LE PARFAIT

CHASSEUR,

POUR V INSTRUCTION

des perfonnes de qualité ou autres qui aiment la Chafle , pour fe rendre capables de cét exercice apprendre aux Veneurs Picqueurs, Fauconniers’ Si Valets de Chiens à fervir dans les grands Equipages.

Il donne avis & enfèigne aux perfonnes de toutes for- tes de conditions , quels Equipages leur font con- venables , fuivant la dépenlê qu’ils veulent faire - ies maniérés de rendre les Pigeonniers & les Ga- rennes fécondés } les balles Courts remplies de Volailles avec peu de dépenfe; les Etangs abondans en poifl'on , & pour empefeher les voleurs de nuit dans lefdits Etangs & les Garennes.

Il inflruit pareillement des remedes pour la guéri- fon de toutes les maladies qui arrivent aux Chiens , des moyens pour leur faire éviter la ra<tea & de toutes les choies les p us curieulès touchant cet Exercice de la Cha/Te, dont le Leéicur pourra faire un très- grand profit.

Par Mr D

A P A R I SF

Chez GiBRiti Qu r n i t , au Palais, à l’entrée de la Galerie des Prifonniers, à l’Ange Gabriel.

IN C O

M. DC. L XXX III. ■AVEC PRIVILEGE DV ROT,

AUX ILLUSTRES

CHASSE VRS-

E longue expérience , MESSIEURS , & l intelligente parfaite que vous avez^ acquis de ce noble Exercice de la Chaffe vous obligera fans doute d avoiier avec moi , que comme les chofes de ce monde ne font recherchées des hom- mes les plus éclaire ^ , qu autant qu'elles fervent à leur gloire , a leur utilité ou leur plaifr 3 on peut dire qne ce fameux Exercice efi préfé- rable à tous les autres divertiffe - mens , puis qu'on y rencontre en

*>i

E P I S T R E.

piefme temps ces trois grands avan- tages .

l'efpere , MESSIEURS , que vous ne me refuferetgpas le fecours que je vous demande pour foùtentr cette vérité , fuis que nous y fom- mes également interreffe sg, & que ce noble Exercice de la chajje efiant l'objet par le moyen duquel vous fignalez^ journellement votre courage & votre adrcjje , la reconnoifjance vous engage d au- tant plus à lui rendre cette jujiice, que vous lui efies redevables de votre gloire & de votre réputation.

Fortifiez^ donc le parti des Elo- ges qu'il mérité -, & fout en erg

avec moi que t on a eu raifon de nommer ce fameux Exercice le prélude de la Guerre , & l’Ecole fe forment les braves Guerriers & les Héros -, puis qu'en le pra- tiquant on acquiert de la force & de l'adre/fe , & qu'un homme aç-

E P I S T R Ë. Cotiîums a la C baffe efi incompa- rablement plus propre a fupporter les fatigues de la Guerre quun autre nourri dans la faine antife & dans la molefe .

Il n efi pas difficile 3 M ESSI EVRS , de perfua - dcr l utilité de ce noble Exercice y lequel diffipant les humeurs fuper- flues conjerve le précieux trefor de la fante , qui efi le plus grand de tous les biens 5 & fans lequel on ne peut trouver aucun autre plaifir au milieu des honneurs , & dans le comble des ri chef es 3 puis quil efi vrai que pour fe bien porter , il efi neceffaire de faire fucceder tour a tour le repos au mouvement 5 & qu un Chajfeur efi moins fujet quun autre aux maladies 5 puis qu apres avoir fatigué toute la journée il mange avec beaucoup plus dl appétit le Gibier quil a tué, & quil jouit enfuit e d un tranquille femme iL a iij

E P I S T R E.

Il efi confiant d'ailleurs qu'on ne fçauroit ajfez^ efiimer ce glorieux Exercice de la Chajfe far l'utilité qu'il avorte de fournir les Villes de Gibier 3 S" cc’le d'eftre le mo- tif de la libéralité avec laquelle les grands Seigneurs attirent che ^ eux les Gentilshommes far la bonne chere & leurs bonnes tables qui entretient l'union & la focietè , avec leurs voifins 5 on tombera d'accord que les intelligens & illufires Chaffeurs comme vous cfies peuvent tirer un revenu confiderable dans leurs terres , bois & marais au paffage des Ortolans & des Cailles , par les tentes à Beccaffes & Par hs Ca- nardieres.

Après cela , M ESSIEVRS, je dirai touchant le plaifirde la Chajfe qu'il l'emporte au deffus de tous les autres divertiffemens , & qu'il ne laife rien à defirer , puis que la

E P I S T R E.

veuë fe trouve fatisfaite , confide- rant les campagnes (fi les déli- cieux p f âge s qu'on parcourt en peu de temps , le bruit des Cors qui excite le courage & la fierté des Chevaux & l' aboyement des Chiens remplirent l’oreille d'un fon agréable j & jofie afiurer que l'ef- prit avec les fiens partage cet agréa- ble divertijjement , lors quel confi- ât re les rufes dont fe fert la Bète que les Chiens pourfuivent pour con- ferver fa vie qui donnent occafion d admirer les effets de l' infiinci qui la guide (fi lui fait imiter la raifon , qui n'efi refervée qu'à l'homme.

lugeg', MESSIEURS, fi on peut s' ennu'ier dans une fi grande variété de plaifirs innocens que ce noble Exercice excite. Avouez^ avec moi qiiil efl ennemi de la mélan- colie, qu'il fait naître la joye (fi la liberté de l’ efprit , (fi qu'on ne

E P I S T R E.

le fiauroit affez^ eflimer fi l'on fait réflexion qu'il s'eft rendu digne de l'occupation des plus grands Saints & celle des plus iüuftres Perfon- nages de l antiquité.

le finis , MESSIEURS, en vous conjurant de ne confiderer en ce petit difcours que l'affetlion que j' 'ay pour la gloire de ce noble Exer- cice de la Chajfe , dans l’efperance que vous excuferez^ les fautes que j'y ay commises , & que vous agreerez^ la forte patjîon 3 avec la - quelle je fuis tout à vous.

PREFACE-

E s Auteurs qui ont fait des Livres de Chafîe, 8c qu'ils ont amplifié de trop de ma- tières inutiles % ont fait adés voir qu’ils ont eu plutôt intention de divertir & réjouir les Le&eurs ; que de les inftruire , & qu’ils ont plus travaillé fur de foibles & de faux mémoires que par des expériences, puis qu’ils ont groiïï leurs Traités de plu- fieurs chofes qui ne regardent ni l'art ni la fcience de bien ChalTer.

Il n’y a rien de plus aifé que de paroître fçavant Chafleur par les pa- roles ; mais il eft très-difficile de l'ê- tre en eff-t ; & fi les actions de la ChafTe ne font conduites 8c fecourues par de longues expériences , ou du moins par des imprefltons tres-preci- fes 8c fi claires qu'elles ne laiffent au- cun doute dans les efprits , ils ne par*

PREFACE.

viennent jamais à une grande per- fection. Le dire & le faire font fi éloignés de cet Art , qu’on voit peu de beaux & grands parleurs y pafler pour Maîtres.

L'a&ion feule accompagnée de ju- gement & de retenue fait juger du fçavoir du bon Chafleur.

Sur ce principe reçu de tous , l’on peut dire qu'il eft mal aifé de tirer de bonnes inftruéfcions des Livres de ChalTes ornés & groflîs de matières inutiles &c pleins d'omiflïons de cho4 fes neceilaires & eflentielles.

J'en ay remarqué par tout de fi im4 portantes, que cela m’a engagé de réduire en ce petit Traité ( veu la beauté & lanob'efie du fujet) toutes les Chafies neceflaires avec une mé- thode fi facile pour toutes fortes de conditions, que ceux qui s’v voudront occuper trouveront dequoi fe fatis- faire , foit pour la dépence des équi- pages , foie pour l’épargne & le mé- nage qu’on y voudra faire.

