-t^'^ i' V r> .A\.,_ V- , v^x^: '•^ •• LE BOTANISTE Directeur: M. P. -A. DANGEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LALRÉAT DE l'iNSTITUT 'Chargé de -^^ouks de Botanique a la J'aculté des Sciences de ^Paris ONZIEME SERIE Mai 19 iO PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger Prix de ce volume : 25 francs 1° P.-A. Dangeard : Eludes sur le développement et la structure des organismes inférieurs, avec 33 planches. 20 ToriiNEux : Recherches sur la structure des plantules chez les Viciées, avec 4 planches. DIRECTION: 13, rue Cuvler, PARIS PARIS LONDRES J.-B. BAILLIÈRE BERLIN DUUU & C° Rue Hautcfoaille, 19 FRIEDLANDER à SOHN Soho Square, 37 TV. \r. Caristrassc, 11 LE BOTANISTE LE BOTANISTE DiRKCTEUR: M. P. "A. DANCEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LAURÉAT DE l'iNSTITUT Chargé de -Couks de Botanique a la J'aculté des Sciences de ^Paris ONZIÈME SÉRIE Mai 1910 PRIX DE L'ABONNEMENT A LA SÉRIE DE SIX FASCICULES 16 francs pour la France. — 18 francs pour l'Etranger LIBRARV NEW YORK Prix de ce volume : 25 francs bota^jcal GAKl>EN. 1» p. -A. Dangeard : Etudes sur le développement et la structure des organismes inférieurs, avec 33 planches. 2° Toi'RNEux : Recherches sur la structure des plantules chez les Viciées, avec 4 planches DIRECTION: 12, rue Cuvier, PARIS PARIS LONDRES J.-B. BÂILLIÈRE BERLIN DULAU & C Rue HautcfcuiUc, 19 FRIEDLANDER & SOHN Soho Square, 87 y, w. Cavlstrasso, H r^^ ÉTUDES SCR LE Développement et la Structure DES ORGANISMES INFÉRIEURS PAR .ÏKARY W YORK P.-A, DANGEARD anIcal GAItDEN. INTRODUCTION Au cours de ce travail sur le développement des orga- nismes inférieurs, nous avons toujoursaccordé une attention spéciale à l'élude de l'élément nucléaire. Le noyau a une existence si générale, les fonctions qui lui sont attribuées ont une telle importance qu'on ne saurait trop préciser ses diverses manières d'être et les modifica- tions qu'il est susceptible de présenter. La plupart des théories actuelles relatives à la sexualité, à l'hérédité, à l'hybridation, etc., reposent sur l'action directe ou indirecte de l'élément nucléaire. C'est à la suite de la découverte d'une fusion nucléaire dans la baside et dans l'asque (1) des champignons supé- rieurs que s'est produit dans presque tous les pays ce mou- vement de recherches sur l'histologie des mycètes qui va s'accentuant tous les jours, et dont les zoologistes emprun- (1) Consulter les nombreux mémoires publiés dans le Botaniste. LE BOTANISTE. 1 2 p. -A. DANGEARD tentmainlenanl les conclusions, lorsqu'ils veulent interpré- ter la reproduction des Amibes et des Flagellés (1). C'est à la suite d'une étude du noyau chez les Chlamydo- monadinées, dans laquelle nous avions constaté que le nom- bre des chromosomes est le même dans les cellules végéta- tives et dans les gamètes, que nous avons substituée la théo- rie de Van Beneden, adoptée par tous les zoologistes, une autre théorie qui rend mieux compte de l'origine de la sexualité et de son importance dans le développement des êtres (2). C'est encore par des recherches analogues poursuivies dans tout le groupe des Eugléniens que nous avons réussi à montrer la valeur du noyau en systématique et entrevu la possibilité d'établir plus exactement la phylogénie des êtres primitifs en utilisant ce caractère (3). Il n'est donc pas étonnant que nous ayons saisi toutes les occasions d'étendre nos connaissances sur le noyau des orga- nisâmes inférieurs, puisque les découvertes faites dans ce do- maine ont leur répercussion immédiate sur la façon d'en- visager et de comprendre les phénomènes de la vie les plus importants soit chez les animaux, soit chez les végétaux. Depuis plusieurs années, nous accumulons les observations ; nous aurions pu les publier au fur et à mesure en des mé- moires analogues à ceux qui remplissent les périodiques français et étrangers : nous serons probablement obligé d'a- gir de la sorte à l'avenir, en ce qui concerne ce genre de travaux. En effet, la Protistologie a maintenant de nombreux adeptes : on se livre avec une ardeur inconnue jusqu'ici à (1) Hartmann : Autogamie bei Protisten [Archiv. fûrProtistenk., Bd. XIV, Heft 2, 1909, p. 264). (2) P. -A. Dangeard : L'Evolution de la sexualité générale (la Revue des Idées, 15 janvier 1907). (3) P. -A. Dangeard : Recherches sur les Eugléniens (le Botaniste, 8e série, 1902). INTRODUCTION 6 l'étude des organismes inférieurs ; telle découverte est faite dans plusieurs laboratoires à la fois, et celui qui s'attarde trop à publier les résultats qu'il obtient, risque fort de perdre tout le bénéfice de ses efforts etde son travail. En ce qui nous concerne, et bien que nous ayons par des notes préliminaires fixé les points les plus importants de ces recherches, le moment était venu de les exposer sans plus tarder dans leur ensemble avec les conclusions géné- rales qui en découlent. Ce mémoire n'est autre chose qu'une réunion de petites monographies qui ont été faites au jour le jour pendant plusieurs années, au hasard des rencontres heureuses, mais toujours avec le souci très grand de la vérité. L'étendue du sujet, l'abondance des observations et des faits augmentent comme toujours les chances d'erreur : nous avons l'espoir que le nombre de ces erreurs ne dépasse pas un minimum inévitable. L'ouvrage comprend cinq parties. La première partie est consacrée à l'étude des Amibes, qui sont ainsi considérées comme une sorte de centre d'évolu- tion. La seconde partie donne la description de nombreuxRhi- zopodes. La troisième partie traite au même point de vue des Fla- gellés, et en particulier des Monadinées. La quatrième partie renferme une étude de quelques groupes d'Algues inférieures, dans leurs relations avec les Flagellés. La cinquième partie résume les principaux résultats du travail. 4 P. -A DANGEARD PREMIÈRE PARTIE LES AMIBES Un certain nombre d'organismes occupant une position variable dans la systématique ont un stade amibe : il suffit de citer les Myxomycètes, les Acrasiées, les Labyrinthulées, etc. ; mais il faut bien se garder de confondre ces états amiboïdes avec les espèces nombreuses appartenant au genre Amœha. Non pas que ce genre soit lui-même exactement délimité, car son extension est comprise de façon très différente selon les auteurs. Les uns l'ont morcelé en nombreux genres nouveaux, Protamœba, Gloidium, Gringa, Hyalodiscus, Dac- tylosphœra, etc., en s'appuyant soit sur la forme et la dispo- sition des pseudopodes, caractère de faible valeur, même parfois au point de vue purement spécifique, soit sur l'ab- sence d'un noyau, ce qui est encore plus contestable. En effet, à l'heure actuelle, on ne se hasarde plus à signaler l'absence d'un noyau, à l'intérieur d'une Amibe, car on ne réussirait qu'à jeter le discrédit sur la méthode d'observation em- ployée : pour tout dire, personne ne croit plus aux fameuses Monères d'Haeckel : s'il est encore des naturalistes qui les abandonnent avec peine, c'est qu'elles ont servi à leurs con- ceptions philosophiques sur l'évolution de la matière pour combler le fossé quiséparele monde inanimé de celui qui possède la vie. « Ce qui est vrai, avons-nous écrit ailleurs (1), c'est que nous n'avons aucune idée de cette transition si elle existe réellement, et qu'il y a incomparablement plus de dis- tance entre la matière inanimée et l'Amibe qu'entre l'Amibe et l'homme par exemple. j> (1) p. -A. Dangeard : L'Evolution de la sexualité générale (Revue des Idées, 15 janvier 1907, p. 6 du tiré à part). LES AMIBES 0 Un certain nombre d'auteurs — parmi lesquels nous nous rangeons — conservent au moins provisoirement au genre Amœba sa plus grande extension. Ils y font rentrer toutes les espèces ayant un protoplasme dépourvu de membrane pendant la période végétative, se déplaçant au moyen de pseudopodes, se nourrissant en général au moyen d'aliments ingérés à l'intérieur de vacuoles nutritives, se multipliant par bipartition ; un simple enkystement, accompagné ou non de fusions nucléaires, termine le développement. Quel est le caractère qui devra servir plus tard à consti- tuer des groupes de valeur générique? Est-ce la forme et la structure des kystes ? S'adressera-t-on à nouveau à l'as- pect et à la disposition des pseudopodes ? Ghoisira-t-on le mode de division nucléaire ? S'il ne s'agissait que d'établir la véritable parenté des espèces, ce dernier caractère serait évidemment bien supérieur aux autres ; mais il est d'em- ploi trop difficile pour les besoins de la systématique usuelle : il ne pourra servir que pour l'ébauche de la véritable classification naturelle qui restera longtemps différente de notre classification ordinaire. Loin de pouvoir actuellement démembrer le genre Amœba avec quelque chance de succès, nous sommes même incapa- bles le plus souvent de caractériser les espèces les plus vul- gaires. Voyons, en effet, comment s'exprime à ce sujet Penard, qui fait autorité en la matière (1). « Pour les Amibes, presque tout est encore à faire : quel- ques rares espèces seulement sont réellement déterminables d'après les travaux existants, non qu'elles ne présentent pas d'autonoiïiie véritable au même titre que les autres Rhizo- podes, mais parce que presque toutes les descriptions sont incomplètes et basées sur des caractères souvent incertains, parfois même sans réalité. » (1) Penard : Les Rhizopoden d'eau douce du bassindu Léman, Genève, p. 10. 6 p. -A DANGEARD Rien n'est plus difficile, en effet, que de déterminer une Amibe. Les travaux de Claparède et Lachmann, l'ouvrage de Dujardin, celui du Butschli, ne peuvent être de quelque utilité que pour un nombre restreint d'espèces. Maggi a donné, il est vrai, un intéressant résumé s'appliquant aux espèces étudiées jusqu'en 187(i (1) ; le nombre de celles-ci, qui s'élevait approximativement à 44, est réduit à 28. Il faut arriver cependant aux recherches de Grûber pour constater un progrès sensible dans la classification des Amibes (2). Ce savant a montré que dans la détermination des espèces, il fal- lait tenir compte de la grosseur relative du corps, de la consis- tance du protoplasma, de la forme des pseudopodes, des inclu- sions diverses, granules, cristaux, vacuoles, etc., et aussi du nombre, de la grosseur et de la structure des noyaux : Grûber a réussi de la sorte à mieux caractériser certaines espèces connues, et il a pu en créer de nouvelles. Mais les divers caractères invoqués par Griiber sont encore insuffisants : il faut aller plus loin, et les monographies de l'avenir auront à tenir compte de l'ensemble du développe- ment, de la nature des kystes, de l'existence ou de l'absence . de phénomènes de gamie, des réactions de chaque espèce vis- à-vis des milieux, des propriétés biologiques, et surtout du mode de division des noyaux. Examinons ce qui a été fait récemment dans chacune de ces directions. Au point de vue développement, de grosses erreurs s e- taient produites à diverses reprises, à propos de plusieurs espèces d'Amibes et de Rhizopodes : les uns, comme Carter, (1) Maggi : Studi analomo-fisiologici intorno aile Amibe (Atli délia Soc. ital. di scienze naturali, vol. XIX, 1876). (2) Griiber : Studien iiber Amôben (Zeit. f. wiss. Zool., Bd. XLï, 1885. p. 186). LES AMIBES 7 avaient cru voir une reproduction par ovules et par sper- matozoïdes ; les autres, comme Greef, avaient pensé que le noyau était susceptible de fournir en se divisant de jeunes individus. Nous avons montré en 1895 que ces fausses interpréta- tions étaient dues à la présence d'un parasite qui vit à l'in- térieur du noyau des Amibes et y forme ses germes: nous avons désigné ce parasite sous le nom de Nucleophaga amœhœ (1). Nous donnions en même temps dans ce mémoire le prin- cipe d'une nouvelle méthode, — celle de la nucléophagie^ — permettant d'étudier les fonctions du protoplasma de la cel- lule en l'absence du noyau. Dans le cas considéré, cette méthode avait sur la méroto- mie un avantage manifeste. Les Amibes énucléées par mérotomie sont, en effet, inca- pables d'ingérer des particules solides : il est impossible, par suite, d'y étudier les réactions intraprotoplasmiques de la digestion (Bruno Hofer, Le Dantec): le protoplasma se roule en boule, cesse d'émettre des pseudopodes et de- vient flottant. Nous montrions dans ce mémoire que les Amibes énu- cléées par un parasite continuent au contraire à ingérer nor- malement les aliments, des Euglènes par exemple ; il sera possible d'y étudier la digestion ; le protoplasma continue longtemps à former des pseudopodes. Nous faisions prévoir en même temps que la connaissance des Nucléophages pourrait guider dans l'étude des mala- dies, et en particulier des tumeurs et des carcinomes. Grûber a rencontré depuis cette époque une seconde espèce de Nucléophage qui vit à l'intérieur des noyaux de VAmœba viridis. (1) P. -A. Dangeard : Mémoire sur les parasites du noyau et du protoplasma (le Botaniste, série IV). 8 P. -A. DANGEARD L'espèce semble très différente de la nôtre et devra pro- bablement être considérée comme nouvelle lorsqu'elle sera mieux connue : « Die Krankheit tritt rasch auf, und man erkennt sie zuerst daran, dass der Kern hypertrophisch wird, der Kernkorper verschwindet und unregelmassige Ballendann das Kerninnere erfullen. Wenn dann spâter der Kern das Vielfache seines normalen Umfangs erreicht bat, sicht man ihn dicht gefûllt mit kleinen Kornchen oder Kugelchen. Bei Druck und wenn man den Kern zum Platzen bringt, stromen die Pilze heraus, wie kleine regelmassige Kreuzchen erscheinend. Es sind Gruppen von sechs Kor- nern, wie man bei starkerer Vergrosserung leicht erken- nen kann (1). » Grûber confirme nos résultats en ce qui concerne l'emploi de la méthode de nucléophagie dans l'étude des fonctions du noyau et du protoplasma : « Dangeard sagt sehr richtig, dass man durch die Einwir- kung der Kernparasiten ein Mittel an der Hande habe, um Einzellige in kernlosen Zustande zu beobachten, was man bisher nur durch operatives Eingreifen gekonnt bat (2). » Penard a retrouvé les Nucléophages parasites dans VAmœha terricola. « Dans deux de mes récoltes, dit-il, j'ai trouvé un certain nombre à'A^nœba terricola attaquées par le parasite de Dangeard, selon toute apparence la Nucleo- phnija amœhœa, mais qu'en même temps je crois pouvoir considérer comme identique au parasite de Griiber, et bien que mes observations ne soient dans leur généralité qu'une confirmation des faits annoncés par ces deux auteurs, je décrirai rapidement les phénomènes dont j'ai pu être té- moin (.'{). » (1) Griiber : Ueber Amœba viridis (Abdruck aus den Zool. Jarhrbûchern, suppl. VII, 1904, p. 73, pi. VIII). (2) Griiber : Loc. cit., p. 73. (3) Penard : Observations sur les Amibes à pellicule (Archiv f . Prot , Bd.VI p. 196). LES AMIBES 9 Nous sommes loin de partager l'opinion de Penard sur l'identité desdiverses formes de Nuoléophag-es déjà connues ; nous sommes au contraire persuadé que parmi ces Nucléo- phages des Amibes on trouvera plusieurs espèces et peut- être aussi plusieurs genres. Doflein a signalé également la présence de Nudeophaga amœbœ ôans le noyau deVAmœba vespertilio (1). La présence de Nucléophages a encore été signalée par Elpatiewsky (2) dans les noyaux d'Arcella vulgaris et par Mercier dans les formes uninucléées d'Amœba blattœ{3). Penard et Doflein n'ont pu que constater l'exactitude des faits décrits par nous lorsque nous avons établi les caractères de ces intéressants parasites ; mais ils nous font grief — etla chose étonne — d'avoir émis l'idée que l'étude de ces or- ganismes, dont l'habitat est si particulier, pourrait servir à mieux faire connaître certaines maladies, et en particulier les tumeurs. Ils oublient que si, actuellement, on semble disposé à cher- cher l'agent des tumeurs parmi les Bactériacées, il n'en est pas moins vrai que des travaux récents ont montré par ail- leurs l'importance des parasites nucléaires dans diverses maladies. Nous avions donc raison, il y a une quinzaine d'an- nées, d'engager les chercheurs à entreprendre des études comparatives dans cette voie, et c'est avec un véritable plair sir que nous voyons de jeunes savants français aborder avec succès ces sujets difficiles (4). Si les recherches sur la structure du noyau des Amibes ont pu amener à la connaissance des Nucléophages, si le pa- {^) J)ot\em : Studien zur Naturgescldchle der Protozoen (Arch. f. Prot.,^ Suppl. I, i907, p. 287). (2) Elpatiewsky : Zur Fortppanz. von Arcella vulgaris (Arch. f. Prot., Bd. X, 1907). (3) Mercier : Un parasite du noyau d'Amœba blattœ {C. R. Soc. biol. Paris, vol. LXII, p. 1132-1134). (4) E. Chatton et A. Brodsky : Le parasitisme d'une Chytridinée du genre Sphœrita (Arch. f. Protis/, 1909), 10 P -A DANGEARD rasitisme de ces derniers a permis d'éliminer du cycle du développement des Amibes la notion de spermatozoïdes et d'œufs, d'autres travaux des plus remarquables mettaient en évidence chez certaines Amibes des phénomènes de sexua- lité d'une autre nature. B Sous le nom d'autogamie, Hartmann et quelques auteurs désignent des phénomènes sexuels dans lesquels la féconda- tion s'opère entregamètes frères ou proches parents : par- fois même cette fécondation est réalisée entre noyaux d'une même cellule (1). On attribue avec raison la première découverte de ces phénomènes chez les Protistes à R. Hertwig, qui les décrivit en 1898 chez lActinosphœrium eichhorni (2). Mais, en général, on semble ignorer que ce n'est pas l'é- tude des Protistes qui a fait connaître ce nouveau mode de fécondation, mais bien celle des Champignons supérieurs. Rappelons donc que c'est en février 1893 que nous avons, en collaboration avec Sappin-Troufîy, signalé une fusion de noyaux dans la téleutospore des Urédinées, et que c'est en mai 1894, que le même phénomène fut décrit par nous dans l'asque des Ascomycètes. On trouvera tous les détails rela- tifs à ce sujet et à la question de la sexualité des Champi- gnons supérieurs qui a tant de points de ressemblance avec celle des Protistes dans notre mémoire : Recherches sur le développement du périthèce chez les Ascomycètes [3). Les Amibes ont fourni dans ces dernières années des cas fort intéressants d'autogamie. {i) Ha.rlm3Lnn : Autogamie bel Protisten (Archiv. f. Protist., Bd. XIV, p. 264, 1909). (2) R. Hertwig : Uber Kern teilung, Richt. und Befruchtung von Actino- sphœrium eichhorni (Abh. bayr. Akad. Wiss. Munchen, Bd. XIX). (3) P. -A. Dangeard : Loc. cit. (le Botaniste, série IX-X). LES AMIBES 11 La première description est celle deSchaudiiin en 1903 ; elle se rapportait à V Enlamœha coli : elle a été reprise et complétée par Hartmann (1). Le kyste possède d'abord un seul noyau qui se divise bientôt en deux : une grande vacuole se produit dans le pro- toplasma entre ces noyaux ; ceux-ci donnent naissance à des chromidies, Lesquelles dans l'opinion de Schaudinn don- naient naissance à de nouveaux noyaux ; mais Hartmann considère beaucoup plus justement que les anciens noyaux persistent et que les chromidies sont de nature purement somatique. Chacun des deux noyaux se divise une seconde fois : il en résulte deux noyaux de réduction qui entrent en dégénérescence et disparaissent ; les deux autres subissent une dernière division, donnant chacun un noyau mâle et un noyau femelle. La fusion s'opère entre noyaux de sexe diffé- rent. Un mode analogue d'autogamie a été décrit par Wenyon chez VEntamœha mûris {2). Un autre mode se rencontre, d'après Hartmann, dans V Enlamœha tetragena (3) ; au moment de la fécondation, il se produit une épidémie de conjugaison ; les Amibes devien- nent plus petites et des chromidies sortent du noyau et se multiplient abondamment dans le protoplasma; plustard, ces chromidies se rassemblent en un ou plusieurs corpus- cules compacts qui sont des noyaux somatiques. Le noyau proprement dit du kyste se divise en deux noyaux de ga- mètes qui se fusionnent directement, srt/?s réduction préalable ; le noyau double de copulation, par deux bipartitions suc- cessives, fournit un kyste à quatre noyaux. Nous aurons à faire quelques réserves sur la nature des chromidies, leur origine et l'interprétation qu'on leur donne; (1) Hartmann: I^oc. cit., p. 292-293. (2) Wenyon : Observations onthe Protozoa in the Intestine of M ice {ArchW . f. Protist., Supp. 1). (3) Hartmann : Loc cit., p. 281. 12 P. -A. DANGEARD mais les phénomènes de fusion nucléaire présentent un grand intérêt. Nous les retrouvons, avec quelques variantes, dans VAmœba albida, smvani les observations deNagler (1). L'Amibe s'enkyste avec un seul noyau : en se divisant, celui-ci donne naissance à un gros noyau somatique qui se porte vers la surface et disparaît ; le second noyau plus petit, qui est un noyau générateur, prend une forme en x. Sans qu'on sache exactement comment la chose se produit, le noyau générateur fournit deux noyaux de gamètes et quatre petits noyaux de réduction. Il y a fusion des deux noyaux sexuels en un seul noyau qui occupe le centre du kyste. Plus remarquable est VAmœba diploidea, chez laquelle tous les individus sont munis de deux gros noyaux (2) ; ceux-ci se divisent toujours simultanément, et les figures de division > sont parallèles, de sorte qu'après la bipartition, chaque in- dividu possède deux noyaux d'origine différente ; quelque- fois les Amibes ont quatre, six ou huit noyaux, lorsque la bipartition du corps n'accompagne pas chaque division nucléaire. Au moment de la reproduction sexuelle, les Amibes binu- cléées s'accouplent par deux et s'entourent d'une enveloppe commune ; la fusion s'opère entre les deux noyaux de chaque cellule copulatrice. La limite des deux cellules disparaît dans le kyste; les deux noyaux doubles de fécondation subissent, d'après l'auteur, deux divisions réductionnelles, ce qui donne huit noyaux ; parmi ces noyaux six sont destinés à disparaître ; les deux autres, qui persistent, possèdent la structure normale et se retrouveront dans l'Amibe provenant delà germination du kyste. L'auteur de ce mémoire si intéressant cherche à établir des comparaisons avec le cycle du développement des Uré- (1) Niiglôr : Entwickl. Studicn ilber Amôben (Arch. f. Prot., Bd. XV, 1909). (2) Nâgler : Loc cit., p. 31-36. LES AMIBES 13 dinées ; il y a certainement une concordance remarquable en ce qui concerne l'existence, ici d'articles, là d'individus dont les deux noyaux se divisent simultanément, et se trans- mettent en deux lignées indépendantes : ces deux lignées de noyaux restent ainsi parallèles jusqu'au moment de la fécondation. Chez les Urédinées, cette fécondation entre noyaux de parenté si éloignée se fait dans la téleutospore, alors qu'elle a lieu dans le kyste chez les Amibes. Mais Nagler, qui cite à ce sujet les travaux de Blackman et Fraser, de Christman, de Lotsy, ignorait sans doute que ces phénomènes ont été vus et décrits pour la première fois en France (1). Déplus, des mitoses conjuguées analo- gues à celles de ÏAmœba diploidea ont été vues et signalées par nous depuis longtemps chez les Arcelles, le Trepomonas agilis, et même avec nombreux noyaux dans les sporanges des Vampyrelles (2). Nous citerons encore relativement à cette question del'au- togamie chez les Amibes le travail de Dobell (3). Par ce court exposé, on voit tout l'intérêt qui s'attache à cette question de la sexualité chez les Amibes; sans aucun doute, les observations manquent de précision en général ; elles renferment évidemment des lacunes et aussi beaucoup d'inexactitudes ; mais telles qu'elles sont, elles marquent un progrès considérable, et elles doivent stimuler le zèle de tous ceux qui s'intéressent à ces grands problèmes de la biologie générale. (1) Dangeard et Sappin-Trouffy : Réponse à une note de MM. G. Poirault et Raciborski sur la karyokinèse des Urédinées (le Botaniste, 1®'" août 1895). — Sappin-Trouffy : Recherches histologiques sur la famille des Urédinées (le Botaniste, 5e série). (2) P. -A. Dangeard : L'organisation du Trepomonas agilis et Contribution à l'étude des Diplozoaires (le Botaniste, 9e série, ler fasc, décembre 1903). — Id. : Etude de la Karyokinèse chez la Vampyrella vorax (le Botaniste, 7e série, p. 131). (3) Dobell : Notes on some parasitic Protists (Quat. Journ. Micr. se, V, 52). 14 P.-A. DANGEARD Les études dans cette voie sont d'ailleurs grandement fa- cilitées par la possibilité d'obtenir des cultures d'Amibes. La culture des Amibes a réalisé dans ces dernières an- nées des progrès considérables. Nous n'avons pas l'intention de donner ici l'indication des nombreux milieux nutritifs soit liquides, soit solides, qui ont été proposés : on en trouvera uneénumération très com- plète dans l'ouvrage de Vahlkampf (1). Nous dirons seulement que les Amibes affectionnent comme nourriture les Bactéries, et que les milieux nutritifs doivent par conséquent être favorables au développement de ces Bactéries. Frosch a même remarqué que certaines Bactéries sont plus que d'autres favorables à la culture des Amibes (2). En général, c'est l'agar rendu plus ou moins nutritif par de la peptone, de la somatose, de la nutrose, etc., qui forme le fond de ces cultures ; on emploie aussi beaucoup le Fu- cus crispus dans la proportion de 5 p. 100 d'eau. Les cultures d'Amibes doivent renfermer des Bactéries, puisque celles-ci forment le fond de la nourriture ; mais il y a intérêt à éliminer une foule de Protozoaires qui se dé- veloppent concurremment et dont la présence risque de fausser les observations. C'est seulement à ce titre que nous signalerons l'utilité que peut présenter parfois le liquide de Knop. Nous avons remarqué tout à fait par hasard que cer- taines Amibes du groupe A. Umax et A, gultula s'étaient (1) E. Wahlkampf : BeiÈr. zur Biol. und Entw. von Amœba Umax (Arch. f. Protist., Bd. V, p. 198-209). (2) Frosch : Zur Frage der Reinzuchtung der Amoben (Centr. f. Backt. u. Parasit., Bd. XXI). LES AMIBES 15 développées en abondance, dans des cuvettes où nous culti- vions une algue, le Chlorella vulgaris, dans ce liquide de Knop. Quelques-unes de ces cultures pouvaient être considérées comme pures, car en dehors de l'algue, elles ne renfer- maient que ces Amibes et une seule espèce bactérienne. Les Amibes formaient un voile léger à la surface ; l'enkyste- ment se montrait régulièrement au bout d'un certain temps. Il se produisait là une sorte d'association qui mériterait d'être étudiée en détail. En effet, le liquide de Knop étant dépourvu de carbone organique, ce corps nécessaire à l'A- mibe et à la Bactérie, ne pouvait provenir que de la nutri- tion holophytique de l'algue d'une part et sans doute d'une incorporation directe par la Bactérie d'autre part. Cette dernière se serait comportée à la façon des Nitrobactéries. Nous n'avons pas eu le loisir jusqu'ici d'approfondir cette question ; nous devons donc nous borner à cette cons- tatation : le liquide de Knop. ensemencé de Chlorella, se montre favorable au développement en culture pure d'une Bactériacée associée à une Amibe. C'est avec de telles cultures que l'on pourra étudier la spécificité des Amibes et le mode de division nucléaire, sans être gêné par la présence d'autres organismes inférieurs. D L'étude du mode de division nucléaire nous paraît avoir une importance capitale dans la distinction des nombreuses espèces d'Amibes. Cette idée se trouvait déjà exprimée dans notre premier travail sur la division du noyau chez VAmœha hyalina, en 1899 (1) ; nous étions frappé par ce fait que, contrairement à ce qui existe ailleurs pour les espèces d'un même genre, (1) p. -A. Dangeard : Loc. cit., p. 49. 16 P.-A. DANGEARD on rencontre chez les Amibes des différences très grandes dans la division nucléaire. Nous étions confirmé dans cette vue un peu plus tard par nos recherches sur VAmœba Glei- çhemi{l), où nous décrivions une téiéomitose normale. Puis est venu le beau mémoire de Wahlkampf surl'imœ^a Umax (2), où se trouve une très bonne description d'un mode de karyokinèse encore inconnu. A la 'vérité, nous avions déjà obtenu depuis deux ans, chez cette même Amibe, des résultats analogues ; mais, entraîné par d'autres recherches, nous avions négligé de les publier. D'autres mémoires sont venus, parmi lesquels il est juste de citer celui de Niigler (3) ; mais bien que l'auteur ait figuré de nombreux stades de division nucléaire, on peut dire qu'il n'a rien ajouté de bien important sur ce chapitre au travail de Wahlkampf. Une mention spéciale doit être faite au sujet du mémoire de Doflein sur VAmœbavcspertilioPen. (4). Le noyau de celte espèce se divise par une sorte de mi- tose qui rappelle d'assez près celle que nous avons décrite autrefois chez VAmirha Gleichenii : il y a formation d'un fuseau avec disparition progressive du nucléole ; on distingue nettement des chromosomes au stade de la plaque équatoriale : ils se séparent en deux groupes comme dans la téiéomitose normale. Ces phénomènes rap'pellent ceux qui ont été vuspar Leyden et Lœvventhal chez VEnlamœha buc- calis (5). Disons en passant que VAmœba vespertilio peut se rem- plir de Zoochlorelles qui vivent ensuite en symbiose, à (1) P.-A. Dangeard : La téiéomitose chez VAmœba Gleickenn (Comptes rendus Acad. Se, n» 24, t. CXXXV). (2) E. Wahlkampf : Loc. cit., 1905. (3) Nâgler : Loc. cit. (4) Doflein : Studien zur Naturg. der Protozoen (Archlv. f. Protist., Supp. [, 1997, p. 2o0). (5) Leyden u. Lowenthal : Entamœba buccalis (Charité Annalen, XXIX, p. 1). LES AMIBES 17 l'intérieur du corps, tout comme chez VAmœba viridis. Dans cette espèce également, le nombre des noyaux atteint 8 dans les kystes, de sorte qu'on est conduit à penser que, lors de la germination du kyste, il y a naissance de huit jeunes Amibes uninucléées (1). Wenyon a décrit de son côté, dans une Amibe indéter- minée, une mitose normale. Nous allons étudier dans cette première partie un assez grand nombre d'espèces d'Amibes : nous avons accordé une attention particulière au mode de division du noyau. Il est possible dès maintenant de poser les bases de deux groupements : l'un devra se constituer autour du type Ainœba Umax; le second comprendra les espèces qui possè- dent, comme VAmœba (jleichenii, VAmœba vespertilirj, etc. une téléomitose normale. SECTION I Type de TAmœba limax. UAmœba limax se développe en abondance dans la plupart des infusions : nous avons eu l'occasion de la rencontrer bien souvent au cours de nos recherches sur les organismes inférieurs ; plusieurs fois nous avons eu la curiosité de reprendre à nouveau son développement complet, dans l'espoir d'arriver à subdiviser cette espèce-souche en ses principales variétés. Les résultats que nous avons obtenus sont assez encourageants : nous avons noté un certain nombre de différences en ce qui concerne la structure du noyau et son mode de division; mais nous ignorons encore si ces différences sont spécifiques ou si elles peuvent se mon- trer sur la même espèce vivant dans des conditions varia- bles. Pour élucider ce point, il faudra, à partir d'une culture (1) Wenyon : Observations on the Protozoa in the Intestine of Mice (Arch. f. Prot., Suppl. I, p. 177). LE BOTANISTE. 18 P -A. DANGEARD pure, établir une série d'ensemencements sur des milieux variés, et dans chaque culture suivre les modifications que pourra présenter la grosseur de l'Amibe, la structure de son noyau et la division nucléaire. Ce travail n'offre à l'heure actuelle aucune difficulté sérieuse : nous avons vu tout à l'heure que les cultures pures d'Amibes avec Bactéries sont faciles à obtenir ; le type de karyokinèse n'est plus à trou- ver ; les caractères généraux en sont fixés par le travail de Vahikampf et nos propres recherches ; la technique histo-, logique est celle qu'on emploie pour les autres organismes. On pourrait donc arriver à savoir si l'on doit démembrer, en s'aidant des différences que nous allons signaler, le type de VAmœha Umax en véritables espèces, ou s'il faut se borner à voir dans ces différences de simples variations sans impor- tance Bien que nous penchions pour la première hypothèse, nous nous bornerons à signaler séparément les variétés que nous avons étudiées. Nous considérerons naturellement comme espèce-type de ÏAnufba Umax celle qui a été décrite avec tant de soin par Vahikampf ; mais là également nous trouvons d'après ce savant deux aspects différents dans la division nucléaire ; à côté d'une karyokinèse montrant 4 gros chromosomes, on en rencontre une autre dans laquelle les chromosomes restent fusionnés. Il est très remarquable, d'autre part, que la division nu- cléaire observée par nous dans VAniœba Umax ne correspond pas exactement à celle quia été décrite par Vahikampf. Dans ces conditions, ce qu'il y a de mieux à faire est de rapporter les faits le plus exactement possible, en attendant de nouvelles recherches d'ensemble. Le nucléole de YAmœba Umax est très gros ; il se sépare en deux, lors de la mitose, pour constituer les deux calottes polaires : les chromosomes ont la forme de granu- lations chromatiques; ils ne sont guère distincts qu'au stade LES AMIBES 19 de la plaque équatoriale. On observe dans ce type de nom- breuses variétés ou espèces : la division nucléaire subit elle- même de nombreuses modifications qui la ramènent parfois à l'aspect d'une simple amitose. Les kystes sont sphériques ; ils sont entourés à maturité d'une membrane brune ou noire sous laquelle ilnousasemblé voir parfois une endospore mince incolore ; autour de ces kystes, on observe en général une zone plus ou moins irré- gulière, plus ou moins épaisse, et de nature gélatineuse; celte enveloppe peut manquer. Assez rarement le protoplasma, après avoir formé une première membrane, se contracte et s'entoure d'une seconde, abandonnant danslintervalle une substance gélatineuse à stries concentriques. La paroi du kyste est le plus souvent lisse ; une espèce nous a cependant présenté des kystes dont la membrane présentait des pores, c'est-à-dire des espaces circulaires dé- pourvus de cutinisation. On peut ainsi établir deux subdivisions. A) LA PAROI DU KYSTE EST LISSE. 1° Amœba Umax v*^ a PI. I, fig. 1-23 el fig. 24-31. Cette Amibe a d'abord été rencontrée dans de l'eau de rouissage à Ségrie (Sarthe). Le chanvre, dans cette localité, n'est pas toujours conduit à la rivière : on se contente de le placer dans de grandes mares ou « routoirs " : la fermen- tation s'y établit vite, amenant avec le développement des Bactéries l'apparition d'une foule de Protozoaires. L'Amibe s'est développée en très grande abondance dans ce milieu. Sesdimensions sous la forme allongée étaient : long., 40 p. • largeur 14 p, ; sous la forme arrondie, 20 (j.. 20 P -A DANGEARD Cette forme est la plus grosse que nous ayons rencontrée parmi les variétés de VA. Umax. On connaît le mode de progression habituel : un large pseudopode incolore s'étale à l'avant et l'endoplasme avec ses granulations suit ensuite le mouvement. La vacuole contractile atteint 4 p. en diamètre : elle se forme par la fusion de trois à cinq petites vacuoles qui ap- paraissent les unes à côté des autres à l'arrière (PI. 1, fig. 1-3), mais dans le mouvement, la vacuole de fusion peut se trouver reportée en avant du noyau qui occupe généra- lement une position centrale. Cette Amibe se nourrit de Bactéries qui se réunissent en sphérules à l'intérieur des vacuoles nourricières, ordinaire- ment assez nombreuses (PI. I, fig. 7). Notre attention s'est portée de préférence sur la struc- ture du noyau et son mode de division. Nos observations ont été faites alors que le mémoire de Yahlkampf n'était pas encore publié ; les deux descriptions présentent des points communs, mais aussi des différences assez grandes, ainsi que nous allons le voir. Le noyau est sphérique et limité par une membrane nu- cléaire ; le centre est occupé par un très gros nucléole chro- matique ; celui-ci n'est séparé de la membrane que par un intervalle incolore de largeur assez faible. La substance qui remplit cet espace est achromatique ; le nucléole, par contre, se colore avec une grande intensité tout en restant sensiblement homogène (PI. I, fig. 1). A la prophase, le diamètre du noyau augmente et son con- tour devient elliptique ; à ce moment, le nucléole se sépare en deux moitiés qui restent encore réunies un instant par un mince filet (PI. I, fig. 13). Après la séparation, la substance nucléolaire est disposée en deux calottes hémisphériques entre lesquelles se trouve un intervalle achromatique ordi- nairement assez étroit (PI. I, fig. 14). Nous sommes au stade de la plaque équatoriale : c'est LES AMIBES 21 dans la partie médiane incolore qu'apparaissent de fines granulations chromatiques qui, à notre avis, représentent les chromosomes. Il nous est impossible d'évaluer leur nombre avec quelque certitude ; il y en a une vingtaine ou davantage (PI. I, fîg. lo-16)'. L'oj'igine de ces chromosomes est assez obscure : ils nais- sent, semble-t-il, dans la partie achromatique du noyau; on les aperçoit avec un aspect un peu fibrillaire alors que le nucléole n'est pas encore complètement séparé en ses deux moitiés ; puis ils se condensent en fines granulations très chromatiques (PI. I,fig. 23). On retrouve ensuite ces chromosomes en petits bâtonnets dirigés suivant l'axe du fuseau (PI. I, fig. 17). Ace moment, les deux calottes polaires s éloignent l'une de l'autre et l'ensemble du noyau a la forme d'une navette : la partie médiane du fuseau est un peu plus chromatique qu'auparavant, mais on ne distingue plus de chromosomes (PI. I, fig. 18). A la séparation qui a lieu par étirement, les deux calottes polaires ont perdu de leurchromaticité et de leur volume : les chromosomes, qui étaient devenusindistinctsaustade pré- cédent (PI. I, fig. 19), paraissent s'être groupés en deux masses très chromatiques qui se séparent finalement : un peu de substance homogène du fuseau les accompagne (PI. I, fig. 20-21). Les deux noyaux-frères se reconstituent (PI. I, fig. 22), alors que les deux Amibes se séparent : nous ne saurions dire quelle est l'origine exacte du nouveau nucléole. Vahikampf a trouvé deux manières d'être différentes dans l'espèce qu'il a étudiée ; sa description correspond à la nôtre jusqu'au stade de la plaque équatoriale. Mais les granulations ou bâtonnets, que nous considérons comme des chromosomes, ne sont pour lui que des protochromosomes ; ceux-ci s'uniraientordinairement en trois gros chromosomes qui s'allongent suivant l'axe du fuseau et se séparent en- 22 P -A. DANGEARD suite transversalement ; ces chromosomes se réunissent à Tanaphase pour donner un gros nucléole, alors que la ca- lotte polaire disparaît peu à peu. Les choses se passent de la même façon dans le second cas, avec cette différence que les chromosomes ne se différencient pas ; ils sont représentés au stade de la plaque équatoriale par un gros amas chro- matique qui se sépare simplement en deux par étirement ; chaque partie donne naissance finalement, comme dans le premier cas, au nouveau nucléole (1). Tout cela soulève d'assez grosses difficultés d'interpréta- tion, et dans l'ignorance où nous sommes, ne sachant pas s'il s'agit là de différences spécifiques, nous n'entamerons pas une discussion stérile. Ce qui frappe dans les observations de Vahlkampf et les nôtres, c'est que le nucléole — quel que soit le nom qu'on lui donne — est très gros relativement à la partie chro- matique. Il se sépare en deux moitiés qui forment les calottes polaires : la substance de ces formations est destinée à disparaître plus ou moins à l'anaphase. Par contre, les chromosomes apparaissent dans la partie achromatique: leur volume est d'abord très faible, mais il augmente dans une notable proportion, suivant notre des- cription, dans une proportion beaucoup plus grande (Vahl- kampf). Si les chromosomes sont des éléments permanents du noyau, il est difficile d'expliquer comment les chromosomes forment à l'anaphase un nucléole massif, alors qu'à la pro- phase suivante ils naissent dans la partie achromatique. On pourrait peut-être supposer que ces granulations viennent du nucléole, mais c'est là une hypothèse toute gratuite. Nous ne séparons pas de la forme précédente une Amibe de taille un peu plus faible qui s'est développée dans une infusion. (1) Wahlkampf : Loc. cit., p. 184. LES AMIBRS 23 3 Tous les stades de la division sont analogues aux précé- dents : le cytoplasme présente une structure alvéolaire très nette, surtout au moment oîi les deux Amibes vont se séparer (PI. I, fig. 24-31). Nous pourrions faire exactement les mêmes remarques au sujet d'une autre Amibe qui s'est montrée en quantité considérable dans du moût de bière (T. I, fig. 1-2) ; nous n'avons jamais vu les gra- nulations ou les petits bâton- nets de la plaque équatoriale s'unir en trois ou quatre gros chromosomes ; nous avons cependant rencontré plu- sieurs individus au stade de la plaque équatoriale, avec les deux calottes polaires et les granulations chromati- ques ou chromosomes situés à l'équateur du fuseau; nous avons vu également plusieurs stades de l'anaphase, alors que le fuseau s'est allongé et que les chromosomes sont devenus indistincts (T. I, fig. 3-6). Nous signalerons ici une forme ai' Amœha Umax dans laquelle les premiers stades de la division nucléaire se font comme dans le cas normal ; mais les détails de l'anaphase étaient plus nets. Ainsi dans la division représentée pi. I, fig. 36, les deux noyaux sont encore réunis par un long trabé- cule; quelquesparties chromatiques irrégulières forment une sorte d'anneau autour de la partie centrale colorée en rose; on retrouve ces mêmes parties chromatiques alors que la trabécule d'union a disparu ; on est fondé à admettre d'après o 6" T. I. Amœba Umax. 24 p. -A. DANGEARD les stades qui précèdent que ces éléments chromatiques pro- viennent de la fusion des chromosomes ; c'est cette chroma- tine qui, s'unissant avec la partie centrale appartenant aux calottes polaires, paraît reconstituer legros corpuscule dési- gné sous le nom de nucléole qui occupe le centre du noyau à l'état de repos. Il est extrêmement difficile, dans ce mode de division, d'établir exactement les relations qui existent entre le nu- cléole et les chromosomes. Wahlkampf est d'avis que les chromosomes naissent et se développent aux dépens des calottes polaires : « Ich vermute daher, dass die Anlage und das Wachstum der Aquatorialplatteund das Wachstum der chromosomen auf Kosten der Polkôrper erfolgt. Fiir dièse Vermutung spricht nachst den genannten Grossenverhâlt- nissen und der schliesslichen Vereinigung von Polkorpern und Tochterplatten auch das Wachstum der Chromosomen an der der Polkorpern zugewandten Enden, wodurch die keulenfôrmige Gestal zustande kommt (1). » Pour discuter cette question utilement, il est nécessaire de se reporter à la téléomitose normale telle que nous la décrirons plus loin chez YÂmœba Gleichenii : nous verrons alors que les deux modes de division nucléaire ne sont peut- être pas aussi différents qu'on serait tenté de le croire à un premier examen. 2*^ Amœba Umax v'^ [B (PI. II, fig. 32-42.) Nous étudierons ici séparément une variété obtenue dans une infusion de foin avec de nombreux Cliilomonas. Longueur, 18 à 20 ^a ; largeur, 12 jul. Malgré ses dimensions plus faibles, cette forme est inté- ressante. (1) Wahikampf : Loc. cit., p. 186. LES AMIBES 25 Les chromosomes se voient nettement au stade de plaque équatoriale ; ils sont fibrillaires. Après une bipartition transversale, ils se réunissent en deux masses chromatiques qui s'éloignent l'une de l'autre et se séparent par étirement. A côté, extérieurement, sont les nucléoles qui ont conservé sensiblement leur grosseur, mais qui sont presque achroma- tiques (PI. II, fig. 32-41). Il n'existe pas ici une disproportion entre la masse de chromatine contenue dans les chromosomes au stade de la plaque équatoriale et celle qui se voit à l'anaphase. Les chromosomes, après leur bipartition transversale, sem- blent donc s'unir en deux amas de chromatine qui s'éloignent l'un de l'autre, en prenant plus ou moins l'aspect clavi- forme. On peut même admettre que les deux calottes polaires, en reprenant leur chromaticité, redeviennent les nucléoles des nouveaux noyaux, alors que les chromosomes disparaissent en perdant leur sensibilité aux réactifs dans l'intervalle péri- nucléolaire. En effet, nous avons pu mettre en évidence plusieurs fois dans cet intervalle un peu de nucléoplasme granuleux. Cette forme a fourni de nombreux kystes sphériques d'un diamètre de 14 à 15 /x ; on distingue une enveloppe externe assez mince, un peu brune, et une seconde membrane assez épaisse, de couleur beaucoup plus sombre. Nous avons cru voir parfois une troisième membrane incolore à stries con- centriques qui recouvre directement le protoplasma. L'enve- loppe externe a un contour extérieur plus ou moins régulier; elle est de nature plus ou moins gélatineuse. Le protoplasma est incolore et finement granuleux ; au centre se trouve un noyau nucléole (PI. II, fig. 42). 26 P A. DANGEARD S*' Amœba Umax \^^ y. (PI. II, fig. 1-21.) Cette variété s'est développée dans une infusion où une carpe avait été abandonnée pendant une quinzaine de jours. Les individus se trouvaient en grand nombre dans le voile superficiel constitué par les Bactéries. L'endoplasme était granuleux, sans autres vacuoles que la vacuole contractile. Celle-ci prend naissance en arrière du noyau par six ou sept petites vacuoles qui se fusionnent successivement (PI. Il, fig. 1-4^ : la vacuole gagne alors la partie postérieure du corps, où elle se vide au contact de la surface. Nous avons représenté d'une part à un fort grossissement l'aspect ordinaire du corps avec son ectoplasme et son endo- plasme, et d'autre part à un plus faible grossissement les déformations rapides montrées par un seul individu dans l'espace d'une minute environ (PI. II, fig. 9-14). Après fixation à l'alcool absolu, le protoplasma s'est montré réticulé. Le noyau à l'état de repos possède la structure ordinaire déjà décrite ; cependant le nucléole, au lieu d'être compact, montre une tendance à se différencier en une zone annulaire chromatique limitant une partie centrale incolore (PI. II, fig. 5). Cette structure se trouve complètement réalisée à la pro- phase, si bien que les deux calottes polaires se séparent comme les deux moitiés d'un anneau (PI. II, fig. 17). Le stade de la plaque équatoriale n'offre rien de particu- lier ; dans l'unique stade de l'anaphase que nous ayons rencontré, les chromosomes n'étaient plus visibles (PI. Il, fig. 19-20). Nous avons représenté fig. 21 un kyste dont l'enveloppe LES AMIBES 27 externe incolore est assez large et dentée irrégulièrement. La seconde membrane est assez mince et de couleur brune ; le noyau possède un nucléole à zone annulaire chromatique. 4° Amœba Umax x^" §. (PI. II,flg. 22-31.) On peut rapprocher de la variété précédente une autre forme dans laquelle le noyau possède également un nu- cléole différencié en deux zones. Cette structure se voit très nettement aussi bien au stade de repos qu'au stade de division (PI. II, fig. 22-31). La couronne chromatique du nucléole est bien délimitée; elle entoure un large espace intérieur incolore. On dirait même qu'à la division, l'anneau se sépare sim- plement en deux calottes qui s'éloignent l'une de l'autre ; ces deux calottes restent réunies un certain temps par du protoplasma homogène ou fibrillaire qui tient la place du fuseau ; mais nous n'avons pas vu ici les granulations qui représentent les chromosomes (PI. II, fig. 2()-27). Chaque calotte semble simplement rapprocher ses bords à l'anaphase pour reconstituer les nouveaux noyaux. Dans cette variété, les individus à deux noyaux ne sont pas rares (PI. II, fig. 28-29). Les kystes ont la structure ordinaire, mais le noyau con- serve son nucléole annulaire (PI. Il, fig. 31). Si l'absence de chromosomes au stade de la plaque équa- toriale se confirmait, nous aurions ici une sorte d'amitose rappelant quelque peu celle qui a été décrite par Schaudin dans V Amœba crystalUgera (1) ; nous aurons l'occasion de revenir sur ce point. (1) Schaudinn : Ueber Kernlh. mit nachf. Korperlh. bel Amœba crisialli- gera (Sitz. d. K. Preuss. Akad. der Wiss. zu Berlin, 2e série, vol. II, 1894, p. 1029-36). 28 FA. DANGEARD Amœba Umax v*^ e. (T. II, fig. i-n.) Cette variété s'était développée dans une infusion de foin : l'Amibe est sensiblement plus grosse que dans la variété précédente; elle progresse très vite ; l'avant s'étale en une nappe hyaline et le protoplasma avance vers cette nappe avec ses granules et la vacuole contractile ; celle-ci prend naissance à l'arrière par deux ou trois vacuoles qui se fusionnent; elle est entraînée par le mouvement du proto- plasma et vient se vider au contact de la surface (T. II, fig. 1-5). Le noyau est gros dans cette forme ; son diamètre atteint 6 fi ; la distinction du nucléole en une couronne chromatique externe, entourant une partie centrale moins colorée, est particulièrement nette (T. II, fig. 6-7). Le protoplasma montre un assez grand nombre de va- cuoles ; il est assez sensible aux réactifs colorants. La division nucléaire semble se faire par un simple allon- gement du noyau, suivi d'un étranglement et sans modifica- tion de la structure (T. II, fig. 8-10). Il faudrait cependant de nouvelles observations avant d'admettre la chose définitivement. Il est possible, en effet, que les aspects que nous avons rencontrés se rapportent à de simples modifications ^dans la forme du noyau, sans rapport avec la division ; pour tran- cher la question, il eiit fallu constater, en même temps, une bipartition du corps ; comme les préparations renfermaient une assez grande proportion d'individus à deux noyaux, on est amené à supposer que cette bipartition n'est pas toujours en relation directe avec la division nucléaire (T. II, fig. 7). Il n'est guère possible d'admettre en l'état des choses que toutes les modifications que nous venons d'indiquer dans la structure du noyau et son mode de division chez YÂmœba LES AMIBES 29 Umax puissent dépendre uniquement des conditions du mi- lieu; nous ne connaissons pas jusqu'ici de transformations aussi étendues de l'appareil nucléaire. T. II. Amœba Umax v'^ e. Mais si les variétés que nous venons de décrire sont appelées à prendre rang d'espèces, il est bien évident que dans la pratique courante personne ne songera à les recon- naître. En effet, l'étude de la division nucléaire, à moins 30 P-A. DANGEARD d'un hasard heureux, peut exiger plusieurs semaines d'un travail assidu et encore faut-il que les circonstances soient favorables ; on examine des milliers d'individus avant d'en trouver un en division ; il deviendrait fastidieux et inutile de répéter ce travail pour chaque forme rencontrée. On pourrait toutefois établir assez rapidement une subdi- vision de l'espèce souche, selon que le nucléole est compact ou qu'il présente un anneau chromatique ; ce caractère est facile à établir et n'exige qu'une ou deux heures si l'on se borne à une fixation rapide à l'alcool absolu suivie d'une coloration double à l'hématoxyline et au picro-carmin. Il ne faut guère songera aller plus loin au point de vue systématique ; mais au point de vue biologique, nous pouvons maintenant entrevoir les conséquences d'une étude détaillée des espèces dérivées du type A. Umax ; nous y trouvons déjà des transitions entre l'amitose, l'haplomitose et la téléomitose ; l'évolution de l'appareil nucléaire pourra peut- être livrer quelques-uns de ses secrets grâce à l'étude de ces Amibes. Nous avons essayé de voir si les Amibes du type A. Umax pourraient nous fournir également quelques renseignements au sujet de la reproduction sexuelle. On a découvert tout récemment, à la période d'enkyste- ment de certaines Amibes, des phénomènes d'autogamie excessivement intéressants dont nous avons dit un mot dans l'historique. • Ces faits nous ont engagé à étudier de plus près l'enkys- tement dans VAmœba Umax. Nous avons profité pour cela d'une culture pure de cette espèce, avec, comme milieu, du liquide de Knop dans lequel un Bacille avait formé de nombreuses colonies. Au bout de quelques jours, la surface du liquide était recouverte par un voile blanc dans lequel se trouvaient les Amibes, avec une quantité considérable de leurs kystes. Les débuts de l'enkystement montrent un caractère in- LES AMIBES 31 T. III. Amœba Umax. Fig. 1-8. téressant ; lorsque l'Amibe s'arrondit, le noyau est à peu près central ; autour de lui, on distingue dans le proto- plasma cinrf ou six sphérules chromatiques, parfois davan- tage; elles se colorent par l'hématoxyline (ï. III, fig. 2). Ces corpuscules correspon- dent sans doute à ce que les auteurs dési- gnent sous le nom de chromidies ; mais alors que beaucoup d'auteurs cherchent à établir une relation directe entre les chromidies et le no- vau, il est bien certain qu'ici ces éléments sont indépendants du noyau. Lorsque l'enkystement est plus avancé, elles disparaissent, et le protoplasma devient finement granuleux. L'acide osmique colore faiblement en noir le contenu du kyste ; mais il n'existe aucun globule graisseux de forme déterminée. Nous avons examiné un très grand nombre de kystes ; la plupart ne possèdent qu'un seul noyau ; quelques-uns, dans la proportion de un sur deux cents, ont deux noyaux ; enfin quelques rares kystes, un peu plus gros que les autres, nous ont montré trois noyaux, rapprochés les uns des autres (T. III, fig. 3-8). Nous croyons pouvoir affirmer que les kystes de V Amœba Umax n'offrent aucun phénomène d'autogamie, au moment de leur formation ; ils n'en présentent pas davantage plus tard ; les kystes de cette même culture, examinés six mois après, n'offraient aucun changement appréciable. La forme sur laquelle a porté cette observation avait un nucléole du type compact ; les circonstances ne nous ont 32 p. -A. DANGEARD pas permis de pousser plus loin l'étude de son appareil nu- cléaire ; nous devons la laisser sous le nom général cVAmœba Umax, sans pouvoir la ranger dans Tune ou l'autre des variétés précédemment indiquées. Une autre Amibe du type limax^ cultivée dans du liquide de Knop, nous a donné, à côté de kystes ordinaires, d'autres kystes ayant une structure quelque peu différente (T. IV, fig. 3-4); il existe une première membrane à double contour ; une seconde membrane, séparée de la première par un intervalle plus ou moins grand, recouvre directement le protoplasma ; celui-ci a donc subi une con- traction au cours de la formation du kyste, abandonnant autour de lui une substance gélatineuse ; celle-ci forme dans l'intervalle qui sépare les deux membranes des stries concentriques. Ce sont les kystes les plus gros qui possèdent ainsi une double membrane ; mais après la contraction, la sphère de protoplasma a un diamètre de 10 il environ, comme dans les kystes ordinaires. Nous ne voyons jusqu'à présent dans cette structure dif- férente des kystes qu'une simple modification dans le déve- loppement d'une seule et même espèce. Il n'en est pas de même des phénomènes observés par Beyerinck dans son Amœba nilrophila (1). Cette Amibe est du type i. Umax ; pourl'enkystement elle conserve sa forme générale, mais le protoplasma se condense au centre en une spore qui se recouvre d'une double mem- brane, exospore et endospore ; chaque Amibe peut ainsi donner naissance, à son intérieur, à un ou deux kystes. Ces faits sont assez singuliers ; ils constituent une excep- tion pour le groupe ; ce n'est pas sans peine que nous admettons l'observation ; elle appelle une vérification. On peut, en effet, se demander si on ne se trouve pas en face de (1) Beyerinck : Kulturversuche mit Amoben auf festen Substr. (Cent. f. Bak. a. Parasit., Bd. XIX, Bd. XXI). 3 LES AMIBES 33 kystes à double membrane, dans lesquels la membrane externe aurait conservé plus ou moins l'apparence de l'Amibe et sa forme. Nous ajou- terons que nous avons rencontré des kystes appartenant au Cochlio- podium bilimbosum et à VAmœha Umax et qui étaient englobés par des Nudearia (T. IV, fîg. 1-2) ; cela donnait lapparence d'une cel- lule à spores endogènes. Nous considérons, jus- qu'à nouvel ordre, comme peu vraisem- blable, le fait pour une Amibe de pouvoir for- mer deux spores endo- gènes dans la même cellule, par un procédé si différent de celui que nous connaissons chez les autres espèces. T. IV. Fig. 1-2. Neudearia simplex; 2. In- dividu ayant englobé un kyste d'Amibe ; 3-4. Kystes d\4mœba Umax. B) LA PAROI DU KYSTE MONTRE PLUSIEURS PORES. \° Amœba 'punclaia sp. nov. (T. V, fig. 1-15.) Cette espèce s'est développée dans une assiette remplie d'eau où nous avions mis ensemble de la terre de jardin et des fragments de pomme de terre. L'étude en a été faite pendant les vacances de 1909 dans notre petit laboratoire de vacances à Ségrie ''Sarthe). LE BOTANISTE. 34 p. -A. DANGEARD Par sa forme et son mode de locomotion, elle ne se dis- tingue guère du type Umax ordinaire ; on peut s'en rendre compte, d'après les figures là 7 qui représentent les change- ments successifs de forme qui se sont produits durant la marche dans l'espace de deux minutes environ (T. V, fig. i-1). Les individus se nourrissent de Bactéries que l'on trouve dispersées dans le protoplasma ou réunies par petits paquets. Le noyau ne se distingue pas de celui de r.4. Umax ; son mode de division n'a pas été observé. Le mode de formation des kystes est intéressant à suivre ; le corps s'arrondit ; le protoplasma renferme quelques vacuoles qui changent assez rapidement en nombre et en position, ainsi que le représentent les fig. 8-10, T. V. La sur- face, qui est d'abord lisse, se recouvre de petites granulations qui ne sont probablement pas autre chose que des résidus bactériens de digestion ; ces granulations se trouvent re- poussées par une sécrétion gélatineuse qui forme une zone externe incolore. Sous cette zone, le protoplasma se recouvre d'une mem- brane solide, plus ou moins épaisse, qui se colore assez rapi- dement en brun ; elle est tapissée en dedans, semble-t-il, d'une mince endospore incolore. L'exospore montre un certain nombre de places circu- laires au niveau desquelles elle reste incolore ; ces ponc- tuations se continuent dans la zone gélatineuse par une sorte de canal (T. V, fig. 12-14). Nous avons cru voir dans certains kystes que la partie non colorée de l'exospore correspondait, non à une simple ponctuation, mais à de véritables sillons (fig. 15). Cette espèce est également favorable à l'étude des chro- midies. Au moment où le corps s'arrondit pour l'enkystement, le noyau occupe le centre ; tout autour apparaissent de gros globules homogènes, réfringents, bien distincts du proto- plasma ; leur nombre est variable ; ils sont aussi gros que le LES AMIBES 35 noyau (T. V, fig. 11-12) ; leur diamètre atteint parfois 3 p.. On pourrait croire, d'après leur aspect, qu'il s'agit de cor- puscules oléagineux; mais il n'en est rien. L'acide osmique les laisse incolores ; par contre, l'hématoxyline leur com- munique une teinte plus foncée qu'au protoplasma ; ces T. V. Amœba punctata, fig. 1-15. corpuscules sont évidemment dénature albuminoïde ; après fixation et coloration, ces éléments sont séparés du proto- plasma par un intervalle incolore. Ces corpuscules chromatiques disparaissent peu à peu, et dans le kyste mur, il n'existe plus autour du noyau central qu'un protoplasma granuleux. L'intérêt de ces chromidies dont nous avons signalé éga- lement la présence dans les kystes de V Amœba Umax, porte sur l'interprétation qui a pu leur être donnée par certains auteurs. 