu excentrique ; il est entouré par du protoplasma vacuolaire ; sa grosseur augmente à mesure que la spore se développe, sans toutefois diffé - rentier, à ce qu'il semble, un nucléole dans sa masse. On retrouve ce noyau dans les spores mûres, mais beaucoup plus difficilement à cause de la coloration brune de la paroi... Les basides se pressent en touffe compacte au travers des stomates. Dans la masse mycélienne sous- stomatique, on reconnaît de nombreux petits noyaux ; on en retrouve plusieurs à la file dans chaque baside, mais chaque petite conidie n'en renferme qu'un. » Nous allons compléter cette étude ; les tubes mycéliens ne varient que très peu en grosseur ; les cloisons sont quelquefois très espacées, comme il est facile de s'en ren- dre compte lorsqu'un filament traverse en ligne droite une grande lacune ; au centre de la tache, les articles sont dépourvus de noyaux et de protoplasma ; c'est là, par contre, que se trouvent les oospores mûres ; à la périphé- rie de la tache, les cellules renferment du protoplasma et plusieurs noyaux ; ces noyaux sont nucléoles , mais, à (I) P. -A. Danereard. Recherches histologiques sur les Champignons (L« Botaniste, 2e série, 1890;. 256 P.-A. DANGEARD cause de leur petitesse, il est extrêmement difficile de le voir. Si l'on examine les sections de feuille, à partir du bord de la tache vers le centre, on observe la formation des oosporesà tous les stades. En général, la vésicule qui représente l'oogone, se forme à une faible distance de l'extrémité d'un rameau (fîg. 1, à droite) ; ce petit pro- longement dépourvu de noyau et de protoplasma persiste à la surface des oospores mûres. On doit, il me semble, considérer ces oogones comme terminaux ; à leur intérieur, on trouve deux noyaux très petits, arrondis, nucléoles ; le protoplasma de la vésicule est clair. Comme l'oogone se trouve toujours au voisinage d'autres filaments mycéliens, on pourrait soutenir que le second noyau vient d'un filament mâle et qu'ici la reproduction sexuelle est différenciée morphologiquement ; malgré mes efforts, je n'ai rien vu qui puisse permettre d'affirmer un fait semblable ; ce qui est certain, c'est que l'oogone augmente de volume ; les deux noyaux, entourés d'une couche de protopiasma, se rapprochent au contact, se fusionnent ; la fusion se produit au moment où l'on observe la forma- tion d'une membrane propre autour de l'oospore ; cette membrane se cutinise dans sa partie externe ; l'oospore augmente de volume et sa membrane se laisse diviser en exospore lisse, brunâtre, épaisse, cutinisée, présentant des couches concentriques et en endospore. Au centre, se trouve le noyau sexuel devenu très gros, et montrant dans quelques cas, avec la plus grande netteté la structure représentée fig. 2 ; un nucléole qui parait quelquefois com- posé de deux parties accolées, une membrane nucléaire à double contour et clans l'intervalle un hyaloplasme peu chargé dechromatine ; il est suspendu au milieu d'un réseau de protoplasma très fin dont les mailles se rem- plissent d'huile (fig. 2). Les oospores sont arrondies, ovales, elliptiques, elles sont groupées dans les espaces intercellulaires (fig. 1). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 257 L'étude de la fécondation est relativement facile dans cette espèce ; elle rappelle de très près ce qui a lieu dans le Doassansia ; nous recommandons cette espèce aux observateurs qui voudront porter leur attention de ce côté. UEntyloma Calendulœ Oud. a été également étudié et son développement offre les mêmes particularités. GENRE UROGYSTIS Les filaments du mycélium sont tantôt surtout intracel- lulaires (U. Colchici), tantôt intercellulaires; ils sont grêles, peu cloisonnés, à membrane épaisse ; au moment de la fructification, il y a formation de glomérules de spores ; celles du centre sont fertiles, les cellules périphériques étant stériles. Le promycèle produit à son sommet de deux à huit sporidies, rarement réunies par deux au moyen d'une anastomose ; ces sporidies germent soit à leur base, soit plus rarement à leur sommet, en un fila- ment qui pénètre dans la plante nourricière ; il peut aussi se produire des sporidies secondaires, tertiaires. Nous avons récolté VUrocystis pompholygodes et YUro- cystis Violae, el cette dernière espèce a pu être suivie dans tout son développement. Urocystis Violae F. de W. (PI. XXII, fig. 3-14.) Nous avons recueilli de beaux échantillons de cette espèce dans notre jardin, à Poitiers, sur le Viola odorata ; elle a été signalée aux environs de Paris, à Lille, Amiens, Vire(l); son développement a été indiqué par Ed. Pril- lieux qui a pu obtenir également la germination des (i) Consulter E. Roze. Sur VUrocystis Violae et VUstilago anthe- rarum (Bulletin Sociélé Botanique de France, 2e série, tome XII, 1890). 258 P A. DANGEARD spores (1); cette germination n'avait été obtenue précé- demment que pour deux espèces (U. occulta (2), U. pom- -pholygod.es (3). La présence du parasite sur un pied de violette déter- mine des hypertrophies, des déformations, qui se ren- contrent sur la tige, les rameaux, le pédoncule des fleurs, les feuilles (4) ; à ces endroits, le tissu se crevasse et laisse échapper les glomérules de spores de YUrocystis. Si on en fait une section avant la maturité des spores, on voit que le mycélium du parasite forme de longs cordons dans les espaces intercellulaires du parenchyme : ce der- nier, sous l'influence de l'irritation parasitaire, se cloisonne en tout sens, déterminant ainsi une forte hypertrophie des tissus ; par place, ces cordons grossissent beaucoup ; les filaments mvcéliens se croisent et s'entrelacent, formant un feutrage serré ; c'est dans ce feutrage que naissent les glomérules de spores ; du feutrage, partent quelques tubes mycéliens qui se dirigent du côté des cellules voi- sines; les uns restent dans les espaces intercellulaires, d'autres pénètrent à l'intérieur des cellules, se recourbant au voisinage du noyau (fig. 3); ce noyau est gros, nucléole et il persiste pendant très longtemps, tout en devenant de plus en plus pauvre en substances chromatiques ; ces tubes mycéliens sont divisés par des cloisons beaucoup plus espacées que celles du feutrage en cellules à plu- sieurs noyaux (fig. 3) ; Fischer de Waldheim les désigne du nom de filaments sporogènes ; leur contenu est aqueux; on les voit surtout nettement, ainsi que le mycélium vé- gétatif, au moyen delà fuchsine et de l'eau anilinée. (1) Ed. Prillieux. Quelques observations sur la formation et la ger- mination des spores des Urocystis [Ann. se. nat., Bot., 4e série, tome X, 4880). (2) Kùhn. Krankeit d. Kultur-Gewachse, 1858. (3)Wolf. Bot. Zeitung, i$73. (4) Prillieux. Loc. cit., p. 51. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 559 La formation des glomérules présentait un double in- térêt; les observations des auteurs sont en effet loin d'être concordantes, et d'un autre côté, nous avions à rechercher dans les spores l'existence d'une fécondation, rendue pro- bable. Nous résumerons, d'après Prillieux, les divergences d'opinion qui se sont produites au sujet de la formation des glomérules (i). Kùhn, étudiant YUrocystis occulta, assure que les spores résultent de dilatations latérales vésiculeuses ; ces dila- tations peuvent donner directement la spore ou se cloi- sonner en plusieurs spores ; les spores accessoires résul- teraient d'une ramification latérale ; d'après de Bary, les cellules stériles sont formées par de courtes hyphes qui se fixent à la surface des jeunes spores. Wolff, dans la même espèce, admet que plusieurs fila- ments sporogènes s'enroulent en formant peloton ; la membrane des filaments composants devient indistincte ; le peloton se recouvre alors d'une membrane qui se pro- longe en lames vers l'intérieur, de manière à diviser la masse en plusieurs portions qui sont les spores ; les cel- lules stériles appartiendraient, selon l'opinion de Bary, à d'autres filaments du mycélium. Winter exprime des idées un peu différentes en ce qui concerne YUrocystis Colchici : il ne peut arriver à reconnaître aucune différence de structure ou de con- tenu, entre les cellules fertiles jeunes et les cellules sté- riles ; il admet néanmoins une différence initiale et essen- tielle ; le rameau central pour la formation des spores fertiles se gélifie de manière que les contours intérieurs du filament disparaissent dans les places où les tours sont appliqués les uns sur les autres, c'est-à-dire à l'inté- rieur de la spirale ; puis chaque tour se change en spore. (1) E. Prillieux. Loc. cit. p. 59-60. 260 P--A. DANGEARD Prillieux pense que ce sont les extrémités des rameaux des filaments sporogènes qui se renflent en spores à l'in- térieur des petits pelotons, formation qui rappellerait celle des Tilletia. Il n'a rien vu qui autorise à admettre l'existence, dans le glomérule naissant, d'un filament spiral spécial autour duquel s'enrouleraient des filaments d'une autre nature. Il faut avouer que la question est bien difficile à ré- soudre ; nous avons essayé un grand nombre de méthodes de coloration ; nous avons fait des sections minces au microtome après inclusion dans le collodion et nous sommes loin d'être arrivé aune certitude absolue. Les sections des glomérules se présentent, en général, sous l'aspect de la fig. 4, A ; une masse de cellules visiblement contournées autour desquelles s'enroulent des filaments mycéliens; leur contenu se colore fortement par les réactifs, comme celui des oogones chez les Ustilago; leur nombre est quelquefois considérable; il est tout à fait vraisemblable qu'elles appartiennent à plusieurs filaments sporifères; elles ont un sort différent ; celles du centre sont fertiles et donnent naissance à une oospore dont la membrane externe s'épaissit fortement et cutinise ses membranes de bonne heure ; les autres, celles de la péri- phérie, restent stériles et la nature cellulosique de leur membrane s'accuse pendant longtemps; aussi l'emploi de la fuchsine avec l'eau aniliuée est-elle à recommander pour distinguer de très bonne heure les cellules fertiles des cellules stériles. On voit les cellules fertiles augmen- ter de volume ; leur contenu devient aqueux, et au mo- ment où Toospore forme sa membrane cutinisée, on peut voir un noyau central nucléole : tous nos essais pour voir nettement les noyaux dans la cellule à un stade moins avancé sont restés infructueux; nous pensons que ces cellules renferment deux noyaux qui se fusionnent en un seul dans les cellules fertiles, pour la formation de SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 261 l'oospore; il nous est arrivé une fois de trouver l'aspect re- présenté fig. 4, B ; dans ce glomérule, une cellule fertile montrait encore deux noyaux. Un fait hors de doute, c'est la présence d'un seul noyau dans l'oospore : on le voit, sur des sections minces, soit au moyen de l'hématoxyline, soit avec le bleu de méthylène associé à l'eau anilinée, dans les mêmes conditions, les cellules stériles ne pré- sentent aucune trace de noyau ; leur protoplasma est ré- duit à une mince couche pariétale ; elles servent de nour- riture aux cellules fertiles. Les oospores de chaque glomérule augmentent de vo- lume considérablement, comme il est facile de s'en rendre compte en comparant la fig. 4 aux figures 5 et 8, dessi- nées au même grossissement. Leur structure définitive est la suivante : au centre, un noyau nucléole qui, dans les conditions favorables, se présente sous l'aspect de la fig. 7; il est entouré d'une mince couche de protoplasma et relié par des trabécules très fins à la couche pariétale de pro- toplasma; l'épispore est épaisse, brunâtre, à surface lisse et, dans son épaisseur, elle montre des couches concentriques. Il nous reste à examiner comment se fait la germination des oospores renfermées dans les glomérules et quelles modifications subit à ce moment la structure histolo- gique. D'après Prillieux, les spores, au bout de trois jours, donnent naissance à un promycè-le qui peut porter à son extrémité un bouquet de six sporidies; les glomérules ne produisent le plus souvent qu'un seul promycèle, ra- rement deux ou trois, mais jamais ce savant n'en a vu plus d'un porter une couronne de sporidies (1). En fait, toutes les oospores d'un même glomérule sont susceptibles de fournir un promycèle identique; mais, (1) Prillieux. Loc. cit. 26? P. -A. DANGEARD comme elles ne germent pas nécessairement en même temps, il y a là une cause d'erreur. D'un autre côté, le nombre normal des sporidies formées en couronne à l'extrémité d'un même filament est de huit; par exception, certains promycèles ne portent que quatre sporidies. Nous avons pu suivre ce que devenait le noyau de l'oospore; il se rend dans le promycèle sans se divi- ser (fig. 8, A, B) ; on le trouve soit au milieu, soit même au sommet, si les sporidies sont déjà ébauchées. En effet, les huit bourgeons sporicliens peuvent se montrer avant toute trace de division du noyau (fig. 8, B) ; le protoplasma de ces bourgeons est à ce moment dense et homogène ; le noyau se divise en deux (fig. 8, C) et arrive par trois bipartitions successives à former huit noyaux ; chacun d'eux se rend clans une sporiclie en s'allongeant clans l'étranglement qui leur sert de pédicelle (fig. 9, A, B, C) ; le passage des noyaux ne se fait pas simultanément pour toutes les sporidies; celles-ci sont ovales, allongées; leur protoplasma est disposé en réseau et granuleux ; le noyau est situé vers le milieu de la sporidie, dans une maille du réseau. Ces développements histologiques nous expliquent pourquoi le nombre des sporidies formées par le promycèle est en relation avec le nombre des bi- partitions du noyau ; mais nous y voyons aussi que les sporidies peuvent s'ébaucher avant toute trace de division du noyau ; il en résulte qu'au lieu de commander la for- mation des cellules, c'est lui qui paraît obéir. Prillieux a réussi à observer la formation de sporidies secondaires ; nous les avons également obtenues en grand nombre dans nos cultures ; la sporidie primaire s'allonge à son sommet en un pédicelle qui se renfle un peu plus loin ; un protoplasma dense et homogène s'y accumule ; ce n'est qu'un peu plus tard que le noyau de la sporidie primaire passe en s'étranglant dans le pédicelle et se rend dans la sporidie secondaire où il se divise (fig. 10-12) ; le SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 263 protoplasma des sporidies secondaires est très vacuolaire ; les deux noyaux sont plus ou moins rapprochés (fîg. 10, A, B) ; la sporidie primaire vidée de son contenu a la forme d'une ampoule ; on oberve en général un coude du pédicelle qui donne insertion à la