Le plaifir de la Chafie a efté de tout temps fi commun à toutes les Nations , & à tous les Peuples de la

PREFACE.

terre , & a tellement poiïedé les ef- prits des hommes, que Ton pourroit raifonnablement croire que c’eft une qualité naturelle comme adhérante à leur propre nature. Son antiquité femble en eftre la preuve , puis que les premiers hommes s’y font tou- jours exercés ; que les plus Grands s’y font toûjours divertis j que les Rois mefmes en ont fait leurs plus familiers plaifirs , & que les plus fau- vages n’ont point d autre occupa- tion.

Et pour dire le vrai , quand le pre- mier Homme fur déchu de la grâce par fa defobeïflance, au mefme inftant toutes fortes de joye l’abandonne- rent, & fa nature fut tellement fou- rni fe aux incommodités d’une vie la- bo rieufe , qu’il ne lui refta plus aucune marque du premier bon- heur il avoit été conftitué , que la préémi- nence de prédomination qui lui avoit été donnée fur tous les animaux de la terre ; & femble qu’en ce miferable état réduit à vivre à la fueur de fou corps , il falut de neceflité que la Chafie fut fon unique confolation , 8c

PR EF A CE.

le feul plaifir qu'il pût prendre pour divertir le temps de fon oyfiveté , pour deux rations principales : l'une pour maintenir cette fuperiorité & cette domination fur les animaux, dont il avoit été honoré dans fon état d’innocence , & Pautre pour fe- courir fa vie de chercher dequoi s’a- limenter.

Auffi voyons nous dans les Livrés fàcrés que les premiers Hommes étoient Chafieurs, êc leurs fuivans* comme Samfon qui brûla les bleds des Philiftins par le fecours des Re- nards qu’il prenoit , leur attachant des fhmbleaux ardens à la queue , & les laifTànt courir à travers de leurs bleds»

Que David alloit à la Charte des bêtes qui attaquoient les troupeaux de fon pere , & qu’il chartoit les Cerfs , puis qu’il a (Pure que ces ani- maux cherchent Peau quand ils font fuivis.

Que les enfans d’Ifraël chartoient dans le defert , & que les anciennes hiftoires font foi que la Charte étoic le plaifir des Rois & des Princes , & qu’en ce fiecie tous les Rois & Po-

PREFACE.

tentats n’ont point de plus familier divertidement.

Cette confideratiôn jointe à la fanté que 1 on rencontre dans cet exercice, de à la joye qu’elle produit qui eft un prefervatif contre les defordres que la pareife , le repos & le manque d’exer- cice caufe dans la fanté, jointe à la ré- création qu’on y prend Sc toutes les uti- lités qui en proviennent, m’a engagé à faire une defeription generale de toutes les Chaflès qui fe pratiquent, Sc qu’on peut faire dans toutes les parties de l’Univers, & la diverfiré des Pais qui y font contenus, afin que chacun en particulier puiflTe choifir celles qui çonviennent le plus à fou âge , à fes forces Sc à fes commodités, & à l’e- xercice qui lui peut eftre neceiTaire pour maintenir la bonne difpofition de fon tempérament.

Et comme toutes les a étions hu- maines n’ont pour but que le plaifant, l'utile & le neceiTaire , ainfi que j’ay montré ci-devant par de petites Ta- bles, j’ay crû que cet Ouvrage pour- toit eftre agréable au public, puis qu’il contient amplement ces trois chofes.

PREFACE.

Au refte j’invite la jeuneiïè & tous les grands Seigneurs de Cours Souve- raines de s’adonner à cet exercice , fuivant les foibles inftruétions & ob- fervations que j’ay faites durant foi- xante années que j’ay été nourri au- près d’un grand Roi qui a parfaite- ment aimé toutes les Chafles , aux- quelles il a reliffi fi admirablement bien, les ayant toutes pratiqueés fi royalement , que lefeul récit d’icelles caufe de l’admiration à tous ceux qui en entendent feulement parler.

Enfin, la Chafle , 1 amour & la guerre font les vrais véhiculés à porter les efprits genereux à toutes les gran- des a étions , & les rendre capables d’en fupporter les travaux.

TABLE

DES CHAPITRES

contenus en ce Livre.

Ch ap, I. T'N E la Chajfe aux Cerfs 3 U page I

Chap. II. De l'Ordre donné quand le Roy court le Cerf. p .

CHAr. III. Du laijfer courre . p. -j Chap. IV. Comme il faut parler aux Chiens. p9

Chap. V. Comme il faut fonner du

_ C°r. p. n

Chap. VI. “De la maniéré de fonner des anciens. pi ^

Chap. VII. Comme il faut aller au bois en tout temps , & de la de. meure des Cerfs. p- 20

Chap. VIII. Tes connoijfances. p.2# Chap. IX. Des rufes quand ils font courus. p> 39

Chap. X. Comme il faut requefter les c"fi- P. +7

TABLE

C HAP. XI. Du naturel des Cerfs & de leur rut. P- 53

Chap. XII. Des Chiens qu'il faut four courre le Cerf p. j6

Chap. XIII. Des équipages. p. 61

Chap. XIV. Comme il faut nourrir les

Chiens François. p. é$

Chap. XV. ZV la Chajfe du Chevreuil. p. 6S

Chap. XVI. De la Chajfe du Loup'. P- 75

Chap. XVII. De la Chajfe du San - glier. p. 7 S

Chap. XVIII. De la Chajfe du Re- nard. p. S 4

Chap. XIX. De la Chajfe du Lievre aux Chiens cour an s. p. 9 9

Chap. XX. Des rufes du Lievre , tant a fe gifler qu"a fe fauver. p. 119 Chap. XXI. De la Chajfe des Lévriers.

p. i?4

Chap. XX II. De la Levreterie. p. 159 Chap. XX1I1- Delà Chajfe des Tajfets.

P- >53 » _ .

Chap. XXIV. Te laFauconnene.p.169

Chap. XXV. Q>fl traite de toutes les Chajfes qu’on peut faire avec les filets. P* 19 <5

Des

DES CHAPITRES.

Tes Etangs y & de leur conferva - tion.

Des Garennes .

De leur multiplication & conferva- tion .

Des Oyfeaux de viviers & canard diers.

Des Garennes

Des Pigonniers .

Fin de la Table*

TABLE

Des quatre maniérés differentes qui fe pratiquent pour toutes les Chafles.

A force.

IL n’y a que les François , les An- glois &c les Polonois qui courent le Gibier à force avec des équipages de Chiens courans.

Avec Chiens .

Courans.

François.

Anglois.

De race Royale.

Baubis.

Bigles.

Trouveurs.

DES CHASSES.

Pour Cerfs ,

Chevreüils.

Lièvres.

Loups.

Sangliers.1

Renards.

Bievres.

Foynes.

Par François,

Anglois.

Polonois,

Avec Meutes.

Et équipages de Chiens courans , & de Valets entretenus.

Aux Lévriers .

Il n y a que les Nobles aufqueb cette Chafîe eft permifê.

H

Pour Lievres.

é ij

table

pour Loups.

Renards.

Sangliers.

Avec Vuautrais.

Qui font compofés.

Par Lévriers d’attache & Meute de Chiens, & équipages entretenus.

A l'Arquebufe .

Les Aüemans & les Italiens & les Efpagnols ne font que des Chaffes meurtrières aux battues, tiiquetracs5 à larquebufe &: aux filets.

Aux Chiens.

Couchans.

Braques.

Epagneux.

Barbets.

Baflets*

DES CHASSES.

Pour routes fortes d’ O y féaux & Quadrupèdes, grands & petit:.

Par toute l’Europe , & fur tout par les Allemans qui ne font que des Chafles meurtrières.

Au Triquetrac ou battues, àl’afTùft,' & à routailler.

Aux Filets .