36 P -A DANGEARD Il est absolument certain que dans les cas examinés par nous, les chromidies sont des formations indépendantes du noyau. Ou Hartmann et les auteurs qui l'ont suivi, attribuent aux chromidies un rôle important dans les phénomènes d'auto- gamie des Amibes. On doit se demander, après nos observations, si ces auteurs n'ont pas été induits en erreur par des corpuscules colorables semblables à ceux que nous venons de décrire ; nous. discuterons cette question en détail un peu plus tard. Amœba Guttulla Dujai'din Cette Amibe ressemble à V Amœba Umax, dont elle ne dif- fère guère que par ses dimensions plus petites. Penard lui attribue une taille de 30 à 33 /j. ; les deux formes que nous allons décrire avaient l'une en longueur 20 p., alors que la seconde ne dépassait guère 12 fi. Nous som- mes d'ailleurs de l'avis de ce savant qui considère que tout un groupe d'Amibes est compris sous cette désigna- tion ; nous pensons même que ce groupe est réuni à celui qui est désigné sous le nom à' Amœba Umax par une foule d'espèces intermédiaires. l'* Amœba gultula v*^ a. (T. VI, fig. 1-7.) Cette Amibe est la plus petite que nous ayons rencontrée : longueur, 12 u. ; largeur 4 ^j. ; sous la forme arrondie, le diamètre est de 6 à 7 ij.. Elle s'est développée dans du liquide de Knop, placé dans un endroit faiblement éclairé, et le voile blanc superficiel qui s'était formé ne comprenait, endehorsdel'Amibe, qu'un mycélium très fin et en apparence une seule espèce de Bac- LES AMIBES 37 térie à éléments très courts ; celte Bactérie se présentait sous la forme dissociée, la forme diplocoque et l'aspect de chaînettes à 6 ou à 12 éléments. L'Amibe progressait à l'aide de son pseudopode unique qui souvent se dichotomisait après s'être étalé ; ce pseudo- pode était susceptible de s'allonger beaucoup, et même de se ramifier (T. VI, fig. 1-2). J^ /* lô 16 17 T. VI. Amaba guttula v'c a. Fig. 1-7. — Amœba (juttulavi<^ p. Fig. 8-17. Cette Amibe nous a présenté une particularité intéres- sante : beaucoup d'individus renfermaient une sorte de grosse sphère ressemblant à un germe endogène (T. VI, fig. 6-7). Ces germes endogènes ressemblaient à ceux que nous avons rencontrés chez beaucoup d'organismes, et en par- ticulier dans les Amibes du Sappinia pédala (1). On aurait pu croire que ces germes endogènes n'étaient (1) P. -A Dangeard : Contribution à l'étude des Acrasiées (le Botaniste, série V). 38 P.-A. DANGEARD , autre chose que les Bactéries ingérées par l'Amibe et con- tenues dans une vacuole nourricière unique. Mais, en observant les choses de plus près, on ne tarde pas à reconnaître qu'il s'agit d'une véritable épidémie ; les Amibes, qui sont envahies, ne montrent plus finalement, en dehors du germe endogène, qu'un peu de protoplasma avec le noyau. Ces germes endogènes m'ont paru constitués par un micro- coque, comme ceux du Sappinia pédala, avec lesquels ils présentent une grande ressemblance ; nous aurons l'oc- casion d'en décrire de semblables chez une Monadinée. La structure du noyau, dans cette Amibe, est intéressante; souvent on ne distingue qu'un nucléole au centre du noyau ; mais beaucoup d'individus montrent nettement une autre différenciation. Le noyau, dans ce cas, présente : 1° une membrane nucléaire ; 2° une zone étroite incolore ; 3° une sphère centrale assez chromatique ; 4" un petit corpuscule chromatique très bien délimité et occupant une position excentrique à la surface de la sphère (T. VI, fîg. 3-4). Pour interpréter la valeur de chacune de ces parties, il aurait fallu suivre le mode de division ; mais la petitesse du noyau est telle que la chose est presque impossible. Certains aspects font croire cependant que cette division se fait comme dans XAmœba Umax v*^ a. 2° Amœba fjuttula v^<^ (5. (T. VI, fig. 8-17.) Cette Amibe s'est montrée dans une infusion ; sa lon- gueur était de 20 jji sur une largeur de 7 p..- Le mouvement se fait de la manière ordinaire : en 1/2 minute, on peut voir le pseudopode s'étaler, se bifur- quer ou même se trifurquer, puis redevenir simple pour se lober à nouveau (T. VL fig- 8-12). Le noyau possède la structure que nous avons décrite LES AMIBES 39 dans VAmœba Umax : le mode de division est probablement le même si nous en jugeons par un des stades rencontrés, celui de la plaque équatoriale. Les kystes rappellent aussi ceux de VAmœba Umax ; tou- tefois nos dessins ne font pas mention de la membrane externe gélatineuse ; il est probable qu'elle est plus mince et qu'elle a échappé à notre observation. Les kystes, d'un diamètre de 10 à 12 p., n'onl qu'un seul noyau central et le cytoplasme est finement granuleux. SECTION II Amibes à téléomitose normale. Ces Amibes possèdent un mode de division tout à fait semblable à celui que nous avons décrit autrefois chez les Chlamydomonadinées, les Paiidorina, etc. ; il ressemble aux mitoses des algues, et sauf la petitesse des chromosomes, on peut le comparer tout à fait à la karyokinèse des orga- nismes supérieurs ; il n'existe pas de calottes polaires for- mées par la bipartition du nucléole, comme la chose se voit chez VAmœba Umax et ses variétés: le nucléole disparaît pendantladivision, et ilse reforme dans lesnouveaux noyaux ; les chromosomes sont distincts depuis le début de la pro- phase jusqu'à la fin du stade tonnelet ; la répartition de la chromatine aux noyaux-frères se fait beaucoup plus exacte- ment que pour les espèces de la forme A. Umax. Nous nous demandons si ce fait d'une répartition plus exacte de la chromatine aux cellules-filles n'a pas pour effet immédiat de fixer d'une façon plus exacte les dimensions et les caractères des individus. Dans les deux espèces que nous allons étudier, et qui pos- sèdent cettte téléomitose normale, nous n'avons point trouvé ces variations détaille qui sont si fréquentes dans les cul- tures d'Amœba Umax, et qui en rendent l'étude spéciflque si difficile. 40 p. -A. DANGEARD Nous rappelons que pour l'une des espèces, nous avons pris date par une note préliminaire insérée aux comptes rendus (1). 1° Amœba Gleichenii Duj. (PI. III, fig. 1-26.) Nous avons désigné sous ce nom, afin de ne pas multiplier les espèces, une Amibe qui s'est développée dans uneinfusion rendue nutritive avec du pain. Cette espèce se présente sous deux aspects principaux : sous la forme allongée, ses dimensions sont en longueur 40 [x, en largeur 20 à 25 jm, sous la forme arrondie, le dia- mètre est de 30 p. environ et de nombreux pseudopodes courts, épais, formantautant de lobes, rayonnent autour de la surface du corps ; souvent aussi le corps s'aplatit et il n'existe alors qu'un ou deux larges pseudopodes (PI. III, fig. 1-5). La séparation en endoplasme granuleux et en ectoplasme hyalin est très nette ; la proportion d'ectoplasme est relati- vement assez grande ; on observe une vacuole contractile à la limite de l'endoplasme. Nous avons pu suivre sans trop de difficultés la division du noyau dans cette espèce ; chez les autres Amibes que nous avons rencontrées, la division du noyau n'avait lieu que pour la bipartition du corps; ici, elle se produit égale- ment à la formation du kyste. N'ayant remarqué aucune différence entre ces deux mitoses, nous ne donnerons qu'une description. Le noyau, au stade de repos, est muni d'une membrane nucléaire et d'un gros nucléole central ; l'intervalle compris entre le nucléole et la membrane est rempli par du nucléo- plasme sensiblement homogène (Pi, III. fig. 5, 9). (1) p. -A. Dangeard : La télcomitose chez l Amœba Gleichenii (Comptes rendus, Acad. Se, no 24, t. CXXXV, 15 décembre 1902). LES AMIBES 41 A la prophase, le nucléole se vacuolise, devient spon- gieux; le noyau augmente de volume et le nucléoplasme devient d'aspect granuleux et un véritable spirème ne tarde pas à apparaître. Après disparition complète du nucléole, on ' voit le spirème se fragmenter en segments chromatiques ; ils sont allongés en forme de petits rubans sinueux et entre- mêlés les uns dans les autres. Ces chromosomes sont plongés dans une substance sensiblement homogène qui va donner directement le fuseau achromatique par allongement du noyau (PI. II, fig. 9-15). Nous n'avons vu aucune trace de centrosomes aux pôles du fuseau. Les chromosomes se groupent sur le plan équatorial du fuseau en devenant globuleux; nous en avons comptéenviron une vingtaine ; ce sont de fines granulations chromatiques, et la numération en est particulièrement difficile. Toutes nos figures à cet égard ne semblaient pas exactement con- cordantes, et il nous faudrait d'autres matériaux et un nouvel examen pour préciser davantage (PI. III, fig. 16-17). La métaphase représente des modifications en sens inverse de celles qui viennent de se produire ; les chromosomes, après une bipartition dont il est impossible de fixer le sens, se séparent en deux groupes qui s'éloignent l'un de l'autre ; le tonnelet s'allonge beaucoup (PI. III, fig. 18-20). S'il s'agit de la période de multiplication, c'est au moment où le corps de l'Amibe s'étrangle pour la bipartition, que le tonnelet se sépare en son milieu, chaque groupe de chro- mosomes entraînant avec lui une part correspondante de la substance achromatique du fuseau (PI. III, fig. 6-8). Dans la division du noyau, à l'intérieur du kyste, les deux extrémités du tonnelet viennent buter jusqu'au contact de la paroi. Les chromosomes, qui sont restés sur un seul plan pendant le stade tonnelet, reprennent l'aspect fibrillaire et s'unissent en un nouveau spirème ; ce spirème se trouve inclus dans la 42 P.-A. DANGEARD substance achromatique du fuseau autour de laquelle la membrane nucléaire, qui a plus ou moins disparu pendant la mitose, se reforme nettement. Le nucléole ne tarde pas à se montrer au centre du noyau, alors que le spirème devient indistinctdans le nucléoplasme : les deux noyaux frères ont repris la structure du stade de repos (PI. III, fig. 20-22). Les kystes de cette espèce sont intéressants à étudier, et nous regrettons vivement de n'avoir pu soupçonner, au moment où nous avons fait cette recherche, les phénomènes d'autogamie signalés récemment. Il semble cependant certain que notre espèce montre un acheminement vers les conditions de sexualité qui se trou- vent réalisées dans les Entamœha. En effet, les diverses espèces d'Amibes du type .4. Umax et i. (jtilhda, ne présentent au moment de l'enkystement aucune division nucléaire. Ici, au contraire, nous trouvons d'une façon constante cette division nucléaire qui est suivie chez les Entamœba d'une fusion sexuelle, et qui fournit par conséquent plus ou moins directement les noyaux copulateurs (1). Nous allons maintenant soulever un problème dont la solution exigera sans doute les efforts réunis de nombreux observateurs. L'apparition de l'autogamie est-elle en relation directe avec l'existence d'une téléomitose normale ? Les amibes du type A. Umax me paraissent présenter dans la répartition de leur chromatine une infériorité mani- feste ; quelques espèces sont en voie, il est vrai, d'acquérir une téléomitose normale qui se trouve réalisée chezVAinœha Gleichemi ; mais dans celles qui ont un nucléole annulaire, la division nucléaire paraît se rapprocher de Tamitose. On peut donc se poser la question de savoir si la repro- (1) Hartmann : Autogamie bei Protisten (Archiv. f. Prot., Bd. XIV, p. 281). LES AMIBES ' 43 duction sexuelle est compatible avec l'amitoseou si elle est liée à l'existence de la téléomitose ; les espèces d' Entamœba qui sont autogames devront être particulièrement étudiées à ce point de vue. On doit souhaiter également que la question des divisions réductionnelles quisontindiquées comme précédant la copu- lation des noyaux soit revue avec soin. Quelques zoologistes ont une tendance à penser que les divisions réductionnelles doivent précéder l'acte copulateur chez les organismes inférieurs comme chez les Métazoaires; or, on connaît déjà de nombreux exemples oii la division de réduction suit la formation de l'œuf au lieu de la précéder (Ascomycètes, Basidiomycètes, (Idaiiiydomonaa, Zygnema). Notre étude de VAmœba (Tleichemi a été faite, ainsi que les dessins qui l'accompagnent, avant la description des phé- nomènes d'autogamie chez les Entamœba. Or nous avons figuré, à côté du noyau en division dans le kyste, des cor- puscules chromatiques qui rappellent de très près ceux que l'on attribue aux divisions réductionnelles dans YAmd'ba albida et VEntanurba coli (PI. III. fig. 18-19). Ces corpuscules sont d'autre part analogues aux chro- midies de VEnlamœba tetragena. Or ces corpuscules chromatiques, qui apparaissent au moment de l'enkystement dans le cytoplasme de VAmœba Gleichenii etquidisparaissent plus tard, n'ontaucune relation directe avec le noyau et sa division. On devra donc vérifier avec soin les faits annoncés par Hartmann, Nâgler, etc., au sujet d'une réduction chromatique chez les Amibes (1), Nous allons maintenant indiquer le développement des kystes. Ces kystes sont exactement sphériques ; leur diamètre est de 25 p.. La membrane est d'abord mince : elle s'épaissit plus tard (i) Hartmann : Loc. cit., p. 281-282. 44 p. -A DANGEARD et montre alors des sortes de ponctuations arrondies. A l'in- térieur, le cytoplasme, qui au début renfermait des globules réfringents (PI. III, ûg. 19), se montre de plus en plus dense et finement granuleux. Cet état se trouve réalisé au moment où la bipartition du noyau s'achève. Nous avons noté que les deux noyaux ont leur gros nu- cléole plus ou moins spongieux : ils sont plus ou moins rapprochés. D'après ce qui a été décrit chez les Entamœha, on pourrait croire que ces deux noyaux sont destinés à copuler. Il n'en est rien, ainsi que nous avons pu nous en assurer. Ces kvstes à deux noyaux présentent extérieurement à leur membrane une enveloppe gélatineuse à surface lisse ou bosselée \ malgré la présence de cette enveloppe, on réussit encore à voir les quelques poncluations de la mem- brane. Nous avons observé une bipartition de ces kystes qui n'étant pas accompagnée d'une division nucléaire, donne des •cellules uninucléées : celles-ci sont le point de départ des nouvelles Amibes (PI. III, fig. 26). L'étude de cette espèce oiïre un grand intérêt : dans les kystes, deux noyaux sont en présence, comme chez ÏEnta- mœba coli ; mais ces noyaux ne se fusionnent pas : chaque énergide reprend son individualité. Dans VEnîamœfm coli., au contraire, ces deux noyaux continuent à se diviser, d'une façon qui n'est pas encore complètement élucidée jusqu'à donner quatre noyaux de gamètes s'unissant par paires (1 . VAmœba Gleichenii forme donc un terme de transition entre les espèces dont le kyste est de nature purement végétatif et celles dont le kyste est le siège d'une fécondation. (1) Hartmann : Loc. cit., p. 292. LES AMIBES 45 2" Amœba Clnittoni sp. nov, (1). (PI. IV, Og. 1-19.) Cette espèce est apparue en assez grande quantité à l'in- térieur du liquide de Knop, renfermant des Chlorella, quel- ques petits Flagellés et une Bactérie ; elle se nourrissait de tous ces organismes, en s'attaquant de préférence à la Bactérie. Les figures 1 à9 (PI. IV) montrent les changements de forme qui se sont produits chez un même individu dans l'es- pace de six à sept minutes ; on voit que dans cette espèce l'ectoplasme hyalin est abondant; qu'il s'étale en nappe de laquelle partent des pseudopodes filiformes ; l'endoplasme renferme de nombreuses Bactéries disséminées un peu par- tout ; dans le cas où l'individu ingère un flagellé ou une petite algue, il se forme autour une vacuole digestive. La vacuole contractile se forme par la fusion de trois ou quatre plus petites, qui se réunissent d'abord en deux plus grosses, avant d'en former une seule : celle-ci occupe la partie postérieure du corps ; d'une systole à l'autre, il s'é- coule trois minutes environ. Les résidus digestifs, et en particulier les microbes, sont abandonnés à la partie postérieure du corps (PI. IV, fig. 5). Le noyau occupe le centre de l'endoplasme : il est formé par un nucléole central entouré d'une zone de nucléoplasme : celle-ci, au moment de la division, est granuleuse (PI. IV, fig. 10). Nous n'avons rencontré que le stade tonnelet, mais son aspect ne laisse aucun doute sur l'existence d'une téléomi- tose normale dans cette espèce ; les chromosomes sont au nombre de 4-6 ; quoiqu'ils se détachent bien, il est diffi- cile de les compter exactement à cause de leur petitesse ; le (1) Nous dédions cette espèce à M. Chatton, de l'Institut Pasteur. 46 P -A. DANGEARD protoplasma du tonnelet est hyalin ; autour se trouve du cytoplasme alvéolaire (PI. IV, fig. 11). L'Amibe a formé de nombreux kystes; le corps s'arrondit; le protoplasma finement granuleux renferme plusieurs vacuoles qui entourent le noyau ; ces vacuoles disparaissent (PI. IV, fig. 12-14); le kyste est alors complètement sphé- rique ; la membrane qui l'entoure s'épaissit ; c'est à ce moment qu'on aperçoit dans le protoplasma un grand nombre de sphères chromatiques qui se montrent elles- mêmes avec une structure granuleuse (PI. IV, fig. 15- 17). Le noyau unique occupe toujours le centre du kyste ; il n'a subi aucune modification. Il est impossible de trouver dans ces éléments chroma- tiques transitoires, dans ces chromidies, une relation d'o- rigine ou de parenté avec les noyaux eux-mêmes, ainsi que l'admettent certains savants qui se sont occupés du dévelop- pement des Amibes. La zone, externe mucilagineuse du kyste est plus ou moins épaisse ; sa surface est mamelonnée ; dans les kystes un peu âgés, le protoplasma est finement granuleux dans toutes ses parties (PI. IV, fig. 16-18). 3° Amœba paradoxa sp. nov. (PI. IV, fig. 20-30.) Nous indiquerons ici brièvement sous ce nom les carac- tères d'une espèce polymorphe qui fait le passage aux plas- modes de Myxomycètes. Les Amibes ont une grosseur très variable ; la plupart ne possèdent qu'un noyau -, d'autres en ont deux, et quelques- unes en renferment jusqu'à six ou sept. Le protoplasma ren- ferme de nombreuses vacuoles (PI. IV, fig. 20-25). Les noyaux ont la structure ordinaire ; ils se divisent par téléomitose ; nous avons rencontré deux stades très LES AMIBES 47 nets, celui de la plaque équatoriale et une phase tonnelet (PI. IV, fig. 26-27). Les kystes sont sphériques ; leur diamètre est très va- riable (PI. IV, fig. 28-30) ; les uns ne possèdent qu'un noyau \ beaucoup en ont deux ; lorsque ceux-ci sont rap- prochés, on pourrait croire à une fusion prochaine :nous ne croyons pas cependant qu'il y ait copulation. Le protoplasma finement granuleux est entouré par une membrane jaunâtre qui est elle-même parfois recouverte d'une zone mucilagineuse externe. En somme, il serait bon de reprendre l'étude de cette espèce, à cause des affinités qu'elle semble marquer du côté des Myxomycètes ; c'est simplement à ce titre que nous la signalons ici. f SECTION III La division du noyau n'a pas été observée. 1° Amœbaviridis Leidv. (T. yii, fig. 1-3.) Nous avons pu examiner plusieurs centaines d'Amibes appartenant à cette espèce : aucune n'était en division. Cette espèce a de grandes dimensions : sous la forme allongée, la longueur atteint 140 p. et davantage, la largeur étant de 40 à 50 |a : sous la forme arrondie, certains indi- vidus avaient un diamètre de 150 p.. Le - cytoplasme, pendant le mouvement, s'étale en une large nappe mince qui s'échancre en lobes de formes va- riables ; le flot d'endoplasme y glisse rapidement avec ses fines granulations et ses zoochlorelles. Le nombre des zoochlorelles varie avec les individus : il est facile de mettre en évidence le noyau de ces algues et leur pyrénoïde ; la structure ne diffère en rien de celle que nous avons décrite dans le Paramœcium bursaria. 48 P. -A. DANGEARD Ces algues sont dispersées sans ordre à l'intérieur du corps et jusqu'au contact immédiat de la surface. Nous avons assisté à l'expulsion de gros corpuscules au nombre d'une dizaine qui se trouvaient un instant aupa- ravant disséminés au milieu du corps. Ces corpuscules ont été transportés brusquement vers la surface où ils se sont trouvés réunis dans une très grande vacuole; cette vacuole n'était séparée de l'eau extérieure que par une mince couche de cytoplasme ; à cette couche se trouvait adhérente une zoochlorelle qui proéminait dans la vacuole. Lors de la rup- ture de la vacuole pour l'expulsion des corpuscules, la zoo- chlorelle n'a pas été rejetée; elle est revenue à l'intérieur du corps. Après fixation à l'alcool absolu et coloration à l'héma- loxyline, le corps de l'Amibe semble être limité par une vé- ritable membrane, tant le cytoplasme intérieur est fluide, clairet achromatique. Chez certains de ces individus fixés, on dirait vraiment que le cytoplasme tout entier est un liquide peu dilîérent de l'eau ; maischez les autres, on peutfaire la distinction entre le cytoplasme légèrement chromatique qui renferme les zoo- chlorelles et de grandes vacuoles qui se divisent en vacuoles ordinaires et vacuoles nourricières ; celles-ci atteignent par- fois de très grandes dimensions, 30 à 40 p. et davantage ; nous avons même rencontré une Amibe qui avait ingéré une conjuguée d'une longueur de 120 tj. ; les deux extrémités dé- bordaient de chaque côté le corps de l'Amibe (fig. 2, T). Nous en avons rencontré une autre qui renfermait dans une très grande vacuole et au centre une sphère de 40 jx de diamètre. Le proloplasma de cette sphère était très dense; un peu en dehors du centre se trouvait un noyau ayant 14 IX de diamètre ; ce noyau possédait un gros nucléole chro- matique entouré par une zone incolore. Nous pensons qu'il s'agissait d'un parasite du protoplasma et non d'un orga- nisme ingéré comme aliment ; ce qui nous confirme encore T. VII. Amœba viridis, flg. 1-3. LE BOTANISTE. 50 P-A. DANGEARD dans cette idée, c'est que le noyau de TAmibe était hyper- trophié ; son diamètre atteignait 25 p, , alors que le diamètre ordinaire varie entre 14 et 20]ui. (T. VII, fîg. 3). En l'absence de tout autre stade de développement, il est impossible de classer ce parasite. Nous savons déjà que Grùber a observé une véritable épidémie chez ÏAmœba viridis ; mais elle était causée par des Nucléophages, c'est-à-dire par des parasites du noyau (1). Le noyau de VAmœha viridis possède un gros nucléole chromatique, el l'intervalle assez large compris entre la membrane et le nucléole est rempli par du nucléoplasme granuleux (fîg. 1, T), ou irrégulièrement chromatique. Cette Amibe se nourrit de proies assez grosses, parmi les- quelles nous avons vu des Chlamijdomotias et le Trachelo- monas vohocina ; il nous a semblé également reconnaître des débris de conjuguées. Malgré les centaines d'individus examinés, il nous a été impossible de rencontrer un seul stade de division nu- cléaire : nous le regrettons d'autant plus que le volume considérable du noyau aurait sans doute permis de voir nettement les diverses phases de la division. En comparant notre description à celle de Grùber, on voit que nos deux Amibes sont bien identiques; celle de Griiber provenait d'un envoi de Sphaynum venant d'Amérique ; la nôtre s'est montrée dans une récolte de Conjuguées et deDes- midiées faite à Ségrie (Sarthe), dans des tourbières. Grïiber a réussi à cultiver cette Amibe pendant plus de 10 ans dans un petit aquarium renfermant seulement 100 grammes d'eau ; la culture n'a pris fin qu'à la suite d'une épidémie de nucléophages. Dans les premières années, cette Amibe ningérait aucun aliment ; plus tard, elle s'est nourrie de petites algues unicelluiaires, d'Euglènes, etc. ; (1) Grùber: Ueber Amœba viridis (Zool. Jalirb., Suppl. VII, 1904, p. 67-67). LES AMIBES 51 dans nos cultures, cette Amibe s'est montrée au contraire assez vorace. Il sera intéressant de retrouver le parasite extra-nu- cléaire dont nous venons de signaler la présence; on pourra alors peut-être suivre son développement. SECTION IV Amibes à mouvements lents du type Pelomyxa. L'espèce que nous allons décrire ici s'est rencontrée dans nos récoltes d'algues en exemplaires peu nombreux ; nous n'aurions pas même songé à l'étudier si nous n'avions remarqué à la surface du corps de singulières productions filamenteuses. En consultant la bibliographie, nous avons constaté que ces filaments avaient donné lieu à de singulières méprises ; ce sont ces erreurs qu'il s'agit de faire disparaître défini- tivement, en faisant mieux connaître un groupe de parasites encore très mal étudiés. Pelomyxa vorax sp. nov. (PI. V, fig. 1-5.) Nous avons eu beaucoup de peine à classer cette Amibe et nous avons longtemps hésité entre le groupe des Amibes voisines de \'Amœba proleus et le groupe des Pelomyxa. UÀ. prnteus s. été souvent décrite, mais il semble bien que les auteurs n'ont pas toujours eu en vue la même espèce. a II sera peut-être encore bien longtemps difficile, écrit Penard, de décrire VAmœha proteus d'une manière claire et précise ; fort probablement existe-t-il plusieurs Amibes autonomes, mais présentant les caractères généraux de VAmœba proteus qui les feront encore longtemps prendre les unes pour les autres. Pour moi, je considérerai ici comme Amœba proteus ty- 52 P -A DANGEARD pique une grande Amibe, très changeante dans sa forme, développant suivant le moment de longs pseudopodes droits ou rameux, ou bien susceptible parfois de prendre la forme //m^/a; et renfermant toujours un noyau unique volumineux et ovoïde. C'est ce dernier caractère qui peut être considéré comme le plus important : VAmœha proteus type a toujours un noyau ovoïde )) 1). Cette espèce serait l'une des plus communes et l'une des plus grosses. Dimensions, 300 fj. et au delà. L'Amœba vil- losa de Wallich se distinguerait de la précédente par des contours plus ou moins claviformes et palmés. Penard lui attribue 200 ij. avec un noyau de 36 à 38 p.. Nous trouvons encore lout à côté Amœba nitida Penard, espèce à un seul noyau d'un diamètre de 50 p., et Amœba nobilis, qui renferme une soixantaine de noyaux. Notre espèce a des dimensions sensiblement égales à celles qui viennent d'être données ; sousla forme contractée, nous avons noté 130 p. sur 100 ix ; d'autres individus plus allongés ont une longueur de 230 fx sur 140 p. ; enfin la lon- gueur sous la forme Umax atteint 300 p. sur une largeur de 60 f. ; le noyau unique a 30 p. environ. Ce qui nous a déterminé à placer cette espèce parmi les Pelomyxa, c'est sa forme peu variable et ses mouvements lents. D'ailleurs, à l'heure actuelle, il n'existe aucun carac- tère réellement constant pour ce genre Pelomyxa. La description donnée par Greet'du P. paliistris permet- tait au début de séparer facilement les Pelomyxa des Amœ- ba; les individus du premier genre renfermaient de nom- breux noyaux, des bâtonnets et des « corps brillants » ; il existait dans le cytoplasme une couche serrée d'alvéoles ; mais depuis, on a reconnu que le nombre des noyaux est variable et que les corps brillants peuvent manquer ainsi que les alvéoles. (1) Penard : Faune rhizopodique, loc. cit., p. 58. LES AMIBES 53 Penard en est réduit à caractériser les Pelormjxa en ces termes : « Amibes à mouvements lents, toujours pourvues de bactéries s)^mbiotiques. » Il est trop évident que la pré- sence de bactéries symbiotiques ne suffit pas à limiter un genre ; on en est réduit provisoirement à considérer comme des. Pelomijxa les grosses espèces d'Amibes dont la forme change peu et dont le mouvement est lent. Nous rappellerons que, suivant Penard, le Pelomijxa paradoxa, qui a une taille de 100 à 150 fj., se présente sous deux formes, l'une à nombreux noyaux et l'autre à un seul noyau. Les Amibes de notre espèce ne m'ont jamais présenté qu'un seul noyau très dense, chromatique, sans différen- ciation nette : tout au plus observe- t-on à la surface une zone étroite moins colorée que le reste. Le protoplasma est dense et granuleux ; il renferme le plus souvent de très grosses Diatomées en nombre variable : celles-ci touchent par leurs deux extrémités à la surface , Ahjues et des Animaux (le Botaniste, 2»" série, p. 246). (3) Cienkowski : Ueber einige Rhizopoden und verivandte Organismen (Archiv. f. mikr. Anat., \II). (4) P.-A. Dangeard ; Loc. cit., p. 248. LE BOTANISTE. 66 p. A. DANGEARD à Ségrie, dans unesoiicoupe où nous conservions des Desmi- diées. Cette espèce doit passer souvent inaperçue : il nous a fallu un examen attentif pour reconnaître sa nature. Les trabécules de protaplasma qui limitent le réseau sont cylindriques et d'un diamètre régulier (Pi. VU, fig. 1); on les confondrait facilement, malgré l'absence de membrane, avecdes filaments mycéliens, tellement leurforme se niodifie peu et lentement. Le protoplasma est hyalin, et presque en- tièrement dépourvu de graiiulations ; on observe de place en place des vacuoles. Le réseau formé par ces cordons cylindriques s'étendait suivant une large surface : de place en place, les branches se dichotomisaient pour entourer des colonies de microbes ; les terminaisons sont plus ou moins étalées en pinceau formé par des lobes irrégulièrement divisés. D'après la façon dont ces branches entouraient les colo- nies de microbes, on peut être certain que l'espèce s'en nour- rit ; mais nous n'avons jamais observé la pénétration des par- celles alimentaires à l'intérieur du protoplasma qui forme les mailles du réseau. l>,'observation n'a pu être poussée très loin, car chaque fois, nous n'avons disposé que d'un seul individu. Nous ne pouvions dans ces conditions songer à étudier le développement de cet organisme : tout au plus devions- nous espérer obtenir quelques détails sur sa structure. Lorsqu'on observe sur le vivant le protoplasma du réseau, il semble qu'on ait affaire à une Monère ; mais l'exis- tence des Monères est bien problématique et il serait i m prudent ici comme ailleurs de se fier aux apparences. La première fois, nous avons fixé notre unique échantil- lon sur la lamelle au moyen d'alcool absolu ; la coloration a été obtenue au moyen du picro-carmin ; dans ces condi- tions, les noyaux se voient bien : ils sont relativement gros, puisque leur diamètre atteint celui des cordons protoplas- LES RHIZOPODES 67 miques; leur contour est ordinairement elliptique; ils sont plus ou moins éloignés les uns des antres (PI. VII, fîg. 1). Avec le picro-carmin, aucune différenciation intérieure n'était visible ; les noyaux paraissaient dépourvus de nu- cléole, avec un nucléoplasme dense, chromatique et sensible- ment homogène ; c'est la grande sensibilité du nucléoplasme vis-à-vis du carmin qui masque le nucléole. Avec l'hématoxyline, nous avons réussi à mettre en évi- dence, surnotre second échantillon, le nucléole des noyaux; ceux-ci possèdent donc la structure ordinaire (PI. VII,fig.3-4). 111. — THECAMŒBIDEiE Le type des Thécamœbiens peut, d'après Delage, se défi- nir de la manière suivante : « Le corps mou de l'animal ne diffère de celui de l'Amibe qu'en deux points : 1" étant suffisamment protégé par la capsule, il n'a pas besoin de différencier à sa surface une couche protectrice ; aussi ne montre-t-il pas d'ectoplasme; 2° dans tous les points où il est en contact avec la capsule, il ne peut ni émettre de pseudopodes ni capturer d'aliments ; aussi ces deux fonctions se limitent-elles à la région qui est en face de l'ouverture de la capsule. Cette capsule est une mince enveloppe formée de chitine ou d'une substance ana- logue, sécrétée parla surface du cytoplasme. Elle est con- tinue en ce sens qu'elle n'a pas de pores microscopiques, et est munie d'une simple large ouverture appelée bouche, par où sort une partie du corps qui émet des pseudopodes. L'animal rampe sur la bouche de sa capsule. Il peut, à l'occasion, se retirer complètement à son intérieur. Il arrive aussi quelquefois, mais très exceptionnellement, qu'il peut en sortir. 11 ne lui est donc lié par aucun lien organique. Mais normalement, il ne la quitte point. Elle s'accroît avec lui par intussusception et il la conserve jusqu'à la mort. Pour se reproduire, il se retire à l'intérieur, se divise et l'un 68 P -A. DANGEARD des individus-filles garde l'ancienne capsule, tandis que l'autre en sort et s'en sécrète une nouvelle (1). Gomme dans toutes les descriptions où l'on veut schémati- ser, celle-ci renferme une part de vérité et d'erreur : on aura dailleurs une idée de toutes les inexactitudes accumu- lées par divers observateurs sur quelques genres de ce groupe lorsqu'on aura pris connaissance de nos recherches sur les deux genres Cochliopodium et Arcella. Genre Cochliopodium. Le genre Coc//7?o/>0(lmm est placé ordinairement parmi les Thécamœbiens : c'est une des formes les plus simples. L'en- veloppe présente des caractères variables suivant les es- pèces ; c'est une sorte de pellicule souple et mince qui suit le corps dans toutes ses déformations ; cette sorte de cuticule est parfois réticulée en une fine dentelle (C. spumosum), dur- cie en une peau pénétrée de petits grains amorphes (G. am- biguum) ou montre des lignes régulières de granulations (C bilimbosum). Cette enveloppe peut être considérée comme chitineuse dans le C. spumomm où, d'après Penard, elle ne se dissout que lentement dans l'acide sulfurique ; mais chez d'autres espèces, elle est de nature protoplasmique. La manière dont les pseudopodes sortent de l'enveloppe semble également présenter des différences notables chez les di- verses espèces, et l'on est loin d'être fixé définitivement à ce sujet. On admet en général qu'il existe une sorte de large bouche comme chez les Arcelles ; c'est par là que les pseu- dopodes se montrent au dehors ; mais on a vu également les pseudopodes perforer, pour ainsi dire la membrane, pour s'ouvrir un passage : ils sont dans ce cas souvent entourés plus ou moins loin par la membrane qui leur sert de gaine ou d'étui. (l)Yves Delage et Hérouard : Loc. cit., p. 101-102. LES RHIZOPODES 69 On connaît très peu de choses sur le développement de ces êtres : aussi avons-nous profilé d'une occasion favorable pour essayer d'étudier une espèce en détail avec les res- sources que nous offre la méthode des cultures et celles de la technique histologique. 1" Cocfiliopodium hilimhosum Auerbach (PI. VIIl, fig. 1-31.) Nous rapportons à cette espèce une forme que nous avons obtenue en grande abondance dans les conditions suivantes: un flacon d'agar-agar nutritif avait été ensemencé avec le Chlorella vulgaris qui s'y était admirablement développé ; cette masse d'agar-agar ayant été ensuite transportée, avec les algues qu'elle contenait, dans de l'eau ordinaire, nous avons eu au bout de quelque temps une culture florissante de notre Amibe. Elle se trouvait seule avec des Bactéries et le Chlorella vulgaris dont elle faisait sa nourriture. 11 faut beaucoup d'attention pour distinguer cette espèce des Amibes ordinaires, et j'ai dû la rencontrer souvent mé- langée à d'autres, sans me douter qu'il s'agissait d'un Co- chUopodium. Dans cette dernière culture en milieu nutritif, l'observa- tion était plus facile, et je n'ai pas tardé à constater les prin- cipaux caractères du genre. Les Amibes ont des mouvements lents : le corps est en gé- néral hémisphérique, mais il est susceptible de déformations assez étendues. A la base de l'hémisphère, se trouve une couche plus ou moins épaisse de protoplasma hyalin réfrin- gent qui se prolonge en pseudopodes ordinairement peu nombreux : ce sont des sortes de digitations, des lobes, ou bien des prolongements en pointe. La membrane est telle- ment mince qu'on soupçonne à peine son existence sur le vivant : elle recouvre tout l'hémisphère au contact direct du proloplasma (PI. VIII, fig. 1-5). Mais si on fait agir sur l'a- 70 P. -A. DANGEARD nimal l'iode ou l'acide acétique, la membrane se sépare net- tement du cytoplasme, et on peut alors distinguer à sa sur- face des ponctuations très fines disposées en ligne (PI. VIII, fig. 19). Le protoplasma renferme de nombreuses vacuoles : les unes sont des vacuoles ordinaires et les autres des vacuoles contractiles (PI. VIII, fig. 18). La nutrition se fait comme chez les autres Amibes par absorption à l'intérieur du corps de Bactéries et d'Algues ; nous avons remarqué plusieurs fois des Chlorella plus ou moins digérés au milieu du corps (PI. VIII, fig. 17), mais les Bactéries formaient le fond de la nourriture. Tous les individus sans exception renferment, en quan- tité plus ou moins grande, des corpuscules brillants dont nous ignorons la nature exacte et le rôle ; ils sont dissé- minés irrégulièrement dans le cytoplasme ; les plus gros laissent voirunestructure cristalline qui est celle d'un rhom- boèdre; les plus petits sont en bâtonnets ou en corpus- cules mal définis. Sous l'action de l'acide acétique, ces forma- tions disparaissent lentement en perdant peu à peu la net- teté de leurs contours : ce sont probablement des cristalloï- des de nature protéique ; nous allons les retrouver dans les kystes (PI. VIII, fig. 1-5.) Lorsqu'on examine les Amibes après fixation et colora- tion, on aperçoit très nettement la structure vacuolaire ou alvéolaire du cytoplasme ; la membrane est également très nette sous forme d'une pellicule constituée par un proto- plasme dense, homogène, coloré en rouge pâle par l'héma- toxyline, et présentant tous les caractères de la substance qui constitue le fuseau chromatique. On a bien signalé l'existence d'un noyau chez plusieurs espèces de ('ochliopodium ; mais on ne sait rien de précis sur leur structure et on ignore leur mode de division. Les individus sont, en général, uninucléés et le noyau occupe alors une position centrale; mais si on examine un LES RHIZOPODES 71 grand nombre d'Amibes, on finit par en rencontrer beau- coup qui possèdent deux noyaux : la proportion est d'ailleurs variable avec les cultures ; nous avons trouvé en très petit nombre, il est vrai, des échantillons qui montraient trois noyaux dans le protoplasma (PI. VIIF, fig. 6-10). La structure du noyau est lasuivante : au centre, se trouve un gros nucléole chromatique et un large intervalle incolore s'étend entre ce nucléole et la membrane nucléaire. Le nucléole devient plus ou moins spongieux, ou bien il se creuse en son centre et devient annulaire ; parfois il se frag- mente. De toute façon, à la prophase, ce nucléole disparaît pro- gressivement, alors que des granules chromatiques appa- raissent de plus en plus nettement dans le nucléoplasme (PI. VIII, fig. B, 7, 9) ; ces granulations ne sont autre chose que les futurs chromosomes. La division est une téléomitose ; le noyau prend un con- tour elliptique pour fournir le fuseau achromatique (PI. VIII, lig. 11-12) ; il semble que la substance de ce dernier résulte du mélange delà substance nucléolaire avec le nucléoplasme achromatique : il en résulte pour ce fuseau une structure dense et légèrement fibrillaire ; ce fuseau se termine à ses deux pôles par des extrémités obtuses qui sont en contact direct avec le cytoplasma finement alvéolaire de l'Amibe, sans qu'il y ait trace de centrosome ou d'aster. Les chromosomes se placent à l'équateur du fuseau ; ils sont très petits, mais très distincts; on en comple huit ou dix de profil ; le nombre total est approximativement de 22 à 24 (PI. VIII, fig. 11-12). A la métaphase, on voit les deux plans chromatiques con- tenant les chromosomes s'éloigner l'un de l'autre ; lorsqu'ils sont arrivés à une certaine distance, le fuseau se sépare en son milieu, qui se trouve envahi par le cytoplasme alvéo- laire ; la substance achromatique continue d'entourer les deux plans de chromosomes (PI. VIII, fig. 13-15). 72 P. -A. DANGEARD Finalement une nnembrane nucléaire se forme autour de chaque groupe : la substance nucléolaire se condense à nou- veau et les chromosomes, au moins en apparence, perdent peu à peu de leur individualité. Chaque noyau est revenu à sa structure normale. Aucun étirement du corps de l'Amibe n'accompagnait la division nucléaire, et nous ignorons à quel moment se pro- duit la bipartition. J'ai pu observer la période d'enkystement dans cette es- pèce. Le mouvement cesse peu à peu : à la surface du corps se voit une couche épaisse d'aspect gélatineux avec stries con- centriques (PI. VIII, fîg. 21-23). Lorsque le kyste est com- plètement formé, on distingue à son intérieur un proto- plasma incolore renfermant une quantité plus ou moins grande de ces granules brillants que nous avons déjà ren- contrés dans les Amibes ; le noyau se voit nettement soit au centre de la sphère, soit sur le côté. La membrane ^du kyste peut être subdivisée en une exospore faiblement jaunâtre à stries concentriques et une endospore incolore ; la surface de l'exospore présente de petites granulations, analogues à celles qui recouvrent la membrane de l'Amibe. Cette enve- loppe du kyste, traitée par l'iodure de potassium, montre une légère teinte acajou. Comme la période d'enkystement est en même temps pour certains Amœbiens une période d'autogamie, il y avait inté- rêt à se rendre compte de la façon dont se comportaient les noyaux. La chose était d'autant plus nécessaire que l'espèce avait fourni dans nos cultures de nombreux individus à deux noyaux. Nous croyons pouvoir affirmer qu'aucune fusion nu- cléaire n'accompagne l'enkystement : les individus s'enkys- tent avec le nombre de noyaux qu'ils possèdent, c'est-à-dire avec un ou plus rarement deux élémentsnucléaires(Pl. VIII, fig. 24-27) ^lenucléoleestspongieux,fîbrillaire ou granuleux. LES RHIZOPODES 73 La germination de ces kystes n'a pu être suivie : lorsque le kyste est âgé, le cytoplasme subit un retrait et abandonne dans l'intervalle de la gélatine à stries concentriques (PI. VIII. fig. 28-29j. Un parasite que nous avons identifié avec le Nuclearia de- licatula s'est attaqué à ces kystes en même temps qu'il dé- truisait certaines algues vertes de la même culture (PI. VIII, fig. 30-31). Le fait est intéressant à citer, parce qu'il explique de nombreuses confusions faites par les auteurs dans l'étude des organismes inférieurs. On reconnaîtra dans le mode de division nucléaire qui vient d'être décrit tous les caractères d'une téléomitose or- dinaire. 2*^ Arcella vulgaris Ehrb. (PI. IX-XIII.) Nos recherches sur V Arcella vulgaris remontent à l'année 1903: nous avons publié à cette époque une note prélimi- naire dans laquelle nous résumions les principaux résultats obtenus. Il nous paraît utile de remettre le contenu de cette note sous les yeux du lecteur : il se rendra ainsi mieux compte de la contribution personnelle que nous avons ap- portée à la connaissance de cet intéressant organisme. (( Nous avons signalé, il y a quelque temps, l'existence d'un Flagellé double possédant deux énergides d'origine différente; nous proposions de désigner sous le nom deDiplo- zoaires les animaux qui présenteraient cette particula- .rité (1) ; ce groupement, il est à peine besoin de le dire, est d'ordre biologique et non phylétique. Aux deux exem- ples déjà connus, nous pouvons aujourd'hui en ajouter un (1) p. -A Dangeard : L'organisation du Tiepomomas agilLs (Comptes rendus, t. CXXXV, no 26, p. 1366). 74 p. -A DANGFARD troisième, celui deVAi'cellavulgaris, qui, comme son nom l'indique, est une espèce des plus communes. « Les traités généraux qui s'occupent de l'étude de cette espèce mentionnent la présence d'un nombre variable de noyaux dans le protoplasme ; ainsi Butschli (1 ) parle d'une grande quantité d'éléments nucléaires et Y. Delage (2) ad- met que ce nombre oscille entre quatre et trente-deux. En présence des résultats différents que nous avons obtenus, il n'est pas inutile de noter que nos cultures ont duré trois mois environ ; plusieurs milliers d'individus ont été exami- nés en préparations durables : nos conclusions semblent donc pouvoir être considérées comme ayant un caractère général. (( UArcella vulgarisai \a forme d'un verre de montre ou, plus exactement, d'un béret dont les bords repliés en dedans limitent une ouverture circulaire par laquelle sort un gros pseudopode ramifié ; dans la cavité générale, remplie de cytoplasme, se trouvent deux très gros noyaux; ils sont ordinairement situés, dans la gouttière circulaire, aux deux extrémités d'un même diamètre ; dans certaines cultures, tous les individus, sans exception, possèdent cette organi-- sation ; dans d'autres cultures, on rencontre parfois des cel- lules ayant trois, quatre, ou même six noyaux ; mais il est bon de remarquer que la proportion de ces cas anormaux était inférieure à 1 pour 100; ces modifications sont, à n'en pas douter, du même genre que celles qui sont fréquentes dans les cellules des tissus âgés ; mais elles ne peuvent en- trer en ligne de compte dans la considération d'une structure normale. (( L'Arcella imlgaris se multiplie par une sorte de bour- geonnement ; une partie du cytoplasme sort par l'ouverture circulaire, s'arrondit et forme bientôt une cellule-fille symé- (1) Butschli : Protozoa, 183. (2) Y. Delage : La cellule et les Protozoaires, p. 103. LES RHIZOPODES 75 trique de la cellule-mère, avec des dimensions beaucoup plus faibles. « Lorsqu'un individu se disposée la division, ses deux noyaux sont au stade de la prophase ; à l'état de repos, ils sont constitués par une membrane nucléaire, un très gros nucléole central et du nucléoplasme réticulé ; à la pro- phase, le nucléole a perdu ses limites, comme s'il se dis- solvait peu à peu, et sa substance s'est accumulée aux pôles en deux calottes achromatiques hémisphériques ; elles sont réunies par un fuseau achromatique à stries nombreu- ses ; on distingue dans le plan équatorial des granulations . chromatiques assez nombreuses qui représentent les chro- mosomes. L'existence des deux calottes polaires donne l'im- pression d'un stade tonnelet ; cette apparence a trompé Gruber, qui n'a pas vu les chromosomes. Lorsque la séparation de ceux-ci est effectuée, le noyau, qui avait con- servé sa forme jusque-là, commence à s'allonger en tonne- let, et bientôt les chromosomes cessent d'être visibles. « A ce moment, la cellule-fille est déjà recouverte d'une membrane : elle reste en communication avec la cellule- mère par un gros cordon de protoplasme : c'est dans ce cordon que s'engagent simultanément les extrémités polaires des deux fuseaux ; ceux-ci ont pris la forme d'haltères ; la rupture se fait au milieu et les nouveaux noyaux se recons- tituent. « Il résulte de cette description que les noyaux de VAr- . cella mdgam se comportent comme ceux du Trepomonas et des Urédinées : les noyaux d'une même cellule appartien- nent à deux lignées parallèles indépendantes. L'avenir nous dira si cette constitution si intéressante aura, comme chez les champignons basidiomycètes, sa répercussion sur le mode de reproduction sexuelle (1.) » (i) P. -A. Dangeard : Contribution à l'étude des Diplozoaires (domptes rendus Acad. se, no 12, t. CXXXVI, 1903). 76 p. -A. DANGEARD Plusieurs mémoires importants ont été publiés, depuis cette note, sur VArcella vulgaris : en les lisant, ceux qui sont peu familiarisés avec l'étude des organismes inférieurs pourraient croire que l'exposé détaillé des observations que nous avons faites en 1903 n'a plus aucune sorte d'intérêt. Cependant nous nous trouvons en face d'une tâche au- trement ingrate que si notre mémoire eût paru à son heure : nous avons non seulement à exposer nos résultats, mais il nous faut encore chercher à rectifier ceux des autres. Et il est certain, ainsi que nous allons le montrer, qu'on a com- pliqué et embrouillé comme à plaisir le cycle du développe- ment de VArcella vulgaris. On en jugera par le schéma suivant qui nous est donné par Boris Swarczewsky ; d'après ses observations et celles qu'il a collectionnées dans la littérature, voici quel serait le cycle du développement de VArcella vulgaris : . 1° La forme végétative, qui renferme ordinairement deux (( noyaux primaires n et un « chromidium » bien déve- loppé, se divise de temps en temps suivant le mode connu par bipartition. 2° De temps en temps, l'animal donne naissance à quel- ques bourgeons ou à toute une série de bourgeons, qui par croissance et sécrétion d'une coque fournissent la forme nor- male ; ce mode de reproduction est « l'agamogonie ». 3" Après toute une série de divisions et d'agamogonie, survient une nouvelle période : celle de la gamogonie. Les anisogamètes formés copulent et l'œuf ou copula arrive par croissance et sécrétion d'une coque à la forme normale. 4° A l'automne, se produit un deuxième mode de repro- duction sexuelle, la « chromidiogamie » ; le résultat de ce processus est la production d'une nouvelle période d'agamo- gonie (1). (1) Boris Swarczewsky : Uber die Fortpfl. bel Arcella vulgaris (Archiv. f. Prot., Bd. XII, p. 202-204). LES RHIZOPODES 77 Boris Swarczewsky a résumé dans un dessin les ptiases successives de ce développement. On remarquera qu'aux divers stades du développement, sauf à la simple bipartition, les deux noyaux primaires ne sont pas utilisés ; l'ancien adage : Omnis nuclem a nucleo ne serait plus vrai ; des noyaux secondaires prendraient naissance aux dépens du réseau chromidial. Ce cycle du développement est tellement extraordinaire qu'il faudrait pour l'admettre d'autres arguments et d'au- tres faits que ceux qui nous sont fournis. En examinant ces derniers avec une scrupuleuse attention, il devient évident que les auteurs ont commis de regrettables confusions et qu'ils ont été induits en erreur par des phénomènes de pa- rasitisme. Il est extrêmement difficile dans ces conditions de faire la part de l'erreur et de la vérité, et nous trouvons chose très délicate l'obligation où nous sommes de combattre la ma- nière de voir de savants éminents. Il semble bien que le point de départ des erreurs que nous aurons à rectifier, au sujet de VArcella vuhjaris, soit la théorie du réseau chromidial et des chromidies, due à R. Hertwig (1). Cette théorie, exposée magistralement par son auteur dans le premier volume des Archives F. Protis- tenkunde, créait une terminologie qui a été adoptée par tous ceux qui soccupent des organismes inférieurs ; mais cette théorie en même temps cherchait à établir entre ces chro- midies et les noyaux des relations de parenté qui sont loin d'être prouvées dans tous les cas. A cet égard, les élèves ont été plus loin que le maître ; il n'est pas trop tôt de réa- gir si l'on veut conserver en science la séparation qui doit exister entre le domaine des faits établis et celui des hypo- thèses. H)ï{.tteTtwig:DieProtozoenund die Zelltheorie (Archiv. f Protist., Bd. I, 1902). 78 P.-A. DANGEARD En consultant l'historique donné par Boris Swarczewsky, nous voyons que Bulschli, Buck, Cattaneo, avaient observé la sortie dorganismes amiboïdes par l'ouverture buccale des Arct'da ; pour Butschli la formation de ces corps était la conséquence d'une conjugaison de deux ou trois individus ; l'observation, ayant été faite sur le vivant, ne permettait de saisir aucun des détails internes de structure correspondant soit à la conjugaison, soit à la production des germes. La théorie des chromidies va maintenant entrer en ligne, d'abord timidement, puis sans réserve, et elle va nous con- duire aux conclusions les moins vraisemblables. R. Hertwig avait en 1899 (1) montré qu'il existe chez les Arcella, en dehors du noyau et du protoplasma ordinaire, une autre substance qui se distingue déjà après l'action des réactifs fixateurs, tels que le liquide de Flemming, l'acide acétique, etc ; le carmin boracique la colore d'une façon in- tensive, comme la chromatine. Hertwig, en 1902 (2), dési- gne cette partie sous le nom de « réseau chromidial ». Ce réseau forme, en général, un anneau à la périphérie du corps des Arcelles, mais il peut s'étendre aussi dans le proto- plasma en masses irrégulières ou en amas plus ou moins gros analogues aux chromidies de ÏAclinosphaenum. Le réseau chromidial et le réseau protoplasmiquese confondent dans les kystes dont le contenu présente un aspect homo- gène. Hertwig va plus loin ; il décrit la formation de noyaux secondaires aux dépens de ce réseau chromidial ; ÏÂrcella vulgaris possède deux gros noyaux qui sont les noyaux pri- maires ; ceux-ci entrpnt en dégénérescence au moment où naissent les noyaux secondaires, et l'organisme passe ainsi de la structure à deux noyaux à la structurée nombreux (1) R. Hertwig : Uber Encystierung und Kernvermehrung bei Arcella vulgaris (Festschr. znm 70 Geburtstage von C. v Knprfer, léna, 1899). {i) R. Hertwig : Die Frotozoen, loc. cil. LES RHIZOPODES 79 noyaux. (( Aus den beschriebenen Befunden schliesse ich, das die vielkernigen Arcellen aus den zweikernigen hervor- gehem, in dem sich aus dem Ghromatinnetz eine neue Géné- ration von sekundarkerne entwickelt, wahrend die beiden Primarkerne sich zuruckbilden (1). » Cette conclusion était grosse de conséquences ; elle visait l'autonomie même du noyau dans la cellule en le faisant naître du réseau chromidial, en dehors de toutes les règles de filiation constatées jusque-là. Hertwig émet l'hypothèse que la formation des corps ami- boïdes vus par Butschli et qui sortaient du corps de l'Arcelle, est en relation directe avec la naissance des noyaux secon- daires. Awerinzew cherche à confirmer cette idée (2) ; il décrit deux sortes de corps amiboïdes, des macroamibes et des microabides, qui auraient pour noyaux des noyaux secon- daires; il se produirait une copulation qui serait le point de départ d'une nouvelle génération. Le cycle du développement de rx4/Tc//a vuhjans va ainsi se compliquer de plus en plus (3). VV. Elpatiewsky, après avoir étudié la multiplication nor- male sous le titre die veijetative Vermehruny durch Teilimg^ décrit encore deux autres modes de reproduction : 1° une reproduction par pseudopodiospores ; 2' la repro- duction par macro et microamibes. Nous pouvons dès maintenant dire pourquoi nous ne sau- rions admettre, même comme hypothèse, la prétendue repro- duction par pseudopodiospores ; il nous suffira défaire quel- ques citations. La formation des pseudopodiospores n'intéresse pas tout (1) La citation est faite d'après Boris Swarczewsky, loc. cit., p. 174. (2) Awerinzew : Die Struktur und die chem. Zusnmm. der Gehaiise bei den Suss wasserrhizopoden (Archiv. f. Pr , Bd. VIII. 1906). (3) Elpatiewsky : Zur Fortpflanzung von Arcella vulyaris (Arch. f. Protis- tenk., Bd. X, 1907) 80 P -A. DANGEARD le corps de l'individu ; une plus ou moins grande partie du protoplasma reste inutilisée ; dans ce résidu, on retrouve les deux noyaux ordinaires. Les pseudopodiospores ne sont pas de la même grosseur et elles se forment non en même temps, mais les unes après les autres. A ces caractères donnés par l'auteur, il n'est pas difficile de reconnaître un parasite du protoplasma qui laisse à l'in- térieur de la coque, lorsqu'il l'abandonne, des résidus en plus ou moins grande abondance. La chose devient certaine lorsqu'on voit faire intervenir le réseau chrjmidial pour la naissance du noyau des pseu- dopodiospores : a Aus dem oben geschilderten Verhalten des Chromidiums wahrend der Pseudopodiosporenbildung folgt demnacli, das derselben keine Bildung von Sekundar- kernen vorangeht, sowie dass die Kerne der Pseudopodios- poren sich aus dem Chromidialschollen differenzieren und zwar erst nachdem durch eine belle Plasmazone der Korper der zukunftigen Amôbe geoau um grenzt ist (1). » Si nous ajoutons que la prétendue reproduction sexuelle par macro el microamibes repose sur des apparences de même nature et des faits analogues, on sera de suite fixé sur la valeur de ces observations. Aussi, nous n'avons guère le courage de discuter les nou- veaux stades de développement que Boris Svvarczewsky vient encore ajouter aux précédents (2). C'est d'abord un bourgeonnement qui pendant toute la vie de l'Arcelle fournit de petites Amibes. Puis c'est la (( chromidiogamie », dans laquelle deux individus s'accou- plent ; le contenu de l'un passe presque entièrement dans l'autre ; il se produirait une fusion des substances chroma- tiques après dégénérescence des noyaux primaires et disso- (\) W. Elpatiewsky : Loc. cit., p. 450. (2) Boris Swarczewsky : Loc. cit., p. 179, 192. LES RHIZOPODES 81 lution du réseau chromidial. L'explication de toutes ces erreurs sera donnée plus loin : l'auteur est d'ailleurs passé près de la vérité sans lavoir. Ainsi, en cherchant à confir- mer les résultats d'Elpatiewsky sur la reproduction par pseudopodiospores ou agamogonie, il constate la ressem- blance des agamètes avec les Nuclearia qui sont des para- sites bien connus ; il va plus loin, puisqu'il en décrit l'en- kystement, semblable à celui des Nuclearia (1) !! Nous avons étudié cette espèce en 1903 sur une culture très florissante obtenue avec une infusion contenant de la mie de pain : elle se trouvait avec plusieurs espèces d'infu- soires ciliés et une quantité considérable de Cliilomonas Paramœcium. Les Arcelles se sont multipliées dans cette culture avec une telle abondance que nous avons pu disposer de plusieurs milliers d'individus. Chaque individu comprend une enveloppe hémisphérique qui renferme le protoplasma et ordinairement deux noyaux. L'enveloppe constitue une sorte de coque plus ou moins aplatie dont les bords sont relevés vers l'intérieur, et limi- tent une grande ouverture circulaire par laquelle le proto- plasma peut s'étendre au dehors ; les bords de l'ouverture sont souvent eux-mêmes recourbés plus ou moins (PI IX, fîg. 1-3.) Les dimensions sont très variables ; le diamètre est ordi- nairement de 60 ^, environ, mais il atteint parfois 80 p. et davantage ; on trouve par contre de petits individus avec un diamètre de 35 à 40 |ut. (PI. IX, fig. 4-5>. Ces différences de taille n'ont rien qui puisse surpren- dre ; en effet, la multiplication ayant lieu par une sorte de bourgeonnement, la grosseur de la cellule-fille sera, dès sa formation et selon lescirconstances, supérieure ou inférieure à celle de la cellule-mère ; la grosseur des individus n'a (1) Loc. cit., p. 188. LE BOTANISTE. 6 82 P.-A. DANGEARD rien à voir d'une noanière générale avec leur âge ; autre- ment, il serait difficile d'expliquer la structure particulière de la membrane. La couleur de la coque des Arcelles est jaune ou brune sur les individus adultes ; elle montre, vue de face, un réseau hexagonal très régulier, et de profil des lignes per- pendiculaires à la surface correspondantes aux mailles du réseau. L'aspect est donc celui que présenterait une quantité de petits prismes hexagonaux rangés à côté les uns des autres. Outre cette membrane composée, il en existerait une se- conde, plus interne, très fine et sans structure qui tapisse- rait la première. D'après Awerinzew (1), on pourrait isoler les prismes par l'action de la pepsine et celle de l'acide oxalique étendu. Avec de l'acide oxalique concentré, la couche formée par les prismes disparaît entièrement, et il ne reste plus qu'une membrane mince incolore. L'auteur conclut de ses expé- riences que la couche prismatique est formée de petits éléments sphériques réunis par un ciment et devenus polyédriques par pression ; les deux enveloppes apparaî- traient simultanément. Boris Swarczewsky a une opinion différente (2) ; la mem- brane incolore se différencierait la première, et la couche prismatique serait un produit d'excrétion qui filtrerait en forme de gouttelettes au travers de la première membrane. Nos recherches sur ce point ne sont pas assez complètes pour que nous puissions donner une opinion définitive ; elles pourront cependant servir à élucider la question. Au moment où le jeune bourgeon se forme, avant même qu'il ait reçu les deux noyaux qui lui sont destinés, le proto- plasma se recouvre d'une mince membrane incolore (PI. X, fig. 5-9) ; celle-ci ressemble à une membrane végétale, et (1) Awerinzew : Loc cit. (2) Boris Swarczewsky : Loc. cit., p. 191. LES RHIZOPODES 83 comme elle, se montre susceptible d'extension, puisque le bourgeon n'a pas atteint sa taille définitive. 