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MASSACHUSETTS STATE COLLEGE

GOODELL LIBRARY

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TWO WEEKS

only, and is subject to a fine of TWO CENTS a day thereafter. It wlll be due on the dav indicated below.

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J

LE NOYER

Orléans, imprimerie de G. Jacob, cloître Saint-Étieiine.

BIBLIOTHEQUE DU CULTIVATEUR

PUBLIÉE

Avec le conconrs de ». le ministre de l'Agrlcallnre.

LE NOYER

TRAITÉ DE SA CULTURE,

SUIVI DE LA

FABRICATION DES HUILES DE NOIX

PAR

M. E. HUARD DU PLESSIS

Membre de plusieurs Sociétés d'agriculture.

DEUXIÈME ÉDITION

CoDsidérablement augmentée.

45 GRAVURES NOIRES.

PARIS

Librairie agricole de la Maison rustique

26, RUE JACOH, 26.

1867

Tous droits réservés

634- D9a

TRAITE

CULTURE DU NOYER

0BSBRT.%T10i^S PRE LIMIIV AIRES.

La première çdition de cet ouvrage étant épuisée, nous nous sommes déterminé à en publier une seconde, que nous livrons au public, plus complète, et moins im- parfaite que la première.

Nous avons voulu que cette nouvelle édition fût au niveau des découvertes et des progrès de tous genres faits en arboriculture depuis quelques années; aussi en avons-nous revu avec soin les principaux articles, tels que ceux de la Pépinière, de la Plantation , de la Greffe, etc., articles auxquels nous avons donné plus d'extension que dans notre première édition.

Ayant remarqué aussi que les gravures intercalées dans le texte facilitaient beaucoup l'intelligence du lec- teur, et lui rendaient claires, faciles et attrayantes bien des définitions qui eussent passé inaperçues sans

2 CULTURE DU NOYER

cela, nous n'avons pas hésité à en faire intercaler un grand nombre dans cette nouvelle édition.

L'ouvrage que nous offrons aujourd'hui au public sera non seulement un traité spécial de la culture du noyer, mais encore un traité d'arboriculture applicable à un grand nombre d'autres espèces dont la culture se rap- proche singuHèrement de celle du noyer, tels que le ehâtaigner, le noisetier, etc.

Les huiles de noix, qui ont une importance très- grande dans les arts et l'économie domestique, n'étant pas un des moindres produits de cet arbre précieux, nous avons cru faire une chose tout à la fois agréable et utile pour bon nombre de nos lecteurs, en les initiant aux détails les plus précis et les plus nouveaux sur la fabrication de ces huiles. Cet article, qui n'existait pas dans notre première édition, forme la deuxième partie de celle-ci.

Nous espérons donc que cette nouvelle édition, pour laquelle nous n'avons négligé aucuns soins, aucuns sacri- fices, sera accueillie aussi favorablement que la première.

NOTICE SOMMAIRE.

Le noyer nous a été apporté de la Haute- Asie j il est

NOTICE SOMMAIRE 3

cultivé en Europe depuis un temps immémorial ; il at- teint chez nous une hauteur de 24 à 27 mètres.

Ses fleurs sont monoïques; les staminées en chaton, à périanthe simple, à étamines nombreuses ; les pistillés so- litaires ou agglomérées en petit nombre, à calice adhé- rent à l'ovaire. Ovaire à ovule unique droit; drupe peu charnu; placentaire épais, d'où émanent quatre lames formant des cloisons incomplètes. Graine exalbuminée, dont les lobes sinueux figurent le cerveau des animaux vertébrés ; tige Ugneuse, feuilles alternes, pennées, aro- matiques, sans stipules; fleurs précoces. Il appartient à la nombreuse famille dite des amentacéeSj qui tire son nom de la disposition de ses fleurs en épis cylindriques et serrés, nommés chatons, en latin amentum, et au genre juglans.

Cet arbre, d'un port majestueux, et qu'il importe de ne pas étèter, est aussi utilement plantable sur le bord des champs, sur les berges des fossés, qu'il est désa- vantageux de le planter au milieu des champs, des vignes, etc.

Il ne se multiplie pas de lui-même; il a besoin du secours de l'homme pour protéger sa jeunesse : il craint les hivers rigoureux, et plus encore les gelées tardives du printemps, qui ne lui sont pas moins préjudiciables que les fortes chaleurs de l'été.

Les expositions qui lui sont le plus favorables sont celles de l'ouest et du nord-ouest.

Considéré sous le rapport de son bois et de son fruit,

CULTURE DU iNOYER

cet arbre présente des avantages réellement précieux, et sa culture n'importe pas moins aux arts qu'à l'économie domestique. Noyer commun (juglùhis regia) (fig. i^^). Origi-

Fig. 1. Noyér commun.

naire de la Perse, il a été introduit en Europe par les Romains. C'est un arbre de première grandeur, qui at- teint dans sa plus grande croissance de 24 à 27 mètres de hauteur, et peut acquérir de 3 à 4 mètres de circon-

NOTICE SOMMAIRE 5

férence. Les branches forment une tête étalée et touffue ; son tronc est droit, son écorce cendrée, épaisse et cre- vassée dans sa vieillesse ; ses feuilles sont grandes, com- posées de sept à neuf folioles sessiles, opposées^ ovales,

Fig. 2. Fleur mâle grossie.

Fleur femelle.

Chaton.

légèrement dentées, glabres et mucronées, d'une odeur forte et agréable (fig. i^'^). Les fleurs mâles (fig. 2) sont portées sur de longs chatons simples, d'un vert brun (fig. 3). Il fleurit en avril ou en mai, avant la pousse des feuilles; les fleurs femelles (fig. 4) sont solitaires ou

6

CULTURE DU NOYER

réunies en petit nombre à l'extrémité des rameaux. Aux fleurs femelles succèdent des fruits globuleux nommés noix (liLÇ. 5 et 6), formés d'un sarcocarpe vert et succulent nommé brou (A, fig. 5 et 6), qui répond à Tinvolucre de la fleur, d'un vert gris, piqueté d'un vert plus clair; d'un endocarpe ligaeux (B, fjg. 6) sillonné et à deux valves, qui répond au calice; et d'une semence dont

Fis:. 5. Noix.

Fig. G.

Noix.

l'amande huileuse (C, fig. 6) est formée de deux coty- lédons très-développés, divisés en quatres lobes par le bas, et à surface très-inégale figurant les circonvolutions du cerveau.

Ce noyer, qui est un des plus répandus partout l'on s'occupe de culture de cet arbre, a produit un certain nombre de variétés, dont voici les principales.

VARIETES DU NOYER

VARIÉTÉS DU NOYER.

Noyer a très -gros fruit {juglans maxima). Ses noix ont le double de grosseur d'une noix ordinaire; elles ont quelquefois plus de O'^^ 05 de diamètre. L'arbre de cette variété croit rapidement ; mais, conséquence probable de cette croissance trop rapide, le bois en est mou, et généralement considéré comme inférieur en qualité à celui du noyer commun. L'amande est plus petite que la cavité de la noix; on la mange fraîche. Cette variété est recherchée seulement par les bijoutiers, qui en font de petits nécessaires.

Noyer archiduchesse des Alpes. Nous avons vu à l'étalage de plusieurs épiciers de Paris une noix nou- vellement introduite dans le commerce, qu'on a décorée du nom pompeux d'archiduchesse des Alpes, et à la- quelle on accorde de grandes quahtés.

Nous ne pouvons donner ici la description de l'arbre qui produit cette variété nouvelle, n'ayant pas encore été à même de le voir; mais nous pouvons donner sur le fruit, que nous avons vu et goûté, quelques détails. Ce fruit, qui nous a paru avoir une assez grande ressem- blance avec le précédent, est très-gros, d'une forme ronde; la coque en est mince et tendre, se brisant faci- lement; l'amande est blanche, remplit bien la coque, et se rapproche beaucoup par le goût de celui de la noi-

8 CULTURE DU NOYER

sette. D'après ce que nous avons pu juger du fruit de cette variété nouvelle obtenue de greffe, nous pensons que c'est une bonne acquisition pour l'arboriculture, et que les pépiniéristes devraient imiter les épiciers, en propageant dans leurs pépinières le sujet qui doit pro- duire le fruit qui est à l'étalage de ceux-ci.

Noyer a coque tendre ou noix a mésange. La coque de cette variété est tellement tendre, qu'elle se brise au moindre choc; le joli petit oiseau appelé mé- sange la perce facilement pour se nourrir de son amande dont il paraît très-friand; c'est cette prédilection qui lui a valu ce surnom de noix de mésange sous le- quel elle est très- connue.

L'amande de cette variété est blanche et très-huileuse; elle est rarement véreuse et remplit bien la coque. L'é- corce de l'arbre est fine et blanche ; son bois a de belles veines noires. Une particularité de cette variété, que l'on pourrait regarder comme un défaut, puisqu'elle a lieu aux dépens de la fructification , c'est de pousser beau- coup de bois avant de fructifier. Ce défaut, du reste, est racheté plus tard par de beaux produits, et la culture en est avantageuse.

Noyer a coque dure, noix anguleuse (^juglans an- gulosa). Variété bien difterente de la précédente, car la noix en est tellement dure, qu'un marteau est souvent nécessaire pour la casser; d'un volume médiocre; amande difficile à extraire des anfractuosités de la coque.

VARIÉTÉS DU NOYER 9

Le bois de l'arbre est bon et très -agréablement veiné. On reconnaît la noix aux angles, qui de son milieu vont former une pointe piquante à son sommet.

Noyer TARDIF ou de la saint-jean {juglans seroiina).

Les feuilles de cette variété ne commencent à se déve- lopper qu'en juin, et les fleurs ne paraissent que vers la lin de ce mois; il échappe ainsi à l'action des gelées tar- dives du printemps qui dé- truisent souvent la fructi- fication dans les autres va- riétés. Son fruit est arron- di; la coque en est peu dure, l'amande bien plei- ne, mais un peu jaunâtre. L'écorce de l'arbre est brune, raboteuse, et son bois parsemé de belles vei- nes noires; il pousse rapi- dement et produit abon- damment; aussi mérile-t-il qu'on le propage le plus possible.

Noyer a grappes {ju- glans racemosa) (tîg. 7).

Parmi les variétés du noyer, il en est peu qui mé- ^ 'g- ' - ^'^^'^'^ -' g'^ppe.-.

ritent d'être plus répandues que celle dite noyer à grap-

10 CULTURE DU NOYER

pes; ses noix, aussi grosses que celles de l'espèce com- mune, sont rassemblées par douze ou quinze; nous en avons compté jusqu'à vingt-huit sur la même grappe. Les produits de cette variété sont vraiment étonnants; nous avons vu un de ces arbres, le seul qui existait chez nous (car nous devons dire qu'il est rare dans le dépar- tement de l'Indre), donner dans les années ordinaires de quinze à vingt doubles décalitres de noix, et dans les bonnes années de vingt- cinq à trente ;k la différence de la disposition de son fruit en grappes, ses caractères botaniques sont les mêmes que ceux du noyer commun.

Noyer noisette (jiiglans avellana). -=- Cette déno- mination lui vient de la petitesse de son fruit, qui a la grosseur d'une noisette ordinaire ; coque bien pleine, amande blanche, très-huileuse et d'un goût délicieux, produit abondant.

Noyer a gros fruit long. Ce fruit a 0™ 03 de diamètre sur Q^ 05 à 0»^ 00 de longueur; coque peu dure, bien pleine; très-fertile, bois bon et bien veiné.

Noyer fertile {juglans prœparturiens). Mis dans le commerce par M. André Leroy, d'Angers; noix de grosseur ordinaire, très-pleine, à coque tendre. Cette variété est très-remarquable par la précocité de sa fruc- tification. L'arbre se couvre de fruits dès la troisième année de semence, mais il prend moins de développe- ment que les autres variétés. Il se reproduit de semis.

VARIETES DU NOYER

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Noyer NOIR DE Virginie (ji^^^ans m^r:<) (fig. 8). Ce noyer, comme l'indique assez son nom, est originaire de la Virginie. Nous devons réellement nous féliciter de le posséder, et ses bonnes qualités doivent nous faire dé- sirer de le voir se propager le plus possible.

Son fruit est petit; la coque en est très-dure, et l'amande fort douce ; les principaux avanta- ges de celte variété du noyer sont la bonne qua- lité de son bois bien veiné , entremêlé de bandes blanches et de bandes d'un beau noir; d'être peu délicat, plus facile à élever que le noyer ordinaire; de ne point craindre les gelées (on assure même qu'il résiste aux hivers les plus rigoureux) ; de croître rapidement, d'atteindre en peu de temps une grande hauteur, et, en raison de cette grande élévation, de pouvoir être utilement planté sur nos chemins et nos grandes routes, et d'y remplacer avantageusement ces peupliers divers dont le bois présente bien moins d'in- térêt; et enfin, d'être susceptible de croître en massif.

Fig. 8. Noyer de Virginie.

i2

CULTURE DU NOYE

Toutes ces qualités parlent assez en sa faveur, pour croire que l'on s'empressera de le propager.

Noyer hétérophylle. Ce noyer a toutes ses fo- lioles dans la même feuille, dissemblables les unes des autres ; ses branches sont toujours inclinées vers la terre ;

F\§. 9. Noyer pacanier.

la coque de la noix est tendre et fragile. Cette variété est curieuse et très-rare.

Noyer a rameaux pendants. Variété nouvelle très-curieuse et d'un bel effet comme ornement, sortie des pépinières d'André Leroy, d'Angers.

VARIÉTÉS DU NOYER 13

Noyer a feuilles de frêne. Cet arbre s'élève de 6 à 10 mètres; ses feuilles sont ordinairement compo- sées de dix-neuf folioles, dentées, lisses, et d'un vert gai ; ses fruits, gros comme des pois, entourés d'une membrane, sont disposés sur de longues grappes pen- dantes. Il se reproduit très-facilement de marcotte. Quoique sensible aux gelées, on le voit fleurir dans nos grands jardins paysagers, pour l'ornement desquels il convient particulièrement. Il est très-rare en France ; il nous a été apporté des bords de la mer Caspienne par M. Micbaux fils, auteur du Traité des arbres de VA- mérique septentrionale.

Le Noyer pacanier {juglans olivœformis) (fig. 9). Tige de 20 à 25 mètres; bois pesant, compacte, d'une grande force et d'une longue durée. Il croît de préfé- rence dans les sols humides.

Noyer amara. Feuilles composées de sept à neuf folioles, sessiles, glabres et dentées; fruit sessile, ovoïde, mucroné et très-amer. Cet arbre demande un bon ter- rain.

Noyer muscade. Les feuilles de cet arbre, compo- sées de cinq folioles, sont dentées, glabres; le fruit est ovale, très-petit et très-dur.

Noyer a cochon {juglans porcina) (fig. 10). Feuilles composées de cinq à sept folioles, dentées, gla- bres ; le fruit pyriforme et très -dur n'est pas mangeable ;

14

CULTURE DU NOYER

ce sont les porcs qui en profitent, et c'est ce qui lui a valu son nom de noyer porc. C'est le plus grand des noyers d'Amérique; son bois est aussi considéré comme le plus fort et le plus tenace de cette espèce; il croît de préférence dans les sols humides. Il existe encore plusieurs autres variétés, toutes ori-

Fi5. 10. Noyer cochon.

ginairès d'Amérique, qui sont les noyers cathartiquey tomenteux, écailleux, lacinieux et aquatique.

TERRAIN PROPRE A LA CULTURE DU NOYER 15

TERRAIN PROPRE A LA CULTURE DU NOYER,

Parmi les arbres que nous cultivons, il en est peu qui soient aussi accommodants sous le rapport du terrain que le noyer. Il ne faudrait pas croire cependant que tous lui conviennent également, car ce serait commettre une grave erreur.

Les terres qui conviennent le mieux au noyer sont les terres sèclies, légères et un peu calcaires; il aime peu les terres argileuses; il a une antipatliie prononcée pour les terres siliceuses et marécageuses; il végète ce- pendant assez bien dans ces dernières, si Thumidité se dissipe pendant l'été. Une terre profonde, des rochers en pente, dans lesquels se trouvent des fentes remplies de terre, lui conviennent parfaitement; ses racines pénè- trent même dans les bancs de pierre les plus tenaces, et y forment, malgré la puissante résistance qu'elles doi- vent y rencontrer, ces énormes souches dont l'existence étonne celui qui n'est pas initié à la vigoureuse végéta- tion de cet arbre. Il se plaît dans les vignes, les jardins, sur les routes, sur le bord des terres labourées, sur la berge des fossés, en avenue ; mais il n'aime pas la cul- ture en massif; il réiSsit également dans un sol pier- reux et calcaire ; son accroissement à la vérité y es* moins rapide, mais son bois est de meilleure qualité, et son amande plus riche en principes oléagineux. Nous répéterons enfin ce que nous avons déjà dit au commen-

16 CULTURE DU NOYER

cernent de ce chapitre, qu'il est peu de terrains qui ne soient propres à la culture de cet arbre intéressant.

Cependant, malgré les avantages que présente la cul- ture du noyer, nous devons avouer que son application, faite sans précautions et discernement, pourrait devenir nuisible aux vignes et aux blés, par la structure même de l'arbre, dont le feuillage est épais et les racines nom- breuses; mais cet inconvénient disparaîtra si l'on a le soin de tenir l'arbre élevé; il cessera, si on le plante du côté du nord, sur la berge des fossés et sur le bord des chemins qui longent les terres en culture. Les proprié- taires doivent comprendre par qu'il ne faut jamais planter de noyers au milieu d'un champ, pour peu que celui-ci ait de la valeur; car on voit souvent de ces ar- bres couvrir de leurs vastes branches une étendue do phis de 35 mètres de diamètre, sur laquelle il ne pousse qu'une herbe rare et pauvre en principes nutritifs.

Quelques agronomes pensent que c'est moins l'ombre du noyer qui est nuisible que son égout, c'est-à-dii e l'eau des pluies qui, après être tombée sur ses feuilles, retombe ensuite à terre ou sur les végétaux qui sont à sa proximité. Nous croyons nous, que c'est une erreur, et les nombreuses observations que nous avons faites nous le confirment; car, sur toutes les plantes que nous avons recueillies sous des noyers, nous avons bien re- connu chez elles l'état maladif commun à toutes les })lantes privées de l'air qui leur est nécessaire pour vivre, Vétiolementy mais nous n'avons jamais rencontré de ces

TERRAIN PROPRE A LA CULTURE DU NOYER 17

caractères maladifs ayant pour cause le contact ou l'in- filtration d'une substance nuisible, comme on suppose l'être l'égout des feuilles du noyer.

D'autres prétendent enfin, que non seulement son ombre est nuisible aux plantes, mais encore à l'homme et aux animaux, et que ses feuilles répandent des exha- laisons insalubres et malfaisantes. Il est vrai que si l'on reste longtemps sous un de ces arbres, on se sent la tète pesante, et le malaise est quelquefois porté au point de donner des envies de vomir ; mais cet état fâcheux ne se fait sentir que sous les noyers dont les rameaux pendent presque jusqu'à terre ; l'air alors, qui se trouve renfermé comme sous une espèce de cloche, est vicié par une odeur résineuse particulière au noyer, et qui se développe plus particulièrement quand l'arbre est en fleur; mais supprimez jusqu'à une hauteur convenable les rameaux inférieurs, il s'établira alors un courant d'air qui dissipera cette mauvaise odeur, et l'inconvénient dis- paraîtra.

Son ombre ne deviendrait également funeste qu'à ceux qui, exténués de fatigue et couverts de sueur, auraient l'imprudence de s'y reposer trop longtemps. Le noyer, du reste, a cela de commun avec le peuplier, le châtaignier, le chêne, etc.

18 CULTURE DU NOYER

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER.

La nature nous offre trois moyens de reproduire ce grand végétal : le semis, \a plantation et la greffe.

Le semis est la base fondamentale de la culture du noyer; c'est le moyen le plus simple et le plus sûr de le reproduire. La plantation n'en est que la conséquence , et la greffe un moyen sûr de propager les bonnes va- riétés, et d'améliorer l'espèce sous le rapport de la quantité et de la qualité des produits. Nous allons donc examiner sucessivement ces trois moyens.

Semis, choix des semences.

Comme, dans toutes les localités l'on cultive le noyer, la pratique de la greffe n'est pas généralement admise, un bon choix de la semence devient indispensa- ble. Les noix qui remplissent le mieux le but que l'on désire atteindre sont celles de l'espèce la plus grosse, dont l'amande remplira bien la coque, et la plus riche en principes oléagineux. Il sera donc facile au cultiva- teur qui établira lui-même sa pépinière d'y semer les noix de l'arbre qu'il connaît, et que l'expérience lui aura prouvé être le plus productif en fruits et en huile.

Modes de semis. On distingue deux sortes de semis : celui en pépi-

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 19

nière et celui à demeure; nous allons examiner l'un et l'autre.

Semis en pépinière.

Nous avons dit, au chapitre du terrain propre au noyer, que cet arbre, par sa nature rustique, s'accom- modait facilement de toutes espèces de terrains; mais nous n'avons pas voulu prétendre qu'il en fût ainsi de la pépinière : nous ne prétendons pas non plus qu'il faille pour la pépinière une terre riche, féconde et de première qualité; une terre de cette espèce doit être considérée comme impropre à cette destination. En effet, le simple bon sens l'indique et l'expérience le prouve tous les jours, tous les arbres élevés dans le sol trop fertile d'une pépinière ne sont pas destinés à ren- contrer plus tard une terre de qualité égale à celle dans laquelle ils se sont développés d'abord. Eh bien ! qu'ar- rivera-t-il? C'est que, transportés alors dans un terrain seulement un peu inférieur, ils ne feront qu'y languir, parce que les sucs nutritifs nécessaires à leur dévelop- pement n'y seront plus assez abondants.

Une terre de fertilité moyenne, plutôt légère que trop compacte, profonde de 0"^ 50 à 0™ 60, est donc ce qu'il y a de plus convenable pour toute pépinière. On ne de- vra pas s'occuper de donner au sol de la pépinière une surabondance de nourriture qui n'est pa& nécessaire à cet arbre ; les engrais animaux lui sont même nuisibles : la cendre est, sans contredit, ce qui lui convient le

20 CULTURE DU NOYER

mieux, même celle qui a déjà servi aux lessives. Elle n'est pas seulement utile par les sels qu'elle renferme ; elle Test encore comme poussière très-fine agissant mé- caniquement, divisant le sol, le rendant plus meuble, et par conséquent plus perméable aux racines.

L'exposition n'est pas non plus une chose indifférente : on devra choisir pour l'établissement de la pépinière, autant que faire se pourra, un terrain légèrement in- cliné au sud et à Vest, et abrité des vents froids du nord qui pourraient nuire à la marche de la végétation.

Une fois l'exposition choisie et le terrain convena- blement préparé, c'est-à-dire profondément défoncé et parfaitement ameubli, on le divisera en planches de 2 mètres de largeur, séparées par des sentiers de 0'" 60; dans les localités humides, ces planches devront être bombées et élevées légèrement au-dessus du sol des allées.

Plusieurs méthodes ont été proposées pour le semis de la graine du noyer ; une seule nous a paru mériter la préférence : c'est celle que nous avons choisie, et qui nous a toujours parfaitement réussi.

On ouvrira, dans les planches de 2 mètres de largeur dont nous avons parlé ci-dessus, des sillons profonds et larges de 0"i 30 et placés à 0'" 70 les uns des autres. Le fond de chacun de ces petits sillons sera pavé de tuiles plates rapprochées le plus possible : on couvrira de terre ces tuiles, on sèmera les noix à une distance de 0'" 50 les unes des autres, et à une profondeur de 0'" 09 si c'est

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 21

une terre légère, et 0'" 06 si c'est une terre un peu forte. La noix devra être couchée sur son côté et non la pointe en haut, comme il arrive presque toujours, parce que c'est de cette pointe que doit sortir la racine. D'après cette méthode, le pivot du jeune noyer parvenu à la tuile, est arrêté dans son progrès vertical; il perd de ses forces en se détournant, et il est obligé de for- mer des racines horizontales. Le jeune arbre forme ainsi un bel empâtement de racines, et il est bien plus facile de le transplanter avec succès.

Pour activer la germination de la graine, quelques agronomes enterrent les noix qu'ils destinent à la re- production, vers la mi -décembre, à une profondeur d'environ 0'" 30 à 0^ 35, par couches alternatives de sable fin bien sec et de noix, pour les retirer ensuite du 15 au 20 février, époque ordinaire du semis. La noix ayant alors commencé à germer, le jeune arbre ne tarde pas à paraître, et il prend un accroissement plus rapide et plus vigoureux; c'est ce que l'on nomme la stratification.

La stratification consiste dans l'opération suivante : lorsque les semences ont été récoltées et préparées avec les soins convenables, on les dépose sur le sol, en plein air, en les mélangeant avec du sable fin ou de la terre légère plutôt sèche qu'humide. On en forme une sorte de monticule (fig. 11), qu'on place autant que possible sur un terrain élevé, de telle sorte que les eaux sura- bondantes de l'hiver n'y séjournent pas. On recouvre

22 CULTURE DU NOYER

le tout avec une couche de sable ou de terre légère A, assez épaisse pour empêcher les effets de la gelée, en- viron 0'" 50. Puis on place par-dessus une petite cou- che de paille longue B, disposée de manière à éloigner l'eau des pluies. On couvre dans le même but le som- met de ce monticule avec un vase renversé G. Enfin le pied de ce cône est défendu des eaux qui coulent à la surface du sol par une petite rigole circulaire D. Cette méthode est excellente pour les graines d'orme,

Fi?. 11. .Modèle de slralificalion.

houleaii, châtaignier, etc., qui perdent promptement leurs propriétés germinatives lorsqu'elles ne sont pas défendues du contact de l'air peu de temps après l'épo- que de leur maturité ; mais nous la croyons parfaite- ment inutile, en ce qui concerne les graines du noyer. Lorsque dans le courant do l'été on s'apercevra que les noix sont sorties de terre, on aura soin de sarcler fort souvent les jeunes arbres, de leur donner de fré-

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 23

quents binages, qui, tout en ameublissant le sol de la pépinière, y accumulent aussi une plus grande somme de gaz acide carbonique dont les jeunes arbres profi- tent.

A la troisième année du semis, on commencera à élaguer par le bas les jeunes arbres; on rendra la plaie unie, et afin de la garantir de l'impression fâcheuse de l'air, on la couvrira d'un peu d'onguent de saint Fiacre, ou, ce qui sera préférable encore, du mastic à greffer de Lhomme-Lefort.

Il faudra éviter par -dessus tout que le bourgeon ter- minal soit endommagé. On continuera de former la tige jusqu'à l'âge de cinq ou six ans, époque de la plan- tation des sujets, qui auront alors une circonférence de 0"^ 12 à 0"ï 15, et une hauteur de 4 à 5 mètres, et qui n'auront aucunement souffert de cet élagage.

Semis à demeure.

Les soins exigés pour des semis à demeure sont à peu près les mêmes que ceux en pépinière : des sar- clages, de fréquents binages et des élagages prudents ; seulement on aura soin de placer au milieu des trous, à 0"» 08 l'une de l'autre, deux noix. Si l'on obtient deux sujets, on supprimera le moins beau.

Les principaux avantages d'un semis à demeure, c'est que le pivot du jeune arbre s' enfonçant plus profondé- ment en terre, il en résulte que celui-ci est moins ex-

24 CULTURE DU NOYER

posé à être déraciné par les vents violents ; que la pousse de la tige gagne pi us de dix ans en avance sur celle de la noix semée en même temps dans la pépinière, et dont l'arbre a été ensuite replanté ; d'avoir un tronc plus haut et plus droit, et d'être le maître de l'arrêter à la hauteur qu'on désire.

DE LA PLANTATION.

Préparation du sol.

Lorsque l'on veut faire une plantation de noyers ou de tous autres arbres, la préparation préalable du ter- rain est l'opération la plus importante , car il sera facile de comprendre que la transplantation que subissent les jeunes arbres les privant, quoi qu'on fasse, d'une cer- taine quantité de leurs racines, et le sol on les plante à demeure étant presque toujours de moins bonne qua- lité que celui ils ont été élevés, leur végétation se trouve singulièrement contrariée. Et si, sous l'influence de cet état de choses, on se contente de pratiquer une petite excavation juste assez grande pour recevoir les racines, celles-ci déjà mutilées, et ne rencontrant qu'un terrain assez médiocre, ne prendront qu'un développe- ment insuffisant ; l'arbre languira et finira i)ar périr. Il faut donc, pour remédier à ces deux causes de souf- frances, une bonne préparation du sol .

DE LA PLANTATION 25

Cette opération a d'abord pour objet de pulvériser, de diviser la terre qui entoure les racines, de manière à ce qu'elles puissent s'y développer facilement, puis ensuite de placer ces racines en contact immédiat avec une terre de meilleure qualité, plus fertile que le ter- rain où l'on plante.

Le moyen d'atteindre ce résultat doit nécessairement varier en raison de l'espèce de plantation. Pour les plantations d'alignement, on peut employer deux pro- cédés : l'un consiste en trous ou excavations plus ou moins grandes à chacun des points qui doivent recevoir un arbre ; le second s'exécute au moyen de tranchées continues ouvertes à la place de chacune des lignes d'arbres.

Des trous.

On doit considérer la confection des trous sous quatre points de vue différents : leur forme, leurs dimen- sions, Vépoque on doit les exécuter, enfin la manière dont ils doivent être faits. Nous allons donc examiner successivement, et avec tous les détails que comporte l'importance d'un pareil sujet, ces quatre principaux points de la plantation.

Forme à donner aux trous.

Les trous destinés à la plantation des arbres peuvent être circulaires ou carrés. Sans attacher cependant une

26 CULTURE DU NOYER

grande importance à cette question, nous pensons qu'on devra donner la préférence à la forme circulaire, parce que l'arbre étant placé au centre, ses racines trouve- ront un espace égal à parcourir de tous les côtés, tandis qu'au milieu d'un trou carré, les racines qui se diri- geront perpendiculairement sur les côtés se heurteront plutôt contre la terre non remuée que celles qui pren- dront une direction diagonale.

Dimension des trous.

Les racines ayant constamment besoin de l'influence de l'air, tendent plus à se développer horizontalement que verticalement : par cette raison, les trous devront donc être plus larges que profonds. Cette largeur devra varier suivant que le sol sera plus ou moins fertile. En efl'et, plus il y aura de différence entre la fertilité de la pépinière et celle du nouveau terrain, plus on devra retarder le moment les racines des arbres seront obligées de s'engager dans la terre non remuée. On pourra au contraire diminuer l'étendue des trous lors- que le terrain à planter s'éloignera peu par sa fertilité de celui de la pé[)inière. Les deux limites extrêmes se- ront : pour les terrains médiocres, au moins 2 mètres de largeur, et pour les terrains les plus fertiles, 1 mè- tre. Il sera facile de prendre des largeurs intermé- diaires, selon que le sol se rapprochera plus ou moins de ces deux points extrêmes. Dans tous les cas, il n'y

DE LA PLANTATION 27

aura qu'avantage pour les arbres à étendre les limites que nous venons de poser, tandis qu'il y aurait de graves inconvénients à vouloir les restreindre. E n'y a qu'une seule circonstance l'on puisse, sans inconvénients, faire des trous moindres d'un mètre de largeur : c'est lorsqu'on plante un sol qui a été défoncé uniformément sur toute son étendue, ou lorsqu'on plante la levée d'un fossé dont le sol a été aussi ameubli.

La profondeur des trous doit être moins considérable que leur largeur; elle devra varier en raison de la plus ou moins grande dose d'humidité que retient le sol. Plus le sol est exposé à la sécheresse, plus les arbres doivent être plantés profondément pour que leurs racines trouvent l'humidité qui leur est nécessaire. Dans les terrains humides, au contraire, les racines ont une ten- dance bien prononcée à se rapprocher de la surface, pour éviter l'humidité surabondante qui les empêche de recevoir l'influence de l'air.

