'^-y .^. ^v f >. -^ v u* 5 ^^ ^•'*-t' A „ r» ^ /";<. *^^^ LE BOTANISTE LE BOTANISTE Directeur: M. P.-A. DANGEARD Professeur de Botanique A LA Faculté des Sciences de l'Université de Poitiers SIXIÈME SERIE 1898 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger A LA DIRECTION, 34, RUE DE LA CHAINE POITIERS ET CHEZ TOUS LES LIBRAIRES L'INFLUENCE DU MODE DE NUTRITION DANS L'ÉVOLUTION DE LA PLANTE Par P. .A. DANGEARD Les progrès accomplis au xix* siècle dans toutes les branches de la Botanique, ont eu pour résultat de mul- tiplier les points de rapprochements entre le règne ani- mal et le règne végétal (1). Les découvertes les plus récentes sur la cellule, sur les phénomènes intimes de la fécondation, sur le développe- ment des organismes inférieurs, tendent toutes à nous faire admettre une origine commune pour les deux règnes. Il est dès lors intéressant de rechercher cette origine, de se demander lequel des deux règnes a précédé l'autre, d'essayer d'entrevoir la cause qui a provoqué la distinc- -r^tion en animaux et végétaux. On peut se demander ^pourquoi il y a eu ainsi deux courants principaux qui, ^^ partant d'une même source, s'éloignent l'un de l'autre, ■^^ accentuentleurs différences etdonnentfinalementdesêtres -— (1) J. Sachs : Histoire de la Botanique, traduction Henri de Varigny, Paris, <892. 1 2 P.-A DANGEARD aussi dissemblables par leur organisation et leur ma- nière d'être, que les plantes supérieures et les vertébrés. Lorsque la pluie tombe sur un de ces hauts plateaux qui séparent deux bassins, c'est une simple différence de niveau qui détermine la direction que prendra la goutte d'eau allant se perdre dans la Méditerranée ou l'Océan ; trouvons-nous quelque chose d'analogue au début des deux règnes ? Nous répondons par l'affirmative ; nous pensons que la différenciation en animaux et végétaux correspond aux différences q ui se sont manifestées au début de la vie dans le mode de nutrition. Il peut paraître téméraire de poser la question dans ces termes : nous croyons cependant qu'elle ne peut blesser aucune conviction ; la marche de l'évolution tout entière repose sur des idées du même genre : sélection naturelle, adaptations diverses; nous nous bornons à faire intervenir d'une manière plus directe un facteur dont l'importance semble avoir été trop négligée jusqu'ici. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois que nous for- mulons cette idée (1) ; elle n'a pas été sans avoir eu déjà quelque influence sur la classification ; nous voulons, s'il se peut, entraîner la conviction ; nous désirons tout au moins développer notre pensée assez clairement et assez explicitement pour qu'on n'ait plus l'excuse de nous avoir mal compris. S'il devenait prouvé que l'organisation générale de la plante a été commandée par le « mode de nutrition », nous n'aurions plus la même difficulté à faire admettre son rôle et sa signification à l'origine de la vie; nous allons donc essayer cette démonstration. Nous n'ignorons pas sur quel terrain nous nous aven- (4) P. -A. Dangeai'd : Notice bibliogfaphique sur nos publications en botanique (Le Botaniste, 4e série^ janvier 1895). l'influence du mode de nutrition 3 turons; nous nous y sommes engagé presque malgré nous ; en voulant écrire quelques pages d'introduction à un Traité des Champignons, des questions se posaient les unes après les autres et demandaient une réponse. Nous avons cherché les solutions ; nous croyons en avoir trouvé quelques-unes et nous les soumettons à nos lecteurs ; la plupart sont des collègues dans l'enseignement des Uni- versités; ils nous aideront par leurs critiques à faire la part de ce qu'il peut y avoir d'exact et d'utile dans ce mémoire. Nous aurions voulu donner une place plus grande à la bibliographie ; dans ce but, nous avons parcouru un grand nombre d'ouvrages consacrés à l'évolution, ceux de Dar- win, Hseckel, L. Agassiz, de Quatrefages, Spencer, De- lage, Perrier, Saporta et Marion, Werworn, Le Dantcc, etc. Les tendances de quelques-uns de ces livres sont net- tement matérialistes : nous avons le vif désir que nos idées sur l'influence du mode de nutrition dans l'évolution de la plante ne puissent encourir le même reproche. Aucun des auteurs dont nous venons d'énumérer les noms ne s'est placé au même point de vue que nous, ou, s'il l'a fait, c'est à notre insu. Si certaines de nos conclu- sions se rapprochent de celles qui ont été formulées par Spencer dans ses « Principes de biologie », on voudra bien reconnaître que nous y sommes arrivé par une voie différente et qui nous est personnelle. Influence du mode de nutrition. L'ensemble des végétaux est formé par deux séries d'importance inégale. La première comprend les plantes dépourvues de chlo- rophylle : elle est composée des Champignons et de la presque totalité des Bactériacées; La seconde renferme toutes les plantes colorées en 4 p. A. DANGEARD vert parla chlorophylle: ce sont les Algues, les Musci- nées, les Cryptogames vasculaires, les Gymnospermes et les Angiospermes. Dans les deux séries, la nutrition est superficielle : la digestion et l'absorption ont lieu au contact des surfaces externes; l'organisme n'introduit à son intérieur que des substances à l'état liquide ou gazeux qui sont ensuite modifiées au sein du protoplasma et incorporées à sa masse. La nutrition superficielle est un caractère commun à toutes les plantes, de même que la structure cellulaire est un caractère co.mmun à tous les êtres vivants; mais, tandis que les Champignons ne possèdent que ce mode de nutrition, les plantes à chlorophylle ont, en outre, une nutrition dite ♦< holophytique » ; elle leur permet de fixer dans leurs tissus le carbone de l'air sous l'influence des rayons solaires. Ces différences dans la nutrition ont déterminé des différences considérables dans l'évolution des deux séries; elles ont produit deux types d'organisation qui s'éloignent à tel point l'un de l'autre que certains au- teurs font des Champignons ou Mycètes un règne à part. A, — LA SÉRIE INCOLORE Les Champignons, ne possédant pas de chlorophylle, se sont trouvés dans un état d'infériorité manifeste ; le progrès chez eux ne pouvait venir que d'un perfectionne- ment de la nutrition superficielle et d'un accroissement de la surface d'action. La nutrition s'est ainsi trouvée fonction : 1° de l'étendue de la surface du corps par rapport à son volume ; 2° de la richesse du milieu nutritif; 3° de l'activité digestive de cette surface. La première condition s'est montrée la plus impor- l'influence du mode de nutrition 5 tante ; c'est elle qui a déterminé l'organisation générale de l'appareil végétatif du mycète. Le corps, dans les Champignons qui se rapprochent le plus du type primitif, est sphérique ; c'est une conclusion qui s'impose à la suite de nos observations sur les Cham- pignons inférieurs. Nous pouvons donc rechercher comment les espèces sphériques primitives ont pu se modifier dans le courant de l'évolution et essayer d'en déterminer les causes. Constatons tout d'abord l'impossibilité où se sont trouvés les Champignons d'évoluer en augmentant indé- finiment leur surface sans changer leur forme. On sait, en effet, que dans la sphère, les surfaces crois- sent proportionnellement au carré du rayon, alors que les volumes augmentent proportionnellement au cube du rayon ; cela ressort des deux formules : surface sphère = 4 71 R' ; volume sphère =4/3 n R^ Il en résulte que la forme sphérique n'est avantageuse pour l'espèce que si le diam.ètre reste faible : l'accroisse- ment de la surface d'absorption, loin de constituer un avantage au point de vue de la nutrition, place l'organisme dans des conditions de vie d'abord moins avantageuses, puis impossibles. Aussi voyons-nous que tous les Champignons à forme arrondie, ovale ou ellipsoïde, se présentent avec de faibles dimensions ; leur diamètre, comme celui des Sphérites, des Nucléophages (1), des Olpides, etc., oscille en général entre 30 et 80 p.. Pour que cette taille puisse être dépassée , il faut des conditions particulières : c'est alors qu'inter- viennent les deux autres facteurs intéressant la nutrition générale de l'organisme, à savoir la richesse du milieu nutritif et l'activité plus grande de la digestion. C'est ainsi (1) P. -A. Dangeard : Mémoire sur les parasites du noyau et du pro- toplasme [Le Botaniste, 4e série, 6© fascicule, 1896). 6 P -A. DANGEARD que les Synchytrium qui réalisent un des termes extrêmes de l'accroissement en volume sous la forme sphérique, arrivent à atteindre un volume de 150 à 200 p.. L'indi- vidu, dans ce genre, est placé au milieu d'une cellule nourricière qui renouvelle sans cesse son protoplasma aux dépens des cellules environnantes : il y a là un mi- lieu nutritif par excellence; quant au pouvoir digestif, il doit être considérable, si l'on en juge approximativement par le degré d'irritation parasitaire qui se manifeste par une hypertrophie locale. L'observation est d'accord avec le raisonnement pour établir que, par suite du mode de nutrition superficiel, la. différenciation du mycète sous la forme sphérique s'est trouvée limitée. La forme cylindrique permettait une différenciation plus complète de l'appareil végétatif; dans le cylindre, le diamètre seul change le rapport entre la surface du corps et son volume; la longueur n'a aucune influence ; c'est ce qui ressort des formules : surface cylindre = 2 7T R X H ; volume cylindre = 7: R' x H. Il y avait là une voie tout indiquée dans laquelle le mycète s'est engagé, et il l'a parcourue avec tous les perfectionnements qu'elle comportait ; cette considération nous fournit une réponse à beaucoup de questions qui, sans elle, resteraient insolubles. Le diamètre des cordons mycéliens s'est trouvé natu- rellement limité comme pour la forme sphérique : il s'est établi également dans chaque espèce, et pour la môme raison, un diamètre moyen en rapport avec la richesse du milieu nutritif et l'activité digestive. C'est ainsi que les plus gros cordons mycéliens ne dépassent guère 60 p. ; on trouve ce cas réalisé dans les Achlyogeton, les Myzocytiam, etc. ; ce résultat n'est obtenu que grâce à un parasitisme s'effectuant dans les cas les plus favorables à la nutrition; dans les conditions l'influence du mode de nutrition 7 ordinaires, ces dimensions sont trop grandes ; le rapport entre la surface d'absorption et le volume est trop faible : aussi le diamètre des tubes mycéliens n'atteint guère en général que 10 à 20 p^ et il est souvent beaucoup plus faible. Si le diamètre des tubes n'a pu dépasser certaines di- mensions, il n'en est pas de même de la longueur ; une fois le rapport établi dans le cylindre entre le volume et la surface absorbante, la longueur peut s'accroître indé- finiment sans changer ce rapport; c'est par ce moyen que les Champignons ont augmenté leur masse totale dans des proportions considérables qui n'ont souvent pour limite que l'épuisement du milieu nutritif. Le secret de l'organisation si particulière des Champi- gnons est là : le système végétatif est formé par des fila- ments simples ou ramifiés ; les tubes pourront rester continus ou se cloisonner ; ils pourront conserver leur indépendance, s'accoler en rhizomorphes ou s'agglomérer en stromes. D'autres différences tiennent à une adaptation secon- daire. Si nous considérons les hyphes d'un Peronospora, circulant dans les espaces intercellulaires d'un tissu, nous pouvons prévoir la nécessité d'organes spéciaux venant assurer la nutrition superficielle ; en effet, les tubes mycéliens ne pourraient que très dilïicilement et très imparfaitement emprunter directement aux cellules, à travers leur membrane, la nourriture qui leur est né- cessaire: c'est alors qu'interviennent les suçoirs, simples ou ramifiés, qui pénètrent dans ces cellules, plongent dans le protoplasma nourricier et se mettent au contact du noyau. La même nécessité physiologique a entraîné la formation d'organes semblables dans des familles aussi éloignées que le sont les Péronosporées, les Urédinées et les Erysiphées : ce simple fait montre bien l'impor- tance de la nutrition sur la formation des organes ; il 8 P.-A. DANGEARD montre également que, pour des conditions identiques, l'organe produit a été de même nature. On pourrait en dire autant sans doute du système nour- ricier des Chytridiacées épiphytes; seulement, comme le gain à réaliser est relativement considérable, les fila- ments suçoirs ont un diamètre très faible et par suite une surface absorbante très grande par rapport au vo- lume du parasite ; de cette façon, une partie de la surface totale, celle du sporange, a pu rester inactive. Nous allons voir maintenant quel a été le résultat des différences d'activité dans le fonctionnement des surfaces absorbantes aux divers points de Torganisme. Chez les formes sphériques primitives, ces différences sont nulles : la surface digestive s'accroît également dans tous les points ; il ne s'établit pas davantage de différence dans le protoplasma du corps ; tous les noyaux se res- semblent et ont une valeur égale. Lors de la formation des éléments reproducteurs, tout le protoplasma et tous les noyaux sont utilisés; il se produit une simple frag- mentation ; la mort, en tant que destruction du proto- plasma et des noyaux, ne semble pas exister encore: ces espèces sont immortelles (1). Cela n'existe plus lorsqu'on envisage les formes cylin- driques qui ont succédé aux premières ; la surface a continué encore quelque temps à s'accroître dans tous ses points à la fois ; les avantages signalés plus haut persistent ; mais cela n'a eu que peu de durée. Nous voyons que de bonne heure, dans l'évolution, le mycéte a limité son accroissement aux extrémités du corps ; de la sorte, il a pu épaissir ses membranes en arrière et re- nouveler constamment sa surface active en avant. A (1) La mort par accident, qui est d'une fréquence extrême chez tous les organismes inférieurs, est ici hors de question. l'influence du mode de nutrition 9 mesure que le filament mycélien s'allonge, l'action des surfaces anciennes sur les aliments s'émousse, diminue et peut finir par disparaître ; mais de nouvelles se forment constamment et entrent en activité aux extrémités du thalle. Ce simple fait semble avoir produit une répercussion considérable sur l'organisme tout entier. En effet, la nutrition superficielle ne peut se faire normalement dans les parties anciennes, la membrane est épaissie, usée, incapable de fonctionner régulièrement ; il en résulte qu'une distinction tend à s'établir dans la masse du pro- toplasma et dans les noyaux ; c'est seulement aux extré- mités en voie de croissance que la vitalité se m.aintiendra dans son intégrité, maintenue et conservée par une nu- trition régulière, alors que dans les parties plus âgées, cette vitalité tend à disparaître par une diminution pro- gressive suivie d'une disparition plus ou moins complète de la nutrition. C'est là, selon nous, la cause pour laquelle le proto- plasma n'a pas conservé partout ses attributs primitifs, c'est-à-dire l'immortalité ; celle-ci est restée Tapanage des organismes les moins différenciés ; la mort s'est in- troduite dans l'organisme, au courant de l'évolution, par une inégalité de nutrition, et cette dernière elle-même ré- sulte d'une localisation de la fonction, en vue d'un per- fectionnement de l'être. Si Vinégalité de nutrition est bien la cause de la sépa- ration du protoplasma en parties d'inégale valeur dont les unes continuent à vivre, alors que les autres se détruisent, nous devons admettre que, dans les cas où la nutrition s'opère également bien partout, la séparation n'a pas lieu. Comparons à ce point de vue les Bactériacées aux Champignons ; les résultats en sont instructifs. Chez les Bactériacées, les formes sphériques restent naturellement en dehors de la question comme dans les 10 p. -A. DANGEARD Champignons ; elles sont immortelles ; il ne se produit pas d'inégalité dans la nutrition et par suite de différences dans la nature et le sort ultérieur du protoplasma. Les formes filamenteuses seules peuvent être comparées au système végétatif des Champignons; or, chez les Bactéria- cées, l'accroissement n'est pas localisé aux extrémités; il continue à se faire également dans tout l'ensemble; le pro- toplasma est donc soumis partout à des conditions iden- tiques quant à l'activité de la surface digestive; aussi n'ob- serve-t-on pas de différences dans la manière dont se comportent les divers éléments au point de vue delà nu- trition superficielle; la division est seulement plus ou moins rapide selon la richesse du milieu nutritif; la mort naturelle est inconnue dans ce groupe : c'est ce que nous voulions établir. Nous allons rechercher maintenant si quelques cham- pignons, dans la série ascendante, ne présentent point, par exception, un mode d'accroissement semblable à celui des espèces primitives ; si, comme dans ces der- nières, la nutrition continuait à s'y faire également par toute la surface, elles devraient, dans le cas où nos idées seraient justes, jouir elles-même de l'immortalité ou tout au moins d'une grande longévité. Considérons à ce point de vue les éléments de la Levure: ce sont des cellules ovales ou arrondies; on v trouve sous la membrane une couche pariétale de proto- plasma renfermant un noyau nucléole et limitant une grande vacuole. A un moment donné, on voit apparaître à la surface un bourgeon qui se trouve rattaché à la cel- lule-mère par un petit pédicule ; le noyau de la cellule- mère se divise, et Tun des noyaux, s'engageant dans le pédicule, se rend dans la cellule-fille ; celle-ci grossit, se détache de la cellule-mère, mène une vie indépendante et bourgeonne h son tour; le bourgeonnement est d'au- tant plus actif que le milieu nutritif est lui-même plus l'influence du mode de nutrition 11 favorable au développement. En somme, il n'y a guère de prise aune inégalité dans la nutrition pour chaque cellule considérée en particulier; théoriquement, nous ne voyons aucune raison pour que la mort survienne. Il est assez probable cependant qu'elle se produit au bout d'un temps plus ou moins long pour toute cellule- mère, parce que l'on conçoit fort bien que la membrane ne se renouvelant pas comme dans les espèces primitives à sporange, elle ne puisse plus au bout d'un certain temps remplir ses fonctions; il n'en reste pas moins établi que la proportion de substance vivante immortelle est, dans ces organismes, énorme par rapport à la substance pré- sumée mortelle. Il nous est même impossible, en ce qui concerne les Levures, d'affirmer que la mort est nécessaire, car l'argu- ment fourni plus haut n'a qu'une valeur relative ; à un certain moment, en effet, les membranes peuvent se renouveler; sous la membrane primaire, la cellule-mère se divise en plusieurs cellules-filles, munies chacune d'une membrane de nouvelle formation. Observerait-on directe- ment une destruction de cellules, au bout d'un certain nombre de générations, comme dans les cas de sénilité cités par Maupas chez les Infusoires (1), qu'il serait tou- jours possible d'incriminer le milieu nutritif et les condi- tions de l'expérience. On peut donc affirmer que, si la Levure n'est pas im- mortelle, elle a du moins la possibilité de l'être. En cherchant bien, peut-être trouverait-on d'autres cas analogues; il n'est même pas impossible que la notion d'immortalité puisse s'appliquer à certaines phases d'un organisme : je veux parler des conidies bourgeonnantes des Ustilaginées qui, comme l'a montré Brefeld, peuvent (1) Maupas : Recherches expérimentales sur ia multiplication des infusoires ciliés {Archiv . Zool. expér. et génér., 2^ série, VI). 12 P.-A. DANGEARD se multiplier à la façon des Levures (1). Toutefois il faut bien reconnaître que l'argument tiré de l'usure de la mem- brane d'enveloppe conserve ici toute sa valeur, car, pour ces conidies, on n'a pas observé de formations analogues aux asques ; pour admettre une immortalité possible, il faudrait qu'à un moment donné, tout le protoplasma d'une conidie passât, avec son noyau, dans le nouveau bourgeon. Revenons maintenant à l'influence qu'a pu avoir chez les Champignons l'inégalité de nutrition aux divers points du filament mycélien ; on peut s'expliquer d'abord assez facilement la façon dont elle a pris naissance. Supposons un organisme mycélien filamenteux dans un milieu nutri- tif non parcouru par des courants tendant à le maintenir constamment homogène ; la croissance n'aura pas lieu ou sera très réduite dans les parties anciennes où l'ali- ment fait défaut; elle se localisera dans les parties termi- nales où l'aliment est présent et sollicite l'organe. L'ac- croissement terminal et centrifuge s'est ainsi substitué peu à peu et plus ou moins complètement à l'accroisse- ment intercalaire. Ces différences dans la nutrition aux divers points des tubes mycéliens se sont traduites natu- rellement par une inégalité dans la composition du pro- toplasma et des noyaux ; c'est aux extrémités des tubes en voie de croissance que se trouve en général le pro- toplasma le plus dense, le plus homogène, le plus sensible aux réactifs colorants; c'est là également que les noyaux sont le plus riches en chromatine et conservent le pou- voir de se diviser indéfiniment; c'est à partir de ce moment que se produit la différence entre l'appareil reproducteur et l'appareil végétatif qui va s'accentuant de plus en plus; certains noyaux, avec le protoplasma qui les contient, se séparent de la masse commune et donnent naissance (1) Brefeld : Bolanische Untersuchungen i'iber HefenpUze, Heft V, Die Brandpiize, Leipzig, 1883. l'influence du mode de nutrition 13 aux éléments reproducteurs. Cette distinction n'est pas sans entraîner quelques destructions partielles : c'est ainsi que, dans les Mucorinées, sous les sporanges qui renferment les spores, nous trouvons dans la columelle et le tube fructifère une assez grande quantité de noyaux accompagnés d'un peu de protoplasma, le tout destiné à disparaître. On ne peut pas dire que cette partie de l'in- dividu meurt, parce qu'elle est d'une autre nature que le reste ; si elle pouvait, par la nutrition, réparer ses forces, elle continuerait de vivre. La preuve en est fournie par les Achlya et les Sajorolegnia ; le protoplasma et les noyaux, abandonnés sous la cloison, lors de la formation du spo- range, ne meurent pas; le système végétatif fournit de nouveaux éléments qui s'ajoutent àces derniers ; un second sporange se développe à l'intérieur du premier ou latéra- lement. En général, un grand nombre d'éléments nucléaires avec le protoplasma qui les entoure se trouvent détruits dans le système mycélien d'un champignon, mais c'est toujours par un défaut de nutrition qui résulte soit de l'épuisement du milieu, soit de la disposition des organes. Il y a aussi la lutte pour lavie qui s'exerce à l'intérieur de l'organisme lui-même, comme entre les espèces. Les résultats de ce nouveau facteur sont d'autant plus importants que la différenciation est plus avancée ; ses effets sont surtout manifestes dans les Champignons à structure cloisonnée : la nutrition inégale a produit des différences dans la composition du protoplasma et celle des noyaux ; les diverses portions du corps ont acquis des énergies différentes ; elles persistent même en l'absence de la cause première qui les a provoquées : c'est ainsi que les cellules terminales peuvent, en dehors d'un milieu nutritif, conserver leurs propriétés; elles empruntent leurs matériaux aux cellules voisines qui s'épuisent de plus en plus. Les phénomènes d'osmose expliquent ce 14 P.-A. DANGEARD mouvement des substances nourricières vers les extré- mités en voie de croissance; il en résulte que, dans un système cloisonné, la vie se concentre aux extrémités des tubes, elle abandonne peu à peu les parties anciennes ; celles-ci perdent leur protoplasma ; les noyaux eux-mêmes finissent par se désagréger, après avoir cédé la plus grande partie de leur substance. La mort partielle des éléments de la plante se produit non seulement parce que ces éléments n'ont plus les aliments à leur portée ou ne peuvent plus les utiliser, mais surtout parce que leur propre protoplasma a servi à la nourriture d'autres élé- ments plus vigoureux; ces derniers qui, dans la majorité des caS;, occupent l'extrémité des rameaux conservent les propriétés de l'espèce et les transmettent à des spores quel'onpeut distinguer en zoospores, conidies, oïdies, etc. Nous venons de voir l'influence du mode de nutrition sur la forme du thalle, sur ses dimensio7is, sur sa crois- sance, sur lâdestinée de ses éléments, sur la formation des corpuscules reproducteurs de nature asexuelle ; mais d'où vient la sexualité? Le développement d'un champignon peut comporter en effet non seulement l'existence d'individus produisant des spores (sporophytes), mais aussi celle d'individus portant des gamètes (gamétophytes). Il semble que si la nutrition eût été assurée d'une ma- nière constante aux espèces, la sexualité n'existerait pas, du moins telle que nous la connaissons, or, tout au con- traire, les individus ont à compter sur de longues périodes déjeune, soit que le milieu dans lequel elles se trouvent se dessèche ou s'épuise; pour parer à ce danger, le premier moyen employé a été l'enkystement. Les organismes pri- mordiaux sont très probablement dépourvus de sexualité; ils ne possèdent que des kystes dont la vitalité se conserve pendant des mois et des années, en l'absence de toute nourriture ; ce moyen de protection est loin d'être parfait l'influence du mode de nutrition 15 cependant, car, dans les kystes, ce sont des individus atteints par l'épuisement progressif du milieu, qui doivent s'arranger de manière à supporter une longue privation de nourriture: ils représentent en généralle dernier terme d'une végétation languissante: ce sont de mauvaises con- ditions pour la conservation et le perfectionnement de l'espèce. Il n'est donc pas étonnant de constater que, dans les groupes où l'enkystement assure seul la perpétuité de l'espèce, l'évolution est lente et de très faible ampli- tude; il sufïit de citer les Bactériacées, Cyanophycées, Myxomycètes, etc. Or, si nous envisageons la sexualité aux divers niveaux où elle apparaît, on voit qu'elle remplace ou supplée l'en- kystement, qu'il s'agisse des Algues ou des Champignons. Avant dépassera l'état de repos, le protoplasma ne trou- vant pas dans son milieu les réserves qui lui sont néces- saires pendant la période de jeûne, procède par « au- tophagie »; deux individus se mangent réciproquement pour le bien commun. La sexualité est si générale, elle s'effectue dans des conditions tellement identiques chez les animaux et les végétaux, qu'elle doit avoir eu sa source dans une nécessité de premier ordre comme celle qui vient d'être indiquée; par ses caractères, elle rappelle encore exactement les phénomènes de nutrition qui l'ont rendue nécessaire; il y a une addition de substance, une incorporation de protoplasma par un autre. Que l'on observe la reproduction sexuelle à son début chez les Algues et chez les Champignons, on verra qu'il en est bien ainsi ; qu'il s'agisse d'un Chlamydomonas ou du Poly- johagus Euglenae, deux individus entiers s'unissent en un seul pour constituer un œuf ; celui-ci sera chargé de tra- verser la période de jeûne au lieu et place d'un kyste ordi- naire ; de plus, comme sa composition participe de deux individualités plus ou moins différentes, une large porte est ouverte à la variation (amphimixie de Weismann). 16 P -A. DANGEARD L'organisme végétal ou animal, ayant trouvé un avan- tage manifeste à cette « autophagie » primitive, l'a con- servée ensuite à tous les niveaux de l'évolution, alors même que les besoins de la nutrition ne l'exigeaient plus aussi impérieusement ; mais elle ne s'effectue dans les espèces pluricellulaires qu'entre certaines cellules dites « cellules sexuelles d ; les individus qui les produisent sont des g£wnétophytes, s'il s'agit de plantes, desgamétozoaires, s'il s'agit d'animaux. Il ne faut pas s'étonner que les phénomènes intimes de la fécondation se ressemblent complètement chez les représentants les plus élevés des deux règnes ; ils tien- nent cette ressemblance de leurs ancêtres communs les Flagellés, où l'on trouve encore l'hétérogamie à côté de l'isogamie primitive. En ce qui concerne les Champignons, les variations de l'autophagie sont beaucoup plus accentuées : cela tient à ce que l'organisme mycélien est resté d'abord sans se cloison- ner dans tout le groupe des Siphomycètes; la reproduc- tion sexuelle s'y est essayée dans plusieurs directions^ comme en témoignent les Ancylistées, les Mucorinées et les Saprolégniées. Lorsque l'organisation du Champignon s'est rapprochée de la structure cellulaire, l'impulsion pri- mordiale était faussée ; la partie essentielle du phéno- mène seule persistait (1). On pourrait faire une constatation analogue pour les Infusoires qui marquent également une déviation de la sexualité ordinaire (2). B. — LA SÉRIE DES CHLOROPHYTES Les plantes vertes, grâce à la nutrition holophytique qui s'est surajoutée à la nutrition superficielle, présen- (1) Consulter les divers mémoires publiés sur ce sujet dans le Bo/a- niste (séries III-V). (2) Maupas : loc. cit. l'influence du mode de nutrition 17 tent dans leur évolution une supériorité très marquée sur les Champignons : elles ont fini par acquérir un type d'organisation uniforme comprenant des feuilles, une tige, une racine, des rameaux; la différenciation de ces organes a été sous la dépendance de la fonction chloro- phyllienne ; la nutrition superficielle n'a joué là qu'un rôle secondaire. Essayons de retracer, comme nous l'avons fait pour les Champignons, les diverses phases de l'évolution'des Chlo- rophytes, en commençant par les Algues. I. — L'évolution des Algues. Le point de départ est à peu près le même ; les Algues se relient comme les Champignons aux Flagellés (1); elles dé- butent par des formes plus ou moins voisines de la sphère. Les exigences de la nutrition superficielle ont réduit les mycètes de forme sphérique à un nombre relativement restreint de genres et d'espèces ; il n'en est pas de même chez les Algues : l'assimilation chlorophyllienne étant venue fournir un appoint considérable à la nutrition géné- rale, la question du milieu nutritif est devenue secon- daire ; les espèces ont pu se contenter le plus souvent de l'eau ordinaire et des quelques substances organiques et minérales qui s'y trouvent en solution ; elles se sont même développées sur le sol là où elles rencontraient une hu- midité suffisante. On reste véritablement confondu lorsqu'on voit le nombre incalculable des formes qui sont dérivées de la cellule sphérique du début, lorsqu'on envisage les Chlamy- domonadinées, Volvocinées, Eugléniens, Palmellacées, Pleurococcacées, Desmidiées, Diatomées, etc. ; on recule devant la recherche des causes secondaires qui ont pu (I) P.-A. Dangeard : Recherches sur les Algues inférieures (Annales des sciences natur., Bot., t. VU). 18 P.-A. DANGEARD produire de telles variations et rendre héréditaires des ornementations aussi compliquées par exemple que celles qui exercent la sagacité des diatomologues. Bornons-nous aux grandes lignes et constatons d'abord que la taille chez ces espèces n'a pu dépasser certaines limites, fixées, comme chez les Champignons, par les rap- ports qui existent entre la surface d'accroissement et le volume du corps dans la sphère et les formes voisines (1) ; ces hmites sont naturellement plus larges, l'assimilation chlorophyllienne n'étant qu'indirectement atteinte par l'augmentation de volume du corps : dans ces conditions, celui-ci aurait pu grossir davantage, si l'appoint fourni par la nutrition holophytique n'avait été contrebalancé par une diminution de la nutrition superficielle. Cette augmentation moyenne du diamètre qui a été ainsi rendue possible par la présence de la chlorophylle, se retrouve lorsque les formes cylindriques apparaissent : on peut dire que si, d'une manière générale, les filaments d'Algues ont atteint un diamètre supérieur à celui des tubes mycéliens, cela est dû à la nutrition holophytique. Ce mode de nutrition explique naturellement aussi pourquoi la plupart des Algues ne sont pas parasites. On n'observe guère çàet là que des cas de symbiose, comme ceux qui nous sont offerts par les gonidies des Lichens, par les Zoochloreiles et les Zooxanthelles qui colorent en vert ou en jaune les tissus animaux, par certaines Cyano- phycées qui vivent à l'intérieur des feuilles cVAzoUa, et des racines de Cycas. Il est parfois difficile d'établir une limite précise entre la symbiose et le parasitisme en ce qui concerne d'autres espèces épiphytes ou endophytes, telles que les Endosphéracées (2), les Mycoïdea, les Phyl- (1) Henneguy : Leçons sur la cellule, Paris, 1896, p. '267. (2) G. Klebs : Beitrage Zut- Kenntnis neiderer Algenformen (Bot- Zeitung, 1881). l'influence du mode de nutrition 19 losiphon, Blastophijsa (1), etc. Pour rencontrer une diges- tion superficielle vraiment comparable à celle des Cham- pignons, il faut s'adresser à un groupe d'Algues perfo- rantes, qui se développent et se ramifient à l'intérieur des coquilles marines ou fluviales; placées dans des condi- tions défectueuses au point de vue de la nutrition holo- phytique, elles reviennent à la digestion superficielle et leur thalle est en général filamenteux (2). Les formes sphériques d'Algues ont donné naissance à des formes cylindriques et à des formes lamelleuses. Les premières ont été produites sous l'influence des mêmes nécessités de nutrition que nous avons signalées à propos des Champignons; une distinction cependant s'impose- Dans les Champignons, la structure non cloi- sonnée du thalle est un caractère primitif que ces orga- nismes tiennent de leur parenté avec les Monadinées zoosporées; la structure cloisonnée n'a fait son apparition qu'assez tard aux dépens de la première. Il en est autre- ment chez les Algues où les deux structures apparaissent en même temps et se développent parallèlement. Dans les Siphonées, nous assistons à toutes les modi- fications possibles de la structure cylindrique continue. Avec les Codiolum et les Botrydium, nous touchons aux formes cylindriques primitives où tout le protoplasma est utilisé dans la reproduction pour la formation de zoospores asexuées ou sexuées. Avec les Vaucheria, nous trouvons de longs tubes simples ou ramifiés ; un fragment quelconque du corps peut, comme chez les Mucorinées,dans des conditions favorables, reproduire un nouveau thalle: les zoospores sphériques avecleurs nom- (1) J. Huber: Contribution à la connaissance des Chœtophorées épi- phytes et endophytes (Ann. se. nat., VU» série. Bot., t. XVI, 4892). (•2) Bornât et Flahaut : Sur quelques piailles vivant dans le test cal- Caire des mollusques (Bulletin Soc. Bot. de France, t. XXXVI, 1889). 20 P.-A. DANGEARD breux cils sont l'équivalent d'un sporange tout entier. Chez les Phyllosiphon, le tube se ramifie dans les espaces intercellulaires des feuilles, à la manière d'un mycélium de Peronospora. Dans les Bryopsis, on se trouve en pré- senc3 d'un petit arbuscule avec un système de rhizoïdes, un axe principal et des rameaux de divers ordres. Avec les Caulerpa, la complication est poussée beaucoup plus loin encore, le tube se différencie en un système de sto- lons, de rhizoïdes et de lames qui ressemblent à des feuilles. Dans les Valoniacées, on assiste à un cloisonne- ment de ces tubes qui s'agencent de la manière la plus variable dans les divers genres. Ce rameau des Sipho- nées se termine en cul-de-sac : son organisation ne se prêtait guère aux exigences de l'évolution qui tendait à la complication de l'organisme et à la localisation des fonctions. Il est assez naturel de le comparer au groupe des Siphomycètes parmi les Champignons ; on y trouve pres- que partout des sporanges qui rappellent ceux des Chy- tridiacées et des Saprolégniacées; malheureusement, la reproduction sexuelle n'y est pas sufïisamment connue ; c'est elle qui servira à déterminer une séparation plus nette des diverses familles ; remarquons toutefois que chez les Vaucheria où elle a été sufïisamment étudiée, ses caractères la rapprochent de celle des Péronos- porées (1). Les Algues filamenteuses cloisonnées marquent une autre tendance dans l'évolution des Algues et on peut con- cevoir leur origine de la manière suivante. Parmi les Algues inférieures, beaucoup, au lieu de s'allonger directement en un tube comme les Codiolum, Ophiocytium, Sciadium, ancêtres des Siphonées, se sont multipliées par simple (i) Oltmanns : Ueber die Entwichelung der Sexualorgane bei Vaucheria (Flora, 1895, p. 388). l'influence du mode de nutrition 21 bipartition ; c'est un caractère primitif qu'elles tiennent des Flagellés ; il en est résulté des agencements différents selon les genres; dans beaucoup de cas, les cellules sont restées groupées en amas plus ou moins considérables connus sous le nom de colonies palmelloïdes ; le thalle adulte des Tetraspora, par exemple, représente une très grosse colonie palmelloïde. Il est facile de comprendre que cette disposition, poussée à l'exagération, est tout aussi défavorable à la nutrition superficielle qu'à la nutri- tion holophytique. L'Algue a employé deux moyens princi- paux pour concilier son mode de multiplication avec les exigences de sa nutrition ; les cellules-filles se sont ajustées en un filament ou bien se sont disposées en membrane. Il suffit, pour le constater, de jeter un coup d'œil sur tous les rameaux qui se détachent des formes unicellu- laires primitives ou les continuent (Cyanophycées, Dia- tomées, Conjuguées, Ulvées, Bangiacées, Confervacées, etc.) ; nous y voyons les formes cylindriques souvent associées dans le même groupe aux formes lamelleuses. Si la forme du corps s'est rapidement et profondément modifiée sous l'influence des exigences de la nutrition, il n'en a pas été de même du mode de reproduction. Dans les organismes primordiaux, on assiste à des essais ; la multiplication par simple bipartition coexiste avec la reproduction par sporanges dans plusieurs espèces telles que les Vampyrella, Monas arayli, etc. ; mais cela dure peu et c'est, selon la direction de l'évolution, l'un ou 1 autre de ces modes qui persiste et devient normal ; il se produit même une transition entre les deux : les zoospores d'un sporange pourront provenir de biparti- tions successives remplaçant la division simultanée du contenu. Dès lors, ces tendances étant une fois acquises, elles se transmettent, peu ou point modifiées, toujours recon- naissables, à travers toutes les complications de l'orga- 22 P -A. DANGEARD nisme ; elles deviennent l'un des meilleurs guides dans la recherche des affinités ; si des changements profonds s'y produisent, ce n'est que dans des conditions excep- tionnelles, elles attestent une modification correspondante du milieu. Ainsi chez les Champignons, le passage de la vie aquatique à la vie aérienne a eu pour conséquence la disparition graduelle des sporanges (Péronosporées) et leur remplacement par des conidies; mais, tous les Champignons aquatiques possèdent la reproduction par sporanges et zoospores qu'ils tiennent de leurs ancêtres les Monadinées zoosporées. Le mode de reproduction continue donc à rappeler l'origine d'un groupe, alors que l'organisme est plus ou moins différencié; chez les Champignons, il indique nette- ment un point de départ commun pour l'embranchement tout entier. Il en est différemment chez les Algues, et si on veut com- prendre leur évolution si disparate, il faut supposer plusieurs points de contact avec les Flagellés à des niveaux différents (1). Dans les Flagellés^, nous obser- vons, avec les Monadinées zoosporées, la reproduction par sporanges à division simultanée; d'autres Flagellés, comme les Monas, les Cercomonas, Dimorpha, etc., ne se reproduisent que par une série de bipartitions; quelques- uns, comme les Polytoma, ont des sporanges dans lesquels le protoplasma subit des divisions successives. Ces divers modes se retrouvent dans les Algues primitives ; le der- nier surtout est très répandu, montrant incontestable- ment que le rameau principal s'est détaché au niveau des Polytoma parles Chlamydomonadinées; il s'est con- tinué à travers les Chlorophycées, et on peut supposer, (1) G. Klebs : Flagellàlensludien, I-II (Zeit. fur wiss. zoologie, Bel. LV, Heft 2-3, 1892), et divers mémoires publiés par nous dans le Bota- niste. l'influence du mode de nutrition 23 non sans raison, que c'est lui qui a donné naissance aux Muscinées et aux plantes supérieures. La reproduction sexuelle, il n'est pas inutile de le remarquer, existait dans ce rameau dès le point de départ avec ses caractères principaux, et l'isogamie qui s'est trouvée associée à Thé- térogamie au début, avec les Chlamydomonadinées et les Volvocinées, va persister chez les Algues pour disparaître complètement plus tard et faire place à l'hétérogamie. Un autre rameau a eu une destinée bien différente; il s'agit des Cyanophycées ; les Monas ou des organismes très voisins ne lui ont transmis que la propriété de diviser ses cellules par bipartition ou de les transformer en kystes ; on n'y trouve aucune trace de reproduction sexuelle ouasexuelle; il se termine en cul-de-sac, peut- être parce qu'il n'a pas su arriver à former des œufs. Nous pourrions peut-être encore essayer de chercher, par le même moyen, la raison d'être du développement des Bactériacées, des Desmidiacées, etc.; cela rentre plutôt dans le cadre d'un Traité des Algues et, il faut bien l'a- vouer, nos connaissances sont encore insuffisantes pour démêler cet écheveau fort embrouillé. Contentons-nous de dégager, autant qu'il est possible, l'influence delà nutrition sur l'organisation générale. Nous avons vu comment, chez les Champignons, l'iné- galité du milieu nutritif a entraîné une inégalité d'accrois- sement du thalle ; la croissance s'est localisée tout natu- rellement aux extrémités qui se trouvaient en contact avec l'aliment; elle est devenue terminale. L'eau dans laquelle vivent les Algues constitue un milieu que l'on peut considérer comme très homogène : il est susceptible de s'appauvrir plus ou moins dans son ensemble, mais il ne peut guère varier dans sa compo- sition aux différents points. Si la nutrition superficielle avait existé seule chez ces organismes, la croissance, d'une manière générale, serait restée intercalaire. Mais il y a 24 P.-A. DANGEARD lieu de tenir compte de l'influence de la nutrition holo- phytique : l'assimilation chlorophyllienne varie nécessai- rement d'intensité selon l'épaisseur de la couche d'eau que la lumière doit traverser avant d'atteindre les cellules: les plus voisines de la surface seront privilégiées et se diviseront plus activement; ainsi, lacroissance terminale prend naissance, chez les Algues, non plus, comme chez les Champignons, par une inégalité de la nutrition su- perficielle, mais par une inégalité de la nutrition holo- phy tique. La plupart des Algues inférieures savent se soustraire aux effets d'une assimilation chlorophyllienne inégale. Sans parler des Algues unicellulaires possédant des flagellums, il existe beaucoup d'espèces filamenteuses appartenant aux Diatomées, aux Cyanophycées, etc., qui se déplacent et se portent du côté de la lumière; les Con- juguées peuvent montera la surface de l'eau, grâce aux bulles d'oxygène qui les entourent et leur servent de flotteur lorsque l'assimilation chlorophyllienne est active ; il en est de même de beaucoup de Conferves : d'autres qui vivent sur le sol humide sont également à l'abri d'une nutrition holophytique inégale. Aussi, dans toutes ces Algues, la croissance continue- t-elle à se faire à peu près de même dans tous les points; elle est intercalaire. Ce fait a une très grande importance comme chez les Champignons ; il entraîne une égalité de nutrition dans tout l'organisme; si elle était complète, toutes les cellules devraient être semblables et posséder les mêmes pro- priétés ; de plus, il n'y aurait pas de raison pour que la mort s'introduisit, sinon accidentellement, dans le cycle du développement. Ce sont les résultats que nous cons- tatons au moins approximativement ; toutes les cellules du thalle restent capables de fournir en se divisant un nouvel indidu (Cyanophycées, Diatomées, Conjuguées, l'influence du mode de nutrition 25 beaucoup de Confervoïdées, etc.) ; souvent aussi toutes les cellules d'un thalle sont aptes à se transformer en sporanges (Ulotrichées, Ulvées, etc.), ou à fournir des gamètes (Conjuguées, etc.). La croissance terminale qui va modifier, comme chez les Champignons, si profondément tout l'organisme est due à l'inégalité de la nutrition holophytique : il est facile de le comprendre. Considérons les Algues filamenteuses qui se sont fixées dans l'eau à un support quelconque ; elles ont une tendance à se diriger du côté de la lumière ; à mesure qu'elles se rapprochent de la surface de l'eau, les cellules terminales plus favorisées que les autres par la nutrition holophytique se divisent plus activement ; la croissance terminale a fait son apparition, et dès lors l'équilibre qui subsistait à grand'peine entre les cellules se trouve détruit. Une conséquence en amène une autre ; les cellules terminales, mieux nourries, vont posséder un protoplasma plus dense que les autres ; en vertu des lois de l'osmose, il se produira vers ces cellules un courant qui sera plus ou moins actif, selon la quantité et la nature des substances osmotiques contenues dans le protoplasma et aussi la perméabilité et la structure des cloisons de séparation. La lutte pour la vie est entrée au sein des tissus ; ce sont les cellules les plus vigoureuses qui auront raison des autres, et cela en vertu de simples lois physiques. C'est là l'origine de la différenciation des tis- sus ; elle devient de plus en plus marquée à mesure que l'organisme se complique. On peut prévoir dès ce moment que beaucoup de cellules vont s'épuiser, devenir inca- pables de divisions ultérieures, perdre leur protoplasma et leurs noyaux ; une séparation se produira entre les cellules reproductrices et les cellules végétatives ; les sporanges et les autres appareils reproducteurs auront une tendance à se localiser dans les parties terminales du thalle. 26 P.-A. DANGEARD N'est-ce pas ce qu'on observe en réalité? Le phénomène commence à se manifester dans les Chsetophoracées et les Cladophorées d'une manière très nette ; il ne fait que s'accentuer par la suite. L'inégalité de la nutrition devient en effet de plus en plus grande. Les exigences de la digestion superficielle ont condamné les Champignons à se contenter de la forme filamenteuse ; l'assimilation chlorophyllienne n'a pas imposé de ces nécessités ; elle peut se produire à travers plusieurs épaisseurs de cellules ; aussi l'Algue a-t-elle pu grouper ses filaments en faisceaux et, d'autre part, constituer des expansions membraneuses à plusieurs assises de cellules ; c'est ainsi que, parmi les Algues su- périeures, nous trouvons des thalles qui s'allongent en cordon ou en lame et d'autres qui se dressent en arbus- cules avec des axes de divers degrés et des expansions foliacées. Les assises superficielles sont toujours restées naturellement les plus favorisées pour la nutrition ; il est même arrivé ceci, c'est que les cellules les plus profondes n'arrivant plus dans quelques cas à profiter de l'assi- milation chlorophyllienne, se sont dispensées de pro- duire de la chlorophylle; elles sont revenues à l'état inco- lore ; elles doivent dans ce cas constituer pour l'orga- nisme des sortes de cellules parasites. L'Algue, il est vrai, les utilise fréquemment à titre d'éléments de soutien ou d'éléments conducteurs (1). Avec ces différences dans la nutrition de chaque cel- lule et la spécialisation des fonctions qui en résulte, nous sommes loin des Algues filamenteuses ou membraneuses, dans lesquelles chaque cellule est capable de donner naissance à un nouvel individu ; la nécessité des des- tructions partielles ou totales s'impose, et la mort étend (1) Wille : Beitrage ziir Entwickelungsgeschicht» der physiologisclien Gewebesysleme bei einigen Florideen, Halle, 1887. l'influence du mode de nutrition 27 son action sur un large domaine dont les limites ne peuventpas encore être fixées avec certitude. Nous n'avons pas, du moins à notre connaissance, de renseignements sur les résultats que pourraient fournir, par exemple, dans ce groupe, le greffage et le bouturage, appliqués aux espèces les plus différenciées. Au point de vue théorique, ces sortes d'études présenteraient pourtant de l'intérêt. En résumé, l'évolution des Algues a été intimement liée, comme celle des Champignons, au mode dénutrition; nous avons essayé de faire ressortir la part prépondérante de la nutrition holophytique dans cette évolution. II. — L'évolution des Cormophytes, L'habitat aquatique rend inutile une localisation de la nutrition superficielle et de la nutrition holophytique sur des organes spéciaux ; aussi, chez les Algues, même les plus élevées en organisation, les deux modes de nutrition restent-ils confondus ; on trouve bien à la vérité çà et là dans les différents groupes des rhizoïdes ou crampons ; mais on doit les considérer en général plutôt comme des organes de fixation que commodes organes d'absorption. Lorsque l'organisme végétal prend possession de la terre ferme, il se produit une adaptation à ce nouveau milieu qui entraîne la formation de la plante feuillée ; la nutrition superficielle ne peut s'exercer en effet que dans le sol ; la nutrition holophytique ne peut agir que dans l'air: ainsi se trouve amenée une localisation de ces deux modes de nutrition qui a eu pour résultat la différencia- tion des divers organes des Cormophytes, c'est-à-dire des feuilles, tiges, rameaux, racines, poils absorbants. Les Cormophytes inférieurs sont représentés par les Muscinées et les Cryptogames vasculaires : on admet que les Algues ont donné naissance aux Muscinées ; cesder- 28 P.