11 n'existe pas alors la moindre trace de la couche prismatique. On peut donc affirmer déjà que les deux membranes ne se forment pas simullanéînent. Nous sommes beaucoup plus perplexe au sujet de l'ori- gine de la couche prismatique. Est-ce un produit de sécré- tion qui fdtre au travers de cette première membrane et s'amasse en gouttelettes destinées à produire les prismes ? Gela nous semble assez peu probable, et voici l'hypothèse qui nous semble devoir retenir l'attention. Nous pensons que la première membrane incolore reste toujours externe ; la couche prismatique n'apparaîtrait que vers la fin de la croissance. A ce moment, et ceci est un fait indiscutable que nous avons constaté, la couche superficielle du protoplasma est nettement réticulée ; la grandeur des mailles correspond exactement à celle du réseau de la couche prismatique. On serait ainsi facilement conduit à admettre que la couche prismatique provient d'une trans- formation directe de la pellicule protoplasmique super- ficielle à structure réticulée (1). Le protoplasma sur les individus adultes ne paraît pas remplir complètement la coque ; il en est séparé par un intervalle plus ou moins large incolore. Il est certain que la fixation exagère cette disposition ; mais celle-ci existe cepen- dant au moins assez souvent, ainsi qu'on peut le vérifier, au moment de la bipartition, par l'aspect différentde la cellule- mère et de la cellule-fille. La structure du protoplasma est réticulée vacuolaire sur les individus adultes ; à la périphérie, on voit une couronne de protoplasma chromatique qui correspond au réseau chro- midial (PI. IX, fig. 2) ; les noyaux sont situés dans cette couche où ils proéminent plus ou moins à cause de leur (1) Consulter aussi Pénard : Faune rhizopodique du lac Léman, p. 395. 84 P -A. DANGEARD gros volume ; cette substance chromatique se comporte d'une façon très irrégulière comme répartition dans la cellule et comme quantité; à la bipartition, on ne la distingue que peu ou point du cytoplasme ordinaire ; chez les individus en pleine activité nutritive, elle se montre au contraire très nettement. Nous ne voyons aucun inconvénient à conserver le nom de réseau chromidial à cette formation, à condition toutefois qu'on cesse de lui attribuer la propriété d'engendrer direc- tement des éléments nucléaires. Il s'agit simplement de protoplasma chromatique, sans qu'on puisse jusqu'ici spéci- fier exactement les causes de cette chromaticité; nous serons d'ailleurs plus à même de traiter cette question avec d'autres cas analogues dans nos conclusions générales. La portion plus centrale du proloplasma est achroma- tique ; elle renferme, selon les individus, un plus ou moins grand nombre de vacuoles de diverses grandeurs ; beau- coup de ces vacuoles sont destinées à la nutrition ; elles renferment des proies ingérées par l'animal ; ce sont des Infusoires, des Flagellés, etc. ; dans notre culture, le CInlomonas Paramœnum constituait la meilleure partie de la nourriture absorbée (PI. IX, fig. 2, 9;. On trouve ces proies à des états différents de décomposition, ce qui fait que leur protoplasma et leur noyau réagissent de façon va- riable à ces divers stades de la digestion. Outre les vacuoles digestives, il en existe aussi de grandes qui ne renferment aucune trace d'aliment. Si l'on réfléchit que le protoplasma des Arcelles peut ren- fermer, en plus des proies ingérées, des parasites qui l'atta- quent, s"y multiplient et abandonnent la coque après l'avoir plus ou moins entièrement vidée, on aura l'explication de la plupart des figures sur lesquelles les auteurs ont appuyé leurs conceptions du développement. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas vu chez l'Ar- celle, disons-le tout de suite, d'autre mode démultiplication que la bipartition ou bourgeonnement. LES RHIZOPODES 8o La plupart des individus, dans Whxella vulgaris, pos- sèdent deux noyaux ; nous indiquerons plus loin les excep- tions à cette structure que l'on peut considérer comme normale. Les noyaux sont situés à la périphérie du corps dans le réseau chromidial, et assez fréquemment au voisinage de la gouttière formée par le rebord de la coque ; ils occupent, en général, l'extrémité d'un même diamètre (PI. IX, fig. 1-3). Le diamètre de ces noyaux est en relation assez étroite avec la grosseur des individus ; il est en moyenne de 12 p. environ ; mais on en trouve de beaucoup plus gros et aussi de beaucoup plus petits. La structure de ces noyaux au stade de repos est la sui- vante ; une membrane nucléaire, un gros nucléole central dense, chromatique et un large intervalle incolore ; celui-ci renferme une substance achromatique à travers laquelle on distingue avec de bonnes colorations un réseau de trabé- cules. On met aussi en évidence dans beaucoup de ces noyaux une quantité plus ou moins grande de granules chro- matiques. En dehors de ces individus à deux noyaux, on en ren- contre quelques-uns qui possèdent régulièrement quatre noyaux (PI. IX, fig. 9;. Les individus qui possèdent soit trois noyaux, soit un seul, étaient rares dans nos cultures (PI. IX, fig. 7-8; : il en était de même de ceux chez lesquels ce nombre atteignait six (PI. IX, fig. 10). Il existe une certaine relation entre le nombre des noyaux et la grosseur de la coque, mais elle comporte de nombreuses exceptions. Cette question du nombre variable des noyaux chez VArcella est pleine d'intérêt, mais elle a été obscurcie comme à plaisir. En 1899, R. Hertwig(l) distingue lesnoyaux des Arcelles (1) R. Herlwig : Loc. cit. 86 P -A. DANGEARD binucléées sous le nom de noyaux primaires et il appelle noyaux secondaires ceux des Arcelles multinucléées ; il attribue à l'Arcella vulgaris un chiffre de noyaux qui peut aller jusqu'à 39. La distinction des noyaux primaires et des noyaux secondaires repose sur une différence d'origine ; les noyaux secondaires ne proviennent point par division des noyaux primaires ; ils naissent aux dépens du réseau chro- midial, alors que les noyaux primaires entrent en dégénéres- cence. Ces noyaux secondaires auraient aussi une structure différente des premiers ; ils seraient toujours plus petits ; ils n'auraient pas de membrane nette et leur nucléole serait peu distinct du réseau nucléaire. En 1903, nous avons établi que le nombre normal des noyaux est de deux ; ce nombre se conserve dans les nou- veaux individus à la suite d'une division simultanée de ces deux noyaux. Il est intéressant de noter que quelques individus ont quatre noyaux qu'ils transmettent également à la cellule- fille par division simultanée (PI. XII, fig. 5). Cette observation est précieuse, car elle permet de se rendre compte comment un slade multinucléé obtenu acci- dentellement peut se transmettre ensuite régulièrement aux descendants. Elpatiewsky, qui a confirmé nos résultats sur la biparti- tion ordinaire, n'a pas réussi en ce qui concerne les indivi- dus multinucléés : « Welche Bedeutung der Vielkernigkeit zuzuschreiben ist, dièse Frage bleibt offen. Ebensokann ich nicht definitiv entscheiden, ob végétative Vermehrung auch bei vielkernigen Stadium stattfîndet, jedenfalls habe ich sie nur bei zweikernigen Tieren beobachtet (1). » Il n'est pas douteux pour nous, après ce que nous avons vu pour le type à quatre énergides, que les Arcelles à 6noYauxétudiées par Martini transmettaient également leurs (1) Elpatiewsky : Loc. cit., p. 445. LES RHIZOPODES 87 noyaux aux cellules-filles par division simultanée fl) ; nous avons retrouvé quelques-uns de ces individus, mais ils étaient trop peu nombreux pour que nous puissions songer à suivre leur bipartition (PI. IX,fig. 10). Nous ne trouvons aucune difficulté pour expliquer les variations accidentelles du nombre des noyaux chez VArcella viihjaris. Nous pouvons partir du type à un seul noyau, bien qu'il soit rare ; il est extrêmement probable que VArcella vulgaris, comme beaucoup des organismes voisins, n'avait primitive- ment qu'un noyau. L'Arcella vulgaris du type uninucléé divise ce noyau au moment de la formation du bourgeon et transmet l'une des moitiés à la cellule-fille, ainsi que nous l'avons constaté (PI. XII, fig. 6-7). Mais la forme de la coque est telle que le noyau destiné au bourgeon est facilement retenu dans la cellule-mère ; celle-ci sera alors du type normal à deux énergides. On peut d'ailleurs admettre tout aussi bien, d'après ce que l'on sait des Amibes, que le noyau se divise parfois dansla cellule sans qu'il y ait bipartition du corps. On passe de la même façon aux individus possédant un plus grand nombre d'énergides. Un phénomène de dégénérescence portant sur certains novaux amène parfois la réduction de leur nombre (PI. XIII, fig. 6). Hertwig et les auteurs qui l'ont suivi ont bien signalé la disparition progressive des noyaux ; mais comme cette dis- parition était liée à certains phénomènes que nous attri- buons au parasitisme, ce n'est pas de cette dégénérescence que nous voulons parler. Nous avons rencontré un individu du type normal en (1) E. Martini : Beobachtiingen an Arcella vulgaris (Zeitscli. f. wiss. Zool., Bd. LXXIX). 88 F.-A. DANGEARD bipartition ; l'un des noyaux était à la prophase ; le second noyau était réduit à un amas chromatique irrégulier ; par suite de cette dégénérescence, le type uninucléé primitif se trouvait reproduit à la fois pour la cellule-mère et le bour- geon (PI. XIII, fig.6). Nous avons également observé un individu de grande taille à propos duquel se pose un problème difficile à ré- soudre. La coque renfermait trois noyaux : à droite, se trouvait un très gros noyau ; de l'autre côté, deux noyaux plus petits étaient réunis latéralement par leur nucléoplasme. L'idée qui vient immédiatement à l'esprit est de supposer que l'in- dividu possédait d'abord quatre énergides destinées à se fusionner par deux ; la réunion serait encore incomplète du côté gauche. Nous aurions affaire alors à une réduction dn nombre des noyaux par autogamie ; la chose serait conforme à ce que nous savons des phénomènes sexuels dans le cas de mitoses conjuguées. Est-il besoin de dire cependant qu'avant d'ad- mettre une pareille interprétation, il faudrait établir la cons- tance d'un pareil phénomène et en suivre les résultats. Les noyaux, quel que soitleur nombre, sont ordinairement placés dans la cellule à leur maximum d'éloignement ; aux extrémités d'un même diamètre avec le nombre 2, aux angles d'un triangle, d'un carré ou d'un hexagone pour les chiffres 3, 4, 6. Les exceptions à cette règle au sens large sont en somme assez rares. On rencontre assez fréquemment des individus dont la coque est plus ou moins déformée, et cela avec un nombre de noyaux variant de 2 à 4 ou davantage. Ainsi la coque a parfois son sillon périphérique développé ; la bouche est alors reportée au fond d'une sorte de puits (PI. XII, fig. 8) ; l'Arcelle, dans ce cas, au lieu d'être aplatie, exagère sa forme hémisphérique. D'autres fois, le sillon périphérique montre des ondula- LES RHIZOPODES 89 lions ; !e rebord se contourne de façon variable (PI. XIII, fig. 1-3). Enfin, dans quelques cas, il semblerait que le bourgeon ait soudé sa coque à celle de la cellule-mère (PI. XIII, fig.S). Tous les noyaux dont nous venons déparier ont une struc- ture identique ; non seulement nous ne faisons pas la dis- tinction établie par Hertwig entre les deux noyaux dits primaires et les noyaux secondaires, mais nous avons la con- viction qu'il n'existe qu'une seule sorte de noyaux dérivant les uns des autres par mitose dans les conditions que nous avons indiquées. Quant à la genèse des prétendus noyaux secondaires aux dépens du réseau chromidial tel qu'elle est admise par R. Hertwig, Elpatiewsky, Boris Swarczewsky, etc., nous dirons que ces différents auteurs ont été trompés par des apparences dues à l'ingestion de proies de nature variable, et aussi par le parasitisme ; cette origine des noyaux était trop exceptionnelle pour être exacte. Les Arcelles se multiplient par bipartition ; cette bipar- tition se fait sous la forme d'un bourgeonnement qui a été décrit très exactement au point de vue morphologique, dès 1875, par R. Hertwig et E. Lesser : les détails histologiques du phénomène ont été résumés dans notre travail préliminaire de 1903. Ce mode de reproduction a été étudié depuis par différents auteurs : Boris Swarczewsky est celui qui a vu le plus exacte- ment la division du noyau ; il a suivi de près notre propre description ; mais son travail renferme quelques lacunes ; d'autre part ses figures du noyau en division sont isolées de telle façon qu'il est impossible de se rendre compte des rapports entre la division cellulaire et les mitoses. A cet égard, le mémoire d'Elpatiewsky est plus instructif ; mal- heureusement cet auteur n'a pas su interpréter exactement les stades d'ailleurs peu nombreux qu'il a rencontrés. 90 P.-A. DANGEARD Nous nous trouvons ainsi dans l'obligation de dévelop- per nos résultats de 1903, en y joignant des figures à l'ap- pui. Le protoplasma de l'iVrcelle subit avant la division une épuration ; il se débarrasse des résidusde la digestion ; niais cette règle comporte cependant quelques exceptions, car nous avons parfois rencontré, soit dans la cellule-mère, soit dans le bourgeon, soit dans les deux à la fois, des inclu- sions à l'intérieur de vacuoles alimentaires. Il n'en est pas moins vrai qu'en général le cytoplasme est libre de tout résidu; il est finement granuleux et de structure réticulée- alvéolaire, avec çà et là de grandes vacuoles ; le réseau chro- midial a disparu. La division commence par la formation du bourgeon ; une partie du cytoplasme sort par la bouche de l'Arcelle et s'arrondit en une masse hémisphérique qui va se recouvrir bientôt d'une fine membrane incolore (PI. X, fig. 1-4). C'est pendant ce bourgeonnement que les deux noyaux entrent simultanément en division ; ils vont passer ensemble par les mêmes stades, de sorte qu'il s'agit bien d'une divi- sion conjuguée. Chaque noyau, exactement sphérique, augmente sensible- ment de volume ; le gros nucléole central semble s'être dissous dans la masse du nucléoplasme : celle-ci a l'aspect d'un gros peloton à structure plus ou moins fibrillaire, et ce peloton est séparé de la membrane par une étroite zone in- colore (PI. X, fig. 1-2). Un peu plus tard, ce peloton s'al- longe en un fuseau dans lequel les fibrilles deviennent lon- gitudinales (PI. X, fig. 3-4). Aux deux extrémités, on aper- çoit bientôt des sortes de segments plus chromatiques qu'on pourrait facilement confondre avec des chromosomes. Il s'agit simplement, à notre avis, de la substance nucléolaire qui, d'abord dissoute dans tout le nucléoplasme, vient ensuite s'amasser progressivement aux deux pôles pour y former deux calottes hémisphériques. LES RHIZOPODES 91 Le noyau à ce moment semble avoir repris son contour entièrement sphérique ; la membrane nucléaire est fort nette ; à l'intérieur se trouve le fuseau qui va toucher par ses deux pôles à la membrane, alors qu'il en reste séparé latéralement par un large espace incolore. Par suite de l'accumulation de la substance nucléaire aux deux pôles, le fuseau s'est éclairci et sa substance laisse voir des fibrilles qui réunissent les deux calottes chroma- tiques. A l'équateur, on distingue maintenant un grand nombre de granules chromatiques disposés sur un seul plan ; c'est le stade de la plaque équatoriale (PI. X, fig. 6-8). L'aspect est exactement semblable à celui du même stade chez VAmœba Umax; mais tandis que chez cette der- nière, les deux calottes polaires proviennent directement de la bipartition du nucléole, ici, chez VAïrella vulgaris,\3i subs- tance nucléolaire se dissout d'abord dans le nucléoplasme avant de s'amasser aux pôles. Nous n'avons pas remarqué que ces deux calottes polaires aient la structure vacuolaire décrite par les auteurs précé- dents ; nous avons plutôt noté une structure dense, homo- gène et chromatique; mais la chose n'a pas d'autre impor- tance; Le fuseau s'oriente perpendiculairement à la surface de la coque, si bien que dans chaque noyau l'une des extrémités se trouve dirigée du côté de la bouche (PI. X, fig. 9). En s'allongeant, le fuseau distend la membrane nucléaire; on aperçoit encore les chromosomes, mais ceux-ci ont pris la forme de petits bâtonnets et se sontdédoublés (PI. X,fig. 9). A ce moment, la substance des calottes polaires s'étend presque jusqu'au voisinage des chromosomes ; ceux-ci y disparaissent bientôt ; ou moins on ne les aperçoit plus au stade suivant. Les noyaux, à ce stade, ne laissent voir que les deux ca- lottes polaires réunies par la substance achromatique du fuseau ; la membrane nucléaire disparaît (PI. XI, fig. 1-2-6). 92 p. -A. DANGEARD Le fuseau, en s'allongeant, prend l'aspect d'une haltère, et c'est sous cette forme que l'une des extrémités s'engage dans le bourgeon (PI. XI, fig. 2-3), La rupture va maintenant se faire au milieu ; chaque moitié ressemble alors à une poire dont la queue serait cons- tituée par la partie chromatique du fuseau (PI. XI, fig. 3-4). Comme la division a suivi une marche parallèle pour les deux noyaux, la cellule-mère et la cellule-fille ont mainte- nant deux nouveaux noyaux qui vont prendre peu à peu la structure de l'état de repos. Au moment où la séparation se produit par étirement, chaque noyau ne laisse voir que la calotte chromatique accompagnée de la substance du fuseau (PI. XI, fig. 4) ; l'amas chromatique va s'arrondir en s'éloignant de plus en plus dans le cytoplasme du bourgeon ; il est sans doute tou- jours accompagné de la substance achromatique, mais l'observation est délicate ; on ne saurait dire exactement si cette substance entoure la sphérule chromatique ou si elle est renfermée à son intérieur. En s'en tenant aux apparences, on est conduite considé- rer que chaque calotte chromatique reproduit le nouveau nucléole ; une membrane nucléaire délimite chaque noyau du protoplasme ; l'intervalle entre le nucléole et la mem- brane est tout d'abord incolore ; ce n'est que plus tard qu'on y retrouve les granules chromatiques. De même le nucléole n'a pas au début une structure dense ; on y distin- gue une couronne externe plus colorée, limitant un espace interne moins colorable ; les grains chromatiques n'y apparaissentqu'un peu plustard(Pl. XII, fig. 1-4). Le bourgeon qui constitue la cellule-fille ne se détache de la cellule-mère qu'au moment où les noyaux ont pris la structure de l'état de repos. Ce mode de division que nous avons découvert chez les Arcelles est intéressant à plusieurs égards. Ainsi, on ne peut manquer d'être frappé par la ressem- LES RHIZOPODES 93 blance qui existe entre les stades de cette mitose et ceux qui ont été vus deux ans plus tard chez VAmœha Umax par Vahlkampf. Il se trouve même que la correspondance est à peu près complète si l'on compare à nos propres observations ; la seule différence consiste en ce que chez VAmœha Umax les deux calottes polaires résultent d'une bipartition directe du nucléole, alors que chez VArceUa imlgaris la substance nucléolaire semble se dissoudre dans le nucléoplasme avant de se porter aux pôles; l'aspect du stade de la plaque équatoriale est identique dans les deux cas, el nous en disons autant des stades suivants en forme de long tonnelet et d'haltère. Il faut toutefois remarquer que chez VAmœba Umax^ la substance du fuseau se charge de chromatine, alors qu'elle reste incolore dans l'ircel/a vulgaris; dans les deux espèces, les chromosomes deviennent invisibles après leur dédoublement. Vahlkampf a, il est vrai, décrit chez VAmœba Umax une réunion des granules chromatiques de la plaque équatoriale en trois gros chromosomes : on trouverait même parfois une seule grosse masse chromatique qui se diviserait en deux. Il se peut, nous lavons dit, que ces différences soient dues à l'existence, sous le nom dA- mœha Umax, d'espèces différentes ; mais il n'est pas impos- sible également, étant donnée la chromaticité du fuseau, que Vahlkampf se soit trompé ; il existe, en effet, une dispro- portion très grande entre la masse des granules chromatiques du stade équatorial et celle des trois chromosomes définitifs ou de l'amas chromatique qui en tient la place. Quoi qu'il en soit, l'examen de la mitose chez VArceUa vulgaris est plutôt de nature à confirmer nos résultats à propos de VAmœba Umax. En continuant la comparaison des deux espèces, nous trouvons quelques difficultés d'interprétation à propos des derniers stades de l'anaphase et de la reconstitution des nouveaux noyaux. 94 P. -A. DANGEARD Chez ÏArcella vukjaris, il semble que ce soit les deux calottes polaires qui donnent directement les nouveaux nucléoles ; chez VAniœba Umax, nous voyons au contraire, à lanaphase, disparaître plus ou moins la chromaticité des corpuscules polaires fournis par le nucléole, alors que la substance du fuseau devient très colorable et paraît fournir la masse du nouveau nucléole. Il ne faut pas, selon nous, exagérer la portée de ces dif- férences apparentes; le nucléole, en somme, est un élément transitoire; sa substance est utilisée dans les mitoses le plus souvent à l'état dissous ; si elle n'est pas trop abondante, comme chez VAmœba Gleiclienii, les chromosonies restent bien distincts pendant toute la téléomitose ; si la quantité de substance nucléolaire est plus grande, une partie reste à l'état figuré sous la forme de calottes polaires ; l'autre par- tie, imprégnant le fuseau chromatique, nous masque les chromosomes, sauf au stade de la plaque équatoriale. Les auteurs qui se sont occupés de la division nucléaire chez VArcella vulgaris, comparant leurs résultats à ceux de Gruber, en ont conclu qu'il existe plusieurs modes de divi- sion. Il est inutile d'entrer dans une longue discussion à ce su- jet. Gruber n'a rencontré et dessiné qu'un stade voisin de la métaphase (1) ; n'ayant pas vu les granules chromatiques de la plaque équatoriale, il a cru naturellement que les deux ca- lottes polaires représentaient les chromosomes se reconsti- tuant en un nouveau spirème. Au début de nos recherches, nous avons été sur le point d'adopter cette interprétation. La connaissance de tous les stades successifs de la mi- tose tranche la difficulté ; nous devons admettre que le noyau des Arcelles a une structure identique chez tous les individus et présente un même mode de division. (1) Gruber : Ueber Kernvermehrung {Bericht. d. nat. Gesells. zuFreiburg, 1892, Bd. VI). LES RHIZOPODES 95 La mitose conjugée des Arcelles a pour résultat de fournir à chaque individu des noyaux appartenant à une lignée diffé- rente, c'est-à-dire des noyaux dont la parenté est souvent fort éloignée, puisque pour y arriver nous devons remonter à une Arcelle ne possédant qu'un noyau. Malgré les renseignements fournis par notre note préli- minaire, les derniers auteurs qui ont étudié les Arcelles ne semblent pas avoir saisi l'importance de cette mitose conjuguée. Ainsi nous voyons Boris Swarczewsky mettre en doute la généralité du phénomène: « In bezugauf die Gleichezei- tigkeit in der Theilung der beiden Arcella-Kerne bei der Zweiteilung des Tieres, die Elpaliewsky festgestellt zu haben glaubt, bin ich anderer Meinung. Meinen Beobachtungen zu folge teilen sich die beiden Kerne nicht immer gleich- zeitig, Ausser, dass man sehr oft die beiden Kerne in vers- chiedenen caryokinetischen Stadien beobachten kann, hatte icheinmal in einem meiner Pràparate die Gelegenheit, das folgende Bild zu beobachten : einer der Kerne hat sich schon vollstandig geteilt und Tochterkerne gebildet, wahrend der andere sich erst einzuschuren beginnt. » On nous permettra d'être quelque peu sceptique sur ces conclusions, si l'on considère que l'auteur n'a donné aucune figure à l'appui ; en tout cas, il ne peut être question que de très rares exceptions, et pour notre part nous n'en avons jamais rencontré. L'auteur incontestablement a mal vu cette division, car autrement il n'aurait pas considéré comme douteux le fait que chaque noyau du bourgeon a une origine différente. « Es erscheint mir auch zweifelhaft dass die beiden Kerne des Tochtertieres unbedingt von der Teilung der beiden Kerne des Muttertieres abstammen (1). w Quelquefois, les deux noyaux, en pénétrant dans le bour- {i) Loc. cit., p. 178. 96 p. -A. DANGEARD geon, se trouvent rapprochés : comme ils sont au stade de la reconstitution, leur ensemble simule une division ; on pourrait croire alors qu'un des noyaux va se diviser dans la cellule-fille, alors que l'autre reste dans la cellule-mère ; il y a là une cause d'erreur à éviter (PI. XII, fîg. 2). Nous avons déjà signalé le fait que dans les individus pos- sédant quatre noyaux, chacun d'eux, en se divisant, four- nissait une moitié à la cellule-fille ; la même chose doit se produire avec les cellules à six noyaux. La mitose conjuguée des Arcelles rappelle celle qui existe chez les Basidiomycètes et certains Ascomycètes ; elle existe chez VÀmœha hinucleata, VAmœha Gleichenii, V Knlamœha diploidea , les Trepomonas, etc. Dans la plupart de ces exemples, cette sorte de mitose aboutit, dans le cycle du développement, à un acte fécondateur, à une fusion nucléaire. Il est assez vraisemblable qu'une fusion analogue se produit dans VArcella vulgarisa les recherches ultérieures montreront si le cas isolé que nous avons rencontré doit être interprété de cette façon, et si l'organisme, possédant normalement deux noyaux, revient nécessairement, et dans des conditions déterminées, à la structure uninucléée, par un acte de véritable fécondation. En dehors de la reproduction par bourgeonnement, nous ne connaissonsdune manière certaine chez VArcella vidyaris que le phénomène désigné fréquemment sous le nom de plas- mogamie et qui a été décrit autrefois par Butschli. Celui-ci y voyait un acte préparatoire à la formation d'embryons. Elpa- tiewsky expose la même opinion : cette réunion des indivi- dus précéderait la naissance des pseudopodiospores ; mais cet auteur a été trompé par la présence de parasites. Nous ajouterons que la plasmogamie ne se produit probablement jamais avec les caractères qu'il indique (fig. 23, P. 22). Boris Swarczewsky n'a jamais vu, de son côté, le protoplasma des Arcelles sortir ainsi en masse de la coque pour se réunir en une énorme sphère. Il s'agit peut-être d'une grosse Amibe LES RHIZOPODES 97 plurinucléée, une sorte de Pelomyxa qui se nourrit ainsi aux dépens des Arcelles. Nous avons rencontré de nombreux cas de plasmogamie ; les individus, en nombre variable, sont réunis par leur bouche (PI. XIII, fig. 7). Chaque fois que l'observation s'y prêtait suffisamment, nous avons pu constater que chaque individu conservait son nombre normal de noyaux ; ceux-ci occupaient leur position ordinaire; rien n'était changé dans leur structure. Des colonies de ce genre ont été observées chez d'autres Monothalmes; elles sont fréquentes par exemple chez le Chla- mydoplirys stercorea. Cienkowski, à propos de cette espèce, attribuait ces colonies au fait que les individus avaient con- tinué à se diviser, sans séparation des cellules-filles à chaque bipartition. Il est possible que la même cause produise les mêmes effets chez ÏArcella ; on peut aussi admettre que des indivi- dus isolés puissent se réunir attirés par une même source de chimiotactisme ; enfin l'existence de plasmodes étant fré- quente chez les Amœbiens, rien ne s'oppose à ce que ces co- lonies soient des plasmodes dont l'aspect est rendu particu- lier, par suite de l'existence des coques ; toutes ces hypo- thèses sont très vraisemblables ; les deux dernières même peuvent être confondues en une seule, car la naissance des plasmodes relève évidemment d'un chimiotactisme. Pour nous, le cycle du développement normal de VArceUa vulgaris s arrête ici, si l'on veuts'en tenir aux faits bien établis. Peut-être y découvrira-t-on^des phénomènes sexuels avec fusion de noyaux, comme nous l'avons dit précédemment ; peut-être rencontrera-t-on également un enkystement bien caractérisé, comme dans beaucoup d' Amœbiens. Mais nous avons la conviction absolue qu'il faut écarter dès maintenant tous les modes de reproduction indiqués sous les titres de bourgeonnement a knospenbildung », aga- mogonie, gamogonie et chromidiogamie. LE BOTANISTE. 98 P.-A. DANGEARD Prenons d'abord le bourgeonnement décrit par Boris Swarczewsky (1). D'après cet auteur, l'Arcelle pendant toute sa vie produi- rait à la périphérie de son protoplasma des bourgeons qui, en s'isolant, deviendraient autant de petites Amibes ayant chacune un noyau nucléole ; le même individu présente un nombre variable de ces bourgeons, de un à six, ordinai- rement ; leur diamètre varie entre 3 et o p.. Les deux noyaux ordinaires ne prennent pas part à ce mode de reproduction ; c'est le réseau chromidial qui donne naissance aux petits noyaux des Amibes. L'auteur n'a pas suivi le sort ultérieur de ces petites Amibes. Nous le croyons volontiers, car s'il l'avait fait, il aurait bien vite reconnu son erreur. Il est difficile, d'après les ligures de l'auteur (1(), 17, PI. 15), de dire à quel organisme étranger appartiennent ces prétendus bourgeons ; l'un a la forme et aussi la dimension moyenne duChilomonasParamœcium, nourriture souvent in- gérée par les Arcelles ; mais le second est dessiné avec des pseudopodes. Rien à retenir d'observations aussi incom- plètes. Passons à Vagamogonie. Ce mode de reproduction devrait, semble-t-il, être bien établi, puisque deux auteurs s'accor- dent pour une même interprétation. « W. Elpatiewsky bes- chreibt im Arcella korper die Bildung der vom ihm Pseudo- podiospores genannten Gebilde. Die von mir beobachteten ïatsachen bestâtigen vollkommen sowohl das Vorhanden- sein dièses Vorganges als auth den von Elpatiewsky geschil- derten Verlauf (2). » Nous avons heureusement ici une abondance de détails qui ne peut laisser aucun doute sur la nature parasitaire des prétendus agamètes. (1) Boris Swarczewsky : Loc. cit., p. 179. (2) Loc. cit., p. 180. LES RTTIZOPODES 99 Gela nous dispense de faire ressortir toutes les invraisem- blances de leur mode de formation. Nous reconnaissons facilement dans les figures 24 et 25 (PI. 15) le Nucleariu deUcatula ou une espèce très voisine. Dans le cours de nos études sur les organismes inférieurs, nous avons eu l'occasion bien souvent de rencontrer ce Nuclearia ; c'est un fait caractéristique de le trouver en exemplaire plus ou moins nombreux, attablé, comme dans la fig. 25, à une même proie dont il ingère le contenu. Ici, le Nuclearia absorbe le contenu de l'Arcelle, avec les amas chromatiques du réseau chromidial [ûg. 21, 22), puis il expulse des résidus (fig. 31). Enfin il s enkyste exactement (ûg. 8, PI. 14), suivant le mode que nous avons décrit autrefois à la suite de Cienkowski pour le Nuclearia sim- plex. Nous sommes surpris que l'auteur, qui a conslaté lui-même la ressemblance de ces prétendus agamètes avec les Nuclea- ria, ait pu continuer à décrire tous ces phénomènes si nets de parasitisme sous le nom de reproduction asexuelle. 11 a fallu qu'il soit entraîné (1) dans cette voie par la série des observations de Schaudinn sur diverses formes de Khi- zopodes d'eau douce et d'eau salée, telles que les Echino- pijxis, les Calcitiiba, les PateUina, les Miliohi., où la cellule- mère fournit un plus ou moins grand nombre d'embryons. En ce qui me concerne, je ne crois pas du tout à la nais- sance des noyaux de ces embryons aux dépens du chromi- dium (lïchinopijxis), d'autant plus que dans cette même espèce on a vu, et alors d'une façon sûre, le noyau de la cellule-mère être la souche de ces noyaux (J). , Puisqu'il s'agit chez VArcella vulgaris de faits de parasi- tisme, nous considérons comme sans objet toutes les con- sidérations développées par Boris Swarczewsky dans les pages 189-191 sur la parenté des Arcelles et des Pseudo- (i) Voii' Boris Su-arczewsky : Loc. cit., p. 185. 100 P -A. DANGEARD chlamys ; si cette parenté devait être établie, ce serait dans une autre direction. Nous arrivons à la reproduction sexuelle ou (jamofjamie. Elle aurait lieu, d'après les observations d'Awerinzew et d'Elpatiewsky,pardes macro et des microamibes ; ce dernier auteur a même dessiné sur le vivant la copulation d'une mi- croamibe. Il nous semble complètement inutile d'entrer dans le dé- tail des descriptions données par les auteurs : c'est toujours le réseau chromidial qui entre en jeu pour la formation des noyaux de gamètes ; les deux noyaux ordinaires passent en dégénérescence et sont abandonnés comme résidus ou dis- paraissent tout à fait ; macroamibes et microamibes ne sont que de vulgaires rhizopodes parasites, et la fusion vue par Elpatiewsky n'est autre cliose qu'une réunion de deux indi- vidus analogue à celle que nous avons signalée autrefois chez Nuclearia simplex. Comment a-t-on pu croire un seul instant que la reproduc- tion de l'Arcelle s'éloignait à ce point des règlesordinaires ? Accepter que les deux uniques noyaux de la cellule ne prennent aucune part à la fécondation ! Admettre qu'un ré- seau chromidial qui n'a aucune autonomie, qui n'existe même pas chez beaucoup d'individus, engendre des noyaux d'organes reproducteurs. Il était temps de réagir. Nous n'avons plus à parler que de la chromidiogamie. Tout est étrange dans cette histoire de VArcella vukjaris. Boris Swarczewsky nous indique en quoi consiste cette nouvelle dérogation aux lois les mieux établies de la théorie cellulaire. C'est en hiver et au printemps que le phénomène a été observé ; deuxArcelles se mettent en contact par la bouche ; le cytoplasme de l'un, presque en entier, va se mélanger avec celui du second individu ; après quelque temps, le cytoplasme se répartit à nouveau également entre les deux coques. Pendant cette copulation, il se produit : LES RHIZOPODES 101 1° Une dégénérescence des deux noyaux ordinaires ; 2° Une dissémination du chromidium à travers tout le cy- toplasme; 3° Une répartition "austausch'' de cette substance chroma- tique pulvérisée entre les deux individus en conjugaison ; 4° Une naissance de noyaux secondaires aux dépens des fines particules chromatiques disséminées dans le cyto- plasme. Les figures assez nombreuses fournies par l'auteur dans sa PI. XVI ne sont, à notre avis, nullement démonstratives ; n'ayant pas suivi les tout premiers stades de la mitose et les derniers, il a dû être trompé par certains aspects. Ainsi sa fig. 35 se rapporte très probablement au stade de recons- titution des noyaux-filles; l'aspect des noyaux dans les fig. 36, 37, 39 est plutôt celui des noyaux à la prophase, alors que leur volume a sensiblement augmenté et que la substance nucléolaire s'est dissoute dans le nucléoplasme. Nous ne pouvons naturellement rien affirmer, étant donné surtout que l'auteur figure les deux individus avec des coques d'égale épaisseur ; mais on ne peut manquer d'être frappé par le fait que les aspects des noyaux qu'il représente au titre chr-omidiogamie sont précisément ceux qu'il n'a pas su voir dans la mitose ordinaire. Là, se termine cette étude de YArcdla vulgaris ; elle com- prend, comme on le voit, deux parties distinctes : une contri- bution personnelle à la connaissance de la reproduction or- dinaire par bipartition, une critique des autres modes de reproduction attribués à tort aï Arcella. D'aucuns trouve- ront peut-être que nous aurions pu nous dispenser de cette réfutation qui tend à jeter le discrédit sur plusieurs mé- moires récents relatifs à VArcella vulgaris. Si nous l'avons fait, ce n'est qu'à notre corps défendant ; mais il y a un véri- table danger à laisser s'établir dans la science des organis- mes inférieurs de telles données ; elles faussent tout l'en- semble de nos connaissances sur la cellule et la reproduc- 102 P.-A. DANGEARD tion ; mieux vaut signaler le danger pendant qu'il en est encore temps et épargner à d'autres de pareils mécomptes. Lecytho(hjlca\ Nous réunirons ici sous ce nom deux genres qui parais- sent avoir entre eux des affinités étroites, malgré les diffé- rences d'habitat et de nutrition qui les séparent; d'un autre côté, ces genres, dans leur. développement, rappellent d'assez près les Microfjromia, hs Lccythium, les Vluloum, etc. lA'cijUiodijlcs paradunis Dang. (PI. xiv-xv.) Nous avons créé le genre Lecijtlwdijtes, en juin 1008, pour un organisme intéressant qui ravageait nos cultures de Chrornulina ; ses principaux caractères ont été indiqués dans une note insérée aux comptes rendus (1). L'étude de cette espèce est un des meilleurs exemples que l'on puisse choisir pour montrer l'importance des phéno- mènes de parasitisme chez les organismes inférieurs, les erreurs que ces phénomènes peuvent entraîner dans l'inter- prétation du développement de ces êtres, les difficultés que l'on rencontre à les éclairer complètement. Cette question du parasitisme, à laquelle nous avons con- sacré beaucoup de temps, a déjà fourni des résultats im- portants ; rappelons brièvement quelques-uns d'entre eux. Stein avait attribué aux Flagellés un mode de reproduc- tion par germes endogènes ; cette théorie était devenue classique. En 1886, il y a vingt-sept ans, nous donnions la preuve que ces germes endogènes appartenaient à un para- site dont le développement fut suivi en détail et qui reçut le nom de Spliœrita endo(jma . (1) P.-A. Dangeard : Sur un nouveau parasite des Chrysomonadinées, le Lecythodytes paradoxus (Comptes rendus Acad. des se-, 1er juin 1908). LES RiriZOPODES 103 Plus récemment, nous avons rectifié des interprétations également erronées au sujet de la reproduction des Amibes attaquées par les Nucléopiiages (1). Cette question du parasitisme chez les organismes infé- rieurs n'a rien perdu de son actualité ; nous avons vu pré- cédemment, à propos des Arcelles, à quels résultats on ar- rive lorsqu'on n'est pas suffisamment en garde contre les diverses manières d'être des parasites et leur mode d'action. 11 nous serait facile de relever dans la littérature récente relative à la Protistologie, un certain nombre d'erreurs sem- blables (2) ; d'autres se produiront fatalement et il ne fau- dra pas s'en étonner. La description du Lecythodijtes paradonis n'a pas été obte- nue sans difficultés : rarement nous nous étions trouvé en face d'un sujet aussi difficile et d'interprétation aussi déli- cate ; nous croyons cependant être arrivé à des résultats exacts. Afin d'aider ceux qui retrouveront cette intéressante espèce, nous donnerons ici tous les aspects que nous avons rencontrés en les groupant, autant que possible, dans l'ordre qu'ils occupent au cours du développement. Le parasite s'est montré sur des cultures de CliromuUna qui provenaient des bassins du petit jardin de Blossac à Poitiers ; l'espèce pouvait être identifiée avec le ('hr. Rosanoffi son abondance à la surface de l'eau, son apparition rapide à cer- taines époques de l'année et surtout au printemps, avaient souvent intrigué le conservateur du jardin. Woronin a montré (3) comment les cellules mobiles de cette Chrysomonadinée se réfugient à la surface de l'eau, cessent leurs mouvements, s'arrondissent et passent à l'état d'enkystement transitoire (PI. XJV, fig. 5). (h p. -A. Dangeai'd : Mémoires sur les parasites du noijau cl du proto- plasma (le Botaniste, série IV, 1894-1893, p. 199-249). (2) R. (ioldschrnidt : Lebensgesch. d. Masliyamôben (Arch. f. Protist., Suppl. 1, léna, 1907, p. 81). ■ (3) Woronin : Chromopfujlon (Bot. Zeit., 1880). 104 p. -A. DANGEARD Ces Chromulina^ SOUS la forme kystes, peuvent être com- parés assez exactement à de petits ballons d'expérience qui flotteraient à la surface de l'eau, le goulot tourné vers le bas ; à l'intérieur de ces kystes, de nouveaux germes se pro- duisent continuellement au moyen de bipartitions succes- sives. En se réfugiant ainsi au-dessus de l'eau, il semble que le Chromulina ait voulu se mettre à l'abri des nombreux enne- mis qui, dans l'eau, le guettent et le dévorent; cet infiniment petit a réalisé, en sens différent, le but que poursuivaient nos ancêtres dans leurs habitations lacustres. Malheureusement, il s'est trouvé un ennemi qui a su for- cer la porte de l'habitation et qui, pénétrant par le goulot du ballon, s'attaque au Chromulina et à sa progéniture. Ce parasite se présente, dans l'eau, sous la forme d'une zoospore allongée, amincie aux deux extrémités qui se ter- minent chacune par un long flagellum (PI. XV, fig. 32); ces zoospores avancent presque en ligne droite en agitant leur flagellum d avant. Le protoplasma est homogène et incolore, sauf vers le tiers postérieur du corps où se trou- vent de petits granules réfringents. Ce sont ces zoospores qui, nageant dans l'eau, entrent par le goulot à l'intérieur des kystes du Chromulina ; elles y pénètrent d'autant plus facile- ment que leur corps est éminemment contractile el peut s'é- tirer et s'étendre comme celui d'une Amibe. Comme nous le verrons plus loin, nous avons assisté à la formation de ces zoospores et à leur sortie dans l'eau ; mais nous devons ajouter que la pénétration de ces parasites à travers le goulot des Chromulina n'a pas été constatée di- rectement ; nous avons simplement vu le parasite immédia- tement après son passage, alors qu'il prend la forme sphé- rique. Ce germe endogène n'occupe pas une position déterminée dans la cellule ; assez souvent le parasite reste au voisinage du col, mais on le trouve tout aussi bien sur le côté, au LES RHIZOPODES 105 milieii ou tout au fond de la bouteille (PI. XIV, fîg. 6-8). 11 est absolument impossible de suivre sur les cellules vi- vantes du Chromulina l'action du parasite : on n'arriverait même que difficilement à constater sa présence. En employant les réactifs colorants, on peut au contraire voir tous les stades du développement ; l'hématoxyline, comme toujours, nous a donné d'excellents résultats, bien qu'elle colore plus ou moins la membrane de la cellule hos- pitalière ; les autres réactifs colorants ordinaires peuvent être aussi employés. La distinction du parasite et de l'hôte se fait avec la plus grande netteté ; tandis que la Chrysomonadinée possède un protoplasma achromatique clair, avec granules de leucosine et fragments ou traces des chromatophores, le parasite montre un protoplasma beaucoup plus dense, légèrement chromatique (PI. XIV, fig. 6-11) ; ce germe endogène dans les premiers stades a une forme sphérique. Aucun doute ne saurait exister au sujet de la nature pa- rasitaire de ces germes: chacun d'eux possède en son centre un noyau très net avec membrane nucléaire, nucléoplasme et nucléole. La cellule hospitalière, de son côté, laisse voir pendant longtemps son propre noyau qui est ordinairement médian : ce noyau ressemble à celui des autres Chrysomonadinées ; le nucléole est très petit et le nucléoplasme achromatique (PI. XIV, fig. 6-16). Le parasite attaque les kystes du Chromulina à un stade quelconque de leur développement ; ainsi on rencontre les germes endogènes même au stade de la sporulation, alors que la cellule se divise en deux ou en quatre embryons (PI. XIV, fig. 18-26). Chaque cellule de Chromulina, en effet, dans les condi- tions normales, fournit deux ou quatre zoospores ; la pre- mière bipartition est longitudinale et la seconde lui est plus ou moins perpendiculaire. L'aspect est un peu, à ce moment, 106 P. -A. DANGEARD abstraction faite du col, celui d'un sporange de Polytoma (PI. XIV, fig. 18, 21, 23, 24) ; or les germes endogènes se rencontrent tout aussi bien dans ces sporanges que dans les cellules ordinaires ; la distinction entre le parasite et l'hôte reste toujours aussi nette. Nous allons maintenant nous attacher à suivre le dévelop- pement des germes endogènes. Le parasite se nourrit en saprophyte tout au moins au dé- but ; toutefois, à en juger par la présence de certains gra- nules dans la zone externe, il serait aussi capable d'ingérer dans cette zone des particules alimentaires et de les y digé- rer. Quoi qu'il en soit, le protoplasma de l'hôte disparaît pro- gressivement et celui du parasite augmente d'autant ; la forme de ce dernier se modifie; il n'est plus exactement sphérique et la surface devient plus ou moins irrégulière (PI. XIV, fig. 12-17). En même temps, le noyau commence à se séparer du cy- toplasme dense et homogène par un intervalle incolore ; cette disposition va s'accentuer de sorte que l'élément nu- cléaire se trouve ainsi logé dans une sorte de chambre (PI. XV, fig. 1-10). Il est nécessaire de noter que, sous l'action parasitaire, la cellule du Chromidbia subit en général une augmentation de volume notable, et aussi parfois des déformations. Le parasite finit par s'incorporer tout le protoplasma de la cellule ; le noyau du Cliromulina reste visible presque jusqu'à la fin ; il disparaît à son tour (PI. XIV, fig. 12-17 ; PI. XV, fig. 1-5). Le Lecijthodijtes reste alors complètement seul dans la cel- lule qu'il a vidée de son contenu ; il n'a pas de membrane propre ; il a emprunté pour se protéger la coque du Chro- midina . Nous avons comparé ce cas à celui du Bernard- l'Ermite. On peut se rendre compte maintenant des difficultés que LES RIIIZOPODES 107 présentait l'étude de cet organisme ; au stade où nous sommes arrivé, il ressemble tout à fait à un Mkroçfromia ou à une espèce du genre Platoum ; on ne supposerait jamais que la coque qui entoure le protoplasma est celle d'un ChromuUna plus ou moins modifiée et déformée, si les stades que nous avons décrits précédemment ne le prouvaient surabondam- ment. Nous allons maintenant suivrele développement ultérieur de ce bizarre organisme. Au centre, dans une chambre devenue assez large, se trouve logé le noyau ; son diamètre a augmenté ; le nucléo- plasme est devenu plus ou moins chromatique et granuleux. Bien que nous n'ayons pas réussi à suivre la division nu- cléaire, il paraît certain que la chambre qui renferme le noyau permet la formation du fuseau et la séparation des noyaux frères ; la couronne de protoplasma qui entoure cette chambre est, en effet, d'une densité telle qu'elle serait un obstacle aux phénomènes de mitose. La première bipartition est transversale (PI. XV, fig. lo) et la seconde lui est souvent perpendiculaire ; la division s'arrête là ou se continue jusqu'au stade seize (PI. XV, fig. 18-28). La multiplication se fait donc par une sporulation et le sporange donne naissanceà un nombre variable de zoospores. Le nombre le plus fréquent est quatre ou huit ; mais certains sporanges fournissent seize zoospores. Les zoospores se for- ment par des bipartitions successives du protoplasma accom- pagnées chacune par une division correspondante du noyau. Pendant la sporulation, les noyaux sont situés directement au milieu du protoplasma. Les zoospores s'agitent parfois longtemps dans la coque du ChromuUna avant d'efîectuerleur sortie. Nous avons été assez heureux pour observer le phénomène : elles se déforment comme des Amibes en traversant l'étroit goulot de la coque ; arrivées à l'extérieur, elles prennent assez rapidement cette 108 P -A. DANGEARD forme allongée en navette par laquelle nousavons commencé la description de cette espèce (PI. XV, fig. 32 . Les déformations de la coque sont surtout fréquentes au stade de la sporulation (PI. XV, fig. 28, 30, 31). L'épidémie causée par ce parasite présente un caractère de gravité exceptionnel : en trois ou quatre jours, des cultures prospères du Chromiilma se trouvent décimées. Exceptionnellement, deux parasites peuvent envahir la même cellule hospitalière ; leur développement suit alors une marche parallèle (PI. XIV, fig 10 , PI. XV, fig. 16-17). Nous avons été très embarrassé au début pour préciser la position systématique de ce parasite. On aurait pu être tenté, à cause de la présence des sporanges, de le placer dans les Chytridiacées inférieures ou encore au voisinage des Mo- nadinées zoosporées. Nous sommes arrivé cependant à une autre conclusion ; nous pensons que le Lecijtlwdijtes doit prendre place à côté du genre suivant, à cause de l'identité de structure ; l'exis- tence dans les deux genres d'une chambre nucléaire ren- fermant le noyau autorise le rapprochement qui se trouve encore justifié par la nature particulière du protoplasma qui entoure cette chambre. Si on se reporte, d'autre part, au mémoire de Richard Hertwig sur le Microf/romia socialis (1), on voit que la for- mation des embryons dans cette espèce n'est pas sans une certaine analogie avec la sporulation dans notre parasite. Nous croyons donc que le Lecythocîytes paradoxus est un Rhizopode voisin des Gromides qui a pris des caractères spéciaux à cause de son parasitisme. Nous nous expliquons ainsi que le cytoplasme du corps reste nu pendant toute l'existence de l'animal, ce qui est extrêmement rare parmi les êtres vivants. Quant à la présence des flagellums, elle ne saurait suffire ici à faire de l'organisme un Flagellé : les (1) R. Hertwig : Ueber mikrogromia socialis. LES RHIZOPODES 109 embryons du Microgromia socialis ont aussi des pseudopodes d'allures flagelliformes, et personne ne songe cependant à les retirer du groupe des Rhizopodes. 2° Lecythina slercorea nov. g. nov. sp. (PI. XVI, fig. 1-35.) Nous avons étudié celte espèce en mai 1908 ; elle s'est développée dans une décoction de crottin de cheval étendue d'eau. La coque est sphérique ordinairement et d'un diamètre moyen de 20 p. ; elle est constituée par une membrane cu- tinisée sans structure apparente et elle communique avec l'extérieur par un col très court cylindrique (PI. XVI, fig. 1)- Le cytoplasme renfermé dans cette coque est réfringent, homogène dans sa partie interne ; au voisinage de la mem- brane, il montre des granulations dont quelques-unes rou- geâtres sont des résidus de la digestion ; parmi les autres, on reconnaît des bactéries qui ont été ingérées, La couche superficielle du protoplasma est donc chargée des fonctions de digestion ; nous avons vu ainsi un granule qui a d'abord été expulsé hors du col à une faible distance ; il a été attiré de nouveau, repris dans le protoplasma ; nous avons pu le suivre un certain temps dans la zone corticale chargée de la digestion. Nous avons essayé, mais sans succès, de voir comment les aliments se trouvaient attirés dans le col de cet orga- nisme; ordinairement, chez les genres voisins, le cytoplasme proémine sous forme de pseudopodes filiformes ou de lobes ; ici, nous n'avons rien observé de pareil, quoique la chose se produise vraisemblablement. > La structure de cet organisme est assez particulière ; au centre, se trouve un noyau sphérique ordinaire ; le noyau comprend une membrane nucléaire, un nucléoplasme fine- 110 P -A. DANGEARD ment granuleux et un gros nucléole central ; c'est le stade de repos pendant lequel le diamètre du noyau ne dépasse guère 5 à 6 /j. (Pl.XVl,fig. 1-5). Tout autour du noyau existe un espace annulaire incolore qui est limité lui-même extérieurement par une couronne plus ou moins épaisse de protoplasma homogène, très dense et chromatique ; la limite est fort nette du côté in- terne ; elle l'est moins du côté externe, où le cytoplasme dense se relie insensiblement à la zone granuleuse externe chargée de la digestion. Cette couronne de cytoplasme chromatique est parfois interrompue à la partie postérieure du corps (PI. XVI, fig. 5). La reproduction se fait par une bipartition transversale du corps qui s'effectue à l'intérieur de la coque (PI. XVI, fig. 30-35). Le noyau commence par augmenter de diamètre ; il arrive alors à remplir tout l'espace annulaire incolore et sa surface touche alors directement au cytoplasme. On est alors conduit à supposer que cette chambre dans laquelle se trouve le noyau à l'état de repos est ménagée pour permet- tre plus tard l'augmentation de volume du noyau ; sans cette disposition, celui-ci viendrait se heurtera la résis- tance du protoplasma dont nous avons constaté la densité et la structure homogène (PI. XVI, fig. 7-10). Le diamètre du noyau atteint alors 10 à 12 fj., c'est-à-dire la moitié du diamètre total de la coque. 11 n'existe pas beau- coup de cas chez les organismes unicelullaires où le volume du noyau soit devenu aussi considérable par rapport au vo- lume total de la cellule. Le nucléole pendant cette augmentation de volume a une tendance à se porter vers la surface, tandis que le nucléo- plasme montre des granulations chromatiques nombreuses et distinctes (PI. XVI, fig. 7-10). C'est au début de ce stade que nous avons constaté l'exis- tence d'un centrosome ; certains aspects pourraient faire LES RHIZOFODES 111 croire qu'il prend naissance à l'intérieur du noyau ; mais nous avons observé d'autres cas où il se montre nettement situé entre la membrane nucléaire et la zone de protoplasma chromatique (PI. XVI, fig. 15). Nous croyons donc que, dans cette espèce, le centrosome esi ed-tmnucléaire. Il est cons- titué par une spliérule homogène, peu chromatique, entou- rée d'une auréole incolore ; nous n'avons pas observé de radiations cytoplasmiques formant aster. Les granulations chromatiques du noyau se présentent sous différents aspects, très nombreuses et très fines, moins nombreuses et plus grosses, dispersées régulièrement dans la masse ou réparties très inégalement ; elles sont parfois orientées en files régulières par rapport au nucléole (PI. XVI, fig. 10). Leur nombre varie beaucoup sans que nous ayons pu établir un ordre régulier dans la succession de ces di- vers états. Le centrosome, d'abord unique, se divise ; le corpuscule se sépare simplement en deu.x moitiés qui s'écartent lente- ment l'une de l'autre pour venir se placer au.x deu.x pôles. (PI. XVI, fig. 18-28). Pendant que se produit la division du centrosome, les granules chromatiques diminuent sensiblement en nombre, et ils viennent se placer entre les deux centrosomes (PI. XVI, fig. 26-28). A ce stade, que nous assimilons à celui de la plaque équa- toriale, le nucléole vient de disparaître ; la membrane nu- cléaire elle-même est devenue plus ou moins indistincte; de plus l'anneau de cytoplasme chromatique s'est fendu en son milieu ; il forme ainsi deux sortes de couvercles qui re- couvrent le noyau en division. Il nous manque là un stade intéressant ; nous ignorons comment se sépare la chromatine au stade de la plaque équatoriale ; les aspects qui suivent ne montrent de chaque côté qu'une sorte d'amas chromatique provenant sans doute de la fusion des chromosomes (PI. XVI, fig. 30) ; cet amas 112 P.-A. DAMGEARD est entouré d'une zone incolore qui se recouvre d'une membrane nucléaire ; les deux nouveaux noyaux sont re- constitués (PI. XVI, fig. 31-35). A la place de la masse chromatique, on retrouve plus tard le nucléole, alors que dans l'intervalle apparaissent de nou- velles granulations. Si l'on s'en tenait aux apparences, il semblerait donc que ce sont les chromosomes qui fournissent les nouveaux nu- cléoles ; en réalité, il est probable que les chromosomes ne font qu'abandonner leur chromatine au nucléole. Les centrosomes disparaissent à la fin de la division. Il est intéressant de constater la diminution de volume qui accompagne la reconstitution des nouveaux noyaux qui se trouvent replacés chacun au centre d'une chambre incolore (PI. XVI, fig. 35). Nous n'avons pas assisté à la sortie des deux individus pro- venant de la bipartition. Tout est intéressant dans le développement de cet orga- nisme. 1° La présence d'une chambre nucléaire, entourée d'une zone nette de protoplasma dense, constitue un caractère remarquable de cette espèce ; il pourra peut-être servir plus tard à constituer un groupe homogène parmi ces Rhizopo- des. Nous avons déjà signalé une structure analogue dans le Lccylhodytes paradoxus, ce qui nous fait admettre que les deux organismes sont voisins ; les différences qui les séparent résultent évidemment de l'existence parasite de ce dernier. 2" L'augmentation considérable de volume du noyau à la prophase, la présence d'un centrosome extranucléaire, la formation de la plaque équatoriale aux dépens des granules chromatiques, constituent un ensemble qui donne à la divi- sion nucléaire de cet organisme une place à part dans la téléomitose. Ce genre est voisin des Lecythium et du genre Platoum. LES FLAGELLÉS 113 m^ PARTIE LES FLAGELLES. Dans cette troisième partie, nous étudierons un certain nombre de Flagellés, afin de pouvoir établir d'utiles compa- raisons avec les Amœbiens et les Rhizopodes que nous ve- nons de décrire. Nous ne reviendrons pas icisurlaparenté des Amœbiens et des Flagellés ; on sait que ceux-ci ne sont autre chose que des Amibes chez lesquels un ou plusieurs pseudopodes se sont différenciés en ilagellums. 11 est facile de suivre direc- tement cette transformation sur le vivant, dans le Cercomo- ruis; on assiste en quelques instants à la métamorphose d'un pseudopode ordinaire en un flagellum bien caractérisé. Dans d'autres Flagellés, comme les Ciliuphyrs, l'organisme vit et se multiplie tantôt sous sa forme primitive de Rhizo- pode, tantôt sous celle de Flagellé (1). Ce sont là, il est vrai, des espèces intermédiaires entre les deux groupes; dans les Flagellés ordinîjires, le corps, en général, possède une forme fixe ; les pseudopodes man- quent et les flageilums persistent au moins pendant toute la vie active de la cellule (2). La systématique des Flagellés est comprise de façon va- riable avec les auteurs. llnepeutêlre question à l'heure actuelle de conservera ce groupe son ancienne extension, telle qu'on la trouve dans les grands ouvrages d'Ehrenberg, de Dujardin, de Stein. (le Saville-Kent et de Butschli. (1) p. -A. Dangeard : Maladies des algues et des animaux (le Botaniste, série II, p. 232). (2) Stein : Der Organismus des Infusionsth., III, Flagellaten, Leipzig, 1878. LE BOTANISTE, a, 114 P.