La Chafle aux filets eft plus en ufage en Allemagne & Italie qu’en aucuns lieux de l’Europe , c’eft la Chaflè des Grands en ces lieux.

En France & en Angleterre l’on chafle plus noblement ; il n’y a que les roturiers qui chaflent aux filets en cachette, parce qu’elle eft défendue.

Aux Ailiers.

Panneaux.

Retz.

Bricolles.

Thoiles,

Collets.

Piégés.

Broyons.

JPour La fins.

Lievres.

Perdrix.

Cailles.

Becca fines.'

Fayfans.

Gelinotes.

Oyfeaux de paffage. Alloüettes.

Perdrix rouges. Coqs de brieres. Beccafles.

Bêtes puantes.

Dans les Bois .

Dans les grains* Aux marais.

DES CHASSES.

Aux tentes l'hyver.

Aux Furets.

Aux amorces pour tous O y (eaux comme Perdrix. Plouviers.

Vanneaux, foit aux bois, foi* en campagne.

Toutes ces Chaflès font ordinaire* ment par des Valets , ou perfonnes privées par toute l’Europe , mais prin« cipalement aux pais du Nort.

La Pefche.

Se fait par tout en l’Europe «le mefme façon , à fçavoir»

En la Mer.

Aux Lacs.

Aux Etangs.

Aux Rivières.

Aux canaux & refervoirs;

Par Sables.

Tremails.

yergueils & Eperviers: '

TABLE

Par Matelots & Pécheurs d’eau douce.

Par la permiflion en la Mer , & ®ux eaux douces par la permiflion des Seigneurs fur l'étendue de leurs Seigneuries.

Des Vicomtes.

il y a des Vicomtés établies?

table;

TABLE

GENERALE DES NOMS de tous les Chiens propres à la ChaiTe.

Les Chiens courans

C Haffent par la force de l’odorar, il y en a de plufieurs fortes , à fçavoir.

Chiens François de trois fortes « à fçavoir. 9

De race Royale.

De race commune.

De race niellée.

De petite race.

De BafTets.

La race Royale eft pour le Cerf.

La commune eft pour le Chevreîii!5 pour le Loup & pour le Sanglier.

La méfiée pour le Lievre,

a

TABLE

La petite pour le Lievre.

Les BaiTets pour le bois & pour terre?

Chiens Anglais

Sont de race Royale pour Cerfs ; Daims & Cuevreiiils.

Les Baubis , font pour Lievre , Re- nards & Sangliers.

Les Bigles, font pour le Lievre.

Les plus petits Bigles , font auflï pour le Lievre & pour chafler Lapins fur bois.

Les Lévriers

Sont de quatre fortes, & chaHent tous de vitelïe & non de 1 odorat.

Les plus nobles, font pour le Lievre.

Les meilleurs pour le Lievre , font en France, en Angleterre & en Turquie.

Les plus grands font pour courre le Loup , le Sanglier & le Renard , Sc toutes groiîès bêtes aux accous.

Les plus grands viennent d’Irlande & d’Ecoffè.

Les plus furieux font en Scythie pour garder le beftial.

Il y a en France de grands équipa-

DES CHASSES.

ges , & quantité de ces Chiens entre- tenus pour courre le Loup , Se mefme une charge de grand Louvetier.

Il y a encore un grand équipage en- tretenu pour courre le Sanglier, que Ton appelle le Vaultrait , avec une charge pour la commandera

Les petits Lévriers .

H y en a de deux fortes , qui font: pour courre les Lapins.

Les uns font Angîois , les autres Efpagnols 5e Portugais.

Les Anglois font de très petite race, fort beaux & ne courrent que les Lapins aux garennes.

La Charge de grand Veneur .

En France eft la plus confiderable de toutes , parce que fon pouvoir s’étend par tout , Se que lui feul doit rendre compte au Roy de toutes.

Les Efpagnols & Portuguais font plus grands 3 ils fe nomment Charnai- gres5ils chaffent de gueule, ils rident. Se forcent les Lapins dans les brouf- failles.

TABLE DES CHASSES,

Les Chiens de l' Arquebufe

Sont appliqués à plufieurs Chaffes.

Les Chiens couchans , font Braques <|ui arrêtent tout, chaffent de haut nez , les meilleurs font d’Efpagne.

Les Efpagnols font pour les Oyfeaux, chaffent le nez bas , & fuivent par le pied.

Les Griffons

Chaffent le nez haut, arrêtent tout 8c chaffent auffile nez bas * 8c fuivent par le pied mieux que tous les autres parles chaleurs, les meilleurs viennent d’Italie 8c de Piémont.

Les^Barbets frifez 8c à demi-poil fuivent tous par le pied , chaffent le nez bas quand le gibier fuit, 8c quand il demeure chaffent le nez haut 8C l’arrêtent, ils chaffent fur terre &dans Peau , leur principale nature eft de rapporter , ils font rudes au gibier 3 iesfrifés plus que les autres , mais tous font les plus fideles Chiens du monde* 8c qui ne veulent connoître qu'un Mai- tre, & ne le jamais perdre de veiië.

I

LE PARFAIT

CHASSEUR.

CHAPITRE PREMIER.

De la -Chajfe du Cerf.

B’Â u t a n T que la ChafTe du Cerf eft Royale , les Grands fe la font particu- lièrement refervée , défen- dant expreffément à toutes perfonnes de la faire que par leur permiffion t & les Rois de France en étoient fi curieux ., que dans toutes leurs Pro- vinces ils avoient créés des Charges de Rechafïëiü s de bêtes fauves , qu’ils •donnoientà des Gentilshommes vieux

A

i LE PARFAIT

Chaflêurs , avec des gages pour nourrie chez eux des Chiens cou- rans , qui ne fervoient que pour re- pouffer les bêtes écartées aux buif- fons jufques dans les Forefts -, & les y ayant rechaffées, ils dévoient rompre leurs Chiens à l’entrée.

Les Grands étoient fi curieux de cette chafle , qu’ils fe piquoient d a- voir à l’anvy les plus beaux équi- pages Se les meilleurs connoiffeurs , prenoient un fingulier plaihr aux rapports les plus juftes que leur fai- foient ceux qu’ils envoyoient aux bois, Se tenoient en grande eftime parmy eux, ceux-là qui reüfftffoient le mieux en leurs rapports. Ils leur faifoient l’honneur de biffer courre plus Couvent que les autres : ce qui caufoit entr’eux des jaloufies & des émulations de fe rendre les plus fça- vans en cét Art , jufqtfau point de rendre compte de tout ce qui fe pou- voit rencontrer dans leurs enceintes , lorsqu’ils alloient aux bois. Et vé- ritablement c’étoit le premier plaihr que les Grands recevoient en cette Chaffe, 5c d’examiner les rapports de

CHASSEUR. 5

ceux qui avoient approché le plus près de la vérité lors qu’on laifloit courre : Car il eft à remarquer qu’on ne le faifoit jamais que du Limier j 8c y eut-il vingt bêtes en une encein- te , 8c qu’elles fulTent forties tou- tes l’une après l’autre , perfonne ne difoit mot jufqu’à ce que le Cerf détourné fût donné par le Veneur qui en avoir fait fôn rapport. .

