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COSTUME HISTORIQUE.

Tome V.

PLANCHES ET NOTICES

301 à 400.

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FRANCE

COSTUMES MILITAIRES ; FIN DU XVI‘ SIÈCLE ET COMMENCEMENT DU XVII.

ARMES ET DÉTAILS DE L'ÉQUIPEMENT,

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1. Crillon, colonel-général de l'infanterie; fin du seizième siècle, règne de Henri IV.

Les grèves ont disparu des armures et la braconnière a fait place à de longues tassettes qui couvrent les cuisses jusqu'aux genoux et se bouclent par des cour- roies sur les bottes.

L'armure va bientôt disparaître par suite des per- fectionnements apportés à la fabrication de la pou- dre et des armes à feu. Malgré Louis XIII qui lui resta fidèle jusqu’à la fin, elle fut abandonnée sous son règne,

Ce personnage porte l'épée en verrouil, verrou au moyen du perdant d'épée. (Voir ce détail 8.)

La croix blanche était, depuis le quatorzième siè- cle, la marque distinctive des Français; elle se por- tait sur le vêtement et les étendards. ( Voir la pl.

“AL; Europe, Moyen Age.) Les protestants lui substituérent une écharpe blanche, qui, à partir de

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. Henri IV, resta à la maison royale, Quant à la croix

blanche, elle disparut des vêtements, mais fut con- servée jusqu'en 1792 sur les drapeaux,

Dans les anciens régiments, la compagnie dite colonelle recevait pour marque distinctive un dra- peau blanc que traversait une croix indiquée par un liséré de même couleur : tel était le signe ex- clusif et personnel de l'autorité du colonel géné- ral.

Le régiment n'en avait pas moins son drapeau particulier,

N9 2, Petite arquebuse française à canon lisse.

Canon gravé et à pans jusqu’à la moitié de sa lon- gueur, Platine à rouet maintenue par une seule bride ciselée en coquille. Bois entiérement et riche- ment orné d'incrustations en cuivre et en nacre co- loriée du plus bel effet, Petite sous-garde repercte à jour.

. La platine à rouet fut inventée vers le commence- ment du seizième siècle, à une date inférieure de peu d'années à l'invention de la platine à mèche. (Voir à ce sujet, la notice de la pl. Europe XVI° siècle, ayant pour signe le Tambour. )

3. Pendant d'épée, en cuir garni de boucles en cuivre ciselé,

Le pendant d'épée était une large bride qui s'accom- modait avec le ceinturon pour porter l'épée en ver- rouil, c'est-à-dire horizontalement. La courroie allant de la ceinture au bas de becrettide, avait pour but de tenir en place fixe l'épée dont la poignée se trouvait plus sûrement sous la main. Ce port d'épée se com- binait avec la mode du temps; les gentilshommes affectaient de laisser leur manteau pendre de tout son poids sur l’arme en position horizontale, Henri III est souvent représenté avec l'épée en verrou, mais l'effet produit n’est pas le même à cause des propor- tions étriquées du manteau de son époque. Le pendant d'épée était même déjà porté sous CharlesIX ; voir ici le 12. (Exemples dans les pl. la Bague, France XVI siècle; le Rasoir, France XVIe, XVIIe siècle.)

4, Chapeau de fer à nasal; maison du Roi ; seizième siècle,

Ce chapeau de fer devait être garni de feutre, ainsi quelesignale Penguilly-l'Haridon en parlant du grand chapeau de feutre à plumes, doublé d'une calotte d'acier, devenu la coiffure militaire en usage, (Le catalogue du Musée d'artillerie ne donne aucun dé- tail au sujet du nasal mobile que l’on voit à ce chapeau de fer, nasal mobile usité alors aussi dans les Flandres.)

5. Arme de chasse du seizième siècle, à trois canons de pistolets séparés, s’'emmanchant sur un épieu.

Cette arme est maintenue par une rondelle percée à son milieu et pourvue d’une double douille qui recevait une hampe traversant cette rondelle ajou- rée, La hampe portait un fer d’épieu qui dépassait l'extrémité des canons. A chaque canon correspond une platine à rouet maintenue par un tambour cy- lindrique. Les gâchettes des platines se voient à la partie sphérique qui surmonte la douille; elles sont percées pour recevoir le cordon au moyen duquel on pouvait faire feu, en tenant la hampe par son extré- mité inférieure,

6, Court pistolet à deux canons convergents. Crochet de ceinture,

Le rouet de la platine est maintenu par une bride à trois pointes, ciselée et repercée à jour, tenant au bassinet par une forte bride circulaire joignant le corps de platine et fournissant le ressort du chien, L'exécution et l'invention de cette platine sont remarquables, Pommeau de forme bifurquée,

N°7, Pistolet en fer entiérement gravé et portant quelques traces de dorure. Rouet extérieur, main- tenu par une forte bride circulaire, Platine gravée. Pommeau de forme triangulaire, Crochet de cein- ture.

N°8.— Amorçoir ou pulvérin, servant en même temps de clef pour le mousquet à rouet porté par la figure 14.

9. Arquebusier protestant; fin du règne de Henri III. Costume blanc pour marquer la netteté de conscience au devoir par lui fait de maintenir l'hon- meur de Dieu et du public.

Ce soldat porte le cabasset et une cuirasse munie de tassettes. Arquebuse à mèche avec poire à pou- dre, amorçoir et poche à balles; dans la main gau- che, la fourquine. (Voir les planches la Tourelle et la Béquille.)

Les compagnies d'infanterie‘ comprenaient alors des arquebusiers et des piquiers. On y adjoignit en 1572les mousquetaires pourvus d'armes à longue portée et souvent montés sur de petits chevaux; cette sorte d'infanterie à cheval fut l’origine des dra- gons.

10. Officier général de troupes à cheval; règne de Louis XIII.

L’armure est remplacée par un buffletin solide, fait de peau de buflle ou d'élan. Ce vêtement avait l'a- vantage d’être léger et d’amortir, dans une certaine mesure, les coups d'épée,

C'est le cardinal de Richelieu qui fit de l’escadron, l'unité tactique des troupes à cheval. En 1635, Louis XIII ordonna l’organisation de douze régi- ments de cavalerie légère ; les compagnies de carabins carabiniers, c’est-à-dire portant la carabine, en formèrent un autre; enfin on créa six régiments de dragons. Il y avait en outre vingt-huit régiments étrangers,

Turenne et Louis XIV, secondé de Louvois, ache-

vèrent définitivement la réorganisation commencée par Richelieu. |

No 11. Officier ingénieur de la fin du règne de Louis XIII. Il est muni de la cuirasse de siège, du bouclier et du pot-en-tête pour se rendre à la tran-

ichée,

Au siège d'Amiens (1597), Sully faisait décider qu'à l'avenir, dans l'attaque des places, les travaux d'ap- proche seraient exécutés par les régiments. Les premières nominations d'officiers ingénieurs datent aussi de la même année. Des officiers de la noblesse se mirent à étudier l’art d'attaquer et de défendre les places et en 1688 on comptait cinquante-cinq in- génieurs brevetés, parmi lesquels l’une des gloires militaires de la France, Le Prestre de Vauban.

12. Gentilhomme décoré de l’ordre de Saint- Michel ; règne de Charles IX,

Il porte le morion comme défense de tête, des manches de fine maille, une cuirasse de forme très élégante gravée et dorée, avec tassettes reposant sur la trousse. Longue épée à garde compliquée pour protéger la main du combattant ; son pendant d'épée permet de la porter en verrou, Bottes montant jusqu’à la trousse et garniture intérieure enveloppant des chausses de soie.

Les n°5 2

C'est en 1569, sous l'autorité de Strozzi, colonel général de l'infanterie, que l’organisation des trou- pes à pied en régiments devient définitive, Toute- fois la division du régiment en bataillons re date que de 1635.

13. Cartouchière munie d'étuis renfermant des charges de poudre ; accessoire du mousquet à rouet porté par le 14.

14, Mousquetaire du règne de Louis XIII, muni d'un bufletin et d'un grand hausse-col pour la défense de la poitrine, Mousquet à rouet.

Dans le mécanisme de la platine de cette arme, la pierre, pyrite de fer ou silex , est au moment du tir en contact avec la roue cannelée du rouet; lors- qu'on lâche la détente, le frottement donne nais- sance à des étincelles qui enflamment la charge. Les accessoires de l'arme sont : une cartouchière, une poche à balles, une poire à poudre, enfin un amor- çoir ou pulvérin servant aussi de clef pour le rouet, (Voir le 8.)

Le mousquet à rouet et l'arme à serpentin fusil à mèche furent employés simultanément jus- qu'à l'invention de la platine à miquelet, adoptée en France vers 1670, Cette dernière fut elle-même remplacée par la platine à silex vers 1700.

2,8, 4, 5, 6 et 7 font partie des collections composant le Musce d'Artillerie de Paris.

Les n°%1,8,9,10, 11, 12, 13, 14, proviennent de la collection des Costumes de querre, formée au Musée d'Artillerie par M. le colonel Leclercq.

Voir, pour le texte : Catalogue des collections du Musée d'artillerie, par Penguilly-l'Haridon. Notice sur les Costumes de guerre de ce musée, 1876. Histoire du Costume en France, par Quicherat.

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ANGLETERRE

) ARCHITECTURE INTÉRIEURE DU TEMPS D'ÉLISABETH.

PLANCHE DOUBLE.

Cette décoration est celle de la salle à manger d’un château fort du XVI siècle, situé dans le Lancashire. Specke-Hall, dont les fossés taris sont aujourd'hui convertis en jardins, est à environ huit milles de Liverpool, près de la Mersey. C’est un des plus précieux spé- cimens des manoirs du temps. La décoration intérieure de ce château est d’un large et riche caractère ; quoique plusieurs parties de cet édifice prouvent une date plus ancienne, une ins- cription placée sous le porche, et portant la date de 1598, en attribue la construction entière à Sir Edward Norris, esquire. La salle à manger que nous reproduisons a été, il y a quelques années, l’objet d’une restauration exécutée sons l’habile direction de Joseph Brereton.

A la fin du XVI siècle il n’était plus du tout question en Angleterre du remarquable style d'architecture qui s’y était créé vers 1509, connu sous le nom de style Tudor. A l’époque où, sous l'influence des Italiens, on retournait généralement aux traditions de l’art antique, en France comme en Espagne et en Allemagne, l'Angleterre avait eu cette originalité et cette puissance de se faire une espèce de renaissance à elle. Puis, comme partout, on abandonna l'ogive et son système pour subir l'empreinte commune, modifiée plus ou moins par les artistes locaux, C’est ce mouvement tardif qui, en Angleterre, a produit ce qu’on y appelle le style Élisabeth, auquel appartient notre reproduction.

La salle à manger du château de Specke est une belle pièce, spacieuse, dont les proportions et le large foyer conviennent bien à l'existence d’un opulent châtelain ayant à recevoir ses pairs ou à traiter de riches tenanciers. La décoration du plafond est remarquable ; les solives à moulures s’entrecroisent de façon à former des caissons; les poutres sont ornées, comme l’in- térieur du caisson même, de rinceaux formés de tiges de houblon d’un relief discret qui, sans nuire à l'effet puissant des poutres apparentes, semble couvrir le tout d’une délicate broderie. Les lambris montent jusqu’au plafond; le manteau de la large cheminée porte lui-même un revêtement de bois d’an dessin architectural chargé de sculptures dont les principales pa- raissent être des portraits de famille, Au milieu, c’est le châtelain lui-même, Sir Edward Norris, avec ses deux femmes, et au-dessous d'eux leurs enfants.

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La logette donne un charme réel à cette partie de l'habitation ; ce cabinet de lumière est bien supérieur au retrait du moyen-âge, installé dans l’embrasure de la fenêtre, dans l’épais- seur du mur. Faite de bois et de vitres à travers lesquelles passe une abondante clarté, cette logette à pans coupés a un caractère tout à fait typique, bien septentrional. En un pays si souvent brumeux, elle procure dans l’intérieur tout ce que l’on peut avoir de jour, et, par la disposition qui lui est donnée, permet de voir les choses dun dehors sans s’exposer au con- tact d’un air humide ou froid. Elle est entièrement dans les mœurs anglaises ; et partout on la retrouve, en encorbellement sur le devant de la maison, comme un moucharabieh trans- parent, sous forme de balcon vitré, en tourelle ou lanternon d’angle. C'est, au surplus, le ca- ractère des plus parfaits spécimens des maisons de l’époque, moitié charpentes, moitié en- duit comme l’est le manoir de Specke, que cette réserve dans la construction de grands espaces vitrés, À l'extérieur, ces demeures pittoresques, avec leur bois apparent disposé en dessins réguliers peints en noir sur un mur blanc, ressemblent à une grande marqueterie, et c'est peut-être ce qui a valu à Specke le nom qu'il porte (speckled, tacheté ; lo speck, tacheter, marqueter, barioler); ce genre de décor, affirmé franchement, semble surtout avoir été propre aux châteaux du Chesshire, du Shropshire, du Lancashire et du Worcestershire. À Specke, les dessins de la charpente extérieure apparaissent plus nombreux, plus variés que tonte autre part, les bâtiments sont couverts de hauts toits à pignons, lesquels sont terminés sur les façades par un large bandeau en bois sculpté conservant sa couleur naturelle,

Le système est ancien de la maison en charpentes apparentes avec enduit dans les intervalles eb avec pignon sur la façade, Ce qui fixe l’âge des constructions dans le genre de celle de Specke c'est le style des ouvertures vitrées en parfaite harmonie avec les décorations intérieures. Les meneaux droits des ouvertures, l'absence absolue de l’accolade du style Tudor, ne peuvent laisser aucun doute à l'égard de leur date relativement moderne. Quant au style Élisabeth, nous n'en dirons rien de plus, sinon qu'il fut en Angleterre le résultat de l’irruption tar- dive des pratiques de la Renaissance, [1 semble que, jusqu’au moment Inigo Jones, que ses compatriotes appellent le Vitruve anglais, exerça son action (et elle était proche en 1598) larchitecture ait été surtout dirigée en Angleterre par des étrangers. Toutefois, comme il esb certain que la maison anglaise de tous les styles a nn caractère bien particulier, on doit reconnaître que cette originalité doit être attribuée, sinon aux constructeurs, au moins à la volonté de ceux qui faisaient construire. Un voyageur français du XVIII siècle dit à ce propos : « Chaque Anglais qui bâtit veut être son architecte; cette fantaisie fait parie de la liberté nationale. »

(Documient liré de la magnifique publication de A. Joseph Nash : The Mansions of England in the olden time; Londres, Henry Solheran et Cie, 1872.)

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EUROPE. XVIE-XVIIE SIÈCLE

MEUBLES D’APPARAT,. L’ARMOIRE. BUFFETS ET CABINETS,

L'aumaire, amaire eb aumoires, de armartum et almariolum, selon le comte de Laborde, était dans l’origine un coffre l’on enfermait toutes choses et qu'on tenait prêt à charger sur les sommiers. Plus tard on donna à ce meuble, ayant pris plus d'importance et fixé, un nom selon sa destination particulière : bibliothèque, chambre d’atour, buffet, garde-manger, etc.

Au seizième siècle, l'armoire à rayons pour enfermer la vaisselle et le linge de table devient le meuble auquel est resté définitivement le nom de buffet. Sa place est dans la salle à manger ; il sert puissamment à sa décoration; aux repas de réception, les vantaux supérieurs étant ou- verts, les faïences, les orfèvreries, les verreries s’y montrent comme sur un dressoir, auquel on le voit de plus en plus se substituer.

Le cabinet est le buffet à plusieurs layetles (layette coffre léger et de petites dimensions, tiroir d’armoire l’on serre les papiers, les valeurs, etc.; le layetier, fabricant de caisses de bois, esb celui qui fait les layettes) le cabinet est, par excellence, le meuble d’apparat du seizième siècle. En principe, il est monté sur pieds ; c’est une armoire à deux corps, fermée par des van- taux, remplie de petits tiroirs. Les deux corps, de capacité inégale, ont souvent l'air de deux coffres superposés, le bas conservant particulièrement l'aspect du bahut à panneaux, la hûche du moyen-âge. Un fronton fait un sommet accidenté à cette superposition, eb en forme un en- semble, qui est souvent heureux et généralement riche,

Le goût pour les meubles en bois sculpté s’est maintenu en France pendant le seizième siècle et une partie du dix-septième. Dés la fin du quinzième siècle, on y avait sculpté des figures et des bas-reliefs au milieu des décorations architectoniques du sbyle ogival, An seizième siècle, et sous l'influence du goût italien, les meubles se couvrent de bas-reliefs eb même de

figures de haut relief et de ronde bosse, empreintes de toute la pureté du dessin de cette belle époque. Le style de la renaissance italienne était particulièrement favorable à la décora- tion. La pureté des formes, la grâce, et une élégance parfaite marquèrent alors les productions de l’industrie artistique ; les délicieux ornements que l’on retrouve jusque sur des ustensiles domestiques provenaient des ravissantes arabesques qui avaient été inspirées à Raphael par les peintures des thermes de Titus, ou encore se modelaient sur décoration de la grande porte du baptistère de Saint-Jean, à Florence, l’un des plus beaux exemples pour les sculpteurs : festons de fleurs et de fruits, rinceaux, arbustes, animaux et figures humaines, agencés de manière fantasque, mais d'abord avec une correction qui s’harmonisait de la façon la plus heureuse avec les objets à enrichir. On ne devait malheureusement point tarder à tomber en une sorte de décadence qui s’étendit à l'Italie même. Les dernières années du seizième siècle, sont les limites extrêmes de la Renaissance. Avec le goût flamand qui commençait à s’é- tendre largement, on ne retrouvait déjà plus dans les productions du commencement du dix-septième siècle, le goût inspiré de l'antiquité, pour la sobriété et pour la pureté des formes qui marquent de leur caractère distinctif les belles productions de époque à son apogée. Dans le dernier quart du siècle, la manie du luxe, le désir de la magnificence, fait surcharger les meubles d'ornements accumulés sans mesure, Les linéaments généraux se déforment et se noient. Les mascarons, les gaines, les figures hybrides, les arabesques, couvrent toutes les superficies, laissant à peine un champ pour les détails exagérés.

Le très joli buffet monté sur quatre pieds est une œuvre élégante de la meilleure période de la menuiserie d'art de la Renaissance; avec ses tiroirs pour les cuillers, les fourchettes et les couteaux, il à tous les caractères du buffet de salle à manger.

Son voisin, le evbinet dont la masse imposante exige six pieds, est un buffet à layettes d’une hauteur de 2",44 cent., sa largeur est de 1,75 cent., son épaisseur de 0",60 cent. Ce cabinet qui compte cinq portes et deux tiroirs est de la seconde moitié du seizième siècle; il se trouve au musée Hohenzollern, à Sigmaringen, et provient du couvent de Saint-Gallen, en Angleterre.

Le fin buffet, de travail français, d’une finesse bien préférable au cossu du meuble anglais, est tiré de la collection photographique de M. Mieusement, à Blois.

Voir pour le texte : J. Labarte, Histoire des arts industriels. Viollet le Due, Dictionnaire d'architecture ef Dictionnaire du mobilier. 2e Laborde, Glossaire archéologique.

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EUROPE. XVIS ET XVII SIÈCLE

AMEUBLEMENT CIVIL. TABLES ET SIÈGES.

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Table, chaise et escabeau; XVI siècle, style franco- italien.

N°2;

Table et chaise du XVII: siècle, Cette table est posée sur deux montants pleins, formant cependant les quatre pieds ; les liens de ces montants entre eux, leur inclinaison, aident tout à la fois au dégagement de la tablette supérieure et à la solidité du meuble ; quoique en définitive la construction soit légère, cet assemblage en biais de la menuiserie est resté pendant longtemps le type de la menuiserie de cam- pagne et se retrouve encore en beaucoup de parties de l'Europe. On pose en biais les quatre pieds, si l’on ne conserve pas les montants pleins; on varie, on augmente, on diminue les liens et les traverses, mais

le principe persiste. La chaise est garnie de velours

ainsi que l’étroit panneau du dossier; ce velours est attaché avec des clous de cuivre doré. On employait souvent le cuir pour cet usage en le fixant de la même manière,

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Table et chaise. Le corps de cette table est un coffre entouré d’une double penture en fer clouée, abou- tissant à la large plaque d'ouverture d’une serrure

gothique. Le dessus de la table est double et se replie

sur lui-même; ce dessus plein étant soulevé, la tablette inférieure qui n'existe qu'en bordure, soutenue de deux côtés par des tasseaux , le coffre se trouve

ouvert. Ce meuble ingénieux tient du caractère massif

que l'on donnait au mobilier du moyen âge qui n'était pas, en général, conçu pour la mobilité, [1 est de style allemand et remonte au XV° siècle. La chaise qui l'accompagne, quoique allemande aussi, parait d'une époque moins ancienne; elle est d’un goût inférieur à celui de la table. Le bois des mon- tants du dossier et les pieds sont incrustés d'ivoire.

No 4.

Table et chaise hollandaises ; XVIE siècle. Nb:

Meuble de ln Renaissance allemande ; XVI siècle. Il se compose d'une table, montée sur quatre pieds, portant une caisse ouvrant par un seul vantail fermé à clef. Un tiroir simplement à bouton occupe le bas de ce petit secrétaire cahinet; ce meuble, qui est un travail de Cologne, est une production batarde. Dans sa partie supérieure il est de goût italien ; les balustres des pieds de la table sont empruntés à la menuiserie flamande.

6.

Table portugaise avec incrustations en métal; XVII siècle.

7.

Fauteuil en forme de pliant, avec dossier, gami d'un

coussin ; XVII° siècle, Le dossier de ce siège étant en bois, la fermeture du pliant n’était qu'illusoire.

N°8.

Fauteuil en forme de pliant. Ce meuble se rapproche davantage de la forme antique qui servait de type pour les sièges de ce genre. Son dossier est une étoffe tendue qui n’en contrarierait pas la fermeture ;

(D'après des photographies fuites à Vienne, en Autri

il est également garni d'un coussin et appartient au XVI et XVIIe siècle.

N°n0r

Chaise du XVI! siècle. 10.

Table du XVIE siècle.

he, provenant des collections locules; ceux de ces documents qui

sont désignés comme appartenant au XVII siècle, n'en dépassent pas la première moitié.)

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EUROPE. XVIE-XVIIE SIÈCLE

CHAIRE ÉPISCOPALE DU XVIe SIÈCLE. LE SIÈGE DISPOSÉ EN STALLE. OBJETS MOBILIERS.

L'ENCADREMENT DES PEINTURES ET DES MIROIRS.

La chaire antique était presque toujours accompagnée d’un marchepied, fixé au meuble ou libre, afin de faire dominer le personnage assis lorsque ce meuble était destiné à un cérémo- nial.

Pendant le moyen-âge, à une époque indéterminée, on imagina de supprimer le marchepied dans les formes des églises, et d'établir dans les salles de chœur, le siège à bascule, dont la tablette se relève sur un axe, et présente à son revers un autre siège plus étroit eb plus haut, sur lequel on s’asseoit en se tenant à peu près debout. Ce petit siège en figure de console reçut alors le nom de patience nuiséricorde.

Cette disposition se rencontre ici : le siège est une tablette à bascule, et le cartouche en ovale que l’on voit au-dessous, est la miséricorde.

Cette stalle isolée, chaire d’un prince de l'Église, conserve tous les caractères de la chaise seigneuriale des quatorzième et quinzième siècles : les bras, le dossier surmonté d’un dais ; elle est armoyée des clefs de saint Pierre.

Cette belle menuiserie d'art justifie de toutes les façons ce que Viollet le Duc a dit du mo- bilier des bonnes époques de la renaissance : « Pour qu'un meuble de luxe ait l'apparence de la véritable grandeur, il faut que sa construction soit claire, simple, et que la richesse en soit obtenue par l'ampleur et la juste disposition des parties décoratives, [l ne faut pas prendre le gros pour le grand, l’exagération des détails pour la magnificence ou la majesté. Le gros a l'inconvénient dans les meubles d’apparat d’amoindrir l’objet principal, le personnage. Les meubles du commencement de la renaissance ont le mérite d'éviter les mievreries de la der- nière époque gothique, et de ne pas tomber dans les exagérations et la lourdeur de ceux du règne de Louis XIV. La construction était simplifiée, soumise aux besoins, et indiquait clai- rement le but. »

Le dais faisait, de tradition, partie du siège épiscopal. On l'avait vu suspendu aux voûtes pendant le haut moyen âge, encore supporté par quatre colonnettes, qui furent supprimées comme gênantes, le dais demeurant définitivement fixé au dossier élevé pour cet office. Lorsque les trônes épiscopaux ne furent plus placés au fond de l’abside, on les disposa généralement à côté du maître autel. La chaire épiscopale se trouvait ainsi en haut des stalles du chœur, et étaib souvent accompagnée de deux sièges plus bas.

Ce n’est guère qu’à partir du seizième siècle que l’on apprit le parti que lon peut tirer des cadres pour la peinture. La peinture murale du moyen-âge n'avait pas besoin d’autre cadre que le monument lui-même. La peinture meuble ne prit son essor que vers le quatorzième siècle ; et la peinture à l'huile des Van-Eyck donnant la vogue au genre, il y eut dès lors des enca- drements, autres que ceux que faisaient les orfèvres du moyen âge pour leurs tableaux d’or et d'argent, ils s’inspiraient de l'architecture ogivale. Lies encadrements des peintures furent d’abord fort simples, la plupart peints en noir ou en imitation de bois, et l’on s’en tint pen- dant le quinzième siècle.

Avec le champ nouveau ouvert à leur imagination, les artistes et artisans de la Renaissance s’attachèrent à procurer à la peinture des encadrements de nature à la faire valoir, à en con- centrer l'effet, montant celles de petite et même de moyenne dimension comme des joyaux. Le portrait encadré de cette façon devint, naturellement, un type qui fournit le cadre du mi- roir, meublé par le portrait réfléchi. On fit les cadres des miroirs, d'autant plus riches et im- portants, que la glace elle-même fut longtemps de dimension restreinte ; pendant le quinzième siècle on n'avait guère connu que les petits miroirs circulaires. Les miroirs, dits Aistoriés, du seizième siècle, eb de forme rectangulaire, marquent l’époque, et furent à la mode jusque pendant les premières années du dix-septième siècle. Selon la loi de l’architecture à chacune de ses grandes transformations c’est elle qui a fourni les combinaisons les plus heureuses des entourages de la peinture et des miroirs, qui, est-il besoin de le dire, n’appartenaient qu’au luxe des grands. Les petits meubles de ce genre sont d'autant plus rares que leur usage était fort restreint.

Les riches cadres que nous reproduisons sont de ceux sous lesquels on mettait souvent la peinture sous glace.

La chaire épiscopale fait partie du Musée du Louvre. Les quatre cadres proviennent de la belle collection photographique de M. Mieusement, à Blois.

Voir pour le texte : J, Labarte, Histoire des arts industriels. Zéon de Laborde, Glossaire français du moyén âge, Paris, 1872. André Potier (texte de Willemin), Monuments fran- çais.

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EUROPE. XVE-XVIE SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS.

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N°8.

Crédence du XVIe siècle. La fontaine qui est sur ce meuble et le brasero placé dans le bas sont en cuivre repoussé, Ces objets appartiennent à M. Samson,

NAT

Chaise incrustée d'ivoire de fabrication italienne, XVIe siècle, appartenant à M. le prince Basilewski.

N°3. Clef en fer forgé ciselé de la fin du XV° siècle,

Net, 5

Clef en fer forgé ciselé de la fin du XVII° siècle,

10,

Clef en fer forgé ciselé de la fin du XVI: siècle. N°3, 45, 10, © Appartiennent à M. Maillet du Boullay. N°1; 6,10

Clefs du XVI: siècle, appartenant à M, Leroy-Ladurie.

NA 0: Provenance italienne.

N°2;

Grande clef de maîtrise du XVII° siècle; collection Achille Jubinal.

(Ces documents proviennent des photographies des collections célèbres publiées par M. Franck.)

EUROPE XVIEXVIIE

Goutzewiller del Rnp. Firmin Didot er C Paris

EUROPE XVI, XVII SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS.

N°10

Chandelier en bronze, style italien, XvVI° siècle ; appar- tenant à M. Evans.

N°5 2, 8. Cruches de Cologne, 1584. 4, 5. Verres fins du XvI° siècle. NS 6:

Hanap en argent doré, avec ornements en nacre et métal, fin du xXvI° siècle.

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Hanap en argent avec reliefs en or, première moitié du xvrr° siècle.

N°18:

Hanap en argent, 1627.

9,10, 11, 12, 13, 14.

Verres vénitiens et allemands, XVII siècle.

(Ces objets, depuis le 2 jusqu'au 14, proviennent de Cassel et font partie de la collection photographique

des musées nationaux d'Allemagne.)

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EUROPE. XVI'-XVII® SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS. VERRERIES.

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Nes 1 et 2. N°4 Drageoir en forme de navire. Cristal de roche taillé et Verre gravé, face et revers (art espagnol); dix- gravé; monture d'argent et or, avec émaux ; seizième septième siècle, époque de Philippe V, siècle, époque de Henri III. Longueur 34 centimètres.

5.

Noos

Vase cylindrique. Cristal de roche taillé et gravé ; Monture d'argent doré; seizième siècle, époque de Aiguière en cristal de roche taillé ; monture d'argent | François I‘. Hauteur 26 centimètres.

doré avec appliques d'or, d'émail et de pierreries ; sei- Tous ces objets appartiennent à la couronne d’Es- zième siècle. Hauteur 40 centimètres. pagne, excepté le 1, à M. Rico y Sinovas.

& Dans tous les pays et dans tous les temps, dit M. Paul Mantz (les Collections célebres, par M. Ed. Lièvre) les lapidaires, ardents à façonner les gemmes les plus rebelles, ont aimé à tailler et à graver le cristal de roche. Sans parler de l’antiquité et des peuples de l'Orient qui ont excellé dans ce jeu difficile, nos artistes ont toujours tenu à honneur d’assouplir cette noble matière qu'un vieil auteur considère comme « de la glace endurcie par moulé de temps »… Deux siècles, le quinzième et le seizième, se sont, plus que tous les autres, pas- sionnés pour cette dure matière. L'inventaire du duc de Bretagne (1414), celui du duc de Berry (1416), les comptes des ducs de Bourgogne, depuis Jean sans Peur jusqu'à Charles le Téméraire, révèlent l'existence d’un grand nombre de pièces de cristal de roche façonnées en aiguières en hanaps, qu'enrichissaient des montures d'argent doré; ces documents font même mention de figurines sculptées en ronde-bosse. » « A partir du quinzième siècle, dit

M. J. Labarte (Hist. des arts industriels), la fabrication des vases de verre prend une nouvelle direction. Les verriers vénitiens empruntent aux (Grecs tous leurs procédés pour colorer, dorer et émailler le verre, et la renaissance des arts ayant ramené le soût des belles

formes antiques, l’art de la verrerie, suivant le mouvement imprimé par les grands artistes

qui illustrèrent l'Italie à cette époque, produisit des vases qui ne le cédaient en rien pour la forme à ceux que l'antiquité a laissés. L'Europe entière fut pendant deux cents ans la tributaire des verriers vénitiens. Henri IT attire en France un italien nommé Mutio, qui avait le secret de ces fabrications et l’établit à Saint-Germain en Laye. Il existe encore quelques pièces de verrerie qui doivent être sorties de cette fabrique venéto-française. Le malheur des guerres fut cause de sa ruine. En 1603, Henri IV établit de nouvelles fabriques à Paris et à Nevers; malgré les grands frais qu'elles occasionnèrent, elles ne firent que languir, selon de Thou, et il ne paraît pas qu’elles aient continué à produire des verres de luxe. »

Documents photographiques tirés de la belle collection de M. J. Laurent.

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EUROPE. XVIE-XVIIE SIÈCLE

MOYENS DE TRANSPORT. LES CARROSSES.

Les femmes, les abbés, voyageaient surtout en litière pendant le moyen âge ; l’absence de routes rendait ce mode de locomotion obligatoire pour les délicats, pour les malades. Il y avait cependant des voitures de transport; mais c'étaient de véritables charrettes, à bran- cards la plupart du temps, à quatre roues égales, dont le coffre reposait, sans courroies ni ressorts, sur deux essieux fixes, parallèles. Ces charrettes étaient attelées en flèche. La manœuvre de ces véhicules était pénible, et lorsqu'il s'agissait de tourner il fallait sy prendre de loin. On entrait dans ce tombereau par l'arrière, Il était, comme les carrioles de nos blanchisseurs, surmonté de cerceaux reliés par des traverses, sur lesquels on mettait les couvertes, et, à l’aide de garnitures d’étoffes épaisses et de nombreux coussins, on en rendait l'usage supportable. Il servait surtout aux dames par les temps de pluie, On lemployait aussi dans les cérémonies, pour lesquelles il était richement ouvré et décoré des étoffes les plus somp- tueuses. On les fit pour deux, pour quatre personnes. Il y avait de ces voitures qui étaient al- longées pour le transport en commun d’un plus grand nombre de voyageurs; elles remplissaient l'office des coches des XVII® et XVIII siècle; le nom leur en était donné dès le moyen âge. La couverture de ces coches était en cuir fixé, ayant des ouvertures latérales ; celle des carrosses riches, le poêle, était en étoffe qu’on relevait à volonté. L'attelage en flèche de ces derniers était mené par un postillon à cheval sur le timonnier, quand il n’y avait que deux chevaux ; lors- que leur nombre était plus considérable, des gens de pied les menaient à la main.

Ce ne fut guère qu'au commencement du XVI!° siècle que l’on s’avisa d'établir les entrées latérales entre les roues et d’y fixer un marchepied; et ce fut en avançant dans ce siècle que l’on commença à user de la suspension à l’aide de courroies. Cette disposition fit donner alors à ces voitures le nom de chars branlanis.

L'exemple que nous donnons est le coffre d’une voiture d'honneur de ce dernier mode, ayant

servi aux noces de l'électeur de Saxe, Jean le Magnanime et de Sybille de Clèves, en 1527; conservé au musée des ducs de Cobourg. Il est de bois entièrement doré, sauf les écussons qui sont peints; la clôture de l'avant et de l'arrière, pleine par le bas, se termine par un ajouré en fer forgé, d’un travail assez léger, contribuant à la solidité des cerceaux et complétant le sys- tème des traverses longitudinales; les cerceaux sont finement ouvrés ; la partie pleine, la caisse proprement dite, d’une forme encore si primitive, dont la longueur est de deux mètres en- viron, est chargée des riches et énergiques rinceaux de la flore gothique allemande avec figu- rines en assez haut relief. Sous le règne de François 1% il n’y avait encore qu’un très-petit nombre de ces carrosses en France.

Le second exemple, que nous rapprochons de celui-ci, se trouve aux remises du palais de Madrid; il est du milieu du XVII° siècle, distant du premier de cent vingt à cent trente années.

Nous n’avons pas à entrer dans la description des pièces progressives de la carrosserie ; notre objet étant de reproduire la physionomie des choses et non d’énumérer les secrets de leur construction, il nous suffit de prendre la définition du carrosse telle que nous la trouvons dans l'Encyclopédie du XVITI® siècle : « C’est une voiture commode et même quelquefois « très-somptueuse, suspendue à des soupentes ou fortes courroies de cuir, et montée de roues « sur lesquelles elle se meut.. En France et dans tout le reste de l’Europe, les carrosses sont tirés par des chevaux, excepté en Espagne l’on se sert de mules. Le cocher est ordi- « nairement placé sur un siége élevé sur le train, au-devant... » Les carrosses, dit encore l’En- cyclopédie, sont de l'invention des Français ; la quantité en devint considérable à partir de l’époque de Louis XTIT. On à publié quelquefois des lois somptuaires pour modérer la dépense excessive de ces voitures, adoptées par la bourgeoisie comme par les grands seigneurs; il a été défendu d'y employer l'or et l'argent ; mais l'observation de ces défenses a été négligée,

Dans le carrosse représenté les parties de menuiserie sont richement sculptées et dorées; celles du charronnage ont des moulures et aussi des dorures; les parties en cuir de la soupente sont piquées, l'intérieur est tendu de velours et les portières sont fermées avec les glaces biseautées de Venise ; enfin l’avant-train est à roues basses et l’arrière à roues de grand dia- mètre; les jantes en spirale de ces roues suffiraient seules pour dater le carrosse : il est de l’é- poque avancée du règne de Louis XIII ou äu commencement de celui de Louis XIV. Le timon au milieu permet l’attelage en double qui était d'usage.

(D'après les photographies de AT. Laurent et celles des musées d'Allemagne.)

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FRANCE. XVI ET XVIF SIÈCLE

COSTUMES DE LA NOBLESSE AU TEMPS DE HENRI IV.

TOILETTES DE COUR ET MANTEAUX D'ÉTIQUETTE.

N9 2, Warguerite de France, reine de Navarre, pre- mière femme de Henri IV.

Le Paris de la Ligue, même avant la mort de Henri III, avait répudié les pompes de la parure, L'extrême mi- sère de la population assiégée commandait cette ré- serve, et toute ostentation en ce genre eût paru braver les passions populaires si vivement surexcitées. Ce que les ordonnances pénales du roi n'avaient pu faire observer, dit un contemporain, prévalait par le fait de la population. & Quand une damoiselle porte ; non seulement une frèze à la confusion, mais un simple rabat un peu trop long, les autres damoiselles se jettent sur elle et lui arrachent son collet en luy déchirant sa robbe, Vous ne voyez plus dedans Paris que du drap au lieu de soye et de la soye au lieu d'or. » Cependant la mode ne laissa pas d'aller son petit train, ainsi que le fait observer M. Quiche- rat, même pendant les plus rudes années du temps de Henri IV. La vertugade en tambour, et l’art parti- culier qu'elle avait fait naître pour la marche, les manches ballonnées, indépendantes du corsage dont le cornet tenu bas laissait largement voir les seins, la collerette en éventail ne partant que des épaules, la manchette en rebras, la chevelure massée, perru- que généralement poudrée et parfumée, formant un édifice modérément élevé sur la tête, enfin la cotte de couleur différente sous la robe sans ouverture, tel est

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dans son ensemble le costume que l'on voit porté en 1605 par la reine Marguerite de Navarre. La vertu- gade s'était élargie, la collerette dégageait davantage le cou, l’exhibition de la poitrine était beaucoup plus hardie ; à cela près, le fond était le même que ce que l'on avait vu pendant la dernière période du sièele précédent. On peut encore observer ici que la dis- position du plastron en cinq rangées de perles qui vont en se rétrécissant de bas en haut, disposition contraire au sens du rétrécissement du corset, an- nonce dès ce moment le corsage busqué en avant qui, sous une forme nouvelle, devait, dans le costume des dames, remplacer le panseron.

L'ensemble de cette toilette est sévere; le noir n’en est égayé que par le contraste de la lingerie et le blanc discret des perles ; chacune des petites tail- lades de la manche et du corsage a un bouton d’or; un nœud de ruban au haut du plastron du buste, une étoile d'or avec pierrerie centrale, placée au devant de la chevelure, une perle à l'oreille, un carcan de perles à la base du cou, complètent cette parure.

Nos Let 5. Jlenri IV avant 1600.

Le costume des hommes devait subir plus de modifi- cations pendant ce même laps de temps. Aprèsla sup- pression des bosses d'estomac et le corsage busqué, on vit le pourpoint sans buse avec épaulette dit la

Henri IV. » Les fraises furent ramenées à de moindres proportions, et peu-à-peu les collets rabattus ou ra- bats les remplacèrent. Tous les hauts-de-chausses, longs ou courts, furent bouffants; les grègues, qui étaient les longs, avaient leur plus grande enflure au milieu ; ceux à bourse, les courts, allaient en s’é- largissant jusqu’au bas. La cape, rétablie dans son ancienne coupe, débarrassée de ses doublures d’ap- prêt, et dont on se couvrait un bras en la drapant sur le buste, prit le nom de manteau. Le chapeau ne fut plus le haut chapeau albanais affectionné par les catholiques zélés Au temps de la Ligue, mais un cha- peau tronqué droit, de forme basse, avec tendance à s'élargir par le haut; cette coiffure qui avait des bords de petite dimension, fut remplacée bientôt par le castor à forme basse aussi, mais dit le chapeau français, ou à la Henri IV, Le soulier à pont, carré du bout, avec un talon assez haut, était

à larges bords

noirci; on en couvrait l'attache par une roseen ru- ban plus moins large, Les vêtements étaient de couleur noire ou de tons foncés, combinés avec sobriété ; leur apparence était de peu de faste. Henri IV se moquait des dépensiers, et pour son compte ne s’habillait le plus souvent que de chausses grises et d'un pourpoint de soie noire sans balafres ni passements. Mes prédécesseurs, dit-il aux dépu- tés du clergé réunis à Paris en 1598, vous ont donné des paroles, mais moi,avec ma jaquette grise, je vous donnerai des effets. Je suis tout gris au de- hors, mais je suis tout d'or en dedans. » Le plus riche vêtement de ce roi était un pourpoint de satin blanc avec un manteau noir et un chapeau à plumes noires aussi. Il ne le mettait guère que par devoir; c'est celui qu'il portait au couronnement de la reine Marie de Médicis. Henri IV n'oublia jamais le temps de sa détresse et l’état de sa garde-robe quelques semaines avant d'entrer à Paris. Sa linge- rie consistait alors en cinq mouchoirs et une dou- zaine de chemises dont plusieurs étaient trouées, Tout en renouvelant decinqans en cinq ans les or- donnances sur les lois somptuaires, dans lesquelles ilavait d'ailleurs peu de confiance, il n’eut garde de defendre l'usage des soieries. La France possédait la matière première, et il était de l'intérêt de l'État de pousser à la fabrication de la soie en favorisant la consommation, Le satin et le taffetas devinrent étof- fes bourgeoises. Pour se distinguer, pour se donner des airs de gentilhomme, il fallut être en velours. Notre 1 montre Henri IV tête nue, avecle cor- don du Saint-Esprit et l'épée. Costume entièrement

noir. Haut-de-chausses, ballonné à la façon des grè- gues; passements et taillades. L’attitude du roi et son costume conviennent aux réceptions du Louvre.

Le 5 représente Henri IV couvert de son cha- peau, sans épée, la canne en main, portant le cordon du Saint-Esprit. Bas violets, le reste noir avec tail- lades garnies de bleu; haut-de-chausses s’arrêtant à mi-cuisse, coupé court, de ceux dits à bourse, rappelant, en effet, la forme de l’escarcelle. Ce cos- tume convient à la ville.

Dans ces deux représentations, Henri IV porte la fraise que du reste il ne quitta jamais.

Nos 4 et 6, Antoine de Saint-Chamand, seigneur

de Méry-sur- Oise,

Au 6, ce gentilhomme porte la fraise et les man-

chettes tuyautées, Vêtement noir ; pourpoint et gré- gues passementés; jarretières blanches & longues d'une aune » attachées sur le genou, nouées sur le côté, à bouts frangés d'or; coques de même étoffe et couleur, taffetas ou satin, fixées à la grègue par des aiguillettes à bouts dorés; nœud d'attache sem- blable au soulier. Le cuir de la chaussure est noirci tandis que l'épaisseur de la semelle et le talon con- servent leur couleur naturelle, Épée à poignée d'ar- gent, bout du fourreau de même; ceinturon doré. Au 4, ce même seigneur se montre avec la collerette en rabat, nouée d’un cordon pendant ter- miné par un petit gland, manchette en rebras Pourpoint à épaulettes sans manches. Bras cou- vert par la manche du justancorps, d’étoffe brodée d'argent. Le pourpoint et le haut-de-chausses en bourse passementés et ornés-en rangées de taillades « la petite chiquetade, » laissant apparaître l'argent du vêtement de dessous. Vêtement noir, y compris le nœud de ruban des souliers ; la semelle est éga- lement noircie, et c'est par son épaisseur croissante et sans interruption que le talon se dessine, Des clous d’or ornent cette semelle sur ses côtés. Ceinture d'étroit ruban blanc à points d'or, nouée en bou- cle et se terminant par des ferrets d’or, C'était par des garnitures mises dessous que l’on procurait aux hauts-de-chausses leur épanouissement.

N°3. Gentillomme à la mode de 1605.

Chapeau bas de forme, collet rabattu, manchettes en

rebras. Vêtement entiérement gris, y compris la doublure du manteau dont le dessus est noir, ainsi que les souliers dont le nœud d'attache est de tissu d'or, Le pourpoint et le haut-de-chausses sont pas-

sementés de noir, sans taillades. Le manteau est bordé de ganses et de rinceaux brodés d'or, Le ceinturon étroit et noir est aussi brodé d'or. La large et dou- ble bride que l’on remarque ici est le pendant d'épée, lequel n'était pas attaché au ceinturon et passait par-dessous la basque du pourpoint. On employait le nœud d'épée pour tenir l'arme dans une position ho- rizontale, de maniere qu’elle soulevât le manteau, ce qui donnait un air cavalier qui fut fort à la mode. Ce nœud d'épée est blanc et brodé d’or. Le cha- peau noir a un cordon d’or. L'épée est à poignée dorée,

Cette série de costumes aux couleurs sévères, ornés discrètement dans des tons contenus, forme une op- position vive avec ce que l’on devait voir en 1610 au couronnement de la reine Marie de Médicis,

N°0 7. Couronnement de Marie de Médicis; d'après le tableau de Rubens. (Musée du Louvre.)

Historiquement cette magnifique cérémonie est célébre par le contraste qu'elle offre avec le terrible drame du lendemain. Le 13 mai, à Saint-Denis, Henri IV y assistait d'une tribune; le lendemain 14, il était assassiné, La Reine, quoique investie de la régence qui se préparait, craignant la folle passion du roi pour la princesse de Condé et redoutant nn divorce, voulut être sacrée, Vaine et fastueuse, Marie de Médicis tenait d’ailleurs beaucoup à cette cérémonie qui devait se compléter par une entrée solennelle à Paris le dimanche suivant. La grosse dépense qu’elle nécessitait était singulièrement redoutée par Henri IV, à qui d'ailleurs les avertissements sinistres n'avaient pas plus manqué que les pressentiments.

En montrant, d'après Rubens, les magnificences des costumes de la cour à une cérémonie de cette importance, il est utile de faire remarquer que l’ar- tiste ne se pouvait astreindre à l'observation rigou- reuse d’une étiquette qui ne lui eût pas permis de grouper en une composition condensée les grandes dames dont la beauté, l'éclat, et le rapprochement, devaient surtout le tenter. Dans la vérité stricte, on devrait voir après mesdames les princesses de Conty, de Montpensier et de Guise, portant la grande quene du manteau royal de la Reine, & celles des dictes dames portées par des grands seigneurs vestus de drap d'or et leurs capes aussi couvertes de riches pierreries. » A la suite de Madame de France, avec son manteau royal, et sa queue portée par monsieur le chevalier de Montmoreucy et par le comte de Vaulte, Çaussi vestus de drap d'or » on verrait la

royne Margucrite, suivie de quatre duchesses portant sa queue, & et après les duchesses deux seigneurs qui portaient les leurs, et après eux suivaient deux comtesses, »

Le fragment représenté montre la reine agenouillée pour le couronnement devant le cardinal de Joyeuse. Le dauphin (Louis XIII) et sa sœur Élisabeth de France, sont à ses côtés; on a vu quelles sont les trois dames charetes de porter la queue du manteau royal. C’est le duc de Ventadour qui porte le sceptre, et le chevalier de Vendôme qui tient la main de jus- tice. Le peintre à mis en même ligne la reine Mar- guerite de Valois, première femme de Henri IV, qui ne put, à cause de son rang, se dispenser d'assister à cette cérémonie, et Madame, fille aînée de France, Ce sont des duchesses qui suivent.

L'ajustement de cou en usage est l'énorme col- lerette en éventail, bordée de belle dentelle, sou- tenue par un appareil de fil d'archal, à un ou deux rangs, partant de la hauteur de l'épaule, ou semblant émerger du corsage, ne recouvrant que la moitié des seins; collerette de formes variables mais tou- jours developpées, parfois combinée avec les go- drons de la grande fraise. Les points de Flandre et d'Italie venaient de faire leur apparition; l'Église elle-même leur faisait un bon accueil pour la déco- ration des autels ; la reine de France affectionnait cette parure avec laquelle le pinceau de Rubens l'a reproduite si souvent. Il n’en fallait pas tant pour en déterminer la mode avec toutes ses extrava- gances. En 1613 elle excitait la verve de l’auteur anonyme du Discours nouveau sur la mode, le

Satyrique de la Cour.

« Cinq colets de dentelle haute de demy-pié L'un sur l’autre montez, qui ne vont qu'à moitié De celuy de dessus ; car elle n'est pas leste,

Si le premier ne passe nne paulme la teste, »

Le très grand décolleté dans l'épanouissement de cette collerette, les cheveux massés de façon à faire la tête petite, un léger et petit collier de perles, un corsage busqué en avant, les manches bouillonnées; divisées en un plus ou moins grand nombre d'étages, une vertugade en tambour, c'est-à-dire tombant droit, mais déjà sensiblement réduite, tel est dans son ensemble ce que l’on voit ici du costume des dames en 1610. Les mains des dames ne sont point gantées : on portait encore, en général, les gants à la main.

Le chevalier de Vendôme tenant la main de Jus-

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tice offre un bel exemple de la tenue du gentilhomme de cour. La disposition de la chevelure de ce jeune seigneur, plus longue d'un côté que de l’autre, semble indiquer que la cadenette existait déjà, La collerette est en rotonde rabattue et à double rang. On voit ici l'écharpe passée en bandoulière sur le pourpoint; cette écharpe de satin devint un objet si indis- pensable dans la toilette, qu'elle entra dans la toi- lette des dames. Le manteau souple, drapé sur un bras, dégageant l’autre en étant ramené au devan du buste, et s’étalant sur l'épée qui le soulève, est con- forme à ce qui à été dit ci-dessus. Le pourpoint d'un tissu d'or est à épaulettes et découpures ; sa manche forme au coude une espèce de petit gigot, ce qui la distingue des précédentes. Mais la véritable nou- veauté dans ce costume de cérémonie, c’est la pré- sence des bottes éperonnées et leur admission dans une pareille assemblée. Les bottes longues en cuir de Russie, cuir de roussy à l'époque, ou en cuir mou tourné à l'envers, commencèrent à être de mise dans les salons, même pour le bal, en 1608. Les Anglais en avaient donné l'exemple depuis 1606 environ; ils étaient tous bottés, même les gens de robe, selon d'Aubigné (Aventures du Baron de Fœneste). Ce serait, dit-on un compliment de Henri IV à l’un de sesécuyers qui de l'écurie aurait fait monter les bottes dans les appartements du Louvre. Le roi qui avait envoyé un tanneur habile, nommé Roze, étudier la préparation des cuirs dans les pays danubiens, et qui avait ainsi procuré à la France le secret de l’industrie des hon- groyeurs, secondait cette industrie ; car ce fut sur- tout avec ce cuir que se firent les nouvelles bottes. « Elles font chevaucher long, dit d'elles le Baron de Fœneste : bottes et esperrons ne se quittent ni en

earrosse, ni en bateau, » L’éperon est porté ici avec un surpied chiqueté sur les bords et qui n'est pas en- core le large surpied du temps de Louis XIII. La branche n'en est point non plus cambrée, comme il fallut le faire dans le même temps pour le faire monter plus haut et l'empêcher de s'accrocher à tout bout de champ après les jupes des dames.

La qualité des personnes qui se montrait, de tra- dition, dans la longueur de leur manteau, était un usage conservé par les dames dont les robes de cour avaient des queues proportionnées à leur rang ; elles portaient ces queues même à cheval. Les écuyers accompagnaient les princesses en portant leurs queues. La queue de la jupe retroussée du dix-sep- tième siècle, qui conservait le nom de manteau, avait pour la reine neuf aunes de longueur; celle des filles de France en avait sept, celle des princesses du sang, cinq, celle des duchesses, trois. Ilest difficile d'affirmer exactement quelle était l'ampleur du manteau royal que l’on voit ici à Marie de Médicis, et de combien ce somptueux vêtement de velours, doublé d'hermine et semé de fleurs de lis d’or, se rapproche par sa longueur de la queue de la robe de la reine Élisa- beth d'Autriche, lors de son entrée à Paris, en 1571, laquelle avait vingt aunes de longueur. Le manteau de Marie de Médicis ne devait guère en différer. Il était si lourd pour la marche que, lorsque la reine fut conduite à l’église, elle était assistée des sieurs de Souvray et de Béthune, gouverneur de ses enfants, qui en portaient les pans, et qu'il fallut aux trois dames qui en soutenaient la queue , le se- cours du sieur de Chasteau-Vieux, chevalier d'hon- neur, lequel donna son aide à cés dames sur le commandement particulier de $S. M.

N°S 1,2, 3,4, 5 et 6. Portefeuille de Gaignières; Cabinet des Estampes, Bibl. nat. 7, Fragment du Couronnement de Marie de Médicis, tableau de Rubens. Musée du Louvre,

Voir pour le texte : Les hommes illustres et grands capitaines français qui sont peints dans la galerie du Pa-

lais-Royal, 1690. L'histoire du costume en France, par M. Quicherat.

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HOLLANDE. XVIIE SIÈCLE

INTÉRIEUR.

Cette intéressante peinture est l’œuvre commune de Dirck Hals, qui en à fait les person- nages, et de Van Dalen, auteur de l'architecture. Elle représente un de ces swlons de con- versation dont l'usage existait alors dans toutes les Flandres. C’étaient des endroits de réunion la jeunesse venait se former au contact des femmes à la mode, et la liberté d’allure était tempérée par le désir de plaire, soit par les innovations de la dernière coupe de vêtements, soit par les délicatesses de l'esprit.

Nous appelons l'attention sur un exemple que nous n'aurons peut-être plus l'occasion de reproduire avec la même clarté : c’est l'espèce d’armature servant de soutien aux larges collerettes à un seul rang que l’on rencontre dans les costumes féminins de cette réunion.

(Tableau appartenant à M. Léopold Double, exposé au Musee historique du Costume en 1874, Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l'industrie.)

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EUROPE. XVIE-XVIIE SIÈCLE

CHAMBRE A COUCHER DE LA FIN DU SEIZIÈME SIÈCLE. LA CHAMBRE D'HONNEUR. LE LIT A COLONNES OU EN ALCOVE: LE BERS OU BERCEAU. TYPES DE SIÈGES.

(Planche FA) (Planche FD)

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N°1:

Lit, armoire et garde-robe d’une seule menuiserie en chêne sculpté, figurant dans une chambre à coucher de caractère flamand ; fin du seizième siecle.

On se trouve ici en présence d’une disposition intérieure rappelant le lit encastré, avec une réelle entente des proportions architecturales convenant au mobilier, et offrant un bon spé- cimen de décoration à la fois riche et sobre,

Cet ensemble s’échelonne sur deux plans : au premier se trouvent le lit et l'entrée d’un cabinet elos par un rideau; au second, l’armoire prise dans l'épaisseur du lit. Un entable- ment sur lequel sont placés quelques faïences et cuivres, selon la mode du temps, contribue à l’unité de cette œuvre.

Le cabinet a son entrée masquée par une portière dont les lambrequins sont du même dessin que les gouttières du lit. I1 prend sa lumière par le haut qui n’est pas plafonné comme l'est le lit.

Le lit est une espèce d’alcove, ouverte an pied et passé l'épaisseur de l'armoire. Cette

disposition permet à la personne reposant sur la couche, d’embrasser du regard tout l’inté- rieur de la chambre.

L’armoire est un meuble bien fermé, divisé en deux corps

Ce charmant spécimen a pour cadre des murailles garnies de cuirs dorés et peints, dits de Cordoue ou de Venise, sous un plafond aux solives apparentes.

Cet ensemble a figuré à l'exposition nationale belge de 1880 et provient de la collection de M. Slingeneyer.

2.

La chambre d'honneur.

Le recueil des œuvres de Cats, le fameux poète hollandais, a fourni cette plaisante scène d'intérieur qui nous montre la réception d’un gentilhomme campagnard dans la chambre d'honneur d’un château quelque peu rustique.

Cette vaste pièce présente une grande animation; le feu fambe dans la haute cheminée, le châtelain a voulu recevoir dignement son hôte et les valets ont reçu l’ordre de le gratifier d’un grand-coucher en se conformant au somptueux cérémonial en usage à la cour de France.

Les Hollandais, qui avaient de bonnes raisons pour ne pas goûter Louis XIV, aimaient alors à tourner en ridicule tout ce qui émanait du roi-soleil et mettaient en cela toute l’hu- meur gouailleuse particulière à leur nation.

Ici le cérémonial tourne à la farce ; la valetaille a surtout en vue de s'amuser, Une nuée de pages en mandilles à manches flottantes et en grègues s’est abattue sur le malheureux gen- tilhomme qui n’en peut plus et se trouve complètement médusé par cette étiquette échevelée ; il accepte les soins empressés avec une résignation qui rend des plus comiques son attitude sur le fauteuil. Deux valets de chambre ont mis plus que de l’effusion à le débarrasser de son épée et de son chapeau qui traînent à terre; ils lui ôtent son justaucorps, l’un en tirant la manche droite, l’autre en poussant la gauche ; un troisième se démène sur les bas-de-chausse après avoir fait voler les souliers sur le plancher ; plus loin, s’avance un page portant cérémo- nieusement étendue sur ses bras une chemise de nuit chauffée ; un autre se dispose à offrir à la victime le hanap posé sur un plateau et la serviette à s’essuyer les mains; dans le fond de la pièce, le garçon de chambre soulève les courtines du lit tout préparé, bassiné et prêt à recevoir l’hôte; enfin, c'est un page de la taille de quelque fou de cour qui semble donner les ordres et diriger le cérémonial.

INSES Le lit à colonnes Aoussé, alors que le lit n’était point encore fait.

L'heure à laquelle la dame procède à sa toilette est de la matinée, alors que le lit non fait se trouve encore tenu sous la housse simple, que l’on ne doit pas confondre avec les courtines

en étoffes brochées que la housse avait pour but de préserver pendant le nettoyage de la chambre. Il semble que ce fût surtout pendant l'heure de la messe que, profitant de l'absence du maître ou de la maîtresse de la maison, on faisait la chambre à coucher,

N°4.

‘Tit à colonnes surmonté de panaches, avec baldaquin bordé d’une riche gouttière de soie brochée, ornée aux angles de galons de brocard superposés.

Les courtines se partageaient en deux parties sur le côté droit et le côté gauche ; leur lar- geur était inégale et la partie de ce rideau placée à la hauteur du chevet se trouvait plus étroite que l’autre.

Dans l'original, ce lit est occupé par un malade; le médecin donne ses prescriptions à lé- pouse éplorée,

Le docteur est revêtu du costume officiel de la faculté qui consiste en un manteau dont il ramène les larges pans par devant; sa robe longue, d'aspect sévère, ne messied pas à une physionomie encore pourvue de la longue barbe du temps d'Henri IV. Le chapeau de feutre est à grandes aïles et n’a pas le moindre rapport avec la coiffure en éteignoir que les méde- cins possédaient sous Louis XIV, s’il faut en croire Molière qui les a mis en scène avec ce chapeau ridicule,

N°16:

Lit de parade du même genre que le 4; ses panaches touffus s’étalant avec ampieur et ses gouttières d'un dessin ouvragé en font un meuble d'aspect très riche,

Abraham Bosse nous montre ici l’intérieur d'une élégante acconchée se tenant « en expo- sition » afin de recevoir les visites des dames; un indiscret se dissimule derrière le chevet pour surprendre les secrets de la conversation.

La maîtresse de la maison est magnifiquement parée ; les belles amies qui fournissent les « caquets de l’accouchée » portent toutes un costume déjà décrit.

On semble installé pour longtemps, car l’une de ces dames a apporté de l'ouvrage et est occupée à coudre ; l'aiguille marche en même temps que la langue.

N°15 Le bers ou berceau.

Bois sculpté et en forme de nacelle. Ses pieds reposent sur une base semi-cireulaire qui, sous la moindre impulsion, imprime au petit lit un mouvement de bascule. IT est recou- vert d’un dais en pyramide attaché à une cordelière suspendue an plafond ; les rideaux de

soie, maintenus par des embrasses fixées à la muraille, se détachent et enveloppent le lit en partie.

Ce n’est qu'au seizième siècle que les lits d'enfants ont été munis de rideaux. Au moyen âge, les lits des grandes personnes étaient presque toujours très vastes et se trouvaient en- tourés d’amples courtines; la nuit, on plaçait le berceau de l’enfant dans la ruelle et en dedans des courtines qui enveloppaient ainsi toute la famille sous une tente commune. :

Le système de ce berceau sur base semi-circulaire est celui qui convenait le mieux à la nourrice pouvant s'occuper à un travail de main, tout en chantant quelque ballade enfantine

et en berçant du pied son poupon.

FAUTEUIL, CHAISES SIMPLES ET A BRAS.

NOTE

Fauteuil, travail vénitien du seizième siècle.

Siève à dossier garni de velours rouge, avec galon à franges ou eflilés de soie, garni, sur le dossier et les côtés, de clous en cuivre doré représentant des têtes d'anges. L’original ainsi que les exemples qui suivent, sont au musée du Louvre et ont fait partie de la collection Sauvageot. Nous les reproduisons d’après des photographies.

N®8et9. Chaises ; travaux français du dix-septième siècle.

N°8. Chaise à dossier dont la partie du milieu forme un balustre délicatement sculpté. Les extrémités des bras ont chacun une téte de bélier. Le siège proprement dit contient un tiroir à clef, Ce mode esb un dernier souvenir du coffre de la chaise.

9. Siège dont le dossier esb richement orné en menuiserie ajourée. Les deux rangées superposées de colonnettes qui occupent le milieu de ce dossier, sont en ébène ainsi que les trois vases de couronnement. Chaque montant de la chaise est couverb d’un ornement courant terminé par un lion tenant un écusson. Les pieds, comme dans l'exemple précédent, sont garnis d’un lien transversal placé très bas et formant sur le devant un obstacle qui obligeait à se tenir assis les pieds en dehors de la chaise.

Les 8,4, 5 et 6 sont empruntés à des suites d'estampes diverses d'Abraham Bosse.

Voër, pour le texte : Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobilier; en France,

Quicherat, Histoire du costume

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EUROPE XVII: SIÈCLE

MOBILIER DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU SIÈCLE. FAUTEUILS ET CHAISES.

On donne le nom d'ameublement français, aux lits, tables et sièges, du genre dit flamand qui fat à son apogée ous Louis XIIT, et dont la faveur dura jusqu'en 1660, 1670. Ce sont des œuvres d’une menuiserie massive, se présentant avec la sincérité de sa nature, sans les couches d’or ou de peinture de la seconde moitié du dix-septième siècle, conservées pendant tout le dix-huitième.

Il ne s'agissait plus dans ces meubles de l'emploi ou du mélange des bois précieux utilisés par les artisans du premier ordre de la Renaissance. I] n’était guère question de luxe ni même de bien-être au lendemain des guerres de religion qui avaient ensanglanté la fin du seizième siècle ; et dans les tristesses de la ruine, les préoccupations d’art devaient être à peu près nulles. Le meuble fut en une matière unique et économique, contribuant à lui donner une physio- nomie austère en parfaite harmonie avec les duretés de l’époque. Le bois le plus généralement employé fut le châtaignier, facile à travailler, solide, d’une couleur assez semblable à celle du chêne, et comme celui-ci prenant du ton avec le temps.

Nos exemples ne présentent, aussi bien dans leur ensemble que dans les détails, aucune forme qui découle des principes architectoniques des milieux pour lesquels ils ont été faits. Sous ce rapport, indépendance est complète ; et après les meubles du quinzième siècle, si souvent simples réductions en bois de la grande architecture en pierre, après la menuiserie de la renais- sance, qui, si souvent aussi, se ressent de l'architecture de l’époque, la nouvelle physionomie du mobilier, surtout celle des tables et des chaises, annonce un véritable affranchissement. Néan- moins, les meubles de la première moitié du dix-septième siècle conviennent parfaitement à l’ar- chitectonique des milieux qu’ils ont occupés. Et ils conservent entre eux, sous leurs différences, comme un air de famille, dont l’unité de fond à prévalu comme un style.

Les menuisiers de ce temps faisaient usage du tour tors, et quoique beaucoup de montants et de pieds des sièges soient encore faits à la main, sans doute pour répondre mieux à la volonté

de l'artiste que ne le pouvait faire un tour mécanique encore insuffisamment assoupli, le plus grand nombre de ces montants et pieds de sièges fut produit par le tour tors.

L'usage du cuir gaufré, aux reliefs dorés ou non, et dont le goût esb d’origine espagnole, se rencontre fréquemment dans les chaises et fauteuils. Ce cuir est fixé aux montants du dos- sier et sur le cadre du siège par des clous dorés à tête ronde plus ou moins grosse, eb partant en nombre plus moins grand. Le cuir du siège, pour lequel on devait éviter le relief des gau- frures, était sans ornements, ou les ornements en étaient gravés au petib fer, comme le cuir des reliures du temps.

Tantôt le dossier est rempli par une sculpture ajourée, et le siège est simplement une tablette ; tantôt, le tablier du dossier, encadré de sculpture, est en simple canne tressée en large canevas. Le siège de ces derniers est aussi une simple tablette. Toutes ces chaises, avec sans bras d'appui, offrent sur le devant du tabouret un obstacle transversal dont l'artisan a fait un motif de décoration. Cet obstacle est tel que la personne assise ne saurait replier les pieds sous la chaise. On siégeait en se tenant droit, demeuranten quelque sorte comme debout. Le siège même était, d’ailleurs, affaire d’étiquette. Celui qu’on offrait se mesurait sur la valeur du visiteur ou du convive, ainsi que le montre le satirique Régnier, décrivant un festin de ce temps, dans lequel on voit encore figurer des bancs, « Chacun en son rang,

$Se met dans une chaire, ou s’assied sur un banc, Suivant ou son mérite, ou sa charge, ou sa race. »

La politesse française avait alors une autre tournure que l'empressement qui, depuis, fit aller le maître de la maison au-devant du visiteur. Et lorsque Bergerac, s’apprétant à recevoir un personnage d'importance, se fait apporter son chapeau et sa canne pour accueillir assis et cou- verble visiteur auquel il entend faire honneur, rappelant ainsi les mœurs du vieux temps, c’est dans un fauteuil de la famille de ceux représentés ici, qu’il convient de le voir,

Les n°% 1 ct 5 appartiennent au palais de Fontainebleau. Les 2 et 3 ont figuré à

une Exposition de l’Union Centrale. Les n°% 4 et 6 de la collection Sauvageot, font partie du musée du Louvre.

Documents photographiques.

Voër pour le texte : Legrand d'Aussy. Histoire de la vie privée des Français. Zéon de La- borde. De l'union des arts et de l’industrie. Zouis Reybaud. L'industrie en Europe, 1856.

M. Aug. Luchet. L'art industriel à l'Exposition de 1867, 1868. Jacquemart. Histoire du mobilier, 1876.

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EUROPE. XVIIE SIÈCLE

MEUBLES. OBJETS USUELS

Au XVI siècle, on donnait le nom de cabinet à une armoire montée sur quatre pieds, fer- mée par deux vantaux, et remplie de petits tiroirs. Ce meuble fut surtout en usage pendant le XVIT' siècle, On y serrait des bijoux, des objets précieux; c’est le bahut du moyen âge, dressé sur quatre pieds, ainsi que l’a fait remarquer judicieusement le comte de Laborde, (ViozLet- LE-Duc, Dictionnaire du mobilier francais.)

Les Allemands se signalèrent les premiers dans la fabrication de ces cabinets magnifiques qui prirent chez eux le nom d’armoires artistiques; mais les cabinets de Nuremberg eurent bientôt pour émules ceux des Français et des Italiens qui bientôt ne se montrèrent ni moins habiles, ni moins ingénieux que leurs voisins en ce genre de travaux. On y employait la marqueterie d'ivoire et d’écaille, ornée de peintures et de damasquinures d'or et d'argent, comme l’ébène avec incrustations, ou le vieux chêne noirei.

En France, c’est sous Henri IT que l’ébène, utilisée jusqu'alors pour de petits objets de sculpture, devint le bois le plus recherché pour les meubles. Sa couleur sombre, unie, se pré- tait merveilleusement à faire ressortir les finesses du grain de l'ivoire délicatement gravé, comme elle faisait valoir aussi les accents plus prononcés de la ciselure des métaux. Quelque- fois on égayait la sévérité de l’ébène en y appliquant des incrustations de pierres dures ou de marbres de différentes couleurs. L'ébène noire était tirée de l’île de France ; celle qui était veinée de noir et de fauve, l’ébène, dite de Portugal, venait d'Amérique; enfin l'ébène verte, d’un vert olive foncé, était fournie par Madagascar. Cest au XVI siècle que ces ouvrages délicats amenèrent le changement du nom des Auchiers du moyen âge en celui d'ébénistes; ces anciens charpentiers de la petite coynée avaient depuis le XV° siècle continué à faire de sin- guliers progrès.

Le plus grand de nos deux meubles offre, sous la figure d’un coffre posé sur une table, une armoire à deux vantaux se fermant avec une serrure. Ses tiroirs extérieurs, ses tiroirs intérieurs, son coffre-fort central sous une clé particulière, les deux montants de chaque côté, disposés in-

tériourement en casiers verticaux qui sont des espèces de lanternes, montrent tout le parti que l'on birait de ces buffets où, sous prétexte de réunir dans un même meuble tous les menus objets de valeur, y compris le numéraire, on se livrait à tous les fastueux caprices de l’indus- trie de l’art décoratif. La disposition intérieure de cette armoire forme un ensemble archi- tectural de deux ordres superposés. Les tiroirs à coulisses sont de deux formats qui alternent pour empêcher la monotonie de la répétition. Le dehors de ces tiroirs ainsi que la porte du coffre-fort, le fronton et le soubassement de la construction intérieure sont ornés de plaques d'ivoire gravées, enduites, et d’ajourés en métal finement découpé. Les deux vantaux sont décorés de même à lintérieur comme à l'extérieur, Ce meuble, du milieu du XVIT° siècle, mesure en hauteur 270 et en largeur, étant fermé, 2 mètres. Il appartient à S. A. R. le duc Ernest de Saxe-Cobourg-Gotha.

La petite armoire est un cabinet de même sorte, mais ne présente plus que la figure d’un coffret avec des anneaux de transport; ce meuble réduit est destiné à être posé sur un autre dont il est indépendant; il a pour fermeture, non plus les vantaux, mais l’abattant du secré- taire. Comme le premier, celui-ci est divisé en cases multiples et muni de son coffre-fort. Les tiroirs sont décorés d'ajourés métalliques et d'un large bouton de traction. La partie centrale, en forme de portique, est ciselée en haut et bas relief. L'ensemble de ce meuble fermé forme comme le piédestal d’une statuette de femme couchée, de caractère mythologique. Ce cabinet portatif est du XVI° siècle, Il semble que l’on pourrait inférer de cette réduction de l'armoire à bijoux, que déjà lon essayait de parer à l'inconvénient des grands cabinets qui ne laissaient pas d'occuper un espace assez considérable dans l’intérieur des appartements, inconvénient auquel lÆncyclopédie attribue leur suppression.

Les trois autres objets sont des poires à poudre (1630 à 1680) de petite dimension, dix à douze centimètres de largeur. Elles appartiennent au fourniment de chasse. On les faisait en ivoire, en os, en bois sculpté, en corne, ete, Les boutons latéraux servaient à attacher la grosse tresse de soie avec laquelle on les portait en écharpe. Celles qui n’en avaient pas se mettaient dans la poche, En France, elles étaient presque toutes tirées de Rouen. On les décorait, en gé- néral, de sujets de chasse, analogues à ceux qui se rencontrent ici : ce sont des ours, des san- gliers, des cerfs, etc., jusqu'à des autruches, poursuivis par des hommes par les dieux de

la mythologie.

(Documents pholographiques provenant des musées et des collections particulières de l'Allemagne.)

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EUROPE. XVII SIÈCLE

ORFÈVRERIE ALLEMANDE. OBJETS DÉCORATIFS ET USUELS.

N°5 1, 2, 3 et 5. Ces divers objets sont de la premicre partie du siècle ; Nautiles montés en forme de coupes et de drageoirs. le 1 est d’une hauteur de 0,25 centimètres ; le 4, de 0,44 ; le 5, de 0,22; le 6, de 0,53 ; le N°5 4 et 6. 7, de 95, Œufs d’autruche, montés en hanaps, N°8. N°7. Pendule astronomique, avec la table qui la supporte; Porte-allumettes, elle a environ 2 mètres 50 centimètres de hauteur.

Le magnifique spécimen de l’orfèvrerie allemande, en argent ciselé et doré (n° 8) rap- pelle, par son caractère architectonique, les cabinets de Nuremberg, si fort recherchés à cette époque; il est à Henri Eichler, Saxon, qui vécut de 1637 à 1719, et exerça le métier de sculpteur et d’ébéniste à Augsbourg. L'ensemble de cette composition de haut style consiste en une espèce de portique triomphal, dont le centre est occupé par le cercle zodiacal, offrant sous la forme hémisphérique un double cadran, au devant duquel Jupiter, étendant sa droite, supporte un astrolabe; le maître des dieux est entouré des figures symboliques du monde planétaire ; la sphère terrestre flotte au-dessus, entourée des quatre éléments. Le meu- ble est couronné par une statuette d'homme agenouillé, se touchant le front, dans la pose de l'observation et de l’éblouissement. Toutes les figures du corps de la pendule sont trai- tées avec les proportions élégantes propres à Jean Cousin; celles du soubassement, comme la table elle-même, semblent d'une époque postérieure, et d'une autre main; leurs formes ramassées, ainsi que l’ornementation, rappellent la manière de Bérain.

Le nautile est un mollusque testacé à coquille divisée en plusieurs cellules. Le nautile flambé (nautilus pompilius) se trouve dans les mers des Indes, surtout vers les îles Moluques; sa coquille blanche et nacrée atteint un diamètre de deux décimètres. Les Orientaux en font des vases à boire, d’un grand éclat, sur lesquels ils gravent des figures diverses. Les Euro- péens, auxquels les Portugais apportèrent ces jolies coquilles marines, se plurent à leur donner le même emploi, en les ornant de riches-montures orfèvrées. Aussi le nautile se ren-

contre-t-il souvent comme objet de luxe dans les inventaires du XVI* et du XVIT® siècle. On laissait généralement la nacre de cette coquille dans sa pureté argentine, brillante des couleurs variées qui résultent de l’amalgame de ses molécules calcaires, reflétant les tons les plus fins, et passant de la pourpre à l’azur avec un éclat durable qu'aucune coquille terrestre ou fluviatile ne peut donner. La matière dure de cette coquille se prêtait d’ailleurs au travail; parfois on l’incisait légèrement, parfois on la rehaussait de peintures, comme on le voit au 5, se trouve une scène bachique et amoureuse à la Téniers. Sur la belle volute de son ombilic, figure souvent le cavalier armé de toutes pièces, escaladant le som- met (voir le 3); c'était sans doute le portrait de celui pour lequel le nautile avait été orfèvré ; le saint Georges surmontant le couvercle devait étre son patron. Les autres figures, de caractère emblématique, appartenaient naturellement au monde mythologique des tritons et des naïades; Neptune, avec son trident, s’y rencontre souvent. Parfois aussi l’allégorie est plus simple et plus directe, et l’on se contentait de rappeler, par la figure de quelque naturel indien, l’origine de la belle coquille montée (voir le 2). La forme du nautile était trop heu- reuse pour ne pas séduire les artistes ; on s’en servit pour des coupes de pure orfèvrerie, et aussi pour des coupes en cristal de roche, que l’on montait en orfèvrerie.

Le hanap, à panse d'œuf naturel, monté en orfèvrerie, fut aussi en vogue à ces mêmes époques. La forme ovoïde, qui a donné à la céramique ses plus élégants profils, se trouvait toute faite avec l’œuf d’autruche ; ses proportions conviennent à un objet décoratif ; la nature de sa coque, dure, susceptible d’être travaillée en rend l'emploi facile. Selon les exemples que nous donnons (n°% 4 et 6), on voit qu'on les tronquait pour les couronner d’une galerie, et qu'on employait la partie détachée pour former le couvercle; on laissait l'œuf dans la pureté de son beau teint d'ivoire mat.

Le 2 offre un exemple d'innovation par l'emploi de la flore naturelle. La statuette portant une hotte de vendange ou de pêche, marchant sur une tortue (n° 7), est un produit flamand ou français. Une légende inscrite à la bordure supérieure de la hotte, et dont on lit ce frag- ment : ét parvenu à, ne laisse aucun doute à cet égard.

On voit, par cette réunion d'objets remarquables, que l’orfevrerie allemande de cette époque était restée florissante dans le genre profane, depuis que la Réforme avait fait abandonner le genre religieux. Ses principaux centres de production, Augsbourg, Nuremberg, donnaient toujours des objets que l’on pouvait rapprocher de ceux qui leur avaient ouvert la voie. Albert Dürer, Wenzel et Christophe Jamnitzer, Jonas Silber, Hans Pezolt, Albert Soest, de Lunebourg, Henri Reitz, de Leipzig, etc., sans compter les petits maîtres flamands, comme Théodore de Bry, avaient fourni aux orfèvres d'Allemagne, non moins qu’à ceux de France, de nombreux et précieux modèles.

(Les 1,5,7et8 proviennent de Munich; les 2, 3, 4 et 6, de Cassel. Ces objets sont reproduits d'après les photographies des collections et musées d'Allemagne. )

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HOLLANDE

L'INTÉRIEUR DE LA MAISON, COSTUMES, JEUX, COUTUMES, PREMIÈRE PARTIE DU XVII: SIÈCLE.

PLANCHE DOUBLE.

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M. Deschamps, dans son supplément au Æ/anuel du Libraire de Brunet, fait remonter l'édition du livre auquel nous empruntons ces petites scènes, à l'année 1636; il ajoute que ces vignettes qui illustrent un recueil d’emblèmes et devises accompagnés de poésies, en vieux flamand, et par-ci par-là, en latin et en français, publié à Amsterdam sous le nom de Joh. de Brunes, sont faites à la manière de Crispin de Pas. La parenté frappante avec l’œuvre du célèbre graveur, constatée par l’érudit bibliophile, nous dispense de parler du mérite de ces vignettes. Quant à l'intérêt qu’elles offrent, nous n’en dirons qu'une chose. Que ne possédons-nous, pris ainsi sur le vif par des contemporains, des représentations, même des plus minuscules , de la vie intime des anciens de tous les âges et de toutes les nationalités ! Mais les Hollandais, les Flamands qui ont, avec éclat, fait ressortir l’intérêt que peuvent offrir des représentations de cette sorte, en ont, pour ainsi dire, créé le genre.

« Vers 1630, en Hollande, dit W. Bürger (Musées de la Hollande), on portait encore les belles collerettes tuyautées et fermes en l'air du seizième siècle ; puis, la mousseline perdant son empois, la fraise se rabattit, molle et plissée, sur le pourpoint, ce qui conduisit au rabat uni, coupé carrément sur le sternum, à peu près comme celui des magistrats eb procureurs

9. C'est l'entrée d’une maison, à l'extérieur ; l’homme qu’on y voit, a pris une qua- lité mensongère pour s’en faire ouvrir la porte, mais il esb reconnu et saisi sans en pouvoir franchir le seuil. Le vestibule de plein air se passe cette scène typique, esb un joli porche ouvert sur la rue, dont le banc hospitalier indique des mœurs d’un caractère ancien que n’a plus la maison hollandaise, A l'extérieur, au-dessus de la porte close se trouve l'espion traditionnel, miroir à l'usage des dames habitant le premier étage.

10. Ce sujet ayant trait aux apparences trompeuses, montre un homme essayant de reconnaître par lui-même, s’il est vrai, comme on le dit, que le fer gelé brûle au toucher ; ce qu'il éprouve avec sa langue, La pompe est garnie de sa puisette, eb on voit ici les enclos le Hollandais aime à parquer ses jardinets, enclos de menuiserie en claire-voie serrée, so- lide, à hauteur d'appui, à surface de parapet, égayés aux angles par des pommes de bois liés, de l'un à l’autre, dans les allées de passages, par de capricieux portiques.

Tiré des Emblemata de Joh. de Brunes, Amsterdam, 1636, in-4°.

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HOLLANDE. XVII SIÈCLE

LE CARROSSE. LES LABYRINTHES DE VERDURE. TYPES DE LA VIE ÉLÉGANTE, BOURGEOISE ET MERCANTILE.

Comme le sujet 2 de la planche F D, c'est dans le recueil des œuvres du père Cats, le

moraliste hollandais, que les scènes ici représentées ont été choisies. Ce recueil, contenant des

leçons ou des conseils pour tous les âges de la vie ainsi que pour toutes les conditions sociales,

est illustré par des vignettes spirituellement écrites des artistes attentifs, amoureux du détail, nous font assister aux multiples épisodes de la vie commune. Ces très utiles renseignements offrent, en matière de costume, des modèles aussi sûrs que le

sont pour l’histoire de nos modes françaises les célèbres estampes d'Abraham Bosse ; grâce à ces nombreuses illustrations et aux tableaux de l’école hollandaise, ilmanque bien peu de choses à la connaissance complète des mœurs des Province-Unies au dix-septième siècle,

Not:

Dans une plaine on ne découvre ni arbres, ni buis- sons, s’avance péniblement un carrosse attelé de deux chevaux. Loin de ressembler à ces élégants bijoux que l’on voit circuler aujourd'hui, cette espèce de chambre roulante consiste en une caisse dont le plancher porte à même sur les essieux ; le ciel, couvert de cuir, est soutenu par quatre que- nouilles montants garnis de mantelets, c'est ainsi qu'on appelait les rideaux ; les portières qui débor- dent de ce bâtiment sont refermées sur des marche- pieds en échelons très bas placés.

Un carrosse ainsi construit, éloigné de tout confort

et de toute commodité, devait infliger des cahots continuels aux personnes qui s’y trouvaient enfer- mées ; qu'était-ce lorsque, comme dans cette scène, la voiture avait à se traîner sur un terrain raboteux ? L'usage des carrosses suspendus était cependant connu depuis 1564 et c'est même à un Hollandais, Wilhelm Boonen, qu'on en doit l'invention.

No 2.

Fais fête au chien et il te gâtera ton habit, » telle est la sentence suivie de plusieurs autres qui se trouve au-dessous de cette vignette représentant un jeune seigneur qui caresse un chien ; ce dernier, pour

prouver sa reconnaissance, se met debout en s'accro- chant aux trousses du gentilhomme,

I1 serait intéressant de comparer la tournure de ce cavalier avec la légèreté qui se dégage de nos raffi- nés si bien représentés par Abraham Bosse; car le jeune beau qui vient d’inspirer le moraliste en con- sommant un de ces actes si contraires au soin et à l'économie que doit avoir tout Hollandais à l'endroit de ses habits, passe ici pour représenter le type de l'élégance accomplie à une époque la mode fran- çaise régnait sans partage dans les Pays-Bas.

Plume enroulée autour d'un large feutre; fraise très évasée n'ayant pas encore la solennité de celles de Van-Dyck; pourpoint recouvert d'une cape qu’il était alors d'usage de laisser retomber de tout son poids sur l'épée en verrouil à l'aide du pendant d'épée ; trousses nouces au-dessous du genou par des rubans ; bas avec jarretières à larges bouffettes ; chaussure con- sistant en souliers noués.

N°3.

Ce labyrinthe hollandais représenté ici avec une miniature de ville dans Je lointain, est d’aspect bour- geois et ne respire pas encore la grandeur de ceux qu'on vit plus tard enjolivés de hautes charmilles et décorés de statues de marbre. Avec son kiosque cen- tral et ses nombreux détours, il réunit néanmoins les conditions qu'on exigeait alors et répond à la défini- tion donnée par les dessinateurs de jardins : Par le « moyen d’allées ingénieusement tracées se mêlant «et s'entremêlant de mille manières, on embar- « rasse le promeneur, on l’inquiète et souvent on le « fait revenir sur ses pas au moment il croyait « avancer pour arriver à un but qu’il cherchait. »

Les tromperies du dédale avaient un grand charme pour nos pères, puisqu'il n'existait pas de grande propriété qui n’en possédât un.

4.

Confortablement installé dans la boutique d’un barbier- barbant, ce gros homme vient de se faire accommo- der le poil et constate la réussite de cette opération délicate à l’aide d’un miroir que lui présente le maî- tre du logis. Celui-ci, le ciseau à la main prépare sans doute un compliment à l'endroit de la belle mine de son client ; les Figaros sont de tous les temps

et de tous les pays. D'une tournure élégante, ce bar- bier porte une fraise & la confusion, le pourpoint Heuri IV garni d'épaulettes et les chausses à gran de chiquetade.

Les murailles de cet honnête intérieur sont garnies d'instruments variés, tels que ciseaux, rasoirs, boîte à poudre avec sa houppe, etc.; sur des planches sont posés plusieurs flacons, et une guitare accrochée dans un coin dénonce les délassements favoris du barbier.

On voit encore dans cette pièce, une sphère dont le pied est caché par la table, et, éparpillés sur les dalles soigneusement lavées, une savonnette et les ustensiles du métier que, selon la coutume hol- landaise, la propreté acharnée d'une ménagère aura rendus d'argent ou d’or.

Le siège à l'usage du patient et le bahut ou coffre sur lequel est posé son Chapeau, appartiennent en- core au moyen-âge par leur caractère.

Dans ce pays, les boutiques des petits commerçants sont toujours de proportions restreintes à cause de l'inclémence du climat ; on croirait voir des logis en miniature. Aussi, comme on peut en juger par cet exemple, c'est tout juste si un chaland peut y trouver place. L'ordre et le soin doivent donc régner dans ces petits intérieurs sous peine de les rendre impropres au commerce, voire inhabitables,

5.

On est ici dans un richeintérieur bien tapissé et garni

d’épais rideaux ; cette scène, dans l'original, a pour commentaire le quatrain suivant :

« Une horloge entretenir,

« Jeune dame à gré servir,

« Vieille maison à réparer,

« C’est toujours à recommencer. »

Un jovial barbon se précipite sur l'horloge pour en remonter les poids ; sa jeune dame, au visage enca- dré d'une majestueuse collerette, se montre par un judas s'ouvrant au moyen de coulisseaux. Cette fe- nêtre intérieure est très typique dans les maisons de ce temps où, pour passer d'une chambre à l'autre, on montait fréquemment plusieurs marches.

La dame semble conclure que son mari suranné a bien des soins à donner et doit se fatiguer à pren- dre tant de soucis.

Voir, pour le texte : Michiels (ATf.), Histoire de la peinture flamande et hollandaise ; 1847. Esquiros (Alph.), la Néerlande et la vie hollandaise, 1855.

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HOLLANDE. XVII SIÈCLE

TENUE DE VILLE ET TOILETTES D'INTÉRIEUR. COSTUMES CIVILS ET MILITAIRES. DAMES DE LA NOBLESSE ET DE LA BOURGEOISIE. (1630-16 60.)

1 2 3 4 D 6 dl 8 dl 10 11

La Hollande républicaine constituait géographiquement et socialement un État à part et longtemps différent par ses mœurs des autres pays de l'Europe. Kes artistes de la grande école, Van der Helst, Dirk Hals, Peter de Hoogh, Van der Velde, Collaert, ete., l'ont peinte dans la perfection et nous ont donné, dans leurs scènes se déroulant en plein air ou dans les intérieurs des salles dites de conversation, la véritable tournure des Hollandais à l’époque de leur beau siècle.

La plupart des figures de cette planche montrent la société hollandaise avec ses types des classes supérieures et présentent de nouvelles applications de costumes déjà décrits.

Le costume féminin se fait voir ici sous trois aspects différents. Les dames 2 et 6, en toilette de ville, ont conservé les fraises hautes, épaisses et empesées, ainsi que la vertugade sous une espèce de redingote ouverte ; ces ajustements riches, étoffés, ont comme complément, dans le 6, le chapeau de paille également porté par les dames anglaises (voir la Bassinoire, Angleterre), souvenir de ce chapeau en cuvette renversée dont parle Vecellio. Les dames 1 et 8, la première en toilette de ville et la seconde en toilette de bal, ont fait plus de concessions à la mode et se sont parées du gracieux costume français en usage entre 1624 et 1635, celui le cou se présente délivré de ses entraves, celui l’on voit la jupe sous une robe ouverte dont les larges manches, fendues dans leur longueur, sont fermées au milieu du bras et con- tenues au poignet par des manchettes ou rebras. La coiffure de ces personnes se distingue,

chez l’une, par un chignon couronné d’une torsade de cheveux, ce qui est encore une mode de France, et chez l’autre, par un arrangement très simple surmonté d’un panache de plumes aux mêmes couleurs que la jupe. La dame 4, dans l'original, se promène sur une place d'Amsterdam dans un costume qui appartient à une autre époque et qui s’esb maintenu en Hollande jusque vers 1660. (Voir les planches la Pensée, V couronné et la Bassinoire.)

On voit souvent, parmi les Hollandais, des personnages carrément posés comme le 7. Cet homme jouant du violoncelle, est paré d’un pourpoint de satin tailladé sur lequel retombe un col rabattu bordé de guipure dentelée; c’est un de ces opulents bourgeois qui menaient la vie des grands seigneurs, sans arriver jamais à pouvoir en prendre les allures dégagées et les façons hautaines. On n’en pourrait dire autant du personnage 9 dont le costume et la tournure rappellent nos raffinés; son feutre empanaché à la Bassompierre, son pourpoint tailladé et ses trousses de soie rouge très amples et nouées au bas par de larges rubans, font de lui un précieux tout au plaisir de danser vis-à-vis d’une femme élégamment vêtue. Le ca- valier 10, avec son large feutre garni d’une plume, son pourpoint blanc recouvert du buf- fletin e& ses bottes évasées aux forts éperons, montre le type du robuste et brave guerrier hollandais, tel que Van der Helst l’a représenté dans son fameux banquet des arquebusiers (voir la planche C A). Appartenant à une époque moins éloignée, l'officier 11 a une tour- nure moins militaire ; les galants que l’on aperçoit au bas de ses trousses le rapprochent trop de ces jeunes beaux d'Amsterdam, à la chevelure flottante, marchant cérémonieusement le chapeau à la main sur une place publique, ou s’inclinant avec de solennelles révérences devant la dame de leurs pensées (n° 3 et 5). Ces deux dernières figures portent le même costume que celui en usage à la cour de France dans les années de splendeur du règne de Louis XIV. (Voir les planches la Roue et le Porc-épic, France, X VIT siècle.)

Les 1,2 et 6 sont lirès d'un tableau de Colluert, Une fête sur le canal d'Anvers, appartenant à M. Fremyn. Les 3, 4 et 5 proviennent de la Place d'Amsterdam, éableau de Van der Velde et de Berkeyden appartenant à M. Edwards. Les n°7, 8,9 et 10 figurent dans un tableau de Dirk Hals, intitulé le Bal; proprièlé de A. Paul Tesse. Le 11 est tiré de la Partie de cartes, de Peter de Hoogh, tableau appartenant à M. Tilden Blodgett. Toutes ces peintures originales ont figuré à l'exposition du Costume organisée au palais de l'Industrie par l'Union centrale, en 1874.

Voir, pour le texte : Charles Blanc, l'École hollandaise. (La vie des peintres); M, W. Bürger (Thoré). Musées de la Hollande.

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EUROPE. XVII SIÈCLE

UNE CHAMBRE A COUCHER SOUS LOUIS XIII. UNE GARDE-ROBE. LE CHANDELTER.

1. Chambre à coucher. Au dix-septième siècle la chambre à coucher résumait toute la vie privée ; les mémoires du temps, les romans et les estampes en sont la preuve. Abraham Bosse, plutôt le peintre de la bourgeoisie que de la haute noblesse, s’est principalement con- sacré à la représentation fidèle et minutieuse de tous les détails de la vie intime, et il suffit de parcourir son œuvre pour se convaincre qu'il la place uniquement et exclusivement dans cette pièce.

L'usage de garnir les murailles de tapisseries, tradition du moyen-âge, était d'une absolue nécessité, car les murs grossièrement crépis, les fenêtres condamnées et les fausses portes murées portaient les traces de ce manque de suite et de plan arrêté qu’on pouvait reprocher aux ar- chitectes de cette époque. La tapisserie étendue sur les murs, montant jusqu'au solivage toujours apparent des plafonds et accrochée seulement par le haut, cachait toutes ces inégalités.

Les portes avaient généralement l'inconvénient de se fermer mal et bruyamment ; afin d’ar- rêter le vent et d’étouffer le bruit, on suspendait devant, au moyen d’annelets, d'immenses por- tières également en tapisseries appelées Awis-verts à cause du ton dominant des sujets qui s’y trouvaient représentés.

L’engouement existait alors pour les paysages, les fables, les allégories, les chasses et les animaux; ces dernières tapisseries sont désignées dans les vieux inventaires sous le nom de tentures à figures de bêles. Tia mode des sujets historiques ne vint que plus tard.

Si les portes étaient défectueuses, la plupart des fenêtres, rares et inégales, à vitres garnies de

mailles de plomb, ne donnaient que peu de jour; mais c’est surtout le soir que redoublait l’as- pect triste des chambres par suite de la clarté insuffisante des chandelles.

Le dix-septième siècle tint beaucoup à conserver l’ancienne habitude d’orner les cheminées et d'en exagérer l'importance; elles eurent les larges dispositions décoratives admises dans les siècles précédents. Comme autrefois aussi, on les garnissait de grands chenets, de pelles, de pincettes, objets que l’industrie de l’époque faisait alors en cuivre, tandis que ceux de la Re- naissance étaient presque toujours en fonte coulée. Parmi les quelques cheminées d’un appartement, celle de la chambre à coucher se trouvait ordinairement la seule ayant du feu, même par les hivers les plus rigoureux; sous prétexte qu’elles brülaient trop de bois, on n’en allumait jamais dans les autres qui restaient toute l’année remplies de feuillages.

Cet intérieur possède un lit carré dont le baldaquin à pentes frangées, repose sur des colo- nettes droites se dessine une torsade qui n’est plus qu’un rappel des colonnes torses. Ses dimensions semblent surtout celles de la couchette. D’après Sauval, « on donnait simplement le nom de eouchettes aux lits qui ne portaient que six pieds de long sur autant de large; mais lorsqu'ils étaient de huit pieds et demi ou bien de onze sur dix ou de douze sur onze, on les appelait des couches. »

Ce meuble jouait un rôle très important dans la chambre à coucher, pièce d’apparat ; la mode de s'asseoir dessus pour recevoir, le prouve suffisamment. « C’est un usage à Paris, » dit La Bruyère, « que les nouvelles mariées reçoivent pendant les trois premiers jours leurs visites sur un lit elles sont magnifiquement parées, en compagnie de quelques demoi- selles de leurs amies. » Les invités leur adressaient leurs compliments, plus moins entremélés d’indiscrétions, eb tournés à la mode du temps.

Le lit était aussi une cachette, car l’histoire anecdotique de cette époque esb remplie d’aven- tures dans lesquelles quelqu'un se cache sous le lit; chose très vraisemblable si l’on examine la disposition inférieure de la couchetle ici représentée, la partie s’aperçoivent des pianelles sans quartier eb un vase de nuit de petite dimension,

Sur la gauche se trouve le cabinet ou secrétaire, d'un usage alors très répandu ; celui-ci, tout uni, d’une grande simplicité de lignes, montre une base assez robuste; sa partie supérieure que l’on travaillait toujours plus délicatement, es houssée. Ce meuble, sur lequel est placée une swinte-famille peinte et d’où pend un petit livre d'heures, servait d’oratoire ; c'est devant ce tableau que la famille s'agenouillait au moment de la prière. (Voir les planches ayant pour signes l’Autel, France XVI siècle, et le Billot, Europe, XVIT°.)

Les maîtres de la maison rassemblaient dans l'unique pièce habitée tout ce qu’ils possédaient de sièges élégants eb commodes ; il y avait d’abord le fauteuil réservé au chef de famille ou aux hôtes de distinction ; puis venaient dans un ordre hiérarchique rigoureusement observé, la chaise à dossier, le pliant, le tabouret ou placel sans dos ni bras, les escabeaux, petits bancs de formes très variées, barlongs, carrés, triangulaires et enfin le banc, banquet ou banquette, l’on siégeait à plusieurs.

Dans cette-scène d'intérieur, trois personnes prodiguent leurs soins à un enfant dont les langes sont maintenus par des bandelettes formant un ligotage complet; dans le fond, une domestique est occupée à faire le lit dont la largeur nécessite l'emploi du bâton qui sert tou- jours dans nos campagnes.

