I ! ! i î ! ! i I ( i \ 1 ] ! iT LE BOTANISTE Directeur : M. P. -A. DANGEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LAURÉAT DE L'INSTITUT 'J'rofesseur de Botanique a la J'aculté de '^Poitiers QUATRIÈME SERIE 1894-1895 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger A LA DIRECTION, 54, RUE DE LA CHAINE POITIERS ET CHEZ TOUS LES LIBRAIRES LE BOTANISTE LE BOTANISTE Directeur : M. P. -A. DANGEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LAURÉAT DE L'INSTITI'T '^Professeur de Botanique a la ^J'aculté de 'J'oitiers QUATRIEME SERIE 18941895 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger NEW YDH^. aUTAfVICAli. A LA DIRECTION, 34, RUE DE LA CHAINE POITIERS ET CHEZ TOUS LES LIBB AIRES OBSERVATIONS *^*^'' ■^' zone membraneuse, mince, incolore. A ce stade, le pro- toplasma conserve une teinte violacée (fig. 6). « C. La zygospore montre deux gros corpuscules sphé- riques, ressemblant, à s'y méprendre, à des noyaux nucléoles, tels qu'on les rencontre dans les plantes supé- rieures (fig. 7). (( Ayant rencontré un autre aspect dans lequel le pro- toplasma du corpus- cule était entouré d'une membrane épaisse , incolore , striée concentrique- ment , nous avons étudié des zygospores d'un Mucor sp. ; nous avons reconnu que ce dernier aspect était dû à une section de prolongements inter- nes de la membrane de la zygospore ; leur nombre est de quatre ou cinq ; mais cette explication ne peut s'appliquer aux stades A, B, Cqui peut-être sont en rapport avec la fécondation. « On sait quelles difficultés présente l'étude des oospores formées par le concours de gamètes plurinucléés (1). L'at- tention des observateurs devra se porter maintenant de préférence sur les phénomènes qui précèdent la germi- nation des œufs, afin de rechercher,, ce qui paraît problable, si les noyaux de la plante nouvelle proviennent d'un seul noyau sexuel ( <^ + ^), tous les autres ayant servi à la constitution de la membrane et à la formation des réserves. vil (\) Consulter: P. -A. Dangeard. La reproduction sexuelle des Cham- pignons (Le Botaniste, de série, 6» fascicule, janvier 1894). SUR LA STRUCTURE DES MUCORINEES 11 « Ajoutons que les jeunes zygospores formées renfer- ment, contrairement à l'opinion admise jusqu'ici (1), des cristaux de mucorine, disséminés dans le protoplosma. » (5 mars 1894). (1) Van Tieghem. Traité de Botanique, 2e édition, p. 522. LA REPRODUCTION SEXUELLE DE L'ENTYLOMA GLAUCII {Dang.) Par P.A. DANGEARD. Dans l'étude histologique consacrée à la famille des Ustilaginées, nous avons établi le mode de reproduction sexuelle sur de nombreux exemples ; nous reprenons aujourd'hui cette question importante et nous nous atta- cherons à bien indiquer tous les détails du phénomène en choisissant une seule espèce. Quand une idée nouvelle se fait jour dans la science, il n*est pas toujours facile de la faire adopter : il est souvent nécessaire d'y revenir fréquemment, de la présenter sous toutes ses faces ' de l'étendre, de la développer : l'idée y gagne en précision, en clarté et parfois en exactitude ; les preuves s'accumulent : elle finit par devenir indiscutée. C'est ce résultat que nous cherchons àatteindre. Il est bien certain que le genre Entylomci fournit un des exemples les plus favorables à l'étude de la reproduction sexuelle des Ustilaginées ; les oospores y sont isolées ou groupées en petit nombre, au lieu d'être réunies en masses compactes comme chez les Ustilago : il est donc beaucoup plus facile d'y suivre les débuts de leur formation et leurs relations avec les filaments mycéliens. Le genre Entyloma. comprend un grand nombre d'es- DE l'entyloma glaucii dang. 13 pèces: celle qui va nous occuper est parasite des Glaucium, elle forme sur les feuilles des taches arrondies qui se voient sur les deux faces du limbe. La grande épaisseur de la feuille est favorable aux recherches : sous unépiderme ordinaire, il existe à la face interne deux assises de parenchyme en palissade qui se continuent jusqu'à l'épiderme inférieur par un mésophylle lacuneux bien développé (fig. 1). FIG. 1. — Section d'une feuille de Glaucium attaquée par VUntijloma. U Entylo7na Giauciiwit dansles espaces intercellulaircs: aussi est-il plus spécialement localisé dans le mésophylle lacuneux; néanmoins, les stromas mycéliens qui, au tra- vers des fentes stomatiques, produisent les conidies, se rencontrent sur les deux faces du limbe. Nous avons déjà eu l'occasion d'étudier histologique- ment un grand nombre de champignons appartenant aux groupes les plus divers ; il n'en est peut-être pas un seul qui offre autant de résistance aux réactifs ordinaires que les Ustilaginées : c'est ce qui rend difficile cette étude des oospores. 14 P. -A. DANGEARD Elles se rencontrent en très grande abondance dans toute l'étendue des taches : les plus âgées occupent le centre de la tache, les plus jeunes sont situées vers le bord, sur une seule section ; on peut donc avoir très souvent tous les états, tous les stades du développement d'une oospore. Les sections de feuille à examiner doivent être colorées de préférence à l'hématoxyline de Grenacher additionnée d'une goutte d'acide phénique; il est nécessaire quelque- fois de les écraser dans du collodion, afin d'amener des solutions de continuité dans les membranes des oospores : c'est souvent le seul moyen de voir avec netteté la struc- ture histologique de l'oospore mûre. Les filaments mycéliens qui parcourent les espaces intercellulaires ne varient que très peu en diamètre, leurs cloisons sont inégalement espacées ; au centre de la tache, les articles sont dépourvus de noyaux et de protoplasma; à la périphérie, ils en possèdent et chaque cellule montre plusieurs noyaux nucléoles très petits : le protoplasma est réticulé çà et là, peu chargé en granulations : il renferme beaucoup d'eau. Les oospores débutent par de simples vésicules qui se produisent à l'extrémité ou sur le trajet des filaments mycé- liens (fig. 2). On observe plusieurs dispositions : tantôt la vésicule est complètement terminale (ii) ; tantôt elle est intercalaire ; tantôt enfin c'est un rameau renflé court qui se produit sur le filament principal (m, vi) ; certains aspects (i,v) donnent l'idée d'une copulation s'étant effectuée entre filaments différents; mais il faut, je pense, être ici très réservé, car d'autres aspects excluent toute idée de copu- lation, particulièrement en ce qui concerne les vésicules terminales. Il noua paraît bien certain d'ailleurs que dans ces articles plurinucléés l'existence de cloisons n'indique nullement la division réelle de forganismc: chaque noyau avec lepro- DE l'entyloma gtaucii dang. 15 toplasma qui l'entoure est une unité ou peut le devenir. Lorsque dans ces vésicules nous voyons un second noyau venir se joindre au premier, nous pouvons dire que cette vésicule contient deux gamètes : c'est une oospore dans laquelle la fusion de ces gamètes ne tardera pas à devenir complète. Dans les jeunes oospores, les deux noyaux sont situés à quelque distance Tun de l'autre dans un protoplasma FIG. 2. — Entyloma Glancii, Dang. l-vii. Divers états de développement des oospores. vacuolaire, ils sont fréquemment au contact même de la membrane : une communication directe existe encore entre la vésicule et les filaments mycéliens ; les deux noyaux se portent bientôt vers le centre ; des cloisons délimitent l'oospore. Les deux noyaux sont suspendus au milieu de l'oogone par des trabécules de protoplasma qui relient la couche entourant les noyaux à celle qui recouvre la face interne de la membrane de l'oospore. La structure de ces noyaux ne se laisse apercevoir que très difficilement ; ils sont sphériques, entourés par une membrane à double contour et possèdent au centre un 16 P -A. DANGEARD nucléole: c'est ce nucléole qui, se colorant fortement par les réactifs, indique seul la présence des noyaux lorsque les conditions de l'observation ne sont pas favorables. En étudiant avec soin un très grand nombre de prépara- tions, on arrive à observer tous les stades de la fusion ; l'attention devra se porter sur les oospores dans lesquelles la membrane commence à se colorer dans sa partie externe en même temps qu'elle subit un épaississement sensible. FiG. 3. — Enlyloma Glavoii, Dang. — Oospores pendant la fusion dts noyaux. Les deux noyaux arrivent au contact sur un point: le con- tact s'établit sur une plus grande surface; à cet endroit, les deux membranes nucléaires disparaissent; les deux nu- cléoles restent encore distincts ; la pénétration des hya- loplasmes nucléaires devient plus complète ; le contour, d'elliptique qu'il était, tend à redevenir sphérique ; c'est alors que les deux nucléoles s'unissent en un seul (fig. 3). Le noyau unique de l'oospore, devenu assez gros, reste au centre, il est relativement assez facile de l'observer ; pendant la fusion et après, l'oospore augmente de volume, sa membrane devient épaisse et se laisse décomposer en une exospore lisse, cutinisée, striée concentriquement, et une endospore incolore; les trabécules protoplasmiques qui soutiennent le noyau forment de grandes vacuoles DE l'entyloma glaucii dang. 17 dans lesquelles s'accumulent les substances oléagineuses de réserve. Les oospores sont groupées en nombre variable dans les espaces intercellulaires; elles sont arrondies, ovales, ellip- tiques ou irrégulières par compression ; à leur surface, on voit un ou plusieurs prolongements mycéliens arrêtés dans leur développement. On sait, d'après ce que nous avons vu dans les autres genres d'Ustilaginées, qu'à la germination le noyau sexuel passe dans le promycèle, qu'il s'y divise en huit générale- ment et que chacun de ces nouveaux noyaux passe dans une sporidie point de départ d'une nouvelle plante. Nous verrons, dans le mémoire qui va suivre, que les caractères de la reproduction sexuelle sont presque iden- tiques chez les Ascomycètes : ce qui diffère, c'est le mode de germination des oospores et leur structure. Mais nous pourrons facilement établir les transitions et réussir, nous l'espérons, à convaincre tout le monde. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES LICHENS Par P. -A. DANGEARD. Nous reproduisons ici, pour nos lecteurs, une note publiée récemment dans les comptes rendus de l'Acadé- mie des sciences ; le mémoire complet, avec planches, paraîtra plus tard. « Un Lichen est le résultat de l'association intime d'un champignon et d'une algue » ; telle est l'idée avancée par Schwendener (1) il y a plus de trente ans et connue sous le nom de théorie schwendénérienne. Malgré les preuves fournies en faveur de cette idée par les beaux travaux de Famintzin et Baranetzky, de Stahl, Bornet, Max Rees, Bonnier, etc., peut-on dire qu'actuellement la majorité des Lichénographes s'est rangée à cet avis ? Assurément non; il suffît, pour s'en convaincre, de parcourir les comptes rendus des diverses sociétés savantes françaises et étran- gères. La présente note apporte à la théorie Schwendéné- rienne l'appui des progrès récents de la technique histo- logique; l'idée directrice est celle-ci : A. Prendre dans un Lichen les algues qui y vivent ; (1) Schwendener. Untersuchungen iiberden Flechtenthallus (A^ar/e/i's Beitràge zur wiss. Bot. II, 1860; III, 1863 ; IV, 1S6U). SUR LA STRUCTURE DES LICHENS 19 étudier leur structure intime et la comparer à celle des algues vivant en liberté. B. D'un autre côté, établir l'identité de structure de la partie mycélienne du Lichen avec celle des Champignons ordinaires. Cette méthode nous a fourni de nombreux résultats dont nous ne pouvons ici qu'indiquer les principaux. A. En premier lieu, l'étude histologique des gonidies vertes, qui se rencontrent chez un si grand nombre de Lichens, nous a fait découvrir une erreur qui s'étendait au type libre (Cystococci.is humicola). Jusqu'ici tous les Algologues et Lichénographes, si je ne me trompe, ont considéré comme noyau le gros corpus- cule arrondi qui occupe le centre de la cellule (1) ; or, ce corpuscule est un pyrénoïde analogue à celui des Chlamy- domonas; le véritable noyau est situé sous la membrane, presque au contact, et c'est lui qui a été décrit comme vacuole. Ce noyau est nucléole, il possède une membrane nucléaire, des granules chromatiques. On peut arriver à colorer le protoplasma en jaune, le pyrénoïde en bleu et le noyau en rouge, ce qui donne des préparations aussi belles que démonstratives. Nous avons suivi tous les stades de la division de ce noyau en rapport avec les bipartitions successives des gonidies {Pfiyscia parietina, Anaptychia ciliaris, Gyrophora pustulata, etc.). Nous avons également observé cette division dans l'Algue ren- due libre, pendant la formation du sporange. On peut, de la même façon, mettre en évidence la struc- ture propre desTrentepohliées qui vivent dans les Graphis et les Opegraplia, des Protococcus formant les gonidies des Endocarpon, etc. Je ne parle pas des Cyanophycées où les (i) Famintzin et Baranetzky. Zur Entwick. der Gonidien und Zoospo- renbildung der Flechten {Mémoires de l'Académie des Sciences de Sainl-Pétersbourg, XI, 1868). — Schwendèner. Die Algenlijpen der Flechlengonidien, Bâle, 18G9. 20 P -A. DANGEARD colorations d'Ehrlich font apparaître la structure de ces algues {Collema, Peltigera, etc.). B. Si nous considérons maintenant la partie mycélienue du Lichen, nous y trouvons la structure propre aux Cham- pignons : les filaments sont réunis par de nombreuses anastomoses et divisés en cellules; ces cellules, qu'elles soient allongées, comme dans la médulle, ou réunies en pseudo-parenchyme comme dans la couche corticale, ne renferment en général qu'un noyau (P/iyscia, Anaptychiay Pelligera, Gyrophora^Parmelia, Colleina, etc.) : par excep- tion, certaines cellules de la médulle possèdent deux ou trois noyaux (Cone?7ia, Peltlgera); ces noyaux, qui présen- tent de légères différences de grosseur et de structure selon les espèces, ne diffèrent pas du type général connu chez les Champignons (i). Dans les périthèces, les paraphyses peuvent être ra- mifiées et septées ; ici également chaque cellule ne ren- ferme qu'un noyau ; la division des noyaux dans l'asque et les spores présente des phénomènes intéressants qui devront faire l'objet de développements spéciaux. On s'attendrait à trouver certaines parties crustacées des Lichens complètement dépourvues de vitalité et ré- duites à un rôle protecteur ; il n'en est rien, et l'on constate jusque dans les rhizines la présence de noyaux en acti- vité et de protoplasma. (23 avril 1894). (t) P. -A. Dangeard. Recherches hi&tologiques sur les Champignons {L3 Botaniste, 2e série). — La reproduction sexuelle des Champignons (Le Botaniste, 3° série, Ce fascicule). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ÂSGOMYGÈTES Par P.-A. DANGEARD. Il est peu de questions qui aientexercé autant que celle- ci la sagacité des observateurs, sans aucun résultat bien important. En 1863, de Bary annonçait la découverte d'organes co- pulateurs chez les Ascomycètes (l), et ces idées devenaient classiques avec la publication de son ouvrage sur la mor- phologie et la physiologie des Champignons (2); il décrit dans VErysiphe CicfioraceavumD. C. une cellule femelle et une anthéridie, constate qae Texistence d'une copulation n'est pas improbable dans les Earotlum et signale l'exis- tence d'organes réunis par paire et disposés en rosette dans Peziza {Pijronema) confiaens (3) ; ce sont ces organes qui donnent naissance au périthèce. Déjà Hofmeister avait cru voir unereproduction sexuelle dans le Tuher sestivum {i); il pensait que des filaments ténus, représentant des anthéridies, venaient s'appliquer sur les asques de divers côtés : aux points de contact» il (i) De Biry. F ruchtentw. d. Ascomyceten, Leipzig, 1863. (2) De Bary. Morphologie und physiologie d. Pilze, Leipzig, 1866. (3) De Bary, Iog. cit., p. 462-164. (4) Hofmeister, Jahrb. f.wis Bot., II, p. 378. 22 P -A. DANGEARD aurait existé des ponctuations ; l'asque des Truffes devait ainsi être comparé à un oogone de Saprolégniée. Sollmann avait avancé de son côté l'idée que la forma- tion des spores dans l'asque des Nectria était consécutive de la pénétration d'une spermatie (1). De Bary, qui rapporte ces observations, démontre qu'elles sont mal fondées, et il conclut qu'en général les asques sont des organes simplement végétatifs (2). . A la suite de cette condamnation, l'idée de sexualité s'appliquant aux asques mêmes va disparaître pour long- temps, et l'attention des chercheurs se porte sur les phé- nomènes qui précèdent la formation du périthèce. Le mémoire de Woronine consacré à l'étude de la struc- ture et du développement de VAscobolus jDulcherrimus (8), indique les premiers états du développement de la cupule : on y rencontreun corps vermiforme, composé d'une rangée de cellules courtes à diamètre supérieur à celui du mycé- lium; d'autres filaments émettent des ramuscules ou pol- linodes qui viennent s'appliquer sur le corps vermiforme. Tulasne constate la présence de ce corps vermiforme qu'il désigne du nom de scolécite dans VAscobolus furfu- raceus et dans le Peziza melanloma (4), sans toutefois y voir un phénomène de copulation certain et constant; par contre, il regarde comme une véritable conjugaison celle qui se produit entre les macrocystes et les paracystes du Pyronema confluens. De nouveaux faits sont apportés par de Janczewski à (1) Sollmann. Bol. Zeitung, 1864, p. 265. (2) De Bary. Morphologie und Biol., loc. cit., p. 165: « Nach allen diesen Thatschen werden die Asci der Ascomyceten allegemein fur geschlechlslose Fort pflanzungs organe zu halten sein ». (3) De Bary et Woronine. Beilrâge Z. Morphologie und physiologie dePilze,UeH.U. (4) L. R. et C. Tulasne. Note sur le.s phénomènes de copulation que présentent quelques champignons {Ann. se. nat., Bot., V^ série, tome VI, 1866). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCETES 23 l'appui de cette théorie d'une reproduction sexuelle chez les Ascomycètes ; lescolécite, sur lequelviennent s'appuyer intimement les poliinodes, est recourbé en virgule : une de ces cellules, dite cellule ascogène, fournit un certain nombre de filaments ou hyphes ascogènes qui donnent directement les asques (1). Le périthèce a une origine différente dans les Colléma- cées, d'après Stahl (2) : la reproduction sexuelle chan- gerait de caractère. Ainsi on voit une branche dite asco- gène s'enrouler sur elle-même en plusieurs tours de spire et se prolonger ensuite jusqu'à la surface éclairée du thalle; ce prolongement est le trichogyne à l'extrémité duquel les conidies viennent germer; il y aurait là une fécondation à la façon des Floridées : la branche ascogène, déroulant ses tours, se ramifie pour donner les asques, alors que les filaments voisins forment du pseudo-paren- chyme et les paraphyses. Le genre Polystigma présenterait, selon Fisch, un mode de reproduction analogue (3). Dans un travail très remarquable, Eidam (4) étudie le développement de quelques Ascomycètes : il nous fait con- naître dans tous ses détails un nouveau type, VEremascus albus ; ce champignon est dépourvu de périthèce ; les asques sont libres sur le mycélium. Le développement débute par un cloisonnement d'un filament mycélien : au contact immédiat des cloisons, chaque cellule mycélienne pousse un rameau qui s'enroule avec celui de la celkile voisine ; ces deux rameaux s'anastomosent à leur sommet (1) E. de Janczewski. Recherches morphologiques sur V Ascoholus furfuraceus {Ann. se. nat., Bot., Ve série, tome XV, 1872). (2) E. Stahl. Beitràge zur Entwick. der Flechten. Heft L Leipz. 1887. (3) Fisch. Beitràge zur Entvvickelungsgeschichte eiuiger Ascomyce- ten [Bot. Zeitung, 1882). (4) Eidam. Zur Kenntniss der Entwickelung bei den Ascomyceten {Beitràge zur Biologie der Pflanzen, Vol. III, 1883). 24 P -A DANGEARD et se séparent du mycélium par une cloison ; au point d'a- nastomose,une vésicule se produit ; elle grossit et devient un asque octospore : dans cette espèce, les asques sont supportés par les deux filaments copulateurs qui lui ont donné naissance. Quelquefois, la copulation fait défaut et l'asque est produit parthénogénétiquement au sommet dun filament unique. Eidam considère VEremascus albus comme un terme de passage entre les Mucorinées et les Ascomycètes (1). Disons tout de suite que Lagerheim vient de décrire un Ascomycète qui produit sensiblement ses asques de la même manière, ce qui lui a valu le nom de Dipodascus (2). En 1884, de Bary expose dans un chapitre spécial : « Entstehung der Sporenfrucht » cette théorie de la repro- duction sexuelle dont il avait été vingt ans auparavant Tinitiateur; outre les travaux qui précédent, il utilise encore ceux de Fuisting (3), deBaranctzki (4), de Borzi (5), de Gilkinet (G), de Kihlman (7), de Krabbe (8), de Bre- feld (9), de Van Tieghem. De Bary insiste sur les cas qui lui paraissent le plus démonstratifs : ceux de VEremascus albus, du Podosphœra (1) Eidam, loc. ciL.p. 385-392. (2) Lagerheim. Le Dipodarcus albidus, nouvel Hemiascus à repro- duction sexuelle {Pringsheim. Jarh. {. W. Botanik. Bd. XXIV, Ileft 4). (3) Fuisting. Zur Ent\\ ickelungsgesch. d. Pyrenomyceten {Bot. Zei- tung, 4867-1808 et Zur Entw. d. Lichenen, Bol. Zeit., 4868). (4) Baranetzki. Entw. d. Gymnoascus Reessii [Bot. Zeit , 1878). (5) A. Borzi. Studii suUa sessualita degli Ascomycète (A^. Giorn. Bo- tan.Ital.YoL X, 1878, p." 43). (6) Gilkinet. Recherches sur les Pyrénomycètes [BuUet. Acad. Belg., 1874). (7) Kihlman. Zur Entwickelungsg. d. Ascomyceten [Acta Soc. se. Fennicae. T. XIII. Helsingfors, 1883). (8) Krabbe. Morph. u. Entwickelungsg. d. Cladoniaceen {Berichte d. deuls. Bot. Gesellscliafl, [SS3]. (9) Brefeld. Bot. Untersuchungen ûber Schimmelpilze. II {Pénicil- lium) IV. I LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 25 Castagnei, deVEurotiumrepeyis, de VAscobolus fiu^furaceufi, du Pyronema. conftuens (1). Il est juste de reconnaître que la disposition qui se rencontre dans cette dernière espèce est bien de nature à induire en erreur, surtout avec les beaux développements fournis par Kihlman venant compléter ceux de Tulasne. Cette théorie de la reproduction sexuelle n'a pas été adoptée par Brefeld (2), Zukal (3) ; mais son principal adversaire a été Van Tieghem, qui dans une série de notes en a signalé les points faibles. On trouvera l'indi- cation de ces notes, ainsi qu'une réfutation complète de cette théorie, dans son Traité général de Botanique, 2* édi- tion; d'après ce savant, les prétendus organes sexuels ne sont autre chose que des réservoirs nutritifs qui per- mettent à la plante de concentrer « en un point du thalle une réserve de substance assimilée, sufTisantc pour ali- menter dans chaque cas particulier la formation du péri- thèce. Suivant l'espèce considérée et suivant les conditions de nutrition où elle se trouve placée, ce réservoir nutritif se constitue d'une manière un peu différente : voilà tout (4)». Ailleurs il dit encore : « Remarquons, en terminant, que les partisans de l'origine sexuelle du périthèce des Ascomycètes sont forcés aujourd'hui d'admettre, dans des genres voisins : 1° une sexualité à la façon des Péronos- poracées ; 2° une sexualité à la façon des Floridées, une sexualité perdue ou apogamie : autant d'hypothèses gra- tuites qu'il fallait peut-être signaler, mais qui" ne doivent pas nous arrêter longtemps (5). » (1) De Bary. Vergleichende Morphologie und Biologie der Pilze, Leip- zig, 1884. (2) Brefeld. Bot. Untersuch. ûber Schimmelpilze, Leipzig. (3) Zukal. Vorlaufige mittheilung iiber die Entwick. des Pénicillium, crustaceum und einiger Ascobolus Arten. {Sitzb. der kiis. Akad. der Wissensch. l. Abth, Nov. Heft., 1887). (4) Van Tie^hft.Ti. Traité général de Botanique, 2" édition, p. 113?. (5) Van Tieghem, loc. cit., p. 1166. 26 P -A. DANGEARD Il en est de ces questions difficiles comme des voyages aux pays inconnus : le nombre des insuccès ne fait qu'aug- menter le zèle des explorateurs jusqu'à ce que l'un d'eux plus heureux ait trouvé une voie de pénétration. Il y a dix ans, alors que, préparateur de Botanique à la Faculté de Caen, je cherchais à aborder les recherches ori- ginales, la question delà sexualité des Champignons était une de celles qui m'avaient attiré : j'écrasais conscien- cieusement sous une lamelle des morceaux d'Agaric, des périthèces d'Ascomycètes ou des fragments de Mycéliums. Depuis cette époque, j'ai travaillé un assez grand nombre de sujets différents, mais aucun résultat ne m'a produit la satisfaction que j'ai éprouvée le jour où j'ai vu dans Peziza. vesiculosa, ce que devait être la reproduction sexuelle dans le groupe tout entier des Ascomycètes. Il n'est pas superflu peut-être d'indiquer en deux mots comment j'ai été conduit à cette découverte. Dans la recherche des phénomènes sexuels chez les Uré- dinées (1) et les Ustilaginées, nous n'avions été guidé d'abord que par une préoccupation : chercher dans tout le développement le moment où se produit une fusion de noyaux : l'ayant trouvé, afin d'appuyer nos conclusions nous avons dû considérer la nature de l'organe dans lequel s'est opérée cette fusion, comparer ensuite cet or- gane avec les formations nettement sexuelles appartenant à d'autres groupes. « Prenons» un œuf de Chla,mijdomonas, disions-nous; nous voyons que le noyau de l'oospore ne donne pas directement celui de la nouvelle plante ; il subit un nom- bre de bipartitions déterminé, qui, ici, donne naissance à quatre nouveaux noyaux qui sont ceux des nouvelles zoospores ; dans un Volvox, le noyau fournira un nombre plus grand de bipartitions pour la nouvelle colonie : dans (1) Pour les Urédinées, en collaboration avec M. Sappin-Trouffy. LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 27 les Closterium et les Cosmarium, le nombre des biparti- tions est également déterminé et, si nous appelons du nom général &' embryon la nouvelle plante provenant de la germination de l'œuf, nous constatons que pour arriver à ce stade le noyau de l'œuf subit toujours un nombre déterminé de divisions (1) ». C'est ce qui nous faisait ajouter plus loin : « Ce raisonnement nous conduit à considérer dans les Ascomycètes le noyau de l'asque comme un noyau sexuel provenant de la fusion d'un noyau mâle et d'un noyau femelle ; il subit, en effet, un nombre déterminé de divi- sions pour arriver à fournir le noyau du nouvel individu, de la spore, qui équivaut pour nous à l'embryon tel que nous l'avons défini précédemment (2) ». Ceci se passait en janvier dernier : il s'agissait de vé- rifier si l'étude directe nous donnerait raison. Nous avions contre nous l'opinion de Schmitz et de Strasburger qui n'ont signalé qu'un noyau dans les asques jeunes. Les premiers essais entrepris sur des périthèces de Lichens ne furent pas encourageants : nous trouvions aussi de jeunes asques avec un seul noyau ; peu s'en est fallu que nous abandonnions cette direction, découragé ; ce qui nous détermina à persister, ce furent quelques indices rencontrés avec beaucoup de peine dans les périthèces de Borrera ciliaris. Bien que l'on trouve généralement des asques à tous les âges dans une section de périthèce, il est loin d'être facile d'assister au début de leur formation sur le stroma : c'est ce qui explique pourquoi des milliers d'ob- servateurs — le chiffre n'est pas exagéré — ont passé journellement à côté de cette reproduction sans s'en douter. Or, dans le Borrera cilia,ris, à force d'examiner une certaine quantité de préparations, notre attention fut (1) P.-A. Dangeard, loc. cit., p. 235. (2) P.-A. Dangeard, loc. cii., p. 239. 28 P.-A. DANGEARD mise en éveil par de petites vésicules à deux noyaux qui paraissaient donner naissance aux asques; elles étaient supportées par deux filaments comme dans YEremascus albus ; de plus, en essayant de suivre dans le stroma les asques déjà formés, nous acquîmes la conviction que ces organes n'étaient pas de simples prolongements my- céliens : leur pied était élargi et plusieurs fois je retrouvai la trace des deux filaments supports (fig. 1). A partir de ce moment, nous savions exactement ce qu'il fallait chercher ; mais il nous fallait des échantillons en bon état , ayant de plus une structure favorable à ce genre d'observations ; c'est dans Pe- ziza vesLCidosa que, pour la pre- mière fois, il nous fut possible d'arriver à des résultats assez précis pour être communiqués à l'Académie des sciences ; les voici (1) : « En indiquant récemment cl FIG. 1. — Barrera ciUaris. Portion de périthèce avec les para- physes septées p et les oospores d ; a asques à un seul noyau prove- l'existenCC d'unC rcproduCtion nant de ces oospores après fécon- dation. scxueUc chcz Ics Ustilaginécs, nous faisions prévoir qu'elle existait également chez les Champignons supérieurs, les Ascomycètes (2); nous pouvions même indiquera quel endroit du développement on avait chance de la décou- vrir (3). Déjà, en effet, chez diverses petites espèces d'Ascomy- (1) P.-A. Dangeard. La reproduction sexuelle chez les Ascomycètes {Comptes rendus, Acad. des Sciences, no !9, 7 mai 1894). (2) P.-A. Dangeard. La reproduction sexuelle des Ustilaginées {Comptes rendus, n° 15; 9 octobre 1893). (3) P.-A. Dangeard. La reproduction sexuelle des Champignons (Le Botaniste, 3' série, 6e fascicule, p. 239, 15 janvier 1894). I LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 29 cètes, nous avions entrevu la fécondation ; mais ce n'étai^ ni assez général, ni assez précis pour autoriser l'affirma- tion d'un fait de cette importance ; aujourd'hui nos obser- vations effectuées sur .une grande espèce, Peziza vesi- ciilosa Bull, sont concluantes ; la reproduction sexuelle s'y produit avec des caractères tels qu'on peut affirmer sans crainte qu'elle a lieu de la même façon dans le groupe tout entier. Dans le périthèce, le stroma, qui en occupe le fond, donne naissance à des asques et à des paraphyses. Ces dernières sont de simples filaments mycéliens dont- nous ne nous occuperons pas davantage ; quant aux asques, nous allons voir qu'ils doivent leur existence à un nombre égal d'œufs ou oospores formées dans le stroma à diverses profondeurs. Pour produire un œuf, deux filaments assez .'^ros s'approchent au contact : une cloison délimite dans chacun d'eux une cellule terminale à un seul noyau ; ce sont les deux cellules copulatrices. Ces deux gamètes se réunissent par une anastomose ; les protoplasmas se mélangent ; les deux gros noyaux nucléoles se fusionnent presque immédiatement. D'après ce qui précède, on voit que, dans le stroma, l'œuf occupe Textrémité de deux filaments copulateurs. La fécondation opérée, l'œuf se prolonge à son sommet en un tube qui, beaucoup plus loin, se renfle en forme d'asque ; le noyau sexuel unique y pénètre et se rend à l'extrémité supérieure. C'est là qu'il subit un nombre déterminé de bipartitions, de façon à fournir un noyau à chaque embryon, à chaque spore. En résumé, les asques proviennent d'oospores, quirésul- tentde l'anastomose de deux filaments copulateurs distincts ou gamètes ; chaque gamète possède un seul noyau. Les oospores, dans lesquelles la fécondation s'est opérée, se prolongent en un sac qui est l'asque ; le noyau sexuel s'y divise pour donner les huit noyaux des spores. 30 P.-A. DANGEARD La reproduction sexuelle est donc nettement caracté- risée : 1° par l'existence de gamètes distincts ; 2° par la fusion des noyaux ; 3° par le nombre déterminé des bipar- titions du noyau sexuel. Les asques ayant exactement les mêmes caractères dans tout le groupe, il n'est pas téméraire d'affirmer qu'ils doivent partout naissance à des phénomènes identiques. Nous n'avons pas à insister sur les modifications pro- fondes que devront subir les idées classiques ; nous pré- férons constater que, seuls, les exemples tirés de VEre- Tnascus albus Eidam (1) et du Dipodasçus albidus (2) se trouvent avoir leur signification consacrée par notre découverte. » Après avoir constaté que les asques étaient, dans la Peziza. vesiculosa^ le résultat d'une fécondation, il était tout naturel de penser que partout, dans tous les genres et dans toutes les espèces, ces organes qui ont la même signification ont également une origine identique. Nous nous sommes proposé de vérifier le fait pour un certain nombre d'échantillons pris à tous les degrés de cette classe, et nous commencerons cette étude par ceux qui présentent l'organisation la plus simple. EXOASGI. Dans ce groupe, le mycélium est tantôt simple, tantôt ramifié, et chaque cellule peut se transformer directement en asque ; il était particulièrement intéressant, à cause même de cette structure simplifiée, de voir si, malgré cette réduction, il y avait quand même fécondation. Dans les Saccharomycètes, nous avons démontré la pré- sence d'un seul noyau dans chaque cellule pendant le (1) Eidam. loc. cit. (2) Lagerheim. Le Dipodasçus albidus, nouvel Hemiascus à repro- duction sexuelle (Pringsheim.Jahr. f.w. Bolanik, Bd. XXIV, Heft. 4). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 31 bourgeonnement (1) ; mais nous n'avons pas réussi jusqu'ici à observer la formation des asques ou des organes con- sidérés comme tels : il sera excessivement curieux de voir si, au moment de cette formation, la cellule destinée à devenir l'asque renferme deux noyaux opérant leur fusion. On peut cependant prévoir ce résultat d'après l'étude très complète que nous avons pu faire de la cloque du pêcher (Exoascus deformans) : ce parasite appartient à une famille voisine des Saccharomycètes, celle des Exoas- cacées. Cette espèce est facile à rencontrer ; mais il est néces- saire^ dans la fixation des matériaux d'étude, de ne pas oublier le but que l'on se propose ; sur certaines feuilles, la production des asques est à son déclin : il est néces- saire de choisir celles sur lesquelles le parasite ne fait que commencera fructifier; d'autre part, afin de se rendre compte de la façon dont le parasite végète, on commencera de préférence à examiner des sections transversales de feuilles. Dans ces sections, on observe une déformation consi- dérable du parenchyme : ce parenchyme est en effet le siège de cloisonnements anormaux s'effectuant dans toutes les directions : çà et là, on y trouve des lacunes prove- nant de déchirements : à la face externe, quelques assises du mésophylle conservent leur structure normale et les faisceaux libéro-ligneux se trouvent reportés au voisinage de ces assises. Le parasite occupe la face interne du limbe : la disposi- tion régulière de ses éléments simule un véritable épi- derme ; en réalité, les cellules de VExoascus se trouvent situées dans les couches cuticulaires; les cellules épider- (1) P. -A. Dap.geard. Sur la structure des Levures et leur développe- ment (Le Boianislc, 3e série, p. 282-286). 32 P. -A. DANGEARD miques, deux fois environ plus hautes que larges, sont au-dessous, sans qu'il y ait trace à leur contact de paren- chyme palissadique. Chacune des cellules de VExostscus deformans possède deux noyaux ; ces noyaux sont petits, nucléoles distincte- ment et sont limités extérieurement par une membrane nucléaire à double contour ; ils sont placés à côté l'un de l'autre dans le tiers inférieur de la cellule. FIG. 2. — Exoascus deformiiis. —Thalle vu de face. Chaque article renferme deux ou quatre noyaux. Pour suivre le mode de formation de ces éléments, il est préférable d'enlever au rasoir des tranches minces superficielles : on voit alors que le thalle est formé de gros filaments rameux : les cellules qui les composent sont irrégulières, longues ou courtes, arrondies ou cylin- driques : elles renferment en général deux noyaux, sauf celles qui vont se cloisonner : ces dernières en ont quatre : elles sont terminales ou intercalaires (fig. 2). Donc, normalement, chezrExoascwsde/brmans, la cellule possède deux noyaux. Les filaments, dans la cuticule, suivent d'abord les lignes d'attaches des cloisons épidermiques, formant ainsi LA REPRODUCTION SEXUELLE DES •SGOMYCÈTES 33 un réseau à mailles hexagonales ; un peu plus tard, toute la surface se trouve envahie : c'est à ce moment qu'a lieu la formation des asques. Les cellules qui vont produire les asques augmentent de volume : elles ont deux noyaux ; dans chacune d'elles, les deux noyaux se rapprochent au contact, se fusionnent; le noyau sexuel qui en résulte montre un gros nucléole et une membrane nucléaire nettement délimitée ; il augmente FIG. 3. — Exoascus deformans. B : Stade précédant la formation des asques. G. diverses phases de la fusion des noyaux. b de volume en même temps que la cellule; dans celle-ci, le protoplasma devient plus dense, plus granuleux ; il montre pour les réactifs une plus grande affmité, et tous ces caractères permettent de distinguer nettement les cellules dans lesquelles s'est opérée la fécondation (fig. 3). Pour l'étude de ce qui va suivre, il est préférable d'avoir de nouveau recours aux sections transversales. Après la fécondation, il n'y a pas chez les Ascomycètes un long temps d'arrêt ; on peut dire que la germination est immédiate : nous voyons l'oospore percer la cuticule et se développer en une papille de même diamètre qui n'est autre chose que l'asque : le noyau est alors très gros, vésiculeux ; son nucléole est dense; le protoplasma qui l'entoure devient lacuneux : ce noyau se porte vers le 3 34 P.-A. DANGEARD milieu de l'asque où il subit les trois bipartitions succes- sives qui fourniront un noyau à chacune des spores (fig. 4). L'asque se sépare, dans cette espèce, de l'oospore par une cloison basilaire : la présence d'une cloison n'a pas d'importance ; nous ne la retrouvons pas dans les Asco- mycètes plus élevés en organisation ; elle manque même dans les espèces voisines de celle-ci. FIG. 4. — Exoascus deformans. Oopperes pendant la fécondation (a m) et pendan leur développement en asques. Il n'en est pas moins exact de dire que l'asque a la valeur d'un promycélium d'Ustilaginée ou d'Urédinée : c'est dans ce promycélium qu'a lieu la division du noyau sexuel ; ce sont les noyaux provenant de cette division qui passeront dans les embryons, embryons qui ici sont endogènes et là exogènes : c'est là toute la différence. Remarquons en passant combien il est utile de faire des recherches en ayant en vue la réalisation d'une idée. Sadebeck a étudié avec beaucoup de soin les Exoas- cées (1) : on sait qu'il a vu chez ces plantes le noyau se diviser indirectement ; mais n'ayant pas prévu l'existence (1) Sadebeck. Kritische Untersuchungen ûber die durch Taphrina- Ai'ten hervog. Baumkrankheiten [Jahrb. der Hamburgischen Wis. Ans- talten vni, 189U). LÀ REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 35 d'une fécondation, il n'a pas signalé l'existence de deux noyaux dans les asques jeunes ni vu leur fusion ; l'obser- vation n'a pourtant rien de particulièrement difficile, et je pense que maintenant tous ceux qui auront à étudier ce groupe verront nettement les faits que nous venons d'ex- poser ; il leur suffira d'un bon objectif à immersion, s'ils ont déjà la pratique de la technique histologique ordinaire. La difficulté d'observation est plus grande dans les exemples qui vont suivre, par suite de l'existence d'un périthèce renfermant les organes sexuels. CARPOASGI C'est dans ce groupe que se rangent le plus grand nombre des Ascomycètes : il est caractérisé par l'exis- tence d'organes particuliers renfermant les asques : ce sont les périthèces ; nous pouvons ici adopter sans incon- vénient la division en Discomycètes, Pyrénomycètes et Périsporiacées. A. Discomycètes. Nous avons pu nous procurer et étudier quelques repré- sentants de cette famille appartenant aux genres Peziza, Helvella,, Geoglossun, Morchella^ Acetabula. 1" Peziza, vesiculosa Bull. Les échantillons de cette Pézize ont été récoltés, dans une excursion commune, par M. Poirault, professeur à l'Ecole de médecine de Poitiers ; il a bien voulu nous les abandonner pour l'étude particulière à laquelle nous les destinions. Rien ne vaut, pour une observation aussi délicate que la recherche des organes sexuels, un échantillon au dévelop- pement voulu ; trois jours après la récolte de cette Pézize, 36 P -A. DANGEARD j'étais fixé sur la réalité d'une fécondation chez les Asco- mycètes, alors que je travaillais ce sujet sans grand succès depuis plusieurs mois sur des périthèces de Lichens. La section du périthèce permet de distinguer les parties suivantes : 1° La surface inférieure est formée d'une couche corti- cale de pseudo-parenchyme ; les cellules qui la composent sont grandes, plus hautes que larges ; elles se continuent avec les mêmes caractères jusqu'au bord de la cupule. 2° Le fond de la cupule est formé par un stroma qui fournit les asques ; nous aurons à l'étudier en détail. 