-A. DANGEARD nières à leur tour se continueraient par les Cryptogames vasculaires. Nous comprenons la filiation d'une autre manière : les Muscinées et les Cryptogames vasculaires sont deux groupes qui ont un point de départ commun parmi les Algues ; ils représentent deux rameaux différents de l'évolution. Il est très important^ pour élucider cette question capi- tale, de pouvoir connaître au moins approximativement les caractères des algues sur lesquelles s'est effectuée l'adaptation à la vie aérienne et terrestre. La transformation ne semble avoir porté que sur un type unique ; les Muscinées et les Filicinées se reprodui- sent au moyen d'archégones et d'anthéridies, qui présen- tent dans tous les genres une ressemblance telle qu'elle implique une communauté d'origine. Nous allons chercher à préciser s'il se peut le point de départ des Cormophytes parmi les Algues ; comme tou- jours en pareil cas, c'est la reproduction sexuelle qui fournit e meilleur critérium. Dans l'application de ce caractère^, on se trouve en présence de deux opinions différentes. Les uns, avec Van Tieghem^ considèrent les Floridées comme les ancêtres des Mousses et des Hépatiques : ils appuient cette conclusion sur le mode de germination de l'œuf qui fournit un sporogone dans l'un et l'autre groupe. Les Floridées, dit Van Tieghem, nous mènent directement aux Muscinées. « Seules, en effet, parmi les Thallophytes, elles développent leur œuf sur la plante mère et à ses dépens, en un embryon sporifèredont les spores engen- drent ensuite autant de thalles nouveaux. Le dévelop- pement de la plante y est coupé en deux tronçons : un petit tronçon sur la plante-mère à partir de l'œuf jus- qu'aux spores, et un grand tronçon dans le milieu exté- rieur à partir des spores jusqu'à l'état adulte et aux œufs l'influence du mode de nutrition 29 nouveaux. Or, c'est précisément ce mode de développe- ment qui est le caractère le plus général des Musci- nées (1). D'autres savants tels que Franck (2), Wille (3), Klebs (4), etc., font dériver, les Muscinées des Chloro- phycées, au voisinage des Coleochaete. Cette dernière opinion est, à notre avis, la seule admis- sible pour les raisons suivantes. Les Floridées ne sont pas en effet les seules Algues qui possèdent des sporo- gones ; chaque fois que l'œuf, au lieu de donner directe- ment un nouveau thalle, le fait par l'intermédiaire de zoospores, on peut dire qu'il existe un sporogone : c'est ainsi que l'œuf de VUlothrix zonata germe en un embryon sporifère ; les cas analogues sont nombreux ; il suffit de citer encore les Coleochaete. L'existence d'un sporogone, au lieu d'être un caractère de haute différenciation, acquis dans la suite des temps, est au contraire un caractère pri- mitif qui existe déjà dans les organismes inférieurs et n'a fait que se perfectionner. On ne saurait donc s'ap- puyer sur lui pour soutenir la parenté des Muscinées et des Floridées, puisque beaucoup de Chlorophycées le possèdent au même titre. Il faut bien reconnaître éga- lement que rien par ailleurs ne vient confirmer ce rap- prochement. Les Floridées ont un pigment rouge spé- cial dont les Muscinées sont dépourvues ; elles ont un trichogyne et des anthérozoïdes immobiles ; les Musci- nées possèdent un archégone et des anthérozoïdes mo- biles. Cette dernière différence a une grande valeur ; en effet, si l'on peut admettre à la rigueur que les anthé- rozoïdes des Floridées ont possédé autrefois des flagel- {\) Van Tieghem : Traité de Botanique, 2e édition, p. 1325. (2) Franck: Lehrbuch der Botanik, vol. II, p. 80. (3) Engler et Prantl : Die naturlichein Pflanzen fa;7iilien, Leipzig> 1891, Chlorophycex. (4) Klebs : Flagellatenstudien, loc. citi 30 P. A. DANGEARD lums, on s'explique déjà difficilement pourquoi ils les ont perdus ; mais il serait encore beaucoup plus difficile de comprendre pourquoi ils les auraient recouvrés chez les Muscinées. L'exemple des Champignons et des Phané- rogames est là qui nous prouve que l'habitat terrestre a eu pour résultat de faire disparaître peu à peu les organes locomoteurs ! Ce n'est pas le lieu de discuter ici les affinités encore très obscures des Floridées : il nous suffit d'avoir cons- taté qu'elle n'ont aucun lien sérieux de parenté avec les Muscinées. Les Muscinées se rattachent aux Chlorophycées^, et c'est avec la famille actuelle des Coleochaete qu'elles présen- tent le plus d'affinités. Dans cette famille, l'oosphère arrive à être protégée par des cellules de revêtement comme dans un archégone ; les anthérozoïdes ont deux cils comme chez les Muscinées. D'autre part, on ne peut comparer lesporogone d'un Coleochaete à celui d'un Ric- cia par exemple, sans y trouver une analogie frappante. Enfin, si nous considérons le protonéma des Mousses et des Hépatiques, nous trouvons de nouvelles raisons de rapprochement ; ce protonéma est filamenteux^ membra- neux ou massif; chez les Sphagnwn, il est filamenteux dans l'eau, membraneux sur le sol humide; or, chez les Coleochaete, le thalle se présente, selon les espèces, sous la forme filamenteuse ou sous la forme lamelleuse. Il n'y a donc pas de difficulté à admettre que les Mus- cinées dérivent des Chlorophycées ; leurs ancêtres avaient une organisation voisine de celle qui est encore présente chez les Coleochaete. « Il s'agit maintenant d'établir les affinités des Ptérido- phytes. Cet embranchement, selon l'opinion générale, a pris naissance aux dépens des Muscinées, par une différen- ciation du sporogone ; on en donne la raison suivante. l'influence du mode de nutrition 31 Dans les Muscinées, les organes sexuels sont portés par le thalle ou la tige feuillée, alors que, chez les Fougères^ ces mêmes organes se trouvent sur le prothalle ; ces deux formations sont donc équivalentes, malgré les différences morphologiques qu'elles peuvent présenter. Lamêmecom- paraison conduit à comparer le sporogone des Mousses produisant les spores à la tige feuillée des Fougères, sur laquelle a lieu également la formation des spores. Ce raisonnement parait inattaquable, et on n'hésite pas à en adopter toutes les conséquences. C'est ainsi que l'on arrive à considérer comme ancêtres des Ptéridophytes, les Hépatiques qui, comme les Anthoceros, présentent le sporogone le plus différencié ; on admet que l'évolution a agi sur un sporogone aussi simple que celui des Riccia et même des Coleochaete pour en faire progressivement un appareil végétatif tel que celui d'une Fougère arbores- cente. Quelques-uns vont jusqu'à penser que « l'ap- pareil végétatif secondaire ou sporogonien, né d'une adaptation nouvelle, n'était point contenu dans son essor par les forces façonnatrices de l'hérédité et pouvait, en se prêtant à toutes les sollicitations d'un milieu spécial, réaliser des différences physiologiques et morphologi- ques dont l'organisme prothallien déjà vieilli et plus étroitement fixé, n'était plus capable » (1). Malgré tout, on sent bien que cette explication qui con- siste à faire dériver la génération agame des Ptéridophy- tes du sporogone des Mousses manque de vraisemblance ; mais, au lieu de chercher à la remplacer par une autre, on essaie de la fortifier par de nouvelles observations. Dans cet ordre d'idées, L.-A. Gayet, ayant réussi à faire vivre d'une vie indépendante le sporogone de deux mous- ses très anciennes, Andréa, et Aixhidium^ dans des milieux (1) Saporta et Marion : L'évolution du règne végétal, Phanérogames, p. 195. 32 P.-A. DANGEARD nutritifs, pense avoir ainsi détruit le plus grand argu- ment que l'on ait fait valoir contre Thomologie d'un spo- rogone et d'une Fougère fouillée (1). Ce résultat, quel que soit son intérêt, ne peut avoir la signification que lui attribue l'auteur ; il suffît de remarquer que le sporogone des Coleochaete peut, lui aussi, vivre d'une vie indépen- dante et former ses spores. Le problème nous semble avoir été jusqu'ici mal posé ; pour comprendre les affinités des Mousses et celles des Fougères, il faut se reporter au développement des Algues et des Champignons : nous y trouvons des thalles portant les sporanges et d'autres qui portent les gamètes ; les premiers sont des sporophytes, les seconds des gaméto- phytes; il y a même souvent des thalles mixtes, des sporogamétophytes. Dans une même espèce, les sporophytes et les gaméto- phytes ne sont pas nécessairement absolument sembla- bles comme forme et comme structure'; les gamétophytes eux-mêmes sont hermaphrodites ou unisexués et, dans cedernier cas, les thalles mâles ne ressemblent pas tou- jours aux thalles femelles. Essayons de fixer les idées au moyen de quelques exemples. Dans les organismes unicellulaires, comme les Chlamydomonadinées, sporophytes et gamétophytes se ressemblent : ce sont, en effet, des cellules d'aspect à peu près identique qui donnent les unes des zoospores, les autres des gamètes. Dans un champignon, le Polyphagus Euglenae, les sporophytes n'offrent rien de particulier; mais les gamétophytes sont de deux sortes 5 et ç. Chez une algue, le Botrydium granulatum, les sporophytes se dis- tinguent aussi des gamétophytes. Remarquons, dès maintenant, une différence dans le (1) L.-A. Gayet : Recherches sur le développement de Varchégone chez les MuscinéeSi Paris, 1897, p. 246. l'influence du mode de nutrition 33 mode de germination de l'œuf sur laquelle nous aurons à insister: dans le Uotrydium, l'œuf germe en un sporo- phyte ; dans le Polyphagus Euglenae, il germe en un spo- range. Cette diiïévence n'a eu tout d'abord aucune impor- tance ; on retrouve, côte à côte, dans des genres voisins, les deux modes de germination ; l'œuf de VUlothrix germe en sporange alors que, dans d'autres conferves, il donne directement naissance à un filament végétatif, sporophyte ou gamétophyte. A mesure que l'évolution progresse chez les Algues et les Champignons, le mode de germination de l'œuf se caractérise pour chaque groupe : chez les Péronosporées, ou trouve encore des oospores pouvantgermer indifférem- ment en sporange ou en sporophyte. Mais, chez les Asco- mycètes et chez les Basidiomycètes, l'œuf ne donne pas naissance directement à un thalle: il produit un sporogone. Le terme général de sporogone s'appliquant à la pro- duction de spores asexuelles par l'œuf, sans l'intermé- diaire du sporophyte de l'espèce, est commode, parce qu'il s'applique non seulement aux sporanges, mais aux appareils conidiens. Dans les Algues, le mode de germination n'est pas suf- fisamment connu partout ; on peut dire cependant que l'œuf des Œdogonium et celui des Coleochaete germe en un sporogone ; qu'il en est de même chez les Floridées, alors que, dans beaucoup de Phéophycées, les oospores produisent directement soit des sporophytes, soit parfois uniquement des gamétophytes comme chez les Fucacées. Le développement que nous pourrions considérer comme complet comprend : 1° Le sporophyte portant les sporanges et les spores ; 2° Les gamétophytes hermaphrodites ou unisexués portant les gamétanges et les gamètes ; 3° L'œuf germant en un sporogone donnant des spores. Les réductions qui se produisent chez les Algues dans 3 34 P -A. DANGEARD ce développement n'ont d'abord qu'une importance secon- daire dans les classifications. Le Sphseroplea annulina n'a pas de sporophytes : les spores asexuelles proviennent de la germination de l'œuf en un sporogone. Les Briopsis ne possèdent également que des gamétophytes ; on ignore comment germent les oospores. Les Vaucheria n'ont pas de sporogone ; il en est de même des Botrydium qui ont des sporophytes et des gamétophytes. Les Acetabularia ne possèdent ni sporophytes, ni sporogones ; les gamé- tophytes donnent des gamétanges qui deviennent libres avant de former les gamètes ; les oospores fournissent directement une nouvelle plante. La reproduction asexuelle se fait donc indifféremment par des sporophytes ou des sporogones ; ils peuvent coexister ou se suppléer l'un l'autre : c'est ce qu'il im- porte de remarquer lorsqu'on envisage la parenté des Mousses et des Fougères. Nous savons, en effet, que ce sont des Algues voisines des Coleochaete qui se sont adaptées à la vie terrestre ; or, les Coleochaete comprennent dans leur développement des sporophytes, des gamétophytes qui peuvent être herma- phrodites ou unisexués et des sporogones ; si l'adaptation à la vie nouvelle s'était étendue à tous ces appareils indif- féremment, nous aurions eu, dans toutes les plantes ter- restres, une alternance de générations assez compliquée ; mais des réductions se sont produites, analogues à celles dont nous venons de constater un peu partout l'existence chez les Algues ; ces réductions ont acquis un tel carac- tère de fixité qu'elles prennent une valeur dominante en classification. Les Muscinées ont supprimé les sporophytes, ne gardant pour leur reproduction asexuelle que le sporogone. Les Cryptogames vasculaires ont conservé les sporophytes pour leur reproduction asexuelle et ils ont supprimé les spo_ rogones. L'INFLUENCE DU MODE DE NUTRITION 35 Les gamétophytes, dans l'un et l'autre de ces groupes, sont restés tantôt hermaphrodites, tantôt unisexués. Cette interprétation qui, à notre connaissance, est for- mulée ici pour la première fois, semble bien répondre à la réalité des faits. 1° Dans l'opinion actuellement régnante, on est forcé de comparer un appareil de fructification, le sporogone, si peu différencié soit-il, à la Fougère feuillée ; dans la nôtre, la tige des Ptéridophytes résulte d'une différenciation d'un thalle, c'est-à-dire d'un appareil végétatif. Au lieu d'avoir recours à l'exception, nous rentrons dans la règle générale, car partout nous voyons que la différenciation a porté, dans la constitution des nouveaux individus, sur le thalle, ce qui est tout naturel puisque c'est lui qui, par le fait même de sa végétation, subit les influences favo- rables ou défavorables à sa nutrition et à sa vie. 2° Dans l'opinion régnante, on doit s'attendre à trouver de nombreuses transitions entre l'appareil sporogonien des Muscinées et le système végétatif des Fougères : or, tout au contraire, il existe entre les deux groupes une « séparation tranchée dont rien n'est venu jusqu'à pré- sent diminuer la profondeur (1) ». Il n'y a pourtant aucune raison apparente d'une semblable anomalie. Avec l'inter- prétation que nous proposons, cette séparation tranchée se déduit naturellement des faits : on la voudrait même encore plus complète. Si le sporogone, en effets était resté partout rudimentaire, comme chez les Riccia, les Andréa^ les Archidium, il ne serait probablement venu que difTici- lement à l'idée de penser que « toute Thistoire de l'évolu- tion végétale semble intimement liée aux destinées de cet appareil sporogonien (2). 3° Dans l'opinion régnante, on se préoccupe peu des (1) Van Tieghem : loc. cit., p. 1363. (•2j Marion et Saporta: loc. cit., p. 191 36 P.-A. DANGEARD Mousses fossiles : son adoption entraîne pourtant la nécessité d'un abondant développement de Muscinées dès les époques les plus reculées; or, celles que l'on a ren- contrées jusqu'ici sont tertiaires et elles se réduisent à quelques espèces et quelques genres (1). Il est pourtant difficile de comprendre pourquoi leurs empreintes ont partout disparu, alors que l'on retrouve en quantité con- sidérable des traces de feuilles et de fructifications de Fougères dès l'époque primaire. Notre interprétation fait disparaître en partie cette dif- ficulté ; les deux groupes ont eu une origine commune ; ils se sont développés parallèlement ; les Muscinées n'ont varié que très lentement : leurs représentants sont peu nombreux, et ils ont pu passer inaperçus. Ce n'est qu'à notre époque qu'ils atteignent leur épanouissement complet. Nous verrons plus loin pourquoi les Muscinées ont évolué si lentement, alors que les Ptéridophytes se différenciaient si rapidement et se continuaient par les Gymnospermes et les Angiospermes. On pourrait même, à la rigueur, aller jusqu'à admettre, s'il était nécessaire, que les Briophytes se sont différen- ciés postérieurement aux Ptéridophytes : la communauté d'origine n'est pas un obstacle à cette hypothèse, puisque nous sommes forcés dereconnaître, en tout état de cause, la persistance aux époques géologiques de représentants du type ancestral voisins des Coleochaete. On pourrait encore citer un certain nombre de faits qui s'accordent mieux avec un développement parallèle qu'avec un développement consécutif des deux groupes : différences dans la structure des anthérozoïdes, dans la morphologie et la structure de fappareil sporangial et de l'appareil anthéridien. Pour ne parler que des anthéro- zoïdes, on peut faire remarquer que les Briophytes pos- (1) Schimper: Traité de paléontologie végétale, l, ^. 240, 1869. l'influence du mode de nutrition 37 sèdent des anthérozoïdes à deux cils, alors que les anthé- rozoïdes des Ptéridophytes en ont un grand nombre. Il est évidemment plus naturel de reporter l'origine de cette différence aux stades ancestraux confervoïdes, où ces va- riations étaient fréquentes, que de la supposer apparais- sant précisément au moment de l'évolution d'une Musci- née en Cryptogame vasculaire. Nous ignorons comment ces idées nouvelles seront accueillies des naturalistes. A une hypothèse invraisem- blable, donnée cependant comme la seule admissible (1), nous en substituons une autre qui nous semble meilleure : comme cette interprétation touche à des questions capi- tales en évolution, nous espérons qu'elle aura tout au moins les honneurs de la discussion. La situation nouvelle en face de l'évolution est celle-ci. Nous admettons que les Muscinées et les Cryptogames vasculaires ont eu, parmi les Algues, un ancêtre commun qui leur a légué les principaux caractères de leur repro- duction sexuelle et asexuelle ; la différenciation a porté en grande partie sur l'appareil végétatif qui a dû s'adapter à des conditions nouvelles d'existence lorsque le milieu aquatique s'est trouvé progressivement remplacé par un autre milieu. Cetappareil végétatif comprenait des sporo- phytes et des gamétophytes : ils étaient sans doute, comme dans la plupart des autres algues, peu différents comme aspect et comme structure. On n'aura pas lieu ainsi d'être surpris de voir legamé- tophyte des Muscinées se différencier dans le même (l)Nor canthere be any doubtthat intheF'erns the sexual génération is the older ; the second arose by progressive phylogenetic differen- tiation of the product of the sexual acte after the first had become sexually differentiated and hence its double numberof chromosomes. Strasburger. The periodic réduction of the nurnber of the chromosomes in the life-hisiory of lioing organisms (Annals of Bolany, vol. VIII, 1894, p. 295). 38 P.-A. DANGEARD sens que le sporophyte des Cryptogames vasculaires; ils ont évolué sous l'empire des mêmes conditions de milieu et en vue de satisfaire à des nécessités identiques d'or- ganisation ; il ne faudra pas s'étonner davantage si les gamétophytes ou prothallesdes Cryptogames vasculaires en sont restés à leur état primitif; il y avait à cela des raisons que nous verrons plus loin. Si nous reprenons maintenant l'étude de l'évolution du système végétatif dans sesrapports avec lanutrition, nous aurons à la suivre d'une part dans les gamétophytes des Muscinées, d'autre part dans les sporophytes des Cryptogames vasculaires. Le thalle ancestral, qui nous sert de point de départ dans l'un et l'autre cas, est filamenteux ou membraneux : nous savons par l'exemple des Coleochaete que ces deux formes sont voisines et peuvent procéder l'une de l'autre. Chez l'algue la nutrition superficielle et la nutrition holophytique, s'exerçant dans l'eau, sont restées plus ou moins confondues : déjà, dans le Botrijdium, qui se déve- loppe sur la terre des fossés, on constate un essai de localisation dû au changement de milieu : il y a un sys- tème de rhizoïdes qui se ramifient dans le sol et sont chargés de la nutrition superficielle devenue impossible dans la partie aérienne du thalle. Dans les plantes qu'il nous reste à étudier, lanutrition superficielle se trouve, pour les mêmes raisons, séparée delà nutrition holophytique: les organes de digestion et d'absorption ont à remplir les mêmes conditions que ceux des Champignons: aussi ont-ils la forme cylindrique. Mais, tandis que chez les Champignons l'augmentation delà surface absorbante a été obtenue par un allonge- ment et une ramification de l'organe, ici, elle a été acquise par un procédé différent et beaucoup plus parfait ; cet organe, qui n'est autre chose que le poil absorbant, se renouvelle constamment ; à mesure que les poils absor- l'influence du mode de nutrition 39 bants disparaissent, usés par l'activité fonctionnelle, ils sont remplacés par d'autres. La nutrition superficielle chez les Champignons a déter- miné la forme du corps et sa structure ; ici, dans les Chlo- rophytes, elle n'a produit que le poil absorbant qui a conservé partout ses mêmes caractères généraux ; le rôle important dans l'édification de l'organisme était réservé à la nutrition holophytique : c'est pour répondre aux nécessités de cette dernière que la plante s'est constituée suivant un type général comprenant feuilles, tiges et rameaux. La substance verte ou chlorophylle est fixée sur des cor- puscules spéciaux, les chloroleucites qui se trouvent dans les cellules; la nutrition holophytique se produit en raison directe de leur nombre et de leur importance; mais il faut naturellement que la lumière puisse parvenir jusqu'à eux. Dans ces conditions, la plante a tout avantage à s'étendre en surface, tout en conservant une épaisseur moyenne : de là, l'existence des thalles membraneux. Ce mode de perfectionnement a cependant des incon- vénients qui ont empêché l'évolution de s'engager plus avant dans cette voie : le thalle membraneux ne peut croître indéfinimentsans rencontrer bientôt des obstacles qui lui barrent la route : il lui faut trop d'espace ; de plus, il devient fragile ; lorsque ses parties les plus âgées se détruiront, usées par l'activité fonctionnelle, il se trou- vera déchiré, fragmenté ; enfin, ce thalle ne peut guère que s'étendre sur le sol, au lieu de s'élever dans l'air qui est pourtant son véritable champ d'action. Aussi, n'est-il pas étonnant de voir la plante chercher à obtenir d'autr* manière l'augmentation de sa surface d'assimilation : dans cette transformation, elle ne crée pas les organes de toutes pièces : elle les fait dériver d'or- ganes existants. Elle découpe son thalle en lanières ; ces lanières seront les feuilles : celles-ci restentréunies entre 40 P.-A. DANGEARD elles par des parties '^communes qui deviennent les axes, c'est-à-dire la iige etles7'aî72eai(x.Decette façon, les feuilles vont pouvoir se superposer dans l'espace en verticilles plus ou moins serrés ; la surface verte utile s'augmente indéfiniment sans amener, comme conséquence néces- saire, un développement exagéré de l'organisme. Le gamétophyte des Muscinées nous montre tous ces stades successifs de l'évolution de la plante : on trouve en effet, dans ce groupe, des espèces à thalle membraneux, des espèces à thalle feuille et des espèces à tigefeuillée ; à cette preuve s'en ajoute une autre. Dans les Muscinées feuillées, le gamétophyte, provenant de la germination de la spore, passe par la forme filamen- teuse et par la forme lamelleuse (protonèmes) avant d'ar- river à donner une tige et des feuilles [Tetraphisj ; la diffé- rence entre les deux sortes de protonèmes a si peu de valeur que, chez les Sphagnu7n, la spore germe dans l'eau en un filament, alors que, sur un support solide, elle donne naissance à une large expansion membraneuse; cette ontogenèse du gamétophyte nous renseigne ainsi sur les divers stades de l'évolution des Mousses, c'est-à-dire sur leur phylogenèse. Le sporophyte ancestral des Cryptogames vasculaires qui, dans notre opinion, avait une structure analogue à celle du gamétophyte des Muscinées, s'est développé, comme ce dernier, en tige feuillée sous l'influence de la nutrition holophytique ; mais, dans son ontogenèse, les stades ancestraux ont disparu. Cela n'a rien qui puisse nous surprendre, puisque, même chez les Mousses, le stade de protonème membra- neux manque souvent; d'ailleurs, le fait que le gaméto- phyte des Cryptogames vasculaires est encore lamellaire, nous indique clairement qu'il en était autrefois de même du sporophyte ; si la forme ancestrale de ce dernier a dis- paru complètement, c'est probablement parce qu'il se l'influence du mode de nutrition 41 développe sur un prothalle ; une superposition de deux organes dénature semblable était non seulement inutile, mais nuisible : de là une disparition dans l'ontogenèse des stades intermédiaires. Peut-être doit-on chercher dans une raison de cette nature la cause qui a empêché le gamétophyte des Cryptogames vasculaires de dépasser lui-même le stade ancestral. D'autres considérations peu- vent être mises en avant. Dans les Cormophytes, le sporophyte et le sporogone sont produits par l'œuf; les gamétophytes proviennent despores: cette différence d'origine va servir à expliquer révolution différente de ces appareils. Constatons d'abord que le noyau de la cellule n'a pas la même structure dans les sporophytes et les gaméto- phytes ; si, dans les premiers, le nombre des chromoso- mes est 2 n, ce nombre se trouve réduit à n dans les gamé- tophytes ; le sporogone des Muscinées se comporte à cet égard comme le sporophyte des autres plantes. Ce résultat, très important, n'a peut-être pas encore été éten- du à un assez grand nombre d'espèces ; on peut toutefois le considérer comme général, à la suite de travaux dont les principaux sont ceux de Farmer (l)pour les Hépati- ques, de Strasburger (2) et Rosen (3) pour les Ptérido- phytes, d'Overton (4) pour les Gymnospermes, de Gui- gnard(5) pour les Angiospermes. Il n'y a pas lieu, pour (1) Bretland Farmer : Studies in Hepaticœ (Annals of Botany, vol. VIII, 1894). — On Spore formation and nuclear division in the Hepa- ticœ{ld., vol. IX, 1895). (2) Strasburger : Ueber periodische Reduklion der chromosomen zahl in der Ent. der organismen{Biol. Centrabl., 1894). (3) Rosen : Kerne und Kern korperchen iji meristematichen und sporogenen Geweben (Cohn's Beitrage, Bd. VII). (4) Overton : Ueber die Reduklion der chromosomen in den Ker- 7îe?z de?' P/Zanzen (Viertel jahrsschr. d. naturf. Ges. in Zurich, 18l»3, Bd. 38). (5) Guignard : Nouvelles études sur la fécondation (Ann. se. natur. Bot., Série VII, T. 14). 42 p. A. DANGEARD l'instant, de tenir compte des exceptions à cette règle qui ont été constatées çà et là soit dans les gamétophytes, soit dans les sporophytes ; on peut admettre en effet, avec Strasburger, que toutes les cellules dans lesquelles des variations du nombre normal de chromosomes ont été observées, sont des cellules qui ont perdu leur aptitude à la reproduction (1). La réduction chromatique se produit dans les sporan- ges ; le noyau de chaque cellule-mère ne montre au début de la prophase que n chromosomes, au lieu de 2 n qu'il avait avant son passage à l'état de repos, c'est-à-dire à la précédente anaphase ; cette réduction ne peut être attribuée qu'à la réunion par couples des chromosomes du noyau de la cellule-mère. Cette cellule-mère donne naissance, par deux bipartitions successives, à quatre spores; les deux divisions du noyau se font sans inter- valle de repos, de telle sorte que la quantité de nucléine du noyau de la spore est la moitié de celle que contient un noyau ordinaire (2). Ainsi, la réduction du nombre des chromosomes est due à la réunion par couples des chromosomes du noyau de la cellule-mère, et la réduction de la nucléine est due aux deux bipartitions successives de ce môme noyau. Le résultat est que, dans chaque spore, le noyau ne représente que la moitié du noyau des sporophytes ; cette structure se continue dans toutes les cellules des gamé- tophytes jusqu'aux anthérozoïdes et aux oosphères ; la fusion de ces deux éléments sexuels reproduit dans l'œuf la structure d'une cellule de sporophyte avec 2 n chro- mosomes à son noyau. (1) Strasburger : The periodic Redactionof number of the chromosomes , in the life-hislory of living organLsms (Annals of Botany, T. VIII, 18.j4). (2) Des modifications à ce procédé général se sont produites dans le . courantde l'évolution, principalement en ce qui concerne la formation des macrospores. l'influence du mode de nutrition 43 Sans rechercher pour l'instant la cause qui a pu pro- duire cette différence de structure des noyaux, il est évi- dent qu'on n'a pas lieu d'être étonné de voir les gaméto- phytes se comporter autrement que les sporophytes vis- à-vis de l'évolution, puisque l'élément cellulaire est chez eux de nature différente. Chacun de ces appareils a évolué pour son propre com- pte : il a emmagasiné séparément les nouvelles tendances acquises, les nouveaux caractères fixés. Tout se passe comme s'il s'agissait réellement de plusieurs lignées ne présentant entre elles que des relations d'adaptation réciproque, comme celles qui existent entre l'hôte et son parasite ; chacune de ces individualités, sporophyte ou gamétophyte, a été affectée séparément par les facteurs de l'évolution, et l'hérédité lui a conservé les caractères acquis. Cette situation de l'hérédité, en face des phénomè- nes de génération alternante, n'offre nulle part une aussi grande netteté. On est amené presque fatalementà adopter, faute de mieux, l'opinion de Weismann qui attribue à chaque cellule des plasmas différents, celui de la forme asexuée et celui de la forme sexuée : l'un agit pendant que l'autre est inactif. Les différences entre sporophytes et gamétophytes d'une même plante sont considérables, surtout lorsqu'il s'agit des plantes phanérogames ; ces appareils n'ont point été influencés de la même manière par l'évolution : ils ne présentaient pas une égale sensibilité aux causes de variation. On peut constater que les gamétophytes ô et ç ont peu varié : ils sont encore voisins de l'état ancestral, ayant acquis peu de caractères nouveaux. Le contraire a eu lieu pour les sporophytes : ceux-ci se sont modifiés à l'infini : on n'y reconnaît plus le stade ancestral même pendant l'ontogenèse. Pour que l'évolution de ces appareils ait présenté des 44 P.-A. DANGEARD caractères aussi dissemblables, il ne suffît pas d'invoquer la structure particulière des noyaux résultant de la réduc- tion chromatique, il fautchercher une cause plus puissante de variation. Nous n'en voyons pas d'autre que celle qui préside à leur naissance; les uns proviennent de spores, les autres d'œufs. Les sporophytes et les gamétophytes, ayant emma- gasiné séparément les caractères nouveaux acquis par adaptation, on peut raisonner comme s'il s'agissait d'individus se reproduisant exclusivement les uns par reproduction agame, les autres par reproduction sexuelle. On s'accorde assez généralement pour n'attribuer à la reproduction asexuelle aucune influence sur la varia- tion ; mais elle ne l'exclut pas, ainsi que Weismann l'a cru un moment ; les variations qui se produisent sont dues à l'adaptation ; elles peuvent être héréditaires. Le rôle de la reproduction sexuelle dans la variation est l'objet d'interprétations très différentes: Weismann a d'abord considéré l'amphimixie comme la cause unique de toute variation ; mais il est revenu, dans ses derniers travaux, à une opinion moins intransigeante ; il se borne à y voir une cause active et puissante de variation (1) ; la reproduction sexuelle donne naissance à de nombreuses conformations individuelles différentes, aux dépens des- quelles la sélection forme de nouvelles espèces. Ce n'est pas l'opinion d'Hertwig, qui dit qu'à son avis « la repro- duction sexuelle agit sur la formation des espèces en sens contraire à ce que pense Weismann. Elle égalise, elle atténue constamment les différences qui sont produites par l'action des facteurs extérieurs chez les individus d'une même espèce ; elle crée des formes moyennes ; (1) Consulter Y. Delage : La structure du protoplasma et les théoriçs sur Vhérédité, Paris, 1895, p. 283-284, 694, 798. l'influence du mode de nutrition 45' elle tend précisément à rendre l'espèce plus homogène et à lui conserver son caractère particulier (l). » L'évolution des Cormophytes, telle que nous la compre- nons, semble confirmer les vues de Weismann sur Tim- portance du rôle de l'amphimixie dans la variation. Nous voyons, en effet,les sporophytes qui proviennent de la germination d'un œuf, évoluer beaucoup plus rapi- dement que les gamétophytes qui prennent naissance aux dépens d'une spore. C'est ainsi que le sporophyte des Cryptogames vascu- laires avait réussi, dès l'époque primaire, à former des appareils végétatifs très compliqués comme forme et comme structure : les transformations se sont continuées, variées et nombreuses, jusqu'à nos jours, donnant nais- sance d'abord aux Gymnospermes, puis aux Angio- spermes. Si le sporogone des Muscinées qui doit également son origineà la reproduction sexuelle, représentait réellement un sporophyte, il se serait modifié beaucoup plus rapide- ment que le gamétophyte de ces mêmes plantes, au lieu d'acquérir un type uniforme représenté par la capsule et son pédicelle. En admettant avec nous qu'il est l'équiva- lent du sporogone des Algues, on rentre dans la règle générale, car, pour un organe de cette nature, il a subi des différenciations très remarquables et de grande amplitude. Les gamétophytes ne se sont modifiés que lentement ; nous avons à considérer ceux des Muscinées et ceux des Cryptogames vasculaires. Ayant un même point de départ, ils auraient dû évoluer dans le même sens s'ils s'étaient trouvés dans des conditions identiques par rap- port aux causes externes de variation. Nous verrons (1) Herlwig : La. cellule et les tissus, traduction Charles Julin, Paris, 1894, p. 300. 46 p. -A. DANGEARD pourquoi il n'en a pas été ainsi ; mais commençons par constater que la variation dans ces appareils s'est ef- fectuée lentement. Le gamétophyte des Muscinées n'est arrivé qu'à grande peine à former des tiges feuillées de types peu disparates ; il n'a encore acquis à l'époque actuelle ni racine, ni système libéro-ligneux ; et cepen- dant, il avait à remplir les mêmes fonctions que le sporo- pbyte des Fougères, il était soumis aux mêmes causes extérieures de variation. Le gamétophyte des Cryptogames vasculaires, désigné sous le nom de prothalle, aurait pu suivre une différen- ciation parallèle ; mais il n'ajamais dépassé, semble-t-il, le stade correspondant à celui des hépatiques à thalle ; on n'en connaît pas qui soient représentés par des tiges feuillées : c'est que son rôle est en tout différent de celui du même appareil dans les Muscinées. Grâce à l'amphi- mixie, le sporophyte avait une tendance plus grande à la variation ; il était susceptible de perfectionnements plus étendus ; il a pris les devants dans la formation de l'ap- pareil végétatif : aussi, le gamétophyte n'avait-il pas à se développer en tige feuillée ; celle-ci serait restée inca- pable de supporter le sporophyte et, de plus, elle Teût empêché de s'affranchir assez tôt pour subvenir aux besoins de sa nutrition superficielle : tout essai du gamé- tophyte à une différenciation plus avancée était donc nui- sible à la plante et se trouvait ainsi condamné d'avance. Nous observons plutôt dans les gamétophytes une ten- dance à la régression ; elle se manifeste surtout pourles gamétophytes mâles qui bientôt ne comprennent plus qu'uneseule cellule et un gamétange dans les Marsiliacées, Salviniacées, Sélaginellées, Isoétées ; cette régression dans ces plantes qui, à l'exception des Sélaginelles, sont aquatiques, s'explique par l'inutilité do prothalles mâles quelque peu différenciés en système végétatif : la féconda- tion est plus facilement assurée par des anthérozoïdes l'influence du mode de nutrition 4T sortant directement de la microspore, que par un stade intermédiaire délicat exigeant pour sa nutrition des con- ditions souvent impossibles à trouver dans le milieu aqua- tique. Le gamétophyte femelle ne pouvait subir à ce moment une telle réduction : celaétait incompatible, non seulement avec la formation de plusieurs archégones, mais encore avec la fonction de nourrice qu'il est appelé à jouer dans les premiers développements du sporophyte ; pourtant, il n'était pas plus à l'abri que le prothalle mâle des condi- tions défavorables à la nutrition du milieu extérieur. La question de nutrition était capitale pour ces pro- thalles ; il leur fallait, pour se développer et se nourrir, une humidité modérée comme celle qui est réalisée arti- ficiellement dans les serres : c'est encore là, on le sait, qu'il faut aller chercher les prothalles des Fougères et des Sélaginelles, lorsqu'on veut s'en procurer. Dans la nature, ces conditions étaient loin d'être tou- jours remplies ; des périodes de dessiccation du sol ont succédé localement et périodiquement à des périodes d'immersion totale. Aussi, ne doit-on pas s'étonner de voir qu'un grand nombre de Cryptogames vasculaires, surtout parmi les hétérosporées, ont disparu dès les époques géologiques les plus reculées ; elles ont été incapables d'adapter leurs gamétophytes à ces changements, d'autres se sont main- tenues avec peine : de ce nombre les Fougères qui sont envoie de disparition. Beaucoup — et c'était la bonne voie — ont cherché à modifier les conditions de nutrition des gamétophytes femelles : ces derniers, au lieu d'emprunter leur nourri- ture au sol, l'ont prise directement à la macrospore, celle-ci s'étant au préalable gorgée de réserves abon- dantes aux dépens du sporophyte ; ces réserves ont été utilisées pour l'édification du prothalle et des arche- 48 P -A. DANGEARD gones ; elles ont pu même suffire au tout premier déve- loppement de l'embryon comme dans les Sélaginelles. Mais ce perfectionnement était encore incomplet malgré son importance ; la macrospore détachée du sporophyte abandonnait l'embryon trop faible dans le milieu extérieur. Que fallait-il donc pour permettre à l'évolution d'aller toujours de l'avant? Il suffisait que la macrospore restât attachée 3iU sporopbyte : de la sorte, les jeunes embryons pouvaient emprunter leur nourriture à la plante-mère, par l'intermédiaire du prothalle ou directement. C'est ce qui a eu lieu en effet ; aux plantes sans graines succédaient les plantes à graines. Ces dernières, désignées généralement sous le nom de Phanérogames, pouvaient affronter toutes les variations du milieu : le nouveau sporophyte n'était abandonné à lui- même que déjà fort : il emportait une réserve abondante, lui permettant de mettre ses organes de nutrition en mesure de fonctionner et dans le sol et dans l'air. Un dernier perfectionnement allait se produire ; les graines, d'abord nues dans les Gymnospermes, allaient se trouver protégées par le fruit dans les Angiospermes. De son côté, le gamétophyte mâle ne subissait que des modifications sans importance : il suffit de comparer la germination du grain de pollen d'une plante supérieure avec celle de la microspore du Salvinianatans ; les anthé- rozoïdes n'étant point abandonnés dans un milieu liquide ont perdu leurs flagellums ; ces derniers n'ont persisté que dans certaines Gymnospermes, dans les Ginkgo (1), les Cycas (2), les Zamia (3). (1) Hirase : Untersuchurig ïtber das Verhallen des Pollens von Ginkgo biloha (Bot. Centr., 18'J7). (•2) Ikeno : Vorlaufîge Mittheilung ûber die Spermatozoïden bei Cycas revoluta (Bot. Centr. 1896). (3) H.-J. Weber : The développement of the antherozoids of Za- mia (Bot. Gazette, vol. XXIV, 1897). l'influence du mode de nutrition 49 Tout l'effort de la différenciation organique a porté sur le sporophyte depuis les Cryptogames vasculaires jus- qu'aux Dicotycédones : aussi est-ce le sporophyte qui est considéré comme « l'individu végétal » : c'est la plante elle-même. Les nombreuses modifications dans la forme et la struc- ture du sporophyte sont en relation étroite avec les con- ditions du milieu ambiant, pesanteur, lumière, chaleur, etc. (1) ; mais le type général obtenu, comme nous l'avons établi, par un perfectionnement et une localisation des deux modes de nutrition, se reconnaît toujours, sauf de rares exceptions. Remarquons en passant que la nutrition holophytique, comme la nutrition superficielle, a multiplié l'organe, au lieu de l'étendre ; lorsqu'il est usé par l'activité fonction- nelle, un autre apparaît ; les anciens poils absorbants sont remplacés constamment par de nouveaux, et aux feuilles qui disparaissent succèdent soit périodiquement, soit constamment, de nouvelles générations. A partir du moment où la plante dresse ses feuilles dans l'air, les poils absorbants, jusque-là fixés à la partie inférieure du thalle, sont obligés, pour continuer à rem- plir leur rôle, d'émigrer sur la partie de la tige en con- tact avec le sol. Dès lors, une nouvelle différenciation commence : l'appareil aérien est organisé pour la nutri- tion holophytique ; Tappareil souterrain va se compléter pour la nutrition superficielle ; déjà, il emprunte la partie de la tige en contact avec le sol pour y former ses poils absorbants, lui imprimant ainsi le caractère de rhizome. Tout à l'heure, il modifiera légèrement ce rhizome pour en faire une racine si bien adaptée à ces nouvelles fonc- tions qu'elle ne subira plus grande modification dans la série végétale. (1) Costantin : Les végétaux et les milieux cosmiques, Paris, 1898. 4 50 P.-A. DANGEARÎ) Nous pouvons encore saisir la nature sur le fait en étu- diant certaines Cryptogames vasculaires telles que les Psilotum, les Tmesiptevis (1), les Selaginella (2), etc. ; il devient, après cela, évident que la racine n'est pas un organe nouveau, né de toutes pièces ; elle provient d'une modification de la tige ordinaire des Cryptogames vascu- laires ; celle-ci est devenue rhizome produisant des poils absorbants, puis racine. La plante est alors complète ; elle est organisée pour tirer parti des deux modes de nutrition qu'elle possède. La nutrition superficielle prend une importance de plus en plus grande ; les liquides nutritifs puisés dans le sol par un nombre immense de poils absorbants sont portés aux feuilles par les canaux du bois ; la sève qui s'élabore dans les feuilles sous l'influence de la nutrition holo- phy tique et avec le concours de ces liquides, est dis- tribuée ensuite par les canaux du liber dans toute la plante. En présence de cette organisation merveilleuse du spo- rophyte, on est amené tout naturellement à n'accorder qu'une importance relative aux gamétophytes Ô et 9 ; cela ne doit cependant pas nous faire oublier que, chez les ancêtres de nos plantes actuelles, les gamétophytes constituaient et constituent encore des individualités sem- blables aux sporophytes. Nous ne devons pas oublier également que lorsque nous parlons de plantes mâles, de plantes femelles et do plantes hermaphrodites, cela n'a pas la signification que l'on y attache chez les animaux. Cela tient à ce que les animaux supérieurs ne possèdent que le stade gamétozoaire : on dit qu'ils sont hermaphrodites, par (1) P.-A. Dangeard : Mémoire sur la Morphologie et VAnalo7nie des Tmesipteris (Le Botaniste, 2» série, p. 163-223, pi. ix-xv) . (2) P.-A. Dangeard : Essai sur l'Anatomie des Cryptogames vascu- laires (Le Botaniste, l'-e série, p. 211-270, pi. ix-xiii). l'influence du mode de nutrition 51 exemple, lorsqu'ils possèdent à la fois des œufs et des spermatozoïdes ; une plante hermaphrodite est celle qui fournit à la fois desgamétozoaires Ô et des gamétozoaires 2 ; les gamétozoaires hermaphrodites, qui correspondent aux animaux hermaphrodites, n'existent plus chez les plantes supérieures; ils ont disparu avecles Cryptogames vasculaires et les Muscinées ; on ne rencontre plus chez les Gymnospermes et les Angiospermes que des gaméto- zoaires unisexués. Cette profonde différence entre les végétaux et les ani- maux supérieurs n'est pas en général sufïïsament connue même parmi ceux qui s'occupent de sciences naturelles. Chez les animaux, ce sont les gamétozoaires Ô et les gamétozoaires $ qui ont évolué et atteint le perfection- nement maximum que nous connaissons ; chez la plante, l'évolution a porté sur des sporophytes qui n'existent pas tout au moins chez l'animal supérieur ; les gamétophy- tes Ô et les gamétophylles 9 diffèrent peu du stade ances- tral : l'histoire du développement nous prouve que ces derniers représentent cependant des individualités dis- tinctes au même titre que le mâle et la femelle chez les animaux supérieurs ; mais leur organisation est restée primitive et leur vie éphémère. Les relations qui se sont établies entre les gamé- tophytes et le sporophyte d'une même plante sont en tout semblables à celles qui existent entre un hôte et son para- site : on constate qu'il y a eu inversion, au courant de l'évolution. Le sporophyte a commencé par vivre en parasite sur le gamétophyte femelle ; plus tard, ce sont les gamétophytes qui sont devenus parasites sur le spo- rophyte: ce sont là de simples phénomènes d'adaptation réciproque assez semblables à ceux qui nous sont offerts par certains champignons parasites. Dans les pages qui précèdent, nous avons essayé de fournir une réponse à un certain nombre de questions 52 P.-A. DANGEARD relatives à révolution dans la série végétale ; nous avons vu comment l'influence du mode de nutrition dominait toute lamorphologie de la plante, depuis les Champignons et les Algues jusqu'aux plantes supérieures ; nous avons montré de quelle façon les différences dans le mode de nutrition réagissaient sur la croissance en la modifiant et se traduisaient par une destinée différente des éléments cellulaires, etc. Là ne se borne pas cependant le rôle de la nutrition ; on peut en effet y rattacher les phénomènes de sexualité avec toutes les conséquences qui en résultent dans l'évo- lution de la plante et de Tanimal. Usiutophagîe sexuelle (1). La sexualité n'est pas une propriété du protoplasma primitif ; les espèces les plus inférieures ne se repro- duisent qu'asexuellement ; elle a donc une cause naturelle qu'il y a lieu de rechercher. Pour trouver la solution de cet important problème on a déjà, il est vrai, considéré les phénomènes de nutrition. Y. Delage, s'occupant de la signification de la féconda- tion, cite l'opinion de Van Rees (2) qui « pense que la fécondation n'a été rien autre chose au début, lorsqu'elle était encore réduite à la conjugaison, que l'acte de man- ger un individu d'espèce semblable ou voisine (3) ». Edmond Perrier attribue la nécessité d'une fécondation au fait que le nombre des chromosomes est réduit de moitié dans les éléments sexuels ; il cherche la cause de (1) L'expression d' « autophagie » est prise ici au sens le plus large, pour caractériser l'incorporation de protoplasmes de composition iden- tique ; elle exclut l'idée de tout résidu excrémentitiel. (2) Van Rees : Over oorsprong en beteehenis der sexuelle voorlplan- ting en over den directen invloed van den voedingst toestand op de celdeeling, Amsterdam, 1887. (3) Y. Delage : loc. cit., p. 323. l'influence du mode de nutrition 53 cette réduction dans une usure produite par la nutrition. « Du fait que les éléments sexuels ont été primitivement semblables il résulte que Vexplication de leurs caractères communs, en particulier de la, réduction du nombre de leurs chromosomes, doit s'appliquer à Vun comme à l'autre. Cette explication pour la phase où les deux éléments sont encore semblables et pour l'élément femelle se déduit clairement des faits déjà connus. L'élément femelle est caractérisé par l'abondance du protoplasme qui entoure son noyau, par la richesse de ce protoplasme en substances nourri- cières. Or il résulte des recherches de M. Maupas sur les infusoires que la production du protoplasme et des matériaux de réserve est sous la dépendance de la subs- tance des chromosomes, et qu'à ce travail cette substance s'use au point que son renouvellement devient au bout d'un certain temps nécessaire (rajeunissement karyo- gamique). Le noyau des éléments reproducteurs n'échappe pas à cette loi : il s'use, et c'est au cours de l'expulsion de ces parties usées que s'effectue par l'expulsion des globules polaires ou corpuscules de rebut la réduction du nombre des chromosomes de l'œuf. Un élément repro- ducteur riche en matériaux nutritifs n'ayant plus qu'un noyau usé ou réduit est incapable d'évoluer; de là la nécessité de la conjugaison ou de la fécondation qui restaure le noyau (1). » Ainsi donc, d'après ce savant, la réduction du nombre des chromosomes est le résultat d'une usure produite par la nutrition ; elle entraîne la nécessité d'une conjugaison ou d'une fécondation. A notre avis, c'est le phénomène inverse qui a eu lieu ; la réduction du nombre des chro- mosomes n'est qu'une conséquence de la sexualité. Le Dantec a de son côté cherché à établir une relation (1) Edmond Perrier : Remarques au sujet de la communication de M- Le Danfec (Comptes rendus, Acad. Se, 17 janvier 1898). 54 p. -A. DANGEARD entre le sexe et la dissymétrie moléculaire (1) ; ce n'est pour l'instant qu'une hypothèse ingénieuse. « Il faudra, dit-il, étudier au point de vue de la dissymétrie molécu- laire, les aliments qu'utilisent les deux sexes ; mais une nouvelle difficulté s'introduira dans cette étude, aussi bien que dans celle des produits excrémentitiels mâles et femelles, parce que, sauf peut-être dans les éléments sexuels, il y aura dans tous les plastides du corps un mélange de substances droites et gauches. En effet, même si l'on suppose que l'un des types de substance existe à l'état de pureté dans les éléments sexuels mâles et l'autre type dans les éléments femelles, l'œuf fécondé et, par suite, tous les tissus qui en dérivent, contiendra forcément, en vertu du phénomène même de la fécondation, un mélange de substances des deux types ; ce sera donc seulement la prépondérance de l'un ou l'autre type dans les tissus d'un être qui déterminera son sexe, et les substances alimen- taires et excrémentitielles ne différeront pour les deux sexes que quantitativement. » L'opinion de Van Rees n'a pas reçu jusqu'ici de la part des naturalistes l'accueil qu'elle méritait ; nous allons la reprendre, essayer de l'établir sur une base solide pour en tirer ensuite toutes les conséquences qu'elle comporte. Depuis longtemps, nous avons admis que les orga- nismes primordiaux jouissaient de la propriété de pouvoir introduire à l'intérieur de leur protoplasma des aliments solides ; nous avons même essayé de montrer comment la nutrition superficielle, commune aux végétaux, avait pris naissance par une modification de la nutrition ani- male : nous venons de voir quelle a été l'influence de ce mode de nutrition dans l'évolutionde la plante; on pourrait faire un semblable travail en ce qui concerne les animaux. (1) F. Le Dantec : Sexe et dissymélrie moléculaire (Comptes rendus, Acad. Se, 17 janvier 1898). l'influence du mode de nutrition 55 Bornons-nous à établir les relations qui existent entre la nutrition animale, propriété primitive du protoplasma, et la sexualité. Lee organismes primordiaux possédaient apparemment des protoplasmes peu dissemblables ; ils se sont nourris les uns aux dépens des autres jusqu'à ce que le protoplas- ma ait acquis par degrés, d'abord la propriété de pouvoir incorporer le protoplasma mort, puis celle de l'utiliser en solution ; un nouveau perfectionnement lui a permis de se reconstituer de toutes pièces aux dépens des substances inorganiques. Nous connaissons les objections qui peuvent être faites à celte manière de voir : l'étude de la filiation des organismes inférieurs nous montre cependant assez nettement que les Champignons et les Algues ont pris naissance parmi le groupe des Flagellés qui possèdent une nutrition animale ou saprophytique ; les Flagellés eux-mêmes ont eu pour ancêtres des Rhi- zopodes à nutrition animale. La nutrition animale n'était au début qu'une sorte d'incorporation directe ; s'effectuant entre des protoplas- mes de composition identique, elle n'exigeait pas de travail digestif compliqué ; aussi n'observait-on pas de résidus excrémentitiels ; ceux-ci n'ont apparu que plus tard, alors que la composition des protoplasmes était devenue très différente. Ce que nons avançons là n'est pas une simple vue de l'esprit ; la formation des plasmodes qui a lieu encore dans les organismes primordiaux, tels que les Vampy relies, lesMonadinés zoosporées, etc., rappelle ce qu'é»;ait l'incor- poration directe du protoplasma. On peut encore la pro- duire expérimentalement ; il suffit d'isoler par mérotomie une portion plus ou moins considérable du protoplasma de la. Gromia fLuviatilis par exemple. «Il arrive souvent qu'au bout d'un certain temps les pseudopodes de l'être nucléé viennent au contact de ceux de la masse isolée. 56 P. -A. DANGEARD Quand cela a lieu après quelques instants seulement de séparation, la soudure est immédiate. La masse sarco- dique totale s'est accrue d'une certaine quantité de substance ayant la même constitution qu'elle : c'est un cas de nutrition indéniable, puisqu'il y a eu addition; c'est un cas de nutrition directe, puisque la substance ajoutée n'a pas besoin d'être modifiée en quoi que ce soit avant de faire corps avec le sarcode total dont elle ne change pas la composition (1). » L'autophagie est donc une propriété primitive du protoplasma ; on la trouve encore dans la formation des plasmodes et on peut la produire expérimentalement. Ce mode de nutrition est forcément très imparfait; il ne peut guère servir qu'à rétablir l'équilibre entre des protoplasmes de vigueur différente; il permet encore, par une déviation de sa signification ordinaire, aux nombreu- ses zoospores des Myxomycètes , de s'unir en larges plasmodes ; son rôle est cependant très effacé. Il a suffi de quelques circonstances que nous allons chercher à préciser pour transformer cette autophagie indifférente en autophagie sexuelle. D'un côté, l'autophagie primitive s'est modifiée en nutri- tion ordinaire qui a permis aux Protistes de se manger entre eux, alors même qu'ils appartenaient à des espèces fort différentes : ces Protistes sont arrivés à utiliser les éléments des substances inorganiques, et à partir de ce moment la persistance de la vie se trouvait assurée à la surface du globe; il fallait toutefois pour cela que l'ali- ment ne fît jamais défaut. Or, nous savons qu'il n'en a pas été ainsi ; le milieu nutritif s'épuise ou se dessèche : de longues périodes de (1) F. Le Dantec : Etudes biologiques sur les Rhizopodes lobés et réti- culés d'eau douce (Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXVI, 1894, p. 84). l'influence du mode de nutrition 57 jeûne se sont produites à de fréquents intervalles dans le développement des espèces ; nous avons vu précé- demment, p. 14-16, comment, dans ces conditions, l'auto- phagie primitive est devenue autophagie sexuelle. Celle-ci ne se borne plus à une simple incorporation de protoplasmes qui n'a d'autre résultat que de réaliser un équilibre assez indifférent ; les deux individus qui se man- gent réciproquement fusionnent leurs noyaux en un seul ; il y a en même temps une condensation du protoplasma. On peut comparer le profit immédiat que l'espèce retire de cette combinaison à celui que produit la réunion de deux domaines voisins en un seul, dans un moment de crise agricole ; les frais généraux ayant diminué, le pro- priétaire arrive à réaliser des bénéfices, alors que précédemment la situation se réglait par un déficit. En résumé, nous considérons la reproduction sexuelle comme n'étant qu'une modification de l'autophagie primi- tive ; son apparition a été déterminée par une interrup- tion dans la nutrition ordinaire. Cette manière de voir, qui n'avait probablement jamais été jusqu'ici formulée dans ces termes, permet de com- prendre un certain nombre de faits qui se rattachent à cette question de la sexualité. 