Ces femmes sont vêtues du costume en usage vers 1630. La nourrice, assise sur un coussin et tenant l'enfant, porte la coiffe additionnée de la bavoletle, agrément distinctif des servantes et des femmes du peuple ; la collerette rabattue ; un corps à basques découpées et une simple jupe. Les manches sont déchiquetées de haut en bas.

A côté d'elle eb s'appuyant sur son épaule, se tient une fillette coiffée d’un grand chapeau à panache.

La coiffure de la servante agenouillée devant le feu, consiste en un bonnet rond sans passes ; les autres pièces de son habillement sont les mêmes que celles de la nourrice ; ses souliers sont à pont.

Sur un escabeau à dossier est assise la mère, en train de préparer des bandelettes. Son cos- tume, déshabillé coquet, comprend : un bonnet orné de dentelles ; le petit manteau doublé de fourrure cachant le corsage et les manches déchiquetées ; la jupe retroussée découve la cotte jupon proprement dit.

La domestique qui fait le lit a la coiffe eb porte la kongreline accompagnée du tablier; c’est la tenue négligée.

N°2. Garde-robe. La véritable garde-robe consistait en un coffre transportable installé dans le vestiaire, petit réduit attenant presque toujours à la chambre à coucher; ceb endroit, l'on pouvait faire du feu, devait servir de cabinet de toilette.

Une dame contemple avec désappointement le mauvais ébaë des vêtements qu’elle vient de

retirer de la garde-robe, laquelle est ici un coffre haut à couvercle bombé, d’une tournure sem- blable à celle de nos malles modernes. Les habits s'enmalaient dans ces grandes boîtes. Les papiers d'importance, l'argent, les bijoux se renfermaient dans des /ayettes, cabinets armoïi- res à rayons représentés dans cette vignette par un meuble ouvert à deux battants. (Voir la notice de la planche BU, Europe XVI°-XVIT siècle.) - Il est facile de constater, puisqu'on vient de les sortir de grande malle, que les femmes usaient déjà de toutes sortes de cartons et de boites pour y serrer les pièces délicates menues de leur toilette, aussi bien la brosse de prix, que le manchon, ete. On voit aussi, par les exclamations désolées de la dame, que de tout temps il a été difficile de préserver les lainages et les fourrures de leurs plus grands ennemis, les vers, qui, en Hollande, ne se sont pas seule- ment attaqués aux chiffons puisqu'ils y onb aussi détruit les digues.

Cette petite scène est tirée des Œuvres de Cats, poëte hollandais du dix-septième siècle.

N°3. Chandelier à platine mouchettes. Ce chandelier, type hollandais autrefois très

répandu dans le nord de l'Europe, est une transformation en cuivre du chandelier en terre, à base lourde pour éviter le renversement facile. On le fabriquait alors sans rainure et pour re- monter la chandelle lorsque cela devenait nécessaire, il fallait introduire une épingle dans le trou qu’on voit sur le côté ; les fonctions de la bobèche étaient remplies par la platine recevant tout le suif qui coulait.

Tandis que la Chine et le Japon se servaient depuis les temps les plus reculés de bougies faites de cire, la France, jusqu'au treizième siècle, ne connut que la chandelle de buef, comme moyen d'éclairage. Ce mot chandelle était tellement passé dans le langage qu’on l’appliquait indistinctement à la chandelle faite de suif et à celle qui, faite de cire, était réservée au service des églises, En général, la chandelle ne se rencontrait plus au dix-septième siècle, ni dans les palais des rois, ni dans les hôtels de la riche noblesse ; mais on ne se faisait aucun scrupule de s’en servir dans les autres classes.

L'origine des mouchettes doit être contemporaine de celles des ciseaux qui ont succédé aux forces. Ces syciaux à moucher la chandelle vinrent au secours des doigts qui ont être le premier moyen employé: on trouve dans le Ménagier de Paris, ouvrage composé vers 1393, la recommandation suivante faite aux maitresses de maison : « Et ayez fait adviser par avant qu'ils (les domestiques) aient chacun loin de son lit le chandelier à platine pour mettre sa chan- delle, et les aiez faict instruire sagement de l’estaindre de la bouche ou à la main avant qu'ils entrent dans leur lit et non mie à la chemise. »

L'expression «et non mie (pas) à la chemise » serait inintelligible, dit Sauzay, si on ne trouvait pas dans les auteurs contemporains qu'à cette époque on couchait sans chemise. Cet usage étant avéré, il faut donc admettre que les domestiques d'alors avaient l'habitude d’é- teindre leur chandelle en jetant leur chemise dessus.

Cette interprétation paraît risquée et peut-être faut-il entendre que les domestiques devaient plutôt éteindre la chandelle avant de retirer leur chemise,

Cet exemple est tiré des Œuvres de Cats, comme le précédent.

Voir, pour le texte : Léon de Laborde, Vie palais Mazarin et les habitations de ville et de cam- pagne au dix-septième siècle ({ome IV de l'Organisation des bibliothèques dans Paris ) ; Paris, 1845. Viollet-le-Duc; Dictionnaire raisonné du mobilier français. Sauzay, Col- lection Sauvageot ; Paris, 1863. :

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HOLLANDE

COSTUMES CIVILS ET MILITAIRES.

DISTINCTIONS CORPORATIVES EN FLANDRE ET DANS LES PROVINCES UNIES PREMIÈRE MOITIÉ DU XIII‘ SIÈCLE.

Noi.— Abraham Grapheus, messager (Ænape) de la corporation de Saint-Luc, à Anvers, Portrait peint par Comeille de Vos, en 1620,

Corneille de Vos, classé par les registres de la compa- gnie d'Anvers parmi les étofjeurs, c'est-à-dire les gens rompus au métier qui décoraient de personna- ges ou d'animaux les vues de toute espèce exécutées par leurs confrères, était pour la seconde fois doyen de la corporation de Saint-Luc, lorsqu'il représenta, de grandeur naturelle, l'humble serviteur de la confrérie, qualifié à la fois de messager et de peintre, dont l'i- mage saisissante devait passer de la ghilde de Saint- Luc, à laquelle le maître en avait fait cadeau, au musée d'Anvers, cette peinture demeure comme une œuvre qui, dans son genre, est digne de figurer partoutau premier rang.

Lorsque cette rude et toutefois sympathique phy- sionomie de vieux rapin fut si heureusement retra- cée, il y avait trente-six ans que ce méssager, prati- quant sans doute la peinture en ses loisirs, faisait les commissions de la corporation, en continuant à s'em- prisonner le cou dans l'énorme fraise du temps de l’archiduc Albert.

Tout est typique dans cette figure hétéroclite, depuis le nom de Grapheus, yougéoc, t'oqué, selon un usage fréquent du temps, contre celui trouvé sans doute trop vulgaire de Schryver, jusqu'à la montre d'orfèvrerie dont la poitrine est si amplement cou- verte. Ces joyaux, ainsi que les coupes et hanaps

posés sur la table aux mains du messager, sont autant de prix gagnés au concours par l’Académie de Saint-Luc, ou offerts en présents par des princes ou de riches amateurs. «Nos orfèvres, dit le catalogue officiel de l'exposition nationale de Bruxelles en 1880, exécutaient pour les corporations des hanaps, des coupes, des vases, des plats, des flambeaux, ainsi que les masses et les colliers portés par leurs serviteurs dans les circonstances solennelles. « Les coupes d'or et d'argent du knape de la gilde anversoise de Saint-Luc, dit encore ce même catalogue, étaient des prix obtenus dans des concours de chambres de Rhéto- rique, » Ces coupes, de grandeurs diverses, et reliées entreelles, forment l’un de ces colliers de corporations qui, au nombre d’une cinquantaine environ, ont été si remarqués à l’exposition de Bruxelles, ils bril- laient d’un jour particulier et tout local. A côté des plus brillantes et des plus délicates manifesta- tions de l’orfèvrerie donb les colliers des corporations ont été l’objet, on ne remarquait pas avec moins d'intérêt des insignes simplement formés de plaques de plomb, Tels étaient ceux de la ghilde de jon- gleeden de Melveren, dont le collier de plomb con- féré aux héros des concours d'adresse dans le manie- ment des armes, consacrait, tout autant que s’il eût été d'or, la royauté éphémère du roi de l'oiseau, du Papeguay du moyen âge, dont Charles V, âgé de douze ans et à Bruxelles même, avait été fier de porter le titre, brigué aussi par l’infante Isabelle sa fille, puis- qu'on vit cette archiduchesse gagner également le

prix de l’arbalète et aller recevoir les insignes de cette royauté particulère au maître autel de l'église du Sablon.

Grapheus, vêtu de noir, est muni d’un tablieret d'un linge qui indiquent que le messager était chargé du soin même des pièces glorieuses de l'orfévrerie de la compagnie de Saint-Luc, Ce commissionnaire, qui s’en affublait pour les grands jours, apparaisait alors comme le porte-enseigne de la confrérie; et l'on se figure avec quelle dignité sérieuse le bruyant assem- blage des disques d’or et d'argent, plus moins conca- ves et de formats si différents, qui forment l'étrange collier de Grapheus, devait être produit en public.

N°2. Costume d’un officier de cavalerie, d'après une peinture de Gerard Terburg ou Teer Borch, catalo- guée au musée du Louvre & un Militaire offrant des pièces d’or à une jeune Femme »,

La dame est une de ces blondes Hollandaises dont la

carnation claire se combine si heureusement avec les blancheurs de l'hermine, la fraîcheur des linons, ou l'éclat de ces satins blancs que Terburg, et Metsu après lui, excellaient à peindre,

Le nom de sujets de modes que l'on donnait aux tableaux du genre familier de ces maîtres, parce que les étoffes chatoyantes, les dentelles, les tapis, les cristaux et les bijoux, y tenaient une large place, convient particulièrement à notre cadre.

Il suffit pour indiquer le sujet du tableau auquel nous empruntons son groupe essentiel de rappeler que les anciens catalogues le désignaient sous le titre de la Courtisane, Une robe de satin blanc, par-dessus une espèce de casaquin en velours violet bordé d'hermine, compose le costume de cette dame, dont la chevelure à la Ninon est ornée de quelques perles et nouée de petits rubans. ;

Tout, dans le temple de cette idole, est d’un luxe raffiné et de bon goût; depuis la haute cheminée sculptée, dont le manteau s'appuie sur des colonnes de marbre, le lit aux rideaux rouges, la table cou« verte d'un tapis de velours rouge et garnie de pla- teaux d'argent contenant quelques beaux fruits, jus- qu'à la petite coupe de cristal, tout à l'heure topaze ou rubis, lorsque le flacon d'argent tenu en main y aura versé quelque rayon d'une première ivresse en

ratification du traité d'hospitalité qui est en ques-

tion.

Dans cette peinture, un des chefs-d'œuvre du salon carré du Louvre, tout indique, aussi bien par l'aisance du port du costume que par la nature du harnai,

que l’homme est un militaire de profession. Quel- que peu grisonnant, ce cavalier robuste est chaussé des fortes bottes à entonnoir, dont la tige supérieure retombée découvre les larges genouillères de toile qui, dans les chaussures plus légères, s’appelaient les bas à botter :le surpied qui fixe l’éperon est de moyenne grandeur. Le corselet d'acier est celui d'un officier ; il est bouclé sur un bufletin, endossé lui-même par-dessus un pourpoint court, du goût à la Candale, c'est-à-dire laissant apparaître en zone la toile de la chemise. De larges canons servent de culottes, On reconnaît là, une fois de plus, l'influence des modes civiles sur les costumes de guerre; car immédiatement après le corselet d'acier et le bufle, le corps du guerrier se trouve sans aucune défense, malgré la logique et par le fait de la mode, Un ceinturon supporte l'épée, Les cheveux sont longs, la moustache légèré, avec une petite mou- che au menton. Le chapeau de feutre est posé à terre, près de la chaise du visiteur, ce qui paraît d'un cérémonial primitif,

Après la guerre de trente ans, le casque lui-même fut remplacé par le feutre dans la cavalerie, Seuls, quelques cuirassiers, les officiers, et particulièrement les porte-enseignes, revétirent encore pendant quel- que temps, par-dessus le buffle, une cuirasse et un pôt en tête, à l'épreuve du mousquet. Mais le poids de ces armes défensives allait croissant ; celui du cas- que atteignait de sept à dix kilogrammes, la cuirasse allait de dix à vingt-deux, Le plastron était quel- quefois renforcé, Les jours de bataille, par un second plastron adapté sur le premier. Sous un poids aussi écrasant, la défense demeurait cependant encore siin- complète que vers 1650, les dernières armures disparu- rent ; les piquiers eux-mêmes déposèrent le corselet,

Les quelques cuirassiers conservés depuis ce temps sous le nom de grosse cavalerie et qui ne sont d'ailleurs qu'un pâle reflet des anciens, sont de plus en plus appelés à disparaître entierement des armées européennes,

3. Banquet des arquebusiers de Saint-Georges,

donné le 18 juin 1648, à l'occasion de la paix de Munster, Peint par Barthélemy van der Helst (musée d'Amsterdam).

Après avoir lutté plus de soixante ans pour se dérober

au joug de l'Espagne, la Hollande vit enfin consa- crer son indépendance politique et religieuse par le traité signé à Munster, le 30 janvier 1648. Ce fut pour les Provinces-Unies, tel était le nom de

l'État nouvellement reconnu, un événement mé- morable, qui donna lieu, d’un bout du pays à l’autre, à des réjouissances patriotiques ; il nous a valu quel- ques-unes des plus belles œuvres de l’école hollan- daise, entre autres celles de Terburg, de Govaert Flinck et de B. van der Helst,

La fête reproduite par ce dernier fut célébrée le 18 juin 1648, dans la grand’salle du tir de Saint- Georges, à Amsterdam, non point, comme on l'a souvent dit, par la garde bourgeoise, mais par une confrérie d’arquebusiers (de Schuttersmualtijd). En- core convient-il de distinguer entre eux, Les arque- busiers formaient dans la cité deux ghildes ou confré- reries placées sous un patronage différent : ceux de Saint-Georges maniaient l'arbalète à pied, ceux de Saint-Sébastien l’arbalète à main. Les uns et les autres, rivalisant de patriotisme, voulurent perpé- tuer le souvenir de leur banquet à l’occasion de la paix de Munster, et la tâche dont s'acquitta si ma- gistralement van der Helst pour la première société fut confiée par la seconde au talent de G. Flinck.

C'était, du reste, une sorte de coutume chez les bourgeois hollandais ou flamands : leurs réunions et repas de corps ont inspiré les chefs-d'œuvre des plus grands artistes. Ces collections de portraits, qu’au- cune compagnie de nos jours ne s’aviserait de com- mander, pour l'édification de l'avenir, à aucun des maîtres du pinceau, on les rencontre dans beaucoup de galeries publiques ou privées, et elles constituent à peu près seules la peinture historique au dix- septième siècle. Ne doit-on pas y voir une des con- séquences de l’organisation sociale des ghildes, qui brillèrent à cette époque de leur dernier éclat ?

Établie dans l’origine pour honorer en commun les dieux et les héros, la ghilde, née chez les Scan- dinaves, devint bientôt une ligue de garantie mu- tuelle, une association de secours et d'appui entre hommes libres contre tous les grands accidents de la vie. Chaque assemblée de frères se terminait par un banquet, l’on buvait à la ronde dans une même corne. Parmi les nombreuses variétés de ghil- des, religieuses, marchandes, ouvrières, que vit éclore le moyen âge, l’une des plus florissantes, surtout dans le Nord, fut celle des arquebusiers, sous les aus- pices de ses deux belliqueux patrons. La plus an- cienne, celle de Saint-Georges, ne paraît pas remonter au delà du douzième siècle, ou plutôt de la première croisade, à la suite de laquelle l’arbalète, combinaison de l'arc avec un pied de bois, fut introduite en Europe, Elle se recrutait dans l'élite de la bour-

geoisie, et la noblesse ne dédaignait point d'en faire partie. Non seulement elle eut parmi ses attribu- tions la garde et la défense de la cité, mais elle élevait à frais communs ses splendides jeux de tir, l’on décernait de très beaux prix d’argenterie à qui montrait le plus d'adresse à user de l’arme ou le plus d'élégance à revêtir le harnais de guerre, Quant aux peintres, ils avaient, à l'instar des métiers, leur ghilde particulière, et qu'on ne doit pas con- fondre avec la corporation des imagiers. Leur patron était saint Luc. Certaines légendes d'Orient attri- buaient, en effet, à cet évangtliste plusieurs por- traits de la Vierge; l’un d'eux fut même placé par le pape Paul V dans la chapelle Borghèse de Sainte- Marie Majeure, à Rome, Comme nul n'était admis à entrer dans une ghilde sans avoir prêté le serment exigé d’un bourgeois, il s’ensuivait que tous les confrères de Saint-Luc ou maîtres peintres possé- daient le droit de bourgeoisie dans la ville ils étaient affiliés,

Un bon juge en fait d'art, l'Anglais Reynolds, écrivait au dernier siècle en parlant du Banquet des Arquebusiers : & C’est peut-être le plus beau ta- bleau à portraits qui existe. Les figures sont aussi correctes de dessin que belles de coloris, Elles offrent une grande variété d'action, de caractère et d'attitude; elles ont tant de vérité et de vivacité qu’elles ne laissent rien à désirer au spectateur. » Les critiques modernes ont ratifié ce jugement, en l’ac- compagnant d'éloges enthousiastes, Décrivons la scène.

Toute la compagnie est rassemblée, et l'on a les noms inscrits sur un cartouche depuis le capitaine Corneille Wits jusqu'au tambour Guillaume, en tout 24 figures, rudes et simples, respirant chacune le bon sens, l'énergie, et une pointe d'orgueil sous leur gaieté rubiconde. Quatre ou cinq personnages atti- rent surtout l'attention. D'abord vient le capitaine, assis au haut bout de la table, et recevant les féli- citations du lieutenant van Waveren, Vêtu de velours noir, avec une cuirasse et une ceinture bleue, il tient un énorme hanap d'argent (drinkhoorn), la coupe de l'amitié, joyau rehaussé d’un saint Georges et dont l'original se trouve dans les vitrines de l'hôtel de ville d'Amsterdam. Le lieutenant porte un élégant costume de ville : pourpoint et haut-de- chausses gris perle, ouvragés d’or et garnis de den- telle, bas verts, chapeau de haute forme et bottes à chaudron. À gauche, on remarque trois figures d’une réalitéextraordinaire :leporte-drapeau Jacob Banning

et deux sergents. Le premier, assis de trois quarts, la tête de face, les jambes croisées, chapeau noir à plumes blanches, soutient de la main gauche le dra- peau bleu de la confrérie, illustré d’une image peinte ; il est tout habillé de noir avec une ceinture bleue. De ses deux voisins, l’un, assis, porte la cuirasse sur un pourpoint jaune citron, un haut-de-chausses gris, des bas rouges et des bottes molles en buflle, L'autre, un vieillard, debout et le chapeau à la main, va boire à sa santé dans un verre artistement taillé

et monté en or; ses vêtements, coupés à l’ancienne

mode, sont noirs et jaunes, et il est le seul qui, au lieu de collet plat, porte une fraise godronnée.

On a souvent comparé cette toile à celle de Rembrandt, connue sous le titre de 4 Ronde de nuit, et qui lui fait face dans une des salles du Musée d'Amsterdam. En réalité, ces ouvrages n’ont de commun que le sujet même, vulgaire et bourgeois; si l’un représente la poésie de l’art, l’autre n’en est que la prose. Tandis que Rembrandt a composé un tableau plein d'unité et de l'effet le plus saisissant van der Helst a déroulé une scène sans effet et sans contraste, dans laquelle, des premiers plans aux derniers, tout est traité avec la même précision la même largeur d'exécution facile et naturelle.

Documents photographiques. Le ? est un croquis de M. Stéphane Baron.

Ch. Blanc, Hist. des peintres. École hollandaise, A, Michiels, Hist. de la peinture flamande ; 1869, W. Bürger, Musées de la Hollande ; 1858, 2 vol, Revue universelle des arts; Bruxelles, 1857, p. 192-209. Catalogue du musée d'Amsterdam, 1866. #,. de Vignes, Mœurs et usages des corporations de métiers; Gand. 1847 ün-80, L'art ancien à l'exposition nationale belge, 1882, Rozez, éditeur, à Bruxelles.

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HOLLANDE

FUNÉRAILLES D'UN PRINCE-CHEVALIER. XVII: SIÈCLE.

(PLANCHE DOUBLE.)

Nous avons emprunté l’ensemble de ces obsèques à nn livre de 1651, publié à Amsterdam par N. Van Ravesteyn, dessiné par P. Post et gravé par P. Nolpe. Le stathouder Frédéric- Henri-Friso, mort à La Haye en 1647, était protestant; on ne voit donc figurer dans le cor- tége, ni les cierges catnoliques, ni le clergé, ni les communautés religieuses qui occupaient, d'ordinaire, une si large place dans le cérémonial de ces sortes de solennités. Ce qui à fixé notre choix sur une pièce qui peut être utile, au théâtre particulièrement, c’est la partie du cérémonial de ces funérailles d’un prince-chevalier qui se rapporte à des usages appartenant en propre au moyen âge. On verra, entr'autres détails, spécifiés par la nomenclature fournie par l'original, que les armes et chevaux de bataille et d’apparat étaient précédés dans ces marches funèbres, par les armes, la devise et le cheval de tournoi, menés par un héraut d'armes que suivaient la cornette et le guidon des couleurs. Il fallait que cet usage füt bien ancré pour se perpétuer ainsi dans les Pays-Bas en plein XVIT® siècle. Tout porte donc à croire qu’il y a une ordonnance de tradition ancienne qui s’observait dans tous les pays de la chrétienté ; quant aux détails, les comptes rendus des contemporains pendant les XIV°, XV° et XVI° siècles montrent qu'ils variaient beaucoup; ainsi, sauf les gardes portant le javelot et le mousquet renversés, on ne retrouve pas ici d'exemple des écus portés la pointe en l'air, dont parle la chronique de Jean de Troyes, aux obsèques royales qui furent faites à du Guesclin. L'uniformité du manteau et du chapeau de deuil n'avait pas été observée aussi étroitement dans les siècles précédents. Le nombre des chevaux trainant le char funèbre

était aussi variable; à l'enterrement du roi de France, Charles VIT, il Ctait de cinq; ici, il est porté à huit, etc., etc.

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35.

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Gardes.

Domestiques.

Tambours.

Trompettes.

Un héraut d'armes.

La cornette des couleurs.

Le guidon des couleurs.

Heaume de tournoi avec le plumet.

Le gorgerin de tournoi avec la devise.

Le cheval de tournoi.

Le grand étendard des couleurs.

Un héraut d'armes. Bannière.

Cheval (armes de Warneston). Bannière avec le blason.

(armes de Herstal). Banderole avec le blason.

(armes de Grünbergen). Banderole.

(armes de Cranendonck). Banderole.

(armes de Gërtruy de Bergh). Bande- role.

(armes de Dietz). Banderole.

(armes de Gravende de Leuden van Kuyck).— Banderole.

{armes de Ysseylstein). Banderole,

(armes de Bréda). Banderole.

(armes de Terwere). Banderole.

(armes de Loerdmann). Banderole.

(armes de Bueren). Banderole,

(armes de Meurs). Banderole.

(armes de Lingen). Banderole.

(armes de Châlon ). Banderole.

(armes de Catsenelleboghen ). Bande- role.

(armes de Wianden). Banderole,

(armes de Dietz). Banderole.

(armes de Nassau). Banderole.

(armes d'Orange).

Un héraut avec le blason.

Le pennon des armes (ancien étendard des che- valiers ).

Le guidon des armes.

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6, TE 58. 59. 60. 1: 62. 63. 64.

Le cheval de bataille. Étendard aux armes du prince.

Cheval d'honneur. . Bannière. 41,42, 43. Les quatre quartiers (degrés de no- blesse par génération). Leval. Stael- . bergen. Coligny. Nassau.

. Le casque. . L'écu aux armes pleines. . Épée d’estoc.

La cotte d'armes.

. Cheval de cérémonie. . Les insignes de l’ordre de la Jarretière portés

sur un COUSSin. L'épée. La couronne. Un héraut. 54, 55. LL. EE. le comte Maurice de Nassau. le comte de Solms. ; Mess. Van Brederode. le comte Guillaume Kasunier, gouverneur de

la Frise. Le prince de Portugal.

de Brandebourg.

Maurice de Bohême.

de Lalmond.

Comte Henri de Nassau.

Comte Frédéric de Nassau.

L'ambassadeur de Portugal.

Les représentants de la chevalerie.

Députés des États-Généraux des Provinces- Unies.

. Conseillers d'État. 66.

Conseillers de la Frise.

Conseillers de la Haye.

Conseillers des provinces de la Hollande. Magistrats de Delft.

Magistrats de la Haye.

. Pasteurs de Delft.

Pasteurs de la Haye.

. Compagnies de garde civique.

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EUROPE, XVII SIECLE

FRANCE ET FLANDRE. INTÉRIEUR. COSTUMES CIVILS. INSTRUMENTS DE MUSIQUE.

(PREMIÈRE MOITIÉ DU SIÈCLE.)

» Le groupe d'instrumentistes qui occupe le haut de cette planche est un fragment d’une

peinture d’Adrian Van der Venne, représentant une fête donnée à l’occasion de la trève con- clue, en 1609, entre l’archiduc Albert d'Autriche, souverain des Pays-Bas, et les Hollandais. Ce tableau est au musée du Louvre. Parmi ces musiciens, qui ont posé leurs chapeaux à terre, ainsi que les étuis de leurs instruments, on en remarque un jouant d'une épinette dont le couvercle relevé esb décoré d’une peinture représentant, an milieu d’un paysage, Latone changeant en grenouilles les Lyciens qui l'avaient insultée.

La scène d'intérieur qui remplit le bas de la planche est française, de 1635 environ. Elle est reproduite d’après une gravure d'Abraham Bosse, faisant partie d’une de ces séries sur les cinq sens qu'il s’est plu à traiter plusieurs fois.

La coloration nous en a été fournie par des peintures de ces mêmes sujets, faites à une époque contemporaine, qui ont figuré aux Champs-Élysées, en 1874, à l'exposition du Cos- tume organisée par l’Union centrale. Faut-il dire qu'il s’agit ici de l’audition, de l’owie? Cette charmante scène d'un concert intime est d’une époque le bon goût dans les choses du cos- tume assura définitivement à la France l'empire de la mode qu'elle avait partagé au siècle précédent avec l'Italie et l'Espagne. Dès ce moment cet empire s’imposa à toute l'Europe. Nous reviendrons sur le costume féminin par des exemples plus développés; nous ne nous ar- rêterons ici que sur celui porté par les hommes et particulièrement par le cavalier coiffé et éperonné qui tient un cahier de musique d'une main et bat la mesure de l'autre. Ce cavalier est en costume de chasse. Les bas et les agréments de l’habit étaient le plus souvent rouges, mais non l’habit lui-même. Le goût da jour voulait qu'il n’y eût que le costume de chasse qui fût entièrement rouge. (M. Quicherat, Æist, du costume en France.)

Ce costume ne prouve d’ailleurs nullement que le galant qui le porte vienne d’une partie de chasse ou qu'il y aille. On se composait alors des costumes de fantaisie, pour avoir le plaïsir de les exhiber. On était botté par ton, sans monter à cheval. Dans le langage de l’époque, à l'envie de paraître s’ajoutait le désir de faire des passions, un cavalier pouvait vouloir faire entendre par son accoutrement qu'il était à la chasse d’un cœur.

Les chapeaux étaient bas de forme, en feutre en castor à larges bords, chargés de deux longues plumes, ornés d'un riche cordon d’or. Pour avoir les cheveux longs, épais, on recourait aux perruques. De leur masse se détachait sur le devant, à gauche en général, une longue mèche, nouée avec un ruban couleur, appelée alors moustache, eb qui fut plus tard en grande vogue sous le nom de cadenelle; on la voit ici portée par le cavalier chas- seur eb aussi par le jeune chanteur qui se trouve de l'autre côté de la table.

C’est à Pinterdiction, faite en 1620, de la passementerie milanaise, que remonte la mode d'étaler la dentelle et le point coupé sur toutes les parties de l'habillement. En 1635, le col, après avoir été en rotonde, c'est-à-dire s'étalant en montant vers la nuque, comme on en voit des exemples dans la peinture de Van der Venne, était retombé sur les épaules; on lui don- nait le nom de vof vidé. Cela correspondit à l'abandon des fraises et collets montants dont le cou des femmes fut enfin délivré. Les bottes, à partir de 1625, avaient été modifiées; on ne jes faisait plus monter si haut qu'auparavant ; leur revers se repliait à peu près au milieu de la jambe. Ce revers était recouvert en partie par la garniture en dentelle de genouillères de toile appelées alors bas de bottes bas à botter. Les éperons d’un élégant devaient être dorés.

Une ordonnance de 1634 ayant proscrit les galons, cannetilles, pourfilures, franges, etc., le costume acquit une sobriété de bon goût. Les garnitures de boutons remplacèrent celles de rubans ; on ne s’habilla plus guère que d’étoffes unies et de couleurs neutres ou sombres.

Lorsqu'il n'était pas botté, un homme de bonne compagnie devait porter des bas de soie. Pour éviter d'avoir les jambes gelées, on recourüt d’abord, sous la soie, aux bas d’estame, cest-à-dire de tricot de laine. Après plusieurs expédients de ce genre, on finit par accumuler bas de soie sur bas de soie, ordinairement par trois paires ; M. Quicherat rapporte que le poète Malherbe en eut jusqu'à onze paires à la fois. Notre contre-bassiste offre un exemple de la chaussure en bas, avec des jarretières qui, depuis 1628, formaient sur le côté des nœuds de ruban et non plus des roses comme on le voit encore aux souliers du même personnage.

La jeune femme assise au clavecin dont elle fait résonner le clavier de la main droite, est tirée d'un tableau de Metzu, qui se trouve au musée du Louvre. Ce costume hollandais est postérieur à ceux que l’on vient de voir. La jupe de cette dame est en satin. Le fichu est de l’un de ces légers linons que les femmes employaient pour leur rabat ainsi qu'était appelé l’ensemble de ce libre ajustement du col.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

CLASSES NOBILIAIRES. LES RAFFINÉS. UNE VEUVE. 1629-1630. UNE AMAZONE HISTORIQUE: 1645.

La plupart des types de cette planche sont reproduits d’après les deux charmantes séries de costumes gravées par Abraham Bosse d’après Jean de Saint-Tony ; l’une est intitulée le « Jardin de la noblesse françoise » et l'autre « la Noblesse françoise à l’église; » toutes deux datent de 1629. C’est qu'on voit le monde de la cour, le gentilhomme aux allures chevaleresques, les élégants « hors de pair » avec leur manicrisme, leurs ajustements et leurs gestes.

D'autres exemples, également dus au talent de Saint-[eny, ont été gravés par Briot. Ciar- tres est le signataire de la série qui comprend les types burlesques des héros du genre de ce ca- pitaine Fracasse rendu célèbre par ces gravures ; on répondait alors à la jactance espagnole par l'arme du ridicule et la caricature fut un joyeux moyen de reconduire les hidalgos, estro- piés pour la plupart, comme les montre Ciartres. Nous n'avons d’ailleurs emprunté à cette dernière suite que l’un des deux interlocuteurs se faisant pendant et se livrant à un collo- que railleur ; le 3 est le Français de ce tête-à-tête.

Ce qu’il convient d'examiner dans la variété des types ici représentés, ce sont les différentes manières dont les courtisans portaient le manteau dit à la balagnie et autres « vêtements de pluie, » la façon plus moins élégante dont la noblesse savait en disposer les lourds plis, ainsi que le parti qu’elle en tirait selon l’occasion tantôt belliqueuse, tantôt galante, ou simple- . ment pour la montre.

En ce qui concerne les diverses vicissitudes par lesquelles passa le costume sous le règne de Louis XIIT, on trouvera particulièrement dans la notice de la planche DX, un résumé des différentes transformations qu'occasionnèrent les lois somptuaires édictées de 1620 à 1633.

COSTUME DE VEUVE.

No 2, Dame noble à l'église.

Large réseau en fil d’archal recouvert de tulle enve- loppant la tête et qui, après s'être évasé, vient se fixer sous un col ex rotonde, aussi à armature de fil d'archal. La taille de cette dame est prise dans un corset haut placé, d'où la modeste, longue redingote très étoffée, s’arrondit et retombe en larges plis lus- trés jusqu'à terre. Il en est de même des longues manches.

DIFFÉRENTS PORTS DU MANTEAU,

N°s 1,10 et 11.

C’est à peu près de la même maniëre que ces trois gentilshommes portent le lourd manteau & la bala- gnie (voir, pour l’origine de ce manteau, la notice de la planche DX ). Un des pans est jeté*sur l'épaule et couvre tout le bras droit, dont la main tient le pan qui passe sous le bras gauche et le laisse libre. Dans le 10,le pan droit de ce manteau est rejeté sur l'épaule gauche.

N°1.— Castor à la cordelière avec panache en queue de renard ; les bords sont retroussés en mauvais gar- con. Perruque dans la masse de laquelle se détache la moustache qui devint la cadenette ; on avait quelque- fois des portions de perruques ou coins qui s'atta- chaient dans les cheveux pour produire des chutes plus foumies, Col en rabat. Pourpoint garni de pe- tites épaulettes auxquelles sont encore adaptées des manches flottantes, L'épée ne se porte plus en ver- rouil ; elle est soutenue par un baudrier plus moins large, brodé, parfois frangé d’or et d'argent. Chausses à chiquetade attachtes au-dessous du genou par des jarretières à larges rosettes et à ruban, tombant le long de la jambe, Lorsqu'il n’était pas botté, un homme de bonne compagnie devait porter des bas de soie ; pour éviter d'avoir les jambes gelées, on ac- cumulait bas de soie sur bas de soie. Souliers garnis

de laîtues pommées, larges roses de rubans dissimu- lant les oreilles du soulier.

N°% 10 et 11. Même costume, sauf en ce qui concerne la chaussure qui consiste, dans ces deux exemples, en bottes dont les revers sont garnis de bas de bottes bas à bottes. Dans le 11, on aper- coit les aiguillettes des chausses.

Nos 6 et 9.

Manteau ne couvrant que l'épaule et le bras droit; ces

gentilshommes le maintiennent en enroulant un des pans autour du poing qu'ils appuient sur la hanche (voir les seigneurs représentés dans la & galerie du Palais », planche FM).

6. Chapeau empanaché, collerette et man- chettes; pourpoint à épaulettes et tailladé dans le dos ; ce pourpoint est à pans divisés et se trouve garni d’une ceinture de rubans et d’aiguillettes, Baudrier brodé. Chausses rayées que l’on voit aux gardes-françaises de l'époque. Bottes mignonnes à semelles de castor; à cette chaussure qui n’était pas faite pour le pavé, il était nécessaire d'ajouter des mules ou patins, tenant lieu des socques mo- dernes.

No 9. Ce seigneur sort son épée du fourreau; ilse servira de son manteau comme d’un bouclier, lorsque le fer sera engagé. Ce n'est point une tenue d'escrime et il ne s’agit pas ici d’un duel régulier mais de l’une de ces actions spontanées qui s’enga- geaient pendant un temps et si facilement sous les galeries de la place Royale,

Chevelure à la comète. Pourpoint à épaulettes; ses pans divisés s'abaissent en pointe sur le devant ; manches garnies de plusieurs taillades dans toute la longueur du bras. Gants fourrés. Chausses attachées avec des aiguillettes. Bottes épanouies, munies d’un large surpied; éperons cambrés dont on enleva les molettes par égard pour la jupe des dames.

N°8.

Manteau maintenu étroitement contre le corps en croi-

sant les bras; la main gauche soulève le bord du pan rejeté sur l'épaule de manière à cacher en grande

partie le visage, La légende de cette estampe dit que ce gentilhomme françois, se trouvant en quelque « assemblée, se retire derrière la presse en se cou- vrant un peu de son manteau pour voir sans «estre veu. »

Castor à la cordelière avec panache. Pourpoint garni de rubans. Chausses galonnées dont on aper- çoit les aiguillettes, Bas à botter remontant sur le revers de la botte mignonne,

No 4. Le gaban ou caban,

Manteau à manches jeté sur les épaules à la façon d'un pardessus ; le bras gauche le maintient, Les bottes mignonnes, éperonnées, ont la partie supérieure de leurs tiges repliées et garnie de la dentelle des bas à botter.

7:

Le manteau court, rappelant le risque mantelin du temps d'Henri III.

Cavalier en habit militaire, coiffé d'un casque empana- ché, le poing sur la hanche. Ce très joli gentilhomme joue de la main gauche avec sa moustache, longue mèche de cheveux retombant sur le devant de l'épaule. Haut-de-chausses attaché à grand ren- fort d'aiguillettes sous les basques du pourpoint et s'allongeant en culottes flottantes du genre dit à fond de cuve. Ces culottes sont fermées au genou par un ruban noué en rosette, Tiges de bottes à en- tonnoir, dont l'épanouissement permet de voir le bas à botter.

N9°3: Gentilhomme français.

Il fait la nique à un Espagnol enluitenant le langage suivant :

« Cap de Bious! ce fat d'Espagnol Enfin m'eschauffe les oreilles ; Il chante comme un rossignol «Touchant ses divines merveilles. « Mais si je le prends par le bec, Il cognoistra qu'il faut me porter du respect, »

L'attitude de ce galant, qui, la jambe tendue, affecte la marche cérémonieuse du temps, est une raillerie dont le sens n’a pas besoin de commentaires. C’est en effet en les raillant et l'épée à la main que les gentilshommes français reconduisaient à la frontière les Espagnols, dont le temps glorieux était passé.

5.

Alberte, Barbe d'Ernecourt, comtesse de Saint- Balmont. Portrait daté de 1645.

La comtesse de Saint-Balmont, auteur tragique, des- cendait d'une illustre famille de Lorraine et se fit remarquer de bonne heure par ce caractère fortement trempé particulier aux femmes du pays qui vit nai- tre Jeanne d'Arc. Aussi bien recherchait-elle les exercices virils et prenait fréquemment des vêtements qui n'étaient pas de son sexe, Ainsi qu'on le voit ici, cette grande dame montait à califourchon; ce fut sans doute une parente de ces frondeuses qui met- taient le feu aux canons pendant les engagements qui se livraient autour de Paris. On peut juger de ses instincts belliqueux dans cette histoire de duel où, habillée en homme et venant à désarmer l'officier qu'elle avait provoqué, elle lui annonça superbement que c'était une femme qui lui rendait son épée.

Chapeau haut et empanaché. Longue perruque ayant de chaque côté des cadenettes garnies de plu- sieurs rubans. Col rabattu, attaché avec de larges rubans qui pendent sur la poitrine, Écharpe flottante. Hongreline à manches tailladées; une fente est pratiquée dans le bas de ce vêtement pour le pas- sage de l'épée. Chausses. Bottes à tiges à enton- noir et garnies de dentelle,

Les 1,4,9, 10 et 11 font partie de la suile de dix-huit planches intitulée Le Jardin de la Noblesse françoise, et le 2 d'une autre suile de treize pièces, la Noblesse françoise à l’église, Ces deux séries ont été dessinées par Suint-Igny et gravées par Abraham Bosse.

Le 3 est de Francois Langlois dit Ciartres.

Le 5 provient d'une estampe de Balthazar Montcornet, le fameux graveur de portraits.

Les n°° Get 8 font partie d'une collection dessinée par Suint-Lyny el gravée par Briot. Le 7 est d'Abraham Bosse. Voir, pour le texte : Quicherat, Histoire du costume en France, Paul Lacroir, Dix-septième

siècle, Institutions, Usages et Costumes ; Didot, 1880. A1. Augustin Challamel, Mémoires français.

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. FRANCE. XVII SIÈCLE

COSTUMES DE LA NOBLESSE ET DE LA BOURGEOISIE.

LE COURANT DES MODES SOUS LOUIS XIII. UNE TOILETTE DE DAME.

La réforme du costume français, déjà très marquée sous Henri IV, s'accentua davantage sous le règne de Louis XIII. Les lois somptuaires devinrent de plus en plus fréquentes, surtout par la volonté de Richelieu, non pour réprimer le luxe de la toilette, mais pour retenir dans le royaume l'argent que ses folies faisaient passer à l'étranger. Quelque éphémère que fût l’action de ces lois, elle ne contribua pas moins à remettre en faveur les produits de l’industrie na- tionale, Ainsi l’on prohiba les passements en 1620, parce qu'ils étaient fabriqués en grande partie à Milan, puis les ouvrages de fil en 1629, qui provenaient de la Flandre, de Gênes et de Venise. Défense fut faite en 16383 de porter découpure et broderies d’or et d'argent ; les riches bourgeois en chamarraient jusqu'aux bas, mouchoirs, cravates et collets. Plus sévère fut encore l’édit de 1634 : il interdit, pour les vêtements, toute espèce de drap d’or et d’ar- gent, fin ou faux, et aussi tonte garniture ces matières seraient employées. Ces deux édits atteignirent indirectement la noblesse, qui se contenta d'envoyer à la fonte les vieilles brode- ries d’origine exotique, et y substitua, sans rien changer au costume, les broderies de soie, d’ailleurs autorisées, eb les rubans, dont il se fit alors une véritable débauche. La réforme s’opéra, en général, à l'avantage du goût et de l'élégance ; en supprimant les entraves apportées à l'habillement, elle rendit à la démarche une allure plus aisée, aux mouvements du corps une grâce naturelle. On renonça aux étoffes lourdes et apprêtées, aux fraises godronnées, aux grandes bottes fortes, aux toquets, même à la barbe, par suite d'une fantaisie de Louis XIII, qui s’ingéra, un jour d’ennui, de raser lui-même tous ses officiers, en ne leur laissant qu'un bouquet de poils au menton.

Quicherat, en signalant comme étant de cette époque, le rapprochement de la classe éclairée et de la classe élevée qui a donné naissance à la brillante société française de l’ancien régime, ajoute que « ce qui contribua le plus à la formation du costume à la fois gracieux et sévère, entre 1624 et 1635, ce fut la passion des esprits éclairés du temps pour tout ce qui avait des airs de grandeur ». Le regrettable érudit, qui aurait pu appuyer cette assertion des commen- taires les plus autorisés, s’est malheureusement arrêté court sur les « airs de grandeur » dont l'essence et les effets varient, selon les époques et la nature des courants.

L'air de grandeur à l’espagnole, encore en faveur générale à Paurore du siècle, et aboutis- sant à la raideur gourmée que le cardinal Albéroni lui-même raillait, en montrant « la fraise empesée, cet ornement majestueux, comme l’image d’un esprit sérieux, faisant mesurer les moindres mouvements du corps, ce qui ne pouvait manquer d’être de grande influence sur les affaires d’Espagne », cet air de grandeur avait été ridiculisé par les caricatures, dans lesquelles la grotesque effigie du capitaine Fracasse reste comme l'expression suprême du genre, et de la manière dont le génie français avait fini par considérer l'air de grandeur à l’espagnole.

Après avoir vu Richelieu en pantalon vert, avec des sonnettes d'argent à ses jarretières, marquant les trois temps de la swrabande devant Anne d’Autriche, la sarabande avait beau être une danse grave, il eût été difficile de demeurer gourmé. Ce n’est plus, en effet, cet air que lon retrouve chez le gentilhomme du dix-septième siècle, aisé dans ses manières comme dans sa toilette, dansant le brante, le gai, le poitou, et le montivandé; sachant battre le pied pour prendre le temps des courantes, et toujours prêt à régaler d’une vignone d’une belleville, mais à la cour seulement, car il n’y a que qu’on peut danser les figurées ; marquis qui n’esb, morbleu, point homme de république, « d'un pays il n’y a point de cour; » également prêt, du reste, à tirer l’épée pour soutenir qu’ « il a plus d'honneur qu'homme du monde » ; et enfin, pour compléter ce que devaient savoir, dès Louis XIIT, tous les gens du bel-air, du beau procédé, de la belle manière, familier sur les madrigaux, les épigrammes, les devises, tour- nant, à l’occasion, l’épitre comme le sut faire le duc de Nevers « postillonnant la triste Des- tinée » eb rimant des vers qui « chatouillaient le tambour de l’ouïe. » (Épitre à la duchesse de Bouillon, et autre à M. Le Clerc.)

C’est dans le courant académique, qui devait mener au style véritablement noble du dix- septième siècle, que se sont développées les délicatesses et les affectations de la bonne société du temps de Louis XIIT. Ce fut surtout le règne d’un faux sublime, assaisonné du sel de quelque trait qui devait être ingénieux ou plaisant, le haut style que, dit Saint-Évremond, nous ap- lons phæbus galünatias, & des riens en rimes redoublées, » devait ajouter Voltaire.

Les cadences poétiques, écrit M"° de Motteville, étaient l’amusement des belles ruelles des dames qui font profession de recevoir bonne compagnie.

Trissotin et Vadius y aidant ou non, c’est de ce milieu des yvlantises que dub sortir ce que l’on appelle la tyrannie de la mode; et peut-être ce qualificatif même fut-il trouvé dans ce

monde hyperbolique, au moment la mode en se généralisant, et sacrant seule l’Aonnête homme, imposa de plus en plus son empire,

Si c’est avec des ardeurs passionnées que l’on s’occupait dans les ruelles de ceux qui poussaient leur veine poétique, comme on en put juger par lire de M de Longueville à propos d’un sonnet (lode à Urante), lorsqu’avec son tempéramment de frondeuse on la vit, partageant le monde des délicats en deux camps, prendre parti pour Voiture contre Bense- rade, que devait-ce être sur le terrain des coquetteries matérielles, et lorsqu'il s'agissait de Cadenet, par exemple, des moustaches des dames, du nouveau stratagème de « Cudet-lu- perle »!

Une coquette singularité, paraît avoir été la principale recherche du gentilhomme de cour de cette époque; il suffisait à son amour-propre d'entendre répéter comme un dicton le propos que Saint-Évremond met sur les lèvres de la femme de sir Politick : « On a bien raison de dire, que la noblesse française a quelque chose que celle des autres pays n’a pas. »

Pour les dames du be! aùr et de la belle manière, elles étaient délicates, galantes, polies. La rudesse d’un Ronsard n’était plus possible auprès d'elles, et il aurait fait beau voir qu’on vint leur parler du jour elles auraient « la bouchette blêmie ». Avec le Phœbus, qui con- nut surtout les rives du Tendre, l’autre monde était la « douce retraite des amants, qui poussaient les beaux sentiments », Ils continuaient à s’y conter fleurettes, « faisant revivre, après leur mort, leurs amours et leurs amourettes, »

Peu ou prou, toutes les dames de ce temps-là (c'était la tradition classique) se trouvèrent divinisées sous des noms imaginaires, généralement de caractère mythologique. Ce fait se rat- tache à l’histoire du costume, parce que les noms d'emprunt prodigués aux belles, finirent souvent, dans la pratique, par passer à leur toilette même.

En ces temps académiques, tout le beau monde comprenait de même façon le langage des nuances, c’était par l’accoutrement que, tel jour, par exemple, « on le prenait sur le ton de Daphné ou de Phacton » et que, le lendemain, on se présentait sous un tout autre aspect. La même personne changeait ainsi de physionomie, et se faisait un jeu d’être tour à tour des sentiments les plus opposés. « J'étais peste, j'étais rieuse, et je faisais la précieuse, » rappelle l'une d'elles ; nulle ne s’entêtait d'ailleurs à garder le nom poétique qui aurait pu contrarier la mobilité des attitudes :

« Tantôt sous le nom de Carice Vous faisiez des cœurs le supplice; Tantôt vous étiez en Jsis

Le charme de tous les esprits,

Vous fûtes Calirte adorable.

Chloris fière, Philis aimable.

…, Vous avez usé tous ces noms.

(Stances à Madame de Comminges.)

C’est pour aider à comprendre ce temps où, sans rien emprunter au costume antique et sans être veuve, une dame se mettait à l’Artémise, par exemple, parce que ce genre entraînait l’em- ploi du crêpe noir sur la face » ce que la jeunesse préférait « pour friponner à travers et pa- raître plus blanche » que nous reproduisons nos 1 et 3. Le premier est un caprice de la mode, le second, la mode même, Les séries mythologiques et allésoriques des figures de dames en toi- lettes du jour étaient les véritables gravures de modes de l’époque. D’habiles artistes y consa- craient leur burin ; ce qui était gravé à Paris était répété à Amsterdam et à Londres ; ces es- tampes répandues au loin contribuèrent puissamment à procurer de l'unité au goût que l’on vit se propager en Europe, sous la principale influence de la France,

Il faut, en examinant ces suites de toilettes, comportant les variétés d’un même genre, laisser de côté l’attirail factice des attributs qui n’appartiennent en aucune façon aux costumes représentés. On se trouve alors en face d’une dame mise & /4 Diane, à la Junon, ete. Cela dé- pend du tour donné aux façons, sorties, d’ailleurs, de chez la même faiseuse. Ce genre de re- cherches prêtait à la variété des modes, auxquelles on essayait ainsi de donner une signification morale. Il est piquant, et véritablement d’une époque littéraire, que, selon les garcettes on les bouffons de la chevelure, selon la robe à la commodité, ou la casaque en Zongreline, selon le rabat à la guimbarde, les galants, le gant à la frangipane, la dame jouât ainsi à des métamor- phoses successives. Les Diines n'étaient d’ailleurs pas plus des chasseresses que les cavaliers du temps, allant au cours pour y faire admirer leurs bottes, n'étaient des gens s’y montrant à cheval. La Diane de 1630-1640 n’aventurait une toilette comme celle qu’on lui voit ici, que dans son carrosse, sur e cours le mail, selon qu’elle se promenait dans une grande une petite ville; elle ne chassait que les hommages. Pour conclure sur les généralités concernant les dames, voici ce qu'était la & personne accomplie » vers 1640 : une dévote sans superstition, sans mélancolie, ne croyant pas qu'il faille se retirer de la société humaine pour chercher Dieu dans l'horreur de la solitude; ayant une oreille pour le rimeur dont la louange aboutit à la traiter d'ange, et gardant l’autre pour les « faiseurs de sièges » qui savent attaquer les places en évoquant une amabilité comparée à celle des Hélène et des Cléopâtre : dame qui ne disait rien par étude, et rien par hasard ; aussi raisonnable qu'aimable; sachant, avec adresse, éviter tout fracas ; distinguant les différences qui se trouvent entre l'offre et l'exécution; et connais- sant parfaitement le chemin qu'il ne faut point faire, si l’on veut triompher des lourments du cœur causés par les délices des yeux. La « personne accomplie » devait avoir le port noble, un air majestueux imprimant le respect, en même temps qu'un je ne sais quoi de doux et d’hon- nête qui gagnait les inclinations.

Malheureusement cette perfection exigeait le concours d’un compère dont l'entrée en scène fut une de ces innovations qui marquent dans l’histoire des modes. Le coeffeur date de cette époque ; les dames raffinées le substituèrent aux chambrières qui seules, depuis le commen- cement du monde, dit Quicherat, avaient été en possession d’arranger les cheveux de leurs maîtresses. Les barbiers-barbants n'avaient jamais osé élever leurs prétentions jusque-là.

Dans la superbe des dames juchées sur le ton du phæbus, il fallait qu'il se mélangeât une dose assez importante d'impertinence pour que la « personne accomplie » consentit au contact intime de la main mercantile d’un homme dont elle n’appréciait que l'adresse, sans autre- ment se soucier de celui que, dans sa jalousie, Adam Billaut parlant à Marie de Gonzague de son coeffeur, appelle « l’homme de fange ».

Le « faquin » en question, ainsi qu'à son tour le qualifie Tallemant des Réaux, était le sieur Champagne, un homme de génie en son genre, d'une véritable adresse, et le premier qui ait imaginé que l’arrangement des cheveux des dames pouvait devenir une profession exercée par des mains viriles. Tallemant en raconte cent insolences qui ajoutent à la ty- rannie de la mode, celle de ses artisans, Il arrivait que Champagne laissât telle dame à demi-coiffée, sans vouloir terminer son ouvrage. A telle autre, après avoir fait un côté, il disait qu'il n’achèverait pas, si elle ne le baisait, etc. On avait beau l'envoyer quérir, il ne venait point, si c'était son humeur; et quantité d’autres traits de ce gaillard qui se faisait surtout gorger de présents, car « il n’était point sot » dit encore son portraitiste, eb se constitua une belle fortune.

Abraham Bosse (1602-1676), dont le crayon infatigable surprit et fixa au jour le jour les

métamorphoses de la mode pendant plus d’un demi-siècle, est le meilleur auteur à consulter sur cette époque.

2. Une dame à sa toilette. triche. Les bouffons étaient les cheveux massés en petites frisures que l’on répartissait sur les tempes et les oreilles, Le surplus de la chevelure était natté

et roulé en torsade derrière la tête,

Cette gravure, signée & Le Blond, excudit » est digne du burin d'Abraham Bosse, dont Le Blond était l’é- diteur, Tous les détails y sont caractéristiques, et ré- pondent aux explications fournies par le Banquet des Muses », du sieur Auvray, imprimé à Rouen en 1628, Cette rencontre assigne une date certaine à cette toilette qui pourrait servir de frontispice au Banquet des Muses, avec son titre la dame dé- clare & Qu'embellir la nature, n'est vitieux qu'aux insensez, »

La mèche de cheveux, plus longue que les autres, qui se trouve à gauche, selon l'usage le plus ordi- naire, et que la dame montre, avec une certaine affectation, est la cadenette, empruntée par les fem- mes aux mignons du temps. Après avoir été frisée, cette mèche sera nattée, et au bout de cette natte flottante sera attaché nœud de ruban, le galant, qui attend sur la table, près du miroir, et à côté du petit étui plat qui contient le taffetas gommé des mouches découpées en étoiles, en croissants, en

Cette dame est en train de passer sa chevelure an petit fer ; elle est en corset et en manches de chemise ;

ses seins, étroitement rapprochés, sont découverts. Un fichu-pèlerine en linon, à petit collet, bordé de point-coupé, est seulement jeté sur ses épaules. Cette légère pièce de vêtement appartient à la famille des rabats dont le nom fut transporté à l’ensemble de l’a- justement,

Les cheveux sont abattus »; sur le front, un rang pris à la racine était coupé court et couché à plat. C’est ce qu'on appelait les « garcettes » d'un mot es- pagnol qui, selon Quicherat, veut dire & petites-ai- grettes ». Ménage en attribue la mode à Anne d’Au-

emplâtres, de toutes sortes de figures, comme on en usait alors avec excès,

Les miroirs coûtant encore fort chers, étaient gé- néralement de dimension très exiguë. Le chevalet 4 crémaillère sur lequel celui-ci est posé, permettait de l’obliquer à volonté. A côté du petit réchaud rou- gissent les fers, on voit sur le velours de la table le peigne en buis ou en ivoire, aux deux dentelures de finesse inégale, tel que nous l'avons conservé, avec la double vergette ronde en chiendent pour le nettoyage du peigne fin.

Puis c'est l'esclavage de grosses perles ;le demi-ceint en deux parties, le grand luxe des dames ; on l’ornait de plaques d’orfévrerie ciselées émaillées ; la mé- nagère y suspendait la chaîne d'argent qui portait les clefs, les ciseaux, le couteau, la bourse. Les belles dames y avaient leurs (poires de parfums ». Près de la mandoline (un legs espagnol) le coffre fermé, en forme de mallette, représente les secrets de la toilette. On usait toujours de la céruse et du vermillon, le blanc d'Espagne et l'espagnol vermillon, et on avait mille secrets pour apprêter les cheveux, La mallette intime et refermée est pleine de mystères de ce genre, Marguerite de Valois avait inauguré, en France, la mode vénitienne de se teindre les cheveux en blond, Cette mode durait encore en 1627, c'est-à- dire à l’heure même de notre toilette, comme on le voit par les satires du sieur de Courval dédiées à Marie de Médicis, et publiées cette année-là,

Sans compter les

Eaux qu'on almhbiquait, pour laver son visage, De lys, de nénufar, de concombre sauvage,

De fèves, de bouillons et de jus de limons, Graine de psyllium, semence de melons,

Pour effacer du teint les taches apparentes...

et pour nous en tenir à la seule chevelure, voici, selon de Courval, ce qui la concerne,

Notre belle en aprez, pour rendre ses cheveux Grossiers, gras, mercurez, noirastres et lenteux À mille inventions se montre très active,

Se servant dextrement de certaine lexive,

De la fleur de genest, capilli-veneris, Polyphode, quercin, stecas et berberis,

De la cendre qui vient des racines d'Ayerre, Des razures de bouis et de fiel et de terre, Mélisse, catherac, escorce de sapins,

Pour rendre ses cheveux plus deliez, plus fins, Jaunastres, chastenez, ou de couleur citrine, Semblables aux cheveux de la douce Cyprine, Frisez, crespillonnez, frisotez, crespillez, Ondelez, perruquez, retors, et annelez, Cendrez, poudrez, musquez de poudre violette, Benion et storax, ambre gris et civette,

Si qu’allant par la rue elle laisse en passant De son chef parfumé une odeur doux-flairant,

La poudre dont il est question ici fut, en effet, à cette époque l'objet d'une faveur passagère, Elle n'é- tait point d'ailleurs une véritable nouveauté. Selon le journal de l'Étoile, on avait vu dans Paris, en 1593, des religieuses frisées et poudrées.

Le petit flacon au col étroit, qui se trouve près de Ja mallette, dont la dame ne se séparait jamais, con- tient l’eau d'ange ou de Chypre, la meilleure des eaux de senteur, ou encore quelqu’une de ces essences et quintessences de Rome, Gênes et Nice, plus appré- ciées que les distillations du cru, et que, selon le « Livre commode des adresses » de Du Pradel, «le sieur Adam, courrier du cabinet, se chargeait de rapporter », x

Les parfums, auxquels Henri IV préférait l'odeur de la poudre à canon, étaient rentrés en France avec les Concini, et, sans que nous puissions affirmer si l'usage de l’élégant Anglais du temps Shakespeare, de se frotter de muscet de civette pour aller faire sa cour, avait été repris ou conservé par les dames du temps de Louis XIIT, ce qui est certain, c’est que le muse et la civette entraient alors dans la composition de la plupart des parfums en vogue,

Le petit réchaud placé sur la table de toilette pouvait avoir un autre emploi que celui de chauffer les fers ; la coutume de brûler des parfums pour embaumer la chambre » que l’on voit proposer par le mercier-parfumeur ambulant de la fin du seizième siècle, pouvait fort bien durer encore, et le réchand pour cet usage serait à sa place dans la chambre de toilette, Cette habitude avait été si générale, que les gens économes qui voulaient éviter la dépense des aromates pour embaumer les appartements, y substituaient des branches de genièvre,

COSTUMES DE DAMES,

1, Toilette pour la promenade,

Le chapeau empanaché de cette Diane est un tressé de

fine paille doublé de soie. Il est bordé d’un léger ruban dentelé, clouté au revers par des petits bril- lants ; l'enseigne du retroussis est un croissant d’ar- gent orné de pierreries de couleur, Les plumes sont des marabouts, La chevelure, disposée en deux grosses touffes latérales, ne se termine point en chi- gnon, mais flotte librement en arrière. A la base du cou, largement dégagé, se trouve l'esclavage - de grosses perles. Les seins, étroitement rapprochés, sont découverts en grande partie.

Double col rabattu, le rabat-dentelé de fin linon découpé, sans guipure ni point-coupé, manchette à double rang, de même sorte. Le vêtement supérieur est une fantaisie qui simule la casaque de chasse, la hongreline, que l'on faisait de fin drap ou de velours et qui, avec le chapeau à plumes, composait pour les

grandes dames le costume d'amazone. C'est à peine si la manche ouverte de cette hongreline couvre ici la manche légèrement gonflée de la robe de satin, et les deux côtés de ce vêtement supérieur. sont très loin de se rejoindre sur le devant du corps de jupe (le corsage) qu'ils laissent voir largement, Ces deux côtés de la casaque sont maintenus par. une ceinture Jâche, un ruban de soie noué en une grosse rosette.,

Le corps de la robe n'a que l'apparence d’un corset Jacé. Les rubans en dents d2 scie qui causent cette illusion ne sont que des appliques, ainsi que toute la décoration de ce corsage, au haut duquel entre les deux seins, se trouve fiché un bijou en forme d'étoile, dont le centre est une pierre montée en saillie.

Le gant de chasse est bouclé par-dessus la man- chette. Ses bords sont découpés en grandes dents, travaillées à jour assez sobrement, et comme il con- vient à la peau. On voit ici, à chaque dent, une es- pèce de perle ovale qui a l'aspect d'une verroterie.

On ne retrouve dans cette toilette aucune des dé- coupures et broderies de fil mises à l'index en France dès 1629. L'âge approximatif de ce modèle est, en conséquence, assez facile à déterminer, La gravure que nous reproduisons est signée F, de Witt, lequel avait son atelier à Amsterdam dès 1640. Nous la considérons comme étant une de ces copies que l’on faisait alors à l'étranger sans aucun scrupule. La mode représentée est française, puisque les choses proscrites en France, et non au dehors, ne s’y trou- vent point.

3. Toilette d'assemblée (1635-1640). (L'âge d'argent, Le Blond excudit.)

Cette dame a les épaules nues, la poitrine largement à découvert, ce qui était de mise dans les assemblées, les collations, les ballets ; que ces assemblées fussent, d'ailleurs, de jour ou de nuit. On garnissait l'encolure de la robe du décolleté, avec des bouillons de gaze disposés en guirlande, et parfois entremêlés de perles et de cordonnets d'or. Ces bouillons, appelés « es de- vants » embrassaient dans leurs sinuosités les seins et les épaules de façon que la dame semblait émerger de la gaze.

Le vêtement supérieur, larobe proprement dite, était une espèce de redingote ajustée, restant ouverte et laissant voir en partie la & jupe » c'est-à-dire la robe de dessous, divisée alors en corps de jupe » et & bas de jupe » d'où est resté l’abréviation de corps, tout seul, pour désigner le corsage, et celle de jupe rempla- çant le & bas de jupe ».

Le corps, à cette époque, contenait une armature qui donvait du maintien à la personne sans la mettre à la gêne. Il finissait en pointe, et son buse était cambré en sens inverse, de manière à ce que par le jeu des baleines le corps fût relevé en une panse de capitaine Fracasse. Le busc était sous les baleines. Ia taille étant fort haute dans le dos, la ceinture de rubans qui la marquait, en contenant le vêtement su- périeur, avait à descendre beaucoup sur le devant pour aboutir au bas du corset, Le nœud de ruban, divisant la guirlande qui contourne les seins et les épaules, est proprement le nœud de ruban que, en 1635, on appelait une @ petite oie » parce qu'il ressem- blait, trouvait-on, à l’abattis d'une oie qu'on va mettre à la broche. Ce terme de petite oie finit par s'étendre à l'ensemble de tous les galants qui ornè- rent l'habillement. L'arrangement de la chevelure est du goût des coiffures de Champagne; les cheveux, moins abattus qu'auparavant, étaient alors séparés en trois parties ; le chignon formait un cône tronqué, légèrement incliné vers le derrière de la tête, et cou- ronné d'une torsade qu'on appelait un rond; sur les côtés pendaient, soit des serpenteaux en longues boucles à l'anglaise, soit des moustaches ou cade- nettes nouées de galants. On ne trouve point ici la cadenette longue et nattée, ornée de rubans, mais une variété du genre. On portait la cadenette à gauche, et comme elle dégageait l'oreille, un beau- fils en profita pour se mettre une boucle d'oreille à gauche, du moins un ornement en pendant qui semblait un pendant d'oreille. C'est le comte d'Har- court, cadet de la maison de Lorraine, qui imagina de suspendre ainsi la grosse perle en boucle d'oreille qu'on lui voit dans ses portraits, et qui lui valut le surnom de @ Cadet-la-perle ». Les dames en usérent de même; la grosse perle attachée par un ruban à l'un des serpenteaux de la chevelure est la fausse boucle d'oreille du comte d'Harcourt.

La joaillerie se compose, en outre, du collier de perles rondes, de la manchette de perles en double rangée, d’une riche pendeloque au haut du corsage, entre les deux seins, du cercle de pierreries qui en- toure le chignon, et que le bord saillant du rond maintient en place. Cette parure de la chevelure ap- partient à la mise tout à fait somptueuse ; les dames qui ne possédaient point de vraies pierres, les rem- plaçaient par du clinquant, un bouquet qui devait s'élever assez haut pour être aperçu par-dessus le sommet de la tête, Les plus modestes posaient dans leur chignon le nœud de ruban qu'on appela la cul-

bute ». Il n'y à ici aucune bague aux doigts, ce qui o 87) q prouve qu'alors elles n'étaient point à la mode,

Nos 4 et 9, Toilettes de ville.

Ces deux dames sont empruntées au Mariage à la ville » une suite de six estampes d'Abraham Bosse, datée de 1633. On les trouve dans la scène du « Zèe- tour du baptême ». Le vêtement supérieur de ces riches bourgeoises est la & robe à la commodité », expression que l’on rencontre dès 1623. On nommait encore la robe de dessus, la #odeste et dans le langage précieux les deux jupes dont elle était accompagnée, la fri- ponne et la secrète.

Telle qu’on la voit ici, la modeste était une espèce de redingote ajustée, largement ouverte, dont le re- tour sur le devant n'excédait pas trois doigts. Elle était très étoffée par derrière, mais à partir de la taille seulement, qui était haut placée dans le dos et faisait chute vers les hanches, dans le genre de ce qu'on vient de voir. Les gros tuyaux, formés à partir de la taille, se prolongeaient jusqu'à terre cette robe traînait, Les demi-manches de ce vêtement étaient ouvertes et ne faisaient qu'un léger retour sur les énormes manches ballonnées et tailladées dans toute leur longueur, qui étaient un souvenir très direct du temps de Henri III. La demi-manche du vêtement supérieur était fixée sur ces ballons extravagants par un ruban ou un galon qui en reliait les deux côtés, et ce lien était noué assez fortement pour marquer une division de la manche qui, plus bas, se trouvait emboîtée par la manchette en en- tonnoir, dont le retroussis était découpé en larges dents festonnées.

Cette mode exagérée dura longtemps puisqu'on la retrouve à l'usage des dames de qualité en 1665. Ce ne fut en effet qu'à partir de cette année et à l'occasion du deuil de cour porté par suite de la mort de l’empereur Léopold, que le Roï ayant déclaré qu'il fallait en finir avec ces extravagances, on ne vit plus les manches ballonnées. L'une de nos deux dames porte encore le col en rotonde à armature de fil d'archal. Ce col de gaze empesée est bas, et encore fort large. L'autre dame a le fichu pèlerine adopté par Anne d'Autriche. On voit le rond du chignon d'une part, et de l'autre une de ces coiffures de fan- taisie que les mercières du palais combinaient comme des nouveautés pour rajeunir le chaperon que l’on tentait de remettre à la mode et remplacer les bon- nets aux longues pattes qui voltigeaient derrière les oreilles, Le manchon passé dans le bras de l’une de

ces deux personnes, qui a soin d'y laisser passer son mouchoir, ne diffère point de l'objet nouveau sous Henri III, c'est toujours le manchon de velours ou de satin doublé de fourrure, dont l'étoffe à l’exté- rieur et au milieu restait à nu, On ne voit pas les pieds de ces dames. Le temps des tissus chamarrés était passé,

COSTUMES MASCULINS. 5,— Gentilhomme de cour,

« Le jardin de la noblesse française, » par Abraham Bosse, est une suite de ces élégants hors de pair », méritant à tous égards l'épithète de raffinés, et parmi lesquels « se peut cueillir leur manière de vêé- tements » comme le dit l'auteur. Cette collection de dix-huit figures est peut-être le chef-d'œuvre du mai- tre; elle est datée de 1629, et c’est à elle que nous empruntons notre jolie silhouette.

Le chapeau plat et à larges ailes porté par cet élégant est un feutre que l'on appelait castor et de ceux que l’on disait « à la cordelière » laquelle était d'or. Son ondoyant panache est disposé en @ queue de renard ». La perruque était en faveur de- puis que la calvitie prématurée de Louis XIII, en 1620 , avait forcé le jeune roi à y recourir, La mode était donc aux cheveux longs, et ceux qui avaient l'avantage d'une belle chevelure, l'accommodèrent « & la comète », en séparant sur l’occiput les cheveux qui formaient par derrière une petite queue flottante qu'on ramenait sur l’une et l’autre épaule, et, ce semble, en masses inégales. Le seigneur de Cadenet, qui avait de magnifiques cheveux blonds, imagina de laisser pendre, du côté gauche, une longue mèche qu'il nouait avec un ruban de couleur, après l'avoir tressée soigneusement, créant ainsi la cadenette qui fut adoptée par les dames, ainsi que le stratagème dont on a vu qu'usait Cadet la Perle.

Notre raffiné ne montre ni cadenette, ni perle, mais des cheveux longs et flottants, ramenés sur le devant en une crinière dont l’arrangement semble plus près de celui de la comète, que de tout autre, Le col, dentelé de points-coupés, est rabattu.

Le pourpoint, n'étant plus cinglé ni busqué, s’a- baisse en pointe sur le devant, ses pans sont divisés; la taille s’y accusait par un ceinturon. On y retrouve encore une petite épaulette, mais sans les ailerons, Des ouvertures, le long des bras, au dos, à la poitrine, laissaient voir la fine toile de Hollande de la chemise, qui contrastait avec le gros taffetas, le tabit, moiré et

‘cylindré, aux nuances tendres ou voyantes dont le pourpoint était fait. Le haut-de-chausses, attaché à grand renfort d’aiguillettes sous les basques du pourpoint, s’allonge en culottes flottantes, du genre dit «à fond de cuve ». Ces culottes sont attachées par un ruban noué en rosette, La botte fine a la partie supérieure de sa tige repliée, On n'y voit point la dentelle du bas à botter garnissant souvent ce revers.

Notre copiste a oublié l'éperon cambré qui se trouve sur l'original et qui est inséparable de cette botte surpied. On avait alors relevé la mollette de l’é- peron en en cambrant la branche, par égard pour les jupes des dames. L'épée, qui ne se portait plus en verrouil, était soutenue par un baudrier, plus ou moins large, brodé, parfois frangé d'or et d'argent.

La cape, débarrassée de ses doublures d'apprèts, se drapait sur le bras ou autour du buste. Celle qu'on voit ici était appelée le manteau à la Balagnie; ce manteau était alourdi par la frise dont il était doublé et par son collet qui était de grande dimension. Il tenait son nom d’un Balagny, bâtard de Blaise de Mont- luc. A cette époque, c’est au cours Saint-Antoine, en dehors du rempart, à partir des fossés de la Bastille, que l’on pouvait admirer un élégant de ce genre, le Cours la Reine, aux Champs-llysées, n'ayant hérité de la vogue du cours Saint-Antoine qu'après le ré- gne de Louis XIII.

Celui-ci, qui pose pour les dames, est au cours, dans l'allée du mail, dont le jeu était alors des plus à la mode, avec lalongue et la courte-paume, la boule, les quilles. Le jeu du mail se trouvait si répandu qu’il était habituel que dans les promenades publi- ques il y eût quelque allée réservée pour cet exer- cice. On appelait, par extension, le mail tout court, le lieu, l'allée l'on faisait usage du mail, lequel est, en réalité, l'instrument sur lequel notre jeune homme s'appuie comme sur une canne, une petite masse cylindrique de bois, garnie d'un cercle de fer à chaque bout, et ayant un long manche un peu pliant ; on se servait de cette masse pour chasser avec force une boule de buis, la & boule de mail ». Les dames s’exerçaient à ce jeu qui a quelques rap- ports avec notre crocket, et dans lequel l'adresse avait sa bonne part, Ce doit être dans l’une de ces parties galantes quenotre raffiné va se trouverengagé,

8. Gentilhomme de grand chemin.

Ce type, à la Callot, est tiré d'une suite de 12 pl. inti- tulée & de modens » et publiée à Amsterdam vers 1638. Les gravures sont de Salomon Savery, d'après

Pierre Quast. Les bandits composcrent la partie flot- tante des troupes de Louis XIII, C'était une partie véreuse de l'armée, distinguée des régiments fixes, que l'on disait @ entretenus », les autres s'entrete- naient comme ils pouvaient, Il y avait encore dans les armées des corps étrangers à la solde du roi; on continuait à délivrer, comme au temps d'Henri IV, des commissions à des capitaines recruteurs qui en- rôlaient des pauvres, des désœuvrés, des fainéants, se laissant aller à signer un engagement militaire pour recevoir deux ou trois écus comptant, et sous la pro- messe d’une solde minime qu'ils étaient loin de recevoir exactement. Ces recrues pour l'infanterie comptaient du moins sur une nourriture fixe, et vivaient dans l'espoir du pillage et des licences gros- sières qu'il entraîne à sa suite; quoique l'on n’épar- gnât point à ces fantassins le fouet et l’estrapade, le cheval de bois ou chevalet, le morion, l'habit retourné, etc., les règlements les plus sévères de la discipline n'étaient que de faibles préservatifs contre les exigences d’une soldatesque qui avait pour prin- cipe et pour habitude de ne faire aucune différence entre les compatriotes et les étrangers, et d'agir par- tout comme en pays ennemi. Les gens de guerre manquant souvent de nourriture et de solde, ne trou- vant sur leur passage que des portes et des cœurs fermés, n'ayant ni aide ni secours à espérer dans leurs besoins les plus urgents; exposés, s'ils étaient blessés, s'ils tombaient malades en route, à mourir abandonnés dans les champs, agissaient en consé- quence. Licenciés, on les rencontrait sous les débris de leur uniforme, demandant l’aumône le long des chemins, dans les rues des villes ; certains mendiaient l'épée au côté, et, à l’occasion, devenaient des vo- leurs dangereux.

L'hospice militaire fondé en 1596 par Henri IV dans les bâtiments de l'ancien hôpital de Lourcine, pour y recueillir et héberger les gens de guerre, officiers et soldats blessés sous les drapeaux, ne fonc- tionnait plus en 1634, A l’époque nous sommes, en 1638, on assimilait simplement les invalides de la guerre aux pauvres et aux vagabonds. On avait à attendre jusqu'à l’année 1670, la grande institution des Invalides par Louis XIV. L'officier représenté ici est un irrégulier, car il n'a ni le hausse-col, con- servé comme un insigne du grade dans l’armée ré- guliére, ni les aiguillettes d'épaule d'où plus tard devait sortir l'épaulette, Il n’a point non plus la demi-pique on esponton, qui distinguait l'officier du soldat. Il s'appuie simplement sur une canne

comme un général d'armée, un brigadier avec brevet ; c'est un capitaine, au sens que l’on donnait au titre des personnages de la plus haute noblesse en supprimant la qualité de & Monsieur » le capitaine Montluc, le capitaine la Trémoille, etc. C’est le capitaine d’a- venture, commandant une compagnie de gens de sac et de corde, dont le caractère est nettement indiqué par la scène du fond de la gravure d’où cette figure est tirée ; cette scène consiste dans le pillage de toute une localité, l'incendie de l’église, le charroi du vol, et la capture des habitants aisés emmenés en che- mise, On est en France ou à l'étranger, peu importe.

Le chef préside l'épée au fourreau, il n’y à pas de péril. Il est coiffé du grand feutre à plume, les bords sont retroussés en mauvais garçgn », disait-on dans le langage des modes. Il porte le bufle » qui remplaçait alors le corselet d'acier, Le bufile était une peau chamoisée qui avait longtemps coûté cher lors- qu'il fallait la tirer d'Allemagne ; mais, depuis 1630 environ, un artisan de Nérac avait trouvé le moyen d’en faire de meilleurs et d'un moindre prix qui étaient à l’épreuve de la pique et de l'épée. Peu après, deux grandes fabriques de Poitiers et de Niort, travaillant en façon de buflle, employaient des peaux de vache et même de mouton, en faisant une grande réduction de prix.

Le buflle que l’on voit ici, lacé sur la poitrine, est un simple gilet militaire que l’on mettait par-dessus le pourpoint. Le col est un large rabat, orné de points-coupés de contrebande ; ce soldat se souciait peu des prohibitions. Les gants épais, à poignets, sont le gant de chasse, en peau de daim ou en cuir de cerf, Le baudrier travaillé est solidement bouclé sur la poitrine, La culotte rayée est d’un drap que l’on voit aux gardes-françaises de l'époque, ainsi que le gros nœud de ruban accroché à la jarretière. Les bas sont de grosse laine; les souliers à cordons et sans élé- gance sont une chaussure de routier.

Le bufle ne couvre pas les bras, ce qui permet à la manche du pourpoint, fendue dans sa longueur, de laisser voir la toile de la chemise. Ce sinistre élégant porte la moustache courte, relevée en croc, et au men- ton, le bouquet à la royale. Était-ce la mode, est-ce une intention du graveur? les doigts des gants se termi-

nent en pointes aiguës comme s'ils recouvraient des ongles d'oiseau de proie.

Nos Get 7. Louis XIII et le marquis de Gesvres, dans le & marcher » des chevaliers du Saint-Esprit, créés à Fontainebleau, le 24 mai 1633 ; gravure d’Ab. Bosse, L

Le roi était le chef naturel de l’ordre, et marchait seul dans les cérémonies ; le capitaine de ses gardes du corps soutenait la queue de son manteau.

Dans les assemblées, les chevaliers paraissaient en habit de cour; mais cet habit n’était point l’habit à la mode en 1633, et conservait même une bonne par- tie de la physionomie qu’il avait lors de la fondation de l'Ordre du Saint-Esprit par Henri III, en 1578. Ce qui s’y était introduit de nouveau tenait tout à la fois aux modes françaises et au goût espagnol. La fraise n'est plus celle du temps de Henri III, elle est grande et retombe en un rabat qui accuse moins de raideur ; le toquet est à l'espagnole; on ne voit pas la cadenette au souverain, mais on la trouve avec son galant dans la chevelure du marquis de Gesvres. Le soulier, chargé de la grosse rosette qu'un contempo- rain appelle des & laitues pommes » est encore une des nouveautés. Mais le « frisque maintelin, le petit manteau à la clistérique » du porte-manteau du roi, le haut-de-chausses exigeant de si longs bas de soie, sont semblables à ce que ces pièces de l'habillement étaient à l’origine de l'institution, à l’époque d'Au- bigné les signalait comme étant coupées à l’espa- gnole. On peut ajouter que la démarche gourmée, les jambes de coq tendues du marquis de Gesvres sont également des choses de caractère espagnol, et offrent un exemple intéressant de ce que l’on peut appeler la démarche officielle du temps. Pour les jours de grande cérémonie, les seuls l’on portât encore des grands manteaux, l'affectation espagnole pouvait paraître de mise ; c'est peut-être ce que se dit le raffiné qui semble contempler le roi qui passe. Au fond, la tournure de ce joli gentilhomme nous dit ce qu'il en pense. Nous avons rapproché ces person- nages pour faciliter la comparaison, en faisant res- sortir toutes les différences dont nous avons recher- ché les causes.

Voir, pour le texte : Œuvres mélées de Saint-Evremond, six volumes, 1702; Cologne. Quicherat, Histoire du costume en France. A. Paul Lacroix, Dix-septième siecle, Usages et costumes, et le charmant Livre des par-

fums, publié par M, Rinrmel en 1870.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

LES MODES SOUS LOUIS XIII. UN CONTRAT DE MARIAGE. LA GALERIE DU PALAIS.

Le Contrat.

La bourgeoisie de bonne étoffe rivalisait quelquefois, à Paris, avec la véritable noblesse ;

elle avait des hôtels, des carrosses, s'habillait eb se parfumait à l'instar des gens de qualité, avec lesquels son savoir-vivre lui permettait de se confondre,

La Bruyère, qui connaissait du temps de Louis XITT ce que les contemporains lui en avaient

rapporté, n'hésite pas à offrir aux bourgeois de son époque, comme un modèle à imiter, cette vivante peinture de leurs ancêtres :

« « « «

« Ils comptoient en toutes choses avec eux-mêmes ; leur dépense étoit proportionnée à leur recette ; leurs livrées, leurs équipages, leurs meubles, leurs tables, leurs maisons de la ville et de la campagne, tout étoit mesuré sur leurs rentes et sur leur condition. Il y avoit, entre eux, des distinctions extérieures qui empéchoient qu’on ne prit la femme du praticien pour celle du magistrat, et le roturier ou le simple valet pour le gentilhomme. Moins appliqués à dissiper ou à grossir leur patrimoine qu'à le maintenir, ils le laissoient entier à leurs héri- tiers et passoient ainsi d'une vie modérée à une mort tranquille. »

C’est dans ces hauts échelons de la bourgeoisie qu'Abraham Bosse nous fait pénétrer dans

son « Mariage à la ville, » suite de six estampes parue en 1633. Une d’elles, intitulée « le

Contrat, » est reproduite ici et nous introduit dans un de ces confortables intérieurs dont les

fenêtres à vitres encore garnies de mailles de plomb, la décoration sévère et l’ameublement massif, rappellent le règne précédent.

Assis autour d’une table, les parents et le notaire rédigent le contrat, tandis que, par leur maintien, le futur et la fiancée, se donnant la main, soulignent l'esprit qui vivifie.

C’est la tête couverte que les maîtres de la maison ont accueilli l’homme de loi. Celui-ci, évalement couvert, a un chapeau à larges ailes et sans ornements, selon l’interdiction prescrite par les édits en ce qui concernait la bourgeoisie. La mise de ce notaire royal, bien que con- forme à la gravité de ses fonctions, s'accorde néanmoins avec les exigences de la mode. Quant aux parents, ils ont profité du privilège réservé à leur âge : chez les hommes, on retrouve, in- dépendamment de la barbe, le chapeau bas, la fraise et le grand manteau du temps du « bon roi » ; les dames montrent, l’une le rabat carré, l’autre le col en rotonde à armature de fil d’ar- chal, les manches prodigieusement ballonnées et la robe & la commodité traînante et à taille haut placée, accontrements qui, en 1633, étaient déja classés parmi les modes surannées. Comme coiffure, chez l’une, c'est la torsade de cheveux placée en arrière de la tête et agré- mentée du rond, chez l’autre l'antique chaperon « vraie marque et caractère de bourgeoisie « que les mères portoient, mais qu'elles ont tellement rogné petit à petit qu'il s’est évanoui « tout à faib. » (Le Roman bourgeois.)

La jeune personne accomplie, qui se trouve en tête à tête avec son futur, porte le costume des grandes dames du temps. Voir au sujet des bouffons, des garcettes, du fichu-pèlerine et aussi pour tout ce qui fait partie de la toilette du futur, les notices des planches l’Armoire et DX.

Entre les vieux parents discutant les intérêts de leurs enfants et les jeunes gens se jurant un éternel amour, l'artiste a placé, comme pour relier les deux groupes, deux fillettes personnifiant l'enfance. L'une d'elles court après l’autre et s'amuse à l’effrayer à l’aide d’un masque qui, dans la pensée de l'artiste, fait probablement allusion aux sentiments déguisés qui sont mis en avant dans le débat des intérêts stipulés par le contrat. En fait, c'est le masque de la mère ; les dames de la bourgeoisie faisaient encore souvent usage du masque, comme les dames de la noblesse.

N°22:

La Galerie du Palais.

« Tout ce que l’art humain à jamais inventé

Pour mieux charmer les sens par la galanterie, « Et tout ce qu'ont d'appas la grâce et la beauté,

« Se descouvre à nos yeux dans cette gallerie. »

Ces quatre vers sont le début de la longue tirade accompagnant l’estampe si réputée d'Abraham Bosse, « la Galerie du Palais, » que nous reproduisons ici.

Les babioles, c'est-à-dire les menues marchandises de la coquetterie ou de la galanterie qui longtemps ne furent à la mode que si elles venaient du Palais, se vendaient dans la galerie Mercière, en haut des degrés de la cour du Mai. C’était par excellence, les autres ne comptant que comme annexes, la « gallerie du Palais. »

Dans cette scène, trois boutiques étalent leurs marchandises.

A droite, celle de la lingère a en montre des grands cols et des collerettes, des nœuds, des manchettes, des vertugades, des fichus-pélerines de dentelle ou de point-coupé, lingerie à la mode depuis l'interdiction faite en 1620 de la passementerie milanaise, tous objets qui don- naient lieu de la part des classes riches à des dépenses excessives ; les cartons de divers formats sont pleins des mystères non moins dispendieux de la toilette secrète. La lingère essaie d’atti- rer avec une œillade le galant qui passe avec sa dame. Ce cavalier, avec le balagnie drapé sur son bras gauche, porte le pourpoint sans ceinture, sur lequel passe un baudrier maintenant l'épée droite ; son costume et celui de la dame à laquelle il donne la main, ont été décrits dans plusieurs des notices de nos planches.

L’étalage du mercier devant lequel on se presse, se compose d'éventails, de nœuds de rubans, de ces gants à l’occasion, à la nécessité, à la Phyllis, à la Cadenet, à la frangipane, ete., qui, entrés seulement depuis Henri III dans l'usage courant de la belle société, faisaient alors fu- reur. Les mercicrs vendaient aussi, par privilège, de la joaillerie et jusqu'à de l’orfevrerie daccoutrement. Au fond de la boutique, le marchand cherche à atteindre un des cartons étagés dont l'étiquette annonce que c’est en cet endroit que se faisait le débit des éventails dont Bosse avait dessiné les figures. Dans le gracieux costume des dames qui se sont arré- tées devant cette boutique, la coiffure est accompagnée d’un mouchoir de tête rappelant le cha- peron. Fiteleu, dans sa Contre-Mode (1642), constate les efforts que l’on fit pour rajeunir le chaperon et le replacer parmi les coiffures à la mode. « Les mercières du Palais galantisent de « ce côté, » dit-il, « pour en faire naître l'envie à celles qui les visitent pour s'informer des nouveautés. » Le joli seigneur qui aide ces dames dans leur choix, porte le même costume que celui de notre premier cavalier ; cette uniformité montre déjà la despotique influence de la mode, Il s’informe du prix d’un éventail à une demoiselle de boutique modestement vêtue de la hon- greline et d’une robe à grands plis.

La troisième boutique à gauche est celle d’Augustin Courbé que l’on reconnait de suite pour « libraire du roi, » au tapis fleurdelisé qui descend jusqu’à terre au dehors et sur lequel s'appuie un de ces cavaliers cadventureux qui, en lisant les romans, s’animaient à combabtre, » comme disent les vers placés au-dessous de l'estampe originale,

La femme du libraire offre, de l’air le plus engageant, à ce cavalier en petit manteau posé droit sur les épaules et en toilette raffinée, la Harianne de Tristan l’Hermite, tragédie qui eut un succès prodigieux en 1636, au théâtre du Marais, en concurrence avec le Cid représenté à l'Hôtel de Bourgogne, L'édition in-quarto de cette pièce qu’examine le seigneur parut chez Courbé, l’année d’après, avec un frontispice d'Abraham Bosse,

Au fond de la boutique, on aperçoit des rayons et des livres rangés, se côtoient, d’après les inscriptions en gros caractères placées au-dessus de l’étalage, les ouvrages sacrés et les ouvrages profanes, les romans et les livres d'histoire : la Biblia sacra, Rabelais, l'Art de par- venir, Plutarque, Cicéron, l’Astrée de M. d'Urfé, les œuvres de Goudeau, évêque de Grasse, Clitophon, les Tableaux de Philostrate, Machiavel, Sénèque, les œuvres de Boccace, les Postures d'Arétin, l’Ariane de Desmarets, etc., enfin tout ce qu'il était de mode de lire dans les salons se réunissaient les beaux esprits, les gentilshommes et les srandes dames.

Les autres galeries avaient toutes leurs libraires, et c’est chez ces marchands qu’on allait s’achalander de classiques, de nouveautés à la mode, et de tous les livres en général. D’autres libraires étaient confinés dans le quartier de PUniversité, en vertu des anciens édits; mais on donnait la préférence à ceux du Palais, quand il s'agissait de se procurer des livres de choix,

Corneille plaça dans la Galerie du Palais la comédie qui en porte le nom. Il y fait défiler les galants eb galantes sous les appels du libraire ou de la lingère.

Voir, pour le texle : Quicherat, Histoire du Costume en France. 47. Augustin Challamel, Mémoires du peuple français, Æachelle, 1870. Paul Lacroix, Dix-septième siècle, [nsti- tutions, Usages et Costumes, Didot, 1880.

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EUROPE. XVII SIÈCLE

ORFÈVRERIE JOAILLERIE.

OBJETS DE PARURE DU TEMPS DE LOUIS XIII ET DE LA PREMIÈRE PARTIE DU RÈGNE DE LOUIS XIV.

N°5 1,8, 16, 19 et 22. Pièces diverses d'une même parure, en filigrane, émail et jais. Partie cen- trale d’un collier, pendeloque, broche, agrafe de manche, boucle, Epoque de Louis XIII.

2, Pendeloque; orfévrerie émaillée, rehaussée de pierres de couleur. Commencement du dix-septième siècle.

N°s 3et 10, Collier et pendeloque de la même pa- rure; orfévrerie émaillée, avec perles et pierres de couleur,

5. Pendeloqué de facture analogue,

N°6.— Aumônière du temps de Louis XIII,

Nos7 et 15. Colliers en filigrane et jaspe, Époque de Louis XIII. Nos 9, 11,13, 20 et 25. Pièces d'une même parure.

Partie centrale du collier, pendeloques en broches; pendant d'orcille, bague; orfèvrerie dont les tiges

filigranées portent des fleurs ciselées, ayant figure de Do , w S perles non fermées, contenant des pierres de cou- leur.

NS 14 et 24, Deux pièces de la même parure; ou- vrage d'orfévre-lapidaire., Bouquet de corsage sur- montant un camée, Bracelet avec camée central.

17. Bracelet ; filigrane égayé de pierres de cou- leur en cabochon,

93. Fragment d’une suite de motifs semblables, fixés sur un ruban de soie, et servant de lien à deux parties orfevrées,

N°5 4, 12, 18 et 21. -- Petits bijoux du caractère des breloques, parmi lesquels deux cachets, dont l’un avec un chiffre royal a, pour plusieurs empreintes différentes, des figures gravées en intaille profonde, dans sa pierre montée sur pivot.

Nous ne pouvons donner en toute certitude l'échelle de ces réductions que pour les nos 9, 11, 13, 20, 25; elle est de 50 millimètres pour 140.

La bijouterie du temps de Louis XIIL et celle de la première partie du règne de Louis XIV, jusqu'au temps prévalurent les Marot, Bérain, Daudet, Pierre Bourdon de Coulommiers, ete., ete., tous sortis de l’école de Lebrun et de Mignard, cette bijouterie de l'époque des rubans et des dentelles, auxquelles elle convenait, d’ailleurs, a une physio- nomie propre, sinon originale. L’orfévrerie s’y allie avec l’art du lapidaire, d'une façon de plus en plus marquée ; la variété des couleurs des pierres, leur éclat, relèguent l'émaillerie et l'orfèvrerie elle-même, au second plan. On abandonne peu à peu le bijou construit, d'origine

italienne, ce qui restait du bijou de Cellini, après qu’il eut passé par les ingéniosités des pe- tits-mailres de la France, de l'Allemagne et des Pays-Bas. L’imitation de la fleur au naturel entre de plus en plus dans la pratique, en même temps qu'un courant oriental s’établissant di- rectement, on allie, avec plus moins de bonheur, deux principes, sinon contraires, du moins difficiles à combiner. Jean Chardin, fils d’un joaillier de la place Dauphine, allant en Perse pour les intérêts de son négoce, séjournant à Ispahan pendant des années, finissant par se fixer définitivement dans l’Inde, paraît avoir été l’un des agents les plus actifs et les plus influents de cette tentative que l’on peut dire couronnée de peu de succès, au point de vue général de l’art. Que l’on rapproche les bijoux de notre planche, les nœuds de ru- bans rigides et chargés de pierres, les tiges de fleurs, comme celles du 14, alourdies éga- lement par des pierreries, sans négliger d'observer la raideur des faux pendants, à position oblique du collier n°9, et qu’on les compare aux joailleries asiatiques, à leurs fins filigranes, à leur jeu libre, à leur élasticité (voir pl. Asie, ayant pour signe le Seau) et l’on sera con- vaincu, que, malgré leur savoir réel, leur finesse, la multiplicité de leurs soins, les arti- sans européens qui ont produit les riches parures représentées ici, n’ont réussi que très imparfaitement à donner à leur joaillerie, la vie, le mouvement et l'harmonie que tout ou- vrier asiatique sait obtenir de ses bijoux en ne recourant qu'aux moyens les plus simples.

L'art du lapidaire fut d’ailleurs la principale préoccupation des négociants qui se ren- daient en Orient. Pour ne parler que d’une seule pierre, le jayet, ou jais, par corruption, que l'on trouve en Allemagne, en Espagne, en Suède, en France, en Angleterre, ne s’extrayait guère alors que de la Lycie il prenait aussi le nom de gagas, de la ville de Gagis et du fleuve Gages. Naturellement, celle de nos parures brille le jais comme pierre principale est en filigrane et disposée à l’orientale d’une manière encore plus marquée que les autres ; ceb exemple suffit pour démontrer cette question de filiation.

La grande cherté des pierreries devait enfanter leur imitation. Sous Louis XIV, les dia- mants étant devenus un objet indispensable de la parure pour les classes riches, on dit que ce furent les actrices, obligées de se conformer à ce luxe éblouissant qui donnèrent l'essor aux bijoux de cuivre doré et aux pierres fausses. Cette imitation de pierres précieuses qui dépend de la chimie, et qui exige l'étude scientifique de tous les produits cristallins et quartzeux de la nature, est rangée dans ce qu’on appelle la Auute verrerie, par opposition à la verrerie simple. Elle à fait naître l’industrie franchement avouée du lapidaire-faussetier,

Les n°5 1, 8, 16, 19 et 22; les n°5 7 et 15; le 6 proviennent de la collection Jubinal. (Reproductions d'après des photographies de M, Frank l'Art ancien.) Tous les autres font partie de la belle suite publiée en Allemagne sur les musées nationaux et les collections particulières,

Voir pour le texte : Histoire de l’orfèvrerie-joaillerie, par MM. Paul Lacroix et Ferdinand Seré. Notice des émaux et de l’orfèvrerie, par M. A. Darcel, dans le cataloque du musée du Louvre, série D, 1867. Le Traité scientifique de l’art du lapidaire, par M. Th. Chriten, Paris, 1868.

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FRANCE. XVIIE SIÈCLE

LES PAYSANS.

Jacques Stella, peintre français, contemporain de Nicolas Poussin et de même école, à tracé toute une suite de scènes villageoises qui nous à été transmise par les gravures de sa nièce C. Stella, dont l’œuvre se classe parmi les gravures des maitres. Les fragments des tableaux auxquels nous empruntons nos exemples montrent que l’évolution du costume était encore lente parmi les populations rurales ; plus d’une pièce y porte toujours le cachet du moyen âge.

Les Bucoliques de Stella confirment le dire d’Ammien Marcellin, qui, après avoir voyagé dans toutes les parties de l'empire romain, déclare n'avoir rencontré nulle autre part au même degré ce qu'il vit dans la Gaule : & Aux champs comme à la ville, le Gaulois et la Gauloise soi- oneusement peignés et lavés, toujours propres dans leur mise; le plus pauvre ne se faisant point une excuse de la misère pour se couvrir de haillons. »

Le rural du dix-septième siècle fut cependant le plus avili de l'histoire de France ; il en demeure le plus effacé.

On avait vu, au treizième siècle, les campagnes poursuivre avec autant d'énergie que les villes l’œuvre de laffranchissement. Les paysans, libres et riches, ayant de leur valeur une très haute opinion, étaient alors des gens, «sachant parler et s’entretenir avec leurs seigneurs ; » aux jours de fête, ils étaient parés d'habits somptueux, « pareils à ceux dont on faisait usage dans les palais, » dit Quicherat.

Depuis ce temps, ils avaient eu à traverser les guerres, les invasions, les inventions de la fiscalité, les entraves du régime administratif ; pendant les quatorzième et quinzième siècles, ils se maintinrent cependant à un certain niveau ; au seizième siècle ils se trouvaient remis à la chaîne, et devenaient décidément l’objet du mépris des autres classes, lorsqu'on les vit, avec les gens de métier, ravalés au-dessous même des laquais, auxquels l’édit somptuaire de 1549 per- mettait l'emploi d’agréments de soie de velours dans leurs costumes qui devaient être de drap, tandis qu'aux gens de la terre et à ceux des métiers, cette ordonnance interdisait abso- lament la soie, même accessoire ; ce qui fut exécuté très rigoureusement.

La Chanson du Laboureur, qui se chante encore en Forez et en Velay, consacre vraisem- blablement ce souvenir :

Le pauvre laboureur est tout décourtisan. S’est habillé en toile comme un moulin à vent.