Il eft à remarquer que nul ne peut faire aucun rapport directement au Rov, qu’étant prefenté par le Grand Veneur, ou en fon abfence par quel- que Officier de la Vennerie , qui pre- fente ceux aufquels les quelles ont rfté diftribuées pour aller aux bois le foir auparavant , qui faifant leur rap- port, doivent ufer toujours du ter- me de : Je me croy avoir détourné on un Dagues, ou un jeune Cerf à fa pre~ miere , ou fécondé , ou troifiémc ou un Cerf de dix corps jeunement * on un Cerf de dix corps , ou un uieux Cerf , ou un grand vieuÆ Cerf Celuy qui fait le rapport doit avoir levé des fumées, 8c les prefenter. doit dire s’il y a quelque connoiflance

A ij

W-

LE PARFAIT

au Cerf qu'il a détourné ; s'il a le pied long, ou rond, courant partons pais -, parce que ces derniers font de grande force , Sc fouvent s'en vont de hautes erres fans prendre de relais, n'ayant aucunes refuites affe&ées, & fe fians fur leurs forces. C'eft pour- quoy quand il fe fait un rapport pa- reil , les Veneurs &c Piqueurs doivent toujours prendre le meilleur de leurs Chevaux, faire leur Meute plus forte 8c donner leurs plus fermes Chiens- parce qu'il arrive le plus fouvent que le Cerf fe fait prendre au bout de tres-îongues refuites fans prendre de relais. Mais auffi ne doit- on pas manquer de donner ordre à quelque relais de fuivre la Chafle autant que faire fe pourra , pour en cas de quel- que retour , avoir le temps de donner des Chiens , & changer de Che- vaux, s'il fe peut.

Ce qui fe peut faire dans les païs de buiiTons feparez : mais dans de grands fonds de Forêts Sc dans de tres-grandes fuites, c’eft hazard qu’ils puiftent joindre; neanmoins il ne faut rien négliger.

CHASSEUR.

5

CHAPITRE I I.

JDe l'ordre qui ejl d,onnè quand

Roy veut courre le Cerf.

U and le Roy veut courre le

Cerf , le foir à fon coucher il en

donne Tordre à fon Grand Veneur 5- qui départ les quelles à ceux qui doi- vent aller aux bois aux quartiers le Roy veut courre.

Le matin les Veneurs vont chacun à leurs quelles, fuis entreprendre les uns fur les autres ce qui fe marque par des brifées qu’ils jettent : &c ils en rencontrent , ils ne doivent point palfer outre , 8c doivent retour- ner dans leurs quelles. Si T un ren- contre un Cerf qui fort du bois ou qui rentre dans un autre , en ce ren- contre il ne faut point que la joloufie des Veneurs caufe aucun defordre j & faut qu’ils prennent bien garde que le Cerf ne foit lancé ou qu’il ait le vent du trait a de peur qu’il ne s’en

A üj

é LE PARFAIT

aille de hautes erres 3c qu il ne foit point couru.

Le Grand Veneur doit défendre ces fortes de jaloufies , 3c qu'en ces rencontres chacun, au lieu de nuire, ayde à fon compagnon , 3c tienne fbn Chien fort court, s'unifiant pour bien détourner , 3c faire un bon 3c commun rapport 3c fur tout de pren- dre bien garde par ou l'on fe retire, de peur de contrepied. Et comme il n’y a rien de trop certain dans ce mé- tier, principalement dans les grandes fecherefies , il faut tenir pour maxime pour bien détourner , que les plus- courtes enceintes font les meilleures , principalement és païs abondans en bêtes : car dans ces lieux , és grandes enceintes il y a toujours du defordre au lancer.

CHASSEUR. 7

îfcfâ?

CHAPITRE III.

Bu laijjer courre ,

Auparavant que de frap- per aux brifées quand les rap- ports font faits , on fepare les Chiens en !a Meute , la vieille Meute, les fix Chiens, ou plus h l’on veut, & les relais que l’on envoyé par tout aux lieux les refuites des Cerfs font connues, ,

Eft à remarquer qu’aux Châties ré- gulières perfonne ne doit porter trom- pes , ni fonner , ni parler , ni palier les Piqueurs fans permifïion,

je ne particularité rien des aflem- blées, parce qu’elles font diverfes , félon la volonné des Grands : Mais il faut dire que c’eft un rendez-vous marqué , tous les Veneurs 8e Chalîeurs fe doivent rendre & duquel on part , pour faire partir les relais, 8c aller au laifler courre.

(Quand le Veneur à receu l’ordre de A iüj

8 LE PARFAIT

frapper aux brifées , il prend fon Li- mier de marche devant toute la trou- pe droit a fa brifée , de pouflfe fes~ voyes jufqu’au lancer ; puis il fonne deux ou trois coups de trompe quand il a lance fan Gerf. Si quelqu'un le void, il crie ta hiau> de fon donne les Chiens r ce qui ne fe doit jamais faire que le Veneur n'ait dreifé les voyes de fonné », parce que les Cerfs de dix corps ont ordinairement un jeune Cerf qui les accompagne, que l'on appelle l'écuyer de que fi l'on n’y prend bien garde , le vieux Cerf détourné en donne le change: C'eft pourquoy il faut agir avec bien de la retenue dans le commencement, pour fuivre le's enfeignemens de cette ma- xime qui dit , Qu'un Cerf bien donné aux Chiens ejl a demy pris. Je ne di- ray point icy de quels termes de de quels cris il faut ufer pour parler aux Limiers en frappant aux brifées; ce- la fe verra dans la fuite, au Chapitre Du fonner du Cor , & du parler des Chiens .

CHASSEUR.

9

CHAPITRE IV.

Comme il faut parler aux Chiens

quand ils chaffent .

N Cerf eff donné aux Chiens,

ou du Limier , ou à la troflë

faute de l’avoir détourné. Quand ce- la arrive il ne faut donner que trois ou quatre Chiens fages qui ne veu- lent que du Cerf, 8c leur parler en ces termes quand ils le rencontrent : HaCadau ! ha Rombaitt ! qu eft -ce la donc ! voit dy. Si les Chiens fe ré- chauffent.- Ha bellement Mar faut ; beL lement , que/ï-ce la donc} tout beau], bellement y tout beau Et faut fort te- nir les Chiens en crainte par des tons de voix hautains qu’ils ayent accoû- tumé d’entendre -, 8c quand ils lancent il faut crier , Holà , bellement , tout beau, garde , tout beau . S’ils con- tinuent à challër , 8c que ce foit des Chiens feurs , il faut pouffer fans cha- leur, criant toujours. Ha tout bed^

10 LE PARFAIT

ment , tout beau , jufques à ce que Fon ait revû ; 8c quand l’on eft allu- re 9 il faut fonner deux ou trois tons de grêle , &: réjoüir les Chiens d’une voix hautaine , difant Ha il Ven va ld> il s'en va la , ha il s'en va la , ha la ly y U sen va la -y puis il faut do n- ner tous les Chiens de Meute.

Dans le commencement il faut bien prendre garde de trop échauffer les Chiens -y car ils ont déjà de l’ardeur d’avoir attendu qu’on leur ait donné la liberté : 8c c’eft dans ce comman- dement qu’un Cerf de dix cors don- Be le change de fon écuyer : c’efl pourquoy avec beaucoup de défiance

11 faut plus écouter que parler.

£T; Quand la Chafie continué, il faut fonner , comme il fera dit incontinent, & parler aux Chiens par intervalle,, baufîant la voix d’un ton clair 8c hau- tin : Ha s'en va la , s'en va la. ha s'en va la, il s'en va, Chiens, il s'en va* S’il arrive quelque retour, & que les Chiens fe raifent , il faut que le principal V eneur crie: H ourvary, hour± vary, hourvary : Et quand ils repren- nent le retour il faut fonner deux

CHASSEUR. n

tons de grêle , & parler au Chien qui l’a trouvé le premier , & luy dire: Ha Gerfaut, il s'en va, il s’en va Ger- faut , s’en va , s’en va là. Et quand il arrive un grand retour , ou un de- faut , il faut parler l’un après l’autre à tous les Chiens, en les nommant: Ha Gerfaut, heurvary, ha Cadaut , ha %ombaut, ba Marpaut, hourvary. Si quelqu’un d’eux en reprend , il faut ■s’écrier : Voilà Gerfaut , dy bellement . S’ils ne difent rien , il faut fouvent répéter , taille- . lai lie la, &c reque- ter tant qu’on redreffe les voyes : & quand cela arrive il faut rejoüir^ les Chiens , les nommant l’un apres l’au- tre, en difant : Ha s’en va Joü’l- laut , s'en va Parant , s’en va Renfort.