sporidie secondaire. La bipartition du noyau peut se faire dans la sporidie primaire, auquel cas, il reste quelquefois clans celle-ci une tache chromatique nucléaire après la chute de la sporidie secondaire ; les sporidies germent en minces filaments mycéliens (fig. 13). GENRE TILLETIA Dans ce genre, les sporidies sont produites exclusive- ment au sommet du promycèle ; les oospores se forment en masse, isolées les unes des autres ; elles résultent de renflements qui se produisent sur les filaments mycéliens; il y a production de conidies clans les milieux nutritifs. Une espèce a été étudiée. Tilletia Caries Tulasne. (PI. XXIII, fig. 1-18.) Cette espèce est l'une des plus répandues : c'est elle qui cause la carie du blé, si redoutée des cultivateurs ; il n'est pas étonnant qu'elle ait de bonne heure attiré l'attention. Dès 1807, Prévost figurait non seulement la germination des spores, mais aussi les sporidies primaires et secon- daires (1) ; un peu plus tard, Berkeley aperçoit les anas- tomoses entre sporidies (2). Tulasne indique comment la carie se développe à l'intérieur du grain de blé, il recon- naît le mode de formation des spores qui sont, dit-il, rat- (1) Prévost. Mémoire sur la cause immédiate de la carie ou charbon des blés, Montauban, 1807. (2) Berkeley. Propagation of Bunt (Transact. Roy. Ilort. Soc, vol. 2, p. 413,4847. 264 P. -A. DANGEARD tachées en grand nombre par des pédicelles courts à des sortes de troncs ou rameaux communs (I); un peu plus tard, le même savant indique les principaux caractères de la germination des spores (2). Kiihn (3) a complété sur plusieurs points ces renseignements et Wolf (4) a indiqué comment le tube germinatif pénètre à l'intérieur de la plante. Brefeld a repris l'étude de la germination des spores; il a obtenu, dans un milieu nutritif approprié, la formation d'un abondant mycélium qui a produit des co- nidies ; il a égaleront suivi sur des filaments la produc- tion de spores (5). Toute la partie morphologique du développement étant bien connue, nous devions nous attacher à la structure in- time du champignon. Malheureusement, nous n'avons pas eu à notre disposition le champignon jeune tel qu'il se montre lorsqu'il commence à modifier l'ovaire du blé ; un épi carié nous avait été apporté par M. Sappin-Trouffy, et ce sont les spores que nous avons semées à diverses re- prises; ces spores très grosses (16-20 [x) ont une épispore qui est, comme on le sait, largement réticulée : au centre de chaque spore, on aperçoit un noyau nucléole qui se co- lore bien parles réactifs ; les spores des cultures présen- tent des vacuoles (fig. 1) ; elles ont germé au bout de cinq à six jours; elles étaient desséchées depuis un mois en- viron; maison sait que la faculté germinative se conserve beaucoup plus longtemps, plus de huit ans, si l'on en croit Liebenberg (6). Le promycèle se montre au dehors par une déchirure del'épispore; sa longueur est variable et dépend des con- (\) Tulasne. Loc. cit., 1er mémoire, p. 36. (v) Tulasne. Loc. cit 2e mémoire, !8j4. (3) Kùhn. Krank der Kulturg. Loc. cit. (4| Wolf. Der Brand dos Getreides, 1874. [b) Brefeld. Loc. cit., p. 146. (6) Liebenberg. Œsierr. landw. Wochenblatl, 1379, nos 13-41. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 265 ditions de la culture, de la profondeur de la spore sous l'eau; celles de la surface produisent leurs sporidies sans cloisonnement du promycèle ; dans les autres, le proto- plasma avance, laissant derrière lui de nombreuses cloi- sons, et il ne donne ses sporidies qu'à la surface de l'eau ; enfin d'autres atteignent une très grande longueur sans produire leurs sporidies; ils peuvent même se ramifier, et alors le protoplasma passe dans la ramification; il semble y avoir là pour le promycèle un moyen d'arriver plus vite à la surface. Le noyau de la spore passe dans le promycèle, et il s'y divise par trois bipartitions successives en huit noyaux qui sont destinés aux sporidies : cette division peut se pro- duire plus ou moins tôt ; ainsi on trouve quelquefois des débuts de promycèles qui ont déjà deux noyaux (fig. 2) ; d'autres, plus avancés, mais n'offrant encore aucune trace de sporidies, ont leurs huit noyaux nucléoles disposés en file (fig. 3) ; par contre, on voit des promycèles au sommet desquels les sporidies sont très apparentes et qui n'ont encore qu'un noyau (fig. 4, N) ; d'autres fois, l'unique noyau est placé dans un promycèle cloisonné (fig. 5) ; clans nos cultures, les bipartitions du noyau sexuel se faisaient pendant la formation des sporidies (fig. 6-8). Il semble certain que les figures 6 et 12 représentent une division des noyaux suivantle mode indirect ; je ne puis cependant l'affirmer d'une façon absolue, car la fixation des matériaux d'étude n'était pas sans difficulté ; le protoplasma, dans ces germinations, n'était recouvert que d'une membrane excessivement mince, et il faisait fréquemment hernie après la fixation ; la même chose se produisait pour les noyaux dont la membrane se trouvait parfois rompue ; il en résultait certains aspects de nature à induire en erreur (fig. 7-8) ; les taches chromatiques se trouvaient accom- pagnées de petits globules denses qu'on aurait pu con- fondre avec des sphères attractives ; je ne crois pas me 266 P. -A. DANGEARD tromper en disant que ce sont les nucléoles qui, sous l'in- fluence de la fixation, se sont trouvés projetés en dehors du noyau. Les sporidies, clans le Tilletisi, sont aciculaires ; au dé- but, leur protoplasma est très dense, homogène; à ce stade, il n'y a pas encore de noyau ; plus tard, il devient vacuo- laire et les lignes de granules qui séparent ces vacuoles imitent à s'y méprendre des cloisons (fig. 9) ; c'est le mo- ment où les noyaux se distribuent clans les sporidies : ces noyaux s'allongent en navette pendant le passage ; et lors- qu'ils ont atteint le milieu de la sporidie, ils reprennent leur forme normale (fig. 9-11) : la disparition des vacuoles est peut-être la cause physique qui détermine l'appel des noyaux clu promycèle dans les sporidies. Ces sporidies contractent fréquemment des anastomoses et s'il y avait là une véritable fécondation, comme le pen- sait de Bary, nous aurions eu l'occasion probablement d'en suivre les diverses phases ; mais il n'existe rien de semblable ; chaque sporidie a normalement un noyau (fig. 11). On pourrait se faire une idée de l'utilité des anas- tomoses en raisonnant comme il suit : le canal de commu- nication des sporidies avec le promycèle étant très étroit, il peut arriver que certains noyaux s'engagent dans une autre sporidie que celle qui leur était destinée : certaines sporidies auraient deux noyaux, alors que les autres en seraient dépourvues ; ces anastomoses permettraient de rétablir l'équilibre ; de fait, certaines sporidies ont certai- nement deux noyaux et, d'un autre côté, on peut quelque- fois observer un noyau encore engagé dans le canal de communication (fig. 16-17). Les sporidies produisent des sporidies secondaires, comme dans YUrocystis ; elles sont portées par un court rameau dont l'extrémité amincie supporte la spore ; celle- ci possède deux noyaux (fig. 18) plus ou moins rapprochés qui proviennent d'une bipartition du noyau de la sporidie SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 267 primaire (fig. 16 17) ; les sporidies