Dans les terrains les plus secs, les trous ne devront pas avoir moins de 0"^ 80 de profondeur, et ne pas dé- passer 0«> 35 dans les sols les plus humides.

De l'époque l'on doit faire les trous.

Jusqu'à ce jour, on semble n'avoir pas attaché assez d'importance à l'époque la plus convenable pour ouvrir les trous destinés à une plantation. Cette opération est généralement faite au moment même de la plantation.

28 CULTURE DU NOYER

Cette manière de procéder est vicieuse, et il y a, selon nous, tout avantage à faire ce travail quelques mois avant la plantation, et en voici la raison.

La couche de terre placée au-dessous de la surface, et qui est généralement peu propre à la végétation parce qu'elle n'a pas encore reçu l'influence fertilisante de l'air, se trouvera ainsi suffisamment aérée, lorsque viendra le. moment de la mise en terre des arbres, et sera surtout beaucoup plus meuble.

De la manière dont les trous doivent être faits.

Le terrain destiné à une plantation ayant été choisi, et le point que doit occuper chaque arbre ayant été dé- terminé, voici comment on devra procéder.

On prendra un bout de cordeau présentant en lon- gueur exactement le rayon de la circonférence du trou à ouvrir. On fixera à chaque extrémité une cheville poin- tue; on enfoncera l'une d'elles au point qui doit être occupé par la tige ; on tendra le cordeau, et l'on tracera avec l'autre cheville la circonférence du trou. Ceci fait, on pratiquera l'excavation en se servant de la pioche, de la bêche, ou de la pelle, suivant que la terre sera plus ou moins meuble. Il sera important de séparer les différentes couches du sol à mesure qu'on les ex- traira.

Ainsi on lèvera d'abord toute la couche superficielle, le gazon A (fig. 12), jusqu'à O"™ 11 de profondeur, et on

DE LA PLANTATION 29

la mettra à part sur l'un des côtés du trou. On atta- quera ensuite la couche inférieure B, dont on enlèvera une épaisseur de 0»^ 20 environ, qu'on séparera de la couche A mise à part. La couche de terre G sera éga- lement enlevée et mise de côté ; puis le fond du trou E sera remué, afin de l'ouvrir à l'influence fertilisante de l'atmosphère.

Après avoir exécuté le trou, il sera hon de se pro- curer, pour les terrains légers et exposés à la séche- resse, des débris de démolition de mur en argile ; pour

Fig.'lâ, Trou préparé pour la plantation.

les sols exposés à une humidité surabondante, on pren- dra des mortiers, des plâtras concassés, des sables gra- veleux ou même de la marne délitée ; pour les sols précédents et pour tous les autres, ce seront des cu- rures de mares, d'étangs ou de fossés, exposées à l'air depuis une année, ou encore des gazons recueillis à l'avance et décomposés.

2.

30 CULTURE DU NOYER

On déposera au bord de chaque trou, en D et en F, environ 0"^ 02 cubes de chacune de ces substances. L'argile forcera le terrain à retenir plus d'humidité ; les plâtras et mortiers diminueront au contraire la compa- cité du. sol, et faciliteront l'écoulement des eaux sura- bondantes; enfin les dernières substances améliore- ront la terre par les débris organiques qu'elles contien- nent. Après ces travaux, on abandonnera le trou jusqu'au moment de la plantation.

Des tranchées.

Le mode de préparation du sol au moyen de tran- chées consiste à ouvrir une tranchée continue à la place

Fig. i3. TrancliL-e de planlalion.

que doit occuper chaque ligne d'arbres. La profondeur et la largeur en sont déterminées par les circonstances que nous avons indiquées pour la dimension des trous. Voici comment on opère.

Soit une tranchée de 1™ 50 de large sur 0™ 50 de profondeur à défoncer de A en B (Cig. 13) ; on commen- cera par ouvrir la tranchée de C en I sur une longueur de 2 mètres. La terre qu'on en extraira sera portée à l'extrémité opposée elle sera déposée en trois tas dis-

DE LA PLANTATION 31

tincts, E F G, ainsi que nous l'avons recommandé pour les trous. Ceci fait, on continuera d'entamer la terre de la tranchée de C en D, sur une longueur d'un mètre, en commençant par la surface. Cetle première couche bien pulvérisée sera placée de H en I, de manière à lui faire occuper la même étendue; l'ouvrier conservera ainsi au fond de la tranchée un espace suffisant pour travailler sans gène. Le restant de la tranchée sera suc- cessivement placé au-dessus de la partie déplacée, jus- qu'à ce qu'on soit arrivé à la profondeur voulue. On reprendra alors une nouvelle tranchée de D en R pour la placer à côté de la première, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit arrivé à l'extrémité opposée ; puis on fer- mera la tranchée à l'aide de la terre apportée à ce point en commençant le travail. Il résulte de cette opération que toute la terre de la tranchée est remuée, pulvérisée, et surtout que les parties les plus fertiles du sol, celles de la surface, sont placées au fond de la tranchée, en contact avec les racines, tandis que la terre du fond, peu propre à la végétation, est ramenée à la surface, elle acquiert bientôt les qualités qui lui manquaient. Ce mode de préparation du sol est certainement pré= férable au premier, car il améliore une bien plus grande surface de terrain et rend plus vigoureuse la végétation des arbres; mais aussi, la dépense en est beaucoup plus élevée.'

32 CULTURE DU NOYER

Préparatio7i ou hahillage des jeunes arbres.

Les jeunes noyers qu'on destine à la plantation doi- vent être arrachés de la pépinière à l'âge de cinq à six ans; ils ont alors acquis, ainsi que nous l'avons déjà dit au chapitre 'pépinière, une grosseur de 0'» 12 à 0"^ 45 et une hauteur de -4 à 5 mètres, selon que le terrain leur était plus ou moins favorable. On devra les placer le plus tôt possible dans les trous qui leur sont destinés, et qui à cet effet, ainsi que nous l'avons déjà dit dans un chapitre spécial, auront être creusés au moins un mois à l'avance ; mais il sera préalablement utile de procéder à l'habillage des jeunes sujets, lequel habillage s'applique particulièrement aux racines et à la tige.

Habillage des racines.

Malgré tous les soins possibles, il y a toujours une certaine quantité de racines qui sont rompues ou des- séchées par l'impression de l'air. La préparation, dans ce cas, consiste à enlever avec un instrument bien tran- chant l'extrémité des racines rompues ou desséchées, et à couper celles qui ont été blessées, immédiatement au-dessus du point la plaie existe. Ces plaies se ci- catrisent et donnent naissance, sur leur périmètre et au-dessus d'elles, à de nombreuses racines qui viennent bientôt remplacer celles qu'on a tronquées. Si au con-

DE LA PLANTATION 33

traire on abandonnait à elles-mêmes les parties brisées ou desséchées, les plaies pourraient devenir chancreu- ses, les racines resteraient dans un état maladif et ne seraient d'aucun secours pour l'arbre. Telles sont les seules suppressions à opérer sur les racines.

Habillage de la tige.

Si l'on supprime pour quelque temps une partie des racines, il devient indispensable d'enlever également une certaine étendue de la tige, afin de maintenir un équilibre parfait entre l'étendue respective de ces deux organes. Cette suppression, pour qu'elle ne devienne pas nuisible, doit être faite avec non moins de circons- pection que celle des racines, et être avec elle dans un rapport parfait. Les amputations devront donc porter uniquement sur les rameaux âgés d'un an, ou tout au plus sur les ramifications de deux ans (fig. 14).

On ne saurait trop s'élever contre l'usage vicieux et barbare qui consiste à couper entièrement la tête des arbres en les plantant, ce qui les fait ressembler après la plantation à autant de jalons. Cette pratique est on ne peut plus préjudiciable à tous les jeunes arbres en gé- néral, et au noyer en particulier; et cela pour deux rai- sons : la première, c'est qu'on prive l'arbre de tous les boutons qui auraient donné naissance aux bourgeons et aux feuilles indispensables pour développer les filets li- gneux et corticaux, et préparer le cambium qui cou-

34 CULTURE DU NOYER

court à raccroissement des racines; la seconde, c'est que le bois du noyer étant très-tendre dans sa jeunesse, et ayant beaucoup de moelle, l'eau des pluies, en s'in- troduisant dans le trou qui s'est formé par suite de l'amputation de la tête de l'ar- bre, endommage bientôt cette partie, et finit par y développer une pourriture qui, en s'étendant par la suite, cause presque tou- jours la carie entière du tronc, ce qui diminue singulièrement la valeur de l'arbre.

Cependant, quelque vicieuse que soit cette pratique, elle de- vient souvent nécessaire lorsque, par l'effet de la gelée ou par tout autre accident, le noyer a perdu son bourgeon terminal; quand un pareil accident arrivera, on coupera avec une serpette par- faitement tranchante, et le plus près possible du premier bour- geon, la tige morte et flétrie, et l'on couvrira exacte- ment la plaie avec du mastic de Lhomme-Lefort, afin de la soustraire à l'influence fâcheuse de l'air ou de la pluie, et l'on préviendra ainsi pour plus tard les fâ- cheuses conséquences de la carie.

#A^-

Fig. 14. Élagage de la lige.

DE LA PLANTATION 35

Mise en terre des arbres.

La mise en terre des arbres exige aussi quelques soins particuliers : on devra prendre en considération, dans cette opération, l'orientation des arbres, la profon- deur à laquelle les racines doivent être enterrées, la manière dont les différentes couches de terre enlevées des trous doivent y être replacées.

Quoique l'orientation des jeunes plantations ne soit pas d'une nécessité rigoureuse, il sera bon néanmoins, lors- qu'on le pourra, de placer la tige des arbres dans une position semblable à celle qu'ils occupaient dans la pépinière. Le côté de la tige qui était exposé au midi se reconnaît facilement à une teinte plus grise de l'épi- derme.

En général, les racines doivent être enterrées à une profondeur telle, que d'une part elles puissent recevoir l'influence de l'air, et que de l'autre elles ne soient pas exposées à la sécheresse. Le degré de profondeur moyenne à l'aide duquel on remplit le mieux ces deux conditions est de 0"^ 08. Ainsi, le collet de la racine devra être placé de manière à ce que, lorsque la terre du trou sera complètement affaissée, il se trouve placé à 0°» 08 au-dessous de la surface du terrain. Néanmoins, cette profondeur devra beaucoup varier en raison de la nature du sol. Celle que nous donnons est pour un terrain de consistance moyenne ; mais dans un sol très-léger, très-

36

CULTURE DU NOYER

perméable, et par conséquent très-exposé à la séche- resse, cette profondeur pourra être doublée. Au con- traire, dans les terrains compactes, humides, on devra

la diminuer de moitié.

Les trous ayant été creusés avec les soins que nous avons indiqués pour chaque sorte de terre, voici comment on devra les remplir. On commen- cera par ameublir le mieux possible l'excava- tion (G, fig. 15); on pul- vérisera la couche de terre qu'on a enlevée la première lors de la con- fection du trou; on en ré- pandra au fond, en F, nue suffisante quantité, pour que, les racines y étant placées, l'arbre se G trouve convenablement en terre. Cette première

Fig. 15, Coupe verticale du trou après i ^ ^

la plantation. couche de terre est re-

couverte par des gazons décomposés ou des vases de mares ou de fossés suffisam- ment aérées, E. Si Ton a pu se procurer ces matières, on les remplace par la couche de terrre qui était placée

DE LA PLANTATION 37

au-dessous des gazons. C'est avec cette dernière couche qu'on mélange des terres sableuses ou argileuses, selon que le sol est trop compacte ou trop léger. Enfin, si le trou n'est pas suffisamment comblé, l'on y ajoute une partie de la troisième couche, celle du fond, D. Pendant cette opération, il est essentiel, à mesure que l'on jette la terre sur les racines, de donner à la tige de l'arbre un mouvement vertical de bas en haut, et de haut en bas, afin de bien faire pénétrer cette terre entre toutes les racines.

Il résulte de cette manière d'opérer que la terre la plus fertile, celle qui était à la surface du trou, le ga- zon enfin, se trouve immédiatement en contact avec les racines , et concourt puissamment à la reprise de l'arbre.

Les trous doivent être comblés à environ 0"^ 16 au- dessus du niveau du terrain environnant, afin qu'en s'af- faissant, la terre ne s'abaisse pas au-dessous du niveau du sol . Dans les terrains exposés à la sécheresse, il sera bon de creuser un peu cette saillie en cuvette, afin qu'elle retienne mieux l'eau des pluies, et que celles-ci profi- tent aux racines.

Lorsque les arbres ont été plantés comme nous venons de l'indiquer, la coupe verticale du trou doit présenter la fig. 15.

Les diverses opérations que nous venons d'énumérer devront être faites par un temps bien sain, car nous savons ce qu'il nous en a coûté pour avoir voulu faire

3

38 CULTURE DU NOYER

une plantation de jeunes noyers par un temps trop hu- mide; celte plantation a élé totalement perdue.

Comme le noyer s'élève beaucoup, et qu'il forme une laige tète, on ne devra pas mettre moins de 10 mètres d'intervalleentreeux dans les terrains les plus nnédiocres, mais 12 à 15 mètres seront nécessaires dans les bons fonds.

Une fois plantés, les noyers exigent peu de soins : quelques labours dans le courant de l'hiver et du prin- temps, et le retranchement du bois mort. L'é!aga<je pé- riodique des branches saines, comme on est dans l'u- sage de le faire tous les cinq ou six ans dans quelques localités, est non seulem:nt inutile, mais il pourrait leur devenir nuisible, s'il était fait sans précaution et prudence.

Des tuteurs.

Ce n'est pas assez d'avoir rempli dans la plantation toutes les conditions que nous venons d'indiquer; il faut encore donner aux jeunes arbres, pendant les premières années qui suivent leur plantation, des soins qui ont surtout pour objet de défendre leur lige de l'attaque des bestiaux ou du choc des instruments aratoires, en les entourant d'une sorte d'armure.

Dans les cours de fermes, et généralement dans toules les pièces de terre plantées de jeunes arbres, ceux-ci sont exposés à être ébranlés et môme déracinés, non seulement par les orages, mais encore par la pression

DE LA PLANTATION 39

qu'exercent sur leur tige les bcsiiaux qui viennent s'y frotter; quelquefuis même, ces animaux rongent l'écorce de la tige. C'est pour éviter ces fâcheux accidents qu'on a imaginé une foule de moyens plus ou moins ingénieux, et parmi lesquels nous avons remarqué le suivant, qui, sauf une plus longue expérience, paraît remplir toutes les conditions désirables.

Le procédé dont nous voulons parler a été imaginé par M. Lelong, et mis par lui en pratique sur ses pro- priétés du pays de Bray (Seine Inférieure). Nous allons laisser M. Lelong nous faire lui- même la description de son procédé :

« Depuis bientôt deux ans, j'ai fait placer une douzaine de ces ar- mures dans un endroit resserré l'on réunit un troupeau de vaches pour les traire. Protégés par cette nouvelle défense, pas un arbre n'a été attaqué par les bestiaux, ou of- fensé par une autre cause.

« Voici ce dont se compose cette armure :

a Quatre tringles en bois de chêne (A, fjg. 16) de l'" C7 de lon- gueur, 0'" 030 de largeur, 0-" 015 d'épaisseur; chaque tringle est gar- nie de treize à quatorze pointes n^ 16, qvii dépassent sou épaisseur d'environ 0^ 020.

èï^%

Fij. IG. Armure Lclonf,

40 CULTURE DU NOYER

« Les quatre tringles sont assujetties entre elles, et tenues à une distance de 0"^ 10 l'une de Tautre par trois liens de fil de fer (B, ûg. 16).

« Les choses étant ainsi dispo- sées, j'ai formé, en courbant les quatre tringles, un cylindre creux laissant la saillie des pointes en de- hors, de manière à faire un héris- son. L'intérieur du cylindre est garni de deux bourrelets de vieux chanvre hors de service, G. L'un est attaché à l'extrémité supérieure, et l'autre à environ 0^ 16 du bout inférieur.

« Pour terminer, j'ai placé le cylindre élastique autour de l'ar- bre, et je l'ai fermé au moyen des crochets que j'ai pratiqués aux ex- trémités en fils de fer (fig. 17).

« Cette armure peut s'établir pour le prix de 85 centimes à 1 franc au plus. »

Nous avons remarqué, sur les promenades publiques de Paris et des environs, un mode d'armature pour les arbres, qui a beaucoup d'analogie avec le précédent, et qui remplit parfaitement le même but. Cette armature a la forme d'un cylindre ayant à la base 0^ 70 de dia-

Fig. 17. Armure Lelong placée autour de l'arbre.

DE LA PLANTATION 41

mètre et au sommet 0"" 20 seulement; ce cylindre est formé de huit fortes lattes ayant 2 mètres de longueur, et reliées entre elles par sept cercles dont le diamètre aug- mente progressivement depuis 0"^ 20jusqu'à0™ 70; une espèce de matelas en mousse est ajusté au cercle supé- rieur : il sert à maintenir l'arbre dans une position par- faitement verticale; il empêche ainsi les meurtrissures qui pourraient résulter du frottement de celui-ci contre les parties dures de l'armature. Cette armature est en- foncée en terre d'environ 0"^ 30, et y est en outre soh- dement fixée par quatre petits piquets auxquels quatre des grandes lattes sont attachées par de forts fils de fer. Afin d'augmenter la durée de cette armature, la par- tie de 0^ 30 fixée en terre est fortement goudronnée, et le surplus peint en vert à deux couches.

Cette armature coûte à la ville de Paris de 2 francs à 2 francs 25 pièce ; mais nous sommes convaincu qu'en les faisant faire chez soi, à la campagne, elle ne coûterait pas plus de 50 à 55 centimes pièce.

Quel que soit le mode d'armure qu'on aura adopté, on devra la maintenir jusqu'au moment ou la tige aura acquis assez de force pour ne pas être ébranlée par les bestiaux, et jusqu'à l'instant ou son écorce présentera assez de résistance pour ne plus être facilement entamée par eux. Les arbres remplissent ordinairement cette double condition de sept à dix ans après leur plantation.

Les jeunes arbres sont encore exposés à la négligence des charretiers, qui, en labourant ou en hersant, lais-

42 CULTURE DU NOYER

sent leurs instruments frapper contre les tiges, et leur font un tort considérable en déterminant des plaies sou- vent très-élendues. Le meilleur moyen à employer pour éviter cet accident, c'est de remplacer, au moment eWù aura été détruite pitr le temps j ce qui aura lieu or- dinairement au bout^ de sept à dix ans, l'armure dont nous venons de parler par une corde en paille roulée en spirale autour de la tige, depuis la base jusqu'à 1"™ 32 du sol. Pour les arbres de huit à dix ans, ce mode de défense ne présente plus les inconvénients qu'il olTiiralt s'ils étaient plus jeunes. En effet, l'écorce de la lige, ayant acquis beaucoup plus d'épaisseur et de dureté, ne développe plus ces bourgeons à la destruction desquels on doit veiller ; les insectes nuisibles n'atta- quent plus cette partie de Tarbre, et la tige a acquis assez de force pour contraindre la spirale de paille à se prêter à son grossissement.

Celte dernière sorte de défense devra èlre entretenue pendant une quinzaine d'années environ ; après quoi l'écorce de l'arbre, plus épaisse et plus dure, pourra résister suffisamment au choc des instruments ara- toires.

DE LA GREFFE ET DE SON UTILITÉ.

L'utilité de la greffe est aujourd'hui trop bien ap- préciée, pour qu'on puisse douter qu'on ne s'empresse

DE LA GREFFE ET DE SON UTILITÉ 43

d*en propager généralement la pratique ; aussi, afin de bien faire apprécier cette utilité, et afin de faire connaître les causes qui déternainent les heureux effets qu'elle produit, allons-nous essayer de donner ici une défini- tion aussi complète que possible de la théorie de la greffe. Nous poserons donc tout d'abord celte question : Qu'est-ce que la greffe'^

La greffe est une portion vivante d'un végétal qui, unie à un autre végétal qu'on nomme sujet, s'identifie avec lui, et y croît comme sur son pied-mère, lorsque l'analogie entre les individus ainsi rapprochés est suffi- sante. De cette définition il résulte donc que Vart de greffer a pour but de remplacer le tronc ou seulement les branches d'un arbre par le tronc ou les branches d\m autre arbre.

Voici maintenant comment s'explique la reprise de la greffe.

L'expérience a démontré que les bourgeons peuvent modifier la sève qui leur est fournie par des racines étrangères, de manière à la faire servir à leur accrois- sement. La greffe pourra donc vivre sur le sujet, toutes* les fois que la partie tronquée des vaisseaux de celui-ci, destinés à charrier les fluides séveurs de la racine aux feuilles, pourra être mise en contact imnjédiat avec la partie tronquée des vaisseaux séveurs de la greffe. Les orifices de ces vaisseaux se trouvant appliqués positive- ment les uns sur les autres, les sucs noui-riciers du sujet arriveront dans la greffe sans rencontrer d'obs-

44 CULTURE DU NOYER

tacles. Bientôt les boutons de la greffe laisseront échap- per les premières feuilles; celles-ci transformeront en cambium les fluides séveurs fournis par le sujet, et les vaisseaux descendants, soit ligneux, soit corticaux, naî- tront de la base de chaque feuille, et passeront de la greffe d;ms le sujet en suivant la voie humide existant entre l'aubier et l'écorce ; enfin, une partie du cam- bium, dans son mouvement de descension, déposera en passant une quantité de matière organique suffisante pour souder les bords de la plaie, et la reprise de la greffe sera opérée.

Une des conditions importantes, pour la réussite de cette opération, est donc de faire coïncider parfaite- ment les vaisseaux séveurs du sujet avec ceux de la greffe. Comme ces vaisseaux sont placés dans les cou- ches d'aubier et les couches du liber les plus jeunes, il suffira, pour atteindre ce résultat, de bien mettre en contact ces deux couches danslagrelïe et dans le sujet. Il est encore une autre condition non moins essentielle à remplir : c'est de faire en sorte qu'il y ait une ana- logie suffisante entre le sujet et la greffe. Ainsi, on ne pourra greffer l'un sur l'autre que des variétés de la même espèce, ou des espèces du même genre. On ne réussirait pas à greffer le lilas sur l'orme, le chêne sur le charme, ou, comme on l'a prétendu, le rosier sur le houx ; car il ne suffit pas que les espèces et variétés que l'on greffe les unes sur les autres soient très-rap- prochées parleurs caractères botaniques; il faut encore

DE LA GREFFE ET DE SOX UTILITÉ 45

qu'elles présentent un mode de végétation semblable, et surtout que leur végétation s'effectue à la même époque. Plus la différence sera sensible sous ce rapport, moins le succès de l'opération sera assuré. La greffe ne périra pas toujours, mais elle restera constamment languis- sante.

La greffe augmente la qualité des fruits et hâte l'époque de leur maturité. Voici comment.

Il résulte de la soudure de la greffe sur le sujet un désordre dans la direction des vaisseaux des couches d'aubier et d'écorce qui se développent vers ce point. Il s'en suit que la sève ascendante, traversant plus diffi- cilement cette partie de la tige, arrive plus lentement et en moins grande quantité à la fois dans la greffe, subit une élaboration plus complète dans les cellules des fruits, et que ceux-ci sont plus savoureux et mûrissent plus tôt.

La greffe avance de plusieurs années la fructifica- tion des arbres.

En voici la cause :

La sève, circulant plus lentement dans la greffe, y reçoit une préparation plus parfaite, et est plus tôt pro- pre au développement des fleurs et des fruits. Ce second avantage n'est pas sans importance ; il devient même très-utile dans certaines circonstances. Ainsi, il faut at- tendre dix ou onze ans avant de savoir si un jeune ai'bre fruitier qui oftre dans la pépinière l'apparence d'une variété nouvelle donnera véritablement un fruit

i6 CULTURE DU NOYER

nouveau, tandis qu'en coupant un rameau de ce jeune arbre, et eu le greffant sur un vieux pied, la troisième année au plus tard, on peut juger du mérite de la nou- velle acquisition.

Enfin, à l'aide de la greffe, on peut faire croître dans un sol quelconque une espèce qui n'y viendrait pas franche de pied ; il suffit pour cela de la greffer sur une espèce voisine qui s'accommode de la nature de ce sol.

L'époque de la greffe, en ce qui concerne le noyer, est assez difficile à préciser, le noyer tardif n'entrant en sève qu'à la fin de mai, et quelquefois même dans les années froides et humides, dans les premiers jours de juin. Ce sera donc toujours ce premier mouvement de sève que l'on devra choisir, et qui précisera l'époque de la greffe.

La greffe se fait ordinairement dans la pépinière, sur de jeunes arbres âgés de deux ans, en plaçant la greffe au-dessus du collet de la racine ; le jet qu'elle produit est ensuite traité pour former une tige droite et élevée, comme l'est celle produite par le semis.

On greffe aussi des noyers âgés de quarante ans et même plus, aux mois de mai ou d'octobre. On coupe l'arbre à 3 ou 5 mètres au-dessus du tronc; il pousse alors pendant Tannée un nombre considérable de nou- veaux jets, et au printemps de l'année suivante, on place sur ces nouveaux jets autant de greffes qu'on le désire.

La définition de la théorie de la greffe étant bien

INSTRUMENTS DE GREFFAGE 47

comprise, nous allons maintenant, avant d'entrer clans la discussion des deux modes de greffe les plus généra- lement employés pour le noyer, parler un peu des instruments et autres accessoires employés dans cette opération.

INSTRUMENTS DE GREFFAGE.

Le principal est le greffoir (fig. 18). C'est une sorte

Groffoir.

de petit couteau dont la lame, longue de 05 à 0«n^07, est un peu arrondie à son ex- trémité antérieure du côté tranchant. Au talon du man- che est implantée une spatule en buis, en ivoire ou en os. On doit éviter de la faire en métal, trop facilement oxida- ble, parce que, destinée à soulever l'écorce, elle alté- rerait facilement la sève.

On se sert en outre d'une serpette, instrument que tout pig. 19. Egoinne.

18 CULTURE DU NOYER

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER.

La nature nous offre trois moyens de reproduire ce grand végétal : le semis, la plantation et la greffe.

Le semis est la base fondamentale de la culture du noyer; c'est le moyen le plus simple et le plus sûr de le reproduire. L3i plantation n'en est que la conséquence , et la greffe un moyen sûr de propager les bonnes va- riétés, et d'améliorer l'espèce sous le rapport de la quantité et de la qualité des produits. Nous allons donc examiner sucessivement ces trois moyens.

Semis, choix des semences.

Comme, dans toutes les localités l'on cultive le noyer, la pratique de la greffe n'est pas généralement admise, un bon choix de la semence devient indispensa- ble. Les noix qui remplissent le mieux le but que l'on désire atteindre sont celles de l'espèce la plus grosse, dont l'amande remplira bien la coque, et la plus riche en principes oléagineux. Il sera donc facile au cultiva- teur qui établira lui-même sa pépinière d'y semer les noix de l'arbre qu'il connaît, et que l'expérience lui aura prouvé être le plus productif en fruits et en huile.

Modes de semis. On distingue deux sortes de semis : celui en pêpi-

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 19

nière et celui à demeure; nous allons examiner l'un et l'autre.

Semis en pépinière.

Nous avons dit, au chapitre du terrain propre au noyer, que cet arbre, par sa nature rustique, s'accom- modait facilement de toutes espèces de terrains; mais nous n'avons pas voulu prétendre qu'il en fût ainsi de la pépinière : nous ne prétendons pas non plus qu'il faille pour la pépinière une terre riche, féconde et de première qualité; une terre de cette espèce doit être considérée comme impropre à cette destination. En effet, le simple bon sens l'indique et l'expérience le prouve tous les jours, tous les arbres élevés dans le sol trop fertile d'une pépinière ne sont pas destinés à ren- contrer plus tard une terre de qualité égale à celle dans laquelle ils se sont développés d'abord. Eh bien! qu'ar- rivera-t-il? C'est que, transportés alors dans un terrain seulement un peu inférieur, ils ne feront qu'y languir, parce que les sucs nutritifs nécessaires à leur dévelop- pement n'y seront plus assez abondants.

Une terre de fertilité moyenne, plutôt légère que trop compacte, profonde de 0"^ 50 à 0™ 60, est donc ce qu'il y a de plus convenable pour toute pépinière. On ne de- vra pas s'occuper de donner au sol de la pépinière une surabondance de nourriture qui n'est pa& nécessaire à cet arbre ; les engrais animaux lui sont même nuisibles : la cendre est, sans contredit, ce qui lui convient le

20 CULTURE DU NOYER

mieux, même celle qui a déjà servi aux lessives. Elle n'est pas seulement utile par les sels qu'elle renferme ; elle l'est encore comme poussière très-fme agissant mé- caniquement, divisant le sol, le rendant plus meuble, et par conséquent plus perméable aux racines.

L'exposition n'est pas non plus une chose indifférente : on devra choisir pour l'établissement de la pépinière, autant que faire se pourra, un terrain légèrement in- cliné au sud et à Vest, et abrité des vents froids du nord qui pourraient nuire à la marche de la végétation.

Une fois l'exposition choisie et le terrain convena- blement préparé, c'est-à-dire profondément défoncé et parfaitement ameubli, on le divisera en planches de 2 mètres de largeur, séparées par des sentiers de 0'" 60; dans les localités humides, ces planches devront être bombées et élevées légèrement au-dessus du sol des allées.

Plusieurs méthodes ont été proposées pour le semis de la graine du noyer ; une seule nous a paru mériter la préférence : c'est celle que nous avons choisie, et qui nous a toujours parfaitement réussi.

On ouvrira, dans les planches de 2 mètres de largeur dont nous avons parlé ci-dessus, des sillons profonds et larges de 0"^ 30 et placés à 0"^ 70 les uns des autres. Le fond de chacun de ces petits sillons sera pavé de tuiles plates rapprochées le plus possible : on couvrira de terre ces tuiles, on sèmera les noix à une distance de 0'" 50 les unes des autres, et à une profondeur de 0»^ 09 si c'est

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 21

une terre légère, et 0'" 06 si c'est une terre un peu forte. La noix devra être couchée sur son côté et non la pointe en haut, comme il arrive presque toujours, parce que c'est de cette pointe que doit sortir la racine. D'après cette méthode, le pivot du jeune noyer parvenu à la tuile, est arrêté dans son progrès vertical; il perd de ses forces en se détournant, et il est obligé de for- mer des racines horizontales. Le jeune arbre forme ainsi un bel empâtement de racines, et il est bien plus facile de le transplanter avec succès.

Pour activer la germination de la graine, quelques agronomes enterrent les noix qu'ils destinent à la re- production, vers la mi-décembre, à une profondeur d'environ 0'" 30 à 0"* 35, par couches alternatives de sable fin bien sec et de noix, pour les retirer ensuite du 15 au 20 février, époque ordinaire du semis. La noix ayant alors commencé à germer, le jeune arbre ne tarde pas à paraître, et il prend un accroissement plus rapide et plus vigoureux; c'est ce que l'on nomme la stratification.

La stratification consiste dans l'opération suivante : lorsque les semences ont été récoltées et préparées avec les soins convenables, on les dépose sur le sol, en plein air, en les mélangeant avec du sable fin ou de la terre légère plutôt sèche qu'humide. On en forme une sorte de monticule (fig. 11), qu'on place autant que possible sur un terrain élevé, de telle sorte que les eaux sura- bondantes de l'hiver n'y séjournent pas. On recouvre

22 CULTURE DU NOYER

le tout avec une couche de sable ou de terre légère A, assez épaisse pour empêcher les effets de la gelée, en- viron 0"" 50. Puis on place par-dessus une petite cou- che de paille longue B, disposée de manière à éloigner l'eau des pluies. On couvre dans le même but le som- met de ce monticule avec un vase renversé C. Enfin le pied de ce cône est défendu des eaux qui coulent à la surface du sol par une petite rigole circulaire D. Cette méthode est excellente pour les graines d'orme,

Fig. 11. .Modèle de stratification.

bouleau, châtaignier, etc., qui perdent promptement leurs propriétés germinatives lorsqu'elles ne sont pas défendues du contact de l'air peu de temps après l'épo- que de leur maturité ; mais nous la croyons parfaite- ment inutile, en ce qui concerne les graines du noyer. Lorsque dans le courant do l'été on s'apercevra que les noix sont sorties de terre, on aura soin de sarcler fort souvent les jeunes arbres, de leur donner de fré-

MOYENS DE REPRODUCTION DU NOYER 23

quents binages, qui; tout en ameublissant le sol de la pépinière, y accumulent aussi une plus grande somme de gaz acide carbonique dont les jeunes arbres profi- tent.