CHAPITRE V,

Comme il faut former du Cor étant à la Chajfe.

ENsuxte du parler aux Chiens , il faut faire voir comme on doit fonner du Cor pour ne point brouil- ler les Chiens , & pour leur donner la Connoiilânce de ce que l’on defire d’eux, félon les occurrences qui ar- rivent en chaflânt ; lefquelles font de telle importance, que le plus fouvent 1 on manque la bête pourfuivie faute de ne s’entendre pas ^principalement dans le change , étonrdiifant les Chiens par les diverfes maniérés dont l’on fonne à prefent, contre tout or- dre & toute raifon,

La Chalfe du Fauve doit avoir un certain ordre étably,, qu’il n’eft ni Bien-feant , ny permis d’outre-pafler : & il eft certain que de cét ordre dé- pendent les belles & grandes Chalfes , defquelles le laiifer courre & les fins.

CHASSEUR. 13

font la plus belle partie , & le Tonner la principale tant pour les Chiens que pour les Chafleurs, afin qu’ils s’enten- dent 5c Te donnent quand ils font o- bligés de Te feparer dans les gaulis &c dans les pais fourés , les avis & les fignals dans le change de la feparation de leurs Chiens caufés par les paffages des étangs & des grandes Rivières, au delà defquels arrivent ordinairement les grands défauts, &c.

Il faut tenir pour maxime que tous ChalTenrs doivent connoître la voix de leurs Chiens & eftre connu d’eux , ce qui eft fi vray que fi une Meute eft conduite par d’autres picqueurs qu’à l’ordinaire qu’elle chafiera mal, & que dans tous les def-ordres qui arriveront les nouveaux conduéteurs auront peine à y remedier quand ils n’entendront point leur maiftre ni leur fonner ordi- naire. Et delà fe tire une certitude qu’une Meute bien drefiee au fonner dans les vrays termes de l’ordre de la Chafle ancienne, Sc au parler des Ve- neurs, qui ont de coutume de la con- duire eft moins fautive que celles qui ne les entendent pas. Cela étant vray

i4 LE PARFAIT

il faut donc former en vrays termes d’anciens challèurs qui étoient plus réguliers qu’à prefent, & qui dref- foient toutes leurs meutes & princi- palement à de certaines élévations de voix qui faifoient connoître à leurs Chiens leurs intentions.

Par cette maniéré de dreffer les meutes il en arrivoit deux grands avantages , le premier que les Chiens connoiffoient l’intention des Veneurs. &c que les Veneurs connoiffoient tou tes les voix de leurs Chiens , de forte que foit dans le change , foit dans les relancés , foit dans les re- tours par le réchauffement ou le recry des Chiens, les Veneurs connoilîoien par la diftin&ion deleur voix fi c’éto', le change ou fi un Cerf s’affoibliffoi & étoit proche de fa fin , quand le vieux Chiens fe réchauffoient & fi mettoient à la tefte.

L’on ne peut point particularife quelles doivent eftre ces élévations d voix ou ces cris , pour fe faire obéi aux Chiens , parce que chacun le peut faire à fa mode, ni même parti cularifer les fourchus 5 mais l’on peii *

afleurer qu’il en faut de difFerens , les uns qui en crainte & les autres en amitié , qu’en plein change ils fe fcrvir utilement des uns & très , & qu’en ce temps toûjours en défiance , celui qui mande la chafle donne fes ordres tous les Veneurs qui l’accompagnent de bien remarquer les voix des Chiens qui fe recrient , & fi ce font vieux ou jeunes Chiens , & d’obferver foigneu- fement les lieux de leur fepatation quand elle arrive , foit à quelque ar- bre, carrefours, grands chemins, tailles ou gaulri , aufquels lieux il fera jette des brifées. Et cependant en au- tant de parties que fe fepareront les Chiens , que chacun des Veneurs fe mette à la quetie jufques à la pre- mière revûe fans fonner que quelque coup d appel à long-temps , pour don- ner avis feulement &fans le redoubler, 6c le premier qui aura connoiffance du droit, doit fonner du ies autres doivent romp qu’ils fuivent , Sc le venir Si c’eft dans de

*6- LE PARFAIT

Forêts qu’on Chalïe il faut tenir les Chiens le plus preft Sc leplusjufteque 1’ on pourra , afin de remédier plus promptemet aux défordres. Si c’eft dans des huilions , il faut prendre de grands devant» Si c’eft dans des étangs il fa t prendre vîtement le devant fans s’arrefter de peur que le Cerf ne fe forlonge. Si c’eft au pafîage de quelque grand’ Ri viere& qu’un Cerf y ait la tête tournée, il faut prompte- ment chercher les guays & les bat- teaux, & le premier des Veneurs qui peut réjoindre les premiers Chiens palfés doit toujours fonner pour fe faire entendre, ôc doit bien remarquer le lieu il réjoint les Chiens , parce qu’ordinairemenr le Cerf après avoir pafle uneRivierefait fes plus grandes rufes , & quand on n’a point remar- qué juftement le lieu l’on a réjoint les Chiens , on ne fçait ni le lieu de la rufe , ni du rétour quand il s’en fait, ni de la fuite qui eft ordinairement dans quelque chemin. Surcefujet je dïray que j’ay veu des Cerfs paffer & repalfer une Riviere deux fois , puis .aller & revenir le long d’un chemin

CHASSEUR. 17

qui étoit au long , puis après fe j-etter dansla même Riviere & fe laifler aller au fil de l’eau plus d’une grande demie lieue , de s’aller rebiffer dans une peti- te Ifle couverte de quelques buiirons au milieu de la Riviere , que les Chai- feurs jugent fi cette rufe fie peut dé- mêler fans l’avoir veüe.

CHAPIRRE VI.

De la maniéré de fonner des anciens Chajfeurs #

A maniéré des anciens Chafleurs

portoient des Cors lefquels fe faifoient entendre de plus de deux grandes lieues , fonnoient leur quête de trois tons longs, le lai lier courre de cinq ou fix tons de grefie apres que le Veneur qui avoir lai if é courre en avoit fonné trois de grefie , de quand c’étoit a vue. tous les Chafleurs auf- quels il étoit permis de fonner fon- noient cinq ou fix tons de grefie , de quand les Chiens chaflbient, chaque

B

iS LE PARFAIT

Veneur fonnoit du fimple ton delà trompe chacun différemment quelques ions redoublés pourfe faire diftinguer quand ils faifoient chaffer les Chiens, fans jamais Tonner du grefle qu’à \elie. S’il arrivoit un défaut, le plus prochain picqueur du lieu les Chiens démeuroient , fonnoit deux tons longs du fon naturel du cor & peu fouvent réitéré. Au fécond dé- faut l’on fonnoit trois tons fort lents,

ainfi des autres; l’appel fe fonnoit d’un feul ton fort lent Sc fort long du fon naturel de la trompe. Un fé- cond appel fe fonnoit d’un petit re- tour de grefle fort lent. Quand on avoir perdu la Chaffe pour le faire connoître on fonnoit deux tons fort brefs , aufquels étoit répondu de même.