Le gros de la nation ne gagna rien au rapprochement de la classe éclairée et de la classe élevée, qui a donné naissance à la brillante société française de l’ancien régime, et qui demeure le fait le plus saillant de l’histoire des mœurs au dix-septième siècle. Loin de là, les classes inférieures laissées complètement en dehors du mouvement des esprits, de plus en plus misé- rables, à cause de l’accroissement continuel des charges publiques, devinrent de plus en plus grossieres, [rrévocablement vouées à la serge et à la bure, dès après Henri IV, on les avait vues descendre définitivement. D'une génération à l’autre, il n’y à plus de changement pour les paysans ; on les voit habillés tous et toujours de même pendant le siècle.

Les pilleries, le meurtre pour le plaisir de tuer, commis par la soldatesque dont Callot a laissé les tableaux navrants; les justices prévotales avec leurs pendaisons sans nombre de gens bran- chés aux arbres des chemins, dont M" de Kévigné parle avec une plume si légère’, tout avait contribué à reléguer le paysan à un plan dont il ne devait commencer à se relever que sous Louis XV, grâce à la propagation des idées de philanthropie et au goût dont un certain nom- bre de grands seigneurs s’éprirent pour l’agriculture, établissant des écoles dans beaucoup de villages.

& On travaille beaucoup en France, dit M. E. Reclus, de tout temps les populations y ont été laborieuses, même quand elles peinaient pour le compte d’un maître. » C’est à cette habitude du travail que l’on doit attribuer le bon état de propreté des campagnards montrés par Stella.

Les deux enfants assis au premier plan de la travée supérieure de notre planche sont em- pruntés à une scène de vendange. Le garcon est jambes et pieds nus, la petite fille est chaussée de bas et de souliers. Chacun d'eux tient un couteau en main et un bâton, sur lequel il mar- que d’une taille chaque baquet de raisin apporté.

La commère assise près d’eux sur une chaise basse, est la fermière ; elle tient en main un lien pour botteler la paille. Près d'elle, sa petite fille avec sa poupée, et la fille de ferme avec sa quenouille, Au delà, le berger conduisant son troupeau ; il porte sur l'épaule la hou- lette en spatule, pour jeter les mottes de terre aux moutons qui s’écartent ; la Aouletie en forme de petite pelle, pour lever les oignons des fleurs; la Aoue pour renverser la terre en la tirant vers soi. Le tonnelet, suspendu à ces instruments, est celui du vivandier du moyen âge, et avoi- sine la pannelière en forme de sac.

Le moissonneur, et la botteleuse qui tient sa jupe pour prendre des perdrix, sont jambes et pieds nus ; une femme aussi peu et aussi court vêtue est une de ces visions qui évoquent le sou- venir du célèbre passage de La Bruyère :

« L'on voit certains animaux, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent ; ils ont comme une voix arti- culée, ils montrent une face humaine, et, en effet, ils sont des hommes. »

Les filles de ferme, jambes et pieds nus, se rencontrent encore en bien des provinces euro- péennes. Quant au moissonneur, il était d’un usage, assez général au moyen âge, de se dépouil- ler des chausses pour certains travaux, par exemple pour faucher et moissonner.

C'est un tabellion que l’homme assis sur un banc et écrivant sur son genou. Son costume ne comporte aucune distinction professionnelle ; il inscrit les conditions du contrat dans une scène de fiançailles.

Le cortège nuptial se rendant à l'église compose la travée au-dessous. La mariée à la cheve- lure libre et flottante de la vierge du moyen âge, avec une petite couronne et un petit bandeau, liés l’un à l’autre, et qui paraissent formés de perles.

La dernière rangée comporte un couple de jeunes gens sautant gaiement au son du pipeau, en cheminant le soir pour regagner la bergerie. Les six autres se livrent à la danse en branle. au son des chalumeaux.

Chacun dans cette danse, Mène le branle tour à tour,

Aucun des souliers que l'on voit portés ici, n’a le talon haut en usage dès les dernières années du seizième siècle ; la semelle, selon le mode ancien, à seulement une épaisseur plus grande sous le talon du pied, et allant en décroissant vers l'avant. Les hautes œuêtres sont les fourreaux de jambe en cuir, en feutre ou en toile, que les Gallo-Romains portaient, qui reçurent tour à tour les noms de gamaches, garravaches, calzar, et que la chanson du laboureur citée ci-dessus appelle encore des arsoulètes :

Faut faire des arsoulètes de toile de métier, Pour empêcher la terre d'entrer dans vos souliers,

On peut signaler ici, comme parmi d’autres populations rurales de l’Europe, moins d'empresse- ment pour les modes nouvelles du côté des femmes que du côté des hommes. C’est ainsi, qu'avec leur corsage coupé en carré, généralement, selon le goût italien du seizième siècle, toutes les tailles de ces paysannes restent courtes après que les dames avaient donné l’exemple de tant serrer et prolonger les leurs. Aucune d'elles ne porte les #ancherons qui sont rares dans la toi- lette des hommes, mais enfin qui s’y rencontrent ; la plupart ayant au moins l’épaulette qu'au- cune des femmes ne montre, = Les robes étaient de drap, de serge ou de futaine, et de couleur unie, le plus souvent. La

paysanne n'y avait jamais de queue; lorsqu'elle en relevait la jupe, c'était à l’aide d'un cordon que l’on ôtait pour monter à cheval. Elle enfourchait la monture, à l'instar du cavalier.

La chevelure sous la résille était encore la coiffure en cheveux de la fille du moyen-âge. Le fichu en marmotte était la coiffure de la matrone, qu'après un certain âge prenait la fille qui ne s'était point mariée.

Le tablier blanc faisait partie de l’habit de travail, et aussi de la demi-toilette. Ouvré, den- telé sur les bords, il était d’apparat : la mariée et les dames de la noce, et même les petites filles, le portent.

Les hommes font encore fort peu usage des boutons ; ce qu’on leur voit surtout pour fermer leurs vêtements ce sont des cordons ; la plupart portent la saye ou le styon, court, serré à la cein- ture, fendu sur les côtés. La cape était écourtée, les chapeaux étaient en paille ou en feutre, selon la saison. Les pâtres mettaient généralement par-dessus leurs habits un sarreau de toile, la sor- quenie, devenue la souquenille. Les paysans que Pon voit ici sont les pères de ceux dont la niaiserie à tant réjoui nos ancêtres, à l’époque Jacques était devenu Jacquot, et Piarrot, fils de la terre française, ne savait plus parler la langue de son pays.

& Monsieur Blaise, on m'a dit que vous aviez besoin d’un berger.

Çaest vrai. Je chassis hier lenôtre, parce que c’étoit un fripon qui se méloit de guablerie. » Monsieur Blaise, selon le Théâtre de la Foire, c'es le fermier. « 11 me semble que j’avons un certain air relevé, qui doit faire connoître qui je sommes. » (Z/Obstacle favorable.)

Ayant étudié en Italie, peintre de Louis XIIT, logé aux galeries du Louvre, Stella n’eût pas été de son temps si, en peignant le rural français, il avait oublié Virgile, et s’il ne l'avait modelé sur les idylles de Théocrite, Son homme de la terre est en quelque sorte, le paysan officiel d’un siècle pendant lequel, et à l'exemple du roi, on semble n'avoir pas voulu connaître la réalité pour ce qui concernait les campagnes. Stella n'indique que par un seul trait la misère de leurs populations : le trou qu'il met au coude de son tambourineur dans le cortége nuptial. Le succès de ces scènes pastorales fut tel au dix-septième siècle, et même pendant la premiere partie du dix-huitième siècle, que les planches usées de C. Stella furent gravées et regravées de toutes les façons. Basset les divisait en séries de quatre saisons pour en faciliter le débit, les vendait enluminées en y ajoutant des quatrains de la dernière platitude, pimentés quelquefois de quelque intention polissonne. Les Bonnart en usèrent de même dans leurs éditions réduites. Les gens des villes semblent avoir été alors comme le roi ; ils croyaient que c'était le paysan. La sincérité de l'artiste sous le rapport des choses typiques du costume nous rend cependant intéressants ces tableaux dont la forte rusticité devait se trouver métamorphosée par les mains enchanteresses de Watteau, avec le pimpant menteur et franchement invraisemblable que lon connaît. C’est alors un autre Thélème et une autre Tempé, qui trouvent une nouvelle expres- sion dans les indiscrétions de la jupe écourtée et des fichus mal attachés de Boucher, et qui font du hameau rustique la singulière Cythère dont la Pompadour fut la reine.

Voir pour le texte : Quicherat, Histoire du costume en France. JM. H, Gaiïdoz et E. Rol- land, Mélusine, 1878; Paris.

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ITALIE. XVII SIÈCLE

ORDRES RELIGIEUX

1.

Abbesse de l'ordre de Saint-Étienne de Florence, en habit de chœur.

No 2.

Religieuse du même ordre, en habit ordinaire dans la maison.

No 8. Chapelain du même ordre, en habit de cérémonie. No 4. Religieux de l'ordre des Humiliés. NOPE:

Sœur du tiers-ordre de Saint-Dominique, de la con- grégation du Corps de Christ. :

6.

Religieuse noble vénitienne, Bénédictine du monastère de Saint-Zaccharie, à Venise, en habit de chœur.

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Religieuse noble vénitienne, du même ordre, en habit ordinaire dans la maison.

N0:8. Religieuse noble vénitienne, Augustine, à Venise. No9: Porteur de morts à Venise,

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Pénitent noir, à Venise ; image brodée en couleur et cousue sur le vêtement.

No 11.

Chanoine séculier de la congrégation de Saint-Georges, in Algha, à Venise.

( Tiré des ouvrages du Père Hélyot, de Schooncbeek et de Bar, sur les costumes des ordres religieux et militaires.)

ITALIE. XVII SIÈCLE

ORDRES RELIGIEUX. ROME.

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NPA

Ursuline de Sainte-Rufine et Sainte-Seconde, en habit ordinaire dans la maison.

N°2 et 3.

Religieuse du monastère de Sainte Catherine, dite des Cordiers, avec une Vierge misérable ou orpheline de ce monastère,

4.

Religieuse hospitalière.

N' 5 et 6. Enfants trouvés. N°: 7:

Jeune orpheline pauvre, dite Zoccoletta, en habit de ville. Ha RL PA PE SE GE Élèves des collèges romains. 8. Collège des Grecs. 9. Collége des Nazaréens. 10. Collége Salviati. 11. Collège des Écossais. 12. Collège Mattei, 13. Élève du collége des Allemands et des Hongrois,

en habit de chœur.

( Tiré des ouvrages du Père Hélyot, de Schoonebeek ct de Bar, sur les costumes des ordres religieux et militaires.)

Amp. Firmin Didov er (Paris

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FRANCE. XVIIE SIÈCLE

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1. l 6.

Ancienne Carmélite en France. Religieuse Sachette.

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N°22, Religieuse Madelonnette, à Metz,

Religieuse de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jean-Baptiste de

Beauvais, en habit de chœur, avant la réforme de No18> 1646. , : re / Religieuse de l'ordre des Prémontrés, en habit ordinaire, Nos, N°9!

Hospitalière de Sainte-Catherine, en habit de chœur. Noble Bénédictine de Bourbouwrg, en habit de chœur.

No 4. 10. ÉRnoie _ es 2e Fans T en ER | Noble Bénédictine de Bourbowrg, en habit ordinaire ordinaire dans la maison. u dans la maison, Nous, 11.

Novice des Hospitalières de Sainte-Catherine, en si- Habit des religieuses Pénitentes, à Paris, après leur marre. réforme,

(Tiré des ouvrages du Père Hélyot, de Schoonebeek et de Bar, sur les costumes des ordres religieux et militaires.)

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NAT Hospitalière de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jean-Baptiste de Beauvais; costume antérieur à l'an 1646. NN: Hospitalière de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jean-Baptiste de Beauvais, 8.

Hospitalière de l'Hôtel-Dieu de, Saint-Jean-Baptiste de Beauvais, en habit ordinaire dans la maison.

4

Religieuse du Saint-Sépulcre en France, en habit de chœur, 5

Converse du même ordre,

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6. Religieuse hospitalitre de Loches, avec le grand voile dans les cérémonies, Na 7. Religieuse du même ordre, en habit ordinaire les jours ouvriers, l'été. (Diocèse de Clermont.) N°8. Religieuse hospitalière de Saint-Gervais, en habit or- dinaire dans la maison. No29; Sœur de la communauté des filles Trinitaires, à Paris. 10.

Religieuse feuillantine,

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ALLEMAGNE. XVII SIÈCLE

LE COURANT DES MODES SELON LES CLASSES. LE PELZKAPPE, LE KITTEL, ETC.

Au seizième siècle, la réforme avait imprimé un cachet tout particulier de sévérité aux cos- tumes allemands; mais dès le dix-septième siècle l'influence des modes françaises devait se faire sentir et profondément tempérer cette sévérité. La noblesse allait se former en France et en rapportait les manières; l'esprit austère fut dès lors remplacé par une légèreté élégante qui, dans les classes non instruites, dégénéra presque en ostentation grossière.

C’est à Hollar, le graveur si fin et si consciencieux, que nous empruntons une partie de nos dames de la bourgeoisie; les autres figures sont surtout de mains allemandes ; elles offrent nn caractère de sincérité des plus intéressants, car ce sont des témoins irréfragables de la façon dont les modes françaises étaient portées de autre côté du Rhin par les imitateurs des Belle- garde, des C'andale, ete. Les pièces rares rassemblées ici montrent que, malgré la bonne vo- lonté des esclaves de la mode française, la raideur germanique avait quelque peine à contracter la facile désinvolture de nos raffinés: le portrait du futur duc de Brunsvick, 1, est éloquent

sous ce rapport.

Il ressort encore de ce petit ensemble la confirmation d’une observation faite à propos des Scandinaves de la Suède et de la Norvège, L'engouement pour les modes nouvelles, assez en- vahissant pour produire une transformation complète du costume, est surtout le fait dn sexe fort. Les dames ne suivent que lentement ces évolutions du goût; ce n’est qu'au fur eb à me- sure que l’on voit entrer dans leur toilette quelque pièce nouvelle; la robe de coupe récente, le fichu d'Anne d'Autriche, se rencontrent ici avec le peZzkappe, la coiffure de poils de toutes les dimensions et de toutes les formes que les dames des diverses classes eurent tant de peine à abandonner, que le bonnet à poil apparaît encore sur la tête d’une coquette en déshabillé

d'été, 10 dont les hautes mules à la Maintenon disent l’âge, c’est-à-dire les approches de la fin du dix-septième siècle,

On peut observer ici la physionomie générale du courant inégal des modes à cette époque, en considérant le groupe des deux figures 16 et 17, offrant le spectacle d’un Bassompierre germanique causant avec une dame en collerette à godrons, coiffée de loutre, en jupons renflés au-dessus des hanches, portant le tablier, etc, dame de la société de ce Bassompierre, non moins parée que le galant, mais seulement en arrière sur le choix de son accoutrement.

Le pelzkappe, bonnet de fourrure, se voit encore, quoique sous des formes altérées, réduites, dans quelques parties de l'Allemagne, et même dans le Tyrol.

La petite jaquette, le Æiffel, ainsi que le corsage lacé par devant, se rencontrent toujours dans la Souabe dans le grand-duché de Bade; on y retrouve aussi aujourd’hui les jupes à gros bourrelets, lesquelles, en Poméranie, ont plutôt redoublé d’exagération par le nombre

croissant des jupons superposés.

Ferdinand Albert, qui devint duc de Brunswick-Bevern, en 1666.

Costume à la mode de 1650. Haut chapeau de feutre orné d’un nœud de ruban; col rabattu ; pourpoint court à manches ouvertes pour la montre du linge; gants de chasse; pantalons ou canons se terminant en une rangée de rubans roués par des aiguillettes ; garniture du pourpoint et du pantalon par des fer- rets de diamants; larges nœuds de rubans ga- lants, sur le devant des canons et sur leur côté ; bottes à entonnoir renversé avec garniture de den- telle; larges surpieds ; riche baudrier soutenant une longue et forte épée; canne fine et droite, à bout ferré.

No 2.

Ce personnage d’allure baroque, que Hollar a certaine- ment dessiné d'après nature en 1646, est une figure de l’aloi le plus suspect, que confirme d'ailleurs la légende en vieil allemand, gravée au bas de l’estampe originale, et dont le sens paraît indiquer :

QUn fruit vert et rude de par Dieu, un damoiseau plein de ressort sous l'ajustement de sa milice, de sa bande, houssée de bison, où, tout rondement, on ne fait point de distinction entre le tien et le mien. Une

muse certaine guide le raufbold avec sa pelade, le

raufhold, ferrailleur et brettailleur, qui sait parfaite- ment raufen, tirer, arracher, plumer. »

La désinence indique la parenté avec le ruffiano italien. Ce bandit enrolé et portant un uniforme a un bufletin épais servant de cuirasse, et un haut-de- chausses de cuir fort, dont le manque d'élasticité né- cessite l'ampleur du fond sans laquelle l'homme ne pourrait s'asseoir. Ce haut-de-chausses, noué à Ja ceinture par des aiguillettes, est cousu au dessus des genoux au drap qui le prolonge, et par languettes, comme il était d'usage pour ces sortes de jonctions. Ce Ruffian tudesque porte avec ostentation des ga- lants au-devant de son haut-de-chausses, et le plus volumineux de ces nœuds de rubans se trouve à la brayette, comme un dernier souvenir de cette vieille invention allemande. Il porte un sabre lourd sus- pendu dans le dos, comme on en avait usé pour les grandes épées à deux mains, et ainsi que le prati- quaient les montagnards ayant besoin d’être alertes ; et c’est, avec le poignard inséré dans son bufletin, le seul armement de ce gredin sinistre, chaussé de souliers de la famille des sandales, c'est-à-dire sans talons, et glissant, au besoin, sans bruit comme le chausson du voleur. La collerette est d’antan, mais le chapeau est de la mode d'alors.

Nos 3, 4, 5,6 et 7.

Femmes d'Augsbourg dont les coiffures élevées ont

certainement pour origine celles du quinzième siècle.

No 8. Haut bonnet cambré; corsage en pointe; robe

bordée de passementerie et ouverte par devant;

petit tablier; manteau galonné avec pèlerine den- telée; chapelet à gros grains passé au poignet,

4, Chapeau à larges bords ; cheveux bouffants sur les côtés, enveloppés d’une résille à larges filets ; manteau court de grosse étoffe et taillé en rond ; col- lerette de dentelle; tablier de même longueur que la robe.

5. Vaste coiffure cambrée, à solide armature ; fraise s'abaissant du cou vers les épaules ; sur le cor- sage de la robe, un corset passementé ; tablier ; pièce d’étoffe repliée et fixée à la ceinture faisant les fonc” tions de manchon.

6. Coiffure à peu près analogue à la précédente, mais qui enveloppe plus la tête et ne laisse rien aper- cevoir des cheveux; corsage bordé de fourrure et à épaulettes relevées en pointe; pièce d'étoffe légère dans laquelle se dissimulent les mains.

7. Petite coiffe; chapeau conique accompagné d'un large écran de toile ; poche fixée à la ceinture pour abriter les mains.

Nos 8, 9,10, 11,12, 15, 14, 15, 17, 18 et 19.

Costumes du bassin du Rhin.

8. Bonnet plat sur une petite coiffe; fraise; man- teau à larges épaulettes et à petits plis; ce man- teau accuse encore l'ampleur de la robe occasionnée par le nombre de jupes superposées ; ouvertures lais- sant passer les manches bouffantes de la chemise ; fausses manches au poignet.

N°5 9, 12, 13 et 17. Pelzkappe, bonnet de fourrure ; kittel ou jaquette avec la pélerine et les manches garnies de fourrure sur un corset lacé ; jupe à petits plis formant bourrelet autour de la taille. Le 12 a de plus une coiffe sous son pelzkappe. Cette femme tient par la main un enfant ajoutant à son costume militaire l'illusion d'un cheval dont le corps se ter- mine en un bâton passé entre les jambes du cava- lier, Le 13 porte un manchon recouvert d’étoffe,

10. Coiffure en toile blanche rappelant celle non moins originale portée à la même époque par les jeunes filles de la basse Alsace ; plastron et cor- selet lacé d'où sortent les larges manches de la che- mise. Cette personne ramène d’une main les cordons d'un tablier descendant aussi bas que la robe,

N°11. Dame de Bâle : pelzkappe; fraise; corsage lacé; kittel garni de fourrure; hongreline et jupe recouvertes d’un large tablier.

14. Pelzhappe et cadencttes retombant des deux côtés du visage; palatine de fourrure; manches ou- vertes montrant la finesse de la chemise; manteau troussé; manchon. Cette figure est celle la mode française du dix-septième siècle se fait le mieux sentir,

15. Bonnet de fourrure en forme de kalpak ; pe- tite coiffe brodée ; collier de perles ; pelisse de soie: écharpe de dentelle jetée sur les épaules ; les man- ches de la robe sont des engageantes à un seul rang ; long tablier couvrant la robe ; souliers 4 hauts talons et à nœuds formant rosette sur le cou de pied,

18. Jeune Strasbourgeoise : pelzkappe ; kittel à pèlerine garnie de fourrure ; corset lacé découvrant le plastron ; hongreline et robe à large ourlet, recou- vertes d’un tablier dont les cordons jouent ici le rôle de contenance.

19, Marraine portant elle-même, selon l'usage du pays, l'intéressant fardeau qui repose sur un oreiller reconvert de dentelles ; sous le pelzkappe, une coiffe brodée; manteau à épaulettes de même genre que celui du 8,

N°16,

Gentilhomme ayant l’aspect des rafinés de l’époque de Louis XIII.

Chapeau à larges ailes et 4 panaches ; col de dentelle

rabattu ; haut-de-chausses dont on aperçoit les aiguil- lettes sous les basques du pourpoint; cape drapée autour du buste ; bottes à entonnoir.

20.

Ministre protestant.

Petit chapeau rond ; fraise ; pourpoint à manches bouf-

fantes sortant par les ouvertures d’un manteau à petits plis,

Ce costume, sauf le chapeau, remplacé par une barrette, est celui que prit Luther lorsqu'il obtint le grade de docteur en théologie.

No 21.

Portrait de « la très vertueuse, très honorable et richissime dame Barbara ».

Pelzkappe ; collier avec bijou s'étalant sur une colle-

rette de dentelle; casaquin étoilé de broderies d’or

avec manches bouffantes et à larges ouvertures mon- dont les extrémités retombent sur le devant de la trant la chemise ; fausses manches de dentelles fixées basquine; chaîne d'or avec bijou formant ruban; au poignet par des faveur; ceinture en jaseron bagues,

Le 1 est signé C. Buno; le 2 est d'après Hollar.

Les n°8, 4,5, 6 el 7 ont élé reproduits d'après une suile de gravures de l'époque intitulée : Divers habillements des femmes d’Augsbourg, sans nom d'artiste.

Les n°8, 9, 10,11, 12, 13, 14,18, 19 et 20 font partie de la série de costumes gravés par Hollar : Aula Veneris, sive varietas fœminini sexus, diversarum Europæ nationum, dif- ferentiaque habituum, ut in quælibet provincia sunt, apud illas nunc usitati, etc. ; anno 1644.

Le 15 est la reproduction d'une gravure allemande signée Weigel; les 16 et 17 sont d'après une estampe sans nom d'artiste, et le 21, d'après Sandrart, artiste allemand qui Jinit ses jours à Nuremberg (1606-1683).

Voir pour le texte : M. Hermann Weiss, Kostümkunde, Slutlyard, 1860-1872. M. Albert Kretschmer, Die deutschen Volkstrachten, Leipzig, 1870.

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ANGLETERRE

COSTUMES DES FEMMES DE DIVERSES CLASSES. MODES DE 1612-1649.

1 2 3 Î D 6 î S 9 10 11 12 13 N°5 1. Bourgeoise de Londres, 1643. No $S. Femme d'un marchand distingué de Lon- 2, Fille d'un marchand de Londres, 1649. dres, 1643. D Noble daté anglaises 1649 9, English gentlewoman. : ame anglaise, 9. . : 10. Noble dame anglaise, 4. Demoiselle : English gentlewoman. ne DU _—. ; _ , à ; 11, Femme du lord-maire de Londres, 1649. 5. Lady de la cour d'Angleterre, 12, Noble dame anglaise. 6. Fille d’un bourgeois de Londres, 1643. 13, Bourgeoise, 1649. (Civis vel artificis Londinen-

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. English gentleuoman. sis uxor.)

A cette époque, celle de Charles 1%, les dames anglaises de rang élevé, même celles simplement aisées, suivaient de si près les modes françaises que l'on put considérer comme identique le costume des dames des deux pays. Sauf quelques nuances, tenant au port plus ou moins gracieux de ce costume, que le fin et consciencieux burin de Hollar a su retracer, on ne voit aucune différence importante à signaler. La physionomie du costume féminin en France de 1635 à 1650 est connue; elle est charmante : « Pour la première fois depuis des siècles, dit M. Quicherat, le buste se montre sans être déformé par la robe. Les peintres fla- mands semblent être venus exprès pour nous en conserver le souvenir dans toute sa grâce,

C’est surtout par le fait de Richelieu que cette réforme spontanée atteignit sa véritable perfection. Ce qu’un ministre, quelque puissant qu'il fût, ne pouvait faire concernant la coupe des vêtements, il le pouvait en ce qui touche la nature de ces vêtements; il était en son pouvoir de défendre l’usage des draps d’or ou d'argent que l’on employait aussi bien pour les habits des femmes que pour ceux des hommes; il lui était loisible d'interdire ces mêmes matières appliquées en broderies aux rabats, aux bas, aux mouchoirs; il pouvait prohiber les passements en objectant qu'ils étaient milanais, comme il pouvait condamner l’abus des

dentelles parce qu'on les faisait surtout venir des Flandres; les raisons d’un intérét national ne manquaient pas, et les édits somptuaires d’un tel ministre étaient autrement respectés que les nombreux et à peu près inutiles édits publiés aux temps précédents; mais le résultat le plus étonnant de ces mesures fut qu’en agissant dans un intérêt qui paraissait local, ses interdictions se trouvèrent en tel accord avec le bon goût que tous nos voisins s’y confor- mérent, quoique pour plusieurs il dût paraître que c'était la ruine de certaines industries qui leur étaient propres. Il arriva donc, en peu de temps, que les édits somptuaires rendus en France, avaient réformé les choses du costume en Angleterre comme en Flandre; on impo- sait le bon goût aux Français en les obligeant à la simplicité, et nos voisins acceptèrent cette loi comme si elle les eût concernés; c’est un de ces miracles qu'il n’est donné qu’à la mode de pouvoir produire. Elle fut rarement, d’ailleurs, aussi bien inspirée.

Nous croyons inutile d'entrer ici dans le détail oiseux d’un vêtement aussi connu que celui des nobles dames en costume d’assemblée qui figurent dans notre planche; on sait que le décolleté n’était de mise alors que dans ces réunions ou dans les solennités; les habits des femmes de la bourgeoisie nous paraissent offrir un intérêt plus particulier. Les 1 et 15 entre autres, portant le chapeau dont les femmes du menu peuple conservent encore l'usage en Angleterre, présentent nn caractère d’austérité bien en harmonie avec la société poli- tique du moment, alors en pleine ébullition; ce costume devait convenir aux {éles-rondes, Le 1 porte la hongreline comme on imagina de lajuster pour les femmes à cette époque, et M. Quicherat a fait remarquer que c’est un vêtement conservé par les sœurs de saint Vincent de Paul, dont l'institution est contemporaine. Ces religieuses mettent encore par-des- sus cette hongreline de drap le tablier et le fichu, comme on les voit ici à plusieurs figures.

Un de ces costumes offre une singularité assez piquante ; c’est celui dont est affublée la dame 11. Cette épouse du lord-maire de Londres, en 1649, c’est-à-dire au milieu du siècle, est accommodée d’une fraise épaisse et empesce, parce que les magistrats anglais ne crurent pas devoir quitter cette collerette baroque, même quand ils eurent vu les cols rabattus adoptés par toutes les autres classes ; ils trouvaient à la fraise plus de dignité; c’est ainsi que plus tard après avoir pris la perruque, ils se refusèrent à la délaisser, toujours pour le même motif ; heureusement pour les femmes des magistrats anglais, l'obligation de la perruque ne les a pas atteintes, mais au milieu du dix-septième siècle, l'épouse du lord-maire de Londres en représentation officielle était obligée de se parer de la fraise surannée gardée par son mari.

(Reproduction d'après Hollar (Venceslas). Ces fiqures sont tirées de la suile dont il a commencé la publication en 1640, et qui est intitulée : L/Ornement anglais féminin ou costume des femmes anglaises, tant de la noblesse que du peuple. (Ornatus mulicbris anglicanus or The several habits of Englishwomen.) Nous avons soigneusement relevé les dates inscrites sur ces gravures. )

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EUROPE. XVIIE SIÈCLE

ANGLETERRE, BRABANT, ALLEMAGNE ET FRANCE

COSTUMES FÉMININS, 1640-1650, LES DAMES HOUPPÉES,.

La Pensée,

1. Matrone de Francfort, 1645. 2. Femme de marchand d'Anvers, 1650. 3. Bourgeoise de Strasbourg.

N°4. Fille de la bourgeoisie de Strasbourg, en cos- tume nuptial,

5. Jeune fille de la même ville, en costume ordinaire. N°6. Autre jeune fille de Strasbourg. 7. Femme noble du Brabant, 8. Femme de Cologne, 9. Femme mariée de la bourgeoisie, même ville, 1643,

N°10. Dame de Cologne en toilette de promenade, 1643, exspatiens, dit l'inscription latine « qui se répand, s'étend, déborde ».

N°11. Dame de qualité, de Cologne, 1642, 12. Femme noble de la même ville,

13. Portrait de dame de même caractère, daté de 1643.

14, Dame anglaise en toilette de printemps.

1644,

Le V couronné.

14 15 16 17 18 19 20 Di 22 23 24 29 26 27

15, Portrait, parure dans le genre de Cologne, 10.

16. Dame anglaise en costume d'été, 1641.

17.— Portrait de jeune fille, attribué au peintre hollandais Van der Helst,

18. Dame anglaise en tenue d'hiver, 1641. 19. Portrait de dame, d'apparence française, 20. Dame anglaise en toilette de printemps, 1641. 21, Dame anglaise en costume d'automne, 1641.

22, Portrait d’une épouse de lord maire.

23. Dame anglaise, costume d'été, 1644,

24, Portrait d’une dame en costume d'intérieur, 1647. 25, Dame anglaise en toilette de ville à l’au- tomne, 1644,

26, Portrait d'une dame d'Anvers, 1644, 27. Dame anglaise en tenue d'hiver, 1644,

Le petit chien, tondu en lion, gravé par Hollar, d'après un dessin de Matham, est de 1649,

Toutes ces figures (sauf le 17) proviennent de l'œuvre de Hollar, Ce maître graveur, à Prague et mort à Londres, après avoir séjourné à Francfort et dans les Pays-Bas, et dont l'exactitude et la finesse tiennent tout à la fois de l’école de Holbein et de Van Dyck, son contemporain, est on ne peut plus précieux pour les costumes de son temps; avec son Ornatus muliebris anglicanus (Londres, 1640), qui compte vingt-six planches, et le Theatrum mulierum Londres, 1643 ou 1644), qui en ent trente-six d’abord, et s'augmenta successivement jusqu'à cent, c'est le dessinateur le pluscomplet des dames de son époque. Parmi les figures reproduites ici, les 16, 18, 20 et 21, les n°5 14, 23, 25 et 27, séries complètes de 1641 et 1644, proviennent de deux de ces suites que, sous la rubrique des quatre saisons, certains li- braires de Londres vendaient comme de véritables gravures de mode, Les plus arriérés des costumes rassemblés ici sont ceux des Allemandes de Strasbourg, n°5 8, 4, 5 et G; en même temps que par un autre contraste on y peut observer plus d'une mode encore en usage en plus d’une province en Allemagne. Le grossissement du corps que, dans plus d’un endroit, on se procure en accumulant des quantités de jupons, se dessine encore, comme ici, bien au-dessus de la taille, dans le district de Pilsen, en Bohême, les villageoïises, usant d'une garniture de crin ou autre matière, relèvent la ceinture de leur jupe presque jusqu'à la hauteur de l’entournure des manches de la chemise, le cor- sage étant lié à la jupe, et les manches de la chemise s'attachant aux poignets et restant apparentes. Il en est de même de la fraise, de la collerette tuyautée, appartenant au seiziéme siècle que, sur les rives de la Sprée, dans la Lusace, et encore au col de certains spencers de la Silésie, on retrouve aujourd'hui non moins grande que celle de la dame de Cologne, 10. Le bonnet de fourrure, le corsage ouvert par devant et lacé, la jaquette fourrée ou non, aussi courte pour l'hiver que pour l'été, le tablier, faisant partie du costume habillé, tout cela encore subsiste en principe dans le costume national en beaucoup de localités. La couronne orfévrée des fiançailles tient à d’au- tres traditions d’un caractère qui semble encore plus immuable, mais sa richesse et sa forme diffèrent sui- vant les pays. Le haut bonnet orfévré de l’épousée de Nuremberg, pl. Europe, XVI: siècle, ayant pour signe VS de suspension, est fort différent des deux bourre- lets superposés de la Strasbourgeoise, 4 ; aujour- d'hui ces riches coiffures ont plus d'apparence que

de véritable luxe : le kormdt d’Altenbourg est en carton paré de morceaux métalliques ; le shappale des filles de la forêt de Bregenz, dans le Tyrol, est encore moins brillant. |

Ce qui rattache le plus nettement les Strasbour- geoises représentées au mouvement général des modes de cette époque, c’est le raccourcissement de la jupe du costume habillé pour la montre du soulier à pont, avec un talon assez haut pour mettre le pied en pente, ce qui causa d'abord un très réel embarras pour la marche, eb était une innovation qui, en France, au milieu du dix-septième siècle, datait déjà de quelque cinquante ans, toutes les dames qu'elles fussent d'Anvers, de Londres ou de Paris, de Franc- fort, de Cologne ou de Strasbourg, portaient toutes le soulier à pont et à talon plus moins haut,

Ce qui dans ce costume n'est point du courant général des modes de l'ouest-nord de l’Europe, c'est le bonnet de zibeline ou gibeline, la coiffure de martre qui dès 1631 était de mode, principalement dans les diverses villes de la Saxe, et que Nurem- berg, Augsbourg et surtout Strasbourg devaient conserver longtemps même après le dix-septième siècle,

Les 1 et 11, dames de Francfort et de Cologne,

forment un singulier contraste avec la taille que se faisaient alors les Strashbourgeoïses ; leur corsage allongé outre mesure n’était pas moins suranné. Il n’est autre que le long corset piqué, ne faisant point partie de la robe, que l’on voit à Isabelle d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, en un portrait datant d'a- vantla fin du seizième siècle (pl. Europe, XVI® siècle) ayant pour signe la Croix à la Jeannette). Les dames allemandes avaient imaginé d'en tronquer la pointe en un carré arrondi, et d’accuser encore cette forme disgracieuse par une large garniture. Ce long corset marchait avec l’'épaulette, eb s'épanouissait sur le tablier ou sur la cotte.

Le pardessus, l’huiken, la cape dont les Néerlan-

daises et les Brabançonnes paraissent avoir fait l’u- sage le plus ancien, est une enveloppe qui couvre la tête, descend de chaque côté du visage et tombe droit, si elle n’est ramenée sur les bras de manière à cacher presque tout le corps ; ce manteau est assez sensiblement plus court que la jupe. Le principe de ce pluvial est tout antique ; en Belgique l’étroitesse de la clôture de ce pardessus semble avoir répondu à des inconvénients locaux dont le souvenir, au moins, en a longtemps entretenu l'usage ; en 1030, à Liège, on consacrait un temple à Saint-Nicolas aux mouches,

pa e que cette année-là les mouches furent s abon- dantes et si piquantes, les expédients pour s’en dé- fendre et les détruire si impuissants, que l’on n'y vit plus de remèdes que dans les secours divins (Mœurs et coutumes bourgeoises au pays de Liège; Liège, 1876).

Les transformations de ce vêtement, tout régional d'abord, sont fort curieuses ; il ne fallut pas moins de six cents ans pour que les élégantes à-la mode du jour, le réduisissent aux porportions que l’on voit ici,:n05 7 et 13,

Vecellio montre, à la fin du seizième siècle, la ma- trone hollandaise, la femme noble d'Anvers avec le manteau, sans la coiffe en chapeau, faisant la pointe sur le front à la manière du chaperon des veuves, et s’arrondissant en forme de conque de chaque côté du visage au moyen d'un fil de cuivre ou d'un petit cercle en bois pour former & un gon- flement qui ne gêne point. » Ce manteau, dit-il, est celui de toutes les femmes de Flandre, Arrive l'Espagnole; celle-ci se montre avec un petit toquet plat, descendant très en avant sur le front, recouvert en partie par un voile posé sur la tête et envelop- pant le corps en entier jusqu'à terre. La Flamande, qui avait déjà l'habitude de porter un chapeau de paille de dimension assez exiguë, en forme de cu- vette renversée, le fond plat étant la partie supé- rieure, et d'y joindre une queue de velours tombant dans le dos, imagine alors de réunir le chapeau au manteau. Ce chapeau noir est d'abord plus plat que l’autre ; ilest posé droit sur la tête, et l'on ajoute à son sommet, au bout d'une petite hampe légère, à profil en balustre, une petite houppe de soie ou de plume, Le manteau descend des bords du chapeau ; tel est l’huiken de la duègne dans une procession fla- mande qui se trouve dans la Pinacothèque de Tu- rin. Collaert, dans une fête sur la glace du canal d'Anvers, montre le même vêtement le chapeau n’est plus qu'un très petit toquet ani qui le rappro- che du toquet espagnol ; comme celui-ci, il avance sur le front, le vêtement n’y tenant plus que par l'arrière, de manière à dégager en bonne partie la chevelure ; celui-là, au lieu de la petite houppe, n’a qu'une seule et fine plume dont la courbe légère se projette en avant par suite de la position du toquet sur le front. Puis le toquet en arrive à n’avoir plus, en aucune manière, figure de coiffe : ce n’est qu'un rond ressemblant à un champignon plat, dont le diamètre se rétrécit de plus en plus, tandis que la houppe prend, au contraire, plus de volume, s’in-

cline chaque jour davantage et se projette en avant en une position presque horizontale. L'apogée du genre est la séparation absolue du champignon qui fut le toquet, et du manteau ou cape réduit à l’am- pleur d'une simple queue, ne recouvrant plus que le chignon d’où elle tombait dans le dos. Les deux pièces séparées, si elles étaient encore solidaires, ne devaient plus se tenir que par un lien qui servait à soutenir la houppe sur le front, lien faisant ressort, car l'appareil était solidement fixé. Les dames à la promenade tenaient leur queue pendante sous le bras de manière à en faire pendre le bout en avant (voir 17). L'Auiken, du temps qu’il était une cape liée à un chapeau, comme de l’époque on le voit réduit à une queue attenante au petit champi- gnon largement houppé, était inséparable du grand attifage. Quand il n'était pas sur la tête on l'avait sur le bras, en tenant avec affectation le chapeau à la main, la houppe en avan£ (voir ici le 10, et la Flamande de la planche Europe, XVIe siècle, ayant pour signe le Shako). L’huiken néerlandais à une importance plus grande que celle d'une mode passagère; l’ornement de front en forme de cham- pignon, avec une grande poignée droite au centre soutenant une houppe avancée, est en quelque sorte devenu générique dans l'Allemagne du Nord pendant le dix-septième siècle, en particulier dans les grandes villes de commerce telles que Hambourg, Brême, Lubeck, Cologne, etc. Ce genre de parure devint l'apanage presque exclusif des classes moyennes bourgeoises. Elle s'était propagée en Allemagne en conservant toute son originalité ; les quelques chan- gements de peu d'importance qu’elle devait subir en quelques localités n’en détruisaient pas le caractère. On lui donnait, à l’occasion, une forme de corne ou d'éperon de vaisseau; le port en était le même; cela s'avançait plus ou moins loin, mais toujours en avant du front.

Une pièce caractéristique de cette mode singu- lière, que les coiffures des duëgues espagnoles ont longtemps conservée et que l'on voit encore aujour- d'hui sur le luxueux chapeau rond des femmes de la Bresse, est la houppe qui, toujours grossissant, finit par se trouver au-devant du front. Les élégantes françaises ou anglaises n’adoptèrent point cet ap- pendice baroque, et il ne paraît pas invraisem- blable que les Français, qui faisaient alors tant de campagnes dans les Pays-Bas et dans l’ouest de l'Allemagne , au temps même cette espece de plu- meau à épousseter se mettait au-devant du front

et y faisait fureur, durent être vivement frappés par la houppe qu’ils rencontraient de toutes parts. Ils en devaient souvent parler, et la locution populaire en France : une dame huppée, servant à désigner une personne richement parée, n’a peut-être pas d'autre origine que la houppe des Flamandes, dont le vé- ritable nom en ce cas serait celui de dames houppées.

Les modes anglaises de 1641 et 1644 sont trop

clairement figurées par Hollar aux n°5 14, 16, 18, 20, 21, 23, 25 et 27, pour qu'il soit nécessaire d'y insister beaucoup. On remarquera que le masque n’y semble indiquer qu'un préservatif contre le froid, propre à l'hiver, et qui n'aurait pas été alors, en Angleterre, d'un usage habituel comme en France il résultait d’un privilège de caste. Cependant si le loup de velours marche avec les fourrures, il y fait naître aussi l’idée de déguisement, de mystère ; la mentonnière blanche que l’on voit, 27, était également d'usage en France même en d’autres sai- sons ; elle avait pour but principal de compléter le mystère du masque, en aidant les dames qui ne vou- laient point être reconnues sous le loup. L'éventail à demi ouvert du 16 est celui des élé- gantes de Flandre à cette époque. Il était entière- meut d'ivoire, les montants glissant les uns sur les autres, non recouverts de papier ou de vélin tendu pour recevoir une peinture; la peinture était sur l'ivoire même.

Les cheveux divisés en trois parties, les touffes des côtés pendant en serpenteaux, en tire-bouchons, en anglaises, encore en mèches plus allongées (voir 19), nouées de rubans, mode de France on les appelait les bouffons, des moustaches cadenettes nouées de galants, le chignon, légèrement incliné sur le derrière de la tête et couronné d’une torsade de cheveux, portant le nom de rond, tout cela est du véritable domaine de la mode,

Les fichus de diverses sortes, attachés au cou, se séparant sur le corsage, lequel était en pointe, ouvert, avec des basques allant sur les côtés, que l'on ceignait d'un ruban noué en coque, à gauche, corsage très découvert sous le fichu, et dont le de-

vant était garni par le haut d’une dentelle qui devint la berthe que l’on voit au 19, tout cela c’est de la mode en ses fluctuations. Le fond en remontait déjà assez loin, nous n’y ferons donc remarquer qu'une dernière chose : avec des vêtements simplement galonnés on rencontre ici, comme une sorte de con- tradiction, des dentelles du plus grand luxe; les dames, sauf un petit collier d'un rang de perles, ne montrent nulle part de bijoux : il n’y a pas une bague aux doigts effilés de leurs mains aristocrati- ques, pas plus qu’on ne voit à leur visage la moindre moucheture, quoique les dames anglaises, avant et après cette époque , en aient usé comme en France, Ce fait provient de la sévérité puritaine qui pesait alors sur l'Angleterre ; mais cette sévérité qui s’ap-

-pesantit sur les classes moyennes et inférieures ne

put peser aussi absolument sur les hautes classes,

Le chien accroupi qui figure ici dénote, par le soin de sa parure naturelle, le petit chien favori que les dames portaient dans leur manchon; ilest de la na- ture de ces Kings'Charle qui furent si longtemps de mode,

La grande fraise godronnée de l’élégante de Co-

logne, 10, le bouffant de sa jupe relevée, la manière dont cette jupe est massée, le corsage fermé, l’épaulette, le tablier, le bonnet en béguin flamand, tout cet ensemble, que complète la cape, contrastent singulièrement avec cette autre élégante de la Flandre, 7, dont la silhouette fine se dessi- nait à la même époque ; rapprochement significatif,

Le noir fut la couleur dominante de ce temps, sauf pour la cotte, la jupe de dessous, dont on fai- sait montre et que l’on portait de couleur voyante, rouge, jaune, etc. Le reste était noir, brun, vert foncé. L’huiken et sa houppe étaient noirs, ainsi que la queue succédant à la cape. La fourrure des bonnets était également noire ou d’un brun intense, le soulier de cuir était noirci. Les gants de peau étaient généralement clairs, gris pour la plupart, et devaient provenir de l'Espagne. Les senteurs dont on les parfumait étaient les mêmes que celles du linge.

Tous ces documents proviennent de l'œuvre de Hollar, sauf le 17, emprunté à une peinture exposée, aux Champs-Elysées, en 1874, par l’Union centrale, et appartenant à M. Edwards. F

Voir pour le texte : Kostümkunde, par Hermann Veiss (Stuttgart, 1872); Blatter für Kostümkunde, par

Émile Doepler (Berlin, 1877); Histoire du costume en France, par M. Quicherat. Histoire de la dentelle par ME Bury Palliser, traduit par M la Comtesse de Clermont- Tonnerre (Paris, Didot),

——— 2 ———————

SR te D D

FRANCE. XVII SIÈCLE

COSTUMES DE LA NOBLESKE:; 1646-1670. LES ROIS DE LA MODE.

1 2 3 { 5 6 ï S Nos 1 et 5. N°5 6 et 8.

Gentilshommes de la suite de la maréchale Louis XIV, en 1660, et en 1670,

de Guébriant, s 7. No 2, Marie-Thérèse d'Autriche, sa femme, en 1660,

Page de cette même dame, La maréchale de Guébriant, veuve en 1643, fut nommée ambassadrice extraordinaire auprès du roi de Po- logne en 1645. C'était la premiere fois, en France, que, sans le devoir à son mari, une femme portait

Renée du Bec-Crespin, maréchale de Guébriant, ce titre. La maréchale était de passage à Venise en

1646, époque fut peinte pour M. de Caumartin,

conseiller d'État et intendant des Finances, la vue

de la place Saint-Marc cette dame et sa nièce

Anne Budes, damoiselle de Guébriant, figuraient avec leur brillante suite,

N°.8,

No 4.

Vingt ans après que Monsieur le duc de Bellegarde, grand écuyer de France, Honsieur le Grand, comme on disait par abréviation usuelle, donnait le ton à la cour et à son roi lui-même, « servant de miroir et de vertueux modèle à pied à cheval à tous les plus propres et curieux chevaliers, » selon Pluvinel, c’est-à-dire en 1644, 1645 eb 1646, tout était à la Montauron, puis tout fut à la Candale. Candale, dont le cardinal de Retz a dit « qu'il n’eut rien de grand que les canons » fut le dernier des lions, ainsi que les Anglais appellent ceux qui exercent ce genre d’autorité sur la mode; mais dès 1648 les caprices du costume ne recevaient plus le nom d’un particulier, les nouveautés de la mode l’em- pruntaient aux événements publics, et tour à tour, on les vit à Fronde, à la paille, au papier, dont la durée de quelques jours mit pendant plusieurs mois le ruban blanc en faveur. Louis XIV sorti de l'enfance allait bientôt fixer tous les regards; le règne des lions de ce genre était: passé lorsque Candale disparut. Parmi les costumes masculins de notre planche

les n% 1,2 et 5 appartiennent au règne de Montauron, puisqu'ils sont de 1646. Le 6, qui est de 1660, est encore l'expression du débraillé dont Candale fut le principal insti- gateur (on avait dit: les chausses à la Candale), exagérant le raccourci du pourpoint et baissant tellement le ceinture du haut-de-chausses pour laisser voir le flot du linge tout autour du corps, que les enfants des rues poursuivaient les élégants en leur criant :

« Monsieur, vous perdez vos chansses ! »

No 1.

Chapeau haut, légèrement conique, à fond tronqué ; bords droits peu larges, cordon d'or et plumes tom- bantes. Col en très petit rabat. Pourpoint raccourci de manière à laisser voir tout autour, à la hauteur de la ceinture, une zone de linge; manche ouverte pour la même exhibition de la chemise; l’ample man- chette bouillonnée à deux rangs est liée par un ruban de velours. Hauts-de-chausses en pantalons plus courts que les précédents, garni à la ceinture et par le bas de ces rangées de rubans auxquels on donnait le nom de galants. Bas de soie d'Angleterre, selon l'exigence de la mode qui ne les voulait plus de Na- ples ou de Milan. Manteau peu long, drapé sur l’un des bras, selon l'habitude,

En raison des prescriptions de l’édit de 1644, toute dentelle avait disparu du collet et des manchettes ; cet édit les défendait également pour les bas à botter ; mais on avait éludé la défense en renonçant au nom de bas à botter et en reprenant celui de canons pour cette pivce du vêtement, que l'on put alors, légiti- mement, garnir de dentelles. Les anciens canons, dont l'idée premitre s'était produite sous Charles IX, avaient été des genouillères de linge qui couvraient le genou ; sous Louis XIII le bas à botter garnissait de sa dentelle le revers abaissé de la botte. La botte mignonne, comme on l'appelait de son temps celle représentée, fut d'une autre figure; elle n'atteignait pas à la hauteur des mollets, sa tige non renversée s’épanouissait largement en formant bec en avant et en arrière; on conservait à cet épanouissement le nom de genouillère et on le garnissait d'un double et même d’un triple rang de batiste ou de toile de Hollande que l’on enrichit bientôt de point de Gênes. Le rond de botte offrait ainsi l'apparence de larges manchettes, Cette botte singulière avait de longs pieds, à bout carré, d'une longueur telle que l’on put raconter & que l'on y ficha une fois un clou à quelqu'un dans le bout, cependant qu’il était attentif k quelqu’entretien, en telle facon qu’il demeura cloué au plancher ». L'auteur des Lois de la galanterie

française qui rapporte le fait en défendant cette mode, ajoute pour en montrer l'avantage : & que si le pied eust été jusqu'au bout de la botte, le clou eust pu le percer de part en part. »

On conservait le large surpied ; le talon de la botte était haut, de couleur rouge, La mode voulait que les éperons fussent d'argent massif, et de plus que leur façon changeñt fréquemment.

NS:

Costume de même coupe, de couleurs variées. Le man- teau à manches, également posé sur les deux épaules prend ici l'allure d’une casaque militaire; les coutures et la bordure sont richement passementées. L'épée est supportée par un baudrier couvert de broderies orfèvrées,

No 2.

On conservait aux pages les grègues et trousses à la mode du seizième siècle. Leurs grègues étaient d'une telle exiguité, que c'est à leur propos et à ce moment que fut introduit dans la langue le mot de culottes. On’peut voir ici comment avec les rubans des ga- lants on figurait en ce costume le haut-de-chausses bouffant et écourté du temps d'Henri IV. Le riche baudrier, le bas de soie, la botte mignonne rajeu- nissaient cet ajustement qui, malgré le manteau écourté, du temps d'Henri IIT, mais jeté sur une seule épaule, se trouvait en harmonie avec les choses du moment.

La mode des cheveux longs se perpétuait ; elle avait failli changer en 1645, pas mal de gens se firent tondre pour faire honneur aux Suédois, » mais cela n’eut pas de suite, peut-être par la crainte qu’on eut de ressembler aux Tétes-rondes de l'Angleterre. On portait la moustache à coquille, celle dont on bouclait les pointes à l'aide de la bigotère, de l'espa- gnol bigotera, qui était un petit instrument au moyen duquel on pinçait les moustaches pour qu'elles prissent, pendant le sommeil, le pli qu'on voulait leur donner, « Le soir on en bridait son museau. »

3 et 4. La maréchale de Guébriant et sa nièce,

La robe était tenue très décolletée ; on y joignait pour la ville ou pour le négligé, des fichus blancs ou mou- choirs de cou, qui conduisirent aux grands cols rabattus en façon de pèlerine, Ces mouchoirs de cou étaient d'abord en batiste, ainsi que la large man- chette en rebras. Cette sévérité élégante ne pouvait suffire longtemps. Anne d'Autriche qui affectionnait le col en pélerine y mit une garniture de dentelle, puis on le fit tout en guipure, et l'usage du point- coupé s’en trouva rétabli insensiblement. Mme de Guébriant paraît, ainsi qu'Anne d'Autriche, n'avoir pas quitté le deuil pendant tout le temps de son veuvage, puisque en 1646, trois ans après la mort

de son mari, elle est représentée vêtue de noir, et -

avec la pointe et la mante de la veuve. Cette dame porte une croix pectorale, et, pendue à sa ceinture, une montre. Ses vêtements sévères ne paraissent dé- corés que de la chiche brodure en bisette de soie que le cardinal avait octroyée aux vêtements des femmes, et que l’on flétfit alors du nom de gueuse, Pour en relever un peu le méchant effet, sur un costume noir, par exemple, on y combinait du jais ; avec d’au- tres couleurs, on y mêlait des perles vraies ou fausses. On venait de trouver le moyen de colorer le cristal, et de fournir à bon marché « les pierreries du Tem- ple » : c'était le nom du quartier l'on fabriquait des émeraudes, rubis et topazes qui faisaient illusion.

Le costume de Mile de Guébriant ne diffère de celui de sa tante que par ses couleurs et chamarrures, et aussi par l'absence de la pointe et de la mante de la veuve.

6. Zouis XIV en 1660 et en 1670,

Le costume porté ici par le roi se trouve plaisamment décrit par Pierrot, dans le Don Juan de Molière, « Que d'histoires et d’engingorniaux boutent ces messieurs-là les courtisans !.. Ils ont des chemises qui ont des manches j'entrerions tout brandis: toi et moi. En lieu d'haut-de-chausses, ils portent une garde-robe aussi large que d'ici à Pâques; en lieu de pourpoint, de petites brassières qui ne leur viennent pas jusqu'au brichet (creux de l'estomac), et en lieu de rabat, un grand mouchoïire co u à réseau avec quatre grosses houppes qui leur pendent sur l'estomac. Ils ont itou d'autres petits rabats au bout des bras, et de grands entonnoirs de passe- ment aux jambes, et parmi tout ça tant de rubans, tant de rubans, que c'est une vraie pitié ; n'y a pas

jusqu'aux souliers qui n'en soient tant farcis depuis un bout jusqu'à l’autre, et ils sont faits d’une façon que je me romprais le cou avec. »

Le haut-de-chausses en forme de cotillon, que l'on appela la rhingrave, est la principale nouveauté du costume de cette époque. On a le témoignage certain qu'un gentilhomme anglais la porta dans son pays à la fin de 1658. La mode en vint d'un comte de Salm, décoré du titre de rhingrave, agent en France du gouvernement des Provinces-Unies, qui fréquen- tait assidûment le palais du Luxembourg. Elle gagna promptement la cour, la ville et l'étranger.

La rhingrave était une ample culotte en jupon tombant droit; la doublure se-nouait autour des ge- noux par un cordon dans une coulisse. La même coulisse servait à assujettir les canons, tant que leur usage persista. On avait cessé de se chausser de bottes dans le costume habillé.

Le pourpoint justifiait l'épithète de brassières que lui donne Molière. Ce vêtement n'avait pas seule- ment perdu la moitié de son corsage, mais les deux tiers des manches avaient été supprimées. Elles finissaient bien au-dessus du coude. Le reste fut pour la chemise, triomphant sur les bras comme sur le buste de tout l’écourtement subi par le pour- point, et de l’abaissement à la hauteur des hanches de la ceinture de la rhingrave. Pour obvier aux in- convénients d'une telle exhibition de linge de corps qui exposait aux rhumes, on se garnissait par dessous d'une camisole et d'une seconde chemise.

Avec sa chevelure longue et naturelle, ce n’est qu'en 1673 que Louis XIV prit la perruque. Il avait agrandi le collet en rabat et y avait joint la cravate dont les bouts pendaient sur le pourpoint. On donnait le nom de jabot au bouillon de chemise que dégageait l'ouverture de ce dernier vêtement. Ce jabot, qu’il fallait toujours voir avec ses ornements de dentelle, rappelait la poche s'arrêtent les aliments avant de passer dans l'estomac des oiseaux; de son nom emprunté au genre volatile, comme l'était l'expres- sion figurée de petite-oie, servant à désigner le cordon et les aiguillettes du temps de Montauron, et qui proprement veut dire : l'abatis qu'on ôte de l’oie pour le mettre à la broche,

Les rubans et la dentelle composaient l’ornemen- tation de cet habillement efféminé. Les rabats, pro- longés à plaisir, les poignets des chemises, les canons et jusqu'aux nœuds de souliers furent'en point-coupé.

_ Les deux et quelquefois quatre longues ailes s'é-

chappant d'une rosette que l'on voit aux chaussures

étaient de dentelles et montées sur du fil de fer. Parfois on ornait de rubans les côtés de l'empeigne. Ces souliers étaient de la façon de Lestrange, cet il- lustre cordonnier qui fut gratifié d’armoiries, dont le portrait eut sa place dans une galerie des hommes célébres composée par Louis XIV, et qui, avant d'être connu du roi et sans avoir pris sa mesure, lui avait fait tenir une paire de souliers si magnifiques et lui allant si bien, qu'ils furent ceux de ses noces.

On assujettissait, comme du galon, des dentelles étroites sur les coutures du pourpoint, de la rhin- grave et encore du manteau. Quant aux rubans, accompagnés d’une infinité d’aiguillettes, on en gar- nissait la ceinture et les côtés de la rhingrave. Notre 6 en fait voir en touffes aux côtés de ce jupon. Le 8 en montre en fraises, au bas de la dentelle de ce même jupon. On les voit de même aux man- chettes et encore au prolongement en dentelle de la manche du pourpoint. Enfin, sur la manche de la chemise, les rubans sont nouts en boucles, et sur la chaussure, 8, se voient en coque, avec les larges ailes du cou-de-pied. Le chapeau, bas de forme et emplumé, avait aussi son cordon enjolivé d’un nœud de rubans.

La rhingrave de 1670 annonce le raccourcissement dont elle fut l'objet, lorsque les canons ne furent - plus qu'une attache servant à faire tenir les bas qui montaient au dessus du genou. Une ample den- telle, qui semble avoir été fixée aux deux côtés de la jarretière, remplaçait alors le prolongement en entonnoir des canons.

Louis XIV est représenté sans l'épée en 1660, On s'était déshabitué du port de cette arme depuis la fin des troubles, Reprise et gardée malgré les fréquentes exécutions de police qui suivirent ce temps, l'épée était rentrée dans les mœurs en 1670. On la portait au bout d’un long et large baudrier frangé et bordé de soie.

Le premier des costumes de Louis XIV, qui en 1660 n'avait encore que vingt deux ans, se ressent de l'influence de Mazarin et de ses lois somptuaires : il ne s’y trouve aucune des garnitures d’or ou d’ar- gent, qu'à l'exemple de son prédécesseur, le cardinal

avait interdites. Le roi, qui devait continuer à main- tenir cette défense pour la généralité de ses sujets, s’en affranchit dès 1664 en déclarant que l'usage du brocart et des passements n’appartiendrait qu'à lui, aux princes de sa famille, et à ceux de ses sujets à

qui il lui plairait d'en donner la permission. Le

nombre de ceux qui recevaient cette faveur était déterminé, et elle était l’objet d'un brevet. L'habit qui ne se pouvait porter qu'en vertu d'un brevet signé de la main du roi, le justaucorps à brevet, était bleu, doublé de rouge, brodé d’un dessin ma- guifique, or avec un peu d'argent. Sans être bleus, le pourpoint et la rhingrave passementés d’or de Louis XIV, en 1670, se ressentent de ce luxe,

À partir de 1670, l'habit militaire, le pourpoint fut remplacé par le justaucorps et la veste, prit in- sensiblement le dessus.

No 7, Marie-Thérèse d'Autriche, 1660,

Corsage fermé, robe très décolletée, encolure garnie de

linon ou de gaze, s'étale le grand collier de perles et de pierres ; chamarrure de même sorte le long du busc. Manche de la robe tenue fort courte, large manche de lingerie divisée en deux étages se ter- minant en manchette, presque au milieu de l'avant- bras, au dessus des gants demi-longs ornés d'un nœud de rubans. Les galants ou les faveurs, car les nœuds de ruban à l'usage des femmes portaient ces deux noms, se voient à la ceinture, faisant le tour de la taille et recouvrant la naissance de la jupe ou plutôt du manteau, car tel était le nom de la jupe retroussée, se prolongeant en une queue dont la mesure était déterminée par la qualité des personnes. C’est une suite de nœuds de rubans qui garnit la bordure de ce manteau de cour. C’est encore un nœud de même sorte qui se trouve à la manche de la robe, et ce sont des rubans en fraise qui se mon- trent dans la lingerie ; enfin c’est encore ce simple ruban uni qui fait la parure de la chevelure. Marie- Thérèse qui affectionnait beaucoup les perles en mé- langeait à ses rubans, avec une prodigalité et, tout à Ja fois, une discrétion du meilleur goût.

Figures tirées du portefeuille de Gaignères, cabinet des estampes, Bibl. Nat.

Voir pour le texte : M. Quicherat, Histoire du costume en France,

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OBJETS DE PARURE. OBJETS USUELS. JOAILLERIE.

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Couvercle de la boîte d'un médaillon ovale, en or émaillé en relief, (Bijou de suspension ; hauteur, 42 millime- tres. Musée du Louvre.) Ce couvercle est décoré d'un bouquet de lis au naturel, de tulipes, d'anémo- nes, etc., en or ciselé et en relief émaillé de blanc. Le revers de ce couvercle est émaillé de blanc, glacé de bleu épais. Dans le fond de la boîte, se trouve un portrait de Louis XIV enfant, avec le cordon bleu, en émail peint.

N°5 8, 8, 9 et 36.

Agrafe de corsage, fragments de colliers, pendeloque, de Gilles l'Égaré. Ces ouvrages sont des œuvres de lapidaire.

« L'abondance des pierreries apportées d'Orient par Tavernier en 1668, par Chardin en 1670 et 1677, fut cause, dit M. Darcel, que peu à peu on vit dis- paraître le métal des bijoux ; aussi Gilles l'Égaré, sur lequel on connaît deux dates, 1663 et 1692, ne figure-t-il dans ses compositions que des nœuds et des entrelacs pour ses agrafes et ses pendeloques formées de diamants et de perles. Toute trace d’ar- chitecture et d'ornements ont disparu.

Le diamant, dit Pouget (1762), était employé fort rarement avant le règne de Louis XIII, parce que l'on n'avait pas encore trouvé le moyen de le tailler, et que ce n’est que sous Louis XIV que l’on a com- mencé à en faire usage. Depuis François I!" jusqu'à Louis XIII, toutes les parures n'étaient composées que de pierres de couleur, et quelquefois on mettait un diamant brut au milieu. L'usage des perles, si à la mode en France sous Henri IIT et Henri IV que les femmes et les hommes en semaient leurs

habits du haut en bas, fut conservé jusqu'à la mort, de Marie-Thérèse d'Autriche, » N°19:

Montre en argent en forme de bouton de fleur. (Hau- teur, 55 millimètres ; Musée du Louvre.) Ce bijou, de la fin du XVI siècle, est de fabrication'allemande, Le cadran circulaire en argent 4 une seule aiguille encadre un paysage gravé ; l'entourage se compose d'une tête de chérubin et de fruits gravés en réserve, Le mouvement est signé : Michel Schulz, à Dantzig.

7 et 10.

Pendeloques de colliers, d'après un maître anonyme’ (Hauteur, 11 centimètres. École de Blondus.) La bijouterie de l'époque de Louis XIIT est rare, mais son caractère est connu par les nombreuses estampes qui existent, Français, Allemands Flamands, obéis- saient alors aux mêmes inspirations. Aussi les mo- dèles que l’on gravait portaient-ils souvent une inscription en deux langues.

Les deux bijoux représentés, joaillerie émaillée le diamant taillé tient si peu de place, font partie de ces inventions que les orfèvres joailliers gravaient eux-mêmes ou faisaient graver à l’eau forte ou au burin, pour les offrir comme modèles ou comme renseignements utiles. Les rinceaux d'ornement for- mant l'armature de ces joyaux délicats sont d’une té- nuité et d’un caractère dont Michel Leblon fut le plus élégant et le plus fécond propagateur. La réalisation en ajourés de ces arabesques qui, dans l'œuvre de Blondus, sont surtout des nielles passant de parties fortes à des finesses de calligraphe, exigeait un travail singulièrement compliqué; un motif central donne à ces bijoux une unité que l’enchevêtrement des tiges,

l'introduction des figures humaines, des animaux, des fleurs, traités menus, ne permettrait pas d'obtenir sans lui : ici c’est un large monogramme, une sphère surmontée d'un amour tirant son arc. Ces bijoux sont d'un dessin régulier. Janssen, qui gravait en 1631, s’est plu à manier ce genre d'ornementation dans des combinaisons capricieuses l'enchevêétrement sans interruption n'offre presque toujours qu'un enroule- ment sans autre régularité que celle de la forme exté- rieure. No 14.

Fragment d'un collier en argent doré, formé de mono- grammes. (Longueur d'ensemble, 57 centimètres. Mu- sée du Louvre.) Ce collier contient trente-quatre éléments des deux motifs ; celui qui sert de lien entre les monogrammes est composé de deux disques mobi- les autour d'un même axe, assemblés à clavette avec un étrier s'ajustent les anneaux des monogrammes.

28,

Insigne de l'ordre de la Jarretière, en or émaillé, ( Hau- teur, 3 centimètres. Musée du Louvre.) Ce bijou, d’origine anglaise, est un pendant du collier de l'ordre de la Jarretière, représentant saint Georges de Cap- padoce, à cheval et en armure, la lance en arrêt sur le dragon ; un petit diamant forme le fer de la lance.

26.

Fragment d'un collier de femme, avec pendeloque, en filigrane d'or, en partie émaillé ; fin du XVI siècle. (Longueur d'ensemble, 36 centimètres, Musée du Lou- vre.) Ce collier se compose de vingt-deux éléments

de deux modèles différents en filigranes tordus; l'un est formé de quatre cercles se croisant et portant au centre une fleur à quatre pétales émaillés ; l’autre, de quatre feuilles polylobées en filigrane à jour, en fil tordu et en fil plat, affrontées deux à deux, et partant d'une fleurette centrale semblable à la précédente, ac- compasnées latéralement de deux cœurs émaillés ; le lien entre ces deux éléments est une fleurette à quatre pétales émaillés. MINES"

Croix de Malte en argent filigrané et doré, (Hauteur, 73 millimètres. Bijou de fabrication italienne. Musée du Louvre.) Chaque face est bordée d’une corde en filigrane tordu, encadrant des moulures filigranées qui

entourent des rosaces et des demi-rosaces en fils plats, garnis d’un réseau flamboyant, à jour, en filigrane tordu, accompagné de perles en métal ; une demi-boule à jour est fixée à l'extrémité de chaque bras, une boule à jour entière est suspendue à la partie inférieure.

N°29.

Étui de ciseaux et accessoires, en argent découpé à jour et émaillé. (Hauteur, 9 centimètres, Musée de Cluny.)

No 84.

Revers d’une pendeloque en agate montée en or. (Hau- teur, 38 millimètres. Musée du Louvre.) Ce bijou est en agate sardoine. Le centre du revers est décoré d'un fleuron en larges feuilles évidées, émaillées de blanc ponctué de noir. Sur la face on voit une vierge debout sur le croissant et portant l'enfant Jésus en avant d'une gloire rayonnante; sur la bordure émaillée de blanc, on lit une inscription en émail bleu : Tutela Carnutum. (Protectrice des Chartrains. )

No 30.

Crochet de ceinture en fer damasquiné. (Hauteur, 85 mil- limètres. Musée de Cluny.) C’est un objet à l'usage des femmes, qui y suspendaient des joyaux ou les us- tensiles dont on faisait montre.

Nos 37, 38 et 16.

Cachet, bague et son développement en profil. Ces bijoux emblématiques à tètes de mort nous paraissent avoir été des bijoux de deuil; ils sont de Gilles l'Égaré, ainsi que les 2,4, 6, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 21, 22, 24, 25, 27, 81, 82, 33, 35, 89 et 40.

Les cachets, les chaînes et chaînettes de ce maître appartiennent à un art qui. devenu traditionnel, est un prolongement de celui de la Renaissance. Ces nœuds combinés avec la feuille d'acanthe ou avec des fleu- rettes, ces emblèmes, ces monogrammes entrelacés, ces spirales, constituent le fond de la joaillerie courante de- puis le XVI® siècle, pendant le XVITC et la première partie du XVIII®, Les modèles de Simon Griblin, pu- bliés à Londres en 1697, sont de ce même genre, ainsi que ceux de Jean Bourg, datés de 1702.

Les couleurs des émaux et pierreries des bijoux repré- sentés, empruntés à des recueils gravés, ont été restitués par un artiste expert, M. Gandon, bijoutier de profes- sion, ayant autorité en la matière.

(Nos renscignements proviennent du Catalogue du Musée du Louvre, série D,1867, et de l'excellente Notice des émaux et de l'orfèvrerie, par M. A. Darcel, qui y est jointe; de l'Histoire de l'orfévrerie-joaillerie, par MM. Paul Lacroix et Ferdinand Seré, Paris 1850 ; du Traité scientifique de l’art du lapidaire, par 11. Th. Christen, Paris, 1868.)

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FRANCE XVII-XVIIIE SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES.

GARDES FRANÇAISES DEPUIS LEUR CRÉATION. RÈGNES DE LOUIS XIII,

LOUIS XIV ET

1. Piquier (1697). (Chapeau orné d’une touffe de rubans et à bords retroussés ; cuirasse; culotte et bas appareillés aux revers du justaucorps, Les piquiers avaient pour armes offensives une pique de quatorze pieds de long et l'épée. Ils occupaient le premier rang en combattant contre la cavalerie et le second dans les engagements avec l'infanterie,

No 2, Officier (1664). Habit d'écarlate brodé: écharpe d'argent en ceinture; baudrier ; chausses bouffantes. Les officiers et bas officiers portaient la demi-pique ou esponton (de l'italien spuntono, formé de punta, pointe).

N°3. Tambour (1664). Justaucorps à la livrée du Roi : bleu turquin avec des carreaux bleus, blancs et rouges.

4. Enseigne (1697) portant le drapeau de compagnie : bleu, semé de fleurs de lis d'or; croix blanche ayant une couronne d'or à chaque bout.

5, Mousquetaire (1664). Compagnie Maul- peon : uniforme gris-bleu; touffes de rubans au cha- peau, à l'épaule droite et aux chausses bouffantes ; bandoulière et baudrier.

6, Officier (1724), Chapeau à bords retrous-

sés, galonné d'argent et orné de la cocarde noire ;

LOUIS XV.

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habit aux couleurs du roi, bleu foncé et rouge; culotte et bas appareillés aux revers de l'habit; esponton.

No 7.— Soldat (1724). Position réglementaire du soldat sous les armes, c'est-à-dire les jambes écartées et le fusil sur l'épaule. Chapeau à trois cornes ; jus- taucorps à larges pans ; ceinturon porte-giberne avec pendant pour l'épée et le fourreau dela baïonnette ; le pulvérin contenant la poudre d'amorce et un sac de balles sont attachés à la bandoulière,

No 8. Fifre (1630). Depuis le règne de Fran- çois Ier, il y en avait un dans toutes les compagnies, Chapeau à plumes; pourpoint aux couleurs du Roï; chausses étroites en forme de demi-pantalon.

9, Piquier (1630). Chapeau à plumes ; hausse- col; corselet de fer; tassettes pour couvrir le haut des cuisses ; aiguillettes d'épaule; à la jambe, rubans aux couleurs du capitaine; gants épais ; chapeau de rechange suspendu au côté.

10, Mousquetaire (1650). Pourpoint à man- ches tailladées ; mousquet à mèche et Jourquine. (Voir

_les planches BF et la Béquille, France XVI° siècle.)

11. Sergent (1630). Zongreline, vêtement qui

parut dans l'armée à la fin du règne de Louis XIII ;

c'était un pourpoint fourré, ouvert par devant, 13, Piquier (1647). Casque à cimier orné de

serré à la taille et muni de basques assez longues. plumes ; buffletin sous la cuirasse; tassettes.

Les sergents avaient la hallebarde (de Lasta barda,

pique bardée, armée), dont le fer découpé offrait des 14, Enseigne (1630). Chapeau à plumes;

dimensions formidables. buffletin à manches tailladées; cuirasse ; baudrier ; No 32. Mousquetaire (1647); compagnie Haute- bottes éperonnées. Les drapeaux du régiment n’é-

feuille, Bonnet de ratine ; pourpoint fourré ; chaus- taient pas encore uniformes ; indépendamment de

ses bouffantes rouges ; bottes à entonnoir; bandou- l’enseigne colonelle, il y avait dans chaque compa-

lière; ceinturon à pendant d'épée. gnie une enseigne aux couleurs du capitaine.

La création du régiment des gardes françaises remonte à 1563. Cassé en 1573 par Char- les IX qui se donna une autre garde à pied, il fut rétabli par Henri IIT à son avènement et conservé jusqu’en 1789.

On ne saurait donner le costume des gardes françaises avant Louis XITT ; sous les der- niers Valois chaque soldat se costumait à sa fantaisie eb n'avait qu'à choisir parmi les habits si variés de formes, de couleurs et d'ajustement que l’on voyait à cette époque. Il en était de l’armement comme de l'habillement, l'État ne fournissait rien : mais on était plus sévère pour les armes que pour les habits.

Beaucoup de jeunes gentilshommes, pour qui le métier des armes était le seul moyen de faire fortune, choisissaient le régiment des gardes françaises pour y faire leurs premières armes en qualité de cadets, Ces cadets étaient en général fort difficiles à conduire ; ils refusaient d’o- béir à leurs sergents et bravaient souvent leurs supérieurs : « Ils se regardoient comme estant elevez par leur naissance au-dessus de toutes les règles qu'ils ne croyaient pas faites pour eux. »

Règne de Louis NITT. Pendant le règne de Louis XIIT, comme sous celui de ses pré- décesseurs, les gardes françaises n'avaient rien dans leurs habits qui les distinguñt des autres régiments d'infanterie. Ils n'étaient pas plus astreints que les autres à porter des vêtements uniformes. Les officiers s’habillaient le plus somptueusement possible dans les occasions d'é- clat ; eux, les cadets et une partie des soldats affectaient de porter des bottes éperonnées en signe de noblesse. D’Aubigné, dans les Aventures du baron de Fœneste, se moque beaucoup de ces habitudes et des accidents ridicules qu'elles occasionnaient. Le régiment des gardes avait, en somme, une meilleure tenue que les autres troupes parce que les capitaines étaient obligés dhabiller leurs soldats.

Ce régiment, comme dans toute l'infanterie, se composait de piquiers, d'arquebusiers et de mousquetaires ; les arquebuses étaient à rouet, les mousquets, à mèche.

Sous Louis XITT, l'effectif varia souvent : il y eut tantôt douze compagnies, tantôt vingt: ce nombre changeant continuellement, selon l’état de paix de guerre.

Règne de Louis XIV.— Louis XIV eut toujours trente compagnies de gardes françaises, plus deux de grenadiers créées en 1689 ; mais le chiffre des soldats composant chacune d'elles fut à diverses reprises augmenté ou réduil.

Pendant ce règne, qui ne fut qu'une longue bataille, les jeunes seigneurs considérèrent comme un grand honneur de débuter dans la carrière militaire par les plus minces emplois de la Mai- son du Roï. Ils se rompirent à une discipline sévère, s’astreienirent sans murmurer à tous les détails des positions subalternes et, poussant le point d'honneur et du dévouement jusqu'à l’exaltation, s’enrôlèrent en foule dans le régiment des gardes françaises et surtout dans les régiments du Roi et du Dauphin créés spécialement pour les recevoir.

En 1664, les gardes françaises portaient l'uniforme, mais chaque compagnie avait des habits d'ordonnance différents : « Après la Colonelle, » dit l’État de France de cette année, « il ya « entre autres compagnies françoises, la compagnie Maulpeon, dont les soldats sont habillez « de gris avec un panache mêlé sur le chapeau ; la compagnie de Rubentel, dont les soldats « sont habillez de gris avec des chausses bleües ; la compagnie de Castelan, dont les soldats sont « revestus d’un justaucorps casaquin rouge ; la compagnie de Hautefeuille, dont les soldats «ont des chausses rouges et des bonnets de ratine fourrez. »

xrâce à la livrée des capitaines, l'uniforme était done à peu près établi lorsque parut l'or- donnance de 1670, année le Roi le donna définitivement aux troupes et les soldats furent habillés à ses frais.

Cet uniforme consistait en un justaucorps gris-blanc galonné d'argent faux sur toutes les tailles ; sur chaque épaule se trouvait un nœud de rubans (origine des épaulettes) dont la couleur variaib suivant la compagnie. Les officiers avaient des habits écarlates, brodés d'ar- gent avec des écharpes en ceinture et des hausse-cols dorés.

En 1691, Louis XIV rédigea lui-même un règlement général sur ce qui concernait son régiment des gardes françaises, « voulant qu'on s’y conforme et qu'on n’y change rien sans son ordre. » Tout ce qui a rapport au service, à la discipline et à la paye y est minutieusement détaillé. On voit dans ce règlement que les soldats aux gardes étaient uniformément habillés de bleu, ainsi que les sergents. Ces derniers ne portaient pas les agréments que les soldats avaient sur le justaucorps : ils avaient un simple bordé d’ar- sent sur les revers des manches et autour des pattes. Les officiers portaient des habits aux couleurs du régiment, mais en variant les galons et les broderies à leur fantaisie. Les drapeaux d'ordonnance étaient bleus, semés de fleurs de lis d’or, avec la croix blanche ayant une couronne d’or à chaque bout. Il y avait un drapeau dans chaque compagnie. Le drapeau-colonel était tout blanc avec la croix et les couronnes. Les tambours étaient ha- billés à la livrée du Roi avec la veste, la culotte et les bas semblables à ceux des soldats du régiment. s

Après la paix de Ryswik (1697), l'uniforme fut encore amélioré et commença à prendre ce qu'on appelle le type militaire. On vit apparaitre le chapeau à bords retroussés, galonné d'or d'argent et orné de la cocarde noire. L'habit et la veste furent garnis de boutons métalliques qui dessinaient les devants, la taille et les poches, Les soldats eurent le ceinturon porte-épée et porte-giberne en même temps ; car c’est à la fin du dix-septième siècle que lon

substitua le fusil au mousquet, qui lui-même avait remplacé lParquebuse trente ans aupara- vant. Les piques disparurent de l’armée vers la même époque.

Régne de Louis AV. En 1719, Louis XV ajouta une troisième compagnie de grenadiers aux deux créées par son aïeul, ce qui porta l'effectif du régiment à quatre mille cinq cent trente soldats et deux cent dix-huit officiers répartis entre six bataillons.

L'habit des soldats resta bleu relevé de rouge avec des galons de fil blanc aux boutonnières ; celui des officiers, de même couleur et galonné d'argent. (Voir pour les costumes des gardes françaises pendant la seconde moitié du règne de Louis XV et celui de Louis XVI, la plan- che le Fléau, France, XVIII! siècle.)

Les gardes françaises, faisant partie de la maison du Roi comme les gardes suisses dont ils ne se séparaient jamais, formaient la garde « en dehors du Louvre », suivant l'expression alors consacrée ; c’est-à-dire que leur service auprès de la personne du Roi se bornait à occuper les portes extérieures des résidences royales et à faire la haie sur le passage du souverain dans les cérémonies publiques.

Ces troupes avaient le pas sur les gardes suisses et prenaient la droite dans toutes les cir- consbances ; ils en agissaient de même à l'égard de toute l'infanterie.

Le commandement du régiment des gardes françaises appartenait habituellement à un maréchal de France ; le lieutenant-colonel était un lieutenant général; les capitaines avaient le grade de colonel; les lieutenants avaient le pas sur tous les capitaines de l’armée et les

enseignes sur bous les lieutenants. Ces documents proviennent des gravures el dessins du temps.

l'or, pour le texte : l'ouvrage de AM, de Marbot el de Noirmont sur les Costumes militaires en France. Susane, Histoire de l'infanterie française. Quicherat, Histoire du costume en

France,

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FRANCE. XVII SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES; 1660-1690. INFANTERIE.

1660,

10. Officier,

L'uniforme n'est pas encore bien établi chez les offi- ciers ; l'insigne de leur grade consiste surtout dans la pique et le haunsse-col; encore ce dernier ornement ne paraît-il que dans les revues,

1667. 1. Piquier.

Uniforme gris-bleu ; bandrier en cuir de vache pour suspendre le sabre; sac en bandoulière. Chaque compagnie avait ses piquiers et ses mousquetaires.

N°® 2, 3 ct 4. Mousquetaires.

Habits gris-blanc, gris-bleu et marron, avec bas, nœuds d'épaules et parements de diverses couleurs. Ban- doulières pendent des cofins, cartonches en bois ou en cuir contenant chacune un coup de poudre. Baudrier pour l'épée.

Ce n'est qu'en 1670 que paraissent les premiers fu- sils dans l'armement d'ordonnance,

1685.

8, Officier aux gardes.

Le nom d'officier aux gardes était spécialement affecté aux officiers des gardes-françaises, tandis qu'on don- nait celui d'officier des gardes aux officiers des gardes du corps.

Habit bleu-turquin doublé et parementé de ronge ; culotte et bas écarlates. Esponton,

12, Officier en costume d'hiver,

Chapeau orné d’une plume blanche ; les cheveux ont encore la cadenette ; manteau écarlate; justancorps bleu en drap de Hollande et galonné, parements brodés de fils d’or ; bas gris-bleu ; manchon attaché à l’écharpe,

168$,

9, Officier de milice,

Justaucorps gris À parements bleus.

1694.

11. Officier général,

Chapeau à plumes blanches, Veste rouge galonnée d'or. Habit bleu à larges parements rouges, La cui- rasse était le signe du commandement supérieur, avec lequel on figurait dans les états-majors, Bottes fortes,

6. Grenadier.

Habit bleu parementé de rouge ; veste, culotte et bas

écarlates. Les grenadiers avaient des bretelles à leur fusil afin de le porter sur le dos lorsqu'il fallait lan- cer des grenades. Ces fusils étaient munis de baïon- nettes à manches de buis qui se fixaient dans le canon de l'arme après avoir tiré. Gibecière remplie de gre- nades, dite la grenadière, Petite hache,

7, Sergent du régiment de Provence. 1696. Dans le régiment de Provence et celui de Mortemart, les sergents avaient une tenue différente de celle des 5. Tambour du régiment du Jovyac. soldats ; leur uniforme était rouge, et cette couleur

éclatante faisait de ces malheureux sous-officiers au- Les tambours, comme les musiciens, ne portaient pas tant de points de mire pour l'ennemi. le costume régulier des hommes du corps auquel ils Leur hallebarde avait une longueur de six pieds et appartenaient ; leur uniforme était généralement aux demi. couleurs du colonel. Le régiment de Jovyac, levé en 1696 par le mar- quis de Jovyac,se composait de dix compagnies.

Le régiment de Provence qui devint dans le courant du dix-huitième siècle le régiment de Monsieur, avait été formé en 1674,

Linfanterie, notablement réduite après la paix des Pyrénées, commença à être réorganisée par Louis XIV à partir de 1661 : la discipline fut établie et rigoureusement maintenue ; les soldats, bien vêtus eb équipés avec soin, reçurent régulièrement leur solde. L’effectif de l'arme, aug- menté pendant les guerres que le roi entreprit contre l'Espagne et la Hollande, était de cin- quanbe-six régiments y compris les dix vieux corps et les régiments du Roi, Royal, d'Anjou, Dauphin et de la Reine. Ce nombre ne fit qu'augmenter ; car, d’après l’État de France de 1694, l'infanterie des armées royales comptait à cette dernière époque, cent cinquante-trois régiments parmi lesquels il y avaib quarante régiments étrangers, savoir, onze [rlandaiïs, dix Suisses, cinq Italiens, six Allemands, trois Wallons et Luxembourgeois, deux Lorrains eb un Danois (Royal- Danois) ; il y avait de plus un certain nombre de compagnies franches, françaises et suisses.

Une des principales innovations du règne fut l’organisation des grenadiers. Destinés à lancer la grenade, comme leur nom l'indique, ils parurent d’abord dans le régiment du Roi on en mit quatre dans chaque compagnie. Lorsqu'on commença les préparatifs de la guerre de Hol- lande (1672), les trente premiers régiments d'infanterie eurent chacun leur compagnie de orenadiers ; dans la suite, tous les régiments en possédèrent, puis chaque bataillon.

Le recrutement des troupes ne se faisaib qu’au moyen d’enrôlements volontaires, mais lorsque survinrent les revers de 1688 et de 1701, le roi leva pour la défense du territoire vingt mille cinquante hommes de milice divisés en trente régiments ; chaque régiment portait le nom de son colonel auquel on ajoutait celui de milice de telle province.

Ces régiments se recrutaient par voie d'élection : les habitants de chaque localité étaient convoqués pour désigner parmi eux un ou plusieurs miliciens qui devaient être équipés aux

frais de la paroisse. La durée du service était de deux ans. Ki le milicien se mariait en quittant les drapeaux, on l’exemptait de tailles pendant deux ans, à partir de sa libération.

On choïisissait les officiers parmi la noblesse du pays et les gens vivant 20blement.

Les régiments de milice, destinés dans l’origine à la défense des places fortes, sollicitèrent souvent l'honneur de servir en campagne. Plusieurs de ces régiments furent incorporés dans l’armée active et se firent remarquer à la bataille de la Marsaille (1693) ainsi qu'au siège de Barcelone (1697).

Pendant la guerre de succession (1701-1713), les miliciens qu'on leva ne furent pas enrévi- mentés,

En 1670, lorsque parurent les premiers fusils, on n’en donna que quatre par compagnie ; une ordonnance défendait de dépasser ce nombre « parce qu'il y avait du danger dans le maniement de ces armes ». La majorité de la compagnie se composait alors de piquiers et de mousquetaires, lesquels, depuis 1660, n'avaient plus besoin de la fourchette pour mettre leur arme en joue,

En 1692, chaque compagnie eut autant de fusiliers que de mousquetaires.

C’est le sieur Martinet, colonel du régiment du Roi et en même temps inspecteur-général de l'infanterie, qui introduisit dans l’armée l’usage des baïonnettes ou couteaux bayonnais, con- nus comme armes de main avant qu'on ne songeàt à en combiner l'usage avec celui du mous- quet. Cette idée, due à M. de Puységur, n'était d’ailleurs pas nouvelle ; sous Gustave-Adolphe, les Suédois avaient imaginé de fixer au bout de leurs mousquets des lances d’épées dites plumes suédoises ou soies de cochon (probablement dans le sens de porc-épic).

L'invention de la cartouche de 1683 avait amené la suppression des larges eb pesantes ban- doulières auxquelles pendaient les étuis de charge, La bandoulière fut remplacée par une lanière de buffle suffisante pour soutenir la giberne en forme de gibecière qui contenait à la fois les cartouches, les balles et la poudre d’amorce ; car ce n’est que bien plus tard qu'on eût l’idée d’en- fermer la balle dans la cartouche et de tirer l’amorce de celle-ci en la déchirant.

Ce ne fut qu'en 1698 et 1700 que l’ancien mousquet à mèche fut définitivement remplacé par le fusil dit à siez. Huit ans plustard, la pique disparut aussi des armées françaises; la baïon- nette mise au bout du fusil en tint lieu et devint d’un usage général.

L’armement des officiers était la pique de dix pieds qu’ils conservèrent jusqu’en 1690, année on leur donna l’esponton, demi-pique, dont le fer, généralement de petite dimension, se rapproche de la forme des pertuisanes à petits oreillons, Cette arme se maintint parmi les officiers jusqu’au rèene de Louis XVI.

Les sergents avaient une hallebarde d’une longueur de six pieds et demi.

Dès les premières années de son règne, Louis XIV avait commencé à élaborer des règlements concernant les habits militaires. En 1667, on voyait déjà quelques régiments en gris-blanc, en gris-brun, en marron, avec des bas, des nœuds d'épaule et des parements de diverses couleurs, Lorsque l’armée française entra en campagne contre la Hollande, toute l'infanterie était vêtue uniformément.

Dans la seconde partie de ce long règne, le costume militaire devint celui auquel on vit tout le monde se conformer depuis 1685. Les couleurs elles-mêmes furent pour les troupes ce qu’elles étaient pour les particuliers, c’est-à-dire de teintes neutres relevées par Péclat des doublures. Au drap gris, brun, isabelle noisette, qui formait l’étoffe du jusbaucorps, on opposa des revers blancs, jaunes, rouges, verts on bleus, le plus souvent avec des culottes et des bas appareillés aux TOVETS.

Jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, les officiers de toutes les armes manifestérent une certaine répugnance pour porter l'uniforme de leur corps. Les gravures des Bonnart, Mariette, ete., nous les montrent couverts de vêtements de fantaisie richement brodés et galonnés en dépit des édits. En hiver, ils portaient des manteaux d’écarlate et des manchons attachés à leur écharpe.

Une ordonnance du 25 mars 1672 défendait à tous chefs et officiers de troupes, même aux cénéraux, de porter sur leurs habits, casaques, justaucorps, baudriers et gants, caparaçons de chevaux, couvertures de mulets, etc., aucune dentelle, galon, frange, cannetille, porfillure et autre agrément d’or d'argent, Les tableaux et les gravures du temps prouvent que cette défense n’était pas observée.

Vers la fin du règne les officiers voulurent bien s’astreindre à une tenue uniforme : les écri-

rains de l’époque remarquent comme une chose digne d'attention qu'au camp de Compiègne, en 1698, on vit tous les officiers porter l'uniforme de leur corps.

Les 1, 2,3 et 4 sont tirés des tableaux de Lebrun el de Van der Meulen appartenant au Musée de Versailles.

Les 5, 6 et 7 ont élé empruntés, quant au dessin, au Recueil de Guérard, et pour les cou- leurs, à Histoire du régiment de Provence,

Les n°® 8, 9,11 et 12 proviennent de la collection Bonnard el des gravures du temps.

Le n°10 Jigure dans une gravure de Sébastien Leclerc, d'après un tableau de Van der Meulen.

où, pour le texte : MM. de Noirmont et Alf. de Marbot, Costumes militaires français. Penguilly-l Haridon, Catalogue du Musée d'artillerie. Quicherat, Histoire du Costume en France, (fénéral Susane, Histoire de l'infanterie française,

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FRANCE. XVII® SIÈCLE

INTÉRIEUR, COSTUMES D’APPARAT.

(PLANCHE DOUBLE.)

t C’est à une tapisserie retraçant nn souvenir historique que nous empruntons cette étude de la première partie du règne de Louis XIV. Exécutée à la manufacture des Gobelins, d’a- près les dessins de Lebrun, cette tapisserie représente le cardinal Chigi, neveu du pape Alexandre VIT et son légat en France, venant à Fontainebleau, le 29 juillet 1664, donner satisfaction au roi, pour mettre un terme aux graves démêlés existant entre les deux pays depuis 1661, à la suite d’une insulte faite à Rome aux gens du duc de Créqui.

L’ambassadeur romain, chargé de faire cette pénible réparation, fut accueilli dans la capitale de la France avec des honneurs d'autant plus grands, que l'on voulait qu'ils fissent ressortir la satisfaction obtenue : « Il reçut sous un dais les respects des cours supérieures, du corps de « ville, du clergé ; il entra dans Paris au bruit du canon, ayant le grand Condé à sa droite « et le fils de ce prince à sa gauche, eb vint dans cet appareil... » ( Voltaire, Siècle de Louis XIV, Anecdotes et particularités. )

L’audience d’un caractère si exceptionnel eut lieu dans la chambre à coucher du roi. Cette pièce, construite sous Charles IX, était restée à peu près sans décoration jusqu'au règne de Louis XIII qui la fit orner vers 1642 : le mobilier, les tentures figurant ici, sont de cette époque. Ce ne fut qu'en 1713 que Louis XIV fit agrandir, d’un tiers environ, cette chambre à coucher, et que tout y fut remanié et refait. ( Jamin, Fontainebleau , 1838.)

En 1664, le roi de France avait vingt-six ans, « ce fut le bon temps, dit M. Quicherat, celui Louis XIV, en s'amusant beaucoup, passe pour avoir rendu son royaume le plus heureux du monde. » Mazarin était mort, et l'édit de 1660 qui avait obligé à débacher des _ habits et des robes tant de galons et de fines dentelles, était déjà loin. Non-seulement on redon-

nait l’essor à l’industrie des denteliers français, mais on faisait venir à Paris, on y établis- sait par centaines des dentelières de Flandre et de Venise. De cette année 1664, date l'institution des us{aucorps à brevet, dont l’objet était, non de supprimer ou d'amoindrir le luxe, mais de le faire passer à l’état de privilège, en interdisant aux particuliers les magnifi- cences dont on ne pouvait se couvrir qu’en vertu d'un brevet, signé de la main du roi.

Le souverain, en pleine jeunesse eb aimant le faste, eut naturellement une grande in- fluence sur les nouveautés du costume; elles consistèrent d’abord dans de simples modifica- tions tendant à l’efféminé. Le corsage du pourpoint étant très-raccourci eb ses manches presque supprimées, la chemise devint de plus en plus apparente. Le haut de chausses de Louis XTIT se trouvait remplacé par un haut de chausses en forme de cotillon, que lon fermait au des- sus des genoux avec des rubans : c’est la rhingrave, venue de Hollande, de Maestricht.

Avec ses coutures galonnées defdentelle étroite, le point coupé de son col rabattu, de- venu rabat, ses dentelles de toute sorte, et les rubans à l'infini, en coques, en toutfes, en ruches, de l'épaule aux souliers, ce costume de transition, datant de l’époque le roi n’a- vait pas encore tiré l'épée, caractérise la première partie de son règne personnel. À ce mo- ment Louis XIV ne portait pas encore de perruque; son abondante chevelure était naturelle; mais la majestueuse perruque, en crénière de lion, était déjà entrée dans l’usage. Le chapeau était orné de deux rangs de plumes; on mettait une casaque par dessus le pourpoint, et sur cette casaque on passait le baudrier auquel pendait l'épée. (Ce baudrier est encore celui de nos suisses d'églises.) « Cette mode, dit Voltaire, devint celle de toute l’Europe, excepté « de l'Espagne et de la Pologne. On se piquait déjà presque partout d'imiter la cour de « Louis XIV. »

On voit dans le fond un riche cabinet en lapis et une cheminée en marbre qui, lors du re- maniement, fut refaite en menuiserie. Le lampadaire est en argent. Le lit à baldaquin est de même caractère que celui provenant de la chambre du maréchal d’'Effiat, qui se trouve au musée de Cluny, dont les rideaux, pentes, courtines et le plafond sont en velours ciselé de Gênes, alternant avec des soieries brodées en relief, et que celui de la chambre dite du cardi- nal, du mème château, en damas rouge et galons d’or.

( Taypisserie de haute lisse : laine, soie et argent, faisant parte de la suite de quatorze pièces composant l'Histoire du roi (Dépôt du mobilier national). Elle a èlé exposée par L Union centrale en 1874.)

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AMEUBLEMENT CIVIL. CABINETS ET BUFFETS DE MENUISERIE ET D'ORFÉVRERIE.

Nous empruntons à J. le Pautre ces deux modèles d’un genre de meubles qui se trouvent aujourd'hui beaucoup moins nombreux dans les collections publiques et particulières que les meubles de même usage provenant des époques antérieures et postérieures. La menuiserie ou l'ébénisterie, comme on l’appelait alors, de cette partie du règne de Louis XIV est moins prisée que celle des meubles du temps de Louis XITIT ; car elle est trop surchargée d’ornements d'un goût contestable, Quant aux meubles d’orfèvrerie, ils disparurent à peu près entièrement lors de la fonte qui en fut faite en France, en 1689, sur les ordres du roi, qui donna le premier l'exemple en sacrifiant toutes les grandes pièces de son argenterie.