A la troisième année du semis, on commencera à élaguer par le bas les jeunes arbres; on rendra la plaie unie, et afin de la garantir de l'impression fâcheuse de l'air, on la couvrira d'un peu d'onguent de saint Fiacre, ou, ce qui sera préférable encore, du mastic à greffer de Lhomme-Lefort.

Il faudra éviter par- dessus tout que le bourgeon ter- minal soit endommagé. On continuera de former la tige jusqu'à l'âge de cinq ou six ans, époque de la plan- tation des sujets, qui auront alors une circonférence de 0"! 12 à 0™ 15, et une hauteur de 4 à 5 mètres, et qui n'auront aucunement souffert de cet élagage.

Semis à demeure.

Les soins exigés pour des semis à demeure sont à peu près les mêmes que ceux en pépinière : des sar- clages, de fréquents binages et des élagages prudents ; seulement on aura soin de placer au milieu des trous, à Qm 08 l'une de l'autre, deux noix. Si l'on obtient deux sujets, on supprimera le moins beau.

Les principaux avantages d'un semis à demeure, c'est que le pivot du jeune arbre s'enfonçant plus profondé- ment en terre, il en résulte que celui-ci est moins ex-

24 CULTURE DU NOYER

posé à être déraciné par les vents violents ; que la pousse de la tige gagne pi us de dix ans en avance sur celle de la noix semée en même temps dans la pépinière, et dont l'arbre a été ensuite replanté ; d'avoir un tronc plus haut et plus droit, et d'être le maître de l'arrêter à la hauteur qu'on désire.

DE LA PLANTATION.

Préparation du sol.

Lorsque l'on veut faire une plantation de noyers ou de tous autres arbres, la préparation préalable du ter- rain est l'opération la plus importante , car il sera facile de comprendre que la transplantation que subissent les jeunes arbres les privant, quoi qu'on fasse, d'une cer- taine quantité de leurs racines, et le sol on les plante à demeure étant presque toujours de moins bonne qua- lité que celui ils ont été élevés, leur végétation se trouve singulièrement contrariée. Et si, sous l'influence de cet état de choses, on se contente de pratiquer une petite excavation juste assez grande pour recevoir les racines, celles-ci déjà mutilées, et ne rencontrant qu'un terrain assez médiocre, ne prendront qu'un développe- ment insuffisant ; l'arbre languira et finira par périr. Il faut donc, pour remédier à ces deux causes de souf- frances, une bonne préparation du sol.

DE LA PLANTATION 25

Cette opération a d'abord pour objet de pulvériser, de diviser la terre qui entoure les racines, de manière à ce qu'elles puissent s'y développer facilement, puis ensuite de placer ces racines en contact immédiat avec une terre de meilleure qualité, plus fertile que le ter- rain où l'on plante.

Le moyen d'atteindre ce résultat doit nécessairement varier en raison de l'espèce de plantation. Pour les plantations d'alignement, on peut employer deux pro- cédés : l'un consiste en trous ou excavations plus ou moins grandes à chacun des points qui doivent recevoir un arbre ; le second s'exécute au moyen de tranchées continues ouvertes à la place de chacune des lignes d'arbres.

Des trous.

On doit considérer la confection des trous sous quatre points de vue différents : leur forme, leurs dimen- sions, Vépoque on doit les exécuter, enfin la manière dont ils doivent être faits. Nous allons donc examiner successivement, et avec tous les détails que comporte l'importance d'un pareil sujet, ces quatre principaux points de la plantation.

Forme à donner aux trous.

Les trous destinés à la plantation des arbres peuvent être circulaires ou carrés. Sans attacher cependant une

2

26 CULTURE DU NOYER

grande importance à cette question, nous pensons qu'on devra donner la préférence à la forme circulaire, parce que l'arbre étant placé au centre, ses racines trouve- ront un espace égal à parcourir de tous les côtés, tandis qu'au milieu d'un trou carré, les racines qui se diri- geront perpendiculairement sur les côtés se heurteront plutôt contre la terre non remuée que celles qui pren- dront une direction diaiîonale.

"O^

Dimension des trous.

Les racines ayant constamment besoin de l'influence de l'air, tendent plus à se développer horizontalement que verticalement : par cette raison, les trous devront donc être plus larges que profonds. Cette largeur devra varier suivant que le sol sera plus ou moins fertile. En effet, plus il y aura de différence entre la fertilité de la pépinière et celle du nouveau terrain, plus on devra retarder le moment les racines des arbres seront obligées de s'engager dans la terre non remuée. On pourra au contraire diminuer l'étendue des trous lors- que le terrain à planter s'éloignera peu par sa fertilité de celui de la pépinière. Les deux limites extrêmes se- ront : pour les terrains médiocres, au moins 2 mètres de largeur, et pour les terrains les plus fertiles, 1 mè- tre. Il sera facile de prendre des largeurs intermé- diaires, selon que le sol se rapprochera plus ou moins de ces deux points extrêmes. Dans tous les cas, il n'y

DE LA PLANTATION 27

aura qu'avantage pour les arbres à étendre les limites que nous venons de poser, tandis qu'il y aurait de graves inconvénients à vouloir les restreindre. Il n'y a qu'une seule circonstance l'on puisse, sans inconvénients, faire des trous moindres d'un mètre de largeur : c'est lorsqu'on plante un sol qui a été défoncé uniformément sur toute son étendue, ou lorsqu'on plante la levée d'un fossé dont le sol a été aussi ameubli.

La profondeur des trous doit être moins considérable que leur largeur; elle devra varier en raison de la plus ou moins grande dose d'humidité que retient le sol. Plus le sol est exposé à la sécheresse, plus les arbres doivent être plantés profondément pour que leurs racines trouvent l'humidité qui leur est nécessaire. Dans les terrains humides, au contraire, les racines ont une ten- dance bien prononcée à se rapprocher de la surface, pour éviter l'humidité surabondante qui les empêche de recevoir l'influence de l'air.

Dans les terrains les plus secs, les trous ne devront pas avoir moins de 0"^ 80 de profondeur, et ne pas dé- passer 0"™ 35 dans les sols les plus humides.

De r époque Von doit faire les trous.

Jusqu'à ce jour, on semble n'avoir pas attaché assez d'importance à l'époque la plus convenable pour ouvrir les trous destinés à une plantation. Cette opération est généralement faite au moment même de la plantation.

28 CULTURE DU NOYER

Cette manière de procéder est vicieuse, et il y a, selon nous, tout avantage à faire ce travail quelques mois avant la plantation, et en voici la raison.

La couche de terre placée au-dessous de la surface, et qui est généralement peu propre à la végétation parce qu'elle n'a pas encore reçu l'influence fertilisante de l'air, se trouvera ainsi suffisamment aérée, lorsque viendra le. moment de la mise en terre des arbres, et sera surtout beaucoup plus meuble.

De la manière dont les trous doivent être faits.

Le terrain destiné à une plantation ayant été choisi, et le point que doit occuper chaque arbre ayant été dé- terminé, voici comment on devra procéder.

On prendra un bout de cordeau présentant en lon- gueur exactement le rayon de la circonférence du trou à ouvrir. On fixera à chaque extrémité une cheville poin- tue; on enfoncera l'une d'elles au point qui doit être occupé par la tige ; on tendra le cordeau, et l'on tracera avec l'autre cheville la circonférence du trou. Ceci fait, on pratiquera l'excavation en se servant de la pioche, de la bêche, ou de la pelle, suivant que la terre sera plus ou moins meuble. Il sera important de séparer les différentes couches du sol à mesure qu'on les ex- traira.

Ainsi on lèvera d'abord toute la couche superficielle, le gazon A (fig. 12), jusqu'à 0™ 11 de profondeur, et on

DE LA PLANTATION 29

la mettra à part sur l'un des côtés du trou. On atta- quera ensuite la couche inférieure B, dont on enlèvera une épaisseur de 0'» 20 environ, qu'on séparera de la couche A mise à part. La couche de terre G sera éga- lement enlevée et mise de côté ; puis le fond du trou E sera remué, afin de l'ouvrir à l'influence fertilisante de l'atmosphère.

Après avoir exécuté le trou, il sera bon de se pro- curer, pour les terrains légers et exposés à la séche- resse, des débris de démolition de mur en argile ; pour

Fig.'12, Trou préparé pour la plantation.

les sols exposés à une humidité surabondante, on pren- dra des mortiers, des plâtras concassés, des sables gra- veleux ou même de la marne délitée ; pour les sols précédents et pour tous les autres, ce seront des cu- rures de mares, d'étangs ou de fossés, exposées à l'air depuis une année, ou encore des gazons recueillis à l'avance et décomposés.

2.

30 CULTURE DU NOYER

On déposera au bord de chaque trou, en D et en F, environ 0^ 02 cubes de chacune de ces substances. L'argile forcera le terrain à retenir plus d'humidité ; les plâtras et mortiers diminueront au contraire la compa- cité du. sol, et faciliteront l'écoulement des eaux sura- bondantes; enfin les dernières substances améliore- ront la terre par les débris organiques qu'elles contien- nent. Après ces travaux, on abandonnera le trou jusqu'au moment de la plantation.

Des tranchées.

Le mode de préparation du sol au moyen de tran- chées consiste à ouvrir une tranchée continue à la place

Fig. 13. Tranchée de pianlation.

que doit occuper chaque ligne d'arbres. La profondeur et la largeur en sont déterminées par les circonstances que nous avons indiquées pour la dimension des trous. Voici comment on opère.

Soit une tranchée de 1^1 50 de large sur O"" 50 de profondeur à défoncer de A en B (fig. 13) ; on commen- cera par ouvrir la tranchée de C en I sur une longueur de 2 mètres. La terre qu'on en extraira sera portée à l'extrémité opposée elle sera déposée en trois tas dis-

DE LA PLANTATION 31

tincts, E F G, ainsi que nous l'avons recommandé pour les trous. Ceci fait, on continuera d'entamer la terre de la tranchée de C en D, sur une longueur d'un mètre, en commençant par la surface. Cette première couche bien pulvérisée sera placée de H en I, de manière à lui faire occuper la même étendue; l'ouvrier conservera ainsi au fond de la tranchée un espace suffisant pour travailler sans gêne. Le restant de la tranchée sera suc- cessivement placé au-dessus de la partie déplacée, jus- qu'à ce qu'on soit arrivé à la profondeur voulue. On reprendra alors une nouvelle tranchée de D en R pour la placer à côté de la première, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit arrivé à l'extrémité opposée ; puis on fer- mera la tranchée à l'aide de la terre apportée à ce point en commençant le travail. Il résulte de cette opération que toute la terre de la tranchée est remuée, pulvérisée, et surtout que les parties les plus fertiles du sol, celles de la surface, sont placées au fond de la tranchée, en contact avec les racines, tandis que la terre du fond, peu propre à la végétation, est ramenée à la surface, elle acquiert bientôt les qualités qui lui manquaient. Ce mode de préparation du sol est certainement pré- férable au premier, car il améliore une bien plus grande surface de terrain et rend plus vigoureuse la végétation des arbres ; mais aussi, la dépense en est beaucoup plus élevée.'

32 CULTURE DU NOYER

Préparation ou habillage des jeunes arbres.

Les jeunes noyers qu'on destine à la plantation doi- vent être arrachés de la pépinière à l'âge de cinq à six ans; ils ont alors acquis, ainsi que nous l'avons déjà dit au chapitre pépinière, une grosseur de 0^ 12 à O"^ 15 et une hauteur de 4 à 5 mètres, selon que le terrain leur était plus ou moins favorable. On devra les placer le plus tôt possible dans les trous qui leur sont destinés, et qui à cet effet, ainsi que nous l'avons déjà dit dans un chapitre spécial, auront être creusés au moins un mois à l'avance ; mais il sera préalablement utile de procéder à l'habillage des jeunes sujets, lequel habillage s'applique particulièrement aux racines et à la tige.

Habillage des racines.

Malgré tous les soins possibles, il y a toujours une certaine quantité de racines qui sont rompues ou des- séchées par l'impression de l'air. La préparation, dans ce cas, consiste à enlever avec un instrument bien tran- chant l'extrémité des racines rompues ou desséchées, et à couper celles qui ont été blessées, immédiatement au-dessus du point la plaie existe. Ces plaies se ci- catrisent et donnent naissance, sur leur périmètre et au-dessus d'elles, à de nombreuses racines qui viennent bientôt remplacer celles qu'on a tronquées. Si au con-

DE LA PLANTATION 33

traire on abandonnait à elles-mêmes les parties brisées ou desséchées, les plaies pourraient devenir cliancreu- ses, les racines resteraient dans un état maladif et ne seraient d'aucun secours pour l'arbre. Telles sont les seules suppressions à opérer sur les racines.

Habillage de la tige.

Si l'on supprime pour quelque temps une partie des racines, il devient indispensable d'enlever également une certaine étendue de la tige, afin de maintenir un équilibre parfait entre l'étendue respective de ces deux organes. Cette suppression, pour qu'elle ne devienne pas nuisible, doit être faite avec non moins de circons- pection que celle des racines, et être avec elle dans un rapport parfait. Les amputations devront donc porter uniquement sur les rameaux âgés d'un an, ou tout au plus sur les ramifications de deux ans (fig. 44).

On ne saurait trop s'élever contre l'usage vicieux et barbare qui consiste à couper entièrement la tête des arbres en les plantant, ce qui les fait ressembler après la plantation à autant de jalons. Cette pratique est on ne peut plus préjudiciable à tous les jeunes arbres en gé- néral, et au noyer en particulier; et cela pour deux rai- sons : la première, c'est qu'on prive l'arbre de tous les boutons qui auraient donné naissance aux bourgeons et aux feuilles indispensables pour développer les filets li- gneux et corticaux, et préparer le cambium qui cou-

34 CULTURE DU NOYER

court à raccroissement des racines; la seconde, c'est

que le bois du noyer étant très-tendre dans sa jeunesse, et ayant beaucoup de moelle, l'eau des pluies, en s'in- troduisant dans le trou qui s'est formé par suite de l'amputation de la tète de l'ar- bre, endommage bientôt cette partie, et finit par y développer une pourriture qui, en s'étendant par la suite, cause presque tou- jours la carie entière du tronc, ce qui diminue singulièrement la valeur de l'arbre.

Cependant, quelque vicieuse que soit cette pratique, elle de- vient souvent nécessaire lorsque, par l'effet de la gelée ou par tout autre accident, le noyer a perdu son bourgeon terminal; quand un pareil accident arrivera, on coupera avec une serpette par- faitement tranchante, et le plus près possible du premier bour- geon, la tige morte et flétrie, et l'on couvrira exacte- ment la plaie avec du mastic de Lhomme-Lefort, afin de la soustraire à l'influence fâcheuse de l'air ou de la pluie, et l'on préviendra ainsi pour plus tard les fâ- cheuses conséquences de la carie.

Fig. 14.

DE LA PLANTATION 35

Mise en terre des arbres.

La mise en terre des arbres exige aussi quelques soins particuliers : on devra prendre en considération, dans cette opération, l'orientation des arbres, la profon- deur à laquelle les racines doivent être enterrées, la manière dont les différentes couches de terre enlevées des trous doivent y être replacées.

Quoique l'orientation des jeunes plantations ne soit pas d'une nécessité rigoureuse, il sera bon néanmoins, lors- qu'on le pourra, de placer la tige des arbres dans une position semblable à celle qu'ils occupaient dans la pépinière. Le côté de la tige qui était exposé au midi se reconnaît facilement à une teinte plus grise de l'épi- derme.

En général, les racines doivent être enterrées à une profondeur telle, que d'une part elles puissent recevoir l'influence de l'air, et que de l'autre elles ne soient pas exposées à la sécheresse. Le degré de profondeur moyenne à l'aide duquel on remplit le mieux ces deux conditions est de 0"™ 08. Ainsi, le collet de la racine devra être placé de manière à ce que, lorsque la terre du trou sera complètement affaissée, il se trouve placé à 0^ 08 au-dessous de la surface du terrain. Néanmoins, cette profondeur devra beaucoup varier en raison de la nature du sol. Celle que nous donnons est pour un terrain de consistance moyenne ; mais dans un sol très-léger, très-

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CULTURE DU NOYER

perméable, et par conséquent très-exposé à la séche- resse, cette profondeur pourra être doublée. Au con- traire, dans les terrains compactes, humides, on devra

la diminuer de moitié.

Les trous ayant été creusés avec les soins que nous avons indiqués pour chaque sorte de terre, voici comment on devra les remplir. On commen- cera par ameublir le mieux possible l'excava- tion (G, fig. 15); on pul- vérisera la couche de terre qu'on a enlevée la première lors de la con- fection du trou; on en ré- pandra au fond, en F, une suffisante quantité, pour que, les racines y étant placées, l'arbre se G trouve convenablement en terre. Cette première

Fig. 15. Coupe verticale du trou après i ^ .

la plantation. couche de terre est re-

couverte par des gazons décomposés ou des vases de mares ou de fossés suffisam- ment aérées, E. Si l'on a pu se procurer ces matières, on les remplace par la couche de terrre qui était placée

DE LA PLANTATION 37

au-dessous des gazons. C'est avec cetle dernière couche qu'on mélange des terres sableuses ou argileuses, selon que le sol est trop compacte ou trop léger. Enfin, si le trou n'est pas suffisamment comblé, l'on y ajoute une partie de la troisième couche, celle du fond, D. Pendant cette opération, il est essentiel, à mesure que l'on jette la terre sur les racines, de donner à la tige de l'arbre un mouvement vertical de bas en haut, et de haut en bas, afin de bien faire pénétrer cette terre entre toutes les racines.

Il résulte de cette manière d'opérer que la terre la plus fertile, celle qui était à la surface du trou, le ga- zon enfin, se trouve immédiatement en contact avec les racines , et concourt puissamment à la reprise de l'arbre.

Les trous doivent être comblés à environ 0'" 16 au- dessus du niveau du terrain environnant, afin qu'en s'af- faissant, la terre ne s'abaisse pas au-dessous du niveau du sol . Dans les terrains exposés à la sécheresse, il sera bon de creuser un peu cette saillie en cuvette, afin qu'elle retienne mieux l'eau des pluies, et que celles-ci profi- tent aux racines.

Lorsque les arbres ont été plantés comme nous venons de l'indiquer, la coupe verticale du trou doit présenter la fig. 15.

Les diverses opérations que nous venons d'énumérer devront être faites par un temps bien sain, car nous savons ce qu'il nous en a coûté pour avoir voulu faire

3

3S CULTURE DU NOYER

une plantation de jeunes noyers par un temps trop hu- nnide; celte plantation a élé totalement perdue.

Comme le noyer s'élève beaucoup, et qu'il forme une laige tète, on ne devra pas mettre moins de 10 mètres d'intervalle entre eux dans les terrains les pi us médiocres, mais i2 à d5 mètres seront nécessaires dans les bons fonds.

Une fois plantés, les noyers exigent peu de soins : quelques labours dans le courant de l'hiver et du prin- temps, et le retranchement du bois mort. L'élagage pé- riodique des branches saines, comme on est dans l'u- sage de le fL\ire tous les cinq ou six ans dans quelques localités, est non seulement inutile, mais il pourrait leur devenir nuisible, s'il était fait sans précaution et prudence.

Des tuteurs.

Ce n'est pas assez d'avoir rempli dans la plantation toutes les conditions que nous venons d'indiquer; il faut encore donner aux jeunes arbres, pendant les premières années qui suivent leur plantation, des soins qui ont surtout pour objet de défendre leur lige de l'attaque des bestiaux ou du choc des instruments aratoires, en les entourant d'une sorte d'armure.

Dans les cours de fermes, et généralement dans toutes les pièces de terre plantées de jeunes arbres, ceux-ci sont exposés à être ébranlés et môme déracinés, non seulement par les orages, mais encore par la pression

DE LA PLANTATION 39

qu'exercent sur leur tige les besliaux qui viennent s'y frotter ; quelquefois même, ces animaux rongent l'écorce de la tige. C'est pour éviter ces factieux accidents qu'on a imaginé une foule de moyens plus ou moins ingénieux, et parmi lesquels nous avons remarqué le suivant, qui, sauf une plus longue expérience, parait remplir toutes les conditions désirables.

Le procédé dont nous voulons parler a été imaginé par M. Lelong, et mis par lui en pratique sur ses pro- priétés du pays de Bray (Seine Inférieure). Nous allons laisser M. Lelong nous faire lui- même la description de son procédé :

« Depuis bientôt deux ans, j'ai fait placer une douzaine de ces ar- mures dans un endroit resserré l'on réunit un troupeau de vaches pour les traire. Protégés par cette nouvelle défense, pas un arbre n'a été attaqué par les bestiaux, ou of- fensé par une autre cause.

« Voici ce dont se compose cette armure :

q: Quatre tringles en bois de chêne (A, fig. 16) de 1>" 67 de lon- gueur, 0'" 030 de largeur, 0" 015 d'épaisseur; chaque tringle est gar- nie de treize à quatorze pointes n^ 16, qui dépassent sou épaisseur d'environ 0«» 020.

Fijj. 10. Armure Ldonf, dej'loyce.

40 CULTURE DU NOYER

« Les quatre tringles sont assujetties entre elles, et tenues à une distance de 0"^ 10 l'une de l'autre par trois liens de fil de fer (B, fi g. 16).

« Les choses étant ainsi dispo- sées, j'ai formé, en courbant les quatre tringles, un cylindre creux laissant la saillie des pointes en de- hors, de manière à faire un héris- son. L'intérieur du cylindre est garni de deux bourrelets de vieux chanvre hors de service, G. L'un est attaché à l'extrémité supérieure, et l'autre à environ O"» 16 du bout inférieur.

« Pour terminer, j'ai placé le cylindre élastique autour de l'ar- bre, et je l'ai fermé au moyen des crochets que j'ai pratiqués aux ex- trémités en fils de fer (fig. 17).

« Cette armure peut s'établir pour le prix de 85 centimes à 1 franc au plus. »

Nous avons remarqué, sur les promenades publiques de Paris et des environs, un mode d'armature pour les arbres, qui a beaucoup d'analogie avec le précédent, et qui remplit parfaitement le même but. Cette armature a la forme d'un cylindre ayant à la base 0^ 70 de dia-

Fig. 17. Armure Lelong placée autour de l'arbre.

DE LA PLANTATION 41

mètre et au sommet 0™ 20 seulement; ce cylindre est formé de huit fortes lattes ayant 2 mètres de longueur, et reliées entre elles par sept cercles dont le diamètre aug- mente progressivement depuis 0™ 20jusqu'à0'n 70; une espèce de matelas en mousse est ajusté au cercle supé- rieur : il sert à maintenir l'arbre dans une position par- faitement verticale; il empêche ainsi les meurtrissures qui pourraient résulter du frottement de celui-ci contre les parties dures de l'armature. Cette armature est en- foncée en terre d'environ O"" 30, et y est en outre soH- dement fixée par quatre petits piquets auxquels quatre des grandes lattes sont attachées par de forts fils de fer. Afin d'augmenter la durée de cette armature, la par- tie de 0™ 30 fixée en terre est fortement goudronnée, et le surplus peint en vert à deux couches.

Cette armature coûte à la ville de Paris de 2 francs à 2 francs 25 pièce ; mais nous sommes convaincu qu'en les faisant faire chez soi, à la campagne, elle ne coûterait pas plus de 50 à 55 centimes pièce.

Quel que soit le mode d'armure qu'on aura adopté, on devra la maintenir jusqu'au moment ou la tige aura acquis assez de force pour ne pas être ébranlée par les bestiaux, et jusqu'à l'instant ou son écorce présentera assez de résistance pour ne plus être facilement entamée par eux. Les arbres remplissent ordinairement cette double condition de sept à dix ans après leur plantation.

Les jeunes arbres sont encore exposés à la négligence des charretiers, qui, en labourant ou en hersant, lais-

42 CULTURE DU NOYER

sent leurs instruments frapper contre les tiges, et leur font un tort considérable en déterminant des plaies sou- vent très-élendues. Le meilleur moyen à employer pour éviler cet accident, c'est de remplacer, au moment elh aura été délruite p^tr le temps j ce qui aura lieu or- dinairement au bout^ de sept à dix ans, l'armure dont nous venons de parler par une corde en paille roulée en spirale autour de la tige, depuis la base jusqu'à 1"™ 32 du sol. Pour les arbres de huit à dix ans, ce mode de défense ne présente plus les inconvénients qu'il offrirait s'ils étaient plus jeunes. En effet, l'écorce de la lige, ayant acquis beaucoup plus d'épaisseur et de dureté, ne développe plus ces bourgeons à la destruction desquels on doit veiller; les insectes nuisibles n'atta- quent plus cette partie de l'arbre, et la tige a acquis assez de force pour contraindre la spirale de paille à se prêter à son grossissement.

Cette dernière sorte de défense devra être entretenue pendant une quinzaine d'années environ ; après quoi l'écorce de l'arbre, plus épaisse et plus dure, pourra résister suffisamment au choc des instruments ara- toires.

DE LA GREFFE ET DE SON UTILITÉ.

L'utilité de la greffe est aujourd'hui trop bien ap- préciée, pour qu'on puisse douter qu'on ne s'empresse

DE LA GREFFE ET DE SON UTILITÉ 43

d*en propager généralement la pratique ; aussi, afin de bien faire apprécier celte utilité, et afin de faire connaître les causes qui déterminent les heureux effets qu'elle produit, allons-nous essayer de donner ici une défini- tion aussi complète que possible de la théorie de la greffe. Nous poserons donc tout d'abord cette question: Qu est-ce que la greffe'!

La greffe est une portion vivante d'un végétal qui, unie à un autre végétal qu'on nomme sujet, s'identifie avec lui, et y croît comme sur son pied-mère, lorsque l'analogie entre les individus ainsi rapprochés est suffi- sante. De cette définition il résulte donc que l'art de greffer a pour but de remplacer le tronc ou seulement les branches d'un arbre par le tronc ou les branches d\in autre arbre.

Voici maintenant comment s'explique la reprise de la greffe.

L'expérience a démontré que les bourgeons peuvent modifier la sève qui leur est fournie par des racines étrangères, de manière à la faire servir à leur accrois- sement. La greffe pourra donc vivre sur le sujet, toutes- les fois que la partie tronquée des vaisseaux de celui-ci, destinés à charrier les fluides séveurs de la racine aux feuilles, pourra être mise en contact irnujédiat avec la partie tronquée des vaisseaux séveurs de la greffe. Les orifices de ces vaisseaux se trouvant appliqués positive- ment les uns sur les autres, les sucs nourriciers du sujet arriveront dans la greffe sans rencontrer d'obs-

44 CULTURE DU NOYER

tacles. Bientôt les boutons de la greffe laisseront échap- per les premières feuilles; celles-ci transformeront en cambium les fluides séveurs fournis par le sujet, et les vaisseaux descendants, soit ligneux, soit corticaux, naî- tront de la base de chaque feuille, et passeront de la grefl^e dans le sujet en suivant la voie humide existant entre l'aubier et l'écorce ; enfin, une partie du cam- bium, dans son mouvement de descension, déposera en passant une quantité de matière oi'ganique suffisante pour souder les bords de la plaie, et la reprise de la greffe sera opérée.

Une des conditions importantes, pour la réussite de cette opération, est donc de faire coïncider parfaite- ment les vaisseaux séveurs du sujet avec ceux de la greffe. Comme ces vaisseaux sont placés dans les cou- ches d'aubier et les couches du liber les plus jeunes, il suffira, pour atteindre ce résultat, de bien mettre en contact ces deux couches danslagrelfe et dans le sujet. Il est encore une autre condition non moins essentielle à remplir : c'est de faire en sorte qu'il y ait une ana- logie suffisante entre le sujet et la greffe. Ainsi, on ne pourra greffer l'un sur l'autre que des variétés de la même espèce, ou des espèces du même genre. On ne réussirait pas à greffer le lilas sur l'orme, le chêne sur le charme, ou, comme on Fa prétendu, le rosier sur le houx ; car il ne suffit pas que les espèces et variétés que l'on greffe les unes sur les autres soient très-rap- prochées parleurs caractères botaniques; il faut encore

DE LA GREFFE ET DE SON UTILITÉ 45

qu'elles présentent un mode de végétation semblable, et surtout que leur végétation s'effectue à la même époque. Plus la différence sera sensible sous ce rapport, moins le succès de l'opération sera assuré. La greffe ne périra pas toujours, mais elle restera constamment languis- sante.

La greffe augmente la qualité des fruits et hâte l'époque de leur maturité. Voici comment.

Il résulte de la soudure de la greffe sur le sujet un désordre dans la direction des vaisseaux des couches d'aubier et d'écorce qui se développent vers ce point. Il s'en suit que la sève ascendante, traversant plus diffi- cilement cette partie de la tige, arrive plus lentement et en moins grande quantité à la fois dans la greffe, subit une élaboration plus complète dans les cellules des fruits, et que ceux-ci sont plus savoureux et mûrissent plus tôt.

La greffe avance de plusieurs années la fructifica- tion des arbres.

En voici la cause :

La sève, circulant plus lentement dans la greffe, y reçoit une préparation plus parfaite, et est plus tôt pro- pre au développement des fleurs et des fruits. Ce second avantage n'est pas sans importance ; il devient même très-utile dans certaines circonstances. Ainsi, il faut at- tendre dix ou onze ans avant de savoir si un jeune arbre fruitier qui offre dans la pépinière Tapparence d'une variété nouvelle donnera véritablement un fruit

46 CULTURE DU NOYER

nouveau, tandis qu'en coupant un rameau de ce jeune arbre, et en le greffant sur un vieux pied, la troisième année au plus tard, on peut juger du mérite de la nou- velle acquisition.

Enfin, à l'aide de la greffe, on peut faire croître dans un sol quelconque une espèce qui n'y viendrait pas franche de pied ; il suffit pour cela de la greffer sur une espèce voisine qui s'accommode de la nature de ce sol.

L'époque de la greffe, en ce qui concerne le noyer, est assez difficile à préciser, le noyer tardif n'entrant en sève qu'à la fin de mai, et quelquefois même dans les années froides et humides, dans les premiers jours de juin. Ce sera donc toujours ce premier mouvement de sève que Ton devra choisir, et qui précisera l'époque de la greffe.

La greffe se fait ordinairement dans la pépinière, sur de jeunes arbres âgés de deux ans, en plaçant la greffe au-dessus du collet de la racine ; le jet qu'elle produit est ensuite traité pour former une tige droite et élevée, comme l'est celle produite par le semis.

On greffe aussi des noyers âgés de quarante ans et même plus, aux mois de mai ou d'octobre. On coupe l'arbre à 3 ou 5 mètres au-dessus du tronc; il pousse alors pendant l'année un nombre considérable de nou- veaux jets, et au printemps de l'année suivante, on place sur ces nouveaux jets autant de greffes qu'on le désire.

La définition de la théorie de la greffe étant bien

INSTRUMENTS DE GREFFAGE Al

comprise, nous allons maintenant, avant d'entrer dans la discussion des deux modes de greffe les plus généra- lement employés pour le noyer, parler un peu des instruments et autres accessoires employés dans cette opération.