Quand il arrivoit de très grands défauts ôc qu’il étoit befoin de fe ré- joindre tous pour conférer, l’on fon- noit de trois tons redoublés & fort vî- tes pour faire voir qu’il falloit prom- ptement fe réjoindre. Et quand on ’vouloit rallier tous les Chiens fepa- sés:5 l’on fonnoit d’un ton de grefle

CHASSEUR. if

tout fimp'le. Et au relancer d’un Cerf fur fes fins , l’on fonnoit tous enfem- ble du grefle , ce qui ne fe faifbit ja . mais autrement -, car perfonne ne fon- noit du grefle à veiie que celuy qui voyoit le Cerf. Et ainfi durant tout l’intervalle du temps delà Chafle en attandant fonner, l’on fçavoit en quel état elle étoit , & l’on ne fonnoit ja- mais de fanfares qu’à la mort du Cerf. Tellement que. l’on peut dire que les inventeurs des trompes dont on fe fert à prefent font caufe de la rupture d’un fi bel ordre qui étoit obfervé dans la .chafle du Cerf, & qu’ils font plûtoft offices de Trompettes que de Chaf- feurs , & par ce moyen ont introduit une licence de fonner plûtoft à la ma- niéré des Maiftres du Pont neuf que d’obferver les vieilles régies fi juftes & fi convenables à la dignité de la Chafle du Cerf, qui avoit été établie d’ancienneté parles plus grands & les ?plus parfaits Chafleurs du monde , ainfi que le témoigne même de fon jtemps le Seigneur de Foüilloux.

ao LE PARFAIT

CHAPITRE VIL

Comme il faut aller au bois tous les, temps de l3 année y des demeures des Cerfs y des Limiers .

IL y a deux forces de Limiers 5 les uns pour le matin , les autres pour le haut du jour. Ceux qui doivent fervir pour le matin font ordinaire- ment des Barbets ou Chiens courans de tout pélage. Les plus fecrets font les Barbets demi-poil Anglois qui ne craignent point Tefgail du matin* Ceux du haut du jour (ont ordinaire- ment blancs gadroiiillés de taches noi- res , jaunes ou fauves , Chiens de haut nez, qui vont mieux requérir une Bête après midy que le matin à caufe de l'efgail qu'ils craignent , 8c que les voyes font réchauffées du Soleil. Les Limiers fe rendent toujours meilleurs par l'exercice 8c par les curées ; 8c ^"acquièrent une habitude de ne von-

CHASSEUR. 21 loir rien que du Cerf par le foin des Veneurs.

Quand le Veneur va le matin au bois, fi fon Chien eft fecret ii luydois parler peu en ces termes , après valet, apres bellement , puis s’il peut recon- noître de quoy fon Chien fe rabat, & que ce foit quelque méchante Bête, il le doit retirer , le tenir court de le menacer : fi c’eft d’une bonne Bête, il lui lâche le trait davantage de lui dit , après valet y après , vayla , fi fon Chien bande à plein trait , il le re- tient un peu , de lui dit deux ou trois fois vayla dy vayla. Lors fi le Chien continue de bander à plein trait, il le bu fie pouffer ces voyes-là , prenant toujours garde ce que e’eft, tant qu’il récounoiüe autant que faire fe peut qu’elle eft cette Bête, foit au marcher écarté , foit aux connoiflances de fur tout au rembûcher. Car fi elle en fait plufieurs de à bon vent, c’eft a (Tu ré- ment un Cerf de dix corps. Enfuite les devant pris de l’enceinte arrêtée difant toujours de temps en temps à fon Chien, tout coy , tout coy7 Gerfaut , tout coy . Et s’il fe rencontrent plu*»

ii LE PARFAIT

fieurs Bêtes dans fon enceinte , s’il a connoiffance d’une qui foit plus Cerf, il faut qu’il tâche de le détourner , puis après qu’il prenne bien garde par il fe retire , &c jette des brifées par tout de crainte que quelqu’autre ne le broüille & ne lance fon Cerf.

Si fon Chien n’eft pas fecret, il faut qu’il le tienne fort court, que fouvenr il le menace, lui difant, T ont coy , Tout coy , & ne luy donnant du trait que médiocrement. Et quand il vient à fiapper aux brifées èc que fon Chien en veut bien, il faut qu’il le réchauffe & le tienne court, difant Fayla dy Fayla, alors il le doit bi ffer pouffer la voye fans luy donner trop de trait allant au pas, en difant toujours, après Falet , après. Et quand il rencontre des branches tournées ou des fumées, ou quelque marque qui luy donne connoiffance de fon Cerf , il lui doit dire , Vau le ce Ve fl , après tu dis vrayy Fan le ce Veflytu dis vray , par les fu- mées par les portées. Et continuant ainfi lui donnant e plein trait^ il doit le réjouir en lui parlant plus ardam- ment , &c le tenant court quelquefois

CHASSEUR. 2|

pour le carelfer , & jufqu’à ce qu’il ait lancé , toujours le réjouir de plus en plus d’une voix claire & hautaine chacun à fa manière..

Comme il faut aller au bois tous les temps de l'année.

Premièrement en Hiver il faut partir de grand matin & aller au plus profond des Forêts chercher les abris des vents froids en quelques co- taux expofés au midy parce que les Bêtes font en hardes cherchant tou- jours les abris.

En ce lieu faut remarquer que tous les Cerfs de pareil âge fe raffemblent en forte que les Daguets fe mettent avec les Daguets , les jeunes Cerfs avec leurs femblâbles ? les Cerfs de dix cors jeûneraient, les Cerfs de d x cors tout de même avec leurs fembla- bles , & ne fe feparënt point qu'au printemps pour prendre buiffons & faire leurs rêtes , fait qu'ils foîent en- fermés dans les parcs ou enlïbetté. JLes Cerfs mettent tous les ans^bas.

24 le PARFAIT

& l^ur bois tombe par de gros vers blancs qui leur rongent la racine dans la tête. Ils font adherans à icelle , & quand le bois eft tombé , de ce meme ver il s'engendre une grofle maffe de chair qui s'appelle le revenu, puis petit à petit la tête s'allonge , les meules fe forment, 3c la tête devient à perfection couverte d'une peau que les Cerfs frottent contre des arbres, ce qui s'appelle frayer, 3c l'on connoit la hauteur des Cerfs à la hauteur de ces lieux ils ont frayé. Et quand toute cette peau eft tombée, ils brunif- fent leur bois dans des terres noires ou roufleâtres ou dans les Charbonnières.

A la mi- May ils ont la moitié de leur tefte plutoft ou plus tard félon que les climats font chauds , ou que les Cerfs font plus jeunes ou plus vieux. Les plus vieux les premiers , les plus jeunes après . Et quand ils mettent bas tous , ils enterrent leur bois en telle forte qu'on les trouve rarement. Au- trefois du temps pafte les Roys don- noient quelque reconnoiftance 3c de l'argent aux Veneurs qui trouvoient les pemlers.

CHASSEUR. t5 ' Quand les Cerfs font leur tête , s’il y a quelque buifion épais dans quelque eotau , le long d’un ruifleau , à laccul d’une Forêts il y a des friches & un terroir ièc, ils ne man- quent jamais de choifir ce lieu pour fcuilTons. Et quand ils ont été courus très ordinairement ils prennent deux huilions y l’un au bout de la Forée l’autre à l’autre.

Secondement, au Printemps, il ne faut point partir fi matin à caufe du refiiiy , & que les bêtes font de- bout, & un peu plus tardives à remet- tre dans la repofée dans des tailles de quatre à cinq ans , elles choifilfent quelques clairières pour fe reifuyer au Soleil , de Fégail du matin dont elles étoienr moüillées , 2c quand on va trop matin au bois en cette faifon Fon eft fujet à lancer, ou du moins à donner le vent du trait -aux Cerfs les plus courables qui font bien plus dé. fians que les autres.

En Eté & en Automne pour aller au bois, il faut partir au jour. Si les Fo- rêts font fort grandes , les demeures felon les faifons en font différentes-

C

X6 LE PARFAIT

car l’Hyver les bêtes habitent les lieux les plus' épais. Au Printemps les vieux Cerfs fe recèlent , & font tres-diffici- les à détourner s’ils ont été courus , & font leurs nuits dans de tres-petites efpaces fe montrant peu. Et^ à caufe de la défeéfcuofité de leurs têtes , ils deviennent très craintifs & font leur demeure dans des lieux fort éloignés des chemins, defquels ils changent & fortent , pour aller au deuxième buif- fon choifi comme il eft dit , de quatre ou cinq jours l’un , & ne vont boire qu’en vingt quatre heures une fois.