3" Entre ce stroma et la couche de pseudo-parenchyme, il existe une grande épaisseur de tissu formé par de lon- gues hyphes qui se croisent et s'entrecroisent ; elles sont cylindriques et possèdent à peu près toutes le même dia- mètre : au moment de la fructification, le protoplasma a disparu, et il ne reste plus que quelques petits noyaux en voie de régression ; les cloisonnements sont rares dans ces hyphes, et chaque article est plurinucléé. Dans le périthèce, ce sont les paraphyses qui se mon- trent tout d'abord : elles représentent de simples prolon- gements des hyphes qui se ramifient au niveau du stroma ascifère ; ces paraphyses très longues et étroites sont septées ; les cloisons offrent une apparence remarquable ; on dirait deux cribles séparés par une ligne incolore ; une apparence semblable se rencontre dans les cloisons des hyphes. L'étude du stroma ascifère est délicate ; elle exige un excellent instrument et une grande habitude : parmi les colorants, nous conseillons de choisir l'hématoxyline en cristaux pour certains détails ; une double coloration bien graduée avec l'hématoxyline et le picro-carmin ou avec ce dernier et le bleu d'aniline pour les noyaux ; il faut s'adresser à des périthèces jeunes s'il est possible, ou essayer d'y suppléer, si les échantillons sont un peu trop LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 37 âgés, par des sections très rapprochées du bord de la cupule ; ces sections seront faites tangentiellement à ce bord. Dans ces sections, on trouve généralement, au milieu des paraphyseSj des asques à tous les âges (fig. 5) ; l'attention ne peut manquer de se trouver arrêtée sur des cellules à deux noyaux dans lesquelles le protoplasma s'est accu- FIG. 5. — Peziza vesicnlosa. Bull. — Stroma occupant le fond du périthèce avec des oospores et des asques à tous les états de développement. mulé : elles existent à diverses profondeurs dans le stroma ascifère ; comme elles renfermant un protoplasma de choix se colorant fortement par les réactifs, alors que les éléments environnants restent presque incolores, on les distingue assez aisément. Il est plus difficile de se rendre compte de leur origine ; on arrive encore bien à voir que ces cellules à deux noyaux reposent sur deux filaments mycéliens, et l'analogie avec la disposition caractéristique des Eremascus et Dipodascus est évidente ; il semble que cette cellule à deux noyaux résulte d'une]anastomose ter- 38 P.-A. DANGEARD minale des deux filaments : certains aspects paraissent démonstratifs, et c'est ce que j'ai pensé tout d'abord. Ce- pendant, ayant examiné des centaines de préparations, je suis arrivé à me convaincre qu'au moins très fréquem- ment, la cellule à deux noyaux, Toogone, avait une origine un peu différente ; elle est représentée (fig. 6) par des des- sins faits à la chambre claire. Un filament vient dans le stroma ascifère et son extrémité incolore se recourbe en FIO. 6. Pcziza vesicnloia. Bull. A. Formation des oospores à deux noyaux : B. Aspects divers de ces oospores et débuts de la germination : C. Jeunes asques après la fécondation. bec : à ce moment, nous avons vu un noyau en division dans le filament ; la partie recourbée s'allonge et vient s'accoler sur l'autre ; elle peut même se porter à quelque distance à droite et à gauche ; un second noyau a subi une division dans le filament de telle sorte qu'il y a maintenant quatre noyaux. Deux de ces noyaux occupent la partie bombée, qui s'isole à la fois du filament et de son extrémité recourbée LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 39 par une cloison ; les deux cloisons sont quelquefois à un niveau un peu différent. Notre attention doit maintenant se porter tout entière sur cette cellule à deux noyaux : c'est là que va se pro- duire la fécondation, qui aura comme résultat immédiat la formation de l'asque. Les deux noyaux sexuels montrent de la manière la plus nette une membrane nucléaire à double contour et un nucléole dense, ayant une grande élection pour les réactifs colorants ; le protoplasma qui les entoure se colore également bien ; l'oogone se prolonge en une papille, début de l'asque ; c'est à ce moment qu'a lieu la fusion des deux noyaux sexuels : ils se portent l'un vers l'autre, se pénètrent et mélangent leurs protoplasmes et leurs nucléoles. Le noyau unique qui en résulte, outre la membrane nucléaire et son nucléole, montre mainte- nant dans son hyaloplasme un certain nombre de fila- ments chromatiques : son volume augmente (fig. 6). Le protoplasma de l'oogone passe dans l'asque ; celui- ci s'allonge ayant en son milieu le noyau sexuel unique ; nous devons signaler l'existence à ce moment de deux glo- bules homogènes, à contour nettement défini ; leur situa- tion n'est pas fixe : une seule fois, nous les avons trouvés au contact du noyau, ce qui éveillait l'idée qu'ils pouvaient en provenir; mais le plus souvent, ils sont l'un en avant, l'autre en arrière du noyau à des distances variables. Leur caractère de généralité ne permet pas de les considérer comme de simples globules oléagineux ; ils doivent ren- trer dans la catégorie des « centrosomes » ou « sphères attractives ». Le rôle de ces corps, leur origine sont encore bien problématiques : les divers auteurs qui se sont occupés du sujet, soit chez les plantes, soit chez les animaux, sont loin d'être d'accord. Hertwig pense, sans toutefois l'affirmer, que les centre somes sont des éléments nucléaires qui n'apparaissent 40 P-A. DANGEARD dans le protoplasma qu'un peu avant la division et que leur apparition coïncide avec la disparition des nucléoles (1) ; Van Beneden les considère comme des éléments pro- toplasmiques constants de la cellule. On doit à Julin de nombreuses observations sur ces corps : il admet l'origine nucléaire des centrosomes ; ainsi dans la Stielojosis, ces corpuscules disparaissent après chaque division dans les éléments sexuels en évolution ; on dirait qu'ils pénétrent à l'intérieur du noyau où un nucléole apparaît à nouveau : ce dernier disparaît à l'approche d'une division ; un centrosome se montre au contact de la membrane nucléaire, se divise en deux ; centrosome et nucléole sont constitués par de la paranu- cléine : alors que, dans l'espèce citée, le centrosome disparaît rapidement son rôle terminé, ailleurs, il persis- terait assez longtemps, jusque dans l'œuf fécondé, et c'est lui qui constituerait le corps vitellin de Balbiani (2). Frick est arrivé à des résultats analogues (3). Henneguy conclut de ses recherches (4) à la grande dispersion dans toutes les classes du règne animal, du corps vitellin de Balbiani : ce corps provient de la vésicule germinative et paraît être constitué par de la substance nucléolaire, dont il partage les réactions vis-à-vis des matières colorantes {Loc, cit. p. 35). Les conclusions d'un récent travail de Balbiani sont également de la plus grande importance; nous en citerons quelques-unes '■ i° Le noyau vitellin (Dotterkern) des Aranéides est l'homologue du Nebenkern (centrosome de Platner) des (1) Hertwig. DieZelle und die Gewebe, 1892. (2) Julin. Structure et développement des glandes sexuelles chez Styelopsis grossularia. {Bulletin scientifique de la France et de la Bel- gique, T. XXV.) (3) Berichte der Naturforscher Gesellschaft, Freiburg. i. Br. Bd. VIII. (4) Henneguy. Le corps vitellin de Balbiani dans Tœuf des Verté- brés (Jouriial de l'anatomie et de la physiologie, T. XXIX, n°4). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 41 cellules séminales et du centrosome des cellules soma- tiques. 2° Il a pour origine le noyau ou vésicule germinative du jeune ovule. 3" En raison de l'homologie qui existe entre le noyau vitellin et le centrosome, il est probable que ces deux éléments ont une origine nucléaire identique (1). Guignard s'est prononcé pour la nature protoplasmique des « sphères attractives », en même temps qu'il indiquait leur fusion au moment de la fécondation (2). Karsten identifie les nucléoles qu'il a vu sortir du noyau au moment de la division, avec les centrosomes de Guignard, et il pense que l'on observera une pareille relation chez les autres plantes (3). En présence d'avis aussi différents sur l'origine et le rôle des centrosomes, on doit noter avec soin tout ce qui les concerne. 1° Dans l'asque de la Pézize, les centrosomes sont au nombre de deux ; nous les avons vu seulement apparaître après la fusion des noyaux. 2° Sans rien préjuger ici sur leur origine, nous les avons observés réunis au contact de la membrane nucléaire. 3* Dans l'asque plus âgé, ils sont en général, l'un en avant, l'autre en arrière du noyau, à des distances variables ; le supérieur devient de moins en moins net ; l'inférieur persiste plus longtemps dans cette sorte de bouchon gélatineux, colorable à l'hématoxyline qui limite vers le bas le protoplasma de l'asque. Sont-ce ces deux centrosomes qui président à la division (4) Balbiani. Centrosome et Dotterkern {Journal de Vanatomie et de la -physiologie, T. XXIX, n° 2, p. 173-174). (2) Guignard. Nouvelles études sur la fécondation [Ann. se. nat. Bot. Tome XIV, 1891 , p. 276). (3) Karsten. Ueber Beziehungen der Nucleolen zu den Centrosomen bei Psilotum triquetruni {Berichte der deutsch. bot. Gesellschaft, Vol. XI, p. 555). 42 P.-A. DANGEARD dunoyauderasquetellequeradécriteP.Gjurasin(l)?Peut- être, mais nous ne voulons rien avancer ; en effet, nous n'avons pas vu dans nos préparations les divers stades de division tels qu'ils ont été figurés par cet auteur ; nous avons assisté à une sorte de dégénérescence du nucléole : ce dernier, très gros, devenait lacuneux, puis se réduisait à un anneau et enfin disparaissait je ne sais trop com- ment; quant aux bipartitions mêmes du noyau, nous avons vu les masses chromatiques se diviser au sein du pro- toplasma, sans former de figures karyokinétiques ; plus tard, le noyau de chaque spore se divise en deux : chaque spore de l'asque a donc deux noyaux. 2° Helvella Ephippium Lév. (2). Cette espèce avait été recueillie par nous, il y a plusieurs années, dans une des grandes serres du jardin botanique de Caen ; elle vivait sur la terre des caisses à palmiers. Une section du périthèce montre plusieurs couches différenciées : r A la partie inférieure (fig. 7), un pseudo-parenchyme composé de cellules plus longues que larges ; elles se prolongent superficiellement en poils unisériés ou pluri- sériés p ; chacune de ces cellules, au moment où nous l'examinons, est dépourvue de protoplasma : dans son contenu aqueux, on aperçoit seulement la trace de deux noyaux ou davantage : ils sont en voie de disparition. 2° Dans la couche moyenne, les filaments mycéiiens ont sensiblement le même diamètre : ils se croisent et s'entrecroisent dans toutes les directions ; les cloisons sont assez espacées, et chaque article peut renfermer six, (1) Gjurasin. Ueber die Kerntheilung eiden Schlâuchen von Peziza. vesiculosa (Berichle der Botanischen Dealschen Gesellschafl, Heft. 2 ; 1983). (i) La détermiaatioa est due à M. le professeur Sacjardo que nous remercions cordialement. LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 43 sept OU même dix noyaux : on trouve en outre dans cette couche des tubes articulés à diamètre variable : leur membrane est épaisse et colorée ; au milieu du proto- plasma, on voit des masses chromatiques arrondies de diverses grosseurs : elles sont délimitées nettement et représentent des noyaux. 3" On arrive au stroma fruc- tifère s : c'est là que se con- centre le protoplasma ; toute Tactivité de la plante se porte de ce côté : c'est dans cette couche que se rencontrent à diverses profondeurs et à di- vers états les oospores : elles sont à deux noyaux très nets et elles rappellent exactement celles de Peziza. vesiculosa : elles se développent de la même façon ainsi qu'en té- moignent les fig. r, a, m, fig. 7, dessinées à la chambre claire dans le stroma; au-des- sus du stroma ascifère, se trouvent les asques développés et les paraphyses, ces dernières septées. Nous pouvons conclure que les Helvella. se comportent exactement comme les Peziza au point de vue de la repro- duction sexuelle. Bien que les échantillons que nous avons eus à notre disposition fussent trop avancés pour noter le début des asques, nous croyons pouvoir égale- ment, à la suite d'un examen attentif de la partie inférieure des asques, ajouter que les Morilles ont une reproduction sexuelle identique ; nous sommes arrivé à la même conclu- sion en étudiant le Geoglossum hirsutum Pers. PIG. 7. — Helvella Ëphippinm. — Section schématique du périthèce. 44 P.-A. DANGEARD 3" Acetabula Calyx Sacc. Cette espèce a été recueillie- à ses premiers états de développement sur de vieilles cultures de crottin : il y a de très grandes différences entre les échantillons. M. le pro- fesseur Saccardo consulté n'a pu donner cette détermina- tion qu'avec doute, par suite de Fétat trop jeune des échan- tillons. Il est assez difficile de la prendre à l'état voulu pour la recherche des phénomènes sexuels : elle est souvent ou un peu trop avancée ou pas assez; nous avons fini par rencontrer un individu qui nous a fourni le dessin à la chambre claire de la fig. 8. On y voit clairement que les oospores ont deux noyaux comme dans les Pézizes et les Helvelles : elles ont la même origine, mais elle est plus diffi- cile à mettre en évidence que chez Peziza vesiculosa. Dans le stroma, le tissu est formé de gros filaments entre- lacés ; dans la couche moyenne, il y a en outre de très grandes cellules : avant la forma- tion des asques, ces éléments contiennent un protoplasma excessivement hyalin et homogène : ils renferment de nombreux noyaux sous forme de taches chromatiques composées de granulations serrées les unes contre les autres (fig. 9). Plus tard, les asques apparaissent au milieu des para- physes, et les divers éléments précédents ne renferment plus que des trabécules protoplasmiques dans lesquels PrG. 8. — Acetahda Calyx Sacc. Stroma ascifère dans un jeune périthèce ; d, oospores, ji;, paraphy- ses septées. LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASGOMYCETES 45 les noyaux persistent avec leurs caractères : les grandes cellules possèdentfréquemment de vingt à trente noyaux (fig. 9). La différence entre ces noyaux et ceux des oospores et des asques est frappante; les premiers n'ont pas de nucléoles : ce sont de petites granulations chromatiques, alors que les noyaux de l'oospore possèdent de très gros nucléoles et ont une membrane nucléaire à double con- tour : nous avons re- marqué également que le protoplasraa conte- nant le noyau sexuel provenant de la fusion persistait assez long- temns vers la base de ^^^- ^- — -Acetalttla Caliix Sacc. Éléments du ^ thalle avec leurs nombreux noyaux n. 1 asque. Nous voyons, en résumé, que Tétude de cette espèce vient confirmer tout ce qui a été dit précédemment sur la reproduction sexuelle dans ce groupe. Lorsqu'on voit le nombre des noyaux si irrégulier, si variable dans les diverses couches du périthèce, tomber invariablement à deux dans la cellule ascifère ; lorsqu'on constate que le noyau unique de l'asque provient sans exception de la fusion de ces deux noyaux, il me parait bien difficile de refuser à cet acte le nom de fécondation. B. Pyrénomycètes. Les espèces précédentes ne nous ont fourni que peu de renseignements sur le mode de division du noyau de l'asque : cette division est plus facile à suivre dans les périthèces de V Endocarpon minlatwn Ach. Sans décrire en détail la structure du thalle qui fera partie d'un mémoire sur les Lichens, nous remarquerons 46 P.-A. DANGEARD que toutes les cellules ne renferment qu'un noyau ; ce noyau est sphérique^ contient quelques granulations chromatiques et un très petit nucléole excentrique. Il est excessivement difficile d'observer les débuts de l'asque sur le stroma mycélien qui tapisse les corbeilles périthéciales ; lorsqu'on y arrive, on voit que l'asque dé- bute par une papille dont les relations exactes avec les cellules du stroma n'ont pu être établies ; mais le fait important existe ; chacune de ces papilles, tout à fait jeune, renferme deux noyaux : ces noyaux ne diffèrent pas sensiblement pour la grosseur et la structure de ceux du thalle : le nucléole arrondi est cependant un peu plus gros et les granules chromatiques se trouvent rejetés d'un côté ; d'après les dessins que nous possédons, ce sont les masses chromatiques qui opèrent d'abord leur fusion latéralement ou dans le sens de l'asque ; cette fusion doit s'accomplir très rapidement, car sur les asques un peu plus âgés, la fusion est complète ; on n'y rencontre plus qu'un noyau unique ; ce dernier a augmenté de volume : la masse nucléaire, nettement délimitée, a la forme d'un demi-cercle ou d'un croissant ; les granulations chroma- tiques s'y détachent nettement au nombre d'une douzaine environ ; le nucléole, très gros, arrondi, dense et homo- gène, se trouve le plus souvent en avant ; il n'est que fai- blement rattaché à la masse nucléaire et, un peu plus tard, son indépendance paraît complète. L'asque se développe en longueur ; son protoplasma est hyalin et homogène : le noyau vient occuper la moitié ou le tiers supérieur de l'organe : il est précédé en général de son nucléole situé à une distance variable ; la masse nucléaire a encore augmenté de volume, alors que la gros- seur du nucléole est restée à peu près stationnaire ; il abandonne même à ce moment de sa substance, probable- ment au profit du noyau ; lorsque ce dernier s'allonge en fuseau selon l'axe, pour la première bipartition, le nu- LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASGOMYCÈTES 47 cléole réduit à un petit globule occupe la place du centro- some qu'il paraît remplacer ; puis il disparait tout à fait. Dans le fuseau nucléaire, j'ai bien vu la plaque équato- riale dans laquelle j'ai compté une vingtaine de granula- tions chromatiques ; au stade deux, la division est encore indirecte : les quatre noyaux qui en proviennent sont encore assez gros, arrondis, espacés régulièrement; nous n'avons aperçu à ce mo- ment ni nucléole, ni cen- trosome. Pendant la dernière bi- partition, le protoplasma change de caractère ; il de- vient granuleux et trabé- culaire; les huit noyaux s'espacent régulièrement ; les nucléoles redeviennent apparents ; autour de cha- que noyau les spores s'or_ ganisent ; leur protoplas- ma est clair, réticulé, alors que l'épiplasme qui les li- mite est granuleux ; la membrane de la spore se forme, s'épaissit dans sa région externe colorée ; au centre du pi'otoplasma clair, se trouve le noyau nucléole qui est revenu à sa grosseur et à sa structure normales. En résumé, outre la fusion des noyaux dans la jeune papille, l'intérêt offert par cette ^ espèce réside dans la façon dont se comporte le nucléole pendant la division : nous ne nous expliquons pas jusqu'ici ces différences, il est vrai; nous devons les signaler quand même: elles peu- vent préparer les généralisations. FIG. 10. — Endocarpon miniatum Ach. Portion de périthèce avec les asques ; s, spores ; o, papilles avec deux noyaux ; »», asques plus âgés. Diverses phases de la division du noyau. Réduction : 48 P. -A. DANGEARD Perisporiacese. Dans ce groupe, l'étude de la cellule est bien peu avancée: Schmitz (1) a vu un seul noyau dans chaque cellule du mycélium, dans les basides et dans les coni- dies chez VErysiphe communis, alors que le Fenicillium glaucum en possède un ou plusieurs ; Strasburger a représenté la disposition des noyaux dans l'appareil conidien du Fenicilliuiii crustaceum (2) ; avant de songer à étudier la fécondation dans ce groupe, il était bon de suivre, au point de vue histologique, une espèce dans tout son développement. Aspergillus glaucus De Bary. Cette espèce, très commune, se cultive très facilement dans les tubes de gélatine destinés aux études bactériolo- giques; une fois introduite dans un laboratoire, il est même difficile de s'en débarrasser; elle pénètre à travers les tampons d'ouate et envahit les cultures : elle ne tarde pas à forme r dans ce milieu de nombreux périthèces. Nous étudierons successivement le système végétatif, l'appareil conidien, les périthèces. Le système végétatif est formé par des tubes cloisonnés qui rampent à la surface du milieu nutritif en se ramifiant au moyen de dichotomies irrégulières ; chaque article est souvent très long, et renferme alors de vingt à trente noyaux ; d'autres n'en possèdent que sept ou huit; ceux qui occupent les extrémités envoie de croissance peuvent n'en avoir que trois ou quatre ; ces noyaux sont nucléoles et sont séparés du protoplasma par une m.embrane à (1) Schmitz. Untersuchunf^en iiber die Structur des Protoplasmas und der Zellkerne in Pflanzenzellen (Verhandl. des naturh. Vereins der preussich. Rhein lande und Westfalens, 1880). (2) Strasburger. Das Botanische Praclicum, 2e édition, fig. 148. LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASGOMYCÈTES. 49 double cuntour ; leur grosseur reste sensiblement la même pendant tout le développement, sauf dans les asques. Ufippareil conidien se développe sur ce système de filaments nourriciers; il est constitué par de gros fila- ments qui se dressent verticalement et se renflent en tête au sommet; une cloison se trouve vers la base; la sphère terminale est couverte de stérigmates qui portent chacun un chapelet de spores. Au début, le filament conidien est claviforme; son pro- toplasma est dense: il est sensible aux réactifs colorants, ce qui gêne dans l'observation des noyaux : ceux-ci sont souvent en nombre considérable : plusieurs centaines. La sphère terminale se produit et les noyaux s'y accu- mulent ; ceux qui occupent la couche superficielle passent un à un dans chaque stérigmate par les ponctuations ménagées dans la membrane; le stérigmate s'allonge, le noyau se porte vers le tiers supérieur et une cloison isole la spore avec son noyau; une nouvelle spore se forme sous la première de la même façon, et le nombre des spores de chaque chapelet est égal au nombre de noyaux qui ont passé de la sphère dans le stérigmate; le nombre total des spores est sensiblement égal au nombre des noyaux contenus primitivement dans la sphère terminale et son filament-support; il en reste cependant quelques- uns qui n'arrivent pas à pénétrer dans les stérigmates. Par suite même de son mode de formation, chaque spore ne possède qu'un noyau: il est situé au centre de la cellule, au milieu d'un protoplasma homogène ; la mem- brane des spores les plus âgées est double ; l'exospore est colorée en brun et légèrement échinulée ; l'endospore est incolore. Nous allons maintenant examiner les modifications que peut présenter l'appareil conidien. 1* Le filament ne se renfle point à son extrémité : celle-ci est simplement arrondie; les stérigmates, qui 50 P.-A. DANGEARD fonctionnent d'ailleurs normalement, sont alors peu nombreux. 2° Le filament fructifère non seulement n'est pas renflé, mais son extrémité n'est même pas arrondie comme dans le cas précédent, elle est bi outrifurquée et chaque rameau représente un chapelet de conidies; ce cas rap- pelle tout à fait ceux qui ont été figurés par Zopf pour le Sterigmatocystis sulfureus (1). 3° Il peut arriver que la formation des conidies étant épuisée, certains stérigmates n'ayant plus qu'un noyau s'allongent sans former de cloisons : ils ont alors l'aspect de rameaux; leur membrane s'épaissit, se colore en brun et le noyau unique occupe l'extrémité terminale. La formation des périthèces a été étudiée avec beaucoup de soin par de Bary dans cette espèce; on sait qu'il a voulu interpréter au profit de sa théorie de la reproduc- tion sexuelle les premiers développements du périthèce. Van Tieghem a démontré l'inexactitude de cette concep- tion (5). On sait, d'après ce qui précède, à quel point de vue nous nous sommes placé en reprenant cette étude : nous n'ajouterons rien à ce qui est connu du développement; mais nous indiquerons les particularités de structure intime des cellules du périthèce et leur signification. Le périthèce débute par l'enroulement en spirale d'une extrémité de filament mycélien; au moment où se pro- duisent ces formations, l'ensemble du mycélium est beau- coup plus pauvre en noyaux qu'au moment des produc- tions conidiales. Van Tieghem a bien résumé le développement du péri- thèce ; nous suivrons de près sa description en y ajoutant les détails relatifs aux noyaux. (l)Zopf. Die Pilze (Haudbuch der Botanik von Schenk, Breslau, 1890, fig. 29). (2) Van Tieghem. Sur le développement de quelques Ascomj^cètes {Bulletin Société Botanique de France, t. XXIV, 1877, p. %-m). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES. 51 La branche enroulée en spirale produit des rameaux; elle est cloisonnée dans ses tours extérieurs, et chaque article contient de cinq à dix noyaux ; c'est le tour de spire extérieur qui commence à produire des rameaux: j'ai compté dans cesramusculesde deux à six noyaux: ces rameaux se portent sur toute la surface du carpogone, s'enchevêtrent, se divisent, formant finalement une couche de pseudo-parenchyme dont la plupart des cellules ne renferment que deux ou trois noyaux: la ramification se continue alors vers l'intérieur, formant un tissu de rem- plissage dont l'épaisseur varie avec les individus ; là égale- ment nous trouvons deux ou trois noyaux dans chaque cellule. En résumé, un tour de spire ou deux, les plus extérieurs, produisent des ramifications nombreuses qui s'enche- vêtrent et se cloisonnent formant une épaisseur variable de pseudo-parenchyme: il y a réduction du nombre des noyaux dans chaque cellule. Le tissu de remplissage est un tissu nutritif dans lequel les tours de spires supérieurs se ramifient à leur tour, donnant naissance à de nombreuses vésicules qui sont les asques. Si je ne me trompe, ces vésicules ont bien au début deux noyaux comme les jeunes oospores d'Exoascus : on comprendra facilement que la question n'est pas facile à résoudre. Je dirai comment j'ai procédé, ce que j'ai vu, et chacun sera libre d'y voir oui ou non une certitude. Les périthèces colorés à l'hématoxyline étaient écrasés sous la lamelle lorsqu'ils semblaient être à l'état voulu de fructification : de cette façon, j'avais des asques à tous les états de développement ; j'étais guidé dans larecherche des asques les plus jeunes par mes études antérieures : ils sont encore peu riches en protoplasma, et invariable- ment je trouvai deux noyaux ayant la structure de ceux qui se rencontrent dans le système végétatif et même dia- 52 P-A. DANGEARD mètre : ils étaient fréquemment situés à côté l'un de l'autre: je n'ai pas vu la fusion. Cette fusion se fait cepen- dant, car d'autres asques, ceux-là avec un protoplasma abondant, sensible aux réactifs, ne renfermaient qu'un noyau; ce noyau était central, et sa grosseur ne permet- tait pas de le confondre avec les précédents; à n'en pas douter, c'est bien un noyau sexuel; ce noyau se divise en deux, mais l'asque à ce moment ne peut être confondu, à cause de sa grosseur et de la différence du contenu, avec le stade oospore; à la troisième bipartition, les spores se forment dans l'asque. Ces spores remplissent complètement l'asque ; il ne reste pas d'épiplasme ;* chacune d'elles s'entoure d'une membrane incolore épaisse, à stries concentriques ; elles ont, comme on le sait, la forme de lentilles biconvexes dont les faces se cutinisent; nous avons pu nous assurer qu'elles contiennent deux noyaux ; ces spores ont la valeur d'em- bryons tels que nous les avons définis. Ajoutons que les cellules du tissu nutritif disparaissent pendant la formation des asques ; seule l'assise externe, à cellules devenues très grandes, persiste; ces cellules cor- ticales dont le protoplasma se raréfie de plus en plus, montrent encore longtemps de deux à six noyaux, sous forme de petites taches chromatiques. Nous sommes autorisé àdire que la reproduction sexuelle chez les Périsporiacées, dans ses caractères généraux, se fait comme chez les autres Ascomycètes. RESUME ET CONCLUSIONS. Les auteurs qui se sont occupés des Ascomycètes ont eu en vue surtout le noyau de l'asque : c'est ainsi que Sadebeck a décrit une division indirecte dans les Exoas- LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASGOMYCÈTES. 53 eus (1), elle se produit également clans VAscomyces en- dofjenus d'après Fisch (2), Gjurasin a indiqué comment se font les bipartitions successives du noyau dans l'asque delà Pezizcivesiculosa (S). Pour le reste, on sait seulement d'après Schmitz que dans la Peziza convexula, les cellules du mycélium et aussi les cellules stériles du périthèce renferment plusieurs noyaux ; il n'y en a qu'un dans VErysiphe commiinis qu'il s'agisse d'une conidie, d'une cellule du mycélium ou d'une baside ; il en existe une ou plusieurs dans le mycélium du Pénicillium glaucum, ainsi que dans les cellules du sclérote mûr de Claviceps purpurea. (4). Nous allons examiner successivement la dispersion des noyaux chez les Ascomycètes, la formation des oospores, leur germination, et nous terminerons par quelques con- clusions générales. La dispersion des noyaux dans les Ascomycètes est très variable dans les diverses familles et groupes. Prenons le cas le plus simple : on ne trouve qu'un noyau par cellule chez les Levures . (5) ; lorsque ces cellules s'allongent en filaments mycéliens sous l'in- fluence de milieux nutritifs particuliers, elles ne ren- ferment également qu'un noyau ; cette dernière observa- tion a été faite dans notre laboratoire par M. Augry qui a bien voulu nous autoriser à la signaler. Il est remar- quable d'un autre côté que les champignons ascomycètes des Lichens ne possèdent en général qu'un noyau dans (1) Sadebeck. Ueber die im Ascus der Exoascen stattfindende Entvvicklung dcr Inhaltsmassen (Botanisches Cenh'alblalt, Bd. xxv). — Die parasitischen Exoasceen {Jahvhuch der Hamburger Wiss. Anstalten . Bd. X, Hamburg, 1S93, n" 2). (2) Fisch. Ueber die PilzgattungAscomyces(5o/.Zeiiung, 1885, p. 33, (3) Gjurasin. Loc. cit. (4) Schmitz. Loc. cit., p. 194-195. (5) P. -A. Dangeard. Loc. cit. 54 P.-A. DANGEARD leurs cellules(l) caractère qu'ils partagent avec l'Erysip^e communis. L'Exoascitsde/brmans possède normalement deux noyaux par cellule : il sera intéressant de chercher si toutes les espèces du groupe des Exoascées possèdent cette struc- ture. Chez les Discomycètes, le nombre des noyaux par cellule augmente : nous le voyons atteindre le chiffre do dix à vingt par cellule {Acetabula, Calyx ?) ; en général, il est cependant beaucoup moins élevé et varie de deux à six environ {Peziza., Helvella, Morchella^ etc.) Il en est de même dans le Penicilliuin glaucum, alors qu'une espèce voisine, VAspergillus glaucus, nous en a offert de trois à vingt et même davantage dans les cellules du système végétatif : ce nombre s'élève à plusieurs centaines dans les filaments conidiens. Il est très remarquable de voir qu'avec ces énormes différences dans le nombre des noyaux du système végé- tatif, les oospores qui donnent naissance aux asques possèdent toujours deux noyaux. La formation des oosjjores est un peu différente selon les genres et les espèces, ainsi qu'on a pu s'en convaincre dans la première partie de ce travail ; mais les caractères généraux restent identiques. Dans les Exoascées, le mycélium dont les cloisons sont d'abord espacées (2), se fragmente en cellules à deux noyaux qui ont la valeur d'oogones. L'oogone chez les Discomycètes étudiés : Peziza, Hel- vella, Morchella, Acetabula, etc., repose sur deux filaments mycéliens : cette disposition résulte comme nous l'avons montré d'une courbure du filament fructifère; il n'est pas impossible également qu'elle soit le résultat dans (1) P.-A. Dangeard (Comptes rendus, ^cad. des Sciences, 23 avril i89i). (2) Sadebeck. Monographie des Exoascées parasites {Jahrbuch der Hamburgischen wissenschaft Anstalten, x. 2). LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCETES. 55 quelques cas d'une anastomose terminale de deux filaments. Il paraît bien du moins en être ainsi dans.les Eremascus et les Dipodascus ; cependant il faudra vérifier ; Eidam a vu quelquefois l'asque produit par un seul filament, ce qui me conduit à penser que les deux filaments qui sup- portent ordinairement l'asque pourraient bien avoir la même origine que ceux des Helvelles et être dus à une simple courbure du filament fructifère (1). Dans les Pyrénomycètes, nous avons vu les oogones prendre naissance sur le stroma sous forme de simples papilles, alors que dans VAspergillus, ce sont des rameaux provenant de la spire interne. Quoi qu'il en soit, toujours ces oogones renferment deux noyaux : il y a deux gamètes en présence non séparés préalablement par une cloison, et je ne m'expliquerais pas comment l'absence d'une cloison transitoire comme celle des Basidiobolus^ enlèverait aux phénomènes qui vont se passer dans l'oogone le caractère d'une véritable fécondation. Il ne faut pas oublier, en effet, que ces oogones sont le seul organe connu dans les champignons qui nous occupent, où les noyaux soient constamment au nombre de deux : ces noyaux ont une membrane nucléaire et un nucléole ; après leur fusion qui s'opère comme nous l'avons indiquée, l'oospore est formée : elle possède un seul noyau sexuel nucléole et son protoplasma devient dense, homogène ; il se colore vivement par les réactifs colorants. Tandis que chez les Urédinées et les Ustilaginées l'oeuf formé s'entoure d'une épaisse membrane et passe à l'état de vie latente, ici la germination s'effectue immé- diatement, La gey^mination de Voospore donne naissance à l'asque, (1) Consulter les fîg. 14, 16, 18, 22 du travail d'Eidam. Loc. cit. 56 P -A. DANGEARD c'est-à-dire à une ampoule qui reste généralement en communication avec l'oospore ; quelquefois cependant, elle s'en sépare par une cloison comme dans certaines Exoascées. L'asque a exactement la valeur d'un promycélium d'Urédinée ou d'Ustilaginée : c'est à son intérieur que le noyau sexuel qui a augmenté de volume à la suite de la fécondation se divise un certain nombre de fois. Dans les plantes supérieures, comme chez les animaux, c'est dans les stades qui précèdent ou qui suivent la fécondation que les centrosomes apparaissent ou de- viennent visibles : c'est également à ce moment que, chez les Ascomycètes, on peut réussir à les voir : coïncidence qui ne peut manquer d'être remarquée. Le noyau sexuel, après la fécondation, augmente considé- rablement de volume : sa membrane nucléaire s'épaissit sensiblement et les chromosomes deviennent souvent visibles, alors même qu'ils ne l'étaient pas auparavant ; le gros nucléocle subit des modifications profondes ; il se creuse de lacunes ; il est destiné à disparaître après avoir cédé sa substance probablement au profit de la masse nucléaire : cette disparition coïncide à peu près avec le moment où la membrane nucléaire se résorbant pour la première bipartition, le protoplasma communique avec le cytoplasme ; quelquefois, le nucléole persiste quelque temps après que cette communication s'est établie. C'est à cette période que nousavons vu les centrosomes dans le Borrera, ciliaris et la Peziza vesiculosa ; dans la première espèce, après disparition de la membrane nu- cléaire, le nucléole perd de sa substance et il prend la forme d'un anneau ; j'ai vu nettement deux centrosomes : ils se trouvaient au contact iviviédiat du nucléole, tantôt réunis en un point, tantôt situés en deux pôles opposés ; nous ignorons quel est leur sort ultérieur ; leur appari- tion dans Peziza vesiculosa se fait plus tôt, presque immé- LA REPRODUCTION SEXUELLE DES ASCOMYCÈTES 57 diatement après la fécondation: ils sont également au nombre de deux avec les mêmes caractères ; nous avons vu qu'ils semblent prendre naissance aux dépens du noyau ; ils se portent ensuite l'un en avant, l'autre en arrière du noyau, où on les retrouve à des distances variables. Dans V Endocaryon miniatuin, c'est le nucléole excentrique qui après avoir perdu une grande partie de sa substance semble jouer le rôle d'un centrosome à l'un des pôles du fuseau nucléaire. La division du noyau dans l'asque est sujette à de nombreuses variations ; nous n'avons vu la division indi- recte d'une manière bien nette que dans VEndocarpon ; les chromosomes, à la première bipartition, sont nettement distincts et la formation de la plaque équatoriale est bien caractéristique ; à la troisième bipartition^ une zone de protoplasma clair en réseau se montre autour de chaque noyau; chaque spore se trouve déjà nettement délimitée de l'épiplasme granuleux ; après la production de la membrane, les spores sont complètes ; les spores ren- ferment selon les genres un [Endocarpon imniatuni , Exoascus deformans, etc). ou plusieurs noyaux, souvent deux {Peziza vesiculosaj Borrera ciliaris, Aspergillus glaucus, etc.) Il est facile de se rendre compte de l'analogie étroite qui existe entre Vasque et le promycéliuni ; ils ont la même origine puisqu'ils tirent naissance d'une oospore ; ils se comportent identiquement pendant la division du noyau sexuel ; c'est à leur intérieur que ce dernier subit plusieurs bipartitions, en général trois. La seule diffé- rence, et elle est d'ordre physiologique, consiste en ce que les embryons dans les Ascomycètes restent à l'intérieur de l'asque, du promycélium, si l'on veut, alors que chez les Urédinées et les Ustilaginées, ces embryons deviennent externes, bourgeonnent à la surface du promycélium. Comme on peut le prévoir, il y a même des passages que 58 P.-A. DANGEARD mettra bien en évidence un travail de notre élève, M. Sappin- Trouffy, sur les Urédinées. L'existence d'une reproduction sexuelle chez les cham- pignons supérieurs est donc maintenant bien établie, même chez les Basidiomycètes, comme je l'ai fait remar- quer précédemment (1). La baside est en effet une oospore dans laquelle le .noyau sexuel se divise immédiatement sans former de promycélium : les basides cloisonnées des Protobasidio- mycètes (Brefeld) établissent le passage ; l'oospore forme encore dans ce cas un véritable promycélium interne dont chaque cellule fournit ensuite une conidie ; cette disposi- tion serattache sans transition à celle des téleutospores de Coleosporium, dans lesquelles, d'après une observation extrêmement intéressante de Sappin-Trouffy, le cloison- nement est précédé d'une fusion de noyaux. Loin de notre pensée l'idée d'avoir vu et décrit tout ce qu'il y ad'importantsur un sujetaussi vaste ! Mais comme nous le disions au dernier Congrès des sociétés savantes devant des savants éminents, on pourrait certainement appliquer ces méthodes et l'idée aux divers groupes du règne végétal et du règne animal considérés comme dé- pourvus de sexualité. Quels seront les résultats d'une telle enquête ? Nous l'ignorons : ils ne peuvent être que fructueux cependant : nous avons simplement conscience d'avoir ouvert une « voie de pénétration », à un vaste champ de recherches. (l) P.-A. Dangeard. La reproduction sexuelle des Champignons (Le Botaniste, 3e série, 6e fascicule, p. 238-239). NOTA, — Toutes les figures ont été dessinées avec l'oculaire com- pensRteur 6 et l'objectif à immersion homogène, 2,0 MM. de Zeiss. NOTE SUR UNE ANOMALIE FLORALE De Tulipa Sylvestris L. Par P.-A. DANGEARD et BOUGRIER. Nous devons à l'obligeance de M. Souche, vice-prési- dent de la Société botanique des Deux-Sèvres, d'avoir pu examiner une fleur anormale de Tulipa sylvestris. On a bien, il est vrai, rencontré d'assez nombreuses anomalies chez les Tulipes, mais dans les seules descrip- tions que nous ayons pu consulter, il s'agissait de fleurs irrégulières ; or l'exemplaire unique que nous avons eu entre les mains présentait ceci de remarquable, qu'il n'y avait aucune sorte d'irrégularité dans la fleur; seulement celle-ci au lieu d'être construite sur le type (3 S + 3 P + 3 E H- 3 E' H- 3 C) avait pour diagramme (4 S + 4 P + 4 E + 4 E' + 4 C) : elle était absolument régulière. Alors même que cette disposition serait assez fréquente, il est peu probable qu'elle ait été étudiée anatomiquement ; c'est ce qui nous a engagé à rechercher si la régularité existait également dans la structure interne. Voici ce que nous avons pu constater. La capsule est tétragone, les quatre carpelles sont identiques à ceux des fleurs normales : ils sont tous égaux et de même conformation. 60 P.-A. DANGEARD Dans chacun d'eux, il existe un faisceau libéro-ligneux dorsal ou médian et deux faisceaux latéraux: ces derniers se soudent latéralement avec ceuxdes carpelles adjacents; il y a en outre d'autres faisceaux plus petits vers les bords du carpelle : ce sont les faisceaux marginaux qui four- nissent les filets vasculaires des ovules ; ceux-ci sont disposés en un cercle interne alors que les faisceaux dor- saux et faisceaux latéraux beaucoup plus importants forment un cercle externe. Si nous descendons progressivement vers le pédicelle floral, nous voyons le système conducteur extérieur se rapprocher du centre ; les faisceaux marginaux rentrent dans les faisceaux latéraux, et il n'existe plus qu'un seul cercle comprenant quatre faisceaux dorsauxentre lesquels se trouvent groupés par deux les huit faisceaux latéraux. A ce système libéro-ligneux carpellaire, viennent s'a- jouter les systèmes conducteurs des autres parties de la fleur : d'abord les huit faisceaux des étamines ; ensuite les huit faisceaux médians des pétales et sépales, pres- que sur le même plan : il en résulte une couronne li° béro-ligneuse complète. Extérieurement à cette couronne, on observe un grand nombre de petits faisceaux qui formentun cercle à quelque distance du premier ; chaque sépale et chaque pétale reçoit en plus du faisceau médian deux faisceaux latéraux; ce sont ces derniers qui entrent pour une grande part dans la constitution de ce cercle extérieur ; le reste pro- vient de ramifications et d'anastomoses. Si l'on descend davantage dans l'axe, on voit que dans la couronne libéro-ligneuse interne, les faisceaux repren- nent leur indépendance ; il y en a huit qui arrivent à se fusionner latéralement deux par deux à différents niveaux ; en même temps, le nombre des faisceaux du cercle exté- rieur diminue, alors que quelques-uns d'entre eux se rap- prochent graduellement du centre. NOTE SUR UNE ANOMALIE FLORALE. 