INSTRUMENTS DE GREFFAGE. Le principal est le greffoiy^ (fig. 18). C'est une sorte

Fig. 18. Greffuir.

de petit couteau dont la lame, longue de 0»» 05 à 0«n^07,

est un peu arrondie à son ex- trémité antérieure du côté tranchant. Au talon du man- che est implantée une spatule en buis, en ivoire ou en os. On doit éviter de la faire en métal, trop facilement oxida- ble, parce que, destinée à soulever l'écorce, elle alté- rerait facilement la sève.

On se sert en outre d'une serpette, instrument que tout Fig. lo. Ejohine.

48 CULTURE DU NOYER

le monde connaît, puis d'une égohine (fîg. 49), petite scie à main dont la lame est longue de 0'^ 18 à 0™ 20. Les dents sont disposées de manière à tracer une large voie à la lame. Pour atteindre plus sûrement ce résul- tat, le dos de cette lame A est beaucoup plus mince que le côté opposé B. Sans ce mode de construction, cet instrument, destiné à couper du bois vert, fonc- tionnerait difficilement. On doit être également muni d'un petit coin en bois dur, buis ou cormier, à l'aide duquel on maintient la fente entr'ouverte pendant l'o- pération.

Des ligatures.

Pendant tout le temps de la reprise, les greffes doi- vent être maintenues dans une position fixe sur le su- jet; on se sert pour cela de diverses ligatures. La laine grossièrement filée et peu tordue est la ligature qu'on doit préférer. Elle est très-élastique, et peut se prêter au grossissement du sujet, ce qui empêche les étran- glements de la tige. On emploie aussi des lanières d'é- corce ; mais elles sont moins élastiques et peuvent don- ner lieu à des étranglements. On peut néanmoins les préférer comme beaucoup plus économiques, lorsqu'il s'agit de ligaturer de grosses tiges.

Des onguents et mastics à greffer. ■» Une condition importante de réussite est de garantir

INSTRUMENTS DE GREFFAGE 49

de l'action de l'air les plaies occasionnées par la greffe. On se sert pour cela d'un certain nombre de subs- tances.

Les unes, connues sous le nom de mastic à greffer, ont pour base la résine ; les autres, désignées sous le nom d'onguent de saint Fiacre, se composent en grande partie de terre argileuse.

Les onguents de saisit Fiacre offrent l'inconvénient grave d'être facilement fendillés par la sécheresse, et prompteraent entraînés par l'action des pluies ; il en ré- sulte que la plaie n'est qu'imparfaitement abritée du contact de l'air. D'un autre côté, ils servent de refuge à certains insectes, et notamment aux j9wcero?îS lanigères, qui, se logeant entre cette sorte de couverture et l'écorce, font naître sur lagrefte des exostoses qui nuisent singu- lièrement au succès de l'opération.

î^éanmoins, comme l'onguent de saint Fiacre est ce qu'il y a de plus généralement employé, surtout à la campagne l'on peut se procurer en tout temps les matières nécessaires à sa confection, nous allons en donner la formule.

On pétrit avec un peu d'eau une partie de terre forte et une partie de bouse de vaclie, de manière à en faire une pâte bien consistante. 11 ne faut pas que la terre employée soit trop argileuse , car elle se crevasserait en séchant, et l'effet désiré serait manqué. Ce mélange, comme on voit, fort simple, et qu'on peut se procurer partout et en tout temps, nous paraît bien préférable

50 CULTURE DU NOYER

aux compositions plus compliquées qu^on emploie à sa place; c'est toujours lui que préfèrent les vieux prati- ciens.

La question d'économie à part, les mastics à greffer sont, selon nous, infiniment préférables à l'onguent de saint Fiacre, parce qu'ils recouvrent parfaitement et complètement les parties sur lesquelles on les a appli- qués, et qu'ils sont en quelque sorte inaltérables à Tair.

Nous en connaissons particulièrement deux espèces bien distinctes, l'une qui s'applique à chaud et l'autre à froid.

Voici la composition du premier :

Poix noire 28

Poix de Bourgogne. . 28

Cire jaune 10 ^ pour 100 parties en poids.

Suif 44

Cendres tamisées. . . 14

Dans la pratique, on ne pèse jamais ces ingrédients; l'habitude suffit pour évaluer à peu de chose près les doses; si la composition est trop épaisse, on y ajoute un peu de suif, et dans le cas contraire c'est un peu de ré- sine, de poix noire, etc. Non seulement les proportions des éléments de la cire à greffer peuvent varier, mais souvent on n'en admet qu'une partie; par exemple, on y met seulement de la poix noire ou blanche, avec un peu de cire jaune et de suif. Pour faire fondre le mé-

INSTRUMENTS DE GREFFAGE 51

lange, on se sert quelquefois d'une marmite en fonte que l'on pose sur un réchaud rempli de charbon allumé ou même sur un feu clair établi en plein air à l'aide de bois et de broussailles ramassées çà et ; mais ce pro- cédé qui est le plus ancien est généralement incommode; aussi est-il très-peu usité aujourd'hui, et tend-il à dis- paraître tout à fait pour faire place à la lampe portative à greffer, dont nous allor.s donner la description.

Fig. 20. Lampe à greffer.

C'est un petit cylindre en tôle de fer ou même en zinc, creux à l'intérieur, surmonté à la partie supérieure d'une cuvette en cuivre. Dans la partie inférieure, qui est vide, on place au-dessous de la cuvette une lampe (Hg. 20) dont la flamme, en contact avec le fond de la cuvette, fait fondre la matière qu'elle contient. Cette lampe est munie, à la partie supérieure d'une anse qui la rend commode à emporter avec soi lorsqu'on monte sur une échelle pour couvrir des greffes ou des plaies existant sur un arbre à diverses hauteurs ; c'est, en un

52 CULTURE DU NOYER

mot, un objet tout à fait indispensable à un pépinié- riste.

Afin d'en bien faire comprendre les détails, nous don- nons le dessin et la description de deux de ces lampes.

Dans la figure 20, toute la circonférence du corps principal est en tôle; on voit que la partie inférieure

Fig. 21. Lampes à greffer.

se ferme par une petite porte qui y est ajustée, et qui entre dans une petite agrafe fixée au corps principal de la lampe; trois petites ouvertures triangulaires, dont deux seulement sont visibles, servent à donner de l'air et alimenter la flamme de la lampe lorsque la porte est fermée ; une cuvette en cuivre, dont le sommet présente un petit rebord saillant qui repose sur l'extrémité du corps principal ; enfin, une anse qui sert à transporter l'instrument. A l'intérieur et sous la cuvette se trouve la petite lampe en fer blanc, que l'on voit distinctement dans les figures 21 et 21 his.

INSTRUMENTS DE GREFFAGE 53

La figure 21, à peu près semblable à la précédente quant à la forme, est entièrement en fer blanc; le corps principal est percé de trois trous dont deux seulement sont visibles; la porte en a été enlevée afin de laisser voir la lampe placée à l'intérieur. On voit également près du sommet Tanse à l'aide de laquelle on transporte Fins- trumenl. A Fextrémité du corps principal se trouve la cuvelte, comme dans la figure 20. Mais, afin d'en aug- menter la capacité, à partir du bord élargi qui repose sur le sommet du corps principal, cette cuvette se pro- longe vers le haut; elle est fermée à son sommet par un couvercle mobile, dont le centre est percé d'un trou par lequel on introduit un très-petit pin- ceau pour puiser la cire à greffer pj^ 21 /.«5. - Petu77ampe. renfermée dans la cuvette.

Chacun de ces deux modèles présente des avantages qui lui sont propres; le premier, .d'un prix un peu plus élevé, est plus solide, moins salissant, mais plus long à chauffer.

Le second modèle est moins solide, mais aussi moins cher, toute proportion gardée; il offre l'inconvénient d'être souvent rendu malpropre par la résine noire qui recouvre en partie sa surface; mais il a l'avantage de chauffer beaucoup plus promptement. Nous devons faire observer, quant à ce dernier modèle, qu'il faut éviter les soudures, qui peuvent fondre par l'action de la cha- leur quelquefois assez intense, et qu'il vaut mieux, au

54 CULTURE DU NOYER

risque d'augmenter tant soit peu la dépense, que les di- verses parties de l'appareil soient fixées par des rivets en fer.

Du mastic à froid.

Le mastic à froid inventé par M. Lhomme-Lefort est le plus généralement employé maintenant aux environs de Paris; nous ne pouvons en donner ici la composition, attendu que c'est le secret et la propriété de son inven- teur; nous allons seulement faire connaître quelles sont les qualités qu'on lui attribue, et quels sont aussi les renseignements que nous avons recueillis sur son emploi près de plusieurs des plus habiles jardiniers des environs de Paris.

Voici, en peu de mots, quelles sont les qualités qu'on lui attribue.

Le mastic Lliomme-Lefort est une pâte liante, très- douce, facile à étendre avec une petite spatule de bois ; il adhère parfaitement au sujet, lors même qu'il y a exsudation de la sève, ou qu'elle est mouillée par la plaie ou la vapeur des serres à multiplication; on peut donc l'appliquer par un temps pluvieux et sur des su- jets imbibés d'humidité. La consistance en est assez molle pour n'avoir pas à craindre d'ébranler la greffe.

Ce mastic durcit facilement dès qu'il est étalé ou exposé à l'air, plus rapidement lorsqu'on le plonge dans l'eau, sans le détacher du bjis sur lequel il est appliqué.

INSTRUMENTS DE GREFFAGE 55

L'action du soleil ne le fait pas fondre; il peut supporter sous cloche une température de 55 degrés centigrades sans éprouver de ramollissement. La grande supériorité de ce mastic sur les cires à chaud est de conserver, en durcissant, un certain degré d'élasticité qui lui per- met de se détendre sans se fendre, au fur et à mesure de l'accroissement du sujet et de la greffe.

Avec le mastic Lhomme-Lefort, on opère seul, sans précipitation, en tout temps et à tout moment, étant toujours prêt à être employé sans préparation ; privé d'air, ce mastic se conserve indéfiniment, sans perdre aucune de ses propriétés.

Voici maintenant, sur son emploi, l'opinion d'un des plus habiles jardiniers des environs de Paris, que nous avons consulté à cet égard:

« Nous avons, nous dit-il, essayé ce mastic, et nous pouvons vous affirmer qu'il réunit les conditions désirées sous le rapport de ses propriétés; mais nous n'en pou- vons dire autant sur son emploi; il offre quelques lé- gers inconvénients que nous devons vous signaler.

« En premier lieu, il oblige l'opérateur à se friction- ner les mains avec un corps gras quelconque, afin que le mastic n'y adhère pas; en second lieu, son emploi est beaucoup moins expédilif que celui de la cire à greffer ordinaire, car il faut manier le mastic et le pé- trir, afin de le rendre assez mou pour qu'il puisse s'ap- pliquer esnclement sur les plaies ou les ouvertures qui peuvent exister entre la greffe et le sujet. Un autre in-

56 CULTURE DU NOYER

convénient de cette composition, c'est de ne pouvoir être employée pour des greffes minces et fragiles, qui pour- raient être rompues par son application. Mais vous le savez, monsieur, il n'y a rien de parfait; et si ce mastic offre les inconvénients que nous venons de vous signa- ler, il offre aussi des avantages qui ne doivent pas être .passés sous silence. Si l'on a, par exemple, quelques su- jets à greffer à une grande distance de la maison, il est toujours incommode d'emporter avec soi un réchaud, du charbon, ou même la lampe à greffer ; rien n'est plus facile, au contraire, que d'emporter un morceau de mastic dans sa poche, en ayant soin de le rouler dans un corps pulvérulent très -divisé et sec, tel que de la fa- rine, de la fécule, du sable ou même de la poussière, et de l'envelopper ensuite dans un morceau de papier; sans ces précautions, la chaleur du corps le ferait fon- dre et adhérer fortement aux habits. Ce mastic pouvant s'appliquer à froid, son emploi éloigne tout risque de brûler les tissus, ce qui peut arriver lorsqu'on se sert de cire à greffer un peu trop chaude. Un dernier avan- tage, que nous avons constaté, c'est qu'il peut également être employé à chaud; placé sur le feu, il se liquéfie promptement, et devient alors d'un emploi aussi facile que la cire à greffer ordinaire; mais, après avoir été fondu, il ne peut être de nouveau employé à froid, probablement parce que celui de ses éléments qui le rendait malléable s'est évaporé par la liquéfaction. 3) Ce mastic se vend dans des boîtes de fer blanc du

MODES DE GREFFE 57

prix de 50 centimes, 1 franc, 2 francs et au-dessus, suivant la capacité, prises à Paris, aux dépôts qui en ont été faits chez tous les principaux grainetiers fleuristes, et chez son inventeur, à Belleville, Paris.

MODES DE GREFFE.

Deux manières de grefl'er sont le plus généralement pratiquées pour le noyer : ce sont la greffe en écusson et la greffe en flûte. Nous allons définir les deux; mais nous devons dire tout d'abord que la grefl'e en flûte est celle qui est le plus en usage.

Greffe yar gemma en écusson.

On donne le nom d' écusson à une plaque d'écorce sur laquelle se trouve un œil ou bou- ton; cette plaque rappelle, par sa for- me, les écussons d'armoirie (A, fig. 22). Ces grefî'es sont particulièrement em- ployées pour de jeunes sujets âgés d'un à cinq ans, et présentant une écorce mince, lisse et tendre.

La grefte en écusson ne peut être „. ^^ ^^

^ ^ Fig. 22. Ecusson,

pratiquée que lorsque les arbres sont

en sève, afin que l'écorce du sujet puisse être facile-

58 CULTURE DU NOYER

ment détachée de Vaubier. On choisit à cet effet le mois de mai, et pUis souvent le moment de la sève d'août.

On prend sur les arbres qu'on veut multiplier au moyen de cette greffe des bourgeons dont l'aisselle des feuilles offre des yeux bien constitués; s'ils ne le sont pas suffisamment, on pince l'extrémité herbacée de CCS bourgeons pour faire refluer la sève vers la base. Au bout d'une douzaine de jours, les yeux ont atteint un dé- veloppement suffisant, et l'on détache le bourgeon de son pied-mère. Aussitôt après, on supprime les feuilles de ces bourgeons, en ne réservant qu'un centimètre de leur pétiole (C, fig. 22). Cette petite queue, qui reste attachée au-dessous de chaque œil, sert à le tenir entre les doigts, et à le placer facilement dans l'incision. Les bourgeons ainsi dépouillés de leurs feuilles sont en- veloppés de mousse humide, si les greffes doivent n'être posées qu'un jour ou deux après leur séparation du pied' mère. Lorsqu'on a beaucoup d'ccussons à poser dans la même journée, on place tous les bourgeons dans un vase rempli d'eau, tenu constamment à l'ombre, et d'où on ne les relire que les uns après les autres, et lorsqu'on a épuisé tous les yeux que ciiacun d'eux peut fournir.

L'incision destinée à recevoir les yeux doit pré- senter lu forme d'un T et pénétrer jusqu'à l'aubier. On écarte ensuite par le haut, avec la spatule du greHoir, les deux lèvres de Fécorce qui est ainsi préparée pour recevoir l'écusson (B, lig. 23 et 23 bis).

MODES DE GREFFE 59

Uécusson est levé de manière à conserver au-des- sous de l'œil l'amas de tissu cellulaire qui s'y trouve. Si l'œil était vide, il ne faudrait pas l'employer, car il ne se souderait pas avec le sujet {d^^. 24, R).

L'écusson étant posé, les lèvres et l'écorce du sujet sont rapprochées par dessus ù laide d'une ligature, de manière à ce que les parlies ne laissent aucun vide entre elles et surtout que la base de l'œil soit bien ap-

Fif. 23. Incision prC|araioiie.

Fig, 23 bs. Greffe Fij. 21. Ecusson. prciiai'ce.

puyée sur l'aubier du sujet; l'opération est alors terminée (ni-. 25, E).

Pour que les écussons placés lors de la première sève, vers le mois de mai, se développent immédiatement après leur soudure avec le sujet, on coupe la tête ou les branches du sujet à 0^' 03 ou 0"' 04 du point les écussons sont posés, et cela immédiatement après Vo- péralion de la greffe.

60

CULTURE DU NOYER

Les écussons posés lors de la sève d'août ne devant végéter qu'au printemps, on ne pratique Va.mputa- tion de la tête ou des hra)iches du sujet qu'au prin- temps qui suit l'opération. Si on coupait la tête du sujet immédiatement après la pose de l'écusson, celui-

Fig. 25. Greffe ligaturée.

Fig. 26. Tuteur d'écusson.

ci se développerait avant l'hiver; mais le bourgeon, n'ayant pas le temps de s'aoûter suffisamment, serait exposé à périr, ou au moins à souffrir beaucoup.

Lorsque les écussons commencent à végéter, ils ont besoin d'être défendus contre la violence des vents, qui, sans cela, les détacheraient du sujet. On y arrive à l'aide

MODES DE GREFFE 61

d'un petit support (A, fîg. 26) fixé sur la tige à l'aide de deux liens, et la dépassant de 0"^ 30 environ. Dès que le bourgeon de l'écusson a atteint une longueur de 0^ 15 à O^i^O, on commence à l'attacher sur ce support.

Les sujets étant presque toujours étêtés, il en résulte le développement de nombreux bourgeons sur la tige. Pour que ces bourgeons n'absorbent pas toute la sève des racines au détriment de la greffe, on fait disparaître tous ces bourgeons. Enfin, le sommet (D^ fîg. 26) de la tige primitive du sujet est coupé pendant l'hiver qui suit le développement de l'écusson, et cela en B, im- médiatement au-dessus du point celui-ci a été placé.

Les greffes par gemma se font à œil poussant ou à œil dormant; ces expressions indiquent le mode de végétation de l'œil, qui dans le premier cas commence à devenir un bourgeon, puis un rameau, dans le cou- rant de la saison il est greffé ; et dans le second cas, reste engourdi jusqu'au printemps de l'année suivante, bien que la greffe ait repris et que l'écusson soit soudé au sujet.

Greffe en écusson à œil dormant.

Placer l'écusson de la manière ordinaire (fîg. 24 his), mais à la sève d'août. Ne supprimer la tête du sujet qu'au printemps suivant, quand l'œil qui est resté en- gourdi jusqu'alors entre en végétation.

62 CULTURE DU NOYER

Greffe en écusson à œil poussant.

L'opération de cette greffe est la même que la précé- dente; seulement, on devra poser l'écussoii vers le mois de mai, puis couper immédiatement la tète du sujet. Quoique cette seconde greffe fasse gagner une année sur la précédente, il sera généralement préférable d'avoir recours à la première. En effet, la greffe à œil poussant ne commençant guère à se développer que vers le mi- lieu de Télé, n'est pas suffisamment aoûtée avant les froids de l'hiver, et périt souvent. D'un autre côté, comme on est obligé de couper la tète du sujet pour pratiquer celte greffe, si elle ne réussit pas, le sujet e^t à peu près perdu; tandis que dans la greffe à œil dor- mant, la tète du sujet n'étant tranchée qu'après la re- prise, il est permis de recommencer l'opération si elle n'a pas réussi d'abord. Ces deux greffes sont d'une exécution facile, expéditive, et ne demandent pas, de la part de celui qui les fait, une grande habilelé.

Greffe en sifflet ou en flûte.

Si nous avons dit que l'opération de la greffe en écus- son fût facile, l'organisation du boulon du noyer ne nous permet pas de pouvoir dire qu'il en soit ainsi de la greffe en flûte; aussi, avant d'entrer dans une défini- tion pratique de celte greffe, et pour en bien faire com- prendre les difûcullés d'exécution, croyons-nous devoir

MODES DE GREFFE

63

donner tout d'abord une définition aussi exacte que pos- sible de cette organisation.

Le princ'pal bouton (A, fig. 27) est accompagné d'un second, B, placé au-dessous; la nature, toujours pré- voyante, l'a destiné à remplacer le premier, dans le cas, il viendrait à périr. L'un et l'aulre sont implantés sur une petite éminence ligneuse qui blesse les libres intérieu- res do l'écorce lorsqu'on la fait tourner. Le support de la feuille, qui est triangulaire et très-large (B, fig. 27), tient également à trois émi nonces ligneuses, beaucoup plus pe- tites, mais qui blessent aussi l'écorce lorsqu'elle tourne; et plus les boutons sont éloignés

du gros bout de Vœuvre, plus fîç. 27. Bouton do noyer pour la , , . 1. . li grcllu cil flùio.

les emmenées ligneuses sont **

saillantes, de sorte qu'il est impossible de décoller les

boutons de la pointe.

On sent déjà qu'en faisant tourner l'écorce, il faut prendre des précaulions pour que les rudiments du bouton ne soient pas déchirés; aussitôt que, par l'effet de la main, l'écorce a cédé, il faut s'arrêter.

Quant on vei.it opérer, on prend la branche destinée à fournir Vœuvre; on la coupe au-dessus des huit à dix

64 CULTURE DU NOYER

boutons inférieurs, qui sont les seuls qui peuvent se dé- coller ; on détache l'écorce du petit bout, en la levant en lanières, afin de faciliter le décollement. En tenant fer- mement le gros bout de la main gauche, on donne de la main droite un petit détour, qui ne manque presque jamais de faire céder l'écorce; on prend ensuite un peu plus bas, et ainsi de suite jusqu'au gros bout.

Pour que le bouton qui se trouve dans la main droite ne soit pas enlevé en donnant le détour, il faut avoir soin de le placer entre deux doigts.

Mais si, malgré toutes ces précautions, le bouton se trouve déchiré, il pleure, c'est-à-dire que la sève passe à travers l'ouverture qu'a produite le déchirement ; alors il ne doit pas être employé : le bouton secondaire ne peut même pas réussir, parce que la sève continuerait à passer par l'ouverture.

Quand l'écorce est décollée, on la coupe circulaire - ment à un travers de doigt au-dessus du bouton et au- tant au-dessous, ni plus ni moins : si la flûte était plus longue, la sève aurait peine à l'animer ; si elle était plus courte, elle ne contiendrait pas tous les rudiments du bouton, et serait trop exposé 2 à être détachée par le haut.

On cherche sur le sujet qu'on veut greffer une bran- che qui soit de la grosseur convenable ; il faut la prendre dans une partie exempte de nœuds, autant qu'il est possible, et qui paraisse aussi grosse que la flûte ; un œil exercé ne s'y trompe jamais. On coupe horizonta-

MODES DE GHEFFE 65

lement la branche dans cette partie, dont on enlève l'é- corce en petites lanières ; on tient cette branche cour- bée avec la main gauche, et avec la droite on insinue la flûte, et on la pousse jusqu'à ce qu'elle force assez pour que le germe intérieur touche exactement le bois ; et comme ce germe se trouve au fond du petit enfon- cement formé par l'éminence ligneuse dont nous avons parlé, il faut forcer considérablement la flûte. Son écorce est épaisse et ferme ; elle prête beau- coup, mais il arrive quelquefois qu'elle se déchire : alors le mal est sans re- mède, et il faut employer une autre flûte.

Avant de tirer une seconde flûte, il faut, avec la serpette, couper les petites éminences ligneuses du bou- ton déjà enlevé; autrement elles les feraient fendre au passage. Il arrive quelquefois qu'on est obligé d'enfon- cer la flûte au-dessous du point au- quel on croyait qu'elle s'arrêterait, et qu'il se trouve des nœuds qui s'opposent à son passage : il faut les couper proprement et ne jamais mettre le bouton sur la partie coupée.

La flûte du noyer étant, comme nous l'avons déjà dit, très-épaisse, elle chasse l'écorce du sujet, et celle- ci, par réaction, ferait remonter la flûte, si on ne l'ar-

F\g. 28. Greffe en flûte.

4.

66 CULTURE DU NOYER

rêtait pas. Les greffeurs font usage d'une méthode bien simple, et qui opère conslammen!: l'effet désiré : lors- que la flûte est au point convenable, ils l'y retiennent avec la main gauche, et font avec la serpette qu'ils tien- nent de l'autre main une incision horizontale dans le bois du sujet, immédiatement au-dessus de la flûte; ils lèvent un peu de bois, ce qui fait un arrêt; ils en font autant dans le côté opposé. Il n'est plus possible alors que la flûte remonte ; chacun de ces arrêts fait à peu près comme le ressort qui empêche un parapluie de se fermer.

On racle tout de suite le bois qui est au-dessus de la flûte, pour en rabattre les pellicules sur la coupe supérieure de la flûte; par ce moyen, l'air et la pluie ne peuvent pénétrer. On doit avoir soin de couper le bourgeon inférieur.

Ainsi se termine l'opération de la greffe en flûte. Elle ne présente pas autant de difficultés qu'on pourrait le croire au premier abord, et il suffît de l'avoir vu faire une fois pour êl;re au courant ; elle est si facile , dans des mains exercées, qu'un greffeur peut, sans se gêner, poser cent flûtes par jour et même plus.

RAJEUNISSEMENT DES VIEUX ARBRES

67

DU RAJEUNISSEMENT DES VIEUX ARBRES PAR L'ÉLAGAGE DES BRANCHES.

Il arrive parfois que dans des plantations de noyers centenaires, il se rencontre des arbres qui se couron- nent, et dont l'extrémité des branches se dessèche ; cet

Fig. 29. Rajeunissemenl des vieux arbres,

état de dépérissement a rendu ces branches tellement faibles, qu'elles se brisent au moindre ouragan, et les récolles ne font alors que diminuer annuellement. Si les troncs ne sont pas attaqués par la carie, et qu'ils soient encore propres à faire de l'ouvrage, si l'on tient

68 CULTURE DU NOYER

enfin à leur valeur, c'est le moment de les exploiter. Mais si l'on attache plus d'importance aux fruits, com- me il est toujours pénible aux propriétaires de détruire des arbres dont il faut attendre si longtemps les pro- duits, nous ne pouvons trop leur conseiller, pour parer à cet état de choses fâcheux, l'élagage des plus grosses branches : cet élagage se fait en hiver. On coupe ces branches à environ 1 mètre du tronc ; on mastique les plaies avec soin, et au printemps suivant, on est étonné de voir ces vieux patriarches de l'arboriculture pousser des jets nombreux et vigoureux, et d'en obtenir, au bout de peu d'années, des produits abondants. Ces ar- bres ainsi rajeunis peuvent durer encore fort long- temps, et permettre d'attendre leur renouvellement par de jeunes plantations.

MALADIES DU NOYER.

Le noyer, comme tout ce qui a vie dans la nature, est sujet à des maladies, des infirmités ; mais elles sont peu nombreuses, et en mettant de côté les insectes et autres animaux qui sont toujours plus ou moins nuisi- bles aux plantations en général, on peut les réduire à trois principales, qui sont :

1" Un état de langueur et de déjjérissement ; des ulcères; 3" la carie.

MALADIES DU NOYER 69

Nous allons examiner successivement ces trois ma- ladies, et nous indiquerons en même temps les moyens préventifs et curatifs que nous croyons les plus efficaces pour les combattre avantageusement.

. I. État de langueur et de dépérissement.

Cet état n'est pas une maladie proprement dite, car aucun des organes essentiels à la vie du sujet n'est profondément atteint ; seidement, chez lui, le malaise est général, et si on ne remédie pas promptement à cet état de choses, il peut devenir plus grave, et le sujet périr.

On voit souvent de jeunes plantations de noyers, rongées par une mousse jaunâtre qui recouvre le tronc dans toute sa longueur ; la vie semble s'être arrêtée chez le jeune arbre, qui se couronne, dépérit de plus en plus, jusqu'à ce qu'il soit complètement mort, ce qui ne tarde pas beaucoup.

Cet état maladif a presque toujours pour cause un sol trop pauvre, et par conséquent insuffisance de nour- riture, une trop grande humidité, et enfin un défaut complet de culture et de soins.

Le remède le plus efficace que l'on puisse employer contre cet état de choses est donc tout tracé : il consiste tout d'abord à gratter énergiquement l'arbre malade, afin de le débarrasser de cette lèpre qui le ronge. On se sert avec succès, pour cette opération, d'une sorte

70 CULTURE DU NOYER

de plane (fig. 30) peu Irarichante, et avec laquelle on gralte la tige et les grosses branches. Celte opération est faite vers la fin de Thiver, et de telle sorte que toute Técorce desséchée soit enlevée sans altérer les parties vivantes; mais comme cette lèpj'e n'est que l'effe!, il faut aussi détruire la cause, c'est-à-dire amélioier Us qualités du sol, l'assainir, s'il est trop humide, dé- chausser l'arbre, remplir le trou de fumier frais cl substantiel, lui donner enfin de fré- quents labours. Avec ces simples soins, on verra bientôt le malade se dépouiller de lui- même de celte lèpre qui le ronge, son écorce redevenir vivace^ et de nombreux et vigoureux jets annoncer que la vie circule en lui à nouveau.

II. Des ulcères.

Toutes les fois qu'une plaie faite à un arbre pénètre jusqu'au corps ligneux et le laisse exposé à l'influence de l'air, l'humidité atmosphérique et l'eau des pluies altè- rent les couches extérieures de l'aubier, et déterminent Técoulement d'un liquide de couleur brune et d'une grande âcreté. Cet écoulement empêche même la for- mation des bourrelets sur les bords de la plaie , de sorte qu'au lieu de diminuer, l'écoulement de la plaie s'accroîl sans Cfsse, en altérant progressivement Técorce environnante et le corps ligneux ; cette plaie peut dé-

MALADIES DU NOYKR 71

terminer la mort de l'arbre si Ton n'y porte remède. C'est à celte maladie qu'on donne le nom de gouttière ou ulcère. Les ulcères se manifestent d'autant plus fa- cilement que les plaies présentent une surface moins unie, et que cette surface, en s'éloignant davantage de la ligne verticale, permet à l'éau des pluies d'y séjourner plus facile- ment.

Le remède le plus efficace à empk-yer dans cette circonstance est le suivant. On enlève d'abord, et cela jusqu'au vif, en se servant de la plane (fig. 30), toute la partie de l'écorce qui est altérée, ainsi que le bois décomposé ou déchiré, afin ^i^^ , qu'il en résulte une plaie bien nette ; puis, après avoir laissé cette plaie exposée à l'air un jour ou deux, pour qu'elle se dessèche, on la recouvre complètement d'un des mastics à greffer dont nous avons parlé à l'article greffe ; la plaie présente alors la forme do la %.31.

i?. 31. Ulcère t-nlevô. A, coiicliiî d'on- guuiit.

m.

De la carie.

Lorsque les ulcères sont longtemps abandonnés à eux-mêmes, ils donnent lieu à une autre maladie. Le corps ligneux, mis à nu, restant exposé à l'infiuençe de l'air qui le décarbonise et à celle de l'humidité des pluies, finit par se décomposer et se corrompt ; cet accident se

72 CULTURE DU NOYER

nomme carie. Si celte maladie fait des progrès, tout le corps ligneux du tronc ou de la branche elle se mani- feste se décompose de proche en proche , de telle sorte qu'au bout d'un certain nombre d'années l'arbre devient entièrement creux, et que sa durée est sensiblement di- minuée. Lorsque la carie est arrivée à ce point, il n'est plus possible de réparer les dégâts qu'elle a occasionnés. On peut cependant, si l'on tient à conserver l'arbre at- taqué, prolonger son existence en empêchant l'action de l'air et de l'humidité sur les parois de la cavité qui s'est produite.

A cet effet, on comble cette cavité jusqu'à l'orifice avec du mortier ordinaire de chaux et sable. Arrivé à ce point, on ferme complètement l'ouverture, de ma- nière à ce que l'eau des pluies ne puisse pas y séjour- ner.

On emploie à cet effet Vonguent de Forsyth, dont voici la composition :

Bouse de vache 500 grammes.

Plâtre 250

Gendres de bois 250

Sable siliceux 30

Ces trois dernières substances étant parfaitement cri- blées, on y ajoute la bouse de vache, de manière à en former une sorte de pâte; avant d'appliquer cet onguent, on aura enlever toutes les parties d'écorce et de bois desséchées, de manière à ce que les bords de la plaie.

MALADIES DU NOYER 73

mis au vif, puissent développer des bourrelets qui pour- ront fermer l'ouverture.