J, le Pautre, en 1617, étant mort en 1682, on voit que les modèles se rattachent aux époques les plus brillantes du règne de Louis XIV, Dès son avènement au trône, ce monarque s'était passionné pour l’orfévrerie comme pour les bijoux. On sait qu'il logeait dans la grande galerie du Louvre des orfèvres comme le vieux Courtois et son fils, Labarre, Ballin, Roussel et Vincent Petit, qu'il faisait travailler presque exclusivement pour sa vaisselle et pour son mobilier. Dès le temps de Louis XIIT, chaque réception d’ambassadeur, chaque négociation donnait lieu à des dépenses excessives de bijouterie, de buffets d'argent, de boîtes, de bagues. Sans parler ici de ce qui concerne la joaillerie dont la consommation était énorme, ni de la vaisselle d’argenterie que l’on traitait dans des proportions inaccoutumées, on construisait alors nombre de meubles en argenterie ciselée; les ouvrages en ce genre, de Ballin, sont restés cé- lèbres, quoique n’existant plus pour la plus grande partie que par les gravures de Delaunay, son gendre. C’étaient des statuaires et des architectes qui fournissaient alors les motifs d’or- nements à l’orfévrerie française. L'école était sortie de Lebrun et de Mignard, de Mansard et de Marot, de Girardon et de Puget. En Europe, on ne voulait entendre parler que du goût français pour les ornements traités dans le goût de l'art. J. le Pautre, architecte, élève

de cet Adam Philippon qui s'intitulait sous Louis XIIT : menuisier el ingénieur ordinaire du Roy, était peut-être plus que nul autre en état de faire de beaux dessins de meubles; il avait été en Italie et en était revenu tout empreint des principes opulents de l’école décorative des Bolonais, illustrée par les Carraches. Fastueux, fécond entre tous, cet artiste si estimé par le Bernin, son contemporain, dut prendre une large part à la fabrication des meubles qui pendant plus de trente ans sortirent des Gobelins, avant que les meubles en placage de mar- queterie métallique imaginés par Boulle fassent répandus, et que les cuivres dorés prissent la place dans la faveur publique. « Il y eut de cette époque, dit M. Paul Lacroix, un merveilleux & mobilier en argent qui n’était visible que dans les appartements de Versailles, de Marly et « de Fontainebleau. Il n'eut pas le temps de se répandre par imitation, eb c’est à peine si « d’opulents financiers, tels que Samuel Bernard, purent acquérir un petit nombre de ces « meubles d'argent, chefs-d’œuvre de la sculpture d'ornement, » « Il y avait là, dit Perrault, & dans les Æommes illustres, en parlant de ces trésors des maisons royales, des tables d’une « sculpture et d’une ciselure si admirables, que la matière, tonte d'argent et toute pesante « qu'elle estait, faisait à peine la dixième partie de leur valeur. C’étaient des torchères ou de « grands guéridons de huit à neuf pieds de hauteur, etc., tous ouvrages dont la magnificence, « l'élégance et le bon goût estaient peut-être une des choses du royaume qui donnaient une « plus juste idée de la grandeur du prince qui les avait fait faire, »

Quoique le goût, malgré l'éloge de Perrault, fût alors certainement en décadence, on doit reconnaître, avec M. F. de Lasteyrie, que jamais peut-être on n’entendit mieux la splendeur de la décoration. Ces meubles, presque ignorés de l’industrie privée, affectaient des formes nobles correspondant à leur destination royale ou princière.

Celui de nos deux meubles qui a un couronnement formé par des figures en ronde bosse semble réunir dans toutes ses parties, profils, hauts et bas-reliefs, toutes les conditions qui conviennent au meuble d'orfévrerie. Ce cabinet d'argent est de la plus riche ordonnance. L'autre, à trois vantaux, est un cabinet la menuiserie à une part beaucoup plus large.

(Voir, pour texte, M. Paul Lacroix : Histoire de l'orfèvrerie, joaillerie, Paris, 1850; F. Séré, éditeur, et l'Histoire de l’orfèvrerie, par Ferdinand de Lasteyrie, Paris, 1875; Hachetle et C®, éditeurs.)

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LA CHAMBRE EN ALCOVE. MOBILIER.

Dans les palais, à partir de l’époque de la Renaissance jusqu'à la fin du règne de Louis XV, quelques alcôves étaient de véritables monuments, tant par leur composition que par leur richesse et le mérite de leur décoration. Dans les appartements des princes l’alcôve était séparée du reste de la chambre par une belle balustrade (voir la pl. double ayant pour sione : la Roue) ou par une estrade sur laquelle était placé le lit. Il y en avait d'assez grandes pour que l’on pût y admettre et même y faire asseoir quelques personnes ou quelques courtisans favoris du prince. Les plus magnifiques étaient décorées de colonnes portant un entablement, ou faites en forme de pavillons et ornées de belles étoffes qui se retroussaient et étaient soutenues par des cariatides, par des figures en ronde bosse ou par de riches torsades ; celle de la chambre à coucher de Henri IV, au Louvre, peut être citée comme un modèle en ce genre. (Extrait du Dictionnaire de l'Académie des beauæ-arts ; Paris, Didot,)

L'alcôve dite, au XVII siècle, à la royale, à l'ilalienne, à la romaine, n'était pas un enfoncement pratiqué dans un mur, mais une seconde pièce séparée de la chambre, tantôt par des ordres de colonnes, tantôt par des cloisons latérales avec sans portes et une balustrade à hauteur d'appui; lorsqu'il n’y avait pas de balustrade, le lit devait être sur une estrade. Cette alcôve était établie dans la chambre de parade, c’est-à-dire dans celle qui, de toutes les pièces qui composent un appartement, exige le plus de richesse, de bon goût et de régularité. (J.-F, Blondel, de la Distribution des maisons de plaisance; Paris, 1738.) La hauteur de l'appartement déterminait le choix du genre de décoration ; l'emploi d'un ordre d'architecture ainsi que celui de l’estrade ne pouvait convenir lorsque l'élévation manquait, parce qu'on était dans l'usage d'élever les colonnes sur piédestal pour y relier la balustrade. La dignité des appartements des souverains ou des très grands seigneurs exigeait seule cette pratique. Toutes les autres manières étaient plus habituelles dans les chambres ordinaires. Les ordres d'architecture étaient d’ailleurs rarement employés dans les pièces revêtues de

menuiserie, eb étaient plutôt réservés pour les vestibules et les salons construits de pierre ou de marbre.

L'alcôve représentée ici, d'après J.le Pautre, est de celles qui figurent dans son im- mense recueil sous le nom d'alcôves à la française. Elle offre l'aspect de l’alcôve à la royale lorsque celle-ci n’était décorée qu'avec des lambris. La différence semble consister surtout dans les proportions. Les deux portes latérales sont probablement des portes de dégagement, et l’alcôve, au lieu d'occuper toute la largeur de la pièce, se trouve ici réduite à la dimension du panneau de menuiserie chantourné qui s'étend dans la largeur de l'ouverture est placé le lit. C'était un de ces compromis dont on usait dans les appartements d'hiver, ou dans les petits appartements à la campagne, « où, dit Blondel, l’on sacrifie les pièces de nuit à celles qui sont destinées pour les amusements du jour.» La disposition qui permettait d’apercevoir le lit de front dans le renfoncement constitue la chambre en alcôve, différente des chambres en niche, dont l’alcôve n’était qu'un espace ne pouvant contenir qu'un lit placé de côté, le plus souvent à deux chevets.

Dans l’alcôve à la française comme dans celle à la royale l'usage n'était pas de revêtir de menuiserie toute la hauteur des murs contre lesquels le lit de parade se trouvait adossé ; on y tendait un fond de tapisserie posé sur un lambris d'appui. « Les magnifiques ouvrages brillaient le marbre et les peintures n’appartenaient qu'à des appartements de la dernière conséquence. Dans les maisons de plaisance la sculpture seule était le plus souvent admise pour les décorations.» Ordinairement on peignait la menuiserie en blanc et on dorait les or- nements ; le bleu, le vert, le jaune et autres pareilles couleurs dont on se servait dans les petits appartements particuliers, dit encore Blondel, étaient regardés comme ne convenant point aux pièces de parade et d’assemblée.

En général, l’alcôve à la française était placée au fond de la chambre, en face les croisées. D'ordinaire la cheminée était d’un côté de la pièce, quelque riche cabinet, monté sur table lui faisant face. Le lambris était naturellement dans ses lignes le développement de la déco- ration des cloisons latérales de l'alcôve; la corniche supérieure très saillante régnait tout autour de la chambre. Le plafond était en voussoir. Il était de principe que l’impériale du lit fût plus élevée que les deux portes latérales.

Il est probable que la draperie du chambranle de notre alcôve, disposée en court man- teau d’Arlequin, devait dans la pensée de le Pautre, être sculptée comme le reste. Cela était dans le goût de l’époque et les artisans y mettaient parfois une adresse incomparable, ainsi qu'on peut le voir par le somptueux banc d'œuvre de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, exécuté sur les dessins de le Brun, qui est une des merveilles du genre.

La table-console à dessus de marbre en bois doré, du commencement du XVIII siècle, figure dans le Musée d'art industriel de Milan, publié par M. G. Rossi.

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INTÉRIEUR DE L'HABITATION RICHE. LE GRAND APPARTEMENT. LES RÉDUITS. LA DAME DE QUALITÉ (1675-1680.)

J.-B. de Saint-Jean, le fin portraitiste qui a tracé les efigies en pied des gens de la cour dont la suite est si appréciée par les amateurs délicats, est l’auteur des deux scènes que nous reproduisons. & La femme de qualité en déshabillé pour te bain; La femme de qualité, en déshabillé, sortant du lit. » Dans ces tableaux de certaines mœurs élégantes du temps, l'ob- servateur, fort au courant des modes, a voulu exprimer, dans leur réalité, certaines choses que le comique des Æernmes savantes n'avait pu que faire pressentir. A notre point de vue spécial, ces deux pages inséparables offrent d’abord l'avantage de donner une idée générale de la ma- nière dont toutes les maisons riches se trouvèrent divisées en grands et en petits appartements, à mesure que l’on avance dans le siècle, et surtout lorsque, sous l'influence de Hardonin Mansard, l'architecture du règne de Louis XIV atteignit son apogée de grandeur eb de magnificence, François Blondel qui, avec les lignes plus assouplies du dix-huitième siècle, devait continuer à agir selon les mêmes principes en ce qui concerne la distribution des intérieurs de grand style, explique tout au long que ce ne fut point pour loger plus de monde dans un espace circonscrit que l'architecte faisaÿt établir aux différents étages ce que l’on appelait les entresols. Si le type le plus généralement en usage des pièces « entresolées » fut la division de l’étage par un plancher établi à une certaine hauteur de la haute baie des fenêtres, de manière à ne point contrarier l'harmonie des façades à l'extérieur, et si, le plus généralement encore, on em- ploya les soupentes en y faisant coucher les domestiques que l’on voulait avoir sous la main, il n’en reste pas moins certain que le principe fondamental des pièces du petit appartement était l’amoindrissement des proportions des chambres d'habitation.

Modifier l'étendue de ces pièces par des cloisonnages, en diminuer l'élévation par de faux plafonds, même lorsqu'on ne se servait point de ce plancher pour établir des soupentes lo- geables, telle était encore la règle au dix-huitième siècle pour les petits appartements dont le

nom général fut celui de « réduits ». Leur prototype remonte aux transformations que la mar- quise de Rambouillet fit subir à l’ancien hôtel Pisani, devenu dès lors l'hôtel de Rambouillet.

La notoricté des réduits, comme bureaux d'esprit, marche avec celle des alcôves et des ruelles du siècle, [1 semble même qu'après la disparition des alcôves, ruelles et réduits, pendant les troubles de la Fronde, ce furent surtout les réduits qui firent parler d’eux à la renaissance de ces sortes d’académies.

En 1670-1680, un cabinet de bains installé dans un entresol ne pouvait y étre que d’une date assez récente, puisqu'on voit les « Lois de la G'alanterie » ne prescrire encore, en 1644, que « d'aller quelquefois chez les baigneurs pour avoir le corps net; de prendre la peine de se laver les mains tous les jours, et le visage presque aussi souvent. » Le bain pour la toilette était d’ailleurs fort loin d'être l'immersion du corps entier ; le bassin de cuivre la dame va plonger son pied est l'unique baignoire du cabinet; ce n’est que quelque cinquante ans après l’époque de cette scène que l’on voit les architectes s'occuper de l'installation du bain complet dans les châteaux.

Quicherat explique que le goût de la toilette à grande eau avait été perdu, depuis que la ferveur religieuse du seizième siècle avait fait abandonner les étuves du moyen âge, anathé- mabisées par les prédicateurs catholiques comme par les ministres protestants, Les deux ou trois baquets, que quelques barbiers disposèrent dans leur arrière-boutique, furent surtout à l'usage des valétudinaires. (Une dame ne pouvait aller chez ces barbiers.) Les étuves ayant laissé une fort mauvaise réputation, il semble que ce que Peau fit longtemps éprouver, ce fut surtout de la crainte, une espèce d'hydrophobie, I fallait peut-être en 1680 être un esprit fort pour se permettre les délices restreintes du bain, tel que nous le voyons pratiquer par la dame de qualité, dont nous aurons, du reste, à fixer le caractère.

Le réduit cette dame procède à sa toilette de corps, entresol contigu à quelque apparte- ment de maître, esb conforme aux conditions indiquées par Blondel pour le « cabinet des bains ». Reliefs de stuc, ou revêtement de menuiserie peinte en blanc et dont les ornements ébaient dorés. Décor d’un beau simple; architecture mâle ; sur les corniches, des vases de por- celaine. Point de parquets à cause de l'humidité, mais un pavé de pierre de liais, ou, plus inagnifiquement, de marbre. .

Le vitrage de la porte était nécessaire pour éclairer les couloirs de dégagement. La serrure et les deux verroux intérieurs de cette porte rendaient l'asile inviolable lorsqu'on le voulait ; le rideau, servant de portière à l'extérieur, était un préservatif moins sûr contre l’indiscrétion, Une grande cassolette en trépied brülent des parfums, le bassin de cuivre remplissant lof- fice de la baignoire, enfin le lit de pied à dossier, sans matelas ni couverte, composé d’un som- mier eb d’un coussin en traversin, habillés d’un riche brocart, Zt d'été d'ordinaire qui, plus tard, devint la chaise longue, voilà ce que l’on voit dans ce cabinet des bains, dont l'air am- bianb est très nettement indiqué, par la tête d'Apollon, le Phæbus du royaume de la coquet- lerie, qui décore le dossier du lit. C’est ici le réduit intime d’une précieuse de haute volée, de

celles qui appartenaient aux rangs les plus élevés; car on avait divisé les précieuses en trois classes distinctes, les wlustres, les grandes, et les petites ou les ridicules. Molière n'avait pu mettre sur la scène les grandes dames, et ses femmes savantes ne sont que des bourgeoises. Saint-Jean n'avait point besoin des mêmes précautions, eb pour montrer dans son plus bel éclat l’une de celles que Ninon de l’Enclos appelait les Jansénistes de l'amour, il l’a entourée de tout le luxe qui convient aux personnes de la plus haute qualité, A l'époque nous sommes, ce n’était plus dans la capitale que l’on pouvait rencontrer les Précieuses ridicules de 1659; on laissait aux pecques provinciales les affectations du style forcé ; les précieuses de Paris n'é- taient plus guindées sur ce ton-là, mais devenues Femmes savantes, leur affectation fut d’un héroïsme qu'avec l’aide de Molière, on peut facilement faire ressortir.

De tradition, dans les « académies de lu préciosité », l'air galant était de mise; les Leautés y étaient des muses. Le poète, selon la définition de Voiture, était un amant du Parnasse. Enfin tous les « Aonnêtes gens » qui hantaient ces milieux savaient par cœur leur Amadis, et, comme le dit M"° de Kévigné, on s’y perfectionnait en se frottant à M. de Nevers, « le Damon, jaloux et blême », que Racine et Boileau ont peint d’un trait, « Il a pour le Phœbus une teu- dresse extrême. »

Dans le cercle de M'° de Scudéry, non seulement on avait prétendu régénérer la langue ct la littérature, mais on y exerçait une sorte de suzeraineté sur la mode; les dames y habil- laient de petits mannequins destinés à servir de types à la parure des femmes du beau monde. Avec le temps, les prétentions se trouvèrent encore haussées, en suivant d’ailleurs ces mêmes modèles jusque dans leurs faiblesses ; car on dit que M'° de Scudéry même, la grande et limpeccable Sapho qui, quoique laide de visage, fit naître de vives passions qui ne la touche- rent point, entre autres celle de Pellisson, s’arrangeait de façon à ce que son Afcante fût à même d'apprécier tout son mérile, comme on disait alors. La Superbe de Philaminte, de Bélise et d’'Armande exprime nettement ce que furent les humaines pour lesquelles « désoler les cœurs, était un agréable passe-temps. A force de faire de l'esprit, et de ne mettre que sa muse dans les charades amoureuses, la Précieuse devait en arriver à oser dans une singulière me- sure. Il semble que l’on pouvait tout risquer une fois que l’on était « mariée à la philosophie, qui nous monte au-dessus de tout le genre humain, ct donne à la raison l'empire souve- rain, soumettant à ses lois la partie animale, dont l’appétit grossier aux bêtes nous ravale. »

Les belles âmes ne brûlaient point de terrestres flammes ! Les sens n'avaient point de part à toutes leurs ardeurs ; le beau feu ne voulait marier que les cœurs, Comme une chose in- digne, on laissait le reste. C’était un feu pur et net, comme le feu céleste; avec lui, on ne poussait que d’honnêtes soupirs ; on aimait pour aimer, et non pour autre chose. A l'esprit seul allaient tous les transports ; on ne s'apercevait jamais qu’on eût un corps. Mais comme ces mêmes précieuses conviennent que

Cet empire que tient la raison sur les sens Ne fait point renoncer aux douceurs des encens,

et que, en définitive, pour être le plus agréable à la beauté, il fallait, « sans rien prétendre, brûler pour elle » ; on se rend compte de la nature des retranchements qui, sans nuire à la ga- lanterie, faisaient la sécurité de la Précieuse, mettant sa gloire à seulement côtoyer le fleuve du Tendre.

La Bruyère, dans son chapitre « sur les Femmes » parlant de certains de leurs directeurs qui accompagnaient les dames au bain, aux eaux, dans les voyages, est une caution suffisante de l'intimité qui pouvait s'étendre jusqu'aux pièces les plus secrètes du réduit. Après ce qui a été dit sur les préjugés de la Précieuse, on s'explique comment notre muse en chemise ac- cueille sans le moindre geste de surprise, avec la tranquillité du génie et laplomb à toute épreuve de la dame de grande qualité de ce temps-là, vis-à-vis d’un inférieur, d’un indiffé- rent, son amant du Parnasse, auquel, sans avoir l'air de se soucier des indiscrétions du vêtement, peu elos, on n’est point fâchée de laisser plus qu'entrevoir wn mérile à propos du- quel les révélations sont permises, pour peu qu’elles soient faites avec délicatesse. Et il ne s’agit point de s’en tenir à des généralités :

Oui, nous sommes, quoi qu'on en die, Moi le plus sage, et vous la plus jolie!

Ces agréables affirmations que les précieuses de tons les temps ont, d’ailleurs, toujours bien accueillies de tous les Nevers, ne suffisent plus, Il faut des particularités propres à faire re- connaître la personne.

ss do ses: pee, Dleavait lesCheveux, Les plus longs, les plus fins, les plus épais du monde,

C'est déjà mieux, et cela assure à Benserade un sourire de M"° de Bouillon. Mais l’amant du Parnasse dut aller plus loin, et connaître davantage. L'esprit était d’ailleurs fort large, et c’est à la même dame, Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, déclarée poétiquement « plus belle que Vénus, plus chasle que Lucrèce », que Saint-Évremond fait observer, non moins poéti- quement, qu'il peut parler de ses yeux, de ses cheveux, de son front, de ses sourcils, de sa bouche,

De la gorge et du cou (ce miracle nouveau) L'orgueilleuse beauté sera bien exprimée ;

Les bras, les mains, les pieds dignes d’un corps si beau, Auront aussi leur part à votre renommée,

Si le louangeur n’avouait lui-même, en la déplorant, son ignorance sur le reste, on ne sait s’arrêterait l'évocation. Il faut d'autant plus prouver certaines choses, qu’elles paraissent plus invraisemblables ; et

cela est d'autant plus nécessaire ici, que pour laisser à notre cabinet de bain l'intérêt d’un vé- ritable tableau de mœurs, on doit en écarter le soupçon de n'être qu'une invention épigram- matique,

Le Précieux qui fait son entrée, « et que nous connaissions avant que de l'avoir vu », porte la main à ses yeux comme un homme ébloui, mais en tempérant cette affectation par une espiè- glerie (ah! de l'esprit partout !). Les doigts s’écartent comme le fit l’avisé qui, menacé d’a- veuglement par une dame dans une position risquée, s’il ne tenait pas ses yeux elos, s’écria : Ma foi! tant pis, je risque un œil. » Ce galant d’un caractère mixte, en manteau court et sans épée, habillé tout de sombre au chapeau sans tour de plumes, on peut, comme Clitandre, gager que celui-là c’est Trissotin en personne ; le Précieux qui se sait si bon gré de tout ce qu'il écrit » eb qui, par son geste, prépare le compliment qu'il va lancer; « le Paquet sé- rieur, » selon le glossaire des ruelles dont Saumaize, vers le milieu du siècle, s'était amusé à donner la clef.

Cette figure seule montrerait que Saint-Jean a bien entendu compléter Molicre.

Le cabinet des bains, avec son intimité, est l'aîné très direct du cabinet de toilette du dix- huitième siècle. Il y eut assurément plus de grâce chez les dames à paniers, mais dans la li- berté des dernieres Précieuses, dont on a vu les ambitieuses visées, il semble qu'il y ait eu quelque grandeur qui à manqué aux autres. La hardiesse des femmes du dix-septième siècle ne fut pas l’effronterie de celles du dix-huitième,

De la « femme de qualité en déshabillé sortant du lit » nous ne dirons que ce qu'en dit La Bruyère : « Le matin elle se partage entre sa toilette et quelques billets qu’il faut écrire. Un affranchi vient lui parler en secret, c’est Parménon, qui est favori, qu’elle soutient contre l’antipathie du maître et la jalousie des domestiques. Qui à la vérité fait mieux connaitre les intentions et rapporte mieux une réponse que Parménon? Qui parle moins de ce qu'il faut taire ? Qui sait ouvrir une porte secrète avec moins de bruit? Qui conduit plus adroitement par le petit escalier ? Qui fait mieux sortir par l’on est entré ? »

La scène se passe ici dans le grand appartement ; c'est l’hiver, comme le montre le feu de la cheminée, et les lourdes portières de velours qui, en été, seraient de taffetas. La décoration, toute architecturale, est somptueuse et de grandes proportions. Dans un intérieur de ce luxe, la petite glace de la riche cheminée sculptée ne tenait pas seulement à ce que les glaces étaient encore rares en ce temps, mais à ce que nombre d'architectes trouvaient qu'elles faisaient une espèce de vide qui ne paraissait pas naturel au-dessus d’un foyer. Il n’y à point de tablette, proprement dite, à cette cheminée. Elle est remplacée par le chambranle de l’avant-corps, sur lequel, et par-dessus la glace, sont disposées les porcelaines en garniture volante, Le fond esb un trumeau décoré d’un médaillon en ovale, dans lequel des amours forgent sur l’enclume

des chaînes galantes, Le parquet est un assemblage varié de bois de chêne, ciré, selon lha- bitude prise pendant le siècle,

La dame est en robe de chambre, en jupon et en corset: n'ayant point la jupe de la robe et les eriardes, elle n’est point ce qu'on appelait froussée. Son corsage à basques est la gour- gandine, « le riche corset, entr'ouvert par-devant à l’aide d’un lacet, » dit Boursault. On ne voit pas au haut de ce corsage le nœud de brillants, le boute-en-train ou le f@tez-y, que l'on plaçait entre les seins, mais pour achever la toilette. La coiffure a le nœud de Ia fontange, avant que celle-ci fût tournée en monte-au-ciel.

Le nègre que la dame envoie porter un billet, est le frère du « petit Capot verd, More, vo- leur et gueux, » qui était au service de la duchesse de Mazarin. Ce joli serviteur qu'on ap- pelait Pompée, s'enivrait et jalousait sa maîtresse, en en éloignant, autant qu’il le pouvait, les autres favoris, eb il y faut comprendre des gens du caractère le plus sérieux. C’était le ton, cb il ébait peu de grandes dames qui n’eussent chez elles quelque tyranneau à peau noire et de taille exiguë comme celui-ci, dont on supportait tous les caprices.

Les deux fauteuils qui font partie de notre mobilier national sont l’un de bois doré, l’autre de bois conservant sa couleur naturelle. Celui dont le dossier est le plus élevé et dont le bois est doré convient par son style au grand appartement qui figure ici. L'autre, qui est plus ancien, eb sent encore son Louis XIIT, pouvait se trouver aussi dans la même maison, mais dans les réduits, car tel était l'usage. « Dans les chambres à coucher et les autres pièces qui ne composent pas les appartements de parade, on fait ordinairement servir les meubles tels

qu'on les à. »

Les fauteuils sont reproduits d'après des documents photographiques. Les Saint-Jean sont reproduits d'après les gravures de Bazin.

Voir, pour le lexle : Suint-Evremond et les auteurs du temps. François Blondel. Quiche- ral, Histoire du costume en France, A. Amédée Renée, les Nièces de Mazarin, 1 858. Didot, édit, M, Paul Lacroix, Dix-septième siècle, 2 vol., Didot,

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FRANCE. XVII SIÈCLE

LE CARROSSE DE LA REINE. LE ROI ET LES OFFICIERS DE LIVRÉE DE LA MAISON ROYALE.

Ces fragments proviennent d’une peinture de Van der Meulen représentant l'entrée à Arras de Louis XIV et de Marie-Thérèse, À cette époque, la fameuse campagne de 1667 était déja commencée. Le roi avait quitté momentanément l’armée pour aller chercher la reine, afin de lui faire contempler ses nouvelles conquêtes pour montrer aux populations flamandes une princesse de la maison d'Autriche venant en personne faire reconnaître ses droits, communs avec ceux de son mari.

On mena la reine à Douai, à Tournai, puis à Arras elle demeura en attendant le retour de Louis XIV qui pénétra plus avant dans le pays ennemi pour y continuer sa campagne.

Ce voyage d’une cour, fait au milieu de l’abondance, s’accomplit dans la plus absolue sécu- rité ; les troupes françaises étaient maîtresses du pays et, dans toutes les marches, on ne re- douta pas un instant que la reine, ni toutes les dames de la cour, eussent la moindre alarme et entendissent tirer un seul coup de mousquet. Le roi fut toujours à cheval à la tête de l’escorte et donnait lui-même tous les ordres. Ce jeune souverain, aimant la magnificence, étalait celle de sa cour dans les fatigues d’une campagne. Tout le monde se piqua de somp- tuosité et de goût dans la bonne chère, les habits et les équipages. Le soir, on se mettait au jeu ; quelquefois, Monsieur, quoique en grosses bottes, faisait venir les violons et donnait un bal aux dames.

Dans le cortège royal que notre planche représente divisé en deux parties, Marie-Thérèse, entourée de ses filles d'honneur, occupe un carrosse de gala garni de stores en glaces, étince- lant de dorure et trainé par six chevaux blancs (nous ne représentons qu’une partie de cet attelage). Selon Pusage du temps, une fille d'honneur est assise devant chaque portière.

Louis XIV, à cheval, suit derrière et porte l’habit militaire : justaucorps de drap d'or ; veste et culotte rouges ; cravate consistant en une longue pièce de mousseline dont les bouts

descendent jusqu'au milieu de la poitrine; baudrier sur lequel est serrée une fine écharpe ; chapeau à plusieurs rangs de plumes; bottes fortes dont on ne se servait que pour aller à la guerre.

On ne voit, dans les groupes de cette planche, que les officiers de livrée, c’est-à-dire les pages cb valets de pieds de la maison royale entourant pêle-mêle ce brillant cortège. Les va- lets de pied de la reine avaient un rang bien déterminé : deux d’entre eux devaient se tenir aux côtés du carrosse eb les autres se ranger de droite et de gauche. Ceux du roi, quand il était à cheval, comme aux entrées de ville, se plaçaient sur les côtés jusqu’à l’étrier et les gardes du corps en arrière, depuis l’étrier.

Les pages, valets de pied, cochers et autres officiers servants de lécurie de la reine, se trouvaient sous l’intendance du premier écuyer, et les officiers du roi, sous celle de Monsieur le Grand grand écuyer.

On disait la grande et la petite écurie. Pour reconnaître les officiers appartenant à l’une ou l’autre, il suffisait de regarder de quelle façon le galon de leur manche se trouvait cousn ; chez les officiers de la grande écurie, le galon était disposé ex bracelet en travers ; chez ceux de la petite, on le voyait posé ex quille, c'est-à-dire de haut en bas.

La livrée royale comprenait le blanc, le bleu et l’incarnat : ces couleurs disposées selon les catégories de service et relevées par des galons d’or d'argent, selon que les officiers appar- tenaient à la maison de la reine, ou à celle du roi.

L’équipage de la reine se composait de huit carrosses, l’un exclusivement réservé à la personne royale et les autres affectés aux dames d'honneur et celles du palais, à l’écuyer, aux femmes, aux femmes de toilette, à la faculté et aux filles des femmes.

C’est en 1599 que le maréchal Bassompierre ramena d'Italie en France le premier car- rosse ayant des stores de glace. Le règne de Louis XIV vit se métamorphoser les voitures du seizième siècle aux rideaux de cuir, en carrosses ornés de coussins, de tapis, décorés de sculp- tures richement peintes et souvent dorées. Le carrosse du roi était traîné par huit chevaux ; ceux des gens de cour en avaient six, et ceux des riches bourgeois, quatre,

Sujet provenant du tableau de Van der Meulen : Entrée de Louis XIV et de Marie-Thérèse à Arras (août 1667); musée du Louvre.

Voir pour le texte : La Campagne de la reine ou Lettre galante écrite à des dames de la cour de Monseieneur le Dauphin, 1667. Relation de la guerre de Flandre, par le sieur de Van- deuvres, 1668. L'État de France de 1676. Histoire des chars, carrosses, voitures, ete. par D. Ramée, 1556.

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EUROPE. XVII SIÈCLE

MOYENS DE TRANSPORT. MARINE DE GUERRE ET VAISSEAUX MARCHANDS DE LA HOLLANDE.

Jusqu'en 1595, les Hollandais n'avaient navigué que sur les mers voisines de l'Europe ; mais vers cebte époque on les vit hasarder de plus longs voyages : ils suivaient ainsi l'exemple des Portugais en Afrique et aux Indes, des Castillans, des Anglais et des Français en Amérique. Ils les surpassèrent bientôt et firent sur mer un commerce si étendu que les différentes com- pagnies qui s'étaient formées entretinrent au total soixante mille‘hommes et construisirent tous les ans plus de deux mille navires.

En 1603, les Provinces-Unies s’engagèrent à réunir en une seule compagnie toutes les associa- tions particulières jusque-là formées pour le commerce des Indes. Cette compagnie devint le plus solide fondement des richesses ainsi que des forces de la république ; elle contribua surtout à l'établissement de la marine hollandaise et lui donna longtemps l'empire des mers.

C’est ainsi que ce pays se trouva admirablement préparé pour entrer en lice avec les pre- mières nations de l’Europe ; avec une marine ayant pour chefs Ruyter et Tromp, elle put se mesurer avec la France et sortir à son honneur d’une lutte son existence même était engagée.

La construction navale était alors portée à sa perfection chez les Néerlandais, qui devinrent les constructeurs de toute la marine européenne. Louis XIV fit réparer plus d'un désastre à lui causé par ces derniers, en remplissant les vides de sa marine avec de nouveaux navires sortis de leurs chantiers. Enfin, Pierre 1°, que son génie poussait toujours à rechercher tout ce qui pouvait contribuer à la grandeur de son empire, devait, au commencement du dix-huitième siècle, aller prendre des leçons de ces constructeurs de vaisseaux et travailler au milieu d'eux

sous le modeste habit du charpentier. C’est en raison de ces faits que nous donnons comme au- tant de types européens les vaisseaux de cette planche en réalité tout hollandais.

Les vaisseaux hollandais du dix-septième siècle, avant d'en arriver à la simplicité de décoration qu'ils acquirent les premiers dans la suite, avaient leurs poupes richement ornées de sculptures; on ne suivait en cela que les goûts fastueux de l’époque qui rejaillissaient jusque dans cette partie accessoire de la construction navale. D’après un usage remontant à l'antiquité, la tutela (poupe) était ordinairement surmontée de la figure du dieu sous la protection duquel le navire était placé.

En France, sous Louis XIV, l’ornementation des navires de haut bord fut des plus brillantes. Il y avait à Toulon un immense atelier de peinture et de sculpture affecté à ce genre de déco- ration ; il était sous la direction de Rose; Girardon, Puget et Lebrun y travaillèrent. Ces grands artistes dessinaient et d’autres exécutaient leurs croquis « afin », écrivait Colbert, « que ces vaisseaux répondent à la grandeur de la France et à la gloire de ceux qui les comman- dent. » On voit, au Musée du Louvre, section de la marine, une suite importante de ces décorations émanant des mêmes artistes.

le couronnement est orné des armes des Provinces- Unies ; une figure de Minerve le surmonte.

6. Même vaisseau mis à la bande, c'est-à- dire penché sur un côté eb appuyé sur un ponton afin de mieux présenter sa carène pour le radoub.

No 1,5et6,

Vaisseaux de haut bord au radoub,

N°1. Le navire se présentant par la proue, Poupe très élevée ; cette partie du navire se divisait ordi- nairement en quatre étages : le fond de la cale, la Sainte-Barbe ou premier pont, le gaillard et la du- nette; au pourtour de la poupe sont des balcons saillants sur la mer. Proue très recourbée, Au quin-

5. Trois-mâts ; navire de guerre.

3.

zième siècle, les vaisseaux avaient déjà des sabords, mais ce n’est qu'à partir du seizième que l'artillerie put se développer largement à bord des navires,

5, Même navire se présentant par la poupe. Quelques ouvriers réparent la carène. Tutela (poupe) imposante par sa masse et la richesse de ses détails;

Navire de la compagnie des Indes orientales, toutes voiles déployées.

4.

Autre trois-mâts sans sabords, de caractère complète- ment marchand.

Exemples tirés de la magnifique suite de navires gravée par Hollar et intitulée : Nauium uariæ fieuræ et formæ à Venceslao Hollar in diuersis locis ad uinum delineatæ et aqua forti æri

insculptæ, 1647.

Voir, pour le texte : l'abbé Delaporte, le Voyageur françois, 1783. Jal, Glossaire nautique, Didot, 1848. Du Sein, Histoire de la marine, Didot, 1863.

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FRANCE. XVII" SIÈCLE

COSTUMES DE LA NOBLESSE.

ÿ 8 9 10 N°%1et7. 6. Louis XIV , roi de France. Madame, princesse de Savoie, -N$2) 10. Louis de Bourbon, comte de Toulouse, Monsieur, Philippe duc d'Orléans. No det 9, N°8. Louis, dauphin de France. Charlotte Palatine, sa seconde femme.

L'habillement des Français de la dernière partie du XVIT° siecle a déterminé et fixé les véritables bases du costume moderne ; c’est l’habit militaire , porté d’abord par toute une gé- nération presque constamment occupée à la guerre, qui a définitivement prévalu dans l’u- sage civil vers 1670. Dès 1655 le mouvement de réforme était déja assez prononcé pour que la corporation des anciens pourpointiers fût réunie à celle des maîtres marchands tailleurs ; on abandonnait dès lors l’antique pourpoint qu’on n’a plus revu. Ce costume consiste en deux vé- tements superposés : le justaucorps, et la veste ou casaque, se bontonnant de haut en bas, On commença par les porter avec la rhingrave dont le volume et les rubans réduits ne rappe- laient plus que d'assez loin la culotte in-folio, qui avait été si chère aux petits-maîtres ; la rhingrave, après avoir reçu le nom de pantalon et avoir été en s’amoindrissant de plus en plus, fit définitivement place à la culotte vers 1680. Celle-ci était assujettie avec une jarre- tière, le bas par-dessus, immédiatement au-dessous du genou. Les justaucorps, vestes et cu- lottes sont les aïeux directs du frac, de la redingote, des gilets et des pantalons actuels.

Ce qui donne au costume de cette époque du règne de Louis XIV sa physionomie parti-

culière, c’est la forme, l'ampleur du chapeau, son tour de plumes; l'importance de la per- ruque, la cravate, la longueur du jusbaucorps presque égale à celle de la veste ; ce sont les grands parements des manches de ce dernier vêtement : es manches à bottes ; ce sont aussi les souliers à hauts talons : les souliers à la cavalière, dont la pièce de recouvrement du cou- de-pied s'élève assez pour leur donner l’aspect des bottines. Le luxe du vêtement, à des fabrications de qualités supérieures, était le grand luxe, réel dans le fond comme dans la forme. En parlant de la seule confection des chapeaux et des perruques, on pressentira ce que le reste devait demander de soins et d'argent. Le chapeau à bords triangulaires relevés, dit à trois gouttières, adopté pendant la deuxième moitié du règne de Louis XIV, était fait de poil de castor, de lièvre, de lapin, et de la laine vigogne et commune; pour le chapeau su- perfin on n’employait que le castor de choix. La confection de ce couvre-chef exigeait une multitude prodigieuse d'opérations et de précautions. Le détail en est tel, qu'en terminant l'exposé de cette fabrication, depuis le tri et le travail de la matière, depuis le foulage et les cinquante remises à l'étuve, au bassin, depuis les ponçages, les coupures, les affinages, les apprêts gommés , les repassages au fer chaud, à la peau de chien de mer pour le rober, depuis l'enlèvement de la jarre le moment l’on terminait enfin le chapeau en y mettant les portes, les agrafes, le bouton et la ganse, l'Æneyclopédie du A VIII siècle, constate, en terminant cet exposé, qu'un homme seul n'aurait pu suffire pour accomplir une pareille tâche, et qu'il a fallu pour y arriver le concours d’une onfinité d'hommes. T’industrie perru- quière fut encore bien autrement importante et compliquée ; aussi les noms des ingénieux ouvriers qui l'ont perfectionnée sont-ils conservés par l’histoire. C’est Quentin qui a inventé l’art de tresser les cheveux, de coudre ces tresses sur une coiffe légère, et d’en former des chevelures entières. C’est Ervais qui, en 1680 , a inventé le crêpe, qui s'arrange mieux sur la tête, eb fait paraître la perruque plus garnie, quoique plus légère. Alors naît la grande époque de la perruque in-folio, de la crinière de lion, bien différente de la coiffure à la comète par laquelle on avait débuté sous Louis XIIT, qui n’était qu'une addition des cheveux arti- ficiels aux cheveux naturels, et des perruques à culoltes, consistant en cheveux longs et plats attachés aux bords d’une espèce de petit bonnet noir dont on couvrait sa tête tondue, On était loin même, à la fin du siècle, du temps les perruques in-folio pesaient assez commu- nément deux livres : les mains habiles savaient fabriquer des perruques qui, malgré leur vo- lume immense, ne pesaient que six onces.

Une fois le préjugé acquis que rien n’était plus convenable à la beauté 4 corps, eb à la dignité de l'homme qu'une longue, qu'une vaste chevelure, les perruques frisées, l’on n'épargnait ni le nombre ni la longueur des cheveux, arrivèrent à couvrir presque la moitié du corps. Louis XIV leur avait donné un crédit tel que l'on en vit sur toutes les têtes. Dans les portraits de l’époque, depuis le vieillard le plus décrépit jusqu'à l'enfant à la mamelle, tous ont de longues chevelures d'emprunt, tous sont emperruqués. Les ecclésiastiques de tout rang adoptèrent les perruques passées au métier; on vit s'en affubler jusqu'à des religieux et

des moines : jésuites, cordeliers, augustins, portant au moins de faux tours, de faux toupets. On fabriquait même de fausses couronnes et de fausses tonsures. Si l’on excepte les laza- ristes, eudistes, sulpiciens et quelques autrès ecclésiastiques scrupuleux, tous les prêtres portèrent des fausses chevelures. La perruque d'abbé, c'était le nom, de courte et sans fri- sure qu'elle était d’abord lorsqu'elle remplaça la perruque à calotte, se rapprocha rapidement des grandes perruques que recherchèrent les abbés coquets : ces perruques étaient frisées, poudrées, parfumées ; les plus galantes étaient celles qui s’appelaient des perruques de bichon ou à la moutonne, parce qu’elles ressemblaient au poil bien peigné des bichons et à la laine des agneaux. On faisait, en général, la perruque soignée avec des cheveux de femmes, recher- chés avec soin dans les campagnes; ceux de Flandre étaient particulièrement estimés. La gamme des tons était étendue, Il y avait la perruque grisaille, les cheveux gris de maure, le blanc agate, le blanc de lait, le quart blanc, le blanc fond jaune ; le châtain, le châluin clair, le châtain brun ; le noir, le petit noir, le noir juis. Pendant quelques années ce fut la mode de porter des perruques blondes; parurent ensuite lesnoires, puis les blanches ou poudrées, L'in- folio de premier choix coûtait environ mille éeus. La frisure varia comme la couleur; on boucla les cheveux ; on les figura en rosettes, en anneaux ; lorsqu'on eut trouvé le moyen en tressant d’abord les cheveux, en les cousant ensuite sur la tête à bouts levés, de les avoir droits comme on les voulait, on porta le devant à la Fontange : c'était un toupet partagé, élevé, laissant entrevoir le sommet de la tête, que le marquis de Fontange avait imaginé et mis à la mode. A côté de la perruque à l’espagnole, de la cavalière ou carrée, la financière avait conservé, de l’ancienne mode, deux longs tire-bouchons qui descendaient de chaque côté sur la poitrine. Il y avait la frisure sur rien, qui exigeait tout un maniement parbiculier, et aussi la frisure à l'angle, pour laquelle on n’employait pas ies papillotes, Nous nous sommes étendu sur ce sujet parce que la chevelure fut véritablement alors une partie du costume et parce que les perruquiers du XVII siècle, devenus gens d'importance, bien différents des anciens mires barbiers se bornant à manier le peigne et à diriger le rasoir, contribuaient pour une large part à l'habillement de leur clientèle.

Achevons pour le moment ce qui concerne les chapeaux et les perruques en faisant observer que l’on garnissait les’ chapeaux de plumes blanches ou teintes à barbes plus moins lon- gues, selon le ton du jour, et parfois, en même temps, d’un nœud de ruban ; le tour de plumes fut conservé jusqu’en 1710 ; quant au port de la grande perruque, pour en alléger le poids on le répartit d’abord également sur les deux épaules, les cheveux tombant en avant et en arrière ; puis on affecta de n’en plus laisser tomber devant que la moitié; enfin, au dernier moment, près de son déclin définitif, on la rejetait entièrement en arrière. Le port du chapeau triangulaire fut non moins capricieux : tantôt il présente de face lun des bords relevés, rappelant le chapeau à la Henri IV ; tantôt c’est le bec de l’une des gouttières qui se projette droit en avant, En se faisant plus petit, plus coquet, déjà transitoire entre le chapeau à trois gouttières du XVII siècle et le chapeau lampion du XVITI, il se pose sans

réoularité, selon le caprice, légèrement incliné, un des sommets du triangle plus moins en avant.

Le port de l'épée eut aussi ses variations qui dépendaient de la longueur donnée aux pentes du ceinturon caché sous le justaucorps; on la tint plus ou moins obliquée. Les grands cordons d'ordres, posés par-dessus la veste, et même par-dessus l’écharpe en ceinture, étaient prolongés selon la place plus ou moins élevée qu'occupait la garde de l’épée. En même temps que l'épée on portait la canne à pomme d’or ou d'ivoire , avec une dragonne de rubans riche- ment frangés (voir 7,9, 10).

Les bas de soie, auparavant rayés chinés, devinrent unis, les coutures d'assemblage du bas de la jambe étant faites avec du fil d’or; c’est en 1684 que l’on commença à fabriquer ceux de coton, appelés alors bas de Barbarie. La boucle du soulier était simple, on ne portait les bottes qu'à l’armée.

Nous terminerons ici une notice déja bien longue en faisant remarquer que les boutons avaient définitivement pris la place des attaches en cannetille, galants et aiguillettes. Les rubans n'avaient plus guère d'emploi que pour les nœuds d'épaule et la cocarde du chapeau et aussi pour la chaconne, que l’on s'avisa de joindre, en 1693, au col de la chemise pour accompagner la cravate (voir n°2). Les rubans ne devaient pas tarder à être entièrement bannis. On ne portait plus de dentelles qu'à la cravate et aux poignets. Les boutons et Les boutonnières furent l’objet d’un luxe excessif, dont nous parlerons.

Achevons en disant que les deux dames qui figurent dans notre planche, dont l’une en habit de cheval, arrangement du costume masculin, et dont l’autre est parée pour le bal, portent toutes deux des chevelures artificielles dans le goût de celles des hommes; quelques femmes, en effet, y recoururent; mais celles-ci n’ont aucun des caractères de la perruque à chignon qui ne fut adoptée que vers la moitié du XVITI° siècle.

Nous devons à 1. Oviyneur, de Lille, la communication gracieuse du beau recueil nous avons puisé ces documents. Les originaux sont de ces portraits, retraçant avec le plus grand dé- bail le costume à la mode à l'époque de la gravure. Ce sont des documents des plus exacts sortis des ateliers de la rue Saint-Jacques, se trouvaient H. Bonnart, Trouvain, Mariette, Berey, etc., qui en faisaient alors un grand commerce. Ces publications précédaient les jour- naux de modes et en tenaient lieu ; la portraiture y était traïlée avec un soin particulier ; il n'est pas sans intérêt aujourd'hui même de retrouver dans le portrait de Louis, dauphin de France, n°5 et 9, l'explication du sobriquet de bec d’oie qui lui fut donné par ses contemporains, à cause de lu ressemblance de ses mächoires avec le bec d'une oie.

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FRANCE. XVII ET XVIIE SIÈCLE

MODES FRANÇAISES. US ET COUTUMES. L'HABILLEMENT DU ROI. LA ROBE DE CHAMBRE. LE BONNE.

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9 10 11 12 13 Nos 9, François-Louis de Bourbon, prince de Conti, N°5 13. Charlotte, landgravine de Hesse-Cassel, 1697, reine de Danemark. 10, Abbé en soutane. 4. Homme de qualité en robe de chambre, 11. Jean-François-Paul de Bonne de Créquy, D, Monsieur le Noble, 1695. duc de Lesdiguicres, 1696. 1,2,3,6,7 et 8. Bonnets d'intérieur à l'usage 12, Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine. des hommes; XVII et XVIII siècle,

La Bruyère en parlant des grands de son temps, de leur attitude à l’église, tournant le dos à l'autel, vers leur roi, « à qui ils semblent avoir tout l'esprit et tout le cœur appliqués, » montre jusqu'où s’étendait le prestige de Louis XIV qui, pendant quarante années, de 1660 à 1700, fit de Versailles une cour dont l'éclat n'avait pas d'égal en Europe et dont il était le parangon, Parmi les exemples donnés par le roi à la foule des grands seigneurs dont il était entouré, relativement aux choses du costume et même de la toilette, il y en avait de deux sortes. L'élève de Colbert protecteur de nos industries nationales, donnait le ton de la mode en adoptant tel drap, telle dentelle, telle soierie, tel passement. Cette protection fut si efficace que non seulement elle soutint en France des industries qui s'y fondaient, mais qu’elle les y rendit prospères, grâce aux exportations qui résultèrent de l'extension du goût français en Europe. L'autre genre d'exemples donnés par le roi, qui parait leur avoir attaché un intérêt non inférieur à l'intérêt national, concernait les choses du cérémonial dont la minu- tieuse observation avait pour témoins les plus grands seigneurs du royaume et la foule des courtisans, le plus titré des princes présents y mettant parfois la main.

Nous n'avons point à étudier le rituel de ce cérémonial quotidien qui débute avec le réveil du roi, à l'heure qu'il a dite la veille en se couchant (huit heures et demie ordinairement), par

la réception dans son alcôve et lorsqu'il est encore au lit, des princes qui lui sont proches, des fonctionnaires spéciaux et de certaines personnes autorisées ; relatons seulement que c’est devant cette première assistance que le roi sort du lit, chausse ses mules, prend la robe de chambre, franchit la balustre (la clôture de l’alcôve) pour venir s'asseoir en la chambre sur le fauteuil il doit être habillé, C’est à ce moment précis qu'il fait petit-jour chez le roi et que commence le petit-lever ; c’est l'instant de la première entrée, de ceux y ayant droit par leurs charges et de ceux qui ont un brevet d'entrée.

Le roi est en bonnet de nuit, en robe de chambre, en pantoufles. On le décoiffe, on le peigne; il se peigne lui- même, (Louis XIV qui avait eu une fort belle chevelure, ebne prit perruque qu’à l'âge de trente-cinq ans, ne vou- lut jamais avoir la tête raste, comme on le faisait com- munément; on composait pour lui des perruques avec des jours étaient passées les mèches de ses cheveux.) Un valet, pendant tout le temps de la toilette et de l'ha- billement, tient en main un miroir devant le souverain,

Le roi étant peigné, on lui met la perruque de son lever, plus courte que celles qu’il porte le reste du jour; puis on passe à la première partie de l'habillement, D'abord les chaussons et leurs jarretières (ealeçons ou bas de dessous), ensuite le haut-de-chausses sont attachts les bas de soie, les bas d'estame, ou les bas foulés, selon la saison ; on chausse les souliers, dont ordinairement les boucles sont de diamants; le roi attache lui-même les jarretières, aussi à boucles de diamants. Ici, une collation légére : un pain, un bouillon, un verre de vin et d’eau. Le roi est encore en robe de chambre, et, depuis le com- mencement de l'habillement, les huissiers qui gardent la porte ont admis les cardinaux, les archevêques, les évé- ques, le nonce, les ambassadeurs, les ducs et pairs, etc., qui sont venus y gratter, C'est seulement après la colla- tion que l’on ôte au roi sa robe de chambre, sa camisole de nuit, et que se fait l'enlèvement des reliques qu'il porte (la nuit à l’aide d’un cordon passé en écharpe, le jour en des bourserons), avant de procéder au change- ment de la chemise, On la présente au roi, couverte d’un taffetas bleu, et celui qui remplit ect office est toujours le plus haut prince présent; il est utile de noter que pour cette présentation et celles du même genre, le seigneur qui s'en acquitte a toujours les mains nues, car chaque fois il donne à garder à quelque valet de chambre son chapeau, ses gants et sa canne. La chemise de nuit ayant été retirée, celle de jour, chauffée au besoin, ayant été passée à l'abri du paravent formé par la robe de chambre tenue par les valets, le haut-de-chausses étant relevé et fixé, le roi prend parfois une camisole, puis on agrafe le ceinturon et l'épée, on passe la veste sur laquelle

Louis XIV faisait mettre en écharpe le cordon bleu de l'ordre du Saint-Esprit; enfin on met le justaucorps.

Le tour de la cravate est venu : on présente au roi une corbeille il s'en trouve plusieurs, préparées avec des rubans quand il y en a. La cravate désignée est passée à son cou ; il se la noue lui-même. Puis on lui passe l'habit de la veille pour qu'il en vide les poches dans celles de habit qu'il prend. Les mouchoirs sont aussi l'objet d'un choix; on en présente de trois sortes de façons sur une espèce de soucoupe ovale en vermeil, nommée salve (sale, selon Saint-Simon). Le roi prend un ou deux mouchoirs.

C’est après l'audience qui suit, donnée au nonce, aux ambassadeurs, etc., que le roi passe dans son cabinet, y prend sa montre et les reliques qui y ont été apportées eb s'affuble de sa perruque ordinaire. C’est encore que le maître de la garde-robe est averti des choses dont il faut se pourvoir pour l'après-dînée, comme bottes, bottines, casaque, surtout, manchon, ete. Si dès le matin le roi s'habille pour aller tirer ou pour aller à la chasse, il prend sa canne ou un fouet. $, M. part d'ordinaire dans son carrosse et trouve les chevaux deselle au rendez-vous,

Les porte-manteaux, outre le manteau du roi qu'ils portent et tiennent à sa disposition, ont la garde des hardes que le roi quitte et reprend : ses gants, son cha- peau, son manchon, sa canne. Ils ont aussi en certains cas la garde de l'épée que le roi quitte dès qu’il a les éperons; autrement elle est portée par l’écuyer du jour.

Au retour de la chasse ou de la promenade, a lieu le débotté, s’il y a lieu, et un changement d'habit. Le roi se déshabille et s'habille encore de nouveau, soit qu’il ait été jouer à la paume, soit qu'il se soit baigné en ri- vitre ou en chambre. Il change plusieurs fois de per- ruque, pour la messe, après le dîner, après le retour de la chasse ou de la promenade, pour le souper, etc,

Le coucher est naturellement l'envers de ce qui s'est passé le matin, Lorsque le roi vient dans sa chambre pour le grand-coucher, l'assistance est nombreuse et de la même qualité qu'on l'a vue à la première entrée, La chemise de nuit lui est présentée comme l’a été celle de

jour. Le bougeoir du roi à deux branches (celui de la

reine, celui du dauphin, n'ont qu'une bobéche) y est | roi étant assis sur un pliant, un valet de chambre tient tenu, d'abord par l'aumônier, pendant la prière, puis, | le miroir, un autre le flambeau. On apporte sur la salve sur la désignation du souverain, par un des princes pré- un bonnet et deux mouchoirs de nuit unis et sans den- sents, par un seigneur étranger auquel on veut faire telle. La serviette dont le roi s'essuie les mains et le vi-

honneur, Au petit-coucher n’assistent plus que ceux qui | s

age, mouillée seulement par un côté, l'autre servant à peuvent entrer le matin, le roi étant encore au lit,et | s’essuyer, est présentée entre deux assiettes de vermeil quelques particuliers auxquels cette grâce spéciale est | par un prince du sang ou le plus grand seigneur pré- accordée, C’est alors que le barbier fait son œuvre; le sent. Enfin, congé est donné aux assistants,

Nous avons passé sous silence les cérémonies que comportaient l'habillement et le déshabillé de Louis XIV. À chaque fois qu'il y avait un changement habit dans le cours de la journée, ces mêmes cérémonies recommençaient, Ces us eb coutumes, imités à l’envi par les courtisans, étaient d’une complication si réglée, qu'il est dificile d'admettre que Molière n'y ait pas songé, lorsqu'il faisait habiller en cadence son illustre mamamouchi, M. Jourdain.

C’est aussi par l'exemple du roi que se propagèrent les réceptions de la matinée, la robe de chambre avec la perruque courte du matin ou le bonnet étaient de grand ton. La robe de chambre était un vêtement d'apparat, d’étoffe luxueuse, brodée d'or et d'argent, plus on moins chaude selon la saison. Quant au bonnet, il était indispensable à défaut de la perruque; la chevelure étant entièrement rasée, la tête dans sa nudité n’était pas présentable ; au surplus, depuis les perruques à culottes, véritables bonnets, en usage du temps de Louis XIII, les hommes avaient pris l'habitude d'avoir toujours la tête chaudement couverte ; à une époque les lourdes perruques in-folio causaient à la tête une transpiration telle qu’on ne les pouvait porter qu'en mettant en dessous une calotte de serge ou de toile, on dut plus que jamais adopter une coiffure garnissant suffisamment le chef dénudé, On prit done des bonnets, plus ou moins légers ; on les fit de toile, de soie, de velours, il y en eut de ouatés et de fourrés. Cet objet indispensable devint nn objet de Inxe, que l’on ornait de broderies, souvent des plus riches et des plus compliquées. L'usage en était tellement entré dans les mœurs qu'au dix- septième comme au dix-huitième siècle la fiancée brodait le bonnet de mariage de son futur époux. On en usait de même à l'étranger ; notre 8 est un bonnet de mariage vénitien du dix-huitième siècle, couvert d'emblémes l'amour couronné à pour pendant le symbole de la paternité, Le $ se répètent des cœurs couplés est aussi un bonnet emblématique, brodé par des mains attentives.

Nous avons décrit les caractères généraux du costume masculin de la fin du dix-septième siècle (planche ayant pour signe le Masque) et nous ne relèverons ici que les particularités offertes par les variantes que nous reproduisons. Deux des justaucorps, 9 et 12, sont ga- lonnés largement, le 11 n’est que passementé, Le drap des uns et des autres est uni, sans chamarrures. Le 9 qui tient la main dans la poche de son haut-de-chausses, découvre une culotte lacée sur le côté. Ce même seigneur porte le cordon bleu sur sa veste et non par-dessus son justaucorps, ce qui est une imitation de la manière dont Louis XIV le portait habi- tuellement, au rapport de Dangeaun, excepté en cérémonie, Le duc du Maine, 13, a aussi

le cordon bleu sous le justaucorps. Ce dernier, a le manchon d'hiver, suspendu à la ceinture par le ruban appelé passe-caille. « Il y avait alors, dit M. Quicherat, une sorte d'air d'opéra très en vogue, qui était composé d’un rythme espagnol et qu'on appelait passe-caille, Le nom de passe-caille fut donné au cordon qui servait à suspendre le manchon. »

L'abbé, drapé dans un long manteau à petit collet, est un de ces élégants que l’on rencon- trait dans les hautes sociétés ; il a de riches manchettes, des souliers enrubannés, hauts sur talons, les bas rouges du monsignore ; cet abbé perruquet est sans doute du rang de ces abbés de haute naissance qui vivaient dans le monde, ayant le cardinalat pour point de mire.

La reine de Danemarck (n° 13) porte un costume enrichi de dentelles, qui est, sans con- tredit, de la meilleure manière de ceux mis à la mode sous le règne de M"° de Maintenon. Les hautes garnitures plissées de la jupe, en dentelles d’or et d'argent, constituent le falbala origi- naire, tel que Langlée l'avait d’abord imaginé, et avant qu'on y introduisit les ornements brodés qui, groupant des dentelles moins hautes, reçurent le nom de prétintailles. Cette dame a encore des dentelles à son manteau troussé ; son casaquin en est bordé, ainsi que sa gour- gandine (le corset entr'ouvert par devant à l’aide d’un lacet-Boursault); ses engageantes, sa fontange en sont également faites. Elle porte le manchon enrubanné, plus que jamais à la mode à la fin du dix-septième siècle, Telle qu’elle est, avec son visage parsemé de nombreuses mouches, cette reine étrangère nous paraît offrir une représentation de ce que devait être la Grande-Pandore, la poupée modèle qu'il était d'usage d’habiller à l'hôtel de Rambouillet, et dont on envoyait des copies à Vienne, en Italie, en Angleterre, en même temps que le modèle pour le déshabillé, la Pelite-Pandore. La guerre n’empéchait pas la circulation de ces poupées de quatre pieds; lorsque les ports anglais étaient bloqués, elles y entraient par permission spéciale. ;

Les renseignements donnés sur l'habillement du roi proviennent de l'État de lu France de 1702. On ne les trouve pas dans les éditions précédentes; c'est le sieur Trabouillet qui, succédant au fondateur Besongne, introduisit cette année-là et pour la première fois à la suite du chapitre de la chambre ce Détail de toutes les fonctions qui se font à la chambre du roy autour de Sa Majesté, par qui et à quel moment elles sont faites, est expliqué l'ordre du lever el du coucher du roy. Rien de plus authentique que ce travail dédié et soumis au roi lui-même,

(Les n°4, 5, 9,10, 11,12 e{ 13, sont tirés du beau recueil finement entuminé que M. Ovigneur, de Lille, « bien voulu nous communiquer. Ces fiqures sont signées des noms de Berey, Trou- vain , Bonnart et Mariette.

Les 1,2, 3,6,7ct8, figuraient en nature au Musée historique du Costume, lors de l'Exposition organisée à Paris par l'Union centrale des beaux-arts appliqués à l'industrie, en 1874. M, le baron de Schaviter, Cornu, Jubinal, Pascal, ete., y avaient exposé des spé- cûmens variés de ce genre. Le 8, d'origine vénitienne, appartient à A. le baron Davillier.)

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FRANCE. XVII SIÈCLE

COSTUMES FÉMININS

Les costumes représentés ici appartiennent à la seconde partie du règne de Louis XIV et à la fin du siècle. Malgré la sévérité affectée par M"° de Maintenon, la toilette des femmes resta somptueuse; elle laissait aux princesses le sceptre de la mode et ne les contraria ja- mais sous ce rapport; ce furent donc elles qui donnèrent le ton, lequel se ressentit quand même du gourmé qu'avait alors toute chose.

N°1. Ce costume offre un type complet dont la description peut s'étendre aux autres exemples. Le bonnet est une coiffure inaugurée vers 1680 sous le nom de fontange et qui fut en vogue jusqu'en 1701. Cette haute cornette était fort éloignée du simple nœud de ruban dont M' de Fontange se servit pour soutenir les cheveux ramassés sur le sommet de sa tête; elle se composait de toile gommée roulée en tuyaux d'orgue, soutenant les nœuds, les rubans, les plumes, les pierreries ; elle eut ses étais de métal, la palissade et le monté-là-haut ; on y em- ployait quantité de morceaux de mousseline travaillée d’or, d'argent, teinte de couleurs légères ou entièrement blanche; les barbes étaient longues et flottantes; l'édifice entier s'appelait commode. Sous cette pyramide, que Saint-Simon dans ses mémoires dit avoir eu jusqu'à deux pieds de haut, les cheveux étaient ramenés et divisés sur le haut du front avec des frisures variées, ayant chacune leur nom : les deux petites boucles que l’on voit ici étaient des cruches. Par derrière, la chevelure était, en général, nouée en paquet. Le corsage est raide, serré, allongé, produisant la taille en pointe et aidé en cela par l'ampleur de la basquine drapée; la manche à retroussis est courte, et ce qu'on appelait alors le four de manche est fait de den- telle d'Alençon ou de Valenciennes ; un étroit collier de perles, une cravate dite la squin- querque au haut du corsage, des gants longs, complètent cette partie du costume. Le manteau

est l’ancienne jupe de dessus d’un dégagement inusité jusqu'alors ; la troussure particulière qu’on lui donna en le ramenant d’un seul côté fit même abandonner l’ancienne appellation, et le nom de volant prévalut par la suite. L’ornement de la jupe est en falbalas et en prétin- tailles ; le falbalas, que l’on nomme volant aujourd’hui, est le ruché d’en bas, dont Lan- glée fut l’inventeur, qui fit rage alors et n’a plus cessé d’être employé; les prétintailles sont ici de simples passements tressés d’or appliqués verticalement sur la soie de la jupe; ce genre d’appliques, employé bientôt en ramages compliqués de grande dimension, rendit cette partie du vêtement d’un poids insupportable. Pour avantager la finesse de la taille on portait à ce moment une tournure en toile gommée appelée criarde; les vertugadins étaient abandonnés depuis longtemps, et l'invention des cerceaux et des paniers, bien que toute proche, n'existait pas encore.

La silhouette d'ensemble de ce costume est de l’obliquité verticale la plus favorable à l’agran- dissement de la figure humaine. Si la longueur du corsage est, en principe, contraire à cet édifice, les hauts talons, l'élévation de la cornette, l'effacement des épaules, la dimension de la jupe descendant jusqu'à terre, la longueur de la traîne, tout contribue à obtenir ce que M. Charles Blanc (1) appelle un effet de sentiment, lequel est ici, de la manière la plus frappante sinon la plus gracieuse, l'illusion du grand.

Les 2 et 3 portent des costumes variés seulement dans les détails : les basquines du corsage dans le 2 ne sont point drapées, e6 la jupe de soie mordorée est décorée de larges rubans cousus à plat et bordés d’un simple gansé. Le corsage 3 est garni de nœuds de rubans disposés en échelle, d’où le nom leur en fut donné. La jupe lamée d'argent est décorée hori- zontalement. Le 4 est un costume de bal de grand apparat : la chevelure nue est divisée à son sommet élevé comme à celle des hommes ; une boucle en torsade tombant derrière l’o- reille est ramenée de chaque côté sur le devant; le décolleté est modeste ; la manche, de fine lingerie, est ornée d’un ruban fixé par un diamant; enfin le petit manchon, avec son nœud de ruban frangé d’or, est en filé dans le bras qui tient le masque noir; le manteau, doublé d’her- mine, est attaché à l'épaule. Les exemples 5, 6, 7, montrent le même costume dans d’autres attitudes. Dans l’un, représentant une dame à sa toilette, le volant passe par-dessus le dossier du siége; dans l’autre, figurant une dame assise sur un canapé, le volant va d’un seul côté; dans le troisième, il retombe en arrière du tabouret.

(Les figures 1, 2,38, 5,6, proviennent d’un paravent de l’époque, remarquablement peint, dont nous devons l'obligeante communication à M. Lecœur, artiste peintre. Les fiqures 4, 7, sont tirées de Bonnart, ce véritable portraitiste des modes du XVII siècle.)

(1) L'Art dans la parure et le vêtement.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

- HABILLEMENT DES GENS DE QUALITÉ. 1 2 3 4 5 6 z & 9 1ÿ 11 12 | 1. 6, Mn: de Maintenon. Duchesse de Chartres. N°2, . * Ne 7, Princesse de Conti, rh Dame de qualité en habit d'hiver. | N°: 8 et 9, 8 Mesdermoïselles Loison. Duchesse de Bourbon. | 10. L M4 Abbé en petit collet. Élisabeth-Charloëte de Bourbon, dite mademoïselle de + N°11.

.Charires: s du régent, NULS Dame de qualité, en écharpe.

5. KN9 12, :

Comtesse d'Egmont, née princesse d'Aremhers. Hornme de qualité, en habit d'été,

Ces costumes sont de la fin du XVII et du commencement du XVIII siècle, c'est-à-dire de la dernière partie du règne de Louis XIV. L’habit masculin 12, avec ses rubans en touffes à l'épaule droite et aux poignets, rappelant encore les anciens gulunds, est antérieur à 1690 ; ces agréments disparurent depuis. En 1684 on appelait la garniture galonnée on brodée du large revers de la manche à bottes, telle qu'elle se rencontre ici, du nom d'Armadis, opéra en vogue de Lulli. Malgré la présence de ces frivolités, on sent déjà, dans l'attitude compassée de cet homme de qualité, comme un avant-goût de l'austérité par laquelle devait finir le régime vieilli: La veste est une vérital,le redingote étroite et droite, à jupe étoffée; ‘elle est attachée bas par deux on trois bontons, de manière à laisser voir le justaucorps de

soie fermé sur la poitrine. Pas de linge de corps qui soit apparent, mais seulemeat les larges bouts pendants de la cravate en mousseline brodée ou en dentelle, noue sur la gorge par un ruban de couleur. Des bas unis à coins brodés en or, le soulier de cuir à large boucle, le chapeau, déjà réduit, orné d’un nœud de ruban, complètent l'habillement de ce gentilhomme occupé à attacher son gant parfumé. Des boutons nombreux, serrés, qui se trouvent à l’ou- verture de la veste, du haut en bas, aux poches et sur les manches, ils rappellent encore la manche entrebaillée du pourpoint, projètent leur éclaë discret sur le drap uni. La garni- ture de ces boutons et des boutonnières était de soie jaune, aurore ou blanche, pour imiter l'or ou l'argent.

Le 10 représente un abbé en soutanelle. « Les abbés, dit l’Æncyclopédie, tiennent le second rang dans le clergé et sont immédiatement après les évêques. » La possession du moindre bénéfice autorisait le prêtre à se dire abbé et à porter la soulanelle, qui était une soubtane de campagne n’allant que jusqu'aux genoux. Le par-dessus, de mise avec la souta- nelle, était le court manteau à petit collet, d'où le nom de petil-collet par lequel on désignait souvent ces abbés, directeurs élégants, émules des petits-maitres, qui trouvaient toutes les portes ouvertes dans les maisons des grands, mangeaïent à de bonnes tables, et se promenaient en carrosse, ménagcant, dit La Bruyère, pour les autres et pour eux-mêmes tous les intérêts humains. Celui-ci porte la perruque, relativement courte, dite d'abbé, pour laquelle on imagina de faire les fausses torsures, le chapeau rond, le rabat, les souliers de cuir à la cava- lière, et le manchon attaché à la hauteur de la ceinture par un cordon appelé passe-caille. Le chapeau, le manteau, les souliers sont noirs ; le reste, y compris le manchon, est de couleur appareillée. Notre abbé porte de fines manchettes et tient une prise de tabac aromatisé. Priser était alors fort à la mode, malgré la désapprobation du souverain, et les élégants maniaient la rape à tabac et la tabatière avec des soins étudiés ; il fallait ouvrir la tabatière et la refermer d’une main, saisir la prise d’un air dégagé, la tenir un certain temps entre les doigts avant de la porter au nez, et la renifler d’une belle aspiration. Ces deux hommes, le prêtre comme le gentilhomme, ont le visage entièrement rasé, La barbe, que des magistrats eb prélats avaient eux-mêmes portée jusqu'en 1656, avait entièrement disparu depuis 1680 environ. On ne tolérait plus, en certains cas, que la moustache : aux soldats suisses, comme étrangers, aux cavaliers, dans quelques régiments, et aux cochers de grande taille, parce que l’on trouvait que cela leur donnait bon air.

La série des coiffures à a Fontange 1, 2, 8, 4, 5, 6, montre la variété avec laquelle on composait cet édifice de dentelles, de cheveux, de rubans, à plusieurs étages, soutenu sur une base de fil de fer. Les journaux de modes n’existant pas encore à cette époque, quoi- que les gravures qui fournissent ces exemples soient de parfaits dessins de modes, il est difficile d'indiquer avec certitude le nom particulier de chacune de ces coiffures : s’élève la duchesse, est le solitaire, et le chou, le mousquetaire, le croissant, le firmament, le dirième ciel, et celle que l’on appelait la souris, et cette autre qui reçut le nom de l’effrontée, parce que,

rejetée en arritre, elle dégageait l'oreille ? En dehors de ces épithètes, plus d’une de ces coiffures portait simplement le nom de celle qui l'avait imaginée.

En somme, l’altière fontange, selon l'expression empruntée à Boileau, était un bonnet garni d’une haute passe façonnée en rayons; le fond de ce bonnet s'appelait la eulbute; les cor- nelles étaient les pattes pendantes, Les cheveux, comme on peut le voir, formaient des entas: sements de boucles disposées de différentes manières, reliées à la coiffure par des épingles à têtes de diamant, frmaments, quêpes, papillons, dont on enrichissait la dentelle même du bonnet. Le véritable règne de la fontange commença à la fin du XVII siècle.

Parmi ces spécimens, le 3, costumé en déshabillé d'intérieur, porte la coiffure plate et négligée, le ballant-l'œil. Quant à la poudre blanche dont est couverte la chevelure de la dame 6, l’usage n’en remonte pas au delà de 1708.

Toutes les femmes d'alors se fardaient le visage avec une exagération incroyable. Le fard blanc et rouge, que Catherine de Médicis avait apporté d'Italie, avait dès ce temps fait fortune en France, mais l’usage n’en avait pas encore été poussé à outrance comme il le fut à cette époque-là. Le rouge d'Espagne que l'on employait était flamboyant. Ce vermillon terrible ayant l'inconvénient de jaunir tout ce qui l'environnait, on se résolut à être jaune : on ne pouvait se dispenser d'en user sans paraître pâle. Mais les fardements ne s'arrétaient point là; outre qu'ils n’excluaient pas l'usage de l’antimoine pour la peinture des yeux que l’on voulait simuler grands et fendus comme en Orient, on se couvrait encore la face de ces morceaux d’étoffes gommées en dessous de soie, de velours, de satin ou autre taffetas noir, taillés en rond, en cercle, en étoile, en demi-lune, que l’on appelle des mouches. Elles étaient de dimensions inégales. Celle qui fut portée à la tempe et reçut le nom d’enseigne du mal de dents, était grande comme une emplastre, dit l’auteur des Lois de la galanterie française, publiées en 1644. Parfois les mouches offrent des figures très compliquées, telles que celle que l’on voit sur un portrait d'une duchesse de Newcastle, qui porte an front une voiture attelée de quatre chevaux (Rimmel, Livre des parfums). On attribue au désir de dissi- muler des boutons sur la peau, l'invention de cette singulière parure dont les hommes usèrent aussi, mais avec plus de discrétion que les dames. Quoi qu’il en soit, à la fin du X VIT siècle et dans la première partie du XVIII°, les mouches étaient devenues le complément indis- pensable de la parure de visage d'une femme de condition. On les semait, selon le caprice, en quantité incroyable.

Deux des dames représentées portent des bouquets, l’une à la main, l’autre de côté an haut du corsage, il était d'usage de le placer; c’étaient souvent des fleurs artificielles. Toutes sont parées du collier de perles blanches à un seul rang, l'esclavage de perles, comme on l’appelait encore au X VIIT° siècle. On estimait ces perles assorties à leur grosseur, au point que celles qui ne pouvaient se procurer cette coûteuse parure préféraient les fausses perles aux petits colliers qui n'étaient pas dans le goût du jour. Les véritables étaient un objet d'envie et la Bruyère parle d'une femme qui, par son collier de perles, s'était fait des

ennemies de toutes les dames du voisinage. Parfois au collier de perles pendait un nœud de brillants (voir 6) que l’on appelait le boute-en-lrain ou le têtez-y (Boursault, d’après M. Quicherat). Toutes les dames portaient aussi l’éventail, en hiver comme en été, pour leur servir de contenance. Cet objet, importé de l'Orient pour remplacer les patenôtres des grand'mères, avait alors la forme de demi-cercle, qu’il a conservée, se développant et se refermant comme aujourd’hui. Il était d’une peau très mince, ocaignée, c’est-à-dire parfumée; ou bien c'était un morceau de papier, de taffetas ou d’autre étoffe légère, monté sur de petits bâtons (les flèches) et enjolivé de morceaux de diverses matières, bois, ivoire, écaille de tortue, baleine, roseau ; le nombre des flèches ne dépassait guère la vingtaine.

Les n°% 7 et 11, sont représentées des dames de qualité en costume de ville, four- nissent l'exemple de l’écharpe. Ce vêtement étoffé, toujours en taffetas, servait alors à se couvrir la tête et les épaules lorsqu'on sortait en déshabillé; il se composait de deux parties, le corps et les pendants. On l’attachait en haut, à l'arrière du collet de la robe, et il venait par devant se poser tout le long du parement il s’arrêtait. Les devants s’assujettissaient avec deux cordons qui se nouaient par derrière au-dessous du corps de l'écharpe. Cet ajustement formant la coquille par en bas, s’'adaptait sur la manche; les pendants, s’atta- chant par devant, descendaient des deux côtés comme une étole, mais beaucoup plus larges ; ils étaient garnis de falbalas, de franges de soie même de dentelles. On appela ces écharpes des capes. Quant aux manchons portés par ces deux dames en toilette d'hiver, ils étaient alors de plus en plus à la mode. Ce sac fourré se faisait avec toutes les sortes de peaux qui entrent dans le commerce de la pelleterie, comme martres, tigres, ours, loups-cerviers, re- nards, etc. Les marchands merciers en faisaient encore en étoffes et en plumes. Ces man- chons servaient de niches à de tout petits chiens qu'il était de bon ton de porter avec soi et qui ont reçu le nom de chiens-manchons.

Nous avons parlé des eriardes tenant lieu du vertugadin et précédant les paniers : nous n’y reviendrons pas, non plus que sur le manteau ou volant faisant la queue, ni sur les pretin- tailles et les falbalas. Nous ferons seulement remarquer que les jupes des robes ornées de broderies d'argent sont beaucoup moins chargées qu’elles ne l'avaient été peu d'années au- paravant, époque le poids en était devenu insupportable, Les manches étaient toujours des demi-manches; les manchettes profondes, les ergageantes, étaient -aussi plus légères et à un simple rang. L’avant-bras était recouvert par le gant. La chemise apparaissait au haut du corsage. Le corset était ouvert ou fermé, selon le caprice.

(Documents communiqués par M. Ovigneur, de Lille.)

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FRANCE. XVII SIÈCLE

MODES FÉMININES. LA CAPE, LE MANCHON, LA BASQUINE, LES ROBES DE CHAMBRE, ETC. SECONDE PARTIE DU RÉGNE DE LOUIS XIV.

1. La cape ou l'écharpe ; le manchon.

L'écharpe servait à couvrir la tête pour se garantir de la pluie, ou les épaules lorsqu'on sortait en désha- billé. I1 y en eut d’excessivement étoffées qui étaient taillées de manière à former une coiffe et qu’on gar- nissait de falbalas; ces dernières furent appelées capes. Quant aux manchons, ils étaient alors en pleine vogue; on les ornait d'un large nœud de ru- ban frangé, fixé par une attache de joaillerie. (Voir la notice de la planche le Peigne, France XVII® siècle.)

Madame de Maintenon est en costume de ville : fontange à palissades dorées, garnies de perles ; les cheveux forment sur le front deux petites bou- cles que l’on appelait les cruches, détail de coiffure reproduit dans chacune des figures qui suivent; es- clavage de perles et croix à quatre diamants; au haut du corsage, le tätez-y; cape; basquine rouge ornée d'un nœud de ruban sur les côtés; gants ; manchon enrubanné,

No 2, La cravate à la Steinkerque.

Les femmes avaient adopté cet ornement à propos de la bataille de Steinkerque les princes, surpris par le combat, avaient s'habiller avec précipitation et passer négligemment leur cravate autour du cou.

os

La princesse de Conti porte la fontange avec fir- maments; mouches ; corset allongé garni de rubans ondés ; corsage rayé bleu et à retroussis lilas; man- chon enrubanné ; gants; éventail, Les éventails se portaient été comme hiver,

3,

La toilette d'une grande dame,

Madame la comtesse de Mailly : cette dame, assise de-

vant sa toilette recouverte d’une garniture de soie, humecte une des mouches contenues dans la petite boîte placée sous sa main. On voit ici les flacons de cristal renfermant les eaux de senteur, les boîtes, les tasses en argent, etc. Les miroirs étaient encore de très petites dimensions, ainsi que le montrent celui de la toilette et celui de la cheminée,

Fontange à palissades dorées et à cornettes ou longues pattes pendantes ajustées au bonnet ; on vit même de ces coiffures n'ayant qu'une seule patte nommée la jardinière; cheveux mouchetés de perles ; pendants d'oreilles en girandole ; esclavage de perles; bracelet consistant en un ruban noué ; gourgandine, corset lacé entr'ouvert par devant ; corsage à demi- manches garnies de linon (c'était l'office des gants d'habiller l’avant-bras); au corsage, sont attachées de grandes basques que l’on faisait bouffer à l'aide de la criarde, tournure en toile gommée faisant du bruit au moindre frolement, de son nom; ces basques

couvrent l'attache du manteau on solant bordé d'argent.

4. La palatine et le casaquin.

La palatine doit son nom à la seconde femme du duc d'Orléans, Charlotte de Bavière, princesse palatine; cet ornement du cou était de point d'Angleterre ou de France en été, de martre en hiver. Le casaquin, veste à basques bouffantes, se mettait sur le corsage en toilette de ville.

Madame la princesse de Conti, en tenue d'hiver, porte la fontange qui est ici à palissades de dentelle et d'étoffe rouge ; boutons de perles dans les che- veux ; esclavage de perles ; palatine de martre; corset fermé ; casaquin garni de dentelles cousues sur leurs deux bords ; manchon enrubanné; gants,

N°5. Toilette d’apparat,

La coiffure en cheveux était de cérémonie ; celle de Mademoiselle de Chartres est disposée en monte-au- ciel, c'est-à-dire conservant la hauteur de la fontange; corsage décolleté montrant la chemise de linon ; lar- ges manches relevées par un diamant et découvrant les engageantes à un seul rang ; jupe chamarrée d’or; manteau doublé d'hermine attaché à l'épaule. Le manteau de cour continuait à se prolonger en une queue dont la mesure était déterminée par la qualité des personnes, L’habillement de cour ruisselait de diamants; les dames qui n’en avaient pas assez en empruntaient pour les grandes occasions,

No 6. - La robe de chambre d'hiver,

Madame la comtesse de Montfort en costume d'in- térieur : fontange à palissades moins hautes que les précédentes, à bonnet couvrant complètement les oreilles; esclavage de perles; longue cravate à la Steinkerque; gourgandine; corset chamarré, entr'ou-

vert et lacé par devant; jupe blene brochée d’argent et à garniture d'or; longue robe de chambre avec manches à retroussis lilas ; poignets de chemise for- mant des engageantes à deux rangs de linon,

No 7, La robe de chambre d'été,

Madame la marquise de Richelieu en costume d'inté- rieur : fontange à palissades argentées (c'est-à-dire de dentelles d'argent) et à rubans de mousseline rose, la coiffe couvrant les oreilles comme dans la figure précédente ; cravate à la Steinkerque de même couleur que la coiffe ; jupe rose brodée d’argent ; robe de chambre à liseré d'or et à queue très étoffée,

No 8;

La canne des dames ; le ruban servant de dragonne est passé au poignet,

Madame la comtesse d'Egmont, née princesse d’Arem- berg, en costume de promenade : fontange; boutons de diamants dans les cheveux ; esclavage de perles; corset fermé ; corsage bleu brodé d'argent, ainsi que les basques ; engageantes à deux rangs; manteau troussé ; jupe rouge à larges bandes de broderie ; longs gants verts.

9. Le tablier de dentelle,

Ces tabliers en dentelle, faits desoie métallique, étaient l’objet du plus grand luxe ; les dames ne les portaient point à la ville, maïs s’en paraient dans l’intérieur de la maison et les conservaient pour la promenade au jardin.

Madame la duchesse d’Aiguillon porte des perles de différentes grandeurs semées sur la fontange et sur les cheveux ; corset à pointe ornée d’une pièce de brocart en forme de losange; corsage de soie mauve à bandes d'argent; bouquet placé au haut du corsage ; jupe bleue agrémentée de liserés et de fr'e- luches en argent ; tablier court à petite bavette,

Documents tirés de la suite des gravures des Bonnart, Mariette, Trouvain, ete. Les originaux, coloriés avec le soin le plus délicat, appartiennent à M. Ovigneur, de Lille, à quinous en devons la communication.

Voir, pour le texte : Quicherat, Histoire du Costume en France, et Paul Lacroir, Dix-septième siècle, Institutions, Usages et Costumes.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

LES PIÈCES DE RÉCEPTION D’UNE RICHE MAISON.

Les maisons opulentes contenaient deux appartements pour les deux saisons. (LA BRUYÈRE, du Mérite personnel.)

Le style franco-bolonais des salles d'assemblée, de compagnie, des grands hôtels du milieu du XVIT° siècle est fort connu, ct participe, plus ou moins, de ce qui se voit dans les ap- partements royaux du château de Versailles, décorés sous la direction de Le Brun. C’étaient des constructions intérieures, de caractère architectural, l’on employait le marbre, les bronzes, les matières précieuses, en nature simulés par la peinture. La pièce principale des appartements de grande réception, celle se donnaient les concerts eb se tenait le

. jeu, affectait souvent la forme d’une galerie. La décoration de la chambre du lit était généra- lement traitée dans ce genre architectural dont les exemples abondent, n’y eût-il que ceux sortis de l’inépuisable burin de Lepautre.

Le caractère de la décoration des pièces de l'habitation proprement dite, de celles qui ser- vaient aux réceptions journalières, était sensiblement différent et certainement d’un goût plus national; on revêtait alors les murailles, dans toutes leurs parties, avec des lambris de menuiserie, On considérait ce revêtement, en France et dans les pays se rapprochant du Nord, comme d’une grande utilité pour échautfer les pièces et les rendre sèches e6 habitables peu de temps après la construction. Le lambris à hauteur de chambre devint d'un usage général. Il prit progressivement un autre caractère que le lambris & hauteur d'appui, employé à une époque antérieure pour décorer le pourtour des pièces tapissées. Peu à peu on y intro- duisit des tableaux, des pilastres, etc., disposés symétriquement et se répondant.

A l’époque à laquelle appartient notre restauration on avait pour coutume de diviser les panneaux en deux séries, par une espèce de frise régnant à mi-hauteur tout autour de la salle. La surface en était partout ornée,

Les panneaux étaient tous de figure régulière : rectangulaire, ronde, ovale. Ils étaient obtenus par un simple travail d'assemblage de moulures, baguettes, boudins, etc., de la me-

nuiserie courante. Il fallait beaucoup de précision dans ce travail pour lequel on employait le chêne dit de Hollande, ou de Vauge, en Lorraine; le sapin n’était utilisé que dans les pièces secondaires. La sculpture de détail, enrichissant les parties planes de cette menuiserie, était peinte; et, souvent, ces trompe-l’œil donnaient aux surfaces mordorées une valeur d'optique évale à celle qu'aurait pu produire le mordant d’un ciselet.

Il existe encore de nombreux exemples de pièces décorées avec le seul appareil de cette menuiserie, formant des panneaux répartis sur les parois, depuis le parquet jusqu’au pla- fond, sans dorure et sans autre addition de peinture qu'une couche uniforme de blancs va- riés. Est-ce un état de préparation resté inachevé ? ou est-ce une réaction contre une profu- sion extrême, d'ailleurs fort onéreuse, dont la mode ne fut que passagère ? les deux données sont admissibles. La chambre dite de M°° de Kévigné, à l'hôtel Carnavalet (1), offre un exemple de cette décoration en divisions de menuiserie, sans aucune autre espèce d’addi- tions. Dans l’état complet, typique, la boiserie était dorée, rehaussée de sculptures en trompe- l'œil, etle champ des panneaux était rempli par des sujets peints à toutes couleurs.

Dans une pièce ainsi décorée de haut en bas, tout était un attrait pour l’œil, l’on m'aurait pu, sans sacrifice coûteux, placer un meuble fixe, on ne vit plus que des meubles vo- lants, des tables, des sièges ; on prit l'habitude d'établir les armoires derrière le lambris, dans l'épaisseur de la construction, les guichets conservant la symétrie générale ; enfin, à côté de la porte à baie profonde, on adopta aussi l'usage des portes dissimulées, nécessaires pour les dégagements, ce que l’on appela les fausses portes, pratiquées en pleine décoration pour n’en pas altérer l'ordonnance.

Ces chambres de l'habitation, dont quelques-unes, ainsi qu'il a été dit, servaient aux ré- cepbions journalières, ébaient alors appelées des cabinets, empruntant leur nom à leurs diffé- rents usages.

Le grand cabinet était consacré à conférer d’affaires particulières avec ceux que l’état ou la dignité du maître de la maison amenaient chez lui: Il était placé devant la chambre à coucher, et non après. Le cabinet paré servait à rassembler les tableaux ou les curiosités, L'arrière-cabinet contenait les livres, le bureau, et c’est que l’on recevait en particulier, à la faveur des dégagements dont il était environné, les personnes de distinction qui, dit l'Encyclopédie, « demandent de la préférence, » Un autre enfin, servant de serre-papiers, était consacré à la conservation des titres, des contrats, de l'argent.

La chambre représentée est certainement l'expression la plus complète du genre de déco- ration des cabinets de l’époque : c’est le fameux cabüiet de l'Amour, conçu par Le Sueur, exé- Euté par lui-même et, sous sa direction, par Perrier, Romanelle, Herman et Patel. 11 devait son nom à l’unité des sujets des tableaux et des trophées de la boiserie, exprimant le triomphe l'Amour, En fait, la présence du bureau et du secrétaire figurant dans la gravure que

(1) Aujourd’hui Bibliothèque de la ville de Paris.

B. Picart a laissée de cet intérieur, montre quelle était la destination de cette pièce; c’est l’arrière-cabinet dont on a vu l'emploi. Il était toujours situé au rez-de-chaussée, ce qui lui assurait la facilité de dégagements répondant à son emploi.

Il est intéressant de savoir que les figures d’amours tenant les armes des dieux ont été peintes par Le Sueur lui-même, eb qu'ainsi à la symétrie qui fut un des principaux éléments de cette décoration, venait parfois s'ajouter la touche des maîtres du grand art.

L'hôtel Lambert, se trouvait ce cabinet de Amour, est encore riche de la galerie dite des Travaux d'Hercule, due à Lebrun, galerie de grande réception donb nous avons indiqué les caractères généraux. Elle est au premier étage, se trouvait aussi un cabinet, dit des Muses, décoré par Le Sueur, ainsi que la voussure d’une salle de bains située au-dessus, véritable bijou d’ornementation peinte qui existe encore. 11 peut être utile de remarquer la situation de ces bains au deuxième étage. Il n’est pas non plus sans intérêt d'observer que cette demeure opulente, dont l’arrière-cabinet s'appelait le cabinet de l'Amour, avait été construite et dé- corée pour un magistrat. Claude-Jean-Baptiste Lambert, sieur de Thorigny, depuis prési- dent de la chambre des comptes, était conseiller au parlement lorsque, sur les dessins de Le Vau, on lui élevait cet hôtel auquel le nom de Lambert est resté. Il est situé à la pointe de l’île Saint-Louis, anciennement Notre-Dame, et appartient aujourd’hui à M. le prince Czar- toryski. Nous devons à l’obligeance du prince, si particulièrement accueillant pour les artistes, d’avoir pu restaurer en toute certitude ces lambris dorés, la chambre à coucher de M°* la comtesse Dzialynska, sa sœur, il nous a été permis de pénétrer, étant identiquement de la même facture et vraisemblablement aussi des mêmes mains.

Ainsi qu'on le ‘voit, sauf quelques consoles supportant des porcelaines de Chine et une statuette de l'Amour enfant, rien de fixe ne dérobe à la vue quoi que ce soit de la décoration murale. Quant à la cheminée, toujours importante dans l’ornementation d’une pièce, on y trouve un miroir, ce qui était une nouveauté pour l'époque; on se révolta même contre cette nouveauté : on avait peine à s’accoutumer au vide que les glaces représentent sur une partie qui ne pourrait se soutenir sans être un corps opaque; néanmoins la mode en prévalut. La dimension de ce miroir ne doit pas étonner lorsqu'on songe que l’étamage des “glaces n’était pratiqué que depuis le XVI° siècle, On ne les faisait pas alors plus grandes, et lorsque l’on voulut donner plus d'extension à ce genre de décoration dans les cheminées dites & la royale, on les superposait sans parvenir à dissimuler le trait de jonction, restant fort apparent. Ce n’est définitivement qu'au XVIII° siècle que les glaces ont pris la place des bas-reliefs de sculpture et des membres d'architecture de plâtre, de marbre, de stuc ou de menuiserie qui décoraient auparavant les manteaux de cheminée,

Les deux colonnes latérales en pilastres appartiennent à un genre d'architecture em- ployé dans Les vestibules ou dans les grands appartements; le motif des appliques de bronze doré pour la réflexion de la lumière nous a été fourni par Lepautre.

(Aquarelle de AE, Stéphane Baron.)

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FRANCE. XVII SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS. OBJETS USUELS.

Les meubles de cette planche appartiennent à la fin du XVIT siècle à la première par- tie du XVITI. L'ébéniste Boulle, qui fut le créateur du genre, vécut de 1642 à 1732. (Cet ébéniste était graveur ordinaire du sceau du roi). Ce sont de ces piédestaux qu’en architecture on appelle gaines de termes à cause de leur forme, et dont on faisait usage dans les apparte- ments pour supporter des bustes, des sculptures antiques, des vases d'art; on les nommait simplement escablons quènes.

Ces deux modèles, qui se trouvent au musée de Dresde, sont de beaux échantillons d’un genre de fabrication qui fut et est restée fort réputé sous le nom de façon de Boulle. Is sont empreints du noble caractère donné par la direction de le Brun, aux produits de la manufacture de meubles créée par Colbert aux Gobelins, en même temps que celle des tapisseries. La correction et la pureté des formes furent, en effet, moins observées sous la direction de Mignard, qui vint après, et surtout sous celle de Mansard, son successeur, l’on s’éloigna de plus en plus de la sévérité de la ligne droite. Le Brun était mort en 1696. L’ornementation de détail des placages est de la famille des inventions de Bérain et de Daniel Marot, qui eurent tant d'influence sur les arts décoratifs de l’époque. On y rencontre le grotesque de la comédie ita- lienne abrité par un pavillon, posant au centre d’un espace réservé, sorte de portique dont le seuil se trouve décoré par un tapis en pendentif, Cette figure, ce pavillon et ce tapis se nichaient alors presque partout, et ce fut comme une tradition suivie par les Gillot et les Wa- teau, dont les ornementations traitées avec plus de laisser-aller et de légèreté étaient conçues sur le même patron. Les combinaisons de rinceaux, de palmettes rayonnantes, de fleurs et d’entrelacs de nos deux meubles sont de l’époque le caprice était toujours symétrique, soumis en quelque sorte, à la règle et au compas.

Les menuiseries en façon de Boulle sont ornées de bronzes ciselés et de placages repercés dont l’incision de la nielle enduite enrichit souvent le métal. Les compartiments sont faits d’étain, de cuivre, ou autres métaux. Ils étaient pratiqués de deux manières inverses : dans l’une, le bois forme les fleurs et autres figures auxquelles l’étain ou le cuivre sert de fond; dans

l’autre, c’est au contraire le cuivre l'étain qui fait les fleurs et ‘rnements et le fond qui est réservé au bois, à l’écaille ou à l’ivoire. Le métal s'ajustait comme le placage de marque- terie, non avec de la colle forte, impropre à cet usage, mais avec du mastic. Le nom d’ébène donné aux bois, et partant d’ébénistes à ceux qui les travaillaient, n'avait pas alors le sens absolu qu'il comporte aujourd’hui pour désigner les bois noirs. Outre que l’on savait parfai- tement teindre les bois et que la plupart des meubles laissés par Boulle sont en chêne en chataignier, on donnait le nom d’ébène à tous les bois fermes employés à cette époque sous la rubrique : bois des Indes, qui comportait des bois noirs, rouges, verts, violets, jaunes, et d’une infinité d’autres couleurs nuancées jusqu’au blanc. Le bois de rose, que devaient surtout em- ployer les successeurs de Boulle, était fourni par l’ébêne rouge, le grenadil, T’ébène palissante, appelée violelle, venait de l’amaranthe, etc., ete.

Les ouvriers en divers genres dela manufacture des Gobelins travaillant ordinairement pour le Roï, et leurs productions n'ayant que des destinations princières, ce ne fut guère qu'après une première période d'application du procédé, d’une trentaine d'années environ, que les meu- bles en façon de Boulle apparurent dans l’industrie privée. Dès qu'il y eut moyen de s’en pro- curer ils furent recherchés avec d'autant plus d’empressement par tous ceux qui pouvaient en faire la dépense, que leur voisinage, fatal à toutes les ébénisteries en cours jusqu'alors, qu’il ren- dait mesquines, en faisait cruellement ressortir le démodé, Aussi, à mesure que le nombre des artisans formés alla grossissant, on vit toutes les pièces du mobilier français de luxe se renou- veler et recevoir l'empreinte de ce faste particulier, Non seulement toutes les pièces du mo- bilicr, mais encore des parois de chambre, comme celles du cabinet de marquetlerie de l'appar- tement Dauphin du château de Versailles, furent décorées par Boulle lui-même; dans ce cabinet, lambris, pilastres de hauteur, entre-pilastres, corniches, gorgerins, astragales, cimaises et plinthes ornés sur le même type, offraient de tous côtés et jusqu'au plafond, des glaces de miroirs avec compartiments de bordures dorées sur un champ de marqueterie d'ébène; mais le même procédé fut appliqué aussi aux bijoux et ustensiles d'usage comme les tabatières en écaille, incrustées d’or d'argent, ainsi quele montre le recueil de Du Vivier intitulé : Hanière el facon dont les tabatières sont fuites en 1719 et 1720 (1). Les placages de la marqueterie mé- tallique furent en faveur pendant le XVIT° siècle et la première partie du XVTIT® sur les plus gros meubles comme sur les plus légers : armoires, commodés, bibliothèques, cabinets, bureaux, secrétaires, euéridons, chiffonnières, tables à jouer, toilettes, consoles, coins (étagères d'angle), tablettes pour les porcelaines, pieds et boîtes de pendules; depuis les escablons pour porter les antiques, les piédestaux en piédouche, en balustres, en pilastre, les grandes g'aînes à horloge jus- qu'aux plus menus objets, tout fut décoré selon des principes et avec des pratiques analogues, Chose curieuse et rare en France, l’Æneyclopédie assure que ce genre si goûté aurait été délaissé sans lassitude, eb qu’il ne fut abandonné qu'à cause de la longueur de ces sortes d'ouvrages.

(1) À. Darcel, Notice des émaux et de l'orfévrerie. Paris, 1867.

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Le savoir étendu et profond de Boulle, son entente des grandes lignes, la richesse et la va- riété de ses ciselures, la justesse des rapports qu'il savait établir entre des parties de différente nature, son goût enfin, et jusqu'à l'éclat discret qu'il savait donner à ses décorations, en em- ployant parfois des patines richement composées, aux reflets de nacre, pour mater les crudités du métal, comme on peut l’observer sur la boîte à horloge de la Bibliothèque Mazarine, à Paris, font de ses productions de véritables objets d'art, bien supérieurs à ce que l’on rencontre

aujourd'hui dans le commerce sous le nom de #eubles de Boulle.

Le musée du Louvre en possède maintenant de magnifiques spécimens provenant des chà- teaux de Meudon et de Saint-Cloud, d'où ils y ont été apportés en 1870, échappant à la destruction barbare que les meubles d'argent, leurs contemporains, n'avaient pu éviter en 1689, lorsqu'on en fit du numéraire.