61 Il nous aété impossible de tirer meilleur parti de l'exem- plaire unique que nous avons eu à notre disposition. On peut toutefois conclure de ce qui précède, que la fleur du Tulipa sylvestris ayant pour diagramme (4 8 + 4P+ 4E-r-4 E'+4C) était aussi régulière dans sa struc- ture que dans sa morphologie externe : rien n'indiquait un dédoublement de l'une des pièces' florales. A notre avis, cette anomalie est du même ordre que les variations du cycle foliaire dans une même espèce. LA TRUFFE RECHERCHES SUR SON DÉVELOPPEMENT, SA STRUCTURE, SA REPRODUCTION SEXUELLE Par P. A. DANGEARD La Truffe est un champignon dont le développement tout entier a lieu sous terre : aussi, sa naissance a-t-elle été entourée de tout temps des idées les plus étranges et des hypothèses les plus hasardées : leur répercussion s'est étendue jusqu'à notre époque. Quelques savants avaient déjà entrevu sa nature fon- gique, lorsque Vittadini publia à Milan, en 1831, sa monographie des Tubéracées, ouvrage qui, selon les expressions de Tulasne, a révélé en quelque sorte aux botanistes l'existence des champignons hypogés (1). Tulasne était un bon juge en cette matière, car c'est à lui que nous devons de connaître les Tubéracées et la Truffe en particulier dans leur organisation interne (2) ; c'est ce savant qui a illustré leur histoire naturelle de magnifiques planches dont l'exactitude ne le cède en (1) Vittadini. Monographia tuberceorum, Mediolani, 1' 31. (2) Tulasne. Fungi hypogsei, Paris, 1862. 64 P. A. DANGEARD rien au fini de l'exécution ; son ouvrage a eu un grand retentissement; ses dessins sont devenus rapidement clas- siques et ils le sont restés. Toutes les autres théories relatives à la nature de la Truffe étaient vouées à l'impuissance ; nous ne les rappelle- rions même pas, si plusieurs d'entre elles n'étaient encore admises fréquemment par ceux qui s'occupent de la recherche et de la culture de la Truffe et aussi par ceux qui les utilisent ! On peut les comprendre sous ces divers titres : 1' Génération de la Truffe par une fermentation de la terre ; 2" Exudation des rameaux et des feuilles ; 3° Excrétion des racines ; 4° Extravasation de la sève des racines à la suite de piqûres de mouches; 5° Production de véritables galles par la piqûre des mouches ; 6° Renflement tuberculeux et spontané des racines. Chacune de ces théories a eu ses défenseurs : celle qui admet l'existence d'une « mouche truffîgène », a eu un grand retentissement. Cette dernière, soutenue avec ha- bileté par Jacques de Valserres, avait rallié beaucoup de partisans et réussi à obscurcir auprès d'un grand nombre les notions vraiment scientifiques. On trouvera ces théories exposées avec une grande compétence dans le savant livre du professeur Chatin (1) ; on y rencontrera, en même temps, les renseignements les plus complets sur les diverses espèces de Truffes, sur leur composition chimique, leur habitat, leur culture, leur dispersion. C'est vers 1850-1851, que Tulasne poursuivait dans la (-1) Ad. Chatin. La Truffe, 1892, Paris. LA TRUFFE 65 Vienne ses observations sur les Tubéracées ; depuis cette époque, la science a progressé ; de nouvelles méthodes ont permis de pénétrer plus avant dans la struc- ture intime des végétaux ; des découvertes se sont pro- duites qui en ont entraîné d'autres. Les résultats que nous publions aujourd'hui, ont eu pour principe l'idée de rechercher chez la Truffe la reproduction sexuelle que nous avons signalée chez d'autres Ascomycètes (i). Cette étude a eu pour champ d'investigation la région même parcourue par Tulasne, ce que nous considérons comme une heureuse coïncidence. I. — Origine de la truffe ; ses relations avec les racines. Les truffières ne sont pas rares dans la Vienne, en par- ticulier aux environs de Chauvigny, de Loudun et de Civray ; on les reconnaît facilement à l'aspect dénudé du terrain où elles se rencontrent, aspect entretenu d'une année à l'autre par les façons culturales dont elles sont ordinairement l'objet de la part de ceux qui les exploitent. Elles forment des taches visibles de loin, grâce à l'absence de végétation. Ces truffières sont toujours situées au voisinage immé- diat d'arbres appartenant aux Cupulifères, aux Conifères et aux Amentacées ; en général, c'est autour des chênes qu'elles se développent ; leur existence, comme on le verra plus loin, est intimement liée à celle de ces arbres; c'est environ vers la sixième ou la septième année que le chêne commence à produire, et la production peut durer fort longtemps, puisqu'on observe des chênes séculaires qui sont encore truffiers : cette production n'est pas (1) P. A, Dangeard. La reproduction sexuelle des Ascomycètes. (Le Botaniste, 4« Série, le-- et 2e fascicules, juillet 1894.) 66 P.-A. DANGEARD uniforme ; il se produit des périodes de repos suivies de nouvelles périodes d'activité. Il est bon, lorsqu'on veut étudier l'origine de la Truffe, de pouvoir compter sur l'aide d'un truffier de profession qui vous conduise et vous guide : autrement, on s'expo- serait à des désagréments, car la protection des trufïières entretenues est, avec juste raison, protégée par la loi. Nous n'avons eu qu'à nous louer, en la circonstance, de M. Bussard, de Bonnes, qui joint une obligeance parfaite à une grande expérience. Les truffières de rapport sont en général cultivées : ceux qui les possèdent ou les louent, ameublissent super- ficiellement la terre, en ayant soin de ne pas détruire les radicelles du chêne, aux dépens desquelles se font les premiers développements de la Truffe. Lorsqu'on examine les racines du chêne d'une truf- fière, on s'aperçoit qu'elles sont ramifiées abondamment ; les ramifications très courtes sont réunies en glomérules, elles rappellent un peu les racines coralloïdes des Cycas ; leur surface est dépourvue de poils absorbants et recou- verte entièrement par un feutrage, difficile à apercevoir sans l'aide d'une bonne loupe ; autour de ces radicelles, circulent de longs cordons qui s'anastomosent et se rami- fient; les uns sont colorés en brun, les autres sont inco- lores. Le feutrage qui recouvre les racines, est en commu- nication directe avec ces cordons mycéliens qui ont reçu le nom de rhizomorphes. L'existence du revêtement mycélien qui entoure les racines du chêne, explique pourquoi la présence de cet arbre est nécessaire au développement de la Truffe ; c'esb aux racines que le champignon emprunte principalement les réserves nutritives qui serviront à la formation du tubercule ; les rhizomorphes lui permettent d'étendre au loin son champ d'action ; en même temps, ils lui fournis- sent les moyens d'amener rapidement au point où la Truffe LA TRUFFE 67 se produira, les matériaux puisés clans le cercle environ- nant. Quelques auteurs admettent avec Frank (1) que le champignon qui entoure les racines, n'est pas un simple parasite (2j ; il y aurait, entre les deux êtres en présence, association à bénéfice réciproque, autrement dit, sym- biose ; les racines, ainsi modifiées, sont des mycorhizes : la racine alors assimile par l'intermédiaire du champi- gnon qui remplace les poils absorbants et s'attaque aux feuilles et aux débris végétaux divers pour les rendre assimilables. Je n'ai aucune raison pour mettre en doute ces résul- tats : ils sont très vraisemblables ; cependant il est bon de rappeler que cette théorie de la nutrition en commun a rencontré des adversaires au nombre desquels il faut citer Hartig (3). Quoi qu'il en soit, le champignon ne laisse pas ses services impayés, puisqu'il réussit à amasser de la sorte les matériaux nutritifs nécessaires à la formation de son appareil reproducteur. Nous avons dit qu'il y avait, dans les premiers dévelop- pements de la Truffe, deux choses à considérer : le revê- tement mycélien des racines et les rhizomorphes qui circulent autour de ces racines dans le sol de la truf- fière. Le revêtement mycélien s'observe facilement sur une section transversale des fines radicelles : le champignon y forme superficiellement une couche de pseudo-paren- chyme, duquel se détachent des filaments cloisonnés, simples ou ramifiés, simulant des poils absorbants, ou (1) Frank. Lehrbuch der Botanih, Leipzig, 1892, p. 2G0-Î6'1. (2) P. Vuillemin. Les mycorhizes (Revue générale des sciences pures et appliquées, t. I, 1890). (3| Hartig. Bolanisches Cantralhlatt, \SS(i, et Centralblatt fur Bcik- teriologie, 1888. 6S P.-A. DANGEARD bien des faisceaux plus ou moins gros de filaments sem- blables ; ces derniers peuvent se continuer directement avec les rhizomorphes dont ils partagent la structure ; vers l'intérieur de la racine, les filaments mycéliens pénè- FiG. 1. — A, Jeune racine de chêne avec ses ramifications et les rhizomorphes qui circulent autour d'elles ; B, Section transversale d'une des radicelles avec son revêtement mycélien ; C, Portion de rhizomorphes montrant la présence des nojaux dans les tubes et la structure criblée des cloisons. trent entre les cellules de l'écorce et les entourent sans y pénétrer ; ils s'arrêtent brusquement avant d'atteindre le cylindre central dont ils restent séparés par l'endo- derme et deux assises corticales (fig. 1, B) : les cellules de LA TRUFFE 69 pseudo-parenchyme ne renferment qu'un protoplasma aqueux ; mais il y existe des noyaux. Les rhizomorphes existent en grand nombre au voisi- nage des racines (fig. 1, A) : ces cordons sont ramifiés en fausse dichotomie ; ils s'anastomosent fréquemment entre eux de la manière la plus irrégulière ; ces rhizomorphes sont tous constitués par des tubes mycéliens cloisonnés de loin en loin et assemblés en faisceaux; le nombre des tubes ainsi réunis est excessivement variable, et c'est c qui détermine le diamètre différent des rhizomorphes de leur surface, se détachent fréquemment des filaments, simples ou ramifiés, très allongés, qui paraissent remplir l'ofTice de poils absorbants. La constitution intime des rhizomorphes n'ayant jamais été établie, du moins à ma connaissance, j'ai dû la recher- cher : il faut considérer séparément les rhizomorphes incolores et les rhizomorphes colorés. Les premiers, traités par les méthodes ordinaires, lais- sent voir, dans chaque filament, un ou plusieurs noyaux ; à cause de la longueur des articles, il est souvent impos- sible de déterminer exactement leur nombre ; ces noyaux sont formés par des granulations de chromatine et un petit nucléole difficilement perceptible ; le protoplasma des cellules est aqueux et, çà et là seulement, se trouvent des amas de granulations ; cet état est éminemment favorable à la circulation des liquides et au rôle que ces rhizomorphes ont à remplir ; la disposition espacée des cloisons con- court également à ce but. Il est plus difTicile d'interpréter la structure exacte de ces cloisons : de chaque côté de la ligne incolore qui forme cette cloison, on observe souvent une série de petits granules espacés réguHèrement : ces granules se colorent fortement par Fhématoxyline : ils correspondent, selon nous, aux cals des tubes criblés chez les plantes vasculaires. On ne peut manquer d'être frappé de la ressemblance complète que ces cloisons pré- 70 P.-A. DANGEARD sentent avec celles des tubes criblés de Salvinia naians, tels que les a figurés Poirault tout récemment (1). Nous avons observé cette structure des cloisons chez un grand nombre d'espèces de champignons: elle se voit facilement dans la couche sous-hyméniale des Pézizées ; dans les rhizomorphes de Tuber, elle est très nette. Nous n'avons pas vu jusqu'ici, dans la cloison, de perforations en correspondance avec les cals ; mais nous savons que ces perforations sont très difficiles à mettre en évi- dence dans des tubes criblés dont le diamètre est bien supérieur à celui des tubes mycéliens : leur existence même est contestée pour un certain nombre de plantes vasculaires. On peut admettre, je pense, que les filaments des rhi- zomorphes ont un rôle tout à la fois conducteur et absor- bant; leurscloisonsont une structure identique à celle des tubes criblés chez les plantes vasculaires : elles sont organisées en vue du transport des liquides nourriciers. Les rhizomorphes bruns diffèrent des précédents par l'épaisseur de leur membrane ; ils ne présentent pas trace d'activité. Nous n'avons pu déceler à leur intérieur ni noyau, ni protoplasma : !a coloration propre des mem- branes est jaunâtre, ils sont mélangés auxprécédents dont ils partagent les autres caractères morphologiques. La mêmedifférence déstructure existeentre les filaments sim- ples: les uns ont une membrane incolore ou faiblement colo- rée : ils possèdent des noyaux; les autres prennent une coloration jaunâtre et ils sont dépourvus de noyaux ; ces derniers sont des organes morts. Tulasne, qui a observé le premier le mycélium de la Truffe, rapporte ainsi son observation (2): « Le 6 septembre 1850, M. Voyer d'Argenson nous ayant (i) G, Poirault. Recherches sur les Cryptoj^ames vasculaires {Annales des se. nalurellea. Bot. T. XVIIT, 7e Série, 1893, p. 19'2). (2) Tulasne. Loc. cit.,p. U9. LA TRUFFE 71 obligeamment conduit clans un endroit de son vaste parc des Ormes-Saint-Martin (Vienne), où chaque année, en novembre et décembre, se recueillent des truffes abon- dantes, nous y trouvâmes au bout de peu d'instants plusieurs de ces champignons encore enveloppés de -mycélium. Cette observation fut faite en présence de M. l'abbé S. de Lacroix, dont les herborisations ont tant contribué à enrichir la Flore de la Vienne^ et nous la renouvelâmes plus tard (le 24 septembre) dans une truf- fière du canton de Veuille qui nous fut indiquée par M. De- lastre, pendant que nous étions ses hôtes au château de la Cour. Le sol argilo-calcaire et rougeâtre de ces truffières ren- fermait, dans le gisement même des truffes, de nom- breux filets blancs, cylindriques, bien plus ténus qu'un fil à coudre ordinaire et qui n'adhéraient aux particules terreuses que parles extrémités déliées de leurs rameaux, lesquelles finissaient par se confondre avec un -mycélium byssoïde moins apparent. L'examen microscopique de ces filets ou cordelettes (de couleur jaune vert) nous les a montrés composés de filaments cylindriques et cloison- nés, droits, parallèles entre eux et d'un diamètre uniforme d'environ 3 à 5 p.. Ces éléments sont aussi ceux du myce- Uum dans son état diffus, mais ils y sont moins rectilignes et plus rameux... Les jeunes truffes sont de toutes parts enveloppées d'un feutre parfaitementblanc, très dense, de un à trois millimètres d'épaisseur, et dont les fils consti- tutifs^, semblables à ceux que nous venons de décrire, se prolongent et s'étendent çà et là autour du champignon sous la forme de filets déliés ou celle de flocons mal définis... Les truffes ainsi revêtues demi/celiuni ne dépas- saient guère le volume d'une noix ; leur pulpe àtoutesétait encore blanchâtre, et les spores commençaient à peine à s'y montrer dans les sporanges. Quant aux rapports anatomiques du mycélium avec la surface du champi- 72 P. -A. DANGEARD gnon, ils sont tels que les filaments qui composent le premier, sont tous implantés sur l'écorce de la Truffe, et qu'ils en procèdent, de manière que, sous une loupe de cinq lignes de foyer, il n'est pas toujours facile de décou- vrir nettement où le peridum se sépare de son enve- loppe byssoïde. » Malgré ces observations précises, le D' de Ferry et Grimblot ont admis, assez récemment, que le seul mycé- lium de la Truffe était brun, le mycélium blanc restant étranger à la production truffière (1). Un pharmacien d'Angoulême, Condamy, a vu juste, lors- qu'il a décrit, avec un soin minutieux, deux sortes de mycélium, l'un blanc, l'autre brun (2) ; mais il va trop loin, lorsqu'il veut établir sur ces différences une action sexuelle. En présence de ces divergences, Chatin, qui a lui-même observé en compagnie des professeurs Guitteau, Mala- pert et Poirault, un mycélium blanc dans les truffières des environs de Poitiers, se demande si cette couleur ne change point avec l'âge comme celle de la Truffe elle- même (3). Les observations qui précèdent fournissent la réponse à cette question; nous avons vu que les rhizomorphes inco- lores sont des organes jeunes, formés par de longues cel- lules nucléées, à paroi mince, à cloisons criblées pour la plupart ; ils sont accompagnés de filaments simples ayant même constitution. Les rhizomorphes colorés sont arrivés à un âge plus avancé ; les membranes sont épaissies, les noyaux ont disparu ; on observe entre ces deux états un grand nombre de transitions. (1)Dr C. de Ferry de la Bellone. La Truffe, J.-B. Bailliére el fils, Paris, i888, p. 21-22. (2) A. Condamy. Etude sur riiisloire naturelle de la Truffe {Angou- lême, 1876). (3) Chatin. L)c. cit., p. 42. LA TRUFFE 73 Le revêtement mycélien des racines et les rhizomor- phes représentent, pour la Truffe, ce que le « blanc de champignon » est, à la connaissance de tous, pour l'Agaric de couche : le stade de nutrition est suivi, tôt ou tard, de la formation d'un appareil reproducteur. Tulasne a constaté le premier les relations directes qui existent entre les rhizomorphes des truffières et le tissu de la Truffe. Mattiroloa poussé l'observation plus loin(l); il a mis hors de doute la continuité avec le revêtement mycélien des racines, ce que laissaient d'ailleurs sup- poser les recherches de Frank (2), Gibelli (3)^ Feri'y de la Bellone (4), Mûller(5). La Truffe passe donc la première partie de son existence sur les racines d'essences diverses et en particulier du chêne ; les différents points de sa zone d'action sont reliés entre eux par des cordons mycéliens ou rhizomorphes ; c'est sur ces derniers organes que se développe l'appareil reproducteur, qui n'est autre chose que le tubercule lui- même ; nous allons maintenant en étudier l'organisation et la structure. IL — Structure générale de la Truffe. La Truffe est entourée d'une écorce résistante qui a reçu le nom de péri- dium ; dans le Tuber unelanosper- mum, ce péridium est relevé de «ver- rues polygonales, à six pans mar- FiG. 2. — Truffe sectionnée „ ' j i i •- i- i partiellement pour montrer q^eS dC CannclurCS loUgltudlUaleS et d'une dépression au sommet » le tissu fructifère. (1) Mattirolo. Archives italiennes de Biologie, 1888. (2) Frank. Leunis Synopsis der Pflanzenkunde. (3) Gibelli. La malattia del Castagno {Memorie de l'Acad. di Bologna, i884). (4) Ferry de la Bellone. Loc. cit. (5) P.-E. Mùller. Bot. Centralblatt. 1886. 74 P.-A. DANGEARD (fig. 2) : ces verrues se montrent de bonne heure dans le développement. Le tissu de la Truffe situé sous le péridium com- prend (fig. 3) : 1° Des veines aérifèresL, qui serpentent irrégulièrement dans la masse et viennent affleurer, après avoir traversé Fig. 8. — Section de Truffe à deux grossissements différents : P, Péridium; Z, Veines aérifères ; 5, Septa ; A^ Asques ; 0^ Oospores. l'écorce, au niveau des pans ou au sommet crevassé des verrues ; 2" Des veines fructifères A, renfermant les asques» organes de la fructification. Des septa S séparent les deux systèmes ; ils sont formés par des filaments parallèles qui sont perpendiculaires aux veines aérifères : Tulasne les assimile à des paraphyses. L'examen histologique est surtout profitable au moment b LA TRUFFE 75 OÙ la chair est encore blanche ou presque blanche ; plus tard, le tissu devient marbré, les veines fructifères, char- £çées de spores mûres, se dessinent en noir, alors que les veines aérifères restent incolores ; certaines espèces offrent, en outre, un ensemble de lames colorées parallèles aux veines aérifères : elles continuent la substance corti- cale à l'intérieur de la truffe en parcourant la partie moyenne des veines fructifères. Les cellules qui composent le péridium, sont étroite- ment unies en pseudo-parenchyme (fig. 3, P) ; elles ont une très épaisse membrane colorée en jaune brun dans la partie voisine de la surface; leur section est polygo- nale. En se rapprochant du centre, elles affectent une forme plus allongée, plus irrégulière, prenant peu à peu les caractères de filaments mycéliens, tout en restant unies en tissu compact ; lorsqu'elles sont jeunes, elles renferment un protoplasma granuleux au milieu duquel on distingue un ou plusieurs noyaux. On peut se représenter les veines aérifères comme des cavités à l'intérieur desquelles existe un réseau lâche de filaments mycéliens ; les mailles du réseau contiennent de l'air; les filaments renferment du protoplasma et des noyaux (fig. 3, L). La limite des veines aérifères et des septa est très nette ; les filaments sont plongés dans une masse gélati- neuse continue; ils sont parallèles ; leurs cloisons, espa- cées de loin en loin, sont criblées pour la plupart comme celles des rhizomorphes : ils ressemblent aux cellules qui constituent ces derniers ; mais leur protoplasma est plus dense, plus granuleux; les réactifs le colorent davantage ; certains articles possèdent cinq ou six noyaux qui ne se distinguent guère, dans le tube mycélien, que sous fapparence de simples taches chromatiques. Il est bien difficile de dire si la présence d'un tout petit nucléole y est constante, bien que la chose soit probable (fig. 3, S). 76 P.-A. DANGEARD En arrivant aux veines fructifères, le tissu mycélien devient beaucoup plus lâche ; les filaments n'ont plus une direction déterminée; ils conservent leur structure un certain temps ; peu à peu, au fur et à mesure que les corps reproducteurs se forment au milieu d'eux, leur protoplasma et leurs noyaux disparaissent. Il nous reste à examiner comment les semences ou c( embryons», comme on voudra les appeler, naissent dans les veines fructifères. III. — La reproduction sexuelle chez la Truffe ; naissance des asques ; formation et structure des spores. Les corps reproducteurs naissent, dans la Truffe, comme chez les autres ascomycètes, à l'intérieur de conceptacles qui ont reçu le nom d'asques ; ces corps reproducteurs ou « embryons > sont souvent désignés du terme général de spores ; ils sont le résultat d'une fécondation analogue à celle que nous avons décrite dans les champignons du même groupe ; il est inutile de la rechercher sur des échantillons âgés. Ce n'est pas sans grande difïiculté que nous avons réussi, pendant les mois de novembre et décembre 1894, à obtenir quelques jeunes Truffes ; la plupart étaient encore trop avancées pour l'étude de la reproduction sexuelle : la naissance des asques ne peut être observée avec fruit que sur les truffettes dont la chair est blanche et laisse à peine entrevoir un commencement de mar- brure. Cette recherche doit être facile sur de très jeunes échantillons : ceux dont nous disposions étaient sensi- blement trop âgés; ils renfermaient tous un grand nom- bre d'asques déjà formés et ce n'est qu'exceptionnel- LA TRUKFE 77 lement que nous avons pu trouver, réunis dans un petit espace, un certain nombre d'oospores (fig. 4). Ces oospores doivent être cherchées de préférence à la limite des septa, dans les veines fructifères; elles seraient passées inaperçues dans nos préparations, si nous n'avions été familiarisé avec leur aspect chez les autres ascomy- cètes. Fig. 4. — Divers aspects des oospores : chacune d'elles renferme deux noyaux nucléoles, accompagnés de leur protoplasma. (Grossissement 800.) Elles rappellent beaucoup les oospores des Pézizes(l); même forme, même grosseur, même disposition dos noyaux; comme chez les Pézizes, elles paraissent fré- quemment dues au concours de deux filaments diffé- rents (fig. 4) ; mais nous savons que, chez ces derniers champignons, l'apparence est le résultat d'une courbure du filament fructifère. Il est très remarquable de voir quelle grande différence les noyaux des oospores présentent avec ceux des (1) P.-A. Dangeard. Loc. cit., p 38, fig. 6 78 p. -A. DANGEARD filaments mycéliens ordinaires : ces derniers ont l'appa- rence de simples taches chromatiques ; les noyaux des oospores sont nettement circonscrits, leur nucléole est gros, dense, sphérique ; il se colore fortement par les réactifs ; le protoplasma même qui les entoure, est diffé- rent de celui du tissu stérile; il est plus homogène, il est plus sensible aux réactifs, et fréquemment on distingue, dans l'oospore, celui qui est propre à chacun des noyaux (fîg. 4). Comme chez les Pézizes, ces oospores sont le siège de la fécondation : elles renferment deux noyaux, entourés chacun de leur protoplasma : les deux noyaux s'unissent en un seul ; en même temps les protoplasmes se mélangent intimement. Cette fusion des noyaux et des protoplasmes caractérise la fécondation à tous les degrés du règne végétal et du règne animal; ici, elle est débar- rassée de tous les appareils accessoires qui l'accompa- gnent habituellement. La formation des spores à l'intérieur de l'asque avait fait supposer, depuis longtemps, que ces conceptacles étaient des organes femelles. Hofmeister attribuait à la Truffe une reproduction sexuelle analogue à celle des Saprolégniées (1) ; des fila- ments ténus, analogues à des anthéridies, s'appliqueraient sur les asques, organes qui, dans cette hypothèse, seraient de véritables oogones ; l'observation n'a pas justifié cette manière de voir qui a dû être abandonnée. Dans son exposé de la fécondation chez les Crypto- games, Léon Vaillant exprime ainsi sa pensée: « On peut dire que les appareils à spores endothèques, lorsqu'ils existent, sont de tous les organes ceux qui rappellent le plus les organes femelles, mais ce n'est qu'une simple (1) Hofmeister, Jahrb. f. wis. Bot., II, p. 378. LA TRUFFE 79 analogie. Quant aux organes mâles, ils paraissent com- plètement inconnus (1). Bonnet croit aussi à une fécondation s'opérant dans l'asque : « Les spores endothèques, dit-il, atteignent dans la cellule mère leur état de perfection; or, cette cellule étant dépourvue d'ouverture, il y a tout lieu de croire qu'elles sont fécondées par le liquide au milieu duquel elles sont suspendues, puisqu'elles en sortent pourvues de la faculté de germer (2) » ; cet auteur ne fait qu'inter- préter une phrase de Tulasne: « Les endospores, dès leur apparition, nagent dans un liquide fécondant, au sein duquel elles arrivent à leur état de perfection, bien qu'il n'existe jamais, cependant, la moindre adhésion entre elles etl'utricule mère » (3). Ces opinions n'ont plus qu'un intérêt historique, puisque nous avons établi sur des bases solides l'existence d'une reproduction sexuelle chez les Ascomycètes : en les rappe- lant, notre but est de dissiper les dernières hésitations. Lorsque des auteurs sont arrivés, sans aucune observa- tion précise, d'après le seul raisonnement, à soupçonner l'endroit du développement où se produit la reproduction sexuelle, il parait juste d'accueillir avec faveur la décou- verte, au même lieu, des phénomènes qui caractérisent la fécondation. Chez les Ustilaginées, les oospores, après la fécon- dation, commencent une période de repos pendant laquelle elles sont protégées par une épaisse et double membrane ; dans la Truffe, leur germination est immédiate comme chez les Pézizes ; aussitôt après la fécondation, le noyau sexuel augmente considérablement de volume et l'oospore se développe en un sac qui est l'asque ou conceptacle (fig. 5, B) ; ce dernier renferme un protoplasma à larges (1) Léon Vaillant. De la fécondation dans les cryptogames, i8C3,p. 61. (2) H. Bonnet. La Truffe, Paris, 1869,;?. 13. (3) Tulasne. Selecta Fungorum Carpologia, t. I, p. 27. 80 P.-A. DANGEARD mailles, grossièrement granuleux ; il conlient une grande quantité d'une substance qui est identique au glycogène, d'après les expériences d'Errera (1), Le noyau possède un contour net, limité par la mem- brane nucléaire ; au centre, ou un peu excentriquement, se trouve un gros nucléole, dont la substance très dense se FiG. 5. — Divers stades de développement de F-Asque : i/, 6', Asques jeunes à un seul noyau ; i), E. Première bipartition du noyau; F, VremMirc et seconde bipar- titioQ s'opérant presque simultanément. (Grossissement 700.) colore fortement par l'hématoxyline : le cytoplasme qui l'entoure, est vacuolaire ; on y distingue parfois cepen- dant un fin réticule chromatique (fig. 5, fî, C). La première division du noyau peut s'opérer sans que le protoplasme ait changé de caractère ; toutefois^, fré- quemment, la différenciation en deux couches est déjà commencée : l'une reste formée d'un protoplasme gros- (1)''Errera. L'éj^ipZasjne des Ascomycètes et le glycogène des végétaux, Bruxelles, 1882. LA TRUFFE 81 sièrement granuleux à larges trabécules ; la seconde est contituée par un amas de substance plus dense, plus ho- mogène, dépourvue de vacuoles ; c'est dans cette dernière couche que le noyau se divise et c'est à son intérieur que les spores se forment plus tard. Les divisions du noyau ont lieu suivant le mode direct -^ <•■■ "Vit , •*■ \ ^ '■> m^^m^ :\A ::i FiG. fi. — A. Asque renfL-rmant quatre noyaux vésiculaires; Z?, Deux des noyaux seulement restent daus l'amas central; Cjl'Asque contient huit noyaux; Dy Quatre de ces noyaux s'entourent d'un protoplasma de choix pour former les spores; les autres noyaux sont destinés à disparaître. (Grossissement 700.) par simple bipartition (fig. 5, B) ; lorsque le noyau est plus riche en chromatine, les deux premières bipartitions se font presque simultanément (fig. 5, F) ; au stade quatre, nous avons vu exceptionnellement deux des noyaux allant se perdre dans le protoplasma de rebut (fig. 6, fî); en gé- néral, les huit noyaux, provenant des trois bipartitions successives, s'espacent dans l'amas protoplasmique in- terne (fig. 6, C). 82 P. A. DANGEARD Reportons-nous un instant aux observations de Tu- lasne : « Les matières solides qui flottent, dit-il, à l'inté- rieur du sporange sont habituellement réunies en une masse unique, dans laquelle se rencontrent fréquemment, soit avant l'apparition des spores, soit pendant leur déve- loppement, des gouttes liquides qui figurent des vacuoles et sont désignées par les auteurs allemands sous le nom de Blasen (1) ». Ces sortes de vacuoles, à n'en pas dou- ter, correspondent aux noyaux que la technique histolo- gique permet de déceler. Le nombre des spores qui s'engendrent dans chaque conceptacle, est variable : dans la plupart des espèces de Truffes, il ne dépasse pas quatre ; on en trouve plus sou- vent deux ou trois seulement ; quelques conceptacles restent monospores et, dans ce cas, la spore solitaire est plus grosse qu'à l'ordinaire. Il était intéressant de rechercher à quelle disposition histologique spéciale correspond cette inégalité du nom- bre des spores dans le conceptacle. Au moment de la formation des spores, il existe, nous l'avons vu, huit noyaux espacés dans une masse centrale de protoplasma dense et granuleux ; normalement, une spore devrait se former autour de chacun des noyaux, comme dans beaucoup d'espèces appartenant au même groupe ; en fait, plusieurs de ces noyaux sont destinés à disparaître, après s'être fragmentés ; on voit se condenser autour des autres une substance plus finement granuleuse, plus homogène (fig. 6,[D) ; elle est plus sensible aux réac- tifs colorants : bientôt sa surface se sépare nettement de la masse générale par une zone incolore, à l'intérieur de laquelle s'organise la membrane de délimitation. Les spores augmentent de volume ; en même temps, leur noyau se divise rapidement ; ceux qui en proviennent (1) Tulasne. Fungi hypoggei (aote de la page 41). LA TRUFFE 83 sont sphériques ; la membrane nucléaire possède un double contour; le nucléole est gros relativement au vo- lume du noyau ; il se colore bien par l'hématoxyline, alors que le cytoplasme reste à peu près incolore. Ces noyaux, dans les spores jeunes, sont plongés au mi- FiG. 7. — A, AsquG renfermant quatre jeunes spores ; les noyaux stériles sont isolés dans les trabécules ; B, Spores à un état plus avancé de leur développe- ment ; leur protoplasma contient plusieurs noyaux et des vacuoles de divert-es grandeurs; 6', Asque monospore; on voit à côté la trace do s;>oris atrophiées; -4,",Spore presque mûre d'ua conceptacle monospore. (Grossissement 700.) lieu d'une substance grenue (fig. 7, A) ; des vacuoles ne tardent pas à .«l'y montrer ; leur volume est très variable (fig. 7, B, C, D). L'existence simultanée, dans les spores, des noyaux et des vacuoles, explique certaines erreurs de descriptions 84 P.-A. DANGEARD des auteurs ; mais il est certain que les globules égaux disposés en forme de grappe dont parle Tulasne, corres- pondent aux noyaux des spores ; cela est si vrai, que^ mal- gré l'imperfection de ses moyens d'observation, il est tenté de leur attribuer une membrane spéciale (1). Aussi pouvons-nous prévoir sans peine, que l'étude histologique du groupe des Tubéracées fournira ulté- rieurement une foule de faits nouveaux et intéressants, car, d'après Tulasne, « la pluralité des globules et leurs volumes relatifs sont, de même que leur arrangement symétrique, des caractères assez constants pour qu'on puisse, par leur moyen, différencier les espèces ». Pendant l'accroissement des spores, leur protoplasma, ainsi que l'épiplasme qui les entoure, se colorent par l'iode assez uniformément en jaune brun ; Tépiplasme disparaissant peu à peu, la coloration caractéristique du glycogéne ne se manifeste plus finalement qu'à l'intérieur des spores. Celles-ci sont protégées par une double membrane, l'épispore et l'endospore. La première prend une couleur brune ; sa surface se recouvre de petites aspérités qui, dans cette espèce, se transforment en longues épines : membrane et épines sont cutinisées. L'endospore reste incolore ; à maturité, dans nos préparations, cette mem- brane interne était, le plus fréquemment, séparée de la membrane externe par un large intervalle. Le nombre des noyaux d'une spore de Truffe arrivée à maturité est variable : il est de dix à quinze environ et dépend du volume de cette spore. Si je ne me trompe, c'est la première fois que l'on signale une semblable pro- lifération des noyaux à l'intérieur de ces corps reproduc- teurs ; dans le genre Aspergillus,qm appartient au môme groupe de Périsporiacées, la spore ne possède que deux (1) Tulasne. Fungi hypogsei, p. 48. LA TRUFFE 85 noyaux (1). Nous devons ajouter que, dans la spore mûre, certains changements importants se produisent : une substance oléagineuse s'amasse dans les vacuoles qui augmentent de volume ; ces globules oléagineux se réu- nissent en une ou deux masses centrales, le protoplasma se réduit et se condense ; on y distingue encore quelque temps les noyaux, puis il devient presque impossible de les apercevoir. Dans l'état actuel de nos connaissances, on ignore si la Truffe se multiplie et s'étend de préférence au moyen de son mycélium, c'est-à-dire par une sorte de bouturage ou de marcottage, ou bien par ses spores jouant le rôle de graines. Jusqu'ici la germination de ces spores n'a pas été observée et il est intéressant de rappeler une opinion qui a prévalu pendant longtemps ; cette opinion s'appuie, en partie au moins, sur une observation de Vittadini qui a trouvé à l'intérieur d'échantillons âgés et altérés, une multitude de petites Truffes, à peine plus grosses qu'un grain de millet. BuUiard a pu dire que les spores de la Truffe sont de « petites truffes toutes formées ; qu'elles ne se développent point comme graines, mais par une simple extension de parties comme fœtus » ; pour Turpin, ces corps repro- ducteurs c( sont autant de Truffinelles auxquelles il ne manque plus que de s'étendre et de se remplir de nou- velles Truffinelles, pour être des Truffes parfaites. » La connaissance du développement de la Truffe ne permet plus d'accepter ces idées. Malgré l'absence d'obser- vations précises, nous pouvons quand même, en considé- rant ce qui a lieu dans les autres champignons, prévoir le mode de germination de la spore ; le nombre considé- rable des noyaux qu'elle renferme, nous autorise à penser qu'elle développe à sa surface un système rayonnant de (1) P. -A. Dangeard. Loc. cit., p. 52. 86 P. -A. DANGEARD filaments germinatifs ; il suffît cruii noyau à chaque filament pour qu'il puisse s'allonger et se développer en mycélium ; ce mycélium, trouvant une racine de chêne à sa disposition, recommencera le cycle que nous venons d'exposer. On a bien souvent dit et répété : Si vous voulez des Truffes, semez des glands : ce qui est vrai pour tous les pays ayant des truffières naturelles ; cette coïncidence peut s'expliquer facilement. En effet, ces glands que Ton sème, appartiennent à des chênes truffîers ; ils se sont trouvés en contact avec la terre des truffières farcie de spores ; ces dernières se sont fixées par leurs aspérités sur les glands ou sur les cupules qui les renferir^ent ; la plantule de chêne aura donc ses racines au voisinage des spores ; le mycélium que celles-ci émettront autour d'elles en germant, trouvera facilement à sa portée les jeunes racines de chênes qui lui sont nécessaires pour ses développements ultérieurs. Nos connaissances précises s'arrêtent à la germination de la spore : il est nécessaire qu'elles soient complétées par des expériences conduites avec soin ; c'est de ce côté que doivent porter maintenant de préférence les efforts des observateurs, et peut-être, de leurs études, verra-t-on éclore une méthode rationnelle et pratique de culture artificielle de la Truffe ! CONCLUSIONS Cette étude, qui a eu pour objet le Tuber melanosjDer- mum, donne une vue d'ensemble de nos connaissances sur la Truffe ; elle renferme un certain nombre de résul- tats nouveaux. A. — La nature intime des rhizomorphes est signalée pour la première fois ; elle permet d'établir une distinc- LA TRUFFE 87 tion capitale entre les rhizomorphes incolores et ceux qui sont colorés en brun ; cette distinction pourra s'éten- dre sans aucun doute aux rhizomorphes des autres cham- pignons. B. — La reproduction sexuelle s^opère dans la Truffe comme chez les autres Ascomycètes par le concours d'oos- pores à deux noyaux ; ces oospores, après fécondation, se développent en asques ; la Pézize fournit un excellent exemple de cette reproduction sexuelle chez les Discomy- cètes ; la Truffe en constitue un également bon chez les Périsporiacées. C. — Nous avons indiqué Torigine des spores et leur mode de formation, ce qui permet de comprendre mainte- nant les raisons de leur inégalité numérique dans chaque conceptacle. D. — Les spores^, à maturité, renferment de nombreux éléments nucléaires qui proviennent de bipartitions suc- cessives d'un seul noyau primitif : c'est la première fois que l'on constate dans le groupe entier des champignons, une pareille activité pendant la formation et Taccroisse- ment de la spore. E. — Dans un assez grand nombre de champignons, on observe la présence de cals, situés de chaque côté des cloisons, dans les tubes mycéliens ; cette disposition est identique à celle des tubes criblés chez les plantes vasculaires. Nota. — Toutes les figures fournissant des détails histologiques ont été dessinées à la chambre claire (objectif à immersion homogène, 2,0 m. m de Zeiss). LA REPRODUCTION SEXUELLE CHEZ LES BASIDIOMYCÈTES (note préliminaire) Par P. A. DANGEARD La reproduction sexuelle des Urédinées, des Ustila- ginées et des Ascomycètes, est maintenant bien connue et son existence a été appuyée sur Tétude de nombreuses espèces. Cette note, consacrée aux Basidiomycètes, est destinée à montrer que c'est bien, ainsi que nous l'avions prévu, dans la jeune baside que s'effectue la fécondation. Nous avons choisi comme exemple la Tremella mesen- terica; cette espèce se trouvait en pleine période de fructi- fication; sa place dans les Protobasidiomycètes augmen- tait Tintérêt de cette recherche. Dans ce champignon, les filaments mycéliens sont plon- gés dans une substance gélatineuse abondante qui se gonfle beaucoup dans l'eau ; ils sont cloisonnés de loin en loin et chacun des articles renferme en général plusieurs noyaux qui forment çà et là, au milieu du proto- plasma, des taches chromatiques. Quelques filaments mycéliens fertiles viennent se ramifier dans la couche cor- ticale : ce sont les extrémités de leurs rameaux qui se transforment en oospores. Ces oospores renferment deux REPRODUCTION SEXUELLE CHEZ LES BASIDIOMYCÈTES 89 noyaux : contrairement aux noyaux des hyphes, ils lais- sent facilement apercevoir un nucléole et une membrane nucléaire; le protoplasma est également plus homogène que celui des hyphes, plus colorable par les réactifs; ces oospores se séparent du mycélium par une cloison; elles sont allongées; leur longueur n'augmentera que faible- ment parla suite; il en est tout autrement de leur diamètre: aussitôt après la fusion des deux noyaux en un seul, le volume du noyau sexuel augmente peu à peu et l'oospore arrive progressivement à atteindre une grosseur relative- ment considérable. Il est bon de remarquer, afin d'éviter dos méprises, que la fusion des deux noyaux a lieu de très bonne heure, avant l'augmentation sensible du volume des oospores : aussi faut-il choisir, pour l'étude de la fécondation, des échantillons qui ne font que com- mencer à fructifier. Pendant que les oospores grossissent, leur proto- plasma se charge d'une huile colorée en jaune ; au centre de l'oospore, le noyau se montre avec une membrane nucléaire, un cytoplasme clair et un très gros nucléole : il est probable qu'il existe à ce stade des granulations chromatiques, puisque nous les retrouvons plus tard; mais il nous a été jusqu'ici impossible de les voir nette- ment. Ce noyau subit deux bipartitions successives, à la suite desquelles l'oospore se trouve partagée longitudinale- ment en quatre par des cloisons : ici, le promycélium est donc interne au lieu d'être externe comme chez les Ustilaginées et les Urédinées. Chacune de ces quatre cel- lules pousse un tube germinatif, dans lequel s'engagent d'abord le protoplasma, ensuite le noyau; ce tube atteint la surface et là, il se renfle légèrement; sur ce renflement, un tube étroit se développe et se termine par une sorte de bouton ; c'est le début de la spore qui grossit et arrive à son volume normal. 