1* L'autophagie sexuelle étant une variation fixée sous l'influence des nécessités de la nutrition, on s'explique que les organismes inférieurs soient dépourvus de sexua- lité ; ils ne possèdent que des plasmodes. 2" L'autophagie sexuelle une fois établie s'est conservée dans révolution des espèces animales et végétales avec ses mêmes caractères essentiels. Cela tient à une parenté commune des Métazoaires et des Chlorophytes avec les Flagellés ; quelques déviations de peu d'importance se sont produites dans les Champignons qui ont la même origine que les groupes précédents et dans les Infu- soires dont la filiation est moins nette. 58 P. A. DANGEARD 3*» L'autophagie sexuelle et la nutrition animale repré- sentent des modifications de l'outophagie primitive : elles ont conservé des caractères communs ; il y a incorporation de protoplasma dans un autre ; l'affinité qui préside à la réunion des éléments reproducteurs rappelle celle qui permet à un organisme de faire un choix dans ses ali- ments ; elle rappelle aussi l'attraction qui dirige un parasite vers son hôte. 4° Dans les organismes pluricellulaires, la nutrition ordinaire et l'autophagie sexuelle ont subi une localisa- tion parallèle ; certaines cellules ont seules continué à remplir le rôle qui, dans les êtres unicellulaires, incombait à la cellule tout entière. Chacun de ces points mériterait d'être développé lon- guement. Si, comme nous le pensons, la reproduction sexuelle a bien la signification que nous lui attribuons, les opinions formulées jusqu'ici sur le but de la féconda- tion doivent être toutes plus ou moins modifiées. Ainsi, il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'explication de Spencer d'a- près laquelle le but principal de la reproduction sexuelle est d'occasionner un nouveau développement en détrui- sant cet état d'équilibre approximatif où sont arrivées les molécules des organismes procréateurs ; il n'est pas plus exact, semble-t-il, de penser avec Boveri que le but de la fécondation est d'apporter à l'œuf avant tout un cen- trosome et accessoirement la chromatine du noyau mâle ; la nécessité de la conjugaison ou de la fécondation n'est pas davantage une conséquence de la réduction du nombre des chromosomes, ou d'une dissymétrie moléculaire. A la suite des belles recherches de Fol (1) sur les Echi- nodermes et de Guignard sur les Phanérogames (2), on a (1) H. Fol : Le quadrille des centres, un épisode nouveau dans Vhis- toire de la fécondation (Archiv. des se. phys. et nat., Genève, t. XXV, 1891). (2) L. Guignard : Nouvelles étudts sur la fécondation (Ann. des se. iiatur., Bot., t. XIV, 1891). l/iNFLUENCE DU MODE DE NUTRITION 59 défini la fécondation : la fusion de deux de mi -noyaux et de quatre denii-centrosomes en un seul noyau et deux centrosomes. Le rôle des centrosomes a été fort discuté ; il semble même, d'après de récents travaux, que leur pré- sence est loin d'être constante (1) ; nous pouvons les passer sous silence pour reporter notre attention sur les noyaux copulateurs. Le fait que les noyaux sexuels renferment chez les plantes supérieures et les Métazoaires un nombre moitié moindre de chromosomes que les noyaux des cellules ordinaires, devait conduire logiquement à les considérer comme des demi-noyaux; on a vu ensuite tout naturelle- ment dans cette structure incomplète la cause de la con- jugaison et de la fécondation : or, si l'on adopte nos idées sur l'évolution delà sexualité, l'interprétation de tous ces phénomènes change et devient beaucoup plus compré- hensible. Les deux individus copulateurs ont, dans l'autophagie sexuelle, mélangé leurs noyaux en un seul ; rien n'autorise à penser que ces noyaux avaient un nombre de chromo- somes inférieur à celui des parents ; on pourrait tout au plus, comme on l'a fait, invoquer une usure de la chroma- tine due à la nutrition ; mais elle n'expliquerait en rien la réduction chromatique qui porte à la fois sur lenombre des chromosomes et sur la quantité de nucléine qu'ils renferment. Selon nous, les noyaux copulateurs sont des noyaux ordinaires et le noyau sexuel est un noyau double. Dès lors, on comprend la nécessité d'une réduction chromatique ; sans elle, le nombre des chromosomes dou- blerait à chaque génération. S'il est naturel de penser qu'elle s'est d'abord effectuée à la germination de l'œuf, (1) David Mottier: Ueber das Verhalten der Kerne bei der Entwi- ckelung des Emhryos achs (Pringsheim's Jahrbûcher fur wiss. Bo- tanik. Bd. XXXI, Heft 1, 1897). 60 P. -A. DANGEARD il n'y a rien d'invraisemblable à admettre qu'elle s'est ensuite reportée, dans le courant de l'évolution, à un autre stade du développement, si ce retard s'est trouvé avantageux pour l'organisme. Quel que soit l'endroit où cette réduction s'opère, elle présente en général les mêmes caractères ; à la prophase, le noyau double ne présente plus que le nombre normal n de chromosomes, au lieu de 2 n qu'il avait au stade de repos ; il est naturel de supposer que les chromosomes se sont unis par couples. Deux divisions indirectes de ce noyau double répartissent la nucléine sur quatre noyaux, ce qui fait que ces derniers ont la structure normale et primitive du noyau de l'espèce. Il ne parait nullement nécessaire a priori que la réduc- tion chromatique s'effectue d'une manière identique chez les animaux et chez les végétaux ; l'autophagie sexuelle a déterminé chez les uns et chez les autres la formation d'un noyau double ; ce noyau doit revenir à sa structure primitive, il est vrai ; mais un même résultat est atteint souvent par des moyens bien différents. Puisque la réduc- tionchromatique, au lieu de constituer la raison d'être de la reproduction sexuelle, n'en est qu'une conséquence, la question de sa similitude chez les animaux et les plantes perd de son importance. Aussi bien n'est-on pas d'accord parmi les naturalistes : les uns tendent à exagérer les différences qui peuvent exister (1) ; d'autres cherchent à les effacer presque entièrement (2). La question n'est pas d'un intérêt capital ; on peut observer dans les végé- taux des modifications qui portent principalement sur le mode de répartition de la nucléine du noyau ordi- naire ; le nombre des bipartitions du noyau de l'oeuf ou de (1) V. Haecker : The réduction ofthe chromosomes in the sexual cells as described by bolanits (Annals of Botany, t. IV, p. 95). (2) Moore : On the essential similarity of the process of chromosome réduction in animais and plants (ïd., p. 431K l'influence du mode de nutrition 61 la cellule-mère n'est pas en effet aussi constant que l'indi- que la théorie ; il sufïit de se rappeler d'une part le mode de germination de l'oeuf chez beaucoup de champignons, en particulier les Ascomycètes, et d'autre part le mode de formation de la macrospore dans les Phanérogames. L'existence d'une double bipartition fournit cependant en général un caractère précieux et d'observation facile pour déterminer dans le développement le moment où s'opère la réduction chromatique; celle-ci s'étant produite, au début, dans l'œuf, le caractère en question peut servir de guide dans la recherche de la reproduction sexuelle. Prenons par exemple les Champignons supérieurs ; avant nos travaux, on pensait qu'ils étaient dépourvus de sexua- lité ; l'existence d'une double bipartition amenant la for- mation de quatre spores sur le promycèle ou la baside aurait pu faire supposer que ces organes provenaient de la germination de l'œuf ; on aurait été dans le vrai. Il sufïit, pour s'en convaincre, de parcourir les divers mé- moires que nous avons consacrés à la reproduction sexuelle des Ustilaginées, des Protobasidiomycètes et des Basidiomycètes (1). Il était réservé à notre ancien élève Sappin-Trouffy d'établir l'existence de la réduc- tion chromatique dans l'œuf et le promycèle des Urédi- nées(2). C'est encore, à l'heure actuelle, le seul exemple connu dans le groupe des Cryptogames cellulaires, Algues et Champignons. Il y a pourtant un autre cas qui présente sans doute la même signification. En effet, Klebahn (3) a fait des ob- servations très complètes sur la germination des zygo- spores dans les genres Closterium et Cosmariuiriy et (1) Consulter : Le Botaniste, série III-V. ("2) Sappin-Trouffy : Recherches histologiques sur les Urédinées (Le Botaniste, 5^ série, décembre 96). (3) Klebahm : Studien ûber Zygoten (Pringsheim's Jahrb. f. wiss. Botanik, Bd. XXII). 62 P -A. DANGEARD Hertwig a pu les interpréter de la façon suivante: « Chez les Desmidiacées, il s'opère après la fécondation une réduction de la substance nucléaire, qui ramène à la quan- tité normale la masse de substance nucléaire doublée par la copulation de deux noyaux complets. Le noyau conju- gué, au lieu de se diviser en deux noyaux-filles égaux, se divise par deux divisions consécutives immédiatement en quatre noyaux petites-filles égaux ; mais le corps proto- plasmique de la zygote ne se divise qu'en deux moitiés et chacune d'elles ne renferme qu'un noyau actif, tandis que deux des quatre noyaux petites-filles disparaissent comme étant devenus superflus (1). j> Klebahn n'a pas vu la réduction du nombre des chro- mosomes qui doit sans doute précéder la double bipar- tition du noyau sexuel. Néanmoins il est établi d'une façon certaine que la réduction chromatique peut s'opérer à la germination de l'œuf ; ce n'est donc pas elle qui détermine la nécessité de la fécondation. Dans ce premier cas, la plante dans tout son développement, dans ses sporophytes comme dans ses gamétophytes, possède des noyaux ayant la structure primitive et normale ; il est encore impossible de dire actuellement jusqu'à quel point cette disposition est générale dans les Thallophytes. Dans les Cormophytes, la réduction chromatique a été retardée ; elle se trouve reportée soit sur le sporogone dans lesMuscinées, soit sur lesporophyte dans les Cryp- togames vasculaires et les Phanérogames ; ce sont les cellules-mères des spores qui, dans le sporange, se com- portent comme l'œuf des Urédinées ou la zygospore des Desmidiacées ; elles fournissent chacune quatre spores dans lesquelles le noyau est revenu à la structure primi- (1) 0. Hertwig : La cellule et les tissus^ traduction C. Julin, Paris, Î894, p. 263. L^INFLUENCE DU MODE DE NUTRITION 63 tive et normale. Si la cause invoquée par Edmond Perrier pour expliquer la réduction chromatique était exacte, elle s'appliquerait aux végétaux ; d'après ce savant, « un élé- ment reproducteur riche en matériaux nutritifs n'ayant plus qu'un noyau usé ou réduit est incapable d'évoluer; » or nous savons que les spores vont donner naissance à des gamétophytes, sans que le nombre des chromosomes varie ensuite jusqu a l'anthérozoïde ou l'oosphère. L'existence d'une réduction chromatique précédant la formation des spermatozoïdes et des ovules dans les Méta- zoaires n'implique nullement chez ceux-ci la présence d'un stade sporophyle comparable à celui des plantes supérieures, comme certains naturalistes seraient tentés de l'admettre (1). Les générations alternantes des Ptéri- dophytes et des Phanérogames dérivent directement d'un stade ancestral ; la même démonstration ne saurait être faite pour les Métazoaires. Lorsque ceux-ci présentent dans leur développement des générations alternantes, il ne s'agit que de générations formées par adaptation secon- daire comme celle des Urédinées parmi les Champignons. Remarquons en terminant que chez les animaux comme chez les végétaux ce sont les générations ayant des cel- lules à noyau double qui ont réagi d'une façon heureuse et durable sous l'influence des divers facteurs de l'évolution ; on ne saurait voir là une coïncidence fortuite. Nous avons vu quel avait été le rôle du mode de nutrition dans l'évo- lution de la plante ; celui de l'autophagie sexuelle a per- sisté en l'absence de la cause première qui a provoqué son apparition ; le retard qui s'est produit dans la réduc- tion chromatique a donné à l'organisme une sensibilité d'adaptation qui a permis la transformation graduelle et ininterrompue des espèces. (1) J. Beard : On the phenomena of reproduction in animais and plants (Annals of Botany, t. IX, 1895. — J. Beard et J.-A. Murray : Reducing division inmetazoan reproduction (Id.), MEMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES ou L'HISTOIRE DUNE CELLULE Par P-A. DANGEARD INTRODUCTION Les Chlamydomonadinées constituent un groupe de transition qui établit un passage entre les Flagellés et les Chlorophytes; c'est un des premiers échelons de la série végétale ; la nutrition holophytique s'y montre pour la première fois. Il semble que ce soit aussi chez ces algues ou leurs ancêtres directs que s'est manifestée tout d'abord la sexualité; il en résulte une alternance dans la repro- duction agame et la reproduction sexuelle qui se retrouve dans presque tous les végétaux. Les Chlamydomonadinées forment donc, il semble, le pivot principal du régne végétal : tout ce qui touche à leur organisation, à leur structure, à leur développement, in- téresse la série entière des Chlorophytes. Le plan que nous avons tracé récemment de l'évolution végétale dans ses rapports avec la nutrition (1) indique les points qui doivent attirer de préférence l'attention des naturalistes : il est certain qu'une étude approfondie des (I) P. -A. Dangeard : VinfLaence du mode de nutrition dans l'évolution de la p/a?i-.r •'--■? f 10, 1^; .;=^■(S*^'"■;p's^' .'il _ ir/. Fia. 11. — Structure des zoosposes de Chlamydomonas Munadina St. (Gross. 1100.) cissant vers le haut. Le pyrénoïde occupe la partie épaissie du chromatophore : il est arrondi chez les jeunes indi- vidus ; mais le plus souvent il s'allonge transversalement; il forme alors une sorte de fer à cheval disposé perpen- diculairement à l'axe. Il suflit de jeter un coup d'œil sur les dessins de la figure 11 pour se rendre compte des modili- cations qu'il y a lieu d'apporter à la description du chro- matophore : en effet, ce dernier occupe généralement tout l'espace compris entre le protoplasma et la membrane : il n'est donc pas épaissi dans sa partie postérieure ; c'est MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES 127 une sorte de calotte dont l'épaisseur n'est pas la même en tous ses points ; elle est interrompue au niveau de l'insertion des tlagellums. La substance du chromatophore est criblée d'alvéoles, la grandeur de ces alvéoles est variable : c'est à leur intérieur que sont logés les grains d'amidon ; sur certaines zoospores fixées le matin, on peut observer un large intervalle achromatique entre le proto- plasma et le chromatophore ; celui-ci a perdu ses alvéoles et l'on n'y distingue plus qu'une structure homogène et quelquefois un fin pointillé. Le pyrénoïde est entouré par une couche d'amidon ; sa forme est celle d'un fer à cheval ; c'est à son niveau que le chromatophore possède la plus grande épaisseur ; la substance du pyrénoïde ne montre aucune différenciation appréciable. Le point oculiforme allongé en bâtonnet est placé immé- diatement sous la membrane; dans nos cultures, nous avons toujours remarqué qu'il était situé beaucoup plus bas que ne l'a représenté Goroschankin, soit au niveau même du pyrénoïde, soit un peu plus haut (tig. 1 1, A). La position du noyau et celle du point oculiforme avaient déjà été fixées très exactement par Stein, dans les deux figures qu'il a données de cette espèce : nous ignorons si les divergences que nous venons de signaler dans la des- cription des zoospores tiennent à une erreur d'observation ou à des différences réelles de structure ; cependant^, Goroschankin lui-même a reconnu l'identité de son Chla- mydomonas Braunii et du Chlamydomonas Monadina. Reproduction asexuelle. — La formation des sporanges commence le soir et elle se continue jusqu'au lendemain matin ; depuis le moment où les cellules-mères deviennent immobiles jusqu'à la complète séparation des zoospores, il s'écoule, suivant Goroschankin, de trois à cinq heures. La direction des cloisonnements, dans les Chlamydo- monas, a été utilisée récemment par Dill (43), pour grou- per les espèces ; c'est ainsi que le C. Monadina se trouve 128 P -A. DANGEARD réuni avec le C. longistigma Dill et Ch. glceocystiformis Dill dans une section ainsi caractérisée. La première ligne de division au début est parallèle à Taxe ; elle devient finalement perpendiculaire à ce même axe, de telle sorte que, s'il se produit une seconde division, celle-ci esta la fois perpendiculaire à la première, tout en étant dirigée d'avant en arrière. En ce qui concerne cette espèce, la conclusion est trop absolue ; il suffit pour s'en convaincre de considérer la figure 13, A, B : la première division s'est produite paral- lèlement à l'axe, et chacune des deux moitiés s'est ensuite divisée en deux parties un peu obliquement à cet axe, mais en sens contraire; un peu plus tard, à l'arrange- ment définitif dans les sporanges, les deux couples sont placés perpendiculairement l'un à l'autre : en même temps les individus de chaque couple s'éloignent l'un de l'autre. Ceci explique non seulement comment les quatre zoos- pores peuvent emporter chacune une partie du pyrénoïde, mais montre en même temps qu'une zoospore équivaut exactement au quart de la cellule entière, protoplasma et chromatophore compris. On pourrait dire pour schématiser cette division que les deux plans de division sont parallèles à l'axe et perpen- diculaires entre eux, et que c'est par une déviation qu'ils prennent des dispositions différentes: ces déviations ne sont que le résultat de l'orientation des fuseaux achroma- tiques, qui elle-même se trouve sous la dépendance du cytoplasme. A la première bipartition, le noyau n'occupe plus le milieu du corps, au niveau du pyrénoïde ; il s'est rappro- ché de la partie antérieure et c'est là que s'opère la karyo- kinèse. Le cytoplasme remplit une grande chambre limitée ordinairement au contact du chromatophore, par une rangée de granules de chromatine. Le fuseau achroma- tique, qui est très développé, s'allonge dans celte chambre MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 129 perpendiculairement à l'axe du corps, et les deux pôles viennent affleurer la surface. Nous devons mentionner spécialement ici une obser- vation qui, bien qu'elle soit unique pour toute la famille des Chlamydomonadinées, n'en a pas moins son impor- tance (fig. 12, A) ; elle ne tend rien moins qu'à faire admettre l'existence de centrosomes dans cette famille, malgré les centaines de résultats négatifs obtenus par ailleurs dans cette espèce et les autres genres étudiés dans ce travail. La préparation avait été colorée à la fuchsine acide et à l'hématoxyline très rapidement ; les chromosomes avaient une belle couleur bleue 5 le fuseau était teinté légèrement et montrait de nombreuses stries plus sombres ; à l'un des pôles du fuseau, on voyait très nettement un tout petit cor- puscule noir entouré d'une auréole claire et d'une zone externe légèrement teintée. L'autre pôle était masqué par un repli duchromatophore. Je n'ai jamais réussi à retrouver cet aspect, et cepen- dant sa signification paraît nette. Dans cette même cellule-mère, à l'intérieur du fuseau, nous avons trouvé en outre, presque au contact des chro- mosomes, deux corpuscules assez gros : ils sont à peine plus colorés que la substance même du fuseau, mais sont entourés d'une auréole claire qui les délimite; de l'autre côté de la plaque équatoriale, un seul était visible. La nature et le rôle de ces corps nous échappent; on a bien signalé çà et là des corps nucléolaires à l'intérieur du fuseau achromatique ; mais le nucléole de notre espèce n'a pas une grosseur suffisante pour donner naissance à ces corpuscules; ceux-ci d'ailleurs n'ont pas les réactions de la chromatine. Nous ignorons si leur présence a quel- que chose de général. Le nombre des chromosomes est d'une trentaine envi- ron ; ils sont disséminés sur toute l'étendue de la plaque 5 130 P.-A. DANGEARD équatoriale ; ils se présentent sous la forme de courts bâtonnets ; en regardant une plaque équatoriale de face, nous en avons vu un sur les bords qui était recourbé en anse. On ne saurait rien dire de précis sur le dédoublement FiG. 12. — La karyokinèse dans le sporange. (Gross. 1100. de corpuscules aussi petits (fig. 12, B) ; il nous a été im- possible également de savoir à quel moment disparaissait la membrane nucléaire ; le protoplasma est le plus sou- vent au contact direct du fuseau. Les noyaux-filles reconstitués sont encore très gros relativement : on y dibtingue des granulations chroma- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 181 tiques nombreuses (fig. 12, C) ; il sont assez rapprochés l'un de l'autre à la partie antérieure du corps ; à ce moment, la division longitudinale est à peine indiquée : il se fait dans le chromatophore une échancrure qui se continue ensuite dans le protoplasma par une ligne incolore. La seconde bipartition du noyau ne tarde pas à se pro- duire ; c'est à ce moment que l'on observe le plus de divi- sions indirectes ; nous en avons représenté les divers stades fig. 12 (D, E, F, G, H). On y voit la plaque équa- toriale encore indivise, puis les deux groupes de chromo- somes qui s'éloignent en sens inverse ; à l'anaphase, il est visible que les chromosomes ne sont pas de simples granulations. Autour de chaque tonnelet, le protoplasma forme une couche homogène de faible épaisseur ; il nous est arrivé de constater qu'à la fin de la phase tonnelet, le groupement des chromosomes, qui affecte la forme d'une demi-lune, semble devenir homogène ; nous ne trouvions plus alors qu'une masse colorable, sans traces de granu- lations (fig. 12, H). Les quatre noyaux-filles s'arrondissent et présentent la structure granuleuse ; au centre apparaît un petit nucléole qui augmente de volume par la suite (fig. 12, 1, H). En considérant les deux fuseaux chromatiques à cette seconde division, on a l'explication des différences d'agen- cement des zoospores dans le sporange. En effet, à côté de fuseaux qui se disposent parallèlement l'un à l'autre, il en est d'autres qui se croisent, selon les exigences du cytoplasme : Tun des fuseaux peut rester perpendiculaire à l'axe longitudinal, alors que le second se place parallè- lement à ce même axe ; il y a des cas intermédiaires. Goroschankin pense que les pyrénoïdes disparaissent pendant la division, bien qu'il ne puisse certifier le fait. Or, voici ce que nous avons observé. Au début de nos cultures, les individus étaient tous munis de pyrénoïdes très développés et très apparents; au moment de la divi- 132 P.-A. DANGEARD sion, ils s'allongeaient dans le sens transversal, de ma- nière à faire un tour complet; mais en même temps? les deux bouts no se trouvaient plus exactement dans le même plan. Ce pyrénoïde se divise en deux, puis en quatre, et chaque zoospore emporte un des fragments; aussi les jeunes zoospores, encore enfermées dans le sporange, ont-elles des pyrénoïdes ayant la forme de gros bâtonnets plus ou moins recourbés en arc ; ils sont loin d'avoir leur orientation définitive (fig. 12, I, J). En résumé, nous devons conclure que le pyrénoïde peut se diviser comme les autres parties du corps ; chro- matophore, protoplasma et noyau. Mais les pyrénoïdes peuvent aussi apparaître par nou- velle formation dans une cellule ; il est remarquable que les deux cas se produisent dans une même espèce; c'est pourtant ce qu'on observe chez le Ch. Monadina., Vers la fin de nos cultures, on n'apercevait plus aucune trace du pyrénoïde pendant la division, même en se ser- vant des réactifs les plus sensibles ; on est donc autorisé à penser qu'il avait complètement disparu ; par contre, le chromatophore est toujours resté très distinct du pro- toplasma. Reproduction sexuelle. — La reproduction sexuelle dans cette espèce a été bien étudiée par Goroschankin ; les gamètes sont de deux sortes : les macrogamètes qui repré- sentent l'élément femelle et les microgamètes qui peuvent être considérés comme l'élément mâle. Les premiers naissent par deux ou par quatre dans les sporanges ; les autres sont produits au nombre de huit, plus rarement de quatre dans la cellule-mère ; leur organisation rappelle celle des individus asexués. La grosseur des macroga- mètes oscille entre 20 et 29 p. ; celle des microgamètes est de 9 à 15 /x. On n'observe jamais la copulation de gamètes de même grosseur ; elles s'assemblent par la partie antérieure et elles restent ainsi longtemps, souvent plus MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADIKÉES 133 d'une heure (fig. 13, G) ; puis les flagellums disparaissent et la fusion s'opère. Ces gamètes sont toujours entourés d'une membrane, et avant même la copulation, le proto- plasma commence à se retirer de la partie postérieure du corps. Pour la fécondation, le contenu du gamète mâle FiG. 13. — Sporanges et zygotes. (Gross. 1000.) passe en entier dans la cellule femelle, où l'union se pro- duit entre les protoplasmes et les noyaux (fig. 13, H). L'œuf est ainsi constitué à l'intérieur de la cellule-femelle. Goroschankin a décrit et figuré l'union des noyaux ; nous pouvons ajouter quelques détails que nous avons pu voir à l'aide des doubles colorations ; le noyau sexuel provenant de l'union des deux noyaux, mâle et femelle, 134 P -A DANGEARD est relativement très gros ; les deux nucléoles restent quelque temps distincts (fig. 13, I) ; ils sont entourés de nombreuses granulations chromatiques irrégulières ; plus tard, on trouve au centre un nucléole assez irrégu- lier et des sortes de stries rayonnantes, avec des gra- nulations moins nombreuses et plus fines que les précé- dentes ; les deux chromatophores restent distincts et sont en général disposés parallèlement l'un à l'autre. La germination des œufs a été obtenue par Goroschan- kin ; ils sont généralement englobés dans une substance brune gélatineuse et granuleuse, qui provient apparem- ment de la destruction des membranes primitives des macrogamètes et des microgamètes. La membrane des zygotes reste formée par un nombre plus ou moins élevé de couches concentriques, et le contenu jaune brun qu'elle renferme est rempli de grains d'amidon. Au moment de la germination, l'amidon disparaît, alors que la chloro- phylle se montre à nouveau ; puis, les pyrénoïdes ayant disparu, l'œuf se trouve partagé en deux par une fine cloison, et dans chaque moitié, on voit deux grosses taches que Goroschankin a interprétées comme étant les nouveaux noyaux. Les deux cellules formées sont mises en liberté à l'état de zoospores, ou bien elles se divisent au préalable en quatre ou huit individus ; les zoospores qui proviennent de l'œuf sont toujours plus petites que les zoospores ordinaires ; elles sont arrondies et le point oculiforme est faiblement coloré ; le pyrénoïde est pres- que sphérique ; mais les générations qui suivent repren- nent la structure normale. Goroschankin a encore observé dans cette espèce la germination de l'œuf en formations palmelloïdes déjà si- gnalées parCienkowski dans plusieurs Chlamydomonas ; lorsque ces cellules sont mises en liberté, elles ont une forme elliptique allongée; le pyrénoïde est arrondi, et on ne remarque aucune trace de point oculiforme. Qf; MEMOIRE SUR LES CHLA.MYDOMONADINEES 1Ô5 2° Chlamydomonas variahilissp. nov. Nous avons rencontré cette espèce à la fin du mois de septembre dernier, à Ségrie (Sarthe), dans un lavoir ali- mente directement par une source. Les zoospores étaient en petite quantité, de sorte que nous étions obligé de prendre l'eau dans de grandes cuvettes et d'attendre la formation d'un dépôt vert au fond des vases ; nous avons réussi, en décantant plusieurs fois, à obtenir des matériaux suffisants pour l'étude que nous voulions faire. Nous avons procédé à une première fixation, le soir même de la récolte, vers 5 heures. Structure de la cellule. — Les zoospores (15-20 p-) sont de forme ovale ou elliptique, quelquefois même presque cylin- drique : elles sont munies d'une papille qui intéresse à la fois la membrane et le protoplasma ; de ce dernier partent deux flagellums dont la longueur peut atteindre le double de celle du corps : le stigma est disciforme et situé sous la membrane, vers le milieu de la cellule ; il est parfois cepen- dant placé un peu plus haut ou un peu plus bas. Contraire- ment à ce qui existe dans la plupart des autres Chlamy- domonadinées, les zoospores sont dépourvues de pyré- noïde. Examinées à l'état vivant, elles paraissent colorées presque uniformément en vert, sauf quelquefois à la par- tie postérieure du corps (fig. 14, A). Les doubles colora- tions permettent de découvrir les variations de structure qui existent sous cette apparente uniformité; ainsi, nous avons vu quelquefois le protoplasma occupant une chambre axiale au centre de laquelle se trouvait le noyau ; d'autres fois, la chambre se trouve reportée jusqu'à la partie pos- térieure du corps, au contact de la membrane, et elle n'est plus en communication avec la papille que par une traînée protoplasmique d'importance variable ; c'est cet amas protoplasmique postérieur qui correspond à l'espace in- 136 P.-A. DANGEARD colore que nous avons signalé sur les individus vivants : outre le trabécule qui le relie à la papille, il en existe souvent d'autres qui traversent lechromatophore en divers sens(fig. 14,B, C, D, E, F). Le chromatophore varie naturellement de forme avec la FiG. 14. —Structure et développement du Chlamydoviona» variabilis ep, nov. (Gross. 900.) disposition même du protoplasma ; il est rempli de grains d'amidon, et sa structure est alvéolaire. Le cytoplasme renferme souvent des globules plus ou moins gros qui sont de nature albuminoïde : du moins, ils jaunissent parl'iode. Reproduction asexuelle. — Le lendemain matin, la plupart des zoospores de la culture étaient tombées au fond des MÉMOIRE SUR LES CHLÂMYDOMONADINÉES 137 cuvettes et passées à l'état de sporanges ; chaque cellule-mère perd ses flagellums et donne naissance à quatre zoospores, plus rarement à deux seulement ; la première division est perpendiculaire à l'axe (fig. 14, K). Dans les zoospores qui vont se transformer en cellules- mères, le protoplasma se localise vers le milieu du corps, directement sous la membrane; il se continue parfois en un mince plancher transversal (fig. 14, E). On aperçoit, dans les cas les plus favorables, partant de la papille, un mince filet de protoplasma qui, continuant la base des fla- gellums, se dirige vers le noyau (fig. 14, F). La division du noyau se fait par karyokinèse ; au mo- ment où elle se produit, la chambre qui renferme l'élément nucléaire est souvent séparée du chromatophore par une ligne de petites granulations chromatiques ; elle est traversée par de minces filets de protoplasma peu coloré G ; les mailles de ce réseau peuvent renfermer des globules de nature albuminoïde. Le noyau à l'état de repos possède un nucléole entouré par une substance nucléaire d'aspect homogène se colorant en rose ou en bleu, selon les réactifs employés ; le fuseau nucléaire se forme paral- lèlement à l'axe ; sa longueur est limitée par celle de la chambre nucléaire, et il arrive même qu'il s'infléchit en arc sous la membrane (fig. 14, H, I, J). Le nombre des chromosomes est dilïicile à évaluer : nous pensons qu'il y en a une dizaine environ ; ils sont très petits et rapprochés les uns des autres. Nous avons vu les divers stades de la division indirecte ; ils ne présentent rien de particu- lier, et les granulations que nous avons parfois rencon- trées auxpôles ne peuvent être interprétées avec certitude comme centrosomes ; leur présence n'a rien de constant ni de fixe. Les deux noyaux-filles qui proviennent de cette pre- mière division passent à l'état de repos et ils reforment leur nucléole (fig. 14, L); la première ligne de bipartition 138 P.-A. DANGEARD du corps commence à se former; nous avons rencontré, quelquefois, deux nucléoles dans les noyaux, à ce stade. A la seconde bipartition, les deux noyaux s'allon- gent et entr nt à nouveau en karyokinèse: pour la for- mation du fuseau, la substance nucléaire est utilisée directement, sans apport sensible venant du cytoplasme; le nucléole qui s'est creusé d'un espace clair au centre montre à sa périphérie des granulations chromatiques distinctes ; plus tard, le nucléole a complètement disparu, et on retrouve des granulations semblables au centre du fuseau naissant (fig. 14, M), mais elles ne sont pas encore orientées en plaque équatoriale. Les deux fu- seaux se montrent avec des positions un peu différentes, selon les individus (fig. W, O, N, P) : ces différences semblent tenir à l'exiguïté de la chambre nucléaire : tan- dis que l'un des fuseaux est parallèle à la première ligne de bipartition du corps, l'autre fait généralement un angle variable avec cette direction. Il résulte de cela que, dans le sporange, les deux couples de zoospores se croisent comme nous l'avons constaté un peu partout dans les autres espèces; avant la seconde bipartition du corps, les quatre noyaux passent à l'état de repos et, à leur intérieur, un nouveau nucléole se reforme (fig. 14, Q). Dans cette espèce, au moment de la division, le proto- plasma n'est pas imprégné de chromatine : celle-ci se trouve dans la substance nucléaire et le nucléole ; il y a aussi, comme nous l'avons vu^ quelques petits grains situés à la limite du cytoplasme. Le Cldamydomonas variabilis se cultive mal ; le dépôt vert formé par tous ces sporanges en division est envahi rapidement par une foule d'infusoires et d'amibes qui le détruisent. MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINEES 139 3" Chlamydomonas Dilli sp. nov. (1). Cette espèce a été rencontrée dans les bassins de l'éta- blissement Bruant, grand horticulteur à Poitiers. Les zoospores (10-20 [J-) ont une forme elliptique; elles sont entourées d'une membrane nelte ; leur taille varie du simple au double; à l'avant se trouvent deux flagellums de la longueur du corps ou un peu plus longs, deux vacuo- les contractiles et un point oculiforme. Structure de la cellule. — Le protoplasma proprement dit est réticulaire, à mailles inégales : il se colore en bleu ou en rouge par les doubles colorations comme le noyau ; dans certaines cultures, il reste complètement incolore ; il occupe une bande de largeur variable, dirigée suivant t'axe du corps et en contact avec la membrane (fig. 15, A, B, C, D, E) ; sa surface se prolonge quelquefois en trabécules qui rayonnent tout autour; lorsque, sous rinlluence d'une température et d'un éclairage convenables, le corps se remplit d'amidon, le protoplasma diminue graduellement jusqu'à disparition presque complète (fig. 15, M, N, 0). Sur les zoospores ordinaires, le noyau occupe la partie postérieure du corps : il est situé dans le cordon proto- plasmique longitudinal ; il possède la structure ordi- naire; on y distingue une membrane nucléaire et un nu- cléole ; dans l'intervalle se trouve un hyaloplasme qui, sous l'action des réactifs, se montre homogène ou gra- nuleux; au moment de la conjugaison, on y distingue des granulations chromatiques plus grosses. Le protoplasma renferme encore quelquefois des granules, semblables à ceux qui se rencontrent dans la plupart des espèces de cette famille ; ils se colorent comme la chromatine du nucléole, mais beaucoup plus rapidement. (1) Dédié à O. Dill, auteur d'un mémoire sur la famille des Chl»- mydomonadinées. 140 P. -A. DANGEARD Le chromatophore s'étend dans tout l'espace qui n'est pas occupé par le cytoplasme; il est en général de beau- coup le plus important comme volume ; sa sensibilité aux réactifs est faible; dans un mélange d'hématoxyline et de picro-carmin, il est érythrophile, ainsi que le pyrénoïde; le protoplasma proprement dit est cyanophile dans cer- taines cultures. Sa structure semble fibrillaire, mais avec un peu d'attention, on reconnaît qu'en réalité elle est alvéolaire, les alvéoles étant occupées chacune par un grain d'amidon. La substance du pyrénoïde n'est pas toujours homogène ; on y distingue parfois un grand nombre de petits bâtonnets assemblés en peloton. Reproduction asexuelle. — Le développement des spo- ranges a lieu de la manière suivante : les cellules-mères se divisent à l'état de repos, et les zoospores formées sont au nombre de deux ou de quatre : dans ce dernier cas, elles se croisent deux par deux (fig. 15, K) ; plus rarement, elles sont presque parallèles (fig. 15, X). Au moment de la reproduction, le noyau éprouve quelques changements ; il devient plus gros et des granules chromatiques apparaissent à son intérieur. Le plus sou- vent, le fuseau chromatique est situé au milieu du corps, sous la membrane [fig. 15, Q) ; par exception, il se trouve à la partie postérieure de la cellule. La culture qui nous a permis de suivre la karyokinèse dans cette espèce était composée d'individus dont le protoplasma était totalement achromatique ; le fuseau lui-même restait incolore, de sorte que ses contours étaient peu accentués ; les chro- mosomes, par contre, se détachaient nettement avec leur coloration foncée, surtout lorsqu'on employait la fuchsine acide et l'hématoxyline : nous en avons compté une dizaine sur les plaques équatoriales vues de face. Nous avons observé tous les stades de la karyokinèse, soit dans les sporanges à deux zoospores, soit dans ceux qui donnent naissance à quatre individus. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 141 Chez les premiers, lorsque les deux noyaux-filles sont reconstitués, ils passent à l'état de repos et montrent bien- tôt un nucléole; ils sont souvent très rapprochés l'un de l'autre, de telle sorte que nous avions d'abord pensé à une FiG. 15. — Structure et développemept du Chlainyiomonas Z)iZ/i sp.nov. ^Grose. 900.) division directe ; à ce moment, la ligne transversale de séparation du corps en deux moitiés est indiquée ; les noyaux de chaque moitié s'éloignent en sens contraire, suivant cette ligne; les deux bandes de protoplasma qui renferment les noyaux deviennent donc parallèles (fig. 15^ 142 P. -A. DANGEARD G, H, I). Il résulte de cette disposition que, dans le spo- range, les deux zoospores sont orientées en sens inverse ; ajoutons cependant que quelquefois les deux noyaux se dirigent du même côté et qu'alors les deux zoospores sont placées dans le même sens- Le pyrénoïde disparait pendant la division du noyau ; mais dans le sporange, chacune des zoospores en reforme un nouveau très rapidement. Lorsque la cellule-mère doit donner naissance à quatre zoospores, la première bipartition du noyau est bientôt suivie d'une seconde. Les deux noyaux-filles repassent toutefois à l'état de repos (fig. 15, T) ; il se produit ensuite deux fuseaux achromatiques qui se croisent (fig. 15. U, V). La seconde bipartition du corps paraît devoir se faire normalement dans le sens longitudinal; elle est donc per- pendiculaire à la première. Cependant, comme les fuseaux achromatiques sont à l'étroit dans l'amas cytoplasmique médian, on observe des déviations légères et sans impor- tance. Les fuseaux sont quelquefois engagés plus ou moins dans la bande cytoplasmique transversale qui cor- respond à la première bipartition de la cellule-mère. Le pyrénoïde cesse d'être visible pendant ces deux divisions successives ; sa substance se fond avec celle du chromatophore : il réapparaît un nouveau corpuscule dans chacune des quatre cellules-filles. Celles-ci, dans le sporange, sont généralement orientées deux par deux en sens inverse. Reproduction sexuelle. — La copulation des gamètes n'a pias été suivie dans cette espèce : il est probable cepen- dant qu'ils sont nus, car nous n'avons jamais observé d'enveloppes quelconques autour des zygotes. Ayant pu fixer ceux-ci en grande quantité et à tous les états de dé- veloppement, nous nous sommes attaché à bien saisir tous les détails de la fusion des noyaux. Après l'union des gamètes, Tœuf s'arrondit et serecou- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMOXADINEES 1 'i3 vre d'une membrane; les deux chromatophores restent distincts avec leur structure propre; ils renferment des grains d'amidon placés dans les alvéoles ; dans chacun d'eux, le pyrénoïde est très apparent (fig. 16, A, B, C, D). La copulation des noyaux s'effectue dans le sillon pro- toplasmique qui persiste, après l'union des zoospores, entre chaque chromatophore ; ce sillon ou plutôt cette bande protoplasmique reste superficielle, de telle sorte que les noyaux se trouvent placés en contact avec la membrane; d'abord assez éloignés l'un de l'autre, ils se rapprochent peu à peu jusqu'au contact. Il nous est arrivé de voir deux noyaux encore assez éloignés prendre contact par un prolongement étroit de substance nucléaire, ce qui met hors de doute une attraction sexuelle (fig. IB, C). En général, les deux noyaux arrivés l'un prés de l'autre fusionnent simplement leur masse ; les deux nu- cléoles ne s'unissent qu'un peu plus tard ; le contour du noyau sexuel, d'abord irrégulier, ne tarde pas à devenir sphérique; son gros nucléole se différencie souvent en une zone annulaire chromatique et une partie centrale incolore. Les doubles colorations n'indiquent aucune différence entre les noyaux en présence, soit comme gros- seur, soit comme structure; dans la solution de picro- carmin et d'hématoxyline, lenucléoplasma, ordinairement homogène, se colore en rose et le nucléole en bleu foncé ; quelquefois la structure est différente, et on distingue, avant comme après la fusion, des granulations chroma- tiques entre le nucléole et la membrane. Une seule fois, nous avons rencontré un œuf formé par la réunion de trois gamètes : les noyaux et les chromato- phores étaient encore distincts (fig. 16, H). Au bout de quelques jours, ces oeufs épaississent leur membrane qui se différencie en deux couches d'épaisseur à peu près égale; sur quelques-uns, l'endospore, qui con- tinue à s'appliquer exactement sur le protoplasma, se 1././. •Ï4 p. A. DANGEARD sépare de l'exospore, laissant entre les deux un certain intervalle (fig. 16, K). Il est impossible, à ce moment, de savoir exactement ce que sont devenus les chromato- phores et les pyrénoïdes ; ces oeufs sont bourrés de grains d'amidon ; ils sont colorés uniformément en vert par la chlorophylle ; toutefois, la couche qui est au contact immé- diat de la membrane reste incolore; dans quelques-uns de Fiu. 16. — Formation de l'œuf et germination. (Gross. 900.) ces œufs, il y a production d'une huile jaune et passage à l'état de repos. Parmi ceux qui ont conservé leur couleur verte, la ger mination a commencé au bout d'une quinzaine de jours ; il se produit une première division suivie d'une seconde : il en résulte quatre individus qui sont mis en liberté par rupture de la membrane(fig. 16, M) ; dans d'autres, on observe une troisième bipartition donnant naissance à huit cellules-filles. Ces cellules, dans nos cultures, ne MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 145 sont point passées immédiatement à l'état de zoospores. Il faut remarquer, en effet, que cette espèce végète très bien sous l'eau au fond des cuvettes de culture ; il se pro- duit là des colonies palmelloïdes de deux, quatre, huit individus et davantage, qui peuvent rester ainsi longtemps sans passer à l'état de zoospores ; c'est d'ailleurs ce qu'on observe dans beaucoup de Chlamydomonadinées. On ne retrouve plus dans ces cellules qu'une quantité insigni- fiante de cytoplasme achromatique ; la substance a Ivéolaire du chromatophore occupe presque entièrement tout le corps ; le noyau est repoussé à la partie postérieure au contact direct de la membrane ; parfois, quelques granules chromatiques marquent encore la limite de la chambre protoplasmique. Ce qui nous a frappé le plus dans cette espèce, c'est la chromatophilie différente des cultures ; dans les pre- mières récoltes, le cytoplasme, d'après nos notes, se colo- rait en bleu par le picro-carmin et l'hématoxyline ; il était abondant et formait un réticulum à mailles fines ; le chro- matophore et le pyrénoïde conservaient une teinte rou- geâtre ; le pyrénoïde était gros et nettement délimité. Dans les cultures, les zoospores ont diminué de volume et le cytoplasme ne prenait plus qu'une teinte rougeâtre. Finalement, nous avons eu des végétations sous l'eau dans lesquelles tous les éléments cellulaires, sauf le noyau, étaient devenus achromatiques ; c'est surtout le cyto- plasme qui, dans nos préparations, se montrait le plus rebelle à l'action des réactifs colorants; le pyrénoïde, un peu rougeâtre, était mal délimité, et nous l'avons vu plu- sieurs fois sous la forme singulière d'un peloton composé de petits bâtonnets. ; 4" ChlcLmydomonas ovata sp. nov- Cette espèce pourrait être placée dans les Çhlorogo-- niura; elle conserve la structure des gamètes de ce der^ 6 146 P. -A. DANGEARD nier genre; le contour du corps est ovale fusiforme et la copulation ressemble beaucoup à celle qui a été décrite par France dans les Chlomgonium. Il est certainement difTicile d'établir une limite entre les deux genres : déjà Knut Bohlin a décrit (45) sous le nom de Chlorogonium tetragamum, une espèce qui n'a qu'un pyrénoïde; elle ne possède que deux vacuoles con- tractiles se rapprochant ainsi des Chlamydomonas ; la formation de l'œuf et sa structure diffèrent assez sensible- ment de ce que l'on connaît dans les Chlorogonium. Le Chlamyclomonas ovata se trouvait dans une mare aux bestiaux, à Ségrie, Sarthe ; l'eau était assez fortement chargée de matières organiques ; les zoospores se tiennent à la surface ; elles sont excessivement agiles et délicates. La zoospore est allongée en navette ; sa membrane est très mince. Les deux flagellums ont une longueur un peu inférieure à celle du corps; ils s'insèrent sur une petite papille qui n'est pas toujours visible ; à leur base, se trouvent deux vacuoles contractiles ; le stigma est disci- forme et situé un peu au-dessus du pyrénoïde qui est cen- tral. Structure de la cellule. — Le cytoplasme s'étend géné- ralement de l'avant à l'arrière, en cordon ou en couche pariétale; il renferme, au-dessous des vacuoles contracti- les, un nombre plus ou moins grand de petites granula- tions réfringentes qui se colorent un peu par l'héma- toxyline. Le noyau, qui possède la structure ordinaire, se trouve soit à la partie postérieure du corps, soit vers le centre. Le chlorolcucite a lui-même une forme variable, ainsi que l'indiquent les figures ; le pyrénoïde est central (fig. 17, A, B, C, D, E). Reproduction asexuelle. — 'Il est difficile d'observer la formation des sporanges dans cette espèce. Nous avions déjà rencontré à Poitiers plusieurs fois des zoospores ana- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÊES 147 logues, dans des cultures. Nous avions même dessiné quel- ques sporanges, sans être certain de leur origine. Les zoospores ont en effet la structure des gamètes de Chloro- gonium, et une confusion était facile. Nos dernières cul- tures ont définitive- ment tranché la ques- tion : il s'agit bien d'une espèce autono- me. Les sporanges don- nent deux (fig. 17, F)j quatre ou huit zoos- pores ; nous n'avons pas suivi la division du noyau; aussi, mal- gré les apparences , hésitons-nous à affir- mer que la première bipartition est longi- tudinale ; au stade quatre, les zoospores peuvent être disposées en croix ou rangées presque parallèlement (fig. 17, H); leur pyré- noïde est visible. Au stade huit, la cellule-mère a aug- menté sensiblement de volume et elle est arrondie. Le sporange s'entoure quelquefois de gélatine : nous en avons trouvé un ayant deux cellules, qui montrait une en- veloppe très épaisse à stries concentriques (fig. 17, G). " Reproduction sexuelle. — Nous n'avons pu établir au- cune différence entre les sporanges ordinaires et lesgamé- tosporanges. Les gamètes sont un peu plus petits que les zoospores ; le chloroleucite et le protoplasma forment Fig. 17. — Structure et développement du Chlamydomonas ovata sp. nov. (Gross. 1000.) 148 P.-A. DANGEARD deux bandes parallèles ; le noyau est postérieur et le pyrénoïde médian; le point oculiforme est situé. sous la membrane, du côté du chloroleucite. Les deux gamètes se réunissent par l'extrémité antérieure : la fusion s'opère peu à peu ; le protoplasnia se retire graduellement de l'extrémité postérieure du corps ; finalement les deux ga- mètes abandonnent complètement leur membrane et se confondent en une sphère à quatre fiagellums (fig. 17,1, J, K, L, M, N, 0). L'œif ainsi formé (fig. 17, P) conserve encore quelque temps ses deux chloroleucites distincts, pendant que s'opère la fusion des noyaux. La copulation des gamètes, lorsqu'elle est commencée, peut ne durer que quatre ou cinq minutes ; parfois, elle s'effectue beau- coup plus lentement. GENRE CARTERIA On range maintenant dans le genre Carteria, les Chla- myclomonas à quatre fiagellums ; c'est une distinction commode. Il est bon de faire remarquer toutefois qu'elle ne tient pas compte des différences de structure interne qui peuvent se présenter. En effet, dans chacun de ces genres, les diverses espèces présentent des différences d'organi- sation très grandes, alors que d'un genre à l'autre, pour diverses espèces, il y a, sauf en ce qui concerne le nombre des fiagellums, similitude complète d'organisa- tion. 1° Carteria cordiformis Carter. C'est une espèce dilUcileà cultiver : elle s'est rencontrée dans des cultures renfermant d'autres Chlamydomona- dinées; nous l'avons vue ensuite disparaître rapidement ; enexaminant des matériaux fixés, il nous est arrivé de ren- contrer de temps en temps des individus que nous avons étudiés. Structure de la cellule. — Les ^oospores ont la forme MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 149 caractéristique qui a valu à l'espèce son nom spécifique ; les quatre flagellums partent du fond de l'échancrure, et à leur base, se trouvent deux vacuoles contractiles ; le stigma est disci forme et situé vers le tiers antérieur du corps ; le chromatophore est en cloche et le pyrénoïde gros et arrondi. A ces renseignements, nous pouvons en ajouter quelques autres (fig. 18, A,B, C, D). On peut délimiter exactement, au moyen des doubles colorations, le proto- plasma et le chromatophore : le protoplasma occupe la chambre antérieure, souvent très réduite, il est presque homogène; le chromatophore, qui est massif, forme, en général, plus des deux tiers du volume total du corps ; il estalvéolaire, chaque alvéole renfermant un grain d'ami- don; dans certains individus, le protoplasma envoie des trabécules qui traversent irrégulièrement le chromato- phorejusqu'à la membrane ; une autre disposition assez fréquente est celle qui est représentée (fig. 19, C) ; le proto- plasma se prolonge de chaque côté en cloche.