L’Eté quand ils commencent à allon- ger , frayer & brunir , ils deviennent plus hardis, quittent leurs bu lTons , & fe jettent dans les tailles de quatre ou cinq ans , & alors font plus ailes a détourner, auffi bien que dans l'Au- tomne, parce qu’ils font toujours fur pied à caufe du rut.

Il faut obferver quand il fait fort fec & fort mauvais revoir , quand on va au bois en pais inconnu, pour faire un rapport plus alfuré , il faut le jour de devant aller aux buiflôns dans les «unes tailles , & vihter .exa&eraent

CHASSEUR. i7

les chepés de bois ou les bêtes pren- nent leur viandis du bois le plus ten- dre , & fi on eh remarque entr autres quelqu’une feparée , il n’y aye que les petits bouts broutés délicatement & fans grandes froidures, l’on peut ju- ger que c’eft d’un Cerf : car il viande toujours prefque feparément des au- tres , & ne prend que les petits bouts des bois les plus tendres , au lieu que les Biches & autres mêmes bêtes , brouttent gourmandement & bnfenc toute la fepée.

Le lendemain s’il va au bois , & que l’on trouve une bête feparée , & qui marche un peu à côté des autres , ou qu’elle fa (Te quelque faux rembuf- chement à bon vent . ou qu’elle ba- lance à droit ou à gauche devant de rentrer , l’on peut faire rapport alîiiré- ment que c’eft un Cei£

Et quant aux grands, pais de Forêts qui font bordés de marais , l’on peut tenir pour certain que les Cerfs qui ont été courus prennent plutôt leurs repofées dans les hautes herbes & ro- feaux que dans la Fotêr , fi c’eft en Eté dans les chaleurs.

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zS LE PARFAIT

44 c*a î*® ï-tfs p«a ?*aeitô w c*f*â*ta :*re î|W

CHAPITRE VIII.

Des GmnoéJJances.

IL y a plufieurs Connoiffances qui font diftinguer les Cerfs des autres bêtes qui feroient difficiles toutes à être d’écrites.. Les principales -font par les portées , par les fumées , par les allures, par les foullées , par les fuites, parla maniéré que marchent les Cerfs , ne marchant jamais dans la pifte «des autres, mais toujours a cote s quand il fe méjuge , ce qui arrive aux vieux Cerfs pour avoir fait des efforts dans leurs courfes , ou pour avoir été blef- fes , ou pour avoir les nerfs plus roi- des que les jeunes Cerfs qui mettent toujours le pied de derrière dans ce- lui de devant , pour avoir les pieds de derrière fort petits, ce qui arrive ordi- nairement aux vieux Cerfs, pour avoir le talon du pied de devant fort large, les os fort gros & bas affis , appuyant fort 8c faifant une grande impreffion , les côtés du pied ronds & ulez, au

CHASSEUR. 19

lieu que les jeunes Cerfs les ont tren- chans par le viandis & la maniéré de le prendre , foit dans les tailles , foit dans les gagnages par les rembufche- mens balancés, qu’un vieux Cerf fait toujours à bon vent , par la multipli- cité des faux rembufchemens balan- çant à droit & à gauche pour éven- ter , avant que de faire les vrays, Sc plufieurs autres que ceux qui vont au bois remarquent tous les jours, & y apprennent quelque chofe de nouveau: car c’eft un métier fi difficile , qu’il y a toujours à apprendre, & auquel on n’eft jamais maître. Les plus affinées connoiffimces font les premières énon- cées en ce Chapitre , 8c les demeures, fi un Chaffeur veut fça voir cet Art, qu’il aille foUvent au bois avec de bons Valets de limier , il en appren* dra plus que dans tous les livres.

30 LE PARFAIT

De la force des Cerfs y & que U font la nature des terrains qui leur donne plus de vigueur.

CEux qui ont écrit de la Chafte du Cerf en faifant rénumeration des Fotêcs de France , pour rendre tuile une digreflïon fi ample qui fait un tiers du Livre , devroient avoir diftingué leurs fîtuations & leurs ter- rains , afin de faire connoître la force & la vigueur des Cerfs qui y font nourris, ce qui eft une tres-neceflaire obfervation , parce que c’eft une des chofes la plus confiderable , dont doit erre inftruit un Chaffeur pour fe pré- munir & prendre fes mefures con- tre les rufes que font ces animaux, qui font dautant plus grandes qu’ils ont plus de force pour les executer. Et à la vérité Ton peut dire que cet inutile Catalogne de toutes les Forêts & bluffons, fans dire la nature des terrains &r des herbes qui y croiffent, eft plutôt pour divertir le Le&eui, que pour l’ijxftruire daucune chofo

CHASSEUR. 3t

qui lui puilTe fervir..

Pour moi qui ai couru le Cerf en beaucoup de Provinces en France, je ne nommerai point les Forets ou j ai trouvé les Cerfs plus vigoureux , mais je dirai les raifons des caufes les plus eiFentielles que j’ai remarquées dans tous les difFerens terrains qui don- nent beaucoup plus de forces aux uns qu’aux autres , & qui en font une no- table diftinéfcion.

Il faut donc fçavoir que félon les terrains les Cerfs ont plus de force , aufli bien que les Chevaux qui pren- nent une nourriture grofliere ou feiche, qui les rend ou vigoureux ou lâches, & même leur change entièrement la taille ; qu’il en eft de même des Cerfs qui font nourris dans les lieux pier- reux, fecs & montagneux , ils font in- comparablement plus vigoureux que ceux qui font nourris en pais bas 8c aquatiques , & qui ne font pas beau- coup inquiétés , & qui font plus à leur aife. La nature des herbes y contri- bue aufli extrêmement , principale- ment quand elles fécondent leur tem- pérament plein de chaleur, comme les C iiij

3* LE PARFAIT

bruyers 8c autres. Les races des Cerfs y font auflï quelque choie, & contri- buent à leur vigueur. Je ferai voirpar des exemples des ChalTes extraordi- naires que j'ai obfervées, la force des Cerfs s’eft fait paroîcre incompa- rablement plus grande qu'en tous les lieux le terrain 8c la nourriture étoit diÜembîable , comme par exemple en Picardie auprès d’Amiens les ter- rains des Forées 8c huilions font fecs*, 8c les Cerfs viandent des bleds Sarrafins prefque tout le long de l'hy- ver, l’on ne court point de Cerf en ces païs qui ne durent cinq 8c fix heures , 8c qui ne mefurent les huilions de fix ou fept lieues de païs , qui ne faflent de très longues fuites , témoin celui de la Chafle du jour de S. Hubert faite par le Gouverneur de la Province avec tous les Seigneurs du païs , qui fut fe faire prendre dans le Pats-bas.

Les mêmes fuites arrivent dans la Forêt d’Àrdelot en Bourbonnois , les moindres courfes durent fix heures, & le plus fouvent les Cerfs fe per^ dent dans la Mer & dedans la Forêt de Creci proche Abbeville , les Cerfe

CHASSEUR. 33

ne fe prennent jamais qu’en lailïant courre de grand matin, fans quoi ils demeurent les maîtres par la nuit qui arrive, ôc s’ils ne font relayés fort apropos & fouvent , il ne s’y en prend point du tout. Toutes les forces font en païs fecs Ôc pierreux ; mais pour en montrer la force extraordinaire des Cerfs, que les Chailturs me permet- tent de leur raconter une Chaflfe ou }’aiété,qui fait voir une force extraor- dinaire aux bêtes fauves de ces lieux.