Les quatre objets placés entre les deux consoles sont des râpes à tabac, mesurant chacune environ 20 centimètres de longueur. La râpe plate, que ceux qui ne voulaient priser que du tabac frais portaient dans leur poche avec une carotte composée de feuilles provenant de l'/ns- pection de Virginie et aussi de Hollande, étant de mode vers la fin du règne de Louis XIV, fut naturellement une occasion de luxe et devint un objet d'art. On en fit en toutes matières : métaux ciselés, bois précieux, ivoire, os, rehaussés par la sculpture; on en vit de toutes sortes jusqu’en faïence émaillée enrichie d’ornements et de figures en couleur. Les sujets traités fré- quemment dans la décoration des râpes à tabac leur avaient fait donner le nom de grivoises.

(Documents photographiques provenant des musées et collections particulières de l'Allemagne.)

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INFLUENCE DES MODES FRANÇAISES EN VÉNÉTIE. PATRICIENS. PERSONNAGES DE COMÉDIE. UN MARCHAND AMBULANT.

La France, à l’époque le sceptre de la mode était encore entre les mains, tantôt de PTta- lie, tantôt de l'Espagne, arrivait insensiblement à dicter aussi ses goûts à la sérénissime répu- blique vénitienne. Quelques chroniqueurs de la fin du seizième siècle nous apprennent qu'à Venise, dans le quartier dit de la Aerceria, se tenait un industriel qui étalait à sa devanture une poupée grande comme nature, habillée à la dernière mode de la cour de France; c'était le moniteur officiel des chiffons, et les élégantes, de tous les points de la ville, venaient con- sulter cette poupée qui changeait de costume le jour de la Sensa (Ascension). Au retour des fiançailles du doge avec l’Adriatique, on avait done le spectacle intéressant de voir la foule se presser dans la J/ercerix pour se mettre au courant de ce que l’on portait de plus nouveau de l'autre côté des Alpes.

Venise, cité distincte et indépendante de toute l'Italie, la seule ville qui soit restée libre pendant tant de siècles, celle le contact continu avec les fantaisies orientales avait créé un costume qui n'était pas un de ses moindres attraits, Venise vit chez ses principaux fonc- tionnaires le même engouement que les femmes seules avaient jusque-là montré pour tout ce qui était français. Mais rien dans la marche mesurée de ces faits connus ne vient expliquer à quel moment précis l’austère république à pu se métamorphoser avec aussi peu de transition dans ses costumes officiels, et cela, si complètement, qu’au dix-septième siècle la physionomie de ses corps constitués esb exactement celle d’une assemblée provinciale sous Louis XIV.

Ce mouvement s’accentua, soit par les impressions que les ambassadeurs de la République durent rapporter de la cour du grand roi, soit par les seigneuriales magnificences déployées dans les Entrées de M. l'ambassadeur de France, cérémonies qui ne pouvaient que donner du pres- tige à la puissance dont l’ambassadeur était le solennel représentant.

Longhi, Guardi, surtout Canaletti, le peintre par excellence des mœurs vénitiennes, ont bien reproduit les fêtes publiques et privées figurent ces patriciens si amoureux de luxe et si ingénieux conciliateurs de leurs usages et de nos modes réunis chez eux dans une com- plète harmonie.

C’est de Venise qu'Henri ITT fit venir les comédiens surnommés 2 Gelosi dont les repré- sentations furent extrêmement suivies ; ce qui fit dire à Pierre de l'Étoile « que les quatre meilleurs prédicateurs de Paris n’avoient jamais eu tous ensemble autant de monde quand ils préchoient. » On sait combien, dans le domaine théâtral, l'Italie exerça sur la France une influence active et à quel point celle-ci prévalut sous Mazarin. Il est permis de voir dans cette sorte d’envahissement, qui cessa au dix-huitième siècle, un de ces échanges que les nations se font à de certaines époques et dont la vogue effrénée diminue petit à petit pour céder la place

à d’autres attraits.

No 1. Personnage de la comédie italienne, espèce de Cassan- dre, homme toujours dupé et bafoué,

T1 porte le costume de la bourgeoisie sous Louis XIV : la veste, l’habit, les chausses et les souliers à bouf- fettes.

No 2, Donna Angelica ; personnage de la comédie italienne.

Cheveux relevés surmontés de plumes; fraise à tuyaux en toile blanche; corsage décolleté à manches lon- gues et étroites ; Jupe; manteau #roussé.

3. Noble vénitien en habit d'hiver.

Perruque en crinière de lion; robe noire, la couleur vé- nitienne par excellence, fourrée de petit-gris et tom- bant jusqu'à terre; manches à coude; ceinture de velours; barrette de drap. La robe n’est d'usage que pour le dehors; on porte dessous le pourpoint et les chausses.

4. Noble vénitien en habit d'été.

Robe de drap noir ou de serge doublée de moire an- tique; elle se fixe sous le cou au moyen d'agrafes et découvre le col de la chemise ; barrette de taffe- tas.

5. Patricien faisant partie d'un des grands corps politi- ques. Le patriciat était une vaste pépinière d'hommes d'État, de diplomates, de capitaines et d’administrateurs

de toutes sortes. Le patricien appartenait à la répu- blique ; dès l’âge de vingt-cinq ans, il lui devait son intelligence, l'illustration de son nom, ses facultés spéciales, soit comme légiste, diplomate ou soldat, Comme nous avons aujourd’hui l'impôt du sang, le Sénat percevait sur lui l'impôt perpétuel du travail,

Robe longue dont la manche faisait une distinction ; plus la dignité se trouvait importante, plus la man- che était large; barrette de soie. La robe entr'ou- verte par le haut découvre le pourpoint et la che- mise. Souliers à hauts talons,

6. Procurator ou questeur du grand conseil.

Robe à larges manches; ceinture de cuir; barrette; étole de drap noir ornée de broderies. (Voir la plan- che les Jumelles, Italie.)

No 9. Jeune patricien vêtu à la mode française d'environ 1680.

Longue perruque frisée; cravate de dentelle ; veste brodée; habit ou justaucorps à jupe très étoffée, orné sur l’épaule droite d’une touffe de rubans ; bas montés sur la culotte et s’attachant au jarret au moyen de jarretières sans pendants ; petite épée gar- nie de rubans à la poignée. L'aspect de ce jeune pa- tricien ne diffère en rien de celui des geutilshommes de la cour de France,

10. Dogaresse en habit d'hiver.

Cette princesse est habillée à la ducale; costume indé-

pendant de la mode. Corno enrichi de pierreries et orné d'un voile de soie très fine; colliers de perles et de pierres précieuses ; robe de brocart fin ouverte dans toute sa longueur et fourrée d'hermine ; bra- celets et ceinture orfévrée; manteau brodé d'or à queue très ample et très longue.

No 11. Noble vénitien en habit de deuil,

Deux ou trois jours après les funérailles, les parents du défunt portaient un long manteau noir tombant sur les pieds, à queue devant traîner par terre n'im- porte par quel temps; quelques jours après on rele- vait et attachait cette queue, puis on la coupait et le manteau se portait longtemps sans cet appendice, Lorsque le deuil expirait, on reprenait le vêtement ordinaire,

None Marchand ambulant.

Chapeau de feutre orné d'une plume ; veste ; pourpoint tailladé dont les manches relevées laissent apercevoir le cordon de la manche de chemise; ceinture de cuir;

larges chausses; souliers À cordons ; médailles sus- pendues au cou et chapelet en sautoir; trousseau de clefs; couteau sortant de la poche des chausses ; longue corde enroulée autour de la taille.

Ce marchand ambulant tient d'une main un en- tonnoir, un gobelet et un bâton au bout duquel est maintenu un petit tonneau ayant la tournure de la boutique du vivandier et aussi celle du barillet d'un marchand d'encre. Cette effigie de Tobia Rosolino est un portrait dont l'original fait partie d'une suite de gravures très caractéristiques signées Francesco Villamena.

N°8. Jeune vénitienne.

Grand voile de taffetas noir croisé par devant, noué par derrière ; partie du costume l'influence espa- gnole se fait sentir. « Les dames nobles, les gentil- donne n’ont, pour l'ordinaire, point d'autre coiffe que ce voile qu’elles savent gouverner adroïtement et à propos pour faire voir un sein à moitié découvert, sans trouver mauvais que les passants curieux les regardent sous le nez. »

Les 1 et 2 sont empruntés à des suites de figures représentant des comédiens italiens.

Les n°3, 4, 9, 10 ef 11 ont été reproduits d'après des estampes de Zuchi, publiées à Venise.

Les 5 et 6 sont signés des initiales C. L.; édition allemande.

Le n°7 est d'après une gravure de Francesco Villamena, élève d'Augustin Carrache.

Le n°8 appartient au recueil de Costumes publié par Grasset de Saint-Sauveur.

Voir, pour le texte : Vecellio, Costumes anciens et modernes, Didot, 1825. L'abbé Delaporte, le Voyageur françois, 1782. Baschet, les Archives de la sérénissime république de Venise, 1858. A. Yriarte, la Vie d'un patricien de Venise au seizième siècle, 1874.

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ALLEMAGNE. XVIIE-XVIIIE SIÈCLE

LE COURANT DES MODES. TYPES DU PERSONNEL DOMESTIQUE OU DES GENS DE LIVRÉE. COSTUMES MILITAIRES, UNE AMAZONE HISTORIQUE AU DIX-HUITIÈME SIECLE.

Au dix-septième et au dix-huitième siècle, les petites cours d'Allemagne ne furent que le reflet de celle de France qui, par la mode, tenait en quelque sorte l'Europe sous ses lois. On “trouvera la preuve des parités qu’offraient entre elles les classes supérieures de quelques nations en comparant les personnages que nous montrons ici avec ceux des mêmes époques figurant

déjà dans bon nombre de nos planches.

LE COURANT DES MODES,

XVIT® siècle,

No1. Costume de ville,

(Sophie-Charlotte, reine de Prusse, Cette princesse épousa Frédéric I°* en 1684.)

Sur la fontange, une écharpe de dentelle rappelant la cape. Brillants semés dans les cheveux. Corsage à demi-manches garnies de linon. La jupe, décorée horizontalement, a le manteau troussé volant. Manchon et gants.

La reine Sophie-Charlotte fit de la cour de Berlin,

tant qu'elle vécut, le rendez-vous des savants et des artistes, 6. Costume de cour,

(Wilhelmine-Amélie d'Hanovre, sœur de la duchesse de Modène; née en 1693, mariée en 1699 à Joseph- Léopold, roi des Romains.) Û

Coïffure de cérémonie : chevelure nue et disposée en monte-au-ciel; boucles ramenées de chaque côté sur le devant des épaules. Les diamants et les perles or- nent à profusion la coiffure et le corsage. Manches de fine lingerie, orntes d'un ruban fixé par un dia- mant. Petit manchon garni d'un ruban frangé, et enfilé dans le bras qui tient le masque, Manteau dou- blé d'hermine attaché à l'épaule.

No 5. Costume de ville,

(Le prince électoral de Brandebourg; devenu roi de Prusse en 1701.)

Sur la grande perruque, le petit chapeau à bords tri- angulaires et garni d’un tour de plumes. Cravate de mousseline, Habit à jupe étoffée, fermé vers le bas seulement par quelques boutons ; l'épaule droite est garnie d'un flot de rubans. Justaucorps sur lequel est passé le cordon d'un ordre prussien, L’épée, placée assez bas, est portée obliquement. Bas unis à coins brodés,

10. Costume d'hiver.

(Ernest-Auguste, seizième duc de Brunswick-Lune- bourg, premier électeur et duc de Hanovre; 1629- 1698.)

Habit à jupe étoffée, largement galonné, et très peu ouvert vers l’encolure. Le manchon est porté sans la passe-caille, Bas couvrant une partie de la culotte qui descend jusqu'au dessous du genou,

Destiné dès sa jeunesse à l'état ecclésiastique, Ernest-Auguste, avant de succéder à son frère Jean- Frédéric, occupa l'évêché d'Osnabruck; il choisit alors Iborg pour résidence et y fit bâtir un superbe palais dans lequel se tint une véritable cour qu'on appela cour laborieuse, parce qu’elle prit part à toutes les affaires du temps.

Ce prince fut un des signataires de la fameuse Ligue d'Augsbourg fomentée par le prince d'Orange contre Louis XIV.

XVIIT® siècle.

No 2.

Costume d'été porté par une demoiselle de qualité d'Augsbourg,

Augsbourg est une des villes d'Allemagne les an- ciens accoutrements se sont conservés avec le plus d'obstination. Bien que le costume de cette jeune fille soit empreint d'un cachet bien dix-huitième siècle, il s’en dégage néanmoins des souvenirs qui sont d’une autre époque. La profusion de dentelle que l’on voit à l’encolure et aux manches courtes du corsage à pointe, ainsi que la jupe de précieuse étoffe que cette demoiselle de qualité relève légè-

rement pour montrer la seconde jupe, viennent rap- peler les industries qui firent autrefois la prospé- rité de la vieille cité souabe,

N58et9. Habillements berlinois ; époque de Louis XVI,

8. Thérèse de gaze sur la chevelure poudrée ; petit mantelet; sur la jupe courte, une polonaise gar- nie de taffetas.

9. Arrangement de cheveux se rapprochant de la coiffure à la noblesse. Chapeau garni de plumes et d’un large ruban et bouillonné, Circassienne retrons- sée et garnie de manches & l'espagnole; voir un autre exemple de cette robe dans la planche ayant pour signe la Bouillotte, France XVIII" siècle.

PERSONNEL DOMESTIQUE OU GENS DE LIVRÉE.

No 8. L'heiduque,

On appelait ainsi de certains domestiques vêtus à la hongroise. A l'exemple des magnats qui avaient des heiduques dans leur suite, on les choisissait toujours de grande taille.

Cet usage existait aussi en France et provoqua, en 1779, une ordonnance royale dont les premières lignes étaient conçues en ces termes : & Le roi étant informé qu'au mépris des ordonnances qui défen- « dent à tous domestiques de porter aucunes armes, « épées, cannes, etc., on en voit tous les jours der-

- « rière les voitures ou à pied, connus sous le nom de « chasseurs, heïduques, portant un grand couteau de « chasse sabre pendu à leur côté; que d’autres « ont des épaulettes sur leurs habits, ce qui est la « marque distinctive de l'état militaire, » etc.

Le type de l’heiduque survit chez nous; c’est le chasseur que l’on trouve encore dans quelques gran- des maisons.

N°4. Le coureur,

Le coureur, toujours muni de la longue canne à pomme d'or, aux habits plus moins somptueux, précé- dait les carrosses armoriés.

Le terme de coureur n’était pas encore en usage au commencement du dix-septième siècle, bien que les fonctions en fussent remplies par des gens de li-

vrée, On prétend que nous sommes redevables de cette mode à l'Italie et que Marie de Médicis et Mazarin sont les premiers qui introduisirent en France ce luxe nouveau. Malheureusement la ri- chesse du costume du coureur et ses couleurs claires et brillantes convenaient mal à nos rues étroites et sales pour la plupart. Les coureurs ont complètement disparu en 1789; leur brutalité les avait fait détes- ter, car le bâton à pomme n'était pas seulement un insigne entre leurs mains trop souvent actives.

N°7. Écuyer de grande maison vêtu à la livrée du maître.

L'écuyer commandait 4 tous les gens de livrée. T1 diri- geait et surveillait les palefreniers, les cochers et les postillons ; il devait se connaître parfaitement en chevaux et savoir bien les dresser; il avait enfin la direction immédiate des pages et des laquais. C’est, dit Audiger dans la Maison réglée, le précepteur et le gouverneur des gens de livrée. »

COSTUMES MILITAIRES,

No 18. Tenue d'officier général,

(Frédéric IIT, électeur de Brandebourg, couronné roi de Prusse en 1701 sous le nom de Frédéric Ier.)

L'uniforme de ce prince ne diffère pas sensiblement de la tenue des officiers-généraux français de la même époque (voir la planche FU, France, XVII" siècle). Frédéric III tient à la main le bâton de comman- dement,

Nos 11 et 12. Timbalier impérial.

L’instrument connu sous le nom de timbales est venu d'Allemagne, l’on s’en servait dès le commen-

cement du dix-septième siècle, Quelques-unes tombè- rent entre les mains des soldats français et on n'en permit d’abord l'usage qu'aux régiments qui en avaient pris à l'ennemi, la conquête de ces timbales équivalant à celle d'un drapeau ou d'un étendard,

Ce « Kaiserlicher Paucker » dont le costume mi- litaire est bariolé aux couleurs impériales, a ses instruments placés sur le dos d'un servant dont les fonctions uniques étaient de porter les timbales garnies d’un tablier de soie aux armes de la maison d'Autriche. En France, les timbales se voyaient le plus communément dans la cavalerie ; cet exemple prouve qu'en Allemagne il était d'usage d'en avoir dans l'infanterie,

UNE AMAZONE HISTORIQUE DE LA DERNIÈRE PARTIE DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

No 14.

Frédérique-Sophie-Wilhelmine, princesse d'Orange et de Nassau; née princesse de Prusse.

La femme de Guillaume V, stathouder des Pays-Bas, est ici vêtue de l’un de ces costumes de fantaisie dans lesquels on combinait les éléments masculins et féminins : chapeau empanaché, espèce de casque à la Bellone % la mode vers 1785; redingote ouverte dont les pans ont leurs coins relevés; longue robe flottante.

Le cheval que Sophie-Wilhelmine monte à cali- fourchon est couvert d’une selle brodée ; sa crinitre et son harnachement sont garnis de rosettes aux couleurs de la princesse.

Dans les temps modernes, les femmes qui ont af- fiché les allures masculines en portant plus ou moins ouvertement le costume des hommes, ont été surtout des étrangères; nous en avons déjà donné un exem- ple appartenant au dix-huitième siècle, dans la planche FA,

Los 1,5, 6 et 10 sont tirés de la suite de gravures des Bonnart, Mariette, Trouvain, ele.

Les n°2, 3, 4,7, 8, 9,11, 12, 13 et 14 proviennent de gravures allemandes du temps.

Voir, pour le lexte : Quicherat, Histoire du Costume en France, et Paul Lacroix,

Dix-septième siecle, Institutions, Usages et Costumes. , 2 o

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ALLEMAGNE. XVII-XVIII SIÈCLE

COURANT DES MODES : BARBE, CHEVEUX ET PERRUQUES. FIGURES HISTORIQUES. ECCLÉSIASTIQUES, GENS DE ROBE ET HOMMES DE GUERRE.

1, 14 et 15.

Ecclésiastiques.

2, 8, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 18, 16 et 17.

Gens de robe, magistrats civils, professeurs.

N°5 5, 10 et 12.

Hommes de guerre.

Au seizième siècle, lorsque la barbe fit sa réapparition, la plupart des nations de l'Europe s’'empressèrent d'adopter cette mode qu'il était si facile d’accommoder au gré de chacun. En France, elle commença à être en honneur chez les laïques et ne se trouva adoptée qu'après bien des tiraillements par les ecclésiastiques et les magistrats. En Italie, le contraire survint, et les papes eux-mêmes se mirent à la tête de ceux qui abandonnèrent le rasoir. En Allemagne, surtout chez les protestants, il n’y avait que des visages barbus.

L'Europe présentait alors tous les genres de barbes ; on les voyait tantôt séparées en deux parties, tantôt taillées en éventail, en feuille d’artichaut, en queue d’aronde d’hirondelle ; beaucoup de grands seigneurs les frisaient.

La décadence de la barbe commença sous Louis XIIT et sa disparition s’accomplit presque entièrement par le fait de l’un des caprices de ce prince; les visages n’eurent plus qu'un petit bouquet de poils au menton qu'on nomma la royale (voir la notice de la planche DX, France, XVII® siècle), Ces divers changements furent approuvés dans toutes les classes,

si l’on en excepte quelques docteurs, les gens de robes et les vieillards attachés aux anciens usages.

Jusqu'alors, les grands s'étaient distingués par la barbe et la moustache ; la mode vint en- suite de ne plus garder qu'un léger filet au-dessus de la lèvre supérieure ; la fin du dix-septième siècle vit les visages complètement rasés. De réduction en réduction, la moustache et la mou- che étaient devenues si peu de chose que c’est à peine si l’on s’aperçut de leur disparition ; les militaires seuls les conservèrent.

Le successeur de H2nri IV fit éclore une autre révolution : il fut le premier roi qui reprit les grands cheveux. Les belles chevelures acquirent alors de la réputation ; elles commencèrent par s’arrondir autour de la tête, cachèrent ensuite les oreilles et finirent par flotter sur les épaules. Cette mode subsista longtemps en Allemagne, chez les gens de robe comme chez les hommes de guerre.

Le goût pour les longues chevelures dégénéra bientôt en manie et comme il n’est pas donné à tout le monde d’avoir beaucoup de cheveux, on eut recours à larb et, sons son égide « on brava la nature. » On débuta par des postiches, mèches détachées que l’on introduisait dans la chevelure naturelle, et c’est vers 1629 que parurent les premières perruques.

Celles en vogue parmi les magistrats, les professeurs et les sens de robe en général, furent d’abord les perruques à calotte, On prétend que c'est Richelieu qui fit venir en France la mode de porter cette coiffure, particulièrement à la cour, de Balzac disait de fort bonne grâce que les chapeaux ne sont pas faits pour être mis sur la tête.

Richelieu avait à la vérité introduit à la cour la mode des calottes de satin, mais il ne s’é- tait pas avisé de parer sa téte avec des cheveux étrangers. Mazarin conserva pareillement le peu de cheveux dont la nature l'avait gratifié. Jamais ces deux fameux ministres n’eurent re- cours à l’art pour obtenir des cheveux frisés ; leur exemple influait sur tous les prélats. Cette sage discipline se maintint dans le clergé jusque vers 1660. (Voir au sujet des perruques ecclé- siastiques les notices des planches le Masqne et le Peigne.) [1 n’en était pas de même en Alle- magne et en Angleterre le clergé, protestant ou catholique, fit de bonne heure la cour aux perruques.

La coiffure caractéristique de l'époque de Louis XIV est l'énorme crinière à laquelle son format valut le nom d’#-folio. Ces grandes chevelures, assez semblables à la crinière du lion, ornaient toutes les têtes et rendaient l’Europe tributaire de la France. Le prix de ces perru- ques que nous exportions alors à l'étranger, compensait amplement le prix des cheveux non travaillés qu’on importait dans notre pays.

Dans les dernières années du dix-septième siècle, on ne porta plus que des perruques pou- drées, fussent-elles blondes noires ; on donnait pour prétexte que Pusage de la poudre avait pour résultat d’égaliser tous les âges et d’adoucir lexpression du visage. C’est à la faveur de cette mode que l’on inaugura d’autres genres de perruques.

Pendant la première partie du siècle suivant, l'usage des cheveux longs ne se maintinb plus

que chez les princes et les seigneurs assistant à des cérémonies d'apparat, ainsi que chez les gens de robe et dans le costume de deuil ; dans ce dernier cas, l'usage de la poudre était com-

plètement interdit.

Ces diverses transformations de la barbe et de la perruque furent communes à toute l’Eu- rope ; on peut en suivre les traces dans la représentation des personnages allemands ci-joints et placés, dans chacune de leurs divisions, selon l’ordre chronologique correspondant à l’en-

semble de leur costume,

Nous avons emprunté exclusivement tous nos exemples à l'Allemagne qui pendant si long- temps nous a suivis dans tous nos travers eb de si près, qu'il n’est pas toujours de bonne grâce

à elle de nous les reprocher.

ECCLÉSIASTIQUES,

No 14.

Lucas Gernlerus, professeur de théologie et d'histoire ecclésiastique à l'université de Bâle.

Sous une calotte, des cheveux frisottés tels qu'on les portait vers la fin du seizième siècle. Moustaches retroussées et longue barbe retombant sur une fraise épaisse et tuyautée.

Nos,

Œgidius Strauch, de Wittemberg, docteur en théologie, pasteur et recteur du gymnase de Dantzig. Portrait daté de 1682,

Perruque frisée à calotte, Moustaches retroussées, Lon- gue barbe divisée en deux parties,

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Le révérend et docte André Muhldorf, ancien prédica- teur de l’église Saint-Sebald de Nuremberg, profes- seur de théologie et d'histoire ecclésiastique. en 1636.

Perruque dont la forme précéda celle dite en crinitre de lion. Visage complètement rasé, Large collerette tuyautée,

GENS DE ROBE, MAGISTRATS CIVILS, PROFESSEURS,

No 6,

Conrad Peutinger, secrétaire de la ville d’Augsbourg. en 1465, mort en 1547.

Cheveux plats avec un toupet couché. Moustache s'ef- filant vers les pointes. Barbe longue.

En 1493, Peutinger fut nommé au poste impor- tant de secrétaire de la ville d'Augsbourg, situation qui le mettait à la tête de la chancellerie. C'est en cette qualité que ce savant illustre fut envoyé dans les diètes de l'Empire et en différentes cours de l'Europe.

No 17.

Emeran $Syroth, président du consistoire et magistrat civil de Ratisbonne. Portrait daté de 1664,

Perruque de soie à laquelle sont adaptées des mèches de cheveux. Ce personnage a conservé la barbe taillée en feuille d'artichaut,

Ne Jérémias Dumlez; portrait daté de 1667,

Chevelure longue, ornée d'un toupet plat. Moustache

à la coquille. Barbe en feuille d'artichaut. Nc 3.

Hieronymus-Petrus Stetten, magistrat civil de la ville libre de Francfort ; en 1609. Portrait daté de 1669,

Cheveux longs et frisés sur les côtés. La moustache commence à s’amincir. Petit bouquet de poils sous la lèvre inférieure,

No 11. Léonard Weiss, conseiller de $. M. Ferdinand III et magistrat d'Augsbourg.

Chevelure taillée court sur le haut de la tête et ébou- riffée sur les côtés, Moustache et petit bouquet de poils au menton.

N°8,

Zacharie Stenglinus, conseiller du sérénissime duc de Wurtemberg et syndic de la ville libre de Francfort, en 1604, mort en 1674.

Perruque dont les flots de cheveux retombent derrière et devant sur les épaules. Moustache réduite à un filet ornant la lèvre supérieure.

13.

Personnage inconnu,

Perruque à calotte; légère moustache à pointes relevées en croc. Ce laïque porte un costume correspondant à J'année 1670 environ.

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Gaspard Ziegler, professeur &@e droit, conseiller de l'électeur de Saxe.

La perruque est déjà fournie et peut passer pour celle dite en crinière de lion. Légère moustache ombrageant la lèvre supérieure ; le menton est orné de ia mouche.

Jean-Jacob de Berg, magistrat de Ratishbonne.

Ce personnage est coiffé de la véritable perruque in- folio dont la division supérieure portait le nom de devant & la Fontange (voir la planche le Masque, France, XVIT® siècle), Le visage est complètement rasé, suivant l'usage déjà en vigueur dans les dernières années du dix-septième siècle.

No 4.

Jean-Christophe Thill, sénateur de Ratisbonne ; en 1659, mort en 1728.

Longue perruque poudrée du commencement du dix-

huitième siècle; on ne la dissimulait point alors et la calotte restait fort apparente, Costume officiel.

No 16.

Jean-Christophe Wildius, magistrat de Ratishonne; 1670-1743.

Coiffure officielle, consistant en une perruque poudrée, de proportions moindres que celle de la figure précé- dente,

HOMMES DE GUERRE,

No 12. Conrad Widerholtius,.

L'un des officiers généraux qui participérent à la guerre de Trente ans. Cheveux longs retombant sur les épaules ; moustache à la coquille courte et retroussée (voir à ce sujet la notice de la planche le Porc-épic, France, X VIT: siècle); au menton, la royale.

No 5. Type militaire; personnage inconnu.

Moustache en croc avec la royale. Cheveux longs et flot- tants. Genre de coiffure contemporain des premières années du règne de Louis XIV.

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Son Altesse Sérénissime le prince Frédéric, margrave de Bade et d'Hochberg; en 1594, mort en 1659.

Perruque frisée qui n’a pas encore l'ampleur de celle dite en crinière de lion; petite moustache très fine ornant la lèvre supérieure ; mouche au menton.

Ce personnage se ligua avec Gustave-Adolphe, pendant la guerre de Trente ans. Il soutint la cause des protestants jusqu’à la paix de Westphalie qui le fit rentrer dans ses États envahis par les Autrichiens.

Ces figures proviennent d'eslampes allemandes du lemps, exécutées par les frères Kiüllian, Sommer, Büner, Hoiss, ete., d'après Mathieu Mérian, Crams el Kirchman.

Voir, pour le texte : Histoire des perruques, par J.-B. Thiers, Paris, 1690.— Histoire des mo- des françaises, Amsterdam, 1778. Mémoires pour servir à l’histoire de la barbe de l’homme,

Liège, 1774.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

BOURGEOIS ET OUVRIERS. CLASSE NOBILIAIRE; COSTUMES DE BAL. (1667-1677).

1 2 9 4 5 6 1,2 et 3. Ouvriers et tapissier du roi.

Ces trois figures sont tirées d’une tapisserie du Garde-Meuble représentant une visite de Louis XIV et de Colbert à la manufacture royale des meubles de lu couronne; cette scène, retracée d’après une composition de Charles Le Brun, remonte à 1667, c'est-à-dire deux ans après la fondation de la manufacture.

Les 1 et 2 sont des ouvriers en costume de travail transportant sous les yeux du roi des meubles et des pièces d’orfévrerie : sayon accompagné d’un tablier aux pans relevés dans la ceinture ; large culotte de même couleur que le sayon. Le second de ces artisans, quelque peu tulon-rouge, porte la rhingrave dont l'usage ne se perdit qu’en 1680. On ne voit sur eux aucune trace de linge de corps.

Lefèvre, célèbre entrepreneur de basse-lisse attaché aux Gobelins, représente ici le bour- geois. Il a le chef couvert d’une perruque du genre dit erinière de lion. Tia mise de ce person- nage, d’une simplicité ordonnée par les édits somptuaires, ne manque pas d'élégance; elle comporte des vêtements appareillés aux mêmes couleurs : habit de drap léger avec une rangée de petits boutons et des manches courtes se relevant sur celles de la chemise coquettement ornées de petits rubans aux poignets ; cravate à bouts flottants ; culotte de nuance plus foncée que l’habit; bas de soie aux coins brodés ; souliers en cuir fauve et à talons rouges.

4, 5 et 6. Danseurs en toilette de bal; musicien de leur orchestre.

Les costumes de ces figures correspondent environ à la période de 1675 à 1680,

Le danseur porte un habit de soie rouge, galonné d’or ou de jaune en tenant lieu, boutonné de haut en bas et muni de larges poches placées sur le devant et non loin du bord inférieur orné de franges d’or ; coutures garnies de plusieurs rangs de galons en soie jaune; nœuds de rubans sur l'épaule gauche ; manches courtes et ornées de passementeries d’or dont les pa- rements sont doublés de soie blanche. Bas de soie assortis à la couleur de l’habit, avec des jarretières formant une touffe de rubans de chaque côté de la jambe. Souliers ornés de rubans lisses ou ondés et pourvus de hauts talons.

La dame qui lui fait vis-à-vis a les épaules nues, ce qui était l’usage dans toute espèce d’assemblées ; ses cheveux frisés eb annelés rappellent encore l’arrangement des coiffures de Champagne, mais n’ont plus le chignon couronné d’une torsade qu’on appelait le rond; l’an- cienne parure de la chevelure, la eulbute, est devenue ici une large cocarde posée de côté.

Colliers et bracelets de perles. Les cocardes, de mêmes dimensions que celle des cheveux, placées l’une au milieu de la poitrine, l’autre derrière les épaules, et reliées entre elles par des chaînes d’or, sont un souvenir des perles et des cordonnets d’or entremêlés dans les devants en bouillons de gaze que l’on disposait autrefois en guirlandes autour de l’encolure du corsage. (Voir la planche DX). Ce dernier est ici chamarré de dentelles et sa pointe s’exagérera encore vers la fin du règne de Louis XIV.

En dansant, cette dame relève sa robe plus haut que la jarretière dont elle fait montre sans parler de la jambe elle-même. Ses souliers sont sans talons.

Ces deux personnages figurent dans un tableau du temps représentant un bal travesti d’un caractère intime ; on se livre à la danse à la suite d’un repas, pendant que quelques convives restent à table. Les danseurs sont accompagnés par un orchestre composé de trois valets-mu- siciens dont l’un, jouant du violoncelle, se trouve représenté ici.

Au dix-septième siècle, le goût inné des Français pour la danse leur avait fait adopter beaucoup de pas dont quelques-uns étaient de provenance étrangère ; on dansait alors le me- nuet, la pavane, la passacaille, la chaconne, la courante, la sarabande, la gavotte, etc. ; la mesure et les règles de ces différents pas nous ont été transmises par le chanoine Thoinot Arbeau dans son Orchésographie. :

La tapisserie du Garde-Meuble et le tableau appartenant à A1. Victorien Sardou Un bal à la suite d’un dîner, d'où proviennent les fiqures de cette planche, ont fait partie de l'Exposition du Costume, organisée par l'Union centrale au paluis de l'Industrie, en 1874.

Voër, pour le texte : Quicherat, Histoire du costume en France, 47. A{f. Dareel, les Tapisse- ries du Garde-Meuble.

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N°1.

os = Portrait de femme. N%3,4, 5,6, ES

D Pen; Costumes provenant d'un tableau représentant un

2 bal de la fin du XVII® ou du commencement du XVIII siècle. Louise-Adélaïde de Bourbon-Conti, en costume de cheval. - Appartenant à M. Jumelle. Appartenant à M. Leroux.

(Musée historique du costume, 1874, Union centrale des Beaux-Arts appliqués à l'industrie.)

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EUROPE. XVII ET XVIIE SIÈCLE

DU PORT DES INSIGNES DE CHEVALERIE MILITAIRE DANS LA VIE CIVILE.

1 2 3 t 5 6 % 8 9 10 11 12 No. Nes. Chevalier de l'ordre royal militaire de Saint-Louis; | Chevalier français de l'ordre de Malte; costume de 1678. costume de l’époque de la fondation de cet ordre En (1693). re 10. Chevalier de l’ordre de Malte, page de Louis XIV; Chevalier commandeur du même ordre et de la même costume de 1678. époque; costume paré. 6. N°2. Chevalier de l'Hôpital d'Aubrac (ordre d'institution Chevalier du même ordre ; costume du commencement française ); costume du commencement du XVIII 8.

du XVIII: siècle. Les 5 et 11 représentent également deux chevaliers de Saint-Louis : le premier en habit du matin, à Paris, en 1784 ; le second, en costume paré, en 1787.

1. Chevalier de l'Étoile, en France; costume de la seconde moitié du XVII siècle,

4. 9, Chevalier de l’ordre des Deux épées (ordre d'institution | Chevalière de la Hache (ordre d'institution espagnole); française comme l’ordre de Saint-Louis); costume du costume du commencement du X VIT siecle, ou même temps de Louis XVI. de la fin du XVIe.

Aux époques représentées, les ordres de chevalerie n'avaient plus rien des anciens ordres militaires de chevalerie, comme ceux du Temple, de Malte, comme l’ordre Teutonique, d’un caractère à la fois religieux et guerrier. Soit qu'ils fussent d'institution ancienne ou de créa- tion récente, les souverains disposaient de ces ordres comme d’un moyen de payer les services rendus à l'État, décernant des honneurs, des dignités, des rubans, plutôt que de l’argent ou autres récompenses semblables. « (’a été, dit Montaigne, une belle invention. Nous avons pour notre part, et plusieurs de nos voisins, ajoute-t-il, les ordres de chevalerie qui ne sont établis qu'à cette fin. »

La forme de croix, donnée souvent aux insignes de ce genre d'ordres militaires, tire son

origine des croisades. Le privilège de mettre la croix ou les croisettes sur le champ de l’écu, dit l'Encyclopédie du XVIII siècle, fut accordé d’abord à ceux qui avaient exécuté ou entre- pris quelque action d'éclat pour le service de Jésus-Christ et pour l'honneur du nom chré- tien. Puis, presque tous ceux qui firent des expéditions en terre sainte chargèrent leur écu d’une croix. La croix devint ainsi un insigne militaire. La croix pattée, comme celle de l’ordre de Malte, de l’ordre de Saint-Louis, rappelle par son rayonnement l’une des formes données à l'étoile, Elle offre une combinaison qui la rattache aux temps antiques. Sur les médailles, les étoiles sont une marque de consécration, symbolisant l'éternité. Des ordres, tels que ceux de la Jarretière et du Bain, ont adopté l'étoile comme une marque qui les caractérise.

L'insigne de la simple chevalerie était porté sous forme de joyau, suspendu à un nœud de ruban d'une couleur déterminée, Le ruban seul, comme on le voit 5, sur le revers de habit, allant d’une bontonnière à l’autre, finit par être adopté dans le costume non habillé, la couleur seule suffisant pour indiquer l’ordre. La mode de porter l'insigne complet du côté gauche, à peu pres à cette même hauteur, à prévalu (voir 11), mais les exemples plus anciens concer- nant les chevaliers des ordres de Malte et de Saint-Louis, 2, 8, 10 et 12, montrent que l'insigne fut d’abord attaché beaucoup plus bas, un peu selon le caprice, tantôt au vêtement supérieur, tantôt à celui de dessous, mais toujours au milieu du corps, comme on le voit par les anciens colliers d'ordre.

Par suite d’un usage qui remontait au moyen âge, la marque particulière de certains ordres de chevalerie militaire était encore portée dans le vêtement; elle y était brodée, comme on l'avait fait jadis pour les armoiries sur les cottes d'armes. Nos 1, 6 et 9 offrent des exemples de ce mode persistant parmi des ordres de vieille date, qui semblent ne s'être survécu un temps plus moins long que par suite du goût assez général montré par les hommes pour les marques distinctives. C’est ainsi que nous retrouvons au XVII: siècle un chevalier de l’ordre de l'Étoile, 1, lequel ordre fondé en 1350 par le roi Jean, après avoir été conféré aux plus grands seigneurs, finit par être abandonné aux chevaliers du Guet. Il en est de même pour le chevalier de l'Hôpital d’Aubrac, ancien établissement hospitalier dirigé par des frères et des sœurs voués à la vie religieuse, et protégé les armes à la main par une chevalerie qui n'avait plus depuis longtemps de raison d'être lorsque l'ordre fut supprimé en 1693.

Non moins ancienne était l'institution de l’ordre de chevalerie militaire auquel les auteurs espagnols donnent le titre de Cavalleros del Passatiempo del Hacha, en las matronas de Tortosa, en Aragon. Ces chevalières du Passetemps, dites de la Hache, dont l'ordre aurait été, selon le père Hélyot, la dernière institution de ce caractère, c’est-à-dire une chevalerie militaire par- ticulièrement instituée pour des femmes, remontaient au XIII siècle. Elles avaient conquis leurs éperons sur le champ de bataille, l’ordre ne leur ayant été conféré par Raymond Bé- ranger IV, comte de Barcelone, en 1249, qu'après une victoire remportée par ces femmes sur les Maures, C’est d’ailleurs un ordre peu connu, sur lequel on manque de détails précis. On sat que ces chevalières combattaient sous l'habillement militaire des hommes de leur époque,

mais on ignore si, dans la vie civile, elles avaient d'autre marque distinctive qu'une longue robe de couleur indéterminée avec un capuchon sur lequel, selon l'abbé Gustiniano, figurait une hache de couleur cramoisie. Existait-il encore des chevalières de la Hache à la fin du XVI siècle? Nous ne pouvons nous prononcer sur une existence aussi prolongée, lorsque de- puis longtemps la mission primitive était accomplie, qu’en nous en rapportant à l'autorité des savants spéciaux qui, comme le père Hélyot, ont donné la représentation de cet insigne sur un Costume ne remontant pas plus haut que cette époque.

On sait assez ce qu'étaient devenus les anciens chevaliers de Rhodes, dits de Malte depuis le XVI siècle, pour n'y pas insister. Pour la plupart, il ne s'agissait plus, aux XVII et XVIII siècles, que du port de l’une de ces marques distinctives qui, d'ailleurs, n'étaient con- férées qu'à la noblesse, Ceux qui avaient fait leur profession portaient, sur le manteau ou sur le justaucorps, la croix de toile blanche à huit pointes. Dans la vie civile, on se contentait du joyau suspendu au nœud de ruban de couleur bleue. Le titre de chevalier de Malte n'était plus guère acquis que par les cadets de famille. 11 entrainait l'obligation du célibat; mais on se faisait relever de cette obligation, à Rome, lorsqu'un changement d'état apportait avec l’aiînesse un héritage inattendu. L'ordre de Saint-Louis, affecté aux services militaires, fut franchement dégagé, dans son institution même, des us et coutumes de la chevalerie du moyen âge; il ne devaié cependant être conféré qu'à des nobles. L'ordre des Deux épées était une récompense de même caractère, mais d'un rang inférieur, spécialement destiné aux vétérans.

(Documents provenant du recueil de de Bar el des ouvrages du père Hélyot et de Schoonebeck sur les costumes des ordres religieux el militaires.)

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EUROPE. = XVII. SIÈCLE

LE BUFFET, LE DRESSOIR. SURTOUTS ET ORFÉVRERIE DE TABLE.

Appareil du repas offert par le seigneur sénatew! Francesco Ratta aux seigneurs anciens sénateurs et autres no- bles au nombre de soixante-quatre, dans la salle du palais, autrefois Vizzani, en terminant les deux premiers mois du gonfaloniérat de l’année 1693.

(Apparate del convito fatto dall’ Ill®° sis. senat° Francesco Ratta all’ Il1mo Publico, Eccelsi signori Anziani eb altra nobilta in numero di sessenta i quatro nella sala del palazzo gia Vizzani, terminando il Gonfalonierato del primo bimestre dell anno MDCXCIII.)

Le corps municipal de Bologne se rassemblait six fois par an. Le palais Vizzani datait de 1559, année où, de concert avec ses deux frères, l'historien italien Pompéo Vizzani, natif de Bologne, le fit construire d’une façon magnifique, l’enrichissant de nombreux tableaux de maîtres et d’une importante bibliothèque. La pièce avec ses portes basses, et le plomb de ses fenêtres vitrées en culs de bouteille, porte sa date.

Le gonfalone était la bannière, l'enseigne de la ville; le gonfaloniero, le dignitaire en chef ; et il était d'usage à Bologne, lorsqu'un sénateur était élu chef de la magistrature, qu'il ouvrit son palais au peuple, et que, la représentation extérieure étant un devoir, il y étalät des meubles de prix dans une longue suite d'appartements , pour donner une grande idée de la ri- chesse et la magnificence du possesseur!

Bologne, qui remonte aux temps des Tarquins, après avoir eu beaucoup de peines pour sau- ver son sénat à travers les siècles, avoir eu affaire à Jules IT, après lequel cependant ce sénab réussit à ne laisser au saint-siège que l'ombre de la souveraineté, s'était vue réduite sous Sixte- Quint au joug du pouvoir arbitraire. Depuis ce temps, un légat @ lalere l'administrait. Toute- fois, en plein dix-huitième siècle, Bologne se disait encore « wne ville libre, » parce qu'elle avait le droit d'entretenir un ambassadeur à Rome, et de ne point avoir de citadelle,

La ville et son édilité sont naturellement l’objet de l’allégorie qui forme le grand surtout de la table municipale.

Bologne, couverte pour sa défense, sans armes offensives, est assise sur un lion, la force. Son écusson qui porte inscrit le nom de « liberté » sert de base à l'essor d’un griffon vainqueur, le mythologique gardien des trésors, à corps de lion, à ailes et à tête d’aigle, empreint de sagesse,

“ar on le voit souvent sur le casque et la cuirasse de Minerve. Ce gardien des trésors, c’est la magistrature des édiles.

Au pied de la montagne sont disposées deux figures fluviales, dont l’une est le Reno, un petit fleuve de la Cisalpine, qui, dans un pays lettré comme PItalie, doit rappeler que c’est dans les environs de Bologne que se trouve la péninsule formée par deux cours d’eau, inscrite dans les fastes historiques sous le nom d’ile du Reno, et où, après une conférence de trois jours, les dictateurs Octave, Antoine et Lépide, se partagèrent d’abord Pempire romain. « Les Italiens, dit le Mercure galant de déc. 1685, sont fort ingénieux pour ces sortes de choses. »

Le buffet était l'ensemble de tout le service dressé. L'usage du grand surtout de table aurait son origine en Italie, puisque le Mercure galant dit, en avril 1698 : « Il y a peu de temps que ces sortes d'ouvrages sont inventés pour garnir les tables. [ls y demeurent pendant tout le re- pas ; on en fait de plusieurs pans différents, »

Le dressoir, chargé de l’orfèvrerie des aïeux, est établi ici sur la cheminée et disposé selon les principes de l'étiquette du moyen âge ; une draperie en forme le dosseret, et sur le marbre est posé le napperon. Ce dressoir est à cinq degrés, selon le privilège des maisons souveraines, qu'une ville libre comme Bologne ne pouvait point ne pas s’attribuer. Des deux côtés, et selon la vieille règle, sont les tables pour le débit des rafraichissements. On ne buvait pas au dressoir. L'orfèvrerie italienne, dont la décadence s’accusait dès la seconde moitié du seizième siècle, avait été en décroissant pendant le dix-septième sous l'influence du chevalier Bernin, qui avait en Îtalie une omnipotence aussi générale que celle de Lebrun en France. Le maniérisme deve- nait la loi de l’époque.

C'est de l'Italie que Thomas Germain rapporta son style, qui eut une si grande influence au commencement du dix-huitième siècle, par le talent personnel qu’il y montra. C’est l’orfèvre- rie française qui, pendant ce siècle, produisit les grands ouvrages comme les surtouts de table pour les souverains, les princes et les fermiers généraux. Ces surtouts, en vermeil ou en argent, rarement massifs, permettaient de fondre et de ciseler des groupes, des figures, des emblèmes. On ne fabriquait plus que peu de vaisselle plate. Enfin il n'entrait pas que de l'or ou de lar- gent dans la composition de ces grands caprices, dont on variait les aspects avec ce que l’on appelle les ors de plusieurs couleurs.

Les cinq exemples détachés sont empruntés aux Æléments d'orfevrerie, de Thomas Germain ; ce sont trois seau à rafratchir, un cabaret, et un petit surtout de table. La gravure du grand buffet est signée, pour le dessin, par Marc-Antonio Chiarini. Giacomo Giouanini, graveur.

Voùr pour le texte : Legrand d'Aussy, Histoire de la vie privée des Français. #. de Lasteyrie, Histoire de l’orfèvrerie, Violet le Duc, Dictionnaire du mobilier. Le Voyageur français, Italie, États du Pape, par l'abbé Delaporte, 1779.

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CHAPEAUX ET PERRUQUES. LE CHEVAT, DE MAIN,

Nous empruntons à un ouvrage sur les exercices du manège, par le baron d'Eisenberg , gravé par Bernard Picart, les exemples variés de la coiffure masculine en 1727.

Les variantes du chapeau tricorne ne consistèrent guère alors que dans le format des trois retroussis du bord, tantôt élevés, tantôt couchés, présentant, selon ces modifications, plus ou moins de volume et de hauteur; quelques-uns étaient encore garnis du tour de plumes et ga- lonnés, d’autres galonnés sans plumes, d’autres ornés de belles plumes conservant leur figure naturelle; enfin nombre de ces chapeaux, simplement bordés, n'avaient ni galons ni plumes. La ganse qui servait à relever les retroussis plus moins inclinés, ou traversait franchement le feutre par le milieu (voir 1, 3, 6, 8) faisant retour à l’intérieur, ou accrochait un bou- ton posé près du bord; les nœuds de rubans étaient passés de modes.

Si les perruques in-folio ne furent entièrement disgraciées par les petits-maîtres qu'après la mort de Louis XIV, il faut constater que ceux-ci avaient cherché à remédier aux inconvé- nients des grandes chevelures dès le commencement du XVIII® siècle, Ils débutèrent en partageant par derrière les cheveux en deux parties égales, les nouant pendant l'été, leurs rendant la liberté pendant l'hiver. Peu à peu on cessa de détacher les nœuds, et les perruque nouées se perpétuèrent. Puis vinrent les perruques à queue et celles à bourse, qui donnèrent lieu à la division en trois touffes de l’ancienne perruque en crinière. Les deux touffes de côté étaient les cadenettes, mot du temps de Louis XIIT; la touffe de derrière fut la queue. Comme on peut le voir ici, les cheveux de queue furent en même temps portés de diverses façons, liés par un ruban léger noué en rosette, à bouts prolongés et flottants (n° 6, 14);"serrés plus moins haut par ane simple boucle (n°% 9, 10), ou enfin, en natte enroulée en spirale par un ruban noué en roseîte (n° 1, 2, 3, 17). C'est à ce dernier mode que fut appliquée l’épithète de bout-de-rat. Le bout-de-rat devait tomber dans le dos aussi bas que possible.

La perruque à bourse fut une nouvelle manière de porter les cheveux de queue. La bourse était un petit sac de taffetas noir gommé, décoré par une rosette de même couleur, renfer- mant la partie inférieure des cheveux de l'arrière de la tête, ceux que l'on désignait alors

sous le nom de derrière de bourses. Dès 1710, la plupart des militaires, officiers et soldats, furent accommodés de la sorte. Adoptées dans le costume civil, les bourses commencèrent par y être de petite tenue. Avec le temps elles s’introduisirent dans les cercles et furent de bonne compagnie sous le nom de perruques à la régence.

Les militaires à peu près seuls, après avoir d’abord porté la queue pour leur commodité, puis la perruque à bourse, dite à brigadière, abandonnèrent assez rapidement les cheve- lures artificielles, contractant l'habitude de nourrir leurs propres cheveux. Quant aux gens à la mode, ils ne conservaient de ces derniers qu'un toupet sur le front dont le mélange avec les cheveux artificiels de la perruque était dissimulé par la grosse poudre dite à graine d'épinard, alors en usage. Les toupets étaient bas au moment de l’adoption des bourses et appelés loupels en vergette. |

En reproduisant un écuyer sur un cheval de manège, dans son costume court et caracté- ristique, nous ne nous proposons pas d'aborder les questions d'équitation. Cependant il est utile de faire remarquer que la manière de monter à cheval ayant différé non seulement selon les époques, mais aussi selon la nationalité du cavalier, il n’est pas sans intérêt d'observer l'attitude, le maintien de notre écuyer, faisant manœuvrer sa monture selon les principes de l’école franco-italienne. Voici ce qu'en dit M. le général Marbot (Encyclopédie moderne, Firmin-Didot) :

« Pour la manière de conduire les chevaux et de se servir des aides, l’école franco-italienne « prescrit constamment l'emploi des moyens les plus doux; l’usage des éperons n’y est per- « mis que comme châtiment, et seulement après qu'on aura essayé de faire obéir le cheval « par la pression des jambes et des genoux... Les écuyers de cette école sont incontesta- « blement ceux qui ont le plus de noblesse et d'élégance... Dans les principes de l’équita- « tion italienne, la plus favorable au développement des grâces, l’étrier est long, la pointe « du pied en dedans, le corps droit en équilibre sur la selle. C’est la meilleure attitude pour « briller dans un carrousel, monter avec grâce et dresser un cheval de manège. »

Dans notre exemple, le cheval exécute dans les règles l'arrêt aisé et ferme, obtenu avec le caveçon, le cavalier est monté sur la selle à piquer, propre au manège, différant de la selle ordinaire par l'élévation au-dessus des arçons des bates de devant et de derrière, d’une hauteur d'environ quatre pouces. Cette élévation permet de tenir les cuisses du cavalier avec plus de fermeté. L'exemple offre donc dans sa rigueur Ja plus démonstrative l'attitude commandée par l’école.

Disons encore aux peintres que pour les montures élégantes on tirait race, des étalons fins venant de lorient et du midi de l’Europe, et que la robe et le poil les plus en réputation, pour lesquels, dit de la Guérinière, on tenait à l'estime des curieux, étaient le noir de jais, le beau gris, le baï chatain, le bai doré, l’alezan brûlé, l’alezan vineux, et enfin l’isabelle doré avec la raie de mulet, les crins et les extrémités noires.

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L'HABIT. LES PANIERS

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C'est vers 1714 que parait l'habit à pans bouillonnés propres à faire le panier. Thabit était alors plus façonné à la mesure de la taille qu'il ne l'avait été jusques ; il s’arron- dissait à l’aide de baleines à la hauteur des reins; il était aussi plus léger, moins ample, moins long. Des deux côtés, pour faire bouillonner les pans, à partir d’un bouton cousu sur les hanches on pratiqua cinq ou six plis ronds qui descendaïent en s’élargissant et en obli- quant de manière à faire ressortir la cambrure de la taille. En 1719, on rembourra ces plis avec du papier du crin. Un peu plus tard ils changèrent de place, et on les mit derrière, à droite et à gauche de la fente qui partagait les pans.

Les habits de grand luxe (et il faut entendre ici l’habit complet : le justancorps, la veste et la culotte, les trois pièces se répondant dans la richesse comme dans la simplicité), furent l’objet de dépenses d'autant plus considérables, que certains seigneurs imaginèrent une haute étiquette exigeant qu'on en changeât tous les jours.

L'exemple 7, formant done ce qu'on appelait l’Aabit complet européen, est un vêtement de haut luxe; c’est l’habit de drap d’or d'un gentilhomme, chevalier de lAïgle blanc, dont l'ordre fut institué en 1705 par Auguste IT, roi de Pologne. La décoration est brodée à même en soie de couleur avec la devise pro jide, rege et lege. Le justaucorps est à parements simulés sur la poitrine, les manches àparements ouverts peu larges et peu hauts. Ce justancorps est ouvert sur le côté pour le passage de l'épée, comme on le voit 4, et il n’y a de boutons et de boutonnières qu’à ces parements; la veste, dont on voit la manche sans parement relevé, monte jusqu'à la base du con. Les boutons et boutonnières ne descendent pas non plus jus- qu’en bas, comme on les voit à tous les autres ; enfin la culotte est de celles que l’on enroulait sous le bas; elle n’a ni boucle, ni jarretière. Ce précieux spécimen est au musée de Dresde.

Dans la classe bourgeoise on s’habillait de gros drap, de ratine, de bouracan : on employait le camelot, le droguet, suivant la saison ; presque toujours les diverses pièces composant l’habit étaient de couleur appareillée, uniforme, comportant toutes les teintes contenues entre le rouge sombre et le brun clair. Le noir commença à être de cérémonie vers 1750. Les

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exemples 3 et 4, sont les plus anciens dans notre planche; l'habit est très ample, et les pans n’en sont pas bouillonnés, Les 6, 8, 9, sont de 1730 à 1740. Le 8 avec sa veste fermée et son ceinturon, chaussé des longues guêtres du dragon d'alors et de l’éperon, est en costume de voyage. Ces guêtres de cuir étaient indispensables aux cavaliers; les bas, comme habillement de la jambe, étaient d’ailleurs si peu chauds que par les grands froids il fallait en mettre plusieurs paires. En 1729 l'hiver fut d’une rigueur exceptionnelle, on porta, même à la ville, les guêtres du dragon; mais cela ne dura pas. On voit aux 3 et 4, comme au 9, la veste ouverte depuis le haut jusqu'au creux de l’estomac, laissant à découvert la chemise et les longs bouts flottants de la cravate de linon ou de mousseline. On ne voit pas encore le jabot qui se fit avec les plis bouillonnés de la chemise, On avait pris l'habitude de porter son chapeau sous le bras à la main; cela ménageait la perruque et servait de maintien. Si les aites frisées remplaçant les cadenettes (voir 6) et le /oupet en vergelte aplati sur le crâne de la perruque en bourse, en usage dans les années qui suivirent la régence, n’offraient aucun obstacle à l'usage du chapeau, il fallut bien que la bourgeoisie elle-même prit cette habitude de n'avoir plus guère pour coiffure de ville que la perruque seule, lorsque les hauts-toupets comme le fer-à-cheval eurent pris la place. Les bourgeois por- taient des bas de laine noirs, gris ou chinés, à l’ancienne mode qui prévalut jusqu'en 1730, c’est-à-dire montant pardessus la culotte aussi haut que les bottes à l’écuyère; puis la cu- lotte recouvrant le bas fut nouée par une jarretière au-dessus du genou. Les exemples 6, 8, 9, sont empruntés à Leclerq. Ils proviennent de gravures il essayaié le talent spécial qu'il développa plus tard dans la Galerie des modes et costumes français.

Les 1,2, 5 représentent des femmes portant des paniers. L'origine des paniers est obscure comme toutes les origines, dit M. Quicherat (1). Ils furent d'importation anglaise, suivant les uns, allemande suivant les autres, et une troisième opinion les fait venir du théâtre. Les héroïnes de tragédie, conservant la tradition des vertugadins de la fin du XVI siècle et du commencement du XVIT°, n'avaient jamais cessé de donner à leurs jupes une ampleur artificielle. En 1711, les jupons à cerceaux, les 20op pelticoat se promenaient dans les rues de Londres et, dit encore M. Quicherat, les journalistes anglais s’en désopilaient la rate; en France, c'est en 1718, sur l'exemple donné aux Tuileries par deux dames anglaises, que la mode s’en répandit. Ceux que nous reproduisons sont de la première période. Les robes représentées ne sont point les grandes robes flottantes comme une large robe de chambre, froncées par derrière comme un manteau d’abbé, qui furent l'habillement usuel du XVIII siècle, La robe avec sa longue taille étroitement ajustée conservait toujours la raideur re- cherchée du commencement du siècle; ce ne fut que peu à peu, et à partir des premières années du règne de Louis XV, que les femmes s’enhardirent au négligé apparent qui fub un de leurs grands charmes.

(1) Histoire du costume en France.

Le panier, dont la fureur de l’âge ne préserva pas, ainsi que le disent MM. de Goncourt (1) citant l'exemple d’une centenaire morte d’un accident causé par l'essai d'un panier, le panier fut d'usage jusqu'aux dernières années de la monarchie. Il eut des chances diverses ; en 1765 on ne voyait plus guère que des demi-paniers, appelés alors des 7ansénisles; sous Marie- Antoinette, sans atteindre les proportions qui avaient exigé que les princesses du sang eussent à côté d'elles un tabouret vide, ils reprirent dans les costumes de cour une énorme envereure. Il y avait des paniers à l'anglaise, à la française, à l’espagnole, à l'italienne, de toutes formes et de toutes grandeurs, jusqu'aux petits paniers du matin appelés des considé- rations. Ils étaient inséparables de toutes les toilettes de ville, même du négligé le plus simple, c’est-à-dire du casaquin ou pet-en-l'air dont les basques retombaient sur le panier.

Le panier était une espèce de moule composé de cercles on de cerceaux en baleine, en jone eu en bois léger, rattachés ensemble par des rubans ou du filet fabriqué, dit le Nouvel- liste universel de 1724, sur le modèle des cages à poulets. Après 1725, cette armature reçub une application de toile écrue, ou de gros taffetas et même de drap de soie broché et devint une véritable jupe, tenant lieu pendant l'été de toutes celles qu'on portait auparavant (2). Les paniers se répandirent dans toutes les classes de la société, à tous les étages, dès que M'° Margot eut trouvé le moyen d’en livrer à bon marché, malgré leur enflure princière, en cousant simplement des cerceaux de baleine sur une toile qui formait le jupon. 11 fallut bien que l’Église, scandalisée dès le commencement, dit l'Encyclopédie, regardant le panier comme un encouragement à la débauche, à cause des facilités que donnait cet ajustement pour en dissimuler les suites, laissât faire, après avoir beaucoup blâmé. Cette armature gênante dans les spectacles, les salons, les promenades et surtout dans les voitu- res (deux paniers remplissant un carrosse à deux fonds), avec laquelle celles qui la portaient ne pouvaient ni s'asseoir, ni monter, ni descendre, ni même marcher en compagnie, sans leur faire faire une grimace souvent indiscrète, était encore dans toute sa vogue en 1745. T’avocat Barbier certifie qu'alors pas une femme n'eût osé se l'interdire. On ne redoutait pas beancoup les indiscrétions, à ce qu'il paraît, puisque porter un caleçon, chose rare, était alors considéré comme un signe de mœurs équivoques. On lit dans l'Zncyelopédie de 1765 : « Cette mode tombe; on va aujourd'hui en ville et au spectacle sans panier, on n’en porte plus sur la scène. » Cette réforme ne fut pas de longue durée.

Le 2, portant encore le volant en queue, est le plus ancien de nos trois exemples ; ce panier, en forme d’entonnoir renversé, n’est qu'un premier développement de la eriarde, dont il prit la place. Le 1, dont le haut est arrondi, est le panier à quéridon ; le suivant était dit à la coupole; mais on ne tarda pas à préférer le panier à coudes (voir au 5), plus large par le haut et sur lequelles coudes pouvaient se reposer. Ce panier avait cinq rangs de cercles dont le premier s'appelait le fraquenard.

Qi) La Femme au XVIIT® siècle, (2) M. Quicherat.

La mode était alors d’être laillée en, grand. En supprimant la fontange on s'était, non seulement, comme le dit Saint-Simon, jeté dans l'extrémité du bas, mais on se faisait la tête petite. Il ne s'agissait pas encore ni de la tête très fignonnée, ni du chignon; les cheveux étaient coupés à trois doigts de la tête et on se contentait de quelques frisures sur lesquelles une légère cornette en dentelle et à barbes pendantes était fixée avec des épingles. Cette coiffure fut presque stationnaire jusqu’en 1760. On se chaussait de souliers mignons, à talons de bois comme ceux des hommes, d’une hauteur de trois à quatre pouces, avancés jusque sous la cambrure du pied. Les jupes falbalassées, les lourds brocards à grandes arabesques, furent nécessairement abandonnés lorsqu'on eut à porter des robes pour lesquelles il fallait dix ou douze aunes d’étoffe. Les vêtements les plus lourds furent en drap de soie à grands ramages; l'été, on eut recours aux soies légères, aux cotonnades de l'Inde, au basin, à la mousseline, à la gaze. Le goût du siècle pour le champêtre, qui n’était alors qu’à son aurore, se fait néanmoins sentir dans la parure du 5. Le chapeau de paille à fond presque plat, à bords larges, les bouquets peints sur la robe, le tablier, reparu avec beaucoup de succès dans le costume de moyenne tenue, sont des indices très sûrs du goût naissant ; mais, en reparais- sant, le tablier ne conserva pas la bavette portée par les dames de la fin du XVII siècle. Cette bavette devint le signe distinctif du tablier affecté aux femmes de chambre. Le corsage ouvert rappelait toujours dans sa raideur l’ancienne gourgandine ; le tour de gorge restait le même, et avant de supprimer entièrement le volant manteau, avant de faire le corsage à basques d’où vint le casaquin, l'exemple 1 montre qu'on le portait en croupe, ramassé en un paquet. Le parfait contentement était toujours au haut du corsage, au-dessus des nœuds de ruban plus petits, plus ou moins nombreux, disposés souvent en échelle. On portait la palatine, collier de martre ou de petit-eris, pour l'hiver, et pour l’été, de blonde, de ruban peint, de chenille ou de taffetas découpé en chaîne de fleurs (voir 5). Ce compromis entre les dernières modes du temps de Louis XIV et celles qui devaient prendre tout leur essor à l’époque de la Régence, signale le véritable début du règne des coquettes. On s'essaye ; les paniers, énormes, sontencore massifs. Cette parade, cette magnificence, cet éclat, sont entachés d’une raideur causée par un patron d’étiquette dont on ne s'est point ene° “e affranchi tout à fait; mais ce gourmé ne devait plus durer longtemps et la science fémi allait faire de si rapides progrès, en portant dans la toilette parée le costume sans adhérence, conservant le charme du négligé, que toute l'Europe devait en profiter; la mode universell fut bientôt, et plus que jamais, à la française.

(Le 7 provient d'un document photographique; les autres ont été fournis par des gravures originules de l'époque. Quant au texte, après avoir fait de larges emprunts à M. Quicherat, à M, Paul Lacroix, à AM. de Goncourt, nous ne pouvons que renvoyer à leurs livres, si pleins d'attrait et d'érudition.)

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

TYPES DE LA MODE, PREMIÈRE MOITIÉ DU SIÈCLE.

1 2 3 4 5 6 7 8 : Nos 1 et 4, Nos 3, 6 et 8. Les mantilles. Les habits ordinaires. No12. Nesoietit, Les manches en pagode, Les bagnolettes,

La mantille était une petite écharpe taillée en pointe comme un très long fichu, que l’on croisait en sautoir sur le corsage et qui était nouée par derrière. On l'employait aux demi-saisons,

La bagnolette, coiffure d'hiver, commune aux femmes de toute condition et de tout âge, était une capeline couvrant légèrement les épaules. Que l’on sortit nu-téte’ou en cornette, on prenait toujours la bagnolette pour se garantir du vent.

Le terme de manches en pagode désignait les manches plates ouvertes en entonnoir, mais avec un retroussis qui, dans les habits d'homme, remontait au moins jusqu'au coude, comme on le voit ici.

Dans la première partie du dix-huitième siècle, l'habit fut tantôt souple et flottant ; tantôt raide et ajusté de près sur le corps. En 1729, on bouillonne les pans de l’habit pour lui faire faire le panier. On change les plis de place, on les met derrière, à droite eb à gauche de la fente qui partage les pans. La veste (le gilet) est tenue ouverte très bas, laissant voir la chemise et la cravate de linon ou de mousseline. Parfois un ruban noir noué sous la gorge remplace la cra- vate blanche, et la chemise à un jabot qui tient lieu des bouts pendants de la cravate de linon.

La culotte est restée attachée sous le bas jusqu’en 1730, ce qui permet de juger de l’âge des modes présentes.

Voir pour l’habit et les paniers, en général, la notice de la pl. France XVITIT siècle, ayant pour signe une Patte d’oiseau.

Documents provenant de la collection, dite d'Engelbrecht, dont les figures enluminées, emprun- lées aux gravures francaises, se publiaient en Allemagne et y tenaient lieu de journaux de modes. Cetle collection forme un recueil volumineux qui élablirait à hui seul la faveur avec laquelle les modes françaises, objets de tant de frivolités, étaient alors accueillies en Allemagne.

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FRANCE. XVII: SIÈCLE

COSTUME DE LA NOBLESSE, DE LA BOURGEOISIE ET DES CLASSES POPULAIRES SOUS LOUIS XV. FIGURES HISTORIQUES ET TYPES DE LA MODE. LE CASAQUIN.

1 2 5 1 9 6 ri 5 Non chets et de dragonnes dont deux pendent sur les

épaules ; aigrette ; pendants d'oreilles ; collier de per-

Portrait de Marie-Louise, impératrice d'Allemagne; ; les. Collerette en dentelle garnissant un corsage à

fille de Charles IIT, roi d'Espagne; mariée en 1765 à Léopold IT, empereur d'Allemagne, alors grand-duc de Toscane. Peinture du dix-huitième siècle ; Musée de Versailles.

devant-de-gorge se trouvent brodées la couronne et les armes archiducales; manches en éventail ornées d'un rang d’engageantes et de deux grosses coques de ruban. Sur le panier à coudes, une robe de Coiffure basse à chignon plat; le toupet de devant satin blanc à trois rangs de brocarts d’or, prolon- forme un croissant dont la pointe s'appelait la pAy- gée en une queue très étoffée. sionomie ; le chignon est couvert d'un voile en mous- seline accompagné d’un diadème et d’une aigrette;

Vo pendants d'oreilles ; bracelets; cravate en dentelle; or corsage avec échelles de rubans sur le devant-de-gorge Portrait d'Ulrique-Éléonore, reine de Suède, sœur de et à manches ouvertes en éventail, garnies d'enga- Charles XII, à qui elle succéda en 1719. Peinture du geañtes à double rang de dentelles; panier à coudes dix-huitième siècle; Musée de Versailles. d’une énorme envergure (selon les usages de cour pendant tout le siècle) sous une robe en drap de soie Cette princesse, qui affectionnait le costume masculin, à ramages et à larges rayés. Souliers à hauts talons. est vêtue à la polonaise : bonnet fourré orné d’une aigrette; lontousch bleu garni de brandebourgs et à 8. collet de fourrure brille une large broche en ar-

gent ; écharpe blanche ; déliura, grand manteau sans manches, maintenu sur les épaules au moyen d’une attache galonnée, garnie de boutons en or et en ar- gent; veste et culotte rouges; bas blancs et escar- Coiffure basse relevée sur le front, accompagnée de cro- pins ; sabre recourbé.

Portrait de Marie-Béatrix d'Este, duchesse de Massa ; mariée en 1771 àl’archidue Ferdinand. Peinture du dix-huitième siècle ; Musée de Versailles.

No:2. Type de paysanne.

Comme coiffe, la dormeuse, en usage chez les femmes du peuple ; robe retroussée, à manches courtes; jupe de futaine ; sur la gorge, un châle-fichu recouvert lui- même en partie par la bavette du tablier, Longues mitaines en filet.

INosÿ5 etat. Dames en casaquin.

Le casaquin est une transformation à peine sensible de la casaque; casaquin, pet-en-l'air, caraco, sont les noms que porta successivement, au dix-huitième siè- cles, la veste de femme à grandes basques.

5. Coiffe d’une sorte de gaze appelée marli, dont les barbes sont repliées et fixées avec des épingles ; tour de gorge en dentelle; casaquin retombant sur le panier recouvert de la robe volante.

7. Casaquin serré à la ceinture; robe volante ; palatine de chenille; petite coiffe en marli ; sac à ou- vrage,

6.

Dame de la bourgeoisie.

Pendant la première partie du règne de Louis XV, les

femmes de la bourgeoisie donnèrent une certaine austérité à leur mise. Elle consiste ici en une coiffe en- veloppée d'une mantille nouée dont les bouts retom- bent sur la poitrine ; robe très ample ajustée au cor- sage mais laissée flottante au dos et sur les côtés ; manches en pagodes avec retroussis. C’est le type le plus général du costume ordinaire des dames de la bourgeoisie de cette époque,

Nos Personnage en habit ordinaire (1730).

Chapeau galonné avec cocarde de rubans ; perruque à bourse; cravate blanche nouée sous la gorge ; chemise à jabot ; veste boutonnée seulement à la hauteur de la ceinture; habit souple et flottant avec manches en pagodes à parements rouges; les pans de l’habit sont bouillonnés afin qu'ils fassent panier; culotte attachée sous le genou; souliers bouclés à talons de bois.

Il y avait des talonniers de profession; c'est sans doute cette industrie, exercée par un grand nombre de bras, qui contribua à éterniser la mode des talons hauts,

Le 2 provient de la suite d'estampes de Dupin : Costumes des diverses classes de la société française Î p 1

au dix-huitième siècle.

Le 6 est tiré de la Continuation des démonstrations de miracles opérés à l’intercession de M. de Paris, 1741.

Les n°° 5, T ét 8 font partie de la collection dite d'Engelbrecht (voir la planche CE, France XVITIe siècle).

Voir pour le texte : Quicherat, Histoire du costume en France, et Paul Lacroix, le Dix-huitième siècle,

Institutions, Usages et Costumes.

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

UN CABINET DE TOILETTE VERS 1760. LE MAINTIEN.

A une époque la mode s’épuise en variations sur le thème ingrat du corsage baleiné, de la robe à dos flottant, du panier à large envergure, du soulier à haut talon; alors que la forme du corps humain disparaît sous un ajustement de plus en plus chiffonné et confus, et que, pour le dire comme M. Quicherat, il semble que cette forme n'existe pas, on est heureux de rencontrer, sans le dévergondage trop habituel, une portraiture propre à faire ressortir la nature corporelle, la complexion de la femme, telle que la voulait la mode, au plein cœur du XVIIT® siècle. C’est à Baudouin, gendre de Boucher, l’un des peintres les plus élégants de l’époque, qui, comme le disent MM. de Goncourt, « avait l’indécence bien apprise, » que nous devons la bonne fortune de cette rencontre. Dans la scène que nous représentons, presque naïve lorsqu'on se reporte à l’époque, cet artiste agréable s’est élevé jusqu’à la véritable pein- ture des mœurs. Û

Entre les trois caractères généraux de la femme du siècle, très disertement dégagés par MM. de Goncourt, au début les princesses de l'Olympe, arriérées des héroïnes à la Scudéri, quittant le brocart pour les dominos et les écarts de la Régence, et vers la fin les lectrices de romans, poussées vers la sensibilité par Jean-Jacques, rendant le sein des mères à leurs enfants, la femme de l’époque de Louis XV a une allure propre, un caractère particulier, utile à reconnaître; car c’est elle qui se trouve le plus en harmonie avec le costume de poupée, dont nos yeux sont, pour ainsi dire, encore pleins.”

La notion de la beauté s'était singulièrement modifiée avec le rapetissement des mœurs. Le principal était alors que le visage eût ce qu'on appela de la physionomie. Les véritables beautés, que l’on comptait, étaient dépréciées; on trouvait que certaines irrégularités de lignes, loin d'être messéantes, offraient, au contraire, plus de ressources pour se faire un minois de fantaisie, un visage de goût, un air chiffonné. Le meilleur compliment, le portrait

le plus flatteur, consistait à dire quelque chose dans le goût de ce passage de Bachau- mont : « Si elle n'est pas tout à fait une belle personne, sa gentillesse l'en approche tont auprès. » Or, comme, ainsi que le remarquent MM. de Goncourt, « la mode façonne le visage de la femme, » pour arriver à piquer par la mine et se faire un visage au dessus du joli, voici les traits qu’elle voulut avoir, et ce qu'elle fut : Des yeux à la chinoise, « car les « plus beaux yeux du monde sont de grands yeux qui ne disent mot; » « le nez fin et noble & au plus joli, dans lequel il se passait certain petit jeu imperceptible qui animait la physio- « nomie » ou le nez retroussé, tourné à la friandise; » « la bouche ne dût pas être petite ni le teint d’une blancheur fade »; ce qui faisait de la question du rouge une grosse affaire.

L'héroïne de la scène que nous reproduisons donne une idée assez exacte de ce type amoin- dri, de cette créature au corps gracieux et fin, à la tête spirituelle, dont le caractère est facile à reconnaître dans la sveltesse de la Poisson dont la maigreur même fût considérée comme un exemple de bon goût.

Le cabinet de toilette représenté est de 1760-1765. Le style de la décoration intérieure, de mode fraîche, est l'aurore de celui qui prit en se développant, le nom de Louis XVI. Les architectes, comme Gabriel au Garde-meuble, commençant à profiter des trouvailles de Pom- péi, inauguraient alors ce goût nouveau, dont l'influence se fit bientôt sentir jusque dans les ajustements, tout, soi-disant, était à la grecque. La conversion est ici si récente, que parmi les objets mobiliers, comme le cartel, le miroir de toilette, il en est qui appartiennent encore au genre roCOCo,

La jeune femme se fait habiller pour la sortie ou le diner; on dinait alors à quatre heures; l'aiguille du cartel en marque trois ; une fille de chambre ajuste le corps échancré, serré des deux côtés, lacé dans le dos. La dame qui se contemple dans l'éclat de son décolleté est une créature de formes élécantes ; l’opulence de son buste est un adroit mensonge, car cette femme n’a pas plus les seins de la maternité que ne les avait naturellement la Pompadour. Son allure est dégagée, décidée, cavalière; familière avec les recommandations du Zvre à la mode, cette poupée connait les rengorgements d'ostentation, les œillades, les morsures des lèvres, les grimaces et les airs mutins. Si elle n’est plus assez juvénile pour avoir conservé le teint de couvent, si apprécié, si recherché, elle est loin d’avoir besoin de recourir à l’eau de chair, Si admirable pour les teints jaunes et bilieux; tout au plus recourt-elle à l’eau pour conserver le teint fin des personnes maigres. La chevelure nue est disposée selon l’école de Frison ; elle est de peu de volume, en boucles, à chignon plat, affectant des allures presque naturelles, à la grecque, selon l'époque. Elle dégage le cou, laissant la tête petite ; ce genre, longtemps stationnaire, précède ici de peu l'élévation que la chevelure féminine devait rece- voir des mains de Legros. Le corsage est long, de ceux qui, avec l’ample panier (encore sous le rideau du porte-manteau ), donnaient au corps fluet l'aspect d'un oranger en caisse. Les bas blancs à coins brodés, les souliers blancs, pointus, à la boucle décorée d’émail ou de pierreries, à hauts talons de bois, parent la jambe et le pied. La chemise est assez courte; cette exi-

guïté n’est pas faite pour contrarier les Indiscrétions cansées par les mouvements du panier; nous avouons toutefois avoir peine à admettre, avec M. Quicherat, que l'accident produit par le lacet accrochant la jupe, soit le résultat d'une préméditation, ayant pour but d’ang- menter les chances de l’indiscrétion. Il nous semble que la version donnée par MM. de Gon- court, ne voyant qu'un jeu d'artiste, est plus proche de la vérité. La robe jetée sur le fau- teuil est de ce genre négligé que l’on affichait dès les premières années du règne de Louis XV, genre dans lequel on s’était de plus en plus enhardi. Dans un coffre ouvert, on aperçoit les nombreuses fanfioles de la toilette,

Si la belle s’admire en se disant : me voilà telle que la nature m'a faite, elle se trompe; elle est aussi près de la simplicité primitive que le bichon assis à ses pieds; les petites chiennes gredines, aux oreilles longues, à la queue soyeuse, aux pattes grêles, sont également le produit de l'industrie humaine et de l'éducation, comme l’est lui-même le joli homme qui assiste à cette toilette, jeté si négligemment dans un fauteuil, renversé pour plus d’aise, la veste étalée, l'épée ramenée, accoudé d’un côté, l’autre bras rejeté en arrière, les jambes croisées. C’est un galant, et les roses qu'il tient à la main font assez voir qu'il est « furieusement épris de la petite personne; » c’est le fat, mis en vogue par deux ou trois coquettes, « celui qui se plaît d’abord tant à lui-même, » sur les lèvres duquel voltigent les propos badins, « le petit mon- sieur qui donne ses décisions pour des oracles, » si plein du talent qu’il a de donner des ridi- cules; « c’est un homme unique, bien venu partout; » ce railleur qui persifile, mais ne rit point, car le rire est devenu bourgcois, est de ces gens, « dont une femme se fait honneur, » peut-être est-il de ceux « qui sont en passe de tout ; » « peut-être a-t-il un beau nom et un réoiment ; » peut-être est-ce un de ces marquis ayant tous les vices à la mode, de la fatuité et des dettes, répondant à leur intendant : « Parbleu ! laissez-moi me ruiner gaiement et sans y penser, » C’est à coup sûr l’un de ces compagnons de plaisir, dont une femme aimait à dire : « Son air m'enchante, son ton, ses manières, »

La femme de chambre qui agit ici avec la dextérité professionnelle, jeune, souple, por- tant le tablier à bavette et la coiffe en papillon, est à pen près la Liserte du théâtre; con- naissant tous les secrets particuliers de sa maîtresse, elle est avec celle-ci sur le pied d’une intimité indéfinissable, dit Mercier, mélange de familiarité, de confiance, tempéré par une

hauteur entachée de quelque mépris.

En rapprochant de l’aisance, du laisser aller de bon ton du marquis de 1760, le maintien de correction académique, que Lancret a donné à Grandval dans le rôle du Philosophe marié, portrait peint en 1742, nous nous sommes proposé de marquer, en outre des nuances du costume, le changement de manières qui s'était produit pendant le cours du siècle. Cette figure a de plus l'avantage de montrer l'attitude recherchée par des hommes élégants, es- claves des convenances et de l'étiquette, mais affectant sans doute le sourcil plissé du fron- deur, auxquels, pour les ridiculiser, on appliqua alors le nom de philosophes. La comédie,

manquée d’ailleurs, est de 1727 ; peut-être faudrait-il chercher plus haut que le poète qui l'a écrite, l’instigateur de cette fade raillerie. Destouches avait été le premier secrétaire de l'ambassade de Dubois, à Londres. Quoi qu'il en soit, Grandval représente ici dans leur caractère ceux que, les premiers, on appela philosophes. Sa tenue est d’un véritable sei- eneur eb son allure est la reproduction de celle des hommes de cour contemporains. Les acteurs ne donnaient pas encore le ton; les mémoires de Fleury font voir que les mimes recevaient alors leurs leçons les plus fructueuses des gens du plus grand monde, beaucoup plus expé- rimentés sur les choses de la véritable élégance que ne létaient les gens de théâtre. La correction gourmée de cette attitude (avec sa raideur, ses pieds en dehors, son regard pro- jeté en dehors, Grandval semble figurer dans un menuet) tient encore aux usages en cours du temps de Louis XIV, prolongés pendant la première partie de celui de Louis XV. Puis le relâchement de la tenue vint avec l’affaiblissement de ce que le duc de Luynes appelle, dans ses Mémoires, les usages les plus respectables. [1 le déplore, et oppose à la simplicité expé- ditive des jeunes courtisans de Versailles, les manières solennelles de l’ancienne cour : I] « y a encore un usage de respect qui paraît s’oublier tous les jours, c’est les révérences des « hommes au roi et à la reine, aux arrivées, départs et remerciements; ces révérences se & faisaient par une inclination profonde, en portant la main jusqu’à terre ; quelques anciens courtisans la pratiquent encore, c'était aussi une marque de respect que les révérences que « les hommes faisaient au lit du roi, en passant par la chambre à coucher. »

(Voir pour le texle : La comédie, les Mœurs du temps, par Saurin; représentée en 1760. La Correspondance de Bachaumont, l'Esprit public au XVIII siècle, par M. Ch. Aubertin, Paris, Didier, 1873. L'Histoire du costume en France, par M. Quicherat, Paris, Hachette, el surtout, le livre charmant de AT. de Goncourt : La Femme au XVITI siècle. Paris, Didot, 1862.)

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FRANCE. XVIII" SIÈCLE

PORTRAITS DE FEMMES.

Les costumes représentés ici appartiennent à différentes époques du siècle, depuis 1720 environ, jusqu'en 1789 (sauf la période dite de Marie-Antoinette).

Lorsque la fontange exhaussée tomba à plat devant le déplaisir de Louis XIV, les femmes remplacèrent ce souvenir du Hennin du XV° siècle par des coiffures variant avec le goût du jour, mais ni volumineuses, ni élevées. Ge ne fut qu'en 1750 qu'une tendance nouvelle se dessina sous ce rapport; aussitôt après la mort du roi, la mode, échappant à l'influence mona- cale de M"° de Maintenon, prit une physionomie des plus riantes. L'emploi d’étoffes légères et brillantes, de couleurs claires, étalées bientôt sur les volumineux paniers succédant aux modestes criardes, fit au siècle de Louis XV comme une aurore charmante tout parut d’abord rajeuni.

Le n°1 est un portrait peint par Nattier; c’est une de ces œuvres où, sous une apparence d'idéalité, des comédiennes de goût, des artistes comme Watteau, la Rosalba, etc, mani- festèrent des tendances de simplicité relative qu'ils firent prévaloir un certain temps. La coiffure est un véritable caprice; mais la robe d’un satin uni, sans garniture, est de coupure historique ; la fine collerette, l'ouverture de la robe, la rigueur du corset est dissi- mulée sous la lingerie sans apprêt, font de cette peinture de 1720 à 1725 un document inté-

ressant.

Le 2 est le portrait d’une fillette dont le costume a toute la physionomie de ceux qui figurent dans le bal paré donné à Versailles en 1745, dessiné par Cochin : l'extrême ampleur des paniers, le tour du cou, la dimension et la nature des manches, la robe baleinée, le cor- sage étroit en pointe prolongée, la forme de la guimpe, la poudre, rien n’y manque. La peinture est de Voille.

N°3. La dame représentée porte une de ces robes à falbalas dont la garniture abon- dante et touffue produit une étrange confusion. Le volant part du haut du dos, comme dans les robes à la Watteau; sur le corsage elle est flottante, et à peine le linge se montre-t-il au haut du corset ; au-dessous du large ruban de la cravate nouée par derrière, une véritable guirlande de fleurs, faite en broderie, descend entre les deux seins, en se croisant sur la poi- trine, Les manches ouvertes sonë accompagnées d’engageantes à triple rang de dentelles. La chevelure est poudrée à blanc et surmontée d'une légère coiffure fleurie de forme indécise, dont les barbes allongées couvrent le chignon. Ce portrait date environ de 1760 ; il est de Drouais.

Le 4 appartient à la classe bourgeoise. La coiffure est du genre de ces cornettes lé- gères, très en usage, que les grandes dames portaient seulement à la chambre et que l'on dé- signait sous le nom de PAPILLONS. C’est après 1760 que des échelles de rubans furent ajoutées au devant de gorge. (Quicherat, Æistoire du costume). C’est aussi à partir de cette époque que les manchettes furent taillées en éventail, c’est-à-dire plus longues sous le coude qu’en dedans des bras. Le fichu et les manchettes paraissent en linon légèrement brodé. Cette

peinture est anonyme.

Le 5 est le portrait d’une jeune personne en fourreau; on nommait ainsi les fausses- robes n'ayant pas de queue; cette fausse-robe se laçait dans le dos et elle était taillée sur un corps en bougran baleiné plus ou moins, jusqu’à être parfois un corps de baleine plein, dans lequel la taille était prise comme en une gaîne. La coiffure, non poudrée, ou poudrée à blond, est un fapé, genre qui prit naissance après 1750. Avec le bout des cheveux relevés de la nuque on formait une espèce de cimier dont les dispositions variaient. Les cheveux du devant de la tête étaient crépés, ceux qui servaient au cimier restaient lisses. Ceux qui massés latéralement, contribuaient à figurer sur le front un croissant renversé étaient appelés favoris. La peinture est de Mathieu Werheyden.

Le 6 est de 1789, la date, dans l'original, est inscrite, sur le livre tenu en main. Le ruban tricolore fixant le bonnet est bien de cette date; quant au bonnet lui-même, il était connu depuis plus de vingt ans sous le nom de la dormeuse. Le costume se rapproche des habits masculins dont les femmes s’engouèrent pendant les dernières années de la monarchie, l’on portait tout à l'anglaise et à l'américaine; le fichu, d’une mousseline très-transpa- rente, complète l'ensemble simple et bourgeois qui convient parfaitement à l’âge de la per- sonne représentée, Cette peinture est anonyme,

Les 1-2, appartiennent à ML. le docteur Piogey. 3, à M. Redron. 4-6, à M. Evette. 5, à M. Antoine Baer. Ces peintures ont été exposées en 1874 par l'Union centrale des

beaux arts appliqués à l'industrie. (Exposition du Costume.)

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LE MONDE ÉLÉGANT; LES FILLES DU PEUPLE (1735 1755).

La Ravaudeuse et l'Ouvrière en dentelle.

Ces deux sujets du bas de la planche, sont tirés d'une suite de six planches publiées en 1737, ainsi que le témoigne le Mercure de France de cette année-là. Charles-Nicclas Cochin, âgé alors de vingt-deux ans, s'y révélait comme dessinateur aux yeux d'un public étonné,

Le ravaudage qui, de son sens propre, est le rac- commodage à l'aiguille de méchantes hardes, et com- porte l’idée d'une besogne -hâtive et grossière, était souvent nécessaire pour les gens qui, voulant avoir la jambe bien faite, attirant le regard, la moulaient d'un bas fin dont la trame délicate et tendue était sujette à de fréquentes avaries ; la moindre déchirure ne se pouvait souffrir, et si l'accident se produisait dans la rue, de quelque rang qu'il fût, un homme recourait, pour la reprise de son bas, à l'aiguille de la ravaudeuse, qui n’était jamais bien loin : il y en avait partout, en pleine rue, à presque tous les coins où, en général, à l'abri d'un méchant au- vent sous lequel étaient appendues quelques nippes dont les réparations étaient son occupation habituelle, la ravaudeuse se tenait assise sur une chaise basse dans une moitié de tonneau : le fond servant de plan- cher sux le pavé, le tour protégeant les jambes contre le froid.

L'ouvrière en dentelle est de la famille de ces gri- settes qui, dit Mercier à la fin du siècle, étant filles du petit peuple, sont accoutumées dès l'enfance à un travail assidu dont elles doivent tirer leur subsis-

tance ; monteuses de bonnets, couturières, ouvrières en linge, etc., elles se séparent à dix-huit ans de leurs parents pauvres, prennent une chambre particulicre, et y vivent à leur fantaisie. Dix’ à douze sous cons- tituaient alors le salaire d'une journée de femme,

Cochin ne montre pas ses artisans du peuple en figures isolées, comme l’a fait Bouchardon dans la suite magistrale des Cris de Paris et de ses petites in- dustries. Jeune et de son temps, Cochin recourt à la grâce amusante et piquante du joli, et il prend plai- six à rapprocher les classes en des scènes qui appar- tiendraient à peine aux tableaux de mœurs fripons» n'était la grivoiserie des légendes, affaire de l'éditeur de ce temps-là.

La liberté de l’action d'un seigneur prenant, en pleine rue, le menton d'une jolie ouvrière, n’était pas de ces choses qui pussent beaucoup étonner alors, Il y avait dans les mœurs, disent MM. de Goncourt, une naïveté, une liberté, une certaine grossièreté in- génue, qui faisait de la pudeur, dans toutes les classes, assez bon marché, » Au fond, il y a dans ces estampes une observation intéressante de la teuue des gens, de leur attitude selon leur caractère, que le contraste contribue à faire ressortir,

La ravaudeuse est plus simplement mise que la den- tellière, quoiqu’on retrouve dans son costume quelques traits de la mode du jour, tels que la manche courte et le soulier pointu. Sa jeune poitrine est imparfai- tement cachée par le mouchoir de cou que les co- quettes appelaient le venez-y-voir, et elle montre un visage naïf, dépourvu de toute espèce de friponnerie, aucune duplicité de sa part ne répond à la flatterie

dont un joli seigneur lui fait un hommage à sa taille ; elle se montrerait plutôt prête à s'en défendre,

Tout beau, téméraire garçon. Tu dois craindre que cette fille Dont tu caresses le menton

Ne te pique de son aiguille,

Le charme de l'ouvrière en dentelle, de l’ouvrière en chambre, comme la montre Chardin, est également dans sa jeunesse, La tournure générale de son costume est d’une certaine austérité ; cette grisette, avec son large tablier à haute bavette, son travail ininterrompu, tout en prêtant l'oreille aux propos galants, est bien la fille du peuple vivant de son labeur.

Les jeunes élégants introduits dans ces deux scènes sont aussi bien indiqués. Cesont de ces jolis gentilshom- mes de cour qui séduisaient par leur peau blanche comme la peau d'une femme, » ne négligeant pas d’ail- leurs la mouche assassine pour faire valoir cette blan- cheur. Leurattitude, leursans-gêne, convient à l'homme Gcertain d'être de ceux dont la personne plaît entiere- ment. » Celui dont on reprise le bas n’est rien moins qu'un officier de la maison du roi, l’un des cent, ou plutôt, à cette époque, des deux cents gentilshommes au bec de corbin, La canne haute se terminant en bec de faucon était l'insigne de ces officiers marchant deux à deux devant le roi les jours de cérémonie, et se te- nant auprès de lui les jours de bataille. Ce gentilhomme à la mode du jour est vêtu de l’habit souple et flot- tant, de la veste boutonnée vers la ceinture, de la cu- lotte nouée sur les bas. Son soulier, dont on arrondis- sait le bout depuis 1720, le faisant plus ou moins pointu, est bouclé et porte encore la pièce conservée jusqu'en 1740; le cuir en est noirci; le talon de bois, d'une hauteur modérée, est peint en rouge comme marque de gentilhommerie, $a chevelure nonée en queue est poudrée à blanc ; une mouche à la joue y at- tire le regard, La cravate n’est plus le linon ou la mousseline à bouts pendants, mais un ruban noué sous la gorge. Le devant de la chemise esb garni d’un flot de dentelle. Le chapeau est tenu sous le bras.

Ce chapeau est le tricorne, déjà très réduit, que l’on voit sur la tête de celui qui courtise la grisette ; les bords en étaient galonnés, on y mettait une cocarde

de ruban, l'intérieur des retroussis était garni de plu- mes. Le chapeau servait autant à donner du main- tien qu'à couvrir la tête; on le tenait sous le bras pour ménager la perruque, mais il n’était point malséant, en société, de rester la tète couverte. Le manchon, qui était toujours de mise pour les hommes, avait cependant perdu de son volume, Celui que l’on voi£ ici n’a plus le cordon d'attache, le passe-caille, qui le sou- tenait à la hauteur de la ceinture; ce n’est qu’un petit fourreau d'étoffe dont le pelage est à l’intérieur, se montrant aux deux extrémités. Il est en harmonie avec la demi-toilette que l'on prenait pour la visite en né- gligé, en polisson. Dans ce costume la veste est bou- tonnée sur la poitrine jusqu'au cou ; on y peut remar- quer que la pièce du soulier est abaissée sur la boucle, ce qui fut la dernière maniere de la porter. On divisait alors par un ruban les cheveux en deux parties que l'on désignait par le nom de cadenettes, souvenir du temps de Louis XIII, et l’on ramenait l’une des touffes sur l'épaule, en avant, Il était de coutume que la veste répondit par son luxe ou par sa simplicité à l’habit qu'elle accompagnait; la plupart du temps ce luxe ne consistait que dans les boutons et les boutonnières, les galons ne figurant plus que dans l'uniforme militaire et les habits de la livrée domestique,

Groupes mondains.

Les deux groupes du haut de notre planche reprodui- sent des croquis de Joseph Vernet, finement gravés sous la direction de Le Bas, qui n’a malheureusement repro- duit en une suite d’estampes qu'une douzaine de ces groupes provenant des études que Joseph Vernet faisait pour peupler les tableaux de ses ports de France. La f- nesse et le brillant de ces petites pièces les font recher- cher comme étant une expression vraie de la physiono- mie des choses du temps. C’est à ce titre que nous les reproduisons, Ces gravures assez rares justifient ce que M. Léon Lagrange, dans son livre sur les Vernet, dit de Joseph : «S'il n’eût pas été le grand peintre de marines que l’on admire, il eût fait le plus délicieux des pein- tres de mode, Il possède à un degré éminent l'esprit du costume, et par costume il entend bien ce qu'il faut entendre, non pas seulement la forme et la couleur des habits, mais la façon de les porter, l'allure qu’ils impri- ment au corps, les manières, les mœurs d’une époque, »

Voir pour le texte : La Femme au XVIIIe sitele et L'Art au XVIII siècle, par MAL. Edmond et Jules de Goncourt; L'Histoire du costume en France, par 21, Quicherat,

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

COSTUMES DES CLASSES MOYENNES. LES PETITES BOURGEOISES ET LEURS ENFANTS. (1739-1749.)

Chardin, peintre de la bourgeoisie, à ressuscité le genre familier et domestique, abandonné

en France depuis Abraham Bosse. dans un milieu de peine et de travail, cet

artiste, en même temps qu'il à retracé les

images de sa vie, a montré les scènes d'ordre et de calme, les mœurs douces et sérieuses qui caractérisèrent de tout temps la petite bourgeoisie ; aussi les meilleures et les plus honnêtes impressions se dégagent-elles toujours de ses compositions.

Dans leurs petits cadres, les 1,2 et 3, fragments empruntés à Chardin, représenten£ ici la mère et la gouvernante auxquelles revient toujours le peintre et qu’il fait mouvoir si nabu- rellement dans le décor et les actes de la vie ordinaire et quotidienne ; c’est ensuite la tour- nure de ces futures petites bourgeoises aux airs si fins et si coquets; puis, écolier, le polis-

son, tout pétillant d'esprit et de malice.

No 1. Le négligé ou la toilette du matin.

L'arrangement des meubles, la rusticité des chaises et la nudité des murs indiquent suffisamment la con- dition des personnes représentées dans cet intérieur. C'est par une matinée d'hiver que l'on se dispose à partir pour la messe ; la maman, vêtue d’un coquelu- chon noir et la jupe retroussée, arrange des deux

mains, sur la tête de sa fille, le nœud d’une gracieuse fanchon, tandis que la petite, impatiente de sortir, et déjà le manchon à la main, coule de côté les yeux vers la glace, en retournant la tête et en se souriant à demi. Sur la toilette, la chandelle qui à éclairé le lever et l'accomplissement de ces préparatifs, brûle encore, décrivant dans l'air des ronds de fu- mée, Sur un tabouret, attendent le manchon et le gros livre de messe de la mère.

No 2. La bonne éducation.

La mére fait réciter l'Évangile à sa fille qui est de- bout, embarrassée, les mains sottes et cherchant sa réponse au parquet. Rien de sérieux et de modeste comme le costume de ces deux figures : la mère de famille est coiffée de la cornette sans pattes qui était alors le bonnet négligé des petites bourgeoises: sa guimpe, ainsi que le corsage de sa robe en caleman- dre rayée, sont garantis par la bavette du tablier ; la jeune fille est vêtue d’une Jausse-robe à queue dont le corps corsage consiste en un appareil en forme de gaîne qu'un antique usage avait consacré comme une chose indispensable pour empêcher la taille de se gâter dans le jeune âge. Une fausse robe, dont la jupe n'avait pas de queue, s'appelait le fourreau.