-A. DANGEARD Sous l'influence d'un mouvement auquel nous avons pris une part active, il a bien fallu reconnaître que certaines familles, comme les Volvocinées, les Chlamydomonadinées, les Polybléparidées, constituaient des familles d'algues in- férieures. Mais beaucoup de naturalistes, à l'exemple de Klebs, de Senn, etc., continuent à rattacher aux Flagellés des familles qui, comme les précédentes, possèdent, une nutrition végé- tale et doivent être considérées comme des familles d'al- gues ; ce sont les Chrysomonadinées, les Cliloromonadinées, les Eugléniens, les Péridiniens. Nous avons montré, à diverses reprises, qu'il y a là une erreur manifeste ; sans doute, ces êtres possèdent encore la plupart des caractères des Flagellés, leurs ancêtres ; mais la différenciation végétale y est nettement accusée ; cette différenciation a pour cause la disparition de la nutri- tion animale remplacée par la nutrition superficielle et la nutrition holophytique. L'apparition de ces caractères nou- veaux, qui modifie l'organisme dans le sens végétal, marque le point de contact des familles d'algues inférieures avec les Flagellés ; elle indique l'origine de ces familles ; celles-ci doivent commencer avec la cause qui les a produites. Peu importe qu'à ce niveau il y ait quelques formes indécises, ayant encore un mode de nutrition animale ou saprophy- tique ; elles sont là, occupant la base de chaque famille d'algues inférieures, pour témoigner de la parenté de ces familles avec les Flagellés. Ces idées se propagent peu à peu, et on commence à étudier, timidement il est vrai, les Eugléniens et les Péridi- niens, parmi les Thallophytes, dans quelques traités clas- siques (1). Une des plus récentes classifications proposées dans le vaste système des Protozoaires est celle de Max Hart- (i) Strasburger, Noll. — Lehrbuch der Botanik, 1X° édition, 1907. LES FLAGELLÉS 115 mann (1) ; elle suit sur plusieurs points celle de Doflein (2). La classe II, celle des Mastigophora de Diesing, com- prend trois sous-classes : Flagellata^ DinofJagellata et Cysto- flageUata . Les Flagellata sont divisés en six ordres : Protomonadina^ Polymastigina, Binucleata Hartmann, Euglenoidea, Chromo- monadina, Phytomonadina . Les autres classes de Protozoaires sont: I. Khizopoda, avec les cinq ordres suivants : Amœbina, Mycetozoa, Foraminifera, Heliozoa, Radiolaria. La classe III est celle des Teîosporidia avec deux ordres : Coccidia, Gregarinida. La classe IV est celle des Neosporidia , compreuaui les Myxosporidia, Microaporidia, etc. Ces quatre classes forment la série des Plasmodroma ; une autre série, celle des Ciliophora, comprend la classe des Ciliata et celle des Suctoria. Si nous enlevons des Flagellata les ordres compris sous le nom Euglenoidea, Cliromomonadina et Pliytomonadina pour en faire des familles d'algues inférieures, il ne reste plus comme Flagellés proprementdits que les Protomonadina, les Polymasligina et les Binucleata. L'ordre des Binucleata est fondé par Hartmann sur une particularité d'organisation sur laquelle il y a lieu de faire les plus extrêmes réserves. On sait que chez les Trypanosomes, le flagellum s'insère sur un corpuscule chromatique qui est désigné par les uns sous le nom de centrosome, par les autres sous le nom de blépharoplaste ; le flagellum partant de ce nodule chroma- tique borde la membrane ondulante et présente en avant du corps une partie libre plus ou moins longue. Or, Hartmann et Prowazek considèrent ce blépharo- (1) Hartmann : Das System der Protozoen (Archiv. f. Protist.,Bd. X, 1907, p. 139). (2) Doflein : Das System der Protozcen (Archiv. f. Protist., Bd. I p. 169). 116 P. -A. DANGEARD plaste comme un second noyau, et voici comment ils s'ex- priment à ce sujet (1) : « In der Trypanosomenzelle kommt neben dem eigentlichen Kern,den wir mit dem indifîeren- ten Namen Hauptkern bezeichnen wolien, ein mit der Saumgeissel in Zusammenhang stehendes Kerngebilde der Blepharoplasl vor. von dem auf entwicklungsgeschichtli- chen Wegeder Nachweis erbracht worden ist, dass er ein zvveiter Kern ist, der die gleiche Zahl von Ghromosomen und auch einen besonderen Teilungsapparat besitzt. Die Trypanosomenzelle ist zweikernig. Beide kerne unterlie- gen der Reduktion und es findet eine Doppelbefruchtung statt-es entstehen zunàchst zwei Syncaryen, die dann mi- teinander zu einem Amphicaryon, einem gleichsam ineinan- dergeschachtelten Doppelkern, verschmelzen. Das Amphica- ryon besitzt dann einen Innenkôrper (Garyosom) sowie pe- ripheres Chromatin neben Kernsaft und der bekannten achromatischen Substanz. Der Innenkorper besteht aus Plastin und Chromatin. Dièses Amphicaryon ist aber omni- potent, es kann nach Verlust des Blepharoplasts einen neuen Blepharoplast bilden. » Nous avons tenu à citer ce passage en entier, parce qu'il résume bien les tendances nouvelles : l'ordre desBiniicleala comprendrait les genres dans lesquels il existerait ainsi un second noyau qualifié de « noyau locomoteur » ; ce sont les genres Trijpanosoma, Crithidia, Irypanosplasma^ Herpetomonas, liabesia {Piroplasma)^ Leihsmania, Hœmopro- teus^ Proteosomu, IHasmodium, etc. De la sorte le groupe des Hématozoaires se trouverait remplacé par celui des Bniu- cleata. Nous n'hésitons pas personnellement à dire qu'on fait fausse route, comme dans la question des chromidies, et peut-être beaucoup seront-ils de notre avis, lorsque nous (1) Hartmann el Prowazek : Blepharoplast. Caryosom und Centrosom (Arch. f. Protist., Bd. X, p. 309). LES FLAGELLÉS 117 aurons jeté un coup d'ceil sur les rapports du système loco- moteur avec le noyau, sur le mode de division de celui-ci, sur l'existence de Flagellés à deux noyaux et sur les faits d'autogamie et de reproduction sexuelle. En février 1800, nous signalions (1) la présence chez les Chiamydomonadinées, à l'endroit d'insertion des flagellums, d'un petit nodule chromatique qui pouvait être comparé aux blépharoplastes rencontrés dans la spermatogenèse des Characées, Filicinées, Equisetacées, elc. ; de ce blépharo- plaste partait un filet chromatique qu'on pouvait suivre plus ou moins loin, dans la direction du noyau. Les zoologistes avaient vu, de leur côté, des formations analogues dans les spermatides des Sélaciens, de la Sala- mandre, du Rat, etc. L'opinion au sujet de ces corpuscules était assez flot- tante : les uns voyaient dans les blépharoplastes de véritables centrosomes, alors que les autres les considéraient comme des formations indépendantes de ces derniers éléments. Dès le début, nous avons fait remarquer que rien n'autori- sait à considérer le blépharoplastedes Chiamydomonadinées comme un centrosome ; nous donnions au contraire les rai- sons qui militent contre cette assimilation. En cette même année 1899, Plenge signalait une relation entre le noyau et le point d'insertion des flagellums, chez les zoospores des Mycétozoaires (2). Un peu plus tard, en 1900 (3) et 1901 (4), nous indiquions (1) P.-A. Dangeard : Mémoire sur les Chiamydomonadinées (le Botaniste, Vie série, février 1899, p. 178-180). (2) Pflenge : Ueber die Verhindung ziriffchen Geissel und Kern (Verh. d. nat.-med. Vereins z. Heidelberg N. F. G., Bd. III, Heft, 1899). (3) P.-A. Dangeard : Etude comparative delà zoospore et du spermatozoïde (le Botaniste, 8e série, avril 1901). (4) P.-A. Dangeard : Etude sur la structure de la cellule et ses fonctions (le Botaniste, 8® série, avril 1901). 118 P.-A. DANGEARD d'une façon plus complète les relations de l'appareil locomo- teur avec le noyau chez le Polytoma uvella ; du blépharo- plaste part un mince filet chromatique ourhizopla^le qui va se terminer sur la membrane nucléaire par un petit renfle- ment ou condyle. Cette terminologie a été employée par plusieurs de ceux qui ont retrouvé cette disposition chez les Flagellés. Dans ce mémoire, nous insistions à nouveau sur l'impossibilité d'assimiler le blépharoplaste à un centro- some (1). Deux ans après, Prowazek retrouvait avec quelques va- riantes ces mêmes relations de l'appareil locomoteur avec le noyau chez plusieurs Flagellés : Masligawo'ha, Cercomonas longicauda, Monas guttula et M. viripara, Bodosip. Dans ce même travail, Prowazek signabiit le fait que chez une espèce de Bodo, les flagellums étaient en relation non avec le noyau lui-même, mais avec un gros corpuscule colo- rable, et il ajoutait même : « Dièses eigentumliche Geissel- sackchen scheint sich frùhzeitig vor der Kernteilung selbst rasch zu teilen [2). » Cette disposition de l'appareil locomoteur des Bodo semblait devoir être comparée à celle que l'on trouve chez les Trypanosomes ; aussi Hartmann, en créant l'ordre des Binucleata, la signale-t-il comme tout à fait exceptionnelle chez les Flagellés ordinaires. Nous pouvons, en anticipant sur les résultats de ce mé- moire, donner l'explication de l'erreur de Prowazek : le cor- puscule colorable sur lequel viennent s'insérer les flagel- lums est tout simplement, dans le genre Bodo, la vacuole contractile dont la paroi est chromatique. Une faut donc pas voir là une sorte de second noyau locomo- teur, analogue à celui que l'on veut attribuer aux Trypano- somes et aux genres voisins. Il est bon de remarquer d'ailleurs que les avis sont par- (1) P.-A. Dangeard : Loc. cit., p. 41. (2) Prowazek : Loc. cî7.,p. 199. LES FLAGELLÉS 119 tagés au sujet du corpuscule colorable ou blépharoplaste des Trypanosomes. La découverte de ce corpuscule colorable chez les Trypa- nosomes semble dater du travail de Wasielewski et Senn, publié en 1900(1). Laveram et Mesnil considèrent ce cor- puscule comme un centrosome (2), alors que Senn est opposée cette conception (3'. Laveran et Mesnil maintiennent leurs conclusions précé- dentes au sujet de la nature centrosomique du blépharo- plaste des Trypanosomes (4). Léger décrit, en mars 1902, un nouveau parasite sous le nom de Crithidia frtsciculata ; il trouve à la base du fouet un grain chromatique comparable à celui des Trypanosomes et il le considère comme centrosome (5). La même organisa- tion se retrouve chez VHerpelomonas jnriilum d'après le même savant (6). La question se complique, car Léger, dans ce dernier tra- vail, assimile le granule chromatique à la partie du système désignée par nous sous le nom de condyle. « C'est le centro- some comparableà celui duTrypanosome ^Laveran et Mesnil), et sans doute aussi au covdylc de Dangeard, chez Pohjloma uvella ». C'est cet organe des Trypanosomes, assimilé par les uns (1) Wasielewski et Senn : Beitrdije zur Kenntnis dcr Flayellalen des Rat- tenblules (Zeitsch. f. Hygiène uud Infect, Bd. IH, p. 444). (2) Laveran et Mesnil : Sur la nature centrosomique du corjmscule chro- matique postérieur des Trypanosomes (Comptes rendus Soc. de BioL, p. 329, 331, 1900). (3) Senn: Der gegenwartige Stand unserer Kenntnisse von dcn flagellaten Blutparasiten {Arch. f Prot., Bd. 1,1902, p. 34i). (4) Laveran et Mesnil : Der Trypanosomes des Poissons (Arch. f. Protist., Bd. I, 1902, p. 475). (5) Léger : Sur un flagellé parasite de l' Anophèles maculipennis (Soc. de Biologie, 22 mars 1902'. (6) Léger : Sur la structure et le mode de multiplication des Flagellés du genre Herpetomonas (Comptes rendus Acad. des se, avril 1902). 120 P.-A. DANGEARD au blépharoplaste, comparé par les autres au condyle, envi- sagé tantôt comme un centrosome, tantôt comme un élé- ment spécial, que quelques-uns considèrent maintenant comme un second noyau ; sa présence suffirait à caractériser un ordre des Flagellés, celui des Binucleata. Tous ceux que cette question intéresse trouveront des dé- veloppements très complets dans le travail de Hartmann et Prowazek (1) ; le nucléole, devenu un caryosome, constitue un second noyau à l'intérieur du premier et l'association de- vient un (( amphicaryon » : le caryosome peut sortir de cette association et devenir un blépharoplaste ou a noyau locomo- teur ». La discussion de cette théorie et des faits sur lesquels elle repose nous entraînerait beaucoup trop loin, mais il est évident qu'on se trouve en face de résultats qui ont lieu de surprendre les hislologistes. Ainsi Rosenbusch, dans VHœmoproteus, décrit une structure du blépharoplaste qui est tout à fait semblable à celle d'un noyau (2) : ce blépharo- plaste se divise avec un fuseau, des centrosomes, une plaque équatorialeet des chromosomes ; il se comporte à ce point de vue comme le noyau ordinaire. Nous n'arrivons pas à comprendre cette transformation du petit granule chromatique qui est à la base du flagellum en noyau véritable, et plutôt que d'admettre encore cette différenciation, nous préférons supposer que les auteurs ont eu sous les yeux, à côté d'individus à un seul noyau, d'autres individus qui possédaient deux noyaux ordinaires. Il y a lieu d'être d'autant plus prudent dans cette ques- tion du dualisme des noyaux que nous ne voyons rien qui puisse sérieusement être interprété en faveur de la nature (1) Hartmann et Prowazek : Blepharoplasl, Caryosom und Centrosom (Archiv. f. Protist., Bd. X, p. 306). (2) Rosenbusch : Trypanosomen-Studien (Arch. f. Protist., Bd. XV, 1909, p. 264). LES FLAGELLÉS 121 nucléaire du blépharoplaste, dans les mémoires également récents de Berliner (1) etdePatton (2). B Si nous nous refusons à assimiler le blépharoplaste à un second noyau, il n'en est pas moins vrai qu'il existe des Flagellés possédant normalement deux noyaux. Nous avons fait connaître cette structure en 1902 chez le Trcponiouas agilis (3) ; nous supposions que cette organisa- tion se retrouverait chez les autres Distomala. Nos prévisions se sont trouvées réalisées: ainsi récemment, en 1907, Wenyon a décrit chez le Lamblia intestinalis la présence constante de deux noyaux (4) ; ces deux noyaux se retrouvent dans les kystes ; chacun de ces noyaux se di- vise de telle sorte que les kystes ont finalement quatre noyaux. L'auteur, qui a étudié VHeramitusmuris, lui attribue un seul noyau ; ce noyau consisterait en deux masses de chromatine située de chaque côté de la partie antérieure du corps. Si Wenyon avait eu connaissance de nos recherches sur le Trepomonas, il n'eût pas hésité à reconnaître chez VHexfimitiis l'existence de deux noyaux. Cette structure binucléée de certains Protozoaires a été comparée par nous à celle des articles du mycélium chez les Urédinées et les Basidiomycètes ; elle doit aboutir, comme chez ces Champignons, à une fusion nucléaire de aature sexuelle; celle-ci, chez les /)wïoma^r(, se produit très probable- ment lors de l'enkystement ; c'est de ce côté que devront s'orienter les recherches futures. (1) Berliner : Flauellaten-Studien CArch. f. Protist., Bd. XV, p. 298). (2) Patton : The Life cycle of a Species of Crithidia (Arch. f. Protist., Bd. XV, p. 333). (3) P. -A. Dangeard : ^organisation du Trepomomas agilis (Comptes rendus Acad. des se, n" 26, t. CXXXV, 39 déc. 1902). (4) Wenyon : Observât, on the Protozoa in the Intestine of Mice (Arch. f. Protist., Suppl. 1, 1907, p. 169). 122 p. A. DANGEARD La division des deux noyaux chez le Trcpomonns a lieu simultanément ; c'est une mitose conjuguée de telle sorte que la fusion nucléaire, si elle se produit, a lieu entre noyaux de parenté très éloignée. B La petitesse des noyaux chez les Flagellés est telle en géné- ral qu'il est très difficile de suivre et d'interpréter tous les stades de la division. Aussi est-on loin de s'entendre sur les détails de cette di- vision. Prowazek, en 1003, distinguait quatre types il). Dans le premier, le noyau ne possède point de nucléole « innenkorper », mais un simple réseau chromatique qui se sépare, à la faveur d'une karyokinèse très primitive, comme chez VHerpctomonas Letrissi. Dans le second type, le noyau possède un corpuscule chromatique central désigné faussement sous le nom de nucléole : il est entouré de suc nucléaire et limité par une membrane; lors de la division, le corpuscule central devient granuleux, prend la forme en biscuit et se sépare en deux avec la partie correspondante du noyau. Les deux moitiés en s'éloignant restent quelque temps réunies par un tra- bécule. Ce mode de division est attribué aux Bodo, aux Monas fjuUula et M. vivipara, au Mm^liijamœha inrcrtens. Le troisième type est celui des Euglènes avec un nucléo- centrosome, suivant le schéma de Keuten, que nous avons depuis modifié dans ce qu'il avait d'inexact (2). Dans le quatrième type, le noyau se divise par karyokinèse: c'est celui que nous avions fait connaître par nos recherches (1) Prowazek : FlagcUatemt. (Ârch. f. Protist., Bd. II, 1903, p. 203). (2) p. -A. Dangeard : Recherches Sur les Eugléniens (le Botaniste, série VIII). LES FLAGELLÉS 123 sur les Clilamydomonadinées et le Polijloma uvella (1). Le troisième et le quatrième type indiqués par Provvazek sont bien connus : ils s'appliquent, comme on le voit, à des familles d'algues inférieures dérivées des Flagellés. Mais on ne saurait en dire autant du premier et du se- cond type. Prenons, en effet, les Monas. Au moment où Provvazek leur attribuait une sorte de division directe, nous venions déjà de formuler la conclusion suivante (2) : « Le noyau dn Monas se divise suivant le mode indirect ; c'est une téléomitose normale semblable à celle des Chlamydomonadinées. Nous l'avons retrouvée avec les mêmes caractères chez VAntho- physa vegetans. » Ce qui montre bien l'extrême difficulté du sujet, c'est que Prowazek, dans le mémoire qui vient d'être cité, place la division nucléaire des fîo^/o à côté de celle des Monas; or nous verrons dans ce travail que les deux modes sont très différents. Aussi trouve-t-on peu de renseignements sur le mode de division du noyau chez les Flagellés ordinaires. Cari Burck, qui a étudié le noyau des Choanaflagellés, après avoir rappelé les renseignements fort incomplets four- nis par Fisch et France, avoue qu'il n'a rencontré que trois stades de la division chez Salpingoeca amphoridium (3). Il est facile de voir que ces stades ne permettent de tirer aucune conclusion. Nous en dirons autant, mais pour une autre raison, de la division du noyau attribuée par R. Goldschmidt aux Masti- (l)P.-A. Dangeard : Mémoire siir les Chlamydomonadinées (le Botaniste, série VI). — Etude sur la structure de la cellule et ses fonctions (le Bota- niste, série VIII, p. i-58). (2) P. -A. Dangeard : Observations sur le Monas vulgaris (Comptes rendus Acad. des se, t. CXXXI, février 1903). (3) Cari Burck : Studien iiber einige Choanoflagellaten (Arch. f. Prot., Bd. XVI, 1909, p. 17b). 124 P.-A. DANGEARD gella vitreo et Mastigina setosa ; le mémoire renferme incon- testablement de bonnes figures de karyokinèse; mais l'auteur a mélangé sous le nom de Mastigella une foule de formes, et il est impossible de savoir si ces divisions s'appliquent à des Amibes ou à des Flagellés (1). Berlinera fait de bonnes observations sur les phénomènes de mitose chez le Copromonas major (2) ; l'auteur, d'après les aspects qu'il a vus, attribue à cette espèce une mitose typique. Il y a lieu de faire quelques réserves au sujet de cette conclusion, mais il est juste d'ajouter que ces réserves ne sont possibles que grâce à la perfection même des figures données par l'auteur. On a déjà décrit, chez les Flagellés proprement dits, quel- ques phénomènes d'autogamie et de reproduction sexuelle. Nous ne parlons que pour mémoire du mode de sexualité attribué par Prowazek avL Monasvicipara (3) ; il le compare à celui du PoJijloma iivelln, dont nous avons indiqué autre- fois les principaux caractères (4) ; ayant trouvé des indivi- dus possédant deux noyaux, il a pensé qu'ils provenaient de la fusion de deux gamètes; en réalité, il s'agit d'un phénomène d'autogamie, comme nous en donnerons la preuve au cours de ce travail. La reproduction décrite par Prowazek dans le Trichomas- tix lacertœ est un cas très remarquable d'autogamie (5). Le Flagellé forme un kyste qui ne possède au début qu'un (1) R. Goldschmidt : Lebengeschichte icr Mastigamoben (Arch. f. Prol., Suppl. I, p. 84). (2) Berliner: Loc. cit., p. 310. (3) Prowazek : Flagellatenstudien, loc. cit., p. 207. (4) P.-A. Dangeard : Etude sur la structure de la cellule et ses fonctions (le Botaniste, 8* série). (5) Voir Hartmann : Autogamie bei Protisten, loc. cit., p. 279. LES FLAGELLÉS 125 noyau ; ce noyau se divise en deux autres qui sont des (( gametocytenkerne » ; ces noyaux sexuels, après for- mation de deux noyaux de réduction, se fusionnent en un noyau double de copulation. Les phénomènes sont un peu différents, d'après le même savant, chez le Bodo lacertœ (1). D'abord, dans quelques cas très rares, il est vrai, il y a copulation de deux individus d taille différente qui s'enkystent en commun, mais le plus souvent la reproduction se fait par autogamie, à l'intérieur du kyste ; il paraît qu'à ce moment des vésicules de chro- matine sexuelle sortent du noyau et se rassemblent ensuite en un noyau sexuel ; celui-ci se divise à son tour en deux « gametocytenkerne » qui donnent des noyaux de réduc- tion et se fusionnent ensuite. Il y a sans doute dans cette description une part de vérité, à côté d'erreurs évidentes ; la formation d'un noyau sexuel aux dépens de vésicules chromatiques sortant d'un noyau ordinaire ne peut être admise sans autre vérification ; c'est aussi l'avis exprimé par Dobell (2), qui pense que les faits sont susceptibles d'une autre interprétation. On ne peut rien dire de précis également au sujet de la reproduction du Trichomonas inteshnalis ; d'après Schau- dinn, il y aurait dans cette espèce une conjugaison de ga- mètes, alors que Prowazek et Bohne n'ont constaté que des phénomènes d'autogamie accompagnés d'une réduction chromatique (3). Nous n'osons pas insister davantage sur la parthénogamie de ÏHœmoproteus nocluœ d'après Hartmann (4) ; il y a là une série de transformations qui s'écartent trop des règles (1) Prowazek : Unters. ub. cinige parasitische Flagellaten (Arb. a. d. Kais. Gesundheitsamt, Bd. XXI, 1904). (2) Dobell : Some Kemarks on the autogamy of Bodo lacertx (Biol. Centr., Bd. XXVIII, 1908). (3) Bohne et Prowazek: Zur Frage der Flagellatendysenterie (Arch. f. Prot., Bd. XII, p. 5). (4) Hartmann : Autogamie, lac. cit., p. 299. 126 P.-A. DANGEARD ordinaires pour qu'on puisse leur donner actuellement une interprétation vraisemblable. Nous arrivons enfin aux Lamblia qui seraient, d'après Hartmann (1), la forme sexuelle de VHexamitus ; nous avons déjà eu à parler de ces organismes à propos du travail de Wenyon, qui considérait ces genres comme distincts. Dans le Lamblia intestinalis, deux individus copulent dans un kyste commun ; mais on ignore encore les conditions exactes de la Caryogamie. Chez le Lamblia inwis, la reproduction est autogame ; il n'existe pas de kyste de copulation. Il est inutile d'ajouter, après ce court exposé, que nous nous trouvons en ce qui concerne tous ces genres en face de résultats très intéressants, mais fort incomplets ;un tra- vail de revision sérieux s'impose, et nous sommes persuadé que celui qui l'entreprendra sans idée préconçue et sans hâte attachera son nom à un des chapitres les plus intéres- sants de la biologie des Flagellés. On sera étonné — si nos prévisions sont exactes — des modifications profondes qu'il sera nécessaire d'apporter à toutes ces descriptions. Nous arrivons maintenant à nos propres observations sur la structure et le développement de quelques Flagel- lés. Nous avons la conviction que l'on pourra arriver à éta- blir, parmi ces Flagellés, deslignéesphylogénétiques d'après le mode de division du noyau ; ce sont nos recherches sur le groupe des Eugléniens et des Ghlamydomonadinées qui nous ont conduit à cette conception. Les résultats que nous avons obtenus chez les Flagellés proprement dits n'ont pu que fortifier nos idées à cet égard ; aussi n'hésitons-nous pas à séparer dès maintenant le type des Bodo de celui des Monas ; ce dernier est le mieux étu- dié; il réunit le plus grand nombre de genres et d'espèces ; mais le premier par la suite groupera sans doute autour de (1) Hartmann : Autogamie, toc. cit., p. 302-303. LES FLAGELLÉS 127 lui des organismes de transition nous conduisant du côté des Eugléniens. I'^ série. — La division nucléaire a lieu suivant le type de l'Amœba limax. Ce mode de division semble être rare chez les Flagellés proprement dits ; nous ne l'avons rencontré que dans les espèces appartenant au genre Bodo. On place dans ce genre un assez grand nombre d'espè- ces dont quelques-unes sont mal caractérisées. Le corps est nu et peut subir de légères déformations amiboïdes ; à l'avant, se trouve une sorte d'échancrure au milieu de laquelle s'insèrent deux tlagellums, l'un dirigé en avant, l'autre traîné à l'arrière ; ce dernier est le plus long. Les particules nutritives sont ingérées à l'avant de la cellule où se trouve parfois une sorte de petit bec. 1" Bodo cmidatm (Duj.) Stein (Pl.XVil, fig. 1-22; PI. XVIII, fig. 1-13.) Nous avons obtenu cette espèce en très grande abon- dance dans de l'eau de rouissage du chanvre ; nous l'avons retrouvée à diverses reprises dans des infusions, et en par- ticulier dans une infusion de crottin de cheval. Klebs a constaté (1) que cette espèce apparaît l'une des dernières ; ainsi, lorsqu'on place des vers cuits dans une infusion, ce sont les Trepomonas, les Hexarnilus et un cer- tain nombre d'autres formes qui se développent les pre- mières ; puis, lorsqu'elles ont progressivement disparu, se montre alors le Bodo caudatus, souvent mélangé au Polytoma uvella. Tous les auteurs qui ont étudié cette espèce ont constaté (1) G. Klebs : Flagellatenstudien, Leipzig, 1892, p. 314. 128 P. -A. DANGEARD son polymorphisme; on la reconnaît cependant assez faci- lement à l'ensemble de ses caractères. Les dimensions sont de 12 à 22 /j. en longueur sur une largeur de 6 à 10 p.. Le flagellum d'avant est un peu plus court que le flagel- lum d'arrière ; mais la différence est, somme toute, assez faible ; ils sont insérés dans l'échancrure et au fond. Klebs pense que les deux flagellums ne s'insèrent pas exactement au même point ; celui d'avant serait au contact même du bec, alors que le second partirait du fond même de l'échancrure. Nos figures semblent confirmer cette opi- nion ; en tout cas, nous n'avons point observé de blépharo- plaste comme il en existe chez beaucoup de Flagellés; à plus forte raison, nous a-t-il été impossible de constater la moindre trace de rhizoplaste. 11 faut en conclure que, dans le Bodo caudatus^ les relations de l'appareil conducteur avec le noyau manquent ou sont moins apparentes que dans les Monadinées ordinaires (PI. XVII, fig. 1-G). Ces flagellums sont relativement assez gros ; nous avons remarqué qu'ils présentent après l'action de l'iode une sorte de striation transversale. Le corps est aplati, comme foliacé ; Klebs y a reconnu une sorte de sillon longitudinal qui n'avait été vu ni par Stein, ni par Kent ; cette disposition nest peut-être pas générale, car elle nous a échappé complètement. Contrairement à ce qui existe chez la plupart des autres espèces, l'avant du corps est souvent plus large que l'extré- mité postérieure ; on y remarque, en général, une sorte de petit bec ; la fixation par l'iode ou l'alcool permet de voir plus nettement cette sorte de rostre qui joue un rôle im- portant dans la nutrition (PI. XVII, tig. 5-6). La nourriture consiste principalement en Bactéries qui sont accrochées par le bec et ensuite ingérées à cet endroit ; d'autres organismes, comme de petites Monades par exem- ple, peuvent être également absorbées au même endroit; LES FLAGELLÉS 129 Klebs a même constaté l'ingestion de cellules entières d'algues appartenant au genre Chlamydomonas. Les bactéries se voient très peu à l'intérieur du corps, à cause de leur réfringence ; elles sont dispersées dans le cytoplasme et ne s'amassent point en pelotes dans des va- cuoles digestives, ainsi que la chose se produit souvent par ailleurs; aussi les individus ont-ils un aspect homogène ; quelques-uns possèdent cependant deux ou trois grandes vacuoles ordinaires, situées dans la partie postérieure de la cellule. A la base des flagellums et presque au contact de leur insertion, se trouve une grande vacuole contractile qui a déjà attiré l'attention des observateurs, et en particulier de Klebs. Ce savant a remarqué qu'elle devient très nette après l'action de l'iode et qu'elle prend alors une teinte rougeâ- tre; il a vu, d'autre part, sur des individus vivants et au voisinage immédiat de la vacuole, un globule très réfrin- gent qu'il suppose être du glycogène ; cette substance, au moment de la fixation, remplirait la vacuole, ce qui expli- querait la coloration que prend celle-ci sous l'action de l'iode. Nous avons fait, de notre côté, les observations suivantes : l'iode colore en teinte acajou foncé de nombreux petits gra- nules qui entourent la vacuole comme d'une couronne ; la coloration de ces granules se fait très vite, alors que le pro- loplasma est encore complètement incolore i, nous serions assez disposé à considérer ces minuscules gouttelettes comme étant formées par du glycogène. D'autre part, un certain nombre d'individus, dans nos cultures, montraient après l'action des réactifs colorants un corpuscule chromatique occupant à peu près la même place que la vacuole contractile et ayant sensiblement le même diamètre ; sa structure était homogène et il se colorait en rouge par lepicro-carmin. Après bien des hésitations, nous supposons qu'il s'agit d'une Monade ingérée par le rostre (PI. XVII, fig. 8). LE BOTANISTE. 130 P.-A. DANGEARD Le Bodo caudatus se multiplie par une bipartition longi- tudinale ; les divisions sont surtout nombreuses dans le courant de la soirée, mais elles ont lieu cependant à toutes les heures de la journée. De cette division, les auteurs n'ont vu qu'une chose : les individus adhèrent par leur extrémité postérieure au substratum ; le corps s'élargit à l'avant, et une échancrure se produit qui s'étend de là progressive- ment jusqu'à l'arrière, amenant la séparation de la cellule en deux moitiés (Klebs). 11 nous a été possible de faire une étude histologique assez complète de la reproduction. Le noyau occupe une position centrale ; il est situé dans l'axe même du corps ;à l'état de repos, il comprend un gros nucléole chromatique, une membrane nucléaire et une zone étroite de nucléoplasme incolore ; son diamètre est de 4 pi environ ; c'est la structure du noyau de ÏAmd'ha Umax ; ce sont aussi à peu près les mêmes dimensions (PI. XVII, fig. 1-9). Au moment où le noyau va se diviser, il augmente son volume, et dans la zone annulaire apparaissent des granu- lations qui se réunissent rapidement en un amas chroma- tique. Le noyau comprend alors, en dedans de la membrane nu- cléaire du nucléoplasme incolore, le nucléole et l'amas chro- matique dont il vient d'être question ; celui-ci a d'abord une forme en croissant ; il prend ensuite l'aspect anguleux polygonal (PI. XVII, fig. 10-lG). Dans les doubles colorations au picro-carmin et à l'héma- toxyline, le nucléole se colore maintenant en rouge ; l'amas chromatique en bleu foncé ; l'origine de ce dernier est dif- ficile à établir : il semble que la substance du nucléole pri- mitif qui se colorait comme la chromatine se soit séparée en deux : une substance nucléolaire proprement dite qui se colore en rouge par le picro-carmin, et la chromatine qui se colore en bleu et qui imprègne les chromosomes ; ceux-ci LES FLAGELLÉS 131 sont encore réunis en une masse irrégulière (PI. XVII, fig. 16). Le nucléole et cette partie chromatique sont situés l'un et l'autre dans l'axe du corps, le nucléole orienté du côté de l'avant. On voit ce nucléole s'allonger perpendiculairement à l'axe et se renfler à ses deux extrémités; il ressemble à un haltère. Après séparation, les deux moitiés du nucléole constituent deux corpuscules polaires analogues à ceux de VAmœba Umax; mais leur sensibilité aux réactifs est devenue de plus en plus faible (PI. XVII, fig. 16-22). La masse de chromatinequi représente les chromosomes a pris l'aspect d'un gros bâtonnet placé entre les deux cor- puscules polaires ; cette masse est souvent dédoublée dans le sens de la longueur, de sorte qu'on serait tenté d'attri- buer deux chromosomes à l'espèce (PI. XVII, fig. 17-18). Si cette séparation de la masse de chromatine en deux bâ- tonnets est fréquente, nous devons noter cependant qu'elle n'est pas générale ; nous avons vu des cas où il existe au moins trois bâtonnets (PI. XVIII, fig. 3). Ce stade correspond évidemment à celui de la plaque équatoriale; mais, par suite de la grosseur des corpuscules polaires, l'ensemble du fuseau a un contour elliptique. La bipartition des bâtonnets de chromatine qui représen- tent les chromosomes se fait transversalement ; chaque bâ- tonnet se coupe en deux en son milieu. Nous devons mentionner le fait que l'amas de chromatine se sépare quelquefois en deux moitiés sans s'être au préa- lable différenciée en bâtonnets(Pl. XVII, fig. 19-21). A l'anaphase, on observe également plusieurs manières d'être qui montrent bien que nous sommes en présence d'un mode de karyokinèse assez primitif (PI. XVIII, fig. 1-12). S'il existe dans chaque groupe des bâtonnets, ceux-ci prennent la forme d'un coin, lorsque les corpuscules polaires commencent à s'éloigner l'un de l'autre ; nous les 132 P.-A. DANGEARD avons vus même plusieurs fois se fragmenter temporairement en quelques granulations qui se réunissent ensuite en une seule masse compacte d'aspect conique ; on a ainsi deux cônes de chromatine qui sont réunis par leur pointe ef- filée. Ce même aspect est obtenu directement parfois lorsque la masse chromatique a subi une simple bipartition, sans diffé- renciation en bâtonnets et en granules. Jusqu'ici, la cellule n'a pas montré de grands changements dans sa forme; son contour est simplement plus arrondi ; le rostre se voit encore au moins dans certains individus ; il en est de même des deux flagellums et de l'échancrureanté- rieure (PL XVIII, fig. 1). Nous avons même constaté qu'à ce stade, le fuseau n'était pas toujours exactement perpendiculaire à l'axe du corps; sa direction se rapprochait de celle de l'axe, et l'un des cor- puscules polaires se trouvait ainsi au voisinage des flagel- lums (PI. XVIII, fig. 5-G). Le corps maintenant va devenir à peu près sphérique et la séparation des deux amas de chromatine ne va pas tarder à s'effectuer ; la cellule s'élargit comme sous la poussée du fuseau ; les deux corpuscules polaires, en effet, viennent de chaque côté toucher à la surface, et le mince filet qui main- tenait encore faiblement les deux cônes de chromatine se rompt en son milieu (PI XYIII, fig. 7-12). Les deux nouveaux noyaux vont se reconstituer : chacun d'eux possède alors la structure qu'il avait à la prophase ; la masse de chromatine est plus ou moins conique au début, mais elle s'aplatit ensuite ; chaque corpuscule polaire va donner la masse principale du futur nucléole ; les différences de sensibilité aux réactifs sont encore très tranchées ; la chromatine se colore en bleu foncé par l'hématoxyline, alors que le nucléole prend une teinte rougeàtre par le picro-car- min (PI. XVIII, fig. 12). Les stades de reconstitution comparés à ceux de la pro- LES FLAGELLÉS 133 phase sont identiquement les mêmes, mais ils se font en sens inverse. Ainsi l'amas de chromatine disparaît au profit du nu- cléole ; la substance achromatique du fuseau s'espace régu- lièrement autour de ce nucléole et la membrane nucléaire se reforme. A vrai dire, cette membrane n'avait jamais tota- lement disparu ; pendant toute la division, elle établissait une limite assez nette entre les deux nucléoles ou corpus- cules polaires et le cytoplasme. Lorsque les deux noyaux ont ainsi repris le stade de repos, la bipartition du corps est sur le point d'être terminée; l'é- chancrure s'étend vers la partie postérieure du corps, où se trouvent quelques vacuoles, et de chaque côté on aperçoit les deux groupes de flagellums. Il nous est impossible de dire comment naissent les nou- veaux flagellums, et quel est le mode de répartition des an- ciens ; nous admettons ici comme pour les autres Flagellés que ces organes ne subissent jamais de bipartition, mais poussent à la surface du corps à la façon d'un pseudopode. La division du noyau que nous venons de décrire chez le Bodo caudatm est extrêmement intéressante au point de vue théorique. 11 s'agit évidemment d'un mode de karyokinèse très pri- mitif, d'un essai vers l'individualisation des chromosomes et la répartition égale de la chromatine. Le nucléole du noyau au stade de repos semble avoir ici une nature complexe ; il contient à la fois la substance nu- cléolaire et la chromatine des chromosomes. La substance nucléolaire se comportera comme chez les Eugléniens ; elle a des propriétés cinétiques ; le nucléole séparé en partie de sa chromatine formera les deux corpus- cules polaires qui rappellent de si près les centrosomes des mitoses normales. La chromatine, de son côté, tend à former de véritables chromosomes ; sans doute, dans c'ertains cas, la masse se 134 P.-A. DANGEARD sépare simplement en deux moitiés. Mais lorsqu'il y a for- mation de bâtonnets, la ressemblance avecdes chromosomes est frappante ; la répartition de la chromatine se trouve assu- rée plus exactement. Klebs a décrit un assez grand nombre d'espèces dans ce genre (J) ; il les a réparties en deux sections d'après la longueur relative des deux flagellums. Dans la section A, le flagellum postérieur est au moins deux fois plus long que le flagellum antérieur. On y trouve \eBodo minimus Klebs, le Bodomltam Ehr., le Hodo ijlohosm Stein. Dans la section B, le flagellum postérieur est seulement un peu plus long que le flagellum antérieur. Nous y rencon- trons Bodoedaj'\i\Qhs, Bodo celer [i\ehs,Bodocaudatus (Duj.) Stein, Buda mutahilis Klebs, Bodo repens Klebs, Bodo angus- tatus (Duj.) Butschli. 11 existe encore un certain nombre d'espèces voisines plus ou moins caractérisées qui ont été décrites tantôt sous le nom de Bodo, tantôt sous ceux de DiplomasU.r ou d'flctero- mita (2.) Nous avons eu l'occasion de rencontrer dans nos cultures beaucoup de formes appartenant à ce genre Bodo ; il nous était impossible de songer à les étudier toutes au point de vue histologique ; cependant nous avons voulu chercher si le mode de division nucléaire que nous venons de décrire dans le Bodo caudaim se retrouvait chez les autres espèces. 1" /Jorfo orrt/Ms Stein (3). (T. VIII, fig. 1-9). Nous rapportons à cette espèce une forme qui s'est déve- loppée en abondance dans une infusion de crottes de poules. (1) Klebs : FIdgellatenstudien, loc. cit., p. 309. (2) Kent. S. : A Manual of Ivfusoria, London, 1880-1882. — Stein : Loc. cit. (3) Stein : Loc. cit., 1. 11, III, fig. 1-6. LES FLAGELLÉS 133 La longueur du corps variait entre 12 et 16 fx sur une largeur de 6à 8 p. ; certains individusétaient presque cylin- driques, mais d'autres en plus grand nombre avaient le corps ovale. Le flagellum d'arrière était environ deux fois plus long que le flagellum d'a- vant (T. VIII, fig. 1-2); cette espèce doit donc prendre place dans la 1""* section de Klebs, à côté du Bo(h) iflfthoms. Il m'a paru que les deux flagellums s'insé- raient au voisinage du même point et presque au contact de la vacuole contractile; celle-ci pré- sente également ici des caractères particuliers ; avec rhématoxyline et le picro-carmin, sa sur- face se montre souvent colorée en rouge, alors que l'intérieur reste in- colore. Les divers stades de la division du noyau sont exactement ceux que nous avons décrits pour le Bodo caudatm. Le noyau occupe une position centrale ; il possède un gros nucléole chromatique entouré d'une zone incolore (T. VIII, 3-4). A la prophase, le nucléole abandonne sa chromatine, qui se montre autour du nucléole avec la forme en croissant (T. VIII, fig. 5-6). Tandis que les deux moitiés du nucléole se portent aux pôles, le croissantde chromatine qui représente les chromo- T. Vin. Bodo ovatus, fig. 1-9. fig 136 P -A. DANGEARD somes se redresse en bâtonnet ; c'est ce bâtonnet qui se divise à son ; tour les deux moitiés, au moment de la sépara- tion, ont la forme d'un coin et cette apparence caractérise les derniers stades de l'anaphase (T. YIII, fig. 7-8). La reconstitution des noyaux et la séparation des deux individus se font comme dans le B. caudatus. 3" Bodo cdax klchs. (PI. XVIII, fig. 14-27.) Nous rapportons à cette espèce une forme dans laquelle nous avons pu également, malgré les faibles dimensions du corps, suivre la division du noyau dans ses rapports avec la bipartition des individus. La longueur est de 12 à 15 ft, la largeur de 6 à 7 fi. La face qui porte les flagellums est plate, alors que l'autre face est bombée surtout à la partie postérieure ; la vacuole contractile se trouve près du point d'insertion des flagellums et le noyau est central (PI. XVUI, fig. 14-18). On conçoit qu'il n'est pas facile, sur un organisme aussi petit, de suivre les détails de la mitose : nous n'avons vu que quelques stades assez peu démonstratifs de la prophase; mais, par contre, nous avons pu reconnaître tous les stades de l'anaphase ; en particulier, les deux corpuscules polaires accompagnés chacun de leur masse chromatique se déta- chaient avec la plus grande netteté (PI. XVIII, fig. 21-24). La largeur du corps, au début de la bipartition, ne dé- passe guère 12 /x. La vacuole contractile est limitée par une surface qui se colorait parfois en rose avec l'hématoxyline et le picro-car- min ; au moment de la division, on en aperçoit une au voisi- nage de chaque corpuscule polaire lorsque les préparations sont réussies : ces deux vacuoles proviennent sans doute de la vacuole unique primitive. Il est plus difficile de dire comment se comportent les LES FLAGELLÉS 137 flagellums ; il semble que chaque moitié du corps emporte un des anciens et que le second apparaît par nouvelle for- mation. Nous avons suivi la bipartition de deux individus de cette espèce (PI. XVIII, fig. ^6) ; elle a lieu très rapidement. Nous avons compté six à sept minutes depuis le moment où on aperçoit les premiers symptômes du dédoublement jus- qu'à la séparation finale. Pendant ce temps, nous n'avons vu qu'un flagellum pour chaque moitié ; ils sont d'abord rapprochés, puis ils gagnent progressivement les côtés de façon à se montrer aux deux extrémités d'un même diamètre. Si on n'assistait qu'au dernier stade de la bipartition (PI. XVIIl, fig. 26), celui où le mince trabécule qui réunit les deux moitiés s'étire et finalement se rompt, on pourrait croire que la division est transversale. Mais le déplacement des fla- gellums indique bien qu'il s'agitd'une division longitudinale, ce qui résulte d'ailleurs de l'étude des phénomènes de mi- tose. En résumé, il ressort nettement de ces recherches que les espèces du genre Bodo ont un mode de division du noyau analogue à celui de VAinœha Umax. Nous nous trouvons en présence d'une lignée phylogéné- tique d'un caractère tout à fait intéressant. il y aura lieu de rechercher si tous les représentants du groupe des Bodoriinn Butschli (1) montrent ce même mode de division. Nous avons montré ailleurs que tous les Eugléniens ont évolué avec un mode de division du noyau identique chez tous les genres et toutes les espèces (2). Il est déjà évident pour nous qu'il existe chez les Fla- gellés une série qui a évolué avec ce mode de mitose que nous venons d'étudier chez les Bodo. (1) Butschli : Protozoen in Broun, Klassen den Thierreichss, Bd. l. (2) P. -A. Dangeard : Recherches sur les Eugléniens (le Botaniste, série VHI, p. 97-357). 138 P.-A. DANGEARD Nous allons mettre en parallèle maintenant un autre en- semble de Flagellés chez lesquels la division nucléaire a lieu par téléomitose comme dans VAmwba Gleichcnii. 2e série. — La division nucléaire a lieu suivant le type de l'Amœba Gleichenii. Nous commencerons par l'étude d'un type appartenant aux Rhizomastigacées. Senn (j) réunit sous ce nom les genres Àclinomonas, Pteridomonas, Mastigamœbn, Diinorplin et Cercobodo^ tandis que Klebs n'y fait entrer que les deux genres Mastiganurba et Dimorphn (2). Une discussion sur les affinités de chacun de ces genres serait actuellement sans objet ; nous pourrons plus utile- ment revenir sur cette question quand nous aurons étudié avec détail un représentant de ce groupe. CercomoHfts longicauda Duj. (PI. XIX, fig. 1-25.) Cette espèce a été rangée par Klebs dans le genre Dimor- plia et par Senn dans le genre Cercobodo ; on la rencontre très fréquemment dans les infusions. Le corps se montre sous divers aspects ; la forme que l'on peut considérer comme normale est pourvue de deux flagel- lums. Le corps a parfois un contour très régulier et présente une forme ovale, plus rarement presque globuleuse ; les flagellums s'insèrent au même point, tout à fait à l'extré- mité antérieure. Dans quelques individus, nous avons vu nettement un rhizoplaste allant jusqu'au noyau, mais le fait semble plutôt rare (PI. XIX, fig. 1.) (1) Senn : Flagellata (Die naturl. Pflanzenf. I Theil. I Abth., Leipzig, 1900, p. 113). (2) Klebs: Loc. cit., p. 294. LES FLAGELLÉS 139 La longueur est de 20 à 30 p. sur une largeur de 14 à 15 jUL. Les deux flagellums sont à peu près d'égale longueur ; celui d'avant s'agite de droite à gauche pendant le mouve- ment, alors que l'autre est traîné à l'arrière. Klebs a vu deux vacuoles contractiles au voisinage des flagellums chez plusieurs individus ; mais d'autres individus montraient ces vacuoles beaucoup plus bas, et quelques-uns n'en possédaient qu'une. Il faut croire que cette espèce offre à cet égard de nom- breuses différences, car nous avons remarqué plusieurs fois que le nombre des vacuoles pouvait s'élever jusqu'à six, distribuées irrégulièrement dans tout le cytoplasme, et elles nous ont paru toutes également contractiles (PI. XIX, fig. o). Le cytoplasme est finement granuleux, ainsi que l'a décrit Klebs. Nous allons maintenant rappeler les principales transfor- mations qu'on observe dans cette espèce. Très souvent, la partie postérieure du corps se déforme et s'allonge en pseudopodes plus ou moins nombreux sem- blables à ceux d'une Amibe (PI. XIX, fig. 3-4) ; dans ce cas, l'un des flagellums peut disparaître complètement ; il se reforme plus tard au moyen d'un pseudopode qui s'étire en filament. Nous ne reviendrons pas sur cette transformation de pseudopodes en flagellums que nous avons décrite autre- fois ; mais nous signalerons ce fait assez curieux d'un indi- vidu qui, au lieu des deux flagellums ordinaires, possédait des prolongements filiformes plus nombreux, les uns dirigés en avant, les autres orientés vers la partie postérieure du corps (PI. XIX, fig. 7-10). Le noyau est rarement central ; il se trouve ordinairement vers le premier tiers antérieur ; comme structure, il présente une membrane nucléaire, une zone de nucléoplasme incolore et un gros nucléole central (PI. XIX, fig. 1). 140 P.'A DANGEARD La division est longitudinale ; elle n'a pas lieu par étire- ment et rupture d'un long Irabécule, comme dans les Bodo ; la séparation se fait au moyen d'une échancrure et les deux groupes de flagellums se voient dès le début; c'est ce qui explique que certains individus d'apparence normale pos- sèdent quatre flagellums. Nous avons reproduit une de ces divisions observée à 10 h. du matin et qui s'est achevée en quelques minutes (PI. XIX, fig. 11-12). La petitesse du noyau est telle qu'il n'est pas facile d'in- terpréter tous les stades ; on peut dire cependant qu'il s'agit d'une téléomitose semblable à celle de VAnurlxi (TlciehetiU, mais moins nette en ce qui concerne le rôle et la manière d'être du nucléole. A un moment donné de la prophase, il est remplacé par quatre ou cinq granulations chromatiques qui représentent les chromosomes (PI. XIX, fig. 13-14.) On observe la formation d'un fuseau, un stade de la plaque équatorial avec dédoublement des chromosomes, un stade tonnelet (PI. XIX, fig. 15-28). Jusque-là, on ne voit aucune trace de bipartition du corps ; celui-ci est encore plus ou moins globuleux. Nous assistons alors à la reconstitution des nouveaux noyaux (PI. XIX, fig. 22-25); la substance achromatique disparaît entre chaque groupe de chromosomes ; ceux-ci de- viennent indistincts ; chaque noyau se montre alors comme un simple corpuscule chromatique ; c'est à ce moment pré- cis qu'a lieu la séparation du corps en deux nouveaux indi- vidus. La chromatine va se condenser en un nouveau nu- cléole et le noyau reprend sa structure normale. Tous les auteurs s'accordent à regarder les Cercomonas et les autres Rhizomastigacées comme établissant la transition avec les Rhizopodesel les Amibes en particulier. Or nous voici en présence d'un Cercomonas dont le noyau se divise comme celui de VAmœba Gleidienii, alors que le LES FLAGELLÉS 141 noyau des Bodo se comporte exactement comme celui de VAmœha Umax. Si nos vues sont exactes, il y a là le point de départ de deux lignées phylogénétiques indépendantes qu'il s'agira main- tenant de faire mieux connaître. Dans ce cas, les affinités des Cercomonas et des Bodo seraient loin d'être aussi étroites que le pensait Krassils- chikts (1) et aussi Klebs, puisque, dans notre opinion, les deux genres se trouvent sur deux lignes différentes de l'évolu- tion. Nous avons dû nous contenter de signaler l'existence du rameau qui part de VAmœha Umax et se continue avec les Bodoninées en se dirigeant peut-être du côté des Euglé- niens ; nous allons maintenant suivre celui qui montre dans ses représentants la téléomitose normale; il commence avec les Cercomonas, se retrouve chez les Monas^ les Anlho- phijsa, etc. Genre Monaa. Les Monas présentent des difficultés particulières dans leur détermination. Senn place dans ce genre (2) des espèces ayant le corps sphérique ou ovale, à contour faiblement amiboïde, ayant de 2-3 p.. Il existe deux flagellums insérés à l'avant, dans une sorte de petite encoche : l'an est de la longueur du corps environ, l'autre est court, il a 1/3-1/6 de la longueur du corps. France a dessiné une collerette pour le Monas vivi- paraei \e Mona^ vulqarh (3). Senn attribue cette interpréta- tion à une erreur due à l'existence de deux flagellums courts accompagnant le long flagellum médian et qui ont (1) Krassilstschik : Ueber eine neue Flaqellate Cercobodo laciniœgerens (Zool. Anz., 1886). (2) Senn : Loc. cit., p. 131. (.1) France : Der organismm der Choanoflagellaten, Budapest, 1897. 142 P.-A. DANGEARD étéiigurés par Stein dans le Monas yuttula et le Monas vivi- para (1). Mais Prowazek, qui a étudié le Monas vivipara^ n'a vu qu'un petit flagellum à côté du grand, et nous avons fait la même constatation dans le Monas vuJfjaris. Le protoplasma renferme des globules d'huile et aussi une substance analogue à la leucosine : une vacuole contractile se trouve à l'avant; l'arrière du corps se prolonge chez cer- taines espèces en un pseudopode ou une sorte de pédicelle. Le Monas soriabilis Meyer forme parfois des colonies d'indi- vidus réunis en rosette. On ne savait rien, avant nos recherches, du mode de divisions du noyau. Nous allons voir que de nombreux problèmes intéres- sants se posent à l'occasion du développement de ces Fla- gellés en ce qui concerne leur structure, leur mode de sexua- lité, leur développement. Monas vulgaris. (PI. xx-xxii.i Nous avons présentée l'Académie des sciences, dans sa séance du 2 février 1903 (2), une note sur cette espèce : nos conclusions étaient les suivantes : 1" La bipartition du corps est longitudinale ; elle est ac- compagnée d'une croissance rapide, dans la partie antérieure du corps qui a pour résultat d'amener en opposition les deux extrémités des cellules-fîlles. 2° Le noyau se divise suivant le mode indirect ; c'est une téléomitose semblable à celle des Chlamydomonadinées ; nous l'avons retrouvée avec les mêmes caractères chez ÏAnthophysa vegetans. (1) stein : Loc. cit., PI. I-II. (2) P.-A. Dangeard : Observations sur le Monas vulgaris (Comptes rendus Acad. se, nos, t. CXXXVI). LES FLAGELLÉS 143 3° Le blépharoplaste et le rhizoplaste sont très apparents dans le Monas vulgaris ; on ne saurait assimiler le premier de ces organes à un centrosome, puisqu'il reste inclus dans l'ectoplasme pendant la téléomitose. La même année, mais quelques mois plus tard, Prowazek publiait une étude sur les Flagellés (1) : on y trouve d'excel- lentes choses sur le mode d'insertion des flagellums chez plu- sieurs Flagellés, et aussi sur la structure du noyau ; nous aurons cependant à formuler des réserves sur un certain nombre des conclusions. En ce qui concerne les Monas par exemple, Prowazek admet que le noyau de ces êtres se divise par amitose, alors que nous venions d'annoncer l'existence d'une karyokinèse normale. Ayant distingué 4 types de structure dans le noyau des Flagellés, Prowazek range le noyau des Motuu dans la seconde catégorie ainsi caractérisée : « Blaschenkerne mit einem stark farbbaren « Innenkorper » der falschlich im- mer wieder Nucleolus genannt warde, einer kernsaftzone mit einem mehr oder weniger deutlichen Gerust und einer kernmembran, die oft nur als ein enifacher kontur nach- weisbar ist (2). « Dans ces noyaux, au moment de la division, on verrait le corpuscule central persister et s'allonger en biscuit, avant de se séparer en deux moitiés ; il n'existerait pas de chromo- somes. Or, dans l'étude qui va suivre et qui n'est que le développement avec figures de notre note de 1903, nous allons pouvoir suivre tous les détails d'une karyokinèse ordi- naire. Le Monas que nous avons étudié s'était développé en très grande abondance dans une infusion de foin ; il est assez voisin du Monas vivipara, mais il ne possède ni point oculi- (1) Prowazek : Flagellatenstudien (Arch. fur. Prolistenk., 2" partie, t. II, 1903). (2) Prowazek : Loc. cit., p. 203. 144 P.-A. DANGEARD forme ni pédicelle postérieur : nous l'avons rapporté au Monaa vulgaris. L'organisation de ce Monas est très simple : c'est une sphère de protoplasma ayant S à 12 p. de diamètre. Si laforme globuleuse est la plus fréquente et rappelle celle du Menas guttula Ehrbg.,il est cependant des individus qui ont le corps plus ou moins ovale ou elliptique. A l'avant, se trouvent deux flagellums d'inégale longueur : l'un est égal à près de deux fois la longueur du corps ; le second ne dépasse guère la moitié de cette même longueur (PI. XX, fig. 1-9). On admettait que les Monas invipara et vulgaris possé- daient deux flagellums accessoires au lieu d'un seul, or Prowazek n'en figure qu'un pour le Menas vhipara, et notre espèce n'en possédait certainement qu'un seul également. Les deux flagellums sont insérés au même point sur un petit nodule colorable inclus dans la couche corticale ou ectoplasme ; le noyau se trouve à une faible distance au- dessous du blépharoplaste ; il est relié à celui-ci par un cordon chromatique plus ou moins épais qui représente le rhizoplaste. Nous avons trouvé exceptionnellement chez un individu deux blépharoplastes, ce qui correspondait à un écartement anormal de deux flagellums (PI. XX, fig. 6). En dehors de la vacuole contractile antérieure, il existe une ou plusieurs vacuoles d'inégale grandeur ; assez sou- vent, toute la partie postérieure du corps est occupée par une très grande vacuole, de sorte que le cytoplasme granu- leux se trouve seulement dans la moitié antérieure; parmi les autres vacuoles, on en trouve qui sont remplies par des amas de bactéries : ce sont des vacuoles digestives (PI. XX, fig. 8). Nous n'avons pas remarqué chez cette espèce la tendance à la formation d'une sorte de pédicelle à l'arrière, comme la chose existe pour le Menas vkipara. LES FLAGELLÉS 145 Le noyau, comme nous l'avons vu, est situé au voisinage du point d'insertion des flagellums ; il est sphérique ; sa structure à l'état de repos est la suivante : on y distingue une membrane nucléaire, une zone plus ou moins épaisse de nucléoplasme incolore et un nucléole central de grosseur variable. Nous allons maintenant indiquer les détails de la divi- sion. Nous représentons fig. 11-18 (PI. XX) les aspects succes- sifs de la division observés sur le vivant : ils nous permet- tront de mieux comprendre les changements d'ordre his- tologique qui se produisent en même temps. L'individu en division possédait déjà ses deux groupes de flagellums éloignés l'un de l'autre : dans chaque groupe, le flagellum le plus long s'agitait constamment en se contour- nant en hélice, et à quelque distance du point d'insertion se trouvait une vacuole contractile ; chaque vacuole apparaît pour disparaître brusquement dans l'espace de 10 à 20 secondes. Le cytoplasme est homogène et incolore entre les deux groupes de flagellums ; c'est là que se trouve le noyau en division ; au-dessous se trouve du protoplasma granuleux. Le déplacement des points d'insertion des flagel- lums qui s'éloignent l'un de l'autre jusqu'à se placer dans le prolongement du même axe indique pour chaque instant de la division la position exacte de la partie antérieure de chaque zoospore. Au bout d'un 1/4 d'heure, la bipartition étaitterminée; lesdeux nouveaux individusséloignaienl l'un de l'autre après étirement et rupture du mince trabécule qui les réunissait. Examinons maintenant comment se comporte le noyau pendant cette bipartition. A la prophase, le nucléole disparaît peu à peu, pendant que des granules de chromatine se montrent dans le nucléo- plasme ; ces granules se disposent en une plaque équato- riale, pendant que le nucléoplasme s'allonge en un fuseau LE BOTANISTE. 10 146 P.