secondaires peuvent produire des sporidies tertiaires, etc. ; il se forme ainsi clans l'air des bouquets de conidies reliées les unes aux autres ; leur présence dans les cultures s'annonce par une teinte blanchâtre ; le mycélium peut avoir son point de départ dans la germination de ces sporidies à un degré quelconque. Il arrive, avons-nous dit, que le promycèle atteint une très grande longueur sans former de sporidies ; leproto- plasma abandonne derrière lui de nombreuses cloisons ; mais le noyau de l'oospore ne subit que les trois biparti- tions normales ; malgré leur longueur, ces promycèles ne renferment que huit noyaux, ces noyaux sont nucléoles ; ils sont placés en file, peu éloignés les uns des autres, et à une assez grande distance, dans un protoplasma granu- leux; le protoplasma qui occupe l'extrémité du filament est plus dense et homogène. Si le promycèle fournit une ramification à quelque distance de son sommet, les huit noyaux s'engagent dans cette nouvelle ramification. Le nombre ainsi limité des bipartitions du noyau de la spore nous parait fournir un bon argument à l'appui de sa nature sexuelle ; il provient sans doute ici, bien que nous n'ayons pu vérifier le fait, faute de matériaux con- venables, d'une fusion de deux noyaux, comme dans les Ustilago, Doassansia, Entyloma. Il y a là un sujet tout trouvé pour ceux qui sont à la recherche d'observations intéressantes à faire, surtout si- l'on y joint l'étude des genres que nous n'avons pu nous procurer. '*< CHAPITRE III CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES USTILAGINÉES ET RÉSUMÉ Le résultat le plus saillant de ce travail est, sans contre- dit, celui qui a trait à la reproduction sexuelle ; il provo- quera, nous l'espérons, de nombreuses recherches qui contribueront à élucider de plus en plus l'histoire des champignons. Reproduction sexuelle. — Le mycélium des Ustilaginées développe en des points déterminés de courts rameaux qui se renflent en vésicules : ces vésicules possèdent deux noyaux et elles ont la valeur d'oogones(En/y/o??ia, Doassan- sia) ; leur protoplasma est clair au début ; un peu plus tard, ces oogones augmentent de volume, les deux noyaux se fusionnent en un seul noyau sexuel ; le protoplasma se recouvre d'une membrane propre qui se divise en exos- pore et endospore. Il se constitue ainsi, à l'intérieur de l'oogone, une spore qui est une oospore et se comportera comme telle à la germination ; à maturité, Toospore ne renferme qu'un seul noyau nucléole central, quelques tra- bécules de protoplasma granuleux et beaucoup d'huile ; quelquefois la ramification des rameaux est très abon- dante et forme alors une masse sporifère compacte (Usti- lago) ; le contenu des oogones est plus dense, les mem- branes s'y gélifient ; les deux noyaux, mâle et femelle, sont plus difficiles à apercevoir et à différencier ; mais la géli- fication de la membrane de l'oogone est favorable à la véri- SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 269 fication de la production endogène des oospores (Ustilago Tragopogi) ; les rameaux qui produisent les oogones peu- vent s'unir étroitement en un petit glomérule (Urocystis), et alors il ne nous a pas été possible jusqu'ici de mettre bien en évidence dans ce genre les deux noyaux de l'oo- gone ; mais les oospores ne renferment, comme partout ailleurs, qu'un seul noyau. Il résulte de ces faits nouveaux la nécessité d'abandon- ner complètement la théorie de de Bary sur le rôle sexuel des anastomoses qui se produisent entre les sporidies ; c'est avec raison que Brefeld et Van Tieghem n'y voient qu'un simple phénomène végétatif. Nous allons maintenant résumer brièvement ce qui con- cerne la structure du mycélium et celle des noyaux ; le mode de formation des oospores dans les divers genres ; leur structure, leur mode de germination, l'action parti- culière de ces parasites sur la plante hospitalière et la po- sition que doit occuper la famille dans la classification. Structure du mycélium et des noyaux. — Le mycélium est formé de filaments minces plus ou moins rameux, qui parcourent les espaces intercellulaires de la plante hospi- talière, ne pénétrant que rarement à l'intérieur des cel- lules : ils sont cloisonnés et les cloisons sont inégalement espacées selon les espèces et aussi selon l'état du déve- loppement : les cellules âgées ne renferment plus que de l'eau sans trace de noyau ; les cellules qui se trouvent vers l'extrémité des hyphes en voie de croissance, renferment plusieurs noyaux ; ces noyaux sont très petits, et le plus souvent, ils se présentent sous l'aspect d'un globule de chromatine coloré uniformément ; cependant on réussit quelquefois à y distinguer une membrane nucléaire et un nucléole central pendant la période végétative. Il est beaucoup plus facile d'étudier la structure du noyau dans les oospores, où son diamètre augmente sensiblement : la 4 270 P'A- DANGEARD membrane nucléaire possède un double contour ; le nucléole est assez gros et l'intervalle qui s'étend jusqu'à la mem- brane, est rempli de hyaloplasme, chargé plus ou moins de chromatine (fig. 13, PI. XXI ; fig. 2, 7, PI. XXII). On réussit également à observer cette structure vésicu- laire dans les noyaux du promy cèle (fig. 3,13, 14, PI. XXIII) et çà et là, on peut distinguer des arcs de chromatine dans le hyaloplasme (fig. 5, 13, PI. XXIII; fig. 16, PI. XX). Dans les sporidies, le diamètre du noyau diminue, et il se pré- sente à nouveau sous l'aspect d'un globule de chromatine, comme dans les filaments végétatifs : dans ces filaments, le noyau obstrue quelquefois toute la cavité du filament, prenant la forme d'un bouchon cylindrique. En résumé, malgré sa petite taille, le noyau des Ustila- ginées est construit sur le même type que celui de la plu- part des champignons étudiés à ce point de vue. Auerbach a montré récemment que les cellules animales peuvent contenir deux sortes de corpuscules qui se teignent différemment dans un mélange de matières colorantes rouges et bleues (1); les uns sont érythrophiles, se colorent en rouge, les autres sont cyanophiles, se colorent en bleu ; les noyaux sexuels sont cyanophiles clans les cellules mâles, érythrophiles dans les cellules femelles. Rosen a montré que cette différenciation se retrouvait dans les noyaux des cellules végétales (2). Pour l'obtenir en prépa- rations durables, on opère de la manière suivante : les coupes sont placées pendant une demi- heure dans la fuchsine acide à tôoôi on lave rapidement à l'eau ; on colore au bleu de méthylène et au bout d'une minute environ, on lave à l'eau et on dessèche. La coupe est abandonnée de 6 à 24 heures dans l'essence de girofle ; elle est lavée au (1) L. Auerbach. Zur Kenntniss der thierischen Zellen (Silzungsbe- richte der Kgl. preuss. Acad. d. Wissenschaften, 26 juin 1890). (2) F. Rosen. Beitrâge zur Kenntniss der Pflanzenzellen (Cohn's Bei- tràge zur Biologie der Pflanzen Bd. V, Breslau, 1892). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 271 xylol plus alcool et montée dans le Baume de Canada. Avec cette méthode, on voit que dans laScilla, sibirica,, les eunu- cléoles se colorent en rouge, les nucléoles vrais en bleu ; les deux couleurs se trouvent dans les noyaux à l'état de repos. Pendant la division du noyau, dans le Hyaclnthus orientalis, les anses chromatiques se colorent en bleu vio- lacé, les fibres achromatiques et le cytoplasme en rouge. Dans le grain de pollen, le noyau végétatif est érythro- phile ; le noyau générateur, très compact, se colore en bleu. Le noyau femelle du sac embryonnaire de Tulipe se colore en rouge, ainsi que les nucléoles. Schottlancler a obtenu des résultats analogues en étu- diant les Cryptogames vasculaires (1). Rosen a porté sa méthode d'investigation chez les champignons (2). Son travail confirme et complète sur plu- sieurs points nos propres observations (3) ; mais il n'a pas abordé l'étude des différences que pourraient présenter les noyaux mâles et femelles pendant la fécondation. Les noyaux des Ustilaginées ont des dimensions trop faibles pour se prêter à ces investigations : aussi nos essais, dans ce sens, ont-ils été tous infructueux. La division du noyau se fait ordinairement suivant le mode direct : elle peut cependant avoir lieu suivant le mode indirect, comme le prouvent les divers aspects que nous avons rencontrés dans le promycèle du Tilletia, Caries (fig. 6, 12, PI. XXIII) ; on y reconnaît, bien que les figures n'aient pas été schématisées, la formation du fuseau, de la plaque équatoriale, avec quatre à six filaments chroma- (i) P. Schottlander. Beitr'âge zur Kenntniss des Zellkerns und der sexualzeilen bei Kryptogamen (Cohn's Beitràge Z. Biologie des Pflanz. Bd VI, 1892). (2) Rosen. Studien ùber die Kerne und die membranbildung bei Myxomyceten und Pilzen (Cokn's Beitràge z. Biologie der Pflanz. Bd VI, 1892). (3) P.-A. Dangeard. Recherches histologiques sur les Champignons. Loc. cit. 272 P-A- DANGEARD tiques ■ on y voit également aussi, aux deux pôles du fuseau nucléaire, les anses chromatiques mal définies. Mode de formation des oospores. — Dans l'exposé de la formation des spores, on a jusqu'ici signalé plusieurs types, sans trop essayer de les relier les uns aux autres : ainsi on a le type des Ustilago, celui des Tilletia, celui des Uro- cystis, des Entyloma, des Doassansia, etc. Il me semble qu'en réalité, il ne faut voir là qu'un mode général subissant des modifications sans importance. Prenons, par exemple, les Entyloma et les Doassansia ; les oogones sont des rameaux courts renflés en vésicule ; dans le premier genre, la ramification est peu abondante etles oogones restent indépendants ; dans le second genre, la ramification est abondante, les vésicules deviennent très nombreuses, se pressenties unes contre les autres, consti- tuant un massif qui se recouvre d'oogones restés stériles; chez les Tilletia, les oogones sont également des rameaux courts renflés en vésicule; leur nombre est considérable ; mais on n'observe pas de glomérule particulier, entouré de cellules stériles. La formation des oogones n'est guère différente chez les Ustilago : ce sont bien aussi des ra- meaux courts qui constituent les oogones, comme le prouve la fig. 6, pi. XX (1) ; toutes les cellules de la masse fructifère ne prennent pas part à la formation des oospores, comme on le croit ; il y a seulement ici un plus grand nombre d'oogones intercalaires ; dans les Urocystis, ce sont également des extrémités de filaments et de courtes ramifications qui se renflent en oogones dans le glomérule ; les fertiles occupent le centre, les stériles se Trouvent à la périphérie. On s'explique d'ailleurs que les oogones occupent l'extrémité des filaments ou de courts rameaux développés sur ces filaments : ils renferment (1) Consulter aussi : de Bary. Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze, fig. 82. SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 273 deux noyaux ; or, les noyaux n'existent plus d'une façon générale dans des cellules âgées, comme le sont celles qui se trouvent à une certaine distance du sommet. C'est là qu'il faut chercher l'explication de la position et du mode de production des oogones. Ces oogones forment, clans les divers genres, une seule oospore, et cela de la même façon ; les deux noyaux se fusionnent en un seul, et après cette fusion, le protoplasma se recouvre d'une mem- brane propre qui plus tard se divise en exospore et endos- pore. Structure de V oospore. — L'oospore, chez les Ustilagi- nées, ne renferme qu'un seul noyau nucléole ; son volume augmente considérablement à partir de l'instant où se produit la fusion des noyaux, jusqu'à la maturité ; son exospore peut être lisse (Entyloma Glaucii, Doassansia alismatis, etc.): elle est fréquemment réticulée (Ustilago violacea, Tllletla Caries, etc.; à l'intérieur de l'oospore s'accumulent des matières grasses qui occupent toutes les lacunes d'un fin réseau protoplasmique et le noyau occupe vers le centre l'une des mailles de ce réseau. Germination de Voospore. — Les oospores, semées à la surface de l'eau, ne tardent pas à entrer en germination ; l'huiledisparaît, faisant place à clés vacuoles danslesquelles l'eau s'accumule : on voit sortir en un point de la surface un filament, le promycèle, clans lequel le protoplasma de l'oospore passe entièrement, entraînant le noyau. Ce pro- mycèle se comporte, selon les genres, d'une manière diffé- rente. A. Dans YUstilago Tragopogi,\e noyau subit deux bipar- titions et le promycèle se cloisonne en quatre cellules renfermant chacune un noyau ; ces cellules développent latéralement une sporidie clans laquelle passe le noyau (fig. 12, PI. XX). Dans YUstilago carbo, le noyau subit une première 274 P. -A. DANGEARD bipartition ; le noyau inférieur se divise ensuite ; ses deux moitiés se séparent par une cloison, le noyau supé- rieur se divise à son tour ; deux nouvelles cloisons se forment et le promycèle est composé de quatre cellules à un seul noyau qui fournissent une sporiclie latérale, comme dans l'espèce précédente ; si la division du noyau supé- rieur ne se produit pas, le promycèle ne comprend que trois cellules ; il n'en a que deux, si le noyau de l'oospore ne subit qu'une bipartition. Chacune de ces cellules est susceptible de s'enkyster ; elles se renflent à leurs deux extrémités ; il s'y développe un gros globule d'huile ; le noyau se trouve au centre entre les deux globules. On s'explique, d'après ce qui précède, pourquoi le nombre des cellules du promycèle peut varier dans cer- taines limites (fig. 14, 21, PL XX). Dans nos germinations (ÏUstilago violacea, tous les promycèles obtenus ne renfermaient qu'un ou plus souvent deux noyaux (fig. 9, 11, PI. XXI). B. Dans les Urocystis, le sommet du promycèle produit huit bourgeons sporidiens : on voit ensuite le noyau subir trois bipartitions successives : les huit noyaux qui en résultent, passent dans les sporidies (fig. 8, 9; PL XXII) : ces sporidies à un seul noyau donnent naissance à des sporidies secondaires à deux noyaux (fig. 10-12, PL XXII), ce qui indique le retour à l'état végétatif proprement dit ; ces sporidies secondaires germent en un filament mycélien grêle (fig. 13, PL XXII). C. Dans les Tilletia, la germination des oospores rap- pelle celle des Urocystis ; la division du noyau peut com- mencer avant ou après la formation des bourgeons spo- ridiens ; la dernière bipartition au moins peut se faire suivant le mode indirect (fig. 6, 12, PL XXIII) ; chaque sporidie reçoit un noyau; les sporidies secondaires en ont deux. Le promycèle peut atteindre une très grande longueur sans former de sporidies; mais le nombre des SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 275 noyaux ne dépasse pas huit ; et s'il se produit une rami- fication, les noyaux s'y engagent. La réduction du nombre normal des sporidies se fait, comme chez YUstilago carbo, par suite d'un arrêt dans la division des noyaux du pro- mycèle. Action du parasite sur la plante hospitalière. — Nous n'avons pas les documents suffisants pour traiter cette question avec détails. Disons seulement que la présence du mycélium autour des cellules de la plante n'empêche pas ces cellules de vivre ; elles conservent leur noyau et elles peuvent se développer normalement pendant un cer- tain temps ; le noyau finit cependant par perdre sa chro- matine : c'est ce que l'on observe au centre des taches produites par YEntyloma ou le Doassansia ; d'autres fois, la cellule subit son évolution normale (cellules spiralées des anthères de Lychnis) ; parfois, la présence du parasite stimule la division des cellules, et il se produit alors des hypertrophies dans les tissus attaqués (Urocystis Violai etc.) ; enfin le mycélium peut étouffer les cellules en comprimant de plus en plus leur cavité et les faire dispa- raître (cellules centrales des anthères de Lychnis, etc.). L'irritât on parasitaire peut, comme l'a montré Vuille- min, amener le développement d'organes qui, sans cela, seraient restés à l'état rudimentaire ; c'est ainsi que, dans les fleurs femelles de Lychnis, les étamines sous l'influence de YUstilago se développent et mettent en li- berté les oospores du parasite, comme elles le feraient pour de véritables grains de pollen (fig. 1-7, PL XXI) ; par contre, l'ovaire reste atrophié ; il y a castration sous l'in- fluence du parasitisme ; c'est là un fait d'ordre général qui se produit aussi bien sur les animaux que sur les végétaux (1). (1) On consultera avec fruit sur ce sujet les importants travaux de Giard, Roze. Vuillemin, Magnin, etc., que l'on trouvera disséminés 276 P. -A. DANGEARD Qu'il nous suffise d'avoir établi que la castration para- sitaire est facile à étudier dans les Composées attaquées par YUstilago Tragopogi ; clans le Tragopon orientalis, les fleurs régulièrement devraient être toutes hermaphro- dites et ligulées ; or, clans les capitules attaqués, les fleu- rons ne dépassent guère en longueur un ou deux centi- mètres ; la corolle reste en général tubuliforme, au moins en apparence (fig. 1-3, PI. XX); l'ovaire ne présente pas trace d'ovules ; il est atrophié, sans cavité ovarienne ; un style dont les stigmates seuls sont bien développés, le surmonte. Dans les étamines, le développement normal des grains de pollen s'accomplit, et il y a là une différence assez sensible entre le développement de YUstilago vio- lacea et celui de YUstilago Tragopogi. Position systématique des Ustilaginées dans la. classifi- cation. — Van Tieghem a proposé récemment (1) de faire rentrer les Ustilaginées et les Uréclinées dans les Basi- diomycètes divisés en deux grands groupes, acrospores et pleurospores ; il se trouve que, dans ce mode de division, la famille des Ustilaginées est scindée en deux parties ; les Tilletiées, avec les Tuburcinia, les Entyloma, les Uro- cystis, les Doassansia, qui forment leurs sporidies à l'ex- trémité du promycèle, prennent place dans les Basidio- mycètes acrospores ; les Ustilagées sont rangées dans les Basidiomycètes pleurospores. Vuillemin s'attache à prouver que l'on ne peut comparer le promycèle des Ustilaginées à la protobaside des Puc- ciniées ; il pense que « la baside est un asque dont chaque cellule-fille, avant cle passer à l'état de spores, fait saillie au dehors, et se transforme en une sorte de dans les Comptes rendus de VAc. des Sciences, le Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, le Bulletin de la Société des sciences de Nancy, le Bulletin de la Société Botanique, etc. (1) Van Tieghem. Sur la classification des Basidiomycètes (Journal de Botanique, n° 5, 1893). SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 277 conidie pour mieux s'adapter au transport par le vent. Suivant ces idées, Vuillemin laisse les Ustilaginées au voisinage des Ascomycètes et transporte les Pucciniées dans les Protobasidiomycètes avec les Trémellinées (1). Nous pensons, en nous appuyant sur les données de ce travail, que les Ustilaginées et les Urédinées représentent dans l'évolution un terme moyen entre les Phycomycètes (Chytridiacées, Ancylistées, Peronosporées, Saprolé- gniées) et les Basidiomycètes et Ascomycètes. Le nom de Mésomycètes que nous trouvons dans Frank, avec une signification limitée (2), nous paraît convenir pour grou- per ces deux familles. Voici comment nous comprenons les lignes générales de l'évolution des champignons. lre classe. Phycomycètes. Dans ces champignons, le thalle n'est pas cloisonné ; il renferme de nombreux noyaux ; au moment de la reproduction sexuelle, les noyaux mâle et femelle se trouvent dans des organes distincts ; il y a donc différenciation morphologique des appareils re- producteurs sexuels. Cette classe comprend les Chytri- diacées qui relient par la base les champignons aux Mo- nadinées zoosporées, les Ancylistées, les Saprolégniées, les Peronosporées, les Entomophthoracées, les Monoblé- pharidées, les Mucorinées. 2e classe Mésomycètes. Groupe de transition. Le thalle est cloisonné en cellules à plusieurs noyaux; les oogones se forment en grand nombre à l'extrémité de rameaux renflés en vésicule ; chez les Urédinées, il peut y avoir plusieurs oospores clans chaque oogone (Puccinia, Tri- phragmium, etc.) ; chez les Ustilaginées, il n'y a qu'une seule oospore par oogone. La fécondation ne s'opère plus au moyen d'appareils sexuels différenciés : elle n'est re- présentée que par l'union de deux noyaux mâle et femelle. (1) Vuillemin. Remarques sur les affinités des Basidiomycètes(7our- nal de Botanique, n° 9, 1er mai 1393). (2) Frank. Lehrbuch der Botanih, Leipzig, 1893. 278 P.-A. DANGEARD Les Mésomycètes conduisent directement aux Basidio- mycètes d'une part par l'intermédiaire des Chrysomyxa, dont les téleutospores germent immédiatement; les ba- sides seraient donc des oospores à germination immé- diate, et nous avons fait prévoir l'existence générale dans les basides d'une fécondation. D'autre part, les Mésomycètes conduisent aux Ascomy- cètes, par réduction du promycèle et formation directe des embryons à l'intérieur de l'oospore : si cette vue est exacte, la fécondation doit s'opérer dans l'asque ; le noyau de l'asque proviendrait d'une fusion de noyaux mâle et femelle venant du mycélium. Les grandes lignes de cette classification sont mises en évidence dans le tableau suivant: Ascomvcètes Basidiomycètes * \ / Mésomycètes Phycomycètes Animaux : Monadinées zoosporées Nous nous réservons de la développer plus tard, mais on saisira facilement les différences essentielles qu'elle présente avec celles qui ont été proposées par Van Tie- ghem, Brefeld, Frank, Schrœter, Vuillemin,Zopf,etc. ; elle permet de saisir la filiation même des diverses familles, à partir des Protozoaires. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE XX. Ustilago Tragopogi Pers., fig. 1-12. Fig. 1. Section d'une anthère de Tragopogon orientalis L. Les grains de pollen se sont développés normalement : la pénétration du parasite commence dans deux des sacs polliniques. (N. G.) Fig. 2. Portion de sac pollinique avec les grains de pollen A, et les filaments mycéliens B de YUstilago plongés dans la masse nutritive, résultant de la destruction de l'assise interne ; cette masse comprend du protoplasma et des substances chromatiques provenant des noyaux. Fig. 3. Section transversale d'un fleuron vers la base; la couche externe possède 10 faisceaux F, en deux cercles : le cercle interne est destiné aux étamines ; l'axe central représente l'ovaire atrophié, B ; la masse sporifère de YUstilago se trouve à l'intérieur et à l'extérieur du fleuron. (N. G.) Fig. 4. Les filaments sporogènes entrelacés en tissu avant la forma- tion des oospores. Fig. 5. Section du style avec le tissu conducteur rempli de mycé- lium. (N. G.) Fig. G. Ramification du mycélium en oogones pour la formation des oospores. Fig. 7. Les oogones avec leurs deux noyaux. Fig. 8-10. Divers stades de la fusion des noyaux et de la formation des oospores. Fig. 11. L'oospore avec son noyau. Fig. 12. Deux stades du promycélium ; formation des sporidies la- térales. Ustilago carbo Tul., fig. 13-21. Fig. 13, Oospores avec leur noyau. Fig. 14. Début de la formation du promycèle. Fig. 15. Etat plus avancé. Fig. 16. Promycèle à trois noyaux. 280 P-A. DANGEARD Fig. 17. Apparition de la cloison inférieure; division du noyau supé- rieur. Fig. 18. Enkystement de chacun des articles du promycèle : forma- tion de globules d'huile à leur intérieur. Fig. 19. Position du noyau dans ces kystes. Fig. 20. Id. : sporidies latérales en formation. Fig. 21. Production de sporidies sur les promycèles ordinaires. PLANCHE XXI. Ustilago violacea Pers., fig. 1-11. Fig. 1. Section d'une anthère très jeune avec les premières traces du parasite. (N. G.) Fig. 2. Apparition du mycélium M dans les espaces intercellulaires. Fig. 3. Etat plus avancé. Fig. 4. Section d'un sac pollinique rempli par la masse sporifère;A. dernières traces des noyaux et des membranes des cellules: quelques filaments mycéliens rayonnent dans la couche corticale. Fig. 5. Un de ces filaments atteignant l'épiderme. Fig. 6. Les quatre sacs polliniques remplis d'oospores. (N. G.) Fig. 7. Mise en liberté des oospores, S, par une déhiscence normale de la paroi de l'anthère. Fig. 8. Oogones à deux noyaux. Fig. 9. Oospores mûres avec un seul noyau. Fig. 10-11. Germination des oospores. Doassansia alismatis Nées (Cornu), fig. 12-14. Fig. 12. Développement des oogones et des noyaux pendant la forma- tion des sores. Fig. 13. Portion d'un jeune sore avec la fusion des noyaux précédant l'individualisation des oospores. Fig. 14. Une partie de la section d'un sore mûr; oospores à un seul noyau ; E, cellules corticales stériles. PLANCHE XXII. Entyloma. Glaucii Dang., fig. 1-2. Fig. 1. Formation des oogones à deux noyaux et divers états de la production des oospores. Fig. 2. Structure du noyau central de l'oospore. (N. G.) Uvocyslis Violas F. de Waldhein, fig. 3-14. Fig. 3. Section du tissu attaqué au voisinage des groupes sporo- SUR LA REPRODUCTION SEXUELLE DES CHAMPIGNONS 281 gènes; les filam3nts mycéliens pénètrent daus les cellules jusqu'au voisinage du noyau. Fig. 4. A, Groupe sporogène jeune; B, plus âgé, mais à éléments moins nombreux. Fig. 5. Groupe sporogène mûr; oospores à un seul noyau entourées de cellules stériles. Fig. 6. Structure de l'oospore. Fig. 7. Id. du noyau. (N. G.) Fig. 8-9. Divers états delà formation du promycèle et des sporidies. Fig. 10-12. Production des sporidies secondaires. Fig. 13. Leur germination. Fig. 14. Sporidie primaire produisant une sporidie secondaire aspect avant le passage des noyaux. PLANCHE XXIII. TMetia Caries Tulasne, fig. 1-18. Fig. 1. Spore mûre avec son noyau central. Fig. 2. Début d'un promycèle avec deux noyaux. Fig. 3. Promycèle avec huit noyaux. Fig. 4. Promycèle avec huit bourgeons sporidiens ; le noyau n'a pas encore subi de division. Fig. j. Noyau du promycèle avec plusieurs arcs de chromatine. Fig. 6. Promycèle avec quatre noyaux en voie de division indirecte. Fig. 7. Les nucléoles des noyaux sont devenus libres par éclate- ment des noyaux pendant la fixation. Fig. 8-11. Divers stades du passage des noyaux dans les sporidies. Fig. 12. Quatre noyaux en division indirecte dans un promycèle. Fig. 13. Un promycèle très long avec huit noyaux. Fig. 14. Un promycèle ramifié ; les huit noyaux s'engagent dans la ramification. Fig. 15. Anastomose entre deux sporidies. Fig. 16-17. Formation des sporidies secondaires. Fig. 18. Sporidies secondaires à deux noyaux. Nota. — Toutes les figures, sauf celles qui sont suivies dans l'expli- cation des planches delà mention N. G., ont été dessinées, à la chambre claire, avec l'oculaire compensateur 6 et l'objectif à immersion homo- gène, 2,0mm. de Zeiss. ,. , , LA STRUCTURE DES LEVURES ET LEUR DÉVELOPPEMENT Par P. -A. DA.NGEARD PI. XXIII, fig. 19, 24. L'étude de la structure des Levures a donné lieu à un grand nombre d'observations contradictoires. La présence d'un noyau à l'intérieur des cellules est admise par Naegeli (1), Schleiden (2), Schmitz (3), Strasburger (4), Zalewsky (5) ; Zacharias (6), Moeller (7), Zimmermann (8), Hansen (9) ; elle a été contestée par Brucke (10), Kras- ser (11), Baum (12). (1) Naegeli. Zellenbildung und Zellenwachstum bei Pflanzen (in Schleiden und Naegeli Zeilschr. f. Wiss. Bot. I, 1 p. 45). (2) Schleiden. Grundzuge, 1849. (3) Schmitz. Unters, ùber den Zellkern der Thallophytes (Sitzung d. Nielerrhein Ges. f. Nat. u Heilkunde zu Bonn. 1879). (4) Strasburger. Bot. Practicum, 2e édition, 1887, p. 339. (5) Zalewsky. Ueber Sporenbildunein Heiezeilen (Berichte d. Krakauer Akad. d. Wiss. Math. Naturw. Bd. XIII, 188.",). (6) Zacharias. Beitriige zur Kenntniss des Zellkerns und dersexualzel- len (Bot. Zeit, 43e année, p. 298). (7) Moeller. Ueber den Zellkern und die Sporen der Hefe. [Cenlralb. f. Bactériologie und Parasitenkunde. Bd. XII, n° 16, 1892). (8) Zimmermann. Die Morphologie und physiologie der Pflanzenzelle, 1887, p. 26. (9) Hansen. Recherches sur la Morph. des ferments alcooliques VI. [Res. d. c. r. d. travaux du Labor. de Carlsberg, vol. II, p. 126). (10) Brucke. Die Elementar organismen (Sitz. d. Kais.Akad.d. Wis- sensch. Vienne, 1862). (H) F. Krasser. Ueber das anerebliche Vorkommen eines Zeîlkernes in den Hefezeilen (Oesterr. bot. Zeitschr, 1885, n* U). (12) Baum. Zur Morphologie und biologie der Sprosspilze (Zeilschr. f. Hygiène, Bd. X. 1891). LA STRUCTURE DES LEVURES 283 Tout récemment Hieronymus (1) signalait chez les Levures une structure analogue à celle de la cellule des Phycochromacées ; il aurait vu au milieu du protoplasma un filament central (centralfaden) très long, contourné de façon très variable ; ce filament est composé de granules anguleux auquel il attribue la nature de cristalloïcles ; ces granulations ont une forte élection pour les réactifs colorants. Dans une note préliminaire, Janssens (2) annonce avoir rencontré un noyau véritable dans les Levures ; ce noyau possède une membrane, un nucléole, et il présente pendant le bourgeonnement et pendant la formation des spores le mode de division indirecte. Enfin H. Moeller (3), dans de nouvelles recherches, s'attache à réfuter le travail de Krasser et il démontre que les spores des Levures ont une membrane et un noyau ; il n'est nullement persuadé que les Levures soient des Ascomycètes ; il les placerait plutôt provi- soirement dans les genres incertœ seclis. Au moment où Moeller publiait ces nouvelles observations, je com- muniquais moi-même à l'Académie des sciences (4) une Note que je vais reproduire, en l'accompagnant ici de quelques figures destinées à éclairer le texte : « Dans cette note, je montrerai que la levure de bière (Saccharomyces cereïisise) possède un noyau bien carac- térisé et j'indiquerai en outre les phénomènes qui accom- pagnent le bourgeonnement. Les' matériaux d'étude ont été fixés à l'alcool absolu et colorés à Phématoxyline ; (1) Hieronymus. Ueber die organisation der Hefezellen (Berichte d. deutsch. bot. Gesellschaft, Heft 2,25 mars 1893). (2) Janssens. Beitr'àge zur der Frage viber den Kern der Hefezelle (Centralblalt fur Bactériologie und Parasitenhunde, XIII, p. G39). (3) H. Moeller. Neue Untersuchungen iiber den Zellkern und die Sporen der Heten(Bericht. d. d. Iiotan. Gesellschaft, Heft 7,29 août 1893). (4) P. -A. Dangeard. Sur la structure histologique des Levures et leur développement (Comptes rendus, Acad. Sciences, 3 juillet 1893). 