No 8. La gouvernante.

Elle est en train de vergeter le tricorne du petit gar- çon à qui elle recommande de bien prendre le droit chemin de l’école; celui-ci, qui vient de quitter la raquette et le volant, a déjà sous le bras son paquet de livres ficelés ; il garde une attitude sournoise, in- diquant plutôt une préférence pour le chemin des écoliers, Svelte, élancé, ce petit bonhomme à la taille admirablement dessinée par un habit à paniers et aux manches en bottes ; ses cheveux ont leur touffe de derrière fortement serrée par un ruban

tortillé : c’est le catogan. La dame, assise dans un fauteuil du bon vieux temps, a la cornette de né- gligé, la guimpe et une robe de laine retroussée sur une jupe, toutes deux recouvertes par les grandes ondulations d’un tablier de toile blanche.

N°4, Le billet doux.

Il n’est pas besoin de le dire, le billet doux est apporté

dans un intérieur absolument différent de ceux dont il vient d'être parlé. L'estampe originale, d’après Aubert, est gravée par Duflos. Décolletée en carré, Philis a une mise Cartistement négligée » qui con- siste en une robe à dos flottant (la robe à la Wat- teau) et à manches courtes garnies de mousseline ; corsage enrubané d’une échelle ; sous la robe aux grands pans ouverts, une jupe falbalassée découvrant deux petits pieds chaussés de mules de satin, Une de ces mules a été abandonnée sur le canapé; car cette mignonne personne vient de quitter subitement sa pose paresseuse pour lire le billet que lui apporte un commissionnaire, dadais qui semble la couver mélancoliquement du regard.

Le cadre dans lequel se déroule cette scène muette, est un de ces petits boudoirs aux panneaux sculptés et surmontés de trumeaux représentant des sujets galants, mythologiques. L'ameublement est du genre rocaille qui, s’harmonisant avec les parties différen- tes d'un même tout, produisait des ensembles d’un goût réellement fin et véritablement séduisant au sortir des mains françaises, Boucher regnante.

Les n°%1, 2 el 3 sont empruntés aux gravures que Lépicié et Lebas ont exécutées d’après les tableaux de Chardin.

Len 4 est signé : Aubert pinxit Duflos sculpsit.

Voir, pour le texte : Charles Blanc, Vie des peintres e MA. de Goncourt, l'Art au dix-huitième siècle.

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EUROPE. XVIIE SIÈCLE

FRANCE, SIÈGES DE LUXE. SECONDE PARTIE DU SIÈCLE, LA CHAISE A PORTEURS,

La chaise à porteurs, représentée dans nos musées et collections par quelques brillants spéci- mens de ce dix-huitième siècle qui a su donner tant de grâce aux choses usuelles, serait insuf- fisamment connue si l’on s’arrétait à contempler seulement les types les plus riches ou les plus élégants de ce genre de véhicules, ceux l’on se plait à revoir la noble dame, dont l’ortho- graphe ne devait point être trop exacte, dit Saint-Evremond, « il n’est pas de la dignité d’une personne si considérable de bien orthographier ; » ou bien le joli homme de cour, tout soie- ries, cordons, dentelles, pierreries et boîtes, le disputant aux dames sur le terrain de la coquet- terie; la chaise à porteurs enfin, dont les décors à la Céladon convenaient si bien aux perles qu'on y enchâssait, au frais minois de la Chiffon que le caprice d’un grand seigneur d’un gros financier faisait reine d'un jour, en promenant dans son Jardin de propreté à cage co- quette palpitait un cœur d'oiseau, d’un naturel en harmonie avec celui des parterres de broderie.

Cette chaise d'apparence féerique, dorée, peinte, dont les modèles, dus à des maîtres artisans, se rencontraient parmi les chaises à porteurs comprises dans la carrosserie royale, service de la petite écurie, donnait le ton aux diverses personnes de distinction de la suite du Roï, Le luxe de ce palanquin, la beauté se faisait promener comme dans une pagode, devait convenir aux brillantes réunions de Versailles. Il était à sa place dans la cour de marbre, sous le couvert des allées du parc, sur les sentiers roses de brique pilée du boulingrin, mais il ne ferait guère comprendre la chaise à porteurs que comme un caprice de la mode, faute d'en pouvoir suffi-

samment justifier la nécessité en la voyant dans des milieux bien entretenus, s’il fallait s’en tenir à ceux-là,

C’est en sortant des cours pavées de marbre et des allées du jardinage, c’est en regardant les

rues du dix-septième et aussi celles du dix-huitième siècle que l’on se rend compte des motifs qui firent imaginer la chaise à porteurs, dont tout le monde européen devait contracter l'habi- tude, et si largement que, en outre des chaises que possédaient toutes les familles de quelque rang, les chaises à porteurs, mises en régie dans les cités opulentes, furent à la disposition de toutes les classes, comme le sont nos voitures de place.

Ce sont les Anglais qui ont imaginé la chaise à porteurs, La première que l’on ait vue en France, fut apportée de Londres à Paris par M. de Monbrun, bâtard du duc de Bellegarde, le grand écuyer de France sous Louis XIIT. Cette circonstance fixe la date de l'importation du genre parmi nous, sans donner, au juste, l’âge de l'invention chez nos voisins; ce que l’on peut signaler sur ce sujet, c’est qu'il fallait que la chaise à porteurs fût entrée bien largement dans les mœurs anglaises en 1668, année fut imprimé le premier volume du poème d'Hu- dibras, pour que Butler y parle du cucking-stool, dont Tonneley explique ainsi l'usage : Pour punir les femmes erivrdes et querelleuses (conformément à une loi formelle que l’on a re- trouvée dans les anciens règlements de la commune de Rouen pour l'immersion des femmes criardes), on les suspendait sur un endroit plein d’eau, dans une chaise soutenne par des cor- des qui la faisaient plonger à volonté. Le ewcking-stool, la cage l’on baigne les femmes que- relleuses, disent les dictionnaires anglais, à, comme on le voit, tous les caractères de la chaise à porteurs ; les brancards y sont remplacés par des cordes passées dans les anneaux fixes, et, nous le répétons, il fallait que la chaise à porteurs fût entrée bien avant dans les mœurs, pour voir appliquée en 1668 à un pareil usage. Le cucking-stool était, d’ailleurs, un adoucisse- ment que la galanterie anglaise, dit de Laurière, apportait à la dureté de la loi normande.

À propos des eris de Londres (voir notice pl. CT), nous avons parlé des embarras de ses rues, dont il faut, de plus, connaître la nature pour sentir la nécessité de la chaise à porteurs, et pourquoi il était indispensable que cette boîte, close par des vitres , fût fermée de toutes parts. Disons de suite que le mode de locomotion de la chaise n’était point pour étonner dans une ville où, d'habitude, les transports perpétuels qu’exige le commerce ne se faisaient qu'à bras d'hommes et à travers un embarras perpétuel,

Dans le quartier le plus actif de Londres, renouvelé depuis le terrible incendie de 1666, les rues se trouvèrent encore pavées de manière qu'à peine y trouvait-on à poser le pied, et qu’il était impossible d'y tenir en carrosse ; de plus, elles demeuraient d’une éternelle saleté. Le pavé de grès manquait tellement à Londres au moment cette ville réparait ses ruines, que ce pavé, qu'il fallait faire venir à grands frais du nord de l'Angleterre, on dit que Louis XIV offrit à Charles IT de le lui fournir en échange du beau sable qu'emploient les Anglais dans les allées de leurs jardins et qui, bien battu, prend l’uni d’un parquet. On aurait voulu avoir de ce sable pour les maisons royales; mais c’est une négociation qui, si elle a été entamée, n’a pas eu de suites,

Les plus grandes et les plus belles rues, telles que le Strand, Cheapside, Holburn, etc, se- raient restées inabordables si, pour la commodité des gens de pied, elles n'avaient eu, de part

et d'autre, des trottoirs de quatre à cinq pieds de large, et, pour la communication d’un trot- toir à l’autre à travers la rue, de petites chaussées en dos d'âne, plus élevées que le niveau de la rue et garnies de pierres larges, triées avec soin pour ceb usage. (Ces conditions sont, en principe, et sur une plus large échelle, les mêmes que celles de la rue pompéienne, encaissée entre les trottoirs et dans laquelle ne pouvaient guère circuler que des litières portées à bras, sinon la chaise même, que les anciens ont connue et qui était surtout à l’usage des femmes. (Voir la notice de la pl. ayant pour signe la Cocotte.) IT est aisé d'imaginer, dit Grosley, qui visitait l'Angleterre vers le milieu du dix-huitième siècle, de quelle incommodité sont, pour les voitures, ces chaussées très fréquentes.

Dans la plus belle partie du Strand, continue ce même voyageur, j'ai vu pendant tout mon séjour à Londres le milieu de la rue, vers l’église de Saint-Clément, constamment garni d’une boue liquide et infecte, à la hauteur de trois à quatre pouces; boue dont les éclaboussures cou- vraient les piétons de la tête aux pieds, remplissant les carrosses dont les glaces n'étaient pas levées, et enduisant tout le rez-de-chaussée des maisons qui s’y trouvaient exposées. Toutes les matinées, les apprentis étaient employés à laver les façades des boutiques pour enlever les éclaboussures de la veille. À cette époque, lon n’était encore parvenu à paver en grès que la grande rue du Parlement qui va de Westminster à Charing-Cross, et une partie seulement de la belle rue du Pallmal, ces deux voies se trouvaient seules séchées en mai; tout le reste de- meurait enseveli sous des flots de boue entretenus par un arrosage régulier, d’un usage très aucien à Londres, l’on s’en est pour ainsi dire toujours servi pour la propreté des ponts eb des grands chemins les plus voisins de la capitale, Les carrosses les mieux suspendus les plus étoffés n'étaient encore que de vraies charrettes, exposées au plus dur cahotement occa- sionné par l'inégalité et l'instabilité d'un pavé, qui n’était point soumis à l’action de la demor- selle, ce qui, pour y obvier, fit établir à Londres que les voitures qui servaient au transport des lourds fardeaux, des matériaux de construction, entre autres, porteraient des jantes d’un demi-pied de large et auraient le cercle de leurs roues garni d’une largeur de trois fers ordi- naires, afin que ces roues remplissent perpétuellement l'office de la demoiselle ; leur pesanteur énorme procura, en effet, ce résultat mais en rendant les éclaboussures plus fréquentes et plus copieuses. .

La chaise à porteurs, malgré ses inconvénients, était vraiment le seul véhicule qui convint à travers tant d’embarras.

À Paris, en l’année 1729 on trouvait encore les rues très sales, à cause des ruisseaux dans lesquels on faisait couler toutes les eaux ménagères et infectes, même le sang des animaux tués chez les bouchers, la chaise à porteurs avait réussi d'emblée.

On pourrait dire que l’existence de la chaise à porteurs est un fait historique basé sur l’état de la voirie, et lorsqu'on entend Mercier certifier en 1784 que « porter quelqu'un dans les rues fangeuses et embarrassées de la capitale n’est pas chose facile », on sait de suite pourquoi li chaise à porteurs, appelée à disparaître si entièrement de nos habitudes, était encore si lar-

gement dans les usages, quoique fort près de son déclin définitif, puisque les chaises ne pou- vaient plus alors circuler que le matin, eb dans quelques quartiers paisibles. Les douairières allaient encore en chaise à la messe, accompagnées du laquais portant les kewres dans un sac de velours rouge brodé, sur lequel la dévote s'agenouillait à l’église. Plus tard dans la journée, les chevaux disputant le pas à homme, on ne sortait plus en chaise, et d’ailleurs le beau monde commençait à se passer du chant des vêpres, appelées dédaigneusement l'opéra des queux. Sous Louis XIV eb pendant presque tout le dix-huitième siècle c’est en chaise à porteurs qu’on allait en visites, à l’église, au spectacle. Devant tous les lieux de grande réunion, la file des chaises était plus nombreuse que celle des voitures. Les aboyeurs appelaient les porteurs de M" la marquise! de M°° la présidente ! C’est en chaise à porteurs que les cordons-bleus de la médecine visitaient leurs malades. C’était le ton, c'était un amour. La duchesse de Ne- mours, morte en 1707, allait tous les ans en chaise à porteurs de Paris dans sa principauté de Neufchatel ; quarante porteurs la suivaient dans des chariots et se relayaient alternativement ; elle faisait ainsi, en dix ou douze jours, un voyage de plus de cinq cents kilomètres, sans fati- eue et sans péril.

Les plus grandes dames prenaient plaisir à tracer de leurs propres mains des modèles de chaises, comme on le voit par une anecdote que raconte M"° du Deffand, dont le fond est que Louis XV écrivant un jour à M. l’évêque d'Orléans pour lui demander des boîtes de coti- gnac (une marmelade de coings du pays) le roi avait ajouté en post-scriptum. « La chaise à porteurs ne signifie rien ; elle était dessinée par mes filles sur cette feuille que j'ai trouvée sous ma main. » {1 y gros, comme disait le père de mesdemoiselles Zoque, Coche, Graille et Chiffe, les filles de France. Guillemette vieillie, M"° de Maintenon, la Pantocrate, comme l'appelle la Pa- latine, appréciait fort la commodité de la chaise à porteurs, et aussi le grand air qu’elle avait, car elle se faisait porter en chaise jusque dans l’intérieur des appartements de Versailles.

La quantité du bétail humain nécessaire pour des transports d'un goût si général dut être vraiment prodigieuse, surtout lorsque l'on songe qu'il faut ajouter aux gens de livrée les mer- cenaires aux ordres du public. Les garçons porte-chaises de la maison royale paraissent y avoir été traités en enfants gâtés, si l’on en juge par ce fait curieux, que lors de la naissance du duc de Bourgogne, le 6 août 1682, tout le monde fut si joyeux que les porteurs de chaises du cha- eau, brûülèrent, dans la galerie des Princes les chaises dorées de leurs maîtres, grossissant même ce feu de joie avec le bois du parquet destiné pour la galerie. « On vint le dire au Roï, que cela fit beaucoup rire, et qui ordonna de les laisser faire, » rapporte le journal de Nar- bonne.

Concurremment avec le service des chaises dorées, il y avait dans la maison du roi celui des chaises bleues, dont les porteurs avaient la livrée bleue. Ce sont ces dernières qui furent mises en régie en 1667, c’est-à-dire affermées au moyen d’une combinaison qui conservait ces chaises au service de la cour, en même temps qu’elles étaient mises à la disposition du public.

Les motifs allégués par M. de Montsoreau, grand prévôt, qui fut obligé de faire un règle-

ment nouveau pour redresser la conduite des porteurs de chaises bleues, à Versailles, régle- ment qui date de 1736, complètent tout ce qu'il est utile de savoir sur ces voitures, sur leurs porteurs, eb sur les mœurs du temps.

«…. Les porteurs de chaises bleues établies à la suite du Roi commettent journellement beaucoup de désordres, se querellent et maltraitent même jusque dans les cours et galeries du château ; ils exigent des personnes qui se font porter dans des temps pluvieux beaucoup au delà de ce qui a été réglé pour chaque voyage, et refusent de porter ceux qui ne veulent leur payer que ce qui a été fixé pour chaque voyage ; que les uns sont d’une conduite très dérangée, et les autres très violents et emportés, qu’ils cassent et brisent leurs chaises, soit en les trai- nant avec violence, soit en les laissant dans le milieu des cours du château ou des rues de la ville ; que les uns se reposent eb passent la nuit et le jour dans leurs chaises, et les autres sonf- frent que d’autres personnes y entrent eb dorment, ce qui les remplit de vermine et de mau- vaises odeurs, dont les personnes qui se servent desdites chaises sont infectées, et que d’ail- leurs la plupart desdits porteurs sont personnellement malpropres et vêtus de mauvais habits de différentes couleurs. Suit une ordonnance en douze articles qu'il sufit de parcourir,

Le régisseur doit fournir un état contenant les noms et surnoms des porteurs qui ont des chaises bleues à loyer, avec le numéro de ces chaises,

Les porteurs de chaises bleues, vulgairement appelés bricoliers, doivent être tous propre- ment vêtus d’habits bleus de la livrée du Roi. Il leur est défendu de se servir de termes ironiques eb insultants contre les personnes qui ne se serviront point de leurs chaises, ni d'exiger plus de dix sous pour chaque voyage de ceux qui s'en serviront, en quelque temps et en quelque saison que ce soit, ebc., etc.

Que l’on ajoute à cette valetaille les « deux robustes mercenaires, tout en sueur et s’archou- tant sur leurs larges souliers ferrés, portant Phomme que l'embonpoint et la goutte empêchent de marcher, » montré par Mercier au détour d’une rue, et qui se trouvent tout à coup au milieu d'un troupeau de bœufs effarés eb menaçants, et on aura un tableau assez complet de la chaise et de ses porteurs des différents degrés. La chaise, au moins, a laissé longtemps des souvenirs aoréables dans le préjugé public. Le nom de chaises donné aux voitures de poste en est une preuve.

La chaise dorée représentée ici sous deux aspects se trouve au musée des voitures de Trianon. C’est un des plus beaux spécimens du genre, et, sans cependant que les catalogues le confirment hautement, on en attribue les marines peintes à Joseph Vernet, Ce nom de Vernet a pu amener une confusion, et ce n’est peut-être que la dorure qui en est due à Louis-François Vernet, le propre frère du peintre, que l’on voit, en 1770, exécuter avec Brancourt les dorures de la salle de l'Opéra, commencée en 1753 par Gabriel et seulement terminée pour les fêtes du mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette,

Les peintures de cette chaise coïncidèrent-elles avec la victoire navale de l'île Minorque en 1756, le style général de son ornementation permet de le supposer. Plus tard on y pourrait

voir l’origine des coiffures à la Belle-Poule, que M°° de Polignac imagina en se mettant sur la tête une frégate avec les mâts et les voiles, en souvenir d’un combat heureux, cela est pos- sible sans pouvoir être affirmé, car cette chaise dorée a couru des aventures que l’on ignore. En 1835, elle était retrouvée à Paris chez un marchand de bric-à-brac ; elle était dans le plus triste état, Louis-Philippe la fit acheter pour 500 fr. ; nettoyée avec le plus grand soin, et sa virginité refaite, elle a été réinstallée à Versailles. |

Le meuble, composé du canapé, du fauteuil et de la chaise, formant un ensemble complet des sièges d'un salon, est du mode des bois tournés, dont les sculpteurs du dix-huitième siècle ont su faire des chefs-d’œuvre d’habileté et de grâce. Il serait superflu de s’appesantir ici sur ces pièces du mobilier, genre Louis XV, et nous n’indiquerons que la bonté des types. Ce meuble fait partie du mobilier national de la France, et les tapisseries qui en ont été renouvelées, ont été refaites à Beauvais et sur les modèles excellents conservés dans cette manufacture.

Toutes ces reproductions sont faites d'après des photographies.

Voir, pour le texte : Le bel ouvrage de A1. L. Dussieux sur le Château de Versailles, 2 vol. 1881 Bernard, éditeur à Versailles, Le journal des Règnes de Louis XIV et Louis XV, par Pierre Narbonne, 1866, méme librairie. Londres, 8 vol., par Pierre-Jean Grosley, Lausanne, 1770. Le Tableau de Paris, par Mercier,

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EUROPE. XVIII SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS A L'USAGE DE LA BOURGEOISIE. L’ARMOIRE ET LE BUFFET.

[armoire à linge, d’un seul corps, avait surtout sa place dans la chambre à eoncher. Le buffet avait surtout la sienne dans la salle à manger; il se composait de deux corps su- perposés s’ouvrant l’un et l’autre par des vantaux.

N°1: 4. Armoire dont la corniche est ornée d’un cintre surbaissé ; Buffet cintré en anse de panier avec un pilastre tiroir en bas, sur l'angle. a 2, Noï5,

Armoire avec corniche cintrée en S avec un pied

' ; Dessin de buffet ; tiroir en bas, cornier sur l’angle,

No 2. No 6,

Armoire cintrée en $, en plan carré. Buffet cintré en anse de panier.

L'aspect de la plupart de ces échantillons du meuble se ressent de la fantaisie qui caractérise le style du temps ; leur physionomie n’est cependant pas efféminée ; les proportions s’y trouvent respectées et ce n’est que de loin qu’ils suivent le goût de l’époque.

Ce sont tous des meubles massifs, c’est-à-dire dont les détails ont été pris dans la masse du bois ; l’ornementation, quand il y en a, est très sobre et ne fait qu’insister légèrement sur les parties qu’elle décore.

Seul, le buffet 5 fait exception à cette règle ; on a fait avec lui de grandes concessions au convexe, an creux 6b au chantourné ; son galbe eb ses contours n’ont plus aucune simplicité.

Ces exemples nous introduisent dans les intérieurs de la bourgeoisie du dix-huitième siècle; tous ces échantillons de menuiserie massive nous initient à sa vie simple et portent l'empreinte du caractère des gens qui les possédaient. Les industriels de ce temps, extrêmement conscien- cieux dans leurs ouvrages, travaillaient « dessous comme dessus » selon un vieil adage, ce qui fait que l’on rencontre beaucoup encore de meubles de ce genre, que leur construction rend difficiles à user. -

Les n°% 1, ?, 3, 4 et 6 font partie d'une suile de modèles du temps destinés aux gens de métier 2 L F g el signés F. Cornille.

Le 5 provient d'un modèle d'une autre suile sans nom de graveur.

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EUROPE. XVIIE ET XVIII SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS. ORFÉVRERIE

CHANDELIERS ET MOUCHETTES

N°3, N°76,

Flambeau exécuté par Louis Lenhendrick, élève de Germain, garde en charge en 1759 du corps des mar- chands orfévres-joailliers de la ville de Paris. Guir- landes de roses très fines au sommet du panache ; palmettes ciselées en bas, pied et bobèche avec agra- fes variées.

Chandelier à pans coupés, 1726. Dans le haut du pa- nache, mascarons d'hommes et de femmes alternés. Pied et bassinet à huit pans.

No 5.

Autre chandelier de même genre dont le fût est en balustre.

Nos7,

4. Flambeau à fût cannelé, 1783. Feuilles d’eau, perles

et guirlandes ; pied orné de palmes et de rosaces. Flambeau bas, avec ornements tournants autour du Ÿ 5 F

panache. La paire faite par Jacques Balin en 1737 Non

et 1738. 2.

Chandelier fait par François-Thomas Germain en 1758; haut du panache orné de festons et de guirlandes, bassinet couvert de palmes et de feuilles d’acanthe.

Flambeau ciselé ; travail anglais de la fin du dix-hui- tiéme siecle environ. N°5 8, 9, 10 et 11. Mouchettes sur leur plateau ; dix-septième et dix-hui- tième siècle,

Le chandelier était, aux dix-septième et dix-huitième siècles, l'objet d'un luxe d'autant plus particulier que, dans les grandes maisons, selon leur matière et leur format, il y avait parfois dans leur emploi un sujet d’étiquette. Le flambeau d'argent chez Louis XIV avait un autre usage que les chandeliers dorés; seul de sa maison il avait un bougeoir à deux becs, ete., etc.; chez les particuliers, il appartenait à l'hôte de faire honneur à un illustre vi- siteur en portant lui-même le flambeau qui éclairait la marche dans les appartements et Jjus- qu'au seuil de la maison. Une survivance d’un cérémonial de ce genre a longtemps existé à la Comédie française. Le chef de l'État, se rendant au théâtre, était reçu à la porte et conduit à sa loge par le directeur ou par un huissier le représentant, qui, marchant à re- culons devant le souverain, tenait de chaque main un chaudelier à deux branches. C’est avec

des lambeaux de vermeil doré qu’on éclairait jusqu'au bas des escaliers Louis XIV sortant ou rentrant. C'était toujours le plus qualifié des aumôniers présents qui tenait le bougeoir du roi pendant la prière du soir, et c’était entre les mains de quelque prince, désigné chaque fois pour cet honneur par le souverain, que passait le porte-lumière pendant les apprêts de la toilette pour le coucher. Enfin le flambeau, posé à terre au milieu d’un bassin d'argent, et dans lequel brülait la bougie toute la nuit dans la chambre du roi, concurremment avec le mortier, était un flambeau d'argent.

Si la matière même du chandelier joua un rôle dans l'étiquette pendant un temps et lorsqu'il s'agissait de réceptions, l'observation sous ce rapport se trouva délaissée dans la se- conde moitié du dix-huitième siècle ; la remarquable perfection qu'atteignit à cette époque l’industrie du bronze doré à laquelle s’adonnèrent les ciseleurs les plus habiles, et dont les’ produits devinrent un objet de mode, en fut la principale cause, mais, sinon par la matière, au moins par le travail, le luxe du chandelier fut le même, et les bronzes authentiques de Gouttières n’ont pas moins de valeur aux yeux des modernes que les argenteries de Thomas Germain, le roi des orfèvres pendant la première partie du dix-huitième siècle.

Il était un ustensile inséparable de ces beaux flambeaux de luxe, qu’ils fussent d’or ou d'argent ; c’étaient les mouchettes. Leur emploi n'était pas seulement nécessaire pour parer aux inconvénients de la chandelle de suif, dont le lumignon en s’allongeant prenait la figure d'un chapeau supprimant la lumière en grande partie, et donnant à la place une épaisse et âcre fumée ; cet emploi n’était pas non plus inutile avec la bougie de cire telle que l’industrie la donnait généralement à cette époque; sans avoir la mauvaise odeur de la chandelle, la bougie perdait aussi la plus grande partie de sa lumière si elle n’était pas mouchée. On mettait les mouchettes sur un plateau orfévré dans le goût du chandelier, et elles étaient toujours placées près de lui; quelquefois même ce plateau ne faisait qu'un avec le flam- beau, et dans la collection d’où sont tirés nos exemples, on rencontre un de ces modèles qui, sur un de ses côtés, porte deux bobèches; les mouchettes sont dans le plateau supportant le tout, eb nommé porte-mouchettes.

Les sept flambeaux font partie de la collection de M. Eudel; les mouchettes sur leur plateau appartiennent à M. Lafitte. Tous ces objets sont en argenterie; le plateau et les mou- chettes 10, sont dorés. Nous les reproduisons d’après les photographies spéciales que nous en avons fait faire. La réduction des flambeaux est au quart de la grandeur des originaux.

Ces documents proviennent du Musée rétrospectif du Métal, formé à l'Exposition organisée par l'Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, en 1880.

I

ANGLETERRE

FAMILLE BOURGEOISE DANS SON INTÉRIEUR. -— XVIII SIÈCLE.

Ce petit tableau, d’une main inconnue, contenant des portraits anonymes et représentant une scène dont on ne peut que conjecturer le sens, a été exposé au Musée historique du costume, organisé par l'Union centrale, à Paris, en 1874, sous la simple rubrique : École an- glaise. Cette peinture, d’ailleurs médiocre, offre un intérêt réel, en ce qu'on y voit l'Anglais du XVIII siècle, celui de Fielding et de Richardson, chez lui, avec le maintien digne, grave dans l'intimité même, qui frappait si vivement les étrangers qui visitaient alors la Grande- Bretagne.

Le Voyageur français (1), publié en 1773, à Paris, s'exprime ainsi à propos de ce citoyen de forte race, calme et robuste entre tous. « Les Anglais diffèrent des autres peuples par des « mœurs eëb un tour d'esprit particuliers qui sont en partie l'effet du gouvernement, en partie « celui du climat et du sol. Comme le gouvernement se croit chargé des plus grands intérêts « de l’Europe, chaque citoyen y ayant part, se pénètre de sa propre importance, et prend cet « extérieur grave qui tient du sentiment d’un bonheur solide, Chaque citoyen, ajoute le « voyageur, étend à soi-même la bonne opinion qu'il a de sa nation, opinion telle qu'il ne « suppose pas, par exemple, que l’on puisse comparer Descartes à Newton, le Tasse à « Milton, Corneille à Shakespeare. »

En indiquant les causes d'une manière d’être si frappante alors, nous ne sortons pas du cadre que nous nous sommes tracé. Cela est d'autant plus indispensable ici, que cette famille an- glaise nous apparaît sous des vêtements de forme française, dans un intérieur dont le mobilier lui-même empruntait tous ses modèles à la même source; et cependant, la tournure générale, le maintien du chef de la maison, celui de la mère de famille, grande, forte et droite sur son

(1) Mis au jour par M. l'abbé De Laporte,

siège, tout est marqué à un coin original, personnel, qui n’était pas celui de la nation fran- çaise de ce temps.

Cette peinture peut servir à constater un double fait signalé par les contemporains. Elle est du milieu du siècle environ, mais l'engouement pour les modes et l’industrie française re- montait au siècle précédent. Elle démontre que le goût français, qui avait d’abord été l'apanage des gens de cour, s'était répandu avec le temps parmi les classes bourgeoises. Vers la fin du siècle, l’évolution contraire se produisit. Les Anglais, s'émancipant peu à peu du joug des modes empruntées au continent, parvinrent à imprimer une originalité particulière aux choses du costume, et limitation de ces modifications, qui suivit la connaissance des écrits et l'adoption de la manière de penser des Anglais, amena en France une véritable inva- sion de modes nouvelles, L’anglomanie y fut telle que les hommes du bon ton n'avaient plus que des chevaux anglais, des voitures à l'anglaise et des fracs; elle faisait dire à un contem- porain : Maintenant nous pensons, nous écrivons, nous jouons, nous mourons à l'anglaise, »

IT serait sans intérêt d’examiner ici les costumes et l’ameublement dont nous avons dit l'origine. Rappelons seulement que le bourgeois anglais du XVIII siècle n’aimait guère plus qu'aujourd'hui à partager sa maison avec d’autres locataires. Il l’isolait et l'entourait volontiers de fossés comme cela se pratique encore au sein même de Londres. Il en tenait la porte fermée et était dans son fort. Peu soucieux de l'apparence extérieure, il tenait principalement à ce que tout à l’intérieur fût disposé pour le comfort.

On remarque sur l’armoire massive quelques vases de porcelaine. On sait que leur fabrica- tion européenne fut un des événements du XVIII: siècle, Les porcelaines que l’on fit en An- gleterre ne valurent d’abord absolument rien : elles étaient bien inférieures à celles de France, d'Allemagne, de Hollande, d'Italie, et se rapprochaient du verre. Cela n’empêchait pas un bon citoyen anglais de faire montre de ces premiers produits, en attendant de la puissante volonté eb de la persévérance de sa nation des perfectionnements qui ne devaient pas tarder à se produire.

Les pipes d'Angleterre, en terre blanche, fine et lustrée, avec la tête ou fourneau en forme régulière, partageaient au XVIII siècle la réputation de celles que lon faisait à Gouda, en

Hollande, et à Dunkerque.

(La peinture originale appartient à M1. Lannoy.)

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ANGLETERRE. XVIII SIÈCLE

SCÈNES D'INTÉRIEUR. COURANT DES MODES. MŒURS DE LA NOBLESSE.

DEUX SCÈNES DE JA SUITE @€ LE MARIAGE A LA MODE » PAR HOGARTH.

(Cette planche est à rapprocher de la planche DO figure une page de ce maître : Mœurs puritaines et bourgeoises.)

Hogarth occupe une des premières places parmi les artistes qui ont réussi à laisser des choses de leur temps une impression vive et durable, « C’est, dit M. Taiîne, un romancier moraliste à la façon de De Foe, de Richardson, se servant des figures, du costume, de l'attitude, des acces- soires, en les résumant dans des tableaux tragiques comiques, de manière à en tirer des leçons. » Un Anglais seul pouvait établir les séries de scènes tracées par Hogarth, doublement remarquables par la justesse et la décision des types fixés, eb par les rapports existant entre les personnages et les milieux ceux-ci se meuvent. Les raflinements de l'observation s’y éten- dent à tous les détails, dont aucun n’est indifférent, qui sont tous significatifs, et dont le sens satirique même est une force entre les mains de l'artiste.

La surabondance du détail marque ces productions d’un coin tout national. Nos peintres français ont parfois montré autant d'esprit comme observateurs des mœurs, sans se croire obligés d'appuyer aussi fortement sur l’orteil du spectateur, sachant qu'en bien des cas le demi-mot prête un charme réel aux choses énoncées et suffit parfaitement pour se faire très clairement entendre. Mais, en somme, on doit dire de Hogarth que jamais peintre n’a été plus utile à sa patrie, parce qu'il à toujours travaillé à dégoûter du vice par l'horrible portrait qu’il en a tracé.

Hogarth avait 48 ans, et était dans toute la plénitude de son talent, lorsqu'il étendit la peinture des mœurs de son époque à celle des classes élevées de son pays. Le & Marriage à la mode » publié en 1745, se compose de six planches. Selon ses commentateurs, il avait vu de près les choses qu'il a peintes ; la charité chrétienne du temps reconnaissait sans peine les

héros représentés, toutefois avec un certain embarras du choix, toutes les lettres de l'alphabet étant des initiales à peu près convenables pour désigner les lords qui pouvaient avoir donné lieu à la satire de l’artiste. i

Hogarth, en mettant au bas de ses estampes un titre mi-partie, « marriage » mot passé dès lors dans l'usage anglais, tandis que le qualificatif « à {4 mode » était encore une expression toute française, à voulu, dit-on, faire entendre que les mœurs de la haute société de son pays étaient demi-anglaises, demi-françaises, et c’est encore dans ce but que le ciel du lit de sa femme adultère se trouve orné d’une fleur de lis. Ce stratagème est un signe du temps. Un bon Anglais de la première moitié du dix-huitième siècle devait haïr profondément ses voisins français, eb Hogarth, particulièrement piqué par cette tarentule, prenant à tâche de peindre les mœurs des gens qui raffolaient alors des modes françaises, devait crier Æaro sur le voisin, en accusant l’habit de corrompre l’homme qui le portait, ce qui, en flattant ses compatriotes, dévageait en quelque sorte leur responsabilité.

En réalité, l'influence de la France sur les modes du jour en Europe n'allait point jusqu’à s'étendre aux mœurs mêmes de l'étranger. On peut même soupçonner que la physionomie intime des individus ne se trouvait modifiée que légèrement par l'adoption passagère des choses d’un goût exotique, lorsqu'on voit qu'après la faveur extrême dont les modes françaises furent, en effet, l’objet parmi les classes élevées de l'Angleterre pendant le dix-septième siècle et la ma- jeure partie du dix-huitième, l'Anglais devait reparaître avec un cachet d'originalité tel que, dans le domaine des modes, sa manière d’être à enfanté l'anglomanie, envahissante chez nous dès avant la fin du siècle.

Tout le monde connaît les contractants du « mariage à la mode ». Le lord héréditaire ruiné, et le riche marchand de la cité, shérif de Londres, toujours usurier, unissent leurs enfants. Le fils du lord est un valétudinaire de vingt ans, un garçon à emplâtre, d’ailleurs doux et tran- quille, et sachant prendre une prise de tabac avec une grâce toute particulière. La future, de sang populaire, dans toute la plénitude d'une santé robuste, aux vifs appétits, laisse transpa- raître, sous la minauderie capricieuse de la jeune fille, le fond de son caractère, la méchanceté et l’obstination,

Le père de la demoiselle remet au père du jeune homme les titres qui établissaient sa main- mise sur les biens du lord ; c’est un échange. [’usurier aura pour gendre un vicomte qui lui donnera un petit-fils, à son jour comte et membre de la chambre haute. La fille, riche, veut être Lbitrée, c’est son seul objectif. Les deux fiancés vont à l'autel en se tournant le dos, d’accord sur un seul point, la haine qu'ils se portent mutuellement du fond de leur âme ; ce « mariage à la mode » c’est une guerre qui commence.

Le tête-à-tête des deux époux se trouve dans la scène on les voit assis de chaque côté de la cheminée de l’antichambre de leur salon ; c’est la deuxième planche de la série. Le sous-titre « lablea des réjouissances conjugales » esb additionné de l’énumération de leurs caractères

« indifférence, lassitude, excès »; c’est une page maîtresse, et nous n'avons point à insister sur les célèbres figures d'Hogarth : le lord ayant passé la nuit dehors, dans le désordre, rentré chez lui pour y échouer dans un fauteuil, l'épée brisée, la bourse vide, l'esprit absent ; la dame, restée à la maison il y a eu concert, peut-être bal, et chez laquelle on à joué, en toilette de nuit pour se coucher le matin, étendant à l'aise les membres d’un corps dont la vie déborde, en une attitude aussi dépourvue d'élégance et de noblesse que le langage adressé au mari épuisé, objet de ses invectives,

Enfin l'honnête intendant de la maison, dont la figure de méthodiste est si mal venue en un pareil moment, avec ses prophéties de ruine imminente, remporte la liasse des billets échus et le ledger ou livre de compte, auquel on est bien loin de vouloir toucher.

A travers le désordre général qu'un valet bâillant, un bas tombant sur le soulier, commence à réparer avec la lenteur d’un homme endormi, on peub remarquer que les objets dont le cham- branle de la cheminée est couvert, ont conservé, imperturbablement, leur ordre symétrique.

« Hogarth, est-il dit dans le catalogue général de ses œuvres, a cherché, eb avec beaucoup d'esprit, à faire apercevoir, partout il l’a pu, le défaut total de sentiment du beau dans les ouvrages d'art qui règne dans les deux familles du mariage à la mode, et principalement dans celle du lord Squanderfield. »

On écrivait en plein dix-huitieme siècle : Les Anglais sont moins frappés du beau et du vrai, que du singulier et du fantasque. En même temps, il cireulait des racontars sur leur amour de la symétrie dont nous citerons un seul trait, parce qu'il sert à faire comprendre la raillerie de Hogarth, qui ressort d’ailleurs ici comme une affirmation. « Un homme, en sautant un fossé, s'étant cassé une jambe, se coupa l’autre par amour de l’uniformité, et cette action, annoncée avec éloge dans les journaux anglais, fut l’objet d’une admiration générale. (Le Voyageur français, 1745.)

La cheminée de l’antichambre du salon est done au moins aussi anglaise par la parure de sa tablette que par le charbon de terre qui remplit la grille du foyer. « La garniture se compose des plus misérables productions de l’art de la partie nord-ouest de l'Asie. Le seul morceau pas- sable est un buste antique, dont la tête est moderne, et le nez plus moderne encore. » La plus grande symétrie règne dans l’arrangement des colifichets qui l'entourent ; chaque chose a scru- puleusement son semblable en pendant.

La pendule est un ouvrage en branchages qui, par-dessous, forment une espèce de retraite à un gorille magot soutenant le double bras du luminaire. Un chat, à l'air éveillé, trône par-dessus les arbres 2agent des poissons. « C’est un grand chef-d'œuvre d’horlogerie ; le chat miaule les heures au lieu du coucou qui les chanterait, et les poissons, en même temps, font le saut de carpe.

Le dix-huitième siècle à fourni ainsi toute une ménagerie de pendules, On y remarqua celle un sanglier indiquait les heures par des grognements heurtés ; mais la palme en ce genre de- meure à Pepusch, maître de chapelle à Berlin, qui organisa le concert sonnant l'heure : porco

primo, poreo secondo, ete., dans lequel on imitait, avec des bassons, la voix des porcs. Ce fut alors un succès du plus grand retentissement.

Notre autre scène, qui est la quatrième de la suite des estampes du mariage à la mode, re- présente la toilette pour le bal, laquelle n’est point celle du matin qui se faisait dans le cabinet au lever de la dame, mais que nous voyons s’effectuer dans la chambre à coucher.

Un négrillon étale sur le parquet les acquisitions faites par la comtesse qui vient de rentrer d’un encan publie. « Ces objets proviennent de la collection de M, Timothée Babiole (Timothy Babyhouse). »

Assise devant sa toilette, la dame est, pour le moment, entre les mains d’un perruquier, au minois avisé tout français. En regard d'elle, étendu sur un canapé, se trouve un garçon de belle mine, qu'à sa robe noire et à son rabat on reconnaît pour un homme de loï, une espèce de conseiller d'avocat. En Angleterre, la justice et la théologie sont toujours vêtues de noir pendant qu’elles sont en fonction. Les médecins, par contre, évitaient cette couleur lugubre, et se bigarraient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, Silverlongue, lanque d'argent, en anglais, équivalant à notre langue dorée, est le collègue de l’homme épuisé qui a reçu la main droite de la femme ; c’est l’homme de la main gauche, Son portrait richement encadré trône au-dessus de la tête du débile époux en papillottes, buvant du chocolat en attendant le coiffeur.

C’est au son d’un concert que ces apprèts ont lieu. Le chanteur, superbement vêtu, sur- chargé d’or, de diamants et de graisse, est un produit de l’industrie italienne du temps, un soprano historique, le céleste Curestini. Le flûtiste est également un contemporain d’Hogarth, le célèbre virtuose allemand Weidemann.

Ce que l’extase passionnée de la mistress mélomane peut avoir d’exagéré est indiqué ici par l'attitude de la dame que la cadence perlée de Carestini va faire tomber aux pieds du .chanteur. Puis c’est le mari de cette femme enthousiaste, un vieux chasseur de renards qui dort paisible- ment, à côté d'un autre auditeur, applaudissant d’un air benin et niais, en écartant les quatre doigts et le pouce de la main levée, comme s’il voulait en faire cinq points d'exclamation.

Enfin c’est un homo-animal, un nègre africain, qui circule en distribuant du thé ou du chocolat. Et c’est tout ce que nous avons à dire de cette scène, pleine d’allusions, le hochet qui pend au dossier de la chaise de la maîtresse de la maison indique que la comtesse est mère, eb les peintures sont d’un sens tout épigrammatique.

Reproductions d'après les gravures originales.

Voir, pour le lexte, les renvois de lu Planche DO.

ANGLETERRE _ BNGLAI

su KA) ns LS MAN:

Fnp. Firmin Didot ec C5.Paris

DO

ANGLETERRE. XVII ET XVIII SIÈCLE

SCÈNES D'INTÉRIEUR. PURITAINS ET BOURGEOIS.

(Cette planche est à rapprocher de la planche CZ empruntée au même maître.)

Lorsque Hogarth s'inspirant des gravures faites en 1710 pour illustrer le célèbre poème satirique de Butler, trace les portraits d'Hudibras et de Rulpho, héros de ces temps du dix- septième siècle une telle quantité d’hérésies divisaient l'Angleterre que l’on comptait à Londres seulement cent quatre-vingts sectes différentes, on voit réellement autour de son pres- bytérien, juge de paix et militaire, et de l’écuyer, tailleur de son métier, les fameux puritains de Za sainte ligue, qui avaient pris à tâche d’abolir l’épiscopat et la monarchie et que commu- nément on désignait sous le nom de saints. C’est en raison de la vérité historique de ces physionomies que nous reproduisons la dernière assemblée du poème inachevé de Butler, On y vient annoncer que le peuple brûle les parlementaires et les pend en effigie. Saisis d’effroi, tous s’apprétent à prendre la fuite. |

Si l’on ne faisait plus que rire au dix-huitième siècle de cette queue de Cromwell, il en sur- vécut cependant des traces encore sensibles dans ceux que l’on continuait à appeler les Têtes rondes. Ces successeurs, s’affichant ainsi que leurs devanciers comme des partisans de la li- berté, portaient un habit simple et uni; ils passaient leur vie à la chasse, dans les cafés on à la taverne ; mangeant du bœuf, du pudding, du fromage de Chester, avec des couteaux ronds et des fourchettes à deux dents. Ils buvaient de la bière forte dans le même pot et à la ronde. Robustes, ils faisaient un vif contraste avec les seigneurs maigres, faibles, et usés. Les « têtes rondes » affectaient de mépriser les mille révérences apprises des étrangers. Lorsque vous les visitiez ils vous laissaient prendre vous-même votre chaise; ils ne se disaient ni votre servi- teur, ni votre ami ; mais lorsqu'ils vous prenaient la main, ils la secouaient jusqu'à vous faire trébucher, la serrant jusqu'à vous faire crier. Leurs femmes étaient bien éloignées des dames qui ne connaissaient que les étoffes de France, eb qui n'auraient jamais consenti à porter une blonde, un ruban de fabrique anglaise. Elles allaient le matin se promener à pied au pare de Saint-James, avec un tablier de batiste et en petit chapeau de paille, suivies par un seul la- quais. Enfin, elles se faisaient habiller par des femmes, et jamais par des valets de chambre.

Aussi vit-on bientôt des façons toutes nouvelles se substituer aux manières polies et insinuantes empuntées jadis aux petibs-maitres français, Un homme aimable passa alors à Londres pour un homme frivole, la politesse y fut considérée comme un joug incommode; enfin, en 1755, ilne s'agissait plus des habits recherchés, de l'équipage leste, des bijoux de toute espèce, de l’am- bre, des mouches, du ton précieux, du jargon abondant du petit-maître français. Ce dont l’An- glais se piquait le plus c'était d’être original. Le petit-maitre de Londres se vétit d’un drap plus grossier que celui de ses valets, et prit plaisir à se confondre avec les porteurs de chaise, se vantant de connaître leurs mœurs et leurs usages. Une perruque courte et sans poudre, un mouchoir de couleur autour du cou, une veste de matelot, un bâton fort et noueux, un ton et des discours grossiers, et limitation des mœurs de la populace, telle fut cette métamorphose.

L’heureuse Angleterre vit sa prospérité se développer d’une façon prodigieuse pendant le dix-huitième siècle. Dès son aurore, comme le dit Macaulay, « des signes nombreux justifiaient l'espérance que la Révolution de 1688 serait notre dernière révolution. » Les jacobites et les saints étaient à tout jamais disparus, et « l'antique constitution s’adaptait d'elle-même, par un développement naturel, graduel et pacifique, aux besoins d’une société moderne. »

Pour compléter la physionomie de nos voisins, nous avons emprunté à une estampe de 1766, une scène de famille le gros négociant apparaît dans son home inviolable. Cette gravure, composée et burinée par un sieur Miller, à peu près inconnu chez nous, esb assurément bien loin du niveau d'Hogarth ; mais elle n’est pas sans charmes, et sa naïveté gracieuse exprime un genre de vérité qui adoucib les âpretés de la satire.

Il ya toute une vie familiale et puissante. On prend le thé du matin dans une large pièce de rez-de-chaussée, tapissée de ce papier imprimé que l’on appelle peint, eb dont l'usage se ré- pandait alors. À la muraille du souverain des mers, une grande carte géographique est dé- roulée, et le dessus de la porte est orné par le cartouche de l’armoirie du trafiquant, armoirie qui n’est peut-être qu'une marque de fabrique, des tonneaux y accompagnant un chevron hé- raldique. Une peinture, représentant Actéon puni de sa curiosité, dit l'esprit de toute la maison, remplie du charme des jolies misses, du jeu des petits enfants ayant des démélés avec les chiens, de la sollicitude des grand’mères, de jeunes gens discrets et bien élevés, d'hommes d’un âge plus moins marqué, de bon accord, parmi lesquels le maître de la maison qui va partir pour la chasse, comme le montrent les chiens couplés à ses pieds.

Reproductions d’après les gravures originales.

Voir, pour le texte : Notice chronologique, historique et critique de tous les ouvrages de pein- ture et de gravure de @. Hogarth; imp. de Levrault, Paris; Le Voyageur français, Paris, 1776; Notes sur l'Angleterre, par A. A, Tuine, au chapitre de Esprit anglais, Paris, 1874.

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

OBJETS DE PARURE. LA JOAILLERIE

N°12, Agrément de manche. 2% Boette à portraict (Louis XV enfant, à la romaine). 14, 19. Croix branlantes, signées J. B. F. 1723.

On voit par l'exemple 22 que l’on donnait parfois le nom de boîte, dans le sens d'emboîture d'un por- trait, à des bijoux de suspension.

L'ornement de ces bijoux féminins est gravé et tiré au noir d'écaille.

Nos 5, Parure en perles et diamants. Nos 44, 21, 39, 40, 45, 47, 50.

Poignée d'épée avec sa coquille, la garniture du haut et du bout du fourreau, et les boutons du nœud de l'épée et de l'habit.

Nos 27, 37.

Trousses ou épingliers contenus dans un étui, néces- saire de toilette que les femmes portaient comme un bijou de suspension, dans l’une des poches en forme de sacs qui existaient de chaque côté entre les deux jupons,.

Cette trousse était composée de la pince à épiler, du grattoir, et, selon un vieux mot du moyen âge, d'ustensiles en forme d’escurètes.-

NOT: Le 1 est une de ces pièces isolée.

Nos 26, 29.

Têtes d'épingles de la famille des guèpes et papillons

qui se mettaient dans les coiffures et au centre de la rosette des rubans,

Nes 15, 18.

Croix en pierreries. Ces bijoux se portaient au cou, suspendus soit par une simple ganse ou un ruban, soit par un collier de perles, de pierreries, ou d'orfèvrerie émaillée.

Nos 9, 12.

Fafñoles emblématiques : bijoux de suspension portés en collier ou en breloques. (Ce mot de breloques vient du terme brelle, appartenant à la technique du commerce des bois, il désigne une certaine quantité de pièces de bois liées ensemble.)

Ces objets, depuis le 5, sont de l'invention de F.-J. Morison et appartiennent à la première moitié du siècle,

Nos 5, 4, 6, 7, 10, 13, 16, 17, 20, 24, 31, 32, 33, 36,

38, 41, 42, 43, 54, 55,

Ces numéros représentent des colifichets servant de broches ou arrêtant le retour des rubans; les clefs de montres, les cachets, les glands, qui étaient parfois de petits flacons de senteur, sont du nombre des breloques qui se suspendaient aux chaînes des

montres. Nos 34, 46, 56.

Chiffres ou broches emblématiques. 25, 98, 85. Bagues ; partie centrale de l'anneau, Nos 53, 23, 51, 52.

Épée : la coquille, la garniture du haut et du bout du fourreau.

Ces trente derniers spécimens, de la seconde moitié du siècle, proviennent de l'un de ces recueils spé-

N°1:

Montre également vue par le revers, enchâssée dans un bijou en forme de chapeau, formant breloque.

39.

Breloque du même genre en forme de sabot, contenant

ciaux faits pour les artisans du temps, qui étaient publiés par séries successives, comportant dans leur variété toutes les applications de l’art au goût du jour. Jean Hauer, l'un de ces féconds inventeurs, qui

s'était fixé à Paris, avait intitulé sa suite d'ornements gravés à orfévrer, du genre rococo : Dessins de la mode neuve au goût antique.

une montre comme le précédent. (Ces deux derniers numéros sont bien dans le caractère des bijous du XVIII: siecle : nous les reproduisons quoiqu'ils soient

Br de fabrication moderne ; ils appartiennent à M. Poldi N°58 Pozzoli.)

N°s 48, 49. Boîtes de formes différentes avec peinture en émail et

camée entouré de brillants.

Bijou de ceinture, dit chätelaine, servant à la suspen- sion de la montre, de sa clef, du cachet et aussi des breloques. La montre est vue par le revers.

Les cinq derniers spécimens proviennent du Musée d'art industriel de Milan, photographié par M. G. Rossi.

À partir de 1721, la désuétude des dernières lois somptuaires qui aient été édictées per- mit aux diverses classes de la société l'emploi de tous les genres de parure, et comme le goût du faste était général, le luxe prit une extension dont les classes moyennes elles-mêmes ressentirent le contre-coup. De l'importance, peut-être sans seconde, de la joaillerie du XVIIT' siècle. À une époque les hommes en arrivèrent à porter autant de bijoux que les femmes, l’on faisait des bouquets, des garnitures d’habits d'hommes, des boutons de cha- peaux, des épingles, des montres, des tabatières et des nœuds d'épée en diamants ; le cordon de montre avec des apanages en breloque fut double, porté dans les deux goussets de la culotte ou à la ceinture, des deux côtés; dans un temps les hommes en vinrent à mettre à leur jarretière, en place de boucle, jusqu’à des espèces de chatons de bagues en losange, ou en ovale long, ou en carré, couverts de diamants, émaillés, ou garnis de perles; l’on pa- rait jusqu'aux souliers de diamants et d’émeraudes ; la main d’une femme, dit un contem- porain, était comme un baguier, si surchargée qu'il fallait la déshabiller pour en apercevoir les contours et les finesses; enfin, en un temps les enfants n'étaient que les miniatures des grandes personnes, on comprend quelle dut être l'importance de la fabrication des bijoux. Si l’on considère que les fantaisies et les engouements de la mode ne furent jamais plus capricieux et plus fréquents, comme le montre ce passage du Æagasin des modes de 1788: « Nous espérons que les ambassadeurs de Tippoo-Saïb (alors à Paris) qui ont a sûrement donné lieu à la mode des rubans couleur de chocolat (dits & Z4 Tippoo-Saib) « feront naître au moins une mode en chaque genre de meubles, bijoux, coiffures, ete.; » et lorsqu'on songe qu'il en fut ainsi pendant la plus grande partie du siècle, tout changeait, se renouvelait, empruntant le nom de la mode nouvelle à l'évènement à l'accident de la veille, au cancan du jour, à la satire comme aux engouements les plus passa- gers, on entrevoit ce que durent être la profusion et la variété véritablement prodigieuse de ces éléments de la parure, inséparables du costume lui-même.

Dans cet océan de joyaux, de colifichets, de bijoux de toutes destinations, on peut cependant se reconnaitre à quelques caractères généraux. Sans entrer dans l’examen trop spécial de la lapidairerie, et en s’en tenant aux métaux, on rencontre d’abord deux divisions fort tranchées par leur nature et par l'adoption qu'en fit la mode: l'or ou l'argent doré, et l'acier, qui ne parut que sous Louis XVI. I] y a encore à faire remar- quer que l'emploi des pierres de couleur dans les bijoux de prix fut surtout répandu après 1758. Les inventions de l’'orfèvre allemand Strass, auquel les gemmes factices doivent leur nom, éloignèrent depuis lors les gens de haut goût de l'emploi des brillants, Les étuis, les breloques, les boutons d’habit, les armes de parade, les fafioles, furent longtemps décorés, en outre des pierreries, par ce qu'on appelait les frois ors de cou- leur, les émaux proprement dits et la peinture en émail. L’acier, prenant le nom de bijoux rustiques, fut taillé en diamants, en olives, à facettes, etc., et fut rchaussé, dans les parties planes, de peintures en émail. Toutefois l'acier ne fut jamais de grande parure.

L'affectation de la simplicité poussée jusqu'à la paysannerie qui, sous le nom de style à la grecque, avait été un des caprices de M"° de Pompadour, et dont la tradition fut reprise avec un goût plus épuré par Marie-Antoinette, donne aux joyaux du XVIII: siècle un caractère commun dans le choix des emblêmes et des symboles. Sauf au commen- cement du siècle, les femmes portaient sur une gorge à découvert des croix et de petits saint-esprits de diamants, on ne rencontre guère dans ces bijoux, avec le trophée héroïque, que des symboles d'amour : deux cœurs traversés d’une flèche; l'ancre de l’espé- rance; un cœur avec les armes de Cupidon; deux rubans unis en rosette; l'arc et le carquois dans un cor de chasse; un cœur entre deux colombes; le carquois ailé, ete., etc.; ou encore le panier fleuri et les glands enguirlandés à panse de vase, rappelant celui que l’on appelait le vase militaire. L'emploi des chicorées, des coquilles, propres au style rococo, de provenance germanique, précède le goût plus épuré du décor de la dernière époque; car on retrouve jusque dans les infiniment petits les traces de l'évolution qui se produisit alors dans les diverses branches de l’art.

La perfection à laquelle fut porté ce genre de travaux à Paris, soumit en quelque sorte tous les bijoux de l'Europe à passer par les mains des ciseleurs et des bijoutiers parisiens. Malgré la rubrique française, que nous avons adoptée en raison de ce fait, on doit savoir que le caractère de ces joyaux est commun à toutes les parures de l'époque, portées dans les cours et les hautes sociétés européennes,

Entre les divers objets de la menuerie, les boîtes, tabatieres, bonbonnières, donnèrent lieu à un luxe spécial. La manie en fut telle qu’il fallait en avoir au moins une en poche, que lon prit ou non du tabac. « On devait, dit M. Paul Lacroix (1), l'ouvrir et la Cprésenter à la ronde. » Le bon ton exigeait qu'on en changeñt tous les jours. On en

(1) XVZIIe Siècle; sciences, lettres et arts, 1

a pour chaque saison, écrit Mercier dans son Tableau de Paris: celle d'hiver est lourde, celle d'été est légère; et il cite comme l’un des traits auxquels on reconnaissait un homme de goût, le fait d’avoir chez lui trois cents boîtes et autant de bagues. Ces chiffres qui pourraient sembler grossis par une plume satirique sont cependant inférieurs à la réalité. On trouva cinq mille boîtes dans les armoires du prince de Conti, mort en 1776. Il avait, dit-on, distribué de dix à douze mille bagues.

Une des manières les plus habituelles dans la haute société, de donner son portrait, était d'en faire monter la miniature en bracelets, en bagues, en broches, mais surtout en tabatières et en boîtes de toutes sortes. Le roi, la reine, les princes et princesses en distribuaient régulièrement sous cette dernière forme aux grands personnages de la cour. Une femme du beau monde faisait ainsi présent de la boîte d’or enrichie de son portrait aux personnes de son intimité.

Les femmes, comme les hommes-femmes, selon l'expression de Mercier, portaient des boîtes. Leurs poches aussi en étaient encombrées. Qu'’elles prisassent ou non, elles avaient la tabatière et avec la tabatière, la boîte à mouches, la boîte de senteur, la bonbonnière, sans compter les étuis, les porte-feuilles, les cassolettes. Il en était de même, sous des formes plus simples et quoique ces objets fussent très lourds, en général, dans les classes moyennes de la société. |

Il est nécessaire de faire remarquer que l'étiquette du deuil occasionnait de profon- des modifications dans le port de la joaillerie. Pendant le grand deuil, celui des grandes pleureuses, on portait les pierres noires; puis venaient l'épée et les boucles d'argent; puis les bijoux bronzés; on ne reprenait les diamants qu'au temps du petit deuil. On por- tait le deuil d’un décédé qui vous laissait un héritage, ne fût-il point votre parent. Enfin il est encore utile de savoir que dans les cas d’un deuil de cour, comme peut l'être celui porté pour un souverain étranger, le deuil pouvait être suspendu, renvoyé même à plusieurs semaines, s'il y avait, par exemple, quelque bal à donner.

Ajoutons encore à propos de nos épées de parade, que la mode dans les grandes mai- sons ébait de diner l'épée au côté; et à propos des bagues, qu'une femme élégante devait avoir, parmi celles dont sa main était surchargée : un gros, un très gros diamant au milieu d’une pierre de composition, ovale, carrée, en losange, carrée unie, grenée à huit points, etc., etc. Enfin comme les grands seigneurs, les riches traitants, n'étaient pas seuls à vouloir paraître et qu'il fallait un luxe de seconde main pour le petit monde, ce besoin fit naître, en outre du strass, l'industrie du sünilor, en vogue jusqu’au temps de Louis XVI. Ceux qui l’exerçaient portaient le nom de bÿoutiers-fausseliers. Les gens du peuple achetaient toujours la croix d'or à la Jeannette et le gobelet d'argent.

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FRANCE XVIIIE SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES DU RÈGNE DE LOUIS XV.

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NO,

Régiment royal des carabiniers (1724). No 2.

Colonel-général des carabiniers (1724). Nous.

Chevau-léger de la garde; maison du roi (1745). No 4. Dragon (1724). 5, Mousquetaire, compagnie ; maison du roi (1745).

No6:

Officier de gendarmerie de la garde; maison du roi (1724).

NOUS

Garde de la compagnie du prévôt général de la maré- chaussée de l'Ile-de-France (1724),

INÈRS:

Garde de la maréchaussée (1724).

Prévôt géncral; garde de la connétablie; maréchaussée de France (1724).

10, Officier supérieur d'infanterie (1724),

None

Sergent des grenadiers avec la fourche-à-croc; régiment

du Dauphin (1724).

N°12:

Maréchal des logis du régiment Colonel-général (1724). 13.

Maréchal de France (1724). C'est à partir de cette époque que l’on commence à voir porter aux maré- chaux de France et aux officiers généraux l'uniforme et les marques distinctives qu’ils conservèrent pres- que sans aucune modification jusqu'en 1789,

No 14,

Tambour-major du régiment de Linck; infanterie étrangère (1724),

CAVALERIE,

En dehors de la maison du roi, le nombre des régiments de cavalerie en 1724, était de 59 régiments à 2 escadrons de 4 compagnies chacun. Les cavaliers avaient pour armes l'épée, le mousqueton ou la carabine et les pistolets. Ils portaient des bandoulières de buffle blanc ou jaune, des culottes de peau de panne eb des bottes fortes. L'équipage du cheval était ordinairement à la livrée du colonel.

Maison du roi. La cavalerie de la maison du roi se divisait en une compagnie de gen- darmes de la garde, une compagnie de chevau-légers et deux compagnies de mousquetaires. On y ajoubait aussi les grenadiers à cheval; ils campaient à côté des gardes du corps. (Voir la pl. O couronné, France, X VIIT® siécle.)

Les gendarmes étaient au nombre de deux cents maîtres hommes d'armes, sans les offi- ciers, On distinguait leurs grades par la forme des galons et broderies et par la couleur du parement qui étaib rouge pour les brigadiers et sous-brigadiers et de velours noir pour les officiers et maitres. Les chevaux devaient être bais pour les gendarmes et gris pour les officiers supérieurs seulement.

Les chevau-légers eurent deux cents maitres pendant tout le règne de Louis XV. Leur uni- forme ne différait de celui des gendarmes de la garde que par quelques galons d’argent placés entre les galons d’or des boutonnières. Les chevaux n'avaient pas de couleur spéciale.

En 1725, les deux compagnies de mousquetaires furent réduites à cent cinquante maîtres chacune, puis portées à cent soixante en 1730. Depuis cette époque l'effectif de ce corps s’éleva parfois jusqu'à deux cent cinquante mousquetaires et plus par compagnie, parce que dans les temps de guerre on recevait tous ceux qui se présentaient après s'être assuré qu'ils réunissaient les qualités requises. La première compagnie avait des chevaux gris et la seconde des chevaux noirs ; d’où les snousqueluires gris eb les mousquetaires notrs. Ts portaient la soubreveste bleue, espèce de justaucorps sans manches; la croix qui l’ornait devant et derrière était en velours blanc, bordée d’un galon d'argent. Les mousquetaires combattaient à pied et à cheval ; leurs armes étaient l'épée, les pistolets et le mousquet.

Ce fut principalement à la maison du roi que l’on dut le succès de la glorieuse journée de Fontenoy.

Colonel-général. Le régiment Colonel-général, le premier de la cavalerie française, existait depuis 1635 et jouissait de certaines prérogatives. « [1 campoit toujours à la droite de l’armée, » dit État de France (1724) « et avait de grandes préférences pour les livraisons de pain et de fourrages ». Son étendard blane, que l’on appelait la cornette blanche, ne saluait que le roi, : les princes du sang, le colonel général de la cavalerie et les maréchaux de France, tandis qu'au contraire, il était salué par les étendards de tous les autres régiments. Dans toute la cavalerie, la compagnie-colonelle de ce régiment était seule montée sur des chevaux gris. Le régiment

Colonel-général était aussi le seul qui eût douze compagnies formant trois escadrons montés sur chevaux noirs et ayant une charge de cornette. Cette charge a toujours été possédée par des personnes de considération; aussi, quoiqu'elle ne donnât que le rang de dernier capitaine, elle ne laissait pas d’être vendue plus cher qu'un régiment.

Carabiniers. Avant l'institution de ce régiment il y avait deux carabiniers dans chaque compagnie de cavalerie ; on les choisissait parmi les plus habiles tireurs. En 1690, on en forma une compagnie par régiment, puis Louis XIV organisa le Poyal-Curabinier.

Ce régiment se composait, en 1727, de cinq brigades, chacune de huit compagnies de vingt hommes et ayant pour chef un colonel général portant le titre de mestre-de-camp commandant en chef.

Les carabiniers s'illustrèrent à Fontenoy, à Lawfeld et pendant les campagnes de 1760 à 1763. Pendant tout ce laps de temps, leur organisation et leur uniforme ne subirent pres- que aucun changement. Tous les chevaux de ce corps devaient être noirs.

Dragons. La création du premier corps de dragons remonte à 1558. C'était un corps d'arquebusiers à cheval qui devait se transporter le plus rapidement possible d’un point à un autre eb mettre pied à terre pour le tir. Son rôle ne changea pas dans les guerres du règne de Louis XIV.

De 1724 à 1734, le corps des dragons se composait de quinze régiments à deux escadrons de douze compagnies chacun. Les dragons, soit à cheval, soit à pied, étaient armés de fusils à baïonnettes semblables à ceux de l'infanterie, de sabres droits et de pistolets. Tous chaus- saient des jambières à boucles. Les dragons à cheval suspendaient à l’arçon de la selle une hache, une pioche ou une bêche et quelquefois aussi leurs bonnets lorsqu'ils mettaient des cha- peaux, car ils portaient alternativement les deux coiffures, sauf dans le régiment d'Orléans officiers et dragons ne quittaient jamais leurs bonnets garnis de fourrure fauve. (Voir les tim- baliers et tambours des dragons, pl. France XVIIT® siècle, au signe de la Trompette.)

Maréchaussée. Tie nom de maréchaussée donné à ce corps (dont les fonctions étaient celles de la gendarmerie actuelle) provient de ce qu’autrefois ces gendarmes se trouvaient sous les ordres immédiats des maréchaux de France.

Louis XV, par édit du 16 mars 1720, établit d’une manière définitive l’organisation de la maréchaussée, Il la divisa en trente-trois compagnies, savoir : la compagnie de la connétablie, la première et la colonelle de toutes les autres. Son chef avait le grade de premier colonel de la cavalerie légère et le titre de prévôt général des camps et armées du roi. Les gardes de la conné- tablie portaient dans l'exercice de leurs fonctions, par-dessus leur habit, un hoqueton bleu couvert de broderies, et étaient armés de l’épée et du mousqueton. La compagnie de la prévôté générale des monnaies avait la garde des archives et de l’hôtel des Monnaies de Paris. La com- pagnie du prévôt général de la maréchaussée de l'Ile-de-France était chargée de la police spéciale de la banlieue de Paris. La maréchaussée ordinaire veillait au respect et à l’exécution des lois ; elle comptait trente compagnies toutes montées. Chaque province renfermait une de

ces compagnies dont l'effectif variait en raison de l’étendue et de la population des localités elles résidaient,

INFANTERIE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE.

Au commencement du règne de Louis XV, l'infanterie comptait 119 régiments dont 20 étrangers. Chaque régiment portait le nom d'une province ou celui de son colonel.

Tous les régiments français et étrangers étaient armés de fusils et d’épées pour les soldats et de hallebardes pour les sergents (voir la pl. le Fléau, France XVIII! siècle). Les sergents de grenadiers du régiment Dauphin avaient la fourche à eroc à branches quadrangulaires très longues eb à double crochet. Le avril 1691, au siège de Mons, les grenadiers de ce régi- ment, commandés par le maréchal de Vauban, emportèrent d'assaut un ouvrage à cornes et saisirent les fourches des Autrichiens qui le défendaient. Louis XIV, voulant perpétuer le souvenir d’une action aussi honorable, permit aux sergents de ces grenadiers seulement de porter ces fourches au lieu de hallebardes. Le régiment du Perche (l’une des sources de l’an- cien 102°) ayant été formé de la moitié du régiment Dauphin, les sous-officiers gardèrent la fourche qui a été conservée dans le 102° jusqu’à son licenciement. (Extrait des registres matri- cules du 102° régiment.) On aurait pu décerner le nom de fourche fière (arme de la fin du quinzième siècle) à cette variété accidentelle de l’esponton.

Les officiers supérieurs d'infanterie faisaient souvent leur service à pied : ils étaient alors dans la même tenue que les officiers du régiment et armés comme eux de l’esponton. A che- val, ils avaient des bottes de dragons et tenaient en main la canne de jonc, signe du com- mandement, ,

Les tambours-majors et tambours des régiments français étaient habillés à la livrée du roi, à l'exception du régiment de Lyonnais qui portait la livrée de son mestre-de-camp, le duc de Retz. Dans les corps étrangers, les tambours-majors, tambours et fifres étaient toujours vêtus à la livrée de leurs colonels respectifs.

Documents tirés des originaux du dépôt de la guerre, des gravures et des dessins du temps.

Voir, pour le texte : Marbot et Noirmont, Costumes militaires français, Penguilly l Haridon, Catalogue des collections composant le Musée d'artillerie.

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES. MUSIQUE DE LA CAVALERIE.

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Jusqu'en 1772 les musiciens de la cavalerie ne portèrent pas le costume régulier des hommes du corps auquel ils appartenaient. La couleur de leur soubreveste ou de leur ca- saque était en général conforme à la livrée de leur colonel. C'était surtout dans l’accoutre- ment des timbaliers que la fantaisie avait ses coudées franches : on avait pris, sous Louis XIV, l'habitude de faire remplir cet emploi par des nègres et l’usage en prévalut long- temps pendant le XVIII® siècle. Les ordonnances de 1772 décidèrent que tous porteraient dorénavant la livrée royale avec l'habit bleu de roi, dit à la Polonaïse, c'est-à-dire retroussé eb orné de galons de fil blanc, tout en conservant les couleurs distinctives des revers, collet et parements de leurs corps respectifs. Une ordonnance de 1731 avait fondé une école de trompettes dans l’intérieur de l'hôtel des Invalides; les professeurs étaient pris parmi les invalides eux-mêmes.

La couleur de la robe des chevaux de ces musiciens était facultative, sauf toutefois dans les quatre compagnies de la garde du Roi, leurs chevaux devaient être de couleur isabelle, bien que dans ces mêmes compagnies portant chacune un uniforme différent, l'Écossaise ou de Noailles, de Villeroy, de Charôst, d'Harcourt, le choix des chevaux de la troupe ne fût soumis à aucune uniformité de couleur. Il en était autrement pour les mousquetaires de la garde

du Roi qui tiraient de la couleur de leurs chevaux de troupe les noms de mousquetaires gris OU noirs.

Tous les régiments de cavalerie n'avaient pas de timbaliers. De 1724 à 1734 le corps des dragons se composait de quinze régiments à deux escadrons de douze compagnies chacun. La compagnie avait un tambour et un hautbois. Le régiment de Rochepierre était le seul qui eût des timbales; il les avait conquises un jour en surprenant un quartier ennemi, et on lui accorda le privilège de les garder.

Les timbaliers de la compagnie ordinaire de cavalerie furent au reste supprimés en 1776 par le comte de Saint-Germain. Le régiment Colonel-(rénéral, le premier de la cavalerie fran- çaise, existant depuis 1635, dut lui-même endurer cette suppression.

Les n% 1,2, 8 représentent un hautbois, un tambour et un brigadier des mousquetaires de la garde du Roï en 1724. Ces mousquetaires portaient encore le même uniforme et les mêmes marques distinctives sur les soubrevestes que vers la fin du règne de Louis XIV. Le brigadier seul a le costume régulier du corps ; les musiciens ont la soubreveste en drap d’ar- gent rayé de bleu.

4. Timbalier des gardes du corps du roi ; sa casaque, semblable à celle du trom- pette, esb aussi de drap d'argent rayé de bleu. Nous rappelons que son cheval isabelle est d'ordonnance.

5. Trompette de la gendarmerie de France, compagnie des chevau-légers d'Orléans. Le roi était capitaine des quatre: premières compagnies, ou compagnies du Roi; les autres étaient compagnies des Princes et en portaient le chiffre sur les housses de leurs chevaux. Le fanion de la trompette en porte les armes. Ces compagnies avaient leur timbalier de

o même costrime.

Les 6 et 7 appartiennent aux dragons. Le premier est un tambour du régiment de Bauffremont; le second, un hautbois du régiment d'Orléans. Les dragons à cheval por-

? ? > S taient alternativement des chapeaux ou des bonnets ; seul le régiment d'Orléans, officiers et soldats, ne quittaient jamais leur bonnet garni de fourrure fauve.

N°8. Timbalier du régiment de Villeroy.

9. Timbalier du régiment Colonel-Général. Ce régiment avait douze compagnies

o oO o formant trois escadrons montés sur chevaux noirs.

N°10. Tambour à cheval des dragons du Dauphin. Ces tambours furent remplacés en

g n 1776 par des trompettes.

11. Trompette du régiment de Royal-Pologne à la livrée du Roi, par suite de l'ordonnance de 1772.

(Ces costumes, publiés par MM. de Noirmont et Alfred de Marbot dans leur magnifique ouvrage sur les costumes militaires français, ont été dessinés d'après l'ouvrage original de Delestre, au dépôt général de la guerre d'après les gouaches de Van Blaremberg, les peintures de Lopaon, au musée de Versailles, les dessins de Delarue, gravés pur Bisen, el divers dessins de l'époque.)

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FRANCE. XVIIIE SIÈCLE

COSTUMES DE GUERRE. PREMIÈRE MOITIÉ DU SIÈCLE

LE ROI. CAVALIERS DE SA MAISON MILITAIRE. LA GARDE DU CORPS. VOLONTAIRES ÉTRANGERS. HUSSARDS ET UHLANS,

No 1. Officier des hussards de Rattky, en 1724, No:2. Hussards de Berchény, en 1724, 58. Volontaires du maréchal de Saxe ; uhlan, en 1745,

N°'4,

Cavalier des volontaires étrangers de Clermont-Prince, en 1745,

No 7.

Louis XV, roi de France et de Navarre, en 1757, No 5,

Gendarme, même époque,

6.

Garde du roi, compagnie écossaise, même époque, Nc 8.

Gendarme de la garde, même époque,

9.

Chevau-léger de la garde du corps, même époque,

« Nos rois, dit l'État de France de 1702, ont toujours entretenu plusieurs gardes pour

leur sûreté. » Selon Grégoire de Tours, Gontran, roi d'Orléans ou de la France bourgui- gnonne, après la mort de Sigebert et de Chilpéric, l'un roi de Metz ou d’Austrasie, l’autre roi de Paris et de Soissons, ses deux frères assassinés, mit une grosse garde autour de lui, sans laquelle il n'allait plus à l’église, ni même à ses divertissements. Philippe-Auguste en Terre Sainte, en butte aux menaces du Vieil de la Montagne, ayant « prins conseil de soy

garder, » avait une milice de « sergens à maces, garnis et bien armez, » veillant nuit eb jour autour de lui. Cette milice spéciale ne le quitta pas à son retour, car ces sergents lui furent d'un grand secours au pont de Bouvines, en 1214. Charles VIT adjoignit aux gardes de son corps des Écossais choisis parmi ceux que les comtes de Buchan, Douglas et autres seigneurs lui amenèrent pour chasser les Anglais de la France; jusqu’à la fin de la monarchie, les Écossais ainsi que les Suisses, dont Louis XI forma le premier une compagnie pour la garde ordinaire de sa personne, firent partie de la maison militaire royale en qualité de gardes du corps. Leur service faisait diviser ces compagnies en Gardes du dedans du Louvre, et Gardes du dehors du Louvre.

Ceux du dedans étaient : les quatre compagnies des gardes du corps, Écossais et Français ; les cent-suisses, aussi gardes du corps ordinaires du roi ; les gardes de la porte ; la compagnie de la prévôté de l'hôtel. Ceux du dehors se composaient, en cavalerie : de la compagnie des gendarmes et de celle des chevau-lévers ; en infanterie : des deux régiments des gardes fran- çaises cb suisses. Il y avait encore les deux compagnies des mousquetaires à cheval, et les cent gentilshommes au bec de corbin.

Dès Louis XIV, l'habit bleu ou rouge distingua les régiments de la maison du roi. Le rouge dominait; il semble même avoir été un moment l'unique couleur de la cavalerie de la garde royale : les escadrons rouges, c'est ainsi que les contemporains la désignent en par- lant du combat de Leuze où, en 1690, cette cavalerie avait brillamment figuré.

Le blanc faisait partie de la livrée de Louis XV; il ne constituait pas cette livrée qui, de même que celle de Louis XIV, se composait de la réunion des trois couleurs : bleu, in- carnab eb6 blanc; à la nuance près du rouge, c'est le trio du drapeau de la révolution fran- çaise,

5. Gendarme, rentes couleurs, suivant les compagnies, Les armes

; L SU ; sont l'épée, le mousqueton et deux pistolets. La gendarmerie de Franec n'était pas de la maison du

roi, mais venait après elle ; en 1724 elle continuait à tenir, à la suite, le premier rang que lui avaient valu

6, Garde de la compagnie écossaise.

Ces gardes du corps avaient l'habit bleu; parements, doublure, veste et culotte rouge, galonnés en argent et en brandebourgs devant l’habit jusqu'à la cein- ture; le ceinturon garni de même, chapeau bordé

sa bravoure et sa tenue. Il y avait seize compagnies de gendarmerie, au nombre desquelles six compa- gnies de chevau-légers. Cette organisation avait

été donnée par Louis XIV, Le roi était capitaine ï k ( d'argent, manteau bleu doublé en rouge et bordé

des quatre premières compagnies compagnies du roi; les autres étaient compagnies des princes et en portaient les chiffres sur les housses de leurs che- vañx,

La bandoulière de couleurs distinctives est du dix-huitième siècle.

L'uniforme est l'habit rouge avec un bordé d’ar- gent ; la veste couleur de chamois, dont les bouton- nieres sont d'argent mêlé de soie noire ; la bandou- litre galonnée d'argent sur un fond de soie de diffé-

d'argent. Bandouliére et équipage du cheval de couleur bleue, Armes : l'épée, le mousqueton et

deux pistolets.

N°8. Gendarme de la garde du roi.

Henri IV créa cette compagnie en 1590.

Habit écarlate, galonné d'or en plein, en bran- debourgs, et parements de velours noir; boutons et ceinturon garnis d'or sur le tout; veste couleur de

chamois, galonnée ; culotte ronge; chapeau bordé d'or, avec plumet blanc et, par une exception cons- tante, avec la cocarde noire, même après que le blanc eut été adopté pour toutes les cocardes dans l’armée. Équipage du cheval : drap écarlate galonné d’or. Armes : l'épée et deux pistolets.

Les enseignes et guidons des gendarmes de la garde étaient de satin blanc brodé d'or ; leur devise était un foudre tombant du ciel, avec ces mots : Quo jubet iratus Jupiter, Is en eurent quatre d'abord, six depuis 1678,

Il n'est pas sans intérêt de relater quelques-unes des traditions de cette arme. Le roi était le capitaine de la compagnie, dont les hommes d'armes ou maî- tres, y compris les brigadiers et sous-brigadiers, étaient au nombre de deux cent dix en 1757. A ce titre, S. M. recevait 820 livres par quartier. Par an, le gendarme touchait 680 livres ; sa place était une charge dont il pouvait disposer en se démettant en faveur d'un autre, ce que les chevau-légers ne pou- vaient faire. Elle avait cessé d'être vénale depuis 1678 où, sous l'influence du prince de Soubise, capi- taine-lieutenant de la compagnie, le corps fut épuré ; parce que, disent les mémoires du comte de Roche- fort, il s'y trouvait d'honnêtes gens, mais il s'y rencontrait aussi de @ certaines personnes à qui le crime ne faisait pas trop de peur. »

Les capitaines faisaient le serment de fidélité entre

darmes se prêtait entre les mains d'un commissaire à la conduite qui faisait, lui, le serment entre les mains d’un maréchal de France. Le gendarme, ou l'officier de cavalerie prêtant le serment, devait au commissaire à la conduite, chargé du soin de faire la montre, son cheval et ses pistolets ; le fantassin lui devait son épée et son hausse-col. Lorsque c'était le commissaire à la conduite qui faisait le serment, il devait au capitaine six aunes de velours noir.

Ce commissaire à la conduite, d'institution si ca- ractéristique, avait la seconde place dans la compa- gnie ; au combat comme aux logements, il venait im médiatement après le commandant ; dans la marche, sa place fixe était 4 la gauche de celui-ci, la tête de son cheval répondant à l’étrier du chef,

9, Chevau-léger de la garde du roi.

Compagnie également formée par Henri IV, en 1594. Habit d'écarlate, parements de velours noir galonnés de brandebourgs d'or en plein; boutons et bou- tonnières d'argent : culotte rouge ; chapeau bordé d'or ; plumet et cocarde blancs. Équipage du cheval : drap écarlate galonné d'or. Armes : pistolets,

l'épée et deux

Le roi était aussi le capitaine de cette compa- gnie , mais sans émoluments. La devise des étendards

des chevau-lég était un foudre écrasant les géants,

avec ces mots :

les mains du roi ; celui des autres officiers et des gen- ensere gigantes.

Au fond, la tenue de l’armée était restée sensiblement la même qu’elle était dans la der- nière partie du règne de Louis XIV. Les changements qui purent se produire pendant la durée du pouvoir du cardinal de Fleury, sous des ministres auxquels innovation paraît avoir été insupportable, ne gisent que dans le détail; ils sont presque insensibles et comme subreptices, selon l'expression de M. Quicherat. Non seulement jusqu'en 1745, époque de la mort du car- dinal, mais encore jusqu’en 1757, ainsi que le montrent nos originaux, malgré les efforts de d’Argenson guidé par le comte de Saxe, on voit toujours le justaucorps avec ses longs pans et le large parement de ses manches; le tricorne de haute forme, les longues bottes et le manteau distinguant les cavaliers. Les modifications consistent en une veste un peu moins longue; l'adoption par tous du ceinturon pour le port de l'épée au lieu de la bandoulière ; l'adjonction de la petite giberne, dite cartouche, qui se portait suspendue généralement de droite à gauche; et la substitution des bottes molles aux bottes fortes, pour laquelle il fallut un long temps, selon Puységur. Quoiqu’on sût que les bottes fortes empéchaient le cavalier de s’aider lorsque son cheval était tué; que ses bottes ne lui permettaient pas de remonter sur son cheval lorsque celui-ci s'était abattu, « surtout quand il porte ses hardes en croupe, »

les bottes fortes, qui préservaient les genoux du cavalier, souvent rudement froissés dans la presse de l’escadron, conservèrent longtemps de chaleureux partisans ; on dut cependant les abandonner devant la multiplicité de leurs inconvénients, quoique les bottes molles fus- sent plus coûteuses. La cocarde, après avoir été d’un usage universel, resta depuis ce temps fixée au chapeau du soldat comme une marque de sa profession. Elle était toujours en nœud de ruban ; ce ne fut qu'en 1775 que ce nœud fut transformé en une plaque d’étoffe plissée en rayons sur toute sa superficie.

La chevelure poudrée et en queue nouée d’un ruban était devenue d’un usage général, qui semblait devoir se perpétuer parmi les militaires, malgré les objurgations de Maurice de Saxe qui voulait voir au soldat des cheveux ras.

Les grades ne s’annonçaient encore que par quelques agréments ajoutés aux passemente- ries. Ce n'est qu'en 1762 que l’épaulette d’or d'argent, comme insigne des grades, fut imposée aux officiers qui l’accueillirent assez mal d’abord, l'appelant la « guenille à li Choiseul »; ce qui ne les empêcha pas, il est vrai, d'y attacher bientôt du prix. Ce ne fut encore qu'après 1760 que l'on rendit le tricorne plus commode en le rapetissant, et que fut introduit dans l’armée, l’habit-veste, d’origine polonaise, adopté par les Allemands bien avant nous, si préférable au justaucorps à longs pans pour les mouvements du cavalier.

Sans les soldats étrangers dont il va être parlé, soldats incorporés dans l’armée française et y conservant le costume de leur nation, il eût semblé, pendant la première moitié du siècle, n'y avoir à peu de chose près qu'une coupe de vêtements, qu'une espèce de coiffure et que des chaussures de même sorte. Le souverain lui-même ne se distinguait guère de l’escorte dont il était entouré. Cette monotonie était d’ailleurs un peu la même dans les différentes cours des princes de l'Europe.

Nos Let 3, Hussards de Rattky et de Berchény.

Leur nom vient de us: qui en hongrois veut dire vingt. Ce chiffre était la base de la levée (un homme sur vingt) dont était formée une milice de cavaliers employés à la garde des frontières de la Hongrie et de la Pologne. Cette milice ancienne est mentionnée par les chroniqueurs du treizième siècle.

Au dix-septième siècle, les armées impériales comprenaient un grand nombre de hussards, Il est vraisemblable que les Cravates et Polaques servant dans les armées françaises à cette époque, étaient de même catégorie. Cependant on n’y employait pas le nom de hussards pour les désigner. Les premiers qui y parurent sous leur nom national datent de 1692 ; c'étaient des déserteurs hongrois , dont le ma- réchal de Luxembourg, aidé de l'argent du roi, fit former un régiment qui reçut le nom de Aussards

royaur. Les hussards royaux furent réformés à la paix de 1698. Le maréchal de Villars en forma un nouveau régiment. L'électeur de Bavière, en 1701, en donna au roi un autre dont en 1707, un officier hon- grois, M. de Rattky devint le commandant. Après la paix d'Utrecht en 1713, les deux régiments fondus ensemble n’en formaient plus qu'un dont M. de Rattky resta le chef, Le régiment des hussards de Berchény fut levé en Turquie en 1716.

Ces enrolés étrangers faisaient partie de l’armée française ; ils étaient placés à la fin de la cavalerie ; chacun de leurs régiments n'avait qu’un escadron. Leurs étendards bleus, fendus en pointes par le bas, étaient fleuronnés du soleil d’or et de la devise de Louis XIV, et, pour l'ordinaire, semés de fleurs de lis Conservant au service de l'étranger leur costume na- tional, les hussards ne se distinguaient entre eux que par quelque signe de ralliement ; ceux de France ne

différaient des impériaux que par la fleur de lis de leur bonnet. Leur caractère ne parut pas meins étrange que leur accoutrement ; les officiers de ces hussards n'osaient les commander qu'après avoir obtenu leur assentiment, marqué par une acclama- tion ou par un signe de tête. Ils avaient pour cou- tume d'attacher à l’aigrette de leur bonnet autant de petites feuilles d'or qu'ils avaient coupé de têtes. Ils y renoncérent en prétextant insolemment que la dépense en devenait bientôt trop grande.

Le Père Daniel a tracé d'eux un portrait que nous transcrivons. L’énumération de leurs armes consiste en un grand sabre recourbé, ou un autre, droit et fort large, attaché à la ceinture avec des anneaux et des courroies. En outre du sabre, cer- tains hussards étaient armés d'une épée d’un usage plus fréquent dans les troupes de l'empereur que dans celles de France; c'était une épée menue et longue de cinq pieds, appendue d'ordinaire le long du cheval et dont on se servait comme d’une bro- che; l’homme l’appuyait sur son genou et piquait penché sur la tête de son cheval. Des pistolets, une carabine, de très grandes gibecières en bandoulière en forme de havre-sac, et la sabretache, sous son ancien nom de panseretesche, complétaient cet arme- ment. »

Leurs chevaux, de petite taille, étaient rapides et d'autant plus vites qu'ils n'avaient que des bri- dons, ce qui laissait à la monture une respiration plus libre et lui permettait de pâturer à la moindre halte sans être débridée. La selle courte était de bois léger avec deux arçons relevés également de- vant et derrière ; au lieu de pommeaux c'étaient des tresses de grosse ficelle. La selle était posée sur d'é- paisses couvertures en plusieurs doubles, servant aux hommes pour le coucher. Le dessus en était de peaux avec leur poil, qui couvraient les pistolets aussi bien que les housses. Les étriers étaient fort courts ; les éperons près des flancs du cheval; les hussards se levaient au-dessus de leur selle et courant plus vite que la grosse cavalerie, ils étaient surtout dan- gereux contre les füyards. Pour être moins connus en pays ennemi, ils roulaient les housses sur la croupe de leurs chevaux et pliaient leurs étendards. Leur manière la plus ordinaire d'attaquer était d'inquiéter l'adversaire par différents mouvements et de l’effrayer par leurs cris. Ils ne pouvaient tenir contre des es- cadrons en ordre de bataille. Leur utilité était à l’a- vant-garde pour les découvertes, à l'arrière-garde

pour couvrir le fourrage. Ils ne restaient guère dans le camp, et navaient rien de régulier sous ce rap- port. Leur discipline rigoureuse était entretenue par de rudes châtiments dont le plus ordinaire était la bastonnade sur le dos et le derrière, en nombre de coups marqué.

Ces hussards avaient pour habillement une espèce de pourpoint ou de veste n’allant que jusqu'à la ceinture , à manches très étroites se retroussant avec un bouton; une grande culotte en pantalon, c’est- à-dire tenant aux bas de chausses; des bottines jusqu'au genou, sans genouillères, tenant aux sou- liers qui étaient arrondis avec de petits talons par- fois en fer. Les chemises des soldats étant fort courtes et changées rarement, ils les portaient sur- tout en toile de coton bleue. Le manteau, guère plus long que le pourpoint, se mettait du côté que venait la pluie. Les bonnets longs étaient bordés de peaux. La plupart de ces hommes avaient la tête rasée, n’y conservant qu'un petit toupet de cheveux sur le côté droit,

Les officiers plus proprement habillés, même ma- gnifiques en harnais, en armes, en peaux et en four- rures, ayant à leur bonnet de belles aigrettes, s'arran- geaient chacun selon son goût et sa dignité. Quelques lames de vermillon d'argent, plaquées du côté droit sur leur costume, y marquaient le nombre des com- bats livrés ; la boule d'argent sur la poitrine de l'homme à cheval indiquait sa noblesse,

L'officier de hussards, 1, tient une de ces masses d'armes du moyen-âge dont l'origine est, on le sait, iine. La légende de la vieille gravure qui a fourni cet exemple, se termine de manière à com- pléter le portrait du hussard primitif : Ç une peau de loup leur sert de manteau, et ils portent à l’arçon une hache; l’étrier court leur sert à les élever lors- qu'ils combattent, et se mieux élancer pour couper la teste à leurs ennemis, ce à quoi ls sont fort

adroits. »

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Le costume des hussards ne fut francisé, de façon à être à peu de chose près ce qu'il était daus les temps modernes, que dans la seconde moitié du dix- huitième siècle. En 1760 leur habit était bleu de ciel; on les mit ensuite en habit vert avec shako et cu- lotte rouge. Une ordonnance de 1760 attacha aux régiments de hussards de Berchény et de Turpin un corps de chasseurs à pied dont les couleurs dis- tinctives étaient les mêmes que celles des régiments auxquels on les avait adjoints.

2, Uhlan, des volontaires du marechal de Saxe.

Les uhlans étaient des volontaires ‘nobles, valaques et polonais. Le régiment comptait mille hommes, moitié uhlans, moitié pacolets ou dragons. Les uhlans étaient habillés 4 la tartare et armés d’une lance, d'un sabre large et de deux pistolets ; les uns et les autres se coiffaient du casque en similor garni de peau de chien de mer; l’uniforme des pacolets était plus à la française que celui des uhlans ; leur armement se composait d’un sabre, de deux pisto- lets et d’un fusil dont la baïonnette était toujours mise, Les uns et les autres montaient des chevaux valaques , tartares et de la Bessarabie, à housses de drap pour les uhlans, de peau de loup pour les dra- gons. Ce ne fut qu'en 1745 que le uhlun prit le cos- tume qu'on lui voit ici.

Dans le régiment levé par le maréchal de Saxe, les pacolets dragons n'étaient plus les valets des uhlans, comme ils l’étaient dans les régiments du roi de Pologne, Auguste IIT, en 1717, on les avait vus sous le nom de Pocztowy Pacholeks (d'où, par cor- ruption pacolets) prenant le soin des chevaux et équi- pages des uhlans. Ils formaient alors un corps de combattants à part et de second ordre ; leur carabine était une arme dont leurs maîtres dédaignaient de se servir : ils s'habillaient comme ïils pouvaient. En France, les paculets, faute de noblesse, restaient inférieurs aux uhlans,

Les uhlans se réunissaient par petits pelotons pour combattre à la manière des hussards qu'ils surpassaient encore en agilité. Ils chargeaient en appuyant leur lance sur la pointe du pied et por- taient le coup avec le pied même, si adroitement qu'ils manquaient rarement leur adversaire. Les pacolets restaient en escadrons afin de faciliter la retraite de leurs maîtres en cas de besoin. Ils s’en- tendaient très bien à tendre des embuscades. Le colonel de ces volontaires s'appelait poulcoménic. Lorsque le maréchal de Saxe se fut retiré à Cham- bord, le roi lui laissa la jouissance de son régiment ; les uhlans y faisaient le service comme dans une place de guerre; cinquante d’entre eux avec un étendard montaient chaque jour la garde à l'entrée du château. À la mort du maréchal, les uhlans re- tournèrent en Pologne, et les pacolets ou dragons organisés en un régiment de volontaires restèrent au service de la France. Ils devinrent les volontaires de Schomberg, leur commandant, vers 1750. L'armée renfermait en 1750 un assez grand nombre de corps de wolontaires français et étrangers, presque tous créés ou rétablis en 1757. Parmi ceux formés de ca- valiers et d'infanterie, celui de Clermont-Prince, qui en 1766 prit le nom de Légion de Condé, ne comptait que des étrangers. Ces corps de volontaires composés de fantassins et de cavaliers, que l’on nommait troupes légères, prenaient rang après l’in- fanterie, sans en faire partie.

Les 5, 6, 7, 8 et 9 sont reproduits d’après Eisen et tirés du Nouveau Recueil des troupes qui forment la garde el maison du Roi, dédié, présenté au Roy et publié par la

veuve Chéreau en 1757.

Les n°® 1 et 3, proviennent de la Collection de Costumes et scènes militaires, éditée par Guérart, 1692, 1712. Les 2 et 4 sont tirés des Annuaires militaires et des gravures du temps; ils figurent dans le grand ouvrage de MM. de Noirmont et Alfred de Marbot.

Voir pour le texte : Costumes militaires français, par AM. de Noirmont et de. Marbot. L'État de France, 1702. L'Art de la guerre, par le maréchal de Puyséqur, 1749. Histoire du costume en France, par M, Quicherat.

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FRANCE. XVIII" SIÈCLE

MAISON MILITAIRE DU ROÏI; 1757. LE DAUPHIN. ARTILLERIE DE CAMPAGNE ; 1745.

MAISON MILITAIRE DU ROI,

(Cette série se rattache à celles données dans les planches B M et O couronn“, et complète ainsi les costumes de la maison militaire du roi).

No: 2, Mousquetaire gris; première compagnie,

Habit et veste rouges avec boutonnitres brodées d'or; boutons dorés ; poches en long. Culotte et bas rou- ges. Chapeau bordé d’un galon d'or ; cocarde et plumet blancs, Soubreveste bleue garnie d'un double bordé d'argent et ornée devant et derrière d’une croix blanche dont les branches ont des fleurs-de-lis ainsi que des flammes rouge et argent, Ceinturon galonné d'or, Épce, mousquet et pistolets, Bottes demi-fortes. Selle en drap écarlate brodé d'or, Cheval gris-blane.

5, Mousquetaire noir; deuxième compagnie.

Dans l’origine, cette compagnie appartenait au cardi- nal Mazarin ; les gentilshommes qui la composaient étaient appelés les petits mousquetaires. A la mort du cardinal, ils firent partie de la maison militaire du roi.

Uniforme semblable à celui de la première com- pagnie ; il n'existe une différence que dans les galons qui sont d'argent et dans les flammes de la croix qui deviennent jaune et argent. Large manteau bleu doublé de soie rouge, orné de croix d'argent, avec de larges fentes pour le passage des bras. Mêmes

armes que dans la première compagnie, Cheval noir,

La compagnie des mousquetaires noirs et celle des mousquetaires gris ont été supprimées par le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre, en

1775, :

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Grenadier à cheval.

Cette compagnie, créée en 1676, était attachée à la maison du roi sans en faire proprement partie, Formé à son origine de grenadiers choisis dans les régiments, ce corps continua, pendant tout le règne de Louis XV, à se recruter de la même manière; des lettres adressées à chaque colonel d'infanterie le pré- venaient que, le roi ayant besoin d’un de ses gre-

nadiers pour mettre dans sa compagnie de grena- diers à cheval, ileût soin d'en envoyer un qui füt grand, fort, brave et portant moustache. Ce corps se trouvait ainsi composé d'hommes choisis parmi l’élite de l’armée,

Veste rouge; habit bleu à parements rouges brodés d'argent ; agréments, boutons et boutonnières également d'argent. Ceinture et bandoulière de bufle jaune bordées d'argent; la buffleterie jaune était réservée à la cavalerie, la blanche à l’infan- terie, Bonnet rouge bordé d'argent et garni de peau d'ourson noir; les grenadiers adoptérent les pre- miers ces bonnets d’ourson, coiffure apportée en France par les mercenaires allemands. Culotte et bas rouges. Bottines de dragons substituées 4 la botte forte depuis 1745. Sabre, fusil à baïonnette et pistolets. Selle de cheval en drap bleu bordé d'ar- gent,

Les grenadiers combattaient à cheval et à pied, comme les dragons; ils faisaient au besoin le ser- vice de pionniers et réparaient les chemins devait passer la maison du roi cet effet, ils avaient un outil attaché à l’arçon de leur selle.