90 P -A. DANGEARD Pendant que le noyau chemine dans le tube germinatif, il s'allonge suivant l'axe ; sa structure, à ce moment, est la suivante : le nucléole est fréquemment placé à l'avant, et derrière lui, se trouve la masse nucléaire, de forme elliptique, dans laquelle on peut distinguer nettement les granulations chromatiques ; ces granulations chro- matiques sont bien réguhères ; il est possible, par les doubles colorations, de les colorer en rouge, alors que le protoplasma possède une coloration bleue. Cette dis- position du nucléole et des granulations chromatiques permet au noyau de s'engager dans l'étroit canal qui fait communiquer le tube germinatif avec la spore. Arrivé dans la spore, ce noyau reprend sa forme globuleuse tout en conservant sa structure; les granulations chromatiques restent très apparentes; certaines spores renferment deux noyaux ; la formation de ces spores ou sporidies rappelle entièrement celle que nous avons vue chez les Ustila- ginées. En résumé, chez les Basidiomycètes,c'est lajeunebaside quiestl'oospore; cette oospore, après fécondation, fournit directement les embryons; ou bien, elle forme des cloisons, ce qui correspond à un promycélium interne. r NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE SUR NOS PUBLICATIONS EN BOTANIQUE Par P.-A. DANGEARD Lorsqu'un explorateur a parcouru, le carnet à la main, de nombreux pays, il revient avec une riche moisson de souvenirs qu'il a fixés au jour le jour; dans ses voyages, il a vu avec ses idées et suivant son tempérament ; on ne saurait lui en faire un reproche. Il en est de même du naturaliste. Tous les deux éprouvent le besoin de mesurer de temps en temps le chemin parcouru, de récapituler leurs obser- vations, d'en dégager les idées générales. Ce travail leur est utile pour des recherches ultérieures : il Test également à ceux qui suivent une direction analogue. Ce sont les raisons qui m'ont déterminé à publier cette Notice : elle marque une première étape de dix années de vie scientifique. Il y a une dizaine d'années en effet que, sur la demande de M. Modère, doyen de la Faculté des sciences de Caen, j'obtins d'être nommé préparateur de Botanique. Bien décidé, dès lors, à me consacrer exclusivement et entié- 9'2 p. -A. DANGEARD 1 rement à cette science, je cherchais des sujets d'étude un peu au hasard, herborisant avec M. Morière aux excur- sions des élèves de la Faculté, explorant, sous sa direc- tion, les principales stations parcourues déjà et signalées par les Lenormand et les de Brébisson (1). De l'une de ces excursions, j'avais rapporté des Oscillai- res et un jour, je m'aperçois que les filaments de cette algue s'étaient renflés en ampoules desquelles, à un certain moment, on voyait sortir un grand nombre de corpus- cules agiles. Un instant, je crus avoir trouvé la reproduc- tion par zoospores chez les Cyanophycées. M. le doc- teur Bornet, avec sa vaste érudition, n'eut pas de peine à me détromper, mais en même temps, avec sa grande bienveillance, il m'encouragea à poursuivre l'étude de ce parasite des Oscillaires. De là date mon premier travail (2) ; il a déterminé chez moi, pour l'étude des infiniment petits, un goût très vif qui se manifesta bientôt par quelques nouvelles observa- tions (3-5). A ce moment, on parlait beaucoup autour de nous de la théorie darw^inienne, des Vampyrelles et des Monères d'Haeckel ; il semblait pour plusieurs que l'existence de ces êtres, d'autant plus mystérieux qu'ils n'avaient été vus que par quelques privilégiés, était en contradiction avec les doctrines spiritualistes. Tel n'a jamais été notre avis; (1) Notice biographique sur M. Morière {Journal de Botanique, l*' jan- vier 1889). (2) Note sur le Chytridium subanguiosum {Bulletin de la Sociélè Lin- néenne de Normandie, 3e série, 9e volume, 1884-85, p. 88). (3) Note sur le Catenaria anguiUulse {Bulletin de la Société Linnéenne d3 Normandie, 3e série, 9e volume, 1884-85, p. 12G). (4) Note sur le développement des spores durables de Pseudospora nitellarum {Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 3e série, 10e volume, 1885-86, p. 150). (5) Vampyrella (Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 3e série, 10» volume, 1885-86, p. 177). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 93 en adoptant les idées d'évolution, nous avons eu soin de déclarer : « Qu'un fait indéniable domine pour nous l'en- semble du monde organisé : une création dont l'action première est lointaine et dont les effets actuels sont aussi merveilleux que leur manifestation initiale. > (Introduc- tion à la première série du Bota,niste.) Je me suis attaché de plus en plus à ces idées d'évolu- tion parce qu'elles ont été pour moi un guide sûr, me permettant souvent de prévoir un développement ou un fait avant de l'avoir vérifié ; cette influence s'est fait sentir dans presque tous les sujets que nous avons abordés et qui gravitent, pour la plupart, autour de ces trois idées principales : I. Distinction des animaux et des végétaux ; II. Constitution interne de la plante; III. Reproduction sexuelle des champignons. I Le problème de la distinction des animaux et des végé- taux ne pouvait se poser sérieusement que le jour où l'on a disposé d'instruments assez puissants pour explo- rer le domaine des infînimentpetits : il ne pouvait recevoir un commencement de solution que par Tétude approfon- die du développement de ces êtres. Ehrenberg, Dujardin, Stein nous ont révélé, dans leurs magnifiques travaux, l'existence d'un monde nouveau insoupçonné des anciens : mais la classification s'y montre hésitante. Laraison en estsimple: ces savants n'ont pu entrevoir souvent qu'un moment dans la vie de ces êtres; ils ont pris et fixé une ou 'deux poses, alors que l'idéal est une série d'instantanés s'étendant sans discon- tinuer à toute la vie de l'être, dans sa structure et dans ses fonctions. 94 P.-A. DANGEARD La question serait-elle donc insoluble? Nous ne le pen- sons paK. On ne peut actuellement, dans la recherche de l'orga- nisme primordial, de celui qui adonné naissance, par des modifications dans le temps, aux formes innombrables de plantes et d'animaux, remonter qu'à l'élément cellulaire ; mais il faut entendre qu'il y a de l'élément moléculaire à la cellule, un abîme aussi grand à franchir que celui qui sépare cette cellule de ses composés : plantes et animaux supérieurs. Si le microscope nous permet de suivre les stades d'évolutionde la cellule, nous n'avons rien jusqu'ici qui|puisse nous permettre de suivre l'évolution de l'élé- ment moléculaire à la recherche de la vie ; nous igno- rons même si l'abîme a été franchi d'un bond ou si l'élé- ment moléculaire a évolué lentement vers la cellule, sous l'influence créatrice. Nous pouvons du moins nous expliquer l'existence chez les cellules, malgré leurs caractères communs, de tendances variées et multiples. Deux tendances princi- pales se dégagent, dès l'origine, des tendances secondaires qui auront pour résultat les différences individuelles ; ces deux tendances ont affecté le mode de nutrition et elles ont imprimé aux deux règnes leurs caractères propres. La cellule peut, en effet, se nourrir de deux façons diffé- rentes (6) : Elle absorbe les aliments solides à son intérieur, les y digère et finalement expulse ou abandonne les résidus ; l'ingestion des particules solides peut se faire en un point quelconque^dela surface ; il en est de même de la défécation, si le protoplasma est nu ; s'il est recou- vert d'une membrane, des ouvertures spéciales sont mé- nagées pour l'entrée et la sortie des aUments. (6) Sur l'impoitance du mode de nutrition au point de vue de la distinction des animaux et des végétaux (Comptes rendus de V Académie des sciences, 1887). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 95 Ou bien la cellule ne peut introduire dans son proto- plasma que des substances à l'état liquide ou gazeux : la digestion est localisée a la surface du corps, revêtu généralement, dans ce cas, d'une membrane continue. Si la plante et Tanimal se sont engagés dans deux direc- tions différentes ? si, partant d'une commune origine, ils ont évolué en accentuant de plus en plus leurs différences d'organisation et même de fonctions ; s'il existe deux règnes organisés, c'est, en un mot, parce qu'il y a pour la cellule deux manières de se nourrir. Telles étaient les conclusions de notre thèse de Docto- rat, en 1886 (7), travail dans lequel nous avions pu étudier de nombreuses espèces de Vampyrelles et de Rhizopodes, des Monadinées zoosporées, un grand nombre de Chytri- dinées et d'Ancyclistées. Un autre résultat important était encore acquis. On avait remarqué çà et là, chez les Flagellés et les Rhizo- podes, la présence de germes endogènes, et plusieurs naturalistes concluaient à un mode de reproduction particulier. L'étude attentive de ces germes nous per- mit de démontrer leur nature parasitaire, et ces forma- tions prirent place dans les Chytridinées sous le nom de Sphaerita. endogena (8). Nous avions démontré la nature animale de deux groupes primordiaux, celui des Vampyrelles condui- sant directement aux Rhizopodes et indirectement aux Flagellés par l'intermédiaire des Monadinées zoosporées ; nous avions mis hors de doute la nature végétale de la famille des Chytridinées qui soutient le groupe entier des champignons. Il nous restait à faire semblable tra- vail pour les Algues : rechercher leur point de départ et (7) Recherches sur les organismes inférieurs {Annales des sciences naturelles, 7e série, Bot., t. IV). (8) Sur un nouveau genre de Chytridinées, parasite des Rhizopodes et des Flagellâtes (Bulletin delà Société Botaniq^ue de France, 1886), 3 96 P.-A. DANGEARD au besoin constater les hésitations de la cellule à s'enga- ger dans cette direction qui devait être pourtant si féconde. Les Algues^ ainsi que les Champignons, prennent contact avec la série animale au niveau des Flagellés : elles débutent par l'intermédiaire de genres vivant, comme les Polytovia, les Astasia., les Cldloriionas, dans des liquides chargés de substances nutritives solubles : chez ces êtres^ la bouche, devenue un organe inutile, a disparu. Si le milieu nutritif s'appauvrit, la vie ne sera alors possible que dans le cas où la digestion superficielle ou végétale viendra suppléer la nutrition animale et même la remplacer : c'est ce qui s'est produit pour les cham pignons et les algues ; mais ces dernières ont été plus favorisées, et dès le début, à la digestion superficielle, un nouveau facteur est venu s'ajouter. Ce facteur inat- tendu, la chlorophylle, a permis à la plante d'emprunter à Tair son carbone; une nutrition dite holophytique s'ajoutait ainsi, pour les végétaux, à la nutrition super- ficielle notoirement insuffisante. Cette orientation végétale s'accuse nettement dans les Chlamydomonadinées et les Volvocinées, deux familles auxquelles nous consacrons, après quelques études préliminaires (9-12), un mémoire particulier en 1887 (13). D'autres familles d'algues ont une origine identique. (9) Observations sur le développement du Chlamydococcus pluvialis {Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 4e série, !«'' volunife 1886-87, p. 43). (10) Note sur le genre Chlamydomonas (Id. p. 151). (11) Note sur le genre Chlorogonium (Id. p. 160). (12) Note sur la formation des anthérozoïdes dans V Eudorina elegans (Id. 1887-88, p. 12i). (13) Recherches sur les algues inférieures {Annales des sciences naturelles, Bot. t. VII, avec deux planches). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 97 Nous ne nous bornons pas à énoncer cette proposition ; nous l'appuyons sur l'observation de nombreux déve- loppements complets, pour la plupart encore inconnus ; c'est ainsi que nous étudions successivement les Pé- ridiniens (14) , les Cryptomonadinées et les Euglé- nées (15-16), puis une nouvelle famille, celle des Poly- blepharidées (17-18). Dans ces dernières familles, la multiplication de l'in- dividu s'opère par une simple bipartition; sa protection est assurée parla production rapide de kystes ou bien d'une manière moins effective par la sécrétion d'une substance gélatineuse réunissant un certain nombre de cellules en colonies palmelliformes. Dans les Chlamydo- monadinées et les Volvocinées, l'individu se multiplie au moyen de zoospores nées dans des sporanges : il pos- sède une reproduction sexuelle bien caractérisée ; nous avons réussi à la découvrir dans un certain nombre d'espèces où on l'ignorait et aussi chez plusieurs genres nouveaux. A cette époque, nous menions de concert l'étude des Algues et des Champignons (19-21). (14) Les Péridinienset leurs parasites (Journa/ de Botanique, w des 16 avril et 1er mai 1888). (15) Observations sur les Cryptomonadinées {Bulletin de la Société botanique de France, 1888). (15) Recherches sur les Cryptomonadinées et les Euglénées (Le Botaniste, 1"^® série, 1er fascicule). (17) Sur la nouvelle famille des Polyblepharidées (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1889). (18) Mémoire sur les algues (Le Botaniste, l'e série, p. 127-174, PI. VI- VII). (19) Notes mycologiques (Session cryptogamique des Sociétés Bota- nique et Mycologique, Paris, 1888). (20) Sur un nouveau genre de Chytridinées parasite des algues {Comptes rendus de l'Académie des science!^, 1888). (21) Recherches sur les Chytridinées {Le Botaniste, !'■'= série, p. 39- 74, PI. II-III). L 98 p. A. DANGEARD Ces diverses études nous avaient familiarisé avec l'en- semble des infiniment petits et elles nous rendaient le travail facile. Nous avons pu ainsi, à peu d'intervalle, publier deux autres mémoires. Les Vampyrelles ont été placées longtemps parmi ces fameux Monériens hypothétiques d'Haeckel : un examen attentif permet cependant d'y déceler, à tous les stades de leur développement, l'existence de nombreux noyaux nucléoles ; je suis même porté à croire qu'il n'existe aucune monère, c'est-à-dire aucun organisme vivant dépourvu d'éléments nucléaires (22) ; dans ce travail, nous exposons, parmi un grand nombre d'autres faits, les résul- tats d'une excursion chez les Acinétiens, infusoires à structure et à développement bien particuliers. Les infiniment petits, ainsi que les organismes supé- rieurs, sont en lutte continuelle avec une foule de para- sites divers : rien n'est plus intéressant que de con- naître les mœurs de ces parasites, leur organisation, leur structure, leur reproduction ; à chaque pas, on fait des découvertes du plus haut intérêt. On ne peut man- quer d'être frappé par les transformations successives du Ciliophrys viarina, Dang., tour à tour Rhizopode et Fla- gellé, et je ne connais aucun organisme plus remarqua- ble que le nouveau genre Antlea,qui vit sur les Closterium : c'est un Flagellé en forme de toupie, qui, sans aucune différenciation, absorbe d'un côté les aliments, pour les rejeter de l'autre après digestion (23). Ce sont là les mémoires principaux publiés dans cet ordre d'idées ; il faut y ajouter quelques notes d'intérêt (22) Contribution à l'étude des organismes inférieurs {Le Botaniste, 2e série, p. 1-58, PI. I-II). (23) Mémoire sur quelques maladies des algues et des animaux (Le Botaniste. 2' série, p. 231-268, PI. XVI-XIX). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 99 plus Spécial, que nous n'avons pas le loisir d'analyser (24-37). Je ne puis m'empêcher de noter spécialement une observation sur la nutrition animale des Péridiniens incolores ; elle témoigne, chez ces êtres, de mouvements calculés qui dénotent une véritable intelligence dans la préhension des aliments (38). Si Ton admet les conclusions générales qui découlent de l'ensemble de ces divers travaux, les organismes infé- rieurs se séparent nettement en deux séries, l'une animale, l'autre végétale : tout s'explique ; l'orientation (24) Etude du noyau dans quelques groupes inférieurs de végétaux {Comptes rendus, Acad. scien., 29 juillet 1889). (■25) Contribution à l'étude des Bactériacées vertes {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1891, el Le Botaniste, 2e série, p. 151-160, PL VIII). (26) Sur deux espèces nouvelles de Chytridium {Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie, 1887-88, p. 152). (27) Sur la présence de crampons chez les Conjuguées {Le Botaniste, 2e série). (28) Les genres Chlamydomonas et Corbierea {Le Botaniste, 2e série, p. '!72-274). {29) La sexualité chez les algues inférieures {Journal de Botanique. 1888). (30) Indications sur la récolte des algues inférieures : modes de culture et technique {Notarisia, 1890). (31) Note sur la délimitation des genres Chytridium et Rhizidium {Revue mycnlogique, n« 51, juillet 1891). (32) Rhizopodes et Flagellés (Le Naturaliste, 15 avril 1892). {33) Les noyaux d'une Cyanophycée, le Merismopedia convoluta {Le Botaniste, 3e série, p. 28-31). (34) Note sur un Cryptomonas marin (Le Botaniste, 3» série, p. 32). (35) Le Polysporella Kutzingii Zopf. (Le Botaniste, 3*; série, p. 209- 214, PI. XIX). (36) Observations sur le groupe des Bactéries vertes (Le Botaniste 4e série, l«r et 2e fascicules, p. 1-3). (37) Sur la structure des Levures et leur développement {Le Bota- niste, 3» série, 6« fascicule, 15 janvier 1894, p. 282-286, PI. XXII). (38) La nutrition animale des Péridiniens (Le Botaniste, 3e série, p. 1-27, PI. I-II). 100 P.-A. DANGEARD végétale doit être notée avec les premiers effets de la cause qui l'a produite : les ressemblances des algues inférieures et des champignons sont naturelles ; plus on sera près du point de départ, plus ces ressemblances seront étroites. La chlorophylle intervient, avons-nous dit, au début de la différenciation végétale pour suppléer à une nutri- tion superficielle incomplète : il existe pourtant des animaux colorés en vert. Le fait est exact, mais cette chlorophylle n'appartient pas en propre à l'animal : elle est fixée sur des corpuscules étrangers qui ne sont autre chose que de petites algues microscopiques : ces dernières vivent en symbiose dans le tissu de l'animal : leur étude nous a permis de confirmer les vues de Brandt et de Balbiani sur leur nature (22) ; ces algues ont reçu le nom de Zoochlorelles ; elles sont signalées chez un cer- tain nombre d'Infusoires et chez quelques Métazoaires. Les Zoochlorelles étaient inconnues dans le groupe entier des Flagellés : nous avons décrit une espèce nou- velle, Y Anisonema viridiSy qui en est abondamment pour- vue (18). Dans l'état actuel de nos connaissances, avec la classi- fication naturelle que nous proposons, la chlorophylle est propre aux végétaux (39-41). Dans les champignons, la chlorophylle manque : la cellule, réduite à sa digestion superficielle, s'est trouvée dans les plus mauvaises conditions : aussi, ces êtres ont vainement porté ce mode de nutrition à son maximum d'intensité : ils sont devenus des parasites effrénés. (39) La chlorophylle chez les animaux {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1889). (40) La chlorophylle normale existe-t-elle chez les animaux ? (Le Naturaliste, !*'■ mars 1S91). (41) La couleur verte des animaux (Le Naturaliste, Itr juin 1891). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 101 semant partout la destruction (42). Malgré cela, leur évo- lution se trouvait forcément limitée : le groupe se ter- mine pauvrement sans avoir pu produire autre chose qu'un nombre incalculable d'espèces non différenciées. Chez les algues, il en a été autrement ; avec la chloro- phylle, la plante inférieure a pu évoluer graduellement — nous en connaissons les stades — jusqu'à la plante su- périeure. Celle-ci étendra de plus en plus sa digestion superficielle, en multipliant son système de racines, développant ainsi une surface immense : elle multiplie à l'infini la zone d'action de la chlorophylle, en exposant aux rayons solaires les mille surfaces limbaires des Veuilles ! Quelle est donc l'organisation de cette plante supé- rieure? II L'organisation d'une plante supérieure constitue un ensemble complexe, et le rôle de l'anatomie est de nous la dévoiler et de nous l'expliquer. Dans toute plante verte, la fonction de nutrition com- prend une digestion superficielle qui s'effectue en général par des poils absorbants, et une nutrition chlorojohyllienne dont le siège principal se trouve dans les feuilles. Cette localisation sur des organes spéciaux ne s'est pas effectuée brusquement : dans les algues, elle manque ou reste incomplète. Elle se montre nettement dans les Mus- cinées avec l'apparition des poils absorbants et celles des feuilles. (42) Los maladies du pommier et du poirier (Le Botaniste, 3e série, p. 33-116, PI. III-XII). Ouvrage couronné par l'Association Pomolo- gique de l'Ouest. Consulter également plusieurs articles de vulgari- sation publiés dans la revue Le Cidre et le Poiré, 1893-1894, Argentan. ÎO-2 p. A. DANGEARD Ces plantes, en raison même de leurs caractères primi- tifs, devaient peu compter sur leur digestion superficielle qui exige un sol riche en principes nutritifs : de là vient cette prédominance de la nutrition chlorophyllienne et des organes qui la représentent. Aussi la tige portant les feuilles a-t-elle précédé la racine portant les poils absor- bants. Nous pouvons même dire plus : la Muscinée simple n'avait besoin que du poil absorbant pour la nutrition superficielle, que de l'expansion foliacée pour sa nutrition chlorophyllienne : aussi la feuille a-t-elle précédé la tige ; l'algue, effectuant sa digestion superficielle par l'organe chlorophyllien lui-même, n'avait besoin ni du poil absor- bant ni de la feuille en tant qu'organe spécial : aussi la formation de la feuille a-t-elle suivi celle du thalle qui réunissait la double fonction. Nous pouvons dire : La feuille est une modification du thalle ainsi que le poil absorbant : la tige provient des feuilles, et la racine n'est qu'une tige adaptée à son rôle spécial ; chaque organe nouveau, dans les idées d'évolu- tion, ne pouvant être, au moins le plus souvent, que le ré- sultat d'une modification d'organes existant précédemment. La Muscinée a d'abord cherché à étendre sa partie foUacée en largeur, comme le témoigne le groupe des Hé- patiques ; mais le progrès ne devait pas se produire dans cette direction. Il ne pouvait se trouver que dans la mul- tiplication de cette partie foliacée ; au lieu d'une seule lame foliaire, il fallait un grand nombre de feuilles. Ces feuilles d'un même individu restent réunies par des par- ties communes : c'est l'ensemble de ces dernières qui cons- titue l'axe caulinaire, la tige, et, dans cette dernière, on pourra encore le plus souvent reconnaître ce qui appar- tient à chaque feuille, non seulement par l'étude anato- mique des tissus, mais aussi, dans beaucoup de cas, par un simple examen superficiel. PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 103 La différenciation de l'organe chargé de la digestion superficielle est plus lente : dans les Muscinées, les poils absorbants se fixent encore directement sur le thalle ou sur l'extrémité inférieure de la tige. Cet état de choses ne peut durer : les poils, à cause de la simplicité de leur structure, n'ayant pas la ressource, comme la feuille, de pouvoir constituer un axe qui leur soit propre, cet axe est emprunté à la tige. C'est l'extrémité inférieure de la tige qui, chez les Cryptogames vasculaires,va fournir les axes supports des poils radicaux. Pour que cette conclu- sion soit exacte, il faut que nous retrouvions, dans ces racines, la structure, au moins approchée, de la tige des Cryptogames vasculaires ; or cette structure est tellement identique que, dans beaucoup de cas, on ignore où finit la tige souterraine pour devenir la racine véritable (stolons des Nephvolepis, tige souterraine des Psilotum , des Tmesipteris, porte-racines des Sélaginelles). N'y a-t-il pas là un enchaînement remarquable qui ne peut manquer d'amener la conviction ? On assiste à la for- mation dans la plante des organes aux dépens les uns des autres, au fur et à mesure des progrès de la différen- ciation. Ce sont là les idées qui doivent nous guider en anato- mie comparée : au lieu de chercher à établir des con- trastes entre les différents organes des plantes, ce sont les points de rapprochement qu'il faut trouver, ce sont les rapports de parenté provenant d'une communauté d'ori- gine qu'il faut établir ! La plante en est arrivée progressivement, on l'a vu, à posséder d'une part ses feuilles et ses tiges, d'autre part ses poils radicaux et ses racines, chacune de ces parties ayant un rôle différent à remplir dans la nutrition géné- rale ; leurs systèmes conducteurs doivent se mettre en relation fun avec l'autre. De quelle manière ? On a peine à croire que les rapports entre ces deux 104 P.-A. DANGEARD systèmes étaient peu connus, il y a quelques années, môme dans les exemples les plus vulgaires ; les notions que l'on possédait, tendaient à faire admettre que la com- munication s'établit sans aucun plan. Dans le seul tra- vail d'ensemble, excellent d'ailleurs, qui existât, on croyait pouvoir dire « qu'il n'y a aucun caractère de famille à tirer de l'étude du collet; il y a seulement une certaine constance dans l'espèce « : cette conclusion générale n'est guère compatible avec ce que nous savons de la parenté des êtres entre eux. Préparé aux recherches anatomiques par nos fonctions de préparateur et aussi par quelques recherches origi- nales (43-46), nous avons donné une étude du raccord des deux systèmes conducteurs chez les Dicotylédones. Les conséquences de ce travail, qui s'étendent à plus d'une centaine d'espèces, peuvent être ainsi résumées : 1° La disposition du système conducteur des cotylédons influe sur le nombre des faisceaux de la racine : au mode de nervation penninerve des cotylédons, correspond la disposition binaire des faisceaux de la racine ; au mode de nervation palminerve, correspond le nombre quatre des faisceaux à la racine. 2° La tigelle possède des faisceaux cotylédonaires et des faisceaux foliaires ; son étude est ainsi ramenée à celle d'un entre-noeud quelconque. 3° L'insertion des faisceaux de la racine se fait sur les cotylédonaires, et de telle façon, que, dans la presque (43) Remarques sur les canaux sécréteurs de l'Araucaria imbricata (Bullet. de la Société Linnéenne de Normandie, 4° série, \^' volume, 1886-87, p. 174). (44) Sur la polystélie dans le genre Pinguicula (Id.p. 177). (45) Recherches sur la structure des Salicorniœ et des Salsolacex (Id.J'-e série, 2e volume, p. 88). (.'iG) Anatomie et développement de VEranthis hyemalis (Id. p. 130). Consulter également le Bulletin de la Société Botanique dt- France, années 1887- 1888. PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 105 totalité des cas, le plan médian verlicai des cotylédons passe par un faisceau ligneux de racine. 4° Ainsi compris, le mode d'union de la tige à la racine, dans laplantule, correspond assez exactement aux familles naturelles (Composées, Cucurbitacées, Crucifères, Renon- culacées, etc.) ; même, lorsqu'il se rencontre une apparente exception, celle-ci, bien étudiée, ne fait que confirmer la règle (cas des Xanthium) (47-48). Dans la préparation de ce travail, une idée s'était imposée peu à peu à notre esprit, et nous l'avions émise brièvement sous cette forme : « Des modifications peuvent se produire dans la tige primaire à un même niveau. Il est commode, pour les comprendre, d'envisager la tige primaire comme le résultat d'une union intime des pétioles » (48). Cette dépendance étroite de la feuille et de la tige, Gaudichaud l'avait consacrée dans la théorie qui porte son nom : il pouvait être dangereux de la tirer de l'oubli, même en profitant des découvertes nouvelles en anatomie pour la mettre au point. Depuis, des adhésions bien précieuses nous sont venues ; et, chez ceux même qui n'ont pas cru devoir l'adopter, la notation anatomique a subi une telle évolution que les divergences qui séparent encore les deux interprétations sont bien faibles et souvent presque négligeables. Ces idées sur la constitution de la plante ont été exposées et développées de la manière suivante (49) : L'organe foliaire, le « phyton» constitue une individua- lité comprenant : (47) Le mode d'union de la tige et de la racine chez les Angiospermes {Cotnptes rendus de VAcadémie des sciences, 15 octobre 1888). (48) Recherches sur le mode d'union de la tige et de la racine {Le Botaniste, Ire série, p. 7o-125, PI. IV-V). (48) Le Botaniste, loc. cit., p. 1 18. (49) Recherches de morpholotrie et d'anatomie végétales {Le Bota- niste, 1™ série, p. 175-1^2, PI. VIII-IX). 106 p. A. DANGEARD 1° Une partie caulinaire OU rachis. 2° Une partie appendiculaire, le limbe de la feuille et son pétiole. Ce sont les rachis, qui, par leur coalescence, constituent l'axe, la tige en un mot. L'individualité des rachis se manifeste parfois exté- rieurement sur l'axe, grâce aux phénomènes dits de « décurrences foliaires » (Larix, Cedrus, Araucaria, Lathyrus, Cirsium, etc.) L'étude des stolons et des rhizomes chez les Cryptoga- mes vasculaires nous conduit à regarder les racines commodes axes qui, sous l'influence du milieu, ont perdu leurs feuilles; ici, les phytons, en perdant leur partie appendiculaire, ont perdu également leur individualité. Pour bien connaître l'organisation d'une plante, il faut étudier : 1° Chacune des individualités foliaires, leur dévelop- pement et les différences qu'ils présentent entre eux selon leur rôle ; 2° Les relations qui s'établissent entre eux ; 3° Les modifications qui se produisent par suite du fonctionnement des zones génératrices. C'est ce plan qui nous a guidé dans tous les travaux d'anatomie végétale qui ont suivi : nous avons pu ainsi surprendre à la plante plus d'un de ses secrets. De Bary, suivi par beaucoup d'anatomistes, attribuait aux Fougères en général des faisceaux concentriques, à bois central, entouré plus ou moins complètement par le liber : les cordons libéro-ligneux des Equisetum, ceux des Ophiogiossum et des Osviunda seraient des faisceaux collatéraux ordinaires : quant au système conducteur des Lycopodium^ des Selaginella, des Tmesipteris, des Psilotum,i\ est étudié avec les racines. D'après MM. Van TieghemetDouliot, les faisceaux con- centriques des Cryptogames vasculaires représentent PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 107 en réalité chacun une stèle, c'est-à-dire l'analogue d'un cylindre central. En examinant en détail un très grand nombre d'espè- ces de Sélaginelles, il nous est devenu possible d'établir la véritable nature du faisceau, sa structure, ses relations avec les feuilles ; nous avons ensuite généralisé les résul- tats en ce qui concerne le groujDC tout entier des Crypto- games vasculaires. Ce genre Selaginella. est problablement, au point de vue anatomique,l''un des plus intéressants du règne végétal : nous y établissons la structure de l'individu- type, qui, en se modifiant sous l'action d'influences diverses, a fourni les nombreuses espècestout àfaitdissem- blables de forme et de structure que nous connaissons dans ce genre : nous pensons que, seule, lathéorie phyton- naire pouvait permettre de comprendre ces transforma- tions et de les suivre pas à pas : seule également, elle peut fournir la véritable explication des porte-raci- nes (50). Nous avions, en 1888, signalé la présence d'un rhizome chez les Tmesipteris qui passaient pour en être dépour- vus (51) ; notre attention est ainsi appelée sur ce genre dans lequel nous pouvons caractériser par la suite plusieurs espèces nouvelles, en donnant des détails très complets sur leur organisation : nous rectifions ainsi cer- taines idées ayant cours, et nous pouvons ramener la structure de ces plantes au cas général. Les conclusions étaient développées sous ces divers titres (52) : (50) Essai sur l'anatomie des Cryptogames vasculaires (Le Botaniste, l" série, p. 211-270, PI. IX-XII). (51) Le rhizome des Tmesipteris {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1888). (52) Mémoire sur la Morphologie et l'Anatomie des Tmesipteris (Le Botaniste, 2e série, p. 163-223, Pi. IX-XV) et Note sur les mycorhizes endotrophiques (Id. p. 223-228). 108 P.-A. DANGEARD A. LegenvG Tmesipterls n'est pas réduit à une seule espèce, comme on l'admet : cinq espèces ont pu être caractérisées. B. L'anatomie a été du plus grand secours pour la détermination de ces espèces. C. Les Tmesipterls, sauf l'orientation verticale du limbe, ont la constitution générale des autres plantes. D. Le faisceau des Tmesipteris, comme celui des Séla- ginelles, comprend du protoxylème (faisceaux foliaires) auquel peut s'ajouter du métaxylème (faisceaux caulinai- res);maisle métaxylème, au lieu de se différencier d'un seul côté, se développe tout autour. On peut caractériser les diverses dispositions du système libéro-Iigneux des Tmesipteris, en disant que ce sont des plantes monostéliques à stèle binaire (deux faisceaux), ou composée (plus de deux faisceaux), avec moelle ou sans moelle. P. Les Tvxesipteris sont un excellent exemple pour étudier Torganisation phytonnaire d'une plante; l'indivi- dualité des phytons s'accuse nettement à la surface de la tige. Ces diverses recherches nous ont permis d'établir, dans une vue d'ensemble, l'équivalence des faisceaux dans toutes les plantes vasculaires (52). Notre dernier travail d'anatomie végétale a eu pour objet l'étude des plantules chez les Conifères où nous avions précédemment fixé le mode d'union de la tige et de la racine (53). Les résultats de cette étude (55) comprennent des faits (52) Sur l'équivalence des faisceaux dans les plantes vasculaires {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4891). (53) Sur le mode d'union de la tige et de la racine chez les Gymno- spermes {Comptes rendus de VAcadérnie des sciences, 1890). (55) Reclierches sur la plantule des Conifères (Le Botaniste, ^e série, PI. XII-XVII). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 109 d'intérêt particulier et des faits d'un intérêt plus général : parmi les premiers, nous citerons ceux qui ont rapport à l'appareil sécréteur, au tissu de transfusion et au tissu d'irrigation, à la structure des cotylédons, à la nature des aiguilles ; parmi les seconds, il faut placer le mode d'union de la tige et de la racine dans la plantule , la signification du nombre des cotylédons, la notion du phyton chez les Gymnospermes. « Cette notion, disions-nous, est si évidente chez les Conifères, au point de vue morphologique, qu'il serait oiseux d'y insister: chaque phyton a un rachis nettement séparé des voisins par un sillon plus ou moins profond; c'est cette individualisation externe qui reçoit dans le langage courant le nom de décurrence foliaire, exprimant ainsi une idée fausse: on l'a considérée de même à tort comme le résultat de feuilles accolées à la tige. Au point de vue anatomique, notre travail n'est que le développement sous toutes ses formes de ce que nous considérons comme la base de l'anatomie générale. En effet, l'anatomiste qui voudra parcourir ce travail avec attention, comprendra quel avantage on peut retirer de la notion du phyton chez la plante pour comprendre sa véritable structure, sa charpente ; les nouveaux phytons qui se forment dans une plante, sintercalent entre les anciens : c'est là l'explication naturelle de l'alternance des verticilles, de la position axillaire des branches. Dans le premier cas, les nouveaux phytons s'intercalent entre deux phytons du même verticille ; dans le second, ils s'intercalent entre les phytons de verticilles superposés; chaque phyton ayant un rachis d'importance déterminée, il est évident que la considération de ce rachis entre en ligne de compte dans l'agencement final des phytons d'une même plante. On doit juger un arbre à ses fruits; or, sans la notion 110 P.-A. DANGEARD du phyton, il nous aurait été impossible d'établir les règles qui président à la distribution des éléments sécré- teurs chez les Conifères et, en particulier, chez les Abiétinées : il nous aurait été interdit de fixer sûrement la position de ces éléments dans la tige en l'absence d'endoderme. Il en est de même en ce qui concerne le mode d'union de la tige et de la racine. Si l'on compare les lois si simples suivant lesquelles se fait l'union des de ax membres avec l'ensemble chaotique des anciennes données, même avec le renouveau qui leur a été donné par le beau travail de Gérard, il n'y aura pas, je pense, d'hésitation possible. Il y a plus à faire encore : le phyton étant admis comme unité, c'est aux divers éléments qui le composent, que devrait s'appliquer la notation primaire : ainsi le nom péricycle est donné à tort dans la feuille au paren- chyme qui s'étend entre le faisceau et l'endoderme; le mot péridesme(Van Tieghem) exprime au contraire une idée juste ; l'ensemble des péridesmes forme dans la tige le péricycle interne et le péricycle externe, alors que les faisceaux foliaires s'unissent en couronne libéro-ligneuse ; si les faisceaux sont dispersés, il n'y a pas de péricycle ; il n'y a que des péridesmes ; ce que nous appelons moelle et rayons médullaires est loin d'avoir toujours la même valeur : ainsi les rayons médullaires, dans la structure primaire, peuvent comprendre une partie médiane de tissu fondamental et deux parties latérales de tissu péricyclique ou simplement du péricycle ; il en est de même de la moelle qui, théoriquement, doit être réduite quelquefois au péricycle interne. En résumé, la notation anatomique a été établie en considérant d'abord la tige ; on a ensuite donné le même nom aux parties qui se retrouvaient dans la feuille; nous pensons que la marche inverse seule est rationnelle et qu'elle auraittoutes chances d'être acceptée définitivement PUBLICATIONS EN BOTANIQUE lU le jour où elle serait fixée par un anatomiste tel que le savant orofesseur du Muséum. Ces idées trouveront aussi leur application en térato- logie végétale (56). L'anatomie a commencé par être artificielle tout comme les premières classifications de plantes : ces dernières deviennent de plus en plus naturelles à mesure que l'on saisit mieux les lois de révolution. Il est bon d'étu- dier Tanatomie végétale, en se plaçant au même point de vue : c'est le seul moyen de la faire progresser et d'en faire accepter l'importance. III Les découvertes s'affirment quelquefois brusquement comme l'étincelle sous le choc du briquet ; plus fréquem- ment, elles ne sont que le résultat d'une longue prépara- tion plus ou moins consciente. Parmi ces découvertes, les unes sont acceptées facile- ment et sans discussion, alors que les autres ne s'im- posent qu'après do longues années. On ne saurait trop citer le cas des Lichens : il y a plus de trente ans, que Schwendener montrait qu'un Lichen est le résultat de l'association intime d'un champignon et d'une algue ! Malgré les beaux travaux qui sont venus successivement, de divers côtés, confirmer sa manière de voir, la majorité des Lichénographes ne s'y est pas encore ralliée à l'heure actuelle. Tout récemment, aux preuves déjà données en faveur de la d théorie schwendénérienne », nous avons ajouté celles qui résultent d'une étude histologiquej de l'algue et du champignon (57 ). (56) Note sur une anomalie florale de Tulipa sylveslris (Le Botaniste, 4e série, 1r« et Ce fascicules, 1894, p. 59), en collaboration avec M. Bou- grier. ' (57) Recherches sur la structure des. Lichens (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 23 avril 1894). 4 112 P.