284 P. -A. DANGEARD ils ont été observés avec l'objectif apochromatique de Zeiss 2ram, 0. « La cellule de levure, dans ces conditions, montre sous la membrane une couche épaisse d'un protoplasma dense, homogène, se colorant assez fortement sous l'influence du réactif ; ce protoplasma entoure une grande vacuole interne ; le noyau se trouve logé dans l'épaisseur de cette couche protoplasmique et, à l'état de repos, il est sphé- rique, limité par une membrane nucléaire très nette ; au centre, se trouve un gros nucléole également sphérique, très coloré ; la couche de hyaloplasme qui se trouve entre le nucléole et la membrane reste incolore ; elle se charge assez souvent d'un ou plusieurs arcs de chromatine au contact immédiat de la membrane nucléaire (fig. 19, PL XXIII). « Indiquons maintenant comment s'opère le bourgeonne- ment : la papille qui va s'isoler et constituer une nouvelle cellule, peut débuter en un point diamétralement opposé à celui où se trouve le noyau (fig. 23, en bas) ; elle est à peu près sphérique et contient, comme la cellule mère, une couche de protoplasma entourant une vacuole ; elle est reliée à cette cellule mère par un pédicelle très fin qui ne se voit pas sur le vivant (fig. 19-24). Le noyau delà cellule mère peut, à ce stade, ne montrer encore aucun changement ; son rôle semble donc absolument passif jusque-là ; il se porte ensuite jusqu'au point d'attache du pédicelle et il se divise en deux (fig. 20) ; cette division se fait, au moins le plus souvent, suivant le mode direct ; le nucléole se par- tage en deux moitiés entourées chacune par la zone claire de hyaloplasme. La division se fait dans le plan perpen- diculaire à l'axe qui traverse à la fois la cellule mère et la cellule fille, de sorte que l'un des noyaux se trouve accolé au pédicelle comme à l'entrée d'un entonnoir (fig. 20) ; il s'y prolonge bientôt en un mince filet chromatique qui atteint la cellule fille, s'y renfle, attirant à lui finalement LA STRUCTURE DES LEVURES 285 les dernières granulations chromatiques (fig. 20-22). Pen- dant tout ce temps du passage dans le pédicelle, le noyau n'offre pas trace de membrane nucléaire ; après, il reprend sa structure ordinaire. « Le noyau de la cellule mère se porte en un autre point de la cellule où une nouvelle papille se formera ; lorsque la végétation est rapide, on observe plusieurs bourgeons à la fois sur la même cellule, mais ils sont cV âge différent (fig. 24) ; ils se forment successivement de la manière qui vient d'être indiquée; à chaque nouveau bourgeonnement, correspond une nouvelle bipartition du noyau. » Il ne saurait donc plus y avoir aucun doute sur l'exis- tence d'un noyau dans les cellules des Saccharomycètes : les observations de Janssens et les nôtres établissent définitivement la structure du noyau qui possède une membrane nucléaire à double contour et un nucléole ; sa structure est identique à celle qui a été rencontrée chez les autres Champignons étudiés jusqu'ici ; de plus, si l'on compare le bourgeonnement des Levures à la formation des sporidies primaires ou secondaires chez les Usti- laginées, on verra que le noyau se comporte d'une manière analogue dans les deux cas ; le bourgeon se forme d'abord et on ne voit qu'assez tard le noyau, après une division, passer au milieu du bourgeon en s'étirant dans le mince pédicelle qui supporte la spore. L'obligation de passer au travers d'un canal à diamètre plus petit que celui du noyau explique pourquoi- le passage s'effectue immédiatement après une division ; à ce moment, en efletj le noyau est beaucoup plus plastique ; la membrane nucléaire ayant disparu, il peut s'allonger, s'étirer et franchir l'étroit canal de communication ; le noyau ordinaire, à l'état de repos, serait incapable d'une pareille manœuvre. L'erreur de Ilieronymus m'a rappelé un aspect parti- culier de la substance nucléaire que j'ai eu l'occasion de 5 286 P.-A. DANGEARD rencontrer dans le promycèle du Tilletia Caries ; il y avait dans ce promycèle deux lignes parallèles de granules chromatiques rappelant le « centralfaden » dessiné et décrit par Hieronymus dans les Saccharomyces. Je me suis aperçu que cet aspect était dû à une mauvaise fixation des noyaux dont la substance s'était disséminée dans le pro- toplasma ; cette fixation défectueuse se produit surtout lorsque les matériaux sont en rapide végétation ; c'est très probablement à cela qu'il faut attribuer l'idée de Krasser qui admet une dissémination de nucléine dans le pro- toplasma de la cellule. On place en général les Levures dans les groupes des Ascomycètes (1). Brefeld a combattu fortement cette opinion et il les considère comme analogues aux sporidies bourgeonnantes des Ustilaginées (2). Si nos recherches sur l'histologie de cette dernière famille apportent quel- ques arguments en faveur de l'opinion de Brefeld, il faut reconnaître que jusqu'ici ils ne peuvent contrebalancer ceux que l'on peut tirer de la présence de spores dans les Saccharomyces. (\) Van Tieghem. Traité de Botanique, 2e édition, p. II 35. (2) Brefeld. Die Brandpilze, 1, Leipzig, 188:!. TABLE DES ARTICLES contenus dans la troisième série du « Botaniste » Pages Planches 1° P. -A. Dangeard. — La nutrition ani- male des Péridiniens 1-27, — I, II 2° P. -A. Dangeard. — Les noyauxd'une Cyanophycée, le Merismopedia con- volulaBréh 28-31 3* P. -A. Dangeard. — Note sur un Cry- ptomonas marin 32 4° P. -A. Dangeard. — Les maladies du pommier et du poirier 33-116, — I1I-X1I 5° P. -A. Dangeard et Sappin-Trouffy. — Urédinées 119-125 6° P. -A. Dangeard. — Recherches sur les plantules des Conifères . . . 1 26-204, — XIII-XVII 7° Sappin-Trouffy. — La pseudofécon- dation chez les Urédinées et les phénomènes qui s'y rattachent . . 205-208 8° P. -A. Dangeard. — Le Polysporella Kutzingii, 209-214, —XIX 9° Sappin-Trouffy. — Etude sur les suçoirs des Urédinées 215-219, — XVIII 10° P. -A. Dangeard. — Recherches sur la reproduction sexuelle des Cham- pignons 221-281, — XX-XXUI 11° P. A. Dangeard. — La structure des Levures et leur développement. 282-286 Le Botaniste erie PI. XX Le .B o t ^ n i .s t J . o erie Pi.xxr Le Botaniste 3" . Sér:e PI.XXÏI Le -P otc^ui-rte £s.'Sé erie PI .XXfll 24 23 22 21 13 New York Botanical Garden Librar 3 5185 00259 3737