Cette compagnie a été supprimée en 1775.

No", Grarde de la porte.

Les gardes de la porte, appelés auparavant archers du capitaine de la porte, se vantaient d’être les plus anciens gardes de Sa Majesté; Üs sont nommés par Louis IX, en 1261, portiers de lu garde du roi.

Leurs fonctions consistaient à garder la princi- pale porte du palais du roi pendant le jour. Le soir, à six heures, ils étaient relevés par les gardes-du- corps.

Ts avaient pour consigne de ne laisser entrer en caxrosse ou en chaise dans le logis du roi que ceux qui en avaient l'autorisation et à faire déposer aux gens qui se présentaient toutes leurs armes, sauf l'épée.

La compagnie des gardes de la porte conserva sous Louis XV la même organisation et les mêmes attributions qu'elle avait sous le règne de Louis XIV. L'uniforme continua aussi d’être à peu près le même.

Justaucorps bleu avec parements et doublure rouges. En 1678, ce justaucorps avait deux galons d'argent en onde, remplacés plus tard par deux larges galons d'or et d'argent sur des coutures et des pa- rements de velours rouge ou écarlate. Ce costume

leur resta, sauf quelques modifications dans la coupe, jusqu'au règne de Louis XVI. Veste, culotte et bas rouges, Baudrier, ceinturon avec pendant d'épée, galonnés et bordés en plein sur le tout par des car- reaux d'or et d'argent. Chapeau bordé de même, Épée et mousqueton. Le mousqueton avait été de- puis plusieurs années substitué à la hallebarde,

N°4. Le Dauphin.

Louis, dauphin de France, père de Louis XVI. Costume analogue à celui porté par le roi Louis XV (voir la planche O couronné) : tricorne bordé d’un panache blanc; habit rouge brodé d’or; cui- rasse sur une veste bleue ; cordon du Saint-Esprit ; culotte rouge; bottes fortes,

No: Artillerie de campagne.

En 1745, l'uniforme de l'artillerie consistait en un habit bleu-de-roi accompagné d’une veste et d'une culotte rouges. En petite tenue, les artilleurs por- taient l'habit écarlate et la coiffure nommée pokalem. Les charretiers et muletiers étaient vêtus de sar- raux bleus et coiffés du même bonnet que les ar- tilleurs.

Dans la scène reproduite par cette planche, les artilleurs, sous les ordres d’un sergent armé de l’esponton, descendent les barils de poudre con- tenus dans une prolonge ; le premier plan est oc- cupé par un canon de campagne en bronze muni de son avant-train à limonière, c'est-à-dire à brancards. L'usage du coffret qui surmonte cet avant-train, était de fournir des munitions aux batteries trop exposées au feu de l'ennemi et éloignées par consé- quent des grands chariots toujours mis à l'abri dans les ravins ou derrière les monticules.

Lorsque la succession d'Autriche occasionna la longue guerre commencée en 1741, l'artillerie royale traînait à sa suite un nombre considérable de voi- tures, et les accessoires, peu en rapport avec la per- fection relative des bouches à feu, empêchaient de tirer de celles-ci le meilleur parti possible, Comme le démontre notre exemple, il fallait transporter à leur suite la poudre en barils ; puis lorsqu'une pièce était mise en batterie, les artilleurs devaient apporter

la provision de boulets, amener les barils, les dé- foncer, y puiser la charge au moyen d'une lanterne emmanchée au bout d'un bâton, introduire avec précaution cette lanterne dans la bouche à feu jus- qu'au fond et loger la poudre dans la chambre en renversant la lanterne, enfin; on faisait entrer avec autant de précaution le boulet et les deux bouchons de foin destinés à l'isoler et àle maintenir. Malgré ces inconvénients, pour les gens du métier le système du lieutenant-général de Vallière qui précède celui de Gribeauval datant de 1765, marque le premier progrès vers les idées actuelles,

En ce qui concerne le système d’attelage, celui que décrit Blaise de Vigenères s'était maintenu à travers les guerres du dix-septième et du dix-hui- tième siècle ; l'artillerie française se trouvait tou- jours subordonnée au bon vouloir des charretiers de réquisition qu'on appelait plaisamment les Aus- sards de Leuchères, Au nom de l'entrepreneur des transports. Ces mercenaires, indifférents à la gloire, ne faisaient marcher leurs chevaux, mal nourris et harnachés à la diable, qu'avec la plus grande pru- dence, et n’hésitaient pas à dételer en approchant du terrain commençaient à siffler les balles et les boulets; pour faire le reste du chemin, les malheu- reux canonniers prenaient alors la bricole et s’at- telaient eux-mêmes au lieu et place des chevaux absents,

Pendant la guerre de sept ans, les capitaines qui conduisirent nos armées négligèrent absolument de tenir compte du mode d’attelage employé par l’ar- tillerie prussienne, Le perfectionnement de celle-ci datait de longtemps déjà, car du temps du grand- lecteur de Brandebourg, il existait en Prusse des attelages conduits par des canonniersi de sorte que, le progrès se faisant, Frédéric eut une artillerie attelée militairement et put même nous opposer des batteries d'artillerie à cheval; aussi tira-t-il de ses pièces un parti plus utile que ne pouvait le faire des siennes l'artillerie française.

Si grande qu'aurait pu être l'énergie déployée à cette époque par un novateur désireux d’affranchir notre artillerie de cette lourde dépendance, il se serait heurté contre un esprit militaire encore su- bordonné aux idées aristocratiques ; ce qu’avaient fait les rois de Prusse, ce que fit plus tard Bona- parte, n’était pas possible dans notre pays l’opi- nion, continuant à classer les professions, considé- rait certains métiers comme incompatibles avec l'uniforme et la dignité de l’homme de guerre, C’est la révolution qui abolit ces préjugés, donna à l'ar- tillerie les moyens de se mouvoir en liberté dans sa sphère d'action et de prendre enfin la place qui lui revenait dans les armées. Le 13 nivose an VIII, le premier consul supprima les entreprises et créa les bataillons du train d'artillerie.

Les n°5 2, 3, 4, 5 et 6, reproduits d'après Eisen, font partie du Nouveau recueil des troupes qui forment la maison et la garde du roi; 1757.

L'exemple 1 représente un fragment de tableau du temps appartenant au Musée de Versailles.

Voir, pour le texte : M. de Noirmont et Alf. de Marbot, Costumes militaires français, 1854. Penguilhy- l'Haridon, Catalogue du musée d'artillerie, 1862. Général Susane, Histoire de l'artillerie française, 1874,

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FRANCE. XVIII" SIÈCLE

UNIFORMES MILITAIRES. GARDES FRANCAISES ET GARDES SUISSES.

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4 5 6 10 11 12

No 1. Tambour des gardes françaises, 1724, 2, Officier des gardes suisses en petite tenue, 1757. 3, Sol- dat des gardes françaises, grande tenue, 1757. 4. Officier de cette arme, petite tenue, même époque.

5. Même officier, en grande tenue, 6. Officier invalide,

7. Cymbalier de régiment, gardes fran-

çaises, 1786. 8. Colonel des gardes françaises, maréchal de France, 1786. 9. Officier de l’état- major dans la plus petite tenue, même arme et même époque. 10. Officier, 11. Grenadier, 12. Caporal de fusiliers, tous trois en grande tenue et de cette mème dernière époque,

Pendant la première partie du règne de Louis XV, l'habillement de l’armée n'offre que peu de variétés. La

culotte étroite et la veste, le justaucorps à larges pans

le grand chapeau à trois cornes, étaient communs à presque toutes les troupes ; ce n'est que par la couleur de l’habit et de ses revers, par le galon des bordures er les brandebourgs, par la couleur de la cocarde en rubans portée au chapeau, que se distinguaient alors les ré- giments de l'armée. Le bleu foncé et le rouge vif étaient les couleurs de la maison du roi. Les gardes fran- çaises avaient le justaucorps bleu, avec les parements la veste et les bas rouges ; la culotte d'ordonnance était bleue, en petite tenue, rouge pour les officiers; la co- carde était noire. Les gardes suisses portaient ces cou- leurs renversées, c'est-à-dire que leur justaucorps était rouge avec les passements bleus; la veste et la culotte étaient de cette même dernière couleur. Les agréments étaient blancs pour les uns comme pour les autres. (L'of- ficier des gardes suisses, que nous donnons ici, 2, suffit dès lors pour représenter l'arme entière. Il n'y avait de différence entre les officiers des corps étrangers et ceux du corps national que pour le hausse-col, qui était doré chez les gardes françaises, tandis qu'il était d’ar- gent chez les Suisses.) Les deux corps montaient con-

jointement la garde chez le roi; mais les gardes fran- çaises, qui tenaient toujours la droite sur les gardes suisses, étaient l'arme par excellence, si exclusivement nationale que ce corps n'était même pas ouvert aux hommes nés dans les derniers pays réunis à la France, tels que l'Alsace. Pour désigner le commandant : de l'une des compagnies des gardes françaises, on disait simplement : le capitaine aux gardes, tandis que pour les autres il falluit spécialiser et dire : le capitaine aux gardes suisses.

C'est sous l'impulsion du comte d'Argenson, guidé par Maurice de Saxe, que l’armée reçut dès 1740-1745, les modifications les plus significatives. Il y avait sous le rapport de l'uniforme, dont le principe n’était d'ail- leurs plus contesté, beaucoup de licences de la part des officiers ; les ordonnances en furent réglées minutieuse- ment et tout le monde fut obligé de s'y astreindre. L'effectif et l’organisation des régiments des gardes françaises subsistérent tels quels, les modifications portant sur les broderies de l'uniforme des officiers et la couleur de leurs culottes et de leurs bas, selon la grande et la petite tenue. Les simples gardes, con- trairement à ce qui se pratiquait dans tous les autres régiments de l'infanterie française, ne prenaient la gué-

tre de toile blanche à boutons noirs que pour la tenue de campagne ; en grande tenue, ils étaient en bas et en souliers à boucle, En somme, le costume de l’infanterie conservait un unique patron, qui pendant cinquante ans fut presque invariable. Il ne prit une tournure nouvelle que lorsque l'on commença à retrousser les pans de l'habit par derrière, à l'instar de la cavalerie, vers 1757. D'Argenson introduisit l'usage des caleçons dans l’ar- mée; il voulut que chaque homme portât avec lui de quoi se nettoyer et se changer ; la garniture du havre- sac, alors en coutil, fut, dans ce but, l'objet d’un ré- glement minutieux, Ce mivistre et le maréchal de Saxe eussent voulu encore bien d’autres améliorations, mais leur influence n’eut qu'une durée limitce, et ils ne purent empêcher que l’armée ne restât asservie à une partie de ses routines, entre autres à la mode de la poudre et à celle de la queue, qui était particulièrement une inven- tion militaire. L'usage de la perruque était malpropre, car elle salissait l'habit du soldat; une fois la saison plu- vieuse arrivée, la tête ne séchait plus; mais, malgré les objurgations du maréchal, qui reprochait à la per- ruque d'être nuisible à la santé, et qui aurait voulu que le soldat sous les armes eût le chef ras, la perruque avec queue resta en usage.

Les gardes françaises portaient, en 1757, un ceinturon de cuir et une buffleterie en bandoulière qui pour les corps d'élite étaient encore, en 1721, faits de soie ga- lonnée; la giberne pour les cartouches était à la droite du ceinturon, l'épée et le fourreau de la baïonnette à gauche, 11 y avait encore en 1757 des régiments l’on conservait l’usage du pulvérin, contenant la poudre d’a- morce, mais les gardes françaises et suisses n'étaient pas s; quant à l’ancienne épée portée par le simple soldat, elle était devenue vers 1740 le sabre-bri- quet coupe-chou, légèrement courbe et de lame plus courte que l'épée, que devaient porter tous les fantas- sins frança l'arme de toute l'infanterie, faisant campagne en 1757; les officiers d'infanterie avaient encore l'esponton. Les tambours des gardes françaises portaient un justaucorps à la livrée du roi; la veste, la culotte et les bas étaient ceux du corps. Jusqu'en 1754, ce furent les seuls dont les batteries fussent réglées, Chaque régiment avait eu jusqu'alors les siennes : ce fut le tambour-major des gardes françaises qui apprit à tous les autres à

de ces arrié

s. Le fusil avec la baïonnette était également

battre selon l'ordonnance encore en vigueur aujourd'hui,

Depuis la mort de Louis XIV jusqu’en 1730, les inva- lides, encore en état de servir, étaient formés en compa- gnies tenant garnison à l'hôtel des Invalides de Paris et dans les places fortes du royaume; il y en avait 178 compagnies, et l’effectif était de 13,792 hommes, officiers compris. Par suite d’une ordonnance de 1731, les professeurs de trompette furent recrutés parmi les Invalides. Il y en avait une école dans leur hôtel,

Le costume des gardes françaises sous Louis XVT fut modifié en vertu de la grande ordonnance réformatrice préparée sur l'habillement et l'équipement des troupes par le comte de Saint-Germain, et publiée, après avoir été fort mitigée, par le duc de Monthbarey, son succes- seur; cette ordonnance à son tour épargnait les queues et la poudre; elle ne conserva les bonnets à poil que pour les grenadiers des gardes françaises eb suisses, sans y astreindre les officiers. Les gardes françaises eurent l'habit dit à la française, doublé de blanc, avec revers agrafés jusqu'au tiers de leur longueur et munis chacun de sept boutons, les retroussis des pans distin- gués par une grenade pour les grenadiers, par une fleur de lis pour les fusiliers, par un cor de chasse pour les chasseurs. Les épaulettes qui, lorsqu'elles furent don- nées d’or ou d'argent, comme insigne des grades, en 1762, avaient d'abord été si mal accueillies, n'étaient encore, à l'époque de cette ordonnance, que des pattes, mais en 1786 elles étaient à franges. La veste, prenant le nom de gilet, continuait à être rouge ; le cuir du ceinturon et de la bandoulière était blanchi. Les brandebourgs res- taient blancs, La culotte devenait blanche ainsi que la cocarde, Les guêtres blanches pour l'été, étaient de drap noir pour l'hiver, La coiffure était un chapeau à cornes d'un nouveau modèle, en usage dans le civil, mais que la cocarde et un pompon de laine transformaient en chapeau militaire. ;

Par suite de l'ordonnance du 27 juillet 1777, le régi- ment des gardes françaises était commandé par un co- lonel, maréchal de France. Les officiers de cette arme étaient les seuls qui, avec ceux des gardes suisses, con- servassent l'usage de l’esponton; cependant en petite tenue, ces officiers quittaient l’esponton pour prendre le fusil et la giberne. Les sous-officiers étaient galonnés d'argent. Le régiment avait seize musiciens, dont deux cymbaliers nègres.

(Les documents sont tirés des originaux du dépôt de la guerre, des gravures et des dessins du temps. Voùr pour le ÿ 1 g ; ÿ 1 1 texte l'ouvrage de MM. Marbot et de Noirmont sur les Costumes militaires en France, et l'Histoire du Costume en

France, par DT. Quicherat.)

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

COSTUMES DE LA MARINE ROYALE; 1786. LA MARINE DE L'ÉTAT PENDANT LA RÉPUBLIQUE; 1792.

Marine royale, 1786.

N°5 8, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 cb 12.

Marine républicaine, 1792.

N°5 1 et 2.

La fin du grand régne de Louis XIV, la régence ct l'administration du cardinal Fleury ne furent rien moins que favorables à la marine. Elle ne commença à se relever qu'après la mort du précepteur de Louis XV, sous l'influence du mouvement scientifique qui se propageait partout, mouvement dont le due de Choiseul eut le mérite de se servir pour préparer la renaissance navale qui illustra le règne de Louis XVI.

C’est alors que le corps des officiers de vaisseau, se recrutant depuis longtemps dans des pépinières entretenues avec soin, encouragé et éclairé par les travaux de l’Académie de marine, s’exerça par des campagnes lointaines et contribua à cette guerre d'Amérique se révélèrent Sufren, d'Estaing et Lamothe-Piquet, Arrivée au sommet d’une prospérité que rien ne sem-

blait pouvoir détruire, la marine française possédait à cebbe époque un état-major expérimenté,

une artillerie ayant fait ses preuves et des vaisseaux vastes, solides et d’un modèle envié par l'Angleterre elle-même. C’est en ceb état florissant que la Révolution trouva la marine ; mais ce corps, qui venait de rendre au pays de si grands services, se trouva ébranlé par des secousses successives ; d'une part la suppression des écoles navales, de l’autre l’émigration des officiers, compromirent l'organisation des cadres et achevèrent l’œuvre de désarroi maritime qui fut si

fatal à la France.

No, L'amiral.

La grande tenue de l'amiral de France consiste en un habit bleu, doublure, veste, culotte et bas rouges. L'habit et la veste sont bordés à la Bourgogne, c'est- à-dire d’un galon d’or ayant douze lignes de large et courant sur toutes les tailles; l’épaulette est rem- placée par un double grand galon, Ce costume est, à peu de choses près, celui des maréchaux de France de la même époque.

No 12. Vice-amiral.

Le petit uniforme du vice-amiral à des revers et des parements écarlates ; on y adapte, de même que pour la grande tenue affectée à ce grade supérieur; le bouton de cuivre doré et timbré d’une ancre. Épaulettes d'or.

Il n'y avait en France que deux vice-amiraux, le vice-amiral du Ponant et celui du Levant, mais à partir de 1776, le nombre cessa d'en être limité à deux.

No; Garde du pavillon amiral.

Les gardes du pavillon amiral étaient une institution de Louis XIV. Ils devaient être tous gentilshommes et aptes, au bout d'un certain temps, à devenir offi- ciers dans la marine royale. On les divisait en deux détachements égaux : l’un était à Toulon, l’autre à Brest. D'après l'État de France & les fonctions des gardes du pavillon étaient de servir près de l'amiral «Cet sous ses ordres sur les principaux vaisseaux de « guerre du Ponant et du Levant ; ils montaient la « garde à la porte de l'amiral, soit sur terre, soit

« sur mer, et le suivaient quand il sortait. Ils rem- « plissaient le même office auprès du vice-amiral « lorsque celui-ci remplaçait l'amiral, »

L'uniforme des gardes du pavilion amiral se com- posait d’un habit bleu-de-roi doublé de serge écar- late ; les parements de cet habit, ainsi que la veste, la culotte et les bas, étaient aussi de couleur écarlate. Boutons de cuivre doré d'or moulu sur bois descen- dant jusqu'à la ceinture, trois sur les parements de l'habit et trois sur chaque poche ; aiguillette d'or sur l'épaule droite ; le bord du chapeau & la mous- quetaire; cocarde blanche; les épées et boucles de souliers dorées et unies; le ceinturon en façon de peau d’élan, doublé et piqué de fil d'or.

No 10,

Garde de la marine.

La tenue des gardes de la marine était alors à peu

près la même que celle des gardes du pavillon amiral; les épaulettes y figuraient. Le 1% janvier 1786, des élèves de marine ayant été créés par ordon- nance royale, les gardes du pavillon amiral et les gardes de la marine formérent la première classe de ces élèves, lesquels reçurent quelque temps après la dénomination d’aspirants. à

Les mêmes ordonnances avaient en outre créé pour -les fils de gentilshommes, de sous-lieutenants de vaisseau, de sous-lieutenants de port, d’arma- teurs, de capitaines marchands et de gens vivant noblement, une classe d’aspirants volontaires de la marine divisée en trois degrés comme celle des élèves, partageant l'éducation de ceux-ci sur les vaisseaux et destinée à fournir des sujets au nouveau grade de sous-lieutenant, les élèves de marine arri- vant d'emblée à celui de lieutenant. Le grade de sous-lieutenant était, comme naguère ceux d'oficier de frégate, de brülot et de flûte, l'échelon de tran- sition pour passer d'une marine dans l’autre.

5. Matelot.

En 1786, le matelot portait l'habit-veste en estamete, la culotte de même étoffe descendant jusqu'à la cheville, le gilet & la matelote garni d'un rang de petits boutons et le chapeau rond et ciré sur ses cheveux en catogan.

Nos 3 et 4, Gardes-côtes; officier et soldat.

Les gardes-côtes étaient composés des habitants des villages les plus proches de la mer, On les distribuait par capitainerie; le commandant de la province leur faisait donner des armes et des munitions en temps de guerre ; le major de la capitainerie répon- dait de ces armes et les faisait reporter dans les arsenaux à la paix. En 1775, on assigna aux milices gardes-côtes des fonctions plus spéciales que celles qui leur avaient été confiées jusqu'alors, car elles furent affectées aux batteries du littoral. La couleur distinctive de l'uniforme des gardes-côtes était le vert. On les supprima en 1793,

Nos 8 et 7.

Inufanterie de marine; officier et soldat ; régiment de Brest,

Les commencements de l'infanterie de marine datent de 1772, car c'est dans le courant de cette année qu'on attacha au corps de la marine royale huit régi- ments de deux bataillons à neuf compagnies, dont une de bombardiers, une de canonniers et sept de fusiliers. Ces huit régiments répartis entre Brest, Toulon, Rochefort, Marseille, Bayonne, Saint-Malo, Bordeaux et le Havre, avaient chacun un uniforme différent dont les couleurs restèrent les mêmes jus- qu'en 1789, Celles du premier régiment, dont la gar- nison fixe était à Brest, étaient le bleu-de-roi et le rouge; cette dernière couleur réservée au collet, aux revers et aux parements de l’habit.

Il existait en outre un corps de troupes régu- lières affecté aux colonies et dont la création ne re- montait pas au delà de 1695; avant cette époque, les troupes coloniales, trèspeu nombreuses, étaient prises presque entièrement parmi les naturels. Des corps de miliciens, recrues et rolontaires avaient été successivement levés de 1721 à 1772, mais ce

ne fut que vers cette derniére époque que l’on erta neuf régiments réguliers destinés spécialement à ce service.

6.

Chirurgien.

L'organisation d'un corps de chirurgiens entretenus

dans la marine n'est pas non plus fort ancienne. Si l’on voit dans l'ordonnance de 1689 qu'il y avait des chirurgiens à bord des navires de guerre, c'étaient des chirurgiens civils appartenant aux ports dans lesquels se faisaient les armements. Sur les états de la marine de 1661 à 1745 (Archives de la ma- rine), on ne voit point de listes de chirurgiens, quand on y trouve celles des officiers de vaisseau et de port, des commissaires et des ingénieurs-cons- tructeurs.

Nos 1 et 2,

Officier de vaisseau et matelot; 1792,

L'ancien corps de la marine, supprimé le 22 avril 1791,

fut recréé le 15 mai suivant, Pendant la Révolution, la destitution des officiers soupçonnés de s'être mon- trés rebelles aux décrets de la convention et de ceux qui s'étaient absentés sans congé, amena une telle pénurie dans le corps de la marine que l’on en vint à prendre des contre-amiraux parmi les capitaines promus depuis moins d'un an, et à choisir la moitié des capitaines indistinctement parmi tous les lieute- nants de vaisseau ainsi que parmi les capitaines de commerce ayant cinq années de commandement en course ou au long cours. Les lieutenants de vais- seau purent aussi être pris parmi les capitaines de la marine marchande ayant cominandé deux ans seulement au long cours ; la porte fut ouverte dans des conditions analogues aux lieutenants de com- merce et aux officiers mariniers et pilotes pour le grade d’enseigne.

Dans la suite on en arriva au système de la ma- rine élective ; le 18 mars 1793, la Convention décréta que les citoyens désignés par les marins de leurs départements comme les plus dignes d'être faits capitaines de vaisseau, seraient promus à ce grade pourvu qu'ils eussent commandé dans plusieurs voyages, qu'ils fussent déjà lieutenants de l'État, même de la dernière promotion.

L'oflicier de vaisseau de 1782 porte pour ainsi dire

tenue simple et permettant plus de liberté de mou- vement que celle d'avant 1789, se compose d’une chemise bleue à grand col rabattu, d’une large veste et d’un pantalon rayé aux couleurs nationales.

le méme uniforme que ses devanciers ; les couleurs

sont semblables. Le marin a le costume dont les principaux élé- ments ont fourni celui du marin moderne; cette

Figures provenant des Costumes militaires français de AW, de Noirmont et Alf. de Marbot.

Voir, pour le texte : Guérin, Histoire maritime de la France, Du Sein, Histoire de la ma- rine de tous les peuples, Didot, 1863. Journal militaire, années 1791, 1792 el 1795.

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ALLEMAGNE. XVII SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES DE L'ÉPOQUE DE LA GUERRE DE SEPT ANS. CAVALERIE : CHEFS ET SOLDAT. FIGURES HISTORIQUES.

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PRUSSE.,

N°58. Frédéric II.

Tel qu'on le voit ici, le vieux Fritz est sur son déclin ; ilse voûte et norte la tête un peu de côté. Son uni- forme est celui de sa garde : habit bleu avec collet, parements et doublure rouge ; boutons d'argent ; sur la poitrine brille l'insigne de l’ordre du Mérite mi- litaire fondé par lui en 1741; dans la position de cette figure on ne peut voir les aiguillettes tombant d'une torsade, formant épaulette, que Frédéric por- tait sur le côté gauche de son habit. Écharpe en cordonnet noir ainsi que la garniture et la dragonnc de l'épée. Culotte foncée et grosses bottes, Tricorne de feutre garni de duvet blanc et d'une cocarde noire ; le roi avait adopté cette coiffure depuis 1745 Perruque poudrée à ailes frisées et à longue queuc.

Frédéric IT tient sa canne d’une main et de l'autre les rênes de son cheval; il est assis sur une

, 6 et 8 : Prusse. 1, 2, 3, 4 et 7 : Autriche.

selle fona jaune garnie de broderies et de franges d'argent ; les fontes présentent la même richesse de décoration,

5. Le prince Henri de Prusse, frère de Frédéric,

Uniforme moins sévère que celui du roi; ruban de l'ordre de l'Aigle noir porté en sautoir,

La jeunesse de ce célèbre ‘général se passa dans l'étude constante de l’art militaire; devenu l'émule de son frère, il contribua au gain de la bataille de Rosbach,

N°6.

Frédérie de Ramin, général d'infanterie. Cet officier général porte le costume de son arme : habit à collet, parements et doublure rouge, avec garniture de brandebourgs, d'aiguillettes et de boutons dorés. Veste et culotte blanches. Bottes fortes. Chapeau aux insignes de son grade.

AUTRICHE. No2; Joseph IT, empereur d'Allemagne.

Il à la tenue d'un soldat et la garde-robe d'un sous-lieutenant », disait de l'empereur d'Allemagne une dame de son entourage.

Joseph IT justifiait complètement cette opinion; nourri de fortes études, vivant au milieu d'une cour aux dehors sérieux, il fut le monarque philosophe par excellence. L'armée devint une de ses plus graves préoccupations ; c'est lui qui introduisit la conscrip- tion militaire dans ses États et qui dota l'Autriche d'une puissante force militaire, aidé en cela par les sages conseils de Lascy (voir 7), son précepteur militaire,

L'empereur est ici vêtu de l'uniforme spécial aux officiers-généraux de cavalerie; il porte le grand cordon de l'ordre de Marie-Thérèse fondé en 1760 et le collier de la Toison d'Or,

No 5,

Maximilien, archiduc d'Autriche,

Tricome garni de passementeries d’or et de glands de la même couleur que la cocarde. Perruque à bourse. Habit blanc bordé de galons d’or extérieurement et de galons rouges du côté de la doublure. Veste rouge, Collier de la Toison-d'Or et grand cordon de l’ordre de Marie-Thérèse ; les insignes de ce der- nier ordre sont placés sur le côté gauche de l’habit. Écharpe noire, culotte blanche et bottes.

La selle du cheval est richement ornce ; les fontes portent ! armes de la maison d'Autriche.

N9NT: Le général comte Maurice de Lascy.

Le costume du célèbre général diffère peu de celui porté par l’archiduc Maximilien; on y remarque également le grand cordon de Marie-Thérèse et le

collier de la Toison d'Or, Maurice de Lascy et les généraux Daun et Laudron, étaient considérés comme les meilleurs tacticiens de l'Europe,

1. Le général comte Nadasty.

Costume des kuzars : dolman cramoisi relevé par des brandebourgs d'or, sur lequel s'étale en sautoir le cordon de l’ordre de Marie-Thérèse ; pelisse jetée sur les épaules et retenue par un simple cordon ; elle est décorée de ganses, de tresses et d'olives également en broderies d’or. Ceinture en écharpe recouvrant le bas du dolman. Sabre recourbé, Culotte longue dite & la hongroise, collante et enjolivée de passementeries d'or. Bottines de maroquin jaune. Coiffure consistant en un haut schako de fourrure, garni d’une aigrette droite et de tresses flottantes en galons d’or.

La selle du cheval, d'un caractère slave très pro- noncé, est recouverte d'une peau tigrée.

4. Dragon.

Casque en feutre verni et orné d’un insigne végétal ; la garniture de cuivre forme devant cette coiffure une plaque sur laquelle est inscrit le numéro dis- tinctif du régiment ; le cimier, de forme basse, et les bords de la visière sont aussi garnis de cuivre. Perruque à queue. Habit-veste à parements rouges. Baudrier et ceinturon de buffleterie blanche; à ce baudrier est sans doute accroché un fusil, car les dragons autrichiens, comme les dragons français, mettaient souvent pied à terre pour combattre et se servaient alors d'armes à feu. Sac de cuir noir porté en sautoir, Culotte de peau et bottes de cuir.

Sur la selle rouge ornée du chiffre impérial, se trouvent le porte-manteau, les fontes et une corde dont les dragons se servaient primitivement pour lier leur fourrage et qui resta dans la suite comme un ornement,

Les fiqures 1, 2, 3, 5,6, 7 et 8 sont tirées d'une série d'estampes allemandes coloriées remontant à la fin du dernier siècle; elles sont toutes signées Probst del. et Lotter exc.

La figure 4 provient d'une collection de costumes militaires allemands de la même époque, dont les planches ont été dessinées par Kininger et gravées par Mansfeld.

Voir, pour le texte les deux ouvrages de Paganel intitulés : Histoire de Joseph II, empereur d'Allemagne, et Histoire de Frédéric le Grand,

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FRANCE. XVII SIÈCLE

DESSINS DE MODES, No 2,

Jeune dame de qualité en grande robe, coiffe avec un bonnet un pouf élégant, dit à la Victoire.

Grande robe à la française, au corps fermé. Cette robe, plissée par derrière comme toutes les autres robes à la française, n’a aucun pli par devant : elle est dé- colletée et busquée comme un fourreau; elle exige une taille élégante. Le parement est de blonde, à plis droits, et garni tout autour d'une petite blonde froncée ; les plis du parement sont coupés en travers par deux barrières de huit bouillons à tête perdue sous deux bandes de blondes froncées, dont l'extré- mité inférieure laisse tomber obliquement un ruban à bouillons, retenu par des glands. Le haut du pare- ment est terminé par un troisième bouillon de ruban qui marque la taille et en fait sentir la légéreté ; deux bandes droites et froncées sont toute la garni- ture du corsage busqué en pointe ; entre les glands du parement sont placés des bouquets de fleurs : deux sur le devant et trois sur le derrière.

Falbala très haut, à plis droits, coupé par deux barrières semblables à celles du parement, posées en croissant et venant se réunir par une de leurs extré- mités au centre du volant sous un bouquet de fleurs qu'un gland flottant tient en arrêt.

Le

La tête du falbala, munie d’une bande froncée, d'où sort une guirlande en ruban bouillonné, décrivant dans sa course un demi-ovale, brochant sur la bar- rière gauche et dominé par la barrière droite; une bande froncée est placée au-dessous des barrières et forme encadrement avec la précédente.

Manchettes à trois rangs, garnies de leurs nœuds et protégées par les manchettes de la robe, à tête garnie d'une barrière pareille 4 celle du parement ; autour de la gorge, une collerette ou médicis de blonde noire plus haute sur le derrière que sur le devant.

Collier de perles, mis en rivière, attaché par deux glands d'or, reposant sur le parfait-contentement.

Frisure à la physionomie, élevée et à tempérament, à la coque ouverte et saillante, avec quatre boucles dé- tachées; le confident abattu devant l'oreille ornée de boucles en perles ; la coque ou physionomie caressée par un rang de perles mis en bandeau.

Bonnet à la Victoire ; c'est un pouf très élégant, ceint d'une double branche de laurier et ombragé par un panache à trois plumes d’autruche de couleurs as- sorties ; un large nœud de gaze, avec deux flammes froncées et flottantes, occupe le derrière de la tête ; chignon bombé, soutenu par un ruban uni.

Cet habillement, non moins noble qu'agréable, s'ac- corde parfaitement avec les étoffes les plus pré-

cieuses, et passe pour la plus grande robe, la robe parée des dames françaises,

(Figure de Desrais, tirée la Galerie des modes et costu- mes français, ouvrage commencé en 1778.)

No. Coiffure aux & Charmes de la Liberté ».

On lit sur la gravure originale : « Se trouve chez De- pain, coëffeur de dames et auteur de cette coëffure, rue Saint-Honoré, au coin de celle d'Orléans, au 1°" au-dessus du caffé, au Grand Balcon. N. B. Le $' De- pain continue toujours d'enseigner l’art de coëffer., »

No 3, La belle Suzon; figure de Watteau fils.

Cette figure fait partie des suites d'habillements de femmes à la mode publiées chez Esnauts et Rapilly. On lit au bas de l’estampe : « La belle Suzon assise

au jardin du Luxembourg, méditant sur divers ob-

jets qu’elle a trouvés sur le livre qu'elle tient à sa main, et qui tiennent lieu de passe-temps et de dissi- pation en attendant celui à qui elle a donné rendez- vous; elle est en chapeau à l'anglaise par-dessus un bonnet négligé et en grand mantelet à la mode. »

Le nom de Suzon donné à cette dame n’est pas moins significatif que son costume de la date de ce genre de mode : c'est le succès de la Contat dans la Su- sanne du Mariage de Figaro qui l'avait propagé en 1785,

TYPES GÉNÉRIQUES. NS 4 et 6.

Ces figures sont d'Augustin de Saint-Aubin , peintre de la femme, ont dit MM. de Goncourt, un crayon- neur qui la crayonne avec des doigts d’amoureux, un portraitiste il y a de l'amant ; ce maître du royaume des pompons et des fanjioles de la toilette , n'était pas cependant du tempérament des dessina- teurs précis des choses de la mode; ce qu'il en a tracé en s’y essayant est d'un autre prix et montre les femmes qu'il a représentées dans ces estampes de- venues rares (on ne les trouve pas au Cabinet des

Estampes de la Bibliothèque nationale), dans le dé- gagé des femmes de théâtre et, pour ainsi dire, dans l’apothéose de la mode, dont c'était surtout elles qui donnaient le ton ; ces costumes de grand attirail et si abondamment falbalassés sont de 1777-78 environ. La superficie de l’étoffe étalée par dessus le panier était alors couverte de nœuds, de coques, de bou- quets de fleurs et de fruits, de bandes cousues en long, en large, en travers, en guirlandes, sans compter les falbalas et les volants, et sans préjudice des rangs de perles ou de pierreries,

Le 1 est un dessin à la sanguine, gravé en fac-si- mile, sans nom d'auteur, intitulé : Ætude pour les Demoiselles, et cette gravure devait faire partie d'une suite considérable de modeles de dessin; car elle porte le 817. Cela se vendait 4 Paris, chez Bonnet, rue St-Jacques, au coin de celle de la Par- cheminerie.

Le type du costume de cette estampe, quelque crayon de Le Prince, donné avec son attitude comme un sujet d'étude pour les jeunes filles, ce qui est un vé- ritable trait de mœurs, est un composé de ce qu'of- frait le panier tronqué de 1776-78, avec sa jupe tombant droit et tenue courte, pour découvrir le pied coquet, dans son soulier mignon à haut talon. C’est, ce qu'on peut appeler l’attendrissement du cos- tume, sous l'influence de Rousseau et les mignar- dises de Florian, le postiche remplaçait le panier, marchant avec les linons et les soi-disant simpli- cités en faveur après 1781, jusqu'aux virilités de l'invasion de l'influence masculine dans le costume des dames: à cette époque, les seins, dont l’opulence

.devait être au moins simulée par le fichu menteur, étaient mis en relief, comme gonflés par le lait de la maternité. Ce type est d'un provoquant osé, mais on ne peut méconnaître la grâce de cette personne attendrie, contemporaine de la simplicité des pier- rots avec la camisole en colinette. Que l’on rap- proche cette demi-paysannerie de cette autre por- tant le 5 de la pl. France, XVIIIe siècle, ayant pour signe la Griffe d'oiseau, et datant de 1725, et on jugera de ce que la femme avait gagné en grâce, en moëlleux : un autre idéal du temps, pendant les soixante années de ce carnaval.

Voir pour le texte : La Femme au XVIIIe siècle, par MM, de Goncourt; L'Histoire du costume en France par M, Quicherat; Te Cabinet des modes les modes nouvelles, 1785,

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

COSTUMES FÉMININS. MODES DU TEMPS DE LOUIS XVI. PREMIÈRE PÉRIODE.

1. Jeune dame coiffée d’un bonnet demi-rond, dit à lu laitière, avec un serre-tête couleur de rose, une pelisse de satin doublée de poil, par-dessus une polo- naise de taffetas à fond rose rayé de bleu, et le jupon de même.

2. Demoiselle en caraco de taffetas, coiffée d'un demi-bonnet. Cet habillement tire son origine de Nantes, en Bretagne, les bourgeoises de cette ville le portèrent au passage de M. le duc d’Aiguillon, en 1768.

3, Dame en polonaise de taffetas, garnie en bor- dures d’indienne; thérèse de gaze mouchetée par-des- sus un bonnet rond, ceint d'un serre-tête noué négli- gemment.

4. Jeune dame coiffée d’un bonnet rond avec un Jichu en marmotte, un ruban en rosette, une polonaise et un mantelet blanc.

5. Jeune dame coiffée en baigneuse, avec une pe- lisse de satin doublée de poil; le jupon est garni d'un falbala de linon à fleurs et en tuyaux.

6, Robe à la circassienne garnie à la Chartres; la coiffure de même, avec le tableau des évènements. N°7.— Jeune demoiselle vêtue d'une robe en lévite, avec une ceinture de taffetas; coiffure à l'enfance, et par

dessus un chapeau à la Jaquet.

N°8. Portrait anonyme.

9. Robe anglaise avec une calèche de gaze rayée.

Pendant le règne mouvementé de Louis XVI, les modes françaises, sans compter leurs mille nuances, passèrent par trois grandes phases fort distinctes. La première période offre l'excès d'un luxe, d’une frivolité, d'une extravagance qui furent comme l'explosion finale du carnaval commencé avec les dominos de la régence. C’est le temps des hautes coiffures et d’une mo- destie, dont l'absence, comme le dit spirituellement M. Quicherat, était le principal défaut. La seconde phase fut la révolution de la simplicité; les femmes, s'éprenant des batistes et des linons, parurent en robes en chemise, en déshabillés appelés pierrots, avec la camisole en colinette, la chevelure à l'enfant, poudrée au naturel; le charmant costume de la chambrière Suzanne portant le tablier, représente une des variétés de cette mode de la simplicité, si en faveur au moment de l'apparition de Figaro, comme les caracos & l'innocence reconnue

à la cauchoise, à propos d'un fait judiciaire, en sont une autre. La troisième période se ca- ractérise par l'invasion des modes anglaises eb américaines, qui firent prendre aux femmes des robes en redingotes, des gilets, des chapeaux d'hommes, en même temps que, badine en main, elles affectaient la tournure masculine.

Ce que furent les costumes féminins pendant la première période signalée dépasse de beau- coup les fantaisies les plus outrées du règne de Louis XV; ces dernières sont de la modération auprès de ce qui parut en 1776, 1777, 1778. Les paniers, approchant de leur fin, acquiren alors leur plus grande ampleur : il y en eut de quatre et cinq mètres de tour. In même temps, on portait le panier tronqué, très épais et large d'en haut, offrant l'avantage, avec sa jupe plus ou moins courte, tombant droit, de favoriser l'exhibition du pied et de la chaussure à haut talon; c'était un coquet soulier à boucle dont les oreilles ainsi que les quartiers étaient d’une autre couleur que l'empeigne; pour les cérémonies on brodait ces chaussures avec de l'or, on en faisait des bijoux en les enrichissant de perles et de dia- mants; la raie de derrière était ordinairement garnie d'émeraudes : c’est cette partie que l'on appelait le venez-y-voir.

Quant au volume de la chevelure, il dépassa tout ce que l'on avait vu dans tous les temps, L'échafandage en fut porté si haut que le visage parut être aux deux tiers du corps; la coiffure d'apparal, dite loge d'opéra (1772), donnait à la figure d’une femme soixante-douze pouces de hauteur depuis le bas du menton jusqu'au sommet de la coiffure. Il entrait toutes sortes de choses dans ce genre d’édifice ; les cheveux en étaient relevés, crêpés, tor- dus, pommadés, frisés, poudrés à blanc, avec un art pompeux; sur ce fond monumental qui créait, disait-on, la physionomie, l’académicien de la coiffure posait un bonnet orné de rubans de plumes, tantôt seuls, tantôt combinés; ce genre de bonnets ne compta pas moins de deux cents espèces différentes, donnant chacune à la coiffure un nom parti- culier, si passager pour la plupart que Mercier, qui avait vu ces coiffures, se plaignait de ne plus savoir, peu d'années après, ce qu'avaient été : la doque accompagnée de deux atten- tions prodigieuses, le bonnet à la Gertrude, à la Henri IV, le bonnet aux navels, aux cerises, à la fanfan; ilne savait plus comment parler du bonnet atlristé, des sentiments repliës, de l'esclavage brisé.

Les poufs, qui n'étaient plus un bonnet, mais un arrangement qui en tint lieu, se con- fectionnaient avec les plis brisés d’une pièce de gaze passant entre les mèches de la cheve- lure. L'illustre Léonard, pour un seul de ces poufs, n’employa pas moins de quatorze aunes de gaze. Ils se firent de plus de cent façons. Le pouf ax sentiment s’accommo- dait avec des fleurs, des fruits, des légumes, des oiseaux empaillés, des chiffres en cheveux des gens aimés, des figurines de bergers et bergères, de chasseurs, de types mythologiques; le pouf était tantôt un poème rustique, un parc anglais, l’on voyait un moulin à vent, des bosquets, des ruisseaux, des moutons, bien il représentait un décor d'opéra, le déve- loppement d’un panorama.

Ces coiffures extravagantes, pour lesquelles il fallué hausser les portes des appartements, de proportions telles qu'une femme en carrosse avait peine à s’y tenir assise et était obli- gée de mettre la tête à la portière, quand elle n’en était pas réduite à s’y tenir à genoux, aboutirent à la perruque mécanique, la coiffure & l& grand'mère, le chef-d'œuvre de Beaulard ! on faisait baisser l'édifice d’un pied, et même de deux, en en touchant le ressort, pour franchir une porte basse, pour se tenir dans un carrosse, ou encore, eb c'est de que vint son nom, pour se présenter aux grands parents et éviter leurs réprimandes.

L'excès du luxe complétait un ensemble dont nos 6 et 9 montrent la tournure au moment de l'apogée de ce genre de modes. L'étoffe des vêtements était chargée de gar- nitures de toutes sortes : nœuds; coques, branchages, bouquets, bouillons de gaze en long, en large, en guirlandes, mêlés de perles ou de pierreries, sans compter les falbalas et l'éta- lage des joailleries au cou, sur la poitrine, aux poignets, à la ceinture. Les deux cent cinquante façons dont ces choses se combinèrent eurent chacune leur nom, puisé dans le jargon romanesque en vogue : plaintes indiscrèles, désir marqué, préférence, vapeurs, agi- lation, regrets, doux sourire, composition honnèêle, etc.

Ce que ces modes luxueuses et osées avaient d’excessif produisit une réaction qui, déjà pres- sentie vers 1780, devint définitive lorsqu'on eut vu la dernière expression de l'ajustement à la Jeanne-d’Arc. Il consistait en un vêtement à l'austrasienne, avec des manches en sabots dites à l’Zsabelle, une veste à la péruvienne, par-dessus lesquelles une ceinture en bandoulière ; avec ce costume on avait les seins à peu près nus et la jambe lestement dégagée, Il avait été inaueuré en 1778 et fut réédité en 1781 avec une addition qui fit de son nom une telle an- tiphrase que décidément le mauvais goût en parut par trop éclatant : on imagina, en signe d’allégresse et malgré la jupe courte, de simuler avec cet ajustement une grossesse, par sympathie pour celle de la reine qui portait alors le premier dauphin ; ce fat le coup de grâce pour les modes de la première période du règne. (Nous avons donné cette figure dans le XVIIE siècle de M. Paul Lacroix, Znstitutions, Usages et Costumes.)

Nos n% 6 et 9 offrent des types de la mode en 1778, l'apogée du genre. Ces figures ne sont pas de simples modèles de mode, mais des personnifications de la mode, ayant un caractère générique. Elles sont empruntées à des estampes assez rares et l’une d'elles signée : L. Berthet, est peu commune. Cette dernière figure, le 6, tient en main dans l'original un tableau que sa reproduction minuscule aurait rendu inutile; on y voit un Français, un Anglais, un Hollandais, un Espagnol; le congrès américain et le commerce anglais y sont symbolisés; dans un coin un lion endormi; ces divers sujets rappelant les événements récents sont pour indiquer l’une des sources principales les faiseurs de modes allaient puiser, en ce moment, les noms dont ils baptisaient leurs nouveautés. Cette dame porte la haute coiffure dite à La vicloire et le veste de son costume, brillent les lauriers, semble indiquer qu’elle es ajustée au glorieux d'Estaing, dont le nom était alors dans toutes les bouches. L'autre figure, 9, est encore plus précise sur ce sujeb; son éventail porte cn

inscription : éventail du combat naval; ce que recouvre sa haute calèche de gaze n’est rien moins qu'une frégate, avec ses agrès et ses batteries, la Belle-Poule, qui venait de figurer glorieusement dans le combat représenté sur l'éventail.

Pour la toilette ordinaire, on portait le panier tronqué et la polonaise, le caraco, l’anglaise ou la lévite : pour sortir, on prenait le mantelet ou la pelisse. On allait en bonnet ou l'on recouvrait la haute coiffure soit avec la {hérèse, soit avec un simple fichu en marmotte.

La polonaise avait beaucoup d'ouverture au corsage, une jupe courte, coupée et relevée de manière à former trois pans, deux sur les côtés, qui étaient des ailes, et la queue par derrière, Les manches s'arrêtaient an haut du bras; l’encolure se perdait sous le contentement, garni- ture fraisée qui décorait le haut d’une petite veste portée sous la polonaise; à celle d'hiver était ajouté un coqueluchon.

Le caraco avait pris la forme d’une robe tronquée, robe dont la jupe aurait été coupée un peu au-dessous des hanches.

L’anglaise était comme une redingote très ouverte, avec des manches Amadis. C’était le vêtement des longues promenades.

La lévite du temps de Louis XV, qui tombait comme un peignoir depuis le cou jusqu'à mi-jambe, fut allongée par le bas en jupe traînante et assujettie par une écharpe posée en ceinture : on en échancra le collet, on descendit le tour de gorge et l'on pratiqua des plis sur la taille.

Les femmes, surtout les plus jeunes, s'étaient depuis longtemps accoutumées à se servir de la longue canne, qu’elles tenaient sans s'appuyer dessus. On les faisait généralement en bois des îles, avec des pommes d’or, d'écaille ou d'ivoire; elles étaient l'objet d’un véritable luxe.

Le 8 représente une dame dont le costume d’apparat, avec ses garnitures plates et sans broderies ni fafioles, montre assez qu'il appartient aux époques de la simplicité. L'étiquette exigeait toujours le grand panier, lorsqu'il s'agissait de figurer en cérémonie. La robe est ou- verte au corsage, et annonce déjà la redingote recouvrant un gilet. La coiffure à {4 Mont- golfier donne une date à ce portrait dont l'original nous est inconnu; il est de 1788 à 1784. Cette gravure anonyme est de facture anglaise.

(Les 1,2, 3,4, 5 et7 sont tirés de la Galerie des modes et costumes français ; les cing pre- mères figures sont de Desrais, la dernière est de Meunier. Nous avons dit ce qu'étaient les autres.

L'Histoire du costume en France, par AL. Quicherat, la Femme au XVIIT siècle, par MAT. de Goncourt, le XVIII siècle, par A1. Lacroie, le Tableau de Paris, par Mercier, sont les sources vives NOUS avons puisé nos renseignements.)

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MODES DE LA SECONDE PARTIE DU RÈGNE DE LOUIS XVI.

COIFFURES EN CHEVEUX. CHAPEAUX ET BONNETS. LES DÉSHABILLÉS.

La & femme du jour ».

1, Frisure à la Chartres; variété du Aérisson.

2. La Gabrielle de Vergy; coiffure du genre de «la Mongolfière ». .

3.— Habit de bal de 1788. Négligé à l'espagnole, ca- raco de satin rose, à manches à soufflets. Toquet à l'es- pagnole, de satin vert, lié au pied de la forme par un ruban rose formant un gros nœud par devant, et orné, sur le côté, d’une aigrette de grosses plumes blanches à bords violets. Frisure toute en boucles détachées. Par derrière, les cheveux flottent libre- ment, liés au milieu par un coulant d'acier, La chaussure qui complète ce costume de bal est un soulier à bout relevé en sabot-chinois.

4. Habit de promenade pour l'hiver de cette même année. Redingote du matin à deux collets, de drap écarlate; sa garniture est de queues de martre et de boutons de cuivre, dorés et unis. Le gilet et le jupon sont de satin blane, et leur garniture est sem- blable à celle de la redingote. Il y a deux goussets ayant chacun sa montre d'or, garnie d'une chaîne et de breloques d’or. Le fichu de mousseline est noué en cravate. Le manchon, très gros, est de queues de martre, Le chapeau, de satin blanc, a les bords gar- nis de ces mêmes queues et relevés à l'espagnole, sur un côté, par deux gros nœuds de rubans bleus, La

frisure est toute en boules détachées, frisée à blond.

Les cheveux par derrière sont relevés en chignon.

5. « La candeur, » coiffure de grande parure. 6. « La zodiacale. » id.

7. Chapeau « à la Théodore ».

N°8. Chapeau «à la Tarare ».

9. Bonnette à l'Anglomane.

10. Chapeau & la Tarare,

11, « Femme du jour » en caraco à la Pierrot,

avec une jupe de taffetas bariolé, recouvert d'un ta- blier moucheté derrière la jupe. Ce tablier est un der- nier vestige du manteau réduit en volant, alors tout écourté. (Voir plus bas, au sujet de ce dessin de Wat- teau fils.)

N°12, Coiffure du printemps.

13. « Chapeau d'un nouveau goût. »

14. Chapeau «du héron ».

N°15. Chapeau Qau Palais-Royal ».

16. Le hérisson, coiffure en cheveux.

N°17, Le hérisson avec trois boucles détachées. »

N°18.— Coiffure d'un nouveau goût. Pouf ruché en crête.

19, Chapeau à la duchesse. Les bords sont très larges et il est fait de taffetas bleu, mis sur laiton. Il est ceint d'un très large ruban blanc, formant un

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MODES DE LA SECONDE PARTIE DU RÈGNE DE LOUIS XVI.

COIFFURES EN CHEVEUX. CHAPEAUX ET BONNETS. LES DÉSHABILLÉS.

La & femme du jour ».

1, Frisure à la Chartres; variété du hérisson.

2, La Gabrielle de Vergy; coïffure du genre de Qla Mongolfière ». :

3.— Habit de bal de 1788. Négligé à l'espagnole, ca- raco de satin rose, à manches à soufflets. Toquet à l'es- pagnole, de satin vert, lié au pied de la forme par un ruban rose formant un gros nœud par devant, et orné, sur le côté, d'une aigrette de grosses plumes blanches à bords violets. Frisure toute en boucles détachées. Par derrière, les cheveux flottent libre- ment, liés au milieu par un coulant d'acier, La chaussure qui complète ce costume de bal est un soulier à bout relevé en sabot-chinoïs.

4. Habit de promenade pour l'hiver de cette même année. Redingote du matin à deux collets, de drap écarlate; sa garniture est de queues de martre et de boutons de cuivre, dorés et unis. Le gilet et le jupou sont de satin blanc, et leur garniture est sem- blable à celle de la redingote. Il y a deux goussets ayant chacun sa montre d'or, garnie d’une chaîne et de breloques d'or. Le fichu de mousseline est noué en cravate. Le manchon, très gros, est de queues de martre, Le chapeau, de satin blanc, a les bords gar- nis de ces mêmes queues et relevés à l'espagnole, sur un côté, par deux gros nœuds de rubans bleus. La

frisure est toute en boules détachées, frisée à blond.

Les cheveux par derrière sont relevés en chignon.

5, « La candeur, » coiffure de grande parure. 6. « La zodiacale. » id,

7. Chapeau & à la Théodore ».

8. Chapeau && la Tarare ».

9. Bonnette à l'Anglomane.

10, Chapeau à la Tarare.

11, & Femme du jour » en caraco à la Pierrot, avec une jupe de taffetas bariolé, recouvert d'un ta- blier moucketé derrière la jupe. Ce tablier est un der- nier vestire du manteau réduit en volant, alors tout écourté. (Voir plus bas, au sujet de ce dessin de Wat- teau fils.)

N°12, Coiffure du printemps.

13. Chapeau d’un nouveau goût. »

14. Chapeau & du héron ».

15. Chapeau Qau Palais-Royal ».

16. Le hérisson, coiffure en cheveux.

17, Le hérisson & avec trois boucles détachées. »

N018.— Coiffure d'un nouveau goût. Pouf ruché en crête,

19, Chapeau à la duchesse. Les bords sont très larges et il est fait de taffetas bleu, mis sur laiton. Il est ceint d'un très large ruban blanc, formant un

al er ÉRES EDS

très gros nœud sur le côté, La calotte est entourée N°20. Le pouf avec quatre boucles à& la chance-

en haut de bouillons de gaze blanche unie. Une cou- lière, »

ronne de très grosses plumes blanches entoure et 21. «Coiffure au Colisée surmontée d'un nouveau surmonte cette calotte. Les pieds des plumes sont cou- pouf, »

verts par les bouillons de gaze. 22, Bonnet à la fusée.

Les hautes coiffures, inaugurées par Marie-Antoinette dès son arrivée en France, sont restées en usage pendant toute la durée du règne ; mais, dès 1786, les journaux du temps constatent que les grandes toilettes avec lesquelles on portait la haute coiffure, ne se faisaient plus que pour les assemblées d’apparat, les grands repas, etc.

Pour se reconnaître quelque peu dans le rapide courant des modes de cebte époque, et sur- tout lorsqu'il s’agit des coiffures, « la mode des coiffures de ce temps, disent MM. de Gon- court, est celle qui vieillit le plus vite, » le guide le plus sûr est le nom particulier donné aux coiffures en cheveux, aux chapeaux et aux bonnets, nom généralement emprunté à l'événement du jour, de plus moins d'importance, d’ailleurs, comme le sera « 7’ Union de lu France et de l'Angleterre » qui désigne une coiffure ; comme le seront des opéras, le Tarare de Beaumar- chais, le roi Théodore à Venise, qui, en 1787, donnent leur nom à des chapeaux de même fa- mille.

Tantôt le nom provient de la dame qui inaugure une variété de la frisure, comme l’est « la frisure & la Chartres » et parfois, les modes se pressant plus que les événements, le coiffeur et la modiste en sont réduits à donner leurs modèles sous la simple rubrique de « chapeau d'un nouveau goût; coiffure d'un nouveau goût, 13 et 18.

Les mêmes noms servent à désigner des choses différentes. Le chapeau en hérisson de 1788, dont les rubans floconnés ceignent le chapeau en haut eb en bas, n’a de commun avec la coiffure en hérisson que le ruban posé en ceinture.

Il faudrait toute l'attention d’un historiographe pour indiquer les causes précises auxquelles ont été dus les chapeau à la Marinière, à la Courrière, à la Dragonne, au Tartuffe, de 1788, eb les chapeaux au Pacha, à l'Arqus, à l'Euménide, ainsi que les bonnets au Papillon, à lu Voltigeuse, de 1789.

Après les chapeaux à l& Théodore, à la Panurge, à la Tarare, à l’Espagnole, après les cha- peaux-bonnettes, on voit prendre la place par les chapeaux au bateau-renversé, variante d’un nouveau chapeau-bonnette dont le nom, en 1789, était peut-être une allusion aux événements publics, mais qui n’était peut-être aussi que le rappel d’une simple collision maritime. A dis- tance de choses aussi passagères, on ne peut guère que les esquisser, Contentons-nous done de consigner ici que, en 1787 et 1788, on portait plus de chapeaux que de bonnets, et qu’ensuite ce fut le contraire, Et enfin, de toutes ces coiffures, généralement conçues par une savante coquet- terie, qu’elles sont bien d’un temps l’on voit naître parmi les hommes un certain effroi du sexe faible : « Que deviendrions-nous, s'écrie Mercier en 1784, si les femmes attaquaient ! »

La & femme du jour », 11.

Cette jolie femme, esquissée par Wabteau fils, a une physionomie d’une portée autre que l’or- dinaire des dessins de mode. C’est un type de nature et d’allure. La stature moyenne est celle des charmantes créatures dont Fragonard à tracé en maître les opulences bien placées, alliées à des extrémités fines, dont la Contat fournissaié alors le modele vivant, et pour lesquelles, ainsi que le fait comprendre le dessinateur en laissant en main le mouchoir de cou destiné à couvrir la poitrine pour la sortie, il n’était point nécessaire de faire bouffer le mouchoir de cou en fichu menteur. |

La « femme du jour », vêtue de taffetas en 1785, est en un déshabillé d’un genre qui était alors fort proche de trouver sa dernière expression dans l'emploi des caracos et des jupons de mousseline rayée, bien blancs, bien frais, qui se nuancaient et se fondaient sur le jupon et le cor- set roses en dessous, répandant dans tout l'air de lu personne une douce fraicheur el une agréable vivacité. Cependant le triomphe du fout simple, du lout uni, n’était point encore obtenu. Les toilettes & dont le goût seul faisait les frais » étaient en discussion, En 1785, on considérait encore comme un arrêt que le taffetas devait être l'unique étoffe employée par les dames dans leurs costumes d'été.

Aux linons près, on retrouve d'ailleurs ici, sous le chapeau de paille de couleur naturelle, tous les traits de la dame en promenade que, sous le nom de Zulmé, le chroniqueur des modes de l’époque a pris plaisir à décrire. « Elle devait son succès à son #aintien respirait une aimable liberté, un mol abandon, une facilité soutenue, » L'écrivain du siècle des « grâces composées », trouve que Zulmé «ne contrariait pas la nature : elle ne s’étudiait pas », Son main- lien, qui était doute sa magie, montrait ( . cette femme avait de lesprit. « Il faut de Pesprit, et un assez bon esprit, pour avoir du goût.

M. de Buffon, dit Mercier, à imprimé que « le luxe faisait une partie de nous-mêmes ». Les déshabillés marquent d’un coin intime la « femme du jour » vêtue en Pierrot, dont le nom indique l’origine champêtre d’un caraco qui fut à la Cuuchoise, à l'Innocence reconnue, en souvenir d'un fait judiciaire de 1784, et qui fut ensuite appliqué à l’ensemble d’un désha- billé dont le caraco en Pierrot faisait partie. Ce caprice de la mode se trouva, en même temps, résulter d’une évolution générale, plus significative que d'ordinaire dans le royaume des chif- fons.

MM. de Goncourt ont relevé que Young, traversant France sous Louis XVI, y observe que le goût pour la villégiature est devenu une récréation, un repos, donnant lieu à des sé- jours prolongés à la campagne. Ces habitudes s’affirmaient comme les symptômes d’une vie de château nouvelle, fort différente de l’ancienne existence menée par le courtisan dans son château où, lorsqu'il était contraint de séjourner, il se considérait comme « enterré ».

Sans rechercher si, comme l'indique le voyageur anglais, il y eut alors comme une affecta- tion de se passer de Paris, de l'oublier, de le bouder, il est certain que Marie-Antoinette, qui

donnuit encore le ton, aimait très sincèrement la campagne, et les simplicités de la vie cham- pêtre. Son influence, sous ce rapport, fut décisive, puisque nos saisons de villégiature, entrées : dans les habitudes de nos classes aisées, eb que l’on peut regarder comme faisant partie de nos modes, ont leur principale origine. Re

Cette sincérité de l'affection de Marie-Antoinette pour son hameau de Trianon éclaire d’un jour noble le caprice d'artiste des déshabillés, qui apparaissent sous les bosquets villageois comme un besoin de Pharmonie dans un milieu ambiant. Et ces dernières bergerades d’un siècle, qui se plu si souvent à ce jeu, ne se peuvent confondre avec celles de la Pompadour, imaginées par une courbisane.

Le moelleux est la marque de la femme qui devient alors « folle de champêtre ». La femme de Rousseau, donnant le sein à son enfant, n'avait duré qu'un temps, bien passé ; mais il était resté séant de conserver l’attendrissement devant la nature, avec une émotion pleine d’ardeurs et d’élancements, une allégresse discrète, qui se fondaient dans un moelleux fort recommandé par les professeurs de goût du jour. Le moelleux était, en réalité, beaucoup plus dans l'attitude que dans le mode de l’habit même, et que dans l'éducation qui formait la demoiselle. Le costume ébait moins libre qu'ajusté. La dame en déshabillé, qui conservait les petits coudes en place du panier, voulant avoir une taille svelte, déliée, continuait à se serrer, autant que possible, dans le corps de la mise ancienne. On s’amincissait la taille avec excès. La jupe écourtée de la paysanne, qui à besoin d’être alerte, était avantageuse pour montrer dans sa mule légère, la mule faite pour être lancée du haut des escarpolettes, le joli et leste pied du dix-huitième sie- cle, le pied éduqué, formé dès l'enfance par le maître de danse. Formez vos pas; Car pour séduire, Il faut écrire Avec ses pieds. (Cabinet des Modes, 1788.)

Le Cabinet des Aodes de janvier 1786 contient une liste des couleurs les plus fraiches des déshabillés appelés « Pierrots », avec cette observation que les Pierrots servent d’habits de

bal en les faisant de taffetas au lieu de satin.

19 Caraco de satin puce, bordé tout autour de peau de raco de satin gros vert; parement violet. Jupon de

renard blanc, ou de peau de lapin blanc angora. Ju- satin soufre-tendre. 59 Caraco de satin couleur pon de satin de puce. 20 Caraco de satin queue de bronze, Parement queue de serin. Jupon de satin serin à mouches violettes ; jupon pareil. Ca- queue de serin. 6% Caraco de satin couleur de

raco de satin violet. Le parement fendu, en Amadis, chair, bordé de peau blanche, Jupon pareil.

de satin gros vert ; jupon de satin blanc, 40 Ca- Leproduction d'après les documents originaux.

Voir pour le texte : Mercier, Tableau de Paris. Le « Cabinet des modes » 1785-1789. AI, de Goncourt. « La femme au dix-huitième siècle. »

D ©-—————

PRANCE :

Nordmann lith

FRANCE. XVII SIÈCLE

LE BEAU MONDE DE 1755-86. LE CENTENAIRE DES JOURNAUX DE MODES.

PLANCHE DOUBLE.

La date de notre publication nous permet, par une heureuse coïncidence, d'offrir cette page comme le véritable centenaire d’un genre de publications spéciales, e& paraissant avec une pé- riodicité régulière, qui n'existent que depuis que le Cabinet des modes ou les Modes nouvelles, paru à Paris en novembre 1785, en à fourni le type définitif, Nous reproduisons, dans leur totalité, les figures en pied de la première année de ce cabinet, et en très majeure partie ses exemples fragmentaires concernant les coiffures.

C’est un événement important dans l’histoire du costume, régi par la mode, que la création du journal à images appuyées d’un commentaire immédiat, eb transmettant aux générations fubures ce qui, par sa nature, est l’instable par excellence. Les évolutions du goût dans les choses de la toilette s’y trouvent inscrites à l'heure même elles se produisent, selon la sai- son, l'occurrence, le caprice, etc., et avec une instantanéité que l’on peut rapprocher de celle de la photographie. Que ne donnerions-nous point pour que les Grecs et les Romains eussent cu leurs journaux de modes !

Il eût été grand dommage que le dix-huitième siècle, à la physionomie si mobile, ne nous laissât pas, comme un bouquet final, la dernière expression de ses grâces, et du sourire persistant de toute une vieille société que rien ne troublait encore à la surface, et d’allure restée si fri- vole aux approches du déluge, pressenti par le roi du siècle, que personne, dans le beau monde, ue prêtait l'oreille aux propos de quelques ennuyeux clairvoyants. Qu'importe ! « pourvu que

l’on danse » semble répondre au glas prématuré des visionnaires à la Cazotte une des élégantes, et de beauté müre, que Carmontelle fait dialoguer dans des saynètes parfois un trait léger in- dique heureusement le moral d’une société pour laquelle le factice semble avoir eu plus de prix que la nabure même : « Regardez, Madame, pour la saison comme ces fleurs sont belles. Elles sont presque aussi fraîches que les fleurs artificielles que l’on fait à présent. » (Le Bal.)

L'avènement des journaux de modes ne pouvait, d’ailleurs, manquer de se produire à une époque les faiseuses semblèrent devenir une puissance dans l'État. Ce nouvel Empire devait avoir son moniteur officiel décrétant, non seulement pour les provinces françaises, mais encore pour toute l’Europe, les lois du chiffon dans toute la fraicheur de leur éclosion. Les événe- ments importants ont, généralement, leur prodrôme. Rien ne manque à celui-ci, ainsi qu'on en peut juger par une narration de Bachaumont, relatant un incident caractéristique d’une entrée royale à Paris, en 1779. « Le 5 mars, la marchande de modes de la Reine « qui a l'hon- neur de travailler directement avec $S. M. » s'étant mise à la tête de ses trente ouvrières sur le balcon de son atelier, qui donne rue Saint-Honoré, pour assister à une entrée de la Reine, S. M. l’a remarquée en passant, à dit : Ah! voilà mademoiselle Bertin! et en même temps lui a fait de la main un signe de protection, qui l’a obligée de répondre par une révérence. Le Roi s’est levé et lui a applaudi des mains ; autre révérence. Toute la famille royale en à fait autant, et les courtisans, singeant le maître, n’ont pas manqué de s’incliner en passant devant elle... Cette distinction lui donne un relief merveilleux et augmente la considération dont elle jouissait déjà. »

Le spectacle donné par « la petite marchande de modes venue de l’humble quai de Gesvres » et trônant sur le balcon toute une cour lui rend en quelque sorte hommage, est peut-être unique dans les fastes de la mode. Par cette confirmation publique du pouvoir de Rose Bertin on peut juger de l'importance du rôle des faiseuses, dont les travaux étaient assimilés à des poétiques, leur coup d'œil étant traité de supérieur par les écrivains du jour; celle dont le goûb triomphe « renverse tout l'édifice de la science de ses rivales ; elle fait révolution, son génie brillant domine. » Mercier observe que « les femmes ont un respect profond et senti pour les génies heureux qui varient les avantages de leur beauté et de leur figure. »

La mode s'impose alors, à ce point que l’on n’est rien, c’est-à-dire on ne saurait avoir au- cune influence dans la société de ce temps-là, fut-on de la meilleure naissance, si l’on ne sort de la main des faiseuses de modes consacrées, ainsi que le dit encore une marquise de Car- montelle (Les Visites du jour de l'an) : « Vous croyez que j'ai du crédit; mais par mérite- rais-je d’en avoir ? Est-ce que je suis coiffée à la mode ? Est-ce que mademoiselle Bertin me fournit mes chapeaux ? » Et encore, dans un autre ordre d'idées, mais dans le même sens : « Suis- Je des cours de physique, de chimie, d'histoire naturelle ! quel cas peut-on faire d'une femme qui n’est pas du beau monde d'aujourd'hui ? »

L’afectation de l'étude des sciences fut, en effet, une manie parmi les femmes de cette

époque. « On parle beaucoup de chimie, dit Mercier, la mode est d'étudier en cucurbile, de parler de l’espril recteur, de savoir ce que c’est que le gaz Silvestre et le fluor. » « Bon, dit un comte de comédie, elle ne parle plus que de physique et de chimie. Cette manie des sciences s’est emparée depuis quelque temps de la plupart des femmes ; elles savent tout actuellement, excepté le quantième du mois, le jour de la semaine, et l'heure qu'il est. »

Dès 1783, Mercier signalait, dans son Tableau de Paris, nécessité du Journal des plumes et des jupes, qui serait, selon le satirique, mieux accueilli que le Journal des savants ou celui de Neufchâtel. L'expédition mensuelle de a fameuse poupée de la rue Saint-Honoré, qui allait répandre les grâces françaises dans toute l'Europe, montrer la chevelure nouvelle et le dernier pli de la gaze du marli, ne sufisait plus pour transmettre les abondantes fantaisies de la mode, dans la fraicheur de jeur succession, « Tandis que j'écris, dit Mercier, se proposant de donner un petit dictionnaire des modes et de leurs singularités, la langue des boutiques change ; on ne m'entendrait plus dans un mois. Les bonnets & 4 Grenade, à lu Thisbé, à la Sultane, à la Corse ont passé, ainsi que les chapeaux à a Boston, à la Philadelphie, à la colin-maillard ; la coiffure au limacon penche sur son déclin. Au moment je commençais, la couleur générale était dos et ventre de puce; boue de Paris et merde d'oie ont prévalu depuis; mon livre est à moitié antique. Je voulais parler de la coiffure à l'hérisson, la coiffure à l'enfant Ya bannie ; au- jourd'hui il me faudrait un commentaire pour me faire comprendre. »

Le crayon est encore plus utile que la plume pour écrire PAisloire des poufs, pets en l'air, co- ques, chignons, bouillons et chiffons, que Mercier voulait voir confier à l'Académie des belles- lettres « qui fai des recherches si profondes sur les colliers et les ornements que portaient les dames romaines. » C’est ce que comprirent les éditeurs du Cabinet des modes. En 1785 on était loin du temps la mode s’espaçait d'années en années ; il fallait, disent MM. de Gon- court, la fondation du Courrier de la mode (1768), pour tirer de titres d’opéras-comiques trois bonnets en un an, les bonnets & Z@ clochette, à la gertrude, à lu moisonneuse ; et le premier jour- nal des modes, bi-mensuel et sans arrêt, devait partir de Paris pour lequel, selon le prospectus de ses fondateurs, «le négoce des articles de mode et de fantaisie est une branche de commerce, peut-être la plus importante de la capitale, qu'aucune ville du monde ne peut lui enlever, parce qu’elle tient au génie, au caractère, au goût, surtout au désir de plaire et de se distinguer qui anime tous ses habitants. »

Ce n'était point, au reste, une entreprise de mince envergure que celle d’un ouvrage qui devait donner « une connaissance exacte et prompte, tant des habillements et parures nou- velles des personnes de l’un et de l’autre sexe, que des nouveaux meubles de toute espèce, des nouvelles décorations, embellissements d'appartements, nouvelles formes de voitures, bijoux, ouvrages d'orfèvrerie, et généralement de tout ce que la mode offre de singulier, d’agréable ou d’intéressant dans tous les genres.

Il manque à ce prospectus, d’ailleurs menteur, comme la plupart des prospectus, la promesse

d'une étude sur l'éducation nécessaire aux esclaves de la mode, et comment ils étaient prépa- rés par les pontifes que l’on appelait les maîtres d'agréments. Ces professeurs apprenaient aux hommes «€ à parler gras, comme les acteurs du jour, à les imiter sans les copier, à montrer les dents sans grimace, à sourire devant un miroir avec finesse, à prendre du tabac avec grâce, à donner un coup d'œil avec subtilité, à faire une révérence avec une légèreté particulière ; enfin, conclut Mercier, à traiter les minuties en grand, et les affaires sérieuses en baga- telles. »

Quant aux dames, nous empruntons à MM. de Goncourt ce qu’ils en disent ; on ne refait

pas un portrait étudié par de tels maîtres. « Vers la fin du siècle, la mode change absolument. Le charme de la femme n’est plus dans les grâces piquantes, mais dans les grâces touchantes. Emportée par le grand retour du règne de Louis XVI vers la sensibilité, la femme rêve un nou- vel idéal de sa beauté dont elle compose les traits d’après les livres et les tableaux, d’après les types des peintres et les héroïnes des romanciers. Elle cherche à remplacer sur sa figure l’ex- pression de l'esprit par l'expression du cœur, le sourire qui vient de la pensée par le sourire qui vient de l'âme. Elle vise à l’ingénuité, à la candeur, à l'air attendrissant. Elle demande des coquetteries qu’elle eroit naïves à la jeune fille de la cruche cassée. Ce qu'elle travaille à se don- ner, c’est le regard noyé des figures de Greuze, le regard « lent et #raînant, que Mirabeau ado- ait dans sa maîtresse. Son ambition n’est plus de séduire, mais de laisser une émotion. La beauté brune, qui était parvenue après bien des efforts à se faire accepter, retombe alors dans un discrédié absolu. Les yeux bleus, les cheveux blonds sont seuls à plaire ; et dans ce grand amour pour la couleur blonde, la mode va jusqu’à réhabiliter la couleur rouge, une couleur qui jusque-là déshonorait en France, selon l'expression de d’Argenson. Les rousses l'emportèrent même un moment sur les blondes; et l’on vit la vogue de cette poudre qui donnait une nuance ardente aux cheveux.

« C’est une entière révolution du goût. Il n’est plus d'hommages, plus de succès que pour le genre de beauté proscrit sous Louis XV, pour les figures à sentiment. Cette beauté, la femme la veut à tout prix. Elle se fait saigner comme madame d’Esparbès pour y atteindre par la pâ- leur et l’alanguissement. Elle la cherche dans ces coiffures avancées et légères, enveloppant son visage d’une demi-ombre, mettant autour de ses traits la douceur d’un nuage, sur son teint la transparence d'un reflet, Et elle ne cesse de la poursuivre dans cette mode nouvelle, une mode à la fois originale et villageoise, qui la caresse tout entière de linons ct de gazes, la pare de simplicité, la voile de blancheur, »

La révolution de la simplicité fit abandonner tous les produits de Lyon, les lampas, les su- perbes droguets, ïes persiennes, les étoffes brochées en soie, en argent ou en or. Son triomphe, qui se décide vers 1780, correspond à la première grossesse, si longtemps attendue, de Marie- Antoinette, dont tout le monde voulut porter la batiste et les linons. A la simplicité des étoftes blanches on vit bientôt se mêler l'affectation d’une paysannerie qui remplissait alors les ro- mans, les imaginations, les cœurs, À la place des diamants ce furent des bijoux rustiques en

acier ; des croix et des médaillons balancés à un cordon de cou. L'accordée de village devient le type idéal. Les coiffures sont à l'ingénue; les bonnets et les souliers sont à {a Jeannette; l'habit de bal même es à la Paysanne. Puis, les fluctuations de la mode amènent un résultat cu- rieux, les grands tabliers et les amples fichus sur la gorge qui, disait Madame de Luxem- bourg en s’en moquant, donnaient un air de tourière, prennent en 1784 un nouveau carac- tère, lorsque la délurée Contat les adopte pour en tirer Pair piquant de lillustre chambrière du mariage de Figaro. Ce n’est plus le volant de l’ingénuité que l’on se renvoie avec la ra- quette de Beaumarchais, et l’avènement de sa Suzanne, peu chaste, marque un temps la sou- veraine incontestée de la mode, jusqu'alors, dub partager avec les nouvelles favorites du publie le sceptre affaibli de la Royale fermière de Trianon.

Enfin les manifestations de la simplicité, parmi lesquelles on doit compter le négligé des robes en chemise, qui n'étaient point non plus des habits d’ingénues, et qui commencèrent à circuler, sans tambour ni trompette, au printemps de 1786, aboutirent à des accoutrements, dont le caractère tout autre, et décelant une femme nouvelle, achève de peindre les modes de l’époque. Voici ce que dit le Cabinet des modes, sur ce dernier sujet (mois d'août 1786). « Les dames portent actuellement les habits, comme elles se livrent aux occupations des hommes ; avec cette différence pourtant qu'elles semblent n'adopter que tels habits ou telles manières que les hommes ont quittés. Nous ne nous couvrons plus de redingotes longues, à trois collets, les femmes les portent. Nos montres ne sont plus garnies que de simples cordons, les femmes chargent les leurs d’une quantité de breloques. Nos petits maîtres du dernier goût marchent les mains dans les poches, ou les bras ballants, les femmes agitent dans leurs mains une badine ou une canne légère ; leurs cheveux sont maintenant liés très bas en gros catogan, parce que les nôtres sont nattés à a Panurye, mis en queue. »

Et le journal, qui attribue l'adoption des modes masculines par les femmes à ce que «aujourd'hui la chimie, la physique et même la botanique sont les objets de leurs études, » ne voit guère dans cette irruption des modes anglaises qu'une fâcheuse inconséquence. Quand les femmes seront lasses des sciences, elles seront forcées de continuer à étudier pour se mettre à la portée d'entendre les conversations. » Quel sera leur repentir d’avoir contribué à faire du peuple français un peuple de savants ? « Ce sera un bien pour tout le monde, et un mal pour elles. »

Quoiqu’en dise ce prévoyant conseiller des dames, professeur dv moelleur, la redingote ajustée à trois collets ne désigne pas fatalement une femme savante, et la pauvre Marie- Antoinette, qui en 1786, au lendemain de l’odieux procès du collier de la Reine, n’en était plus à diriger les modes, mais à en suivre le courant, témoigne ici que le port de cette redin- gote pouvait n'être qu'une affaire d'élégance. Car c’est elle-même qui passe (n° 14) la canne à la main et la toilette à l'anglaise, les cheveux en manière de perruque d'homme de robe, et telle qu’elle apparut en demi-deuil vers la fin d'août 1786 au jardin des Tuileries, au

rapport du rédacteur du Cabinet des modes qui désigne la Reine très clairement comme une dame de la plus haute qualité, qu'il aurait un très grand plaisir à nommer, « pour rappeler à tous nos souscripteurs l’idée d’une femme parfaite » mais qui ne peut pas ne point en parler, « l'admiration pour son goût et son élégance l’emportant sur le plus profond respect. » (Voir la description de ce costume dans la notice de la planche France XVITI® siècle, ayant pour signe la Brosse.)

Malgré ce langage si courtisanesque on trouve par le fait dans cette première année du Cabinet des modes bien des indications témoignant des mille influences qui se faisaient sentir jusque dans la mobilité et le caractère des modes. La fermentation qui commençait à sourdre, et que l’on ne sonpçonnerait pas d’abord à la lecture du Journal des modes s'adressant à un beau-monde qui semble n’en avoir eu nulle conscience, se révèle même dans ses articles laudatifs, C’est le relâchement des coutumes en tout ce qui concerne la vieille étiquette, et l'abandon du grand habillement de cérémonie, que ne saurait trop déplorer une feuille de ce senre. Les dames ont mis à bas les grands panie

s ; leur toilette n’esb plus un décor magnifique, majestueux par le développement et l’extravagance des ornements, ete., ete. Ce ne sont plus que robes simples, des chemises, des robes à l'anglaise, à la turque, ete.

C’est toute une litanie de plaintes, peu durables, d’ailleurs. Puis, comme en définitive un journal de modes est bien plutôt l’esclave du publie qu’il n’en est le professeur, quand il a bien déploré tel ou tel délaissement de choses qui lui avaient paru consacrées par l'usage, son rôle change du tout au tout, eb c’est lui qui se charge de préconiser ce que, d’abord, il avait conseillé de honnir. I] vante tour à tour la robe en fourreau, la nouvelle robe en chenvise, et la redingote ajustée.

Le succès de ce premier journal spécial fut tel dès ses débuts, que les éditeurs du Cabinet des modes exurent devoir, au lieu de publier seulement vingt-quatre cahiers par an, en faire paraitre un tous les dix jours en portant leur nombre à trente-six pour la deuxième année, avec une augmentation du prix d'abonnement qui, de vingt et une livres pour Paris et bout le royaume, se trouva élevé à trente livres. En même temps, pour tenir compte des intrusions étrangères, le Cabinet devenait le « Magasin des modes nouvelles françaises et an- glaises » acquérant ainsi © un degré de perfection qui ne peut qu'ajonter à son intérêt eb à son succès. »

Le souci des modes nouvelles devait rapidement s’affuiblir avec la complication des événe- ments politiques qui se déroulaient alors avec tant de rapidité. Dès 1788, la pauvre magasin des modes nouvelles françaises et anglaises était obligé de réduire son format comme son prix : il ne paraissait plus qu'une fois par mois, et la souscription annuelle n’était plus que de 18 livres de France, C’était une agonie, et cet effacement rend d'autant plus intéressante la première année du journal des modes qui représente naïvement et dans tout son éclab une société dont la forme était si près de disparaître à jamais. Dernier adieu du beau monde de ce temps-là, qui suscitait à ses flatteurs des assertions comme celle-ci : « Nos marchandes

de modes feront honte aux siècles passés et aux siècles futurs, qui dégénèreront. nécessai- rement, parce que tel est le sort de ce qui est parvenu à la perfection. » (Cabinet des modes,

avril 1756.)

Nous suivons pour les détails l’ordre chronologique, en divisant notre examen de manière à ne point mélanger ce qui concerne les dames, les hommes, et les enfants. Cet ordre permet de suivre les modes dans leur succession, et a l'avantage d'en montrer le caractère selon les sai-

sons. Notre tableau écrit répare done, sous ce rapport, ce quenous ne pouvions faire en réunis- sant en une seule page, autant d'exemples détachés nécessitant une combinaison déjà fort

compliquée.

DAMES, Novembre 1785,

43. Femme en fourreau & la évite.

Fourreau vert. Chapeau de paille, haute forme, garni d'un ruban, avec nœud ou cocarde. Coiffure demi- hérisson terminé par deux boucles flottantes. Che- veux pendant derrière, & la conseillère, Grands an- meaux branlants, pour pendants d'oreille. Fichu de linon, garni. Mantelet de satin noir à pois. Tablier de linon. Jupon, satin violet. Souliers blancs à rosettes violettes.

Les robes et fourreaux à l'anglaise, à la turque, à la janséniste, à la circassienne, sont encore de mode.

4, Coiffure à l'ingénue.

Chapeau de paille, forme haute, à l'anglaise. Ruban de perles ; nœud ou cocarde sur le derrière, bouts pen- dants. Garniture de gaze violette, Touffe de quatre plumes blanches, surmontée d’une grande plume vio- lette, appelée jollette.

8. Coiffure en hérisson à crochets.

Bonnet & la paresseuse, de gaze d'Italie. Un bouquet de fleurs sur le côté droit au-dessus du toupet à tempéra- ment. Pendants d'oreilles en mirza. La mirza était la grosse pierre bleuâtre, appelée depuis la cléopütre.

Décembre 1785.

19. Grande parure.

Bonnet de gaze soufflée, à la Figaro, surmonté de deux plumes blanches soutenues par une guirlande de

fleurs. Pelisse de satin, bordée de queues de martres. Robe de satin bleu. Jupon de satin blanc. Manchon blanc de chèvre d'Angora. Souliers blancs.

51. Bonnet à la l'igaro.

Gaze d'Italie, deux plumes, une blanche, l'autre vio- lette ; sur le milieu du bonnet, une barrière de ve- lours noir, ornée de perles blanches, Deux glands de perles pendent du côté gauche. Anneaux unis pour pendants d'oreilles,

54, Chapeau de jonc à haute forme.

Fichu de linon uni, & la Henri IV. Pendants d'oreilles, anneaux à perles.

62, Chapeau de jonc, à la Marlborough.

Il est surmonté de deux plumes blanches et d'une vio- lette, Fichu de gaze d'Italie, & la Henri IV.

35, Femme en Pierrot.

Bonnet en pouf, orné d'une guirlande de roses et d’un ruban gros vert. Coiffure ordinaire à deux boucles, chignon en dessous. Fichu garni, gaze d'Italie. Caraco violet, bordé de blanc; la pièce pareille, avec un nœud de gros vert. Jupon vert-pomme, garni de deux rubans blancs. Sabots chinois, couleur carmélite, garnis de rubans blancs, à la Jeannette.

22, Femme en fourreau à l'anglaise.

Cette dame est coiffée d'un bonnet à la Laitière, orné d'un ruban gros vert. Accommodage à deux boucles,

le chignon ex dessous. Boucles d'oreilles en plaquettes. Fourreau à collet, de couleur æil-de-roi, bordé de ruban blanc & la Jeannette ; il est noué par devant avec un ruban gros-vert. Gants couleurs de soufre tendre ou queue-de-serin. Tablier de mousseline unie, Souliers roses,

Janvier 1786. 55, Coiffure de bal,

Chapeau surmonté d'un pouf de gaze d'italie, orné d'un ruban rose et d'une guirlande de feuilles de laurier, Anneaux à perles aux oreilles, Fichu de gaze d'Italie. Corset à l'anglaise,

28, Femme en robe à la Turque.

Chapeau de satin nakara, à haute forme, garni de ru- bans lilas bordés de blanc, et surmonté d’une touffe de plumes blanches avec une aigrette au milieu. Corset et jupon, d'un satin blanc parsemé de fleurs lilas tendre et de feuilles vertes, brochées en soie. Les rubans qui forment le falbala du bas du jupon sont nakara, ainsi que les parements du corset. Robe en satin nakara, bordée d’un ruban blanc ; la dou- blure, d’un petit satin blanc, garnie d’une guirlande de fleurs lilas, La garniture de la robe est pareille- ment une guirlande de fleurs lilas et de feuilles vertes.

Février. 61. Bonnet au bandeau, sans fond.

Il est de gaze d'Italie, garni de nakara, à cornes larges sur le devant, et une rosette par derrière, Camisole en colinette, nouée d'un ruban bleu,

63. Capot de satin blanc rayé de bleu.

Ce capot se met ordinairement sur un bonnet rond ou une coiffure négligée, Anneaux à perles aux oreilles ; chignon en dessous. Fichu de linon à& collerette.

64, Bonnet à la Captif.

Toque de satin nakara, garni d'un ruban vert rayé de blanc; les deux biais en crépé blanc. Ce bonnet est surmonté d'un héron de plumes de paon vert jaspé. Fichu de linon, garni en collerette. Nœud de cou en ruban blanc.

65. Grand bonnet du matin.

Il est à large fond, de gaze d'Italie, et garni d'un ru-

ban violet bordé de vert, formant un nœud sur le devant, ses bouts pendant par derrière. Anneaux & pois pour boucles d'oreille. Fichu de linon, à colle. rette, garni de deux rubans noirs, à a Jeannette.

25, Femme en négligé, ou nouvelle robe, Robe en chemise.

Bonnet en pouf, gaze d'Italie, garni d'un nœud de ru- ban queue-de-serin, Chemise à deux collets, et large falbala de taffetas des Indes lilas tendre. Manchettes de linon. La chemise est fermée par devant avec un nœud de ruban queue-de-serin. Souliers de satin queue-de-serin, garnis d’un grand falbala de ruban noir, large d'environ trois doigts.

Mars.

42, Femme en redingote ajustée.

Cette redingote, d’un genre nouveau, est en drap de Louviers, couleur violet d'évêque, et garnie de boutons blancs, An bout des manches, de petites manchettes de batiste ou de mousseline unie.

Corset et jupon de taffetas des Indes, couleur de citron. Fichu de linon blanc, attaché avec un ruban nakara. Chapeau à l'anglaise, garni de poils dessus et dessous ; à la calotte, un large velours noir, avec une longue boucle d'acier travaillé, Par derrière, les cheveux pendent à la conseillère; ils flottent sur les épaules. Souliers couleur violet d’évéque.

41. Femme en robe à l'anglaise.

Cette robe est d'un léger satin rose; le jupon d'un léger satin blanc. Au lieu du manteau, une très ample écharpe de taffetas blanc, garnie d’un large falbala de gaze noire; elle est croisée sur la poitrine, et nouée par derrière, en forme de ceinture, Les che- veux pendent à la conseillère, et par-dessus la coif- fure en cheveux est posé un casque & la Romaine en satin jaune bordé d’un ruban rose, et sur lequel se jouent trois grandes plumes, dont une noire et deux blanches, Ce casque est garni, en outre, d’une touffe de gaze blanche pendant jusqu'à la ceinture. Sabots chinois de satin jaune, garnis d’un falbala rose,

21, Femme habillée de la robe en chemise et portant le casque à la Bellone.

La robe est en foulard blanc, à manches couleur citron, et bordée en entier d’un ruban noir, Elle est serrée d’une

large ceinture noire formant un nœud par derrière. Le sein est couvert par un large fichu de gaze blanche. Le casque à la Bellone est enfoncé jusqu'aux yeux; sa visière, de satin jaune tigré, à mouches noires, est bordée d’un étroit ruban noir. La calotte, assez haute et bouffante, est de satin bleu ; elle est entourée d'un large ruban couleur nakara avec un liséré noir; ce ruban forme un gros nœud sur le devant, et un autre pareil par derrière; il attache les longues barbes de gaze d'Italie, façonnées et dé- coupées, qui pendent jusqu'au-dessous de la cein- ture. Sur la calotte, cinq plumes, deux couleur #a- kara; deux vertes, et une noire au milieu,

Les cheveux pendent par derrière à la conseillère, et de chaque côté une grosse boucle tombe sur le sein, Gros manchon de chèvre d'Angora, couleur de loup. Souliers de satin nakara, bordés d'un falbala de ruban noir,

Cette toilette, qui apparut pour la première fois au Théâtre-Français, elle causa tant d'émotion que tous les yeux se détournèrent un moment de la scène pour la bien voir, constituait une parure dans laquelle, suivant le Cabinet des Modes, l'art faisait honte à la richesse. » Elle aurait été ima- ginée par une de ces grandes dames qui donnaient le ton, mais que le journal n’ose pas nommer, l’ap- pelant seulement (la brillante Céphise. » Selon le ré- dacteur, le succès de cette parure fut si grand, que, dès le lendemain, et pour la plupart, les élégantes ne se montrérent plus qu'avec ce même ajustement.

Avril. 5.— Femme coiffée de la grande baigneuse.

Bonnet de gaze blanche, garni d'un grand voile de même gaze, pendant par derrière jusqu’à la ceinture ; sur Je devant, un gros nœud de ruban nakara au diadème, dont les deux bouts flottent de chaque côté, Grand mouchoir de cou en gaze unie, Longues bou- cles d'oreille & la plaquette. Cheveux relevés par der- rière en chignon plat; de chaque côté une grosse boucle tombant sur le sein, o

No 11. Chapeau noir & /a Maltaise.

Il est bordé d’un ruban au diadême, La calotte est

entourée d'une touffe de crêpe rose, formant plu- sieurs nœuds, Aigrette composée de plumes de coq noires eb d’un gros plumet blanc. Grand fichu de gaze, garni d'un falbala découpé. Bouquet de roses. Cheveux pendant par derrière à {a conseillère; de

chaque côté, deux boucles accompagnant le #apet; l'une y tient attachée, l’autre tombe sur le sein, Longues boucles d'oreilles à {a plaquette. La robe est un pierrot.

18, Femme habillée de la robe en chemise,

Cette dame, qui tient à la main une rose « qu’elle porte

jusqu’à son nez pour la flairer, » dit l'élégant rédac- teur, est vêtue d’une robe en chemise de mousseline, festonnée dans le bas et bordée d'un ruban noir. Sous cette robe transparente, elle porte un jupon et un corset de taffetas couleur de rose. La robe est serrée par une ceinture d’un large velours noir. Ample fi- chu de gaze-linon. Aux oreilles, des anneaux d’or avec une poire au bout, Cheveux en tapet élevé sur le devant; par derrière relevés en chignon plat; trois boucles de chaque côté, une attachée au tapet, les deux autres flottant sur le sein. Bonnet de gaze-linon, garni d'une guirlande de perles ; une touffe de gaze pareille tombe derrière en forme de barbes: il est surmonté de trois plumes, une noire, une verte, et une rose,

Mai,

52, Chapeau-bonnette.

Il est monté sur carcasse, et d’une gaze nouvelle,

blanche, à larges raies roses. Calotte bouffante, lite d'une guirlande de fleurs artificielles, et surmontée d'une aigrette de verdure, et de trois grandes plu- mes, deux roses, une bleue, Le vêtement est un ca- raco de taffetas des Indes, à raies roses et blanches. Fichu de gaze blanche à double falbala, Cheveux flottant à la conseillère; trois boucles accompagnent le tapet.

No 53. Autre chapeau-bonnette.

Celui-ci est de taffetas bleu, et bordé d’une large blonde

festonnée ; calotte bouffante liée d’un ruban au dia- dème, jaune et noir, formant deux nœuds, un très gros par derrière, un plus petit sur le devant. Deux plumes, l’une rose, l’autre lilas. Deux larges voiles de gaze blanche, attachés au chapeau, pendent par derrière.

N°48. Femme habillée en robe à la Turque...

Robe en pékin bleu. Jupon de même étoffe et de même

couleur, Manches d'un gros-de-Naples blanc jusqu’au sabot, qui varie, mais qui est toujours de la même

étoffe et de la même couleur que la robe, Garniture de la robe en crêpe blanc, en forme de rosettes; au milieu de chaque rosette, un bouquet de roses artifi- cielles. Le falbala du jupon est aussi en crêpe blanc, et il est surmonté de rosettes pareilles à celles qui garnissent la robe. Les manchettes, attachées aux manches de la robe, sont gaze blanche découpée,

Fichu de gaze, attaché sur le devant avec un ruban à l'arc-en-ciel. Gants de peau blancs. Chapeau-bon- nette à gros plis, lié d’un ruban & l'arc-en-ciel sur- monté d'une guirlande de roses artificielles ; ce ruban forme un gros nœud par derrière, et tient attaché le voile en crêpe blanc qui flotte librement. Aigrette composée de six grosses plumes, deux roses, deux bleues, une blanche et une verte, Frisure à boucles légères sur tout le devant de la tête ; derritre, les che- veux sont relevés en chigon plat. Les souliers sont d'un bleu assorti à celui de la robe et sont falbalassés d'un ruban à l'arc-en-ciel.

Le cabinet des modes constate, à propos de cette toilette, des changements caractéristiques et géné- raux dans le costume, sauf en ce qui concerne les habits de cour, & qui ne varient point.» On ne porte plus les grands paniers qui donnaient une carrure immense, ni les queues qui traînaient d’une aune pax terre; même dans les plus grandes parures, les habillements sont simplifiés. Tout est changé; les femmes ne sont plus coiffées en cheveux, elles portent des chapeaux ou des bonnets. Leur gorge et leur cou ne sont plus découverts, Plus de cul postiche, à peine de petits-coudes aux poches, pour donner une certaine ampleur. Une taille svelte et déliée, voilà ce qu'on veut avoir ; et, de toute la mise ancienne, on n'a conservé que le corps, pour amincir la taille, et la grande gar- niture de robe, |

Juin. 58. Large pouf de gaze en rocher.

11 est garni autour d'une guirlande de roses artificielles, Au côté droit, un grand nœud de ruban lilas. Der- rière le pouf, et tombant jusqu'à la ceinture, un voile de gaze d'Italie, partagé en deux, et formant des barbes. La robe est & la turque, en gros de Tours rose, Corset et jupon blancs. Fichu et manchettes de gaze d'Italie blanche. Au devant du corset, un bouquet de roses,

40. Toilette du matin; le caraco,

Vêtement composé d’un céraco et d'in jupon de mous-

seline rayée, élégamment falbalassés ; le jupon et le corset roses de dessous, se nuançant et se fondant avec le blanc de la mousseline, Chapeau de paille couleur naturelle, entouré d’une guirlande de roses artificielles, surmonté de quatre plumes, trois blan- ches, une rose, et auquel tient attaché, par derrière, un grand voile de gaze blanche tombant jusqu'à la ceinture. Coiffure composée d’un large tapet et de trois boucles de chaque côté, dont une pend sur le sein. Teinte légère de poudre blanche sur la cheve- lure, mitigée de poudre blonde ou de poudre rousse. Cette dame est la Zulmé dont il est parlé pl. XVIII siècle, ayant pour signe OX, et dont le chroniqueur de la mode dit & que son maintien était toute sa

magie. » Juillet, N°9, Pouf de gaze blanche.

Ce bonnet est garni d'un ruban à larges raies, blanches et bleues, et d'un bouquet de roses artificielles sur le coté. Une plume blanche et une plume de paon retombent inclinées sur le côté.

29, Femme en robe à la turque.