-A. DANGEARD Les résultats de nos observations sur la reproduction sexuelle des champignons sont-ils destinés à un sort ana- logue ? Nous avons l'intime conviction qu'il n'en sera pas ainsi ; déjà le mouvement d'adhésion se dessine ; l'atten- tion est sollicitée de ce côté, et, par la brèche, largement ouverte, un grand nombred'histologistes viendront explo- rer la place. Il ne nous convient pas d'exposer ici les efforts restés infructueux d'un grand nombre d'observateurs ; on s^était tellement habitué, après ces insuccès, à regarder les cham- pignons supérieurs comme dépourvus de reproduction sexuelle, que l'annonce de sa découverte a produit un certain étonnement ; c'est dans le but de dissiper les dernières hésitations, que nous rappellerons simplement la marche qui a été suivie et les constatations qui en ont été le résultat. Dans un certain nombre de champignons occupant la base du groupe, les phénomènes sexuels sont effectués par des organes différenciés morphologiquement ; ils sont réunis sous le nom d'Oomycètes, par opposition aux autres champignons beaucoup plus nombreux, dans les- quels aucune trace de reproduction sexuelle ne semblait exister. L'étude des Oomycètes nous a occupé tout d'abord. Dans un premier mémoire (58), outre quelques notions complémentaires sur le noyau des Myxomycètes, nous donnons une étude complète de la structure intime du Synchytrium Ta.ra.xa.cif à tous les stades de son développe- ment : nous indiquons la structure des noyaux et leur dis- persion pour un grand nombre d'espèces appartenant aux Chytridinées, aux Ancylistées, aux Saprolégniées, aux Pérénosporées ; nous constatons que les oosporanges et (58) Recherches histologiques sur les Champignons (Le Botaniste, 2e série, p. 63-149, PI. III-VII). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 113 les anthéridies en présence renferment de nombreux élé- ments nucléaires : nous cherchons ce qu'ils deviennent pendant la fécondation, quel est leur rôle (59). Malgré d'autres recherches poursuivies récemment dans les con- ditions les plus favorables sur lés Mucorinées (60-61), nous ne pouvons qu'entrevoir une partie du phénomène, à savoir une destruction de la plus grande partie des noyaux des gamètes et la persistance de quelques-uns, réduits à deux peut-être ($+Ô), qui s'uniraient en un seul noyau sexuel. Il est assez curieux de constater que, chez les Oomy- cètes, la nature intime des phénomènes de fécondation reste encore à préciser, alors que dans les autres champi- gnons, qui passaient jusqu'ici pour être dépourvus de reproduction sexuelle, celle-ci devient tout d'un coup mieux connue : la science, comme la fortune, a de ces brusques revirements. La découverte de cette reproduction sexuelle a eu lieu d'abord chez les Urédinées (62-63) ; elle a été faite en collaboration avec un élève qui commençait, sous notre direction, sa thèse au Laboratoire de la Faculté des sciences de Poitiers. La fécondation, dans les champignons de cette famille, consiste dans l'union de deux noyaux en un seul noyau (59) Du rôle des noyaux dans la fécondation chez les Oomycètes {Revue mycologique, n° 50, avril 1891). (60) Recherches sur la structure des Mucorinées {Comjjtes rendus de l'Académie des sciences, 19 février 1894), en collaboration avec M. Mau- rice Léger. (61) La reproduction sexuelle des Mucorinées (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 5 mars 1894), en collaboration avec M. Mau- rice Léger. (62) Recherches histologiques sur les Urédinées {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 30 janvier 1893). (63) Une pseudo-fécondation chez les Urédinées (Compfe* rendus de VAcadé)nie des sciences, 6 février 1893). 114 P.-A. DANGEARD sexuel : cette fusion des éléments nucléaires se produit dans les cellules des téleutospores. Ne sachant pas alors si ce phénomène était général, nous lui avons donné le nom de « pseudo-fécondation ». J'ai confié à M. Sappin-Trouffy le soin d'étudier dans ses détails ce phénomène dans la famille en question : il s'en est acquitté avec un succès qui lui a valu un en- couragement précieux de l'Académie des sciences. Pendant ce temps, nous cherchions la solution de cette question dans les autres groupes de champignons, en commençant par les Ustilaginées ; les résultats ne se sont pas fait attendre (64) ; nous les avons développés un peu plus tard dans un mémoire spécial (65), suivi à peu de distance d'une note complémentaire (66). A partir de ce moment, notre conviction, appuyée à la fois par les observations et par le raisonnement, a été absolue ; cela à un tel point, que nous indiquions l'en- droit précis du développement où la reproduction sexuelle devait être rencontrée dans les autres groupes : celui des Ascomycètes et celui des Basidiomycètes. Après les Ustilaginées, ce sont les Ascomycètes qui livrent leur secret, non toutefois sans difficulté (67) ; ces travaux, entrepris en vue de la confirmation d'une idée, n'ont pas été sans étendre largement nos connaissances sur le développement et l'organisation générale de ces (64) La reproduction sexuelle des Ustilaginées [Cumples rendus de l'Académie des soiences, 9 octobre 1893). (65) La reproduction sexuelle des Champignons : L Considérations générales sur la reproduction sexuelle des algues et des champignons ; IL Recherches sur la structure des Ustilaginées (Le Botaniste, 3^ série, 6» fascicule, 15 janvier 1894, p. 2U-Ui, PI. XX-XXIll). (66) La reproduction sexuelle de ÏEutyloniu Glaucii {Le Botaniste, 4» série, 1" et '^e fascicules, p. 12-17, fig. 1-3). (67) La reproduction sexuelle chez les Ascomycètes {Comptes rendus d& l'Académie des sciences, n» 19, 7 mai 1894). PUBLICATIONS EN BOTANIQUE 115 êtres, ainsi qu'on peut le constater facilement en par- courant ces divers mémoire-; (68-69). Il ne nous restait plus à étudier que les Basidiomy- cètes : nous venons de décrire leur reproduction sexuelle dans le genre Tremella (10), où elle offre un double inté- rêt : elle montre que la jeune baside a la valeur d'une oospore dans tout le groupe ; de plus, les cloisonne- ments qui se font à l'intérieur de cette baside, corres- pondent exactement à ceux du promycélium des Urédi- nées et des Ustilnginées. Dans les diverses théories qui se sont produites au sujet de la reproduction sexuelle des champignons, on a bien tenté chaque fois de généraliser ; ces essais ont toujours échoué. La principale de ces théories, due à de Bary, mot plus de vingt ans à grouper un petit ensemble d'obser\ ;Jions disparates ; ici, les faits s'enchainent et viennent confir- mer les prévisions : le raisonnement peut précéder, à coup sûr, la constatation directe, et Ton est fondé à ne pas supposer d'exception, là où les déductions reçoi- vent si vite leur confirmation. Ce résultat ne peut tenir qu'à deux choses : d'une part, aux caractères ancestraux communs dos organes lepro- ducteurs ; d'autre part, au procédé unique suivi par la plante et l'animal dans sa rénovation sexuelle ; toujours et partout, cette rénovation sexuelU est précédée d'une fusion, en en seul, de doux noyaux accompagnés de leur protoplasme : le noyau sexuel c|i;i en résulte, fournira, en se divisant, les noyaux de l'embryon ou des embryons. {C)S) La reproduction sexuelle des Asco uycètes (Le Botaniste, 4" sér^e, juillet 18'Ji,1"et 26 lascicules, p. 18-58, tig. 1-10). (6'.)} La Truffe : recherches sur son dévoloppemont, sa struct sillons peu profonds ; son étude, au point de vue histo- logique, n'est pas sans présenter de sérieuses difficultés. Sur la section de l'un des lobes, on voit les filaments médullaires se redresser pour former la couche corticale : 128 p. -A. DANGEARD des anastomoses transversales réunissent çà et là deux filaments. Les articles, d'abord assez longs, deviennent de plus en plus courts à mesure que le nombre des ramifications augmente en approchant de la surface ; tous ces articles ont deux noyaux et le protoplasma y est d'autant plus abondant et sensible aux réactifs que l'on s'éloigne de la méduUe. Finalement, tous les ra- meaux très ramifiés en général, sont divisés en articles courts, elliptiques ou arrondis, disposés en chapelet (fig. 2) ; ils renferment un ou deux noyaux : chacun de ces articles se forme comme les spores de ÏOïdiuin lactis, par exemple ; mais ce n'est pas tout : chacun de ces ar- ticles peut bourgeonner à son tour ; on observe à sa surface une petite protubérance qui grossit (fig. 2, S) ; bientôt un des noyaux de l'article s'engage dans le court pédicelle du bourgeon ; il arrive à pénétrer à l'intérieur de cette conidie : les choses se passent comme chez les levures (1). Ainsi se produit une quantité extraordinaire de coni- dies qui se pressent les unes contre les autres et restent englobées dans la substance gélatineuse du thalle. Ces conidies forment fréquemment une couche très épaisse dans laquelle on distingue au moyen des doubles colorations plusieurs assises. Dans la plus externe, le contour des conidies est irrégulier, la membrane est fripée et teinte en jaune ; le protoplasma iniérieur se co- lore en vert. Quelques-unes seulement montrent un noyau ; leur disposition est irrégulière, on dirait qu'elles n'ont plus pour la plupart leur vitalité. Dans l'assise moyenne, les conidies sont arrondies ; leur contour est net, leur teinte générale est rougeâtre ; le noyau y est visible au centre de la cellule ; elles sont encore sensi- (1) P. -A. Dangeard. Sur la structure des Levures et leur développe- ment (Le Botaniste, 3» série, 6e fascicule). LES BASIDIOMYCÈTES 129 blement rangées en séries parallèles ; pour celles-ci, il n'y a aucun doute : elles sont non seulement bien vi- vantes, mais leur protoplasma est riche en substances nutritives. Dans l'assise interne, se trouvent les articles courts à un ou deux noyaux et aussi les conidies qui en proviennent par bourgeonnement; les noyaux sont fort nets dans les belles préparations et de couleur rouge, alors que le protoplasma est bleu. La production des conidies n'ayant pas toujours lieu avec la même intensité en tous les points, il en résulte une formation à la surface du thalle, de protubérances ou de papilles parfois assez développées (fig. 2, P). Les conidies peuvent aussi se former plus profondé- ment dans la couche corticale, suivant le même mode de production et avec les mêmes caractères. Tulasne n'ayant pas réussi à observer la germination de ces conidies les considérait comme des corpuscules mâles, et il les désignait en conséquence sous le nom de spermaties (l). Brefeld a réussi à obtenir la germination de ces coni- dies et nous indiquerons plus loin les particularités qu'elle présente. La reproduction sexuelle succède en général à la fruc- tification conidienne ; l'individu qui a produit des conidies se modifie, se renfle, devient plus gélatineux. Il faut ajouter que la formation des conidies peut non seule- ment se continuer en certains points du thalle, mais aussi accompagner la formation des basides. Les basides naissent dans la couche corticale ; des filaments mycéliens fertiles viennent s'y ramifier à dif- férents niveaux, et ce sont les extrémités de leurs ra- meaux qui se transforment en basides (fig. 3). \ (!) Tulasne. Observations sur l'organisation des Trémellinées (An- nales des sciences natur., Bot., t. XIX, 1853, p. 197). 130 P.-A. DANGEARD On distingue ces jeunes basides, au milieu des autres articles du thalle, d'abord à leur diamètre un peu su- périeur aux autres articles du thalle, et surtout aux ca- FlG. 3. — Tremella mesentcrica Retz. — Formation deaoosporesà deux noyaux \ B, la baside après la fusion des noyaux; iS, conidies. (Grossissement 900.) ractères du protoplasma et des noyaux. Le protoplasma y est abondant et dense : il se colore fortement par les réactifs ; on voit qu'il y a accumulation à l'intérieur de ces organes de substances nutritives ; quant aux deux noyaux, ils ont une dimension supérieure à celles des LES BASIDIOMYCÈTES 131 autres noyaux : le contour est plus net, le nucléole beaucoup plus gros (fig. 3, 0). Ces noyaux ressemblent tout à fait aux noyaux de l'oospore des Pézizes ; ils se comportent exactement de même. Mais tandis que chez les Pézizes il est facile de voir, d'après la marche que nous avons indiquée et les dessins que nous avons donnés, que les deux noyaux sexuels ont une origine différente, ici, il est beaucoup plus diiïicile de se prononcer; nous n'avons pas réussi jusqu'à ce moment à établir leurs relations avec les noyaux sous-jacents du filament fertile. La fusion des noyaux dans les basides se produit de très bonne heure : aussi faut-il choisir, pour l'étude de la fécondation, des échantillons qui ne font que com- mencer à fructifier ; les noyaux se rapprochent au con- tact, mélangent leur substance, alors que les nucléoles se fondent en un seul. C'est après cette fusion que l'oo- spore grossit considérablement (fig. 3, B), le noyau sexuel unique en occupe le centre : il est devenu vésiculaire en subissant de son côté une augmentation notable de volume ; une membrane nucléaire très délicate l'entoure ; le nucléole est très gros et assez fréquemment excen- trique ; dans le suc nucléaire se voient des granulations chromatiques qui, dans nos doubles colorations, se tei- gnaient en rouge comme le nucléole ; leur grosseur est variable, ainsi que leur nombre. Le protoplasnia qui entoure le noyau a une disposition réticulée, à mailles serrées: il renferme en quantité consi- dérable une huile colorée en jaune orange, et dans les échantillons fixés et préparés, cette huile s'accumule sou- vent sous un point de la membrane. La baside n'est autre chose qu'une oospore, et comme chez les Urédinées et les Ustilaginées, son protoplasma renfermant le noyau sexuel donnera naissance à un nom- bredéterminédesporidies.Laseule différence est celle-ci: 132 P.-A. DANGEARD dans les deux premières familles, le protoplasma sort de l'oospore et forme un promycèle cloisonné en quatre ou huit cellules; chez les Trémelles, le cloisonnement se pro- duit également, mais à l'intérieur même de l'oospore. Les quatre cellules qui vont se former dans l'oospore corres- pondent donc aux quatre cellules d'un promycèle, ce qui nous fait dire qu'ici le promycèle est interne au lieu d'être externe. Il n'échappera à personne que les phénomènes sont au fond identiques. Le noyau sexuel de l'oospore subit deux bipartitions répétées ; au stade deux, comme au stade quatre (fig. 4, B), nous trouvons ces noyaux avec une structure identique ; ils sont vésiculeux avec une membrane nucléaire très déli- cate et des granulations chromatiques fines disposées quelquefois en réseau; leur nucléole est de moyenne grosseur; les phases de la division nous ont échappé, malgré une étude attentive d'un nombre considérable de préparations. L'oospore s'étant divisée en quatre cellules par des cloisons longitudinales, chacune des cellules pousse un tube germinatif assez gros dans lequel le protoplasma devenu plus clair s'engage (fig. 4, F) ; le noyau suit, au bout de quelque temps, entraîné dans le mouvement géné- ral, et il change d'aspect; son nucléole est plus petit et il devient tout à fait excentrique, le plus souvent situé en avant de la masse nucléaire, quelquefois à l'arrière; la masse nucléaire qui semble s'être légèrement condensée, prend une forme allongée suivant l'axe du tube; les gra- nulations chromatiques y sont nettement distinctes- Le tube germinatif, dont le diamètre est loin d'être tou- jours régulier, finit par atteindre la surface du thalle: il donne naissance alors à un stérigmate conique qui se ren- fle en boule; tout d'abord le protoplasma qui passe dans le renflement est homogène; la sporidieadéjà atteint un cer- LES BASIDIOMYCÈTES" 133 tain volume lorsque le nucléole et la masse nucléaire pas- sent dans le stérigmate; ils paraissent devenus indépen. dants (fig. 4, N). FiG. 4. — Tremella mesenterica Retz. — Germination des basides : N, noyau après la fécondation; F, tilament germinatif renfermant les noyaux N' ; S, sporidie au sommet du stérigmate ; C, sporidie renfermant un noyau et un ceutrosome. (Grossissement 900.) Lessporidies qui ont atteint leur grosseur normale, se détachent de leur pédicelle et s'accumulent à la surface du thalle (fig. 4, C); elles lui communiquent une teinte blan- 134 P.-A. DANGEARD che qui est surtout sensible lorsque le Champignon com- mence à se dessécher. Sous la membrane de la sporidie, le protoplasma est disposé en un fin réticule au milieu duquel se trouve le noyau; ce dernier a repris sa forme globuleuse, et on y distingue un nucléole excentrique et des granulations chromatiques comme dans les stades précédents; leur disposition n^a rien de régulier. Mais on rencontre en outre dans le protoplasma un corpuscule qui possède tous les caractères attribués aux centrosomes ; il est exac- tement sphérique, sa substance est dense, homogène; il se colore en rouge comme le nucléole ; de plus, il est entouré par une zone annulaire incolore. La présence de ce corpuscule soulève certaines ques- tions que nous ne pouvons actuellement résoudre. Nous avons vu que dans leur trajet au travers du tube germi- natif et du stérigmate, la masse nucléaire et le nucléole devenaient indépendants; cette indépendance persiste- t-elle dans la conidie et le corpuscule n'est-il autre chose que le nucléole ancien ayant modifié légèrement son aspect? Dans ce cas, le nucléole qui se trouve à l'inté- rieur du noyau de la sporidie serait de nouvelle formation. Ou bien le nucléole ancien a-t-il simplement repris sa place à l'intérieur de la masse nucléaire? Dans ce cas, le corpuscule devrait être considéré comme ayant pris nais- sance au sein du protoplasma de la sporidie, à moins, toutefois, que sa présence ne m'ait échappé dans les stades précédents. Cecentrosome est situé tantôt au voisinage immédiat du noyau, tantôt dans un point plus éloigné sous la mem- brane. Quelques sporidies renferment deux noyaux; ce sont celles qui vont bourgeonner à la manière des levures. La couche corticale, pendant la formation des oospores et leur germination, se montre sous différents aspects. LES BASIDIOMYCÈTES 135 Nous avons vu que les oospores pouvaient coexister avec un appareil conidien normal; en général, les oospores sont seulement accompagnées de filaments qui vont se ramifier près de la surface en articles courts disposés en chapelets (fig. 4); les articles qui se détachent possèdent un ou deux noyaux; si ces articles sont renflés, on arrive à distinguer, dans les noyaux, les granulations chromatiques et le nucléole. Lors de la germination des oospores, on ne distingue plus guère finalement que les nombreux tubes germinatifs qui se portent vers la surface. Brefelda réussi à observer la germination des sporidies et des conidies proprement dites; il a établi qu'elles bour- geonnaient de la môme façon que les levures ; il aconstaté toutefois, dans Tremella, lutescens^ quelques différences d'ordre physiologique entre les deux sortes de spores (1); les conidies ne bourgeonnent que pendant quelques géné- rations et elles donnent naissance ensuite à un mycé- lium; les sporidies continuent à bourgeonner beaucoup plus longtemps avant de se développer en filaments. Ces différences peuvent être attribuées sans doute à la réno- vation sexuelle dont les sporidies viennent d'être l'objet. Nous allons maintenant étudier un genre qui établit la transition entre les Protobasidiomycètes et les Autobasi- diomycètes : il s'agit du Dacryomyces deliquescens que nous avons récolté à la campagne aux vacances dernières. AUTOBASIDIOMYCÈTES Les autobasidiomycètes, qui comprennent toutes les espèces dans lesquelles les basides restent simples, sont divisés par Brefeld en trois groupes (2). (1) Brefeld. Untersuchungen aus dem Geaammtgabiete der Mykolo- gie, VII Heft: Basidiomyceten II, p. H8. (2) Brefeld, loc. cit., VII Heft : Basidiomyceten II, p. 137 133. 2 136 p. -A. DANGEARD A. Les formes gymnocarpes sont représentées par les Dacryomycétées, les Clavariées et les Théléphorécs. B. Les formes angiocarpes renferment les Tulostomées ouLycoperdacées, les Hyménogastrées, les Nidulariées, les Phalloïdées. C. Les hemiangiocarpessont les Hydnées, les Agarici- nées et les Polyporées. A Le l^'" groupe se rattache directement aux Trémellinées par les Dacryomycétées : nous ne serons donc pas éton- nés de retrouver dans cette famille des ressemblances étroites avec les Trémellinées. DACRYOMYCÉTÉES Cette famille est caractérisée par ses longues basides claviformes qui se bifurquent au somment en deux longs stérigmates portant les spores. Elle renferme actuelle- ment quatre genres : Dacryomyces, Calocera, Guepinia et Dacryomitra : nous étudierons les deux premiers. 1" Dacryomyces deliquescens Bulliard. 1 " Cette espèce se développe fréquem- I j - ment sur le bois mort : elle y forme de petites masses arrondies ou plissées de consistance gélatineuse, ce qui la fait ressembler à une petite Trémelle (fig. 5) ; on la trouve pendant tout l'hiver aux mêmes endroits, réduite à une mince croûte desséchée presque imperceptible pendant les périodes sèches, reprenant facilement sa consistance gélatineuse et son aspect normal pendant les périodes humides : sa couleur varie du jaune au Fi.Gr. 5. - Dacryo- rougc, cu passaut par les tons orangés. LT-Sr" Tulasne a étudié ce Dacryoïnyces avec \ LES BASIDI03IYCETES 137 beaucoup de soin : il a reconnu la véritable nature des basides qui était méconnue : il a vu comment ces basides germent et donnent naissance à deux sporidies qui se cloi- sonnent en quatre cellules ; chacune de ces cellules fournis- sant à son tour une quantité de sporidies secondaires. N'ayant pas réussi à observer la germination de ces der- nièreSjTulasnetendàles considérer comme des spermaties. Ce savant a reconnu en outre que le thalle de cette espèce se présentait sous des aspects différents qui cor- respondaient à une différence dans le mode de fructifica- tion ; ici, nous ne pouvons mieux faire que citer en entier la description qu'il en a donnée : « On trouve assez souvent des individus de D. deliques- cens qui ont échangé leur couleur jaune ambrée pour une teinte plus foncée et rougeâtre, soit sur quelques points seulement de leur surface, soit uniformément sur toute son étendue. D'autres conservent pour une grande part leur coloration jaune ordinaire ; mais ils offrent çà et là de véritables taches d'une rouge orangé très vif ; ces taches sont très fréquemment à leur périphérie ; elles sont très circonscrites ou se nuancent insensiblementavec la teinte générale ambiante. Les espaces qui se signalent ainsi à l'attention de l'observateur, restent nus et ne changent point de couleur, tandis que partout ailleurs le champignon se couvre peu à peu d'une poussière abon- dante, formée de spores seulement ou à la fois de spores etde spermaties et qui modifie d'une façon appréciable, même à l'œil nu, tant sa teinte primitive que l'aspect de sa surface. Là où le tissu du Dacryomyces est devenu rouge, il est stérile ; ses filaments constitutifs, ordinairement incolores et presque vides de matières solides, se sont remplis d'un protoplasma très coloré ; ils sont d'une moins grande ténuité, plus irrégulièrement épais ; et enfin, au lieu de ne présenter que de rares cloisons et de rester continus, comme sur les autres points de la plante, 138 P.-A. DANGEA.RD ils se morcellent en une infinité de tronçons, droits ou courbés, anguleux et de formes assez irrégulières. Ces filaments sont surtout ainsi dissociés vers la surface du champignon, où leurs éléments composent une sorte de pulpe dont la cohésion varie avec l'état sec ou humide de l'atmosphère. Il n'est en quelque sorte aucun organe du champignon qui, sur les points signalés par leur teinte rouge, soit exempt de la décomposition dont nous par- lons; les basides, par exemple, se divisent également par des diaphragmes transversaux en plusieurs pièces cylin- driques ou oblongues, qui finissent par devenir libres. Au moyen de préparations faites avec soin et sur des individus choisis, on arrive à se ménager la possibilité de voir sous le microscope la transition brusque ou insen- sible du tissu fertile du Dacryomyces au parenchyme rouge et dissocié que nous venons de décrire, de manière qu'il ne reste aucun doute dans l'esprit sur la réalité de la transformation du premier dans le second. La certitude de ce phénomène est surtout acquise quand on vient à rencontrer des basides fertiles et des basides à moitié transformées naissant ensemble de filaments, rouges et cloisonnés entièrement semblables à ceux de leurs voisins qui sont déjà désagrégés (1). Tulasne, outre ces individus mixtes, en a rencontré qui étaient exclusivement gemmipares ; ces articles ayant plusieurs fois germé en produisant un filament mycélien, il les con- sidère comme des gemmes ou conidies. Il n'est pas difficile de reconnaître ici un cas complète- ment analogue à celui des Trémelles ; certains individus ne possèdent que la fructification conidienne asexuelle, d'autres n'ont que la fructification sexuelle ; quelques-uns présentent les deux à la fois. Le thalle dans le Dacryomyces deliquescens est consti- (I) Tulasne, loc. cit., p. 216-^18. LES BASIDIOMYCÈTES 139 tué, comme celui des Trémelles, par des tubes mycéliens ramifiés et anastomosés entre eux ; ils sont cloisonnés en articles souvent très longs : ces articles renferment deux noyaux dans lesquels on peut quelquefois recon- naître le nucléole et les granulations chromatiques. FlG. 6.'— Dacryomyces deliquescens Bail. ~ Section du thalle montrant les longues conidies à deux noyaux, G; B, baside; M, mycélium. (^Grossissement 900 environ.) Les filaments conidifères occupent la couche corticale : ce sont des tubes mycéliens qui se dressent du stroma perpendiculairement à la surface en se ramifiant plus ou moins : leur diamètre est supérieur à celui des autres filaments du thalle : ils sont également plus riches en pro- toplasma et les articles sont beaucoup moins allongés; chacun de ces articles possède deux noyaux. Je n'ai point 140 p. -A. DANGEARD assisté à un état de dissociation plus avancé que celui qui est représenté fig. 6; mais nous sommes néanmoins autorisé à conclure en t')ute certitude que tout se passe exactement comme chez les Trémelles quant à la forma- tion des conidies et à leur structure; seulement, tandis qu'ici les articles se fragmentent en conidies qui germent directement en un filament mycélien, chez les Trémelles, les conidies bourgeonnent comme les levures pendant plusieurs générations avant de reproduire un mycélium. A côté des filaments conidifères, on peut trouver des ba- sides (fig. 6, B) ; mais rien n'autorise à penser que ces basides peuvent se fragmenter pour donner naissance à des conidies ainsi que l'admettait Tulasne. La reproduction sexuelle offre les mêmes caractères généraux que chez les Trémelles ; les jeunes basides qui naissent au nombre de deux ou trois sur le même fila- ment, ont d'abord un faible diamètre, leur longueur étant déjà à peu près celle qu'elles auront plus tard. Ces basi- des renferment les deux noyaux sexuels ; ces noyaux se rapprochent au contact et se fusionnent (fig. 7); il se pro- duit alors des modifications importantes en rapport avec la fécondation. La baside ou oospore augmente considérablement de volume; elle prend l'aspect claviforme qui lui est particu- lier; le protoplasma, de granuleux qu'il était, devient dense et homogène et il se charge de la substance colorée, qui donne au thalle sa teinte générale; la partie antérieure de ia baside reste incolore sur une certaine longueur. Pendant que ces changements ont lieu dans le proto- plasma, le noyau sexuel augmente également de volume; il occupe le centre de la baside; on y distingue un gros nucléole , des granulations chromatiques et une mem- brane nucléaire (fig. 7). Le noyau se divise alors en deux, peut-être par division indirecte; l'oospore se bifurque à son sommet en deux LES BASIDIOiMYCÈTES lil branches qui s'atténuent graduellement, atteignent la sur- face du thalle et la dépassent quelque peu (fig. 7, F) : cha- cune de ces branches se renfle à son sommet et donne naissance à une sporidie qui est arquée, réniforme, au Fig. 7. — Dacryomycet deliquescens Bull. — Section du thalle au niveau des basides ; M, mycélium; B, basides ; F, filament germinatif ; S, !'poridie3. (Grossissement SOO.) lieu d'être arrondie comme chez la Trémelle mésentéri- que; le passage du protoplasma et du noyau dans chaque sporidie a lieu comme dans cette dernière espèce. Cette sporidie se comporte alors d'une manière remar- quable (fig.) 7, S : elle se cloisonne en quatre cellules, et chacune de ces cellules donne naissance soit à un fila U2 p. -A. DANGEARD ment germinatif, soit àcles sporidies secondaires; c'est Tulasne qui a eu le grand mérite d'élucider le mode de formation de ces sporidies secondaires; mais les consi- dérations qu'il a formulées sur leur nature n'ont plus au- jourd'hui aucune valeur. Brefeld a étudié à nouveau la germination des conidies et des sporidies (1), et il a heureusement complété sur ce point les observations de Tulasne. Nous avons réussi à voir le noyau de la sporidie alors qu'elle est encore unicellulaire : ce noyau correspond à la tache centrale claire signalée par Brefeld : ce dernier a vu que la première cloison se forme lorsque cette vacuole se dédouble: il s'agit en réalité d'une bipartition du noyau primitif; une nouvelle bipartition du noyau de chaque cellule est suivie de la formation d'une nouvelle cloison : la sporidie est alors cloisonnée en quatre loges ; sur ces loges se forment des spicules très fins, légèrement coni- ques ; ils se comportent comme des stérigmates, se ren- flent à leur sommet en une petite boule qui devient une sporidie secondaire : le noyau de la loge s'est divisé en deux, et c'est l'une des moitiés qui passe au travers du tube dans la sporidiole ; la même loge peut donner ainsi successivement naissance à un nombre assez grand de sporidioles. Brefeld a fourni de nombreux renseignements sur la germination des sporidies, des sporidioles, des conidies et de l'appareil asexué que ce savant désigne sous le nom de gemmes. Nous avons dit précédemment ce que nous pensions de ces gemmes : nous les considérons comme des conidies analogues à celles de l'Oïdium lactis; elles font partie de la fructification asexuelle qui, existant normalement chez (I) Brefeld, loc. cit., p. 14M52. LES BASIDIOMYCÈTES 143 les Protobasidiomycètes , diminue d'importance chez beaucoup de Basidiomycètes. Les sporidies peuvent germer en filaments mycéliens qui se recouvrent de sporidioles, et ces sporidioles à leur tour, sans se cloisonner, fournissent d'autres sporidies secondaires ou des filaments mycéliens terminés par d'autres sporidioles : l'aspect de cçs diverses germina- tions est susceptible de varier avec la nature ou la con- centration du milieu de culture. Les conidies ou « gemmes » donnent d'abord naissance à un mycélium qui se recouvre plus tard de conidies se- condaires. 'lo Calocera, viscosa Pers. Cette espèce a le port d'une clavaire : on la rencontre abondamment sur le bois mort des Conifères : elle n'a pas la nature gélatineuse d'une Trémelle ou d'un DsLcryomyces : son tissu est de consistance cornée. Le thalle est ramifié en dichotomies successives dont les supérieures restent courtes et- aplaties (fig. 8); l'hyménium recouvre sa surface presque jusqu'à la base et on n'y distingue pas une partie fertile et une partie stérile d'aspect dif- férent comme chez les deux genres voisins Guepbiia, et Dacryomitra. Le tissu du thalle est beaucoup plus différencié que dans les espèces étudiées fig. s.— Caiceera vis- précédemment. Le centre est occupé par lZJren~di2olo. des tubes à diamètre très petit qui sont ^cie. étroitement rapprochés les uns des autres; ils ont une direction parallèle à l'axe et leur en- semble forme une médulle nettement délimitée (fig. 9, M); 144 P. -A. DANGEARD tout autour s'étend une zone large dans laquelle les tubes également parallèles à l'axe sont largement espacés sur- tout vers le centre, où leur diamètre est aussi plus large (fig. 9, E); les filaments les„ plus extérieurs de cette zone se portent obliquement vers la surface en donnant un grand nombre de ramifica- tions qui constituentlacouche sous-byméniale (fig. 9, D) ; cette dernière supporte Tby- ménium, c'est-à-dire les ba- sides. L'étude histologique de cette espèce présente de sé- rieuses difiicultés, la masse incolore dans laquelle sont plongés les éléments mycé- liens étant très compacte et s'opposant à la pénétration des réactifs. On peut s'assurer néan- moins que la plupart des ar- ticles ont deux noyaux ; quelques-uns en ont trois ou quatre ; ces articles sont en %;/i®^:©i ''■/ © © 3©^r® ® © © ^^€) © ^ (§> ©u,® ® @ ^ ■ - é ® ®@ (g) (S) iomop/ii/iora(l); à plus forte raison, ne peut-on contester cette attribution aux formations (1) Van Tieghera. Tiailé de Botanique, 2e édition, p. 1081-108?.. / / CONCLUSIONS GÉNÉRALES 175 analogues des Ustilaginées chez lesquels la fécondation est connue ainsi que ses résultats. 2° Nature des jjhénomènes de fécondation. — Après la question de l'origine des noyaux sexuels se place natu- rellement celle de la fécondation : celle-ci, à son maximum de complication, répond, selon les travaux de Fol (1) et de Guignard (2), à la formule suivante : « La fécondation est la fusion de deux demi-noyaux et de quatre demi-centrosomes, provenant d'éléments de sexe opposé, en un noyau et deux centrosomes formés par parties égales des substances des deux parents. i> La préparation des noyaux à leur fonction sexuelle consiste, chez les animaux, dans une réduction de moitié du nombre normal des chromosomes des noyaux ordi- naires ; mais dans les exemples les mieux étudiés {Ascaris megalocephala et Pyrrochuris apterus), on n'est même pas d'accord sur la manière dont elle se produit. Il résulte des travaux de Guignard que la même réduc- tion a lieu chez les plantes : « Dans le sac pollinique^ comme dans le nucelle, c'est toujours au moment de la première division du noyau de la cellule mère définitive du pollen, ou du noyau du sac embryonnaire, que le nombre des segments chromatiques se réduit exactement et brusquement à la moitié de celui qu'on observe dans les noyaux des tissus qui produisent les cellules sexuelles (3). » On est loin toutefois d'avoir établi que la fécondation présente partout ces caractères de haute différenciation ; il semble même plus probable qu'elle est généralement beaucoup moins compliquée. Ainsi, pour Hartig, comme (1)H. Fol. Le quadrille des centres... [Arch. des se. phys. et nat, de Genève, 15 avril 1891). (2) Guignard. Nouvelles études sur la fécondation {Ann. se. natur. Te série, T. XIV, 1891). (3) Guignard, ioc, cit., p. 246. 176 p. -A. DANGEARD pour Boveri, le phénomène essentiel se réduit à la fusion des deux noyaux, et il parait que fréquemment le noyau mâle seul est accompagné d'un centrosome. Les avis sur le rôle des centrosomes sont tellement nombreux et tellement peu concordants (1), qu'on nous permettra de ne pas y insister. On remarquera d'autre part que la réduction des chromosomes dans les noyaux sexuels n'a été vue, soit chez les animaux, soit chez les végétaux, que dans un nombre très restreint d'espèces. Dans les quelques Thallophytes (Chlami/domonas, Sjnro- gyra, /Edogonlum, etc.) où l'ona suivi la fusion des noyaux sexuels, on n'a pas vu de centrosomes ; on n'a pas da- vantage observé de réduction des chromosomes avant la fusion : tout considéré, lafécondation chez les champignons supérieurs présente des caractères plus complets, se rapprochant davantage de ceux qui ont été signalés par Guignard dans les plantes phanérogames ! En effet, nous savons que les deux noyaux sexuels en présence se différencient facilement des noyaux végétatifs ordinaires : ils sont plus gros, ils se colorent mieux par les réactifs ; ils ont fréquemment un gros nucléole. Alors que, dans les mêmes plantes, on réussit quelquefois à distinguer à l'intérieur des noyaux végétatifs des gra- nulations chromatiques distinctes, il est souvent im- possible de voir la moindre différenciation entre le nucléole et la membrane nucléaire dans les noyaux sexuels. Ces noyaux se fusionnent intimement en un seul; et ce dernier, à la suite de la fécondation, va subir des changements importants. Son volume augmente très notablement; des segments chromatiques ou tout au moins des granulations chromatiques se montrent dans le suc nucléaire. Ce noyau est tout préparé pour les divisions ultérieures ; il est la souche de tous les noyaux de la future nouvelle plante. (1) Consulter : A. Prenant. Le corpuscule central et la division cellulaire Revue générale des sciences, n« 3, 15 février 1893). CONCLUSIONS GÉNÉRALES 177 De plus, au moment où s'opère la fécondation, ap- paraissent des centrosomes au nombre d'un ou deux; ils accompagnent le noyau sexuel, l'un placé en avant, l'autre placé à l'arrière (Peziza, Pohjporus) ; ils sont tantôt au contact de la masse nucléaire, tantôt à quelque distance dans le protoplasma : ils semblent pouvoir se di- viser à la première bipartition du noyau (Polyporus ver- sicolor); on ne les voit plus ordinairement par la suite; par exception, les sporidies des Trémelles en possèdent un nettement visible. Nous sommes strictement en droit de conclure que, chez les Champignons, la fécondation se produit avec les carac- tères essentiels qu'elle présente chez les animaux et chez les autres végétaux; nous pouvons même ajouter que ces caractères sont plus complets que ceux qui ont été vus jusqu'ici chez les autres Thallophytes. Germination de Vœuf. — Il nous reste à montrer que l'œuf se comporte dans sa germination chez les Champignons supérieurs, commecelui des autres Champignons et comme celui des Algues : la démonstration sera alors complète. Nous distinguerons trois cas. A. L'œuf germe par l'intermédiaire d'un promycèle (Ascomycètes, Urédinées, Ustilaginées). Chez les Ascomycètes, l'œuf pousse un prolongement qui est l'asque; tout le protoplasma passe dans ce sac et c'est là que le noyau sexuel subit un nombre de biparti- tions déterminé, trois le plus souvent ; il se forme ainsi huit sporidies (fig. 23, II, A, B, C). L'asque peut rester en communication directe avec l'œuf, mais il peut également s'en séparer par une cloison. ' Que l'on compare cette germination à celle d'un œuf de Mucorinée (Ij, et l'on ne pourra manquer d'en saisir les (1) L'interprétation que Van Tieghem a donnée de la germination des œufs de Mucorinée doit être maintenant modifiée. Traité de Bota- nique, 2« édition, p. 1001. 178 P.-A. DANGEARD ressemblances étroites ; dans la Mucorinée (fig. 23, I), l'œuf en germant produit un filament qui se termine par un sporange renfermant les sporidies; l'asque n'est autre Fig. 23. — I, Germination d'un œuf de Mucorinée. II, ^, Formation de l'œuf dune Pézize ; B, 6', germination de cet œuf en asque ou sporogone. III, A,B,C. For- mationde l'œuf et germination dans ['Usiilago Tragopogi. IV, A, B, Germination de l'œuf dans le TiUetia Caries ; C, Sporidies anastomosées et sporidioles. chose qu'un petit sporange à pédicelle court, et déjà Brefeld, sans en connaître la cause, avait saisi ces rap- ports qui trouvent maintenant leur explication naturelle. Chez les Ustilaginées et les Urédinées, les sporidies qui proviennent de la germination de l'œuf ne sont point endogènes ; elles sont exogènes. C'est là une différence bien peu marquée ; le noyau sexuel se divise dans le pro- CONCLUSIONS GÉNÉRALES 179 mycèle comme il le fait dans l'asque, et les noyaux passent dans les sporidies; celles-ci sont en général au nombre de quatre ou de huit (fig. 25, III, A, B, C; IV, A, B, C). Il existe ainsi un certain nombre de plantes dans les- quelles l'œuf donne naissance à des sporidies qui sont portées sur un promycèle ou un organe analogue. Le plus remarquable est sans contredit celui des Floridées dans lesquelles l'appareil intermédiaire qui provient de l'œuf et porte les spores, se montre souvent très déve- loppé; aussi n'hésite-t-on pas à le considérer comme ana- logue au sporogone des Mousses; il en résulte tout natu- rellement que le promycèle des Ustilaginées et des Uré- dinées, ainsi que l'asque des Ascomycètes, ne sont en réalité autre chose que des sporogones. Comme le sporogone des Mousses, comme celui des Floridées, ils proviennent de la germination d'un œuf bien caractérisé et ils fournissent des spores ou sporidies. Sous l'influence des idées énoncées par de Bary qui avaient, il faut en convenir, une apparence de vérité, on a longtemps recherché ^en vain chez les Champignons l'analogue du sporogone des Mousses ; on ne doutait pas que ce fût le périthèce dans le groupe des Ascomycètes et le carpophore chez les Basidiomycètes; pour la même cause, on recherchait la fécondation au début du glomé- rule dans les Urocystis et à l'origine de l'écide chez les Urédinées. Ces idées étaient fausses; il faut le reconnaître aujourd'hui, alors que nous montrons que le sporogone des Champignons supérieurs ne diffère en rien de celui des autres plantes. B. L'œuf se cloisonne. Chez les Protobasidiomycètes, Tœuf ne fournit plus de promycèle; au lieu de se cloison- ner à l'extérieur dans le filament germinatif, il se cloisonne intérieurement; les cloisons sont transversales ou longi- tudinales selon les genres. Dans les deux cas, chaque cellule fournit un filament qui s'amincit à son extrémité 180 P.