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Doyen de la Faculté des sciences de Paris, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle ; Membre de l'Institut (Académie des sciences) ; des Sociélés royales de Londres et d'Edimbourg ; des Académies de Stockholm, de Saint-Pétei'sbourg, de Vienne, de Berlin, de Konigsberg, de Copenhague , de Bruxelles et de Naples ; de la Société Hollandaise des sciences, de l'Académie Américaine ; De la Société des Naturalistes de Moscou ; des Sociétés Linnéenne et Zoologique de Londres; de l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie ; du Lycéum de New-York ; des Sociétés d'Histoire naturelle de Munich, Somerset, Montréal, l'île Meurice; des Sociétés Entomologiques de France et de Londres; des Sociétés Ethnologiques d'Angleterre et d'Amérique, de l'Institut historique du Brésil; De l'Académie impériale de Médecine de Paris ; des Sociétés médicales d'Edimbourg, de Suède et de Bruges; de la Société des Pharmaciens de l'Allemagne septentrionale ; Des Sociétés d'Agriculture de Paris, de New -York, d'Albany, etc. TOME PREMIER o.4f.n PARIS LIRRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE M DCCC LVII Droit de traduction réservé. M. J. DUMAS SÉNATEUR, MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANGE, PROFESSEUR DE CHIMIE A LA FACULTÉ DES SCIENCES, ETC., ETC. Mon cher et savant ami , Lorsque nous étions l'un et l'autre au début de notre carrière , je vous ai dédié mon premier opuscule , parce que déjà à cette époque vous étiez un des hommes que j'aimais et que j'estimais le plus. Un tiers de siècle s'est écoulé depuis ce temps , et ce sont les mêmes sen- timents qui me dictent aujourd'hui le nom inscrit en tête de cet ouvrage. Mais ce n'est pas seulement en souvenir de notre vieille et constante amitié que je viens vous offrir encore une fois le fruit de mes travaux : recevez aussi ce livre comme un témoignage public de la haute valeur que j'attache aux découvertes dont la science vous est redevable. MILNE EDWARDS. Paris, au Jardin des Plantes, ce 11 janvier 1857. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Open Knowledge Commons http://www.archive.org/details/leonssurlaphys01miln LEÇONS SUR LA PHYSIOLOGIE ET L'ANATOMIE COMPARÉE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX. PREMIÈRE LEÇON. Introduction. — Considérations générales sur le mode de constitution du Règne Animal — Tendances de la Nature dans la création des êtres animés. Messieurs, § i. — Ces leçons ont pour objet l'étude de la vie et de ses Suet instruments dans l'ensemble du Règne animal ; ou en d'autres du COl,rs• mots, la physiologie générale et Vanatomie comparée des êtres animés. A mes yeux, la physiologie et Tanatomie sont des parties inséparables d'une seule et même science. Non-seulement elles se prêtent un mutuel et nécessaire appui, mais leur but est commun, et elles doivent se confondre sans cesse dans la pensée de tous ceux qui, à l'exemple d'Aristote, cherchent à connaître la nature des animaux. Quel intérêt, en effet, le philosophe trouverait-il dans l'étude de la structure intérieure de tous ces êtres, si cette étude ne se liait, dans son esprit, à celle des fonctions de leurs organes ? et comment pourrait-il acquérir i. 1 i2 INTRODUCTION. des idées saines touchant les facultés dont les corps vivants sont doués, s'il restait dans l'ignorance des agents matériels ou instruments à l'aide desquels ces facultés s'exercent? Pour résoudre de pareilles questions, il suffit de les poser nettement, et, par conséquent, je ne m'arrêterai pas davantage à motiver l'union intime que je me propose de maintenir toujours ici entre l'investigation des phénomènes de la vie et l'examen des organes qui servent à les produire. § 2. — Ne croyez pas cependant que, si j'attache une si grande importance aux études anatomiques, c'est parce que j'attribue au mode d'arrangement de la matière dont les Animaux sont composés le merveilleux ensemble de propriétés vitales dont ces êtres sont doués, et que, suivant les errements de quelques écoles physiologiques , je considère l'organisation comme étant tout dans l'économie des corps vivants. Non : les pro- priétés physiologiques de l'Animal ne sont pas, à mon avis, une conséquence de so structure, mais la raison d'être de celle-ci. Chacune de ces machines admirables, en naissant dans la main du Créateur, me semble avoir été appelée d'avance à exercer une série d'actes déterminés, et porter en elle le germe de la puissance qui la fera agir, avant que d'être pourvue des instru- ments nécessaires à l'exercice de cette force. Il y a toujours harmonie entre les fonctions et les organes ; mais ce qui domine dans l'être animé et commande en quelque sorte la nature qui lui sera propre, c'est la manière dont les forces qu'il met enjeu doivent s'exercer dans son organisme, et non la manière dont ses organes sont constitués (I). Développer ici ces vues, si contraires aux idées des matéria - (1) La nature propre de chaque qui doit en provenir, mais le siège Animal est fixée longtemps avant que de la force organogénique qui dé- celui - ci ait aucune des parlicula- terminera l'édification de cet être rites de structure à Taide desquelles nouveau. Cela se verra quand nous cette nature se manifestera. Le germe étudierons la génération des Ani- n'est pas une miniature de ranimai maux. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 3 listes, serait chose prématurée, car ce n'est pas sur une con- naissance superficielle de la Création qu'elles reposent. Elles se justifieront sans peine, à mesure que nous avancerons dans l'étude de la physiologie comparative; mais je ne vous deman- derai pas de les admettre au rang des vérités démontrées, jus- qu'à ce que vous ayez vu avec moi comment chaque animal se développe et porte en lui le principe du genre de vitalité propre à son espèce, bien avant que d'avoir dans sa structure rien qui soit en rapport avec son mode d'activité future ou qui le distingue d'autres individus dont les facultés et les organes seront différents. Je le répète, ce serait prématuré d'insister en ce moment sur des considérations de cet ordre ; mais il m'a sem- blé utile de caractériser dès le début de cet enseignement la conclusion générale qui en sortira. § o. — Les phénomènes que les corps vivants offriront à notre étude sont en partie des conséquences des lois de la physique et de la chimie qui régissent l'univers, et je m'appli- querai à mettre en évidence ces liens entre la nature inorga- nique et les êtres organisés; mais il en est d'autres qui ne trouvent aucune explication dans ces lois générales, et qui ne se produisent que là où il y a vie. On est donc conduit à les considérer comme dépendants d'une force qui serait propre aux corps doués de ce genre d'activité, et à personnifier en quelque sorte cette puissance par une dénomination spéciale, de la même manière qu'on le fait pour les forces physiques qu'on appelle lumière ou chaleur, par exemple, sans que cette désignation implique aucun jugement sur la nature intime de ces agents, et donne nécessairement l'idée ni d'un fluide ni d'un mouvement vibratoire. Ce n'est pas avant d'avoir étudié toutes les circonstances dans lesquelles le principe vital se manifeste, que nous pourrons chercher utilement s'il est possible de nous former quelque idée de sa nature et des lois auxquelles il est assujetti. Mais je crois devoir, dès aujourd'hui, vous mettre en Il INTRODUCTION. garde contre des opinions erronées que vous rencontrerez cer- tainement dans vos lectures. Les physiologistes représentent souvent la force vitale comme étant en opposition avec les forces générales de la nature, et comme soustrayant la matière organisée à l'influence des puissances chimiques (1). Or, ce n'est pas de la sorte que nous la verrons agir; elle peut exercer une influence plus ou moins grande sur le jeu des affinités, et elle détermine souvent la production de composés qui ne se forment pas en son absence; mais cet ordre de phénomènes n'implique aucune lutte de forces contraires, et rappelle seule- ment ce qui se voit tous les jours dans le Règne inorganique, lorsque le développement des affinités ordinaires de la chimie est excité ou arrêté par l'influence d'agents physiques, tels que la chaleur ou l'électricité. Les êtres vivants ne sont pas sous- traits à l'action des forces générales delà Nature, mais ils sont soumis en même temps à l'influence de la vie, qui est aussi une force, et qui leur appartient en propre. C'est la vie qui coordonne les forces chimiques et physiques, de façon à produire les phé- nomènes dont les corps organisés nous offrent le spectacle, mais elle ne s'y substitue pas et n'en arrête pas les effets. Le physiologiste doit, par conséquent, étudier avec soin la série des réactions chimiques et des phénomènes physiques dont l'organisme peut être le siège; mais il ne faut pas croire que dans la machine animée tout puisse s'expliquer par le jeu de ces forces, et je dois attacher non moins d'importance à bien mettre en lumière ce qui dépend de l'influence de la puissance vitale, force sans laquelle aucun être organisé ne pourrait même commencer à exister (2). § II. — Deux voies me sont ouvertes pour vous initier à la connaissance des phénomènes dont je vais vous entretenir. Je (1) Cuvier, Leçons d'anatomie com- tant plus nécessaire que dans ce mo- paréc, t. I, p. 2. ment des idées fort analogues à celles ('2 Cet énoncé m'a semblé d'au- dont je fais la critique se produisent CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 5 pourrais vous tracer le tableau de l'état actuel de la science en vous parlant de ce que nous savons, sans m'occuper de la manière dont ces connaissances ont été acquises ; c'est la sous une nouvelle forme el sont net- tement formulées par quelques chi- mistes d'un grand mérite. Les écri- vains de celte école ne voient dans les phénomènes de la vie que le résultat des forces physiques et chimiques qui régissent la matière inerte ; ils repous- sent toute idée de l'existence d'une force qui ne se manifesterait que dans les êtres vivants, et ils s'imaginent que le moment n'est pas éloigné où, d'après les lois connues des combinai- sons chimiques ou des phénomènes delà physique générale, on expliquera la naissance de la pensée aussi bien que la formation des êlres organisés. Pour montrer jusqu'à quel point cette physiologie toute chimique ou pure- ment mécanique est portée, il me suffira de citer quelques passages du dernier ouvrage publié sur ce sujet par un professeur célèbre de l'une des grandes universités de l'Alle- magne, VI. Lehmann. « Comme on ne peut guère démon- » trer l'existence d'une force dite » vitale , appartenant exclusivement » aux corps organisés, tous les phéno- » mènes propres aux êtres vivants » doivent pouvoir s'expliquer par les » lois de la physique et de la chimie : » ces lois seules nous donneront la » clef des phénomènes de la vie. ; aussi » dans un avenir peu éloigné, la phy- » siologie animale sera-t-elle entière- » ment réduite aux seuls principes de » physique et de chintie (a). » Dans un autre passage du même livre, M. Lehmann assimile le jeu du système nerveux à l'action des mus- cles ou au travail sécrétoire des glandes, et, dans le chapitre traitant des forces et lois des mouvements organiques (6), il s'explique plus com- plètement, et assure que l'hypothèse d'une force vitale n'est rien moins que logique ; puis, un peu plus loin, parce que le bichromate d'ammo- niaque, sous l'influence de la cha- leur, donne naissance à un corps dont la forme rappelle celle des feuilles de thé, il pense que le développement du poulet dans l'intérieur de l'œuf (et par conséquent la génération de tous les êtres vivants animés ou inanimés) dépend de forces du même ordre, et doit rentrer dans le domaine exclusif de la physique et de la chimie (c). Un autre physiologiste, à qui l'on doit un travail intéressant sur les fonctions du système nerveux, a im- primé dernièrement dans les Archives de Millier, que bientôt sans doute la psychologie ne sera plus qu'une bran- che de la mécanique (d). La large part que je me propose d'accorder ici à l'étude des phéno- mènes physiques et chimiques dont les êtres vivants sont le siège m'im- posait le devoir de prémunir mes (a) Précis de chimie physiologique animale, par Lehmann, traduit de l'allemand par M. Drion. Paris, 1855, p. 7. (6) Lehmann, Op. cit., p. 294. (c) Lehmann, Op. cit., p. 298. (d) Fink, Ueber die Himfunclion (Miiller's Archiv fur Anatomie und Physiologie, 4851 , p. 385). 6 INTRODUCTION. marche suivie d'ordinaire dans nos écoles, et elle a l'avantage de la concision et de la force. Ou bien je puis arriver au même but en vous faisant assister aux découvertes successives à l'aide auditeurs contre les exagérations aux- quelles cette étude a pu conduire quel- ques esprits d'élite. Du reste, c'est seu- lement après avoir traité de l'origine et du développement des animaux, qu'il me sera possible de discuter à fond les questions que je viens de soulever. Je me bornerai donc à ajouter ici que les idées développées dans cette leçon ne sont pas en désaccord avec les opi- nions de tous les chimistes. Ainsi M. Dumas, dans les beaux travaux qu'il a faits en commun avec Prévost sur la génération, pose en fait qu'il existe chez les animaux deux ordres de phénomènes dont les uns sont sus- ceptibles d'une explication purement physique et dont les autres supposent un principe immatériel (a). Je citerai aussi à l'appui de ces vues le passage suivant emprunté aux écrits d'un autre chimiste dont l'opinion fait également autorité dans la science. Après avoir dit que c'est principa- lement à la chimie qu'il appartient d'expliquer les transformations que les êtres organisés font subir à la matière des aliments qu'ils puisent au dehors pour se les assimiler, M. Chevreul ajoute : « Mais je conviens que tous les » phénomènes de la respiration, de la » circulation, des sécrétions, de la di- » gestion et de l'assimilation seraient » expliqués par les sciences mécani- » ques, physiques et chimiques, que » vraisemblablement nous ne serions » guère plus avancés que nous le » sommes sur la cause première de » la vie ; car si ces phénomènes sont » réellement des effets dont les causes » prochaines rentrent dans le domaine » des sciences que nous venons de » nommer, il est évident qu'il y a au » delà une cause plus générale, dont » l'effet, réduit à l'expression la plus » simple, se révèle dans le développe- » ment progressif du germe et de » l'être qui en provient ; et ici je » n'examine pas la question de la » préexistence du germe ou de son ori- » gine par épigénie. C'est bien effecti- » vement la puissance qu'a le germe » de se développer peu à peu aux dé- » pens du monde extérieur, de ma- » nière à représenter l'être dont il » émane et à reproduire des êtres sem- » blables à lui ; c'est cette puissance, » dis-je, dont l'action nous échappe » à son origine, et ne se manifeste à » nos sens que quand le germe appa- » raît déjà comme corps organisé, qui » est le fait capital de l'organisation, le » mystère de la vie. Car l'être vivant » ne peut se développer avec la con- » stance que nous observons dans sa » forme et les fonctions de ses or- » ganes, sans qu'il y ait une harmonie » préalable entre toutes ses parties et » les conditions extérieures où son » existence est possible ; par consé- » quent, sans que toutes les forces » auxquelles nous rapportons immé- » diatement les phénomènes de la vie » soient balancées dans leurs opposi- » tions, coordonnées dans leurs actes » successifs, de manière à concourir (a) Nouvelle théorie de la génération, par MM. Prévost et Dumas ( Annales des sciences natu- relles, 1824, t. I, p. M). CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 7 desquelles la science physiologique de nos jours s'est lentement constituée; vous montrer comment chaque vérité acquise a conduit à une vérité nouvelle, et dire comment chaque grand résultat a été préparé avant que d'apparaître aux yeux de l'homme de génie qui y a attaché son nom, parce qu'il l'a posé sur des bases solides. Cette méthode d'exposition vous paraîtra peut-être longue et parfois fatigante ; mais j'ai la ferme conviction de sa supériorité lorsqu'il s'agit, non-seulement d'instruire de jeunes étudiants, mais de former des investigateurs destinés à venir à leur tour reculer les bornes de la science. Pour vous apprendre à marcher dans la voie des découvertes, je ne saurais mieux faire, ce me semble, que de vous dire comment nos devanciers en physio- logie ont été conduits à découvrir tout ce que nous savons. Ces considérations d'utilité pratique auraient pu suffire pour déterminer mon choix; mais les raisons dont je viens de parler ne sont pas les seules qui me portent à préférer la méthode d'exposition historique et progressive. C'est, à mon avis, un spectacle plein d'intérêt et d'enseignements utiles que celui du développement graduel d'une science, des progrès de l'esprit humain dans la recherche du vrai, et des efforts con- tinus sans lesquels aucune conquête importante ne saurait s'effec- tuer. C'est une erreur de croire qu'une science quelconque ait » toutes vers un but unique. Ëh bien, » jetties à une forme déterminée, sus- » il est évident pour moi que ce qui » ceptible d'accroissement régulier aux » distingue essentiellement le corps » dépens du monde extérieur. En dé- » organisé du corps brut, ce n'est pas » finitive, je n'ai jamais aperçu aussi » la nature des forces auxquelles nous » clairement qu'aujourd'hui combien » rapportions immédiatement les phé- » il y aurait peu de raison à suppo-^ » nomènes de la vie, mais bien la » ser que celui qui aurait expliqué » cause première du balancement mu- » la digestion, l'assimilation, la respi- » tuel de ces forces et de leur coordi- » raliun, la circulation et les sécré- » nation pour maintenir la vie dans » lions, serait en état d'expliquer la » un assemblage de molécules assu- » vie (a). » (a) Appendice au sixième Mémoire des Recherches chimiques sur la teinture, par M. Chevreul ( Mémoires de l'Académie des sciences, 1853, t. XXIII, p. 32). 8 INTRODUCTION. atteint l'âge viril dès sa naissance, et soit sortie du cerveau de l'in- venteur armée de pied en cap, comme la Minerve de la poésie antique. Chaque question s'est mûrie lentement; et si c'est pour tous une tâche ingrate et fastidieuse que de rappeler la longue série des opinions fausses ou incertaines dont elle a pu être l'objet, c'est au contraire une œuvre utile et pleine de charmes (au moins pour celui qui l'entreprend) que de montrer comment la lumière s'est faite. En voyant la manière dont la science s'est constituée et a grandi peu à peu, on en saisit mieux l'esprit et les méthodes ; on apprend à connaître les hommes aussi bien que les choses, et l'on s'inspire d'un juste respect pour les travaux des investigateurs de la Nature, lors même que les fruits de leur labeur n'auraient pas encore apparu ; car dans cette étude on rencontre maints exemples de faits qui, restés longtemps stériles et négligés, sont devenus tout à coup le germe d'une grande découverte lorsque le moment était arrivé pour en comprendre la portée, et qu'un homme de génie était venu y apposer son cachet. En traitant de chacun des points dont l'étude doit nous occu- per ici, je présenterai donc une histoire succincte des progrès réels de cette partie de la science, et l'on remarquera bientôt, je pense, qu'en suivant de la sorte l'ordre chronologique des découvertes qui sont connexes, je suivrai en même temps l'ordre logique des idées; car les connaissances acquises à une époque sont toujours les préliminaires naturels et souvent nécessaires des découvertes qui vont surgir, et l'enchaînement des faits dont une science s'enrichit successivement est d'ordinaire en accord avec les relations que ces faits doivent conserver dans notre esprit. Ce n'est ni des erreurs des observateurs, ni des opinions contraires des écrivains, que je me propose de vous entretenir; c'est le récit des conquêtes réelles de la science physiologique que je viens vous faire. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 9 Je vous indiquerai ainsi, en passant, les sources où nous devons puiser pour compléter nos études; car, dans un cours comme celui-ci, le professeur doit bien se garder de vouloir tout dire, et il doit désirer surtout enseigner à apprendre. Je m'appliquerai aussi à mettre en lumière les consé- quences à déduire des faits que nous fournissent l'observa- tion ou l'expérience, 'et à coordonner ces faits de manière à en former un ensemble que l'esprit accepte. Par conséquent, à la narration des découvertes viendront se mêler nécessaire- ment la discussion des résultats qui en découlent et l'exposé des théories à l'aide desquelles on groupe les faits et l'on for- . mule les idées générales qui les résument. Dans quelques écoles de physiologie, on professe un grand dédain pour les vues de l'esprit, et l'on répète à chaque instant que les faits seuls ont de l'importance dans la science; que le philosophe véritable doit se borner à les enregistrer. Mais c'est là encore, ce me semble, une grave erreur. Une pareille pensée serait excusable chez un ouvrier obscur qui, employé sans relâche à tailler dans le sein de la terre les matériaux d'un vaste édifice, croirait que le rôle de l'architecte ne consiste qu'à entasser pierre sur pierre, et ne verrait dans le plan tracé d'avance par le crayon de l'artiste qu'un jeu de son imagina- tion, une fantaisie inutile. Mais l'ouvrier carrier lui-même, s'il ne restait pas dans son souterrain, et s'il voyait tous les blocs informes qu'il en a tirés se réunir sous la main du maître pour constituer le Parthénon d'Athènes ou le Cotisée de Rome, comprendrait que la science de l'architecte n'est pas une science inutile, lors même que le monument créé par son génie ne devrait avoir qu'une durée éphémère, et que les débris de l'édi- fice tombé en ruines ne serviraient plus tard que de matériaux pour des constructions nouvelles. 11 en est de même pour les théories clans la science : ce sont elles qui y donnent la forme et le mouvement ; qui servent de lien entre les faits dont la réu- i. 2 10 INTRODUCTION. nion en faisceaux est une des conditions de leur emploi utile ; qui guident et excitent les explorateurs dans la voie des décou- vertes. La chimie moderne est là pour attester l'utilité des théo- ries, bien que ces créations de l'esprit soient destinées le plus souvent à ne durer que peu de temps, et doivent tomber dès qu'elles se trouvent en désaccord avec les résultats fournis par l'observation des choses. Exclure les vues théoriques de l'his- toire des phénomènes de la vie, serait priver les sciences natu- relles d'un élément qui leur est nécessaire, et, dans les études auxquelles je vais me livrer avec vous, je ne crois pas devoir négliger l'usage de leviers aussi puissants, tout en m'appliquant à n'en faire qu'un sage emploi (1). Il me semblerait inutile d'appeler votre attention sur la dis- (1) Pour montrer que je n'exagère pas les tendances dont il m'a paru nécessaire de faire ici la critique, il me suffira de citer quelques lignes du résumé par lequel un professeur illustre du Collège de France terminait son cours de physiologie à l'époque où je commençais mes leçons à la Sorbonne. «La découverte bien constatée d'un » fait, disait Magendie, est plus pré- » cieuse pour moi que les rapproche- » menls les plus brillants, rapproche- » ments qui d'ailleurs ne servent à » rien, ne mènent à rien qu'à faire » ressortir le mérite, le talent oratoire » du professeur. » (Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, par Magendie, t. IV, p. 391.) Du reste, tout en m'élevant contre une tendance qui me semble mauvaise, je croirais manquer à la justice, si je ne saisissais pas la première occasion pour olfrir un tribut d'éloges à l'ex- périmentateur habile et infatigable dont je viens de rappeler les opinions. Magendie a rendu de grands services à la science, non-seulement par les nombreuses découvertes dont il a en- richi la physiologie, mais aussi par la grande impulsion qu'il a su donner à l'examen direct et sévère des phéno- mènes de la vie. Il était remarquable pour l'indépendance de son esprit; il faisait une guerre incessante à ces mots scolastiques sous lesquels on dé- guise trop souvent notre ignorance de la nature des choses ; et il ne se las- sait pas de proclamer la nécessité du secours de la chimie et de la physique dans l'étude des fonctions vitales. Son nom reviendra fréquemment dans le cours de ces leçons, et ses travaux sont trop nombreux pour que je puisse en donner ici une liste ; mais j'ajou- terai qu'on lui doit la démonstration du fait important de l'absorption veineuse et de belles expériences sur les fonctions du système nerveux. Il débuta dans la voie des recherches vers 1809, et, après avoir siégé pen- dant trente-quatre ans à l'Académie des sciences, il mourut à Paris, en 1855. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 11 tinetion que quelques auteurs modernes ont eherché à établir entre la physiologie qu'ils appellent expérimentale et la physio- logie d'observation ; la science doit mettre à son service tous les moyens d'investigation, et elle l'a toujours l'ait. Pour décou- vrir ce qui est, elle a eu recours à l'observation, c'est-à-dire à la constatation des faits qui existent sans que nous les ayons fait naître, et à l'expérimentation ou étude des faits dont nous déter- minons la manifestation; l'observation et l'expérience sont deux instruments que la main du physiologiste a toujours maniés et qui lui sont également nécessaires. Les moyens d'étude que les sciences physiques lui fournissent aujourd'hui sont, il est vrai, plus puissants et plus utiles que ceux dont dis- posaient nos pères; mais la physiologie expérimentale n'est nouvelle que de nom, et pour la supposer d'origine toute récente, il faut ignorer ce que la science doit à nos devanciers. En étudiant ici les phénomènes et les instruments de la vie, je n'aurai à m'occuper que de la physiologie et de l'anatomie des animaux. J'avouerai volontiers mon impuissance à traiter de l'ensemble de la physiologie générale, qui a pour domaine la Création organique tout entière, et doit embrasser tout ce qui est connu dans l'histoire de la vie chez les plantes et les ani- maux : je ne pourrais vous parler avec confiance de ce qui est du ressort de la botanique, car on ne parle utilement que de ce qu'on connaît bien, et un professeur de la Faculté de Paris ne doit pas être seulement l'écho des paroles d'autrui. Mais sans sortir des attributs de ma chaire, j'ai un vaste champ à explorer. Pour remplir ma tache, je ne dois pas me borner à l'étude des phénomènes et des instruments de la vie chez un animal en particulier : ce n'est pas la physiologie de l'homme éclairée par des expériences faites sur les animaux qui doit nous occuper exclusivement, comme cela arrive lors- qu'on traite de cette science en vue de ses applications à la mé- decine ; c'est la physiologie des êtres animés en général, depuis 19 INTRODUCTION. les plus simples jusqu'aux plus parfaits. Je dois surtout vous montrer comment les grandes manifestations de la vie se modi- fient dans le Règne animal tout entier; comment les instruments variés que la nature a mis en usage concourent à l'exercice des facultés dont ces êtres sont doués, et tracer le tableau de ce qu'il importe le plus de connaître dans l'ensemble de la Création animée, œuvre la plus merveilleuse de toutes les œuvres de Dieu, où chaque chose cependant est une merveille aux yeux de celui qui sait voir. Pour remplir cette lâche, je me propose d'étudier successive- ment toutes les grandes fonctions vitales dans le Règne animal tout entier (1). Je ne m'arrêterai pas sur les prolégomènes que les physiologistes placent d'ordinaire en tête de leurs livres, mais qui devraient, ce me semble, en être plutôt le chapitre final. J'en- trerai donc presque immédiatement dans le cœur du sujet dont nous avons à nous occuper ; mais avant d'aborder l'histoire des actes physiologiques, il me parait utile de dire quelques mots sur les lois qui semblent avoir régi la Création animale (2). Des tendances de la Nature dans la constitution des animaux. Diversité § 5. — Lorsque le physiologiste porte les yeux sur les ani- maux innombrables qui peuplent la surface de la terre ou qui vivent dans le sein des eaux, et que, sans s'arrêter aux diffé- (1) Le nombre des leçons dont se delà sorte approfondir tour à tour les compose le cours semestriel de phy- diverses parties de la science. C'est la siologie et d'anatomie comparée de la réunion des leçons principales ainsi Faculté des sciences ne me permet réparties dans une série de cinq ou six pas de m'é tendre également sur l'his- cours que je me propose de publier toire de toutes les fonctions ; mais dans cet ouvrage, chaque aimée je traite assez longue- (2) J'ai développé ces vues dans un ment d'une partie de ce vaste sujet, ouvrage sur les tendances de la Nature sauf à ne présenter qu'une esquisse dans la constitution du Règne animal, rapide du reste, et, tout en satisfaisant publié, il y a quelques années, sous aux exigences des programmes de le titre d'Introduction à la Zoologie l'enseignement universitaire, je puis générale (1851). TENDANCES DE LA NA.TURE. 13 pences extérieures dont il est d'abord frappé , il observe la manière dont la vie se manifeste chez tous ces êtres, et le mé- canisme de leur organisation, son esprit reste étonné à la vue de la diversité presque infinie qu'il y remarque. Les condi- tions d'existence varient, les facultés diffèrent, les instruments, lors même qu'ils sont affectés à des usages analogues, ne se ressemblent pas toujours, et les différences anatomiques ou phy- siologiques se rencontrent, non-seulement d'espèce à espèce, mais entre les divers individus d'une même espèce, et jusque dans le même individu, à diverses époques de son existence. Le premier caractère de la grande Création zoologique semble être en effet la diversité des produits. Mais lorsqu'on vient à étudier avec plus d'attention l'en- Loi v d'économie. semble du Règne animal, on ne tarde pas a s apercevoir que la Nature, tout en satisfaisant si largement à la loi de la diversité des organismes, obéit aussi à une loi d'économie ; elle n'a pas mis en usage toutes les combinaisons physiologiques possibles, et se montre d'autant plus sobre d'innovations que celles-ci ont plus d'importance. 11 semble aussi qu'avant d'avoir recours à des ressources nouvelles pour varier ses produits, elle ait voulu épuiser en quelque sorte chacun des procédés qu'elle avait mis en usage pour obtenir ces dissemblances, et autant elle se montre prodigue de variétés dans les œuvres de la Création , autant elle paraît économe dans les moyens à l'aide desquels s'obtient cette richesse de résultats. § 6. — Parmi les causes qui déterminent les différences phy- Degrés siologiques dont les animaux nous offrent des exemples si mul- tipliés, l'une des plus puissantes est Yinégalité dans le degré de perfectionnement auquel ces êtres arrivent. Tous les animaux sont, il est vrai, également bien con- stitués pour remplir le rôle qui leur est assigné dans le vaste ensemble de la Création, et, à ce point de vue, on peut dire avec Cuvier qu'ils sont tous également parfaits dans do perfection variés. 1/j. INTRODUCTION. leur espèce (1) ; mais ce rôle est loin d'avoir toujours la même étendue et la même importance. Chez les uns , les résultats du travail physiologique sont faibles, obscurs et grossiers; les actes varient peu et sont d'une simplicité extrême ; la puissance vitale ne s'exerce que dans une sphère étroite, et elle s'éteint promp- tement. Chez d'autres, au contraire, les fonctions se multi- plient à un haut degré; la vie se complique et se prolonge ; les facultés grandissent, et le jeu de l'organisme s'effectue avec non moins de précision que de puissance. En réalité, les animaux sont donc très inégalement dotés : les uns sont supérieurs aux autres sous le rapport physiologique; et comme les fonctions des êtres vivants, de même que le travail d'une machine inanimée, sont nécessairement en relation avec leur structure, il en résulte que les animaux diffèrent aussi entre eux, par des degrés divers dans le perfectionnement de leur organisme. Pour donner la preuve de cette supériorité relative des uns sur les autres, il suffit en effet de nommer ensemble l'Huître, le Colimaçon ou le Poulpe, les Poissons, le Lièvre, le Chien et le Singe. Cette cause de diversité se révèle dans les individus d'une même espèce aussi bien que dans les espèces comparées entre elles, et se reconnaît encore dans les modifications que chaque individu subit pendant le cours de son existence. Le perfectionnement inégal des organismes est donc bien un des caractères de la Création zoologique; et quoique les ani- maux ne forment pas, comme le voudraient quelques philo- sophes, une série naturelle, une sorte de chaîne, depuis les plus simples jusqu'aux plus parfaits, il existe entre ces termes extrêmes une multitude d'intermédiaires, et c'est avec raison qu'en les comparant sous le rapport physiologique, le natura- liste appelle les uns des animaux supérieurs, les autres des ani- maux plus ou moins dégradés, ou animaux inférieurs. (1) Voyez Duvernoy, Leçons sur nisés, professées au Collège de France, l'histoire naturelle des corps orga- 1839, 1" fascicule, p. /j. TENDANCES DE LA NATURE. 15 Nous aurons à étudier, par la suite, les divers phénomènes de la vie à chacun de ces degrés du perfectionnement des orga- nismes ; mais dès ce moment nous devons chercher par quel genre de procédés ces résultats ont été obtenus. § 7. — La supériorité relative d'un être vivant, de même que de fu°p£ilé. celle d'une machine inanimée, peut dépendre, soit de la puissance d'action dont il est doué, soit de la perfection plus grande avec laquelle ses organes fonctionnent. En effet, clans l'organisme, ainsi que dans le travail de nos usines, la quantité des pro- duits est indépendante de la qualité de ces mêmes produits, et l'importance des résultats obtenus est soumise à deux condi- tions distinctes : à la grandeur des forces mises en jeu, et à la manière dont ces forces sont appliquées. La supériorité d'un animal, par rapport à ceux auxquels on le compare, peut donc tenir à l'une ou à l'autre de ces causes : à l'intensité plus grande de la puissance vitale, ou à un meilleur emploi de la force dépensée. Or, le corps d'un animal se compose toujours d'un assem- Jnil™nce L i u de la masse. blage de parties distinctes qui, en fonctionnant, contribuent, chacune pour sa part, à la production de l'ensemble des phé- nomènes par lesquels la vie de l'individu se manifeste. Il est donc évident que, toutes choses égales d'ailleurs, la somme des forces dont cet organisme dispose doit être proportionnelle au nombre des éléments physiologiques qui concourent à le former, et il est non moins évident que, toutes choses étant encore égales d'ailleurs, ce nombre doit être en rapport avec le volume du corps ainsi composé. L'influence du volume d'un organe ou instrument physio- logique sur la quantité des produits qu'il peut fournir, ou, pour employer ici le langage de la technologie, l'influence de la masse des matières mises en jeu sur le rendement de la machine que ces matières constituent est facile à comprendre et à constater. 16 INTRODUCTION. Loi S -8. ' — Le procédé le plus simple à l'aide duquel la supé- d'accroissement * * * riorité physiologique puisse s'obtenir doit donc consister dans l'augmentation du volume du corps vivant tout entier ou de ses parties les plus importantes. Et en effet, nous verrons que tout être organisé n'arrive à son état parfait qu'après avoir grandi de la sorte pendant un temps plus ou moins long. La loi d'ac- croissement est une loi générale dans les deux règnes de la Création organique, et, lorsque l'on compare entre eux les ani- maux arrivés au terme de leur développement, on voit que les espèces de grande taille sont toutes des espèces élevées en organisation, tandis que les êtres les plus dégradés sont restés au nombre des plus petits. Répétitions ici ]a loi d'économie dont il a déjà été question se montre de organiques. nouveau ; car, pour obtenir aux moindres frais cet accroissement dans le nombre des instruments physiologiques de l'organisme, la Nature a recours à la répétition de parties déjà existantes ; elle se copie elle-même, et elle se borne à multiplier les parties similaires. Division c 9 — iyjajs ce^e cause cie supériorité ne suffit pas à faire du travail. ° l l naître toute la diversité que le Règne animal nous offre sous ce rapport, et ce qui contribue à donner aux êtres animés un rang plus ou moins élevé, c'est ia qualité bien plus que la quantité des produits de la machine vivante. Or, dans les créations de la Nature, de même que dans l'industrie des hommes, c'est surtout par la division du travail que ce perfectionnement s'obtient (1). Dans les sociétés naissantes, chaque homme est obligé de pourvoir directement aux nombreux besoins dont il est sans (1) Ce principe de physiologie gé • naturelle. Je l'ai développé dans nérale , qui aujourd'hui est adopté beaucoup de mes écrits, et mon re- par presque tous les zoologistes, a été gretté ami Adrien de Jussieu en a fait formulé pour la première fois dans un récemment l'application à la classifi- article sur Y organisation des ani- cation des végétaux. (Voy. son Cours maux, que j'ai publié en 1827 dans élémentaire de botanique.) le Dictionnaire classique d'histoire TENDANCES DE LA NATURE. 17 cesse assailli, et son activité, quelque grande qu'elle puisse être, suffit à peine pour lui assurer une ehélivc et obscure existence. Chez les peuples dont la civilisation est avancée, chaque membre de la grande association s'attache au contraire à exécuter seu- lement une portion minime de la longue série de travaux divers dont l'ensemble est nécessaire à son bien-être, et il se repose sur l'activité d'autrui pour obtenir, en échange des produits super- flus de son industrie spéciale, les objets qui lui manquent et qui sont préparés par les mains de ses voisins. Tout s'améliore alors : les subsistances deviennent plus abondantes; mille pro- duits de luxe créent et satisfont à la fois des besoins nouveaux; la culture de l'esprit élève et agrandit l'intelligence; enfin le génie du petit nombre se développe et s'exerce pour le profit des masses. La division du travail portée à sa limite extrême rend, il est vrai, bien étroite et bien décolorée la sphère d'activité où s'agitent la plupart des travailleurs ; mais chaque ouvrier, appelé à répéter sans cesse les mêmes mouvements ou à méditer sur un même ordre de faits, devient par cela seul plus habile à remplir sa tâche; et par la coordination judicieuse des efforts de tous, la valeur de l'ensemble des produits s'accroît avec une rapidité dont l'imagination s'étonne. Il en est de même dans l'organisation des êtres animés. Chez les animaux dont les facultés sont les plus bornées et dont la vie est la plus obscure, toutes les parties du corps pos- sèdent les mêmes propriétés physiologiques; chacune peut se suffire à elle-même et exécuter tous les actes dont l'ensemble nous offre le spectacle. L'individu est une agrégation plutôt qu'une association d'agents producteurs, et l'organisme est comme un de ces ateliers mal dirigés où chaque ouvrier est chargé de la série entière des opérations nécessaires à la confection de l'objet à fabriquer, et. où le nombre des mains, employées toutes à l'exécution de travaux semblables, influe par consé- quent sur la quantité, mais non sur la qualité des produits, i. \ 8 INTRODUCTION . II en résulté que chez ces animaux, la destruction d'une par- tie quelconque du corps n'entraîne la perte complète d'aucune faculté ; chaque fragment de l'organisme, s'il vient à être isolé, peut continuer à fonctionner comme avant sa séparation et agir comme agissait la masse tout entière. Là il n'existe donc aucune division du travail vital, et chaque portion de l'individu est à la fois un instrument de sensibilité, de mouvement, de nutri- tion et de reproduction. Les expériences célèbres d'un naturaliste genevois du siècle dernier, Abraham Trembley, sur les Polypes d'eau douce (1), nous fournissent un exemple remarquable de cette coexistence de toutes les facultés de l'animal dans chacune des parties de l'organisme. On sait, en effet, que Trembley, ayant coupé en morceaux le corps d'un de ces polypes, vit chaque fragment continuer à vivre, donner des signes non équivoques de sensi- bilité, se mouvoir, s'accroître, et constituer bientôt un nouvel (1) Trembley naquit à Genève en 1700, et fit son beau travail sur les Po- lypes à la Haye, en 17/i/t. Il constata un grand nombre de faits d'un haut intérêt pour la physiologie, et ainsi qu'on peut le voir dans l'introduction du sixième volume des Mémoires de fléaumur, il contribua plus que tout autre à rectifier l'opinion des zoolo- gistes loucbantla nature de toute une classe d'êtres aquatiques , celle des Coralliaires ou Polypes, que l'on con- sidérait généralement comme appar- tenant au Règne végétal, et que Pcysonnel venait, de reconnaître pour des animaux. L'ouvrage de Trembley a pour litre : Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes d'eau douce, à bras en forme de cornes, 2 vol. in-12. Paris, 17M\. — Cet ob- servateur habile et patient mourut à Genève, en l78/i. Les expériences sur la multiplica- tion des Hydres par division naturelle ou artificielle ont été répétées et va- riées par un grand nombre de natu- ralistes , parmi lesquels je citerai d'abord Rœsel von Ilosenhof, entomo- logiste célèbre de Nuremberg, et con- temporain de Trembley, qui a con- sacré à ce sujet un chapitre de son ouvrage intitulé : Der Insecten Belus- tigungen (vol. III, p. 665 et suiv.). Enfin, dans ces dernières années, tous ces faits ont été vérifiés de nouveau par L. Laurent, naturaliste distingué, qui a remplacé temporairement Blain- ville dans la chaire de zoologie de la Faculté des sciences de Paris, et qui a publié un travail très étendu sur l' Hydre et, l'éponge d'eau douce, dan9 le Voyage de la Bonite (1 vol. in-8, Paris, 18/j/i). TENDANCES DE LA NATURE. 19 individu semblable par sa conformation et par ses facultés à l'individu dont il faisait primitivement partie. 11 est donc évident que, chez ces zoophytes, aucun acte de relation, de nutrition, ni de reproduction ne s'exerce à l'aide d'une partie déterminée de l'organisme qui en serait l'instrument nécessaire : car si la faculté de sentir, par exemple, ou celle de se mouvoir, dépen- dait do l'action d'un organe spécial, le fragment du corps ren- fermant cet organe aurait été le seul à conserver sa sensibilité ou sa conlractilité primitive ; tous les autres en auraient été pri- vés par le seul fait de leur séparation. Chez ces animaux singu- liers, que le morcellement multiplie, toute portion de l'organisme est donc un agent commun, un instrument propre à tous les usages auxquels est destinée soit une partie voisine quelconque, soit l'ensemble de l'individu ; la vie se manifeste, comme tou- jours, par une série nombreuse d'actes divers, mais on n'aper- çoit aucune division dans le travail physiologique, aucune spé- cialité dans les rôles assignés aux organes. Il en est autrement dès qu'on s'élève dans chacune des séries d'êtres de plus en plus parfaits dont l'ensemble compose le Règne animal. On voit alors la division du travail s'introduire de plus en plus complètement dans l'organisme; les facultés diverses s'isolent et se localisent; chaque acte vital tend à s'effectuer au moyen d'un instrument particulier, et c'est par le concours d'agents dissemblables que le résultat général s'obtient. Or, les facultés de l'animal deviennent d'autant plus exquises que cette division du travail est portée plus loin; quand un même organe exerce à la fois plusieurs fonctions, les effets produits sont tous imparfaits, et tout instrument physiologique remplit d'autant mieux son rôle que ce rôle est plus spécial. A chaque pas que nous ferons dans l'étude des phénomènes et des instruments de la vie, considérés dans l'ensemble du Règne animai, nous verrons surgir de nouvelles preuves de la tendance de la nature à perfectionner les organismes par la 20 INTRODUCTION. division du travail, et la vérité de cette loi deviendra si promp- tement manifeste à vos yeux, que je puis me dispenser de citer ici aucun exemple à l'appui de mes assertions (1). conséquences c /[Q — Cette tendance à la spécialité dans les fonctions des anatomiques. ° agents physiologiques, qui se prononce davantage à mesure que l'organisme se montre plus parfait, entraîne à sa suite d'autres conséquences dont il nous importe également de tenir compte. Dans l'organisme animal, ainsi que dans une machine quel- conque, le mode d'action de chaque partie est toujours intime- ment lié à la forme ou à quelque autre propriété de cette partie elle-même. Les instruments qui sont identiques dans leur nature, et qui sont placés dans les mêmes conditions, doivent posséder les mêmes facultés et fonctionner de la même manière. Il en résulte que là où la division du travail n'a pas été intro- duite dans l'organisme, il doit y avoir une grande simplicité de structure. Mais, de même que la similitude dans les fonctions des différentes parties du corps suppose l'uniformité dans leur mode de constitution, la diversité dans les rôles doit être accom- pagnée de particularités dans la structure; et, par conséquent aussi, plus la spécialité d'action et la division du travail sont portées loin, plus aussi le nombre de parties dissemblables doit augmenter et la complication de la machine s' accroître. complications \\ en est effectivement ainsi, et l'anatomie, aussi bien que la organiques. , physiologie, peut nous faire connaître le rang qui, dans le Règne animal, appartient à chaque espèce; le nombre de parties dis- semblables qui entrent dans la composition du corps et la gran- deur des différences que ces parties présentent entre elles seront les indices du degré auquel la division du travail a été amenée et de l'étendue de la série des phénomènes spéciaux qui résul- tera de l'action de l'ensemble. Les Amibes, par exemple, animalcules microscopiques, qui (1) Pour plus de détails, voyez mon Introduction à la Zoologie générale, cliap. ni. TENDANCES DE LA NATURE. 21 paraissent être do tous les êtres animes les plus dégradés, ont le corps composé d'un tissu à peu près homogène, dont la dis- position n'offre nulle part aucune particularité bien marquée. Les Hydres ou Polypes d'eau douce de ïrembley ne présentent pas dans leur organisation une simplicité si grande, mais les divers éléments anatorniques dont ils se composent sont, ré- partis uniformément dans toute l'étendue des parois de l'espèce de sac à bord digilé qui forme la totalité de leur corps. Chez les animaux supérieurs, au contraire, il existe rarement plus de deux instruments entièrement semblables entre eux, mais le nombre des organes spéciaux devient énorme. S 11. — Si nous cherchons maintenant comment la Nature ., ?Jodf. •3 d obtention arrive à diversifier les organes réunis pour constituer le corps des animaux, et à multiplier les facultés dont ces êtres sont doués, nous reconnaîtrons aussitôt cette tendance à l'économie dont nous avons déjà signalé l'existence comme une des lois les plus générales de la Création (i\ de celle diversité. S En effet, lorsqu'une propriété physiologique commence à se Emprunts localiser dans une série d'animaux de plus en plus parfaits, elle s'exerce d'abord à l'aide d'une partie qui existait déjà dans l'or- ganisme des espèces inférieures, et qui est seulement modifiée dans sa structure pour s'approprier à ses fonctions spéciales. Tantôt c'est, pour ainsi dire, un fonds commun qui fournit aux diverses facultés leurs premiers instruments particuliers ; d'au- tres fois, c'est à un appareil déjà destiné à des usages spéciaux que la fonction nouvelle emprunte ses organes, et c'est seule- ment après avoir épuisé les ressources de ce genre , que la puissance créatrice introduit dans la constitution des êtres à organisation encore plus parfaite un élément nouveau. Nous voyons donc que la tendance générale de la Nature est créations spé- cibles de varier de plus en plus les instruments physiologiques dont (1) Op, cit., chap. iv, p. 59 et suiv. 22 INTRODUCTION. la réunion constitue l'organisme animal à mesure qu'elle pro- duit des espèces plus parfaites, et qu'en marchant ainsi du simple au composé, elle semble vouloir utiliser autant que pos- sible chacun des matériaux dont elle enrichit successivement la machine vivante. Lorsqu'une fonction se montre d'abord ou commence à se localiser, elle est confiée, ai-je dit, à un agent qui existait avant que ce perfectionnement se fût introduit, et qui est alors un peu modifié seulement pour s'approprier à son nouveau rôle. Ensuite, ce n'est plus à l'aide d'un emprunt matériel que l'instrument nouveau est obtenu : la partie de l'or- ganisme dont il se compose n'existait pas chez les animaux inférieurs conformés d'après le même plan ; mais on ne peut cependant la considérer comme un élément de création nou- velle, car elle n'est au fond que la répétition d'une partie déjà créée et adaptée ailleurs à d'autres usages. Puis, enfin, ces matériaux d'origine commune ou homologues ne suffisant plus aux exigences croissantes de la loi de diversité , un élément organique entièrement nouveau s'introduit dans la constitution de l'animal et fournit à la fonction pour laquelle il a été créé un instrument spécial. La fonction c /j_2. — Les faits dont je viens de vous entretenir montrent pas dépendante ° u de rorgane. combien sont fausses les opinions de quelques naturalistes qui admettent comme une sorte d'axiome physiologique, que la fonction dépend toujours de son organe, et -que, par consé- quent, là où les mômes facultés existent, il doit y avoir les mêmes instruments. D'après cette hypothèse, l'absence d'un organe déterminé devrait toujours entraîner la perte de la faculté à l'exercice de laquelle cette partie est destinée lorsqu'elle existe, et la similitude dans les propriétés vitales de deux êtres suppo- serait nécessairement une ressemblance non moins grande dans leur structure. Mais ces idées ne sont pas acceptables. Il est évident que tout acte vital doit avoir pour cause le jeu d'un instrument ou TENDANCES DE LA NATURE. 23 organe quelconque dont la structure est appropriée aux (onc- tions que cet agent doit remplir. Mais c'est une erreur grave de croire qu'une faculté déterminée ne puisse s'exercer qu'à l'aide d'un seul et même organe : la Nature arrive au résultat voulu par diverses voies ; et lorsqu'on descend dans le Règne animal, depuis l'homme jusqu'aux .êtres les plus dégradés, on voit que la fonction ne disparait pas lorsque l'instrument spé- cial, qui chez les espèces les plus parfaites était affecté à son service, cesse d'exister; elle se transporte ailleurs, et avant de disparaître de l'organisme, elle s'exerce encore à l'aide d'in- strumenfs d'emprunt. Ces substitutions physiologiques se présentent à chaque in- substitutions physiologiques. stant lorsque l'on compare entre eux les animaux inférieurs, et quelquefois on en voit des exemples se produire d'une manière accidentelle chez un même individu, jusque dans les familles les plus élevées du Règne animal. Du reste , l'adaptation d'un instrument à des usages nou- veaux, lorsque sa destination primitive était tout autre, ne peut donner d'ordinaire que des résultats incomplets ; et quand le travail physiologique doit s'exécuter avec une grande perfection, la nature a presque toujours recours à des créa- tions spéciales. C'est par conséquent chez les animaux infé- rieurs surtout que les exemples de ces emprunts organiques sont les plus fréquents, les plus évidents; et c'est peut-être pour avoir trop négligé l'élude physiologique des êtres les plus dégradés que l'on a méconnu jusqu'ici l'importance de ce principe. § 18. — La multiplicité des instruments physiologiques et la coordination . . des actes. division du travail sont les principaux moyens que la Nature semble avoir mis en usage pour augmenter le degré de perfec- tion dont elle a doté les diverses espèces animales. Mais ce nombre croissant des agents de la vie, et cette variété dans les fonctions de ceux-ci, nécessitent la coordination de leurs actes, 2ft INTRODUCTION. et cette coordination s'obtient par la hiérarchie et la centralisa- tion des forces. Chez les animaux inférieurs, les diverses parties de la machine vivante, quoique unies entre elles, ne sont que peu dépendantes les unes des autres; l'organisme peut exister pendant long- temps, sans le concours de plusieurs d'entre elles, et l'har- monie de leur action n'est pas nécessaire. Mais à mesure que l'observateur s'élève vers les êtres plus parfaits, il voit cette harmonie devenir de plus en plus intime et la subordination s'établir dans les fonctions aussi bien que dans les caractères physiques des organes. Chaque partie de l'individu devient plus ou moins dépendante des autres parties, et le degré de cette dépendance mutuelle varie suivant que les rôles attribués aux unes sont plus ou moins importants comparativement à ceux que les autres sont destinées à remplir dans le travail d'en- semble par lequel la vie se manifeste, subordination Cette coordination nécessaire des fonctions , cette dépen- physiologique. dance graduée des agents vitaux, n'a pas échappé à l'attention de Cuvier. Les relations qui existent entre le mode de conforma- tion des instruments physiologiques et leur mode d'action étant non moins évidentes pour cet esprit logique et observateur, il est arrivé promptement à comprendre qu'une certaine harmonie fixe et préétablie doit régner dans la constitution organique de chaque espèce animale; que la manière d'être de certaines parties de ces machines doit commander en quelque sorte le mode de conformation de quelques autres, et qu'il doit y avoir entre les divers organes d'un même animal une subordination anatomique aussi bien que physiologique; que les uns dominent pour ainsi dire sur les autres, et que la nature des premiers règle jusqu'à un certain point le caractère de l'ensemble. Le principe d'économie, dont il a déjà été si souvent question, intervient également ici, et son influence est d'autant plus puis- sante, que les choses sur lesquelles elle s'exerce offrent, plus TENDANCES DE LA NATURE. 25 de valeur. 11 en résulte que les particularités de structure pré- sentent d'autant plus de fixité, que leur importance est plus grande j que les détails insignifiants peuvent varier presque à l'infini, chez les espèces ou même chez les divers individus de la Création animée; mais que les différences organiques dimi- nuent en raison du rang qu'elles occupent, et qu'il existe un certain rapport entre la constance des dispositions anatomiques et l'importance des phénomènes qui en sont dépendants. Il en résulte aussi que pour connaître ce qui nous intéresse le plus dans le mode de conformation des machines physiolo- giques, nous n'aurons pas à nous arrêter sur l'étude des modi- fications innombrables que la Nature peut avoir introduites dans les détails secondaires de leur forme ou de leur structure, et qu'il nous suffira d'examiner avec soin les différences d'un ordre supérieur dont l'influence est plus ou moins dominatrice, et dont le nombre est par cela même plus restreint, Un des moyens que la Nature a employés pour obtenir cJ"sll'"un l'harmonie et la régularité dans les actes vitaux chez les animaux supérieurs, est la centralisation des pouvoirs physio- logiques. C'est seulement chez les espèces inférieures, ou dans la constitution des appareils très simples , qu'elle augmente la puissance de la machine en multipliant les instruments simi- laires, et une de ses tendances les plus évidentes est d'élever l'organisme par la substitution d'un petit nombre d'instruments parfaits à ces assemblages nombreux d'instruments grossiers. Or, pour constituer ces organes spéciaux , elle peut procéder encore par emprunt ou par création : tantôt elle réunit et confond deux ou plusieurs parties qui ailleurs sont distinctes ; d'autres fois elle substitue à ces parties multiples un instru- ment nouveau et unique. S lu. — Les causes de diversité que je viens de signaler Dheraus J 1 J o des types sont puissantes, mais n'auraient pas suffi à toute la variété d'or- d'organisation, ganisation dont le Règne animal nous offre le spectacle, et, pour i. k 26 INTRODUCTION. multiplier davantage encore ses produits, nous voyons la Nature appliquer ses procédés modificateurs à des types zoologiques divers. En effet, tous les animaux présentent certains caractères communs, et sont constitués à l'aide de matériaux élémentaires qui se ressemblent pour la plupart; mais le tracé fondamental d'après lequel ces matériaux sont réunis et coordonnés n'est pas toujours le même : il n'y a ni unité de composition, ni unité de plan dans cette vaste création; l'animal vertébré ne ressem- ble, par les traits les plus saillants de sa structure, ni au mol- lusque, ni à l'insecte, ni au zooplryte, et ainsi que l'a montré le plus grand des naturalistes de nos jours, Georges Cuvier(l), il existe dans le Règne animal quatre types fondamentaux, quatre conceptions zoologiques, dont semblent dériver toutes les espèces animales. Je ne pourrais, sans m'éloigner du but de ces leçons, m' ar- rêter ici sur les caractères essentiels de ces quatre plans d'or- ganisation dont la distinction a conduit Cuvier à diviser le Règne animal en autant; de groupes primaires désignés sous les noms d'Embranchements des Vertébrés, des Annelés, des Mol- (1) Cuvier naquit à Monlbelliard les noms , et c'est ajuste titre qu'on en 1769, et mourut à Paris en 1832. l'appelle parfois l'Aristote des temps 11 était remarquable par son bon sens modernes. A ceux qui n'auraient pas exquis, non moins que par la gran- le loisir nécessaire pour apprécier ses deur de ses vues et l'immensité de idées par l'élude de ses nombreux ou- son savoir. Sa célébrité est trop bien vrages, ou qui voudraient en voir les établie pour que j'aie besoin de rappe- traits les plus saillants rapprochés et 1er ici ses litres de gloire, et d'ailleurs comparés , je recommanderai la lec- je ne pourrai faire presque aucune de turc d'un petit volume écrit avec le mes leçons sans avoir à citer soit style élégant du littérateur et la net- son ouvrage surV Anatomie comparée, teté de pensée de l'homme de science, son Règne animal, ou ses Recherches que mon collègue M. Flourens a pu- sur les ossements fossiles , soit ses blié sur les travaux de ce grand natu- bcaux mémoires sur l'Organisation raliste [Analyse raisonnée des tra- ies Mollusques ou ses travaux sur vaux de Georges Cuvier, précédée de Y Histoire des Poissons. Il est du son éloge historique, par M. Flou- petit nombre des hommes de génie rens , in-12, Paris, 18/|1). dont la science est hère de compter TENDANCES DE LA NATURE. 27 lusques et des Zoophytes. Mais j'ai dû insister sur l'existence de ces types divers, car c'est en modifiant les dérivés de cha- cun d'eux par les procédés dont il a été question il y a quel- ques instants , que la Nature a satisfait en majeure partie à la loi de diversité des organismes dans la Création zoologique-, et en étudiant le perfectionnement progressif des facultés des animaux, nous aurons à examiner la manière dont les instru- ments de la vie sont constitués et fonctionnent dans chacun des groupes ainsi formés. § 15. — A mesure que nous poursuivons nos investigations, nous verrons aussi que les animaux conformés d'après ces divers plans varient entre eux, non-seulement sous le rapport du perfectionnement physiologique, mais aussi par l'adaptation de leur organisme à des conditions d'existence différentes. Les uns sont destinés à vivre dans les eaux , d'autres sur la terre ; il en est qui ne se nourrissent que de substances liquides, d'au- tres qui sont appelés à utiliser comme aliments les débris solides fournis par les corps organisés, et parmi les uns et les antres on en voit qui vivent de matières végétales ou se repaissent uniquement de chair. Il en résulte dans chaque embranche- ment du Règne animal une diversité extrême; mais ici encore la tendance à l'économie se montre. En effet, les procédés employés par la Nature pour appro- prier ainsi l'organisation des animaux à des genres de vie fort différents sont les mêmes que les moyens mis en usage pour le perfectionnement de ces êtres. C'est d'abord en imprimant quelques modifications légères aux parties déjà existantes dans le type général, puis en transformant plus complètement ces parties, qu'elle adapte la structure des dérivés de ce type à des conditions d'existence nouvelles; et elle ne semble avoir recours à des créations organiques spéciales que lorsque le système des emprunts ne répond plus à ses besoins. Il en résulte que, tant sous le rapport du perfectionnement Adaptation des types aux diverses conditions biologiques. Termes correspondants. 28 INTRODUCTION. physiologique des êtres que sous eeluide l'adaptation des orga- nismes à des conditions d'existence variées, on retrouve dans les divers groupes zoologiques une tendance plus ou moins mar- quée à la répétition des mêmes dispositions; et que, delà sorte, la Nature introduit dans les séries différentes ainsi fournies un certain nombre de termes correspondants. Mais l'étude de ces répétitions trouverait mieux sa place dans les leçons de zoologie de mon savant collègue M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1), qui, plus que tout autre, a contribué à les mettre en lumière par sa méthode de classification dite parallélique, et je me bornerai, par conséquent, à les signaler ici à votre attention. Arrêts fi jq __ une aU£re tendance de la Nature, dont nous aurons de développement, souvent à enregistrer les effets dans la suite de nos études ana- tomiques et physiologiques, est également une conséquence de la loi d'économie dont il a été déjà si souvent question aujour- d'hui. C'est celle que mon illustre prédécesseur dans cette chaire, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (2), appelait le principe des arrêts de développement. Chaque être organisé éprouve, en se développant, des modi- fications profondes et variées ; le caractère de sa structure ana- (1) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire , rendu aux sciences naturelles d'émi- Histoire naturelle générale des Règnes nenls services, et il était digne à tous organiques, 1854, t. I, p. l\ll. égards de compter au nombre des (8) Etienne Geoffroy Saint-Hi- zoologistes dont la France s'honore ; lairf-, né à Élampes en 1772, enseigna ses écrits sont disséminés dans la plu- pendant longtemps la zoologie et Pana- part des recueils du temps, mais ses tomie à la Faculté des sciences de principales vues sur le mode de con- Paris, et a contribué puissamment à stitution des animaux sont consignées donner à l'étude des animaux la direc- dans son ouvrage intitulé Anatomie lion philosophique qu'on y remarque physiologique, et imprimé en 1818. de nos jours. Ainsi que cela arrive 11 mourut en 18,'j/i, au Muséum d'his- d'ordinaire pour les inventeurs, il se toire naturelle, où il avait professé laissa souvent entraîner au delà des depuis 179o, et avait fondé la Ména- limiles du vrai par son imagination gerie. Son fds, animé d'un sentiment ardente , mais il n'en a pas moins pieux, digne de tout notre respect, a TENDANCES DE LA NATURE. 29 fornique, ainsi que les facultés vitales dont il est doué, change à mesure qu'il passe de l'état d'embryon naissant à l'état d'ani- mal parfait dans son espèce. Or, tous les animaux qui dérivent d'un même type fondamental marchent, pendant un certain temps, dans la même voie embryogénique, et ils se ressem- blent pendant une période d'autant plus longue de ce travail d'organisation, qu'ils ont entre eux une parenté zoologique plus étroite ; puis ils dévient de la route commune et acquièrent chacun des caractères qui leur sont propres. Ceux qui doivent avoir la structure la plus parfaite, s'avancent dans cette voie plus loin que ceux dont l'organisme s'établit à moins de frais, et il en résulte que souvent, à certains égards, l'état transitoire ou embryonnaire d'un animal supérieur ressemble d'une ma- nière plus ou moins frappante à l'état permanent d'un autre animal moins élevé dans la même série zoologique. Quelques auteurs ont cru pouvoir en conclure que la diver- pendues v r transmutations site des espèces résultait d'une série d'arrêts de ce genre, s'ef- ^logiques. fectuant à divers degrés de l'évolution embryonnaire, et ces écrivains, tombant dans ces exagérations auxquelles les imita- teurs sont si enclins, ont admis que tout animal supérieur, pour arriver à sa forme définitive, passe par la série des formes pro- pres aux animaux qui lui sont inférieurs dans la hiérarchie zoo- écritplnsieursouvragessursa vieetsur vent des lumières de son génie. En ses travaux; ses idées y sont exposées rendant à sa mémoire ce juste tribut avec une clarté qui manquait parfois d'hommages, qu'il me soit permis dans les écrits de ce grand naturaliste. d'ajouter l'expression de ma recon- Geoffroy Saint-Hilaire s'était appliqué naissance personnelle pour l'appui surtout à montrer la ressemblance qui bienveillant qu'il m'a toujours ac- existe dans la composition analomique cordé. Au début de ma carrière, il m'a des animaux ou des organes dont les excité h entrer dans la voie des re- formes varient; et si nous devons nous cherches, et. lorsqu'en 1838 ses infir- défendre contre les exagérations de mités physiques l'ont forcé d'aban- quelques-uns de ses disciples, même donner son enseignement à la faculté contre la généralisation trop grande des sciences, il m'a fait l'honneur de me des théories qui lui sont propres, nous choisir comme son suppléant dans la n'en aurons pas moins à profiter sou- chaireque j'occupe encore aujourd'hui. 30 INTRODUCTION. Tendances embryog-éniques logique ; que l'homme, par exemple, avant de naître, est d'abord une sorte de ver, puis un mollusque , puis encore un poisson ou quelque chose de pareille, avant que de revêtir, dans le sein de sa mère, les caractères propres à son espèce. Récemment, un professeur éminent a formulé nettement ces vues, en disant que l'embryologie de l'être le plus parfait est une anatomie com- parée transitoire, et que le tableau anatomique du Règne animal tout entier est à son tour la représentation fixe et permanente des aspects mobiles de l'organogénie humaine (1). Mais une pareille opinion ne saurait résister un seul instant à l'examen sérieux des faits que nous fournissent, d'une part (1) M. Serres, dont je combats ici les doctrines parce que je les crois con- traires à la vérité et dangereuses pour la science, pose en principe que « l'or- » ganogénie humaine est une ana- » tomie comparée transitoire, comme » à son tour V anatomie comparée est » l'état fixe et permanent de l'organo- » génie de l'homme ; et par contre, » si l'on retourne la proposilion ou » la méthode d'investigation, si l'on » observe l'animalité de bas en haut, » au lieu de s'assujettir à la considérer » de haut en bas, on voit les orga- » nismes de la série reproduire sans » cesse ceux de l'embryon, et se fixer » à cet état qui devient pour les ani- » maux le terme de leur développe- » ment. La longue série des change- » ments de forme qu'offre le même » organisme en anatomie comparée » n'est que la reproduction de la série » nombreuse des transformations que » ceL organisme subit chez l'embryon » dans le cours de ses développements. » Chez l'embryon, le passage est » rapide, à cause de la puissance de » la vie qui l'anime; chez l'animal, la » vie de l'organisme est épuisée, et il » s'arrête là parce qu'il ne lui est pas » donné de parcourir la course tra- » cée à l'embryon de l'homme. Arrêt » d'une part , marche progressive » de l'autre, voilà tout le secret du » développement, voilà la différence » fondamentale que l'esprit humain » peut saisir entre l'anatomie com- » parée et l'organogénie. La série » animale, considérée ainsi dans ses » organismes , n'est qu'une longue » chaîne d'embryons jalonnés d'es- » pace en espace, et arrivant enfin à » l'homme, qui trouve ainsi son expli- » cation physique dans l'organogénie » comparée (a). » Ailleurs, dans le même ouvrage, on lit : « Le Règne animal tout entier » n'apparaît plus en quelque sorte » que comme un seul animal qui, en » voie de formation dans les divers » organismes, s'arrête dans son déve- » loppement, ici plus tôt, là plus tard, » et détermine ainsi à chaque temps » de ces interruptions, par l'état (a) Précis d'anatomie transcendante appliquée 1R42, p. 90. à la physiologie, par M. Serres, ln-8 , Paris, TENDANCES DE LA NATURE. 31 l'embryologie, d'autre part l'analomie comparée. Lorsque nous étudierons le mode de développement des organismes, nous verrons que la théorie de la transimitation des espèces zoolo- giques et de la constitution du Règne animal à l'aide de change- ments successifs dans la structure d'un être vivant qui serait la souche commune de toutes ces espèces, mais qui fournirait des exemplaires dont le développement s'arrêterait à divers stades de leur carrière embryonnaire, pour devenir autant d'animaux différents, est en contradiction avec tous les résultats les mieux acquis à la science. Si j'en parle ici, c'est seulement pour que vous ne puissiez pas attribuer à mes paroles une portée qu'elles ne doivent pas avoir. J'admets avec Geoffroy Saint-Hilaire, que souvent il existe une grande analogie entre l'état final de quel- ques parties du corps de certains animaux inférieurs et l'état embryonnaire de ces mêmes parties chez d" autres animaux » même clans lequel il se trouve alors, » les caractères distinctifs et organi- » ques des classes, des familles, des » genres, des espèces (a). » D*après M. Serres, cette production d'espèces zoologiques^ dégradées, par le seul fait d'un arrêt de développe- ment dans le travail organogéuique d'un embryon en quelque sorte uni- . que, serait vrai pour tous les êtres animés, et, pour mieux préciser sa pensée, il cite des exemples. Ainsi, il nous assure que le Lombric terrestre est conformé d'abord à la manière d'un polype ; que parvenu au second degré de ses mélamorpboscs, il re- présente le taenia ; qu'à une troisième période de développement, il répèle rhélianthoïde , et dans sa dernière l'arénicole (6). Je ne sais pas au juste ce que M. Serres appelle ici un Hé- lianthoïde, c'est peut-être un actinien ou quelque autre ebose ; mais n'im- porte, tous les zoologistes savent ce qu'est un polype, un taenia ou un arénicole : et nous dire que le Lom- bric terrestre revêt successivement les caractères organiques propres à ces divers animaux avant que d'arriver à la forme qui lui est propre , me semble devoir suffire pour faire juger la tbéorie dont ce professeur s'est porté le champion. Du reste, M. Flourens, dans ses intéressantes études sur les travaux de Cuvier, a fait voir que les idées de ce genre sont loin d'èlre neuves, et se trouvent à peu de chose près dans un ouvrage publié vers le milieu du siècle dernier par une personne nommée Robinet, sous le litre de : Considérations philosophiques sur la (a) Serres, Op. cit., p. 19. (6) Serres, Op. cit., p. 141. 32 INTRODUCTION. appartenant au même type , mais dont l'organisme se perfec- tionne davantage, et j'appellerai volontiers avec ce philosophe, arrêt de développement, la cause de cet état d'infériorité per- manente; mais je me garderai bien d'admettre avec quelques- uns de ses disciples, que l'embryon de l'homme ou d'un mammifère quelconque représente, à ses divers degrés de développement, les espèces moins parfaites de la Création animée. Non; un mollusque ou un annélide n'est pas plus un embryon de mammifère arrêté dans son développement orga- nique que le mammifère n'est un poisson perfectionné. Chaque animal porte en lui, dès son origine, le principe de son indi- vidualité spécifique, et le développement de son organisme, conformément au tracé général du plan de structure propre à son espèce, est toujours pour lui une condition de son exis- tence. Il n'y a jamais parité complète, ni entre un animai gradation naturelle des formes de l'être, ou les essais de la Nature qui apprend à faire l'homme (Paris, 1768). Ces spéculations de l'esprit for- ment aussi en grande partie la base des doctrines de Kielmayer, philosophe allemand de la fin du xvmc siècle, et ressemblent singulièrement aux hypo- thèses de Lamarck, dans ses Recher- ches sur l'organisation des corps vivants1 1802), et dans sa Philosophie zoologique {a). Mais ces idées, pour être anciennes, n'en sont pas moins fausses. Pour résumer en peu de mots ma pensée, j'ajouterai que l'arrêt de dé- veloppement dont serait frappé un embryon, ou une partie d'un embryon d'animal supérieur, pourrait donner lieu à la formation d'un être anormal, à un monstre, pour me servir ici du terme vulgaire, lequel produit téralo- logique pourrait avoir une ressem- blance plus ou moins grossière avec tel ou tel autre animal inférieur, mais ne donnera jamais naissance à un individu de l'une fie ces espèces. Cbaque animal possède, dès l'origine de son existence, sa nature spécifique, et c'est par difl'éren dation d'un fond commun que les divers membres de chaque groupe zoologique se consti- tuent, mais non par transformation des uns dans les autres- Dans les leçons publiques que je donne à la Faculté des sciences depuis dix-huit ans, j'ai souvent développé ma ma- nière de voir à ce sujet, et j'y re- viendrai lorsque je irai lerai de l'em- bryologie. (a) Analyse raisonnée des travaux de Georges Cuvier, par M. Flourens (Paris, 1841), arl. IV : Fixité des espèces, p. 249 cl suivantes. TENDANCES DE LA NATURE. 33 adulte et un embryon d'autre animal, ni entre un de ses organes et l'état transitoire du même organe en voie de formation, et la multiplicité des produits de la Création ne saurait s'expli- quer par une pareille transmutation des espèces. Mais nous verrons par la suite que dons chaque groupe zoologique, com- posé des animaux qui semblent être des dérivés d'un type fondamental commun, les diverses espèces ne présentent d'a- bord entre elles aucune différence appréciable ; mais ensuite se distinguent peu à peu par des particularités de structure de plus en plus nombreuses. Or, chaque espèce acquiert ainsi un carac- tère spécial qui la sépare de toute autre espèce en voie de déve- loppement, et chacun de ses organes devient différent de ce que sont les parties correspondantes chez un embryon quel- conque ; mais les changements que l'organe ou l'être tout entier éprouvent après qu'ils se sont déviés ainsi de la forme génésique commune sont en général d'autant moins considé- rables, que l'animal est destiné à acquérir une structure moins parfaite, et par conséquent ils conservent souvent quelque res- semblance avec ces formes transitoires. En disant que la nature diversifie parfois ses produits en les frappant d'un arrêt de développement, j'entendrai donc parler non pas d'un état embryonnaire qui serait permanent pour quelques animaux, tout en étant transitoire pour d'autres, mais de formes qui, en se spécialisant, seront restées assez semblables à celles que les embryons de ces animaux eux-mêmes et des autres espèces dérivées du même type fondamental affectent à une certaine période de leur existence. § 17. — Ainsi, en étudiant chacun des grands appareils R&umé. physiologiques à l'aide desquels les facultés de l'animal s'exer- cent, il nous faudra, pour en prendre une idée complète, pas- ser en revue son mode de constitution, non-seulement dans les divers types zoologiques , mais aussi dans les divers états par lesquels chacun de ces types passe avant que d'arriver à i- 5 54 INTRODUCTION. sa forme définitive, et il nous faudra aussi comparer les uns aux autres , soit pour faire ressortir les points de similitude, soit pour signaler les dissemblances qui peuvent s'y rencon- trer. Dans la première partie de ce cours, je serai très sobre dans mes excursions sur le domaine de l'embryologie, sujet dont l'étude nous occupera spécialement dans une autre série de leçons. Mais lorsque pour faire bien saisir la nature ou les liens des choses dont je parle , il me semblera utile de remonter vers l'origine des organismes, je ne manquerai pas de le faire. Les principes généraux que je viens de poser brièvement ne sont pas les seuls qui rassortiront des études que nous allons faire; mais ce sont ceux dont j'aurai le plus fréquem- ment à me servir comme guide dans la coordination et l'ap- préciation des faits qui vont se dérouler devant nous. Si je n'avais dû y revenir souvent, je les aurais étayés de preuves tellement multipliées et fortes, qu'aucun d'entre vous n'aurait hésité à les considérer comme l'expression de ce qui est. Mais je ne vous demande pas de les adopter sur parole; vos con- victions se formeront d'elles-mêmes, à mesure que vous avan- cerez dans l'investigation des organismes, et il me suffit aujour- d'hui d'avoir appelé votre attention sur ces vues de l'esprit, qui, tout en étant du domaine de la philosophie de la science, seront pour nous de véritables instruments d'étude. Je ne pousserai pas plus loin ces considérations générales , car j'ai hâte d'arriver à l'examen des questions plus faciles à saisir. Effectivement, je voudrais n'avoir à traiter de ces sujets ardus que lorsque je vous aurais déjà fait connaître tout ce qui me parait nécessaire pour en éclairer la discussion. La rigueur de la méthode didactique aura peut-être à souffrir un peu de cette marche ; mais en pratique nous y gagnerons, car , au lieu de vous charger d'abord la mémoire de mots dont le sens vous paraîtrait obscur, je vous initierai tout de suite TENDANCES DE LA NATURE. 35 à la connaissance de laits également aisés à comprendre et à retenir. Puis, à l'aide de ces laits qui jalonneront en quelque sorte la route que notre pensée doit parcourir, les idées d'en- semble se placeront sans effort dans voire esprit et y porteront fruit. Dans la prochaine leçon , j'aborderai donc , sans autre préambule, l'histoire des fonctions vitales, et je commencerai cette étude en vous parlant du liquide dans lequel toutes les parties de l'organisme puisent leur substance ; liquide dont l'influence est partout nécessaire à la manifestation de la vie, et dont l'action est liée à la production de tous les phénomènes physiologiques les plus importants. DEUXIÈME LEÇON. Du sang : sa constitution physique ; étude des globules sanguins ou globules rouges; — des globules blancs chez les animaux vertébrés. sanff. § i. — Longtemps avant que la physiologie eût com- mencé à devenir l'objet d'études sérieuses, on avait vu que le corps de l'homme et des animaux les plus voisins de nous renferme un liquide d'un rouge intense ; que la perte d'une quantité un peu considérable de ce liquide est accompagnée d'un affaiblissement de tout l'organisme ; que la prostration des forces augmente en raison de l'abondance de l'hémorrhagie, et que la mort arrive toujours lorsque cette perte atteint certaines limites. On en a conclu avec raison, que ce liquide, auquel on a donné le nom de sang, remplit un rôle des plus importants dans l'éco- nomie animale; de bonne heure on l'a considéré comme la source delà vie, et l'auteur de l'un des livres les plus anciens que l'on connaisse, l'historien inspiré de la Création, disait déjà, il y a 3500 ans : Anima omnis carnis in sanguine est (1). Cependant Aristote, à qui il faut toujours remonter lorsqu'on trace l'histoire d'une branche quelconque des sciences natu- relles (2), a reconnu que le liquide caractérisé de la sorte n'existe pas chez tous les animaux. Tous, dit ce grand philo- sophe, ont un fluide dont la privation, soit naturelle, soit acci- (1) Biblia sacra vulgatae editionis. par un concours heureux de circon- Leviticus, cap. xvn, l/i. stances il fut conduit à appliquer son (2) Ce grand philosophe, qui porte- génie observateur à l'étude du monde rait à bon droit le titre de père des matériel, aussi bien qu'à l'investiga- sciences naturelles, vivait, comme on tion des facultés de l'esprit et à l'exa- Je sait, il y a vingt-deux siècles, et men des questions d'économie sociale, SANG DES ANIMAUX EN GÉNÉRAL. 37 dentelle, les fait périr : chez les uns, c'est le sang ; chez les autres, c'est un liquide incolore qui le remplace (1). 11 a con- staté aussi que sous ce rapport, les Oiseaux et les Poissons, aussi bien que les quadrupèdes, ressemblent à l'homme, tandis que les Mollusques, les Crustacés et les Insectes en diffèrent (2). Ainsi, dès l'origine des sciences physiologiques, on a su qu'il existe deux sortes d'animaux : ceux que nous désignons aujourd'hui sous le nom à1 animaux à sang rouge, et ceux que les anciens appelaient les animaux exsangues , c'est-à-dire les animaux à sang blanc des zoologistes modernes. Cette distinction est loin d'avoir l'importance qu'on serait sang rouge. porté à y attribuer ; mais afin de simplifier l'exposé des faits, j'en ferai usage ici, et je ne m'occuperai d'abord que du sang ordinaire ou sang rouge, c'est-à-dire du fluide nourricier des animaux supérieurs. Pour le moment, je laisserai donc complé- Fils du médecin Nicomaque, qui ap- de leurs organes, et on lui doit les partenait à l'une de ces anciennes premières bases de la classification familles médicales dont Esculape était naturelle des êtres. Persécuté en ses réputé le chef, Aristote fut initié de vieux jours par le peuple d'Athènes, bonne heure aux études médicales et et redoutant le sort de Socrate, il alla apprit ainsi la valeur de l'observation mourir obscurément dans l'île d'Eu- et de l'expérience. Il eut à son tour bée, en l'an 322 avant l'ère chrétienne, pour disciple Alexandre le Grand, Un grand nombre de ses écrits ont été qui , tout en faisant la conquête de perdus, mais le plus important de ses l'Asie , ne négligea pas les intérêts de ouvrages sur la zoologie nous est par- la science et mit à la disposition de venu ; c'est celui qui est intitulé nepl son maître les richesses zoologiques Zùmla-:ooia.ç,ou Histoire des animaux. de ce vaste continent. Mais ce qui Un autre traité, portant sur les parties contribua surtout à rendre fructueux des animaux, offre moins d'intérêt, les immenses travaux du philosophe M. Jiirgen B. Meyer vient de pu- de Stagyre, ce fut son esprit à la fois blier un travail très approfondi sur positif, méthodique et généralisateur. l'ensemble des connaissances zoolo- II s'attacha à connaître tous les dé- giques d' Aristote (a). tails de la structure intérieure des (1) Hist. des animaux, liv. I, § h. animaux aussi bien que les fonctions (2) Op. cit., liv. IV, § 1. (a) Aristoteles Thievkunde. Em Beitrag %w Qeschkhte der Zoologie, Physiologie und alteti Philosoph-le, in-8, Berlin, 1855. 38 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. tement de côté tout ce qui est relatif au sang des Mollusques, des Entomozoaires et des Zoophytes, et en vous parlant des pro- priétés du sang, je n'aurai d'abord en vue que l'histoire de ce liquide chez les animaux vertébrés, ou animaux sanguins, pour employer ici le langage d'Aristote. Élude «2. — Les physiologistes de l'antiquité se sont beaucoup microscopique ° r %, o i tr du sang, occupés de l'étude du sang ; mais, faute de moyens d'investiga- tion appropriés à ce genre de recherches, ils ne firent que peu de progrès dans la connaissance de la nature de cet agent de la vie, et il nous faut arriver au xvne'siècle pour rencontrer à ce sujet quelque découverte digne d'intérêt. Mais à cette époque, si brillante dans l'histoire des sciences, des lettres et des arts, la physique venait de donner aux observateurs un in- strument nouveau qui, appelé à jouer un rôle analogue à celui de la boussole entre les mains des navigateurs, agrandissait l'horizon autour d'eux, et permettait à leurs regards de sonder les profondeurs du ciel, aussi bien que la structure intime des corps vivants. En effet, vers le commencement de ce siècle, on imagina de combiner des lentilles de façon à augmenter la puissance de notre vue, et à nous permettre de voir avec netteté les objets qui, à raison de leur petitesse ou de leur éloignement, s'étaient jusqu'alors dérobés à nos regards. L'astronomie fut alors dotée du télescope, et, en modifiant un peu cette lunette composée, on inventa le microscope. Cet instrument est aujourd'hui d'une si grande importance dans les travaux des naturalistes, que je regrette de ne pouvoir rendre ici à son inventeur un juste tribut d'éloges; mais il règne à ce sujet beaucoup d'incertitude. La première idée de ces associations de lentilles paraît appartenir à un religieux du xme siècle, Roger Bacon (1); cependant, si elle se réalisa entre (1) Roger Bacon (qu'il ne faut pas d'Angleterre Charles Ier, et l'auteur confondre avec son illustre homonyme d'écrits dont l'influence fut très grande François Bacon, le chancelier du roi sur la marche de la vraie philosophie) CONSTITUTION PHYSIQUE. 39 ses mains, ce qui parait fort douteux, la science n'en tira aucun profit, et de tous les instruments d'optique inventés par ce phi- losophe expérimentateur, les seuls peut-être qui soient restés après lui, sont les lunettes ordinaires à l'aide desquelles le vieil- lard supplée à la faihlesse toujours croissante de sa vue (1). Ainsi que je l'ai déjà dit, ce fut au commencement du xvne siècle seulement que le microscope fut placé entre les mains des naturalistes, et le mérite de cette invention a été attribué tour à tour au physicien Drebbel, à l'illustre Galilée, et à un opticien obscur de la petite ville de Middelbourg en Hollande, nommé était un des esprits les plus remar- quables de son siècle, et s'il eût vécu dans des temps meilleurs, il eût cer- tainement rendu de grands services à la science. Il insista sur la nécessité de l'alliance des études scientifiques et littéraires, et proclama hautement qu'en matière de science, V expérience était la seule autorité qui dût préva- loir. On l'appelait le docteur admi- rable, et ses inventions curieuses le firent accuser de magie. Il paya de la perle de sa liberté l'élonnement que causèrent les nouveautés suspectes et dangereuses contenues dans ses écrits, et ses manuscrits furent mis sous le séquestre le plus rigoureux. Il appar- tenait au couvent des Cordeliers à Oxford, et il mourut en 1292. On lui attribue non-seulement l'invention des lunettes, mais la connaissance de. la poudre à canon, et l'idée d'employer la force expansive de la vapeur pour faire marcher les voitures et les na- vires. Ses écrits sur l'optique lurent pendant longtemps très utiles, et con- duit par ses études astronomiques à reconnaître le défaut de concordance entre la durée de l'année civile et le temps employé par le soleil pour accomplir ses révolutions, il proposa au pape Clément VII la réforme du calendrier julien, réforme qui ne fut adoptée que trois siècles plus tard (en 1582), et qui a illustré le nom de Grégoire XIII. Le principal ouvrage de R. Bacon, intitulé Opus majus, ne fut publié qu'en 17oo. On trouve un chapitre intéressant sur la vie et les écrits de ce philo- sophe expérimentateur dans V His- toire des sciences naturelles au moyen âge, par M. Pouchet, in-8, Paris, 1853. (1) Le pouvoir amplifiant des len- tilles n'était pas ignoré des anciens. Ainsi on lit dans Sénèque : « Litterae, » quamvis minutae et obscurœ, per » vitream pilam aqua plenam, ma- » jores, clarioresque cernuntur (a). » Pline nous dit aussi : « JNero prin- » ceps gladiatorum pugnas spectabat » in smaragdo (6). » Or, on sait que iNéron était myope, et par conséquent l'émeraude en question était proba- blement une lentille concave. (a) Naturalium quœstionum lib. I, cap. vi ( éclit. Lemaire, Op. phil., n° 5, p. 105). (6) Naturales historiœ, lib. XXXVII, § 16. /lO SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Zacharie Jans, ou à un de ses voisins, Jean Lapprey, on a même prétendu que c'était au hasard seul que la science était redevable de cet instrument, et que des enfants, en jouant avec des lentilles, dans la boutique de Zacharie Jans leur père, avaient formé le premier microscope (1). Il me paraît cependant bien avéré que l'invention de cet instrument appartient à ce dernier opticien; mais il me semble probable aussi que les perfectionnements par suite desquels le microscope est devenu si promptement utile aux naturalistes sont en grande partie dus à l'homme de génie qui, le premier, fit usage du téles- cope pour étudier le ciel, qui trouva les satellites de Jupiter, et qui découvrit les propriétés du pendule (2). Quoi qu'il en soit, ce fut un compatriote de l'illustre Galilée (1) Le contemporain le plus illustre de ces physiciens, Descartes, ne men- tionne aucun d'entre eux lorsqu'il parle de l'invention de ces instru- ments d'optique, et l'attribue à un opticien de la ville d'Alcmar, nommé Jacques Meticus (a). Drebbel, que l'on cite souvent, d'après l'autorité de Huygens, comme l'auteur de cette découverte , contribua beaucoup à faire connaître le microscope en An- gleterre, mais il était seulement le possesseur d'un de ces intruments qu'il avait acheté en Hollande. Un des biographes de Galilée, Viviani, assure que la découverte du télescope avait conduit ce grand homme à inventer le microscope, et qu'en 161*2 il en envoya un à Sigismond, roi de Po- logne. Enfin c'est par les recherches de Pierre Borei, auteur d'un ouvrage intitulé De vero telescopii inveniore, et imprimé à la Haye en 1655, que les droits de priorité des lunettiers de Middelbourg sont établis ; quelques- uns des témoins, interrogés par cet auteur, attribuèrent la première com- binaison des lentilles à un ouvrier de cette ville, Jean Lapprey; d'autres rapportent celte découverte à Za- charie Jans, et en fixèrent la date à 1610 ; d'après le dire du fils de ce dernier, elle remonterait même à 1590. Montucla a discuté cette ques- tion avec beaucoup de soin et d'im- partialité dans son Histoire des ma- thématiques, II, p. 1231. (2) Galilée naquit à Pise en 1564, et étudia d'abord la médecine, mais ne tarda pas à s'occuper principalement de mécanique et d'astronomie. Ce fut à l'âge de dix-huit ans qu'il découvrit les propriétés du pendule; peu de temps après, il constata que l'eau ne s'élève dans les pompes qu'à la hau- teur de 3'2 pieds, fait qui conduisit son disciple Torricelli à la connais- sance de la pesanteur de l'atmosphère, (a) Descarles , Dioptrique, p. i. fGLOBULES ROUGES. k-\ qui, l'un des premiers, appliqua le microscope aux investiga- tions physiologiques, et une des observations faites ainsi est relative à la constitution physique du sang. § 3. — Effectivement, en 1661, le célèbre Malpighi (1) aperçut dans le sang du Hérisson des corpuscules rouges et arrondis qui flottaient dans ce liquide, et qui lui parurent être des globules de graisse (2). Il ne poussa pas l'observation plus loin-, mais, bientôt après, un autre naturaliste, habile dans l'art de tailler les lentilles et d'observer au moyen de ces instruments, Découverte des globules du sang. et il n'avait pas vingt-cinq ans, qu'à ses deux titres de gloire il en ajoutait un troisième par ses recherches sur le mouvement des corps. En 1609, il construisit un télescope, et à l'aide de cet instrument nouveau il enrichit la science de ses observations sur la conformation de la lune , sur les phases de Vénus, sur les satellites de Jupiter, et sur les taches du soleil. On sait quelles persécutions lui suscita le fanatisme ignorant de quelques- uns de ses compatriotes. Devenu aveugle dans ses vieux jours, il mou- rut en 16/i2, année également mémo- rable par la naissance de Newton. (1) Le nom de Malpighi reviendra souvent dans le cours de ces leçons. Il naquit aux environs de Bologne, en 1628, et après avoir obtenu le grade de docteur à l'université de Padoue, il professa la médecine successivement à Bologne, à Pise et à Messine. En 1666, il revint à l'université de Bo- logne, puis il habita Rome, comme médecin du pape Clément IX. Il y mou- rut en 1694. Malpighi fut l'un des pre- miers à s'occuper de l'anatomie des végétaux, et il traita de la structure intime du tissu de ces êtres aussi bien que de la conformation de leurs I. organes. On lui doit aussi des travaux d'une grande importance sur l'em- bryologie du poulet, la structure des glandes, la circulation capillaire, l'anatomie du Ver à soie, etc. La plu- part de ses écrits furent publiés sépa- rément depuis 1661 jusqu'en 1689 ; ils furent ensuite réunis en un volume in-folio, sous le titre d'Opéra ornnia. L'édition à laquelle je renverrai dans les leçons, parce que je l'ai dans la main, est celle imprimée à Londres en 1686. On a également de lui un volume intitulé Opéra posthuma ; l'édition que je citerai est celle im- primée à Amsterdam en 1698, 1 vol. in-/i. (2) Voici le passage d'après lequel on peut supposer que Malpighi avait aperçu les globules du sang avant que Leeuwenhoek les eût fait réel- lement connaître: «Ego in ornent » histricis, in sanguineo vase, quoi » excurrebat ab acervo pinguedinis in » alterum oppositum, globulos pin- » guedinis propria ligura termiualos » vidi rubescentes, et corallorum ru- » beorum vulgô coronam aemula- » banlur. » (Exercitatio de omento , pinguedine et adiposis ductibus, Bonon., 1661, et Op. omn., u, p. Zf2.) 42 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Leeuwenhoek(l), arriva à un résultat plus complet. On peut même dire que c'est à Leeuwenhoek qu'appartiennent réelle- ment la découverte du mode de constitution de notre fluide nourricier et les premières idées nettes sur l'existence des glo- bules du sang. Mais ce serait manquer de justice envers Swam- merdam, si je n'ajoutais que plusieurs années avantla publication des faits constatés par ces deux naturalistes, il avait parfaitement bien vu et décrit ces globules chez la Grenouille; seulement ses observations restèrent inédites, et par conséquent la science n'en profita pas (2). En 1673, Leeuwenhoek vit, à l'aide de son microscope, que le sang humain se compose d'une multitude incalculable de (1) Antoine Leeuwenhoek naquit en 1632, à Delft en Hollande, et mou- rut en 1723. Il se servait de micros- copes simples qu'il construisait lui- même, et qui consistaient dans une pe- tite lentille biconvexe enchâssée dans une plaque d'argent trouée et garnie d'une aiguille mobile servant de porte- objet ; il avait un grand nombre de ces instruments dont le pouvoir am- plifiant variait entre UO et 160 dia- mètres, et il s'en servait sans cesse pour examiner tout ce qui lui tombait sous la main. Il fit ainsi un nombre considérable de découvertes impor- tantes ; mais il se borna à enregistrer les faits qu'il apercevait sans les coor- donner et sans en tirer aucune con- clusion générale pour la physiologie ou l'anatomie. J'aurai souvent l'occa- sion d'en parler dans la suite de ces leçons, et de citer des observations qui furent pour la plupart publiées d'a- bord dans les Transactions 'philoso- phiques de la Société, royale de Lon- dres, depuis 1673 jusqu'en 1723, et qui se trouvent réunies dans un ou- vrage intitulé : Opéra omnia, seu arcana natures délecta, h vol. in-Zi, 1719 à 1722. (2) Les recherches de Swammerdam sur l'anatomie et la physiologie de la Grenouille datent de 1658, mais ne furent publiées que cinquante-sept ans après la mort de ce grand naturaliste, par les soins généreux de son com- patriote Boerhaave. Or, des observa- tions inédites ne peuvent enlever la priorité d'une découverte à celui qui, sans les connaître , a enrichi la science d'un résultat nouveau. La découverte des globules du sang ap- partient donc en droit à Malpighi et à Leeuwenhoek, mais en réalité avait été faite par Swammerdam avant que le premier de ces anatomistes eût pu- blié ses observations incomplètes sur ces corpuscules. Voici le passage du livre de Swammerdam où l'existence des globules sanguins est indiquée : « In sanguine sérum conspiciebam , » in quo immensus fluctuabat orbi- » cularium particularum , ex piano » veluli ovata, penitus tamen regulari » figura gaudentium, numerus. Vide- » bantur autem hae ipsae particulœ CLOBULES ROUGES. 43 corpuscules arrondis, d'une petitesse extrême, qui roulent dans un fluide hyalin (1). Bientôt après, il étendit ses recherches à beaucoup d'animaux, et arriva à cette conclusion importante, que chez les Oiseaux et les Poissons, aussi bien que chez les quadrupèdes, le sang doit sa couleur rouge à des corpuscules de ce genre; que chez le bœuf, le mouton et le lapin, de même que chez l'homme, ces corpuscules sont terminés par un contour circulaire, et ne présentent pas dans leur volume des différences appréciables à l'aide des instruments dont il faisait usage; enfin, que chez les Oiseaux, les Grenouilles et les Pois- sons, ce sont des disques ovalaires (2). Leeuwenhoek réservait le nom de globules aux corpuscules sanguins de l'homme et des autres mammifères, parce qu'il les croyait sphériques; mais les physiologistes qui le suivirent dans cette nouvelle voie de recherches ne tardèrent pas à constater que chez tous ces êtres, de même que chez les vertébrés ovi- pares, ils sont plus ou moins aplatis (3), et ressemblent, par » alium insuper humorem intra se (1) Microscop. Observ. (Philos. » continere. Quod si a latere cas con- Trans. of the Roijal Society, 167Z|, » tuebar ; crystallinos quasi bacillos, p. 23). » pluresque alias figuras similabant : (2) Philos. Trans., 1684, p. 789. » prout nimirum cliverai mode in Les observations de Leeuwenhoek sur » sero sanguinis circumvolvebantur. le sang, publiées d'abord dans les » Animadvertebam praeterea, quod Transactions de la Société royale de » color objectorum tantô seraper Londres, furent reproduites par ce » remissior adpareat, qnô ea, micros- micrographe dans le second volume » copii intervenlu, grandiora reprae- de son grand ouvrage intitulé : Arcana » sentantur (a). » naturœ délecta. Elles sont entachées Swammerdam naquit à Amsterdam de quelques erreurs au sujet de la en 1637, et fit une partie de ses Ira- structure des globules, mais ont une vaux à Paris ; ses recherches sur grande importance. Tanatomie et les métamorphoses des (3) Senac établit nettement ce fait insectes sont très importantes. 11 était dans son ouvrage sur la Structure du trop pauvre pour pouvoir publier la cœur (b). Ce pathologiste célèbre na- majeure partie de ses travaux, et il quit en 1693, et mourut en 1770 ; mourut en 1680. il était médecin du roi Louis XV et a (a) De sanguinis circuitu in rana aclulta (Biblia naturœ, 1738, t. II, p. 835). (6) Traité de la struct, du, ctnir, siipnlém., chap. vut, t, U, p. C>56 (1749, édit. jn-4), lik SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. conséquent, à une lentille ou à un petit disque qui, chez les premiers, aurait une forme circulaire, tandis que chez les der- niers il serait elliptique. Pendant la première moitié du xvme siècle, nos connaissances relatives à la constitution physique du sang ne firent que peu de progrès; mais en 1770, Hewson(l) commença la publication d'un travail des plus remarquables sur l'histoire de ce fluide, et étudia bien mieux que ne l'avaient fait tous ses devanciers, les globules sanguins; il arriva à des idées beaucoup plus justes sur la structure de ces corpuscules aussi bien que sur leur forme et leur dimension ; on peut même dire qu'il posa les véri- tables bases de l'histoire physique du sang, et l'on trouve dans son ouvrage le germe de la plupart des découvertes accomplies de nos jours sur ce sujet si important pour les physiologistes. 11 est singulier de voir qu'après la publication des travaux dont les résultats sont si nets et si intéressants, la science, loin d'en profiter et d'avancer d'un pas plus rapide dans cette voie d'inves- tigation, resta stationnaire, ou plutôt recula. Dans les traités de physiologie du commencement de ce siècle, on en faisait à peine mention, et l'on alla jusqu'à dire que le microscope ne pouvait nous faire connaître ni la figure ni le volume de ces corpus- cules (2), et que probablement c'étaient des bulles d'air que publié plusieurs écrits dans les Mém. son Mémoire sur les particules rouges de l'Acad. des sciences. du sang fut inséré dans le même re- (1) William Hewson, anatomiste ha- cueil en 1773. Une nouvelle édition bile ainsi que bon expérimentateur, des œuvres de ce physiologiste, accom- naquit en 1739 à Hexham, dans le pagnée de notes très précieuses par nord de l'Angleterre. Il exerça la chi- M. Gulliver, vient d'être publiée par rurgie à Londres, et professa avec dis- les soins de la Société Sydenhamienne tinction à l'école médicale fondée dans de Londres (1 vol. in-8, I8/16). C'est cette ville par W. Hunter. Il mourut à ce livre que se rapporteront les cita- en 177Z|, à la suite d'une piqûre qu'il lions faites dans la suite de ces le- s'était faite en disséquant. Ses recher- çons. clies sur les propriétés du sang pa- (2) Richerand, Nouveaux éléments lurent d'abord dans les Transactions de physiologie, 1807, h'' édit. , I, philosophiques pour l'année 1770, et p. /j25. GLOBULES ROUGES. k§ Hewson avait figurées sous le nom de globules du sang (1); aussi dois-je signaler ici, comme un véritable service rendu à la science, la réhabilitation des observations microscopiques opé- rée, il y a environ trente ans, par MM. Prévost et Dumas, dont le travail sur les globules du sang excita un vif intérêt (2). Vers la même époque, un physicien habile de Modène, M. Amici, s'occupa avec succès du perfectionnement des microscopes, et grâce à l'impulsion ainsi donnée, les observations se multi- plièrent rapidement en même temps qu'elles devinrent plus faciles et plus exactes (3). Aujourd'hui, la constitution physique du sang a été étudiée (1) Précis élémentaire de physio- logie, par F. Magendie. Paris, 1817, I, p. 305. Il est encore plus surprenant de voir qu'en 1839, au congrès scienti- fique de Pise, un savant professeur de Padoue, M. Giacomini, se fondant sur ses propres observations, a formelle- ment nié l'existence clés globules san- guins, et que son Mémoire sur ce sujet, imprimé d'abord dans le journal d'Omodei, ait eu les honneurs d'une traduction française (a). (2) Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie (Bibl. univ. des sciences de Genève, 1821, t. XVII, p. 215, et Ann. de chimie, 1821, t. XVIII, p. 280). J.-L. Prévost (le collaborateur de mon savant collègue et ami M. Du- mas, professeur de chimie à la Fa- culté des sciences) naquit à Genève en 1790, et y mourut en 1850. Les études sur le sang dont il est question ci-dessus ne sont pas les seuls travaux physiologiques dont ces deux expéri- mentateurs ont enrichi la science. On leur doit aussi des recherches sur la contraction musculaire (b) et une série de Mémoires très importants sur la génération (c). En 1842, Prévost fit avec Leroyer, pharmacien à Genève, des expériences sur la digestion (d), et plus récemment il a publié, en com- mun avec M. Lebert, une série de Mémoires sur la formation des organes de la circulation chez les Batraciens et chez le poulet (e). Prévost était un des médecins les plus distingués de Genève, et il était remarquable par la finesse de son esprit, ainsi que par son profond savoir. Une notice bio- graphique sur ce physiologiste, émi- nent a été insérée dans la Bibliothèque universelle de Genève (Archives des se. phys. et nat., 1850, t. L, p. 265). (3) Parmi les physiciens qui, dans {a) Ann. univ. di med., janvier 1840. — De la natter e, de la vie et des maladies du sang (Gazette des hôpitaux, mars 1840, t. II, n° 20). (6) Journal de physiol. expérim. de Magendie, 4823, t. III, p. 301. (c) Annales des sciences naturelles, \" série, t. 1, II, III, IV et XII, 1824 à 1827. (d) Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Genève, 1826, t. III, p. 143, et Ann. des scienc. nat., 1825, t. IV. (e) Annales des scienc. nat., 1844 et 1845, 3e série, t. I à III. 46 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. à l'aide de microscopes puissants, dans un nombre immense d'animaux, et la science est riche de faits relatifs aux globules dont l'existence était à peine soupçonnée par l'illustre Malpighi. Forme ça — Lorsque ces observations commencèrent à se mul- des globules. ° x tiplier, les physiologistes ne tardèrent pas à être frappés de la différence de forme qu'ils apercevaient dans les globules du sang chez les vertébrés dont la peau est garnie de poils, et chez ceux dont le corps est couvert de plumes ou d'écaillés. Déjà, vers le milieu du siècle dernier, Weiss (1) appela l'attention sur cette coïncidence, et fut conduit à penser qu'elle ne souffrirait pas d'exception. Les recherches de Hewson, de Prévost et Du- mas, de Wagner (2), et de beaucoup d'autres naturalistes, ten- dirent à confirmer de plus en plus cette règle, et l'on admettait généralement, il y a peu d'années encore, que chez les verté- brés vivipares, c'est-à-dire chez les Mammifères, les globules du sang sont circulaires, tandis que chez les vertébrés ovipares (c'est-à-dire chez les Oiseaux, les Reptiles, les Batraciens et les Poissons), ils sont elliptiques. Mais de nouvelles observations sont venues montrer qu'ici, comme dans beaucoup d'autres choses, la Nature obéit à des tendances et non à des lois absolues. En effet, M. Mandl (3) a trouvé que chez le Chameau, le saug contient non pas des glo- bules circulaires comme chez tous les mammifères étudiés jusqu'alors, mais des globules de forme elliptique comme chez les Oiseaux et les vertébrés à sang froid. Il trouva ensuite que dans le genre Lama, les globules du sang sont également ellip- tiques. Ainsi, la petite famille des Caméliens tout entière pré- ces derniers temps, ont contribué au (1) Obs. sur les globules du sang perfectionnement du microscope, je [Acta Helveiica, 1760,1. IV, p. 351). dois citer aussi M. Lister, auteur d'un (2) R. Wagner, Zur vergleichen- Mémoire important sur la construc- den Physiologie des Blutes, in-8. tion de ces instruments, inséré dans Leips., 1833-1838. les Transactions philosophiques de (3; Comptes rendus de l'Acad. des \a Société royale de Londres, en 18/29, sciences), 1838, t. VII, p. 106Q. GLOBULES ROUGES. kl sente cette singulière exception ; mais rien de semblable n'a été trouvé chez d'autres animaux de la même classe, et cependant on a examiné au microscope le sang de plus de deux cents espèces choisies dans toutes les subdivisions naturelles de ce groupe, même parmi les Marsupiaux (1) et les Monotrèmes (2), qui, à certains égards, semblent établir le passage entre les mammifères ordinaires et les vertébrés ovipares (3). On ne connaît, au contraire, aucun oiseau adulte où les glo- bules du sang ne soient pas elliptiques, et comme le nombre des espèces étudiées s'élève à deux cent cinquante, il est à pré- sumer que dans cette classe on ne rencontrera pas d'exceptions à la règle. Il en est encore de même pour les Reptiles, les Batraciens et les Poissons ordinaires ; mais on voit par les observations de Wagner et de quelques autres naturalistes, que dans un petit nombre des espèces les plus dégradées de la division des Pois- sons cartilagineux les Lamproies par exemple, la forme de ces corpuscules est à peu près circulaire (&). (1) Milne Edwards, Rapport sur la facilement celte forme par endosmose notedeM. Mandl, loc. cit., p. 1136, en présence de Peau. 11 n'a pas observé et Ann. des se. nat., 1830, 2e série, le sang de ces animaux pendant la t. II, p. 46. — Gulliver, Proceed. Zool. période embryonnaire, mais il a trouvé Soc, 184t. chez un Alpaca adulte quelques glo- (2) Hobson, Obs. on the Blood of the bules circulaires très peu chargés de Ornithorhijnchus Paradoxus (Tas- matière colorante, et il a vu tous les pas- manian Journal of Nat. Se., vol. T, sages entre ces globules et les globules p. 94, publié à la terre de Van- elliptiques ordinaires. Reste à savoir si Diémen, 1841), ces corpuscules circulaires étaient des Gulliver, Sur le sang de l'Echidné, globules en voie de développement dans les notes de l'ouvrage de Hewson, ou des globules altérés. [On the Blood 18/16, p. 239. Corpusc.,Phil. Trans., 1846, p. 77.) (3) Les observations de M. Wbarton (4) Les observations de M. Wagner Jones tendent à établir que chez les ont été faites chez le Sucet (Pteromy- Lamas les globules sanguins sont cir- zon planeri) et YAmmocetes bran- culaires avant que d'avoir atteint leur chialis (a). M. Wharton Jonesa constaté entier développement, et reprennent aussi l'existence de globules sanguins (a) Wagner, Beitr. zur vergleichenden Physiologie, l. H. Nachtràge %w vergl. Physiol. des Blutes, 183S, p. 13, lab. 1, fig. 6. /j.8 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Enfin, il est aussi à noter que dans les premiers temps de la vie embryonnaire de tous les vertébrés ovipares, les globules normaux n'existent pas encore, et que le sang ne charrie d'abord que des corpuscules circulaires d'un aspect particulier (1). volume §5. — Lorsque les micrographes ne possédaient que des instruments d'un faible pouvoir amplifiant, ils distinguaient dif- ficilement les différences qui existent dans le volume des glo- bules du sang chez les divers animaux; cependant elles sont par- fois très considérables, et elles n'échappèrent pas à l'attention de Senac (2). La mesure exacte de ces corpuscules présenta même jusqu'en ces derniers temps des difficultés insurmonta- bles, et a fourni aux anciens observateurs les résultats les plus discordants ; mais par suite du perfectionnement de nos micros- copes, elle est devenue facile aujourd'hui, et a été faite avec soin chez plus de cinq cents espèces d'animaux vertébrés (3). Pour prendre ces mesures, on se sert tantôt d'un micromètre placé dans l'intérieur du microscope, au foyer de l'oculaire, et circulaires chez la Lamproie (a). Mais du poulet, mais il n'avait rien dit dans cette particularité n'existe pas dans son texte au sujet de cette forme (d). toute la famille des Poissons cyclo- — Baumgartner a fait des observations stomes,carM. Millier a trouvé que chez analogues chez la grenouille et chez le Gastrobranche (Mycctne glutinosa), des poissons (e). — JNous reviendrons ces corpuscules, examinés à l'état frais, sur ce point lorsque nous traiterons sont elliptiques ; quelques-uns sont du développement de l'organisme, même presque fusiformes (b). (2) Senac, Traité de la structure du (1) Ce fait, important pour la solu- cœur, t. Il, p. 656. tion de plus d'une question, a été (3) Il me semblerait tout à fait inu- établi par MM. Prévost et Dumas (c). tile de nous arrêter ici sur les évalua - Hewson, il est vrai, avaitdéjàtiguréces tions données à une époque où la globules circulaires chez l'embryon de science ne possédait pas encore les la vipère aussi bien que chez l'embryon moyens nécessaires pour arriver à des (a) Wharlon Jones, The Blood Corpuscule Considérée in Us Différent Phases of Development (Phil. Trans., 1846, p. 63, pi. 1). (0) i. Mùller, Unlersuchungen ùber die Elngeiveide der Fische (Abhandl.der K. Akad. der Wis- sensch. %n Berlin, 1843, p. 119). (c) Prévost et Dumas, Sur le développement du cœur et la formation du sang {Annales des sciences naturelles, 1824, 1" série, t. III, p. 102). (d) Hewson's Works, pi. 5, fig. 4 et 7. (e) Baumgartner, Ueber Nerven und Blut, p. 40. GLOBULES ROUGES. £9 disposé de façon à permettre à l'observateur de faire coïncider les divisions de cet instrument, d'abord avec celles d'un autre micromètre placé sur le porte-objet, au foyer de l'objectif, puis résultats exacts. Ceux qui seraient curieux de connaître ces premiers essais micromélriques pourraient con- sulter l'article de la grande Phijsio- logie de Haller, où les opinions de Leeuwenhoek, Muys, Eller, Haies, Schreiber, etc., se trouvent exposées {Élém. phys., vol. H, p. 5Zi-56). En 1818, Evrard Home reprit cette ques- tion, et d'après les observations de Bauer, estima le diamètre des globules sanguins normaux de l'homme à ,— V„ de pouce anglais, c'est-à-dire à environ ~ de millimètre (a). Puis il fit connaître les mesures prises, à sa demande, par Kater, qui, dans une observation, trouva 4— 10- de pouce an- glais, etdans une autre -„1^, d'où il tira la moyenne de -01— de pouce anglais, ou environ T~ de millimètre (6). Quelque temps avant, le célèbre mé- decin, physicien et archéologue, Th. Young, était arrivé à des résultats sem- blables au moyen d'un instrument de son invention, nommé Vériomètre (c). MM. Prévost et Dumas (d) furent les premiers à introduire quelque préci- sion dans ces mesures et à prendre d'une manière comparative les di- mensions des globules sanguins chez un nombre considérable d'animaux. Leurs évaluations sont un peu trop faibles, mais se rapprochent beau- coup de la vérité. Ainsi ils esti- maient le diamètre des globules de l'homme à ^ de millimètre, tandis que toutes les observations les plus récentes ne donnent qu'environ ~ de millimètre. Plus récemment, M. Wa- gner a publié une série de mesures du même genre (e); M. Mandl a aug- menté encore la liste des espèces étudiées sous ce rapport (f), et M. Ehrenberg a donné également quel- ques déterminations (g). Beaucoup d'autres observations isolées ont été faites aussi depuis quinze ans, mais c'est à M. Gulliver que l'on doit le plus grand nombre de ces mesures. Ses observations parurent d'abord dissé- minées dans divers journaux (princi- palement YEdinburgh Philos. Maga- zine), et furent ensuite réunies en tableau dans l'appendice à la traduc- tion anglaise de Y Anatomie de Gerber; enfin elles sont présentées de la ma- nière la plus complète dans les notes dont ce micrographe a enrichi la nou- velle édition des œuvres de Hevv- son (h). (a) On the Changes the Blood Undergoes in the Act of Coagulation (Phil. Trans., 1818, p 172) (b) Op. cit., p. 187. (c) Remarks on the Measurement of Minute Particles , especially those of Blood and Pus {Introduction to Médical Littérature, 1813, p. 555). (d) Examen du sang [Bulletin universel de Genève, t. XVII, 1821). Ce mémoire se trouve reproduit sans planche dans les Annales de chimie et de physique, 18-21, t. XVIII, p. 280. (e) Vergl. Physiol. des Blutes, 1833 et 1838. — Ueber die Anwendung histologischer Charac- tere auf die Zoologische Systematik (Mùller's Arch. f. Anal, und Phys., 1835, p. 314). (f, Anatomie microscopique (Mémoires sur le sang, in-folio, 1838). (g) A la suite de son Mémoire sur les organes vitaux ( Mémoires de l'Académie de Berlin pour 1835, p. 717). l (h) The Works of Hewson Edited with an Introduction and Notes, by George Gulliver, in-8, 1 846. 50 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. avec l'image d'un globule sanguin placé au même foyer (1), tantôt de la chambre claire adaptée à l'oculaire du microscope. On trace alors sur un papier placé à une distance déterminée du prisme le contour de l'image des globules, et l'on détermine le pouvoir amplifiant employé, en dessinant de la même manière un objet quelconque de grandeur connue, une règle divisée micrométriquement par exemple, que l'on met sur le porte-objet à la place de la gouttelette de sang précédemment examinée ; puis en mesurant directement les deux images ainsi représentées. Ce dernier procédé, que l'on doit à M. Amici (2), est facile à pratiquer ; il est susceptible d'un grand degré de précision et ne nécessite aucune disposition dispendieuse dans la construc- tion du microscope. Aussi est-ce la méthode dont je conseille- rais de préférence l'emploi. En procédant ainsi, ou à l'aide de moyens analogues, et en employant des microscopes dont le pouvoir amplifiant linéaire est de 300 à /iOO, on a pu reconnaître que dans une même goutte de sang, les globules rouges, tout en se ressemblant beaucoup, n'ont pas des dimensions invariables (3). 11 arrive parfois que quelques-uns de ces corpuscules sont près d'un tiers plus gros que ne le sont la plupart d'entre eux , et que d'autres au contraire sont notablement plus petits; mais, dans l'immense majorité des cas, leurs dimensions ne s'éloignent qu'à peine de la moyenne fournie par la mesure d'un nombre (1) La disposition à laquelle je fais méthode à M. Lister (a). Les publica- allusion ici est celle employée dans lions de ce dernier physicien datent, la construction des microscopes de comme nous l'avons déjà dit, de 1829. Nachet. (3) Milne Edwards, art. Blood in (2; Obs. microscop. (Acta délia Todd's Cyclop. of Anat. and Phys., Soc. ital., vol. XIX, et Ann. des se. 1836, p. £05. — Gulliver, Notes de nat., 13'2Zi, lrc série, t. IF, p. £6). C'est l'ouvrage de Hewson, p. 236. à tort que M. Quekett attribue cette (a) Quekett, Pract. Treat. on the Use of the Microscope, 1848, p. 203. GLOBULES ROUGES. 51 considérable de ces corpuscules ; nous ne nous occuperons donc ici que de ces moyennes seulement. La grandeur des globules varie au contraire beaucoup cbez les divers animaux. Ainsi, chez l'homme, ils ont en diamètre envi- ron j^ de millimètre (1), tandis que chez la Chèvre ils n'ont que ,Yô, et chezleChevrotain de Java {%) leur diamètre n'est que dej^ de millimètre, c'est-à-dire que chez ce dernier ruminant ils sont à peu près quatre fois plus petits que chez la Chèvre et en- viron seize fois plus petits que chez l'homme. Chez la Grenouille ils sont beaucoup plus développés ; leur grand diamètre a environ 5f de millimètre, et chez la Sirène ils ont -^ de millimèlre. Ainsi, chez ce dernier Batracien ils ont environ trente fois le diamètre des globules du Chevrotain, et leurs dimensions sont à peu près sept fois et demie celles des globules du sang humain, ce qui suppose un volume au moins cinquante fois plus gros (3). J'ai réuni dans le tableau ci -joint (h) les mesures de ces cor- puscules chez la plupart des animaux vertébrés dont le sang a été étudié sous ce rapport, et par l'inspection des chiffres qui s'y (1) Wagner a constaté que les glo- (3) Quelques auteurs ont pensé que bules du sang sont tout à fait sembla- la médecine légale pourrait tirer parti blés chez le nègre et les hommes de la de ces différences de formes ou de race caucasique (a). dimensions des globules pour distin- (2) (ïulliver, Blood Corpuscles in guer entre elles les taches formées sur Mammalia [Ann. ofNat. Hist., 1839, du linge ou autres objets par du sang vol. IV, p. 283). humain ou par du sang de quelque M. H. Owen avait, peu de temps vertébré ovipare ; mais la déformation avant, signalé la petitesse des globules des globules rend de pareilles obser- sanguins chez les Chevrolains ; ceux vations très difficiles, et, pour placer dont il a publié la mesure variaient quelque confiance dans les résultats entre ^7 et ^, et il avait donné comme qu'on en obtient, il faut prendre beau- chiffre moyen ~ de millimètre en coup de précautions. Cette question a diamètre. (Contributions to the Com- été traitée d'une manière spéciale par paratiiie Anatoihy of the Blood M. Mandl (6). Diseases, in London Medic. Gazette, (à) Voyez le tableau n° 1 placé à la tietv ser., 1839-18ZiO, vol. I, p. 283 fin de cette leçon, et A73.) (a) Wagner, Nachtr. zur vergl. Physiol. des Blutes, 1838, p. 5. (6) Mandl, Recherches médico-légales sur le sang, thèse in-4°. Paris, 1842* 52 SAKG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. trouvent inscrits, on voit que c'est dans la classe des Mammi- fères que les globules ont les dimensions les plus petites. Dans ce groupe naturel, on ne connaît aucun exemple de globules dont le diamètre dépasse -^ de millimètre ; dans l'immense majorité des espèces, il ne varie qu'entre jfô et ^ de milli- mètre ; enfin, la moyenne fournie par toutes les mesures est d'environ j^ de millimètre. Dans la classe des Oiseaux, les globules sont plus grands. < Leur petit diamètre est à peu près le même que chez la plupart des Mammifères, et ne varie qu'entre 770 et jfy de millimètre, mais leur grand diamètre n'a jamais moins de ^h de milli- mètre (1), et atteint parfois ^9. Les moyennes pour les deux axes de l'ellipse que représentent ces disques ovalaires sont -^ sur yô de millimètre. Chez les Reptiles, les globules du sang sont encore plus grands. Leur petit diamètre varie entre ^ et tt de millimètre, et leur grand diamètre entre jj et jj- de millimètre. Les Poissons osseux ne diffèrent que peu des Reptiles sous ce rapport; en général, cependant, ils ont les globules un peu moins grands ; mais pour les Poissons cartilagineux, le contraire s'observe : ainsi chez quelques Squales, leur grand diamètre a jusqu'à n de millimètre (2). Mais c'est dans la classe des Batraciens que les globules du sang arrivent au maximum de leur développement : chez la Grenouille, où ils sont le plus petits, leur grand axe a, comme nous l'avons déjà dit, -^ de millimètre-, chez le Triton ou Sala- mandre aquatique , ils atteignent ^ de millimètre, et chez le (1) Chez l'Oiseau-Mouche, J. Davy. pas échappé à Hewson (a), mais sont [Ann. ofNat. Hist., I8Z16, vol. XVIII, établis principalement sur les observa- p. 58.) tions plus récentes de M VI. Prévost et (2) Ces divers résultats n'avaient Dumas, de Wagner et de M. Gulliver. (a) Op. cit., p. 217. GLOBULES ROUGES. 55 Protée ils ont environ -^ de millimètre, et sont, par conséquent, presque visibles à l'œil nu (1). § 6. — Ainsi, chez les animaux vertébrés, à respiration aérienne, la tendance générale de la nature semble être de diminuer le volume des globules du sang, à mesure que l'orga- nisme se perfectionne: car, ainsi que chacun lésait, les Batra- ciens sont les plus dégradés de tous ces êtres ; les Reptiles, quoique supérieurs aux Batraciens, sont à leur tour des ani- maux inférieurs aux Oiseaux, et ce sont les Mammifères qui occupent le plus haut rang dans celte série. Mais ici encore ce sont des tendances seulement que je signale, et non une règle absolue ; car, parmi les Mammifères, ce sont les Rumi- nants qui nous offrent les globules les plus petits, et l'homme ainsi que les Singes ne diffèrent guère, à cet égard, des Rongeurs, c'est - à - dire des Mammifères les moins bien doués. Cette tendance est cependant digne d'attention, et acquiert un nouvel intérêt lorsqu'on étudie le sang d'une manière com- parative chez les animaux adultes et chez l'embryon. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici, concernant les dimensions des globules, ne s'applique qu'aux premiers. Or, Hewson avait déjà remarqué que chez le Poulet observé au sixième jour de l'incubation, les globules sont plus gros que chez l'adulte, et que le sang d'un embryon de Vipère, comparé à celui de sa mère, offrait une différence du même ordre (2). Prévost a trouvé que chez la Chèvre les globules sont deux fois plus gros dans le fœtus que dans la mère (3) ; M. R. Wagner a constaté des différences encore plus grandes chez des embryons de Chauve-Souris comparés à l'animal adulte, et a observé des (1) Voy. R. Wagner , Beitr. zur (3) Note sur le sang du fœtus chez vergl. Physiol des Blutes, 1838, Bd II, les animaux vertébrés (Ann. des se. p. 2t, tab., fig. k. nat., 1825, 1" série, t. IV, p. 499). (2) Op. cit., p. 233. 54 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. faits analogues chez le Lapin , le Poulet, le Pigeon et le Lézard (1). M. Gulliver a étendu ces résultats par ses recher- ches sur des embryons de Chat, de Cerf et de Grenouille (2). Enfin M. J. Davy a constaté des différences du même genre en comparant le sang du Squale à l'état de fœtus et à l'âge adulte (3). Ainsi, chez tous les animaux de ce grand embran- chement, les globules sanguins diminuent de volume à mesure que l'organisme de l'individu se perfectionne (4), et les diffé- rences que l'on y remarque à cet égard chez l'embryon et chez l'adulte sont analogues à celles qui se rencontrent dans les (1) Les premières observations de M. Wagner (a) ne s'accordaient pas avec les résultats annoncés par Pré- vost, mais ont été rectifiées par les recherches ultérieures du même phy- siologiste (6). Dans un embryon de Chauve-Souris (Vespertilio murinus), M. Wagner a trouvé que les globules avaient pour la plupart entre , ~ et ~ de ligne ; tandis que chez l'adulte leur diamètre était de ~ à t]- de ligne. Chez le Lapin adulte, M. Wagner évalue les globules à v^ et ^ de ligne, et chez l'embryon il les a trouvés entre — et i\- de ligne. Pour que la différence soit bien notable chez la Chèvre, il ajoute que les observations doivent porter sur des embryons très jeunes (c). (2) Annot. de Hewson, p. 233 et 2Zi3. — Weber avait déjà constaté ce fait chez les jeunes têtards de gre- nouille. (Voy. Wagner, Op. cit. , t. I, p. 32.) (3) Chez le Squalus Acanthias. (Voy. Ann. of Nat. Hist., 1847, vol. XVIH, p. 57 et 58.) (h) M. Bischoff a trouvé des diffé- rences du même ordre dans le sang de l'embryon humain comparé à celui de l'homme adulte, et il fait remar- quer aussi que. dans les premiers temps de la vie les dimensions des glo- bules varient beaucoup dans le même sang, mais que cet état transitoire ne dure que très peu chez les Mammi- fères (d). M. Paget a eu aussi l'occa- sion d'examiner les globules du sang d'un embryon humain très jeune et les a trouvés plus grands que ceux de l'adulte (e). Je suis porté à croire aussi que ces globules primitifs ne sont pas de même nature que les globules normaux. Quelques auteurs pensent qu'ils sont susceptibles de se multi- plier par fissiparité (/). Nous revien- drons sur ce sujet eh Iraitânt du déve- loppement de l'organisme. (a) Wagner, Zur vergleich . Physiol. des Blutes, 1833, t. I, p. 38. (6) Wagner, Naehtrdge zur vergl. Phys. des Blutes, 1838, p. 35. (c) Beitrdge zur vergleichenden Physiologie, 1838, t. H, p. 36. (d) Traité du développement de l'homme et des mammifères, traduction française, p. 284. (e) On the Blood Corpuscles of the Human Embryo (Lond. Medic. Gazette, new. ser., 1849, l. VIII, p. 188). (f) Voyez Fahrner, De globulorum sanguinis in mammalium embryonibus atque adultis ori- gine. Turin, 1845. GLOBULES ROUGES. 55 représentants de plus en plus élevés du type zoologique dont dérivent tous les vertébrés à respiration aérienne. Quant à l'exception apparente à cette règle fournie par les Poissons, nous verrons bientôt qu'elle s'explique facilement lorsqu'on tient compte des nécessités que la respiration aquatique impose à ces animaux. La comparaison des globules du sang chez les divers Batra- ciens fournit de nouveaux arguments à l'appui des conclusions déduites des faits précédents. Effectivement ces animaux, comme on le sait, subissent dans le jeune âge des métamor- phoses plus ou moins considérables qui tendent toutes à les éloigner du type commun aux vertébrés Anallantoïdiens. Chez les uns, auxquels on a donné le nom de Perennibranches, l'animal adulte ne diffère de la larve que par l'existence de poumons et de membres, et conserve d'ailleurs tous les organes qu'il avait dans le jeune âge ; chez d'autres, appelés Urodèles, les branchies ne sont pas permanentes et disparaissent à mesure que les poumons se développent ; enfin, chez d'autres encore, qui composent la famille des Anoures, la queue s'atrophie par les progrès du travail embryogénique, en même temps que les branchies se flétrissent et que les poumons se développent. Or, dans ces trois groupes, les globules du sang .paraissent suivre, quant à leurs dimensions, ces divers degrés de per- fectionnement. C'est chez les Batraciens perennibranches qu'ils sont le plus gros, et chez les Batraciens anoures qu'ils sont le plus petits; enfin les Batraciens urodèles, qui tiennent en quelque sorte le milieu entre ces deux groupes extrêmes, ont aussi, pour la plupart, les globules sanguins d'une grandeur intermédiaire. Nous voyons donc que chez tous les animaux vertébrés, il y a une tendance à l'amoindrissement du globule sanguin à me- sure que l'organisme se perfectionne, soit que ce perfectionne- ment s'effectue dans la constitution d'un même individu par le 56 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. progrès de son développement, soit qu'il se montre dans la série naturelle des espèces dérivées d'un même type zoologique. § 7. — La discussion des chiffres inscrits dans ce tableau prouve qu'il n'y a aucune relation absolue entre la taille des animaux et le volume des globules de leur sang. En effet, leur diamètre est à peu près le même chez le Cheval et chez la Souris ; chez le Paresseux, ils sont plus grands que chez le Bœuf, tandis que chez le Chat ils sont plus petits que chez l'homme, et nous verrons que sous ce rapport la Baleine se place entre la Grenouille et la Chèvre. M. Gulliver, à qui l'on doit la série la plus complète d'ob- servations micrométriques sur le sang, a pensé avec raison que dans des investigations de ce genre il fallait s'attacher sur- tout à comparer entre eux les animaux qui se ressemblent le plus par le plan général de leur organisation, et qui appartien- nent par conséquent à une même famille naturelle. En procédant de la sorte, il a cru saisir un certain rapport entre la taille de l'individu et la grosseur des globules de son sang. Effective- ment, dans la classe des Mammifères, c'est chez l'Éléphant que ces corpuscules sont le plus gros ; ils sont aussi très grands chez la Baleine; tandis que c'est chez le Chevrotain, le plus petit des ruminants, que leur volume est le moindre. Cette coïncidence est remarquable aussi chez quelques oiseaux : c'est chez le Casoar et l'Autruche que les globules ont les dimensions les plus fortes, et chez les petits Passereaux qu'ils sont le plus petits. Enfin, chez le Crocodile, ils sont également plus grands que chez les Lézards, et de tous les Batraciens à branchies caduques, c'est la Salamandre gigantesque du Japon qui a les globules les plus gros (1). Mais d'un autre côté nous voyons que chez le Lion les glo- (1) M. Van derHoeven a trouvé que tuurlijke Geschiedenis en Physiolo* chez ce Batracien (le Cnjptobronchus gie, 18/tl, t. VIII, p. 270, et Ann. japonicus) les globules ont ~ sur 75 des se. nat., 18/tl, 2« série, t. XV, de millimètre. [Tijdscrift voor Na- p. 251.) GLOBULES ROUGES. 57 bules du sang ne sont pas plus gros que chez le Chat, et que chez les Cerfs, les Antilopes et les Chevaux, ils sont plus petils que chez le Lapin ou le Rat. Chez la Grenouille, ils sont aussi plus petits que chez les Tritons, dont la taille est cependant bien moindre. Les variations dans le volume du corps des animaux ne sau- raient donc être considérées comme réglant d'une manière directe et nécessaire les dimensions des globules de leur sang. Mais nous verrons plus tard que la respiration est, toutes choses égales d'ailleurs, plus active chez les petits animaux que chez les gros, et qu'il existe aussi d'ordinaire une relation intime entre l'activité de cette fonction et la rapidité des mouvements. Cela nous conduit donc à chercher si la petitesse des globules ne serait pas en rapport avec les besoins de la respiration. Or, si l'on compare entre eux les divers Mammifères sous ce rapport, en tenant compte tout à la fois de leur volume et de leur activité musculaire, c'est-à-dire des deux circonstances principales qui paraissent devoir faire varier leur puissance res- piratrice, on ne tarde pas à voir que chez les animaux consti- tués d'après le même plan fondamental, la nature tend à rendre les globules du sang de plus en plus petits à mesure que les besoins de la respiration augmentent. Ainsi, le mammifère dont les mouvements sont les plus lents, le Paresseux, quoique de petite taille, a les globules du sang presque aussi gros que ceux de l'Éléphant. Les animaux herbi- vores, qui, dénués de moyens de défense, ne peuvent échapper à leurs ennemis que par la rapidité de leur course, et ont été doués par conséquent d'une agilité très grande, sont au con- traire ceux où l'on trouve dans le sang les globules les plus petits. Après les Chevrotains, les Chèvres, les Cerfs, les Anti- lopes, etc., ce sont les Carnassiers chasseurs qui ont besoin de déployer la plus grande énergie musculaire ; aussi ont-ils les globules sanguins plus petits que les Rongeurs. On remarque i. s 58 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pareillement que les Singes, animaux qui, malgré leur pétu- lance, mènent une vie assez sédentaire, sont au nombre des mammifères dont les globules sont les plus gros ; enfin l'homme, qui sous le rapport de la puissance physique est moins bien doué que la plupart des animaux, a aussi les globules plus vo- lumineux que ceux d'aucun des mammifères constitués pour la course, le saut ou le vol. Les Mammifères nageurs ont en général les mouvements plus lents et ont la respiration moins active que les espèces qui, tout en appartenant aux mêmes familles, sont organisées pour la course-, et je ferai remarquer aussi que la nature semble tendre à augmenter chez ces derniers la petitesse des globules sanguins. Ainsi, de tous les Carnivores, ce sont les Phoques et les Loutres qui ont ces globules le plus gros ; les Genettes et les Féliens qui les ont le plus petits. Parmi les Rongeurs, je citerai aussi les Castors et les Myopotames comme exemples d'espèces à gros globules ; les Écureuils et la famille des Rats comme les ayant très petits. J'ajouterai que les globules sanguins ont j-fr de millimètre chez le Cheval, et jf, chez l'Ane, dont le corps est cependant plus petit, mais dont les mouvements sont moins rapides et moins puissants. Les Mammifères qui s'engourdissent en hiver, et passent une grande partie de leur vie dans un état de sommeil léthar- gique, ont aussi, toutes choses égales d'ailleurs, les globules sanguins plus gros que ceux dont la vie est toujours active. Chez la Marmotte et le Porc-Épic, ces corpuscules n'ont qu'environ ^ de millimètre, tandis que chez les Lièvres ils mesurent environ r4^ de millimètre, et que dans les familles des Rats ils ont de -^ à y-f^. Enfin, le Hérisson, qui de même que la Marmotte et le Porc-Epic appartient à la catégorie des ani- maux hibernants, est de tous les insectivores celui dont les glo- bules sanguins sont le moins petits. GLOBULES HOUGKS. 59 Ce que nous avons déjà vu au sujet de la grandeur des glo- bules sanguins chez les vertébrés ovipares à respiration aérienne, c'est-à-dire chez les Batraciens, les Reptiles et les Oiseaux, est également d'accord avec cette tendance de la nature à multiplier le nombre de ces corpuscules sous un même vo- lume à mesure que les besoins de la respiration augmentent ; et cette relation nous permet de comprendre maintenant com- ment les Poissons, tout en étant des animaux inférieurs aux Batraciens, ont les globules du sang plus petits, car ils doivent posséder une grande activité musculaire, et cependant ils se trouvent placés dans des conditions peu favorables au dévelop- pement de la fonction de la respiration (1). La diversité dans le volume des globules du sang ne se trouve pas liée seulement aux circonstances dont je viens de parler; elle est sans doute en rapport avec beaucoup d'autres choses (1) Il me serait facile de multiplier beaucoup les faits qui tendent à mon- trer l'existence d'une relation intime entre le volume des globules sanguins et l'activité physiologique. Nous re- viendrons sur ce sujet lorsque nous étudierons la respiration, et pour le moment je me bornerai à citer quel- ques exemples fournis par les Oiseaux et les Reptiles, afin de montrer que la tendance signalée ci-dessus n'existe pas seulement dans la classe des Mam- mifères. Pour rendre cette comparaison plus facile, je prends le diamètre moyen fourni par la mesure des deux axes de l'ellipsoïde représenté par ces glo- bules chez les vertébrés ovipares ; et en procédant ainsi, je trouve que chez les Slruthioniens, oiseaux qui ne sont pas organisés pour le vol, et qui sont de très grande taille, circonstances qui tendent toutes deux à amoindrir les besoins de la respiration, les glo- bules mesurent de ~ à ~ de milli- mètre. Chez le Cygne, qui ne vole que peu, et qui, tout en étant un gros oiseau, est beaucoup moins volumineux que les précédents, ce diamètre n'est plus que de ^. Chez les Vautours, qui se font éga- lement remarquer par leur grande taille, mais qui ont le vol puissant, ce diamètre varie entre ^ et ^. Chez le Paon, les Hoccos, les Din- dons et les Faisans, qui sont tous des oiseaux lourds, mais de moindre taille, ce diamètre varie entre — et ^. Chez le Corbeau, il tombe jusqu'à ■£j , et chez beaucoup de Passereaux il n'est plus que de ^ de millimètre ou moins encore. Parmi les Reptiles, je citerai le Caïman à museau de brochet, dont les mouvements sont très lents, et le Lé- 60 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. qui jusqu'ici ont échappé aux investigations des physiolo- gistes^); mais j'ai insisté à dessein sur ces coïncidences remar- zard ocellé, qui se fait remarquer par sa vivacité. On a trouvé que chez le premier le diamètre moyen des glo- bules est d'environ ^, tandis que chez le second il n'était que d'environ ~ de millimètre (a). Du reste, je suis loin de prétendre que les conditions physiologiques dont il vient d'être question soient les seules qui régissent les différences de volume des globules sanguins, et je suis même porté à croire que toutes choses étant égales d'ailleurs , le ré- gime y influe. Chez les phytophages, par exemple, les globules tendent à être plus petits que chez les carnivores. En effet, parmi les Mammifères, ce sont les Ruminants, les Pachydermes et les Rongeurs qui ont les globules les plus petits; les Carnassiers et les omni- vores qui ont les plus gros ; et pour prendre des termes de comparaison dans un même ordre, je citerai le Co- chon et le Cheval. Chez ce dernier, les globules ont ~ de millimètre, tandis que chez le Cochon ils ont ~~ , bien que ce dernier pachyderme soit de plus petite taille que le premier. (1) Je ferai remarquer qu'effective- ment il existe une tendance à l'uni- formité des globules dans les diverses espèces de beaucoup de groupes naturels, et à certaines différences dans le volume ordinaire de. ces cor- puscules entre les diverses familles de Mammifères. Ainsi, chez les Singes de l'ancien monde, le diamètre moyen des globules oscille toujours autour de ^j-6i et le nombre diviseur ne s'é- carte que de k en plus ou en moins. Chez les Singes d'Amérique, les globules sanguins sont un peu plus petits, mais diffèrent cependant à peine de ce qui existe dans le groupe précédent, car les termes extrêmes sont ^ et 777. Dans la famille des Lémuriens, la grandeur des globules diminue un peu plus, et tombe entre ,'-- et ■—. Il en est à peu près de même chez les Chéiroptères ; ils varient entre ~ et ~. Dans le petit groupe des Insecti- vores, les extrêmes sont 777 et 777. Dans l'ordre des Rongeurs, les varia- tions sont plus considérables; le dia- mètre des globules atteint ~ et même ttj , et s'abaisse jusqu'à 777. Ainsi, chez les Mammifères disco- placentaires, les globules sanguins ne varient (terme moyen) qu'entre 777 ^777- Chez les Carnassiers plantigrades, les variations limites sont 77; et 7^, et chez les Digitigrades elles se main- tiennent, dans l'immense majorité des cas, entre 777 et 777. Chez le Phoque, ils sont plus gros : ils mesurent 777. Chez les Édentés, leur volume est plus considérable encore et varie entre 777 et 777. Dans la famille des Ruminants ordi- naires (c'est-à-dire l'ordre tout entier, à l'exception des Caméliens), les glo- bules sanguins sont remarquablement (a) Note sur les dimensions des globules du sang chez quelques animaux vertébrés, par Al- phonse Milne Edwards (Ann. des sciences nat., 4856, i" série, t. V). GLOBULES ROUGES. 