Cette dame porte un chapeau-bonnette sans plumes, une mode passagère; les bords de cette coiffure tombent en toit tout autour, et la forme, très bouf- fante et très large, est liée d'un ruban, formant un gros nœud par derrière. Ce chapeau est de gaze bleue. Il pourait être de gaze rose ou encore d'un très léger taffetas bleu ou rose, et lié d’un ruban violet ou d'un ruban blanc. Ce qu'il faut c'est que le cha- peau-bonnette à ce moment, soit tout uni.

L'épingle & la Cagliostro est de ce temps. Comme les chignons plats se portent très bas, et qu'il est impossible que tous les cheveux soient également longs pour être reportés jusqu'au peigne qui les tient relevés, on a imaginé depuis quelques jours une sorte de ligament en fer bronzé, que l’on attache en dedans du chignon, vers le milieu, et qui fent les cheveux fixement embrassés.

N°33. Femme en robe à la turque.

Cette robe est de gaze à raies blanches satinées et à raies couleur lilas tendre. Elle est bordée d’un ruban rose tendre, Jupon de gaze blanche rayée ; le falbala de même gaze que la robe, Sur le col une écharpe de gaze blanche à carreaux, croisée sur le devant,

rejetée par derrière, et nouée plus bas que la cein- ture ; ses bouts, garnis d’une frange en soie blanche, tombent jusqu'aux talons. Les souliers, couleur lilas sont falbalassés d'un ruban rose. Coiffure en cheveux, deux nœuds de ruban pour toute parure; l’un at- taché par derrière au dessous de la toque ou du peigne à chignon, et l’autre sur le devant de la tête.

Août,

26. Toilette d'un deuil de cour de la première époque.

Robe de taffetas noir. Fichu de gaze &'Italie blanche, à large falbala, Manchette en sabots, de gaze sem- blable au fichu. Chapeau-bonnette de crèpe blanc, entouré d’un large ruban noir, et surmonté de quatre plumes noires. Cheveux attachés par derrière, très bas, en gros catogan, liés par l’épingle & la C'agliostro. Souliers de taffetas noir, falbalassés d’un ruban noir tout autour.

Les deuils de cour ne se partagent qu'en deux temps, le noir et le blanc. Jamais on ne drape dans ces sortes de deuils. Toutes les fois qu'on ne drape point, les femmes peuvent porter les diamants.

Cette dame porte le deuil du roi de Portugal qui fut de vingt et un jours, et pour lequel, pendant la première époque, les femmes prirent des robes de soie noire, garnies de même, ou de gaze noire ; les chapeaux, la gaze et les diamants. Un très grand nombre portaient une robe de mousseline blanche, avec un jupon noir et une pièce d'estomac noire; les chapeaux-bonnettes et les diamants, ou les bon- nets de gaze et les plumes noires et blanches. A la seconde époque, elles avaient des robes de soie blan- che, des rubans bleus ou roses unis, la gaze et les diamants. On varia même encore cet habillement. Les unes portaient des caracos puces, avec des pièces d'estomac noires, et des jupons de taffetas blanc; les autres des caracos roses, aussi avec des pièces d’esto- mac noires et des jupons de taffetas blanc ; d’autres portaient des caracos noirs, avec des jupons de couleur violette, d'autres des robes noires ou des caracos noirs avec des jupons blancs ; d'autres encore avaient des robes blanches, avec un corsage noir et des jupons blancs. Toutes portaient indifféremment ou les bon- nets, ou les gazes montées en pouf, ou les chapeaux- bonnettes, Ce que nous venons de dire, ajoute le Cabinet des modes, sur la manière dont on a porté le deuil du Roi de Portugal, pourra servir de règle pour le premier deuil de cour qui arrivera.

1. Chapeau de paille, couleur naturelle.

La paille est teinte autour en ruban au diadéme, et en dessous à mille points roses. Calotte très bouffante de crêpe rose. Deux gros nœuds, faits de larges rubans à l'arc-en-ciel, gaxnissent par devant et par derrivre. Cinq grosses plumes, une blanche, une rose et trois vertes nuancées,

12, Chapeau de gaze jaune.

Il est garni d'un ruban au diadème, jaune et noir. Calotte de crêpe bleu foncé, très bouffante, entou- rée d’une guirlande de roses artificielles et d'un ruban, très large, à grandes raies, formant un très gros nœud par derricre, Trois grosses plumes, une vio- lette, une bleue-violette, et une rose,

17. Femme portant la redingote à collets,

Cette redingote est de taffetas bleu d'ardoise foncé. La doublure est d'un taffetas de même couleur, Cette redingote se porte aussi sans doublure, ou bien la dou- blure en peut encore être de léger taffetas” blanc, rose, cramoisi, ou écarlate. Le buste est séparé du reste du corps par deux larges boutons de nacre de perle, appliqués de chaque côté sur les hanches ; trois boutons pareils sont placés aux bouts des manches, ouvertes & la marinière. Il y a trois grands collets,

Gilet coupé à la maniere de ceux des hommes, et qui est un corset rose, violet ou cramoisi. Jupon de taffetas rose glacé de blanc, ou de mousseline blan- che, doublée d’un autre petit jupon de taffetas rose, Ample fichu de gaze-linon blanche, bouffant sur le devant; chapeau de paille noire, garni autour de gaze de crêpe noir, eb de rubans blanes, qui coupent la gaze ou le crêpe par intervalle, Sur ce chapeau s'élèvent trois grosses plumes blanches, Cheveux relevés par derrière en chignon plat. Sou- liers à talons plats, de taffetas de couleur pareille à celle de la robe. Cette femme représente dans toute sa rigueur la mode du dernier goût; son accoutre- ment imite l'habillement ancien des hommes. Sa redingote à trois collets est faite précisément dans la forme des leurs. La badine à la main lui con- viendrait mieux que l'éventail, et, au lieu du chignon plat, les cheveux pourraient être liés en catogan. Son gilet coupé, ses souliers à talons plats sont empruntés encore aux hommes, dont elle porte, en outre, les deux montres chargées de breloques.

27. Femme en caraco.

Caraco puce un peu clair, accompagné d'un jupon de taffetas rose. Corset de taffetas blanc, découpé par le bas, attaché par devant de nombre de rubans puce, liés en nœuds. Fichu de gaze-linon falbalassé. Au lieu du bonnet, des gazes blanches, posées de manière à former des papillons de chaque côté, Quatre plumes, une rose, une blanche, deux noires, et une aigrette de verdure. Frisure à grosses boules, Gants de peau couleur citron. Souliers de la couleur du caraco,

Septembre. 14. Toilette de demi-deuil.

Voir au sujet de cette dame, portant une redingote de taffetas gris blanc, à trois grands collets tombants, la description pl, France, XVIII® siècle, ayant pour signe la Brosse,

49. Habillement de cour.

Grande parure, moins sujette que les autres aux vicis- situdes de la mode, Autrefois on portait le corset, le jupon et le manteau pareils. Ici le jupon est d'une couleur, le corset d’une autre. Les paniers étaient immenses, ils sont moyens ; on n’aperçoit pas de dif- férence dans les autres parties; cependant on ne bouillonne pas les garnitures du jupon, comme au- paravant; les garnitures sont à plat, ne formant qu'un seul falbala.

Au corset de taffetas rose est attaché une très longue queue traînante, de même taffetas, Jupon de taffetas vert-pomme. La pièce d'estomac, dessous le corset, est faite de rubans roses, attachés en nœuds. Les sabots des manches et le bas du jupon sont garnis de gaze blanche. Manchettes à deux rangs, en gaze en blonde, à larges plis. Mantelet de gaze blanche, garni d'une gaze pareille. Souliers roses, falbalassés d'un ruban vert. Gants de peau blanche, Frisure en large tapet, orné de chaque côté de trois boucles qui prennent d'en haut et descendent, en se divisant ; une quatrième boucle tombe, en flottant de chaque côté, sur le sein.

Pouf de gaze blanche, garni de perles qui s'élèvent et descendent en serpentant, et d'un gros nœud de gaze dont les bouts tombent par derrière, Les trois grosses plumes attachées du côté droit, dites & la lollette, se composent de deux roses et blanches, et

d'une troisième verte et blanche, Boucles d'oreille à la plaquette, en or.

30, Dame en habit de cheval,

Veste de pékin puce, à trois collets, à basques un peu

longues et à manches & la marinière. Les devants de la veste, les poches et les manches sont garnis de petits boutons plats d'ivoire blanche ; il y en a dix à chaque côté des devants, trois sur les manches, et cinq à chaque poche. Gilet de pékin vert-pomme, croisé, rabattu de chaque côté sur la poitrine, et garni de petits boutons pareils à ceux de la veste. Jupon d’une étoffe semblable à celle du gilet, bordé en bas d'un large ruban rose. Large cravate de gaze- linon blanche faisant deux tours, formant un large nœud sur le devant, et dont les deux bouts rempla- cent le jabot d'homme. Chapeau feutre de laine , cou- leur queue de serin, garni autour de deux larges ru- bans roses, qui forment une large rosette sur le côté; du milieu de cette rosette, en dessous, s'élèvent quatre grosses plumes vertes et blanches. Cheveux frisés en grosses boucles sur le devant, et noués par derrière en gros catogan. Gants de peau jaune; à la main une cravache; de la gauche cette dame en- serre dans un petit gousset pratiqué à la ceinture de son jupon, sa montre d'or, à laquelle pend un simple cordon avec une large clef en or au bout. Souliers de peau rose, à larges talons plats, et couverts d'un large nœud fait avec un large ruban vert-pomme.

20, Le caraco à l'innocence reconnue ou à la C'auchoise,

« En 1786, dit le Cabinet des Modes, une malheureuse

cuisinière, nommée Marie-Françoise- Victoire Salmon, qui s'est vue deux fois conduire au bûcher, pour y être brülée, comme coupable du plus exécrable empoisonnement, et qui, deux fois, a été arrachée des des mains de ses bourreaux par la vertu rigoureuse et inébranlable de M. Cauchois, son avocat, a été enfin déclarée innocente par le parlement de Paris. » C'est à cette circonstance que fut le nom de ca- raco à l'innocence reconnue ou à la C'auchoise.

Ce vêtement est ici de pékin lilas ; il est garni de deux collets, de revers, et de parements de pékin vert- pomme ; les revers sont garnis de larges boutons de nacre de perle blanc. Ce caraco boutonne sur le devant avec quatre boutons pareils, appliqués sur les côtés ; lesquels côtés, à demi coupés, sontattachés en dessous ducaraco et des revers, et forment une sorte de pièce d'estomac. Dessous le caraco, un petit corset ou gilet de pékin blanc. Jupon de pékin vert-pomme, garni d'un volant de pareille étoffe, à tête renversée. Ample

fichu er chemise de gaze-linon, à deux collets, dont celui de dessus, fait comme les collets de frac d'homme, Chapeau-feutre couleur queue-de-serin, garni tout autour des bords d’un épais et long plumet noir, se détachent mille pointes de plumes couleur de feu ; la forme profonde de ce chapeau est garnie, sur le devant, d'une sorte d’aigrette en rubans roses, à liséré blanc. Le tour de la forme est garni jusqu'au faîte de rubans pareils. Frisure toute en grosses bou- cles. Cheveux nouëés en gros catogan, avec une épingle à la Cagliostro, età bout frisé retombant. Boucles d'o- reilles & la plaquette. Souliers roses, falbalassés d'un ruban noir.

10, Toquet & Virginie.

Les papillons de ce toquet sont en gaze anglaise blanche,

et sa forme est en gaze rose; un diadime vert et lilas sépare les papillons de la forme. Un large nœud de rubans verts, appliqué sur le côté droit, vient se perdre par derrière, pend un large voile de gaze blanche, Frisure tout en grosses boucles depuis le milieu du tapet. Ample fichu de gaze en chemise, à deux larges collets ordinaires.

Octobre.

3. La Baigneuse.

Ce grand bonnet à larges plis est garni d'un très large

ruban vert, formant uu gros nœud sur le devant. Fri- sure en cheveux retapés, liés par derrière en catogan. Fichu simple,

7. Pouf à la Virginie.

Gaze couleur de soufre et à raies violettes. Ce pouf est

garni d'un très large ruban rose, à liséré noir, formant un gros nœud par devant, et un gros nœud par der- rière. Ce ruban est enlacé d’une guirlande de fleurs artificielles, héliotrope, rose, et lilas, nuancés ; trois grosses plumes s'élevant sur le côté gauche, verte mêlée de rose, rose mêlée de vert, et noire mêlée de bleu. Cheveux flottant par derrière & la Conseillère, Fichu de gaze anglaise, brochée.

Il manque à ces deux derniers fichus, pour les atta- cher sur le devant, des épingles à tête représentant des grandes lettres symboliques, ou des cœurs, des flèches, des plumes, etc.

Novembre,

44. Femme en robe et bonnet & la turque.

Robe de satin à raies violettes et vertes ; manches et

corset de dessous la robe, satin couleur queue de serin. Jupon d'un satin blanc uni, dentelé par le bas. Man- ches de la robe garnies de manchettes à deux rangs, de gaze garnie d'une blonde. Fichu de satin blanc, garni d'une blonde, et attaché par devant avec une épingle d'or, dont la tête est en petit médaillon. Bra- celets dont le médaillon est entouré de diamants, Souliers d’un satin pareil à celui de la robe, falbalassés et ornés d’une rosette d'un ruban à deux larges raies violettes et vertes.

Frisure toute en boucles. Cheveux relevés en chi- gnon et tombant très bas sur le dos.

Bonnet à la turque. Sa partie inférieure forme une sorte de large bandeau fait de crêpe bleu et orné au- dessus d’une belle blonde. La partie supérieure est de gaze anglaise, à petits objets à petits dessins ; cette partie supérieure est très bouffante par derrière, et les extrémités de la gaze qui la composent tombent très bas, en pointe, par derrière. Deux plumes bleues à pointes de couleur de feu, et un bouquet de fleurs artificielles, décorent le côté gauche.

39. Femme en redingote à deux collets.

Cette redingote, dont les manches sont & la marinière,

est de drap vert d’eau, à manches d'un vert plus foncé ; les boutons, appliqués aux poches, aux manches, aux devants, et sur les hanches, sont de cuivre doré, tout unis. Ample fichu de gaze, bouffant très haut sur le devant, Frisure tout en boucles, dont deux tombent sur le sein; par derrière, cheveux flottants, & la Conseillère, et liés au-dessous du col par une large épingle à la Cagliostro, ciselée et gravée à points. Chapeau-feutre couleur queue-de-serin, garni autour du bord d’un épais et long poil de Castor naturei, formant un plumet, et, autour de la forme, de deux larges rubans roses, composant ensemble, par derrière, un très gros nœud dont les bouts flottent. La petite .. canne ou badine est garnie d’un cordon de soie noire au bout duquel pendent deux glands.

1. Chapeau de paille de couleur naturelle.

Ce chapeau est doublé d'un satin rose à deux larges

raies noires et bordé d'un ruban noir. La calotte, très large, est faite avec une gaze rose, à petites raies noires ;elle est liée en bas avec un large ruban violet,

à raies vertes, qui forme deux gros nœuds, un sur le devant, l'autre, par derrière, Les bouts pendent très bas. Boucles d'oreilles à la Plaquette. Fichu de gaze en chemise.

6, Chapeau fait avec des carcasses.

Ces carcasses soutiennent la gaze blanche dont est for- le chapeau. Le revers est formé d’un taffetas rose à larges raies vertes ondées, Il est bordé tout autour d'un ruban de soie noire. Un large ruban Weu-de-ciel d'un côté, et écaillé de l’autre, ceint la calotte du chapeau, et le fait relever du côté droit, en formant une ganse; une guirlande de fleurs artificielles s’en- lace dans ce ruban ; sur le côté gauche s'élèvent deux grosses plumes, une rose et blanche, une bleue et rouge, et une aigrette touffue, composée de longues plumes de coq noires. Boucles d'oreilles à la Plaquette. Fichu de gaze en chemise, garni de deux collets,

La frisure, dans ces deux derniers exemples, est tout en boucles.

HOMMES,

Novembre 1785.

358. Jeune homme en chenille,

Chapeau rond à haute forme ; cheveux tressés et noués en catogan. Frac de drap vert et boue de Paris, mêlés, Giletrayé. Culotte soufre, très serrée, moulant la cuisse, avec trois boutons seulement. Jarretière nonée avec des cordons au lieu de boucles. Bas rayés, blanc et violet clair, mêlés, Souliers noués avec des cordons.

Les hommes portent, lorsqu'ils sont en chenille, le chapeau en jockey, représenté ici; et les bas de fan- taisie, lorsqu'on est en chenille, sont rayés blanc et boue de Paris, mêlés. Violet et gros vert, mêlés. Violet et boue de Paris, vert et boue de Paris.

Décembre, 32. Toilette de cour, grande parure.

Coiffure grecque carrée avec trois boucles. Grand col de mousseline à l'anglaise. Manchettes de point. Ha- bit de satin prune de monsieur clair, avec une bro- derie en soie verte. Veste de satin blanc, avec bro- derie pareïlle à celle de l’habit. Culotte de satin pareil à celui de l’habit; jarretières brodées de même. Cha- peau sous le bras, à plumet blanc, Épée à poignée

d'acier, garnie d'un nœud de ruban vert-d'eau. Bas de soie blancs, Boucles de souliers carrées. Souliers à talons rouges, selon le privilège nobiliaire.

Nos 56, 57, 59 et 60, Coiffures en cheveux.

56, Perruque sans ruban, n'ayant pour corps

qu'une espèce de filet à jour. Toupet carré en ver- gettes par devant, et en hérisson par derritre ; accom- modage à deux boucles, l'une sur l’autre.

57. Perruque ordinaire à trois boucles droites, en marron. Toupet carré, en petits crochets; cheveux en queue.

59. Perruque sans tissu, à jour. Toupet carré en avant, d'un simple crépé naturel. Trois boucles en bas, une au-dessus, se perdent dans le Aérisson. Les cheveux de derrière en tresse retroussée.

G0, Magistrat coiffé d’une perruque ordinai- re carrée, à boucles en marron. Toupet carré en petits crochets,

Janvier 1786.

31. Homme en surtout.

Chapeau à l'Androsmane. Surtout de drap, couleur de

cul-de-bouteille; boutons de nacre de perle. Gilet de soie noire, parsemée de fleurs vertes ; boutonnières brodées en festons de soie blanche. Culotte de drap couleur de soufre ; boutons de métal blanc. Bas blancs rayés de bleu ; souliers à pointe un peu carrée. Bou- cles d'argent ovales. Badine de bambou.

Avril.

24. Jeune homme en frac.

Ce frac est d'un drap de Bourbon à écailles gris-de-

maure ; il n’est nouveau que par son tissu et sa cou- leur. La taille est courte, marquée par les boutons attachés sur les hanches ; longues basques à poches, descendant jusqu'au-dessous de la jarretière. Man- ches ouvertes & la marinière, avec deux boutons, Le collet est d’un velours de soie noir. Boutons d’ar- gent doré et ciselé, de grandeur moyenne. Gilet de satin rose, à larges raies noires en travers ; entre les raies est un broché représentant un cavalier et un fantassin, formant des zones distinctes, le cavalier et le fantassin ne marchant jamais ensemble. Culotte de drap de coton couleur paille foncée; trois petits boutons blancs ferment les côtés au-dessus de la jar- retière. Bas de soie à raies en long, bleues et blan- ches ; souliers à bouts carrés ; boucles ovales. Chapeau

à l'Androsmane couvrant une grecque carrée assez longue ; un catogan attaché un peu bas tient les che- veux liés par derrière. Canne de bambou; deux montres fort larges dans les goussets.

Mai. 15, Tenue de gentilhomme.

Habit et veste d’un velours de printemps, fond citron à raies vertes et à manches lilas. Les boutons qui les garnissent sont émaillés et mouchetés d’une couleur assortie au fond de l’habit, et ils sont entourés de pierres fausses blanches. Culotte de drap de soie noir, tenant les cuisses étroitement serrées. Les bou- cles qui attachent les jarretières sont un petit jonc d'argent en carré long. Bas de soie blancs. Souliers à talons rouges, et boucles de souliers d’un ovale par- fait. Le chapeau, tenu sous le bras, est à plumet blanc; les manchettes sont à dentelles.

Juin.

47. Jeune homme en habit.

Habit de drap couleur écarlate, avec une doublure de soie blanche, & passe-poil, et garni de larges boutons blancs en nacre de perle ; bouts de manches ouverts & la marinière, que deux boutons pareils tiennent fermés un peu sur les côtés; quatre autres boutons semblables sont attachés au-dessous des pattes des poches. Le collet de l'habit est du même drap, et n’est plus diversifié comme devant. Gilet de gros-de- Tours, fond vert-d'eau, à raies d’or, et garni de pe- tits boutons blancs. Culotte d'un drap casimir, ci- tron pâle. Bas de soie blancs. Boucles d'argent aux souliers, d’un ovale à angle coupé. Chapeau à l'An- drosmane, recouvrant une longue grecque ressortant un peu par derrière; queue longue, bien serrée jus- qu'au bout des cheveux. Canne de bambou.

Juillet.

16. Jeune homme en habit de cheval.

Habit en drap, à revers, de couleur vert-dragon. La doublure est d’un burat de la même couleur ou d'une couleur approchante. Les revers, les poches et les manches & la marinière sont garnis de boutons de nacre blanc. Gilet à raies d’or et à larges raies vertes. Culotte de peau de daim, couleur jaune clair. Bottes anglaises, d'un noir très luisant depuis le pied jus-

qu'au mollet, et gardant la couleur naturelle du cuir au-delà. Éperons d'argent, ou de cuivre argenté très brillant. Chapeau rond & l'anglaise, garni d’un très large ruban noir et d'une rosette sur le côté attachée par une très longue boucle d'acier, à jour, travaillé. Gants de peau violette. Deux montres dans les gous- sets ; à l’une pend un cordon avec des glands et des breloques ; à l’autre un cordon en soie tressée ou en ruban, au bout duquel est attachée uniquement une très large et très longue clef,

Août,

54, Un homme en grand deuil.

Habit de drap, sans boutons sur les parements et aux

poches. Le devant de cet habit n'a que six boutons, un en haut, deux au milieu, et trois en bas. Épce noire, garnie d'un crêpe noir. Boucles des souliers et des jarretitres en acier bronzé. Souliers de castor, qui pourraient étre en peau de chèvre, lustrée avec de la cire luisante. Large cravate, dont les deux bouts couvrent le jabot de la chemise, Manchettes et jabot de batiste, à ourlets plats. Grand chapeau dont la forme est garnie d'un crêpe noir. Cheveux enfermés par derrière dans une large bourse. Grec- que et boucles à peine poudrées,

Depuis l'ordonnance, rendue en 1716 par Louis XV, on ne porte les grands deuils que pour père et mère, grand-père et grand'mère, mari et femme, frère et sœur. Les grands deuils se partagent en trois temps : la laine, lu soie, et le petit deuil, ou les habits coupés.

Les hommes portent les grandes et petites pleu- reuses pendant les trois premières semaines, et les petites seulement pendant les trois suivantes,

Septembre.

23. Jeune homme en demi-deuil,

Bas et culotte noirs. Gilet de taffetas à larges raies

blanches et noires. Habit gris avec collet de ve- lours noir; doublure noire avec passe-poil; boutons d'acier bronzé à raies. Manchettes d’entoilage avec effilé. Boucles de souliers ovales ; boucles de jarre- tières ovales longues. Chapeau à l'Androsmane, Large grecque, quatre boucles, et une natte & la Panurge par derrière, avec un ruban noir en haut de la natte, Un cordon noir à la montre, d’un côté, et de l’autre un cordon de couleur ou une chaîne. Les mains dans les poches, ou les bras ballants.

13, Toilette d'automne.

Habit de drap puce; doublure de couleur pareille; à tous les bords, un petit liséré blanc formant le passe- poil. Ce genre est une innovation, « depuis les temps les plus reculés, la doublure seule fournissait le passe-poil, » Boutons de l’habit en nacre de perles, avec un rond en or, gravé au milieu. Gilet rose moiré, à raies violettes. Culotte de drap casimir, cou- leur queue-de-serin, et collant parfaitement sur les cuisses. Bas de soie à raies bleues et blanches. Bou- cles de souliers d’un ovale parfait; aux jarretières, d'un carré long. Dans les goussets, de chaque côté, deux montres; à l’une pend un simple cordon noir, avec une large clef en or; à l'autre une chaîne en or avec quelques breloques. Gants de chamoïs, jaunes, légers. Canne de bambou, assez forte, garnie d'un cordon de soie noire avec des glands. Cheveux frisés en une large grecque, et à quatre grosses boucles de chaque côté; par derritre, ils sont nattés & la Pa- nurge. Chapeau à l'Androsmane.

Octobre. 50. Jeune homme en frac.

Trac vert dragon, orné d'une broderie en soie vert pomme. Gilet de soie couleur queuc-de-serin, brodé en soie verte. Culotte de drap de soie, aussi couleur queue-de-serin. Bas de soie, à raies blanches et vert pomme. Boucles de souliers en argent, ovales ; boucles de jarretières, argent, ovale long. Deux montres, d'un côté le cordon noir avec la très large clef, de l’autre, la chaîne d’or garnie de breloques. Cravate de mousseline, faisant trois fois le tour du cou, et dont les deux bouts forment un petit nœud par de- vant. Manchettes et jabot de la chemise en batiste unie, à ourlets plats. Frisure d'une seule boucle de chaque côté; cheveux nattés par derrière, à Pa- nurge. Chapeau à la yockei, à forme profonde, garni autour de deux larges rubans noirs qui vien- nent passer dans une longue boucle et y former une large rosette, Canne de jet.

ENFANTS. Février 1786. 36, Garçon battant du tambour.

Chapeau de jonc, garni d’une rosette et d’un ruban bleu. Chemise garnie, en collerette. Veste à manches coupées, de satin carmélite, Gilet de satin rose, le bout des manches carmélite. Ceinture de ruban bleu. Culotte de satin rose, à l& marinière. Bas blancs, de soie ou de coton. Aux souliers, des rosettes de ru- ban bleu.

Les couleurs varient; on habille encore les jeunes garçons avec une veste lilas; gilet et culotte de toile blanche; chapeau gris. Ou la veste verte, gilet et culotte couleur queue-de-serin, d'une légère étoffe de soie; ou bien encore veste blanche, ainsi que la cu- lotte et le gilet, de coton, ou de toute autre étoffe.

No 46. Tille.

Pour toute coiffure un bandeau de ruban bleu; che- mise garnie, en collerette. Corset e6 jupon de taffetas rose, et par-dessus, un fourreau blanc de mousseline, bordé par le bas de deux rubans bleus. Ceinture de ruban noir, passée dans une boucle d'argent. Souliers de maroquin rouge,

Octobre. Nos 37 et 45. Garçon et fille.

La mode pour les enfants des deux sexes est de porter des redingotes en drap, à deux collets, et à manches à la marinière.

Le petit garçon en a une violette, passée sur son habit de matelot, fait en soie, couleur queue-de-serin ; et la petite fille en porte une beu-de-ciel sur un petit corset rose, et un jupon de mousseline blanche, qui en couvre un de pékin bleu. Tous deux ont les cheveux coupés à la jockei et tombant librement. Le garçon a une ceinture que la fille pourrait avoir aussi. Tous deux portent le chapeau-feutre, noir ou de couleur variée; avec des plumes ou sans plumes, avec des rubans qui l'entourent, des nœuds par derrière et par devant, ou sans rubans et sans nœuds. Souliers avec des rosettes dessus, et enfin, des collerettes des cravates.

Sauf ces quatre derniers exemples, les seuls consacrés à l'enfance par le Cabinet des modes, tous les autres costumes, d'ensemble fragmentaires, sont portés par des élégantes et par des petits-maîtres dans la fleur de l’âge. Il n’y a point d’omission cependant, et ce n’est point

par inadvertance que dans cette suite on n’a pas fait figurer des gens d’âges plus ou moins divers ; on en peut juger par la note suivante, que nous insérons tout entière, car elle a le ca- ractère décisif de ces décrets que l’on étudie dans les vieilles législations pour se bien expliquer les sociétés ayant vécu. Aucun commentaire n’en dirait plus sur les usages de ce temps que ceb avis, ayant force de loi dans le domaine despotique dont il s’agit. « On nous a écrit le $ du mois dernier (juin) de la province de Bourbonnais, pour nous demander si la mode est géné- rale, et si elle est la même pour les femmes de trente et de quarante ans, que pour les femmes de dix-huit et de vingt; et que dans le cas il y en aurait une différente pour le moyen âge, nous la fissions connaître, pour qu'on püt s’y régler dans la province. Nous répondons à la per- sonne qui nous à fait l'honneur de nous consulter, que la Mode est wne, et qu'elle est la même pour tous les âges; que la plupart de nos Dames, bien plus âgées que de quarante ans, ne font pas ici de difficulté de la suivre, et qu’elles ne paraissent nullement condamnables. »

En définitive, tout est jeune dans le domaine des modes à cette époque, le mobilier change de physionomie comme tout le reste. Ce sont autant de modèles nouveaux que les lits, à /& po- lonaise, à la duchesse, à colonnes, à doux dossiers & lu romaine, en chaire à prêcher à lu d'Ar- lois; que le lit de repos, l& causeuse à la turque, et que les bois des fauteuils et des chaises, habillés e2 cabriolels, c'est-à-dire avec les velours à fleurs coloriées des anciens habits, « dont on ne veut plus depuis que l’on a perdu l'habitude d'être d'autant plus paré que l’on portait une plus belle tapisserie sur le corps. » Toutefois, et en reconnaissant qu'il fut de bon goût de proscrire pour les vêtements des étoffes plus riches qu'élégantes, si on veut se faire une idée juste du grand simple, il faut l’examiner de près, pour en bien comprendre la nature. Hélas ! on ne peut tout dire, ni tout montrer ; il faut passer sur le détail des mille colifichets qui mar- chent avec le costume, et que les éphémérides de la mode présentent en un mouvement cons- tant, depuis la fausse montre à deux cadrans d’émail, un côté servant de baromètre, l’autre de boussole, très justes ; les cordons et les chaînes de montres, avec leurs breloques, leur cachet à talisman ; les tabatières d’écaille factice avec tableaux en relief des nouveaux monuments de Paris, ou avec baromètre à cadran d’émail ; les bagues, carrées, & l'anglaise, avec un chaton à l'enfantement, à Jirmament, en forme de pyramide antique gravée en hiéroglyphes hébreux, en perles fines, en pierres antiques gravées 4 talisman, eb si larges qu'elles deviennent vers juil- let 1786, à l’usage des femmes comme à celui des hommes, jusqu'aux épingles des fichus, flèches, poignards, épées, clefs en or émaillé, etc., ete., dont le sieur Grancher, au pelit Dunkerque, était le grand fournisseur.

Rien que pour les boucles de souliers du dernier goût, il faudrait une longue énumération, « car les hommes en changent autant que les femmes changent de bonnets de chapeaux ; » mais enfin, puisqu'il faut savoir se borner, en nous arrêtant quelque peu sur une seule pièce du costume, le gilet, on aura une indication suffisante sur le caractère intime du grand simple, non moins singulier que dispendieux, car cette simplicité n’avait rien à voir avec Péconomie.

Décembre 1785. Gilets tissutés & l& d'Esluing, brodés en soie, glacés noir et or, noir et

vert, violet et or, bleu et vert, violet et vert. Janvier 1786. De longue peluche de soie, couleur de chair, queue-de-serin, bleu, rouge, gros-vert, aurore, violet eb queue-de-serin mêlés. Février. Vestes et gilets tricotés en coton, se portant en toute saison. Juin. Drap de soie puce foncé, chargé de broderies et de peintures représentant des quadrupèdes, des vo- latiles et des reptiles ; plus de deux cents animaux sont brodés ou peints sur le même gilet, Les fonds varient, mais les broderies sont de même sorte, ils sont jaune sombre, vert noir, gris d’ardoise, bleu-de-ciel foncé, et autres, toujours rembrunis. En regard, sont d’autres gi- lets, à larges raies sur étoffe moirée; en rubans rouges, blancs, jaunes et verts, coulés les uns dans les autres. D’autres encore, en drap de soie, violet, bleu, vert, gris d’ardoise, sont couverts de broderies représentant de larges et hautes plantes marines, des branches d’arbres, des cas- cades, des pyramides, ete. Il en est de faffetas flambé, chargé de Hammes très épaisses ; de pou- de-soie blane, ou de gros-de-Tours blanc, brodés en or et en soie de diverses couleurs, repré- sentant des arbres, qui prennent du bas du gilet et s'élèvent jusque vers le haut, en répandant des branches très étendues. Sur d’autres, également brodés en diverses couleurs, ce sont des hameaux, des fermes, des campagnes « sont les laboureurs qui cultivent. » « Ces produits de Lyon ont singulièrement flatté notre œil » dit le rédacteur de la mode. En octobre on voit des gilets en velours ras, à larges raies en peluche, de différentes couleurs ; à chaque bouton- nière une frange assez longue, tombante. Et encore celui en satin blanc, brodé en or; à cha- que boutonnière des franges, même des glands en or, tombants. Enfin, en novembre, les gilets sont ornés de broderies représentant, les unes, à chaque boutonnière, un lion, un tigre, ou tout autre animal ; les autres, sur la surface, de larges fleuves, des arbres qui étendent leurs branches ; sur d’autres, surtout aux poches, des chaumières, des hameaux, des villes ; eb sur d’autres encore, des épis de blé, des gerbes, dont quelques-unes se détachent et tombent sur le côté.

L'étude du passé comporte des éléments très divers, dont l'historien dispose selon la hauteur deses facultés ; Michelet observe dans la gentilhommerie de cour de-cette époque, la tête petite, en oiseau, eb les hanches élargies des races tombées en quenouille. Nous nous arréterons ici sur le joli sang-bleu, à la culotte serrée sur une jambe droite, malheur aux cagneux » et souriant aux dames, en appuyant subrepticement du doigt sur un petit levier qui fait mouvoir un mi- nuscule bas-relief peint et articulé décorant l’intérieur d’un large bouton d’habit tenu sous verre. La scène représente le sacrifice d'Abraham ; simultanément, le petit levier fait baisser la tête d’Isaac agenouillé, lever le bras d'Abraham armé du coutelas, et descendre l’ange qui intervient pour arrêter ce bras. Notre ami Rossigneux possède ce bouton original, et nous pen- sons qu'après ce spécimen on peut tirer l'échelle.

Voir, pour le texte : le Cabinet des modes ow les Modes nouvelles, Paris, 1785. AT. de G'on- court, la Femme au dix-huitième siècle, Paris, 1862 ; Didot, éditeur.

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

LE BOUDOIR DE MARIE-ANTOINETTE ; PALAIS DE FONTAINEBLEAU.

Louis XVI, comme les rois ses prédécesseurs, apporta son contingent de restaurations et de constructions au palais de Fontainebleau ; le boudoir de la reine date de cette époque.

Ce boudoir, aménagé par l'architecte Rousseau, forme un carré presque parfait avec deux pans coupés : la largeur en est de 5"75 sur une profondeur de 5"45. Une porte vitrée mé- nagée entre les pans coupés, et dont une partie se voit sur le côté gauche de notre planche, ouvre sur une salle de bain entièrement tendue en mousseline blanche brodée sur fond rose,

A l'exception des bâtis des quatre portes peints en bois de rose, ce petit réduit est entiè- rement doré. Tous les panneaux ont été exécutés sur fond or vert, la frise et les ornements courants sur fond or blane, les moulures, les cadres et les corniches en or jaune brillant.

La cheminée, d’une hauteur de 0"95, est de marbre blanc; elle se trouve ornée d’une pendule à colonnes sur socle et à cadran enguirlandé, et de deux candélabres en bronze doré finement ciselés sortant des mains de Gouthières-le-Beau, ainsi que le feu en bronze également doré devant lequel, sur la planche ci-jointe, est placé un large écran.

La glace de la cheminée, celle qui se trouve entre les deux croisées, celle qui fait face à la cheminée et la porte qui conduit à la salle de bain, ont chacune un cadre cintré fourni de deux moulures ornées d’or jaune bruni, enclavant un fond plat dont l'or blanc est relevé par deux petits bouquets reliés entre eux par un ruban bleu.

Les quatre portes sont couronnées de bas-reliefs sculptés par Beauvais en 1780 et qui représentent : Uranie et Calliope ; Clio et Polymnie ; Euterpe et Erato ; Thalie et Melpomène, Ce dernier bas-relief se voit en entier sur notre planche.

Pour fixer les deux portes qui se trouvent sur les pans coupés, l'architecte à ajouté deux montants à droite et à gauche de chacune de ces portes; les motifs de ces peintures sont exécutés sur fond or jaune.

Entre ces deux portes et la porte vitrée qui conduit à la salle de bain, sont placés deux grands panneaux peints sur fond or vert.

Quatre autres panneaux plus étroits, reproduisant des motifs divers, ont été distribués l'un à droite, l’autre à gauche de la cheminée ; ils ont leurs pendants sur le mur qui leur fait face.

Les rinceaux et les différents ornements qui s’épanounissent autour de tons ces gracieux motifs sont d’un ton rose violacé très tendre, d'un ton vert rehaussé soit d’or jaune soit d’or blanc. Les feuilles et les fleurs gardent leur teinte naturelle, et les vases d’où elles s’échappent, imitent le jaspe ou le lapis-lazuli ; les anses et les ornements de ces vases sont d'or jaune.

Dans la cymaise qui règne tout autour du boudoir, à 0"90 du parquet, l’ornementation de la doucine et les cordons sont sculptés et dorés à or jaune, tandis que la petite frise est peinte en couleurs alternativement rose et verte sur fond or blanc.

Toute la partie moulurée de la corniche qui fait le tour du plafond, est dorée à or jaune brillant, sauf les perles eb les oves peintes en or blanc mat. La gorge, qui rejoint par une évolution en quart de cercle le cadre du plafond, est couverte d’une espèce de filet dont les mailles hexagones encadrent des bouquets d’œillets peints sur fond or blanc ; les mailles sont d'or et festonnées de perles.

Le cadre du plafond a été exécuté en or jaune, la frise en or blanc. Quant au plafond lni- même, il est l’œuvre de Barthélemy, élève de Boucher, et représente l’Aurore.

Cette gracieuse décoration a son accompagnement dans un mobilier en bois peint couvert de bapisseries (voir le détail du fauteuil, planche #' A). Deux consoles en applique ét cintrées ainsi que des trépieds antiques sont placés aux deux côtés de la porte vitrée conduisant à la salle de bain, Contre la glace, une girandole en applique est suspendue en manière de lustre.

La parquet, d’acajou massif, est orné du chiffre de la reine, 47 À, incrusté au milieu d’une étoile dont les branches rayonnent du centre de la pièce.

Ce boudoir se trouve éclairé par deux croisées qui donnent sur le jardin du roi. L’espa- gnolette de chacune de ces croisées représente un thyrse bleu et or dont les acanthes sont ciselées avec beaucoup d'art. On à attribué faussement ce travail à Louis XVI.

Le contraste entre ce charmant réduit et les grandes salles qui l’environnent est frappant, Si l’on se reporte par la pensée aux caprices bucoliques de la reine, qui voulait faire de ce boudoir son séjour favori, on ne peut qu'admirer l'adresse merveilleuse du créateur de ce

bijou artistique et se dire qu'il a complètement réussi à lui donner toute l'élégance que pouvait exiger sa destination.

Document photographique. Voir, pour le texte : Jamin, Fontainebleau, 1834. Champoltion-Figeac, Monographie du

château de Fontainebleau, 1863. Pfnor, Architecture, décoration et ameublement de l’époque Louis XVI, 1865.

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FRANCE. XVIIE SIÈCLE

MOBILIER DE L'ÉPOQUE LOUIS XVI.

Le règne de Louis XVI à laissé de ses meubles une impression due à leur caractère de simplicité coquette. A cette époque, l’art du mobilier entra dans une période d'évolution qui eut pour origines la lassitude causée par les exagérations du style contourné et le réveil du goût, amené par les travaux de Pompéi dont la découverte fut un événement capital de ce

siècle,

1. Commode avec ornementation de bronze ciselé et doré,

Ce meuble dont les côtés sont convexes, est recouvert d'une tablette en marbre à moulures et à ressauts. Ceinture avec galerie à oves et guirlandes de fleurs soutenues par des nœuds de rubans ; la partie centrale de cette ceinture contient un tiroir, Panneaux en- cadrés de moulures diverses ; celui du milieu, coupé par les lignes transversales de son tiroir, est orné d'un faisceau d'attributs galants; ces mêmes attri- buts se répètent sous une autre forme dans les mon- tants à chapiteaux et embases décorés de feuilles d'acanthe, Toute la hauteur des côtés convexes cons- titue un placard dont la porte est prise sur le pan- nean à rosace d'acanthe et la ceinture à guirlandes,

Soubassement à cannelures, Pieds de bronze massif en griffes de lion.

2. Pendule; ornements en bronze ciselé,

Le corps du meuble est orné de montants qui s’emboî- tent dans des volutes d'acanthe, Moulure à rang de perles encadrant le panneau central composé d’attri- buts, de fleurs et de rinceaux; dans la partie su- périeure se trouve un masque de femme entouré de feuilles de laurier et reposant sur une auréole de rayons solaires. Gorge ornée de guirlandes de fleurs reliées par des nœuds de ruban, Le cadran, que des amours se disposent à enguirlander, est entouré de nuages. Socle évidé consistant en quatre griffes qui sortent de larges feuilles d'ornement,

Le tout repose sur une plinthe dont les pieds sont en forme de toupie. Nos 8 et 4. Fauteuils en bois doré,

Le siège 3, à dossier carré, est recouvert d’une ta-

pisserie à sujet provenant de la manufacture de Beauvais.

Le 4, recouvert de soie brochée. date de la fin du règne de Louis XVI et fait partie du mobilier du boudoir de Marie-Antoinette à Fontainebleau (voir la planche FJ),

Documents photographiques.

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FRANCE. XVII SIÈCLE

MEUBLES ET OBJETS MOBILIERS. ÉPOQUE DE LOUIS XVI. UNE GARNITURE DE CHEMINÉE. LA PENDULE,

C’est sur le marbre d’une cheminée du château de Compiégne que se trouvent la pendule et les candélabres qui forment l'exemple 1, Ces bronzes font partie de notre mobilier national ; ce sont des reproductions dont la fabrication est moderne ; le caractère de ces types, scrupuleusement conservé, est celui de la transition du sbyle dit Louis XV au style Louis XVI.

Les allégories de la pendule ont fort varié pendant le siècle. On s'était habitué à ses pre- micres époques (c'était un legs du siècle précédent) à la présence du temps habillé de sa barbe, armé de la faux implacable disant la gravité de l'heure, et la fatalité indifférente qui, suc- cessivement, les ésrène toutes dans l'éternité cette mythologie convenait aux dernières années dévotes du règne de Louis XIV.

Vers la fin de Louis XV on n’en était plus davantage à l’allégorie militaire, à la pendule hé- roïque du guerrier vêbu à la romaine, entouré de trophées, de dépouilles opimes, eb couronné par une Renommée dont la trompette ne cessait d'annoncer à chaque heure nouvelle faisant son entrée dans le monde, la gloire acquise en tel jour et à telle heure de ses devancières, par le héros représenté en buste ou en pied. Le traité de 1763 avait, sans doute, fait remiser le genre héroïque.

La mythologie des pendules n'avait plus, pour le moment, de si hautes visées. Ce ne sont guère que des amours qui y sont chargés de faire comprendre le prix du temps; « heureux amants, hâtez-vous de jouir » bien encore le triomphe assuré qui attend ceux et surtout celles qui auront l'esprit de ne point perdre de temps, et dont l’habileté à manier l'arc et les flèches de l'amour, sera proclamée par ses trompettes, On croirait cette pendule faite sur les conseils du sieur Dorat, mais c’est peut-être au contraire le genre qui a créé les Dorat. C’est un modèle qui, du boudoir, est passé au salon ; que semblent avoir rapporté de Cythère les pelerins du sieur Watteau ; auquel le sieur Boucher, premier peintre du roi, qui, heureusement, à manié les enfants en les respectant, a mis de son caprice ; le sieur Clodion de son savoir et de sa grâce,

en s’aidant de ciseleurs sans pareils, comme le sieur Martincourt et le sieur Gouthières, son élève, ete. On peut considérer que la grande mode du genre représenté par notre pendule eut son terme définitif vers 1785 ; et alors que le joli temple de l'amour du Trianon de Marie-An- toinette ayant tourné toutes les têtes, on vit l’enfantement ineffaçable des « Pendules à colon- nes » infligées aux gens du premier empire et de la restauration même, qui ont eu à subir toutes les variantes du genre, dans lesquelles devaient entrer les obélisques, n’y pouvant mettre les Pyramides. Le début dans le domaine de l'horlogerie, tout au moins la consécration par la mode de la construction architecturale formant un édifice à colonnes, est indiqué sûrement par le « Palais des heures » qui se vendait au Petit Dunkerque «au bas du Pont-Neuf, chez le sieur Grancher, en l’an d'allécorie, 1786 ». Quelle description vaudrait celle des contemporains,

& Abordez ce Temple, voyez sa structure, elle est simple, elle est belle. L'on y monte par des degrés d’un marbre blanc comme la neige. Quatre colonnes d’un marbre aussi blanc, po- sées sur des bases de bronzes dorés au mat, soutiennent un dôme composé de quatre demi- cercles de marbre, ornés de guirlandes de bronzes dorés au mat. Ce dôme est porté aussi sur une corniche superbement décorée.

& Au-dessus du dôme s'élève un globe de marbre blanc, autour duquel tourne horizontale- ment le cerele des heures, qu'un Amour, armé d'un flambeau, marque avec un de ses traits. »

Les 2 et 4 sont des candélabres d’applique; faits pour être posés près des glaces, sans trop s’en détacher. Leur sens est déterminé, 2, parce qu’il n’y à que des bras en façade et point en arrière, 4, par la paire de bras qui s'avancent en formant un rang inférieur. Le 2 est un bronze magnifique d’une authenticité certaine, Le 4 est une reproduction mo- derne. Ces candélabres sont de ceux que l’on désigne généralement sous le nom de girandoles.

Les bois sculptés de ce temps sont ou exclusivement peints en gris, on peints en gris eb dorés, souvent aussi ils sont peints en vert céladon. Les tapisseries des sièges et des écrans étaient, généralement, de la fabrication de Beauvais. Ici, la tapisserie du fauteuil est sans doute aussi de Beauvais, mais non du temps du bois ; on a remplacé l’ancienne pour cause de vétusté, probablement, par un décor à la Percier, d’un Beauvais dirigé par quelque Huet ou quelque Guillaumot, Le décor central de l'écran qui se trouve à l'Élysée, est de M. Chaplin. :

Tous ces documents sont photographiques, et les originaux font partie du garde meuble. Nous de- vons à l'obligeance de M. E. Williamson, administrateur du mobilier national, les renseigne- ments particuliers qui les concernent.

Voir, pour le teæle : Un mobilier historique des dix-septième et dix-huitième siècle, par le biblio-

phile P. L. Jacob (WE. Paul Lacroix) plaquette 1865 (collection Double) et le Cabinet des Modes, année 1786.

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FRANCE. XVIII SIÈCLE

OBJETS MOBILIERS DE L'ÉPOQUE DE LOUIS XVI.

CHAISE

Nos 1e 2, Chaise à porteurs sous deux aspects.

Bois sculpté et doré avec peintures de fleurs et d'amours ; l'intérieur est garni en velours cramoisi uni ; les deux panneaux, la porte vitrée et la galerie supérieure ont des ornements en bronze ciselé et à jour. Hauteur, 15,63 ; largeur, 0,78 ; profondeur, 0",94.

Cette chaise a été à l'usage de la reine Marie Leczinska ; elle fait actuellement partie du Musée des voitures du palais de Trianon,

8. Candélabre dit de l'Zndépendance.

Ce candélabre, qui porte la date de 1785, fut com- mandé à Thomire par la ville de Paris pour être offert au général La Fayette, après la reconnaissance de l'indépendance des États-Unis.

Socle orné de trois plaques en biscuit de Sèvres

A PORTEURS.

à fond bleu clair, représentant à l'antique : la con- clusion du traité de paix avec l'Amérique ; le com- mencement des hostilités; la paix terrassant la guerre, D'après M. E. Williamson, conservateur du Mobilier national, les léopards enchaînés symboli- seraient les Anglais vaincus ; les coqs chanteraient la victoire des Français ; les sirènes personnifieraient l'Océan et les proues des navires rappelleraient la ville donatrice.

A l'exception du soubassement triangulaire en marbre vert, des plaques en biscuit et du pied de la tige en émail bleu, le candélabre et son bouquet sont en bronze ciselé et doré. Hauteur totale 0",62; diamètre, 0®,80, Mobilier national.

No 3,

Table en bois doré, avec ornements en bronze ciselé et doré.

La ceinture sur laquelle repose la tablette de marbre

se compose de rinceaux entremêlés de culots et encadrés de rangs de perles ; cette ceinture est in- terrompue, de distance en distance, par trois motifs représentant des attributs galants.

Pieds en forme de volutes et à canaux dorés re- posant sur des toupies ou sabots. Au centre des

traverses qui relient ces pieds, se trouve un vase orné de guirlandes de fleurs attachées par des ru- bans,

Cette table fait également partie du Mobilier na- tional et se trouve actuellement au château de Compiègne,

Documents photographiques.

Voir le Catalogue du Mobilier national, par MM, E. Williamson et de Champeaux (Exposition de l'Union centrale de 1882). Les Meubles d'art du Mobilier national, par M. E. Williamson, Paris, Baudry, éditeur,

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FRANCE. XVIII" SIÈCLE

LE BAIN. PERRUQUES DE FEMMES ET D'ENFANTS.

On peut dire qu'avant la seconde moitié du XVIII: siècle, l'usage du bain artificiel, servant à la propreté en toute saison, était inconnu en France pour la généralité de la na- tion. Il n’y avait, dans la capitale même, que quelques barbiers-étuvistes, maitres-bai- gneurs, dont les établissements néglicés étaient si mal agencés que le bain sur place ou à domicile était tout à fait discrédité. En 1789, à Paris, le bain simple, dans les établissements publics de formation récente, coûtait encore trois livres.

11 n'existait donc réellement avant cette époque, en fait de bains artificiels, que les bains domestiques établis dans les maisons opulentes. On y déployait un véritable luxe et on leur consacrait toute une série de pièces spéciales. Ces bains, dit l'Encyclopédie, sont composés d’un appartement : une antichambre pour tenir les domestiques pendant que le maitre est au bain, une chambre à lit pour s’y coucher après le bain, une salle est placée la baignoire, un cabinet à soupape garde-robe, un cabinet de toilette, une étuve pour sécher les linges et chauffer l’eau, un dégagement, ete., enfin, un petit jardin. Ces appartements sont ordinairement décorés de lambris, de peintures, de dorure et de glaces. La baignoire, ajoute encore l'Æncyclopédie, est une cuve de cuivre rouge, de quatre pieds et demi de longueur sur deux et demi de largeur, arrondie par les angles et qui à environ vingt- six pouces de hauteur; elle est étamée en dedans pour empêcher le vert-de-oris, eb sou- vent, en dehors, décorée de peintures à l'huile relatives à son usage. Pour plus de propreté et de commodité, l’on pose dedans des linges piqués, des oreillers, etc., les deux robinets sont à droite et à gauche, à l'extrémité. « Ces baignoires sont ordinairement placées dans « des niches et sont couvertes d'un baldaquin ou péril décoré de mousseline, toile « peinte ou perse, comme il s’en voit au château de Saint-Cloud, de Sceaux, etc. »

Venons à notre exemple tiré de Freudenberg l’on retrouve les caractères généraux de la disposition décrite; seulement la baignoire n’est pas la grande cuve de ce qu’on appelait alors le bain général : c’est la baignoire peu profonde de l'immersion partielle, le demi-bain; la cuve à fond arrondi est soutenue dans un bâti de bois monté sur pieds, lequel bâti est le prolon-

gement d'un dossier de sofa capitonné. Le type en avait été donné par Marie-Antoinette, et on appelait ce meuble la baignoire à la Dauphine.

Il'est peu probable que cette baignoire ait été conçue pour économiser l’eau simple, elle semble surtout destinée à l'emploi du bain composé. L’hygiène cosmétique était alors fort variée; ainsi que le dit lAm des femmes, Marie de Saint-Ursin, « l'arsenal des belles est inépuisable ». On employait le bain de lait, celui de pâtes d'amande, l’eau de chair, Yeau de mouron, les pleurs de la vigne, l’eau distillée du miel, de la rose, le suc de melon, le jus laiteux de l'orge encore verte, l’eau de lin, à laquelle on ajoutait par pinte dix gouttes de baume de la Mecque, rendu soluble par un 0/e0-sacchartum , par une émul- sion, ou seulement par un jaune d'œuf. Certes cela n’égale pas les cinq cents ânesses qui sui- vaient partout Pimpératrice Poppée, pour fournir abondamment à ses bains de lait et à ses cosmétiques, mais ces bains recherchés et journaliers devaient encore être fort dispendieux.

La perruque des femmes, appelée communément chignon, ne remonte guère au delà de la moitié du XVIIT siècle. Les hommes portèrent la chevelure artificielle plus d’un siècle, sans que les femmes la leur enviassent; mais en 1730, elles commencèrent à porter une fausse che- velure qui ne paraissait presque point; enfin en 1750, elles prirent la perruque complète. C’est le désir de se soustraire au martyre causé par le long temps consacré à la frisure des cheveux naturels qui acheva d’accréditer les perruques. [1 y en eut de tant d'espèces qu'il serait fastidieux d’en faire l’énumération. Pour poudrer cette singulière frisure, on ne se contenta pas de la poudre blanche, on en employa aussi de grise, de rousse et de rouge. Les caractères généraux de la coiffure des femmes, avant les hautes perruques empanachées, se retrouvent dans nos exemples gravés en 1776. C’est le chignon plein, monté comme la perruque à oreilles des hommes. Les 2, 4, 6, ont le toupet de devant disposé en une forme qui lui valut le nom de croissant. Cette mode s’alliait avec celle des favoris de boucles et des boudins qui se posaient derrière les oreilles. Les dames de la cour mettaient quatre ou six de ces boucles de cheveux non crépées, lisses et frisées naturellement. Le point que le toupet fait sur le front s'appelait physionomie. Le chignon à la paresseuse paraissait être frisé sans l'être et gonflait le moins. Nous reviendrons sur les détails de la perruque féminine et masculine, dontles variétés doivent être familières aux artistes pour qu’ils puissent traiter en toute süreté les sujets historiques. Les exemples d'enfants sont pour montrer qu'on emperruquait les jeunes têtes comme les autres.

La poudre à cheveux était un amidon bien passé et bien pulvérisé pour sécher les cheveux et les perruques. C’étaient les gantiers-parfumeurs qui la fabriquaient et en faisaient le commerce. On la mélangeait de poudres de senteur, de violette, de Chypre et autres.

La scène du bain est empruntée au peintre Freudenberg. Les coiffures, tirées de la grande édition du 7rœité de physiognomonie de Lavater, sont probablement de Chocdowieki.

FRANCE. XVIIF SIÈCLE

MODES FÉMININES DU RÈGNE DE LOUIS XVI.

° LA SECONDE TOILETTE D'UNE DAME DE QUALITÉ, 1788-89.

LES CARACOS, LES CHEMISES, LA REDINGOTE, ETC,

1791 1789 1791 1792 1792 1787

La première toilette était secrète ; nous l’avons donnée dans notre planche ayant pour si- gne le Baldaquin. La seconde loilelle, c’est-à-dire la suite de la première, se faisait au mo- ment du grand lever et avait pour témoins les amis de la maison qui étaient introduits, régulie- rement, à onze heures sonnantes. Il était alors pehil jour chez une dame; avant, #/ ne faisait pas jour. Chez lampe, la femme bel-esprit, se couchant d'habitude à l'apparition de l’au- rore, il ne faisait jour que vers le soir, car elle ne se levait guère plus tôt. Cette réception à la toilette, que Mercier montre comme un jeu inventé par la coquetterie, était une heure charmante, appelée par le dix-huitième siècle « la jeunesse de la journée, » Tout y était dans une harmonie particulière; le babil, interrompu et coupé, était en rapport avec le désordre et le néglisé du moment. « Les billets du matin, dit Mercier, s’écrivent à la toilette; ils ont une expression locale ; ils sont plus aisés que ceux du soir. »

La réception à l’heure de la seconde toilette, que nous avons sous les yeux, comporte celle du médecin, le successeur de Tronchin, venant chaque matin s'assurer de l’état du pouls de la nerveuse diva; celle du musicien professeur, qui accorde sa guitare pour accompagner le morceau de chant que la dame tient en main; celle de l'abbé, lequel n’est pas le pelt houssard, dépeint par Mercier, ni cet autre petit abbé, si vivement esquissé par MM. de Goncourt

« venu du dehors, apportant l’anecdote du jour, fredonnant l’ariette courante, lorgnant la modiste, pirouettant sur le balon, taillant des mouches tout en parlant » mais l'abbé qui, dit Mercier, « se rencontrait toujours dans une maison opulente, auquel on donnait le nom d'ami, qui n'était qu'un honnête valet commandant la livrée, complaisant soumis de #4- dame, assistant à sa toilette, surveillant la maison il jouissait d’une bonne table, diri- geant au dehors les affaires de monsieur, » Avec le frottin de la marchande de modes, il n’y a d’ailleurs d’autres gens que les chambrières et un laquais.

L'artiste a naturellement profité de la nature de la scène pour y faire trôner un femme dans la fleur de sa beauté. Le cabinet de toilette, décoré avec le luxe d’un salon de réception, est une rotonde disposée en arcades d'architecture; au-dessus de l’attique circulaire, que nous n'avons pu reproduire, le plafond est en coupole, et, dans son ciel peint, des enfants jouent avec une guirlande. C’est un caprice de Fragonard; c’est de l'architecture de Contant,. Le miroir, en deux parties seulement, qui occupe la hauteur d’une arcade, dirait seul, au besoin, l’opulence de la maison.

Les soubrettes avenantes sont un des traits de ces mœurs. La dame d'alors, sans jalousie, ne voulait autour d'elle que du Jo11. Les suivantes s’habillaient des dépouilles encore fraîches données par la maitresse ; on les voit ici coiffées du petit papillon en dentelle perché sur le haut de la tête, du large bonnet de gaze enrubanné; le fichu glissant sous le grand tablier à bavette, sans trop cacher les seins, les avant-bras nus sortant de la dentelle de la manche en sabot, et la jupe à volant par-dessus les petits coudes du panier à la mode,

foïffeuse, habilleuse, l'apprentie Marton, comme le disent MM. de Goncourt, devenait Suzanne avec de petits airs, des travers et une élégance conquis au contact de la petite-mai- tresse. La fillette qui apporte des soieries, des plumes, des rubans, des fleurs artificielles, est une de celles qui, dit Mercier, vont le matin aux toilettes avec des pompons dans leur corbeille, passent au milieu des gardes, et pénètrent dans l'appartement la haute no- blesse n'entre pas encore; de celles qui, par état, embellissent celles qui les paient et les traitent avec hauteur.

La dame est encore dans son peignoir du matin; prête pour l'habillement et la parure, elle est chaussée; son corset et sa jupe sont mis; un dernier coup de peigne achève son apet, Si elle ne conserve pas ses cheveux de leur couleur naturelle, sa tête ne sera pas chargée d’une livre de poudre blanche, mais seulement d’une teinte légère sur la coiffure, affaiblie par de la poudre blonde ou rousse, Déjà le pot de rouge de serkis de la dame Josse est refermé; le petit écrin d’où seront tirés les pendants d'oreilles, la bague, est ouvert; il ne contient qu'une parure, la eléopatre, la grosse perle bleuâtre qui à remplacé les mirzas, eb quelque bague à l'enfantement, enchassement d'une pierre centrale dans d’autres pierres formant chaton, la bague à fü'mament, encore celle en péerres de Cayenne.

Si nous sommes en 1787, au mois de juin, par exemple, et si cette dame doit être habillée pour sortir, notre 6 porte l’un des costumes qui peuvent lui convenir : un fourreau de

taffetas en co? de canard, falbalassé; un mantelet & reine en taffetas blanc et crépe anglais, orné d’une large garniture de blonde; le fichu à jabol ; un chapeau de paille de lin, & cou- ronne, garni de taffetas blanc et de crêpe bleu... Mais nous sommes en 1788, et le plus proba- ble est que cette dame sera en caraco, car il est adopté presque exclusivement pour toutes les sortes d'habillements. Les transformations de ce vêtement depuis que le succès de la Contat dans le rôle de Suzanne l'avait mis à la mode, en 1784, suffiront pour indiquer le mouvement compliqué des modes de cette époque. Dès 1783, la tournure des dames change ; on ne porte plus de eul-postiche, mais à peine de petits coudes aux poches pour donner une certaine am- pleur. Les dames s'appliquent à avoir une taille svelte, déliée, ne conservant de la mise an- cienne que le corps pour s'amincir, et la grande garniture de robe. Les déshabillés triom- phent ; on voit la robe négligente eb demi-négligente, des Pierrots en satin couleur de chair ; dès février 1786, apparaît la robe en chemise, d'abord en taffetas des Indes, à deux collebs et à large falbala, fermée par devant avec un nœud de ruban de lilas tendre et le ruban queue de serin. La chemise, portée d’abord avec des manchettes de linon, devient presque immédia- tement une chemise de mousseline transparente, serrée par une large ceinture de velours noir sur un corset et un jupon de taffetas rose; le col est couvert d’un ample fichu de gaze linon ; la robe, festonnée dans le bas est bordée d’un ruban noir. Le caraco, dans ce voisinage, prenait naturellement une physionomie en rapport avec le goût du jour. En 1786, il ne pou- vait convenir encore qu’à la toilette du matin, « lorsqu'il est encore trop tôt pour s'habiller, que l’on désire sortir et faire nn tour de promenade avant midi ; ou qu'à la toilette du soir, lorsqu'on est resté chez soi, et que sur les sept huit heures, on veut prendre l'air ou se montrer en publie. »

En cette même année 1786, au mois de juin, apparait pour la première fois la robe en redingote; ce fut au jardin du Palais-Royal et, dit le Cubinet des modes, c’est une petite- maîtresse « élégante, superbe, » qui l'y produisit. Cette dame était vêtue d’une redingote et d’un gilet coupé, et elle avait une cravate au con au lieu d’un mouchoir. Cette innova- tion correspond au moment les romans disparaissent du cabinet de toilette, les femmes, s’occupant de physique, de chimie, de botanique, étudiant comme les hommes, en prennent les habits; avec cette singularité qu'on ne leur voit d'abord porter que les habits ou les objets de toilette que les hommes viennent de quitter : les redingotes longues à trois collets, les breloques, la badine, les cheveux liés en cafogan. La robe coupée, comme les autres, subit des variations, et notre 1, datant de 1791, en offre un exemple. La voici décrite à son origine, quand la Reine l’inaugura au Jardin des Tuileries, au mois d'août 1786 :

Marie-Antoinette était en redingote. Sa démarche était franche et libre, son maintien facile. Elle était en demi-deuil, redingote de taffetas gris-blanc, à trois grands collets tombants, à manches & l& marinière, à poches en long sur les côtés. Les devants de la redingote et les trois collets étaient bordés d’un ruban noir. Le corset et le jupon étaient

de même étoffe et bordés de même. Les souliers étaient du même taffetas et falbalassés d'un ruban noir. Les devants de la redingote, depuis la taille jusqu’en bas, le corset par en bas et le jupon, étaient découpés, Elle portait à la main une longue canne, car c'était le matin ; si c'eût été l'après-midi, elle eût porté un petit bambou. Son col était couvert d’un ample fichu de gaze-linon blanchie, très bouffant, et sa tête d’un chapeau de paille noire, garni autour de gaze rayée blanche, faisant un gros nœud sur le devant et un sur l'arrière; ce chapeau était surmonté de deux grosses plumes blanches, et de cinq à six petites tournées, formant une aigrette au milieu des deux grosses. Elle était frisée en grosses boucles, dont deux flottaient de chaque côté, sur le sein; et les cheveux, par derrière, étaient re- levés en chignon plat, lié au milieu avec un large ruban noir.

On a vu comment, dans le voisinage de la chemise transparente, le caraco était devenu aussi de monsseline transparente ainsi que la jupe. L’ajustement de la redingote fit qu’en 1788, le caraco, qui reprit faveur, fut si exigu qu'on l’appelait un Juste; ses basques étaient retroussées, eb la forte échancrure qui laissait à découvert le creux de l’estomac obligeait à garnir le corsage d’une plaque d’étoffe qu'on appelait la pièce. À cette époque le sans-facon des hommes devient l'ordinaire, le caraco, sans cesser d’être compris parmi les vêtements de demi-parure, est d’un usage presque universel et se fait admettre aux audiences même des ministres. Voici ce qu'il fut en 1788.

En janvier, il est embelli, chargé de broderies que l’on varie, pour lui ôter son trop de simplicité; on le fait aussi de satin à larges raies, blanches et citron, le jupon pareil, garnis l’un et l'autre d’une très large maline brodée; sous le caraco, le corset est de satin coquelicot, lié par de larges lisières de velours noir retenues par de larges agrafes d'argent ; les manches du corset sont ressorties de dessous les manches du caraco, lesquelles, garnies aussi de malines, se nomment manches à l'enfant; sur le col un simple fichu de gaze très bouffant (/e fichu menteur) croisé sur le devant, noué par derrière sur la ceinture, eb autour du cou une cravate de mousseline, dont les bouts, garnis de dentelle, forment un gros nœud par devant. Puis on voit se produire le caraco de satin vert, jupon de satin rose et le caraco et la veste à corsage busqué, en drap à larges raies, le drap zèbre, en usage pour les deux sexes. En mars, le caraco, de plus en plus à la mode, est à la arlaise, parce qu'il se rapproche de celui des arlésiennes. En avril, il est à la suédoise, sans qu'on sache pourquoi; il est en satin, à double collet retombé, à collet montant et à parements, avec de larges boutons d'acier, des manches à parements; fendu en bas, par devant, il figure de petites basques et se lie derrière le dos. Les bouts de l’ample fichu de gaze, très bouffant, se per- dent sous le gilet; par devant, à la ceinture, brillent deux montres avec des chaînes d'or ornées de glands faits de petites graines bleues des Indes, auxquelles s'ajoutent aussi des petits chainons d’or, propres à attacher les clés et les breloques. Enfin, dans cette année 1758, le caraco d'été, de mousseline blanche unie, est brodé sur les devants, sur les basques, sur le collet e& sur les parements, de nombre de fleurs de diverses couleurs. Le jupon, de

pareille mousseline, est brodé de même depuis le bas jusqu'à une certaine hauteur; il est mis sur d’autres jupons blancs, sans aucun transparent de couleur; enfin on met par dessus le caraco une large ceinture en ruban coquelicot, dont les bouts pendent par derrière, et au dessous de cette ceinture se trouvent les goussets pour les montres avec leurs pen- dants pour les breloques. Le mouchoir de cou en gaze tout uni, toujours très bouffant, est très entr'ouvert par le haut, et, sur le devant du corsage, s’avance un gros bouquet de reines-marguerites artificielles. Au mois d'août apparaît le caraco à boslonienne : celui- est de gros de Naples à larges raies, et coupé comme les habits à revers etc., ete. On voit que, s’il fallait suivre dans leurs variétés les robes qui se font dans ces mêmes années du caraco, quoique les faiseuses en changeassent d’ailleurs plus souvent le nom que la forme même, s’il fallait examiner ce qu'était la robe à la Turque, à l'Angluise, à la Czurine, à la Tippoo-Stib, le pierrot-hollandais, le pierrot-fichu, le pierrot à longues basques à la paysanne, la robe en fourrure, la robe anglaise, avec un corsage polonais, etc. ete, on ne s’arrêterait pas. Qu'il nous suffire de redire qu'au milieu des déshabillés, négligés, demi-né- gligés et des redingotes, c’est le caraco qui fut de l'usage le plus général. La robe de grande parure et les grands paniers qui marchent avec ne paraissent plus qu'exceptionnellement, dans les assemblées d’apparat, de noces, dans les bals parés on les grands repas, qui sont en très petit nombre. Ce n’est plus aussi que dans ces endroits que l’on voit encore l'habit à la française, le chapeau sous le bras, l'épée au côté.

N°2. Août 1789. Jeune dame avec une chemise à la grecque et un chapeau au transpa- rent. La chemise est de linon blanc, et bouffante. Sa forme autour du cou est ce qu’on appelle une gorge anglaise. Le corselet est de taffetas ; il n’y a pas de ceinture, mais par derrière un nœud de rubans à longs bouts pendants, La robe a deux rangs de falbalas de la même fac- ture. Le chapeau, qui n’est pas moins nouveau que la chemise, est de crèpe ou de taffetas en- tièrement noir. Les dames alors portent fréquemment la canne. La mode est également aux objets en acier; elle est tellement universelle qu'on le rencontre dans tous les objets : pommes de canne, étuis, bracelets, pendants d'oreilles, serre-chignons, ete., etc.

N°3. Janvier 1791. Jeune Parisienne à l’Amudis, avec le haut chapeau bariolé, Ze chapeau Jlumand. Les caracos sont alors généralement à l’Amadis ; ils ont de fausses manches et de faux revers. Ce genre est surtout celui des costumes de bal, Les chapeaux flamands, rouge, bleu et blanc, avec un bowrdaloue (le cordon) en or, à barbes et hautes plumes, sont univer- sellement à la mode; on les nomme aussi bonnets à cylindre. Les chevelures sont en chignons en poire, les boucles pressées demi-formées, de demi-frisure. Le #akara, dans les rubans, est la couleur à la mode.

4. Septembre 1791. Jeune Parisienne en parure à la mode. Cette dame porte un cha- peau de taffetas vert, à retroussis droits sur le front et larges derrière la tête; un petit Lé- risson de ruban noir garnit les bords. Ce chapeau est orné d’un ruban rayé rouge et blanc, et de nœuds de la mênie couleur, Un demi-fichu blanc, de crèpe, bouffe derrière la tête, Les che:

veux frisés tombent dans le dos. Le cou est entouré d’une chaîne d'or avec médaillon, Au- dessus du sein, est négligemment placé un ruban rose. Le fichu est de linon tout simple. La robe coupée, qui est une redingote, est violette, avec une légère bordure d'argent. La robe de dessous est blanche et dans la bordure rose et verte courent des arabesques d’un très vif co- loris des enfants, moitié dauphins, jouent avec des cornes d’abondance. La taille est en: tourée d’une ceinture en écharpe de rubans blanc et rose; son nœud est une barbe. Dans cette parure à la mode se trouve un éventail à Montmédy, et une autre contenance, le joujou de Normandie, que l'on appelait aussi un eran ; on le faisait monter et descendre à l’aide du fil qui le tenait suspendu, et se déroulait ou s’y enroulait sans cesse. Dès 1791, on vit apparaître le pierrot à la Coblentz.

Le 5, janvier 1792, donné par le Journal des modes de Weünar comme une jeune dame allemande portant une chemise de nouvelle forme, est tout simplement à la mode française. Cette chemise est de tarlatane anglaise, semée de pois vert-pistache. Le collet, debout, a une ouverture qui descend jusqu'à la ceinture. Le bas de cette robe a une bordure de tissu pa- reille au collet, mais plus haute. La ceinture vert-pistache s’additionne en arrière de longs rubans bleu clair, Le fichu est un fichu en chemise ayant une garniture de dentelle ; il est ouverb, eb bouffant jusqu’à la ceinture. Le chapeau de satin noir a sa forme garnie de rubans. Les cheveux sont légèrement frisés, et le chignon en catogan est orné d’un ruban bleu clair.

Le 4, mars 1792, est une jeune Parisienne en robe anglaise. À ce moment, les chapeaux des dames sont petits, eb on porte fréquemment dessous de petites coiffes. La mode est aux petits châles noirs bordés de blanc et de coquelicot ; ce châle revient entourer la poitrine il est fixé, La garniture de toutes les robes anglaises est alors à petits plis ronds, et la cein- ture que l’on a reprise à une boucle ornée de pierres fines. Ce costume est de petite parure, et dans ce genre, les couleurs les plus à la mode sont le »akwra et le cogueicot.

Nos documents proviennent des journaux de modes de l'époque. Notre toilette est une repro- duction, qu'il nous « fallu tronquer, de la célèbre estampe Qu'en dit l'abbé? gravée par Delaunay, d'après Lawreince.

C'est au Tableau de Paris, de Mercier, à la Femme au XVIII° siècle, de MM. de Goncourt, à l'Histoire du costume en France, de M. Quicherat, et en même temps aw Cabinet des modes, 1785-86, au Magasin des modes nouvelles françaises et anglaises, 1788, et au Journal der moden de Weimar, 1791-92, que nous devons les autres renseignements

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OBJETS ET USTENSILES POUR L'USAGE PERSONNEL, DEPUIS L'UTILE JUSQU'AUX JOLIVETÉS.

On désigne généralement aujourd’hui, sous le nom de couvert de table, trois ustensiles dif- férents : le couteau, la cuiller et la fourchette. Plusieurs siècles séparent l'invention de ces trois objets. Le couteau est le plus ancien; on le faisait de silex ou d’obsidienne ayant la fa- brication du bronze et du fer. Si la cuiller n’est pas d’une aussi haute antiquité, elle est cer- tainement aussi ancienne que la soupe. On a retrouvé un très grand nombre de cuillers dans les fouilles qui ont fourni des objets usuels à nos musées, et parmi ce grand nombre seule- ment quelques fourchettes. Le nom de fourchette, petite fourche, fuscinula, nom employé par les auteurs anciens, a été donné par les modernes à cet ustensile de table.

Quel que soit l’âge de l'invention de la fourchette, ce qui est certain c’est que aux qua- torzième et quinzième siècles, dans la splendide argenterie des palais princiers même, on comptait beaucoup plus de cuillers que de fourchettes. Pierre Gaveston, favori d’Édouard IF, possédait soixante-neuf cuillers d'argent et trois furchestes, lesquelles, selon l'inventaire, étaient « destinées à mengier poires. » La reine Clémence de Hongrie laissait à sa mort, en 1328, une trentaine de cuillers et une fourchette. Jeanne d'Évreux n'en possédait pas davan- tage : une fourchette soigneusement renfermée dans un étui, et soixante quatre cuillers. En 1589, madame la duchesse de Touraine avait neuf douzaines de cuillers d'argent cb deux fourchettes d'argent doré.

Le petit nombre de ces fourchettes montre que leur usage n’était pas de règle commune et qu'elles n'étaient guère employées que pour certains mets exceptionnels, comme ces quelques fourchettes en or avec des manches en pierres précieuses que possédait Charles V, roi de

France, qui servaient à faire des grillades de fromage d'Auvergne et de Bresse, que l’on man- geait avec du sucre et de la cannelle en poudre. Comme objet de luxe, on trouve dans l’inven- taire du duc de Normandie, en 1563, « une cuiller d’or et une fourchette, et aux deux bouts deux saphirs. » Dans les comptes royaux de 1390 figure «une cuiller de pierre serpentine dont le manche est de cristal, garnie d’or avec une petite /orchète; tout en un estui de cuir. » En 1416, une petite cuiller, une fourchète avecques un cure-dent d’or. « Une cuiller, un coustel, une fourchette, un poinçon, un cure-oreille et un cure-dent, tout de cristal, garnis d’or, en un estuy de cuir et au bout de chacun à une perle; » « quatre fourchettes d'argent, à manches de cristal, dedans un estuy de cuir ; » et, dans l'inventaire des ducs de Bourgogne, 1420, « une bien petite fourchette d’or, à manche tortillié, pour mengier meures. » Enfin le nom même de la fourchette se retrouve en partie dans celui d’autres ustensiles que celui servant à manger des poires et des müres. Dans l'inventaire de Charles V, on trouve « un petit coutelet à fagon de furgette à furgier (fouiller) dens et à curer oreilles et à le manche esmaillé de vert , pesant iiij esterlins d’or. » Au quatorzième siècle l'usage de cette furgette était une affaire de mode : on se servait du eure-dents, portant à son autre extrémité un cure-oreille ; à table et dans les salons, cela donnait grand air.

Au moyen âge et pour tout le diner, chaque convive n'avait qu'une cuiller lui servant à puiser dans son assiette les mets liquides; c’est avec la main que lon prenait la viande, le poisson, tous les mets solides. Les élégants donnaient des règles pour se servir proprement des doigts.

En se munissant de l’étui renfermant sa cuiller et sa fourchette , le voyageur du seizième siècle ne s’assurait pas seulement contre l'inconvénient de ne rencontrer pour manger que des ustensiles grossiers ; il se garantissait en même temps contre l’absence de la fourchette, sans laquelle on n’avait d'autre ressource que ses doigts.

On ne trouve la fourchette, comme partie intégrante du couvert, qu’au dix-septième siècle. L'emploi n’en fut véritablement généralisé qu’à cette époque, sous l'influence d’un délicat illustre, M. de Montausier.

Au moyen âge, chaque chose avait son étui ou sa gaine, et souvent si riches qu'il fallait un autre étui, une autre gaine pour préserver la première enveloppe. Les gaines ou estuys étaient de cuir, de métal, d'os. La fréquence des déplacements pendant cette époque, aussi bien des gens de la classe élevée que des bourgeois commerçants, l'habitude que lon avait alors de transporter avec soi les ustensiles de table et de toilette, faisaient qu'on se servait beaucoup de ces étuis spécialement fabriqués pour chaque objet, ou dans le genre de cette gaine appelée le gros coustel, qui était une trousse contenant un grand couteau, une fourchette , un ou plu- sieurs petits couteaux, un poinçon , une lime ou fusil propre à aiguiser les lames ; et souvent aussi les forseles ou ciseaux, et le briquet avec le tire-bouchon. Le gros coustel était habi- tuellement fabriqué en cuir gaufré et suspendu par une courroie ou une chaînette; des exem- ples montrent la courroie de fil à clous de laiton.

Les ciseaux à deux branches réunies par un axe et terminées par deux anneaux dans les- quels on passe les doigts, sont représentés dans des vignettes de manuscrits du dixième siècle ; cependant leur forme la plus ordinaire durant le moyen âge fut celle des forces, c'est- à-dire consistant en deux lames tranchantes comme deux couteaux, rendues solidaires par une double tige formant ressort, et passant l’une sur l’autre. Les ciseaux forces servant aux dames étaient renfermés dans des étuis de fer ou de cuir gaufré, Les barbiers se servaient de ciseaux et de rasoirs.

Le soin avec lequel on fabriquait les objets personnels au seizième siècle et aux époques suivantes était un souvenir du luxe dont ils avaient été l'objet aux temps du moyen âge. Les artisans des dix-septième et dix-huitième siècles, travaillant pour des sens qui n'avaient pas les mêmes besoins que leurs ancêtres, excellaient à faire des réductions minuscules, finement travaillées, des ustensiles de la trousse antique. Les nécessaires des dames se peuplaient des outils des plus délicats et, parmi les objets dont la proportion démontre l’inutilité, on trouvait jusqu'à des armes, comme ce joujou de salon, 6, qui est un pistolet à roue fonctionnant bien et d’un modèle irréprochable.

Ainsi qu'il convient aux époques de goût, chaque objet avait sa physionomie particulière, ne sentant point les fabrications confectionnées en exemplaires semblables sur un type com- mun, répandus avec plus moins de profusion; varier pour chacun les types généri- ques , semble avoir été l'idéal des artisans du passé. Cette recherche convient surtout aux ob- jets personnels; les anciens s'y complaisaient, et les clefs de bronze à l’usage des matrones romaines qui les portaient souvent au doigt, tout en rentrant dans un même genre, affectaient des formes variées (voir les n% 2, 3 et 40). On retrouve ce goût chez les primitifs; une épingle à cheveux n’est qu’une cheville transversale fixant le nœud ou les replis d’une cheve- lure, et tous les peuples ont fait de cette épingle un objet de parure. Les noirs de l’Afrique équatoriale y impriment, en outre, un cachet personnel par la diversité des formes (voir les les 21, 22 et 41). Le véritable charme de l’objet personnel est d’avoir sa physionomie propre. Les clefs romaines et les épingles africaines, placées ici en regard de productions des plus raffinées, ne sont introduites dans ce milieu que pour rappeler la persistance du goût de l'homme sous ce rapport, malgré les temps, les lieux et les moyens de l’industrie.

Couteaux. devenu rare aux treizième et quatorzième siècles (on le remplaçait jusque dans la marqueterie par de

0 ns H 4 î : : ë Hs DD D HP BrEEnt do en parts; Aves chi l'or) était redevenu abondant à partir du milieu du

nette de même métal et agrafe de suspension. Cet étui, travail allemand de la fin du seizième siécle, contient deux couteaux, type 43, à lames d’acier, manches dorés, et un poinçon, 17, de mêmes ma-

seizième siècle, Hauteur, 80 centimètres.

16, Couteau à manche en bronze doré, ciselé, lamé de nacre; lame d’acier, gravée et dorée au

tières, Hauteur 20 cent. environ.

19. Couteau à manche d'ivoire en figurines ; lâme d'acier gravée et ciselée ; daté de 1582, L'ivoire

talon, Dix-huitième siècle. Hauteur, 26 centimètres,

No 38. Serpette, avec tranche-tige, pour raisins, Manche doré lamé de nacre; lame d'acier sur

laquelle sont gravées et dorées une couronne de comte et la devise divisée en deux parties, com- mençant d'un côté, se terminant de l’autre, LORS LA VYGNE MUSRIRA, ALORS L'ACTE FINIRA. Hau- teur, 21 cent.

46. Petit couperet, entièrement en acier et gravé, avec dorure à l’anneau de jonction et à la

coquille du manche. Hauteur, 19 cent.

13. Couteau à large lame : manche ciselé et doré ; lame en acier, gravée et dorée au talon. Hauteur, 27 centimètres,

20. Petit couteau : lame en acier ; manche doré, surmonté d'une chimère aux ailes éployées. Hauteur, 14 centimètres.

93, Petit couteau : lame en acier; manche nacré et doré, Hauteur, 11 centimètres.

37. Petit couteau : manche ciselé et doré se ter- minant en un buste de femme parée de la collerette en fraise. Seizième siècle. Hauteur, 20 centimètres.

33. Ce couteau, appareillé par le décor du manche avec la fourchette 82, a une ornementation dans le caractère de celles du dix-septième siècle, Sa lame d'acier légèrement courbe, et à pointe arrondie en une espèce de volute, annonce une destination par- ticulière, dans le genre de ce qu'était, par exemple, celle du parepain, le couteau à chapeler le pain, qui figure presque toujours dans les trousses de cou- teaux, dites « paires de couteaux » des comptes et des inventaires royaux de 1332, 1380, 1410 et 1487. Le manche de ce couteau est en argent, gravé et ciselé, la lame en acier. Hauteur, 21 centimètres.

4. Petit couteau corse du caractere de la dague: manche doré, lamé de nacre ; lame en acier avec dessin gravé et doré. Hauteur, 14 centimètres.

24. Autre petit couteau à lame triangulaire, tranchant d'un seul côté : manche doré avec parties de nacre ; lame en acier. Hauteur, 10 centimètres,

42, Couteau corse à lame de poignard, forte et tranchant des deux côtés: manche en bois noir, dé- coré d’une suite de médaillons en argent, clouté de même sur les côtés. La talon de la lame d'acier est décoré d'une ornementation argentée. Époque Louis XVI. Hauteur, 32 centimètres.

N935.— Couteau corse à lame de poignard : cette lame est en acier ciselé et gravé, et porte l'effigie en pied de Napoléon 12r ; le manche est en bois, avec anneau et capsule de métal, Hauteur, 30 centimètres:

Fourchettes et cuillers.

31. Fourchette à deux dents, en argent doré : manche surmonté d’un lion tenant un écusson, Seizième siècle. Hauteur, 16 centimètres. s

N°5 25 et 45. Fourchette et cuiller, formant un cou- vert de voyage. La fourchette à trois dents, ainsi que la cuiller, se replie derrière la tige, de façon que l’ustensile ouvert et d'une longueur de 50 centi- mètres environ, n’est plus que d’une hauteur de neuf centimètres lorsqu'il est replié. Ce couvert de voyage en argent est un travail italien du dix-huitième siècle,

34. Cuiller en argent doré, se terminant par la figurine d’un saint ou d'un souverain assis. Dix-sep- tième siècle, Hauteur, 15 centimètres environ.

N°32. Fourchette à deux grandes dents, formant paire avec le couteau 33 : manche en argent ; dents d'acier, Hauteur, 19 centimètres.

26, Fourchette à deux dents : manche en bois incrusté d'argent (l’ustensile est de ce métal). Travail allemand du dix-septième siècle. Hauteur, 12 centimètres,

18. Fourchette à trois dents également en ar- gent. Le manche est filigrané d'argent sur fond or. Dix-huitième siècle. Hauteur excédant 12 centimètres.

Forces et ciseaux.

39. Forces en acier gravé et doré. Seizième D

siècle, Hauteur, 14 centimètres.

29, Forces ou petits ciseaux en fer et en nacre.

p

Seizième siècle, Longueur 8 cent. environ.

12. Ciseaux longs, en fer damasquiné d’or ; fin

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du seizième siècle, Longueur, 26 centimètres environ.

N°36. Autres ciseaux longs, de même nature et de même époque. Les anneaux des doigts sont com- binés pour que l'instrument fermé tienne le moins de place possible. Longueur, 21 centimètres.

5. Ciseaux brisés, d'une longueur totale de huit centimètres. 7. Ciseaux en acier doré, en émail bleu à fleuron

sur les branches. Genre Louis XVI. Longueur 9 cent. environ.

27. Étui pour petits ciseaux avec son cordon de suspension. Cet étui est couvert d'ornements gravés ; il est du dix-septième siècle et sa longueur est de 8 centimètres. L'étui à aiguilles marche avec les ciseaux.

28. Petit cylindre à côtes, en métal, finement gravé d'arabesques.

44. Cylindre rond, ciselé de grasses floraisons se jouent des oiseaux, des papillons ; dans le goût des petits-maîtres du dix-septième siècle,

15. Etui plat, dont la surface est couverte par des ornements en tige dans le goût de ceux de la re- naissance. La longueur des deux premiers varie de 8 à 9 centimètres ; le dernier, de beaucoup le plus délicat, n'en a que 7. Il est de l’époque de la res- tauration.

Poinçon.

N°17. Ce poinçon fait partie de la trousse 14. poimç P Le manche est doré, la tige en acier. Longueur 14 centimètres environ,

30. Ce magnifique instrument d'acier dans son entier a la figure d'un poinçon, mais il est d’une lon- gueur de 26 centimètres ; sa tige seule en a 15. Peut-être faut-il y voir une épingle de chevelure, et peut-être encore est-ce un de ces fusils propres à la trousse des couteaux, ils servaient pour affüter les lames,

Objets divers.

8. Amorçoir en bronze, ciselé et doré, seizième siècle, Hauteur totale, 6 centimètres.

10. Briquet de fumeur, portant le poinçon pour la pipe, et un titre-bouchon en fer à trois spirales,

Cet ustensile est damasquiné d’or et les gravures sont dans le goût du dix-huitième siècle,

N°9. Fermoir d'aumonière, complété par son agrafe de ceinture sur laquelle se trouve un cartouche con- tenant une figurine en pied de la justice. Le tout est en argent. Le style général est de la seconde partie du dix-septième siècle et même du dix-huitième En largeur, les plats mesurent 15 centimètres.

6. Petit pistolet à rouet, ciselé et doré ; sei- zième siècle, Longueur totale, 11 centimètres.

11.— Montre de voiture à sonnerie, Elle est en argent et, sur le boitier dont la figure principale représente le temps, une autre figure de guerrier porte sur un écusson des armoiries timbrées d'un chapeau de cardinal. L’ornementation est du dix-huitième siècle. Le diamètre de cette montre est de 11 centimètres.

1. Montre dans un panier de fleurs formées de pierres fines de couleurs. L’anse et les bordures du panier, qui est d'or, sont ornées de brillants en spirales ; la tour du cadran, l'axe des aiguilles sont également en brillants et le panier lui-même en est légèrement semé. La hauteur totale de ce bijou est de 8 centimètres environ.

N°5 2, 3 et 40. Petites clefs de bronze, de caractère romain,

Nos 21, 22 et 41. Épingles à cheveux en ivoire, bronze et cuivre, provenant de l'Afrique équatoriale ; les plus petites mesurent de 13 à 14 centimètres, et le 41 en a 28.

Tous ces objets proviennent du usée rélrospectif du Aélal, organisé par l'Union centrale

des beaux-arts appliqués à l’industrie, à son exposition aux Champs-Élysées en 1880.— Ils appartiennent à MM. Édouard André, Henri Bouilhet, Bouvier, Delaherche, Eudel, Fauré Le Page, Albert Goupil, l'abbé Kœnig, Lechevallier-Chevignard, Louvrier de Lajolais, Renucci, Charles Stein et Wasset.(Voir à ce sujet le catalogue de cette exposition.) Tous ces exemples sont reproduits d’après des photographies spéciales autorisées par ces véritables amis des arts.

Voir pour le texte : De Laborde, Notice sur les émaux et les bijoux du Musée du Louvre (Tome IT, contenant le Glossaire et répertoire). Legrand d'Aussy, Histoire de la vie publique des Français. 3{. Clément de Ris, Notice des objets de bronze, cuivre, étain, etc., du musée du Louvre, Vaollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français.

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FRANCE. XVIIE SIÈCLE

COSTUMES MILITAIRES. TROUPES RÉGULIÈRES (1792-1793).

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NS 1:2ret 0; Nes 4et7.

: D aue Te Lite Officier et soldat du hussards (1792). Soldat et officier d'artillerie légère. L'artillerie à che- AIRROE ADR E REA SSRTER (Era

val fut Fhoonedansl armée parle décret du 17 mai 8,9, 10, 12, 18, 14, 15 et 16. 1792 : elle était imitée des Prussiens qui en eurent l'initiative. Les voitures d'artillerie étaient con- duites par des hommes non militaires. Ces compagnies

Commandant, tambour-major, tambour, sapeur et fusi- liers de l'infanterie de ligne (1793).

ne devaient être à cheval que pendant la guerre,

8 et 5,

Soldat et officier des hussards de la liberté, organisés en 1792.

Ne

Sapeur (arme spéciale, formée en 1793), Ces douze

bataillons, composés chacun de huit compagnies de

deux cents hommes, étaient destinés à travailler aux fortifications et 4 tous autres travaux militaires

dans les places en campagne,

L’armement et l'habillement des troupes régulières étaient encore, à peu de chose près, les mêmes que ceux du temps de Louis XVI.

Les différents décrets rendus par l’Assemblée nationale firent disparaître, en même temps que les noms provinciaux ou étrangers des régiments, la bigarrure des revers établissant les distinctions d'origine. La couleur bleue forma le fond de l'uniforme de toute l’armée ; les différences introduites servaient à distinguer les armes entre elles; elles consistaient dans la coupe des habits, et dans la disposition du rouge et du blanc, employés comme revers ou comme liséré, ou enfin comme ornement accessoire. .

Le même uniforme était affecté aux compagnies franches, « sauf quant à l'armement et aux coupes de l’habit, les circonstances et les pays ces corps étaient formés, » dit le décret du 28-31 mai 1792. En ces temps difficiles, il fallut songer à improviser le soldat avant

de Péquiper, l’on dut envoyer à la frontière des volontaires non revêtus de l’uniforme, il est facile de comprendre qu'il y eut de nombreuses variantes dans l’uniforme des légions, ba- taillons et compagnies franches. Ce n’est qu'après les premières victoires que l’on put s’oc- cuper d'introduire une certaine uniformité. Parmi les pis-aller auxquels, même dans l’armée régulière, on dub recourir, se trouve le pantalon : le manque de drap blanc pour faire des culottes obligea plus d'une fois d'envoyer aux armées des étoffes rayées. Il y eut donc des compagnies et même des régiments en pantalons à raies,

La cocarde tricolore, portée à la coiffure, fut obligatoire pour tout le monde. [ordre de ses couleurs fut d'abord le blanc formant bordure, le rouge placé entre le blanc et le bleu, La coiffure des fantassins était le chapeau à cornes, dit encore le tricorne quoiqu'il n’en eût plus la figure. Les compagnies de grenadiers portaient le bonnet à poil, prescrit jusqu'en février 1793, il fut remplacé par le tricorne ordinaire des fusiliers, qui n’en différait que par une crinière rouge plantée sur le pompon. Les chasseurs continuaient à porter le casque à chenille, non plus en cuir bouilli, mais en feutre verni, plus léger. Il m'était pas encore question du shako.

Tous les officiers indistinctement eurent pour coiffure le chapeau, pour chaussures des bot- tines, et furent habillés du frac ou habit carré, à larges pans.

Quoiqu'on ne fût plus au temps les soldats, cheveux poudrés, Ze rot de carreau pommadé, formant une boucle de face, manœuvraient pour les dames dans le champ de Mars (MERCIER, Tubleau de Paris), toute l'armée portait les cheveux bouclés ou tressés, mis en queue ou nattés, couverts de pommade et de poudre. Depuis longtemps les militaires avaient cessé de faire usage des chevelures artificielles et avaient congédié les perruques à la brigadière. Ce qui s'était perpétué, même parmi les simples soldats, c'était la coutume de nourrir leurs cheveux, de les porter noués en pelote, et non plus enfermés dans une bourse quadrangulaire oblongue en taffetas noir, dans la bourse circulaire dite crapaud. Ce soin d'entretenir leur chevelure, que les vétérans comme les conscrits s’imposaient avec une sorte de gloriole, a été fort remarqué à une époque l’on répudiait l’usage de la poudre et où, à Paris, on renonçait en masse « à ce gothique usage qui enlève une partie de l'alimentation du peuple. » Beaucoup, il faut le dire, se contentaient de la poudrure à frimas, qui ne dépose sur la téte qu'une couche de blanc transparente. Bonaparte, dans sa campagne d'Italie, eut la queue et les cadenettes accommodées d’un æÿ/ de poudre. Il y renonça en Égypte. Pour le reste de l’armée la réforme fut plus tardive : bien des corps résistérent longtemps. Nous lisons dans la Biographie générale qu'à son passage à Arras, Napoléon, devenu empereur (c’est-à-dire une douzaine d'années plus tard), admira la belle tenue des grenadiers de Junot ; celui-ci avait substitué non sans peine, et en donnant lui-même l’exemple par le sacrifice de sa longue chevelure blonde, le shako au tricorne, et la coiffure à la Titus à la coiffure poudrée.

La braverie militaire était au reste, en 1792-1793, la tradition directe des troupes régu- lières, « Les soldats, habitués, dit M. Quicherat, à ce qu'on ne leur épargnât pas la peine,

ajoutaient à leurs obligations plutôt que de rechercher à en retrancher. » Le pantalon ne déplaisait pas qu'aux chefs de corps qui lui trouvaient un air de négligence : il déplut d’abord, malgré sa commodité, aux soldats eux-mêmes qui préféraient avoir à boutonner les vingt-quatre boutons de leurs guêtres.

Les trois couleurs adoptées par la garde nationale de Paris après la prise de la Bastille, devinrent les couleurs nationales ; jusqu'alors la nation n'avait pas eu de couleur à elle, C’est en juin 1791 seulement que le drapeau tricolore fut donné à toute l’armée. Dès 1790, l’Assemblée nationale avait rendu un décret qui obligeait les colonels des régiments à rem- placer la cravate blanche des divers drapeaux, étendards et guidons par une cravate tri- colore, rien n'étant encore changé au reste de l'enseigne. Ce n’est que le 20 mai 1794, que la Convention, sur un rapport du Comité de salut public, décréta l’ordre des couleurs : le bleu près de la hampe, le blanc au milieu, le rouge flottant dans les airs. Les symboles furent des plus variés. Les drapeaux des demi-brigades, conservés au Musée d'artillerie de Paris, montrent que l’on usait dans l’armée d’autant de fantaisie que sur les drapeaux de la garde nationale se trouvent des fleurs de lis, des bonnets rouges, des croix, des haches de licteurs, Notre-Dame, la Bastille en flammes, ete. Le drapeau pendant le combat (n° 9) était porté par un sergent.

Le tambour-major, 15, porte la culotte de daim serrée à l'écuyère, de fines bottes à re- vers, le frac des officiers, le sabre-briquet du soldat, le chapeau empanaché, les pistolets à la ceinture, et en sautoir l’étui des baguettes de tambour ; sa canne à grosse pomme est ficelée de corde à boyau et ferrée.

La substitution de chabraques en peau de mouton aux chaperons de selle est la plus im- portante modification de l’époque, en ce qui concerne la cavalerie. Pour les chasseurs à che- val, l’habit fut remplacé par le caraco. Enfin à la variété des couleurs qui existait déjà pour les régiments de hussards, s'ajoute le noir des Lussards de la mort, organisés par Dumouriez au commencement de 1793.

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