Quoique le procédé que nous venons d'indiquer puisse paraître bizarre, nous affirmons qu'il est employé avec beaucoup de succès pour des arbres à fruit; nous croyons donc qu'on peut l'étendre avec avantage aux arbres forestiers dont on voudrait, par un motif quelcon- que, prolonger la durée.

La carie peut avoir encore une tout autre cause : c'est la suppression du bourgeon terminal. Quand un semblable accident se produit, soit accidentellement, soit volontairement, voici ce qui se passe : la partie tranchée semble s'être desséchée et guérie; plusieurs bourgeons ayant surgi autour de cette partie du sujet, forment plus tard de fortes branches, faisant l'effet d'une large cu- vette où l'eau des pluies se rassemble ; la plaie que l'on croyait complètement cicatrisée ne l'était pas, et ali- mentée par ce réservoir incessant d'eaux corrompues, la carie a gagné de proche en proche tout l'intérieur du tronc, et quand il arrive que l'on veuille exploiter un de ces troncs que l'on croyait sain, on est étonné de le trouver creux, et n'ayant pour toute enveloppe qu'un peu d'aubier et d'écorce.

Il arrive très-souvent aussi que la carie se fait jour de l'intérieur à l'extérieur ; alors la destruction est com- plète, le tronc est entièrement rongé longitudinalement, et il ne reste, comme support de sa vaste tête, que des lambeaux d'aubier et d'écorce, toute la partie solide de

74 CULTURE DU NOYER

rintérieur ayant disparu, et l'on est étonné de voir ces arbres donner encore de bons produits.

A un tel état de cboses, il n'y a aucun remède ; seu- lement nous pouvons prévenir ces accidi^nts, en enga- geant ceux qui planteraient des noyej's à ne jamais les étèler, à moins qu'ils n'y soient forcés par nn accident qui aura privé l'arbre de son bour-^eon terminal. Lors- qu'une de ces circonstances malheureuses se présen- ter,;, on coupera bien net, et avec une serpette bien tranchante, la partie malade ; on recouvrira la plaie d'une bonne couche de mastic à greffer, et Ton empê- chera par ce moyen simple la carie de se déclarer.

M. Payen indique encore le moyen suivant pour gué- rir les arbres et arbrisseaux malades.

Dès que l'on s'aperçoit que les feuilles jaunissent et que !a végétation laisse à désirer, il faut bêcher la terre à 1"^ 50 autour de l'arbre, pour que les racines malades puissent recevoir la composition suivante :

Sulfate de fer pulvérisé D^nôsr.

Sel commun 1 500

Alun de roche » 525

Total 2k250sr.

On délaye dans 40 litres d'eau jusqu'à ce que le tout soit fondu, puis on arrose l'arbre près du tronc deux fois le premier jour, et on répète l'opération le lende- main.

RÉCOLTE DES NOIX 73

Cette composition donne de la vigueur aux racines non malades, corrode celles qui sont attaquées, et rend la force à celles qui ne le sont pas entièrement.

On emploie cette composition pour toutes espèces d'arbres ; le succès est toujours certain.

Telles sont les seules maladies qui aient une influence fâcheuse sur la vie des noyers, et qu'il sera facile de prévenir et guérir.

RECOLTE DES NOIX.

«

La méthode la plus généralement suivie, sinon la meil- leure, est celle qui consiste à abattre les noix en frap- pant à coups de gaules, sur les extrémités des branches elles sont placées. Cette méthode a, selon nous, le grave inconvénient de briser et d'endommager un grand nombre de bourgeons, et partant, de toujours nuire à la récolte suivante ; mais la disposition du fruit, presque toujours à l'extérieur de l'arbre et à l'extrémité de branches trop faibles pour supporter le poids d'un homme, enfin les dépenses énormes qu'entraînerait une cueillette à la main, en supposant même qu'elle fut possible, ne permettent pas, malgré tout le vice de la méthode, d'agir autrement.

Voici du reste comment on procède :

L'époque de cette opération n'est pas rigoureusement

76 CULTURE DU NOYER

invariable dans le même canton ; elle est soumise à la température de la saison, et plus encore aux espèces plus ou moins tardives ; cependant, l'époque à peu près générale est depuis le milieu de septembre jusqu'à la fin d'octobre.

On reconnaît que le fruit est mûr lorsque son trou se crevasse et se détache facilement de la coque. Alors des hommes armés de perches de charme, longues, minces et flexibles, frappent successivement, et suivent toutes les branches du bas de la partie à laquelle ils peuvent atteindre. Après ce premier battage, ces mêmes hommes montent sur l'arbre, gagnent de branche en branche, et les gaulent successivement, jusqu'à ce que tout l'arbre soit dépouillé de ses fruits.

Lorsque toutes les noix d'un arbre sont abattues, on passe à l'arbre voisin, sur lequel on renouvelle cette opération ; pendant ce temps, des femmes, des enfants ou vieillards, sont occupés à ramasser les noix qui sont à terre et à les mettre dans des sacs ; en \idant les noix dans ces sacs, on aura la précaution de séparer celles qui sont détachées de leur hrou d'avec celles qui lui restent encore attachées; cette précaution évitera la peine de recommencer cette opération à la ferme.

Il est cependant une autre méthode qne l'on pourrait employer, si la plantation était faite en closerie, et si les propriétés étaient mieux respectées qu'elles ne le sont généralement : elle consisterait à nettoyer le sol des herbes et épines qui peuvent s'y trouver, et à en-

RÉCOLTE DES NOIX 77

voyer des gens recueillir deux fois par jour, sous ces mêmes arbres, les noix qu'une complète maturité, que le dessèchement du pédoncule, ou que les vents, qui sont assez fréquents à cette époque de l'année, ont pu faire tomber. Il serait alors inutile d'abattre les noix ; l'on épargnerait ainsi aux rameaux de nombreuses meur- trissures, et la récolte de l'année suivante serait meil- leure.

Gomme cette méthode, que nous ne faisons qu'indi- quer, n'est pas non plus sans inconvénient, nous enga- geons les personnes qui voudraient l'essayer à agir prudemment.

Nouveau mode d'abattage des noix.

«

Nous croyons enfin devoir faire connaître ici un nou- veau mode d'abattage des noix, imaginé et proposé par M. Montant, architecte à Oléron-Sainte-Marie, et qu'il décrit en ces termes :

« La gravure ci -jointe (fig. 32), représente la forme la plus habituelle de la tète des arbres durant leur période de croissance, c'est-à-dire à l'époque ils sont le plus productifs, et l'on peut diviser en trois parties la masse de leur branchage.

(( De A en B, la couronne, dont les fruits mûris- sent prématurément, et qui sont presque toujours tom- bés à l'époque de la récolte générale ;

c( De B en G, les flancs, dont la surface garnie de

78 CULTURE DU NOYER

brindilles est la partie la plus abondamment fournie en fruits, comme aussi elle est la plus difficile et la plus périlleuse pour l'exploitation, soit à cause de dis-

Fig. 32. Nouveau mode d'abattage des noix.

tancê qui la sépare de la tige ou des branches mères, soit à cause de son élévation au-dessus du sol ; « Enfin, de C en D, les retombées, formées par

RÉCOLTE DES NOIX 79

les longues branches, et dont le gaulage est pratiqué par les hommes placés sur le terrain, et sans danger.

« C'est à cette dernière opération qu'est ramené le mode d'abattage que je propose.

(( En A, c'est-à-dire vers la cime de l'arbre, je fixe, au moyen de deux amarres de cordes billées entre M et N, une perche de bois d'environ 5 mètres de long sur 8 centimètres d'épaisseur moyenne ; cette perche, munie d'une longue corde qui lui est attachée à la partie supé- rieure, offre l'image d'un long fouet, stable momenta- nément au haut de l'arbre, et dont la lanière, lancée du haut en bas par-dessus le feuillage, peut être agitée par un homme placé à terre. Les ondulations de la corde abattent les fruits sur tout le périmètre des branchages, par la simple circonvolution de l'homme, qui agit sans danger et en examinant son œuvre.

« L'élévation à donner à la corde au-dessus du feuil- lage doit être telle, que la corde raidie puisse servir de tangente à la surface de l'arbre ; et pour la mon- ter, il suffit que l'ouvrier emporte le bout de la longue corde au moment de son ascension, pour attacher la perche. »

Nous avons voulu faire connaître ce nouveau mode d'abattage des noix, non pas à cause des services qu'il est susceptible de rendre, car nous le croyons très-peu pratique, mais en raison de son originalité et de sa nou- veauté ; nous ne nous permettons donc pas de discuter ni les avantages ni les inconvénients qu'il peut offrir,

80 CULTURE DU NOYER

désirant laisser aux personnes qui voudront l'essayer le soin de le juger pratiquement.

CONSERVATION DES NOIX.

Aussitôt récoltées, les noix devront être dépouillées de leur hrou le plus promptement possible ; celles dont le brou serait tenace seront laissées en tas, elles s'échaufferont promptement, et il sera alors facile de le détacher de la coque.

Les personnes qui récoltent de grandes quantités de

noix devront avoir de vastes greniers bien sains et

aérés, les noix seront étendues en une couche fort

mince de 6 à 8 centimètres d'épaisseur au plus ; on

aura soin de les remuer fréquemment, deux fois par

jour au moins, afin de les changer de place, et afin de

dissiper l'humidité qui s'évapore et mouille le plancher.

Cette opération se fait ordinairement avec une espèce

de rabot ayant un très -long manche ; elle dure environ

un mois. La dessication, il est vrai, sera lente; mais elle

n'jen sera que plus parfaite. Les personnes, au contraire,

qui récolteront une faible quantité de noix pourront les

étendre sur des draps et au soleil ; elles obtiendront ainsi

une dessiccation prompte et facile.

Parvenues à une dessiccation complète, on renfermera les noix dans des caisses ou poinçons elles se con-

CONSERVATION DES NOIX 81

serveront longtemps, l'amande parfaitement blanche et sans rancir, si l'on a le soin de placer ces caisses ou poinçons dans un endroit qui ne soit ni trop chaud ni trop froid, ce qui les mettra à l'abri de l'atmosphère, tantôt sèche, tantôt humide .

Les personnes qui récoltent une assez grande quan- tité de noix, mais qui ne sont pas propriétaires de gre- niers assez vastes pour les faire sécher, pourront em- ployer avantageusement la méthode suivante :

On choisira le long d'un bâtiment un emplacement exposé autant que possible au midi ; on déposera sui* toute la longueur dudit emplacement, sur une largeur de 2 mètres et une épaisseur de 10 centimètres, une couche de terre glaise délayée, et dont la surface sera parfaitement égalisée ; on tamisera sur cette terre légè- rement humide une faible couche de ciment hydrau- lique ; au bout de quelques heures, cette composition aura acquis la dureté de la pierre.

La couche de terre devra être retenue, dans son pour- tour, par une planche dont le bord dépassera de 8 à 10 centimètres ; les noix seront étendues sur«cette place, en une couche fort mince, de 5 à 6 centimètres au plus; on aura soin, la nuit, de les couvrir de toiles grossières, qui empêcheront qu'elles ne prennent d'humidité ; ces toiles seront enlevées aussitôt la rosée disparue, afin que le soleil les frappe de ses rayons ; on aura le soin aussi de les remuer fréquemment. Avec de tels soins, nous pouvons affirmer qu'on obtiendra en peu de jours des

5.

85 CULTCRE DU NÔtÊn

noix parfaitement sèches et d'une blancheur qui flat- tera l'œil de l'acheteur.

UTILITÉ DU NOYER ET DE SON FRUIT

DANS LES ARTS ET L'ÉCONOMIE DOMESTIQUE.

Il est peu d'arbres qui puissent rivaliser avec le noyer, sous le rapport de l'utilité ; tout dans cet arbre précieux a un côté utile, depuis son bois jusqu'à la coque de son amande, et même sa sève.

Son bois est un des plus beaux de l'Europe : il est doux, liant, flexible, se taille bien au ciseau et prend au rabot un beau poli ; on en fait des meubles de toutes sortes, tels que bois de lits, tables, secrétaires, par- quets, etc.

Les tourneurs, sculpteurs, carrossiers, en emploient considérablement, voire même les armuriers, pour les- quels il devient indispensable dans la monture de leurs fusils ; la confection des sabots dans les départements du centre en fait une consommation énorme. Le seul reproche qu'on puisse lui faire, c'est comme bois de chauffage : il ne fait point un feu ardent, et produit très-peu de charbon et de chaleur.

La noix est un des fruits oléagineux qui contient le plus d'huile (100 parties en poids d'amandes donnent

UTILITÉ DU NOYER ET DE SON FRUIT 83

de 40 à 70 parties d'huile), qui, quand elle a été parfai- tement épurée et préparée sans le secours de la cha- leur, a une saveur douce, agréable, et devient propre à une foule d'usages culinaires. Les basses qualités sont avantageusement employées pour les peintures inté- rieures, car elle est très-siccative ; elle entre dans la confection des savons et sert à l'éclairage.

L'agriculture tire un parti avantageux du tourteau de noix, pour l'engraissement de ses bestiaux et l'amen- dement de ses terres. La médecine emploie encore au- jourd'hui les feuilles de noyer et le brou de noix, comme astringent et vermifuge, en décoction ou en extrait, contre l'ictère, la syphilis et les affections scrofuleuses ; elle indique également l'écorce interne du noyer com- mun recueillie au printemps, comme purgative et même vésicante. Ces deux parties végétales paraissent possé- der les mêmes propriétés et les mêmes principes, parmi lesquels il faut compter de l'huile volatile, du tannin précipitant en vert les sels de fer, et un autre principe acre et amer, et très-avide d'oxigène, qui lui communique une couleur noire et une complète inso- lubilité dans l'eau. C'est à cette matière que le hroii de noix doit la propriété de teindre d'une manière presque indélébile les bois et les tissus, ce qui le fait em- ployer par les teinturiers pour donner à certaines étoffes une couleur brune, et par les ébénistes pour donner aux bois blancs la couleur du noyer. Ils ont à cet effet, chez eux, en réserve, un vase rempli de brou qui

Si CULTURE DU NOYER

trempe dans l'eau. L'extrait de brou mêlé à un peu d'alun sert aux dessinateurs à laver leurs plans.

On confit les noix vertes, et l'on fait aussi cet excel- lent ratafia si connu dans nos ménages sous le nom de brou de noix, et que nos campagnards emploient comme stomachique. On peut encore rendre à leur pre- mier état de fraîcheur des noix desséchées, en les fai- sant tremper, vers la fin de l'hiver, pendant cinq à six jours, dans de l'eau pure.

La variété dite à très-gros fruits, est très-recherchée des bijoutiers, qui en font de petits nécessaires.

Enfin, des expériences faites par un pharmacien de Toulon nous ont fait connaître que l'on pouvait retirer d'un quintal de sève de noyer, extraite au printemps par la térébration du tronc de l'arbre, 1^^ 500 de sucre brut, dont on peut obtenir, avec un tiers de perte, du suc raffiné très-blanc, ayant toutes les qualités du sucre ordinaire.

La décoction des feuilles du noyer possède une pro- priété dont on était bien loin de se douter, et qui n'est p/s sans mérite.

Il paraîtrait que la décoction des feuilles de noyer est un préservatif certain contre les mouches, qui, en été, font le tourment des chevaux, et qu'il suffit, pour éloi- gner ces insectes, de laver les chevaux avec de l'eau saturée du suc caustique et fortement odorant de ces feuilles.

Ce moyen est employé avec succès dans les haras en

FRAIS ET PRODUITS D'UNE PLANTATION DE NOYERS 85

Angleterre ; le fait nous en a été affirmé par plusieurs Anglais que nous avons consultés sur ce sujet.

FRAIS ET PRODUITS D'UNE PLANTATION DE NOYERS-

Le premier argument que l'on émet toujours en fa- veur d'une entreprise industrielle ou agronomique, ce sont les bénéfices que l'on peut espérer retirer du ca- pital avancé, abstraction faite des frais d'entretien ; cet argument devient plus nécessaire pour l'agriculture que pour toute autre industrie, car, chez elle, les bénéfices sont tellement faibles, que c'est toujours avec crainte que l'on entreprend une amélioration ou spéculation quelconque.

Le noyer est un de ces arbres dont les produits sont considérables, comparés aux frais de premier établis- sement, mais qu'il faut attendre longtemps. En effet, les vingt premières années de la plantation, les produits sont si faibles', qu'on peut à peine en estimer la va- leur ; ce n'est que de trente à soixante ans que cet arbre commence à ofi'rir à son propriétaire un produit qui augmente chaque année son revenu ; ce n'est que de soixante à cent ans que son bois commence à ac- quérir dans les arts une grande valeur. C'est peut-être une des raisons qui fait qu'on s'en occupe peu, et que le nombre en diminue de plus en plus.

86 CULTURE DU NOYER

C'est donc pour nous conformer à l'excellent prin- cipe que nous avons émis au commencement de ce chapitrOj que nous allons essayer d'esquisser une es- pèce de mémoire des frais et produits auxquels peut donner lieu une plantation de noyers. Chacun le modi- fiera selon la localité qu'il habite, et se fera juge de ce qu'il doit faire, quand il se sera rendu compte par des chiffres.

Nous avons pris pour base de nos évaluations le produit de cinquante arbres achetés dans u^e pépinière à l'âge de six ans, et plantés en ligne, sur le bord d'un chemin ou sur la berge d'un fossé entourant un champ.

Aperçu des frais.

fr.

50 arbres, achetés dans une pépinière à l'âge de six ans, coûteront 50 fr., ci 50 >

10 journées d'hommes non nourris pour faire les trous et planter les arbres, à 1 fr. 50 l'une, 15 fr., ci 15 j

Total de la première mise de fonds. . . 65 »

Comme on sait que cette somme de 65 fr. ne doit donner aucun produit pendant quatorze ans ; que l'on sait également qu'un capital quelconque, augmenté des intérêts, plus des intérêts des intérêts, se double après quatorze années, il convient donc d'ajouter à notre première mise de fonds une somme de 65 fr., ci. 65 »

A ces deux sommes, il faut encore ajouter, pour frais d'entretien, tels qu'élagage des branches

A reporter 130

FRAIS ET PRODUITS D'UNE PLANTATION DE NOYERS 87

Report 130 t

mortes, façon au pied des arbres pendant les cinq premières années de la plantation, 15 journées, à 1 fr. 50 22 50

Total 152 50

Nous sommes donc censé avoir déboursé, pour la plantation de nos cinquante arbres arrivés à leur ving- tième année, une somme de 152 fr. 50, dont l'intérêt à 5 p. O/o est de 7 fr. 62. C'est donc à cet intérêt de 7 fr. 62 qu'il faut opposer le produit de nos cinquante arbres; le résultat étant connu, le mérite de l'entre- prise sera bien vite apprécié.

Nous avons divisé le produit de nos cinquante arbres en quatre périodes de chacune dix années, commen- çant à vingt ans et finissant à soixante, âge ou l'arbre est dans toute la force du produit. Voulant être plus dans le vrai, nous avons pris le terme moyen du pro- duit, que nous avons augmenté à chaque période dans des proportions qui ne sortent pas de la vérité ; nous avons retranché de ce produit les intérêts du capital primitivement déboursé ; nous y avons ajouté enfin les frais de récolte, frais que nous augmentons aussi à chaque période ; et, dans un résumé final, nous avons établi la comparaison du revenu connu de la planta- tion, de la valeur intrinsèque des arbres avec le revenu et la valeur présumée du terrain occupé par elle.

88, CULTURE DU NOYER

Produits de la plantation. Première période : de vingt à trente ans.

-i décalitres par arbre ou 200 décalitres Frais. Produits, pour 50 arbres, au prix moyen de 75 centimes le décalitre, 150 fr., ci » » 150 »

2 journées 1/2 d'homme non \

nourri, à 1 fr. 50 l'une, 3 fr. 75, 1

ci 3 75/

Frais. ( 5 journées de femme ou enfant, ) 15 12

à 75 centimes l'une, 3 fr. 75, ci. 3 75i

Intérêts du capital déboursé, ]

7 fr. 62, ci 7 62/

134 88

Produit net, 134 fr. 88, représentant un capital de 2,697 fr. 60.

Deuxième période : de trente à quarante ans.

6 décalitres par arbre ou 300 décalitres Frais. Produits, pour 50 arbres, au prix moyen de 75 centimes le décalitre, 225 fr., ci

I 5 journées d'homme, à 1 fr. 50 l'une, 7 fr. 50, ci

P , . I 10 journées de femme ou enfant, ï'^'iis . ( ^ -jg. centimes l'une, 7 fr. 50, ci.

Intérêts du capital déboursé, 7 fr. 62, ci

Produit net, 202 fr. 38, représentant un capital de 4,047 fr. 50.

» »

225 »

7 50)

J

22 62

7 62/

202 38

FRAIS ET PRODUITS D'UNE PLANTATION DE NOYERS 89

Troisième période : de quarante à cinquante ans.

9 décalitres par arbre ou 450 décalitres Frais. Produits, pour 50 arbres, au prix moyen de 75 centimes le décalitre, 337 fr. 50, ci . . . » > 337 50

8 journées d'homme, à 1 fr. 50 l'une, 12 fr., ci 12 j>^

15 journées de femme ou enfant, Frais . ( à 75 centimes l'une, 11 fr. 25, } 30 87

ci 11 25l

Intérêts du capital déboursé,

7 62, ci 7 62/

306 63 Produit net, 306 fr. 63, représentant un capital de 6,132 fr. 60.

Quatrième période : de cinquante à soixante ans.

12 décalitres par arbre ou 600 décalitres Frais. Produits, pour 50 arbres, au prix moyen de 75 centimes le décalitre, 450 fr., ci » k 450 p

12 journées d'homme, à 1 fr. 50 l'une, 18 fr., ci 18 »]

Vvoic ) 24 journées de femme ou enfant, \ /o as)

^^^'^ ^ à 75 centimes l'une, 18 fr., ci. 18 ^ *"* ''"'

Intérêts du capital déboursé, 7 fr. 62, ci 7 62i

406 38 Produit net, 406 fr. 38, représentant un capital de 8,127 fr. 60.

On commettrait une grande erreur, et l'on s'expose- rait à de grands mécomptes, si l'on acceptait d'une ma- nière absolue la donnée des produits que nous avons

90 CULTURE DU NOYER

ci-dessus établie ; nous avons admis un produit annuel et régulier par période, et cependant rien n'est moins vrai que cette régularité dans les produits, car il n'y a peut-être pas de récoltes plus éventuelles que celles du noyer.

En effet, une gelée tardive du printemps peut dé- truire en une seule nuit tout espoir de récolte ; il est rare aussi de voir deux bonnes années se succéder im- médiatement, et cela se comprend : l'année qui a été bonne, vous avez meurtri, détruit, en gaulant vos arbres, un nombre considérable de bourgeons qui devaient as- surer la récolte suivante ; aussi est-il d'usage de ne jamais compter sur deux bonnes années de suite; cela peut cependant arriver.

Quelquefois aussi, les chaleurs brûlantes et dessé- chantes du mois d'août détruisent en peu de temps une quantité énorme de fruits ; le pédoncule se des- séche ; la sève n'arrivant plus au fruit, celui-ci se des- sèche également, et il en tombe des quantités considé- rables à la veille de la récolte.

Toutes ces raisons nous ont donc déterminé à mo- difier les calculs que nous avons ci-dessus établis ; cette modification consiste à n'admettre dans une période de dix années que cinq années de produits moyens, et à présenter nos résultats sous cette nouvelle forme.

Ainsi, nous avons réduire de moitié le chiffre des produits que nous avions admis, l'autre moitié devant se répartir sur l'année la récolte manque. Nous

FRAIS ET PRODUITS D'UXE PLANTATION DE NOYERS 91

avons conservé tels quels nos frais de récolte; mais nous avons cru devoir élever nos frais généraux d'une année d'intérêts de plus dans chaque période ; nous donnons ci- dessous quatre nouveaux états de frais et produits qui feront facilement comprendre notre idée.

États de frais et produits modifiés.

PREMIERE PERIODE.

Produits moyens de deux an- nées ^

Frais de récolte 7 50

Deux années d'intérêts 15 24

DEUXIEME PERIODE.

Produits moyens de deux an- nées

Frais de récolte 15 »

Deux années d'intérêts 15 24

Produits nets

de deux années.

150

»

22

74

127 26

Produits nets

de deux années.

225

B

30 24

194 76

TROISIÈME PÉRIODE. Produits nets

do . deux années.

Produits moyens de deux an- nées ^ 337 50

Frais de récolte 23 25 )

Deux années d'intérêts 15 24 ( ^^ ^^ ^^

92 CULTURE DU NOYER

QUATRIÈME PÉRIODE. Produits nets

de deux années.

Produits moyens de deux an- nées 450 »

Frais de récolte... 36 , ,j ^^ ^4 398 76

Deux années d intérêts 15 24

Ainsi, en prenant pour base les nouvelles données que nous venons d'émettre, et qui, selon nous, sont celles qui se rapprochent le plus de la vérité, on aura les ré- sultats suivants :

PREMIÈRE PÉRIODE.

Produit annuel, net de frais de récolte et d'intérêts. 63 63

DEUXIÈME PÉRIODE.

Produit annuel, net de frais de récolte et d'intérêts. 97 38

TROISIÈME PÉRIODE.

Produit annuel, net de frais de récolte et d'intérêts. 149 50

QUATRIÈME PÉRIODE.

Produit annuel, net de frais de récolte et d'intérêts. 199 38

Ainsi, nous arrivons à la soixantième année de l'âge de nos cinquante arbres, avec une dépense annuelle de 51 fr. 24 pour frais de récoltes et intérêts d'un capital

FRAIS ET PRODUITS D'UNE PLANTATION DE NOYERS 93

qui s'est élevé à la vingtième année de plantation à 152 fr. 50, et nous avons pour bénéfice net 199 fr. 38, représentant un capital de 3,987 fr. 60.

Eh bien ! nous demandons maintenant quelle est la spéculation capable de représenter un tel bénéfice, qui, s'il n'était appuyé par des chiffres, paraîtrait vraiment incroyable.

Il nous reste à examiner maintenant quelle influence la plantation peut avoir sur la valeur du terrain qu'elle occupe, et si ce terrain aurait donné à son propriétaire un revenu égal à celui de la plantation.

La plantation étant supposée faite le long d'un chemin, on devra, en se conformant aux arrêtés administratifs relatifs aux ^plantations sur le bord des routes, ob- server une distance d'au moins 2 mètres, à partir de la ligne de plantation jusqu'à l'arête extérieure du fossé bordant la route ; l'arbre, arrivé à son entier développe- ment, couvrira un espace d'au moins 30 mètres de diamètre ; c'est donc 15 mètres qu'il faut ajouter aux 2 mètres déjà connus, ce qui nous donne une largeur totale de 17 mètres.

La plantation étant faite en ligne, une distance de 7 mètres entre chaque arbre sera suffisante ; les cin- quante arbres occuperont donc une longueur de 350 mè- tres qui, multipliés par 17 mètres de largeur, formeront une étendue superficielle de 59 ares 50 centiares.

En admettant maintenant que cette superficie de 59 ares 50 centiares soit cultivée en blé, et affermée

94 CULTURE DU NOYER

45 francs ; en aclmeltant aussi que nos cinquante arbres nous donnent un revenu net annuel de 199 fr. 38, ce revenu aura donc quatre fois et au-delà la valeur loca- tive du tout; on aura donc fait une bonne spéculation agricole.

Si maintenant on examine la valeur intrinsèque des arbres comme bois d'exploitation, et si on la compare à la valeur foncière des 59 ares 50 centiares de terre occupés par la plantation, on arrivera à un résultat presque égal.

Les 59 ares 50 centiares de terrain occupés par la plantation, et dont nous avons évalué la valeur locative à 45 francs, auront comme valeur foncière, en prenant pour base un intérêt seulement de 4 p. 0/0, une valeur de- 1,1^25 fr.

On n'est certes pas au-dessous de la vérité en disant qu'un noyer placé dans de bonnes conditions de culture peut avoir à cent ans une valeur minimum de 60 fr.; et en effet, si la plantation a été faite avec les soins que nous avons indiqués ; si le tronc est sain, droit et long, il a, à lui seul, cette valeur. Les grosses et me- nues branches paient avec bénéfices les frais généraux d'exploitation. Nous avons vu quelquefois (mais ce sont de ces cas exceptionnels qu'il ne faut pas accepter comme des faits généraux) certaines lou- pes de noyer ayant moins de O^i 60 cube, valoir jus- qu'à 300 et 400 fr.; ces loupes sont débitées en feuil- les de placage, avec lesquelles on fait des meubles 4e

FRAIS ET PRODUITS D'U.NE PLANTATION DE NOYERS 95

luxe d'une grande richesse de dessin et d'une grande beauté.

En se bornant à la valeur minimum de GO fr. ci-dessus fixée, nos cinquante arbres auront donc une valeur in- triusè(iue et réelle de 3,000 fr., valeur trois fois égale à celle du teri'ain ; on, si on aime mieux, ce terrain, (jui n'avMit qu'une valeur primitive, avant la plantalion, de 1.125 fc, pourra être vendu garni de ses arbres 4,000 fr. eiiviion.

Ce dernier résultat est, sans contredit, le meilleur ar- gument que nous puissions mettre en avant pour en- gager les propriétaires cultivateurs à s'occuper de la culture du noyer. S^^

Quant à nous, notre tâche est finie ; que la leur com- mence. Nous avons essayé d'èlre clair, précis. Nous ne savons si nous avons réussi ; mais, dans tous les cas, on devra nous savoir gré des efforts que nous avons faits pour qu'il en fut ainsi.

>i«<c

SECONDE PARTIE,

FABRICATION DES HUILES DE NOIX.

La fabrication des huiles de noix peut être envisagée sous deux points de vue différents : d'une part elle se réduit à des proportions infiniment petites, et d'autre part elle devient une entreprise industrielle et commer- ciale.

Elle est infiniment petite dans les départements du centre surtout, parce que là, quoique les plantations de noyers y soient nombreuses, elles n'en sont pas moins disséminées de toutes parts, et appartiennent à un nombre infini de propriétaires, et conséquemment la fabrication y est réduite à une fabrication de détail, c'est-à-dire que ceux qui possèdent des huileries tra- vaillent, moyennant un salaire déterminé, les noix qu'on leur apporte. Ces huileries sont en général grossière- ment organisées ; elles ne travaillent que cinq à six mois de l'année, et ce travail serait insuffisant pour faire vivre leurs propriétaires, s'ils ne se livraient à d'autres occu-

6

98 CULTURE DU NOYER

palions; un mauvais cheval ou un âne sont le plus sou- vent les seuls moteurs de ces pauvres usines.

Dans les grands centres de population, les plan- tations de noyers sont faites sur une plus grande échelle, et par conséquent les approvisionnements sont assu- rés, des usines importantes se sont élevées. Ces usines, qui ont toujours pour moteur une machine à vapeur ou une roue hydraulique, sont munies des mécanismes les plus parfaits, des presses les plus énergiques, ce qui leur permet d'obtenir de leur fabrication des résultats beaucoup plus avantageux, tant sous le rapport de la quantité des produits fabriqués que sous celui de la qualité supérieure de ces mêmes produits.

Aussi ces deux fabrications ont-elles des allures tout à fait distinctes, et sommes-nous dans la nécessité de les examiner à part. Nous ferons donc connaître la première dans tous ses détails, et pour bien faire apprécier la différence qui existe entre ces deux fabrications, nous ferons connaître aussi les perfectionnements qui ont été introduits dans la seconde.

Dans le travail que nous avons entrepris, nous apporte- rons notre propre expérience; nous dirons ce que nous avons fait et vu, et nous nous aiderons aussi des ren- seignements que nous avons recueillis sur cette matière, particulièrement dans le département de Maine-et-Loire, cette fabrication est faite sur une grande échelle, avec beaucoup d'intelligence et de perfection. Dans le seul arrondissement de Baugé, on ne compte pas moins de

FABRICATION DES HUILES DE NOIX §è

deux cents et quelques petites fabriques, qui fournissent, tant à la consommation locale qu'au commerce d'expor- tation, jusqu'à deux millions de kilogrammes d'huiles de toutes espèces.