61 quables, parce que j'aurai à en arguer quand je ferai l'histoire de la respiration . J'ajouterai encore que la proportion entre le petit et le petits et ne varient guère qu'entre ïT^ et ~-0 ; quelquefois ils n'ont que ^ (chez le Chevrotain de Java). Chez les Solipèdes, leur diamètre varie entre <^ et -^. Chez les Pachydermes ordinaires, les chiffres extrêmes sont — et ~. Chez les Proboscidiens , ils n'ont qu'environ ~. Chez les Cétacés, on a trouvé dans un cas — ■ (chez la Baleine), et dans un autre -^ (chez le Dauphin). Enfin, chez les Marsupiaux, les variations extrêmes sont ^ et -^. Dans la famille des Oiseaux de proie diurne, le grand diamètre des glo- bules oscille autour de ^ ; on ne con- naît qu'un exemple où il s'élève à ~ , et les plus petits de ces corpuscules ont au moins ^. Quant au petit axe de l'ellipse, sa longueur varie ordinai- rement entre — et ~. Chez les Rapaces nocturnes , les dimensions sont à peu près les mêmes; mais chez les Passereaux et les Grim- peurs, les chiffres qui représentent le grand diamètre ne s'élèvent que rare- ment au-dessus de ^ , et se maintien- nent d'ordinaire entre fj et yj: Dans la famille des Gallinacés pro- prement dits, et clans celle des Pi- geons, ce diamètre ne varie d'ordi- naire qu'entre ~ et ~. Chez les Palmipèdes, ce diamètre est presque toujours d'environ f- et ^. Enfin, chez les Échassiers, il atteint parfois ~, et peut descendre jus- qu'à ~. Chez les Chéloniens, il ne s'éloigne pas notablement de ±, et chez les Sauriens il oscille entre ■- et £-. Chez les Batraciens et les Poissons, les différences deviennent beaucoup plus considérables. Lorsqu'il s'agit d'établir une éva- luation moyenne, on ne peut avoir une entière confiance dans les résul- tats, que si les données sont très nombreuses , ou si les variations entre les deux extrêmes sont très petites. Je n'ose donc tirer aucune conclusion de quelques mesures de globules qui ne paraissent pas avoir été faites dans ces conditions, et qui accuseraient des différences notables dans les dimensions de ces corpus- cules chez de simples variétés d'une même espèce zoologique ; mais je crois devoir les signaler à l'attention des micrographes pour en provoquer le contrôle. Dans les mesures publiées par M. Mandl, l'évaluation des glo- bules du sang est, pour le Mouton d'Ecosse, —de millimètre ; pour celui d'Astracan ~; et pour celui de Nor- wége -^ {a). Si ces différences étaient constantes, il faudrait en conclure que les conditions biologiques peuvent exercer une certaine influence sur le développement des globules sanguins, comme sur la taille des animaux ; ou bien que ces divers moutons ne sont pas des variétés d'une même espèce, mais des espèces très voisines d'un même genre. (a) Mandl, Anatomie microscopique (Mémoires sur le sang, p. 17). 62 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. grand diamètre des globules elliptiques varie aussi beaucoup. En général, ces corpuscules ne sont pas tout à fait deux fois aussi longs que larges ; mais on en connaît dans lesquels les deux axes sont dans le rapport de 1 à 3, et d'autres où ce rapport n'est que de 1 à 1 | (1). Il est probable qu'il existe quelque relation entre la minceur de ces globules et la disposition du système capillaire, mais on ne sait encore rien de positif à ce sujet. § 8. — J'ai déjà dit que les globules sanguins ne sont jamais sphériques , mais toujours plus ou moins aplatis et de forme lenticulaire ou discoïde. Cela se voit facilement lorsque ces corpuscules roulent sur eux-mêmes ou se réunissent en petites piles, ainsi que cela a souvent lieu dans le sang de l'homme et des autres mammifères pendant la durée de l'observation au microscope (2). M. Gulliver a constaté qu'en général leur épais- seur est égale à environ un quart ou un tiers de leur dia- mètre (3). structure §9. — L'étude de la structure des globules du sang offre, comme on le pense bien, des difficultés beaucoup plus grandes que celles que présente l'étude de leur forme et de leurs dimen- sions. Aussi est-ce chez les animaux dont les globules sont les plus gros que les micrographes ont obtenu les premières notions exactes à ce sujet. Leeuwenhoek, Senacet quelques autres observateurs anciens avaient remarqué dans ces globules une tache centrale qui (1) Voyez le tableau ci-après. et n'avait pas échappé à l'attention de (2) Cette disposition des globules Hewson (a), mais n'a été mise bien circulaires à se réunir en pile, comme en évidence que par MM. Hodgkin et des rouleaux de pièces de monnaie, Lister (b). ne s'observe pas dans le sang des ani- (3) Hewson's Works, note xcv, maux à globules elliptiques. Elle est p. 216. très prononcée dans le sang humain, (a) Op. cit., p. 228. (6) Notice ofsome Microscopic Observations oftheBlood (Philos. Magazine, 1827, p. 133.) — Voyez aussi les figures publiées par M. Donné dans l'atlas de son Cours de micrographie, pi. 2. des globules. GLOBULES ROUGES. 63 tantôt se montre comme un point obscur, et d'autres Ibis se détache en clair, suivant la manière dont l'objet est frappé par la lumière (1). Délia Torre (2) avait cru que cette apparence était due à une perforation, et que par conséquent les globules avaient la forme de petits anneaux. Mais cette erreur ne tarda pas à être rectifiée par Fontana (3) et Hewson yli). Ce dernier observateur a reconnu que chez la Grenouille la tache centrale des globules est due à la présence d'un noyau solide. En étudiant le sang de l'Anguille, il a même vu ce noyau s'échapper de l'intérieur des globules altérés par un commencement de putréfaction (5), et une observation analogue a été faite par MM. Prévost et Dumas sur le sang du Triton (6). Au moment où le sang vient d'être tiré , le noyau est difficile à distinguer, mais il devient promptement très visible, surtout si l'on ajoute un peu d'eau à la gouttelette placée sur le porte-objet du microscope (7). En (1) Senac, Traité de la structure duits à penser que chez la Grenouille du cœur, t. II, p. 656. les globules sanguins sont dépourvus (2) Nuove osservazioni microsco- denoyauxtantqu'ils circulent dans les piche, in-Zi. Maples, 1776. vaisseaux de l'animal vivant, et que ce (3) Voyez Osservazioni sopra i corpuscule central ne s'y constitue globetti del sangue, 1766, citées par que par une sorte de coagulation inté- Fontana dans son Traité sur le venin rieure lorsque les globules sont expo- de la vipère,!. I, p. 64, et t. II, p. 21x5. ses à l'influence de l'air. M. Donders (Zi) The Works of W. Hewson, partage cette opinion (e); mais M. Kôl- p. 216, etc. liker ne l'adopte pas (/"), et M. Mayer (5) Op. cit., p. 226. assure qu'il a vu ces noyaux pendant (6) Bibl. univ. de Genève, t. XVII, que les globules circulaient dans les pi., fig. 3. vaisseaux capillaires de la membrane (7) MM. Wagner (a), Valentin (6), palmaire des pattes postérieures de Henle (c), et enlin dans ces derniers jeunes grenouilles (q). temps, M. Moleschott (d) , ont été con- (a) Nachtrcige mur vergleichenden Physiologie des Blutes, 1838, p. 14. (6) Repertorium, 1837, t. II, p. 185. (c) Traité d'anatomie générale, 1. 1, p. 459. (d) Ueber die Entwickelung der Blutkôrperchen (Mifller's Afch. f. Anat. und Physiol., 1853, p. 73, pi. 1, fi-. G). (e) Donders et MoleschoU, Untersuch. iiber die Blutkôrperchen (Hollând. Beitr. %. den anat. nnd physiol. Wissensch., 1848, p. 360). (f) Kolliker, Mikroskopische Anatomie, 1852, t. II, p. 583. {g) Mayer, Ueber eigenthilmlich gestaltete Blutzellen (Miiller's Arch. f. Anat., 1843, p. 208). 64 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. faisant agir un peu d'acide acétique sur le sang de la Gre- nouille, on démontre cette structure d'une manière encore plus convaincante, car on peut enlever ainsi l'enveloppe du noyau et mettre celui-ci à nu (1). La même organisation se retrouve chez les Poissons , les Reptiles et les Oiseaux, mais la sépara- tion du noyau est plus difficile à effectuer chez ces derniers (2), Les globules circulaires du sang des Mammifères ne sont pas renflés sur leurs deux faces comme les globules des vertébrés ovipares, et présentent au contraire une dépression centrale, de façon à ressembler à de petites lentilles biconcaves, à bords épais et arrondis. La tache centrale que l'on y observe est due à ce mode de conformation, et chez les Mammifères adultes il ne paraît pas y avoir de noyau à l'intérieur des globules nor- maux. Par analogie, plutôt que par l'observation directe de ces globules , on a admis pendant longtemps l'existence d'un nucléus chez tous les vertébrés ; mais, aujourd'hui que l'on dispose de moyens d'investigation beaucoup plus puissants qu'il y a un quart de siècle, on a pu s'assurer que chez les Mammi- fères le centre des globules normaux n'est ni plus solide ni plus opaque que leur partie périphérique (3) . Dans le jeune âge (1) Milne Edwards, Ann. des se. san, parexemple, le noyau estdeuxfois nat., 1826, lre série, t. IX, p. 368, et plus long que large, tandis que chez Todd's Cyclop. , art. Blood. le Coq le grand diamètre ne dépasse le Millier, Beobachtungen zur Analyse petit que d'environ un cinquième. Il en der Lymphe, des Bluts und des Chy- résulte que ces modifications ne pa- lus (Poggendori's Annalen der Phy- raissent pas avoir grande importance. sik undChemie, 1832, t. IL p 513).— Quant au volume de ces corpuscules, Obs. sur l'analyse de la lymphe du il est en général d'environ ~ de mil- sang, etc. (Ann. des se. nat, 18'oh, limètre sur ~ chez les Oiseaux, et 2e série, 1. 1, p. 3/i3). . s'élève à ^ sur -1ti chez l'Autruche. Donné , Cours de microscopie , Chez les lieptiles, les Batraciens et les 18ft/i, p. 72. Poissons, ils sont en général plus pe- (2) La forme de ces noyaux est plus tits, comparativement aux dimensions ou moins ovalaire, mais le rapport des des globules, que chez la plupart des deux axes de l'ellipse varie dans des Oiseaux. espèces fort rapprochées. Chez le Fai- (3) L'existence d'un noyau dans les GLOBULES ROUGES. 65 cependant il en est autrement, et chez le fœtus on trouve dans ces corpuscules un noyau plus ou moins bien formé qui dispa- raît par les progrès du développement. La présence d'un noyau dans les globules du sang peut donc être considérée comme un signe d'infériorité physiologique. Nous avons vu précédemment que par la forme des globules globules sanguins des Mammifères adultes a été admise par Hewson (a), Home (b), MM. Prévost et Dumas (c), et quelques autres observateurs {d). C'est principalement aux recherches de MM. Hodgkin et Lister en Angle- terre (e),et de M. Donné en France (/), que la connaissance du mode de con- stitution de ces corpuscules est due. La forme biconcave de ces globules n'avait pas échappé cependant à quel- ques micrographes plus anciens, tels que Young (g) et M. Amici (h). L'absence d'un nucléus dans ces globules a été constatée d'abord par MM. Hodgkin et Lister (en 1827), puis par M. Donné, M. Wharton Jones, etc. (i). Plus récemment, M. Krause a an- noncé, il est vrai, que l'on pouvait isoler les noyaux des globules du sang humain en faisant infuser pendant deux jours ces corpuscules dans de l'eau distillée (/); mais ce physiolo- giste paraît avoir pris pour des noyaux libres un certain nombre de globules décolorés par l'action de l'eau, puis contractés (k). Aujourd'hui presque tous les mi- crographes s'accordent pour consi- dérer les globules normaux du sang des Mammifères comme étant dépour- vus de nucléus; mais, d'après quel- ques observateurs, il y aurait parfois parmi ces globules un petit nombre d'autres dont le centre serait occupé par un noyau. Ainsi M. Wharton Jones assure avoir trouvé chez le Cheval et chez l'Éléphant quelques globules rouges à noyau intérieur. Il a vu aussi que par l'addition de l'eau la même structure devient parfois visible dans quelques globules sanguins chez l'homme, le (a) 0)i the Red Particles of the Blood (Works of W. Heiuson, p. 221, 275, etc.). (b) Everard Home, On the Changes the Blood Undergoes in the Act of Coagulation (Phll. Trans., 1818, p. 173. (c) Examen du sang {Bibl. de Genève, 1821, t. XVII). (d) Milne Edwards, art. Blood (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., vol. I, p. 404). Miiller, Op. cit. (Ann. des se. nat., 1834, 2e série, t. I, p. 343). Nasse, art. Sang, inséré dans le Handwôrterbuch der Physiologie, von R. Wagner, 1842, t. II, p. 90. (e) Hodgkin et Lister, Microscop. Obs. of the Blood and Animal Tissues (Phil. Mag. and Annals, 1827, t. V, p. 129). ( f) Donné, Recherches sur les globules du sang, Thèse in-4, 1831, et Cours de mieroscop., p. 67 et 68. (g) T. Young, Introduction to Médical Littérature, 1813. (h) Voyez une note de l'archiduc Maximilien d'Autriche, insérée dans le Edinburgh Médical and Surgical Journal, 1819, V, XIX, p. 118. (i) Vermischte Beobachtungen (Mùller's Arch. fur Anat. und Physiol., 1837, p. 4). (j) Wagner, Elem. of Physiol., p. 240. (k) W. Jones, Observ. on some Points in the Anatomy, [Physiology and Pathology of the Blood (British and Foreign Médical Revieiu, 1842, n° 28). i. 9 66 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. du sang, les Caméliens diffèrent des autres mammifères et res- semblent aux vertébrés ovipares ; mais ils ne présentent aucune anomalie du même genre relativement à la structure de ces corpuscules. On n'aperçoit dans ces globules elliptiques aucune trace de noyau central (1), et par conséquent le caractère dis- tinctif du sang des vertébrés vivipares et des vertébrés ovipares paraît être la présence ou l'absence du nueléus. § 10. — Les micrographes ne sont pas encore complètement fixés au sujet de la structure de la portion périphérique des glo- bules. La plupart des observateurs pensent qu'ils sont limités par une membrane, et que par conséquent ce sont de véritables utricules ou cellules isolées (2) ; d'autres supposent que ce sont Mouton, etc. (a). M. Schultz a publié que nous le verrons bientôt, il y a des observalions analogues sur le sang souvent un noyau distinct dans les de l'Éléphant (6), et M. Na.'-se a signalé globules en voie de formation chez l'existence assez fréquente de globules l'embryon des Mammifères, aussi bien rouges nucléoles chez les femmes en- que chez les autres vertébrés, ceintes, etc. (cj. Enfin M. Busk a (1) Donné, De l'origine des glo- trouvé dans le sang d'un homme un bides du sang, etc. (Compte rendu, globule rouge qui était pourvu d'un lSh'2, t. XIV, p. 367). noyau bien caractérisé, tandis que Gulliver, On the Nuclei of Blood tous les autres globules contenus dans Corpuscles (Medic. Chirur. Trans., le même échantillon offraient l'appa- vol. XXJ.I1). rence ordinaire (d). (2) Un des premiers auteurs qui Mais M. Kôlliker est arrivé à des aient parlé des globules du sang, résultats contraires, et pense que Bidloo, les considère comme étant des c'étaient seulement des globules dé- vésicules (/'). Weisse arriva à la même formés par l'action des réactifs qui conclusion un siècle plus tard \g), ont pu présenter cette apparence (e), ainsi que Hewson {Op. cit.). Mais ce Il n'est question, clans tout ce qui fut surtout Wells (h) qui donna des précède, que des globules dont le dé- arguments solides en faveur de celte veloppemenl est achevé; car, ainsi opinion; ses expériences relatives à (a) W. Jones, On the Blood Corpuscles (Philos. Trans., 1846, p. 73). (b) Ueber dus Elephantenblut (Muller's Arch. fur Anat. und Physiol., 1839, p. 252). (c) Voy. Wagner, Handivôrterbuch der Physiologie, t. II, p. 90. (d Busk, On the Occurrence of a Nucleolaled Pied Corpuscle in Human Blood (Quaterly Jour- nal of Microscopical Science, 1852, vol. I, p. 145). (e) Kôlhkc , Mikroskopische Analomie, t. II, p. 583. (f) Bidloo, Anatomia humani corporis, tab. 23, fig. 16, fol. 1685. (g) Acta Helvetica, 1760, t. IV, p. 221, elc. [h) Hewson, Observ, and Experiments on the Colourofthe Blood (Phil. Trans., 1797, p. 429). GLOBULES ROUGES. 67 simplement de petites masses lenticulaires de substance géla- tineuse 1). Cependant l'existence d'une tunique membraneuse me semble bien démontrée par les expériences dans lesquelles on détermine la turgescence des globules par l'addition d'une certaine quantité d'eau au liquide qui les charrie (2), et mieux encore par celles dans lesquelles on donne ensuite une teinte l'action de l'eau et des matières salines sur le sang le conduisirent même à ad- mettre que ces vésicules devaient avoir leurs parois formées d'une matière inso- luble dansle sérum, ainsi que dansdes dissolutions salines faibles, et avoir leur matière colorante renfermée dans l'in- térieur de cette tunique capsulaire. En effet, il constata que la matière colo- rante ne se dissout ni dans le sérum, ni dans les solutions salines, lorsqu'elle est renfermée dans les globules, mais qu'elle est au contraire soluble dans ces menstrues lorsqu'elle a été préala- blement extraite de ces corpuscules par l'action de l'eau. La structure vésiculaire des glo- bules rouges a été mise en évidence d'une manière plus complète encore par les observations de MM. Prévost et Dumas, car ces physiologistes ont vu parfois le noyau central des glo- bules du sang de la Salamandre mis à nu par la déchirure de leur enve- loppe (a). Mais ils pensèrent que la tunique de ces corpuscules, au lieu de loger et de protéger la matière colo- rante, était constituée par cette ma- tière elle-même (6). (l)CetteopinionfutadoptéeparBlu- menbach (c). C'est aussi celle deBlain- ville 'rf), qui considère le noyau comme étant seulement le résultat de la coagu- lation de la portion centrale de la masse gélatineuse après la cessation de la vie. Enfin elle a été partagée par M. Donné (e). M. Vaienlin, dont l'au- torité est très grande dans les ques- tions de ce genre, admet l'existence du nucléus. mais pense que celui-ci est enveloppé seulement d'une sub- stance molle. (2) Ainsi Hewson avait remarqué que si l'on ajoute une quantité con- venable d'eau à une gouttelette de sang de Batracien placée sur le porte- objet du microscope, on voit les glo- bules non-seulement se gonfler, mais changer de forme et devenir presque sphériques. Or, on comprendrait diffi- cilement ce changement de forme si le globule était composé d'une ma- tière homogène taillée en disque ellip- tique et dépourvu d'une membrane enveloppante : car alors la masse, en augmentant de volume par suite de son imbibition d'eau, devrait conser- ver à peu près sa figure primitive ; tandis que, da;)s l'hypothèse de la structure vésiculaire des globules, ce phénomène s'explique naturellement par le [seul fait de l'élasticité de la (a) Biblioth. unïv. de Genève, t. XVII, pi. 3, fig. 3. (6) Examen du sang et de son action- dans les divers phénomènes de la vie, par MM. Prévost et Dumas, loc. cit. (c) Blumenbach, institutions physiologiques, traduit par Pugnet, 1797, p. 9. (d) Blainville, Cours de physiologie, 1. 1, p. <-ï\k. (e) Donné, Thèse sur les globules du sang, 1831, p. 13. 68 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. jaunâtre à la vésicule par l'addition de l'iode (l). Lorsqu'on les étudie chez les animaux où ils ont le volume le plus considé- rable, et qu'on les suit de l'œil dans les petits canaux où ils cir- culent, on les voit s'allonger, se courber quand ils rencontrent un obstacle, puis reprendre tout à coup leur forme première dès que cet obstacle est dissipé; en un mot, on .voit qu'ils sont doués d'une grande élasticité et qu'ils se comportent tout à fait comme le feraient de petites utricules ou vessies membraneuses. Enfin l'espace compris entre cette enveloppe et le noyau paraît être occupé par une matière gélatineuse plutôt que par un liquide. Il est aussi à noter que les globules sont d'une texture très délicate et se laissent altérer ou même détruire par un grand nombre de substances (2) . Ils acquièrent facilement de la sorte tunique et de la propension des molé- cules du liquide absorbé à affecter une disposition sphérique. Hewson a con- staté des faits analogues en étudiant de la même manière le sang de l'homme (Op. cit., p. 222). (1) On sait que les globules san- guins de la Grenouille et de la Sala- mandre aquatique sont, dans leur état normal, très aplatis, mais se renflent et deviennent presque sphériques par l'action de l'eau. Si l'on ajoute de l'eau en quantité convenable, ils grossissent alors beaucoup, deviennent de plus en plus transparents, et semblent bien- tôt se détruire en ne laissant que leurs nucléus ; mais M. Schultz a constaté que si l'on ajoute alors au liquide qui les baigne de la teinture d'iode, on les rend visibles de nouveau, et qu'alors ils se montrent sous la forme d'une grande vessie (a). On trouve également dans le tra- vail de M. Wharton Jones, sur le déve- loppement des globules sanguins , beaucoup de faits qui tendent à éta- blir la structure utriculaire de ces corpuscules (6). Je citerai aussi, à l'appui de cette manière de voir, l'au- torité de Wagner, qui considère les globules comme étant des cellules formées par un tégument ou cyste (c). (2) Les globules du sang se détrui- sent rapidement sous l'influence de divers agents chimiques. Ainsi Fr. Simon a vu qu'ils se dissolvent assez rapidement dans l'huile d'olive (d), et Magendie avait fait précédemment la même re- marque (e). Si l'on mêle au sang un peu de bile, les globules disparaissent également avec rapidité, et cette action est due essentiellement à la matière que les (a) Schultz, Das Systemder Circulation, 1836, in-8, p. 16, tab. 1. (b) W. Jones, On the Blood corpuscles (Philos. Traits., 1826, p. 63). (c) Wagner, Elem. of Physiol.,?. 239. (d) Simon, Pharmaceutisches Centralblatt, 1839, p. 672. — Animal Chemistry, vol. I, p. 111. (e) Magendie, Leçons sur les phénomènes physiques de la vie, 1838, t. IV, p. 371. GLOBULES ROUGES. 69 une forme renflée, ou même un aspect framboise, et des modi- fications du même genre peuvent se produire dans l'organisme sous l'influence de certains états pathologiques (1). Quant à la structure du nucléus des globules sanguins des vertébrés ovipares , nous ne savons encore que peu de chose. Dans les espèces où. leur volume est suffisant pour en rendre l'étude microscopique facile, on y reconnaît une apparence tuberculeuse, et les observations de M. Owen sur ces corpus- chimistes désignent sous le nom de biline. Fr. Simon, qui a fait beau- coup d'expériences sur ce sujet, a vu qu'en présence d'une très petite quantité de ce principe, les globules du sang de la Grenouille perdent pres- que instantanément leur membrane tégumen taire, et que le noyau se gonfle, puis devient de plus en plus trans- parent, et finit par se réduire en sphérules qui sont animées de mou- vements browniens très vifs (a). Hiinefeld pense que les noyaux, après avoir résisté pendant un certain temps à l'action de la bile, se résolvent en un certain nombre de corpuscules élémentaires. Les expériences de Schultz , de Hiinefeld et de Simon [b) montrent que les globules sanguins sont détruits par l'action d'une petite quantité d'éther ; les noyaux ne sont pas attaqués et restent visibles pendant fort longtemps, quand on opère sur du sang de Grenouille ou de Poisson. Le docteur Chaumont, d'Edimbourg, a constaté que le chloroforme attaque les globules rouges avec plus de puis- sance ; en agitant une petite quantité de cette substance avec du sang, ce- lui-ci devient transparent par suite de la dissolution de ses globules rouges (c). (1) Ainsi Fr. Simon a trouvé chez un individu atteint de la maladie de Bright les globules rouges du sang entourés d'une série de petites bosse- lures semblables à des perles (d), et Acherson a attribué cette altération à l'expulsion incomplète de la graisse contenue dans ces corpuscules (e). Prévost, de Genève, a constaté que chez les Grenouilles l'abstinence très prolongée détermine des changements dans l'aspect des globules du sang ; la membrane utriculaire de ces corpus- cules paraît irrégulièrement contrac- tée, et ses bords sont comme chif- fonnés (/■). (a) Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 141. (6) Simon, Op. cit., vol. I, p. 110. (c) Cuaumoni, On the Effects of Chloroform on Blood (Monthly Journal of Medicine, Edinburgh, 1851, vol. XV, p. 470). (d) Prévost, Note sur les effets produits sur le sang par une abstinence prolongée (Biblioth. univ. de Genève, areh. des se, 1848, t. VII, p. 205). (e) Ueber die gehemmte und gesteigerte Auflôsung der verbrauchten Blutblâschen (Hufe- land's Journal, 1838, p. 18). (f) Ueber den physiologischen Nutsen der Fettstoffe (Mùller's Arch., 1840, p. 44). 70 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. cules chez la Sirène lacertiforme tendent à prouver qu'ils se composent, de nucléoles ou granules renfermés dans une capsule membraneuse (1). § 11. — En abordant l'histoire de ces globules, j'ai dit que LeeLiwenhoek les considérait avec raison comme donnant au sang sa couleur rouge. Cependant, lorsqu'on les observe par transparence et qu'ils sont isolés, ils paraissent au premier abord tout à fait incolores ; mais cela ne dépend que de leur faible épaisseur, et presque toujours lorsque plusieurs de ces corpuscules sont superposés ou qu'on les examine à l'aide de la lumière réfléchie sur leur surface, on voit qu'ils sont rouges, tandis que le liquide dans lequel ils nagent est jaunâtre. Il est essentiel de noter aussi que, dans les globules nucléoles, la substance rouge n'occupe pas tout l'intérieur de l'utricule et ne constitue pas le nucîéus. Celui-ci est incolore et demeure inattaqué lorsqu'on dissout dans de l'eau ou dans de l'acide acé- tique la partie colorée dont il est entouré (2). (1) Chez la Sirène, de même que chez ciu que dans l'état normal ils se com- les autres Batraciens perennibranches, posent d'un assemblage de petites les globules rouges sont très grands, sphérules. Ainsi M. Nicolucci consi- et M. Owen a dislingué dans le nucléus dère le nucléus comme étant toujours de ces corpuscules un grand nom- formé de quatre parties ou globules (6). bre de granules ou nucléoles doués M. J. -A. [Vlayer a cherchée démontrer d'un pouvoir réfringent considérable. une segmentation continue du contenu L'existence d'une capsule autour du des globules sanguins analogue à ce noyau elliptique ainsi constitué lui a qui se voit dans l'œuf dans les premiers paru démontrée par la double ligne temps du travail embryogénique ; marginale qu'il y apercevait a). Chez mais il paraît s'en être laissé imposé d'autres animaux, par la dessiccation, par des phénomènes de décomposi- ainsi que par l'action de divers réactifs, tion et par la présence d'Infusoires le noyau des globules sanguins se dans le liquide observé (c). divise souvent en plusieurs fragments, (2) Quelques physiologistes ont et quelques physiologistes en ont con- cherché à s'éclairer davantage sur la (a) Owen, On the Blood disks of Siren Lacevtina (Microscopic Journal and Structural Record, 4842, vol. Il, p. 73, pi. 1, fig. 2). (6) Nicolucci, Osserva&ioni microscopiche sulla struttura df.'globetti sanguini (voyez Miiller's Arch., 1843, bericht, p. 117). (c) Mayer, Das PMnornen der Dotterfurchung an den Blutsphdren (Froriep's Neue Noti%en, 1846, Bd. XXXVII, p. 179). GLOBULES BLANCS. 71 §12. — Les globules rouges, que Ton reconnaît si facilement à leur forme et à leur couleur, ne sont pas les seuls corpuscules solides que le liquide sanguin tient en suspension. Hewson y a découvert d'autres granules qui sont incolores et qui lui pa- rurent être semblables aux noyaux des globules rouges (1). Pendant longtemps on les désignait sous le nom commun de globules lymphatiques, mais dans ces derniers temps on en a fait une étude plus attentive, et l'on a reconnu qu'il en existe de plusieurs sortes. Les premiers pas dans cette nouvelle voie d'investigation ont été faits par MM. Millier (2), Mandl (3) et Donné (/j), et à l'exemple de ces derniers micrograpbes, tous les physiologistes distinguent aujourd'hui dans le plasma au moins deux espèces de globules incolores que j'appellerai globulins et globules plasmiques. § 13. — Les globulins du sang sont d'une petitesse extrême; Globules incolores Globulins. structure intérieure des globules san- guins de l'homme et de divers ani- maux, en soumettant ces corpuscules à l'action de certains réactifs, et notam- ment de l'acide acétique. M. Martin Barry, par exemple, a fait de la sorte une longue série d'expériences dont les résiliais lui paraissent établir que ces globules sont des cellules renfer- mant dans leur intérieur une progé- niture plus ou moins nombreuse de jeunes cellules (a). Mais les appa- rences qui se produisent de la sorte ne paraissent pas dépendre de l'exis- tence réelle de cellules incluses, et sont probablement les conséquences de la désorganisation du contenu des glo- bules sanguins et du mode variable de division des matières grasses qui s'y trouvent et y forment des sphérules autour de chacune desquelles se con- centre une certaine quantité de ma- tière protéique Les faits observés par ce physiologiste seraient donc la con- séquence de la formation d'une sorte d'émulsion dans rintérieur du globule, et non l'indice de l'existence de cel- lules organiques dans l'intérieur de ces utricules. (1) Hewson's Works, p. 82. (2) Journal de Poggendorff, 1832, et Ami. des sciences nat., 1834, 2e série, t. 1, p. 344. (3) Anatomie générale. M. Mandl applique à ces granules le nom de globules lymphatiques , désignation qui comprend ordinairement toutes les sortes de globules blancs. (4) Donné, Cours de microscopie, 18/14, p. 85. (a) On the Corpascles of the Blood, bv Martin Barry (Philos. Tram., 1840, p. 595, pi. 1841, p. 201, pi. 17 à 22). 3, et plasmiques. 72 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. ils affectent la forme de grains arrondis, et chez l'homme leur diamètre n'atteint pas -^ de millimètre. Enfin ils paraissent être formés par de la matière grasse entourée d'une couche même de substance albuminoïde solidifiée (i). Globules § 14. — Les globules plasmiques, auxquels M. Donné réserve le nom de globules blancs, que M. Mandl appelle globules fibrineux , et que d'autres physiologistes nomment globules lymphatiques ou chyleuoc, sont, chez l'homme, beau- coup plus grands que les globules rouges, et paraissent être composés ordinairement d'une vésicule arrondie , renfermant un certain nombre de petits corpuscules sphériques qui ré- fractent fortement la lumière et qui sont empâtés dans une matière gélatineuse. M. Donné en a reconnu l'existence chez les Oiseaux et les Batraciens, aussi bien que chez les Mammi- fères, et M. Wharton Jones les a retrouvés chez les Poissons. Chez l'homme leur diamètre est d'environ :~ de millimètre, et 1 OU ' chez les Batraciens, ainsi que chez les Poissons, ils sont encore plus gros (2). Leur nombre est en général peu considérable; mais, (1) M. Kolliker désigne ces corpus- dimensions suivantes, que j'ai réduites cules sous le nom de granules élé- en fractions de millimètre. Chez mentaires (a), et les considère comme L'homme, l/118e étant de même nature que ceux du Pithecus Satyrus, 1/110° chyle; ils se voient en grand nombre Cercopithecus Sabaeus, 1/111° toutes les fois que des matières grasses Helarctos Malayanus, 1/11 8e sont introduites dans le sang, et ils Nasua rufa, 1/106° abondent peu de temps après les repas. Herpestes griseus, 1/153° Ce sont aussi ces corpuscules que Felis Caracal, l/122e M. Millier a décrits plus anciennement — Serval, 1/126° sous le nom de granules lympha- F.quus Caballus. 1/126° tiques (6). Camelus Bactrianus, 1/132° (2) La grosseur de ces corpuscules Moschus Javanicus, 1/132° blancs ne varie pas beaucoup chez les Capra Hircus, 1/127° divers Mammifères. M. Gulliver en a — Caucasica, 1/126° pris les mesures chez un certain Bos Taurus, 1/118° nombre d'espèces, et a constaté les Perameles Lagotis, 1/118° (a) Kolliker, Mikroskopische Anatomie, t. H, p. 575. {b) Muller, Sur le sang {Ann. des se. nat., 1834, 2e série, 1. 1, p. 344). GLOBULES BLANCS. 73 comme nous le verrons par la suite, il varie beaucoup suivant les condilions physiologiques de l'organisme. Ils ne glissent pas à la manière des globules rouges lorsqu'on les place sur une lame de verre pour les étudier au microscope, mais tendent à y adhérer, et, lorsque le sang est fraîchement tiré des vais- seaux d'un animal vivant, on y observe souvent des phéno- mènes de déformation très singuliers ; leur tissu semble être doué de la faculté de se contracter et de se dilater lentement, à la manière de la substance que M. Dujardin a observée chez les Rhizopodes , et que ce naturaliste a désignée sous le nom de sarcode (4). Ces mouvements ont été constatés d'abord dans les globules plasmiques du sang de la Raie par M. Wharton Jones, puis chez l'homme par M, Davaine ; et, ainsi que nous le verrons bientôt, ils sont plus fréquents et plus remarquables chez beaucoup d'animaux invertébrés. Enfin M. N. Lieberkùhn, qui vient de faire une étude attentive de ces corps, croit même devoir les considérer comme étant des animalcules parasites, et les assimiler aux Amibes, petits Infusoires dont l'intestin de divers animaux est parfois infesté : mais les arguments en faveur de cette opinion ne me paraissent pas assez solides pour On voit qu'il n'existe, chez ces di- nismes inférieurs; sur les Rhizo- vers animaux, aucune relation entre la podes, sur les Infusoires appelés Pro- grosseur de ces corpuscules et le (lia- tées ou Amibes, et sur une substance mètre des globules rouges. Dans la nommée sarcode (Ann. des se. nat., classe des Oiseaux, le même physiolo- 1885, 2° série, t. IV, p. 3l\oj. giste a trouvé que le diamètre des — Sur la substance glutineuse cellules plasmiques est plus petit. (le sarcode) qui constitue en grande Chez le Coq et le Moineau elles ont partie le corps des animaux infé- ■— ; chez le Corbeau, ~ ; chez l'Au- rieurs, et sur la manière de l'étudier truche, ~, et chez la Cigogne,^ (Ann. franc, et étrang. d'anatomie, de millimètre. Il leur assigne chez la 1838, t. 11, p. 379). Couleuvre ,--; chez la Grenouille ^, — Sur la substance glutineuse des et chez les Tritons ^ de millimètre. animaux inférieurs pour laquelle a (Notes to W. Eewson's Works, by été proposé le nom de sarcode (Ann. G. Gulliver, p. 243.) franc, et étrang. d'anatomie, 1839, (1) Dujardin, Mém. sur les orga- t. III, p. 65). i. 10 Ih SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. que, dans l'état actuel de la science, on puisse l'adopter; et lors même que quelques-uns de ces corps seraient réellement de la nature des animaux sarcodaires, il n'en faudrait pas con- clure que tous les corpuscules incolores et granulés du sang sont des parasites, car il paraît évident, comme nous le verrons par la suite, que ce sont en général bien réellement des pro- duits de l'organisme (1). Il est aussi à noter que les globules blancs ou cellules (1) En étudiant le sang d'une Raie, M. Wharton Jones remarqua la for- mation d'une dilatation partielle sur un point de la tunique des globules blancs granulés, et souvent même le passage successif de granules inté- rieurs qui du centre des globules pénétraient dans cette expansion; bien- tôt celle-ci disparaissait peu à peu et une autre dilatationlobiforme.se mani- festait sur un point différent; les gra- nules y entraient, puis elle s'effaçait ; un troisième lobe faisait saillie ailleurs, et ainsi de suite. M. Jones constata des modifications analogues dans les glo- bules blancs du sang des grenouilles vi- vantes et dans le sang de l'homme (a). M. Martin Barry paraît avoir ob- servé des phénomènes du même ordre lorsqu'il a cru voir des globules san- guins se couvrir de cils ; mais les mouvements brusques qu'il attribue à l'action de ces prolongements étaient dus, suivant toute probabilité, à des courants dans le liquide ambiant (b\ Plus récemment, en observant une gouttelette de sang placée entre deux verres, M. Davaine a vu que ces globules blancs, plus volumineux que les globules rouges, ne tardent pas à se fixer, puis perdent leur forme arrondie et donnent ensuite naissance par un des points de leur circonfé- rence à des expansions transparentes qui changent lentement de volume, de forme et de position. Il ajoute que pendant que ces expansions se pro- duisent, se modifient et se succèdent ainsi, d'autres changements s'opè- rent dans l'intérieur des globules où des vacuoles semblent se creuser (c). Dans quelques cas ces changements se sont succédé pendant une demi- heure, et en lisant la description que M. Davaine en donne, on ne peut être que frappé de la ressemblance extrême que ce phénomène offre avec celui de la contractilité et de l'extensi- bilité du sarcode observé par M. Du- jardin chez les Pdiizopodes. etc. Les recherches de M. Lieberkiihn (d) portent principalement sur le sang des (a) W. Jones, The Blood Corpuscle considered in Us différent Phases of Development (Philos. Trans., 1846, p. 64, g 7, p. 67, g 24, et p. 71, g 58. (6) Martin Barry, On the Corpuscles of the Blood (Philos. Trans., 1840, p. 508, et 1841, p. 227, pi. 22, fig. 104 et 105). (c) Davaine, Recherches sur les globules blancs du sang (Mémoires de la Société de biologie, 1850, t. H, p. 103). (d) Lieberkiihn, Ueber Psorospevmkn (mWcr's Arch. fur Anat. und Phys., 1854, p. 11, pi. 1). GLOKLJLKS BLANCS. 75 plasmiques ne se comporteot pas de la même manière que les globules rouges en présence de certains réactifs. Ainsi l'eau ne les détruit pas tout de suite, mais les gonfle un peu et ne les dissout qu'à la longue. L'acide acétique concentré les con- tracte sans les dissoudre. Enfin M. Wharton Jones a vu que si on les laisse se gonfler sous l'influence de l'eau, et qu'en- suite on les traite par de l'acide acétique étendu , leurs gra- nules sont attaqués et un noyau central apparaît dans leur inté- rieur. § 15. — Cette circonstance a conduit M. Wharton Jones à penser que les cellules granulées dont il vient d'être question pourraient bien être seulement un état particulier d'autres cor- puscules qui flottent aussi dans le plasma du sang des Poissons et des Batraciens, et qui ne paraissent différer à leur tour des globules rouges que par l'absence de la matière colorante dont ces derniers sont pourvus. Il distingue donc parmi les Poissons et des Grenouilles ; mais il a étant des parasites semblables aux observé aussi les changements lents de Amibes. Un parasite observé par Glug forme dansquelques corpuscules blancs dans le sang d'une Grenouille, et rap- (ou globules lymphatiques) du sang de porté par cet auteur à ceux trouvés l'homme ; et c'est par l'aspect de ces par M. Valentin, avait des mouve- corps qu'il a été conduit à les considé- menls vifs, et ne paraît pas être de rer comme étant des Amibes, sorte même nature (c). dTnfusoiresdu groupe naturel des Sar- Il me semble très probable que les codaires, que l'on rencontre souvent corpuscules hétéromorphes observés dans les eaux stagnantes, et que les par Mayer dans le sang de la Gre- micrographes désignent quelquefois nouille, du Bombinator et du Triton, sous le nom de Protées (a). étaient des corpuscules de ce genre Je dois ajouter que déjà, en 1841, dont ce physiologiste n'a pas vu les M. Valentin (b) avait rencontré dans le mouvements, mais dont les variations sang d'un poisson du genre Saumon de forme étaient dues à des phéno- des corps qu'il a considérés comme mènes d'expansion sarcodique {d). (a) Voyez Dujardin, Histoire naturelle des Infusoires, p. 226, pi. 1, fig. 14 ; pi. 3, fig. 26, etc. (b) Valentin, Ueber ein Entozoon im Blute von Salmo fario (Mùller's Arch., 1841, p. 435, pi. 15, fig. 16). (c) Ueber ein eigenthûmliches Entozoon im Blute des Frosches (Mùller's Arch., 1842, p. 148). (d) H. Mever, Ueber eigenthùmlich gestaltete Blutzellen (Miiller's Arch., 1843, p. 206, pi. 9. fig. 1-27). 76 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. globules blancs deux sortes de corpuscules : d'une part, les cellules granulées ou globules plasmiques, dont je viens de parler, et d'autre part, les cellules nucléolées incolores; enfin il suppose que les premières sont de jeunes individus de ces dernières qui, en se développant davantage, se chargeraient d'hématosine, prendraient une forme elliptique et devien- draient des globules rouges (1). Le physiologiste que je viens de citer a observé des varia- tions analogues dans le contenu des globules plasmiques ou cellules blanches granulées des Mammifères, lorsqu'on traite ces corpuscules par de l'acide acétique très étendu d'eau ; il a vu alors un noyau circulaire se dessiner dans leur intérieur, et en comparant ce noyau aux globules rouges, il a été frappé de leur ressemblance. D'autres faits, qu'il serait trop long d'é- numérer ici , sont venus corroborer le rapprochement que M. Wharton Jones avait été conduit à établir d'après ces indices, et dans son opinion les globules rouges ou globules sanguins des Mammifères ne seraient autre chose que le noyau des cellules plasmiques devenues libres. Ainsi, d'après cette manière de voir, les globules blancs, ou cellules plasmiques , seraient les jeunes globules rouges des vertébrés ovipares, et ces derniers ne seraient pas les analo- gues des globules sanguins des Mammifères, mais les organes destinés à les produire. Dans l'état actuel de la science, cette (1) Philos. Trans., I8/16, p. '71. rôle que ce physiologiste leur assigne, M. Wharton Jones distingue aussi et j'ajouterai seulement ici que les dans le sang de l'homme, ainsi que observations de M. Donders et celles dans le sang des Poissons, etc., deux de M. Moleschott tendent à établir variétésde cellules granulées incolores, l'existence d'une quatrième espèce de l'une à granulations très Unes, l'autre à globules incolores dont la substance granulations plus grossières. Dans une serait plus homogène (a). prochaine leçon je reviendrai sur le (a) Donders nmt Molescholt, Untersuehuwjcn ùber die Blutkôrperchen (Holldndische Beitràge *w den anatom. und physiol. Wissenschaften, 1848, t. I, 11° 3, p. 360). 77 GLOHULKS BLANCS. ' ' théorie ne me semble pas admissible, mais je n'ai pas cru devoir la passer sous silence. § 16.— Depuis quelques années les physiologistes et les mé- decins se sont beaucoup occupés de l'étude des divers corpus- cules incolores du sang , principalement chez l'homme ; mais nous ne savons en réalité que fort peu de chose touchant la nature et les caractères de ces globules ; il me paraît bien démontré que l'on confond d'ordinaire sous ce nom des choses qui peuvent être très différentes , et pour les distinguer il faut avoir recours aux réactions chimiques aussi bien qu'à l'obser- vation microscopique (1). Pour le moment, je crois donc inutile de m'arrêter davantage sur leur histoire, et j'ajouterai seulement que ces cellules plasmiques sont un peu plus denses que le (1) Les globules plasmiques nor- maux varient dans leur aspect. Les uns ne présentent dans leur intérieur qu'un seul noyau et ressemblent beau- coup à certains corpuscules du chyle; d'autres renferment deux ou trois noyaux et ont beaucoup d'analogie avec les globules du pus. Ceux dont les dimensions sont les plus considé- rables sont rarement aussi granulés que les petits , et leur contenu est souvent assez transparent pour laisser voir les noyaux. Du reste, quand ceux-ci ne sont pas visibles, on peut les mettre en évidence au moyen de l'acide acétique qui dissout la ma- tière granuleuse de ces cellules; ce réactif attaque ensuite le noyau, y dé- termine une forme irrégulière, des échancrures, etc., puis finit par le désagréger et le réduire en quatre, cinq et même six petits corpuscules arrondis. M. Kôlliker pense que les cellules à noyaux multiples résultent d'une modification des cellules à noyau simple dont le nucléus se diviserait comme je viens de le dire (a). M. Bôcker établit aussi une dis- tinction entre les globules blancs, suivant la manière dont ils se compor- tent en présence de l'acide chlorhy- drique et de quelques autres réactifs. Les uns seraient les cellules granulées de M. Wharton Jones ou les globules chyleux de l'auteur ; les autres pa- raissent être de vieux globules rouges décolorés (6). Dans l'état pathologique de l'orga- nisme, on rencontre parfois dans le sang de l'homme d'autres espèces de globules, savoir : 1» Des cellules ou sphérules qui renferment un ou plusieurs globules rouges du sang, en général plus ou (a) Kôlliker, Mikroskopische Anatomie, 1852, Bd. II, p. 576. (b) Bôcker, Ueber die verschiedenen Arten uni die Bedeutung der gewolkten (farblosen) Blut- kôrperchen (Arch. fur physiol. Heilk., Stuttgart, 1851, p. 575). 78 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. sérum , mais que leur pesanteur spécifique est moins grande que celle des globules rouges; de sorte que lorsque tous ces corpuscules se déposent lentement par le repos dans le sang moins altérés et qui ont été obser- vés dans la rate, le foie, etc., par MM. Ecker(a), Kôlliker(6),Gerlach(c), Sanderson (d) et quelques autres phy- siologistes. 2° Des cellules granulées pig- mentaires décrites par MM. Kolli- ker, Ecker, H. Meckel, Virchow, Funke, etc. , et trouvées principale- ment chez des malades atteints de fièvres intermittentes et d'affections de la rate (e). 3° Des sphérules ou amas de ma- tière finement granulée et observés dans le sang de la veine splénique par Funke. à° Des corpuscules à couches con- centriques, trois ou quatre fois plus gros que les globules incolores ordi- naires, semblables à ceux du thymus, et trouvés par M. Hassal dans un caillot fibrineux du cœur (/'}. 5" Des cellules semblables aux cor- puscules du pus, et à noyau simple. On les trouve mêlées à beaucoup de noyaux libres, et on les a observées en abondance chez des personnes affectées de tuméfaction de la rate ou des ganglions lymphatiques. Le doc- teur Chaumont, d'Edimbourg, a trouvé qu'en présence d'une certaine quan- tité de chloroforme, ces globules inco- lores se modifient de la même manière que sous l'influence de l'acide acétique, et laissent voir un noyau divisé en deux ou trois parties, caractère qui les rapproche des globules du pus et les distingue des globules blancs ordi- naires qui ne sont pas attaqués par le chloroforme, tandis que les globules rouges sont dissous {g). 6" Des cellules pâles, granulées ou pigmentaires, qui sont pourvues de prolongements caiuliformes, et qui ont été décrites par M. Virchow, Cor- van, etc. (h). On rencontre parfois aussi, dans le sang à l'état pathologique, des fila - (a) Ecker, Ueber die Verdnderungen,welche die Blutkôrperchen in der MHz erleiden (Zeitschr. fur ration. Medicin, 1847, t. VI, p. 261). (b) Kôlliker, Ueber den Bau und die Verrichtungen der MHz (Mittheihmg der Zûricher natur- forschenden Gesellschaft, 1847). — Art. Spleen (Todd's Cyclopœdia of Anatomy , vol. IV, p. 782). (c) Gerlach, Ueber die BhUhôrperchen enthaltenden Zellen der MHz (Zeitschr. fur ration. Medic., 1849, t. VII, p. 75). (d) Sanderson, On the Metamorphosis of the Coloured Blood Corpuscles and their Contents in Extravasaled and Stagnant Blood (Edinburgh Monthly Journal of Médical Science, 1851, vol. XIII, p. 210). (e) Virchow, Zur patholog. Physiol. des Bluts (Archiv fur pathol. Anat., Bd. II, p. 587, etc.). Funke, Ueber das Milzvenenblut (Zeitschr. fur rationelle Medicin, 1851, Bd. II, p. 172). Planer, Ueber das Vorkommen von Pigment im Blute {Zeitschr. der Gesellschaft der Aerzte zu Wien, 1854, Bd. I, p. 127). (f) Voy. Henle, Ueber Hassall's Concentrische Korperchen des Blutes (Zeitschrift fur ration. Medic, 1849, Bd. VII, p. 411). (g) Chaumont, Action of Chloroform on Blood Globules (Edinb. Monthly Journ. of Medic, 1853, vol. XVI, p. 470). (h) Virchow, loc. cit. — Cowan, Case of Choiera, in ivhich the Blood was Bemarkably Altered (Edinb. Monthly Journ. of Medic, 1854, vol. XIX, p. 249). GLOBULES BLANCS. 79 défîbriné, ils forment une couche grisâtre entre ces derniers et le liquide séreux qui surnage (1). Il est aussi à noter que ces globules incolores sont particu- lièrement abondants dans le sang de la rate (2), et que dans certains états pathologiques de l'organisme la quantité de ces corpuscules augmente à un tel point, que parfois ce liquide prend un aspect laiteux (3). Dans l'état normal de l'organisme , ces corpuscules blancs ments formés par de la fibrine coa- bules blancs deviennent beaucoup gulée (a), des pellicules de la même plus abondants peu de temps après substance (6), et des lamelles d'appa- les repas, ainsi que nous le verrons rence épidermique (c); mais ces corps plus en détail dans une des prô- ne sont pas au nombre des matériaux chaînes leçons. normaux de ce fluide, et par consé- (3) Celte altération remarquable du quent ne doivent pas nous occuper sang, que l'on désigne aujourd'hui ici. Des flocons fibrineux paraissent sous les noms de leukémie, de leuco- être assez communs dans le sang cythémie, etc., a été observée à peu de quelques animaux, et notamment près en même temps à Berlin par des Lamproies (d). M. Virchow, et à Edimbourg par- ti] Donné, Cours de microscopie, M. Bennett, chez des malades affec- p. 84. tés d'hypertrophie de la rate. On l'a (2) Voy. Kôlliker, loc. cit. — Vir- rencontrée aussi dans des cas d'hy- chow, Gesamm. Abhandl. zur lois- pertrophie des ganglions lympha- sensch. Med,, 1855. tiques, de cancer, etc. La plupart de H. Gray, On the Structure and ces cas se trouvent reproduits et dis- Use of the Spleen. London, 1854. cutés dans les ouvrages des deux pâ- li est aussi à noter que certains glo- thologistes que je viens de citer (e). (a) Kôlliker, Mikroskopische Anatomie, Bd. II, p. 578. (b) Nasse, Ueber die Form des geronnenen Fasersioffs (Mùller's Arch. fur Anat. und Phys., 1841, p. 439). (c) Lcberl, Physiologie pathologique, 1845, t. I, p. 44, pi. 1, fig. 17. Donders, Xederlandsch Lancet, 1850, p. 30. (d) Mayer, Ueber frèie Primitivfasem im Blute (Froriep's Neue Notizen, 1841, Bd. XVIII, p. 41). (e) Virchow, Zur pathologischen Physiologie des Bluts (Arch. fur Pathol., Anat. und Phys., 1853, Bd. I, p. 547; Bd. II, p. 587; Bd. V, p. 41. — Zur Geschichte der Leukdmie (Op. cit., Bd. VII, p. 174. — Gesammelte Abhandlungen zur wissenschaft. Med., in-8. Francfort, 1855, I, p. 149. Bennett, Leacocythemia, or White Cell Blood in Relation to the Physiology and Pathology of the Lymphatic Glandulous System, in-8. Edinburgh, 1852. Voyez aussi Utile, Ein Fait von lienaler Leukœmie (Arch. fur pathol. Anat., 1853, Bd. V, p. 376). Dans ce cas les cellules plasmiques paraissaient être aussi nombreuses que les globules rouges. Greisinger, Zur Leukœmie und Pyâmie (Arch. fur path. Anat., 1 853, Bd. V, p. 391). Ce patho- logiste a remarqué que chez un individu dont le poumon était hépatisé en partie, les cellules plasmi- ques étaient beaucoup plus nombreuses dans le sang des cavités droites du cœur que dans le ventri- cule gauche ; tandis que chez un individu dont les poumons étaient dans l'état ordinaire, la proportion de ces corpuscules blancs était la même des deux côtés du cœur. L'auteur attribue la différence 80 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. ne jouent qu'un rôle très secondaire dans la constitution du sang des animaux vertébrés, et ce sont les globules rouges qui donnent à ce fluide ses propriétés les plus remarquables. Quelques auteurs pensent qu'il faut assimiler tous ces corpuscules à des vésicules inertes analogues aux bulles que l'eau savonneuse constitue autour des sphérules d'air, et que la formation en serait due à des réactions chimiques seulement. Ainsi Acherson les considère comme étant le résultat de l'action chimique exercée par des gouttelettes de graisse sur les matières protéiques du sérum (1). Mais cette manière de voir me paraît inadmissible. Quoique je ne puisse pas développer aujourd'hui les raisons qui militent en faveur démon opinion, je crois donc devoir au moins l'énoncer et dire que tous les faits les mieux constatés me sem- blent montrer que les globules du sang ne sont pas de simples concrétions inertes de matière animale résultant d'une sorte de précipitation ou de coagulation sphéroïdale ; que ce sont au contraire des parties vivantes ; des utricules qui s'accroissent et se modifient dans leur structure par les progrès de l'âge, qui sont le siège de phénomènes physiologiques, et qui doivent être considérées comme autant de petits organes doués d'un genre d'activité spéciale. Nous verrons plus tard que les instruments à l'aide desquels les animaux produisent la bile, la salive, (1J Acherson, Recherches sur der Fettstoffe ( TVI iiller's Arch. fur l'usage physiologique des corps gras, Anal., I8Z1O, p. hh)- et nouvelle théorie de la formation .le reviendrai sur cette question en des cellules à l'aide de ces corps traitant du mode de développement (Compt. rend., 1838, t. VIL, p. 837). des globules du sang. —Ueber den physiologischen Nutzen observée dans le premier cas à une stase des cellules blanches dans les capillaires du poumon, déter- minée par leur viscosité. Leudet, Histoire et critique de la leukémie, etc. (Gazette hebdom. de méd., 1855, t. II, p. 525). Schreiber, De Leukœmia. Diss. inautj., 1854. Heschl, U'eber einen Fait von Leukâmie (Virchow's Arch. fur path. Anal., 1855, Bd. VIII, p. 353). J. Vogcl, Ein Fall von Leukâmie, mit Vergrôsserung der Mil% und Leber (Arch. fur palhol. Anal., 1851, Bd. III, p. 570). Vidal, De la lencocythémie splénique (Gazette hebdom. de méd., 1856, t. III, p. 99). GLOBULES BLANCS. 81 l'urine ou le sperme, se composent essentiellement d'utriculcs ou cellules vésiculaires, dans l'intérieur desquelles siège le tra- vail de sécrétion qui donne naissance à ces produits. Les glo- bules du sang me paraissent être des utricules de même nature qui, au lieu d'être réunies entre elles pour former des lamelles, des tubes ou des masses compactes, sont restées disjointes et flottent librement dans le liquide nourricier. Ce sont, comme je le montrerai plus tard, des organes élémentaires ou or ga- rnies, et c'est à cause de la vitalité dont ces corpuscules sont doués que l'on peut dire avec raison que le sang est une matière vivante (1). (1) L'idée que le sang est une ma- tière vivante a été émise depuis long- temps ; on la trouve dans les écrits de Harvey (a), et Hun ter Ta soutenue avec talent (6). Depuis lors elle a été adop- tée par quelques auteurs, mais repous- sée par le plus grand nombre, paixe qu'il leur était difficile de concevoir l'existence d'un liquide vivant. Mais en la restreignant comme je le fais ici aux globules du sang, ces difficultés n'existent plus, et les arguments dont on s'est servi pour la combattre me semblent de peu de valeur. Ainsi, M. Gulliver objecte que le sang peut être gelé sans perdre sa coagulabilité. En effet, Hewson a constaté ce fait (c), ainsi que Hunter (d), et M. J. Davy a pu répéter cette expérience de la con- gélation à deux reprises sur le même sang, sans l'empêcher de se coaguler après qu'on l'eut laissé dégeler pour la seconde fois. Mais cela ne prouve rien contre la vitalité des globules san- guins, ni même contre l'opinion que cette vitalité se conserve tant que la fibrine plasmique est à l'état liquide ; car on sait également bien que la con- gélation n'est pas toujours une cause de mort dans les tissus qui en sont frappés, et que parfois l'organisme tout entier résiste à cette cause de destruction. Ainsi Bonnet a vu des larves d'insectes revenir à la vie après avoir été congelées, et le célèbre chi- miste Humphry Davy a observé le même fait sur des Sangsues (e). L'argument contre la vitalité du sang, tiré de la propriété que possè- dent les alcalis et divers sels d'empê- cher la coagulation du sang, n'a pas une valeur plus grande ; car dans ces cas on détermine la formation de com- posés protéiques nouveaux, qui sont solubles, et leur fluidité ne dépend pas, comme celle de la fibrine plastique, d'une influence physiologique. Mais, tout en attribuant une vitalité obscure aux globules du sang, il faut bien se garder de supposer ces orga- (a) Harvey, De gêner, exercit., 51 et 52 (Op. omn., p. 388 à 398). (6) Traité sur le sang (Œuvr. de J. Hunter, trad. par Riclielot, t. 1H, p. 123). (c) Hewson, Op. cit., p. 17, etc. (d) Hunter, Op. cit., t. III, p. 130. (e)Voy. J. Davy, Researches, Physioloyical and Anatomkctl, I. II, p. 121. I. lî £2 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. En terminant cette leçon, je rappellerai que les indications micromctriques relatives aux globules sanguins, dont je me suis borné à citer les plus importantes, se trouvent consignées dans les tableaux ci-joints. niles doués de facultés que la plupart des tissus vivants de l'organisme ne possèdent pas, et de les croire suscep- tibles de se mouvoir spontanément (a). Parfois on y voit, il est vrai, non- seulement les phénomènes de con- traction et d'expansion sarcodiques dont j'ai déjà fait mention, mais aussi des mouvements de va-et-vient, une sorte de locomotion qui en a imposé à quelques observateurs. Ces mouvements sont quelquefois si marqués, qu'il m'a été impossible d'obtenir par la photographie des images nettes des globules tenus en suspension dans un liquide, tandis que desséchés sur une lame de verre, ils me donnaient dans les mêmes condi- tions des épreuves très belles. Mais l'observation attentive de ces phéno- mènes m'a convaincu qu'il n'y a là rien de vital, et que c'est seulement le résultat soit de courants déterminés par réchauffement inégal des diffé- rentes parties du liquide ambiant, soit de courants endosmotiques établis entre ce liquide et l'intérieur des glo- bules, soit enfin quelque chose d'ana- logue à ce que Dutrochet a appelé l'épipolisme. (a) Emmerson and Reader, On a Peculiar Motion observed in the Globules of the Blood (Edinb. Medic. and Surg. Journ., 1836, t. XLV, p. 358). Hawley, Vital or Self-moving Power in Blood (Edinb. Med. and Surg. Journ., t. XL VI, p. 305). Pappenheim, De cellularum sanguinis mdole ac vita, Berol., 1841 (Mùller's Arch., 1842, Bericht, p. 75). Mayer, Das Phdnomen der Dotterfurchung an den Blulsphâren (Froriep's Neue Notiï&en, 1846, Bd. XXXVII, p. 179). DIMENSIONS DES GLOBULES. 83 TABLEAU N° 1. Dimensions des globules rouges du sang- des animaux vertèbres. Ces mesures doivent être considérées comme de simples approximations, et il ne faut pas attacher beaucoup d'importance aux différences qu'elles accusent, lorsque celles-ci sont très légères, 2 ou 3 centièmes de millimètre par exemple; car les chiffres réunis ici sont des moyennes obtenues par un nombre assez restreint d'observations, et doivent nécessairement varier un peu, selon que le hasard aura amené sous l'œil du micrographe une proportion plus ou moins forte de globules gros, petits, ou moyens. Celte comparaison doit être faite avec plus de réserve encore lorsqu'il s'agit de mesures prises chez diffé- rents animaux par deux ou plusieurs observateurs. En effet, pour les mesures micrométriques, comme pour les observations astronomiques, il existe des dif- férences constantes qui dépendent de la manière dont chaque observateur pro- cède dans les opérations qu'il effectue, et ces différences, que les astronomes appellent les erreurs personnelles, varient ici suivant que le micrographe a l'habitude de prendre ses mesures en dehors, sur ou en dedans du contour apparent de l'objet, et suivant qu'il emploie tel ou tel procédé de mensuration. Par exemple, toutes les dimensions données par MM. Prévost et Dumas et par M. Schmidt de Dorpat me paraissent être un peu trop faibles, et celles fournies par les recherches de Wagner, de Gulliver, ne sont pas identiques avec les esti- mations publiées par M. Mandl. Ainsi le diamètre des globules du sang humain est évalué à — de millimètre par MM. Prévost et Dumas, ~r par M. Mandl, et ~ par M. Gulliver. M. Mandl a cherché à corriger les chiffres présentés par ses devanciers en considérant comme d'égale valeur l'estimation variable du diamètre des globules du sang de la Grenouille par les divers observateurs, et en l'employant comme unité de mesure pour y rapporter les estimations faibles chez les autres animaux (Anat. microscop., Mém. sur le sang, p. 10). Il me paraît évident que ces corrections ne sont pas toujours suffisantes, et que par- fois elles seraient nuisibles: il était peut-être utile d'y avoir recours lorsque la science ne possédait que peu d'éléments comparables entre eux ; mais aujour- d'hui que, grâce aux travaux de M. Gulliver, on a une longue série de mesures prises de la même manière, il me semble préférable de négliger les données, en petit nombre, qui paraissent êlre en désaccord avec l'ensemble des faits, et de ne placer en regard que les résultats qui sont réellement comparables entre eux. J'ai déjà dit quelques mots des procédés employés pour mesurer les globules (page 48 ) ; j'ajouterai ici que la manière la plus commode de les préparer pour les observations de ce genre consiste à placer une gouttelette de sang sur la lame de verre employée comme porte-objet, et à secouer fortement celle-ci, 84 SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. afin d'étendre le liquide en une couche aussi mince que possible et à le faire sécher très rapidement. On sait, parles recherches de M. Schmidt (a), que les globules ne sont pas notablement altérés dans leur diamètre par l'effet de cette dessiccation rapide, et la petite cause d'erreur qui peut en résulter est largement compensée par les avantages résultant de l'immobilité des globules ainsi collés sur le porte-objet et par la facilité avec laquelle on les conserve. J'ai reçu ainsi en très bon état des échantillons du sang d'un axolotl péché dans le lac de Mexico par un de mes jeunes amis (M. H. de Saussure), et je crois devoir conseiller aux voyageurs de se servir de ce procédé si simple pour recueillir du sang des Poissons, des Reptiles et des autres animaux exotiques dont nos ména- geries sont rarement pourvues. Afin de rendre ces évaluations plus faciles à comparer, je les ai réduites toutes en fractions de millimètre. Dans le tableau ci-joint, les espèces dont le nom n'est pas suivi d'une lettre initiale sont celles dont les globules ont été mesurés par M. Gulliver; l'origine des autres chiffres est spécifiée par une indication de ce genre : D. = J. Davy, Ânn. and. Mag. ofNat. Hist., 1846, vol. XVIIF, p. 56. E. = Alph. M. Edwards, Ann. des se. nat., 1856, t. V. M. = M. Mandl, Anatomie microscopique. V. II. = M. Van der Hoven , Tydschrift for Nàtuurliske Geschiedenis en Physiologie, 1841, VIII, p. 270. W. = M. Wagner, Vergl. Phys. des Blutes, Bd. I, p. 32 ; Bel. II, p. 13. g I. — Globules circulaires. MAMMIFÈRES. Hommo 4/126 Quadrumanes. Singes de l'ancien monde. Maximum, 1/132. — Minimum, 1/140. Simia troglodytes Pilhecus satyrus Hylobates Hoolock H. leucogenys H. Rafflesii Semnopithecus mona Cercopithecus maurus C. sabseus C. fuliginosus C. ruber G. pileatus C. pygerythrus C. petaurista C. grisoo-viridis C. œthiops Macacus radiatus 1/1 3 4 1/133 1/132 1/135 1/139 1/138 1/1 3G 1/132 1/139 1/134 1/140 1/134 1/137 1/135 1/130 1/140 M. Rhésus 1/135 M. niger 1/140 M. cynomolgus 1/134 M. Silenus 1/134 M. neniestrinus 1/137 M. sylvanus 1/131 M. melanotus 1/133 Cynocephalus Anubis 1/136 C. leucophseus 1/140 Singes d'Amérique. Maximum, 1/136. — Minimum 1/146. Alcles subpentadactylus 1/142 A. ater 1/141 A. Belzebuth 1/140 Cebus Apella 1/136 C. capucinus 1/136 Callithrix sciureus 1/140 Jacchus vulgaris 1/143 Midas Rosalia 1/138 Lémuriens. Maximum, 1/136. —Minimum, 1/175. Lemiii' albifrons 1 /'I 56 (a) Schmidt, Die Diagnostik verddchtiger Flèche in Criminalfailen. Milan, 1848. DIMENSIONS DES GLOBULES. b'ô L. calla 1/153 Edentés, L, anjuancensis 1/157 L. nigrlfrons 1/175 Bradypus didactylus 1/113 Loris tardigradus 1/145 Dasypus sexcinchis 1/136 L. gracilis 1/130 D. villosus 1/130 Chéiroptères. Carnivores. Maximum, 1/140. — Minimum, 1/170. Maximum, 1/129. — Minimum, 1/225. Yesperlilio murinus 1/140 Ursus marilimus 1/152 V. noctula 1/173 U. arctos 1/140 V. pipistrellus 1/170 U. amerieanus 1/145 Plecolus auritus 1/176 U. amerieanus var. 1/149 U. ferox 1/140 Insectivores. U. labiatus 1/146 Mêles vulgaris 1/155 Arctonyx collaris 1/143 Maximum, 1/161. — Minimum, 1/187. Helarctos malayxantis 1/140 Mellivora capensis 1/150 Talpa europaîa 1/187 Procyon lator 1/156 Erinaceus europaeus 1/101 Nasua fusca 1/149 Sorex telragonurus 1/181 N. ru fa 1/152 Basaris astula 1/159 Rongeurs. Cerecoleptis caudevolvulus 1/180 Canis familiaris 1/139 Maximum, 1/125. — Minimum 1/108. C. dingo 1/133 C. vulpes 1/164 Pleromys nilidus 1/149 C. fulvus 1/154 P. volucclla 1/153 C. argentalus 1/153 Sclurus vulgaris 1/157 C. cinereo-argenlous 1/148 S. niger 1/151 C . lagopus 1/153 S. maximus 1/150 C. aureus 1/152 S. cinereus 1/157 C. mesomelas 1/143 S. capistratus 1/155 C. lupus 1/142 S. palmarum 1/151 Lycaon tricolor 1/149 S. Listeri 1/155 Hyaîna vulgaris 1/148 Arclomys pruinosus 1/137 H. crocuta 1/149 A. empêtra 1/138 Felis leo 1/170 Dypus aegyptius 1/104 F. concolor 1/175 Mus giganteus 1/153 F. unicolor 1/170 M. decumanus 1/154 F. tigris 1/165 M. rattus 1/147 F. leopardus 1/170 M. musculus 1/150 F. jubata 1/100 M. sylvaticus 1/151 F. pardalis 1/182 M. messorius 1/168 F. domestica 1/173 M. Alexandrinus * 1/153 F. bengalensis 1/174 Arvicola amphibia 1/145 F. caracal 1/185 A. ripaiïa 1/165 F. cervaria 1/166 Ondatra zebethica 1/140 F. serval 1/102 Hislrix cristata 1/132 Galictis viltata 1/164 Erithizon dorsatum 1/133 Herpestes griseus 1/183 Synetheris prehensilis 1/135 H. javanicus 1/189 Capromys Fournieri 1/137 H. Smithii 1/176 Myopotamus coypus 1/132 Paradoxurus leucomystax 1/167 Castor fiber 1/131 P. bondar 1/225 Cavia cobaya 1/139 P. binotalus 1/183 Dasyprocta aurata 1/151 P. Pallasii 1/216 D. Acouchi 1/149 Viverra civetta 1/108 Cœlogenys subniger 1/137 V. ligrina 1/211 Hydrochœrus capybara 1/125 Mustella zorilla 1/168 Lepus cuniculus 1/142 M. furo 1/163 L. timidus 1/140 M. vulgaris 1/165 86 SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. M. putorius 1/104 Marsupiaux, Lutra vulgaris 1/138 Phoca viiulina 1/129 Maximum, 1/135. — Minimum, \j\ 00. Pachydermes. Didelphys virgineana Dasyurus viverrinus 1/140 1/100 Maximum, 1/108. — Minimum, 1/177. D. Maugei D. ursinus 1/159 1/139 Elephas indicus 1/108 Perameles lagotis 1/153 Rhinocéros indicus 1/148 Hypsiprymnus setosus 1/157 Sus scrofa 1/166 Macropus Bennettii 1/139 S. babyroussa 1/170 M. ocydromus 1/135 Dicolylis torquatus 1/177 M. Derbyanus 1/134 Tapiras indicus 1/157 Halmaturus Billandieri 1/142 Equus caballus 1/181 Phalangista vulpina 1/142 E. asinus 1/157 P. nana 1/151 E. Burchellii 1/171 P. fuliginosa 1/145 E. hemjonus 1/174 Pelaurista sciurus 1/144 Ruminants. Phascolomys Wombat 1/136 MONOTRÈMES. Maximum, 1/155. — Minimum, 1/483. Mosclms javanicus 1/483 Echidna hystrix 1/130 M. Slanleyanus 1/426 Cervus Wapiti 1/163 § II. — Globules elliptiques. C. bîppelaplnis 1/149 C. axis 1/200 MAMMIFÈ •' : C. dama 1/100 C. alces C. barbarus 1/155 1/189 Camelus dromedarius 1/128 1/233 C. elaphus C. macrourus C. mexicanus C. marhal 1/170 1/199 1/203 1/200 G. bactrianus Auchenia Vicugna A. Paco A. lama 1/123 1/140 1/132 1/132 1/231 1/253 1/247 1/247 C. porcinus 1/212 C. Reevesii 1/249 OISEAl C. capreolus 1/204 C. virgineanus 1/198 Grand diamètre : Max. 1/59. — Min., 1/105. Antilopa cervicapra 1/201 A. Dorcas 1/193 Petit diamètre : Max., 1/110. —Min. 1/158. A. Gnji 1/189 A. Sing-sing 1/202 Rapaces. A. Philantomba 1/201 A. picta 1/192 Diurnes. A. bubalis 1/220 Cnmeleopardalis girafa 1/180 Gypaëtus barhatus 1/75 1/135 Gapra caucasica 1/270 Cathartes iota 1/74 1/145 G. hircus 1/250 Sarcoramphus gryphus 4/70 /1153 C. hircus var. 1/253 S. pupa 1/71 1/140 Ovis musmon 1/196 Vullur auricularis 1/72 1/130 0. aries 1/209 V. fulvus 1/72 1/133 0. Iragelaphus 1/211 V. Kolbii 1/70 1/131 Bos taurus 1/168 V. leuconotus 1/71 1/135 B. taurus var. 1/180 V. angolensis 1/60 1/124 B. bison 1/160 Polyborus vulgaris 1/72 1/140 B. bubalus 1/181 Butco vulgaris 1/73 1/145 B. caffra 1/1S7 P. lagopus 1/73 1/145 B. frontalis 1/109 Aquila chrysaclos 1/71 1/143 B. syllietanus 1/166 A. Bonellii 1/73 1/142 A. fucosa 1/73 1/137 CÉTACÉS. A. Choka 1/72 1/145 Helolarsus typicus 1/74 1/136 Qelphinus phocœna 1/150 Haliœlus albicilla 1/72 1/133 Bàlsena hoops 1/122 H. leticocephalus 1/75 1/133 DIMENSIONS DES GLOBULES. 87 H. aguia 1/71 1/141 A. punçtularia 1/84 1/163 Falco peregrinus 1/75 1/152 Cardinalis Domînicana 1/84 1/143 F. tiiinunculus 1/74 1/137 C. cucullata 1/84 1/143 F. subbuleo 1/7-2 1/138 Ploceus lextor 1/88 1/180 F. rulipes 1/70 1/149 Vidua paradissea 1/79 1/147 Milvus vulgaris 1/78 1/145 Loxia cocr.othraustes 1/81 1/149 Gypogcranus serpcntarius 1/G8 1/130 L. curviroslra 1/93 1/157 L. enucleator 1/89 1/161 Nocturne. L . javensis 1/90 1/145 L. Astrild 1/90 1/187 Otus brachyolus 1/70 1/160 L. cœrulœa 1/90 1/147 0. vulgaris 1/72 1/133 L. Malacca 1/93 1/104 Buho maximus 1/08 1/140 Dolichonyx oryzivorus 1/94 1/164 B. virginianus 1/7-2 1/157 Sturnus vulgaris 1/84 1/153 Syrniuin aluco 1/76 1/150 S. prjedatorius 1/84 1/164 Strix flamraea 1/73 1/147 Molothrus sericcus 1/84 1/179 S. passerina 1/76 1/140 Corvus corax 1/77 1/157 Surnia nyclea 1/61 1/159 C. frugilcgus 1/74 1/126 C. monedula 1/88 1/164 Passereaux. C. pica 1/77 1/132 Gracula religiosa 1/82 -1/164 Dentirostres. Fregilus graculus 1/83 1/177 Garrulus pileatus 1/80 1/166 Lanius excubilor 1/70 1/209 G. glandarius 1/81 1/152 Vanga destructor 1/80 1/153 G. cristatus 1/80 1/139 Mucicapa grisola Merula vulgaris 1/86 1/83 1/164 1/167 Nucifraga caryocataces Barita tibicen 1/74 1/83 1/125 1/153 Turdus musicus 1/87 1/163 Coracias garrula 1/79 1/137 T. migratorius 1/01 1/163 T. canosus 1/90 1/153 Ténuirostres. T. viscivorus 1/89 1/157 Qrpheus polyglotlis 1/88 1/147 Trochilus (Sp?) D. 1/105 1/158 0. rufus 1/88 1/143 Sitta europœa 1/87 1/161 Motacilla alha 1/80 1/141 Certliia fauriliaris 1/91 1/157 Sylvia phragmites 1/79 1/140 Pbilomela luscinia 1/74 1/173 Syndacttjl s. Accentor modularis 1/92 1/157 Erythaca rubecula 1/90 1/163 Alcedo hispidâ 1/83 1/145 Curruca atricapilla 1/90 1/163 A. gigantea 1/83 1/140 Regulus cristatus 1/90 1/163 Troglodytes europieus 1/93 1/163 GltfMPEUUâ. Fissirostres. Picus raiilor 1/85 1/153 Cuculus canorus 1/75 1/148 Hirundo rustica 1/84 1/157 Psittacus erythaeus 1/75 1/157 H. urbana 1/85 1/157 P. albifrons 1/76 1/145 Cypselus apus 1/78 1/151 P. Augustus 1/82 1/142 P. americanus 1/83 1/150 Conirostr es. P. Regulus 1/80 1/149 P. Dufresnii 1/89 1/133 Alauda arvensis 1/84 1/162 P. amazonicus 1/71 1/150 Parus cœruleus 1/90 1/162 P. leucocephalus 1/81 1/147 P. caudatus 1/84 1/180 P. badiceps 1/85 1/142 Ëmberiza citrinella 1/90 1/157 P. menstruus 1/83 1/146 E. cristata 1/91 1/160 P. melanoeephahts 1/79 1/153 Plectrophanes nivalis 1/84 1/187 P. mitratus 1/80 1/153 Fringilla cœlebs 1/89 1/163 PsittaCula cana 1/82 1/164 F. Clitoris 1/88 1/142 P, Pullaria 1/85 1/153 F. amandava 1/89 1/189 Tanygnathus macrorhynchus 1/83 1/153 F. cyanea 1/85 1/147 Palœornis Alexandri 1/84 1/153 Linaria minor 1/95 1/190 P. torquatus 1/86 1/153 Pyrgita domestica 1/84 1/138 P. bengalensis 1/89 1/157 P. simplex 1/89 1/157 Trichoglossus eapistratus 1/87 1/153 Amadina fasciata 1/79 1/172 Psiltacara leptorhyacha 1/82 1/155 88 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. P. M urina 1/84 1/159 P. colcliicus 1/S5 1/144 P. Pataclionica 1/83 1/157 Gallus domesticus 1/83 1/136 P. viridissima 1/80 1/165 Meleagris gallopavo 1/80 1/142 P. solstitialis 1/84 1/157 Nuraida Rendallii 1/81 1/174 P. viresccns 1/83 1/163 Perdrix longiroslris 1/81 1/149 Lorius domicellus 1/82 1/163 P. Bonharai 1/78 1/129 L. ceramensis 1/83 1/157 Francolinus vulgaris 1/83 1/159 L. amboincnsis 1/80 1/163 Coturnix Argoondah 1/92 1/136 L. coccineus 1/85 1/157 Otryx virginianus 1/87 1/157 L. sinensis 1/83 1/145 O. Ncoxyemus 1/80 1/151 Nymphicus Novœ-Hollandiaî 1/85 1/164 Tetrao urogallus 1/88 1/151 Platycercus niger 1/84 1/153 T. etrix 1/92 1/147 P. Pcnnanlii 1/81 1/156 T. caucasica 1/76 1/136 P. paci ficus 1/81 1/163 Tinanius rufescens 1/69 1/181 P. eximius 1/87 1/153 P. flaviventris 1/83 1/153 P. Vasa 1/81 1/153 ÉCHASSIER s. P. scapulatus 1/80 1/159 Macrocerus Illigeri 1/75 1/170 Struthio caraelus 1/66 1/118 M. Araranga 1/77 1/163 Rhea americana 1/75 1/119 M. Macao 1/75 1/188 Casuarius javanicus 1/59 1/110 M. severus 1/85 1/149 Dromaius Novse-Hollandioc 1/6-7 1/119 Plyctoloplius Eos y-Edicnemus crepitans 1/85 1/157 P. sulfureus Vanellus cristatus 1/78 1/130 P. rosaceus Hœmalopus ostralegus 1/75 1/157 P. galeritus Dicholophus cristatus 1/74 1/133 P. Philippiriorum Psopliia crepitans 1/74 1/137 Anthropoides virgo 1/74 1/148 fi AT T IMAPr^ A. Stanleyanus 1/75 1/129 UALiLiiiNAli£i Balearica pavonina 1/74 1/145 Pigeons. B. Regulorum 1/73 1/137 Ardea cinerea 1/75 1/137 Coluraba palumbus 1/78 1/143 A. minuta A. nyclicorax 1/78 1/70 1/150 • 1/140 G. risoria G. turlur 1/84 1/79 1/139 1/133 Platalea leucorodia Ciconia alba 1-/73 1/69 1/141 1/135 C. ligrina 1/82 1/142 C. nigra 1/71 1/134 G. rufina 1/91 1/135 C. Argala 1/68 1/140 C. chalcoptcra 1/87 1/160 C. Marabou 1/73 1/136 C. Nicobarica 1/84 1/145 Ibis ruber 1/76 1/124 C. Guinea 1/85 1/151 Numenius pliœopus 1/73 1/176 G. Gorcnsis 1/80 1/143 Limosa melanùra 1/77 1/148 G. aurita 1/91 1/139 Scolopax gallinago 1/85 1/145 C. montana 1/88 1/145 Ballus philippinensis 1/82 1/133 G. Zenaida G. m'gratoria 1/87 1/75 1/141 1/183 Gallinula chloropus 1/81 1/151 C. coroneta 1/77 1/137 G. leucocephala 1/84 1/144 Palmipède 5. C. mystica 1/83 1/138 Podiceps minor 1/79 1/126 Gallinacés proprement dits. Pelicanus onocrotalus 1/70 1/133 Phalacrocorax carbo .1/79 1/148 Pénélope leucolophus 1/75 1/142 Larus ridibundus 1/82 1/157 P. cristata 1/75 1/142 L. canus 1/78 1/151 Crax globiccra 1/78 1/144 Plectropterus Gambensis 1/73 1/147 C. rubra 1/79 1/144 Chenalopex œgyptiaca 1/73 1/151 G. Yarellii 1/79 1/136 Gereopsis Novx-Hollandite 1/08 1/145 Oiirax mitu 1/79 1/137 Bernicla Sandvicensis 1/73 1/151 Pavo crislalus 1/72 1/141 B. magellanica 1/73 1/151 P. mulicus 1/72 1/141 Cygnus atratus 1/71 1/145 P. javanicus 1/74 1/137 Uendrocygna viduala 1/70 1/140 Phasianus pictus 1/87 1/142 D. aulumnalis 1/75 1/148 P. nycbtbemei'us 1/74 1/136 D. arborea 1/76 1/147 P. superbus 1/83 1/141 Ucndronessa spoiisa 1/79 1/101 P. linoatus 1/73 1/132 Anas galcriculata 1/76 1/135 DIMENSIONS DES GLOBULES. 89 Querquedula crecea Q. acula y. cireia Mareca Pcnolopo Tadorna vulpanscr 1/81 1/7!) 1/82 1/78 1/78 1/181 1/151 1/151 1/137 1/151 REPTILES. Grand diamètre : Max., 1/44.— Min., 1/G8. Petit diamètre : Max., 1/47.— Min., 1/108. Chéloniens. Tesludo grœea T. radiala Cistudo europœa. E. Emys rubriventris. E. Emys sigriz. E. Chelonia Mydas Sauriens. Crocodilus acutus G. lucius Alligator A. sclerops. E. Champsa fîssipes Varanus arenarius. F. Iguana cyclura Laeerta viridis L. ocellata. E. 1/49 1/49 1/55 1/52 1/48 1/48 1/4S 1/44 1/52 1/42 1/51 1/56 1/48 1/61 1/60 Ophidiens. Anglais fragilis Psodopus Pallasii. E. Natrix torquata Cohiber berus G. viperina. E. Python tigris 1/41 1/55 1/54 1/50 1/62 1/59 1/87 1/86 1/75 1/90 1/90 1/74 1/90 1/87 1/84 1/75 1/91 1/90 1/90 1/108 1/100 1/105 1/90 1/85 1/71 1/90 1/94 BATRACIENS. Grand diamètre : Max., 1/16. — Min., 1/48. Petit diamètre : Max., 1/30. — Min., 1/78. Anoures. Rana esculenta. M. 1/45 1/66 R. temporaria 1/43 1/71 Bufo vulgaris 1/41 1/78 B. calamita. W. 1/44 1/66 Bombinator igneils. W. 1/44 1/66 Pelobates fuscus. W: 1/48 1/66 Hyla arborea. E. 1/55 1/80 Urodèlës Salamandre màculata. E. 1/28 Cryptobronchus japonicus. V. H. 1/19 î. 1/45 1/32 Triton cristalus T. Bibroni Lissotriton punctatus 1/33 1/51 1/33 1/51 1/32 1/49 Perennibranciies. Proteus angnimis. W. Sircn lacertina Axolotcs mexieanus. E. 1/18 1/10 1/25 POISSONS. Malacoptérygiens. 1/44 1/30 1/45 Poissons osseux. Grand diamètre : Max., 1/61. — Min., 1/110. Petit diamètre : Max., 1/95. — Min., 1/157. ACANTHOPTÉRYGIENS. Perça fluviatilis Labrus lupus. E. Acerina cernua Serranus cabrilla. E. Serranus scriba. W. Mullus barbatus. E. Cottus gobio Scorpena scrofa. W. Spams (Sargus?). W. Mugil cephalus. E. Scomber Colias? D. Thymnus communia. E. T. Pelamides. D. Xiphias gladius. D. Labrus pavo. W. Anarrhichas lupus. V. H. Gobius niger. W, Lophius piscatorius. W. 1/83 1/111 1/100 1/135 1/97 1/118 1/80 1/122 1/78 1/95 1/135 1/79 1/114 1/78 1/107 1/88 1/133 1/90 1/130 1/90 1/157 1/66 1/120 1/79 1/118 1/100 1/168 1/110 1/155 1/61 1/130 1/66 1/78 Cyprin us carpio 1/85 1/95 Cyprinus barbatus. W. 1/66 1/110 C. aurai us 1/70 1/117 Tinca vulgaris 1/90 1/107 Leucescus phoxinus 1/79 1/114 L. erythrophthalmus 1/79 1/126 Cobitis fossilis. P. et D. 1/75 1/123 C. barbatula. W. 1/88 Esox lucius 1/79 1/140 Gadus Iota. M. 1/80 1/120 Platessa flesus. W. 1/88 1/133 Anguilla vulgaris 1/69 1/112 Rhombus maximus. E. 1/80 1/105 Murœna conger. E. 1/80 1/100 Gymnotus electricus 1/69 1/102 LuPHOBRANCHES. Syngnathus hippocampus. W. 1/78 S. acus. W. 1/88 1/110 12 90" SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Stumoniens. Acipeiiser slurio. V. H. 1/78 1/100 SÉLACIENS. Grand diamètre : Max., 1/3J. — Mio., 1/52. rclil diamètre : Max., 1/39. — Min., 1/79. Fqualus (catulus ?). D. S. aeanlliias. D. 1/52 1/48 d/70 1/70 S. (indéterminé). D. '1/39 1/45 S. (canicula?). D. 1/39 1/79 Squatina angélus. E. 4/40 1/0 3 Zygaîna malleus. E 1/58 1/00 ïorpedo oenlata. D. 1/31 1/39 Raja clavata. W. 1/35 1/00 Raia bâtis. E. 1/42 1/03 Cyclo iTOMES. Pteromyzon planeri. W. 1/87 Ainmocctes branchialis. W. 1/08 TROISIÈME LEÇON. 1° Du sang chez les animaux invertébrés; couleur de ce liquide; globules plasmi- ques; sang à sérum coloré; liquide cavitaire; séro-chyme des Zoophytes inférieurs. — 2° De la coagulation spontanée du sang; plasma; fibrine ; caillot, couenne. Du sang chez les animaux invertébrés. § \ . — En abordant l'étude du fluide nourricier, j'ai dit que sans urne les anciens naturalistes réservaient le nom de sang au liquide rouge dont l'histoire physique vient de nous occuper, et qu'ils appelaient animaux exsangues ceux chez lesquels les humeurs sont incolores. Mais aujourd'hui, avec raison, on n'attache que peu d'importance à ces différences de teintes, et Ton com- prend sous la même dénomination tout suc propre de l'orga- nisme qui dans l'économie animale est l'agent spécial du mou- vement nutritif. En effet, sil'on ouvre le cœur d'un Colimaçon ou d'une Huître, on y trouve un liquide dont le rôle physiologique, comme nous le verrons bientôt, est le môme que celui du sang d'un animal vertébré; seulement, au lieu d'être rouge, il est incolore. C'est donc bien du sang au même titre que le fluide nourricier de l'homme ou du cheval, par exemple, mais c'est du sang blanc au lieu d'être du sang rouge (1). (1) La constatation de ce fait im- » rouge foncé; et parce que le sang des portant est due à Swammerdam. Vers » insectes, à l'exception, je crois, des le milieu du xvne siècle, cet habile » seuls Vers de terre, n'a point cette naturaliste écrivait : « Le sang du Co- » couleur, les auteurs ont prétendu » limaçon est d'un blanc bleuâtre » que ces animaux n'avaient pas de » très différent de celui de l'homme » sang. » {Biblianaturœ, I, p. 119.) » et des grands animaux, qui est d'un 92 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Cette espèce particulière de sang se rencontre chez presque tous les Mollusques, chez les Insectes, les Crustacés et chez la plupart des autres animaux invertébrés : on le désigne généra- lement sous le nom de sang blanc; mais cette expression en donnerait une idée fausse si on l'employait sans faire au préa- lable quelques réserves. En effet, le sang de ces animaux n'offre presque jamais un aspect laiteux, et il est même très rarement tout à fait incolore; presque toujours il présente une teinte jau- nâtre, ou bien une légère nuance de liîas ou de bleu-, mais dans tous les cas c'est le sérum qui est coloré de la sorte, et cette coloration est en général très faible. J'ajouterai même que très souvent elle paraît être accidentelle plutôt qu'inhérente à la nature de l'animal, et qu'elle semble dépendre essentiellement des substances alimentaires dont celui-ci fait usage. En effet, chez les chenilles qui sont phytophages, le sang est en général verdâtre, mais devient incolore ou jaunâtre, quand, à la suite de l'achèvement des métamorphoses, le régime de l'animal change; et d'ailleurs on peut déterminer à volonté des variations du même ordre en mêlant aux aliments dont ces petits êtres se nourrissent des matières tinctoriales telles que l'indigo ou la garance (i). Il me semble donc inutile d'insister davantage sur les différences légères qui se remarquent dans le sang presque incolore de la plupart des animaux invertébrés (2), sauf (1) M. Alessandrini, de Bologne, nilles et des larves de Hanneton prend ' ayant remarqué que les Vers à soie à tantôt une nuance rose , d'autres fois qui on a fait manger de la garance ou une teinte bleue, suivant la nature de de l'indigo ont les trachées leintes, et la matière colorante employée dans M. Bassi ayant confirmé ce résultat l'alimentation (b). pur de nouvelles expériences (a), (2) Dans l'embranchement des Mol- M. Blanchard reprit l'examen de cette lusques, le sang est généralement in- question, et trouva que, sous l'in- colore ou seulement opalin ; quelquc- fluence de ce régime, le sang des che- fois on y remarque une teinte bleuâtre (a) Rapport fait au congrès des naturalistes à Venise par M. Bassi (Gaz. médie. de Milan, t. VI, et Ann. des se. nat., 3e série, t. XV, p. 362). (b) Blanchard, Nouv. observ. sur la circulation et la nutrition chez les Insectes (Ann. des se. nat., 1851, 3° série, t. XV, p. 371). GLOBULES BLANCS. 93 à revenir sur ce sujet quand je parlerai des Annélides, qui, au contraire, ont en général le fluide nourricier fortement coloré. § 2. — Les animaux invertébrés ne sont pas les seuls dont le San^1zanc sang est incolore; ce caractère, ainsi que je l'ai déjà dit, se ren- dcs Vertébrés- contre également chez YAmpliyoxus lanceolatus,- sorte de pois- ou même violacée très pâle : chez les Colimaçons et les Paludines, par exemple («). Les zoologistes ne sont pas d'accord au sujet de la couleur du sang chez les Gastéropodes du genre Planorbe. Swammerdam avait trouvé ce liquide coloré en rouge (6), et des observations analogues ont été faites plus récemment par M. Quatrefages (c) et par M. Moquin-Tandon {à). Cu- vier, au contraire, affirme que le sang de ce mollusque est d'un blanc bleuâ- tre, et que le suc rougeâtre que l'on voit suinter du corps de ces animaux, lorsqu'ils se contractent, est le produit d'une sécrétion analogue à celle du pourpre chez les Aplysies (e). Enfin M. T. Williams assure avoir constaté que le sang répandu dans la cavité gé- nérale du corps des Planorbes est inco- lore, à moins que, par suite de quelque lésion, il ne s'y soit mêlé une certaine quantité du suc rouge sécrété par l'ap- pareil tëgumentaire (/"). Ces discor- dances d'opinion me semblent pouvoir s'expliquer à l'aide de quelques faits constatés par M. Quatrefages. Celui-ci a trouvé le sang incolore chez les jeunes individus et coloré en rouge chez les individus adultes, mais chez ceux-ci le liquide contenu dans le pé- ricarde offrait la même couleur. Or, ce liquide péricardique n'est pas du sang, et par conséquent il me paraît pro- bable que sa coloration était due à une infiltration du suc rouge du système tëgumentaire; s'il en était ainsi, la coloration du sang pouvait dépendre du même phénomène, et serait un ac- cident au lieu d'être l'état normal de ce liquide. Burdach (g), en s'appuyantsur l'au- torité de Carus, dit que le sang des Tarets est rouge ; mais Carus , à son tour, n'en parle que d'après Home (h) , qui était un observateur fort peu exact. Et, d'ailleurs, le fait annoncé par ce dernier (i) est controuvé : le sang des Tarets est en réalité incolore comme celui des autres Mollusques (j). Quelques naturalistes ont dit que les Éolides ont les uns du sang rouge, les (a) Erman, Wahrnehmungen ûber das Blut einiger Mollusken (Abhandlungen der Akad. der ]\"tssensch. zu Berlin, 4816-i 7, p. 209). (6) Moquin-Tandon, Hist. nat. des Mollusques terrestres et fl.uviatiles de France, p. 92. (c) Swaramerdanj, Biblia naturœ, t. I, p. 1S9. (d) Quatrefages, Sur le Planorbis imbricatus (journal l'Institut, 1846, t. XIV, p. 4). (e) Moquin-Tandon, Observations sur le sang des Planorbes (Ann. des se. nat., 1351, 3e série, t. XV, p. 145). (f) Cuvier, Mémoires pour servir à l'histoire des Mollusques : Sur la Limriée et le Planorbe, p. 12. (g) Burdach, Traité dephysiol., trad. par Jourdan, t. VI, p. 16. (h) Carus, Anat. comp., t. II, p. 507. (i) Home, On the Teredo Gigantea and T. Navalis (Philos. Trans., 1806, p. 276). (j) Quatrefages, Mém. sur le genre Taret (Ann. des se. nat., 1849, 3e série, t. XI, p. 50). 94 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. son fort singulier qui appartient à l'embranchement des Verté- brés, mais qui est le représentant le plus dégradé de ce grand autres du sang vert (a) ; mais cela n'est pas, et l'erreur s'explique facilement : c'était probablement des matières ali- mentaires rouges ou vertes qui avaient été aperçues en mouvement dans les ramifications de l'appareil gastro-vas- culaire de ces Mollusques (b), et qui avaient été prises pour du sang, car ce liquide est en réalité presque, incolore. J'ai observé aussi sur les côtes de Sicile une Ascidie simple, du genre Phallusia (Savigny), qui avait le sang coloré en rouge ; mais le plasma était incolore comme chez les Mollusques ordinaires, et la teinte en question était due à la présence d'une multitude de petits granules qui flottaient dans ce liquide (c). Je n'ai rencontré qu'un seul individu de cette espèce d'Asci- die, et je suis assez porté à croire que la couleur rouge de son sang pouvait tenir à quelque circonstance patho- logique ; du moins on ne pourrait sans de nouvelles observations arguer de cet exemple unique pour établir une exception à la règle générale qui régit à cet égard toute la classe des Tuni- ciers. Dans la classe des Insectes, le sang est tantôt incolore, tantôt jaune ou d'une teinte verte plus ou moins pro- noncée. Lyonnet a constaté que chez la che- nille du Cossus ce liquide paraît in- colore quand on l'examine en couche mince , mais présente une couleur orangée quand on le réunit en grosses gouttes (d). Chez le Bombyx du mû- rier il est jaune (e). Comme exemple d'insectes à sang vert on peut citer la chenille de la Vanessa urticœ if). M. Marcel de Serres (g) a cru re- marquer une relation constante entre la couleur du sang des insectes et celle de leur tissu graisseux ; il ajoute qu'elle est verdàlre chez certains Or- thoptères, brun sombre chez la plu- part des Coléoptères, etc., mais il n'in- dique pas les espèces chez lesquelles il a fait ses observations. Burdach (h) attribue ces résultats à Meckel, qui s'est borné à en rendre compte (i). J'ai trouvé le sang jaunâtre ou verdàlre chez beaucoup de Coléoptères, mais jamais d'un brun foncé. Berzelius a dit que les Mouches ont du sang rouge dans la tète, et du sang incolore dans le reste du corps (j); mais cela n'est pas, et c'est la matière colorante rouge des yeux de ces in- sectes qui en a imposé au savant chi- miste de Stockholm. Dans la classe des Crustacés, le sang est souvent d'une couleur rose (a) Voyez Wagner, Handwôrterbuch des Phijsiologie, Bd. I, p. 76. (b) Milne Edwards , Sur l'existence d'un appareil gastro-vasculaire chez la Calliopée (Ann. des se. tiat., 2° série, t. XVIII, p. 330). (c) Milne Edwards, Rech. zool. (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1844, t. XIX, p. 11 40). (d) Lyonnet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois de saule, 1762, p. 426. (e) Malpighi, Dissertatio epistolica de Bombyce, p. 15. (f) Swammerdam, Biblia naturœ, t. II, p. 574. (g) Marcel de Serres, Observ. sur les usages du vaisseau dorsal (Mém. du Muséum, 1. IV, p. 170). (h) Traité de physiologie, trad. franc., t. VI, p. 16. (i) J.- F. Meckel, Ueber das Rûckengefass der Insekten (Deutsches Archiv fur die Physiologie, 1815, Bd. I,p. 469). (j) Berzelius, Traité de chimie, édit. de 1833, t. VII, p. 78. GLOBULES BLANCS. 95 type zoologique (1 ) . Nous avons vu aussi que le sang est incolore chez les Vertébrés ordinaires pendant la première période de la vie embryonnaire. En général, cet état transitoire ne dure que très peu de temps; mais il paraîtrait que chez les Poissons il n'en est pas toujours ainsi, et que chez quelques-uns de ces ani- maux le sang ne se colore qu'«à une période assez avancée de la vie embryonnaire. Effectivement cela a été constaté chez le Brochet par M. de Quatrefages. Ces variations observées chez des animaux de la même classe, et jusque chez le même individu à différentes époques de la vie, doivent nous porter à n'attribuer à la couleur du fluide nourricier que peu d'importance, et les observations microsco- piques viennent confirmer cette manière de voir, car elles nous montrent que le sang incolore des animaux invertébrés et le sang rouge des Vertébrés sont constitués à peu près de la même manière, sauf ce qui est relatif aux proportions de leurs maté- riaux solides et liquides. grisâtre très légère, ou plutôt de celle Chez les Zoophytes qui ont du que les peintres désignent sous le nom sang proprement dit, ce liquide est de teinte neutre; chez la Langouste incolore ou teinté en jaune, cette nuance est plus marquée que (1) L'existence d'un sang parfai- chez les Écrcvisses ou les Crabes. tement incolore chez VAmphioxus Chez les Arachnides, le sang est a été constatée successivement par presque incolore. Chez les Araignées, MM. Retzius, Millier, Quatrefages et il est d'une teinte un peu bleuâtre, et Huxley. Cesobservateursont remarqué chez les Scorpions il est jaunâtre (a). aussi que le liquide ne contient pas des Chez une espèce de la famille des Tar- globules analogues à ceux des Verté- digrades qui se rattache à la classe brés ordinaires, et ne charrie que quel- des Arachnides (VEmydium testudo), ques corpuscules semblables à ceux M. Doyère a trouvé le sang coloré en que j'appelle ici les globules plas- brun rouge (6). iniques (c). (a) Blanchard, Note sur le sang des Arachnides (Ann. des se, nat., 4° série, t. XII, p. 351, 4R4'J). (b) Doyère, Mémoire sur les Tàrdifjrades (Ann. des se. nat., 1840, 2° série, t. XIV, p. 311). (c) Miïllor, Ueber den liau und die Lebenserscheinungen des Branchiostoma lumbricum (Costa), Ampbyoxus lanceolatns (Yarrel), p. 33 (lire des Mém. de l'Académie de Berlin, 4842). Quatrefages, Mémoire sur le système nerveux et sur l'histologie du Branchiostoma ou Am- phyoxus (Ann. des se. nat., 4845, 3e série, t. IV, p. 232). Huxley, Examin. of Ihe Corpuscles of the Blood of Amphyoxus (Trons. liril. Assoc., 1847, p. 95). 90 SANG DES ANIMAUX INVERTEBRES. En effet, le sang blanc contient aussi bien que le sang rouge des globules d'apparence utriculaire; seulement ces corpus- cules sont presque toujours incolores, leur contenu est granu- laire, et leur nombre est beaucoup moins considérable (1). sang § 3. — Chez les Mollusques (2) les globules du sang sont cir- des Mollusques, culaires et plus ou moins aplatis ; leur contenu offre en général uri aspect granuleux, et leur enveloppe utriculaire devient sou- vent bien distincte par l'action de l'eau qui la distend et la sé- pare de la portion centrale (3) . Une tendance que l'étude du sang chez les divers animaux vertébrés nous a laissé entrevoir se montre ici de la manière la plus nette : c'est l'abondance croissante des globules à me- sure que l'organisme se perfectionne. Chez les Bryozoaires, qui occupent les rangs les plus inférieurs de l'embranchement des (1) Jusqu'en ces derniers temps, on n'avait fait que très peu d'obser- vations microscopiques sur le sang des animaux invertébrés; mais, en 1846, M. Wharton Jones publia dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres un travail important sur ce sujet (a), et en 1852 M. T. Williams inséra dans le même re- cueil de nombreuses recherches sur la constitution physique du fluide nour- ricier dans tous les principaux groupes inférieurs du Règne animal (b). C'est principalement à ces physiologistes que l'on doit la connaissance des faits exposés ici. (2) Pour les observations microsco- piques sur les globules du sang des Mollusques, voyez : Poli, Testacêa utriusque Siciliœ, t. I, p. 48, tab. 2, fig. 1-5 (1791); — Milne Edwards, Sur le sang de la Mactre (Ann. des se. nai., 2e série, t. IX, p. 369,pl. 50, fig. 9 (1826) ; — Schultz , Das System der Cir- culât., p. 35, pi. 2, fig. 10 et 12 (1836); — Wagner, Zur vergleichenden Physiologie des Blutes, p. 19', etc. (1833) ; — Lebert and Robin , Kurze Notiz uber allgemeine vergleichende'Ana- tomie niederer Thiere ( Miiller's Arch., 1846, p. 121). — Wharton Jones, loc. cit. , p. 96. — Williams, loc. cit., p. 643. (3)Voy. les observations de M. Whar- ton Jones sur les globules du sang de la Moule et du Buccin. Par l'action de l'eau , la cellule finit par se dissoudre et laisse échapper son contenu. (Loc. cit., p. 96 et 97.) (a) Wharton Jones, The Blood Oorpuscle considérée in ils différent Phases of Development on the Animal Séries. Mem. 2, Invertebrata (Philos. Traits,, 1846, p. 89). (6) Williams, On the Blood Proper and Chylaqueous Fluid of Invertebratc Animais (Philos; Trans., 1852, p. 595). GLOBULES BLANCS. 97 Mollusques, ces corpuscules ne sont qu'en très petit nombre; il en est encore de même chez les Tuniciers. Chez les Mollus- ques acéphales et gastéropodes le sang en est plus chargé, et c'est dans la classe des Céphalopodes, c'est-à-dire dans le groupe comprenant tous les animaux les plus parfaits du type Malacozoaire, qu'ils abondent le plus. Il est aussi à noter que ces corpuscules, comparés entre eux chez le même animal, présentent, sous le rapport du volume et de l'aspect, d'autant moins de fixité qu'on les étudie chez des espèces plus dégradées. Chez les Mollusques les plus parfaits en organisation, ils sont loin d'offrir l'uniformité qui se re- marque d'ordinaire dans les globules sanguins d'un vertébré, et chez les espèces les plus imparfaites (les Molluscoïdes) on en voit de toutes les grandeurs, depuis environ m? jusqu'à ts de milli- mètre, et même davantage, sans qu'aucune de ces dimensions soit prédominante. Dans la classe des Bryozoaires, animaux qu'on a confondus pendant longtemps avec les Polypes, les corpuscules charriés par le sang varient dans leur aspect. Les uns sont des sphérules opaques et d'apparence homogène ; d'autres ont dans leur intérieur un amas de petites granulations, et il en est aussi où l'on aperçoit soit seul, soit au milieu de ces granulations, un noyau proprement dit. On distingue aussi ces trois sortes de globules chez les Mollusques acéphales et gastéropodes (1); mais les cellules granulées ou framboisées, qui sont les plus gros, varient moins sous le rapport du volume, et c'est surtout dans la classe des Gastéropodes et dans celle des Céphalopodes que l'on trouve souvent un nombre considérable de globules à noyau simple (2). (1) Voyez les observations et les (2) Voici comment M. Williams s'ex- figurcs que M. Williams a données prime en parlant du sang des Cépha- des corpuscules sanguins chez un lopodes : « Ce liquide est riche en glo- grand nombre de Mollusques tloc. bules, et ceux-ci ont une structure cit., pi. 3û, fig. 6Û-80). mieux élaborée que chez les autres I. 13 98 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Il y a donc une grande analogie entre tous ces globules du sang des Mollusques et les globules blancs que nous avons trouvés en petit nombre dans le sang des Vertébrés, et que nous avons été conduit à considérer comme n'étant que des éléments organiques accessoires dans la constitution de ce li- quide; mais dans l'embranchement dont nous nous occupons ici leur rôle doit avoir plus d'importance, car on ne rencontre jamais de globules semblables à ces utricules colorées qui sont les globules sanguins proprement dits de l'animal vertébré (1). San- g fr __ Qiez jes animaux de la grande division zoologique insectes, ^g Arthropoclaires, ou animaux articulés proprement dits, les globules du sang varient beaucoup quant à leur forme et à leurs dimensions ; mais ici encore ils ne ressemblent jamais aux glo- bules rouges des animaux vertébrés. Dans la classe des Insectes ces corpuscules sont pour la plupart fusiformes ou naviculaires et plus ou moins déprimés ; Mollusques ; ils offrent plus d'unifor- vës à l'état de maturité offrent une ré- mité sous le rapport du volume et de gularité remarquable sous le rapport la forme que dans les familles moins du volume aussi bien que de la struc- élevées en organisation , et se rappro- ture et sont toujours utriculaires, mais chent davantage des globules sanguins leur capsule est très mince.» (Williams, des Vertébrés. Us ont toujours un loc. cit., p. 6Zi8«) noyau, qui d'ordinaire est central, (1) Dernièrement M. Davaine a mais quelquefois périphérique. L'es- insisté avec raison sur l'analogie qui pace compris entre ce noyau et l'en- existe entre les globules blancs des veloppe utriculaire est occupé par un Vertébrés et les corpuscules sanguins liquide bleuâtre fortement chargé de des Invertébrés, ainsi que sut' les dif- granules d'une petitesse extrême ; en- férences qui distinguent ces derniers fin on y dislingue par-ci par-là une des globules rouges du sang des Ver- gouttelette huileuse. D'autres globules tébrés, différences qui consistent dans simplement utriculaires et sans noyau la manière dont ils se comportent ni granules intérieurs se rencontrent en présence de divers réactifs, aussi également ; et , entre ces deux formes bien que dans leurs caractères phy- extrêmes, il y a beaucoup d'inter- siques (a), médiaircs. Du reste, les globules arri- (a) Davaine, Remarques sur les corpuscules du sang de la Lamproie et sur ceux des animaux en général (Mém. de la Soc. de Biologie, 1856, 2° série, t. II, p. 55). GLOBULES BLANCS. 99 ils sont incolores, et par l'action de l'eau ils s'arrondissent et se détruisent avec une grande facilité. En général, chez la larve, ils ne présentent d'abord ni noyau ni granulations inté- rieures; parfois ils se chargent bientôt de granules très fins et leur structure utriculaire est d'ordinaire assez bien carac- térisée. Chez l'adulte, ils sont plus petits et sont pourvus d'un noyau très distinct ainsi que de granulations périphériques ; enfin leur membrane tégumentaire semble s'être atténuée au point de devenir difficile à apercevoir, et après leur sortie du corps ils se désagrègent rapidement, surtout en présence de l'eau. On voit donc qu'ici, de même que chez les Vertébrés, les globules du sang se modifient avec les progrès du développe- ment de l'organisme, et éprouvent des métamorphoses quand l'animal passe de l'état de larve à l'état parfait. Chez les Crustacés, les globules sont en général ovoïdes ou Sang circulaires, quelquefois naviculaires, et ils offrent un aspect Cruïacés framboise dû à la présence de granules intérieurs. Dans ceux ^nSes. qui sont arrivés à l'état de maturité on distingue d'ordinaire un noyau central comme chez les Insectes, et ici encore l'enve- loppe membraneuse paraît tendre à disparaître (1), (1) L'existence de globules dans le M. Bowerbank a été un des pre- sang de quelques animaux articulés miers à faire bien connaître les carac- avait été constatée par Leeuwenhoek, tères microscopiques du sang des In- et Baker en mentionna l'existence sectes, dans un Mémoire sur la circu- chez les Sauterelles (a). Hewson lation chez les larves d'Éphémères (c). publia aussi quelques observations M.Wagner (d), Newport (e) etWharton sur les globules du Homard et du Jones ont publié aussi quelques ob^ Palémon (6). servations à ce sujet (f) ; enfin M. Wil- (a) Baker, The Microscope Made Easy, 1742, p. 130. (6) Hewson's Works, p. 234. (c) Bowerbank, Observ. on the Circulation of the Blood in Insects (Entomological Magazin, 1833, vol. I, p. 240). (d) Wagner, Vêler Blutkôrperchen bei Regemuûrmern, Blutegeln und Dipteren-Larven (Miiller's Arch., 1835, p. 311). — Vergl. Phys. des Blutes, Bd. I, p. 29. (e) Newport, On the Structure and Development of theBlood(Ann. of Nat. Hist., 1849, vol. XV. p. 281). — Ce travail n'a été publié que par extrait, et l'auteur m'a dit avoir changé d'opinion quant à l'interprétation des faits qu'il avait observés. (f) Wharton Jones, Op. cit. (Philos. Trans., 1846). 100 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Chez les Arachnides les globules du sang ressemblent en général à ce que nous venons de voir chez les Crustacés (1). Je ne pourrais, sans consacrer à l'histoire de ces corpus- cules plus de temps qu'il ne convient ici , rendre compte de tous les détails relatifs à leur aspect chez les divers animaux articulés. Mais je crois devoir ajouter qu'ici, plus encore que chez les Vertébrés, il semble y avoir une certaine relation entre liams en a fait une nouvelle étude, principalement chez des larves de Libellules et autres espèces aqua- tiques. Ce dernier physiologiste a trouvé les globules fusiformes transparents et dépourvus de granules à leur inté- rieur chez la larve des Libellules, tan- dis que chez les mêmes insectes à l'état parfait, ils renferment des gra- nulations ainsi qu'un nucléus. Chez d'autres larves, il a trouvé les glo- bules tantôt oblongs, tantôt fusiformes et légèrement granulés, mais toujours dépourvus de nucléus. Malheureu- sement il ne donne pas la détermi- nation spécifique des diverses espèces chez lesquelles il a observé et figuré ces corpuscules. On voit du reste par ces figures que les globules navicu- laires sont toujours mêlés à des globu- lins circulaires (a). Il est à noter que chez quelques larves aquatiques de Diptères les glo- bules sont en si petit nombre, qu'ils échappent facilement à l'observa- tion (6). (1) Les premières observations sur les globules du sang chez les Crustacés furent faites par Leeuwenhoek sur les Crabes. En 1753, Baker signala l'exis- tence de ces corpuscules chez YAselle vulgaire, petite espèce d'Isopode d'eau douce assez voisine des Cloportes. (Employment for the Microscope, p. 352.) Enfin, depuis une vingtaine d'an- nées, le sang de plusieurs autres espèces a été examiné par Weber, Wharton Jones, Williams et quelques autres naturalistes. Chez le Carcin Ménade, j'ai trouvé un petit nombre de globules circu- laires ou un peu ovoïdes qui parais- sent être légèrement déprimés au centre, qui varient en diamètre de jf0 à -^y de millimètre, et qui nagent au milieu d'une multitude de granu- lations d'une petitesse extrême. Chezlc Maia squinado il y a quelques gros corpuscules fortement granulés dans lesquels j'ai cru distinguer un noyau central (c); mais M. Wagner les croit simplement granulés (d). M. Wharton Jones ne dit pas sur quelle espèce de Crabe il a fait ses ob- servations ; mais, comme le Tourteau (C. pagurus) est le plus commun sur (a) Th. Williams, On the Blood Proper and Chylaqueous Fluid of Invertebrate Animais (Philos. Trans., 1852, p. 595, pi. 32 et 33, fig. 40-50). (b) Wagner, Op. cit. (Meckcl's Arch., 1835, p. 320). Verloren, Mém. sur la circulation dans les Insectes (Extr.des Mém. del'Acad. de Bruxelles, Mém. couronnés, t. XIX, p. 61). (c) Milne Edwards, Rech. microsc. (Ann. des se. nat., 182G, 1. IX, p. 309, pi. 50, fig-. 9). ( prendre en une masse de consistance gélatineuse et de couleur rouge. Mais d'où vient cette fibrine ? Dans le sang normal se trouve-t-elle réellement en dissolution dans le sérum, comme le pensait Borelli, ou est-elle fournie par les globules rouges? Ces questions ont longtemps partagé les physiologistes, et n'ont été pleinement résolues que par les expériences récentes d'un des naturalistes les plus habiles de notre époque, le professeur J. Mûller, de Berlin. La plupart des physiologistes les plus éminents du siècle dernier pensaient que les globules du sang interviennent seuls dans le travail de la coagulation, et fournissaient à la fois la ma- tière rouge et la fibrine du caillot (1). Cette manière de voir fut adoptée et développée il y a environ trente ans par Home (2), MM. Prévost et Dumas (3) et quelques autres micrographes. Elle était même assez généralement reçue tant en Allemagne qu'en France, et, dans cette hypothèse, on se rendait compte du phénomène de la coagulation spontanée du sang, en suppo- sant que les globules privés de l'influence de la vie s'attiraient (1) Sydenham , célèbre médecin ainsi que celles obtenues dans l'expé- anglais du xvne siècle, pensait que rience de Ruysch sur le sang, ne sont la couenne du caillot est formée par la autre chose que les globules sanguins substance rouge du sang (qu'il appelait de Leeuwenhoek dépouillés de leur fibrine) dépouillée de son enveloppe couleur (c). Jurin s'exprime d'une ma- colorée (a). Boerhaave considérait les nière plus nette, et attribue la forma- fibres sanguines comme étant formées tion du caillot à la réunion spontanée d'une chaîne de globules (b), et Haller, des globules (d). dont l'autorité était si grande parmi (2) Croonian Lectures on Blood,elc. les physiologistes du siècle dernier, (Philos. Trans., 1818 et 1820). dit, dans son commentaire sur le pas- (3) Examen du sang, etc. (Bibl. sage précédent des écrits de Boer- univ. de Genève, 1821, t. XVII). haave, que les fibres de la couenne, (a) Opéra omnia, p. 246. (b) Prœdilectiones academicœ, vol. II, p. 310. (c) Note f, loc. cit. \d) Jurin, An Account ofSome Experiments Relatuig to the Spécifie Gravity nflïïood (Philos. Trans., 1719, p. 1000). 118 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. promptement, laissaient échapper leur nucléus, composé de fibrine, et, réduits à leur portion tégumen taire et rouge seule- mont , se trouvaient alors enveloppés et saisis par l'espèce de Irame résultant de la réunion des noyaux ou corpuscules fibri- neux ainsi mis en liberté. Hewson, à l'exemple de quelques-uns de ses prédécesseurs, avait soutenu cependant une thèse contraire; et, si les faits sur lesquels il basait ses convictions avaient été suffisamment dé- veloppés, son opinion aurait certainement prévalu depuis long- temps, Les médecins avaient déjà remarqué que, dans les maladies inflammatoires et dans quelques autres cas pathologiques, la masse gélatineuse formée par la coagulation du sang n'a pas le même aspect dans toute son épaisseur; que, dans sa partie inférieure , elle est rouge comme d'ordinaire ; mais que, vers le haut, elle est formée par une matière blan- châtre, à laquelle ils donnèrent le nom de couenne. Or, un physiologiste dont les écrits n'ont eu que peu de retentisse- ment, Davies, avait vu aussi que cette couche couenneuse est formée par une substance identique, au moins en apparence, avec celle qui constitue la trame de la portion rouge du caillot situé au-dessous ; et il s'expliquait la différence de couleur entre ces deux couches en admettant que , dans les circon- stances ordinaires , la coagulation du sang ayant lieu avant que les globules, dont la pesanteur spécifique est plus grande que celle du fluide d'alentour, aient eu le temps de descendre vers le fond du vase, ceux-ci se trouvent empâtés également dans toutes les parties du caillot, qu'ils colorent uniformément ; tan- dis que, dans les cas où une couenne se produit, les globules descendent plus aisément et plus vite, de façon qu'ils ont déjà abandonné la partie supérieure du liquide lorsque la coagula- tion s'effectue : et alors le caillot est blanc là où la matière onngulable n'en rencontre plus, tandis qu'il devient rouge là COAGULATION. H 9 où il saisit ces corpuscules (1). Davics considérait donc la ma- tière plastique comme étant distincte des globules aussi bien que du sérum, dont elle se sépare par la coagulation spontanée; et, sans connaître les idées déjà émises à ce sujet en France par Petit, il professa une opinion analogue. Effectivement, ce chirurgien avait été conduit à regarder le sang comme étant formé, non pas de globules et de sérum seulement, mais aussi d'un troisième élément physiologique, savoir, la lymphe , ou , pour me servir du langage moderne , la fibrine (2). Hewson soutenait la même doctrine, et il lit à ce sujet une expérience des plus ingénieuses et des plus concluantes. En examinant l'action de divers agents chimiques sur le sang, on avait constaté qu'en ajoutant à ce liquide une portion conve- nable de sulfate de soude ou de sel commun en solution dans l'eau, on retarde beaucoup sa coagulation, et Hewson ayant préparé un de ces mélanges de sang humain et de dissolu- (1) Davies, Essays to Promote the » sérosité se sépare du caillot de la Expérimental Ànalysis of Human » même manière que le petit-lait se Blood, in-8. Bath, 1760. » sépare du lait caillé. La sérosité (2) J.-L. Petit, qu'il ne faut pas » du sang n'est donc point susceptible confondre avec un autre académicien » de coagulation. Les deux autres par- du même nom et de la même époque, » ties , qui sont la lymphatique et la l'anatomiste F. Petit -, naquit à Paris » globuleuse, pour l'ordinaire, l'ont en 1676, et fut bon observateur non » ensemble un caillot qui nage dans moins que chirurgien habile. Il mou- » la sérosité; et l'on pourrait croire rut en 1750, et il est plus connu » que ces parties du sang sont toutes comme palhologiste que comme phy- » deux susceptibles de coagulation, si siologiste ; mais je croirais manquer à » nous n'avions pas observé plusieurs la justice qui lui est due, si je ne citais » fois, au fond des palettes et surtout ici textuellement l'explication qu'il »> à l'ouverture des cadavres , que la donne de la coagulation du sang. » partie globuleuse et la sérosité con- « Tout le monde convient que toutes » servent quelquefois leur fluidité, » les parties du sang ne sont pas sus- » pendant que la partie lymphatique » ceptibles de coagulation ; il est ce- » est seule coagulée. Il est ordinaire » pendant vrai que, quand on tire du » qu'à l'ouverture des cadavres, on » sang dans une palette, il se coagule » trouve le sang coagulé dans le cœur » d'abord tout entier ; mais, lorsqu'on » et dans tous les vaisseaux ; mais » le laisse reposer, on voit que la » cette coagulation n'est pas toujours 4 20 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. lion saline (1) le laissa reposer jusqu'à ce que les globules se fussent déposés dans la partie inférieure du vase, puis il décanta le liquide incolore qui surnageait, et y reconnut la présence de la fibrine. Effectivement, en y ajoutant un peu d'eau, il la vit se prendre en gelée, comme cela a lieu dans le sang chargé de ses globules rouges, et former un caillot blanc. » la même. Quelquefois , la partie » rouge et la lymphe, exactement mê- » lées, forment un caillot rouge et » assez ferme; d'autres fois, ces deux » substances, quoique coagulées, sont » presque exactement distinctes et » forment un caillot de deux couleurs ; » mais, attendu que la lymphe est plus » légère, la moitié supérieure de ce » caillot est blanche, et l'inférieure » est d'un rouge brun, supposant que » le cadavre se soit refroidi dans la » situation horizontale, comme cela » arrive d'ordinaire. Si l'on examine le » bassin dans lequel on vient de sai- » gner du pied, on trouvera toutes les » parties du sang noyées dans l'eau » chaude, et, si l'on veut voir à l'in- » stant quelle est la partie susceptible » de coagulation, on n'a qu'à jeter un » pot d'eau froide clans le bassin, et » sur-le-champ on verra la partie » blanche se séparer de la partie » rouge et s'élever sur la surface de » l'eau, où elle forme des caillots très » durs, pendant que la partie rouge » demeure exactement mêlée avec » l'eau et sans former de caillot. De » ces expériences , connues de tout le » monde, on peut conclure que la par- » tie blanche est non-seulement plus » disposée à la coagulation que la par- » tie rouge, mais qu'elle est la seule » qui se coagule, et que la partie rouge » ne ferait point partie du caillot sans » la partie blanche qui la retient (a).» Pour mettre ce passage en accord complet avec la théorie de la coagula- lion du sang adoptée aujourd'hui , il suffirait de mettre le mot fibrine à la place du mot lymphe, et de dire glo- bules rouges au lieu de partie rouge. (1) Cette propriété remarquable que possèdent le sel commun et quelques autres substances de re larder la coa- gulation du sang lorsqu'on les emploie en proporlion convenable était déjà connue il y a un siècle. Senac en parla (6) ; Fordyce également (c) : et il paraîtrait même que cette in- fluence du sel sur le sang n'était pas ignorée du vulgaire, car, en 1771, Hewson disait qu'en Angleterre, les personnes qui emploient le sang des animaux de boucherie pour la pré- paration de substances alimentaires avaient l'habitude de recevoir ce li- quide dans un vase contenant du sel, et de l'y agiter à mesure qu'il s'écou- lait des vaisseaux, ce qui l'empêchait de se coaguler et permettait de le faire passer à travers un tamis sans qu'il restât sur celui-ci le moindre caillot(' incolore des animaux invertébrés est sus- cotation ceptible de se coaguler spontanément à la manière du sang sang Mme rouge des Vertébrés; mais le caillot qui se produit ainsi offre d'ordinaire très peu de consistance, et ne se contracte pas de façon à expulser, sous la forme de sérum , la partie fluide du plasma. Chez les Crustacés, par exemple, le sang se prend assez promptement en une masse gélatineuse et tremblotante; mais cette propriété s'affaiblit chez les animaux inférieurs, où le sang devient très aqueux et disparait chez beaucoup d'entre eux : ainsi, chez l'Huître, le sang extrait du cœur reste fluide. § lli. — En résumé, nous voyons donc que la coagulabilité Résumé, du sang est due à la présence de la fibrine, matière qui, sous l'influence de la vie, se présente sous la forme Huide , mais qui, abandonnée à elle-même, devient insoluble dans leau et se et de s'y coaguler lorsqu'on vient à tanément à la manière du plasma, ajouter à celle combinaison chimique acquiert celle propriété lorsqu'on y une certaine quantité d'eau (Essai sur l'ail digérer de la fibrine oblenue par l'application de la chimie à l'étude le lavage d'un caillot, ou même de pathologique du sang, in-8, 1838, la chair musculaire. L'auteur arguë p. T2, ; mais il ne faut pas confondre de cette observation pour attribuer au ce phénomène avec celui de la coagu- caillot et aux tissus organiques en gé- lalion spontanée de la fibrine plas- néral une influence coagulante sur les mique, car, dans ce dernier cas, on liquides aibumineux, influence qu'il n'aperçoil aucun indice de décomposi- rapporterait à la classe des phénomènes tion chimique. de métabolisme. Or, dans le cas où le Une observa lion très singulière, faite résultai annoncé par ÎV1. Buchanan ne il y a quelques années par un médecin serait pas inexact, ne pourrait-on pas de Glasgow, M. Buchanan, mais qui a penser que le sérum de l'hydrocèle a été interprétée d'une manière très dissous de la fibrine et s'est transformé différente par son auteur, trouvera de la sorte en une espèce de plasma peut-être son explication dans le fait artificiel? (Voy. On the Coagulation of annoncé par M. Denis. M. Buchanan Bloodand otiier FibriniferousFtuids, a trouvé que le liquide séreux de l'hy- in Proceedings of Glasgow Phil. 6oç., drocèle, qui n'est pas coagulable spon- 1845. ) i. 18 138 SANG. prend en une masse gélatineuse dans laquelle les globules rouges du sang se trouvent empâtés. Nous voyons aussi que cette faculté de se coaguler sponta- nément se perd par l'action de divers agents chimiques, et je dois ajouter que parfois la fibrine plasmique semble éprouver, en partie au moins , une modification analogue dans le sein même de l'organisme, car, dans certains cas de mort subite par l'effet de la foudre (1), ou d'empoisonnement par des ma- tières que les toxicologistes appellent des poisons septiques, on voit que le sang reste fluide après la mort (2). Mais, dans (1) Hunter pensait que, chez les animaux tués subitement par une commotion électrique (l'homme frappé de la foudre, par exemple), le sang perd la propriété de se coaguler spon- tanément (a) ; mais un résultat diffé- rent a été invariablement obtenu par Scudamore b). J'ai vu aussi le sang se coaguler très bien chez des oiseaux de petite taille tués par une décharge de la batterie électrique. Mais, dans certains cas, le sang est évidemment moins coagulable chez les individus foudroyés que dans les cadavres ordi- naires, et cette particularité se trou- vant liée en général à une rigidité cadavérique très considérable, je suis porté à penser qu'elle peut dépendre de la solidification d'une portion de la fibrine du sang dans les capillaires, même des muscles, plutôt qu'à la transformation de cette matière en une substance non coagulable. Chez les foudroyés, cette rigidité est parfois telle que le cadavre reste debout dans la position où était l'individu au mo- ment de la décharge électrique (c). (2) Le sang a été trouvé presque fluide dans le cadavre de quelques personnes empoisonnées par des cham- pignons, par l'acide cyanhydrique, etc. , ou asphyxiées par le gaz acide sulfhy- drique (d). Ainsi J. Davy a souvent trouvé le sang liquide dans le cadavre d'individus asphyxiés, et s'est assuré que cet état ne dépendait pas d'un état de putréfaction (e). Les pathologistes ont enregistré plu- sieurs exemples de sang non coagu- lable. Ainsi Senac parle d'un de ses malades, un homme de trente-cinq ans, qu'il fit saigner, et dont « le sang ne se figea point (/). » Hewson rap- porte l'observation d'une femme en couche dont le sang était également incoagulable (g). On trouve des ob- (a) Hunter, Traité sur le sang (Op. cit., p. 137). (b) Essay on Blood, 1824, p. 536. (c) Voyez Boudin, Sur les victimes de la foudre {Comptes rendus de l'Acad. des scienc., 1854, t. XXXIX, p. 783,. (d) Orfila, Traité des poisons, 1827, t. II, p. IÏ7, 482. (e) Traité du cœur, t. II, p. 129. (/") Hewson's Works, p. 60. (g) 3. Davy, Researches, t. II, p. 192. COAGULATION. 139 les circonstances ordinaires, rien de semblable n'arrive, et la fluidité du sang se trouve liée à l'activité vitale , soit de l'ensemble de l'économie, soit des parties avec lesquelles servations analogues dans les Notes ajoutées à la nouvelle édilion des Œu- vres de Hewson par M. Gulliver, et dans beaucoup d'ouvrages de méde- cine. Nous reviendrons sur ce sujet dans une des prochaines leçons. Amussat a cru remarquer que, par l'effet de l'éthérisation , le sang de- vient souvent moins coagulable que dans l'étal normal (a). Hunter pensait que le. sang est coagulé dans les vais- seaux des animaux hibernanls pendant qu'ils sont en léthargie, et se liqué- fierait à leur réveil \b) ; mais les obser- vations de Saissy montrent qu'il n'en est rien, et que le sang, quoique dans un état de stagnation apparente, reste liquide chez les Marmottes, les Héris- sons, etc., au plus profond de leur léthargie (c). Ce fait a été vu égale- ment par M. Alarshall-llall (d). On attribue aussi au défaut de coa- gulabilité du sang l'impossibilité où l'on s'est trouvé quelquefois d'arrêter l'écoulement de ce liquide, soit par des plaies très petites, telles que des pi- qûres de sangsues, soit à travers le tissu des membranes muqueuses. Ainsi, dans un cas de ce genre observé par M. Tardieu, le sang ne s'est pas coagulé par six heures de repos et paraissait dépourvu de fibrine (e). Les patholo- gistes désignent cet état morbide sous le nom de diathèse hémorrhagique, ou hémorrhagie constitutionnelle, et il en est fait mention dans les écrits d'un médecin arabe Alsaharave ou Albucasis, qui vivait probablement dans le xi Ie siècle (f). Des exemples très remarquables de cette disposition à l'hémorrhagie ont parfois été observés chez divers membres d'une même fa- mille. Ainsi un médecin américain, Hughes, cite une famille où, pendant quatre ou cinq générations, tous les in- dividus mâles étaient sujets à des acci- dents de ce genre ; les plus petites inci- sions donnaient lieu à un écoulement de sang qu'on ne pouvait pas toujours tarir, et plusieurs de ces personnes en sont mortes (g). M. Dubois, de Neu- chatel, a publié des observations ana- logues : dans une famille du nom de Gambe, trois enfants sont morts ainsi d'hémorrhagie, l'un par l'application de ventouses scarifiées au genou, un second pour s'être entamé la peau de la tempe en se heurtant à l'angle d'une table, et le troisième à la suite d'une application de deux sangsues à l'é- paule (h). Beaucoup d'autres faits du même ordre ont été recueillis, principale- ment en Allemagne, en Amérique et (a) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1847, t. XXIV, p. 284. (6) Hunier, Traité sur te sang, t. III, p. 48. (c) Rech. sur les anim. mammifères hibernants, p. 4G. (d) Marshall-Hall, On Hybemation (Philos Trans., 1832, p. 354). (e) Archives générales de médecine, 1841, 3'séiie, t. XI. (f) Liber theoricœ nec non praclicœ Alsuharavil e manusc. Arab. lat. versus a P. Ricio, 1519, fol. cxiv, cliap. XV. {g) HuçtIips, Case of Hereditary Hemonmagic Tendency (American Journal of the Médical Science, 1842, vol XI, p. 542) (h) Dubois, Observ. remarquable d'hémorrhaphilie (Gazette médicale, 1838, p. 43). 140 SANG. — COAGULATION. ce liquide est en contact, soit des organites qu'il charrie avec lui (1). en Angleterre, depuis un quart de. siècle, ei Ton connaît aujourd'hui plus de cent exemples de familles où cette disposition était héréditaire. ainsi qu'un grand nombre de cas isolés. P air plus de détails à ce sujet, je renverrai aux publications faites par Bradley, Rush et Otio, Pvasse et Krimmer, Schlei- mann, Grandidier, Sanson, Osborne, M. Lebert , M. Dequevauviller , M. Burnes, M. Woliï, M. Wachs- nîuth, Lange, M Bordmann, etc. (a). (1) La manière dont Hunter com- prenait la vitalité du sang est très dif- férente de la théorie présentée ici. En effet, ce physiologiste pensait que la fibrine (ou lymphe coagnlabîe, comme il l'appelait) est elle-même une matière vivante, et que sa coagulation sponta- née est un phénomène d'organisation commençante, comme celui du dépôt de la matière plastique dans la cicatri- sation des plaies par première inten- tion et les inflammations aclhésives en général b . Dans l'opinion professée ici, la fibrine ne serait pas elle-même une partie vivante, mais une matière dont la fluidité est déterminée par l'in- fluence vitale , comme on conçoit qu'elle pourrait l'être par une tempé- rature délerminée ou par toute autre cause physique; et sa coagulation spon- tanée, loin d'être un phénomène vital, serait au contraire la conséquence de sa soustraction a cette influence, exer- cée soit par les globules, soit par les parois des vaisseaux ou par l'ensemble des parties organisées et vivantes de l'économie animale. Il est probable que ce changement d'état de la fibrine tient à quelque phénomène chimique encore inaperçu ; mais ce qui déter- mine ce phénomène, ce semble être la cessation de l'influence de la vie. (a) Bradley Rush et Oflo, Médical Repository. Nrw-York, 1803, t. VI, p. f. Nasse el Krimmer, Arch fur medicinische Erfah.rungen, von Horn, '1820, p. 385. Schkimaun , De dispositiouc ad liemorrhagias pernteiosas heredituria. Wiroeburgii , in-8, 1831. Grandidier, De dispos ad hemorrhag. lethal. hœrcdit. Diss. inang. Caselii, 1832. Sanson, Des he morrhagi.es traumatiques, tir se de concours, t'aris, 1836 p. 16 Osborne, Dublin Journal of Médical Sciences, 1835, t. V, n° 19, et Arch. gén. de méd.t 2" série, t. VIII, p. 387. Lebert, Recherches sur les causes, les symptômes et le traitement des hémorrhagies constitua tiounelles (Archives générales de médecine, 1837, 2" serin, t. XV, p. 313). De luevanviller, De lu disposition aux hémorrhagies, lh.se. Paris, 1844. Wolff, De la âiathèse hémorrhugique héréditaire, llièse. Strasbourg, 1844. Burnes, Hemorrhagic Diatli- sis (Lancet, 1840-41, vol. I, p. 404), Wachsmutli, Die HluterkrankH il, 1819. Lange, Stattstische Untersuchuug ùber Blutkrankheit, 1850 Bordmann, De l'hémophilie, ou de ta diathèse hémorrhagique congénitale, thèse. Strasbourg, 1851. (6) Voyez Hunier, Traité sur lesa:ij, l'inflammation et les plaies d'armes à feu (Œuvres, t. III). QUATRIÈME LEÇON. Composition chimique du sang-. — Notions historiques. — Classification des matières constitutives. — Eau. — Principes albuminoïdes. — Matières grasses. — Matières sucrées. — Matières salines. — Matières de passage dans le sang. § t. — Les applications utiles de la chimie aux études Historique physiologiques datent d'une époque si récente, qu'il ne me la question, faudra pas remonter au delà d'un petit nombre d'années pour rencontrer les premières indications fournies par cette science au sujet de la composition du sang. Les alchimistes s'en étaient heaucoup occupés; mais il serait oiseux pour nous d'examiner leurs travaux. Les premières expériences sur lesquelles j'appellerai ici l'attention nous apprirent seulement que le sérum contient en dissolution une matière qui se coagule par l'action de la chaleur et de certains acides : c'est la substance qui donne au blanc d'œuf ses propriétés les plus remarquables, et qui est connue de nos jours sous le nom d'albumine. L'illustre Harvey constata ce fait vers le milieu du xvue siècle (1), et un de ses succes- seurs, Willis, en donna une démonstration plus complète (2). A la même époque, ainsi que je l'ai déjà dit, Malpighi (a) sépara du sang coagulé la matière rouge dont la couleur de ce liquide dépend, et une autre substance, la fibrine, que Ruysch isola plus tard à l'aide du battage, procédé dont les chimistes se servent encore aujourd'hui (4). J'ajouterai aussi qu'un con- ' (1) Ilarvey, De générât, anim. (3) En 1666, voyez ci - dessus , 1651, exercii. lu {Opéra omnia , p. 1 L5- p. Z|06). {h) Ruysch, Thésaurus anatomicUs (2) Willis, Defebribus, 1659, ch. I, septimus, 1707, p. Il9. p. 13 et suiv. \liï SANG. temporain de Ruysch, Guglielmini, dont le nom a déjà été pro- noncé ici , constata l'existence de sels cristallisables dans le sang (1), et qu'un demi-siècle plus tard, Menghini, Badia et quelques autres expérimentateurs y démontrèrent la présence d'une certaine quantité de fer (2). Vers 1773, l'étude du sang fit un pas de plus : on savait déjà vaguement par les expériences de Boyle, de Haen et de quel- ques autres physiologistes, que ce liquide contient des matières terreuses et les laisse sous la forme de cendres lorsqu'on le calcine. Or, Rouelle, professeur au Jardin des plantes médici- nales (établissement qui porte aujourd'hui le nom de Muséum d'histoire naturelle de Paris), fit voir alors que l'une de ces matières inorganiques qui résiste à l'action du feu n'est autre chose que de Y alcali minéral, c'est-à-dire de la soude (3). Un autre chimiste de Paris, Bucquet, fit en même temps une étude comparative des diverses matières animales contenues soit dans le sérum, soit dans le caillot, et Macquer eut le mérite de réunir tous ces résultats épars et de les coordonner de façon à donner (1) D. Guglielmini, professeur à sang contient du fer, mais que la pro- l'université de Bologne, publia en portion de ce corps y augmente lors 1701, à Venise, une dissertation inti- de l'administration des médicaments tulée De sanguinis natura et consti- ferrugineux (a). Vers la même époque, tutione, et chercha à prouver que le Badia publia des observations sur le sang contient une matière combustible même sujet (6). L'existence du fer qu'il désigne sous le nom de soufre, dans les cendres provenant de la corn- et que c'est par la décomposition de buslion du corps des animaux avait cette matière que cette humeur four- été constatée précédemment par Ga- nit dans les organes sécrétoires tantôt leati (c). un liquide acide, tantôt un liquide (o) Rouelle, Exp. sur le sel qu'on alcalin. (Opéra, t. II, sect. l\h.) trouve dans le sang (Journ. deméd., (2) Menghini, médecin de Bologne, 177;i, t. XL, p. 374). —06s. de chimie fit un grand nombre d'expériences [Op. cit., 1776, t. XLVl,p. 67). pour établir non-seulement que le (a) Menghini, De ferrearum particularum sede in sanguine (Institulo Bononiensi Commentarii, 174G, 1. IL part, n, p. 244, el part, m, p. 475). (6) Badia, Opusculi scienti/iche e filologici. Venezia, t. XVIII, p 242 (c) Calcati, De ferreis particulis qux in corporibus reperiuntur (Instit. Bonon. Comment., 174G, t. II, part, n, p. 20). CONSTITUTION CHIMIQUE. !Zl3 pour la première fois un aperçu assez net de la constitution chimique du sang (1). Jusqu'alors c'était surtout en décomposant le sang par la distillation, que les chimistes avaient cherché à connaître les matières qui concourent à le former; or, en agissant de la sorte, ils détruisaient la plupart de ces substances et en produi- saient d'autres, de façon que leurs expériences ne donnèrent que peu de résultats utiles (2). Mais à l'époque où nous sommes arrivés maintenant, on entra dans une voie nouvelle, ou plutôt on marcha d'un pas plus ferme dans celle déjà ouverte par Malpighi, Lower, Willis, Ruysch, et quelques autres physiolo- gistes dont on néglige trop souvent de citer les travaux lors- qu'on fait l'histoire chimique du sang. En effet, on s'appli- qua alors non pas à détruire, mais à séparer seulement les (1) Voyez l'article Sang dans la 2e édition du Dictionnaire de chimie de Macquer, t. II, p. 3/jl. Paris, 1778. C'est dans cet article que furent publiées les recherches de Bccqcet. Ce dernier naquit à Paris, en 17&6. H rendit des services réels à la physio- logie. Mais c'est à tort que quelques chimistes lui attribuent la découverte de la fibrine ; l'expérience de la sépa- ration du caillot en fibrine et en ma- tière colorante au moyen du lavage avait été faite plus d'un siècle avant par Malpighi , et, comme je viens de le rappeler, en 1707, Ruysch avait ex- trait cette substance du sang liquide à l'aide du battage. Bucquet mourut en 1780. (2) Voyez, par exemple, les recher- ches de Homberg sur le sang, insé- rées dans les Mémoires de l'Académie des sciences, pour 1712. Les premières expériences de ce genre paraissent avoir été faites par Juncken, médecin à Francfort (Chimia experimentalis curiosa, 1681, p. 75). 11 est singulier de voir combien les anciens chimistes se contentaient facilement d'explications vagues et de ressemblances grossières dans leurs études physiologiques. Comme exem- ple de cette disposition et de l'obscu- rité qui devait en résulter dans leurs écrits, je citerai le chapitre du Cours de chimie de Lemery, où celui-ci expose ses idées relativement au sang et à la nutrition. C'est à propos du magistère de soufre (ou sulfuie de potassium) qu'il en parle, et c'est par la ressemblance des phénomènes offerts par cette substance avec ceux de la sanguification qu'on peut, dit-il, se former une idée de cette opération physiologique (Op. c«'£.,p. 527, 11e édi- tion, Paris, 1780). Le contraste entre les idées dont Lemery se contente et celles exposées avec tant de netteté, trois ans avant, par Lavoisier, est frappant. iJik SANG. matériaux constitutifs de cette humeur et à les étudier isolément; pour cela on substitua à l'aclion du feu celle des réactifs, tels que l'eau, l'alcool, les acides, ou les alcalis, à l'aide desquels on parvient à dissoudre telle ou telle matière sans toucher aux autres (1). Cette direction nouvelle conduisit bientôt à des résultats importants , et, grâce aux travaux de Berzelius, qui datent des premières années du siècle actuel, on put se former une idée assez juste des principaux matériaux qui entrent dans la com- position du sang (2) . § 2. — Les connaissances acquises de la sorte auraient été cependant insuffisantes pour la physiologie, si en même temps les chimistes n'avaient jeté de nouvelles lumières sur la nature intime ou composition élémentaire de toutes ces matières dont le rôle est si important dans l'économie animale. Quelques expériences de Priestley (3) et de Berthollet (4) nous avaient appris que les matières animales, telles que la fibrine ou l'albumine, diffèrent des substances végétales, du (1) Ce changement de direction dans voyage en Angleterre, et publia, à la les éludes de chimie physiologique a demande de .Marcet un Mémoire très été très hien indiqué par Fourcroy dans étendu sur cette partie de la chimie ses Éléments d'histoire naturelle et animale, dans le troisième volume des dechimie (Paris, 1786, t. IV, p. olZi). Transactions de la Société médico- L'article sur le sang, qu'il publia en chirurgicale de Londres (1 8 1 2). 1800 dans son grand ouvrage intitulé Ce grand chimiste naquit en 1779, Système des connaissances chimiques à Westerlôs:i, dans la province d'Ostro- (t. IX, p. 125 à 167), marque un golhie, et mourut en 1848. grand progrès depuis l'époque de (3) Les expériences de Priestley sur Macquer : c'est clair et riche de faits. la production de l'air phlogisliqué par (2) Les travaux de Bkrzelius sur l'action de l'acide nitrique sur les le sang et les autres liquides de l'éco- substances animales furent publiées nomie animale parurent d'abord dans en 1775 {Exper. on Air, etc., t. II, un ouvrage en langue suédoise intitulé p. 1Z|5). Forelasningar i Djurkemien (Stockh., \(i) Berthollet, Recherches sur la 1808, 2 vol.), mais demeurèrent igno- nature des substances animales (Mè- res de la plupart des physiologistes moires de l'Académie des sciences, et des chimistes, jusqu'au moment 177U. —Suite, loc. cit., 1785, p. 331). où cet expérimentateur habile fit un CONSTITUTION CHIMIQUE . 