-A. DANGEARD en un stérigmate qui supporte la sporidie (fîg. 24, II, A,B,Ç). Cette disposition rattache directement les Protobasi- diomycètes aux Urédinées par l'intermédiaire des Coleos- W99 FiG. 24. — I.A.BjC, Formation de l'œuf et germination dans le ColeocJisete pulvl- nata. II, A. B, Germination de l'œuf dans la Tremella mesenlerica ; C, sporidie avec un noyau et un centrosome. III, A, B,C, Formation de l'œuf et gerœination dans les Chlamydomonudinées. IV, Germination de l'œuf du Cystopus candidus en zoospores. V, A, B, C, H, Formation de l'œuf et germination dans uu Basi- diomycète. porium. Ce mode de germination de l'œuf n'a rien que de normal ; il se rencontre comme le premier chez les Flori- dées; on le trouve également très caractéristique dans les Coleochsete. Dans ce dernier genre, l'œuf qui se forme au moyen d'un oogone, surmonté d'un trichogyne, et d'un anthérozoïde (fig. 24, 1, A), se cloisonne après la fécon- dation en plusieurs cellules (fig. 24, 1, B) : chacune de ces cellules donne naissance à une zoospore et c'est un cas CONCLUSIONS GÉxXÉRALES 181 de germination de l'œuf tout à fait semblable à celui des Protobasidiomycètes. C. L'œuf fournit directement, sans se cloisonner^ les spo- riclies. C'est ce qui a lieu dans les Autobasidiomycètes qui forment la grande majorité des Champignons basidiomy- cètes. Le noyau sexuel se divise en quatre ou en huit dans la baside ; au sommet de celle-ci se développent deux, quatre ou huit stérigmates qui se renflent à leur sommet pour former les sporidies ; les noyaux passent dans les sporidies en traversant les stérigmates (fîg. 24, V, D). On peut dire qu'ici il n'y a plus que des traces de sporo- gone ; il en est de même dans beaucoup de thallophytes chez lesquels le sporogone manque ou reste rudimentaire ; nous ne citerons que les Chlamydomonadinées parmi les Algues (fîg. 24, III, A, B, C.) ies C y stopus parmi les cham- pignons (fig. 24, IV). Ce court exposé suffit pour nous montrer que dans les champignons supérieurs, l'œuf germe de la même façon que dans les autres thallophytes ; on chercherait en vain, dans les différents appareils conidiens, quelque chose d'analogue. Chez les Basidiomycètes et les Ascomycètes, l'œuf s'in- dividualise peu et sa membrane propre ne se sépare or- dinairement point de la membrane de l'oogone. Il en est de même chez les Floridées et cela tient uni- quement à ce que l'œuf, dans les deux cas, germe immédia- tement sans passer à l'état de vie latente. Cela est si vrai que chez lesUstilaginés et les Urédinées dans lesquelles la germination a lieu plus tard, l'œuf s'en- toure d'une membrane épaisse et résistante distincte de celle de l'oogone ; il possède alors les caractères qu'il pré- sente dans la majorité des Thallophytes. SUR UN NOUVEAU CAS REMARQUABLE DE SYMBIOSE Par P. -A. DANGEARD On connaît déjà un certain nombre de ces associationsà bénéfice réciproque, formées par des êtres qui n'ont fré- quemment entre eux qu'une parenté fort éloignée. Tantôt c'est une algue qui vit à l'intérieur d'Infusoires et les colore en vert (1) ; tantôt c'est un Nostoc qui s'intro- duit dans les feuilles d'Azolla et s'y développe abondam- ment. Ailleurs, on voit un champignon entourer les jeunes radicelles d'un feutrage etjouer le rôle des poils absorbants qui manquent; d'autrefois, une sorte de Bactérie (jR/iizo- bium leguminosEirum] vit dans les racines des Légumineu- ses, y développe la formation de nodosités, ce qui est en rapport avec la fixation d'azote par ces plantes. Enfin, l'un des exemples les plus remarquables de symbiose est fourni parles Lichens qui sont le résultat de l'association d'une algue et d'un champignon. Mais dans tous ces exemples cités et dans ceux qui sont venus à ma connaissance, les êtres en présence sont de nature très différente : il n'en est pas un seul qui se pré- (1) P.-A. Dangearcl. Contribution à l'étude des organismes inférieurs {le Botanisle, 2" série). SUR UN NOUVEAU CAS REMARQUABLE DE SYMBIOSE 183 sente avec les caractères de celui qui nous reste à exa- miner. Il s'agit de deux champignons basidiomycètes apparte- nant à des genres voisins qui mélangent intimement leurs thalles et leurs fructifications. Ces deux champignons appartiennent l'un aux Protoba- sidiomycètes, dans lesquels la baside est cloisonnée, alors que le second est un Autobasidiomycète; quoique appar- tenant à deux groupes différents, ils sont néanmoins très voisins comme organisation et comme parenté effective. C'est l'année dernière, au mois de septembre, que je re- cueillis sur dubois mort en assezgrande quantité un cham- pignon que je déterminai comme étant le Dacryomyces de- liquescens ;]e ne remarquai à ce moment d'autres différen- ces entre les divers exemplaires recueillis que celles qui distinguent les individus conidifères de ceux qui portent les basides. Aussi je fus très surpris en étudiant ces divers échantil- lons, d'y trouver des différences profondes : les uns avaient la structure normale du Dao'i/omi/ces telle que nous l'avons décrite précédemment ; le thalle y est constitué par des filaments mycéliens à faible diamètre qui circulent au milieu d'une substance gélatineuse abondante ; dans cha- cun des articles se trouvent deux noyaux ; ces filaments se ramifient abondamment vers la surface et forment un stroma qui supporte les basides ; celles-ci sont allongées, cylindriques ou claviformes et elles se divisent en deux branches qui portent les sporidies ; cette couche des basides est très régulière. Il n'en était plus de même dans certains autres échantil- lons ; la structure du thalle ne présentait que des diffé- rences assez légères, mais la couche des basides se trou- vait profondément modifiée : ainsi au milieu des basides allongées du Dacryomyces, se trouvaient d'autres organes dont la signification nous échappa tout d'abord ; ces or^ 184 P.-A. DANGEARD ganes consistaient en renflements portés sur de longs pé- clicelles ; ces renflements se montraient à tous les niveaux de la couche fructifère et leur forme était loin d'être tou- jours régulière ; leur grosseur était également variable. On aurait pu croire qu'il y avait là un second mode de fructification du Dacryomt/ces. FiG. 25. — Baeides de Dacrijowijces deliquciccns 2/,/J, etde ïrémellinée, i^, 7, asso- ciées sur un même stroma. En poursuivant nos recherches, en faisant une étude histologique complète de ces formations, nous avons réussi à élucider leur structure et à reconnaître leur véritable nature ; ce sont des basides appartenant à une Trémellinée qui vit en association avec le Dacryom7/ces. Nous avons pu suivre le développement de ces ba- sides, grâce aux doubles colorations. Toutes les jeunes basides possèdent deux noyaux à gros nucléole, à con- I SUR UN NOUVEAU CAS REMARQUABLE DE SYMBIOSE 185 tour net : ces noyaux se placent côte à côte transversale- ment et ils se fusionnent. La fécondation se fait comme chez les Trémelles : le noyau sexuel qui en provient augmente rapidement de volume et on distingue à partir de ce moment les granulations chromatiques qui sont d'un beau rouge ; ces granulations sont presque toutes disposées k la périphérie du noyau ; le nucléole se porte également vers la surface. Il ne nous a pas été possible, vu l'exiguité de ces noyaux, de nous prononcer sur le caractère de la division : toujours est-il que les granulations chromatiques sont alors orientées en files régulières ; les quatre noyaux, qui proviennent de la double bipartition du noyau sexuel, ont, sauf leur taille plus réduite, une structure identique à celle de ce der- nier ; les deux cloisons longitudinales qui partagent la baside en quatre, sont minces et à peine perceptibles. Labaside produit à son sommet quatre filaments ger- minatifs comme chez les Trémelles. Mais nous n'avons pas réussi à observer les sporidies. Aussi, il nous est impossible de dire si l'espèce considérée est un Tre- mellaou un Exidla. Les espèces de ces deux genres ont été longtemps confondues; les caractères qui permettent de les distinguer sont, d'après Brefeld, la forme des spo- ridies et la présence ou l'absence de conidies au milieu des basides ; chez les Trémelles, on trouve des conidies au milieu de la couche portant les basides, jamais dans les Exidla ; les sporidies sont de forme elliptique dans les Trémelles, elles sont allongées réniformes dans les Exidia ; nous n'avions à notre disposition aucun de ces caractères de détermination. La proportion relative des deux sortes de basides dans la couche fructifère est très variable ; quelquefois l'hy- ménium du Dacryomyces est à peine modifié ; on n'y trouve que quelques rares basides appartenant à la Tré- mellinée ; mais parfois, ce sont ces dernières qui sont en iS6 P. -A. DANGEARD majorité et les basides du Dacryomyces ne sont plus aussi régulièrement perpendiculaires à la surface. Il était intéressant de chercher à différencier dans le thalle les filaments mycéliens appartenant à l'une ou à l'autre des deux espèces ; on reconnaît bien à la vérité que les plus gros articles se rapportent à la Trémellinée et que les plus petits sont ceux du Dacryomyces deliquescens ; mais les transitions échappent à une distinction absolue. Cela est d'autant plus facile à comprendre que, dans les deux espèces, la structure générale est la même et que chacun des articles renferme deux noyaux. Ces noyaux, dans les gros filaments, sont assez carac- téristiques : le nucléole est presque indépendant de la masse nucléaire ; dans celle-ci, on distingue quelques granulations chromatiques excessivement petites. En ré- sumé, nous avons dans cet exemple deux champignons qui mélangent intimement leurs éléments mycéliens en un seul thalle ; ils forment leurs basides dans la même couche fructifère, chacun gardant ses caractères et n'é- prouvant de la présence d'un associé que des déforma- tions à peine sensibles. Dans l'association, le Dacryomyces deliquescens joue le rôle principal ; c'est lui qui entre pour la plus grande part dans la constitution du thalle mixte ; c'est du moins ce qui avait lieu dans les échantillons que nous avons étudiés. Si l'on veut rechercher parmi les exemples connus ceux qui se rapprochent le plus de celui que nous venons de signaler, il faut évidemment s'adresser aux Lichens, dans lesquels le champignon et l'algue contractent des relations aussi étroites que celles qui unissent nos deux champignons. Mais tandis que pour les Lichens nous saisissons le but et l'utilité d'une telle association, ici nous ne pouvons en donner aucune explication. On définit assez généralement la symbiose, une asso- SUR UN NOUVEAU CAS REMARQUABLE DE SYMBIOSE 187 ciation « à bénéfice réciproque » ; il serait peut-être bon d'étendre un peu cette définition et d'y faire rentrer l'association formée par le DsLcryomyces deliquescens et la Trémellinée sous le nom de symbiose indifférente. On en trouvera peut-être d'ailleurs d'autres exemples. Ici la dis- tinction des deux êtres associés était facile parce qu'ils ont des basides très différentes et caractéristiques ; mais supposons que l'association se produise entre deux champignons ayant des basides semblables, et il sera beaucoup plus difficile de la reconnaître. Maintenant qu'il existe un point de répère, peut-être arrivera-t-on à trouver chez les champignons un assez grand nombre d'associations semblables. A PROPOS D'UN TRAVAIL DU Dr C. S. MINOT SUR LA DISTINCTION DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX Par P. -A. DANGEARD Nous lisons dans « The Botanical Gazette », n° 6, juin 1895, p. 280: « In Science (mars 22d), the paper of D"" C. S. Minot, read at the récent meeting of the American Society of Morphologists, on the « fundamental différence between plants and animais » is published in full. The formai défi- nitions are as follows : « Animais arc organisms which take part of their food in the form of concret parti- clés, which are lodged in the cell protoplasm by the activity of the protoplasm itself : plantes are organisms which obtain ail their food in either the liquid or gazeous form by osmosis (diffusion) ». The interesting spéculation is offered « that the absorption of solid particles of food is to be considercd one ofthe most essential factors in determiningthe évolution ofthe animal kingdom ». « The plant receives its food passively by absorption, and the évolution ofthe plant world has been dominated by the tendency to increase the external surfaces, to make leaves and roots. The animal, on the contrary, has to obtain at least the solid part of its food by its own active slruggle to secure food we may safely LA DISTINCTION DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX 189 attribute a large part of the évolution of locomotor, ner- vous and sensory Systems of animais ». Of course tlie correctness of the définition dépends upon tlie définition of « food in the two cases ». D'après ce qui précède, on pourrait croire que le D' G. S. Minot a trouvé une formule nouvelle de la plus haute importance dans la distinction des animaux et des végétaux. La formule existe : elle a été donnée dans des termes absolument identiques aux précédents ; et le D"" Minot, mieux informé, voudra bien reconnaître lui-même qu'il n'en est pas l'auteur : C'est en 1886 que nous avons établi, dans notre thèse de Doctorat, l'importance du mode de nutrition au point de vue de la distinction des animaux et des végétaux (1); puis en 1887, dans une note à l'Académie des sciences (2). Depuis cette époque, nous en avons développé les conséquences et les applications dans de nombreux mémoires : on trouvera ces travaux indiqués dans le Botaniste, n° du 25 janvier 1895 (3) ; il ne saurait donc sub- sister aucun doute. Sous ces réserves, il ne nous déplaît pas de constater qu'un zoologiste de grand talent, — le même qui a attaché son nom à une théorie célèbre dans l'histoire de la fécondation (4), — se rallie à des idées qui ont reçu un accueil très réservé lorsque nous les avons énoncées pour la première fois. (1) P. -A. Dangeard. Recherches sur les organismes inférieurs (Ann. des se. natnr., 7* série, Botanique T. IV). (i) P. -A. Dangeard. Sur l'importance du mode de nutrition au point de vue de la distinction des animaux et des végétaux {Comptes rendus de V Académie des sciences, 1887). (3) P. -A. Dangeard. Notice bibliographique sur nos publications en Botanique {le Botaniste, 4« série, 3^ fascicule, janvier 1895). (4) O.S. Minot. On the formation of the animal and the phénomène of imprégnation among animais {Proceed. Boston, Qoc.nat. Hisl. xix,1877). NOTE SUR LE CLADOSPORIUM DU POMMIER Par P.- A. DANGEARD Le Clsidosporiimi herbarumat. été très bien étudié récem- ment par Edouard Jancz;eswki sur les graminées (1); une forme à développement très voisin se rencontre, on le sait, sur le pommier. Voici dans quelles conditions nous avons été conduit à étudier ce champignon. M. Loret, instituteur au Sap, avait remarqué dans l'Orne et dans l'Eure une maladie du pommier qui occasionnait des dégâts très sensibles. Le parasite s'attaque aux feuilles qui se dessèchent sur les bords, se recroquevillent et finissent par être complè- tement envahies : on trouve aussi çà et là sur le limbe quelques taches desquelles rayonnent des lignes brunâ- tres. Les feuilles prennent une teinte gris cendré tout à fait caractéristique ; elles meurent et se détachent de l'arbre; si on les froisse, elles se réduisent en poussière. C'est vers le mois de juin que l'altération commence à se manifester ; au mois d'août et de septembre, les pom- miers atteints paraissent à moitié morts. Les ravages sont très sensibles dans les pépinières sur les jeunes arbres, qu'ils soient greffés ou non. M. Loret a observé, dans l'Eure, un certain nombre de ces pépi- nières qui avaient subi du fait de cette maladie une dépré- ciation considérable. Les arbres adultes ne résistent pas mieux que les sauvageons aux attaques du parasite ; en (1) Edouard Janczewski. Recherches sur le Cladosporium herbarum et ses compagnons habituels sur les céréales {Bulletin de VAcadémie des sciences de Cracovie, juin 1894). LE CLADOSPORIUM 191 plusieurs endroits, ils sont envahis et épuisés ; les pom- mes restent petites et ne se développent plus, passé le mois d'août. On avait pensé que cette maladie était due à VAsteroma. viali Desmazières. Fia. 1. M. Loret nous ayant obligeamment communiqué un lot de feuilles malades, afin d'avoir notre avis, nous avons été très surpris de n'y rencontrer que le Ciadosporium ; peut-être n'est-il pas inutile de signaler les divers états sous lesquels il se présentait. Le parasite se développe non seulement sur la feuille, mais aussi à son intérieur dans le parenchyme en palis- sade P et le mésophylle sous-jacentM; c'est ce que montre bien une section transversale d'une feuille malade (fig. 1). Dans cette section, nous voyons le champignon for- 192 P. A. DANGEARD mer sous la cuticule des amas de cellules noirâtres, inti- mement unies en une ou plusieurs assises superposées /; quelques-unes fournissent des bouquets de filaments fruc- tifères qui se dressent perpendiculairement à la surface de la feuille ; on en trouve sur les deux faces du limbe. Des filaments mycéliens nombreux F, ramifiés, s'insinuent par les stomates et pénètrent à fintérieur de la feuille en rampant entre les cellules ; ils sont divisés en articles de longueur variable et leur couleur est également noirâtre. Avec l'aide d'une simple loupe, on aperçoit déjà de nom- breuses sphères de couleur foncée appartenant au para- site ; le microscope permet de fixer leur position et de dé- terminer leur structure propre ; ils peuvent se rencontrer en tous les points du môsophylle (S, S', S"), mais le plus souvent, ils occupent une cham- bre sous-stomatique distendue ; nous verrons tout àl'heure quelle est leur structure. Les filaments fructifères qui se développent sur les croûtes noirâtres superficielles sont ca- ractéristiques des CLadosporium; ils sont simples ou cloisonnés : leur couleur est brune jusqu'au sommet; à ce sommet, on voit poindre une spore incolore d'a- bord très petite, elle grossit, sa membrane s'épaissit, se colore et montre de petites verrues qui ornementent sa surface ; ces spores devien- nent bicellulaires (fig. 2). On rencontre quelquefois, mais rarement, des filaments qui, au lieu de se terminer par une spore ordinaire, se ren- flent en une grosse sphère qui représente probablement unechlamydospore(fig. 3); la membrane en esttrès épaisse et cutinisée. Fig. 2. LE CLADOSPORIUM 193 Les sphères noires que l'on rencontre en abondance (lans toute l'épaisseur de la feuille, sont pour la plupart encore à l'état de sclérotes ; leurs cellules sont remplies de réserves et on distingue au milieu un globule oléagi- neux (fig. 4). Quelques-unes fournissent un bouquet de filaments fructifères portant des spores ordinaires (fig. 5). Fjg. 3. Fig. 4, L'écorce des sclérotes est en général formée par deux -couches de cellules polygonales, de couleur noire ; le cen- tre comprend des cellules de pseudo-parenchyme qui ont une constitution variable ; elles sontquelquefois incolores à contenu homogène, ou bien elles renferment un globule de substance oléagineuse : ces sclérotes sont destinés à fournir des pijcnides et des périthèces, mais nous n'avons réussi à observer que le début des pycnides : les cellules centrales se résorbent et une couche de basides, légère- ment renflées à leur extrémité, se développe à l'intérieur de ces conceptacles (fig. \, S). Nous avons rencontré, mais très rarement, des concep- tacles renfermant une grande quantité de sporidioles 194 p. -A. DANGEARD ovales, incolores ; leur paroi ne comprenait qu'une assise de cellules (fig. 6). Le Cladosporium herbarum exige, pour se développer, au début un tissu mort ; il ne peut s'implanter sur des organes sains, d'après les observations de Janczewski : c'est certainement lui que j'ai signalé, continuant l'œuvre Fia. 5. Fig. 6. de destruction du puceron lanigère, du Phytopus, etc. (1) ; partout où une blessure s'est produite, le champignon s'insinue, se développe, et peut devenir redoutable. Ses appareils de fructification sont nombreux et variés, et il faudrait une étude approfondie pour les distinguer de ceux des Fusicladiuvi qu'ils doivent accompagner fréquemment ; nous reprendrons ce point, que nous jugeons imparfaitement étudié, lorsque nos occupations le permettront. Dans le cas présent, nous ne connaissons pas la cause qui permet au Cladosporium de se développer sur (1) P.^A. Dangeard. Les maladies du pommier et du poirier (Paris, 18S9, Baillière, 19, rue Hautefeuille). LE CLADOSPORIUM 195 les feuilles de pommier avec une telle abondance; il fau- dra la rechercher au moment où l'altération commence à se manifester. Il est bon d'ajouter, d'ailleurs, que le Cladosporium condylone-nia, Passerini attaque les feuilles de prunier en pleine vigueur (1) ; il en est de même peut-être du Clados- porium du pommier ; de nouvelles observations s'imposent. Elles s'imposent également au même point de vue pour un grand nombre de parasites : Sorauera fait avec raison remarquer qu'il y avait plusieurs degrés dans le parasi- tisme des champignons (2). On doit chercher à distinguer avec soin : 1" les parasites qui s'attaquent aux organes vivants d'une plante à son état normal; 2° les parasites qui ne réussissent à pénétrer que dans les plantes déjà malades; 3° les parasites qui ont besoin d'une blessure, d'un tissu mort pour arriver dans les tissus. Avec ces derniers, on confine au saprophytisme pro- prement dit. Il est vrai que cette distinction exigera une grande somme de travail et des observations bien conduites : il est même possible que le même champignon ne se com- porte pas de la même manière avec toutes les plantes -qu'il attaque. Edouard Janczewski a pu obtenir les périthèces du CladosjDorium herbarurn et faire rentrer ainsi cette espèce dans le genre Sphaerella. sous le nom de S. Tulasnei. N'ayant pas réussi à voir ces organes dans l'espèce qui se développe sur le pommier, il nous est impossible jus- qu'à présent de nous prononcer sur l'identité des deux espèces. (1) Briosi et Cavara. I funghi parassiti délie plante coltivate, fasc. III-IV, n° 79. (2) Sorauer. Die Untersuchung von Edward Janczewski ûberClados- porium herbarum {Zeitschrift fur Pfïanzen Krankheiten iv, Band, 6 Heft, 1894). REPONSE A UNE NOTE DE MM. G. POIRAULT ET RACIBORSKI SUR LA KARYOKINÈSE CHEZ LES URÉDINÉES Par M. P.-A. DANGEARD et SAPPIN-TROUFFY Dans une Noteàl'Académiedes sciences (1),MM. G. Poi- rault et Raciborski sont arrivés aux conclusions sui- vantes : « En résumé, disent-ils, 1° la karyokinèse des Urédinées est typi- quement celle des plantes supérieures ; iJ° le nombre des chromo- somes parait être constamment de denx^ fait qui n'a été rencontré que très exceptionnellement chez les cellules animales (Ascaris megalocephala a univalens), et jamais jusqu'ici chez les végétaux; 3° on n'observe aucune division réductrice lors de la formation des écidiospores, des spermalies et des téleutospores ; par conséquent, 4" en admettant même la fusion des noyaux de la téleutospore, on ne peut, sans être en contradiction avec les idées actuelles sur la fécondation, interpréter cette fusion comme un phénomène sexuel ; 5° les modifications de noyau qui accompagnent la maturation des spores de conservation (téleutospores) des Urédinées, et qui sont facilement observables sur le JVachyspora Alchemillae, correspon- dent absolument à celles qu'on a signalées dans les graines de Pha- nérogames, à cette difîérence presque, dans les Urédinées, il y a deux noyaux. » Ces conclusions ne peuvent être acceptées ; elles reposent sur une erreur d'interprétation : ces auteurs ont pris la. division ordinaire, normale de deux noyaux voisins pour la division d'un noyau unique. Voici, en effet, comment ils décrivent la formation de la téleutospore : « Si l'on suit le mode de formation des téleutospores dans le Pwc- cinia Liliacearum Duby, on voit que les jeunes filaments sporigènes se rassemblent d'abord en buissons serrés au voisinage de la surface de la feuille. « L'article terminal de chacun de ces filaments ne renferme qu'un seul gros noyau, où la substance chromatique est distribuée en un réseau à mailles serrées. Ce noyau contient un volumineux nucléole plus ou moins vacuolaire. La première phase de la division est caractérisée par la disparition de la membrane nucléaire et par la (1) Comptes rendus, lo juillet 1895. LA KARYOKINÈSE 197 bipartition du nucléole dont nous allons pouvoir suivre les deux moitiés pendant une grande partie de la karyokinèse. Puis la sub- stance chromatique se rassemble en deux ctiromosomes courts et épais, dont la forme générale rappelle, à un certain moment, celle d'un chapeau à claque et qui deviennent un peu plus tard plus ou moins quadrangulaires. Ces masses chromatiques s allongent et leur scission longitudinale qui était déjà indiquée au stade précédent, devient maintenant très visible. Le noyau est alors réduit à quatre bâtonnets chromatiques amincis en leur milieu. C'est précisément au niveau du milieu de ces bâtonnets que l'on voit, à droite et à gauche, les deux nucléoles précédemment sortis du noyau et qui conservent cette position au voisinage du plan équalorial jusqu'à leur dissolution qui se produit vers le temps où les noyaux tilles sont revenus au stade du peloton. « L'étirementdes masses chromatiques entre les deux pôles conti- nuant, les deux moitiés de ses masses ne sont bientôt plus rattachées lune à l'autre que par un mince filament qui finit par se rompre ; peu après, les deux moitiés de chaque chromosome se réunissant latéralement on voit, à chacun des pôles, deux masses chromatiques piritormes, dont la pointe est tournée vers l'équateur. A ce stade, les filaments achromatiques sont assez nettement visibles. A chacun des pôles, les deux chromosomes qui constitueront les noyaux filles se fondent et ne tardent pas à émettre de petits prolongements. Entre les mailles du réseau chromatique ainsi constitué, les nucléoles apparaissent. » En réalité, les choses se passent d'une façon toute différente. Le jeune article terminal qui produit la téleutospore contient un noyau nucléole ordinaire qui abandonne laté- ralement son nucléole pour la division ; ce noyau s'allonge suivant l'axe et se sépare en deux : ces noyaux se placent côte à côte : ils sont très rapprochés à cause de l'étroi- tesse de l'article, mais néanmoins très distincts ; à leur intérieur apparaît un nucléole. Ces deux noyaux vont subir une division, et avant l'expulsion du nucléole qui la précède, la chromatine s'accumule d'un côté en forme d'arc. MM. G. Poirault et Raciborski ont pris les deux noyaux nucléoles pour un seul noyau dont le nucléole subirait une bipartition ; les deux niasses nucléaires de chaque noyau ont été considérées par eux comme les deux chromosomes d'un noyau unique. Les deux noyaux s'allongent parallèlement suivant l'axe delà cellule, et ils abandonnent à droite et à gauche leur gros nucléole ; les deux masses chromatiques de chaque noyau restent réunies quelque temps par de fins trabecules avant la séparation définitive. MM. G. Poirault et Raciborski ont vu dans ce stade si 198 p. -A. DANGEARD ET SAPPIN-TROUFFY simple de la, division, quatre chromosomes provenant de la division des deux chromosomes d'un noyau unique; ces auteurs arrivaient ainsi à signaler chez les Urédinées l'existence d'une structure du noyau excessivement rare chez les animaux et complètement inconnue chez les vé- gétaux. Les deux noyaux supérieurs de l'article d'origine différente, comme on l'a vu, se séparent par une cloison des deux noyaux inférieurs ; la cellule de la téleutospore se trouve donc tout naturellement constituée dès le début avec deux noyaux cousins et non frères. MM. G. Poirault et Baciborski n'ont vu, dans ces deux noyaux, qu'un noyau unique à deux chromosomes: et ils ont été ainsi entraînés à admettre que les loges de la. téleu' tospore ne renfermaient d'abord qu'un seul noyau. L'origine des noyaux des écidiospores est la même que celle qui vient d'être décrite pour la téleutospore. Si la téleutospore renferme plusieurs loges, la même division se produit; ces noyaux s'allongent suivant l'axe et se divisent ; leur moitié supérieure se trouve séparée de la moitié inférieure par une cloison. Il en résulte que tous les noyaux sexuels destinés à se fusionner sont d'o- rigine différente et séparés du noyau initial par un nombre plus ou moins grand de générations. Ce fait est général : Uromyces, Puccinia, Gymnosporangium, Triphragmium, Phragmidium, Cronartium, Melampsora, Coleosporium. Nous n'ajouterons rien en ce qui concerne la fusion de ces noyaux en un seul noyau souche duquel proviendront tous les noyaux de la nouvelle plante. Malgré quelques réticences, Il est aisé de voir que ces auteurs l'admettent, car ils disent : « D'ordinaire, ces deux noyaux sont si étroitement rapprochés qu'il est impossible de fixer leurs limites respectives et la cellule semble n'avoir qu'un noyau unique. » Il y aurait de l'imprudence à nier l'existence de cette fusion : il ne faut pas oublier en effet que cette fusion a été observée non seulement dans les téleutospores des divers genres d'Urédinées, mais encore chez les Ustila- ginées, Ascomycètes et Basidiomycètes : le doute n'est plus permis. L'origine des noyaux sexuels étant maintenant connue, nous avons lieu de croire que la reproduction sexuelle chez les Urédinées ne peut plus donner lieu à aucune objection sérieuse. MEMOIRE SUR LES PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA Par P.-A. DANGEARD Ce Mémoire comprend deux Parties : dans la première, nous étudierons les parasites des éléments nucléaires ; dans la seconde, ceux du corps protoplasmique. PREMIÈRE PARTIE On connaît peu jusqu'ici les parasites des éléments nucléaires : En 1856, J. MuUer avait observé chez un Infusoire l'en- vahissement du corps nucléaire d'un Infusoire par un parasite (1); cette maladie a été étudiée depuis par plu- sieurs observateurs au nombre desquels il faut surtout citer Balbiani (•2) et Bûtschli (3), qui ont montré que chez (1) J, Muller. Quelques observations sur des Infusoires (Monastb. d. Berliner Akad., 1856). (2) Balbiani. Recherches expérimentales sur la mérotomie des Infu- soires ciliés (Recueil zoologique, Genève, 1888). (3) O. Biitschli. Bronn's Klassen und ordnungen, Proiozoa, p. 1828, 1832. \ 200 P -A. DANGEARD un grand nombre d'Infusoires, tels que les Paramœcium^ Chilodon^ Pleuronema,, Prorodon, Stentor, etc., le noyau et le nucléole peuvent être infectés par des Bactériacées. Ce sont ces organismes qui ont fait considérer pendant quelque temps, chez les Infusoires ciliés, le nucléole pour un testicule (1) ; d'après Balbiani, les individus malades n'entrent jamais en conjugaison ; ils n'offrent rien de particulier, sauf que leur taille reste inférieure à celle des animaux sains ; ils peuvent même se diviser ainsi qu'il résulte d'une observation de Kôlliker sur une Para- mécie, dont le corpuscule additionnel du noyau était envahi par le parasite ; malgré cela, pendant la division, ce cor- puscule se comporta tout à fait comme celui d'un individu normal (2). Le travail le plus complet sur cette maladie des Infu- soires est dû à M.-W. Hafkine (3), qui a pu provoquer artificiellement une épidémie dans une série de cultures du PcLramœciwm Aurélia, ; il est arrivé ainsi à distinguer trois espèces appartenant au genre Holospora : la. pre- mière, qui habite le nucléole de l'Infusoire, est désignée sous le nom d'H. undiilata ; la seconde, qui est distinguée sous le nom d'H. obtusa, attaque le noyau ; enfin la troi- sième envahit le petit nucléole; elle a donc le même habi- tat que la première : c'est ÏH. elegans ; ces deux espèces ne se rencontrent jamais ensemble sur le même individu. Ces organismes se reproduisent par scissiparité et par bourgeonnement : aussi l'auteur propose-t-il de faire de ce petit groupe « une division intermédiaire formant un passage entre les véritables levures et les Schizomycètes et dont les divers représentants se trouveraient dans un (1) Consulter Claparède et Lachmann : Etudes sur les Infusoires et les Rhizopodes, 3e Partie. (2) Kôlliker. Icônes histologie^. Leipzig, 1864. (3) M.-W. Hafkine. Maladies infectieuses des Paramécies (Annales de l'Institut Pasteur, tome IV, 1890, p. 148-162). PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 201 voisinage plus étroit, tantôt avec un des groupes limitro- phes, tantôt avec l'autre (1) ». Balbiani a récemment décrit et figuré des parasites qui se rencontrent à l'intérieur du noyau du. Stentor j^jolymor- phus (2). « Ce sont évidemment, dit-il, des organismes parasites rappelant plus particulièrement les espèces formant le groupe des Holosporées intermédiaire entre les Bacté- riacées et les Blastomycètes ou levures, dont plusieurs ont pour habitat le nucléus et le micronucléus des Para- mécies. » Ainsi que le fait remarquer Balbiani, c'est un parasite appartenant au même groupe qui a été vu par Stein chez le Stentor Roeselii (3). La question est loin d'être aussi avancée en ce qui con- cerne les Rhizopodes ; on peut même dire que si de nom- breux auteurs ont eu l'occasion de rencontrer des aspects particuliers du noyau, produits par des parasites, aucun n'en a indiqué la véritable signification ; tous y ont vu, comme nous le montrerons plus loin, soit une simple modi- fication de structure de ce noyau, soit une modification spéciale donnant naissance à des œufs ou à des sperma- tozoïdes ; les autres se sont bornés à de simples conjec- tures. Nous commencerons par donner la description de ces parasites ; ils doivent constituer un genre nouveau pour lequel nous proposons le nom de Nucleophaga à cause de leur habitat si particulier ; ces parasites diffèrent nette- ment de ceux qui habitent le noyau des Infusoires ; ils appartiennent à des groupes fort différents. , (1) M.-W. Hafkine. Loc. cit., p. 152-153, (2) Balbiani. Nouvelles recherches expérimentales sur la mérotomie des Infusoires ciliés, 2* partie (Annales de micrograpriie, janvier 1893). (3) Stein. Der organismus der Infusionslhiere, II Abth., p. 258, pi. VIII. CHAPITRE PREMIER Le Rhizopode qui nous a fourni ces observations, est une amibe de grande taille qui s'est développée en grande abondance dans une de nos cultures : c'est une des grandes formes du genre et on peut l'identifier à VAynœba, verrucosa, Ehr. (Ij ; ses pseudopodes, au nom- bre de cinq à dix environ, sont en général courts et obtus ; quelquefois, cependant, ils s'allongent davantage ou bien au contraire s'étendent en nappe. Comme dans la plupart des autres espèces, l'ectosarque est nettement distinct de Tendoplasma ; on n'y trouve qu'un protoplasma hyalin, dépourvu de granulations ; il se continue dans les pseu- dopodes ; son épaisseur est variable aux différents points delà surface. L'endoplasma a une structure plus com- pliquée : on le distingue facilement de l'ectosarque à la présence de nombreuses granulations ; il n'est pas rare d'y rencontrer unedispositiontrabéculaire très accentuée ; l'endoplasma est alors creusé d'alvéoles de diverses gran- deurs, séparées par de minces cloisons ; une structure analogue se rencontre dans le Pelomyxa ('2) dans VAyiiœha, (1) Cette espèce n'est peut-être qu'une forme de l'^mœ^îa princeps Ehr.; la détermination des amibes est très difficile actuellement ; on ne connaît jusqu'ici aucune base solide de classification ; les distinctions spécifiques reposent sur des variations de formes dont on ne connaît pas l'amplitude. (2) Greef. Pelomyxa palustris ein amoebenarliger organismus des sûssen Wassers {Archïv. f. micros. Anatomie, Bd. x, 1873-1874). PASASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 203 alveolata([),\es Lithamœba (2), le Flakopus ruber (3); dans notre espèce, le protoplasma peut également se raréfier, les mailles du réseau deviennent peu nombreuses, grandes et irrégulières ; d'autres fois, on distingue seulement dans l'endoplasma granuleux quelques vacuoles ordi- naires sphériques. On sait d'autre part que la vacuole contractile occupe dans VAmœba verrucosa la partie pos- térieure du corps. Il est facile d'observer la formation des vacuoles diges- FiG. 1. — A Amibe ingérant uneEuglène e ; p Nucléophage à protoplaaraa va- cuolaire, ayant remplacé le noyau ; v yacuole. B Individu dont le noyau n est encore intact ; i aliments situés à l'iatérieur d'une vacuole digestive. tives dans cette espèce; le plus simple est de verser dans la cuvette qui la contient une culture d'Euglènes ; on voit bientôt toutes les amibes se colorer en vert ; certaines renferment de cinq à sept Euglènes et même davantage. La préhension se fait avec une grande rapidité ; en moins d'une minute, l'Euglène qui se trouve au contact du Rhi- (1) Mereschkowsky. Sludien ûber die Protozoën des nordl. Russlands (Archiv. f. mikrosk. Anatomie, Bd. XVI). (2) R. Lankester. Quat. journ. micr. se, xix. (3) Schulze. Rhizopodenstudien (Archiv. f. micros. Anatomie, Bd. XI, 1875). 204 P. -A. DANGEARD zopode, est entourée par le protoplasma qui remonte tout autour en forme de cupule et finit par rejoindre ses bords ; la vacuole digestive se trouve ainsi constituée par une invagination de l'ectosarque et elle renferme une Euglène avec un peu du liquide de la culture (fig. 1, A) ; on peut rencontrer deux Euglènes dans la même vacuole, ce qui résulte certainement d'une fusion de deux vacuoles voisines. La manière dont s'opère la digestion à l'intérieur des vacuoles chez les Protozoaires n'est pas encore complète- ment élucidée : la question a cependant fait un grand pas dans ces dernières années avec les travaux de Metchni- koff (1), de F. Le Dantec (2), de Greenwood et Saun- ders (3) ; on sait que, dans les premiers temps de l'exis- tence d'une vacuole digestive, une sécrétion acide s'y pro- duit qui modifie le milieu primitivement alcalin et le rend, dans la plupart des cas, effectivement acide (Le Dantec) ; mais on ignore encore si la digestion s'effectue réellement dans ce milieu acide au moyen de diastases (Le Dantec), ou bien si elle a lieu au contraire dans un milieu rede- venu alcalin (Greenwood et Saunders). Nous allons maintenant nous occuper de la structure du noyau : nous verrons d'abord quelle est sa structure normale, avant d'aborder l'étude des modifications qu'y produit la présence d'un parasite. (1) E. Metchnikoff. Recherches sur la digestion intracellulaire (Ann. Institut Pasteur, 1889). (2) F. Le Dantec. Recherches sur la digestion intracellulaire chez les Protozoaires (Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, tome XXIII, 1891,2). — Note sur quelques phénomènes intracellulaires (Id. tome XXV, 1893, 2). — Etudes biologiques comparatives sur les Rhizopodes lobés et réticulés d'eau douce (Id. tome XXVI, 1894). (3) Greenwood. On the constitution and mode of formation of food vacuoles in Infusoria (Proceedings of the Royal Society, vol. 54, octo- bre 1893). — Greenwood et Saunders. — On the rôle of acid in Proto- zoan digestion. PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 205 Butschli attribue aux amibes un nombre variable de noyaux ; alors que ce nombre est souvent très faible, il peut atteindre dans certains cas plusieurs centaines : ainsi dans VAniœba, princej)s{i), ce savant a rencontré à côté d'individus ne possédant qu'un seul noyau, d'au- tres individus qui en avaient jusqu'à 200 ; il ignore la signification de ce fait tout en reconnaissant qu'il doit se rattacher au développement de ces êtres (2) ; une varia- tion aussi considérable du nombre des noyaux chez les amibes est, comme nous le verrons, peu vraisemblable dans rAmœ6ai;errucosa; tous les individus examinés n'ont jamais présenté qu'un noyau unique. Ce noyau est gros (fig. 1, B); il est limité par une mem- brane à double contour ; on trouve à son intérieur un nucléole dont le diamètre égale les 2/3 de celui du noyau ; la substance de ce nucléole est très dense ; elle se colore avec une grande intensité sous l'influence des divers réactifs nucléaires ; en général, on n'y distingue aucune structure particulière ; parfois cependant, la substance colorable est disposée en un réseau à mailles très fines. Entre ce nucléole et la membrane nucléaire, s'étend un espace rempli en grande partie de suc nucléaire : des granulations chromatiques très petites s'y montrent sou- vent disposées en réseau. Ce noyau, qui se trouve au milieu de l'endoplasme, est en général sphérique, ainsi que le nucléole ; ce dernier n'occupe pas exactement le centre. La structure du noyau chez les autres espèces d'amibes ne s'accorde guère avec celle qui vient d'être décrite, si nous en croyons les observations fournies par quelques auteurs ; ainsi, d'après Butschli, VAmœba princeps^ si voisine à d'autres égards de ÏAmœba verrucosa, montre (1) O. Butschli. Abh. d. Senchenb naturf. Gesellsch. x, p. 164. (2) 0. Butschli. Protozoa. Loc. cit., p. 108-109. ?06 P.