Procédés généraux de fabrication.

Les noix dont on veut exprimer l'huile sont d'abord cassées et dépouillées de leur coque, puis froissées sous une paire de meules verticales. La farine ou pâte qui résulte de ce froissage est exposée à une certaine température dans un appareil nommé chauffoir, puis enfermée dans des toiles ou des sacs de laine, qu'on enveloppe eux-mêmes dans des étendelles de crin, et soumise à l'action d'une forte presse. Les pains ou tourteaux qu'on obtient après l'expression de l'huile sont rebattus sous les meules, chauffés une deuxième et même une troisième fois, et soumis de nouveau à la presse, qui achève d'en exprimer toutes les parties hui- euses.

La fabrication se résume donc dans ces quatre opéra- tions plus ou moins bien faites : cassage, froissage, chauffage et pressurage^ que nous allons maintenant examiner successivement.

Caséage et préparation des noix. Dans les campagnes, le noyer est cultivé, chaque

100 CULTURE DU NOYER

petit cultivateur a chez lui la provision de l'année; et c'est aussi chez lui, le soir à la veillée, que se fait cette opération, qui n'est pas alors un travail, mais une espèce de fête pour toute la famille. Les jeunes gens du voisi- nage se réunissent au nombre de dix ou douze, et placés autour d'une table, chacun, tout en s'occupant de son travail, conte une histoire ou entonne une chanson du pays qui est répétée en chœur par tous les assistants. Le travail est terminé; une galette est mise au four, et les morceaux arrosés du vin du crû en sont distribués à chacun, comme remercîment de leur bon concours dans cette circonstance, concours qui est tout gratuit. La veillée se termine alors joyeusement et à la satisfac- tion de tous.

Dans les usines qui travaillent uniquement pour le commerce, le travail est alors régulier et sala- rié. On se sert pour cette opération d'un instru- ment appelé émoussoir (A, fig. 33) ; c'est une sorte de poignée en bois conique, mais tron- quée à son sommet, de 0"^ 16 de longueur ; il esf terminé à la base par une plaque de fer vissée de quelques millimètres d'épaisseur, et à la partie opposée par une tige de même métal recourbée à son extrémité en forme de crochet pointu. En employant cet ustensile du côté de la plaque de fer, on casse les noix, et à l'aide de la tige recourbée on sépare rapidement le fruit de la coque, s'il en reste quelques fragments. Pour faire de bonne huile, on doit choisir des noix

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 101

saines, expulser soigneusement toutes les parties pour- ries, et même rejeter les cloisons qui séparent les lobes de l'amande ; toutefois, cette dernière précaution est le plus souvent négligée. Ce sont des femmes qui extraient l'amande de la coque, dont on leur abandonne les frag- ments comme salaire, à moins que les fabricants n'ai- ment mieux les leur acheter à raison de 18 centimes le double décalitre, pour chauffer le marc oléagineux quand il doit l'être. L'extraction des cloisons, quand elle a lieu, se paie 4 centimes le double décalitre.

Ce n'est guère que trois mois après la récolte des fruits qu'on en exprime l'huile, ou du moins, si on les emploie plus frais, il faut les mélanger avec des noix de l'année précédente, ou les faire chauffer; quelques fa- bricants opèrent du reste ainsi, même avec les vieilles noix. Au lieu de tirer à froid une huile de choix, ils chauffent légèrement avant de mettre en presse, et ils obtiennent ainsi en une seule fois une qualité moyenne entre l'huile vierge et celle qui a été chauffée après l'ex- traction de la première.

Habituellement, chez le particulier^ la cassée est de 4 doubles décalitres; chaque double décalitre donne 6 litres de noyaux pesant 2 kilog. 750 grammes, ce qui donne un poids total de 11 kilog., dont le rendement à l'huilerie peut se défalquer ainsi : huile de premier choix, 3 kilog.; deuxième choix, 2 kilog.; troisième choix, 1 kilog.; total : 6 kilog. Les tourteaux pèsent ordinaire- ment de 4 à 5 kiloa'. ; ils ont 0'" 30 en carré, et de 30 à

102 CULTURE DU NOYER

35 millimètres d'épaisseur, pressés une fois à froid et deux fois à chaud. Ils se vendent au poids, au prix moyen de 45 centimes le kilo, ce qui porte le prix des 500 kilog. à 75 fr. On les vend particulièrement pour l'engraissement des porcs; le petit fabricant les prend pour son salaire, ou bien il perçoit 15 centimes par kilog. d'huile exprimée. On peut à la rigueur moudre en une seule fois toute la cassée; mais pour certains chevaux le travail est excessif; le terme de l'opération du broyage est d'environ quinze minutes.

Dans le département de Maine-et-Loire, on donne à la cassée le nom de boite; c'est une ancienne mesure qui contient un sixième en sus du double décalitre; elle renferme de 10 à 10 kilog. 1/2 de noix entières. Lorsque celles-ci ont été extraites de la coque, elles prennent le nom de cochet; la boîte de cochet pèse à peu près 12 kilog. 1/2. La boîte de noix coûte à Angers 1 fr. 75 ; elle peut donner environ 2 kilog. d'huiles de diverses qualités : 1 kilog. à froid, 500 grammes à l'aide d'une seconde pression du marc légèrement chauffé, et 500 grammes au moyen d'une chaleur plus vive. La première vaut habituellement, prise sur les lieux, de 75 à 80 centimes le 1/2 kilog.; celle qui a été demi- chauffée, et qui se vend assez abondamment aux habi- tants des campagnes, ne coûte dans les mêmes circons- tances que de 65 à 70 centimes; enfin celle de troisième qualité, qui est surtout employée pour la peinture, de 55 à 60 centimes les 500 grammes.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX

103

Du froissage des noix.

Les moulins les plus généralement employés dans les petites et grandes usines sont à meules verticales en granit; leurs dimensions varient en diamètre de i^ 65

Fi?. 34

Meule campagnarde pour froissage.

jusqu'à 1™ 80; leur épaisseur est d'environ 0"" 43 à 0^ 45. Elles sont mises en mouvement d'une manière toute différente. Dans les petites usines, elles sont mues par un cheval et tournent avec l'arbre central (A, fig. 34) au moyen d'une pièce en bois ou en fer D, nommée

tQ4 CULTURE DU NOYER

timon, dont la prolongation toujours en fer forme un essieu maintenu des deux côtés de la pièce par des cla- vettes, ou par une clavette à l'intérieur et un écrou à l'extérieur. La meule reçoit ainsi une double impulsion; elle est entraînée par le timon, et elle tourne lentement sur son axe.

Le timon, placé perpendiculairement à la meule, a ordinairement 2™ à 2"i 20 de longueur; il est légèrement courbé vers la terre, afin de ne pas dépasser l'élévation convenable pour fixer les traits , et terminé par un cro- chet propre à recevoir le palonnier; la longueur de 2 mètres, ou à peu près, a été calculée de manière à obtenir au pas ordinaire du cheval sept tours à la mi- nute. Si elle était moins considérable, le nombre de tours augmenterait, puisque la circonférence du manège serait moindre; mais la fatigue de l'animal deviendrait excessive.

La meule porte et roule sur une pierre de granit de même nature qu'elle, ou meule dormante E, placée horizontalement, polie seulement à la surface supé- rieure, et taillée de telle sorte et de telles dimensions, qu'elle dépasse d'un vingtième de centimètre l'espace parcouru par la meule. Cette pierre est comprise dans un bâti circulaire en maçonnerie F. La masse entière s'élève au-dessus du sol de 0'" 80 environ.

Au pied et sur la face de l'arbre opposée à la meule, est cloué le valet, planchette de 0^ 15 de hauteur sur 0'" 30 de longueur, qui a pour but d'empêcher, pendant

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 105

ropération, les noix de s'accumuler vers le centre de la machine et de les repousser sous la meule. Enfin, pour les empêcher aussi de s'écarter outre mesure du centre de rotation, on fait usage d'une simple raclette en bois et d'un ballet de millet ou de genêt; une telle machine coûte environ 350 fr.

Dans les grandes usines , les meules sont aussi ver- ticales et en granit; leur épaisseur est la même que ci- dessus; mais leur diamètre est quelquefois plus grand, car elles ont communément 2 mètres. Leur vitesse est aussi plus considérable : dix à onze tours par minute, et le travail qu'elles peuvent faire est aussi trois fois plus considérable que celui de meules marchant avec un cheval. L'outillage en est plus parfait, parce qu'avec ces machines tout travail doit être mécanique, si l'on veut obtenir les conditions d'économie et de travail qui doi- vent toujours prédominer dans les grandes usines; nous allons donner une description appuyée d'un dessin de ce qui a été fait de plus parfait jusqu'à ce jour. La fi- gure 34 représente le moulin en élévation dans le sens de l'épaisseur des meules, et la figure 35 en est une sec- tion verticale faite suivant un plan parallèle aux meules et passant entre elles.

Les meules verticales A (fig. 35) sont montées sur un essieu commun B, qui passe dans une entaille allongée (a) pratiquée dans l'arbre vertical C, par le mouvement duquel elles sont entraînées. Elles roulent sur une meule dormante D, posée sur un massif en maçon-

106 CULTURE DU NOYER

nerie E , et sur laquelle se trouvent les noix destinées à être froissées. F, caisse circulaire en bois, évidée dans le fond. Cette bordure est encastrée dans la meule

Fig. 35. Meules perfectionnées vues en élévation dans le sens de l'épaisseur.

dormante et n'en laisse à nu que la partie exposée à l'action des meules verticales. G, vanne pratiquée dans la bordure circulaire, et qu'on ouvre pour donner pas-

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 107

sage à la pâte suffisamment froissée. Sous cette partie de la bordure, se trouve enlevé un segment de la meule dormante , de sorte que la pâte tombe dans un bassin auquel on donne la forme du segment. H, I, ràcloirs à frottement sur la meule dormante, qui servent à rame- ner sous les meules verticales la pâte qui s'écarte. Le premier de ces ràcloirs est en tôle, et le deuxième en bois. J, ramasseur mobile, qu'on abaisse ou qu'on sou- lève au moyen du levier K, et qui sert à ramener la pâte vers la vanne G par elle tombe. Les ràcloirs H I, sont maintenus par leurs tiges dans des traverses de fonte P P. Les tiges K, auxquelles se trouve attaché le ramasseur, sont mobiles dans les mêmes traverses. La boîte J, qui entoure l'extrémité inférieure de l'arbre ver- tical, empêche la pâte de tomber par l'œil de la meule dormante.

L'arbre vertical G reçoit le mouvement de la roue d'angle L, engrenant une roue semblable, montée sur l'arbre horizontal M, qui prend lui-même son mouve- ment sur le moteur. Get arbre passe dans un collier fixé sur le voussoir N. Son extrémité inférieure repose sur une crapaudine placée au centre de la meule dor- mante.

Pour mettre en train , on commence par soulever le ramasseur J à la position indiquée par les lignes ponc- tuées (fig. 35). En pressant sur le bras du levier K et en l'engageant sous un taquet i, fixé sur un des montants di^ ràcloir I, on donne alors le mouvement, et l'on jette

108 CULTURE DU NOYER

SOUS la meule une charge de noyaux. L'entaille allongée (a) dans laquelle passe l'essieu des meules leur permet

Fig. 36. Meule vue verticalement.

de monter ou de descendre, selon l'obstacle plus ou moins grand qu'elles rencontrent, de sorte qu'elles

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 109

agissent par leur propre poids ; mais comme les meules roulent sur une surface plane, que leur contour est cy- lindrique et qu'elles décrivent un cercle sur la meule dormante, elles pivotent sur le milieu de leur épaisseur, de sorte que la pâte est non seulement écrasée par le poids des meules, mais encore froissée par ce mouve- ment de torsion et refoulée de deux côtés. Ge mouve- ment empêche la pâte de s'entasser et de faire corps sous la pression des meules.

Les râcloirs H I, fixés aux traverses, tournent avec les meules, et ramènent sous leur action, le premier, la pâte qui s'échappe vers le centre, le deuxième, celle qui s'échappe vers la périphérie. Lorsque le froissage est achevé, on décroche le bras du levier K, et le ramas- seur J se trouvant en contact avec la surface de la meule dormante, entraîne toute la pâte par son mouvement et la fait tomber dans le bassin par la vanne G, qu'on ou- vre pour lui livrer passage.

Dans les grandes usines, les meules sont presque toujours doubles, c'est-à-dire accolées deux à deux ; leur vitesse, ainsi que nous l'avons déjà dit, est de dix à onze tours par minute, et le temps du froissage d'une charge de 50 à 60 kilog. de noyaux est de douze à quinze mi- nutes; de sorte que, dans une journée de travail, on peut faire passer sous ces meules 8,000 kilog. environ de noyaux, représentant à peu près 60 hectolitres de noix entières.

Une telle machine coûte, munie de tous ses accès-

140 CULTURE DU NOYER

soires, tels que ramasseurs, engrenages et transmissions de mouvement, environ 1,000 fr.

Du chauffage de la pâte.

Quand les noyaux ont été suffisamment froissés sous les meule§ verticales, il faut soumettre la pâte à l'effort d'une presse énergique pour en extraire l'huile qu'elle contient. Quelquefois, cette pâte est portée directement sous la presse, elle fournit au tordage une huile vierge qui est plus agréable au goût et plus propre à servir d'aliment : c'est ce qu'on appelle faire de l'huile à froid. Mais il arrive aussi qu'au lieu de tirer à froid une huile de choix, on chauffe d'abord légèrement avant de mettre en presse , puis on chaufïe une deuxième et même une troisième fois plus vivement, lorsqu'on veut exprimer l'huile du marc déjà en partie épuisé, et qui a préalablement passer une deuxième et troisième fois sous les meules. La pâte est donc alors exposée à une certaine teiïipérature dans un appareil nommé chauf- foir.

Dans les petites usines, on se sert, pour faire chauffer la pâte, d'une poêlette en fonte de 0«» 20 à 0^ 25 de pro- fondeur, et 0™ 65 de diamètre, qui se vend à raison de 60 centimes le kilog. Elle coûte environ 30 fr. tojite montée; avec le fourneau en maçonnerie et la chemi- née, elle ne revient pas à plus de 50 à 60 fr. On a soin de ne chauffer à la fois que 4 à 5 kilog. de pâte ; le temps

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 111

du chauffage du deuxième froissage est de trois à quatre minutes, et celui du troisième de six à huit minutes. Ce mode de chauffage est long, coûteux et grossier ; c'est encore l'enfance de l'art : aussi, dans les grandes usines, a-t-on chercher un moyen plus économique et plus expéditif; c'est ce moyen que nous allons faire con- naître, en ajoutant que c'est le plus parfait et le plus commode qu'on ait inventé jusqu'à ce jour, et celui dont l'emploi est le plus général.

La figure 37 est l'élévation latérale de ce chauffoir; la figure 38 l'élévation et coupe faite parallèlement à la face antérieure. A, foyer fermé à la partie supérieure parla plaque en fonte B; G, payelle reposant sur la plaque B, et dans laquelle on met la pâte afin de l'exposer à une certaine température ; les goujons a la maintiennent de trois côtés et servent à la retenir; mais on peut, au moyen de ^'une des oreilles B, l'amener vers les enton- noirs ou marrols D, et faire tomber la pâte suffisam- ment chauffée dans des sacs qu'on suspend aux cro- chets G. L'agitateur E est destiné à empêcher la pâte de brûler; il est attaché à charnière à la boite coulante F, qui tourne avec Tarière G, sur lequel il peut glisser. Get arbre prend son mouvement au moyen de la roue d'angle H, qui eh graine une deuxième roue I, montée sur un axe horizontal portant une poulie J, sur laquelle passe une courroie qui lui communique le mouvement. L'arbre G est maintenu dans la position verticale en pas- sant entre les colliers d. Lorsqu'on veut faire tomber la

112 CULTURE DU NOYER

pâte chauffée dans les sacs, on engage le levier R dans la gorge de la boîte coulante qu'on élève jusqu'en G, se trouve un petit arrêt qui se place dans la gorge de la boîte coulante, et tient ainsi l'agitateur élevé au-dessus

Fig. 38.

Chauffoir. Coupe. Fig. 37. Élévation latérale.

de la payelle (G, fig. 37). On peut alors manoeuvrer et faire tomber la pâte dans les entonnoirs. Une telle machine toute montée, avec le fourneau, la cheminée et tous les autres accessoires, coûte environ 250 francs. Les sacs dans lesquels on enferme la pâte sortant du

FABRICATION DES HUILES DE NOIX H 3

chaiiffoir sont en laine appelée m or fil. Ces sacs bont de suite enveloppés dans des étendelles de crin dou- blées en cuir, qu'on voit en profil et en plan dans les figures 44 et 45, pag. 120, pour être soumis au pres- surage.

Du pressurage.

Les presses généralement emplo*'ées dans les petites usines de la campagne sont des presses à vis cons- truites en bois, d'une forme simple, peu coûteuses, d'un maniement facile et douées d'une assez grande énergie, mais ayant besoin, magré cela, de grands per- fectionnements. Dans les grandes usines, ce sont aussi des presses à vis, mais construites en fer, plus solides, plus expéditives, mais plus compliquées ; des presses hydrauliques, et enfin des presses à coins. Nous allons donner de ces différentes presses, en commençant par les premières, une description aussi complète que pos- sible.

Un fort madrier horizontal en ormeau, de 0'" 65 à Qra 80 d'épaisseur en tous sens, et de longueur variable, nommé porte-vis (A, fig. 39), est traversé vers les deux extrémités par deux jumelles verticales en bois HH, de 0»» 30 carrés, qui sont fortement maintenues, d'un'e part, dans le sol, et de l'autre le plus souvent dans la charpente même de l'usine. A l'opposé de la première pièce dont il vient d'être parlé, s'en trouve une seconde également en ormeau, d'une épaisseur et d'une Ion-

114 CULTURE DU NOYER

gueur plus considérables encore; elle est, comme l'autre, traversée par les jumelles et repose sur le sol ; on la nomme boîte (J).

La vis proprement dite (F) est en bois d'orme ou de frêne ; elle peut monter ou descendre dans le pas de

a-

i^

^

I F

J^

Fig..39. Presse à vis en bois.

vis qui traverse le madrier qui la supporte ; elle se ter- mine par une masse ou tète du même bois, fort élargie, percée à des distances] égales de quatre trous carrés propres à recevoir l'extrémité d'un levier, consolidée dans sa longueur par deux ou trois bandes de fer qui

FABRICATION DES HUILES DE NOIX IJ5

l'entourent parallèlement les unes aux autres, en partie doublée à sa base par une plaque de fer carré (M, fîg. 39 his); vissée à ses quatre angles et for- mant en-dessous une pointe de la forme - :^^ d'une pyramide renversée, très-aplatie, à ^^^- ^^ ^'^• angles effacés et sommet arrondi. Lorsque la machine opère, la vis porte par ce point, ou sur le futereau, ou sur la couette.

Le futereau (K, fîg. 38) est une planchette en chêne de Qra 10 à 0"! 12 d'épaisseur, plate, d'une longueur telle, qu'elle occupe tout l'espace compris entre les ju- melles, et que, à l'aide de deux

coulisses pratiquées sur la face ^<^ ^^3^

antérieure de chacune d'elles, elle peut glisser de haut en bas ^'- *^- " "^^ ^''''''''■ sur une certaine étendue : à la partie centrale, elle est doublée en fer et creusée en cône de quelques milli- mètres pour recevoir la pointe de la vis.

Dès que la pression a atteint certaines limites, con- nues d'après le mode de traction dont il sera parlé ci- après, la vis, à mesure qu'elle descend plus bas, perd de sa force et pourrait être brisée ; au-dessus du fute- reau, on ajoute la couette (L, fîg. 41), ^^^-^ c'est-à-dire un morceau de fer à base ho- '""^ / rizontale, portant ainsi à plat sur ce même Fig. 4i.

' ^ ^ La couelle.

futereau, mais bombé au contraire à la

partie supérieure, et creusé légèrement au sommet, à la

place doit porter la vis.

116 CULTURE DU NOYER

Le futereau descend sur ce qu'on appelle le houton : c'est une pièce I de bois d'orme, de 0°^ 48 de hauteur sur 0'" 30 en carré, jusqu'aux 9/10 environ de la lon- gueur ; il s'élargit davantage, sans perdre sa forme, à la partie supérieure : c'est lui qui foule les noix dans la boîte J indiquée par des lignes ponctuées (fîg. 39).

Celle-ci est creusée carrément dans le madrier infé- rieur ; elle reçoit le bouton de manière qu'il- existe quel- ques millimètres de jeu ou de vide entre les parois et les côtés de celui-ci ; elle est doublée en cuivre ; sa profon- deur n'est que de 0'" '21 à 0"^ 22. Une seule ouverture centrale de faible diamètre se trouve au fond pour livrer passage à l'huile ; mais elle s'écoulerait fort mal d'après cette seule disposition. Dans la première boîte, on en place une seconde en bois de 0™ 30 environ d'épais- seur, qui la double intérieurement de toutes parts, et qui porte sur chacune de ses faces latérales deux ou trois petites rainures verticales de 4 à 5 millimètres tout au plus d'ouverture et de profondeur. Le fond de cette seconde boîte, nommé faux fond, est percé d'un trou correspondant à celui du cuivre, vers lequel con- vergent des sillons divergents, évidés de manière à pré- senter une pente uniforme vers le centre commun. Enfin, un troisième fond, composé de deux parties nom- mées cales, c'est-à-dire de deux morceaux de bois de 0"^ 04 d'épaisseur, qui remplissent à peu près exacte- tement à eux deux la capacité de la boîte, est placé sur le faux fond, et reçoit directement la matière oléagi-

FABRICATION DES HUILES DE XOIX 117

neiise, de manière que celle-ci ne peut s'échapper que par les rainures verticales, obliques, creusées dans la boîte en bois. Les tourteaux sont contenus isolément dans de fortes toiles de chanvre.

Au moment de pressurer entre le futereaii et Je bou- ton, afin d'obtenir une pression plus régulière et d'évi- ter toute rupture de l'une ou de l'autre de ces parties, on recouvre la seconde de plusieurs doubles de toile grossière. On place ensuite dans Tune des cavités prati- quées dans la masse de la vis un fort levier, à l'extrémité duquel on accroche un câble qui vient s'enrouler à quel- que distance de sur une sorte de treuil, et à chaque fois que ce levier a été ainsi entraîné en faisant descendre la vis autant qu'elle peut l'être, c'est-à-dire de manière que la masse de la vis ait fait un quart de conversion, on l'ôte, on le fixe dans un nouveau trou, et on recommence l'opération de la même manière tant qu'elle peut suivre. Un seul homme suffit pour manœuvrer cette presse.

L'huile qui se forme dans la boîte tombe en dernier lésultat dans une poêlette placée au fond d'une excava- tion souterraine de moins de 0"i 20 à 0"» 25, qu'on ap- pelle cave. La presse entière ainsi construite coûte en- viron 500 francs. Elle est suffisante au petit fabricant, parce que celui-ci prenant le plus habituellement les tourteaux pour son salaire, a intérêt à ce que ceux-ci ne soient pas complètement épuisés, leur faisant pres- que toujours subir une nouvelle pression qui vient aug- menter ses bénéfices.

118 CULTURE DU NOYER

Mais dans les grandes usines, il en est tout autre- ment : on a besoin d'une pression énergique, car on éprouverait une perte considérable, si la pression n'étant pas suffisante, on laissait encore une quantité notable d'huile dans les tourteaux. Les presses, en même temps, doivent occuper peu de place, exiger un petit nombre d'hommes pour les manœuvrer ou l'emploi d'une force peu considérable ; enfin, elles doivent pou- voir fonctionner avec célérité. Nous avons dit qu'il y en avait de trois sortes : les presses à vis, hydrau- liques, et la presse à coins. Nous allons donc examiner quelles sont celles qui remplissent le mieux les condi- tions ci-dessus énoncées.

Presses vis-. Ces presses sont peu employées, quoiqu'elles soient propres à ce service quand elles sont suffisamment fortes ; elles ont même cet avantage, qu'étant généralement simples et à bon marché, on peut les multiplier dans les ateliers et laisser égoutter plus longtemps, sans entraver la continuité des travaux. Ces presses, néanmoins, absorbant une grande portion de la force motrice par le frottement, n'exercent pas une pression très-énergique, et elles cessent d'être avantageuses quand on cherche à en augmenter la force par des dispositions mécaniques qui en élèvent le prix, et rendent le service plus long et plus difficile.

Presses hydrauliques. Ces presses sont très-em- ployées aujourd'hui dans les huileries ; elles exercent une forte pression, dessèchent bien le tourteau, occu-

FABRICATION DES HUILES DE NOIX H 9

pent peu de place, sont d'un usage facile et exigent peu de bras pour les manœuvrer ; mais ce qui empêchera pen- dant longtemps encore que ces excellentes presses soient d'un usage plus général, c'est qu'elles sont d'un prix très-élevé, et sujettes à de fréquentes réparations qui exigent des ouvriers habiles.

Presses à coins. La presse à coins est celle qui est le plus généralement employée dans les moulins à huile. Cette presse exerce une action très-puissante ; elle est simple, facile à monter et à réparer, et son prix n'étant pas très-élevé, elle parait propre aux éta- bîissements agricoles d'une certaine importance, surtout quand on a à sa disposition une chute d'eau suffisante ; elle est aussi très-expéditive. Nous donnons ci- dessous le dessin et la description d'une presse de ce genre des mieux construites. La figure 42 est l'élévation de face, la figure 4-3 une coupe verticale. A, montants du bâti ; B, traverses horizontales servant de guides aux maillets G D portant les mentonnets a a; E, leviers portant les galets h ; ils sont montés sur l'arbre F et servent à sou- lever les mentonnets des maillets, hy es ou moutons; G, leviers qu'on meut au moyen de cordes d passant sur des poulies, et qui, venant se placer sous les chevilles c, empêchent le maillet de redescendre, et tiennent le men- tonnet hors de la portée du galet h ; g, bacs ou bassins dans lesquels on place l'étendelle et le sac plein de pâte qu'on veut exposer à l'action de la presse. La partie droite de la figure 42 représente la coupe de l'un de

120 CULTURE DU NOYER

ces bacs faite parallèlement à la face de la presse et

Fig. 42. Presse à coins vue de face.

laissant voir toutes les pièces qui s'y trouventJ|placées.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 121

V, I, fourneaux ou pièces de fonte entre lesquelles on

Fig. Ud, Coupe de la presse à coins.

place l'étendelle h. Le fourneau V est appuyé contre la

122 CULTURE DU NOYER

paroi du bac ; le fourneau I est mobile et se rapproche de V pendant la pression. Ces deux fourneaux portent sur leurs flancs des rainures qui permettent à l'huile de s'écouler pour aller gagner une goulote pratiquée au fond du bac, en traversant un fond en fonte percé de trous, et sur lequel viennent s'appuyer les fourneaux. K, l, n, cales nommées tvards interposées entre la clé m, servant à dépresser le fourneau et le coin o qui reçoit l'action du maillet. Les wards, la clé et le coin sont en charme. Un ressort en bois, placé sur la traverse infé- rieure B, sert à maintenir la clé à une distance conve-

Fig. 44 et 45. Sacs et étendelles

nabledu fond du bac ; de cette manière, elle se trouve naturellement en prise quand l'ouvrier dispose toutes les pièces, et il pose son coin et ses cales avec facilité. Le mouvement étant donné par le moteur à l'arbre F et aux leviers E, on place le sac de pâte chaufïëe de la manière indiquée dans le profil et en plan dans les figures M et 45, c'est-à-dire qu'on pose le sac en A, puis qu'on rabat d'abord la partie gauche, puis la par- tie droite ; des poignées servent au transport. Après avoir mis l'étendelle ainsi chargée entre les deux four- neaux V et I, on place le coin o, et l'on décroche la

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 123

corde cl engagée sous un cran pratiqué dans le tasseau J. Le maillet c tombe par son propre poids sur le coin ; puis, relevé par les leviers E, il retombe encore lorsque ceux-ci abandonnent le mentonnet, et ainsi de suite. Il est important, lorsqu'on veut commencer, d'enlever d'abord le maillet à l'aide de la corde, puis de la des- cendre doucement et de ne l'abandonner que lorsqu'on sent que le mentonnet appuie sur le galet des leviers E ; sans cette précaution, on serait exposé à briser les le- viers. On donne pour la première pression dix à douze coups. Lorsque la pressée est terminée, on engage de nouveau le levier c sous la cheville e, et la corde sous le cran J, en ayant soin de suivre le maillet dans son mouvement ascensionnel pour éviter les chocs. Au bout de quelques minutes nécessaires pour donner à Thuile le temps de s^ écouler, et que les ouvriers emploient à préparer de nouveaux sacs de pâte, on dépressè ; on dégage avec les mêmes précautions le maillet D, qui, saisi par le galet h, retombe sur la clé m. En même temps que celle-ci est frappée, on retire le coin o ; après le coup de maillet, la clé m se retire au moyen du ressort.

On varie le poids et la hauteur de la cluite du mail- let avec l'effort qu'on veut produire. Le poids des mail- lets est ordinairement de 250 à 300 kilog. ; la hauteur de chute sur le coin, au minimum d'entrure, est de 0™ 40 environ et de 0'" 55 au maximum; la hauteur do chute sur la clé est de 0"» 25. Le nombre de coups

124 CULTURE DU NOYER

que l'on bat est. variable avec la force du coin, la nature du travail et de la matière à presser; il peut varier de dix à quinze coups. L'effet d'une bonne presse à coins, comme celle que nous venons de décrire, peut être éva- lué à 50 ou 75 mille kilog. sur chaque tourteau ayant à la grande base 0"* 20, 0^ 10 à la plus petite, et 0"^ 45 en hauteur ou 7 décimètres carrés de surface.

Lorsque le premier tordage est terminé et que l'huile est bien égouttée, les tourteaux sont reportés sous les meules : c'est ce qu'on nomme le rebat; quand la pâte a été suffisamment rebattue, on la porte au chauffoir, où, après un deuxième chauffage plus vif que le premier, on la reçoit dans les sacs de laine qu'on enveloppe dans les étendelles et qu'on soumet à une nouvelle pression. L'huile, d'une qualité inférieure à la première, qu'on ob- tient ainsi, se nomme huile de rebat. Cette huile, pour être extraite, exige une pression plus considérable que la première, et trente-six à quarante-cinq coups de maillet sont ici nécessaires.

Les tourteaux de rebat qui restent de cette deuxième pression sont durs, secs, solides et fermes, et n'ont plus guère que 0"^ 02 à 0^ 03 d'épaisseur. On les ébarbe i avec un couteau fixé verticalement dans un des côtés d'une boîte qui reçoit les rognures, et on les conserve pour la nourriture des bestiaux, ou pour servir d'engrais. Une presse à double jeu, construite sur le dessin et avec la perfection de celle que nous donnons ici, coûte environ 800 francs.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 125

Ainsi se terminent les procédés généraux de fabrica- tion des huiles de noix ; on voit qu'ils sont simples, faciles, et qu'il suffit d'un peu d'intelligence et de pra- tique pour en comprendre promptement tous les rouages; on a voir aussi que s'ils diffèrent entre eux, c'est plu- tôt dans les moyens mécaniques que dans la fabrication en elle-même. I-es raisons que nous avons déduites des influences locales et de culture feront facilement com- prendre cette différence; il ne fautpas perdre de vue aussi que la fabrication telle quelle, qui a lieu dans les petites fabriques, est la fabrication primitive, et qu'à mesure que les besoins de la consommation ont grandi, cette fabri- cation, tout en conservant les principes généraux primi- tifs, a nécessairement chercher à les perfectionner sans cesse, afin de pouvoir faire face aux exigences tou- jours croissantes de cette consommation.

Il nous reste à examiner maintenant quels sont les bénéfices que cette industrie peut offrir à ceux qui vou- draient l'entreprendre, soit à façon, soit au point de vue commercial; nous donnons ci-dessous un état de frais et produits, dont nous pouvons garantir l'exactitude.