1^5 sucre ou du bois, par exemple , en ce qu'elles contiennent un élément qui ne se voit pas dans ces derniers , savoir de X azote; du mouffet , pour me servir du langage de Berthollet, ou de l'air phlogïstiqué , suivant la vieille nomenclature encore em- ployée par Priestlcy. Mais c'est à Lavoisier que l'on doit les premiers essais judicieux d'analyse élémentaire des matières organiques. Ce grand chimiste comprit que pour se rendre compte des molé- cules simples qui en sont pour ainsi dire les matériaux pri- mitifs , il fallait sinon isoler ces éléments , du moins les réduire à un petit nombre de composés dont la constitution serait bien connue et dont le dosage serait facile. Pour y arriver, il les fit brûler dans des cloches remplies d'oxy- gène , de façon à transformer , d'une part , leur carbone en acide carbonique, et, d'autre part, leur hydrogène et leur oxygène en eau ; puis il calcula la proportion de ces éléments d'après le poids des produits obtenus (1). Le principe sur lequel cette analyse repose est celui employé de nos jours, mais le procédé à l'aide duquel on l'exécute a changé. Si j'avais à faire ici l'histoire des progrès de la chimie organique, il me faudrait dire comment cette méthode a été modifiée et rendue applicable à la solution des questions dont nous nous occupons ici par deux des anciens professeurs les plus aimés de cette école , Gay-Lussac et M. Thenard (2) -, comment elle a été ensuite améliorée par Berzelius (3) et par beaucoup d'autres (1) Lavoisier, Mémoire sur la com- chimistes consiste à fournir de l'oxy- binaison du principe oxygine (sic) gène aux corps combustibles au moyen avec l'esprit-de-vin, l'huile et diffé- du chlorate de potasse qui se décom- rents corps combustibles (Mém. de pose facilement sous l'influence de la VAcad. des se, 178/4, p. 593). chaleur. (2) Gay-Lussac et Thenard', M éthode (3) Par la combustion lente à l'aide pour déterminer la proportion des de l'oxygène fourni par le peroxyde principes que contiennent les sub- de plomb. (Voy. Berzelius, Traité de stances animales et végétales [Recher- chimie, trad. par Esslinger , 1831, ches physico -chimiques, 1811, t. II, t.V, p. 27.) p. 265). La mélhode inventée par ces i. 19 146 SANG. expérimentateurs habiles ; mais ce serait m'éloigner du sujet de ces leçons, et je me bornerai à ajouter que le perfectionnement le plus grand apporté à l'analyse élémentaire des matières organiques consiste dans l'emploi de l'oxyde de cuivre, pour opérer la combustion des substances que Lavoisier brûlait à l'aide de l'oxygène gazeux , et que ce perfectionnement est dû à Gay-Lussac (1). Depuis lors les deux genres d'investigation que je viens de caractériser ont été poursuivis par un grand nombre d'expéri- mentateurs : les uns se sont appliqués à séparer les divers prin- cipes immédiats qui coexistent dans le sang, et à en déterminer la quantité relative soit dans l'état de santé, soit dans l'état de maladie ; les autres ont étudié les propriétés et la composition élé- mentaire de ces diverses matières. Les travaux relatifs à l'histoire chimique du sang, faits depuis le commencement de ce siècle, sont trop nombreux pour que je puisse en présenter ici rémunéra- tion, et je me bornerai à ajouter que c'est principalement dans les écrits de Berzelius (2) , de MM. Prévost et Dumas (3), (1) Gay-Lussac, Becherches sur et M. Dumas, après avoir publié les l'acide prussique {Ann. de chimie, recherches sur les Globules du sang 1815, t. XGV, p. 156). dont il a été question dans la deuxième (2) Le travail fondamental de Ber- leçon (p. Z|5), donnèrent un second zelius sur ce sujet date, comme nous Mémoire relatif à l'examen du sang et l'avons déjà dit, de 1808 (a), mais de- y consignèrent les résultats de nom- meura presque ignoré jusqu'en 1812 , breuses expériences sur la constitution époque de la publication d'un Mé- chimique de ce liquide chez l'homme moire sur le même sujet, en langue et divers animaux. Enfin dans un troi- anglaise (b). En 18lZt, M. de la sième Mémoire, ils firent connaître Uive, de Genève, donna une traduc- leurs découvertes relatives à l'exis- tion française de ce Mémoire , et les tence de l'urée dans le sang et au rôle fait.; qui s'y trouvent consignés ont été de cette humeur dans les sécrétions, reproduits dans le Traité de chimie Ces derniers travaux parurent d'abord de Berzelius, dont une édition fut ti a- dans la Bibliothèque universelle de duite en français, en 1831, et une Genève, et se trouvent reproduits dans autre en 1839. les Annales de chimie et de phxjsique (3) En 1821, Prévost, de Genève, (1823, t. XXIII, p. 50 et p. 90). («) Berzelius, Foerelaesninger iDjwkemien. "1 vol., Stockh., 4 808. (b) General Views oflhe Composition of Animal Flukls (Med. Chir. Trans., vol. III). CONSTITUTION CHIMIQUE. Mil de M. Chevreul (1), de M. Lecanu (2), de M. Mulder (3), de M. Nasse (4), de M. Denis (5), de Fr. Simon (6) et de (1) En 1826, M. Chevreul publia les résultats de ces expériences sur les matières grasses du sang et sur la composition du sérum dans certains états pathologiques. En 1827, il donna aussi sur l'histoire chimique de ce li- quide un article général. Voyez Mém. sur plusieurs points de chimie orga- nique et considérations sur la nature du sang (Journal de physiologie, de Magendie, 1824, t. IV, p. 119), et l'article Sang du Dictionnaire des sciences naturelles, 1827, t. XLV1I, p. 187. (2) M. Lecanu, professeur à l'École de pharmacie de Paris, a publié plu- sieurs Mémoires sur ce sujet. Son principal travail est sa thèse inaugu- rale soutenue à la Faculté de médecine en 1837, et intitulée : Études chimi- ques sur le sang humain. (3) M. Mulder, professeur de chi-- mie à Utrecht, s'est principalement occupé de l'étude des matières albu- minoïdes du sang ; ses publications à ce sujet sont très nombreuses et se trouvent disséminées dans divers re- cueils hollandais et allemands ; mais il en a donné le résumé dans son ou- vrage sur la chimie physiologique (a), (h) Le professeur Nasse, de Mar- bourg, après avoir publié une série d'analyses du sang de divers animaux domestiques (6) et des recherches sur plusieurs autres points d'hématolo- gie (c) , a résumé les résultats de ses propres travaux et de ceux de ses contemporains dans un article très étendu inséré dans le Dictionnaire de physiologie publié par M. Wagner (d). (5) M. Denis, médecin à Commercy, a fait des expériences intéressantes sui- tes propriétés chimiques de la fibrine du sang et sur les modifications que ce fluide peut éprouver dans sa com- position. Son dernier ouvrage sur ce sujet vient de paraître au moment où cette feuille allait passer sous la presse (e). (6) Franz Simon, né à Francfort- sur-1'Oder, en 1807, s'occupa d'abord de pharmacie et de toxicologie ; il dé- buta clans la chimie physiologique par un travail sur le lait de la femme (en 1838), et fit paraître bientôt après plu- sieurs Mémoires importants , ainsi (a) Miiller, The Chemistry of Vegetable and Animal Physiology, translate*! by Fromberg, with Notes by Johnston. In-8, 1849. {b) Nasse, Ueber das Blut der Hausthiere (Journ. fur praktische Chemie , von Erdmann und Marchand, 1843, t. XXVIII, p. 146). (c) Das Blut in mehrfacher Beziehung physiologiscti und pathologisch Untersucht. In-8, Bonn, 1830. (On trouve à la fin de cet ouvrage des indications bibliographiques très nombreuses relatives à l'hématologie.) (d) Handworterbuch der Physiologie, von Paid. Wagner. Brunswick, 1842, t. I, p. 75 à 220. (e) Denis, Recherches expérimentales sur le sang humain considéré à l'état sain. 1 vol. in-8, Paris, 1830. — Essai de l'application de la chimie à l'étude physiologique du sang de l'homme et à l'étude physiologico-palhologique, hygiénique et thérapeutique des maladies de cette humeur. 1 vol in-S, Paris, 1838. — Etudes chimiques, physiologiques et médicales sur les matières albumino'ides. 1 vol. in-8, 1842. — Nouvelles études chimiques , physiologiques et médicales sur les substances albuminoïdes. 1 vol. in-8, 1856. l/j8 SANG. M. Lehmann (1), que je puiserai les faits dont je vais vous entretenir. Les recherches récentes des pathologistes de la France et de l'Allemagne sur la constitution du sang dans les maladies me fourniront aussi des résultats importants pour la physiologie. Mais, en abordant cette étude, je ne dois pas vous dissimuler l'imperfection extrême de nos con- naissances à ce sujet, et l'impuissance réelle où se trouve la chimie de faire dans l'état actuel de la science une analyse rigoureuse du sang, faute de moyens propres à séparer entre elles les nombreuses matières qui s'y trouvent réunies, sans en changer la nature. Les résultats obtenus ont certes une grande importance, mais ce serait s'en former une idée fausse que d'y attribuer un caractère de précision qui est incompatible avec la nature des choses. Nature §3- — L'ensemble de ces recherches nous a appris que des(luTisa^aux le sang se compose essentiellement d'eau tenant en dissolution ou en suspension des matières très variées, mais qui se rappor- tent toutes à quatre classes de corps, savoir : 1° Des principes immédiats azotés que les chimistes eon- qu'un traité général de chimie animale gischen Chênaie und Mikroscopie, in fort riche en observations originales ihrer anwendung auf die praktische et renfermant un chapitre étendu sur Medizin (1vol. in-8, Berlin, :18Zi/j), l'histoire du sang. Cet ouvrage, inti- dont la publication a été interrompue tulé Physiologische und Pathologis- par sa mort. che Anthropochemie mit Berucksich- (1) Le professeur Lehmann , de tigung der eigentlichen Zoochemia Leipzig, a publié récemment un ou- (Berlin, 18/i2), a été traduit en anglais vrage très important sur la chimie par les soins de la Société Sydenha- physiologique, dans lequel il rend mienne (a). On doit aussi à Simon un compte de ses recherches sur le sang recueil périodique intitulé : Beitrage et expose l'état actuel de l'hémato- zur physiologischen und patholo- logie (6). (a) Animal Chemistry with référence to the Physiology and the Pathology ofMan, by Fr. Simon, iranslaled by G. Day and L. Canteb. 2 vol. in-8, 1845. (6) Lebmann, Lehrbuch der physiologischen Chemie. Zweite Aufiagc, 1853, Bd. II, p. 125 à 244. Un petit abrégé de ce Manuel vient d'être traduit en français sous le titre de Précis de chimie phy- siologique animale (in-18, 1855). Enfin, une traduction anglaise par M. Day ;\ été publiée par les soins do la Société Cavendish de Londres. 3 vol. in-8, 1852 à 1854. COMPOSITION CHIMIQUE. 149 naissent aujourd'hui sous le nom de matières albuminoïdes ou protéiques; 2° Des principes immédiats neutres hydrocarbonés, de la subdivision des corps gras; 3° Des matières sucrées ; li° Des matières salines. Sous ce rapport, le sang ressemble aux autres fluides que la nature élabore pour servir à la nutrition des animaux. En effet, le lait, qui est pour ainsi dire le type de l'aliment naturel, se compose d'eau, d'une matière albuminoïde (la caséine), de graisse (le beurre), d'une matière sucrée (la lactine), et de matières salines. Enfin, le jaune de l'œuf qui est destiné à fournir les premiers matériaux constitutifs de l'embryon, est aussi un mélange de matières albuminoïdes , de matières grasses, de sels inorganiques et d'eau. La composition chi- mique du sang est par conséquent en harmonie complète avec le rôle physiologique de cet agent. § k. — L'eau constitue la plus grande partie de la masse Eau. du sang; et il est important de noter qu'une portion de cette substance entre dans la composition des globules, tandis que l'autre portion, chargée de fibrine et des principes propres au sérum, forme le plasma. Ç 5. — Ce sont les matières albuminoïdes qui donnent au sang Matières 1 albuminoïdej. la plupart de ses propriétés les plus remarquables , et on les appelle souvent des matières plastiques, parce que ce sont elles surtout qui sont susceptibles de s'organiser et de constituer les parties vivantes de l'économie. La fibrine, que nous avons vue jouer un rôle si important dans la coagulation du sang, appar- tient à ce groupe. Il en est de même de l'albumine, dont nous avons également signalé la présence dans le plasma, et de la matière rouge qui donne aux globules sanguins leur couleur caractéristique. Ces divers principes se ressemblent beaucoup entre eux et 150 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. sont composés essentiellement d'azote, de carbone, d'hydro- gène et d'oxygène unis à peu près dans les mêmes proportions. Ils sont si peu stables, qu'abandonnés à eux-mêmes sous l'in- fluence de l'air humide et d'une température douce, leurs élé- ments se dissocient ; ils se putréfient, et, par l'effet d'une sorte de combustion lente, ils se transforment en produits dont la constitution moléculaire est plus simple que la leur, savoir : de l'eau, de l'acide carbonique et de l'ammoniaque, par exemple. Cette instabilité est d'ailleurs une conséquence néces- saire de leur mode de constitution. La chimie nous apprend que les corps s'unissent entre eux, toutes choses égales d'ail- leurs, avec d'autant plus de force que leurs relations atomiques sont plus simples. Or dans chaque molécule d'un principe albuminoïde il entre comme matériaux constitutifs un nombre très considérable de molécules élémentaires. Ainsi, tandis que la composition de l'eau se représente par la formule HO, c'est- à-dire une molécule d'hydrogène unie à une molécule d'oxygène, celle de l'acide carbonique par CO2, et celle de l'ammoniaque par AzH3, la composition d'un atome ou équivalent de matière albuminoïde paraît correspondre à C40H30Az10O12 (l). (1) Dans toutes les analyses qu'on dans lesquelles on pourra déterminer a faites de cette matière, on a trouvé, le nombre atomique correspondant à pour 100 de protéine réputée pure, un équivalent de cette substance, environ 55 de carbone, de 15 à 16 Dans ses premiers travaux, M. Mulder d'azote , environ 7 d'bydrogène et adopte la formule Ci0H31Az5O12 (a) ; environ 22 d'oxygène. Mais la ma- mais, par suite d'une rectification nière d'interpréter ces résultats et dans le poids atomique du carbone de représenter la protéine par une et d'un changement dans la manière formule varie suivant l'idée qu'on se de considérer l'équivalent d'azote, forme de ce composé, et sera néces- il y substitua ensuite la formule sairement très arbitraire jusqu'à ce Ci0H30Az,0O12 (6). M. Dumas a adopté qu'on ait trouvé quelques combinai- celte dernière formule (sauf le change- sons bien définies et cristallisables, ment dépendant d'un dédoublement (a) Mulder, Sur la composition de quelques substances animales (Bulletin des sciences phy- siques et naturelles en Nécrlande, 1838, p. 104). (b) Mulder, Ghemistry of Animal and Vegetable Physiology, p. 294. composition; matières albuminoïdes. 151 L'histoire chimique des substances albuminoïdes est encore très obscure ; mais, d'après l'ensemble des faits connus, il semble y avoir lieu de penser que ces corps dérivent tous d'un même principe organique, lequel, combiné ave*1 quelques autres sub- stances inertes, telles que de l'eau, de la soude ou des sels en proportions très minimes, revêtirait des caractères varies et constituerait les matières que l'on distingue depuis longtemps sous les noms de fibrine, d'albumine, de caséine, etc. Un habile chimiste hollandais, M. Mulder, pense même avoir isolé et obtenu à l'état de pureté cette substance fondamentale de tous les principes albuminoïdes , et il lui a donné le nom de protéine (1). M. Liebig et ses disciples, il est vrai, sont d'avis Prolcine. dans l'équivalent du carbone qui la fait écrire C80H30Az(0O12), mais il fait remarquer qu'on pourrait également bien représenter la composition cen- tésimale de cette substance par C96H60Az12O12, ce qui la rendrait com- parable à quelques autres principes immédiats (a). M. Scherer pense que ces évaluations sont trop élevées en carbone et en azote, et d'après ses analyses, il serait préférable d'écrire C48H72Azi20i4 (fy Enfin5 M# piegnauit adopte pour cette substance la for- mule C36H25Az4010 (c). Mais les physio- logistes qui, au premier abord, pour- raient s'étonner de différences en apparence si grandes, ne doivent pas oublier qu'elles dépendent en majeure partie de la manière dont les chimistes évaluent le poids atomique du carbone et de l'azote, de sorte que dans le système symbolique des uns Az2" cor- respond à la même quantité pondé- rale que Az dans le système des autres ; et que C80 dans l'ouvrage de M. Du- mas est en réalité la même chose que C40 dans ceux de M. Mulder. Ces explications paraîtront superflues aux personnes qui sont au courant des travaux chimiques récents, mais ne seront peut-être pas inutiles à quelques naturalistes. (1) Depuis fort longtemps, on avait remarqué la grande analogie qui existe entre l'albumine, la fibrine, etc. Quel- ques chimistes les considéraient même comme étant identiques, tandis que d'autres les regardaient comme for- mant une famille naturelle de produits dont la composition élémentaire varie- rait dans des limites étroites. La théo- rie proposée par M. Mulder, et qui consiste à admettre, non l'identité de ces matières ni la dégradation dans la proportion de quelques-uns de leurs éléments, mais l'existence d'un prin- cipe fondamental dont les combinai- sons variées avec de petites quantités (a) Dumas, Traité de chimie, t. VII, p. 439. (b) Scherer, Chemisch-physiologische Untersuchungen {Ann. (1er Chemie und Pharm., 18-11, t. XL, p. 41). (c) Regnault, Cours élément, de chimie, 1851, t. IV, p. 111. 152 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. que ce corps ne préexiste pas dans les matières plastiques, mais résulte de l'action des alcalis employés dans sa prépa- ration ; que d'ailleurs il n'a pas été dégagé de toute sub- stance étrangère à sa constitution, et que par conséquent il ne fout pas le considérer comme un principe immédiat de l'orga- nisme ; mais, quoi qu'il en soit à cet égard, les résultats obtenus par Mulder me paraissent jeter beaucoup de lumière sur le rôle physiologique des corps albuminoïdes, et sans vouloir faire l'his- toire chimique de la protéine, je crois devoir en dire ici quel- ques mots, de substances inorganiques ou autres produiraient toute la série des matières albuminoïdes, date de 1838 {a), eta été adoptée par Berzelius, M. Dumas et beaucoup d'autres cbimistes éminents. Le nom de protéine, donné à cette substance, n'est pas destiné à rappeler la variabilité de ses produits, comme on le dit parfois, mais dérive de «pû-ro; (le premier), et indique que c'est en quelque sorte le point de dé- part de tous les principes albuminoï- des. Quelque temps après la publi- cation des vues dont je viens de parler, M. Liebig, sans s'éloigner beaucoup de ce qui est essentiel dans les idées de M. Mulder, révoqua en doule l'existence de la protéine, en déclarant que ni lui ni ses élèves n'avaient pu obtenir une telle substance exempte de soufre (6). Mais M. Mulder a repris la question et a étayé sa théorie de beaucoup de faits et d'arguments nouveaux (c); aussi l'existence delà protéine, comme fond, ou comme pro- duit commun de toutes les substances albuminoïdes, est-elle assez générale- ment adoptée aujourd'hui (d). Les dé- couvertes récentes de M. Wiirtz et de quelques autres expérimentateurs tendent cependant à modifier les vues théoriques des chimistes relati- vement au mode de constitution des matières protéiques et à faire consi- dérer celles-ci comme n'ayant pas pour fond commun un principe immédiat al- buminoïde, mais un groupe complexe de corps comparable à un sel double et susceptible de se dédoubler de di- verses manières (e). Nous aurons à revenir sur ces idées lorsque nous étu- dierons les transformations de la ma- tière organisée dans l'intérieur de l'é- conomie animale ; mais en ce moment il importe surtout d'appeler l'attention sur les propriétés communes et l'é- troite analogie de toutes les substan- ces albuminoïdes, et l'hypothèse de (a) Liebig, Ueber das Proteinbioxyd (Ann. der Chem. und Pharm., 1846, t. LVII, p. 4 29). Laskowsky, Ueber das Proteintheorie (Ann. der Chem. und Pharm., 1846, t. LVIII, p. 129). (b) Mulder, De vraag van Leibig, aan de Zedeligkeit en de Wetenschap gestœdst (Scheikundige Onderzoekingen, lïl, 357). — Zur Geschichte des Proteins (Joum. fur prakt. Chemie, 1847, i. XL, p. 60). — Chemislry of Vegetable and Animal Physiologie, p. 291). — Voyez aussi Berze- lius, Rapp. sur les progrès de la chimiepour 1846, p. 338. (c) Voyez Liebig, Traité de chim. org., 1844, t. III, p. 264. — Regnault, Cours élém. de chim., 1851, t. IV, p. 114. (d) Voyez Lehmann, Lehrbuch der physiologischen Chemie, 1853, t. I, p. 309. COMPOSITION : MATIÈRES ALBUMINOÏbES. 153 Lorsqu'on traite successivement de la fibrine extraite du sang parle battage, de l'albumine solide retiréedu même liquide ou puisée dans le blanc de l'œuf d'une poule, ou bien encore la matière qui est connue des chimistes sous le nom de caséine et qui abonde dans le lait; ou, en d'autres mots, lorsqu'on traite une matière albuminoïde quelconque par l'eau, puis par l'alcool et ensuite par i'éther, de façon à enlever tout ce que ces mens- trues peuvent en dissoudre (1) ; lorsque par l'action de l'acide chlorhydrique affaibli, on dépouille ensuite de certaines ma- tières terreuses (2 la substance ainsi purifiée , et qu'après l'avoir dissoute dans une solution aqueuse de potasse (3), on l'en précipite par l'acide acétique, on obtient un résidu qui est toujours le même : c'est la protéine de M. Mulder. Par l'analyse élémentaire cette substance se résout en azote, carbone, hydro- gène et azote, sans laisser une quantité appréciable de matières salines, et sa composition parait pouvoir être représentée par la formule indiquée ci-dessus. Elle est insoluble dans l'eau aussi bien que dans l'alcool et dans I'éther; mais elle est très hygrométrique et susceptible de former avec l'eau une matière de consistance gélatineuse. De même que beaucoup d'autres corps indifférents, elle semble pouvoir jouer tour à tour le rôle d'un acide ou celui d'une base, suivant la nature du réactif avec lequel elle est en présence ; et ainsi qu'on peut le prévoir par le chiffre élevé des équivalents chimiques dont se compose la formule qui représente chacun de M . .Mulder y est très propre : je Terri- lion d'un peu de phosphate de potasse ploie donc tout en faisant des réserves et de sulfure de potassium aux dépens quant à la manière de se représenter du soufre et du phosphore de l'albu- le groupement des atomes dont la réu- mine. La protéine se dissout également nion constitue le type albuminoïde. dans cette lessive, et on l'en précipite (1) Pour enlever les matières gras- en ajoutant un très faible excès d'acide ses, etc. acétique: si Ton versait trop de cet (2) Surtout du phosphate de chaux. acide, le précipité gélatineux se redis- 3^ La solution alcaline chauffée à soudrait ; on lave celui-ci pour en en- euviron 50 degrés détermine la forma- lever l'acétate de potasse. I. 20 154 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. ses atomes, elle ne s'unit ainsi qu'à une quantité pondérale de ces matières très minime comparativement à son poids. Ainsi, combinée avec une petite quantité de potasse ou de soude, la pro- téine constitue une substance albuminoïde soluble dans l'eau ; en saturant l'alcali par un acide, on la précipite de sa dissolution, et si l'on y verse un peu d'acide acétique ou d'acide chlorby- drique très affaibli, on reconstitue un composé soluble, mais si peu stable, que dans certaines circonstances il suffit d'y ajouter de l'eau pour enlever une portion de l'acide avec lequel il s'était combiné et le solidifier, ou du moins le transformer en une masse gélatineuse. La protéine entre en combinaison avec les oxydes terreux et métalliques aussi bien qu'avec les alcalis ; mais les protéates alcalins sont les seuls qui soient solubles, et leurs propriétés varient un peu suivant qu'ils sont neutres ou avec excès de base. La protéine constitue des composés neutres plus ou moins solubles avec tous les acides ; mais les produits qui naissent en présence d'un petit excès d'acide, et que l'on peut considérer comme des sels protéiques acides, sont tous insolubles, à l'ex- ception de ceux formés par l'acide acétique et par l'acide phosphorique trihydrique (1). Enfin la protéine est également susceptible de se combiner avec les sels neutres, et de constituer ainsi des composés dont quelques-uns sont solubles, mais dont, la plupart ne le sont pas. Quelques-unes de ces réactions sont caractéristiques de la famille des matières albuminoïdes : la précipitation de celles-ci (1) 11 paraîtrait, d'après les expé- tion, car elles sont alors précipitables iïences de M. Panum, que les acides ne par les sels neutres tels que le chlo- se bornent pas à entrer en combinai- rure de sodium , le phosphate de son avec les matières albuminoïdes, soude, etc. (a), mais les modifient dans leur constitu- ai Panum, Sur les substances albuminoïdes (Ann. de chimie, 1853, 3° série, t. XXXVII, p. 237). COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 155 par le cyanoferrure de potassium, par exemple(l); et j'insiste sur le fait général de l'affinité de la protéine pour les sels neu- tres, parce qu'il paraît jouer un rôle considérable dans divers phénomènes physiologiques (2). Il est aussi à noter qu'en présence d'agents énergiques, tels que le chlore, les alcalis concentrés ou les acides puissants, la protéine se modifie plus ou moins profondément dans sa con- stitution chimique , et donne naissance à des corps très variés sur l'histoire desquels nous n'avons pas à nous arrêter ici (3). Ajoutons encore que la protéine s'empare facilement d'une certaine quantité d'oxygène, et forme alors plusieurs matières albuminoïdes plus ou moins brûlées dont les unes sont solubles dans l'eau et les autres insolubles dans ce liquide. L'albumine et la fibrine qui se montrent dans le sang parais- sent être formées principalement de protéine, mais on y dé- couvre aussi des éléments qui d'ordinaire n'entrent pas dans la (1) La protéine est également préci- l'économie n'est due qu'à leur combi- pitée de ses solutions acides par le naison avec du chlorure de sodium, du cyanoferride de potassium, par le tan- phosphate de soude ou quelque autre nin, etc. Elle forme aussi avec le ni- composé salin (a); mais cette hypo- chlorure de mercure un composé in- thèse n'est pas compatible avec les ré- soluble qui ne se putréfie pas comme sultats des expériences de M. Wiirtz le font les matières albuminoïdes or- dont il sera question plus loin, dinaires, et c'est sur cette réaction (3) L'acide azotique, en agissant sur qu'est fondé l'usage de ce chlorure la protéine, donne naissance à une ma- pour la conservation des préparations tière jaune, nommé acide xanthopro- anatomiques et pour l'embaumement téique, et l'on utilise quelquefois cette des cadavres, ainsi que l'emploi de réaction pour reconnaître la présence l'albumine comme contre-poison de ce des principes albuminoïdes dans les même composé mercuriel. tissus organiques. Un caractère en- (2) Les expériences récentes de core plus saillant est la coloration M. Denis ont conduit ce physiologiste rouge que prennent les dissolutions à penser que toutes les matières pro- albumineuses au contact d'un mélange téiques à l'état de pureté sont insolu- d'azotate et d'azotite de mercure. (Voy. blés , et que leur solubilité dans le se- Uegnault, Cours élém. de chimie , rum et dans les autres humeurs de t. IV, p. llli.) I (a) Denis, Nouvelles études sur Us substances albuminoïdes, in-8, 1856. 156 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. constitution des principes immédiats organiques : du soufre et du phosphore. On ne sait pas comment ces matières s'y trou- vent associées à l'azote, au carbone, à l'hydrogène et à l'oxy- gène de la protéine : la plupart des chimistes admettent que tous ces éléments entrent directement dans la constitution de la molécule de matière albuminoïde, et l'on comprendrait faci- lement que, par quelque phénomène de substitution analogue à ceux qui s'observent si souvent quand le chlore déplace de l'oxygène pour en tenir lieu dans un composé dont la forme moléculaire reste constante (1), le soufre et le phosphore pour- raient bien s'introduire ainsi dans la molécule protéique, et cela en quantité variable; mais d'autres expérimentateurs sont plus portés à croire que la protéine, sans changer de nature, s'est simplement combinée avec un composé sulfophosphoré, du sulfîmide ou du phosphimide, par exemple (2). La discus- sion de cette question serait déplacée dans ces leçons, et d'ail- leurs, dans l'état actuel delà chimie physiologique, elle ne nous serait d'aucun secours immédiat : ce qu'il nous importe surtout de connaître, c'est la proportion suivant laquelle ces éléments ainsi surajoutés aux matériaux ordinaires des principes immé- diats des êtres organisés se rencontrent dans l'albumine et dans la fibrine. C'est un point dont M. Mulder n'a pas négligé (1) Cette substitution du chlore voir être considérés comme des es- dans la composition de certains pro- pèces d'ammoniaques dans lesquelles duits protéiques a été étudiée par un des équivalents d'hydrogène serait M. Mulder (a), et nous explique com- remplacé par un équivalent de soufre ment le chlore peut agir comme désin- ou de phosphore (AzIl2S et AzH2Ph.). fectant en présence de matières organi- Si l'on considère l'ammoniaque comme ques de ce genre aptes à se putréfier. un hydrure du radical amide (Az2H4), (2) Le sulfimide et le phosphimide ces corps seraient des sulfures ou des sont des composés qui semblent pou- phosphures du même radical (6). (a) Mulder, Ueber die Eimvirkung des Chlors auf das Protein und das Hâmaïui (Journ. fur prakt. Chemie, 1839, t. XVIII, p. 126). (6)VoyezFresenius, Ueber das Proteïnvon Mulder (Journ. fur prakt. Chenue, 1847, t. XL, p.299). Mulder, Ueber Protein (Journ. fur prakt. Chemie, 1848, t. XLIV, p. 4s8). Regnault, Cours élément, de chimie, 1851, t. IV, p. 114. composition; matières albuminoïdes. 157 l'étude, et, d'après ses expériences, il y aurait dans la fibrine un équivalent de soufre et un de phosphore pour dix équivalents de protéine, et dans l'albumine du sang deux équivalents de soufre pour la même proportion de phosphore et de pro- téine (1). § 6. — La fibrine, telle qu'on l'extrait du sang par le battage Fibrine. au moment de sa coagulation spontanée, renferme des matières é Iran gères, des corps gras, par exemple; elle contient aussi, emprisonnée dans sa substance, une quantité considérable d'eau, et se présente sous la forme de filaments irréguliers ou de grumeaux d'un blanc grisâtre et d'une élasticité remarquable ; mais toutes ses propriétés physiques dépendent de l'eau interposée, et par la dessiccation elle se transforme en une matière dure, cassante et jaunâtre, qui est hygrométrique, et qui, plongée dans l'eau, se ramollit de nouveau, se gonfle et (1) M. Mulder a trouvé que 10 000 renfermer A00 atomes de carbone, etc. parties en poids de fibrine de sang Dans l'hypothèse de la constitution de de bœuf donnent 33 de phosphore ces matières par la combinaison de la et 36 de soufre. L'albumine du sérum protéine avec un produit sulfo-phos- lui fournit la même quantité de phos- phoré, cette difficulté disparaît, car on phore, mais ~ro de soufre (a). L'exis- comprendrait facilement qu'un équi- tence d'une quantité si minime de valent de cette dernière substance se phosphore et de soufre, comparati- trouvât uni à plusieurs équivalents de vement à la quantité de carbone et protéine. Le dosage du soufre dans des autres éléments constitutifs de ces diverses matières protéiques a été fait matières protéiques, est un argument plus récemment dans le laboratoire de puissant contre l'hypothèse de la pré- M. Liebig, par M. Mtling (b) ; mais sence de ces deux métalloïdes comme ce chimiste ne paraît pas avoir opéré éléments de la molécule albuminoïde; sur des matières pures (c). M. Ver- car s'il en était ainsi , chaque équi- deil s'est occupé du même sujet (d). valent de fibrine ou d'albumine devrait • (a) Mulder, Op. cit. (Bulletin des se. phys. et naturelles en Néerlande, 1838, p. 108). (6) Riiling, Bestimmung des Schwefels in tien schwefel- und stickstoffhaltigen Bestandlheilen des Pflanzen- und Thierorganismus (Ann. der Chem. undPharm., 1846, t. LVIII, p. 301, etc.). (c) Voyez Berzelius, Rapport ann. sur les progrès de la chimie pour 1846, p. 343. (d) Verdeil, Schwcfelbestimmung einiger organischen Korper (Ann. der Chemie und Pharm., 1846, t. LVIII, p. 317). J58 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. * reprend son aspect primitif (1). De même que la protéine, elle est insoluble dans l'eau, dans l'alcool et dans l'éther; mais elle se laisse attaquer par le premier de ces liquides, quand celui-ci est aiguisé d'une petite quantité d'acide chlorhydrique ou d'acide acétique; elle se gonfle alors en absorbant beaucoup d'eau, devient gélatineuse et se dissout peu à peu (2). L'acide phos- phorique trihydrique jouit aussi de la propriété de former avec la fibrine un composé soluble, tandis que l'acide sulfurique, l'acide phosphorique monohydraté, etc., donnent avec elle des produits insolubles. La fibrine du sang, de même que la protéine, se dissout fa- cilement dans de la potasse ou delà soude étendues d'eau, et peut former avec ces alcalis un composé neutre, dont elle est préci- pitée par l'acide acétique sans avoir perdu aucune de ses pro- priétés caractéristiques. Cela nous explique comment l'addition de l'une ou de l'autre de ces matières empêche la coagulation du sang de s'effectuer, car la solidification de la fibrine dont ce phénomène dépend n'a plus lieu du moment que ce principe immédiat entre dans une combinaison de ce genre. Un autre fait intéressant, aux yeux du physiologiste, a été constaté par M. Denis, et vérifié plus récemment par M. Liebig (1) La quantité d'eau que la fibrine de l'albumine , de la caséine et du du sang abandonne par la dessiccation gluten par l'eau aiguisée d'acide est très considérable, et s'élève aux chlorhydrique (6). Il le considère Zt/5" environ de son poids (a). comme étant la matière fondamentale (2) Cette action remarquable de de toutes les substances albuminoïdes ; certains acides très dilués sur la mais c'est plutôt un composé d'acide fibrine n'était qu'imparfaitement con- chlorhydrique et de protéine ou, sui- nue avant les recherches de M. Eou- vant M. Mulder, de cette matière pro- chardat. Ce chimiste donne le nom téique modifiée que ce chimiste nomme d'albuminose au produit soluble ainsi bioxyprotéine (c). obtenu, et le forme aussi en traitant (a) Voyez Clicvreul, De l'influence que l'eau exerce sur plusieurs substances azotées insolubles (Ann. dephys.etchim., 1821, t. XIX, p. 37). (b) Bouchàrdat, Sur la compos. immédiate de la fibrine, etc. (Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 9G2). (<■) Chemistry ofVeget. and Anim. Phys., p. 315. COMPOSITION : MATIÈRES ALBUM1N01DES. 4 59 et M. Scherer : c'est que la fibrine, telle qu'on l'extrait du sang veineux , forme avec le nitrate de potasse, le chlorure de so- dium, le sulfate de magnésie et plusieurs autres sels, des com- posés solubles, et que la solution albuminoïde ainsi obtenue se prend en masse par l'addition d'une certaine quantité d'eau (1) ; mais, par l'effet del'ébullition, la fibrine perd la propriété de se (1) Cette expérience de M. Denis (a) ne réussit bien ni avec la fibrine extraite du sang artériel, ni avec la fibrine qui a bouilli. Il faut que la fibrine soit très divisée, la solution saline concentrée et la température douce ; il faut aussi avoir soin d'agiter souvent le mélange. D'après M. Dumas, la liqueur qui opère le mieux celte disso- lution doit être composée de 300 par- lies d'eau, 50 de nitre et 3 de soucie pour 150 parties de fibrine humide (6). Les faits annoncés par M. Denis furent d'abord révoqués en doute, mais furent bientôt confirmés par divers chimistes (c). Dans des expériences faites par Zimmermann, 1 partie de fibrine a été dissoute en 1k heures par A80 parties d'une dissolution saturée, soit de ni- trate de potasse , soit d'acétate de potasse, de carbonate de soude, de carbonate d'ammoniaque, de chlo- rure de baryum , de chlorhydrate d'ammoniaque ou d'iodure de potas- sium; la même proportion de fibrine n'a été dissoute qu'au bout de Zi8 heu- res par les solutions saturées de phos- phate de soude ou de borate de soude, et au bout de 78 heures par la solution de sulfate de potasse (d). Cet auteur a trouvé que la fibrine du sang veineux, couenneux ou non, est toujours soluble dans l'eau nitrée, et que celle du sang artériel l'est moins ; celle des deux espèces de sangs du Bœuf paraît être insoluble ; il résulte aussi de ses expériences que chez le Cheval, la fibrine du sang arté- riel serait au contraire plus soluble dans ce sel que la fibrine du sang vei- neux; enfin que la fibrine du sang des capillaires de l'homme est so- luble (e). Berzelius remarque avec raison que cette dissolution protéique n'a pas toutes les mêmes propriétés que l'al- bumine ; elle ne se coagule qu'à une température plus élevée, et l'albumine ne donne pas comme elle un précipité gélatineux par l'addition de l'eau (/"). C'est donc à tort que MM. Denis, Liebig et Scherer ont admis que la fibrine se convertit en albumine par l'action du salpêtre. (a) Denis , Essai sur l'application de la chimie à l'étude physiologique du sang de l'homme, 1838, p. 70. — Etudes chimiques et physiologiques sur les matières albumineuses, par M. Denis. Commercy, 1842, p. 104, etc. — Nouvelles études sur les subst. albuminoïdes, 1856, p. 35. (b) Traité de chimie, t. VII, p. 450. (c) Liebig, Lettre sur l'albumine, etc. (Comptes rendus, 1841, t. XII, p. 539). (d) Pharm. Central Blatt, 1843, p. 614. (e) Zimmermann, Polemisches und Positives ùber den Faserstoff (Arch. fur phys. Heilk., 1846, t. V, p. 348. et Gaz. med., 1847, p. 109). (/) Berzelius, Rapp. sur les progrès de la chimie pendant l'année 1841, p. 312. 160 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. dissoudre de la sorte (1), et, comme nous le verrons parla suite, elle peut éprouver une modification analogue dans l'intérieur de l'organisme. Par une ébullition prolongée dans l'eau, la fibrine subit une autre transformation qu'il est important de noter : elle paraît absorber de l'oxygène, et elle donne naissance à deux produits, dont l'un, appelé par M. Mulder du bioxy protéine, est inso- luble, tandis que l'autre , nommé trioxy protéine, se dissout dans ce liquide (2). Cette dernière substance paraît exister toute formée dans le sang ou s'y produire très facilement, et abonde dans la couche couenneuse du caillot; mais sa nature chimique n'est encore que très imparfaitement connue. Une transformation remarquable s'opère aussi dans la fibrine fraîche, lorsqu'elle est exposée à l'action prolongée de l'air: M. Denis a vu qu'elle peut alors se changer en partie en une matière albuminoïde soluble (3), et M. Scherer a constaté que dans les premiers temps qui suivent son extraction du corps vivant, elle absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbo- nique (II). Le même phénomène a été observé par M. George (1) Scherer, Chem. physiol. Unter- ZiO ou 50 fois son poids d'eau ; la quan- such. [Ann. der Chem, und Pharm., tilé de matière ainsi formée ne varie t. XL, p. 13). La fibrine qui a été mise que peu pour une quantité déterminée en digestion dans l'alcool devient éga- de fibrine, et un résultat analogue est lement insoluble dans les dissolutions fourni par le traitement de l'albu- salines; celle obtenue en fouettant le mine («). Des expériences de M. Le- sang, ou qui a été exposée pendant un canu tendent à établir que celte sub- certain temps à l'air humide, est dans stance est un composé de soude et le même cas. d'albumine (6). (2) Le tritoxyprotéine de M. Mul- (3) Denis, Études sur l'albumine, der est probablement la même chose p. 97, et Nouv. études sur les prin- que la cruorine de M. Denis, ma- ripes albuminoïdes, p. HZi. lière soluble dans l'eau, surtout à (Zi) Scherer, Chem. physiol. Unter- chaud, que ce physiologiste a obtenue such. (loc. cit.). en faisant bouillir de la fibrine dans C'est peut-êlre à une réaction du (a) Denis, Recli. expérim. sur le sang, p. 108. (6) Lecuini, Nouvelles recherches sur le sang (Joum. de pharmacie, 1831, t. XVII, p. 493). COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 161 Liebig (1). Mais, d'après les expériences de M. Scheercr, il paraîtrait que la fibrine modifiée par l'ébullition ne jouit plus de cette propriété, et que les changements opérés dans la constitution de la fibrine fraîche par l'action de l'oxygène ne consistent pas seulement dans l'élimination d'une partie de son carbone. Effectivement, une portion de l'oxygène employé n'est pas représentée par l'acide carbonique exhalé et reste pro- bablement unie à de la protéine pour constituer un composé soluble. Nous verrons plus tard quelle relation peut exister entre cette oxydation de la fibrine et d'autres phénomènes physiologiques ; mais il ne sera peut-être pas inutile de faire immédiatement l'application de ce fait à une circonstance particulière de l'histoire du sang que M. Marchai, de Calvi, a récemment signalée à l'attention des médecins. Ce pathologiste distingué a trouvé que le même sang fournit des quantités variables de fibrine suivant les conditions dans lesquelles la coagulation s'en effectue, et qu'il en donne moins lorsqu'il a été fortement agité que lorsqu'on le laisse en repos. Or l'agitation multiplie et renouvelle les points de contact entre la fibrine non coagulée et l'air dissous dans le sang ou mêlé à ce liquide, et par conséquent doit favoriser l'espèce de combus- tion lente par laquelle une portion de ce principe protéique s'oxyde au point de devenir soluble. On comprend donc que dans cette opération il puisse y avoir de la sorte destruction même ordre que tient la propriété reste à noter que cette propriété se dont jouit la fibrine fraîche de décora- perd quand la fibrine a été modifiée poser l'eau oxygénée sans changer par l'ébullition, l'action de l'alcool, etc. notablement de composition, phéno- (Scherer, loc. cit.) mène qui ne se produit pas sous l'iti- (1) Études sur la respiration (Ann. fluence des autres matières azotées des se. nat., 1850, 3e série, t. XIV, neutres de. l'organisme (a). Il est du p. 321). (a) Voyez Thcnard, Nouvelles observ. sur l'eau oxygénée (Ann. dephys. et de chim., 1819, 1» série, t. XI, p. 86). i. 21 162 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. d'une partie de la matière spontanément eoagulablc du sang, ainsi que l'ont observé MM. Corne et Alhiet, aussi bien que M. Marchai (1). plasma. §7. — La fibrine que nousvenons d'étudierdiffère beaucoupde celle qui se trouve dans le sang à l'état normal, et que l'on peut appeler la fibrine plasmique. Celle-ci est en dissolution ou à un état de division extrême dans le sérum, et jouit seule de la singulière propriété de se prendre en masse sans le concours d'aucun agent étranger, et par le seul fait de la cessation de l'in- fluence physiologique qu'exercent sur elle soit les globules du sang, soit les tissus vivants de l'économie animale. Nous avons vu que la chimie nous fournit les moyens de retarder cette trans- formation de la fibrine plasmique en fibrine solide, ou de former avec la première de ces substances des composés solubles ; mais une fois que la coagulation spontanée de ce principe s'est effectuée, il nous est impossible de le ramener à son état pri- mitif, c'est-à-dire de reconstituer de la fibrine plasmique. Les (1) Marchai de Calvi, Note sur la dans les mêmes conditions , ont été diminution de la fibrine par l'agita- analysées environ six heures après la tion du sang (Comptes rendus, 1850, saignée. La différence a été quelque- t. XXX, p. 30). fois de près d'un cinquième. (Comptes Cesexpériences intéressantes ont été rendus, t. XXX, p. 316.) répétées par M. Corne et ont donné le De nouvelles recherches, faites par même résultat. Voici comment il M. Alhiet, sont venues confirmer ces opérait : Le premier et le quatrième résultats; dans une expérience, la quart de la saignée ont été versés dans différence a été dans le rapport de un même vase cylindrique; le deuxième 3,8 à M, et dans la seconde de 2,9 et le troisième quart ont été reçus à 3,0 pour 1000 parties de sang (a). dans un autre vase semblable au pre- Les résultats obtenus par M. Abeille mier. Le sang contenu dans l'un de paraissent être en opposition avec ces ces vases a été laissé en repos ; l'autre conclusions ; mais comme il n'a pas a été soumis, pendant dix minutes, fait connaître tous les détails de ses à une agitation rapide; puis, ces deux expériences, nous ne pouvons y avoir portions de sang, placées d'ailleurs une confiance entière (6). (a) Alhiet, Effet de l'agitation du sang considéré par rapport à la diminution qui en résulte dans la proportion de la fibrine (Gompt. rend., 1851, t. XXXII, p. 723). (b) Mém. sur la cause de la fibrination et de la défibrination du sang (Gompt, rend., 1851, l. XXXII, p. 378). composition; matières albuminoïdes. 163 dissolutions de la fibrine dans des eaux alcalines , acides ou salines, ne donnent jamais ce résultat; jamais on n'y rend la propriété caractéristique de la fibrine plasmique, savoir : la faculté de se dissoudre dans le sérum sans le concours d'autres agents chimiques et de s'y coaguler spontanément. La cause de ce changement d'état ou plutôt de mode de constitution de la fibrine est encore inconnue. Nous avons vu dans la dernière leçon que l'intervention ni de l'oxygène de l'air, ni d'aucun autre agent chimique ou physique , n'est né- cessaire à la production de ce phénomène , et l'on considère généralement ces deux espèces de fibrines comme étant des substances isomériques , c'est-à-dire des matières composées des mêmes éléments réunis dans les mêmes proportions pondé- rales, mais dont les molécules constitutives sont groupées entre elles d'une manière différente, et dont les propriétés chimiques varient par suite de ces divers modes d'arrangement intérieur. Je suis porté à croire cependant qu'il y a ici quelque chose de plus , et qu'il s'opère alors un dédoublement dans la molé- cule de fibrine plasmique, par suite duquel une portion de ses éléments formerait une substance nouvelle insoluble, et une autre portion une matière soluble , à peu près comme dans la production des deux oxydes de protéine dont il a été question ci-dessus , mais sans addition d'oxygène et par un simple par- tage inégal de cet élément entre les deux dérivés de la fibrine plasmique (1). En effet, on trouve toujours dans le sang, comme nous le (1) Les recherches de M. Cahen , s'y produisent au moment de la coagu- quoique insuffisantes pour établir les lalion, par le dédoublement d'une sub- conclusions qu'il en déduit, ont conduit stance albuminoïde plasmique déter- ce chimiste à une opinion qui a quel- mine par l'alcali libre du sang. Le que analogie avec celle émise ci-dessus. rôle de la soude ne paraît pas avoir En effet, il pense que la fibrine et l'ai- une importance si grande, et l'on voit, bumine, telles que nous les connais- par les expériences de M. Wiïrlz, que sons, n'existent | as dans le sang, mais l'albumine peut être soluble lors même i. 20* 16/i SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. verrons bientôt, une certaine quantité de matière protéique soluble, qui se distingue de l'albumine et qui pourrait bien avoir cette origine. Albumine. § 8. — L'albumine qui se trouve aussi à l'état liquide dans le plasma du sang ressemble beaucoup à la matière protéique qui existe en grande abondance dans le blanc d'œuf, et qui est généralement désignée sous le même nom ; mais elle n'est pas identique avec cette substance, et M. Denis l'appelle serine (1). De même que la fibrine, elle est susceptible d'affecter deux formes principales, et elle constitue tantôt une substance soluble dans l'eau, d'autres fois une matière solide et insoluble. Cette dernière, qu'on appelle albumine coagulée (2), se pro- duit quand la température du sérum (ou, en d'autres mots, de qu'elle a été dépouillée des matières fibrine. Ce chimiste croit pouvoir re- minérales avec lesquelles on la trouve présenter l'albumine de l'œuf par la d'ordinaire unie, tout aussi bien que formule 10 Prot. + S. l'h. , ei l'albu- lorsqu'elleestàrétatd'albuminatealca- mine du sang par 10 Prot. -|- S2Pli. (b\ lin. (Voyez, pour le travail de M. Cahen MM. Tiedemann et Gmelin ont trouvé sur l'alcalinité du sang, les Arch, gén. que cette dernière variété d'albumine deméd.,W série, t. XXIII, p. 519.) n'est pas coagulée par l'éther privé Une hypothèse analogue est soute- d'alcool , tandis que la première l'est nue par M. Denis. Ce physiologiste toujours (c). Enfin M. Melsens a re- pense que la fibrine n'existe pas dans marqué que l'albumine du blanc d'œuf le sang, mais provient de la décompo- donne par l'agitation des filaments sition de quelque matière albumi- élastiques (d), tandis que M. Denis n'a noïde unie à des principes salins (a). pu obtenir rien de semblable avec Du reste, l'état actuel de la science ne l'albumine du sérum. Ce dernier au- permet que des conjectures vagues à leur réserve le nom d'albumine à la ce sujet. variété propre au blanc d'œuf, et (1) Il résulte des expériences de appelle serine la variété qui se ren- M. Mulder que l'albumine du sérum contre dans le sang (e). contient deux fois autant de soufre ('2) M. Denis a désigné celte va- que l'albumine du blanc d'œuf, la- riélé d'albumine sous le nom tfalbu- quelle ressemble sous ce rapport à la min [f). (a) Denis, Nouv. études sur les substances albuminoïdes , 1856, p. 165. (6) Mulder, Chemistry of Animal and Vegetable Physiology, p. 306. (e) Tiedemann et Gmelin, Rech. sur la digestion, Irad.par Jourdan, 1827, l. I. p. xvij. (d) Melscns, Note sur les matières albuminoïdes (Ami. de chimie et de physique, 1851, 3" série, t. XXXlll, p. 170). (e) Denis, Nouvelles études sur les substances albuminoïdes, p. 79, (f) Denis, Études sur les matières albumineuses, p. 79. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUM IMMuES. 165 l'albumine liquide) s'élève à 75 degrés, ou que ce lluide est soumis à l'action de certains réactifs avides d'eau, de l'alcool, par exemple ; elle ressemble alors extrêmement à la fibrine ordinaire, mais elle n'agit pas de la même manière sur l'oxy- gène (1) , et elle ne paraît pas avoir tout à fait la même com- position ; elle renferme un peu plus de soufre pour une même quantité de protéine, et d'après les analyses qu'en ont faites MM. Dumas et Cahours, elle contiendrait un peu plus d'oxygène relativement à la quantité pondérale de ses éléments combus- tibles^). De même que la protéine et la fibrine, l'albumine coagulée entre en combinaison avec les alcalis, et forme ainsi des espèces de sels solubles. Plusieurs chimistes pensent que Yalbumine soluble n'est autre chose qu'un composé de ce genre, et que c'est à l'état d'albummate de soude que ce principe protéique se trouve en dissolution dans le sérum du sang. Mais, ainsi que Berzelius l'a fait remarquer, l'albuminaie alcalin ne se coagule (1) M. Scheerer a trouvé que le se- pondérale du carbone n'a varié qu'en- rum du sang frais absorbe beaucoup ire 0,535 et 0,5o2, tandis que pour Ja moins d'oxygène que ne le l'ait la fibrine ces chimistes ont trouvé seu- librine humide , et ne donne pas , Jement entre 0,527 et 0,525 de car- comme celle-ci, de l'acide carbo- bone. Dans l'albumine, l'évaluation nique (a). La plupart des auteurs indi- de l'hydrogène a été de 0,0708 à quent aussi comme un des caractères 0,0729 , tandis que pour la hbrine la propres à distinguer l'albumine de proportion de cet élément a été esli- la hbrine l'inactivité de la première mée à 0,0692 ou 0,0700 \b)M Dans les sur l'eau oxygénée ; mais nous avons analyses de M. Scherer, le carbone vu ci-dessus que la hbrine modifiée s'est trouvé, terme moyen, pour la par la chaleur, l'alcool, etc., ne jouit hbrine, 0,5/t7/i , et pour l'albumine, plus de la faculté de déterminer la o,5A88 (c). décomposition de ce corps. Il est aussi à noter que M. Vogel (2) Dans les diverses espèces d'albu- a toujours trouvé plus d'azote dans la mine d'origine animale analysées par hbrine du sang de Bœuf que dans MM. Dumas et Cahours, Ja quantité l'albumine de l'œuf de Poule (d). (a) Scheerer, Chem. physiol. Untersuch. (loc. cit., p. 18). (6) Dumas et Cahours , Mém. sur les substances azotées neutres (Annales de chimie, 1842, 3e série, t. VI, p. 385). (c) Scherer, Chem. physiol. Untersuch. (Ami. der Chem. und Pharm., t. XL, p. 1). (d) Ueber einige Gegenstdnde aus der thierischen Ghemie (Ann. der pr. Chem., 1839 , t. XXX, p. 36). 166 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pas sous l'influence de la chaleur, comme le fait l'albumine séreuse (1) ; et d'ailleurs M. Wùrtz a montré que celle-ci peut être séparée presque complètement des matières minérales avec lesquelles elle est d'ordinaire associée, sans que pour cela elle vienne à perdre sa solubilité (2) . L'albumine du sérum peut être solidifiée par une évaporation lente au-dessous delà température de 60 degrés, sans que cela la rende insoluble; et, chose remarquable, quand elle est ainsi à l'état solide , elle peut supporter sans se modifier une chaleur bien supérieure à celle qui en détermine la coagulation quand elle est en présence de l'eau. Je note ce fait, dont la constatation est due à M. Chevreiil, parce qu'il nous fournira plus tard l'explication de phénomènes physiologiques très sin- guliers, observés chez quelques Animaux inférieurs, connus des naturalistes sous les noms de Tardigrades et de Rotifères. Quant à la différence chimique qui peut exister entre l'albu- mine soluble et l'albumine coagulée , l'expérience ne nous a encore rien appris , et je suis porté à considérer également cette coagulation comme étant due à une simple transformation isomérique de ce corps (3). (1) Berzelius , Traité de chimie , (3) Quelques chimistes pensent que t. VII , p. 83. l'albumine en se coagulant abandonne (2) Anv.dephijs. et dechim.,\%l\h, toujours une certaine quantité de 3e série, t. XII, p. 217. soude, et que c'est de cette modifica- Le résultat obtenu par i\!. Wïirlz lion dans sa constitution chimique que vient également à rencontre des idées dépend son état particulier, quand elle émises par M. Denis, au sujet de l'état est coagulée [a). 11 est d'ailleurs à noter de l'albumine liquide dans le. sang. que l'albumine coagulée, de même En eflét, ce dernier auteur pense que la fibrine, est susceptible d'éprou- que l'albumine pure est une substance ver une modification inverse par l'ac- insoluble , et que c'est à raison de sa tion do la chaleur. Effectivement , à combinaison avec des principes salins, la température de 150 degrés, ces tels que le chlorure de sodium, qu'elle matières redeviennent solubles dans devient soluble. (Noue. étud. , p. 80.) l'eau (b). (a) Lehmann, Lehvbuch der physiologischen Cliemie, 1853, I. 1, p. 313. (6) Wohler, Ueber die Lvsiichkeitdes fibrincii vnd voagul. Mbumins in Wasser {.\nn der Chcm. und Pharm., 1842, t. XLI, p. 238). COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 167 En parlant des propriétés de la protéine, qui sont aussi celles de toutes les matières albuminoïdcs, j'ai dit que ce corps pou- vait s'unir aux sels neutres à base alcaline et former ainsi divers composés solubles. Or, le sérum , comme nous le verrons bientôt, contient plusieurs de ces substances salines, et par conséquent la serine ou albumine que ce liquide renferme doit y exister sous la forme d'un ou de plusieurs de ces composés salifères. J'insiste sur ce point, parce que la proportion des principes salins ainsi combinés avec l'albumine peut faire varier quelques-uns des caractères de cette substance (par exemple, le degré de chaleur auquel la coagulation s'en effectue ) ; et que si le physiologiste n'en tenait pas compte, il serait souvent porté à croire à l'existence de principes protéiques nouveaux là où il ne rencontre en réalité que de l'albumine ordinaire combinée avec une proportion plus ou moins grande de chlorure de sodium, de phosphate de soude ou de quelque autre sel du même ordre (1). On admet généralement que l'albumine du sang se trouve en dissolution dans le plasma ; et, en effet, l'observation mi- croscopique vient confirmer cette opinion. Mais le liquide ainsi constitué ne filtre pas à travers les membranes organiques, comme cela a lieu quand l'albumine a été modifiée par l'action des acides dilués ou de quelques autres agents dont nous aurons à nous occuper par la suite. Cette circonstance a conduit M. Miahle à penser que l'albumine du sang se trouve à l'état granulaire, et, pour le prouver, il ajoute à ce liquide un peu d'eau (1) Les expériences de M. Panum aussi que la quantité d'acide néces- montrent qu'en général le point de saire pour précipiter cette substance coagulation s'abaisse à mesure que la à une température donnée est en proportion de sel combiné ou mêlé proportion inverse de la quantité de avec l'albumine augmente. Il a trouvé sel qui y a été ainsi ajoutée (a). (a) Panum, Ferneres ùber die bisher ivcnig beachtete coagulirte Proteinverbindung , die constant im Sérum vorkomml (Archiv fur pathol. Anat., 1852, t. IV, p. 17; — Ann. de chimie, 1853, 3» série, t. XXXVII, p. 237). soluble. 168 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. de baryte qui y fait apparaître des granules albumineux (1) ; mais cette expérience ne me paraît pas démonstrative, et le résultat obtenu s'explique facilement par la formation d'un albuminate de baryte insoluble qui se précipiterait sous la forme globulaire, caséine § 9. — La fibrine et l'albumine ne sont pas les seules matières protéiques contenues dans le plasma. Dans les pre- mières analyses un peu exactes de ce fluide complexe, les chimistes y avaient reconnu l'existence de substances orga- niques qui ne se coagulent point par l'action de la chaleur; on les désignait sous le nom de matières extractives, et Berzelius pensait qu'elles étaient formées en partie par de l'albumine unie à de la soude. Mais dans ces dernières années, ces résidus solubles ont été l'objet de nouvelles investigations, et l'on a extrait ainsi du sérum une substance protéique qui diffère nota- blement de l'albumine et qui est considérée par beaucoup de chimistes comme étant identique avec la caséine ou principe albuminoïde du lait. Pour l'obtenir, après avoir séparé le caillot du sérum et avoir dépouillé celui-ci de son albumine, en faisant coaguler ce prin- cipe à l'aide de la chaleur, on fait bouillir la liqueur filtrée avec quelques gouttes d'acide acétique , sous l'influence duquel cette substance, qui était restée dans la dissolution, se coagule et se précipite. Elle ressemble beaucoup à la caséine du lait, mais ne jouit pas de toutes les propriétés chimiques que possède cette sub- (1) Voyez De l'albumine et de ses p. IZ16. Une opinion analogue relative divers états dans l'économie animale, à l'état granulaire de l'albumine dans par M. Mialhe (Union médicale, juillet le sang a été soutenue aussi par 1852), et Chimie appliquée à la phy- Ilorn (a). siologie, par le même, 1856, in-8, (a) Neue medizinisch-chirurglsche Zeitung, et Gaz. méd., 1851, p. 39. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 169 stancc (1), el elle semble se rapprocher davantage encore d'une matière qui se produit aux dépens de l'albumine quand celle-ci est soumise à l'action des agents de la digestion. Ce dérivé de l'albumine a été désigné sous le nom ftalbuminose (2), et quel- ques chimistes la considèrent comme étant identique avec la matière protéique du sang dont nous nous occupons en ce mo- ment. Ce serait nous éloigner trop de l'objet essentiel de ces leçons que de discuter ici cette question, dont la solution d'ail- leurs n'aurait dans l'état actuel de la science que peu d'impor- tance pour nos études actuelles; car les propriétés et la nature des diverses substances protéiques sont encore trop imparfai- tement connues pour qu'il y ait grand intérêt à savoir si la (1) Ainsi, M. Lehmann fait remar- quer que cette substance protéique est précipitée de sa dissolution par l'acide carbonique, tandis que la caséine ne l'est pas (Lehrb. cler physioL Chemie, 1853, t. I, p. 359). (2) Ainsi que je l'ai déjà dit, le nom tValbuminose a été créé par M. Bou- cliardat pour désigner la matière qui se produit par l'action des acides très dilués sur les diverses substances protéiques (a), mais a été ensuite détourné de son acception primitive pour être appliqué par M. Miallie à la substance qui résulte de l'action du suc gastrique (ou pepsine acidifiée) sur les principes albuminoïdes, sub- stance qui est soluble dans l'eau et n'est précipitable ni par la chaleur, ni par les acides, ni par la pepsine (b). Dans un autre travail, MM. Mialhe et Pressât se proposent de démontrer qu'il existe un état intermédiaire entre l'albumine proprement dite et l'albu- minose, et ils désignent sous le nom d'albumine modifiée, ou caséi forme, ce produit qui serait incomplètement précipitable par la chaleur et l'acide nitrique, mais apte à se redissoudre dans un excès de ce réactif (c). MM. Robin et Verdeil, qui emploient également le nom d'albuminose, l'ap- pliquent à toutes les substances pro- téiques qui sont liquides, non coagu- lables par la chaleur, incomplètement coagulables par les acides et suscepti- bles de se redissoudre dans un excès de ceux-ci (d). Enfin, M. Lehmann a donné le nom de peptone au même produit que M. Mialhe avait appelé albuminose (e). (a) Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 962. (6) De la digestion et de l'assimilation des matières albuminoïdes (Joum. de pharmacie, 1846, 3° série, t. X, p. 161). (c) Mém. sur l'état physiologique de l'albumine dans l'économie (Compt. rend., 1851, t. XXXIII, p. 450). (d) Traité de chimie analomique et physiologique, 1853, t. III, p. 329. (e) Lehrbuch der physiologischen Chemie, 1853, 2. Aufl., Bd. I, p. 318. I. 22 170 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. matière albuminoïde du sérum, qui est incoagulable par la chaleur, se rapproche seulement delà caséine par l'ensemble de ses propriétés, ou s'en distingue par quelque caractère secon- daire. Quoi qu'il en soit, cette albuminose, ou caséine hémalique, n'avait été signalée d'abord que dans du sang à l'état patholo- gique ; mais depuis une dizaine d'années son existence comme un des matériaux normaux du sérum a été nettement constatée par plusieurs expérimentateurs (1). Ainsi un chimiste habile de Bruxelles, M. Stass, l'a trouvée dans le sang placentaire de la femme (2), et vers la même époque, M. Panum (3) à Copen- hague, et MM. Natalis Guillot et Leblanc à Paris, après l'avoir rencontrée en abondance dans le sang des nourrices, en ont (1) Dès 1821, l'existence d'une ma- tière caséeuse dans le sang se trouve mentionnée plusieurs fois dans l'ou- vrage de Tiedemann et Gmelin, inti- tulé : Recherches expérimentales phy- siologiques et chimiques sur la di- gestion (trad. franc., 1. 1, p. 189, etc). Une observation relative à la présence du caséum dans le sérum du sang d'une Anesse, morte peu de jours après avoir mis bas, a été faite par M. Morand, et publiée par M. Lepecq dans sa thèse inaugurale intitulée : Dissertations sur les causes qui donnent lieu à l'altération du sang. (2) Note sur le liquide de l'amnios et de l'allantoide (Comptes rendus, 1850, t. XXXI, p. 629). (3) AI. Panum a constaté la présence de cette substance protéique dans le sérum de toutes les personnes qu'il a examinées sous ce rapport ; il l'a vue se précipiter soit par l'addition d'en- viron 10 parties d'eau, soit par l'action d'un peu d'acide acétique très affaibli. Dans le sang d'une femme en couche il a trouvé 9 millièmes de cette espèce de caséine et 53 millièmes d'albumine sec (a). J. Zimmermann pense que la matière ainsi précipitée ne préexiste pas en solution dans le sérum, et se produit par l'action de l'acide carbo- nique ou d'un autre acide faible sur l'albumine. Il a observé qu'il ne s'en dépose que fort peu lorsqu'on fait usage d'eau distillée et récemment bouillie ; tandis qu'il s'en produit beaucoup quand l'eau que l'on ajoute est chargée d'acide carbonique (6) . («) Son Mémoire, public d'abord dans le recueil intitulé : Bibliotkek, fur Lâger (jànv. 1850], i'ut traduit en anglais dans le London Journal of Médiane (1850, t. II, p. 685), et en allemand dans les Archiv fur palhologische Amlomie de Virchow et Reinhardt, 1850, t. III, p. 251, et t. IV, p. 17. (b) Zimmermann, Uebev das Sérum Kasein (Miillcr's Arch. fur Anal., 1854, p. 377). COMPOSITION; MATIÈRES ALBUM1N0ÏDES. 171 constaté la présence dans le sang de l'homme et d'un grand nombre de Mammifères (1). § 10. — Ce sont aussi des substances protéiques très voisines de l'albumine et de la fibrine, qui, unies à de petites quantités de matières grasses et inorganiques, constituent les globules sanguins. M. Lecanu a fait voir que ces corpuscules fournissent à l'ana- lyse chimique au moins deux de ces substances, l'une incolore, l'autre colorée en rouge intense (2). Il considéra la première Globuline. (1) Dans une première note, ces expérimentateurs annoncent avoir extrait du sérum du sang de deux femmes en pleine lactation une sub- stance qui leur a offert tous les carac- tères de la caséine. Le sérum du sang, privé d'albumine par la coagulation à chaud et filtré, donna ce précipité lorsqu'on le fit bouillir avec quel- ques gouttes d'acide acétique (a). Dans un second travail, MM. Natalis, Guillot et Leblanc établissent que la présence de la caséine dans le sang de l'homme, de la femme et de divers animaux tels que le Taureau, le Bœuf, la Vache, le Bouc, la Chèvre, le Mou- ton, la Brebis, le Porc et le Cbien, est un fait normal; ils l'ont trouvée aussi dans le sang du fœtus, chez la Brebis et la Vache (b). Plus récemment, M. Moleschott, de Heidelberg, a fait de nouvelles recher- ches sur cette substance albuminoïde du sérum, et il la considère comme étant bien réellement de la caséine (c). (2) Le nom de globuline a été d'abord donné à la matière rouge des globules sanguins , par M. Lecanu (cl) , mais a été abandonné par ce chimiste pour celui d'hématosine , précédemment employé par M. Chevreul. Dans la première édition de la Chimie de Berzelius, il est encore employé dans cette acception ; mais, dans la dernière édition du même ouvrage, le chimiste suédois l'a appliqué à la substance protéique incolore dont il est ici ques- tion. La confusion due à l'emploi d'un même nom pour désigner des corps différents a été augmentée récemment par quelques chimistes qui appellent globuline la matière albuminoïde du cristallin de l'œil (e), ou cristalline de certains auteurs (/), et la distinguent de la globuline proprement dite ou (a) Comptes rendus, 1850, t. XXXI, p. 520. (6) Note sur la présence de la caséine et les variations de ses proportions dans le sang de l'homme et des animaux (loc. cit., 1850, p. 585). (c) Kasestoff im Blut (Erdmann's Journ. fur prakt. Chem., 1852, Bd. LV, p. 237, et Vierordt's Archiv fur physiologische Heilkunde, 1852, Bd. II, p. 105). (d) Journ. depharm., t. VI, p. 734, elAnn. dephys. et chim., 1" série, t. XLV. (e) Lehmann, Lehrb. der physiol. Chemie, 1853, t. I, p. 360. (f) Hiinfeld, Lehrb. der physiol. Chemie, 1827, t. II, p. 45. — Mulder, Animal Chemistry. — Sur la protéine du cristallin (Bulletin des se. phys. et nattirelles en Néerlande, 1839, p. 300). — Robin et Verdeil, Traité de chimie anatomique, t. III, p. 360. 172 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. comme étant de l'albumine; mais Berzelius a montré qu'on ne pouvait l'assimiler complètement à cette substance, et il l'en a distinguée sous le nom de globuline. Celle-ci ne se dissout pas dans de l'eau chargée de matières salines : dans le sérum, par exemple, où l'albumine est cepen- dant en dissolution; mais elle se dissout dans l'eau pure, et lorsqu'on chauffe cette solution jusqu'à une température voisine de celle de l'ébullition, la globuline se coagule sous la forme d'une masse grenue dont l'aspect est très différent de celui de l'albumine coagulée. La globuline est insoluble dans l'alcool à froid, mais s'y dissout en petite quantité à chaud. Elle a donc beaucoup d'analogie avec la caséine. Un chimiste habile de l'école de Berlin, Fr. Simon, la considérait comme ne devant pas en être distinguée (1). Mais en chimie organique, une ressemblance qui n'est point parfaite ne suffit pas pour établir une identité, et Berzelius a fait remarquer qu'il existe entre ces deux substances une différence essentielle , puisque l'une se coagule à environ 83 degrés, et que l'autre supporte l'ébullition sans se solidifier (2). La globuline du sang présente d'ailleurs un autre caractère bien plus important, qui n'a été découvert que récemment, et matière constitutive principale des glo- pas dans les cas de ce genre l'origine bules du sang , parce qu'elle est préci- ou le siège des matières protéiques pilée de sa dissolution aqueuse par le pour base de la nomenclature. (Voy. gaz acide carbonique, tandis que cette Lebmann, Précis de chimie phijsiola- dernière ne présente pas le même gique animale, p. l2o.) caractère; il en résulte que pour ces (1) Fr. Simon, Beitrdge zur Kennt- chimistes l'existence de ce qu'ils niss der thierischen Flilssigkeiten appellent globuline est au moins pro- (Archiv. der Pharm. , von Brandes blématique dans le sang. Il est fâcheux und Wackenroder , 1839, t. XVIII, que pour des corps dont les caractères p. 35 ). — Animal Chemistry, t. I, chimiques sont si vagues et dont la p. 22. nature est encore si peu connue, on (2) Berzelius, Rapport sur les pro- change la signification des noms pour grès des sciences physiques et chi- les plier à des opinions encore impar- iniques -pour 1839, p. 317. faitement établies, et qu'on ne prenne composition; matières albuminoïdes. 173 qui n'a été constaté jusqu'à présent dans aucun autre corps albuminoïde : c'est la propriété de se transformer en une sub- stance protéique cristallisable, à laquelle on a donné le nom {Y hématocristalline (1). Celle-ci n'existe pas dans le sang et ne prend naissance qu'à la suite de l'action prolongée de l'oxy- (1) La formation de produits cristal- derniers {g), que nous devons la con- lisables aux dépens des principes orga- naissance de ses principales pro- niques du sang a été observée d'abord priétés. accidentellement dans un certain Pour obtenir rhématocristalline, nombre de cas pathologiques, mais Funke recommande de placer une il est évident que ces produits ne sont goutte de sang sur le porte-objet du pas toujours de même nature, et la microscope, de la recouvrir d'une substance dont il est ici question n'a petite lame de verre , de la laisser été étudiée que dans ces dernières se dessécher incomplètement, puis d'y années. ajouter un peu d'eau ; au bout de Elle a été signalée à l'attention des quelque temps ( parfois plusieurs physiologistes en 1869, par M. Rei- heures), on voit alors les globules s'y chart(o). MM. Nasse (6) et Remak (c) détruire et leur contenu se trans- paraissent l'avoir aperçue quelque former en cristaux. Plus récemment, temps auparavant; mais elle n'a été M. Lehmann est parvenu à les pré- étudiée d'une manière suivie que plus parer en grand par un autre procédé, récemment, et c'est principalement et à les purifier de façon à lui per- à MM. Funke (d), Kunde (e), Leh- mettre d'en étudier la composition mann (/") et quelques autres expé- élémentaire aussi bien que les pro- rimentateurs contemporains de ces priétés chimiques. (a) Reichert, Ueber eine eiweisse Substanz in Krystallform (Miilïer's Arch. fur Anat., 1849, p. 197, et 1852, Bericht, p. 68). (6) Nasse, Ueber die Form des geronnenen Faserstoffs (Miilïer's Arch., 1841, p. 439). (c) Reichert, Ueber die sogenannten Blutkorperchen enthaltenden Z-ellen (Miilïer's Arch., 1851, p. 481.) . (d) Funke, Ueber das Mitevenenblut (Henle und Pfeufer's Zeitschrift fur ration. Medicin, 1851,u» 5, Bd. I, p. 172, tab. 1). — Neue Beobachtungen iiber die Knjstalle des Milzvenen- und Fisch-Blutes [Zeitschr. fur ration. Med., 1852, t. II. p. 199). — Ueber Blutkrystallisation [Zeitschr. fur ration. Med., 1852, t. II, p. 288). — Atlas der physiologischen Chemie, Leipzig, 1853. — Atlas of Physiol. Chemistry, p. 15, pi. x. (e) Kunde, Ueber Krystallbildung im Blute (Zeitschr. fur ration. Med., 1862, t. II, p. 271, tab. 9, fig. 1-3). (f) Lehmann, Ber. d. Kônigl. Sachs. Ges. d. Wiss., Leipzig, 1852, p. 23 et 78. — Annales de chimie, 1852, 3° série, t. XXXVI, p. 245. — Lehrb. der physiol. Chemie, 1853, t. I, p. 364. (g) Parkes, On the Formation of Crystals in the Htiman Blood (Médical Times, 1852, n* 5, vol. V, p. 103, et Journal de pharmacie, 1853, 3" série, t. XXIV, p. 368). — Sieveking, Beview on Albuminous Cristallisation (British and Foreign Medico-Chinirgical Review, 1853,' V, p. 348). — Teichmann, Ueber die Krystallisation der organischen Bestandtheile des Blutes (Zeitschr. fur ration. Med., 1853, n» 5, Bd. III, p. 375). Il II SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. gène, de l'acide carbonique et de la lumière sur la matière albu- minoïde des globules ; mais elle offre beaucoup d'intérêt, et son étude jettera probablement un nouveau jour sur la nature M. Funke a étudié d'abord la for- mation de ces cristaux dans le sang veineux de la rate du cheval, mais il Ta observée ensuite dans le sang de l'homme, du Chien et de divers Pois- sons. M. Kunde a constaté les mêmes phénomènes en opérant sur du sang d'un grand nombre d'autres Mam- mifères, du Pigeon et de la Tortue : il n'avait pas réussi en employant du sang de Grenouille ; mais dernière- ment M. Teichmann a obtenu des cristaux d'hématocrislalline dans ses expériences sur ces Batraciens, de sorte cpi'on peut considérer la pro- duction de cette matière comme étant un phénomène général dans tout l'embranchement des Vertébrés. L'hémalocristalline est soluble dans l'eau à ZiOou 50 degrés, et sa dissolution se coagule comme celle de l'albumine, entre 63 et 65 degrés. Elle n'est pas pré- cipitée par le sublimé corrosif, le sous- acétate de plomb et plusieurs autres sels qui donnent un précipité avec les corps albuminoïdes proprement dits, mais elle précipite avec le bi- chromate de potasse et le protonitrate de mercure (a). On remarque de très grandes variations dans la solubilité de ces cristaux, suivant les différences dans leur origine; et il est aussi à noter que leurs formes ne se rapportent pas toujours au même système cristallin, de sorte qu'on est porté à croire que leur nature chimique n'est pas tou- jours la même. Ainsi l'hématocristal- line du sang de l'homme et de la plupart des mammifères carnivores forme des prismes; celle du sang du Rat, de la Souris et du Cochon d'Inde, des tétraèdres ; celle du sang de l'Écu- reuil, des tables hexagonales, et celle de l'Hamster, des rhomboïdes (b). En général , ces cristaux sont colorés en rouge; mais M. Teichmann est parvenu à les obtenir privés de la matière colorante du sang et incolores. MM. Robin et Verdeil (c) pensent que tous ces cristaux hématiques sont formés par le phosphate de soude qui existe dans le sérum du sang, et qui, en se déposant, entraînerait des quan- tités variables d'albumine et de ma- tière colorante. Mais M. Lehmann, qui en a fait l'analyse élémentaire, les a trouvés composés à peu près de la même manière que les matières pro- téiques , et il les regarde comme étant formés d'un corps de ce genre uni à environ 1 centième de matières salines inorganiques. Un autre produit cristallin que l'on n'est pas encore parvenu à former artificiellement, se rencontre parfois dans le sang et a été souvent confondu avec le précédent, mais paraît devoir en être distingué, car ses propriétés chimiques ne sont pas les mêmes : et par exemple, il est insoluble dans l'eau. C'est la matière que M. Virchow a désignée sous le nom dChématoïdine. Evrard Home paraît avoir été le pre- mier à rencontrer de ces cristaux dans (a) Lehmann, Op. cit., et Précis de chim. phys., p. 94. (6) Voyez les figures que Funke a données dans son Atlas de chimie physiologique (Irad. angl., pi. 40). (c) Traité de chimie anatomique et physiologique , t. II, p. 335. composition; matiekes albuminoides. 175 intime du groupe des substances protéiques, substances dont la composition chimique n'a pu être représentée jusqu'ici que par des formules arbitraires. le caillot d'une poche anévrysmale(a). Plus récemment M Scheerer (6), àHei- clelberg, observa dans du sang extra- vasé par suite d'une contusion et mêlé à du pus, des cristallisations dont quelques-unes lui semblaient dues à de la cholestérine, mais étaient pro- bablement formées d'hématoïdine. L'année suivante, M. Zwicky (c) ren- contra de ces cristaux dans les corps jaunes de l'ovaire des Vaches, des Lapins et des Truies ; il en donna des figures et les étudia de façon à fixer l'attention des physiologistes. Quel- ques observations du même ordre furent enregistrées aussi par M. Giins- burg (d), par M. Rokitansky (e) et par M. Goote (/) ; enfin un des médecins les plus distingués de l'Allemagne, M. Virchow, en fit l'objet d'un exa- men approfondi, et en 18Z|7 il com- mença la publication d'une série de recherches sur la pathologie du sang, dans lesquelles il traita de ces cristaux, ainsi que des matières pigmentaires anormales, etc. Dans un premier Mémoire (g) , M. Virchow décrit les cristaux rouges qu'il a observés sous la forme de petits rhombes dans l'intérieur de cellules libres des caillots sanguins trouvés dans la rate, le cerveau, l'ovaire, etc. Il décrit aussi les granu- lations que la matière colorante des globules sanguins forme parfois dans l'intérieur de cellules analogues, et il arrive à cette conclusion, que ces gra- nulations, ainsi que les cristaux en question, ne sont que des produits de la transformation de l'hématosine. Dans un second article (h), le même auteur étudia l'action de divers réactifs sur ces cristaux hématoïdiens, et con- clut de ses expériences qu'ils ne sont pas formés de matières grasses, ainsi que le pensaient Scheerer, Zwicky et Henle (i), mais sont composés d'hé- matosine unie à une matière protéique ou albuminoïde modifiée. Peu de temps après, M. Virchow revint sur le même sujet (j) , et rapporta divers faits tendant à montrer que les ma- tières grasses de l'organisme exercent une certaine influence sur la pro- duction des cristaux d'hématoïdine; mais il les considère toujours comme étant formés essentiellement par une matière protéique, et comme ne de- vant leur teinte plus ou moins rouge qu'à un simple mélange de cette (a) E. Home, A Short Tract on the Formation of Tumors. Londres, 1830, p. 22, pi. 1. (6) Scheerer, Chemische und mikroskopische Untersuehungen. Heidelberg, 1843, in-8, p. 194, fig. 11. (c) Zwicky, Dissertatio de corporwn luteorum origine algue transformatione (Diss. inawj., Turini, 1844). (d) Voyez Hœscr's Arch., 1845, p. 104. (e) Rokitansky, Spec. pathol. Anal., 1839,. t. I, p. 790, etAllgem. paihol. Anal., 1846, p. 170. \f) Lancet, 184(3, vol. II, p. 5. (g) Die pathologischeu Pigmente (Archiv fur pathologische Anatomie und Physiologie , von Virchow und Reinhardt, Berlin, 1847, Bd. I, p. 379, pi. 3, fig. 7 à 11). (h) Loc.cit., p. 439. (t) Henle, Handbuch der rationellen Pathologie, Bd. II, p. 738. (j) Virchow , Hœmatoidin und Biliverdin (Verhandlungen der physikalisch-medicinischen Cesellschaft in Wùrtzburg, 1850, p. 305). 176 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Hématosinc. Le principe colorant rouge des globules du sang, que l'on désigne généralement sous le nom d'hématosine, est une ma- tière albuminoïde comme toutes celles dont nous venons de faire substance avec la matière colorante du sang. Plus récemment, M. Lebert a égale- ment étudié ces cristaux hématiques qu'il considérait comme étant proba- blement composés d'acide margarique et de matière colorante (a), et il a cherché à en déterminer la formation, en arrêtant une certaine quantité de sang entre deux ligatures placées sur une veine chez des Chiens, mais sans succès (6). M. Lyons a fait aussi des observa- tions sur la production de cristaux analogues dans le sang de l'homme, du Canard et du Saumon (c). Vers la même époque, M. Kôlliker (d) publia des observations très intéres- santes sur certaines cellules sanguines qu'il avait rencontrées dans la rate d'un Chien, et qui renfermaient dans leur intérieur un petit corps rougeâtre en forme de bâtonnet, ainsi que sur des corpuscules cristallins qu'il avait observés dans la pulpe de cet organe et qu'il considérait comme étant iden- tiques avec les premiers. Il rencontra aussi de ces cristaux soit libres, soit dans l'intérieur des globules rouges dans le sang de divers Poissons, et, d'a- près la manière dont ils se comportent avec les réactifs, ce physiologiste a été conduit à penser qu'ils ne devaient pas différer de ceux décrits par Vir- chow sous le nom d'hématoïdine. Dernièrement, M. H. Gray a observé des cristaux analogues dans le sang splénique du cheval (e). Tous ces cristaux d'hématoïdine sont insolubles dans l'eau, l'alcool et l'éther; l'acide acétique les. fendille, les gonfle et les décolore, mais ne les dissout pas. La potasse les désagrège aussi, puis les dissout. J'ajouterai que récemment M. Teichmann (/"), en fai- sant agir divers acides organiques (acétique, lactique, oxalique, tartrique et citrique) sur les globules du sang desséché, comme danslespréparations de Funke pour la production de l'hé- matocristalline, a obtenu des cristaux d'une substance qu'il nomme hœmine, et qui ne paraît pas différer notable- ment de l'hématoïdine de Vircbow. Ce sont des cristaux rhomboédriques ou des aiguilles insolubles dans l'eau, l'alcool et l'éther, mais solubles dans la potasse. Cela tendrait à faire penser que tous ces produits cristallins des globules sanguins sont des composés salins d'une même substance protéique. Je dois ajouter que M. Virchow a remarqué une grande analogie entre les cristaux d'hématoïdine et ceux (a) Compt. rend, des séances de la Société biologique, 1852, p. 51. (6) Voy. Robin et Verdeil, Traité de chimie, t. III, p. 432. (c) Lyon.?, Researches on the Primary Stages of Hystogenesis and Hystolysis (Proceed. of the Roy. Irish Acad., 1853, vol. V, p. 445). {d) Kullikcr, Ueber Dlutkôrperchen haltige Zellen (Zeitschrift fur wissenschafiliche Zoologie, 1849, Bd. I,p. 2G6). — Art. Spleen, in Todd's Cyclopccdia of Anat. and Physiol., vol. IV, p. 792, fig. 537, 538. — Mikroskop. Anat., Bd. II, p. 585, Cg. 376. (c) H. Gray, On the Structure and Use of the Spleen. Londres, 1854, in-8, p. 148. (0 Zeilschr. fur ration, lied., Bd. III, p. 375 (1853). composition; matières àlbuminoïdes. 177 l'étude, et, de même que eclle-ei, peut se présenter dans deux états différents : coagulé et non coagulé (1). C'est sous celte dernière forme qu'il se trouve dans le sang, mais jusqu'ici on n'est point parvenu à l'obtenir isolé, et presque toutes les obser- vations dont cette substance a été l'objet s'appliquent à la variété coagulée ou à une combinaison qu'elle forme avec la globu- line (2). Du reste, les faits ainsi constatés n'en intéressent pas moins le physiologiste. Ainsi on a trouvé que l'hématosine non coagulée est très soluble dans l'eau pure; la présence de l'albu- mine ne l'empêche pas de s'y dissoudre, celle du chlorure de sodium non plus ; mais elle est insoluble dans l'eau chargée à la fois d'une certaine quantité de ces deux substances, et c'est pour celte raison qu'elle ne se dissout pas dans le plasma ou dans le sérum normal, tandis qu'elle s'y dissout lorsqu'on étend ces liquides d'une certaine quantité d'eau. Cette propriété singulière *de l'hématosine et de la globuline nous explique comment les globules du sang peuvent exister et conserver leur structure particulière dans le plasma ou dans le sérum, mais se détruisent lorsqu'on ajoute de l'eau à ce foi mes par une matière qu'il a ren- au bois de Campêche, ou Hœmatoxy- contrée parfois dans la bile, et qu'il lum campechianum. a désignée sous le nom de biliver- (2) En général, on prépare cette dine, quoique ce ne soit pas la même matière colorante en la coagulant par cbose que la biliverdine de Berzelius. de l'acide sulfurique, puis en dissolvant M. Zenker, de Dresde, a trouvé que les sulfates d'albumine, de globuline et cette biliverdine peut facilement se d'hématosine ainsi formés dans de l'al- transformer en hématoïdine , et des cool bouillant, et en précipitant l'albu- résultals analogues ont été obtenus mine et la globuline par un léger excès par M. Funke (a), d'ammoniaque; on évapore ensuite la (1) Dans beaucoup de traités de solution, et l'on traite le résidu suc- chimie récents on a substitué à ce cessivement par l'eau, l'alcool et l'élher nom celui d'hématine ; mais ce chan- pour enlever le sulfate d'ammoniaque gement ne peut être accepté, car et la graisse; le résidu insoluble, d'un depuis plus de quarante ans le mot brun foncé, constitue ce que les chi- hématine a une autre signification, et mistes appellent de l'hématosine coa- appartienl à la matière colorante propre gulée. (a) Voyez Lolimann, Lelirb. der physiàl. Chemie, t. I, p. 291. i- 23 178 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. liquide (1). L'hématosine, à raison de sa grande solubilité, se dissout alors très rapidement, et la globuline, qui résiste davantage, après être restée pendant quelque temps sous la forme d'une sphérule incolore, finit par se dissoudre aussi, pourvu que le sérum soit suffisamment dilué. Aussi, dans les observations microscopiques sur le sang, lorsqu'on a besoin de délayer ce liquide, faut-il bien se garder d'y ajouter de l'eau pure, et faut-il employer soit du sérum, soit une dissolution dans laquelle l'hématosine est insoluble : de l'eau chargée de sulfate de soude ou de sel commun, par exemple ; ou bien encore une solution dans laquelle l'eau se trouve pour ainsi dire retenue en captivité par la présence du sucre, de la gomme ou de quelque autre matière organique analogue. Les propriétés chimiques des principes constitutifs des glo- bules sanguins nous permettent aussi de comprendre la cause de quelques-uns des accidents qui* se sont manifestés chez un malade atteint d'hydrophobie qu'un physiologiste avait espéré guérir en lui injectant de l'eau dans les veines (2). L'hématosine soluble, de même que l'albumine, ne se laisse ni coaguler ni fixer par le sulfate de magnésie, caractère qui l'éloigné de la caséine; mais le sulfate de chaux l'entraîne et le retient, comme les mordants employés dans les arts fixent les matières tinctoriales (3). Unie à la globuline, elle se coagule à (1) Cette action de l'eau sur la ma- membrane muqueuse intestinale, et tière colorante des globules sanguins lors de l'autopsie on trouva son sang a été constatée par Young (a), liquide partout et dans un étal de Mais c'est surtoutparlesexpériences putréfaction très avancée. (Voyez Hist. de Sehultz sur la coloration des glo- d'un hydrophobe traité à V 'Hôtel-Dieu Iniles ainsi attaqués que la distinction de Paris, au moyen de l'injection de entre la matière colorante et le tissu l'eau dans les veines, par Magen- tégumen taire des globules a été mise die, Joum. de physiologie, 1823, en évidence. (Voyez ci-dessus p. 68.) t. III, p. 382.) (2) A la suite d'une expérience de (3) Hobin et Verdeil, Traité de chi- ce genre, le malade eut une bémor- mie anatom., t. III, p. 378. rhagie passive très abondante par la (a) Remarks on Blood, etc., in Introduction to Médical Literalure, 1813. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMÏNÔÏDES . 179 une température d'environ 75 degrés et devient insoluble dans l'eau. Alors elle ne reprend plus sa forme première, même après être entrée dans des combinaisons salines qui elles-mêmes sont solubles (1). Il est aussi à noter que l'hématosine est une substance très facile à altérer, et que sa teinte change sous l'influence d'une multitude d'agents chimiques. Vue par transparence et en petite quantité, elle paraît d'un jaune rougeâtre pâle ; vue à la lumière réfléchie, elle est d'un rouge intense qui, à l'abri de l'action de l'air, est d'un ton louche et violacé, mais devient vif et éclatant, au contact de l'oxygène. En abordant l'histoire chimique du sang, j'ai dit que les cen- dres obtenues par l'incinération de ce liquide renferment une quantité remarquable de fer (2). C'est avec l'hématosine que ce métal se trouve en combinaison ; il parait y être associé en proportion définie , mais sa présence n'explique en rien la couleur rouge de cette matière, et il résulterait même des expé- riences de M. Mulder et de M. Van Goudoever que celle-ci peut en être dépouillée complètement sans que sa couleur soit changée par cette opération (3). Quant à la manière dont le fer se trouve uni à la matière protéique dans ce composé, nous ne savons rien de positif, mais il est probable que cet élément y existe à l'état métallique, car M. Scheckund a vu qu'en l'atta- quant par l'acide sulfurique, il donne lieu à un dégagement assez considérable d'hydrogène., puis se retrouve dans la liqueur à l'état de sulfate (li\ (l) Ainsi l'hématosine coagulée est (Zi) La plupart des chimistes de la soluble dans l'eau ou l'alcool additionné fin du siècle dernier attribuaient la d'une petite quantité d'ammoniaque, couleur rouge du sang au fer. Deyeux ou de potasse, ou de soude caus- et Parmentier pensaient que ce métal tique. s'y trouve en dissolution, à peu près ('2) Voyez page 1Z|2. comme dans la préparation nommée (3) Mulder, Chemistry of Vegetable jadis teinture martiale de Slahl, et and Animal Physiology., p. 335. obtenue en versant du nitrate de 180 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. prot&que § H. — Une autre matière albuminoïde peu différente de utrfades. la fibrine, mais qui semble devoir en être distinguée, constitue, peroxyde de fer dans une solution de carbonate de potasse (a). Fourcroy crut pouvoir expliquer cette coloration en supposant que du sous-phosphate de. fer y était en disso- lution dans l'albumine , et il pensait même qu'il était possible de fabriquer ainsi de toutes pièces la matière rouge du sang (b). Wells, au contraire, attribuait la couleur rouge du sang à une matière organique (c), et Berzelius démontra pleinement ce fait dans sa Chimie animale, publiée en Suède en 1808 ; mais ses expériences à ce sujet ne furent connues en France et en Angle- terre qu'après la publication d'un travail de Brande qui conduisait au même résultat (c/;. Brande alla même plus loin, et crut devoir conclure de ses expériences que la matière colorante du sang ne contient pas notablement de fer (e). Bientôt après, Vauquelin entreprit à ce sujet de nouvelles expé- riences (/■). Et Berzelius fit voir que le fer est bien un des éléments consti- tutifs de la matière organique dont dépend la couleur rouge du sang (g). Enfin, le nom cVhématosine fut donné à ce principe immédiat, en 1827, par M. Chevreul {h). Vers la même époque, un chimiste allemand, Engelhard, fit une longue série d'expériences relatives à l'état dans lequel le fer se trouve dans le sang, et il arriva à cette conclusion que ce n'est pas sous la forme d'une combinaison saline ou même d'oxyde que ce métal y existe, mais, ainsi que le phosphore et le calcium, uni directe- ment aux éléments dont se compose la matière organique rouge. Il montra, en effet, que les acides ne le séparent pas, ou du moins qu'après avoir agi sur la matière colorante , ils ne donnent pas de précipité avec les alcalis et les autres réactifs employés d'ordinaire pour déceler la présence des sels de fer (i). Mais d'autres expériences , faites par M. [). Rose , prouvent que ces résultats n'ont pas la signification qu'on leur attribuait, car la présence de l'albumine ou de toute autre substance organique non volatile (l'acide urique excepté) em- pêche la précipitation du fer dans les dissolutions où il existe cependant des sels ferrugineux en petite quantité (j). Berzelius pensait que c'est à l'état d'oxyde que le fer se trouve uni à la matière colorante du sang, car on sait que l'albumine peut former avec les oxydes de ce métal des composés solubles ; l'hématosine serait donc une (a) Mémoire sur le sang (Journ. de phys., de chim. et d'hist. nat., 1794-, t. XLIV.p. 380, et 447. (b) Voyez Fourcroy et Vauquelin dans le Système des connaissances chimiques, par Fourcroy, t. IX, p. 152, etc. (c) Observations and Experiments on the Colotir of the Blood (Phil. Trans., 1797, p. 427). (d) Berzelius, On Animal Fluids (Med. Chir. Trans., 1812, vol. III). (e) Brande, Chem. Researcb.es on Blood(Phil. Trans., 1812, p. 90). (/) Vauquelin, Sur le principe colorant du sang (Ann. de phys. et chim., 1810, t. I, p. 9). (g) Ann. de phys et chim., 1817, t. V, p. 48. [h) Art. Sang du Dict. des.se. nat., t. XLVI1, p. 187. (i) Engelhard, Commentatio de vera materiœ sanguini purpureum colorem impertientis na tura. Goétting., 1825. (j) Ann. de chim. et phys., 1827, l. XXXIV, p. 208. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUM1N01DES. 181 suivant M. Lehmann, la membrane extérieure des globules (1 j. Elle fait gelée clans l'acide acétique et les alcalis étendus d'eau ; elle ne se dissout pas dans l'eau chargée de nitrate de potasse, et elle ne contient pas de soufre ; mais du reste elle ne paraît combinaison analogue aux album. nates de fer. Cette opinion semblait assez bien fondée; mais, d'après quelques nou- velles expériences, faites par Scheckund et rapportées par Mulder, on revient aujourd'hui à l'bypolhèsed'Engelhard. Effectivement, si l'on fait digérer dans de l'acide sulfurique du sang desséché, et si ensuite on ajoute de l'eau , on dissout du sulfate de fer, et cette opération est accompagnée d'un déga- gement d'hydrogène, ce qui semble indiquer que de l'eau a été décomposée par du fer métallique, et que ce. n'est pas à l'état d'oxyde que ce principe préexistait dans le sang. Les expériences faites par M. Hermb- stâdt tendent aussi à prouver que le fer existe à l'état métallique dans la matière colorante du sang, et qu'il y constituerait un sulfo - ferrocyanure qui serait uni à un principe albumi- noïde (a). Il est aussi à noter que le fer, tout en se trouvant uni à Thémalosine, ne paraît pas être essentiel à la constitu- tion de cette matière colorante. En effet, le sang auquel on a enlevé ainsi tout son fer, et qui a été ensuite bien lavé, donne encore, lorsqu'on le traite par de l'alcool aiguisé d'acide sulfu- rique, une dissolution rouge d'héma- tosine combinée avec de l'acide sulfo- proléique , mais ne renfermant plus de fer (6). M. Scheerer assure aussi qu'il est parvenu à enlever à l'hématosine la totalité de son fer sans en altérer la couleur (c). JMaisjedois ajouter que M. Taddei a combattu l'opinion de l'existence d'une matière colorante rouge du sang qui serait exempte de fer (cl). M. Mulder a trouvé dans l'héma- tosine 6,6Zi centièmes de fer, et a cru pouvoir représenter la composition élémentaire de cette substance par la formule C44fl22Az306Fe. Mais je ne vois pas bien comment cette composition s'accorderait avec l'hypothèse, d'ailleurs si probable, de l'existence d'une matière protéique fondamentale, et avec la formule que M. Mulder en donne (voy. p. 150). J'ajouterai encore que M. Polli pense que la matière colorante rouge du sang et la matière jaune de la bile sont une même substance à divers degrés d'oxydation ; mais cette hypo- thèse ne repose pas sur des bases suffisantes (e). (1) Lehmann, Précis de chimie physiologique animale, 1855, p. 12Zj. (a) Versuche iiber die Hemcttine (Journ. fur Chemie und Physik, von Schweigger, 1832, t. LXIV, p 314). (b) Mulder, Chem. of Verjet. and Anim. Physiol., p. 335, et Journ. fur prakt. Chem., 1844, t. XXII, p 186. (c) Sdieerer, Chemisch-physiologische Untersuchung. (Ann.derChem.undPharm.,18il,t. XL, p. 30. (d) Sul color rosso del sangue (Gaz. Toscana délie scienze medico-fisiche, 1844, n° 17). (e) Polli, Siclla natura délia materia colorante rossa del sangue (Ann. di ehimica applic. alla Medic, Milano, gennajo 1846). Nncléine. 182 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. pas avoir toujours les mêmes caractères, et n'est encore que très imparfaitement connue (1). § 12. — Le noyau des globules rouges de sang des Verté- brés ovipares paraît être formé principalement d'une matière protéique assez semblable à celle qui constitue l'enveloppe de ces corpuscules. Jusque dans ces dernières années la plupart des physiologistes pensaient que cette substance était de la fibrine (2) ; mais les expériences de M . J . Vogel, de Fr. Simon, et de M. Lehmann montrent qu'elle ne se comporte pas de la même manière en présence de divers réactifs, et tendent à établir que, tout en appartenant au groupe des principes protéiques, elle serait distincte de tous ceux connus anciennement (3). On a proposé de la désigner sous le nom de nucléine (70, mais on (1) M. M aider considère cette enve- loppe membraneuse comme étant formée par la substance qu'il nomme bioxyprotéine, mais les caractères chi- miques de ces deux corps ne sont pas les mêmes. iYT. Lehmann fait remarquer aussi que la facilité avec laquelle les parois des divers globules du même sang se. laissent attaquer par l'eau, les acides affaiblis, l'éther, etc., est très variable, et que d'après ces différences on est conduit à présumer que la constitution chimique de ces téguments n'est pas toujours identique. Il pense que ce sont les jeunes cellules sanguines qui résistent le mieux à l'action dissol- vante de l'eau, et que les globules déjà vieux se détruisent plus facile- ment. (Lehmann, Lehrbuch der phy- siologischen Chemie, 1853, Bd. Il, p. 150.) (2) Ëv. Home, Op. cit. — Prévost et Dumas, Bill. univ. de Genève, t. XVIL — Letellier, Mém. sur le sang (Ga- zette médicale, 1839, t. VU, p. 25Z|). (3) La fibrine est promptement atta- quée par l'acide acétique, se gonfle, devient transparente et disparaît. La substance constitutive du nucléus résiste au contraire pendant fort long- temps à l'action de ce réactif. M. J. Vogel, qui fut un des premiers à étu- dier attentivement les propriétés chi- miques du noyau des globules san- guins de la grenouille, le considère comme ayant plus d'analogie avec l'albumine coagulée qu'avec la fi- brine (a). Fr. Simon a été conduit à penser que cette substance albumi- noïde n'est identique avec aucun de ces principes protéiques (6), et M. Leh- mann adopte la même opinion (c). (à) M. Maitland, qui a proposé cette dénomination, pense que le noyau des (a) Vogol, Physico- Chemical Analyse of ihe Blood (in Wagner's Eléments ofPhysioloyy, p. 257) (b) Fr. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 114. (c) Lehmann, Lehrbuch der physiologischen Chemie, t. II, p. 155. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBlMlNOIDliS . 183 ne sait en réalité presque rien sur sa nature ou sur ses caractères, et, ainsi que nous le verrons bientôt, il est probable que le nueléus des globules sanguins est formé en grande partie de principes immédiats d'une autre classe. S 13. — Enfin MM. Dumas et Cahours ont extrait du caillot caséine *■ insoluble. une substance voisine de la caséine, mais qui est solublc dans l'alcool à chaud, et ces chimistes pensent qu'elle constitue les globules blancs dont un nombre plus ou moins grand se trouve, comme nous l'avons déjà dit, mêlé aux globules rouges (1). La caséine, ou quelque chose de très analogue, se trouverait donc sous deux formes dans le fluide nourricier, à l'état soluble dans le plasma, et à l'état insoluble dans les globules blancs. § 1/t. — Enfin il existe aussi dans le sérum du sang une Matière jaune, matière colorante jaune qui n'est encore que très mal connue, mais qui semble devoir appartenir au groupe des produits azotés dont l'histoire nous occupe ici (2). globules sanguins est formé par un abondance dans le sérum des icté- principe immédiat particulier de la riques une matière colorante jaune nature des matières cornées (a) ; mais, fort analogue à celle que renferme la ainsi que l'observa M. Nasse, le pro- bile, mais que ce chimiste n'a pas cru cédé employé par ce physiologiste pour devoir y assimiler d'une manière posi- la séparation des noyaux devait lui don- tive [cl). M. Chevreul a constaté la ner plutôt les débris des téguments présence d'une matière colorante des globules sanguins (6). rouge orangé dans le sang des épiants ;1) MAI. Humas et Cahours ont fait nouveau-nés qui sont attaqués d'ic- l'analyse élémentaire de cette sub- tère et d'induration sous-cutanée {e). stance qu'ils désignent provisoirement M. Lecanu et !U. F. Boudet ont sous le nom de caséine du sang, et y retiré aussi la même matière du sang ont trouvé la même composition que de divers malades en proie à la jau- pour la caséine du lait US). nisse (/). (2) Deyeux a trouvé en grande En 1835, M. Martial Samson, dans (a) Maitland, An Expérimental Essay on the Physiology of the Blood. Edinburgh, 1838, p. 27. (b) Nasse, art. Sang (Wagner's Handworterb. derPhysial., t. I, p. 14-0). (c) Dumas et Cahours, Mémoire sur les matières azotées neutres de l'organisation (Ami. de chimie, 3e série, 1842, t. VI, p. 415). (d) Deyeux, Considér. chim. et méd. sur le sang des ictériques, thèse Fac. de méd. de Paris, 1804. (e) Chevreul, Mémoire sur plusieurs points de chimie organique, et considérations sur la nature du sang (Journ. de physiologie de Mag-endie, 1824, t. IV, p. 126). (D Journ. depharm., 1831. — -Boudet, Essai critique et expérimental sur le sang, thèse Ecole de pharm. de Paris, 1833. 18/j SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. Résume. § |5. — ^u résumé, nous voyons donc qu'il existe dans le sang non-seulement de la fibrine, de l'albumine, de l'hémato- sine et de la globuline, mais aussi plusieurs autres matières albuminoïdes dont les caractères n'ont été encore que mal définis; et que parmi ces corps les uns sont tenus en dissolution dans le sérum, et d'autres y sont suspendus à l'état solide. Nous avons vu aussi que toutes ces substances ont entre elles une étroite analogie, et constituent pour ainsi dire une famille naturelle dont tous les membres semblent dériver d'une même souche ; que toutes sont susceptibles d'éprouver une foule de modifications sous l'influence des matières inorganiques avec lesquelles on les met en contact, et que les différences qui les distinguent entre elles semblent être du même ordre que celles résultant de réactions de ce genre. Que toutes paraissent être formées d'une seule et même substance protéique dont les propriétés secondaires varieraient un peu suivant que cette une thèse soutenue à l'École de phar- Cette dernière matière, que l'on marie de Paris, et intitulée Études désigne souvent aujourd'hui sous le sur les matières colorantes du sang, nom de biliverdine, ressemble à l'hé- a rendu compte d'une longue série matosine par sa composition, et con- d'expériences sur le sang du Bœuf, et tient aussi du fer. y signale quatre matières colorantes, Fr. Simon considère la matière dont une est le principe jaune men- colorante jaune du sérum comme tionné ci-dessus. Elle donne au sérum étant identique avec celle qu'il a décrite sa teinte particulière, et elle est so- sous le nom cVhémaphéine, laquelle lubie dans l'eau, l'alcool, l'éther et les serait un dérivé de l'hématosine, graisses; les acides concentrés et les modifiée par l'absorption de l'oxygène alcalis ne lui font éprouver aucun et l'élimination d'une certaine quantité changement à froid; enfin elle est de carbone (6) ; et enfin M. Marchand décolorée par le chlore. pense que cette hémaphéine n'est que Plus récemment, M. Denis a con- de l'hématosine modifiée par un alcali, staté que par l'ensemble de ses pro- On voit donc qu'il existe beaucoup priétés celte substance ne paraît pas d'incertitude au sujet de la nature de différer de la matière colorante de la ce principe colorant, bile (a). (a) Denis, Essai sur l'application de la chimie à l'élude du sang, 1838, p. 130. (u) Simon, Die Favbesioffe des Blutes (Joum. fur prakt. Chem., 1841, t. XXII, p. 113). — Animal Chemislry, vol. I, p. 43 et p. 159. COMPOSITION ; MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 185 substance fondamentale s'unil à un peu plus ou ù un peu moins de telle ou telle matière saline, alcaline ou acide, ou suivant que certains de ses atomes constitutifs sont éliminés et rem- placés par des atomes différents. En d'autres mots, que tous ces corps dont le rôle est si important, non-seulement dans la constitution du sang, mais aussi dans la formation de toutes les autres parties de l'organisme , sont comme les variantes d'un même texte dont le sens ne changerait pas, mais dont la con- texture se modifierait par suite de quelques substitutions de mots , de quelques abréviations , ou bien encore de l'introduc- tion de quelques périphrases. Une étude approfondie des trans- formations qui s'opèrent ainsi dans les matières albuminoïdes , lors même qu'elle ne conduirait pas à la solution de questions dont les chimistes se préoccupent à juste raison, touchant le mode de groupement des molécules constitutives de ces corps, pourrait avoir pour le physiologiste un grand intérêt ; et pour nen citer ici qu'un exemple, je rappellerai que, sous l'influence de l'oxygène ou d'autres agents, la fibrine est susceptible de se transformer en deux substances protéiques dont l'une est soluble, l'autre insoluble : ce sont les corps auxquels M. Muider a donné les noms de bioxyprotéine et de trioxyprotéine. Or, dans l'organisme les matières albuminoïdes rencontrent sans cesse de l'oxygène, et l'on voit s'y développer d'une manière non moins fréquente des substances qui ont avec ces corps une ressemblance frappante. Il serait donc intéressant de comparer plus attentivement qu'on ne l'a t'ait jusqu ici ces produits arti- ficiels avec quelques-uns des principes protéiques d'une im- portance secondaire dont il vient d'être question, et de cher- cher s'ils n'auraient pas une origine analogue. Cela me parait probable; mais, dans l'état actuel delà science, on ne saurait porter trop de réserve dans les appréciations de ce genre. Je ne m'arrêterai donc pas sur ces questions, et je m'abs- tiendrai aussi de parler de quelques autres substances qui i. 24 186 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. semblent appartenir au même groupe de matières organiques, et qui ont été signalées par les chimistes comme se trouvant dans le sang, mais qui ne sont probablement que des produits dus à diverses altérations des principes normaux de ce liquide déterminés par les réactifs dont on avait fait usage pour en effectuer la séparation. Telles sont les substances dont plu- sieurs auteurs ont parlé sous les noms de gélatine du sang , d'osmazôme, d'épidermose, d'hémaphéine, de subrubrine, de chlorohématine, de xanthohématine, etc. (1). (1) On avait remarqué depuis long- temps que le sérum coagulé par la chaleur laisse suinter une sérosité jaunâtre qui, dans certaines circon- stances, est susceptible de se prendre en gelée. Fourcroy et Vauquelin con- sidéraient cette matière comme étant de la gélatine (a). Parmentier et Deyeux admirent aussi la gélatine au nombre des matériaux normaux du sang. Mais Bostock montra que les conclusions tirées des expériences de ces chimistes n'étaient pas exactes, et que le sang ne contient pas de gé- latine (b). Berzelius était arrivé de son côté à un résultat analogue (c). Enfin Brande, en soumettant cette matière à l'influence de la pile électrique, en a retiré de la soude, et depuis lors on Ta considérée comme étant un albu- minale soluble de soude (d). Dans ces derniers temps l'existence de la géla- tine, comme principe constitutif du sang, a été de nouveau annoncée par M. Bouchardat (e); mais la matière dont ce chimiste parle ne paraît être que le produit de l'oxygénation de la protéine, découvert par M. Mulder et appelé trioxyprotéine. La substance que M. Bouchardat a extraite des globules sanguins, et qu'il a nommée épidermose, paraît être aussi un produit de même origine, et ne diffère probablement pas de celui que. M. Mulder nomme bioxy protéine (voy. p. 160). M. Ludwig a aussi obtenu dans ses analyses du sang une matière coa- gulée qui paraît être du bioxypro- téine (/). La matière, que M. Denis a séparée du sang par l'action de l'alcool, et qu'il rapporte à la substance obtenue par M. Thenard dans ses expériences sur la chair musculaire, et désignée par ce chimiste sous le nom d'osma- zôme, est bien évidemment aussi un produit complexe (7). Berzelius la considère comme un mélange de lactate de soucie et de matière orga- (a) Ann. de chim., t. VI, p. 182, et t. VII, p. 14G ; puis avec plus de détails, Mém. de l'Acad. des se, 1789, p. 297. (b) Bostock, On the Gélatine of the Blood (Medic. Chir. Trans., vol. I, p. -47). (c) Berzelius, General Views of the Compas . of Animal Fhnds (Medic. Chir. Trans., 181 2, vol. III). (d) Medic. Chir. Trans., vol. III, p. 226. (c) Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 90. (f) Ann. der Chem. und Pharm., t. LVI, p. 95. — Berzelius, Rapp. pour 1845, p. 477 ; et Annuaire de chimie, 1847, p. 745. (g) Rech. expérim. sur le sang, p. 107. composition; matières grasses. 1 *■ accessoires concourent à former le sang , il faut encore ajouter des matières qui se trouvent normalement dans ce liquide, mais qui ne semblent pas devoir être considérées comme en étant les matériaux essentiels. Ce sont des corps qui se mêlent au sang et le traversent en quelque sorte, soit qu'ils tendent à s'échapper^au dehors, soit qu'ils pénètrent accidentellement dans l'économie. Tels sont des principes immédiats qui résultent, comme nous Uréo- le verrons plus tard, du travail chimique de la nutrition, et sont expulsés au dehors presque aussitôt après leur formation, noyaux qui se dissolvent à leur tour. substances sur ces globules, et il en Ces phénomènes ont lieu dans de conclut que les modifications dont il l'eau chargée de 15 pour 100, ou vient d'être question sont des phéno- même seulement de 12 centièmes mènes dus à l'endosmose; que dans les d'urée; mais dans des dissolutions dissolutions concentrées d'urée, etc. , plus pauvres les globules ne les pré- un courant endosmotique puissant sentent plus: ils deviennent sphé- s'établit du globule dans le bain et riques et pâles en même temps que enlève l'hématosine, tandis que dans leur noyau se dessine plus nettement. l'eau ou les dissolutions faibles c'est du Les globules sanguins de la Gre- bain dans l'intérieur du globule que nouille perdent aussi leur matière co- le courant se porte, et le liquide qui lorante dans une solution concentrée y pénètre ainsi dissout aussi la matière de sucre de lait et la même chose, colorante. Il en résulterait que l'inté- a lieu dans une solution concentrée grité du globule serait dépendante de de glycérine, si ce n'est qu'autour de l'équilibre entre la puissance endos- beaucoup de leurs noyaux on distingue motique de son contenu et du fluide une bordure due à la persistance environnant. de la paroi membraneuse de la cellule (1) Enderlin, Physiologîsch-che- qui constitue chaque globule. M. KÔI- rnische Untersuch. (Annalen der liker a étudié aussi l'action du sel com- Chem. und Pharm., lShk, Bel. XLIX$ mun, de l'acétate de soude et d'autres p. 317). 200 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. mais sont transportés du lieu de leur production jusqu'à leur émonetoire par le courant sanguin : l'urée, par exemple. Effectivement, dans l'état normal, on trouve de l'urée dans le sang des Mammifères , mais en quantité à peine percep- tible, à moins qu'on n'arrête le travail par lequel cette matière est d'ordinaire éliminée de l'organisme à mesure qu'elle s'y forme ; car alors sa proportion augmente et peut devenir assez considérable (1). (1) Ce fail remarquable de la pré- sence de l'urée dans le sang après la suppression de la sécrétion urinaire a été constaté par MM. Prévost et Dumas (a), puis confirmé par beau- coup d'autres physiologistes ou chi- mistes, ainsi que nous le verrons en étudiant les sécrétions. L'existence du même principe im- médiat dans le sang normal a été annoncée d'abord par M. Marchand (6). Le même résultat a été obtenu par Simon (c). Dernièrement encore, la présence de l'urée dans le sang nor- mal a été constatée par M. Strahl [d), M. Hervier (c) et par M. Verdeil (/> L'acide urique qui accompagne l'urée dans les évacuations rénales se trouve probablement aussi dans le sang, mais en trop petite quantité pour que dans l'état normal on ait pu l'y reconnaître. Dans quelques cas pathologiques, au contraire, il a été. ce liquide. Ainsi , dans les affections arthritiques, M. Garrod a trouvé de l'urate de soude dans le sang. Pour 1000 parties de sérum, il y avait de 0,050 à 0,025 d'acide urique. M. Gar- rod a constaté également l'existence de ce principe immédiat dans le sang des individus atteints de la maladie de Bright (g). Plus récemment, il a obtenu un résultat analogue, en ana- lysant le sang dans des cas de péri- cardite et de péritonite (h). Pour reconnaître la présence de petites quantités de cet acide dans le sérum, M. Garrod conseille l'emploi du pro- cédé suivant : On plonge un bout de fil très fin dans le sérum placé dans un verre de montre et l'on ajoute de l'acide acétique; l'acide urique forme alors des cristaux très petits qui s'atta- chent au fil, et en plaçant celui-ci sous le microscope, on constate les carac- tères physiques du produit. facile d'en reconnaître l'existence dans (a) Prévost et Dumas, Examen du sang, 3° mémoire [Annales de chimie el de physique, 1823, l. XXIII, p. 90). (6) Voyez Ann. des se. nat., 1838, 2« série, t.X.p. *6- , ; „Rn c Voyez Archives de Muller, 1841, el Ann. dessc. nat., 1842, 2= série, t XVIII, p. 380. (d) Hervier, De V existence habituelle de l'urée et de V acide hippurique dans le sang no, mal de l'homme, thèse, et Gaz. méd., 1851, p. 76. htnianiL, (e) Note sur laproportwn de l'urée existant dans le sang, etc. -Bullet. de la Soc. biologique, ^'iiZi^'Harnstoffbestândig im Blut (Archiv far physiologische undpathologische Chemie und Mikroskopie, von Heller, 1847, Bd. IV, p. 558). , /'• ' (/Garrod, Observ. on Certain Pathological Conditions of the Blood and Urine m Goût, etc. (Trans. of the Medico-Chirurg. Soc. of London, 1848, vol. XXXV, p. 83) {h) Garrod, On the Blood and effused Fluids in Goût, Rhumatisms and Bnghl s Discase (Med. Chir. Trans., 1854, p. 49). composition; MATIÈRES ACCESSOIRES. "201 L'acide hippurique, substance que les Mammifères herbi- vores expulsent par la sécrétion urinaire , se rencontre de la même manière, combiné probablement avec de la soude, dans le sang de ces animaux (1), et a été trouvé aussi dans le sang de l'homme (2). Nous devons ranger également dans cette catégorie l'acide lactique, dont la présence à l'état de lactate de soude ou de potasse avait, été signalée dans le sang par Berzelius, mais qui ne paraît pas y avoir une existence permanente (3). Enfin, la créatine et la créatinine , matières cristallisables qui sont probablement des produits excrémentitiels du travail nutritif se montrent aussi dans ce liquide (h) . Acide hippurique. AciJe lactique. Créatine. (1) De la présence de l'acide hippu- rique dans le sang du Bœuf, par MM. Vercleil et Goldfuss (Mém. de la Soc. biologique, 18Ù9, t. I, C R., p. 225, et 1850, t. II, p. 79 ; — Ann. der Chemie und Pharmacie, 1850, Bd. LXXIV, p. 2th). (2) Robin et Verdeil, Traité de chimie anatomique, t. II, p. /i47. — Hervier, loc. cil. (3) Enderlin, Ueber diemilchsauren Salze im Blute {Ann. der Chern. und Pharm., 184 o, Bd. XLVI, 164). (4) La créatine a été découverte dans la chair des Mammifères par M. Chevreul (a), et la présence de cette matière dans le sang a été constatée par MM. Verdeil et Marcet (6). C'est une substance neutre, soluble dans l'eau et dans l'alcool ; sa composition paraît devoir être représentée par la formule C8H9Az30",HO, et sous l'in- fluence des acides concentrés elle perd lx équivalents d'eau et se transforme en créatinine. Enfin, elle cristallise en prismes rectangulaires nacrés et brillants (c). M. Liebig avait été porté à considérer celte substance comme jouant un rôle très important dans la nutrition (d) ; mais les recherches de M. Heinsk tendent à prouver que c'est un produit excrémentitiel , résultat qui me semble très probable (e). La créatinine est une base orga- nique dont la découverte est due à M. Liebig (/). Elle est plus soluble (a) Chevreul, Rapport sur le bouillon de la compagnie Hollandaise, fait à l'Académie des sciences en 1832 (Mém. de la Soc. centrale d'agriculture, 1848, lr0 partie, p. 658). (6) Rech. sur les principes immédiats qui composent le sang de l'homme et des animaux (Journ. de pharm., 1851, t. XX, p. 89). (c) Voyez Liebig, Sur les principes des liquides de la chair musculaire (Ann. de phys. et de chim., 1849, 3'scrie, t. XXIII, p. 129, et Annal, der Chem. und Pharm., 1847, t. LXII). (d) Liebig, Recherches de chimie animale (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 184", t. XXIV, p. 09.) (e) Heinsk, Nouvelles recherches sur la créatine (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1847, t. XXIV, p. 500). (f) Liebig-, loc. cit. _ ï. 26 202 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. G;iz- § 20. — Je crois devoir considérer comme matières étran- gères à la constitution essentielle du sang les gaz qui s'y trou- vent en dissolution, et qui sont destinés ou à se combiner avec les matériaux plastiques de l'organisme, ou à être exhalés. Certains de ces gaz, il est vrai, jouent un rôle des plus impor- tants dans le travail physiologique dont le sang est aussi un des principaux agents : l'oxygène et l'acide carbonique, par exemple ; mais en parler ici serait compliquer inutilement le sujet déjà si complexe dont nous nous occupons en ce moment, et c'est en étudiant la respiration que nous pourrons en traiter le plus utilement. Je me bornerai donc à annoncer ici le fait de l'existence d'une certaine quantité de gaz oxygène, de gaz azote et de gaz acide carbonique tenus en dissolution dans le fluide nourricier. Matériaux D'après quelques chimistes, le sang contiendrait encore plu- problématiques. • , r, / , , , « j i -v j sieurs autres éléments, et notamment de la silice , du manga- nèse, du cuivre, du plomb, du fluor, et même du titane (1); mais si ces corps n'ont pas été introduits dans ce liquide pendant l'analyse, soit avec les réactifs employés, soit par l'intermédiaire de la substance constitutive des vases dont on fait usage, ce qui parfois est arrivé bien certainement (2), il est au moins très probable que leur existence est accidentelle et qu'ils ne sont que de passage dans l'organisme. Quoi qu'il en que la créatine, dont elledérive, et (1) Rees crut avoir découvert de forme avec les acides des sels cristal- l'acide titanique dans le sang (6), mais lisables. Sa composition est représentée ce résultat est controuvé (c). par la formule C8H7Az302. C'est aussi (2) Les expériences de MM. Flandin à MM. Verdeil et Marcel que l'on doit et Danger viennent à l'appui de cette la constatation de la présence de manière de voir , qui a été partagée quelques traces de ce principe clans aussi par M. Chevreul. (Voy. Comptes le sang (a). rendus, 18à3, t. XVI, p. 9Z|/(.) («) Verdeil et Marcet, loc. cit. (&) Rees, On the Présence of Titanic Acid in the Blood (Brewster's Philosophical Magasin, 1835, 3' série, vol. VI, p. 201). (c) Marchand, Anrjebliches Vorkommen des Titans Im menschlichen Kurper (Annal, der Cliem. und Pharm., 1830, t. XXXII, p. 324). composition; matières anormales. c203 soit, leur quantité est toujours si minime, que nous pouvons les négliger ici (1). Quant aux substances dont la présence dans le sang n'est qu'accidentelle, et dépend soit d'un état pathologique de l'or- ganisme, soit de l'introduction de matières étrangères, je ne Matières anormale?, (1) La silice a peut-être plus d'im- portance dans la composition du sang que ne semblent l'avoir les autres sub- stances indiquées ici. Sa présence dans ce liquide chez l'homme, a été signalée par M. Millon en I8/18 (a). M. Hennenberg a trouvé que le sang de la Poule fournit 59 millièmes de son poids en cendres, et que celles- ci donnent en silice 9 pour 3 000 (6). AI. Enderlin a également constaté la présence de la silice dans le sang des oiseaux; il pense que ce corps y existe à l'état de silicate de soude ou de potasse, et que la proportion en est variable, suivant que les aliments dont l'animal fait usage contiennent plus ou moins de silice soluble (e). Il a fait à ce sujet des expériences sur les- quelles nous aurons ù revenir en étu- diant les phénomènes de la nutrition. La présence du manganèse dans le sang a été signalée par Wûrtzer (cl), Millon (e), Burdin du Buisson (f), Hannon (g) et quelques autres chi- mistes. Ces trois derniers auteurs con- sidèrent même ce métal comme étant associé au fer dans la constitution des globules sanguins. Alais AI. Denis, qui en a rencontré aussi des traces, pense qu'il n'existe pas normalement dans le sang, et y a été introduit par acci- dent pendant l'analyse (h) , opinion qui s'accorde avec les résultats né- gatifs fournis par les recherches de M. Glénard, qui a cherché sans suc- cès à en découvrir dans le sang nor- mal, même chez un ouvrier qui tra- vaillait dans les mines de Romœriech, et qui vivait constamment dans un air chargé de poussière d'oxyde de man- ganèse et de fer (t). Lorsqu'il s'en trouve, il paraîtrait donc que c'est ac- cidentellement, et les idées théoriques de quelques médecins au sujet d'une sorte de chlorose qui dépendrait d'une diminution dans la proportion de ce métal dans le sang, ne présentent même rien de plausible. L'existence de cuivre dans le sang (a) Comptes rendus de l'Acad. des se., t. XXVI, p. 41. (b) Annal, der Chem. und Pharm., Bel. LXI, p. 255. (c) Annal, der Chem. und Pharm., t. LXVII, p. 304, et Annuaire de chimie Je Millon et Reisel, 1849, p. 553. (d) Wûrtzer, Mangan im Blute (Sclnveigger's Journ. fur Chem., 1830, Bd. LVIII, p. 481). (e) M. Millon, De la présence normale de plusieurs métaux dans le sang de l'homme, et de l'analyse des sels fixes contenus dans ce liquide (Compt. rend., 1848, t. XXVI, p. 41). (f) Burin du Buisson, Mém. sur l'existence du manganèse dans le sang humain (Pievue mé- dicale, 1852, t. I, p. 201). — De la présence du manganèse dans le sang, et de sa valeur en thé- rapeutique. In-8, Lyon, 1855. (g) Hannon, Presse médicale de Bruxelles, 9 mars 1851. {h) Denis, Essai sur l'application de la chimie à l'étude physiol. du sang de l'homme, 1838, p. 173. (i) Glénard, Recherche du manganèse dans le sang (Gaz-, méd. de Lyon, et Journ. de pharm., 1854, 3' série, t. XXVI, p. 184). 204 SANG DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. crois pas devoir en parler en ce moment, si ce n'est pour dire que beaucoup de corps peuvent se trouver ainsi mêlés à ce liquide et exercer une influence plus ou moins puissante sur l'économie. J'aurais souvent à revenir sur ce sujet dans la suite de ces leçons, et je me bornerai à ajouter ici que parmi les produits dont le sang est parfois chargé, il en est qui semblent résulter d'une modification anormale de quelques-uns de ses a été annoncée , il y a une quinzaine d'années, par M. Sargeau (a), et plus récemment par M. Rossignon (6) , M. Millon (c) et M. Deschamps {d). M. Wackenroder (e) a publié récem- ment un travail sur la présence de pe- tites quantités de cuivre dans l'écono- mie animale. Il a souvent trouvé des traces de ce métal, ainsi que des quan- tités très minimes de plomb dans le sang de l'homme et des animaux ; mais il prouve que ces substances avaient été introduites accidentelle- ment avec les aliments, et ne doivent pas être considérées comme des élé- ments normaux du fluide nourricier. Chez quelques animaux inférieurs , tels que les Colimaçons, il a toujours rencontré du cuivre. M. Millon a trouvé du plomb mêlé aux deux métaux précédents dans les cendres obtenues par la calcination des parties du sang qui ne sont pas coagu- lables par le chlore {loc. cit.). M. Cozzi en a retiré aussi du sérum provenant d'un malade affecté de colique satur- nine (/"). Mais M. Melsens a fait voir qu'en se préservant de certaines causes d'er- reur dans les procédés d'analyse em- ployés, on ne retrouve plus de trace ni de cuivre , ni de plomb , dans le sang normal (g). MM, Robin et Ver- deil n'ont pu trouver aucune trace de cuivre dans le sang du Bœuf (h). En étudiant les cendres obtenues par la calcination d'une très grande quantité de sang de Bœuf, M. G. Wil- son [i) y a constaté la présence de quelques traces de fluor, qu'il suppose y exister à l'état de fluorure de cal- cium, substance qui n'est pas complè- tement insoluble dans l'eau ( j ). (a) Arcli. der Pharm., Bd.LXXV, p. HO, 208, Ed. LXXVI, p. 1 (Chem. Gaz-., vol. XI, p. 352). (b) Tram, ofthe British Associât., 1851, p. 07. (e) Sarzeau, Rech. sur la présence du 'cuivre dans les végétaux et dans le sang [Joum. de pharm., 1830, t. XVI, p. 515). (d) Comptes rendus, t. XVII, p. 514. (e) Comptes vendus, 1848, t. XXVI, p. 41. (f) Note sur la présence normale du cuivre dans le sang de l'homme , par M. Deschamps (Compt. rend., 1848, I. XXVII, p, 389, et Joum. de phavm., 3' série, t. XIII, p. 88, et, t. XIV, p. 410). (g) Cozzi, Analyse du sang dans un cas de colique saturnine (Joum. de pharm., 1814, i. V, P- 157). (h) Melsens, De l'absence du cuivre et du plomb dans le sang (Ann. de chimie, 1-848, 3= série, I. XXIII, p. 358). (i) Traité de chimie anatomique, t. III, p. 500. fj) Trans. ofthe British Associât, for 1he Advanr. of Sciences, 1851 , p. 67. composition; matières anormales. 205 principes constitutifs ordinaires , d'autres dont l'origine est encore fort obscure (1). Ainsi, dans quelques états pathologiques de l'organisme, le sang contient des produits ammoniacaux, et, comme nous le verrons plus tard, cette anomalie parait être liée à un trouble (1) Le professeur Frerichs, de Bres- lau, a constaté la présence de petites quantité de leucine et de tyrosine dans le sang hépatique de quelques malades affectés de ramollissement et d'atrophie du foie , de typhus , de variole, etc. (a). La leucine est une substance cris- tallisable qui a été découverte par Braconnot, et qui se produit facile- ment par la décomposition des ma- tières organiques , de la caséine, par exemple. La tyrosine est une substance cris- talline qui naît également de la dé- composition de la globuline et de diverses autres matières organiques ; on l'obtient aussi par l'action de l'a- cide sulfurique affaibli sur ces ma- tières (6). (2) M. Shatford de Toronto, au Ca- nada, a trouvé dans le sang d'un ma- lade atteint d'épilepsie des granules de formes diverses qui se renflaient au contact de l'eau , qui semblaient avoir une structure lamellaire, et qui devenaient bleu par l'action de l'iode. Il les considère comme étant des grains de fécule (c). M. Virchow avait déjà constaté la présence d'une ma- tière analogue clans certains cas pa- thologiques du cerveau, et dans la rate atteinte de la dégénérescence dite cireuse (d). Les expériences faites dans ces der- nières années par MM. Herbst, OEster- lin, Eberhard, Donders etMensonides, Bruch, Hoffmann et Marfels, sur le passage de divers corpuscules solides, tels que des grains de fécule, de l'in- testin dans les vaisseaux chylifères, et de là dans le torrent de la circulation, fourniraient d'ailleurs une explication facile de la présence des corpuscules observés par les pathologistes que je viens de citer (e). (a) Frerichs und Staedeler, Ueber das Vorkommen von Leucin und Tyrosin in de>' menschlichen Leber (Millier' 's Arch., 1854, p. 382). (b) Liebig, Baldriansàure und ein neuer Korper ans Kâsestoff (Ann. der Chem. und Pharm., 4856, t. LVII, p. 427). — Hinterberger, Untersuchung des Ochsenhorns (Annal, der Chem. und Pharm., 4849, t. LXXI, P. 10). — Lever und Koller, Zersetzungsproducte der Federn, etc., mit verdunnter Sciwefelsaure (Annal, der Chem. und Pharm., 4852, t. LXXXIII, p. 333). (c) On the Présence of Starch in the Blood ofan EpilepHc Patient (Quarterly Journal of Micros- copical Science, 4855, vol. III, p. 468). (d) Virchow, Découverte d'une substance qui donne lieu aux mêmes réactions chimiques que la cellulose végétale dans le corps humain (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 4853, t. XXXVII, p. 492). — Nouvelles observ. sur la subst. animale analogue à la cellulose végétale (loc. cit., p. 860). — Entdeckungen einer Substanz im menschlichen Korper, welche dieselbe Jleact.giebt als die vegetabilische Cellulose (Journ. fur prakt. Chem., 4854, t. LXI, p. 492). (e) Voyez Marfels, Recherches sur les voies par lesquelles de petits corpuscules solides passent de l'intestin dans l'intérieur des vaisseaux chylifères et sanguins (Annales des sciences natu- relles, 4e série, 4856, t. V, p. 4 34). 206 SANG DES ANIMAUX VERTEBRES. dans la portion du travail éliminatoire qui donne naissance aux matières constitutives de l'urine (t). Enfin je citerai également ici les cas de maladies du foie dans lesquelles certains produits de la sécrétion hépatique, au lieu d'arriver en totalité dans le tube intestinal , pénètrent en quantité plus ou moins considérable dans le sang et en altèrent les caractères (2). (1) Vers la fin du siècle dernier, l'existence de l'ammoniaque dans le sang fut annoncée par un médecin d'Edimbourg, Ferris (a) ; et dernière- ment la présence du lactate d'ammo- niaque dans ce liquide, chez des cho- lériques, a été constatée par M.Witt- stock (6). MM. Schmidt (c) et Leh- mann (d) ont découvert du carbonate d'ammoniaque dans le sang des ma- lades atteints par cette affection épi- démique. Enfin M. Reuling a sou- vent trouvé des produits ammoniacaux dans le sérum chez des malades affec- tés d'urémie (e). Bulard et Rachet (f) paraissent avoir constaté des indices de la pré- sence de l'acide sulfhydrique dans le sang chez des malades atteints de la peste. (2) On a donné le nom de cholé- mie à un état particulier du sang, dans lequel ce liquide contient en plus grande abondance certaines matières caractéristiques de la bile. L'existence sinon de la bile dans le sang de divers malades affectés d'ic- tère, au moins de la substance à la- quelle les chimistes ont donné le nom de résine biliaire, a été annoncée par Fourcroy et Vauquelin (g), ainsi que par Orfila (h) ; et des observations ana- logues ont été publiées par Collardde Martigny {i) et Clarion (.j). M. Che- vreul (k) a retiré du sang d'enfants ictériques une certaine quantité de la matière colorante de la bile. Enfin d'autres analyses faites par M. Le- canu (/) et par M. Boudet (m) ont conduit au même résultat. Dans un cas de jaunisse observé par Fr. Simon, le sérum du sang était si fortement chargé de cette substance, qu'il paraissait rouge quand on en (a) Dissert, de sanguine corpore vivente circulent, putrido. Edinb., 1784. (b) Wiltstock, Chemische Untersuchung als Beitrâge x-ur Physiologie der Choiera (Ann. der Phys. und Chem. — Voyez Poggendorff, t. XXIV, p. 509.) (e) Schmidt, Characteristik der epidem. Choiera, p. 69. (d) Lehmann, Lehrb. fiirphysiol. Chemie, t. II, p. 218. (e) Reuling, Thèse sur l'existence de l'ammoniaque dans l'air expiré. Giessen, 1854. — (Voyez Brit. and For. Med. Rev.,\oL XV, p. 276. ) (f) Simon, Animal Chemistry, p. 320. (g) Fourcroy et Vauquelin , Copie de quelques découvertes chimiques (Ann. de chim., 1790, t. VI, p. 177)._ (li) Orfila, Éléments de chimie, 1831, t. II, p. 525. ■ (i) Collard de Martigny, Journal de chim. méd., t. I, p. 260. (j) Clarion, Mém. sur la couleur jaune des ictériques (Joum. de méd., an XIII, t. X, p. 288). (k) Chevreul, art. Sang du Dict. des sciences naturelles, t. XLVII, p. 198. (I) Lecanu, Journal de pharmacie, 1831, t. XVII, p. 485. (m) Boudet, Essaisur le sang (Joum. de pharm., 1833. t. XIX, p. 745). COMPOSITION CHIMIQUE. 207 § 21. — Nous ne savons encore que peu de chose au sujet de la composition chimique du sang chez les animaux inver- tébrés; mais il est facile de voir que chez un grand nombre d'entre eux, sinon chez tous, la constitution de ce liquide se rapproche beaucoup de ce que nous venons de trouver chez les Vertébrés. Effectivement les phénomènes de coagulation spontanée dont il a déjà été question indiquent la présence de la fibrine dans le fluide nourricier de la plupart des animaux inférieurs, et les expériences des chimistes nous y ont montré l'existence d'albumine, de matières colorantes albuminoïcles et de matières salines. Le principe colorant rouge qui se trouve en dissolution dans le sang du Ver de terre et de beaucoup d'autres Annélides, Sang îles Invertébrés. voyait une couche épaisse, et ne deve- nait jaune que lorsqu'on retendait d'eau, ou qu'on l'observait en couche très mince ; mais ce liquide ne parais- sait contenir , en quantités appré- ciables, ni de la résine biliaire, ni de la biline, ou les substances qui en dé- rivent (a). Tiedemann et Gmelin (6) ont trouvé de la biliphéine dans le sang des ictériques. Heller en a souvent rencontré dans le sang chez des malades atteints de pneumonie, mais qui ne présentaient aucun autre symptôme de dérange- ment dans les fonctions du système biliaire (c). MM. Becquerel etRodier ont trouvé aussi le sérum des ictériques for- tement teinté par le pigment bi- liaire (rf). Il est aussi à noter que M. Enderlin a extrait de ce liquide du cholate de soude, et ensuite quelques gouttelettes d'acide choloïdique (e). L'hypoxanthixe , substance que Scheerer a extraite de la rate, et que quelques chimistes considèrent comme étant un protoxyde du radical hypo- thétique C5H2Xy2, dont l'acide xan- thique serait un deuloxyde et l'acide urique un tritoxyde , a été trouvée par M. Virchow (f) dans le sang de quelques malades atteints de certaines affections spléniques accompagnées de leucémie. Scheerer en a trouvé aussi dans les analyses du sang de leucémique (g). (a) Simon, Animal Cliemistry, t. II, p. 329. (b) Simon's Anim. Chem., t. II, p. 2G6. (c) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 10(3. (d) Enderlin, Ueber die Anwesenheit der Galle in dem Blute. (Annal, der Chem. Und Pharm., •1850, Bd. LXXV, p. 167). (e) Virchow, Zur pathologischen Physiologie des Bluts (Archiv fur pathologische Anatomie und Physiologie, 1853, Bd. V, p. 41). (f) Scheerer, Verhandl. der phys. med. Gesellsch. in Wiir&bùrg, 1852, Bd. II, p. 321. 208 SANG DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. paraît avoir une grande ressemblance avec l'hémalosine des globules sanguins des Vertébrés et contenir aussi du fer (1). La matière colorante bleuâtre que l'on rencontre dans le sang de plusieurs de ces animaux paraît être aussi une sub- stance albuminoïde ; elle jouit parfois de la singulière pro- priété de prendre une teinte plus foncée sous l'influence de l'acide carbonique, et de se décolorer par l'action de l'oxygène. Ce fait a été constaté par Harless chez quelques Céphalopodes, (1) M. Hi'mefeld a étudié la compo- sition chimique du sang du Lombric terrestre , et y admet l'existence de l'albumine et de l'hématosine ; il en a retiré du fer (a). Du reste, la présence du fer ne sau- rait être considérée comme caractéri- sant chimiquement le sang rouge , car on a constaté aussi son existence chez quelques animaux à sang blanc. Ainsi M. Gent, de Philadelphie, en a trouvé dans les cendres fournies par du sang de Limule (6). M. Harless n'a trouvé aucune trace de ce métal dans le sang des Asci- dies ((•)• M. Lehmann a fait quelques expé- riences sur le sang des Insectes, prin- cipalement des Chenilles. 11 a trouvé que ce liquide est faiblement alcalin, cl dégage de l'ammoniaque par son exposition peu prolongée à l'action de l'air. Il se coagule par l'ébullition et par l'action des acides minéraux. Par l'exposition à l'air, la teinte vert jau- nâtre de ce sang devient brunâtre , et l'acide acétique fait disparaître cette couleur. On y voit aussi des globules de graisse, et M. Lehmann y a décou- vert parfois des traces de sucre {d). On doit à M. Schmidt une analyse du sang de l'Anodonte. Ce liquide est incolore , et fournit un petit caillot également incolore. Il y trouve pour 1000 parties : Eau 001, M Fibrine 0,33 Albumine 5,03 Chaux 1,89 Phosphate de soude , sul- | fate de chaux et chlo- > 0,33 rure de sodium. ... ; Phosphate de chaux . . . 0,34 La chaux indiquée ci-dessus ne se trouvait pas à l'état de carbonate , mais en combinaison avec l'albumine. L'acide carbonique décompose cet al- buminale terreux (e). (a) Hunefeld, tiebev das Blut der Regenwûrmcr (Joum. fur prakt. Chemie, 1830, t. XVI, p. I 52). (6) Gent, Ueber die Aschenbestandtheile des Blutes von Limulus Cyclops (Annal, der Chcm. und Pharm., 1852, N. R., vol. V, p. G8). (c) Lehmann , Jahresbericld iiber die Fortschritte der gesammten in- und ausUindhchen Medicin, von Golichen, 1846, t. II, p, 10. — Lehrb. der physiol. Chemie, t. II, p. 222. (d) Schmidt, Zur vergleichenden Physiologie der wirbellosen Thiere. Brunswick, 1845, p. 58. (e) Harless, Ueber das blaue Blut einiger wirbellosen Thiere und dessen Kupfergehalt (Mùller's Archiv fur Anut, und Physiol., 1847, p. 148). Ç0MP03ITIÔH CHIMIQUE. 209 ainsi que chez des Ascidies (1). Mais le même chimiste a observé un phénomène opposé chez le Colimaçon. Le sang de ce dernier Mollusque renferme aussi une matière colorante bleue, mais celle-ci se décolore en présence de l'acide car- bonique (2). Plusieurs expérimentateurs ont annoncé qu'il existe du cuivre dans le sang de divers Mollusques, Crustacés et Vers ; mais avant d'admettre ce résultat, il serait nécessaire d'examiner si ce métal n'aurait pas été introduit accidentellement dans le liquide pendant les opérations de l'analyse, ainsi que cela paraît avoir eu lieu dans différents cas où la même sub- (1) Harless a remarqué que, chez les Ascidies où le sang est parfaitement incolore pendant la vie, ce liquide de- vient bleu après la mort. Il a observé le même changement dans le sang re- tiré des vaisseaux de la tunique d'une Ascidia mamillaris vivante, et il a constaté que ce phénomène ne se pro- duit pas, quand on a fait passer un courant d'oxygène à travers le liquide. L'azote n'y déterminait aucune colo- ration ; mais dès qu'il y faisait passer quelques bulles d'acide carbonique , la teinte bleue se manifestait, et deve- nait de plus en plus intense, à mesure que l'action de ce gaz se prolongeait. Le sang ainsi bleui redevenait presque incolore par l'action de l'oxygène. L'alcool et l'éther déterminent éga- lement cette coloration en bleu. Harless a constaté les mêmes phé- nomènes chez divers Céphalopodes, tels que le Calmar et le Poulpe (Élé- done), et la faculté de bleuir sous l'influence de l'acide carbonique s'est conservée pendant plusieurs jours après la mort de ces Mollusques. A sa I, prière, l'analyse de ce sang a été faite par Bibra, et celui-ci n'y a trouvé au- cune trace de fer, mais en a retiré une certaine quantité de cuivre, métal qu'il a extrait également du foie et des œufs de ces animaux. Ç2) Harless a trouvé que le sang de V Hélix pomatia retiré du cœur (pen- dant l'hiver) prend une teinte bleue à l'air. En y faisant passer de l'acide carbonique , cette couleur disparais- sait ; mais elle se montrait de nouveau au contact du gaz acide carbonique, et ces changements alternatifs pou- vaient se reproduire souvent. Par l'ac- tion de l'alcool , ce sang donne un caillot incolore. L'ammoniaque fait aussi disparaître la couleur bleue ; mais celle-ci est rétablie immédiate- ment par l'addition d'un peu d'acide chlorhydrique , réaction qui ne s'ex- pliquerait pas, si l'on attribuait la cou- leur bleue à la présence du cuivre. Pendant l'été, M. Harless n'a pas trouvé cette matière colorante dans le sang des Colimaçons. 27 210 SANG. stance s'est rencontrée parmi les produits extraits du sang de l'homme (1). Résumé. § 22. — En résumé, nous voyons donc que le sang est un liquide d'une composition fort complexe, ou plutôt un mélange de matières très diverses dont les unes sont à l'état liquide, les autres sous la forme de solides organisés. C'est de l'eau tenant en dissolution de l'albumine, de la iibrine et quelques autres principes protéiques, ainsi que des matières grasses et sucrées, du chlorure de sodium, et plusieurs sels alcalins; et charriant des globules vésiculaires dans la constitution desquels il entre de l'hématosine, de la globuline et quelques autres substances albuminoïdes, des matières grasses phosphorées, des sels ter- reux et un composé renfermant du fer. Les corps simples qui se trouvent dans le fluide nourricier, et qui paraissent être essentiels à sa constitution, sont, par con- séquent : de l'oxygène, de l'hydrogène, du carbone, de l'azote, du soufre, du phosphore, du chlore, du fer, du potassium, du sodium, du calcium et du magnésium. Je rappellerai également que les composés fournis par ces divers éléments sont de deux sortes : les uns sont des corps com- bustibles, pouvant par conséquent se combiner plus ou moins facilement avec de l'oxygène, et donner ainsi naissance à de nouveaux produits; les autres sont des corps déjà brûlés, et par conséquent devenus indifférents par rapport à ce principe com- (1) M. Harless, ainsi que je l'ai déjà Harless et Bibra, ce métal se trouvé- dit, pense qu'il existe du cuivre dans rait aussi dans le foie des Crustacés le sang des Céphalopodes , et il en a (le Cancer pagurus., par exemple) et trouvé en proporlion encore plus forte de divers Poissons , dont les Céphalo- dans le sang des Colimaçons (a). podes se nourrissent, et c'est ainsi M. Gent, de Philadelphie, en a retiré qu'il se rend compte de l'existence du aussi en quantités assez notables des cuivre dans le sang de ces derniers cendres fournies par le sang des Li- animaux, mules (6). D'après les expériences de (a) Harless, loc. cit. (b) Gent, Ueber die Aschenbeslandtheile des Blutes von Limulus Cyclops (Annalen der Chemie und Pharm., d852, N. R., vol. V, p. 68). RÉSUMÉ. 