-A. DANGEARD deux sortes de noyaux. Dans les individus qui possèdent un grand nombre de noyaux, ceux-ci sont arrondis et offrent sous la membrane nucléaire, une couche de cor- puscules sombres disposés en une assise unique; dans les individus qui ne possèdent qu'un noyau, ce noyau beaucoup plus gros, ovale, montre sous la membrane nucléaire un réseau de trabécules finement granu- FiG. 2. — A Areiba dont le nucléole n ne renferme qu'un seul parasite B Le nucléole renferme dei x parasites nucléaires. C Le noyau est allongé, elliptique et le nucléole contient trois parasites. leux (1). Dans V Amœba terricolsi de Greef (2), les noyaux seraient complètement remplis de petits corpuscules sphériques; nous verrons plus loin quelle est l'interpré- tation qu'il faut donner à cette apparence. Quoi qu'il en soit, dans le noyau de V Amœba, î;em(cosa,on voit, d'après cette description, que la presque totalité des (1) Biitschli. Protozoa, p. 113. (;') Greef. Ueber einige inder Erde lebende amôben und andere Rhi- zopoden (Archiv. f. micros. Anat., Bd. II, 1866). PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA '207 substances de réserve se trouvent emmagasinées dans un très gros nucléole ; aussi est-ce à l'intérieur même de ce nucléole que va pénétrer le parasite qui fait l'objet principal de cette étude. Le parasite se montre à l'intérieur du noyau de l'amibe et tout à fait au début sous l'aspect d'une vacuole au centre de laquelle se voit une tache sombre (fig. 2, A) ; la vacuole augmente de volume ; la substance colorable du nucléole disparaît peu à peu; il n'en reste bientôt plus qu'une couche mince périphérique ; c'est à ce moment que le nombre des taches sombres augmente : on en trouve alors deux ou un plus grand nombre. Sous l'influence du parasite, il se produit une hyper- trophie du noyau : elle débute par le nucléole dont la mince couche superficielle, distendue par le parasite, tend à venir tapisser intérieurement la membrane nucléaire (fig. 3, A, B, C). L'enveloppe de chromatine du nucléole montre, si les conditions d'observation sont bonnes, une petite ouver- ture circulaire qui paraît découpée à l'emporte-pièce (fig. 3, B, C). Ces diverses modifications d'aspect du nucléole m'ont longtemps intrigué; elles ne correspondaient à rien de ce que l'on sait sur cet organe. La notion d'un parasite nucléaire, lorsqu'elle s'est présentée à notre esprit, a eu vite fait de nous éclairer sur ces phénomènes, ainsi que sur les modifications ultérieures du noyau. La vacuole n'est autre chose que la substance même du parasite; ce dernier a pénétré à l'intérieur du nucléole par l'ouverture circulaire que nous venons de signaler, et la grandeur de cette ouverture indique approxima- tivement la grosseur du parasite à son entrée dans le noyau ; la tache sombre qui se trouve au centre de la vacuole, correspond à la présence d'un seul élément nucléaire à l'intérieur du parasite jeune. 208 P.-A. DANGEARD Si la vacuole augmente de volume, c'est que le para- site se nourrit en digérant peu à peu la chromatine du nucléole ; c'est l'état végétatif pendant lequel le noyau reste unique. La digestion semble bien s'opérer superficiellement, comme chez tous les végétaux, du moins, nous n'avons jamais vu, dans les nombreux cas observés, la substance r¥umm %!., FiG. 3. — Stades plus âgés du Nvcleophaga ; en B ei &n C on voit l'ouverture circulaire par laquelle le parasite a pénétré. nucléolaire pénétrer dans le protoplasma du parasite ; nous n'avons jamais constaté d'autre part la présence de résidus digestifs à l'intérieur de ce protoplasme ; la sépa- ration entre la vacuole, c'est-à-dire le parasite^ et la chromatine du nucléole reste nette. La substance du nucléole étant naturellement très nutritive et très condensée fournit au parasite qui l'assi- mile in toto un volume supérieur à celui qu'elle occupait; il en résulte que le parasite effectue une pression sur la couche qui l'entoure, ce qui explique l'hypertrophie du nucléole. PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 209 C'est au moment où le parasite tend à occuper toute la cavité nucléaire que son noyau, d'abord unique, commence à se diviser; le protoplasma qui entoure ce noyau est clair, dépourvu de granulations : on n'y remarque aucune diffé- renciation particulière ; aussi, comme ces noyaux sont très réfringents, les voit-on sans l'aide d'aucun réactif. Nous avons choisi le cas le plus simple, celui où il n'y a qu'un seul parasite à l'intérieur du noyau de l'amibe ; mais assez fréquemment, il en existe plusieurs ; on voit alors dans le nucléole tout autant de vacuoles qu'il y a d'individus distincts ; ainsi nous trouvons dans la fig. 2, G, un noyau dont le nucléole montre trois parasites ; celui du milieu est plus gros que les deux autres ; c'est lui qui a pénétré le premier dans le nucléole ; d'autres fois on rencontre, dans le même nucléole, quatre parasites et même davantage (fig. 5, B). Lorsque le parasite est arrivé au contact de la mem- brane nucléaire, il continue à grossir, et son volume défi- nitif qui varie dans de larges limites, peut atteindre de très grandes dimensions (fig. 4, 5). Pendant cet accroissement, le protoplasma du parasite change de caractère : il reste homogène, mais sa densité augmente; à la surface, on distingueune mince membrane à l'extérieur de laquelle on reconnaît encore pendant quelque temps les traces de la membrane nucléaire. L'examen direct nous a permis de suivre l'augmenta- tion du nombre des noyaux qui se produit en même temps que cet accroissement ; pour être certain que les taches rondes que l'on observe dans le protoplasma sont bien des noyaux, il sufTit de fixer et de colorer au moyen des méthodes ordinaires. A la vérité, les détails de structure de ces noyaux sont difficiles à mettre en évidence, car le protoplasma qui les entoure est lui-même assez sensible aux réactifs colorants ; cependant, nous croyons pouvoir dire à la suite d'un examen minutieux de très bonnes 210 P.-A. DANGEARD préparations, que ces noyaux ont la structure ordinaire, qu'ils sont nucléoles et possèdent une membrane nucléaire (fig. 4, D); mais le plus souvent, on n'arrive à voir ces noyaux que sous la forme de taches arrondies plus colo- rées que le reste (fig. 4, F). Jamais il ne nous a été donné d'observer un cas net de Fig. 4. — A, D Sporanges simples.^, E, C, F Spor&r.ges composés résultant de la présence de plusieurs parasites à l'intérieur du même noyau. division, et cependant ces divisions sont actives, car le nombre de ces noyaux, au moment où la sporulation va se produire, dépasse souvent plus d'une centaine; ils s'espacent alors régulièrement et autour de chacun d'eux s'organise une zoospore. Le sporange ressemble à ce moment à une grosse mûre : il renferme autant de corpus- cules arrondis, distincts, qu'il y avait de noyaux au mo- ment de la sporulation (fig. 4, A). PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 211 La formation de zoospores dans un même sporange paraît se faire simultanément, et il faut bien se garder d'être trompé par les différents aspects qui se présentent lorsque le noyau a donné asile à plusieurs parasites (fig. 4, B, C, E, F) ; ces aspects ont déjà été pris par certains observateurs pour la division même du noyau de l'amibe ; ils pourraient également faire croire à des bipar- titions successives du sporange pour la formation des Fig. h.— a, B Plusieurs parasites à l'intérieur du même nucléole. C, B, E Pa- rasites associés par deux. 2'' germe endogène contenant quatre sporanges. spores ; ou bien encore, on pourrait les confondre avec des sporanges composés, tels que ceux qui se rencontrent dans les Synchytrium, par exemple. Le cas le plus simple est celui où le sporange semble divisé en deux loges (fig. 5) ; la séparation s'observe de très bonne heure et au moment de la sporulation, l'aspect définitif est celui d'un sporange cloisonné (fig. 5, C, E) ou bien de deux sporanges distincts (fig. 5, D). La même observation s'applique aux cas où il existe quatre loges; lorsqu'on n'a pas suivi le développement 212 P.-A. DANGEARD entier du parasite, on songe tout naturellement à deux bipartitions successives en croix de l'organe (fig. 5, F). Enfin, on trouve des cas où le nombre des loges est plus élevé (fig. 4, F, C). Si l'on remarque que beaucoup de sporanges au moment de la sporulation ne sont point cloisonnés, on pourra écarter l'hypothèse qui, a priori, pourrait être acceptée : celle de la formation de sporanges composés dans ce genre. Il ne reste plus alors pour expliquer ces divers aspects que la seule considération qui découle directement de Tétude du développement; nous avons vu que plusieurs parasites pouvaient se développer côte à côte à l'intérieur du nucléole : chacun d'eux donne naissance à un sporange ; ceux-ci se trouvent forcément en contact étroit ; ils se compriment réciproquement et l'ensemble prend la forme d'un sporange unique composé d'autant de loges qu'il y avait d'individus dans le même noyau. Nous avons désigné les spores qui sont contenues à l'intérieur des sporanges sous le nom de zoospores; mais nous devons ajouter que nous ne les avons jamais vues en mouvement; la chose ne nous parait pas douteuse cependant. Ces zoospores, malgré leur petitesse, peuvent être étudiées histologiquement ; elles sont entourées d'une mince membrane; au centre se trouve un petit noyau nucléole ; le nucléole est très petit et il est séparé de la membrane nucléaire par une zone incolore (fig. 4, E); le protoplasma qui entoure le noyau est homogène, mais il se colore bien et semble être assez dense; il est dépourvu de granulations, et la zoospore qui a pénétré à l'intérieur du nucléole, se présente sous l'aspect d'une vacuole. Il n'est pas rare de voir des sporanges ne ren- fermant plus que quelques zoospores; d'autre part, on rencontre des Rhizopodes dans lesquels on trouve ces zoospores en dehors du noyau, dans l'endoplasma ; mais PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 213 jamais elles ne s'y développent : ce parasite est donc exclusivement intranucléaire. Les amibes, dont le noyau a été ainsi envahi, continuent à vivre ; elles se meuvent au moyen de leurs pseudopodes ; elles prennent des aliments et les digèrent ; les fonctions ne paraissent avoir subi aucune perturbation sensible. Nous pouvons prendre une amibe comme celle de la fig. 1, A; l'endoplasmaala structure normale; il renferme de nombreuses granulations et des vacuoles de diverses grandeurs ; il n'existe plus trace de noyau ni de subs- tance nucléaire; depuis longtemps, le parasite a tout absorbé ; on peut dire qu'il remplace le noyau f son pro- toplasma est écumeux par suite de la présence de nom- breuses vacuoles. Cependant cette amibe sans noyau se déplace ; elle effectue normalement la préhension des ali- ments qui, dans le cas présent, se composent d'Euglènes, et rien ne la distingue à première vue des autres amibes à noyau intact, qui se trouvent dans la même culture. Le sporange va atteindre sa maturité avant la mort de Tamibe; il va former ses zoospores, ce qui n'empêchera nullement l'ectosarquedecontinuer encore quelque temps à émettre des pseudopodes. Il y a une concordance remarquable entre le moment où le parasite arrive à maturité et forme ses éléments reproducteurs, et celui où l'amibe est sur le point de se désagréger ; cela répond à une nécessité physiologique. Si l'amibe disparaissait avant le complet développement des germes, ceux-ci seraient infailliblement condamnés à disparaître; d'un autre côté, pour que les spores puis- sent devenir libres après leur formation, il est néces- saire que le protoplasma de l'amibe se désagrège ; on voit alors le protoplasma se séparer en globules oléagineux de différentes grosseurs. Ce sont les relations si étroites que nous venons de signaler entre le parasite et son hôte qui ont masqué 214 P. -A. DANGEARD jusqu'àce jour la véritable nature de ces phénomènes si intéressants. Nous devons maintenant examiner quelle peut être la place de ce parasite dans la classification ; le mode de sporulation rappelle à la fois celui des Monadinées zoosporées et celui des Chytridinées ; mais nous savons que chez les Monadinées zoosporées, la nutrition est animale : les aliments sont introduits et digérés à l'inté- rieur du protoplasma ; c'est autour des résidus, dans le sporange, que s'organisent les zoospores (1). Dans notre espèce, il n'existe aucune trace de pénétration des ali- ments à l'intérieur du corps : la digestion se fait super- ficiellement comme chez tous les végétaux : le sporange ne renferme pas de résidus digestifs ; le parasite parait bien devoir être placé dans la famille des Chytridinées. Dans cette famille, le sporange possède ordinairement une ou plusieurs ouvertures pour la sortie des zoo- spores (2); elles semblent manquer à nos parasites, et ce caractère tend à les rapprocher des Monadinées zoo- sporées dans lesquelles les zoospores sortent au travers de l'enveloppe du sporange; ils devraient ainsi prendre place à la base de Chytridinées, au voisinage du genre Sphaej^ita. Dang. Nous donnerons à ce nouveau genre le nom de Nucleo- p/iaga destiné à rappeler son mode de vie si particulier : l'espèce qui vit sur les amibes sera le Nucleophagsi amœbœ sp. nov. Il y aura lieu de rechercher si les germes endogènes des autres Rhizopodes appartiennent à cette espèce, ou cons- tituent des espèces distinctes. (1) P.-A. Daageard, Recherches sur les organismes inférieurs (Ann. se. nat., 7e Série, Bot., T. IV*. ^■2) Consulter la récente monographie du D"" A. Fischer {Rabenhorsl's Kryptogamen-Flora, 2^ édition, vol. I, 4e partie, 1893). CHAPITRE II Dans ce chapitre, nous examinerons quelles sont les conséquences de la découverte bien établie d'un parasite vivant à l'intérieur du noyau des amibes. A. — Elle permet de rectifier les opinions émises au sujet de la reproduction des Rhizopodes. B. — Elle facilite l'étude ultérieure des noyaux dans ce groupe. C. — Elle 'fournit une nouvelle méthode pour l'étude du rôle des divers éléments de la cellule dans les fonctions vitales. L'opération de la mérotomie (Balbiani) a permis de rechercher le rôle du noyau dans la cellule ; les résultats obtenus peuvent être vérifiés au moyen de la nouvelle méthode que l'on pourra désigner sous le nom de nucléo- phagie ; cette dernière est applicable dans certains cas où la mérotomie ne peut réussir. D. — Elle intéresse la pathologie générale, car il peut exister chez les plantes, chez les animaux et même chez l'homme des maladies analogues dans lesquelles seuls les noyaux seraient atteints. Ces divers paragraphes ont besoin d'être quelque peu développés. 216 P. -A. DANGEARD Il nous a fallu parcourir une longue série de travaux afin de nous rendre compte des nombreuses erreurs d'interprétation qui ont été causées par la présence des Nucléophages à Tintérieur du noyau des Rhizopodes. Les premiers observateurs qui ont vu ces germes para- sites, ont eu immédiatement l'idée d'une reproduction sexuelle et on ne saurait leur en faire le moindre repro- che, tant la chose paraissait naturelle. Carter décrit en 1856 (l),chez les Rhizopodes, des ovules et des spermatozoïdes; ces derniers viendraient du noyau qui grossit, devient uniformément granuleux, se divise en segments dans lesquels prennent naissance les sper- matozoïdes; ce sont les divers stades du développement des Nucléophages qui lui ont servi pour la description des éléments sexuels chez les amibes; c'est incontesta- blement un parasite, peut-être le même, qui a fourni au même auteur la description des ovules et des spermato- zoïdes de VEuglyphcL alveolata. Dans une seconde note (2) Carter décrit, dans VAviœba, verrucossL, les formations qu'il considère comme des ovules ; il ajoute que ces ovules 'prennent naissance en avril et qu'ils semblent exiger neuf mois pour arriver à maturité! Les figures ne laissent aucun doute ; il s'agit bien de notre parasite. Les observations de Wallich sont trop incomplètes pour permettre une semblable identification; mais cepen- (1) Carter. Notes on the Freshwatev Infusoria of Ihe Island of Bom- bay {Ann. mag. nat. hist., 2" série, vol. XVIII, 1856, p. 415-121). (2) Carter. Additional notes on the Freshwater Infusoria in the Island of Bombay (Ann. mag. nat, hist., 2e série, vol. XX, 1857, p. 37). PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 217 dant l'aspect de la fig. 5 la rend tout au moins très vrai- semblable (1). Avec le mémoire de Greef sur VAmœha, terricola (2), nous nous trouvons en présence de recherches plus sérieuses ; sans doute, l'auteur n'a pas compris qu'il avait affaire à un parasite ; mais il a bien vu le noyau devenir vacuolaire avant la formation des spores ; il con- sidère ces dernières comme des amibes jeunes ; le noyau qui leur a donné naissance reçoit le nom de « Keimkorner ». Greef a vu ces spores perdre leur forme globuleuse, émettre des pseudopodes ; et il est persuadé qu'elles vont se transformer graduellement en amibes de taille nor- male ; en réalité, si l'idée de parasitisme s'était présentée à son esprit, il aurait sans doute vu ces prétendues jeunes amibes pénétrer dans le noyau du Rhizopode pour y recommencer le même cycle de développement. Un nouveau travail de Carter ne nous apprend rien de plus que les précédents ; les idées de l'auteur sur la reproduction sexuelle des Rhizopodes semblent devenir de plus en plus indécises (3) ; ces mêmes formes de ger- mes endogènes ne sont pas l'objet d'une meilleure inter- prétation de la part de Wallich qui proclame l'herma- phroditisme des Rhizopodes, tout en reconnaissant que pour le moment, il est impossible de distinguer les uns des autres les organes mâles et femelles (4). La notion de reproduction sexuelle s'eftectuant par le (1) G. C. Wallicb, Observations on an undescribed indigenous Amœba (Annal, mag. nat. hist , 3e série, 1863, p. 365). (2) Greef, Ueber enige in der Erde lebende Amœben und andere Rhi- zopoden (Archiv. f. mik. Anat., 2, 1866, p. 299). (3) Carter. On Amœba princeps and its reproductive cells compared with JElhalium, Pythium, Mucor and Achlya (Ann. mag. nat. hist., 3« série, [2, 1863). (4) Wallich. Further observation on the distinctivecharacters, habits and reproductive Phenomena of ths Amœban Rluzopods (Ann. mag. nat. hist., 3« série, 12, 1863, p. 448). 218 P.-A. DANGEARD moyen d'ovules et de spermatozoïdes n'est pas la seule interprétation fausse causée par l'existence des Nucléo- phages ; plusieurs auteurs ont avancé que le noyau était susceptiblede fournirdirectement en se divisant, de jeunes individus : c'était l'opinion de Greef en ce qui concerne YAmœba terricola ainsi que nous l'avons vu. Dans un second mémoire, Greef décrit un mode de reproduction du même genre, quoique plus compliqué ; dans le Pelo- myxa palustris (1), les noyaux donneraient naissance, à leur intérieur, à des corpuscules arrondis désignés du nom de « kernkorper » ; ces derniers se transforme- raient en « glanzkorper » qui arriveraient finalement à reproduire le Pelomyxa. Dans ce même ordre d'idées, il est à peine besoin de mentionner les observations de Wright (2) à propos des Doderia, chez lesquels on trouve un ou plusieurs nucléus ou « ova », puis finalement une nuée de corps naviculaires qui produisent au bout d'un ou deux jours de petites amibes. Enfin, Buck se trouve conduit à décrire deux modes de division du noyau chez les Rhizopodes (3) ; dans l'un, il y a division du noyau et de la zone qui l'entoure; il en résulte un germe d'aspect mûriforme qui se fragmente en corpuscules arrondis ; dans le second mode, la division n'atteint que le noyau à l'exclusion de la zone limitante. D'après ce qui précède, on s'explique bien le grand embarras éprouvé par Biitschli, lorsqu'il s'occupe de la reproduction des Rhizopodes (4). (1) Greef. Pelomyxa palustris, ein amobenarliger organismus des sûssen Wassers (Archiv. f. mikr, Anat., 10, 1873-1874, p. 51). (2) T. S. Wright. Observation on Brilish Zoophytes and Protozoa (Journal of anatomy and physiology, série I, 1866-1867, p. 332). (3) E. Buck. Einige Rhizopodenstudien (Zeitschrift f. wiss. zoologie, 30, 1878, p. i-45). (4) Bûtschli. Bronn's Klassen und ordnungen des Thierreichs, vol. I, Protozoa, p. 156. PARASITES DU NOYAU ET DU PROTO PLASMA 219 Désormais, l'existence bien démontrée du parasitisme desNucléophages permet de faire table rase de toutes ces observations ; ce n'est pas dans cette direction qu'il faut chercher la reproduction sexuelle de Rhizopodes ; ces êtres ne possèdent certainement ni ovules ni spermato- zoïdes. Si la reproduction sexuelle existe chez les Rhizopodes, ce qui paraît probable, on la trouvera sans doute sous la forme d'une simple fusion de deux noyaux s'opérant après la conjugaison de deuxindividus ; nous pensons du moins que les recherches doivent être dirigées tout d'abord de ce côté. B Lorsqu'on cherche à envisager dans son ensemble la question des noyaux chez les Rhizopodes, on se trouve en présence de nombreuses difficultés; les renseignements que nous possédons sur ce sujet sont souvent contradic- toires. En ce qui concerne les amibes particulièrement, il existe de grandes divergences ; les unes portent sur la struc- ture de ces éléments, les autres sur leur nombre. Auerbach est l'un des premiers qui les ait bien indiqués sous forme de vésicules pourvues d'un gros nucléole (1); c'est ce même aspect et cette même structure que nous trouvons représentés dans un des derniers travaux sur les Rhizopodes (2). Cependant, d'après Bûtschli, l'Amœbsi princeps possède (1) Auerbach. Ueber die Einzelligkeit der Amœhen (Zeitschr. f, wis. zool. 1855-1856, p. 365). (2) R. Lauterborn. Protozoensludien. III Ueber eine Susswasserart der Gattung Mullicilia (Zeitschr. f. wiss. zool.LX, Band, î^ Heft, 1895). 220 P.-A. DANGEARD deux sortes de noyaux ; ainsi, les nombreux petits noyaux sphériques qui appartiennent à certainsindividus de cette espèce, montrent, sous la membrane nucléaire, une assise de petits corpuscules sombres ; dans les individus uni- nucléés ou paucinucléés, le noyau est beaucoup plus gros et de forme ovale; la zone des corpuscules est remplacée par une sorte de réseau irrégulier qui n'est pas sans analogie avec un réseau chromatique (1). D'autre part, d'après le même savant, le nombre des noyaux dans cette espèce est soumis à des variations con- sidérables ; beaucoup d'individus n'ont qu'un seul noyau, mais quelques-uns en possèdent jusqu'à cent et même deux cents. On trouverait d'ailleurs tous les intermédiai- res et la même chose existerait également dans VAynœba, Blattae. Une autre structure des noyaux a été signalée dans VAmœba tei^ricola; le noyau se remplit entièrement de cor- puscules arrondis (2); il en est de même dans VAmphizo- nella. violacea. Chez les Arcelles, le nombre normal des noyaux est de deux; ils sont opposés l'un à l'autre ; ce nombre s'élève à quatre au moment de la division. On a signalé cepen- dant une bien plus grande multiplicité des noyaux dans ce genre : Auerbach en a vu jusqu'à quarante ; Clapa- rède et Lachmann disent qu'on trouve souvent des indi- vidus qui ne possèdent qu'un seul nucléus: mais il n'est pas rare cependant d'en rencontrer qui en ont douze à quinze ; ce sont des disques transparents portant au cen- tre un nucléole plus obscur /3). Carter n'a vu que les (1) Biitschli. Sladien uber die ersten Enlwickelurigs vorgànge der Eizelle, die Zelltheilung und die conjugalion der Infusorien, p. 213-452 (Abh. der. Senckenberg. naturf, GesellscJi. X, p. 164) et Biitsclili Protozoa, loc. cit., p. 113-114. (2) Greef. Loc. cil. (3) Glaparède et Lachmann, Eludes sur les Infusoires, p. 444-445. PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 221 deux noyaux ordinaires ; mais il a rencontré à l'intérieur des Arcelles un grand nombre de sphères qu'il désigne sous le nom de « cellules reproductrices » (1). Dans le genre Difflugia, on a observé des phénomènes analogues ; en général, il n'existe qu'un noyau placé à la partie postérieure du corps : Hertwig a cependant ren- contré des individus de Difflugm proteiformis qui ren- fermaient une quarantaine de noyaux (2). Nous n'avons pas l'intention de continuer plus loin cette revue des variations qui ont été signalées dans le noyau des Rhizopodes ; elles sont toutes du même genre. Nous voulons seulement faire remarquer les causes d'erreur 1 en ce qui concerne le nombre de ces noyaux ; 2" en ce qui a rapport à leur structure ; 3° en ce qui a trait à leur division. 1° Le nombre des noyaux est certainement suscep- tible de varier dans une même espèce, mais en général dans des limites restreintes ; l'augmentation peut prove- nir principalement du fait de la réunion en plasmodes de plusieurs individus uninucléés ou. paucinucléés comme les Nuclesiria, les Platoum, etc. (3); ou bien il résulte des divisions successives d'un noyau primitif, comme chez les Actinosphœrium; plus rarement, il semble, le nombre des noyaux est très élevé à tous les stades de l'exis- tence, comme chez les Vampyrelles (4). Il faut bien se garder de considérer comme noyaux,ainsi qu'on l'a fait souvent, des éléments étrangers, tels que les spores des Nucléophages et autres parasites analogues. (1) Carter. On Freshwater Rhizopoda. of England and India [Ann- mag. nat. hist., 3* série, 13, 1864). {"l) R. Hertwig. Jenaische Zeitsch. f. Naiurwis, Bd. XI. (3) P. -A. Dangeard. Mémoire sur quelques maladies des algues et des animaux. (Le Botaniste, 2* série, 6° fascicule, août 1891). (4) P. -A. DangeSiVd. Contribution à l'étude des organismes inférieurs (Le Botaniste, 2' série, 1" fascicule, p. 33). 222 p. A. DANGEARD 2" La structure du noyau des Rhizopodes a été fréquem- ment mal interprétée, ce qui est la cause des divergences nombreuses que nous avons signalées précédemment. Il est facile de voir, principalement pour les amibes, que toutes ces erreurs sont imputables aux parasites du noyau; on a décrit comme structure du noyau les divers stades du développement des Nucléophages. 3" Les mêmes observations s'appliquent tout naturelle- ment aux divisions du noyau ; celui-ci ne subit pas, sous la membrane nucléaire, une série de bipartitions succes- sives ; il ne se fractionne pas davantage simultanément en nombreux corpuscules ; ces états se rapportent à la spo- rulation des Nucléophages. On est arrivé, dans ces dernières années, à mieux apprécier les rôles respectifs du noyau et du proto- plasma dans la cellule ; ce résultat est dû aux remar- quables travaux de Balbiani (1), Verworn(2), Hofer (3). Nous empruntons à un mémoire récent de Balbiani (4) les conclusions générales très importantes qu'il a for- mulées sur ce sujet. 1° Chez les Infusoires ciliés, qui peuvent être consi- (1) Balbiani. Recherches expérimentales sur la mérotomie des Infu- soires ciliés. — Contribution à l'étude du rôle physiologique du noyau cellulaire (Recueil zoologique suisse, t. V, 1888, p. 1-72). (2) Verworn. Biologische Protisten-Studien {Zeitsch. f. wiss, zool. t. XLVI, 1888, p. 455). — Psycho-physiologische Protisten-Studien. Experimentelle Untersuchungen, 4889. (3) B. Hofer. Experimentlle Untersuchungen uber den Einfluss des Kerns auf das proloplasma {Jenaische Zeitschrift fur Naturwisschaft, t. XXIV, 1890, p. 105. (4) Balbiani. Nouvelles recherches expérimentales sur la mérotomie des Infusoires ciliés (Annales de micrographie, 1893). PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 223 dérés comme un type des plus favorables pour l'étude physiologique des cellules, certaines fonctions sont rem- plies par le protoplasma seul et d'autres concurremment parle protoplasma et le noyau. 2*" Les fonctions qui dépendent uniquement du proto- plasma sont : a) Les différentes formes de mouvement : mouvement ciliaire, mouvement d'ingestion et d'égestion des aliments (mouvements de la bouche et de l'anus), les pulsations de la vésicule contractile, le mouvement de constriction du corps au commencement delà division. b) La faculté d'orientation du corps pendant la pro- gression. 3** Les fonctions qui sont exercées concurremment par le protoplasma et le noyau sont : a) Les diverses sécrétions cellulaires : sécrétion de la cuticule, sécrétion du suc acide dans les vacuoles alimen- taires et peut-être aussi des autres sucs digestifs ; b) La régénération ou reconstitution des organes et de la forme générale du corps ; c) Les stades ultimes de la division. Il n'y a pas d'antagonisme entre le protoplasma et le noyau : des rapports réciproques qui existent entre ces deux éléments de la cellule résulte une action harmonique qui maintient leur vitalité et assure l'intégrité de leurs fonctions. La méthode employée pour cette étude consiste « à séparer sur un organisme vivant un fragment plus ou moins considérable dans le but d'observer les phéno- mènes de survie présentés par cette portion isolée et devenue indépendante du tout dont elle faisait partie » ; cette opération est désignée par Balbiani sous le nom de mérotomie. Cette méthode est la première en date ; elle sera tou- 224 P.-A. DANGEARD jours la plus employée parce qu'elle est plus générale ; son emploi est également plus facile. Il y a place cependant maintenant pour une seconde méthode qui ne comporte pas certaines causes d'erreur inhérentes à la première : mise à nu du protoplasma sur une grande surface, traumatisme violent provenant de la mérotomie. La pénétration même du parasite à l'intérieur du corps ne peut ni interrompre, ni même troubler un instant les fonctions de l'organisme ; la sup- pression; du noyau se fait progressivement sans se- cousse ; lorsqu'elle est totale, on se trouve en présence d'un individu réduit à son protoplasma. On peut objecter à cette méthode qu'il est difficile d'apprécier sur des organismes vivants le moment où le noyau a complètement disparu ; or, il résulte des expé- riences de Balbiani que la plus minime portion de subs- tance nucléaire sufTit pour entretenir la vie comme le fait le noyau tout entier. Cette objection peut être vraie en ce qui concerne les Holospora parasites du noyau des Ciliés ; mais, quant aux Nucléophages, le doute n'est point permis ; ces parasites absorbent intégralement la substance nucléaire. On peut s'en assurer facilement au moyen des réactifs ordinaires de la chromatine ; il n'en reste plus aucune trace même longtemps avant la sporulation ; les derniers vestiges du noyau disparaissent pendant que s'opère la multiplication des noyaux à l'in- térieur des germes endogènes ; avec un peu d'habitude, rien n'est plus facile que de reconnaître ce moment sur les individus libres. La méthode est donc susceptible d'une grande exacti- tude ; nous pensons qu'il faudra compter avec elle dans l'étude de la biologie cellulaire et en particulier dans l'examen approfondi des fonctions dévolues au proto- plasma et au noyau; nous la désignerons sous le nom de nucléophagie. PARASITES DU NOYAU ET DU PUOTOPLASMA 225 Après s'être procuré le parasite, on le communiquera aux diverses espèces d'amibes ou de Rhizopodes que l'on aura en cultures; on pourra alors varier ses obser- vations et ses expériences ; maintenant que l'attention est attirée sur ce point, d'autres parasites se rencon- treront sans doute, remplissant les mêmes conditions et répondant aux mêmes besoins. Après avoir longuement étudié le développement du parasite, nous avons essayé d'appliquer notre méthode à l'examen critique des résultats obtenus par la méro- tomie ; malheureusement nos cultures touchaient à leur fin et nous avons dû nous borner seulement à des véri- fications qui permettent néamoins de prévoir tout le parti que l'on en peut tirer. Un exemple montrera bien la chose : Le Dantec, étudiant les phénomènes de la nutrition chez les Gromies, résume ainsi les conclusions de son travail (1) : Quand on sépare d'une Gromie une masse plus ou moins grande de sarcode, cette masse isolée et dépourvue de noyau présente encore les propriétés caractéristiques du protoplasma de l'être Bucléé, pendant les premiers temps qui suivent Vopèralion. Elle est capable d'englober des corps étrangers venus au contact d'elle, de s'additionner de substance sarcodique, de commencer à dissoudre certains corps solides. Au bout de quelque temps de séjour dans l'eau, les additions précitées et les phénomènes d'osmose ayant lieu sans être suivis d'assimilation, la masse isolée devient diflférente du protoplasma d'une Gromie nucléée et perd ses propriétés dissolvantes. Sa réaction cesse d'être indépendante de celle du milieu . L'inQuence du noyau sur les phénomènes qui se passent dans l'in- térieur du protoplasma d'nne Gromie entière se réduit à maintenir (1) Le Dantec. Etudes biologiques comparatives sur les Rhizopodes lobés et réticulés d'eau douce (Bull, scientif. de la France et delà Bel- gique, t. XXVI, 1894, p. 87-8b). 226 P.-A. DANGEARD constant le milieu dans lequel ces phénomènes se produisent ; en d'autres termes, tous lesphénomènes intraprotoplasmiques constatés chez une Gromie nucléée sembleraient devoir se produire dans le protoplasma séparé du noyau, si par un procédé quelconque on maintenait constante la composition de ce protoplasma : c'est-à-dire que le noyau de la Gromie n'a d'influence directe sur aucun phéno- mène se passant dans l'intérieur du protoplasma supposé de com- position constante. Mais lorsque Le Dantec a voulu rechercher si ces con- clusions s'appliquaient aux amibes, il s'est trouvé en face d'une difficulté en apparence insoluble : les fragments énucléés d'amibe sont incapables d'ingérer aucun ali- ment solide ; il est impossible d'amener des corps étran- gers et en particulier les grumeaux d'alizarine au sein du protoplasma ; c'est ce qu'avait déjà remarqué Bruno Hofer. On est réduit à faire ingérer l'alizarine à l'amibe entière avant la mérotomie : dans ces conditions, on constate que, dans la portion énucléée, la sécrétion d'acide se produit dans les vacuoles comme dans la partie renfer- mant le noyau ; ainsi que le fait remarquer Le Dantec, ce résultat est peu important, puisqu'il s'applique seulement aux premiers temps suivant la mérotomie. Les procédés d'étude de réaction intraprotoplasmique sont en défaut dans le cas actuel, car il n'y a plus ingestion chez le fragment énucléé. Avec notre nouvelle méthode, cette difficulté n'existe plus : l'amibe énucléée par le parasite continue non seulement à émettre des pseudopodes, mais encore elle ingère avec la plus grande facilité les subs- tances solides ; c'est en nous servant d'une culture d'Eu- glènes que nous avons pu nous en assurer. Il nous suffira d'indiquer une de nos expériences. Nous arrivons à isoler après quelques essais une amibe contaminée parle parasite ; nous nous assurons du degré de développement offert par ce dernier (fig. 6, C) ; le germe a dépassé presque du double le volume du noyau ; son PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 227 aspect ne peut laisser aucun doute : il n'existe plus depuis longtemps aucune trace de la substance nucléaire; la cons- titution du protoplasma n'offre rien d'anormal : la dis- tinction en ectosarque et endosarque est bien marquée; FiG. 6. — Amibes ayant servi à observer par nucléophagie les fonctions des divers éléments de la cellule . les pseudopodes se forment comme chez les individus sains. Nous plaçons cette amibe en observation dans une cellule humide de Van Tieghem, et nous lui fournissons quelques Euglènes; lapremiére Euglène qui arrive au con- tact du protoplasma est saisie et ingérée en moins de deux minutes ; au point où elle touche l'amibe, Tectosarque se 228 P.-A. DANGEARD relève en forme de coupe autour de l'Euglène ; les bords de la cupule se rejoignent, et la vacuole digestive ainsi formée passe dans i'endoplasma avec son contenu ; dix minutes après, une seconde Euglène a le même sort ; la troisième n'est saisie qu'au bout d'une heure et demie (fig. 6, C) ; nous assistons à l'opération ; le corps de l'amibe à ce moment est allongé, et c'est à l'une des extrémités que s'effectue la préhension; elle se fait avec une rapidité aussi grande que précédemment. L'observation avait été commencée le matin vers 8 heures ; le soir, à 5 heures, nous constations la pré- sence de six Euglènes à l'intérieur du protoplasma de l'amibe (fig. 6, B); deux d'entre elles avaient pris une cou- leur rougeâtre faible, indice certain d'une digestion déjà avancée ; les autres avaient conservé leur couleur verte. L'avantage de cette seconde méthode sur la mérotomie est ici manifeste : Les amibes énucléées par mérotomie sont en effet incapables d'ingérer des particules solides ; il est impossible par suite d'y étudier les réactions intra- protoplasmiques de la digestion (Bruno Hofer, Le Dantec) ; le protoplasma se roule en boule, cesse d'émettre des pseudopodes et devient flottant. Les amibes énucléées par un parasite continuent au contraire à ingérer normalement les aliments, des Eu- glènes par exemple ; il sera facile d'y étudier la digestion ; le protoplasma continue longtemps à former des pseudo- podes. Nous avons fait quelques remarques sur la manière dont se comportait le point oculiforme des Euglènes pen- dant l'ingestion ; on admet qu'il est formé normalement par deux substances différentes : une masse fondamen- tale plasmatique constituant un fin réseau, et un pigment PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 229 qui remplit toute cette masse de fines gouttelettes (1). J'ai cru reconnaître qu'au moment de l'ingestion, le point oculiforme, d'un beau rouge, perdait presque subitement son éclat, devenait de couleur pâle ; il reprend sa couleur au bout de peu de temps, mais son aspect change bien- tôt ; au début, à l'observation directe, sa structure sem- blait homogène ; après quelque temps, on y voit de dix à quinze petites gouttelettes rouges distinctes; finale- ment, on n'en trouve plus que deux ou trois qui dispa- raissent elles-mêmes. La vacuole contractile se rencontre encore sur des individus dans lesquels les germes endogènes sont arrivés au stade de sporulation ; à ce stade, la formation de spseu- dopodes continue à se produire, mais souvent les dépla- cements sont insignifiants (fig. 6, D, E, F). On rencontre, au stade de la sporulation, des amibes dans lesquelles la distinction en ectosarque et endo- plasma n'existe plus, par suite de la disparition des gra- nules ; le protoplasma qui entoure le sporange du Nucléo- phage présente une structure fîbrillaire très accentuée (fig. 6, A); sur l'un des côtés, on voit la vacuole contrac- tile qui continue à fonctionner. Dans d'autres amibes, avec des germes endogènes déjà très avancés, la structure du corps ne présente aucune modification apparente ; il existe de nombreuses vacuoles dans un endoplasma granuleux ; les pseudopodes se pro- duisent régulièrement (fig. 6, I) ; quelquefois, les pseu- dopodes s'avancent en vagues hyalines, au lieu de former des lobes (fig. 6, H). Il est prématuré de vouloir mettre en regard les résul- tats obtenus par cette méthode, avec ceux qu'a fournis (I) G. Klebs. Uber die organisation einiger Flagellaten-Gruppen und ihi'e Beziehungen :^u algen und Infusorien (Untersuchungen ans dem botan. Institut zu Tubingen, p. 260), 230 p. -A. DANGEARD la mérotomie chez les Protozoaires ; elle permet cepen- dant de vérifier rapidement plusieurs des résultats obtenus et nous avons vu les avantages qu'elle présente dans des cas spéciaux. Ces observations ont été faites alors que nous poursuivions un but différent ; celui qui s'attachera spécialement à résoudre par ce moyen les questions de biologie cellulaire, ne pourra manquer de faire une riche moisson. D Ce paragraphe n'est pas actuellement susceptible de longs développements; nous désirons seulement montrer que très probablement la pathologie générale aura sans doute à tirer profit de l'existence bien constatée de para- sites nucléaires. Si la maladie des Rhizopodes que nous venons d'étu- dier a pu passer si longtemps inaperçue, pourquoi n'en serait-il pas de même pour des maladies de même nature atteignant les organismes supérieurs et l'homme ? N'est-il point assez probable que, dans certaines hyper- trophies des tissus, dans des cas de tumeurs par exemple, il existe des parasites exclusivement nucléaires ayant échappéjusqu'ici à l'observation ou bien ayant été inter- prétés comme de simples déformations du noyau? Je ne choisirai qu'un exemple pour appuyer cette idée : celui qui nous est fourni par le cancer. On sait combien les opinions varient sur la nature exacte du cancer ; la théorie parasitaire a de nombreux partisans, mais elle a aussi des adversaires non moins résolus. On peut se rendre un compte exact de l'état de la ques- tion dans un mémoire très important publié l'année der- nière par Fabre Domergue, qui est un adversaire con- vaincu de la théorie parasitaire, au moins telle qu'on la PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 231 formule aujourd'hui (1) ; ses conclusions que nous cite- rons en font foi : « La théorie parasitaire du cancer, née des travaux de Pfeiffer, de Darier, de Wicham et d'Albarran, repose sur des observations qui n'ont entre elles aucun lien ni aucune analogie. « Les formes décrites comme des Sporozoaires n'ont avec ces êtres que des ressemblances morphologiques et n'en possèdent pas les caractères. iï Toutes les pseudo-coccidies figurées jusqu'ici se rat- tachent par des gradations insensibles à la cellule néopla- siquedont elles émanent par voie de dégénérescence ». Mais si nous nous reportons à l'analyse si rigoureuse- et si complète faite par ce savant des travaux de ses devanciers, nous ne pouvons nous empêcher de nous arrêter un instant sur les pseudo-coccidies du type de Thomas et deNils-Sjobring(2). Ainsi Thomas parle de « parasites ayant 14 à 15 fjt de diamètre et pouvant être mis en évidence par diverses méthodes de coloration ; on y trouve un protoplasma, un noyau et parfois aussi un nucléole ; il est à remarquer que ces formes se trouvent isolées ou par groupes de 4-6' dans les noyaux épithéliaux qui perdent presque com- plètement alors leur colorabilité ; les vésicules contenues dans le noyau cellulaire présentent parfois aussi des sphères chromatiques plus ou moins grosses très forte- ment colorables ». On croirait absolument lire la description de nos Nucléo- phages des amibes. D'après ce qui précède, on est tout au moins autorisé à dire qu'uneétude comparative s'impose ; elle pourra s'ap- (1) Fabre Domergue. Discussion de l'origine coccidienne du cancer (Annales de micrographie, t. VI, 1894). (2) Fabre Domergue. Loc.Git.,p. 157-158. 