-A. DANGEARD dont les extrémités très fines viennent s'appuyer de chaque côté sur le périplaste ;PI. XXI, fig. 1-3). Ce fuseau est perpendiculaire à l'axe du corps, et il est situé au-dessous de l'insertion de flagellums. Au stade de la plaque équatoriale, il n'existe encore par- fois que les deux tlagellums primitifs ; le blépharoplaste est donc situé assez exactement au-dessus des chromosomes (PI. XXI, fig. 1). Le nombre des chromosomes est difficile à compter d'une façon exacte, car ils sont très petits. Sur le noyau vu de pro- fil, on ne voit que trois ou quatre bâtonnets si courts qu'on peut les prendre pour des granules; mais sur la plaque équatoriale vue de face, on peut alors compter huit chro- mosomes environ (PI. XXI, fig. 4). Lorsqu'on regarde ainsi de face la plaque équatoriale, il est très facile de commettre une erreur ; comme on n'a- perçoit pas dans ces conditions le fuseau lui-même, la plaque équatoriale produit l'effet d'un noyau sphérique et granu- leux. La plaque équatoriale se dédouble comme dans la téléo- mitose ordinaire, et c'est aussi à ce moment que l'on com- mence à distinguer les deux groupes de flagellunis (PI. XXI, fig. 2, 8,9). Autant que nos observations permettent de l'affirmer, il semble que le groupe des deux flagellums anciens n'a pas modifié sa structure : son blépharoplaste continue à faire partie de l'enveloppe et le rhizoplaste se relie à là substance achromatique du fuseau au voisinage immédiat de la plaque équatoriale en dédoublement. Le second groupe de flagel- lums est également en relation avec la substance achroma- tique, mais le blépharoplaste n'est pas encore différencié : il se montre un peu plus tard. La plaque nucléaire se sépare en deux moitiés qui s'éloi- gnent l'une de l'autre : c'est à ce moment qu'on aperçoit nettement le second groupe de flagellums. Il ne faut pas ou- LES FLAGELLÉS 147 blîer que le fuseau est au contact même du périplaste : dans ces conditions, il est présumable que les nouveaux flagel- lums prennent naissance aux dépens de la substance achro- matique du fuseau. Quoi qu'il en soit, au moment où les deux plaques se séparent, on trouve d'un côté l'ancien groupe de flagellums avec le blépharoplaste, et de l'autre côté le nouveau groupe sans blépharoplaste apparent (PI. XXI, fig. 5); les points d'insertion sont situés l'un à droite, l'autre à gauche des plaques chromatiques ; ils conservent cette situation, si bien qu'à l'anaphase, lorsque le second blépharoplaste s'est différencié, on a tout à fait l'illusion d'un noyau en divi- sion, dont les blépharoplastes représenteraient les centro- somes (PI. XXI, fig. 10-17). On conçoit qu'en présence de cet aspect de l'anaphase, nous ayons été très perplexe sur l'interprétation à donner aux blépharoplastes. Nous nous refusons cependant à les assimiler à des centro- somes pour les raisons suivantes : 1° Nous avons rencontré des fuseaux au stade équatorial avec des extrémités dépourvues de tout nodule chroma- tique ; le blépharoplaste ancien se trouvait au-dessus du groupe des chromosomes ; 2° Le second blépharoplaste nous a toujours paru être de nouvelle formation. Au stade tonnelet, les chromosomes perdent de leur net- teté : ils sont unis en un disque chromatique d'apparence homogène ; l'intervalle qui sépare les deux disques est d'abord fîbrillaire; plus tard, il est complètement incolore; ou voit ensuite le cytoplasme ordinaire occuper l'espace qui sépare les deux nouveaux noyaux (PI. XXI, fig. 17). Par suite de la forte croissance qui se produit à la partie antérieure du corps, les deux noyaux s'éloignent de plus en plus l'un de l'autre : à un moment, le corps a un contour triangulaire, deux des angles étant occupés parles noyaux; 148 P-A. DANGEARD la partie postérieure présente une très grande vacuole ou plusieurs plus petites. Le contour devient ensuite elliptique, et les deux noyaux viennent progressivement occuper les extrémités du grand diamètre ; la partie centrale est alors parfois parsemée de nombreuses vacuoles (PI. XXll, fig. 1-12). C'est à ce moment que l'étirement se produit, suivi de la séparation définitive. Les noyaux n'ont pas encore repris leur structure de l'état (ie repos ; les disques chromatiques se sont arrondis en une sphère qui continue d'être sensible aux réactifs colorants ; cette sphère est nettement délimitée et recouverte probablement déjà d'une membrane nucléaire. Ce n'est qu'après la séparation des individus que la sphé- rule nucléaire perd son caractère homogène : le nucléole apparaît au milieu par une condensation de la chromatine qui laisse voir alors la zone de nucléoplasme incolore. En résumé, la division de ce Monas est fort intéressante non seulement parce qu'il s'agit d'une division avec fuseau, chromosomes distincts et toutes les phases d'une téléomilose normale ; mais encore parce que la question de la naissance des nouveaux flagellums s'y trouve posée nettement, sinon résolue. Nous devons faire remarquer avec quelle facilité on pour- rait se tromper sur le sens de la division du corps dans un Monas, &\ on s'en tenait aux phénomènes morphologiques et aux apparences : les derniers stades observés sur le vivant donnent l'impression d'une division transversale. L'erreur a dû se produire pour d'autres Flagellés, et il est extrêmement probable que la prétendue division trans- versale de V Ancyromonas sigmoïdes Kent est, en réalité, une bipartition longitudinale. Nous avons observé dans notre culture de nombreux kystes appartenant à cette espèce : ils étaient sphériques, d'un diamètre de 10 p. environ, avec une membrane mince LES FLAGELLÉS 149 devenant de teinte jaunâtre ; le contenu était iiyalin homo- gène ou légèrement granuleux ; au centre se trouvait un noyau' unique à structure normale (PI. XX, fig. 10). Malheureusement, nous n'avons pas suivi le développe- ment de ces kystes ; nous aurions pu faire d'utiles compa- raisons avec les faits intéressants signalés par Provvazek à propos des kystes du Monus vivipara. Ce savant a rencontré dans cette espèce des cellules à deux noyaux qu'il considère comme formées par la fusion de deux individus; le cytoplasme est alors très vacuolaire, et les noyaux ont un contour irrégulier avec un gros nucléole. Ces cellules s'arrondissent en sphère : il y a formation d'une membrane réfringente à double contour qui semble laisser en dehors d'elle une petite portion de la cellule pri- mitive. La membrane n'est pas unie sur toute l'étendue de sa sur- face : (( Die Cysten membran hat auf der einen Seite einen kraterartigen Deckelaufsatz, der central durchbohrt ist, von dieser Ofînung geht nach innen noch ein undeutlicher spu- len artiger An satz (1). » Le phénomène le plus intéressant consiste dans les chan- gements qui se produisent à lintérieur des noyaux et qui sont suivis par une fusion de ces noyaux. Les nucléoles que l'auteur désigne sous le nom « d'innen- korper » sont d'abord très gros ; ils abandonnent peu à peu leur chromatine dans la zone incolore extérieure et ils dis- paraissent : les deux noyaux ont alors la forme de deux gros corpuscules chromatiques, à contour étoile, qui vont se fu- sionner en un noyau unique. Le cytoplasme est disposé en réseau, avec des épaississements aux angles des mailles. Le contenu cellulaire se contracte et s'éloigne de la mem- brane du kyste : il renferme des grains réfringents, difiici- (1) Prowazek : Loc cit., p. 207. 150 P.-A. DANGEARD lement solubles dans les acides et ne donnant pas avec l'io- dure de potassium la réaction du glycogène. Nous aurons à revenir sur cette observation et sur son interprétation, car nous avons trouvé des faits analogues chez VAnthophysa eleçjans ; mais nous ne croyons pas que les kystes de notre Monas aient une origine et une struc- ture semblables : notre attention se serait sans doute trou- vée attirée par des particularités de cet ordre. Anthophysa vegetans Stein. (PI. XXIII, fig. 1-25 ; PI. XXIV, fig. 1-24.) Cette espèce a été souvent étudiée ; Stein en particulier lui a consacré une planche presque tout entière dans son bel ouvrage sur les organismes des infusoires (1) : aussi noire intention était tout d'abord de limiter nos recherches à la division du noyau ; les circonstances ont voulu que nous passions ensuite beaucoup de temps à élucider cer- tains points du développement. Nous commencerons par celles de ces recherches qui ont porté sur la structure du noyau et son mode de division : elles datent de plusieurs années. Les zoospores sont, comme on le sait, groupées en colo- nies plus ou moins globuleuses ; chacune de ces colonies sécrète à sa partie inférieure une substance jaune ou brune, d'aspect chitineux, qui lui constitue une sorte de pédicelle ; tous cespédicelles réunis forment une sorte de tronc com- mun qui est ramifié de diverses façons et dont le diamètre est également variable. Les ramifications se produisent lors de la fragmentation des colonies. Chaque zoospore prise en particulier est élargie à l'avant et amincie en pointe allongée à l'ari'ière ; en d'autres termes, l'ensemble de chaque individu a une forme conique, et ce (1) stein : Loc. ci7..,Pl. V. LES FLAGELLÉS 151 sont ces cônes qui, étant groupés par leurpointe, constituent une colonie sphérique (PI. XXIIl, fig. 1-3). Le diamètre est de 6 à 10 p. et la longueur, en y compre- nant l'extrémité amincie, peut aller jusqu'à 20 (i et davan- tage. A l'avant sont insérés deux flagellums d'inégale lon- gueur : l'un reste court, alors que la longueur du second dépasse celle du corps. Leur mode d'insertion rappelle tout à fait celui des Monas; on y trouve un petit blépharoplaste duquel se détache parfois assez nettement un fin rhizoplaste qui s'étend jusqu'au contact du noyau (PI. XXIII, fig. o). La partie antérieure du corps est souvent dissymétrique ; le protoplasma se prolonge en une sorte de petit rostre et les deux flagellums semblent alors insérés au fond d'une échancrure. On rencontre d'ailleurs à cet égard d'assez nom- breuses différences, mais il est bien rare qu'on ne puisse reconnaître une certaine irrégularité. Il existe un granule rouge représentant le point oculiforme : il est situé à une faible distance du point d'insertion des flagellums. Nous avons parfois observé à la partie interne du péri- plaste des sortes de granulations ou de bâtonnets qui sont disposés à côté les uns des autres en un dessin régulier : ces sortes de formations se voient après l'action des colorants, et en particulier de l'hématoxyline (PI. XXIIl, fig. 7-8); nous en avons signalé autrefois chez les Eugléniens et elles exis- tent chez nombre de Flagellés. Le noyau est situé à l'avant du corps, tout près de la surface, comme chez les Monas : on y distingue une mem- brane nucléaire, un gros nucléole central et une zone de nucléoplasme incolore. La division se fait comme chez les Monas : à la prophase, le nucléole diminue de volume et la chromatine s'accumule en croissant dans le nucléoplasme (PI. XXIII, fig. 3). Nous représentons trois stades de cette division : 152 P.-A. DANGEARD 1° Un beau stade de la plaque équatoriale avec des chro- mosomes bien distincts (PI. XXIIl, fig-. 3) : on en voit 4 de profil, ce qui permet de supposer qu'il en existe de 8 à 10 environ ; le fuseau a un contour elliptique ; aucun centrosome n'est visible aux pôles : mais au-dessus de l'un de ces derniers on aperçoit un flagellum qui se détache de la membrane sans blépharoplaste apparent; 2° Dans cette même colonie, un des individus montre un noyau au stade de la séparation des chromosomes ; ceux-ci sont encore distincts ; le fuseau s'est un peu allongé, et nous avons noté également à l'un des pôles la présence d'un fla- gellum inséré sur le périplaste ; 3° Sur une autre colonie, nous avons vu un très joli stade tonnelet (PI. XXIIl, fig. 2) : le fuseau est perpendiculaire à l'axe du corps ; les stries achromatiques sont visibles ; aucune trace de centrosome ; à l'un des pôles, on distingue deux flagellums d'inégale longueur; l'autre pôle ne présente encore rien de semblable. Dans cette même colonie, les noyaux sont à des stades différents. La reconstitution des noyaux a lieu comme chez les Monaa ; les chromosomes deviennent indistincts et le noyau se pré- sente comme un corpuscule homogène qui se colore en toutes ses parties comme s'il était imprégné uniformément de chro- matine ; cette chromatine se condense alors en un nucléole central. Nous avons souvent rencontré, au moment de ces premières observations, des individus avec deux noyaux à l'état de repos (PI. XXIII, fig. 6) ; ces deux noyaux sont placés soit à droite et à gauche de l'axe longitudinal, soit l'un au-dessus de l'autre ; les deux flagellums, dans ce der- nier cas, peuvent être unis avec le noyau supérieur à la façon ordinaire par un blépharoplaste et un rhizoplaste. A cette époque, nous ignorions la signification quil fallait accorder à ces zoospores binucléées ; nous pensions qu'il s'agissait d'individus dans lesquels pour une raison ou pour LES FLAGELLÉS 153 une autre la bipartition du corps s'était trouvée empêchée ou retardée. Nous verrons plus loin qu'il s'agit d'un phéno- mène normal se rattachant à la reproduction. Dans ces mêmes cultures, nous avons eu l'occasion d'ob- server, sur des individus libres, des déformations amiboïdes du genre de celles qui ont été figurées par Stein; elles étaient même parfois beaucoup plus prononcées ; ainsi, nous avons vu un unique pseudopode à l'arrière atteindre la lon- gueur de 70 p- ; quelquefois, l'extrémité du pseudopode était renflée, comme s'il s'agissait d'un stade de division. Il nous a été donné, depuis notre arrivée à Paris, de pour- suivre cette étude sur d'autres matériaux. Ceux-ci nous ont été fournis par une culture de Vauché- ries entrées en putréfaction ; nous avions mélangé à cette culture des Bactéries provenant de la source sulfureuse de Passy et un voile s'était formé à la surface. Ce voile n'était au début qu'un nuage très léger, formé par des colonies d'AnlhopInjsa ; plus tard, les colonies se sont désagrégées ; les individus qui les composaient sont devenus libres, et se sont multipliés rapidement. Cela à tel point que notre pre- mière impression fut d'avoir affaire à une espèce de Monas. En examinant plus attentivement cette culture, nous recon- nûmes qu'il s'agissait réellement des zoospores libres de VAnthophysa. En effet, nous pouvions constater la tendance de ces zoos- pores à se grouper en colonies ; elles s'allongent à leur par- tie postérieure en un pseudopode qui se fixe à un support quelconque ou s'attache simplement à des pseudopodes d'au- tres individus (PI. XXIII, fig. 10). Certains de ces groupements ressemblent tout à fait à ceux que Stein a figurés pour son Cercomonas tenno ou Monas termo d'Ehrenberg (1). La ressemblance est tellement frappante que nous nous (1) Sleia : Loc. cit., PI. l. 154 P-A. DANGEARD demandons si ce Cercomonas termo n'aurait point un second flagellum, auquel cas nous n'hésiterions pas à le considérer comme une forme libre d\hithoplnjsa. Tout au début des cultures, on trouve tous les états entre des colonies normalement constituées, des groupements irré- guliers et des zoospores libres; plus tard, en faisant des ense- mencements en différents liquides, nous n'avions plus que des individus séparés qui se multipliaient à la façon des Monas. Les zoospores ont une forme assez variable, ovales, glo- buleuses ou pyriformes ; le diamètre des plus grosses attei- gnait 7 ou 8 ^a sur une longueur moyenne de 12 |ul ; elles ont par ailleurs tous les caractères des zoospores d'Antliop/nim tels que nous les avons décrits plus haut : point oculiforme situé au voisinage de l'échancrure ; flagellums d'inégale lon- gueur ; blépharoplaste et rhizoplaste visibles après une bonne coloration (PI. XXIII, fig. 10-14). Comme nous avons constaté que l'espèce pouvait se mul- tiplier très loni^temps sous cette forme sans revenir à l'état associé, nous avons jugé utile de suivre en détail le déve- loppement, afin de mellre en garde contre une confusion pos- sible avec un Monas. Au point de vue mouvement, on peut dire que ces zoos- pores sont très actives ; elles filent droit devant elles en tour- nant plus ou moins ; elles s'arrêtent, repartent, changent de direction ; à l'arrêt, on les voit souvent pivoter sur place. Si le mouvement est lent, il y a une sorte de balancement de droite à gauche. La nutrition se fait surtout aux dépens des Bactériacées de la culture ; nous avons dessiné un individu qui avait ingéré une Bactériacée filamenteuse (PI. XXIV, fig. 1); le fila- ment, étant plus long que le corps, le dépassait par ses deux extrémités ; mais, en général, ce sont des Bacilles, des Microcoques ou plus exceptionnellement de toutes petites algues comme les Chlorelles qui servent à la nutrition de ces zoospores ; le corps renferme parfois quelques grains rouges LES FLAGELLÉS 155 de nature résiduelle et qu'il ne faut pas confondre avec le point oculiforme. On rencontre dans le protoplasma des formations intéres- santes dont nous avons cherché à déterminer la nature. Tout d'abord, on remarque que l'enkystement est pré- cédé par la formation dans le corps de granules réfringents d'abord très petits et peu nombreux, puis plus gros et plus nombreux ; l'acide osmique les colore en brun ou en noir ; ce sont donc des granules de nature oléagineuse. On a signalé chez les Monas ces granules oléagineux; on y a trouvé aussi une substance analogue à la leucosine (1). Nous avons pu faire un certain nombre d'observations au sujet de cette substance. La leucosine a surtout été étudiée chez les Chrysomona- dinées ; Stein, le premier, l'a signalée chez les Dinobryonei les Uroglena, et il considérait cette substance comme étant de nature oléagineuse ;Woronin l'a rencontrée chez les Chromii- lina et Klebs a établi son existence chez la plupart des Chrysomonadinées. Malheureusement, on ne sait rien de précis sur sa nature ; Klebs (2) a montré que la leucosine n'est pas un corps gras, car elle est soluble dans l'eau ; elle disparaît sous l'action des acides et des alcalis, et aussi bien avec les principaux réactifs fixateurs, tels que l'alcool, l'acide osmique, l'acide picrique, le sublimé, etc. Rostafinski, à pro- pos d'un corps analogue qu'il avait découvert chez VHijdru- rus (3), supposait qu'il s'agissait de glucose. Klebs admet qu'on est plutôt en présence d'une substance albuminoïde : (( in Form einer koncentrirten, micellaren Losung. » Fisch avait déjà remarqué que la leucosine ne se colore ni par l'iode ni parles autres réactifs colorants (4). • (1) Senn : Loc. cit., p. 131. (2) Klebs : Loc. cit., p. 396. (3) Rostafrnski : Hydrurus (Krahauer Akad., X, 1882). (4) Fisch : Unters. riber einige Flageliaten (Zeit. 1". wiss. Zool., Bd. XLII, 1885). 156 P-A. DANGEARD C'est bien une substance analogue que nous avons ren- contrée dans cette forme dissociée de VAnthophysa vegelans; elle était peu abondante ou est passée inaperçue dans les conditions ordinaires ; mais elle s'est montrée en grande quantité dans une culture où nous avions mis de la fécule. La leucosine se présente sous la forme d'un corpuscule arrondi de g-rosseur variable qui occupe l'extrémité posté- rieure de la cellule ; son aspect est réfringent ; sa consis- tance varie depuis l'état sirupeux jusqu'à l'état presque solide (PI. XXIV, fig. o, 19-23). Ces corpuscules disparais- sent assez lentement dans l'eau ; ils sont détruits assez rapi- dement par la potasse, l'acide sulfurique, etc. D'autres propriétés sont communes avec la leucosine des Chrysomo- nadinées ; ainsi Fisch a remarqué chez les CliromuUna une déformation passive de ces corpuscules sous l'influence du protoplasma ; la même chose existe ici et nous avons pu même suivre lors de la bipartition d'une zoospore, la sépara- tion en deux de la masse de leucosine qui se trouve ainsi répartie entre les deux individus (PI. XXIV, fig. 15-16). Le fait nous a paru intéressant, car il montre qu'un corpuscule dépourvu de toute vie propre peut donner l'illusion d'un élément cellulaire différencié. On a voulu voir dans la leucosine un produit d'assimila- tion en rapport avec la fonction holophytique des phéoleu- cites. L'exemple de VAnthophysa nous montre que la leucosine se forme sous l'action de la nutrition ordinaire, et là encore nous mentionnerons une observation intéressante. La grosseur des corpuscules s'est montrée en relation avec la richesse du milieu en hvdrates de carbone qui étaient représentés dans notre culture par les grains d'amidon de la fécule. Il s'est même produit ce phénomène bizarre et inattendu; sous l'influence de ce milieu si riche en amidon, les corpus- cules de leucosine ont pris des dimensions tout à fait exa- LES FLAGELLÉS 137 gérées ; on pouvait suivre jour par jour, dans chaque indi- vidu, l'augmentation constante du globule ; alors que le diamètre ordinaire est de 3 à 4 p-, on arrivait à 7 fx et davan- tage ; tout le corps se trouvait ainsi envahi. Finalement, la zoospore ne comprenait plus qu'un peu de cytoplasme gra- nuleux portant les deux Hagellums et remorquant à sa partie postérieure cetle énorme sphère de leucosine (PI. XXIV, fig. 19) ; celle-ci semblait sur une moitié de sa surface en contact direct avec l'eau ; avant la destruction finale, chaque individu ne montrait plus qu'une petite calotte de proto- plasma sur laquelle les flagellums s'agitaient encore. Il est remarquable de voir ainsi les individus dans cette espèce arriver à une mort fatale par suite de l'accumulation en trop grande abondance d'une substance de réserve. Nous avons vu f[ue Klebs incline à penser que la leuco- sine est une substance albuminoïde ; nous croyons plutôt qu'il s'agit d'un hydrate de carbone, que l'espèce peut em- prunter directement au milieu. Quant au mode de formation du corpuscule, nous suppo- sons que l'hydrate de carbone en question se dépose tout simplement dans une vacuole, avec une concentration va- riable. La leucosine paraît jouer un rôle important lors de l'en- kystement ; à ce moment, les zoospores perdent leurs flagel- lums et s'arrondissent ; le globule de leucosine s'étale alors en croissant à la partie postérieure du corps (PI. XXIV, fig. 9) ; on le retrouve sous cette dernière forme dans les kystes et au contact direct de la membrane ; mais il y a lieu de croire que la membrane en a emprunté une partie pour sa formation (PI. XXIV,- fig. 14). Nous aurons l'occasion de revenir plus loin sur le mode de formation et la structure des kystes qui présentent dans cette espèce un intérêt tout spécial ; mais nous voulons au- paravant dire un mot d'autres formations que l'on rencontre accidentellement dans les cellules. 158 P -A DANGEARD Ce sont des sphères qui sont constituées par une quantité de petites spores arrondies. Stein en a figuré une dans un individu de cette espèce ; il la considère comme un germe endogène. Nous avons montré, il y a une vingtaine d'années, que les germes endogènes, qui étaient considérés par Stein comme les éléments reproducteurs des Flagellés, appartenaient en réalité à des parasites, dont le plus commun est le Sphœrila endogena Dang. Il existe d'autres germes endogènes qui représentent seulement des colonies de microbes, comme la chose a lieu dans le Sappinia pedata (1). C'est à cette dernière catégorie qu'appartiennent les germes endogènes de V Anlhophym rcgetans. Nous avons eu l'occasion, au cours de nos cultures, d'en observer un grand nombre ; ces sphères ont un diamètre variable, au maximum 7 à 8 p. ; elles se trouvent, en général, à l'extrémité postérieure du corps, et leglobulede leucosine dans ce cas occupe une position médiane (PI. XXIV, fig. 3,4,5, G) ; ces sphères sont formées par une agglomération de microcoques ; aussi peut-on employer pour les colorer les réactifs colorants usités en bactériologie. Nous arrivons maintenant à l'étude des kystes. Dans nos premières observations, datant de plusieurs années, nous avions remarqué qu'un assez grand nombre d'individus, situés à l'intérieur même des colonies, étaient binucléés avec des noyaux à l'état de repos ; nous ignorions à ce moment la signification du phénomène. En mai 1908, nous obtenions à Ségrie une culture de zoospores ayant l'aspect du Monas rivipara ; il nous fut facile d'identifier ces zoospores et deles rapportera VÀnlho- phijsa vegetans qui se trouvait là en nombreuses colonies. Dans cette même culture, de nombreux kvstes se formèrent ; ils (1) p. -A. Dangeard : Contrib. à VétuUe de$ Acrasiées, loc. cit. LES FLAGELLÉS J 59 étaient sphériques ; leur contenu montrait de nombreux gra- nules réfringents; la membrane offrait une épaisseur variable et parfois des stries concentriques (PI. XXIll, fig. 7-9). Nous avons retrouvé ceiAnthophysa au mois de septembre dernier en très nombreuses colonies dans la même station ; cette espèce paraît affectionner l'eau ferrugineuse ; des kystes nombreux se sont produits ; leur diamètre, non com- pris la membrane, était de 10 ju, environ ; mais autour de cette membrane, on apercevait parfois une couche épaisse de mucus à stries concentriques dont la pellicule externe s'imprégnait de rouille (PI. XXIV, fig. 24). Or nous allons maintenant montrer que la formation de ces kystes est en rapport avec la présence des individus bi- nucléés ; il s'agit en quelque sorte dune reproduction sexuelle rudimentaire. C'est en nous servant des échantillons provenant de la source sulfureuse de Passy, et qui nous ont déjà servi pour l'étude de la leucosine, des germes endogènes, etc., qu'il nous a été possible de suivre le développement des kystes. Comme un grand nombre de ces kystes étaient apparus dans les cultures, l'examen histologique nous montra que tous possédaient d'abord deux noyaux. Il s'agissait maintenant de rechercher si la présence de ces deux noyaux tenait à l'existence d'une conjugaison de gamètes. Nous devons dire que l'apparition de cette quantité con- sidérable de kystes était en relation avec une sorte d'épidé- mie de division, qui entraînait une diminution de taille considérable pour certaines zoopores ; celles-ci arrivaient à n'avoir plus qu'un diamètre de 3 à 4 |ut. (PI. XXIII, fig. 13-18). Dans ces conditions, il était assez naturel de penser que les kystes à deux noyaux provenaient, comme chez le Pokjloma ou les Chlamydomonadinées, de la fusion de ces petites zoospores remplissant la fonction de gamètes. 160 P -A. DANGEARD Tous nos efforts en ce sens ont été infructueux ; il nous a été impossible d'observer un seul cas de conjugaison, et nous avons acquis la certitude que les kystes d'Ànthophysa vegetans se forment par autogamie. En examinant des milliers d'individus, voici ce que nous avons constaté : parmi les zoospores de toutes dimensions qui sont mélangées, les unes ont la structure normale et ne possèdent qu'un noyau, alors que les autres possèdent deux noyaux ; les zoosporcs hinudées se rencontrent tout aussi bien parmi les plus petits individus que parmi tes plus gros (PI. XXIIl, fîg. 17-18). Ce fait explique que les kystes se forment tantôt avec leurs dimensions définitives, lorsqu'ils provien- .nentdes grosses zoospores, tantôt avec un diamètre de 5 p., si ce sont de petites zoospores qui leur donnent naissance. Nous allons commencer par ces dernières ; chaque noyau a un diamètre de 1 p. 5, et malgré cette exiguïté, il possède la structure normale ; on y distingue un petit nucléole cen- tral et du nucléoplasme incolore limité par la membrane nucléaire ; les deux noyaux sont situés à côté l'un de l'autre ; ces zoospores s'arrondissent et augmentent progressive- ment de diamètre jusqu'à atteindre 5, 6 et même 10 p.. Pen- dant cette augmentation de volume, on n'observe pas de membrane proprement dite à la surface ; le cytoplasme, à rintérieur du kyste, est disposé suivant un mince croissant qui renferme les deux noyaux, le reste étant occupé par une vacuole (PI. XXIII, fig. 17-18). C'est lorsque la sphère a atteint 10 (j. en diamètre que la membrane se forme ; la quantité de protoplasma a augmenté ; il entoure la vacuole. Les deux noyaux, qui ont maintenant 2 p., restent assez longtemps à la position qu'ils occupaient ; ils ne sont séparés l'un de l'autre que par un faible intervalle (PI. XXm, fîg. 23). La fusion des noyaux se produit assez tardivement, et lorsque la membrane commence à ne plus laisser passer fa- cilement les réactifs colorants (PI. XXIII, fig. 24-25). LES FLAGELLÉS l(i1 Les deux noyaux s'approchent au contact, et à s'en tenir aux apparences, il se produit dans chacun d'eux une modi- fication déstructure; les nucléoles disparaissent et leur chromatine imprègne uniformémentle nucléoplasme ; chaque noyau se présente alors comme un corpuscule chromatique de structure sensiblement homogène ; c'est à cet état qu'on observe la fusion des deux éléments en un seul noyau. Nous avons en réalité dans ce kyste un œuf à membrane résistante, imperméable ; le protoplasma est disposé sous la paroi en une couche épaisse renfermant le noyau et limitant une large vacuole centrale, parfois subdivisée en deux ou trois. Lorsque ce sont de grosses zoospores binucléées qui don- nent naissance aux kystes, il est plus facile d'établir les dé- tails d'organisation de ces éléments. On voit par exemple que les noyaux peuvent occuper des positions variables dans le corps ; l'un des noyaux conserve toujours avec le groupe des deux flagellums les relations ordinaires (PI. XXIll, fig. 5); le second noyau est placé tantôt tout à côté dans la situation que lui donne la division transversale dont il provient, tantôt au-dessous et rappro- ché de la partie postérieure du corps. Le fait que ces zoospores à deux noyaux ne possèdent qu'un système de deux flagellums avec le blépharoplaste et le rhizoplaste correspondant, confirme le fait qu'il n'existe pas de copulation de gamètes ; lorsque cette copulation existe, comme chez les Polytoma, elle est facile à reconnaître à la disposition des noyaux et des flagellums sur les jeunes zygotes. Tout à fait exceptionnellement, nous avons rencontré une zoospore dont les deux noyaux montraient chacun un rhizoplaste et un blépharoplaste; il n'y avait aucune trace de flagellums (PI. XXHl, fig. 16). Les zoospores binucléées qui donnent naissance aux kystes sont évidemment des individus chez lesquels l'éner- LE BOTANISTE H 162 P.-A. DANGEARD gie a manqué pour une bipartition complète ; le noyau seul s'est divisé en fournissant les noyaux des deux énergides ; mais le protoplasme n'a pas suivi l'impulsion, et les deux éner- gides sontrestées associées;rexemple de la cellule où chaque noyau montre son rhizoplaste et son blépharoplaste montre qu'il s'agit bien de deux zoospores qui auraient dû se sépa- rer et qui sontrestées associées faute d'énergie suffisante. Par conséquent, lorsque ces deux énergides se fusionnent dans le kyste, celui-ci prend le caractère d'un œuf véri- table. Nous aurons à revenir sur cette intéressante question, mais nous tenons auparavant à terminer ce qui a trait à la formati(m de ces kystes et à leur structure. il est bon de remarquer que si les kystes se sont produits en plus grande abondance dans la culture oii nous avons observé une épidémie de divisions, et comme conséquence une quantité de petites zoospores, ces formations se pro- duisent également dans les cultures ordinaires, alors que les individus conservent leur taille normale ; ceux-ci n'ont alors qu'à s'arrondir et à se recouvrir d'une membrane (PI. XXlll, fig. 9). En dehors de la membrane ordinaire, on trouve parfois une épaisseur plus ou moins grande de mucus qui peut se colorer en prenant la teinte de la rouille (PI. XXIII, fig. 9): c'est dans ce mucus que se trouvent sur certains kystes des granules résiduels parfois rougeâtres qui ont été abandonnés par le protoplasma ; leur présence pourrait faire croire à tort que le kyste est endogène, qu il s'est formé à l'intérieur de la cellule, en abandonnant une mince couche de proto- plasma superficielle. Nous avons recherché sans succès la présence de la cellu- lose dans la paroi des kystes ; celle-ci résiste bien à l'action de l'acide sulfurique ou de la potasse concentrée ; elle a très peu d'atlinité pour la safranine, le brun Bismark ; elle se colore par le bleu de Lôfler ; la membrane d'une algue LES FLAGELLÉS 163 qui se trouvait dans la préparation se comportait de même vis-à-vis de ce dernier colorant. Nous avons encore remarqué qu'une pression de la la- melle couvre-objet suffit à faire éclater la coque en plusieurs parties (PI. XXIII, fig. 22) ; on peut donc dire qu'au moins à certains moments, la paroi du kyste est fragile comme du verre. Les kystes ont conservé une polarité que l'on peut retrou- ver assez facilement et qui n'est autre que celle même des zoospores ; du côté antérieur, se trouve une sorte de cratère tout à fait semblable à celui qui a été décrit par Prowazek chez le Momas vivipara ; il existe un rebord légèrement proéminent qui limite le cratère ; au fond de celui-ci, une plage amincie dessine la ponctuation (PI. XXIV, ûg. 14). La leucosine, qui forme, on se le rappelle, un globule plus ou moins gros à la partie postérieure des zoospores, se retrouve dans les kystes au contact interne de la membrane et en un point directement opposé au cratère ; elle affecte une disposition en croissant et sa quantité est aussi variable que pour les zoospores elles-mêmes; les colorants ordinaires n'agissent pas sur elle ; mais on peut réussira y faire appa- raître des stries concentriques (PI. XXIV, fig. 13). Nous supposons qu'il s'agit d'un hydrate de carbone. Les kystes renferment un assez grand nombre de glo- bules réfringents, très brillants; ils sont de nature oléagi- neuse, car l'acide osmique les colore en noir ; plus tard, ils font place à une grosse sphère de même nature (PI. XXIII, fig. 20). Nous avons fait de nombreux essais en vue d'obtenir la germination de ces kystes ; aucun n'a donné de résultats, et cependant nous disposions d'échantillons par milliers et l'observation a été poursuivie pendant plusieurs mois. Après une étude du genre de celle que nous venons de faire sur V Anlhophijsa vegetam, un certain nombre de ques- tions se posent naturellement. 164 P-A. DANGEARD On peut tout d'abord se demander si nous n'avons pas eu dans nos cultures un Mnnas mélangé à VAnthophysa ; nous aurions ainsi confondu les zoospores du Monas avec les individus provenant de la dissociation des colonies de V Anlhophijm . L'objection est si naturelle qu'elle s'est présentée cons- tamment à notre esprit au cours de ces recherches. Notre conviction s'est formée sur les bases suivantes : 1** dans nos cultures d\inthoplujsa nous assistions à la dis- sociation des colonies; 2° les individus, qui se multipliaient ensuite, ressemblaient tous complètement comme organisa- tion et comme structure aux zoospores des colonies; 3° on rencontrait parmi eux, comme dans les colonies elles-mêmes, des éléments binucléés donnant naissance à des kystes ; 4° les zoospores conservaient, à un degré variable il est vrai la tendance à se fixer par l'extrémité postérieure amincie du corps. Si nos conclusions sont exactes, comme nous le pensons, il faut admettre que la forme dissociée de V Anlhophijm veyctam a du être fréquemment décrite comme }Jonas. En ce qui concerne particulièrement l'espèce décrite par Prowazek (1) sous le nom de Monas vivipara, il est bon de remarquer que le corps est asymétrique et qu'il ne possède que deux flagellums, alors que Stein lui attribue un long flagellum accompagné de deux plus petits. Ajoutons que les kystes décrits par Prowazek ressemblent à ceux que nous venons d'étudier avec plus de détails ; mais il sup- posait que les cellules binucléées provenaient d'une copulation, alors que nous avons donné la preuve qu'il s'agit de zoospores ordinaires n'ayant pas subi la bipartition après la division du noyau. Si Prowazek avait représenté quelques individus d'après leur aspect sur le vivant, et si, en même temps, il nous avait (1) Prowazek : Lnc. cit. LES FLAGELLÉS 16o donné quelques détails sur ses cultures, nous pourrions conclure avec plus de précision ; dans le cas actuel, il faut se borner à signaler les points de ressemblance entre nos deux formes, ce qui pourrait conduire plus tard à une assi- milation complète. Il est trop évident que nous n'arriverons pas sur toutes ces questions de si tôt à la certitude complète ; ce qu'il importe, c'est de pénétrer de plus en plus avant dans la connaissance de la biologie de ces êtres. Or nous venons de montrer : 1° que la téléomitose existe avec ses principaux caractères chez les Monas et les Antlio- p/iysa^ alors que de bons observateurs comme Prowazek s'étaient mépris sur la nature de cette division ; "2" nous avons établi que la reproduction sexuelle dans ce groupe a lieu par une sorte d'autogamie, alors que Prowazek suppo- sait qu'il s'agissait d'une conjugaison ; c'est d'ailleurs à ce savant que revient le mérite d'avoir le premier signalé l'exis- tence de ces kystes à deux noyaux et la fusion qui s'y pro- duit. L'existence de l'autogamie chez les Arilhophysa et ses formes Monas dissociées^ constitue un nouveau point de rapprochement avec les x\mibes. Genre Trepomonas. Le genre Trepomonas appartient aux DiUoinala Klebs, c'est-à-dire aux Flagellés qui possèdent deux bouches ; nous avons découvert qu'à cette particularité d'organisa- tion correspond l'existence de deux noyaux. Trepomonas agilis Duj. (PI. XXV, fig. 1-22.) Le genre Trepomonas a été étudié par un grand nom- bre d'observateurs, Butschli, Stein, Klebs, etc. ; ce dernier 166 P.-A. DANGEARD savant nous a fait connaître quelques nouvelles espèces et variétés (1). L'espèce qui a fait l'objet de nos observations a les ca- ractères du Trepomonas agilis ; elle corresponde la variété communis de Klebs ; mais nous devons ajouter que les deux autres variétés, simplex et angulatus, se trouvaient mélan- gées à la première et que nous avons jugé inutile de les distinguer, puisque toutes les transitions existent entre ces diverses formes. La morphologie de ce flagellé est assez compliquée ; le corps, vu de face, a un contour ovale ou elliptique (PI. XXV, fig. 1) ; de profil, il se montre aplati et les deux bords se prolongent, jusqu'à l'extrémité postérieure, en deux ailes qui se recourbent en sens inverse^ de sorte que la section transversale offre l'aspect d'un S ; chaque aile re- couvre, au niveau de l'équateur, une sorte de crique ou de sillon au fond duquel se trouve une bouche, c'est-à-dire une ouverture qui sert pour l'entrée des aliments ; le Trepo- monas possède ainsi deux bouches, au voisinage desquelles s'insèrent plusieurs flagellums. 11 existe un certain nombre de Flagellés qui possèdent ainsi deux ouvertures pour l'entrée des aliments ; ils appar- tiennent Rux genres (j y romonas, Trigonomonas^ Trepomonas, Hexamitus, Urophagiis, Spironema ; on les réunit sous le nom de Distomatineœ Senn ou de Distomata I^lebs. Malgré les nombreuses recherches dont ces genres ont été l'objet, personne ne se doutait que cette particularité d'organisation pouvait correspondre à l'existence chez ces êtres de deux énergides. En ce qui concerne plus spécialement le Trepomonas agilis, Klebs lui-même ne signale qu'un noyau à l'intérieur du corps : « der blaschenformige Kern, bei welchem bis- weilen Butschli ahnlich wie bei Trigonomonas zwei dicht (1) Klebs : Loc. cit., p. 343. LES FLAGELLÉS 167 zusammenliegende Niicleoli beobachtet hat, liegt bei allen Arten stets und unverruckt im Vorderende (1). » Nous avons montré, il y a déjà plusieurs années, que le Trejwmonas aifilk représente un organisme double compa- rable aux deux frères siamois, avec cette différence toutefois qu'il s'agit ici d'une organisation normale se transmettant à travers toutes les générations (2). Nous donnerons ici le détail de ces observations, avec figures à l'appui, après avoir dit quelques mots de la nutri- tion. Nous avons vu que chacune des deux bouches se trouve au fond d'une sorte de sillon à moitié recouvert par un repli marginal du corps; au voisinage et un peu au-dessus, sont insérés quatre flagellums, ce qui fait huit pour l'ensemble; de ces quatre flagellums, trois, d'après Klebs, sont assez courts dirigés vers le bas et ne dépassent guère le niveau du sillon ; l'autre flagellum est de la longueur du corps en- viron ; il est dirigé perpendiculairement à l'axe et sert à la locomotion. C'est en observant des individus au repos que l'on peut voir facilement l'ingestion des aliments; ceux-ci, comme nous l'avons constaté nous-même, consistent le plus souvent en Bactéries, plus rarement en petites algues vertes, et au- tres corpuscules qui se rencontrent dans les putréfactions ; ces particules sont amenées au voisinage de la bouche par le mouvement des trois cils buccaux, et de là ils pénètrent à l'intérieur du protoplasma où on les rencontre ensuite à tous les niveaux (PI. XXV, tig. 3) ; les résidus sont expul- sés à un endroit déterminé du corps, situé à l'extrémité postérieure. Butschli a montré que le cytoplasme offre un mouvement de rotation dont l'intensité et la direction sont variables; (1) Klebs : Loc. cit., p. 347. (2) P. -A. Dangeard : Vorganisation du Trepomonas agilh Dujardin (Comptes rendus, Acad. se, u" 26, t. CXXXV). 168 P.A. DANGEARD il a vu également que la vacuole contractile se forme dans la partie médiane du corps, el que de là elle gagne progres- sivement l'extrémité postérieure où elle se vide de son con- tenu. Nous allons maintenant décrire l'appareil nucléaire si curieux des Trepomonas. L'erreur de Klebs, qui figure à la partie antérieure du corps un gros noyau unique, nucléole, s'explique très proba- blement par la présence à cet endroit d'un corpuscule ali- mentaire, d'une petite algue sphérique par exemple ; nous avons retrouvé plusieurs fois à cette même place un cor- puscule de ce genre qui, à un examen rapide, aurait pu être confondu avec un noyau (PI. XXV, fig. 6) ; mais en prolon- geant les observations, on s'aperçoit bien vite que des élé- ments semblables se rencontrent en des points variables du cytoplasme (PI. XXV, fig. 7). Il fallait chercher par ailleurs, et c'est alors que nous re- marquâmes sur les exemplaires fixés et colorés une forma- tion chromatique en croissant qui occupait tout le bord an- térieur du corps et dont les deux extrémités se prolongeaient jusqu'au point d'insertion des flagellums (PI. XXV, fig. 2-7). Cette apparence plutôt bizarre nous avait fortement intrigué au début, et nous avons cherché pendant longtemps un noyau en dehors de cet appareil chromatophile. Cependant, en examinant de plus près cette sorte de croissant, nous pûmes constater qu'il était formé de deux parties renflées, réunies au contact sur la ligne médiane. L'idée de deux noyaux se faisait jour peu à peu dans notre esprit ; mais leur forme était si particulière, leur position si anormale, que nous n'avancions qu'avec beaucoup d'hésitation. x\u point de vue structure et forme, voici ce que nous pouvions constater ; chaque élément montrait parfois dans sa partie terminale renflée un corpuscule plus chromatique que le reste ; on pouvait vraisemblablement l'assimiler à un LES FLAGELLÉS 169 nucléole. Dans ces conditions, on pouvait croire que cette partie renflée était un noyau ordinaire sur lequel un blé- pharoplaste conique portant des flagellums venait s'insé- rer. On rentrait ainsi dans la règle (PI. XXV, fig. 3-4). Mais certaines constatations faites sur d'autres individus venaient à l'encontre de cette interprétation. Ainsi parfois il y avait absence de nucléole, et le nucléo- plasme se continuait sans aucune transition ni changement depuis une extrémité jusqu'à l'autre (PI. XXV, fig. 9-10) ; enfin, sur d'autres individus, la membrane nucléaire était très nette, et on la suivait sans discontinuité jusqu'au voisi- nage des flagellums ; il en était de même à l'intérieur pour le nucléoplasme (PI. XXV, fig. 6). II devenait évident que c'était le noyau lui-même qui se prolongeait ainsi jusqu'au point d'insertion des flagellums ; à cet endroit, on distinguait parfois assez nettement une sorte de petit épaississement comparable à un blépharoplaste (PI. XXV, fi^. 11). Dans quelques individus, nous avons même aperçu, par- tant de ce blépharoplaste, une sorte de tronc muni de fines ramifications qui se prolongeaient plus ou moins loin ; nous considérons cet ensemble comme une sorte de rhizoplaste de nature particulière (PI. XXV, fig. 3). La position même de ces deux noyaux présente quelque chose d'anormal ; au lieu d'être situés à l'intérieur du corps comme la chose a lieu ordinairement, ils sont placés tout à fait superficiellement; à peine distingue-t-on parfois un très mince espace entre ces noyaux et la pellicule externe qui limite le corps. Les deux noyaux sont disposés dans le plan de la plus grande largeur ; on les voit donc tous les deux, si on re- garde de face la portion la plus large du Trepomonas ; on n'en distingue qu'un seul si le Trepomonas est de profil (PI. XXV, fig. 5, lo). L'étude de la division nucléaire présentait ici des diflicul- 170 p. -A. DANGEARD tés plus grandes que partout ailleurs ; nous avons pu cons- tater cependant qu'il s'agit d'une léléomitose analogue à celle des Monas. Le Trepomonas, au moment où il se prépare à la biparti- tion, augmente d'épaisseur ; chaque noyau perd l'aspect qu'il avait précédemment ; il devient plus ou moins globu- leux, sans que nous puissions exactement préciser les di- vers stades de cette transformation (PI. XXV, fig. 19-20); les deux noyaux forment leur fuseau, perpendiculairement à la face la plus large ; les deux tonnelets qui en résultent sont parallèles et très distincts l'un de l'autre, quoique se touchant presque. Les plaques chromatiques sont si petites dans ces tonnelets qu'il semble impossible de compter le nombre des chromosomes ; à la fin de l'anaphase, chaque plaque chromatique s'arrondit en un corpuscule d'appa- rence homogène (PI. XXV, fig. 21-22). C'est alors que se produit une échancrure qui sépare sui- vant un plan médian vertical les nouveaux individus : ce plan est parallèle à la face la plus large du Trepomonas : chaque organisme possède donc deux noyaux d'origine différente ; ceux-ci, en passant à l'état de repos, reprennent leur disposition en croissant. Le Trepomonas a(filh représente un organisme double: nous avons proposé de désigner sous le nom de Diplomona- diens les Flagellés possédant cette structure, et sous le nom plus général de Diplozoïdes les animaux ainsi consti- tués. Chez le Trepomonas, cette anomalie provient soit d'un dédoublement primitif, soit de la fusion incomplète de deux individus ; la première hypothèse nous paraît la plus vrai- semblable. On pourrait peut-être même voir l'origine de cette anomalie dans la tendance à la structure binucléée que montrent les zoospores d'Àntliophysa : ici, l'équilibre s'est trouvé rétabli par la fusion des deux noyaux lors de la formation des kystes; mais on peut supposer que de telles LES FLAGELLÉS 171 zoospores à deux noyaux auraient pu se multiplier à la façon du Trepomonas : nous penchons pour cette dernière hypothèse et nous attribuons à cette cause l'origine des Flagellés réunis sous le nom de Diplostoniata. Nous retrouvons dans VAmœba blnucleata un phénomène analogue: cette espèce possède deux noyaux qui se divisent simultanément, il en €st de même de VAmœba diploidea (1). IJArcella vulgaris doit être rangée également parmi les Diplozoïdes, à la suite de nos observations sur son appareil nucléaire. On sait, d'autre part, que chez les Basidiomycètes, les cellules binucléées transmettent de l'une à l'autre deux lignées indépendantes de noyaux; c'est dans la téleutospore ou dans la baside que s'opère la fusion nucléaire à laquelle on accorde maintenant un peu partout la signification d'acte sexuel. La question se pose de savoir s'il se produit quelque chose d'analogue au cours du développement chez les Diplo- zoïdes. Toutes ces observations ouvrent la voie à de nouvelles recherches : ainsi on devra rechercher si les autres Disto- mata, comme lesHcxamiltia par exemple, possèdent également deux noyaux; on arrivera aussi à savoir si ces noyaux se fusionnent par autophagie au cours de l'enkystement, comme la chose paraît maintenant probable. Genre Codonosiga. (T. IX, fig. 1-5.) Nous avons étudié dans ce genre le Codonosiga botrytis. . Stein a donné de beaux dessins de cette espèce (2) ; il a marqué exactement la position du noyau et sa structure; (1) Naegler : Loc. cit., p. 31-36. (2) Stein : Loc. cit., pi. VIII. 172 P.-A. DANGEARD nous nous contenterons de fournir quelques indications sur le mode de division de ce noyau. Le corps est ovale ou globuleux et muni à sa partie supé- rieure d'une collerette assez longue; le flagellum s'insère sur le protoplasma au centre même de cette collerette (T. IX, fig. 1-2). Le noyau a un diamètre de 2p, 5 environ ; il possède une membrane nucléaire, un nucléole central, et autour du nucléole, une zone de nucléo- plasme; ce nucléoplasme est légèrement chromatique sur les plus gros noyaux ; il se colorait en rose avec les doubles colo- rations au picro-carmin et à riiématoxyline. La division nucléaire est une téléomitose semblable à celle des Marias : nous avons ren- contré de beaux stades de la plaque équatoriale et de la phase tonnelet; le fuseau se dispose transversalement ; ses deux extrémités viennent s'ap- puyer sur le périplaste; les chromosomes étaient distincts au nombre d'une dizaine environ ; nous n'avons pas vu de centrosomes; le protoplasma situé au-dessous était va- cuolaire (T. LX, fig. 3-5). Le stade tonnelet n'offrait rien de particulier ; nous note- rons seulement qu'à l'anaphase, les deux noyaux reprennent rapidement leur structure normale de l'état de repos (T. IX, fig. 5). Sur l'unique individu rencontré à cet état, on n'observait aucune trace de bipartition du corps. On sait que Stein a figuré de nombreux états de division longitudinale; France, d'autre part, a décrit une sorte T. IX. Codonosif/a bolrijtis, (ig. 1-5. LES FLAGELLÉS 173 de division transversale ressemblant à un bourgeonne- ment (I). Il y a lieu de croire que si ce dernier mode de reproduc- tion existe réellement, — ce dont nous n'avons aucune rai- son de douter, — il doit être précédé, comme la bipartition normale, d'une division nucléaire transversale ; on rentre- rait ainsi dans la règle. '2p Codonocladium umheUatum Stein. (T. X, fjg. 1-2.) Nous n'avons fait que peu d'observations sur cette espèce. Le corps est globuleux, d'un dia- mètre de 10 à 15 |x; il est muni d'une très longue collerette. Le noyau ressemble comme struc- ture à celui des Codonosifja. Nous n'avons rencontré que trois aspects de la division : un stade ton- nelet, dans lequel on apercevait deux niasses chromatiques réunies par un trabécule de même couleur; un stade analogue rappelant davantage la di- vision d'un Monas, et enfin un indi- vidu en bipartition possédant deux noyaux à l'état de repos. On ne saurait tirer aucune con- clusion d'observations aussi frag- mentaires. Nous avons rencontré quelques espèces de Salpingœca : dans ce genre, les individus sont munis d'une collerette comme X. Codonocladium iim- beilatum, llg. 1-2. (1) D'après Senn : Loc. cit., p. 125. 174 P.-A. DANGEARD dans les espèces précédentes,, mais ils habitent à l'inté- rieur d'une chambre de nature chitineuse et dont la forme est variable; on en compte une vingtaine d'espèces qu'il est assez difficile de distinguer les unes des autres. Genre Salpingœca. - (T. XI, fig. 1-2.) Une première espèce est très voisine du S. convallaria Stein; la coque est sessile, de forme arrondie; l'ouverture de la chambre est moins grande que dans le S. convallaria ; la collerette est aussi plus allongée et elle est cylindrique. Le cytoplasme est séparé de la coque par un intervalle plus ou moins large ; il est clair et vacuolaire. Le noyau est relativement volu- mineux ; son diamètre est de 4 à 5 p.; il est situé à l'avant presque au contact de la surface; le flagellum, qui est très long, s'insère sur un petit blépharoplaste; ce dernier n'est séparé du noyau que par un très faible intervalle. Le noyau ne possède qu'un tout petit nucléole ; aussi la zone de nucléoplasme incolore est-elle plus large qu'à l'or- dinaire. Nous n'avons pas réussi à observer la division nucléaire dans cette espèce. Le Salpingœca amphoroidium'T . X II, fig. 1-4), nous a montré également de gros noyaux atteignant o (j. : leur diamètre dépassait parfois celui du col de l'amphore qui sert de coque; ces noyaux avaient un tout petit nucléole. Le SalpimjŒca vaginicola (T. XIII, fig. 1-2' possédait des noyauxplus petits et plus éloignés de la surface. Cette espèce T. XI. Salpingœca sp. tig. 1-2. LES FLAGELLÉS 175 est d'ailleurs excessivement difficile à fixer; on voit le flagellum s'agiter en hélice, puis brusquement le corps se contracter tout d'une pièce et se retirera l'intérieur de la coque. Nous ferons rentrer ici dans le genre Salpingœca un orga- nisme chez lequel le protoplasma est conte- nu à l'intérieur d'une coque épaisse et de couleur jaune brun ; nous avons été long- temps sans reconnaî- /;:;(•)■ tre la nature de ces formations , et c'est tv^S/ tout à fait par hasard que nous avons vu sor- \[ J' tir de ces sortes de kystes un prolonge- t. XII. Salpingœca amphoroidium. ment de protoplasma muni d'une collerette et portant un flagellum. Salpingœca minor sp. nov. (T. XIII, fig. 3-5.) La coque est sphérique, épaisse, de couleur jaune brun, et d'un diamètre de 8 à 12 p, i la coque présente en un point une ouverture circulaire qui donne passage aune collerette et à un long flagellum; parfois le protoplasma portant la collerette proémine plus ou moins au-dessus de la coque. Les détails internes ne se distinguent pas à cause de l'opacité de la coque. Nous ignorons comment l'espèce se multiplie, et nous ne serions pas autrement surpris si on arrivait plus tard à démontrer que cette espèce n'est que le stade d'enkyste- ment d'un Salpingœca ordinaire. nr» P.-A. DANGEARD Nous avons également figuré une autre forme analogue, mais plus grosse; la membrane était plus mince, mais la forme générale restait la même (T. XÎII, fig. 6). T. X[II. Salpingœca vaginicola, fig. 1-2. — Salpvujirca minor, fig. 3-5. Salpingœca sp., fig. 6. Spongomoiias minima sp. nov. (T. XIV, fig. 1-10.) Nous avons eu l'occasion de rencontrer à deux reprises différentes, à Paris et dans la Sarthe, un très curieux orga- nisme ; il s'était développé abondamment dans de l'eau con- tenant divers débris végétaux. Les cellules sont excessivement petites ; leur diamètre varie entre 4 et 8 fj. ; elles sont sphériques, plus rarement de forme ovale; elles sont isolées ou réunies en colonies, de deux, quatre ou huit individus (T. fig. 1-10). En dehors de la membrane, se trouve une couche de gelée granuleuse : celle-ci se colore en vert par le vert de mé- LES FLAGELLES 177 thyle lorsqu'on fait agir le réactif sur les colonies vivantes; cette enveloppe est d'épaisseur très variable et colorée en jaune par de la rouille ; on rencontre çà et là des cellules qui sont dépourvues de cette couche granuleuse ou qui n'en montrent que des traces (T. XIV, fig. 3). / 2 5 ' f^',v3i -.1-.. s m o .^ ^ 5 'ilio' . w^m & S & % ;(^^ ,f> T. XIV. Spongomonaa minima, fig. 1-10 JO La présence de cette gelée granuleuse qui entoure les cellules et les colonies conduit à penser que notre orga- nisme doit être rapproché des Spomjomonas. On connaît trois espèces àe Spongomonas : S. uvella St., S. intestinum St., ^S". discus St. (1); ces deux dernières pourraient même être réunies en une seule très probable- ment ; elles semblent correspondre au Monas consociata Fres. et au Pludansterium intestinum de Gienkowski. Dans notre espèce, les colonies ne s'unissent pas en une masse de forme déterminée comme dans les Spongomonas déjà décrits ; elles sont dispersées dans la culture et restent indépendantes ou se touchent à peine. (1) Stein : Loc. cit., pi. VI. LE BOTANISTE. 12 178 P-A. DANGEAKD D'un antre côté, les cellules sont beaucoup plus petites ; alors que le diamètre varie chez les autres Spongomojias entre 8 et 12 p., nous venons de voir que dans notre espèce le diamètre est de 4 à 8 |jl. Nous devons ajouter que, malgré tous nos efforts, il nous a été impossible jusqu'ici de voir nettement les flagellums ; nous sommes arrivé à douter de leur existence pendant la période de la vie en colonie. La chose nous a d'autant plus étonné que Stein figure deux longs flagellums insérés à la «partie antérieure de toutes les cellules placées à la surface des grosses colonies; il faut croire que dans ces dernières les flagellums, par suite de la dimension plus grande des cellules, sont plus faciles à apercevoir. En l'absence de renseignements sur le nombre des flagel- lums dans notre espèce, nous ne la plaçons qu'avec doute parmi les Spongomonas ; nous la désignerons, à cause de sa petite taille, sous le nom de S. minima. Après l'action des réactifs colorants sur les cellules, on arrive à distinguer parfaitement un noyau sphérique possé- dant un nucléole central ; ce noyau ne dépasse guère 1 [j. en diamètre; il a une position déterminée dans la cellule ; il est en contact avec la membrane en un point qui doit correspondre à la partie antérieure des zoospores (T. XIV, fig. 8-10). Les cellules se multiplient par division longitudinale ; nous avons même cru apercevoir un stade tonnelet; mais comme on arrive à la limite de la vision distincte, il est impossible de préciser. La nutrition dans cet organisme ne peut avoir lieu que par osmose ; il est même assez difficile de comprendre com- ment elle s'accomplit utilement au travers de l'épaisse couche de gélatine qui entoure les cellules. Nous pensons que les petites cellules qui sont encore LES FLAGELLÉS 179 dépourvues de cette enveloppe sont des zoospores qui viennent de passer à l'état de repos (T. XIV, fîg. 3) ; mais nous devons ajouter que jamais nous n'avons eu l'occasion d'observer ces cellules en mouvement. Cet organisme, par le mode d'assemblage des cellules en colonies semblables à celles d'une algue, par la présence d'une enveloppe épaisse granuleuse qui nécessite une nutri- tion saprophytique, par la petitesse des noyaux est certaine- ment un des représentants les plus intéressants du groupe des Flagellés. Bien que nous ayons l'intention de résumer, à la fin de ce mémoire, les conclusions d'ensemble, il n'est pas inutile sans doute de signaler ici les points lesplus importants qui vien- nent d'être abordés dans cette étude des Flagellés. A) La découverte d'un monde particulier de division nucléaire dans les espèces du genre Bodo paraît devoir être fertile en conséquences ; nous y voyons à l'heure actuelle une sorte de transition entre le type décrit par Wahlkampf et par nous chez VÀnKrha Umax et l'haplomitose des Euglé- niens : le nucléole se divise pour fournir les deux calottes polaires et la répartition de la chromatine qui se fait sous forme variable de granulations, de bâtonnets ou de chromo- spires semble être assez imparfaite. B) On peut opposer ce mode de division à la téléomitose normale, telle que nous l'avons rencontrée chez les Cerco- morias, Monas, Arithophysa, Treponionas ; on y voit exacte- ment, comme chez les Amibes du type A Mleichenii^nniuseau, une plaque équatoriale, un stade tonnelet, avec un nombre de chromosomes qui paraît fixe pour chaque espèce. C) Les relations de l'appareil locomoteur avec le noyau sont nettes chez beaucoup de Flagellés ; actuellement, il semble qu'il y ait un rapport étroit entre la présence du blépharoplaste, du rhizoplaste, du condyle et l'existence de la téléomitose normale. D) VAnlhopInjsa vegetam nous fournit un exemple très 180 P.-A. DANGEARD intéressant d'autophagie sexuelle, dans ce qu'elle a de plus simple. Il serait du plus haut intérêt d'obtenir la germina- tion des kystes, car vraisemblablement c'est à ce stade que se produit la réduction chromatique. LES ALf.lŒS TNFÉRIEl'HES 181 QUATRIÈME PARTIE LES ALGUES INFÉRIEURES. Les organismes que nous avons étudiés jusqu'ici dans ce travail sont ou bien des Rhizopodes ou bien des Flagellés ; ceux qui nous restent à décrire appartiennent à des groupes qui possèdent des affinités végétales incontestables : Chloro- monadinées, Cryptomonadinées, Eugléniens, etc. Ainsi que nous l'avons écrit à diverses reprises, le carac- tère végétal apparaît dans ces groupes comme une consé- quence d'un changement dans le mode de nutrition et de l'apparition de la chlorophylle ; il ne faut pas s'étonner, d'autre part, de la ressemblance de ces êtres avec les Fla- gellés ordinaires, puisqu'ils en dérivent directement. Dans un problème de la nature de celui-ci, l'intérêt ne consiste pas, comme on semble le croire trop souvent, à dire de deux organismes inférieurs qui se ressemblent étroi- tement : celui-ci est un animal ; celui-là est un végétal. La question est toute différente. Il s'agit de mettre en évidence les diverses causes qui ont présidé à l'évolution de la série animale et de la série végétale, de rechercher parmi ces causes celles qui ont eu l'influence prédominante, de reconnaître à quel niveau ces causes ont commencé d'agir et quels en ont été les effets. Or, dans le cas qui nous occupe ici, il devient de plus en plus évident que les groupes d'Algues inférieurs se ratta- chent aux Flagellés dont ils dérivent directement ; parmi ces groupes, les uns se terminent en cul-de-sac, alors que les autres se continuent par les Algues supérieures. L'objet d'un travail comme celui-ci est de chercher à approfondir de plus en plus les secrets de l'organisation et du développement de ces organismes inférieurs ; on arrivera 182 P.