211 burant. Les matières grasses et sucrées, de même que les principes proléiques, appartiennent au premier de ces deux groupes ; l'eau et les sels inorganiques forment le second. J'insisterai aussi sur le caractère particulier de toutes ces matières combustibles, dont les éléments sont si faiblement unis entre eux, dont la constitution est si facile à modifier. On comprend donc à première vue que le sang puisse fournir aux diverses parties de l'organisme les matériaux dont elles ont besoin, soit en leur abandonnant quelques-unes des substances qui y existent toutes formées, soit en leur cédant quelques sub- stances aptes à les produire au moyen d'un de ces phénomènes de transformation chimique dont la théorie n'est pas impossible à saisir. Dans cette leçon, nous nous sommes borné à l'examen des résultats fournis par l'analyse qualitative du sang; mais une simple énumération des matières constitutives de ce liquide ne saurait nous satisfaire , et nous devons maintenant nous occuper de l'analyse quantitative de ce grand agent de la nutrition. CINQUIÈME LEÇON. Sommaire. — Suite de l'étude chimique du sang. — Proportions de ses divers principes constitutifs dans l'état normal. — Modifications dont elles sont suscep- tibles. Analyse § 1 . — En traitant de ia composition chimique du sang dans quantitative. , , .,. ,, -, , la leçon précédente, je n ai parle que des résultats fournis par l'analyse qualitative, c'est-à-dire de la nature des matériaux dont ce fluide est formé, et je ne me suis pas occupé des proportions suivant lesquelles ces principes immédiats s'y trouvent associés. Ce sujet d'étude est cependant digne de la plus sérieuse attention, et sera aujourd'hui l'objet de notre examen . L'analyse quantitative du sang présente de grandes diffi- cultés, quand on veut la faire d'une manière complète; mais pour la solution de la plupart des questions dont le physiolo- giste s'occupe, il n'est pas nécessaire de doser toutes les matières qui se trouvent réunies dans ce liquide, et l'on peut se borner à déterminer les proportions de celles dont le rôle est le plus important. Ce serait m 'écarter du sujet de ces leçons que d'ex- poser ici d'une manière complète les diverses méthodes em- ployées à cet effet par les chimistes et d'en discuter la valeur. Mais, afin de permettre aux physiologistes d'apprécier les résul- tats obtenus de la sorte, il me parait nécessaire de dire quel- ques mots de ces procédés analytiques. Dans les premières années de notre siècle, Berzelius, Marcet et quelques autres chimistes, ont cherché à déterminer les quantités relatives des principaux matériaux du sang de l'homme à l'état normal, et ont rendu ainsi à la physiologie un grand SANG. — ANALYSE QUANTITATIVE. 213 service (1) ; mais il importait non moins de connaître les relations qui peuvent exister entre les variations dont ces proportions sont susceptibles, et les autres différences biologiques qui se rencontrent chez les diverses espèces d'animaux ou chez les divers individus d'une même espèce; car cette comparaison seule pouvait jeter quelques lumières sur l'importance respective de ces substances variées et sur leur rôle dans l'organisme. Il fallait donc multiplier beaucoup les analyses, en s'attachant de préférence au dosage des matières en apparence les plus im- portantes et choisir les exemples en vue des questions dont on cherchait la solution. Prévost et Dumas, dont j'ai eu si souvent à citer les Méthodes , 11, ri ii •• i . t d'analyse. noms a propos de 1 étude et de la constitution physique du sang, furent les premiers à entrer dans cette voie de recherches analytiques comparées, et le procédé mis en usage par ces expé- rimentateurs habiles constitue la base de la plupart des mé- thodes généralement adoptées aujourd'hui. Voici, en peu de mots, la manière dont M. Dumas procède dans ce dosage (2). On reçoit le sang dans deux vases. L'un des échantillons est (1) Berzelius (a) publia en 1808 des L'analyse du sérum due à Marcet analyses du sang de l'Homme, et il y donna à peu de chose près les mêmes trouva dans le sérum les matières résultats (6). suivantes : (2) Dans ses premières expériences „ „.,„ faites en collaboration avec Prévost, Eau 905,0 ' Albumine 80,0 de Genève, M. Dumas ne dosait que Laetate de soude et ma- peaU) ies globules confondus avec la tières extractives .... 4,0 _, . ■ , . , .. Hydrochlorate de soude et fibrine (sous le nom de particules) et de potasse 0,0 les matières solides du sérum, savoir, Soude, phosphate de soude ,, ,, . . , , , , , , , et matière animale. . . 4,1 1 albumine et les sels solubles (c). Perte 0,9 Mais dans des recherches ultérieures, 1000,0 ' il fit usage du procédé plus complet (a) Berzelius, General Views of the Composition of Animal Fluids (Tram, of the Medico- - Chirurgical Soc. of London, vol. III). (6) Marcet, A Chemical Account of Varions Dropsical Fluids, with Remarks on the Sérum ofthe Blood, etc. (Medico-Chirunj . Trans., 1811, vol. II, p. 343). (c) Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie, 2° Mémoire (Ann. de chim.et dephys., 1823, t. XXIII, p. 50). 214 SANG. battu pour en séparer la fibrine que l'on pèse, en employant toutes précautions d'usage dans les analyses de ce genre. L'autre échantillon est abandonné à lui-même jusqu'à ce que le caillot se soit formé et que ie sérum en soit sorti. On sépare alors ces deux produits, et l'on dessèche l'un et l'autre pour déterminer la quantité d'eau contenue dans le sang. Le résidu fourni par le caillot se compose principalement de fibrine et de globules. Pour connaître la quantité de matières solides conte- nues dans ces corpuscules, on pèse donc ce résidu, et l'on déduit du poids total ainsi obtenu le poids de la fibrine prove- nant d'une quantité semblable de sang et fourni par l'échan- tillon recueilli dans l'autre vase. Enfin on obtient, par le dosage du résidu donné par le sérum, la proportion de l'albumine et des autres matières solides, telles que les corps gras et les sels solubles que ce sérum renfermait. J'ajouterai que si l'on veut déterminer la proportion des matières inorganiques conte- nues soit dans les globules, soit dans la fibrine ou dans le décrit ci-dessus (a) , et l'indiqua à versa. On égalise de la sorte les dif- MM. A.ndral et Gavarret, qui l'adop- férences dans l'échantillon destiné tèrent dans leurs recherches sur la au dosage de la fibrine , et dans celui composition du sang dans l'état patho- avec lequel l'analyse s'achève. Enfin, logique (b). Nous verrons plus tard pour tenir compte des matières so- que le sang n'est pas identique au lides contenues dans le sérum que commencement et à la fin d'une sai- le caillot relient emprisonné, ce chi- gnée ; aussi , pour éviter les causes miste admet que la totalité de l'eau d'erreur qui pourraient résulter de fournie par ce caillot appartient au cette circonstance , M. Dumas recom- sérum , et d'après la composition mande de recevoir ce liquide par por- connue de celui-ci, il calcule le poids fions à peu près égales dans quatre à déduire de celui des matières so- vases; de défibriner celui contenu dans lides du caillot , ce qui donne d'une le deuxième et le troisième vase, et de manière approchée le poids des glo- laisser se coaguler celui contenu dans butes et de la fibrine réunis, le premier et le quatrième, ou vice (a) Dumas, Traité de chimie, 1846, t. VIII, p. 495. (b) Andral et Gavarret, Recherches sur les modifications de proportion de quelques ]>rincipes du sany dans les maladies (Ann. de chimie etde physique, 1840, t. LXXV, \>. 225). ANALYSE QUANTITATIVE. 215 sérum, on les obtient par l'incinération des résidus que la dessiccation de ces trois matières a tournis. Des modifications légères et plus ou moins heureuses ont été introduites dans cette méthode d'analyse par MM. A. Bec- querel et Rodier (1), par M. Courtier (2), par M. Popp (3) et par M. Scheerer (4). Un jeune chimiste de Berlin, que la science a perdu trop tôt, Franz Simon, a adopté une marche un peu différente (5) ; mais le perfectionnement le plus important que l'on ait porté à ce genre d'investigation est dû à M. Figuier, qui a eu l'heureuse idée de profiter de l'action bien connue de certaines solutions salines sur les globules et sur la fibrine pour (1) MM. A. Becquerel et Rodier (a) poussent leur analyse plus loin. Le sang du vase n° 1 est employé non- seulement pour donner le poids de la fibrine, mais après avoir été défibriné, est desséché pour le dosage de l'eau par différence, et le résidu solide ainsi ob- tenu, après avoir été pesé, est calciné pour servir à la détermination des proportions des divers principes mi- néraux. Le sérum du sang n° 2 est également évaporé et traité , d'abord par l'eau bouillante pour séparer les matières extractives et les sels so- lubles, puis par de l'alcool pour en extraire les matières grasses. Le ré- sidu est de l'albumine. (2) Pour rendre plus simples et plus expéditives ces analyses , M. Courber reçoit le sang dans un flacon à large col, et l'agite vivement pendant quel- ques minutes ; puis le laisse reposer pendant vingt-quatre heures. Alors la fibrine surnage , le sérum constitue une couche distincte , et les globules se sont déposés au fond du vase , ce qui en rend la séparation facile (6). (3) Dans les expériences de Popp(c), le sérum du sang défibriné est séparé en partie des globules par décantation, lorsque ces corpuscules se sont dépo- sés, et analysé; mais il est très diffi- cile de l'obtenir ainsi sans mélange de globules. (à) Scheerer (d) n'emploie pas le battage pour obtenir le sang défibriné, mais exprime du caillot les globules, qu'il mêle ensuite au sérum; puis il détermine la proportion de matières coagulables contenues d'une part dans le sang ainsi défibriné, et d'autre part dans le sérum. Ce procédé de dosage de la fibrine paraît mauvais. (5) La méthode employée par Si- mon (e) dans ses analyses du sang est d'une exécution difficile , et n'inspire que peu de confiance aux chimistes. Il sépare d'abord la fibrine , et en (a) Becquerel et Rodier, Traité de chimie pathologique, 1854, p. 20. (b) Voyez Millon, Eléments de chimie organique, 4848, t. II, p. 734. (c) Popp, Untersiichungen ûber die Beschajfenheit des menschlichen Blutes in verschiedenen Krankheiten. Leips., 1845. (d) 0. Scheerer, Beitrag zur Analyse des gesunden Blutes. Wurzburg, 1848. (e) Animai Chemistry, vol. I, p. 171. 216 SANG. séparer par le filtre le plasma, et obtenir ces corpuscules sans mélange de fibrine (1). Ce procédé , éminemment propre aux études physio- logiques , a été perfectionné par M. Dumas (2) , par fait le dosage, puis il la traite par l'alcool et par l'étlier pour en extraire les matières grasses. Une certaine portion du sang défi- briné par le battage est évaporée- mé- thodiquement pour la détermination de l'eau. Une seconde portion du sang défi- briné est chauffée jusqu'à l'ébullition pour coaguler l'albumine , puis éva- porée jusqu'à siccité. Le résidu est pulvérisé et bien desséché, et une por- tion du produit ainsi obtenu est traitée par l'alcool anhydre et par l'éther pour en enlever les matières grasses. On fait ensuite bouillir dans de l'al- cool affaibli (d'une densité de 0,92 ou 0,93) le résidu de l'opération pré- cédente. Ce menstrue dissout l'hé- mato-globuline, les sels, etc., et ne laisse que l'albumine. La dissolution alcoolique donne par le repos ou par l'addition de l'alcool concentré des flocons d'hémato-glo- buline , que l'on sépare et que l'on traite ensuite par de l'alcool aiguisé d'acide sulfurique pour en séparer l'hématosine, et qu'on lave avec de l'alcool, afin d'obtenir comme résidu la globuline. Puis la solution alcooli- que d'hématosine est satinée par de l'ammoniaque, et évaporée. Enfin le liquide alcoolique, qui avait laissé déposer les flocons d'hémato- globuline dont il vient d'être question est évaporé, et fournit les sels solubles, l'urée, etc. Ce procédé, comme on le voit, est beaucoup plus compliqué que les pré- cédents, et ne fournit pas des données plus utiles pour le physiologiste. (1) M. Figuier, professeur agrégé à l'École de pharmacie de Paris, a donné le procédé suivant (a) : On sépare la fibrine , comme d'ordinaire , par le battage, et l'on ajoute au sangdéfibriné deux fois son volume d'une dissolution de sulfate de soude (à 16 ou 18 degrés de l'aréomètre de Baume), ce qui permet de séparer les globules par le filtrage. Le sérum mêlé à la dissolu- tion saline passe, et les globules, res- tés sur le filtre , sont lavés avec une nouvelle quantité de dissolution saline. On détermine la quantité des globules et du sérum , puis on analyse l'un et l'autre de ces produits par les procé- dés ordinaires. (2) M. Dumas a adopté le procédé de M. Figuier ; mais ayant remarqué qu'au bout de peu de temps les glo- bules retenus sur le filtre s'altèrent, et que le sérum entraîne de la matière colorante , il Ta modifié en faisant passer continuellement dans le liquide sanguin retenu dans le filtre un cou- rant d'air ou d'oxygène ; il conserve ainsi les globules intacts pendant tout le temps nécessaire à l'achèvement de l'opération du filtrage (6). (a) Figuier, Sur une méthode nouvelle pour l'analyse du sang et sur la constitution chimique des globules sanguins [Ann. de chim. et dephys., 1844, 3e série, l. XI, p. 503). (b) Dumas, Recherches sur le sang (Ann. de chim. et dephys., 184G, 3e série, t. XVII, p. 452). ANALYSE QUANTITATIVE. 217 M. Hœfle (1) et par quelques autres expérimentateurs. J'ajouterai que, récemment, un médecin distingué de Dorpat, M. Schmidt (2) , a cherché à obtenir une précision encore M. Lehmann objecte à cette mé- thode que le lavage des globules n'en- traîne que très difficilement la totalité du sérum, et que ces corpuscules re- tiennent une certaine quantité du sel employé (a) ; mais ces inconvénients ne paraissent pas être très graves. Dans quelques cas pathologiques ce- pendant, l'addition du sulfate de soude n'empêche pas les globules de passer à travers le filtre (b) , et il est parfois utile de remplacer la dissolution saline par du sucre (c). (1) Hœfle, Chemie und Mikros- kopie am Krankenbette. Erlangen, 1848, p. J32. (2) Dans la méthode de BIM; Pré- vost et Dumas, on attribue au sérum la totalité de l'eau contenue dans le sang, et l'on calcule la proportion de sérum resté dans le caillot d"après cette donnée. Mais, en réalité, une partie notable de l'eau du caillot ap- partient aux globules, et il en résulte une erreur, dont ces expérimentateurs habiles ont fait mention, mais dont ils ont cru pouvoir ne pas tenir compte. Quelques autres physiologistes , au contraire, ont cherché à l'éviter, et la méthode de M. Schmidt (d) a princi- palement pour but la détermination précise des globules et du sérum. Dans cette vue, il a cherché à doser une fois pour toutes la proportion d'eau et de matières sèches que ces corpuscules contiennent, quand ils sont dans leur état normal, et c'est en multipliant par le coefficient ainsi ob- tenu le poids des globules secs, dé- terminé comme dans la méthode de MM. Prévost et Dumas, qu'il évalue la quantité de globules turgides conte- nus dans le sang dont il fait l'analyse. Pour opérer ce premier dosage fonda- mental, il a institué trois séries d'ex- périence ; il a cherché à déterminer d'une part , à l'aide de mesures micro- métriques, la diminution de volume que les globules éprouvent par la des- siccation , et il a trouvé que cette ré- duction s'élevait à 68 ou 69 centièmes. Le volume des matières sèches était donc d'environ 31 ou 32 pour 100, ce qui correspond à environ quatre fois celui des matières solides tenues en dissolution dans le sérum. 11 évalua ensuite de la manière indiquée dans une des précédentes leçons (p. V2U) la proportion de sérum qui reste inter- posée parmi les globules dans le caillot , et trouva que c'est au maxi- mum de l/5e du volume de ce- lui-ci. Puis il calcula que le sang (c'est-à-dire le caillot et le sérum réunis) doit contenir de 53 à 54 de son volume en globules. Enfin il cher- cha à contrôler les résultats ainsi ob- tenus en examinant la manière dont divers principes salins sont répartis entre le sérum et les globules. Ces recherches le conduisirent à penser qu'on peut évaluer la proportion des (a) Lehmann, Lehrb. der physiol. Chemie, t. II, p. 185. (6) Didiot et Dujardin flls, Note sur la vitalité des globules du sang (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1846, t. XXVII, p. 227). (c) Poggiale, Recherches chimiques sur le sang (Comptes rendus, 1847, t. XXV, p. 110). (d) C. Schmidt, Charakteristik, der epidemischen Choiera. In-8, Leips., 1850, p. 18 et suiv. I. 28 218 SANG. plus grande dans l'évaluation des globules sanguins par rapport au sérum , et que ses recherches ont conduit à la connaissance de faits intéressants , dont j'aurai bientôt à faire mention. D'autres essais ont été faits dans un but ana- logue, mais à l'aide d'une méthode différente, par M. Yierordt. Enfin quelques physiologistes, en vue de la détermination des proportions du plasma et des globules, ont cru préférable de peser d'une part le sérum, d'autre part le caillot simplement égoutté, ou bien d'évaluer comparativement le volume de ce liquide et celui des globules, qui, parle repos, tombent au fond d'un vase gradué; mais ces estimations ne sont guère susceptibles de quelque précision, et me semblent exposer l'expérimentateur à des erreurs plus graves que ne saurait le faire le dosage des matières solides réduites à l'état de siccité complète (1). Avant de rendre compte des résultats obtenus à l'aide de toutes ces méthodes analytiques, je dois avertir que ces résul- globules dans leur état normal en à la méthode des mélanges propor- mullipliant par le coefficient k le pro- lionnels, et il cherche à résoudre la duit qui, dans les analyses de MM. Pré- question par le dosage du mode de vost et Dumas , est considéré comme répartition d'une certaine quantité représentant les globules à l'état sec. d'azotate de baryte (a). Ce mode d'évaluation a été beaucoup (1) Le professeur Vierordt, de Tu- loué par quelques chimistes, M. Leh- bingue, a cherché à arriver au même mann par exemple ; mais a été assez but que M. Schmidt en employant une vivement critiqué par d'autres. Ainsi autre méthode qui paraît fort compli- M. Zimmermann s'est appliqué à prou- qnée, et d'une exécution longue et ver que le coefficient proposé par difficile. Sur un échantillon de sang à M. Schmidt est tantôt trop fort, tantôt examiner, il détermine le volume total trop faible, et ne peut inspirer au- des globules par rapport au volume du cune confiance. Admettant avec Ber- liquide; puis il analyse le tout. Sur un zeliusque la totalité des chlorures al- second échaniillon, il sépare par le câlins contenus dans le sang appar- filtrage une certaine quantité du li- tient au sérum, il préfère calculer la quide, et en fait l'analyse après avoir quantité de ce dernier liquide empri- déterminé le volume total des glo- sonné dans le caillot par le dosage de bulcs qui y restent. Enfin il calcule la ces chlorures. Enfin il a recours aussi proportion de la substance cherchée (a) Zimmermann, Zur Blutanalyse (Vierordt's Arclriv fur physiologische Heilkunde, 4852, i. XI, p. 278). ANALYSE QUANTITATIVE. 219 Éafcs ne sont pas toujours parfaitement comparables entre eux. En employant tour à tour pour l'analyse du même sang ces divers procédés, on s'est assuré que les uns accusaient tou- jours des proportions ou plus fortes, ou plus faibles, de tel ou (= A) qui doit être attribuée au sérum, en se servant de la formule suivante : (1.) Vq == c x -f- PU, (2.) Vlq'=G>x + p'y) ce qui donne p'vq — pv'q' et y cp' — c'p c'vq — cv'q' c'p — cp' V, représentant le volume du sang n° 1. V, le volume du sang n° 2. q, la quantité de la matière A con- tenue dans l'unité de volume du sang n° i. q', la quantité de la même matière contenue dans l'unité de volume du sang n° 2. p, le volume du liquide séreux du n° 1. p', celui du n° 2. c, le volume total des globules du h°l. c', le volume total des globules du n° 2. x, la quantité inconnue de la ma- tière A apportant un volume connu de globules. y, la quantité de la même matière altribuable au sérum (a). Ce procédé a donné lieu à beaucoup de critiques et de discussions ; on ne peut effectivement en faire usage que si la densité des deux sérums diffère, et d'ailleurs le volume total des glo- bules est très difficile à évaluer. Pour plus de détails à ce sujet, on peut consulter les diverses publications de M. Virchow, de M. Bois-Ray- mond, etc. (b). La comparaison des proportions du sérum et du caillot a été faite par quel- ques pathologistes : M. Zimmermann, par exemple (c ; et au moment où cette feuille va être mise sous presse, je re- çois un mémoire intéressant sur la composition du sang par M. Parchappe qui en a fait usage (d). Ce médecin pense qu'il est préfé- rable de doser les globules à l'état humide, soit en pesant, d'une part, le caillot coupé par tranches et sim- plement égoutté, et, d'autre part, le («ï Vierordt, Neue Méthode der chemischen Analyse des Blutes {Arch. fur physiol. Heilkunde, 1852, Bd. XI, p. 47). — Neue Méthode der Bestimmung des Rauminhaltes der Blutkorperchen (loo. cit., p. 547). — Der Blutkorperchen Voluriien (Op. cit., 1854, Bd. XIII, p. 299). — Noch einmal der Blutkorperchen Volumen (loc. cit., p. 294). — Zur Blutanalyse (Op. cit., 4855, Bd. XIV, p. 300). (b) Funke, Observ. critiques sur la Méthode de Vierordt, dans Schmidt's Jahrbùcher der gesammten Medicin, 1852, Bd. LXXIV, p. 3. P. Dubois-Raymond, Zur Kritik der Blutanalysen (Zeitschrift fur rationelle Medicin, 1854, Bd. IV, p. 44). — Ziveiter Beitrag zur Kritik der Blutanalyse (Op. cit., 1854, Bd. V, p. 101). Zech, Erwiederung (Op. cit., Bd. V, p. 275). Ludwig, Zur Verstândigung ûber die Analyse durch Mischung (Op . cit., Bd. V, p. 353). (c) Zimmermann, Zur Lehre vom Blute (Hufeland's Journal, t. XCVI, H. 1, p. 7 ; H. 2, p. 3). (d) Parchappe, De l'analyse quantitative des principes constituants du sang (Moniteur des hôpitaux, mai 1856, p. 433, 513, 569, etc.). 220 SANG. Supputation des globules. tel principe (1). Mais malgré ces sources d'erreurs, les nom- breuses recherches dont ce point d'hématologie a été l'objet, depuis une quinzaine d'années surtout, ont rendu de grands services à, la science. § 2. — Enfin, dans ces derniers temps, on a cherché à évaluer la richesse organique du sang par d'autres procédés, et dans ce but on a eu recours tantôt au dénombrement direct des globules rouges qui se trouvent dans une quantité déterminée de ce fluide, tantôt à l'estimation de l'intensité de sa couleur mesurée par la proportion d'un liquide incolore qu'il faut y ajouter pour en ramener la teinte à celle d'un échantillon étendu de la même manière et dont on a compté les globules. Mais les résul- tats obtenus de la sorte ne sont encore ni assez concordants, ni assez multipliés pour pouvoir jeter d'utiles lumières sur les questions physiologiques dont l'examen nous occupe en ce sérum ; soit en plaçant le sang défi- briné dans une éprouve tte graduée , et en mesurant l'espace occupé , après un repos de soixante-douze heures, par les globules et par le sérum ; mais ces méthodes ne me paraissent pas susceptibles d'autant de précision que les précédentes, et sont exposées aux mêmes causes d'erreur. (1) L'examen comparatif des ré- sultats fournis par les méthodes ana- lytiques de MM. Prévost et Dumas, Becquerel et Rodier, Scheerer , Figuier, Simon et Vierordt , a été fait expéri- mentalement par M. llinterberger, M. Gorup-Besanez et M. Heititz. Ces recherches montrent que les analyses faites par la méthode de M. Figuier accusent une proportion un peu trop forte de globules ; que , dans la mé- thode de M. Scheerer, l'évaluation de ces corpuscules est au contraire trop faible ; enfin que, dans l'état actuel de nos connaissances chimiques , ces analyses sont loin d'offrir toute la sûreté et la précision désirables. Le même sujet a été discuté d'une ma- nière très étendue par M. Mandl (o). (2) M. Vierordt fut le premier à introduire ce genre d'investigation dans la pratique médico -physiolo- gique. Voici le procédé opératoire dont (a) Voyez Mandl, Réflexions sur les analyses chimiques du sang -dans l'état pathologique (Archives générales de médecine, 3° série, t. IX, p. 473, 271 ; t. X, p. 198). Hinterberger, Vergleichende Untersuchungen iiber einige Methoden der Blutanalysc (Archiv fur physiol. Heilkunde, 1849, t. VIII, p. 6). Molescbott, Ueber eine Fehlcrquelle in der AndraUGavarretschen Méthode des Blutanalysc (Zeitschr. fur ration. Medicin, 1849, t. VII, p. 228). Gorup-Besanez, Vergleichende Untersuchungen im Gebiete der zoochemischen Analyse. In-4, Erlangen, 1850. Heinlz, Lelirbuch der Zoochemie. In-8, Berlin, 1853, p. 901. ANALYSE QUANTITATIVE. 221 moment, et c'est essentiellement aux travaux purement chi- miques qu'il nous faudra recourir dans nos études relatives à cette partie de l'hématologie. § 3. — L'analyse quantitative du sang de l'homme ou des Proportions des divers animaux qui nous ressemblent le plus fait voir que les diverses il fit usage (a). A l'aide d'un tube capillaire bien calibré, dont le dia- mètre est connu (0mm,l par exemple), il aspire une petite quantité de sang, et il mesure au microscope la hau- teur de la colonne de liquide ainsi obtenu , ce qui lui permet d'en cal- culer le volume; puis, en soufflant par l'extrémité supérieure de l'espèce de pipette en question, il en fait sortir le sang qui est reçu dans un liquide propre à l'étendre, sans en altérer les globules 'de l'eau gommée, ou mieux encore du blanc d'œuf délayé). Le mélange ainsi obtenu est repris par une pipette, et étendu en lignes étroites et régulières sur un porte-objet , où l'on le laisse sécher. Enfin on place ce porte-objet sous le microscope , et l'on compte les globules en s'aidant d'un micromètre posé sur le sang desséché, ou d'un micromètre mobile. Dans une première série deneuf obser- vations faites ainsi , M. Vierordt a vu que , dans 1 millimètre cube de son sang, le nombre moyen des globules était d'environ 5,17Zi,000 (6). Dans une seconde série d'observations faites avec plus de précision, il a obtenu des nombres un peu moins élevés. Les moyennes fournies par quatre obser- vations faites sur le même sang ont varié entre /i, 180,000 et 5,551,000; enfin les écarts entre les résultats par- tiels des observations portant sur le même sang ne dépassaient que rare- ment 5 pour 100 (c). M. Welker, qui a perfectionné la méthode de Vierordt, et fait usage d'un micromètre quadrillé pour comp- ter plus facilement les globules, a trouvé à, 600, 000 par millimètre cube de liquide (cl). Ce dernier physiologiste a pensé que, dans la pratique, on peut arriver au même résultat d'une manière plus fa- cile, en jugeant de la richesse du sang en globules par la quantité de liquide incolore qu'il faut y ajouter pour en faire descendre la teinte à un certain degré , dont la valeur a été détermi- née directement. Comme terme de. comparaison, il prend 1 millimètre cube de sang, en compte les globules, etl'étend d'une quantité déterminée de liquide (d'eau mêlée à un peu d'al- cool , par exemple) ; puis il ajoute, à l'échantillon de sang dont il veut ap- précier la richesse, la quantité de ce liquide titré nécessaire pour le ra- («) Vierordt, Neue Méthode der quantitativen mikroskopischen Analyse des Blutes (Archiv fur physiologisclie Heilkunde, 1852, Bd. XI,p. 26). (6) Vierordt, Zâhlungen der Blutkôrperchen des Menschen (Arch. f. physiol. Heilk., 1852,Bd. XI, p. 327). (c) Vierordt, UntersucUungen iiber die Fehlerquellen bei der Zàhlung der Blutkôrperchen (loc. cit., p. 854). (d) Welcker, Uber B'Utkorperchen Zahlung (Arch. des Vereins fur gemein. Arbeiten zu Gôt- tingen, 1854, t. I, p. 161). — Der Gelialt des Blutes an gefdrbten Korperchen appvoximaliv 6e- stimmt nachder bei methodischer Ycrdûanung des Blutes entstehenden Fârbung {loc. cit., p. 195, et dans le Vierteljahrsschrift fur praktische Heilkunde von der Facilitât in Prag, 1854, t. XLIV, p.li). matériaux du sang. 222 SANG. matières énumérées dans notre dernière leçon, comme exis- tantes dans ce liquide, s'y rencontrent en proportions très iné- gales : les unes y abondent, d'autres ne s'y trouvent qu'en quantités assez minimes, et il en est dont on ne découvre que des traces à peine appréciables. L'eau forme toujours la partie la plus considérable de la masse du sang. En général, elle constitue près des quatre cinquièmes du poids total de ce liquide, et souvent elle s'y trouve en proportion beaucoup plus considérable. Les principes protéiques ou albuminoïdes se placent toujours en seconde ligne sous le rapport de leur quantité pondérale. Les matières grasses et sucrées n'entrent que pour une part très minime dans la constitution du sang. Enfin, les sels inorganiques ne s'y rencontrent aussi qu'en proportions assez faibles. sang Si nous prenons comme exemple le sang de l'homme, rhomme. nous verrons en effet que les analyses les plus récentes de ce liquide ont fourni en moyenne pour 4 000 parties : Eau 785,0 Globules (desséchés) 13/i,25 Albumine . 70,0 Fibrine 2,2 Matières grasses 1,6 Sels et matières extractives . . 7,1 Ainsi, dans le sang humain, les principes protéiques forment mener à la même teinte que celle devient facile à établir. Cependant on du norme précédemment préparé, et peut objecter à ce raisonnement que il tient note de cette quantité. Il admet la teinte du sang est susceptible de que l'intensité de la couleur du sang varier non-seulement à raison de est en rapport direct avec le nombre l'inégalité du nombre de ses globules de ses globules rouges, et que lesdif- hématiques, mais aussi, toutes choses férences dans la quantité de liquide in- égales d'ailleurs, par suite de l'abon- colore qu'il faut ajouter aux divers dance plus ou moins grande des glo- échanlillons de sang pour y détermi- bules blancs, des modifications de la ner l'égalité de coloration , sont pro- teinte du sérum, etc. Par conséquent, portionnées à l'abondance de ces cor- les résultats obtenus de la sorte ne sont puscules. D'après ces bases le calcul pas toujours comparables entre eux. ANALYSE QUANTITATIVE. 223 plus du cinquième du poids total (1); la proportion tics matières salines ne correspond qu'à environ la trentième partie du poids de ces substances azotées, et les matières grasses n'équivalent en poids qu'à environ ~-0 de ces mêmes corps albumi- noïdes (2). Enfin, l'eau entre pour plus des trois quarts dans la composition de ce fluide. Dans l'état actuel de nos connaissances chimiques, il serait difficile d'évaluer avec précision les quantités relatives de glo- buline, d'hématosine et des autres matières albuminoïdes qui entrent dans-la composition des globules sanguins. Ces substances ont cependant été dosées dans quelques analyses, et l'on a vu ainsi que la globuline y est de 15 à 20 fois plus abondante que l'hématosine(o). Quant aux principes protéiques contenus dans le plasma, ils consistent principalement en albumine et en fibrine. La première de ces substances entre pour environ 7 pour 100 dans la com- (1) Les résultats présentés ici sont (3) Dans le sang veineux d'un jeune déduits des expériences de MM. A. homme robuste, M. Simon a trouvé : Becquerel et Rodier, portant sur le sang veineux de onze hommes adultes ^.a,u'. " ".' " „' ° Fibrine 2,0 et de huit femmes également adultes, Graisses 1,9 et dont la santé générale était bonne («). Albumine 75,0 • , ,, „ 'v ' Globuline 105,2 Ils s accordent d ailleurs très bien avec Hématosine 7,2 ceux obtenus précédemment par d'au- Sels, etc 14,2 très chimistes. (2) Il est à noter que, dans ces ana- 100 parties de globules ont donné lyses, on n'a tenu compte que des 6,3 d'hématosine et d'hémaphéine. matières grasses fournies parle sérum ; Dans une autre analyse du sang de or la fibrine, telle qu'on l'obtient par femme, le même chimiste a obtenu : le battage du sang , en renferme tou- jours ; mais la fibrine elle-même est Eau 798-6 ..„.., , Fibrine 2,2 en proportion si faible , que cette der- Graisses 2 7 nière quantité de graisse est négli- Albumine 77,6 geable dans les évaluations dont il est SîtosL'. '. '. '. '. '. "î'.a ici question. Sels, etc 9,9 (a) A. Becquerel et Rodier, Rech. sur la composition du sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie, 1844, p. 22 et 27, et Gazette médicale de Paris, p. 44. 224 SANG. position du sang (1); mais la fibrine n'y figure que pour envi- ron deux millièmes. Quant à la caséine ou albuminose, et les autres matières du même ordre, elles n'y existent qu'en pro- portions trop petites pour qu'on ait pu jusqu'ici les doser avec précision. Si l'on ne se contente pas d'évaluer en masse les corps gras existant dans le sang humain, et que l'on cherche à connaître les proportions dans lesquelles ces matières s'y trouvent asso- ciées, on arrive aux résultats suivants : Pour 1000 grammes de sang, le sérum fournit, terme moyen : Cholestérine 0,089 Séroline 0,020 Cérébrine 0,Zi67 Savon 1,025 Enfin, parmi les principes inorganiques du sang, c'est le t. ir. Les globules ont donné 5,2 pour 100 Eau. 906,00 901 00 " ^ Albumine 78,00 81,20 en hématosine et bémaphéine (a). Matière organique Dans les expériences de M. Lecanu, soluble dans Va[- .... , , . ., , cool et clans l'eau. 1,69 2,05 la globubnc a été considérée comme Albumine combinée étant de l'albumine, et évaluée à 1,25 avec la soude. . . 2,10 2,55 dans les globules rouges , dont le ^tlSabûT? ™~. 1,20 2,10 poids total était de 130 pour 1000 par- Matière huileuse. . . 1,00 1,30 lies de sang (b). Chlon,re de sodium ° v ' et potasse 6,00 5,32 Il est à noter aussi qu'en général, Carbonate, phosphate c'est une combinaison d'bématosine et sulfates alcalins. 2,10 2,00 , . . ,. . .... Carbonates de chaux et de globulme qui est désignée sous et de mag^sie . le nom d'hématosiîie dans les ana- phosph. de chaux, lyses où l'on a cherché à doser la p™^6^ fe; ; \% \% matière colorante du sang. iooo.'oo 'îooo.'oo (1) Voici les résultats obtenus par D'après le même chimiste , il y au- M. Lecanu dans deux analyses du rait sur 1000 parties de sang : Sérum du Sang humain (c) : Sérum. 869,15 | Globules secs. 130,85 (a) Simon, Animal Chemislry, vol. I, p. 228. (b) Lecanu, Études chimiques sur le sang humain (Thèse à la Facult. de méd. de Paris, 1837, n°395, p. 125). (c) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sang, p. 14 (extr. du Journ. de pharmacie, 1831, t. XVII). ANALYSE QUANTITATIVE. 225 chlorure de sodium qui joue le principal rôle. Ainsi MM. Bec- querel et Rodier ont trouvé dans les cendres provenant de la calcination de 1000 grammes de sarig humain, en moyenne : 3,5 de chlorure de sodium ; 2,8 de sels solubles (savoir, du phosphate de soude , du carbonate de soude et du sulfate de potasse } ; 0,3 de sels insolubles (principalement du phosphate de chaux avec des traces de magnésie). J'ajouterai encore que le fer contenu dans les glohules a été évalué par les mêmes expérimentateurs à 0.55 pour 1000 par- ties de sang (1). § 4. — Il importe aussi de connaître le mode de répartition Reparution de ces diverses matières constitutives du sang entre les glo- ces matières, bules et le plasma. L'eau, qui se trouve en si forte proportion dans cette hu- meur, n'appartient pas en totalité au plasma ; les globules en sont plus ou moins gorgés, et. cette eau intermoléculaire dont leur tissu est imbibé est nécessaire à leur constitution. Le professeur Schmidt, de Dorpat, a entrepris beaucoup d'expé- riences pour arriver à la détermination exacte de la quantité d'eau que ces corpuscules contiennent, et il l'évalue à 68 ou 69 pour 100 de leur volume (2). 11 a calculé que dans le sang de l'homme les globules humides représentent au moins kO pour 100, et souvent jusqu'à 53 ou 54 centièmes du volume de ce liquide. Dans le sérum, la quantité de matières solides ne s'élève pas tout à fait à un dixième en poids. L'albumine et la fibrine, comme nous l'avons déjà dit, appartiennent au plasma; la globuline, l'hématosine, et quel- ques autres matières protéiques encore mal définies, sont propres aux globules. Les matières grasses sont distribuées dans l'une et l'autre de ces parties constitutives du sang; mais (1) A. Becquerel et Rodier, Op. cit. , (2) Schmidt , Charakteristik der p. 23 et 27. epidemischen Choiera, 1850. I. 29 226 SANG. les globules en renferment davantage proportionnellement que le plasma, et nous avons déjà eu l'occasion de voir que les graisses phosphorées paraissent confinées dans les globules, tandis que les acides gras, la cholestérine et la matière dési- gnée sous le nom de séroline, se trouvent en majeure partie, sinon en totalité, dans le plasma. Les matières salines sont réparties d'une manière non moins inégale dans le plasma et les globules. M. Schmidt a constaté que la presque totalité des sels à base de potasse se trouve dans les globules, tandis qu'au contraire la soude est quatre fois plus abondante dans le plasma que dans ces corpuscules. Enfin, les phosphates terreux se rencontrent en plus grande proportion dans le plasma, tandis que la totalité du fer que le sang renferme appartient aux globules. D'après les données fournies par les expériences de M. Schmidt et d'après les résultats de ses propres recher- ches, M. Lehmann présente de la manière suivante la distribu- tion des diverses matières constituantes du sang de l'homme, dans les parties fluides et solides de ce suc nourricier : Matières Pour \ 000 parties Pour 1000 parties constitutives. de globules. de sérum. Eau 688,00 902,90 Fibrine » 4,05 Albumine » 78,84 Globulineeisubst. tégum. des glob. 282,22 » Hématosine 16,75 » Matières extractives 2,60 3,94 Matières grasses 2,3^ 1,72 Chlore 1,686 3,644 Acide sulfurique 0,066 0,115 Acide phosphorique 1,134 0,191 Potassium 3,328 0,323 Sodium 1,052 3,341 Phosphate de chaux 0,114 0,311 Phosphate de magnésie 0,073 0,222 Oxygène libre, 0,667 0,403 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 227 En résumé, le poids total des matières solides est donc là de 312 pour 1000 parties de globules (savoir, 8,12 de matières minérales, et 323,82 de matières organiques), et de 97,1 (dont 8,55 en matières minérales, et 88,55 en matières organiques) dans le plasma. Enfin le même auteur évalue à 1,0885 la den- sité des globules, et à 1,028 celle du plasma (1). § 5. — L'analyse quantitative fournit des résultats différents sang lorsqu'au lieu d'opérer sur l'homme on étudie le sang de divers animaux. animaux. Ainsi, chez le Cheval, il y a en moyenne k millièmes de fibrine au lieu de 2 millièmes comme dans l'espèce humaine, et 1 03 par- ties de globules au lieu de 134. Chez la Poule, au contraire, la proportion des globules s'élève à 150 ; et si l'on examine le sang des Reptiles et des Poissons, on observe des différences beaucoup plus grandes, mais en sens contraire, car le poids relatif des globules, évalué de la même manière, tombe parfois au-dessous de 50. Je ne trouverais aucun intérêt à appeler l'attention sur les variations de densité (2) ni sur les caractères particuliers que peut offrir la composition du sang dans chacune des espèces zoologiques où l'analyse en a été faite, et je me bornerai à consigner ces résultats dans les tableaux présentés ici à titre de documents (3) . Mais l'examen comparatif du mode de constitu- (1) Lehmann, Lehrb. der physiol M. J. Davy, il paraîtrait qu'elle varie Chemie, 1853, Bd. II, p. 131. chez les différents animaux de la raa- (2) Parmi les recherches laborieuses nière suivante : Cochon, 1060 ; Mou- et délicates, entreprises en vue de la ton adulte, 1050 à 1058 ; Agneau, détermination de la densité du sang et 10Û6 à 1053; Bœuf, environ 1060; de ses différentes parties constituantes Veau, 1043 ; Chien, 1050; Dindon, chez les animaux, je citerai celles de 1061; Saumon, 1051; Morue, 1034; M. J. Davy, et, comme terme de com- Squale, 1022; Grenouille, 1060. {On paraison , je rappellerai d'abord que Bloocl ; Researches of Physiol. and l'on indique généralement pour lape- Anat., vol. II, p. 15.) santeur spécifique du sang humain (3) Voyez les tableaux placés à la 1050 à 1057 à la température ordi- suite de cette leçon, naire. D'après les expériences de Richesse du sang. Proportion d'eau. 228 sàkg. lion du fluide nourricier chez les divers animaux, et des diffé- rences qui existent dans le jeu de l'organisme chez ces mêmes espèces, conduit à des résultats intéressants pour la physiologie, et doit par conséquent nous occuper ici. En effet, cette étude, commencée il y a trente-cinq ans par MM. Prévost et Dumas (1), prouve nettement qu'il existe une relation intime entre la richesse du sang en matières organiques et l'activité vitale de l'organisme. Voici les résultats de leurs expériences : Tableau des proportions d'eau, de globules et flbrine, et d'albumine et sérum, contenues dans le sang de divers Vertébrés, par MJI. Prévost et Dumas. OISEAUX. Eau. Caillot. Album, et sels. Pigeon 797 156 Zi7 Poule 780 157 63 Canard 765 150 85 Corbeau 797 166 56 Héron 808 132 59 MAMMIFÈRES. Singe 776 146 78 Homme . 784 129 87 Cochon d'Inde 785 128 87 Chien 812 124 65 Chat 795 102 84 Chèvre 814 102 83 Veau 826 91 83 Lapin 838 94 68 Cheval 818 92 89 Mouton 836 86 77 VKRTÉBRÉS A SANG FROID. Grenouille 884 69 Zi6 Truite 864 64 72 Lotte 886 48 66 Anguille 846 94 60 En jetant les yeux sur la série d'analyses publiées par ces phy- (1) Examen du sang et de son ac- Ann. de phys. et de chim., 1" série, tion dans les divers phénomènes delà t. XXIII, p. 64, 1823). vie (Biblioth. univ. de Genève, et VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 229 siologistes, on remarque tout de suite que si la quantité relative d'eau contenue dans le fluide nourricier des divers Vertébrés ne varie que dans des limites assez étroites, cependant elle est en général moins grande chez les animaux à sang chaud, c'est- à-dire chez les Mammifères et les Oiseaux, que chez les ani- maux à sang froid. Nous voyons, en effet, que chez les Poissons, la proportion d'eau varie entre 8/16 et 886 millièmes, et que, terme moyen, elle est de 870. Chez les Vertébrés à sang chaud, MM. Prévost et Dumas ont trouvé qu'elle ne s'élevait en moyenne qu'à 800, et oscille entre 765 et 837. Des recherches analogues , faites plus récemment par MM. Berthold, Hering, Nasse et Fr. Simon, indiquent des variations dans le même sens, mais souvent plus considéra- bles encore (1). Ainsi, chez les Vertébrés à sang froid étudiés (1) Dans les analyses de M. Ber- Hering (b) évalue la proportion thold (a), le dosage de la fibrine me d'eau que le sang veineux contient à : paraît inexact ; mais les résultats four- nis par l'évaluation de l'eau d'une part, Millièmes. . i .., ,.j j ,, 841,2 chez le Mouton. et des matières sondes de lautre, con- 831 6 le Cneva) cordent assez bien avec ceux obtenus 794,9 le Bœuf. par MM. Prévost et Dumas. Voici les principales données qu'on en peut M. Nasse (c) a trouvé les quantités tirer : suivantes d'eau pour 1000 parties de sang : Sérum. Caillot. Total de l'eau. Poule .... 13 86 79 Pigeon . . . 15 85 82 Bœuf .... 21 69 78 Veau .... 28 72 81 Chat .... 42 57 75 Chien. . . . 47 53 75 Cochon . . . 44 56 74 Chevreau . . 58 42 84 Mouton . . . 78 22 83 Grenouille. . 30 64 91 Carpe .... 53 47 86 Millièmes. 848 chez la Chèvre. 847 le Mouton. 825 le Veau. 821 le Lapin. 820 le Cheval. 807 le Chat. 793 le Bœuf, 791 le Chien. 783 le Hérisson 773 le Cochon. (a) Berthold, Beitrage sur Anatomie, Zootomie und Physiologie. Gottingen, 1831, in-8, p. 260. (6) Herincr, Physiologie mit steter Berûcksichtigung der Pathologie fur Thierârzte. Stuttgard, 1832, p. 118. (c) Nasse, Art. Sang, dans Wagner's Handwbrterbuch der Physiologie, 1842, 1. 1, p. 132. 230 SANG. par ce dernier chimiste, la proportion d'eau a varié entre 848 et 900 millièmes, tandis que pour les Mammifères il a trouvé dans l'état normal 795 chez les uns et jusqu'à 809 seulement chez les autres. On sait généralement que tous les mammifères ne résistent pas également bien à l'influence du froid, et que pendant l'hiver plusieurs de ces animaux tombent dans un état d'engourdisse- ment profond, de léthargie, durant laquelle toutes les facultés vitales s'affaiblissent au point d'être en apparence suspendues. Or, il résulte aussi des recherches de Saissy sur les animaux hibernants, que leur sang contient beaucoup plus d'eau et moins de principes organiques que celui des Mammifères ordinaires, auxquels d'ailleurs ils ressemblent le plus. Ces expériences, qui datent de près d'un demi-siècle, demanderaient à être répé- tées avec toute la précision que comporte l'état actuel de la science ; mais elles s'accordent si bien avec tout ce que nous venons de voir que je ne doute pas de leur exactitude (1). Pour le sang des oiseaux, la pro- élevée que celle du sang du Chien, du portion d'eau a été de : Bœuf, et de l'homme, mais s'est Millièmes. trouvée, comme d'ordinaire, inférieure 829 chez la Corneille. à celle fournie par l'analyse du sang 774 le Pigeon. du Lapin, du Chat et du Veau. Pour 770 la Poule. , , . . . les deux oiseaux que je viens denom- Fr. Simon (a) a trouvé les quanti- mer> eUe variait enU>e 785 et 795> tés suivantes d'eau pour 1000 parties tandis que chez ces trois derniers de sang : mammifères elle s'élevait de 812 à 900 chez la Tanche. 335 ifr) 872 la Carpe. ,„ v e • ♦ a 848 le Crapaud. (1) S>a»sy a trouvé que 1a même 809 le Cheval. quanti té de sang fournissait Zj§r,7!2 d'eau chez le Lapin et le Cochon d'Inde, et Je dois ajouter cependant que dans 6s',l26 chez la Marmotte, le Hérisson, quelques expériences faites il y a peu le Lérot et la Chauve-Souris. Il ne dit d'années par M. Poggiale, la propor- pas si l'expérience a été faite avant ou tion d'eau contenue dans le sang d'un pendant que ces animaux étaient tom- Pigeon et d'une Poule n'était pas plus bés en léthargie (c). (a) Simon, Animal Chemistry , vol. I, p. 339, 340, 349. (b) Poggiale, Rech. chim.sur le sang (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XXV, p. 412). (c) Saissy, Rech. expérim. sur la physique des animaux mammifères hibernants, In-8, 1808. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 231 Ces résultats fournis par la comparaison de la quantité de matières solides contenues dans le sang de divers animaux tendent déjà à établir l'existence de la relation dont j'ai parlé ci-dessus entre la composition de ce liquide et l'activité de la vie. Mais c'est surtout par la détermination des proportions du Proportion caillot et du sérum, c'est- a-dire des globules et de la tibnne et 1-115 1 Tf» ^11 S6rUm- d'une part, et do liquide albumino-salin de 1 autre, que les dif- férences dans la richesse du sang chez les Vertébrés supérieurs et les Vertébrés inférieurs deviennent manifestes. Ainsi, dans les analyses de MM. Prévost et Dumas, nous voyons que chez les Poissons et les Batraciens, la quantité de globules mêlés à de la fibrine qui se sépare du sang par la coagulation ne varie qu'entre 63 et 9/i millièmes , tandis que chez les Vertébrés à sang chaud elle ne descend jamais au-dessous de 86 et s'élève jusqu'à 157. Nous ne possédons pas assez de données numériques pour pouvoir établir ici une comparaison utile entre les Poissons, les Batraciens et les Reptiles; mais il résulte des recherches dont les Vertébrés supérieurs ont été l'objet, que les Oiseaux sont de tous les animaux ceux dont le fluide nourricier est le plus fortement chargé de matières solides, et que sous ce rapport les Mammifères occupent le second rang. Dans les analyses de MM. Prévost et Dumas (1), la propor- tion d'eau tombe presque toujours au-dessous de 800 et des- cend même jusqu'à 765 chez les Oiseaux. Chez les Mammifères, les chiffres correspondants s'élèvent jusqu'à 836 et ne descendent pas au-dessous de 776. Chez les Oiseaux, les matières plastiques réunies dans le caillot forment, après une dessiccation complète, de 132 à 157 millièmes du poids total du sang. (1) Voyez le tableau ci-dessus, page 228. 232 SANG. Chez les Mammifères, cette proportion descend entre 146 et 86. Chez la Grenouille, elle ne s'est trouvée être que de 69. Or, nous verrons par la suite que les Oiseaux sont de tous les animaux ceux où le travail nutritif est le plus actif et la puis- sance locomotrice la plus développée. Chacun sait aussi que sous ce rapport les Mammifères sont bien supérieurs à tous les Vertébrés à sang froid (1) . Ces résultats s'accordent donc parfaitement avec la tendance générale que les observations précédentes nous avaient déjà fait apercevoir. § 6. — A l'époque où ces recherches furent faites, on pen- sait assez généralement que la fibrine du caillot provenait des globules et l'on ne cherchait pas à l'en distinguer dans l'analyse. Les résultats consignés dans les tableaux de MM. Prévost et Dumas sont par conséquent complexes, et pour rendre les investigations de ce genre plus utiles aux physiologistes, il était bon de séparer les globules des autres matières constitutives du sang. C'est ce qui a été fait par MM. Nasse, Simon, Pog- giale et quelques autres chimistes. Dans ces analyses, nous voyons que chez les Oiseaux le poids (1) En discutant ici les conséquences lides et liquides amène promptement à tirer des expériences de MM. Pré- une modification importante dans les vost et Dumas, nous n'avons pas tenu proportions des matières solides et li- compte des résultats de leur analyse quides du sang. Dans une de ces expé- du sang d'une Tortue terrestre, parce riences faites sur un chien la propor- que l'individu dont ils se sont servis tion d'albumine et de globules s'est n'était pas dans son état normal et élevée, après deux jours de diète, de n'avait ni bu ni mangé depuis cinq 17 à 21 grains pour un même poids mois. Ce liquide ressemblait au sang de sang (6); cela tient probablement d'un oiseau et contenait : globules, à ce que les pertes par évaporation que 150 ; eau, 768 (a). Or, les expériences subit l'économie sont plus considéra- de M. Collard de Marligny montrent blés que les pertes par destruction de que l'absence complète d'aliments so- matières combustibles. (n) Prévost et Dumas, Examen du sang (Ann. de chim., 4823, t. XXIII, p. 62). (b) Recherches expérimentales sur les effets de l'abstinence complète (Journal de physiologie de Magendie, 1828, t. VIII, p. 172). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 23S des globules varie entre 121 et 150 millièmes du poids total du sang. Chez les Mammifères, la proportion des globules descend parfois jusqu'à 86 et se rapproche le plus souvent de 120 ou 130 (1). Le Cochon est de tous les Mammifères celui dont le sang contient le plus de globules, et les agriculteurs savent depuis longtemps que c'est de tous les animaux de boucherie celui dont la nutrition est la plus active. Or, M. Nasse a obtenu, dans ses analyses, pour 1000 parties de sang, 145 parties de glo- bules, proportion qui n'est atteinte que rarement, même chez les Oiseaux. Le même chimiste a trouvé que chez la Chèvre les globules ne constituent que les 86 millièmes du poids du sang (2). Mais si ce Ruminant si vigoureux et si actif est inférieur aux Mam- mifères ordinaires, sous le rapport de la richesse du sang, il leur est de beaucoup supérieur, comme nous l'avons déjà vu, par le degré de ténuité des globules sanguins, et Ton comprend facilement que cette circonstance pourrait bien contre-balancer ou même dépasser en sens contraire l'influence de la faiblesse de la quantité pondérale de ces organites(3). Le Lapin et la Brebis ont aussi le sang peu chargé de glo- (1) Je crois devoir rappeler ici que (3) Dans les expériences de MM. An- le fer contenu dans le sang se trou- dral, Gavarret et Delalond (a), la pro- bant dans la matière colorante,et par portion des globules n'a été ni aussi conséquent dans les globules, la quan- grande chez les jeunes Porcs, ni aussi tité de cet élément varie proportion- faible chez les Chèvres ; leur poids nellement à celle des globules eux- moyen a été chez les premiers 105 mil- mêmes, sauf le cas où ceux-ci seraient lièmes, et chez les seconds 101. Mais plus ou moins décolorés. chez une Truie de deux ans, ces phy- (2) Nasse, Ueber das Blut der siologistes ont trouvé pour les glo- Hausthiere (Joum. fur prakt. Chem., bules, 132. 1843, t. XXV1I1, p. Iû6). (a) Recherches sur la composition du sang des animaux domestiques (Ann. de chim., 1842, 3° série, t. V, p. 311). I. 30 234 SANG. bùies comparativement au Chien, et chacun sait que la constitu- tion de celui-ci est bien plus robuste que celle de ces animaux herbivores. Ainsi, dans les analyses faites par le chimiste que je viens de nommer, les globules sont évalués à 123 millièmes chez ce dernier, et à 92 seulement chez la Brebis; enfin des expériences analogues faites par M. Poggiale ont donné pour le sang du Chien 126 millièmes en globules, et pour le sang du Lapin 91 (1). Je pourrais beaucoup multiplier les faits de cet ordre ; je crois cependant devoir ne pas m'y arrêter davantage, car les relations qui peuvent exister entre la richesse du sang en globules et l'activité physiologique sont loin d'être simples, et nos connaissances à ce sujet sont encore trop incomplètes pour que nous puissions chercher utilement à en scruter tous les détails; mais la tendance générale des faits dont je viens de parler est assez manifeste pour que nous puissions considérer l'abondance des globules sanguins comme une condition de puissance vitale, variations § 7. — Ce résultat général est également mis en évidence par l'étude des variations de composition que le sang peut offrir chez les divers individus d'une même espèce, et chez le même individu dans diverses conditions physiologiques. En effet, la composition du sang n'est pas une chose constante soit dans l'espèce, soit dans l'individu; elle est sujette à des variations. Les chiffres que j'ai donnés ci-dessus pour repré- senter les proportions de divers principes constitutifs de ce fluide ne doivent pas être considérés comme l'expression absolue des quantités existantes dans le sang d'un individu donné, mais les termes autour desquels ces quantités oscillent et l'étude de ces oscillations conduisent à des résultats intéressants. (1) Poggiale, Recherches chimiques sur le sang (Compt. rend, de l'Acad. des scienc, 18/|7, t. XXV, p. 112). variations dans sa composition. 235 Ainsi la composition du sang varie, quant aux proportions des principes constitutifs de ce liquide, suivant les sexes et les tempéraments. § 8. — Pour évaluer d'une manière approximative les rap- Différences ports entre la proportion pondérale de l'eau et celle des autres lesJexcs. matières qui s'y trouvent en dissolution ou en suspension, on a eu souvent recours à la détermination de la densité ou pesan- teur spécifique de ce liquide, c'est-à-dire à la constatation du poids d'une certaine quantité de sang comparée au poids d'un même volume d'eau pure. Or, les expériences de ce genre faites par M. Marchand, mais surtout celles dues à M. Polli (1), montrent que la densité du sang est, terme moyen , la plus grande chez l'homme, et des recherches du même genre faites peu de temps après par MM. A. Becquerel et Rodier donnent le même résultat. Ainsi la densité moyenne constatée par M: Polli a été, pour le sang de la femme, 6°, 142 de l'aréomètre de Baume (2) et pour le sang de l'homme, 6°, 575. MM. Becquerel et Rodier (3), en opérant sur du sang défî- (■1) Polli, Délia cotenna del san- portion plus ou moins forte dans ce gue, p. Z|6 (extr. des Ann. univ. di liquide ne pouvant influer sur la ma- medicina d'Omodei, 1843). nière dont l'aréomètre s'y enfonce. (2) La détermination de la densité (3) La mesure de ces densités a été du sang à l'aide des aréomètres or- prise par la méthode du flacon ; c'est- dinaires présente quelque difficulté, à à-dire par la comparaison du poids cause de la viscosité de ce liquide ; et d'un flacon rempli d'eau distillée d'une pour donner à ces mesures plus de part, et de sang d'autre part, la tem- précision, M. Hutin a proposé l'emploi pérature des liquides étant la même, d'un aréomètre d'une construction Les limites des variations observées particulière [a). Mais il est à noter que par les auteurs ont été de 1062 à 1058 ce procédé ne saurait fournir d'indica- chez l'homme (b), de 1060 à 105Zi tions qu'au sujet de la densité, du se- chez la femme (c). rum, la présence de globules en pro- (a) Halin, Études chim. etphysiol. sur le sang de l'homme, thèse foc. de med.de Paris, 1853. (6) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 22, (c) hoc. cit., p. 27. 236 SANG. briné, ont trouvé la densité moyenne de ce liquide comparée à celle de l'eau qu'on évalue à 1000 : 1060 chez l'homme adulte en état de santé; 1057 chez la femme dans son état normal. Cette différence dans le poids comparatif d'un même volume de sang n'est pas aussi significative qu'on pourrait le croire au premier abord (1) ; c'est un résultat fort complexe, et elle ne coïncide pas rigoureusement avec les variations dans les quan- tités relatives d'eau et des matières solides , car la densité de celles-ci diffère notablement, et deux échantillons de sang dont la pesanteur spécifique serait la même pourraient être dissemblables par leur composition. En général, cependant, cette densité dépend de la présence d'une proportion plus ou moins grande d'eau, et les analyses dans lesquelles on a déter- miné la quantité relative de ce principe conduisent aux mêmes résultats généraux que les observations précédentes (2). (1) M. Letellier a insisté, avec rai- sang, dont la densité varie de 1,0Z|5 à son, sur cette circonstance, que la pe- l,0Zi9 : ce qui se rencontre principale- santeur spécifique du sang n'est en ment chez les enfants, les vieillards et rapport ni avec la proportion d'aucun les adultes d'une constitution chétive. de ses éléments organiques en particu- La seconde classe est caractérisée lier, ni avec leur somme. (Ce travail par une densité de 1,050 à 1,059: est resté inédit , mais un extrait assez c'est le sang des adultes en bonne étendu en a été lithographie sous le santé. titre de : Résumé de nouvelles expé- Dans la troisième classe , la densité riences sur les propriétés chimiques, de ce liquide s'élève de 1,061 à 1,069 : physiques, physiologiques et patho- cela se voit chez les sujets très vigou- es du sang humain , in-&. reux et d'un tempérament sanguin. Saint-Leu-Taverny, 1837.) Enfin , dans la quatrième classe, la (2) On doit à M. Denis beaucoup densité varie de 1,070 à 1,075, et n'a d'expériences sur la densité du sang été observée par l'auteur que dans le comparée à sa composition chimique. sang fourni par le cordon ombilical Il distingue sous ce rapport quatre d'un enfant au moment de la nais- classes. Dans la première, il range le sance (a). (a) Denis, Essai sur l'application de la chimie à l'étude du sang de l'homme, 4838 , p. 2H, etc. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 237 En effet, il résulte clairement des recherches de M. Lecanu que le sang de la femme est plus aqueux que le sang de l'homme. Ainsi, les analyses faites par ce chimiste donnent en moyenne : 791 parties d'eau pour 1000 parties de sang chez l'homme; 821 parties d'eau pour la même quantité de sang chez la femme. Si, au lieu de s'en tenir à la considération des résultats moyens, on examine les termes extrêmes des variations dans la quantité relative d'eau, on arrive encore au même résultat. Ainsi M. Lecanu (1) a trouvé jusqu'à 853 millièmes d'eau dans le sang de la femme , et jamais plus de 805 dans le sang de l'homme. Enfin la proportion la plus faible a été de : 778 chez l'homme; 790 chez la femme. Cette inégalité dans la richesse du sang des deux sexes a été aussi mise en évidence par les recherches de M. Denis (2), ainsi que par celles plus récentes de M. Schmidt (3) et de MM. A. Becquerel etRodier (&)$ et lorsqu'on entre plus avant dans l'étude de la cause de ces variations, on voit qu'elles dé- (1) Lecanu, Nouvelles recherches et la proportion du sérum, par con- sur le sang, p. 27 (extr. du Joum. séquent , à : de pharmacie, t. X, 1831). rh «*••■■ •■ »■■■! / • i ^87 chez l'homme; (2; Denis, Rech. expertm. sur le 604 chez la femme sang, p. 290. (3) Dans les analyses comparatives 0n doit se rappeler que dans ces de M. Schmidt (a), la proportion observations M. Schmidt porte au d'eau fournie par le sérum était de : comPte des Seules la quantité d'eau qu'il suppose exister dans ces corpus- 90,884 pour 100 chez l'homme; cu,es tds ,;,s ge trouvent dans ]e 91,715 pour 100 chez la femme. ^ sang, tandis que dans les expériences 11 évalue la proportion des globules des chimistes il est toujours question humides contenue dans 1000 parties des globules réduits par la dessicca- de sang , à : tion à leurs matières solides. (Schmidt , 513 chez l'homme; EPid- Choiera, p. 30 et 33.) 396 chez la femme. (4) Recherches sur la composition (a) G. Schmidt, Charakteristik der epidemischen Choiera, p. 31 et 34. Leipzig, 1850. 238 sang, pendent principalement, non pas de la composition du plasma, mais des différences dans la proportion de cette partie liquide du sang et des globules qu'elle charrie. Ainsi, clans les expériences de M. Lecanu, ces corpuscules unis à la fibrine dans le caillot (1) forment, terme moyen : 99 millièmes du poids total du sang chez la femme ; 132 millièmes chez l'homme. Or les différences dans la proportion de fibrine sont insi- gnifiantes, et lorsqu'on a dosé séparément ce principe, les glo- bules et le sérum, on est arrivé à des résultats analogues. Effectivement, dans les analyses faites par M. Denis (2), le poids des globules a été, terme moyen, de : 1/j7 chez l'homme; 138 chez la femme. Et dans les recherches de MM. A. Becquerel et Rodier cette moyenne a été de : lZil chez les hommes; 127 chez les femmes. Des résultats analogues ont été obtenus tout récemment par du sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie, p. 22 et 37. (1) Dans les Mémoires de M. Le- canu, les quantités dont je parle ici sont attribuées aux globules seule- ment, mais se rapportent en réalité au caillot tout entier ; car à l'époque ou ce chimiste écrivait, on croyait assez généralement que la fibrine provenait des globules et devait figurer dans l'évaluation du poids de ces corpus- cules (a). (2) On trouve dans le Traité de chimie animale de Fr. Simon le ta- bleau suivant , qui résume les résul- tats fournis à ce sujet par les expé- riences de M. Denis : Composition du sang chez et la femme. /•Maximum . . Eau. . . . < Minimum . . \ Terme moyen l Maximum . . Globules . ; Minimum . . ( Terme moyen ^Maximum . . Albumine. 3 Minimum . . ( Terme moyen ( Maximum . . Fibrine. . j Minimum . . >. Terme moyen l'homme Homme. Femme. 790,0 733,3 758,0 820,0 750,0 147,0 487,1 102,0 147,0 162,4 88,1 138,0 63,0 52,3 57,5 66,4 50,0 61.2 2,9 2,1 2,5 3,0 0,25 0,27 (a) Lecanu, Nouvelles recherches sur le sang, 1851, 1837, p. 66. 30, et Ettules chim. sur le sang, VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 239 le docteur Parchappe, en comparant d'abord le poids relatif du caillot égouttc et du sérum, ou bien encore en mesurant l'es- pace relatif que les globules occupent en se déposant dans le sang défibriné (1). Le tableau suivant, construit avec les documents fournis par les travaux de MM. Becquerel et Rodier (2), montre que le sang diffère dans les deux sexes par les limites entre lesquelles se produisent les variations dans les proportions de l'eau et des (1) Ce médecin (a) a obtenu par dix- neuf expériences sur des individus atteints seulement d'indispositions lé- gères les résultats moyens suivants : Caillot humide. Sériin Sang de l'homme. . . 529 471 Sang de la femme . . 400 510 Chez les individus affectés de mala- dies graves, des différences analogues se sont manifestées suivant les sexes, que le sang fût couenneuxou non. Dans le premier cas le poids du caillot hu- mide s'est élevé terme moyen à 513 chez l'homme , et à 426 seulement chez la femme ; dans le second cas, la différence était encore plus grande, car le résultat moyen a été de 579 chez l'homme, et de 475 chez la femme. La précipitaiion spontanée des glo- bules dans une éprouvette graduée lui a donné, après soixante - douze heures de repos, les rapports suivants, en volume : Globules. Sérun Sang de l'homme. . 013 383 Sang de la femme . 551 449 Enfin, dans les expériences de M. Parchappe, la proportion de l'eau contenue dans le sang était, en moyenne, de : 767 millièmes pour l'homme ; 763 millièmes pour la femme. (2) Ce tableau renferme les résultats consignés dans le Mémoire de MM. A. Becquerel et Rodier sur la composi- tion du sang, cité ci-dessus (p. 22 et 27). Dans leur dernier travail, ces observateurs s'arrêtent aux chiffres suivants : Pour l'homme, l/iO ; pour la femme, 125. Ils fixent les limites physiologiques entre lesquelles la proportion de cette matière oscille à .145 comme maximum, et à 125 comme minimum. (Traité de chi- mie -pathologique, 1854, in-8, p. 49). C'est afin de rendre plus facile la comparaison des résultats moyens, maxima ou minima dans les deux sexes, que les chiffres ont été placés sur des lignes différentes dans le ta- bleau ci-après. Les deux colonnes intitulées Maximum, se rapportent au sang le plus riche en globules; les suivantes à celui où ces corpuscules sont le plus abondants, et où, par contre , la proportion de l'eau est au maximum. (a) Parchappe, De l'analyse quantitative des principes constituants du sang (Moniteur des hôpitaux, 1 856, t. IV, p. 434 et 481 ). 240 SANG. globules, aussi bien que par la tendanee que décèlent les résul tats moyens des analyses; et il prouve aussi que cette différence dans l'abondance relative des globules est la seule qui puisse être considérée comme ayant quelque importance. Composition du sang; dans l'espèce humaine, d'après MM. A. Becquerel et Bodier. Eau. ..... • Globules Albumine .... Fibrine Séroline Matières gr. phosph Cholestérine. . . . Savon Chlorure de sodium Sels solubles. . . . Phosphates .... Fer Total moyen. HOMME. Maxim 779 lui 69 760 152 73 1. /j 3,2 7 0,63 Minim. 800 131 62 0, 0,51 Total moyen. 791 127 70 5Zi Maxim. 773 137,5 75,5 2,5 0,06 0,80 0,20 1,8 U 3 1,8 0,57 Minim. 813 113 65 1,8 imp. 0,25 0,02 0,7 3,5 2,5 0,7 0,48 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2/j.l Dans ces derniers temps la même question a été attaquée d'une autre manière : M. Welcker a cherché à évaluer l'abondance relative des globules rouges par la comparaison de la puissance colorante du sang, et en examinant d'après cette méthode ce liquide chez la femme, il ne l'a jamais trouvé aussi chargé d'hématosine que le sang de l'homme lui a paru l'être d'or- dinaire (1). Ainsi la différence entre le sang chez l'homme et la femme vient à l'appui des résultats auxquels nous étions arrivé par la comparaison de la quantité relative de globules et. de plasma dans les différentes classes d'animaux, et tous ces faits tendent à mettre en lumière l'importance de ces organites, puisque nous voyons que dans ces deux séries de recherches l'augmentation dans la proportion des globules sanguins a coïncidé avec une puissance physiologique plus grande dans l'organisme. Quelques faits épars et peu nombreux tendent à montrer que les différences sexuelles sont accompagnées de variations analogues dans la composition du sang chez certains animaux. Ainsi MM. Andral, Gavarret et Delafond ont trouvé que dans le sang d'un Taureau adulte et vigoureux la proportion d'eau n'était que d'environ 792 et celle des globules de s'élevait à (1) En évaluant la proportion des une femme, tandis que chez l'homme globules par la méthode indiquée ci- il a obtenu 5,û00,000 et même dessus (page 221), M. Welcker estime 6,000,000 (a). Mais je dois ajouter que le nombre de ces corpuscules con- que les résultats fournis de la sorte tenus dans 50 millimètres cubes d'un ne peuvent être acceptés avec une en- mélange de sang et d'eau salée en tière confiance, car ils supposent que quantités constantes s'élèverait en la puissance colorante des globules moyenne à 5,000,000 chez l'homme ne varierait pas, fait qui, d'après les et à environ Zi, 750, 000 chez la femme, recherches de M. Vierordt, paraît Il n'a jamais trouvé 5,000,000 chez controuvé (6). (a) Welcker, Blutkôrperchenzâhlung und fatbeprûfende Méthode (Yierteljahrssch. fur. yrakt. Heilk., y. Prag, 1854. Bd. XXXX1V, p. il). (b) Vierordt, Retirage mur Physiologie des Blutes (Arch. fur physiol. Heilk., 1854, Tid. XIII, p. 269. i. ai 2fr2 SANG. 117 sur 1000, tandis que les moyennes fournies par leurs expé- riences sur le sang de la Vache ont été d'environ 102 pour les globules et de 808 pour l'eau (] ). On voit aussi par les tableaux insérés dans le Mémoire de ces physiologistes, que la moyenne pour les globules a été de 100 chez les Béliers et de 90 chez les Brebis (2) ; mais cette tendance n'est pas constante et n'a Différences été observée ni chez le Chien ni chez le Mouton (3). leTâJel § 9. — Nous ne savons encore que peu de chose relative- ment aux modifications que l'âge peut apporter dans la propor- tion des diverses matières contenues dans le sang humain ; mais si l'on en juge par le petit nombre de faits recueillis, on arri- vera à des conclusions en harmonie parfaite avec celles tirées de l'examen comparatif de ce fluide chez l'homme et chez la femme. En effet, Polli a remarqué que la densité du sang est en général plus faible chez l'enfant que chez l'adulte (4), et dans les analyses faites par M. Lecanu on voit que la propor- tion d'eau est plus grande et celle des globules plus faible chez les vieillards que chez les hommes dans toute la force de l'âge (5). Enfin, M. Popp a constaté qu'en général la pro- portion des matériaux solides du sang est plus élevée à l'âge (1) Recherches sur la composition elle ne s'est élevée qu'à 97. (Loc. cit., du sang de quelques animaux do- p. 333, tab. 10.) mestiques (Ann. de chim., 1842, (Zi) Polli, Ricerche ed esperim. sulla 3e série, t. V, p. 330, tab. 6). cotenna del sangue, 1843, p. 61. (2) Loc. cit., p. 327, tab. 1. (5) Lecanu, Nouvelles recherches (3) Si nous faisons abstraction de sur le sang, 1831, p. 27. Chez la deux individus maladifs qui figurent femme, la proportion d'eau n'a pas dans le tableau de l'analyse du sang varié sensiblement avec l'âge {loc. des Chiens donné par MM. Andral, cit.). Chez les hommes de trente à Gavarret et Delafond, nous y trouve- quarante ans, la proportion des glo- rons pour la proportion moyenne des bules (dosés à l'.état sec) s'est trouvée, globules, 1/|9 chez le mâle, et 152 chez terme moyen, d'environ 133 pour la femelle [loc. cit., tab. 8). Il est aussi 1000, tandis que chez les individus de à noter que chez les Vaches laitières, quarante-huit à soixante-quatre ans cette moyenne a été d'environ 102, elle est descendue, terme moyen, au- tandis que chez les Bœufs de travail dessous de 120 (loc. cit., p. 30). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 243 adulte que dans l'adolescence, et qu'elle décroît dans la vieil- lesse (1). Mais c'est surtout par l'étude du sang chez divers animaux que cette tendance devient manifeste. Ainsi, dans l'espèce bovine, ce fluide a été analysé d'une manière compara- tive à différents âges par MM. Denis, Nasse et Poggiale. Le premier de ces physiologistes (2) a trouvé les globules dans la proportion de : 17 pour 100 dans le sang du Bœuf, 15 pour 100 dans le sang du Veau. M. Nasse a obtenu 12 pour 100 de globules chez le Bœuf, et 10 pour 100 chez le Veau (3). Or, d'autres expériences montrent que le sang de la Vache est au moins aussi riche que celui du Bœuf, c'est-à-dire du mâle dont la constitution a été modifiée par la castration. Enfin, des recherches du même genre faites par M. Poggiale (û.) donnent les proportions suivantes : 92 pour 100 de globules chez le Veau, 126 pour 100 de globules chez la Vache. Cette concordance dans la tendance des résultats obtenus par trois expérimentateurs différents ne permet pas de douter que le sang des bêtes bovines ne soit plus riche en globules chez l'adulte que chez le jeune. D'autres analyses, dues également à M. Poggiale, montrent (1) Popp, Untersuchungen uber die fournis par les analyses de ce chi- Beschaffenheit des menschlichen Blu- miste. tes in verschiedenen Krankheiten. In-8°, Leipzig, 1845. (2) Denis, Recherches expériment . sur le sang, p. 256. (3) Nasse, Ueber das Blut der Haus- thiere ( Journ. fur prakt. Chemie » Poggiale, Becherches chimiques sur 18/l3, t. XXVIII, p. lt\6). le sang (Comptes rendus de l'Acad. (U) Voici l'ensemble des résultats des sciences, 18&7, t, XXV, p. 112). Bœuf. Vache. Veau. 796 788 835 Globules . . . . 123 126 92 Albumine. . 65 67 55 Fibrine. . . 5 6 | Mat. grasses . 2 2 1,' Sels , etc. . 9 10 11 2M SANG. que la même différence s'observe chez le Chat ainsi que chez le Lapin, quoique d'une manière moins marquée (1). L'examen comparatif du sang chez la Poule et chez le jeune poulet a fourni à M. Denis un résultat analogue (2), et M. Pog- giale a constaté des faits du même ordre chez le Pigeon adulte comparé à celui qui vient d'éclore (3). Du reste, ces différences paraissent s'effacer de bonne heure (4), et il ne faut pas perdre de vue qu'en m'y arrêtant ici, je signale une tendance de la Nature, et non une loi phy- siologique absolue. Aussi ne se manifestent-elles pas tou- jours : chez les Chiens nouveau-nés, par exemple, le sang, au lieu d'être plus pauvre que chez l'adulte , paraît être plus chargé de globules (5). Il est aussi à noter que dans l'espèce (1) Ce chimiste a trouvé dans le sang de l'animal adulte 109 millièmes de globules et 812 millièmes d'eau, tandis que chez un petit Chat âgé de trois heures, la proportion des globu- les n'était que de 83, et celle de l'eau était de 864 ; enfin, chez un Chat âgé de vingt-quatre heures, il a trouvé : globules, 84 millièmes, et eau, 862 {loc. cit., p. 112, et 200.) Dans le Lapin adulte, M. Poggiale a trouvé : globules, 91,5, et eau, 831 ; chez un Lapin âgé de trois heures : globules, 90; eau, 842; et chez un autre individu âgé de vingt - quatre heures : globules, 91,2 ; eau, 839 {loc. cit.). Or, il est à remarquer que les petits Lapins sont assez forts pour courir presque aussitôt après la nais- sance, tandis que les chats nouveau- nés restent pendant plusieurs jours dans un état de grande faiblesse et ne se meuvent qu'à peine. (2) Dans le sang d'une Poule d'un an, M. Denis a trouvé : globules, 16; eau, 77 pour 100. — Chez un Poulet de trois mois, nourri comme la poule précédente : globules, 12; eau, 80 (a). (3) Sang de l'adulte : globules, 143; eau, 795. Sang d'un Pigeon âgé de trois heures : globules , 130 ; eau, 822. Sang d'un individu de vingt- quatre heures : ^lob., 134 ; eau, 816. (4) Ainsi, dans les analyses du sang du Mouton faites par MM. Andral, Gavarret et Delafond, on ne remarque aucune différence notable entre des Béliers dont l'âge variait de un à cinq ans; il en a été à peu près de même pour les Brebis (6) M. Lecanu n'a pas trouvé de diffé- rence dans la composition du sang de l'homme entre vingt-cinq et quarante- cinq ans [Op. cit., p. 27). (5) M. Denis a trouvé chez le Chien adulte : globules : 97 ; eau, 830, et (a) Denis, Rech. expérim. sur le sang, p. 256 et 257. [b) Andral, Gavarret et Delafond, Rech. sur la compos. du sang de quelques animaux domestiques (Ann. d,e chim. et de phys., 1842, 3° série, t. V, p. 327). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 245 humaine on a trouvé le sang placentaire plus riche que le sang du fœtus , et que chez celui-ci les globules étaient en plus grande proportion que dans le sang de l'adulte (1) ; mais il me paraît probable que c'est à l'influence du sang- placentaire plutôt qu'à la puissance physiologique du nou- veau-né que la richesse de ce liquide doit être attribuée chez ce dernier (2). § 10. — Les divers individus de même sexe et de même âge, bien qu'ils soient tous en état de santé, peuvent cepen- dant différer entre eux sous le rapport du caractère physiolo- gique de leur constitution, ou, pour employer ici le terme propre, sous le rapport de leur tempérament. Chacun connaît l'idée qui s'attache aux expressions tempérament sanguin et Variations individuelles. chez des petits Chiens âgés d'un jour : globules, 165; eau, 780 (a). M. Pog- giale a obtenu les résultats suivants : Globules. Eau. Chien adulte 126 798 Chien de une heure . . 165 768 Chien de 24 heures . . 163 771 Chien de 48 heures . . 158 775 Ici l'abondance des globules décroît rapidement depuis le moment de la naissance, et paraît tenir à l'influence de la mère plutôt qu'à la puissance physiologique du jeune individu lui- même (6). (1) M. Denis a trouvé dans le sang- placentaire d'une femme, dont l'orga- nisme était débilité par plusieurs sai- gnées successives : globules, 22Zi ; eau, 701; tandis que le sang tiré du bras ne donnait que : globules, 140 ; eau, 781 (c). M. Poggiale a trouvé dans le sang placentaire : globules, 172 ; eau, Ihh- Dans trois autres expériences, il a comparé le sang placentaire fourni par le bout supérieur du cordon, et le sang du fœtus fourni par le bout inférieur du même cordon , et il a toujours trouvé la proportion d'eau plus grande dans ce dernier. Le poids des ma- tières solides a été, terme moyen, pour le sang placentaire, 255 ; pour le sang fœtal, 252. Il remarque aussi que le sang de l'enfant nouveau-né est très riche en globules, mais ne renferme que peu de fibrine (d). (2) D'après d'autres expériences de M. Denis, la quantité d'eau diminue- rait progressivement chez l'homme de la naissance jusqu'à l'âge adulte, res- terait stationnaire de vingt à cinquante ans , puis augmenterait un peu. La matière colorante désignée alors par ce (a) Rech. expêrim. sur le sang, p. 254 et 255. (b) Poggiale, Rech. chim. sur le sang (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1847, t. XXV, p. 112), et Compos. du sang des animaux nouveau-nés (loc. cit., p. 200). (c) Rech.expérim., p. 252. (d) Poggiale, loc. cit., p. 198. 2^6 SANG. tempérament lymphatique. Or il est à noter iei que les varia- tions dans l'aspect général de l'organisme désignées sous ces noms correspondent à des variations non moins importantes dans la composition chimique du sang. En effet, il ressort des analyses publiées par M. Lecanu, que chez les individus d'un tempérament dit sanguin, la quantité relative de globules est plus grande que chez ceux dont la constitution est lymphatique. Cette différence a été en moyenne dans les proportions de 136 à 116 millièmes chez les hommes, et de 126 à 117 chez les femmes (1). influence Ç H. — Chacun a pu remarquer combien l'état de grossesse de la gestation, cause de l' affaiblissement chez la plupart des femmes. S'il y a réellement une relation entre la vigueur de l'organisme et la richesse du sang en globules rouges, nous pouvons donc nous attendre à en trouver ia proportion amoindrie pendant la durée de la gestation. Or, c'est effectivement ce qui a été constaté par les analyses de MM. Becquerel et Rodier : au lieu de trouver 127 millièmes pour les globules, comme dans l'état normal de la femme, ils n'en ont trouvé que dans la propor- tion moyenne de 111 (2), et j'ajouterai que chez nos animaux physiologiste sous le nom de cruorine, deux époques extrêmes de la vie. ou ce qui revient à peu près au même, (Denis, Recherches de physiol. sur le les globules, augmenterait en quantité sang (Journ. de physiol. de Magendie, jusqu'à l'âge mûr; à la naissance, elle t. IX, p. 218, 1829). serait de 3li sur 1000 ; jusqu'à dix ans, Je dois faire remarquer, cependant, terme moyen, 68; dans la deuxième pé- que le nombre des ?nalyses publiées riode décennale de la vie, 121; dans la par M. Denis ne paraît pas suffisant troisième période décennale, 157; dans pour établir la loi des variations que la quatrième, 152; dans la cinquième l'âge détermine dans la composition période, lZj.6 ; dans la sixième, 125, du sang, ainsi que cet auteur semble et dans la septième (c'est-à-dire de vouloir le faire, soixante à soixante-dix ans), terme (1) Lecanu, Nouvelles recherches moyen, 113. La proportion del'albu- sur le sang, 1831, p. 30. mine ne varirait que peu, ainsi que celle (2) Les expériences de ces médecins de la fibrine; cette dernière substance portent sur neuf individus, et la pro- serait cependant un peu plus faible aux portion des globules a varié entre 127 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2/j.7 domestiques l'état de gestation parait exercer sur la composi- tion du sang une influence du même ordre (1). § 12. — L'état particulier de l'économie que les médecins appellent pléthorique, état qui n'est pas encore une maladie, mais qui y touche de près et qui semble dû à un excès dans l'ac- tion stimulante du sang, à une surabondance de vie, fait égale- ment ressortir l'importance du rôle physiologique des globules. En effet, M. Andral, dont l'autorité est des plus grandes dans des questions de ce genre, pense que c'est la surabondance des globules sanguins qui caractérise essentiellement la pléthore. Chez la plupart des hommes dans l'état ordinaire, la proportion État pléthorique. et 88, tandis que les limites des varia- tions étaient 137 et 113 chez les femmes dans l'état ordinaire {a t. Une analyse faite par Fr. Simon a donné des résultats analogues (6). Enfin, les recherches plus nombreuses de MM. An- dral et Gavarret révèlent la même ten- dance physiologique (c). (1) La discussion des données nu- mériques contenues dans le travail de MM. Andral, Gavarret et Delà fond, sur le sang de divers animaux domesti- ques, me semble conduire à un autre résultat. Si Ton compare les Brebis de la même race (dite Rambouillet), en élaguant les individus de race croisée, on voit que la proportion des globules du sang est en général plus faible pen- dant la gestation qu'avant la féconda- tion ; mais que cette différence tend à s'effacer chez les individus d'un âge avancé (d). Ainsi les trois Brebis Ram- bouillet de un ou deux ans, dont le sang a été analysé par ces physiolo- gistes, donnent, terme moyen, poul- ies globules, 103,8. Les Brebis de même race en état de gestation donnent, pour Les individus de & à 8 ans Pour ceux de 9 à -H ans . 93,7 400,7 Un autre fait qui ressort des ana- lyses publiées par les mêmes auteurs, c'est l'élévation constante de la pro- portion des globules chez les Brebis, deux ou trois jours après la mise bas. Vers la fin de la gestation chez les quatre individus dont le sang a été examiné, la proportion des globules était descendue entre 92,9 et 95,0, tandis que deux ou trois jours après la mise bas elle était remontée entre 102,6 et 106,2. Un résultat analogue a été fourni par l'analyse comparative du sang d'une Vache, cinq jours avant la mise bas et deux jours après (e). (a) A. Becquerel et Rodier, Rech. sur la compos. du sang, p. 30. (b) Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 335. (c) Andral, Essai d'hématologie, p. 105. {d) Voyez le tableau n° 1 annexé au Mémoire de ces auteurs (Ann. de chimie, 1842, 3° série, t. V, p. 327). (e) Loc. cit., p. 332. Etat anémique. 248 SANG. des globules ne dépasse guère 130 millièmes, et ne serait même, d'après ce pathologiste, que de 127 en moyenne; mais dans la pléthore M. Andral a trouvé pour moyenne 141 , et a vu le poids des globules s'élever parfois à 154 sur 1000 parties de sang. En- fin il fait remarquer que cette richesse considérable n'était pas accompagnée d'une augmentation dans la quantité de fibrine, ni d'un changement bien notable dans la proportion des autres matériaux constitutifs de ce liquide, sauf l'eau dont la quantité était moindre que d'ordinaire (1). Dans l'état opposé à la pléthore, et connu des pathologistes sous le nom d'anémie, où l'organisme a perdu ses forces et où la vie semble parfois près de s'éteindre sans que ce délabrement puisse être attribué à une lésion quelconque, le sang conserve souvent les proportions ordinaires de fibrine et d'albumine, mais ne charrie plus la quantité normale de globules. Dans beaucoup (1) Andral , Essai d'hématologie pathologique, p. Al. MM. A. becquerel et Roclier pen- sent que ces conclusions ne sont pas justes, parce qu'on aurait évalué trop bas la proportion normale des globules, laquelle serait, d'après ces auteurs, de 1/tl, comme dans les cas de pléthore examinés par M. An- dral. Mais je ferai remarquer que les hommes choisis par MM. Becquerel et Rodier, pour établir cette moyenne, étaient tous des individus d'une forte constitution, se nourrissant bien, et dont quatre au moins sur six éprou- vaient souvent le besoin de se faire saigner, ce qui semble bien indiquer un état pléthorique. Du reste, ce qui, dans mon opinion, constitue la modi- fication du sang dans la pléthore, ce n'est pas la présence d'une quantité déterminée de globules dans le sang, mais l'augmentation de la proportion de ces corpuscules au delà d'un certain terme qui peut varier pour chaque in- dividu ; c'est , en d'autres mots, le défaut d'équilibre ou d'harmonie entre la richesse du sang et les besoins phy- siologiques de l'économie. Le même résultat paraît aussi pouvoir dépendre d'une surabondance dans la masse de ce liquide nourricier, circonstance qui, dans l'opinion de MM. Becquerel et Rodier, serait la seule cause de l'état pléthorique (a) . Du reste, dans leur dernier ouvrage, ces pathologistes se rapprochent beau- coup de l'opinion de M. Andral, car ils disent que le chiffre des globules augmente dans certains cas de plé- thore, mais non dans tous {b). (a) Becquerel et Rodier, Rech. sur la compos. du sang, p. M . (b) Becquerel et BoHier, Chimie pathologique, 4854, p. 49. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 2Zl9 de cas de ce genre, M. Andral n'a trouvé les globules que dans la proportion de 65 au lieu de 127, et dans un cas très grave il a vu ce chiffre descendu jusqu'à 28 (1). Des résultats analogues ont été fournis par l'étude des ani- maux domestiques (2), et l'on peut même les obtenir à volonté. En effet, Thackrah (3) avait remarqué qu'à la suite d'une des émissions saignée la masse du sang semble se rétablir assez rapidement, mais que la composition de ce liquide ne reste pas la même ; que l'élément aqueux y arrive plus vite que les globules n'y repa- raissent, et que par conséquent les saignées répétées appauvris- sent réellement Je sang. Cette modification du fluide nourricier, sous l'influence de l'hémorrhagie, a été démontrée plus nette- Influence sanguines. (1) Andral, Essai d'hématologie, p. Zi9. (2) Nasse a constaté que chez les Moutons affectés de la pourriture ou cachexie aqueuse, la proportion des globules qui, dans l'état normal, est de 92, tombe parfois jusqu'à 10. La proportion d'eau s'est élevée de 827 à 952. Chez des Chevaux affeclés de morve chronique, le même observa- teur a vu les globules tomber à /|3, tandis que dans l'état normal ils figu- rent pour 117 ; la proportion d'eau a augmenté en même temps et s'est élevée du chiffre normal de 806 jus- qu'à 860 (a). MM. Andral, Gavarret et Deia- fond avaient obtenu aussi des résultats analogues : chez les Moutons en bonne santé, la proportion des globules, éva- luée, d'après le procédé d'analyse em- ployé par ces pathologistes , oscille autour de 100 pour 1000 parties de sang ; mais chez les Moulons atteints d'hydroémie et dont le foie était in- fecté de Douves, elle a varié entre 78 et lZi. (Annales de chimie, 18Zi2, t. V, p. 335.) (3) Thackrah conclut de ses expé- riences à ce sujet, que « la quantité » relative du sérum augmente pen- » dant la durée de la saignée. » Dans un cas, mentionné par cet auteur, la proportion du caillot pour 100 de sérum est tombée de 128 à 119 (b). Dans une expérience sur un Chien qui mourut d'hémorrhagie , la pro- portion du caillot a été successive- ment de 333, 309 et 129 pour 100 de sérum, et chez un Bœuf tué de la même manière la proportion de cail- lot est tombée de 27 à 16 [Op. cit., p. 129). Il paraîtrait aussi, d'après ces expériences, que la fibrine du caillot est moins rétractile à la fin de l'hémor- rhagie qu'au commencement , car la quantité relative de sérum séparée du caillot était plus considérable le len- demain que le surlendemain de la saignée (Op. cit., p. 130), (a) Nasse, Ueber das Blut der Hausthiere (Joum. fûvprakt. Chenue, 1843, t. XXVIII, p. 14G). (b) Thackrah, Inquiry into the Nature and Properties ofBlood, 1819, p. 99. I- 32 250 SANG. ment encore par les expériences de MM. Prévost et Dumas, et des recherches récentes, dues à un pathologiste distingué de l'Allemagne, M. Yierordt, montrent que la proportion des glo- bules hématiques diminue ainsi d'une manière très remar- quable (1). Or chacun sait combien les émissions sanguines (1) Dans une des expériences faites sur un Chat robuste, par Prévost et M. Dumas, le sang a donné d'abord 118 millièmes de globules ; dans une seconde saignée, 116; puis dans une troisième saignée, 93: et cependant entre la première et la troisième émis- sion sanguine l'intervalle de temps n'avait été que de sept minutes (a). Une autre expérience faite plus ré- cemment par MM. Andral, Gavarret et Delafond, montre encore mieux l'in- fluence des émissions sanguines sur la proportion des globules (6). Un Cheval fut saigné sept fois dans l'espace de quelques heures , et le sang obtenu ainsi fournit des globules dans les proportions suivantes : saignée . saignée . saignée . saignée . saignée . saignée . saignée . 104 97 04 51 38 M. Zimmermann a fait aussi une étude attentive de l'influence que la saignée exerce sur la composition du sang. Ses expériences furent faites sui- des Chiens, et le sang de chaque sai- gnée fractionné en 8 ou 10 parties. Or dans chaque expérience on voit que la proportion des globules décroît pro- gressivement à mesure que l'émission sanguine se prolonge, et que dans chaque nouvelle saignée elle devient plus faible que dans la précédente. Ainsi la première saignée en a fourni : Au commencement de l'opération. 110,0 A la fin de l'opération 106,7 La 2° saignée, au commencement. 97,3 La 2e saignée, à la fin 89,8 La 3e saignée, au commencement. 76,1 La 3e saignée, à la fin 56,0 Les saignées furent pratiquées à quel- ques jours d'intervalle, et étaient si copieuses, que la mort est arrivée peu d'heures après la troisième opéra- tion (c). M. Zimmermann a obtenu des résultats analogues en examinant l'influence des hémorrhagies sur la composition du sang artériel (d). C'est par la méthode du dénombre- ment des globules dont il a déjà été question au commencement de cette Leçon (page 220), que M. Vierordt a étudié l'influence de la saignée sur la composition du sang, Ses expé- riences portent sur des Chiens et des Lapins, et il a comparé le sang prove- nant de deux saignées pratiquées à dix ou douze heures d'intervalle. Il a trouvé ainsi que la diminution dans la quantité relative des globules aug- (a) Prévost et Dumas, Examen du sang, 2' Mémoire (Ann. de chim. etphys., 1823, t. XXIII, p. 66). (6) Andral, Gavarret et Delafond, Op. cit. (Ann. de chim., 1842, t. V, p. 323.) (c) G. Zimmermann, Drei Bhitentziehungen an einem Hunde, nebst Sectionsbefund (Arch. fur physiol. undpathol. Chemie und Mikros., 1847, Bd. IV, p. 465). (d) Zimmermann, Ueber die quantitativen Verànderungen im Blute bei seinem Ausflusse ans Arterien (loc. cit., p. 385), ^_ VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 251 causent d'affaiblissement dans tout l'organisme : il en résulte un état d'anémie plus ou moins intense, et entre les mains du médecin cette diminution des forces physiologiques devient parfois un moyen curatif. M. Vierordt a trouvé aussi que la mort arrive toujours quand le nombre relatif des globules est mente avec l'abondance de la saignée, résultat qui s'accorde avec ceux obte- nus précédemment par M. Wolter- son (a). Les nombres suivants mon- trent combien les différences produites de la sorte peuvent être considérables. Dans la première colonne se trouve l'indication de la quantité de sang perdu par des Lapins, évaluée en frac- tions du poids total du corps de l'ani- mal ; dans la seconde, le nombre des globules hématiques contenus dans un volume constant du liquide exa- miné. 1/446 102 1/425 98 1/14 3 96 1/110 84 1/85 68 1/55 69 1/43 52 Les expériences de M. Vierordt sur des Chiens ont fourni des résultats analogues, mais les différences étaient moins considérables. Chez un de ces animaux le nombre des globules ce- pendant est descendu de 89 à 52 par l'effet de six saignées successives faites dans l'espace d'environ deux heures. Dans une de ses expériences faites sur un jeune Lapin, la mort est arrivée quand le nombre des globules était descendu à 68 pour 100 du nombre normal ; mais dans d'autres cas, chez un Lapin adulte et chez un Chien, la soustraction du sang n'est devenue fatale qu'après un appauvrissement plus considérable : le nombre relatif des globules est tombé à 52 pour 100 du nombre normal (6). Je n'ai pas cru devoir tenir compte ici de quelques expériences rapportées par Magendie dans ses Leçons au collège de France, et qui tendraient à montrer que, sous l'influence d'une mauvaise nourriture et de saignées répétées, la proportion des globules, ainsi que celle de la fibrine et de l'al- bumine, irait en augmentant chez le Cheval, et qu'un animal ne rece- vant aucun aliment solide et ne bu- vant que de l'eau pendant vingt-quatre jours, aurait présenté, deux jours avant de mourir de faim, un sang deux fois aussi riche en globules qu'au com- mencement de l'expérience. Il est aussi très singulier de voir, dans le récit de cette même expérience, que le cheval privé d'aliments restait dispos» alerte et facile à exciter à la course après trois semaines d'abstinence. Je suis porté à croire qu'il y a eu dans ces recherches quelques inexactitudes dans les analyses chimiques, et peut- être aussi un peu de commisération de la part du palefrenier (c). (a) Wolterson, De mutationïbus in sano corpore sanguinis detraclione productis. Diss. inaug. Arnheim, 1850. (b) Vierordt, Beitrâge sur Physiologie des Blutes (Archiv fur physiologische Heilkunde, 1854, t. XIII, p. 2.71 et suiv.). (c) Magendie, Leçons faites au collège de France en 1851-52 , publiées par M. Fauconneau- buiïesne, et tirées de Y Union médicale, 1852. SANG. Influence de descendu au-dessous d'une certaine limite, qui varie suivant les individus. L'abstinence prolongée, lors même qu'elle n'est accompa- rabsunence. gnée d'aucune perturbation dans l'économie, ainsi que cela se voit chez les animaux hibernants , est une cause d'affaiblisse- ment, et en même temps que le poids du corps diminue pen- dant la durée de l'état léthargique, on voit que le sang devient de plus en plus pauvre en globules hématiques (1). D'un autre côté, si parmi les bêtes bovines de nos fermes, dans un troupeau de moutons, ou bien encore parmi nos chiens de garde, on rencontre quelque individu remarquable par sa vigueur ; et qu'on examine le sang de ces animaux de choix, on y trouve toujours les globules en plus forte proportion que d'ordinaire (2). Il me serait facile de citer beaucoup d'exemples à l'appui de ce que je viens de dire, mais cela me paraîtrait superflu, et Résumé. (1) M. Vierordt a étudié dernière- ment, par sa méthode du dénombre- ment des globules, la composition du sang de la Marmotte à diverses pé- riodes du sommeil hibernal de cet animal. La Marmotte est tombée en léthargie le 22 novembre, et le poids de son corps était alors de 8Ù5 gram. Pour 1 millimètre cube de sang, M. Vierordt a trouvé : 7,748,000 globules le 11 novembre. 5,100,000 — le 5 janvier. 2,355,000 — le 4 février. Pendant ce temps le poids de l'animal était tombé à 613 grammes, c'est-à- dire diminué d'environ un quart (a). (2) Les expériences de MM. Andral, Gavarret et Delafond sur le sang des animaux domestiques ont conduit à la conclusion suivante : « Chez les différents individus d'une même es- pèce, Vélévation du chiffre des glo- bules a été en rapport constant avec l'énergie de la constitution. » ( Loc. cit., p. 325. ) Ainsi, dans leurs expériences sur les Moutons de la race Dishley, ces au- teurs signalent deux de ces animaux comme étant les plus beaux et les plus forts du troupeau ; or le chiffre des globules était chez l'un de 110 et chez le second de 101, tandis que chez au- cun des autres il ne s'élevait aussi haut, et était en moyenne de 93. (Ta- bleau n° 2.) Des faits analogues se remarquent dans leurs recherches sur les Moulons de la race dite de Ram- bouillet. Chez une Brebis qui était la plus forte du troupeau, le chiffre des globules s'élevait à 123, tandis que (a) Vierordt, Beilrdge mur Physiologie des Blutes (Arch. f. physiol. Heilk., 1854, t. XIII., p. 409). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 253 je me bornerai à ajouter que M. Aiidral, à qui on doit d'excel- lents travaux sur ce sujet si intéressant pour le physiologiste aussi bien que pour le médecin, résume dans les termes sui- vants l'ensemble de ses expériences et de ses observations : « La force de la constitution est la condition de l'économie qui contribue le plus à élever les globules vers leur maximum, tandis que la faiblesse congénitale ou acquise est la condition qui les abaisse vers leur minimum (1). » Il ne faudrait pas croire cependant que la grande abondance de matières solides dans le sang soit toujours une condition de santé et de vigueur, car elle coïncide parfois avec un état ma- ladif des plus graves. En effet, dans le choléra asiatique, le sang contient beaucoup moins d'eau que dans les circonstances ordi- naires et ressemble souvent à une gelée épaisse ; mais ce fait chez les autres individus en bon état il restait entre 90 et 110. [Loc. cit., tableau n°l.) J'ajouterai que chez un Chien d'une vigueur extrême, ils ont trouvé les globules dans la proportion de 176, tandis que chez les individus ordi- naires cette proportion variait entre 136 et 165. (Tableau n° 8.) La même tendance se révèle dans les nombreuses analyses du sang hu- main, faites par M. Becquerel et Ro- dier. Les globules, disent ces physio- logistes, diminuent dans la plupart des maladies chroniques dont la durée se prolonge; ils diminuent aussi toutes les fois que des individus ont été sou- mis à une alimentation insuffisante ou insuffisaiiiment réparatrice (a). Il résulte des observations de ces deux auteurs qu'une diminution très considérable des globules (quand la proportion est descendue entre AO et 80 pour 1000) se traduit par les phéno- mènes suivants : « La peau est pâle et même d'un jaune verdâtre, les forces sont diminuées; le moindre exercice, quelquefois même, le moindre mouve- ment détermine de la courbature, des douleurs musculaires, de la dyspnée et des palpitations. La céphalalgie, les vertiges, les bourdonnements d'oreilles et d'autres troubles nerveux se déve- loppent et se montrent à des degrés très divers. Les syncopes se manifes- tent avec une grande facilité; etc. » MM. Becquerel et Rodier ajoutent que cette diminution des globules se montre surtout dans les cas d'émis- sions sanguines trop copieuses, les hémorrhagies considérables, la chlo- rose portée au maximum, l'anémie paludéenne portée à un très haut degré, et la cachexie cancéreuse. » (Chimie jiathologiqtie, p. 52.) (1) Essai d'hématologie , p. 29. (a) Becquerel et Rodier, Nouv. rech. d'hématologie (Compt. rend., 1852, t. XXXIV, p. 835). 254 SANG- exceptionnel n'infirme en rien les résultats généraux que je viens d'exposer, car les globules hématiques paraissent être alors fortement altérés, et leur abondance relative est déter- minée seulement par l'abstraction d'une quantité considérable de l'eau du sérum (1). influence §13. — Il n'entre pas dans le plan que j'ai adopté pour ce rétat cours de traiter d'une manière spéciale des modifications que pathologique. les maladies peuvent déterminer dans la constitution des orga- nismes ou dans les caractères des phénomènes physiologiques dont ces organismes sont le siège; mais je crois devoir ne pas (1) La diminution dans la propor- lièmes de matières solides dans le tion de l'eau contenue dans le sang sang; tandis qu'à l'état normal la pro- des cholériques a été constatée lors de portion de ces substances est, terme l'épidémie de 1831, par O'Shaugh- moyen, de 210, et au plus de 221. nessy (a), Thomson (6), Andrews (c), Voici les résultats de deux analyses Lassaigne (d), Lecanu (e), etc., et de- faites par M. A. Becquerel [f). Le sang puis lors a été observée de nouveau provenait d'hommes adultes saignés par divers expérimentateurs. peu d'heures avant leur mort : M. Thompson, de Glasgow, évalue à U5 pour 100 la proportion du caillot fourni par le sang normal ; mais chez Somme des mat. solides. 277,48 245,05 \ . ., , Globules 189,60 160,20 les cholériques il a trouvé, terme Fibrine 1.88 6,50 moyen : Caillot, 66,8; Sérum, 33,2. Albumine pure 51,80 69,35 _ ~ , , . i i t Chlorure de sodium . . 6,61 nondéterm. Enfin dans ce sérum, si peu abondant, Mat grasses> ^ ptc 27;59 2000 la proportion des matières solides était Eau 732,52 753,95 deux fois plus grande que dans l'état normal. nans d'autres analyses du sang de Dans quelques cas de choléra, cholériques, faites par Wittslock (g) et M. Lecanu a trouvé jusqu'à 520 mil- Fr. Simon (h), la quantité des globules (a) O'Shaughnessy, Report on the Chemical Pathology of Choiera, 1832. (6) T. Thompson, Chemical Analyses of the Blood of Choiera Patients (Philosoph. Mag. and Annals, 1832, vol. XI, p. 349 et suiv.). (c) Andrews, Chem. Research, on the Blood of Choiera Patients (London and Edinburgh Philo- sophical Magazine, 1831, vol. I, p. 305). (d) Lassaigne, Analyse du sang des cholériques (Journ.de chimie médicale, 1832, t. VIII, p. 457). (c) Lecanu, Examen du sang des cholériques (Journ. de pharm., 1833, t. XIX, p. 21), et Études chim. sur le sang. Thèse, 1837, p. 106. _ (A Becquerel, Note relative à quelques analyses du sang {Arch. gén. de méd., 1849, 3« série, t \" p PPP). '(g) wiltstock, Chemische Untersuchungen als Beitrage zur Physiologie der Choiera (Ann. der Phys. und Chem. von Poggendorff, Bd. XXIV, p. 509). (h) Simon, Animal. Chemistry, vol.I, p. 325. N° I. N° II. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 255 négliger les faits que la pathologie nous fournit, lorsqu'il me semble possible d'en obtenir quelques lumières utiles pour la solution de questions encore indécises touchant l'anatomie ou la physiologie des animaux dans leur état normal. Or l'étude de la composition chimique du sang dans les diverses mala- dies, sujet dont les pathologistes se sont beaucoup occupés de- puis quelques années (1), me paraît éminemment propre à nous éclairer sur le rôle de quelques-uns des principes constitutifs de cet agent, et par conséquent je crois utile de m'y arrêter ici. Effectivement, lorsque l'organisme est dans un état morbide, ne dépassait pas le terme normal, rencontrent et l'état des autres hu- mais l'albumine s'élevait à 110 et meurs de l'économie. 11 a trouvé que même HZi pour 1000. chez les hommes le sang, dans les cas Dans un autre cas, le même pa- graves, contient jusqu'à 559 pour 100 thologiste a trouvé jusqu'à 8/i d'albu- de globules turgides au lieu de 513, mine pour 1000 dans le sérum. comme dans l'état de santé, et que Dans les cas observés par M. An- chez des femmes, au lieu de 396 (pro- drews les anomalies n'étaient pas aussi portion normale), il y en a parfois prononcées, mais la diminution dans Zi97 (a). Voyez aussi à ce sujet les la proporiion d'eau contenue dans le observations de MM. Dulk, Robert- sang de ses malades se faisait toujours son, etc. (6). remarquer. La déformation des globules hémati- M. Schmidt, de Dorpat, a étudié ques a été observée par MM. Follin (c), d'une manière très approfondie non- Cowan (d) et Heller (e), etc. seulement la constitution du sang dans (1) Les travaux les plus importants cette maladie, mais les relations qui sur la composition chimique du sang existent entre les modifications qui s'y dans l'état de maladie sont en pre- (a) Schmidt, Charakteristik der epidernischen Choiera gegenuber veriuandten Transsudations- Anomalien. Leipzig-, 1850, p. 89 et suiv. (6) Dulk, Beitr. zur chemisch physiol. Kenntniss der Choiera (Ann. der Pharm., 1833, Bd. V, p. 333). — J. Mayer, Impfversuche mit dem Blute und Ausleerungen Choiera Kranker. (Arch. fur Path. Anat. und Phijsiol., 1852, t. IV, p. 29). — Robertson, Observ. on the Blood of Choiera Patients (Edinb. Monthly Journ. of Medic, t. XVII, p. 243). — Heller, Ham, Blut, etc., bel Choiera sporadica (Arch. fur phijsiol. und pathol. Chemie und Mikrosk., Wien, 1844, Bd. I, p. 17). (e) Follin , Examen microscopique du sang et des matières vomies, etc., chez les cholériques (Comptes rendus de la Société de biologie, 1849, p. 48). (d) Cowan , Case of Choiera in which the Blood was Remarkably Altered (Monthly Journ. of Medic., Edinb., 1854, t. XIX, p. 249). (e) Heller, Patholog. chem. und mikroscopïsche Untersuchungen (Arch. fûrphysiol. und pathol, Chemie und Mikmskopie, 1844, 1. 1, p. 17). 256 SANG. le sang est suseeptible d'éprouver dans sa composition chimique des variations bien plus grandes que dans l'état de santé; et, soit que ces modifications résultent d'un trouble dans l'action d'une partie déterminée de l'économie animale, soit qu'elles doivent être considérées comme la source de ces perturbations, la comparaison de ces causes et de ces effets ne saurait être négligée par les physiologistes. A mesure que nous avancerons dans l'étude du sang, nous verrons de plus en plus clairement que cette humeur est en réalité un simple mélange de matières de provenances diverses qui, après y avoir séjourné plus ou moins longtemps, doivent en disparaître, soit qu'elles s'y détruisent, soit qu'elles en sortent pour être employées dans la constitution de l'organisme ou pour être expulsées au dehors. Il en résulte que la proportion dans laquelle chacune de ces matières s'y rencontre à un moment donné dépend du degré d'intensité relative de deux forces con- traires, et que cette proportion doit s'élever ou s'abaisser sui- vant que l'équilibre entre le travail alimentateur et le travail d'élimination se trouve rompu par la prédominance de l'une ou mière ligne ceux de MM. Andral et nombre de faits constatés par d'autres Gavarret (a) ; puis les recherches com- expérimentateurs, et l'on trouve dans paratives faites plus récemment par un des ouvrages de M. Nasse beaucoup MM. A. Becquerel et Rodier (6). Mais d'indications bibliographiques à ce l'hématologie est riche d'un grand sujet (c). (a) Recherches sur les modifications de proportion de quelques principes du sang, fibrine, glo- bules, matériaux solides du sérum et eau dans les maladies, par MM. Andral et Gavarret (Annales de chimie, 1840, 2« série, l. LXXV). — Réponse aux principales objections dirigées contre les procédés suivis dans les analyses du sang, par MM. Andral et Gavarret. In-8, 18-42. — Recherches sur la composition du sang de quelques animaux domestiques dans l'état de santé et de maladie, par MM. Andral, Gavarret et Delafond (Ann. de chim., 1842, 3° série, t. V). — Essai d'hématologie pathologique, par M. Andral. In-8, 4843. (b) A. Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie. In-8, 1844. — Nouvelles recherches sur la composition du sang (Gazette médicale, juin 1846). — De l'anémie par diminution de proportion de l'albumine dans le sang (Gaz. méd., 1850). — Nouvelles recherches d'hématologie (Gaz. méd., 1852). — Traité de chimie pathologique. In-8°, 1854. Becquerel, Note relative à quelques analyses du sang, etc., des cholériques (Arch. gén. de méd., 1849). (c) Nasse, Das Blut in mehrfacher Beziehung physiologisch und pathologisch untersucht. In-8, Bonn, 1830. YAKÏATIONS DANS SA COMPOSITION. 257 de l'autre de ces causes modificatrices. On comprend donc que la résultante de ces actions contraires puisse varier facilement, et que chez le même individu il puisse y avoir, suivant l'état de l'économie, des différences plus ou moins grandes dans la quan- tité relative de chacun des matériaux constitutifs du sang. Tant que l'individu est dans son état normal, ces variations restent renfermées dans des limites assez étroites ; mais dans l'état de maladie 1 équilibre entre l'entrée et la sortie de chaque principe est souvent rompu, et alors la composition du sang s'éloigne davantage, à certains égards au moins, de ce qui est naturel et convenable pour le bon exercice des fonctions de l'organisme. Il existe, comme nous l'avons déjà vu, une sorte de type parti- culier pour le sang dans chaque espèce zoologique, et c'est au- tour de ce type que les oscillations doivent se produire sans écarts considérables. Mais si ces limites sont dépassées en plus ou en moins, ce changement indique un état pathologique, lors même que les proportions anomales pour l'animal où on les observe seraient les proportions physiologiques pour le sang d'un autre animal. Pour apprécier ces perturbations, il faut donc toujours comparer le sang d'un individu malade à ce que devrait être le sang de ce même individu à l'état de santé, et si les ré- sultats fournis par ce genre d'investigation ne paraissent pas toujours concordants, c'est probablement parce que ce terme de comparaison manque le plus souvent et se trouve remplacé par une moyenne dont il peut en réalité s'éloigner plus ou moins. Lorsqu'on étudie ainsi le sang dans l'état de santé et dans l'état de maladie, on voit tout de suite que les proportions des divers principes constitutifs de ce fluide ne sont pas liées entre elles, d'une manière invariable, mais sont au contraire plus ou moins indépendantes les unes des autres, de sorte que l'aug- mentation ou la diminution de la quantité absolue de l'un quel- conque de ces matériaux n'est pas nécessairement accompagnée soit d'une modification analogue, soit d'une modification en sens i. 33 258 SANG. contraire, dans la quantité pondérale d'un autre principe. Cepen- dant il existe souvent à cet égard des coïncidences importantes à noter, et par conséquent il ne suffit pas d'examiner tour à tour les variations qui se remarquent dans la quantité de chaque principe immédiat, il faut aussi comparer ces variations entre elles et chercher les rapports mutuels qu'elles peuvent avoir. § lit. — Dans l'état normal de notre organisme la quantité de ia proportion fibrine contenue dans le sang ne varie que peu, tant suivant les sexes, que suivant les individus (1), et a été évaluée à 3 millièmes par M. Andral, ou à environ 2,5 millièmes par MM. A. Bec- querel et Rodier (2). Mais dans tous les cas où l'espèce de surexcitation vitale, désordonnée et maladive, que les patholo- gistes désignent sous le nom de phlegmasie ou d'inflammation, se manifeste dans une partie de l'économie, la proportion de fibrine augmente rapidement dans le sang, et cet accroissement Variations dans (1) Pour bien étudier les variations qui peuvent exister dans la quantité de fibrine contenue dans le sang, il faudrait ne pas se borner à doser cette substance comparativement à l'en- semble des principes constitutifs du sang tout entier ; mais, ainsi que l'a fait remarquer M. Parchappe, déter- miner le rapport entre son poids et celui du plasma, car c'est dans cette portion du fluide nourricier qu'il se trouve, et les analyses faites par les méthodes ordinaires ne nous éclairent que peu sur ce point. En effet, si la proportion des globules vient à aug- menter ou à diminuer, la composition du plasma restant la même, sa richesse en fibrine paraîtra suivre une marche inverse, par cela seul que là où il y a moins de plasma, il y aura moins de fibrine (a). Pour introduire plus de rigueur dans l'appréciation des faits, il serait à désirer que l'on pût tenir compte de ces circonstances ; mais les erreurs qui doivent résulter de l'ab- sence de ces données ne semblent pas de nature à entacher d'une manière grave les résultats obtenus par la dis- cussion des analyses pratiquées jus- qu'ici. Du reste, ce que nous cher- chons à connaître en ce moment, ce n'est pas la richesse absolue du plasma en fibrine, mais l'abondance plus ou moins grande de ce principe dans le fluide nourricier considéré dans son ensemble, et les rapports qui peuvent exister entre l'état particulier de l'or- ganisme et l'intensité du travail phy- siologique par suite duquel cette matière se trouve versée dans le sang. Or les résultats fournis par les ana- lyses ordinaires répondent à ces ques- tions. ('2) Voyez ci-dessus page 2/i0. (a) Parchappe, De l'analyse quantitative des principes constituants du sang (Moniteur des hôpitaux, 1856, t. IV, p. 483). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 259 est en rapport avec l'intensité et la généralisation de la phleg- masie locale, ainsi qu'avec la nature des tissus qui sont le siège de cette affection. Chez l'homme, la quantité relative de fibrine s'élève alors, le plus ordinairement, à 6 ou 7 millièmes ; souvent elle atteint 8 ou 9, et dans quelques circonstances on l'a vue monter jusqu'à 10,5 pour 1 000, ou même plus haut encore (1). Chez les animaux, la proportion normale de fibrine n'est pas la même que chez l'homme, et varie suivant les espèces; mais on voit cette proportion s'élever de la même manière lorsque l'on compare le sang des individus d'une même espèce à l'état de santé et sous l'influence d'une inflammation locale (2). (1) M. Andral a va la proportion de fibrine varier ordinairement entre 2,5 et 3,5; quelques personnes, sans être malades, peuvent avoir dans leur sang jusqu'à !\ millièmes de fibrine ou n'en présenter que 2 millièmes; mais ces extrêmes sont très rares. Dans les phlegmasies légères, cette proportion s'élève entre 4 - et 5, et c'est dans des cas de pneumonie et de rhumatisme aigu qu'elle arrive au maximum indi- qué ci-dessus (a). M. Sîannius a obtenu un chiffre un peu plus élevé. Dans ses expé- riences la moyenne a été 3,59 ; mais il ajoute que la proportion la plus mi- nime s'est trouvée chez les individus dont l'état se rapprochait le plus de celui de la santé, et par conséquent nous ne pouvons pas considérer la moyenne qu'il donne comme repré- sentant l'état normal (6). Fr. Simon a fait quatre analyses du sang de malades affectés de pneumo- nie, etc. , et il a trouvé que la propor- tion de fibrine variait entre S, à et 9,15 (c). Dans un cas du même genre, 1\1. Popp a trouvé jusqu'à 12,3 de fibrine sur 1000 parties de sang {d). Enfin M. Rindskopf (e) a publié aussi plusieurs analyses du sang de malades atteints de pneumonie, et dans un cas il a trouvé la fibrine dans la propor- tion de 12,7 pour 1000. M. Scheerer a trouvé aussi de 9 à 12,7 millièmes de fibrine dans des cas analogues (f). (2) Dans la Vache,«par exemple, la moyenne normale s'élève à environ k millièmes, et dans les phlegmasies aiguës la proportion de fibrine atteint quelquefois 13 millièmes (g). Les phy- siologistes qui se sont occupés d'expé- riences traumatiques sur les Chiens ont (a) Voy. Andral et Gavarret, Sur les modifie, de proport, des principes du sang, et Andral, Hé- matologie, p. 28, 84, efc. (b) Stannius, Sur la fibrine du sang veineux de l'homme (Hufeland's Journ. der prakt. Heilk., et Gaz. méd., 1839, p. 182). (c) Simon , Animal Chemistry, p. 200. (d) Popp, Untersuchungen ùber die Beschaffenlieit des menschlichen Blutes in verschiedenen Krankheiten. Leipzig, 4 845, p. 24. (e) Rindskopf, Ueber einige Zustàndc des Blutes, cité par Simon, Ann. chim., vol. II, p. 262. (f) Simon , loc. cit. (g) Andral, Gavarret etDelafond, loc. cit., p. 16. 260 SANG. Au premier abord, on pouvait se demander si eette modifica- tion dans la constitution du sang était la cause ou la conséquence de la phlegmasie. M. And rai avait constaté que ces deux phéno- mènes sont simultanés, et pour déterminer l'un aussi bien que l'autre, il suffît d'irriter jusqu'à un certain degré, soit mécanique- ment, soit par l'action d'agents chimiques, un point quelconque de l'organisme (1). L'augmentation dans la quantité de fibrine plasmique, de même que le développement de la chaleur, de la douleur, de la rougeur et le gonflement de la partie malade, est donc un des symptômes de l'inflammation locale, et elle doit être considérée comme une conséquence de l'état particulier de la portion de l'organisme où la phlogose a son siège. Elle augmente à mesure que la maladie s'aggrave, et elle décroît avec elle. Enfin elle est proportionnée à l'intensité et à la gravité de la phlegmasie (2). dû remarquer combien ces animaux mal pendant la durée de la phlogose. sont peu sujets à l'inflammation , ou Dans une de ses expériences, il fit plutôt combien leur organisme est peu une plaie au cou d'un chien dont le affecté par des lésions locales graves : sang renfermait 1 millième de fibrine, or dans l'état normal leur sang ne et le surlendemain il y trouva 3 pour contient, terme moyen, que 2,1 de fi- 1000 de fibrine. Dans une autre expé- brine sur 1000, et dans les cas de rience, sous l'influence d'une applica- phlegmasies les plus intenses MM. An- tion de tartre stibié, la proportion de dral, Gavarret et Delafond n'ont vu la fibrine s'est élevée de l,ù pour 1000 proportion de ce principe s'élever qu'à à h- La proportion des globules dimi- h seulement (loc. cit.). nuait en même temps et le sérum était (1) M. Zimmermann a étudié expé- très chargé de matières grasses (a). rimentalement ce sujet sur le Chien MM. Robert- La tour et Collignon ont ainsi que sur le Cheval, et il a toujours vu aussi la proportion de fibrine aug- vu qu'à la suite d'une blessure ou menler dans le sang des animaux chez d'une inflammation locale déterminée lesquels ils avaient déterminé une par l'application du tartre stibié, la péripneumonie en injectant un liquide proportion de fibrine augmente. irritant dans la plèvre (6). Quelque temps après elle diminue, (2) L'apparition d'un excès de mais sans redescendre au taux nor- fibrine sous l'influence d'une phleg- (a) Zimmermann, Ueber die Veranderungen, luelche das Blutin Folge àusserer Verletzungen erleidet, nebst Untersuchungen ûber Eiterbildung (Arch. fur physiologische Heilkunde, 1848, Bd. VII, p. 149). (b) Comptes rendus de L'Acad. des sciences, 1844, t. XIX, p. 933. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 261 Ce fait de l'aceroissement de la quantité relative de fibrine sous l'influence des inflammations locales a été nettement établi par les travaux de MM. Andral etGavarret ; toutes les recherches laites plus récemment sur le même sujet l'ont con- firmé, et l'on comprend facilement que la surexcitation vitale d'une partie déterminée de l'organisme puisse être accompa- gnée d'une certaine apparence de richesse plus grande dans le fluide nourricier. Mais il est à remarquer que cette augmenta- tion dans la proportion de fibrine ne coïncide pas avec une mo- dification analogue clans le nombre des globules sanguins. Dans les cas d'inflammation aiguë, la proportion de ces corpuscules est au contraire diminuée, à peu près de la même manière que dans les autres cas où les malades sont soumis à la diète (1). Enfin il est encore à noter que sous l'influence des phleg- masies l'augmentation de fibrine est ordinairement accompagnée d'une diminution correspondante dans la proportion de l'albu- mine contenue dans le plasma, et que souvent l'excès de fibrine correspond à peu près au déficit de l'albumine (2). Dans un autre état morbide de l'organisme qui est accom- pagné d'une grande prostration des forces, et qui constitue ce que les pathologistes appellent pyreœie, fièvre typhoïde, (dyna- mique, putride, etc . , le sang se trouve modifié d'une manière in- verse; la proportion de fibrine descend au-dessous de la limite masie locale se manifeste chez les ma- du sang dans divers cas de phlegma- lades dont le sang est pauvre en sies [b) : fibrine comme chez ceux où ce prin- E;lll 7îii",5 stu" cipe se trouve en proportion normale. Globules 128 118,6 (Andral, Essai d'hématol., p. 80.) fÏT* '. ' '. %S ^i? (1) Nasse avait depuis longtemps Séroline 0,02 0,02 remarqué cette coïncidence (a), mais Mat. phosph. . . . 0,60 0,60 ^ v ' Cholcstérine . . . 0,14 0,43 elle ressort d'une manière plus évi- gavon 0,98 0.91 dente des recherches récentes de Sels> ete 7 7>2 MM. Becquerel et fiodier. (2) Voy. Becquerel et Nodier, Rech, Voici les moyennes fournies par les sur la compos. du sang, p. 55; et analyses que ces pathologistes ont faites Chimie pathol., 59. (a) Nasse, Bas Blut in mehr fâcher Beziehung. Bonn., 1836. h) Becquerel et Rodicr, Rech. sur la compos. du sang, p. 53. 262 SANG. inférieure des variations normales, et le caillot qui résulte de la coagulation spontanée de cette substance ne se resserre pas comme d'ordinaire, mais reste volumineux et mou. La dimi- nution clans la proportion de ce principe est quelquefois très considérable. MM. Andral et Gavarret l'ont vu descendre jus- qu'à j-ëVë (1), et dans un cas observé par MM. A. Becquerel et Rodier elle est tombée à 0,8 pour 1000 parties de sang (2). Une tendance analogue se remarque chez les malades atteints de scarlatine, de rougeole et de variole ; mais dans aucune de ces affections, pas plus que dans le typhus, on ne voit de chan- gement notable dans la proportion des globules sanguins, à moins que ce ne soit lorsque l'organisme a été affaibli par la prolongation de la diète, des saignées répétées et des souf- frances générales, car alors la quantité de ces corpuscules diminue un peu (3). (1) Andral et Gavarret, Rech. sur de comparer d'abord les résultats four- les modificcit. de proportion de quel- nis par l'analyse du sang provenant de ques principes du sang { Ann. de la première saignée pratiquée aux chim., I8Z1O, t. LXXV, p. 288). malades. Onze cas de ce genre ont (2) Chimie pathol. , p. 61. fourni à MM. A. Becquerel et Rodier (3) Dans les premières recherches la moyenne suivante : faites sur ce sujet, il y a près de trente ans, par lleid Clenny, la dimi- ^au 797 J Globules 127,4 nution des globules a été très marquée Albumine 64,8 à mesure que la maladie se prolon- Fibrine 2,8 , . , Matières grasses 1,8 geait davantage, et que les saignées SelS] etc 6i3 avaient été répétées. Mais ce médecin n'a pas fait de distinction entre la II arrive parfois que dans les py- fibrine et les globules, et il est évident, rexies la proportion de fibrine ne des- d'après les chiffres qu'il rapporle, cend pas au-dessous de la limite infé- qu'une portion considérable de l'albu- Heure des variations normales pour mine a dû avoir été confondue aussi l'espèce humaine en général, mais il avec ces corpuscules (a). m'y a jamais augmentation dans la Pour dégager l'influence de la fièvre proportion de cet élément, à moins typhoïde de celle exercée par les que la maladie ne se complique d'une émissions sanguines, etc., il est bon phlegmasie aiguë (b). (a) Reid Clenny, Sur lé sang dans les fièvres continues (Edinb. Med. and Chir. Journ., 1828, et Journal de chimie médicale, 1 829, t. V, p. 1 30). (6) Becquerel et Rodier, Rech. sur la compos. du sang, p. 64. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 26S Dans l'état de langueur vitale que les pathologistes connais- sent sous le nom de chlorose, on remarque aussi presque tou- jours des modifications considérables dans la constitution du sang ; mais la proportion de fibrine, au lieu de s'abaisser comme dans la fièvre adynamique, s'élève, et la quantité relative de glo- bules, au lieu de rester stationnaire, s'abaisse notablement (1). J'ai dit, il y a quelques instants, que les émissions sanguines tendaient non -seulement à diminuer momentanément la masse (1) Dans cinq cas de chlorose com- mençante, étudiés par MM. Andral et Gavarret., la composition du sang a été, terme moyen, pour 1000 : Globules 407 Fibrine 3,5 Dans neuf cas de chlorose con- firmés : Globules Fibrine. 5,3 Dans un cas très grave compliqué de phthisie ils ont trouvé : Globules Fibrine. 77,5 Enfin chez une autre femme chlo- rotique, atteinte aussi de rhumatisme aigu, le sang contenait : Globules Fibrine. 70,1 7,4 Chez un homme qui offrait les symptômes de la chlorose, ces phy- siologistes ont trouvé aussi un grand abaissement dans la proportion des globules hématiques, mais l'augmen- tation de la fibrine était moins mar- quée (a). La moyenne des analyses du sang des femmes chlorotiques, faiies par MM. A. Becquerel et Rodier, en 18M (6), a été : Eau 828,5 Globules 86,8 Fibrine 4,2 Albumine, graisse, sels, etc. 80,3 Dans un cas de chlorose observée plus récemment par ces médecins, la proportion des globules est descendue à kl pour 1000 parties de sang (c), et ils ont vu la proportion de fibrine s'élever jusqu'à 5 pour 1000. Dans le sang des chlorotiques dont M. Jennings {cl) a fait l'analyse, la pro- portion des globules était de 49 pour 1000 dans un cas, et de 52 dans un autre. D'après les analyses rassemblées par M. Bennett (e), on voit que dans les cas de leucémie la proportion des globules tombe en général au-dessous de 100 pour 1000 parties de sang, et s'abaisse, parfois jusqu'à 50; tandis que la pro- portion de fibrine s'élève le plus sou- vent au-dessus de 3, pour atteindre Zi,5 et même 7. La proportion d'albu- mine ne paraît avoir varié que peu. En comparant ces nombres à ceux tirés des analyses du sang normal par (a) Andral et Gavarret, Op. cit. (Ann. de chimie et de physique, 1840, t. LXXV, p. 315). (6) Becquerel et Rodier, Nouvelles recherches d'hématologie, p. 9 (extrait de la Gazette médicale de Paris, 1852). (c) Becquerel et Rodier, Chimie pathologique, p. 156. (d) Lancet, 1839-40, p. 887. (e) Bennett, Leucocythemia or White CeU-Blood. In-8. Edinb., 1852, p. 90. 264 SANG. du lluide nourricier contenu dans l'organisme, mais aussi à en changer la composition, et amenait un abaissement de plus en plus considérable dans la proportion des globules, à mesure que les saignées se prolongent ou se renouvellent. Mais ces modi- fications ne sont pas les seules que l'analyse nous révèle, et à mesure que le sang s'appauvrit ainsi, on le voit se charger da- vantage de fibrine. Ainsi, depuis longtemps Hunter (1) et Leacock (2) avaient remarqué qu'à la suite de saignées copieuses le sang se coagule plus rapidement que dans les circonstances ordinaires. Les recherches de Thackrah avaient conduit à un résultat ana- logue (3), et dans une des expériences faites sur le Cheval par MM. Andral, Gavarret et Delafond, la coïncidence entre l'augmentation de la fibrine et la diminution de la quantité des globules a été mise en lumière de la manière la plus évidente. Pendant une semaine entière, ces physiologistes pratiquèrent sur le même animal une saignée copieuse chaque jour, et en analysant le sang ainsi obtenu, ils ont trouvé que la proportion de fibrine s'était élevée progressivement de 3,1 M. Lecanu, l'auteur calcule que la tion des globules hématiques et excès quantité d'eau correspondante à 1 par- de fibrine (Traité de chim. pathol., tie de fibrine est de : p. 216). oao . ', , (1) Hunter remarqua que le sang 20J dans le sang normal ; v ' mm o 189 dans le sang leucémique. provenant de la dernière portion d'une saignée est plus coagulable que celle qui s'écoule dans les premiers mo- ments ; mais il attribua à tort cette différence à la stagnation de ce fluide Sang normal 628 dans la veine dont la cavité a été tem- Sang leucémique. . . 981 . . ,, , . ,. poranement oblitérée par la ligature Enfin, les matières solides du sérum placée autour du bras du malade, étant encore prises pour unité de me- [Traité du sang, etc., Œuvres de sure, la proportion d'eau serait de : Hunter, t. III, p. 5Zj.) 9,07 dans le sang normal; (2)Leacock, De hœmorrhagia, Diss. 10,33 dans le sang leucémique. inaug., Edinfe., 1817. Dans un cas de ce genre mentionné (3) Thackrah, An Inquiry into the par MM. ltecquerel et Rodier, il y Nature and Properties of the Blood, avait aussi diminution dans la propor- in-8", 1819, p. 51. Il évalue aussi la quantité d'eau cor- respondante à 100 par lies de globules de la manière suivante : VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 265 jusqu'à 7,6, pendant que là proportion des globules tombait de 104 à 38(1). Ce n'est pas le moment d'examiner quelles influences cer- tains organes spéciaux peuvent exercer sur la composition chi- mique du sang , ce sujet nous occupera plus tard ; mais je crois devoir ajouter ici que le fluide nourricier, en sortant de la rate, diffère notablement de ce qu'il est dans le reste de l'économie. Il est fort pauvre en globules rouges , mais, par contre, très chargé de fibrine. Effectivement les recherches récentes de M. H. Gray mon- trent que chez le Cheval la proportion des globules hématiques y tombe souvent à environ la moitié de ce qui existe dans le sang veineux ordinaire, et que la fibrine y est, terme moyen, d'un tiers plus abondante qu'ailleurs (2). Le même physiologiste a remarqué aussi que la proportion de fibrine est plus considérable dans le sang des veines splé- (1) Voici les résultats fournis par ces sept saignées successives (a) : Fibrine. Globule 1" saignée. 812,1 2» saignée. 815,1 3' saignée. 837,8 4° saignée. 871 ,8 5e saignée. 884,8 6« saignée. 891,2 7° saignée. 894,0 3,1 3,5 3,0 3,2 4,3 5,2 7,6 104,0 97,0 85,5 64,1 51,3 44,5 38,3 du sérui 90,8 84,4 73,7 60,9 59,6 59,1 60,1 Dans les analyses du sang d'un ma- lade affecté de pneumonie et saigné à quatre reprises, M. Scheerer a trouvé que la proportion des globules était successivement de : 124,6 122,3 118,5 106,3 La fibrine s'est élevée de 9,7 à 12, 7, mais est tombée à 8,8 au déclin de la maladie. Des résultats analo- gues ont été obtenus par M. Rinds- kopf (6). (2) Gray, On the Structure and Use ofthe Spken,m-8.London, 185/t. Des résultats du même ordre, en ce qui concerne les globules, quoique moins marqués, avaient été obtenus précé- demment par M. J. Béclard; mais dans la plupart de ses expériences, ce physiologiste n'avait pas dosé la fibrine séparément. 11 a remarqué que cette iibrine est beaucoup plus alté- rable que celle provenant du sang ordinaire. — Rech. expérim. sur les fonctions de la rate, p. 17 et suiv. (Extr. des Arch. gêner, de méd. , 184 8). (a) Andral, Gavarret etDelafond, Rech. sur la compos. du sauf] de quelques animaux domestiques (Ann. de chimie et de phys., 1842, 3e série, t. V, p. 323). (b) Voy. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 262. I. M 266 SANG. niques, chez les chevaux qui sont mal nourris ou soumis à une abstinence complète. § 15. — Au premier abord , l'esprit ne saisit aucune relation entre tous les faits que je viens de passer rapidement en revue, parfois ils paraissent même se contredire ; mais lors- qu'on vient à les discuter avec soin, on ne tarde pas à décou- vrir un lien qui semble les unir, et l'on voit qu'ils jettent beau- coup de lumière sur les fonctions des divers éléments du sang et sur l'origine de ses matériaux constitutifs. En effet, nous avons vu que toute phlegmasie locale est accompagnée d'une augmentation de fibrine ptasmique, et que cet état maladif d'un point circonscrit de l'organisme n'est pas la conséquence de cette modification dans la constitution du fluide nourricier commun, mais la cause de l'abondance anor- male de fibrine, puisqu'il est toujours facile de produire celle-ci en déterminant par une excitation locale l'état inflammatoire d'une portion circonscrite de l'organisme. Ceci ne peut guère s'expliquer que de deux manières : en sup- posant que les tissus vivants de l'économie animale exerceraient une influence destructrice sur la fibrine, et que par l'exci- tation inflammatoire cet emploi de îa fibrine venant à être arrêté ou diminué dans le point frappé de phlegmasie, le sang conserverait une plus grande quantité de cette matière ; ou bien en admettant que la source de la fibrine du sang est dans ces mêmes tissus susceptibles d'inflammation, et que, par l'accroissement d'activité vitale caractéristique de l'état inflammatoire, ils en produisent plus abondamment que d'ordi- naire. Une multitude de faits qu'il serait trop long, et qu'il serait d'ailleurs prématuré d'exposer ici, militent en faveur de cette dernière hypothèse, et dans la suite de ces Leçons nous verrons qu'elle se justifie pleinement. Admettons donc que la fibrine se produise dans les tissus VARIATIONS DANS SA COMPOSITION 267 vivants de l'organisme et arrive dans le sang par des voies que nous étudierons plus tard. Mais si l'accroissement d'activité d'un point très limité de l'économie suffît pour changer notablement la quantité de fibrine présente dans la masse tout entière du fluide nourricier, il faut supposer que le rendement de ce travail de chimie physiologique dans le reste de l'organisme doit être aussi très considérable, et que si le sang ne contient d'ordinaire qu'une proportion si faible de cette substance, cela tient à ce qu'elle s'y détruit ou s'en élimine à mesure qu'elle y arrive (1). Or l'antagonisme que nous avons vu exister entre les glo- bules sanguins et la fibrine semble indiquer que l'agent chargé d'employer et de faire disparaître la fibrine à mesure de son apparition dans le fluide nourricier n'est autre chose que l'en- semble de ces globules eux-mêmes. (1) Jusqu'à ces derniers temps, ia à une conclusion analogue. 11 pense plupart des physiologistes considé- que la fibrine du sang résulte en partie raient la fibrine comme étant un élé- de la destruction des globules, en ment essentiellement nutritif du sang; partie de la résorption excrémenti- M. ^Vharton Jones supposait qu'elle tiellc des tissus (e). était élaborée par les globules nu- Je considère aussi la fibrine plas- cléolés rouges (a), et M. Carpenter, nuque comme étant un produit du qu'elle était formée par les cellules travail nutritif, et comme devant être incolores du sang, pour servir à la éliminée de l'organisme; mais je suis production des tissus nouveaux (6). porté à croire qu'au lieu de provenir Zimmermann a soutenu une opi- des globules du sang, ce principe pro- nion contraire ; il pense que la fibrine léique serait détruit sous l'influence de est un produit métamorphique des ces organites qui, chargés d'oxygène tissus, et doit disparaître de l'orga- par l'acte delà respiration, détermine- nisme (c). raient sa combustion et sa transfor- Fr. Simon suppose que la fibrine mation en urée ou en quelque autre provient de la transformation des glo- matière excrémentilielle. bules (cl). Enfin M. Bennett est arrivé (a) W. Jones, Observ. on Some Points in the Anat. Physiàl. and Pathol. of the Blood, 1842, p. 2t. (b) Carpenter, Human Physiology, §§ 195, 190. (c! Zimmermann, Zur Analysis und Synthesis des pseudoplaslischen Processes. Berlin, 1844. (d) Simon, Animal Chemis'.ry, vcl. I, p. 153, etc. (e) Leucocythemia or Wlrite Cell-Blood in relation to the Physiology and Pathology of the Lym- phatic Glandul. System. In-S", Edinb., 1852. 268 SANG. Par des saignées répétées, avons-nous dit, on affaiblit l'ani- mal sur lequel on opère, on diminue l'abondance des globules de son sang, et l'on détermine une augmentation considérable dans la quantité de fibrine que ce liquide contient. 11 est impossible d'admettre qu'en affaiblissant tout l'organisme on produise un surcroit d'activité dans tous les tissus vivants où la fibrine s'élabore et où une excitation quelconque amène une augmentation dans la production de cette substance. Si dans ce cas d'affaiblissement général la proportion de fibrine plasmique augmente, il faut donc attribuer cet accroissement non pas à une production plus considérable de cette substance, mais à un emploi moindre, et cette diminution dans le travail d'élimination de la fibrine coïncide précisément avec la diminution dans le nombre des globules. Nous sommes donc conduit à admettre que le sang se trouve continuellement placé entre deux forces physiologiques dont les effets sont contraires : celle développée dans l'ensemble des tissus organiques, qui tend à y verser de la fibrine, et celle dont seraient doués les globules sanguins qui détruiraient sans cesse la fibrine plasmique, soit en la ramenant à l'état d'une matière albuminoïde non coagulabïe spontanément, soit plutôt en déterminant sa combinaison avec une portion de l'élément comburant que nous verrons plus tard pénétrer dans l'écono- mie par les voies respiratoires; combinaison qui aurait pour conséquence l'élimination des matériaux constitutifs de ce prin- cipe protéique sous la forme d'urée ou de quelque autre produit du même ordre. Le sang, sous le rapport de sa teneur en prin- cipes protéiques, serait donc dans un état d'équilibre instable, et sa composition chimique varierait suivant que l'activité fonc- tionnelle des tissus augmente ou diminue en présence d'un degré d'activité constante des globules sanguins ou de varia- tions dans la puissance de l'agent physiologique représenté par l'ensemble de ces organites. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 269 Les recherches de Fr. Simon sur les quantités relatives de fibrine et de globules dans le sang pathologique viennent à l'appui de cette manière de voir. En effet, dans les cas observés par ce chimiste, ces deux principes suivaient une marche inverse, et l'augmentation de l'un d'eux était toujours accompagnée de la diminution de l'autre (1). Nous aurons à revenir sur ces transformations des matériaux de l'organisme, lorsque nous étudierons les phénomènes de nutrition ; mais il me paraissait nécessaire d'en dire ici quel- ques mots, car les vues que je viens de présenter nous permet- tront de classer et de comprendre les faits épars, et souvent en apparence contradictoires, que nous avait fournis l'étude des modifications du sang. Effectivement, si l'hypothèse que je viens de présenter est l'expression de la vérité, il devra nous être possible de prévoir quels sont les changements que le sang éprouvera dans des conditions déterminées de l'organisme. (1) Fr. Simon tire de ces faits une ties de résidu solide, M. Simon (b) a conclusion trop absolue, car il la gé- trouvé : néralise. Or, dans certains cas, la production de fibrine peut être dimi- nuée sans qu'il y ait eu aucun chan- gement notable dans la proportion des globules. Ainsi dans les analyses du sang des malades affectés de fièvres intermittentes faites par MM. Léonard et Foley, la coïncidence signalée ci- Le même auteur fait ressortir la ten- dessus est loin d'être constante (a) ; dance analogue qui se remarque dans mais dans les cas observés par M. Fr. les analyses faites par MM. Andral et Simon, le rapport inverse qui existe Gavarret. J'ajouterai encore que les entre la quantité de ces deux maté- expériences de M. Popp ont également riaux constitutifs du sang n'en est conduit ce physiologiste à conclure pas moins fort remarquable. Voici « qu'en général l'augmentation de fi- les résultats de l'analyse du sang brine coïncide avec le décroissement de ces divers malades rangés d'à- des globules et des éléments solides près la teneur en fibrine. Sur 100 par- du sérum (c). » (a) Rech. sur l'état du sang dans les malad. épidém. de l'Algérie (Rec. de Mém. de chir. cl pharm. milit., 1846, t. LX, p 135). (b) Simon, Animal Chemislry, vol. I, p. 247. (c) Popp, lïntersuch. ùber die Beschaffenheit des menschlichen Blutes, 1845, p. 95. Fibrine. Hématoî;!obuline. 