Huilerie travaillant à façon.

Le prix du mécanisme d'une sem- blable usine n'est pas très-élevé; en y comprenant, outre la presse, les meules, le fourneau, une paire de cylindres comprimeurs en fonte

126 CULTURE DU NOYER

pour les graines de colza, voire même les harnais du cheval, il ne va pas au-delà de 1,000 fr., ci. . . 1,000 » )>

Intérêts de cette somme à 10 p. o^'o, pour usure et réparation, 100 fr., ci » » 100

Le bâtiment de l'usine n'a pas non

plus une valeur très-élevée, car son

importance n'est pas grande; en la

portant à 1,500 fr., c'est un chiffre,

selon nous, raisonnable, ci 1,500 » »

Intérêts de cette somme à 6 p. oj^^

90fr., ci » » 90

Valeur du cheval estimé 200 fr., in- térêts à 10 p. o/o, ci 200 » 20

Ce cheval, dont le travail est parfois excessif, a besoin d'une nourriture plus fortifiante ; il faudra donc né- cessairement ajouter à sa nourri- ture journalière de l'avoine; la quantité ne pourra être moindre d'un décalitre par jour, ce qui portera la dépense journahère à 1 fr., et à 200 fr. pour 200 jours de travail, ci » » 200

Patente, impôts divers, toiles pour

une campagne, 60 fr., ci » » 60

Chauffage et éclairage, 30 fr., ci . . . » >> 30

Première mise de fonds. . . 2,700

Intérêts et frais d'exploitation 500 ;)

Les bénéfices d'une telle fabrication sont assez difficiles à préciser, parce que ces bénéfices n'ont pour base qu'iuie clientelle flottante, et sur la stabilité de laquelle

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 127

il est impossible de compter; d'un autre côté, il nous faut prendre en considération la somme de travail que Ton peut raisonnablement exiger du cheval dans une journée , et ne pas perdre de vue aussi que la durée de cette fabrication n'est pas de plus de deux cents jours sur une année.

Eh bien ! en prenant pour base la somme maximum du travail du cheval, nous dirons que cette somme de travail ne peut être de plus de six heures par jour; nous dirons aussi que la durée de l'opération complète d'une cassée de 4 doubles décalitres de noix entières, donnant environ 11 kilog. de noyaux, est de une heure; et que, conséquemment, en admettant que l'usine soit régulièrement et suffisamment approvisionnée, elle ne pourra faire plus de six opérations complètes par jour, somme maximum àx\ travail du cheval.

Le rendement en huile des six opérations étant de 36 kilog., le salaire du fabricant de 15 centimes par kilog., il percevra par jour 5 fr. 40, ou pendant les deux cents jours présumés de travail, 1180 francs, sur lesquels il y aura à déduire pour intérêts de la mise de fonds et frais d'exploitation 500 francs; il restera donc au fa- bricant un bénéfice net de 680 francs, ce qui fera res- sortir le prix de la journée de travail à 3 fr. 40, outre que les intérêts de la mise de fonds lui sont comptés à im taux raisonnable.

Mais nous devons prémunir contre un semblable résul- tat les personnesqui voudraient entreprendre une pareille

128 CULTURE DU NOYER

industrie, et leur dire qu'elles ne doivent pas perdre de vue, ainsi que nous l'avons déjà dit, que cette indus- trie a toujours pour base de sa plus ou moins heureuse réussite une clientelle flottante, sur la stabilité de la- quelle on ne doit jamais compter d'une manière absolue, et que très -souvent, cette clientelle faisant défaut, les résultats d'une campagne de travail, se soldent par un déficit, quand au contraire, on croyait avoir le droit de compter sur un bénéfice raisonnable.

On devra donc avant tout, comme principe d'une prudence élémentaire, tenir compte des ressources de travail que peut offrir la localité qu'on habite; et juger d'après les renseignements qu'on aura recueillis, si l'entreprise a quelques chances de- réussite.

Fabrication industrielle et commerciale.

Il nous est difficile de pouvoir donner ici un compte exact d'une fabrique en grand d'huile de noix , parce que ceux qui ont monté de semblables usines, avec l'intention de se livrer uniquement et spécialement à ce genre de fabrication, ont fini par s'apercevoir des dif- ficultés très-grandes nécessitées par les approvision- nements considérables d'une telle fabrication ; ils ont compris que, dans l'intérêt de leurs usines, ils devaient restreindre leur fabrication primitive aux proportions d'un approvisionnement facile , et y joindre celle d'huiles diverses, telles que navette, colza, œillette, etc., etc. De des opérations multiples ; de pour nous aussi

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 129

la nécessité de faire entrer dans nos comptes de fabrica- tion une matière première autre que celle primitive- ment et spécialement destinée à la fabrication.

L'ensemble des frais généraux de fabrication, et les produits de cette même fabrication, devront donc se ré- partir, non seulement sur la matière première qui a donné lieu à l'existence de l'usine, et à laquelle nous avons donné une large part, mais encore aux autres ma- tières introduites comme annexes de cette fabrication.

Des notes que nous avions recueillies sur cette matière, et conservées avec soin, dans la prévision qu'elles pour- raient nous être utiles à un moment donné, nous ont considérablement aidé dans la tâche que nous avons entreprise, nous l'ont rendue plus facile, et nous ont mis à même de pouvoir donner un compte de fabrication assez exact.

Les constructions nécessaires à un tel établissement sont les suivantes :

lo Cours d'eau et bâtiment renfermant le mécanisme, estimés 10,000 fr., ci 10,000 » » »

2o Magasin aux graines et huiles fa- briquées, estimé 3,000 fr., ci. . . . 3,000 » » »

3o Tonnellerie estimée 1,500 fr., ci.. 1,500 » » »

40 Écurie et hangar pour les voitures, estimés 3,500 fr., ci 3,500 » » »

50 Maison de maître estimée 7,000 fr., ci 7,000 » » >

A reporter 25,000

430 CULTURE DU NOYER

Report 25,000 » »

Intérêts de cette somme, à 6 p. o/o par an, 1,500 fr., ci » » 1,500

MÉCANISME.

L'usine parfaitement organisée, ayant

un moteur hydraulique, se compo- sera des objets suivants, savoir :

une paire de meules en granit; une

presse hydraulique pour les pre- miers froissages ; une presse double

à coins pour les rebats ; une paire

de cylindres comprimeurs en fonte ;

un chauffoir; la transmission de

mouvements et tous ses accessoires,

tels que poulies, courroies, arbres

de couche, etc. Le prix d'un tel mécanisme s'élève,

d'après un devis de mécanicien

que nous avons sous les yeux, à

environ 7,000 fr., ci 7,000 » »

Intérêts du mécanisme à 10 p. o/o,

sur 7,000 fr., 700 fr., ci » » 700

Il convient d'ajouter au prix de ce

mécanisme la valeur des tonneaux,

l'outillage de la tonnellerie, la ma- tière première pour la confection

des tonneaux, enfin le mobilier de

l'usine, tels que sacs, bascule, etc.,

d'une valeur de 3,000 fr. au moins,

ci 3,000 » »

Intérêts de cette somme à 10 p. «/o,

300fr., ci » » 300

Deux chevaux seront nécessaires pour

l'exploitation de l'usine : un cheval de maître pour les voyages, d'une valeur minime de 500 fr., et un

A reporter . 35,000 » 2,500

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 131

Report 35,000 » 2,500 »

cheval de trait spécialement affecté au transport des marchandises, d'une valeur de 500 fr., ci 1,000 » i) »

Intérêts de cette somme^ à 10 p. o/o, lOOfr., ci » » 100 »

Nourriture et ferrage des deux che- vaux, à raison de 1 fr. par jour laour chacun d'eux, 730 fr. pour l'année, ci » » 730 »

Harnais de cabriolet et charrette d'une valeur de 200 fr., ci ..... . 200 » » »

Intérêts de cette somme, à 10 p. o/o par an, 20 fr., ci » » 20 »

Un cabriolet et une charrette d'une valeur de 1,000 fr., ci 1,000 » » »

Intérêts de cette somme, à 10 p. %,

lOOfr., ci i « 100 »

PERSONNEL.

Un contre-maître surveillant toutes les opérations de la fabrique et spécialement chargé de la direc- tion de la presse hydrauhque, aux appointements fixes de 1,200 fr. par an, ci » » 1 ,200 »

Deux ouvriers employés à la presse

à coins, aux appointements de 2 fr.

par jour, pendant 300 jours de

travail, 1,200 fr., ci » » 1,200 »

Un ouvrier chargé de la surveillance

des meules et des cylindres, à 2 fr.

par jour, pendant 300 jours » » 600 »

A reporter 37,200 » 6,450 i

132 CULTURE DU NOYER

Report 37,200 » 6,450

Un tonnelier chargé de la surveil- lance du magasin, à 2 fr. par jour. » » 600

FRAIS GENERAUX.

Un charretier, aux appointements fixes de 250 fr., plus 200 fr. de nourriture, 450 fr., ci »

Chauffage, éclairage et graissage, 300 fr. par an, ci »

Assurance contre l'incendie, impôts

divers, 350 fr., ci »

Patente, 150 fr. par an, ci ;>

Sacs de laine, morlil, et entretien des étendelles, 200fr., ci »

Réparations générales de l'usine, 500 fr. par an, ci d

i

450

»

300

»

350

»

150

))

200

»

500

Première mise de fonds. . 37,200

Intérêts et frais généraux d'exploitation . 9,000

Le fabricant doit donc tout d'abord, pour l'organisation de son usine, verser une première mise de fonds de 37,200 francs, et avant de pouvoir supputer ses béné- fice nets, il doit faire face aux frais généraux d'exploita- tion, qui s'élèvent annuellement à 9^000 francs environ.

Il nous reste à examiner maintenant quelle est la somme de travail, qu'une usine, organisée de la manière sus-énoncée, pourra faire dans une année de trois cents jour de travail.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 133

FABRICATION. ACHAT DE LA MATIÈRE PREMIÈRE.

Noix.

L'usine fabriquera facilement, et par jour, les noyaux de 20 hectol. de noix entières, ce qui nécessitera, pour 300 jours de travail, un ap- provisionnement de 6,000 hectol., qui, au prix moyen de 7 fr. 50 l'hectol., nécessiteront une mise de fonds de 45,000 fr., ci. 45,000 »

Intérêts de cette somme à 6 p. o/o pendant un an, 2,700 fr., ci 2,700 »

Frais de cassage et curage des 6,000 hectol., à 1 fr. l'hect., 6,000 fr., ci 6,000 »

Navette ou colza.

L'usine pourra encore travailler un minimum de 4 hectol. de graines parjour, ce qui nécessitera, pour 300 jours de travail, un approvisionne- ment de 1,200 hectol., qui, au prix moyen de 20 fr. 50 l'hectol., nécessiteront une mise de fonds de 24,000 fr., ci 24,000 »

Intérêts de cette somme, à 6 p. o/o par an, 1,440 fr., ci 1,440 »

Total 79,140 »

RENDEMENT.

Noix.

Huile, ire qualité, 22,600»<, à If 501e kU., 33,900f.

Huile, qualité, 11,250k, à If 201ekil., 13,500f. \ 57,525 »

Huile, 3e qualité,ll,250k,à0f901ekil.,10,125f.

A reporter 57,525

8

I3i CULTURE DU NOYER

Report 57,525 »

Tourteaux, 45,000 kil., à 15 fr. les 100 kil., 6,750 fr., ci 6,750 »

Navette ou colza.

Les 1,200 hectol. de graines donneront, en moyenne, 23 kil. d'huile brute par hectol., ce qui fera un total de 27,600 kil., qui, à raison de 90 centimes le kil., prix moven, fera un total argent de 24,840 fr., ci " 24,840 -^

Chaque hectol. de graines donnera, en résidu ou tourteaux, un poids de 35 kil., ce qui fera, pour les 1,200 hectol., un poids total de 42,600 kil., qui, au prix moyen de 10 fr. les 100 kil., don- neront un total argent de 4,260 fr., ci 4,260 »

Total du rendement 93,37

RESUME DE L OPERATION.

o >'

Achat de la matière première et intérêts de la mise de fonds 79,140 ))

Ventes d'huile et tourteaux, 93,375, ci 93,375 »

Différence des ventes sur les achats,

14,235 fr., ci 14,235 »

A déduire les intérêts et frais géné- raux d'exploitation, 9,000 fr., ci. . 9,000 »

Bénéfice net 5,235 »

Le fabricant retirera, en outre de ce bénéfice net de 5,235 »

Savoir : l'intérêt de la valeur de ses constructions montant à 25,000, à 6 p. o/g 1,500 »

A reporter. 6, 735

))

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 135

Report 6,735 »

L'intérêt de la valeur du mécanisme, de l'outillage de l'usine, des chevaux, voitures, harnais et autres accessoires, montant ensemble àl2, 200 fr., àlOp. o/o 1,220 D

Intérêts de la valeur de la matière première, mon- tant à 69,000 fr., à 6 p. Wo 4,140 »

Total.. 12,095 »

Un pareil résultat serait certes Lien beau, si on était toujours sur de pouvoir l'obtenir; mais nous devons dire ceci : c'est que malheureusement, en industrie, on ne peut jamais compter sur un bénéfice certain, im- muable, car il se produit souvent de ces fluctuations commerciales de hausse et de baisse, de ces événements enfin qui déjouent à plaisir les calculs et les prévisions (le l'homme le plus expérimenté.

Ce résultat ne pourra être obtenu qu'autant que le fabricant apportera dans la conduite de l'opération cet ordre, cette économie, cette entente et cette expérience des affaires qui sont une condition première de toute réussite. On ne devra donc entreprendre une pareille affaire cju'après avoir bien consulté ses forces, son ex- périence dans la partie, après s'être bien renseigné sur les ressources de la localité comme approvisionnement, et s'être assuré aussi des débouchés certains ; et si on ne procédait pas ainsi, le résultat des opérations pour- rait bien, au lieu de se présenter aussi avantageusement

136 CULTURE DU NOYER

que ci-dessus, se solder au contraire par un déficit sou- vent considérable.

Si on se bornait à fabriquer spécialement et unique- ment des huiles de noix, l'usine, organisée telle que nous l'avons sus-énoncée, serait en mesure de travailler non pas 20, mais 40 hectolitres au moins de noix entières ; et si un tel approvisionnement ne présentait pas des diffi- cultés sérieuses, nous n'hésiterions pas à le conseiller, tout en déclarant que les résultats seraient à peu de chose près les mêmes ; aussi conseillons -nous, au con- traire, de restreindre dans des limites possibles la fabri- cation spéciale, et de l'étendre aux graines oléagineuses diverses , par cette raison qu'il ressortira de ces opéra- tions multiples cette conséquence heureuse^ que les re- lations sociales du fabricant prenant plus de dévelop- pement, ses opérations commerciales prendront aussi plus d'extension, et que les espérances de bénéfice au- ront une plus large part dans les prévisions que l'on avait formées.

En écrivant cet aperçu de la fabrication des huiles de noix, nous n'avons nullement eu l'intention de faire un traité général de la fabrication des huiles; ainsi, on aura remarqué que nous nous sommes abstenu d'en- trer dans aucun des détails qui concernent la fabrica- tion des huiles de graines oléagineuses autres que les noix; notre tâche serait donc finie, si nous n'avions encore quelques renseignements à donner.

Ces renseignements ont particulièrement trait à la

FABRICATION DES HUILES DE XOIX 137

conservation, V épuration, la falsification et les divers et nombreux usages écoyiomiques des huiles de noix, Nous essaierons d'être dans cette nouvelle partie de notre travail aussi précis, aussi clair et surtout aussi exact qu'il nous a été possible de l'être dans la première.

Nous dirons aussi quelles sont les considérations qui nous ont déterminé à entreprendre ce travail, qui n'était nullement indispensable au principal sujet de cet ouvrage, la culture du nouer, mais qui en était seule- ment une conséquence directe.

Usages économiques et conservation.

L'huile de noix tient un rang distingué parmi celles dont on fait usage en Europe comme alimentaires et pour les usages domestiques. Cette huile, tirée sans feu, est presque incolore, d'une odeur agréable et d'une saveur analogue à celle des noix; sa consistance est presque siropeuse. Par son exposition à l'air, elle ran- cit promptement et devient claire comme de l'eau, sur- tout quand on la met dans des vases très-larges et peu profonds avec de l'eau au fond. Cette huile ainsi altérée s'emploie pour la composition des couleurs fmes.

La première huile obtenue est la meilleure: on la nomme huile vierge. L'huile que l'on obtient après une seconde pression et une légère chauffe de la pâte se nommç huile cuite, huile seconde; elle est très-co- lorée, d'une odeur très-forte; elle est très-chargée de

138 CULTURE DU XOYEFi

mucilage. Enfin la troisième pressée est plus colorée encore, a une odeur plus prononcée, et n'est employée que dans les arts.

Pour conserver aux huiles de noix et pendant long- temps leurs qualités culinaires, il faut les renfermer dans des vases de grès hermétiquement fermés, et les tenir dans un endroit dont la température soit modérée et toujours uniforme.

Moyens de détruire la rancidité des huiles.

Les huiles douces exposées au contact de l'air ou de l'oxigène éprouvent des changements différents. Les huiles siccatives, comme celles de lin et de noix, s'épais- sissent au point même de devenir solides. Cet effet est très-sensible quand, ainsi que nous Lavons déjà dit, on étend ces huiles en couches très -minces sur l'eau.

Les chimistes en général attribuent l'odeur forte et la saveur désagréable connue sous le nom de rancidité, et qui est propre aux huiles, aux graisses et au beurre anciens, à l'absorption d'une forte dose de l'oxigène de l'air, à la formation de l'acide sébacique et d'un peu d'acide acétique.

L'expérience a constaté que chaque espèce d'huile ou de graisse rancit à une température et après un temps différents. Celles qui sont solides constamment au- dessus de zéro y sont moins sujettes que les autres. La rancidité se développe d'autant plus vite que la chaleur

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 139

est habituellement plus grande. Quelques personnes attribuent la rancidité des huiles à une plus ou moins grande quantité de mucilage qu'elles contiendraient ou au commencement de rancidité de la matière première. Nous adopterons de préférence cette dernière opinion, car l'on sait que les amandes vieilles, les noix en coques rancissent et donnent de Thuile rance. Le mucilage ne saurait être regardé comme la cause productive de la rancidité, puisque les graisses et le beurre, qui n'en con- tiennent pas, rancissent également.

De ces faits découle cependant une donnée juste : c'est qu'il faut conserver les huiles et les corps gras à l'abri de l'air, d^ans des vases bien bouchés et dans des lieux frais la température ne varie pas souvent, et éviter autant que possible de les remuer ou de les déboucher. Nous allons faire connaître maintenant les diflerents moyens qui ont été proposés pour détruire la rancidité.

Par Veau pure et salée. On mêle vingt- cinq parties d'huile rance avec quarante parties d'eau à 30 degrés centigrades; on agite le mélange pendant un quart-d'heure ; on laisse déposer; on soutire l'eau, et l'on répète jusqu'à six fois cette opération. Ce moyen enlève aux huiles une partie de leur rancidité ; mais ces effets sont beaucoup plus marqués si l'on dissout quatre par- ties de sel dans trente parties d'eau.

Par ce dernier moyen, on doit conserver ensuite les huiles avec la même eau salée, en les agitant de temps en temps.

140 CULTURE DU NOYER

''2^ Par le vinaigre. On prend vingt- cinq parties d'huile et cinq de bon vinaigre, et on les agite ensemble; on répète cette opération trois ou quatre fois. Ce moyen est inférieur au premier.

Par l'alcool. On prend quatre-vingt-dix par- ties d'huile et dix d'alcool; on les agite pendant long- temps; on soutire, et Ton répète jusqu'à trois fois cette opération. Ce moyen est supérieur à tous les précités. On distille ensuite l'alcool sur un cinquantième de po- tasse, pour le faire ser\dr à d'autres opérations.

L'éther produit aussi un très-bon effet. *

4" Par la magnésie. On prend cinq parties de magnésie calcinée que Ton agite avec quatre-vingts parties d'huile, cinq à six fois par jour pendant quinze minutes; au bout de cinq à six jours, on filtre. Ce pro- cédé donne de très-bons résultats.

Ces différents moyens détruisent la rancidité; mais nous devons faire observer que ces huiles devancées doivent être consommées de suite, car elles sont dispo- sées à subir à nouveau cette altération et à un plus haut degré.

Épuration. Huile de noix cuite.

Faites bouillir dans un pot de quatre-vingts à cent parties d'huile de noix; enflammez-la et laissez-la brûler pendant une demi-heure, en couvrant le pot en partie, afin de régler la flamme, et en remuant souvent la liqueur; on couvre ensuite le pot, et l'on éteint ainsi la

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 141

flamme. Cette huile refroidie a acquis la consistance de la térébenthine molle, et a perdu un huitième de son poids; comme celle de lin ainsi préparée, elle porte alors le nom de vernis et forme, étant broyée avec environ sept parties de noir de fumée, l'encre des imprimeurs. Lorsqu'au lieu de noir de fumée on ajoute au vernis la moitié de son poids de vermillon, on obtient l'encre d'imprimerie rouge ; un peu de carmin perfectionne cette couleur. Les imprimeurs ont une foule de secrets pour le perfectionnement de leur encre, afin de la rendre moins onctueuse et lui donner plus de corps, afin qu'elle adhère moins au papier mouillé, et se distribue d'une manière uniforme sur les caractères. Pour rendre la couleur plus belle, quelques-uns y ajoutent un peu d'indigo .

Quels que soient les moyens employés dans la fabri- cation des huiles de noix, ces huiles conservent toujours une odeur et une saveur qui leur sont propres, et qui sont d'autant plus prononcées, que ces huiles ont été plus ou moins chauffées. On fait facilement disparaître cet inconvénient par un procédé fort simple et générale- ment employé dans les ménages : il consiste tout simple- ment à ajouter à l'huile bouillante, soit des croûtes de pain, des oignons, voire même une petite quantité de vi- naigre ; l'huile alors est moins onctueuse, et n'a plus ni odeur, ni saveur.

J42 CULTURE DU NOYER

Procédé nouveau pour purifier Vhuile de noix et lui donner la transparence, le goût et V onctuosité de Vhuile d'olives.

On transvase, dans une cuve assez grande, autant de tonnes d'huile de noix que l'on veut ; on suspend dans cette cuve une certaine quantité d'oignons, pendant assez de temps pour qu'ils aient enlevé le goût plus ou moins fort de cette huile, ce dont on s'assure par plusieurs dégustations. Lorsque ce goût est enlevé, on transvase l'huile dans un tonneau d'une grande capacité, l'on ajoute, par chaque tonne d'huile d'un hectolitre, 16 grammes de colle de poisson fondue dans Teau, 4 grammes de fleur d'indigo hien broyée, et un litre de sel bien écrasé. On agite fortement cette huile, au moyen d'un ballottement accéléré qu'on fait éprouver à la tonne, jusqu'à ce que l'huile soit échauffée et que le mélange soit parfait. Cette manipulation fait précipiter toutes les molécules et achève de purifier Thuile. Ar- rivé à cet endroit du procédé, on repasse l'huile dans une cuve, qui a un robinet à deux ou trois pouces du fond ; on l'y laisse déposer pendant plusieurs jours, après lesquels on la soutire au clair pour la passer dans un tonneau qui sert de réservoir, et dans lequel on met de l'huile d'amandes douces et des olives broyées, en proportion de la quantité d'huile que le tonneau contient et du goût qu'on veut bien hii donner ; on y verse de la

FABRICATION DES HUILES DE XOIX U3

graisse de porc mâlo, raffinée, à raison de -4 grammes l^ar pot d'huile. On fait subir un très-fort ballottement au tonneau pour mêler le tout ensemble; on laisse re- poser pendant plusieurs jours, et on soutire Thuile pour la mettre en tonne. On met les marcs dans un petit tomieau ; on les laisse éclaircir pendant quelques jours, après quoi on les soutire.

L'huile de noix traitée ainsi acquiert la couleur, l'o- deur, la transparence et l'onctuosité de l'huile d'olives ; sa saveur approche celle de l'huile d'olives, et laisse au palais une impression agréable d'huile de noisettes pré- parée sans feu.

Si on voulait épurer les huiles de noix, de manière à les rendre propres à l'éclairage, on pourrait employer avantageusement les procédés suivis pour l'épuration des graines oléagineuses, tels que lacide sulfarique,le fdtrage au charbon, etc., etc.; mais ces huiles sont en général d'un prix trop élevé pour qu'il soit avantageux de les utihser ainsi, et les basses qualités, qui seules pourraient servir à cet usage, sont utilement employées dans la confection des savons et dans la peinture, surtout en raison de leurs propriétés éminemment siccatives, que l'on augmente encore en y ajoutant de la litharge. Voici la manière de faire cette opération.

On prend sept à huit parties de litharge en poudre fine, que l'on fait bouillir avec de Thuile de noix; on agite de temps en temps avec une spatule, et l'on en- lève soigneusement l'écume qui se forme; on la retire

IM CULTURE DU NOYER

du feu dès le moment qu'elle a acquis une couleur rougeâtre; il suffit du repos pour en opérer la clarifica- tion. Tout porte à croire que cette huile retient de la litharge, avec laquelle elle forme une espèce de savon métallique i'

Falsification des huiles de noix. -o'I /iii^lr

Les huiles de noix n'étant pas d'un prix excessive- ment élevé, il n'y aurait pas avantage^ commercialement parlant, à les falsifier; cependant la manie des falsifica- tions est poussée si loin aujourd'hui, qu'il peut se présente^:, certaines circonstances qui la rendent avanta- geuse^, et q\xi y donnent lieu.

Ainsi, il peut arriver qu'il soit avantageux de falsifier les qualités supérieures avec des huiles d'œillette, dont le prix leur est toujours inférieur, ou les basses qualités avec. des huiles de colza, d'un prix aussi moins élevé; enfin, les huiles de noix peuvent servir à falsifier les huiles d'olives.

Il est facile d'arriver à une connaissance parfaite de ces diverses falsifications, en examinant attentivement les caractères physiques de ces huiles; et en tenant compte des efifets que produisent sur elles les réactifs chimiques. Nous donnons ci-dessous difi'érents tableaux qui rendront faciles les essais que l'on serait tenté de faire à titre d'expérience.

FABRIC.\TIO\ DES HUILES DE NOIX

.45

SOLUTION

de

lil-ClIKOMATK I)K l'OTASSIi.

Grumeaux jaunes sur fond vert de chrome.

Grnnu'aux jaunes sur fond vert do ciirôme.

Grumeaux bruns.

Grumeaux j luncs sur fond blanc.

Grumeaux jaunes sur fond vert.

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.FURIQUE.

EN AGITANT.

Vert.

Vort bleuâtre.

Brun sale. Olive brunâtre.

Vert faible.

ACIDE SU SANS AC.ITEH.

Tache peu sen- sible.

Vert.

Jaune. Tacho jaune.

Tache verdâlrc.

NOMS des

HUILES.

1

Colza

Navette d'un an.

Noix d'un an. , . . Œillelte fraîciie.

Œillette d'un an.

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CULTURE DU NOYER

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FABRICATION DES HUILES DE NOIX

147

TEMPS NÉCESSAIUE

à leur solidification.

5 heures 10 minutes. 7 heures 15 minutes.

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3 grammes. 3 grammes.

PROPORTIONS des

MÉLANGES.

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TEMPS NÉCESSAmE

à leur solidification.

1 heure 25 minutes.

1 heure 48 minutes.

2 heures 27 minutes.

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3 grammes. 3 grammes. 3 grammes.

PROPORTIONS dos

MÉLANGES.

Huile d'olives 95 |

Huile de noix 05 )

Huile d'olives 90 i

Huile de noix 10 !

Huile d'olives 80 \

Huile de noix 20 )

148 CULTURE DU NOYER

L'huile de noix, introduite dans celle d'olives, en re- tarde la solidification moitié moins que celle d'œillette, et cependant, isolée, elle résiste autant que celle-ci à l'action de l'acide hyponitrique.

Il sera donc facile à chacun, en faisant l'application des données de chacun des tableaux d'autre part, de se rendre compte de la plus ou moins grande pureté des huiles de noix qu'il aura achetées, et de reconnaître s'il y a falsification, et quelle en est la nature.

Les expériences que l'on sera susceptible de faire, pour arriver à une connaissance parfaite de la composi- tion des huiles dont on soupçonnera la falsification, sont si simples, si faciles, tellement à la portée de toutes les intelligences, que nous ne croyons pas utile d'entrer dans de plus grands détails à ce sujet, la marche à sui- vre à cet égard étant toute tracée par les tableaux eux- mêmes.

CONCLUSION

ou CONSIDÉRATIONS QUI NOUS ONT DÉTERMINÉ A ÉCRIRE CET APERÇU DE LA FABRICATION DES HUILES.

En écrivant cet aperçu de la fabrication des huiles de noix, nous ne l'avons pas fait avec l'intention d'ajouter quelques pages de plus à notre traité de la culture du noyer; nous avons été guidé par un sentiment plus élevé ;

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 149

nous avons agi avec l'intention d'atteindre un but qui chez nous prédomine depuis longtemps.

Nous avons toujours pensé que l'agriculture, pour être prospère, devait se faire industrielle, c'est-à-dire qu'elle ne devait pas se contenter de produire les ma- tières brutes qu'elle livre à l'industrie et à la consom- mation, mais qu'elle devait elle-même convertir ses produits bruts en prodidts manufacturés qu'elle livre- rait aux consommateurs sans intermédiaires.

L'agriculture doit-elle se faire industrielle?

L'agriculteur doit-il au contraire s'isoler complète- ment de toute industrie, ainsi que le prétendent quel- ques propriétaires, qui redoutent la contagion des mœurs industrielles dans les campagnes?

Cette question nous paraissant des plus graves pour l'avenir de nos familles rurales et l'intérêt du pays tout entier, nous allons essayer de la développer, de manière à ce que chacun puisse bien la comprendre et agir en- suite en toute connaissance de cause.

Aux prix actuels du sol, une famille de petits pro- priétaires trouve difficilement moyen de se créer un revenu proportionné à son capital. Les frais de culture et les impôts, si on y ajoute l'intérêt du prix du sol, ramènent les profits de l'exploitation à un taux peu en- courageant.

Un cultivateur entendu pourra bien, par des moyens employés avec sagesse et en rapport avec les besoins spéciaux du pays qu'il habite, augmenter la valeur et le

150 CULTURE DU NOYER

revenu de sa propriété, par des amendements, de bon- nes irrigations, une amélioration bien entendue de ses races d'animaux et de son matériel d'exploitation, des plantations d'arbres; mais cela fait, il peut faire davan- tage, car au lieu de livrer ses produits bruts au com- merce, il peut leur donner un premier travail qui en accroisse notablement la valeur.

Ainsi, il peut extraire l'huile de son colza, de son œillette et de ses autres plantes oléagineuses, distiller ses betteraves ou en extraire le sucre, distiller ses topi- nambours, extraire la fécule de ses pommes de terre, fabriquer de la bière avec son houblon ou son orge, en un mot exploiter lui-même ses produits, et au besoin ceux de ses voisins.

Les conséquences d'une semblable révolution agricole sont faciles à prévoir; car du jour l'agriculture se fera industrielle, les matières brutes qu'elle aura pro- duites lui profiteront de trois manières différentes : d'une part, elle retirera en produits manufacturés prêts à être livrés à la consommation, le prix de la denrée qu'elle a employée avec un bénéfice de fabrication; elle retirera ensuite le prix des bestiaux qu'elle aura nour- ris et engraissés avec les résidus de cette même fabri- cation; enfin, elle produira une masse d'engrais qui, en augmentant pour l'année suivante la récolte des grains qu'elle destine à la vente, accroîtra les bénéfices de l'exploitation, et laissera les terres dans un état d'amé- lioration toujours croissant.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 151

Ainsi, au point de vue de ses intérêts personnels, le propriétaire trouvera donc dans une industrie de ce genre un surcroît important de revenus : d'abord bénéfice du produit fabriqué, ensuite résidus qui lui donneront d'excellentes matières nutritives pour son bétail. De là, production de viande, et par suite production d'engrais. Le sol recouvre ses éléments de fertilité, après que les plantes qu'il a produites ont été utilisées sous deux formes successives, et la terre produit toujours sans s'épuiser. Au contraire, en vendant les produits en na- ture, l'agriculteur se prive de tous ces moyens; il est obligé d'acheter des engrais, sous peine de voir son sol s'épuiser et s'appauvrir.