-A. DANGEARD ainsi progressivement à pouvoir établir la filiation directe et les affinités des groupes. Prenons les Eugléniens par exemple : en montrant que chez tous ces êtres, le noyau se divise par haplomitose, nous avons donné la preuve que les Eugléniens constituent bien un groupement homogène ; nous savons qu'il est sur une ligne d'évolution très différente de celle des Chlamy- domonadinées qui possèdent la téléomitose. Or Eugléniens et Chlamydomonadiens dérivent des Fla- gellés : nous devons par conséquent trouver chez ces ancê- tres des traces tout au moins de ces deux modes de divisions en apparence si différents. Déjà il nous a été donné d'établir qu'en effet, toute une série de Flagellés, comme les Monas, les Trepomonas, les Anthophijsa , etc., possèdent une téléomitose normale, alors que le groupe des Bodo montre une division nucléaire se rapprochant de l'haplomitose. Nous tirerons, le moment venu, de ces faits les conclu- sions qu'ils comportent; mais on peut prévoir que dans l'en- semble des organismes inférieurs, nous devons nous heurter parfois à des cas qui paraissent tout à fait exceptionnels, parce qu'un certain nombre de chaînons manquent, ont disparu, ou bien sont simplement encore ignorés. Nous allons constater un fait de ce genre dans le premier groupe que nous allons étudier, celui des Chloromona- dinées. I ClILOROMONADINEyE Senn. On a réuni sous ce nom un certain nombre de genres dont la plupart sont encore très mal connus. Les cellules sont recouvertes par un périplaste nettement délimité, mais très mince ; elles sont plus ou moins méta- boliques ; la plupart possèdent des chloroleucites;il n'existe LES ALGUES INFÉRIEURES 183 pas de point oculiforme ; le produit d'assimilation est de l'huile; à la partie antérieure se trouve un système de deux ou trois vacuoles contractiles. La nutrition est saprophyti- que et holophytique ; la multiplication se fait par division de cellules à l'état de repos et parfois recouvertes d'une épaisse couche de gélatine. Kystes sphériques recouverts d'une épaisse membrane ou d'une large enveloppe de gélatine. Le tableau suivant, dû à G. Senn(l), permet de déter- miner les genres appartenant à cette famille. A. Deux flagellums. a) Flagellums de longueur variable : l'un est plus long que le corps ; le second est très court : Chloramœba. b) Flagellums de longueur sensiblement égale et des chromatophores ; jamais de pseudopodes. L Formation ressemblant à des trichocystes dans la couche externe du cytoplasme : Rlmphidomonas. IL Absence de ces formations: Vacuohiria. B) Pseudopodes sur la face ventrale; pas de chromato- phores : Thaurnatontastijc. B. Un flagellum. (/) Partie antérieure avec trichocystes : Merotricha. b) Pas de trichocystes : Cœlamonas. G. Senn fait remarquer que les seuls genres bien carac- térisés sont les Vucuolaria, Chloramœba, Rlmphidomonas et Thaumatomastix ; le genre Cœlomonas doit être réuni pro- bablement aux Vacuolaria et le genre Merotricha aux liaphi- domonas. On ne pourra arriver à des conclusions fermes que lors- qu'on connaîtra mieux l'organisation de ces genres : il est probable que la connaissance de la structure du noyau et de son mode de division pourra servir, comme chez les (1) Senn : Loc. cit., p. 170. 184 P.-A. DANGEARD Eugléniens, à rapprocher certains genres et à en éloigner d'autres. Le genre Vacuolariii est letype de la famille ; aussi était-il intéressant d'étudier avec détail l'él-ément nucléaire dans une espèce ; c'est ce que nous avons enirepris de faire avec le V. virescens ; nous avons été surpris de trouver là quelque chose de très différent de ce que nous avions rencontré jus- qu'ici. Yacuolaria virescens Cienk. (PI. XVI, PI. XVII.) Nous avons rencontré cette espèce dans les environs de Poitiers. Le corps en ovale, globuleux ou même pyriforme ; à la moindre pression, il présente des déformations plus ou moins accentuées ; les zoospores possèdent deux longs flagel- lums insérés dans une sorte d'échancrure antérieure ; l'un des tlagellums est dirigé en avant, l'autre est rabattu sur le corpset traîné à l'arrière (PI. XXVI, fig. 1). Les auteurs ne sont pas complètement d'accord sur le fonctionnement des vacuoles contractiles. Nous avons vérifié la description de Klebs ( J ) qui nous paraît exacte : une grosse vacuole, arrivée à son maximum d'extension, reste un instant stationnaire, puis se vide lentement jusqu'à disparition complète. Pendant cette contraction, une seconde vacuole apparaît qui met 1/2 minute environ à atteindre son volume normal ; celui-ci reste constant pendant une à deux minutes et la systole se produit comme pour la première ; cette vacuole prend naissance aux dépens de plusieurs petites. On constate d'ailleurs des variantes sans importance. Nous avons cru voir, au moment où la grosse vacuole se contracte, un fin canal qui la faisait communiquer avec l'ex- térieur. (1) Klebs : Loc. cit , p. 393. LES ALGUES INFKRIEURES 183 Le périplaste qui recouvre le corps est une couche mince qui d'ordinaire se colore peu par le carmin, l'hématoxyline, la fuchsine acide, etc. ; elle prend, d'après Klebs, une teinte jaune avec le chlorure de zinc iodé ; elle est réfringente et homogène. Sous le périplaste, on remarque d'une façon à peu près constante de petits éléments globuleux ou aplatis, plus ou moins rapprochés ; avec l'hématoxyline, ils prennent une coloration gris fer. Comme la membrane est fort mince, il semble parfois que ces globules sont superficiels ; mais on finit toujours par reconnaître avec un peu d'attention qu'ils sont situés sous la membrane (PI. XXV-XXVI). Ces formations nous paraissent assez répandues chez les Flagellés et les êtres qui en dérivent. On pourrait, en effet, les rapprocher des granulations qui existent sous la membrane de certaines espèces d'Euglènes, par exemple chez VEuglena granulata (1). (( Sous la membrane qui est fortement striée en spirale, on trouve de nombreuses granulations disposées régulière- ment ; elles se colorent par le picro-carmin et l'hématoxyline en lie de vin ou en noir ; elles sontsituées en contact immé- diat avec la membrane ; ces corpuscules sont probablement en rapport avec la sécrétion du mucus, comme chez VEn- (jlemi vehita, mais avec des différences de forme très carac- téristiques, puisque dans cette dernière espèce, les éléments colorables sous-cuticulaires ont l'aspect de bâtonnets (2). » Nous rapporterions volontiers également à ces mêmes éléments les formations analogues que l'on rencontre parfois chez le Monas vivipara ou chez les formes dissociées de VAnthophysa vegetans. Il est difficile, d'autre part, de ne pas comparer les granu- lations chromatophiles du Vavuolaria viresceus avec les (1) P.-A. Dangeard : Recherches sur les Eiigléniens (le Botaniste, 8e série). (2) P.-A. Dangeard : Loc cit., p. 77 du tirage à part. 186 P -A. DANGEARD prétend as trichocystes des Raphidomonas et des Merotricha. Que l'on veuille bien se reportera la description du mode de formation du mucus chez VEuglena velata, telle qu'elle a été donnée par Klebs et par nous, et on arrivera à la convic- tion que les éléments chromalophiles du périplaste chez les Chloromonadiens sont semblables à ceux des Eugléniens et qu'ils ont un rôle identique dans la formation du mucus. La différence entre ceux des Vacuolaria et ceux des Rhaphi- domonas rappelle exactement la différence constatée à cet égard entre VEuglena velata et VEuglena granulata. En résumé, si nos vues sont exactes, la formation du mucus chez les Chloromonadiens est en relation, comme chez les Eugléniens, avec des granulations ou des bâtonnets chromalophiles qui sont disposés sous le périplaste ou à l'intérieur même de cette membrane ; il n'existe, par suite, aucune raison de comparer ces éléments à des trichocystes. Ordinairement, on peut distinguer deux zones dans le cytoplasme ; une zone externe achromatique et une chambre centrale chromatophile qui renferme à son intérieur le noyau. La chose nous paraît d'autant plus intéressante qu'elle constitue une exception chez les organismes inférieurs ; il est également remarquable de constater, dans l'importance de ces deux parties, des différences considérables selon les individus (PI. XXVI, fig. 2-12). La zone externe qui est limitée par le périplaste renferme les chloroieucites et les vacuoles; le protoplasma montre un aspect gélatineux assez dense sans structure apparente ; les chloroieucites qui sont logés à son intérieur ont la forme de disques ou sont parfois allongés en bâtonnets ; ils sont en nombre très variable selon les individus et plus ou moin? rapprochés les uns des autres ; les plus extérieurs touchent directement au périplaste; les plus internes bordent la couche chromatophile; dans le cas où cette dernière manque, on les rencontre jusqu'au voisinage immédiat du noyau LES ALGUES LNFÉRIEURES 187 (PI. XXVI, ûg. 0-6) ; ces corpuscules chlorophylliens ont une structure homogène et ils sont peu sensibles à l'action des réactifs colorants ordinaires, tels que l'hématoxyline ou le picro-carmin. ' L'absence d'amidon, avec un système chlorophyllien aussi développé, est un fait assez surprenant : peut-être est-il en rapport avec la quantité de substance carbonée sécrétée sous une autre forme, celle de mucus gélatineux exsudé au dehors ou imprégnant le protoplasma. Le mucus qui filtre au dehors du périplaste est à différents degrés de consistance ou d'épaisseur : tantôt, comme sur les individus en mouvement, c'est une sorte de nuage dont il est impossible de fixer les limites précises ; tantôt, comme sur certaines cellules au repos ou en division, sa limite ex- terne devient fort nette; elle peut même prendre une légère teinte rouge par le picro-carmin ; son épaisseur est alors quelquefois très grande, et rappelle les formations de même nature qui entourent les cellules de certaines Desmidiées et Conjuguées ; c'est particulièrement autour des kystes que nous avons constaté la présence d'une enveloppe gélatineuse très épaisse (PI. XXVII, fig. 8-9). Le système des vacuoles ordinaires se trouve dans lazone externe de protoplasma, mais on le distingue mal sur les individus fixés et colorés par les réactifs; sur ceux-ci, on ne trouve, en général, qu'une très grande vacuole plus ou moins aplatie et déformée qui s'étend entre le périplaste et la couche chromatophile ; certaines cellules présentent, en outre, une ou deux vacuoles plus petites (PI. XXVI, fig. 3-8). La zone interne est formée par un protoplasma qui est surtout sensible à l'action du picro-carmin ; les autres réac- tifs, et en particulier l'hématoxyline, ne différencient pas cette couche avec la même netteté. Quand nous aurons décrit les diverses manières d'être de cette zone interne de protoplasma chromatophile, on ne sera 188 FA. DANGEARD pas surpris des difficultés que nous avons éprouvées pour interpréter la structure du noyau lui-même. Lorsque la zone interne chromatophile possède un contour net qui la sépare de la zone externe, elle semble faire partie du noyau ; la plupart des histologistes, en face de cet aspect unique, n'auraient aucune hésitation ; ils décriraient le noyau comme étant formé par un gros corpuscule central semblable à un nucléole et entouré par une zone de nucléo- plasme chromatique (PI. XXVI, fîg. 3-lU). Mais comme il est des cas, peu nombreux, il est vrai, où cette zone manque, le noyau, avec cette interprétation, serait réduit au pseudo-nucléole (PI. XXVI, fig. 5-6). Il nous a fallu, pour arriver à une interprétation satisfai- sante, étudier un grand nombre d'individus; voici ce que nous avons constaté. Le gros corpuscule sphérique central, que l'on pourrait confondre avec un nucléole, représente, en réalité, un noyau qui vse rapproche par certains côtés du macronucleus des ïnfusoires ciliés ; lorsque la substance chromatique de ce corpuscule s'étend jusqu'à la membrane nucléaire, celle-ci peut passer inaperçue (PI. XXV^I, fig. G) ; mais assez fré- quemment, il existe un intervalle incolore entre le nucléo- plasme et la membrane nucléaire, et celle-ci est alors très nette, avec un double contour (PI. XXVI, fig. 4, 8, il, 12). On pourrait discuter sur la nature de cet intervalle inco- lore, situé entre le nucléoplasme et la membrane ; il est pos- sible qu'il soit dû parfois à une sorte de contraction du nucléo- plasme sous l'action des agents fixateurs ; mais on s'explique mal que cette contraction n'ait pas lieu dans toutes les cel- lules. D'autre part, il semble bien que dans certains cas tout au moins, cet intervalle soit rempli par une sorte de substance incolore et dense. Le nucléoplasme qui constitue la masse du noyau est très dense et se colore fortement par l'hématoxyline et le picro- carmin ; sa structure se présente le plus souvent comme LES ALGL'ES INFÉRIEURES 181) homogène ; toutefois, nous avons aperçu, chez certains in- dividus, une structure finement granuleuse. Nous ignorons s'il faut voir dans ces différences une action des réactifs ou le résultat d'une structure variable avec les circonstances. Lorsque le nucléoplasme est granuleux, le noyau des Vacao- laria offre une grande ressemblance avec le macronucleus des infusoires ciliés. 11 s'en rapproche encore davantage, lorsqu'il présente en son milieu des corpuscules nucléolaires: ceux-ci sont souvent au nombre de deux ; leur forme est sphérique (PI. XXVI, fig. 6-9). Nous avons rencontré un individu chez lequel cette subs- tance nucléolaire était disposée en petits amas à la surface du nucléoplasme (PI. XXVII, fig. 7). Les limites du noyau étant maintenant bien délimitées, il nous est facile d'établir les diverses manières d'être de la zone chromatophile interne du protoplasma. 1" Ce protoplasma est abondant ; il forme alors quelque- fois une couche très régulière autour du noyau; sur d'autres cellules, la surface externe devient irrégulière à contour polygonal ; sur d'autres encore l'irrégularité s'accentue et le noyau en vient à occuper une position excentrique ; plus rarement, on observe dans cette zone une première couche dense entourant le noyau et une seconde couche vacuolaire entourant la première (PI. XXVI, fig. 7). 2"^ Le protoplasma chromatophile est peu abondant ou manque (PI. XXVI, fig. 5-6; PI. XXVII, fig. 9). Un cas intéressant est celui-ci : de la couche mince qui en- toure le noyau, on voit partir un réseau chromatophile qui s'étend jusqu'au périplaste (PI. XXVI, fig. 4). Lorsque Tendoplasme chromatophile manque, les chloro- leucites se voient jusqu'au contact même du noyau. On serait tenté d'appliquer au protoplasma chromatophile des Vacuolaria l'expression de chromidium ou de réseau Qliromidial au sens d'Hertwig. Nous avons vu, dans la première partie de ce mémoire, 190 P.-A. DANGEARD qu'Hertwig avait appelé l'attention sur une substance qui se colore d'une façon intense, comme la chromatine sous l'ac- tion du carmin boracique; elle forme, en général, un anneau à la périphérie du corps des Arcelles, mais elle peut s'éten- dre en amas irrégulier dans le cytoplasme ; le réseau chro- midial et le réseau protoplasmique se confondent dans les kystes. Il y a bien une certaine analogie entre la substance chro- matophile des Vacuolaria et le chromidium des Arcelles ; le meilleur réactif colorant est dans les deux cas le carmin ou ses dérivés : cette substance est en proportion variable; elle peut disparaître complètement; cette substance se produit en abondance dans des organismes à très gros noyaux char- gés de chromatine ; dans les Vacuoldria et les Arcella, le diamètre atteint souvent 12 p,. Mais nous sommes arrêté dans cette comparaison qui semble pourtant s'imposer par un scrupule : à tort ou à raison, nous supposons que chez les Vacuolaria, la substance chromatophile sert à la formation du mucus qui est si abon- dant dans cette espèce. Hertwig et ses élèves admettent, par contre, que le réseau chromidial chez les Arcelles et ailleurs peut donner directement naissance à de nouveaux noyaux. Nous avons donné précédemment la preuve que cette hypo- thèse de l'origine des noyaux aux dépens du chromidium ne repose sur aucune observation sérieuse; mais comme nous ignorons, en fait, le rôle du réseau chromidial, nous ne vou- drions pas, en donnant le même nom au cytoplasme chroma- tophile des Vacuolaria, faire croire que partout ces forma- tions jouent un rôle dans la production du mucus. En résumé, si nous ne voyons aucun inconvénient à dési- gner sous le nom de chromidium ou de réseau chromidial, le cytoplasme chromatophile des organismes inférieurs, c'est à condition qu'on ne veuille pas attachera ces formations un rôle dans la genèse des noyaux ; le rôle du chromidium n'est pas nécessairement le même chez tous les organismes. LES ALGUES INFÉRIEURES 191 et à dire vrai, nous ignorons encore en quoi il consiste exac- tement. Sous ces réserves, nous pensons qu'il y a avantage pour la terminologie à désigner sous le nom de chromidium et de réseau chromidial le protoplasma chromatophile des Vacuo- laria. Nous avons cherché à voir comment se comporte le noyau des Vacuolaria pendant la division. La bipartition du corps se fait à l'état de repos et sous une couche de gélatine plus ou moins épaisse. Bien que nous ayons passé beaucoup de temps à cette recherche, nos résultats sont incomplets. Si nous pouvions accorder une confiance absolue à la fig. 10 (PI. XXVII), nous serions en droit de conclure que la division du noyau est directe ; en effet, on voit dans cette figure la masse chromatique du noyau qui, sans autre différenciation in- terne, se sépare en deux moitiés : autour se trouve le chromi- dium. Mais nous avons quelque doute sur la nature de cette cellule et il pourrait se faire qu'il s'agisse d'un organisme autre que le Vacuolaria. Dans les autres exemples qui se rapportent avec certitude au Vacuolaria virescens, le noyau est déjà séparé en ses deux moitiés ; chaque masse chromatique est sensiblement homo- gène, sans aucune trace de chromosomes; nous n'avons pas vu davantage de nucléoles ; ces masses ne sont pas exacte- ment sphériques ; elles sont plus allongées perpendiculai- rement à l'axe de division. Le réseau chromidial qui les entoure est parfois très net et assez étendu ; sur d'autres individus, on le distingue à peine (PI. XXVIl, fig. 1-5). Au moment où l'échancrure se produit, les deux noyaux sont encore assez rapprochés l'un de l'autre, et on voit, en général, un espace incolore entre la membrane nucléaire et la chromatine. Il semble extrêmement probable que la division du noyau 192 p. -A. DANGEARD des Vacuolaria a lieu, sans formation de chromosomes ni de spirème, par un simple étranglement. Dans les colonies plus âgées, les deux noyaux occupaient le centre delà cellule, et nous constations autour delà masse chromatique un espace incolore annulaire qui la séparait de la membrane (PI. XXVII, fig. 5). Dans les kystes, la surface du protoplasma estlimitée par une membrane épaisse, munie de protubérances ; autour s'étend une couche très épaisse, de gélatine. A l'intérieur de ces kystes sphériques se trouvent de nombreux chlo- roleucites qui s'étendent jusqu'au noyau ; celui-ci oc- cupe le centre du kyste ; il est exactement sphérique ; sa structure est dense et homogène ; le réseau chromidial paraît manquer. Ces kyste sont un diamètre de 40 p. environ; avec la couche de gélatine qui les entoure, le diamètre atteint 90 ix (PI. XXVI, fig. 8-9). Cet organisme, qui est le type de la famille des Chloro- monadinées, possède une organisation très intéressante; cet intérêt vient de la structure de son noyau, de l'existence d'un ch'omidium et de la présence de chloroleucites ; mais il sem- ble actuellement impossible de préciser ses affinités ; on n'en- trevoit même pas son point de contact avec les Flagellés. Senn admet que les Chloromonadinées sont dérivées de formes semblables à celle des Monas ou des Bodo. Ce savant rappelle, d'autre part, que Luther en 1898 (1) leur attribuait une parenté étroite avec quelques algues vertes, spécialement avec les Chlorosaccm et les zoospores de Conferva et de Bo- tnidiopsis ; mais Senn a soin d'ajouter que les organismes lui paraissent déjà trop différenciés pour être envisagés comme ancêtres de ces algues. Disons encore que Schenck, utilisant dans sa classification des Thallophytes le caractère d'inégalité dans la longueur des flagellums, place le Chlo- (1) Luther : Uber Chlorosaccus (Bihang til. Koiigl. S. akad. llandlingar, Bd. XXIV, no 13, 1898). LES AI.GrES [NFÉRIEUKES 193 ramœba heteromorpha à la base des HetereconUv, au voisi- nage des Conferva (J). Il y a lieu de réagir contre des groupements de cette nature ; l'étude du noyau des Vacuolaria montre que ce type, et probablement ceux qui sont groupés autour de lui, forment un îlot complètement isolé aussi bien du côté des Flagellés que du côté des algues inférieures ; peut-être arri- vera-t-on par la suite à relier cet îlot à la terre ferme ; mais actuellement la chose est imposible. II CRYPÏOMONADINE.E Les Cryptomonadinées forment un petit groupe d'algues chez lesquelles il existe des chromatophores de différentes couleurs : le point de contact avec les Flagellés se fait par l'intermédiaire d'une forme incolore saprophytique, le Cfii- lomonas Paramœcium ; on y place également quelquefois une autre espèce incolore, \e Botrijomonas natans Schmidle. On a alors le tableau suivant tel que le donne G. Senn : A. Sans chromatophore. a) Pas de stade palmelloïde : C/iilomonas. h) Individus inclus dans une masse gélatineuse avec stries concentriques et ramifiée dichotomiquement : Botrijomonas. B. Avec un ou deux chromatophores. a) Deux chromatophores de couleur verte. Bleue ou brune : Cvjiptomonas. h) Un seul chromatophore decouleur rouge: lihodomonas. Nous avons étudié, il y a longtemps, et à deux reprises différentes, le développement et l'organisation des Cnjpto- monas (2). Dans ces premières recherches, nous avons (1) Strasburger : lehrbuch der Botanil;, Qc édition, i901. (2) P. -A. Dangeard : Hecherches sur les Cryptomoimdinie el les Eitglensc (le Botaniste, V^^ série, 1889). — Contribution à l'étude des organismes infé- rieurs (le Botaniste, 2« série, 1890, p. 46). i.F, r.nrwisTE. J3 194 p. -A. DANGEARD démontré l'inexactitude des résultats annoncés par Kunstler. qui décrivait chez les Cryptomonas un estomac, un inleslin, une chambre incubairice, des embri/ons, etc. ; nous donnions, en outre, de nombreux détails sur la structure et le mode de reproduction de ces êtres. Cette nouvelle étude est entreprise à un autre point de vue ; nous avons cherché à suivre dans tous ses détails la division du noyau dans un genre de cette famille. 1° (liUomonas Paramœcium Ehbg. (PI. XXVIII-XXXI.) Cette espèce est très commune dans les infusions et facile à reconnaître au milieu des autres Flagellés ; nous l'avons rencontrée fréquemment en cultures abondantes et presque pures ; c'est en profitant d'une de ces cultures dans laquelle la multiplication était très active que nous avons réussi à observer tous les stades de la division. Les zoospores ont une longueur de 30 à 40 (j. sur 10 à 14 ju. de largeur. Senn résume leurs caractères de la manière sui- vante (1) : Corps allongé, tronqué à l'avant, quelque peu aminci à l'arrière et recourbé, de forme fixe ; deux flagellums de la longueur du corps s'insèrent à la partie supérieure de l'échan- crure pharyngienne ; celle-ci s'étend en pharynx jusqu'au milieu du corps. Le périplasteest mince, lisse et particuliè- rement ferme ; nombreux grains d'amidon dans le proto- plasma ; à l'avant, une vacuole contractile. Noyau vésicu- leux, avec une épaisse membrane nucléaire et « vielleicht aucli mit Kernrindenschicht » ; le mouvement a lieu, sous diverses influences, avec la partie postérieure du corps diri- gée en avant (Jennings). Nutrition saprophytique. Multipli- cation par division longitudinale pendant la locomotion. Kystes durables par contraction du contenu et formation (1) Senn : Loc. cit., p. 167. LES ALGUES INFÉRIEURES 195 d'une épaisse membrane ; le périplaste primitif entoure le kyste d'une pellicule plissée (Fisch). 11 y a lieu de reprendre chacun de ces points en particu- lier. Le corps est plus ou moins aplati et dissymétrique ; la face dorsale est légèrement bombée, alors qu'il existe une échancrure antérieure sur la face ventrale; cette échancrure commençant en une sorte d'entonnoir qui se prolonge en- suite en un sillon assez profond jusqu'à mi-hauteur ; c'est ce sillon qui donne l'illusion d'un pharynx ; les bords de ce sillon et sa face interne sont, en effet, tapissés par de fins gra- nules serrés les uns contrôles autres ; lorsqu'on regarde la cellule suivant la plus grande largeur, ce sillon produit Teffet d'une cavité interne, de forme cylindrique, à paroi granuleuse ; en réalité, et nous le constaterons à nouveau au moment de la division, il s'agit d'un simple repli du corps analogue à ceux que l'on trouve chez un certain nombre d'or- ganismes flagellés, comme les Trepomomis, les Oxijrrhis, etc. (PI. XXVIII, fig. 1-7). Le périplaste est indiqué comme mince et Ime ; en réalité, la membrane possède une structure caractéristique ; elle présente, vue de face, des lignes très rapprochées de fines ponctuations ; ces lignes font un angle de 45° environ avec l'axe du corps ; en coupe optique, la membrane montre des striations nombreuses perpendiculaires à la surface ; cette apparence correspond peut-être à un système de petits cana- licules traversant la membrane, mais nous ne saurions l'af- firmer (T. XV, fig. 1). Le bord droit du corps, qui correspond à la face dorsale, est plus long que le bord gauche qui appartient à la face ventrale ; le corps semble ainsi être tronqué obliquement ; c'est dans la proéminence du bord droit que se trouve logée la vacuole contractile, et celle-ci vient s'ouvrir par un fin canal dans l'échancrure ; c'est également dans cette échan- crure que viennent s'insérer les deux flagellums. 196 P -A. DANGEARD Malgré nos efforts, il nous a été jusqu'ici impossible de mettre en évidence le nodule d'insertion et le très long rhi- zoplaste qui, d'après Prowazek, va se terminer à l'extrémité postérieure du corps (1). Nous nous contenterons de reproduire la courte descrip- tion qu'il en donne. « Die beiden Geisseln der Chilomonm paramœciwn en- springen im oberen Teil des Schlundesvon « einem » Basal- korn,vondem gegen das Zellinnere ein zunachst aus zwei Fibrillen bestehender Rhizoplast an der dorsalen Séite des ft Schlundes. » direct am Kern vorbei bis gegen die innere Wand der schnabelartigen l'mbiegung desZelleibesabgeht, um hier mit einem minutiosen Korn zu endigen. In der Schlundgegendscheint der Rhizoplast von einermit EH sich schwarzenden Scheideumgeben zu sein (2). » Nous avons bien vu, au moment de la division nucléaire, — et nous reviendrons sur ce point intéressant, — le noyau émettre un prolongement jusqu'au point d'insertion des fla- gellums ; mais rien de semblable ne semble exister lorsque le noyau est à l'état de repos ; aussi, malgré la netteté du dessin fourni par Prowazek, peut-on se demander si ce savant n'a pas été trompé par un des aspects du noyau en division. Les granulations qui tapissent le sillon pharyngien pos- sèdent les réactions générales du protoplasma ; on peut donc les considérer comme étant de nature azotée ; elles sont dis- posées en ligne verticale ; c'est du moins ainsi qu'elles se présentent lorsqu'on les observe dans les individus en mul- tiplication (PI. XXXI, fig. 1-6). Le fait qu'on retrouve ces granulations dans la division semble indiquer que cette formation se transmet sans interruption à travers les géné- rations successives ; mais nous ignorons quels peuvent être son origine, son rôle, sa signification* (1) Prowazek : Flag c llatcnst. {Archiv. f. Protist., Bd. II, 1903, p. 200). (2) Prowazek : FlagéUatemt., loc. cit., p. 200. LES ALGUES INFERIEURES 107 La présence depuis longtemps constatée de nombreux grains d'amidon chez les Cliiloinonas soulève une controverse fort intéressante. Ainsi, d'après Fisch, les grains d'amidon se forment chez le Chilomonas Paramœcimn au moyen de leucites « Starke- bildnern » , comme chez les plantes su- périeures : ce savant représente dans le protoplasma de petits corpuscules ovales ou arrondis à la sur- face desquels nais- sent les grains d'ami- don. 11 ne semble pas que ces corps forma- teurs d'amidon aient été retrouvés dans cette espèce ; nous avons essayé à notre tour, mais sans succès, de les mettre en évidence. Il nous a été donné cependant de faire à ce sujet une cons- tatation intéressante. En employant la triple coloration de Flemming, après fixation au liquide du même nom, nous avons observé que ces corpuscules d'amidon ne présentaient pas la même structure sur tous les individus ; alors que les grains sont compacts, incolores dans certaines cellules et entourés par un réseau de cytoplasme, chez d'autres individus ces corpuscules ont une structure différenciée ; au centre du grain, on aperçoit une partie discoïde qui se colore en bleu ou en rose violet (T. XV, 2-4) ; la zone incolore qui entoure le disque est de l'amidon. On remarque, en examinant un grand T. XV. Chilomonas Paramo'cium. (1) D'après Senn : Lac. cit., p. 103. 198 P-A. DANGEARD nombre d'individus, que l'importance de cette partie interne chromatique est très variable ; elle se réduit parfois à un tout petit corpuscule de 0,5 p., alors que le diamètre moyen est de 2 u. ; avec certains grains d'amidon très larges, le diamètre du disque colorable atteint 4, a. En employant comme réactif le chlorure de zjnc iodé, les grains d'amidon bleuissent très fortement, de façon qu'ils paraissent presque noirs ; au centre, on aperçoit une partie plus claire, une sorte de chambre qui renferme la substance chromatophile (T. XY, fig. 5). Le chlorure de zinc iodé dissout à la longue les grains d'amidon, ne laissant qu'un réticulum de protoplasma coloré en rose (T. XV, fig. G). La position des grains d'amidon dans le corps des Chilo- jnonas esi ires caractéristique; ils forment une assise très régulière sous ce périplaste et en contact avec lui . Cette structure, que nous venons de signaler pour les grains d'amidon du C/i?'lo/»o/ms, n'est pas d'une interpréta- tion facile. L'idée qui se présente naturellement à l'esprit est de com- parer chacun des disques colorables entourés d'amidon à un pyrénoïde ; l'amidon se formerait à sa surface comme pour le pyrénoïde des algues. Cette hypothèse est certaine- ment très séduisante ; mais en l'adoptant, il ne faudrait pas oublier que les corpuscules chromatiques dont nous venons de signaler l'existence ne correspondent pas aux « Starke- bildnern » de Fisch ; en effet, ces derniers produisent l'amidon sur un de leurs côtés ; ils restent extérieurs au grain d'amidon. Comme nous sommes certain de l'exactitude de nos obser- vations, nous supposons que Fisch a vu les mêmes cor- puscules que nous, sans pouvoir, pour une cause ou pour une autre, déterminer exactement leur situation par rapport au grain d'amidon. D'autre part, il nous semble qu'il n'y a pas lieu de com- parer ces éléments à des pyrénoïdes ; s'il s'agissait de véri- LES ALGUES INFÉRIEURES 199 tables pyrénoïdes, ces organes se verraient facilement au sein du protoplasma, lorsque celui-ci est dépourvu d'amidon ; de plus, ils ne disparaîtraient pas totalement lorsque le grain d'amidon devient compact. Jusqu'à preuve du contraire, nous admettons que les pyrénoïdes n'apparaissent qu'avec les chloroleucites ; lorsque l'amidon ou le paramylon existent chez les organismes infé- rieurs incolores, ils sont simplement déposés sous forme de grains dans des vacuoles, après avoir été sécrétés dans le protoplasma ; cet amidon est repris par la cellule selon les besoins de la nutrition. Si on fait agir l'acide sulfurique sur un corpuscule de paramylon, c'est la partie centrale qui se trouve attaquée la première ; le grain se comporte de même sous l'action delà digestion. Il doit en être ainsi des grains d'amidon du Chilomonas ; cette partie centrale, qui retient les réactifs colorants, corres- pond probablement à un état de digestion plus ou moins avancé des corpuscules amylacés. Nous arrivons à l'étude du noyau. Celui-ci est très mal connu dans le genre Chilomonas. Ainsi, d'après G.-N. Calkins, le noyau du Chilomonas cylindrica est constitué par un centre de division et des gra- nules de chromatine qui sont retenus au voisinage de ce centre d'attraction, sans qu'il y ait une membrane définie (1). Il est vrai que nous ignorons quelle est cette espèce signalée ainsi sans nom d'auteur ; à plus forte raison est-il impos- sible de dire en quoi elle se rapproche ou diffère du Chilo- monas Parawœcium. Nous ne parlerions même pas d'une observation de ce genre, si elle ne se trouvait reproduite dans nos meilleurs traités généraux ; encore plus inexacte évidemment est la (1) G.-N. Calkins : The Protozoan Nucleus (Arch. f. Protistenk., Rd. H, p. 219). 2(10 P. A DANGEARD structure attribuée par le même auteur au noyau du Tetra- mitus Chilomonm. Dans cette espèce, qui est trop mal caractérisée pour prendre rang en systématique, la forme du corps et les dimensions paraissent être celles d'un ('hilomonas ; or, dans cet organisme, toujours d'après G.-N. Calkins, les granules de chromatine seraient distribués à travers le protoplasma de la cellule pendant la période végétative, et ils s'assemble- raient au moment de la division autour d'un centre, pour se séparer en deux groupes égaux. Provvazek nous donne une description exacte du noyau à l'état de repos chez le Chiloinonas Paramœcium ; « der Innenkorper ist gross, enthâlt manchmal innen Alveolen und scheint zuweilen aus zwei oder drei Kugelformigen Bildungen entstanden zu sein ; das Peripbergerust ist sehr deutlich, wennauch zart entwickeit. Die Membran ist nur in der Art eines einfachen Konturs nachweisbar (1). » Ce savant ajoute que malgré les très nombreuses préparations qu'il a étudiées, il n'a jamais réussie observer un stade de division nucléaire. Il n'est pas indifférent de rappeler qu'au moment où Prowazek écrivait ces lignes, nous avions, dans une commu- nication préliminaire faite au Congrès des sociétés savantes de Paris, indiqué les caractères essentiels de la mitose chez le Chilomonds Paramœciuin. Le noyau est sphérique en général ; son diamètre est de 3 à 4 |JL en moyenne ; il est situé vers le milieu de l'axe ou souvent un peu plus bas ; il est contenu dans une sorte de cavité limitée par l'assise de grains d'amidon qui tapisse intérieurement la membrane; cette cavité renferme un pro- toplasma plus ou moins granuleux. Le noyau possède un gros nucléole central; autour du nucléole se trouve une zone de nucléoplasme qui se montre (1) Prowazek : Flagellatcnstudien, loc. cit., p. 205. LES ALGUES INFÉRIEURES 201 SOUS l'aspect homogène ou granuleux, et enfin une membrane nucléaire (PI. XXVIII, fig. 6-14). La présence de granules chromatiques dans le nucléo- plasme s'accuse surtout au moment delà division ; de même on observe parfois dans la structure du nucléole certaines modifications qui sont sans doute de près ou de loin en rap- port avec la division ; sur certains noyaux dont le volume a augmenté considérablement, le nucléole, fortement grossi lui-même, s'est creusé en son centre ; il a pris la forme d'un anneau chromatique d'épaisseur variable (PI. XXVIII, fig. 14-15). Nous allons maintenant aborder l'étude de la karyokinèse; mais auparavant, il est nécessaire de fixer le sens dans lequel la cellule va se séparer en deux. Cette cellule du Cliilomonas peut être comparée, pour fixer les idées, à un livre dont le dos représente la face dorsale, opposée à la face ventrale plus ou moins creusée en sillon ; les deux autres faces sont parallèles et plus larges. Lors de la division, c'est l'épaisseur du livre qui augmente et l'échancrure qui séparera les deux moitiés sera parallèle aux deux larges faces latérales ; autrement dit, le livre se séparera en deux moitiés symétriques. Ce n'est pas sans de très grandes difficultés que nous sommes arrivé à cette conception du sens de la division, car le corps du Chilomonas modifie plus ou moins sa forme au moment de la bipartition et augmente beaucoup en épaisseur. Il faut ajouter que l'aspect des individus et leurs dimensions varient beaucoup avec les cultures ; quelquefois, ils sont presque cylindriques, alors que par ailleurs ils sont très aplatis. Ce qui nous confirme dans notre opinion, au sujet du sens de la division, c'est la façon dont se comporte la vacuole contractile, les granules pharyngiens et les flagellums. La vacuole occupe, on lésait, le bord droit proéminent de la cellule ; elle ne peut, semble-t-il, se diviser pour fournir 202 P. -A. DANGEARD une vacuole à chacune des deux nouvelles cellules que si l'échancrure se produit parallèlement aux faces larges. Examinons maintenant le prétendu pharynx des auteurs ; s'il était constitué, comme on le décrit, par une sorte de cavité cylindrique tapissée par des granules, ce cylindre devrait au moment de la division se fendre simplement en son milieu. Or nous avons vu très nettement sur le vivant, au moment de la division, les lignes de granules s'étaler suivant la sur- face et sur une grande largeur, avant de se séparer en deux groupes qui reconstituent bientôt la disposition primitive (PI. XXXI, fig. 1-6). Ceci s'explique, au contraire, très bien si on admet avec nous que ces lignes de granules tapissent un repli de la face ventrale ; lorsque celle-ci augmente d'épaisseur, ces lignes s'étalent de même que les feuillets d'un livre lorsqu'on ouvre celui-ci. Enfin, en ce qui concerne les nouveaux flagellums, et sans rien préjuger de leur mode de formation, il semble bien qu'ils apparaissent de très bonne heure au voisinage immé- diat des premiers \ ce sont peut-être même ces indivi- dus à 4 flagellums qui ont conduit Calkins à parler d'un Tetramitus Chilomonas ; chaque groupe de deux flagellums doit se porter à droite et à gauche, se déplaçant dans le sens des vacuoles contractiles. Nous allons aborder maintenant la description de la ka- ryokinèse. Dans le cas où nous nous serions trompé dans la comparaison que nous avons faite entre la forme d'une cellule de Chilomonas eiceWe d'un livre, rien ne serait changé dans la nature même des phénomènes de mitose qui sont fort intéressants. A la prophase, le volume du noyau augmente dans des proportions considérables ; il atteint jusqu'à 15 /j. et davan- tage en longueur sur 10 ,a en largeur ; dans ces conditions, il arrive à remplir presque complètement la cavité laissée LES ALfiUES INFÉRIEURES 203 libre par les grains d'amidon ; les granules chromatiques sont devenus très apparents et ils sont nombreux ; le nucléole a un volume variable ; il est d'ailleurs appelé à disparaître au cours de la division (PI. XXIX, fig. l-o). Ces gros noyaux ont une tendance à se déformer plus ou moins. On remarque également qu'aux stades suivants, ils émettent une sorte de prolongement qui s'étend jusqu'au ni- veau de l'insertion des tlagellums ; dans certains cas, on peut suivre très nettement la substance nucléaire jusqu'au contact même du blépharoplaste. 11 est assez naturel de supposer que cette disposition tout à fait spéciale est en rap- port avec la formation des nouveaux flagellums (PI. XXIX, fig. G-8). Notons que c'est le seul moment dans la vie de l'individu oîi nous ayons pu voir une relation directe entre le système locomoteur et le système nucléaire. Les noyaux, sous cette forme, sont déjà aplatis et leur aspect est différent selon qu'on les voit de face ou de profil ; nous avons ainsi reproduit (PI. XXIX, fig. G-7) quatre aspects du même noyau, qui correspondent chacun à une position différente de l'individu. Les nucléoles, à ce premier stade, ont une importance très variable ; ils ont la forme de disques de largeur très va- riable ; le nucléoplasme qui les entoure s'est montré tantôt avec une structure sensiblement homogène, tantôt avec la structure granuleuse (f^l. XXIX, fig. 8-11). Après disparition des nucléoles, le noyau prend une forme que nous considérons comme très caractéristique : il res- semble un peu à une botte, lorsqu'on le regarde de face (PI. XXIX, fig. 1.3). A ce stade, les granules chromatiques, qui sont très distincts, se disposent en une plaque ; cette plaque est plus large en bas où elle forme le pied de la botte ; elle est étroite vers le haut ; cette plaque est formée par une seule épaisseur de granules (PI. XXX, fig. 1). 204 P.-A. DANGEARD Nous assistons, en réalité, à la différenciation de la plaque équatoriale dans laquelle cette forme de botte va disparaître progressivement (PI. XXX, fig. 2-5), jusqu'à présenter, vue de face, un contour parfois presque quadrangulaire (PI. XXX, lig. 6). De chaque côté de la plaque de granules, se trouve du pro- toplasma homogène très légèrement chromatique, toutàfait semblable à celui qui constitue les fuseaux ordinaires (PI. XXX, fig. 8-10). Nous avons maintenant une vraie plaque équatoriale, dans laquelle les granules chromatiques tiennent la place des chromosomes, alors que les stries achromatiques res- tent parallèles au lieu de converger vers un centre. Il est bon de dire qu'en général, à ce stade, les granules de la plaque deviennent indistincts comme s'ils s'étaient fu- sionnés latéralement (PL XXX, fîg. 6-9); mais comme, d'autre part, nous avons réussi parfois à différencier, à ce même moment de la division, des granules séparés (PI. XXX, fig. 10), nous sommes amené à supposer qu'ils con- servent leur individualité. Lorsque la plaque se dédouble en deux moitiés, ce sont, en réalité, les granules chromatiques qui ont subi chacun une bipartition (PL XXX, fig. 11). Nous avons observé un très grand nombre de dédouble- ments de la plaque chromatique ; les divers états de l'éloi- gnement des plaques correspondent au stade a tonnelet » des mitoses ordinaires (PL XXX, fig. 11-12). Ace stade tonnelet, la substance qui sépare les deux pla- ques est homogène ou légèrement fibriilaire dans le sens du diamètre; ce diamètre reste toujours très étroit, car le fu- seau ne peut subir d'extension à cause de la faible largeur de la cellule. Tant que le fuseau n'a pas atteint ses dimensions défini- tives, les granules chromatiques restent disposés en une seule assise pour former chaque plaque. LES ALGUES LNFÉKIEUHES 20o Nous arrivons maintenant au stade de reconstitution des nouveaux noyaux ; les granules de chaque plaque (PI. XXXI, fig. 11-13) se rassemblent en deux cordons qui restent paral- lèles {PI. XXXI, fig. 14-17) ; entre ces deux cordons, on aperçoit pendant quelque temps un axe de cytoplasme ho- mogène qui s'étend vers le haut de la cellule et qui provient du fuseau (PI. XXXI, fig. 15) ; comme celui-ci, il prend, avec les doubles colorations au picro-carmin et à l'hématoxyline, une légère teinte rose. Les deux cordons chromatiques parallèles présentent na- turellement, de par leur origine, deux ou trois épaisseurs de granules ; il est possible que ces granules fassent partie à ce moment d'un véritable spirème ; nous avons eu, en effet, quelquefois l'impression d'une série de petits nodules orien- tés suivant un fil plus ou moins enroulé et pelotonné. Le protoplasma qui se trouve entre les deux cordons chro- matiques, reprend ses caractères ordinaires ; il est plus ou moins alvéolaire. C'est à ce moment que l'échancrure qui va séparer la cel- lule en deux moitiés symétriques commence à se montrer en haut et en bas ; les deux cordons chromatiques vont égale- ment modifier leur forme ; ils prennent cet aspect en boite que nous avons signalé au début de la prophase, et qui était si caractéristique (PI. XXXI, fig. 18-20). Ce stade est souvent admirable de netteté ; les granules se distinguent avec la plus grande facilité, sans qu'on puisse dire toutefois s'ils sont disposés en spirème ; il n'existe en- core aucune trace de nucléole. Les deux moitiés s'écartent ; dans l'échancrure antérieure, on voit, de chaque côté, les deux groupes de flagellums qui se sont séparés avec l'élargissement du corps; la membrane qui recouvre extérieurement chaque moitié conserve son épaisseur normale ; à son contact, se trouve l'assise ordi- naire de grains d'amidon ; au niveau de l'échancrure , le protoplasma est nu ; entre chaque élément nucléaire, le 206 P. -A. DANGEARD protoplasma est incolore et homogène (PI. XXXI, fig. 20). Nous avons pu suivre sur le vivant, à partir de ce stade, la séparation progressive des deux moitiés (PI. XXXI, fig. 1-G) ; celles-ci ont chacune une vacuole contractile logée dans le bord antérieur ; entre ces deux vacuoles et superficiel- lement, se voient les lignes de granules du pseudo-pharynx; elles sont encore peu étalées. Les deux moitiés sont très mé- taboliques à ce moment ; elles se contractent et présentent des déformations amiboïdes se renflant plus ou moins ou s'aplatissant. L'échancrure progresse de plus en plus ; les lignes parallèles de granules s'étalent sur une large surface pour se réunir un peu plus tard de chaque côté en deux groupes au-dessous de chaque vacuole ; ces groupes se trouvent encore réunis pendant quelque temps par une ran- gée de granules qui rejoignent finalement les autres. Le pont qui réunit les deux cellules s'amincit de plus en plus et il finit par se rompre. L'observation avait duré une demi-heure ; mais nous avons des raisons de croire que la bipartition dans les con- ditions normales, c'est-à-dire au milieu du liquide de cuU ture, se fait plus rapidement. Dans les nouvelles cellules provenant de la division, le noyau conserve encore quelque temps la forme d'une botte ; il repasse, pour revenir à l'état de repos, par les stades in- verses de ceux que nous avons décrits à la prophase ; le nucléole apparaît au centre, au milieu des granules chro- matiques (PI. XXXI, fig. 21) ; ceux-ci se groupent autour de ce nucléole et le noyau reprend sa forme sphérique. Il arrive que des noyaux possèdent deux nucléoles ; cette structure ne paraît pas avoir de signification spéciale. En résumé, cette division du noyau des Chilomonas pré- sente des caractères remarquables qui permettent de la con- sidérer comme une mitose d'un genre spécial. La répartition exacte de la chromatine entre les deux LES ALGUES INEÉRIEURES 2()7 noyaux-frères est assurée d'une façon précise et presque mathématique. Il semble extrêmement probable que les granules chro- matiques peuvent être considérés ici comme des unités con- servant leur individualité au moins dans tous les stades de la mitose, et peut-être même dans l'intervalle des divisions. Ces granules se disposent en une plaque équatoriale, c'est-à-dire se mettent sur un plan ; de la sorte, après une bipartition de chacun d'eux, les nouveaux noyaux recevront la même quantité de chromatine sur autant de granules ; si ceux-ci représentaient des unités à propriétés différentes, chaque noyau aurait ces mêmes individualités différentes. La question se pose de savoir si l'on doit assimiler ces gra- nules à des chromomères ou à de véritables chromosomes : il n'est pas facile de se prononcer. Nous pensons cependant que pour la commodité du langage, il est préférable d'em- ployer l'expression de chromosomes. Dans ce cas, la description de la mitose des Crijplomonas ne différera pas sensiblement de celle d'une téléomitose or- dinaire ; on y remarquera seulement le très grand nombre des chromosomes et leur petitesse; on notera aussi la forme irrégulière de la plaque chromatique, alors que les chromosomes, au stade de la plaque équatoriale, sont ordi- nairement, chez les Monas, les Chiamydomonadinées, etc., disposés en cercle ou en plaque a contour sphérique. La forme du fuseau s'expliquera par la très faible épaisseur de la cellule. ♦ Quant aux divers aspects de la reconstitution des nou- veaux noyaux, à partir de la métaphase jusqu'à l'anaphase, ils sont exactement les mêmes, mais en sens inverse, de ceux qu'on observe à la prophase ; c'est encore là un carac- tère des mitoses ordinaires. L'absence de centrosome n'a rien qui puisse nous sur- prendre; mais nous devons remarquer que, comme chez les Monas, la formation des nouveaux flagellums accuse une 208 p. -A. DANGEARD relation étroite entre le système locomoteur et le système nucléaire ; cette relation n'est visible chez les Chilomonas qu'à la prophase, à cause de l'éloignement du noyau lors- qu'il est au stade de repos. La disparition graduelle du nucléole est un fait assez gé- néral dans les mitoses ; il est plus difficile de préciser le rôle de la substance nucléolaire dissoute. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que, chez les (^hilomonas, elle n'inter- vient pas dans la formation des chromosomes ; elle servirait plutôt à la constitution du fuseau. Genre Cnjplomona^. Le genre ('riiplomonas est très voisin du Chilomonas ; il en diffère surtout par la présence de deux chromatophores pariétaux. Les deux espèces les mieux étudiées jusqu'ici sont le C. ovata et le C. erosa ; mais il n'est pas impossible qu'on soit obligé de revenir à l'ancienne conception d'Ehrenberg, qui distinguait dans ce genre un assez grand nombre d'es- pèces. En tout cas, on ne saurait plus, à l'exemple de Perty et de Butschli, réunir toutes les espèces du genre, y compris même le ChUoinonaa Paraïuœcmm^ soit sous ce dernier nom, soit sous celui de Cryptomonas polymorphu . Nous avons contribué autrefois à faire mieux connaître l'organisation et le développement du* Cryptomonas ovata et du C. erosa (1); si nous revenons ici brièvement sur ce su- jet, c'est pour signaler les points qui sont encore sujets à controverses; nous avions le désir également de voir si la division nucléaire ressemblait à celle du Chilomonas Para- mœcium, comme la chose semblait probable. {{) p. -A, Dangeard : Recherches sur les Cryptomonadincv et les Euglenisc (le Botaniste, 1"^ série, 1888). — Contribution à Vélude des organismes infé- rieurs (le Botaniste, 2^ série, p. 46-So). LES ALGUES INFÉRIEURES 209 1° Crijplomonas ovata Ehr. Cette espèce est facile à reconnaître, surtout si l'on con- sulte les belles figures de Stein (l); elle est la plus grosse du genre ; les dimensions varient de 30 à 40 (j. en longueur, sur une largeur de 15 à 20 (j:; on rencontre même parfois des cellules plus grandes ; la couleur olive des deux chro- matophores est caractéristique. Nous attribuons au pseudo-pharynx la même signification qu'à celui des Chilomonas ; pour nous, il correspond à un sillon tapissé par des granules de nature azotée ; on pour- rait peut-être comparer ces granules à ceux que l'on trouve régulièrement disposés en spirale dans VEuglena spirogyra. Nous avons rencoiitré chez quelques individus des granules colorés par l'hématoxyline et dispersés. On est assez perplexe au sujet de la nature des deux ou trois gros corpuscules incolores qui se trouvent à l'in- térieur du protoplasma ; Kunstler les a pris pour des globules du proloplasma; de notre côté, nous avons cru voir autrefois qu'ils noircissent sous l'action de l'acide osmique ; dans les descriptions récentes, on les considère avec doute comme des corpuscules de paramylon qui accompagneraient les grains d'amidon ordinaire. Nous nous demandons actuellement s'il n'existerait point plusieurs formations différentes ou tout au moins plusieurs états dilîérents de ces corpuscides. Ce qui est certain, c'est que dans la forme étudiée récemment par nous au point de vue histologique, ces corpuscules n'étaient point placés régulièrement à droite et à gauche du sillon. Fréquemment, on en trouvait deux très gros, situés l'un au- dessus de l'autre (T. XVI, fig. 5-6) ; leur diamètre atteignait 10 [X ; leur surface pouvait être plus ou moins craquelée ou corrodée, comme des grains d'amidon ayant subi un com- (1) Steia : Loc. cit., pi. KIX. LE BOTANISTE. H 210 P-A. DANGEARD mencement de digestion ; mais l'iode les laissait incolores ; lorsqu'il existait, en outre, dans le protoplasma, un ou deux autres grains de même nature, mais moins gros, tout l'inté- rieur du corps, entre les deux chromatophores, était occupé par ces formations ; on verra tout à l'heure que le noyau lui-même se trouvait comprimé et déformé par ces corpus- cules. L'apparence est bien celle de grains de paramylon ; mais nous n'avons pas fait d'autres recherches au sujet de leur nature. Nous voudrions maintenant attirer l'attention sur deux autres éléments qui sont placés au milieu du corps, à droite et à gauche de l'axe, et au contact des chromatophores. Ils sont formés chacun par un petit corpuscule chromatique en- touré d'une zone incolore (T. XVJ,fig. 3-4). Cela ressemble un peu à des centrosomes comme aspect ; mais nous ignorons absolument leur signitication et nous nous contentons de si- gnaler leur existence. Le noyau est situé à la partie postérieure du corps, entre les deux chromatophores (T. XVI, fig. 2-4) ; dans les condi- tions ordinaires, il est sphérique et son diamètre atteint 10 /j.; sur des individus plus petits ou en division dans les colonies palmello'ides, le diamètre peut descendre à 6 /j,. La structure est celle que nous avons observée chez les CItilomonas ; le nucléoplasme qui entoure le nucléole est homogène ou gra- nuleux. Lorsque le noyau se trouve comprimé par les gros corpus- cules qui ressemblent à du paramylon, il éprouve des défor- mations ; le nucléoplasme se moule à la surface des grains, le noyau s'étire dans l'espace laissé libre par ces forma- tions, et il peut se diviser. Cette division est directe; le nu- cléoplasme est homogène, et dans chaque nouveau noyau il existe un tout petit nucléole ; ces noyaux ont eux-mêmes une forme très irrégulière, due au peu de place laissé libre dans le protoplasma du corps (T. XVI, fig. 6-9). Le noyau du Crijptomonas ovata se divise aussi par LES ALGUES INFERIEURES 211 karyokinèse ; nous avons conservé de nos anciennes obser- vations une figure tout à fait démonstrative (T. XVI, fig. 7) ; elle a été faite avant nos recherches sur le Chilomonas Para- JO T, XVI. Cryptomonas ovata. mfecium ; elle ne laisse aucun doute sur la ressemblance qui existe entre les mitoses chez ces deux espèces ; il s'agit d'une phase tonnelet, avec deux plaques chromatiques réu- nies par un cytoplasme achromatique et fibriliaire : le Cryp- tomonas est vu au moment de la division et en coupe opti- que ; les plaques sont vues dans leur largeur alors qu'elles 212 P.-A. DANGEARD sont représentées chez le Chilomonas dans le sens de la longueur ; là, se trouve toute la différence. Il est intéressant de voir que les deux modes de division du noyau peuvent coexister chez une même espèce d'orga- nisme inférieur ; il serait encore plus intéressant de connaître exactement quelles sont les causes qui influent sur le mode de division et quels en sont les résultats. Les cultures du Cnjptomdnns ovctta nous ont fourni à nou- veau des colonies palmelloïdes et des kystes ; le diamètre de ceux-ci dépasse souvent 20 a; nous nous sommes assuré qu'ils ne contenaient qu'un noyau. 2° Crijptoinonas sp. Cette espèce est colorée par un pigment bleu ; mais elle ne saurait être confondue avec une autre forme beaucoup plus petite que nous avons signalée autrefois sous le nom de C. cyana (1) ; celle-ci a une taille excessivement réduite qui oscille entre 6 et 10 (x en longueur ; celle que nous étudions ici a comme dimensions ordinaires : longueur, 20 p. ; largeur, 10 /j,. Sa forme est celle du C. erosa ; le sillon ventral est très étroit et il faut une certaine attention pour remarquer les lignes de granules du pseudo-pharynx ; outre les grains d'a- midon qui tapissent la face interne des chromatophores, il en existe d'autres disposés autour d'un corpuscule médian semblable à un pyrénoïde. Nous avons disposé d'une culture dans laquelle les indivi- dus étaient abondants et formaient de nombreuses colonies palmelloïdes ; nous espérions pouvoir obtenir sans trop de difficultés les divers stades de la division nucléaire ; mais notre attente a été déçue ; malgré le temps passé à ces ob- servations, il reste un grand nombre de lacunes. (1) P.-A. Dangeard : Conlribuiion à Vclude des organismes inférieurs, loc. cit., p. 55. LES ALGUES INFERIEURES 213 Le noyau a la structure ordinaire/telle qu'on la rencontre chez les autres Onjptomonas ; mais à constater ses divers aspects, on est amené à supposer qu'il est beaucoup plus malléable que chez les ChUomonas par exemple ; il est situé à l'extrémité posté- rieure du corps et fréquemment au con- tact même de la mem- brane (T. XVII, fig. 1-4). Alors que chez les autres espèces les no-, yaux à deux nucléoles constituaient l'excep- tion, il n'est pas rare ici de voir la sub- stance nucléolaire ré- partie en deux, trois ou quatre petits glo- bules chromatiques ; ces noyaux sont aussi fréquemment allon- gés en biscuit, sans qu'on puisse savoir si cette forme est tou- jours en rapport avec une division directe prochaine; les noyaux de cette forme ont souvent leurs granules nucléolaires disposés suivant le grand axe du biscuit (T. XVII, fig. 5-7). On rencontre aussi des cellules dans lesquelles deux noyaux sont encore en contact direct, et il semble bien que la division directe vient de se produire (ï. XVII, fig. 10-11) ; d'autres cellules possèdent deux noyaux T. XVII. Cryptomonas sp. 214 P.-A. DANGEARD qui sont plus ou moins éloignés (T. XVII, fig. 9). Parmi les cellules qui viennent de se diviser et qui sont encore au contact, les noyaux sont tantôt rapprochés côte à côte, tantôt assez distants l'un de l'autre (T. XVII, fig. 12, 14, 15). Tous ces différents aspects semblent devoir se rapporter à une simple division directe du noyau accompagnant la bipartition du corps. Dans les milliers d'individus que nous avons examinés, nous n'avons rencontré que deux cas qui rappellent la mitose des Chilomonas ; les deux cellules provenant de la bipartition étaient encore au contact ; on observait dans chacune d'elles un ruban chromatique dépourvu de toute trace de nucléole et ressemblant complètement à ceux que nous avons décrits à l'anaphase chez les Chilomonas (T. XVII, fig. 13). En résumé, dans les deux espèces que nous venons d'étu- dier, le noyau se divise suivant le mode direct et suivant le mode indirect; malgré le peu de renseignements que nous possédons sur ce dernier, il est extrêmement probable qu'il ressemble à la mitose des Chilomonas. On peut se demander si la grande variabilité qu'on ob- serve chez les Cryptomonas ne serait pas due à la fréquence du mode de division direct du noyau dans ce genre; cette division ne comporte, en effet, qu'une répartition assez im- parfaite de la chromatine ; si celle-ci tient, comme beau- coup l'admettent, sous sa dépendance tout ou partie des propriétés héréditaires, une répartition imparfaite ou iné- gale doit pouvoir entraîner des différences dans la forme, la grosseur, le pigment, etc. Nous donnons cette idée pour ce qu'elle vaut, estimant qu'elle pourra être envisagée à propos d'autres organismes et d'autres recherches. LES ALGUES INFÉRIEURES 215 m EUGLÉNIENS. Nous avons consacré, il y a quelques années, un mémoire à l'étude des Eugléniens (1) ; nous avons montré par l'exa- men d'un grand nombre de genres et d'espèces que ces or- ganismes présentent des affinités végétales incontestables ; nous avons pu également mettre en évidence chez tous ces êtres un mode de division nucléaire particulier, bien ca- ractéristique, auquel nous avons donné le nom d'haplomi- tose. Nous avons insisté sur le fait que l'haplomitose nous permettrait de reconnaître, parmi les Flagellés, ceux qui ont donné naissance au rameau des Eugléniens ; à l'appui de cette idée, nous avions déjà pu donner des renseignements assez précis sur la division nucléaire de VEntosiphon sulca- tum ; nous apportons aujourd'hui de nouvelles observations sur plusieurs organismes voisins appartenant aux Perane- maceœ. Les espèces qui font partie de ce groupe ont une nutri- tion animale ; elles produisent dans leur cytoplasme du paramylon ou des matières grasses. Klebs, qui a beaucoup étudié ces organismes, les divise en plusieurs groupes (2) ; A. Peranented'. Corps métabolique ; membrane plasma- tique striée en spirale ; un flagellum. B. Heleronemrœ. Corps métabolique ; membrane plasma- tique striée en spirale ; deux flagellums d'inégale longueur. C. Petalomonadina. Corps rigide ; membrane plasmatique non striée en spirale ; un flagellum. D. Anisoneniina. Corps le plus souvent rigide ; deux fla- gellums d'inégale longueur. (1) p. -A. Dangeard : Recherches sur les Eugléniens (le Botaniste, 8e série). (2) Klebs : Loc. cit., p. 366. 216 P.-A. DANGEARD A. Peranemeœ. Nous avons pu suivre le mode de division dans deux es- pèces appartenant à ce groupe : Euglejiopsis rorax et Pera- nema trkhophorum. 