1,4 43 1,6 40 1,7 40 2,0 42 2,0 39 2,1 36 3,0 28 6,0 22 270 SANG. Ainsi la proportion de fibrine doit augmenter dans le sang : 1° Lorsque l'activité fonctionnelle des tissus augmente dans un point quelconque de l'économie, toutes choses restant égales d'ailleurs. 2° Lorsque la proportion ou la puissance des globules san- guins vient à diminuer sans que la production de fibrine par les tissus change (1). Le même résultat en ce qui concerne la fibrine plasmique pourra donc être déterminé par deux états très différents de l'économie animale, et l'on comprend même que si les deux agents modificateurs du sang, les tissus et les globules, s'affai- blissent en même temps, mais que la diminution dans l'action de ces derniers soit plus considérable que celle de la puissance fonctionnelle des tissus, il puisse y avoir encore augmentation dans la proportion de fibrine lors d'un affaiblissement général de l'économie. Le premier de ces trois cas où le sang doit contenir de la fibrine en surabondance se trouve réalisé, comme nous l'avons déjà vu, chez les malades atteints de phlegmasies locales (2). Le second, dans cet état singulier dont j'ai déjà parlé sous le nom de chlorose, état où le sang semble avoir perdu de sa puis- (1) Ou, ce qui revient au même, plus rapidement que d'ordinaire dans quand la puissance comburante ou le sang des personnes qui sont sur transformatrice de ces organites vient le point de tomber en syncope. {Essay à diminuer, comme cela doit avoir on Blood, p. /|0.) lieu lorsque l'entrée de l'oxygène dans (2) Je pourrais ajouter ici qu'une l'économie animale se trouve arrêtée; modification analogue dans la compo- et cela nous permettra probablement sition du sang s'observe chez la femme d'expliquer divers phénomènes dont pendant la grossesse. La fibrine est un la cause est restée inconnue. Ainsi en peu plus abondante que d'ordinaire, observant les efiéls de l'hémorrhagie tandis que les globules hématiques le cbez les Moutons, Scudamore a re- sont moins. MM. A. Becquerel et llo- marqué que le sang qui s'échappe dier ont trouvé, terme moyen, 3,5 de lorsque l'animal est à l'article de la fibrine au lieu de 2,2, qui est, d'après mort, se coagule presque instantané- leurs analyses, la proportion normale, ment, et que la coagulation a lieu (Rech,surlacompos.dusang,\}.'61.) VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 271 sance vivifiante, où la peau acquiert une pilleur livide , et où le malade devient presque incapable d'exercer ses muscles. En effet, la quantité de fibrine est alors supérieure ou au moins égale à ce qui existe dans l'état normal; mais, ainsi que nous l'avons vu, la proportion des globules est tombée fort bas (1). D'après cette théorie, la proportion de fibrine doit s'abaisser non-seulement sous l'influence de l'activité croissante des glo- bules sanguins, mais aussi par suite d'un défaut d'activité dans les tissus de nos organes. Ainsi, dans certains cas de scorbut où les tissus perdent de leur tonicité au point de laisser souvent échapper le sang qui les traverse, la proportion de fibrine diminue, quoique celle des globules ne soit pas abaissée (2). Si l'affaiblissement du travail producteur de la fibrine, que nous supposons avoir son siège dans les divers tissus de l'.éco- (1) Voyez la note 1 de la page 263. bules dépasser même le taux normal (2) Les médecins confondent en gé- et atteindre 176, tandis que la fibrine néral, sous le nom commun de scorbut, descendait à 1,32, ou même 4,14 (b). des étals pathologiques qui se ressem- Dans l'affection scorbutique dési- blent par certains caractères, mais qui gnée sous le nom de purpura hœmor- diffèrent beaucoup entre eux. Dans rhagica, M. Routier a vu la pro- certains cas désignés de la sorte, il portion de fibrine tomber à 0,9, tandis semble y avoir anémie, et le sang est que les globules se maintenaient à pauvre en globules, en même temps 121,7; et dans un autre cas du même qu'il contient de la fibrine en excès : genre, observé par M. Hérard, la quan- par exemple, dans un des matelots tilé de fibrine était trop petite pour observés par Burk, et chez lesquels pouvoir être dosée (g). la proportion des globules, au lieu de M. Andral attribue surtout à cette s'élever à 133, comme dans l'état diminution de la fibrine les hémor- normal, est tombée à 60 et même rhagies qui se déclarent souvent dans à Zi8, tandis que la fibrine s'élevait de le scorbut, ainsi que beaucoup d'au- 3 à 5, ou même à 6 (a). très épanchements sanguins (d); mais je Dans d'autres cas, le contraire s'ob- suis porté à croire que les deux phé- serve. Ainsi chez des hommes atteints nomènes sont des conséquences d'une de scorbut chronique, MM. Becquerel seule et même cause, savoir, l'atonie et Rocher ont vu la proportion des glo- des tissus. (a) Voy. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 315. (b) A. Becquerel et Rodier, Nouv. rech. d'hématologie, p. 50 (extrait de la Gai. méd., 1852). (c)Voy. Becquerel et Rodier, Traité de chimie pathol., p. 146, (d) Andral, Essai d'hématologie, 1843, p. 127. 272 SANG. nomie, coïncide avec une diminution dans la proportion ou l'ac- tivité des globules, le sang pourra conserver la quantité normale de fibrine et d'albumine, tout en s'appauvrissant sous le rap- port de sa teneur en globules ; genre de modification qui se rencontre dans l'anémie. D'autres faits, en apparence contradictoires, se concilient également à l'aide de cette hypothèse de la production et de l'élimination simultanées de la fibrine par deux agents indépen- dants l'un de l'autre : les tissus vasculaires et les globules san- guins. Ainsi les mouvements énergiques tendent à renouveler plus rapidement le contact du fluide nourricier avec le tissu mus- culaire, et dans les circonstances ordinaires tendent également à rendre le sang plus riche en fibrine. Mais tous les physio- logistes qui ont eu l'occasion d'examiner des cadavres d'animaux surmenés ont remarqué un résultat contraire. Par exemple , dans des expériences faites par Hunter sur des Daims forcés à la course et morts de fatigue, on trouva que le sang de ces animaux avait perdu la faculté de se coaguler spontanément (1). Or il me semble facile de comprendre qu'il puisse en être ainsi ; car en admettant que la source de la fibrine soit dans l'action normale des tissus organiques de l'économie animale, on conçoit que l'épuisement des forces musculaires doit tendre à diminuer considérablement cette production, comme dans (1) Hunter, Sur le sang, etc. ( loc. tandis que la rigidité cadavérique était cit., p. 138). M. J. Davy et M. Gui- très grande (a). liver ont trouvé quelques petits cail- M. Wunderlich a fait remarquer lots chez des Lièvres tués à la suite que chez les personnes qui font abus d'un exercice violent et prolongé ; des liqueurs alcooliques, ou qui sont mais ce dernier physiologiste a remar- nourries d'une manière insuffisante, il que que dans ce cas la majeure partie y a aussi une grande diminution dans du sang contenu dans les vaisseaux de la coagulabilité de la fibrine (6). l'animal était peu ou point coagulable, (o) Voy. Hewson's Works, p. 21, note. (6) Wiinderlich, Palhnlogische Physiologie des Blutes. Stiitlg-., 1845. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 273 les cas de pyrexies ; et en admettant que, d'autre part, les glo- bules détruisent sans cesse cette même substance, on doit sup- poser aussi que sous l'influence de l'accélération de la circu- lation et de la respiration, qui sont toujours les conséquences d'une course rapide, ces organites devront fonctionner avec un surcroît d'activité. Il y aurait donc dans ce cas diminution dans la production de fibrine et augmentation dans l'emploi ou la destruction de ce principe; concours de circonstances qui expliquerait sa disparition plus ou moins complète, et par suite la non-coagulabilité du sang. Il paraîtrait aussi, d'après quelques expériences faites par M. Clément, que sous l'influence de douleurs intenses et pro- longées, la quantité de fibrine diminue dans le sang, comme si la souffrance entravait le travail producteur de cette matière (1). Mais ce n'est pas seulement sous le rapport de la quantité que la production de fibrine peut varier; la qualité de cette substance n'est pas toujours la même, et Magendie a observé que lors- que l'organisme est affaibli par des saignées répétées, le sang ne contient plus qu'une sorte de fibrine imparfaite qui est moins coagulable que la fibrine ordinaire, et ne donne presque aucune consistance au caillot. Il a désigné cette substance sous le nom de pseudo-fibrine ou de néo- fibrine (2), et il paraîtrait que dans certains cas pathologiques une matière qui aurait une certaine analogie avec celle-ci existerait en grande abondance dans le sang aussi bien que dans la sérosité générale, et don- nerait au sérum la propriété de se prendre en gelée après que le caillot s'est formé comme d'ordinaire (3). (1) On sait que dans les écoles vété- pour étudier l'influence des souffran- rinaires on se sert d'animaux vivants ces excessives, mais momentanées, sur pour exercer les élèves aux opérations l'organisme. (Compt. rendus, 1850, chirurgicales, et que les victimes de t. XXXI, p. 59.) ces cruelles mutilations éprouvent (2) Leçons sur les phénomènes ainsi des douleurs atroces. M. Clé- physiques de la vie, t. II. ment a profité de cette circonstance (3) Dans les cas d'endurcissement i. 35 274 sang. Il est important de ne pas perdre de vuequedans l'appréciation de la quantité de fibrine qui existait dans le sang, il n'a été ques- tion que de la fibrine plasmique ou fibrine spontanément coagu- lable ; le dosage de cette substance est même fondé sur la pro- priété qu'elle possède de se solidifier de la sorte sans le concours d'aucun agent étranger ; il en résulte que si une portion de la fibrine du sang venait à perdre cette faculté, elle ne figurerait plus dans les résultats offerts par l'analyse chimique. Or, une modification de ce genre se réalise parfois, et les expériences intéressantes de M. Mandl prouvent qu'on peut même la pro- duire à volonté. Ce pathologïste a vu que le mélange d'une petite quantité de pus avec le sang normal détermine une dimi- nution très notable dans la proportion du caillot que ce sang fournit, et que des effets analogues sont produits par l'addition d'une certaine quantité d'albumine, ce qui s'explique d'ailleurs par l'action de la soude contenue dans cette dernière sub- stance (1). du tissu cellulaire sous-cutané, ou (1) Voici comment M. Mandl rend œdème compacte chez les enfants nou- compte de ces expériences : « Nous veau-nés, le sang présente cette sin- avons recueilli dans deux éprouvettes gulière propriété. La sérosité épanchée du sang liquide sortant de la veine dans le tissu cellulaire se prend aussi d'un malade : dans l'une de ces éprou- en gelée. — (Voy. Chevreul, Mémoire vettes fut mise préalablement une pe- sur plusieurs points de chimie orga- tite quantité de pus ; l'autre était vide. nique {Journ. de physiol. de Magendie, Nous les avons soumis immédiatement 1823, t. IV, p. 119). — Léger, lie- à l'agitation. Dans l'éprouvette qui ne cherches sur l'œdème compacte des contenait pas de pus se forma une nouveau-nés (Arch. gén. de méd., grande membrane solide, cohérente; 1825, t. Vil, p. 2/i). mais dans l'autre éprouvette, le sang C'est probablement à quelque alté- mêlé au pus ne fournit que des par- ration de ce genre qu'il faut attribuer celles très petites, incohérentes, de la la non-apparition du sérum après la grandeur de 1 ou 2 millimètres et coagulation du sang qui s'observe par- même beaucoup plus petites. Ces par- fois, et qui a été signalée notamment celles restaient collées aux parois du dans un cas d'affection cutanée nom- vase ou nageaient à la surface du mée urticaria tuberosa (a), sang ; leur quantité était sans contre- ra) Mackenzie, Peculiar State of the Blood (London Medic, Gax., New Ser., 1840-41, vol. II, p. 55. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 275 Variations dans § 16. — Nous avons vu qu'à raison de son abondance, Tatou mine est un des matériaux protéiques les plus importants du JJJJJJjJJJ fluide nourricier. Chez l'homme, on en trouve, terme moyen, environ 70 pour 1 000 parties de sang, et l'on ne remarque à cet égard aucune différence constante dans les deux sexes (1). Mais cetle moyenne ne représente pas d'une manière bien exacte la quantité réelle qui peut se rencontrer chez des individus en état de santé, car la proportion d'albumine est susceptible de varier dans des limites assez étendues sans qu'il en résulte aucun trouble dans l'économie. Ainsi, dans le sang normal elle s'élève parfois jusqu'à 75 pour 1000, et d'autres fois elle s'abaisse jusqu'à 62. Dans la plupart des maladies la quantité relative d'albumine ne varie qu'entre les mêmes limites, soit qu'elle diminue un peu, comme cela se remarque d'ordinaire dans les affections aiguës, ou qu'elle augmente légèrement, comme dans la chlo- rose (2). Mais parfois, au contraire, ce principe diminue d'une manière tout à fait anormale, et ce changement dans la constitu- tion du sang paraît être toujours lié à un état pathologique grave de l'économie. Lorsque le sang s'appauvrit de la sorte, son albu- mine paraît subir aussi une modification analogue à celle qui donne naissance à la matière désignée sous le nom à'albu- dit beaucoup plus petite que la masse de la fibrine retirée de la première éprouvette. En prenant des quantités plus considérables de pus , je suis même parvenu à réduire la fibrine à des parcelles presque invisibles. J'ai obtenu des résultats pareils avec le blanc d'œuf pur, agité préalablement pour le faire sortir des cellules dans lesquels on le trouve emprisonné...... Toutes les substances qui peuvent dissoudre la fibrine feront varier les phénomènes qui servent à déterminer la quantité de cet élément dans le sang. » (Mandl, Réflexions sur les analyses chimiques du sang, dans Arch. gén. deméd., 3e série, t. IX, p. 181.) (1) Voy. le tableau ci-dessus, p. 2/i0. La proportion d'albumine dans le sé- rum est, terme moyen, de 80, et os- cille ordinairement entre 75 et 85, quelquefois même entre 70 et 90 (a). (•2) Andral, Hématol., p. 155, etc. (a) Becquerel et Rodier, Traité de chimie pathologique, p. 55. 276 SANG. minose (1). En effet, cette substance semble filtrer alors à tra- vers les parois membraneuses des vaisseaux sanguins, et tantôt s'échapper au dehors par les voies uiïnaires, comme cela se voit dans la maladie appelée albuminurie; d'autres fois s'épan- cher dans les cavités intérieures du corps pour concourir à la formation de la sérosité des hydropiques : phénomènes sur l'étude desquels nous aurons à revenir quand nous nous occu- perons des sécrétions (2). En général, le sang est riche en albumine chez les personnes (1) Mialhe, De l'albumine et de ses divers états dans l'économie (extr. de Y Union méd., juillet 1852). Voy. ci-dessus p. 168. (2) La diminution de la proportion» de l'albumine contenue dans le sang est très remarquable dans l'affection organique du rein, connue sous le nom de maladie de Bright. Ce fait, entrevu par Bostock (a) et par Babington (b), ressort évidemment des observations dues à Chrestison, et a été établi plus nettement encore par MM. Andral et Gavarret. M. Chris tison a constaté que dans cette affection la proportion d'eau qu'il estime à 775,7 dans l'état normal, s'élève entre 808 et 887 ; que la den- sité du sérum descend de 1030 à 1020 ou 1019; que le résidu solide laissé par celte portion fluide du sang tombe en même temps de 83 à 75, 63 ou même 52 ; que la fibrine s'élève en général de 3,8 à Zi ou 5, quelquefois même à 6 ou à 8 ; enfin, que la pro- portion des globules s'abaisse de 137 à 57 ou même à Zi2 (c). MM. Andral et Gavarret constatèrent un rapport direct entre la diminution de la quantité d'albumine contenue dans le sérum et la proportion du même principe dont les urines sont chargées dans cette maladie (d). Fr. Si- mon a vu dans un cas du même genre l'albumine tomber à 63. Dans un cas observé par MM. Bec- querel et Rodier, la quantité d'albu- mine était descendue à 58 pour 1000 parties de sang (e), et dans une série de huit cas, étudiés plus récemment par les mêmes auteurs, la proportion de ce principe contenu dans le sérum s'est trouvée, terme moyen, 56, et au minimum Zi5 (/"). M. Schmidt, de Dorpat, a évalué à environ 82 mil- lièmes la proportion d'albumine con- tenue dans le sérum normal de l'homme, et l'a vue descendre au-des- sous de hh dans un cas d'albuminu- rie compliqué d'hydropisie (g). (a) Bright, Reports of Médical Cases, p. 83. (6) Babington, On Blood (Medic. Chir. Trans., 1830, vol. XVI, p. 47, et Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., vol. I, p. 426). (c) Christison, On the Granular Degeneration ofthe Kidneys, 1839, p. 61. (d) Andral et Gavarret, Op. cit. (Ann. de chim., t. V, p. 317). (e) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 110. (f) Becquerel et Rodier, Nouvelles recherches d'hématologie, p. 22. (g) Schmidt, Charakteristik der epidemischen Choiera, p. 121 VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 277 d'une constitution vigoureuse, dont la digestion s'accomplit bien, et en offre le moins chez celles qui sont mal nourries (1) Du reste, ces modifications ne sont pas les seules que le sang subit dans cette affection, et, comme nous le ver- rons bientôt, il se charge en même temps d'urée. La diminution d'albumine se mani- feste aussi d'une manière remarquable dans la fièvre puerpérale et dans la fièvre typhoïde. Dans deux cas de fièvre puerpérale grave, MM. Becque- rel et Rodier (a) virent la proportion de ce principe protéique tomber au- dessous de 55 (dans un cas à5Zi,et dans un autre à £3 pour 1000 parties de sang, et les résultats obtenus par ces expérimentateurs ont été confirmés par M. Hersant (6). Chez les malades atteints de fièvre typhoïde, MM. Becquerel et Rodier ont vu la proportion d'albumine descendre terme moyen à environ 65 dans les premières saignée , et à 62 dans les secondes (c). Dans tous les cas de même nature, observés par M. Ducom, l'albumine s'est trouvée au-dessous du taux normal, et dans une analyse est descendue à 62,7 (cl) Dans les maladies du cœur, arrivées à une période avancée, MM. Becquerel et Rodier (e) ont constaté aussi un grand abaissement dans la proportion de l'albumine (quelquefois ils n'en trouvèrent qu'environ 67 pour 1000 parties de sang). Je citerai encore comme exemple des états pathologi- ques dans lesquels ce phénomène s'observe les cas d'anémie, où il se manifeste parfois avec rapidité et se traduit au dehors par la pâleur de la face, une grande débilité et une ana- sarque générale (f). Enfin, d'après les expériences de M. Michéa, il paraît y avoir souvent chez les aliénés frappés de paralysie générale un abaissement dans la pro- portion des globules, qui coïnciderait avec une diminution dans la quantité d'albumine et une augmentation dans la proportion de fibrine ; faits qui s'ex- pliquent parfaitement dans l'hypothèse présentée ci-dessus (g). En résumé, les dernières recherches de MM. A. Becquerel et Rodieront con- duit ces physiologistes aux conclusions suivantes : « La diminution de propor- tion de l'albumine, alors même qu'elle n'est pas très considérable, lorsqu'elle a lieu d'une manière aiguë, détermine rapidement la production d'une hydrc- pisie. Lorsque cette diminution a lieu d'une manière chronique, elle déter- mine également la production d'une hydropisie, mais il faut qu'elle soit bien plus considérable que quand elle est aiguë. Considérée d'une manière générale, l'hydropisie est le caractère symptomatique de la diminution de proportion de l'albumine du sang (h). (1) Ainsi M. Schmidt a trouvé que le (a) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 108. (6) Hersant, Sur la fièvre puerpérale {Gaz. médic, 1846). (c) Recherches sur la composition du sang, p. 67. (d) Ducom, Rech. sur les matières albuminoïdes (Monit. des hôpitatix, 1856, t. IV, p. 518). (e) Nouvelles recherches d'hématologie, p. 44. (f) Becquerel et Rodier, De V anémie par diminution de proportion de l'albumine du sang (Gaz. médic. de Paris, 1850). (g) Compt. rend, de l'Acad des sciences, 1847, t. XXV, p. 811. (h) Becquerel et Rodier, Nouv. rech. d'hématol. (Compt. rend., 1852, t. XXXIV, p. 835). 278 SANG. ou qui sont d'une faible complexion. Ordinairement elle est aussi en moindre abondance chez les jeunes sujets que chez les adultes. Enfin, chez les femmes affaiblies parles progrès de la ges- tation, cette matière diminue aussi un peu (1). L'augmentation de l'albumine dans les cas pathologiques est une circonstance rare et tout à fait exceptionnelle ; une diminution légère est au contraire un fait ordinaire, et coïncide le plus souvent avec l'abaissement dans la proportion des globules; mais il peut se produire indépendamment de toute variation dans la quantité de ces corpuscules (2). La comparaison des proportions d'albumine et de fibrine dans le sang des malades, où la quantité de ce dernier principe varie notablement, conduit à des résultats qui offrent aussi de l'intérêt pour les physiologistes. En effet, presque toujours les variations qui affectent ces deux principes suivent une marche -inverse : l'abaissement du chiffre qui représente l'albumine coïncide avec l'élévation de celui qui représente la fibrine, et vice versa (3). Enfin, il arrive souvent que l'excès en fibrine représente exactement le déficit en albumine, de sorte que, malgré les proportions anormales de ces principes, la somme sérum du sang de la veine jugulaire et 67, tandis que dans les deux der- du cheval contenait, ternie moyen, niers mois elle s'est maintenue entre seulement 66,8 d'albumine, chez des 68 et 64. La proportion des globules a individus qui avaient été privés d'ali- varié entre 127 et 116, pendant la pre- ments pendant longtemps avant d'être mière de ces deux périodes, et entre abattus, et 90,8 chez ceux qui avaient 115 et 90 pendant la seconde. La pro- fait un bon repas peu avant d'être sai- portion de fibrine, au contraire, est gnés (a). montée assez régulièrement de 2 à 3, (1) M. J. Regnault a fait l'analyse puis à Zi, à mesure que la grossesse du sang chez une série de vingt-cinq avançait (6). femmes en état de grossesse plus ou (2) Becquerel et Rodier, Traité de moins avancée, depuis le deuxième chimie pathologique, p. 55. jusqu'au neuvième mois, et il a trouvé (3) Becquerel et Rodier, Recherches que pendant les cinq premiers mois la sur la composition du sang, p. 127. proportion de fibrine a varié entre 70 (a) Voy. Lehmann, Lehrb. der physiol. Chemie, 1853, t. II, p. 185. (b) J. Regnault, Des modifications de quelques fluides de l'économie pendant la gestation. Thèse à la Faculté de médecine de Paris, 1847, p. 8. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 279 des deux réunis reste la môme que dans l'état physiologique (1 ). Cette relation n'a pas échappé à l'attention des hématologistes et a conduit quelques auteurs à penser que la fibrine doit être le résultat d'une simple transformation de l'albumine, opinion qui ne manque pas de vraisemblance. § 17. — On ne sait encore que peu de chose sur les varia- tions qui peuvent s'effectuer dans la quantité de la caséine et des autres matières protéiques mal définies dont l'existence a été constatée dans le sang, et jusqu'ici la nature chimique des globules blancs dont le nombre devient parfois très considérable n'a pas été suffisamment étudiée. Je me bornerai donc à ajou- ter que, d'après les expériences de MM. Natalis Guillot et Leblanc, la proportion de caséum atteint son maximum normal chez la femme et les femelles de divers animaux domestiques vers la fin de la gestation et pendant l'allaitement, mais diminue beaucoup dans ces circonstances, quand le trouble est porté dans l'économie par des affections inflammatoires et quelques autres maladies (2). Variations dans la quantité de caséine, etc. (1) Voy. les remarques de MM. Bec- querel et Rodier ( a ) , Wunder- lich (6), etc. L'abaissement des proportions de l'albumine peut avoir lieu aussi d'une manière indépendante des modifica- tions qui s'observent soit dans la quan- tité de fibrine, soit dans celle des glo- bules. Ce fait a été souvent constaté par MM. Léonard et Foley (c). (2) Cette matière protéique est aussi plus abondante dans le sang des nou- veau-nés que dans le sang des adul- tes (d). Sa disparition dans les cas pa- thologiques a été observée aussi par M. Vernois (e). Dans quelques cas pathologiques le sang renferme des matières protéiques qui diffèrent plus ou moins de l'albu- mine, mais ne sont pas bien caracté- risées. Ainsi MM. Chatin et Bouvier ont observé un cas de scorbut dans le- (a) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p, 127. (b) Wunderlich, Path. Physiol. des Blutes, 1845 (voy. Arch. fur physiol. und pathol. Chemie von Heller, 18-46, Bd. III, p. 377). (c) Léonard et Foley, Recherches sur l'état du sang dans les maladies endémiques de l'Algérie (Recueil de Mém. de médecine, de chir. et de pharm. militaires, 1846 , t. LX, p. 135). (d) N. Guillot et Leblanc, Note sur la présence de la caséine dans le sang (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t. XXXI, p. 585). (e) Vernois, De la diminution et de la disparition de la caséine dans le sang des nourrices, etc. (Gazette des hôpitaux, 1850, 3e série, t. II, p. 596). Variations dans la quantité des matières grasses. 280 SANG. § 18. — Les principes albuminoïdes ne sont pas les seuls matériaux constitutifs du sang dont la quantité relative soit sus- ceptible de varier, tant dans l'état normal que dans l'état patho- logique. Les matières grasses (1) sont dans le même cas, et le degré de leur abondance paraît être subordonné aussi à deux actions physiologiques opposées : celle qui en opère le verse- ment dans la masse du fluide nourricier, et celle qui en déter- mine l'élimination. La digestion fournit au sang des quantités quel l'albumine du sérum ne se coa- gulait qu'à la température d'environ lh° (a). Peut - être faudrait-il attribuer à quelque modification de l'albumine la proportion considérable de matières solubles dans l'eau bouillante que MM. Léonard et Foley ont trouvée dans le sang chez quelques malades en proie à la dysenterie et dans beaucoup de cas de fièvres intermittentes (b). La proportion des substances albu- minoïdes et autres que les chimistes confondent sous le nom commun de matières extractives , augmente par- fois beaucoup : ainsi, dans un cas de dégénération graisseuse des reins , M. Schottin a trouvé que ces produits étaient à l'albumine ordinaire dans le rapport de ~, au lieu de ~ comme dans -le sérum ordinaire (c). Il est probable que l'albumine du sang est susceptible d'éprouver aussi d'autres modifications, et que c'était un produit de ce genre qui don- nait au sérum lactescent observé par M. Caventou son aspect particulier. [Annales de chim. et dephys. , 1" série, 1828, t. XXXIX, p. 288.) (1) La présence de matières grasses dans le sang normal a été démontrée en 18 '23 par M. Chevreul , contrairement à l'opinion de Berzelius , qui considé- rait la graisse de la fibrine comme étant un produit de l'action des réac- tifs employés dans l'analyse (d). En 1830, M. Babington, qui ne connais- sait pas les travaux de M. Chevreul, arriva à un résultat analogue (e). Dans la plupart des anciennes analyses quantitatives du sang, on ne dosait pas les matières grasses; Nasse a été un des premiers à le faire chez divers animaux (f), et M. Denis chez l'homme malade aussi bien qu'en état de santé (g) ; mais les recherches compa- ratives les plus intéressantes sur ce dernier sujet sont celles de MM. Bec- querel et Bodier (Rech. sur la compos. du sang, 18/i2). (a) Chatin et Bouvier, Composition du sang dans un cas de scorbut, et nouveau moyen de doser la fibrine du sang humain (Compt. rend, de l'Acad. des sciences, 1848 , t. XXVI, p. 171). (b) Léonard et Foley, Recherches sur l'état du sang dans les maladies endémiques de l'Algérie (Recueil de Mém. de médecine , dechir. et de pharm. militaires, 1846, t LX, p. 198 et 207). (c) Schotlin, Mém. sur les caractères de V urémie (Gazette hebdomadaire de médecine, 1853, p. 175, t. I, p. 44, et Arch. fûrphys. Heilk., 1853). (d) Chevreul, Mém. sur plusieurs points de chimie organ. (Journ. de Magendie, t. IV, p. 119). (e) Babington, On Concrète OU as a Principle of Healthy Blood (Medic. Chir. Trans., vol. XVI, p. 46). (f) Nasse, Ueber das Blut der Hausthiere (Journ. fur prakt. Chemie, 1843, Bd. XXVIII, p. 146). (g) Denis, Rech. expérim. sur le sang, 1830. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 281 souvent très considérables de principes gras qui y arrivent dans un état de division extrême sous la forme de globulins blancs ; mais, dans les circonstances ordinaires, ces corpuscules s'y détruisent promptement, et ainsi que nous le verrons par la suite, ils paraissent être employés en grande partie à l'entretien des phénomènes de combustion qui constituent la base du travail respiratoire. Ainsi une multitude de globulins incolores, qui réfractent fortement la lumière, qui pour la plupart se laissent dissoudre facilement par l'éther, et qui par conséquent paraissent être des particules de graisse entourées probablement d'une mince couche de matière albuminoïde solidifiée, se montrent dans le sang peu de temps après les repas, mais en disparaissent grar duellement dans l'espace de quelques heures (1). On sait aussi, (1) Nous reviendrons bientôt sur Chien, une ou deux heures après les l'étude des faits relatifs à l'origine de repas, surtout quand l'animal a mangé ces globules graisseux. Leur prompte beaucoup de graisse (c). Enfin, les disparition dans le torrent de la circu- recherches encore plus récentes de lation a été constatée par MM. Nasse, M. Hirt et de M. Marfels mettent éga- Kalliker et plusieurs autres phy- lement en lumière l'influence de l'absti- siologistes (a). Les expériences de nence ou de l'alimentation, ainsi que MM. Donders et Moleschott, relatives celle des médicaments toniques sur à l'influence de l'abstinence sur la la proportion de ces corpuscules com- proportion des corpuscules blancs et parés aux globules hématiques (d). des globules rouges dans le sang des On a remarqué aussi depuis long- Grenouilles s'accordent parfaitement temps que dans les cas où l'on pra- avec les vues exposées ci-dessus (6). tique une saignée peu de temps après M. Bôcker a trouvé que les globulins un repas, le sérum est souvent lactes- très réfrangibles et solubles dans l'éther cent, et l'on attribue assez générale- se rencontrent en foule dans le sang du ment ce phénomène à l'arrivée des (a) Kolliker, Éléments d'histologie humaine, 1856, p. 643. (6) Donders et Moleschott, Untcrsuehuny Huer die Blutkorperchen [Hollandische Beitràgezu den anatomischen und physiologischen "Wissenschaften, 1848, p. 360). (c) Bocker, Ueber die verschiedenen Arten und die Bedeutung der gervolkten farblosen Blut- korperchen (Arch. fur physiol. Heilk., 1851, t. X, p. 555). (d) Hirt, Ueber das numerische Verhdltniss zwischen den lueissen und rothen Blutzellen (Arch. fur Anat. und Physiol., von Millier, 1856, p. 174). — Marfels, Ueber das Verhdltniss der farblosen Blutkorperchen %u den farbigen in verschie- denen regelmâssigen und unregelmâssigen Zustânden des Menschen (Untersuchungen x,ur Natur- lehre des Menschemmd der Thiere, von Moleschott; Frankf., 1856, Bd. I, p. 61). I. 36 282 SANG- parles expériences de M. Donné, que les globules graisseux injectés directement dans les veines d'un animal vivant sont promptement éliminés (1). Enfin une longue série de faits dont il sera question dans une autre partie de ce Cours, nous montre que la graisse, transportée de la sorte par le fluide nourricier dans toutes les parties de l'organisme, peut s'y déposer avec une grande facilité, surtout quand la combustion respiratoire n'est pas activée par l'exercice musculaire ou par quelque autre influence stimulante ; ou bien encore, qu'après avoir été déposée de la sorte, cette même graisse peut être reprise par le sang et rentrer dans le torrent de la circulation. Nous verrons aussi plus tard que le régime alimentaire des animaux exerce une grande influence sur la quantité de graisse contenue dans l'organisme; mais, dans l'état normal, la pro- portion de ces matières que le sang peut tenir en dissolu- tion ou en suspension d'une manière durable toujours reste très faible, et n'augmente pas notablement par l'usage d'ali- matières grasses charriées par le tuer, le sérum est limpide, tandis que chyle (a). chez les individus qui avaient mangé Dans une série d'expériences faites des matières féculentes et grasses, sur ce sujet par M. Thompson , de entre trois et six heures avant d'être Glasgow, le sérum , qui était transpa- saignés, ce liquide était laiteux et ren- rent comme d'ordinaire quand la sai- fermait beaucoup de graisse libre (b). gnée avait été faite avant le repas, est La grande disposition du sang à devenu lactescent et fortement chargé donner de la couenne dans ces cir- de graisse trois heures après l'usage constances (c) paraît dépendre aussi d'aliments gras ; mais six heures en partie de l'abondance momentanée après le repas, l'excès de matière de la graisse dans le sang, à la suite du grasse y avait presque entièrement travail digestif, disparu. Il a remarqué aussi que chez (1) Donné, Sur l'injection du lait les Veaux que l'on fait jeûner de douze dans les vaisseaux (Cours de micros- à vingt-quatre heures avant de les copie, 18M, p. 80). (a) Babington, Morbid Conditions of the Blood (Todd's Cyclop. of Anat. and Phtjs., vol. I, p. 423). (6) R. D. Thompson, On the Digestion of Vegetable Albumen, Fat andStarch (Philos. Magazine, 1845, New Ser., vol. XXVI, p. 324). (c) Hatin, Recherches expérimentales sur l'hémaleucose, ou coagulation blanche du sang, vul- gairement appelée couenne inflammatoire (Esculape, 1840). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 283 ments riches en principes gras. La portion de ceux-ci, qui est alors absorbée et mêlée au sang, doit donc se détruire ou se déposer rapidement (1). Mais dans l'état pathologique il en est souvent tout autre- ment, soit que l'action comburante de la respiration, dont nous aurons bientôt à nous occuper, s'affaiblisse ou s'exerce sur d'autres matières combustibles, soit que la fixation de la graisse dans les tissus s'arrête. Ainsi la proportion des corps gras que le sang renferme change dans diverses maladies et devient par- fois tellement considérable, que le sérum en acquiert un aspect laiteux (2). Les questions que fopyarhémie, ou excès de matières grasses dans le sang, soulève, sont trop complexes pour que nous puissions les discuter en ce moment, et je ferai remarquer (1) Nous reviendrons sur ce sujet la nature des aliments sur la propor- en traitant de la nutrition, et je me tion des matières grasses du sang a bornerai pour le moment à ajouter été, au contraire, fort manifeste. Ce que les expériences de M. Boussin- chimiste a pris pour premier terme gault, ainsi que celles de MM. Sandras de comparaison le sang recueilli chez et Boucharclat, établissent que le sang un Cheval nourri de la manière ordi- contient autant de matières grasses naire, et pour deuxième terme le sang chez les animaux que l'on nourrit avec du même animal, après qu'il eut été des aliments dépourvus de graisses que soumis pendant trois jours à une ali- chez ceux à qui Ton donne des ali- mentation exclusivement amylacée. Il ments très riches en ces matières (a) ; trouva dans le sang veineux : mais il est à noter que dans ces expé- c nno , , , . ,. . * v 5,908 de graisse sous le régime ordinaire ; riences il entrait beaucoup de prin- 3,592 de graisse après l'emploi des aliments cipes féculents dans le régime, et nous exempts de graisse (e). verrons ailleurs que ces substances (2) L'existence de la graisse visible peuvent être employées dans l'orga- à l'œil nu dans du sang anormal avait nisme à former des matières grasses (6). été aperçue par Baglivi chez des Dans une expérience faite sur un Chiens empoisonnés par des cantha- Cheval par M. Lehmann, l'influence de rides {d), et un fait analogue chez (a) Bouchardat et Sandras, Recherches sur la digestion et l'assimilation des corps gras (Ann. des scienc. nat., 1843, 2° série, t. XX, p. 172). — Boussingault, Recherches sur l'influence que certains principes alimentaires peuvent exercer sur la proportion de matières grasses contenue dans le sang (Ann. de chimie, 1848, 3" série, t. XXIV, p. 460). (6) Dumas et Milne Edwards, Note sur la production de la cire des abeilles (Ann. des scienc nat., 1843, 2e série, t. XX, p. 174). (c) Lehmann, Lehrbuch der physiol. Chem., Bd. H, p. 212. (d) Baglivi, Dissertatio de usu et abusu vesicantium, 1696 {Op. omn., 1745, p. 648). 2Sh SANG. seulement que cette anomalie paraît se lier tantôt à un état inflammatoire du foie, du péritoine ou de quelque autre organe important (1) ; d'autres fois à des affections dans lesquelles la combustion respiratoire semble être entravée : le cboléra (2), la peste (3) et la maladie de Brigbt (4), par exemple. l'homme avait été annoncé par Hew- (1) Dans un cas de péritonite, son (a) et par Fordyce (6), mais nié M. Ileiler a trouvé le sérum composé ensuite par Hunter (c). De nouvelles de : observations faites d'abord par Trail Eau 829,51 „„„, . „nr>r> , ,. . , , , - Albumine 108,79 en 1821 et 182o (a), puis par Adam {&) Graisse.. 50 47 et Christison (/"), vinrent confirmer Matières extract, et sels. . 11,22 l'opinion de Hewson. Aujourd'hui on ce sérum était laiteux («'). MM. Bec- connaît un nombre assez considérable querel et Rodier ont vu que dans les de cas de ce genre, mais on sait aussi phlegmasies la proportion de graisse que Ce n'est pas toujours à un excès de s'élève un peu, mais c'est surtout dans matières grasses que le sang laiteux l'ictère qu'elle devient considérable, doit l'aspect qui le caractérise (p. 280). Dans un cas de ce genre ces patholo- Parfois cet état est dû a des granules gistes en ont trouvé plus de £~ (j). albuminoïdes, comme dans le cas cité (2) Dans un cas de choléra violent ci-dessus, et chez un malade observé chez une femme, Fr. Simon a trouvé par Simon (g), le sang composé de : Comme exemple de sang laiteux Eau 750 5 pyarhémique (ou avec excès de Globules.'. ....... 108,53 i . ■ , Fihrinc 2 43 graisse), îe citerai celui observé par ... .,.'. ° ■" J £ Albumine 114,1 Zanarelli : ce chimiste a trouvé h pour Graisses 5,43 100 de matière grasse cristallisable Matières «attractives et sels. io,63 (*) (cholestérine), et 6 pour 100 de ma- M. Rayer a observé un cas d'as- tière grasse incristallisabîe [h). phyxie par le charbon, où le sang Dans un autre cas du même genre, présentait à sa surface des gouttelettes M. Lecanu a trouvé environ 12 pour d'apparence huileuse (/). 100 de matière grasse [Journal de (3) Voyez Simon, Animal Chemis- chimie médicale, T série, 1835, t. I, try, p. 320. p. 300.) (H) Marcet a observé un cas de (a) Hewson's Works, p. 8b. (6) Fordyce, Inquiry into the Cause ofFever, 1774, p. 24. (c) Hunter, Sur le sang (Œuvres, t. III, p. 72). (d) Edinb Medlc. (Mr. Joum., t. XVII, p. 235 et 637 ; t. XIX, p. 319. (e) Trans. of the Medic. Soc. of Calcutta, 1825, vol. I. (f) Edinb. Medic. Chir. Joum., vol. XXXII, p. 286. \'j) Simon, Palhol. chem. Unters. (Beitr. %ur physiol. und pathol. Chem., 1844, p. 287). (h) Voy. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 332. (i) Heller, Pathol. chem. Untersuch. (Arch. fur physiol. v.nd pathol. Chem., 1844, Bd. I, p. 5). (j) Becquerel et Rodier, Recherches sur la composition du sang, p. 106. (h) Simon, Animal Chemistry , vol. I, p. 325. (/) Rayer, Revue médicale, 1827, t. III, p. 528. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 285 Il est aussi à noter que clans les phlegmasies aiguës et même dans toute maladie aiguë fébrile, la proportion de cholestérine s'élève notablement ; l'influence de la diète semble produire un résultat analogue, tandis que dans la grossesse la quantité de cette graisse non saponifiable est d'ordinaire au-dessous du chiffre normal. MM. Becquerel et Rodier ont remarqué aussi que la quantité de cholestérine ne diffère pas notablement dans les deux sexes, mais augmente dans la vieillesse chez la femme aussi bien que chez l'homme (1). Les variations dans la proportion des savons contenus dans le sang semblent suivre en général celles de la cholestérine (2). sérum laiteux chez un diabétique. Dans les analyses du sang des diabétiques faites par Fr. Simon, la proportion des matières grasses s'est trouvée en général entre 2,/i et 2,6 pour 1000 (a). Dans une analyse ana- logue faite par MM. Becquerel et Ro- dier, la proportion de graisse était de 2,67 (b). Voyez aussi à ce sujet les observations de M. Bird (c). (1) D'après les analyses de MM. Bec- querel et Rodier, le sang renferme- rait, terme moyen, environ 88 mil- lionièmes de cholestérine chez l'homme et 90 chez la femme ; le maximum se- rait de ;„l\lo« chez l'homme, et de 75TÔ-5TJ cnez 'a femme. Ces pathologistes ont fait voir aussi que la matière grasse phosphorée est un peu plus faible chez la femme que chez l'homme, où elle se trouve géné- ralement dans la proportion d'environ 2-rb > quelquefois de ~0. Elle devient plus abondante dans les phlegmasies et diminue souvent dans les fièvres typhoïdes graves. Dans les cas de phlegmasie aiguë, ces auteurs ont trouvé, terme moyen, deux fois plus de cholestérine que dans l'état ordinaire. Dans les cas d'ictère la proportion de ce corps gras augmente beaucoup plus et de- vient parfois cinq ou six fois plus grande que dans l'état normal. (Traité de chimie pathologique, p. 63.) D'après M. Cozzi, le sang paraît être aussi très riche en cholestérine chez les malades affectés d'engorgement du foie ou de la rate, et qui sont très affaiblis par suite des fièvres endémiques des maremmes de la Toscane (d). Quant à la séroline et aux acides gras, ces matières sont en quantités encore plus minimes, et jusqu'ici leur étude n'a conduit à aucun résultat important pour l'hématologie. (2) Il est à noter cependant que cette relation ne se rencontre pas (a) Simon, Op cit., vol. I, p. 322. (6) Becquerel et Rodier, Op. cit., p. 110. (c) Bird, Obs. on the Fatty Matter of the Blood (London Med. Gazette, 1836, vol. XVIII, p. 133) {d) Gazetta medica italiana federativa, 1851 . 286 SANG. J'ajouterai encore que la proportion des matières grasses du sang varie beaucoup dans les divers animaux : ainsi, chez les Poissons et les Batraciens, ces principes sont si abondants, qu'ils forment souvent à la surface du sérum des gouttes huileuses visibles à l'œil nu (1). Nous ne savons encore que peu de chose relativement au rôle des matières grasses dans la constitution du sang, mais quelques physiologistes pensent qu'elles interviennent active- ment dans la production des globules hématiques ; et tout en repoussant la théorie qui a été hasardée par Acherson pour toujours: ainsi, dans le sang d'un malade atteint de choléra sporadique, M. Heller a trouvé une très forte pro- portion de graisse saponifiable, mais pas de cholestérine (a). Dans un cas de sang laiteux observé par MM. San- dras et Chatin , la proportion d'oléine et de margarine était aussi beaucoup plus élevée que celle de la choles- térine (6). (1) M. Nasse a remarqué que le sang est souvent lactescent chez les Oies (c), et M. Lereboullet, en examinant au mi- croscope le sérum d'un de ces oiseaux dont le foie avait subi la dégénéres- cence graisseuse, a constaté que l'as- pect laiteux de ce liquide était dû à la présence d'une multitude de très petites gouttelettes de graisse (d). Dans les analyses faites par M. Bous- singault, la proportion de graisse exis- tant dans le sang normal a varié entre : 0,0021 et 0,0070 chez des Pigeons; 0,0034 et 0,0049 chez des Canards (e). L'existence de graisse liquide dans le sang a été constatée chez la Gre- nouille par M. Enderlin (f). Fr. Simon l'a observée aussi chez le Crapaud, la Carpe et la Tanche. Voici du reste les résultats des analyses faites par ce dernier chimiste : Carpe. Tanche. Crapaud. Eau 872,00 900,00 848,20 Mat. solides. . 128,00 100,00 151,80 Fibrine. . . . traces traces traces Graisse . . . . 2,97 4,67 9,61 Albumine. . . 83,85 68,80 112,33 Hématoglobu- line . . . . 24,63 15,65 29,75 Sels , etc. . . 6,13 2,77 2,43 Chez ces animaux, l'hématoglobu- line paraissait différer aussi un peu (a) Heller, Havn, Blut, etc., bei Choiera sporadica (Arch. fur phys. und path. Chemie und Mikrosk., 1844, p. 14. (b) Chatin et Sandras, Sur le sang blanc (Gazette des hôpitaux, 1849, 3' série, t. I, p. 289). (c) Nasse, Blut (Waffner's Handwôrterbuch der Physiologie, Bd. I, p. 125). (d) Lereboullet, Mémoire sur la structure intime du foie et sur la nature de l'altération connue sous le nom de foie gras, p. 100 (extrait des Mém. de VAcad. de médecine, t. VII, 1853). (e) Boussingault, Recherches sur l'influence que certains principes alimentaires peuvent exercer sur la proportion de matière grasse contenue dans le sang (Ann, de chim. et de phys., 1848, t. XXIV, p. 463). (f) Enderlin, Chem. physiol. Untersuch. (Ann. der Chem.und Pharm., 1842, vol. LXVII, p. 304). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 287 expliquer la formation de eesorganites (1), je suis porté à croire qu'il existe une relation intime entre ce phénomène et l'emploi physiologique de la graisse contenue dans le fluide nourricier. Un fait intéressant, et qui pourrait être invoqué à l'appui de ces hypothèses, a été constaté d'abord par Popp (2), puis par Fr. Simon (3), et plus récemment par M. T. Thompson (li) : c'est l'augmentation de la proportion des globules du sang sous l'influence de certaines matières grasses mêlées aux aliments. L'emploi de l'huile de foie de morue tend à produire ce résultat important, et l'huile de coco paraît jouir de la même propriété. Ainsi chez des phthisiques soumis à ce régime on a vu la pro- portion des globules s'élever jusqu'à IMi, tandis que d'ordi- naire le sang de ces malades est moins riche en globules que le sang ordinaire. § 19. — Quant aux matières salines qui entrent dans la com- position du fluide nourricier, elles peuvent varier notablement de celle fournie par le sang des Mam- mifères. [Anim. Chem., t. I, p. 349.) (1) Voy. ci-dessus, page 80. (2) Popp , Untersuchungen iïber die Beschaffenheit des menschlischen Blutes in verschiedenen Krankheiten, 1845. (3) Fr. Simon a analysé le sang de trois phthisiques. Chez deux de ces malades la proportion des globules était seulement de 63,8 ou de 74,4, chiffres qui s'accordent très bien avec ceux obtenus dans des cas analogues par MM. Andral et Gavarret; mais chez le troisième malade, à qui depuis quelque temps on administrait avec avantage de l'huile de foie de morue, la proportion d'hématoglobuline s'éle- vait à 97,2. (Animal Chemistry, t. I, p. 280.) (4) M. Th. Thompson a commu- niqué récemment à la Société royale de Londres des observations analogues relatives aux effets de la même huile et de celle extraite des noix de coco, et consistant en oléine pure. Ses analyses portent sur le sang de sept malades et ont donné les résultats suivants : Globules. 1° Une femme phthisique au 1er degré, avant l'emploi de l'huile 129,26 2" Une femme au même degré, après l'emploi de l'huile de foie de morue 136,47 3° Un homme au Ie' degré, avant l'em- ploi de l'huile 116,53 4° Homme au 1" degré, après l'emploi de l'huile de foie de morue. , . . 141,53 5° Homme au 3e degré, après l'emploi de la même huile 138,74 6° Homme au 3° degré, après l'emploi de l'huile de coco 139,95 7° Homme dans les mêmes conditions. 144,94 L'usage d'huile d'amandes et d'huile d'olive n'a produit aucun effet utile. ( On the Changes produced in the Blood by the Administration of Cod-liver OU andCocoa-nut OU, m Proceedings of the Royal Society, vol. Vif, p. 41, April 1854.) Variations dans la proportion des matières minérales. 288 SANG. dans leurs proportions, sans qu'il en résulte aucun changement bien marqué dans les propriétés physiques ou chimiques de cet agent, ni dans la manière dont il agit sur l'organisme. Ainsi MM. Becquerel etRodier, en faisant l'analyse du sang chez onze hommes en bonne santé, ont obtenu tantôt 8 millièmes de ma- tières salines, tantôt 5 millièmes seulement 5 et dans l'état actuel de la science il est impossible de poser aucune règle touchant l'influence que l'âge ou le sexe peuvent exercer sur le degré d'abondance de ces principes minéraux (1). Des variations analogues se rencontrent lorsque, au lieu de doser les sels en bloc, on évalue séparément chacune de ces substances . Ainsi on voit par les recherches de MM . A . Becquerel et Rodier, que dans l'état normal la proportion du chlorure de sodium peut osciller entre 4,5 et 2,5 pour 1000 parties de (1) M. Lehmann pense qu'en gêné- les jeunes animaux. Cela s'observe rai le sang de l'homme est plus chargé effectivement clans les analyses que ce de matières salines que le sang de la chimiste a faites du sang d'un certain femme, et que chez les jeunes animaux nombre de Chiens, Chats et Lapins la proportion de ces corps est plus nouveau -nés, comparées aux ana- faible que chez l'adulte. Ainsi il admet lyses d'individus adultes des mêmes que la quantité de sels contenue dans espèces ; mais le contraire se reniai' - le sérum est, terme moyen, de 8,8 que dans les analyses comparatives du pour 100 chez l'homme, et de 8,1 sang chez le Veau, la Vache et le chez la femme (a). Mais cette conclu- Bœuf : le Veau a donné 11,2 ; la Vache sion ne s'accorde pas avec les résultats 9,9, et le Bœuf 8,7 (c). obtenus par MM. Becquerel etRodier, Il est aussi à noter que des diffé- qui ont trouvé, terme moyen, 6,8 mil- rences du même ordre se. rencontrent lièmes de matières salines et extrac- parfois dans les diverses portions du tives chez l'homme, et l,k chez la sang obtenu d'une même saignée, et femme (6). M. Zimmermann a constaté que la M. Lehmann se fonde sur les expé- proportion des matières salines tend à riences de M. Poggiale pour établir augmenter par l'effet de la phlébo- que les principes salins du sang sont tomie (d). plus abondants chez l'adulte que chez (a) Lehmann, Lehrb. derphysiol. Chem., 4853, Bd II, p. 215. (b) Becquerel etRodier, Recherches sur la composition du sang, p. 23 et 27. (c) Pog-giale, Recherches chimiques sur le sang (Compt. rend, de l'Acad. des sciences 1847, t. XXV, p. 112 et 200). (d) Zimmermann, Ueber das Verhalten der Satee im Blute und Sérum beim Aderlass (Heller'js Archiv fur physiol. und pathol. Chemie und Mikrosk., 1846, Bd III, p. 522). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 289 sang (1). Il est rare que la proportion de ce corps augmente dans l'état pathologique (2) ; presque toujours elle s'abaisse, et cette diminution paraît tenir surtout à l'abstinence à laquelle les malades sont généralement astreints ; elle tombe alors entre 2 et 3 millièmes, tandis que sous l'influence d'un régime où ce condiment entrait à très haute dose, on a vu le sang devenir beaucoup plus chargé de sel que dans les circonstances ordinaires. Ainsi dans quelques expériences de MM. Plouviez et Poggiale sur l'emploi médicinal du chlorure de sodium, la quantité de cette matière contenue dans le sang s'est élevée de /|.,/i à 6,4 sans qu'il en soit résulté aucun trouble dans l'éco- nomie (3). Cependant nous verrons bientôt que l'influence du sel contenu dans le sérum paraît être considérable sur certains phénomènes qui se produisent dans la respiration, et que si la proportion de cette matière dépasse en plus ou en moins cer- taines limites, il semble devoir en résulter des inconvénients graves. L'abondance des autres matériaux salins du sang est suscep- tible de varier aussi par l'effet du régime. Ainsi, dans les expé- riences d'Enderlin, des Oiseaux nourris les uns avec du fro- ment, substance qui ne renferme que très peu de silice soluble, les autres avec de l'orge, qui en contient beaucoup, ont pré- senté des différences notables dans la composition des cendres (1) La quantité de chlorure de so- par M. A. Becquerel, la proportion de dium constatée par ces pathologistes chlorure de sodium s'est élevée à a été en moyenne de 3,5 pour 100 (a). 6,61 (d). M. Nasse a trouvé, terme moyen, ('à) Dans un cas de ce genre, sous Zi,69 (6). l'influence excitante de la médication Enfin Fr. Simon , en discutant les saline continuée pendant plusieurs analyses faites par M. Denis , trouva, mois, MM. Plouviez et Poggiale ont vu terme moyen, lx,h (c). la proportion des globules du sang s'é- (2) Dans un cas de choléra observé lever, chez l'homme, de 130 à lft3(e). (a) Becquerel et Rodier, Traité de chimie pathologique, p. 65. (5) Nasse, Ueber das Blut (Journ. fur prakt. Chem., 1843, t. XXVIII, p. 148). (c) Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 232. (d) A. Becquerel, Note relative à quelques analyses du sang, etc., des cholériques (Arch. gén, de méd., 1849, 4* série, t. XXI, p. 192). (e) Poggiale, Recherches chimiques sur le sang (Compt. rend., 1847, t. XXV, p. 112). I. 37 290 SANG. obtenues par l'incinération du sang. Chez les premiers, le sili- cate de potasse était beaucoup moins abondant que chez les seconds; le chlorure de sodium était également en moindre quantité ; tandis que la proportion des phosphates terreux était deux fois plus grande que chez les individus soumis au régime de l'orge (1). Des résultats analogues ont été obtenus par M. Verdeil en faisant varier le régime du Chien (2). Dans les cas de maladie, on voit le sang de l'homme éprou- (1) Voici les résultats que M. En- a donné une quantité considérable de derlin a obtenus de l'analyse des cen- carbonates alcalins, mais peu de phos- dres du sang de quatre jeunes Coqs pliâtes (b). du même âge, qui buvaient la même Voici les résultats que ce chi- quantité d'eau, mais dont les uns miste (c) a obtenus de l'analyse des ( nos 1 et 2 ) avaient été nourris avec cendres de deux chiens dont l'un du froment, et les autres (n"s 3 et h ) (n" 1) avait été nourri pendant dix- avaient été nourris avec de l'orge. huit jours avec de la viande, et l'autre (n° 2) avait été nourri avec du pain I. II. III. IV. v ' r Cendres insolubles et des pommes de terre : dans l'eau .... 23,24 23,20 22,5 22,8 Phospli. de sesqui- pi„ j m0 tj oxyde de fer. . . 8,45 8,70 7,5 7,6 _., on ' „„ ' „, J , , , , ' Chlore 30,25 30,94 Phosphate de chaux -. _ ' ..'., et de magnésie. . 14,79 14,50 15,0 15,2 Podium d^° "J'" n, . ,3 Soude 5,78 2,02 Phosph. de potasse ' ■ ttibasique .... 52,34 50,48 25,0 24,4 masse ib,ib i»,ib a-y * î * o co nnr » r n ,,, MnffneSie . . . . 0,57 4,38 Silicate de potasse. 3,53 2,75 14,6 14,4 . ?, ,, . .'_. .' .-,,, j j- Acide sulfunque. 1,71 1,08 Chlorure de sodium . . /* .an, n\, .. i lf , — phosphonque. 12,74 9,34 et traces de sulfate r r i i o oc depolasse. . . . 20,89 23,57 37,9 38,4 m ~ „',„ „'"„ r ' ' Chaux 0,10 0,70 rt---.il „• „ t a Oxyde de fer . . 12,75 8,65 On voit que sous l'influence du ré- AJ carbonique. 0;53 0;37 gime de l'orge, la proportion des phos- phates terreux a baissé de plus de On voit qu'ici la différence dans la moitié, et que celle du sel commun a proportion de la magnésie a été très beaucoup augmenté (a). considérable, ainsi que celle de la po- (2) M. Verdeil a trouvé que chez les tasse et de l'acide phosphorique. chiens nourris avec de la \iande seu- M. Verdeil rapproche ces faits des ré- lement le sang donne des cendres con- sultats qu'il a obtenus de l'analyse com- tenant beaucoup de phosphates alca- para tive des cendres du sang du Bœuf, lins, mais peu de carbonates, tandis du Mouton , du Porc , de l'Homme que le sang des mêmes animaux nour- et du Veau. C'est dans le sang du Porc ris de matières végétales seulement lui que la potasse était la plus abondante. (a) Enderlin , Physioloyisch-chemische Untersuchungen (Ann. der Chem. und Pharm., 1848, Bd. LXV11, p. 304, et Ann. dechim., 1849, p. 561). (6) Note sur la compos. des sels du sang (Mém. de la Soc. de biologie, 1850, t. I, C. R., p. 71). (c) Verdeil, Untersuchung der Blutasche verschiedener Thiere (Ann. der Chem. und Pharm., 1849, Bd. LX1X, p. 89, et Ann. dechim., 1850, p. 571). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 291 ver des modifications notables quant à sa teneur en phosphates terreux et en sels alcalins (1). Mais les faits de ce genre con- statés jusqu'ici n'ont conduit encore à la solution d'aucune des questions physiologiques dont l'étude nous occupe en ce mo- ment, et par conséquent nous ne nous y arrêterons pas. Les matières salines du sang varient aussi en quantité chez les divers animaux, et, de même que pour les principes orga- niques, la proportion qui est normale pour certaines espèces correspond à ce qui serait un état pathologique pour d'autres espèces voisines. Les analyses ne sont pas encore assez nom- breuses pour que l'on puisse en tirer des conclusions générales, mais il est à noter que chez le Chien et le Chat, animaux dont le régime est carnassier, les carbonates alcalins sont moins abon- (1) Le carbonate de soude fourni par l'analyse des cendres du sang et les autres sels alcalins sont d'ordi- naire représentés par le chiffre 2,5 ; mais dans les phlegmasies cette pro- portion s'abaisse en moyenne à 2,0 (a). Dans le sang d'un scorbutique, ana- lysé par M. Fi emy, ainsi que dans un cas du même genre examiné par M. Andral, la proportion de ces sels alcalins était au contraire plus grande que dans l'état normal (6). Enfin M. Cohen a constaté que dans certains états pathologiques, tels que des cas de fièvre typhoïde, l'alcalinité du sang est augmentée, mais que dans la plupart des maladies la proportion d'alcali libre diminue (c). Le phosphate de chaux varie entre 0,40 et 0,30 (terme moyen, 0,3? ). Dans presque toutes les maladies il devient plus abondant, et dans l'ané- mie il s'élève jusqu'à 0 , 5 Zi . Cette aug- (a) A. Becquerel et Rodier, Traité de chimie (6) Amiral, Essai d'hématologie, p. 138. (c) Gazette médicale, 1850, p. 514, et 1851, (d) Becquerel et Rodier, Traité de chim. palh. (e) Schmidt, Ckarakt. der epidem. Choiera, 1 mentation paraît être plus grande dans la fièvre typhoïde et dans la phthisie que dans les phlegmasies. Dans la grossesse on a trouvé 0,/i2. C'est dans l'état physiologique que la proportion est la plus faible (d). La proportion des substances inor- ganiques contenues dans les globules sanguins est susceptible de varier aussi dans quelques cas pathologiques. Ainsi M. Schmidt a trouvé que dans les glo- bules du sang normal il y a chez l'homme une partie de matières miné- rales sur Z|0 de matières organiques, tandis que chez les cholériques ce rapport est comme 1 : 58. Hans le premier cas la proportion de l'eau contenue dans les globules est à celle des molécules solides comme 2,lZi : 1, et dans le second cas 1,77 : 1. Des modifications analogues se manifes- tent sous l'influence des purgatifs drastiques (e). pathologique, p. 67. p. 365. , p. 68. 850, p. 54 et suiv. 292 SANG. dants que chez les herbivores, tels que le Bœuf, le Mouton et le Cheval, tandis que les sels calcaires sont, au contraire, en plus grande quantité chez ces derniers (1). S'il était permis de tirer (1) M. Nasse a fait l'analyse du sang d'un certain nombre d'animaux do- mestiques, et a obtenu les résultats suivants (pour 100 parties de sang) : 1° Sels solubles. Phosphates Sulfates Carbonates Chlorure alcalins. alcalins. alcalins. de sodium. Chien . 0,730 0,197 0,789 4,490 Chat. . 0,607 0,210 0,919 5,274 Cheval. 0,844 0,213 1,104 4,659 Bœuf . 0,468 0,181 1,071 4,321 Veau . 0,957 0,269 1,263 4,864 Chèvre 0,402 0,265 1,202 5,175 Mouton 0,395 0,348 1,498 4,895 Lapin . 0,637 0,202 0,970 4,092 Cochon 1,362 0,189 1,198 4,281 Oie . . 1,135 0,090 0,824 4,246 Poule . 0,945 0,100 0,350 5,392 2° matières insolubles. Peroxyde Chaux. - Aride Aride de fer. phosphoriqut '. sulfuriq. Chien . 0,714 0,117 0,208 0,013 Chat. . 0,516 0,136 0,263 0,022 Cheval. 0,786 0,107 0,123 0,026 Bœuf . 0,731 0,098 0,123 0,018 Veau . 0,631 0,130 0,109 0,018 Chèvre 0,641 0,110 0,129 0,023 Mouton 0,589 0,107 0,113 0,044 Cochon 0,782 0,085 0,206 0,041 Oie . . 0,812 0,120 0,119 0,039 Poule . 0,743 0,134 0,935 0,110 La magnésie et la silice ne furent pas dosées dans ces expériences (a). Dans la plupart des analyses du sang on a négligé le dosage des petites quantités de potasse qui s'y trouve mêlée à la soude. M. Enderlin en a fait l'objet d'études spéciales et a ob- tenu les résultats suivants. Pour 100 parties de soude contenues dans les cendres obtenues par l'incinération du sang, il a trouvé la polasse dans les proportions de 6,5 chez un Homme ; 13,5 chez un Bœuf; 5,5 chez un autre Bœuf; Ziû,3 chez le Veau; 43,9 chez un Pigeon, et 16,8 chez un autre. Dans trois analyses du sang de la Femme il a trouvé 1,6 ; 1,2 et 3,8 de potasse pour 10 de soude ; mais dans un cas de maladie de la poitrine il a vu la proportion de potasse s'élever à û,18 pour 100 de soude (6). Plus récemment des analyses ana- logues ont été .faites par M. Poggiale et ont donné des résultats un peu dif- férents, ce qui semble indiquer des variations dépendantes du régime ou des particularités individuelles. Pour tirer des recherches de ce genre quel- ques conclusions générales, il faudrait par conséquent avoir des moyennes établies sur des analyses plus nom- breuses. Voici du reste les proportions trouvées par M. Poggiale (c) : Chlorure Chlorure Phosphate Sulfate Carbonates Phosphate Osyde Carb. et de de de de alcalins. de de fer. de potassium. calcium. souri*'. soude. chaux. chaux. Bœuf . . . 4,66 0,20 0,76 0,60 0,40 0,50 1,25 0,20 Vache . . . 4,79 0,17 0,83 0,32 0,86 0,96 1,43 0,40 Veau . . . 6,08 0,31 1,09 0,84 0,37 0,83 1,11 0,27 Mouton. . . 5,73 0,15 1,02 0,63 0,32 0,69 1,06 0,18 Lapin . . . 4,60 0,27 0,82 0,59 0,42 0,52 0,97 0,30 Chien . . . 4,41 0,18 0,83 0,52 0,31 0,53 1,45 0,12 Chat. . . . 5,62 0,33 0,93 0,71 0,46 0,69 1,23 0,20 Poule . . . 4,49 0,12 0,83 0,36 0,38 1,23 0,75 0,29 Pigeon . . 5,39 0,18 0,78 0,27 0,18 1,09 0,62 0,17 («) Nasse, Ueber dus Blut der Hausth. (Joum. fur prakt. Chenu, 1843, Bd. XXVIII, p. 147). (6) Ueber den Kaligehalt des Blutes (Annalen der Chem. und Pharm., t. LXXV, p. 150, et Ann. de chim., 1851, p. 549). (c) Recherches chimiques sur le sang (Compt. rend., 1847, t. XXV, p. 112). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 293 quelques conclusions de faits si peu nombreux, j'appellerais aussi l'attention sur la richesse du sang des Oiseaux de basse- cour en phosphates terreux. Il paraîtrait aussi, d'après les expériences de M. Schmidt, que les bases alcalines ne sont pas réparties de la même ma- nière entre les globules et le plasma chez les divers animaux. Ainsi nous avons vu que chez l'homme la presque totalité delà potasse contenue dans le sang se trouve dans les globules, et que ces corpuscules ne renferment que très peu de soude. Chez le Chien et chez le Chat il en est tout autrement ; les glo- bules sont pauvres en potasse, et contiennent de la soude en proportion presque aussi forte que le plasma. Mais cela ne saurait s'expliquer par les différences de régime ; car, sous le rapport du mode de distribution de ces alcalis, la Chèvre res- semble beaucoup à l'Homme, et le Mouton se rapproche davan- tage du Chat. Voici d'ailleurs les résultats obtenus par M. Schmidt. Sur 100 parties de matières inorganiques il a trouvé les bases distribuées de la manière suivante : DANS LES GLOBULES. DANS LE PLASMA. Potasse. Soude. Potasse. Soude. Chez l'Homme (t. m.) . . 40,89 9,71 5,19 37,74 le Chien 6,07 36,17 3,25 39,68 le Chat 7,85 35,02 5,17 37,64 le Mouton 14,57 38,07 6,56 38,56 la Chèvre 37,41 14,98 3,55 37,89 Il est également à noter que la quantité de phosphore fourni Les analyses des cendres du sang de Dans les cendres du sang de la Perche la Grenouille, publiées par M. Ender- ( Perça fluviatilis) le même chimiste lin, ont donné les résultats suivants : a trouvé : N» I. N° II. Phosphate de fer 9,61 10,52 Phosphate de fer »,*><* Phosphates de chaux et de Phosphate de chaux , ma- magnésie, carbonates. . 13,46 1,90 gnésie. . . -M- Sous-phospuate de soude . 38,52 40,44 Sous-phosphate de potasse . 36 00 Chlorure de sodium. / . . 31,83 39,26 Chlorure de sodium .... 43,37 (a). Sulfate de potasse 1,55 1,72 (a) Enderlin, Chem.phys. Unters. {Ann. der Chem. uni Pharm., 1848, Bd. LXVII, p. 304.) 294 SANG- par l'analyse des globules sanguins s'est trouvée beaucoup plus faible chez le Mouton et le Chat que chez le Chien et le Chat (1). Quant au fer contenu dans le sang, cette matière s'y trouve, comme je l'ai déjà dit, unie à l'hématosine des globules, et les variations que l'on remarque dans sa quantité relative suivent chez l'homme les changements dans les proportions de ces corpuscules par rapport au plasma (2). L'insuffisance de cet élé- ment constitutif des globules paraît être une des causes de la diminution du nombre de ces corpuscules dans certains états maladifs, et, pour rétablir l'équilibre physiologique (3), il suffit contenue clans les fluides nourriciers ; et les médecins ont remarqué depuis longtemps que l'emploi des prépara- tions martiales est effectivement très bon dans ces affections anémiques. Mais les analyses suivantes du sang faites par Herberger chez une jeune fille chlorotique soumise à ce traite- ment en montrent mieux encore les effets sur la production des globules sanguins (b). La première analyse a été faite avant l'administration du fer ; la seconde après deux mois de traitement par les préparations ferrugineuses : (1) M. Schmidt a trouvé le phos- phore dans les proportions suivantes, sur 100 parties de matières inorga- niques : Globules. Plasma. Homme 17,64 6,08 Chien 22,12 6,65 Chat 13,62 7,27 Mouton 8,95 3,56 Chèvre. . : . . . 9,41 3,90 Le dosage comparatif du chlore a fourni les résultats suivants : Globules. Plasma. Homme 21,00 40,68 Chien 24,88 37,31 Chat 27,59 41,70 Mouton 27,21 40,89 Chèvre 31,73 40,41 («) (2) Becquerel et Rodier, Traité de chim. pathol., p. 69. (3) Nous avons vu que les globules renferment une proportion assez con- sidérable de fer, élément qui paraît être nécessaire à leur constitution. On comprend donc que dans les cas de chlorose où le sang est pauvre en glo- bules et où l'organisme, pour revenir à l'état normal, a besoin de produire beaucoup de ces corpuscules, il soit utile d'augmenter la quantité de fer (a) Schmidt, Charakteristik der epidemischen Choiera, p. 14. (6) Herberger, Beitrâge z-ur Kenntniss der Zusammensetzung des Blutes und liâmes Bleich sûchliger und die Wirkung der Eisenprdparale (Buchner's Repertorium fur die Pharmacie, Z. R., Bd. XXIX, p. 236). N» I. Eau 868,34 Matières solides. Fibrine Graisse .... Albumine . . . Globuline . . . Hématine . . . Sels, etc. . . . 131,66 3,61 2,31 78,20 36,47 1,59 8,92 N° II. 807,08 192,92 1,95 2,47 81,51 94,29 4,03 On voit que dans ce cas les principes constitutifs des globules, qui n'étaient d'abord que dans la proportion de 38 millièmes, se sont élevés à plus de 98 millièmes sous l'influence de l'em- ploi du fer. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 295 souvent de mêler du fer aux aliments dont on fait usage. Mais il paraîtrait que cette proportionnalité entre le nombre des glo- bules hématiques et le poids du fer contenu dans le sang de l'homme ne se rencontre pas toujours chez les animaux ; car dans les analyses faites par M. Poggiale (1) nous voyons que chez les oiseaux tels que la Poule et le Pigeon, où la quantité rela- tive des globules s'élève beaucoup plus haut que chez nos qua- drupèdes domestiques, le fer est moins abondant que chez ces mammifères (2). § 20. — Les substances qui, dans l'état normal de l'orga- Proportions nisme, ne sont destinées qu'à passer rapidement à travers le 1>urée- sang pour s'échapper au dehors ou qui s'y détruisent presque aussitôt leur formation, peuvent aussi, dans des cas patholo- giques, s'y accumuler, soit que leur production s'active, soit que le travail d'élimination qui d'ordinaire les fait disparaître vienne à s'affaiblir ou à s'arrêter. C'est de la sorte que la pré- sence de l'urée, par exemple, a pu être constatée dans le sang de divers malades à une époque où les procédés d'analyse dont la science disposait étaient encore trop grossiers pour déceler les petites quantités de cette substance dont le sang est chargé dans les circonstances ordinaires. Jusque dans ces derniers temps, (1) Dans les analyses publiées par (2) D'après les calculsde M. Schmidt, ce chimiste (a), le fer a été dosé à l'état l'infériorité des Oiseaux comparés aux de sesquioxyde, et la quantité de cette Mammifères sous le rapport de la substance s'est trouvée : proportion du fer contenu dans les Mimâmes. globules rouges du sang serait encore Chez l'Homme 1,26 pms grande qu'on ne le supposerait à le Bœuf 1,25 , . . . la vache 1,43 première vue par les nombres prece- le Veau i,ll dents. En effet, ce physiologiste évalue le ChaT.1 ! l'as la quantité de fer seulement à -~ du le Mouton 1,06 poids des globules chez la Poule, à Ie ^api,n °>ll ^ chez l'Homme , à 4r chez le Co- la Poule 0,75 23° 3 le Pigeon 0,62 chon, et à -^ chez le Bœuf {b). . (a) Poggiale, Recherches chimiques sur le sang (Compt. rend, de l'Acad. des sciences, 1847, t." XXV, p. 112). (6) Lehmann, Lehrb, der physiol. Chem., Bd. II, p. 199. 296 SANG. la chimie ne nous avait fourni aucun moyen de dosage assez délicat pour nous permettre la détermination des proportions dans lesquelles l'urée se rencontre soit dans le sang patholo- gique, soit dans le sang normal, et par conséquent l'étude des questions qui se rattachent à cette partie de l'hématologie ne pouvait faire que peu de progrès (1). Mais aujourd'hui il n'en est plus de même : à l'aide d'un procédé indiqué par M. Liebig, et fondé sur la propriété que possède le nitrate mercurique de précipiter l'urée, on peut saisir les moindres traces de cette sub- stance et en mesurer la quantité (2). Aussi a-t-on déjà appliqué (1) Ainsi M. Marchand, ayant dissous chand en évalua la proportion à 0,018 1 gramme d'urée dans 200 grammes de pour 100 (e). sérum, n'a pu en retirer de ce liquide (2) On trouve dans la Thèse de que 0,20, et il pensait qu'il n'était pas M. Picard un examen comparatif des possible de retrouver ce principe im- divers procédés employés jusqu'ici médiat dans le sang, lorsqu'il existe en pour la constatation de la présence de proportion inférieure à l//i00. Aussi l'urée dans le sang (f). La méthode de n'a-t-il pu en constater aucune trace, M. Liebig, à laquelle il donne la préfé- bien qu'il eût opéré sur 3 litres de sang rence, consiste dans l'emploi d'une de chien (a). MM. Mitscherlich, Gme- dissolution titrée de nitrate de mer- lin et Tiedemann étaient arrivés au cure. Si à une solution étendue d'urée même résultat négatif en opérant sur on ajoute une solution également éten- près de 5 kilogrammes de sang de due de ce dernier sel, on obtient un Bœuf (6). C'est aussi en employant de précipité blanc formé de 100 parties très grandes quantités de sang que d'urée unies à 7 20 d'oxyde de mercure. Simon a trouvé de l'urée dans ce li- En ayant soin de neutraliser la liqueur quide chez le Veau (c), et M. Garrod avec du carbonate de soude à mesure chez l'homme {d). Jusque dans ces que l'acide nitrique se trouve mis en derniers temps on n'était pas parvenu liberté par cette réaction, on peut pré- à le doser, et c'est seulement à l'aide cipiter ainsi la totalité de l'urée ; et de calculs hypothétiques que M. Mar- du moment qu'il ne, reste plus aucune (a) Marchand , Ueber das Vorkommen des Harnstoffes im thierischen Kôrper ausserhalb des Hams (Joum. fûrprakt. Chemie, 1837, Bd. XI, p. 149). — Lehrbuch der physiol. Chemie, 1844. (b) Gmelin und Tiedemann, Versuche ùber das Blut (Annalen der Physik und Chemie vonPog- gendorff, 1834, Bd. XXXI, p. 310). (c) Simon, Ueber das Vorkommen des Harnsioffs imBlute (Arch. fur Anat. und Physiol., 1841, p. 454, et Ann. des sciences natur., 1842, 2" série, t. XVIII, p. 380). — Animal Chemistry, vol. I, p. 182. (d) Garrod, Observ. on certain Pathol. Conditions of the Blood and Urine in Goût, etc. (Med. Chir. Trans., vol XXXI, p. 83). (e) Loc. cit. Voyez aussi L'héritier, Traité de chimie pathol, p. 224. (f) i. Picard, De la présence de l'urée dans le sang et de sa diffusion dans l'organisme à l'état physiologique et à l'état pathologique. Strasbourg, 1856, p. 10 et suiv. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 297 cette méthode à l'étude des variations qui se produisent dans la quantité d'urée que le sang renferme suivant les con- ditions où l'organisme se trouve placé. Les expériences ré- centes faites dans cette direction par un jeune médecin de l'Ecole de Strasbourg, M. Picard, ont conduit à des résultats intéressants, et en les multipliant davantage, on jettera proba- blement beaucoup de lumière sur plusieurs des phénomènes les plus importants du travail nutritif. Ce chimiste évalue, terme moyen, à 0,016 pour 100 la quantité d'urée qui existe dans le sang humain à l'état normal, et ses expériences tendent à établir que la proportion en est un peu plus faible chez la femme que chez l'homme (1). C'est principalement dans les circonstances où le travail éliminatoire de cette substance se trouve entravé ou arrêté qu'on la voit devenir plus abondante dans le fluide nourricier ; et ainsi que je le ferai voir dans une autre partie de ce cours, l'appareil urinaire est la voie principale par laquelle l'excrétion s'en opère : mais le sang peut s'en débarrasser aussi par la sueur, les sécrétions intestinales, etc. (*2j. Des faits dont il serait prématuré de parler en ce moment tendent à prouver aussi que l'urée est un des produits du travail trace de cette substance, le nilrate de Le sang de deux femmes en bonne mercure donne un précipité jaune au santé lui a fourni : lieu d'un précipité blanc. En versant la liqueur titrée goutte à goutte, on peut donc connaîlreavec beaucoup de précision la quantité employée pour précipiter l'urée et calculer le poids de cette dernière substance, en admettant que li équivalents de nitrate de mercure chez line femme enceinte cette pro- correspondent à 1 équivalent d'urée. portion est descendue à (1) Al. Picard a dosé l'urée du sang . .,,„ ... v ' p 0,0113 pour 100. de l'homme en bonne santé, et a trouvé i„. .. , „ ;i . j (2) La présence de Purée en quan- pour 10 0 parties de ce liquide : . ; , 4 tite anormale a été constatée dans le 0.0165 , 0,0142 sanS de personnes atteintes de l'affec- 0,0177 tion des reins, connue sous le nom de 0,0153 0,0169 Dans deux cas de suppression des règles il a trouvé : 0,029 et 0,026 pour 100. 298 SANG. nutritif qui s'effectue dans toutes les parties de l'organisme, et que cette substance résulte de l'oxydation des matières pro- téiques soit des tissus, soit du sang lui-même. Il paraîtrait aussi que dans certains cas cette transformation maladie de Bright, par Bostock (a), que ce chimiste ait constatée dans cette Chrislison (6), Babington (c), Uees (d), affection était 0,15 pour 100 (j). Simon (e), Heller (f), Schottin (g)-, La 'Dans le choléra la sécrétion uri- Cava [h) et plusieurs autres patholo- naire est arrêtée, et il y a aussi accu- gistes. mulation de l'urée dans le sang. Ce On a observé le même phénomène fait, observé d'abord par O'Shaugh- dans un cas d'inflammation aiguë des nessy (k), a été constaté ensuite par reins (ï); et ainsi que je l'ai déjà dit plusieurs autres pathologistes, tels que (p. 200), on peut le produire à volonté Lïobertson(/), Simon(m), Marchand (n), en extirpant ces organes ou en y ar- Bain y (o), Schmidt (p). Dans un cas rêtant le travail sécréteur de l'urine. observé par M. Picard, la proportion Dans une série assez nombreuse de d'urée s'est élevée à 0,07 pour cas de maladie de Bright, observés par 100 (q). M. Picard, la quantité d'urée contenue M. Chassagniol et Vardon ont con- dans le sang, au lieu d'être 0,016 pour staté la présence de beaucoup d'urée 100 comme dans l'état normal, s'est dans le sang d'individus morts de la élevée souvent à 0,03, et a parfois dé- fièvre jaune (r). passé 0,07. La proportion la plus forte Un résultat analogue a été obtenu (a) Voy. Bright's Reports of Med. Cases, p. 83. (b) Chrislison, On the Granular Degeneration of the Kidney, 1839, p. 61. (c) Babington, Art. Morbid Condition of the Blood (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol. ,1836, vol. I, p. 427). (d) Rees, On the Présence of Urea in the Blood {Lond. Med. Gazette, 1833, vol. XII, p. 676). (e) Simon, Animal Chemistry, vol. 11, p. 222. (f) Heller, Pathol. chem. und mikros . Untersuch. (Arch. fur physiol. und pathol. Chem. und Mikros., 1844, Bd. I, p. 17). — Path. Chem. des Morbus Brightii (loc. cit., 1845, t. II, p. 176). (g) Sur les caract. de l'urémie (Gaz. hebdom., t. I, 1853, p. 30, et Arch. fur phys. Heilk., 1853, t. XII, p. 170). (h) P. La Cava, Ueber ein an Harnstoff sehr reiches Blut bel Albuminurie (Heller'sirc/i., 1846, Bd. III, p. 479, et Annali di chemica applicaîa alla médecine del D. Polli, 1846, Bd. H, p. 242). (i) Romberg, voy. Picard, Op. cit., p. 47. (j) Picard, Op. cit., p. 75. (k) O'Shaugnessy, Report on the Chemical Pathology of Choiera, 1832. (I) Robertson, Observ. on the Blood of Choiera patients (Monthly Joum., of Med., 135, vol. XVII, p. 243). (m) Simon, Op. cit. (Muller's Arch. fur Anat. und Physiol., 1841, p. 456), et Anim. Chem., vol. I, p. 325. (n) Marchand, Ueber das Vorkom. das Harnstoffes im Thierischen Korper aussserhalb des Marnes (Joum. fûrprakt. Chem., 1837, Bd. XI, p. 458). (o) Rainy, Urea in the Blood in Choiera (London Medic. Gaz., 1838, 1839, vol. I, p. 518). Il évalue la quantité d'urée à 1 grain par once de sang. (p) Schmidt, Charakt. dcr epidem. Choiera. (q) Picard, De la présence de l'urée dans le sang, p. 54. (r) Chassagniol, Sur l'altération du sami dans la fièvre jaune (Comp. rend, de l'Acad. des se, 1853, t. XXXVII, p. 907). unque. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 299 des principes protéiques serait portée plus loin, et que l'urée à son tour passerait à l'état de carbonate d'ammoniaque, matière qui se trouverait alors dans le sang, mais en quantité trop petite pour pouvoir être dosée (t). § 21 . — L'acide unque doit exister aussi dans le sang à l'état ^cide normal ; mais les chimistes ne sont pas encore parvenus à l'y reconnaître, et sa présence dans ce liquide n'a été signalée que dans quelques cas pathologiques où cette substance excrémen- titielle devient beaucoup plus abondante que d'ordinaire (2). § 22. —Parmi ces matériaux éphémères du sang, je signa- par l'analyse du sang de quelques scarlatine et de maladie de Bright (g), malades atteints de fièvre typhoïde (a), hypothèse qui a été adoptée aussi par d'éclampsie (6), de diabète. (c),de rhu- M. Frerichs {h). Les observations de matisme articulaire {cl), d'arthrite (e) M. Schôtlin à Kostritz ne sont pas et d'hydropisie ;/). Enfin, M. Picard favorables à cette opinion (*). Mais, a constaté une augmentation notable quoi qu'il en soit à cet égard, il est de la proportion de l'urée du sang bien avéré que de l'ammoniaque en dans un cas d'anémie, et chez plu- petites quantités se développe très fa- sieurs individus affectés de maladies cilement dans le sang et peut s'échap- inflammatoires. per au dehors par les voies respira- (1) L'existence de produits ammo- toires (j). niacaux dans le sang a été constatée, (2) M. Garrod a trouvé aussi de l'acide ainsi que nous l'avons déjà vu, chez urique combiné avec de la soude dans les cholériques et dans divers cas le sang de plusieurs malades affectés de d'urémie (p. 206). M. Lehmann pense rhumatisme chronique. Dans un cas, que c'est de la présence de ces matières, 1000 parties de sérum lui fournirent et non de l'existence de l'urée dans le 0,05 d'acide urique; dans un autre sang, que dépendent les symptômes cae, la moitié de cette quantité. M. Gar- particuliers observés dans des cas de rod a toujours rencontré ce même (a) Steinberg, Unters. des Blutes eines am Abdominal typhus Verstorbenen (Joum. fur prakt. Chem., 1842, Bd XXV, p. 386). — Henderson, Edinb. Med. and Sarg. Joum., 1844, vol. XLI, p. 223. — Taylor, Lond. Med. Gaz., vol. XXXIV, p. 760. (6) Romberg-, Oppolzer, Braun, etc., cités par M. Picard (Op. cit., p. 48). (c) Rainy, Lond. Med. Gaz., 1838. (d) Picard, Op. cit., p. 52. (e) Garrod, On certain Pathological Conditions of the blood (Trans. of the Med. Chir. Soc, 1848, vol. XXXI, p. 83). — L'Héritier, Traité de chim. pathol., 1842, p. 166. (O P.ees, Op. cit. (Lond. Med. Gaz., 1833, vol. XII, p. 676). (g) Lehmann, Lehrb. der physiol. Chem., Bd. II, p. 218. (h) Scholtin, Mémoire sur l'urémie (Gaz. hebdom. de méd., 1853, 1. 1, p. 31). (i) Frerichs, Die Bright'sche NierenkranMieit, 1851. (j) Picard, De la présence de l'urée dans le sang, p. 3. 300 SANG. Variations dans la proportion de sucre. lerai aussi le sucre ou glucose (1) , dont le rôle physiologique sera l'objet de nos études dans une autre partie de ce cours. Lorsque nous nous occuperons de l'histoire de la digestion, nous verrons que du reste la proportion de cette substance varie également dans l'état normal sous l'influence de l'ali- mentation ; et des analyses comparatives du sang qui arrive dans le foie par les vaisseaux appelés veines portes, ou qui sort de cet organe par les veines dites hépatiques, ont éta- bli que c'est en grande partie dans l'appareil biliaire que le principe dans le sang des malades affectés d'albuminurie , mais jamais chez ceux atteints de rhumatisme [a). La présence de l'acide urique dans le sang des goutteux avait été déjà annoncée par Mazuyer (b). (1) Voyez ci-dessus page 193. Pour constater la présence du glucose, ou sucre animal, dans le sérum, on fait généralement usage d'un réactif appelé liqueur de Trommer (improprement dite de Frommhertz), liqueur deBar- resivil,ou bien encore solution cupro- potassique. C'est un sel double de potasse et de cuivre (tartrate, par exemple j, qui est d'une belle couleur bleue, et qui, en présence du glucose, se décolore par l'ébullition et donne un précipité de protoxyde de cuivre d'une teinte rougeâtre. En employant une dissolution titrée de ce composé cui- vreux.on peut doser la matière sucrée. On pourrait se servir aussi du pro- cédé inventé par M. Biot, et fondé sur l'action rotatoire que le glucose exerce sur la lumière polarisée (c). Enfin, pour évaluer les petites quan- tités de glucose contenues dans le sang, on a recours aussi à la fermentation alcoolique et au dosage de l'acide car- bonique qui se dégage dans cette opé- ration. Pour plus de détails à ce sujet , on peut consulter les travaux de MM. Trommer , Barreswil , Feh- ling, etc. (d). (a) Garrod, 06s. on certain Pathol. Conditions of the Blood (Med. Chirurg. Tram., 1848, vol. XXXV, p. 83). — On the Blood and EffuseA Fluids in Goût, etc. (Med. Chir. Trans., 1854, 2° série, vol. XIX, p. 49). — Voyez aussi : Strahl und N. Liebcrkiihn , Harnsâure im Blute und einige neue constante Bestandtheile des Harns (Arch. fur physiol. Heilk., 1849, Bd. VIII, p. 294). (6) Arch. gén. de méd., 1826, t. XI, p. 132. (c) Biot, Sur l'emploi des caractères optiques comme diagnostic immédiat du diabète sucré (Compt. rend, de l'Acad. des sciences, 1840, t. XI, p. 1028). (d) Trommer, Unterscheidung von Gummi, Dextrin, Traubensucker und Rohrzucker (Ann. der Chem. und Pharm., 1841, Bd. XXXIX, p. 360). — Péligot, Rapport sur un moyen de saccharimétrie (de M. Barreswil), fait à la Société d'en- couragement (Journal de pharmacie, 1844, 3° série, t. VI, p. 301). — Fehling-, Quantit. Bestim. des Zuckers im Ham (Arch. fur physiol. Heilkunde, 1848, Bd. Vil, p. 64. — Lelimann, Lehrbuch der pliysiologischen Chemie, 1853, Bd. I, p. 264. — Cl. Bernard, Leçons de physiologie, 1855, p. 34, etc. — Figuier, De l'origine du sucre contenu dans le foie (Ann. des sciences uulur., 1855, 4e série, t. III, p. 23, etc.). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 301 glucose est versé dans le fluide nourricier (1). Des expé- riences dues également à mon savant collègue, M. Cl. Ber- nard , nous ont appris que l'excitation de certaines parties du système nerveux accroît beaucoup cette accumulation de (1) L'influence du travail digestif sur la richesse du sang en matières sucrées a été étudiée non-seulement par iUM.Cl. Bernard, Lehmann, Figuier et plusieurs des ailleurs dont les tra- vaux sont cités ci-dessus ( p. 194 et 195), mais plus récemment encore par M. Becker, M. Poggiale et quelques autres physiologistes. Les expériences de M. Becker ten- dent à établir que la quantité de ma- tières sucrées contenues dans le sang varie beaucoup suivant la nature des aliments employés. Ainsi chez le Lapin il a trouvé : 0,045 pour 4 00 chez un individu à jeun depuis vingt-quatre heures. 0,109 chez un individu nourri d'avoine. 0,584? chez un individu nourri uniquement de carottes. 1,198 chez un individu dont les aliments avaient été chargés de sucre (a). Mais sous l'influence d'un régime ex- clusivement animal, le sang continue également à recevoir, par suite du travail digestif et des transformations chimiques dont le foie est le siège, des quantités considérables de matière sucrée ; fait qui a été démontré par M. Cl. Bernard et constaté aussi par beaucoup d'autres physiologistes. M. Cl. Bernard a trouvé également que la quantité de sucre contenue dans le sang décroît rapidement après l'achè- vement du travail digestif, et que par l'effet de l'abstinence prolongée ce principe y disparaît plus ou moins complètement (6), résultat qui a été confirmé par plusieurs expérimen- tateurs , notamment par M. Pog- giale (c). Enfin, M. Cl. Bernard a trouvé que la substance même du foie agit à la manière d'un ferment sur les matières albuminoïdes, et y détermine la for- mation du glucose, indépendamment de toute influence vilaïe (d). Ainsi le sang, dans l'état normal de l'économie, reçoit journellement de nouvelles quantités de sucre fournies directement par les aliments ou pro- duites dans le foie par la transforma- tion de matures alimentaires d'un autre ordre, et la provision de sucre héma tique obtenu de la sorte s'use con- tinuellement dans l'intérieur de l'orga- nisme, par suite d'autres phénomènes physiologiques dont l'étude nous oc- cupera plus tard. Ici encore nous rencontrons donc dans la constitution du sang cet état d'équilibre instable qui se rompt sans cesse pour se réta- blir bientôt, ou, pour parler plus exac- tement , des oscillations continuelles s'effectuent dans des limites détermi- nées. Nous reviendrons avec plus de détail sur l'histoire de la production (a) Becker, Ueber dos Verhalten des Zuckersbeim thierischen Stoffweclisel (Zeitschr. fûrvAssen- chafll. Zoologie, 1853, Bd. V, p. 123). (b) Cl. Bernard, Recherches sur une nouvelle fonction du foie, thèse, 1853. — Leçons de physiologie expérimentale, 1855. (c) Poggiale , De l'action des alcalis sur le sucre dans l'économie animale (Gaz. hebdom. de méd., 1856, t. III, p. 7.S). (d) Cl. Bernard, Sur le mécanisme de la formation du sucre dans le foie (Ann. des sciences uatur., 1855, 4e série, t. IV, p. 109). 302 SANG. matières sucrées dans le sang (1). Enfin, d'autres faits, dont l'étude trouvera mieux sa place ailleurs, prouvent que ce sucre animal est rapidement éliminé des fluides en circula- tion, soit qu'il s'y détruise dans l'espèce de combustion que la respiration entretient dans l'organisme, ou bien que le travail sécrétoire l'expulse de l'économie. L'expérimentateur et de l'emploi du sucre dans l'écono- Mac-Gregor (j), etc., montrent que mie animale, lorsque nous aurons étu- chez les diabétiques la quantité de sucre dié les phénomènes de la respiration, contenue dans le sang s'élève beau- de la digestion et de la sécrétion hépa- coup au-dessus du taux ordinaire, tique. Dans une analyse du sang ainsi mo- (1) C'est dans les cas de mélitémie difié , faite par M. Drummond, l'eau, (ou d'excès de matières sucrées dans les globules et l'albumine se trouvaient le sang) que l'existence du sucre dans en proportions ordinaires ; mais la le fluide nourricier a été découverte fibrine élait en quantité très faible, et par Dobson et par Rollo, chez des ma- le sucre représentait 2 millièmes du lades atteints de diabète (a). Cette poids total (k). substance a ensuite échappé aux Simon a signalé aussi l'existence du recherches de Gueudeville (6), Vau- sucre dans le sang d'un Veau avant quelin et Ségalas (c), MM. Henry et de l'avoir observée chez l'homme, ce Soubeiran(d), elc.;mais les recherches qui peut faire supposer que la propor- de M. Bouchardat (e) nous donnent tion de cette substance est plus forte l'explication de ces résultats négatifs, chez ce quadrupède (l) . et les analyses dues à ce chimiste, ainsi En 1850, M. Verdeil et Dolfus firent que celles faites par Ambrisioni (/), des observations semblables sur du Rees (g), Fr. Simon (h), Maitland (i), sang de Bœuf (m), (a) Dobson, Exper. and Observ. on the Urine in a Diabètes (Med. Obs. by a Soc. of Physi- cians in London, 1775, t. V, p. 298). — Rollo, Traité du diabète sucré, 1797. (6) Nicolas et Gueudeville, Rech. et expér. chim. et méd. (Ann. de chimie, t. XLIV, p. 45). (c) Ségalas, Nouv. expér. sur les propr. méd. de l'urée ( Joum. de physiol. de Magendie, 1822, t. II, p. 355). (d) Rech. analyt. sur le sang d'un diabétique (Joum. despharm., 1826, t. XII, p. 320). (e) Bouchardat, Du diabète sucré, p. 67 (extr. des Mém. de l'Acad. de médec, 1851, t. XVI). (f) Ambrisioni, Dello zuchero nelle urine e nel sangue dei diabetici (Ann. univ. di med., 1835, vol. LXXIV, p. 160). (g) Rees, On Diabetic Blood (Cuy's Hospital Reports, 1838, vol. III, p. 398). Voy. Ancell's Lectures on the Blood (Lancet, 1840, p. 889). (h) Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 327. (i) Maitland, Sugar obtained from the Blood of a Patient in Diabètes (London Medic. Gaz., 1836, vol. XVII, p. 900). (j) Mac Gregor, Recherches expérimentales sur l'état comparatif de l'urée, etc. (Journ. de chimie Méd., 1840, 2° série, t. VI, p. 17). (k) Drummond, On Urine and Blood in a Case of Diabètes Mellïtus (Monthly Journ. of Med., 1852, vol. XIV, p. 281). (I) Simon, Animal Chemistry, vol.I, p. 185). (m) Analyse anat. et chim. du sang (Compt. rend, de la Soc. biologique, 1850, p. 79). VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 303 peut produire à volonté toutes ces variations dans la quantité de glucose dont le sang est chargé, et des phénomènes du même ordre s'observent dans certaines maladies : ainsi, chez les personnes en proie à l'affection connue sous le nom de diabète, cette espèce de sucre s'y accumule en quantités si considérables, qu'on a pu la reconnaître à une époque où les moyens d'analyse dont la science disposait étaient encore très imparfaits. § 23. — Dans quelques cas le sang renferme, comme nous l'avons déjà vu, des substances qui d'ordinaire n'entrent pas dans sa composition (1) : la proportion de ces principes étrangers est en général très faible, et il serait inutile de revenir en ce moment sur leur étude ; cependant leur influence physiologique peut être considérable, ainsi que j'aurai l'occasion de le montrer dans la suite de ces Leçons. Du reste, la chimie est encore im- puissante à nous faire apprécier diverses variations légères, mais très importantes, qui peuvent se produire dans la constitution du sang, variations dont on aperçoit souvent les effets sans pou- voir en bien saisir la nature. Ainsi les pathologistes citentdes cas dans lesquels le sang paraît agir presque à la manière d'un poison sur l'économie, et a pu transmettre des maladies mortelles d'un animal à un autre (2); mais les moyens d'analyse dont on dis- (1) Voy. ci-dessus page 203. Parmi de sang d'un animal malade dans Tor- ies altérations singulières que le sang ganisme d'un individu bien portant, éprouve parfois, on peut citer aussi le Ainsi Leuret, en injectant dans les cas observé parFourcroy vers la fin du veines d'un Cbeval sain du sang pro- siècle dernier, et dans lequel ce liquide venant directement de la veine jugu- paraît avoir contenu un cyanure de laire d'un Cheval atteint d'une affection fer (a). charbonneuse, a déterminé chez le ('2) On cite des exemples de trans- premier le développement de la raa- mission de certains états pathologiques ladie dont le second était, frappé (6). d'un individu à un autre, au moyen Magendie a rapporté aussi l'obser- de l'inoculation d'une petite quantité vation d'un Cheval mort d'inanition, (a) Fourcroy, Observ. sur une singulière altération du sang par l'effet d'une maladie (Ann. de chimie, 1789, t. I, p. 65). (b) Leuret, Rech. et expér, sur les altérations du sang (Arcli, gén. de méd., d 826 , t. II, p. 107). Matières anormales. 304 SANG. pose sont encore trop grossiers pour que l'on puisse les appli- quer utilement à l'élude de ces singulières altérations. C'est aussi à dessein que j'omets de parler ici des différences que le sang présente dans diverses parties de l'économie, et plus particulièrement des caractères propres au sang artériel et au sang veineux. C'est un sujet qui trouvera mieux sa place- dans notre prochaine Leçon. Résumé. § 2li — En résumé, nous voyons donc que le sang est une humeur dont la composition est sujette à des variations consi- dérables ; que les diverses matières constitutives de ce liquide s'y renouvellent continuellement, et que l'abondance plus ou moins grande de chacune d'elles dépend des rapports qui exis- tent entre l'activité fonctionnelle du travail alimentateur et du travail éliminateur. Dans l'état normal , ces variations ne se produisent que dans des limites déterminées pour chaque espèce zooiogique, et il résulte de l'influence des deux forces contraires dont il vient d'être question une sorte d'équilibre instable; mais dans l'état de maladie cet équilibre est presque toujours rompu , et la composition du sang s'éloigne plus ou moins de ce que l'on peut considérer comme réalisant sa con- stitution typique. Ainsi tantôt il y a : Spanémie, ou appauvrissement du sang, la proportion des globules rouges étant au-dessous du taux ordinaire. chez lequel le sang non - seulement sang trouvé dans le cadavre de cet avait perdu sa coagulahilité, mais était animal était presque entièrement fluide devenu acide. Une certaine quantité et ne donnait pas de réaction alcaline, de ce sang (après avoir été conservée Cependant injecté dans les veines d'un huit jours, et lorsqu'il répandait une autre Chien, il détermina également la odeur piquante) fut injectée dans les mort de celui-ci et des altérations ana- veines d'un Chien, et en détermina la logues dans le sang de cet animal (a\ mort au bout de quelques heures. Le (a) Magendie , Leçons faites au Collège de France en i 851-52, et extraites de YUnion médicale, p. 33 et 37. VARIATIONS DAJNS SA COMPOSITION. 305 D'autres fois il y a : Leucémie, ou excès de globules blancs. D'autres fois encore r Hypérinose, ou excès de fibrine ; Hypinose, ou défaut de fibrine ; Piarrhémie, ou excès de matières grasses; Mélitémie, ou excès de matières sucrées ; Urémie, ou excès de principes urinaires ; Cholémie, ou présence de produits biliaires (1), Les faits que nous avons passés en revue semblent montrer aussi que les deux parties constitutives fondamentales du sang sont, indépendamment de l'eau qui leur sert de véhicule, d'un côté les globules, de l'autre l'albumine ; que sa puissance physio- logique dépend essentiellement des globules, et que l'albumine est en quelque sorte une matière première qu'elle fournit aux divers organes pour subvenir aux besoins de leur travail nutritif. Nous avons vu aussi que les principes salins contenus dans le plasma sont nécessaires à l'existence des globules héma- tiques, et nous verrons bientôt qu'ils ont encore d'autres usages d'une grande importance; mais les variations que nous avons rencontrées dans les proportions de ces matériaux inorganiques du sang semblent indiquer qu'aucun d'eux n'est appelé à jouer d'une manière bien active un rôle spécial dans le travail phy- siologique dévolu à l'ensemble dans la constitution du fluide nourricier. L'examen des variations qui s'observent dans les quantités des matières grasses et sucrées nous permet déjà d'entrevoir (1) La plupart de ces noms, dont d'un usage si général, qu'il m'a semblé l'étymologie est facile à saisir, ont été utile de les indiquer ici, bien que les introduits dans le langage physiolo- médecins ne les emploient pas toujours gique par Fr. Simon, et sont devenus exactement dans le sens propre. I. 39 306 SANG. que ces substances sont destinées à être promptement con- sommées dans l'intérieur de l'organisme. Nous avons été conduit à admettre aussi que la fibrine s'élabore dans tous les tissus vasculaires aux dépens de l'albu- mine, et passe dans le sang pour y subir de nouvelles transfor- mations ; que celles-ci sont probablement effectuées, en partie au moins, sous l'influence des globules, et que la fibrine plas- mique, loin d'être, comme on le supposait autrefois, un principe essentiellement récrémentitiel ou assimilable, est un produit du travail éliminatoire dont toutes les parties vivantes sont le siège. Enfin que, sous ce rapport, l'urée semble devoir être classée à côté de la fibrine et ne pas être séparée des matières ammo- niacales dont le sang est parfois chargé. L'étude que nous venons de faire de la constitution physique et de la composition chimique du fluide nourricier ne saurait suffire pour la démons- tration d'aucun de ces résultats, mais elle leur donne un grand degré de probabilité ; et à mesure que nous avancerons dans l'examen des phénomènes de nutrition, nous verrons de nou- veaux faits venir les étayer de tous les côtés. VARIATIONS DANS SA COMPOSITION. 307 TABLEAU N° 2. Composition chimique du sang chez divers animaux (1). Eau. Globules. Fibrine. Albumine. Graisse. Sels. Bœuf (N.) 799 122 3,6 67 2 7 — (P.) 796 123 5 65 2 9 /Terme moyen. 813 97 3,6 86 Bœuf (A.). . . .] Maximum. . . 825 112 4,0 88 (Minimum. 802 85 3,0 83 ! Terme moyen. 807 102 3,8 87 Vaches laitières .] Maximum. . . 818 117 4,4 94 ( Minimum. . . 799 90 3,4 84 Mouton (P.) 798 102 3,2 83 1,7 9,9 Brebis (N.) 828 92 3,0 69 2 7 fv .,, ("Terme moven. 813 101 3,0 82 l vanete Maxim " 830 123 3.8 97 Brebis I nierin. ( ... . _„. oa 0 Q ne. } \ Minimum. . . 790 82 2,3 75 ... ) Variété ( Terme moyen. 810 95 2,6 92 be / Dishley Maximum. . . 822 110 3,3 97 V (A.), i Minimum. . . 795 84 2,0 83 Chèvre (N.) 839 86 3,9 63 0,9 7 ,. , (Maximum... 809 105 3,5 92 Chèvre (A.) . . . | Minimum. ; _ 79g g7 2>8 91 Cheval (N.) 805 117 2,4 67 1,3 7 (Terme moyen. 810 103 4,0 83 Cheval (A,). ... j Maximum. . . 833 112 5,0 91 \ Minimum. . . 796 81 3,0 75 Cochon (N.) 769 145 3,9 73 1,9 7 ("Terme moyen. 809 106 4,6 80 Cochon .... .] Maximum. . . 817 121 5,0 89 (■Minimum. . . 794 92 4,1 74 Chien (N.) 790 124 1,9 65 2 6 _ (p.) 798 126 2,2 63 2 8 /-Terme moyen. 774 148 2,1 75 Chien (A.). . . . \ Maximum. . . 795 176 3,5 89 (Minimum. . . 744 127 1,6 Cl Chat(N) 810 113 2,4 64 2,7 7 _ (P.) 812 150 5,0 48 2,3 10 Lapin (P.) 831 91 3,2 63 2,3 8 Lapin (N.) 817 » 174,0 » 1,9 7 Poule (N.) 793 144 4,7 48 2,0 7 _ (P.) 785 150 5,0 47 2,3 9 Oie (N.) 815 121 3,4 51 2,5 7 Pigeon (P.) 795 143 5,0 48 1,7 9 (1) Les auteurs des analyses mentionnées dans ce tableau sont indiqués par les lettres initiales de leurs noms respectifs. Ce sont : 1° M. Nasse, Ueber das Blut der Hausthiere (Journ. fur praktische Chemie, 1843, Bd. XXVIII, p. 146). 2° MM. Andral, Gavarret et Delafond , Recherches sur la composition du sang de quelques animaux domestiques dans l'état de santé et de maladie (Annales de chimie, 1842, 3e série, t. V, p. 304). 3" M. Pogg-iale, Hecherclies chimiques sur le sang (Comptes rendus des séances de V Académie des sciences, 1847, t. XXV, p. 110). SIXIÈME LEÇON. Sommaire. — Quantité du sang. — Son rôle dans l'organisme ; effets de l'hémorrha- gie, transfusion; importance physiologique des globules hématiques. — Mode de destruction des globules. — Production de ces organites. — Action des tissus vivants sur le sang ; différences entre le sang artériel et le sang veineux. — Retour du sang veineux à l'état de sang artériel. ftTang du § *'■ — Le sang des divers animaux ne varie pas seulement TanT sous *e raPPort de sa richesse plus ou moins grande; on a rorganisme. constaté aussi des différences considérables dans la quantité de ce liquide qui est contenue dans l'organisme , et la tendance générale de ces faits est en accord avec tout ce que nous avons déjà vu touchant les relations qui s'observent entre l'activité vitale de ces êtres et l'état de leur fluide nourricier. La détermination rigoureuse de la quantité de sang existant dans l'économie animale présente de très grandes difficultés, parce qu'on ne peut ni extraire la totalité de ce liquide, ni mesurer exactement la capacité des cavités qui le contiennent, ni déterminer la relation qui existe entre la portion qui s'écoule au dehors quand ces cavités sont ouvertes et celle qui reste dans les diverses parties du corps. La rapidité avec laquelle le sang se renouvelle, tout en s'appauvrissant, à la suite d'hémorrhagies prolongées ou répétées, vient aussi compliquer les investiga- tions de ce genre, et dans l'état actuel de la science on ne saurait accorder beaucoup de confiance aux résultats numé- riques obtenus de la sorte par quelques expérimentateurs et reproduits dans la plupart des ouvrages élémentaires (1). Mais (1) Voyez pour l'indication des i*e- mise largement à profil par ses suc- cherches faites à ce sujet par Allen- cesseurs. Pour les observations plus Moulins, Drelincourt, Haies et quel- récentes, on peut consulter avec fruit ques autres expérimentateurs du siècle le Traité de physiologie de Burdach dernier, la grande Physiologie de ( t. VI, p. 118 ), et le Cours de phy- Haller ( t. II, p. 2 et suiv. ), auteur siologie de M. Bérard (t. III, p. 8 ). dont la vaste et solide érudition a été VARIATIONS DE QUANTITÉ. 309 en tenant compte du poids du sang qui s'écoule rapidement du corps d'un animal que l'on saigne jusqu'à ce que mort s'en- suive, on peut au moins reconnaître que la quantité de ce liquide est très considérable. Herbst (1) a fait des expériences de ce genre chez divers animaux vertébrés, et a vu que le sang qui s'écoule ainsi repré- sente : tï du poids du corps chez le Bœuf; Yë chez le Chien ; £ chez la Chèvre ; jï chez le Mouton ; 73 chez l'Ane ; 4ï chez le Lapin ; ïï chez le Canard. Des résultats assez analogues ont été obtenus récemment par l'observation des produits de l'hémorrhagie chez les ani- maux de boucherie que l'on saigne dans nos abattoirs (2). Mais il est à noter que la facilité plus ou moins grande avec laquelle le sang se coagule chez les divers animaux influe beau- coup sur la portion de la masse totale de ce fluide qui s'écoule au dehors dans les opérations de ce genre. En effet, dans ces hémorrhagies, c'est d'ordinaire par suite de la formation d'un caillot que l'écoulement du sang s'arrête, et non à cause de l'épuisement complet de l'organisme (3). (1) Herbst, Comment, hist. crlt. et (2) M. Vanner a trouvé que chez le Anat. phys. de sanguinis quanlitate, Bœuf, le Mouton et le Lapin la quan- in-Zi°, Gœttingue, 1822. Comme la dis- tité de sang qui peut s'écouler au de- sertation de ce physiologiste est rare, hors de l'économie constitue environ j'ajouterai que les principaux résultats ^ ou -^ du poids du corps (c). numériques de ses expériences ont (3) Amussat , Recherches expéri- été reproduits dans les ouvrages de mentales sur les blessures des vais- Schultz (a) et de Duvernoy (6). seaux sanguins , considérées prin- (a) Schultz, Das System der Circulation. Stuttg., 1836, p. 107. (&) Seconde édition de VAnatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 13. (c) Vanner, Recherches ayant pour objet de déterminer le rapport numérique qui existe entre la Triasse du sang et celle du coi~ps entier chez l'homme et les mammifères (Comptes rendus, 1849, t. XXVIII, p. 649). 310 SANG. Quelques physiologistes ont cherché à résoudre cette question d'une manière indirecte ; mais les diverses méthodes qu'ils ont mises en usage laissent beaucoup à désirer, et doivent être considérées comme fournissant des indications comparatives plutôt que des résultats absolus. Ainsi, M. Valentin pratique à l'animal dont il veut évaluer le sang une première saignée, puis injecte dans ses veines une quantité considérable d'eau salée, et peu de temps après répète la saignée ; il détermine ensuite la quantité de matières solides contenues dans les deux échantillons de sang ainsi obtenus , et en comparant la proportion de ces matières et de l'eau qui existent, d'une part dans le sang normal , d'autre part dans le sang auquel on a mêlé un volume connu d'eau, il en déduit par un calcul très simple la quantité totale de sang avec laquelle cette eau a été mélangée dans l'intérieur de l'orga- nisme (1). Mais cela ne résoudrait la question que si la première saignée ne déterminait aucun changement dans la constitution du sang restant dans l'organisme, si la totalité du liquide cipalement sous le rapport de la d'où l'on tire formation et de l'organisation des by (y -\- c) d caillots spontanés obstrncteurs des îoo- 400 ' artères, etc., 1842. de là (1) C'est surtout chez les Chiens que _ cd ces expériences paraissent pouvoir & — d ' donner des résultats satisfaisants ; car et enfin ces animaux supportent l'injection cd d'une quantité considérable d'eau sa- ' & — à lée sans qu'il en résulte immédiate- x représente le poids total du sang ment ni épanchement, ni trouble no- contenu dans l'organisme ; table dans le mouvement circulatoire. a représente le poids du sang ob- Pour calculer la quantité totale du tenu par )a première saignée ; sang, M. Valentin fait usage des for- y. je poids du sang restant dans mules suivantes : l'organisme après la première, saignée MOïi-s:»-:^, (1) (=x~a)^ 100 b, le poids des matières solides con- , , (y 4- <-) A tenues dans l'unité de poids du sans 100 : d : : (y 4- c) : - ; (-2) ... ., . , 100 de la première saignée ; VARIATIONS DE QUANTITÉ. 311 injecté demeurait dans les vaisseaux et ne s'exhalait pas dans les tissus voisins, et si le mélange entre le sang et l'injection était complet. Or, les deux premières de ces conditions ne sont pas remplies . nous savons qu'à la suite d'une saignée le plasma se renouvelle plus rapidement que les globules, et nous verrons plus tard que les sucs nourriciers en circulation abandonnent de l'eau avec d'autant plus de facilité que la quantité de ce liquide dont ils sont chargés est plus considérable (1). Les expériences de M. Yalentin se trouvent donc entachées d'un vice radical ; mais, tout en n'acceptant pas sans de grandes réserves les résultats auxquels il est arrivé, on peut tirer de ses recherches quelques données relatives qui ne sont pas dénuées d'intérêt. Ainsi, ce physiologiste a constaté que le poids total du sang évalué de la sorte varie d'une espèce à une autre, mais se trouve dans un rapport à peu près constant avec le poids du corps chez les divers individus d'une même espèce. Il pense que le poids du sang constitue : Chez le Chien, 1/4,5 du poids du corps ; Chez le Mo mon, environ 1/5 ; Chez le Chat, 1/7,78; Chez le Lapin, 1/6,20. Ainsi, pour des poids égaux de matière organisée, la quantité c, la quantité d'eau injectée dans Pour avoir confiance dans le résultat les veines et mêlée au sang ; ainsi obtenu, il faut supposer que la d, la quantité relative des matières quantité de sulfate d'alumine em- solides contenues dans l'unité de poids ployée reste tout entière dans le sang du sang dans la deuxième saignée (a). sans qu'aucune portion de ce sel ne se Un physiologiste américain, M. Bla- fixe dans les tissus du corps , ni s'é- ke, a cherché à évaluer la quantité chappe hors des vaisseaux par la voie absolue de sang par un autre procédé des sécrétions ou des exhalaisons , ce qui repose sur un principe analogue. qui est peu probable. Quoi qu'il en Tl injecta dans les veines d'un animal soit, l'auteur en conclut que le sang vivant une quantité connue de sulfate du Chien constitue ~ ou \ du poids d'alumine, puis il dosa ce sel dans total de son corps (b). une quantité déterminée du sang. (1) Veit a cherché à prouver que ces (a) Valentin, Versuch ùber die in dem thierischen KOrper enthaltene Blutmenge (Repertorium fur Anatomie und Physiologie, 1837, Bd. II, p. 281). (&) Voy. Lond, Med. Journal, .lune 1850, p. 50, et Philadelphia Med. Examiner, Aug. 4849. 312 SANG. de sang dont la machine vivante est pourvue serait d'environ un tiers plus grande chez le Chien que chez le Lapin . Des expériences de ce genre n'étaient pas praticables chez l'homme; mais, d'après diverses considérations assez plausibles, M. Valentin a été conduit à admettre que le poids du sang es- timé de la sorte représenterait environ 23 centièmes du poids du corps (1). Plus récemment un autre physiologiste de l'Allemagne , M.Welcher,acherché à déterminer, par un procédé différent, objections n'ont pas toute la gravité qu'on serait porté au premier abord à y attribuer (a) ; mais M. Donders a re- marqué avec raison que les arguments dont il fait usage dans ce but sont loin d'être satisfaisants (b). (1) Cela donnerait, pour les hommes de stature ordinaire, entre 15 et 20 ki- logrammes de sang. La plupart des physiologistes n'évaluent cette quan- tité qu'à 10 ou 15 kilogrammes. Dans un cas de décapitation observé par Wrisberg (c) , il s'écoula du corps d'une femme environ 12 kilogrammes de sang. Or le poids du corps d'une femme robuste ne dépasse guère 60 à 70 kilogrammes, et par conséquent on peut admettre que chez cet indi- vidu le poids du sang constituait en- viron 7 ou \ du poids total du corps ; évaluation qui se rapproche beaucoup de celle donnée par Quesnoy, Hoff- mann, etc., savoir : 27 à 28 livres (d). MM. Lehmann et Ed. Weber ont fait des expériences du même genre sur deux suppliciés (e). Ils pesèrent ces individus avant et après la décapita- tion, et par la différence de poids ils évaluèrent la quantité de sang qui s'était écoulée de leur corps. Puis ils injectèrent dans les artères du tronc et de la tête de l'eau jusqu'à ce que ce liquide, en sortant par les veines fût, presque incolore ; et d'après le poids relatif des matières solides contenues dans le sang qui s'était d'abord échappé et dans l'eau sanguinolente ainsi obte- nue, ils calculèrent la quantité de sang qui pouvait être restée dans le cadavre. Ainsi, dans un cas, le condamné pe- sait 60,1Z|0 grammes, et son cadavre, après ladécapitalion,5/i,600grammes. Par conséquent le sang répandu devait peser 5,5Zi0 grammes : 28gr,5 de ce sang donnèrent par l'évaporation5sr,36 de résidu solide Après l'injection de l'eau dans les vaisseaux du cadavre, on recueillit 6,050 grammes d'eau sangui- nolente, laquelle donna par évapora- tion environ 37 grammes de résidu solide. Ce résidu correspond à ce qui aurait été fourni par 1,980 grammes de sang. Par conséquent, le corps de cet individu contenait au moins 5540 + 1980 = 7520 grammes de sang. La proportion du sang au poids (a) Veit, Observationum de sanguinis quantitate nuperrime institutarum recensio, 1848. (b) Donders, Physiologie des Menschen, iibersetzt von Theile, 1856, 1. 1, p. 160. (c) Voy. Burdach, Traité de ])hysiologie, t. VI, p. 116. (d) Voy. Haller, Elem. phys., t. II, p. 5. (e) Lehmann, Lehrbuch der physioloyischen Chemie, 1853, t. II, p. 234, VARIATIONS DR 'QUANTITÉ. 343 la quantité de sang contenue dans l'organisme, et a été conduit à une estimation moins élevée; mais, de même que M. Valentin, il a trouvé des différences remarquables suivant les espèces, et les résultats qu'il a obtenus, étant au moins comparables entre eux, peuvent jeter quelques lumières sur l'abondance plus ou moins grande du liquide nourricier dans les diverses classes d'animaux vertébrés. Par la saignée et le lavage des tissus du cadavre dans une quantité connue d'eau, il recueille aussi com- plètement que possible tout le sang contenu soit dans les vais- seaux, soit dans la substance des divers organes ; puis, à l'aide d'un procédé chromométrique très simple, il compare la quantité d'hématosine ainsi obtenue avec le nombre de globules de sang de l'homme, dont il faut faire usage pour teinter avec le même degré d'intensité la même quantité d'eau (1). M. Welcher a trouvé de la sorte que sur 100 parties d'orga- nisme, le poids total du sang pouvait être représenté par : 1,07 chez la Perche œuvée ; l,oZi chez la Perche après la ponte; 1,87 chez la Tanche; 5,81 chez la Grenouille après la ponte; 5,96 à 7,27 chez le Lézard; 8,00 chez la Souris; 8,49 chez un oiseau (le Sansonnet). Ainsi, parmi les animaux vertébrés, ceux qui ont le moins du corps était donc ici dans le rap- cher (voy. ci-après), et il n'a trouvé port de 1 à 8. de la sorte dans le corps d'un suppli- ai. Lehmann ne présente pas ces cié qu'une quantité de sang estimée à résultats comme étant d'une grande un peu moins de 5 kilogrammes, ou exactitude, mais comme pouvant don- £ du poids du corps (a). ner une idée approximative de la quan- (1) Welcher, Blutkorperchenzclh- tité de sang contenue dans le corps hu- lung und farbeprufende Méthode main. ( Vierteljahrschrift fur die prafetische Enfin, le professeur Bischoff, de Heilkunde , herausgegeben von der Munich, a cherché à résoudre la même med. Fac. in Prag., 1854, Bd. IV, question à l'aide du procédé de M. Wel- p. 11, t. XXXIV de la grande série,), (a) Bischoff, Bestimmung des Blutes bei einem Hingerichteten (Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, von Siebold und Kôlliker, d855, t. VII, p. 33-1). I- kO 31 fr SANG. de sang Sont précisément ceux dont l'activité physiologique est la plus faible, et ce sont les Mammifères, puis les Oiseaux, qui, à poids égaux, sont le plus abondamment pourvus de ce fluide nourricier. M. Welcher a trouvé aussi par ce mode d'appréciation que la quantité relative de sang doit être plus élevée chez l'homme que chez la femme; résultat qui ressort également des expé- riences de M. Valentin. § 2. — La quantité de sang existant dans le corps diminue beaucoup par l'effet de l'abstinence. Les animaux que l'on a privés d'aliments et que l'on fait périr d'hémorrhagie n'en fournissent que très peu comparativement à ce qu'ils en don- nent dans les conditions ordinaires (1) ; mais les expériences de M. Valentin tendent à prouver que cette diminution n'est pas plus grande que les pertes subies par les autres parties de l'or- ganisme, et que dans la plupart des circonstances les rapports (1) M. Collard de Martigny a étudié résultats analogues, et l'auteur ajoute d'une manière spéciale l'influence de que chez les animaux morts de faim l'abstinence sur la quantité de sang, tous les tissus paraissent privés de en saignant de la même manière des sang, même ceux qui en contiennent animaux de même portée, les uns dans généralement le plus, et qu'on trouve les conditions ordinaires d'alimenta- seulement une petite quantité de ce tion, les autres plus ou moins long- liquide dans les cavités du cœur et à temps après qu'ils eurent été com- l'origine des gros vaisseaux (a). plétement privés d'aliments. Cliez des Dans les expériences de M. Chossat Lapins il a trouvé ainsi : sur l'inanition , l'influence de l'absti- Gram. nence sur la quantité de sang existant Dans l'état normal, chez un individu, dans le corps a été également très environ 31 marquée. Ce physiologiste a trouvé Chez un autre dans les mômes condi- , , , ,.,_,, tions 29 que chez les Pigeons la différence entre Après trois jours d'abstinence. ... 20 les individus qui sont suffisamment Apres sept jours d'abstinence .... 13 . ■ . . .. j Après dix jours d'abstinence 1 blGn n0llmS> Ct CeilX <ÏU1 eurent de faim, est dans les rapports d'environ Une autre expérience donna des 13 à 5 (6). (a) Rech. sur les effets de l'abstinence complète des aliments solides et liquides (Journ. de physiol. de Magendie, 1828, t. VIII, p. 152). (6) Chossat, Recherches expérimentales sur l'inanition (Mémoires de l'Académie des sciences : Savants étrangers, t. VIII, p. 507, lab. 40). VARIATIONS DE QUANTITÉ. 315 restent les mêmes entre le poids du corps et le poids du fluide nourricier. D'un autre côté, une bonne alimentation tend à augmenter la masse du sang ; mais, chez les animaux qui deviennent sur- charges de graisse, cette augmentation n'est pas proportionnelle à celle du poids du corps : pour s'en convaincre, il suffit d'exa- miner à ce point de vue les expériences de M. Boussingault sur l'engraissement des animaux de ferme (1). J'ajouterai encore que, d'après les résultats fournis par les recherches de M. Welcher, la quantité du sang paraît diminuer dans la plupart des maladies (2) ; et que, d'après quelques expériences dues à M. Vierordt, il semblerait y avoir pour des animaux de même espèce une proportion plus forte de ce liquide chez les individus de petite taille que chez ceux dont le corps est très volumineux (3), tendance qui s'accorderait très (1) Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, etc., t. H. Chez les Oies maigres la quantité de sang recueillie était, dans ces expé- riences, d'environ ~ du poids total de l'animal, et chez les Oies grasses d'environ^ (Op. cit., t. II, p. 609). Dans l'engraissement des Porcs, pen- dant que la chair musculaire s'élevait de 396 à /jl/i, et la graisse de '255 à 273 millièmes, le sang recueilli n'a augmenté que d'environ 2 millièmes (Op. cit., p. 601). Pour apprécier ces faits à leur juste valeur, il faut se rappeler que l'aug- mentation du poids du corps, par suite de l'accumulation de la graisse, n'est pas l'indice d'un accroissement dans la puissance physiologique de l'indi- vidu. Celui-ci dans son état normal sera plus vivace et plus fort, et par conséquent il y a ici deux causes qui doivent tendre à abaisser la proportion entre le poids du corps et le poids du sang, savoir, d'une part, ralentisse- ment dans l'activité vitale; d'autre part, surcharge inutile de la machine physiologique. (2) M. Andral a vu aussi des cas d'anémie où la quantité de sang pa- raissait être beaucoup diminuée. Il cite l'observation d'un ouvrier de la mine d'Anzin, dont tous les vaisseaux furent trouvés, lors de l'autopsie, vides de sang et ne contenaient qu'un peu de sérosité (a). (3) La méthode d'évaluation em- ployée par le professeur Vierordt repose comme celles de MM. Valentin, Welcher, etc., sur la comparaison du sang normal et du sang étendu d'une certaine quantité de liquide ; seule- (a) Andral, Précis d'anatomie pathologique, t. I, p. 85. 316 SANG. bien avec divers faits relatifs à l'activité du travail respiratoire, que nous aurons à étudier dans une des prochaines leçons. § 3. — Ainsi les différences qui se remarquent dans la quantité de sang dont les organismes sont pourvus, paraissent coïncider avec les circonstances physiologiques dans lesquelles nous avons déjà vu la richesse de ce liquide varier, soit que l'on compare entre elles les diverses espèces zoologiques, soit que l'on examine les différences qui se rencontrent d'individu à individu d'une même espèce, soit enfin que l'on tienne note ment M. Vierordt.. au lieu d'injecter de l'eau ou une dissolution saline dans les veines de l'animal pour obtenir le second terme de cette comparaison, se borne à pratiquer deux saignées à un intervalle de temps qu'il suppose suf- fisant pour que le volume du liquide en circulation soit remonté au taux primitif par le fait de la résorption de la sérosité circumvasculaire. Admet- tant que le volume du sang en circu- lation soit le même au moment des deux émissions sanguines, la quantité de liquide séreux dont ce liquide se sera chargé après la première opéra- tion sera équivalente à celle du sang enlevé par cette saignée, et la diffé- rence dans le nombre des globules avant et après cette dilution dépendra de la quantité totale de sang existant dans l'économie. Ainsi, en représen- tant par c le nombre des globules hé- matiques contenus dans un volume déterminé de sang avant la saignée ; par c', ce nombre pour une même valeur de sang après la saignée ; par V, le volume du liquide résorbé, ou ce qui revient au même, le volume du sang soustrait par la première saignée, M. Vierordt effectue le calcul suivant : V (1 + c') d'où il tire v 0+7^> Mais, comme on le voit, tout cela repose sur l'hypothèse du rétablisse- ment du volume primitif du sang par la résorption de la sérosité circum- vasculaire, car sans cela V serait une inconnue. Or cette donnée ne résulte d'aucune expérience directe et me paraît pour le moins fort discutable. Quoi qu'il en soit, en opérant de la sorte et en dénombrant les globules dans les deux échantillons, M. Vier- ordt estime que chez le Lapin la tota- lité du sang contenu dans l'organisme correspond à environ 1/16 du poids du corps, tandis que chez le Cbien ce se- rait au moins 1/11. Un Chien de petite taille lui a donné ime proportion beau- coup plus forte, mais qui évidemment devait dépasser la réalité (a). (a) Vierordt, Deitrâge zur Physiologie des Blules : Unlersuchung ueber den Einfluss der lilutentziehunçi auf die MengenverhâUnisse der Ulutkorperchen (Arch. fur physiol. Heilk,, 1854, Bd. XIII, p. 2T4 et suiv.). EFFETS DE l'hÉMORRHAGIE. 317 des modifications que l'état de santé ou de maladie détermine dans la composition du fluide nourricier d'un même individu. Tous ces faits tendent donc à montrer qu'il existe des rap- ports intimes entre la puissance de cet agent de la nutri- tion et l'activité vitale de l'organisme; liaison qui se manifestera de plus en plus nettement à mesure que nous avancerons dans nos études. § h. — La sortie d'une quantité un peu notable de sang est Effets de toujours suivie d'un grand affaiblissement de l'organisme. Si rhémorrhagie. l'écoulement du fluide nourricier a lieu d'une manière lente et fractionnée, la plupart des animaux peuvent en perdre beaucoup sans que la mort soit une conséquence immédiate de l'hémor- rhagie, car le sang est alors reproduit plus ou moins complè- tement par suite du travail physiologique dont l'économie ani- male est toujours le siège (1). Mais lorsque l'écoulement du liquide se fait rapidement, il en résulte bientôt des accidents graves. Les premiers effets d'une hémorrhagie abondante sont chez l'homme un sentiment de défaillance et de refroidissement, qui est bientôt suivi du ralentissement du pouls et de la respi- ration ; la face se décolore, les sens s'émoussent, la volonté devient impuissante à exciter des mouvements ; puis la sensi- bilité se perd, et l'on tombe en syncope. Si la perte de sang continue encore, la vie semble se retirer de plus en plus de ce corps inanimé, les battements du cœur s'affaiblissent et devien- (1) Cette réparation des pertes pro- ment où l'hémorrhagie allait devenir duiles par rhémorrhagie est rendue mortelle, ce physiologiste a pu, tout en bien évidente par les modifications que maintenant ranimai à la diète, en ob- le sang lui-même présente à la suite de tenir encore 10 ou 12 onces de sang, le saignées répétées (voy. p. 250, 265), lendemain, et le saigner encore après et surtout par les expériences directes un ou deux jours de repos. ( Note sur de M. Piorry, dans lesquelles ayant les émissions sanguines, dans Arch. arrêté une première saignée an mo- gên. de méd., 1826, t. X, p. 138. 318 SANG. nent rares, la respiration devient petite et laborieuse ; souvent aussi des déjections involontaires et des mouvements convulsifs ont lieu ; presque tout indice de vie disparaît, et à cet état de mort apparente succède bientôt la mort elle-même. Des phénomènes analogues s'observent chez tous les animaux quand ils perdent leur sang, et en général la mort est d'autant plus rapidement la conséquence de l'hémorrhagie, que l'animal vit pour ainsi dire d'une vie plus active. Ainsi chez les Mammi- fères, et surtout chez les Oiseaux, ce résultat fatal arrive quelques instants après que l'écoulement libre et rapide du sang s'arrête spontanément, tandis que les Batraciens et les Poissons de- venus ainsi exsangues peuvent continuer de vivre pendant plusieurs heures (1). Au premier abord, on a pu croire que les effets funestes des hémorrhagies intenses dépendent essentiellement du fait delà diminution du volume des liquides en circulation ; mais il en est autrement. Des expériences faites avec beaucoup de préci- sion montrent que la mort est déterminée par la soustraction des globules hématiques plutôt que par celle de l'ensemble du fluide nourricier. Ainsi quand le sang ne s'écoule que lente- ment, les liquides répandus dans les tissus circonvoisins affluent dans les vaisseaux sanguins et contre-balancent en partie les pertes éprouvées par le fluide nourricier ; mais la mort n'en arrive pas moins dès que le nombre de globules que ce fluide charrie tombe au-dessous d'une certaine limite, Ainsi, dans les expériences de M. Vierordt, dont il a été question dans la (1) Ainsi, dans les expériences de presque totalité de leur sang. Des Sa- mon frère W. Edwards sur les Batra- lamandres devenues exsangues de la ciens, des Grenouilles placées dans des même manière ont vécu plus de vingt- circonstances favorables ont vécu six quatre heures (a). Des expériences heures après qu'on leur eut enlevé le analogues avaient été faites précédem- cœur, et qu'elles eurent perdu la ment par Ilaller (6). (a) Mém. sur l'asphyxie chezles Batraciens (Ann. de chim. etphys., 1817, i. V, p. 359, etc.) (b) Haller, Opéra minora, t. I, p. 116. TRANSFUSION. 319 précédente leçon, les chiens ont péri quand, par suite des émissions sanguines, le nombre de ces corpuscules était des- cendu à environ moitié de la proportion normale, et chez le Lapin la mort est survenue avant que l'affaiblissement du sang- fût devenu aussi considérable (1). § 5. — Lorsque le sang, bien qu'il ne s'épanche pas au EfJeet9 dehors et continue à vivifier les parties essentielles de l'orga- l'oblitération 1 des vaisseaux nisme, cesse d'arriver dans une portion du corps, il en résulte sanguins. également des phénomènes qui sont de nature à nous éclairer sur le rôle de ce fluide dans l'économie animale. Swammerdam, Stenon, Haller et un grand nombre d'autres physiologistes (2), ont vu que si l'on oblitère au moyen d'une ligature le grand vaisseau qui porte le sang dans toute la partie postérieure du corps, celle-ci est aussitôt privée de la faculté de se mouvoir et de sentir, et toutes les fois que, par des moyens mécaniques analogues, on empêche d'une manière permanente l'arrivée du sang dans un organe, on détermine dans celui-ci une mort partielle (2>). § 6. — Les résultats fournis par l'observation des effets de Transfusion. l'hémorrhagie trouvent pour ainsi dire une contre-épreuve dans une opération qui, après avoir occupé fortement les esprits (1) Dans les deux expériences sur rimentales sur les conditions néces- les effets des hémorrhagies successives saires à l'entretien et à la manifes- chez les Chiens, dont les résultats sont tation de l'irritabilité musculaire présentés avec détail dans le Mémoire {Examinateur médical, 18M). de M. Vierordt, la mort est arrivée (3) Cette expérience ne réussit pas quand les globules sont descendus à également bien sur les petits vaisseaux, 52 pour 100 de la proportion nor- parce que leur ligature n'arrête pas la maie de ces corpuscules. Chez le Lapin circulation dans les organes situés au la mort a eu lieu quand ce nombre delà du point obstrué, le sang conti- relatif est tombé à 68 pour 100 (a). nuant d'y arriver par des voies laté- (2) Voy. Haller, De motu sanguinis raies. Nous reviendrons sur ce sujet, per cor, exp. 52 (Opéra minora, t. 1, lorsque nous étudierons la contracti- p. 7Z|). — Longet, Recherches expé- lité musculaire. (a) Vierordt, Beitrdne %ur Physiologie des Blutes (Archiv fur physiologisclie Heilkunde, 1854, t, XIII, p. 273). 320 SANG. vers le milieu du xvne siècle, est tombée presque aussitôt dans un discrédit complet, et a été jusqu'à ces dernières années né- gligée desnaturalist.es aussi bien que des médecins, parce qu'on y voyait une méthode curative hasardeuse plutôt qu'une simple expérience physiologique : c'est la transfusion du sang. L'idée de renouveler directement le sang dans l'intérieur du corps vivant remonte à l'antiquité, car il en est question dans le poëme d'Ovide (1); et au commencement du xvue siècle cette opération hardie fut préconisée par un chimiste célèbre de l'Al- lemagne, Libavius (2); mais elle ne fut réalisée qu'en 1665 par un expérimentateur dont le nom reviendra plus d'une fois dans le cours de ces leçons, Richard Lower. Bientôt après , l'opé- ration de la transfusion du sang fut tentée sur l'homme par un médecin de Paris, nommé Denis, et après avoir été préconisée outre mesure comme moyen curatif, elle devint l'objet de criti- ques très vives et fut même prohibée par arrêt du parlement, à cause des accidents funestes qui étaient résultés de son emploi. L'attention y fut de nouveau appelée, il y a environ trente ans, par Blundel et par quelques autres écrivains, et aujourd'hui on y a recours parfois avec avantage pour soutenir les forces des malades près de périr d'hémorrhagie. Mais c'est surtout comme expérience physiologique qu'elle offre un grand intérêt, et c'est sous ce rapport seulement que j'ai à vous en parler ici (3). Quand on saigne un Chien au point de lui faire perdre 5 ou (1) Méclée , feignant de céder aux (3) Les expériences sur la transfu- prières des filles de Pélias, qui lui sion du sang furent en quelque sorte demandaient de rendre à leur père sa préparées par celles relatives à Pin- jeunesse et sa vigueur, s'exprime en jection (ou infusion , comme on disait ces termes : alors) de diverses substances médica- 0l ■-,.., ,- . , ., menteuses et autres dans les vaisseaux Slnngite, ait, gladios : -veleremque haurite [cruorem, sanguins d'animaux vivants. Vers le Ut repleam vacuas juvenili sanguine venas. milieu du XVIIe siècle, 011 s'en OCCU- (Métam, lib. VII.) paît de toutes partgi Ainsi ? Boyle s (2) Libavius , Appendice necessaria guidé par les idées de Wren, pro- syntagmatis arcanorum chymico- fesseur d'astronomie à Oxford, fit di- rum, cap. iv, p. 7. Halae, 1615. vers essais de ce genre en Angle- TRANSFUSION. 321 6 pour 100 de son poids, il tombe dans l'état de faiblesse extrême dont j'ai parlé il y a quelques instants; et lors même qu'on arrête l'hémorrhagie, il meurt dans l'espace de quelques terre (a) ; Fracassati à Pise (6), Graaf en Hollande (c), et plusieurs autres mé- decins publièrent les résultats d'opé- rations analogues. D'après la manière dont la nouvelle des expériences de Lower fut annoncée au public, on voit qu'à cette époque on discutait déjà sur la possibilité de l'opération de la transfusion du sang, mais qu'on la considérait généralement comme étant impraticable, lorsque ce physiologiste la fit pour la première fois , en 1665, sur un Chien (d). La transfusion dusang chez l'homme fut pratiquée pour la première fois, à Paris, par Denis, en 1667, après que ce médecin eut répété les expériences de Lower sur les animaux (e). Lower et King à Londres (f) , Major en Allemagne (g) , Manfredi à Home (h), et plusieurs autres expérimentateurs hardis suivirent son exemple ; mais bientôt des accidents funestes se mul- tiplièrent , et un médecin de Paris, G. Lamy, s'éleva avec force contre cette opération devenue meurtrière («'). Enfin, un arrêt du parlement de Paris, en date du 17 avril 1G68, en prohiba l'emploi sans l'assentiment préalable de la Faculté de Paris (j). La transfusion était depuis long- temps tombée dans l'oubli ou citée comme un exemple de la folie impru- dente de quelques médecins d'un autre siècle, lorsqu'on 181 8 un chirurgien an- glais, M. Blundell, y appela de nouveau l'attention des praticiens et fit à ce sujet des expériences intéressantes (k). Bien- tôtaprès, MM. Prévost et Dumas firent, au point de vue physiologique , de nouvelles recherches sur l'action du sang étranger ainsi introduit dans l'organisme [h, et en 1823, après avoir répété publiquement les princi- pales expériences sur la transfusion chez les animaux, je portai devant la Faculté de médecine de Paris la propo- sition devenue si malsonnante depuis la décision du parlement, en y soute- nant que dans certains cas déterminés (a) Yoy. Boyle, Usefulness of Expérimental Philosophy, part, n, ess. 2. p. 53, 55, and Philos- Trans., 1665, vol. I, p. 129. (6) Régnier de Graaf, Disputatio medica de natura et usu succi pancreatici, 1664. (c) Anat. epist. de lingue, etc., 1655, et Journ. des sav., 1767, p. 142. (d) Voyez les communications de Boyle à ce sujet dans les Trans. Phil. du 19 nov. et 17 déc. 1666, t. 1, p. 352 et 353, ainsi qu'un article dans le Journal des savants du 31 janvier 1667, p. 31, et l'ouvrage de Lower : Tractatus de corde, 1669. (e) Joum. des savants, 1667, p. 69 et 134. (f) Philos. Trans., 1667, p. 557. (g) Chirurgia infusoria, 1667. (h) Prodromxis à se inventai chirurgioz infusoria:, 1064, et De transfusione sanguinis, 1668. (i) Lettre contre les prétendues Militez de la transfusion [Joxmi, des sav., 1668, p. 14), (j) Pour plus de détails sur ce point de l'histoire de la science on peut consulter aussi : Clarck, Letter on the Origin of Injection into the Veins, the Transfusion of Blood, etc, [Philos. Trans., 1008, p. 172). Mercklin, De ortu et occasu transfusionis sanguinis, 1670, in- 8, Santinellus, Confusio transfusionis sanguinis, 1008. (k) Blundell, Eitp, on the Transfusion of Blood {Mcdico-Chlrurg. Trans., 1813, vol. î\', p, 50), [l) Examen du sang, etc. {RM. unir. de. Onfve, 1821, t. XVII, "t Avanies de. chimie, 1821, t, XY'l!, p. 29i). L M 322 SANG. heures (1). Mais quand on a laissé l'écoulement du sang con- tinuer jusqu'à ce que l'animal soit tombé même dans un état de mort apparente, il suffit d'injecter dans ses veines une certaine quantité de sang tirée du corps d'un autre animal de même nature pour ranimer subitement cette espèce de cadavre. Si la transfusion a été convenablement faite, on le voit alors respirer librement ; son corps se réchauffe ; bientôt ses mouvements deviennent faciles ; il prend sa nourriture comme d'ordinaire, et ne tarde pas à se rétablir complètement. Cette belle expérience ne prouve pas seulement combien le sang est nécessaire à la vie ; elle montre également bien que les propriétés physiologiques de cet agent sont dues en grande partie aux globules que le plasma charrie. Effectivement, MM. Prévost et Dumas ont constaté que si le sang chargé de ses globules ranime ainsi la vie près de s'éteindre, il n'en est pas de même du sérum privé de globules et de fibrine. En injectant de ce liquide dans les veines d'un Chien exsangue, cette opération pouvait et devait même influer sur la réussite de l'opéra-* être introduite dans la pratique médi- tion. M. Bérard a réuni une douzaine cale (a). d'observations de transfusion prati- L'exemple donné par M. Blundell (6) quée sans accidents, et souvent avec fut suivi par plusieurs médecins, et grand succès, chez des malades, paï- en 1825 il publia l'ensemble de ses quelques médecins français aussi bien observations. Depuis lors on eut re- que par des étrangers (c). Les princi- cours avec avantage à la transfusion, pales recherches expérimentales faites dans un certain nombre de cas où le au point de vue de la physiologie, malade paraissait être sur le point de depuis la publication du Mémoire de périr par hémorrhagie, surtout dans MM. Prévost et Dumas, sont celles de des accidents de couches, et l'on a Dieffenbach (d) et de Bischoff (e). étudié d'une manière suivie et judi- (1) M. Piorry a constaté que l'on cieuse les circonstances qui peuvent peut impunément, sur presque tous (a) Propositions soutenues à la Faculté de médecine de Paris en 1823 ; thèse n° 73. (6) Blundell, Some Remarks on the Opération of Transfusion (Researches, Anatomical and Physiological, in-8", 1825, p. 63). (c) Voy. Cours de physiol., t. III, p. 219. (d) Dieffenbach, Die Transfusion des Blutes, 1828. (e) Bischoff, Deitrâge zur Lehre von dem Blute, etc. (Miïller's Arch., 1835, p. 347), et Ueber Transfusion (Miïller's Arch., 1838, p. 351). TRANSFUSION. 323 ils n'obtinrent aucun des effets que produit la transfusion du sang dans son intégrité, et le résultat fut le même que dans des cas où ils poussèrent de l'eau tiède au lieu de sang dans les vais- seaux de ces animaux (1). D'autres expériences faites par les mêmes physiologistes montrent que le sang privé de fibrine par le battage, mais encore chargé de ses globules, agit dans ces circonstances comme le sang non déiibriné (2). Nous sommes donc, encore une fois, amenés avoir dans les globules du sang l'élément vivifiant par excellence du fluide nourricier, et à attribuer à ces organites un rôle des plus impor- tants dans l'économie animale. Une expérience très élégante, faite récemment par un des jeunes physiologistes de l'École parisienne, M. Brown-Séquard, montre encore mieux la puissance vivifiante du sang. Lorsque, par suite de l'interruption de la circulation sanguine, les parties contractiles de l'organisme ont perdu leurs propriétés vitales, et que la rigidité cadavérique s'y est déclarée, on peut les leur rendre en injectant du sang dans leurs vaisseaux. Les nerfs et la moelle épinière, dont les fonctions sensitives sont suspendues par l'interruption de la circulation, recouvrent aussi leurs propriétés physiologiques dès que le cours du sang se rétablit dans leur intérieur (3) . les Chiens, tirer en une seule saignée une quantité de sang équivalente au jV ou ^ du poids de son corps ; mais que la mort a lieu si Ton dépasse de très peu cette limite (Arch. de méd., 1826, t. X, p. 138). (1) Examen du sang (Annales de chimie, t. XV III, p. 295). (t>) Loc. cil. Le même résultat a été obtenu plus récemment par MM. Dief- fenbach et Bischoff. Op. cit.) (3) Des observations du même genre avaient été faites précédemment par M. Kay (a) ; mais M. Brown-Séquard les a complétées et rendues plus in- structives (6). Les résultats obtenus par ce physiologiste ont été vérifiés par M. Stannius. L'action vivifiante exer- («) J.