- Reproduction asexuelle. — Au moment de la reproduc- tion, le corps s'élargit dans le sens transversal; le pyré- noïde s'allonge beaucoup dans le même sens en diminuant de diamètre, et le noyau entre en division. Le fuseau achro- matique est perpendiculaire à l'axe. Nous n'avons ren- contré, à cette première bipartition, que le stade tonnelet (fig. 18, E), ce quinenousapas permisdecompterlenombre des chromosomes. Lorsque les noyaux-filles sont recons- titués, le chromatophore s'échancre et une ligne de division va de l'avant à l'arrière : la séparation définitive se produit s'il s'agit d'un sporange à deux zoospores ; et dans chaque noyau, un nouveau nucléole se montre et grossit. Mais une seconde bipartition peut suivre la pre- mière ; dans ce cas, les noyaux n'ont pas de nucléole; on voitseulementun certain nombre de granulations chroma- tiques (fig. 18, F, G) ; cette seconde division se fait, comme la première, suivant le mode indirect. Nous avons ren- lôO p. -A. DANGEARD contré à cette phase du développement le stade de laplaque équatoriale (fig. 18, I, J) y les chromosomes sont très petits, un peu allongés dans le sens de l'axe : nouspensons qu'il y en a tout au plus une douzaine ; le stade ton- nelet n'offre rien de particulier (fig. 18, K) ; mais on voit que les deux fuseaux achromatiques peuvent être à peu près parallèles ; cette seconde division du corps est longi- FiG. 18. — Structure et développement du Car ter ia cordi formes. (Gross. 900.) tudinale ; elle est en même temps perpendiculaire à ia première ; des déviations peuvent aussi se produire, lorsque les fuseaux achromatiques se croisent (fig. 18, J). Toutes les cellules-mères n'étaient pas cordiformes dans nos préparations : certaines avaient un contour elliptique ; quelques-unes possédaient des pyrénoïdes, d'autres en étaientdépourvues ; à propos du pyrénoïde, un de nos dessins le montre ayant une apparence striée comme dans certains Chlamydomonas (fig. 18, H). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 151 2" CcLvleria multifîlis Fres. Cette espèce a été décrite en 1856 par Fresenius qui en donna une bonne description pour l'époque (1); sa reproduction sexuelle fut découverte plus tard par Rosta- finski qui indiquâtes caractères des gamètes et leur mode de copulation (2). Tandis que les individus asexués sont produits par deux ou par quatre dans la cellule-mère, les gamètes sont en général au nombre de huit dans le sporange ; ces derniers, désignés sous le nom de micro- gonidies, diffèrent, d'après Rostafinski, des zoospores ordinaires par leur taille plus faible, l'absence de va- cuoles et par leur extrémité antérieure incolore ; c'est par cette partie antérieure incolore que les microgo- nidies effectuent leur copulation par deux : il en résulte une zoospore ayant huit flagellums et deux points oculi- formes; bientôt les flagellums disparaissent et la zoospore se transforme en une spore de repos ; les gamètes qui co- pulent sont de même grosseur ou de taille différente; elles peuvent provenir d'une même cellule-mère. Plus récemment cette espèce a été étudiée très complè- tement par Goroschankin (3). Les zoospores ont le corps plus ou moins ovale ; quelquefois il est arrondi : la lon- gueur oscille entre 9 et 16 p.. La membrane est mince et adhérente : il n'y a pas de papille proprement dite; mais le protoplasma se prolonge en une petite pointe qui porte les quatre flagellums. Le chromatophore a la forme d'une coupe: il limite une chambre antérieure peu développée qui renferme le protoplasma ; le pyrénoïde est arrondi et (1) Fresenius : Beitrâge zur kenntniss mikroskopischer Organismen. (Abt. der Senkerbergischen Gesellschaft, 1856.) (2) Rostafinski : Beobac^/ungen iïber Paarung der Schwarmsporen (Bot. Zeit., 1871.) (3) Goroschankin: Beitrâge zur kenntniss der Morphologie und Syst. der Chlamydomonaden, II, p. 24-30. 152 P.-A. DANGEARD relativement très gros ; le point oculiforme, de couleur rouge, est situé sous la membrane, vers le tiers antérieur du corps ; il est hémisphérique. Le noyau nucléole est plus petit que le pyrénoïde : on peut l'apercevoir sans l'aide d'aucun réactif ; au-dessus du noyau, se trouvent deux vacuoles contractiles. La reproduction asexuelle n'offre rien de particulier. La reproduction sexuelle se fait par des gamètes qui nais- sent par huit, plus rarement par quatre dans chaque cellule-mère ; leur grosseur varie beaucoup : la longueur est ordinairement de 7 à 9 |Lf. ; leur structure ressemble à celle des individus ordinaires, sauf l'absence d'une mem- brane. Pendant la copulation, les gamètes s'unissent par la partie antérieure incolore, ainsi que l'a décrit Rosta- finski,mais la marche générale de la fusion s'écarte en général assez sensiblement de celle du Pandorina Morum auquel on l'a rapportée. Goroschankin, sauf dans trois ou quatre cas, a vu, pendant la copulation, le protoplasma se retirerdela partie postérieure du corps dans chaque ga- mète ; les deux éléments sexuels, ayant ainsi abandonné leur enveloppe, s'unissent en une zoospore à huit flagel- lums ; celle-ci nage quelque temps, perd ses flagellums et se recouvre d'une enveloppe; l'œuf grossit et sa mem- brane se différencie en trois couches dont la moyenne incolore est plus épaisse ; il se produit ensuite un pigment rouge et une grande quantité d'amidon qui masque le noyau et les deux pyrénoïdes ; la dimension de ces œufs est de 12 à 16 fj.. La germination des œufs, dans les conditions favorables, se produit déjà au bout de trois ou quatre semaines ; ils donnent naissance à quatre ou huit cellules vertes qui sont contenues à l'intérieur d'une vésicule formée par la membrane interne de l'oospore. Les formations palmelloïdes sont faciles à obtenir; on peut rencontrer des agglomérations de gélatine renfermant MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 153 des cellules qui sont alors allongées ; la membrane com- mune des colonies se liquéfie facilement et la limite n'est souventindiquée que par une rangée de particules solides qui adhérente cette surface. Lacolonie comprend une quan. tité d'enveloppes ayant chacune huit cellules, à côté des- quelles d'autres n'en possèdent que quatre. Une propriété caractéristique de ces formations palmelloïdes consiste en ce que les cellules vertes conservent très longtemps leur pyrénoïde, leurs vacuoles et leur point oculiforme. Structure delà cellule. — Comme dans les espèces pré- cédentes, nous avons essayé de déterminer la limite exacte entre le protoplasma et le chromatophore ; nos observations ont porté sur des récoltes différentes etleurs résultats indiquent que la structure du corps est suscep- tiblede variations assezétenduesque nousallonsindiquer. La description de Goroschankin doit être modifiée : ainsi la membrane du corps est loin d'être toujours très mince, « sehrdiinn », chez les individus asexués ; dansune de nos récoltes, les zoospores, qui étaient sphériques pour la plupart, étaient recouvertes d'une épaisse mem- brane (fig. 19, A, C) ; on pouvait même souvent arriver à distinguer, dans cette membrane, des stries concentriques : sur beaucoup d'individus vivants, la surface du corps se montrait parsemée, au contact immédiat de la paroi, de nombreux petits granules réfringents disposés en stries régulières ; dans les générations qui ont suivi, la mem- brane a repris peu à peu sa minceur ordinaire (fig. 19, B, D). Le mode d'insertion des flagellums est décrit d'une ma- nière différente par Goroschankin et Dill ; le premier les fait partir tous les quatre du même point de la papille : le second conteste l'exactitude de cette description et, d'après lui, ils sont insérés par paires à droite et à gauche de la papille. Nous avons tenu à élucider ce point particulier ; les quatre flagellums sont insérés sur la 154 P.-A. DANGEARD papille ; cela se voit surtout bien lorsqu'on est arrivé à faire contracter le protoplasma à la partie antérieure du corps; il n'adhère plus alors à la membrane que par un point qui correspond à l'insertion des flagellums (fig. 19,C). Lorsqu'on veut, par le moyen des doubles colorations, déterminer les limites du protoplasma et du chromato- phore,on se trouveen présence de difficultés assezgrandes. Dans les ^ros individus à membrane épaisse dont nous avons déjà parlé, le corps est bourré de granules d'ami- don ; il y a un gros noyau nucléole qui s'appuie directe- mentsur lepyrénoïde ; au lieu d'être exactement sphérique, ce noyau est aplati du côté où il touche à la couche d'ami- don quirecouvrele pyrénoïde: toute la substance nucléaire se colore en rouge, si l'on a employé le picro-carmin et rhématoxyline ; la coloration du nucléole est simplement plus foncée. Le protoplasma qui entoure le noyau est peu abondant et, comme ici, il reste à peu près incolore ; il est impossible de le séparer nettement de celui du chro- matophore ; ce n'est que dans l'intervalle qui sépare la papille, du noyau, qu'on peut voir une sorte de substance homogène peu abondante qui se continue avec le pro- toplasme des flagellums ; tout le reste du corps qui re- présente le chromatophore est gorgé d'amidon. Dans d'autres cultures, surtout dans celles qui produisent les gamètes, le protopla?ma redevient plus abondant ; il se montre en même temps plus sensible aux réactifs, de sorte qu'on peut alors délimiter la chambre antérieure (fig. 19, B), comme nous l'avons fait pour d'autres espèces. Reproduction asexuelle. — Nous n'avons pas vu de divi- sions indirectes dans les sporanges : mais certains grou- pements nucléaires quaternes semblent indiquer que la division se fait, comme dans le Carteria cordiforniis, par deuxdivisions longitudinales perpendiculairesentreelles ; il se produit une déviation comme dans le Ch. Monadina, et finalement les deux couples, à l'arrangement définitif MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 155 dans le sporange, sont placés perpendiculairement l'un à l'autre (fig. 19, E). Reproduction sexuelle . — Rostafinski a décrit dans la reproduction sexuelle des gamètes qui s'unissent sans abandonner leur enveloppe ; d'après Goroschankin, au contraire, presque toujours les gamètes quittent leur enveloppe pour la copulation ; mais ce dernier savant laisse indécise la question de savoir laquelle des deuxdes- FlG. 10. — Structure des zooapores de Carteria viultifilis ; copulation des gamètes. criptions répond à la reproduction sexuelle normale; il se demande s'il n'a point eu affaire à une fécondation retar- dée. Les nombreuses copulations que nous avons eu l'oc- casion d'observer répondent pour la plupart au type signalé par Goroschankin ; les gamètes s'unissent par la partie antérieure et ils se balancent ainsi souvent plu- sieurs heures avant de présenter aucune trace de soudure des protoplasmes (fig 19, F) ; puis le protoplasma com- mence à se retirer lentement de l'extrémité postérieure du lo6 P.-A. DANGEARD corps ; à la partie antérieure, l'union se fait; si l'intervalle de séparation est trop grand, l'une des zoospores prolonge son extrémité antérieure en une papille qui va à la ren- contre de l'autre (fig. 19, J) ; parfois, le contenu de l'un des gamètes est sorti presque entièrement de son enveloppe, alors que l'autre gamète n'offre encore aucun changement. D'après Goroschankin, les deux gamètes étant unis, il se produit une proéminence latérale qui porte les huit flagellums; on y aperçoit les deux noyaux et les vacuoles contractiles ; le corps des deux gamètes se recourbe en sens inverse. Les protoplasmes quittant la partie posté- rieure de chaque gamète s'unissent en une zoospore arrondie qui s'échappe de la membrane commune à l'en- droit delà proéminence. Dans les nombreux cas observés par nous, il en était un certain nombre dans lesquels les membranes des zoospores restaient distinctes Tune de l'autre et étaient abandonnées séparément à droite et à gauche (fig. 19, H). La disposition du protoplasma et du chromatophore dans les zoospores qui sont à l'intérieur de la cellule- mère, n'est pas celle qu'ils auront plus tard ; le proto- plasma est en forme de croissant, et il occupe la partie antérieure et interne du corps (fig. 19. E); ce n'est que plus tard que le chromatophore prend sa forme définitive en clo- che ou en coupe ; nous avons rencontré exceptionnellement des zoospores qui conservaient la disposition primitive; le protoplasma constituait une bande latérale et le noyau se trouvait descendu au niveau du pyrénoïde ; à la partie inférieure du corps, se trouvait un petit amas protoplas- mique isolé (fig. 19, D). Il nous reste une dernière remarque à faire à propos des sporanges ; il arrive fréquemment que, dans chaque couple, les deux zoospores sont orientées en sens inverse ; c'est une disposition que nous avons rencontré: normale- ment dans le ChlsLiiiydomonas Dilll. DEUXIEME PARTIE Les algues que nous venons d'étudier dans la première partie de ce mémoire sont unicellulaires ; en donner une description complète aux divers stades de leur existence, c'est faire l'histoire de la cellule ; on touche à toutes les questions les plus importantes d'Histologie proprement dite. Le développement d'un Chlorogonium ou d'un Chla- mtjdomonas reproduit en miniature celui d'un organisme supérieur ; en le suivant dans tous ses détails, on est forcé d'aborder la plupart des problèmes de Biologie générale. Nous adopterons, dans cet exposé, l'ordre suivant : Chapitre I: Eléments de la cellule. Chapitre II : Division du noyau. C/ia25iire ///; Reproduction de la cellule. CHAPITRE 1 ÉLÉMENTS DE LA CELLULE Ces éléments sont au nombre de trois dans une cellule de Chlorophyte : 1° le cytoplasme ; 2° le chromatophore ; 3" le noyau. ^ i° LE CYTOPLASME Le cytoplasme est l'élément fondamental, celui qui tient directement sous sa dépendance la vie de la cellule : 158 p. -A DANGEARD les autres formations cellulaires ne sont que des diffé- renciations de cette substance en vue de fonctions spéciales. A) Disposition du cytoplasme. Le cytoplasme affecte, dans la cellule des Chlamydomo- nadinées, des dispositions variées dont il est utile de ca- ractériser les plus fréquentes. Dans beaucoup de genres et d'espèces, le cytoplasme forme un cordon pariétal, dirigé suivant l'axe de la cellule [Chlorogonium euchlorum, Cercidium elongatwn,Chlamy- domonas Dilli, C. o'^afa, etc.) ; il peut donner naissance à des trabécules simples ou ramifiés qui, en général, res- tent au contact de la membrane; quelquefois cependant, certains de ces trabécules traversent le chromatophore dans toute son épaisseur ; ce cordon se renfle, en son ni- lieu, dans les Chlorogonium et les Cercidium ; le noyau se trouve logé dans ce renflement. Le cytoplasme forme, dans d'autres espèces, un axe central qui, partant de l'extrémité antérieure du corps, s'é- tend plus ou moins loin vers le bas. Dans le Chlamydomo- nas M onadina, il est très gros et atteint presque l'extrémité postérieure de la cellule; vers le milieu du corps, au mi- veau du pyrénoïde, on remarque une sorte d'étranglement, dans lequel est situé le noyau. Généralement, l'axe cyto- plasmique est moins développé ; il ne dépasse guère la moi- tié ou le tiers antérieur de la cellule {Carteria multiflUs^ C. cordiformis, Chlamydomonas Reinhardi, etc.) ; le cyto- plasme semble alors enfermé dans une sorte de chambre limitée par le chromatophore. Nous avons rencontré quel- quefois des trabécules partant du cytoplasme et traversant le chloroleucite dans toute son épaisseur, pour atteindre la membrane : cela est assez fréquent dans le Carteria cordiformis, iplus rare dans le Chlamydomonas Monadina, ; A côté de ces deux dispositions principales^ il en existe MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONA.DÎNÉES 159 quelques autres qui se rencontrent moins souvent ; elles méritent cependant d'être signalées. Dans le Phacohis lenticularis, le cytoplasme forme une sorte de calotte à la partie antérieure de la zoospore ; mais quelquefois, l'un des bords se continue sous la paroi jusqu'à l'extrémité postérieure du corps ; la disposition est alors à peu près celle que nous avons mentionnée dans les Chlorogonium et le ChlamydomoricLS Dilli. Dans les espèces qui précèdent, la disposition du cyto- plasme montre bien quelques variations du type général qui leur est propre, ainsi qu'on a pu s'en assurer dans la première partie de ce travail ; mais, dans aucune, ces variations ne sont aussi nombreuses que dans le Chlamy- domnoas variabilis. Quelques zoospores possèdent une chambre antérieure presque aussi développée que celle du Ch. Monadina ; d'autres, plus nombreuses, ont leur cytoplasme refoulé à la partie postérieure du corps ; de cet amas irrégulier, situé sous la membrane, partent des trabécules qui traversent le chromatophore ; l'un d'eux se rend à la base des flagellums. Dans l'étude de la disposition du cytoplasme, il existe un facteur dont il faut nécessairement tenir compte : il s'agit de la nutrition holophytique. 11 résulte de nos observations qu'avec une nutrition holophytique intense, c'est-à-dire avec des cultures sou- mises à un éclairage forcé, la quantité de cytoplasme dimi- nue dans une très grande proportion. Le chloroleucite, par le fait du surcroît d'activité, augmente de volume ; non seu- lement il se remplit d'amidon, mais très vraisemblable- ment il fait des emprunts au cytoplasme qui se réduit et devient achromatique ; c'est surtout dans le Chlamydomo- nas Dilli que nous avons observé cette diminution du cy- toplasme : le noyau se trouvait reporté au contact direct de la membrane et on distinguait souvent àpeinequelques traces du protoplasme incolore qui» le long de la bande pa- 160 P. -A. DANGEARD riétale, reliait le noyau à la base des flagellums. Les choses se passent de la même façon dans le Chlaniydomonas varia- bilis, le Phacotus lenttcularis, et probablement dans toutes les espèces. D'un autre côté, une augmentation de cyto- plasme peut se produire dans la cellule soumise à un éclai- rage InsufTisant : la variété p du Chlorogonium euchlorum était restée quelque temps dans une bouteille de verre jaune ; c'est sans doute à cette cause qu'il faut attribuer la réduction du chloroleuciteet l'augmentation correspon- dante du cytoplasme : la disposition de ce dernier ne ré- pond plus alors à la description que nous avons donnée ; il forme une enveloppe continue autour du chloroleucite. En résumé, la distribution du cytoplasme et sa quantité sont sous la dépendance de la nutrition. La nutrition holophytique, favorisant le chloroleucite, détermine une diminution du cytoplasme qui perd en même temps ses propriétés chromatophiles. La nutrition superficielle s'effectuant au travers de la membrane, aux dépens des substances organiques dissoutes dans l'eau, amène une augmentation de volume du cytoplasme. Dans la nature, l'équilibre s'établit entre ces deux nutritions, car la zoospore règle elle-même son éclairage ; dans les cultures qui ont lieu dans des soucoupes ou dans des cuvettes de moyenne grandeur, la zoospore n'a pas le moyen de se préserver de l'action des rayons lumineux, lorsqu'elle devient trop intense ou trop prolongée. On doit tenir compte également, dans l'étude de la dis- position du cytoplasme, du fait que des trabécules proto- plasmiques précèdent toujours l'apparition des cloisons ; il en résulte que la distribution du cytoplasme dans les cellules-mères est souvent différente de ce qu'elle était dans les individus ordinaires. De même, le cytoplasme, dans les jeunes zoospores, immédiatement après la divi- sion, est loin d'avoir toujours la situation qu'il occupera dans la zoospore adulte. MEMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 161 D) Structure du cytoplasme. La structure du cytoplasme, envisagée chez les ani- maux et les végétaux, a donné lieu à des divergences d'opinion considérables : avant de décrire ce que nous avons observé chez les Chlamydomonadinées, nous nous bornerons à indiquer sommairement quelles sont les principales théories en présence (i). La théorie réticulaire a de nombreux partisans qui admettent que le protoplasma est constitué, comme le squelette d'une éponge, par un réseau à mailles plus ou moins larges. Pour Heitzmann, le réseau est formé par de fins filaments anastomosés entre eux et contractiles ; les mailles du réseau sont remplies par une substance m )ins dense, semi-fluide ; pour Leydig, au contraire, le réseau de fibrilles ou spongioplasma n'est pas contrac- tile : c'est la substance homogène renfermée à l'intérieur des mailles qui possède cette propriété ; dans la théorie réticulaire, les points d'entre-croisement des filaments représentent les granulations protoplasmiques. Rutschli considère le protoplasma comme une sub- stance homogène criblée d'une infinité de petites vacuoles renfermant un liquide inerte; ces vacuoles, qui mesurent à peine 1 p- de diamètre, sont arrondies ou parfois polyédriques par pression réciproque. Flemming distingue, dans le protoplasma, une substance filaire ou mitome, composée par des filaments granu- leux ou des bâtonnets indépendants, le tout plongé dans une substance intermédiaire amorphe qui est le parami- tome. Nous arrivons à la théorie granulaire d'Altmann qui (1) Consulter Henneguy : Leçons sw la cellule. Paris, 1896, p. 31-62. — Hertwig : La cellule elles tissus, traduction Charles Juliii. Paris, 1894, p. 19-26. 7 162 P. -A. DANGEARD arrive, par des méthodes spéciales, à mettre en évidence dans les cellules des granulations qui sont tantôt isolées, tantôt réunies en filaments; il leur attribue le rôle d'or- ganismes élémentaires évoluant dans une substance fon- damentale indifférente et se multipliant par division ; ce sont des bioblastes. L'intérêt paraît se concentrer actuellement sur la théorie alvéolaire de Butschli et la théorie filaire de Flemming. Unna est arrivé à distinguer dans le protoplasma alvéo- laire des fibrilles différenciées, et Flemming, en discutant les résultats obtenus par Unna, s'efforce de concilier sa théorie avec celle de Butschli ; il admet qu'il existe une fine vacuolisation dans la substance décrite par lui sous le nom de masse interfilaire ou paramitome^ et que. dans les travées d'un système alvéolaire, il y a place pour un système de fibrilles (1). Strasburger, dans ses derniers travaux, admet pour le cytoplasme une structure alvéolaire et une structure filaire ; ces deux structures correspondent à des proto- plasmes ayant des propriétés et des fonctions différentes. Ce savant avait depuis longtemps distingué dans la cellule le « formatives cytoplasma » (2) ; plus récemment il le désigna sous le nom de kinoplasma. Le hinoplasma tient sous sa dépendance les mouvements de la cellule î il comprend le fuseau achromatique, le centrosome et les stries radiaires, les flagellums et la papille des zoospores, la partie antérieure du corps des anthérozoïdes et leurs cils vibratiles (3). A ces diverses parties, il faudrait encore ajouter, d'après des travaux plus récents, l'ecto- (1) Consulter : Ueber den Bau de Bindegewebezellen und Bemer- kungen ûber die sh-uctur der Zellsubstanz in allgemeinen. (Zeitschrift f. Biologie, Bd. xxxiv, 1897.) (2) Strasburger : Neue Untersuchungen ûber den Befruchtungsvor- gange bel den Phanerogamen, p. 108, 1884. (3) Strasburger : Histol Beitrdge, HeftIV. Schwarnisp., Gamelen, pflan- zliche Spermatozoiden und das Wesen der Befruchtung, 1892, p. 60, 131. MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES i63 plasme, la plaque cellulaire et, sans cloute aussi, la mem- brane nucléaire. La seconde partie du cytoplasme est le troplioplasme : il est le siège des phénomènes nutritifs de la cellule. Cette distinction a été adoptée par un grand nombre d'histologistes; les élèves de Strasburgerl'ont développée, complétée et généralisée dans une sétie de mémoires qu'il serait trop long d'énumérer ici : ces mémoires ont d'ailleurs paru réunis sous un titre commun (l). Le kinoplasme prend, sous l'action de la triple coloration de Flemming (safranine, gentiane, orange), une nuance violette, alors que le trophoplasme se colore en jaune ou en brun; la chose a été constatée par Harper dans les ascospores d'Erysipfie, par Osterhout dans les Equiséta- cées, par Mottier chez les Phanérogames, par Swingle chez les Sphacélariées, par Strasburger dans les Fucus, etc. (2). De ces divers travaux, une conséquence importante semble se dégager : le kinoplasme et le trophoplasme auraient une structure différente qui pourrait servir à les caractériser ; le premier montrerait une structure filaire et le second posséderait une structure alvéolaire; ainsi se trouveraient conciliées les deux théories de Flemming et de Butschli. Strasburger n'hésite même pas à abandonner les ex- pressions de kinoplasme et de trophoplasme, pour leur substituer celles de plasma filaire et de plasma alvéo- laire (3). Ces dernières sont employées dans la dernière édition d'un traité de Botanique bien connu (4). (1) Cytologische Studien aus dem Bonner botanischen Institut (Jahrb* fur wiss. Botanik. Bd. xxx, Heft 2 et 3, 1897). (2) CijlologischeStudien : loc. cit. (3) Strasburger : Die pflanzlichen Zellhâute (Jahrb. f. wissensch^ Botanik, Bd, xxx. Heft 4, 1898). (4) Strasburger, Noil, ISchenk et Schimper : Lehrbuch dur Botanik fur Hochschulen. léna, 1898. 164 P.-A. DANGEARD Dans la cellule au repos, on ne distingue en général que la structure alvéolaire; la structure filaire a disparu. On peut supposer que le cytoplasma filaire prend au repos une structure alvéolaire ; on peut également admettre que ses filaments serpentent dans les mailles du réseau alvéolaire. Ce qui rend sa distinction impossible dans ces conditions, c'est que les réactifs actuellement employés ne le différencient pas du plasma alvéolaire. Il y a cependant un exemple où le plasma filaire con- tinue à être visible dans la cellule au repos. Lorsqu'on examine, en effet, les grains de j ollen mûrs du Lilium Martagon, en employant la triple coloration de Flemming, on constate que le cytoplasme de la cellule génératrice se colore en violet, alors que celui de la cellule végétative prend une nuance brune. Strasburger croit avoir constaté que le premier a une structure filaire et le second une structure alvéolaire. La sensibilité du plasma filaire aux réactifs colorants, pendant la division du noyau et la bipartition de la cellule, s'accuse au moment où le nucléole se dissout; il est pro- bable que la reconstitution des nucléoles dans les noyaux- filles entraîne une diminution de volume de la masse filaire. Nous n'avons pas tous les éléments nécessaires pour nous faire une opinion arrêtée sur la valeur de ces diverses théories relatives à la structure du cytoplasme ; nous avons peine à croire, cependant, que les idées de Stras- burger et de ses élèves puissent être acceptées définitive- ment sans plus ample informé. Elles exigent la présence presque exclusive, dans toute cellule au repos, de cyto- plasme alvéolaire. D'après Butschli, les alvéoles sont des espaces clos de toutes parts ; elles renferment un liquide aqueux ; le diamètre des alvéoles est en général inférieur à 1 p.. Strasburger admet que les vacuoles prennent direc- tement naissance aux dépens des alvéoles. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES 165 Notre travail n'a pas, comme objectif principal, l'étude de la structure du cytoplasme ; nous avons employé presque exclusivement comme réactif fixateur l'alcool absolu ; la plupart de nos méthodes de coloration s'appli- quaient plus spécialement à l'étude du noyau ; nous pensons cependant que nos observations mettent en évidence une structure du protoplasma plus complexe et surtout plus variée qu'on ne tend à l'admettre. Il est arrivé assez fréquemment que le cytoplasme n'a présenté aucune différenciation appréciable (1) ; il semblait complètement hyalin et homogène, sans aucune trace d'alvéoles, de vacuoles ou de granulations ; il ressemblait à la substance qui constitue le fuseau nucléaire, sauf, bien entendu, la présence de stries achromatiques. Cette apparence s'est rencontrée autour du noyau dans les Chlo- rogonium, avant et pendant la division du noyau dans le Phacotus lenticularis, pendant la formation des zoos- pores, dans les trabécules épais qui indiquent les lignes de séparation des cellules-filles chez plusieurs espèces, etc. Comme ce cytoplasme était chromatophile, il est à peu près certain qu'un système d'alvéoles, même très délicat, ne serait point passé inaperçu. Nous admettons donc l'existence d'un cytojjlasme homogène. Mais il faut bien remarquer que le cytoplasme homo- gène n'est pas toujours chromatophile : il peut rester plus ou moins incolore sous l'action des réactifs. Nous en avons trouvé un très bon exemple dans une récolte de Carteria, raultifilis : chez toutes les zoospores, les quatre flagellums se continuaient directement sans transition avec la substance du cytoplasme qui occupe la partie anté- rieure du corps ; ce cytoplasme était dense et sans aucune trace de différenciation ; il y avait identité absolue, (1) Nous disposons cependant de deux excellents objectifs apochro- matiques de Zeiss. 166 P. -A. DANGEARD semble-t-il, entre sa constitution et celle des flagellums; le noyau était très distinct et bien coloré. Nous avons rencontré d'autres protoplasmes achroma- tiques, mais à un degré souvent moindre, en particulier dans le Chlamydomonas Dilli, lorsque les zoospores son^ soumises à un éclairage intense. r On peut donc distinguer, dans la cellule des Chla- mydomonadinées, un cytoplasme homogène qui est chro- matique ou achromatique, selon les circonstances. Lorsque, dans un Chlorogonium, on part de l'amas central homogène chromatophile qui entoure le noyau et s'étend à une distance plus ou moins grande, on assiste souvent à la formation d'un cytoplasme réticulé. En effet, des trabécules se détachent du cytoplasme homo- gène et se dirigent en s'amincissant et en se ramifiant vers les deux extrémités du corps ; c'est surtout à la partie antérieure que le phénomène s'observe avec le plus de netteté ; il s'agit bien là d'un réseau formé par des trabé- cules, ou des fibrilles plus fines ; on ne saurait songer un seul instant à un système clos d'alvéoles ; il est difficile d'autre part de supposer que les alvéoles existent dans les fibrilles elles-mêmes, car celles-ci peuvent être exces- sivement minces. L'une de ces fibrilles suit un trajet rec- tiligne en se détachant du réseau et elle se rend au nodule d'insertion des flagellums. En outre du cytoplasme homogène^ il existe donc dans la cellule un système réticulé. Nous avons retrouvé cette structure avec la plus grande netteté dans le cytoplasme en forme de croissant du Pha- cotus lenlicularis ; les mailles du réseau sont de grandeur variable, de forme polyédrique ; les rubans cytoplasmi- ques qui forment les cloisons sont homogènes, et peu colorables ; l'un d'eux se dirige en droite ligne à la base d'insertion des flagellums, et il est un peu plus sensible que les autres aux réactifs colorants ; nous avons vu MÉMOIRE SUR LES GHLA.MYD0M0NAD1NÉES 167 également un réticulum dans les premières récoltes de Chlamydomonas Dilli ; le cytoplasme qui le constituait était chromatophile et les mailles, très irrégulières, avaient des dimensions en général très faibles. 2o On peut donc distinguer dans la cellule des Chla- mydomonadinées un cytoplasme réticulé^ qui est chroma- tique ou achromatique selon les circonstances. La théorie réticulaire comprend deux sous-théories : dans l'une, le protoplasma serait composé d'un réticulum contractile, avec un contenu liquide non contractile ; dans l'autre, qui est soutenue par Leydig, Nansen, Griesbach, Schafer, le réticulum ne serait que le soutien non contrac- tile d'une substance contractile interposée entre ses mailles. Or, ici, le doute n'est pas permis ; le réticulum seul est constitué par du cytoplasme ; c'est lui qui se continue avec la substance contractile des flagellums ; c'est lui qui joue le rôle d'élément vivant dans la cellule ; nous avons vu comment le réticulum se forme aux dépens du cyto- plasme homogène dans les Chlorogoniur)i ; on peut assister dans le Phacotus lenticularis au phénomène inverse : les mailles disparaissent et le cytoplasme redevient homogène. La substance qui remplit les mailles n'est pas coagu- lable ; c'est de l'eau, ou du moins c'est un liquide aqueux ; on ne saurait lui attribuer un rôle actif ; ce n'est pas un élément vivant de la cellule. Il semble bien d'ailleurs que cette substance inter- médiaire n'est pas la même partout. Frend, Paladino, Schmidt, Ed. Van Beneden pensent qu'elle est semi-fluide : c'est le paraplasma. Carnoy et ses élèves la désignent sous le nom d'enchylema. Pabre-Domerg admet que, chez les Infusoires, le paraplasma a les mêmes propriétés chimiques que l'enchylème ou hyaloplasme. Les divergences de vue, dans la théorie réticulaire, por- 168 P. -A. DANGEARD tent donc d'une part sur l'importance du réticulum, et, d'autre part, sur la valeur de la substance contenue dans les mailles. Nous venons de dire que chez les Chlamydomonadinées, il existe un système réticulé dont le réseau est de nature cytoplasmique, alors que la substance contenue dans les mailles est un liquide inerte. Quelques observations faites sur la variété (3 du Chloro gonium euchlorum nous amènent à penser qu'un système réticulé peut avoir, dans certains cas, une autre significa- tion. Certains individus ont un cytoplasme chromatophile ; d autres possèdentun cytoplasme incolore ; quelques-uns présentent un mélange des deux ; ce sont ces derniers qu'il faut examiner. Le cytoplasme chromatophile dessine a l'intérieur du cytoplasme incolore un réseau d'aspect fort variable, formant ici des amas compacts, là se disper- sant en stries festonnées, ailleurs se ramifiant plus régu- lièrement. C'est la généralisation du phénomène que l'on observe à la partie antérieure du corps dans les zoospores ; le filet protoplasmique qui vient des flagellums est plus chroma- tique que le reste du cytoplasme ; il dessine une ligne co- lorée distincte, alors même que la substance qui f entoure devient coagulable et même légèrement chromatophile. 3° Nous admettons donc l'existence d'un second système réticulé formé par le mélange de cytoplasme chromato- phile et de cytoplasme incolore. On ne saurait évidemment être trop réservé dans une question oùily a presque autantd'opinions différentes que d'observateurs. Cependant on nous permettra de faire re- marquer qu'un certain nombre des exemples déstructure filaire pourraient peut-être se rapporter à un mélange de cytoplasme chromatophile et de cytoplasme incolore. D'un autre côté, il est bien certain que la distinction que MÉMOIRE SUR LES CHLÂMYDOMONADINÉES 169 nous venons de faire dans la structure réticulée n'est pas toujours facile à établir ; par le fait même de l'activité fonctionnelle de la cellule, le liquide des mailles peut renfermera un moment donné de nonibreuses substances qui proviennent soit de l'action des pepsines sur les albu- minoïdes, soit d'autres transformations chimiques ; dès lors, la densité et les propriétés de la substance intermé- diaire se modifieront et pourront se rapprocher de celle du cytoplasme lui-même. Nos observations sur la cellule des Chlamydomona- dinées ne nous permettent pas d'accorder une grande im- portance k \di structure granulaire d' Altmann. Les granulations que nous avons rencontrées dans les diverses espèces qui font l'objet de cette étude, appar- tiennent à plusieurs types différents. a) Le cytoplasme renferme dans sa masse des granu- lations excessivement petites, dont on ne saurait exac- tement fixer ni la taille, ni le volume ; c'est une sorte de fine poussière ; à la limite, il devient totalement impos- sible de décider si l'on a devant soi un cytoplasme homo- gène ou un cytoplasme granuleux ; cette indécision, nous ravoos éprouvée plusieurs fois avec certains individus de Chlamxjdomonas Monadina et aussi avec des gamétospo- ranges de Chlorogonium euchlorum\ mais il ne s'agit là, très probablement, que d'un simple précipité de substances protéiques provenant soit de l'action des réactifs, soit de l'activité nutritive. ti) D'autres granulations se rencontrent çà et là dans les cellules ; leur présence, si elle était générale, pour- rait être interprétée en faveur des idées d'Altmann.Ce sont, en effet, de petites sphères très régulières, pressées les unes contre les autres ; la grosseur est sensiblement égale pour toutes dans un même individu ; elles ont une réfringence un peu supérieure à celle du protoplasme. On peut les observer, à l'état vivant, dans les zoospores 170 P.-A. DANGEARD du Chlamydomonas ovata ; elles forment un amas plus ou moins large au-dessous des vacuoles contractiles, dans l'espace resté libre entre le point d'insertion des flagel- lums et le chromatophore ; nos notes portent qu'elles se colorent par l'hématoxyline. On retrouve des granula- tions semblables et au même endroit dans quelques-uns des gamètes du Chlorogoniv.m euchlorum. Chez les indivi- dus ordinaires de cette dernière espèce, le chloroleucite gêne l'observation directe ; mais si l'on traite des zoospo- res par l'iode, un certain nombre d'entre elles montrent nettement ces granulations, non seulement à l'avant, mais aussi à l'arrière, au-dessous du chromatophore ; elles se colorent en jaune pâle. Nous avions espéré un moment que laméthode d'Altmann nous permettrait de les retrouver un peu partout ; il n'en a rien été. Dans cette méthode, on colore avec une solution de fuchsine acide, chauffée jusqu'à production de vapeurs; on lave ensuite dans une solution alcoolique saturée d'acide picrique et additionnée de deux volumes d'eau distillée. Les pyrénoïdes, dans nos essais, ont pris une belle cou- leur rouge et ils se détachaient avec la plus grande netteté sur le fond un peu jaunâtre du protoplasma : mais les gra- nulations elles-mêmes, quoique visibles, ne se montraient nullement fuchsinophiles. Il est vrai que nos matériaux d'étude avaient été fixés à l'alcool absolu et non au mé- lange de bichromate de potasse à 5 0/0 et d'acide osmique à 2 0/0, comme le recommande Altmann. Nous ne pensons pas qu'il y ait lieu d'insister davantage pour le moment sur la théorie granulaire ; parmi les par- tisans de cette structure, certains, comme les frères L. et ' R. Zoja, n'attribuent pas aux granules un rôle aussi impor- tant que celui d'organismes élémentaires ou bioblastes ; ils se contentent d'admettre que ces éléments qu'ils dési- gnent sous le nom de -plasiidules fachsinojjhiles ont une fonction nutritive ; ils sont d'avis que le cytoplasme ren- MEMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 171 ferme d'autres éléments vivants à l'état figuré ou à l'état amorphe (1). Nousnous bornerons à les considérer, lorsqu'ils existent, comme un simple produit de la nutrition au même titre que les autres granulations qui nous restent à étudier. c) Ils'agit ici de véritablesglobules atteignant la grosseur des grains d'amidon ; nous les avons trouvés à l'intérieur du cytoplasme dans les zoospores et dans les sporanges du Chlamyclomonas variabilis. Sur les individus vivants, ils se présentent avec l'aspect de grains d'amidon ; mais l'action de l'iode leur communique simplement une teinte jaunâtre ; ils ne se colorent ni par l'hématoxyline ni par le picro-carmin ; ils sont entourés par le réseau cytoplasmi- que. Ce réseau est formé de cloisons minces : la structure alvéolaire qu'il possède est due à la présence de ces élé- ments figurés. Nous ignorons comment ces éléments se forment au sein du cytoplasme: ce sont probablement des dépôts de substance protéique mis en réserve. Il est à remarquer que le cytoplasme, dans beaucoup de sporanges, était à peu près complètement achroma- tique. d) On rencontre chez plusieurs espèces une substance de réserve qui s'accumule dans le cytoplasme àl'étatde glo- bules, degranules et de granulations. Ces éléments se co- lorent, comme la chromatine du noyau, avec l'hématoxyline et le picro-carmin: c'est pourquoi nous les avons désignés sous le nom de grains de chromatine ; on pourrait aussi leur appliquer le nom de grains fachsinophiles , à cause de leur afïiiiité remarquable pour la fuchsine. On sait qu'Erlich et ses élèves (2) ont montré qu'il existe à l'intérieur de beaucoup de cellules animales des granulations colorables : les unes éosinophiles, qui sont (1) Zoja L. e R. : Intorno ai plasLiduU eosinoflli (Meiïiorie del R. Inst. Lombordo di Se. e, L., XVI, 1891). (2) Consulter Henneguy : La. cellule, loc. cit., p. 233. 172 P.-A DANGEARD sensibles aux colorants les plus acides ; les autres am- 'phiphiles, qui, dans un mélange, retiennent à la fois le co- lorant acide et le colorant basique ; les granulations 6aso- philes se colorent par les réactifs basiques ; il existe également des granulations neutrophiles qui se colorent dans les réactifs neutres, tels que le bleu de méthylène ; enfin, une variété de granulations basophiles se distingue de la première, par une coloration différente. Baaucoup d'auteurs se sont occupé de ces éléme ts que Ton a rencontrés un peu dans tous les tissus animaux. Nicolas, étudiant des cellules glandulaires, a constaté que les granulations se colorent par la fuchsine acide ; Saint- Rémy qui a étudié ces grains fuchsinophiles dans les cel- lules chromophiles de l'hypophyse chez plusieurs verté- brés, admet qu'ils apparaissent dans le cytoplasme sous forme de fines granulations : elles grossissent en perdant de leur afïinité pour la fuchsine et disparaissent sans qu'on sache exactement de quelle façon. Le Chlamydomonas Monadina est, de toutes les Chla- mydomonadinées que nous avons étudiées, celle qui se prête le mieux à l'observation des grains fuchsinophiles, ou grains de chromatine. Sur des échantillons fixés à l'alcool absolu, il sufïit de faire agir quelques minutes une solution de fuchsineacide; on lave avec une solution concentrée d'acide picrique dans l'alcool. Si l'opération est bien réussie, on peut avoir des cellules dans lesquelles ces granulations sont colorées en beau rouge, à l'exclusion de tout autre élément cellulaire. En employant un mélange de fuchsine acide, d'orange G et de vert de méthyle, on arrive quelquefois à colorer en rouge le pyrénoïde et les granules, alors que le cyto- plasme conserve une teinte verte. Il est d'ailleurs plus pratique, pour étudier les grains fuchsinophiles, de se servir tout simplement du picro-car- min et de l'hématoxyline ; de la sorte, on obtient des pré- MÉMOIRE SUR LES CHLaMYDOMONADINÉES 173 parations durables, et les autres éléments de la cellule sont beaucoup mieux différenciés. Ces granules, dans le Chl. Monadina.sont situés dans le cytoplasme à la partie antérieure et à la partie postérieure du corps, au voisinage du chromatophoré ; ils sont sphé- riques ; leur grosseur est variable ; certains ont un dia- mètre de 2 f. ; d'autres sont beaucoup plus petits. Leur taille est souvent à peu près égale dans une même cellule. La substance qui les constitue est homogène; par ses di- verses réactions, elle semble être voisine de celle qui en- tre dans la constitution du pyrénoïde et du nucléole, avec quelques différences secondaires : ainsi son degré d'élec- tivité est encore plus grand que celui du nucléole. La présence de ces granules n'a rien d'absolument constant : quelques individus en ont une centaine envi- ron, peut-être davantage; d'autres n'en possèdent que quelques-uns ; certains en sont totalement dépourvus. Nous avons retrouvé des granules identiques dans le Chlorogoniumeuchlorura,\ovsde\B. formation des gamètes ; ils sont de plus petite taille ; leur présence sert à indiquer la direction des trabécules cytoplasmiques, alors même que ceux-ci sont indistincts du fait de leur ténuité ou d'une coloration insuffisante. On ne les trouve d'ailleurs que dans les jeunes gamétosporanges ; au moment de la sépa- ration des gamètes, ils ont complètement disparu. Aux deux espèces précédentes, il faut ajouter le Clila- mydomoyms variabilis. Ces grains, dont le nombre et la grosseur varient selon les individus, sont, dans les zoospores, fréquemment au contact de la membrane ; dans les sporanges, ils se trou- vent à la limite du cytoplasme. Ces grains dechromatine sont, pensons-nous, destinés à pourvoir aux besoins de la division : dans le Chlamydo- monas M onacUna, ils étdiient encoreabondants à la première bipartition du noyau ; ils avaient disparu dans les cellules- 174 P.-A. DANGEARD filles. Nous avons noté, comme un fait exceptionnel, l'existence de quelques granules clans de jeunes zoospores encore renfermées dans la cellule-mère. Notre opinion est encore confirmée par les observations faites sur les Chlorogonium. Ces grains disparaissent dans les gamétosporanges aux dernières bipartitions du noyau. Or le noyau, d'abord unique, donne naissance en très peu de temps à seize ou trente-deux noyaux-filles ; il est naturel de supposer qu'il a besoin d'utiliser une réserve abondante de chromatine, pour maintenir aux noyaux des gamètes une quantité suffisante de cette substance. C) Les flagellums. Les flagellums sont au nombre de deux dans la plupart des genres et des espèces ; il n'y a d'exception que pour les Carteria dans lesquels le nombre des flagellums est de quatre. Leur longueur est très variable; en général, elle est à peu près celle du corps lui-même ; parfois, cepen- dant, elle atteint le double, comme dans le ChlamydomO' 7ias variabilis et le Carteria, multifilis. a) Structure des flagellums. — Les flagellums ont un diamètre à peu près égal dans toute leur longueur ; tou- tefois, lorsqu'ils sont très longs, comme dans le Chlamij- domonas variabilis, ils s'amincissent sensiblement vers leur extrémité. L'étude des flagellums présente del'imporlance au point de vue des théories générales sur la structure du proto- plasma; elle montre mieux que toute autre considération les divergences qui séparent ces théories. Il y a d'abord à considérer un premier point : Quelle estlanaiu?^e des flagellums? On s'accorde assez généralement à penser que la sub- stance qui constitue les flagellums est plus ou moins voi- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 175 sine du cytoplasme. Ainsi Hertwig dit que « lesfiagellums consistent en une substance homogène, dépourvue de granulations et ressemblant, sous ce rapport, à de courts et minces pseudopodes formés exclusivement d'hyalo- plasme » (Ij. D'après Klebs, la substance des flagellums n'est pas identique avec le cytoplasme ; mais elle en est très voisine (2). Comme les flagellums prennent quelque- fois directement naissance, sous les yeux de l'observateur, aux dépens de pseudopodes (3), nous ne pensons pas qu'il soitmême nécessaire de faire la réserve indiquée par Klebs. 11 existe diverses sortes de cytoplasmes qui diffèrent par leur réfringence, leur densité, leur homogénéité, leur chromatophilie ; la substance qui constitue les flagellums n'est pas autre chose que l'une de ces variétés, caractéri- sée par sa faible réfringence et son peu d'électivité pour les substances colorantes. D'ailleurs, n'avons-nous pas vu, dans le Carteria multifilis, le protoplasme des flagel- lums se continuer sans aucune transition avec celui qui remplit la chambre antérieure ? Le second point est le plus difïicile à résoudre : Quelle est la structure exacte des flagellums ? Butschli (4), Klebs (5), Hertwig (6) ont admis que les flagellums étaient formés d'une substance homo- gène. Kunstler est d'un avis différent ; pour lui, les flagellums sont constitués par une série de nodules en chapelet, re- couverts par une membrane commune ; les nodules ou sphérules sont séparés par une matière intermédiaire. Cette interprétation fait partie d'une théorie sphérulaire (1) Hertwig : La cellule, traduction Julin, 1894, p. 73. (2) Klebs : loc. cit. (3) P.-A. Dangeard : Contribution à l'étude des oi'ganismes inférieurs (Le Botaniste, 2e série, p. 29-31). (4) Butschli: Protozoa (Bronn's Klassen and Ordnungen, 1889). (5) Klebs : loc. cit. (6) Hertwig : loc. cit. 176 P.A. DANGEARD sur la structure du protoplasme (I). Cette théorie a été modifiée profondément et plusieurs fois par l'auteur (2) ; dans un travail tout récent, ce savant essaie de la réunir et de la confondre avec la théorie alvéolaire de Butschli (3). Nous ne pouvons savoir exactement la valeur accordée actuellement par Kunstler à la striation des flagellums. « Il y a bien longtemps, dit-il dans son dernier travail, p. 198, que j'ai signalé l'aspect strié transversalement des flagellums en général, de sorte que ces filaments montrent une alternance de lignes sombres etclaires correspondant, sans doute, à une structure alvéolaire. » Plus loin, p. 210, on trouve l'observation suivante sur la structure du pro- toplasme : « Sans vouloir prendre ici une attitude définitive et affirmer l'existence et la réalité positive de ces faits de structure, ]e me contenterai d'indiquer quelques-unes des apparences que dévoile le microscope. » Dès l'année 1890, notre opinion était que faspect nodu- leux ou strié offert par les flagellums résultait du traite- ment employé pour les colorer (4) ; c'est aussi l'avis d'Alfred Fischer (5) qui s'exprime de la manière suivante : « Ihnen, wie Kunstler will, einen kornigen Bau zuzus- chreiben, liegt kein Grund vor. In Gegentheil sprechen aile angefûhrten Bedenken dafiïr, das die Kornchen nur in Folge ausserer Einwirkungen entstehen. » Nous exprimerions volontiers la même opinion au sujet (1) Kunstler : Delà constitution du p7' otoplasma (Bull. se. du Nord, t. XIV, 1882). — Contributioji à l'étude des Flagellés (Bull. soc. zool. de France, 1882). (2) Peytoureau : La constitution du protoplnsma d'après les travaux et l'enseignement de J. Kunstler, Bordeaux, 1891. (3) Kunstler : Observations sur le Trichomonas intestinalis (Bull. se. du Nord, t. XXXI, 1898). (4) P. -A. Dangeard : Contribution à Vétude des organismes inférieurs (Le Botaniste, 2e série, p. 47). (5) A. Fischer : Ueber die Geisseln einiger Flagellaten (Jahrb. fur wiss. Botanik, t. XXVI, 1894, p. 203). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 177 de la distinction en « flimmergiessel » et « peitschengies- sel » que Fischer, à l'exemple de Loffler (1), fait parmi les flagellums. Il se trouve que ceux du Chlorogonium eu- chlorum sont rangés parmi les « peitschengiessel » ; ils seraient munis de petites ramifications. Dans toutes les Chlamydomonadinéesque nous avons étudiées, les flagellums se sont montrés comme des fila- ments de cytoplasme homogène et non ramifié ; de plus, ce cytoplasme est achromatique. Il ne faudrait pas trop généraliser cependant : Kunstler avait remarqué dans les îisigeUums àxiTrachelomonas hispidaet deVOxyrrhismarina une sorte d'axe plus coloré ; il y distinguait même souvent de fins trabécules transversaux, divisant la fente axiale en parties assez courtes. J'ai retrouvé cet aspect dans les Trachelomonas ^ mais je n'ai pas vu de cloisons transver- sales : nous pensons que ces flagellums doivent être consi- dérés comme formés par un axe de cytoplasme homogène chromatophile entouré de cytoplasme incolore ; c'est une différenciation analogue à celle que nous avons signalée dans un des types de structure réticulée. b) Mode d'insertion des flagellums. — Les flagellums se détachent de la partie antérieure de la cellule, soit direc- tement, soit par l'intermédiaire d'une papille. Le plus souvent, ils se continuent simplement dans le cytoplasme après s'être réunis en un filet unique ; ce der- nier n'est visible que dans le cas où il est un peu plus chromatophile que le cytoplasme environnant ; on l'aper- çoit assez bien dans le Chlamydomonas variabilis, le Phacotus lenticularis, etc. ; on réussit parfois à le suivre jusqu'au voisinage du noyau. Déjà, dans le Phacotus, à l'endroit où les flagellums s'unissent dans le cytoplasme, il existe un petit renflement (1) Lùiïler : Bact. Ccnlvalbl 1889, VI, p. '215. 178 P. A. DANGEARD plus coloré que le reste ; chez les Chlorogoiiium, ce renfle- ment est devenu un petit nodule réfringent colorable; on doit se demander quelle est sa signification. La question des rapports des centrosomes avec la for- mation des cils vibratiles esta l'ordre du jour ; les travaux les plus récents tendent à prouver que les centrosomes tiennent sous leur dépendance, non seulement les mouve- ments qui se produisent à l'intérieur même de la cellule, mais aussi ceux qui déterminent le déplacement de cette cellule. Moore, Meves et Lenhossek ont vu, dans les sperma- tides des Sélaciens, de la Salamandre et du Rat, la première ébauche du filament axile de la queue du futur spermato- zoïde apparaître en rapport avec deux centrosomes situés à la périphérie de la, cellule ; les recherches récentes de Meves établissent que, dans les cellules séminales de différents Lépidoptères, il existe des filaments qui sont en rapport d'une part avec les centrosomes situés à la pèTiphérie de la. cellule et qui, d'autre part, se terminent librement dans la cavité ampuUaire (1). Henneguy a con- firmé et précisé sur quelques points les résultats annoncés par Meves ; il a reconnu également que dans les cellules à cils vibratiles bien développés, telles que celles des branchies des Lamellibranches, le renflement qui existe à la base de chaque cil se comporte, vis-à-vis des divers réactifs colorants, exactement comme un centrosome (2). En ce qui concerne les végétaux, il existe déjà un cer- tain nombre de travaux où la question se trouve soulevée, sinon résolue. En 1895, Belajeff remarqua dans les cellules spermato- gènes des Fougères la présence d'un corps colorable qui (1) Meves : Ueber Centralkôrper in mannlichen Geschlechtzellen von Schmelterlingen (Anat. Anzeiger, t, XIV, n" 1, 1897), (2) Henneguy : Sur le rapport des centrosomes avec les cils vibratiles (Comptes rendus, Acad. se. no 13, 28 mars 1898). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 179 s'étirait en un filament également très sensible aux réactifs, et placé à la partie antérieure de l'anthérozoïde ; dans une série de notes successives (1);, il a étendu depuis ces résultats aux Characéesetaux Equisétacées; il a mon- tré que chez les Fougères et les Equisétacées en parti- culier, les cils vibratiles prennent naissance sur ce corps. De son côté, Weber, étudiant la spermatogénèse des Zamîa., trouvait dans la cellule-mère un corps colorable qui vient se dérouler à la périphérie de la cellule-tille, pour constituer une bande spiralee à la surface de laquelle se développent des cils vibratiles ; il lui a donné le nom de blépharoplaste (2). Cet organe a été vu également par Hirase dans le Ginkgo biloba et par Ikeno dans le Cycas revoluta (3). Ikeno considère le blépharoplaste commeun centrosome qui augmente beaucoup de volume et donne insertion aux cils; s'appuyant sur ses travaux et ceux de Belajeff, il étend cette hypothèse à la spermatogénèse des Characées, Filicinées, Equisétacées, Cycadées et Ginkgoées (4). L'identité absolue des blépharoplastes et des centro- somes n'est pas encore complètement démontrée chez les végétaux ; la dernière note de Belajeff sur ce sujet (5) laisse la question en suspens. C'est dans ces conditions qu'il m'a paru intéressant de (1) Ces diverses notes sont indiquées dans l'historique de son travail, cité plus loin. (•2) Herbert J. Webber : Peculiar structures occuring in the Pollen- tube ofZamia (Botanical Gazette, vol. XXIII, no6, June, 1897).— The dé- veloppement of the anlherozoids ofZamia {Id. vol. XXIVjn» 1, July,1897). (3j Hirase : Notes on the attraction-sphères in the Pollen- cells of Ginkgo biloba (Bot. Mag., Tokyo, v. VIII, 1894). G. Ikeno and L. Hi- rase : SpermatozOids in Gymnosperms (Annals of Botany, XI, 1897). (4) J. Ikeno : Zur Zenntniss des sogenannten centrosomahnlichen horpers im Pollen schlauche der Cycadeen (Flora, Bd. 85, 1898, Heft 1). (5) Belajeff : Ueber die cilienbildner in den spermaiogenen Zellen (Berichte der deutschen botanischen Gesellschaft, Bd XVI, Heft 5, juin 1898). 180 p. -A. DANGEARD signaler le petit nodule d'insertion des flagellums chez le Chlorogoniwn euchlorum. Rien ne permet de le considérer comme un centrosome : il y a même contre cette assimilation des raisons qui semblent convaincantes. En effet, en attribuant à ce nodule la signification de centrosome dans le Chloro- gonium, il faudrait admettre que ces corpuscules devien- nent plus visibles après la division du noyau, ce qui est contraire à tous les précédents ; de plus, ce serait un centrosome sacrifié, puisqu'il est abandonné avec la mem- brane vide du sporange, lors de la sortie des cellules- filles ; il serait nécessaire, d'autre part, qu'il y eût, dans la cellule-mère, d'autres centrosomes pour présider aux di- visions nucléaires. On voit donc que, si le nodule d'insertion des flagel- lums est réellement, dans certains cas, un centrosome, ce dont il est encore permis de douter, sa signification n'est pas la môme partout. 2° LE CHROMATOPHORE. Le chromatophore tient une grande place dans la cellule des Chlamydomonadinées ; son volume est, en général, de beaucoup supérieur à celui du cytoplasme ; il est toujours coloré en vert ; c'est donc un chloroleucite. Les doubles colorations nous ont permis de le délimiter nettement dans toutes les espèces ; il possède une indivi- dualité bien marquée qui ne disparaît que dans les zygotes âgés : encore faudra-t-il de nouvelles recherches pour savoir ce qu'il devient exactementàce moment(l). Ajoutons que, dans la variété [5 du Chlorogoniwn euchlorum, il nous est arrivé de rencontrer quelques individus dans lesquels cet élément ne présentait aucune différenciation permet- tant de le séparer du cytoplasme. (i) Voir 3® chapitre. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 181 A) Disposition et forme du chloroleucite. La forme du chloroleucite est en relation directe avec celle du protoplasma, puisque le corps est rempli par ces deux éléments réunis. Lorsque le cytoplasme est disposé en une couche lon- gitudinale, placée directement sous la membrane, le chlo- roleucite constitue lui-même un gros cordon parallèle à l'axe ; il se trouve aminci au milieu dans les Chlorogo- nium.hQ cytoplasme subit à cet endroit un élargissement correspondant qui renferme le noyau. La variété p nous a présenté quelques modifications intéressantes ; dans cer- tains individus, le chloroleucite avait une forme ovale massive : le noyau se trouvait reporté vers le haut, et à son niveau, il y avait une légère dépression du chloro- leucite. Chez d'autres individus, le chloroleucite étant divisé en deux masses indépendantes, celle du haut était peu volumineuse et souvent arrondie, celle du bas était au contraire très développée ; le noyau se trouvait situé dans l'intervalle. Le Cercidium elongatum, qui possède un chloroleucite semblable à celui des Chlorogonium, présente parfois aussi des phénomènes anormaux ; les deux moitiés du chloroleucite se réduisent à un très faible volume ; un long trabécule les réunit : on voit très bien cette disposition sur le vivant. Dans le Chlaviydomonas DiHi, la couche cytoplasmique se recourbe à l'extréinité antérieure et à l'extrémité pos- térieure du corps, de telle sorte que le chloroleucite a une forme ovale et massive. Il en est de même dans le Lobo- monas Francei, avec quelques variations sur lesquelles il est inutile d'insister. Dans les exemples qui précèdent, le chloroleucite et le cytoplasme sont placés l'un à côté de l'autre ; parfois 182 P. A. DANGEARD même, le cytoplasme tend à entourer complètement le chloroleucite ; dans ceux qui vont suivre, c'est au con- traire le chloroleucite qui entoure le cytoplasme. Chez le Chlamydomonas Monadina, cet élément enve- loppe comme d'une calotte le gros cordon protoplasmi- que axial ; il s'épaissit vers le milieu du corps, au niveau du pyrénoïde et du noyau. On passe par des transitions ména- gées au chloroleucite en cloche, tel qu'il se rencontre dans les Chlamydomonas Reinhardi, C. angulosa, etc., et dans les Cavtevia multifllis et C. cordiformîs. Enfin, le chromatophore massif du Phacolus lenticularis et surtout celui du Chlamydomonas variabilis peuvent pré- senter des échancrures plus ou moins profondes pour recevoir une partie du cytoplasme et I3 noyau. B) Structure du chloroleucite. La structure du chloroleucite présente des modifications analogues à celle du cytoplasme ; elles ont surtout été étu- diées dans la variété [B du Chlorogonium euchlorum. Nous avons rencontré dans cette espèce des chloroleu- cites à substance homogène peu ou point chromatophile; chez d'autres individus, la substance chromatophile dessi- nait un réseau irrégulier sur un fond incolore; plus rare- ment, les mailles du réseau chromatique renfermaient un liquide aqueux. Cette constitution du chloroleucite correspond tout à fait à celle du cytoplasme , telle que nous l'avons décrite. Mais, si nous envisageons maintenant le chromatophore dans l'ensemble de la famille, nous constatons qu'il pré- sente des caractères communs assez nombreux; il s'agit alors de cellules ayant une nutrition holophytique nor- male. L'organe travaille ; il est le siège de transformations chimiques dont nous ignorons la nature exacte. Le rôle MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 183 de ce chloroleucite consiste à effectuer la synthèse de l'amidon sous l'influence des rayons lumineux. Si nous considérons le chloroleucite lorsqu'il est bourré d'amidon, sa structure est fort simple; il est constitué par un réseau alvéolaire dont les cloisons sont souvent très minces; chaque alvéole renferme un granule amy- lacé ; le protoplasme des cloisons est homogène et peu colorable. Dans ce cas, le chloroleucite possède donc une structure alvéolaire qui peut être d'une grande netteté, si les colorations sont un peu accentuées. En général, on distingue parfaitement le cytoplasme d'avec le protoplasma du chloroleucite : le premier est plus chromatophile que le second. Toutefois la distinction s'efface, lorsque les cultures restent longtemps exposées à la lumière ; le cytoplasme se raréfie et perd quelquefois son électivité pour les réactifs colorants ; le chloroleucite, par contre, augmente de volume, et il arrive à remplir presque complètement la cellule. Nous n'avons jamais rencontré d'amidon en dehors du chloroleucite, dans le cytoplasme; s'il s'en produit quel- quefois, le fait doit être assez rare. Le mode de formation de l'amidon à l'intérieur du leu- cite vert est encore entouré de la plus grande incertitude. La plupart des théories sur l'assimilation chlorophyl- lienne font intervenir une décomposition de l'acide carbo- nique; le carbone avec les éléments de l'eau donnerait l'amidon, alors que l'oxygène mis en liberté se dégagerait. C'est assez généralement l'aldéhyde formique (CH^O) qui est considéré comme un des termes transitoires de la formation d'amidon (Baeyer, Boussingault, Berthelot, Kékulé). On aurait d'abord : CO' + H-0 = COtP + 0^. L'aldéhyde formique par polymérisation donnerait un hydrate de carbone de la forme glucose: (COH^)^ = 184 p. -A. DANGEARD Enfin, par déshydratation, ce glucose fournirait l'ami- don : C'H'-0« — H*0 = C'^H*"0». Bokorny a même cherché à prouver expérimentale- ment que la transformation de l'aldéhyde formiqueen ami- don a lieu réellement par la cellule verte, en l'absence d'acide carbonique. L'oxyméthylsulfite de sodium se dédouble à une tem- pérature peu élevée en aldéhyde formique et en sulfite acide de sodium : CH- < qj^ = CIPO + SO'NaïI. Or, dans une atmosphère privée d'acide carbonique, en présence de la lumière, l'addition d'un millième d'oxymé thylsulfite, à une solution nutritive ordinaire, permet au Spirogyramajiiscula de former en peu de temps une grande quantité d'amidon ; le lot témoin auquel on n'a rien ajouté, ne présente aucun granule amylacé (1). Bach fait intervenir également l'aldéhyde formique dans la production d'amidon (2): cet aldéhyde formique résulterait de la décomposition d'un acide carbonique hydraté, selon la formule 3CO^H2 = 2C0^H' -+- H^O + C. Enfin, d'après Orato, l'anhydride carbonique CO-, péné- trant dans la plante, y serait en dissolution sous la forme d'acide orthocarbonique C(OH)\ On aurait alors production d'un phénol hexavalent d'après la réaction : 60(011)' = C«H''(OH)« + 60- + 6H=0. Ce phénol éprouverait une modification moléculaire qui le transformerait en glucose : C^'H«(OH)'' - CH'-O^. On doit se demander si le protoplasme ne joue point un rôle plus direct dans la formation de l'amidon. (1) Bokorny ; Ueber Starkebildung aus verschiedenen Stoffen (Be- richte derdeùtsch. bot. Gesell., 1888). (2) Bach : Contribution à Vétude des phénomènes chimiqwîs de lassi- milation de l'acide ca7'bonique par les plantes à chlorophylle (Comptes rendus, 1893), MÉMOIRE SUR LES CHLÀMYDOMONADINÉES 185 D'après Sachs^ il n'est pas impossible que certains prin- cipes constitutifs du protoplasme chlorophyllien prennent part à la formation de l'amidon et subissent à cet effet des dédoublements. « Cette possibilité acquiert quelque vraisemblance par ce fait que, dans de nombreux cas, la substance des grains verts diminue et finit par disparaî- tre au fur et à mesure que les grains d'amidon qu'ils ren- ferment s'accroissent (1). » Sachs admet d'ailleurs que le sucre est la matière première la plus prochaine d'où dérive l'amidon. Belzung est plus affirmatif (2). Selon lui, le chloroleucite naît, sous l'action proloplasmique, de la synthèse de matière amylacée et d'un complexe d'autres substances empruntées au suc cellulaire; inversement, il peut recons- tituer son hydrate de carbone générateur en se décompo- sant. L'amidon dérive de la décomposition des principes protéiques chlorophylliens, comme une gouttelette grasse procède d'un dédoublement du protoplasme ; c'est une sorte de sécrétion. Mais, en outre, un grain cVainidon, se déposant a Vintérieur d'une vacuole, peut être le point de départ d'un leucite. Dans les Chlamydomonadinées, à aucun moment de son existence, la cellule en multiplication n'est dépourvue do chloroleucite; nous n'avons donc pas à discuter son ori- gine; à chaque bipartition du corps, le chloroleucite se trouve lui-même divisé ; un trabécule cytoplasmique s'in- tercale entre les deux moitiés et marque la place de la cloison de séparation des cellules-filles. Nous avons vu que parfois des prolongements du cytoplasme ordinaire perforent le chloroleucite dans toute son épaisseur; nous ignorons s'il existe des cas analogues dans d'autres cel- lules végétales. (1) Sachs: Expérimental Physiologie, 1865, p. 337. ('2) Belzung : Marche totale des phénomènes amylochlorophylliens (Extrait du Journal de Botanique, 1895, p. 39). 186 P.-A. DANGEARD Nous ne voulons nullement mettre en doute les observa- tions de Belzung sur l'origine des leucites, dans les plantes qu'il a étudiées : mais nous croyons pouvoir dire que le leucite des Chlamydomonadinées ne peut prendre nais- sance dans une vacuole, aux dépens de grains d'amidon et de suc nucléaire. Les deux chloroleuciles qui prennent part à la formation de Tœuf conservent quelque temps leur individualité ; puis, la couleur verte disparaît, faisant place à un pigment jaunâtre ; la cellule se remplit de grains d'amidon serrés les uns contre les autres ; à ce moment, il devient dilïicile de distinguer les chloroleucites et de savoir s'ils se fusionnent comme le noyau ou s'ils res- tent distincts. Ce qui est certain, c'est que les chloroleu- cites qui apparaîtront à la germination de l'oeuf ne peu- vent être qu'une différenciation du cytoplasme général, soit que la distinction entre le protoplasme du corps et celui du leucite ait persisté, soit qu'elle ait momentané- ment disparu. Les grains d'amidon, à aucun moment, ne sont dans une vacuole commune; ils continuent dans l'œuf à être entourés d'une mince couche de protoplasma au contact. Le substratum des leucites de germination, s'il n'est pas distinct du cytoplasme proprement dit, con- tinue donc tout au moins à être formé par du protoplasme alvéolaire ; celui-ci pourra simplement augmenter sa masse en digérant les grains d'amidon et l'huile. En résumé, si lechloroleucite perd à un moment donné dans Tœuf son individualité, ce qui est encore douteux, le substratum des futurs chloroleucites de germination est toujours néanmoins dénature protoptasmique. Dans les Chlamydomonadinées, nous n'avons jamais rencontré de grains d'amidon dans une vacuole avec du suc nucléaire; le protoplasme est toujours au contact même du grain, qui se trouve ainsi logé dans une petite alvéole. Nous nous sommes servi, pour l'étude des grains d'ami- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 187 don, d'iodure de potassium ioduré et de teinture d'iode étendue d'eau. - Le premier de ces réactifs qui venait d'être préparé, laissait incolores tous les éléments de la cellule, sauf les granules amylacés et le pyrénoïde : la coloration qu'il fournit varie du jaune au jaune brun. Le second réactif a une action un peu différente : il colore en jaune le protoplasme et les granules prennent une couleur brun-foncé, noire ou bleue. D'une manière générale, les réactions sont irréguliè- res et varient, pour ces granules, non seulement dans des individus différents, mais aussi dans la même cellule. L'iodurede potassium ioduré, ne colorant pas le cyto- plasme et les noyaux, est très avantageux pour étudier la distribution des granules amylacés ; mais il ne peut servir ici à les distinguer de la dextrine ou du glyco- gène. Les plus gros grains d'amidon ont été rencontrés dans le Pliacotus lenticularis, le Chlainydoïnonas variabilis^ le C. Dilli et le Carteria. multifilis ; ils sont globuleux, de grosseur égale et remplissent la masse du chloroleucite : ils ne sont séparés que par des travées très minces de protoplasma homogène. Chez les Chlorogonium, les gra- nules amylacés sont moins nombreux en général, beau- coup plus petits et de taille inégale ; quelques-uns sont arrondis, d'autres sont allongés en courts bâtonnets ; ils sont plongés au sein d'un protoplasme assez abondant. Le Chlaniydomonas ovata possédait peu d'amidon et les grains étaient petits : les autres espèces présentaient des cas intermédiaires. Ces différences de grosseur et même de forme ne sont que relatives, puisque chez le Chlorogo- nium euchlorum les granules amylacés sont, dans l'œuf, beaucoup plus gros que dans les individus végétatifs ; leur forme est devenue uniformément globuleuse. 188 p.- A. DANGEARD La couche mince d'amidon qui recouvre les pyrénoïdes semble être le plus souvent compacte : son épaisseur est parfois inégale. Si nous nous demandons d'où vient l'amidon, nous som- mes d'accord avec Belzung pour y voir un produit dérivé du protoplasme et à ses dépens. On voit très bien, chez les Chlamydomonadiuées, par ce fait que l'orga- nisme est unicellulaire, que la formation de cet hydrate de carbone correspond aune diminution de la substance du chloroleucite et du cytoplasme lui-même {Chlamy- domonas variahilis, Clil. Dilli). On a formulé diverses opinions sur la structure des chloroleucites. Sphmitz leur attribue une structure réticulée (1) et Frommann pense que les mailles du réseau sont limitées par des fibrilles qui se croisent en tous sens : ces mailles sont arrondies ou polyédriques (2) : les angles du réseau sont renflés et se montrent comme des points plus sombres. Pringsheim décrivait le chloroleucite comme étant formé par une substance fondamentale spongieuse dont les lacunes irrégulières étaient remplies par le pigment chlorophyllien (3). Meyer admet aussi une sub- stance fondamentale incolore ; mais d'après lui la chloro- phylle se trouve sur des grains spéciaux, « grana », disper- sés en plus ou moins grand nombre dans la masse ; cette dernière opinion est admise par ZimmermannC4). Schwarz a fait de nombreuses observations sur les chloroleucites : il en conclut que leur substance se compose de chloro- plastine insoluble dans les alcalis et le suc gastrique et (1) Schmitz : Beilrà'je zur henntniss der Chromatophoren (Jahrb. f. w. Botanik, 1884, Bd. XV, p. 173). (2) Frommann : Beobschlungen ûber struhtur und Bewegungers des Protoplasmas der Pflanzenzellen, ISSO, p. 6. (3) Pringsheim : Ueber Lichlwirkung und chlorophyllfunclion in der Pflanze (Jahrb. fur. wis. Botanik, Bd.XlI, p, 313). (4) Zimmermann: Die Botanische mikrotechnih, Tubingen, 189-2, p. 199. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 189 de métaxine soluble dans l'eau. La chloroplastine cons- titue des filaments dispersés plus ou moins parallèlement et réunis par une substance intermédiaire qui est la métaxine: il n'y a point de véritable réseau. Les fibrilles ne sont pointuniformément imprégnées de chlorophylle ; elles renferment des vacuoles et des sphères qui ont une couleur verte plus intense et sont identiques aux grains de Meyer ; la substance intermédiaire ne paraît pas con- tenir de pigment (1). D'après l'ensemble de nos observations sur les Chla- mydomonadinées, le chloroplasme se comporte exacte- ment comme le cytoplasme : nous avons vu que chez les ChlorogoniurrLy il s'est montré homogène, réticulé ou vacuolaire ; ordinairement peu sensible à l'action des réactifs nucléaires, il est parfois cependant chroma- tophile. Le chloroleucite renferme le plus souvent de nombreux grains d'amidon ; il possède alors la structure alvéolaire: chaque alvéole limitée par une mince couche de chloro- plasme homogène contient un granule amylacé. Deux remarques sont nécessaires : les grains d'amidon sont ordinairement globuleux ; ils sont entourés au contact par la substance vivante ; par suite, les cloisons sont renflées en certains points: de là, un aspect plus ou moins nodu- leux du réseau ; ces nodules ne sauraient être toutefois confondus avec les grains de Meyer : nous n'avons rien vu qui puisse être, dans la famille que nous étudions, assi- milé à ces derniers. La seconde remarque est celle-ci : lorsque les grains d'amidon sont disposés régulièrement dans le chloroleucite, ce qui est fréquent, la structure a l'apparence fibrillaire ; en effet, les cloisons des alvéoles semblent se continuer dans une même direction ; on a (I) Schwarz : Die morphologische und chemische Zusammeyisetzung des Protoplasmas (Beitrâge zur Biologie der Pflanzen, t. V, 1892, p. 41-42)» 190 p. -A. DANGEARD ainsi deux systèmes principaux de fibres qui se croisent sous un angle variable. La chlorophylle imprègne le protoplasma du chloro- leucite ou chloroplasme ; cela ne fait pour nous aucun doute : mais il est possible que ce pigment puisse diffuser plus ou moins dans le cytoplasme environnant et peut- être dans les vacuoles. C'est surtout chez les Chlorogo- nium que la chose se remarque ; il est certain que la limite du chloroleucite est dans beaucoup de cas moins nette et plus étendue sur les individus vivants qu'après la fixation. C) Le pyr^noïde. L'absence de pyrénoïde n'a été constatée que rare- ment (C hlaraydomonas variabilis, Chl. reticulata Dill) : les autres espèces en possèdent un ou plusieurs ; leur forme est ordinairement sphérique, plus rarement allongée en ruban {Chlamydomonas Monadina). Les espèces qui n'ont qu'un pyrénoïde sont les plus nombreuses : il est alors placé soit au milieu de la cellule {Lobomonas Francei^ Chlamydo oionas Dilli,C. ovata, etc.), soit plus bas (Chl. Reinhardi, etc.). Dans les espèces à chloroleucite en cloche, le pyrénoïde est au-dessus du noyau ; il est au-dessous généralement lorsque le chro- matophore est disposé en cordon parallèle à l'axe {Chl. Dilliy etc.). Quelques espèces possèdent deux pyrénoïdes, l'un situé au-dessus du noyau, l'autre au-dessous {Cercidium elongatum, Chlamydomonas grandis St., etc.). Parmi les espèces qui ont plusieurs pyrénoïdes, il est nécessaire d'établir une distinction. Chez le Phacotus len- ticularis, les zoospores n'en présentent d'abord qu'un seul ; plus tard, on en trouve trois ou quatre : ils se trou- vent distribués aux cellules-filles du sporange. Dans les MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 191 Chlorogonium, les zoospores ont un plus ou moins grand nombre de pyrénoïdes, même lorsqu'elles sont encore dans le sporange ;mais, dans les gamètes, on n'en trouve jamais qu'un seul. La substance des pyrénoïdes est homogène ; elle a beaucoup d'électivitépour la fuchsine acide, la coccinine, etc. ; elle se colore aussi plus ou moins fortement par l'hématoxyline, le picro-carmin, etc. Goroschankin a signalé dans les zoospores du C/damyclomonas De-Baryana, une striation du pyrénoïde; les matériaux avaient été con" serves dans la glycérine. Nous avons retrouvé cette striation une première fois dans des conditions analogues, pouruneespèceque nous avions étiquetée Chl. Reinhardi; l'aspect était celui d'un peloton formé par un cordon plu- sieurs fois replié sur lui-même ; nous avons plus récem- ment revu cette disposition dans quelques individus de Chl. Dilli ; on aurait pu croire qu'il s'agissait d'vme sphé- "rulecomposée de petits bâtonnets courbes. Dans le Pha- cotus lenticularis, le pyrénoïde se présente sous l'aspect de deux petites calottes de substance plus colorée réunies par une substance incolore. Les pyrénoïdes se multiplient pâv division on naissent directement dans le chloroplasme. Il résulte de nos observations qu''ils peuvent avoir cette double origine dans une cellule végétative. En effet, chez le C/dorogoniiun euchlorum, à côté de pyrénoïdes qui se divisent, on en voit d'autres plus petits qui apparaissent au milieu du chloroplasme : ceux-ci débutent par un petit globule fuchsinophile qui est tout d'abord dépourvu d'amidon : ce corpuscule grossit, l'amidon se dépose à la surface d'abord en couche excessivement mince, puis en couche plus épaisse. Ce sont les jeunes zoospores, après leur sortie du sporange, qu'il faut examiner pourobserver ce mode de formation des pyrénoïdes ; on se sert avec avantage de la fuchsine acide ou du bleu de Loffler: la 192 P.-A. DANGEARD même cellule peut renfermer à la fois des pyrénoïdes à structure normale, des pyrénoïdes en division et des pyrénoïdes en formation : la petitesse de leur taille, leur indépendance absolue au milieu du chloroplasme, ne sem- blent laisser aucun doute sur leur nature. La double origine des pyrénoïdes peut être suivie plus facilement encore dans les sporanges. 1" Naissance par division. Il faut choisir de préférence le Chhmydomonas Monadina : je ne crois pas qu'il existe, dans tout le règne végétal, d'exemple plus favorable pour suivre cette division. Le pyrénoïde est, comme on le sait, très long et en forme de fer achevai : dans la cellule-mère, il s'allonge beaucoup et décrit en hélice un tour complet sous la membrane. Ce cordon, de diamètre un peu inégal, se fragmente en son milieu; les deux moitiés s'écartent légèrement et elles se divisent en deux à leur tour. La séparation s'opère au moyen d'une échancrure annulaire qui gagne jusqu'au centre de l'axe. Chaque tronçon devenu libre se place de façon à être compris dans une cellule-fille ; il occupe le côté externe de chaque zoos- pore, celui qui est adossé directement à la membrane du sporange ; il se trouve lui-même au contact de la surface du corps, et ce n'est que plus tard qu'il prendra sa dispo- sition définitive. Le pyrénoïde, pendant cette division, reste homogène et fuchsinophile : sa surface continue à être recouverte d'une couche d'amidon. 2° Naissance par nouvelle formation. Elle s'observe régu- lièrement dans le Chlamydomonas Dilli. Le gros pyrénoïde de la cellule-mère qui occupe le centre du chloroleucite, se montre de moins en moins chromatophile ; son contour devient indécis et sa substance finit par se confondre avec celle du chloroplasme. Le pyrénoïde reste ainsi invi- sible pendant les deux bipartitions successives qui abou- tissent à la formation de quatre zoospores : celles-ci ne MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 193 tardent pas à montrer un pyrénoïde de nouvelle formation. Il arrive dans certaines cultures de Clilamydomonas Mo- nadina que le pyrénoïde disparait également dans la cel- lule-mère : le pyrénoïde de chacune des zoospores a donc une origine protoplasmique. Là encore, nous constatons, comme pour les Chlorogo- nium, une double origine dans la même espèce. Ces diverses observations nous expliquent comment il se fait que les Chlorogoniuin qui normalement possèdent des pyrénoïdes bien caractérisés, puissent à un moment donné en être dépourvus. Les pyrénoïdes ne sont pas d'ailleurs des éléments in- dispefisables du chloroleucite dans la famille des Chlamy- domonadinées, puisque nous avons constaté avec certi- tude leur absence, à tous les moments du développement, dans une espèce, le Chlamydomonas variahilis. Des divergences d'idées au sujet des pyrénoïdes se sont produites à un moment donné entre Strasburger et Schmitz. Le premier admettait (1) une disparition de ces éléments dans les sporanges et le second mettait la chose en doute (2). Strasburger plus récemment revient sur ce sujet (3) ; il fait remarquer que Texactitude de son opinion ne fait aucun doute après les travaux d'Overton (4), d'Ar- tari (5) et de Klebs (6). Nos observations établissent que les deux cas peuvent se produire dans une même espèce, non seulement dans les sporanges, mais encore dans les cellules végétatives. (1) strasburger: Zellbil dung und Zelllheilung, lll. Aufl., p. 72. (2) Schmitz : Die Chromatophoren der Algen (Verh. d. Naturh. Ver d.p. Rheni. U. Westf., 1883). (3) Strasburger : Schwarmsporen,Gamelen. Loc. cit., p. 73. (4) Overton : Beitrag zur Kenntniss der Gattung Volvox. (Bot. Centr., Bd XXXIX, d889, p. 147). (5) Artari : Zur Eniwick. des Wassernelzes (Bull. soc. imp. natura- listes de Moscou, t. IV, 1890, p. 280). (6) Klebs : Ueber dieBildung der Forlpflanz. bel Hydrodiclyon ulricU' iaium(Bot. Zeit., 1891). 9 194 P.-A. DANGEARD 3° LE NOYAU Le noyau est, après le cytoplasme, l'élément le plus important delà cellule. Beaucoup de naturalistes le consi- dèrent comme le résultat d'une différenciation dans le temps, du protoplasma. Cette opinion est très acceptable, surtout si l'on considère qu'au moment de la karyokinèse, le noyau perd une grande partie de son individualité : il ne faut pas oublier toutefois que les chromosomes persis- tent à ce moment et deviennent même beaucoup plus ap- parents : or, pour ces derniers, il serait tout à fait pré- maturé de vouloir établir leur origine. Les Bactériacées et les Cyanophycées sont à peu près les seuls êtres vivants pour lesquels la présence d'un noyau dans la cellule reste douteuse. Avant d'admettre l'existence de cellules dépourvues de noyau, il faudra rechercher si les chromosomes ne sont point susceptibles de se trouver dans un protoplasma à ïétat libre sans être contenus dans une vésicule nucléaire. La cellule d'une Cyanophycée se comporte dans son accroissement, dans son mode de reproduction, dans sa vie, en un mot, comme une autre cellule ; celle-ci possède des chromosomes, auxquels tout le monde s'accorde à attribuer un rôle très important. Quel peut bien être ce rôle si une autre cellule, dépourvue de ces mêmes éléments, agit exacte- ment de la même façon, dans l'exercice de ses fonctions vitales ? On arrivera sans doute peu à peu à montrer que par- tout où il existe un noyau, la karyokinèse avec ses phéno- mènes complexes existe ; notre travail sur les Chlamy- domonadinées en est une preuve qui s'ajoute à d'autres, bientôt nous décrirons une division indirecte dans un groupe plus inférieur, où jusqu'ici la division directe avait été observée presque exclusivement, chez une Amibe. MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 195 Nous sommes loin des Monériens d'Haeckel et du passage graduel du monde inorganique au monde orga- nique accepté comme un fait incontestable par tant de philosophes et de naturalistes. En réalité, nous ne con- naissons pas l'origine de la cellule ; même dans l'orga- nisme le plus primitif, elle est séparée du monde inor- ganique par un abîme ; la science ne possède encore rien pour le combler. Ceux donc qui ne croient pas à une intervention créatrice doivent reconnaître qu'ils n'ont absolument rien à mettre à la place. A) Disposition du noyau. Le noyau est toujours situé dans le cytoplasme ; il occupe normalement, soit la partie antérieure du corps (Phacotus lenticularis, Carteria cordiformiSj C. multifilis, etc.), soit la partie médiane {Chlorogonium, Cercidiuni, Chlamydomonas Monadina, etc.), soit enfin la partie posté- rieure de la cellule {Cfdamydomonas Dilliy C. variabilis, etc.). Il peut d'ailleurs subir des déplacements, en vue d'une division prochaine, ou par suite d'une variation dans la forme du chloroleucite; ces changements déposi- tion ont été suffisamment indiqués dans la partie descrip- tive de ce travail, sans que nous ayons besoin d'y revenir. Le diamètre du noyau est, dans l'ensemble de la famille, fonction du volume du corps ; c'est dans les grosses es- pèces, comme le Chlamydomonas Monadina et le Chloro- gonium euchlorum, que l'on rencontre les noyaux les plus volumineux ; par contre, ils sont minuscules dans le Chlamydomonas ovata et le Lobomonas Francei, espèces très petites. La forme est presque toujours sphérique ; nous cite- rons cependant l'exemple du Carteria multifilis comme une exception à cette règle. Le noyau dans les zoospores de forte taille que nous avons rencontrées, était appuyé 196 P -A. DANGEARD sur le chromatophore et, de ce côté, sa surface était devenue presque plane. Il n'y a qu'un noyau par cellule, sauf dans les sporanges ou les gamétosporanges : accidentellement cependant, on rencontre deux noyaux dans les jeunes zoospores (Cfwrogonhun euchlorum). B) Structure du noyau. Il serait fastidieux d'énumérer ici les diverses opi- nions qui ont été exprimées au sujet de cette structure; elles sont encore plus nombreuses et plus variées, s'il est possible, que celles qui se rapportent à la struc- ture du cytoplasme : comme pour cette dernière, nous exposerons notre manière devoir actuelle dans la ques- tion. Le noyau comprend une membrane nucléaire, un ou plusieurs nucléoles et un nucléoplasnie contenant les chromosomes ; ceux-ci semblent constituer le seul élé- ment à individualité propre du noyau : en effet, au moment de la division indirecte, la membrane disparaît ; les nucléoles se dissolvent et le nucléoplasme montre des propriétés analogues au cytoplasme et se mélange avec lui. Ces chromosomes dont l'importance doit être consi- dérable, si l'on en juge par leur présence si générale dans toutes les cellules animales et végétales, par la complexité des phénomènes dont ils sont l'objet et leur concordance, sont eux-mêmes sujets à des modifications assez extraordinaires : ces éléments, très visibles pendant la karyokinèse, s'unissent après en un filament nucléaire qui s'amincit, s'étire et le plus souvent devient invisible au milieu du nucléoplasme. Les chromosomes, qui sont homogènes au moment de la division, montrent ensuite une structure particulière, lorsqu'ils sont réunis en un filament nucléaire ; celui-ci consiste en une substance MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 197 homogène, contenant des granulations ou des disques chromatiques disposés en file unique ; la substance homogène est désignée sous le nom de linine, elle renferme des granulations chromatiques. a) Membrane nucléaire. — Le noyau, dans les Chlamy- domonadinées, est toujours nettement délimité: la mem- brane nucléaire se présente quelquefois avec un double contour; mais, lorsque le nucléoplasme et le cytoplasme sont chromatophiles tous les deux, il est impossible de la distinguer comme enveloppe spéciale ; la limite de séparation du noyau et du cytoplasme, dans ce cas, ne s'accuse que par une différence de coloration. On lira avec profit, dans Henneguy (1), l'exposé des idées qui se sont fait jour au sujet de la nature et de l'origine de la membrane nucléaire ; nous n'avons pas à chercher avec Auerbach si elle est cytogène ou karyogène, puisque nous considérons le cytoplasme et le nucléo- plasme comme une seule et même substance. b) Nucléoplasme. — La structure du noyau dépend de deux facteurs différents, ce que l'on n'a pas jusqu'ici, à notre avis, suffisamment envisagé. Le nucléoplasme, dont la parenté étroite avec le cyto- plasme est surtout visible pendant la karyokinèse, éprouve comme celui-ci des différenciations nombreuses et de même ordre: il devient chromatophileou reste achroma- tique, totalement ou en partie ; il devient granuleux ou reste homogène, totalement ou en partie ; il prend l'aspect réticulé, soit par un apport d'eau, ce qui donne le suc nu- cléaire, soit par un mélange de substance chromatophile et de substance incolore. Les chromosomes, de leur côté, éprouvent des modifi- cations nombreuses : dans le noyau-fille^ immédiatement après la mitose, ils sont encore distincts dans du cyto- (1) Henneguy ; loc. cit., p. 96-98. 198 P.-A. DANGEARD plasme homogène ; puis, ils s'unissent peut-être en un cor- don nucléaire qui s'allonge en se contournant ; à partir de ce moment, nous ignorons ce que deviennent les chro- mosomes dans les Chlamydomonadinées ; il est impossible de savoir dans quelle mesure ces éléments viennent com- pliquer la structure propre du nucléoplasme. Lenoyaudes Chlamydomonadinées présentedans une même espèce les modifications que nous venons de si- gnaler : nous les avons particulièrement bien observées dans le nucléoplasme des Chlorogonium. Parmi les granulations chromatiques du noyau, il n'est pas toujours facile de distinguer celles qui proviennent d'un simple dépôt dans le nucléoplasme et celles qui appartiennent aux chromosomes. Il s'agit incontestable- ment des premières, lorsque le nombre en est inférieur à celui des segments chromatiques dans l'espèce consi- dérée ; on peut en dire autant lorsque lagrosseur de ces granulations est irrégulière. Cette difficulté que nous venons de signaler pour les Chlamydomonadinées où les chromosomes sont petits/globuleuxou légèrement allongés, n'existe plus au même titre lorsque les chromosomes sont plus gros et de forme filamenteuse. Il faut avouer cependant que nous n'avons aucun crité- rium certain pour distinguer un grain de chromatine, qu'il soit déposé dans le nucléoplasme ou dans le cytoplasme, d'un chromosome entier ou de l'un de ses éléments consti- tuants ; les chromosomes, en effet, qui semblent jouer un rôle si important dans les cellules, nous paraissent à un moment donné aussi homogènes comme structure qu'un simple dépôt de substance de réserve. Le nucléoplasme contient quelquefois comme le cyto- plasme des granules qui ne se colorent pas par les réactifs de la chromatine : ils peuvent remplir toute la cavité nucléaire; nous en avons vu de semblables, après l'action de l'iode, dans le Chlorogonium euchlorum ; ils se colo- MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 199 raient en jaune, comme ceux qui occupent assez souvent les extrémités delà cellule. On voit que sur plusieurs points nos idées se rappro- chent de celles de Carnoy ; celui-ci distinguedans le noyau un karyoplasme, un suc nucléaire et un boyau nucléi- nien; le karyoplasme serait constitué par un réticulum et un enchyZema, comme le protoplasma ; le boyau nucléinien offrirait des dispositions très complexes. Nous différons d'avis cependant sur un point fonda- mental : celui de la constitution même du cytoplasme et du nucléoplasme : nous les considérons, en effet, comme étant formés par une substance homogène pouvant présenter au cours de l'existence de la cellule les nombreuses diffé- renciations que nous avons signalées. Nous admettons, dans tout ce qui précède, que la chro- matine est une substance diffusible, et en cela nous parta- geons l'avis de van Beneden et d'Henneguy. Lecytoplasme des Chlamydomonadinées fournit un exemple des plus démonstratifs de cette propriété ; dans quelques cas il devient aussi chromatophile que le noyau, sans cesser d'être homogène {Chlorogonium euchlovum, Chl. Mona- dina, etc.). Cette chromatine peut se déposer à Tétat de granules ou de grains, soit dans le cytoplasme, soit dans le nucléo- plasme; c'est une réserve pour les divisions du noyau. Nous devons distinguer avec soin ces grains inertes de chromatine des chromosomes granuleux, malgré l'aspect semblable qu'ils présentent : ces derniers sont des élé- ments vivants qui sont imprégnés de chromatine en tota- lité ou en partie. c) Nucléole. — Le noyau des Chlamydomonadinées ne renferme normalement qu'un nucléole central : après une bipartition nous en avons trouvé quelquefois deux petits. Le nucléole occupe en général le 1/3 ouïe 1/4 de la ca- vité nucléaire : sa substance est homogène ; elle a beau- 200 P.-A. DANGEARD coup d'afïinité pour la fuchsine acide, le vert de méthyle, le picro-carmin, l'hématoxyline, etc. Au moment de la prophase, alors que le noyau lui-même augmente de volume, le nucléole se dissout peu à peu et disparaît complètement ; après la métaphase, on le voit se former à nouveau au milieu du peloton des chromosomes : d'abord très petit, il grossit et devient déplus en plus chromatophile ; les chromosomes pendant ce temps de- viennent indistincts au milieu du nucléoplasme. Le nucléole ne devient qu'assez rarement vacuolaire ; nous avons vu quelquefois une grande vacuole centrale dans le gros noyau sexuel du Chlamydornonas Dilli. Les idées que nous venons d'exprimer sur la structure du noyau des Chlamydomonadinées s'éloignent plus ou moins sensiblement des théories générales régnantes. Flemming, dans son ouvrage de 188*2 sur la cellule (1), admet que le noyau se compose d'un réseau à mailles continues remplies de suc nucléaire et contenant des nucléoles indépendants du noyau. Schneider pense que le réseau se continue avec les fibrilles du cytoplasme, à travers la membrane nucléaire (2). La mémeannée, Strasburger (3), suivant en cela l'exemple de Balbiani (4), émettait Tidée que le noyau renferme un cordon continu replié sur lui-même ; il donne l'illusion d'un réseau parce qu'il se contourne en tous sens ; d'après Guignard, le réseau pourrait provenir de la soudure des anses du peloton (5). ({) Flemming : Zellsubst. Kern und Zelltheilung. Leipzig, 188?. (2) C. Schneider : Untersuch. uber die Zelle (Arb. des Zool. Inst. Wien, V. IX). (3) Strasburger : Ueber den TUdilungso. der Zellkerne und das Verhdltniis der Kernlh. zur Zelltheiluny ,''Arch. f. mik. Anat. 1882). (4) Balbiani : Sur la structure du noyiu des cellules salivaires chez les laroesde Chironomus (Zool. Anz., 1882). (5) Gaignard : Recherches sur la structure et la division du noyau cellulaire (Ann. Se. natur. Bot., Ge série, t. XVIl, 1894). MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 201 RabI, en 1884 (1), cherche à établir que le réseau chro- matique provient d'une ramification à plusieurs degrés du filament nucléaire ; ce réseau baigne dans le suc nucléaire. Ces théories, selon nous, ont le tort de ne faire entreren ligne de compte dans la structure du noyau que le filament nucléaire et le suc nucléaire. Le même reproche ne s'applique plus à la théorie de Carnoy (2) : d'après ce savant, le noyau comprend un karijoplEisme, un suc nucléaire et un boyau mtcléinien ; le karyoplasme serait constitué par un réticulum et un enchrjlëma. comme le protoplasme lui-même ; le boyau nucléinien offrirait des dispositions complexes. Cette manière d'envisager la structure du noyau semble avoir peu de partisans en dehors de I-'école de Louvain ; lienneguy attribue laformation du réticulum à une coagu- lation produite parle réactif fixateur (3). En attribuant au karyoplasme et au cytoplasme une structure exclusive- ment réticulée, la même partout, Carnoy et ses élèves ne peuvent songer à voir leurs idées se répandre et s'im- poser ; elles se trouvent en contradiction trop absolue avec la théorie filaire de Flemming et la théorie alvéolaire de Bustchli, qui rallient presque tous les suffrages Les nucléoles ont été interprétés de manières très diffé- rentes ; les uns y voient des portions renflées du réseau chromatique ; beaucoup les considèrent comme des for- mations nucléairesiadépoadantes. Ona constaté fréquem- ment dans les cellules animales des déformations amiboïdes de ces corpuscules ; Balbiani, après avoir étudié avec soin la formation de vacuoles dans certains nucléoles (4), a été amené à les considérer comme un organe central de circulation, une sorte de cœur de la cellule. D'après (i) Habl : Ueber ZelUheilung (Morph. Jalirb., t. X, 1884). (2) Carnoy : La biologie cellulaire, 488i. (3) Henneguy : loc. cit., p. 106. (4) Balbiani : Sur les mouvemenis qui se manifestent dans la tache germinatioede quelques animaux {G. R. Société de Biologie, 1864). 202 P.-A DANGEARD Schneider, les nucléoles seraient formés d'un feutrage de filaments entourés d'une sorte de membrane ; le plus grand nombre des auteurs s'accorde cependant à leur attribuer une structure homogène. Rosen a distingué des nucléoles cyanophiles qui, d'après lui, correspondent à de simples renflements du réseau chromatique et des nucléoles érythrophiles ou eunucléoles (1). Tous les corps désignés sous le nom de nucléoles n'ont pas nécessairement une signification absolument iden- tique ; certains ne sont peut-être que des dépôts inertes de chromatine ; d'autres sont des éléments vivants ; c'est à ces derniers qu'il faudrait, selon nous, réserver le nom de nucléoles ; mais la distinction n'est pas facile. RÉSUMÉ Nos observations sur les Chlamydomonadinées sont insuffisantes, nous le savons, pour édifier une théorie complète de la cellule ; nous ne croyons pas inutile cependant de résumer brièvement la conception à laquelle nous sommes progressivement arrivé. La cellule est formée par du protoplasma qui présente un grand nombre de différenciations diverses : pour les saisir, il faut prendre comme point de départ le proto- plasma homogène comme celui des pseudopodes, des flagellums, etc. ; cette expression de protoplasma homogèna signifie simplement que nous ne pouvons actuellement, avec les moyens dont nous disposons, reconnaître l'ar- rangement moléculaire ou micellaire de la substance vivante. Les réactifs nous permettent de reconnaître une pre- mière différenciation dans le protoplasme homogène ; il (1) Rosen: Ueber tinctionelle Unterscheidung verschiedener Kern bestawitheile und der sexualkerne (Cohn's Beitrage zur Biologie der Pflanzen, t. V, 1892). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 203 peut avoir de l'affinité pour les réactifs de lachromatine : il est chromatique. Plus souvent le protoplasme reste incolore sous l'action de ces mêmes réactifs ; il est alors achromatique. Les autres différenciations proviennent soit de son mode de distribution dans la cellule, soit de dépôts qui s'effectuent à son intérieur. Les premières ont donné lieu à la théorie réticulaire^ à la théorie vacuolaire et à la théorie alvéolaire ; les autres ont donné naissance à la théorie granulaire. La structure réticulaire peut être occasionnée par un mélange de protoplasme chromatophile et de protoplasme incolore ; elle est due plus souvent à une intercalation d'eau chargée de substances diverses en dissolution. Si les mailles sont limitées par des cloisons complètes, nous tombons dans la structure alvéolaire ou vacuolaire, qui ne se distinguent l'une de l'autre que par la grandeur des mailles. Les granulations fachsinophiles et autres qui se dé- posent quelquefois en grande quantité dans le proto- plasma,donnent lieu à une structure granulaire qui peut s'ajouter aux précédentes pour les compliquer davantage. Chacune des structures que nous venons d'énumérer, loin d'être exclusive, peut se montrer dans la même cellule associée aux autres ; elles ne sont que des manifestations de l'activité fonctionnelle de là substance homogène vivante. Cette activité a entraîné également la différenciation d'éléments ayant pour objet plus spécialement des fonc- tions déterminées. Ainsi, dans une cellule de Chlorophyte, on distingue le cytoplasme, chargé plus particulièrement des mouvements de la cellule, de la nutrition superficielle, etc. ; le chloroleucite, qui réalise la nutrition holophy- tique ; le noyau, qui préside aux divisions cellulaires, etc. Dans chacun de ces éléments, le protoplasma conserve 204 p. -A. DANGEARD les mêmes propriétés générales ; il est susceptible d'é- prouver toutes les inodifications de structure que nous avons énumérées. On peut cependant appliquer une dési- gnation spéciale à chaque élément : nous distinguons le cytoplasme^ le chloroplasme^ le nucléoplasme. Il est plus difficile de préciser la nature exacte des pyrénoïdes dans le chloroplasme, des nucléoles dans le noyau ; il nous paraît seulement tout à fait vraisemblable, sinon certain, que ces éléments ne sont pas simplementun dépôt de substance de réserve. Ce qui le montre bien, c'est la propriété qu'ils ont de pouvoir se diviser ; à notre avis, ils représentent une condensation de protoplasme vivant, lequel, à un moment donné, peut reprendre les caractères de protoplasma ordinaire ; sous l'état condensé, il est fortement chromatophile ; il peut également devenir vacuolaire ou même se séparer en sortes de fibres ou de réseau, mais à un degré beaucoup moindre que le simple protoplasma. Nous venons de signaler des différenciations nombreu- ses du protoplasma homogène qui sont en rapport : 1° avec les phénomènes généraux de la vie cellulaire ; •2" avec une attribution spéciale à des fonctions déterminées. Il en existe une troisièmo variété chargée peut-être do la trans- mission des caractères héréditaires, ayant en tout cas un rôle important dans la sexualité. Si elles ont été mieux étudiées dans le nucléoplasme, où elles devien- nent très apparentes pendant la karyokinèse, il nous semble probable qu'elles existent également, peut-être sous une autre forme, dans le cytoplasme. Dans le noyau, on leur a donné le nom de chromosomes, et leur réunion présumée constitue le cordon nucléaire. Les chromosomes se distinguent par leur grande chromatophilie ; celle-ci peut s'étendre à toute la masse lorsque les chromosomes sont Ubres ; elle se localise sur de petits éléments séparés par du protoplasme incolore dans le cordon nucléaire. Le iMÉMOlRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 205 cordon nucléaire, dans le noyau à l'état de repos, devient fréquemment invisible au milieu du nucléoplasme, et on ignore jusqu'à quel point il conserve son individualité. Dans le cytoplasme, de telles différenciations ne sont point en général apparentes : on est cependant en droit de se demander si quelques-unes des fibrilles de Flem- ming n'auraient point une signification analogue ; il faudra essayer de les suivre pendant toute la vie de la cellule. Tel qu'il est formulé, avec ses imperfections certaines et inévitables, cet exposé aura-t-il une heureuse in- fluence sur l'étude de la connaissance de la cellule ? L'a- venir le dira, non sans nous apporter tout d'abord, sans doute, l'écho de nombreuses critiques. Les uns trou- veront que cette théorie n'a aucun caractère d'originalité, ce qui est peut-être vrai; les autres la combattront parce qu'elle va à rencontre de trop de théories particulières ; quelques-uns remettront en question le point de départ et trouveront dans ce que nous considérons comme pro- toplasma homogène de nouvelles différenciations ; il arri- vera alors ce qui s'est produit pour le sarcode de Dujar- din. Qu'on veuille bien d'avance reconnaître pour notre justification que nous admettons parfaitement que la substance vivante n'est en réalité que pseudo-homogène ; si nous pouvions réellement pénétrer dans les secrets de son organisation intime et suivre les détails des réac- tions qui s'y passent, nous verrions toute autre chose. Naegeli (1), Weismann (2), pour ne citer que ceux-là, nous ont déjà, avec leur puissant esprit de divination et de géné- ralisation, fait entrevoir une partie de cette constitution hypothétique de la substance vivante : mais dans le res- sort de l'observation directe, il faut être moins exigeant. (1) Naegeli : Mechanisch-phy. Théorie der Abslamm., 1884. (2) Weisman : Essais sur l'hérédité et la. sélection naturelle, traduc- tion H. de Varigny. 1892. CHAPITRE II LA DIVISION DU NOYAU Le noyau, dans toute la famille des Chlamydomona- dinées, se divise par karyokinèse; la division indirecte n'a été rencontrée que dans le genre Chlorogonium, où elle ne s'observait d'ailleurs qu'exceptionnellement (voir p. 100-102). La division indirecte se produit rarement dans le cou- rant de la journée pour les algues vertes; celles-ci, en effet, grâce à la nutrition holophytique, accumulent des réserves qu'elles utiliseront ensuite. Les Spirogyra, d'après Strasburger, ne se divisent que pendant la nuit, en général vers dix heures du soir. Les Chlamydomona- dinées présentent une latitude plus grande pour l'obser- vation : la karyokinèse a lieu quelquefois dans le courant de la journée ; mais on peut la rencontrer plus sûrement à partir de quatre heures du soir environ ; elle se con- tinue jusqu'au lendemain matin; des récoltes fixées entre huit et neuf heures montraient encore de nombreuses divisions indirectes. La durée du phénomène peut être déterminée approxi- mativement ; elle serait de deux à cinq heures, d'après les recherches de Flemming, de Peremescho et de Retzius, dans les cellules épithéliales de la Salamandre et du Tri- ton; elle exigerait seulement une demi-heure, d'après Flemming, chez les animaux à sang chaud (1) ; chez les végétaux, Strasburger a étudié à ce point de vue les cel- (1) Consulter Henneguy : La cellule, p. 365. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 207 Iules des poils staminaux du Tradescantia ; il a évalué la durée de i'anaphase à 1 heure li2, ce qui fait, pour l'en- semble du phénomène, trois heures environ. Chez les Chlamydomonadinées, la division indirecte s'effectue plus rapidement : dans leChlajiiydomonas Mona- dina, la formation des zoospores dure trois heures à partir du moment où la cellule-mère devient immobile; pendant ce temps, il s'est produit deux divisions séparées par un intervalle de repos; chacune d'elles n'a donc exigé qu'une heure tout au plus. La karyokinèse est encore plus rapide, croyons-nous, dans les gamétosporanges deChlo- rogonium euchlorum, pour les cinq -bipartitions succes- sives qui peuvent s'y produire : mais, comme le cyto- plasme ne se fragmente qu'à la fin, il est difficile de connaître exactement le début de la première division du noyau. On doit se demander tout d'abord sous quelle influence se produit la karyokinèse : ceci nous amène à parler de formations cellulaires dont on s'est beaucoup occupé chez les animaux et chez les végétaux et qui ont été désignées sous le nom de centrosomes de sphères attractives, de centrosphères, de corpuscule central, d'aster, etc. Quelques années après la découverte des corpuscules polaires par Van Beneden, Flemming, llertwig, l'idée vint de les considérer comme des centres d'attraction ; de là, le nom de sphères attractives employé par Van Bene- den en 1883. Ce savant, en 1887, détermine la nature exacte de ces sphères attractives; il signale leur division au cours de la karyokinèse et le dédoublement du corpuscule central. Boveri, lamême année, donne le nom de centro- some au corpuscule central et reconnaît en lui le véritable agent de la division nucléaire et cellulaire (1). Depuis cette époque, les travaux se sont multipliés à (\) llenneguy : Lu cellule, p. 303-305. 20(S P. -A. DANGEARD l'infini, sans venir confirmer ou infirmer cette conception des centrosomes et de leur rôle. Nous ne nous occuperons que des observations relatives aux cellules végétales ; un examen rapide suffira à mon- trer les résultats contradictoires auxquels on est arrivé. Guignard est le premier qui signale la présence de sphères attractives dans le règne végétal (1); il les suit aux divers stades de la division du noyau, et il indique leur mode de fusion lors de la fécondation dans le Lilium MartagonÇi). Overton dit incidemment, à propos de cette découverte, que l'endosperme jeune de Ceratozamia est un objet très favorable à l'étude des centrosphères ; il les signale éga- lement dans les Taxus^ les Larix, les Leucojum, les Ph;o- nia, les Aconitum, etc. (3).Schaffner lesdécritdansr/l//zu?7i cepa, le Vicia faba, le Tradescantia rosea, le Lilium longi' florum : leur nombre est de deux à l'intérieur des cellules au repos (4). Demoor réussit à les voir dans les cellules vivantes des poils staminaux du Tradescantia virginica, grâce surtout à un abaissement de température (5). Schottlander décrit également des centrosomes dans les organes sexuels des Gymnograinme, des Chara et des Marchantia (6). (1) Guignard : Sur Vexistence de sphères attractives dans les cellules végétales (Comptes rendus, Acad. des se, 9 mars 1891). {2) Guignard: Nouvelles études sur la fécondation (Ann. se. nat., Bot., t. XIV, 1891). (3) Overton : On the réduction of the Chromosomes in Ihe nuclei of plants (Annals ofBotany, vol. Vil, 1893, p. 142k (4) Sohaffner : The nature and distribution of attraction-sphères and centrosomes in vegelable cells (The Botanical Gazette, 1894, p. 444 456). (5) Demoor : Contribution à l'étude de la physiologie de la cellule (Archiv. de Biologie, 1895, t. .XIII). (6) Schottlander : Beitrdge zur Kennlniss des Zellkerns und der Sexualzellen bei Krijptogamen (Beitriigezur Biologie der Pfianzen, Bres- lau, 1892, p. 266-302). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES 209 L'existence de centrosomes semblait être ainsi établie d'une façon indiscutable dans les cellules des Phanéro- games, des Gymnospermes et des Ptéridophytes ; une série de mémoires récents a tout remis en question. Citons les observations d'Osterhout pour les Equisetum, de Juel pour les Hemerocallis, de Debski pour les Chara, de Mottier pour quelques Dicotylédones et Monocotylé- dones (i). Ces auteurs n'ont jamais réussi à distinguer les centro- somes dans les plantes qu'ils ont étudiées; Osterhout et Mottier ont vu que le fuseau bipolaire définitif commençait par montrer un nombre variable de pôles, souvent plus d'une douzaine ; ils estiment cette disposition incompatible avec l'existence de sphères attractives. Guignard, après de nouvelles observations sur les cellules-mères polliniques de diverses Phanérogames {Nymphsea alba, Nuphar luteuin, Limodorum abortivuin), formule ses conclusions de la manière suivante : « En résumé, dit-il, la formation des fuseaux pluripo- laires, qu'elle soit accidentelle ou normale, ne peut être invoquée comme un argument sans réplique contre l'exis- tence de centres dynamiques durant la division du noyau. Le cytoplasme laisse voir, à un moment donné; des corps distincts des granulations ordinaires. Il est possible que l'élaboration des figures pluripolaires soit en partie indé- pendante des éléments qui forment les centrosomes ; il peut se faire aussi que les centrosomes n'aient pas toujours une individualité morphologique distincte. Mais il n'en est pas moins certain que les plantes supérieures peuvent être pourvues d'éléments cinétiques différenciés, dont le rôle est le même que celui des corps analogues observés chez les plantes inférieures et chez les animaux (2). « (t) Cytologische Studien (Jahr. fur. wiss. Bot., Bd., XXX, 1897). (2) Guignard : Les centrosomes chez les végétaux (Comptes rendus, 10 210 p. A. DANGEARD iSchalïner, de son côté^ continue à admettre l'existence de centrosomes chez les Phanérogames (1) ; dans tous les matériaux examinés par lui, les fuseaux multipolaires provenaient soit de conditions pathologiques, soit d'acci- dents de préparations. Le noyau deVAllium cepa estaccom- pagné de centrosomes, même à l'état de repos ; ces centro- somes se divisent ordinairement au début de l'anaphase, quelquefois cependant plus tôt au plus tard. Fulmer, dans les Pinus, trouve aux pôles du fuseau des corpuscules pour lesquels on peut conserver, dit-il, le nom de centrosomes ; il ne les a pas rencontrés dans la cellule au repos, et ne peut se prononcer par conséquent sur leur caractère permanent ou transitoire (2). La controverse s'est récemment localisée. Nous avons parlé précédemment des blépharoplastes à l'occasion du mode d'insertion des flagellums : ce sont des corpuscules colorables qui donnent naissance aux cils vibratiles des anthérozoïdes, chez les Zaïnia (Weber), les Ginkgo (Ilirase), les Cycas (Ikeno) et les Ptéridophytes (Belajeff). Doit-on identifier ces blépharoplastes avec les centro- somes ? Guignard se prononce pour l'affirmative, et son opinion est partagée par Ikeno. Ce dernier, dans un mémoire remarquable (3), signale les transformations successives que subit le centrosome avant de former les cils de l'anthérozoïde, et il constate qu'Iiermann vient de Acad, des. se, t. 1?5, IS'JT, p. 11-48-1153).— Un nouveau mémoire vient de paraître sous ce titre ; Les centres cinétiques chez les végétaux (Ann. se. natur. Bot., 8e Série, t. V). (1) Schaffner : Karyohinesis in the rool-tips of Allium cepa. (Botani- cal Gazette, vol. XXVI, 1898, p. 225--238). (2) Fulmer :Cell Division in Fine Seedlings (Bot. Gazette, vol. XXVI, 1898, p. 239-240). (3) Ikeno : Untersuchungen ûber die Enlw. dur Geschlecktsorganc unddtr Vorganij der Befruchtung bei Gycas revoluta (Jahrb. f. wiss. Botanik, Bd. XXXII, 1898). L MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMOMADINÉES 2 H décrire ^quelque chose d'analogue pour les spermato- zoïdes de la Salamandre (1). Mais, d'autre part, R. Shaw refuse à ces corps la signi- fication decentrosomes ; les raisons qu'il en donne parais- sent convaincantes, puisque la division du noyau peut se produire en dehors de leur intervention (2). Nous avons déjà fait remarquer précédemment que le nodule d'insertion des flagellums des Chlamydomona- dinées, lorsqu'il existe, ne peut avoir la signification d'un centrosome. En résumé, on sait peu de choses sur l'existence des sphères attractives dans les Cormophytes ; nos connais- sances sont un peu plus précises en ce qui concerne les Muscinées et les Thallophytes. Farmer et Reeves ont signalé des centrosphères chez le Pellia. epiphylla, (3). Strasburger les a étudiées avec soin sur des préparations qui lui ont été communiquées par Farmer ; il reconnaît qu'elles se présentent avec une net- teté qui est rare même chez les animaux ; elles sont cons- tituées par une petite sphère au centre de laquelle on trouve quelquefois un centrosoine : de la sphère, partent des stries très nettes, qui s'étendent assez loin dans le cytoplasme. Strasburger fait remarquer que les centro- sphères ne sont pas visibles en dehors de la karyokinèse ; elles sont même le plus souvent absentes au stade fuseau : on ne les voit guère qu'au début de la prophase et à la fin de la métaphase (4). (1)^ F. Hermann : Beitrdc/e zur Kenntniss dur Spermatogenese (Archiv. f. mikros. Ant. 1898). [i) II. Shaw ; Ueber die Blepharoplasten bei Onoclea und Marsilia. (Berichte der deut. Bot. Gesellsch., Bd. XVI, 1898). (3) Farmer et Reeves : On the occurence of centrosphères in Pelliri epiphylla (Annals ef Botany, vol. VIII, 1894, p. 219-224). (4) Strasburger : Karyokinetische Problème (Jahr. fur. w. Botanik. Bd. XXVIII, 1895, p. 151-20i). 212 P. -A. DANGEARD Lorsqu'il s'agit des sphères attractives chez les algues et les champignons, il est hon de distinguer deux cas : 1» La sphère attractive est dépourvue de corpuscule central différencié : elle comprend des stries radiaires qui partent d'un amas granuleux de forme discoïde, comme dans l'asque des Pezizes (1), ou d'un amas homogène, de grosseur très variable, comme dans les tétraspores des Corallina (2) ; 2" Les stries radiaires partent d'un corpuscule réfrin- gent ou centrosome qui peut se diviser. Swingle en a rencontré de cette forme dans les Splmcelàvia, (3), etStras- burger, dans les Fucus (4). Fairchild, dans les Basic/zobohis, décrit une autre dispo- sition : les fuseaux nucléaires ont la forme de tonnelets et sont composés de plusieurs faisceaux de fils ; chaque faisceau se termine par un corpuscule colorable : l'auteur hésite à les assimiler à un centrosome (5). Nous pourrions encore citer les Diatomées au nombre des algues chez lesquelles on a trouvé descentrosomes (6). Lauterborn a même donné quelques détails sur la manière dont le centrosome, qui est nu tout d'abord, se recouvre, au moment de la division indirecte, de stries radiaires (7) ; (1) Harper : Kerntheiluny und frète Zellbildung im ascus (Jahr. f. wis Botanik, Bd. XXX. p. '249-284). (2) Davis : Kernlheilung in der tetrasporen mullcrzello bel Coral- lina officinalis v. medilerranea (Berichte der deutsch. Botan. Gessels- chaft, Bd. XVI, 1898, p. 266-272). (3) Swingle : Zur Kenntniss der Kern und Zellth. bei den Sphiicela- riaceen (Jahr. f. wis. Botanik, Bd. XXX, p. 297). (4)Strasburger : Kernlheilung und Befruchtung 6ei Fucus (Id.,p. 351). (5) Fairchild : Ueber Kernlheilung und Befruch. bei Basidiobolus ranarum (Id., p. 285). (6) Butschli : Ueber die sogenannten ceniralkorper der Zelle undihre Bedeut ung (Verh. d. nat-med-Vereins zu Ileidelberg, Bd. IV, 4981, p. 535). (7) Lauterborn : Untersuchungen ùberBau, Kernlhcihxngen und Bew- vegung der Diatomen, 1896, p. 55, 86. MÉMOIRE SUR LES CHLA.MYDOMONADINÉES 213 ce centrosome disparaît aux derniers stades de la karyo- kinèse. Ajoutons que l'on a parfois rencontré dans la cellule au repos, chez les algues et les champignons, des corpuscules colorables analogues à des centrosomes, sans d'ailleurs préciser leur rôle dans la division (Wager, Dangeard, Karsten, etc.) (i). L'ensemble de ces divers travaux montre que les for- mations désignées sous le nom de centrosomes sont extrê- mement polymorphes chez les végétaux. Pour se con- vaincre qu'il en est de même chez les animaux, il suffit de se reporter au mémoire tont récent d'Edouard Furst sur les sphères attractives de l'Ascaris ?negaZocep/ia^a (2); la grosseur du centrosome varie beaucoup aux divers stades ; il est tantôt homogène, tantôt différencié en un corpuscule central colorable, entouré d'une zone incolore plus ou moins large. On a discuté la question de savoir si, comme le pensait Boveri, les globules polaires étaient réellement dépour- vus de centrosomes. Furst a rencontré dans ces globules, exceptionnellement, il est vrai, des centrosomes entou- rés de stries radiaires semblables à ceux des spermato- cytes : en général cependant, on n'observe qu'un fuseau avec des stries qui ne s'étendent point dans le cytoplasme ; aux deux pôles du fuseau et kson intérieur, existe un petit corpuscule colorable ; il semble que ce corpuscule puisse se diviser en vue d'une nouvelle bipartition du globule polaire. S'il s'agit bien là d'un centrosome, il faut admettre qu'il comprend le fuseau tout entier : ce dernier devient l'équivalent d'un noyau de protozoaire, abstraction faite des chromosomes. Le globule polaire devrait être alors considéré comme un centrosome renfermant les segments (4) Consulter Zimmermann : loc. cit., p. 124, 156. (•2) E. Furst : Ueber centrosomen bei Ascaris megalocephala (Archiv. f, Mikr. Anatomie Bd. 52, 1898, p. 97-131). 214 p. A. DANGEARD chromatiques ; aussi bien peut-il être entouré de stries radiaires qui s'étendent dans le cytoplasme, ainsi que Furst l'a constaté dans ÏAscaris lumhricoïdes (i). Chez les Chlamydomonadinées, malgré le très grand nombre de préparations que nous avons examinées, nous n'avons jamais vu qu'une fois quelque chose qui corres- pondait exactement à un centrosome; c'était dans le Chla,- mydomonas Monadina, à la première bipartition, au stade de la plaque équatoriale. A l'un des pôles du fuseau, se trouvait un tout petit corpuscule colorable entouré d'une auréole claire, limitée elle-même par une zone de proto- plasme légèrement teinté; le corpuscule était dépourvu de stries radiaires. L'autre pôle était masqué par un repli du chromatophore. Nous avons également rencontré en particulier dans le Chlorogonium euchlorum, des granulations que l'on aurait pu assimiler à des chromosomes, si leur présence avait été plus fréquente; il s'en trouvait même quelque- fois deux à la limite du noyau à l'état de repos ; ils étaient opposés l'un à l'autre, au contact externe de la membrane nucléaire ou plus ou moins engagés dans le nucléo- plasme; comme ces corpuscules étaient dépourvus de stries radiaires, il nous a été impossible de les assimiler à des chromosomes. Nous en dirons autant de ceux qui se voient quelquefois, à l'anaphase, en dehors de l'arc chromatique formé par les chromosomes. L'impossibilité où nous étions d'arriver à une certitude sur la nature de ces corps nous aurait découragé de recherches de ce genre, si l'examen de la bibliographie relative aux centrosomes ne nous avait donné l'explica- tion de nos insuccès. Nous avons suivi très souvent ettrès facilement, lorsque nôs préparations étaient bien colorées, le contour du (1) E. Furst : loc. cit., p. <29, 130. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 215 fuseau, au stade de la plaque équatoria)e : chaque pôle se terminait en poi7ite effilée, ce qui exclut, dans ce cas, la présence d'un centrosome ordinaire; la pointe venait souvent jusqu'au contact de l'ectoplasme. Nous considé- rons comme très générale cette disposition des pôles à venir affleurer dans les Chlamydomonadinées à la surface du corps ; on peut même supposer que c'est dans le but d'y prendre un point d'appui, et cela expliquerait, jusqu'à un certain point, l'absence de radiation dans le cyto- plasme. On voit sufïisamment, par ce qui précède, combien sont confuses les idées actuelles sur la nature des cen- trosomes ; h chaque instant, on se heurte à des affirma- tions contradictoires : la même incertitude existe au sujet de leur rôle. Les uns considèrent ces corpuscules comme des centres d'attraction; les autres y voient au contraire des centres de répulsion. Lorsqu'on observe une bulle d'air plongée dans une émulsion de matière grasse ou albumineuse, on voit qu'elle est entourée d'irradiations. Butschli, qui a remar- qué le fait, admet que la bulle se contracte et produit ainsi une traction sur la substance environnante : d'après lui, le centrosome se comporterait de la même façon (1). Ilenking émet une opinion inverse (2) : il s'appuie sur ce fait qu'une goutte d'eau ou d'alcool tombant sur une sur- face enduite de noir de fumée détermine la formation de stries rayonnantes semblables à celles d'une sphère attraciive; il en conclut que les centrosomes sont les points do la cellule où s'exerce une pression répulsive. Henneguy a comparé les ligures karyokinétiques avec (1) Butschli -.Ueber die KûnsllicheNachahmung der Karyohinetischen, Fi;y « r (Verhaïul l.d. Naturhist.-Mediz. Vereins zu Ileidelberg, Bd. 5, 4 893, p. '^8). (2) Henking : Kunslliche Nachbilduuij von Keruleilungs fîguren (Ai'_ chiv. f. mikr. Anat., 1893, Bd. 41, p. 28). 216 P. -A. DANGEARD celles que l'on obtient avec de la limaille de fer et un aimant (1) ; il ne considère pas toutefois ces reproductions artificielles comme étant susceptibles de nous renseigner sur le rôle des centrosomes. Farmer n'accorde qu'une importance tout à fait secon- daire aux centrosomes ; il ne les regarde même pas comme des organes morphologiques stables; ce sont de simples points d'insertion, des granules ou peut-être des masses condensées qui n'ont aucune action directrice (2). Le seul fait qui puisse être invoqué sérieusement en faveur d'une action attractive des centrosomes a été fourni par Hennegay : celui-ci a vu, chez la Truite, dans le cas de deuxfuseaux nucléaires rapprodiés, l'un des centrosomes exercer une influence perturbatrice sur la disposition et la répartition des chromosomes du second fuseau (3). Nous nous refusons cependant à voir là autre chose qu'un cas tératologique et fortuit. En effet, les centro- somes manquent souvent, et la division indirecte ne s'en effectue pas moins suivant la marche ordinaire ; alors même qu'on arriverait à prouver l'existence constante de centrosomes, ce qui est actuellement invraisemblable, nous n'admettrions pas davantage leur rôle attractif. Chez les Chlamydomonadinées, les fuseaux nucléaires, par suite du manque d'espace, sont souvent très rapprochés les uns des autres; comme, d'autre part, ils sont assez allongés, il en résulte que l'action perturbatrice des cen- trosomes aurait très fréquemment l'occasion de s'exercer; or nous n'avons jamais rien vu qui rappelât l'observation, d'ailleurs fort intéressante, d'IIenneguy. (1) Henneguy : loc. cit., p. 386. (2) Farmer : On Spore-Formation and Nuclear Division in tht Hepa- ticœ (Annalsof Botany, t. IX, 1895, p. 508). — Ueber Kernth. in Lilium- Antheren besondersin Bezug aufdie Centvosomen-Frage (Flora, t. LXS.X, 1895, p. 38-55). (3) Henneguy : loc. cit., p. 305, fig. 205. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 217 Nous exposerons plus loin notre opinion sur la nature des centrosomes et leur rôle ; il nous faut pour cela étudier d'abord la karyokinèse dans ses diverses mani- festations. a) la prophase. La prophase comprend ordinairement : a) Différencia- tion des chromosomes ; b) Formation du fuseau; c) Groupe- ment des chromosomes en jjlaque équatoriale. a) La. différenciation des chromosomes a lieu au stade de spirème ou de peloton. Dans les Chlamydomonadinées, le noyau augmente de volume : le nucléoplasme devient homogène et le plus souvent achromatique. Le nucléole qui, à un moment donné, était très gros, abandonne peu à peu sa substance ; son contour devient irrégulier, indé- cis : il finit par disparaître complètement ; on n'en retrouve plus aucune trace, lorsque le fuseau nucléaire est formé. C'est pendant la disparition du nucléole que s'individualisent en général les chromosomes : il est bon de remarquer cependant qu'ils sont souvent déjà cons- titués et indépendants, alors que le nucléole est encore intact et occupe le tiers environ de la cavité nucléaire. Il est assez difficile de relier entre eux les divers aspects qui se produisent dans le noyau, au moment de la forma- tion des chromosomes : avant la première division, nous avons bien vu, dans le Chlamydomonas Mona- dina, de fines granulations chromatiques qui semblaient faire partie d'un cordon pelotonné ; mais cette disposition est rare ; une seule fois, dans le Chlorogonium euchlorum, le noyau a montré un ruban chromatique homogène qui décrivait quatre tours en hélice sous la membrane. Le plus souvent, on ne distingue que des taches chroma- tiques ondulées, irrégulières : le nombre en est d'abord supérieur à celui des chromosomes ; finalement, on ne 218 P.-A. DANGEARD trouve plus que les segments chromatiques eux-mêmes rubanés ou globuleux. Entre deux divisions successives, les chromosomes se voient plus facilement ; ils se montrent alors sous forme de granules chromatiques, de bâtonnets ou de filaments très fins entremêlés en peloton. En résumé, malgré leur petitesse, ces noyaux présen- tent au début de la prophase des modifications analogues à celles qui ont été observées ailleurs, chez les animaux et chez les végétaux. Pendant que se différencient les chromosomes, le nucléole disparaît peu à peu : il était naturel d'établir entre les deux phénomènes une relation de cause à effet : on n'y a pas manqué. Went a fait à cet égard des observations qui pouvaient paraître concluantes, en particulier sur les noyaux du sac embryonnaire d'HyncintJius ovientalis : il pensait que les nucléoles ou leurs fragments étaient incorporés directe- ment dans le cordon nucléaire (l) et en modifiaient la chromatophilie. O. et R. Hertwig (-2), F. ReinkefS) expriment une opinion analogue; ils considèrent que le nucléole représente une substance de réserve à l'usage des chromosomes. Zacharias a fait remarquer que la chromatinedes chro- mosomes ne peut provenir au moins directement des nucléoles, car ces derniers renferment bien de la plastine et de l'albumine^ mais pas de nucléinc (4). (1) Went : Beobachtungen ûbei' Kern und Zellthcilung (Bericlite der deutscli. Bot. Gesellschalt, Bd. V, 1887, p. 247-251). (2j O. Hertwig: La cellule et les tissus, traduction C. Julin, Paris, 1804, p. 194-195. — li. Hertwig : Ueber die Enlwichelung des unbe fruchtelen Seeigeleies (Aus der Fe^lschrit't fiir Gegenbaur, i 896, p. 30). (3) F. Reinlce : Zellstudien (Archiv. f. n)il;rosk. Anat., 1894, BJ. 43, p. 410). (4) Zacharias : Eeru-ideruiuj (But. Zeilung, 1888). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 219 Strasburger, modifiant sa première opinion, est d'avis maintenant que le nucléole n'est point utilisé par les chromosomes ; il sert à la formation du fuseau achro- niatique (1). Le nucléole dans les Chiamydomonadinées n'a très pro- bablement aucun rôle dans la différenciation des chromo- somes ; il nous est arrivé d'en voir un gros intact au milieu des segments chromatiques déjà globuleux ; d'au- tre part sa grosseur, dans plusieurs espèces, est égale sinon supérieure à la masse totale des chromosomes [Chlorogonium euchlorum, etc.). Dâux opinions principales existent au sujet de Tindi- vidualité des chromosomes. 1° Les uns admettent que les chromosomes restent indé- pendants dans le noyau à Vétat de repos. Cette idée, soutenue par Rabl dans son travail sur les noyaux des larves de Salamandre (2), a été adoptée par Strasburger. En faisant agir avec précaution l'eau de Javelle sur les noyaux de l'albumen [Fritillaria, Galanthus, Leucbïum) et des cellules-mères de pollen (Lilium bulbife- rum, Allium), ce savant a cru remarquer, avant l'entrée en division, des filaments distincts : il en conclut que les chromosomes ne se soudent- point entre eux ; ainsi s'ex- plique naturellement la constance de leur nombre dans les divisions successives (3). 2** D'autres pensent que les chromosomes s^unissent en un cordon nucléaire unique. (1) strasburger : Ueber Cytoplasm.istr. (Jalirb. f. wiss. Botanik, Bd. XXX, p. 378). (2) Rabl : Ueber ZtlUheilung (Morph. Jahrb., Bd. 10, 1885, p. 284 et 43G). (3) Strasburger : Sur la dioisioa des noyjux cellulaires, la dicision dôs cellules et la fécondalion {Sou.i-aa.1 de Botanique, mars 1888, p. 81). Ueber Kern und Zelltheilung ini Pflanieareiche (Hist. Beitr., Ileft 1, 1888, p. 36). 220 P.-A. DANGEARD Cette manière de voir doit la faveur incontestable dont elle jouit actuellement aux observations de Balbiani sur les noyaux des larves du Chironomus ; le cor- don nucléaire est visible dans le noyau au repos ; ses extrémités viennent se terminer à deux nucléoles distincts ou accolés. Balbiani, après avoir étendu ses recherches à divers autres sujets, est amené à con- clure que, dans le plus grand nombre des cas, il existe un cordon unique pelotonné sur lui-même. Gui- gnard, au cours de ses études sur la karyokinèse, s'est prononcé dans le même sens. « Les faits observés^ dit-il, parlent plutôt en faveur de l'existence d'un filament chromatique ininterrompu chez le Ceratozainia, du moins dans les noyaux des cellules polliniques (1) ; dans un autre mémoire, consacré aux noyaux du Liliuin Marta,- gon, il confirme ses premières appréciations (2). L'existence d'un filament nucléaire unique n'est pas, on le conçoit, sans soulever de nombreuses difficultés. La division transversale se borne-t-elle à isoler à la pro- phase, comme l'admet Boveri, les chromosomes qui se sont unis à la dernière métaphase ? Ou bien les segments chromatiques sont-ils simplement des portions quelcon- ques du filament, ainsi que le pense Hertwig ? S'il ne s'agit que d'une soudure temporaire, l'individualité des chromosomes se trouve sauvegardée tout aussi bien que s'ils restaient indépendants ; dans l'autre cas, il est plus difficile de s'expliquer la constance du nombre des chro- mosomes. En ce qui concerne les Chlamydomonadinée^, les chro- mosomes sont trop petits pour que l'on puisse faire utile- ment une observation sur ces points litigieux. Cependant, (1) Guignard ; Observation sur le pollen des Cycadées (Journal de Botanique, t. III, 1989, p. 233). (2) Guignard : Nouvelles études sur la fécondation (Ann. se. nat.. Bot., XW série, t. XIV, 1891, p. 173, 183). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 221 il est assez difiiciie de comprendre comment les nom- breux segments chromatiques du Chlamydomonas Mona- dina^ par exemple, arriveraient à se placer bout à bout pour constituer un filament unique ; dans quel but, ils se souderaient ainsi pour se séparer à nouveau. Nous serions assez disposé à admettre que les chromo- somes restent indépendants dans le noyau à l'état de repos ; leur substance s'augmente comme celle de la cellule elle-même : il arrive un moment où ils doivent se diviser: comme ils sont très allongés et entremêlés les uns dans les autres, la chose n'est pas possible sous cette forme ; ils se raccourcissent donc et se placent sur un même plan équatorial ; cette dernière disposition évitera les rencon- tres qui pourraient se produire si les chromosomes res- taient mélangés. La structure intime des chromosomes est généralement comprise de la manière suivante. Le cordon nucléaire renferme dans toute sa longueur une rangée de grains de chromatine ou nucléomicrosomes : ces grains sont réunis par des espaces incolores formés de linine ; parfois, les grains sont remplacés par de véritables disques colora- bles qui alternent avec des disques incolores. Cette cons- titution granuleuse ou striée du filament nucléaire a été adoptée à la suite des travaux de Baranetzki, de Balbiani, Pfitzner, etc. D'après Strasburger, on peut passer d'une structure à l'autre ; à la prophase, « pendant la contraction des cordons nucléaires, les granulations serapprochent et se fusionnent, pour s'enrichir en même temps aux dépens de la linine, qui finalement ne forme plus que des bandes étroites entre les disques bien plus épais de chroma- tine (1). )) Cette transformation en disques est le prélimi- naire de la scission longitudinale. Guignard ne parle que de granulations : au départ de la (1) Strasburger: Sur la division des noyaux nucléaires, lac. cit., p. 83 252 p. A. DANGEARD prophase, avant l'apparition du fuseau, « on distingue, dit-il, dans lesubstratuni protoplasmique hyalin qui forme la nnasse fondamentale du filament, au lieu d'une file de granulations plus ou moins fusionnées, deux séries de granulations plus petites, qui sont Tindice d'un dédouble- ment longitudinal dans le filament, et ce dédoublement s'effectue avant qu'on n'observe des bouts libres dans le peloton nucléaire (1). » Ces granulations se fusionnent plus tard et la substance des chromosomes devient homogène. D'après Carnoy, le boyau nucléinien présente les plus grandes variations de structure ; parfois, comme dans la tête des spermatozoïdes, il se condense en une masse homogène ; ailleurs, il constitue un véritable tube, à l'in- térieur duquel la nucléine se montre sous des aspects très différents, selon les noyaux. Dans les Chlamydomonadinées, les chromosomes ne montrent ni granulations, ni stries ; en se différenciant, au début de la prophase, ils apparaissent dans lenucléo- plasme achromatique comme des taches rubanées à con- tour indécis ; puis, en se condensant, leur substance devient plus sensible aux réactifs nucléaires ; la limite se précise et finalement devient très nette ; la structure de ces chromosomes n'a pas cessé d'être homogène, au moins en apparence. D'ailleurs, en admettant que le cordon nucléaire ait réellement une structure striée ou granuleuse, il nous serait difficile de l'apercevoir, puisque la grosseur d'un chromosome, dans plusieurs des espèces de la famille, n'est pas sensiblement supérieure à celle d'un nucléomicro- some ordinaire. b) Formation du fuseau. — Le fuseau est d'origine cyto- plasmique d'après les uns, d'origine nucléaire d'après les autres. La première opinion a été soutenue par Fol, {\) Guignard : Nouvelles études sur la fécondation, lac. cit., p. 174. MÉMOIRE SUR LES CHLÂMYDOMONADINÉES '223 Strasburger, Boveri, Van Beneden, Guignard, llenneguy , Schullze, etc. ; la seconde par Zacharias, Carnoy, Pfitzner, Schwarz, R. Ilertwig, etc. Flemming a fait remarquer récemment qu'avant la disparition de la membrane, on remarque dans le noyau un réseau fibrillaire qui fournit en partie, sinon totalement, le fuseau achromatique (1). Belajefl, à la suite de ses recherches sur les cellules- mères des grains de pollen du Larix europea, attribue au fuseau nucléaire une constitution mixte ; il serait formé deiilamcnts nucléaires et de filaments cytoplasmiques(2}. Strasburger s'est d'abord montré un chaud défenseur de l'origine exclusivement cytoplasmique dufaseau, tout au moins chez les plantes supérieures (3) ; puis il a été' conduit à exprimer une opinion à peu près semblable à celle de Belajeff; il admet que seules les fibrilles les plus externes sont de nature cytoplasmique ; le reste du fuseau provient du noyau lui-même (4). Dans les cel- lules-mères des grains de pollen du L%rix europea, le noyau, avant la disparition de la membrane nucléaire, contient, outre les chromosomes et les nucléoles, un rvéseau de fibrilles; celles-ci, parla triple coloration de Flemming, se colorent en violet, alors que les granulations qu'elles renferment prennent une teinte rouge violet^ comme les nucléoles. Les fibrilles forment le fuseau apVôs disparition des granules ; ce fuseau, d'abord multipolaire, devient ensuite bipolaire. Strasburger pense que le nucléole est utilisé dans la constitution du fuseau, à titre de substance (l) Flemming : Neue Beilrâge zur Kennlnn der Zelle, Il (Archiv. f. mikros. Anatom., Bd. XXXVII). {;!) W. Belajeff: Zur Kennlnis der Karyokinesebei den Pflanzcn (Flora, 4 894, p. 430). (3) Strasburger: Uebcr dieWirkungsphàre derKerneunddieZellgrosse, léna, 1893. (4) Strasburger : Karyokinetische Problème (Jahr. fur wis. Botanik. Bd. XXVIII, 1895, p. 166). 224 P.-A. DANGEARD de croissance. « Nicht dass dessen Substanz sich zu den Spindelfasern gestreckthatte, sie diente den Spindclfasern vielmehr als Wachsthumsmaterial », loc. cit., p. 167. Nous constatons une nouvelle orientation dans les « Cytologische Studien » dont nous avons parlé précé- demment à propos de la structure du cytoplasme (1). Oster- hout constate que, chez les Equiseluni, des faisceaux de fibrilles s'organisent^ en dehors du noyau ; lorsque la membrane a disparu, ces faisceaux pénètrent à l'intérieur de la cavité nucléaire et ils vont s'unir à quelques rares filaments de linine ; le fuseau achromatique qui en pro- vient est d'abord multipolaire ; il devient ensuite bipo- laire (2). Mottier décrit également la formation du fuseau aux dépens de fibrilles cytoplasmiques qui divergent de nombreux centres et envahissent la cavité nucléaire après la disparition de la membrane ; le noyau ne renferme à ce stade aucilne autre substance que du suc nucléaire (3) dans les Podopliyllum et les Helleborus. Swingle a fait chez les Sphacelariées des constatations intéressantes (4) ; le noyau de ces algues conserve sa membrane pendant la karyokinèse; elle ne disparait qu'au moment de la recons- titution des noyaux-filles. A la prophase, de chaque cen- trosome, on voit des fibrilles pénétrer progressivement dans la cavité nucléaire qui est remplie à ce moment d'une substance granuleuse : les plus internes, dans le faisceau, se mettent en relation avec les chromosomes ; les autres conservent leur extrémité libre. Swingle admet que ces fibrilles sont les mêmes que celles qui divergent du cen- trosome dans le cytoplasme, lorsque le noyau est à l'état de repos. Le fuseau ne remplit pas la cavité nucléaire tout entière: dans les gros noyaux, l'espace annulaire souvent (1) Cytologische studien {Ja.hrh. f. wiss. Botanik. Bd. XXX, 1897). [i] Osterhout : loc. cit., 167. (3)Mottier: loc. cit., p. 178-180. (4) Swingle : loc. cit., p. 345. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 225 assez large qui s'étend jusqu'à la membrane, est rempli de substance granuleuse. Ainsi donc, l'origine du fuseau pourrait être cyloplas- mique alors même que le noyau conserve sa membrane pendant la karyokinèse : la pénétration se ferait aux deux pôles, à partir des centrosomes. Ce n'est pas la première fois que l'on fait provenir le fuseau achromatique des sphères attractives : cette idée a été soutenue par Ed. van Beneden, Platner, Boveri. Gui- gnard admet également que dans le Liliiun Martargon, après disparition de la membrane nucléaire, le cytoplasme s'avance à partir des sphères directrices et sous l'orme de stries, dans la cavité du noyau, occasionnant d'abord un rapprochement deei segments chromatiques au centre de la cellule (1). En dernier lieu, Strasburger, résumant ses propres travaux et ceux de ses élèves, admet que le cytoplasma comprend du protoplasma alvéolaire et du protoplasma filaire (2) : c^est ce dernier qui forme le fuseau. Signalons enfin la constitution plus compliquée attri- buée par Hermann au fuseau achromatique, à la suite de recherches sur les cellules testiculaires de la Salamandre (3). Le fuseau est double : sa partie centrale s'est formée lors du dédoublement des centrosomes, et les filaments s'éten- dent sans discontinuité d'un pôle à l'autre ; le fuseau périphérique comprend des filaments qui partent de chaque centrosome et vont se fixer sur les chromosomes. L'étude du noyau des Chlamydomonadinées nous per- met de prendre part à la discussion engagée. (1) Guignard i Nouvelles éludes sur la fécondalion..., loc. cit., p. 175. (2) Strasburger : Die pfamlichen Zellhaute (Jahr. f. wis. Botanik. Bd. XXXI) et Cyfologische Sludien (Id. Bd. XXX). (3) Hermanu ; Beilrag zur Lekre vo7i der Enlslehung der Karyokine- tischen Spindel (Arcliiv. f. mikr. Anat. Bd. XXXVII, 1891). . H 22G P.-A. DANGEARD Examinons d'abord quels sont les caractères du cyto- plasme qui entoure le noyau pendant la. karyokinèse. Le cytoplasme est fréquemment homogène ; il est chro- matophile à des degrés variables : il ne présente jamais trace de radiations ou de librilles ; nous n'avons jamais du moins réussi à en voir, alors que nous constations sans difficulté aucune la structure filaire du fuseau. Le cytoplasme peut devenir achromatique comme dans le Chlamydomonas variabilis : chez cette dernière espèce, il renfermait de gros globules réfringents que nous avons signalés à la partie descriptive: les mailles du réseau étaient minces sans apparence de fibrilles ; elles entou- raient directement le noyau En résumé, nous ne trouvons pas autour du noyau en division, chez les Chlamydomonadinées, cette différencia- tion fibrillaire si générale dans les cellules animales et les cellules végétales : le cytoplasme est homogène onalvéo- laire, chromatique ou achromutlque. Quant au nucléoplasme, il est tout d'abord homogène à la prophase, et de plus, fréquemmentachromatique; mais, après la disparition du nucléole, il devient légèrement chromatophile ; avec le picro-carmin et l'hématoxyline, il prend une teinte rougeâtre. Cette propriété qui lui est sans doute communiquée par le nucléole, diminue en général dès la seconde bipartition ; dans lesgamétanges des Chlo- rogonium, 3iUX dernières divisions, il nous était impossible de différencier les fuseaux : leur contour restait indistinct ; les chromosomes seuls se coloraient. Pour étudier l'origine du fuseau, il ne faut pas envisager les cas dans lesquels le cytoplasme entoure directement le noyau et possède d'autre part une chromatophilie égale à celle du nucléoplasme : on peut choisir d'abord ceux dans lesquels les deux protoplasmes ont une sensibilité différente aux réactifs colorants. Lorsqu'on trouve, comme dans le Chlamodomonas varia- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 227 bilis un noyau rempli de nucléoplasme chromatique à tous les stades de la prophase et même avant, alors que le cytoplasme environnant est incolore, il ne saurait y avoir le moindre doute sur l'origine nucléaire du fuseau. Le cas inverse se produit quelquefois, mais il est moins concluant ; ainsi à la seconde bipartition, dans le Chlamy- clomonRs Mona,clina, le fuseau peut rester incolore, alors que par la double coloration A, le cytoplasme est teinté en rouge. Certains exemples sont encore plus instructifs que les précédents; le noyau conserve quelquefois sa membrane jusqu'à un stade assez avancé de la karyokinèse ; il en est ainsi notamment à la première et à la seconde bipar- tition dans le Chlurogoniuru euchlorum. Le cytoplasme se trouve alors séparé du fuseau par un espace incolore, et il n'adhère souvent à celui-ci qu'aux deux pôles et parfois à l'équateur : sa limite est excessivement nette ; on est amené à conclure que le nucléoplasme et le nucléole ont été utili- sés directement dans la constitution du fuseau. Nous ne voulons pas dire cependant que le nucléoplasme contribue toujours seul à former le fuseau ; si le noyau n'en renferme qu'une quantité insufïisante, le cytoplasme intervient : c'est ce qui explique les divergences nom- breuses qui se sont produites sur l'interprétation du phé- nomène, ainsi que les opinions successives de savants comme Strasburger. Il est bien évident que dans un gamé- tosporange de Chlorogonium euchlorum, le nucléoplasme du premier fuseau n'a pas suffi à la formation des seize fuseaux qui se produisent à la dernière bipartition : le cy- toplasme en a fourni la plus grande partie, il s'est donc adapté très rapidement à sa nouvelle fonction. Selon nous, les fuseaux peuvent donc, selon les cas, pro- venir du nucléoplasme ou du cytoplasme, ou encore d'un mélange des deux substances. 228 P.-A. DANGEARD Le fuseau dans les Chlamydomonadinées n'est point un groupement de fibrilles dans du suc nucléaire : c'est une masse de substance légèrement chromatique ou plus fréquemment achromatique: les stries, à notre sens, ne détruisent pas son homogénéité ; on ne les aperçoit point lorsqu'on réussit par le picro-carmin et l'hématoxyline à obtenir une teinte rougeâtre : elles se voient bien, au con- traire, lorsqu'on traite les cellules par la fuchsine acide et l'hématoxyline :-elles n'ont point le caractère de fibres composées ou de fibrilles: nous les comparerions assez volontiers aux rides et aux plissements qu'un choc pro- duit à l'intérieur d'un liquide, si nous n'ignorions leur na- ture exacte et la cause qui les produit. Le nombre de ces stries correspond à peu près au nombre des chromo- somes. Nous désignons volontiers avec Strasburger cette modification du protoplasme, sous le nom de plasma filaire : mais nous ne sommes pas bien certain qu'elle corres- ponde au plasma filaire de Flemming: il y a probablement, comprises sous cette dénomination, des choses de nature très différente. Dans le Chlamijdomonas Monadiyia, nous avons trouvé une fois, de chaque côté de la plaque équatoriale, d'assez gros corpuscules dont nous ignorons la nature : ils étaient constitués par du protoplasme semblable à celui du fuseau, mais ils étaient nettement délimités et entourés par une zone plus claire. On ne saurait les confondre avec des nucléoles. c) Le groupement des cJiromosomes en plaque équatoriale se fait lorsque le fuseau est délinitivement constitué. Le cordon chromatique, d'après Flemming, forme d'abord, à la périphérie du fuseau, une couronne festonnée composée d'anses ayant leur sommet tourné vers le centre du fuseau : c'est le stade étoile qui succède au stade peloton. Les anses qui représentent les chromosomes deviennent indépendantes : chacune a la forme d'un U ou MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 229 d'un V dont la pointe s'appuie sur le fuseau, alors que les deux branches divergent à l'extérieur. Guignard, dans le Lilium Martagon, figure les chromo- somes sous forme de bâtonnets : ces bâtonnets sont repoussés au centre du noyau par le cytoplasme qui s'a- vance, à partir des sphères directrices, pour constituer le fuseau ; ces bâtonnets se placent ensuite à l'équateur du fuseau et perpendiculairement à sa surface (1). Strasburger et Mottie admettent (2) que dans les cellules- mères des grains de pollen et dans le sac embryonnaire, les chromosomes, à la première bipartition, ont la forme d'U ou de V et se comportent à peu près suivant le schéma de Flemming. Belajeff établit des différences qui seraient en rapport avec la sexualité (3); ainsi, dans les noyaux végétatifs, les chromosomes auraient la forme d'anses ; mais dans les cellules-mères des grainsde pollen, etdansle sacembryon- naire, à la première bipartition, les chromosomes en bâtonnets seraient accouplés par deux en forme d'X, de V ou d'Y ; à la division suivante, les bâtonnets se sépareraient simplement, d'où une réduction de moitié dans le nombre des chromosomes. Il résulterait de ces observations que le schéma de Flemming ne s'appliquerait qu'aux noyaux végétatifs. Chez les Chlamydomonadinées, les chromosomes se placent sur un seul plan, dans toute l'épaisseur du fuseau ; ils sont serrés les uns contre les autres, formant une sorte de pavage assez régulier ; à cause de leur petite taille, on les voit sous forme de granulations ou de courts bâtonnets. Il n'en faudrait toutefois pas conclure qu'ils se comportent autrement que ceux des plantes (1) Guignard : Nouvelles études su7- la fécondation, lac. cit., p. 175. (2) Cytologische Studien : loc. cit. (3) Belajeff : Ueberdie Réductions thailung des Pflanzenkernes (Beri- chted. deut. Bot. Gesells. Bd. XVI, 1898). 230 P.-A. DANGEARD supérieures et des animaux : en effet, chez le Chlamydo- vionas Monadina, dans un cas très favorable, nous avons vu un des chromosomes nettement recourbé en anse, il occupait le bord de la plaque équatoriale. Le nombre des chromosomes nous a paru assez cons- tant pour une même espèce. Le Chlorogonimn eucfdorum possède environ 10 chro- mosomes. Le PJtacotus lenticularis possède environ 6-8 chromosomes Le Chlamydomonas Monadina — 30 — Le Chlamydomonas variabllis — 10 — Le Chlamydomonas Dilli — 10 — he Carteria cordiformis — 42 — Toutefois, nous devons ajouter que dans le Chlorogo- nium, euchlovum, nous avons cru voir quelques légères difiérences entre les sporanges et les gamétosporanges : dans les premiers, il nous arrivait de ne pouvoir compter que huit chromosomes à la plaque équatoriale, alors que nous en trouvions souvent une douzaine aux noyaux des gamétosporanges. Ces variations sont faibles si on les compare à celles qui ont été signalées par Henri Dixon dans le Lilium longiflorum, où le nombre des chromosomes oscille de 16 à 32 pour les mêmes tissus (1). b) anaphase (2). L'anaphase comprend : a) Séparation des chromo- somes ; b) Disparition du fuseau ; c) Reconstitution des noyaux -filles. (i) H. Dixon : On Ihe chromosomes o/' Lilium longiflorum (Proc. of the R. Irish Acad. se, v. III, 18%, p. 707-720). (2) Nous laissons de côté le terme de métapiiase qui ne semble cor- respondre à rien de précis. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 231 a) La, séparation des chromcsomes est précédée par une division de ces éléments qui a pour but de main- tenir leur nombre constant d'un noyau à l'autre ; cette division est longitudinale, ainsi qu'il résulte des obser- vations de Flemming (1878), Uetzius (1881), Guignard (1883), Heuser (1884), Van Beneden (1884), Rabl (1884). Le dédoublement longitudinal des chromosomes se produit à un moment variable de la prophase ; il est souvent difficile d'en déterminer le début : on admet que les granulations chromatiques du cordon, disposées d'a- bord en une série unique, grossissent et se dédoublent en deux séries parallèles ; de la sorte, la chromatine se trouve répartie régulièrement entre les deux segments chromatiques. Chez les Chlamydomonadinées, nous n'avons remar- qué aucune trace de division des chromosomes, avant le stade de la plaque équatoriale : chaque chromosome est trop petit pour qu'on puisse se rendre compte par l'observation directe de son mode de dédoublement : on voit simplement la plaque équatoriale se séparer en deux nouvelles plaques qui s'éloignent l'une de l'autre. La nature du mouvement qui conduit les chromosomes aux pôles du fuseau est loin d'être élucidée. Les uns, avec Van Beneden, Boveri, O. Hertwig, Rabl, etc., admettent que les chromosomes sont attirés aux pôles du fuseau par une traction des filaments achroma- tiques. Cette idée est certainement très séduisante : elle a été adoptée dans l'étude des cellules végétales par Belajeff, Mottier. Ce dernier distingue, dans le fuseau, les filaments tracteurs qui partent de chaque pôle et vont s'insérer sur les chromosomes et les filaments conducteurs qui s'éten- dent d'un pôle à l'autre : il en existe encore d'autres qui partent de chaque pôle et se terminent librement au 232 P.-A. DANGEARD niveau de la plaque équatoriale. Les filaments tracteurs sont composés d'un faisceau de fibrilles (l). Les objections à cette manière de voir ne manquent pas cependant ; le trajet de ces filaments tracteurs devrait être droit et non curviligne : leur raccourcissement devrait correspondre à un épaississement qui n'a jamais été observé ; le changement du fuseau en tonnelet ne s'explique pas davantage. Si nous considérons plus spécialement les Chlamydo- monadinées, nous constatons que les pointes du fuseau, au stade de la plaque équatoriale, sont très effilées et qu'elles viennent fréquemment s'appuyer à la surface du corps. Le fuseau est nettement délimité ; ce n'est point un espace vacuolaire traversé par des fibrilles : l'en- semble est formé par du protoplasme homogène dans lequel on observe des striations dont le nombre corres- pond à peu près à celui des chromosomes. Les deux plaques formées par les chromosomes se déplacent en sens inverse, tout en continuant à rester parallèles : elles ne diminuent pas sensiblement de diamètre, d'où l'aspect tonnelet si marqué, par exemple, dans le Cldamydomonas MonadinsL ; le protoplasma du fuseau conserve ses carac- tères entre les deux plaques ; les fibrilles connectives ressemblent aux stries que l'on trouve au stade de la plaque équatoriale. S'il existait réellement des filaments tracteurs, il semble que le diamètre des plaques devrait diminuer en s'approchant des pôles, sans modifier la forme du fuseau en son milieu ; de plus, avec une tren- taine de chromosomes très rapprochés, il faut supposer autant de filaments tracteurs s'insérant juste à l'endroit voulu, se contractant tous en même temps et d'égale façon et disparaissant ensuite sans laisser de trace jusqu'à une (1) David Mottier : Ueber das Verhalten der Kerne bei de)' Ealwike- lunq des Einhryosaks (Jahrb. f. wissensch Botanik, Bd. XXXI, p. 130). MÉMOIRE SUR LES CHLàMYDOMONADINÉES 233 nouvelle division. Comment se fait-il que, malgré les modifications dans le nombre des chromosomes, ces derniers aient toujours à point leur élément de traction ? il faut donc supposer à ces éléments une individualité qui complique singulièrement la notion de la cellule. On doit à Strasburger une autre explication du mou- vement des chromosomes ; d'après lui, les segments chro- matiques se déplacent en glissant sur les filaments ; ils sont attirés par une force chimiotactique provenant des sphères attractives. Hacker a même cru constater un changement dans les centrosomes à ce moment ; de com- pacts qu'ils étaient, ils deviennent vésiculeux et laissent diffuser autour d'eux un liquide colorable qui serait l'agent de cette attraction chimique. Henneguy (1) par- tage l'opinion de Strasburger, et Gallardo essaie de lui donner une forme plus précise (2). « Les centrosomes sont les centres de force correspon- dant à une force newtonienne de nature indéterminée ; ils sont de même potentiel, ce que démontre la position équatoriale et équidistante des centres de la zone neutre où se disposent les chromosomes avant leur division. La marche en directions opposées suivies par les anses jumelles indique nettement le signe contraire des forces qui les attirent. Le faisceau nucléaire et les radiations constituant l'amphiaster sont l'extériorisation des lignes de force du champ de force produit par les deux cen- trosomes. » Sans vouloir en aucune façon diminuer le mérite de ces théories, nous devons à la vérité de dire qu'elles nous paraissentactuellement aussi peu vraisemblables l'une que (1) Henneguy : Loc. cit., p. 360. (2) Gallardo : Essai d'interprélalion des figures haryokinétiques (Ann. d. Mus. Nac. d. Buenos-Aires, V, 1890, p. 11-22). — La Carioquinesis (Ann. d. 1. soc. Cientif. Argentina, XLli, 1896, p. 5-34). — Analjse de Matruchot : Revue générale de Botanique, t. X, 1898, p. 492. 234 P.-A. DANGEARD l'autre : lorsqu'une Vampyrelle ou une amibe se divisent, chaque moitié tire en sens inverse de l'autre, jusqu'à complète séparation ; on n'a cependant pas à faire inter- venir venant de Yextérieur une force chimiotactique ou des filaments tracteurs. Cette division résulte de l'activité propre des individus. Il nous semble qu'il en est de même des chromosomes ; voilà des éléments auxquels on attribue un rôle important dans la cellule : on n'hésite pas à leur confier la trans- mission des propriétés héréditaires : on les voit dispa- raître pour réapparaître ensuite ; ils s'allongent, se rac- courcissent, se pelotonnent ou se déroulent, se dédoublent, se segmentent ; faut-il donc nécessairement faire inter- venir des forces externes de nature mécanique ou chimi- que, pour toutes ces modifications, et cela exclusivement ? A tout prendre, l'action chimique serait plus acceptable, parce que l'action mécanique suppose un moteur dont Texistence et le fonctionnement entraînent de nouvelles complications. Nous trouvons plus naturel, tant que la question ne sera pas plus avancée, d'admettre provisoirement que les chromosomes se séparent, comme les deux moitiés d'une amibe, en vertu d'une activité qui leur est propre. Lorsque les chromosomes se rapprochent des pôles du fuseau, nous avons remarqué qu'ils s'unissent parfois en une sorte de calotte ou de croissant d'aspect homo- gène ; nous ne saurions dire s'il faut voir là une véritable coalescence du genre de celle que l'on observe pour les chromosomes des anthérozoïdes ou s'il s'agit simplement d'un effet dû aux réactifs. b) La disparition du fuseau commence au moment où les chromosomes se groupent à chaque pôle pour recons- tituer les noyaux-filles ; déjà, à ce niveau, les fibrilles ont disparu ; les filaments connectifs du tonnelet persis- tent plus longtemps. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 285 Strasburger a montré que la formation de la membrane était en rapport avec ces filaments, lorsque la cellule se divise en même temps que le noyau. Le nombre de ces fibrilles augmente probablement par division : elles se renflent à l'équateur ; l'ensemble de ces nodosités cons- titue la plaque cellulaire ; comme elles arrivent à se tou- cher latéralement, la plaque cellulaire devient continue (1). On a observé quelque chose d'analogue chez les animaux, sous une forme plus rudimentaire (Flemming, Henneguy). Nous avons vainement cherché, dans les Chlamydomo- nadinées, la plaque cellulaire ou quelque chose d'ana- logue ; son absence nous permet de comprendre pour- quoi les divisions du noyau ne correspondent pas toujours aux bipartitions de la cellule. D'ailleurs les cel- lules des divers genres renferment un gros chloroleucite, et la place manque pour une plaque cellulaire normale ; des cloisons plus ou moins épaisses de cytoplasme tra- versent le chloroleucite à l'endroit où doivent s'effectuer les bipartitions ; si la substance du fuseau intervient, ce n'est que d'une façon détournée, que l'observation directe ne peut mettre en évidence. En résumé, le protoplasme du fuseau semble se diviser en deux parties : l'une continue à entourer les chromo- somes à la reconstitution des noyaux-filles ; l'autre se mélange au cytoplasme. Il est possible que cette dernière, à cause de son homogénéité, soit employée plus spéciale- ment à la formation des flagellums, de Tectoplasme et même de la membrane. Nous ne pouvons donner d'ailleurs qu'une seule obser- vation à l'appui de cette manière de voir. Dans les g-amé- tosporanges du Chlorogonium euchlorum, les bipartitions de la cellule ne se font que très tardivement ; on peut (1) Strasburger : Die pflan^lichen Zellhaute ^(Jahrb. f, wiss. Botanik, Bd. XXXI, -1898, p. 511). 236 p. -A. DANGEARD croire que ce retard a pour but de ménager la réserve de protoplasma homogène destinée à la formation des seize fuseaux nucléaires. c) La reconstitution des noyaux-fîUes ne nous arrêtera pas longtemps ; les phénomènes que l'on observe à Ce stade rappellent tout à fait ceux qui ont lieu à la pro- phase, lors de la différenciation des chromosomes : mais ils se produisent en sens inverse. Les chromosomes groupés aux pôles du fuseau s'éti- rent en fils : ces fils se contournent en peloton, et il est impossible de dire s'ils s'unissent par la suite en un filament unique ou s'ils conservent leur individualité. Pendant ce temps, une membrane nucléaire se forme ; le protoplasme du fuseau qui accompagnait les chromo- somes, se condense au centre du noyau en un nucléole qui grossit peu à peu ; on observe parfois deux petits nucléoles. Les chromosomes ont disparu en tant qu'éléments fi- gurés discernables : les noyaux reprennent la structure de l'état de repos, décrite précédemment. La karyokinèse, telle qu'on la comprend actuellement, est un phénomène complexe dont il est impossible de saisir la différenciation évolutive ; l'exposé qui précède montre que l'accord n'a pu se faire jusqu'ici, ni sur les causes de la division indirecte, ni sur son mécanisme, ni sur la na- ture des éléments figurés qui l'accompagnent. Cette constatation nous justifiera d'avoir tentéune expli- cation de la karyokinèse, comme suite à notre concep- tion delà structure du cytoplasme et du noyau. Essai sur la, Karyokinèse. Le protoplasma d'une cellule comprend le cytojDlasme et le nucléoplasme ; ce dernier renferme les chromosomes. Dans le cytoplasme d'une cellule, on peut observer des différenciations d'éléments ayant pour rôle une fonction MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 237 déterminée : c'est ainsi que dans une cellule à chloro- phylle, on observe des leucites verts ou chloroléucites qui sont chargés de la nutrition holophytique. De même, pour la karyokinèse, il se produit une différenciation du protoplasme à laquelle on peut donner le nom de leucite de diuision ou clasileucite (1). Cette assimilation va nous permettre de comprendre mieux les différences que peuvent présenter les clasileu- cites entre eux. A) Nature des clasileucites.— On sait que les chloroléucites peuvent être dépourvus de tout élément figuré: il en est de même des clasileucites qui sont alors réduits au fuseau nucléaire. Les chloroléucites possèdent souvent des corpuscules spéciaux ou pyrénoïdes qui sont susceptibles de se multi- plier par division ou par nouvelle formation et qui peuvent disparaître momentanément. Les clasileucites comprennent aussi assez souvent des éléments figurés ; ils occupent les deux pôles du fuseau et présentent un degré de complication variable ; nous dési- gnerons la sphère achromatique sous le nom de centro- sphèreetle corpuscule colorable quelle renferme sous le nomde centrosome : ce dernier, qui est engénéral très petit, arrive dans certains cas à remplir la centrosphère : la centrosphère ou le centrosome sont fréquemment entourés de radiations qui s'étendent dans le cytoplasme et dans le fuseau. Comme les pyrénoïdes d'un chloroleucite, ces élé- ments peuvent se multiplier par division ou par nouvelle formation ; ils peuvent également disparaître momenta- nément du clasileucite. Il nous semble donc qu'il n'y a pas lieu de s'obstiner à vouloir attribuer au clasileucite une structure identique dans tous les cas ; la seule partie indispensable est le (1) De -Ak'XT.i, action de diviser. 238 P.-A. DANGEARD fuseau nucléaire ; il est vrai qu'il faut enlever du même coup aux centrosomes, centrosphères et radiations, tout rôle prépondérant dans la karyokinèse ; le seul fait que leur absence n'empêche nullement les phénomènes de la karyokinèse de se produire normalement, est de nature à justifier cette opinion. Nous considérons le clasileucite comme un organe destiné à permettre le cheminement régulier des chromo- somes vers chaque pôle; c'est simplement une piste, un terrain de course, sur lequel évolueront les chromosomes, en vertu d'une force qui leur est propre. Au début, chez les organismes inférieurs, c'est le nucléo- plasme qui seul s'en différencie ; Schewiakoff l'a montré pour ÏEuglypha (1) et Hertwig pour plusieurs infusoires et Actinosphères: nous-même, après Schaudin(2), l'avons constaté dans une amibe. Le même fait se retrouve dans les globules polaires de ÏAscaris, dans les noyaux de certains mollusques, Pterotrachea, Phyllirhoë (3). En général, cependant, la différenciation s'est étendue au cytoplasme ; parfois même, l'action de ce dernier a paru prépondérante. Cela importe assez peu, puisque nous regardons le nu- cléoplasme et le cytoplasme comme une seule et même substance vivante, ayant des propriétés générales iden- tiques, et pouvant se suppléer l'une l'autre. Le clasileucite est donc constitué soit par du nucléo- plasme, soit par du cytoplasme ; il résulte aussi souvent d'un mélange de ces deux substances. Le fuseau est la seule partie essentielle du clasi- (1) Schewiakoff: Ueber die karyokinelische Kerntheilung der Euglypha. alveolata (Morph. Jahr., Bd. XIII, < 888). (2) Schaudin : Ueber die Theilung von Amoeba binudeata (Sitz. Bef. Gas. Naturf. Fr., Berlin, 1895). (3) O. Hertwig : La cellule, toc. cit. y p. 592. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 239 leucite ; les centrosomes et les cenlrosphères sont, sans doute, au même titre que les pyrénoïdes des chloroleucites, des réserves ou des dépôts de protoplasma vivant qui peuvent être utilisés parle leucite de division ; les radiations qui en partent ne sont point caractéris- tiques du clasileucite. En étudiant la karyokinèse chez une amibe, nous avons rencontré assez fréquemment des radiations semblables autour du noyau à l'état de repos ; Furst en a vu également autour des globules polaires de V Ascaris lumbricoïdes {{) ; les radiations ne représentent donc point nécessairement l'expression de forces attrac- tives ou répulsives spéciales à la karyokinèse. B) Division et séparation des chromosomes . — Les chro- mosomes^ dans le noyau à l'état de repos, pour une rai- son que nous ne connaissons pas, s'allongent en filaments minces qui se contournent et s'entremêlent au milieu du nucléoplasme ; pour que les noyaux-filles soient, après la division, semblables à celui de la cellule-mère, il faut que chaque chromosome se divise en deux moitiés égales et que chacune des moitiés se rende ensuite dans un noyau différent. Cela est évidemment impossible, avec la disposition entremêlée ; il faut, au préalable, que les chromosomes se dégagent, deviennent libres : ils se raccourcissent, d'où le stade peloton ; ils prennent la forme d'anses, de bâtonnets ou de simples granulations ; la forme en U ou en V est un moyen pour les chromo- somes de conserver une longueur assez grande tout en n'exigeant pas de trop grandes dimensions pour le leu- cite de division. Le but ne serait pas atteint néanmoins si ces bâton- nets ou ces anses restaient mélangés ; il y aurait des ren- contres fâcheuses dans la route en sens inverse que chacun des nouveaux chromosomes doit parcourir ; il est (1) Furst: Loc, cit., p. 130, 240 P.-A. DANGEARD donc nécessaire qu'ils soient au départ sur un même plan ; d'où le stade de la plaque équatoriale. N'oublions pas qu'ici, comme dans l'évolution des organes et des individus, la sélection naturelle et l'héré- dité peuvent entrer en jeu pour produire et conserver les dispositions favorables à-un but déterminé. Les changements de forme que présentent les chro- mosomes pendant l'anaphase, résultent d'une activité propre de ces éléments ; pour leur évolution ultérieure dans leclasileucite, il nous semble naturel de faire inter- venir cette même activité. Nous admettons donc, tout au moins provisoirement, que les chromosomes se séparent après leur division comme les deux moitiés d'une amibe ; ils se dirigent en sens contraire dans le clasileucite sans que celui-ci ait une action directe sur le mouvement ; son rôle est de favoriser ce mouvement en offrant aux chromosomes un chemin dépourvu d'obstacles. Ce qui nous semble mon- trer l'activité propre des segments chromatiques, c'est que, dans leur marche commune, ils suivent des trajets à peu près parallèles, d'où la forme tonnelet du fuseau : s'ils étaient mus par des filaments tracteurs, ils suivraient une direction conforme à l'angle du fuseau. L'existence d'une attraction chimiotactique ou magné- tique aux pôles du fuseau est contestable ; remarquons d'ailleurs que, seule, elle ne suffirait pas à expliquer la répartition mathématique des chromosomes en deux groupes égaux ; il faudrait qu'elle commençât juste au moment voulu, c'est-à-dire au stade de la plaque équatoriale, et qu'elle n'eût d'action que sur les chromo- somes tournés de son côté ; ce sont là des conditions presque impossibles à remplir, la moindre différence d'at- traction aux deux pôles pouvant tout compromettre. Nous n'ignorons pas les remarquables résultats aux- quels on est arrivé dans le déterminisme des mouve- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 241 ments (1). Nous savons, grâce aux belles expériences de Pfeffer(2), l'attraction qu'exerce l'acide malique sur les spermatozoïdes des Fougères et l'action de l'oxygène surbeaucoup d'organismes; àprio?'i, il n'est doncpas impos- sible qu'aux pôles du fuseau existe une substance chimio- tactique ; mais, à notre avis, seule elle serait impuissante à départager les chromosomes et à produire leur sépara- tion ; nous ne voyons même pas la nécessité de la faire intervenir pour une période limitée de la karyokinèse, alors que pour les autres mouvements et changements de forme des chromosomes qui se produisent, à la pro- phase et à l'anaphase^ il ne saurait en être question. C) Disparition du clcLsileucite. — Leclasileucite disparaît à la fin delà division, lorsque son rôle est devenu inutile; sa substance est utilisée d'une façon qui est encore loin d'être connue dans tous ses détails. Une partie reste autour des chromosomes dans le nouveau noyau; c'est elle qui se condense bientôt en un nucléole; une autre partie se mélange au cytoplasme; il est assez vraisem- blable de penser qu'à cause de ses propriétés spéciales, elle est plus particulièrement employée dans la forma- tion des flagellums, des membranes, de l'ectoplasme, etc. Les centrosphèreset lescentrosomes, lorsqu'ils existent, semblent pouvoir quelquefois persister dans l'intervalle de deux divisions : en général, ils se trouvent situés alors dans le cytoplasme, mais on les a signalés également dans le noyau (3); il est alors assez difficile de les distinguer des nucléoles. Il n'est donc pas étonnant qu'on ait cherché à faire (1) Consulter Werworn : Allgemeine Physiologie, 2e édition, lénn, 1897, p. 433. (2) W. Pfefier : Locomolorische Richtangsbew (Unters. aus dem bot. Inst. zu Tiibingen, Bd. I, 1884 ; — Id. Bd. II). (3) G. Karsten : Ucber Beziehungen der Nucleolen zu den Centrosomcn bei Psilotum triqnetrum (Berichte der deutsch. Bot. Gesellesch., 1893). 12 242 P.-A. DANGEARD dériver nucléoles et centrosomes les uns des autres, sans d'ailleurs y parvenir d'une manière certaine, ainsi qu'on peut le constater avec Brauer (1), Guignard (2) et Hum- phrey (3) D) Formation du clasileucite. — La formation du clasi- leucite est loin d'être uniforme ; si les éléments figurés, centrosomes et centrosphères, ont persisté, ils se placent aux extrémités d'un même diamètre, et c'est à partir de ces points que commence la différenciation du clasileucite. Lorsqu'ils n'existent pas, la différenciation peut com- mencer en de nombreux points à la fois : il en résulte des figures multipolaires : les divers centres se rappro- chent ensuite pour constituer le fuseau bipolaire. L'utilisation de la substance nucléolaire se fait tou- jours de bonne heure, et il semble qu'assez généralement les premières modifications qui apparaissent dans le nucléole correspondent étroitement au début de la diffé- renciation du clasileucite. Parfois même, en l'absence de centrosomes, c'est le nucléole qui semble jouer le rôle principal : la formation que B. Rawitz, par exemple, désigne sous le nom de sphère attractive, dans un travail tout récent (4), est pour nous simplement un nucléole ; cette confusion a dû se produire fréquemment. E) L'évolution du clasileucite. — Nous ne connaissons pas encore suffisamment la karyokinèse dans les orga- nismes inférieurs pour comprendre tous les stades de (1) A. Brauer; Zur Kenntniss der Spermatogenese bei Ascaris mega- locephala (Arch. f. mikr. Anat., t. XLII, p. 198). ("2) Guignard : Sur l'origine des sphères directrices (Journal de Bot., t. VIII, 1894, p. 241). (3) Humphrey : Nucleolen und Cenlrosomen (Berich. d. deutsche. Bot. Gesellsch. 1894). (4) B. Rawitz : Untersuchungen iXber Zelllheilung. II (Archiv. f. mikr. Anat. Bd. 53, 1898, p. 19-62). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES 243 l'évolution du clasileucite. Cependant, ce que nous savons permet déjà de répondre à certaines questions. Le clasileucite, dans les êtres primitifs, n'est qu'une adaptation du noyau lui-même à sa nouvelle fonction : le nucléole se dissout dans le nucléoplasme et celui-ci reste toujours nettement délimité du cytoplasme. Dans l'amibe que nous avons étudiée, le fuseau au stade de la plaque équatoriale était encore peu allongé ; son contour était simplement elliptique. Mais, àl'anaphase, lesdeuxgroupes de chromosomes s'éloignent beaucoup Tûn de l'autre en sens contraire; le tonnelet devient très long ; les chromo- somes continuent à rester réunis par une travée droite ou légèrement courbe dont la longueur atteint plus des 2/3 du diamètre de la cellule ; puis la rupture se fait et la sub- stance du clasileucite n'est plus apparente qu'au voisinage des chromosomes. L'amibe est déjà à ce moment échan- crée profondément en son milieu. La karyokinèse n'est ici, en réalité, qu'une division directe dans laquelle les chromosomes se séparent en deux groupes après s'être segmentés ; cette transition nous montre que le clasileu- cite n'a été tout d'abord qu'une simple modification delà substance nucléaire. Ceci explique pourquoi certains auteurs en sont arrivés à comparer le noyau des Protozoaires et les globules po- laires à un centrosome renfermant les chromosomes (1), Cette idée n'était pas sans avoir quelque chose de vrai, ce que nous exprimerons en disant qu'à l'origine, le clasi- leucite n'était qu'une différenciation du nucléoplasme ; plus tard, d'autres éléments sont intervenus dont le rôle ne saurait être essentiel, puisqu'en leur absence la segmentation des chromosomes et leur séparation en deux groupes se produit néanmoins. Le nucléole seul, qui se montre dès l'origine, a une (4) Consulter Turst: Loc. cit., p. 129-130. 244 P. A. DANGEARD importance capitale dans la formation du clasileucite : il suffît pour s'en convaincre de considérer la karyokinèse chez les Euglènes. Elle a été décrite d'abord par Blochmann qui a vu le gros nucléole du noyau s'allonger en biscuit, s'étirer et se séparer en son milieu (1) ; les chromosomes s'allongent eux-mêmes et se disposent en deux groupes autour des deux nucléoles-filles ; Blochmann incline à considérer ce nucléole, à cause de sa situation, comme analogue au fu- seau central d'Hermann. Keuten, qui a étudié cette divi- sion à nouveau, désigne cette formation sous le nom de nucléole-centrosome (2). Nous avons suivi cettedivisiondansl'Eufy^enasanguinea où elle est beaucoup plus intéressante encore. Le nucléole, dans cette espèce, est très gros ; en s'allongeant, il se fragmente en un nombre variable de bâtonnets ou de fila- ments parallèles qui restent distincts sur toute ou partie de la longueur; l'axe de division formé par ce nucléole est souvent très long ; les filaments nucléolaires, à n'en pas douter, commandent la division; leur ensemble peut être comparé à un fuseau dans lequel n'interviendrait pas le nucléoplasme. Chez l'Euglène, le nucléoplasme continue d'englober les chromosomes qui sont très nombreux. Ainsi, dans ce genre, le nucléole est un élément vivant qui, à un certain moment, provoque la division du noyau; on peut s'en rendre compte parce qu'il ne cesse pas d'être visible pendant la karyokinèse. Il est assez naturel de supposer, on en conviendra, que dans les fu- seaux achromatiques ordinaires, la substance du nucléole joue un rôle analogue, bien qu'elle se mélange intimement à du nucléoplasme ou à du cytoplasme. (1) Blochmann : Ueber die Kerntheilung beiEuglena (Biol. Centralbl. Bd. XIV, 1894). (2) Jacob Keuten : Die Kerntheilung von Euglena viridis (Zeitschrift. f. wisa. Zoologie. Bd. 60, 1895, p. 215-233). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 245 L'étude de la division du noyau dans les Euglènes, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir plus longue- ment, nous a confirmé encore dans l'idée que la sépara- tion des chromosomes n'exigeait ni filaments tracteurs, ni action chimiotactique. Cet essai sur la karyokinèse permet de concilier, dans une certaine mesure, les résultats d'observation fournis parles nombreux auteurs qui se sont occupés delà divi- sion du noyau; il permet d'appliquer à cette division les lois qui ont présidé à l'évolution des organes et des individus. . CHAPITRE III LA REPRODUCTION DE LA CELLULE La reproduction est asexuelle ou sexuelle : nous exami- nerons séparément l'une et l'autre. r LA REPRODUCTION ASEXUELLE. La reproduction asexuelle est, chezles Chlamydomona- dinées, une multiplication par spores, et la cellule-mère qui les produit est un sporange. Dans ces Algues unicellulaires, le sporophyte, c'est-à- dire l'individu végétatif, est unicellulaire et se transforme directement en sporange. Chez la plupart des plantes, le sporophyte est au contraire pluricellulaire, et certaines cellules seules produisent les sporanges ; il n'existe alors aucune difficulté pour séparer le stade végétatif du stade reproducteur ; à partir de l'organisme uni- cellulaire, les premières divisions donnent naissance à des cellules qui restent réunies et s'agencent de diverses façons poar former le sporophyte propre à l'espèce; elles n'ont aucun rapport avec la reproduction : plus tard seu- lement, d'autres divisions se montrent dans des organes spéciaux du sporophyte et sont des divisions dépendant de la reproduction. Une distinction aussi tranchée n'existe pas chez les Chlamydomonadinées ; toutefois, il y a lieu d'être réservé : et il ne faut pas affirmer trop vite que le développement de ces algues ne renferme rien de comparable à celui des sporophytes pluricellulaires. Dans certaines algues, près- MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 247 que toutes les cellules sont susceptibles de se transformer en sporanges ; certaines seules se détruisent et dispa- raissent : plus le degré de différenciation du sphorophyte est élevé, plus le nombre des cellules mortelles augmente. Or, il n'est pas absolument certain que, chez les Chlamy- domonadinées, toutes les cellules soient nécessairement capables de se transformer en sporanges. Nous avons fait remarquer à la partie descriptive, p. 100-102, que, dans certaines cellules du Chlorogonium euchlorum ,\3l division du noyau était directe : il n'est pas douteux que, dans les cellules d'un sporophyte ordinaire, ce mode de division est une marque de sénilité. D'autre part, comme nous l'avons dit, certains auteurs admettent une division directe régénérative, précédant la naissance des cellules-mères séminales. Il ne nous a pas été possible de nous prononcer d'une manière certaine dans un sens ou dans l'autre, mais la question est posée pour les orga- nismes unicellulaires : elle est assez importante pour attirer maintenant d'une manière particulière l'attention des observateurs. Il sera bien intéressant, par exemple, d'étudier àce point de vue les Volvocinéés : dans la plupart des genres (Go- nium, Pandorina, etc.), toutes les cellules sont capables de fournir de nouvelles colonies ; or, dans les Volvox, il n'en est plus de même ; quelques-unes seulement se transfor- ment en colonies-filles, ou en gamètes. Ne serait-ce point que les dernières divisions des noyaux, à la formation dé- finitive des colonies, présenteraient des différences ; que les unes auraient lieu par karyokinèse et les autres par division directe? Nous livrons cette appréciation à nos collègues en algo- logie, craignant de manquer du temps nécessaire et des matériaux d'étude indispensables pour mener nous-même à bien cette vérification. Chez les Chlamydomonadinées, la division du noyau se 248 P.-A. DANGEARD fait normalement par karyokinèse ; le nombre des spores formées dans chaque sporange est rarement de deux, plus souvent de quatre, quelquefois de huit, assez exception- nellement de seize ou davantage. Le sens des cloisonnements successifs ne saurait ser- vir, dans ungenre déterminé, à établir un groupement d'es- pèces ; il est soumis, en effet, à des variations qui dépendent de la situation des fuseaux ; ceux-ci sont souvent placés dans un espace restreint et ils prennent, comme nous l'avons vUj des positions assez différentes. La première division seule a de la fixité ; elle est perpendiculaire à l'axe dans le Chlorogonium euchlorum, dans le Chlamydo- 7nonas Dilli, le Chl. variabilis, etc. ; elle est parallèle à l'axe dans le Pliacotus lenticulariSf le Chlaniydomonas Mo- nadina,\e Cavteria cordiformis, etc. La cellule qui se transforme en sporange, peut conti- nuer à se mouvoir pendant la formation des zoospores, comme dans le Chlorogonium euchlorum ; plus souvent, elle perd ses flagellums et passe à l'état de repos, comme dans le Chlamydomonas Dilli, et le Chl. variabilis. Il ne faut pas confondre ces sporanges immobiles avec des colonies palmelloïdes ; dans ces dernières, les cellules elles-mêmes sont inactives et dépourvues de flagellums ; elles végètent et se reproduisent au milieu d'une sub- stance gélatineuse qu'elles sécrètent en plus ou moins grande abondance. Nous avons rencontré de belles colo- nies palmelloïdes dans le Phacotus lenticularis et le Chla- mydomonas Dilli. La bipartition de la cellule suit d'assez près la division du noyau ; la limite de séparation est d'abord indiquée par une lame de cytoplasme homogène, à laquelle succède ensuite une cloison incolore qui se dédouble ; cette sépa- ration n'est pas toujours terminée à la seconde mitose; dans le Phacotus lenticularis, les bipartitions de la cellule sont souvent très en retard sur les divisions du noyau. MÉMOIRE SUR LES GHLAMYDOMONADINÉES 249 L'orientation des zoospores, dans le sporange, a pu être déterminée pour plusieurs espèces ; le C/i^am|/domonas Dilli est particulièrement favorable à ce genre d'observa- tion à cause de la disposition de son cytoplasme. Nous avons constaté que, dans un sporange à deux zoospores, ces zoospores sont, selon les cas, tournées du même côté, ou orientées en sens inverse ; il en est de même lorsque le sporange renferme quatre zoospores : dans chaque cou- ple, l'orientation varie de la même manière. Nos dessins du Chlamydomonas Monadina représentent fréquemment les zoospores de chaque couple ayant leur avant du même côté; dans le Carteria cordiformis, au contraire, les zoos- pores sont orientées en sens inverse. La structure des zoospores, au moment de leur forma- tion, est souvent très différente de ce qu'elle devient dans la cellule adulte ; les rapports du cytoplasme et du chlo- roleucite se modifient. Pour s'en rendre compte, il suffît de se reporter à la description du Chlamydomonas Monadina et du Carteria multifîlis ; on y verra que les jeunes zoos- pores, au moment de la séparation, ont leur cytoplasme disposé latéralement en bande pariétale, alors que, plus tard, il se trouve dans une chambre axiale limitée par le choroleucite. . Chez les Briophytes et les plantes vasculaires, la for- mation des spores, dans la cellule-mère, est accompagnée d'une division réductrice : le nombre des chromosomes diminue de moitié. Chez les Chlamydomonadinées, on n'observe aucun changement dans le nombre des chro- mosomes : il reste constant, ou à peu près, pour une même espèce, au cours des diverses générations asexuelles qui se succèdent. 2» LA REPRODUCTION SEXUELLE. Lareproductionsexuelle,chez les Chlamydomonadinées, consiste dans la copulation de deux zoospores sexuées 250 P. A. DANGEARD OU gamètes; ces gamètes sont formés dans des gaméto- sporanges- A) Caractères des ganiétosporanges. Les gamétosporanges ressemblent extérieurement aux sporanges ordinaires de l'espèce; l'étude de la structure nous a cependant permis de les distinguer les uns des autres, dans le genre Chlorogonium. La disposition du cytoplasme,dans les gamétosporanges, diffère un peu de celle qui existe dans les sporanges ordi- naires; les trabécules sont beaucoup plus nombreux : ils divisent le chloroleucite en ilôts renfermant un ou plu- sieurs pyrénoïdes. Les sporanges ordinaires du Chlorogonium euchloriun n'ont pas en général de grains de chromatine; le cyto- plasme des gamétosporanges en est rempli : ces granules qui sont fuchsinophiles, comme nous le savons, consti- tuent sans doute une réserve destinée aux nombreuses divisions nucléaires : on les voit disparaître, en effet, aux derniers stades de la formation des gamètes : ceux-ci en sont complètement dépourvus. Dans les sporanges, la bipartition de la cellule suit d'assez près la division du noyau ; dans les gamétospo- ranges, en général, le noyau se divise d'abord plusieurs fois de suite et le protoplasme ne se fragmente qu'à la fin. Si l'on admet qu'une partie de la substance du clasi- leucite est utilisée pour l'ectoplasme et la membrane, ce retard dans la bipartition de la cellule s'explique : le clasileucite primitif fait place à deux, quatre, huit, seize nouveaux clasileucites ; leur volume total est bien supé- rieur à celui du début ; il a donc fallu que le plasma filaire du fuseau, au lieu d'être utilisé partiellement à chaque di- vision nucléaire pour l'ectoplasme et la membrane, fasse au contraire des emprunts importants au cytoplasme ; MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 251 malgré cela, sa quantité reste encore insuffisante à fournir des membranes aux gamètes : ceux-ci sont nus. Les gamètes ne possèdent qu'un pyrénoïde, alors que les zoospores ordinaires en ont plusieurs; ils sont donc revenus à la structure du type primitif des Chlamydomo- nadinées qui s'est conservé dans la plupart des genres et ne comporte qu'un pyrénoïde dans le chloroleucite. Il est même remarquable de voir que ces gamètes se montrent avec une forme variable : ils sont sphériques dans certaines cultures, fusiformes dans d'autres. Lors- qu'ils sont sphériques, le chloroleucite est recourbé en croissant et limite ainsi une chambre renfermant le cyto- plasme, ce qui rappelle la structure de certains Chla- mydomoncLS ; lorsque les gamètes sont fusiformes, le cytoplasme reste disposé en bande pariétale, comme dans les zoospores ordinaires. Ce simple fait montre comment les deux types principaux de structure que l'on trouve chez les Chlamydomonadinées, ont pu prendre naissance aux dépens d'une forme ancestrale unique, semblable aux Clilorogonium. Toutes les divisions du noyau, dans les gamétospo- ranges, ont lieu par karyokinèse; le premier fuseau est parallèle à l'axe, mais dès le stade 3, la direction des fuseaux est quelconque, au moins en apparence : il est certain du moins que cette direction est variable, puisque le groupement des zoospores dans un gamétosporange n'est pas toujours le même (fig. 6, p. 103). B) Mode d'union des gamètes. On peut distinguer deux cas principaux : a) les gamètes sont nus ; b) les gamètes sont pourvus d'une membrane. Dans le mode de formation de l'œuf, on dit qu'il y a isogamie, lorsque les gamètes se ressemblent et se comportent de la même manière, lors de la fusion ; on dit 252 p. -A. DANGEARD qu'il y a hétérogamie, lorsque les deux gamètes sont dis- semblables de forme ou se comportent d'une manière différente lors de la fusion. a) Lorsque les gamètes sont nus, on peut rencontrer l'iso- gamie et l'hétérogamie associées dans une même espèce, ainsi que le prouvent nos observations sur le Chloro- gonium euchlorum ; nous avons vu^ en effet, que l'union peut se faire entre des gamètes globuleux et des gamètes fusiformes ; plus souvent, les deux gamètes sont fusi- formes : la copulation est assez rare entre gamètes globu- leux (fig. 6, p. 103). Qu'il y ait isogamie ou hétérogamie, l'union des deux cellules sexuelles a toujours lieu à peu près de la même façon: les deux gamètes se prennent par leurs fiagellums en se plaçant perpendiculairement Tun à l'autre, ou en faisant ensemble un angle aigu ; dans le premier cas, la fusion s'opère par raccourcissement de l'axe : dans le second cas, la fusion débute au niveau des fiagellums et elle s'étend progressivement jusqu'à la partie postérieure des gamètes. La durée du phénomène est excessivement variable; parfois, il n'exige que quelques minutes; d'autre part, il n'est pas rare de voir les deux gamètes, unis par leurs fiagellums^ continuer à se balancer, pendant une demi- heure ou une heure, avant d'effectuer leur union. Les fiagellums disparaissent ; les deux cytoplasmes se fusionnent; il en est de même des deux noyaux; la sur- face se recouvre d'une membrane: l'œuf est formé. b) Lorsque les gamètes sont tégumentés, l'isogamie et l'hétérogamie s'accusent davantage. Nous avons décrit autrefois l'isogamie dans le Chlamy- domonas Morieri. Les gamètes ne présentent aucune dif- férence sensible entre eux, ni comme forme ni comme grosseur. Ils se joignent par l'extrémité antérieure et con- servent leurs fiagellums quelque temps : les deux proto- MÉMOIRE SUR LES CHLA.MYDOMONADINÉ[<:S 253 plasmes commencent; à se retirer de la partie postérieure de chaque cellule et ils viennent se fusionner à l'avant, où une communication s'est établie entre les deux gamètes. Les flagellums disparaissent, l'œuf se recouvre d'une membrane propre qui se trouve entourée symétriquement de chaque côté par les enveloppes vides des gamètes. Nous avons retrouvé quelque chose de semblable dans le Chlamydomoncis ovata sp. nov. ; toutefois, les mem- branes sont abandonnées d'une façon un peu différente. Les deux gamètes se réunissent par l'extrémité antérieure, en faisant entre elles un angle aigu .'la. fusion s'opère à l'avant ; les deux protoplasmes abandonnent graduelle- ment l'extrémité postérieure du corps; finalement, les deux gamètes quittent complètement les membranes d'enveloppes et se confondent en une sphère à quatre flagellums qui bientôt devient immobile et constitue l'œuf (fig. 17, p. 147). L'hétérogamie est très prononcée dans le Chlamydomo- nas Monadina où elle a été bien étudiée parGoroschankin. On distingue, dans cette espèce, des macrogamètes qui représentent l'élément femelle et des microgamètes qui peuvent être considérés comme les éléments mâles ; les premiers naissent par deux ou quatre dans les gaméto- sporanges; les autres au nombre de huit, plus rarement de quatre. La copulation n'a jamais lieu entre gamètes de même grosseur ; elles s'assemblent par la partie anté- rieure ; les flagellums disparaissent et la fusion commence. Le contenu du microgamète, abandonnant sa mem.brane, passe en entier dans la cellule femelle où l'union se pro- duit entre les protoplasmes et les noyaux (fig. 13, p. 133); l'œuf se contracte et s'entoure d'une membrane propre. La formation de l'œuf, dans le Caî^feriamuUi/ins, échappe à nos classifications ; les gamètes sont nus ou tégumen- tés ; lorsqu'ils sont recouverts d'une membrane, les gamètes qui s'unissent sont de même grosseur ou de taille 254 P.-À. DÀNGEARÔ inégale ; ils abandonnent leur membrane de façon variable pendant la copulation (fig. 19, p. 155). C) La, fusion des noyaux. La fusion des deux noyaux des gamètes en un seul constitue l'acte essentiel delà fécondation; il suffît, pour en comprendre l'importance, de se reporter à ce que nous avons dit, dans un précédent travail, sur l'autophagie sexuelle (1) et sur les conséquences de l'amphimixie au point de vue de l'évolution. Nous avons été l'un des premiers à signaler cette fusion dans les Thallophytes, à propos du Chlamyclomonas Rein- hardi (30) ; depuis, elle a été vue par de nombreux obser- vateurs, chez les Algues et chez les Champignons. Goros- chankin l'a figurée (33) dans le Chlamydomonas Monadina St. {Ch. Braunii Gorosch.) avec beaucoup de soin; le noyau femelle est ordinairement plus gros que le noyau mâle; les deux noyaux se touchent et se compriment mu- tuellement; à l'endroit du contact, on observe d'abord une ligne de séparation qui disparaît plus tard. Le noyau sexuel est ellipsoïde ; il s'arrondit par la suite, alors que les deux nucléoles se fusionnent en un seul. Nous avons montré, dans ce mémoire, que le noyau des Chlamydomonadinées présentait des variations de struc- ture assez grandes à l'état de repos; nous avons vu, de plus, qu'il renfermait un nombre constant de chromo- somes, tout comme le noyau des organismes supérieurs. Ce nombre de chromosomes ne subit aucune réduction, ni dans les sporanges, ni dans les gamétosporanges ; les deux noyaux en présence, lors de la formation de Tœuf, sont donc à ce point de vue semblables à celui des indi- vidus végétatifs ordinaires ; c'est là un premier résultat dont nous discuterons l'importance plus loin. (l) P.-A.Dangeard: L'influence du mode de nutrition, ioc.ci^, p. 44-45. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 25o Après la dernière karyokinèse dans le gamétosporange, les chromosomes s'allongent et s'entremêlent pour dispa- raître bientôt dans le nucléoplasme; un nucléole appa- raît et grossit ; les noyaux des gamètes passent rapide- ment à l'état de repos; c'est sous cette forme qu'ils se fusionnent. Nous avons fait de nombreuses observations sur les jeunes zygotes de Chlamydomonas Dilli, sans réussir à observer aucune différence appréciable de grosseur ou de structure entre les deux noyaux copulateurs. L'union des noyaux se fait dans un sillon cytoplasmique qui persiste, après l'union des gamètes, entre chaque chloroleucite; ceux-ci, en effet, restent distincts, avec leur pyrénoïde, et ils renferment desgrains d'amidon. Le sillon, ou plutôt la bande cytoplasmique reste superficielle ; les noyaux se trouvent placés sous la membrane, quelquefois assez éloignés Tun de l'autre. Us se rapprochent par une sorte d'attraction sexuelle : nous avons vu, en effet, deux noyaux encore séparés par une petite distance, prendre contact par un prolongement étroit de substance nucléaire. On a bien signalé l'attraction qui s'exerce entre l'œuf et le spermatozoïde et qui se manifeste par la formation du cône d'attraction, mais c'est la première fois, croyons-nous, qu'un phénomène semblable est signalé pour les noyaux eux-mêmes. Les deux noyaux copulateurs fusionnent simplement leur masse ; les deux nucléoles ne s'unissent que plus tard ; le contour du noyau sexuel est d'abord elliptique ou irré- gulier ; mais il ne tarde pas à devenir sphérique. Les doubles colorations au picro-carmin et à l'héma- toxyline réussissent très bien pour cette étude; le nucléo- plasme se montre ordinairement homogène et se colore en rose, alors que le nucléole devient bleu foncé; toutefois, nous devons ajouter que, parfois, le nucléoplasme était achromatique, avant comme après la fusion : il renfer- ?56 P.-A. DANGEARD mait alors un certain nombre de granulations chromati- ques érythrophiles. Les œufs de Chlamydomonas Monadina St. montrent ces granulations avec la plus grande netteté, soit avant, soit après la fusion des nucléoles ; leur nombre corres- pondrait assez bien à celui des chromosomes (fig. 13, I); nous avons vu ensuite ces granulations devenir moins ré- gulières comme grosseur ; le nucléoplasme achromatique semblait traversé par des filaments très fins qui rayon- naient du nucléole devenu spongieux (fig. 13, J). Ce n'est pas la première fois que des granulations chro- matiques sont signalées à l'intérieur des noyaux sexuels chez les Algues. Oltmanns a décrit leur manière d'être pen- dant la copulation dans le Vaucheria, clavata{{) ; le noyau mâle et le noyau femelle deviennent granuleux lorsqu'ils se rapprochent l'un de l'autre au contact ; après la fusion, le noyau sexuel présente de nombreuses petites sphères chromatiques d'égale grosseur ; plus tard, il devient plus petit et plus dense et il paraît également plus finement granuleux. Klebahn, de son côté, a vu dans la reproduction sexuelle deVŒdogonium Borcii, le noyau mâle avec de nombreux granules chromatiques^, alors que le noyau femelle était peu granuleux (2). Malheureusement, ces observations, pas plus que les nôtres, ne permettent d'établir une relation directe entre ces granulations et les chromosomes. Après l'union des gamètes, l'œuf s'arrondit, se recouvre d'une membrane et son volume augmente. Si nous prenons comme exemple le Chlamydomonas Dilli, nous voyons (1) OltmsLïiïïs : Ueber die Entwich. der Sexualorgane bei Vaucheria (Flora, 1895, p. 388). (2) Klebahn : Studien ûher Zygoten, II (Jahrb f. wiss. Bot., Bd., XXIV, p. 235). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 257 qu'au bout de quelques jours, la membrane se divise en deux couches d'épaisseur à peu près égale ; sur quelques œufs la distinction est facile, carl'endospore qui continue à recouvrir directement le protoplasme se trouve séparée de l'exospore, sur une largeur plus ou moins grande. Dans le Chlorogonium euchloimm, la membrane simple du début se trouve bientôt remplacée par une exos- pore de moyeime épaisseur qui recouvre directement le protoplasme ; extérieurement , l'exospore se montre formée par quatre ou cinq couches concentriques: parla suite, on ne distingue plus qu'une endospore assez épaisse et une exospore mince; la première se colore par l'iode en vert jaunâtre ; la seconde reste à peu près incolore. On ne saurait d'ailleurs rien dire de général sur la struc- ture de la membrane de l'œuf dans les Chlamydomona- dinées ; elle paraît quelquefois simple; plus souvent elle se divise en endospore et exospore ; l'exospore est lisse (Chl. Reinhardi Dang., CM. Dilli Dang.) ou munie de protu- bérances {Chl. MorieriDding.); la membrane de l'œuf, dans certaines espèces, est formée de trois enveloppes diffé- rentes [Chl. Perty Gorosch.) ou de quatre (CliL Steinii Gorosch.). D) Le développement de Vœuf. Le contenu de l'œuf des Algues subit, pendant qu'il arrive à maturité, des modifications nombreuses, que nous ne connaissons encore qu'imparfaitement. Chmielewsky a cependant étudié, à ce point de vue, les zygotes des Spirogyra (1) : d'après ses observations, le (1) Chmielewsky : Eine Noliz ùber das Verhallen der chlorophyllban- der in den Zygoten der Spirogyraavten (Bot. Zeit. 1890). 13 258 P.-A. DANGEARD ruban chlorophyllien mâle se comporte tout autrement que le chloroleucite femelle : tandis que ce dernier per- siste et conserve sa couleur verte, le premier se colore en jaune, s'amincit et se fragmente en segments qui se dé- sorganisent, laissant des résidus bruns insolubles dans la glycérine, l'alcool et l'eau, solubles dans l'acide chro- mique et l'acide sulfurique; il est difficile de savoir si le chloroleucite femelle reste vert dans les zygotes âgés de couleur sombre ; toujours est-il qu'au moment de la germination, il possède sa couleur verte et qu'il donne naissance directement aux nouveaux chloroleucites. Lorsque les cellules renferment, comme dans certaines espèces de Spiî'ogyra, plusieurs rubans chlorophylliens, les choses se passent de la même façon. Les pyrénoïdes disparaissent quelque temps après la copulation des deux cellules sexuelles. Il faut croire que les chloroleucites ne se comportent pas de la même manière dans toutes les Conjuguées, car les résultats obtenus par Klebahn dans l'étude des Closteviuyn et des Cosmarium sont très différents. Schmitz avait avancé que les chloroleucites et les pyré- noïdes persistaient, avec leurs caractères, dans les kystes et dans les oospores (1) ; Klebahn montre qu'il y a lieu de faire des réserves (2). Ainsi, chez les Ciosterium, lors de la conjugaison, le zygote renferme quatre chloroleucites; chez les Cosmariurn, on en trouve même huit: or, à maturité, dans les deux genres, l'œuf ne montre plus que deux masses chlorophylliennes distinctes, sans qu'on puisse dire si chacune résulte de la fusion des chlo- roleucites d'une même cellule ou d'un mélange des deux. Les huit pyrénoïdes des Cosmarium sont également ré- duits à deux. Le sort des pyrénoïdes semble d'ailleurs ne (1) Schmitz : Die Chromatophoren der Algen, loc.cit., p. 131. (2) Klebahn: Studien ûber Zygoten, I (Jahrb. f. wiss.Bot., Bd. XXII). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 259 pas être le même dans les deux genres: ils disparaissent dans les Ciosterium, etles pyrénoïdes de germination sont très probablement de nouvelle formation ; les deux pyré- noïdes du Cosmarium, au contraire, se multiplient par di- vision, à la germination de l'œuf : d'autres, il est vrai, naissent à côté d'eux par nouvelle formation. En présence des résultats disparates et souvent con- tradictoires obtenus par ces divers auteurs, nous avons été amené à faire une étude approfondie de l'œuf des Chlamydomonadinées : nous avions à notre disposition une première série de matériaux renfermant des zygotes de Chlorogonium euchlorum du premier au sixième jour après l'union des gamètes : une seconde série contenait des œufs mûrs âgés de trois ou quatre mois. Dans la première série de nos échantillons, on pouvait suivre facilement la fusion des noyaux. Elle a lieu super- ficiellement, au contact même de la membrane (fig. 20, A): à ce stade, on observe très fréquemment le noyau sexuel ayant encore ses deux petits nucléoles distincts ; pendant que s'opèrent les changements qui vont suivre, les deux nucléoles se rapprochent et se fusionnent ; le noyau sexuel gagne le centre delà cellule. Nous avons cherché ce que deviennent les pyrénoïdes ; comme chaque gamète n'apporte qu'un pyrénoïde, l'ob- servation se trouve simplifiée. L'emploi de i'iodure ioduré à l'aide duquel on n'aperçoit, le plus souvent, qu'un gros pyrénoïde dans le zygote âgé de quelques jours, fait déjà pressentir une fusion des deux pyrénoïdes primitifs ; la fuchsine acide donne de meilleurs résultats, et permet de suivre les détails de cette fusion (fig. 20, B, C, D, E) ; on voit les deux éléments qui se rapprochent au contact et s'unissent. C'est la première fois, il nous semble, que l'on constate une fusion de deux pyrénoïdes pendant la copulation ; on ne saurait, toutefois, attribuer à cette union une grande 260 P.-A. DANGEARD importance dans la sexualité ; le phénomène est loin d'être général, ce qui prouve bien qu'il n'est nullement néces- saire. En effet, à côté de zygotes n'ayant plus qu'un pyrénoïde, on en rencontre fréquemment d'autres chez lesquels les Fig. '20. Structure de l'œuf du Chlorogonium euchlorum à partir de la fusion du noyau jusqu'à la maturité. (Gross. 900.) deux pyrénoïdes restent distincts (lig. 20, F) ; quelque- fois, ils sont détaille inégale (fig. 20, I). Il est plus étonnant de rencontrer des œufs avec quatre ou cinq pyrénoïdes (fig. 20, G, H) ; à la vérité, ces exemples sont rares, mais nous ne pouvons à leur sujet faire que des conjectures. Nous savons bien qu'accidentellement, trois gamètes peuvent prendre part à la formation de l'oeuf, ainsi que nous avons pu le constater dans plusieurs MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 261 espèces ; mais il est invraisemblable que le nombre de ces gamètes puisse s'élever à cinq : il est donc plus pro- bable que les deux cellules sexuelles conservent plusieurs pyrénoïdes comme les zoospores ordinaires. Que les deux pyrénoïdes se fusionnent ou qu'ils restent distincts, quel est leur sort ultérieur dans les zygotes âgés ? Nos matériaux de la seconde série n'ont pas fourni de résultats concordants. La fuchsine acide, qui semble être le réactif le plus sensible dans cette recherche, ne laisse apercevoir le plus souvent aucune trace de ces corps ; d'autres fois, on distingue nettement soit un seul pyrénoïde placé non loin de la membrane, dans le proto- plasma orangé, soit deux ; les pyrénoïdes, dans ce der- nier cas, sont situés sur un même diamètre, de chaque côté du noyau (fig. 20, M) ; rarement, ils sont accolés (fig. 20, 0). En résumé, les deux pyrénoïdes, dans le Clilorogonium euchlorum, restent distincts ou se fusionnent à l'intérieur de l'œuf jeune ; dans les zygotes âgés, ils persistent ou disjoar dissent. Restait à savoir ce que devenaient les deux chloroleu- cites : ces éléments possèdent, ainsi que nous l'avons vu, une individualité marquée dans tout le développement : nos observations démontrent qu'elle persiste dans l'œuf. Les deux chloroleucites ne tardent pas à se fusionner : il en résulte un chloroleucite unique ayant la forme d'une sphère creuse et placé directement sous la membrane, La cavité de cette sphère est remplie par le cytoplasme qui renferme en son centre le noyau. Le noyau n'a pas augmenté de diamètre : on peut même se demander sous quelle forme il peut bien contenir la vingtaine de chromosomes qu'il renferme; l'intervalle qui s'étend entre le nucléole et la membrane est très chroma- tique ; dans nos préparations, il ne montrait aucune diffé- renciation. 262 P.-A. DANGEARD Ce noyau est entouré par du cytoplasme qui forme une couche assez épaisse autour de lui ; des trabécules en partent quelquefois et s'étendent, en rayonnant, au travers du chromatophore jusqu'à la membrane (fig. 20, L) ; il est chromatophile et d'aspect oléagineux. Le plus souvent, il contient de nombreux globules qui se colorent par l'hématoxyline et la fuchsine acide (fig. 20, K, M, N, 0) ; ils ressemblent à ceux que nous avons signalés plus par- ticulièrement dans les sporanges de Chlamydomonas Monadina, St. Le chromalophore renferme les grains d'amidon ; ceux-ci sont gros et globuleux ; ils sont contenus dans autant d'alvéoles : c'est la trame homogène de ces alvéoles qui est imprégnée par le pigment jaune ou rougeâtre ; c'est également dans ce réseau alvéolaire que sont placés les pyrénoïdes lorsqu'ils persistent. En résumé, malgré les apparences, le chromatophore, dans l'œuf, reste distinct du cytoplasme; seul, il contient l'amidon ; seul, il est imprégné par le pigment jaune ou rougeâtre qui a succédé à la chlorophylle. Ce chromalo- phore provient de la fusion des deux chloroleucites apportés par les gamètes. Nous n'avons pas malheureusement de données aussi précises à fournir sur le mode de germination de l'œuf; à l'heure actuelle, nos cultures du Çhlorogoniuin euchlo- Tum, qui datent de plusieurs mois, ne montrent encore aucun changement. L'intérêt n'existe qu'au point de vue de la réduction chromatique ; puisque le nombre des chromosomes se maintient constant au cours des diverses générations asexuelles et sexuelles, il est à peu près certain que cette réduction se produit à la germination ; encore faudrait-il la constater effectivement. Quelques germinations de Chlamydomonas Dilli se sont produites, il est vrai, dans nos cultures ; mais elles MEMOIEiE SUR LES GHLAMYDOMONADlNEEâ 263 étaient trop rares pour nous permettre une étude aussi délicate et qui exige des matériaux abondants. Dans cette espèce, quelques oospores, au lieu de passer à l'état de repos, ont conservé leur couleur verte, et la ger- mination a commencé au bout d'une quinzaine de jours ; il se produit une première division suivie d'une seconde : il en résulte quatre individus qui sont mis en liberté par rupture de la membrane ; dans d'autres oeufs, on observe une troisième bipartition donnant naissance à huit cel- lules-filles. Ces cellules ne sont point passées immédia- tement à l'état de zoospores. Le mode de germination de l'œuf dans les Chlamydo- monadinées a été plus particulièrement étudié par Goros- chankin (34) et par nous (29, 32) : le contenu de l'oospore se divise, le plus souvent, en quatre, quelquefois en huit ; ces cellules-filles passent immédiatement à l'état d'activité sous forme de zoospores ordinaires, ou bien elles restent immobiles et peuvent être le point de départ de colonies palmelloïdes. THÉORIE DE LA SEXUALITÉ. Dans un mémoire précédent, nous avons essayé d'éta- blir l'origine delà sexualité et nous sommes arrivé à cette conclusion que la reproduction sexuelle n'est qu'une modi- fication de l'autophagie primitive (1). Pour faire accepter un résultat de cette importance, il ne suffit pas d'apporter une série de déductions ou d'hypo- thèses; il faut que les observations viennent à l'appui de la théorie; or, nos prévisions se trouvent vérifiées par l'expérience et, d'autre part, l'interprétation que nous proposons, fournit Texplication naturelle des phénomènes reproducteurs jusque dans leurs nombreuses anomalies. (1) P.-A Dangeard : L'influence du mode de nutrition dans Vèvolulion de la plante (Le Botaniste, 6^ série, mars 1S98, p. 52). 264 P. -A. DANGEARD A) Préliminaires. La théorie suppose, tout au moins à l'origine de la dif- férenciation sexuelle, des éléments copulateurs semblables aux individus ordinaires de l'espèce considérée pour la forme et la structure générale ; ils n'en doivent différer que par une affinité sexuelle de même ordre q\ie la faim et due comme elle à un affaiblissement de l'organisme. Jusqu'ici, rien ne pouvait nous permettre d'afïïrmer que cette proposition fondamentale fût exacte; les faits sem- blaient plutôt nous donner tort. Chez les animaux, nous voyons la réduction chroma- tique précéder la formation des gamètes ; chez les Bryo- phytes, les Ptéridophytes et les Phanérogames, le noyau des spores qui donne naissance aux gamétophytes, a subi également la réduction chromatique. Il n'est donc pas étonnant que l'on fît entrer dans la définition de la fécondation la fusion de deux demi- noyaux. De plus, tout naturellement, on était amené à voir dans le phénomène de la réduction chromatique la raison d'être de la sexualité {{) ; le but de celle-ci aurait consisté à réta- blir dans le noyau le nombre normal de chromosomes un instant dhninué de m.oitié par la réduction chromatique. C'était reculer la difficulté sans la résoudre, car il fal- lait ensuite se demander l'origine et la cause de cette ré- duction. A cette première hypothèse, nous en avons opposé une autre qui s'est changée pour nous en certitude : dans la fé- condation, il s'agit de la fusion de noyaux ordinaires ; le noyau sexuel est un noyau double ; dès lors, on ne peutvoir (1) Ed. Perrier : remarques au sujet de la communication de M. Le Dantec (Comptes rendus, Acad. Se, 17 janvier 1898). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 265 dans la, réduction chromatique la, raison d'être de la sexua- lité; cette réduction n'en est au contraire qu'une conséquence nécessaire^ puisque, sans elle, le nombre n des chromosomes doublerait à chaque génération sexuelle. La réduction chromatique peut avoir lieu dès la germination de l'œuf ; le nouvel organisme possède donc des noyaux avec le nombre primitif n de chromosomes : cette disposition n'existe que pour les organismes inférieurs; partout ail- leurs, il s'est produit un retard: le développement de l'embryon s'est effectué avec un noyau double. Si l'animal provenant de l'œuf renferme en effet 2 n chro- mosomes dans ses cellules, c'est que la réduction, au lieu de se faire à la germination pour le noyau sexuel double, a été retardée de telle sorte que c'est ce noyau qui préside à toutes les divisions de Tembyron et de l'a- dulte ; ce n'est qu'en vue de la reproduction sexuelle que le noyau revient à n chromosomes. De même chez les végétaux, avec cette différence qu'il existe deux générations qui alternent régulièrement: dans la première, représentée par les gamétophytes, le noyau conserve le nombre normal n de chromosomes ; dans la seconde, représentée par le sporogone des Muscinées et le sporophyte des Cryptogames vasculaires et des Phanéro- games, le noyau conserve le nombre 2 n de chromosomes provenant de la fécondation. Nous avons réussi à établir la signification et Timpor- tance de ce retard dans la réduction chromatique, au point de vue de l'évolution des animaux et des végé- taux. La théorie de l'autophagie sexuelle exigeait qu'à la pre- mière apparition de la sexualité chez les êtres vivants, le noijau des gamètes renfermât autant de chromosomes que celui des individus ordinaires : elle demandait en outre que les gamètes fussent semblables dans leur structure gé- nérale aux zoospores asexuées. 266 P. -A. DANGEARD Pour vérifier s'il en était bien ainsi, nous nous sommes adressé à la famille des Chlamydomonadinées chez laquelle la reproduction sexuelle en est à ses débuts; l'observation directe nous a donné raison. Dans cette famille, les gamètes sont semhl%hles aux zoos- pores asexuées et ils se forment de la même façon : le cyto- plasme, le chloroleucite et le noyau ont entre eux les mêmes relations : la structure de ces éléments est identique pour la zoospore et le gamète. De plus, le nombre des chromosomes se maintient constant au cours des diverses générations asexuées et sexuées : dans le genre Chlorogonium, le noyau des ga- mètes renferme une dizaine de clirornosomes comme celui des zoospores ordinaires. On peut donc afïirmerque dans la reproduction sexuelle, les noyaux qui copulent sont des noyaux ordinaires à n chromosomes et que le noyau sexuel est un noyau double à 2 n chromosomes; toutes les conséquences dé- duites antérieurement de cette conception se trouvent ainsi solidement établies. Il en est d'autres non moins importantes qu'il nous reste à examiner. B) Parthénogenèse. Du fait que les gamètes sont des zoospores ordinaires affamées , on peut prévoir que si , d'une façon ou de Vautre, ces gamètes trouvent l'aliment voulu, la copulation deviendra inutile : ils se développeront asexuellement. C'est là toute l'explication de la parthénogenèse qui n'a pas été comprise jusqu'ici, ainsi qu'en témoignent les questions que posait encore tout récemment à son sujet Yves Delage. (' D'où vient-elle ? Comment s'est-elle établie à côté de l'Amphimixie ? Dérive-t-elle de celle-ci ou lui est-elle antérieure? Enfin et surtout qu'y a-t-ildans certains œufs MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMOiNADIKÉES 267 qui leur permette de se développer sans fécondation, tandis que d'autres ne le peuvent pas (1). » La réponse aux trois premières questions est contenue dans notre définition de la sexualité ; la dernière exige certains développements que nous donnerons plus loin; occupons-nous d'abord de la parthénogenèse en général. Il y a deux cas principaux ; a) La, réduction chromatique a eu lieu à la germination de Vœuf; bj La, réduction chro- matique a subi un retard plus oumoins considérable. a) Lorsque la réduction chromatique se produit à la ger- mination, tout le développement de l'être se fait avec n chromosomes, comme chez les Chlamijdomonas : c'est la parthénogenèse dans son expression la plus simple; elle représente la continuation de la repy^oduction asexuelle que Vabsence d'alirnent aurait fait dévier enautophagie sexuelle. La parthénogenèse est alors très fréquente : on peut la provoquer expérimentalement, non seulement chez les Chlamydomonadinées, mais aussi chez les Conjuguées, chez VUlothrix, le Protosiphon, eic. La démonstration du fait que le développement entier peut se produire avec n chromosomes, n'a été donnée jus- qu'ici que par nous et pour une seule espèce, le Chloro- gonium euchlorum; mais nous n'hésitons pas à croire que toutes les algues primitives à parthénogenèse pour ainsi dire naturelle, se comportent comme les Chlorogonium. Certaines raisons de grande valeur peuvent d'ailleurs être invoquées en faveur de cette opinion. La réduction du nombre des chromosomes est d'ordi- naire accompagnée de deux bipartitions successives du noyau double, comme dans la formation des spores chez les Ptéridophytes, des grains de pollen chez les Phanéro- games ; on sait qu'il en est de même, lors de la formation des spermatozoïdes ou de l'œuf chez les animaux. (1) Y. Delage : La structure du protoplasma et les théories sur Vhéré- dilé, Paris, 1895, p. 151. 268 P -A. DANGEARD Or, chez les Ulothrix, le contenu de l'œuf subit deux bipartitions successives et fournit quatre embryons: Kle- bahn a montré, d'autre part, que, dans les Closterium et les Cosmarium (1), le noyau sexuel se divise deux fois de suite; il n'existe cependant que deux embryons qui se trouvent ainsi posséder chacun deux noyaux: l'un de ces noyaux reste atrophié; il sert seulement à rap- peler qu'autrefois l'oeuf des Desmidiées germait en don- nant quatre nouveaux individus. L'œuf de VHydrodictyon reticulatum fournit également quatre embryons à la ger- mination. Ces indications dont nous parlons n'existent pas tou- jours cependant ; ainsi, la parthénogenèse s'obtient faci- lement dans les Protosiphon (2), et cependant rien n'indi- que l'existence d'une réduction chromatique à la germi- nation des zygotes dans cette espèce ; le contenu de l'œuf se développe directement en un nouveau thalle. Le classement des espèces dans cette première catégo- rie ne saurait donc être que provisoire. Nous avons dit que la parthénogenèse est la continua- tion de la reproduction asexuelle que l'absence d'aliment aurait fait dévier en autophagie sexuelle. Les belles expériences de G. Klebs viennent à l'appui de cette manière de voir et s'expliquent ainsi naturellement. Klebs a remarqué qu'en portant les gamétosporanges du Chlamydomonas média dans une solution nutritive, on empêche la copulation des gamètes qui passent à l'état de repos ; plus tard, les cellules ainsi formées se multiplient d'une façon purement végétative (3). Les observations que nous venons d'exposer sur la (1) Klebahn : Studien ûber Zygoten, I (Jahrb. f. wissench. Botanik. Bd. XXII, p. 415). (2) G. Klebs : Die Bedingungen der Fortpflanzung bei enigen Algen und Pllzen, léna, 1896, p. 169. (3) G. Klebs : Loc. cit., p. 437. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 269 structure des gamètes nous fournissent l'explication de cette expérience : la parthénogenèse se produit naturel- lement parce qu'on a fourni aux gamètes affamés l'aliment qui leur faisait défaut. On arrive aux mêmes résultats avec les gamètes d^Ulo- thrix : placés dans une solution nutritive, ils forment des parthénospores qui ressemblent aux zygospores ; à la germination, les premières donnent deux embryons, alors que les secondes en fournissent quatre (1). L'action d'une température élevée peut remplacer l'ali- ment ; ainsi les gamètes d'une Siphonée, \e Protosiphon, se développent parthénogénétiquement à 25 ou 27° C. (2) ; il est probable que certains principes deviennent alors actifs qui ne l'étaient pas auparavant. Cette action de. la température est même plus durable que celle d'une solution nutritive ; en effet, des gamètes ayant perdu l'affinité sexuelle dans une solution nutritive, la recouvrent si on les replace dans l'eau; un abaisse- ment de température est sans effet sur les gamètes deve- nus stériles, à 25 ou 27» C. Le Spirogyra uarians étant placé dans une solution nutri- tive, les gamètes mâles et les gamètes femelles se déve- loppent en parthénospores qui ne présentent entre elles aucune différence sensible. Dans cette même espèce, les gamètes dont la copulation a été empêchée, peuvent même continuer à se diviser, sans passer à l'état de repos. Les filaments copulateurs sont disposés dans une gelée d' Agar- Agar qui empêche leur déplacement; la copulation ne s'effectue alors qu'entre cellules rapprochées; les gamètes isolés restent stériles. Si on fait intervenir ensuite une solution nutritive, diluée, ces gamètes reprennent leur croissance végétative (3). (i) G. Klebs : Loc. cit., p. 321-322. (2) G. Klebs : Loc. cit., p. 218. (3) G. Klebs: Loc. cit., p. 246. ^70 P.-A. DANGEARD La parthénogenèse ne s'est appliquée tout d'abord qu'à des gamètes isogames; il n'y avait donc pas à faire de distinction entre chaque gamète dans leur développement asexuel. L'hétérogamie est survenue; elle a été d'abord si peu accentuée qu'elle n'a produit aucun trouble dans la par- thénogenèse; nous voyons, chez les Spirogyra, le gamète mâle se développer au même titre que le gamète femelle, sans qu'il y ait lieu d'établir aucune différence appréciable. Il n'en a plus été de même lorsque l'hétérogamie s'est accentuée au cours de l'évolution, en vue de répondre à certaines exigences de l'organisation vitale et du milieu. L'un des gamètes est resté mobile ; il s'est allongé en bâtonnet ou en cordon spirale muni d'un ou de plusieurs flagellums ; c'est V anthérozoïde des végétaux, le sperma- tozoïde des animaux. L'autre gamète a perdu la propriété de se mouvoir ; il conserve la forme sphérique des orga- nismes primitifs: c'est Voosphère abusivement désignée en zoologie du nom d'œuf. Cette transformation de l'isogamie en hétérogamie n'a aucune importance au point de vue général de la sexua- lité: elle commence déjà chez les Chlamydomonadinées ; chez les Volvocinées, famille si voisine de la précédente, l'isogamie existe chez les Pandorina, alors que les Volvox possèdent une hétérogamie très accentuée; nous avons même signalé, il y a quelques années, dans VEudorina elegans q\xi possède normalement des anthérozoïdes jaunes et allongés, une tentative de retour à l'isogamie (1). On peut dire que les gamètes, quel que soit leur sexe, continuent toujours à représenter une cellule primitive au même titre que dans les Chlamydomonas ou les Chlorogo- nium. (1) P.-A. Dangeard : Note sur la formation des anthérozoïdes dans VEudorina elegans (Bullet. de la Société Linnéenne de Normandie, 1887-1888, p. 124j. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 271 Comme conséquence, la. parthénogenèse doit pouvoir porter sur V anthérozoïde ou le sperma-tozoïde, et non exclu- sivement sur V oosphère. Il est dès maintenant possible d'avancer que le mode primitif de parthénogenèse n'est pas incompatible avec l'hétérogamie accentuée. Debski a constaté que chez les C/iara, le noyau des anthérozoïdes contenait vingt-quatre chromosomes environ comme les noyaux des cellules végétatives (1); le noyau des oosphères en renferme évi- demment le même nombre. Il est donc infiniment probable que le développement tout entier s'effectue avec n chro- mosomes ; si la réduction n'a pas lieu immédiatement à la germination de l'œuf, elle se produit au plus tard dans le stade embryonnaire, ce qui est sans importance. On com- prend dès lors que la parthénogenèse ait pu s'établir d'une manière régulière dans une espèce, le Chara nitida., dont l'oosphère se développe sans fécondation en Allemagne et en Scandinavie. L'espèce est dioïque; en l'absence de la plante mâle, les oosphères se transforment en parthénospores qui germent à la façon des oeufs, ab- solument comme chez les Chlamydomonas, les Spiro- gyra, etc. ; ici, c'est la nature qui s'est chargée de l'ex- périence. Chez les Champignons supérieurs, la réduction chro- matique se fait à la germination de l'œuf (2); mais les deux gamètes sont intimement unis , et on n'a pas songé jusqu'ici à les séparer pour observer leur parthé- nogenèse; la théorie indique qu'elle doit pouvoir s'obtenir facilement. On peut prévoir que la réduction chroma- tique a lieu également à la germination dans les Sipho- mycètes, en particulier chez les Saprolégniées et les (1) Debski : Beobacht. ûber Kerntheiliing bei Chara fragilis (Jahrb. f. wissensch. Botanik, Bd. XXX, 1897, p. 227. - Id., Bd. XXXII, 1898). (2) Sappin-Trouffy : Recherches histologiques sur les Urédinées (Le Botaniste, 5^ série, décembre 96). "272 P.-A. DANGEARD Mucorinées ; la fréquence de la parthénogenèse de- vient alors un phénomène des plus explicables (1). Il n'a été question, dans cet exposé, que des végétaux; onne connaît jusqu'ici aucun animal chez lequel la réduc- tion chromatique ait lieu à la germination de Vœuf. b) Lorsqu'il se produit un retard dans la réduction chro- matique, les conditions de la parthénogenèse se trouvent profondément modifiées. Examinons séparément, à ce point de vue, les végétaux et les animaux. 1° Dans les Mousses, le noyau conserve ses 2 n chro- mosomes dans tout le sporogone, jusqu'à la formation des spores ; celles-ci n'ont plus que n chromosomes dans leur noyau, et il en sera ainsi dans les gamétophytes pro- venant de ces spores. Dans les Ptéridophytes et les Phanérogames, le retard dans la réduction est encore plus considérable : les gaméto- phytes, le plus souvent rudimentaires, ont toujours n chro- mosomes : les œufs qui en proviennent, donnent naissance au sporophyte qui a pris une si grande importance que nous le considérons généralement comme la plante tout entière; il a évolué avec desnoyaux à 2 n chromosomes. On comprend dès lors que la parthénogenèse soit théo- riquement à peu près impossible; on ne peut admettre à priori qu'un gamète à n chromosomes puisse donner autre chose qu'un gamétophyte ; en tout cas, il semble difficile qu'il puisse fournir un sporophyte normal. Aussi bien, ne connaît-on pas de parthénogenèse ordinaire dans tout Vensemble des Bryophytes et des plantes vascu- laires (2). (1) P. -A. Dangeard : Considérations sur les phénomènes de repro- duction chez les Phycomycètes (Le Botaniste, 4« série, 1896, p. 249). (2) Une note récente de R. Shaw: Parthenogenesis in Marsilia (Bot. Gaz., août 1897), laisse supposer l'existence de la parthénogenèse dans ce genre; elle se rencontrerait aussi dans Antennaria alpiaa, d'après O. Juel (Bot. Centralb. 74, 1898). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 273 Toutefois, on observe chez ces plantes un phénomène bien particuHer, qui a certaines analogies avec la parthé- nogenèse ; ce mode de reproduction a réussi à tourner la difficulté qui avait barré la route à la parthénogenèse ordinaire ; le moyen employé n'est pas encore connu. Toujours est-il que les cellules d'un sporogone de Mus- cinée peuvent donner naissance à un gamétophyte, ce qui semble nécessiter une réduction chromatique. D'un autre côté, les cellules des gamétophytes peuvent, chez certaines Fougères comme le Pteris cretica, se développer directement en sporophyte, ce qui semble exiger un double- ment jiréalable des chromosomes. 2° Dans tous les Métazoaires, le retard dans la réduction chromatique a été plus complet que chez les plantes ; on ne trouve rien de comparable aux gamétophytes ; le cycle vital s'effectue avec un noyau à 2 n chromosomes ; celui-ci ne revient à sa structure primitive, ancestrale, qu'au moment de la formation des gamètes. L'évolution a porté probablement, dès l'origine des Métazoaires, sur des organismes ayant 2 n chromosomes. Que peut faire, dans la parthénogenèse ordinaire, un noyau à n chromosomes ? Quel souvenir ancestral peut-il nous rappeler ? C'est ce que nous ignorons encore actuel- lement. Constatons tout d'abord que la parthénogenèse, placée en présence des mêmes difficultés, chez les végétaux et chez les animaux, a réussi à se maintenir chez ces derniers. Il paraîtrait même que l'animal, pour arriver à ce résul- tat, ne s'est pas contenté d'un seul moyen: on en connaît deux et peut-être en existe-t-îl d'autres. Le plus simple, celui qui vient naturellement à l'esprit, consiste pour Vœuf à, conserver la. structure du noyau végé- tatif. Weismann a montré que certains œufs parthéno- génétiques ont un seul globule polaire, au lieu de deux, et 44 274 P. -A DANGEARD n'ont pas subi par conséquent de division réductrice (1). Le second moyen est plus curieux. Brauer a étudié YArtemicL salina, petit Crustacé qui se reproduit naturel- lement sans fécondation (2) ; il a vu que le second globule polaire se forme et s'éloigne du noyau femelle : mais au lieu de sortir du cytoplasme, il revient vers le noyau fe- melle et se refusionne avec lui. Nous ne pouvons prendre part à la discussion soulevée à propos de ces résultats : on leur conteste un caractère général. Ainsi Platner, Blochmann, Ilenking, Emery admettent que dans certains œufs parthéno^énétiques qui se développent régulièrement, le deuxième globule se forme pour être ensuite éliminé (3). Dans l'hétérogamie, on n'envisage ordinairement que la parthénogenèse du gamète femelle : le gamète mâle a été négligé. On pourrait cependant rapporter à des cas de parthéno- genèse du spermatozoïde certains faits de polyspermie. On sait par exemple que, chez les Sélaciens, plusieurs spermatozoïdes entrent dans l'œuf : un seul mélange son noyau au noyau femelle ; les autres se multiplient dans le vitellus donnant les mérocytes. La même chose se pro- duit chez les Reptiles et peut-être aussi chez les Oiseaux. Les mérocytes ne prennent aucune part à la formation de l'embryon (4). Il suffit, pour s'expliquer cette propriété des sperma- tozoïdes, d'avoir compris la signification de la parthéno- genèse et de l'avoir suivie à ses débuts. Si ces gamètes mâles ne donnent pas cVembryons, c'est ou (1) Weisraann ; Ueber die Zahl der Richtungs Kôrper. léna, 1887. (•2);Brauer : Zur kenntniss der Reifung der parthenog. sich entwick. Eies'von Artemia Salina (Archiv. f. mikr. Anat. Bd. XIII, p. 162-222, 1893). (3) Consulter Delage : Loc. cit., p. 150-151. (4) Consulter Delage : Loc. cit., p. 144-145. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 275 bien qu'ilsri'ont aucun souvenir ancestral précis ou bien que les tendances quHls pourraient manifester se trouvent an- nulées par Vinfïuence trop voisine del'œuf. Weismann croyait trouver l'explication de la parthéno- genèse dans l'absence du second globule polaire. Or, ce mode de reproduction a, chez les Chlarnydomonas et les autres algues inférieures, une signification fort nette : il dépend des conditions d'alimentation. En principe, chaque gamète est une spore capable de reproduire seule l'orga- nisme considéré ; c'est par suite d'un état d'affaiblisse- ment que la fécondation est devenue nécessaire ; il n'y a donc pas lieu de s'étonner que des causes très variées, du moins en apparence, puissent restituer aux gamètes leur propriété primitive de se diviser. La force peut être ren- due à un organisme fatigué de beaucoup de façons diffé- rentes, dont la plus efficace est une nourriture abondante et appropriée ; mais un grand nombre d'excitants de na- ture physique ou chimique produisent momentanément le même effet ; il en est de même pour les gamètes ; l'éner- gie peut leur venir de sources très différentes. En résumé, chaque gamète porte en lui-même, par son origine et par sa nature, le principe d'un développement parthénogénétique ; si cette parthénogenèse n'estpas plus fréquente, c'est à cause du retard dans la réduction chrom,a- tique qui a modifié si profondément les conditions de l'orga- nisme Dégelai ou animal. C) Autophagie sexuelle. L'étude de la parthénogenèse va nous permettre de mieux comprendre l'autophagie sexuelle ; en effet, nous sommes en présence, dans ces deux modes de reproduc- tion-, de gamètes affamés ; chacun d'eux ne possède plus assez d'énergie propre pour continuer son développement. Dans la parthénogenèse, cette énergie vient de facteurs 276 P.-A. DANGEARD externes dont le plus actif est une nourriture appropriée. Dans la reproduction sexuelle, l'énergie est fournie par l'union des deux gamètes en une seule cellule ; elles se fusionnent intimement, ou, si l'on veut employer une expression aussi exacte, elles se mangent réciproquement. Si cet acte n'avait d'autre résultat que de permettre la simple continuation du développement, nous serions en droit de dire que cette autophagie a la même signification que la parthénogenèse ; l'énergie aurait pu, tout aussi bien, être fournie par un facteur externe, étranger à l'orga- nisme. C'est ce qui nous porte à penser que ïapport d'énergie ne constitue qu'un phénomène secondaire dans Vauto- 2^hagle ; ce n'est j^^s lui qui imprime au phénomène son caractère sexuel, puisqu'il se remarque tout aussi bien dans la parthénogenèse. Dans une cellule, il existe pour la métamorphose régres- sive et pour la métamorphose progressive une incessante circulation d'énergie (1). La destruction de la molécule albuminoïde du protoplasma, par une suite d'hydratations successives et régulières, transforme de l'énergie poten- tielle en force vive : les oxydations des hydrates de carbone et des corps gras qui ont pour terme final la production d'acide carbonique et d'eau, constituent une source d'énergie considérable. Cette énergie, ainsi rendue libre, est utilisée par les phénomènes de synthèse et les déshy- dratations qui, dans l'assimilation, entraînent la reconsti- tution d'une nouvelle molécule albuminoïde destinée à remplacer celle qui a disparu. Mais, dans la vie d'une cellule, il y a d'autres dépenses d'énergie : rayonnement de chaleur dans le milieu extérieur, travail résultant du mouvement de la cellule ou tout au moins des déplacements qui s'effectuent à l'intérieur du (1) A. Gauthier; Cours de chimie, t. III. Paris, lg92, p. 749-812. MÉMOIRE SUR LES CHLA.MYDOMONADINÉES 277 protoplasme ; enfui et surtout, augmentation de la quantité de substance vivante, ce qui permet à la cellule de croître et de se multiplier : Valiment est devenu nécessaire. L'aliment comprend deux choses distinctes : 1' les élé- ments du protoplasma, sous forme d'acide carbonique, d'eau, d'azotates, etc. ; 2° l'énergie qui permet la synthèse de ces éléments. La cellule verte des plantes emprunte, grâce à la chloro- phylle, l'énergie aux rayons lumineux; elle trouve l'acide carbonique dans l'air ; sa nutrition superficielle lui fournit les autres éléments nécessaires à la formation du protoplasme végétal. La cellule des animaux prend son aliment complet dans ce protoplasme végétal, qui renferme l'énergie des rayons lumineux emmagasinée par des réactions exothermiques. On comprend dès lors qu'une cellule puisse avoir faim de plusieurs façons différentes : elle a l'énergie nécessaire, mais les éléments d'assimilation font défaut; ou bien ces élé- ments existent, mais l'énergie manque ; enfin elle ne pos- sède à sa disposition ni énergie suffisante, ni substances nutritives. Il est à remarquer, d'autre part, qu'une cellule peut pos- séder l'énergie sous une forme incompatible avec l'ac- complissement d'une action vitale déterminée ; elle n'est pas forcément capable d'opérer par elle-même l'équiva- lence entre l'énergie chimique, l'énergie calorifique, l'énergie électrique, l'énergie mécanique, etc., mais il n'en est pas moins vrai que cette équivalence existe assez fréquemment. En principe, les gamètes sont des cellules affamées : nous pouvons alors comprendre ce qui se passe dans l'apport d'énergie aux gamètes, soit pour la, parthénoge- nèse, soit pour la reproduction sexuelle. Dans Vîsogamie, les gamètes continuent à se développer asexuellement; ils reçoivent de l'énergie, soit parla nour- 278 P.-A. DANGEARD riture, soit par une augmentation de tein-péva.ture ; c'est la parthénogenèse qui pourra sans doute être provoquée par d'autres formes de l'énergie. Dans la reproduction sexuelle, les deux gamètes se fusionnent intimement : tout se passe comme si l'un des gamètes servait de nour- riture à l'autre : une certaine quantité d'énergie se trouve disponible et permet le développement ultérieur de la cel- lule ; il se produit quelque chose de comparable sans doute à l'union de deux molécules, union qui met en liberté une certaine quantité de l'énergie potentielle renfermée par chaque conjoint. Dans r hétérogamie, il y a une distinction à faire ; les gamètes n'ont plus faim de la même manière : au gamète femelle, il ne manque parfois que l'énergie, alors que le gamète mâle est dépourvu des substances nécessaires à l'assimilation. On pourra donc encore obtenir parfois la parthénoge- nèse du gamète femelle en lui fournissant exclusivement de l'énergie sous forme d'élévation de température, d'aliment, de frottement, etc. ; mais la parthénogenèse du gamète mâle exigera des conditions spéciales, difficilement réalisables, exigeant plus particulièrement la présence de protoplasma vivant. L'apport d'énergie n'a en lui-même rien qui puisse ser- vir à caractériser la sexualité : au fond, il est assez indif- férent qu'il provienne de la lumière, de la chaleur, de l'électricité, d'un aliment quelconque ou du protoplasma d'un gamète mâle. Lorsque Boveri réussit (1), par exemple, à provoquer la division du gamète femelle d'un Oursin, au moyen du spermocentre de l'élément mâle, sans intervention du noyau, on peut très bien admettre qu'il ne s'agit que d'une (1) Boveri : Uebei' partielle BefrucMung (Sitz. Ber. Morph. phys. Ges., Mûnchen. Bd. IV, 1882). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 279 sorte de parthénogenèse. Le développement se continue jusqu'à la blastula, mais les larves ainsi obtenues ne peuvent être élevées ; on ne saurait donc rien dire sur la possibilité d'obtenir des organismes à n chromosomes semblables à ceux qui en ont un nombre double. Lorsque Delage (1), après Hertwig et Boveri, réussit à provoquer la division du gahiète femelle dépourvu de noyau, au moyen d'un spermatozoïde, on peut également parler d'une sorte de parthénogenèse. Le gamète mâle étant une cellule complète, alors que le gamète femelle n'est représenté que par du cytoplasme, on est même conduit à voir, dans ces expériences, une parthénogenèse du gamète mâle rendue possible par le cytoplasme de l'œuf servant d'aliment. Ce sont les frères Hertwig qui ont les premiers réussi, par le procédé du secouage, à obtenir des fragments d'oeufs anucléés (2) : ces derniers, mis en présence de sperme, se laissèrent pénétrer par un ou plusieurs sper- matozoïdes qui formèrent des fuseaux ; mais le dévelop- pement en embryon ne se produisit pas. Boveri ayant soumis des œufs à un traitement analogue, opéra ensuite la fécondation croisée ; parmi les larves qui en résul- tèrent, un certain nombre avaient des caractères exclusi- vement paternels (3) : on pouvait croire qu'ils provenaient des fragments anucléés. Cette conclusion a été attaquée par Werworn, Morgan et Seeliger. Delage divise des œufs d'Oursin, à la main sous le microscope^ en sorte qu'il ne peut exister le moindre doute (1) Y. Delage : Embryon sans noyau maternel (Comptes rendus, Acad. se, t. CXXVII, 1898). (2) O. et R. Hertwig : Ueber den Befrucht. und TheHungsvorg. des thier. Eies unter dem Einfi. aûsserer Agentien (Jen. Zeitschr. f. naturw. 1887). (3) Boveri : Ein geschl. erzeugter Organismus ohne raûlterlich, Eigensch. (Gesell. f. Morph. u. Phys. zu Miinchen, 1889). 280 P.-A. DANGEARD que les deux fragments obtenus soient bien les deux moi- tiés d'un même oeuf. Dans l'une des moitiés , on peut constater de visu la présence du noyau et par suite du centrosome toujours accolé au premier, tandis que l'autre moitié était formée simplement de cytoplasme ovulaire ; après avoir placé à côté des deux fragments un second œuf entier, destiné à servir de témoin, Delage opère la fécondation avec du sperme de la même espèce. « La suite du phénomène est quelque peu variable, selon la réussite de l'expérience, mais, dans les cas ty- piques, on observe ce qui suit : l'attraction sexuelle se ma- nifeste également énergiquement pour les trois objets. Tous les trois sont fécondés. Peu après, la segmentation s'effectue, elle débute dans l'œuf entier et se poursuit plus activement chez lui ; elle se montre ensuite dans le fragment nucléé où elle marche un peu moins vite ; le fragment non nucléé se segmente le dernier et plus len- tement encore. Mais ces différences ne sont pas très grandes, surtout entre les deux fragments ; quand, par exemple^ le fragment non nucléé sera au stade 2, le frag- ment nucléé sera au stade 4 et l'œuf au stade 8 ou 16. Dans la goutte d'eau où j'étais obligé de conserver mes objets pour ne pas les perdre, le développement ne pou- vait se poursuivre longtemps. Dans un cas, cependant, il s'est continué pendant trois jours, au bout desquels l'œuf formait unegastrula typique sans squelette ; le frag- ment nucléé ne différait du précédent que par la taille; le fragment non nucléé formait aussi une gastrula, mais où, faute de place sans doute, en raison de la taille un peu moindre, les cavités entériques et blastocœliennes étaient très réduites, presque virtuelles. Il est à remar- quer qu'une membrane vitelline complète entourait tous les blastomères, même dans les embryons provenus des fragments. J'ai pu fixer et colorer quelques-uns de ces embryons et constater, dans les uns comme dans les MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADTNÉES 281 autres, l'existence de noyaux, et ces noyaux n'étaient pas, en moyenne, plus petits dans les cellules du fragment non nucléé que dans celles de l'autre fragment (1). » Parmi les conclusions formulées par Delage, nous retiendrons celles qui sont d'accord avec la théorie de l'autophagie sexuelle, telle que nous l'avons exposée dans notre mémoire du 26 mars 1898 (2). 1° « Il faut rejeter toute théorie expliquant la féconda- tion par la saturation d'une polarité nucléaire femelle par une polarité nucléaire mâle, de même que toute théorie envisageant les globules polaires comme destinés à débarrasser l'œuf, hermaphrodite avant sa maturation, de parties représentant en lui une substance mâle faisant obstacle à la manifestation de ses propriétés. 2° « Il faut rejeter toute théorie considérant la féconda- tion comme l'apport par le mâle du nombre de chromoso- mes ou de la quantité de chromatine soustraits par les globules polaires. En se privant d'une moitié en poids de sa chromatine et d'une moitié en nombre de ses chro- mosomes, l'oeuf ne devient pas, ifjso facto, incapable de développement ultérieur, puisqu'un cytoplasme ovulaire, pourvu d'un nombre de chromosomes et d'une masse de chromatine, précisément égaux à ce qu'il possédait avant la fécondation, mais d'origine paternelle^ est capable de se segmenter et de former un embryon. 3° « L'attraction sexuelle n'a pas son siège dans le noyau (3). » Mais nous ne pouvons accepter certaines autres conclusions qui tendraient à donner à l'expérience en question une signification qu'elle n'a pas selon nous. Ainsi Delage admet qu'il ya « eu fécondation et déve- (1) Y. Delage : Loc. cit., p. 528. (2) P. -A. Dangeard : L'influence du mode de nutrition dans révolu- tion de la plante, loc. cit. (3) Y. Delage: Loc. cit. ?82 p. A. DANGEARD loppement cVun fragment d'œuf sans noyau et sans ovo- centre. * « Il faut rejeter, dit-il, comme trop stricte, la définition ordinaire de la fécondation : union du pronucléus mâle avec le pronucléus femelle. Cette union est certainement vraie, mais elle ne constitue pas le phénomène essentiel. » Si le mélange des cytoplasmes, mâle et femelle, n'a d'autre résultat que de provoquer la division de l'un des gamètes, on ne saurait y voir un caractère propre de la fécondation, puisque le même résultat peut être obtenu par d'autres moyens : autrement, on devrait dire que, dans le phénomène désigné sous le nom de parthénoge- nèse, la fécondation existe et qu'elle a pour agent l'aliment ou une énergie quelconque. La discussion ne peut donc porter que sur le rôle du cytoplasme dans l'union des gamètes : si le cytoplasme n'intervient qu'à titre d'aliment, l'apport d'énergie au gamète par cet intermédiaire n'a pas, selon nous, de signification sexuelle : ils' agit simj'Aement d'une autojoha- gie ayant les caractères de la parthénogenèse. Tout ce qu'il est possible d'affirmer actuellement, c'est que dans l'autophagie sexuelle, le caractère le j^l-^f-s imj:)ortant est la fusion des noyaux. Hertwiget Strasburger ont été amenés, par l'étude des phénomènes de la fécondation, à émettre cette hypo- thèse que les noyaux sont les porteurs des caractères héréditaires (J). Quatre principes, dit Hertwig, plaident en faveur de l'hypothèse d'après laquelle le noyau est le porteur des tendances héréditaires. lo La substance héréditaire mâle et la substance héré- ditaire femelle sont équivalentes ; 2" La substance héréditaire, en se multipliant, se répar- (1) Hertwig : La cellule, p. 324. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 283 tit uniformément sur toutes les cellules dérivant de l'œuf fécondé; 3" La substance héréditaire est empêchée d'augmenter d'une génération à l'autre ; 4° Le protoplasme est isotrope. Weismann a fait de cette idée la base de sa théorie des déterminants : les Idantes sont les chromosomes et les Ides sont représentés par les nucléomicrosomes. Boveri, de son côté, croit avoir donné, dans une expé- rience déjà citée, la preuve de cette propriété des noyaux de contenir la substance héréditaire. Parla méthode dusecouage,ilobtient dans leSphœrechi- nus granularis, au milieu d'œufs ordinaires, des fragments contenant des noyaux et d'autres fragments anucléés ; il féconde le tout par des spermatozoïdes d'Echinus mikro- tuberculatus. Boveri obtient ainsi trois sortes de larves ; les unes ressemblent à celles que l'on obtient dans la fé- condation croisée normale ; les autres sont des formes bâtardes intermédiaires qui proviennent de la fécondation des fragments d'oeufs nucléés. Quant aux dernières, elles possèdent les caractères des larves d'Echinus ; elles n'ont aucun trait de ressemblance maternelle. Boveri in- terprète ce résultat en admettant que ces larves sont dues au développement des fragments d'œufs anucléés : la.dis- parition du noyau maternel a entraîné l'absence des ca- ractères héréditaires venant du gamète femelle. Cette conclusion qui semble assez décisive, surtout de- puis la nouvelle expérience de Delage, a été cependant combattue. Ainsi Verworn, par exemple, se refuse à voir dans le noyau le seul représentant des propriétés héréditaires : cette propriété, d'après lui, serait partagée par le cyto- plasme (1). (I) Werworn : Allgemeine Physiologie, léna, 1897, p. 510-523. . 284 P.-A. DANGEARD Malgré nos préférences pour l'opinion d'Hertwig, de Strasburger et de Boveri, nous devons reconnaître que la question n'est pas définitivement tranchée ; mais nous croyons avoir personnellement mis hors de doute le rôle prépondérant de la. fusion des noyaux dans V autophagie sexuelle : ce rôle se manifeste de la manière la plus évidente dans tous les cas où un retard s^est produit dans la 7'éduc- tion chromatique (1). Les plantes ont deux générations alternantes : dans les gamétophytes, le noyau ne possède que n chromosomes ; dans les sporophytes, il en contient le double» c'est-à-dire n chromosomes 5 plus n chromosomes 9- Or, tandis que les gamétophytes se modifiaient peu dans le cours de révolution et continuaient à rappeler le stade ancestral, les sporophytes acquéraient très rapidement une diffé- renciation morphologique et anatomique très avancée. D'autre part, c'est également sous la forme de cellules à noyau double que les gamétozoaires sont arrivés à ce degré de perfectionnement que nous admirons dans les animaux supérieurs et l'homme. L'union des cytoplasmes n'a eu, dans cette envolée ma- gnifique de la cellule, qu'un rôle bien effacé, sinon nul : lorsque l'autophagie non sexuelle existe, elle ne donne naissance qu'à des plasmodes d'organismes primitifs et rudimentaires ! Aucun être un peu différencié n'a évolué en l'absence d'une fusion de noyaux ; il a même fallu un retard dans la réduction chromatique pour que cette dernière devînt réellement efficace, En résumé, l'autophagie sexuelle exige non seulement Vunion des gamètes, mais aussi une fusion des noyaux ; la réunion des deux éléments nucléaires en un seul est une condition essentielle de la sexualité; si Vundes noyaux man- que, Vautophagie ne diffère pas sensiblement de laparthé- nogénèse. (1) P.-A. Dangeard . Loc. cit. MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 285 On ne sera pas surpris, après ce qui précède, de voir que nous refusons d'admettre, dans la définition de la sexua- lité, l'existence d'un protoplasma spécial mâle, chargé de la fécondation : nous rejetons à la fois la définition de Fol et celle de Boveri. La fécondation consiste, dit Fol, non seulement dans l'addition des deux demi-noyaux provenant d'individus et de sexes différents, mais encore dans la fusion, deux à deux, de quatre demi-centres provenant les uns du père, les autres delà mère, en deux astrocentres combinés (1). Cette formule si séduisante a été d'abord assez géné- ralement adoptée; elle a beaucoup perdu de la vogue dont elle jouissait auprès des naturalistes, depuis le moment où Boveri a montré que le gamète femelle est dépourvu de centrosome dans ï Ascaris megalocephala (2) ; il semble prouvé maintenant que les centrosomes de l'embryon proviennent, assez souvent tout au moins, des divisions du centrosome mâle apporté par le spermatozoïde (3), La théorie de Fol et celle de Boveri font allusion à des phénomènes qui peuvent être exacts, mais qui n'ont pas, au point de vue de la sexualité, la signification générale qu'on leur attribue. L'énergie communiquée aux gamètes^ soit dans la parthénogenèse, soit dans l'autophagie sexuelle, a comme résultat plus ou moins éloigné de permettre à la cellule de former son clasileucite de division. . Or, nous avons précédemment signalé les analogies qui existent entre les clasileucites et les chloroleucites : ces (1) Fol: Le quadrille des centres (Archiv. des se. phys. et nat. de Genève, XXV, avril 1891). (2) Boveri : Ueber das Verhalten der Centrosomen bei der Befruchiung des Seeigel (Arch. phys. med. Gesell. zu Wurzburg, Bd. XXIX, 1895). (3) E.-B. Wilsoii et Mathews : Maturation, Fertilisation and Polarity in the Eohinoderm Eijg (Jour, of morph., Bd. X, 1895). — A.-D. Mead : Some observation on Maturation and Fecundation in Ctiaetopterus per- g amentaceus {Jou.v. of morph., Bd. X, 1895). ^286 P.-A. DANGEARD derniers sont quelquefois dépourvus de pyrénoïdes; lors- qu'ils en possèdent, ces pyrénoïdes sont transitoires ou permanents ; ils se multiplient par division ou apparais- sent par nouvelle formation ; de même, les clasileucites peuvent manquer totalement de centrosomes, et lorsqu'ils en ont, ces centrosomes sont transitoires ou permanents; ils se multiplient par division ou apparaissent par nou- velle formation. Les ressemblances ne s'arrêtent pas là ; elles se re- .trouvent jusque dans la formation de l'œuf. N'avons-nous pas constaté, chez le Cfiloi^ogonium euchlorum, une fusion fréquente des deux pyrénoïdes? Mais cette fusion n'est pas nécessaire, puisque les deux pyrénoïdes restent assez souvent distincts ; de plus, le pyrénoïde unique ou les deux pyrénoïdes, pendant la maturation de l'oeuf, restent visibles ou disparaissent. Il est p7^ouvé que les centrosomes se comportent, ainsi que les pyrénoïdes, cTune manière variable : il est démontré qu'' ils peuvent manquer complètement ; on ne saurait donc les faire entrer dans une définition quelconque de la sexua- lité. Les centrosomes, lorsqu'ils existent, servent à la diffé- renciation du clasileucite ; c'est le rôle qu'ils remplissent dans toutes les cellules ; mais, s'ils sont absents, le clasi- leucite ne s'en forme pas moins : il suffit, pour cela, que le protoplasma général de lacellulepossède une énergie suf- fisante ; nous avons insisté à plusieurs reprises sur le fait que cette énergie pouvait provenir de sources très dif- férentes, et qu'ainsi, elle ne pouvait servir à caractériser la fécondation. La note d'Yves Delage marque un état d'indécision et d'attente : c'est dans ces conditions que se présente notre théorie de la sexualité. Au lieu de chercher, comme nos devanciers, les carac- tères de la sexualité chez des organismes supérieurs, MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINÉES 287 nous avons essayé de remonter à V origine du processus sexuel et cV en rechercher les causes ; cela fait, nous avons eu Vexplication de la parthénogenèse : nous avons vu pour- quoi elle s'obtenait si facilement chez les organismes infé- rieurs, et comment, par la suite, elle était devenue si rare à cause du retard qui s'est produit dans la réduction chroma- tique. Le même retard avait une influence considérable dans V autophag ie sexuelle, puisque c'est grâce à lui que se diffé- renciaient graduellement plantes et animaux. De telle sorte que les organismes supérieurs ont atteint leur perfection, grâce au noyau double de leur cellule, dû a la sexualité ; mais en même temps, cette nouvelle organisation rendait la parthénogenèse rare ou impossible. L'importance de la fusion des noyaux dans la sexualité devenait indiscutable ^ par contre, V énergie communiquée au gamète femelle par le gamète mâle, perdait de sa valeur comme caractère sexuel proprement dit; il importait de ne plus faire entrer, dans la définition de la reproduction sexuelle, la manière d'être des centrosomes. La découverte que nous avons faite de la reproduction sexuelle chez les Champignons supérieurs (1) ne peut que bénéficier des nouveaux aperçus contenus dans ce tra- vail. L'exactitude même de nos observations ne saurait plus être contestée, caries vérifications sont venues de divers côtés à la fois, et portent sur des groupes différents (2-7). Il est donc bien établi que dans la spore des Ustilagi- nées, dans la téleutospore des Urédinées, dans la proba- side et la baside des Basidiomycètes, dans l'asque des (1) Consulter les diversMémoires que nous avons publiésdans XeBota- niste, Séries Ill-V; on trouvera également dans ce recueil les travaux de Sappin-Trouffy sur les Urédinées, (2) Raciborski : Ueber den einfluss ausserer Bedlngungen au/' die Wachstumsweise des Basidiobolus ra7%arum (Flora oder allg. Bot. Zei- tung 1896, Bd. 82). 288 P.-A. DANGEARD Ascomycètes, il existe une fusion de deux noya,ux, à la cuite de laquelle il se produit de nouveaux embryons. Quelques auteurs n'ont voulu voir là qu'un phénomène purement végétatif; après les développements que nous venons de donner sur l'autophagie sexuelle, ils ne sau- raient, pensons-nous, hésiter plus longtemps à modifier leur manière de voir à ce sujet. En effet, nous avons vu que la reproduction sexuelle consistait dans Vunion de deux gamètes avec fusion des noyaux et réduction chromatique; les deux gamètes sont affamés, et bien qu'ils représentent chacun une cellule com- plète, ils ne peuvent continuer leur développement qu'à la suite d'un apport d'énergie ; cette énergie provient de fac- teurs externes dans la pari/ié/iogenèse, de l'autophagie dans la sexualité. La reproduction sexuelle des Champignons supérieurs possède indubitablement tous les caractères de l'autopha- gie sexuelle. Dans ces êtres, le thalle est constitué par des articles plurinucléés; or, il est établi que tout article contient en réalité autant d'individualités qu'il possède de noyaux ; c'est la conséquence à laquelle on arrive nécessairement par une étude attentive des plasmodes et par un examen d'ensemble de la reproduction asexuelle et sexuelle des Thallophytes. Sporanges et gamétanges sont des articles (3) Harper : Ueber das Verhaltun der Kerne bei der Frucht. einiger Ascomyceten (Jahr. f. wiss. Botanik, Bd. XXIX). (4) A. Perrot : Kernfrage und Sexualitat bei Basidiomyceten, mars 1897, Stuttgart. (5) H.-O. Juel : Die Kerntheilungen in den Basidien und die Phylo- genie der Basidiomyceten (Jahr. f. wis. Botanik, Bd. XXXII). — Muci- porus und die Familie der Tulasnellaceen (Bihang till K. Svenska Vet. Acad. Handlingar, Bd. 23, 1897). (6) G. Dittrich : Zur Entwickelungsg.der Heloellineen (Beitrage, zur Biologie der Pflanzen, Bd. VIII, 1898, p. 17). (7) Janssens et Leblanc : Recherches cytologiques sur la cellule de Levure (La Cellule, t. XIV, 1898). MÉMOIRE SUR LES CHLAMYDOMONADINEES 289 dans lesquels il se forme autant de spores que de noyaux ; la séparation effective des cytoplasmes ne fait que rendre apparentes les individualités qui existent dans tous les articles du thalle. Les articles piurinucléés contiennent donc autant de cel- lules qu'il y a de noyaux, et comme le terme de cellule est devenu assez vague, Sachs a proposé de le remplacer, dans ce cas particulier, par celui d'Energide (1); mais il s'agit toujours de l'organisme élémentaire ou cellule proprement dite. Les articles à deux noyaux comme les spores des Uré- dinées, les basides et les asques des Champignons supé- rieurs, sont donc en réalité des articles renfermant deux organismes élémentaires, deux cellules; or, ces cellules, telles qu'elles sont, ne peuvent continuer à se diviser ; elles manquent d'énergie ; elles sont affamées ; ce sont donc des gamètes et l'organe qui les renferme est un gamétange. Si l'apport d'énergie à ces gamètes provenait de facteurs externes, nous aurions la parthénogenèse; on l'obtiendra probablement très facilement lorsqu'on voudra; la végéta- tion se continuera comme pour les gamètes de Chlamydo- menas, sans fusion des noyaux. Mais dès l'instant où les deux gamètes s'unissent, avec fusion des noyaux, en une seule cellule, devenue ainsi ca- pable d'un nouveau développement, il y a incontestable- ment reproduction sexuelle. Il est absolument inutile, pour caractériser la sexua- lité, que les gamètes appartiennent à des sporanges dif- férents : chez le Chlamydomonas Perty Gorosch, les ga- mètes d'un même sporange effectuent entre eux la copu- lation (2) ; on pourrait multiplier les exemples (Ulothrix, Cladophora, etc.). (1) J. Sachs : Physiol. Notizen II (Flora, 1892, p. 57). (2) Goroschankin : Beitrag zur Kenntniss des Morph. und Syst. der Chlamydomonaden II, Moskau, 1891, p. 13. 15 290 P. -A. DANGEARD Dans la reproduction sexuelle, la fusion des noyaux est suivie d'une réduction chromatique, soit à la germination de l'oeuf, soit beaucoup plus tard. Cette réduction existe chez les Champignons avec ses caractères ordinaires, ainsi que l'a montré notre ancien élève Sappin-Trouffy (1); elle se produit à la germination de l'oeuf, comme chez les Clilamydomonsis. Jusqu'ici, on a invoqué comme unique raison de l'infé- riorité manifeste du groupe des Champignons, l'absence dechlorophylle etle parasitisme qui en est la conséquence ; nous pouvons maintenant en donner une autre cause, peut- être plus importante : le développement des Champignons se fait probablement tout entier avec un noyau avec n chromosomes : or, nous avons vu que, chez les végétaux et les animaux^ l'organisme ne s'est réellement perfec- tionné qu'avec un noyau double à 2 n chromosomes. Telle est, dans son ensemble, cette théorie nouvelle de la sexualité; elle a été édifiée laborieusement et ne vient qu'après de nombreux travaux d'observation qui en ont préparé la mise au point; elle s'est montrée fertile en con- séquences et en applications ; elle s'adapte sans difficulté à tous les cas connus de reproduction; elle est d'accord avec notre essai précédent sur la structure des éléments de la cellule ; elle relève de l'évolution, comme toutes les fonctions et tous les organismes. (1) Sappin-Trouffy : Recherches histologiques sur les Urédinées (Le Botaniste, 5* série, décembre 1896). TABLE DES MATIERES I. — P.-A. Dangeard. — L'influence du mode de nutrition dans l'évolution de la plante. Introduction 1 A) La. série incolore : l'évolution des champignons 4 B) La série des Chlorophytes 16 I) L'évolution des Algues 17 II) L'évolution des Cormophytes 27 L'autophagie sexuelle 52-63 II. — P.-A. Dangeard. — Mémoire sur les Chlamydomonadinées ou l'histoire d'une cellule. Introduction 65 Historique 68 Méthodes d'observation 75 PREMIÈRE PARTIE. Genre Chlorogonium 79 Genre Cercidium HO Genre Lobomonas 115 Genre Phacotus , 118 Genre Chlamydomonas 123 Genre Carteria 148 DEUXIÈME PARTIE. Chapitre I. — Eléments de la cellule. lo Le cytoplasme 457 A) Disposition du cytoplasme 458 B) Structure du cytoplasme 161 C) Les flagellums 174 2° Le Chromatophore 180 A) Disposition et forme du chloroleucite 181 B) Structure du chloroleucite 182 G) Le pyrénoîde 190 292 TABLE DES MATIÈRES 30 Le noyau. 494 A) Disposition du noyau 195 B) Structure du noyau 196 Résumé 202 Chapitre II . — La division du noyau 206 A) La prophase 211 a) Diftérenciation des chromosomes 217 b) Formation du fuseau 222 c) Groupement des chromosomes en plaque équatoriale 228 B) L'anaphase 230 a) Séparation des chromosomes 231 b) Disparition du fuseau 534 c) Reconstitution des noyaux-filles 236 ESSAI SUR LA KARYOKINÈSE. 236 A) Nature des clasileucites 237 B) Division et séparation des chromosomes 239 C) Disparition du clasileucite 241 D) Formation du clasileucite 242 E) L'évolution du clasileucite 242 Chapitre III. — La reproducton de la cellule 1° La reproduction asexuelle : . . . 24G 2° La reproduction sexuelle 249 .41 Caractères des gamétosporanges. 250 B) Mode d'union des gamètes 251 C) La fusion des noyaux 254 D) Le développement de l'œul 257 THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 263 A) Préliminaires 264 B) Parthénogenèse 266 a) La réduction chromatique a eu lieu à la germination de l'œuf 267 b) La réduction chromatique a subi un retard plus ou moins considérable 272 C) Autophagie sexuelle. 275-290 Poitiers. — Soc. franc, d'imp. et ht). (Oudin et Cie . 6e SÉRIE. 6 Février 1899. LE BOTANISTE Directkur: M. P.-A. DANGEARD Professecr de Botanique A LA Faculté des Sciences de l'Université de Poitiers 2-6 FASCICULES SOMMAIRE P.-A Dangeard. — !• Mémoire sur les Ghlamydomonadinées ou l'Histoire d'une cellule. 2» Théorie de la sexualité. PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SERIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger DIRECTION : 34, Rue de la Chaîne, POITIERS PARIS LONDRES •■•'"• lîAILMÈnE BERLIN DULAU à C» ^'"^ ^^««^^'/■''«"'^ 19 FRIEDLÂNDER & SOIIN Sphn Sqvare, 37 A'. W. CarUtrassc, 11 6e SÉRIE. 26 Mars 1898. LE BOTANISTE Directeur. M. P.-A. DANQEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LAURÉAT DE LINSTITUT ■«Professeur de )3otanique a la j^aculté de ^oitiers l*^-^ FASCICULE SOMMAIRE P.-A. Dangeard. — L'influence du mode de nutrition dans l'évolution de la plante. PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger DIRECTION : 34, Rue de la Chaîne, POITIERS PARIS LONDRES ^'^- I5A1LL1È!\E BERLIN DULAU & C« ^"' ^««^^^^«"^^' 19 FRIEDLÂNDER & SOHN Soho Square, 37 N. W . Carlstrasse, 1] p A -p T '7T?TQC Optische Wertestaette MICROSCOPES ET APPAREILS PHOTOMICROGRAPHIQUES De première qualité depuis les plus simples jusqu'arix plus complets CATALOGUE ILLUSTRÉ GRATIS ET FRANCO Dépôt : à Paris, chez MM. Paul Rousseau et G'e, 17, rue Soufflot ; à Bruxelles, chez M. Rûb. Drosten, 23, rue des Boiteux. MIGROORAPHIE E. 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