1" Eufjlenopsis vorax Klebs. (ri. xxxri.) Klebs (!) a rencontré ce flagellé dans une infusion de débris de plantes riches en amidon ; ses dimensions sont en longueur 21 à 30 p., en largeur 8 à 10 (i. Il est très intéres- sant, parce qu'il tient le milieu entre les Àstasia et les Pera- nema. Il diffère des is^«sm par l'existence d'une échancrure antérieure au fond de laquelle s'insère un flagellum (PI. XXXII, fig. 1-2) ; au fond de l'échancrure se trouve une bouche par laquelle les aliments pénètrent à l'intérieur du corps. Klebs a pu suivre l'ingestion des grains d'amidon, qui sont d'abord arrêtés par le rebord du sillon buccal et pénètrent ensuite par la bouche dans le protoplasma ; les individus examinés parce savant étaient, pour la plupart, remplis de ces granules amylacés ; ceux-ci étaient expulsés à la partie postérieure du corps, sans présenter le plus souvent aucune trace de digestion ; quelquefois, on remar- quait aussi des particules nutritives paraissant provenir d'autres Flagellés. Nous avons, de notre côté, observé le mode de nutrition de VEuglenopsh ; les conditions étaient légèrement différentes. Le Flagellé s'était montré dans de l'eau renfermant du crottin ; nous l'avons cultivé ensuite dans du jus de pru- neaux. La nourriture était alors constituée en majeure par- tie par des Bacilles et des Streptocoques ; nous avons re- (1) Klebs : Loc. cit., p. 367. LES ALGUES INFÉRIEURES 217 marqué, en particulier, deux individus qui s'étaient attaqués à une assez longue chaînette de Streptocoques (PI. XXXII, fig. 3-5) ; une extrémité du filament se trouvait encore à l'extérieur, alors que l'autre partie touchait le fond de la cellule; on voyait, autour des derniers articles, se former des vacuoles digestives; les Bacilles, de petite dimension, se réunissent dans des vacuoles digestives ordinaires oîi ils sont digérés (PI. XXXIl, fig. 6) ; les résidus sont expulsés à la partie postérieure du corps. On voit, par ce qui précède, que cet organisme possède un mode de nutrition animale et qu'il se distingue nette- ment ainsi des Astasia qui ne possèdent que la nutrition saprophylique. Il ne peut pas davantage être réuni aux Peranema à cause de l'absence du pseudo-œsophage qui existe dans ce der- nier genre ; nous verrons également qu'au point de vue de l'appareil nucléaire, les différences sont assez sensibles. La vacuole contractile se trouve à quelque distance au- dessous de l'insertion du flagellum (PI. XXXII, fig. 1) ; nous n'avons pas vu de blépharoplaste. La membrane du corps est plus ou moins striée en spirale comme chez les Astasia ; les mouvements spasmodiques sont de faible étendue et se manifestent lors des changements du milieu ; le corps pendant le mouvement peut se renfler en son milieu, pour s'allonger ensuite. La locomotion rap- pelle celle des Eugléniens ; le corps tourne sur lui-même en progressant, et il s'agite à droite et à gauche lors des arrêts. Klebs n'a pas vu le noyau de VEuglenopsisvorax ; « derkern wurde nicht beobachtet » (1) ; il n'indique pas davantage le mode de reproduction. Le noyau, à l'état de repos, occupe une position centrale ; son diamètre varie entre 3 à 4 p. (PI. XXXII, fig. 12) ; le nucléole est très développé, tandis que le nucléoplasme est (1) Klebs: Loc. cit., p. 367, 218 P.-A. DANGEARD relativement peu abondant ; ce dernier se présente sous l'aspect homogène, mais il est fort possible qu'il n'y ait là qu'une apparence. Le cytoplasme, au milieu duquel se trouve le noyau, est incolore, réfringent; on y voit parfois quelques vacuoles, surtout dans la partie postérieure du corps. Nous n'avons pas vu de paramylon ; les granules qui se voient sur cer- tains individus, en plus ou moins grand nombre, se colorent en acajou par la teinture d'iode ; ce sont peut-être des gra- nulations de glycogène. Nous avons suivi la reproduction sur le vivant, et aussi sur des exemplaires fixés et colorés ; ces deux sortes d'obser- vations se complètent utilement. La division s'achève en 5 à 6 minutes environ ; elle se produit pendant le mouvement et les flagellums sont visibles dès le début ; la vacuole contractile se sépare en deux et l'échancrure commence à s'étendre vers le bas. Le proto- plasma est incolore et homogène à la partie supérieure ; il est granuleux et renferme quelques résidus dans sa partie postérieure. Les deux individus restent d'abord parallèles ; mais lorsque l'échancrure arrive vers le bas, ils se placent dans le prolongement l'un de l'autre, et une traction énergi- que amène leur séparation (PI. XXXH, fig. 7-11). La manière dont se comporte le noyau pendant cette bi- partition est du plus haut intérêt au point de vue de la di- vision cellulaire en général, dans ses rapports avec l'élé- ment nucléaire. Le schéma de la division rappelle celui de l'haplomitose chez les Eugléniens ; le nucléole s'allonge, entraînant avec lui le nucléoplasme ; le noyau prend ainsi successivement un contour elliptique; on le voit ensuite s'allonger en bâ- tonnet, prendre finalement la forme d'un haltère ; c'est à ce stade que la séparation se produit ; le nucléole qui s'est renflé à ses deux extrémités se rompt en son milieu ; les deux moitiés qui ont entraîné avec elles une part corres- LES ALGUES INFÉRIEURES 219 pondante du nucléoplasme ont d'abord l'aspect claviforme ; elles s'arrondissent en un nouveau nucléole qui s'entoure d'une zone étroite de nucléoplasnae ; les deux noyaux ont repris l'état de repos (PI. XXXII, fîg. 13-24). Ce cas de division nucléaire est tout à fait remarquable, quelle que soit la façon dont on l'envisage ; le nucléole se comporte tout à fait comme chez les autres Eugléniens, et nous sommes sur la ligne phylogénétique qui unit ces der- niers aux Flagellés les plus inférieurs. La discussion ne peut guère exister qu'au sujet du nucléoplasme ; celui-ci, malgré l'apparence homogène qu'il présente, ne renfermerait-il pas cependant, comme les Eugléniens proprement dits, un vé- ritable spirème ? Dans ce cas, nous aurions affaire à une haplomitose toutà fait normale. En attendant qu'on puisse résoudre ce problème, si toute- fois il comporte une solution avec nos moyens d'observa- tion actuels, nous préférons nous en tenir aux faits tels qu'ils se présentent. Le noyau de VEualenopsis ne montre ni spirème ni chromospires ; sa division est une amitose par étirement ; c'est évidemment dans cette sorte d'amitoseque prend son origine l'haplomitose des Eugléniens. On peut en conclure que ÏEuglenopsis est un des ancêtres flagellés des Eugléniens, ce qui est confirmé par la forme du corps et son organisation générale ; on peut dire aussi que ce fait vient à l'appui des idées que nous avons fréquemment expri- mées au sujet de la nutrition ; pour nous, la nutrition ani- male a précédé la nutrition végétale, et même la nutri- tion saprophytique ordinaire. Lorsque nous passons des Fuglena, des Trachelonionas^ colorés en vert, aux Astasia saprophytes et ensuite à V Eufjlenopsis vorax à nu- trition animale, nous descendons évidemment vers l'o- rigine ancestrale du groupe où le noyau se divise par amitose. Quant à dire si cette amitose est réelle, ne com- portant ni chromosomes, ni spirème, ni chromospires, ou seulement une apparence due à l'insuffisance de la tech- 220 P. -A. DANGEARD nique actuelle, la chose est présentement impossible ; les conclusions générales n'en seraient pas d'ailleurs modifiées. 11 est incontestable que les Flagellés prennent naissance aux dépens des Rhizopodes ; nous avons déjà vu que la lignée desMonas, si nombreuse et si importante par son évo- lution .ultérieure, possède un mode de karyokinèse semblable à celui de VAmœba Gleichenii ; nous avons montré que la division nucléaire des Bodo se rattache au type de VAmœba limax ; il est assez probable que parmi les Amibes, il s'en trou- vera qui auront exactement le mode de division observé chez VEuglenopsis. Si maintenant nous envisageons le sens de la division, nous trouvons également dans cet Euglenopsis vorax un fait des plus intéressants. La division du corps est longitudinale comme chez les autres Flagellés, et aussi comme chez la'plupart des Euglé- niens ; l'axe nucléolaire s'allonge donc dans le sens trans- versal (PI. XXXII, fig. 13-16); mais bientôt, sans doute à cause du peu de largeur de la cellule, cet axe bascule, et le fuseau nucléaire — si on peut employer cette expression dans l'amitose — devient longitudinal (PI. XXXII, fig. 14, 15, 2.0). Nous avons signalé un cas de ce genre dans le Trachelo- monas linjeneUa dû à la même cause (1) ; cette position secondairedu fuseau a entraîné, dans cette dernière espèce, comme conséquence directe, une bipartition transversale du corps. Dans ïEucjIenopsis vorax^ les choses n'ont pas été aussi loin ; lorsque l'échancrure se produit à partir de l'avant, le corps s'élargit et le fuseau se recourbe, portant ainsi une de ses extrémités dans la moitié de cellule qui en est dé- pourvue (PI. XXXIl, fig. 17-23); lorsque le plan de sé- (1) P.--A. Dangeard : Recherches sur les Eugléniens, loc. cit., p. 132 du tirage à part. LES ALGUES INFÉRIEURES 221 paratioii atteint le tiers inférieur, chaque moitié a son noyau en reconstitution à la place qu'il occupera plus tard ; ce noyau revient très vite à l'état de repos au moment où la séparation des cellules-filles se produit (PI. XXXII, fig. 24). Il faut avoir suivi ainsi tous les stades de la division pour comprendre qu'avec un axe nucléolaire longitudinal, la bi- partition peut cependant continuer à rester elle-même lon- gitudinale. Nous avons déjà fait autrefois allusion à l'importance de ces constatations dans notre théorie du cloisonnement (1). Les kystes n'étaient pas connus dans cette espèce ; dans notre première culture faite avec du crottin de cheval, les formations étaient en petit nombre. Il en a été autrement dans la culture avec jus de pruneaux, où ils se sont montrés très abondants. Ces kystes ont au dcbut une forme en biscuit, assez voi- sine, pour les dimensions, de celles du corps ; plus tard, nous les avons retrouvés par milliers à la surface du liquide ; le protoplasma était condensé en sphère ou en lentille et entouré d'une épaisse membrane (PI. XXXII, fig. 26-27) ; autour de cette membrane, on voyait une épaisse couche gélatineuse qui paraissait entourer toute la sphère; en réa- lité, cette substance d'aspect gélatineux formait seulement une sorte de plateau. Le protoplasma de ces kystes renfermait de nombreux globules réfringents ; nous ignorons s'il s'agit d'huile ou de glycogène, car nos notes portent que la paroi du kyste se montre imperméable aux réactifs. En résumé, nous avons dans cet Euglenopsls vorax un flagellé des plus intéressants ; ses afïinités par le haut avec les Eugléniens ne sont pas contestables, maisil faudra main- tenant rechercher sa parenté avec des Flagellés moins élevés (1) p. -A. Dangeard : Observations sur la théorie du cloisonnement (Comptes rendus, Acad. des se, t. CXXXVI). 222 P -A. DANGEARD en organisation, plus rapprociiés par conséquent des Amibes et des êtres qui leur ressemblent. Peranema tricliophorum Ehrg. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur la description de cette espèce si commune et si fréquemment décrite (1). Nous nous sommes attaché uniquement à l'étude du noyau et de son mode de division. Ce noyau occupe une position assez variable ; il est en général, situé vers la partie postérieure du corps (PI. XXXII, fig. 1) ; plus rarement, il est médian (PI. XXXIII, fig.2). Les dimensions du noyau sont en rapport avec la grosseur des individus dont quelques-uns atteignent une longueur de 70 p. sur une largeur de 20 p. ; le diamètre moyen de ce noyau varie entre 10 et 12 p. ; son contour est sphérique ou elliptique. Nous retrouvons là tous les caractères du noyau des Eu- glènes ; le nucléole est central et très gros; lenucléoplasme est abondant avec une structure granuleuse ou fibrillaire, ce qui est l'indice de l'existence d'un spirème (2). Au moment où le novau va se diviser, la cellule s'arron- dit plus ou moins et le nucléole s'allonge en un bâtonnet qui atteint la membrane nucléaire ; les chromospires ou replis du spirème se placent parallèlement au nucléole. Le nucléole, en continuant à s'allonger, dépasse la surface du noyau et il se renfle à ses deux extrémités ; les chromo- spires sont alors complètement parallèles à l'axe ; celui-ci s'allonge davantage, entraînant à ses deux extrémités ren- flées les chromospires qui ontsubiune division transversale. Enfin les chromospires s'unissent en un nouveau spirème autour de chaque nucléole revenu à la forme sphérique (1) Klebs : loc, cit., p. 368. (2) P. -A. t)angeard : Recherches sur les Eiujléni&ns, loc. cit., p. 235. LES ALGUES INFÉRIEURES 223 (PI. XXXIII, fig. 5-8). C'est à l'anaphase que la cellule commence à montrer l'étranglement qui la séparera en deux cellules-filles. Comme la cellule mère s'arrondit pour la bipartition, on a quelque difficulté à reconnaître le sens de la division ; nous avons pu cependant établir que cette bipartition est transversale, d'après la position occupée par le tube œso- phagien. En résumé, le noyau du Veranema a une structure exacte- ment semblable à celui des Eugléniens ; il se divise delà même manière par haplomitose. c) Pelalomonadina. En suivant la classification donnée par Klebs, c'est ici que nous devons étudier un petit organisme désigné par Stein sous le nom de Scytomonas piisilla; nous allons cons- tater une fois de plus queles groupements, en systématique, éloignent souvent les uns des autres des êtres qui se tou- chent et sont proches parents ; le Scyîomonas pusilla ne diffère de VEuglenopsis vorax que par ses dimensions beau- coup plus faibles ; si la forme du corps est plus fixe, c'est une question de degré qui ne peut guère intervenir dans la considération de la parenté de ces deux Flagellés. Scytomonas pusilla Stein. Ce petit organisme vit dans les infusions ; Stein, qui l'a découvert, s'est borné à en donner quelques figures qui le représentent à l'état ordinaire et au stade de division longi- tudinale; pour en avoir une idée plus complète, il faut arri- ver aux recherches de Klebs (1). Ce savant indique comme dimensions du corps : longueur, 4, 8-6 ij. ; largeur, 2,4-3 p. ; la forme que nous avons étu (1) Klebs : Loc. aï., p. 377. 224 P. -A. DANGEARD diée, et qui appartient cependant à cette espèce, avait des dimensions sensiblement plus grandes, puisque sa longueur atteignait 10 jj. et davantage. Lecorps a une forme ovale, avec une extrémité postérieure assez fréquemmenl arrondie ; à l'avant, se trouve un flagellum assez rigide, de la longueur du corps ; nous avons parfois remarquée son point d'insertion un petit nodule chroma- tique; mais cette disposition n'est pas générale; il existe à l'avant une vacuole auprès de laquelle une seconde se forme avant que la première ait disparu (PI. XXXIII, fig. 9). Le corps est de consistance assez rigide; il ne se déforme pas ; le cytoplasme est incolore ; il renferme quelques petits granules. Le mode de nutrition a été bien indiqué par Klebs ; le Scytomonas avance doucement en avant, en agitant son fla- gellum; brusquement le corps s arrête et le flagellum devient immobile ; on aperçoit alors une Bactérie fixée à l'avant du corps; s'il s'agit d'une espèce de forte taille, on peut cons- tater que la réfringence de la Bactérie diminue ; son contenu passe dans le cytoplasme du Flagellé ; celui-ci reprend en- suite son mouvement, abandonnant l'enveloppe vide ; il n'a pas élé possible à Klebs de s'assurer si les Bactéries de petite taille étaient ainsi absorbées ou si elles pénétraient direc- tement à l'intérieur du corps. Nos observations ont porté principalement sur le noyau qui n'était connu que par cette seule remarque de Klel3s : (( Unterhalb der Vacuole liegt der kleine Waschenformige Kern (1). » Le noyau est situé exactement au milieu du corps ; son diamètre est de 2 |JL environ; on ne distingue qu'un nu- cléole entouré d'une zone étroite de nucléoplasme incolore (PI. XXXIII, fig. 10) (2^ (1) Klebs : Loc. cit., p. 378. (2) Klebs : Loc. cit., p. 379. LES ALGUES INFÉRIEURES 223 Malgré ces dimensions minuscules, nous avons pu suivre tous les stades de la division nucléaire ; le nucléole s'al- longe dans le sens transversal en forme de bâtonnet chroma- tique ; celui-ci est recouvert par la couche mince du nu- cléoplasme : le bâtonnet nucléolaire va ainsi buter par ses deux extrémitéscontre la paroi du corps. Pendant cette transformation du noyau, des changements se produisent à l'avant de la cellule ; le nodule chromatique, dont nous avons déjà signalé l'existence à la base du flagel- lum, s'élargit, et il semble se diviser en deux autres nodules que nous retrouvons un peu plus tard ; ces formations doi- vent être sans doute assimilées à des blépharoplastes. C'est à ce moment que l'échancrure antérieure commence à se montrer ; chaque pointe est munie de son tlagellum ; nous ne saurions dire exactement d'où viennent ces deux flagel- lums ; il est assez probable qu'un nouveau flagellum s'est développé à côté de l'ancien. Pendant que l'échancrure progresse, l'axe nucléolaire se renfleà ses deux extrémités, et la reconstitution se fait comme dans ÏEug/cnopsis ; nous avons bien vu les deux extrémités portant les flagellums s'écarter l'une de l'autre, mais nous n'avons pas assisté à la séparation des deux nouveaux indi- vidus (Pl.XXXin,fig. 12-19). Nous aurions à faire, au sujet de ce mode de division du noyau, les mêmes observations que celles qui viennent d'être développées à propos de VEuglenopm vora.r ; c'est une simple amitose par étirement à cause de l'absence de spi- rème ; mais il n'est pas douteux que ce soit là le prototype de l'haptomitose desEugléniens. L'organisation du Scijlomonm et son mode de nutrition viennent confirmer cette conclusion ; nous nous rapprochons de plus en plus du type ancestral monadien qui a donné naissance aux Eugiéniens. La chose est à ce point frappante que Kent, sur la foi de la description de Stein, plaçait le Sciftomonas à côté du LE BOTANISTE. 15 226 P.-A. DANGEARD genre OiJwmonas et que Klebs, tout en conservant ce Fla- gellé dans les Pelalomonadina, reconnaît que le mode de nutrition est celui des Monadiens. Il nous reste à parler d'un détail d'organisation qui se rencontre fréquemment dans cette espèce, et qui estd'inter- prétation difficile. Klebs a remarqué que chez le Scytomonas, certains indi- vidus présentaient une échancrure postérieure, au lieu 'de l'échancrure antérieure qui se produit normalement pour la bipartition ; à première vue, l'idée d'une copulation se pré- sente naturellement à l'esprit ; mais on est détourné de cette idée par le fait que l'extrémité de la cellule, ainsi échan- crée, ne porte qu'un flagellum et ne possède qu'une vacuole; Klebs pense qu'il faut voir là une exception dans la façon dont se produit l'échancrure pour la division « Hochst wahrscheinlich kann die Einschnurung ausnahmsweise am Hinterende beginnen immerkin eine aufïallende Erschei- nung (1). » Stein avait déjà fait autrefois une remarque semblable à propos du Cercomonas musmc donieslicae (2). Nous aurions vivement désiré pouvoir élucider ce point délicat du développement. Nous pouvons affirmer qu'il ne s'agit pas d'une biparti- tion ordinaire, avec un simple changement dans la direction de l'échancrure. En effet, nous venons de voir que la division du noyau accompagne la bipartition de la cellule ; or, chez tous les individus qui présentent une échancrure postérieure, les deux noyaux sont à l'état de repos ; ils sont tels, aussi bien lorsque cette échancrure est à peine visible que plus tard, alors que cette échancrure va jusqu'au voisinage du flagellum (PI. XXXIII, fîg. 20-23). (1) Klebs : Loc. cil., p. 379. (2) Stein : Loc. cit., pi. I, Abih. II, fig. 4. LES Af.GUES INFÉRIEURES 22") Cette seule constatation n'implique pas cependant néces- sairement, comme conséquence, l'absence de toute relation entre celte disposition et la bipartition ; il faudrait simple- ment admettre que, par exception, la division ordinaire fournit des individus binucléés qui plus tard se séparent en deux. Nous avons suivi un de ces individus pendant vingt mi- nutes ; il n'a présenté aucun changement. Or la division chez les Flagellés est, en général, assez rapide ; il est donc assez étonnant qu'aucun progrès dans la bipartition ne se soit manifesté pendant un intervalle de temps aussi long. La présence d'un seul flagellum, inséré sur un unique blé- pharoplaste, alors que la cellule est très profondément échan- crée, me semble constituer un autre argument des plus sé- rieux contre l'hypothèse de la bipartition. Toutes ces raisons résumées me semblent suffisantes pour affirmer qu'il ne s'agit pas ici d'un stade de bipartition. L'hypothèse d'une copulation est plus séduisante, mais elle se heurte à une grave objection ; il est difficile, en effet, de concilier la présence d'un unique flagellum avec la fusion de deux gamètes. Il faut donc attendre de nouvelles observations avant de se prononcer. 228 P. -A. DANGEARD CINQUIÈME PARTIE Nous ne pouvons songer à résumer tous les faits d'ob- servation contenus dans ce mémoire : pour chacun d'eux, il est nécessaire de se reporter à la description qui en a été donnée dans la partie systématique. Mais il peut être utile de traiter ici à un point de vue gé- néral quelques-uns des problèmes qui se rattachent étroi- tement à la vie des organismes inférieurs, et qui ont une répercussion immédiate sur notre façon d'envisager la bio- logie des êtres supérieurs. A) La chromaline exlranucléaire. Nous allons tout d'abord envisager la question de la chrornatine extranucléaire, qui, on peut le dire sans exagé- ration, a pris, dans ces dernières années, une place consi- dérable dans les préoccupations des histologistes et des protistologistes. La théorie des chromidies et du réseau chromidial a été développée en 1902 par R. Hertwig dans un mémoire qui depuis a servi de base à tous les travaux et à toutes les dis- cussions sur ce sujet (1). H. Hertwig désignait sous le nom de chromidies des cor- puscules qui sont disséminés dans le protoplasma de VActi' nosphœnum et qui se colorent, sous l'influence des réactifs, comme la chromatine ; ils tirent leur origine des noyaux, et dans certains cas on peut voir ceux-ci se transformer en chromidies. Le nom de réseau chromidial était donné par R. Hertwig (1) R. Hertwig : Die Protjzoen... (Archiv. f. Prolist., Bd. I., 1902). LA CHROMATINE EXÏRANUCLÉAIRE 229 à un réseau chromatique extranucléaire, qui existe chez les Arcelles et qui forme une sorte d'anneau à la périphérie du corps. D'après ce savant, le réseau chromidial possède la propriété de fournir directement- de nouveaux noyaux qui serviront à la reproduction, alors que les deux anciens noyaux sont destinés à disparaître par dégénérescence. Il est facile maintenant de saisir l'importance de ce fait pour le cas où il eût été établi de manière irréfutable. La question de la (jénération spontanée va s'ouvrir à nou- veau, non plus, il est vrai, à propos de la cellule elle-même ou de l'organisme protozoaire qu'elle constitue, mais pour un élément de cette cellule, dont l'individualité se trouvait presque consacrée au même titre par l'adage bien connu, cher aux histologistes : Omnk nucleus a nucleo. A l'heure actuelle, les disciples d'Hertvvig ne semblent avoir aucun doute sur la naissance de nouveaux noyaux aux dépens d'un réseau chromidial, chez un certain nombre de Protozoaires, et ils ne cachent pas leur espoir d'étendre ces notions nouvelles aux éléments cellulaires des Métazoaires; C'est ainsi qu'Awerinzew, à la suite d'une étude sur lé Lympliocystis jolinstonei, écrit : « Die hier beobachtete Ers- cheinung einer vollstandigen Verschmelzung des Chroma- tins, Plastins und Protoplasmas mit darauf folgendem Auf- treten von neuen Kernelementen aus dieser gemeinsamen homogenen Masse kann unter anderem als eine aus ge- zeichnete lllustrierung zu der vom Schaudinn ausgespro- chenen Auffassung von der Ubereinstimmung von Kern- substanz und Protoplasma dienen (1). )) Et plus loin, le même auteur ajoute que, pour lui, le temps est proche où on aura, comme pour les Protozoaires, la pieuve que chez les Méta- zoaires, les noyaux ne proviennent pas nécessairement d'autres noyaux préexistants. (1) s. Awerinzew : Studien iiber parasilische Proiozoen (Archiv. f. Pro- listenk. Bd. XIV, 1909, p. 3li3). 230 P-A. DANGEARD Lorsqu'on se trouve en présence d'une théorie aussi im- portante que celle-ci, il est intéressant, avant de la sou- mettre à une étude critique, d'en suivre l'évolution, à partir du germe, celui-ci fût-il, comme dans le cas actuel, le ré- sultat presque certain d'une erreur d'observation. La théorie repose sur la formation, chez VArcella viil- garis, de nouveaux noyaux, aux dépens du réseau chromi- dial. Nos propres recherches, exposées précédemment, viennent à l'encontre de cette opinion ; mais la chose n'au- rait pas d'autre importance, si par ailleurs on avait assisté à la naissance de noyaux formés par la chromatine extranu- cléaire. On a alors comme second point de départ les re- cherches de Schaudinn sur les PolyslomeUa (1). Il existe chez ces Foraminifères une alternance de géné- rations. La génération microsphérique possède de nombreux noyaux qui, à la fin de la période végétative, se dissolvent et se transforment en chromidies, dételle sorte que tout le protoplasma est parcouru par un réseau et par des stries chromatiques. Ce protoplasma sort de la coquille et il se fragmente en p! un amas chromatique qui a un aspect claviforme au moment de la séparation définitive. A Tanaphase, les noyaux en reconstitution possèdent donc une calotte polaire provenant de l'ancien nucléole, un amas chromatique représentant la fusion, des chromosomes et un peu de nucléoplasme incolore. LE NOYAU ET SON MODE DE DIVISION 251 Chaque noyau, à l'état de repos, montre à nouveau une membrane nucléaire, un très gros nucléole qui est constitué pour une part d'une calotte polaire, à laquelle paraît s'être ^ajoutée la chromatine des chromosomes. Il est extrêmement difficile d'établir avec ce mode de divi- sion l'origine des chromosomes, et dans le cas où il s'agirait de formations permanentes, leur état dans le noyau au stade de repos ; il semble qu'ils viennent du nucléole à la pro- phase et qu'ils y retournent à l'anaphase. En réalité, on pourrait admettre — et nous penchons pour cette hypothèse — que les chromosomes sont indépen- dants du nucléole et qu'ils se chargent d'une partie de la chromatine du nucléole, au moment de la division, chroma- tine qui reprend ensuite sa place dans le nucléole. Cette hypothèse a l'avantage de permettre un rapproche- ment avec la téléomitose normale ; la différence consiste- rait simplement dans la persistance ici de l'individualité du nucléole et dans une répartition moins exacte de la chro- matine par les chromosomes. />) La division nucléaire des Bodo ne diffère guère de la précédente ; le nucléole se divise en deux corpuscules polaires ; mais la répartition de la chromatine sur les chro- mosomes est moins nette et sujette à des variations. Cette chromatine apparaît à la prophase, dans le nucléo- plasme, sous forme d'un arc chromatique qui devient ensuite massif. On observe alors deux manières d'être : ou bien cet amas chromatique se sépare simplement en deux masses d'aspect claviforme, ou bien il se différencie en plusieurs bâtonnets qui subissent une division transversale, avant d'accompagner dans leur éloignement les corpuscules polaires. L'aspect du noyau à l'anaphase est exactement semblable chez les Bodo à celui du même stade chez ÏÀmœha Umax. Wahlkamp a d'ailleurs signalé ce fait intéressant que la division chez la forme d'Amœba Umax qu'il a étudiée pré- 252 P -A. DANGEARD sente deux manières d'être : la chromatine reste massive ou se différencie en bâtonnets analogues à ceux que nous avons trouvés dans le genre Bodo. Nous avons conclu de ces diverses observations que les Flagellés de la série des Bodo ont leur point de contact avec les Amibes du type limaï. c) D'autres Amibes, comme VAmœha Gleichenii, ont acquis la téléomitose ordinaire. Nous en avons donné une descrip- tion complète en étudiant cette espèce. Ici, la substance du nucléole disparaît complètement au cours de la mitose ; il existe un spirème qui se fragmente en un nombre iixe de chromosomes ; le fuseau est normal, sans corpuscules polaires ni centrosomes ; le stade de la plaque équatoriale est très net ; les chromosomes se séparent en deux groupes qui forment deux plaques chromatiques égales ; ces deux plaques, en s'éloignant, restent parallè- les ; il en résulte un stade tonnelet caractéristique. Les divers aspects de l'anaphase reproduisent en sens inverse ceux de la prophase, comme dans la mitose des organismes supérieurs ; les chromosomes s'unissent en un spirème qui devient indistinct dans le nucléoplasme, et la substance nucléolaire apparaît pour donner le nouveau nucléole. C'est ce même mode de division que nous avons étudié autrefois chez les Ghiamydomonadinées et le Polyloma iivella. Nous l'avons retrouvé chez VAmœha Chaitoni, VÂnu£ha paradoxa, le Cochliopodium btlimboswn, les Cercomonas^ les Monas, les ÂntJtojàijsa, etc. 11 semble que l'on soit autorisé à penser qu'à côté de la série évolutive des Flagellés, qui se rattachent, comme les Bodo, au type de VAmœha Umax, il en existe une autre qui a son point de départ avec les Amibes du type A. Gleiche^iii; celte dernière conduit, par les Mojias^ au Polijtoma uvella et aux Ghiamydomonadinées. De là, cette série se continue. LE NOYAU ET SON xAIODE DE DIVISION 2o3 avec le même mode de division, du côté des Métaphytes et des Métazoaires. On aurait ainsi un ensemble de faits concordants qui jus- tifient la parenté des organismes supérieurs avec les Fla- gellés analogues au Polijtoma iivella. Dans notre théorie de la sexualité, en eiîet, nous avons suivi, à partir de cette dernière espèce, l'évolution de la reproduction sexuelle et montré son importance dans le cycle du développement des végétaux et des animaux. Il y aurait une concordance que l'on pourra chercher à rendre plus précise, entre l'existence d'une téléomitose normale et celle de la fécondation ordinaire. En d'autres termes, la téléomitose, qui assure la réparti- tion mathématique de la chromatine des chromomères et des chromosomes aux nouveaux noyaux, aurait été néces- saire à l'évolution normale de la sexualité. Les groupes en cul-de-sac, comme celui des Eugléniens, semblent se rattacher par leur mode de division nucléaire à des Amibes ne possédant que l'ainitose, ou tout au moins une karyokinôse très imparfaite, à caractère variable, comme celle de VAmœha Umax ou des Bodo. C'est également au type de VAmœha '///if/a:; qu'il faut ratta- cher la karyokinôse des Arcelles dont nous avons donné une description très complète. 11 est difficile de se prononcer actuellement sur l'impor- tance en systématique des phénomènes nucléaires si inté- ressants que nous avons décrits dans le ChUomonas Para- mœcium ; il s'agit évidemment d'une téléomitose possédant des caractères particuliers ; une conclusion serait prématurée en ce moment. On conçoit qu'après avoir consacré plusieurs années à l'étude du noyau chez les organismes inférieurs, sans avoir jamais rencontré un cas de génération spontanée de cet élément, il nous soit difficile d'acquiescer aux vues de ceux qui attribuent au noyau des Protozoaires de multiples 2o4 P. -A. DANGEARD transformations, en contradiction avec ce que nous savons du noyau des Métazoaires et des Métaphytes. De ces transformations, nous n'avons jamais aperçu aucune trace, alors que nos observations mettaient au con- traire en évidence la similitude d'organisation du noyau chez tous les êtres vivants, et l'analogie presque complète des phénomènes de division à tous les degrés du règne animal et du règne végétal. Aussi croyons-nous devoir mettre en garde contre les ten- dances qui, même exprimées sous la forme dubitative, sont de nature à modifier la manière de voir précédente. Après avoir étudié les chromidies chez plusieurs espèces d'Amibes, leur mode de formation et leur disparition, il nous sera sans doute permis de considérer comme inexactes des conclusions analogues à celles-ci : « Der Vorgang — il s'agit de la naissance des chromidies — beginnt damit, dass des Caryosom an die Kermmembran rïickt und (éven- tuel durch heteropole Teilung ahnlich wie bei der oben abgebildeten Kernknospung) chromatisches Material an das Plasma abgibt. » Et plus loin : a Vielleicht entstehen die ersten sog. Chromidialkorper ausschliessiich durch derar- tige Caryosomteilung, so dass es sich in W irkiiehkeit um gar keine echte Chromidienbildung, soudern um die ein oder mehrmalige Abschnïirung totipotenter kleiner Iverne handelt (1). » Caullery, analysant un autre travail du même savant, s'exprime en des termes qui montrent combien l'indécision est grande en ce moment parmi les histologistes et les zoolo- gistes au sujet de ces tendances (2) : « L'étude des Proto- zoaires a fait connaître depuis quinze ans des types de division nucléaire tout à fait distincts de ce que nous four- (1) Hartmann : JJntersuchungen uber parasitische Amo6cn (Arch. f. Pro- tist., Bd. XVIH, 1909, p. 21o). (2) Bulletin scienliflque de la France et de la Belgique, 7e série, t. XÎJV, 1910, p. 24 de la Bibliographie. LE NOYAU ET SON MODE DE DIVISION nissaient les Métazoaires, en particulier la division mul- tiple du noyau, signalée pour la première fois par Schau- dinn chez Calcituha et retrouvée depuis sous des formes très variées, par beaucoup d'auteurs, chez de nombreux Protozoaires. D'autre part, il a été décrit, sous le nom de chromidies, des granulations chromatiques, dans le cyto- plasme cellulaire, granulations d'origine nucléaire, et qui, dans certains cas (trophochromidies), ne joueraient qu'un rôle végétatif (mal précisé encore), dans d'autres cas (Fora- minifères, Entamwba hislolyca, Radiolaires) seraient l'ori- gine des noyaux d'éléments reproducteurs (spore ou gamètes) : ces dernières chromidies ont été appelées géné- ralement sporéties. Hartmann essaie de réduire tous les faits de ces divers ordres assez bien établis à une même conception synthétique : à savoir que tous pourraient se ramener à une multiplication du karyosome du noyau pri- mitif ; celui-ci serait donc un noyau complexe, ayant la valeur d'une somme de noyaux, ou une polyénergide, pour reprendre une expression de Sachs. Il y aurait donc lieu de reprendre, avec cette notion directrice, l'étude des divers cas de division nucléaire multiple ou de formation de chro- midies ; l'idée est séduisante, parce qu'elle ramène finale- ment à la division nucléaire (sous la forme de mitose primi- tive, si répandue chez les Protozoaires^ des faits très dispa- rates et très paradoxaux, comme la constitution directe de noyauxau sein duc ytoplasma, conception à laquelle menaient les faits groupés sous le nom de chromidies ; elle est donc importante pour la biologie générale et la notion de la cellule. » Pour dire toute notre pensée, la notion d'un noyau complexe, ayant la valeur cV une somme de noyaux ii polyéner- gide Kerne », est aussi inexacte que la plupart des observations sur la division multiple de l'élément nucléaire, dans la forme où on les a présentées. On pourrait avoir des doutes sérieux sur l'existence même 236 P -A. DANGEARD de ce mode de division qui a été signalé par Schaudinn chez les Cakiluba. Prenons, en effet, le récent travail de Winter sur les Perc- nopih: cet autear voudrait confirmer les résultats de Schau- dinn ;mais on s'aperçoit bien à sa description qu'il n'a rien trouvé de démonstratif (1) : « Bei heranreifendenden Aga- monten runden sich zn Zeiten der Ruhe auch in den Cen- tralkammern die Kernemehr ab und zeigen den Werde- gang der multiplen Kernvermehrung in primitiver Form (vgl. auch Taf. II, fig. 16). » Nous avons vainement con- sulté cette fig. 16, sans y trouver trace d'une division mul- tiple des noyaux ; peut-être existe-t-il des fragmentations analogues à celles que l'on trouve dans les cellules âgées de C/iara, et encore la chose manque de preuves. ■Les Radiolaires ne fournissent pas d'arguments plus convaincants en faveur de l'existence d'une division multi- ple des noyaux. En consultant le récent travail de Moroff et Stiasny sur l'Acunthometrou peUucidur» , on voit qu'au moment de la formation des zoospores, les noyaux se divi- sent rapidement par amitose. (( Es macht den Eindruch, als ob dièse Kerne auf einmal in drei oder vier Stucke zerfal- len konnten (2). » Mais il est trop évident que ce n'est pas sur une simple impression qu'on peut admettre une exception de cette nature. La division multiple du noyau décrite par Jollos chez VAdclea ovata nous semble aussi problématique (3). Il ressort suffisamment de ce qui précède que nous sommes nettement opposé aux conceptions nouvelles sur le noyau des Protozoaires, bien qu'elles aient pour partisans (1) F.-W. Winter : Zur Kenntnis der Thalamophoren (Archiv. f. Pro- tist., Bd. X, 1907, p. 95-96). (2) Moroff und Stiasny : Vber Bau und Entw. von Acanlhomclron pelluci- dum (Archiv. f. Protist., Bd. XVI, 1909, p. 226). (3) Jollos : Multiple Teilung und Reduktion bei Adelea ovata (Arch. f. Protist., Bd. XV, 1909, p. 249). LE NOYAU ET SON MODE DE DIVISION 257 des savants éminents suivis par de nombreux disciples. Le noyau, selon nous, a peut-être une origine aussi ancienne que l'élément cellulaire lui-même, et si l'on admet que toutes les cellules proviennent d'une cellule primitive, il nous paraît vraisemblable que tous les noyaux dérivent aussi du noyau primitif. Cette manière de voir conduit à étudier et à suivre l'évolution du noyau dans ses rapports avec révolution même de la cellule : on se rend compte ainsi de la similitude des phénomènes de mitose chez une Amibe et chez un Métazoaire. 11 est évident que ces idées ne sont pas compatibles avec le mode de formation des noyaux aux dépens d'un chromidium. Nos observations ont montré que cette théorie était certaine- ment fausse en ce qui concerne les exemples qui ont servi de base à cette théorie, c'est-à-dire les Arcelles et les Ami- bes ; il n'est pas douteux qu'en étudiant les Foraminifères avec plus de soin, on arrive aux mêmes conclusions. Si nous n'admettons pas la génération spontanée des noyaux, nous n'admettons pas davantage la production des chromidies par une sorte de bourgeonnement du noyau au sens d'Hartmann. Les chromidies ne sont pour nous qu'un simple dépôt de chromatine, le plus souvent transitoire, qui se fait dans le protoplasma ; ces chromidies n'ont pas d'indi- vidualité; nous ne croyons pas que la chromatine sorte du noyau à l'état figuré en brisant la membrane nucléaire, sauf le cas de dégénérescence; ce mode de formation, s'il existe, ne doit être qu'une exception. Nous faisons, d'autre part, les plus extrêmes réserves en ce qui ç^owcqywqV existence d'une division multiple du noyau chez les Protozoaires : on devra reprendre, avec de nouvelles idées directrices, l'étude histologique des Foraminifères et des Radiolaires. Si, comme nous le pensons, le noyau a une véritable indi- vidualité qui se transmet à travers toutes les générations, depuis le noyau souche ancestral, il est nécessaire de reje- LE BOTANISTE. 17 258 P -A. DANGEARD ter l'emploi d'une terminologie peu en rapport avec ce carac- tère du noyau. Aussi avons-nous évité avec soin de désigner le corpus- cule chromatique central du noyau sous le nom de caryo- some, bien que cette expression soit d'usage courant en Allemagne, et qu'elle commence à être employée fréquem- ment en France. L'emploi du terme caryosome semble impliquer toute une théorie de l'élément nucléaire à laquelle nous ne saurions souscrire, et qui se trouve développée par Hartmann et Prowazek (1). Ainsi le caryosome, d'après ces auteurs, est un second noyau qui se trouve logea l'intérieur du premier: le noyau double ainsi constitué est un amphicaryon ; le caryosome peut en sortir pour donner un blépharoplaste ; ce blépharo- plaste, chez les Trypanosomes, possède des chromosomes, et il se divise lui-même selon le mode indirect. Il y aurait chez les nombreux Protozoaires qui possèdent un caryosome deux noyaux emboîtés l'un dans l'autre et constituant un amphicaryon : ce que nous appelons nucléole doit être considéré comme un second noyau, se divisant de façon indépendante, possédant parfois une membrane et un corpuscule central ou cenlriole ; ce caryosome est le noyau cinétique des Protozoaires : il est comparable au cen- trosome des Métazoaires. Nous sommes un adversaire convaincu de la théorie du noyau double chez les Protozoaires ; nos observations ne permettent pas d'attribuer au nucléole, désigné sous le nom de caryosome, les propriétés qu'on lui attribue. Le nucléole des Protozoaires a la même valeur que celui qui existe dans le noyau des Champignons. Prenons la divi- sion indirecte deVAmœba Gleichemi par exemple: le nucléole (1) Hartmann et Prowazek : Blepharoplast, Caryosom und Centrosom (Arch. f. Protistenkunde, Bd. X, 1907, p. 306). LE NOYAU ET SON MODE DE DIVISION 259 se dissout complètement pendant la mitose pour apparaître de nouveau à l'anaphase ; dans VAmœba Umax, au contraire, le nucléole, après avoir donné une partie de sa chromatine, conserve sa forme générale et se divise en deux. Dans la théorie précédente, on serait conduite dire que le noyau de VAmœha Gleichcnii est un noyau simple, alors que le noyau àeVAmo'ba Umax serait un noyau double, un amphi- caryon ; la conclusion serait évidemment absurde. Et comme les cas où le nucléole se dissout complètement pendant la mitose sont fort nombreux chez les Protozoaires, chez les Protophytes, Chlamydomonadinées, Volvocinées, Algues diverses, etc., il ne faut pas songer à assimiler le nucléole à un élément ayant toules les propriétés d'un second noyau logé à l'intérieur du premier : // est donc nécessaire à notre avis de rejeter Vexpression de caryosome, qui implique une erreur d'interprétation. Comparons maintenant la division du noyau de VAmœba Umax à la mitose des noyaux chez les Arcelles : il est impos- sible de ne pas être frappé par la ressemblance presque absolue des divers stades; or, tandis que le nucléole de VAmœba Umax se divise en deux pour former les calottes polaires, celui du noyau des Arcelles se comporte différem- ment ; la substance nucléolaire se dissout, se répand dans le nucléoplasme pour s'accumuler ensuite aux deux pôles : ce nucléole des Arcelles n'a pas, incontestablement, les pro- priétés d'un second noyau, et cependant l'assimilation avec le prétendu caryosome de VAmœba Umax s'impose. Il ne suffit pas de faire la critique d'une théorie, il faut encore prendre position et essayer de concilier les faits d'observation avec l'opinion d'un élément nucléaire unique, n'ayant évolué que dans des limites restreintes. Le noyau comprend, nous l'avons dit, une membrane nucléaire, du nucléoplasme, un ou plusieurs nucléoles. Dans le cas où le spirème, avec ses chromospires ou ses chromosomes, est contenu dans le nucléoplasme, les diverses 260 P. -A. DANGEARD manières d'être du nucléole au moment de la division s'expliquent facilement. Ce nucléole abandonne tout ou partie de sa substance au fuseau et aux chromosomes qui deviennent plus chromati- ques et s'aperçoivent mieux qu'auparavant. Fréquemment, c'est tout le nucléole qui disparaît ainsi et, pour nous borner aux Protozoaires, aux Protophytes et aux Champignons, nous pouvons citer V Amocha Gleichenii, de nombreux Flagellés à mitose typique, le Chilomonas Para- mœcium, le Polytoma uvella, les Chlamydomonadinées, les Péronosporées, les Ascomycètes, etc., etc. Si le nucléole persiste pendant la division, il se divise simplement en deux moitiés qui s'éloignent l'une de l'autre, comme chez les Eugléniens. La disparition ou la présence du nucléole pendant la division nucléaire est un phénomène comparable, selon nous, à la disparition ou à la présence du pyrénoïde dans la bipartition du chromatophore ; il n'y a pas lieu d'employer un nom différent pour ce corpuscule, selon qu'il est perma- nent ou d'existence transitoire. La seule objection vient de ce que chez quelques es- pèces^ le nucléole occupe un volume considérable dans le noyau : il semble alors que ce soit le nucléole qui fournisse les chromosomes ; l'autre partie du nucléole conserve son individualité dans la mitose et se sépare en deux parties [Amœba limai-) pour donner les calottes polaires. La difficulté n'est qu'apparente ; en effet, si nous ignorons exactement sous quelle forme les chromosomes se trouvent dans le noyau de l'Amibe à l'état de repos, nous savons du moins que ces chromosomes sont très petits et très probable- ment achromatiques. Rien n'empêche qu'à cet état ils se trouvent dans le nucléoplasme. La chose paraît même pres- que certaine, lorsqu'on s'adresse au Dodo caudatus, qui pré- sente les mêmes phénomènes : l'amas chromatique qui fournit les chromosomes apparaît dans le nucléoplasme. LE NOYAU ET SON MODE DE DIVISION 261 S'il en est ainsi, nous rentrons dans le cas précédent où le nucléole, tout en conservant son individualité, abandonne une partie de sa substance chromatique en faveur des chro- mosomes. Alors même que les chromosomes seraient parfois réelle- ment inclus dans le nucléole, il n'y aurait pas lieu, selon nous, d'adopter l'expression de caryosome, puisque ces chromosomes n'appartiennent pas à un second noyau ; ils ne font pas double emploi ; le nucléoplasme n'en renferme pas une seconde série. Les nucléoles de YActinospliarium renferment, selon R. Hertwig, deux substances, l'une qui est la substance nu- cléolaire et qui est identique à celle que l'on trouve dans les nucléoles des tissus animaux ; la seconde est la chromatine. Schaudinn distingue également dans le caryosome du Coc- cidium Schubergi^ à côté de la chromatine, une substance peu colorable et qu'il identifie avec la plastine. Le nucléole de YAmœha Umax et celui du Bodo caudatus contiennent aussi deux substances différentes par leur réaction vis-à-vis des colorations doubles au picro-carmin et à l'hémaloxyline ; dans les calottes polaires, alors que le nucléole a abandonné sa chromatine aux chromosomes, la teinte est peu accentuée et se rapproche du rose. Nous manquons de données générales sur la composition exacte du nucléole et sur le rôle des diverses substances qu'il peut renfermer. Par ses relations avec l'appareil locomoteur, le noyau se présente comme un réservoir de kinoplasme, et il est probable que ce kinoplasme s'accumule dans le nucléole avant de trou- ver son emploi dans les mitoses ou ailleurs; de là est venue cette idée de considérer le nucléole comme un noyau cinétique. De ce que la cellule renferme du kinoplasme et du tropho- plasme au sens de Strasburger, il ne s'ensuit pas que la cellule soit double : on peut dire exactement la même chose en ce (jui concerne les noyaux. 262 P. -A. DANGEARD C) La sexualité générale. La théorie de la génération spontanée des noyaux ébran- lait non seulement les principes les mieux établis de l'histo- logie cellulaire, mais elle bouleversait encore toutes les notions si péniblement acquises au sujet de la sexualité. La production de noyaux par les chromidies rendait, en eiïet, assez vraisemblable l'existence dans les cellules de deux sortes de chromatine, correspondantes à deux sortes de noyaux ; l'une servant aux échanges cellulaires, n'ayant que des fondions végétatives, représentait le macronucleus des Infusoires et les somatochromidies analogues à celles de VActinosphœrium ; l'autre était une chromatine sexuelle ren- fermée dans les gamétochromidies etdanslesnoyauxsexuels, et elle correspondait au micronucleus des Infusoires. Le dualisme des noyaux de la cellule des Protozoaires était une idée chère à Schaudinn, qui l'avait exprimée dès l'année 1903 : les différents mémoires publiés depuis sur les chromidies des organismes inférieurs semblaient devoir apporter une confirmation éclatante à cetlethéorie, et Richard Goldschmidt n'hésitait pas à vouloir l'étendre à la cellule des Métazoaires (1). On va essayer de trouver dans ce dualisme des noyaux une explication de la sexualité générale : Schaudinn, en 1905, utilisant les nouveaux résultats qu'il avait obtenus dans ses recherches sur les organismes inférieurs, pose les fondements de sa théorie (2). Déjà Butschli, de 1887 à 1889, avait émis quelques idées qui se rapprochent, jusqu'à un certain point, de celles de Schaudinn, dans l'explication des phénomènes sexuels (3). (1) R. Goldschmit : Loc. cit., p. 143. (2) Schaudinn : Die Befruchlung der Protozoen (Verh.'deutsch. zool. Ges., 1905). (3) Butschli : Protozoa, III. Ciliata[Bronn's Klassen und Ordnungen des Thierreichs). LA Si;XUALlTÉ GÉNÉRALE 263 Ainsi Butschli admet qu'un noyau qui se divise ne donne jamais deux noyaux exactement comparables ; à la suite des bipartitions, l'inégalité s'accentue, et les dernières généra- tions sont constituées par des noyaux très différents. L'iné- galité des noyaux consiste surtout en une proportion variable pour chacun d'eux de cfiromatine et de plastine ; il y a des individus ou des cellules dont les noyaux sont ricfies en chromatine, alors que chez d'autres la plastine domine. La fusion de ces noyaux différents rétablit l'équilibre normal. Cette différence dans les noyaux aurait aussi comme con- séquence des différences sexuelles ; la prédominance de l'achromatine serait un excitant de la division, et aurait pour conséquence la production d'individus mâles, alors que celle de la chromatine entraînerait la formation de réserves: d'où le caractère femelle des cellules. Schaudinn,lui, prend comme point de départ ses rechei'- ches sur lesTrypanosomes, et en particulier sur VHœmopro- teus noctuœ. Il admet q ue cet organisme possède deux noyaux : un noyau locomoteur, constitué par le blépharo- plaste, et un noyau principal qui remplit les fonctions tro- phiques ou végétatives ; il existe dans cette espèce des formes indifférentes, des formes mâles et des formes femelles; les formes indifférentes en se multipliant, peuvent repro- duire les trois sortes d'individus. Il en est de même des formes femelles ou « macrogamétocytes », après qu'elles se sont fécondées elles-mêmes par un procédé tout spécial de parthénogamie ; les formes femelles sont caractérisées parla prédominance du noyau végétatif ; les formes mâles par la prédominance du blépharoplaste ou noyau locomoteur. La reproduction sexuelle est une oogamie typique par la fusion des noyaux de type extrême ; la différence nucléaire se trouve effacée : c'est en cela que consiste, d'après Schaudinn, la signification de la fécondation (1). (1) Consulter Hartmann : Autogamie bel Protisten (Archiv. f. Protistenk., Bd. XIV, 1909, p. 323j. 264 P. -A. DANGEARD Il existe une grande ressemblance, ainsi que le constate Hartmann, entre la théorie de Butschli etcelle de Schaudinn. D'après ces hypothèses, chaque cellule, en principe, est her- maphrodite ,' par prédominance d'une substance ou. de l'élé- ment qui la représente, elle prend les caractères mâle ou femelle. La distinction en éléments mâlesetéléments femelles n'est cependant que relative, puisque le caractère hermaphro- dite n'est jamais complètement effacé : ainsi s'expliquerait par ce dernier point l'existence de la parthénogamie et de la parthénogenèse. Cette théorie, suivant Hartmann, est la seule qui puisse expliquer d'une manière satisfaisante la fécondation, et la seule qui ne soit pas en contradiction avec les recherches récentes sur la sexualité. Hartmann cherche les preuves de l'exactitude de cette théorie : 1" dans le dualisme des noyaux chez les Pro- tozoaires, et par extension chez les Métazoaires ; 2" dans le dualisme des éléments reproducteurs et l'existence de formes indifférentes. En ce qui concerne le premier point, il me paraît impos- sible, malgré l'effort considérable qui a été fait en ce sens, d'admettre que la cellule des Protozoaires puisse être consi- dérée comme une cellule binucléée : nous en avons déjà dit ailleurs les raisons. Hartmann lui-même, en réservant le nom de Binucleata aux Trypanosomes et aux Haemosporidies dans son système des Protozoaires, reconnaît implicitement le fait. On sait déjà que le point de départ de ce mouvement en faveur du double noyau des Protozoaires se trouve dans les premières recherches de Schaudinn sur les Trypanosomes: chez ces êtres, la cellule contiendrait un novau locomo- teur représenté par le blépharoplaste et un noyau ordi- naire. Nous sommes absolument persuadé, bien que n'ayant fait aucune recherche personnelle sur les Trypanosomes et les LA SEXUALITÉ GÉNÉRALE 265 Haemosporidies, que les différents auteurs qui ont admis le dualisme du noyau de ces êtres se sont trompés ; quand ils ont cru, comme Rosenbusch (1), voir le noyau locomoteur se diviser par mitose, ils se trouvaient sans doute, soit en face d'un second noyau normal, comme il en existe chez les Diplozoaires, soit plutôt d'un second noyau analogue à celui qui persiste chez certains Flagellés, comme les Anthophysa et les Monas. Ce second noyau, ainsi que le démontrent nos observations, est utilisé dans les phénomènes d'autogamie, mais il n'a rien à voir avec le blépharoplaste. Malheureusement, cette erreur relative à la structure des Trypanosomes a eu des suites graves : c'est ainsi que, pour arriver à établir le dualisme des noyaux dans la cellule, Prowazek et Hartmann n'ont pas hésité à considérer comme homologues le blépharoplaste des Trypanosomes, le caryo- some ou nucléole de certains Protozoaires et le centrosome des Métazoaires. 11 y a là, nous n'hésitons pas à l'afïirmer, une confusion des plus regrettables, Le centrosome se trouve ainsi élevé à la diçinité d'élément nucléaire qu'il usurpe incontestablement ;la cellule possède deux noyaux qui sont représentés par le noyau ordinaire, auquel on adjoint, selon les circonstances, tantôt le blépharoplaste, tantôt le nucléole, tantôt enfin le centrosome. Dans ces conditions, ce n'est plus seulement sept ou huit genres qu'il faudrait réunir sous le nom de Binucleata, c'est l'ensemble des êtres vivants, plantes et animaux. Hartmann, à notre avis, ne tient pas compte suffisamment des faits les mieux établis en ce qui concerne la sexualité lorsqu'il écrit : « Die Doppelkernigkeit, resp. der Dualismus des einheitlichen Kernes in lokomotorischen (manniichen) und trophischen (weiblichen) Kermanteil, die Grundlage (1) Rosenbusch : Trypanosomen Studien (Arch. f. Protistenk., Bd. XV, 1909, p. 264). 266 P. -A. DANGEARD der Schaudinn'schen Auffassung scheint hiermil wohl fun- diert (1). » Si nous prenonsles Chlamydomonadinées, par exemple, où aucune erreur à cet égard ne peut être faite, on voit que chaque gamète ne contient qu'un noyau ; il ne viendra à l'idée de personne d'assimiler le blépharoplaste à un second noyau (2). On pourrait multiplier les exemples de ce genre, en s'adres- sant soit aux groupes des Algues, soit au groupe des Cham- pignons, sans parler des Phanérogames, où il ne saurait être question pour la cellule d'un dualisme des noyaux, puisqu'il n'existe même pas de centrosome. Nous sommes assez surpris de voir qu'on cherche à trouver une confirmation des idées de Schaudinn dans la fécondation des Métazoaires au sens de Boveri. Voici comment Hartmann s'exprime à ce sujet : (( Dadurch, kann aber die Schaudinn'sche Auffassung der Sexualitat und Befruchtung ohne weiteres auf die Metazoenbefruch- tung ausgedehnt werden. Bei Metazoen ist die Differenzie- rungam weiteslen getrieben, indem beim Ei das Centrosom (lokomotorischer mannlicher Kern) ganz ruckgebildet oder latent ist und bei der Befruchtung nur das starkentwickelte Spermacentrosom in Funktion tritt (Boveri). Die Boveri (1902) Auffassung der Befruchtung resp. Entwicklungser- regung des Metazoeneies, wonach dieselbe durch das vom Spermatozoon eingefuhrte active Spermacentrosom ausgelost wird, steht somit nach der von uns durchgefûhrten Homolo- gisierungvon Centrosom und Blepharoplast resp. Caryosom mit der Schaudinn'schen Auffassung in volkommener Ube- reinstimmung. Die mit der sexuellen Differenzierung Hand in Hand gehende Ruckbildung des Centrosoms und die starke Ausbildung des trophischen Kerns im Ei, sowie das (1) Hartmann : Lc::. cit., p. 326. (2) P. -A. Dangeard : Mémoire sur les Chlamydomonadinées (le Botaniste, 6e série). THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 267 umgekehrte Verhalteo in der Spermazelle, hiiige demnach doch schon mit dem eigentlichen Wesen der Befruchtung zusaminen (1). » Nous ferons simplement remarquer que le rôle du centro- some, dans la fécondation des Métazoaires, au sens de Boveri, est fort contesté, et qu'il est mis en défaut par de nombreuses observations. De l'ensemble des observations les plus sérieuses sur la structure de la cellule, soit chez les Protozoaires et les Pro- tophytes, soit chez les Métazoaires et les Métaphytes, il résulte que le noyau est une individualité bien caracté- risée. Aom avons monlré le peu de valeur des arguments que la théorie des chromidies apporté à rencontre de cette individua- lité ; les arguments qui sont fournis en faveur de l'existence d'une seconde individualité nucléaire ne sont pas plus probants , et il serait tout à fait téméraire de vouloir fonder sur une base aussi fragile une théorie de la sexualité. Schaudinn et les auteurs qui l'ont suivi ne semblent pas avoir eu connaissance de notre théorie de la sexualité. On ne saurait leur en faire de reproche, étant données les difficultés actuelles de la documentation bibliographique. Gomme le mémoire actuel est destiné pour une part aux zoologistes, nous croyons utile de reproduire les grandes lignes de cette théorie, en montrant qu'elle s'adapte parfai- tement à toutes les découvertes de ces dernières années sur la reproduction sexuelle des Protozoaires, THÉORIE DE LA SEXUALITÉ La méthode que nous avons suivie consiste à ne parler de la reproduction sexuelle chez les êtres supérieurs qu'après avoir assisté à la naissance de cette fonction chez les Proto- (1) Hartmann : Loc. cit., p. 326. 268 P.-A. DANGEARD phytes et les Protozoaires (1) ; nous avons essayé d'établir ce qu'on pourrait appeler la phylogénie de la sexualité ; c'est le seul moyen, à notre avis, de pouvoir interpréter cor- rectement la signification de ce mode de reproduction et les résultats qu'il a donnés en évolution. On sera surpris de voir combien ce procédé, si simple en apparence et si naturel, apporte de modifications aux idées classiques, et quelle lumière il jette sur les points les plus controversés et les plus obscurs de la génération. Nous débuterons par quelques notions élémentaires sur la cellule et ses fonctions, sur les organismes inférieurs et leur développement : le lecteur s'apercevra bien vite que ces choses ont un rapport direct avec la sexualité elle-même, et permettent de la comprendre. I La cellule est une petite masse de protoplasma vivant, accompagnée d'un noyau ; les organismes inférieurs sont constitués par une seule cellule ; les organismes supérieurs comprennent un très grand nombre de cellules : les Amibes nous fournissent un très bon exemple de cellules isolées constituant chacune un individu. Dans le protoplasma de l'Amibe (fîg. 1) se trouve un cor- puscule ordinairement sphérique qui est le noyau : ce noyau est nécessaire à la vie de la cellule ; sans lui l'Amibe meurt au bout d'un temps variable, mais en général assez court. On le montre par deux procédés: l'un, désigné sous le nom de mérolomie, consiste à sectionner une Amibe ou un autre Protozoaire en plusieurs fragments ; le fragment nucléé continue de vivre ; les autres, dépourvus de noyau, meurent bientôt. (1) P.