-P. Kay, Treatise on Asphyxia. In-8, London, 183-i. (b) Brown-Séquard, Sur la persistance de la vie dans les membres atteints de la rigidité qu'on appelle cadavérique (Compt. rend, de l'Acad. des se., 1851, t. XXXII, p. 855). — Rech. expériment. sur la faculté que possèdent certains éléments du sang de régénérer les propriétés vitales (Compt. rend., 1855, t.XLI, p. 629). Importance des globules. 324 SANG. Action différente du sang1 suivant les espèces. Ainsi, quand on lie l'aorte ventrale sur un Chien vivant, les propriétés vitales disparaissent aussitôt dans le train de derrière et la rigidité cadavérique s'y manifeste ; mais si on lève alors l'obstacle qui s'opposait au passage du sang, on voit la vie apparaître de nouveau dans les parties qui semblaient mortes : elles redeviennent sensibles et exécutent des mouvements volon- taires comme avant l'opération. § 7. — Les recherches modernes sur la transfusion ont conduit aussi à d'autres résultats dignes d'intérêt. Lorsqu'on introduit dans l'organisme d'un animal du sang provenant d'un autre animal d'espèce différente, les effets de l'opération ne sont pas les mêmes que lorsque les deux individus entre lesquels l'échange du fluide nourricier a lieu appar- tiennent à la même espèce. 11 semble aussi qu'en général la différence dans l'action du sang est d'autant plus grande, que les animaux sur lesquels on opère offrent entre eux des dissem- blances plus profondes. Effectivement, c'est seulement par la transfusion du sang provenant d'un individu de la même espèce que des animaux devenus exsangues par suite d'une hémorrbagie ont pu être rendus à leur état normal ; et lorsqu'au lieu de remplacer le sang qu'ils avaient perdu par du sang semblable, on a employé le fluide nourricier d'un animal de même classe, mais d'un genre différent, le rétablissement n'a été qu'incomplet. Ainsi, dans les expériences de MM. Prévost et Dumas, lorsque du sang de Vache ou de Mouton était transfusé dans des Chats ou des Lapins, l'animal exsangue se ranimait d'abord, mais ne recou- cée de la sorte par le sang se mani- feste également bien lorsqu'on emploie ce liquide dans son état normal ou dé- fibriné ; mais ne s'observe pas lorsque c'est du sérum dépouillé de globules que l'on injecte dans les vaisseaux des parties atteintes de rigidité cadavé- rique. M. Brown-Séquard a constaté aussi que les propriétés vivifiantes du sang sont dans ces cas d'autant plus grandes que ce liquide est plus riche en globules et qu'il est en même temps plus chargé d'oxygène. TRANSFUSION. 325 vraitpasla santé; il se refroidissait rapidement, son pouls devenait rapide, et d'autres symptômes fâcheux se manifes- taient ; enfin la mort arrivait presque toujours avant le sixième jour (A). M. Blundell a vu des effets semblables résulter de la substitution du sang humain a celui d'un Chien (2). Il en a été encore de même lorsqu'on a transfusé une quantité considérable de sang de Mouton (3) ou de sang de Cheval (4) dans les vais- seaux presque vides du Chien ; et c'est seulement quand le volume du sang étranger ainsi porté dans le torrent de la cir- culation est peu considérable par rapport à celui du sang propre de l'animal resté dans ses vaisseaux, que l'injection de ce liquide a pu se faire sans danger (5) . Lorsqu'au lieu de remplacer le sang d'un Mammifère par celui d'un autre animal de la même classe, on y substitue du sang d'Oiseau, ou lorsqu'on introduit du sang de Mammifère dans les veines d'un Oiseau, les effets physiologiques ne sont plus les mêmes, et en général la mort arrive avec une grande (1) Examen du sang (toc. cit. ). pliquer les résultats favorables obtenus (2) Researches, Physiol. and Pa- par plusieurs des premiers expérimen- thol., p. 8à, etc., 125. tateurs , lorsqu'ils introduisaient du (3) Leacock a publié en 1817 des sang d'Agneau dans le corps humain expériences dans lesquelles des Chiens (Denis) ou du sang de quelque Mam- chez lesquels on avait transfusé du mifère d'espèce différente. Burdach a sang de Mouton se rétablirent d'abord rapporté beaucoup d'exemples d'expé- en apparence, mais moururent au bout riences dans lesquelles divers animaux de quelques jours. (Diss. inaug. de avaient bien supporté cette addi- hœmorrhagia et transfusione, Edin- tion (c). Il est probable que l'expé- burgh.) rience faite par Goodrige et citée par (4) Scheel, qui a publié un travail Blundell a été pratiquée dans ces con- considérable sur la transfusion (a), a ditions : un Chien, dans les vaisseaux essayé de remplacer le sang d'un duquel on avait injecté du sang hu- Chien par celui d'un Cheval, mais le main, fut très souffrant pendant plu- Chien est mort le même jour (6). sieurs heures, mais ne périt pas. {Op. (5) C'est de la sorte qu'on peut s'ex- cit., p. 91.) (a) Scheel, Die Transfusion des Blutes, 1802-3. (b) Voy. Burdach, Traité de Physiologie, t. VI, p. 401. (c) Burdach, loc. cit. 326 SANG. promptitude, bien que la quantité de sang étranger ainsi trans- fusé n'ait pas été très grande, ni l'hémorrhagie préalable abon- dante. MM. Prévost et Dumas ont vu le sang de Mouton exciter des convulsions intenses et déterminer la mort chez les Canards ; et, dans les expériences de M. Dieffenbach, quelques gouttes de sang de Mammifère ont suffi pour tuer dies Pigeons (1). Le sang des Poissons paraît être également funeste aux Mammi- fères, et M. Gaspard a reconnu que du sang de Colimaçon intro- duit dans les veines d'un Levraut agit comme un poison vio- lent (2). Ainsi le sang étranger à l'organisme semble être d'autant moins apte à remplir les usages auxquels la nature destine le fluide nourricier, que l'animal dont il provient se trouve à un degré de parenté zoologique plus éloigné de celui au service du- quel on l'applique. Pour soumettre cette conclusion à une nou- velle épreuve, il m 'a semblé qu'il serait intéressant d'étudier les effets de la transfusion du sang entre des animaux qui, tout en appartenant à des espèces bien distinctes, font partie d'un même genre naturel, le Cheval et l'Ane, par exemple. A ma prière, un de mes collègues de la Société d'agriculture, M. Delafond, a bien voulu réaliser cette expérience à l'École vétérinaire d'Alfort. Après avoir saigné un Ane au point de le rendre (1) Dieffenbach, Physiologische Un- s'il lui serait possible de retrouver les tersuchungen uber die Transfusion globules elliptiques du sang d'Oiseau des Blutes ( Rust's Magaz. der ge~ ou de Grenouille qu'il avait transfusé sammten Heilk., Bd. XXX, Heft, 1, dans les veines des Chiens, et n'ayant 1830). On peut consulter aussi sur la pu y réussir, il a été conduit à penser transfusion en général un article du que ces corpuscules s'y détruisent même auteur, extrait du Manuel de et qu'ils ne sont pas arrêtés dans les chirurgie de Rust, et intitulé : Ueber capillaires, car il n'a vu aucun indice die Transfusion des Blutes und die d'inflammation ; phénomène qui se Infusion der Arzneien. In-8", Berlin, serait manifesté si ces vaisseaux 1833. avaient été obstrués de la sorte. ( Le- ('2) Mém. physiol. sur le Colimaçon çons sur les phénomènes physiques de {Journ.dephysiol. de Magendie, 1822, la vie, 1838, t. IV, p. 365.) t. II, p. 338). Magendie a cherché TRANSFUSION . 327 presque exsangue, il a injecté dans les veines de cet animal une quantité considérable de sang de Cheval, rendu incoagulable par le battage, et non-seulement l'Ane se ranima , comme cela aurait eu lieu s'il avait reçu du sang de Mouton ou de Chien , mais se rétablit d'une manière permanente et avec presque autant de facilité que si l'on avait injecté dans ses vaisseaux du sang d'un animal de son espèce. Le degré de parenté zoologique paraît donc être bien réelle- ment la circonstance dont dépendent les effets plus ou moins utiles de la transfusion. Au premier abord on a dû être disposé à attribuer ces diffé- rences dans l'action physiologique du sang aux variations qui s'observent dans le volume et la forme des globules sanguins chez les divers animaux. Mais les expériences de M. Bischoff sont venues montrer que si la propriété vivifiante du sang réside principalement dans les globules, l'influence parfois toxique de ce fluide appartient à la fibrine. Ce physiologiste a constaté que du sang de Mammifères, Action transfusé chez un Oiseau, après avoir été privé de sa fibrine par la fibrine- le battage, ne produit aucun des symptômes fâcheux qui résul- tent toujours de l'injection du même sang non délibriné, et que l'introduction du sang de la Poule dans les veines d'un Chien n'était suivie d'aucun accident , pourvu que la fibrine en eût été préalablement extraite (1). Le même expérimentateur a observé que le sang défîbriné, bien qu'il n'agisse pas toujours à la manière d'un poison sur les animaux d'espèces différentes de celle à laquelle il appartient (2), (1) Bischoff, Beitriige zur Lehre exsangue sans revivifier cet oiseau ni y von dem Blute und der Transfusion déterminer les convulsions qui d'ordi- desselben (Arch, fur Ânat. und Phy- naire accompagnent l'espèce d'empoi- siol., von iMuller, 1835, p. 3Û7). sonnement produit par du sang d'un (2) Du sang défibriné de Chien fut animal appartenant à une autre classe, transfusé dans les veines d'un Canard Des résultats semblables ont été obte- 328 SANG. n'en est pas pour cela plus apte à remplacer le fluide nourricier des premiers. Nous avons dit, il y a quelques instants, que le sang d'un Mammifère pouvait ranimer momentanément un autre Mammifère près de périr d'hémorrhagie, bien qu'il ne fût pas propre à le rétablir dans son état normal ; mais il paraîtrait qu'entre des animaux de classes différentes cette substitution ne produit pas même ces effets excitants transitoires, après que le sang a été privé de son action toxique par la soustraction de sa fibrine (1). Du reste, l'influence singulière exercée par la fibrine (2) étrangère au sang particulier de ces groupes zoologiques n'est pas également puissante dans le sang qui se rend aux organes et dans celui qui en revient. Effectivement M. BischofF a trouvé que les propriétés toxiques dont je viens de parler existent à un bien plus haut degré dans le sang extrait des veines que nus par l'injection du sang de Canard dans les veines d'un Chien exsangue. (Bischoff, loc. cit., p. 35/i.) (1) Lorsque la différence zoologique entre les animaux chez lesquels la substitution du sang se fait est plus grande qu'entre les Mammifères et les Oiseaux, le sang défibriné exerce aussi une influence plus nuisible. Ainsi, dans les expériences de M. Bischoff sur les Grenouilles , la mort a toujours été la conséquence de l'introduction du sang défibriné de Mammifère ou d'Oiseaux dans les veines de ces Batraciens, tan- dis que du sang de Poisson ne leur nuisait que fort peu (a). Or les Batra- ciens et les Poissons appartiennent à un même groupe naturel, celui auquel j'ai donné le nom de Vertébrés Anal- lantoïdiens ; tandis que les Reptiles proprement dits appartiennent, comme les Mammifères et les Oiseaux, au sous - embranchement des Vertébrés Allantoïdiens. Du sang de Crustacé agit aussi comme un poison sur les Batraciens. (Loc. cit., p. 368.) (2) M. Bischoff attribue cette action toxique à un principe immatériel qui accompagnerait la fibrine et détermine- rait la fluidité de cette substance ; mais je ne vois aucune raison suffisante pour chercher la cause de cette action ail- leurs que dans les propriétés, de la fibrine elle-même, car il est bien pro- bable que cette matière n'est pas iden- tique chez tous les animaux, et l'on comprend que l'espèce de fibrine pro- pre aux Mammifères puisse agir d'une manière nuisible chez des animaux où la fibrine serait d'une autre sorte, et vice versa. ( Voy. Bischoff, loc. cit., p. 356.) (a) Bischoff, loc, cit, y p, 360, TRANSFUSION. 329 dans celui tiré des artères, résultat curieux, sur lequel j'aurai à revenir dans la suite (1). En résumé, l'action vivifiante des globules semble donc être la conséquence d'une propriété variable, suivant les espèces, ou plutôt être dépendante d'une harmonie nécessaire entre la nature intime du globule et la nature particulière des orga- nismes dans chaque groupe zoologique. § 8. — Les globules sanguins, dont nous venons de consta- ter l'importance physiologiques n'ont, de même que tous les autres matériaux vivants de l'économie animale, qu'une durée limitée. Après avoir rempli ses fonctions pendant un certain temps, chacun de ces organites cesse d'exister, et si dans les circonstances ordinaires leur nombre ne paraît pas varier, c'est qu'il se produit sans cesse de jeunes globules pour remplacer ceux qui s'usent et disparaissent (2) . L'altération graduelle des globules sanguins est mise en évi- Durée de l'existence des globules. (1) Du sang veineux, d'un Chien injecté dans les vaisseaux d'une Oie la tua, tandis que du sang artériel provenant du même Chien n'exerça aucune influence fâcheuse sur un autre oiseau de la même espèce. Le sang artériel du Chien rendait une Poule très malade , mais ne la faisait pas périr ; tandis que le sang veineux du même Mammifère fit mourir une autre Poule dans les vaisseaux de laquelle on transfusa ce liquide. ( rischoff , Ueber Transfusion, dans Arch. fur Ànat. und Phys., von Millier, 1838, p. 551). (2) Nous ne savons rien de positif touchant la durée normale de l'exis- tence des globules hématiques ; mais, d'après la lenteur avec laquelle ils reparaissent dans le. sang après que ce liquide a été appauvri par l'effet d'une hémorrhagie, même très peu (a) Magendie, Leçons sur le sang, 1838, p. 305 I. abondante, il est à présumer que dans les circonstances ordinaires le renou- vellement de ces corpuscules ne doit pas être rapide, et que par conséquent ils sont destinés à durer assez long- temps. On sait d'ailleurs par des expé- riences récentes, dues à MM. Mole- schott et Marfels, que ces organites ne se détruisent que lentement lorsqu'ils sont introduits dans l'organisme d'un animal très différent de celui auquel ils appartiennent. D'après quelques expériences analogues pratiquées plus anciennement par Magendie, on aurait pu croire que les globules du sang d'un Oiseau ou d'un Batracien, intro- duits dans les vaisseaux d'un Mam- mifère, en disparaissent très prompte- ment {a}; mais dans les recherches dont je viens de parler, un résultat contraire a été obtenu par l'injection du sang de Mouton dans le tube ali- 62 330 SANG. dence par les expériences dans lesquelles on prive un animal des matières nécessaires à leur renouvellement, c'est-à-dire d'aliments appropriés à ses besoins. Ainsi MM. Schultz et Nasse, en étudiant les effets de l'abstinence sur la constitution du sang chez divers Vertébrés, ont vu qu'à la suite d'un long jeûne les globules pâlissent, se fripent et se déforment (1). MM. Donders et Moleschott, dans des expériences analo- gues, ont trouvé aussi que chez la Grenouille soumise à l'absti- nence beaucoup de ces globules devinrent extrêmement pales et transparents; quelques-uns paraissaient comme déchirés, et un très grand nombre d'entre eux semblaient réduits à leur portion nucléolaire. A mesure que la privation d'aliments se prolonge, la proportion de ces noyaux libres augmente, et dans un cas, après vingt-huit jours d'abstinence, ces physiolo- gistes ont trouvé que plus de la moitié des globules sanguins avaient subi cette transformation (2). mentaire de la Grenouille. Les glo- le commencement de l'expérience, bules hématiques du Mouton sont et ces physiologistes pensent que faciles à distinguer de ceux de ce Ba- leur existence se prolonge toujours tracien, à raison de leur petitesse et pendant une quinzaine de jours au de leur forme, et une heure ou deux moins (a). après leur introduction dans l'estomac, (1) Les observations de SI. Schultz on commence à en trouver dans le portent sur le Chien, le Lapin et le torrent de la circulation. Dans quel- Protée (6); celles de M. Nasse, sur la ques cas, MM. Moleschott et Martels Grenouille. Ce dernier pense que les sont parvenus à en introduire ainsi en globules incolores, dont le nombre nombre si considérable, qu'ils parais- devient considérable après la saignée sent être deux et même trois fois plus et lors de l'abstinence prolongée, ré- abondants que les globules apparte- sultent en grande partie de la dissolu- nant en propre à l'animal sur lequel lion incomplète des globules héma- ils opéraient. Or l'étude du sang tiques dans le plasma affaibli (c). ainsi chargé de globules hématiques (2) MM. Donders et Moleschott ont étrangers a fait voir que ceux-ci trouvé que parmi les globules rouges n'en disparaissent que lentement ; on de la Grenouille il en est qui paraissent en retrouva parfois un mois après être sans noyau et qui résistent à l'ae- (a) Marfels unel Moleschott, Ueber die Lebensdauer dev Blulkôrperchcn (Untcrsuch, %ur Natur* lehre des Menschen und der Thiere, von Moleschott, 185G, Bd. I, p. bî). (b) Schultz, Ueber den Zustand des Blutes in dnem verhungerten Proteus ^Simon's Mirage mr Physiol., Chcm. und. Mikrcsk., d 344, p. 567). (r) Vny. Wagner'* Hm&ivOrfWbuch der Physiologie, Rfl, t, p, 2^fl» DESTRUCTION DES GLOBULES. 331 D'autres modes d'altération et de destruction des globules Destruction des globules. rouges ont été observés chez les Mammifères; et, pour s'en rendre compte, il est nécessaire de connaître les changements que le sang éprouve quand une certaine quantité de ce liquide s'est extravasée dans un organe vivant et y séjourne plus ou moins longtemps. Lorsqu'un épanchement de ce genre se produit, beaucoup de globules semblent se dissoudre dans les liquides d'alentour; d'autres se flétrissent, et souvent il en est qui se réunissent en petits amas, s'entourent d'une matière albuminoïde plastique et paraissent s'enkyster. Plusieurs observateurs, en étudiant le caillot résultant d'une blessure profonde du cerveau, y ont vu des cellules à parois incolores bien distinctes qui renfermaient un nombre plus ou moins considérable de globules sanguins, et, à mesure que l'extravasation devenait plus ancienne, ils ont trouvé que les globules ainsi emprisonnés disparaissent ou se transforment peu à peu en granules pigmentaires insolubles (1). Or, on voit souvent dans l'intérieur de la rate, espèce de réser- voir sanguin dont nous examinerons plus tard la structure et les usages, des cellules analogues, ainsi que des granules pig- mentaires libres (2) ; et les observations de M. Kôlliker tendent lion de l'eau beaucoup plus que les inflammatoires, qui renfermaient clans autres. Us les considèrent comme élant leur intérieur des globules sanguins des globules arrivés au terme de leur aussi bien que leur contenu ordinaire; développement, et ils ont remarqué et ces globules sanguins paraissaient que ce sont les premiers à dispa- être en voie de se transformer en gra- raître par l'effet de la privation des nules pigmentaires (6). aliments (a). (2) I.a destruction des globules (1) M. Kôlliker, en examinant le rouges du sang et leur transformation en sang extravasé dans le cerveau d'un granules pigmentaires ont été étudiées Pigeon, y a trouvé des globules dits aussi par MM. Hartess (c), Virchow (d) (a) Donders und Moleschott, Untersuchungen ûber die Blutkôrperchen [Ilollâudische Beitrâge %u den anat. undphys. Wissen.sclibften, '1840, t. 1, n° 3, p. 300). (b) Zeitschrift fur ration. Med., t. IV, p. 9. — Nasse und Kôlliker, Einige Bcobacht. uber die Capillargcfâsse in enlzundelen Tlieilen {Zeitschr, fur ration. Med., 1840, Bd. IV, p. 8). (c) Harless, Ueber den Einfluss der Ga*e auf die Form der Blulkûgelehen, 184(3. (d) Virchow, Zur pathol. Physiol. des Bluts (Arch. fur palliol. Anat., 1847, Bd. I, p. 347). — Ueber Blutkôrperchen hallige Zellen (Arch., Bd. IV, p. 515.) 332 SANG. à établir que les globules sanguins contenus dans ces kystes microscopiques sont aussi des globules en voie de destruction ou de transformation en matière pigmentaire (1). Ces faits, et quelques autres considérations dont il serait pré- maturé de rendre compte en ce moment, me portent à regarder la rate comme étant un organe éliminateur des globules rouges du sang, bien qu'il ait aussi d'autres fonctions à remplir, comme nous le verrons bientôt (2). et plusieurs autres pathologistes. M. Vir- chow ne considère pas l'espèce d'en- kystement décrit par M. Kôlliker , comme étant un phénomène de ce genre ; mais les résultats annoncés par ce dernier physiologiste ont été pleine- ment confi r mes par les expériences d'un jeune médecin d'Edimbourg, M. San- derson (a), et s'accordent très bien avec divers faits constatés par M. Le- theby, relatifs aux altérations qu'avait subies le sang menstruel chez une fille dont la membrane de l'hymen, étant imperforée, avait déterminé la réten- tion de ce liquide dans le vagin (6). Plusieurs phases de ces transforma- tions de globules ont été observées aussi par M. H. Millier dans un cas analogue (c). D'après les expériences de M. Stan- nius, il paraîtrait que les globules san- guins éprouvent très rapidement des altérations profondes lorsque ces cor- puscules sont en contact avec le tissu nerveux, effets que cet auteur attribue à l'action des matières grasses de la substance médullaire ; car il a vu des modifications analogues résulter de l'introduction de graisses liquides dans le sang chez le Lapin. Ce physiologiste a étudié aussi l'influence du froid sur les altérations que les globules san- guins présentent chez la Grenouille (cl). (1) Ces cellules sphériques renfer- mant des globules sanguins ont été étudiées d'abord par M. Ecker (e), el ont donné lieu à des interprétations très diverses. (2) Les observations de M. Kôlliker sur le sang contenu dans la rate de divers animaux ont conduit ce phy- siologiste à penser qu'un certain nombre de globules rouges sont mo- difiés dans cet organe, que leur matière colorante est détruite, et les corpuscules résultant de cette altéra- tion désorganisatrice s'agglomèrent en petits groupes qui s'entourent de ma- tières protéiques et se revêtent d'une tunique utriculaire. Ainsi les cellules granulées et incolores ou jaunâtres qui se trouvent dans le sang extra- fa) Sanderson, On the Métamorphoses ofihe Coloured Blood Corpuscules and their Contents in Extravased Blood (Monlhly Journal of Médical Science, 1851 , t. XIII, p. 216). (6) Letlieby, Microscopic and Chimical Examination of Menstrual Fluid which had been Retained for some Time within the Vagina (Lancet, 1845, t. II, p. 125). (c) H. Miiller, Ueber die Blutkorperchen m zurùck gehaltener Menstrua (Zeitschr. fur ration. Medicin, t. V, p. 140. (d) Slannius, Bcobachtungen ûber Verjûngungsvorgdnge im thierischen Organismus, in-8, 1853 (voy. Canslatt's Jahresbericht, 1853, p. 20). (e) Ecker, Ueber die Verdnderungen welche die Blutkorperchen in der MU» erleiden (Zeitschr. fur ration. Med., 1847, Bd. VI, p. 261). DESTRUCTION DES GLOBULES. 333 L'examen chimique du sang avant son entrée dans la rate et à sa sortie de cet organe vient corroborer les résultats fournis par l'observation microscopique. En effet , M. J. Béclard a vase dans la rate seraient des produits de la décomposition des globales rouges, et les restes de ceux-ci seraient les granules des cellules plasmi- ques (a). Reste ci savoir si ces trans- formations sont des phénomènes de l'ordre normal, ou dépendent d'un état pathologique. Les recherches les plus récentes de M. Kôiliker sont favo- rables à cette dernière opinion (b). MM. Gerlach (c), Schaffner (d) et quelques autres physiologistes inter- prètent ces faits d'une manière diffé- rente, et pensent que ces noyaux ou granules, au lieu d'être des globules rouges altérés et près de se détruire, sont ces mêmes globules en voie de développement , opinion qui se rap- proche beaucoup de celle émise par M. Wharton Jones, mais qui ne paraît pas être fondée Ce). Ce sont probablement des globules de ce genre que M. Remak a observés en grand nombre chez un Cheval au- quel il avait pratiqué, quelques jours avant, une saignée copieuse, et que ce physiologiste a considérés comme étant des cellules mères dans l'inté- rieur desquelles les globules blancs seraient produits par une sorte de multiplication endogène (/"). L'hypothèse de la formation des globules rouges du sang dans la rate avait été soutenue plus anciennement par Hewson (g), et adoptée par Spring (h) et quelques autres physio- logistes. Mais, ainsi que je l'ai dit ci- dessus, c'est un travail inverse qui pa- raît avoir lieu dans ce viscère chez l'adulte. J'ajouterai que dans une publi- cation récente M. Remak U')a combattu l'opinion de M. Kôiliker, ainsi que celle de Gerlach, et il pense que la rate ne peut être considérée comme étant le. siège ni de la formation ni de la destruction des globules rouges. M. Kôiliker cite, à l'appui de son opinion, les résultats obtenus par un de ses élèves, M. Landis, dans une série d'expériences faites sur des Lapins (j). Les recherches récentes de M. Gray (a) Kôiliker, Ueber den Bau und die Verrichtungen der MHz (Mittheilungen der Zùricher naturforschenden Gesellschaft, 1847), et article Spleen, dans Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., vol. IV, p. 782. r (b) Kôiliker, Eléments d'histologie humaine, trad. franc., 4856, p. 499. (c) Gerlach, Ueber die Blutkorperchen haltenden Zellen der MHz (Zeitschrift fur rationellc Medicin, 1848, Bd. VII). (d) Schaffner, Zur Histologie der Schildrûse und Thymus , p. 340. — Zur Kenntniss der malpighischen KSrperchen der MHz und ihres Inhalts. (Zeitschr. fur ration. Medicin, 1849, t. VIII, p. 345). (e) Handfield Jones, Observations on the Development of Mammalien Blood Globules and on the Yellow Matter concurring in the Spleen, in its Relations to the Blood (London Médical Gazette, 1851, t. XLV1II, p. 1021). (f) Remak, On the Production of Blood Corpuscles (Microscopic Journal, t. II, 1842, p. 156). (g) Hewson, Expérimental Inquiries, part. 3 (Works, p. 283). (h) Spring-, Mémoire sur les corpuscules de la rate ( Mémoires de la Société des sciences de Liège, t. I, p. 124). (j) Remak, Ueber runde Blutgerinne und ùber pigment-kugelhaltige Zellen (Miïllers's Arch., 1852, p. 115). (j) Landis, Beitrage zur Lehre ùber die Verrichtungen der MHz. Zurich, 1847. Ooll SANG. constaté que chez le Chien le sang veineux qui a traversé la rate donne un caillot moins abondant que celui fourni par le sang veineux des autres parties du corps, et, dans des expériences analogues faites sur des Chevaux, il a trouvé que cette diffé- rence dépendait d'une diminution dans la proportion des globules rouges dans le sang splénique (1). M. Lehmann a constaté des faits du même ordre (2). Enfin, un jeune médecin anglais, s'accordent très bien avec les conclu- sions générales exposées ci-dessus. Il n'a observé dans le sang de la rate qu'un petit nombre de globules sanguins inclus dans des cellules inco- lores ; mais il considère comme une des particularités les plus remarqua- bles de ce liquide la présence presque constante d'un grand nombre de gra- nules pigmentaires, tantôt libres, tan- tôt réunis en masses, ou bien en- core renfermés dans des cellules, ainsi que l'existence des cristaux bacilli- formes dont nous avons parlé ailleurs (p. 173). Ces granules pigmentaires sont les uns d'un rouge sombre, les autres plus ou moins noirâtres, et ils résistent à l'action de l'alcool, de l'é- ther, des alcalis et de l'acide acétique. On trouve tous les degrés intermé- diaires entre les globules sanguins nor- maux et les granules pigmentaires ; quelques globules sont seulement un peu plus petits que d'ordinaire, d'au- tres crispés ou crénelés sur les bords ; enfin ceux qui sont renfermés dans des cellules deviennent de plus en plus irréguliers et foncés en couleur, et se transforment les uns en granules pig- mentaires, les autres en corpuscules bacillaires cristallins (a). M. Ilandfield Jones a étudié également cette ques- tion, et il est d'avis que la matière pigmentaire jaune de la rate naît en partie de globules sanguins modifiés ; mais il pense qu'en général cette transformation ne s'opère pas dans l'intérieur de cellules incolores, comme le suppose M. Kôlliker (b). Du reste, toutes ces questions sont encore fort obscures, et elles seront discutées lorsque nous traiterons des fonctions de la rate. (1) Dans les expériences de M. J. Bé- clard la proportion des matières solides et sèches fournies par le caillot, c'est- à-dire par les globules et la fibrine réunis, a été invariablement plus faible dans le sang de la veine splénique que dans celui de la veine jugulaire. Dans une des ses expériences, le premier de ces sangs n'a donné que îlio, tandis que le second a donné 180. Dans le cas où la différence était la moins marquée, ce rapport était 161 : 177. Le dosage des globules dans le sang du Cheval lui a donné dans une expé- rience 128 pour le sang de la veine jugulaire, et 113 pour le sang splé- nique ; dans une seconde expérience, 119 : 110. (Voyez Recherches expé- rimentales sur les fonctions de la rate et sur celles de la veine porte, p. l/i, extr. des Arch. gén, de méd., 1848.) ('2) M. Lehmann cite une expérience (a) Gray, Onlhe Structure and Use of the Spleen, 1854, p. 147. (b) Op. cit. (LondonMed, Gaz., vol. XL VIII, p. 1021). DESTRUCTION DES GLOBULES. 335 M. Gray, vient de se livrer à des investigations analogues, et a obtenu le môme résultat. Il a reconnu que le sang contient en général moins de matière solide après son passage à travers cet organe qu'en y entrant, et que cet appauvrissement tient à la diminution du nombre de ses globules rouges. Ainsi dans deux expériences faites sur des Chevaux et exécu- tées dans les circonstances les plus favorables, la proportion des globules rouges était presque deux fois aussi grande dans le sang des vaisseaux afférents à la rate que dans le sang qui sortait de cet organe. Presque toujours M. Gray a trouvé le sang de ces animaux notablement appauvri par son passage dans ce viscère, et il a vu que le degré d'intensité de ce phénomène était en rapport avec l'activité plus ou moins considérable du travail nutritif. Chez les individus bien nourris et en bonne santé, la différence de composition entre le sang qui arrive à la rate ou qui en sort était très grande, tandis que chez ceux qui étaient mal sustentés ou soumis à l'abstinence, elle diminuait ou cessait même d'être appréciable. Nous reviendrons plus tard sur l'ap- préciation de ces faits ; cependant il était bon d'en tenir note dès aujourd'hui, car ils tendent à établir non-seulement qu'il y a une certaine consommation de globules sanguins dans la rate, mais aussi que cette consommation se lie au travail nutritif (1). Par la dont les résultats sont également favo- M. Gray a comparé la proportion des râbles à l'opinion formulée ici. En globules contenus dans le sang de analysant comparativement le sang l'aorte (c'est-à-dire le sang qui se rend d'un Cheval tué quatre heures après en partie à la rate) et dans le sang des avoir mangé, il trouva que les glo- veines spléniques, vaisseaux qui con- bules sanguins humides constituaient tiennent le sang qui traverse cet or- 32 pour 100 dans le sang veineux de gane. Voici les résultats qu'il a ob- la rate; 66 pour 100 dans le sang tenus: de la veine cave, et 7/4 pour 100 dans sang aortique Sang spiénique. le sang de la veine jugulaire (a). 456 109 (1) Dans une série d'expériences 104. 27 faites sur des Chevaux bien nourris, ^La comparaison du sang des veines (a) Lehmfl.nn, Lehrb. derphvsiol, Ghemit, 4833» Bd, D, p, 1911, 336 SANG. suite de nos études nous verrons, en effet, que les globules san- guins sont, suivant toute probabilité, des organites chargés d'opérer certaines transformations chimiques dans les matières tenues en dissolution dans le fluide qui les baigne, et que l'achè- vement de ce travail sécrétoire est le terme de leur existence sous la forme d'utricules. J'ajouterai que dans le sang splénique où le nombre des globules avait subi cette diminution remar- quable, M. Gray a observé aussi que le sérum, au lieu d'être faiblement teinté en jaune, comme d'ordinaire, était coloré en rouge brun. On sait aussi, par les expériences de M. Lehmann, que l'addition de l'eau détermine dans ce sérum un précipité abondant d'albuminate neutre de soude, ce qui est aussi l'in- dice d'une modification dans sa constitution chimique (1). Ainsi il paraît bien démontré que le sang, en traversant plus ou moins lentement la rate, éprouve des changements con- sidérables, et qu'une partie de ses globules rouges y dispa- raissent (2). Mais de ce que la destruction des globules hémati- ques serait plus active dans ce viscère que dans la plupart des mésentériques a donné des résultats dans la rate est devenue moins mar- analogues. Chez un Cheval la propor- quée ou même a cessé de se faire re- tion des globules était de 157 dans le marquer chez des Chevaux mal nour- sang mésentérique, et de 9Zi dans le ris ou privés d'aliments. Chez un de sang splénique ; chez un second, de ces animaux soumis à l'abstinence, la 63 dans le sang mésentérique, et de proportion des globules rouges était 35 dans le sang splénique. la même dans le sang artériel et dans Enfin, M. Gray a constaté des diffé- le sang veineux de la rate (savoir, 91 rencss analogues entre le sang qui pour 100); circonstance qui tendrait à revient de la rate et le sang qui revient faire supposer que la destruction des des autres artères du corps : celui de globules sanguins dans la rate se lie la veine jugulaire, par exemple. La dif- à l'élaboration des matières nutritives férence était dans la proportion de 162 introduites dans l'organisme par les à 102 chez un individu, et de 139 à voies digestives (a). 108 chez un autre, et chez un troi- (1) Lehmann, Lehrbuch der phys. sième de 125 à 91. Chemie, t. II, p. 177. Mais cette diminution dans le nom- (2) Comme exemple d'une destruc- bre relatif des globules rouges du sang tion rapide et considérable des glo- (a) H. Gray, On the Structure and, Use of theSpleen, 1854, p. 156. DESTRUCTION DES GLOBULES. 337 autres parties de l'économie, il ne faudrait pas en conclure que la localisation de ce phénomène y soit complète. Nous verrons par la suite que les globules sanguins se détruisent aussi dans d'autres organes, et du reste je ne dois pas cacher que l'état de nos connaissances relatives à ce point d'hématologie est encore très peu satisfaisant. § 9. — Quoi qu'il en soit du mode d'élimination des globules ^nouvellement sanguins et du lieu où leur destruction s'opère, il est bien évident seules, qu'il doit y avoir sans cesse dans l'organisme une certaine con- sommation de ces corpuscules, et puisque dans les circonstances ordinaires leur nombre ne diminue pas, il faut qu'il s'en produise d'une manière non moins continue. Les faits dont j'ai déjà eu l'occasion de faire mention en parlant de l'influence de la sai- gnée sur la composition chimique du sang prouvent aussi que les globules se renouvellent dans l'organisme, et les cas bien connus d'hémorrhagies abondantes et réitérées , qui dans un certain laps de temps ont amené la perte d'une quantité de sang supérieure à celle existant dans l'organisme, à un moment donné quelconque, montrent aussi que parfois, sinon toujours, cette production des matériaux organisés du fluide nourricier peut être puissante et rapide. Haller a rassemblé plusieurs exemples de ce genre ; entre autres, celui d'un jeune homme qui, dans l'espace de dix jours, perdit 75 livres de sang, quantité qui devait dépasser la moitié du poids de son corps, et correspondre pour le moins à trois ou quatre fois celle de la masse entière de ce fluide en circulation dans ses vaisseaux. Dans un autre cas plus remarquable encore, un malade affecté d'hémorrhoïdes évacua pendant deux mois bules du sang dans la rate et de M. Fiïhrer chez des malades affectés leur transformation en pigment gra- d'une hypertrophie de cet organe con- nulaire, je citerai les cas observés par sécutive à la fièvre intermittente (a). (a) Fiihi'er, Altérations pathologiqws de la rate (Ga%. hebdom. de méd., 1856, t. III, p. 43). I. 43 338 SANG. 5 livres de sang par jour, en tout 310 livres, ou à peu près deux fois le poids total de son corps (1). Il est évident que la source éloignée où l'organisme puise les matériaux du sang qui se régénère ainsi dans l'organisme doit être l'alimentation, et c'est seulement quand nous aurons étudié le mode d'introduction des substances nutritives dans l'éco- nomie, c'est-à-dire la digestion , que nous pourrons discuter utilement les questions relatives à l'influence de l'alimentation Sur la composition de ce fluide. Mais chacun sait que les matières alimentaires ne portent pas dans l'organisme des glo- bules sanguins déjà formés, et par conséquent nous sommes naturellement conduits à nous demander maintenant comment et où se produisent ces corpuscules organisés, origine § 10. — Il est peu de questions physiologiques dont l'étude giobuL. présente autant de difficultés et d'incertitudes ; les observateurs sont partagés d'opinion sur l'interprétation qu'il convient de donner à la plupart des faits constatés par leurs investigations, et dans l'état actuel de la science ce n'est qu'avec beaucoup de réserve que l'on peut hasarder à ce sujet quelques conjectures. Pour introduire un peu d'ordre et de clarté dans l'examen de ce point, il me paraît nécessaire de remonter à l'époque où les globules commencent à se montrer dans le fluide nourricier de l'embryon, et de les suivre dans les changements qu'ils éprou- vent ; puis de chercher ce qu'il peut y avoir de semblable ou de (1) Haller rapporte aussi l'observa- moins 100 kilogrammes. Il cite aussi tion d'une jeune fille qui, pendant une femme hystérique qui en dix-neuf quatorze mois, fut saignée tous les ans s'était fait saigner 1020 fois (a). On jours ou de deux jours l'un, et qui trouve aussi dans le journal d'Omodei perdit en outre, par la menstruation, l'histoire d'une femme qui, en vingt- 125 onces de sang chaque mois, ce huit ans , avait été saignée 3,500 qui suppose une perte totale d'au fois (6). (a) Haller, Elementa physiologiœ, t. II, p. 5. (6) Cavalli, Sloria ragionata di straordinaria malettiache dura davent'otto anni. Milan, 1834. (Voy. Annali universali di medicina, 1835, t. LXV1, p. 495.) FORMATION DES GLOBULES. 339 différent, sous ce rapport, dans les organismes dont le déve- loppement est achevé. Nous avons déjà eu l'occasion de voir que chez les animaux Production ,, , , n . . . t i i • i ^es gaules vertèbres a sang rouge le fluide nourricier est d'abord incolore, chez et que les globules dont il se charge bientôt diffèrent de ceux de l'adulte, soit, par leur forme, soit parleur grosseur, leur struc- ture intérieure ou quelque autre caractère. C'est à une période très peu avancée du travail embryogénique que le sang com- mence à se montrer, et il consiste d'abord en un liquide com- parable au plasma qui s'accumule dans certaines cavités dont nous n'avons pas à faire connaître la disposition en ce moment. A cette première période de l'hématogénèse , ce fluide ne tient en suspension aucun corpuscule solide; mais bientôt des glo- bules s'y montrent, d'abord en petit nombre , puis avec une abondance de plus en plus grande. Les micrographes qui ont étudié d'une manière approfondie lobules 11 l ■ primordiaux. ce phénomène chez les Batraciens et les Poissons, s'accordent à dire que les premiers corpuscules dont le sang est ainsi chargé ont une grande ressemblance avec les cellules ou sphérules qui constituent les tissus d'alentour. Plusieurs de ces observateurs ont été même conduits à penser qu'il y a identité entre tous ces globules, et que les corpuscules primitifs du sang ne sont autre chose que des cellules détachées de la substance des parois des cavités où le fluide nourricier commence à se constituer. Ce point est encore indécis ; mais lors même que les globules pri- mitifs du sang se formeraient directement des matières orga- nisâmes fournies par ces cellules histogéniques, au lieu d'être le simple résultat de la désagrégation et de la dispersion de quelques-unes de ces mêmes cellules, il n'en serait pas moins bien établi qu'ils ont avec celles-ci une très grande ressem- blance (1) : ce sont des sphérules incolores dont les dimensions (1) Baumgârtner fut un des pre- ment du sang chez le Têtard. 11 signala nriers à étudier le mode de développe- les particularités de forme que pré- 340 SANG. varient : ils renferment un noyau diaphane et plusieurs granules qui ont l'apparence de globulins graisseux et qui sont entourés d'une matière gélatineuse plus ou moins granulaire ; enfin ils paraissent être limités extérieurement par une vésicule mem- braneuse très délicate , et au contact de l'eau ils donnent par- fois naissance à ces expansions lobiformes sarcodiques dont j'ai déjà eu l'occasion de signaler l'existence éphémère, lorsque sentent les globules primordiaux de ce liquide, et il considéra ces corpuscules comme étant des sphérules du vitel- lus (à). Schultz a été également con- duit à supposer que ce sont des glo- bules vitellins autour desquels une membrane utriculaire se développe- rait (6) ; opinion qui a été combattue par M. Valentin (c). Reichert mit mieux en lumière la grande analogie qui existe chez la Gre- nouille et le Poulet, entre les globules primordiaux du sang et les cellules constitutives des tissus de l'embryon ; il s'appliqua aussi à établir que ces globules sanguins ne sont autre chose que des cellules de cette espèce déta- chées des parois de la cavité du cœur (d). M. Vogt, qui a fait une série de re- cherches très importantes sur le déve- loppement des Poissons, pense qu'il n'existe, dans l'origine, aucun foyer pour la formation des cellules du sang, et que partout où des vaisseaux doi- vent se creuser, des cellules se déta- chent çà et là, et, emportées par le courant, se transforment en globules sanguins. Il a vu de ces corpuscules apparaître de la sorte dans la cavité du cœur, ainsi que dans d'autres organes, avant que ceux-ci eussent acquis des caractères histologiques spéciaux, et il croit qu'après l'établissement des vais- seaux proprement dits, cette produc- tion a son siège dans une couche du blastoderme, qui repose directement sur le vitellus et qui est désigné par lui sous le nom de couche hémato- gène. Ce seraient, d'après M. Vogt, les cellules de cette couche qui, en passant dans le fluide nourricier, perdraient leurs parois et laisse- raient échapper leur noyau pour constituer les globules sanguins dans l'intérieur desquels un autre noyau se développerait plus tard (e). Le même naturaliste était arrivé précé- demment à des résultats semblables, en étudiant le développement du Cra- paud accoucheur (f). MM. Lebert et Prévost s'accordent, avec M. Vogt , quant à la grande ressemblance qui existe entre les premiers globules du sang de la Grenouille et les autres globules em- (a) Baumgartner, Beobachtungen ûber die Nerven und das Blut in ihrem gesunden und krankkaften Zustande, p. 45 à 80. (6) C. H. Schultz, Das System der Circulation, 1836, p. 29. (c) Valentin, Handbuch der Entivickelungsgeschichte des Menschen, 1835, p. 297. (d) Reichert, Das Entwickelungsleben im Wirbelthier-Reich, 1840, p. 139. (e) Vogt, Embryologie des Salmones (Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de l'Europe centrale, par M. Agassiz, 1842, p. 201). {() Vogt, Entivkkelungsgeschichte des Alytes Obstetrkans, p. 70. FORMATION DES GLOBULES. su j'ai parlé des globules plasmiques du sang des animaux inver- tébrés (1). Quand le développement de l'embryon est un peu plus avancé, le contenu de ces globules s'éclaircit et devient plus homogène; plusieurs d'entre eux s'allongent de façon à prendre une forme ovalaire, et ils commencent à se colorer en jaune, puis en rouge. • Ainsi c'est par l'effet d'un travail physiologique spécial bryonnaires que ces physiologistes distinguent des cellules vitellines , sous le nom de globules organoplas- tiques ; mais ils pensent que ce sont Ces globules embryonnaires eux- mêmes, et non leur noyau, qui se transforment directement en globules sanguins. Ils supposent que pour con- stituer ceux-ci, les globules organo- plastiques auraient perdu par exos- mose une portion de leur contenu granuleux, lequel se serait préalable- ment liquéfié (a). D'après les mêmes observateurs , les premiers globules sanguins du Poulet se formeraient dans les canaux capillaires périphériques de l'aire vas- çulaire, et offriraient d'emblée un ca- chet particulier de façon à ne pouvoir être confondus avec les autres glo- bules constitutifs de l'embryon. Us se formeraient de tontes pièces, et ce seraient leurs matériaux seulement qui seraient fournis par les cellules du feuillet angioplastique du blasto- derme (6). ■ M. Kôlliker admet une identité complète entre les premiers globules sanguins et les cellules histogéniques des autres parties de l'embryon, et pense qu'ils proviennent de la sub- stance des parois des gros vaisseaux, aussi bien que du cœur (c). M. Remak est arrivé au même résultat , et a constaté la présence des globules san- guins dans les grands canaux de l'aire vasculaire avant la formation du cœur. Les globules colorés se montrent de très bonne heure (d). Enfin M. Drummond, qui a publié récemment un travail spécial sur ce sujet , considère ce dernier point comme étant hors de doute. Les globu- les sanguins primordiaux ne sont autre chose, dit-il , qu'une portion des cel- lules embryonnaires ( ou organoplas- tiques) détachées probablement de la couche muqueuse de la membrane germinale (c). (1) Voyez ci-dessus, pages lk et 103. (a) Prévost et Lebert, Mémoire sur la formation des organes de la circulation et du sang dans les Batraciens (Annales des sciences naturelles, 1844, 3° série, t. I, p. 205). (b) Prévost et Lebert, Mémoire sur la formation des organes de la circulation et du sang dans l'embryon du Poulet (Annales des sciences naturelles, 1844, 3* série, t. H, p. 240). . (c) Kôlliker, Mikroskopische Anatomie, t. Il, p. 589. (d) Remak, Untersnchungen ûber die Entwickelung der Wirbelthiere. Berlin, 1855, p. 21. (e) Drummond, On the Development of Blood and Blood-Wessels (Edinburgh Monthly Journal of Médical Science, 1854, t. XVIII, p. 214). o/j.2 SANG ayant son siège dans l'intérieur de chacun de ces organites, que l'hématosine s'y produit, et nous verrons plus tard que ce travail a la plus grande analogie avec celui auquel on donne le nom de sécrétion. Les globules sanguins primordiaux se déve- loppent comme le font les autres tissus élémentaires de l'orga- nisme vivant ; mais les phénomènes que je viens de signaler ne sont pas les seuls indices de leur activité physiologique. Ces corpuscules, devenus rouges, ressemblent beaucoup à ceux de l'adulte; mais, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ils ont des dimensions plus considérables (1). Ils sont pourvus d'un noyau qui paraît être simple d'abord , mais qui ne tend pas à se diviser. Effectivement, on remarque souvent de ces globules primordiaux rouges qui, au lieu d'avoir un seul noyau, en renferment deux ou même davantage, et M. Kôlliker a trouvé que cette division de leur portion centrale est le premier degré de leur multiplication par fissiparité : elle est suivie d'un étranglement dans l'écorce ou portion périphérique du globule, étranglement qui augmente avec rapidité, et donne bientôt à ce corpuscule la forme de ces boulets que l'on appelle rames, lesquels, tout en offrant leur forme sphérique ordinaire, sont liés deux à deux par un chaînon. Enfin ce physiologiste a vu que la portion intermédiaire, s'atténuant davantage encore, finit par se rompre, et qu'alors les deux sphérules, devenues libres et isolées, constituent l'une et l'autre un globule héma- tique semblable à celui qui les a produites (2). (1) Voyez ci-dessus, page 53. bryou humain. Elles furent publiées (2) Les observations de M. Kôlliker d'abord par un des élèves de ce phy- sur la multiplication des globules san- siologiste (a), et développées davan- guins de l'embryon par fissiparité tage dans deux écrits qu'il publia lui- furent faites sur le Mouton, et confir- même (6). Quelques années auparavant, mées par l'examen du sang d'un em- M. Remak avait constaté des faits du (a) Fahrner, De globulorum sangainis in mammalium embryonibus atque adultis origine (Dissertation inaugurale, Turici, 1845). (6) Kôlliker, (Jeber die Blutkôrperchen eines menschlichen Embryo uni die Enhvickelung der Blutk'orperchen der Sâugethiere (Zeitschrift fur rationelle Medicin, 1846, t. IV, p. 112). — Mikroskopische Anatomie, Bd. II, p. 589. — Eléments d'histologie humaine, 1856, p. 653. FORMATION DES GLOBULES. 3/l3 Lorsque par les progrès du développement du jeune em- ■ bryon le foie commence à se constituer, cette multiplication des globules sanguins par fissiparité diminue, et, quand cet organe a acquis un certain volume, on n'aperçoit plus que difficilement quelques indices de l'existence de ce phénomène remarquable. Effectivement, il se produit alors une autre sorte de glo- Globules v typiques bules. Chez le Poulet, ceux-ci sont laciles a distinguer des chez , , , l'embryon. précédents par leur lorme, leur volume et par quelques autres particularités : ils sont elliptiques et beaucoup plus petits que les globules primordiaux. Ils paraissent être constitués par des noyaux de nouvelle formation qui s'entourent de granules, puis d'une membrane, et les cellules ainsi formées sont d'abord incolores ; mais bientôt ils grossissent , l'hématosine se montre dans leur intérieur, et ils présentent alors tous les caractères des globules typiques, c'est-à-dire des globules sanguins propres à cette espèce zoologique arrivée au terme de son dévelop- pement. Cette coïncidence entre l'apparition du foie et celle des glo- bules typiques dans le sang des Oiseaux a été signalée à l'at- tention des physiologistes par MM. Prévost et Dumas , et a conduit ces observateurs à se demander si la production de ces corpuscules sanguins n'aurait pas son siège dans le viscère où se forme aussi la bile (1). même ordre chez le Poulet parvenu d'un embryon humain âgé d'environ à la troisième semaine de l'incubation, quatre semaines (6) , ainsi que les et chez l'embryon du Cochon. Il en nouveaux travaux publiés en 1855 conclut que probablement les globules par M. Remak (c). peuvent se multiplier par division (a). (1) Prévost et Dumas, Développe- On peut citer aussi à l'appui de l'o- ment du cœur et formation du sang pinion de M. Kôlliker quelques obser- (Ann. des sciences naturelles, 18'2/i, vations faites par M. Paget sur le sang t. IV, p. 96). (a) Remak, On the Production of Blood Corpuscles (Microscopic Journal, 1842, p. 155, et Medicinische Vereins Zeitung, n° 27, juillet 1841). = (fy Paget, On the Blood Corpuscles of the Human Embryo (London Médical Gazette, 4849, New Séries, vol. VIII, p. 188). (c) Remak, Unters. ûber die Entwickelung der Wirbelthiere, p. 21 et 63. 3/lft SANG. La rapidité avec laquelle le sang augmente en quantité à cette période de la vie embryonnaire, et la disparition complète de tous les globules primordiaux longtemps avant que cet accroissement ait même commencé à se ralentir, ne permet- tent pas de croire que les globules typiques puissent résulter de quelque changement ou métamorphose que les premiers subi- raient. Les globules typiques ne peuvent être ni les globules primordiaux modifiés, ni la progéniture de ces cellules ; ils doi- vent se produire sans leur concours : et d'après les observations de M. Reichert(l) et de M. Kôlliker (2), il y a lieu de croire que MM. Prévost et Dumas avaient raison quand ils supposaient que le principal siège de ce travail hématogénique est dans le foie, organe qui, à cette époque, est traversé par la presque totalité des fluides nourriciers destinés à opérer l'accroissement du jeune embryon. Les globules sanguins qui se produisent à cette période de la vie chez l'embryon des Mammifères diffèrent aussi des glo- (1) Reichert, Das Enïwickelungsle- épithéliques des parois délicates du ben im Wirbelthier-Reich, p. 191. système capillaire du foie (6). (2) M. Kôlliker a vu dans le sang Mais M. Remak fait remarquer que du foie, chez les embryons de Mam- les vaisseaux du foie sont limités par mifères, tous les passages entre les une membrane, et que par conséquent cellules incolores et les globules rou- on ne saurait admettre que les cellules ges, et il pense qu'à une certaine épo- constitutives du tissu de cet organe que de la vie fœtale la production de passent dans le sang pour y devenir ces globules a lieu uniquement dans des globules. Il pense que cette se- cet organe (a). conde couvée de globules incolores Les expériences de Weber sont (pour me servir de l'expression dont également favorables à cette opinion, il fait usage) provient du tissu des et ce physiologiste pense que les glo- vaisseaux lymphatiques encore à l'état bules doivent naître dans les cellules d'ébauche (c). (a) Kôlliker, Ueber die Blutkorperchen tines menschlichen Embryo uni die Enlwickelung der Blutkôrperchen der Sâugelhiere (Zeitschr. fur ration. Med., t. IV, p. 128). (b) Weber, Ueber die Bedeutung der Leber fur die Bildung der Blutkorperchen des Embryonen (Zeitschr. fur ration. Med., 1846, t. IV, p. 160). (c) Renrnk, Entw. der Wirbelthiere, p. 105, 158, etc. ■ — Ueber Blutleere Gefdsse (Lymphgef&sse) im Schwanze der Froschlarve (Miïller's Arch. fur Anat. und Phytiol., 1 850, p. 1 02). FORMATION DES GLOBULES. 3^5 bnles primordiaux par leur moindre volume et par plusieurs autres particularités , mais ils n'ont pas encore les caractères des globules sanguins typiques ou parfaits. Ce sont de petites sphérules incolores à noyau central, qui, en avançant en âge, se chargent de matière colorante intérieurement et s'aplatissent en manière de disque , puis se dépriment au centre de leurs deux faces. Leur noyau diminue en même temps de volume et devient plus facile à désagréger par l'action de l'acide acétique; enfin ce corpuscule central disparaît complètement, et les glo- bules ainsi métamorphosés ne diffèrent plus de ceux de l'adulte. A mesure que l'embryon avance en âge, le nombre relatif des globules rouges à noyaux diminue, et après la naissance on n'en trouve presque plus , mais on ne sait pas à quelle époque précise leur transformation s'achève. Nous voyons donc que l'observation des modifications suc- cessives que le sang éprouve chez l'embryon n'est nullement favorable à l'hypothèse de M. Wharton Jones, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots dans une précédente leçon (1). Les globules rouges dépourvus de noyau qui caractérisent la classe des Mammifères ne résultent pas de la sortie d'un noyau contenu dans des globules hématiques analogues à ceux des Vertébrés ovipares, mais sont des cellules qui primitivement étaient nucléolées comme ceux-ci, et dans lesquelles le noyau se détruit par les progrès de ce développement. L'apparition de la matière colorante dans l'intérieur, soit des globules primordiaux, soit des globules typiques, après la for- mation de ces corpuscules, est un fait important, et qui, je le répète, vient corroborer les arguments que j'ai déjà rapportés à l'appui de l'opinion que ces cellules sont des organites vivants comparables jusqu'à un certain point aux utricules glandulaires dans lesquelles nous verrons plus tard le travail de la sécrétion avoir son siège. (1) Voyez ci-dessus, page 76. i. hk 346 SANG. Les globules rouges, disons -nous, sont d'abord des cellules incolores ; mais il ne faut pas confondre celles-ci avec les glo- bulins, ni avec les gros globules plasmiques que nous avons rencontrés mêlés aux globules sanguins chez les Mammifères adultes. Ces derniers ne préexistent pas aux globules rouges dans le sang de l'embryon, et ne commencent à s'y montrer qu'à une période assez avancée de la vie fœtale. Ainsi il paraît bien établi que chez l'embryon il y a au moins deux sortes de globules sanguins -, que les uns et les autres peuvent exister à deux états différents : avec un contenu granu- leux et incolore, ou renfermant une matière albuminoïde rouge d'un aspect homogène ; que cette coloration est caractéristique d'un degré avancé dans leur développement individuel, et que le noyau central dont les uns et les autres sont généralement pourvus dans leur jeune âge peut disparaître quand ils arrivent à l'état parfait (1). Il paraît ressortir également de ces faits que les globules du (1) M. J. Drummond, d'Edimbourg, de la seconde espèce, que j'appellerai a publié récemment une série d'ob- typiques, parce qu'ils ressemblent à servations sur le développement du ceux de l'animal parfait, diffèrent des sang chez l'embryon des Batraciens, précédents en ce qu'ils sont colorés ; des Oiseaux et des Mammifères (c). que leur volume est moindre, et qu'ils Il a trouvé, comme l'avaient fait ses ne renferment que peu ou point de prédécesseurs, que chez tous ces ani- granules ; enfin ils se distinguent aussi maux il y a pendant cette période de des globules primordiaux ou embryo- la vie deux sortes de globules. Ceux niques en ce que chez les Vertébrés de la première sorte, qui existent seuls ovipares ils sont elliptiques, et que chez les embryons les plus jeunes, et chez les Mammifères ils sont dépour- qui peuvent être appelés les globules vus de nucléus. M. Drummond pense sanguins primordiaux ou embryo- que les globules primordiaux dérivent niques, sont ronds, granulés à l'inté- directement des cellules embryoniques rieur, nucléoles et incolores ; par les de l'œuf ou cellules, appelées vitellus progrès du développement ils se colo- et organoplasliqxies, par MM. Prévost rent plus ou moins, et la matière gra- et Lebert, et n'en diffèrent pas dans nulé'e qu'ils renferment disparaît en l'origine ; qu'ils peuvent se multiplier grande partie. Les globules sanguins par fissiparité ou être produits par le (a) Drummond, On the Development of Blood and Blood-Wessels (M onthly Journal of Médical Science, 1854, vol. XVTU, p. 214), FORMATION DES GLOBULES. 3ft7 sang de l'embryon n'ont pas tous la même origine, et que les globules primordiaux sont produits à la surface des tissus en voie de formation dont la substance est en contact avec le fluide nourricier, soit qu'ils s'en détachent, soit qu'ils s'y con- stituent de toutes pièces. Des observations récentes de M. Kôlliker tendent à établir qu'à l'époque de la naissance une partie de ces globules tirent leur origine de la pulpe de la rate , que les corpuscules blancs dont le sang du foie est alors très chargé proviennent de cette source; enfin que ces corpuscules, en mûrissant pour ainsi dire, se colorent peu à peu et constituent des globules rouges (1). Mais ce point de l'histoire du sang est resté fort obscur, et l'on ne sait encore rien de positif sur le mode de production des globules hématiques chez l'adulte. § 11. — Les globules du sang des animaux invertébrés me semblent avoir plus de ressemblance avec les globules de la première catégorie, ou globules primordiaux de l'embryon foie. Lorsque les globules typiques se montrent, on voit apparaître aussi des sphérules plasmiques ( ou globules blancs ), et M. Drummond pense que les premiers sont formés soit par ceux-ci, soit par les globules primor- diaux ; que cbez les Vertébrés ovipares ce sont les sphérules plasmiques eux- mêmes qui se transforment en globules typiques, tandis que cbez les Mammi- fères ce serait le noyau seulement des premiers qui, devenu libre, se déve- lopperait pour constituer ces globules rouges. (1) Dans un travail qui date du mois de juin dernier (1856), M. Kôlli- ker a rendu compte. d'une nouvelle série d'observations sur le sang du foie et de la rate chez des Mammifères nouveau-nés ou encore à la mamelle, et il a reconnu qu'à cette période de la vie plusieurs des phénomènes héma- togéniques précédemment constatés cbez l'embryon se produisent encore. Ainsi, chez les jeunes Chais, Chiens et Souris, il a trouvé dans le sang du foie beaucoup de cellules à un ou deux noyaux , dont quelques-uns étaient étranglés au milieu et semblaient être en voie de se multiplier par fissipa- rité, comme cela se voit chez les jeunes embryons. Ce sang hépatique est très riche en globules incolores, et M. Kôlliker pense que ces corpuscules proviennent en totalité ou en majeure partie de la rate ; car le sang venant des intestins n'offre rien de particu- lier, et celui de la rate en est plus chargé que celui du foie. Dans l'embryon, beaucoup de ces globules blancs se transforment en cfllobules rouges dans l'intérieur du Globules des Invertébrés. 348 SANG. des Vertébrés, qu'avec les jeunes globules typiquesde ces der- niers. Je suis porté à croire qu'ils peuvent naître des parois des cavités lacunaires où le fluide nourricier de ces animaux inférieurs est toujours en partie renfermé ; mais dans l'état actuel de la science nous ne pouvons former que des conjectures à cet égard, et par conséquent je ne m'arrêterai pas davantage sur ce point. production § 12. — Je le répète, nous ne savons encore que fort peu des globules ^ l l l chez de chose au sujet du mode de production des globules san- les Vertébrés d 1 o adultes, guins chez les Vertébrés adultes ; mais ce qui a été constaté chez l'embryon nous permet de faire quelques conjectures , et comme cette question est d'une grande importance , je crois devoir ne pas passer sous silence les faits qui semblent de nature à nous aider à en trouver la solution. origine Nous avons vu que chez l'embryon les globules hématiques, des globules incolores, quelles qu'en soient l'origine et la nature, se constituent d'abord sous la forme de cellules incolores ou globules blancs. Nous avons vu que chez l'adulte il existe aussi dans le sang des globules incolores : cherchons donc en premier lieu comment ceux-ci prennent naissance. Mais pour aborder utilement cette étude, il me paraît nécessaire de ne pas perdre de vue que, malgré la similitude d'aspect que ces corpuscules incolores peuvent offrir, foie ; mais les dernières recherches de globules. Effectivement, en examinant M. Kôlliker portèrent ce physiologiste la pulpe de la rate, il y a trouvé beau- à croire que chez les petits Mainmi- coup de cellules qui semblaient être fères à la mamelle cette glande ne des globules en voie de se multiplier prend que peu de part à cette produc- par fissiparité, et d'autres qui établis- tion, et que le principal siège du dé ve- saient tous les intermédiaires entre loppement de ces corpuscules serait des globules blancs et des globules dans la rate, organe où nous avons vu rouges semblables en tout à ceux du que chez l'adulte il y a probablement sang (a). un travail éliminateur de ces mêmes (a) Kôlliker, Einige Bemerkungen ùber die Résorption im Darme, iiber das Vorkommen einer physiologischen Fellleber beijungeti Sâugelhieren und ûber die Funccionder MHz, p. 14etsuiv. lExtr. der Verhandl. derphys.-med. Gesellscliaft in Wùrzburg, 185lî). FORMATION DES GLOBULES. 349 ils ne paraissent pas être tous de même nature. Je suis même persuadé qu'une des causes pour lesquelles on n'a fait encore que si peu de progrès dans les investigations de cet ordre, lient en grande partie au vague et à la confusion qui régnent dans la détermination des différentes sortes de globules dont le sang peut être chargé. Ainsi que nous l'avons déjà vu dans une précédente leçon (1), quelques-uns des corpuscules incolores du sang des Vertébrés adultes ont beaucoup de ressemblance avec les globules pri- mordiaux du sang de l'embryon pendant la première période de l'existence de ces corpuscules, c'est-à-dire quand ils sont encore dépourvus d'hématosine, mais ne peuvent y être complètement assimilés, car ils ne paraissent pas être aptes à sécréter de la matière colorante, comme le font ces derniers. De même que les globules primordiaux, ils ne paraissent intervenir en rien dans la production des globules sanguins typiques, et leur existence est de courte durée. Effectivement la formation de certains corpuscules incolores du sang des animaux vertébrés est souvent une conséquence de l'introduction de matières grasses dans le sang, et semble s'expliquer en partie au moins par l'action chimique de ces matières sur les principes albuminoïdes du plasma. Ainsi on peut déterminer à volonté la formation d'un grand nombre de corpuscules qui, par leur aspect, ne se distinguent pas des glo- bules plasmiques; pour cela il suffit d'injecter du lait dans les vaisseaux sanguins d'un animal vivant (2). On sait aussi, par (1) Voyez ci-dessus, page 71 et des Lapins, des Oiseaux, etc., et en suivantes. examinant leur sang plus ou moins (2) M. Donné (a) a fait sur ce sujet longtemps après l'opération. Dans les des expériences intéressantes en injec- premières heures, les globules du lait tant du lait dans les veines des Chiens, étaient parfaitement reconnaissables (a) Donné, De l'origine des globules du sang, de leur mode de formation et de leur fin (Compt. rend., 1842, t. XIV, p. 366, et Cours de microscopie, p. 89 et suivantes). — Dumas, Rapport sur ce travail (Compt. rend., 1843, t, XVI, p. 255). 350 SANG. les expériences de plusieurs physiologistes, que les globules blancs deviennent très abondants dans le sang peu de temps après les repas, surtout quand les aliments contiennent beau- coup de graisse (1). Enfin nous verrons, par la suite, que ces et isolés dans le sang de ces animaux ; plus tard ils se réunissaient au nombre de trois ou quatre en petits groupes qui s'entouraient d'une couche albumi- neuse vésiculaire très semblable à celle des globules blancs du plasma ; enfin, au bout d'un temps un peu plus long, ces sphérules laiteuses disparaissaient ou ne se distinguaient plus des cellules plasmiques. M. Donné a été conduit à penser aussi que ces modifications des globules graisseux du lait, la pro- duction des globules blancs et la trans- formation de ceux-ci en globules rouges, s'effectuent principalement dans la rate ; mais le passage entre ces corpuscules blancs et les globules rouges n'était nullement démontré. Il est à noter que les Chevaux ne résistent pas à l'injection du lait dans les veines. (1) Dans une série d'expériences sur le rapport numérique des globules rou- ges et blancs, avant et après les repas, MM. Donders et Moleschott (a) ont trouvé que chez le Lapin la proportion des derniers augmente beaucoup pen- dant la durée du travail digestif. Ainsi, en comptant le nombre des globules blancs qui se trouvaient dans le champ du microscope disposé de façon à ren- fermer environ 2000 globules rouges, ils ont vu un ou deux de ces corpus- cules le matin, lorsque l'animal était à jeun depuis la veille ; peu de temps après qu'il eut mangé, le nombre s'en éleva à quatre, puis à dix ; trois heures après le repas il diminua de nouveau, et après un intervalle de neuf heures retomba à peu près au même taux que le matin. Chez l'homme l'in- fluence des repas était marquée éga- lement par une augmentation dans la proportion des globules blancs, mais la différence était moins grande. Dans une autre série d'observations analogues, M. Moleschott a vu aussi que la proportion des globules blancs est diminuée par l'abstinence et aug- mentée par les aliments féculents (6). Le docteur E. Hiri, de Zittau, vient de publier un travail plus étendu sur le même sujet, et il a représenté par une courbe les nombres relatifs des globules rouges et des cellules plas- miques ou lymphatiques observés dans le sang pendant les diverses périodes du travail digestif. Or , dans ces cir- constances, le nombre absolu des glo- bules rouges ne semble pas devoir varier notablement, et par conséquent les différences dans la proportion des corpuscules blancs peuvent être con- sidérées comme étant l'expression des variations dans leur nombre réel. Le matin à jeun la proportion de ces cor- puscules était d'environ 1 globule blanc pour 1800 globules rouges ; une heure après son déjeuner ( qui avait eu lieu à huit heures) , il en trouva 1 pour 700 globules rouges, et entre onze heures et une heure le nombre re- (a) Donders und Moleschott , Untersuchungcn ûber die Blutkorperchen (Hollàndische Beitrâge sw den anatomischen und physiologischen Wlssenschaften, 1848, p. 3G9). (&) Wiener Medic. Wochenschrift, 1854, n° 8, p. 113. FORMATION DES GLOBULES. 351 globules ressemblent extrêmement à quelques-uns des corpus- cules qui sont versés dans le sang par un fluide particulier pro- venant du travail digestif, et appelé chyle. Il arrive souvent que plusieurs des granules ou globulins à centre graisseux dont le sang est ainsi chargé se réunissent en petits groupes , et forment des sphérules de grandeur variable qui, en passant dans certaines parties de l'organisme, se trouvent englobées dans de la matière albuminoïde plastique, et constituent ainsi des globules blancs dont la surface tend à s'organiser en une utricule membraneuse. Au premier abord ce phénomène semble ne pas différer de celui qu'Acherson a observé lors de la réac- tion chimique qui s'effectue entre des gouttelettes d'huile et du blanc d'oeuf; car l'huile, en s'emparant d'une portion de la soude qui rend l'albumine fluide, détermine la solidifica- latif de ces cellules plasmiques était redescendu à 1 pour 1500 globules rouges. Il dîna à une heure, et bien- tôt après les cellules plasmiques de- vinrent plus abondantes qu'elles ne l'avaient été après le déjeuner (1 pour environ ZtOO globules rouges). Deux heures après ce second repas, elles n'étaient plus que dans la proportion de 1 pour environ 1Zi75. terme moyen. Enfin, après le souper (à huit heures du soir), on en trouva de nouveau presque autant qu'après le dîner (1 : 550), et à onze heures du soir elles étaient déjà descendues à environ ~ du nombre total des globules (a). Lorsque nous étudierons la digestion, nous aurons à revenir sur ces faits importants. Le mode d'évaluation des globules blancs employé par M. Hirt est à peu de chose près celui précédemment (a) Hirt, Ueber das numerische Verhàltniss (Miiller's Arch. fier Anat. vnd Phys., 1856, p. 4 (b) Voyez ci-dessus, page 221 . mis en usage dans le même but par M. Welcher (b), ainsi que par M. Moleschott, et consiste à délayer une goutte de ce liquide dans une certaine quantité d'eau chargée de sel commun ou de sulfate de soude, à placer une couche mince de ce mélange sur le porte-objet du microscope, et à comp- ter les globules qui se trouvent com- pris dans les divisions d'un micro- mètre mobile placé sous l'oculaire. M. Welcher n'avait pas tenu compte de l'influence des repas sur la propor tion des globules blancs, et par consé- quent ses résultats ne sont pas suffi- samment comparables. En opérant sur sa personne, il a trouvé ces cellules dans la proportion de 1 pour 3Z|1 glo- bules rouges ; chez une femme hys- térique, 1 : 506 globules rouges, et chez une jeune fille de dix-sept ans, comme 1 : 157. zivisclien den weissen uni rothen Blutz-elkn 74). S52 SANG. tion d'une couche mince de cette substance tout autour de chaque gouttelette, et donne ainsi naissance à des utricules à parois membraniformes (1). Mais ici il paraît y avoir quelque chose de plus , car la matière protéique qui englobe ainsi les corpuscules graisseux semble être douée d'une certaine activité physiologique et avoir les caractères de cette substance vivante dont nous avons déjà eu l'occasion de parler sous le nom de sarcode. La formation de ces globules plasmiques serait donc un phénomène analogue à celui que nous avons vu se mani- fester lors de l'enkystement des globules rouges en voie de destruction, et le but de leur production est probablement la transformation des matières incluses en quelques produits nou- veaux. En effet, les globulins graisseux contenus dans ces cel- lules plasmiques changent bientôt d'aspect; le contenu de ces utricules devient plus homogène et s'éclaircit. Enfin, au bout de quelques heures , la plupart de ces globules arrivent au terme de leur existence et disparaissent. Cette production de globules plasmiques, ou de quelque chose de très analogue , paraît être fort active dans la rate , où la destruction d'un certain nombre de globules rouges semble aussi s'effectuer. En effet, le sang qui sort de cet organe charrie une proportion beaucoup plus grande de ces corpuscules que celle observée dans le sang qui y arrive (2). fl) Voyez ci-dessus, page 80. » vaisseaux de la rate n'offre rien de ('2) C'est dans ces dernières années » très remarquable ; mais en expri- seulement que l'attention des physio- » mant celui qui est renfermé et logistes a été dirigée d'une manière » comme combiné avec le tissu de cet spéciale sur les fonctions de la rate » organe, on lui trouve une compo- dans la production des globules blancs » sition bien digne de fixer l'attention, du sang, et M. Donné a été, je crois, le » En effet, ce sang est tellement riche premier à signaler la grande abon- » en globules blancs, que le nombre dance de ces corpuscules dans le sang » de ceux-ci l'emporte presque sur de cet organe. Voici comment il s'ex- » celui des globules sanguins parfaits ; prime à ce sujet : » mais en outre les globules blancs y « Le sang contenu dans les gros » sont, d'une manière évidente, à tous FORMATION DES GLOBULES. 353 On a remarqué aussi que l'extirpation de la rate est suivie d'une diminution dans le nombre des corpuscules incolores « les degrés de formation et de déve- » loppement. » Etc. («). En 1847, l'attention des physiolo- gistes fut de nouveau appelée sur ce sujet par les observations importantes de M. Kôlliker, relatives au rôle des cellules spléniques (b) ; et peu de temps après, M. Funke, tout en diffé- rant de cet auteur, quant à l'interpré- tation des faits observés, mentionna aussi la grande abondance des glo- bules blancs dans le sang de la rate du Cheval. Dans un cas cité par M. Funke, ces corpuscules formaient un quart ou un tiers du nombre total des globules contenus dans ce li- quide (c). Des recherches pathologiques con- duisirent aussi M. Virehow à noter l'abondance des corpuscules incolores dans le sang de la rate [d). M. H. Gray, qui a étudié d'une manière très attentive ces globules, signale aussi leur grande abondance, et les considère comme identiques avec ceux que le sang, dans d'autres par- ties du corps, charrie d'ordinaire en petit nombre. Il insiste aussi sur la ressemblance parfaite qui existe entre ces corpuscules et les cellules consti- tutives du tissu de la rate (e). M. Vierordt a eu l'occasion d'exa- miner le sang splénique, une heure et demie après la mort , chez un homme décapité, et il y a trouvé les corpuscules blancs dans le rapport de 1 pour Zi ,0 globules rouges (/"). Enfin, les recherches récentes de M. llirt tendent également à faire penser que les globules blancs se for- ment dans la rate. 11 a comparé îe nombre de ces corpuscules par rapport aux globules rouges dans le sang arté- riel et veineux de cet organe. Voici les résultats qu'il a obtenus, en comptant le nombre des globules rouges corres- pondant à un globule blanc : lr0 observation. 2° observation, 3e observation. Sang artériel. Sang veineux. 2600 74 184-3 54 2095 82 Ainsi il y avait, terme moyen, pour un même nombre de globules rouges , trente et une fois plus de globules blancs clans le sang qui sortait de la rate que dans le sang qui arrivait à cet organe (g). Le docteur Fiihrer, d'Iéna, a publié récemment des observations sur le mode de production de ces corpus- cules dans la pulpe de la rate, et est arrivé à des résultats qui ont encore besoin de confirmation, mais qui mé- ritent de fixer l'attention des physio- logistes. D'après cet auteur, les parois des vaisseaux sanguins capillaires de la rate donneraient naissance à de petites excroissances ou fossettes microsco- (a) Donné, Cours de microscopie, 1844, p. 99. (b) Voyez ci-dessus, page 332, note 2. (c) Funke, Ueber das Mil&venenblul {Zeitschrift fur ration. Med., 1851, t. I, p. 172).' (d) Virehow, Zur pathol. Physiol. des Blutes (Archiv fur pathol. Anat. und Physiol., 1853, t. V, p. 107). (e) Gray, On the Structure und Use of the Spleen, 1854, p. 150. \f) Vierordt, Ueber farblose Kôrperchen des Mitzvenenblutes (Arch. fur physîologische Heil- kunde, 1854, t. XIIL, p. 410). (g) Hirt, Ueber das numerische Verhàltniss mwischen den weissen und rothen Blutzellen (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol, 1856, p. 190). T. 45 354 SANG. du sang (1). Enfin j'ai déjà eu l'occasion de dire que dans les cas de développement excessif, ou hypertrophie de ce viscère, la proportion des globules blancs devient souvent si considérable, que le sang cesse d'avoir son aspect ordinaire et prend une apparence lactée (2). Mais la rate ne paraît pas être le seul organe chargé de pro- duire les globules plasmiques. En effet, la leucémie s'observe parfois dans des états pathologiques où la rate n'est pas affectée : par exemple, dans certains cas d'hypertrophie des ganglions lymphatiques, et, lors de l'extirpation de ce viscère, ils ne disparaissent pas complètement de l'économie. ^ Il est aussi à noter que l'augmentation anormale du nombre Origine 1 ° des globules ^es globules plasmiques n'est pas suivie d'une régénération rouges. o i j. r <~> plus active des globules rouges. Ainsi tout ce que nous savons sur l'histoire de ces corpuscules tend à prouver que certains d'entre eux au moins ne sont ni des globules sanguins à une piques dont l'intérieur serait occupé lesquels ne deviendraient colorés par un corpuscule nucléiforme. Ces qu'après être entrés dans le torrent de excroissances, en s'allongeant, devien- la circulation (a). draient pédiculées, et constitueraient (1) Voyez ce qui a été dit ci-dessus des tubes renflés en forme d'ampoule, au sujet de la leucémie, page 79. qui se ramifieraient en donnant nais- (2) Voyez ci-dessus, page 76. Je dois sance à d'autres renflements occupés ajouter cependant que M. Remak était également par autant de corpuscules arrivé à une conclusion qui se rap- nucléiformes, et qui constitueraient proche un peu de celle de cet auteur, ainsi des touffes ou des réseaux de savoir : que les cellules incolores pro- tubes capillaires d'une ténuité et d'une viennent de la couche épithélique des délicatesse extrême, dont l'intérieur parois des vaisseaux sanguins, et que serait en communication avec les vais- les globules rouges y naissent par pro- seaux sanguins. Ces tubes n'auraient pagation endogène (b). Mais les der- qu'une existence assez courte, mais nières observations de cet embryolo- leur production serait continue, et les giste, consignées dans son bel ouvrage corpuscules nucléiformes logés dans sur le développement des Vertébrés, leurs ampoules seraient des globules lui ont fait modifier de nouveau son sanguins en voie de développement, opinion (c). (a) Fiïhrer, Ueber die MHz und einigeBesonderheitenihres Capillarsystems {Archw fur physiol. Heilkunde, 1854, Bel. XIII, p. 149, pi. 2, fig. 1-5 ; et par extrait dans la Gazette hebdom., 1855, t. Il, p. 314). (b) Voyez Schonlein, Diagnostische und pathogenetische Untersuchung , p. 110. Berlin, 1845. , (c) Remak, Untersuchungen ûber die Entwickelung der Wirbelthiere, 1855, p. 21 et 63. FORMATION DES GLOBULES. 355 première période de développement, ni les instruments phy- siologiques chargés de la formation de ces globules rouges. Mais il est probable que tous les corpuscules incolores engen- drés de la sorte , soit dans la rate ou dans les ganglions lym- phatiques, soit dans quelque autre partie de l'économie animale, ne sont pas de même nature, et qu'un certain nombre d'entre eux, au lieu d'avorter et de disparaître, comme je viens de le dire, sont portés par le sang dans quelque autre organe pour achever leur développement et se transformer en globules rouges. Il y aurait donc dans le sang certains globules plasmi- ques qui seraient adultes, si je puis m'exprimer ainsi, et d'autres qui seraient pour ainsi dire des larves de globules rouges héma- tiques, ou, pour parler plus correctement, de jeunes globules en voie de développement, et qui n'offriraient les caractères des globules blancs permanents que d'une manière temporaire. L'hypothèse de M. Wharton Jones, comme je l'ai déjà dit, ne semble pas être l'expression de la vérité en ce qui concerne le mode de production des globules rouges des Mammifères par la libération du noyau renfermé dans les globules blancs (1). Mais tout en repoussant cette partie des idées de cet auteur, je partage entièrement son opinion quant à la distinction à établir entre ces cellules incolores à contenu granulé, ou globules plas- miques essentiels, et les utricules qui se trouvent souvent mêlées aux globules rouges du sang et qui ne paraissent en différer que par le défaut d'hématosine. Ainsi que M. Wharton Jones l'a remarqué, on trouve dans le sang des Poissons et des Batraciens beaucoup de globules pâles ou incolores qui appartiennent à cette dernière catégorie, et qui paraissent être de jeunes globules sanguins typiques (2). (1) Voyez ci-dessus, page 345. mais est mise presque hors de doute (2) La transformation des globules par l'existence simultanée de corpus- incolores en globules rouges n'a pu cules qui présentent toutes les nuances être constatée d'une manière directe, intermédiaires entre ces deux états 356 SANG. D'après la grande inégalité qui s'observe dans le volume des globules pâles ou rouges du sang de beaucoup de ces Ver- tébrés inférieurs, je suis porté à croire qu'au moment de leur première formation ces utricules sont beaucoup plus petites qu'elles ne le seront à une période plus avancée de leur exis- tence, et s'accroissent pendant qu'elles flottent dans le plasma et circulent dans l'économie mêlées aux globules parfaits. Mais chez les Vertébrés supérieurs, tels que les Mammifères et les Oiseaux, il n'en est pas de même : tous les globules sanguins ont à peu près le même volume ; on ne voit rien qui dénote dans ces corpuscules une période de croissance , et l'on ne découvre aucun intermédiaire qui puisse donner l'idée d'une transformation des giobulins du plasma en globules typiques. On est donc conduit à penser que ces derniers globules doivent arriver dans le sang déjà tout formés. La plupart des physiologistes admettent que les globules san- guins s'élaborent dans un autre liquide dont l'étude nous occu- pera plus tard : le chyle (1). En effet, nous verrons alors que ce produit du travail digestif, après son passage dans certains organes appelés ganglions lymphatiques , se montre chargé de corpuscules qui paraissent être des globules en voie de déve- loppement. Mais cette source ne semble pas devoir être la seule qui fournisse ces organites hématiques ; et chez l'individu adulte, de même que chez l'embryon, le foie paraît jouer un rôle important dans la formation du sang. extrêmes. M. Wharton Jones a été le sur le. mode d'origine des globules premier à bien établir ces faits par rouges dans cette classe d'animaux (a), ses observations sur le sang de la Raie, (1) Il serait également prématuré et il est arrivé au même résultat en étu- d'examiner ici les relations qui existent diant ensuite le sang de la Grenouille. à cet égard entre le sang et la lymphe ; Mais ses recherches sur le sang des nous nous en occuperons lorsque nous Mammifères n'ont jeté aucune lumière aurons étudié ce dernier liquide. (a) Wharton Jones, The Blood Corpuscte considered in its Différent Phases of Development in the Animal Séries (Philos. Trans., 1846, p. 63). FORMATION DES GLOBULES. 357 Nous ne savons encore que fort peu de chose à ce sujet, et les faits dont on peut arguer ne sont pas assez significatifs pour trancher nettement aucune des questions qui s'y rapportent ; mais les résultats déjà acquis ont cependant assez d'importance pour que nous ne devions pas les négliger, et, ainsi que je viens de le dire , ils tendent à faire penser que chez l'adulte aussi bien que chez l'embryon le développement des globules rouges s'achève au moins en partie dans le foie. Je citerai en premier lieu les expériences de M. Moleschott. Ce physiologiste a étudié les effets de l'extirpation de ce vis- cère sur la composition du sang chez les Grenouilles, animaux qui peuvent souvent résister pendant assez longtemps à cette mutilation , et il a vu qu'elle est suivie de changements très notables dans les rapports numériques des globules rouges comparés aux globules blancs. Il évalue que dans l'état normal ce rapport est comme 8 à 1, tandis qu'après l'extirpation du foie il l'a vu descendre à 2 globules rouges pour 1 globule blanc (1). Je mentionnerai aussi un résultat obtenu par M. Lehmann. Ce chimiste examina comparativement le sang qui arrive au foie et celui qui vient de traverser cet organe ; il fit son expérience sur un Cheval qui avait mangé abondamment quatre heures (1) L'extirpation du foie détermine mutilation portait sur la rate seule- tonjours la mort de ces animaux, et, ment, la proportion des globules rouges dans les expériences de M. Moleschott, augmenta un peu. Les résultats indi- environ le tiers des individus mutilés de qués ci-dessus relativement à la dimi- la sorte n'ont pas survécu plusde trois nution du nombre relatif des globules jours ; mais beaucoup ont vécu huit rouges à la suite de l'extirpation du jours et quelques-uns jusqu'au qua- foie, sont les moyennes fournies par torzième jour. Lorsque la rate était 133 observations, et M. Moleschott s'est extirpée en même temps que le foie, assuré que les hémorrhagies abon- le rapport entre les globules rouges et dantes sont loin de produire des effets blancs ne changeait pas, et quand la aussi considérables (a). (a) Moleschott, Ueber Entvnckelung der Blutkôrperchen (Miiller's Archïv fur Anat. und Physiol., 1853, p. 73). 358 SANG. auparavant, et il trouva que dans le premier de ces liquides les globules humides représentaient seulement les 66 centièmes du poids du sang , tandis que dans celui qui sortait du foie ces cor- puscules étaient dans la proportion de 74 pour 100 (1), D'un autre côté , les recherches des micrographes n'ont fourni jusqu'ici aucun indice de la transformation de globules incolores en globules rouges dans l'intérieur de l'appareil hépa- tique des animaux adultes, et ne nous éclairent que fort peu sur le siège de ce phénomène (2). Quant à l'opinion ancienne qui attribue le travail d'hématogénèse aux poumons, elle ne repose sur rien qui soit de nature à la rendre plausible. D'après ces divers faits, il me semble donc probable qu'un certain nombre de globules incolores engendrés dans la rate ou dans les ganglions lymphatiques se transforment en globules (1) Lehmann , Lehrb, der physiol. Chemie, t. If, p. 195. (2) M. Fréd. Schmid a étudié d'une manière comparative le sang qui arrive au foie par la veine porte, et celui qui vient du reste de l'organisme et qui se trouve dans le système vei- neux général (la veine jugulaire, par exemple), et il a cru y reconnaître des différences assez grandes quant à la forme des globules. Les premiers étaient plus granulés intérieurement et leurs bords irréguliers ; mais dans la veine hépatique ils avaient leur aspect ordinaire, et le changement qu'ils subissent pendant leur passage à travers le foie me semble être un phénomène de développement plutôt qu'un indice de la destruction de ces corpuscules dans l'appareil hépatique. Il est aussi à noter que cet auteur a trouvé des différences notables dans la composition chimique du sang de la veine porte et dans celle du sang vei- neux général (a). Je dois ajouter qu'à la suite des ob- servations sur la multiplication des globules chez les Mammifères nou- veau-nés dont il a déjà été question ci-dessus (p. 347). M. Kôlliker est dis- posé à croire que chez l'adulte la rate est non-seulement le siège d'une pro- duction abondante de globules blancs, mais que ces globules se transforment en globules rouges dans l'intérieur de cet organe aussi bien que dans le foie (b). Mais cette opinion me semble inadmissible, à raison des résultats fournis par l'analyse chimique du sang avant et après son passage dans la rate. (Voy. ci-dessus, page 333 et suiv.). (a) Fried. Schmid, Chemische und mikroskopische Untersuchungen iiber dus Pfortader-Blut (Archiv fur physiologische und pathologische Chemie und Mikroskopie , von Heller, Wien, 1847, t. IV, p. 97 et 318). (b) Kôlliker, Éléments d'histologie humaine, 1856, p. 657. DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 359 rouges après qu'ils ont été entraînés loin de ces organes par le torrent de la circulation, et que cette métamorphose pourrait bien avoir pour siège principal le système vasculaire du foie. Je ne présente ces conclusions qu'avec de grandes réserves, car dans l'état actuel de la science on ne peut se former une opinion bien arrêtée sur aucun de ces points. Du reste, ainsi que je l'ai déjà dit, le renouvellement des globules sanguins ne se fait d'ordinaire qu'avec lenteur ; car, à la suite d'une sai- gnée copieuse, la proportion de ces corpuscules diminue nota- blement et ne revient au taux normal qu'après un laps de temps souvent très considérable. Quoi qu'il en soit, ce travail liématogénique est évidemment activé par l'introduction abondante de certaines matières étran- gères dans les voies digestives; matières qui, pour la plupart, entrent comme éléments constitutifs dans la composition de ces corpuscules , les corps gras et le fer, par exemple (1) ; mais il est subordonné aussi à l'état des forces physiologiques générales, et. la production des globules sanguins, de même que le développement des autres tissus de l'économie, est réglée par le degré de puissance avec laquelle l'organisme fonctionne aussi bien que par la quantité de matière organisante que la digestion fournit au travail de la machine vivante. S 13. — Les faits dont je viens de rendre compte nous Différences ° d r entre montrent que le sang n'est pas identique dans toutes les parties le san? veineux de l'organisme, et si nous examinons maintenant d'une manière sang artériel. comparative ce liquide dans les divers ordres de vaisseaux où il se trouve renfermé, nous y reconnaîtrons des différences encore plus considérables. En effet, nous ne nous sommes guère occupés jusqu'ici que de l'étude de la portion du fluide nourricier qui est contenue dans (1) Voyez ci-dessus, pages 287, 29û, etc. 360 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG les vaisseaux appelés veines ; et bien que ses caractères géné- raux soient applicables au sang qui coule dans un autre sys- . tème de tubes nommés artères, on ne saurait le confondre avec celui-ci, tant à raison de ses propriétés physiques que de son mode d'action sur l'économie. Il y a donc dans le corps du même animal deux variétés de sangs : le sang veineux, et le sang artériel. § ilx. — Chez les animaux vertébrés, les seuls dont nous nous occuperons en ce moment, ces deux sortes de sangs se dis- tinguent, à première vue, par leur couleur. Le sang des veines est d'un rouge sombre tirant sur le noir, caractère qui lui a valu le nom de sang noir. Le sang des artères est au contraire d'un ton vermeil, et on l'appelle souvent le sang rouge, parce qu'il est le sang qui est rouge par excellence. Différences Le sang vermeil et le sang noir sont loin d'avoir les mêmes physiologiques, propriétés physiologiques. L'expérience suivante en donne des preuves manifestes. Bichat, dont nous aurons souvent à citer les travaux (1), a substitué au sang vermeil qui se rendait dans la patte d'un Chien, du sang noir fourni par la veine jugulaire d'un autre animal de la même espèce, et il a remarqué que presque tou- jours, à la suite de cette opération, le membre placé dans ces conditions anormales était frappé d'une sorte de paralysie (2). (1) Bichat, l'un des physiologistes et qui contribua puissamment aux dont l'école française s'honore le plus, progrès de la médecine aussi bien que naquit en 1771, et, après avoir com- de l'anatomie physiologique. On doit mencé ses études médicales à Lyon, considérer ce livre comme la base de il devint l'élève de prédilection du la science qui traite des tissus ou ma- célèbre chirurgien en chef de l'Hôtel- tériaux divers dont se compose le corps Dieu de Paris , Desault. Il se livra humain, et qui porte aujourd'hui le de bonne heure à l'enseignement de nom d'Histologie. Bichat mourut à l'anatomie ; en 1799 , il publia son Paris en 1802. beau livre sur la vie et la mort, et (2) Bichat, Rech. physiolog. sur bientôt après il fit paraître le Traité la vie et la mort, p. 362. (L'édi- d'anatomie générale, ouvrage qui tion que je cite ici est celle annotée constitue son principal titre de gloire, par Magendie et publiée en 1822.) DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 361 Su r un autre Chien, il a envoyé de la même manière au cerveau du sang noir à la place du sang vermeil que cet organe reçoit d'ordi- naire, et il a vu se manifester presque aussitôt des symptômes d'étouffement, suivis d'un étal de syncope et de la mort (1). Effectivement le sang vermeil jouit seul de la faculté d'entre- tenir l'activité vitale, soit dans l'ensemble de l'organisme, soit dans un organe en particulier. Quelques physiologistes, exagérant les conclusions tirées des faits dont il vient d'être question, ont considéré le sang noir comme un agent délétère, une espèce de poison. Mais cette idée est fausse : le sang noir est insuffisant à l'entretien de la vie et ne saurait tenir lieu de sang vermeil, mais il exerce aussi une action vivifiante sur l'organisme ; car chez les animaux qui peuvent résister pendant un temps assez long à la privation de l'espèce d'excitation produite par cette dernière sorte de sang, les Batraciens, par exemple, la mort arrive plus vite quand on détermine la sortie du sang noir que lorsqu'on laisse ce liquide dans l'intérieur de l'organisme (2). Quelle peut être la cause de cette grande inégalité dans la puissance vivifiante du sang vermeil et du sang noir ? Pour résoudre cette question, cherchons d'abord quelles Différences 1 *■ chimiques. sont les différences qui peuvent exister dans la constitution chimique de ces deux liquides (3). On trouve par l'analyse tous les mêmes matériaux dans ces (1) Op. cit. , p. 360. dont deux agissent dans le même sens (2) W. Edwards, De l'influence des et une en sens contraire; de sorte que agents phijsiques sur la vie, p. 9, la même densité peut coïncider avec 182/). une composition chimique très diffé- (3) Quelques auteurs se sont appli- rente. Les globules étant plus denses qués à déterminer les différences qui que le sérum, leur abondance tend à peuvent exister dans la densité du augmenter cette pesanteur spécifique, sang artériel et du sang veineux ; tandis que la fibrine étant plus légère mais cette étude n'offre que peu d'in- à volumes égaux, la richesse du sang térêt, car la pesanteur spécifique du en cette matière tend à produire l'effet sang résulte de trois choses variables? inverse. Quoi qu'il en soit, voici quel- I. 46 362 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG deux variétés du fluide nourricier, et au premier abord on n'aperçoit rien qui puisse jeter quelque lumière sur la question qui nous occupe. On ne remarque même que de légères diffé- rences dans les proportions de quelques-unes de ces substances constitutives du sang. Voici, par exemple, les résultats numériques obtenus par un chimiste habile de Berlin, Fr. Simon (1), en analysant compa- rativement le sang artériel et le sang veineux de deux chevaux : CHEVAL W° 1. CHEVAL K° 2. Sang artériel. Sang veineux. Sang artériel. Sang veineux. Eau 760,08 757,35 789,39 786,51 Fibrine 11,20 11,35 6,05 5,08 Graisse 1,86 2,29 1,32 1,46 Albumine 78,88 85,07 113,10 113,35 Globuline 136,15 128,70 76,40 78,04 Hématine Zi,87 5,18 3,64 3,95 Sels, etc 6,96 9,16 10,00 10,82 MM. Poggiale et Marchai (de Calvi) ont eu l'occasion d'exa- miner chimiquement le sang artériel et le sang veineux de l'homme, et y ont trouvé la composition suivante (2) : Sang artériel. Sang veineux. Eau ..... 822,46 818,41 Matières solides 177,54 181,59 Fibrine 6,17 6,08 Albumine 66,03 61,37 Globules 97,46 106,05 Matières grasses 1,10 1,20 Chlorure de sodium 3,15 3,29 Sels solubles 2,10 2,19 Phosphate de chaux 0,79 0,76 Sesquioxyde de fer 0,63 0,58 On voit que toutes ces analyses n'ont accusé que des diffé- rences insignifiatnes et moindres que celles qui se présentent ques-unes des déterminations obte- a été, dans les mêmes expériences, nues par M. J. Davy : pour le sang artériel, 1025, et pour sang artériel. Sang veineux. le sang veineux, 10!27. (J. Davy , Mouton 1057 1058 Research., Anat. and Phys., 1839, — . . . . 1047 1050 î Tr oq \ Bœuf 1058 1061 V0K ll' P- M'> Chien 1048 1058 (1) Anim. ChemisL, n" 1, p. 194. La densité flu sérum du Mouton (2) Le suJet de cette observation DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 363 dans le même sang chez divers individus en élat de santé ou affectés de maladies légères. Ainsi le sang vermeil (1) est plus eoagulable que le sang noir, et l'on y trouve ordinairement un peu plus de fibrine (2) ; était un homme affecté d'encépha- lite (a). (1) Nasse a vérifié ce résultat chez un grand nombre d'animaux (6). (2) Nous voyons par les chiffres rapportés ci-dessus, que clans les expé- riences faites par MM. Poggiale et Marchai (de Calvi) sur le sang humain, la proportion de fibrine était sensi- blement la même dans le sang artériel et dans le sang veineux. Dans des analyses faites par M. De- nis le sang artériel de l'homme a donné 2,9 de fibrine, et le sang veineux 2,7 (C). Les proportions suivantes ont été obtenues : Chez le Cheval, par : Sang artériel. Sang veineux. ij\ ( 13,4 7,8 M^W | 1^5 8,0 chultz(e) .... j *»| J'j , /n ( 10,7 5,7 Lecanu (f) . . . . | 52 46 Hering (g) 4,6 6,9 Simon (h) 11,2 H, 3 Lehmann (i) . . . 6,8 5,4 [ 6,7 6,4 Clément (,). ... M J.J [ 5,3 4,9 Chez le Mouton, par : Berthold (k). . . . 5,6 4,7 Prévost et Dumas. 13,4 7,8 i' 5,4 4,8 Letellier j 3,0 2,9 (. 4,3 3,9 Hering 6,1 5,3 Chez le Bœuf, par : Hering 7,6 6,6 Fr. Simon 4,9 4,8 Chez la Chèvre, par : Berthold 4,2 3,6 Mùller 4,8 3,9 Chez le Chien, par : Berthold 6,6 5,0 Denis 2,5 2,4 Chez le Chat, par : Berthold 5,2 4,7 On voit que, dans la grande majorité des cas, la quantité de fibrine s'est (a) Poggiale , Recherches chimiques sur le sang (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1848, t. XXVI, p. 143). (b) Nasse, article Sang, dans Wagner's Handworterbuch der Physiologie, t. I, p. 170. (c) Denis, Rech. expér. sur le sang, p. 452 et suiv; (d) Mayer, Ueber den Unterschied des arteriosen und venôsen Blutes rùcksichtlich seines Gehaltes an Faserstoff (Deutsches Archivfûr die Physiologie, von Meckel, 1817, t. III, p. 534). — Ueber das relative Quantum von Faserstoff in den beiden Blutarten (Deutsches Archiv fur Physiologie, 1823, t. VIII, p. 509). (e) Schultz, Das System der Circulation, p. 128. (f) Lecanu, Etudes chimiques sur le sang humain, thèse, 1837, p. 80. (g) Hering, Physiologie mit steter Beriicksichtigung der Pathologie fur Thierarzte, p. 118. Stuttgard, 1832. (h) Fr. Simon, Animal Chemistry, vol. I, p. 194. (i) Voy. Lehmann, Lehrb. der physiol. Chemie, vol. II, p. 203. (j) Clément, Recherches sur la composition du sang (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1850, t. XXXI, p. 289). (k) Berthold, Beitrdge %ur Anat. Zool. und Physiol., p. 260 et suiv. 36/j DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG mais une augmentation bien plus grande de ce principe immé- diat s'observe dans le sang noir, pour peu qu'une phlegmasie se soit déclarée dans un point quelconque de l'organisme, et le trouvée un peu plus grande dans le sang artériel que dans le sang veineux. M. Nasse a trouvé qu'en général il en est ainsi chez l'Homme , le Cheval, le Chien , le Mouton et la Grenouille ; mais que chez le Veau le contraire s'observe (a). Plus anciennement , Sigwart avait trouvé plus de fibrine dans le sang veineux que dans le sang artériel chez le Chien, le Bœuf, la Poule, la Grenouille, etc. ; mais ces résultats dépendaient probablement de quelque erreur dans le dosage (6). M. Wiss a fait quelques analyses comparatives sur le sang artériel et veineux dans diverses parties du corps, chez le Chien, et il a trouvé que la proportion de fibrine est plus grande dans le sang de l'artère caro- tide que dans celui de la veine rénale (s. a. 2,56 pour 1000; s. v. 1,62); mais dans une autre expérience il a vu que la proportion de cette sub- stance était un peu plus faible dans le sang de celte même veine que dans celui de l'artère rénale. Dans une troi- sième expérience il a trouvé 1,/iS de fibrine dans le sang de la veine porte, et 1,85 dans le sang des cavités droites du cœur. Enfin, dans une cinquième, il a comparé le sang veineux dans la jugulaire externe et dans les veines mésentériques et spléniques, ce qui lui a donné pour le premier 2,82 et pour le second 2,70 (c). Si ces différences étaient constantes, on en pourrait conclure que la fibrine se produit dans le système capillaire général plutôt que dans la veine porte, et que ce n'est pas dans le rein que cette substance s'est éliminée. Au premier abord on pourrait croire que le fait de l'existence de plus de fibrine dans le sang artériel que dans le sang veineux serait défavorable aux vues exposées ci-dessus relativement au siège de la production de ce prin- cipe immédiat (d). Mais il n'en est rien; car le sang artériel, en sortant des poumons, vient de baigner les parois d'une multitude presque innombrable de vaisseaux capillaires dont le tissu paraît être apte à donner naissance à de la fibrine comme l'est aussi le tissu des capillaires de la grande circulation. L'élévation du chiffre représentant la fibrine dans les cas d'affections inflam- matoires de l'appareil pulmonaire tend même à montrer que cette production doit être plus active là que partout ailleurs. Cette double source de la fibrine plasmique expliquerait com- ment le sang veineux en renferme quelquefois plus que le sang artériel, tandis qu'en général c'est le contraire qui s'observe. (a) Nasse, arlicle Sang, dans Wagner's Handwôrterbuch der Physiologie, p. 171. (b) Sigwart, Resultate einiger Versuche ûber das Blut und seine Metamorphosen ( Archiv fur Physiologie, von lîeil, 1815, t. XII, p. 11). (c) Wiss, Quantitative Analysen venosen und arteriellen Huiuleblutes (Archw fur pathol. Anat. und Physiol., 184T, t. I, p. 256). (d) Voyez ci-dessus la cinquième leçon, § 15, p. 266 et suiv. DES ARTÈRES ET CELUI DES VEINES. 365 sang veineux ainsi modifié n'acquiert cependant aucune des qualités du sang artériel. Il est vrai que la fibrine du sang noir ne paraît pas être tout à fait de même nature que la fibrine du sang vermeil. Nous avons déjà vu par les expériences de M. Bischoff sur la transfusion (1), que ses propriétés physiologiques ne sont pas identiques, et M. Denis a trouvé qu'elle ne se comporte pas tout à fait de même en présence des dissolutions salines (2) ; mais il n'y a rien là qui puisse nous éclairer sur la cause de la puis- sance vivifiante du sang vermeil. La somme des matières solides est tantôt un peu plus consi- (1) Voyez ci-dessus, page 327. (2) M. Denis a vu que la fibrine du sang artériel ne se dissout pas aussi facilement que celle du sang veineux dans les solutions salines. Il avait d'abord pensé que cette différence était encore plus marquée, et il l'attribue à un état de cohésion moléculaire plus considérable (a). Si les analyses faites il y a vingt-cinq ans par M. Michaelis étaient exactes, il y aurait aussi des différences nota- bles dans la composition élémentaire de ces deux variétés de fibrine ; mais je ne crois devoir accorder que peu de confiance à ces résultats. D'après ce chimiste, la fibrine du sang artériel serait plus riche en carbone et en azote, mais contiendrait moins d'hydrogène que la fibrine du sang veineux. Il en serait de même pour la fibrine, mais le contraire aurait lieu pour la matière colorante (6). Les résultats numériques de ces expé- riences ont été reproduits par M. Le- canu (c). La quantité de matières grasses que la fibrine entraîne en se coagulant, et que l'on peut extraire par l'action de l'alcool et de l'éther, paraît varier aussi. M. Lehmann en a extrait 2,15/i pour \ 00 de la fibrine du sang veineux d'un Cheval, et 2,168 pour 100 de la fibrine du sang artériel du même ani- mal (cl). Mais les différences à cet égard sont plus considérables entre les diverses portions du sang veineux. Ainsi M. Schmid a trouvé que la fibrine du Cheval fournissait : Dans le sang de la veine jugulaire, de 4,21 à 5,04 Dans le sang de la veine porte, de 7,37 à 8,72 (e) (a) Denis, Nouvelles études chimiques, physiologiques et médicales sur les substances albumi- noldes, 1856, p. 118. (6i Michaelis, Dissert, inaug. departibus constitutivis singularumpartium sanguinis arteriosi et venosi. Berlin, 1827. — Ueber die Grundmischen der einzelnen Bestandtheile des Arterien- und Venenblutes (Jahrbuch. der Chemie, von Schweigger, 1828, t. XXIV, p. 94). (c) Lecanu, Études chimiques sur le sang, thèse, 1837, p. 84. (d) Lehmann, Op. cit., t. II, p. 178. (e) Schmid, Chem. und mikros. Untersuch.ûber das Pfortader-Blut (Archiv fur phijsiologische and pathologische Chemie und Mikroskopie, von Heller, Bd. IV, 1847, p. 322). 366 DIFFÉRENCES ENTRE LE SANG dérable dans le sang artériel, d'autres fois un peu plus faible ; mais à cet égard encore les différences sont légères, et ainsi que nous le verrons par la suite, elles dépendent évidemment de circonstances accidentelles et étrangères à ce qui caractérise essentiellement ces deux variétés du fluide nourricier : par exemple, de la quantité d'eau qui, dans un temps donné, a été absorbée par les parois de l'estomac et versée dans le sang- veineux, ou de la quantité du même fluide qui a été enlevée au sang, d'un côté par l'évaporation pulmonaire et de l'autre par la sécrétion rénale ou quelque phénomène du même ordre (1). Il résulte cependant des analyses les plus récentes, que les globules rouges sont un peu plus nombreux dans le sang vei- neux que dans le sang artériel. Nous avons vu que dans les expériences de MM. Poggiale et (Marchai de Calvi) la différence a été évaluée à près de 1 pour 100, et Fr. Simon a retiré plus d'hématosine du premier de ces liquides que du second (2). M. Lehmann pense que les globules sanguins sont plus chargés (1) Voici les résultats obtenus par plusieurs physiologistes, en closant com- parativement la quantité de matières sèches contenues clans le sang artériel et veineux, chez divers animaux. On a opéré sur 100 parties de sang, et par conséquent les nombres complémen- taires de ceux inscrits dans le tableau suivant correspondent à la quantité relative d'eau : Ani maux. S. artériel S. veineux. Auteurs ( encore cette influence de l'air, et attri- dont il sera question bientôt, pour huait la différence de couleur du sang porter la conviction dans tous les à une différence dans la densité de ce esprits (e). fluide (a). (a) Senac, Traité de la structure du cœur, t. II, p. 86. (6) Haller, Elementa physiologica, vol. Il, lib. vi, sect. 3, g 17, etc. (c) Cigna, De colore sanguinis expérimenta nonnulla (MisceUaneaphilosophico-mathemqtkii Societatis Taurinensis, 1759, t. I, p. 08). (d) Cigna, De respiratione ( Miscell. Soc. Taurin., 1773, t. V, p. 109). (e) Priestley, Obsevv. on Respiration and the Use of hlood (Philos. Trans., 1776, p. 239). NATURE UK <;k phénomène. 389 devait contenir quelque chose qui la rend apte à entretenir la vie des animaux, et qui lui est enlevé par le fait de la respira- tion (1). Ce principe vivifiant, dont il admet l'existence dans l'air, porte dans ses écrits le nom d'esprit nitro-aérien (2), et lui parait être aussi l'aliment nécessaire de la combustion. Il fait voir qu'un corps enflammé et emprisonné sous une cloche ne tarde pas à s'y éteindre, non pas, comme on le croyait vulgai- rement, par l'action des matières fuligineuses ou suie qui se produisent, mais parce que le corps en combustion se trouve alors privé de ce principe aérien comburant. Il montre que cet esprit nitro-aérien ne constitue qu'une portion de la masse de l'air, et que les animaux, par leur respiration, le consomment ainsi que le ferait un corps enflammé. En plaçant sous une cloche renversée au-dessus d'une cuve remplie d'eau, de petits animaux, il a vu le volume de l'air diminuer par les effets de la respiration (3), et il chercha aussi à prouver par des expériences que ce principe vital de l'air est le même que le principe com- burant. Enfin , il se trouvait conduit à penser que les parti- cules igno -aériennes, absorbées par la respiration , sont desti- nées à changer le sang veineux en sang artériel , et que cette absorption est la cause de la chaleur qui se développe dans le corps humain. Il admettait aussi que l'air enlève au sang des vapeurs ou effluves qui se trouvent ainsi expulsés de l'or- ganisme. Mais lorsque Mayow chercha à pousser plus loin ses investi- (1) Philos. Tram., 1668, p. 833. à noter qu'à cette époque les mots (2) Cette désignation , qui peut pa- esprit, gaz et vapeur étaient souvent raître bizarre aujourd'hui, signifiait employés comme synonymes. la matière aériforme qui manifeste (3) Mayow trouva que la respira- son action quand le nitre est placé tion d'une souris avait détruit ^ ou sur des charbons ardents et active la environ 7 pour 100 de l'air contenu combustion de ces corps ; ailleurs dans le vaisseau où il avait placé Mayow désigne ce même principe sous cet animal. (De sal-nitro et spiritu le nom d'esprit igno-aérien, et il es1 nitro-aereo, 1674, p. 105.) 390 RESPIRATION . gâtions, il se trouva impuissant à expliquer ce que devenait la matière vivifiante de l'air qui avait disparu ainsi dans le travail respiratoire, et il accumula même de nouvelles ténèbres autour de cette question fondamentale en cherchant à concilier les faits nouveaux de la science avec d'anciennes idées rela- tives aux propriétés élastiques des gaz. Malheureusement pour les progrès de la physiologie et de la chimie, cet habile observateur mourut peu de temps après la publication de cette belle série de recherches, fruit des travaux de sa jeunesse. On voit par ses écrits qu'il était sur la voie d'une des plus grandes découvertes des temps modernes, et s'il eût vécu quelques jours de plus, Lavoisier aurait eu peut-être à exercer son génie sur d'autres questions que celles dont la solu- tion a rendu sa gloire non moins impérissable que la science elle-même (1). (1) C'est à l'âge de vingt-neuf ans que ce grand chimiste publia en 167Zi ses recherches sur la constitution et les propriétés de l'air ; déjà il avait fait paraître son Traité sur la respira- tion, et il mourut à Oxford , en 1679, à l'âge de trente-trois ans. Non-seule- ment il était arrivé à reconnaître que l'air se compose en partie d'une ma- tière comburante et apte à entretenir la vie, et en partie d'un fluide impro- pre à la respiration ainsi qu'à l'ali- mentation du feu ; mais aussi il avait été conduit à penser que ce même prin- cipe engendre les acides en se combi- nant avec certains corps, tels que le soufre ; qu'il se trouve condensé, pour ainsi dire , dans le nitre, et que c'est pour cette raison qu'un mélange de nitre et de soufre peut brûler dans le vide ; enfin que lors de la transfor- mation du fer en rouille, ou quand l'antimoine brûle, ces métaux se com- binent avec cette portion vitale de l'air, et que l'augmentation de poids de l'antimoine ainsi calciné ne dé- pend probablement que des parti- cules igno- aériennes fixées pendant l'opération. Or il suffit de substituer le mot oxy- gène à celui d'esprit nitro-aérien ou de principe igno-aérien , pour aper- cevoir nettement dans ces résultats de l'expérimentation les germes pres- que mûris de la grande découverte réalisée cent ans plus tard par l'il- lustre Lavoisier ; mais, pour arriver à cette découverte, il aurait fallu séparer les matières constitutives de l'air, et Mayow n'avait pu les voir que par les yeux de l'esprit. Dans un premier ouvrage de Mayow (a), on trouve aussi des obser- vations judicieuses sur le jeu du dia- (a) Traclatus duo seorsim editi, quorum prior Oxonii,1667. agit de respiratione, aller de rachilide. In-8 , NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 391 La liante portée des travaux de Mayow resta longtemps inaperçue ; leur influence fut presque nulle sur les progrès de la physiologie, et il a fallu encore un siècle de découvertes pour en faire comprendre la signification et la valeur (1). § 10. — Ce qui manquait surtout à Mayow et aux autres chimistes de son époque , pour assurer le succès de leurs recherches sur la respiration, c'était l'art de manipuler les gaz comme on le fait d'un corps solide ou liquide. Ainsi nous voyons Boyle avoir recours aux procédés les plus grossiers, quand il veut étudier l'influence exercée par les animaux sur les propriétés chimiques de l'air; et lorsque, en I66/1., Wren voulut recueillir le fluide élastique qui se dégage pendant la fermen- Origine de la chimie pneumatique. phragme dans le mécanisme de la respiration ; mais c'est dans le livre publié en 167/t (a) qu'il exposa l'en- semble de ses recherches. Une analyse du premier de ces ouvrages se trouve dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres pour 1669, et Fourcroy a donné des extraits fort étendus du second (b) ; on peut consulter aussi à ce sujet l'ouvrage de M. Hoefer (c). (1) Quelques auteurs de la fin du XVIIe siècle eurent cependant des idées assez justes sur la nature des phéno- mènes respiratoires. Ainsi Slare , à l'occasion des expériences de Boyle sur la coloration de la solution du cuivre ammoniacal par le contact de l'air, chercha à expliquer de la même ma- nière la coloration du sang artériel en rouge vif, et il ajouta que d'après les expériences sur la respiration des animaux en vase clos, il était conduit à penser que dans cet acte physiologique il devait y avoir non-seulement exha- lation d'une vapeur, mais absorption de quelque chose existant dans l'air. D'après le volume considérable d'air qui est nécessaire à l'entretien de la vie, il pense aussi que ce principe ou esprit vivifiant ne se trouve répandu qu'en petite quantité dans l'atmos- phère (d). Mais les idées de Mayow furent combattues par Haies dont l'autorité était très grande pendant la première moitié dusiècle suivant, et l'on attribua alors à des changements dans l'élasti- cité de l'air , plutôt qu'à l'existence d'un principe vital, les modifications que la respiration détermine dans les propriétés de ce fluide (e). (n) Tractatus qiànque medico-physici : quorum primus agit de sal-nitro et spiritu nitro-aereo, secundus de respiratione, tertius de respiratione fœtus in utero et ovo, quartus de motu muscu- lari, etc. In-8, Oxonii, 1674. (b) Annales de chimie, an vu, t. XXIX. (e) Hoefer, Histoire de la chimie, t. II, p. 260. (d) Philos. Trans., 1693, n° 204, p. 898. (e) Haies, Statique des végétaux et des animaux, t. I, p. 196 et suiv. 392 RESPIRATION. tation, il imagina seulement d'adapter une vessie vide au goulot du flacon renfermant la matière fermentescible (1). L'idée de faire usage d'un vase renversé sur de l'eau, pour y emprisonner de l'air, est fort ancienne, et dans les premières années du xvr siècle elle donna lieu à l'invention de la cloche du plongeur (2). Vers la fin du siècle suivant, J.-B. Bernoulli employa ce moyen pour constater la production du gaz qui se dégage dans certaines opérations chimiques (3). Mayow en fit également usage (ù); mais cet expérimentateur ne savait ni recueillir, ni transvaser commodément les fluides aériformes, et l'on attribue généralement l'art de les maniera un phar- macien de Paris, nommé Moitrel. Il me semble cependant que le mérite de cette invention appartient davantage au célèbre astronome Halley ; car déjà en 1716, celui-ci, en perfectionnant la cloche à plonger, donna toutes les indications nécessaires pour guider les chimistes dans leurs expériences pneumatiques (5). Du reste , c'est surtout à Haies que l'on (1) Voyez Sortie Expirements made opérer le sauvetage des richesses per- inthe Air Pump [Phil. Trans., 1675, dues sur les côtes d'Angleterre et vol. X , p. hWo). — Dans la même aux Antilles par le naufrage des vais- année, Hook employa aussi ce procédé seaux espagnols, et une personne pour recueillir le gaz qui se dégage nommée Phipps obtint même des ré- des coquilles d'huîtres par l'action sultats considérables. On trouve aussi d'un acide. dans les ouvrages de Bernoulli diver- (2) Un auteur du xvic siècle, Tais- ses inventions destinées à faciliter le nier, raconte qu'en 1538 l'empereur séjour sous l'eau, à l'aide de cloches Charles-Quint étant à Tolède , assista ou de masques ; mais clans les diffé- à une expérience dans laquelle deux rents appareils employés à cette Grecs descendirent sous l'eau dans une époque, on ne renouvelait pas régu- sorte de marmite renversée, et y res- lièrement la provision d'air. tèrent pendant un certain temps sans (3) J. Bernoulli, Dissert, de effer- être mouillés et sans que la lumière vesc. et ferment, 1590. (Op. om., qu'ils avaient emportée avec eux. se t. I, p. 21. fût éteinte (a). (U) Tract, de sal-nitro et spiritu Pendant la seconde moitié du nitro-aereo (Op. cit., 167 h). xvne siècle, on s'occupa beaucoup de (5) The Art of Living under Water, l'emploi de moyens analogues pour or Means of Fumishiny A ir at the (a) Voyez l'ouvrage du père Scholt , imprimé en 1687, et intitulé: Technia cwiosa, liv. III, chap. ix, p. 393. NATUKE DB GB PHÉNOMÈNE. 393 doit les moyens d'expérimentation à l'aide desquels l'étude des gaz devint facile oomme elle lest de nos jours. Haies inventa la cuve à eau telle, à peu de chose près, que nous l'employons dans tous nos laboratoires, et il fit usage de tubes recourbés pour conduire les gaz des vases dans lesquels leur dégagement s'opérait jusque dans les éprouvettes destinées à les recueillir. Il fit usage de cet appareil pour les gaz fournis par la distillation de beaucoup de matières organiques et pour faire quelques expériences sur la respiration ; mais il ne sut pas distinguer ces gaz entre eux, et il laissa à d'autres physiologistes plus clair- voyants la gloire d'en avoir profité pour résoudre les questions physiologiques dont la solution était restée incomplète entre les mains de Mayow (1). § 11. — La première découverte importante que cette nou- Découverte velle étude des gaz vint fournir à l'histoire de la respiration ]a production est due à un professeur de Glasgow, Joseph Black, et date ' dans -, .— K— . x . , , f -i / • / r la respiration. de 1757. Apres avoir constate que la magnésie préparée par précipitation contient une matière aériforme , et avoir isolé, recueilli et étudié les propriétés de ce fluide auquel il donna le nom dW fixé (fiœed air), Black reconnut que ce gaz est aussi un des produits de la respiration de l'homme et des ani- Bottom of the Sea, by Halley (Philos. et parut en 1727. On y trouve des Trans., 1716, p. Zi92). Je n'ai vu ce expériences conduites avec une rare Mémoire cité par aucun des écrivains sagacité et une multitude de décou- qui ont traité de l'histoire de la chimie vertes importantes. Les procédés dont pneumatique, et M. Hoefer, dans son il fit usage pour recueillir les gaz sont ouvrage plein d'érudition , attribue consignés dans le sixième chapitre de exclusivement à Moitrel d'Elément ce livre, et ses appareils y sont repré- l'invention de l'art de transvaser et sentes pi. 15 à 20. L'édition citée ici manipuler les gaz ; or la brochure de est la traduction française, intitulée : ce chimiste ne date que de 1719 (voy.~ La statique des végétaux et celle des Hoefer, Op. cit., t. Il, p. 3Zt2). animaux (2 vol. in-8, Paris), 1779. On (i) Il ales, né en 1678, s'est occupé doit aussi à ce savant beaucoup de surtout de chimie appliquée à la phy- recherches sur le mouvement du sang, siologie végétale. Son principal ou- dont il sera question dans la suite de vrage est intitulé Vegetable Staticks, ces leçons. Il mourut en 1761. I. 50 394 RESPIRATION '. maux. Il s'assura de ce fait en soufflant à travers un tube dans de l'eau de chaux ou dans une solution d'alcali caustique : dans le premier cas , il voyait effectivement un précipité blanc se former, et dans le second l'alcali perdait peu à peu sa causti- cité. Black trouva aussi que le gaz exhalé de la sorte par les poumons est impropre à la respiration, et qu'il ne diffère pas de celui engendré par la fermentation vineuse ou produit par la combustion du charbon. Vair fixé ou air fixe, gaz que Bergmann, appela ensuite acide aérien, n'était, comme on le voit, que la matière aériforme dont l'existence avait été signalée un siècle et demi avant par Van Helmont, sous le nom d'esprit sylvestre ou de gaz (1). Black fut le premier à le recueillir de façon à pouvoir en étudier les propriétés et à nous le faire réellement connaître ; mais on ne saurait sans injustice pour ses prédécesseurs lui en attribuer la découverte, ainsi que le font la plupart des chimistes (2), et son (1) Voyez page 378, expérimentateur est en réalité bien (2) En effet, non-seulement Van plus grand que celui résultant de la Helmont avait déduit de ses expé- découverte simple de ce fluide. Black riences que dans la fermentation, la a été le premier à nous faire connaître combuslion du charbon et la respira- réellement le corps désigné de nos tion, il se produit un fluide aériforme jours sous le nom d'acide carbonique, particulier, auquel, dans le langage et si la production de ce gaz dans la de son temps, il donna le nom d'esprit respiration a été soupçonnée par Van sylvestre (voy. p. o79) ; mais en 1696 Helmont, elle n'a été démontrée que Jean Bernoulli, en attaquant de la par les expériences de Black. C'est dans craie par un acide, avait obtenu le gaz ses leçons qu'il exposa d'abord les résul- acide carbonique, isolé et l'avait re- tats de ses recherches, et ils ne furent cueilli dans une éprouvette sous la- recueillis et publiés par la voie de quelle la réaction s'opérait (a). Ce gaz l'impression qu'après sa mort, par les était donc découvert longtemps avant soins d'un de ses élèves , J. fiobi- que Back eût commencé ses belles son (6). Cet ouvrage est très rare, recherches il ce sujet. Cependant le mais on trouve une analyse inléres- service rendu à la chimie et à la phy- santé des recherches de Black dans siologic par les travaux de ce dernier VHistoire de la chimie de Hoefer (c). (a) Dissert, de effervescentia, cap. xx. (b) Lectures on the Eléments of Chemistry, delivered in the University nf Edinburgh by the Late J. Black, 1803. 2 vol. in-4. (c) Tome II, p. 354. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 395 mérite principal aux yeux du physiologiste est d'avoir prouvé expérimentalement que ce corps est un des produits du travail respiratoire. Malheureusement il n'alla pas plus loin et ne cher- cha ni à démêler les rapports qui pouvaient exister entre ce phénomène et le rôle de l'air dans la respiration, ni à détermi- ner la nature intime de ce fluide aériforme. Or, cet air fixe ou air crayeux, comme on le nomma aussi, n'est autre chose que le gaz acide carbonique des chimistes modernes. J'ajouterai que quinze ans après la découverte de Black, mais longtemps avant qu'elle eût été rendue publique par la voie de l'impression, Bergmann fit des recherches approfondies sur ce gaz et en constata la présence dans l'atmosphère (1). § 12. — Ce nouveau progrès dans la connaissance des phé- nomènes de la respiration des animaux fut suivi d'autres recherches encore plus importantes , prélude nécessaire des découvertes brillantes qui nous donnèrent la théorie des rap- ports des êtres vivants avec l'atmosphère , et qui servirent de fondement à tout l'édifice de la chimie moderne. Black naquit de parents écossais, proportion très minime; mais c'étaient à Bordeaux , en 1728, et mourut à des conjectures et non des démons- Edinburgh,en 1799. On lui doit aussi trations qu'il en donna , et , comme une découverte capitale en physique , nous le verrons bientôt, la découverte celle de la chaleur latente, qui date de la composition de l'air appartient de 1762. tout entière à un de ses contempo- (1) C'est à ce grand chimiste qu'on rains. Les expériences de Bergmann doit la connaissance de la plupart des furent connues des chimistes en propriétés de Y acide aérien, ou acide 1772, mais ne furent publiées d'une carbonique , et du rôle de ce corps manière complète que dans les Mé- dans la constitution des sels , ainsi moires de l'Académie de Stockholm, que beaucoup d'expériences précieuses pour 1775. Son Mémoire sur l'acide relatives à son action asphyxiante, etc. aérien se trouve reproduit dans ses Il est aussi à noter que Bergmann fut Opuscula physica et chimica, vol. I l'un des premiers à avoir une opi- (1788). Bergmann naquit en 1735 et nion rationnelle sur la constitution de mourut en 178&. Il fut l'un des pre- l'air atmosphérique qu'il considérait miers à chercher à déterminer avec comme un mélange de trois fluides précision les proportions dans les- élastiques, savoir : d'air vital ou air quelles les corps s'unissent entre eux pur, d'air vicié et d'acide aérien en dans les combinaisons chimiques. Travaux de Priestlev. Découverte du mode de respiration de ses devanciers des plantes. 396 RESPIRATION. En effet, l'étude des gaz, préparée par les travaux de Haies et de Black , fut alors poursuivie avec ardeur par Priestley en Angleterre, par Scheele en Suède, par Lavoisier en France, et donna bientôt des résultats également précieux pour la physio- logie et la chimie. En 1771, Priestley (1), après avoir vu, comme beaucoup que par l'effet de la respiration l'air de- vient inapte à entretenir la vie des animaux ou à alimenter la flamme , chercha s'il ne lui serait pas possible de rendre à ce fluide ainsi vicié ses propriétés premières. Il fit à ce sujet plusieurs essais infructueux; enfin il trouva que les plantes en végétation prospèrent dans l'air altéré de la sorte et le ramènent à son état primitif; car, sous leur influence, il rede- vient propre à la respiration des animaux et à l'entretien de la flamme (2). Ainsi il existe une sorte d'antagonisme entre l'action exercée sur l'atmosphère par les deux grandes divisions de la Nature (1) Priestley naquit en 1733 et mourut en 180/u II s'occupa de con- troverses religieuses non moins que de travaux de science. Parmi les nom- breuses découvertes qu'on lui doit, je citerai non-seulement celle dont il est question ci-dessus , mais encore celle du deutoxyde d'azote et de l'action remarquable que l'air (ou plutôt l'oxy- gène) exerce sur ce gaz ; celle des gaz acide chlorhydrique, acide sulfhydri- que, ammoniaque, bydrogène phos- phore, etc. (2) Ce travail, lu à la Société royale de Londres, en mars 1772, et imprimé dans les Transactions 'philosophiques pour la même année (a), fut repro- duit dans l'ouvrage de Priestley sur Y air (b). Priestley n'étudia d'abord que très imparfaitement ce phénomène impor- tant de la respiration des plantes, et en 1779 il commença même à douter de l'exactitude de ses premières obser- vations à ce sujet (c) ; mais, l'année suivante, Ingenhousz répéta ses expé- riences, les confirma, et compléta sa découverte en constatant l'influence que la lumière exerce sur la décom- position de l'acide carbonique et le (a) Priestley, Observ. on Différent Kinds of Air (Philos. Trans., 1762, vol. LXH, p. 147). (b) Le chapitre cilé plus spécialement ici est celui intitulé : On Air Infested vnth Animal Respi- ration and Putréfaction (Experim. and Observ. on Différent Kinds of Air, 2° édit., vol. 1, p. 86 et suivantes). (c) Priestley, Experim. and Observ. relatïng to Varions Branches of Natural Philosophy, etc., J770, vol. I, p. 337, etcn NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 397 organique : les Animaux vicient l'air par leur respiration et le rendent ainsi éminemment propre à servir à l'alimentation des Plantes; taudis que les Plantes, à leur tour, le modifient d'une manière contraire et le rendent respirable pour les Animaux. La pureté de l'atmosphère terrestre, et son aptitude à remplir le rôle qui lui est assigné dans le système général de la Créa- tion , semblent donc dépendre des rapports qui existent entre le fluide ainsi répandu à la surface du globe et les deux sortes d'êtres vivants à l'usage desquels ce fluide est destiné. Les plantes, pour satisfaire aux conditions de leur existence, appro- prient l'air aux besoins des animaux, et ceux-ci, en le viciant par l'usage, fournissent aux végétaux un aliment qui leur est nécessaire, et qui, après leur avoir servi de la sorte, redevient un principe de vie pour les animaux. Les plantes défont sans cesse ce que les animaux ont fait, et les animaux en même temps détruisent les effets produits par l'action des plantes; de l'équi- libre de ces deux forces, agissant en sens contraire, résulte un état stable, et j'appellerai l'attention sur cette condition de durée, non-seulement à raison de l'harmonie admirable qu'elle nous révèle , mais encore parce qu'elle est un des caractères du grand œuvre de la Création. En effet, ce n'est pas en rendant les choses immuables que le Créateur semble avoir voulu en assurer la durée, mais en renouvelant ce qui les constitue ; et dans les grands phénomènes de la physique du globe, aussi bien que dans ceux de la Nature vivante, nous voyons que la stabilité ne réside pas dans le repos , mais dans le mouvement s'opérant sans cesse dans un cercle fermé, ou consistant plutôt en une suite d'oscillations déterminées par le jeu de forces dégagement de l'oxygène par l'action ches en 1731 , et a fait des observa- des parties vertes des plantes (a). tions intéressantes au sujet de l'action Enfin, Priestley a repris ses récher- de la matière verte sur l'air, etc. (6). (a) Ingenhousz, Expér. sur les végétaux, 1779 (trad. franc.; 1787. 1. 1, p. XLVij et suiv.) (b) Priestley, Experim. and Observ., vol. II, p. 16, etc. 398 RESPIRATION. contraires. De même que les vapeurs, en s'élevant de la surface des eaux , vont alimenter les nuages , et que l'eau des nuages, en tombant sur la terre sous la forme de pluie, revient dans les bassins d'où elle était sortie, pour s'y vaporiser de nouveau, et parcourir ainsi éternellement le même cercle; de même nous voyons l'air fournir aux animaux une portion de sa sub- stance et en recevoir l'aliment que les plantes doivent y puiser; puis les plantes y verser à leur tour ce qui est nécessaire à 'la vie des animaux. L'atmosphère, en pourvoyant ainsi sans relâche aux besoins des êtres organisés, ne s'épuise donc pas , mais conserve une éternelle pureté et demeure toujours apte à remplir le même rôle dans la Nature : vaste association que la Providence a réglée. A l'époque où Priestley découvrit ce système d'échanges si bien pondéré , on ne pouvait en comprendre nettement le mécanisme ; mais les faits nouveaux dont la science devait bientôt s'enrichir, et dont je dois mainte- nant vous parler, ne tardèrent pas à nous en donner une expli- cation complète. Découverte § 13. — Vers la même époque, ce grand expérimentateur fit roxygène. une autre observation qui resta d'abord stérile, mais qui con- duisit bientôt à la découverte d'un fluide éminemment propre à l'entretien de la combustion et de la vie. Préoccupé d'idées théoriques dont la chute était prochaine , Priestley appela ce corps de Y air déphlogistiqué, car il supposait que c'était de l'air ordinaire privé du principe imaginaire appelé phlogistique. Or ce produit nouveau, que l'on désigna ensuite sous le nom A' air vital , n'est autre chose que Y oxygène des chimistes Découverte actuels (1). Priestley obtint aussi par divers procédés le gaz razote. impropre à la respiration, qui constitue le résidu laissé par l'air (1) Un des chimistes à bon droit les vreul (a), et un auteur remarquable plus célèbres de nos jours, M. Che- par l'étendue de son érudition, M. le (a) Journal des savants, 1851, p. 225., NATURE DE CE PHENOMENE. 399 après qu'on y a fait brûler du charbon ou du soufre, et qu'on a enlevé par l'action de l'eau les produits de cette combus- tion. Il en étudia les propriétés , et il le considéra comme étant de l'air chargé de phlogistique. Aujourd'hui on le regarde comme un principe élémentaire, et on le connaît sous le nom d'azote. § l/i . — Nous avons déjà vu que vers le milieu du xvne siècle Fracassati et Lower avaient constaté l'influence exercée par l'air Action «le l'oxygène sur le sang. professeur Bérard, ont attribué cette découverte à Bayen (a), qui, en cal- cinant de l'oxyde rouge de mercure, avait vu en effet un fluide aériforme se dégager de ce corps. Mais il me semble que cette opinion n'est pas fondée. Effectivement les recherches de ce chimiste, publiées dans le Journal de physique en 177/i, datent de la même époque que celles de Priestley sur le minium, qui parurent également en 177/i, dans les Transactions philoso- phiques ; et d'ailleurs l'un et l'autre avaient été précédés dans la constata- tion de faits de ce genre par Lavoisier, dont le travail sur Vexistence d'un fluide élastique fixé dans quelques substances (le minium, par exemple), fut présenté à l'Académie des sciences en 1773. Mais ce qui constitue les droits de Priestley à la découverte de l'oxygène, ce n'est pas d'avoir vu que dans la calcination du précipité rouge de mercure il se dégage un gaz quel- conque qui pouvait être de l'acide carbonique ou tout autre fluide aéri- forme, mais d'avoir constaté que ce corps diffère de tous les autres gaz connus jusqu'alors, et c'est ce que Bayen ne songea pas à tenter (b). Priestley fait remonter ses premières expériences à 1774 ; mais celles qui lui firent distinguer son air déphlogis- tiqué, c'est-à-dire l'oxygène de tous les autres gaz, sont du 1er mars 1775 (c). Scheele arriva au même résultat peu de temps après. En 1776, Berg- mann publia dans les Mémoires de l'Académie de Stockholm un travail sur l'acide aérien (ou acide carboni- que), dans lequel il annonce l'opinion que l'air atmosphérique contient, indé- pendamment d'une petite quantité de cet acide, un air qui ne peut servir ni à la respiration, ni à la combustion, et qu'il nomme air vicié ; enfin un air absolument nécessaire au feu et à la vie animale, qui fait à peu près le quart de l'air commun , et qu'il re- garde comme de Vair pur. Enfin , Scheele publia, en 1777, son ouvrage sur l'air et le feu, dans lequel il décrit le gaz qu'il nomma air du feu, et qu'il obtint , soit en chauffant le précipité rouge de mercure, soit en traitant le minerai de manganèse par de l'acide sulfurique. (a) Voyez Bérard, Cours de physiologie, t. III, p. 328. (b) Voyez V Éloge de Bayen par Parmentier, dans les Opuscules chimiques de Bayen, t. I, p. 52. (c) Voyez Experiments and Observations ou différent Kinds of Air, 1775, vol. II, p. 40, 400 RESPIRATION. dans la production de la teinte vermeille du sang. Cigna (1) et Hewson (2) étaient arrivés à des résultats analogues, mais on ne savait encore rien de positif touchant l'influence que le sang exerce sur les propriétés de l'air, lorsque Priestley vint à son tour étudier les phénomènes de la respiration (3) . U prouva que ce changement dans la couleur du sang est dû à l'action de ce gaz oxygène dont il venait de découvrir l'existence, et que le sang, en agissant sur l'air, prive ce fluide de la propriété d'entretenir la combustion ou de servir à la respiration. Enfin il montra aussi que ces réactions peuvent s'opérer à travers une membrane organique aussi bien que lors du contact direct de l'air avec le sang, et que par conséquent les phénomènes qui se produisent à vase ouvert peuvent se manifester aussi entre ces deux fluides dans l'intérieur de nos poumons. Priestley avait donc entre les mains tous les éléments néces- saires pour résoudre deux des questions les plus grandes de la chimie et de la physiologie : celle de la composition de l'air atmosphérique, et celle de la nature de la respiration des ani- maux. Mais, s'il possédait à un haut degré le talent de l'expé- rimentation, il n'avait pas l'esprit généralisateur ; il semblait se plaire à attribuer au hasard plutôt qu'à une direction intelligente les résultats obtenus par ses patientes recherches , et tout en fournissant à la science des précieux matériaux, il n'éleva aucun édifice. Lavoisier. § ^. — Le rôle d'architecte était réservé à un de ses con- temporains, qui, doué tout à la fois du jugement droit et sévère (1) Cigna, Op. cit. (Miscellanea tion and the Use of Blood {Philos. Soc. Taurinensis, vol. I,' p. 68) , et Trans., 1776, p. 226). De respiratione ( Op. cil. , t. V , La principale conclusion qu'il sem- 1773). ble tirer de toutes ces expériences (2) Uewson , Inquiry into the intéressantes , est que l'un des princi- Properties of the Blood ( Works, paux usages du sang serait de rece- p. 8 ). voir et d'excréter du phlogistique. (3) Priestley, Observ. on Respira- (Loc. cit., p. 2U7.) SATURE DE CE PHÉNOMÈNE. ftOl sans lequel le génie devient inutile à l'homme de science, et de cette imagination de poi:lc qui sait embrasser l'ensemble des choses , saisir au premier coup d'œil des rapports qui échappent au vulgaire et en faire jaillir des lumières nouvelles, vint créer la chimie moderne. Ce grand architecte, vous le connaissez tous : c'était Lavoi- sier. Lavoisiér, dont le nom est à la fois un titre de noblesse pour la France et une flétrissure pour l'époque où une gloire si pure ne pouvait préserver de la hache du bourreau une tête innocente (1). L'histoire de nos connaissances relatives à la respiration se lie d'une manière si intime à celle des progrès de la chi- mie, que, tout en voulant ne vous parler que de physiologie, je me vois sans cesse conduit à vous entretenir de travaux chimiques ; et pour faire bien saisir la grandeur des services rendus aux sciences naturelles par l'illustre Lavoisiér, je serai même obligé de m' éloigner pendant un instant du but principal de nos études, et de vous dire quelles sont les erreurs qu'il avait à combattre en même temps que je vous raconterai les décou- vertes qui lui sont dues. § 16. — A la fin du xvne siècle, les études chimiques étaient nf™ depuis longtemps poursuivies avec ardeur, et des faits en Ph,°sisti(îue- nombre immense avaient été constatés , d'abord par Gerber, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle, et les autres disciples de l'école arabe , puis par des médecins et des métallurgistes, tels que Paracelse, Van Helmont et Agricola , ainsi que par (1) Né à Paris, en 17Zi3, Lavoisiér commença ses travaux chimiques en 1767, et dans l'espace de quelques années il changea Ja face de la science. Malgré les grands emplois qu'il occu- pait, je ne connais pas de vie mieux remplie dans l'intérêt de la science et de l'humanité. Le 8 mai 1794, Foin I. quier-Tainville l'envoya à l'échafaud. Tout homme de cœur lira avec plaisir et attendrissement les pages éloquentes et instructives dont les travaux et la mort de Lavoisiér sont le sujet dans l'ouvrage si remarquable de M. Dumas, intitulé : Leçons sur la jihilosophie chimique. [n-8°, 1836. 