Les départements du nord nous offrent un exemple remarquable de cette tendance de l'agriculture à se faire industrielle, car vous trouvez en grand nombre des distilleries, des sucreries, des huileries agricoles, des fabriques de chicorées, des féculeries, etc., etc.; mais c'est surtout de la betterave que ces départements ont ^ré une augmentation énorme de richesses ; le nombre des bestiaux a généralement triplé depuis trente ans. L'assolement biennal donne en moyenne de 30 à 50 hectolitres de blé, et l'année suivante de 40 à 80,000 kil. de betteraves. Ces betteraves sont converties en alcool ou en sucre; la pulpe nourrit de magnifiques vaches laitières et des bœufs d'engrais, et d'abondantes fumures entretiennent ia fécondité du sol. Quand le capital s'attache ainsi au sol d'où il est sorti

152 CULTURE DU NOYER

pour le féconder davantage, il donne l'aisance d'abord au propriétaire et à sa famille, et le hien-ètre s'étend à tous les petits ménages des environs. Visitez les contrées qui pratiquent ainsi la culture; vous y trouverez une popu- lation nombreuse, active, et dont tous les membres ont du travail et de l'aisance en toute saison. Ce ne sont point ces contrées qui fournissent à l'émigration ces convois de familles dénuées et malheureuses: ce sont les pays les propriétaires ne s'occupent pas de leur sol, et l'agriculture, abandonnée par ses vrais organes, n'est représentée que par des fermiers routiniers et sans instruction.

D'un autre côté, l'agriculture produisant elle-même la matière premièr-e qui doit alimenter ses usines, se trouvera dans des conditions de réussite inflniment plus avantageuse que l'industrie, et aura un cachet de durée que ne peut avoir celle-ci, sans cesse ballottée par les variations de prix et par le flot orageux de la spécula- tion. Le consommateur, lui aussi, devra retirer un cer- tain avantage de cet état de choses, car il est évident que l'agriculture livrant elle-même aux consommateurs des produits qui ne leur arrivent que grevés de frais de fabrication considérables, pourra, tout en retirant de ses produits un bénéfice raisonnable, livrer ces mêmes produits à un prix bien inférieur à celui de l'industrie.

On nous objectera sans doute que, pour que de sem- blables établissements aient des raisons d'être, il est utile que la ferme ait une étendue qui lui permette de

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 153

produire la matière première en quantité assez considé- rable pour pouvoir alimenter l'établissement une partie de l'année, et que ces conditions ne peuvent se rencon- trer que dans les pays de grande culture, mais que les fermes ont une étendue peu considérable, la chose n'est plus possible.

Nous ne contestons pas cette objection ; seulement nous ferons observer que l'étendue de la culture ne permet pas la création d'un établissement industriel , il y a l'association agricole, qui, bien comprise, peut rem- plir le même but, et plus avantageusement encore. Dans les pays de petite culture, l'établissement d'usines par voie d'association a déjà donné des résultats satis- faisants; nos ancêtres, moins avancés que nous à plu- sieurs égards, nous avaient devancés dans cette voie fé- conde, et il reste encore des associations agricoles fon- dées depuis des siècles qui font la prospérité des con- trées où elles sont établies. C'est ainsi que dans le Jura, les fromages de gruyère sont fabriqués par des socié- tés de petits propriétaires dont les vaches pacagent dans le canton. Il faut cinquante vaches, en moyenne, pour alimenter une fromagerie. Chaque ménage ne possédant qu'un petit nombre de vaches, tous les propriétaires d'une montagne portent leur lait à la fromagerie com- mune, et chaque associé participe aux bénéfices au pro- rata du lait qu'il a fourni.

Aux environs de Caen, les cultivateurs ont organisé des huileries i)our leurs colzas; chaque associé retire

9.

154 CULTURE DU NOYER

ses tourteaux et prélève une part de bénéûce propor- tionnée à la quantité de graines qu'il a fournie.

Mais en face de ces vérités il en faut exposer une autre, à savoir, que ces industries doivent toujours se subordonner aux besoins du sol et aux mœurs rurales, et non les dominer;' sinon, au lieu d'être un élément de richesse et de moralisation, elles peuvent dégénérer en abus et devenir le fléau du sol et des familles qui en vivent.

Nous avons dit que les industries annexes sont un précieux élément de prospérité pour les campagnes : en ce qu'elles donnent une notable plus-value aux produits du sol ; en ce qu'elles lui rendent une masse considérable de débris propres à engraisser, à nourrir le bétail et à fumer les terres.

Cette dernière partie n'a pas besoin de preuves ; tout le monde en est convaincu ; la première seule soulèvera deux objections :

Ces industries sont-elles lucratives ?

2o Ne sont- elles pas trop difficiles? Un agriculteur peut-il cumuler tant de professions? N'a-t-il pas assez de la sienne ?

Nous répondrons que nous ne mentionnons ici que des industries simples, faciles à exercer, peu coûteuses, qui ne demandent ni une grande habileté, ni un gros capital, enfin qui se pratiquent dans la morte saison seulement; autrement, elles ne seraient pas des indus- tries agricoles.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 155

Nous avons dit que dans les pays de petite culture, l'établissement d'usines par voie d'association agricole bien comprise pouvait être avantageuse, et que déjà même, de semblables établissements existaient, ils avaient donné des résultats satisfaisants. Nous avons cité comme exemples les établissements de fromagerie du Jura, les associations agricoles du Calvados pour huileries. Nous allons donc essayer de. poser les bases détaillées d'une association agricole pour exploitation d'huileries, en prenant pour point de départ les éléments du compte de fabrication industrielle que nous avons déjà donné, pagesl27 et suivantes. Cet état de fabrication, par suite de la position toute exce})tionneile de chacun des associés, doit être profondément modifié. Ainsi :

Nous supposons cette association formée de vingt propriétaires :

CONSTRUCTIONS.

Il est bien rare que parmi les vingt

propriétaires formant rassociation,

il ne s'en trouve pas au moins un

possédant sur sa propriété un cours

d'eau assez fort pour faire mouvoir

le mécanisme ; en construisant sur

ce cours d'eau et à proximité de

la ferme le bâtiment nécessaire

au mécanisme, avec logement au- dessus pour le contre-maître, on

dépensera au plus 5,000 fr., ci.. . 5,000 » an

Intérêts de cette somme à 6 p. oJq,

300fr.,ci . » 300 »

A reporter 5,000 » 300

156 CULTURE DU NOYER

Report 5,000 ï> 300 j

On trouvera très-facilement à la ferme même un magasin pour les graines et les huiles fabriquées; un hangar pour la tonnellerie et les voilures, ainsi qu'une petite écurie ; il n'est donc pas nécessaire de tenir compte de la valeur de ces diverses cons- tructions, mais seulement de l'in- térêt qu'il sera juste de payer à leur propriétaire; en estimant ces divers bâtiments à 6,000 fr., on aura à paver, à 6 p. «/q, un intérêt de 360 fr:, ci . » 360 )>

La maison de maître n'étant pas nécessaire, nous ne la faisons pas figurer ici.

MÉCANISME.

Nous maintenons le mécanisme tel

que nous l'avons porté dans notre

compte, c'est-à-dire à 7,000fr., ci. 7^000 » » *

Intérêts de cette somme à 10 p. o^'o . » » 700 »

Nous portons aussi, comme dans le

précédent compte, l'outillage de la

tonnellerie, les tonneaux, sacs, etc.,

à 3,000 fr., ci 3,000 » » »

intérêts de cette somme à 10 p. o/o, 300fr.,ci. » » 300 »

Deux chevaux, un de maître pour les voyages, et un cheval de trait spé- cialement affecté aux transports des marchandises, d'une valeur, ensemble, de 1,000 fr , ci 1,000 » » »

Intérêts de cette somme à 10 p. o/o . » » 100 »

A reporter 16,000 » 1 ,760 »

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 157

Report 16,000 > 1,760 y^

Nourriture et ferrage des chevaux, à raison de 1 fr. par jour pour cha- cun d'eux, et pour i'année 730 fr., ci » » 730 »

Harnais de cabriolet et de charrette, d'une valeur de 200 » j> *

Un cabriolet et une charrette, d'une valeur, ensemble, de 1,000 » » »

Intérêts de ces deux sommes à 10 p. o/o, 120fr., ci > i 120 »

PERSONNEL.

Un directeur nommé pour trois ans par les associés et pris parmi eux. Ses fonctions seront gratuites ; il aura seulement à son service le cheval et le cabriolet, et le loge- ment dont on lui paiera le loyer. Ce loyer sera de 400 fr., représen- tant rintérêt, à 6 p. o/o, de la va- leur de la maison de maître, que nous estimons 7,000 fr > a 400 »

Un contre-maître surveillant toutes les opérations de la fabrique, et spécialement chargé de la direction de la presse hydraulique, aux ap- pointements fix'^es de 1,200 fr., ci. » » 1,200 î

Deux ouvriers employés k la presse à coins, aux appointements de 2 fr. par jour, pendant 300 jours de travail, 1,200 fr., ci » » 1,200 t

Un ouvrier chargé de la surveillance

des meules et cylindres » » 600 i>

A reporter 17,200 » 6,010

158 CULTURE DU NOYER

Report 17,200 » 6,010 »

Un ouvrier chargé de la tonnellerie, et qui, au besoin, pourra remplacer le charretier que nous supprimons, chaque associé pouvant faire trans- porter lui-même ses graines et noix à l'usine » » 600 »

Chauffage, éclairage, graissage, etc., 300 fr. par an, ci » » 300 »

Assurance contre l'incendie et impôts divers » i> 350 »

Sacs de laine, morfil, élendelles et réparations générales de l'usine, estimés à 500 fr., ci » » 500 »

Total 17,200 » 7,760 »

L'association devra donc tout d'abord, pour Torgani- sation de son usine, verser une première mise de fonds de 17,200 fr., laquelle somme, divisée entre les vingt associés, fera pour chacun d'eux 860 fr.

FABRICATION. MATIÈRE PREMIÈRE.

Noix.

Nous avons dit que l'usine pourra fabriquer, par jour, les noyaux de 20hectol. de noix entières, ce qui nécessitera, pour 300 jours de travail, un apport de 6,000 hectol. Ces 6,000 hectol., au prix moyen de 7 fr. 50 l'hectol., auront une valeur de 45,000 fr., ci 45,000 »

A reporter |45,000 »

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 159

Report 45,000 >

Intérêts de cette somme à 6 p. o/o, pendant un an, 2,700 fr., ci 2,700 »

Nous avons porté dans noire précédent compte les frais de cassage et curage des 6,000 hectol. à 6,000 fr. Nous devons retrancher ici cette somme, parce que chaque associé pourra faire faire ce travail par ses domestiques, le soir, à la veillée, sans aucun frais ; et, en admettant qu'il leur donne une légère gratification, ce sa- crifice sera largement compensé par les débris qui lui resteront et qu'il pourra utiliser comme chauffage.

Navette on colza.

L'usine pourra fabriquer aussi un 'minimum de 4. hectol. de graines par jour, ce qui nécessitera, pour 300 jours de travail, un apport de i,200 hectol. Ces 1,200 hectol., au prix moyen de 20 fr. l'heclol., auront une valeur de 24,000 fr., ci 24,000 J

Intérêts de cette somme à 6 p. %, pendant un an, 1 ,440 fr., ci 1,440 »

Total 73,140 y>

RENDEMENT.

Noix.

Huile, Ire qualité, 22,600k, à if 501e kil..33,900f. j

Huile, 2e qualité, M, 250k, à 1^20 le kil., I3,500f. 57,525

Huile, 3e qualité, H,250k, àOfOOlekil., 10fl25f. )

Tourteaux, 45,000 kil., à 15 fr. les 100 kil., 6,750 fr., ci 6,750

il reporter 64,275

160 CULTURE DU NOYER

Report 64,275

Navette ou colza.

Les 1,200 heclol. de graines donneront, en moyenne, 23 kil. d'huile brute par hectoL, ce qui fera un total de 27,600 kil., qui, à raison de 90 centimes le kil., prix moyen, fera un total argent de 24,840 fr., ci 24,840

Chaque hectol. de graines donnera, en résidus ou tourteaux, un poids de 35 kil., ce qui fera, pour les 1,200 hectol., un poids total de 42,600 kil., qui, au prix moyen de 10 fr. les 100 kil., don- neront un total argent de 4,260 fr., ci 4,260

Total du rendement 93,375 »

RESUME DE L OPERATION.

Ventes d'huiles et tourteaux, 93,375 fr., ci 93,375

Valeur et intérêts de la matière première, 73,1 40 fr., ci 73,140

Bénéfices bruts 20,235

A déduire : intérêts de la mise de \ fonds, constructions, mécanisme,

outillage et accessoires 1 ,300 »

Loyer payé au directeur 760 »

Chevaux, voilures, harnais, nourri- ^ ^

ture et ferrage 950 »/ ''^"^

Personnel 3,600 »

Chauffage, éclairage et impôts divers. 650 » Morfd, étendelles et réparations gé- nérales de l'usine 500 »

Bénéfices nets 12,475 ï

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 161

Il nous reste à examiner maintenant quel devra être l'apport en matière première de chacun des associés cul- tivateurs, et quel bénéfice il aurait retiré de sa matière vendue à l'état brut, comparé à celui qu'il en retirera de sa coopération industrielle.

L'usine pouvant fabriquer 6,000 hectol. de noix entières, l'apport, pour chacun des associés, sera de 300 hect., qui eussent été vendus au prix moyen de 7 fr. 50 2,250 »

L'usine fabriquant aussi 1,200 hectoL de colza, l'apport de chacun des associés sera de 60 hectol., qui eussent été vendus au prix moven de20fr \.. 1.200 t.

Comme nous avons grevé dans notre compte de fabrication la matière première d'un intérêt de 6 p. o^'o, il est juste de la faire figurer ici à nouveau ; la valeur de cette matière première étant de 3,450 fr., rinlérêt, à 6 p. o^o, sera donc de 207 fr. , ci 207 >

Total 3,65

RENDEMENT.

Noix.

Les 300 hectol. de noix donneront à la fabrication, savoir : Huile Ire qualité, l,13()kil., à 1 fr. 50 le kil 1,695 »

Huile 2e qualité, 562 kil. 500 ç^r., à ' I « „^,. «.

Ifr. 20lekil 675 » 2,87b 2o

Huile 3e qualité, 562 kil. 500 gr., à j

90 centimes le kil 506 25 |

A reporter 2,876 25

162 CULTURE DU NOYER

Report 2,876 25

Plus 2,250 kil. de tourteaux, à 15 fr. \

leslOOkil 337 50

Les 60 hectol. de colza donneront 1,380 kil. d'huile, à 90 centimes 1,789 50

lekil 1,242 »

Plus 2,100 kil. de tourteaux, à 10 fr. I

les 100 kil 210 » |

Total 4,665 75

RESUME DE L OPERATION.

Ventes d'huiles et tourteaux, 4,665 fr. 75, ci 4,665 75

A déduire : valeur et intérêts de la matière,. 3,658 fr., ci 3,657 7>

Bénéfices bruts 1,008 75

11 faut encore déduire de cette somme le vingtième des frais généraux et intérêts de la mise de fonds, montant ensemble à 388 fr., ci 388 »

Bénéfices nets 620 75

L'associé cultivateur retirera en outre l'intérêt à 6 p. o/o de la valeur de la matière première, qui est de 3,450 fr., soit 207 fr. 07, ci 207 07

Plus sa part d'intérêts dans les frais de construc- tions, dont le vingtième à sa charge est de 250 fr., à 6 p. o/o, 15 fr.; intérêts du mécanisme, outillage, chevaux, etc., dont le vingtième à sa charge est de 610 fr., à 10 p. o/o, 61 fr., en- semble 76 fr., ci 76 d

Ces intérêts sont portés dans les frais de fabrica- tion.

Total des bénéfices nets 903 82

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 163

L'agriculteur, enfin, retirera de son association indus- trielle :

La valeur de sa matière brute, qui est de 3,450 fr.;

2,250 kiloo^. de tourteaux de noix et 2,100 kilog. tourteaux de colza, d'une valeur ensemble de 547 fr.50, lesquels 4,350 kilog. de tourteaux seront consommés à la ferme, soit comme aliment pour ses bestiaux, soit comme engrais pour ses terres ;

3o Plus 356 fr. 32 argent.

Nous avons dit que la ferme n'aurait pas une étendue suffisante pour produire la matière première en quantité assez considérable pour alimenter l'usine une partie de l'année, l'association agricole, dans lés pays de petite culture, pourrait remplir le même but, et donner des résultats satisfaisants ; on pourrait donc nous demander avec quelque apparence de raison si nous pensons que les petites fermes, dans leur état actuel de culture, soient à même de pouvoir fournir à l'associa- tion : d'une part 300 hectolitres de noix, et d'autre part 60 hectolitres de colza.

Ceci ne fait pas pour nous l'ombre d'un doute, ainsi que nous allons le démontrer.

Supposons une ferme d'une étendue seulement de 50 hectares. Supposons la culture de cette ferme assez avancée pour adopter un assolement quadriennal ; si nous retranchons de ces 50 hectares 30 hectares con- sacrés aux bois, paccages, prairies^ vignes, etc., etc., il restera 20 hectares en culture.

164 CULTURE DU NOYER

Le rendement du colza en bonne terre étant de 20 à 25 hectolitres à l'hectare, moyenne 20 hectolitres, il nous faudra, pour produire 60 hectolitres, qui repré- senteront l'apport de chacun des associés, une sole de 3 hectares.

Il sera donc facile d'intercaler dans l'assolement quadriennal, qui aura été adopté comme étant un des meilleurs, 3 hectares de colza, si surtout nous livrons à la ferme 4,350 kilog. de tourteaux, dont partie pourra être employée directement comme engrais et l'autre partie utilisée pour Talimentation et l'engraissement des bêtes de rente de la ferme, ce qui augmentera d'une manière notable la quotité des fumiers et la valeur de leur puissance fertilisante.

Nous avons vu page 88 qu'un noyer âgé de 50 à 60 ans donnait en moyenne six doubles décalitres de noix par année ; il faudra donc, pour produire les 300 hectolitres qui sont l'apport de chacun des associés, qu'il y ait de plantés sur la propriété 250 arbres; cette propriété étant supposée d'une étendue de 50 hectares, ce sera cinq ar- bres par hectare.

Quelques esprits craintifs et ennemis de toute inno- vation agricole, comme il s'en rencontre malheureuse- ment trop fréquemment, pourraient faire craindre à ceux qui seraient tentés d'entreprendre une semblable spéculation agricole que cette quantité de deux cent cinquante arbres sur une petite propriété de 50 hectares ne couvre une surface de terrain telle qu'elle soit une

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 165

entrave à toutes autres espèces de culture , et ne les détourne ainsi d'une opération des plus avantageuses. Cette crainte, ainsi que nous allons essayer de le démon- trer, est mal fondée.

Nous avons dit, pages 92 et suivantes, que la planta- tion faite en ligne, à une distance de 7 mètres entre chaque arbre, était suffisante; soyons plus large, et ad- mettons au contraire une distance de 10 mètres. Il fau- dra pour les deux cent cinquante arbres un développe- ment linéaire de 2,500 mètres.

Supposons que cette propriété" ait la forme d'un rec- tansfle, avant sur un de ses côtés 1,000 mètres de Ion- gueur, et sur l'autre côté 500 mètres de largeur; sup- pose!^ cette propriété longée sur son plus grand déve- loppement par une voie publique ; nous aurons déjà un développement linéaire de 1 ,000 mètres, sur lequel on pourra planter, à 10 mètres de distance les uns des autres, cent arbres. Supposons aussi que les bâtiments de la firme soient placés au centre de la propriété : une avenue sera nécessaire pour y aboutir, et si cette avenue, arrivée en face des bâtiments, se bifurque pour envelop- per ceux-ci et se continuer en arrière jusqu'à la limite extrême de ladite propriété, on aura un nouveau dé- veloppement linéaire de 500 mètres, qui pourra être planté de deux rangs d'arbres, l'avenue appartenant à la propriété; c'est donc un nouvel emplacement de cent arbres. Il ne nous en reste plus que cinquante qui pourront être aisément disséminés sans inconvénient le

166 CULTURE DU NOYER

long des haies qui séparent les bois, pacages, etc., des terres en culture.

Nous allons dire maintenant quelle sera la surface de terrain recouverte par les deux cent cinquante ar- bres, et si le préjudice occasionné par la présence de ces deux cent cinquante arbres n'est pas largement compensé par les bénéfices qu'on retirera d'une sem- blable plantation.

Pour la plantation des cent arbres faite le long de la voie publique, on devra, en se conformant aux arrêtés administratifs relatifs aux plantations sur le bord des routes, observer une distance d'au moins 2 mètres, à partir de la ligne de plantation jusqu'à l'arête exté- rieure du fossé bordant la route, l'arbre arrivé^ son entier développement couvrant un espace d'au moins 30 mètres de diamètre; c'est donc 15 mètres à ajouter aux 2 mètres déjà connus, ce qui nous donne une lar- geur totale de 17 mètres qui, multipliés par 1,000 mè- tres, développement linéaire occupé parles cent arbres, formeront une étendue superficielle de 1 hectare 70 ares.

Les cent arbres de l'avenue, plantés dans les mêmes conditions, donneront la même surface de terrain, soit ensemble 3 hectares 40 ares.

Quant aux cinquante arbres disséminés sur la pro- priété, le long des haies et des terrains de peu de valeur, le préjudice qu'ils occasionnent sera si peu de chose, que nous ne croyons pas devoir en tenir compte ici.

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 167

Nous n'avons donc à nous occuper, quant à présent, que d'une surface de 3 hectares 40 ares, et si cette su- perficie de 3 hectares 40 ares est cultivée en blé, on peut raisonnablement admettre une valeur locative de 260 fr.

La plantation coûtera, savoir :

Frais d'acquisition des 250 arbres, à ^

1 fr. l'un 250 »

Frais de plantation, 30 centimes par

Intérêts capitahses pendant quatorze ans 325 j>

Frais d'entretien pendant cinq an- nées, à 45 centimes par arbre 112 50

Le produit des 250 arbres âgés de 50 à 60 ans sera, en moyenne, de 4 hectol. 20 lit. par arbre et par année, soit, pour les 250 arbres, 300 hectol., au prix moyen de 7 fr. 50 l'hectol., 2,250 fr., ci 2,250 »

Les frais de récolte sont les suivants

60 journées d'homme, à 1 fr. 50 l'une. 90

120 journées de femme ou enfant, à 75 centimes 90 j> ] 218 12

Intérêts à 5 p. o/o des 762 fr. 50 dé- boursés 38 12

Soit près de huit fois le revenu du terrain.

Soit, produit net 2,031 88

168 CULTURE DU NOYER

Les 3 hectares 40 ares de terrain, dont nous avons évalué la valeur locative à 260 francs, auront comme valeur foncière, en prenant pour base un intérêt de 4 o/o, une valeur de 6,500 francs. En donnant à chaque arbre planté dans de bonnes conditions, et âgé de 60 ans, une valeur minima de 40 francs, les deux cent cinquante arbres auront une valeur intrinsèque et réelle de 10,000 francs, valeur presque deux fois égale à celle du terrain; ou, en d'autres termes, ce terrain, qui n'avait, avant la plantation, qu'une va- leur de 6,500 francs, pourra être vendu garni de ses deux cent cinquante arbres 16,500 francs environ. Indépendamment de cela, les grosses et menues bran- ches paieront avec bénéfice les frais généraux d'ex- ploitation. Nous avons vu quelquefois certaines loupes de noyer ayant moins de 0'» 60 cubes, valoir jusqu'à 300 et 400 francs. Ces loupes sont débitées en feuilles de placage, avec lesquelles on fait des meubles de luxe d'une grande richesse de dessin et d'une grande beauté.

On voudra bien nous excuser si nous avons répété dans cette conclusion ce que nous avions déjà dit dans le cours de cet ouvrage, et si nous sommes entré dans des détails si méticuleux sur l'organisation d'une hui- lerie agricole par voie d'association ; notre manière d'agir était la conséquence naturelle de l'importance que nous attachons à la propagation de l'arbre précieux dont nous avons signalé les avantages ; nous avons essayé aussi de

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 169

bien faire comprendre les conséquences heureuses pour l'agriculture de toute association agricole industrielle bien comprise et bien dirigée.

On ne devra pas se fixer d'une manière absolue sur les bases que nous avons adoptées pour l'apport de la matière première ; nous avons adopté cette base, parce qu'elle était celle du premier compte de fabrication que nous avions donné. Dans toute association qui pourra se former, chacun apportera la matière première dont il pourra disposer, quelque minime qu'en soit la quantité, et il participera aux charges et bénéfices de cette asso- ciation, au prorata de la valeur de la matière première qu'il aura fournie.

La fabrication agricole des huiles de noix et graines oléagineuses n'est pas la seule qui puisse se faire par association ; il y a encore la distillerie, la sucrerie, la brasserie, la cidrerie, la fabrication de la chaux, de la brique, etc., etc. Toutes ces hidustries peuvent venir de pair avec celles que nous venons d'indiquer, et concou- rir à la prospérité de nos exploitations rurales. Nous y ajoutons pour mémoire la culture de l'osier et la vannerie, les féculeries, amidonneries, etc, enfin le filage des plantes textiles, le lavage des laines, dont le suint donne un riche engrais pour les prairies. Tou- tes ces industries doivent être mises sur le même rang. Pourquoi ces industries sont-elles concentrées dans les villes. Quelle nécessité y a-t-il qu'il en soit ainsi ? Si on consultait la statistique agricole de la France, on

10

170 CULTURE DU NOYER

constaterait aisément qu'il existe chez nous un ca- pital de plus de 1,500 millions engagé dans ces indus- tries, et qui pourrait parfaitement être aux mains des agriculteurs. Ce capital est aujourd'hui possédé el exploité par des industriels vivant la plupart dans les villes. Ils achètent les denrées en nature au culti- vateur; celui-ci leur laisse les bénéfices que nous venons de relever, et de plus il est obligé de racheter fort cher les tourteaux, pulpes, drèches, etc., sans compter les frais de transport, qui sont à sa charge.

Les comices agricoles, les sociétés savantes proposent des prix aux écrivains qui font les plus belles phrases en l'honneur de la vie rurale, et qui s'élèvent éloquem- ment contre la désertion des campagnes. Eh bien ! nous croyons, nous, que ces comices et sociétés savantes^ s'ils ont la vraie intelligence des maux auxquels ils veulent remédier, atteindraient plus sûrement leur but, s'ils décernaient des primes aux agriculteurs qui doteraient leur contrée de ces sortes d'industries ; s'ils provoquaient eux-mêmes des associations pour faire refluer dans lem- localité tout leur travail, tout le profit direct et indirect qui en résulte.

Le cultivateur est routinier, sans doute, mais il a du bon sens; il n'est point indifférent au moyen de grossir son épargne. Quand il verra de ses yeux les bons résul- tats de ces tentatives, il s'y associera de toute sa force; il n'enlèvera plus son fils à l'agriculture pour en faire un avocat; les familles de journaliers resteront au foyer

FABRICATION DES HUILES DE NOIX 171

natal, car il y aura du pain et du salaire pour elles en toute saison.

Pour nous résumer, nous dirons qu'il faut bien se pénétrer de ces vérités, à savoir :

Que retirer dii sol le capital qu'il a fourni, c'est lui retirer des fonds productifs d'abord, puis des bras, et partant c'est appauvrir son pays ;

Que le capital matériel associé au capital intellec- tuel trouve toujours dans le sol l'emploi le plus sûr, le plus moral et le plus lucratif;

Que l'association pour des industries annexes, en- tre les petits propriétaires, est le seul moyen d'atténuer les funestes effets du morcellement, d'améliorer leur sort, en leur permettant de retirer de leurs produits des bénéfices d'autant plus avantageux, qu'il restera à la ferme des résidus précieux pour l'engraissement de leurs bêtes de rente, et l'amendement de leurs terres, dont il? préviendront ainsi l'épuisement;

4o Que les plantations de noyer faites avec intel- ligence et discernement, sans nuire en aucune façon aux autres cultures de la ferme, augmenteront d'une manière notable les revenus de celle-ci, seront plus tard pour les enfants de ceux qui les auront faites un capital qui donnera toujours de gros intérêts, ou qu'on pourra réaliser le cas échéant ; et qu'elles pourront donner lieu à une association industrielle, dont on est à même d'apprécier maintenant les conséquences heu- reuses qui en ressortiront pour l'agriculture.

172 CULTURE DU NOYER.

Ceux qui voudront bien prendre la peine de nous lire comprendront facilement maintenant les raisons qui nous ont déterminé à écrire cette seconde partie de notre ouvrage, et quel a été le but que nous avons voulu atteindre. Puissions-nous avoir réussi !

TABLE DES MATIÈRES

PREMIERE PARTIE.

Observations préliminaires 1

Notice sommaire 2

Noyer commun 4

Variétés du noyer 7

Terrain propre à la culture du noyer 15

Moyen de reproduction du noyer 18

Semis, choix des semences 18

Mode de semis 18

Semis en pépinière 19

Semis à demeure 23

De la plantation. Préparation du sol 24-

Des trous 25

Forme à donner aux trous 25

Dimensions des trous 26

De l'époque l'on doit faire les trous 27

De la manière dont les trous doivent être faits 28

Des tranchées 30

Préparation ou habillage des jeunes arbres 32

174 TABLE DES MATIÈRES

Habillage des racines 32

Habillage de la tige 33

Mise en terre des arbres 35

Des tuteurs 38

De la greffe et de son utilité 42

Instruments de greffage 47

Des ligatures 48

Des onguents et mastics à greffer 48

Du mastic à chaud 50

Du mastic à froid 54

Modes de greffe 57

Greffe par gemma en écusson 57

Greffe en écusson à œil dormant 61

Greffe en écusson à œil poussant 62

Greffe en sifflet et en flûte 62

Du rajeunissement des vieux arbres par l'élagage des

branches 67

Maladies du noyer 68

État de langueur et de dépérissement 69

Des ulcères 70

De la carie 71

Récolte des noix 75

Nouveau mode d'abattage des noix 77

Conservation des noix 80

Utilité du noyer et de son fruit dans les arts et Técono-

mie domestique 82

Frais et produits d'une plantation de noyers 85

Aperçu des frais 86

Produits de la plantation 88

États de frais et produits modiflés 91

TABLE DKS MATIERES 175

SECONDE PARTIE.

Fabrication des huiles de noix. Préliminaires 97

Procédés généraux de fabrication 99

Cassage et préparation des noix 99

Du froissage des noix 103

Du chauffage de la pâte 110

Du pressurage 113

Presses à vis 118

Presses hydrauliques 118

Presses à coins 119

Huilerie travaillant à façons 125

Fabrication industrielle et commerciale 128

Usages économiques et conservation 137

Moyens de détruire la rancidité des huiles 138

Par l'eau pure et salée 139

Par le vinaigre. Par l'alcool. Par la magnésie. . . 140

Épuration. Huile de noix cuite 140

Procédé nouveau pour purifier l'huile de noix et lui donner la transparence, le goût et l'onctuosité de

l'huile d'olives 1 42

Falsification des huiles de noix 144

Tableaux faisant connaître les propriétés physiques et chimiques des huiles de noix, et de celles avec les- quelles on pourrait les falsifier 145-46-47

Conclusion 148

1^

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