-A. Dangeard : Théorie de la sexualité (le Botaniste, 6c séi'ie). — Programme d'un essai sur la reproduction sexuelle le (Botaniste, 7e série). — Etude comparative de la zoospore et du spermatozoïde (Id.). — Nutrition ordinaire, nutrition sexuelle et nutrition holophytique (le Botaniste, 3e série). THÉORIE DE LÀ SEXUALITÉ 269 Le second procédé consiste à faire manger le noyau de la cellule par un parasite nucléaire ; le protoplasma ainsi énu- cléé (fig. 1, 1) cesse au bout de quelque temps d'assimiler et il se détruit : c'est ce que nous avons appelé la karyophagie (1) ou la nucléophagie. Fig. 1 . _ Amœba verrucosa- — I, Amibe ingérant une Euglène E ; K, parasite nucléophage à protoplasma vacuolaire ayant remplacé le noyau; >, va- cuole ; II, individu dont le noyau N est encore intact; résidus de la diges- tion. Le noijau joue donc dans la cellule un rôle qui, pour n être pas encore enlicremenl élucidé, se montre nécessaire à l'exercice de sa vie. On n'a pas lieu d'en être étonné quand on constate avec quel luxe de précautions le noyau répartit sa substance entre les deux moitiés, au moment de sa division. Ce noyau renferme à son intérieur un cordon chromatique enroulé sur lui-même : c'est le spirème ; ce cordon est formé par une quantité considérable de petits disques chroma- tiques qui sont les chromomères. Quand le noyau se divise, il subit à la fois une segmentation et un dédoublement. La segmentation donne naissance à des chromosomes, au nombre de deux, quatre, huit ou davantage ; ce nombre est constant pour les cellules d'une espèce déterminée. Le dédoublement du spirème qui peut précéder ou suivre (1) p. -A. Dangeard : Mémoire sur les parasites du noyau (le Botaniste, 4'' série). 270 P.-A. DANGEARD la segmentation en chromosomes donne évidemment deux moitiés contenant, le même nombre de disques chromatiques, c'est-à-dire de chromomères. Lors de la division de la cellule, chacune de ces moitiés va à l'une des cel- lules-filles; celles-ci renferment donc le même nombre de chromomères que la cellule qui leur a donné naissance. Pour que ces élé- ments, chromomères et chromosomes, se trouvent ainsi dis- tribués également à chaque nouvelle di- vision , il faut évi- demment que leur rôlesoitd'unegrande importance , surtout si l'on considère que, pour arriver à cette distribution égale, la cellule a du résoudre un problème extrê- mement difficile. En effet, prenons un peloton de fil re- présentant le spirème "du noyau ; il est renfermé dans une cavité étroite qui est la cellule ; ce peloton se dédouble suivant sa longueur , et chaque moitié doit se dégager et se porter à un pôle différent. Quel enchevêtrement inextri- cable va se produire? La nature a résolu la difficulté de la manière suivante : le Fig. 2. — Schéma de la division nucléaire dans les cellules d'un organisme supérieur : A, B, C, D, E, F, stades successifs : les dis- ques du cordon chromatique ne sont visi- bles qu'au stade qui précède A. THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 271 fil du peloton se comporte comme un fil de caoutchouc que l'on aurait étiré et qui reprendrait sa longueur primitive ; il se raccourcit énormément et se segmente en chromosomes : ces chromosomes, réunis sur un plan, qui est le plan équato- rial du fuseau nucléaire, se dédou-bleaU e.tcha(}ue maiLlâva à un pô Le- différent sans qu'il y ait danger de rencontres fâcheuses : ce mode de division a reçu le nom de karyokinèse ou de mitose ; comme il en existe un autre, nous avons pro- posé pour celui-ci le nom de téléomitose (1). La téléomitoseest le mode de division ordinaire du noyau chez les êtres vivants, plantes ou animaux; nous avons vu, dans ce mémoire, qu'on le rencontre aussi chez les amibes, ce qui a une importance considérable, en évolution géné- rale. Le soin avec lequel la cellule répartit ses chromomères et sa chromatine nucléaire à ses descendants montre que toute théorie de la reproduction sexuelle doit tenir un grand compte du noyau et de la façon dont il se comporte dans la fécondation. Il L'importance de la fusion des noyaux sexuels n'a pas échappé à la plupart des auteurs qui se sont occupés des questions de fécondation (2). C'est en 1855, dans un mémoire sur ÏŒdogonium, que Pringsheim caractérisa l'acte sexuel; ses conclusions étaient les suivantes : 1" Dans l'acte de la génération, il y a réellement mélange de la substance propre du spermatozoïde avec celle du glo- bule encore nu renfermé dans l'organe femelle. (1) p. -A. Dangeard : Recherches sur les Eugléniens, loc. cit. (2) Ouvrages généraux à consulter : Wilson : The Cell in development and inheritance ; Y. Delage : La structure du Protoplasma et les Théories sur l'hérédité ; Henneguy : Leçons sur la cellule ; 0. Hertwig : Allgemeine Bio- logie, 3e édition, léna, 1909. 272 P -A. DANGEARD 2° La première cellule du nouvel organisme ou de la nou- velle plante ne préexiste point toute formée dans l'organe femelle ; elle est le résultat de la fécondation. 3" Les spermatozoïdes ne forment point une partie mor- phologiquement déterminée de la nouvelle cellule, son nuclens par exemple ; ils se dissolvent, perdent toute forme appréciable et n'agissent par conséquent que par leur substance propre. 4" Un seul spermatozoïde suffit à l'accomplissement de l'acte sexuel. Le mémoire de Pringsheim permettait, dès 1855, de dire que la fécondation consiste dans le mélange de deux cellules, l'une mâle, l'autre femelle (1). On attribue, en général, à Hertwig le "mérite d'avoir reconnu en 1875 (2) la fusion qui se produit dans l'œuf entre les deux noyaux des gamètes ; cependant Hermann Fol pouvait écrire en 1877 : « Hertwig n'a pas observé la pénétration du zoosperme dans le vitellus. Il conclut à l'exis- tence de cette pénétration pour divers motifs qui ne me paraissent pas tous également justes. Mais sa conclusion est parfaitement exacte : j'ai observé nombre de fois ce pro- cessus qui avait échappé aux recherches d'Hertwig, et je puis en conséquence fournir la preuve directe qui manquait encore, de l'origine de ce qu'il appelle le noyau sperma- tique (3). » A partir de ce moment, la fusion des deux noyaux sexuels fut considérée, en général, comme le phénomèiie le plus impor- tant et le plm caractéristique de la fécondation : on s'efforça de démontrer son existence dans tous les cas de repro- (1) Pringsheim : Veher die Befruchtung der Algen (Monatst. der Berl., Akad., 188o). (2) 0. Hertwig : Beitrag zur Kenntnis der Bildung, Befruchtung und Tei- lung des tierischen Eies (Morphol. Jahrb. ; Bd. I, III, IV, 1875, 1877, 1878). (3) Fol. H. Sur le commencement de l'hénogénic. (Arch. se. phy. et nat., Genève, vol. LXXX, 1877, p. 455-456). THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 273 duction sexuelle, soit chez les animaux, soit chez les végé- taux ; à cette étude sont plus particulièrement attachés les noms d'Hertwig, de Fol, de Boveri, de Carnoy pour les animaux et ceux de Strasburger et de Guignard en ce qui concerne les végétaux ; nous avons nous-même utilisé ce caractère dans la recherche des phénomènes sexuels chez les Champignons supérieurs. En 1883, les travaux de Van Beneden (1) marquent une nouvelle phase qui sera fertile en résultats : ce savant établit d'abord que l'inégalité entre les deux éléments sexuels n'est qu'apparente : le noyau mâle et le noyau femelle possèdent le même nombre de chromosomes ; les noyaux, prove- nant du noyau double de fécondation, reçoivent donc une égale quantité de chromatine paternelle et maternelle ; c'est à partir de cette constatation dont l'exactitude fut vérifiée par différents savants, dans un grand nombre d'exemples, que l'on songea à considérer les chromosomes comme les por- teurs des qualités héréditaires; cette théorie, formuléepresque en même temps pardes savants comme Hertwig, Strasburger, Kollitker et Weismann ne pouvait manquer d'être accueillie avec faveur. Mais Van Beneden avait fait une autre constatation : il avait observé que, dans rJsc«/'/s, le nombre des chromo- somes de chaque noyau sexuel est moitié moindre que celui des noyaux végétatifs ; il en conclut que, dans la reproduc- tion sexuelle, les noyaux en présence sont des demi-noyaux : comme conséquence, les gamètes étaient t/es éléments incom- plets. Cette admirable découverte adonné une impulsion extraor- dinaire aux recherches concernant les phénomènes repro- ducteurs ; il a fallu essayer de généraliser cette constitution des noyaux sexuels, déterminer le moment où se produit, dans (1) Vau Beneden : Recherches sur la maturation de l'œuf, la fécondation et la division cellulaire (Archives de biologie, vol. IV, 1883). LE BOTANISTE. 18 274 P-A. DANGEARD la vie de l'être, la réduction du nombre des chromosomes, chercher la façon dont se produit cette réduction chroma- tique. La théorie des demi-noyaux ou des gamètes considérés comme éléments incomplets a été la seule invoquée jusque dans ces dernières années pour expliquer l'origine et l'exis- tence de la sexualité; celle-ci n'avait d'autre raison d'être que de restituer au nouvel organisme sa structure nor- male, que de rendre au noyau son nombre spécifique de chromosomes : la fécondation se présenlait ainsi comme une conséquence directe et nécessaire de la réduction chroma- tique. En réalité, on reculait la difficulté sans la résoudre, car il aurait été nécessaire de remonter aux causes qui déter- minent lors de la formation des gamètes une diminution de moitié dans le nombre des chromosomes : cette théorie ne pouvait d'ailleurs fournir aucune explication plausible de la parthénogenèse. Toutes ces objections nous avaient frappé profondément lorsque, en 1899, nous constatâmes, au cours de nos recherches sur les Chlamydomonadinées, que le nombre des chromosomes se maintenait constant chez les cellules végé- tatives et chez les gamètes (1) ; il en résultait, contrairement à l'opinion de Van Beneden, adoptée par la grande majorité des naturalistes, que les noyaux qui cojmlent sont des noyaux ordinaires à n chromosomes, alors que le noyau sexuel de ïctuf est un noyau double à 2 n chromosomes . Nous pouvions alors expliquer les divers cas qui pou- vaient se présenter : si la réduction chromatique se produit à la germination de l'œuf, tout le développement de Vespèce se fait, comme chez le Chlorogonium, avec le même nombre de chromosomes qui est le noînbre primitif : si la réduction chro- (1) P. -A. Dangeard : Mémoire sur les Chlamydomonadinées et Théorie de la sexualité (le Botaniste, Vl« série). THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 275 matique est retardée, si le noyau double sexuel se Iransmel dans les cellules qui proviennent de la segmentation de Vœuf, il se produit un état secondaire dû à la sexualité ;. l'organisme pos- sède des noyaux doubles ; au moment de la réduction chroma- tique, ce sont ces noyaux quireiiennent à la structure primaire, ancestrale ; lesnoyaux des gamètes ne sont pas des demi-noyaux; ce sont des noyaux ordinaires, et le noyau qui provient de leur fusion est un noyau double. Cette nouvelle conception de la sexualité va permettre de se rendre compte de l'origine de la fonction, de reconnaître les causes qui ont provoqué son apparition, de constater son influence prépondérante dans la détermination des cycles si variés du développement chez les êtres vivants ; les phéno- mènes de parthénogenèse reçoivent leur explication natu- relle et la réduction chromatique s'explique simplement par l'impossibilité d'un doublement des chromosomes à chaque génération. Pour qu'une autre théorie puisse être opposée à celle-ci, il faudrait qu'elle puisse répondre avec le même succès à toutes ces questions ; ce n'est certainement pas le cas de la théorie des demi-noyaux ou des gamètes considérés comme éléments incomplets ; à plus forte raison, croyons-nous devoir écarter la théorie des gamètcb considérés comme des éléments morts.) alors même qu'elle* est soutenue par un homme de très grand talent, Le Dantec. La théorie du dualisme des ??oj/«M.;', mise en avant par Schaudinn, soutenue et déve- loppée par Hartmann et son école, ne me paraît pas devoir être assurée d'un meilleuravenir, car, ainsi que nous l'avons montré précédemment, elle repose sur une idée inexacte de la structure cellulaire. III L'origine de la reproduction sexuelle se t'attache aux phénomènes de nutrition ; nousavons longuement développé 276 P -A. DANGEARD cette idée, il y a quelques années (1) ; nous nous bornerons ici à quelques considérations générales. La cellule se nourrit ; l'Amibe va nous renseigner sur ce que peut être la nutrition dans un organisme inférieur. Lorsque l'Amibe, en progressant, rencontre une particule alimentaire, granule d'amidon ou algue microscopique, elle relève ses bords en coupe tout autour et finitpar l'englober complètement ; l'aliment se trouve contenu dans une sorte de vacuole digestive à l'intérieur de laquelle il subira une, digestion ; l'Amibe renferme ainsi un plus ou moins grand nombre de ces vacuoles. Le résidu de la digestion sera expulsé au dehors, procédé qui reproduit en sens inverse les diverses phases de l'ingestion. Par Vànulriùon, l'Amibe non seulement répare l'usure du protoplasma résultant de l'exercice des fonctions yitales, mais elle augmente du même coup sa masse ; cette augmen- tation a pour effet une multiplication de la cellule : Vêlrc va se reproduire. La nécessité de la reproduction est tirée de ce fait que la nutrition devient de plus en plus difficile à mesure que le volume augmente (2) ; on observe alors une bipartition du corps accompagnée généralement d'une division du noyau. L'origine prernière et loinlnine de la reproduction asexuelle et de la reproduction sexuelle se trouve dans cette biparti- tiondu corps de l'Amibe, et cette bipartition elle-même est une conséquence direcle de la nutrilion. Chez les organismes inférieurs voisins de l'Amibe, nous rencontrons un autre phénomène inverse de la fonction de (1) p. -A. Dangeard : Nutrition ordinaire, nutrilion sexuelle et nutrition holophytiqve (le Botaniste,' Ville série, d902, p. 59). (2) Spencer a insisté sur ce fait que la surface d'un organisme croît comme le carré de ses dimensions, alors que le volume augmente propor- tionnellement au cube ; voir l'application que nous en avons faite : L'in- fluence du mode de nutrilion dans révolution de la plante (le Botaniste, Vie série). TUEORIE DE LA SEXUALITE 277 reproduction et comme elle cependant étroitement lié à la nutrition. Lorsque la nutrition est difficile ou insuffisante, il arrive fréquemment que deux individus ou plusieurs se réunissent en un seul: le fait d'être affamés amène chez eux une attrac- tion réciproque qui provoque leur réunion ; c'est ce qu'on observe chez les Vampyrelles, les Myxomycètes, etc. Lors- qu'une Vampyrelle s'attaque à un autre Protozoaire, les deux protoplasmas n'étafït pas complètement identiques, il subsiste, après digestion, un résidu ; si, au contraire, une Vampyrelle en englobe une autre de son espèce, la fusion ne donne lieu à aucun résidu, car les deux protoplasmas sont semblables. Dans les deux cas, il y a une action analo- gue, provoquée par les mêmes besoins, un phénomène de nutrition : la première avec résidus est une liétérophagie ; la seconde est une autop/m- gie. L'autophagie est primi- tive au même titre que l'hé- térophagie; elle doit même l'avoir précédée si l'hypo- thèse monogéniste, comme nous le pensons, n'est pas un leurre. Les premières cellules se ressemblaient sans doute complètement : leur nutri- tion entre elles était donc une autophagie, si l'on fait» abstraction de l'assimilation des principes minéraux qui Fig. 3. — Schéma montrant comment l'hétérophagie a pris naissance aux dépens de l'autophagie primitive qui s'effectuait entre cellules sem- , blables et qui s'est continuée entre individus d'une même espèce. venait compléter comme au- jourd'hui I;a nutrition générale ; mais ces cellules ont évolué en espèces qui différaient de plus en plus les unes des autres; 278 P -A. DANGEARD l'hétérophagie prenait naissance et se développait de plus en plus, ne laissant qu'un rôle tout à fait secondaire à Vauto- phagie primitive (fig. 3). La Nature va se servir de cette autophagic primitive pour réaliser une de ses acquisitions les plus merveilleuses : en la combinant avec la fonction de reproduction, elle va donner aux plantes et aux animaux le moyen d'évoluer et de varier à volonté leur cycle de développement ; nous allons main- tenant essayer de retracer les grandes lignes de celte évolu- tion, qui n'est autre que celle de la sexualité elle-même. IV 1 Pour établir celle-ci, nous devons choisir la direction qu nous conduit aux Métaphytes et aux Métazoaires ; or, incon- testablement, cette direction est celle qui. partant des Amibes à téléomitose, nous conduit aux Flagellés à simple biparti- tion comme les Monas, et de là aux Flagellés à sporanges, comme \ePohjtoma uvella. L'apparition du sporange dérive évidemment de la simple bipartition (flg. 4) ; la cellule-mère, au lieu de s'arrêter à la première division, continuée se bipartitionner jusqu'à la deuxième ou troisième division, si bien qu'elle donne nais- sance à 3, 8, 16 nouvelles cellules. Cette simple transformation change singulièrement les conditions de la nutrition ; chez une Monadinée,une période de nutrition est intercalée entre chaque bipartition ; dans un Pobjtoma, cette même période doit suffire à la formation non plus de deac individus, mais d'un plus grand nombre, deux, quatre, huit ou seize (fig. 4) (1). (1) Celte cooditioQ s'est trouvée parfois réalisée dans des espèces se mul- tipliant par simple bipartition : elles montrent des épidémies de division, c'est-à-dire qu'elles se divisent, sans période de nutrilion intercalaire ; le résultat est le même, et on observe alors soit des phénomènes d'aulophagie, soit une conjugaison. THEORIE DE LA SEXUALITÉ 279 L'apparition du sporange dans la reproduction favorise la multiplication de l'espèce, mais elle introduit par une sorte de choc en retour une infériorité manifeste en ce qui concerne la fonction de nutrition. En admet- tant que l'équilibre nutritif soit réalisé avec un sporange à quatre spores (fig. 4, II), il ne le sera plus si une ou deux divisions supplémentaires se produisent (fîg. 4, III); les spores, trop nombreuses, n'auront pas reçu de la cellule-mère Yénergie siif- fisan/e pour continuer le déve- loppement. C'est alors qu'intervient avec succès ïuutopliagie; ces spores affamées s unissent par deux, et en fusionnant leurs noyaux elles neutralisent l'effet de la dernière bipartition et retrouvent leur énergie (fig. 6). La fonction sexuelle est née avec tous ses caractères essen- tiels ; ceux-ci se conserveront maintenant chez toutes les plantes et chez tous les animaux, avec des modifications le plus souvent insignifiantes. Le développement d'un organisme comprend^ après la naissance de cette fonction, une reproduction asexuelle avec spores ordinaires et une reproduction sexuelle avec spores a/famées ; celles-ci copulent par deux pour former Vœuf; ces spores affamées ont reçu le nom de gamètes et le sporange dont elles proviennent est un gamétange. La définition de la sexualité, quia donné et donne encore lieu à tant de controverses, devient d'une grande simplicité : la reproduction sexuelle est une reproduction asexuelle suivie d'autophagie. Fig. 4. — La bipartition du corps est remplacée par un spo- range donnant des zoos- pores. 280 p. -A DANGEARD Celte définition renferme l'origine même de la fonction ; par la reproduction asexuelle avec sporatKjcs, nous remontons à la simple hipartiiion du corps ; par Vautophagie, nous nous reportons à une propriété primilive des protoplasmas. Fig. 5. — La sporulation chez le Polytonia iivella. La fusion des noyaux seule représente une acquisition nouvelle, semble-t-il, puisque, dans les plasmodes prove- nant de l'autophagie primitive, les éléments nucléaires res- tent indépendants ; nous verrons plus loin l'importance qu'a prise en évolution cette fusion nucléaire d'apparence banale à ses débuts ; cette importance sera d'autant mieux comprise que nous avons vu précédemment le luxe de précautions uti- THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 281 lise dans la téléomitose, afin d'amener dans la division une égale répartition des chromomères et des chromosomes. L'un des premiers résultats de la sexualité est (rallonger le cycle du développement de l'espèce. Nous désignerons l'individu végétatif qui se transforme en sporange ou le produit, sous le nom de sporophyte s'il s'agit d'une plante, de sporozoïde s'il s'agit d'un animal. Fig. 6. — La conjugaison des gamètes chez le Polytoma uvella. Nous désignerons l'individu végétatif qui se transforme en gamétange ou le produit, sous le nom de gamétophyte s'il s'agit d'une plante, de gamétozo'tde s'il s'agit d'un animal. Il y a intérêt à distinguer le sporange qui provient de la germination de l'œuf sous le nom de sporogone. On a alors les deux formules générales suivantes pour le développement d'un être, selon qu'on a affaire à un animal ou à une plante : 1° Sporophyte -+- Gamétophyte -r- œuf -h Sporogone ; 2° Sporozoïde -f- Gamétozoïde -f- œuf -h Sporogone. Nous aurons plusieurs fois l'occasion de revenir sur ces p. A DANGEARD formules : commençons par les vérifier sur une espèce bien étudiée et bien connue dans sa structure et sa reproduc- tion. Le Clilorogonium euclilorum (fig. 7) n'est pas une espèce rare ; il fait partie, avec un certain nombre d'autres genres, de la famille des Chlamydomonadinées. Le sporophyle A est une cellule allongée en fuseau avec un chloroleucite massif contenant de quatre à dix pyré- noïdes; à côté du chloroleucite, une partie protoplasmique renferme le noyau ; deux flagellums sont insérés à l'avant sur un petit nodule chromatique ou blépharopUiMe ; cet organe est lui-même relié au noyau par un tilet qui est le rhizo- plaste. Ce sporophyte se transforme en un sporange C, qui donne naissance par deux bipartitions successives à quatre nou- veaux individus qui sont des zoospores ; ces dernières D reproduisent de nouveaux sporophytes jusqu'au moment où la sexualité intervient. Le gamétophyte E ressemble au sporophyte ; il s'en dis- tingue cependant par le plus grand nombre de pyrénoïdes et par l'abondance de granulations métacliromatiques ; quand il se transforme en gamétange, il donne naissance ordinairement à aeize ou trente-deux gamètes G. Ces gamètes se fusionnent par deux en donnant des œufs, qui germeront en nouveaux sporanges ou sporogones, H. 1. J. Nos observations ont montré que le rncme nombre de chro- mosomes se retrouvait dans les sporophytes et les gaméto- phytes, dans les zoospores et dans les gamètes. Nous pouvons maintenant formuler quelques conséquences intéressantes : 1° Les gamètes sont des éléments complets au même titre que THEORIE DE LA SEXUALITE 283 les spores ; ils ne diffèrent de celles-ci que par un état com- parable à la faim, par un manque iVénergie ; 2° Rien ne s'oppose à leur développement individuel^ si on fournit à ces gamètes cette énergie qui leur manque ; Fig. 7. — Le Chorogoniiim euchlorum. — I. Développement du sporophyle ; H. Développement du gamélophyte et formation de l'œuf. S'^ Dans la sexualité ordinaire, cette énergie est donnée par la fusion de deux gamètes en une seule cellule qui est tamf; 4° Dans la parthénogenèse, cette énergie est fournie par un milieu nutritif approprié, une élévation de température, etc., expériences de Klebs, etc. ; 5" L'origine de la- parthénogenèse et sa signification se trou- vent ainsi liées à Vorigineinême delà sexualité ordinaire. 284 P -A DANGEARD Nous devons essayer maintenant d'étendre les principes précédents à tous les êtres vivants ; or nous constatons qu'en évoluant l'individu cellulaire est devenu pluricellulaire en acquérant des organes en rapport avec les nécessités de sa nutrition. Chez les plantes en particulier, le sporophyte et le gamétophyte, d'abord presque identiques, ont évolué séparément dans chaque espèce, de telle façon qu'ils ont pris souvent dans une même espèce des caractères et des habitudes très différents. En résumé, le sporophyte unicellulaire au début (fig. 7) est devenu un individu pluricellulaire .^fig. 8 S) ; il en a été de même du gamétophyte (fîg. 8 G); chacun de ces stades a emmagasiné sépa- rément les effets de l'a- daptation , si bien qu'ils peuvent différer beaucoup comme forme et comme propriétés dans une même espèce. Les sporanges et les gamétanges ont subi éga- lement des perfectionne- ments; maison y retrouve toujours les caractères de la sporulation ; et la fé- condation consiste par- tout et toujours dans l'union de deux gamètes avec fusion des noyaux. Des modifications d'importance inégale ont parfois trans- formé plus ou moins la physionomie de ce schéma général : tout d'abord nous allons étudier ce qu'on appelle hétérogamie, en nous efforçant d'en dégager la cause. Fig. 8. — Schéma du développement d'un organisme pluricellulaire avec son sporophyte S, son gamétophyte G et la formation de l'œuf. THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 285 VI Dans la reproduction sexuelle, on dit qu'il y a isogamie, lorsque les gamètes qui copulent sont de même grosseur et de même forme : si les gamètes sont différents, nous avons affaire à Vhêtérogamie : on distingue, en ce cas, un gamète mâle, qui porte le nom d'anthérozoïde chez les plantes, de spermatozoïde chez les animaux, et un gamète femelle, qui est ïoospJiêre. Il est facile de comprendre comment Tinégalité entre gamètes a pu se produire : prenons deux gamétanges unicel- lulaires comme ceux du Chlorogonium ou du Polytonia : dans l'un la division s'arrête au stade 8, alors que dans le second elle continue jusqu'au stade 16 ou 32 (fig. 9). Si la copula- tion se fait entre gamètes d'un même sporange, l'œuf est formé par isogamie ; mais si elle se produit entre les gamètes des deux sporanges différents, nous aurons Vhêtérogamie; l'un des gamètes sera deux ou guatre fois plus gros que l'autre (fig. 9, I). On voit par cet exemple comment Vhêtérogamie a pris naissance e7i même temps que Visogamie; nous pouvons même affirmer que les deux cas se rencontraient souvent mélangés dans itne même espèce ; les notions que nous possédons sur la famille des Chlamydomonadinées justifient pleinement cette manière de voir. L'hétérogamie présentait, comme nous le savons (1), des avantages pour l'espèce ; aussi le phénomène n'a fait que s'accentuer, et de très bonne heure, puisque la chose existe déjà chez les Volvocinées, l'un des gamétanges a exagéré le nombre de ses divisions, alors que l'autre les réduisait au (1) I>'oosphère grosse immobile accumule des réserves nécessaires à la germination de l'œuf et à la croissance du jeune embryon ; le sperma- tozoïde avec son noyau n'a qu'un minimum de protoplasma et peut se déplacer rapidement à la recherche de l'oosphère. 286 F.-A. DANGEARD minimum et même parfois fournissait directement le gamète femelle. Pour expliquer cette spécialisation, on peut faire intervenir la sélection naturelle qui aurait supprimé tous les gamétanges intermédiaires. Avec les individus unicellulaires on se trouve en présence dans l'hétérogamie de trois cellules végétatives ayant un rôle différent : Fig.9. — Schéma du développement du sporophyte, du gamélophyle mâle et du gamélophyle femelle unicellulaires en appareils pluricellulaires. 1° Un sporophyte S, qui fournit les spores ordinaires ; 2° Un gamétophyte mâle G. M., qui fournit les anthé- rozoïdes ; S*' Un gamétophyte femelle G. F., qui donne les oos- phères. Or il s'est produit, pour le gamétophyte mâle et pour le gamétophyte femelle, le phénomène que nous avons constaté déjà à propos du sporophyte et du gamétophyte isogame. L'évolution a agi séparément sur chacun d'eux lorsqu'ils sont devenus pluricellulaires (fig. 9, II,) de sorle qu'on a eu des individus mâles G. M. et des individus femellesG. F., THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 287 qui sont venue s'ajouter aux individus asexuels S ; ils peu- vent différer plus ou moins selon les conditions de milieu qui ont agi sur eux ; mais les tendances qu'ils ont ainsi emmagasinées, les formes qu'ils ont prises, restent la pro- priété de chacun d'eux, bien qu'ils fassent partie du cycle d'une même espèce. L'indépendance est telle que l'un des individus peut, dans la lignée phylogénétique, subir une dégénérescence progressive alors que les autres manifestent un perfectionnement continu de l'organisation. Si nous en voulons la preuve, nous n'avons qu'à nous reporter plus loin au cycle des Fougères et des Phanérogames Bien entendu, la sélection naturelle a dû agir encore ici pour que la con- formation des gamétophytes puisse répondre à leur fonction. Telle est l'origine, selon nous, des mâles et des femelles : de temps en temps, les caractères séparés de chacun de ces individus se mélangent, et alors on obtient des sporogaméto- phytes et des gamétophytes hermaphrodites. Tout ceci s'ap- plique aussi bien aux animaux qu'aux plantes. Les Champignons ont modifié leur reproduction sexuelle en réalisant Vunion des fjamétanges : nous avons suivi cette évolution ailleurs dans tous ses détails (1). VII Pendant que l'hétérogamie se produisait très vraisembla- blement de la façon que nous venons d'indiquer, aux dépens de l'isogamie, des changements internes accompagnaient nécessairement les modifications purement morphologiques. Ainsi un gamète qui est formé à la seconde bipartition dans un gamétange conserve une plus grande proportion de tro- phoplasme que celui qui n'est différencié qu'à la huitième bipartition par exemple. (i) P. -A. Dangeard : Recherches sur le développement du périthèce chez les Ascomycètes (le Botaniste, séries IX et X). p. -A. DANGEARD Ce sont ces modifications secondaires de constitution interne, résultant de niétérogamie, qui ont donné naissance à un certain nombre de. théories relatives à la fécondation; on est arrivé à considérer les gamètes comme des éléments incomplets. Dans la théorie de Van Beneden, chaque gamète est une n cellule incomplète, parce qu'elle ne possède que ^^ chro- mosomes : on ne se préoccupe pas de la nature du proto- plasma ou des éléments qui l'accompagnent. Ici, au contraire, il s'agit d'une inégale répartition, soit des centrosomes, soit du trophoplasme et du kinoplasme. On a souvent considéré comme une explication de la sexualité la théorie que Boveri, à la suite de ses recherches sur V Ascaris, formulait en 1887, de la manière suivante (1) : Vœuf mûr possède tous les organes et toutes les qualités néces- saires pour sa segmentation, sauf le centrosome qui est V agent actif de la division. Le spermatozoïde, de son côté, est pourvu d'un centrosome. mais il a perdu la substance sur laquelle cet élément exerce son action. L'union de l'œuf et du spermatozo'ide réunit les éléments de la division cellulaire ; l'amf fécondé con- tient un centrosome qui se divise et dirige la segmentation. On sait quelle a été la vogue de cette théorie parmi les zoologistes, et cependant elle.se borne à donner une explica- tion qui peut même n'être pas exacte de la segmentation de l'œuf. Les causes de la segmentation plus ou moins rapide d'un œuf sont celles qui règlent ou commandent la division d'une cellule quelconque : elles ne peuvent intervenir dans une définition de la sexualité, et ce qui le montre bien, c'est que l'œuf passe sou- vent par une longue période de vie latente avant de se cloisonner. On a souvent discuté sur les causes qui provoquent la divi- (1) Boveri : Vber den Anteil des Spermatoz. an der Teilung der Eier (Sitz. der Gesell. f. Morph. u. Phys. in Munchen, 1887). Voir aussi les mémoires publiés par le même savant dans le Jenaische Zeitschrift des années 1887, 1888, 1890, 1901. THÉORIE J)E LA SEXUALITÉ 289 sion nucléaire ; elles sonl probablement nombreuses ; il est possible que les centrosomes en soient le siège lorsqu'ils exis- tent; mais il suffit aussi peut-être d'une rupture de l'équilibre osmotique, résultat qui sera obtenu de façon très variable. Tout ce que l'on peut dire, c'est que le signal, ou \eprimum movens, comme on l'appelle, delà division nucléaire doit se trouver dans le protoplasma et non dans les noyaux eux- mêmes ; autrement, on ne s'expliquerait guère que dans un sporange de Vampy relie, par exemple, tous les noyaux com- mencent leur division en même temps et passentsimultané- ment par les mêmes stades ; l'explication serait encore plus difficile pour les Arcelles où les deux noyaux sont très éloi- gnés l'un de l'autre. Ces cas de division conjuguée sont d'ail- leurs fréquents : il suffit d'ajouter aux exemples précédents ceux du Trepomouds agilis, des Urédinées et des Basidio- mycètes que nous avons étudiés autrefois (1). La théorie du kinoplasme etdu trophoplasme de Strasburger est une variante de celle de Boveri : celle-ci exigeait l'exis- tence de centrosome au moins dans l'élément mâle ; or Stras- burger et ses élèves n'ont jamais rencontré de centrosomes dans les Phanérogames et lesPtéridophytes (2). Strasburger se trouvait ainsi conduit à remplacer l'action du centrosome dans la fécondation par celle du kinoplasme. Le kinoplasme est un protoplasme spécial de structure fibrillaire qui tient sous sa dépendance les mouvements de la cellule ; il comprend le fuseau achromatique, le centro- some lorsqu'il existe, les stries radiaires, les flagellums, la partie antérieure du corps des anthérozoïdes et leurs cils vibratiles, l'ectoplasme ; la seconde partie du protoplasma est le trophoplasma de structure alvéolaire qui est le siège des phénomènes nutritifs. (1) Lu Botaniste, 7» série, p. 144. (2) Strasburger : Cijtoloyische Studien (Jahrb. f. \Viss. Botanik, Bd. XXX, 1897) et divers autres mémoires publiés par le même savant. LE BOTANISTE. 19 290 P. -A. DANGEARD L'élément mâle possède dukinoplasme, et s'il est incapable de se diviser isolément, c'est parce qu'il est trop pauvre en éléments nutritifs ; l'œuf, de son côté, par suite de l'absence de centrosome ou de kinoplasme, est également incapable de se développer ; la réunion des deux gamètes donne une cellule complète, et c'est le centrosome ou le kinoplasme qui provoquera la segmentation. Cette théorie constate d'une façon heureuse la constitution particulière à chaque gamète, résultant de l'hétérogamie; mais il ne faut pas la prendre dans un sens absolu ; le kino- plasme et le trophoplasme ne sont pas deux protoplasmes dis- tincts : ce sont deux états quelque peu différents d'une même substance qui peut se transformer. Rien ne le montre mieux que les récentes observations de Bataillon sur la parthénogenèse des Batraciens, où une simple piqûre produit le développemen-t de l'œuf (1) ; cet œuf renfermait donc en lui suffisamment de kinoplasme, en dehors de celui qui aurait dû être fourni normalement par le spermatozoïde. Il faut donc en revenir finalement à 1 idée que nous avons exprimée en donnant, il v a quelques années (1899), les grandes lignes de notre théorie : Les (jumelés sont des déments complets ; il ne leur mamjue que de l'énergie, et celte énergie peut leur être fournie de façon très différente (2). Nous ne ferons que rappeler ici, puisque nous en avons déjà longuement parlé, la théorie de Butschli qui admet que la proportion de chromatine et de plastine varie dans les noyaux à la suite des divisions ; il en résulte des diffé- rences sexuelles ; la fusion de ces noyaux différents rétablit l'équilibre normal. Cette théorie repose sur le même principe que celle de (1) Balaillon : L'embryogenèse complète proroquée chez les amphibiens par piqûre à l'œuf vierge (Comptes rendus Acad. se, t. CL, avril 1910). (2) P. -A. Dangeard: Théorie de la sexualité {\e Botaniste, VJesérie, février 1899). THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 291 Strasburger ; mais les deux substances qui par leur inégale répartition communiquent le caractère mâle ou femelle se trouvent localisées clans le noyau, au lieu d'êlre dans le pro- toplasme. Enfin la théorie du dualisme des noyaux de Schaudinn, reprise et développée par Hartmann et d'assez nombreux Protistologues, est un mélange ingénieux des deux précé- dentes ; on fait passer le blépharoplaste, le nucléole ou le caryosome à la dignité d'élément nucléaire qui devient noyau locomoteur ou mâle, alors que le noyau ordinaire est considéré comme un noyau trophique ou femelle. Notre point de vue est très différent de celui qui inspire toutes ces théories: ces dernières cherchent à expliquer la sexualité et son origine par des différences dans la consti- tution des gamètes ; cette différence de constitution est un résultat de la division cellulaire et de la division nucléaire ; l'hétérogamie se trouve à la base de toutes ces théories. Pour nous, l'isogamie est primitive : les gamètes ne sont que des spores a/famés, manquant d'énergie : Vhétérogamie est secon- daire, et cette hétérogamie, tout en ayant pour conséquence d'amener une inégale répartition des diverses substances cellu- laires entre les deux gamètes, n a jamais pour résultat d' enlever à ces gamètes le caractère d'éléments complets. L'union des gamètes a le caractère d'une nutrition., d'un acte d'autophagie; mais cette union peut être remplacée par toute autre cause sus- ceptible de fournir de l'énergie sous une forme quelconque. Les récentes expériences surla parthénogenèse confirment nos conclusions, alors qu'elles sont en opposition complète avec toutes les théories précédentes qui ont pour base une constitution différente des gamètes. Vlll Si nous voulons comprendre les autres modifications qui se sont produites du fait de la sexualité dans le dévelop- 292 P. -A. DANGEARD pement des êtres, il nous faut maintenant envisager l'in- fluence de la fimon nucléaire^ dont nous avons constaté l'existence lors de l'union des deux gamètes en un œuf. Cet œuf possède un noyau double, il renferme deux cordons chromatiques : si n est le nombre de chromosomes de l'espèce, l'œuf possédera 2 }i chromosomes Lorsque l'œuf va se diviser pour la germination, il peut se faire que les deux cordons chromatiques contenant chacun n chromosomes se séparent simplement sans se dédoubler ; les nouvelles cellules ne reçoivent alors que n chromosomes et elles ne sedistinyueront par rien d'essentiel des cellules ordi- naires. Si, au contraire, le noyau sexuel transmet son noyau double aux cellules provenant de la germination de l'œuf, ces cellules, possédant chacune un noyau à double spirème, se trouvent dans des conditions spéciales, dans un étal secondaire créé par la se.malitc ; nous ne serons nullement surpris que dans ces conditions leurs propriétés et leur rôle diffèrent sensiblement de ce que nous trouvons dans la cellule ordinaire à n chromosomes ; les appareils auxquels ces cellules à noyau double donneront naissance seront eux- mêmes dans un étal secondaire dû à la sexualité. D'autres conséquences découlent de celte organisation : si ces végétations secondaires donnent à leur tour des gamètes, ces éléments auront 2 n chromosomes et l'œuf en possédera 4?< ; le noyau de l'œuf arriverait ainsi à doubler le nombre de ses chromosomes à chaque génération. Cet inconvénient a été évité de la façon suivante : à un moment donné, qui corresponde la sporulation, les appareils à 2 n chromosomes donnent des cellules à n chromosomes, sans doute par séparation des deux spirèmes au moment de la division ; ces spores, en retrouvant la structure primitive de leur noyau, ont repris leurs propriétés ordinaires et les végétations qu'elles donneront posséderont elles-mêmes le carac- tère primitif. THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 293 Le phénomènequi ramène le noyau delà structure double à la structure simple est désigné sous le nom de rédwtion chromatique. D'après ce qui précède, cette réduction chromatique a lieu soit immédiatement au moment de la germination, soit plus tard; dans ce dernier cas, le retard dans la réduction chroma- tique a pour résultat de créer un état secondaire des cellules et des appareils^ chose qui n'existe pas dans le premier cas. Nous avons vu précédemment que la formule générale du développement était devenue par suite de la sexualité : Sporophyte + Gamétophyte + œuf -f- Sporogone. La réduction chromatique pouvant se faire à la sporu- lation soit du sporogone, soit du sporophyte, soit du gamé- tophyte, il en résulte que, dans le développement, nous aurons des sporogones secondaires, des sporophytes secon- daires, et même des gamétophytes secondaires, se/o/i/e relard plus ou moins grand de cette réduction chromatique. Nous insisterons plus loin sur les diverses combinaisons qui peuvent se présenter et sur celles qui ont été réalisées dans la nature; mais nous en avons vu assez pour com- prendre à quelle erreur ces états secondaires créés par la sexualité ont donné naissance. Une des plus belles découvertes dans le domaine de la reproduction sexuelle est sans contredit celle que réalisa en 1883 Van Beneden, lorsqu'il démontra que, dansri6'cftm,le nombre des chromosomes de chaque noyau sexuel est moitié moindre que celui des noyaux végétatifs ; il en conclut natu- rellement que les noyaux sexuels en présence sont des demi-noyaujc; si le pronucleus femelle n'est pas l'équivalent d'un noyau ordinaire, il est clair, disait ce savant, que le globe vitellin pourvu de son pronucleus n'est pas une cellule ; les gamètes seraient des éléments incomplets. Cette observation a donné une impulsion extraordinaire aux recherches concernant les phénomènes reproducteurs : il a fallu : 1" généraliser celte constitution des noyaux ' 294 P.-A. DANGEARD sexuels; 2" déterminer le moment où se fait la réduction chromatique ; 3" chercher la façon dont elle se produit. Mais, par contre, elle a été le point de départ d'une con- ception fausse de la reproduction sexuelle ; on a cherché la raison iVèlre de la sejualilé dans cette structure mcomplcte des gamètes et on n'a pas vu que la réduction chromatique n'était qiiunc cu7iscquence de la sexualité, au lieu d'en être le facteur déterminant, ainsi que beaucoup de savants l'admettent encore. Il semble difficile de continuer plus longtemps dans ces errements du passé. IX Notre théorie de la sexualité permet de se rendre compte également des différences dans le cycle du développement que nous rencontrons chez les êtres vivants et qui pour la plupart restaient inexpliquées. Le sporophyte d'une espèce change parfois d'aspect etde structure selon le milieu qu'il habite ; il est sensible à l'adaptation. Dans le Cldlonionas Paramœcium et le Crypto- monas ovata, par exemple, espèces encore dépourvues pro- bablement de sexualité, les individus qui vivent dans l'eau possèdent deux flagellums, une échancrure buccale, et se déplacent activement (fig. 10), tout en se divisant de temps à autre ; avec une humidité modérée et peut-être aussi une différence dans la nature de l'eau, les flagellums disparais- sent ainsi que Téchancrure buccale, et les individus se divisent à l'intérieur d'une masse gélatineuse en formant ce qu'on appelle une colonie paliTielloïde(ûg. II) ; à un moment donné, l'espèce s'enkyste. On a ainsi pour le cycle complet : Sporophyte A -i- Sporophyte B -+- Kyste. Admettons un instant que les conditions d'existence pour chacun de ces sporophytes restent constantes pendant une longue succession de végétations, il est vraisemblable que THÉORIE DE LA SEXUALITÉ 295 ces sporophyles viendront à s'oublier et que lesporophyteB, par exemple, arrivera à être tout à fait incapable de repro- duire le sporophyte A ; nous aurons alors deux espèces : 1° Sporophyle A +- Kyste ; 2*" SporophyteB + Kyste. Notons que l'une aura lea caractères d'un prolozoaire, et que la seconde sera une algue nettement caractérisée. Fig. 10. Le Chilomonas ParamK- Poitiers. - Société française d'Imprimerie EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les planches représentant des détails histologiques ont été des- sinées à la chambre claire, avec un apochroinatique Zeiss ; elles ont subi une légère réduction pour la photogravure ; les dimensions exactes des éléments ou des cellules sont en général indiquées dans le texte. PLANCHE I Amœba Umax v'* a. FiG. i, 2,3. — Forme ordinaire de l'espèce : formation de la vacuole contractile. FiG. 4, 5, 6. — Déformation du corps. FiG. 7. — Bactéries à l'intérieur des vacuoles nutritives. FiG. 8-10. — Individus à deux noyaux. Fjg. H-12. — Aspect anormal d'un individu. FiG. 13-16. — Division du noyau de la prophase au stade de la plaque équatoriale. FiG. 17-22. — Division du noyau après bipartition des chromosomes jusqu'au dernier stade de l'anaphase. FiG. 23. — Division du nucléole et apparition des chromosomes. FiG. 24-31. - Développement d'une forme plus petite présentant exac- tement les mêmes stades de division nucléaire. FiG. 32-36. — Autre forme dans laquelle la chromatine se séparait en plusieurs fragments au stade de l'anaphase. LE BOTANISTE lie SERIE PL. I. Amœba liiuax, variété a. PLANCHE II Amœba Umax v'* y. FiG. 1-8. — L'aspect ordinaire des individus. FiG. 9-14. — Déformations successives du corps dans l'espace d'une minute. FiG. 15-18. — Structure annulaire du nucléole. FiG. 19-20. — Stade de la plaque équatoriale et anaphase. FiG. 21. — Un kyste ; le nucléole a conservé sa structure annu- laire. Amœba Umax v'* o. FiG. 22-31. — Dans cette variété, le nucléole possède également la struc- ture annulaire ; mais nous n'avons pas vu de chromosomes lors de la division. Amœba Umax v'^ j3. FiG. 32-40. — Structure des noyaux et division nucléaire; les chromo- somes se voient nettement au stade de la plaque équatoriale : ils sont fibrillaires. FiG, 42. — Deux kystes de cette variété. LE BOTANISTE He SERIE PL. II. Amœba Umax, variété y, 1-21 ; variété 8, 22-31 ; variété 8, 32-i2. PLANCHE III Ainœba Gleichenii.Duj. FiG. 1-îl. — Aspect ordinaire de l'espèce. FiG. 6-8. — Trois stades de la téléomitose pendant la bipartition du corps. FiG. 9-15. — Stades de la prophase lors de l'enkystement ; disparition du nucléole et différenciation des chromosomes. FiG. 16. — Stade de la plaque équatoriale. FiG. 17. — Plaque équatoriale vue de face. FiG. 18-19. — Stade tonnelet ; présence de chromidies dans le kyste. FiG. 20-22. — Les deux noyaux provenant de la mitose. FiG. 23-24, 27. — Kystes avec membrane épaissie sous différents as- pects. FiG. 26. — La germination de l'un de ces kystes. LE BOTANISTE He SERIE PL. IIL Amœba Gleichenii. PLANCHE IV AtïKTha Chattoni sp. nov. FiG. 1-9. — Les changements de forme présentés par cette espèce dans l'espace de six à sept minutes. FiG. 10. — Individu avec son noyau nucléole. FiG. H. — Un stade tonnelet très net avec 4 ou 6 chromosomes. FiG. 12, 18. — Les stades successifs de l'enkystement ; formation des chromidies et leur disparition dans le kyste mûr. FiG. 19. — Kystes mûrs à surface mamelonnée. Amœba paradoxa sp. nov. FiG. 20-25. — Amibes à un ou plusieurs noyaux. FiG. 26-27. — Stade de la plaque équatoriale et stade tonnelet. FiG. 28-30, — Kystes à diamètre variable, souvent binucléés. LE BOTANISTE He SÉRIE PL. IV. 12 JJ /* /5 76' Jh> Amœba Chattoni, 1-19 ; Amœba paradoxa, 20-30. PLANCHE V Pelomyxa vorax sp. nov. FiG. 1. — L'Amibe sous la forme allongée avec son gros noyau com- pact. FiG. 2. — Amibe sous la forme arrondie avec quatre très grosses Diatomées. FiG, 3-5. — Les filaments àeYAmœbophilus Penardi sp. nov. fixés à la surface dn Pelomyxa. LE BOTANISTE 11» SERIE PL. V. Pcloniyxa vorax. PLANCHE VI Labyrinthula Zopfii sp. nov. FiG. 1-4.— Les modifications d'aspect d'une colonie, dans l'espace d'un quart d'heure. FiG. 5. — Une autre colonie en relation avec les cellules d'un Chalamy- domonas. FiG. 6, 7, 8. — Individus isolés ; deux ont ingéré une Chlorelle. FiG. 9. — La bipartition d'un individu d'une colonie. FiG. 10. — Sporange de Chlamydomonas renfermant à son intérieur des individus enkystés. FiG. H. — Kystes avec leur petit noyau nucléole central. FiG. 12. — Zoospores du Chlamydomonas. FiG. 13-15. —Labyrinthula vivant sur des Bactéries ferrugineuses. LE BOTANISTE ne SÉRIE PL. VI. Labyrinthula Zopfii. PLANCHE VII Gymnophrydium hyalinum Dang. FiG. 1-2. — Le réseau de protoplasma et colonies de bactéries servant à la nutrition du rhizopode : noyaux à l'intérieur des filaments. FiG. 3-4. — Un second individu avec noyaux nucléoles. LE BOTANISTE 11^ SERIE PL. VII. Gyinnophrydiuni hyaliniim. PLANCHE VIII Cochliopodium bilimbosum Auerbach. FiG. 1-5. — Différents aspects des individus. FiG. 6-10. — Structure des noyaux. FiG. H-12. — Deux stades de la plaque équatoriale. FiG. 13-14. — Deux stades tonnelet. FiG. 15. — Les deux plaques chromatiques après leur séparation : l'une se présente de face et l'autre de profil. FiG. 16. — Les deux plaques chromatiques sont vues de face. FiG. 17-18. — Individus avec corpuscules brillants en bâtonnets, FiG. 19. — Membrane granuleuse. FiG. 20-26. — Les stades successifs de l'enkystement. FiG. 27. — Un kyste à deux noyaux. FiG. 28-29. — Le protoplasma des kystes s'est contracté, abandonnant une couche de gélatine à stries concentriques. FiG. 30. — Nuclcaria delicatula ayant englobé un kyste de Cochliopo- dium. FiG. 31. —Id. LE BOTANISTE H« SERIE PL. VIII. Cochliopodium bilimbosuin. PLANCHE IX Arcella vulgaris Ehrb. FiG. 1. — Individu vu de face avec ses deux noyaux. Ftg. 3. — Individu vu de profil. FiG. 2. — Individu plus gros, avec nombreuses proies ingérées. FiG. 4-5. — Une Arcelle de petite taille vue de face et de profil. FiG. 6. — Une Arcelle avec protoplasme sVtalant au dehors. FiG. 7 — Individus possédant trois noyaux. FiG 8. — Individu uninucléé. FiG. 9. — Individu très gros possédant quatre noyaux et renfermant de nombreuses proies ingérées. FiG. 10. — Individu ayant six noyaux dans son protoplasme. LE BOTANISTE lie SERIE PL. IX Arcella vulgaris. PLANCHE X Arcella vulgaris Ehrb. FiG. 1-2 — Noyaux à la prophase; la substance nucléolaire s'est répandue dans le nucléoplasme. FiG. 3-4-5. — Id. ; ces noyaux commencent à s'allonger ; la substance nucléolaire va s'accumuler aux deux pôles. FiG 6-8. - Noyaux au stade de la plaque équatoriale. FiG. 9. — A ce stade, les noyaux s'orientent de façon à pouvoir envoyer une de leurs moitiés dans le bourgeon. LE BOTANISTE He SERIE Arcella vulgaris. PLANCHE XI Arcella vulgaris Ehrb. FiG. 1-5. — Stade tonnelet au moment du bourgeonnement. FiG. 2-3. — La mitose conjuguée des noyaux à l'anaphase. FiG. 4-6. — Derniers stades de l'anaphase. LE BOTANISTE J He SERIE PL. XI. Arcella valgaris. PLANCHE XII Arcella viilgciris Ehrb. FiG. 1-2. — Derniers stades del'anaphase et reconstitution des nouveaux noyaux dans la cellule-mère et le bourgeon. FiG. 3-4. — Les noyaux au moment de la séparation d'avec la cellule- mère. FiG. 5. — La mitose conjuguée avec une Arcelle à quatre noyaux. FiG. 6. — Bourgeonnement d'une Arcelle uninucléée. FiG. 7. — Jd. à un état plus avancé. FiG. 8. — Individu de forme anormale possédant quatre noyaux. LE BOTANISTE He SERIE PL. XIL Arcella viilgaris. PLANCHE XIII Arcella vulgaris Ehrb. FiG. 1-5. — Individus de forme anormale possédant un nombre variable de noyaux. FiG. 6. — Arcelle avec son bourgeon ; l'un des noyaux est entré en dégénérescence et forme un amas irrégulier de cbromatine ; le second noyau dont la structure dans le dessin n'a pas été donnée, à la suite d'une erreur, se trouvait au stade de la prophase. FiG. 7. — Un des nombreux cas dits de « plasmogaraie » qui se ren- contrent dans les cultures. LE BOTANISTE PL. XIIL Arcella vulgaris. PLANCHE XIV Lecylhodytes paradoxus Dang. FiG. 1-4. — Le Chrovndina Rosanoffii. FiG. b. — La formation des kystes de cette espèce à la surface de l'eau, d'après ^Voronin. FiG. 6-9. — Kystes de ChromuUna avec le parasite. FiG. 10-11. — Les kystes renferment chacun deux parasites. FiG. 12-17. — Etat plus avancé du Lec2/ IJ m MdI n m JÔ J2 Ji Chilonionas Paramœcium . PLANCHE XXIX Chilomonas Parama-cium Ehrb. FiG. 1-5. — Le noyau augmente beaucoup de volume à la prophase ; le nucléoplasme contient de nombreux granules chromatiques. FiG. 6. — Le nucléoplasme du noyau s'avance en un prolongement vers le point d'insertion des (lagellums. FiG. 7. — Même disposition sur un autre individu. FiG. 8. — Le noyau s'est mis en relation directe avec la base des flagel- lums. FiG. 9-10. — Stades voisins du précédent. FiG. 11-13. — Stades plus avancés; le nucléole a disparu ; le nucléo- plasme avec ses granules prend l'aspect d'une botte. LE BOTA.MSTË lie SERIE PL. XXIX. ^ ^ & 7 S D JO n J2 Chiloinonas Paramœcium. IL PLANCHE XXX Chilomonas Paramncium Ehrb. FiG. 1. — Les granules chromatiques se disposent sur un plan ; tout autour se trouve du protoplasma achromatique ; la plaque des chromo- somes est vue de face et de profil sur le même individu. FiG. 2. — Id., les granules de la plaque sont moins visibles. FiG. 3-5. — La plaque chromatique perd son aspect en tige de bottes. FiG. 6-8. — La plaque chromatique est devenue presque quadrangu- laire. FiG. 9-10. — Beau stade de la plaque équatoriale. FiG. H-12. — Séparation des chromosomes ; les deux plaques s'é- loignent l'une de l'autre. FiG. 13. — Plaque vue de face avec ses granules que l'on peut consi- dérer comme chromosomes. LE BOTANISTK ir SEHIE 8*0 Q P 6' 7 ,9 7<9 7/ y^ Chilor Pa luonas faramœciunt. PLANCHE XXXI Chilomonas Paramacium Ehrb. FiG. 1-6. — Les stades successifs de la bipartition observés sur le vivant ; la façon dont se comportent les grauulesdu sillon pseudo-pharyn- gien est tout à fait remarquable. FiG. 7-10. — Un autre cas de bipartition. FiG. 11-13. — Stade tonnelet. FiG. 14-20. — Les nouveaux noyaux se reconstituent en passant par des stades exactement inverses de ceux observés à la prophase. FiG. 21. — Un individu après bipartition; le nucléole s'est reformé dans un noyau à structure ordinaire, mais indiqué dans cette figure. I.E BOTANISTE lie SERIE PL XXXI. y lO 9 s 7 G 13 J^ JÔ 15 19 12 20 Chilomonas Paramœcium. PLANCHE XXXIl Euglenopsis vorax Klebs. FiG. 1-2. — Deux individus ordinaires. FiG. 3. — Euglenopsis ingérant une longue chaîne de microcoques. FiG. 4-G. — Id., avec des proies de nature variée. FiG. 7-H. — Stades de la bipartition observés sur le vivant. FiG. 12. — Structure du noyau. FiG. 13-10. — L'axe nucléolaire est parallèle à Taxe ou perpendicu- laire. FiG. 17-23. — Figure montrant comment se comporte l'axe nucléo- laire, entouré de nucléoplasme pendant la bipartition du corps. FiG. 24. — Reconstitution des noyaux et séparation des deux indi- vidus. FiG. 25. — Un axe nucléolaire nettement parallèle à l'axe. FiG. 20-27. — Kystes. LE BOTANISTE lie SERIE PL. XXXII. Euglenopsis vorax. PLANCHE XXXm Peranema trichophorum Ehrb. FiG. 1-2. — Position ditTérente des noyaux dans deux individus. FiG. 3-4. — Aspect du noyau avant la division. FiG. 5-8. — Stades successifs d'une haplomitose ordinaire. Scytomonas pusilla Stein. FiG. 9. — Deux individus avec leur flagelluni. FiG. 10. — Position et structure du noyau. FiG. H. — Bipartition dun individu observé sur le vivant. FiG. 12-18. — La division du noyau; le nucléoplasme qui entoure l'axe nucléolaire se montre achromatique et homogène. FiG. 19. — Les deux noyaux reconstitués avant la séparation des indi- vidus. FiG. 20-23. — La signitication de ces individus binucléés est douteuse. LE BOTANISTE lie SERIE PL. XXXIII. Peranema trichophorum. — Scytomonas pusilla. PLANCHE XXXIV FiG. 1-2-3. — Plantules de Vicia saliva à divers états de développement. FiG. 4-5. — Plantules de Pisum sativum. LE BOTANISTE lie SERIE PL. XXXIV. Vicia sativa 1-3. — Pisum sativum 4-5. PLANCHE XXXV FiG. 1-2-3. — Plantules de Lathyrus. FiG. 4-5. — Plantules à'Ervum lens. LE BOTANISTE Ih SÉRIE PL. XXXV. Lathyrus 1-3. — Ervum lens 4-5. PLANCHE XXXVI FiG. 1. — Coupe dans le 4e entre-nœud d'une plantule de Vicia sativa. a : faisceaux anastomotiques. f: faisceaux foliaires. s: faisceaux corticaux. FiG. 2. — Coupe dans le 3e entre-nœud de la même plantule. LE BOTANISTE lie SERIE PL. XXXVI. Vicia sativa : I. 4« enire-nœud ; II. 3" entre-nœud. PLANCHE XXXVII FiG. 1. — Représentation schématique de la course des faisceaux ligneux du cylindre central dans les plantules de Vicia, Pisum, Ervum, Lathyrus. FiG. 2. — Schéma du trajet des faisceaux corticaux dans les 4 genres étudiés. FiG. 3. — Figures représentant les aspects les plus caractéristiques qu'on observe de haut en bas dans une série de coupes transversales dans la région d'un nœud. LE BOTANISTE 11« SERIE PL. XXXVII. \ - \ TefLok 1 II m PLANCHE XXXVIII FiG. 1. — Schéma du raccord des faisceaux ligneux de la tige avec ceux de la racine chez le Vicia sativa et VErvum lens. FiG. 2. — Schéma du raccord des faisceaux libériens de la tige avec ceux de la racine chez le Vicia saliva et VErvum lens. FiG. 3. — Schéma du raccord des faisceaux ligneux de la tige avec ceux de la racine chez Lathyrus et Pisum. Tous ces schémas sont relatifs à des plantules ayant atteint l'état de développement représenté PI. 34, flg. 1 et 4, pour Vicia et Pisum; PI. 35, fig. 1 et 4, pour Lathyrus et Ervum. c c : faisceaux provenant des cotylédons. /", /"g : faisceaux provenant des pétioles foliaires, a, Oj: faisceaux anastoraotiques. R, Rg R5 : faisceaux de la racine. Le double trait, de part et d'autre de R, Rg R3 indique la région dans laquelle se fait le passage de l'orientation centrifuge du bois à l'orien- tation centripète. LE BOTANISTE lie SERIE PL. xxxvin. C Ui it c I 11 m RECHERCHES SLR LES EUGLÉNIENS PAR P. -A. DANGEARD DOCTEUR ES SCIENCES, LAURÉAT DE l'iNSTITUT CHARGÉ OE COURS DE BOTANIQUE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS Cet ouvrage, publié dans le Botaniste, 8^ série, renferme 261 pages, 53 figures dans le texte et 4 planches ; il est indispensable à tous ceux qui s'occupent de l'étude du « Plankton » ; sa place est marquée dans les Bibliothèques de Laboratoire. La première partie est consacrée à une description des espèces dont plusieurs sont nouvelles ; la seconde partie traite de l'organisation générale, du mouvement, de la nutrition, de la reproduction et des affinités. Le tirage à part, destiné à ceux qui ne peuvent se procurer la col- lection du Botaniste, est de 100 exemplaires numérotés à la main. Le prix est de 10 fr. Direction du Botaniste, 12, rue Guvier, Paris. OBSERVATIONS IMPORTAINTES Le prix de la série du Botaniste est de 16 francs, sauf en ce qui coQcerne la 9", la 10^ et la 11^ série. Prix de la 9" série 20 » Prix de la 10* série 40 » Les deux séries réunies. . . . 50 » Prix de la 11'^ série 25 » La collection complète des 10 volumes parus sera vendue pendant quelque temps encore au prix réduit de 176 fr. Une remise de 20 0/0 est accordée aux libraires et à tous ceux qui ont bien voulu adresser à la Direction du Botaniste des exemplaires de leurs tirages à part. fCMtie''s. - Société française û'iiippiment New York Botanical Garden Librar 3 5185 00259 3596 •^*^;.t, ,, •;- 'iM- - '>*- \'-^ 7' A vVî^ vi, ..i^/