51 A02 RESPIRATION. une foule d'alchimistes ardents à la recherche de trésors ima- ginaires : mais ces faits étaient épars et sans lien ; aucune théorie rationnelle ne les réunissait en un corps de doctrine, et la chimie était un art, mais pas encore une science. Au commencement du xyme siècle cet état de choses chan- gea. Un médecin allemand, doué d'une intelligence puissante, Stahl (1), saisit ces faits dans leur ensemble, les coordonna en un système, et à l'aide d'une théorie simple et philosophique, il donna une explication plausible de tous les phénomènes chi- miques étudiés jusqu'alors. L'édifice ainsi élevé repose tout entier sur cette hypothèse, que la matière du feu ou phlogis- tique peut se présenter à deux états : libre ou en combinaison avec d'autres corps, et que les propriétés de ceux-ci diffèrent suivant qu'ils sont unis ou non à cette matière subtile et qu'ils en contiennent une proportion plus ou moins grande. Ainsi, dans la théorie de Stahl, les matières terreuses, telles que la rouille, la chaux et tous les corps auxquels on donne aujourd'hui le nom d'oxydes, étaient des corps simples, et par leur union avec le phlogistique ils constituaient les métaux ; les combus- tibles tels que le charbon étaient des corps très riches en phlo- gistique et abandonnaient ce principe en brûlant. L'air était nécessaire à l'entretien de la flamme, parce que c'était elle qui enlevait aux combustibles en ignition leur phlogistique, et quand elle cessait de pouvoir agir ainsi, c'était qu'elle se trouvait déjà pourvue de tout le phlogistique dont elle était susceptible de se charger. Enfin dans les phénomènes de la respiration, tels que Priestley les comprenait, le sang, au contact de l'air ou séparé (1) Stahl naquit en 1660. Après 1747. Ses écrits, mélange bizarre de avoir professé à l'université de Halle, latin et d'allemand, sont difficiles à il occupa à Berlin la charge de premier comprendre. (Voy. à ce sujet Dumas, médecin du roi de Prusse, et mourut Leçons de philosophie chimique , dans cette ville en 173Z|. Son principal p. 75. — Hoefer, Histoire de la chi- ouvrage est intitulé : Fundamenta mie, t. II, p. Zi02. — Chevreul, Jour- chymicce dogmatico-rationalis.Ia-li° ', naldes savants, 1851, p. 160). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /J03 de ce fluide par une membrane organique seulement , cédait du phlogïstique à l'atmosphère et produisait ainsi de l'air phlogis- tiqué ou azote; tandis que les plantes, venant à leur tour absor- ber ce principe du feu, déphlogisliquaient l'air et le rendaient de nouveau apte à se charger du phlogïstique dont les animaux devaient être débarrassés (1). Dans cette théorie de Stahl tout semble, au premier abord, s'enchainer et trouver une explication facile. Elle était en accord avec tous les faits généralement connus à l'époque où elle vint animer en quelque sorte la masse informe des arts chimiques et en faire une science. Aussi fut-elle reçue avec enthousiasme et exerea-t-elle pendant la plus grande partie du xvme siècle une puissante influence sur les idées et sur les travaux des expéri- mentateurs ; mais tous les efforts de ceux-ci pour isoler et saisir ce phlogistique dont le rôle devait être si considérable dans la nature , avaient été vains , et il répugnait à quelques bons esprits, à Buffon, par exemple, d'admettre sans preuve aucune l'intervention incessante d'un être imaginaire et insaisissable. Cependant, à l'époque où Stahl émit cette théorie, elle répon- dait à tous les besoins de la science; car alors les études chi- miques avaient surtout pour objet la constatation des propriétés des corps et la connaissance de leur mode de préparation ; on n'était pas encore arrivé à chercher les proportions dans les- quelles ils se combinent entre eux, et l'usage de la balance était presque inconnu dans les laboratoires. Or l'emploi de cet instrument pouvait seul conduire à la con- naissance de la vérité, et c'est pour en avoir compris toute l'importance que Lavoisier a pu non-seulement renverser du premier coup le vieux système de Stahl, mais y substituer la théorie nouvelle qui sert de base à la science chimique de nos jours. (1) Observations on Respiration and the Use of Blood (Philos. Trans.. 1776, vol. LXVI, p. 226). Théorie Lavoisienne. kOk RESPIRATION . En effet, la théorie du phlogistique suppose que les métaux, en se transformant en terres (ou oxydes), perdent quelque chose, et doivent par conséquent diminuer de poids, tandis que par leur réduction leur poids devait augmenter, si dans cette opéra- tion ils absorbaient du phlogistique. Depuis longtemps il existait dans la science quelques faits propres à servir de contrôle aux idées théoriques touchant le rôle du phlogistique. Ainsi, longtemps avant que Stahl eût promulgué sa doctrine, un médecin du Périgord, J. Rey, dont le nom mériterait d'être cité avec honneur par les physiciens aussi bien que par les chimistes , avait dit que l'étain aug- mente de poids par sa calcination à l'air (1), et Stahl lui- même n'ignorait pas que la litharge et le minium , ou les cendres de plomb, comme on appelait alors les oxydes de ce métal , pèsent plus que le métal qui les fournit, et que leur poids diminue lorsqu'on les ramène à l'état métallique. Mais tous ces faits, insuffisamment développés, étaient tombés dans l'oubli, ou la signification n'en avait pas été saisie par les par- tisans de la doctrine du phlogistique, lorsque Lavoisier publia ses premiers travaux sur la composition de l'air et les phéno- mènes de la combustion (2). (1) J. Rey naquit vers la fin du tonne que les physiciens ne citent pas xvi0 siècle, et publia en 1630 ses expé- son nom lorsqu'ils font l'histoire de riences sur la calcination des mé- la découverte de la pression atmos- taux {a). 11 cita Cardan , Scaliger et phérique. Il émit aussi des idées très Césalpin comme ayant observé avant remarquables sur l'attraction univer- lui que le plomb augmente de poids selle. 11 mourut en 16Z|5. dans cette opération, et il expliqua ces (2) M. Biot, dans un article fort phénomènes en disant que le surcroît remarquable sur les recherches de de poids vient de l'air, lequel s'est MM. Regnault et Reiset, relatives à la épaissi, s'est mêlé avec la chaux et respiration, a examiné avec soin les s'y est attaché. Rey fit aussi d'autres droits de J. Rey à la découverte de la expériences pour prouver physique- théorie de l'oxydation des métaux, et ment que l'air est pesant; et je m'é- il remarque, avec beaucoup de raison, (a) Rey, Essays sur la recherche de la cause pour laquelle l'estain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine. In-8", 1630. (Réimprimé en 1777, après la découverte de Lavoisier.) de la composition de l'air. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 405 Dans une suite de recherches commencées en 1771 et cou- Découverte ronnées six ans après par l'expérience célèbre de l'analyse et de la synthèse successives de l'air au moyen du mercure qui, à des températures différentes, absorbe ou abandonne l'oxy- gène ( recherches dont il ne m'appartient pas de rendre compte, mais dont je ne saurais parler sans exprimer l'admiration qu'elles m'inspirent), Lavoisier établit que l'air atmosphérique n'est pas un élément, ainsi que le supposaient les anciens, ni un fluide qui enlèverait aux corps en ignition ou aux animaux qui respirent un principe igné, pour l'abandonner ensuite aux plantes en végétation , comme le croyait Priestley ; mais un mélange de deux fluides élastiques dont l'un ne peut entretenir ni la vie, ni la flamme, et dont l'autre, au contraire, est à la fois l'aliment nécessaire de la combustion et de la respiration ; que ce gaz vivifiant est fixé par les métaux, qui se transforment en ces matières terreuses appelées alors des chaux métalliques, et désignées aujourd'hui sous le nom d'oxydes; que celles-ci augmentent de poids proportionnellement à la perte que cette combustion a fait éprouver à l'air; que le charbon, quand il brûle, produit à la fois de la chaleur et ce gaz méphitique déjà connu sous les noms d'air fixe ou d'acide crayeux, consomme également cet élément comburant de l'atmosphère ; enfin, que la respiration des animaux ressemble à la combustion du char- bon; qu'elle consiste dans l'absorption de ce même principe auquel le nom d'air vital convient si bien , et dans la production que dans la discussion des questions de Rey, on trouve que ce chimiste, de priorité il faut bien distinguer entre bien qu'il ait entrevu la vérité, ne Fa « les assertions et les preuves, entre aperçue qu'obscurément et ne l'a pas » les apparences et les vérités éta- démontrée; en sorte que, malgré les » blies ; car il n'y aurait ni utilité, ni idées justes de son précurseur, Lavoi- » équité, ni philosophie, à admettre sier doit être toujours considéré comme » d'un auteur ancien, comme démon- le véritable auteur de la découverte à » tré ce qu'on refuserait comme hypo- laquelle son nom est resté attaché. » thétique d'un contemporain. » Or, (Voy. Journal des savants, cahier de en appréciant d'après ces règles le livre juillet 18/(9.) Il06 RESPIRATION. du gaz acide crayeux : échange qui rend l'air impropre à l'en- tretien de la vie, et qui est accompagné d'une production de chaleur comme dans un phénomène de combustion. Pour achever ce beau travail, non moins remarquable par la sagesse des déductions que par la grandeur des vues, il fal- lait une découverte de plus, et Lavoisier ne laissa pas son œuvre inachevée. Pour bien comprendre en quoi consiste la respiration des animaux, il ne suffisait pas de savoir que tous ces êtres absorbent de l'air vital (ou oxygène, nom nouveau que la portion respirable de l'air portera désormais), et qu'ils produisent de l'air fixe ou acide crayeux ; il fallait, pour saisir les rapports de ces phénomènes et pour en trouver la clef, connaître exactement la nature de ce dernier gaz dont les pro- priétés seulement avaient été étudiées jusqu'alors (1). Découverte Cette découverte complémentaire des grandes découvertes de la composition déjà faites par Lavoisier fut ébauchée par ses expériences dès carbonée. 1775 (2), et se réalisa entre ses mains en 1780. Lavoisier constata que ce gaz est un composé d'oxygène et de carbone ; il détermina les proportions dans lesquelles ces élé- ments se combinent pour le produire ; et cette lumière nouvelle * acheva de dissiper les ténèbres dont l'histoire physiologique de la respiration était restée enveloppée pendant plus de deux mille ans que les philosophes cherchaient à en deviner le secret. En effet, aux yeux de Lavoisier, comme aux yeux de tous, la respiration des animaux se montre désormais comme un phénomène de combustion s'effectuant dans l'intérieur de l'or- ganisme et sous l'influence de la vie, de la même manière Théorie de la respiration. (1) Priestley et Bcrgmann semblent avoir considéré ce gaz comme un élé- ment ; Kirwan, comme un composé d'air vital et d'air inflammable, c'est- à-dire d'oxygène et d'hydrogène. La véritable composition de l'acide carbo- 1777, p. 191 nique a été constatée par les expé- riences de Lavoisier publiées dans les Mémoires de l'Académie des sciences pour 1781, p. hliS. (2) Voy. Mém. de l'Acad. des se. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|D7 que la combustion du charbon s'opère sous l'influence de la chaleur. L'oxygène de l'atmosphère qui disparaît dans ce travail physiologique se combine en totalité ou en majeure partie avec du carbone fourni par l'organisme, et forme ainsi du gaz acide carbonique qui est versé au dehors; et cette combustion, qui est une des conditions de la vie , est aussi la principale source de la chaleur intérieure que les animaux engendrent (1). . (1) C'est une étude instructive et d'un grand intérêt que de suivre pas à pas le développement des idées de Lavoisier, à mesure qu'il avance dans ses nombreuses recherches dont le résultat a été non-seulement la con- naissance de la nature de l'air, de la combustion et de la respiration, mais une chimie nouvelle que l'on appelle souvent, à juste titre , la chimie de Lavoisier. Ce fut en 1772 qu'il déposa à l'A- cadémie des sciences une première Note contenant le germe de la plus grande de ses découvertes. On y lit que le soufre et le phosphore , en brûlant , fixent une grande quantité d'air et augmentent de poids, et que les chaux métalliques calcinées en vases clos avec du charbon fournissent un fluide élastique en quantité très considérable (a). Des faits du même ordre se multi- plient bientôt sous ses yeux, et dans un ouvrage présenté à l'Académie en 1773, et publié en 1774, il arrive à ces conclusions remarquables, que lorsque par la calcination un métal se réduit en chaux, il fixe une certaine quantité de gaz puisé dans l'air; qu'il subit une augmentation de poids à peu près proportionnelle à la perte du poids de l'air employé dans l'expérience ; que la quantité de matière ainsi absorbée est de beaucoup inférieure à celle de l'air employé, et que le résidu de l'air épuisé par cette action d'un métal n'est plus susceptible d'agir de la même manière ; de sorte que l'air atmosphé- rique semble être mêlé avec un fluide élastique particulier dont ces phéno- mènes dépendraient. Enfin, il ajoute plus loin que, d'après ses expériences, il semblerait que cette matière absor- bable par les métaux se combine éga- lement avec le phosphore qui brûle, et constitue en volume le quart de l'air atmosphérique (6). En 1775 , dans son Mémoire sur la calcination de l'étain, Lavoisier con- state d'une manière plus précise des faits du même ordre, et termine son Mémoire en disant : « Sans anticiper sur les conséquences de ce travail, je" croispouvoir annoncer ici que la totalité de l'air de l'atmos- phère n'est pas dans un état respi- rable, que c'est la portion salubre qui se combine avec les mélaux pendant leur calcination. et que ce qui reste après la calcination est une espèce de moufette incapable d'entretenir la res- (a) Voyez Lavoisier, Mémoires de chimie, t. II, p. 83 et 88. (6) Lavoisier, Opuscules physiques et chimiques, 1774, 1. 1. /|08 RESPIRATION. Cette théorie de la respiration des animaux, si simple et si nette, fut bientôt développée et étayée par les résultats que fournirent les études délicates de physique pour lesquelles Lavoisier s'associa un jeune géomètre dont la gloire devait piration des animaux, ni l'inflamma- tion des corps. Non-seulement l'air de l'atmosphère me paraît évidemment composé de deux fluides élastiques de natures très différentes, mais je soup- çonne encore que la partie nuisible et méphitique est elle-même fort com- posée (a). » Dans un autre Mémoire sur la com- bustion du phosphore, Lavoisier déve- loppe des faits déjà indiqués sommai- rement dans ses Opuscules, et apporte de nouveaux résultats à l'appui de ses vues touchant la composition de l'air et le rôle du principe comburant de ce fluide (6). Enfin, c'est dans son Mémoire sur la respiration des ani- maux (c) qu'il fait l'analyse de l'air au moyen du mercure, qui, chauffé en contact avec ce fluide , se transforme en précipité per se (ou oxyde rouge). Après avoir constaté la nature du résidu gazeux laissé dans cette opéra- tion , Lavoisier reconstitua l'air avec ses propriétés ordinaires en dégageant dans ce résidu le fluide élastique que cette même préparation mercurielle abandonne sous l'influence d'une température élevée, c'est-à-dire Y air déphlogistiqué déjà découvert par Priestley. Il étudie ensuite les phéno- mènes chimiques de la respiration et arrive aux conclusions suivantes : o 1° Que la respiration n'a d'action que sur la portion d'air pur, d'air éminemment respirable contenu dans l'air de l'atmosphère ; que le surplus, c'est-à-dire la partie méphitique, est un milieu purement passif qui entre dans le poumon et en ressort à peu près comme il y était entré, c'est-à- dire sans changement et sans alté- ration ; » T Que la calcination des métaux dans une portion donnée d'air de l'at- mosphère n'a lieu que jusqu'à ce que la portion de véritable air, d'air émi- nemment respirable qu'il contient, ait été épuisée et combinée avec le métal; » 3° Que de même, si l'on enferme des animaux dans une quantité donnée d'air, ils y périssent lorsqu'ils ont ab- sorbé ou converti en acide crayeux aéri- forme la majeure partie de la portion respirable de l'air, et lorsque ce der- nier est réduit à l'état de moufette ; » h" Que l'espèce de moufette qui reste après la calcination des métaux ne diffère en rien de celle qui reste après la respiration des animaux, pourvu toutefois que cette dernière ait été dépouillée par la chaux, ou par les alcalis caustiques, de sa partie fixable, c'est-à-dire de l'acide crayeux aériforme qu'elle contient, etc. (c). » Quant à la source de l'acide carbo- nique, Lavoisier dit aussi : « On peut conclure qu'il arrive de deux choses (a) Lavoisier, Mém. sur la calcination de l'étain (Mém. de l'Acad. des sciences, 1774, p. 3G6). (b) Sur la combustion du phosphore de Kùnckel, et sur la nature de l'acide qui résulte de cette combustion (Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. G5). (c) Expériences sur la respiration des animaux et sur les changements qui arrivent à l'air en passantpar les poumons (Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p, 185). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 409 bientôt égaler presque la sienne : l'auteur du Traité de la mécanique céleste (1). Elle reçoit chaque jour de nouvelles confirmations, et si on l'applique à la grande découverte de Priestley touchant la respiration des plantes, on comprend aussitôt le fait fondamental de la stalique de l'atmosphère. L'oxygène de l'air, en servant à l'entretien de la vie des ani- maux, se combine avec du carbone fourni par leur substance, et rentre dans l'atmosphère à l'état d'acide carbonique, pour être ensuite absorbé par les plantes et décomposé dans l'intérieur de leur organisme ; y dépose du carbone et reparaît au dehors à l'état libre, afin de servir encore une fois aux besoins du Règne animal, et de continuer à subir ces changements alter- natifs, tant que l'équilibre existera entre les deux grandes divi- sions de la Création vivante (2). Tune par l'effet de la respiration : ou la portion d'air éminemment respi- rable , contenue dans l'air de l'at- mosphère , est convertie en acide crayeux aériforme en passant par le poumon ; ou bien il se fait un échange dans ce viscère , d'une part , l'air éminemment respirable est absorbé, et de l'autre le poumon restitue à la place une portion d'acide crayeux aériforme presque égale en va- leur (a). » (1) Nous aurons à revenir sur ce travail de Lavoisier et Laplace, lorsque nous étudierons la faculté productrice de la chaleur chez les animaux (6). (2) En enregistrant ici ce fait si im- portant pour Yhistoire naturelle de notre globe, je crois devoir mettre en garde contre une opinion qui au pre- mier abord semble en être une consé- quence légitime. On pense générale- ment que la présence des arbres au milieu des grandes agglomérations de population telles qu'il en existe dans nos villes populeuses est très utile pour l'assainissement de l'air, parce qu'ils y décomposent l'acide carbonique pro- duit par la respiration de l'homme et des animaux en même temps qu'ils y versent de l'oxygène. Mais le fait est que l'influence des végétaux sur la composition de l'air n'est appréciable qu'envases clos, et devient complète- ment insensible quand il s'agit de l'air libre. En effet, la quantité d'air ré- pandu autour de la terre est telle- ment considérable par rapport aux quantités d'oxygène consommé par les animaux et à celles de l'acide car- bonique décomposé par les plantes, et le mélange de toutes les parties (a) Lavoisier, Mémoire sur la calcinalion de l'étain dans les vaisseaux fermés, et sur la cause de l'augmentation de poids qu'acquiert ce métal pendant cette opération (Loc. cit., p. 190). (6) Mémoire sur la chaleur, par Lavoisier et Laplace (Mém, de l'Acad. des sciences, 1780, p. 355). 52 U\0 RESPIRATION. Les dix années comprises entre 1770 et 1780 font époque dans l'histoire de la physiologie, non moins que dans celle des sciences chimiques ; mais elles ne furent pas suivies d'un temps de repos, comme cela arrive souvent après un grand effort accompli, et Lavoisier lui-même ne s'arrêta pas dans l'étude des phénomènes chimiques de la respiration. La balance à la main, il chercha si rien n'avait échappé à ses investigations, et il s'aperçut alors que la quantité d'oxygène consommé dans le travail respiratoire des animaux n'est pas représentée en totalité par celle contenue dans l'acide carbonique exhalé (1). Découverte La découverte récente de la composition de l'eau, dans composition laquelle, à son insu, il avait été devancé par Cavendish, lui permit d'expliquer cette circonstance et de compléter sa théorie de la combustion respiratoire. Cavendish et Lavoisier, chacun de leur côté, avaient montré que l'oxygène, en brûlant le gaz appelé jusqu'alors de l'air inflammable, et désigné depuis ce mo- ment sous le nom d'hydrogène, ou générateur de l'eau, produit de l'eau comme il produit de l'acide carbonique lorsqu'il s'unit au carbone (2). Or, Lavoisier trouva que pour expliquer la pro- de l'atmosphère est si complet et si rapide à raison de la diffusibilité des gaz et des courants dont cette masse fluide est sans cesse agitée, que l'analyse ne révèle aucune différence dans la composition de l'air dans les villes et dans la campagne. M. Dumas a calculé cpie la quantité d'oxygène employée pendant tout un siècle pour l'entretien de la respiration de tous les êtres animés dont la surface du globe est peuplée ne dépasse pas 1/8000 de la quantité répandue dans l'atmos- phère, et que dans le cas où les plantes cesseraient de réduire l'acide carbo- nique excrété par ces êtres et à verser de l'oxygène clans l'air, il faudrait dio mille années pour que la diminutixn de ce dernier gaz pût devenir appré- ciable par nos moyens eudiométriques ordinaires (a). (1) Mémoire sur les altérations qu'éprouve l'air respiré, lu à la Société de médecine en 1785 ( Mém. de la Soc. de méd. , t. V, p. 569; et Mémoires de chimies, par Lavoisier, /ic partie, p. 18). (l2) La découverte de la nature de l'eau a donné lieu à beaucoup de débats, et a une importance si grande en physiologie, que je crois devoir m'y arrêter un instant , afin d'indiquer la («) Dumas, tissai de statique chimique des êtres organisés, 1 842, p. iS, NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. Hl duction de chaleur développée par la respiration, il ne suffisait pas non plus de celle dégagée par la combustion du carbone contenu dans l'acide carbonique exhalé ; et comme l'air, en sor- tant des poumons, est toujours chargé de vapeurs aqueuses, il se vit ainsi conduit à admettre que l'oxygène inspiré sert à brûler de l'hydrogène aussi bien que du carbone dans l'inté- part qui appartient à chacun dans le service rendu ainsi à la science. La formation de l'eau lors de la com- bustion de l'air inflammable ou hydro- gène avait été observée de bonne heure par Macquer, dont j'ai déjà eu l'oc- casion de citer les ouvrages (p. 1Z|3 ) ; mais ce chimiste n'avait pas compris la portée du fait dont ses expériences l'avaient rendu témoin (a). Vers 1781 , un physicien anglais , Warltire, vit que la détonation d'un mélange d'air inflammable et d'air ordinaire, déterminée par l'étincelle électrique, est suivie d'un dépôt de rosée (6). Bientôt après, Cavendish répéta les expériences de Warltire, et reconnut que l'eau déposée sur les parois du vase où l'on a fait brûler de l'air inflammable et de l'air commun est le produit de cette combustion. Il opéra de la même manière sur de l'hydrogène mêlé à de l'oxygène pur, et il tira de ses expériences cette con- clusion capitale, que ces deux gaz, en s'unissant, se convertissent en eau ■pure. Le Mémoire dans lequel Caven- dish rend compte de ses recherches fut lu à la Société royale de Londres, le 15 janvier 1784, et parut dans les Transactions de cette Société six mois après ; mais la découverte faite par ce chimiste remontait à 1781 (c). En 1783, Priestley, guidé par les expériences de Cavendish , dont il avait déjà connaissance , trouva que l'eau déposée de la sorte représente à peu près la somme des poids des deux gaz employés. Il constata aussi que l'eau est susceptible de donner naissance à des fluides aériformes ; mais, préoccupé toujours de l'idée du phlogistique , il ne découvrit pas que dans cette réaction l'eau est décom- posée (ci). A cette même époque ( 26 avril 1783), James Watt , le célèbre inven- teur des principaux perfectionnements de la machine à vapeur, donna aussi dans une lettre adressée à Priestley la véritable explication des résultats ob- tenus par celui-ci clans son expérience sur la combustion de l'air inflam- mable : il en conclut que l'eau est un composé des deux gaz oxygène et hy- drogène, dépouillés de leur chaleur latente. Mais la lettre de Watt resta inédite (conformément à sa demande), et ne devint publique par la voie de (a) Macquer, Dictionnaire de chimie, 1778, t. I, p. 583. (6) Voyez Cavendish, Expérimenta on Air (Philos. Trans., 1784, p, 126). (c) Cavendish, loc. cit., p. 127. (d) Priestley, Exper. relating to Phloniston and thc seeming Conversion of Water mlo Air (Phil. Trans., 1783, p. 427). 412 RESPIRATION. rieur de l'organisme, et que les produits du travail respiratoire sont par conséquent tout à la fois de l'eau et de l'acide carbo- nique. Dans tous ses premiers travaux, Lavoisier ne se prononça la presse que postérieurement à l'an- nonce de la découverte de Caven- dish (a). Pendant que ces travaux se pour- suivaient en Angleterre , Lavoisier cherchait à Paris la solution de la même question. Ses expériences , commencées en 1777 (b), furent nettes et décisives , ses déductions logiques et lucides. Il communiqua un pre- mier travail sur ce sujet à l'Aca- démie des sciences, en novembre 1783 (c), et un second Mémoire le 21 avril 118ri(d); mais déjà, le 2/i juin 1783, il avait rendu plusieurs phy- siciens témoins de ses expériences , et Blagden , secrétaire de la Société royale de Londres , qui était de ce nombre , lui avait appris que Caven- dish était déjà arrivé au même résul- tat, bien que ce dernier n'en eût en- core rien publié (e). Des imputations graves pour la mé- moire de Lavoisier se produisirent bientôt relativement à cette commu- nication verbale et à l'étendue des droits de Cavendish à la découverte de la théorie de la formation de l'eau. Ces accusations ont été même repro- duites de nos jours (/) ; mais la no- blesse du caractère du fondateur de la chimie moderne est trop bien connue pour qu'aucune tache honteuse puisse être imprimée à son nom . et quand je l'entends dire que c'est avant de connaître les expériences de Caven- dish qu'il avait trouvé la composition de l'eau, je le crois. En effet, je pense comme M. Flourens, que « le génie a toujours le droit d'être cru (g). » Lord Brougham , qui a attribué tout le mérite de cette grande dé- couverte à Watt et à Cavendish , et qui nous représente Lavoisier comme un homme dépourvu de probité scien- tifique , a sans doute omis de lire ce que Watt lui-même disait le 29 avril 178/i au sujet de la part qui appar- tient au chimiste français. En effet, quand Watt veut établir que l'eau pure est le produit de la déflagration de l'air déphlogistiqué et de l'air in- flammable , il déclare positivement que ce sont « les expériences faites (a) Watt. Thouglits on the Constituant Parts of Water and of Dephlogistieated Air ; with an Account of some Eœperiments on lhat Subjecl (Philos. Tram., 1784, p. 329). (b) Voyez Lavoisier, Mémoires de chimie, t. Il, p. 248. (c) Lavoisier, Mémoire dans lequel on a pour objet de prouver que l'eau n'est point une sub- stance simple, un élément proprement dit, mais qu'elle est susceptible de décomposition et de recomposition. Lu à la séance de rentrée publique do la Saint-Marlin 1783 ( imprimé dans le volume des Mémoires de l'Académie pour 1781, p. 408, et publié en 1784). (d) Lavoisier et Meunier, Mémoire où l'on prouve par la décomposition de l'eau que ce fluide n'est pas une substance simple. Lu à l'Académie des sciences le 21 avril 17 84, et imprimé dans le même volume que le précédent ( Mémoires de l'Académie pour 1781, p. 269). (e) Voyez le récit de Lavoisier dans le Recueil de ses Mémoires de chimie, dont l'impression fut interrompue par la mort de ce savant ( tome II, p. 248). (/) Brougham, Lives of Men of Letters and Science, ivho florished on the Time of George III. (Cavendish, vol. II, p. 279). (g) Flourens, Histoire de la découverte de la circulation du sang, p. 126. NATURE BB OB PHÉNOMÈNE. /|43 pas sur la source immédiate dos matières combustibles ainsi enlevées à l'organisme par l'air queles animaux respirent ; mais dans des publications plus récentes, qu'il fit en commun avec Seguin, il chercha à avancer encore la question, et fut alors moins heureux que dans ses recherches antérieures. 11 pensa, en effet, que la combustion respiratoire a son siège dans le pdiimon même, et s'entretient à l'aide d'hydrogène carboné que le sang y exhalerait (1). Dans cette théorie le poumon était donc le foyer chargé de produire la chaleur animale et de la distri- buer à tout le corps (2). Nous verrons bientôt que les choses récemment à Paris » qui en donnent la meilleure preuve (a). Il me semble donc qu'en bonne justice les noms de Cavendish et de Lavoisier doivent être associés dans l'histoire de la découverte de la con- stitution de l'eau. Les recherches de ces deux expérimentateurs furent exé- cutées simultanément, chacun arriva de son côté à la connaissance de la vérité ; et si la lettre de la loi qui règle les questions de priorité donne peut-être gain de cause à Cavendish, l'équité veut que Lavoisier lui soit as- socié. Leurs découvertes sont comme deux enfants jumeaux qui , conçus au même moment, se sont développés côte à côte, et entre lesquels le droit d'aînesse est résulté d'une convention plutôt que d'une différence réelle. Quant aux droits que Watt peut avoir à cette grande découverte, je ne les place pas sur la même ligne que ceux de Cavendish et de Lavoisier. Watt, en lisant le récit des expé- riences de Prieslley, a eu une idée heureuse; mais pendant que Caven- dish et Layoisier interrogeaient fruc- tueusement la nature , il ne constata aucun fait probant , et il était si peu sûr de son interprétation des faits observés par Pries tley, qu'il n'autorisa la publication de la lettre où il en rendait compte qu'après avoir été confirmé dans son opinion par les travaux de Cavendish et de Lavoi- sier (b). Watt a deviné juste ; Caven- dish et Lavoisier ont prouvé. Malgré le savant plaidoyer présenté en faveur de Watt par un membre illustre de l'Académie des sciences de Paris (c), je persiste donc à regarder Caven- dish et Lavoisier comme ayant eu la plus grande part dans l'accomplisse- ment de ce progrès scientifique, et comme ayant-par conséquent le plus de droits à notre reconnaissance. (1) Ce fut Seguin qui le premier attribua ce rôle à l'hydrogène carboné. (Voy. Mém. de chimie, par Lavoisier, t. Il, Ue partie, p. 36.) (2) Mémoire sur la respiration des animaux , par Lavoisier et Seguin (Mémoires de l'Académie des sciences, 1789, p. 466)? (a) Philos. Trans., 1784, p. 333. (b) Voyez son Mémoire, loc. cit., p. 330. (c) Arago, Éloge hist. de James Watt (Mém. de l'Acad. des se, t. XVII, p. cxxxvm, etc, kill RESPIRATION. ne se passent pas ainsi, et que la combustion physiologique s'o- père en réalité dans la profondeur de toutes les parties de l'or- ganisme. Mais ce point est d'une importance secondaire, et ce qui domine la question est le fait de l'existence de cette combus- tion, fait dont la découverte appartient tout entière à Lavoisier. Généralisation § 17. — Les belles expériences de ce chimiste portèrent des résultats l obtenus exclusivement sur un petit nombre de Mammifères et d'Oi- par Lavoisier. seaux. Pour donner à sa théorie toute la généralité qu'un pareil sujet comporte, il fallait poursuivre ces investigations dans les autres classes du Règne animai, et voir si les choses se passent de la même manière, d'un côté chez les animaux aquatiques, de l'autre chez ceux qui respirent l'air par des trachées au lieu de poumons. Déjà, en 1777, Scheele avait dit que les Mouches, les Abeilles et d'autres Insectes périssent dans l'air confiné et ren- dent ce fluide impropre à l'entretien de la combustion (1). Priestley avait observé des faits analogues chez les Poissons (2), et, avant la mort de Lavoisier , Vauquelin avait constaté aussi que chez les Mollusques et les Insectes, les phénomènes respi- ratoires sont de même nature que chez les animaux supérieurs, avec cette seule différence que ces êtres peuvent vivre dans un milieu plus pauvre en oxygène (o). Mais la généralisation de ce résultat est due surtout à un physiologiste italien dont le nom reparaîtra ici chaque fois que j'aborderai l'histoire d'une des (1) Scheele, Abhandl. von der Luft gène. Mais ce chimiste n'avait pas und demFeuer, p. 118. constaté la production d'acide carbo- (2) Déjà, en 1777, Priestley avait nique par ces animaux (a), constaté que les Poissons vicient l'air (3) Les expériences de Vauquelin de la même manière que les autres portèrent sur les Sauterelles, les Coli- animaux ; il supposait que c'était en maçons et les Limaces, animaux que y cédant du phlogistique, ce qui re- l'on rangeait alors dans la classe des vient à dire qu'ils absorbent l'oxy- Vers (6). (a) Exper. on Air, vol. III, p. 342. (b) Vauquelin, Observations chimiques et physiologiques sur la respiration des Insectes et des Vers (Ann. de chimie, 1792, t. XII, p, 273). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 415 grandes fonctions de l'économie animale, à Spallanzani, qui entreprit, vers la môme époque, une longue série de recherches comparatives sur la respiration d'un grand nombre d'animaux, les uns terrestres, les autres aquatiques : des Annélides, des Mollusques, des Crustacés, des Insectes, des Poissons, des Reptiles et des Oiseaux (lj. Il trouva que chez tous l'oxygène était nécessaire à la vie; que toujours ce gaz était absorbé, et que toujours il était remplacé par de l'acide carbonique. Enfin l'illustre physicien de Berlin, M. de Humboldt, et un professeur de la Faculté de Montpellier, Provençal, publièrent, quelques années après , sur la respiration des Poissons , un grand et beau travail dont les résultats généraux s'accordaient parfaitement avec la théorie Lavoisienne : ils constatèrent que c'est bien l'air dissous dans Feau qui sert à l'entretien de la vie de ces animaux ; que cet air est plus riche en oxygène que ne l'est celui de l'atmosphère; que les Poissons consomment l'oxygène dont ils se trouvent ainsi entourés, et qu'ils pro- duisent de l'acide carbonique (2). (1) L'ouvrage de Spallanzani sur dont la science est redevable à Spal- la respiration (a) est le dernier auquel lanzani, et s'ils avaient été exposés ait travaillé ce naturaliste laborieux avec plus de métbode, plus de conci- qui, né en 1729, mourut en 1799, après sion et plus de critique, ils auraient avoir professé successivement aux contribué davantage aux progrès de la universités de Reggio , de Modône et physiologie. de Pavie. Ce livre ne contenait qu'une (2) En 1799, Humphry Davy avait fait petite portion de ses recherches , et aussi quelques expériences sur la res- après sa mort les registres de ses piration des Poissons, et il en avait expériences furent confiés à Sénébier, conclu que c'est l'oxygène tenu en qui en tira les matériaux d'un ou- dissolution dans l'eau qui sert à l'en- vrage intitulé : Rapports de l'air tretien de la vie de ces animaux. 11 avec les êtres organisés (b). C'est ajoute que nous n'avons aucune raison par conséquent dans l'ouvrage de pour supposer que l'eau puisse être Sénébier que l'on doit chercher la décomposée par leurs branchies, plupart des faits relatifs à la respiration Enfin, il annonce avoir constaté que (a) Mémoires sur la respiration, par Lazare Spallanzani, traduits en français d'après un manuscrit incidit par Sénébier. In-8, Genève, 1803. fe (b) 3 vol. in-8, Genève, 1807. 416 RESPIRATION. On constata même l'existence de phénomènes respiratoires chez l'embryon du Poulet, lorsqu'il n'est encore qu'imparfaite- ment développé dans l'intérieur de l'œuf, et la nécessité de ces phénomènes pour l'entretien de la vie du jeune animal en voie de formation (1). la respiration des Zoophytes s'effectue de la même manière (a). Mais ce sont surtout les recherches de MM, Humboldt et Provençal qui fixèrent ce point de la science [b). (1) La nécessité d'une sorte de res- piration chez le Poulet, dans l'œuf, n'a pas échappé à la sagacité de Mayow, qui paraît avoir été aussi le premier à se former des idées assez justes rela- tives au rôle du placenta chez le fœtus des Mammifères, car il considère cet organe comme servant à la fois à la nutrition et à la respiration des jeunes Mammifères (c). L'illustre Réaumur fit voir aussi qu'en vernissant la sur- face externe des œufs, on empêche l'embryon de s'y développer (d). Mais -l'existence des phénomènes chimiques qui caractérisent la respiration ne fut bien constatée dans l'œuf que vers 1820. A cette époque, un physiologiste anglais, nommé Paris, observa qu'à la fin de l'incubation , il se forme de l'acide carbonique dans l'air qui oc- cupe l'espace vide à une des extrémités de l'œuf (e). MM. Prévost et Dumas, en étudiant les pertes de poids que l'œuf éprouve pendant l'incubation , reconnurent aussi que l'exhalation est plus grande dans les œufs où le travail embryogé- nique s'opère que dans les œufs sté- riles. Ils attribuèrent une partie de ces pertes à la production d'une certaine quantité d'acide carbonique, et par des expériences indirectes ils furent conduits à penser que, terme moyen, un œuf de poule, dont le poids est de 50 grammes, devait abandonner ainsi à l'atmosphère, pendant le travail de l'incubation , environ 3 litres de gaz acide carbonique (f). Vers la même époque, M. Bischoff fit voir que l'air contenu dans l'espace vide que l'évaporation produit dans la coquille de l'œuf est d'abord très riche en oxygène (g), et Dulk montra que la proportion d'acide carbonique y aug- mente à mesure que le développement de l'embryon avance. Ainsi,au dixième jour de l'incubation, il y trouva l\,hh d'acide carbonique et '11,1x1 d'oxy- gène pour 100, et au vingtième jour de l'incubation, 9, 13 d'acide carbo- nique, et 17,55 d'oxygène sur 100 {h). (a) Contributions to Physical and Médical Knowledge, by Beddoes, p. 138. (b) Provençal et Humboldt, Recherches sur la respiration des Poissons (Mémoires de la Société d'Arcueil, 4 809, t. II, p. 359. (c) Tractatus tertius de respiratione fœtus in utero et ovo (Op. cit., p. 311 et suiv.) (d) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, 1736, t. II, p. 39 et suiv. (e) Paris, A Memoir on the Physiology ofthe Egg (Ann. of Philos., 1821., 2" série, vol. I, p. 2). (f) Dumas, art. Œuf au Dict. classique d'hist. nat., 1827, t. XII, p; 121. (g) Bischoff, Chemische Untersuchung der Luft, welche sich in den Hûhnereiern be/indet (Schweigger's Jahrb. der Chemie, 1823, Bd. IX, p. 446). (h) Dulk, UiUersuchungen iiber die in den Hûhnereiern enthaltene Luft (Schweigger's Jahrb., 1830. Bd. XXVIII, p. 363). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. ft!7 Le nombre des gaz dont on doit la connaissance à Priestley et aux autres chimistes du siècle de Lavoisier, ou à leurs succes- seurs, est assez considérable ; mais il n'est aucun de ces corps qui puisse se substituer à l'oxygène dans le phénomène de la respiration : aucun d'entre eux ne possède la propriété d'entre- tenir la vie comme le fait ce principe comburant, et la plupart de ces fluides élastiques exercent même une action nuisible sur l'économie animale ; plusieurs sont délétères, pour me servir ici de l'expression propre, et tendent à produire l'asphyxie et la mort, non-seulement parce qu'ils n'ont pas le pouvoir vivifiant de l'oxygène, mais parce que ce sont des poisons plus ou moins énergiques. Le protoxyde d'azote, comme on le sait, possède la propriété d'entretenir la combustion du charbon et de l'hydrogène ; une bougie que l'on y plonge continue à brûler, et l'on pouvait croire qu'il en serait de même pour la respiration des animaux, puisque les phénomènes de cet acte ont tant d'analogie avec une com- bustion ordinaire. Mais l'expérience prouve que ce gaz, de même que tous les autres , à l'exception de l'oxygène, est impropre à l'entretien de la vie des animaux. L'asphyxie s'y déclare assez promptement, et son action toxique se manifeste Précédemment, un physiologiste de ces savants portent sur des œufs allemand, Vibourg, avait annoncé que de Mollusques terrestres et de Rep- l'incubation ne pouvait se poursuivre tiles aussi bien que sur des œufs d'Oi- dans les gaz impropres à la respira- seaux, et partout ils ont constaté une tion : fait qui avait été pleinement certaine absorption d'oxygène, ainsi confirmé par les recherches plus ré- qu'une exhalation d'acide carbonique centes de Schwann (a). et d'azote. Il est aussi à noter que la Dans ces derniers temps, ce sujet a quantité d'oxygène contenue dans été étudié d'une manière plus large et l'acide carbonique exhalé s'est mon- plus approfondie par MM. Baudrimont trée supérieure à celle de l'oxygène et Martin-Saint- Ange ; les expériences absorbé (6). (a) Schwann, De necessitate aeris atmospherici ad evolutionem pulli in ovo ineuhito (voyez Miiller's Arch. fur Physiol., 1835, p. 121). (b) Recherches anatomiques et physiologiques sur le développement du fœtus (Mém. de l'Acad, des sciences, Sar, étrang., 1851, t. XI, p. 4fi9). I. 53 IliS RESPIRATION. par une sorte d'ivresse, lors même qu'on ne le respire que mêlé à de l'air atmosphérique (1). La mort par submersion dépend aussi de la suspension de l'action de l'oxygène sur l'économie animale : ce n'est pas l'eau qui, en pénétrant dans les poumons du noyé, détermine l'as- phyxie ; c'est l'obstacle mécanique que ce liquide oppose à l'entrée de l'air dans ces organes, qui arrête ainsi le mouve- ment vital, et l'effet produit est à peu près le même que si l'on respirait de l'azote , de l'hydrogène ou quelque autre gaz qui, tout en ne possédant pas les qualités de l'oxygène, ne serait cependant pas un poison pour l'organisme (2). (1) L'influence enivrante exercée par le protoxyde d'azote a fait donner à ce fluide le nom de gaz hilarant. Le chimiste Davy en a fait l'objet d'un grand nombre d'expériences, portant soit sur l'homme , soit sur les animaux ; et après avoir fait voir qu'en général la vie persiste un peu plus longtemps cbez les animaux qui se trouvent plongés dans ce gaz que chez ceux qui sont submergés ou qui respirent de l'hydrogène ou de l'azote, il a constaté des altérations particu- lières dans le sang, lorsque du pro- toxyde d'azote vient à s'y dissoudre. Enfin il décrit avec beaucoup de dé- tails les effets qui se manifestent chez l'homme lorsqu'on respire de ce gaz en petites quantités, et qui dénotent une action particulière exercée par cette substance sur le système ner- veux. Mais il est bon de noter que cette ivresse ne se déclare pas toujours, et que l'asphyxie arrive quelquefois avant que les effets excitants du pro- toxyde d'azote n'aient commencé ; aussi les expériences de ce genre ne sont-elles pas sans danger et ne doi- vent être tentées qu'avec beaucoup de prudence (a). (2) Les anciens pensaient que la mort par submersion était causée par l'entrée de l'eau dans toutes les cavités du corps et la rupture des organes vitaux dépendant de cet afflux. Des auteurs plusmodernes supposaient que l'eau, en pénétrant dans les poumons, arrêtait le jeu de ces organes (6). Enfin, d'autres encore pensaient que l'eau exerce dans ce cas une action, indirecte seulement, et produit la mort en empêchant rentrée de l'air dans les poumons (c). La vérité de cette dernière opinion ' (a) H. Davy, Researches, Chemical and Philosophieal Chiefly concerning Nitrous Oxide, or Diphlogisticated Nitrous Air and its Respiration. In-8, Londres, 1800. (b) De Haen, Ratio medendi contmuata, t.I. Louis, Lettre sur la certitude de la mort, où l'on rassure les citoyens de la crainte d'être enterrés vivant, avec des observations et des expériences sur les noyés. In-12, 1752. (c) Littre, Hist. de l'Acad. des sciences, 1719, p. 26. — Sénac, Sur les noyés (Hist. de l'Acad. des sciences, 1725, p. 12). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. &19 § 18. — Ainsi les phénomènes de combustion physiolo- gique, dévoilés par les travaux de Lavoisier, s'observent dans le Règne animal tout entier. Tout être animé a continuellement besoin de consommer de l'oxygène qu'il puise dans l'atmos- phère, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un véhicule, tel que l'eau , et en retour de ce principe vivifiant il verse au dehors de l'acide carbonique. Ce gaz paraît naître dans l'éco- nomie animale de la combinaison de l'oxygène ainsi absorbé avec du carbone fourni par l'organisme ; une petite portion de ce même oxygène semble être employée à produire, avec de l'hydrogène éliminé du corps vivant , de l'eau qui s'échappe sous la forme de vapeur mêlée, comme nous le verrons bientôt, à de l'eau qui existe toute formée dans le sang. Enfin, l'azote de Résumé. a été pleinement établie par les expé- riences de Goodwyn, médecin anglais du xvme siècle (a). Il constata que la quantité d'eau qui peut s'introduire dans les poumons pendant la submer- sion, et qui, mêlée au mucus des voies pulmonaires, produit l'écume qui s'y observe souvent, est tout à fait insuf- fisante pour déterminer l'asphyxie, et que c'est en interceptant le passage de l'air atmosphérique dans ces organes que l'eau dans laquelle un animal est plongé le fait périr. Ces recherches conduisirent Goodwyn à poser les bases du traitement des noyés qui est généralement adopté aujourd'hui. On distingue avec raison deux sortes d'asphyxies. Celles dites néga- tives sont produites par le défaut d'oxygène, et se déclarent quand le gaz que l'on respire n'agit pas d'une ma- nière nuisible sur l'économie, bien qu'il soit incapable d'entretenir la vie, ou bien encore lorsque le renouvelle- ment de l'air atmosphérique , et par conséquent de l'oxygène , se trouve empêché par une cause mécanique. Les asphyxies dites positives sont au contraire des cas d'empoisonnement, produits par l'absorption de gaz dé- létères dans l'appareil respiratoire, et ils peuvent se produire lors même que l'air vicié par la présence d'un de ces gaz contiendrait encore la proportion normale d'oxygène. Ce n'est pas ici le lieu de traiter des effets produits par ces poisons aériformes, et je me bor- nerai à citer comme exemples des asphyxies positives celles qu'occasion- nent l'acide suif hydrique ou hydrogène sulfuré qui se dégage dans les fosses d'aisances, etc. , et l'oxyde de carbone qui se forme pendant la combustion imparfaite du charbon. (a) E. Goodwyn, The Connexion of Life with Respiration, or an Expérimental Inquiry inlo Ihe Effects of Submersion, Strangulation, and several Kinds of Noœious Airs on Living Animais. In-8, 1788. Une traduction française de cet opuscule a été publiée dans le Magasin encyclopédique, t. IV, p. 355. 420 RESPIRATION. l'air, dont il a été à peine question jusqu'ici , ne joue qu'un rôle peu important dans le phénomène de la respiration ; il n'est pas propre à l'entretien de la vie, et la quantité de ce gaz qu'on voit entrer et sortir des poumons reste à peu près la même. Ces faits fondamentaux de la théorie de la respiration avaient été tous constatés par Lavoisier, et aucun d'eux n'a été infirmé par les travaux nombreux dont la science s'est enrichie depuis le commencement du siècle actuel; mais cette partie de l'his- toire naturelle des êtres organisés n'est pas restée station- naire; on est allé plus avant, dans l'étude de cette grande question de physiologie, que n'avait pu le faire l'illustre fon- dateur de la chimie moderne , et dans la prochaine leçon j'exposerai l'état actuel de nos connaissances à ce sujet. HUITIÈME LEÇON. Théorie des phénomènes de la respiration. — Source de l'acide carbonique et emploi de l'oxygène. — L'acte respiratoire consiste essentiellement en un travail d'absorption qui s'exerce sur l'oxygène et en une exhalation de l'acide carbonique existant dans l'organisme. — Présence de ces gaz dans le sang. — L'échange des gaz entre le sang et l'atmosphère est régi en grande partie par les lois ordinaires de la physique. — État de l'acide carbonique et de l'oxygène dans le sang. — Source éloignée de l'acide carbonique du sang et emploi de l'oxygène. ■ — Rôle de l'azote. — Exhalation aqueuse. — Résumé sur la nature des phénomènes essen- tiels de la respiration. § 1 . — Lorsque Lavoisier rendit compte de ses premiers Du dsi<*e travaux sur la respiration des animaux, il resta dans une sage ,a combustion 1 ° respiratoire. réserve au sujet de l'origine de l'acide carbonique dont l'air se charge dans les poumons, et il fit remarquer avec raison que les faits constatés par ses expériences pouvaient s'expliquer de deux manières : en admettant qu'une portion de l'air éminem- ment respirable , c'est-à-dire l'oxygène , contenue dans l'at- mosphère est convertie en acide carbonique en passant par le poumon, ou bien qu'il se fait un échange dans ce viscère; que, d'une part, l'air éminemment respirable est absorbé, et que de l'autre il se dégage du poumon une portion d'acide carbo- nique presque égale en volume (1). Mais après qu'il eut étudié avec Laplace la production de chaleur qui a lieu dans la combustion du charbon et celle qui accompagne la respiration des animaux les plus voisins de l'homme, Lavoisier ne conserva plus ce doute, si bien fondé , et adopta nettement la première des deux hypothèses dont je (1) Lavoisier, Expériences sur la 1777, p. 191, et Mém. de physique respiration (Mém. de l'Acad. des se, et de chimie, he partie, p. 8). 422 RESPIRATION. viens de rappeler l'énoncé. « La respiration, dit-il alors, est une » combustion à la vérité fort lente, mais d'ailleurs parfaitement » semblable à celle du charbon ; elle se fait dans l'intérieur » des poumons sans dégager de lumière sensible, parce que la » matière du feu devenue libre est aussitôt absorbée par l'humi- » dite de ces organes : la chaleur développée dans cette com- » bustion se communique au sang qui traverse les poumons, » et de là se répand dans tout le système animal (1). » Ainsi, pour Lavoisier, l'oxygène de l'air, en arrivant dans l'intérieur du poumon, y rencontre des matières combustibles, soit du carbone, soit de l'hydrogène carboné, les brûle, et, par cela même, donne naissance à du gaz acide carbonique qui est aussitôt rejeté au dehors avec l'air expiré. Dans cette hypo- thèse, le poumon serait donc un véritable foyer de combustion, et à chaque inspiration une nouvelle quantité d'air arrivant du dehors viendrait y activer le feu, et produire à la fois de la cha* leur et du gaz acide carbonique. L'assimilation de l'acte respiratoire au phénomène de la com- bustion était trop juste pour ne pas être acceptée par tous les bons esprits; mais la portion complémentaire de la théorie Lavoisienne souleva de graves objections. Ainsi on fit remarquer que la température du poumon n'est pas supérieure à celle des autres parties intérieures de l'organisme, et que par conséquent il était difficile de croire que toute la chaleur du corps y prenait naissance pour se répandre ensuite dans le reste de l'économie. Lavoisier et Laplace, il est vrai, avaient prévu cette difficulté, et avaient cherché à la lever en attribuant au sang qui s'éloigne du poumon une capacité pour la chaleur plus grande que celle dont serait doué le sang qui arrive dans ce viscère et qui n'a (1) Deuxième Mém. sur le principe p. Zi06, et Mémoires de physique et de de la chaleur, etc., par Lavoisier et chimie, t. I, p. 115). Laplace {Mém. de l'Académie, 1780, NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 423 pas encore subi l'iniluence de l'air (1). Mais cette explication n'avait pu satisfaire tous les physiologistes, et quelques auteurs adoptèrent de préférence la première des deux hypothèses entre lesquelles Lavoisier avait d'abord hésité à se prononcer. En effet, Lagrange, l'un des géomètres les plus illustres des temps modernes, trouva cette objection si forte, qu'il chercha à expliquer autrement la production de chaleur dans l'économie animale ; il lui sembla probable que cette chaleur devait se dégager dans toutes les parties où le sang circule, et que pour entretenir dans la profondeur de tous les organes la combustion Hypothèse de Lagrange. (1) Voici comment Lavoisier et La- place s'expriment à ce sujet : « La chaleur animale est à peu près la même dans les différentes parties du corps. Cet effet paraît dépendre des trois causes suivantes : la première est la rapidité de la circulation du sang qui transmet promptement jusqu'aux extrémités du corps la chaleur qu'il reçoit dans les poumons ; la seconde est l'évaporation que la chaleur pro- duit dans ces organes, et qui diminue le degré de leur température; enfin, la troisième tient à l'augmentation observée dans la chaleur spécifique du sang, lorsque par le contact de l'air pur, il se dépouille de la base de l'acide carbonique quil renferme. Une partie de la chaleur spécifique développée dans la formation de l'acide carbo- nique est ainsi absorbée par le sang, sa température restant toujours la même ; mais lorsque dans la circula- tion le sang vient à reprendre la base de l'acide carbonique, sa chaleur spé- cifique diminue, il se développe de la chaleur ; et comme cette combinaison se fait dans toutes les parties du corps, la chaleur qu'elle produit contribue à entretenir la température des parties éloignées des poumons, à peu près au même degré que celle de ces or- ganes (a). » Quelques auteurs attribuent ces vues ingénieuses à Crawford, physio- logiste anglais qui a fondé une théorie de la chaleur animale sur des consi- dérations du même ordre (b) ; mais, ainsi que l'a fait remarquer avec beau- coup de raison M. Gavarret, les argu- ments de cet auteur sont empruntés pour la plupart à Lavoisier (c), et j'a- jouterai que Crawford n'avait que des idées très vagues et très obscures au sujet de la nature des phénomènes chimiques de la respiration. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous étudierons la production de la cha- leur chez les animaux. (a) Lavoisier et Laplace, Deuxième mémoire sur la chaleur (Académie des sciences, 1780 et Mémoires de physique et de chimie, t. I, p. 116). (6) Crawford, Expérimenta and Observations on Animal Heat and the Inflammation of Com- bustible Bodies, 1788. (c) Gavarret, Physique médicale, t. I : De la chaleur produite par les êtres vivants, 1855, p. 183 et suiv. t&k RESPIRATION. dont ce dégagement dépend, l'oxygène devait se dissoudre dans le sang pendant le passage de ce liquide dans les poumons, puis se combiner peu à peu avec du carbone et de l'hydrogène puisés dans le sang lui-même ; enfin que l'acide carbonique produit de la sorte jusque dans les parties les plus reculées du système circulatoire, devait être entraîné par le sang veineux et s'en dégager dans les poumons (1). Cette hypothèse n'était encore qu'une simple vue de l'esprit et manquait de bases ; mais c'était la conception d'un homme de génie, et il est souvent donné au génie de voir la vérité bien avant qu'elle ne se soit dévoilée, et de pressentir les décou- vertes futures. Un chimiste dont les travaux n'inspiraient que peu de confiance, Hassenfratz, chercha à prouver que la teinte vermeille du sang- artériel dépend de la présence de l'oxygène dissous dans ce (1) Cette hypothèse de Lagrange a probabilité , que toute la chaleur de acquis une si grande importance, qu'il l'économie animale ne se dégageait me semble bon de rapporter ici les pas seulement dans les poumons , termes mêmes dans lesquels Hassen- mais bien dans toutes les parties où le fratz la fit connaître dans un Mémoire sang circulait, lu à l'Académie des sciences en 1791 : » Il supposa pour cela que le sang, « M. de Lagrange, réfléchissant que en passant dans les poumons, dissolvait si toute la chaleur qui se distribue dans l'oxygène de l'air respiré; que cet l'économie animale se dégageait dans oxygène dissous était entraîné par le les poumons , il faudrait nécessai- sang dans les artères et de là dans les rement que la température des pou- veines ; que dans la marche du sang, mons fût tellement élevée que l'on l'oxygène quittait peu à peu son état aurait continuellement à craindre leur de dissolution pour se combiner par- destruction, et que la température des tiellement avec ie carbone et l'hydro- poumons étant si considérablement gène du sang, et former l'eau et l'acide différente de celle des autres parties carbonique qui se dégage du sang des animaux, il était impossible qu'on aussitôt que le sang veineux sort du ne l'ait point encore observée : il a cru cœur pour se rendre dans les pou- pouvoir en conclure avec une grande mons (a). » (a) Hassenfïalz , Mémoire sur la combinaison de l'oxygène avec le carbone et l'hydrogène du sang, sur la dissolution de l'oxygène dans le sang, et sur la manière dont le calorique se dégage (Annales de chimie, 4791, t. IX, p. 266). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 425 liquide, et que la couleur sombre du sang veineux provient de la combinaison de cet oxygène avec le carbone et l'hydrogène ; mais les expériences qu'il rapporta ne fournirent aucun argu- ment solide en faveur de son opinion (1). Humphry Davy, au début de sa carrière et sans avoir con- naissance des vues de Lagrange, avait aussi déduit de quelques essais chimiques que l'oxygène n'est pas employé à produire de l'acide carbonique dans les poumons, mais se combine avec le fluide nourricier qui abandonnerait en même temps une cer- taine quantité de ce dernier gaz (2). (1) Hassenfratz rapporte les résul- tats des expériences de Girtanner et de Fourcroy sur la coloration du sang veineux par le contact de l'oxygène, et sur le changement en sens inverse qui se produit dans ce sang vermeil lors- qu'on l'abandonne à lui-même pen- dant un certain temps, et qu'il com- mence à s'altérer. Il ajoute, comme preuve à l'appui de l'hypothèse de Lagrange, que le sang devient presque noir par l'action de l'acide muriatique oxygéné ( c'est-à-dire du chlore ) , et que le même effet ne se produit pas sous l'influence de l'acide muriatique ordinaire ; fait qui n'a en réalité au- cune valeur dans la discussion du point en litige. En résumé, ce Mémoire est non moins faible en raisonnement que pauvre en faits, et ne contribua nulle- ment à avancer la question dont nous nous occupons ici ; je ne comprends donc pas comment beaucoup de phy- siologistes associent le nom de Hassen- fratz à celui de l'illustre Lagrange , comme si l'hypothèse de la combus- tion respiratoire profonde leur appar- tenait en commun. L'écrit de Hassen- fratz se trouve dans le volume IXe des Annales de chimie, p. 275 (1791) . Les expériences de Girtanner, dont il fait mention, se trouvent relatées dans l'ouvrage de cet auteur, publié à Berlin, en 1792, mais que je n'ai pas eu l'occasion d'examiner (a). (2) Dans ce travail (b) Davy consi- dère le gaz oxygène comme étant un composé de lumière et d'oxygène, et il le désigne sous le nom de phosoxy- gène. 11 fait remarquer qu'à la tem- pérature du corps ce gaz ne se com- bine ni avec le carbone, ni avec l'hydrogène ; il constate aussi que par son action sur le sang il n'y a pas dégagement de lumière, et il en con- clut que le sang ne décompose pas le phosoxygène , comme il l'appelle , c'est-à-dire qu'il n'y a pas combus- tion, mais simplement combinaison de ce phosoxygène avec le sang et dégagement d'acide carbonique et d'eau déjà existants dans ce liquide. 11 cite aussi à l'appui de cette manière de voir quelques expériences dans a) Anfangsgrùnde einer antiphlogistischen Chemie, p. 209. (6) Essays on Heat, Liglit, etc., wilh a New Theory of Respiration (inséré dans un ouvrage de ddoes, intitulé : Contributions toPhysical and Médical Knowledge, in-8, 1790). Beddoes 5h 426 RESPIRATION. Expériences Les belles recherches de Spallanzani sur la respiration de spaiiaiLni. quelques animaux inférieurs étaient de nature à jeter plus de lumière sur la question soulevée par Lagrange. Effectivement ce physiologiste habile trouva que les Colimaçons produisent de l'acide carbonique lorsqu'ils sont plongés dans de l'azote pur ou dans de l'hydrogène, et cela en quantité aussi grande que lorsqu'ils sont renfermés dans un vase rempli d'air. Ce résultat devait paraître incompatible avec la théorie de la pro- duction directe de l'acide carbonique dans la cavité pulmonaire par la combinaison de l'oxygène inspiré avec du carbone expulsé du sang. Mais Spallanzani avait observé le même dégage- ment d'acide carbonique, lorsqu'il faisait ses expériences sur des animaux privés de vie, et par conséquent on pouvait penser que, dans l'un comme dans l'autre cas, la formation de ce gaz était due non pas à la respiration, mais à quelque phéno- mène de putréfaction (1). On ne s'y arrêta donc pas, et la théorie Lavoisienne continua de régner dans nos écoles (2). lesquelles il a vu que du sang reçu (2) Voici, par exemple , comment dans un flacon rempli d'oxygène ab- Fourcroy, après avoir exposé sommai- sorbait une certaine quantité de ce rement les deux hypothèses, résume gaz et abandonnait un peu d'acide la question : carbonique. Du reste, Davy ne semble « Si l'on remarque que le sang pas avoir eu grande confiance dans veineux exposé au gaz oxygène le ces écrits , car il n'y revint pas convertit en acide carbonique ; que la dans ses recherches ultérieures sur la combustion de l'hydrogène carboné respiration, et en 1800 il semble même dans le gaz oxygène a lieu dans une avoir adopté presque complètement la foule de matières organiques végétales théorie Lavoisienne (a). ou animales, même à des tempéra- (1) Ces expériences sont relatées tures très basses , il ne paraîtra plus en partie dans les paragraphes 19 à 2l\ douteux que ce composé, surabondant du deuxième Mémoire de Spallanzani par l'effet de la circulation , brûle sur la respiration ( p. 343 ), et en véritablement dans les poumons, et partie dans l'ouvrage de Sénebier sur que le gaz oxygène de l'air se com- les Rapports de l'air avec les êtres bine dans les vésicules pulmonaires organisés, t. 1, p. 367, etc. avec ces deux principes , l'hidro- (a) Voy. Researches, Chemical and Philosophical Chiefly concerninr/ Nitrous Oxide, nr Diplilo- gistirated Nitrnus Air and ils Respiration, by H. Oavy. In-8, 1800, j>. 448, etc. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE 427 Pendant les vingt premières années du siècle actuel, nos connaissances relatives à la nature du travail respiratoire ne firent que peu de progrès. Berthollet (1), Allen et Pepys (2), Prout (S), Nysten (4) et plusieurs autres physiologistes, firent gène (sic) et le carbone, de manière à former de l'eau et de l'acide carbo- nique qui n'existait auparavant ni dans le sang ni dans l'air. » Il admet aussi que cette combustion, tout en étant le phénomène principal de la respiration, ne constitue pas à elle seule cet acte ; qu'une portion de l'oxygène est en même temps absorbée par le sang dont elle contribue à changer les propriétés (a). (1) Les expériences de Berthollet portent principalement sur les rap- ports qui existent entre la quantité d'oxygène qui disparaît dans la res- piration et la quantité d'acide carbo- nique qui y est produite (b). (2) Ces deux physiologistes pu- blièrent en 1808 et 1809 une série de recherches sur la respiration de l'homme et de quelques petits Tviammi- fères (c), et s'appliquèrent avec suc- cès à perfectionner la méthode expé- rimentale employée pour l'étude des altérations chimiques de l'air dans ce phénomène; mais tout en constatant de la sorte plusieurs faits intéressants, ils tombèrent dans des erreurs graves, dépendantes surtout de l'incertitude où ils se trouvaient au sujet de la quantité et de la nature de l'air res- tant dans les poumons au commence- ment et à la fin de chaque opération. Ainsi ils conclurent de leurs expé- riences que dans la respiration normale la quantité d'oxygène consommée est remplacée par un volume égal de gaz acide carbonique, ce qui supposerait que la totalité du principe comburant serait employée à brûler du carbone, et qu'il ne s'en combinerait pas avec de l'hydrogène, comme l'admettait Lavoisier. (3) Les expériences de Prout ont principalement pour objet les varia- tions qui s'observent dans la quan- tité d'acide carbonique exhalé par l'homme, et ne portent pas sur la théorie de la respiration (d). (à) Nysten a fait un assez grand nombre de recherches relatives aux effets produits sur l'économie animale par la présence de divers gaz dans les vaisseaux sanguins et sur les phéno- mènes chimiques de la respiration dans les maladies. 11 a entrevu plu- sieurs faits importants ; mais les pro- cédés eudiométriques dont il faisait (a) Fourcroy, Système des connaissances chimiques, an ix, t. X, p. 372. (6) Berthollet , Sur les changements que la respiration produit dans l'air (Mém. de la Société d'Arcueil, 4809, t. II, p. 454). (c) W. Allen and W. Pepys, On the Changes produced in Atmospheric Air and Oxygen Gas by Respiration (Philos. Trans., 1808, p. 249). — On Respiration [Philos. Trans., 1809, p. 404). (d) Prout, Observ. on the Quantiiy ofCarbonic Acid Gas emitted from the Lungs during Res- piration at Différent Times and under Différent Circumstances (Annals of Philosophy, 1813, vol. II, p. 328). — Some Further Observations on the Quantiiy of Carbonic Acid Gas emitted from the Lungs {loc. cit., 1814, t. IV, p. 331). #28 RESPIRATION. à ce sujet des expériences nombreuses; j'aurais souvent à parler des résultats dont ils enrichirent ainsi la science , mais les faits constatés par ces savants ne pouvaient résoudre la question de l'origine de l'acide carbonique et nous éclairer sur le siège de la combustion respiratoire. Les vues de La- grange étaient donc à ce moment, de même qu'en 1791, à l'état de simple hypothèse et manquaient de démonstration (1). usage n'avaient pas la précision néces- saire pour lui permettre de résoudre la plupart des questions fondamen- tales auxquelles il s'attaquait. Les travaux de ce physiologiste méritent cependant d'être cités avec éloge (a). (1) Vers le commencement du siècle, Thompson adopta l'hypothèse de l'absorption de l'air par le sang des vaisseaux pulmonaires ; et peu de temps après, Brancle chercha égale- ment à expliquer les phénomènes de la respiration en supposant que l'air est absorbé à travers les parois de ces vaisseaux, puis décomposé par le sang de façon à donner peu à peu naissance à de l'acide carbonique et à de l'eau qui, de même que l'azote, sont portés au poumon par le sang veineux et ensuite exhalés ; mais ce chimiste n'apporta aucune preuve à l'appui de son hypothèse (6). Vers la même époque, l'illustre fon- dateur de la théorie atomistique , J. Dalton, combattit au contraire les vues de Lagrange ; il les considéra comme insoutenables et adopta plei- nement l'opinion d'une combustion s'effectuant dans l'intérieur des pou- mons (c). En 1821 , Coutanceau exposa avec beaucoup de détails des vues iden- tiques avec celles de Lagrange dont il paraît ne pas avoir eu connaissance, et il cita à l'appui de ses opinions quelques expériences qu'il avait faites sur l'Homme, de concert avec Nysten, en 1806; mais elles n'avaient conduit à aucun résultat net. Voici le passage dans lequel l'auteur en rend compte : « Les résultats que nous avons obte- nus nous ont constamment montré, dans le gaz azote qui avait servi à notre respiration, une quantité d'acide carbonique égale à celle qui se forme dans une respiration ordinaire, et qu'ils tendent par conséquent à prouver d'une manière directe et incontestable que la production de l'acide carbo- nique pulmonaire est étrangère à toute espèce de combustion. Je ne puis néanmoins me dissimuler que, malgré tous nos soins, j'ai lieu de craindre que nos expériences n'aient jamais été portées à un point de per- fection suffisant pour en conclure tout ce qu'elles semblaient promettre, par la seule raison que nous n'avons pu parvenir à respirer longtemps le gaz azote assez pur et assez dépouillé de (a) Nysten, Recherches de physiologie et de chimie pathologiques, pour faire suite à celles de Bichat, sur la vie et la mort. In-8, Paris, 1811. (b) W. Brancle, Concise Viewofthe Theory of Respiration (Nichol. Joîm1»., 1805, vol. XI, p. 79). (c) Dalton, On Respir. and Animal Heat (Mem. of the Lit. and Philos. Soc. of Manchester, 2* série, vol. II). NATURE DE CE PHENOMENE. 429 Ainsi ia découverte de la nature des phénomènes locaux de la respiration restait à faire, et l'on comprendra facilement le sentiment d'orgueilleuse tendresse que j'éprouve en arrivant à ce point de l'histoire de la physiologie ; car c'est à un frère dont la mémoire m'est bien chère, que cette découverte est principalement due. Justice ne lui a pas toujours été rendue par les écrivains du jour, et je me félicite d'avoir l'occasion de rétablir ici la vérité. § 2. — William Edwards (1), après avoir fait une longue Expériences série de recherches intéressantes sur l'asphyxie, et avoir publié w. Edwards. sur le rôle de l'azote dans la respiration des travaux dont j'aurai gaz oxygène, pour en déduire rigou- reusement l'existence de l'exhalation carbonique pulmonaire, indépendam- ment de toute action directe du car- bone sur le sang. J'avouerai donc que, chimiquement parlant, on ne saurait démontrer l'impossibilité de cette combustion de carbone (a). » Or, indépendamment des causes d'erreurs dont l'auteur avait été frappé, ces expériences ne pouvaient inspirer que fort peu de confiance sous le rapport eudiométrique ; car elles donnaient pour la composition normale de l'air atmosphérique : oxygène, 22 ; acide carbonique, 2 ; azote, 76 pour cent (6); résultat qui doit suffire pour les faire juger. On voit donc que les opinions énon- cées par Coutanceau ne pouvaient exercer aucune influence sur les idées régnantes au sujet de la nature du phénomène de la respiration. (1) William Frédéric Edwards na- quit à la Jamaïque en 1776, et peu de temps après sa famille étant venue se fixer à Bruges , il y passa la plus grande partie de sa jeunesse; il y dé- buta dans la carrière scientifique comme professeur d'histoire naturelle à l'école centrale de cette ville, et il y publia vers 1807 une Flore du dépar- tement de la Lys. En 1808, il vint à Paris pour achever ses études médi- cales ; en 181Zi, il présenta à l'Acadé- mie des sciences un travail Sur la structure de l'œil , et il soutint à la Faculté de médecine une thèse esti- mée Sur l'inflammation de l'iris. En 1815 et 1816, il fit, en commun avec Chevillot , une série de recherches chimiques très intéressantes sur les combinaisons du manganèse avec les alcalis (c), et vers la même époque il commença ses expériences sur Vas- phyxie (d). Un premier Mémoire sur ce sujet, lu à l'Académie en 1817, fut bientôt suivi d'un travail sur Vin- (a) Coutanceau, Révision des nouvelles doctrines chimico-physiologiques. In-8, 1821, p. 97. (6) Op. cit., p. 284. (c) Mém. sur le caméléon minéral (Ann. de chim., 1817, t. IV, p. 287. et 1818, t. VIII, p. 337). {d) Mém. sur l'asphyxie considérée chez les Batraciens (Ann. de chimie, 1817, t. V, p. 356). — Deuxième Mém. (Op. cit., t. VIII, p. 226). /|30 KESPIKAT10N. bientôt à parler, étudia avec une logique sévère les phéno- mènes fondamentaux de cette fonction, c'est-à-dire l'emploi de l'oxygène et la production de l'acide carbonique par l'orga- nisme animal. Il parvint ainsi à établir expérimentalement que la formation de l'acide carbonique n'est pas une conséquence directe de l'abord de l'oxygène atmosphérique dans les poumons; qu'elle en est indépendante ; qu'elle se continue lorsque ces organes ne contiennent plus la moindre quantité de ce principe com- burant ; et que par conséquent l'espèce de combustion vitale dont ce gaz semble devoir être un des produits ne saurait avoir son siège dans la cavité respiratoire. Ses premières expériences portèrent sur les Grenouilles, animaux qui respirent à l'aide de poumons comme nous, mais fluence que la température exerce sur portance et la nouveauté des faits. l'économie, sur l'influence vivifiante Une traduction anglaise de ce livre a de l'air et sur la transpiration. En été publiée par MM. Hodgkin et Fis- 1820, l'Académie lui décerna le prix cher (6). On doit aussi à W. Edwards de physiologie récemment fondé par un Mémoire sur la contraction muscu- M. de Montyon , et en 1821, ses Re- laire; des recherches sur l'alimenta- cherches sur la respiration et sur l' in- tion (c), dont nous aurons l'occasion fluence des saisons sur l'économie de nous occuper dans une autre partie animale lui valurent pour la seconde de ce cours ; des expériences sur la ger- fois cette récompense honorifique. En mination (d), ainsi que divers travaux 1824 , il publia l'ensemble de ses sur les Caractères physiologiques des recherches physiologiques dans un races humaines et sur quelques ques- ouvrage qui est intitulé De l'influence tions de linguistique (e). Il entra à des agents physiques sur la vie (a), l'Institut comme membre de l'A.ca- et qui est remarquable par la lucidité demie des sciences morales et politi- de l'exposition et la logique des argu- quesen 1832, et il mourut à Versailles mentations aussi bien que par l'im- en 1842. (a) Un vol. in-8. (6) On the Influence ofPhysical Agents on Life. In-8, 1832. (c) W. Edwards et Balzac , Recherches expérimentales sur l'emploi de la gélatine comme sub- stance alimentaire (Archiv. gén. de méd., 2° série, 1835, 1. 1, p. 313, et t. VII, p. 272). — Alimentation (Encyclop. du XIX' siècle, 1837, t. II, p. 265). (d) W. Edwards et Collin, De l'influence de la température sur la germination (Ann. des se. nat., Botanique, 1834, 2e série, t. I, p. 257). — Mém. sur la végétation des céréales soas de hautes températures (Ami. des scienc. nat., Botanique, 1836, t. V, p. 5). (e) Voyez les Mém. de la Société ethnologique, 1. 1, 1841; et t. II, 1845. — W. F. Edwards, Recherches sur les langues celtiques. In-8, 1844 (ouvrage posthume). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. l\51 qui, en hiver surtout, peuvent supporter pendant très long- temps la privation d'oxygène, sans que mort s'ensuive, et qui, en raison de la conformation particulière de leur corps , se laissent comprimer les flancs de façon que la totalité de l'air contenu dans les organes respiratoires soit facile à expulser. Or, en plaçant dans une cloche renversée sur le bain de mer- cure, et remplie de gaz hydrogène pur, une Grenouille dont les poumons avaient été au préalable vidés d'air, William Edwards reconnut que, malgré l'absence d'oxygène dans le gaz respiré, l'animal produisait dans l'espace de quelques heures une quantité d'acide carbonique égale à peu près au volume de son corps. Spallanzani avait annoncé le même fait vingt-cinq ans auparavant; mais les preuves qu'il en avait données pou- vaient paraître insuffisantes , et il considérait ses observations comme favorables à la théorie de Lavoisier (1). La signification de cette expérience n'était cependant pas équivoque, et W. Edwards en a déduit de la manière la plus facile et la plus nette la véritable théorie de la respiration. Il est évident que, puisque l'acide carbonique se dégageait du corps de l'animal sans que celui-ci fut en rapport avec l'oxy- gène, ce gaz devait être exhalé de l'organisme, et ne pas se former dans les poumons, comme le supposait Lavoisier, par (1) Des expériences analogues qu'à ce que VV. Edwards eut établi avaient été faites vers la fin du siècle sans réplique les faits mentionnés ici. dernier par Spallanzani, et ce physio- Ce serait cependant manquer de jus- logiste illustre avait constaté aussi l'ex- tice envers Spallanzani que de ne pas halalion d'une certaine quantité d'acide lui attribuer une très large part dans carbonique ; mais d'après la manière les progrès accomplis depuis Lavoisier inexacte dont il appréciait la quantité dans la connaissance de la nature de d'oxygène contenue dans l'air atmos- l'acte respiratoire. Les expériences sur pbérique , il était évident que les la production de l'acide carbonique moyens eudiométriques dont il dis- par les Batraciens placés dans l'bydro- posait étaient très imparfaits, et l'on gène sont consignées dans le livre de pouvait penser que les gaz qu'il em- Sénebier, intitulé : Des rapports de ployait étaient impurs: aussi ses dé- V air avec les êtres organisés, t. I, couvertes restèrent-elles stériles jus- p. '667, etc. /j.32 RESPIRATION. la combinaison directe de l'oxygène inspiré et du carbone excrété par le sang (1). Ce physiologiste obtint un résultat analogue en répétant les expériences de Spallanzani sur les Colimaçons, et il s'assura que les Poissons, bien qu'ils respirent à l'aide de branchies au lieu de poumons, produisent aussi l'acide carbonique par exha- lation (2). Mais toutes ces recherches ne portaient encore que sur des êtres inférieurs, des animaux à sang froid, et pour donner aux conclusions qui en découlaient toute la généralité désirable, il fallait les étendre aux animaux supérieurs, et notamment aux Mammifères, dont le mode de respiration est en tout point comparable à celle de l'homme. La rapidité avec laquelle la mort se déclare lorsque les ani- maux à sang chaud sont privés d'oxygène, et aussi la quantité considérable d'air qui reste toujours dans leurs poumons, même après les mouvements d'expiration les plus forcés, sont des circonstances qui jusqu'alors avaient empêché les physiolo- gistes d'arriver à aucun résultat net dans des expériences ana- logues ; mais cette difficulté n'arrêta pas mon frère, car il sut la tourner. Pour cela il lui suffit de faire usage, non pas d'ani- maux adultes, comme l'avaient fait ses devanciers, mais de Mammifères nouveau-nés, qui effectivement ont la faculté de résister à l'asphyxie, à la manière des animaux inférieurs, et qui ont des poumons d'une très faible capacité. En procédant de la sorte, il trouva que les jeunes Mammifères, plongés dans une atmosphère d'hydrogène, et par conséquent ne recevant pas d'oxygène dans leurs poumons, continuaient cependant à exhaler de l'acide carbonique (3). Ainsi, chez les animaux supérieurs, de même que chez ceux (1) Voyez à ce sujet le chapitre sur siques sur la vie, 182/t, p. ZiOft et les altérations de l'air par la respira- suivantes, tion, dans l'ouvrage de W. Edwards, (2) Op. cit., p. 437 et suiv. intitulé De l'influence des agents . 129. (g) i. Davy, Observ. relative to the Question " 1s there any Free Carlionie Acid in the Blood' {Edinb. Med. andSurg. Journ., 1828, vol. XXIX, p. 253). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|/j.l les continua. Celui-ci ne se contenta pas d'avoir constaté le Expériences dégagement de l'acide carbonique du sang dans lequel on fait Magnus. passer un courant soit d'hydrogène, soit d'azote ; il mesura la que par l'effet de la putréfaction, niais aussi ne serait pas susceptible d'ab- sorber de l'oxygène quand il est dans son état normal (a). M. Christison fit voir que cette dernière conclusion n'étaitpas fondée, et que le sang agité avec de l'air ab- sorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique ; mais ses expériences ne jetèrent aucune lumière nouvelle sur la question de la préexistence de ce dernier gaz dans le fluide nourri- cier (6). En 1832, MM. Mitscherlicb, Gmelin et Tiedemann , comme nous l'avons déjà dit , arrivèrent également à un résultat négatif (c). Il en fut de même dans les recher- ches faites à Goetlingue par Stro- meyer (d). Enfin, M. Millier ne fut pas plus heureux clans tes essais qu'il tenta pour dégager, à l'aide de la pompe pneumatique, du gaz acide carboni- que du sang, peu de temps avant la publication de la première édition de son Manuel de physiologie (e). A cette époque, il régnait donc en- core une grande incertitude au sujet de la présence de gaz acide carboni- que en quantité notable dans le sang veineux, et la question ne pouvait être en aucune façon tranchée par les expé- riences d'un médecin anglais, M. Ste- vens, qui publia en 1832 de nouvelles vues sur la théorie de la respiration, et qui est cité dans la plupart des trai- tés de physiologie comme ayant été la premier à bien constater l'existence de ce gaz en dissolution dans le sang. Dans son premier ouvrage sur ce su- jet, intitulé Observations on the Heal- Ihy and Diseased Properties of the Blood, il n'ajouta rien de nouveau sur ce point, et se fondant sur l'autorité de Vogel, Brande, etc., pour admettre l'existence de l'acide carbonique libre dans le sang, il chercha à expliquer le dégagement de ce gaz dans la res- piration, en attribuant à l'air une force attractive qui le ferait sortir du li- quide où il se trouverait en dissolu- tion. Dans la singulière hypothèse de Slevens, l'oxygène ne serait pas ab- sorbé par l'organisme, et ne servirait qu'à attirer ainsi au dehors l'acide carbonique dont la présence serait la cause de la teinte sombre du sang veineux. A ces idées bizarres, si peu propres à fixer l'attention des physio- logistes-physiciens, se trouvèrent mê- lées quelques observations intéres- santes sur l'influence des principes salins du sang dont j'aurai à parler par la suite. Enfin, dans une seconde pu- blication sur la théorie de la respira- (a) 3. Davy, Observations on the Coagulation of Blood (Edinburgh Med. and Surg. Journ., 1828 vol. XXX, p. 248). (b) Observ. to Endeavour to Assertion if Dead Animal Mat ter Absorbs Air on Exposure to the Atmosphère (Op. cit., 1830, vol. XXXIV, p. 247 et suivantes). (c) Christison, Inquiry on some Disputed Points in the Chemical Physiology of the Blood and Respiration (Edinb. Med. and Surg. Journ., 1831, vol. XXXV, p. 94). {d) Dissertatio liberumne acidnm sanguine emittatur, 1831. \e) Handb. der Physiol., Bd. I, p. 312. I. 56 lih$. RESPIRATION. quantité de gaz obtenu de la sorte, et s'assura qu'elle équivaut au moins à un cinquième du volume du sang employé. M. Magnus obtint le même résultat en faisant passer dans le sang un courant d'air atmosphérique, et il remarqua que dans toutes ces expériences la quantité d'acide carbonique dégagé était tion, insérée dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres en 1835, M. Stevens, après avoir échoué dans ses tentatives pour déterminer le dégagement de l'acide carbonique du sang au moyen de la pompe pneumatique, reconnut la pré- sence d'une petite quantité de ce gaz dans de l'hydrogène qui avait séjourné sur du sang pendant quelques heures; résultat que Vauquelin avait obtenu dix ans auparavant, et que W. Ed- wards avait consigné dans son travail sur la respiration. Ainsi, sous ce rap- port, M. Stevens ne fit faire aucun progrès à la question qui nous occupe. Un autre physiologiste anglais, M. Hoffman, de Margate, avait éga- lement répété l'expérience de Vau- quelin sans savoir que ce chimiste l'eût pratiquée, et il était arrivé à constater aussi un dégagement de gaz acide carbonique lorsqu'on agite le sang avec de l'hydrogène; mais, au lieu d'employer du sang normal ou simplement défibriué , il se servait d'une dissolution de la matière colo- rante du sang dans le sérum (a). En 1836, un physiologiste hollan- dais, M. Enschut, répéta les expé- riences faites à l'aide de la machine pneumatique, et retira ainsi de ZiO cen- timètres cubes de sang veineux d'un Veau entre 2 et h centimètres cubes de gaz acide carbonique. La même quantité de sang artériel ne lui fournit qu'entre 1 et 2, 5 centimètres cubes de gaz. il signala aussi diverses circon- stances qui avaient pu faire manquer les expériences de ce genre entre les mains de quelques-uns de ses devan- ciers. Enfin il reconnut aussi l'exis- tence du gaz azote en dissolution dans le sang, mais son travail resta pres- que inconnu jusqu'au moment où M. Magnus eut établi de son côté le fait en question (6). L'année suivante, le professeur Bis- choff, de Heidelberg, constata éga- lement le dégagement de l'acide carbonique du sang, soit par l'action de la pompe pneumatique, soit par le contact prolongé de l'hydrogène et de l'azote (c). Enfin, des résultats analogues fu- rent obtenus aussi à Edimbourg par M. Maitland (d). On voit donc que la question traitée par M. Magnus était en grande partie résolue par ses devanciers; mais ce physicien eut le grand mérite de dé- montrer nettement les faits plus ou moins imparfaitement aperçus avant lui, et de donner à ses expériences ce (a) London Médical Gazette, Mardi -1 833, et par extrait dans les Annales des sciences nat., 1834, 2" série, t. I, p. 315, et les Arch. gcn. de méd., 1834, 2° série, t. IV, p. 065. (6) Enschut, Dissertatio phijsioloçiico-medica de respiralionis chymismo. Utrccht, 1836. (c) Bischoff, Commentai™ de novis quibusdam experimentis chimico-physiologwis ad illustrait» dam doctrinam de respiratione institulis. Heidelb., 1837. (d) Maillanrl, Expérimental Fssay on the Physiology nf the Plood, 1837, p. 52, NATUKE DE CE PHÉNOMÈNE. 443 supérieure à celle que fournirait la décomposition de la totalité du bicarbonate de soude que le sang aurait pu contenir. Les gaz tenus en dissolution dans le sang s'échappent lorsque ce liquide est placé sous le récipient de la machine pneuma- tique et soustrait à l'influence de la pression atmosphérique ; mais M. Magnus trouva que le dégagement ne commence que lorsque le vide est presque parfait, circonstance qui explique les résultats contradictoires obtenus par ses devanciers. A l'aide d'un appareil ingénieux, il parvint à recueillir les gaz que le sang abandonne ainsi, et il en fit l'analyse (1). caractère de rigueur qui est néces- saire pour inspirer la confiance. Aussi, sans nous arrêter à discuter ce qu'il peut y avoir de complètement nou- veau dans son travail, pouvons-nous dire sans hésitation qu'on lui doit d'avoir convaincu tous les physiolo- giste de la réalité des faits qui aujour- d'hui servent en grande partie de base à la théorie de la respiration (a). J'ajouterai que depuis la publication des travaux de M. Magnus et des autres physiologistes dont je viens de parler, M. J. Davy a répété ses anciennes ex- périences, et a reconnu l'inexactitude de ses premiers résultats. En plaçant du sang dans un vide plus parfait que celui obtenu par la machine pneuma- tique précédemment employée , il a obtenu dans presque tous les cas un dégagement notable de gaz ; mais il pense que ce gaz est essentiellement de l'acide carbonique, et que le sang ne renferme pas de gaz oxygène libre. Quelques expériences comparatives sur la solubilité du deutoxyde d'azote dans le sang artériel et le sang vei- neux le portent à penser que l'oxygène absorbé par ce liquide s'y trouve dans un état de combinaison lâche, de fa- çon à ne pas s'en échapper dans le vide, mais à pouvoir entrer facilement dans de nouvelles combinaisons chi- miques (6). (1) Afin de pouvoir agir sur des quantités de sang un peu considéra- bles, M. Magnus ne fit pas usage d'un tube barométrique ordinaire , mais d'un appareil composé d'un flacon pi- riforme ouvert à ses deux extrémités. A l'orifice supérieur de ce vase était adapté un robinet auquel s'ajustait un tube également pourvu de son robinet et fermé à l'autre bout. L'orifice in- férieur du flacon plongeait dans un bain de mercure , et l'on fit monter ce métal dans l'intérieur de l'appareil, de façon à le remplir complètement. Le tout étant convenablement purgé d'air, on introduisit une certaine quan- (a) Le travail do M. Magnus est intitulé : Ueber die im Blute enthaltenen Gaze, Sauerstoff, Stickstoff und Kohlensâure, et parut dans les Annalen der Physik und Chemie de Poggendorff, avril 1837, Bd. XL, p. 583. Une traduction de ce Mémoire se trouve dans les Annales des sciences natur., 1837, 2* série, t. VIII, p. 79, et dans les Ann. de chimie et de phys., t. LXV, p. 169, 183. (b) 1. Davy, Expérimenta on the Blood cniefly m Connexion withthe Theory of Respiration, {Research. Physiol. and Anatomical, 1839, vol. II, p. 135). failli RESPIRATION. Le résultat de cette expérience fut que le sang artériel, de même que le sang veineux, tient en dissolution, non-seule- ment du gaz acide carbonique , mais aussi de l'oxygène et de l'azote. Le fait de la coexistence de l'oxygène et de l'acide car- bonique en dissolution dans le sang, constaté en 1799 par Humphry Davy, mais oublié ou révoqué en doute par la plu- part des physiologistes du commencement du siècle actuel , se trouva donc pleinement vérifié. M. Magnus remarqua également que la proportion d'oxygène dans les gaz ainsi dégagés est plus forte dans le sang artériel que dans le sang veineux. îl ne lui fut pas possible de déter- miner avec précision la quantité totale de gaz que ce liquide pouvait contenir r mais il s'assura que le sang veineux ren- ferme au moins un cinquième de son volume d'acide carbonique libre. Or, en évaluant approximativement la quantité de sang qui traverse les poumons de l'homme dans un temps donné, et en calculant d'après ces bases le volume d'acide carbonique que ce fluide doit par conséquent apporter chaque minute tité de sang dans le flacon dont le ro- du flacon, et un espace vide se forma binet supérieur demeurait fermé, et au-dessus. Le sang se couvrit alors l'on plaça l'appareil sous le récipient de mousse, produite par le dégagement de la machine pneumatique, en ajus- des gaz qu'il tenait en dissolution. On tant les choses de façon à laisser passer laissa alors rentrer l'air dans le réci- au dehors le tube supérieur destiné à pientdela machine pneumatique pour recueillir les gaz et à pouvoir faire le faire remonter le mercure dans l'ap- vide au-dessus de la surface du bain pareil, et en recommençant à plusieurs de mercure dans lequel plongeait le reprises ces manœuvres, on obtint flacon contenant le sang. A mesure une quantité suffisante de gaz que l'on que par le jeu de la pompe pneuma- fit remonter dans le tube supérieur en tique la pression diminua à la surface ouvrant les robinets de communica- de ce bain, le mercure et le sang qui lion. Enfin on dévissa ce tube pour le formait une couche au-dessus de ce transporter sur la cuve à mercure et liquide descendirent dans l'intérieur en examiner le contenu («). « a) Magnus, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2" série, t. VIII, p. 88). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 4ft5 dans l'organe respiratoire , il trouva que cette quantité était plus que suffisante pour fournir à la totalité du gaz qui est. dégagé par le travail respiratoire dans le même espace de temps. Tous ces faits , comme on le voit , confirment pleinement la théorie adoptée par W. Edwards, et l'on est étonné de voir que le nom de ce physiologiste ne se trouve pas même mentionné dans le Mémoire de M. Magnus (1). Quoi qu'il en soit des causes (1) Ce qui me paraît plus surpre- nant encore, c'est de lire dans un ou- vrage récent, que da«s !a théorie de W. Edwards « on admet que le pou- » mon, par sa force propre, engendre, » sécrète, exhale de l'acide carboni- » que aux dépens du sang ; c'est une » sécrétion , une exhalation comme » une autre. Pendant ce temps il se » fait une absorption d'oxygène, la- » quelle rend le sang artériel. 77 suffit, » pour ruiner la première partie de » cette doctrine, de considérer que le » sang contient tout formé de l'acide » carbonique dont il se débarrasse » dans notre poumon (a). » Ainsi voilà le fait qui confirme de la manière la plus positive les vues de W. Edwards transformé par M. Bé- rard en un argument qui les ren- verserait. Je ne comprends réellement pas comment cet auteur ait pu être conduit à faire un semblable raison- nement, et je manquerais à mes de- voirs comme historien, comme criti- que et comme frère du physiologiste dont la doctrine a été l'objet d'un pa- reil jugement, si je le laissais passer sans réplique. Serait-ce que M. Bé- rard suppose la présence d'une ma- tière excrémentitielle dans le sang iu- compatible avec l'expulsion de celte matière par la voie des sécrétions ou de l'exhalation ; mais le fait de la pré- sence de l'urée dans le sang et de son expulsion par la sécrétion urinaire, fait qui ne saurait être ignoré d'aucun physiologiste de nos jours, est là pour lui répondre. Quant à l'idée de Vengendrement de l'acide carbonique par la force pro- pre du poumon, je ne sais vraiment où M. Bérard a pu croire la rencon- trer dans les écrits de mon frère. Du reste, pour juger de la valeur de la critique étrange que je viens de rapporter, il suffit de lire le passage du livre De l'influence des agents phy- siques sur la vie, que j'ai cité ci-dessus (page Zi33), passage où W. Edwards dit positivement que dans son opinion, c'est le sang qui doit contenir tout formé l'acide carbonique dont l'exha- lation pulmonaire détermine l'élimi- nation. Puisque j'ai été conduit à relever ici quelques-unes des injustices com- mises envers la mémoire de mon frère, j'ajouterai qu'il me paraît peu convenable de la part de M. Magnus d'avoir cité les expériences de M. Mill- ier sur le dégagement de l'acide car-* (a) Berard, Cours de physiologie, t. III, p. 306. llflQ RESPIRATION. de cette omission, M. Magnus, de même que W. Edwards, considéra donc l'oxygène de l'air comme devant être absorbé par le sang pour être employé dans la profondeur de l'orga- nisme, et l'acide carbonique comme ne se formant pas dans les poumons , mais étant apporté dans ces organes par le fluide nourricier, et ensuite exhalé au dehors. M. Magnus chercha même à faire un pas de plus dans l'explication des phénomènes de la respiration , et pour cela il s'appuya sur des recherches déjà anciennes de Dalton. Ce philosophe expérimentateur avait trouvé que lorsqu'un liquide chargé d'un gaz est mis en contact avec un autre gaz, il abandonne une portion du premier en même temps qu'il dis- sout une portion du second; mais que cette substitution n'est jamais complète, et que le liquide retient toujours une portion de l'un et de l'autre gaz (1). Or, si l'on applique l'observation de Dalton aux phénomènes dont l'étude nous occupe ici , on peut prévoir les changements chimiques qui doivent se pro- duire par le fait de la respiration tant dans la composition de l'air que dans celle des gaz dissous dans le sang. Effectivement du sang veineux chargé de beaucoup d'acide carbonique, d'un peu d'oxygène et d'un peu d'azote, arrive en bonique chez des animaux qui respi- de montrer aussi que justice n'a pas rent dans un gaz exempt d'oxygène, élé rendue aux travaux de ce dernier et d'avoir passé complètement sous physiologiste dans l'article d'ailleurs silence les expériences dont celles-ci si remarquable d'un physicien illustre, n'étaient que la répétition. Je me plais destiné à mettre en lumière les ser- à croire que c'est parce que M. Mag- vices rendus à la science par le travail nus ne connaissait que les travaux de de MM. Regnault et Reiset sur la son compatriote sur ce sujet, et igno- respiration (a). rait ce que W. Edwards avait fait dix (l) On the Absorption of Gases by ans auparavant sur le même sujet. Water and other Liquids, by J. Dalton Si je ne craignais de consacrer trop (Mem. of the Literary, and Philoso- de place à une question qui m'est phical Soc. of Manchester, 1805, presque personnelle, il me serait facile 2e série, t. I, p. 271). (ci) Voyez Biot, dans le Journal des savants, août 1849, p. 514. . NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. ft/j.7 contact avec l'air inspiré, ou du moins ne s'en trouve séparé que par une membrane mince et perméable qui n'est pas de nature à s'opposer au passage des fluides aériformes. L'oxy- gène de l'air est soluble dans le sang , ce liquide doit donc en absorber : mais en se chargeant ainsi d'oxygène , il doit abandonner à l'air, qui est pauvre en acide carbonique, une portion de ce gaz qu'il tenait en dissolution ; par conséquent, l'oxygène absorbé doit pour ainsi dire se substituer à l'acide carbonique, et son absorption être accompagnée d'une exha- lation de ce gaz. Pour se rendre compte des phénomènes fondamentaux de la Théorie respiration, il suffit donc d'y appliquer les observations prëcé- M-Magm». dentés de Dalton relativement à la dissolution des gaz. Or, c'est ce que M. Magnus a fait ; et par conséquent, dans la théorie pro- posée par ce chimiste, la respiration serait le résultat d'un simple échange entre les gaz du sang et les gaz constitutifs de l'air inspiré , échange qui serait réglé par les lois ordinaires de la physique , et qui serait une conséquence éloignée de l'élimina- tion de l'oxygène libre du sang dans la profondeur de l'orga- nisme par des causes dont nous n'avons pas à nous occuper pour le moment, et de l'entrée incessante d'acide carbonique dans le sang, qui d'artériel devient veineux. Le siège des phé- nomènes chimiques de la respiration ne serait pas dans les poumons, mais dans les parties de l'économie où cette trans- formation du sang s'opère, c'est-à-dire, comme nous le verrons par la suite, dan* le système des vaisseaux capillaires interposés entre les artères et les veines et distribués dans la substance de toutes les parties du corps. En d'autres mots, toutes les alté- rations chimiques produites dans l'air par la respiration des animaux seraient des résultats directs de simples phénomènes de dissolution , et l'espèce de combustion par laquelle on rend compte de l'emploi incessant de l'oxygène absorbé et de la for- mation de l'acide carbonique excrété serait un phénomène d'un kkS RESPIRATION. autre ordre qui n:interviendrait que d'une manière indirecte dans ce premier acte du travail respiratoire. § 6. — Une objection, qui au premier abord pouvait paraître très grave , a été faite à la théorie de M. Magnus par Gay- Lussac (1). Si l'acide carbonique dégagé pendant la respiration se trouve tout formé dans le sang qui arrive à cet organe, c'est- à-dire dans le sang veineux, et s'en sépare au moment où ce liquide absorbe de l'oxygène, il faudra que le sang qui a res- piré et qui sort du poumon, ou en d'autres mots le sang arté- riel, en renferme moins que le sang veineux. Or, en comparant entre elles les moyennes fournies par les expériences de M. Magnus sur ces deux sortes de sangs, Gay-Lussac n'a pas trouvé de différence de ce genre, et par conséquent il lui a semblé impossible d'attribuer à cette source l'acide carbonique qui s'échappe du poumon à chaque expiration. Gay-Lussac fait remarquer aussi que la quantité d'oxygène qui disparaît dans la respiration est seize fois plus grande que celle dont pourrait se charger dans les mêmes circonstances une quantité d'eau pure égale au volume du sang qui traverse les poumons. La première de ces deux objections ne repose pas sur des bases bien solides ; car, en rendant compte de ses expériences, M. Magnus avait eu soin de dire que jamais elles n'avaient été conduites de manière à déterminer l'épuisement des gaz dissous dans le sang; la durée n'en avait pas été la même, et elles étaient trop peu comparables pour pouvoir fournir par leur réunion un résultat moyen de quelque wdeur. D'ailleurs le dégagement de gaz obtenu à l'aide du sang artériel fût-il toujours plus abondant qu'avec le sang veineux, cela pourrait dépendre de ce que ce dernier les retiendrait plus fortement que ne le ferait le sang artériel. Les déductions théoriques de (1) Gay-Lussac, Observations cri- chim. et de phijs., 3e série, 1844, tiques sur la théorie des phénomènes t. XF, p. 5). chimiques de la respiration (Ann. de NATURE DE CF. PHÉNOMÈNE. /(/|9 M. Magnus étaient basées sur les différences qu'il avait con- statées dans les proportions relalives d'oxygène et d'acide car- bonique avant et après la respiration. Il refit donc à ce sujet de nouvelles expériences, et il arriva encore aux mêmes conclu- sions (1). Sur 100 parties de gaz extraites du sang, il obtint en moyenne : Pour l'acide carbonique, 62,3 avec le sang artériel , 71,6 avec le sang veineux. Pour l'oxygène, au contraire, 23.2 avec le sang artériel , 15.3 avec le sang veineux. La proportion d'azote n'a varié que peu ; elle était de l/j.,5 pour le sang artériel, et de 13,1 pour le sang veineux. JVL Magnus montra aussi que le pouvoir dissolvant du sang pour l'oxygène est en effet beaucoup plus grand que celui de l'eau, et suffit à l'explication des phénomènes de la respiration, tels que les suppose la théorie du simple échange des gaz. En opérant sur du sang artériel de Cheval , et en chassant les gaz contenus de ce liquide à l'aide de l'acide carbonique, il obtint de l'oxygène dans la proportion de ^ du volume du sang employé, et de l'azote dans la proportion de 2 à 3 cen- tièmes (2). Dans d'autres expériences, après avoir agité du sang de divers animaux domestiques avec de l'air atmosphérique, il en dégaga l'oxygène dissous, et il trouva toujours que le volume de gaz ainsi obtenu variait entre 10 et 12 pour 100 du volume du sang employé. Enfin , après avoir renouvelé à plusieurs reprises l'action de l'air sur le sang, M. Magnus détermina directement la quantité d'oxygène qui avait disparu, (1) UeberdasAbsorptionsvermogen mie, von Poggendorff, 3e série, 18/t5, des Bluts zum Sauerstoff, von G. I. VI, p. 199. Magnus L{Ann. der Physik und Chc- (2) Loc. cit,, p. 202. 57 ^50 RESPIRATION. et il reconnut ainsi que ce liquide en avait dissous jusqu'à 16 pour 100 de son volume. Ainsi l'objection tirée de l'insuffisance du pouvoir dissolvant du sang, dont arguait Gay-Lussac, se trouva lev.ée, et des cal- culs, qu'il serait prématuré d'exposer ici, établissent que la quantité d'oxygène dont le sang qui passe dans les poumons de l'homme pendant un temps donné pourrait se charger de la sorte, est supérieure à celle de l'oxygène qui disparaît par la respiration pendant un même laps de temps. Preuves c 7 — j] est d'ailleurs facile de reproduire dans des vases de 1 absorption *-" x des gaz inertes les principaux phénomènes qui se manifestent dans par le sang1. .',•:; l'intérieur des organismes vivants pendant l'acte de la respi- ration, et de s'assurer que la transformation du sang veineux en sang artériel dépend de la substitution d'une certaine quantité d'oxygène à l'acide carbonique dont ce liquide est chargé Effectivement, nous avons déjà vu qu'au contact de l'oxygène le sang noir prend une teinte vermeille, et si l'on examine de plus près ce qui se passe dans cette expérience, on trouve qu'une portion du gaz employé a disparu et a été remplacée par de l'acide carbonique. Par la théorie Lavoisienne, on expliquait ce fait, en disant que dans ce cas, de même que dans la respi- ration, une sorte de combustion se produit, et que l'oxygène disparaît parce que ce principe comburant entre dans la com- position de l'acide carbonique par lequel il est remplacé. Cela suppose que l'oxygène absorbé ne pénètre pas dans le sang et se trouve dans l'acide carbonique dégagé. Mais les choses ne se passent pas ainsi, car c'est dans le sang lui-même que l'on retrouve l'oxygène dont la disparition a coïncidé avec le chan- gement de couleur de ce liquide, et l'on peut l'en extraire par des moyens analogues à ceux mis en usage dans les expériences de M. Magnus. En faisant dissoudre un peu d'acide carbonique dans le sang artérialisé par la présence de l'oxygène, on donne à ce liquide tous les caractères du sang veineux, et l'on peut à NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 451 volonté produire ces changements alternatifs en substituant l'oxygène à l'acide carbonique ou l'acide carbonique à l'oxygène, et toujours on retrouve à l'état libre, dans le sang, le gaz avec lequel on l'a mis en rapport. § 8. — L'absorption des gaz dans l'acte de la respiration, et Exemples de l'absorption leur existence en dissolution dans le sang, deviennent également accidentelle de gaz manifestes, quand les animaux se trouvent plongés dans divers délétères. fluides aériformes impropres à l'entretien de la vie. Effective- ment, ce n'est pas seulement sur l'oxygène ou l'azote de l'at- mosphère que l'absorption respiratoire peut s'exercer; et toutes les fois qu'un gaz plus ou moins soluble se trouve seul ou mêlé à de l'air dans les poumons d'un animal, une certaine quan- tité de ce fluide pénètre dans le sang, et, entraînée par le torrent circulatoire, va dans la profondeur de l'organisme exercer sur l'économie l'action qui lui est propre. Ainsi, quoique l'hydrogène soit peu soluble, les animaux qui respirent dans une atmosphère factice contenant une forte pro- portion de ce gaz, en font disparaître une certaine quantité (1) ; et quand on emploie de la même manière un gaz très soluble et peu délétère, tel que le protoxyde d'azote, cette absorption respi- ratoire anormale devient très considérable. Dans les expériences de Davy sur la respiration de ce dernier gaz, la quantité absor- bée s'est élevée parfois à plus d'un litre, et c'est par suite de la dissolution de cette substance toxique dans le sang que son action sur le cerveau s'explique (2). C'est aussi en s'introdui- (1) La diminution dans le volume de (!2) Dans quelques cas l'absorption l'hydrogène respiré a été constatée par du protoxyde d'azote a été de près plusieurs expérimentateurs, etnotam- d'un litre et demi., et, dans des expé- ment par MM. Regnault et Reiset. riences faites sur les animaux , les {Rech. chim. sur la respir.,]). 201 et altérations du sang dues à la présence suiv.; extraites des Ann. de chim., de ce gaz ont été constatées dans la t. XXVI, 18Zi9.) Bichat a constaté le substance de tous les organes inté- passage de ce gaz dans le sang (Rech. rieurs (a). sur la vie et la mort, p. M5). (a) H. Davy, Researches, Chem. and Physiolog., Chiefly concerning Nitrous Oxyde, p. 273 et suiv. 452 RESPIRATION. sant dans la profondeur de l'organisme par la même voie que l'acide sulfliydrique peut déterminer la mort, lorsqu'il se trouve mêlé, même en proportions très petites, à l'air inspiré ; et quand on examine le cadavre de personnes asphyxiées de la sorte, on trouve souvent des indices de la présence de ce gaz jusque dans la profondeur des parties du corps les plus éloi- gnées djss poumons (1). Les effets toxiques sont d'ailleurs les mêmes lorsqu'on détermine l'absorption rapide d'une certaine quantité d'acide sulfliydrique par toute autre voie : en l'injectant directement dans les veines, par exemple (2); et j'ajouterai que c'est aussi en se dissolvant dans le sang que la plupart des gaz délétères et des vapeurs nuisibles agissent sur l'organisme de ceux qui les respirent. Exhalations §9. — D'autres faits que les physiologistes négligent à accidentelles, tort dans la discussion de la question dont nous nous occupons ici, montrent que tous les gaz tenus en dissolution dans le sang se dégagent de ce liquide dans le travail respiratoire, comme nous l'avons vu par l'acide carbonique. On sait, par les expériences de Redi et de quelques autres (1) Des fails de ce genre ont|été mais, en général, ils exercent leur observés par plusieurs physiologistes,, action nuisible par suite de leur et notamment par Broughton (a). absorption et de leur dissolution dans (2) Dans les asphyxies positives, le sang. Ainsi, dans les expériences de ainsi que je l'ai déjà dit (page A19), Nysten sur le gaz acide sulfliydrique, la mort arrive non à cause de Tinter- des effets analogues à ceux résultant ruption de la respiration, mais parce de la respiration d'un air rendu mé- que Pair respirable se trouve mêlé à phitique par la présence de cette une certaine quantité d'un autre fluide substance ont été produits quand aériforme qui est doué de propriétés l'absorption rapide s'en faisait soit toxiques. Quelquefois ces gaz, dits dé- par la surface de la peau, soit par létères,agissent principalement en irri- celle de la plèvre, ou bien encore tant les voies respiratoires : le chlore lorsqu'on en injectait directement et l'acide sulfureux, par exemple ; dans le sang en circulation (6). (a) Broughton, An Expérimental Inquiry into the Physiological Effects of Oxygen and other Gases upotl the Animal System (Quarterly Joum. of Scien., Literal. and Arts, 1830 jan., p. 1). (b) Nysten, Recherches de physiologie et de chimie pathologiques, p. 114 et suiv. NATURE J»E CE PHÉNOMÈNE. 453 physiologistes du xvne siècle (1), que de l'air injecté en quantités un peu considérables dans les vaisseaux sanguins d'un animal vivant détermine des accidents graves, et souvent même une mort très prompte. Nous verrons plus tard à quelle action mécanique ces effets doivent être attribués ; dans ce moment il me suffira de dire que Nysten , tout en élucidant cette question, montra que les mêmes injections pratiquées d'une manière graduelle, avec lenteur et dans des limites déterminées, n'étaient pas mor- telles; il en profita pour étudier l'action de divers gaz sur l'éco- nomie, et en examinant les produits de la respiration chez un animal dans les veines duquel il avait injecté de l'hydrogène en quantité convenable pour que ce gaz fût dissous dans le sang, il en retrouva des traces dans l'air expiré. Tl en fut de même lorsqu'il eut chargé le sang d'une certaine quantité d'acide sulfhydrique ; ce gaz s'échappa de l'organisme par les voies respiratoires (2) . (1) François Redi, qui est connu sur- mais sans fournir aucun résultat nou- tout par ses travaux sur la génération veau de quelque importance. En 1811, prétendue spontanée, rendit compte Nysten fit à ce sujet des recherches de ses expériences sur l'introduction nombreuses et intéressantes. Enfin , de l'air dans les veines, à l'anato- plus récemment, de nouvelles expé- miste Stenon dans une lettre datée riences ont été faites sur le même su- de 1667 (a). Vers la même époque, jet, à l'occasion des accidents mortels Antoine de Heide constata aussi les qui parfois se produisent dans les opé- effets nuisibles de ces injections sur rations chirurgicales par suite de l'in- un Chien, mais dans une autre expé- troduction accidentelle de l'air dans rience il vit l'animal se rétablir (6). les grosses veines du cou, d'abord par Camerarius obtint des résultats ana- Magendic (h) , puis par Amussat (i). logues (c), et ses expériences furent (2) Recherches de physiologie et de ensuite répétées par Harder (d), chimie pathologiques, par Nysten, Bohin (e), Sproegel (f) et Bichat {g), 1811, p. 145. (a) Voyez Morgagni, De sedibus et causls morborum, lib. 1, epist. v, g 21. (b) Centuria observationum medicarum, 1683, obs. 90. (c) Ephem. Naturœ curïos., 1686, dec. 2, obs. 53. (d) Harderus, Âpiarium observationibus medicis, 168. (e) Bohin, Circulas anatomico physiologicus, 1697, p. 69. (f) Sproegel, Exper. circa varia venena, Dissert, inaug. Gœtting., 1753. (g) Bichat, Rech. sur la vie et la mort, p. 268 et suiv. , (h) Journal de physiologie, 1821, 1. 1, p. 190. (i) Amussat, Rech. sur l'introd. accid. de l'air dans les veines, 1839, iu-8. 454 RESPIRATION. Conclusions. § 10. — Ainsi, il est bien établi : Que tous les gaz tenus en dissolution dans le sang peuvent s'échapper de l'organisme par les voies respiratoires ; Que le sang veineux, en arrivant dans l'appareil où la respi- ration a son siège, tient en dissolution de l'acide carbonique libre, ou du moins dans un état de combinaison faible qui permet le dégagement de ce gaz sous l'influence des forces physiques que nous savons pouvoir intervenir dans le travail respiratoire ; Que dans ce travail il y a excrétion d'acide carbonique; Que l'acide carbonique exhalé ne se produit pas au moment même, mais préexiste dans l'organisme, et s'en échappe, quelle que soit la nature des gaz inspirés; Enfin que la quantité d'acide carbonique apporté ainsi dans l'appareil respiratoire par le sang est supérieure à celle qui s'en échappe. 11 est donc légitime de conclure que l'acide carbonique dont l'air se trouve chargé par la respiration des animaux provient d'une simple exhalation , qu'il est fourni par le sang, et qu'il préexiste dans ce liquide. Nous voyons d'autre part que dans le même travail une cer- taine quantité de l'oxygène de l'air disparaît ; Que de l'oxygène se retrouve à-l'état libre dans le sang; Que l'absorption de ce gaz par du sang chargé d'acide car- bonique est accompagnée du dégagement d'une portion de ce dernier gaz; Enfin que dans le sang qui n'a pas respiré, ou sang veineux, la proportion de l'acide carbonique comparée à celle de l'oxy- gène libre est plus grande que dans le sang artériel, c'est-à-dire le sang qui a déjà subi le contact de l'air. Il semblait donc logique de conclure qu'il y a là une relation de causes et d'effets; que dans la respiration il y a absorption de l'oxygène de l'air parle sang, et que l'oxygène, en se dissol- vant dans le sang, déplace pour ainsi dire de l'acide carbo- NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 455 nique qui se trouvait tout formé dans ce liquide et en détermine l'exhalation , ou du moins que ces deux résultats inverses sont dus à une cause unique (1). Quant à l'emploi de cet oxygène dans l'organisme et à la source éloignée de l'acide carbonique ainsi expulsé, je ne m'en occuperai pas en ce moment. Nous verrons plus tard que la belle théorie de Lavoisier, modifiée seulement quant au siège de la combustion physiologique, résout ces questions. Ici je dois me borner à montrer que la respiration proprement dite est bien un phénomène d'absorption et d'exhalation simulta- nées , un échange de gaz s'effectuant entre le sang et l'air atmosphérique. Mais quelles sont les lois qui régissent cet échange, et dans quel état les gaz charriés par le sang se trouvent-ils dans ce liquide ? § 11. — Dans ces derniers temps, M. Vierordt, l'un des derSjtion médecins physiologistes les plus habiles de l'Allemagne ? a jeté ,. Jfaltti0n beaucoup de lumière sur ces questions importantes (2) . à™J^ D'après les expériences de M. Magnus, les physiologistes , i>«*Fi™«îon- tout en reconnaissant que l'acide carbonique exhalé par les (1) Pour l'explication de cet échange tion chez les Vertébrés pulmonés. Je de gaz entre le sang et l'air, voyez le me bornerai donc pour le moment à paragraphe ci-après, page a57. renvoyer aux ouvrages dans lesquels (2) Les travaux de M. Vierordt sur ce physiologiste a consigné les résul- sur la respiration portent exclusive- tatsdeses expériences et a développé ment sur l'homme et quelques Mam- ses vues théoriques (a). mifères, et ne sont pas de nature à Les expériences de M. Vierordt ont être exposés ici avec détail. Nous y été l'objet de quelques critiques peu reviendrons dans une prochaine leçon, importantes (6), auxquelles ce physio- quand nous étudierons plus spéciale- logiste a répondu dans deux articles ment les phénomènes de la respira- spéciaux (c). (a) Vierordt, Physiologie des Athmens. Karlsruhe, 1845. — Respiration (Wagner's Handworterbuch der Physiologie, Bd. II, p. 828). (6) Lôwenberg, Bericht ûber die neuesten experimentellen Leistungen in Be%ug auf den chemischen Prozess des Athmens (Bntrcige sur experimentellen Pathologie und Physiologie von Traube, Berlin, 1846). (c) Vierordt, In Sachen der Respirationslehre (Zeitschr. fur ration. Med., 1846,Bd. V, p. 143). — Noch eine Antwort an H. Lôwenberg (loc. cit., p. 457). Û56 RESPIRATION. animaux existe déjà tout formé dans le sang, et que l'oxygène qui disparaît dans le travail respiratoire est simplement absorbé par ce même liquide, considéraient ces phénomènes comme des choses essentiellement connexes, et pensaient que le dégagement de l'acide carbonique était la conséquence de l'absorption de l'oxygène ; que ce dernier gaz déplaçait l'autre, et que par con- séquent il devait y avoir une .relation constante entre la quan- tité d'acide carbonique qui pénètre dans le sang et la quantité d'oxygène qui en sort. M. Vierordt a donné de cet échange des gaz entre le fluide nourricier et l'atmosphère une autre expli- cation qui est plus satisfaisante. Elle ne suffit pas , il est vrai , pour nous rendre complètement compte de tous les faits obser- vés, car les forces physiques que M. Vierordt met en jeu ne sont certainement pas les seules qui interviennent dans le tra- vail complexe de la respiration , mais elle nous donne la clef des phénomènes fondamentaux dont l'étude nous occupe en ce moment. Cette théorie repose entièrement sur les lois qui régissent les mélanges des gaz et des liquides, et qui ont été établies vers le commencement du siècle actuel par deux physiciens anglais, Henry etDalton (1). Aussi, pour la faire connaître, me semble- t-il nécessaire de rappeler en peu de mots comment ces phy- siciens interprètent les faits de cet ordre. L0iS Les molécules des fluides élastiques, comme on le sait, sont deT^T douées d'une force répulsive en vertu de laquelle ils se répan- et des laudes. dent dans ja totajjt£ de i'eSpace quj jeur est 0livert et exercent (1) Les expériences de Henry (a) fu- ce sujet, résultats dont l'exactitude, à rent publiées avant celles de Dalton (6), un degré d'approximation suffisante, mais c'est principalement à ce dernier a été confirmée récemment par les que l'on doit les résultats obtenus à recherches de M. Bunsen (c). (a) W. Henry, Exper. on the Quantity of Gases absorbed by Water {Phil. Trans., 1803, p. 29). (b) Dalton, On the Absorption of Gases by Water and other Liquida {Mem. of the Literary and Philos. Soc. of Manchester, 1805, 2° série, vol. I, p. 271). (c) Bunsen, Ueber das Gesetz der Gasabsorption (Annalen der Clièm. und Pharm., 1855, Bd. XCIII, p. 1, et par extrait: Ann. de chim., 1855, 3" série, t. XL1II, p. 496). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 457 une pression contre les obstacles qui s'opposent à cette diffu- sion. Or, quand un gaz se trouve en contact avec de l'eau ou tout autre liquide avec lequel il ne contracte aucune combi- naison chimique, il pénètre en quantité plus ou moins consi- dérable entre les molécules de ce corps, comme si les espaces que celles-ci laissent entre elles étaient des vides. Le vo- lume du gaz qui se dissout ainsi est une certaine fraction du volume du liquide, et cette fraction, qui varie suivant les natures respectives du gaz et du liquide, est toujours la même pour le même gaz dissous dans le même liquide, quelle que soit d'ailleurs la pression que ce gaz supporte. Le rapport reste aussi constant pour chaque gaz entre le nombre de molécules qui se logent de la sorte dans un certain volume de liquide et le nombre de molécules du même gaz qui occupent un espace égal dans l'atmosphère en contact avec la surface libre de ce liquide. Ce qui règle la quantité (ou, pour parler plus exacte- ment, le poids) du gaz dont un dissolvant se charge, c'est donc, toutes choses égales d'ailleurs, le degré de tension de ce même gaz dans l'atmosphère adjacente, ou en d'autres mots le degré d'écartement ou de rapprochement de ses molécules dans ce dernier milieu. Ainsi quand de l'eau se trouve en contact avec une atmosphère formée d'acide carbonique , elle en absorbe jusqu'à ce que l'équilibre se soit établi entre la pression exercée sur sa surface par cette atmosphère et la pression en sens inverse exercée sur cette même atmosphère par le gaz interposé entre ses molécules (1). Si, par une circonstance quelconque, la pression exercée par l'acide carbonique gazeux vient à aug- (1) Il est bien entendu qu'il ne diminuée par l'action exercée sur s'agit ici que de la pression effective celles-ci par les molécules du liquide exercée sur l'atmosphère contiguë par qui les renferme, circonstance dont le gaz en dissolution, pression qui dépend le degré de solubilité de ce dépend de la force expansive des fluide élastique, molécules de ce gaz, augmentée ou I. 58 658 RESPIRATION menter, un plus grand nombre de molécules de ce fluide élas- tique pénétreront dans l'eau, et sous un même volume l'acide carbonique dissous sera en plus grande quantité; tandis que, dans le cas contraire , lorsque la tension du gaz acide carbo- nique extérieur vient à diminuer , la force expansive du gaz dissous n'étant plus contre-balancée, une portion de celui-ci se dégagera, jusqu'à ce que l'équilibre de pression se soit rétabli. L'entrée du gaz dans le liquide qui le dissout, ou sa sortie dépendra donc du degré de tension de ce même gaz dans l'at- mosphère qui est en contact avec la surface libre du liquide; et quand cette atmosphère , au lieu d'être formée d'un seul gaz, comme je viens de le supposer, se trouve composée de deux ou de plusieurs fluides élastiques , chacun d'eux se comporte comme s'il était seul et avait le même degré de tension qu'il présente dans ce mélange , c'est-à-dire avait ses molécules écartées entre elles à la même distance. Ainsi , lorsqu'un espace fermé de la capacité d'un litre se trouve occupé par de l'acide carbonique en contact avec un litre d'eau déjà saturée d'acide carbonique, on n'observera ni absorption ni dégage- ment de ce gaz ; mais si l'on remplace l'acide carbonique pur par un mélange de celui-ci et d'oxygène à volumes égaux , les choses ne se passeront plus de même. Admettons par hypo- thèse que dans le premier cas il y ait eu tant dans l'atmos- phère extérieure que dans le liquide, pour chaque unité d'espace, 10 molécules de gaz acide carbonique : il y en aura maintenant encore le même nombre dans un même volume du liquide , mais dans un volume correspondant de l'atmosphère extérieure il n'y en aura plus que 5; la tension de ceux-ci ne suffira donc plus pour faire équilibre à la pression exercée de dedans en dehors par les 10 molécules du gaz dissous, et celui-ci se déga- gera jusqu'à ce qu'il y ait égalité de pression de part et d'autre. La quantité de gaz qui sera mêlée au liquide sera donc toujours dans un certain rapport avec la quantité de ce même gaz répandu NATURE DE CE PHÉNOMÈNE, /j59 dans l'espace eontigu à la surface libre du dissolvant. La raré- faction de ce dernier, qu'elle soit due à une diminution de pres- sion extérieure ou à son mélange avec d'autres fluides élas- tiques, détermine ici le môme résultat, ou, en d'autres mots, la densité du gaz emprisonné dans le liquide dissolvant ; c'est-à- dire son poids sous un môme volume sera toujours en rapport avec la densité du môme gaz dans l'atmosphère extérieure. Le degré de solubilité des gaz, ou la quantité de ces fluides qui, toutes choses égales d'ailleurs, pourra s'interposer ainsi entre les molécules du liquide, variera suivant la nature du gaz et du liquide; mais en présence d'un mélange de ces gaz, le dissol- vant absorbera de chacun d'eux une quantité égale à celle qu'il en absorberait s'il était en contact avec une atmosphère formée uniquement de ce gaz particulier exerçant une pression égale à la fraction de la pression totale qui lui appartient dans le mélange gazeux. § 12. — Ces lois des mélanges des gaz et des liquides sont Application # de ces lois du domaine de la physique, et je me serais borne à les énoncer, à ia respiration. si on les trouvait exposées avec les développements nécessaires dans les ouvrages élémentaires qui traitent de cette science et qui sont d'ordinaire entre les mains des physiologistes ; mais dans la plupart de ces livres il n'en est pas question, et par conséquent j'ai cru nécessaire de les expliquer ici (1). En effet, les expériences de Vierordt tendent à établir que les choses se passent de la même manière entre le sang et l'air atmosphé- rique ; de sorte que l'échange des gaz qui constitue la partie essentielle de ce premier acte du travail respiratoire ne serait qu'une conséquence de la solubilité des fluides élastiques dans le sang et des rapports existants entre la pression qu'ils exer- cent dans ce liquide et la pression propre à chacun d'eux dans (1) Voyez, pour plus de détails à ce sique de l'École polytechnique, par sujet, l'article sur le mélange des gaz M. Lamé, t. I, p. 101 et suivantes et des liquides dans le Cours de phy- (1836). /(.60 RESPIRATION. l'air qui arrive au contact de la surface respiratoire et qui con- stitue l'atmosphère contiguë au milieu dissolvant constitué par le fluide nourricier. Si les choses se passent de la sorte dans l'économie animale, les phénomènes chimiques de la respiration doivent dépendre principalement des rapports qui existent entre la quantité de gaz oxygène et de gaz acide carbonique dont le sang est chargé quand il arrive au contact de l'air inspiré et la quantité de cha- cun de ces mêmes gaz contenus dans l'atmosphère respiratoire formée par cet air ambiant. Ainsi le sang veineux étant chargé d'une certaine quantité d'acide carbonique, et arrivant en contact avec un fluide élastique , devra en exhaler ou en absorber suivant que cette atmosphère gazeuse extérieure ne contiendra pas assez d'acide carbonique pour que la fraction de la pression totale appar- tenant à celui-ci soit apte à contre-balancer la tension exercée par le même gaz en dissolution dans ce liquide, ou en contien- dra une proportion telle que la tension de l'acide carbonique atmosphérique sera supérieure à la tension de l'acide carbo- nique sanguin. La quantité exhalée ou absorbée serait donc subordonnée à ces deux circonstances. Voyons si les choses se passent réellement de la sorte. L'air que nous inspirons d'ordinaire ne contient qu'une pro- portion très faible d'acide carbonique ; le sang fortement chargé de ce gaz doit, d'après cette théorie, en abandonner, ainsi que cela a lieu : mais la quantité exhalée ainsi dans un temps donné doit diminuer à mesure que la proportion de ce même gaz existant dans cet air augmente. Si l'air inspiré se renouvelle assez rapidement pour ne se charger que de quelques millièmes de ce gaz , la quantité versée dans l'atmosphère par le sang devra être beaucoup plus considérable que si ce même air, en séjournant longtemps dans nos poumons, s'était mêlé à une forte proportion d'acide carbonique. Or les expériences de NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /j61 M. Vierordt montrent que c'est précisément de la sorte que l'exhalation de l'acide carbonique s'effectue quand nous respi- rons : la quantité de ce gaz qui se dégage du sang est d'autant plus grande que la tension de l'acide carbonique est moindre dans l'air dont l'appareil pulmonaire est rempli, et l'on peut de la sorte à volonté faire varier dans la proportion de 1 à 1/4. la quantité de ce gaz dont notre organisme se débarrasse dans l'espace d'une minute. On sait aussi que la gêne de la respira- tion devient d'autant plus grande que la proportion d'acide car- bonique dans l'air inspiré devient pins considérable, lors même que la proportion d'oxygène ne varie pas ; et dans quelques expériences déjà anciennes, faites par Legallois en plaçant des animaux dans une atmosphère très riche en acide carbonique, non-seulement le dégagement de ce gaz par la respiration a été annulé, mais il s'est produit un phénomène inverse, savoir, une absorption d'acide carbonique (1). Nous avons vu aussi que dans les expériences de W. Edwards l'exhalation de l'acide carbonique s'est faite à peu près de la même manière dans une atmosphère d'air ordinaire, d'azote ou d'hydrogène. M. Marchand a trouvé également que des Grenouilles placées dans de l'oxygène pur ne fournissent pas plus d'acide carbonique que lorsqu'elles res- pirent dans l'air atmosphérique (2). Le dégagement de ce gaz (1) Dans une des expériences de ce genre, les causes d'erreur sont beau- Legallois, un Cochon d'Inde fut placé coup plus nombreuses quand on opère dans une al mosphère factice contenant sur l'homme ou sur les Mammifères 32 pour 100 d'acide carbonique, et que lorsqu'on prend pour sujet d'ex- après qu'il y eut respiré pendant cinq périence les Grenouilles, dont il est fa- heures, on n'y trouva plus que 30 pour cile de vider complètement les pou- 100 de ce gaz (a). mons. Les conclusions de M. Mar- (2) Allen et Pepys étaient arrivés à chand (c) sont d'ailleurs conformes aux un résultat contraire par leurs expé- résultats obtenus par MM. Regnaultet riences sur la respiration chez l'hom- Reiset sur des Lapins et des Chiens (d). me (6). Mais, dans les recherches de (et) Legallois, Deuxième Mém. sur la chaleur animale, 1813 (Œuvres, t. II, p. 66). (6) Allen et Pepys, Philos. Trans., 1808, p. 280. (c) Marchand, Ueberdie Respir. derFrôsche (Journ. fiirprakt. Chem., 1844, Bd. XXXIII, p. 152). [d) Regnault et Reiset, Rech. chim. sur la respir. des animaux, p. 200. 462 RESPIRATION. est par conséquent un phénomène indépendant de l'absorption de l'oxygène qui , dans les circonstances ordinaires, l'accom- pagne. Cette portion du travail respiratoire s'effectue donc comme si elle consistait essentiellement en un fait physique de solubilité et était réglée en majeure partie par la loi de Dalton. § 13. — La même théorie s'applique également , dans cer- taines limites, à l'absorption de l'oxygène. Ainsi, quand un animal est placé dans une atmosphère où la tension de l'oxy- gène est nulle ou extrêmement faible , non-seulement il n'en absorbe pas, ce qui va de soi , mais il en exhale, parce qu'alors la pression exercée par l'oxygène préalablement dissous dans le sang, au lieu d'être inférieure à celle de l'oxygène extérieur, comme dans les circonstances ordinaires , ne se trouve plus contre-balancée par une force de ce genre, et détermine le dégagement d'une portion de ce fluide de la même manière que cela a lieu pour l'acide carbonique dans la respiration normale (1). L'influence exercée par le degré de tension de l'oxygène de l'atmosphère respiratoire sur l'absorption de ce principe comburant n'est pas , il est vrai, aussi prépondérante que celle de la proportion d'acide carbonique dans l'air inspiré sur l'exhalation de ce dernier gaz : ainsi l'absorption de l'oxy- gène par le sang ne s'accroît pas proportionnellement à l'aug- mentation de la quantité de ce fluide qui se trouve dans l'atmos- phère, et cela indique l'intervention d'autres forces ; mais toujours est-il que la disparition de l'oxygène dans l'acte de la respiration semble être aussi un fait dépendant en partie au moins de la solubilité de ce gaz dans le liquide nourricier. § 14. — Ainsi nous nous voyons conduits à assimiler les (1) Un dégagement d'oxygène dans d'hydrogène seulement. {Ueber die la respiration a été observé, dans quel- Einwir~k. des Sauerstoffes auf das ques-unes des expériences de M. Mai- Blut, in Journ. fur prakt. Chem., chand, chez des animaux placés dans 1865, t. XXXV, p. 385.) une atmosphère composée d'azote ou NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 463 phénomènes de la respiration proprement dite à ceux qui accompagnentles dissolutions ordinairesdes gaz dansles liquides, et à considérer les échanges qui s'effectuent de la sorte entre l'air atmosphérique et l'économie animale comme dépendants en premier lieu des rapports qui existent entre la tension de chacun des fluides élastiques contenus d'une part dans le sang, d'autre part dans l'atmosphère respiratoire contiguë à ce liquide. La quantité d'acide carbonique exhalée en un temps donné dépendrait donc, toutes choses égales d'ailleurs, de la quantité de ce même gaz existant en dissolution dans le sang et de la proportion suivant laquelle l'air inspiré s'en trouve chargé. L'exhalation ou l'absorption de l'azote, comme je le mon- trerai bientôt, tiendrait à des circonstances du même ordre, et l'activité de l'absorption de l'oxygène serait réglée, jusqu'à un certain point, par le rapport existant entre la tension de ce gaz dans l'air et dans le sang. § 15. — Tout nous porte donc à croire que les lois de Dal- ton exercent une grande influence sur les échanges qui s'effec- tuent entre l'atmosphère et les animaux ; mais on se formerait une idée fausse des phénomènes de la respiration, si on les sup- posait régies uniquement par les forces dont je viens de parler. Ces phénomènes sont beaucoup moins simples que ceux des mélanges ordinaires d'un gaz et d'un liquide, et pour pouvoir en calculer la marche, il nous faudrait beaucoup d'autres don- nées que la science ne possède pas encore. Ainsi, dans une dissolution ordinaire, le gaz est en contact direct avec le liquide où il pénètre ; dans l'appareil respiratoire, le sang est séparé de l'air par une membrane organisée, et quoique cette cloison n'empêche le passage des gaz ni dans un sens ni dans l'autre, elle doit exercer une certaine influence sur les effets résultant de ces deux courants en sens contraires. MM. Valentin et Brunner ont cru pouvoir assimiler le rôle deBrunner de cette membrane vivante à celui d'un écran poreux de nature /|64 RESPIRATION. inorganique qui séparerait entre eux deux fluides élastiques, et appliquer aux phénomènes de la respiration de l'homme et des animaux la loi de la diffusion des gaz établie par M. Graham (1). Cette loi exprime les rapports suivant lesquels deux gaz qui sont sans action chimique les uns sur îes autres se mêlent quand ils sont séparés entre eux par une lame perméable, et qu'ils sont soumis à des pressions égales de part et d'autre. Elle s'énonce en disant : Que les volumes échangés sont en raison inverse des racines carrées de leurs densités. Ainsi, quand un échange s'établit de la sorte par diffusion entre de l'oxygène et de l'acide carbonique, 1 volume du pre- mier de ces deux gaz se trouve remplacé par 0,85 du second (2) . Or, nous avons vu que la quantité d'oxygène absorbé dans l'acte de la respiration est d'ordinaire supérieure à celle de l'acide carbonique exhalé ; et dans les expériences de MM. Va- lentin et Brunner le rapport entre les volumes de ces deux fluides ainsi échangés concordait si bien avec ce qui aurait eu lieu d'après la loi dont il vient d'être question , que ces auteurs n'ont pas hésité à considérer ce phénomène physiolo- gique comme étant un fait de diffusion ordinaire (3) . (1) Onthe Laiv of Diffusion ofGases, (3) Les expériences de MM. Valen- by T. Graham {Trans. of the Roxjal lin et Brunner furent faites sur Soc. of Edinburgh, vol. XII, 1834, l'homme, et donnèrent toujours à peu p. 222. près 1 volume d'acide carbonique ex- (2j En effet, la densité de l'air étant halé pour 1,17602 d'oxygène absorbé, prise pour unité, celle de l'oxygène Les résultats observés ne s'éloignaient est 1,10563, et celle de l'acide carbo- de ceux calculés d'après la loi de nique 1,52910. La racine carrée de Graham que de -fc (a). Un des disci- 1,10563 = 1,0315, etcelle de 1,53910 pies de Valentin, M. C. von Erlach, = 1,2366. a fait une série d'expériences sur la Il devra donc passer f^— = 0,8503 respiration du Chien, du Chat, de l'É- d'acide carbonique pour 1,0000 d'oxy- £ureuil , de la Souris, du Cochon gène. d'Inde et de la Grenouille, dont les ré- ( i) Valentin und Brunner, Ueber das Verhdltniss der bel dem, Athmen des Menschem ausge- scliiedenen Kohlensdure %u dem durch jenen Process aufgenommenen Sauerstoffe (Archiv fur Physiol. Heilkunde 1843, Bel. II, p. 373). — Valentin, Lehrbuch der Physiologie des Mensehen, 4 8M, Bd. I, § 1357. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|65 Mais cette explication .théorique , toute séduisante qu'elle pouvait paraître au premier abord, ne résista pas à la discus- sion. Effectivement, des recherches laites dans un autre but nous avaient déjà appris que le passage des gaz à travers une membrane organique humide ne s'opère pas d'une manière conforme aux lois de la diffusion posées par M. Graham pour le cas particulier dont il avait fait l'étude (1). Des effets de capil- larité, dont il serait impossible de rendre nettement compte sultats s'accordent généralement assez bien avec la théorie mentionnée ci- dessus. En effet, dans la plupart des cas, la quantité d'acide carbonique exhalé ne différait que très peu de celle qui, d'après la loi de la diffusion des gaz , correspondrait au volume de l'oxygène absorbé ; et lorsque la production d'acide carbonique dépas- sait notablement cette production, ainsi que cela s'observa chez la Poule et le Cochon d'Inde, l'auteur a constaté que l'animal avait évacué beaucoup d'urine ou d'autresmatièresexcrémentitielles. Or, il a reconnu que ces matières don- nent lieu à un dégagement considé- rable d'acide carbonique, et par con- séquent il attribue à cette source, et non a la respiration, l'excès observé. Quand l'air respiré était déjà chargé d'une certaine quantité d'acide car- bonique, l'exhalation de ce dernier gaz était inférieure à ce que la théorie aurait indiqué (a). Je dois ajouter que dans son der- nier ouvrage, M. Valentin déclare formellement que ce n'est pas une théorie des phénomènes respiratoires qu'il a entendu présenter en appli- quant la loi de Graham à la discus- sion des résultats obtenus dans ses expériences, mais une coïncidence qu'il a voulu signaler ; et il reconnaît que les faits constatés ne suffisent pas pour établir l'existence d'un rapport constant entre les quantités d'oxygène absorbé et d'acide carbonique ex- halé (6). (1) Dans les expériences de Graham, l'écran perméable interposée ntre les gaz était tantôt une lame de plâtre, tantôt un morceau de vessie sèche ou de baudruche. Dans les cas de passage du gaz à travers une membrane hu- mide, les choses ne se présentent pas de même. Ainsi lorsqu'une vessie rem- plie d'oxygène est suspendue dans une cloche pleine d'acide carbonique, ce gaz pénètre dans cette vessie beau- coup plus vite que l'oxygène n'en sort, la distend et finit souvent par la faire crever. Or, d'après les lois de la diffusion, le volume du mé- lange dans l'intérieur de la vessie devrait au contraire diminuer. Cela dépend de ce que dans le passage à travers une membrane humide, le de- gré de solubilité du gaz joue un rôle important. (a) Von Erlach, Versuche ûber die Respiration einiger mit Lungen athmendev Wirbelthiere. In-4, Bern, 184<ï. (b) Valentin, Grundriss dev Physiologie des Menschen, 1851, p. 263. t. 59 A66 RESPIRATION. dans l'état actuel de la science, interviennent dans ce phéno- mène (1). Lorsqu'on faisant l'histoire de l'absorption j'aurai à traiter de Yendosmose, nous nous occuperons de l'étude de ces forces ; mais en ce moment cela nous éloignerait trop de l'objet principal de cette leçon , et je me bornerai à ajouter que les expériences faites par les physiciens ou les physiolo- (1) Des expériences très intéres- santes, faites il y a vingt-cinq ans par un chimiste de Philadelphie , M. Mit- chell (a), et que je m'étonne de voir négliger par la plupart des physiciens qui depuis lors ont traité des phéno- mènes de la capillarité dont nous nous occupons ici, prouvent en effet que le passage des gaz à travers les mem- branes humides de l'organisme est soumis à d'autres influences. Ainsi non-seulement l'acide carbonique s'in- filtre de la sorte beaucoup plus rapi- dement que ne le fait l'oxygène, mais la pénétration de l'azote est beaucoup plus lente que celle de ce dernier gaz. D'après JYiitchell , le temps néces- saire au passage des divers gaz à tra- vers une lame mince de caoutchouc serait dans les rapports suivants : Ammoniaque 1 Acide suif hydrique. . . 