3 532 p. -A. DANGEARD puyer cette fois sur des données certaines, sur le dévelop- pement maintenant bien connu d'un parasite nucléaire. Et il serait au moins intéressant de voir que des obser- vations faites sur un organisme des plus inférieurs, une amibe, puisse contribuera nous livrer le secret de la na- ture du cancer, cette maladie à juste titre si redoutée. Si, d'un autre côté, nous nous reportons au mémoire de Soudakewitch (1), il semble que, dans le cancer, on puisse également trouver des parasites extranucléaires. Les relations qui s'établissent entre un parasite extra- nucléaire et la cellule qui le contient, sont beaucoup plus faciles à étudier dans un organisme unicellulaire que dans un tissu provenant d'un carcinome, par exemple ; aussi avons-nous cherché à bien établir dans la seconde partie de ce mémoire tous les stades d'un parasite extranu- cléaire de l'Euglène; les faits observés pourront sans doute être de quelque utilité, lorsqu'il s'agira de parasites analogues vivant au sein des tissus, soit dans les carci- nomes, soit dans toute autre maladie. (1) Soudakewitch. Recherches sur le parasitisme intracellulaire et intranucléaire chez l'homme ^Ann. de l'Institut Pasteur, 1892). DEUXIÈME PARTIE Dans la première partie de ce mémoire, nous avons fait connaître l'existence d'un parasite du noyau et nous avons cherché à montrer tout le parti que l'on pourra tirer de son étude. Les parasites du protoplasma sont beaucoup plus nombreux ; nous n'avons pas l'intention de les décrire ici, ni même d'en donner une simple énumération; nous désirons compléter la description du genre Sphœrita que nous avons créé il y a longtemps déjà ; nous indiquerons ensuite les caractères d'un nouveau parasite des Euglènes. L'historique du genre Sphœrita se trouve dans nos « Recherches sur les organismes inférieurs »(1); nous sommes en mesure aujourd'hui de fournir des détails beaucoup plus complets sur le Sphserita endogena des Euglènes ; une étude histologique minutieuse a permis de reconstituer tous les états de développement. Les doubles colorations ont permis de constater que l'indépendance entre le parasite et le noyau de la cellule persiste pendant toute la vie ; elles ont permis également d'obtenir la structure histologique du parasite aux diverses phases de son existence. (<) P. -A. Dangeard, Recherches sur les organismes inférieurs (Ann. des se. nat., Bot., 7* série, t. IV). CHAPITRE PREMIER Examinons une Euglène dans laquelle le parasite vient de pénétrer ; si elle a été traitée par la méthode des doubles colorations, le parasite se verra nettement au milieu du protoplasma; il est situé en général dans la partie antérieure ou médiane du corps ; on le distingue sans aucune difficulté du noyau de la cellule ; non seule- ment la sensibilité aux réactifs colorants n'est pas la même, mais encore la structure est totalement différente (fig. 7, A). Le noyau de l'Euglène o occupe le tiers postérieur du corps; il est normalement sphérique, mais sa forme peut subir des déformations ; sa grosseur est sensiblement égale dans tous les individus; le nucléole est unique, sa substance est dense, homogène et elle se colore d'une façon très intense; son diamètre égale le 1/3 ou le 1/4 de celui du noyau; autour du nucléole, dans le suc nucléaire, on trouve un grand nombre de granulations chromatiques espacées régulièrement ; dans certains noyaux, on voit distinctement que ces granulations sont orientées en file ; il existe donc dans le noyau de l'Euglène de véritables filaments chromatiques constitués par une substance fondamentale incolore, renfermant des granulations chro- matiques, disposées en une seule file (1); cela ne se voit (1) Cette structure des chromosomes n'a pas été vue par Jacob Keuten {Die Kerntheilung von Euglena viridis, Zeitsch. f. wis. zool., LX Band, 2' Heft, 4 895), car cet auteur écrit, p. 129 : « Eine differenzirung Jiinerhalb deseinzelnen chromosoms in chromatinreichere und armer Partien konnte ich nicht nachweisen. » PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 235 bien qu'aux stades qui précèdent la division, alors que la membrane nucléaire a disparu et que le contour du noyau est devenu irrégulier (fig. 7, N). Dans le noyau, à l'état de repos, ces granulations chromatiques paraissent simplement rayonner autour du nucléole ; le suc nucléaire est homogène, mais non vacuolaire ; sa densité paraît assez grande et il témoigne une certaine sensibilité aux réactifs; aussi, le contour externe de la membrane nucléaire se détache seul très nettement. J'ai fréquemment observé dans le voisinage du noyau un corpuscule dont l'aspect rappelle un centrosome (fig. 7, A, c); mais ce corpuscule ne semble pas en remplir le rôle (1). Le parasite qui vient de pénétrer à l'intérieur de l'Eu- glène, est beaucoup plus petit que le noyau de cette der- nière ; son protoplasma est dense et homogène ; il prend dans les colorations au picro-carmin et au bleu d'aniline une teinte rougeâtre un peu plus prononcée que celle du milieu où il se trouve ; on ne peut le confondre avec les chromatophores qui l'entourent, ceux-ci se colorant en bleu ; il possède un noyau nucléole, à structure vésiculaire ; ce noyau présente en effet un gros nucléole, et l'intervalle Chtre ce dernier et la membrane nucléaire ne montre pas, à ce stade, de granulations chromatiques (fig. 7, A, B, C, D). On voit qu'il est très facile de distinguer la présence d'un parasite même très jeune à l'intérieur d'une Eu- glène, puisque sa structure est très différente de celle du noyau et que, d'un autre côté, sous l'action des réactifs, il prend une couleur différente de celle des chromato- phores. Le parasite grossit tout d'abord sans montrer aucune (l)2Jacob Keuten. Loc. cit. 536 P -A. DANGEARD modification de forme ou de structure ;on doit noter toute- fois les grandes dimensions du noyau et du nucléole au bout de quelque temps ; l'espace compris entre la mem- brane nucléaire et le nucléole reste vacuolaire (fig.7, C,E) ; il arrive un moment où le nucléole est devenu très gros ; le contour du noyau peut à ce moment devenir indécis, il est probable que cet état précède de très peu la division du noyau (fig. 7, C). A partir de ce moment, nous observons dans le déve- loppement de ces germes endogènes deux manières d'être très différentes : peut-être correspondent-elles à deux parasites distincts. Les premiers stades que nous venons de décrire se ressemblent ; tout au plus pourrait-on dire, d'après nos dessins, que les plus grosses vésicules, celles dans les- quelles le noyau atteint des dimensions énormes, appL-.r- tiennent au second parasite ; dans les germes du premier, la division s'opérerait plus tôt. Notre perplexité a été grande : nous ne nous sommes décidé à séparer ces germes endogènes dans la descrip- tion, que parce qu'il nous était difïicile de faire entrer dans un même cycle les divers aspects et stades que nous avons rencontrés. Examinons d'abord ceux que l'on peut attribuer sans hésitation au Sjoluerita endogena. A On peut rencontrer à la fois dans une même Euglène plusieurs parasites : il y en a quelquefois jusqu'à six ou sept (fig. 7, D). Nous n'avons pas réussi à observer la première divi- sion du noyau; mais nous avons rencontré des germes PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 537 FiG. 7. — Divers stades du développement du Sphœnta endegena à l'intérieui des Euglènes. 238 P -A DANGEARD qui n'en possédaient encore que deux ou quatre (fig. 7, F, G); leur taille est redevenue beaucoup plus faible; elle est à peu près égale à celle qu'avait le noyau unique dans le parasite très jeune; elle n'offrira plus que des varia- tions de minime importance dans le reste du développe- ment. Ces noyaux sont encore nucléoles, mais nous avons remarqué qu'ils possédaient en outre des granulations chromatiques dans le suc nucléaire ; il est bon d'ajouter qu'elles. ne sont visibles que dans les bonnes prépara- tions (fig. 7, H). La surface du parasite est lisse ; elle est séparée du protoplasma de l'Euglène par une zone mince incolore; ce résultat est dû certainement à une contraction un peu différente des deux plasmas sous l'influence des réac- tifs fixateurs ; rien n'autorise à y voir l'équivalent d'une vacuole dans laquelle serait logé le parasite; à l'état vivant, cette zone n'existe pas, il y a contact entre les parties en présence. Outre les noyaux, le protoplasma du sporange en for- mation renferme quelques vacuoles (fig. 7, G). Ces sporanges augmentent sensiblement de volume tout en conservant une forme sphérique ou elliptique ; ils arrivent souvent au contact du noyau et le resserrent entre leur propre surface et la membrane de l'Euglcnc, de sorte qu'il prend une forme en biscuit. Pendant ce temps, les éléments nucléaires du sporange se multiplient au milieu d'un protoplasma dense, homogène, dépourvu de vacuoles ; ils s'y montrent sous l'aspect de petites sphé- rules renfermant des granulations chromatiques (fig. 7, I, J.) Il n'est pas facile d'observer des noyaux en division ; nous interprétons comme tels ceux qui sont représentés dans la fig. 8, A ; on y voit deux rangées parallèles de granulations chromatiques ; les nucléoles ne sont pas visi- bles et chaque rangée comprend trois granulations au PARASITES DU NOYAU ET DU PRÛTOPLASMA 259 moins le plus souvent ; les autres stades nous ont échappé. Lorsque le sporange a atteint sa grosseur définitive, FiG. 8 — Sporanges da Sphsenla endogena. après multiplication des noyaux (fig. 8,B,C,), le protoplas- ma se fractionne en îlots polyédriques dont chacun com- prend un noyau ; le fractionnement paraît se faire simul- tanément dans toute la masse (fig. 8, E) , les aspects qui pourraient faire pencher en faveur d'une opinion contraire 240 P-A. DANGEARD seront figurés plus tard. Autour de chaque noyau, le pro- toplasma,d'une homogénéité parfaite, s'arrondit en sphère; chacune de ces petites sphères constitue une zoospore qui se recouvre d'une mince membrane (fig. 8, D, F) ; l'en- veloppe du sporange est elle-même très délicate ; au centre de chacune des zoospores se trouve un noyau sphé- rique qui montre, lorsque les conditions de l'observation sont favorables, cinq à sept granulations chromatiques ; il possède en outre un nucléole. Pendant que ces changements ont lieu dans le spo- range, d'autres se produisent dans le corps de l'Euglène; son noyau subit une dégénérescence plus ou moins apparente; à la limite, sa texture devient spongieuse (fig. 8, C) et toute trace de nucléole a disparu. Mais fréquem- ment, l'altération ne va pas aussi loin ; pendant assez longtemps, le noyau et le parasite font bon ménage au sein du protoplasma de l'Euglène ; c'est beaucoup plus tard seulement que les granulations chromatiques se con- fondent en une masse rougeâtre, flétrie, et que le nucléole disparait plus ou moins (fig. 8,H,I). On sait que les Euglènes, tout en conservant leur acti- vité ordinaire, peuvent amener les sporanges du parasite à maturité ; les chromatophores sont peu à peu détruits ; le protoplasma se raréfie et à la fin, brusquement l'Eu- glène éclate, mettant en liberté les zoospores du Sphœ- rita. Il ne faudrait pas croire que nécessairement, au moment où se produit cette sortie, l'Euglène soit arrivée à la période ultime d'inanition sous l'influence du parasite ; dans beaucoup de cas au moins, elle serait capable de revenir à son état normal, si par un moyen ou par un autre, il était possible de la débarrasser de son parasite; ce n'est pas par épuisement que le parasite arrive à détruire l'Euglène, c'est par l'effet mécanique qui amène une déchirure de la membrane. Cela est si vrai que l'Eu- glène attaquée par un parasite peut prolonger indéfi- PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 241 niment son existence ; il lui suffît de s'enkyster ; elle s'arrête, s'arrondit, s'entoure d'une membrane très épaisse; le parasite va bien réussir à constituer un spo- range et des zoospores (fig. 8, D), mais celles-ci ne seront point mises en liberté, car la membrane du kyste résiste à la tension interne. Aussi l'Euglène continue-t-elle à vivre, et il serait vraiment curieux de savoir quelle est l'issue de cette lutte ; je serais poTté à croire que la vita- lité des zoospores de Sjohserita ne peut résister à un emprisonnement qui peut se prolonger pendant des jours et des semaines. Ces faits nous montrent quelle force de résistance pos- sède le protoplasma d'une cellule dans les conditions que nous venons de constater, c'est-à-dire avec un noyau qui n^est pas atteint directement par un parasite. Dans la première partie de ce mémoire, nous avons vu le parti que l'on pouvait tirer de l'ablation artificielle du noyau par un parasite; il n'est pas téméraire d'espérer que l'étude des parasites du protoplasma, et en particu- lier de celui-ci, nous fournira également des renseigne- ments importants sur la vie de la cellule. Nous avons vu qu'il pouvait exister dans la même Euglène plusieurs parasites à la fois; ils sontfréquemment à des degrés de développement très différents (fig. 8, G, H); ainsi certains sporanges ont déjà formé leurs zoo- spores, alors que d'autres germes en sont encore à la période où il n'existe qu'un noyau; d'autres fois, on ren- contre dans le corps de l'Euglène deux sporanges qui ont réussi à former leurs zoospores (fig. 8, I). Ces zoospores ont bien deux flagellums, ainsi que nous l'avons fait connaître il y a quelques années; le cil antérieur estcourtetflexueuxjlecil postérieur est long etdroit(l). (1) P. -A. Dangeard. Mémoire sur les Chytridinées (Le Botaniste, 4" série, p. 49). 242 p.. A. DANGEARD Les kystes ne se sont pas montrés dans nos cultures ; on sait qu'ils sont de deux sortes: les uns ont une mem- brane épineuse, les autres ont une paroi lisse; ils ger- ment après un temps assez long en fournissant un grand nombre de zoospores ; celles-ci ont la même structure que les zoospores formées dans les sporanges (1). Ceux qui rencontreront ces kystes devront porter spé- cialement leur attention sur les premiers états du déve- loppement. Il est certain que ces kystes, d'assez bonne heure, ne renferment qu'un noyau qui fournira en se divi- sant les noyaux des zoospores ; mais ce noyau unique ne provient-il point de deux noyaux fusionnés après une con- jugaison de gamètes? Nous serions porté à le croire, maintenant que des travaux récents nous ont permis de mieux comprendre la reproduction sexuelle des champi- gnons ; cette conjugaison de gamètes n'est pas improba- ble, car nous avons lait autrefois l'observation que « les zoospores du Sphœrita, sont parfois soudées les unes aux autres, simulant une conjugaison de gamètes (2) » ; il est vrai que nous pensions alors qu'elle ne se produisait pas réellement ; si elle a lieu, les kystes devront être regardés comme des oeufs provenant d'une reproduction sexuelle bien caractérisée. Nous allons maintenant décrire différents aspects qu'il est difficile de faire entrer dans le développement du Sphserita, endogena ; s'ils appartiennent réellement à un second parasite, nous proposons de le désigner sous le nom de PseudosphseritsL Euglense. (1) P.-A. Dangeard. Loc. cit. (2) Loc. cit., p. 49. PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 243 B Les premiers stades n'ont pu être distingués de ceux du précédent ; tout au plus, pourrait-on séparer certaines formes plus volumineuses dans lesquelles le contour se montrait parfois assez irrégulier (fig. 9, B) ;il est possible d'ailleurs que ce résultat soit dû à un accident de prépa-^ ration. Nous appelons particulièrement l'attention sur la fig. 9, D, E, F, G ; en E, le sporange est elliptique, assez gros ; il ne renferme cependant qu'un nombre restreint d'éléments nucléaires ; des travées claires divisent le pro- toplasma en larges îlots au centre desquels on ne voit qu'un noyau ; en F, chacun des îlots renferme plusieurs noyaux. Nous ignorons comment ces stades se rattachent à un autre qui paraît plus jeune et est représenté en D. Plus tard, à mesure que le nombre des noyaux aug- mente, la fragmentation du protoplasma est moins régulière ; le contour du sporange n'offre point cette ré- gularité que nous avons constatée dans les S phderita. Cer- tains aspects tendraient à faire croire que le parasite peut modifier sa forme jusqu'au stade de la sporulation ; à côté de sporanges à peu près sphériques, nous en trou- vons d'autres en effet qui ont la forme d'un gros cordon replié sur lui-même (fig. 9, C, I). On ne remarque à ce moment dans le protoplasma aucune trace de la fragmentation primitive ; il existe par contre un très grand nombre de noyaux rapprochés les uns des autres. La formation des zoospores semble se faire exactement comme chez les Sphœrita : comme toutes ces zoospores se 244 P.-A. DANGEARD trouvent mélangées dans les cultures, il nous a été impossible de les distinguer les unes des autres. En résumé, on se trouve en présence de deux alter- natives. FiG. 9. — Divers stades, d'attribution douteuse, d'un parasite de V Evglena viridh . lo II n'existe qu'un seul et même parasite à l'intérieur des Euglènes ; pendant la formation du sporange, on peut observer une fragmentation du protoplasma en îlots qui ne correspond nullement à la distribution des noyaux dans cet organe; cette fragmentation d'une part n'est pas PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 245 constante, et d'autre part, lorsqu'elle existe, elle ne se produit pas au même âge chez tous les individus ; de plus, la forme du sporange présente tous les intermédiaires entre la forme sphérique qui est la plus constante et celle d'un cordon replié sur lui-même. Cette fragmentation rappellerait celle que l'on a signalée dans le sporange des Saprolegnia{i), tout en étant beau- coup plus irrégulière ; dans le sporange des Saprolegnia, en effet, le nombre des noyaux ne change pas ; ici, les noyaux se multiplient incontestablement pendant cette période. 2° Ou bien, il existe deux parasites distincts ayant cha- cun le développement particulier qui vient d'être indiqué; il n'en reste pas moins, à l'actif du second parasite, des par- ticularités de structure dont il est difficile de se rendre un compte exact. Il y aura lieu de rechercher maintenant si les germes endogènes que nous avons rencontrés autrefois chez les Nuclearia et les Heterophrys sont des parasites nucléaires ou des parasites du protoplasma ; ce dernier cas est le plus probable. (1) Consulter : P. -A. Daugeard. Recherches hisloîogiques sur les cham- pignons (Le Botaniste, 2e série, p. 102). CHAPITRE II Le parasite dont il nous reste à parler s'est montré, alors que nos cultures d'Euglènes touchaient à leur fin : il se présentait sous la forme d'une sphère à l'intérieur de la cellule hypertrophiée ; en dehors du parasite se voyaient des grains de paramylon paraissant intacts ; à côté, des pelotes digestives assez grosses, constituées par une substance brune renfermant de nombreuses gra- nulations de couleur plus foncée. N'ayant pas observé la période de nutrition de ce para- site, nous ignorons comment se forment ces pelotes, mais elles sont sûrement un produit direct de la digestion (fig. 10, 0). Dans les sphères parasites, on voit, lorsque la forma- tion des zoospores est sur le point d'avoir lieu, des amas de granules jaunes espacés régulièrement dans le proto- plasma (fig 10, A) ; dans chacun de ces amas, les granules s'agglomèrent bientôt en une sphérule de même couleur (fig. 10, B). Pour la formation des zoospores, le protoplasma fait hernie à la surface de l'Euglène ; l'ampoule grossit de plus en plus et elle atteint finalement un volume égal ou supé- rieur à celui de l'ampoule interne (fig. 10, C) ; puis, brus- quement, le protoplasma se sépare en autant de zoospores qu'il y a de globules colorés ; la sporulation se produit à la fois dans l'ampoule interne et dans l'ampoule externe (fig. 10, D); la mince paroi de cette dernière se dissout dans l'eau et les zoospores s'échappent vivement de tous côtés. Après leur sortie, on voit qu'il ne reste plus que l'ampoule interne ; elle offre une ouverture circulaire, à bords légè- PARASITES DU NOYAU ET DU PROTOPLASMA 247 rement relevés, par laquelle le protoplasma du parasite a fait hernie au dehors (fig. 10, E). Fio, 10. — Développement de V Olpidium Englenœ sp. nov. Les zoospores sont sphériques ; elles ont un globule coloré en jaune orangé, un long flagellum, traîné à l'ar- rière ; leur mouvement est vif et saccadé comme celui de beaucoup d'autres Chytridinées (fig. 10, F). 4 248 P.-A. DANGEARD Cette espèce porte à quatre au moins le nombre des Chytridinées qui attaquent les Euglènes (Polyphagus Euglense Nowakowski, Chytridium Euglense Dang. Sphse- vita, endogena Dang.) ; celle que nous venons de décrire doit être la plus rare, puisque, dans les nombreuses re- cherches que nous poursuivons depuis dix ans, c'est la première fois que nous la rencontrons. Il nous reste à indiquer sa place dans la classification ; nous la considérons comme devant prendre place dans le genre Olpidium à côté de ÏOlpidium gregarîum Now. qui habite les œufs de Rotateur. Nous proposons pour cette espèce le nom d'Oljndiura Euglenx. CONCLUSION Les résultats de ce Mémoire ressortent suffisamment de l'ordre adopté dans l'exposition des faits. l'^^PARTIE. — Chapitre I. Description du nouveau genre Nucleophaga^ vivant à l'intérieur du noyau des amibes. Chapitre II. A. L'existence de ce parasite permet de faire table rase des diverses théories émises au sujet de la reproduction sexuelle des Rhizopodes. B. Elle simplifie l'étude du noyau dans ce groupe en faisant disparaître toutes les anomalies qui concernaient soit sa structure, soit son mode de division. C. La manière dont se comporte le parasite dans le noyau, permet la création d'une nouvelle méthode pour la recherche du rôle que jouent dans la cellule les divers éléments qui la composent; on pourra désormais se servir concurremment de la tiiérotoimie (Balbiani) et de la nucléophagie. D. Application de la connaissance des Nucléophages à l'étude des maladies et en particulier des tumeurs et des carcinomes. 2' PARTIE. — CHAPiTREl.DescriptiondugenreSp/ia3nfa. A. Développement normal. B. Divers stades d'attribution douteuse. Chapitre II. Description d'un nouveau parasite des Euglènes CONSIDÉRATIONS SUR LES PHÉNOMÈNES DE REPRODUCTION CHEZ LES PHYGOMYGÈTES (SIPHOMYCÈTES) Par P.-A. DANGEARD Sous le nom de Siphomycètes, ou Phycomycètes, nous comprenons avec le D' A Fischer (1) les champignons à thalle non cloisonné : cette structure les place clans des conditions particulières au point de vue de la reproduc- tion sexuelle. En effet, comme nous l'avons montré pré- cédemment, les oosporanges et les anthéridies en pré- sence renferment de nombreux éléments nucléaires dans les trois ordres : Chytridiacées, Saprolégniacées et Muco- racées (2). En ce qui concerne la fécondation elle-même, nous di- sions récemment qu'actuellement (3) « nous ne pouvons qu'entrevoir une partie du phénomène, à savoir une (1) Dr L. Rabenhorst's. Kryplogamen-Flora. (Die Pilze, IV Abt., Phycomycètes). (2) P.-A. Dangeard. Recherches histologiques siw les champignons (Le Botaniste, 2e série, 1890). (3) P.-A. Dangeard. Publications en botanique (Le Botaniste, 4e série, 3e fascicule, janvier 1895, p. 113). 250 P.-A. DANGEARD destruction de la plus grande partie des noyaux des gamètes et la persistaLnce de quelques-uns, réduits à deux peut-être 2+Ô qui s'uniraient en un seul noyau sexuel ». Nous avons la satisfaction de constater, à la lecture d'un mémoire de Trow (1) que cette formule peut être considérée comme définitive chez les Saprolégniées. Nous nous permettrons, — l'auteur ne l'ayant fait que très incomplètement — de rechercher la part de chacun dans ce résultat. Le travail le premier en date est celui d'Hartog (2). D'après lui, « le noyau de ces plantes est vésiculaire ; il contient un petit amas central de nucléine, entouré d'une couche d'hyaloplasma peu réfringent. » La division du noyau peut s'effectuer de deux manières : « les noyaux se divisent par étranglement; mais on peut y constater aussi des phénomènes de karyokinèse. La division du noyau est précédée par de grands change- ments dans l'amas de nucléine. Celui-ci devient fort irré- gulier et finit par se partager en deux moitiés, ayant la forme de croissants émoussés et dos à dos, avec une structure nettement fibrillaire. Ces croissants s'écartent et s'arrondissent; la paroi nucléaire s'infléchit alors pour les séparer et constituer ainsi les deux noyaux filles. » Au sujet de la façon dont se comportent les noyaux dans les organes sexuels, ce savant écrit : « On aperçoit, dans le protoplasma vivant de l'oosporange jeune, des vacuoles lenticulaires qui ont donné lieu à bien des inter- prétations. De Bary a fort justement insisté sur le fait que ces vacuoles se déplacent, se rencontrent et se fon- dent ensemble. J'ai constaté que ces vacuoles sont, en réalité, des noyaux qui se présentent à tous les stades de conjugaison et contiennent, par suite, de deux à quatre amas de nucléine. Plus tard, ces amas se résolvent en (1) A.-H. Trow. The Karyology of Saprolegnia (Ann. of Botany, vol. IX, n» XXXVI, décembre 1895). (2) Marcus Hartog. Recherches sur la structure des Saprolégniées (Comptes rendus, Académie des sciences, t. CVIII, 1889, p. 687). REPRODUCTION CHEZ LES PHYCOMYCÈTES 251 granulations fines, pour se réunir enfin en un seul amas sphérique. Ces noyaux composés se rassemblent par groupes dans l'intérieur des oosphères au premier état ; dans l'oospore mûre, les noyaux se fondent en un seul, comme l'ont vu MM. Schmitzet Strasburger. » Avec cette dernière description, nous sommes loin de la formule delà sexualité des Siphomycètes, indiquée plus haut. Nos recherches qui ont suivi de près celles d'Hartog les rectifient sur plusieurs points (1). 1° Nous considérons le noyau des Saprolégniées comme étant formé par une membrane nucléaire entourant un hyaloplasme au centre duquel se trouve un nucléole. 2° Nous démontrons que les vacuoles qui se voient dans Toosporange jeune ne sont point des noyaux à tous les stades de conjugaison, ainsi que l'admettait Hartog. Non seulement les noyaux de l'oosporange ne se fusionnent pas, mais ils disparaissent au contraire, car, « si l'on examine les oogones au stade représenté (fig. 14), on voit que les noyaux deviennent de plus en plus indistincts ; on finit par ne plus voir autre chose que de fins granules de chromatine, disséminés dans le protoplasma ; lasubs- stance des noyaux semble s'être éparpillée (2). » 3° Les anthéridies sont, comme les oogones, plurinu- cléées (3). 4" Nous signalons, à l'intérieur des oospores, l'exis- tence de corpuscules de glycogène ; ces formations spé- ciales, si curieuses, et dont le rôle n'a pas été encore élu- cidé, étaient restées jusque-là inaperçues. 5°Enfin, nous établissons qu'à maturité, au moment de la germination, les oospores renferment plusieurs noyaux dans la couche de protoplasma qui s'étend entre le globule oléagineux central et la membrane; lorsque nous parlons (1) P. -A. Dangeard, Recherches histologiques sur les champignons. Loc. cit., 1890. (2) P. -A. Dangeard. Loc. cit., p. 107. (3) Loc. ci^, p. 112. 252 P.-A. DANGEARD d'oospores arrivées à maturité, il s'agit dans l'espèce d'oospores prêtes degermer, comme cellesquenous avions à notre disposition. Quanta l'origine de ces noyaux, nous restons sur la réserve (1): « Proviennent-ils delà division d'un seul noyau, ou sont-ils d'anciens noyaux qui, un moment masqués dans le protoplasme, reprennent ensuite leurs caractères ? Il nous est impossible de le dire pour l'instant. » On voit qu'autant les observations d'Hartog nous éloi- gnaient de la formule réelle de la sexualité chez les Sipho- mycètes, autant les nôtres s'en rapprochaient dès ce moment. Si nous restions dans le doute entre deux hypothèses, c'est que le noyau unique qui persiste à l'intérieur des oospores, alors que les autres se détruisent, perd sou- vent une partie de ses caractères ; comme les auteurs qui vont suivre, nous avons vu et dessiné ce corpuscule (fig. 15 et 18, pi. Y); nous écrivions même : « Ce petit amas de chromatine représente peut-être un noyau, mais je ne vois rien là de certain (2). » Hartog, s'occupant de la reproduction en général (3), revient sur la question des Saprolégniées; il distingue, dans ce nouveau travail, les véritables vacuoles des va- cuoles nucléaires; mais il continue à admettre une fusion des noyaux de l'oogone. « Pendant la fusion des noyaux, l'amas de chromatine reste longtemps distinct : il de- vient de plus en plus petit et se colore moins rapide- ment par les réactifs ; la membrane nucléaire, à ce mo- ment, cesse de se colorer, de telle sorte que les noyaux qui se fusionnent ressemblent au milieu du cytoplasme à des vacuoles contenant un nombre variable de granu- les chromatiques. » « La fusion est complète dans les Saprolegnia, dès l'o- (1) P.-A. Dangeard. Loc. cit., p. HO. (2) Loc. cit., p. 100. (3) Marcus Hartog. Some problems of reproduction (Quaterly journal of microsc. science, v. XXÀIII, p. 1-79, 189.'). REPRODUCTION CHEZ LES PHYCOMYCETES 253 rigine de la formation de l'oospore : elle n'a lieu qu'a- près la production de la membrane dans les Achlya, car les jeunes oospores sont fréquemment binucléées (1) »• Les anthéridies sont également multinucléées ; elles envoient des tubes dans la cavité de l'oogone, et ces tubes renferment de petits noyaux qui proviennent par division de ceux de l'anthéridie (2). Humphrey, qui a fourni une importante contribution à l'étude des Saprolégniées (3) considère le corpuscule, central du noyau comme un chromosome ; il reconnaît l'exactitude de nos observations en ce qui concerne l'in- dépendance des vacuoles et des éléments nucléaires; mais il tombe dans la même erreur qu'Hartog sur le point principal, la fusion des noyaux dans l'oosporange, car il dit (4) :« La réduction du nombre des noyaux est cer- tainement (plainly) due aune fusion de ces noyaux, pro- bablement plusieurs fois répétée » ; mais il ne peut déci- der si tous les noyaux primitifs sont compris dans cette fusion ou bien si quelques-uns d'entre eux disparaissent par dégénérescence. Humphrey constate que les anthéridies renferment aussi plusieurs noyaux ; mais il ne voit rien qui autorise à les considérer, avec Hartog, comme provenant de la division des noyaux de l'anthéridie. La nature nucléaire du corpuscule central des oospores n'est point douteuse pour lui : il indique la présence de un ou deux noyaux dans VAchlya Aniericana. Nous arrivons au dernier mémoire, celui de Trow (5) : l'exactitude de notre formule de la sexualité chez les yiphomycètes ne pourra plus guère être contestée, du (1) M. Hartog. Loc. cit., p. 23. (2) Loc. cit., p. 24. (3) J.-E. Humphrey. The Saprolegniaceae of the united States, Nov. 18, 1892. (4)-J. E. Humphrey. Loc. cit., p. 92-93. (5) A. -H. Trow. The Karyology of Saprolegnia (Ann. of Botany. v. IX, no XXXVI, Décembre 1895). 254 P.-A. DANGEARD moins chez les Saprolégniées ; nos recherches, on l'a vu, nous avaient conduit tout près du but : celles d'Hartog et d'Humphrey nous en éloignaient. Nous dirons d'abord que Trow met hors de doute l'exactitude d'une dégénérescence des noyaux de l'oo- gone: il n'en subsiste qu'un par oospore. Ce point important acquis, nous devons examiner comment se produit cette dégénérescence des noyaux; si nous sommes d'accord sur le fait même avec Trow, nous différons d'avis sur les détails du phénomène. Ce der- nier admet, en effet, que dans l'oogone et dans l'anthéri- die, chaque noyau subit une division réductionnelle par un mode indirect, en vertu duquel le chromosome entier se trouve réduit de moitié ; autrement dit, on se trouve en présence de demi-noyaux; il y a ensuite disparition des noyaux en excès. Nous pensons que cette interprétation est inexacte : elle a sa source dans la façon de comprendre la structure du noyau; en effet, Trow considère comme un chromo- some ce qui n'est pour nous qu'un simple nucléole ; dès lors tout s'explique. Cet observateur admet que la membrane du noyau se rompt pendant cette division, que la portion colorable du hyalopldsme nucléaire se disperse dans le protoplasma, retenant encore quelque temps ses affinités pour les colo- rants ; c'est alors que le chromosome se divise en deux parties souvent inégales qui finissent par disparaître (1). Il nous semble évident que cette prétendue division n'est qu'une simple destruction du noyau : ce dernier perd sa membrane, laisse échapper dans le protoplasma envi- ronnant son contenu, c'est-à-dire, d'une part, le suc nu- cléaire et sa partie colorable, et d'autre part son nucléole qui peut préalablement se fragmenter, avant de dispa- raître. La manière dont le hyaloplasme nucléaire colora.- ble se disperse dans le protoplasma n'est guère en rapport (1) Trow. Loc. cit., p. 627. REPRODUCTION CHEZ LES PHYCOMYCETES 255 avec ce qui a lieu dans une division ordinaire : elle corres- pond bien plutôt à une simple destruction des noyaux. Quoi qu'il en soit, il y a bien dispariti07i de la plupart des noyaux, ce qui est l'important. Les oospores peuvent se développer parthénogénéti- quement, et alors on n'y trouve qu'un noyau {Saprolegnia, Thureti) : lorsqu'il existe des anthéridies, la fécondation doit avoir lieu, carl'oospore renferme alors fréquemment deux noyaux : il est presque certain, bien que l'auteur n'ait pu suivre les détails, que le second noyau vient d'un tube anthéridien ; le groupe des Saprolégniées ne serait donc pas apogame ; les deux noyaux se mélan- geraient assez tard en un seul noyau sexuel. La fécon- dation se produirait normalement pour toutes les oos- pores {Ssiprolegnia, dioica), ou seulement pour quelques- unes [Saprolegnia, -ïuixta,, Achlya americana). Ainsi se trouve réalisée l'idée que nous avions émise au sujet de la reproduction sexuelle chez les Siphomycè- tes dans le cas particulier des Saprolégniées. Nous pouvons dire que les observations de Wager (1) et les nôtres (2) permettent de penser maintenant que la fécondation se produit de la même manière dans les Peronosporées et les Pythiées. La question est moins avancée en ce qui concerne les Mucorinées : nous avons, à la vérité, signalé, en collabo- ration avec un élève de notre Laboratoire, la présence de nombreux noyaux dans les gamètes en présence ; d'abord semblables, ils se séparent ensuite en deux caté- gories, les uns plus petits, les autres beaucoup plus gros (3) ; mais nous déclinons toute responsabilité pour le reste. On ne saurait en effet accorder aucune créance à la {\) Wager. Observàiioyis on the structure of the nuclei in Peronos- pora parasitiez (Ann. of Botany, vol. IV, n» xiii, p. 127). (2) P. -A. Dangear 1. Loc. cit. (3)P.-A. Dangeard et Maurice Léger. La reproduction sexuelle des Mucorinées (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 5 mars 1894). 256 P.-A. DANGEARD description trop de fantaisie de deux sphères embryon- naires qui existeraient normalement dans toutes les zygo- spores(i) : la question reste entière là où nous l'avons laissée. S'il est interdit en science de faire passer des vues de l'esprit plus ou moins vraisemblables pour des faits d'observation réelle, il peut être très utile de chercher, sous forme d'hypothèses , à devancer , à prévoir un résultat. Deux hypothèses également vraisemblables peuvent être faites au sujet de la fécondation chez les Mucori- nées. 1" Dans la zygospore, tous les noyaux se détruisent sauf deux qui s'unissent en un seul noyau sexuel, duquel proviennent à germination tous les noyaux du filament germinatif. 2" La zygospore peut être comparée à un oogone comme celui des ScLprolegnia et des Achlya, : elle renferme un certain nombre d'unités à féconder, autrement dit un certain nombre d'oosphères non individualisées : à cha- cune de ces oosphères correspondrait une fusion de deux noyaux sexuels: est-ce là l'explication des noyaux plus gros et des noyaux plus petits qui existent dans la zygo- spore? Nous l'ignorons; mais cette dernière structure rendrait bien compte de la germination en nombreux tubes sporangifères fertiles comme dans le Mortierella Rostsifînskii. Dans l'un et l'autre cas, on rentre dans la loi générale. (1) Maurice Léger. Recherches sur lesMucorinées.Poilievs, 1894. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LA QUATRIÈME SÉRIE DU « BOTANISTE 1. P,-A. Dangeard. — Observations sur le groupe des Bactéries vertes, p. 1-3, fig. \. 2. P.-A. Dangeard et Maurice Léger. — L Recherches sur la struc- ture des Mucorinées. — IL La reproduction sexuelle des Mucorinées, p. 4-11, fig. 1-7. 3. P.-A. Dangeard. — La reproduction sexuelle de VEntijloma. Glaucii, p. 12-17, fig. 1-3. 4. P.-A. Dangeard. — Recherches sur la structure des Lichens, p. 18-20. 5. P.-A. Dangeard, — La reproduction sexuelle des Ascomycètes, p. 21- 58, fig. 1-10. 6. P.-A. Dangeard. — La Truffe, recherches sur son développement, sa structure, sa reproduction sexuelle, p. 63-87, fig. 1-7. 7. P.-A. Dangeard. — La reproduction sexuelle chez les Basidio- mycètes (Note préliminaire), p. 88-90. 8. P.-A. Dangeard. — Notice bibliographique sur nos publications en botanique, p. 91-117. 9. P.-A. Dangeard. — Mémoire sur la reproduction sexuelle des Basi- diomycètes, p. 119-181, fig. 1-24. 10. P.-A. Dangeard. — Sur un nouveau cas remarquable de symbiose, p. 182-187, fig. 25. 11. P.-A. Dangeard. — A propos d'un travail du D"" C.-S. Minot sur la distinction des animaux et des végétaux, p. 188-189. 12. P.-A. Dangeard. — Notes sur le Cladosporium du Pommier, p. 190- 195, fig. 1-6. 13. P.-A. Dangeard ET Sappin-Trouffy. — Réponse aune note de MM. G. Poirault et Raciborski sur la kario- kinèse chez les Urédinées, p. 196-198. 14. P.-A. Dangeard. — Mémoire sur les parasites du noyau et du pro- toplasma, p. 199-249, fig. 1-10. 15. P.-A. Dangeard. — Considérations sur les phénomènes de repro- duction chez les Phycomycètes, p. 249-256. GRAND CONCOURS En 1901, un prix de 600 francs sera décerné à l'auteur du meilleur mémoire sur la botanique paru dans Le Monde des Plantes, du 1®' octobre 1895 au l®' septembre 1900. Les abonnés du Monde des Plantes seront les seuls juges du concours, et le prix sera attribué d'après leurs suffrages. Les mémoires devront être aussi concis que possible, la Revue ne pouvant accorder à chacun d'eux qu'une place limitée. Ils seront exclusivement rédigés en français ou tout au moins traduits dans cette langue. Les auteurs sont priés de les adresser à la direction du Monde des Plantes, 104, rue de Flore, Le Mans, Sarthe (France), assez à temps pour qu'ils puissent paraître dans la pé- riode indiquée ci-dessus. La seule condition requise pour concourir est d'être abonné au Monde des Plantes pendant la durée du con- cours. H.LÉVEILLÉ, Directeur du Monde des Plantes. r^ATïT r7T7TCO Optische Wertestaette LAllL ZII/IOO lENA MICROSCOPES ET APPAREILS PHOTOMICROGRAPHIQUES De première qualité depuis les plus simples jusqu'aux plus complets CATALOGUE ILLUSTRÉ GRATIS ET FRANCO Dépôt : à Paris, chez MM. Paul Rousseau et C'e, 17, riieSoufflot; cà Bruxelles, chez M. Roh. Drosten, 23, rue des Boiteux. MICROORAPHIE E. 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Pour tous les renseignements ou communications, s'adresser à J. TEMPÈRE, rue Saint- Antoine, 168. Paris. New York Botanical Garden Librar 3 5185 00259 3745