2 1/2 Cyanogène 3 1/4 Acide carbonique ... 51/2 Oxyde d'azote 6 1/2 Gaz oléfiant 28 Hydrogène 37 1/2 Oxygène 113 Oxyde de carbone . . . 160 Azote, environ 200 Le passage des gaz à travers des membranes animales varie aussi en intensité suivant la direction du cou- rant , de telle sorte que l'acide car- bonique traverse telle cloison orga- nique beaucoup plus facilement de dedans en dehors que de dehors en dedans, et qu'en employant telle autre membrane on peut obtenir le résultat inverse. Ainsi lorsque l'air atmosphé- rique et l'acide carbonique sont sépa- rés par une cloison formée avec de la peau humaine , ce dernier gaz passe plus rapidement lorsqu'il est en con- tact avec la surface épidennique que lorsqu'il était placé du côté interne du derme. Lorsque ce gaz traverse les parois d'une anse d'intestin , il passe plus facilement de dedans en dehors qu'en sens inverse. (Mitchell, loc. cit.) M. Malteucci , qui paraît ne pas -avoir eu connaissance des recherches de Mitchell , a fait quelques expé- riences sur le passage des gaz à tra- vers les membranes humides , expé- riences qui tendent aussi à prouver que l'endosmose doit jouer un certain rôle dans les phénomènes de la respi- ration. « Je remplis partiellement de gaz oxygène, dit M. Matteucci, le poumon d'un Agneau tué il y a peu de temps, et après avoir eu soin d'extraire par la succion tout l'air qu'il m'a été pos- sible d'enlever. La trachée étant étroi- (a) On Ihe Penetrativeness ofFluids (Philadelphia Journal of Médical Science, vol. XIII, p. 36, and Journal of the Royal Institution of Creat-Britain, Aug. 183J, vol. XXXI, p. 101). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 467 gistes sur l'échange des gaz dans des conditions comparables à celles où se trouvent l'air et le sang dans un organe respira- toire, montrent que cet acte doit être beaucoup plus complexe que ne le supposaient MM. Yalentin et Brunner, et que la loi de Graham ne saurait nous en donner l'explication. D'ailleurs , un examen attentif des quantités d'oxygène et d'acide carbonique qui passent de l'air dans le sang, et du sang dans l'atmosphère par F acte de la respiration, prouve que cet échange ne s'effectue pas d'une manière conforme à la loi de tement liée , j'introduis le. poumon sous une cloche pleine d'acide carbo- nique et renversée sous l'eau. Au bout de quelques instants, on voit le poumon se gonfler et se distendre autant que le lui permet la capacité de la cloche. J'ai examiné les gaz après l'expérience , et j'ai trouvé que l'acide carbonique a pénétré dans les cellules pulmonaires et que l'oxygène s'en est dégagé : l'échange, cependant, n'a pas eu lieu en volumes égaux, et l'acide carbonique introduit dans le poumon est en plus grande quantité que l'oxygène qui l'a abandonné. Dans un poumon préparé comme je viens de le dire , j'ai trouvé après quatre heures que le gaz contenu dans celui- ci était composé de 2/3 d'oxygène et 1/3 d'acide carbonique, et celui qu'il y avait dans la cloche résultait du mélange de 1/4 d'oxygène et de 3/4 d'acide carbonique. » J'ai essayé de tenir une vessie exactement fermée , à parois très minces, pleine d'oxygène, en contact avec de l'acide carbonique, ayant pris la précaution que la vessie ne fût pas mouillée. Le gonflement n'a pas lieu ; cependant, après un certain temps, on trouve que l'échange entre les deux gaz s'est opéré, mais sans que l'acide carbonique introduit surpasse l'oxy- gène qui s'est échappé. Enfin , j'ai tenté de remplir complètement le poumon d'acide carbonique et de l'in- troduire dans cet état dans de l'oxy- gène : le poumon s'affaisse, les deux gaz se mêlent, mais le volume d'oxy- gène qui s'est introduit est moins con- sidérable que celui de l'acide carbo- nique qui est sorti. Pour tous ces faits, outre l'action réciproque des deux gaz à travers les membranes, on doit en- core tenir compte de la présence de l'eau qui baigne la membrane , eau dans laquelle l'acide carbonique est soluble. Le liquide acide ainsi formé se trouve, d'un côté, en présence d'un gaz différent de celui qui y a été dis- sous, et à l'égard duquel le gaz libre agit comme dans un espace vide. On pourrait donc se rendre compte de l'introduction plus considérable de l'acide carboniqwe dans le poumon en l'attribuant soit à une action particu- lière des deux gaz , ce qui constitue- rait l'endosmose gazeuse , soit à un effet du gaz d'abord dissous , puis exhalé {a). » (a) Matteucci, Leçons sur Jes phénomènes physiques des corps vivants^ 1847, p. 124 et 468 RESPIRATION. la diffusion. Cela a été pleinement démontré par une série de recherches faites il y a une dizaine d'années par MM. Regnault et Reiset avec un degré de précision inconnu jusqu'alors (1). (I) Dans un article très judicieux sur la respiration, publié en 18Zi7, M. J. Reed (a) fit remarquer avec rai- son que le gaz acide carbonique du sang veineux et l'oxygène de l'air ne sont pas placés dans les mêmes con- ditions que les gaz dont la diffusion avait été étudiée par M. Graham; que ces fluides élastiques sont séparés par une membrane organique humide à travers laquelle le passage des gaz ne s'effectue pas d'après les mêmes lois ; que l'un de ces gaz est en dissolution dans un liquide, tandis que l'autre est libre ; qu'ils ne sont pas soumis à la même pression , à raison de la force motrice développée par le cœur ; enfin que cette théorie supposerait des rap- ports invariables entre la quantité d'oxygène absorbée et celle de l'acide carbonique exhalé , tandis que les proportions sont loin d'être les mêmes dans les diverses expériences faites jusqu'ici sur les altérations de l'air par la respiration des animaux. MM. Regnault et Reiset ont fait les mêmes objections contre la doctrine exposée ci-dessus. Voici comment ils s'expriment à ce sujet : « MM. Brunner et Valentin admet- tent que , dans la respiration des ani- maux, il se passe un phénomène sem- blable à la diffusion. Le sang qui revient aux poumons après avoir traversé l'appareil circulatoire , ren- fermant une grande proportion d'acide carbonique en dissolution, il s'établi- rait à travers la membrane du pou- mon , entre ce gaz et l'oxygène de l'air atmosphérique remplissant la cavité pulmonaire, une diffusion assu- jettie à la loi que nous venons de rap- peler. Le sang perdrait à travers la membrane une portion de son acide carbonique et absorberait une quan- tité correspondante d'oxygène : pour 1 volume d'oxygène absorbé il y au- rait 0,85 d'acide carbonique exhalé. Quant à l'azote atmosphérique, il n'in- terviendrait pas dans le phénomène, à cause de son insolubilité dans le sang. Nous ne comprenons pas comment le phénomène de la respiration , ainsi envisagé, peut être assimilé à celui de la diffusion des deux gaz, à pres- sions égales , séparés par une mem- brane. Nous admettrons volontiers que les forces en vertu desquelles s'ef- fectue le mélange des deux gaz dans cette dernière circonstance inter- viennent dans le phénomène de la respiration ; mais les conditions nous semblent totalement différentes. Les gaz ne sont pas tous les deux à l'état élastique. L'un d'eux, l'acide carbo- nique , est en dissolution dans un liquide dont l'action doit modifier considérablement le phénomène de la diffusion. Le second gaz, qui se trouve de l'autre côté de la paroi perméable, n'est pas de l'oxygène pur ; c'est un mélange d'oxygène et d'azote , dans lequel l'oxygène seul n'exerce que le cinquième de la force élastique totale. (a) J. Rccil, article Respiration (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, vol. IV, p. 303). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|69 Quoi qu'il en soit , nous voyons que la propriété diffusive des gaz joue un rôle considérable dans la respiration, et que le dégagement de l'acide carbonique contenu dans le sang, ainsi que l'absorption de l'oxygène par ce liquide , offre la plus grande analogie avec les phénomènes ordinaires de solubilité de ces gaz, phénomènes qui sont du domaine de la physique. § 16. — Ce résultat obtenu, faisons un pas de plus dans État des gaz l'étude du travail respiratoire, et cherchons à quel état se leslV trouve l'acide carbonique que le sang veineux charrie de la sorte pour le verser dans l'atmosphère, et sous quelle forme l'oxygène absorbé est transporté au loin dan» l'organisme par le sang artériel. Au premier abord ces questions pouvaient paraître résolues par le seul fait du dégagement des gaz contenus dans le sang Or, la loi de Graham, lors même qu'elle serait applicable au phénomène qui nous occupe , exigerait au moins que l'oxygène fût pur et qu'il exerçât à lui seul une pression égale à celle que l'acide carbonique produit sur l'autre face de la paroi. Quoi qu'il en soit, comme MM. Brunner et Va- lentin déclarent eux-mêmes que l'ex- plication qu'ils proposent n'a pas été déduite de spéculations théoriques , mais qu'ils la regardent comme l'ex- pression exacte des faits , il est facile de la soumettre à une épreuve rigou- reuse. Cette théorie suppose, en effet, qu'il existe un rapport constant entre l'acide carbonique dégagé et l'oxygène consommé, et que ce rapport est égal à 0,85 (a). » Or, les expériences de MM. Ré- gna ult et Reiset font voir que le rap- port entre le volume de l'acide car- bonique exhalé et de l'oxygène absorbé par le même animal varie depuis 0,62 jusqu'à 1,04 (6). Il est donc bien loin d'être constant , «comme cela devrait être , dans la théorie proposée par MM. Brunner et Valentin. M. Ludwig, qui a combattu éga- lement les vues de MM. Valentin et Brunner, s'appuya principalement sur l'état de combinaison dans lequel il pense que l'acide carbonique du sang doit se trouver. Il croit en effet que ce gaz n'est pas libre dans ce liquide, mais uni à la soude, de façon à consti- tuer un bicarbonate, question dont l'examen nous occupera bientôt (c). (a) Regnault et Reiset, Reeh. chim. sur la respiration des animaux, p. 11 (extr. des Ann. de chim. et phys., 1849, 3e série, t. XXVI). (b) Regnault et Reiset, Op. cit., p. 216. (e) Ludwig1, Bemerkung %u Valentin' s Lehren von Athmen und Blutkreislauf (Zeitschrift fur rationelle Medicin, 1845, t. III, p. 147. /j.70 RESPIRATION. lorsque la pression atmosphérique cesse de s'exercer à la sur- face de ce liquide. En effet, ce phénomène semblait prouver que ces gaz sont libres de toute combinaison chimique et sim- plement dissous dans le fluide nourricier, c'est-à-dire mêlés aux molécules de celui-ci. Les résultats fournis par les expé- riences de M. Magnus ont rendu cette opinion dominante parmi les physiologistes ; mais ici encore les choses me semblent être moins simples qu'on ne serait disposé à le croire. État de racide Nous avons vu précédemment que le sang renferme du daTsïlang. carbonate de soude , et l'on sait que les carbonates neutres à base alcaline, quand ils sont en présence de l'acide carbonique, s'emparent d'un second équivalent de ce corps et passent à l'état de bicarbonates. 11 serait donc difficile de croire qu'une portion de l'acide carbonique absorbé par le sang pût y rester en présence d'un carbonate neutre de soude sans s'y combiner. Mais les expériences de M. Henry Rose, de Berlin, nous ap- prennent aussi que les bicarbonates ainsi constitués sont si instables, que pour en opérer la décomposition il suffit des influences sous lesquelles nous avons vu l'acide carbonique se dégager du sang (1). Ainsi ce chimiste a vu que dans le vide ces bicarbonates se'décomposent, et il a constaté aussi que pour leur faire abandonner une portion de leur acide et les faire passer à l'état de sesquicarbonates, ou même de carbonates neutres , il suffit d'agiter la solution qui les contient avec de l'air, de l'azote ou tout autre gaz qui n'exerce point d'action (1) Les expériences de M. H. Rose peur d'eau entraîne rapidement une ont été faites seulement au point de portion de l'acide de ces bicarbonates, vue de l'histoire chimique des carbo- et que le contact d'un gaz étranger nates, et portent sur les combinaisons qui se renouvelle produit le même de l'acide carbonique avec la potasse effet que le vicie. Des faits analogues et la soude [a). Il a trouvé que la va- ont été constatés par M. Marchand (6). (a) H. Rose, Ueber die Verbindungen der Alkalien mit der Kohlensàure (Poggendorff's Annalen der PhysikundChemie, 1835, Bd. XXXIV, p. 149). (6) Marchand, Ueber die Einwirkung des Sauerstoft'es auf das Blut und seine Bestandtheile (Journ. fur praktische Ghemie, 1845, Bd. XXXV, p. 389). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. &71 chimique sur ee liquide. L'acide carbonique se comporte donc ici à peu près comme s'il était libre, et tenu simplement en dissolution dans la liqueur saline. Par conséquent le dégage- ment de l'acide carbonique du sang constatée par les expé- riences de M. Magnus s'expliquerait également bien dans l'hy- pothèse de l'union lâche de ce corps avec le carbonate sodique du plasma. Il est donc probable qu'une portion de l'acide carbo- nique exhalé dans l'acte respiratoire se trouve réellement en combinaison avec la soude du plasma ; mais il ne parait pas possible d'admettre que la totalité de ce gaz soit fournie par la décomposition d'un bicarbonate sodique, car, ainsi que je l'ai déjcà dit, il résulte des expériences de ce dernier physiologiste que la quantité d'alcali existant à l'état de carbonate dans le sang serait insuffisante pour nous rendre compte du phénomène (1). Il paraîtrait aussi que l'acide carbonique serait susceptible de contracter une union instable de même nature avec d'autres matières salines contenues dans le plasma du sang : le phos- phate de soude , par exemple. En effet , M. Liebig a reconnu que la présence d'un centième de ce sel donne à l'eau la faculté de se charger de deux fois autant d'acide carbonique que n'en absorberait l'eau pure sous la pression ordinaire (2). Mais le gaz ainsi condensé se dégage dans le vide, ou par l'agitation avec de l'air, tout comme celui d'une dissolution ordinaire. Par con- séquent, sans nous arrêter à examiner ici la nature des forces qui déterminent ces effets, nous pouvons assimiler ce mode de fixation à une dissolution, et continuer à considérer la portion excrétable de l'acide carbonique du sang comme étant libre et simplement dissoute dans ce liquide (3). La présence de ces (1) Cette question a été discutée à (2) J. Liebig, Nouvelles Lettres sur fond par M. Rossât, dans une thèse la chimie, trad. par Gerhardt, p. 85. soutenue récemment à la Faculté de (3) Je distingue ici la portion excré- médecine de Strasbourg (a). table de l'acide carbonique du sang (a) Rossât, Phénomènes chimiques de la respiration. Strasbourg, 1853, p. 43 et 44. kl'2 RESPIRATION. principes salins clans le fluide nourricier a pour effet d'aug- menter le pouvoir dissolvant du sang, mais ne paraît pas devoir influer autrement sur les phénomènes d'absorption et d'exhala- tion qui constituent l'acte de la respiration [\). derfx'at- § 17. — L'état sous lequel l'oxygène absorbé par le sang dans ie sang, dans }e travail respiratoire se trouve retenu dans ce liquide, soulève des questions du même ordre. Ce gaz est-il simplement dissous par le sang, ou y contracte- t-il quelque combinaison chimique instable avec une ou plu- sieurs des matières constitutives du fluide nourricier ? J'ai déjà fait remarquer que la quantité d'oxygène dont le sang est susceptible de se charger dépasse de beaucoup celle qui pourrait se dissoudre dans un volume égal d'eau placée à la même température et sous la même pression. On sait par des expériences de Berzelius que le sérum du sang, dépouillé des globules rouges, dégage un peu d'acide carbonique, et s'empare d'une petite quantité d'oxygène lors- qu'on l'agite avec ce dernier gaz, mais que cette quantité est tout à fait insignifiante comparativement à celle qui dispa- de la portion du même gaz qui se libre et Oe1 ,6759 d'acide carbonique trouve retenu chimiquement dans ce combiné (a). liquide de façon à ne pouvoir s'en (1) Les expériences récentes de échapper dans l'acte de la respiration. M. Fernet montrent que la solubilité En eifet, les expériences de M. Leh- de l'acide carbonique dans l'eau est mann montrent qu'après avoir chassé diminuée de moitié environ par la du sang tout l'acide carbonique qui présence de 15/100 de chlorure de est susceptible de s'en dégager dans sodium dans ce liquide ; mais que le vide , on peut encore en extraire pour le phosphate de soude , au con- une quantité considérable par l'em- traire , les volumes de gaz absorbés ploi de réactifs chimiques. Ainsi , augmentent avec les proportions de clans douze expériences sur du sang sel dissous d'une manière exlrème- de Bœuf, ce chimiste a obtenu, terme ment rapide. Les nombres obtenus moyen , pour 1000 grammes de li- dans ces expériences paraissent pou- quide , 0»',13'2 d'acide carbonique voir être déduits du coefficient de (a) Lehmann, Joum. fur prakt. Ghemie, 1847, Bd. XL, p. 133. NATURE Di: CE PHÉNOMÈNE, fi73 rait quand le sérum est mêlé avec la matière colorante du sang (1). On sait aussi par une foule d'expériences beaucoup plus anciennes, que l'action de l'oxygène sur le sang veineux des animaux vertébrés est accompagnée d'un changement remar- quable dans la couleur des globules qui passent du rouge noir au rouge vermeil. On est donc naturellement conduit à penser que les relations entre l'oxygène de l'air et le fluide nourricier doivent s'établir principalement à l'aide des globules hématiques. En traitant de la constitution physique du sang, j'ai déjà eu l'occasion de signaler la relation remarquable qui existe entre l'activité fonctionnelle de la respiration et le nombre des glo- bules que le sang charrie (2); dans la suite de ces leçons j'aurai à revenir sur cette coïncidence , mais il me semble utile de la rappeler ici, car elle peut être invoquée à l'appui des vues solubilité du gaz dans l'eau pure, en Je saisirai cette occasion pour répa- y ajoutant le produit d'un coefficient rer un oubli que j'ai fait dans l'énu- constant pour le titre de la dissolution ; mération des animaux à respiration et M. Fernet fait remarquer que ce faible dont les globules rouges sont résultat semble confirmer l'idée théo- d'un volume considérable. Le Lepi- rique qu'il y aurait là, outre la disso- dosiren , qui lient à la fois du Batra- lution du gaz dans l'eau, phénomène cien et du Poisson , et qui vit enfoui tout physique et soumis à des lois bien dans la vase , a les globules du sang connues , une combinaison véritable plus grands que ceux des Tritons avec le sel qui viendrait compliquer le ou Salamandres aquatiques , mais phénomène. Le carbonate de soude moins grands que ceux de la Protée. se comporte sous ce rapport à peu MM. Smith et Gulliver assignent à ces près de même que le phosphate (a), corpuscules les dimensions suivantes : (1) Traité Je chimie, édition de grand diamètre , ^- millimètre ; petit 1838, traduit par Valerius, t. III, diamètre, £■; noyau , £•. Leurs ob- p. 551. servations portent sur le Lepidosiren (2) Voy. ci-dessus, page 57 et suiv. annectens (6). (a) Fernet, Sur la solubilité des gas dans les dissolutions salines, pour servir à la théorie de la respiration (Ann. de chim. et de phys., 1856, t. XL VII, p. 360). (6) A. Smith and Gulliver, On the Red Corpuscles of the Blood of the Mud Fish (Ann. of Nat. Hist., 1848, vol. II, p. 292). I. 60 JillX RESPIRATION. que je présente au sujet du rôle de ces corpuscules dans la fixation de l'oxygène. En effet, tout, dans l'état actuel de la science, me semble tendre à prouver que la grande puissance absorbante pour l'oxygène dont le sang est doué dépend principalement des globules et réside en majeure partie dans ces utricules. Ils paraissent jouer le rôle de corps condensateurs de ce gaz et pouvoir s'en charger ou l'abandonner avec une extrême faci- lité , suivant les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Le plasma est un intermédiaire nécessaire entre l'oxygène et les globules: si l'activité respiratoire est extrêmement faible, comme chez certains animaux inférieurs, la quantité d'oxygène qui se dissout dans ce liquide, et qui est portée ainsi dans la profondeur de l'organisme, peut suffire à l'entretien de la vie ; mais lorsque cette fonction acquiert une grande puissance , ainsi que cela se voit chez tous les animaux supérieurs , la part du travail dévolue aux globules devient prédominante, et alors ces corpuscules vésiculaires semblent même devoir être consi- dérés comme les agents essentiels de la respiration. M. Dumas, en adoptant des vues analogues, a été même plus loin, et pense que l'action de l'oxygène est nécessaire à la con- servation de la vitalité et de la structure propre des globules du sang. Ses expériences tendent à prouver aussi que l'inté- grité de ces organites est une des conditions essentielles de l'artérialisation du fluide nourricier. Il fait remarquer avec rai- son que la fibrine du plasma est étrangère à cette réaction rendue manifeste par la teinte rutilante du sang , puisque ce changement s'opère sous l'influence de l'oxygène dans le sang défibriné aussi bien que dans le sang coagulable. Enfin il a con- staté que la présence de l'albumine du sérum n'est pas plus indispensable à ce phénomène que ne l'est la fibrine; car si l'on remplace peu à peu ce liquide par une solution de sulfate de soude, les globules conservent à la fois leur intégrité et la NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 475 faculté de changer de teinte par leur agitation avec l'oxy- gène (1). Un fait qui a été constaté à diverses reprises par plusieurs observateurs vient à l'appui de ces résultats. Lorsque le sang qui s'écoule de la veine est reçu dans de l'eau pure, il reste presque noir, quelle que soit la durée de son exposition à l'air, tandis que mêlé à de l'eau sucrée il rougit promptement au contact de ce fluide. Or, nous avons vu précédemment que par l'action de l'eau pure les globules se gonflent et se désorganisent promptement, tandis qu'en présence d'une dissolution de sucre ces organites conservent la forme et la structure qui leur sont propres (2). (1) Dumas, Recherches sur le sang (Ann. de chim. et de phys., I8Z16, 3e série, t. XVU, p. 458). (2) M. Scherer a fondé en majeure partie sur des faits de cet ordre une théorie de la cause des changements de couleur que le sang présente en passant de l'état de sang artériel à celui de sang veineux , et vice versa. Ainsi que nous l'avons déjà vu , page 372 , ce chimiste pensait que la teinte vermeille ou noirâtre du sang dépendait de la manière dont les glo- bules réfléchissent la lumière lorsque ces corpuscules ont la forme de len- tilles biconcaves ou de lentilles bi- convexes , et un des arguments dont il se servait reposait sur la perte de la propriété de rougir au contact de l'oxygène quand les globules ont été renflés par l'action de l'eau (a). M. Bruch a montré que les globules altérés de la sorte, ou même l'héma- tosine dissoute dans l'eau, sont suscepti- bles de prendre une teinte légèrement vermeille lorsqu'on agite le liquide avec de l'oxygène pendant longtemps, ou qu'on y fait passer pendant une heure ou deux un courant de ce gaz, et que, par conséquent, la théorie phy- sique proposée par M. Scherer n'est pas admissible (6). Mais il n'en est pas moins bien établi que le changement de couleur dû à l'action de cet agent est beaucoup plus faible quand les globules sont désorganisés ou simple- ment distendus que lorsque ces utri- cules sont dans leur état naturel , et il est probable que la quantité d'oxy- gène dont ils sont susceptibles de se charger doit varier aussi beaucoup dans ces deux cas. M. Bonnet, chirurgien à Lyon, s'est occupé aussi de cette question, et, sans avoir eu connaissance des recherches faites par ses prédécesseurs , a bien (a) Scherer, Uebev die Farbe des Blutes (Zeltschrift fur rationelle Medicin, li p. 288). (6) Brucii, Ueber die Farbe des Blutes (loc. cit., p. 440). — Noch einmal die Blutfarbe (Op. cit., 1 84-5, Bd. III, p. 308). — Bas Neueste zur Geschichte der Blutfarbe (Op cit., 1846, Bd. V, p. 440). t, Bd. I, 476 RESPIRATION. Nous sommes donc conduit à penser que l'absorption de l'oxygène par le sang n'est pas, comme le supposait M. Magnus, la conséquence d'une simple dissolution de ce gaz dans le fluide nourricier, et qu'il doit y avoir là une action particulière exercée par les globules hématiques (1). Le plasma, ou sérum chargé de fibrine, est l'intermédiaire à l'aide duquel ce principe vivifiant arrive jusqu'aux globules; et pour qu'il leur parvienne, il faut que ce liquide soit susceptible d'en dissoudre une cer- taine quantité. On comprend donc que si quelque modification dans la composition chimique du liquide dans lequel ces glo- bules sont tenus en suspension venait diminuer notablement sa capacité dissolvante pour l'oxygène, le travail respiratoire pourrait être interrompu ; et cela arrive en effet quand le sang- est fortement chargé de chlorure de sodium. Mais la quantité d'oxygène qui reste en dissolution dans le plasma est extrê- mement faible comparativement à celle qui passe dans les globules hématiques, et son action sur ces organites est rendue manifeste par le changement que nous avons vu se produire dans leur teinte (2). constaté la grande différence qui existe diminue de moitié le pouvoir dissol- dans l'aptitude du sang à rougir sous vant de l'eau pour l'acide carbo- l'influence de l'air, suivant que les nique et pour l'oxygène. Il est donc globules hématiques sont désorganisés évident que. la présence d'un excès par l'action de l'eau ou bien dans leur de cette substance minérale dans le état normal (a), sérum du sang doit ralentir le pas- (1) C'est aussi l'opinion à laquelle. sage de l'acide carbonique de leur M. Dumas s'est arrêté dans son der- intérieur jusque dans l'air extérieur, nier travail sur le sang {Op. cit., et la transmission de l'oxygène de Ann. de chimie, 1846, t. XVII, l'atmosphère à ces organites. Or, cela p. 458 ). nous donne l'explication de beaucoup !2) Ainsi que nous l'avons déjà vu, de phénomènes que les physiologistes les expériences des physiciens mon- ont remarqués en étudiant l'influence trent que la présence d'une certaine des sels sur la manifestation des diffé- proportion de chlorure de sodium rences de teinte existant entre le sang (œ) Bonnet, Sur les globules du sang {Comptes rendus de l'Acad. des sciences. 1846, t. XXIII, p. 261,. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 477 § 18. — Sinous voulions pénétrer encore plus avant dans l'in- vestigation de ces questions délicates, et déterminer si l'oxygène absorbé par les globules s'y trouve à l'état de libertéet simplement, condensé par ces organites, ou en combinaison chimique avec leur substance, nous sortirions bientôt du domaine des faits bien veineux et le sang artériel. Je ne pense pas que cette circonstance soit la seule dont il faille tenir compte dans l'explication de ces changements de couleur ; mais elle me paraît être la cause principale de la non-artéria- lisation du sang quand ce liquide est chargé de certaines matières salines. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur les nombreux travaux dont cette question a été l'objet. Ainsi , en 1797, Wells fit diverses expériences sur l'influence de l'air et des sels neutres sur la coloration du sang. Il remarqua d'abord que ces agents ne produisent pas de change- ment de teinte notable dans la matière colorante qui est en dissolution dans l'eau distillée, et que la solution est de même couleur lorsqu'elle a été obte- nue à l'aide d'un caillot noir ou d'un caillot préalablement rougi par le con- tact de l'air. Il reconnut ensuite que les sels neutres qui rendent vermeil le caillot veineux y déterminent la so- lidification d'une matière blanchâtre ; d'où il en conclut que le changement de teinte produit dans le sang au mo- ment où ce liquide prend les carac- tères du sang artériel , est dû à un phénomène analogue ; que sous l'in- fluence de l'air ou des sels neutres, l'enveloppe membraniforme des glo- bules blanchit, et, réfléchissant alors plus de lumière, donne à la masse du sang une teinte plus claire, plus ver- meille (a). Ces expériences et cette hypothèse passèrent presque inaperçues des physiologistes. Mais , en 1832 , un autre médecin anglais, dont il a déjà été question dans celte leçon , Ste- phens, fut conduit par ses propres recherches à des résultats analogues. Dans un ouvrage spécial sur le sang, il avança que la teinte rutilante du sang artériel n'est pas due à l'action de l'oxygène, comme on l'admet géné- ralement, mais est la couleur naturelle de ce liquide ; que la teinte rouge- noire du sang veineux est due à la présence de l'acide carbonique , et qu'il suffit d'expulser ce gaz pour rétablir la couleur vermeille de ce fluide. Il prétendait aussi que l'oxy- gène ne détermine ce changement qu'en enlevant au sang l'acide car- bonique, pour lequel il aurait une force attractive. Il annonça que le caillot du sang artériel privé des sels du sérum par le lavage devient noir, et qu'en l'absence de ces sels il ne reprenait la teinte vermeille ni par le contact de l'air, ni par l'action de l'oxygène pur ; mais éprouvait ce changement parle seul fait de l'addi- tion d'une petite quantité de sel marin, de carbonate de soude ou tout autre sel neutre contenu dans le sérum. Enfin il considéra comme démontré (a) Wells, Observ. and Expérimenta on theColour ofthe Blood (Philos. Tram., 1797, p. 429). lilS RESPIRATION . constatés, pour tomber dans le vide des hypothèses gratuites. Je crois donc devoir ne pas faire un examen approfondi des opinions diverses que les physiologistes de nos jours ont émises que la couleur vermeille est due ù l'action de ces sels sur l'hématosine ; mais ses recherches étaient exposées d'une manière si confuse et si peu scientifique, qu'elles ne pouvaient in- spirer aucune confiance (a). On les trouve formulées plus nettement, et appuyées de quelques expériences mieux circonstanciées, dans un travail intitulé Observations sur la théorie de la respiration (b). Peu de temps après la publication du premier ouvrage de Stephens , un autre médecin anglais , Hoffman , fit des expériences plus précises sur le même sujet, et en tira les conclusions suivantes : Que le sang dépouillé de matières salines est noir ; Que ni l'air, ni l'oxygène, sans l'in- termédiaire des matières salines, ne peuvent rougir le sang noir; Que le sel, au contraire, sans l'in- termédiaire de l'air , lui donne une teinte vermeille; Et que du sang avec excès de sel et imprégné d'acide carbonique est noir, et ne possède plus la propriété de re- devenir rutilant , soit par l'action de l'air ou de l'oxygène, soit par l'addi- tion d'une nouvelle^quantité de sel (c). D'autres expériences faites par un physiologiste d'Edimbourg, M. C.Wil- liams, tendirent à établir que le chan- gement de teinte produit par du sel marin n'est pas le même que celui résultant de l'action de l'oxygène , et que , contrairement à l'assertion de Stephens , l'extraction de l'acide car- bonique du sang, soit à l'aide de la pompe pneumatique , soit par la dis- solution d'autres gaz dans ce liquide, n'y ramène pas la teinte vermeille, fait qui est facile à vérifier, bien que le dégagement de l'acide carbonique soit accompagné d'une diminution dans l'intensité de la teinte sombre (d). Stephens avait observé que le con- tact de l'oxygène ne détermine pas le développement de la teinte vermeille dans le caillot qui a été privé des sels du sérum par le lavage, et qu'une forte solution de sel produit ce chan- gement même dans un milieu for- tement chargé d'acide carbonique. M. W. Gregory et Irving vérifièrent ce résultat en faisant usage d'acide carbonique et d'hydrogène parfaite- ment pur ; ils virent aussi la couleur rutilante du sang se manifester sous l'influence du sel dans le vide baro- métrique. Mais ils constatèrent aussi qu'en l'absence de l'oxygène cet effet ne se produit pas sous l'influence de dissolutions salines peu concentrées : en employant du sérum, par exem- ple ; et par conséquent la théorie de M. Stephens ne saurait être appliquée à l'explication des phénomènes de la respiration (e). (a) Stephens, Observ. on Blood, p. 16, 17, 27, etc. (b) Philos. Trans., 1835, p. 343. (c) Hoffman, Observ. and Experim. on the Blood (Lond. Med. Gazette, March 1833, vol. XI). (d) Williams, Obéerv. on the Changes produced on the Blood in the Course of Us Circulation (Lond. Med. Gazette. 1835, vol. XVI, p. 788). (e) Gregory and Irving, Experim. and Observ. on the Arterialisation of the Blood (Edinburgh New Philos. Journ., 1834, vol. XVI, p. 485). NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 479 à ce sujet (1), et je me bornerai à dire que, suivant toute proba- bilité, si l'oxygène n'est pas simplement condensé dans les globules par quelque force physique comparable à celle qui (1) M. Liebig pense que l'oxygène contenu dans le sang s'y trouve à l'état combiné ou non en simple dissolution. En effet , « l'absorption d'un gaz par un liquide, dit ce chimiste illustre, est due à deux causes : l'une, extérieure, consiste dans la pression exercée sur le gaz en contact avec le liquide; l'autre, chimique, est l'attraction ma- nifestée par les parties constituantes du liquide. Dans tous les cas où un gaz est contenu clans un liquide sim- plement à l'état absorbé, et non ;en combinaison chimique, la quantité de gaz dissous ne dépend absolument que de la pression extérieure; elle aug- mente ou diminue à mesure que cette pression augmente ou diminue. Lors- qu'on agite la solution de phosphate de soude avec le gaz carbonique et qu'on la sature ainsi sous la pression ordinaire, on voit qu'elle absorbe deux fois plus d'acide carbonique que l'eau dans les mêmes circonstances; mais en opérant ensuite sous une pression double, on voit que la faculté d'ab- sorption de la solution n'augmente pas dans le même rapport : cette augmen- tation est bien moindre. En effet, la solution saline neutre se comporte avec l'acide carbonique, sous cette double pression, comme le ferait l'eau saturée de gaz carbonique sous la pression simple. La faculté d'absorber l'acide carbonique n'augmente donc pas plus pour la solution de phosphate de soude que pour l'eau pure, parce que l'attraction chimique qui exalte d'abord la faculté d'absorption de l'eau ne continue pas d'agir. 11 en est de même du sulfate de fer saturé de bi-oxyde d'azote sous une forte pres- sion. « Le sang se comporte absolument comme ces liquides. Si l'oxygène y était simplement absorbé, le sang, en dissolvant l'oxygène de l'air qui n'en contient que 1/5% devraitsous la pression simple absorber 12 pour 100 d'oxygène, et sous la pression double deux fois autant; agité avec de l'oxy- gène pur, il devrait en dissoudre en- viron le quintuple. » Tant qu'on n'aura pas démontré que la faculté d'absorption du sang pour l'oxygène change ainsi suivant la pression, il faut admettre que cette absorption est due à une attraction chimique, ayant pour effet de pro- duire une combinaison chimique. Si l'on considère d'ailleurs les ré- sultats des expériences de MM. Re- gnault et Reiset, où l'on a fait respirer des animaux dans une atmosphère très chargée d'oxygène, et cet autre fait que la respiration est la même sur les pla- teaux élevés de l'Amérique centrale que sur les bords de la mer, on est conduit à admettre que le sang absorbe une quantité d'oxygène constante, in- dépendante jusqu'à un certain degré de la pression extérieure (a). » Quant aux combinaisons chimiques que l'oxygène contracterait dans le sang, les opinions sont partagées. M. Liebig a attribué cette fixation transitoire de l'oxygène au fer qui existe dans la matière colorante des (n) Liebig, Nouvelles Lettres sur la chimie, p. 86. /l80 RESPIRATION. accumule les gaz dans les pores du charbon fraîchement cal- ciné, il n'y est. retenu que par une de ces affinités chimiques extrêmement faibles, qui permettent à certains corps de s'em- globules sanguins. Il fait remarquer que la combinaison de fer contenue dans ces corpuscules se comporte comme une combinaison oxygénée de ce métal ; que les combinaisons de protoxyde de fer possèdent la pro- priété d'enlever l'oxygène à d'autres combinaisons oxygénées, et que les combinaisons de peroxyde de fer, dans d'autres circonstances, cèdent de l'oxy- gène avec beaucoup de facilité. Ainsi l'hydrate d'oxyde de fer, mis en contact avec des matières organiques exemples de soufre, se convertit en carbonate de protoxyde, et ce carbonate de pro- toxyde, mis en contact avec de l'eau et de l'oxygène, se décompose, aban- donne tout son acide carbonique et absorbe de l'oxygène pour reconstituer de l'hydrate de peroxyde. M. Liebig a donc supposé que, dans l'acte de la respiration , la combinaison fenurée contenue dans les globules absorbe de l'oxygène pour se porter au degré supérieur d'oxydation ; puis, dans le trajet de la circulation , cède cet oxygène à diverses matières organi- ques combustibles qui, en s'y unissant, produiraient de l'acide carbonique. La combinaison de fer, ainsi réduite à un état inférieur d'oxydation , se combinerait avec l'acide carbonique résultant de cette combustion lente, et en arrivant au contact de l'air dans l'appareil respiratoire, se décompose- rait, en absorbant de l'oxygène et en abandonnant son acide carbo- nique (a). Cette théorie pourrait paraître plau- sible, si le dégagement de l'acide car- bonique était toujours subordonné à l'absorption d'un volume égal d'oxy- gène, qui, dans l'hypothèse de M. Lie- big, serait nécessaire pour détruire la combinaison du produit ferrure et de l'acide carbonique. Mais nous savons par les expériences de W. Edwards et de plusieurs autres physiologistes, que l'exhalation d'acide carbonique con- tinue après que l'introduction de l'oxy- gène de l'organisme a cessé. 11 est donc inutile de nous arrêter à cette hypo- thèse , et M. Liebig lui-même semble l'avoir abandonnée, car on n'en trouve plus de trace dans les derniers ou- vrages de ce chimiste. M. Mulder, qui a combattu les vues de M. Liebig, pense que l'oxygène ab- sorbé par le sang s'unit promptement à la matière albuminoïde du plasma, et donne ainsi naissance aux matières qu'il a désignées sous le nom d'oxy- protéine, substances dont l'une est soluble et augmenterait la coagula- bilité de ce liquide, tandis que l'autre est insoluble, et formerait, d'après ce chimiste, une couche mince et blan- châtre autour des globules, de façon à en changer la teinte. Mais rien ne prouve que les choses se passent de la sorte 6). Plus récemment, un physiologiste anglais, M. Owen Rees, a conclu de ses expériences sur la proportion de la matière grasse des globules, et celle des phosphates alcalins du sérum (a) Liebig, Chimie organique appliquée à la physiologie animale, p. 272. (6) Mulder, Chemistry of Vegelable and Animal Physiology, p. 341. NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. ftSl parer d'une matière étrangère et de l'abandonner tour à tour sous l'influence de forces non moins légères. Pour donner une idée nette des phénomènes de cet ordre, il me suffira de rappeler ici les résultais curieux constatés par M. Chevreul dans ses longues et délicates recherches sur la teinture, lorsque ce chi- miste a vu comment une étoffe chargée de bleu de Prusse se décolore et se colore tour à tour, suivant que, sous l'influence de la lumière solaire, la matière tinctoriale perd du cyanogène et se détruit, ou que, soustraite à l'action de cet agent physique, elle absorbe de l'oxygène et se reconstitue (1). Du reste, cette distinction entre la dissolution d'un gaz et sa fixation par l'effet d'une affinité chimique lâche qui en permet- trait le dégagement, dans les circonstances où il se séparerait aussi d'une dissolution ordinaire, n'a pas grande importance dans l'état actuel de nos connaissances en physiologie, et se rattache à l'étude des phénomènes d'assimilation plutôt qu'à celle de la respiration. Ce qu'il nous importait surtout d'élucider ici, c'était la manière dont l'oxygène qui disparaît dans l'acte respiratoire pénètre dans l'organisme, et de connaître la source de l'acide carbonique que les animaux produisent sans cesse. Or, nous savons maintenant, à ne plus pouvoir en douter, que du sérum dans le sang artériel et dans changement de teinte des globules du le sang veineux, que l'oxygène absorbé sang au moment de l'artérialisalion dans l'acte de la respiration s'unit au de ce fluide. Mais ces expériences ne phosphore contenu dans cette matière sont pas exposées avec les détails grasse, et que l'acide phosphorique numériques qui seraient nécessaires ainsi produit passe dans le sérum pour pour inspirer de la confiance dans se comhiner avec la soude qui, dans ce les résultats que l'auteur en a dé- liquide, est unie soit à l'albumine, soit duits (a). à quelque acide faible, tel que l'acide (1) Chevreul, Appendice au6emé- laclique. 11 cherche à expliquer aussi, moire des Recherches sur la teinture par l'action du phosphate tribasique (Mém.deïAcad. desscienc, t. XXIII, de soude qui se constituerait ainsi, le p. 17). (a) 0. Rcos. On a Fnnction of the Red Corpuscles of the Blood, and on the Process of Arte- rialisation (Philos. Magazine, 1848, vol. XXXIII, p. 28). I. 61 482 RESPIRATION. l'oxygène est absorbe par le sang, et que l'acide carbonique qui préexiste dans ce liquide est eu même temps exbalé. Résumé. La respiration , considérée dans cette portion du travail physiologique, est donc le résultat d'un échange de gaz entre l'atmosphère et le sang. C'est un phénomène essentiellement physique. Quant à l'emploi ultérieur du principe comburant ainsi absorbé et à l'origine de l'acide carbonique charrié par le sang, nous verrons plus tard que tout s'explique par la théorie Lavoisienne de la respiration, avec cette seule différence que la combustion vitale, au lieu de s'opérer au dehors de l'économie dans la cavité pulmonaire, s'effectue dans la profondeur de l'organisme. La fonction qui établit les relations nécessaires de l'Animal avec l'atmosphère, au lieu de ne consister qu'en un seul acte, se divise en deux : dans une première période l'ani- mal prend à l'air l'oxygène dont il a besoin et abandonne l'acide carbonique dont il doit se débarrasser ; dans la seconde, il utilise l'oxygène ainsi absorbé, et il produit de nouvelles quantités d'acide carbonique dont l'exhalation doit avoir lieu ultérieurement. C'est le premier de ces actes qui constitue la respiration proprement dite. Le second fait partie de la série des phénomènes de nutrition. 11 serait prématuré d'en traiter en ce moment, mais il est facile de prévoir qu'en dernière ana- lyse l'absorption et l'exhalation respiratoires se trouvent subor- données à la combustion physiologique qui, dans l'intérieur du corps, enlève sans cesse au sang l'oxygène dont celui-ci s'est emparé au contact de l'air, et y introduit l'acide carbonique dont ce liquide se débarrasse à son tour, en le déversant dans l'atmosphère (1). (1) M. Becker a cherché à se rendre l'acide carbonique dissous dans le sang, compte des différences dans la quan- mais des variations qui se manifestent tilé d'acide carbonique exhalé qui dans la tension de ce dernier gaz seu- dépendenl non du rapport existant lement, on, en d'autres mots, dans la entre la tension de l'acide carbonique quantité plus ou moins grande d'acide de l'air inclus dans les poumons eL de carbonique dont le sang est chargé NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. 483 § 19. — Jusqu'ici j'ai négligé de parler du rôle de l'azote Rôie de razote. dans les phénomènes de la respiration. C'est qu'en effet ce rôle csl secondaire. Non-seulement ce gaz ne jouit pas de la faculté d'entretenir la vie des animaux, mais il semble ne leur être d'aucune utilité. Ainsi, Lavoisier s'est assuré que la respiration des Mammifères peut avoir lieu aussi librement dans un mélange artificiel d'oxygène et d'hydrogène que dans le mélange naturel d'oxygène et d'azote dont l'air atmosphérique se compose. La substitution de l'hydrogène à l'azote dans l'atmosphère où MM< Regnault et Reiset ont fait vivre pendant fort longtemps divers animaux n'a déterminé aucun changement notable dans leur respiration (1); et le mélange d'un gaz inerte à l'oxygène ne parait avoir pour effet que d'affaiblir l'action de ce principe suivant les conditions physiologiques de l'organisme. Pour cela il a dosé l'acide carbonique contenu dans l'air qui a séjourné dans les poumons pendant un même laps de temps (soit une minute), etqui y avaitétéinlroduil à peu près en même quantité. D'après la loi de Dalton, la proportion d'acide carbonique contenu dans l'air prove- nant de ces inspirations semblables devrait être la même si la tension de ce gaz dans le sang restait invariable, mais devrait augmenter ou diminuer suivant que la proportion de l'acide carbonique en dissolution dans ce liquide s'élevait. ou s'abaissait, toutes choses restant égales d'ailleurs. Or, dans les expériences de M. Becker, la quantité d'acide carbonique fournie par l'air expiré de la sorte dans des conditions similaires a varié entre 61 et llx pour 1000. Des différences aussi considérables ne pouvaient être attribuées à des erreurs d'expérience, et dénotent par conséquent des varia- tions considérables dans la richesse du sang en acide carbonique (a). (1) Dans ces expériences, comme dans celles sur la respiration ordinaire, MM. Regnault et Reiset ont disposé les choses de façon à enlever l'acide car- bonique au fur et à mesure de sa pro- duction et à maintenir dans l'atmos- phère des proportions constantes d'oxygène mêlé à l'hydrogène. Des Lapins, des Chiens et des Grenouilles furent placés dans cet air factice pen- dant plusieurs heures, et les auteurs résument leurs observations en disant que la respiration s'y faisait exacte- ment de la même manière que dans l'air atmosphérique normal , sauf peut-être une consommation un peu plus grande d'oxygène (6). (a) Becker, Die Kohlensdurespendung im Blute, als proportionales Maass des Umsatzes der Kohlensaurstoff haltigen Kôrper-und Nahrunrjs-Bestandtheile {Zeitschr. pur ration. Mediciu, •1855, N. F.,Bd. VI, p. 249). (b) Regnault et Reiset, Rech. chim. sur la respiration, p. 206. [iSll RESPIRATION. vivifiant qui, dans quelques cas, déterminerait une .excitation trop grande s'il se trouvait à l'état de pureté (1). Dans les recherches de Lavoisier, l'azote entrait et sor- tait des poumons des animaux soumis à ses expériences , sans avoir éprouvé aucune modification appréciable; le vo- (1) Lavoisier avait d'abord pense que l'azote était nécessaire aux ani- maux pour délayer en quelque sorte l'oxygène dont l'action comburante déterminerait dans les poumons un état pathologique, si ce gaz y arrivait à l'état de pureté (a). Mais, par des recherches ultérieures, ce chimiste reconnut l'innocuité d'un air très riche en oxygène : « L'air vital isolé de tout autre fluide, dit-il, n'a par lui-même aucune action nuisible sur l'écono- mie (b). » Dumas, de Montpellier, a cru pou- voir déduire de ses expériences que l'oxygène pur exerce une action très irritante sur les poumons, et peut déterminer la phlogose ou même l'ul- cération de ces organes (c). Beddoes crut remarquer aussi que les animaux à qui l'on faisait respirer ce gaz of- fraient souvent une teinte rouge anor- male dans les poumons, et étaient même sujets à des inflammations pleu- réliques (d). De nombreux essais du même genre ont été faits sur l'Homme sans fournir aucun résultat net. [/in- nocuité de l'oxygène pur sur les Mam- mifères et les Oiseaux a été con- statée aussi par M. de Lapasse (e). Enfin, MM. Regnault et Ueiset ont repris dernièrement l'examen de cette question , et ils ont constaté que les animaux soumis à leurs expériences n'éprouvaient aucun malaise, et res- piraient de la manière ordinaire dans un air factice contenant deux ou trois fois plus d'oxygène que n'en renferme l'air atmosphérique normal (f). On en a conclu que le mélange de l'azote avec l'oxygène est sans utilité physio- logique; mais cette opinion est trop absolue : elle est vraie dans la plu- part des cas, mais pas toujours. Ainsi, dans les expériences de MM. Bau- drimont et Martin Saint-Ange sur l'incubation, les œufs, placés dans de l'oxygène pur, ont souvent offert un état pathologique des vaisseaux circulatoires, des épanchements san- guins , et quelquefois même une hypertrophie de l'allantoïde , poche membraneuse qui , à une certaine période de la vie embryonnaire des Oiseaux, est le principal organe res- piratoire [g). J'ajouterai que Broughton (a) Lavoisier, Deuxième Mémoire (Mémoires de chimie, 4e partie, p. 23, et Mém. de la Soc. roy. deméd., 1782, p. 570). (b) Lavoisier, Mém. de V Acad. des sciences, 1789, p. 073. — Lavoisier et Seguin, Deuxième Mémoire sur la respiration (Ami. de chimie, t.XCI, p. 332. (c) Dumas, Physiologie , t. III, p. 59, etc. (d) Beddoes, On facticious Air, part. I, p. 13, etc. (e) Lapasse, De l'action de l'oxygène sur les organes de l'homme, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences,. 1840, t. XXII, p. 1055). (f) Regnault et Reiset, Rech. chim. sur la respir., p. 200. (<7^ Baudrimont et Martin Saint-Ange* Mém. de l'Acad. des sciences, sav. étrang., t. XI, p. 631. NATUKE DE CE PHÉNOMÈNE. 485 lume n'en était ni augmenté ni diminué (1), mais les résul- tats obtenus par d'autres physiologistes furent souvent très différents et devaient paraître au premier abord inconciliables entre eux. En effet, plusieurs expérimentateurs trouvèrent moins d'azote Absorption l d'azote. dans l'air expiré qu'il n'en existait dans ce tluide avant son entrée dans les poumons : Spallanzani (2), Davy (3), Pfaff (&) et Henderson (5), par exemple. MM. de Humboldt et Provençal assure avoir constaté expérimentale- ment que les animaux placés dans une atmosphère composée presque unique- ment d'oxygène y périssent avant que le gaz soit devenu impropre à l'en- tretien de la respiration d'autres indi- vidus de la même espèce. Il a remar- qué aussi que chez les animaux morts de la sorte le sang présentait partout une teinte vermeille (a). (1 ) Cinquième Mémoire sur la res- piration des animaux, par Lavoisier et Seguin (Mémoires de chimie par Lavoi- sier, ke partie, p. 63). Dans les expériences de MM. Va- lentin et Brunner, le volume de l'azote resta également à peu près inva- riable (6). (2) Dans les expériences de Spal- lanzani sur les Colimaçons, la dispa - rilion de l'azote a été égale à environ un quart ou un cinquième de la quan- tité d'oxygène absorbé (c). (3) H. Davy évalue à plus de 5 pou- ces cubes la quantité d'azote qui dis- paraissait dans l'air employé à sa res- piration, et dans une expérience faite sur une Souris il trouva que 0,4 d'azote ont été absorbés pendant que 2,6 pou- ces cubes d'oxygène avaient été con- sommés et remplacés par 2 pouces cubes d'acide carbonique (d). (li'j Les recherches de Pfaff furent faites seulement sur la respiration de l'homme, et comme la diminution dans la quantité d'azote n'y a pas été constatée d'une manière directe, mais calculée d'après la composition de l'air expiré, on ne peut pas attacher beaucoup d'importance à ces résul- tats, car cet auteur ne tenait pas compte des gaz restant dans les poumons avant et après l'expérience, et les dif- férences observées étaient légères (e). (5) Les expériences de Henderson furent faites sur l'Homme, et le déficit en azote a varié entre 12 et 17 pouces cubes, après que l'air eut servi à la respiration pendant environ quatre minutes (f). (a) Broughton, An Expérimental Inquiry into the Physioloyical Effetts of Oxygen (Quarterly Journ. ofSc., LU. and Arts, 1830, jan., p. 1). (b) Valentin, Lehrbuch der Physiologie des Menschen, Bd. I, p. 586. (c) Spallanzani, Mém. sur la respiration. Premier Mém., g 28, p. 4 61 et suiv. (d) H. Davy, Researches conceming Nitrous Oxyde and Us Respiration, 1800, p. 429 à 438. (e) PfafT, Nouvelles expériences sur la respiration de l'air atmosphérique, principalement par rapport à l'absorption de l'azote, et sur la respiration du, gaz, oxyde d'azote (Ann. de chimie, t. LV, p. 177, an xui, et Nicholson's Journal of Natural Philosophy, 1805, vol. XII, p. 249). (f) Henderson, Experiments and Observations on the Changes which the Air of the Atmosphère undergoes by Respiration, particularly with Regard to the Absorption of Nitrogen (Nicholson's Journal of Natural Philosophy, 1804, vol. VIII, p. 40). /j86 RESPIRATION. constatèrent aussi une absorption de l'azote dans la respiration des Poissons (1). Mais d'autres fois la différence était en sens contraire. Ainsi Jurine, Berthollet, Nysten, Dulong, trouvèrent une certaine augmentation dans la quantité d'azote de l'air qui avait servi à la respiration (2). W. Edwards lit voir que ces différences dans les résultats ne dépendaient d'aucune erreur d'observation, mais existent bien réellement, et peuvent se présenter chez le même animal, suivant les conditions biologiques dans lesquelles celui-ci se trouve placé. Ainsi ce physiologiste constata que chez les Oiseaux il peut y avoir, dans différentes saisons de l'année*, (1) Dans les expériences de M. de Humboldt et Provençal, sur les Pois- sons , l'absorption d'azote était très considérable ; elle était à celle de l'oxygène comme 1:2, quelquefois comme 5 : U (a). Les mêmes expérimentateurs trou- vèrent que la respiration des Gre- nouilles ne change ni en plus ni en moins le volume de l'azote em- ployé (6). (2) Dans un Mémoire sur la respi- ration, couronné par l'Académie de médecine en 1787, Jurine annonce qu'il sort des poumons de l'Homme, par l'expiration, plus d'azole que n'en contenait l'air inspiré (c). Les expériences de Berthollet por- tèrent sur des Cochons d'Inde, el donnèrent une augmentation de 0,38 pour 100 parties d'air, due à de l'azote (d). (a) Mém. delà Soc. d'Arcueil, t. II, p. 388. (b) Loc.cit., p. 389. (c) Jurine, Sur les avantages que la médecine petit tirer des découvertes modernes sur l'art de connaître la pureté de l'air (Mém. de l'Àcad. de méd., an vr, l. X, p. 19). (d) Berthollet, Notes sur divers objets, g in : 'Sur les changements de l'air dans la respira- tion (Mém. de la Société d'Arcueil, 1809, t. II, p. 159). (e) Nysten, Recherches de physiologie et de chimie pathologiques. lu— 8, 1811. (!) Op. cit., p. 215. (g) Op. cit. p. 224. Dans une première série d'expé- riences sur la respiration des malades, Nysten avait remarqué une augmen- tation dans la quantité d'azote contenu clans l'air expiré (e) ; mais, d'après la manière dont elles avaient été faites, il ne crut pas pouvoir en conclure que ce gaz avait été réellement exhalé (/"); et pour résoudre cette question il fit des expériences sur des Chiens : il trouva alors que l'augmentation dans la quantité d'azote était très grande. Dans une de ces expériences, il évalue l'exhalation de ce gaz à 266 centi- mètres cubes, résultat qui doit faire supposer quelque erreur dans les ana- lyses (g). A. l'époque dont je parle ici, les expériences de Dulong n'étaient con- nues que par un rapport de M. The- nard, publié dans le Journal de phy- siologie de Magendie. On y lit le NATURE DE CE PHÉNOMÈNE. /|87 tantôt augmentation et d'autres lois diminution dans la quantité d'azoïc qui traverse l'appareil pulmonaire (1). Pour expliquer ces laits, W. Edwards avait pensé qu'il devait y avoir toujours à la fois dans le travail respiratoire une absorp- tion et une exhalation d'azote, dont la résultante serait seule ap- préciable par l'analyse de l'air respiré. En effet, ces phénomènes contraires n'altéreraient pas le volume primitif de l'azote quand ils se eontre-balanceraient parfaitement, mais amèneraient une augmentation dans le volume de ce gaz quand l'absorption serait moins active que l'exhalation, ou une diminution quand ce serait l'absorption qui l'emporterait sur l'exhalation. Les passage suivant : « Une autre remar- que déjà faite par divers chimisles, c'est qu'il y a presque toujours eu exhala- tion d'azote ; elle a même été telle avec les animaux frugivores, que le volume du gaz expiré a dépassé le volume du gaz inspiré (a).» Le travail de Du- long fut publié en 18^2 , dans le XV IIIe volume des Mémoires de l'Aca- démie des sciences, et par le tableau des résultats numériques qui s'y trouve, on voit que dans deux cas sur dix-sept le volume de l'azote n'avait pas ebangé, mais que dans quatorze expériences il y avait eu exhalation de ce gaz, et que dans une il y avaii, au contraire , absorption de ce même gaz (6). Dans d'autres expériences publiées sur le même sujet, en 1825, par M. Despretz, l'exhalation de l'azote a toujours été observée tant chez les Mammifères que chez les Oiseaux (c). L'exhulalion de l'azote a été obser- vée aussi par Hermann, dans ses re- cherches sur la respiration des Oi- seaux. La quantité de ce gaz trouvée en excédant sur ce qui existait dans l'air au commencement de l'expérience a même dépassé la quantité d'acide car- bonique excrété (d). J'ajouterai que dans les expériences de Spallanzani sur la respiration du Ver de terre ou Lombric commun, une exhalation considérable d'azote avait été constatée (e). (1) Nous reviendrons plus tard sur les circonstances dans lesquelles l'un ou l'autre de ces phénomènes a été constaté soit par le physiologiste cité ici (/), soit par d'autres expérimenta- teurs, et notamment par MM. Regnault et Reiset (y). Des variations en sens contraire dans la proportion d'azote contenu dans l'air expiré ont été observées aussi par Horn dans les expériences qu'il a faites sur sa personne {h). (a) Journal de physiologie de Magendie, 1823, t. III, p. 51 . (6) Mém. de l'Acad. des sciences, t. XVIII; p. 344. (c) Despr^lz, trpitê de physique,, 1825, p, 748. ('. respiratoire. et d'un milieu contenant de l'oxygène , soit à l'état de fluide aériforme , soit à l'état de dissolution ou de combinaison très instable , réaction qui s'effectue à travers un tissu perméable aux gaz. Il est donc évident aussi que tout organe respiratoire doit réunir trois conditions indispensables à l'exercice de cette fonction : Recevoir par l'une de ses surfaces le contact de l'oxygène sous la forme de gaz, ou dissous dans un véhicule quelconque ; Être perméable aux fluides élastiques ; Se trouver en rapport avec le fluide nourricier par sa face opposée, soit d'une manière directe, soit par l'intermédiaire d'une couche de substance également perméable. §4. — En parlant des premières expériences de Priestley sur l'oxygène , j'ai dit que les changements de couleur , déterminés par l'action de ce gaz sur le sang , se manifes- taient lorsque les deux fluides étaient séparés par une mem- brane animale telle qu'une vessie , aussi bien que lors de leur contact direct (1). Hunier a observé les mêmes effets à travers la baudruche , qui est également une membrane (1) Voyez ci-dessus, page ZtOO. 500 RESPIRATION. organisée (1); Goodwin a vu aussi le sang noir devenir ruti- lant lorsqu'il dirigeait un courant d'oxygène sur la surface extérieure des parois des veines où ce liquide était renfermé (2); et Ellis a reconnu que cette action était accompagnée de la disparition d'une certaine quantité d'oxygène, ainsi que d'une exhalation d'acide carbonique (3). Les expériences de Mitchell, relatives à l'endosmose des fluides élastiques, prouvent que le tissu des poumons , la peau et la membrane muqueuse de l'intestin, sont également plus ou moins perméables aux gaz. Enfin, les faits constatés par ce physicien montrent encore que sous ce rapport les tissus vivants ne diffèrent pas notablement des membranes mortes (4), et dans toutes les cavités du corps des Animaux où Nysten, M. J. Davy et d'autres physiologistes (1) Hunter, Traité du sang, etc. ( OEuvres, t. 111, p. lO/i). (2) Connexion of Life ivith Respi- ration, 1788. (3) On the Changes of Atmosph. Air in Respiration ( Further In- quiry, chap. iv, 1811). Ces modifications dans la composi- tion chimique de l'air lors de son action sur le sang à travers des mem- branes ont été étudiées avec beaucoup plus de précision par un physiolo- giste d'Edimbourg , M. C Williams. Il s'est assuré que l'acide carbonique ainsi obtenu n'élait pas fourni par l'altération de la substance organique dont la membrane interposée était formée (a). (à) Indépendamment des expérien- ces sur le passage des gaz à travers les diverses membranes, dont il a été déjà question dans la leçon précédente (page Z166), M. Mitchell a constaté la pénétration rapide de l'hydrogène sul- furé à travers les parois de l'intestin et du muscle diaphragme chez des animaux vivants, en injectant ce gaz dans l'abdomen et en introduisant, du côté opposé de la cloison vivante dont il voulait étudier la perméabilité, une solution d'acétate de plomb : l'acide sulfhydrique passa rapidement à tra- vers les tissus vivants dont le dia- phragme se compose , et en arrivant dans le point où le sel de plomb avait été déposé , ce gaz y fit naître immé- diatement un précipité noir (6). On trouve aussi, dans un Mémoire de Stevens sur la théorie de la respi- ration , des expériences sur l'endos- mose des gaz à travers les parois de l'intestin et le tissu des poumons du Lapin ; mais elles n'ajoutent rien d'important aux résultats précédem- ment obtenus par Mitchell (Philos. Trans., 1835, p. 350). (a) Dissertalio chimko-physiologica de sanguine ejusque mutationibus , 1824, p. 41. (6) On the Pénétra tiveness of Fluids ( Journal of the Royal Institution, 1831, vol. XXXI, p. 109). cutanée. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE SES INSTRUMENTS. 50 J ont introduit dos gaz, on a constaté l'absorption plus ou moins rapide de ces fluides (1). Pour que toutes les membranes dont il vient d'être question, ou celles dont la texture est analogue, puissent être le siège de phénomènes respiratoires plus ou moins importants, il leur suffira donc de remplir les deux autres conditions indiquées ci- dessus, c'est-à-dire d'être en relation du côté de l'organisme avec le fluide nourricier, disposition qui se rencontre, à un plus ou moins haut degré, dans toutes les parties vivantes, et de rece- voir du côté opposé, c'est-à-dire par leur surface libre, le con- tact du fluide respirable. § 5. — Les faits constatés par l'expérience viennent conlir- Respiration mer pleinement ces déductions théoriques. Ainsi, Spallanzani s'est assuré que les Poissons et les Crustacés ne respirent pas (1) Vers la fin du siècle dernier, un respiration se continuait comme d'or- chirurgien célèbre de l'Angleterre , dinaire par l'appareil pulmonaire (c). Astley Cooper , trouva que de l'air Nysten a fait des expériences ana- introduit dans la cavité abdominale , logues non - seulement avec l'acide dans la plèvre ou dans le tissu cel- sulfhydrique , mais aussi avec le lulaire sous-cutané , citez le Chien , deutoxyde d'azote et quelques autres disparaissait complètement après un gaz, et a constaté leur absorption pat- certain laps de temps, et était par la plèvre , le tissu cellulaire, etc. (d). conséquent absorbé à travers les mem- M. J. Davy a introduit dans la branes d'alentour (a). plèvre, chez des Chiens, divers mé- Chaussier a constaté aussi l'ab- langes gazeux dont la composition sorption du gaz acide sulfhydrique était connue, et en analysant le résidu par la peau (6) , et Orfila a vu que aériforme trouvé dans la cavité de les Lapins, les Cabris, les Canards, etc., cette poche membraneuse après qu'il périssent en quelques minutes lors- eut mis ces animaux à mort , il a qu'on plonge tout leur corps, excepté reconnu que l'oxygène, l'azote et l'a- la tète , dans des vessies remplies de cide carbonique pouvaient y être ab- ce gaz; expériences dans lesquelles la sorbes assez rapidement (e). (a) Voyez Surgical and Physlological Essays, by J. Abernethy, 1793, p. 55. (6) Chaussier, Journal de Sédillot, 1802, p. 19. (c) Orfila, Traité des poisons, 1827, t. H, p. 482. (d) Recherches de physiologie et de chimie pathologiques, 1811 , p. 123, etc. {e) J. Davy, Observ. on Air foundm the Pleiira in a Case of Pneumothorax, luith Experiments on the Absorption of Différent Kinds of Air into the Pleura (Philos. Trans., 1823, p. 496; — Research., Physiol. and Anat., vol. I, p. 249). 502 RESPIRATION. uniquement à l'aide de leurs branchies, qui sont les organes spéciaux affectés à cette fonction , mais que ces animaux ab- sorbent aussi de l'oxygène par toute la surface de leur corps (1). Il a vu aussi que chez les Serpents la quantité d'oxygène absor- bée par la peau est parfois beaucoup plus considérable que celle qui disparaît dans le poumon , et que chez les Oiseaux et les Mammifères, de même que chez les Insectes, la surface cutanée est également une des voies par lesquelles l'oxygène pénètre dans l'organisme (2). Enfin, le même physiologiste a constaté que des phénomènes du même ordre se produisaient chez les Animaux vivants, lors du contact de l'air avec les tissus qui, dans l'état naturel de l'organisme , sont soustraits à l'action directe de l'atmosphère : les muscles, par exemple (o). Les recherches plus récentes de W. Edwards ont conduit à des résultats analogues, et prouvent aussi que la même surface peut servir tour à tour à la respiration aérienne et à la respira- tion aquatique. En effet, les Grenouilles, les Salamandres et les autres Batraciens respirent, de même que les Mammifères, à l'aide de poumons ; et si par une ligature placée autour du cou, ou par d'autres moyens mécaniques , on empêche l'air de pénétrer dans ces organes, cette fonction se trouve en grande partie arrêtée, mais elle ne l'est pas complètement si l'air con- tinue à agir sur la peau. Dans des circonstances favorables, la vie peut se maintenir fort longtemps au moyen de cette respi- (1) Dans une expérience faile corn- (2) Spallanzani , Mémoires sur la parativement sur des Écrevisses in- respiration, 1803, p. lia, etc. tactes et sur des individus dont on (3) Ces expériences furent faites avait enlevé les branchies, Spallan- sur des Reptiles écorehés vifs. (Spal- zani a trouvé que la consommation Janzani,Oyj. cit., p. 115, et Sénebier, d'oxygène avait été de 11 centimètres Rapport de l'air avec les êtres orga- cubes chez les premiers, et de 5 centi- nisés, t. I, p. Zi30.) mètres cubes chez les seconds (a). (a) Sénebier, Rapports de l'air avec les êtres organisés, l. I, p. 123. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE SES INSTRUMENTS. 503 ration cutanée, mais l'asphyxie se déclare dans l'espace de quelques heures* si elle vient a être interrompue 3 el l'on sait d'ailleurs que l'air eu contact avec la peau de ces animaux éprouve les mêmes changements chimiques que dans l'intérieur des poumons. Or la peau des Batraciens agit delà sorte, non- seulement quand elle est en contact avec l'oxygène à l'état aéritbrme, mais aussi quand elle est baignée par de l'eau tenant de l'air en dissolution. Les Grenouilles placées sous l'eau ne font pas entrer ce liquide dans leurs poumons : si elles n'y trouvent pas de l'oxygène libre en quantité suffisante, elles y périssent promptement ; mais si elles sont plongées dans de l'eau aérée, elles y respirent au moyen de la surface externe de leur corps, et si la quantité de fluide respirable qui leur est ainsi fournie est assez grande ou se renouvelle assez vile, elles peuvent con- tinuer à vivre au fond de l'eau comme elles vivraient dans l'atmosphère (1). On a constaté aussi que la vie de ces animaux peut se prolonger de la sorte lors môme qu'on leur extirpe les poumons , et que, réduits à ne respirer que par la peau, ils consomment de l'oxygène et produisent de l'acide carbonique, comme le font les individus dont l'organisme est resté intact ("2). (1) En plaçanl des Grenouilles dans mêmes animaux s'asphyxiaient dans un vase contenant 10 litres d'eau l'espace de quelques heures, aérée, et en renouvelant tous les jours II est à noter que cette respiration ce liquide sans laisser jamais ces ani- cutanée des Grenouilles ne peut en- maux recevoir le contact direct de tretenir la vie de ees animaux que l'air, W. Edwards est parvenu à les dans les circonstances où la consom- conserver vivants pendant deux mois mation d'air n'est pas très grande, et demi. D'autres Grenouilles placées sous l'influence d'une température dans un (ilet au fond d'une rivière, de peu élevée, par exemple ; et que, dans façon à recevoir le contact de l'eau cas où la respiration doit être très courante, vécurent fort longtemps , active, elle ne suffit plus aux hesoins bien qu'elles n'eussent reçu pendant de l'organisme (a). tout ce temps aucun aliment. (2) Spallanzani fit plusieurs expé- Dans de l'eau privée d'air, les riences de ce genre tant sur des Tri- fa) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, chap. m et chap. iv. 504 RESPIRATION. La peau de ces animaux peut donc être le siège d'une respira- tion aquatique aussi bien que d'une respiration aérienne. D'autres faits, recueillis par divers physiologistes, montrent que l'échange des gaz entre l'air atmosphérique et le fluide nourricier qui constitue essentiellement l'acte de la respiration, peut se foire par les membranes muqueuses aussi bien que par la peau. Ainsi, M. J. Davy a constaté l'absorption de l'oxygène et le dégagement de l'acide carbonique lors de l'action de l'air sur la membrane muqueuse qui lapisse les sinus maxillaires et fron- taux du Mouton (1) , et ce chimiste a observé des altérations analogues dans l'air emprisonné dans la poche séreuse qui tapisse la poitrine, et qui est connue sous le nom de plèvre (2). Enfin , nous aurons bientôt l'occasion de voir aussi que dans certains cas la tunique intestinale est susceptible d'agir de la même manière. § 6. — Mais s'il est démontré que toute surface vivante qui reçoit le contact de l'air, et qui se trouve en même temps en rapport avec le sang, se laisse traverser à la fois par l'oxygène et par l'acide carbonique dont l'échange doit s'effectuer entre ces deux fluides , il est également évident que la rapidité avec tons ou Salamandres aquatiques que sur des Grenouilles ; il trouva ainsi que l'absorption de l'oxygène par la peau est parfois plus active que celle dont les poumons sont le siège, et que la vie peut se prolonger de la sorte pendant un temps considérable (a). Les expériences de W. Edwards montrent que cbez les Grenouilles dont les poumons ont été extirpés, de même que chez celles qui pos- sèdent ces organes , la respiration cutanée peut s'exercer dans l'eau aussi bien que dans l'air, et suffire ainsi à l'enirctien de l;i vie pendant fort long- temps (6). (1) Research., Physiol. andAnat., vol. I, p. 265. (12) J. Davy, Further Particulars of a Case of Pneumo-Thorax {Philos. Trans., 1824, p. 2ô7j. (a) Sénebior, Rapports de l'air avec les êtres organisés, t. I, p. 392, etc. (U) Influence des agents physiques sur la vie, p. 74, 310DE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 505 laquelle le passage des gaz a lieu doit varier beaucoup, suivant que le tissu organique interposé de la sorte entre le liquide nourricier et l'atmosphère est plus ou moins perméable. En parlant des procédés mis en usage par la Nature pour diversifier les produits de la Création, j'ai dit que les diftérences introduites dans les organismes animés dépendent en grande partie des divers degrés de puissance et de perfection avec les- quels leurs instruments physiologiques fonctionnent. Nous pouvons donc prévoir que l'activité respiratoire sera très iné- gale cbez les Animaux, et l'observation nous montre qu'effecti- vement il en est ainsi. Les uns ne consomment que peu d'oxy- gène et ne dégagent qu'une faible quantité d'acide carbonique; ils résistent aussi pendant très longtemps à l'interruption de cet échange respiratoire. D'autres absorbent l'oxygène avec; une grande rapidité, émettent en même temps des quantités consi- dérables d'acide carbonique, et périssent très vite lorsque ce phénomène physiologique se trouve suspendu. Nous verrons plus tard que ces différences dans la puissance respiratoire et dans l'importance de ce travail sont en relation directe avec l'activité vitale et avec le degré de perfectionnement auquel l'organisme arrive ; en ce moment il me suffit d'annoncer le fait, sauf à fournir ailleurs les preuves de ce que j'avance. Nous devons donc nous attendre à trouver l'appareil respira- toire disposé de façon à agir avec des degrés de puissance très variés chez les divers animaux ; et si les règles que j'ai posées dans ma première leçon (1) relativement aux moyens de per- fectionnement physiologique sont vraies, nous pouvons prévoir comment la Nature aura procédé dans la constitution de ces instruments, à mesure qu'elle en aura demandé un service plus actif. Ces perfectionnements pourront porter sur trois choses : ;1) Voyez ci-dessus, page 16 et suivantes. 1. eu 506 RESPIRATION. Sur la manière dont l'oxygène de l'atmosphère est fourni à la surface respirante et dont l'acide carbonique exhalé par cette surface est entraîné au loin ; Sur la puissance absorbante et exhalante dont cette surface est douée ; Sur l'activité avec laquelle le fluide nourricier, séparé de l'atmosphère par un tissu perméable, fournit de l'acide carbo- nique pour alimenter cette exhalation, et s'empare de l'oxygène qui doit y être dissous, pour pénétrer ensuite dans lès profon- deurs de l'organisme. § 7. — Examinons d'abord ce qui a trait à la constitution et au perfectionnement de l'organe respiratoire lui-même, c'est- à-dire de la cloison perméable qui sépare le sang de l'air atmos- phérique et qui doit livrer passage aux deux courants en sens inverse, formés l'un par l'oxygène absorbé, l'autre par l'acide carbonique exhalé. La division du travail physiologique est le procédé le plus puissant employé par la Nature pour arriver au perfectionne- ment des organismes ; mais la Puissance créatrice, ai-je dit, semble être toujours économe dans les moyens mis en usage pour produire le résultat voulu, et n'arrive à spécialiser l'action des divers instruments de la vie que là où des organes, chargés à la fois de plusieurs fonctions différentes, ne suffiraient plus aux besoins de l'animal. Nous pouvons donc prévoir que chez les membres les plus dégradés de la grande famille zoologique la respiration ne s'exercera pas à l'aide d'instruments spéciaux et aura son siège dans toutes les parties qui remplissent les conditions énumérées ci-dessus, quels que soient d'ailleurs les autres usages auxquels ces parties peuvent être destinées. Or, chez les Animaux les plus simples, et par conséquent aussi les plus imparfaits, les tissus organiques qui occupent la surface du corps ne diffèrent que peu des parties intérieures ; et lors même qu'ils constituent une tunique bien distincte plus MODE DE PERFECT10KNEMEKT DE SES ORGANES. 507 ou moins analogue à la peau des Animaux supérieurs, leur substance est toujours facilement perméable aux gaz. Les tégu- ments communs, tout en servant d'organe protecteur au reste de l'économie, tout en étant l'agent unique des fonctions de relation, et remplissant, comme nous le verrons ailleurs, beau- coup d'autres usages encore, pourront donc être aussi l'instru- ment de la respiration. Chez ces Animaux intérieurs, nous pouvons donc prévoir que la respiration sera uniquement cutanée. Nous pouvons prédire aussi que chez les Animaux les plus simples elle sera diffuse ; car la dégradation organique suppose l'uniformité de structure, et la similitude dans la constitution des instruments de la vie entraine l'uniformité dans leurs fonc- tions. Par conséquent la peau, étant partout semblable à elle- même, devra être un agent respiratoire dans tous les points où elle reçoit le contact du fluide respirable, c'est-à-dire dans toute l'étendue de la surface extérieure du corps. Une première condition de perfectionnement de l'instrument influence . _ de l'étendue respiratoire sera 1 augmentation de la surlace de contact avec le de ia surface n • -îi -n • i ni in-™' respiratoire. fluide respirable. Examinons donc tout d abord 1 influence que le volume et la forme générale du corps peuvent exercer sur l'aptitude des téguments communs à remplir le rôle de pour- voyeur de la combustion physiologique. Nous avons vu déjà que les besoins de la respiration sont déterminés par des réactions chimiques qui se manifestent dans la substance même de toutes les parties de l'organisme et se lient au travail de nutrition dont toute matière vivante est le siège. Nous pouvons donc supposer que là où la matière orga- nisée se trouve douée d'une puissance nutritive égale, l'activité du travail respiratoire devra être proportionnelle à la quantité de cette matière employée à la constitution de la machine vivante. Ainsi nous devons présumer que, toutes choses égales d'ail- leurs, les animaux d'un même volume auront besoin d'absorber, 508 RESPIRATION. en un temps donné, une même quantité d'oxygène et d'exhaler une même quantité d'acide carbonique. Or, la forme sphérique est de toutes les formes celle sous laquelle les corps à volumes égaux offrent le moins de surface. Nous devons donc la consi- dérer comme la moins avantageuse à l'exercice de la respiration cutanée , et nous pouvons prévoir que chez les animaux où la combustion vitale s'alimente par cette voie, elle ne pourra se rencontrer que si les besoins de cette combustion sont très bornés. Par conséquent, la forme sphérique et les formes qui s'en approchent seront, à nos yeux, un indice d'infériorité zoologique; car la grandeur de la force respiratoire se lie, comme je l'ai déjà dit, au développement de la puissance vitale. Il est aussi à remarquer que le volume d'une sphère, ou, ce qui revient au même, la quantité de matière dont elle se com- pose, n'est pas en rapport direct avec l'étendue de sa surface, et que la quantité de cette matière qui correspond à une étendue donnée de cette surface décroît rapidement à mesure que le diamètre de la sphère devient plus petit (1). Il en résulte que la forme sphérique sera d'autant moins défavorable à l'exercice de la respiration cutanée, que le corps de l'animal conformé de la sorte sera lui-même plus petit. Nous pouvons donc comprendre pourquoi la Nature n'a adopté des formes de ce genre que pour la constitution des animalcules inférieurs dont la masse est si faible , que pour les apercevoir il nous faut le secours du microscope. Ces applications de la géométrie élémentaire à l'étude des conditions du travail respiratoire chez les Animaux où les rela- tions entre l'air et l'organisme ne s'établissent que par la surface générale du corps , nous conduisent aussi à prévoir qu'un des premiers procédés employés par la Nature pour augmenter la (1) On doit se rappeler en effet que rayons ; tandis que le rapport de leurs le rapport des surfaces de deux sphères volumes est égal à celui des cubes de est égal à celui des carrés de leurs leurs rayons. MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 509 puissance absorbante et exhalante de ces appareils à combustion sera de substituer à la l'orme sphérique de l'organisme une forme plus ou moins lamclleusc ; de la sorte l'étendue de la surlace respiratoire se trouvera augmentée sans que rien ait été changé dans le nombre ou la grandeur des particules de matière vivante aux besoins desquelles le travail exécuté par cette surface doit subvenir. Et , effectivement , lorsque nous étudierons le mode de développement des animalcules infé- rieurs, nous verrons qu'en général leur forme tend à se modi- fier de la sorte à mesure que leur organisme se perfectionne. Mais si l'exiguïté de la masse des corps vivants à respiration diffuse est une condition favorable à la puissance relative de cette fonction, elle est d'autre part, une cause d'infériorité phy- siologique , et nous avons déjà vu qu'un des moyens mis en usage pour perfectionner les organismes est d'en augmenter le volume. Toutes choses égales d'ailleurs, l'accroissement delà masse vivante doit amener à sa suite une augmentation dans les besoins auxquels la respiration est appelée à satisfaire. Ainsi , soit que le corps vivant devienne plus grand sans que l'activité fonctionnelle de chacune de ses parties intérieures augmente , soit que le volume de ce corps restant le même, la combustion physiologique dont il est le siège s'active, il faudra que la sur- face respiratoire se modifie, et si sa faculté absorbante reste la même, il faudra que son étendue s'accroisse. Or, cet accroissement de la surface respiratoire s'obtient Localisation facilement par quelques modifications dans la forme extérieure ia respiration. du corps. Si la masse vivante, au lieu de se terminer par une surface bombée et lisse, se hérisse de parties saillantes ; si la membrane tégumentaire, au lieu d'être unie, présente des pro- longements : si elle se plisse au lieu de rester tendue, et si ces plis, au lieu d'être continus, se sillonnent transversalement de façon à constituer des folioles ou des filaments appendi- culaires , la surface absorbante et exhalante ainsi constituée 510 RESPIRATION. par la même quantité de tissu organique deviendra de plus en plus étendue , et cette surface recevant toujours le contact du fluide respirable par chacun de ses points, l'activité fonction- nelle de la respiration augmentera d'une manière correspon- dante. Ainsi ce sont les parties saillantes de la surface du corps qui doivent tendre d'abord à devenir plus spécialement le siège d'une respiration active, et à constituer les instruments princi- paux à l'aide desquels cet acte s'effectue. Ces parties sont en même temps les mieux appropriées aux besoins de la locomo- tion, et par conséquent nous pouvons nous attendre aussi à voir les organes du mouvement et ceux de la respiration sou- vent confondus chez les animaux inférieurs où la division du travail physiologique n'a fait que peu de progrès. Mais pour agir avec force à la manière de rames, et pour être des instru- ments puissants de natation, ces parties saillantes doivent offrir dans leur structure une solidité, une consistance qui sont incom- patibles avec une grande perméabilité; lorsqu'elles servent à la fois aux mouvements généraux de l'animal et à l'absorption du fluide respirable , elles ne sauraient être que des instruments très imparfaits tant pour la respiration que pour la locomotion, et ici encore le perfectionnement physiologique entraîne la spé- Division cialité d'aclion. 11 v aura donc division dans cet appareil à du travail. " , , usages mixtes ; certaines parties seront affectées uniquement à la respiration et d'autres aux mouvements. Ce progrès cepen- dant pourra être insuffisant pour correspondre aux besoins croissants des organismes de plus en plus élevés , et alors , d'après les principes posés au début de ce cours, nous devons voir apparaître des organes de création nouvelle dont la struc- ture est combinée uniquement en vue des besoins de la respi- ration. La théorie zoogénique dont j'invoque ici le secours nous apprend donc que chez les Animaux les plus simples la respi- Créations organiques MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 511 ration doit être diffuse ; qu'à un degré un peu moins bas de l'organisation , elle tendra à se localiser , et tout en restant cutanée, s'exercera principalement à l'aide des parties appen- diculaires du corps qui servent en même temps à d'autres ser- vices physiologiques, aux mouvements ou à la préhension des aliments par exemple ; puis, qu'en devenant plus parfaite, elle aura son siège dans des parties de l'enveloppe générale qui seront adaptées spécialement à cet usage ; enfin que des pro- ductions organiques nouvelles pourront être créées pour satis- faire à l'activité toujours croissante de cette fonction chez les êtres dont les facultés sont plus parfaites. Nous voyons aussi que les parties saillantes affectées au service de la respiration sPéciales- doivent se plisser et se digiter de plus en plus à mesure que leur action devient plus intense , car pour elles une première condition de puissance est d'offrir sous un petit volume une grande surface, afin d'offrir au fluide respirable des points de contact très multipliés sans que la substance vivante employée à les former soit en quantité suffisante pour accroître notablement les besoins créés par la combustion physiologique. Ainsi les instruments spéciaux de la respiration, après avoir été obtenus par emprunt et avoir été constitués à l'aide de rames natatoires ou de quelques autres appendices de nature analogue, seront des parties nouvelles surajoutées à celles dont se compose l'organisme des Animaux inférieurs , et ce seront d'abord des parties saillantes qui auront la forme de lamelles , de filaments, de panaches ou d'arbuscules , suivant que leur structure se perfectionnera plus ou moins. On les désigne alors sous le nom de branchies , tandis qu'on appelle pattes bran- chiales les organes qui en tiennent lieu, lorsque cette division du travail ne s'est pas encore effectuée et que la respiration s'opère essentiellement à l'aide des rames locomotrices. § 8. — Il est également facile de comprendre que la struc- Appropriation ture du tissu dont ces instruments sont formés, afin d'être plus des tissus. 512 RESPIRATION. perméable aux gaz, doit devenir aussi de plus en plus délicate. Mais lorsque la respiration est cutanée et diffuse, cette condi- tion ne peut se réaliser qu'au détriment d'une autre fonction, dont la tunique membraneuse de l'organisme est également chargée : celle d'agent protecteur des parties intérieures. Les propriétés en vertu desquelles la peau préserve ces parties internes des lésions auxquelles le contact des corps étrangers les exposerait sont inverses de celles qui favoriseraient son action comme agent d'absorption et d'exhalation. Par consé- quent, sous ce rapport aussi, le développement de la puissance physiologique nécessite la division du travail, et pour obtenir un premier degré dans cette division, il suffit d'approprier plus spécialement1 une portion de la surface tégumentaire à son rôle d'organe défensif, et de placer sous la protection de l'espèce de gaine ou d'armure ainsi obtenue une autre portion de la tunique commune, dont le tissu, devenu plus délicat et plus perméable, est par cela même apte à fonctionner plus spécialement comme organe absorbant. La respiration cutanée, de diffuse qu'elle était , tendra donc à se localiser dans certaines régions de la surface générale du corps avant même que l'organisme se soit enrichi d'instruments spéciaux pour l'exercice de cette fonction. Ce que je viens de dire relativement au perfectionnement, de la tunique commune du corps considérée comme organe respi- ratoire est également vrai pour les pattes branchiales ou les autres appendices qui, chez les Animaux, plus élevés, deviennent les agents spéciaux de la respiration. Toutes choses égales d'ailleurs, leur activité fonctionnelle sera en rapport direct avec le degré de leur perméabilité, et cette dernière propriété sera subordonnée à la délicatesse de leur structure. Mais lorsque ces parties sont saillantes à l'extérieur, une grande délicatesse de tissu les exposerait également à une multitude de lésions, et par conséquent aussi nous pouvons prévoir que ce genre de Mode d'obtention de. cet appareil. MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 513 perfectionnement nécessitera bientôt la rentrée des branchies clans quelque cavité en communication facile avec le fluide ambiant, ou la création d'organes protecteurs destinés à les pré- server du contact des corps étrangers. Si les principes développés dans ma première leçon sont vrais, la chambre respiratoire où l'appareil branchial cherchera d'abord refuge sera une cavité préexistante dans l'organisme des Animaux inférieurs qui dérivent du même type zoologique: ce sera un logement d'emprunt tel que peut en fournir la bouche ou l'intestin ; puis , lorsque la machine physiologique se per- fectionnera davantage, la division du travail s'établira, et la cavité renfermant les branchies appartiendra exclusivement, à ces or- ganes : ses parois seront d'abord construites avec des matériaux semblables à ceux employés pour la constitution de ces appen- dices, un repli de la peau, par exemple. Enfin la chambre respi- ratoire pourra , en se perfectionnant à son tour, devenir le résultat d'une création organique spéciale. Or, ce sont là en effet les formes sous lesquelles nous rencontrerons l'appareil protecteur des branchies dans les divers rangs du Règne animal. § 9. — Nous pouvons prévoir aussi' que ce genre de perfec- tionnement organique doit entraîner à sa suite d'autres coin- ""JJ^jJJJJ*' plications dans la structure des Animaux. Lorsque les organes reafxran». respiratoires sont extérieurs, le fluide respirable dans lequel le corps de l'individu est plongé peut se renouveler à leur sur- face par le seul fait des mouvements généraux, et les instru- ments de la locomotion peuvent constituer aussi l'appareil méca- nique destiné à fournir à la surface absorbante les matières à absorber, en mémo temps qu'il achève le rejet des matières excrétées. Nous verrons effectivement, que chez les Animaux les plus simples toute la surface du corps est garnie de petils filaments mobiles, appelés cils vibratiles, qui servent à la fois pour la natation, l'ingurgitation des aliments et le renouvelle • i. 65 Mode de 51 k RESPIRATION. ment du fluide respirable (1). Chez d'autres Animaux, qui occu- pent un rang plus élevé, nous trouverons des pattes branchiales qui cumulent encore les fonctions d'organes de la locomotion et de la respiration, car ces rames renouvellent l'eau aérée qui baigne leur surface en même temps qu'elles déplacent le corps. Enfin, chez d'autres les instruments affectés au service de ces deux fonctions seront distincts, mais ce sera l'appareil de la loco- motion qui aura fourni en quelque sorte les matériaux de l'appa- reil respiratoire, et celui-ci se composera d'organes qui, dans le plan primitif du type zoologique dont ces êtres dérivent, étaient des pattes ou des rames natatoires, mais qui ont été modifiés de façon à ne pouvoir plus servir comme leviers et à être propres à l'absorption et à l'exhalation seulement. Il s'établit ainsi des liens nombreux et variés entre le travail de la respiration et les phénomènes de locomotion, ou les actes qui doivent assurer l'entrée des matières alimentaires dans l'appareil digestif. Mais lorsque la respiration a pour ainsi dire élu domicile dans (1) La découverte des cils vibra- trouvés clans diverses parties de Torga- tiles des Animalcules infusoires est nisme dans toutes les classes du Règne due à Leeuwenhoek (a) ; mais le mou- animal. Les travaux de recherches les veinent qu'ils déterminent paraît avoir plus importants publiés sur ce sujet été remarqué chez les Moules et les sont ceux de M. Ehrenberg (c),Shar- Huîtres vers la fin du xvne siècle par pey (d), Purkinje et Valentin 'e). Antoine de Heide (b). La plupart des M. Sharpey a donné aussi un excel- micrographes qui ont étudié les Ani- lent article général sur les cils vibra- maux inférieurs ont ajouté de non- tiles considérés dans le Règne animal velles observations relatives à l'exis- tout entier. (Todd's (Jychpœdia of tence ou au jeu de ces filaments, et Anat. and Physiol. , 1836, vol. I, depuis vingt-cinq ans on les a re- p. 606. ) (a) Leeuwenhoek, Epist. 17, 1687. — Contimiatio epistolarum, 1715, p. 95. — Continuatio arcanorum Naturœ, 1719, p. 382, 386. (6) Anatome Myluti, 1683. (c) Ehrenberg, Recherches sur les Infusoires (Ann. des se. nat., 1834, 2e série, t. I, p. 222, et Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1831, etc.). (d) Sharpey, On a Peculiar Motion excited in Fluids by the Surfaces of Certain Animais (Edinb. Med. and Surg. Jouvn., 1830, vol. XXXIV, p. 113). (e) Purkinje et Valentin, Entdeckung continuirlicher durch Wimperhaare er%eugter Flimmer- bewegungen (Arch. fur Phys., von Millier, 1834, Bd. I, p. 391). — Commentatio physiologica de pheenomeno motus vibratorii continui, etc., 1835. MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 515 une chambre particulière , elle a besoin d'avoir à son service des agents moteurs spéciaux destinés à assurer le renouvelle- ment du fluide respirable dans l'intérieur de cette cavité. Delà encore une nouvelle cause de complication dans la structure de l'appareil à l'aide duquel cette fonction s'exerce, et, confor- mément à la loi du perfectionnement par division du travail , nous verrons que ce sera d'abord la chambre respiratoire qui remplira le double rôle d'agent protecteur et d'agent moteur. Puis des organes d'emprunt viendront en aide aux instruments spéciaux de la respiration pour y assurer le renouvellement du fluide vivifiant. Enfin chez les Animaux supérieurs nous trouve- rons que cette portion mécanique des phénomènes de la respi- ration est confiée en grande partie à des organes nouveaux qui semblent n'avoir été introduits dans l'économie que pour ré- pondre à ce besoin. Voilà déjà, comme on le voit, bien des causes de diversité- organique dans la constitution des instruments delà respiration, et une longue série de modifications de structure qui sont pour ainsi dire commandées par l'activité croissante de cette fonction chez les Animaux de plus en plus parfaits. Mais il est une autre condition de puissance respiratoire dont l'influence est encore plus forte tant sur la grandeur de cette puissance elle-même que sur les modifications an atomiques que ces variations nécessitent. § 10 — L'eau des ruisseaux, des fleuves, des lacs et des mers, exposée sans cesse au contact de l'atmosphère, absorbe et tient en dissolution une certaine quantité d'air. Cette eau aérée suffit aux besoins delà respiration d'une multitude d'Ani- maux. Nous verrons, en avançant dans nos études, que la vie animale peut, s'il m'était permis de m'exprimer ainsi, s'établir avec moins de frais organiques au sein des eaux, que chez les êtres destinés à habiter la surface du sol où le corps se trouve entouré d'un fluide aériforme. Il en résulte que, conformément au principe d'économie déjà mentionné si souvent dans le cours 51 G RESPIRATION. de ces leçons, lu respiration doit être aquatique chez les Ani- maux les plus inférieurs. L'air qui est ainsi fourni aux Animaux contient, il est vrai, une proportion plus grande d'oxygène que l'air atmosphérique. Le gaz que l'on dégage de l'eau aérée fournit d'ordinaire environ 32 centièmes d'oxygène, quelquefois même beaucoup plus, surtout quand il est extrait de l'eau de la mer; mais la quantité totale des gaz emprisonnés dans un volume déterminé d'eau est très faible. On voit par les expériences nombreuses et précises de MM. d'Humboldt et Provençal, que l'eau de la Seine ne contient, sous la pression ordinaire et à la température où elle se trouve communément, qu'environ 27 centimètres cubes pour un litre de liquide, ce qui correspond à environ 1/36 de son volume (1). Si l'eau était saturée d'air, elle pour- rait en dissoudre davantage, et contenir, dans les circonstances ordinaires, à peu près 1/30 ; mais il est rare que dans la nature elle en soit autant chargée. (1) Dans les expériences de MM. de renfermait que 18 p. 100 d'oxygène, et Humboldt et Provençal, la quantité cet abaissement était suivi de l'asphyxie d'air extraite de l'eau de Seine a va • d'un grand nombre de Poissons (c). lié entre 0,0264 et 0,0287 pour 100 Dans l'eau de la mer, le même chi- parties de liquide, et la teneur de cet miste n'a trouvé qu'entre 1/45 et 1/30 air en oxygène a varié entre 30,6 et de gaz; mais ceux-ci renfermaient jus- 31,4 pour 100 (a). qu'à 32 et même 39 pour 100 d'oxy- M. Boussingault évalue à 1/30 de gène (d). son volume la quantité d'air que l'eau Dans les analyses faites plus récem- de source tient en dissolution \b). ment par M. Lewy , la proportion M. iVlorren a trouvé que la composi- d'oxygène contenu dans les gaz dissous lion de cet air pouvait varier beaucoup dans l'eau de la mer prise au large a suivant diverses circonstances : ainsi, varié entre 32,5 et 34,4 pour 100, et dans un cas particulier, l'air tenu en s'est élevée jusqu'à 38 pour 100 dans dissolution dans l'eau de la Maine ne l'eau de quelques flaques (e). (a) Recherches sur la respiration des Poissons (Mém. de la Société d'Arcueil, t. II, p. 369). (b) Boussingault, Economie rurale, 1851, t. II, p. 132. (c) Morrcn, Recherches sur l'influence qu'exercent la lumière et la matière organique verte sur les gaz contenus dans l'eau (Ami. de chim. et de phys., 1841, 3e série, 1. 1, p. 546). (d) Morrcn, Recherches sur les gaz que l'eau de mer peut tenir en dissolution ( Ann. de chim. et de phys., 1844, 3° série, vol. XII, p. 41). (e) Lewy, Recherches sur la composition des gaz que l'eau de la mer tient en dissolution dans les différents moments de la journée (Ann. de chim. et de phys., 1846 , 3" série, t. XVII, p. 5). MODE DE PERFECTIONNAIENT DE SES ORGANES. 517 ïl fn résulte que la quantité tl'oxygène libre qui arrive en contact avec la surface respiratoire est, toutes ehoscs égales d'ailleurs, beaucoup plus petite dans l'eau que dans l'air; un litre d'air fourni! à la respiration plus de 200 centimètres cubes d'oxygène, landis qu'un litre d'eau de Seine n'en donne que environ 9 centimètres, c'est-à-dire plus de vingt fois moins. Sous le rapport de In quantité d'oxygène qu'il reçoit, un Animal plongé dans l'eau aérée se trouve doue à peu près dans les mêmes conditions que s'il respirait dans de l'air atmosphérique où la proportion d'oxygène serait réduite à moins de 1 cen- tième. On voit donc que pour augmenter singulièrement la puissance respiratrice de l'organisme, il suffit que l'Animal change de milieu, et soit approprié à la vie aérienne au lieu d'être con- damné à demeurer au sein des eaux. La vie aérienne est par conséquent une condition de perfectionnement organique, et nous savons en effet que tons les Animaux les mieux doués par la Nature sont conformés pour respirer dans l'atmosphère. § 11 . — Nous avons vu, au commencement de cette leçon, conditions que le même organe peut absorber 1 oxygène qui se trouve à ia respiration ncriônriG l'état de liberté dans l'atmosphère ou qui est tenu en dissolution dans l'eau. On comprend donc la possibilité de la respiration aérienne à l'aide d'instruments semblables à ceux qui sont destinés à agir dans l'eau, et l'exercice alternatif de cette fonc- tion dans les deux milieux par le môme organe (1). Nous ren- (1) Plusieurs expériences de Spal- fluide sur ses branchies, absorba lanzani prouvent que les branchies 9 centimètres cubes d'oxygène ; tandis sont le siège de phénomènes respira- qu'un autre Poisson de même espèce toires, quand ces organes sont en con- placé dans les mêmes conditions, tact avec l'air aussi bien que lorsqu'ils mais dont la chambre branchiale était sont plongés dans l'eau. Ainsi une maintenue fermée , n'en absorba que Tanche placée dans un récipient rem- h centimètres cubes. Dans d'autres pli d'air, et pouvant, par les mouve- expériences , la différence fut encore ments de sa bouche, faire passer ce plus marquée [a). (a) Sénebier, Rapports de l'air avec les êtres organisés, t. I, p. 151 et suiv. 518 RESPIRATION. contrerons en effet des exemples d'animaux qui méritent ainsi bien complètement le nom d'Amphibies; mais l'observation nous apprend qu'en général les choses se passent autrement, et que la plupart des Animaux aquatiques s'asphyxient et meurent plus ou moins rapidement lorsqu'on les retire du liquide où ils vivent d'ordinaire et qu'on les expose à l'air. Ce phénomène, qui au premier abord doit paraître bien singulier, puisqu'ils sont alors entourés d'un milieu plus riche en oxygène, s'explique cependant très aisément et dépend de deux causes. Tantôt l'asphyxie des animaux aquatiques exposés à l'air tient à un effet mécanique des plus simples, dont l'influence a été mise en lumière par M. Flourens. La densité des parties molles dont les instruments de la respiration se composent ne diffère que peu de celle de l'eau, et , lorsqu'elles sont plongées dans ce liquide , la moindre force suffit pour faire flotter et pour écarter entre elles les lamelles délicates ou les filaments grêles dont ces 'organes sont formés. îl en résulte que l'eau aérée peut aussi se renouveler facilement dans tous les interstices laissés entre ces prolongements membraneux, et que l'action de l'oxygène s'exerce dans toute l'étendue de leur surface. Mais lorsque ces mêmes tissus sont plongés dans l'air, leur poids se trouve aug- menté de toute la différence qui existe entre le poids de l'eau et le poids de l'air en volumes égaux, au leur, et par conséquent, à moins d'avoir une rigidité qu'elles n'offrent presque jamais, les lamelles respiratoires doivent , au contraire, s'affaisser, s'appliquer les unes sur les autres, et former une masse dont la surface seulement reçoit le contact de l'air. Or l'étendue de cette surface est d'ordinaire très petite, comparativement à celle qu'offre le développement de ces appendices , et la diffé- rence déterminée de la sorte est bien plus considérable que celle résultant de la quantité d'oxygène contenue sous un même volume dans de l'air ou dans de l'eau aérée. Par conséquent, MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 519 il peut arriver que, par cette seule circonstance, le travail res- piratoire se trouve affaibli au point d'entraîner l'asphyxie et la mort (1). L'autre cause qui concourt d'ordinaire à rendre les or- influence ganes de respiration aquatique impropres à la respiration ia dessiccation. aérienne est la dessiccation qu'ils éprouvent par leur exposition à l'air. Les recherches de W. Edwards tendent à montrer que cette cause contribue à faire périr les Poissons que l'on retire de l'eau (2), et nous verrons plus tard que chez les espèces qui peuvent résister plus longtemps que d'ordinaire à ce change- ment de milieu, la Nature a ménagé divers moyens propres à empêcher ou à retarder l'évaporation par la surface respira- toire. Mais l'influence de la dessiccation sur la mort des Animaux aquatiques qui sont exposés à l'atmosphère a été surtout mise en évidence par les expériences faites, il y a vingt-cinq ans, par Audouin et moi, sur la respiration des Écrevisses et d'autres Crustacés. Nous fîmes voir que chez ces Animaux la respiration se continue bien plus longtemps dans l'air humide que dans l'air sec , et que chez les Gécarcins ou Crabes terrestres, animaux qui sont destinés à vivre hors de l'eau, mais qui sont conformés d'après le même plan organique que les Crabes marins et les autres Crustacés dont la vie est aquatique, les branchies sont préservées de la dessiccation à l'aide de réservoirs d'humidité ou d'autres dispositions analogues (S). § 12. — Nous pouvons conclure de tous ces faits que les parties destinées à être le siège d'une respiration aérienne un peu ac- (1) Expériences sur le mécanisme (3) Voyez Rapport sur un Mémoire de la respiration des Poissons , par intitulé : De la respiration aérienne M. Flourens ( Annales des sciences des Crustacés , par MM. Audouin et naturelles , 1830, t. XX, p. 5). Milne Edwards (Annales des sciences (2) Influence des agents physiques naturelles, 1828, t. XV, p. 85 , et sur la vie, chap. H, p. 113, etc., Histoire naturelle des Crustacés, pur 1826. Milne Edwards, t. I, p. 92). 520 INSPIRATION. tive devront être à l'abri de ces deux influences perturbatrices. Ainsi la peau ne pourra être un instrument puissant de res- piration chez aucun Animal terrestre, car, par son exposition à l'air, sa couche superficielle, composée de tissu utriculaire, se dessèche promptement pour former l'espèce de couverte nommée épiderme, et oppose un obstacle considérable au pas- sage rapide des gaz , soit du dehors au dedans , soit en sens contraire. Elle ne pourra fonctionner de la sorte avec un peu d'activité que si l'Animal vit habituellement dans des lieux très humides, comme c'est le cas pour la Grenouille et la Sala- mandre, et si la couche épideriniquc qui se trouve placée entre l'air extérieur et le derme où circulent les fluides nourriciers est très mince et très perméable. La môme raison rendrait impro- pres à la respiration aérienne tous ces arbuscules, ces franges, ces panaches qui font saillie à la surface du corps chez beau- coup d'animaux aquatiques, et y constituent, comme nous l'avons déjà vu, un appareil branchial plus ou moins puissant. Pour être préservées de la dessiccation qui est incompatible avec l'exercice de leurs fonctions, les surfaces où s'effectue la respiration aérienne doivent donc être logées dans une cavité intérieure, une chambre où l'air se charge promptement d'humi- dité sans jamais enlever l'eau interstitiaire qui est nécessaire pour donner aux tissus de l'organe ses propriétés physiologi- ques normales. On comprend donc que si une membrane feuilletée ou digitée, comme le sont d'ordinaire les instruments de respiration aqua- tique, était protégée de la sorte, elle pourrait servir à la respi- ration aérienne , et nous verrons qu'effectivement c'est par un procédé analogue que la Nature approprie à la vie terrestre l'organisation de quelques Animaux qui ont des branchies tout commeles Animaux aquatiques. Mais il est facile de prévoir par les considérations que suggèrent les expériences de M. Flou- rens, combien celte structure serait peu favorable à l'activité MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORCANES. 521 du travail respiratoire , et combien il serait préférable de dis- poser ces expansions en manière de cloisons, afin de les main- tenir écartées entre elles. C'est là en effet la différence anatomique fondamentale que l'on remarque d'ordinaire entre les organes spéciaux de respi- ration aquatique auxquels on donne le nom de branchies, et les instruments créés pour le service de la respiration aérienne et connus sous le nom de poumons. Des branchies sont des parties saillantes, des appendices absorbants qui renferment le fluide nourricier dans leur inté- rieur, et qui reçoivent le contact du fluide respirable par leur surface extérieure. Les poumons sont des cavités , des poches absorbantes qui reçoivent le fluide respirable dans leur intérieur, et qui l'entou- rent d'une couche mince de fluide nourricier contenu dans des canaux dont leurs parois sont creusées. Il est à noter cependant que la cavité affectée au service de la respiration aérienne n'a pas nécessairement la forme d'un sac ; elle peut être tubulaire, pourvu que ses parois ne s'affais- sent pas et qu'elle reste perméable à l'air. C'est effectivement la disposition qui se rencontre chez un grand nombre d'animaux, et qui est propre aux organes que les anatomistes appellent des trachées. Du reste, que la cavité respiratoire ait la forme d'un sac ou d'un tube, les conditions de perfectionnement de cet appareil sont essentiellement les mêmes que pour les branchies, et consistent d'abord dans l'augmentation de la surface de contact offerte à l'air inspiré. Pour les trachées, cette augmentation s'obtenait par l'allon- gement et les ramifications de plus en plus nombreuses du tube aérifère. Pour les poumons, elle résulte de la multiplication des cloi- sons membraneuses qui subdivisent en loges ou cellules la i. 66 Différences entre les branchies et les poumons. Trachées. Conditions de perfectionnera Multiplicité des cellules pulmonaires. 52*2 RESPIRATION. cavité du sac respiratoire. Plus la surface absorbante devra être étendue, plus, sous un même volume, le nombre de ces lamelles sera grande, et plus aussi les cellules pulmonaires seront petites. § 13. — A ces perfectionnements, dus les uns à l'augmenta- tion de l'étendue relative de la surface respiratoire, ou de la perméabilité de cette surface, les autres au renouvellement plus rapide et plus régulier du fluide respirable, ou a la quantité d'oxygène libre que ce fluide peut fournir, viennent s'en ajouter d'autres qui se lient au rôle du sang dans l'acte delà respiration. Puisque l'oxygène consommé dans ce travail doit être dissous dans le fluide nourricier, il est évident que, toutes choses étant égales d'ailleurs, la quantité de ce gaz dont un animal pourra s'emparer sera d'autant plus grande que la quantité de sang mis en rapport avec l'atmosphère par l'intermédiaire de l'or- gane de la respiration sera elle-même plus considérable. Ainsi la vascularilé plus ou moins grande du tissu dont, cet organe se compose doit être une des conditions qui en règlent l'activité. Enfin, puisque l'oxygène absorbé doit, être dissous par le sang, la puis anec respiratrice d'un animal doit dépendre aussi en partie de la faculté dissolvante dont ce liquide est cloué. Or, nous avons vu que la propriété d'absorber ainsi des gaz tient en partie à la présence des matières salines dont le plasma est chargé, mais principalement à la présence des globules qui semblent agir comme des corps condensateurs, et cire com- parables sou£ ce rapport aux substances poreuses, telles que le charbon de bois, qui fixent dans leur intérieur des quantités considérables do fluides aériformes sans contracter avec eux aucune combinaison chimique. Nous en pouvons conclure que la richesse du sang sera également une condition d'activité res- piratoire. D'après les faits que j'ai rapportés dans une précé- dente leçon (1), je suis porté à croire que le volume de ces (1) Voyez ci-dessus, page 53 et suiv. MODE DE PERFECTIONNEMENT DE SES ORGANES. 523 corpuscules exerce aussi une certaine influence sur l'intensité des phénomènes dont l'étude nous occupe en ce moment. Nous pouvons ajouter encore que l'emploi plus ou moins influence rapide de l'oxygène dans la profondeur de l'organisme, et la u combustion I . ,, . , . . . , physiologique, production d acide carbonique, qui en est une conséquence, etc. doivent influer dans le même sens sur l'activité avec laquelle l'échange de ces gaz s'opère à la surface de l'organe respira- toire, puisque le sang sera d'autant plus apte à s'emparer de nouvelles quantités d'oxygène qu'il aura abandonné plus rapide- ment la provision dont il était déjà chargé. Mais ce sont, là des considérations qui se lient à l'étude d'un autre ordre de phé- nomènes, et nous y reviendrons en étudiant la statique des Animaux. Enfin je renverrai également à un autre moment l'examen de l'influence du mode de circulation du sang sur l'activité du travail respiratoire, et dans la leçon prochaine je passerai à l'histoire anatomique des organes dont je viens d'in- diquer sommairement les caractères généraux. ADDITIONS. Depuis l'impression des leçons précédentes sur le sang, l'Institution Smith- sonienne de Washington a fait paraître un travail très étendu de M. J. Jones, professeur de chimie au collège médical de Savannah, sur divers points de physiologie comparée (1), et comme la science ne possède encore que peu de recherches de ce genre, je crois devoir en extraire quelques faits relatifs à l'his- toire du fluide nourricier chez divers Animaux. DEUXIÈME LEÇON. § 10. — Les observations microscopiques de M. Jones sur la structure des globules rouges du sang ont conduit à des résultats conformes en tous points aux vues exposées dans cette leçon. Il considère ces corpuscules comme des cellules libres qui, par leur mode de constitution et leurs propriétés, ressemblent aux cel- lules élémentaires des tissus sécréteurs (2). En étudiant l'action de l'acide acé- tique sur les globules du sang des Poissons et des Tortues, il a remarqué que la membrane tégumentaire de ces corpuscules adhère au noyau vers le centre du disque, et que les premiers effets produits par l'action de ce réactif détermi- nent le gonflement de la partie périphérique, de façon à les rendre biconcaves ou à leur donner la forme de petites clepsydres quand l'endosmose se concentre davantage aux deux extrémités du grand axe de l'ellipse. La tunique du globule devient ensuite de plus en plus transparente, et par l'action prolongée de l'acide elle peut même se dissoudre, et alors le noyau est mis en liberté. Ce réactif tend aussi à rendre le noyau plus distinct, et dans beaucoup de cas y fait apparaître un nucléole qui tantôt en occupe le centre, d'autres fois se trouve placé latéra- lement. § là. — M. Jones a trouvé que les globules blancs sont plus nombreux chez les Vertébrés à sang froid que chez les Vertébrés à sang chaud. Parmi les Ché- loniens, c'est chez VEmys terrapin (ou Emys concentrica, Gray) qu'ils lui ont paru être le plus abondants. Le sang de ces dernières Tortues lui a offert aussi beaucoup de globulins incolores (3). TROISIÈME LEÇON. § 7. — M. Jones a constaté que le sérum du sang est d'une couleur jaune d'or chez diverses Tortues, telles que VEmys terrapin, VE. reticulata et (1) Investigations, Chemical and Physiological, Relative to Certain American Vertebrata, by Joseph Jones (Smithsonian Contributions to Knoivledge, 1850, vol. VIII). (2) Jones, loc. cit., p. 29. (3) ld., ibid.,ç. 32. 5-26 AUDITIONS. VE. serrata (1). Chez le Testudo Polyphemus, ce liquide est jaune pâle. Le même auteur a également observé une couleur jaune d'or dans le sérum du Cathartes atratus (2). § 10. — M. Jones a remarqué des différences assez grandes dans la persis- tance de la coagulation du sang chez les divers Vertébrés. Ainsi chez les Poissons ce liquide se prend en gelée très promplement, mais les caillots ne tardent pas à se liquéfier de nouveau. Chez le LepisosteiXs osseus, le caillot n'a que très peu de consistance, et dans un cas s'était déjà redissous au bout de vingt minutes, de façon à laisser les globules hématiques se déposer libre- ment au fond du vase. Chez le Trygon sabina, Les., de la famille des [laies, le caillot était d'abord assez consistant ; mais au bout de fort peu de temps il avait complètement disparu. Le sang du Marteau (Zygœna maliens, Val.) a présenté la même série de phénomènes dans l'espace de quelques heures (3). Le sang de la Rana catesboeana se comporte de la même manière : dans l'espace de quelques heures le caillot se redissout et les globules hématiques deviennent libres (/i); mais chez les Ophidiens et les Chéloniens ce phénomène de redissolution delà fibrine ne s'observe pas (5). Chez les Chéloniens le sang se coagule avec assez de lenteur pour que les glo- bules hématiques puissent se déposer au fond du vase avant la réalisation de ce phénomène, et il se produit au-dessus un caillot transparent (6). QUATRIÈME LEÇON. § 16. — M. Jones a constaté qu'en traitant le sérum du sang de la Chelo- nura serpentinapar de l'acide sulfuiïque et en chauffant doucement, on y déve- loppe l'odeur musquée qui est propre à cette Tortue (7). Chez le Testudo Polyphemus, cette réaction est accompagnée du développement d'une odeur dif- férente qui est également propre à cet animal, et qui rappelle celle du suint de Mouton (8). L'odeur musquée et fort désagréable qui se remarque chez le Cathartes atralus, se retrouve aussi dans le sang de ce Vautour, cl s'exalte beaucoup par l'action de l'acide sulfurique (9). Il est donc probable que chez tous ces Animaux, de même que chez la Chèvre, le principe odorant du sang est un acide gras volatil plus ou moins analogue à l'acide caproïque (10). (1) Jours, Op. cit., p. 13. (2) kl., ibid., p. lfi. (3) Kl., ibid:, p. 0. (i) Id., ibid., p. 8. (5) Id., ibid., p. 37. (6) U.,ïbid., p. il, 14. (7) IH., ibid., p. 12. (8) Id., ibid , p. 15. (0) Id., ibid., p. 10. (10) Voyez ci-dessus, page 192. ADDITIONS. 527 CINQUIÈME LEÇON. § 5. — M. Jones a fait une série intéressante d'analyses du sang à l'état nor- mal chez un certain nombre de Poissons, de Batraciens, de Reptiles, etc. L'au- teur compare les résultats ainsi obtenus avec ceux auxquels MM. l'révost et Dumas, Nasse, Amiral, etc., étaient arrivés, et il en tire des conclusions qui s'accordent parfaitement avec les vues exposées ci-dessus (1), touchant la richesse relative du sang chez les animaux supérieurs et inférieurs. En effet, il établit : que c'est chez les Invertébrésque la quantité relative de matières solides contenues dans le sang est le plus faible; que parmi les Vertébrés, ce sont les Poissons, les Batraciens et les heptiles aquatiques qui ont le sang le plus pauvre : enfin qu'en général le sang est d autant plus riche en principes organiques que l'animal est pourvu d'organes mieux constitués, que sa température est plus élevée et que ses facultés sont plus développées (2). Mais, ainsi que je l'avais prévu, il est une autre circonstance qui exerce éga- lement une influence assez grande sur les proportions d'eau et de matières solides contenues dans le sang, savoir : la quantité, plus ou moins grande d'eau que l'animal introduit dans son organisme sous la forme de boisson (3). M. Jones a fait sur ce sujet une série d'expériences très intéressantes, dont je rendrai plus amplement compte on traitant de la nutrition, et il a constaté que lorsqu'un animal est privé de boissons aussi bien que d'aliments, la quantité d'eau contenue dans son sang diminue plus rapidement que ne le font les maté- riaux solides de cet agent nourricier. 11 en résulte une concentration du sang, qui est d'autant plus grande que les pertes par évaporation et par sécrétion ont été plus considérables (A). Du reste, pour bien comprendre ce. qui se passe dans ces phénomènes complexes, il est nécessaire de tenir également compte de la quantité totale de sang que l'organisme possède. En eflet, on voit par les expé- riences de M. Jones, faites principalement sur des Alligators et des Tortues, que chez les Animaux soumis à l'inanition la masse du sang diminue beaucoup, et que, malgré l'augmentation dans la richesse apparente de ce liquide, la quantité de globules hématiques et d'autres substances solides en circulation s'abaisse rapidement. Ces résultais nous expliquent l'anomalie qui s'observe dans la constitution normale du sang des Serpents, chez lesquels M. Jones a trouvé ce liquide aussi concentré que chez les Vertébrés supérieurs ; en effet, ces animaux ne boivent presque jamais, il est aussi à noter que les espèces sur lesquelles ce physiolo- (1) Voyez ci-dessus, page 227 cl suivantes. (2) Jones, Op. cit., p. 26. (3) Voyez ci-dessus, page 232, noie 1 . (4) Jones, Op. cit., p. 68. 528 ADDITIONS. giste a fait des expériences sont remarquables pour la rapidité et la vigueur de leurs mouvements. Le tableau suivant renferme les principaux faits constatés par cette série d'analyses, portant sur 1000 parties de sang : NOM DE L'ANIMAL. Zygœna malleus Lepisosteus osseus . . . . P>ana pipiens Heterodon platyrrhinos. . Heterodon niger Psammophis ilagelliformis Coluber constrictor. . . . Chelonia caret la Chelonura serpentina. . . Emys terrapin Emys reticulata Emys serrata Tesludo Polyphemus. . . Alligator mississippiensis . Ardea nyclicorax Syrnium nebulosum. . . . Gathartes atratus Chien GLOBULES SANGUINS turgides. Poids total. 293,44 229,00 450,12 444,84 270,40 488,80 469,20 289,52 235,40 447,28 372,00 336,76 393,56 364,08 315,84 427,36 626,88 363,6a 322,76 Eau. 220,08 171,75 337,59 333,63 202,80 366,60 351,90 217,14 176,55 335,46 279,00 252,57 302,67 273,06 236,88 320,52 470,16 197,53 242,07 Mat. solides 73,36 57,25 H2,53 111,21 67,60 122,20 117,30 72,38 58,85 111,82 93,00 84,19 90,89 91,02 78,96 106,84 156,72 65,91 80,69 Poids. PLASMA. Eau. 706,56 771.00 549,88 555,16 729,60 511,20 530,80 710,48 764,60 552,72 628,00 663,24 606,44 635,92 684,16 572,64 373,12 736,36 677,24 641,06 714,95 494,92 499,61 657,77 451,70 436,73 662,05 718,45 509,82 567,98 622,84 5Zi0,71 550,80 636,01 519,14 329,01 613,14 564,45 Mat. solides. 65,50 56, Oo 54,96 55,55 71,83 59,50 94,07 48,43 46,15 42,b0 60,02 40,40 65,73 85,12 48,15 53,50 44,11 125,22 112.79 SIXIÈME LEÇON. § 1. — M. Jones a fait quelques expériences sur la quantité de sang existant dans l'organisme chez divers Vertébrés inférieurs, et les résultats auxquels il est arrivé concordent très bien avec les conclusions déduites des recherches de ses prédécesseurs (1). 11 évalue la masse du fluide nourricier par la quantité qui s'en écoule de l'organisme lorsqu'on ouvre les gros vaisseaux du cou, et qu'on favorise l'hémorrhagie par la position verticale du corps, la tête en bas. En pro- cédant de la sorte, le poids du sang a été entre : ~ et ~ du poids du corps chez les Serpents ; îV à ~ » chez Y Emys terrapin; îY à 57 » chez l'Emys serrata; if à -2~ » chez le Testudo Polyphemus. (1) Voyez ci-dessus, page 313. ADDITIONS. 529 Il en conclu que « le sang est beaucoup moins abondant chez les Vertébrés à sang froid que chez les animaux à sang chaud \V: » § 8. — M. Jours a remarqué des altérations très considérables dans la con- formation des globules hénuitiqnes chez les Torlues qu'il avait asphyxiées clans du gaz acide carbonique. Ces corpuscules étaient non-seulement frippés, mais avaient complètement perdu leur forme ellipsoïde et présentaient l'aspect le plus bizarre. Par Faction de. l'acide acétique le noyau redevint visible, et ne parais- sait pas avoir été altéré (2). M. Jones a obtenu des résultats analogues par l'in- fluence de l'asphyxie dans l'hydrogène et même par la strangulation, tant chez VEmys terrapin que chez VEmys serrata (3j, mais il n'a vu rien de semblable chez les Vertébrés à sang chaud. Chez le Coluber guttatus et le Rana pipiens, asphyxiés par l'oxyde de carbone, le sang était d'un rouge vermeil très vif, et les globules ne paraissaient avoir subi dans leur forme aucun changement notable (U). HUITIÈME LEÇON. § 6. — Un médecin anglais, M. G. Harley, vient de publier des expériences sur l'action de l'air sur le sang, dont les résultats lui paraissent en opposition avec les vues de AJ. Magnus sur la dissolution de l'oxygène dans ce liquide, et par conséquent avec la théorie de la respiralion exposée dans celle leçon. L'auteur agite une certaine quantité de sang de Bœuf avec de l'air jusqu'à ce que le liquide, dit-il, se soit saturé d'oxygène ; puis il le renferme dans un vase gradué avec un volume égal d'air atmosphérique, et après avoir laissé les choses dans cet état pendant vingt-quatre heures, il analyse les gaz, et il trouve tou- jours que l'oxygène de l'air a diminué d'environ moilié, tandis que de l'acide carbonique a été dégagé, mais en proportion telle, que son oxygène ne corres- pond qu'à environ la moilié de l'oxygène absorbé. Un résultat analogue fut obtenu avec du sang déûbriné, et M« llarley en conclut que l'oxygène se com- bine chimiquement avec le sang, non-seulement pour donner naissance à de l'acide carbonique, mais aussi pour former avec l'hydrogène ou quelque autre principe combustible de ce liquide des produits non gazeux. Enfin il ajoute que, si dans le phénomène de la respiration, l'oxygène était simplement dissous dans le sang, comme l'admet _M. Magnus, rien de semblable n'aurait dû se produire, puisque ce liquide avait été au préalable saturé de ce gaz. Je ne doute en aucune façon de l'exactitude des analyses de M, Harley, et je (1) Jones, Op. cit., p. 22. (2) Id., ibid., p. 33. (3) Id., ibid., p. 36. (4) Id., ibid., p. 34. (5) On the Condition of the Oxygeti absorbed into the Blood during Respiration, by G. Harley {lond. Edinb. and Dub. Philosophical Magax-in, 4e série, décembre 1856, vol. XII, p. 478). i. 67 530 ADDITIONS. suis persuadé qu'en effet le sang, de même que les tissus organiques, est sus- ceptible d'entrer en combinaison avec l'oxygène, et de fournir ainsi, entre autres produits, de l'acide carbonique : lorsque nous étudierons les phénomènes de combustion physiologique dont l'organisme est le siège, nous verrons en effet que des réactions de ce genre se manifestent partout. Mais cela ne prouve en aucune façon que, dans l'acte de la respiration, l'oxygène absorbé ne soit d'abord dissous dans le sang ou fixé dans ce liquide par le jeu d'affinités très faibles, et ne s'y comporte comme s'il y était à l'état de liberté, fait qui est d'ailleurs mis bois de doute par les expériences dans lesquelles M. Magnus a déterminé le dégagement de ce gaz ainsi emprisonné. La présence d'une certaine quan- tité d'acide carbonique dans l'air, en contact avec le sang aéré, ne prouve pas davantage la non -préexistence de l'acide carbonique dans le sang qui vient respirer, et l'exhalation de ce gaz par l'action des forces physiques seule- ment. Le travail de M. Harley n'ayant encore été publié que par extraits, je ne saurais bien apprécier le jour nouveau que ses expériences peuvent jeter sur l'importance des phénomènes de combustion dont le sang lui-même est le siège pendant le trajet de ce liquide fie l'appareil respiratoire jusqu'au système capil- laire général, où il perd sa teinte vermeille et paraît se charger d'acide carbo- nique. Mais, quoi qu'il en soit à cet égard, les résultats consignés dans le Mé- moire de ce physiologiste ne me semblent infirmer en rien d'essentiel la théorie des phénomènes respiratoires exposée ci-dessus et fondée sur les expériences de W. Edwards et de M. Magnus. Je dois ajouter que M. Harley a constaté aussi la faculté que possède la fibrine fraîche d'absorber une certaine quantité d'oxygène, et de dégager de l'acide carbonique, fait qui du reste n'était pas ignoré des chimistes (I). On lui doit aussi des expériences sur l'action que l'oxygène exerce sur l'albumine, l'hématosine, etc., et lorsque nous étudierons les phénomènes de combustion organique qui constituent en quelque sorte la deuxième période du travail res- piratoire, nous reviendrons sur ces recherches, dont l'intérêt est considérable. (i) Voyez ci-dessus, [>. 155 et 160. FIN DU TOME PREMIER. TABLE SOMMAIRE! DES MATIÈIIES. <» PREMIERE LEÇON. INTRODUCTION. Sujet du cours 1 Nature des phénomènes à étu- dier 2 Plan du cours 4 Méthode d'exposition 7 Utilité des théories 9 Méthodes d'investigation Il Étendue du sujet 11 Notions préliminaires 12 Tendances de la Nature dans la constitution des animaux 12 Diversité des êtres 12 Loi d'économie 13 Perfectionnement inégal des Ani- maux 13 Sources de supériorité !5 Influence de la masse 15 Loi d'accroissement l(i Répétitions organiques 16 Perfectionnement par la division du travail 10 Conséquences anatomiques de cette division 20 Complications organiques 20 Mode d'obtention des instruments spéciaux 21 Emprunts physiologiques 21 Créations organiques spéciales . . 21 Relations entre les fonctions et les instruments 22 Substitutions physiologiques. ... 23 Coordination des actes 23 Subordination physiologique. ... 24 Centralisation des forces 25 Diversité des types zoologiques. . 25 Adaptation d'un même type à des conditions d'existence variées. 27 Termes zoologiques correspon- dants 27 Diversité par arrêt de développe- ment £8 Réfutation de l'hypothèse des transmutations spécifiques... 29 Tendances embryogéniques 30 Résumé 33 DEUXIÈME LEÇON. ÉTUDE DU SANG 3b' Animaux à sang rouge et à sang blanc 37 Étude microscopique du sang des Animaux vertébrés 38 Découverte des globules sanguins. il Tonne des globules rouges 46 Volume des globules rouges 48 Rapports entre la petitesse de ces globules et l'activité respira- toire 53 Additions ( note 2) 473 Structure des globules rouges. . . 62 Additions 525 Noyau des globules 63 Téguments des globules 66 Globules blancs 71 Additions 525 Globulins 71 Globules plasmiques ou lympha- tiques 72 Additions 525 Distinctions à établir parmi ces globules incolores 75 Vitalité des globules sanguins : ce sont des organiles 81 Tableau des dimensions des glo- bules rouges 83 TROISIÈME LEÇON. Sang des animaux invert: bues. Couleur de ce liquide 91 92 (1) Une talile générale par ordre alphabétique sera placée à la fin de l'ouvrage. 532 TABLE SOMMAIRE DES MATIERES. Sang blanc de quelques Verté- brés 93 Sang des Mollusques 96 Sang des Insectes 98 Sang des Crustacés, etc 99 Mouvements sarcodiques des glo- bules du sang chez les Inverté- brés 102 Sang des Vers 104 Dégradations du fluide nourricier dans les rangs inférieurs du Règne animal 109 Sang proprement dit 110 Sang séreux, ou fluide cavitaire. 110 Sérochyme 110 Résumé 111 Coagulation du sang 114 Principe coagulable 115 Source de la fibrine du caillot. . . 117 Distinction entre le sérum et le plasma 123 Séparation du sérum 124 Additions 526 Rapidité de la coagulation 125 Couenne du sang 126 Circonstances qui influent sur la coagulation du sang 128 Coagulabilité du sang blaDC . . . 137 Résumé 137 QUATRIÈME LEÇON. Composition chimique du sang... 140 Historique des travaux relatifs à ce sujet 140 Nature des matériaux du sang des Vertébrés 148 Eau 149 Matières albuminoïdes ou pro- téiques 149 Fibrine 157 Albumine 164 Matières extradées 168 Caséine soluble ou albuminose. . 168 Globuline 171 Hématocristalline 173 Hémalosine 176 Matière constitutive des parois des globules 180 Nucléine 182 Caséine insoluble 183 Matière colorante jaune 183 Résumé relatif aux principes al- buminoïdes 184 Matières grasses 187 Cholestérine Cérébrine Acides gras Oléine et stéarine Séroline Cholate de soude Acides gras volatils Additions - Matières sucrées ; glucose Matières salines Matières accessoires Urée Acide urique Acide hippurique Acide lactique Créatine Matières gazeuses Matériaux problématiques Matières anormales Composition du sang des Inverté- brés Résumé de la composition chi- mique du sang CINQUIÈME LEÇON. Analyse quantitative de ce li- quide Méthodes d'analyse chimique. . . Analyse mécanique Méthode chromométrique Résultats généraux Composit. du sang de l'homme. Répartition des matières consti- tutives Composition du sang des ani- maux Additions Richesse relative de ce liquide. . Proportion d'eau Proportions des globules et du sérum chez les divers animaux. Variations individuelles Différences suivant les sexes. . . . Différences suivant l'âge Différences suivant les tempéra- ments Influence de la gestation Influence de l'état pléthorique. . Influence de l'état anémique. . . . Influence des émiss. sanguines. . Iufluence du régime Résumé relatif à la proportion des globules Variations pathologiques 187 188 189 191 191 192 192 526 193 195 199 199 200 201 201 201 202 202 203 207 210 212 213 220 221 221 222 225 227 527 228 228 231 234 235 242 245 246 247 248 249 252 253 254 TARLE SOMMAIRE DES MATIERES. 533 Proportion de fibrine 238 Variations pathologiques 260 Influence des émissions sanguines. 264 Variations dans les divers vais- seaux 203 Application de ces faits à la théo- rie de la production ci de l'éli- mination de la fibrine 266 Variations dans la quantité d'al- bumine 273 Variations dans la proportion de caséine, etc 279 Variations dans la proportion des matières grasses 280 Piarrliémie 283 Variatious dans les proportions des matières salines 287 Chlorure de sodium 288 Phosphates terreux, etc 290 Répartition des matières miné- rales dans les globules et le plasma 293 Fer 294 Variations dans les proportions d'urée 296 Mode de dosage de celte sub- stance 296 Produits ammoniacaux dans le sang 298 Présence de l'acide urique en quantité notable dans le sang. 299 Variations dans la quantité de sucre contenue dans le sang. . 300 Mode de dosage de cette sub- stance 300 | Diabètes 303 Matières dont l'existence dans le sang est anormale 303 Résumé 304 Tableau n" 2. Composition chi- mique du sang de divers ani- maux 307 SIXIÈME LEÇON. Quantité de sang contenu dans l'organisme 308 Évaluation par l'hémorrhagie. . . 309 Évaluation par la méthode de Valeutin 310 Évaluation par la méthode de Welcher 313 Évaluation par la méthode de Vierordt 313 Additions 528 Rôle physiologique du sang 317 Effets de l'hémorrhagie 317 Effets de l'interruption de la cir- culation 319 Expériences sur la transfusion. . 320 Démonstration de l'importance physiologique, des globules . . . 323 Effets divers du sang provenant d'espèces zoologiques différen- tes 325 Propriétés physiologiques de la fibrine 327 Durée de l'existence des globules. 329 Destruction des globules 331 Additions 529 Influence de la rate sur ce phé- nomène 333 Renouvellement des globules . . . 337 Origine des globules 338 Production des globules chez l'embryon 339 Globules primordiaux 339 Multiplication par fissiparité .... 342 Formation des globules typiques chez l'embryon 343 Rôle du foie dans ce phénomène. 34 3 Production des globules chez les Invertébrés 347 Production des globules chez les Vertébrés adultes 348 Origine des globules incolores. . . 348 Influence des matières grasses sur ce phénomène 349 Influence de la rate sur cette production 352 Développement des globules rou- ges 354 Comparaison du sang veineux et du sang autériel 359 Caractères physiologiques 360 Différences chimiques 361 Gaz contenus dans le sang 368 Transformation du sang veineux en sang artériel, et vice versa. 369 Autres modifications du sang daus l'organisme 373 SEPTIÈME LEÇON. DE LA RESPIRATION 375 Série de découvertes qui ont con- duit à la connaissance de la nature de ce phénomène phy- siologique 375 Nécessité de la respiration 375 53/l TABLE SOMMAIRE Remarques d'Aristote sur la res- piration des animaux terrestres et aquatiques 376 État de la science au xve siècle. . 377 Découverte de. diverses sortes de fluides aériformes faite par Van Helmont 378 Applications de ces f.iits à la théo- rie de la respiration 380 Expériences de Doyle sur la né- cessité de l'air pour tous les animaux 381 Expériences de Bernoulli sur le mode de respiration des Pois- sous 382 Observations de Malpigtii sur le mode de respiration des In- sectes 383 Résumé 384 Altérations de l'air par la respi- ration 384 Expériences de Hookc sur la res- piration artificielle ......... 38a Observations de Fracassati rela- tives à l'action de l'air sur le sang 386 Expériences de Lower sur le siège de l'artérialisation du sang. . . 387 Expériences de Mayow relatives au principe vivifiant de l'air. . 388 Origine de la chimie pneuma- tique 391 Découverte de la production de l'acide carbonique dans l'acte de la respiration, par Black. . . 393 Découverte du mode de respira- tion des plantes, par Priestley . 396 Découverte de l'air vital , ou oxygène , par Priestley 398 Découverte de l'azote 398 Action de l'oxygène sur le sang à travers les membranes iOO Travaux de Lavoisier 400 Théorie du phlogistiquc régnant à cette époque 401 Découverte de la composition de l'air, par Lavoisier 405 Expériences sur les phénomènes chimiques de la respiration des animaux 405 Nature de l'acide carbonique. . . . 406 Assimilation de la respiration aux phénomènes de la combustion . 406 Découverte de la composition de l'eau par Cavendish et Lavoi- sier UO DES MATIERES. Théorie de la respiration donnée par lavoisier 413 Généralisation de ces résultats relatifs à la nature-des phéno- mènes de la respiration 414 Expériences sur l'action de divers gaz comparés à l'oxygène .... 417 Nature du phénomène de l'as phyxie 417 Résumé des bases de la théorie des phénomènes de la respi- ration 419 HUITIÈME LEÇON. Siège de la combustion physiolo- gique 421 Opinion de Lavoisier 422 Hypothèse de Lagrange . 423 Expériences de Spallanzani 426 État de la science vers 1820. . . . 428 Expériences de W. Edwards.. . . 429 Il établit que la respiration con- siste en un phénomène d'ab- sorption et d'exhalation 430 Preuves de l'exhalation de l'acide carbonique 431 Confirmation de ces résultats par les expériences de Collard de Martigny, Millier, etc 433 Théorie des phénomènes de la respiration donnée par W. Ed- wards 436 Source de l'acide carbonique ex- halé 437 Expériences de M. Magnus sur la présence de l'acide carbonique et de l'oxygène libres dans le sang. 439 Application des découvertes de M. Magnus à la théorie de la respiration 44i Objections faites par Gay-Lussac. 448 Réponse de M. Magnus 448 Autres preuves de l'absorption des gaz par le sang 450 Absorption accidentelle de divers gaz par les organes respira- toires , et présence de ces gaz dans le sang 451 Expériences de Nyslen sur l'ex- halation des gaz mêlés au sang. 452 Conclusions 454 Additions 529 Des forces qui déterminent l'é- TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES. 535 change des gaz entre le sang et l'air inspiré Théorie de M. Yierordt Lois des mélanges des gaz et des liquides Application de ces lois aux phé- nomènes de la respiration. . . . Hypothèse de MM. Brunner' et Valentin relative à l'échange des gaz d.ins les poumons. . . . Etude de l'état sous lequel l'acide carbonique se trouve dans le sang De l'état dans lequel l'oxygène se trouve dans le sang Rôle des globules dans la fixation 22 523 525 ERRATA Page 28, note 2, Analomie physiologique, lisez Anatomie philosophique. Page 102, note b, sang des Annélides, lisez sang des Arachnides. Page 175, noies, Scheerer, Usez Scherer. Page 193, ligne 8, Herry, lisez Henry. Page 207, notes, Scheerer, lisez Scherer. Page 283, ligne 11, pyarhémie, Usezpiarrhémie. Page 284, note, ligne 18, pyarhémique, Usez piarrhémique. Page 396, note a, Phil. Trans.% 1762, lisez 1772. m '^vVvv>? éWv' J Sd9 v.l . s