Monfeigneur le Duc d’Angoulefme Comte de Ponthieu avoir fa meute proche d’Abbeville. Ses veneurs lui firent rapport d’un Cerf qui portoit vingt-deux malfemées , mais qui étoit toujours fur pied ôc qu’ils ne pou- voient détourner. Il me témoigna d’a- voir paillon de courre ce Cerf , je luydis qu’il falloir aller coucher fur le païs , afin d’être matineux au laifler courre, il le fift ôc fut à Novion, dans les Bois duquel Bourg ce Cerf étoit, je fus au Bois, c’étoit à la fin de Juin que les Cerfs avoient frayé ôc bruni ; &priay le Seigneur Duc d’être à che- val de bon matin , parce que le Cerf

34 LE PARFAIT

s’en alloit toujours de hautes erres & ne fe laiffoit point détourner j il mon- ta à cheval & n’attendit pas le rap- port, je fus fi heureux que je trouvay mon Cerf à l’aide des Gardes de Bois qui lavoient fouvent , jamais je ne le pu arrêter dans une enceinte Sc le trouvois toujours pafie , je fis par- tir un des Gardes pour donner avis qu’on amenoit les Chiens , ce qui fur fait ; je pouflay les voyes fans plus prendre d’enceinte tant qu’on fuft à moi , & fis donner les Chiens qui l’allerent très- bien requérir , mais ce fut à l’un des bouts de la Forêt il avoit déjà percé , les relais furent en- voyez par toutes les refuites & furent donnez apropos , ce Cerf mefura deux fois tonte la Forêt d’un bout à l’autre, qui eft de plus de deux lieues de long, 8c quand il veid que c’étoir tout de bon , i! fort de la Forêt, paflè la Ri- vière d’Anthie , donne dans tous les Bois, de Riviere, d’Ecltife , perce tout le païs, Sc s'en va au bout qui eft vers le Boulonnois , ou il fut relancé dans un bois proche du Village ; il de- meura à fe défendre de telle forte qu’il

CHASSEUR. 35

bleiïa un des Picqueurs , en abbatic un aurre , & porta fon cheval par terre , de fefoit un fi grand defordre dans les Chiens, que nous fumes contrains de mettre pied à terre plufieurs , ôc de l’attaquer de toutes parts à la faveur des arbres qui étoient dans la taille , de fi c’eût été en lieu tout à fait cou- vert , il y en euft eu plufieurs qui euf- fent couru rifque de la vie , enfin il fût porté par terre , c’étoit le plus grand corfage de la plus belle tête de Cerf qu’on puilTe voir. Elle étoitcou*. ronnée , il portoit vingt- deux malfe- més ftu un menin plus gros que le bras , les andoüilleres dans les meu- les, les rayeures enfoncées, & la tête la plus ouverte que j’aye jamais veuë, il étoit venu de ces Forêts & de ces païs de la Forêt d’Àrdelot faire fa tête dans les Bois de Novion , Mon- feigneurle Duc d’Ângoulefme dit qu’il n’avoit jamais rien veu , ni un Cerf plus vigoureux , ni une plus beHetëte, ni une plus grande courfe que celle-là, qui dura plus de fept heures, il fe void peu de Forêts les les Cerfs ayent de femblables forces.

3<5 LE PARFAIT

Quant au Cerfs qui font nourris ai ix bruyères, & qui ont des eauës pour fe rafrefchir fouvent j il faut avouer qu’ils font tous plusrigoureux que les autres de quelque terrain que ce fait * comme font les Cerfs de Brie, ils font bruns, grands , allongés plus que tous les autres, & ne durent jamais moins de fix heures , ôc il y en a d’imprena- bles entr ‘autres, tantàcaufe des Etangs que de leurs forces.

J’en ay un être couru trois jours de foire par trois équipages diffèrens de Mefleigneurs d’Augoulefme , de Sôuveray & de Mets qui étoient tous à Gros-bois. Il fut lailfé courre en Brie , l’aiTembiée étant au Mont Tetis, & fut couru la première journée juf- qu’à la nuit * ayant mefuré tous les buiifons & Forets de Brie, & revenu à la^nuit dans le lieu il avoir été lancé, il fut brifé la tête couverte, le lendemain ces Meilèigneurs volu* rent voir par curiofité , ce que devien* droit ce Cerf le fécond jour, & re- folurent de le courre avec un autre équipage & d’autres chevaux ; il fut attaqué le lendemain matin il avoit

CH A S S E U R. 37 été briféy il fat tres-bien donné aux Chiens , il recommença à reprendre tout le chemin quïl avoir fait le jour de devant , il mefura cous: les mêmes lieux , de revint à la nuit dans le lieu il avoir été lancé de fut encore brifé la tête couverte , tous; ces Mef- fieurs le foir ne fçavoient que dire- ni du Vivier, Artonge Des-prés de tousles autres vieux ChaflTcurs crurent tous que cétoit un forcier , enfin ils dirent qu’il y avoir encore un équipage qui n’avoit point couru, qui écoit celui de Monfeigneur d’Angoulefme , & qu’il falloir voir ce qui arriveroit de cela. Le lendemain dés la pointe du jour ils allèrent frapper aux brifées , ils lan- cèrent le Cerf encore A cinq cens pas delà , de le coururent encore fix grandes heures , au bout defquelles ils le pri- rent fec comme bois , mourant plutôt de faim que pris de force , car s’ileuft eu le loifir de viander , ils ne l*au- roient jamais pris , & tous demeurè- rent d’accord que fi ce Cerf euftrcouru fur une ligne , il fuft allé à plus de foixante lieues delà.

Il ne faut point davantage dexem-

38 LE PARFAIT

pies pour montrer la force des Cerfs félon les terrains ils font nourris , en voila a (Tés , je me contenterai feu- lement d’aflurer que j’ai tres-foigneu- fement remarqué que les Cerfs nour- ris en païs fecs , il y a eu quelques lieux des herbages rafrefchiflàns ils fe vont rafrefchir qu’il n’y en a point qui aient plus de force, principalement quand étans courus ils rencontrent fouvent des eauc?s pour fe rafrefchir, comme dans la Forêt d’Eu , & dans les Forets d’Aumale & Dorgnel pro- che les unes des autres, les Cerfs font nourris dans les païs de coftaux, au bas defquels il y a des valées d’her- bes douces ,& des eaues claires de fontaine les plus belles du monde. En tous les lieux pareils que tous les Picqueurs s'apprêtent de faire de très longues refuites , & prennent leurs meilleurs chevaux , faffent leurs meut- tes plus fortes , & falîent provifion de bons dés-jeuners , parce qu’ils font a (Titre z de ne pas retourner a leurs gifles que par de tres-longues retrai- tes no&urnes.

CHASSEUR.

39

CHAPITRE IX.

Des rufes des Cerfs quand ils font courus.

LEs premières rufes des Cerfs, quand ils font donnés aux Chiens, c’eft de bailler le change du jeune Cerf qui les accompagne en faifànt trois ou quatre grands faults toujours à vau-vent , & puis fe mettre fur le ventre dans une groffe fpée à côté de la voye au delTous du vent & ne point branler , les jeunes Cerfs leurs Ef- cuyers percent tout droit dans la clai- rière. Les Chiens n’ayant encore au. cune connoiffmce de celui qui eft re- laiffé poulTent la voye droit après le jeune Cerf , & le vieux qui ne branle point laifle pafler tous les Chiens le plus fouvent contre lui qui n’en ont aucune connoiffmce , parce qu’il eft au deffous du vent, & tous les Pic-1 queurs qui fuivent le chemin le plus ouvert pour fuivre leurs Chiens vont fans avoir connoiffmce de la bête re- biffée,,

4o LE PARFAIT

Pour connoître quand on a eu le Change au lancer dudit Efcuyer , Ton s’en apperçoit quand le Cerf drdfe & fait une grande randonnée tour droit fans balancer ni fans aucun re- tour. Alors les Veneurs mettent l’ceilà terre pourvoir fi c’eft leur Cerf dé- tourné : & j’ai oiii dire à plufieurs"* vieux connoifleurs qu’ils ont vu rom- pre les ^Chiens qui fuivoient ce jeune Cerf, & les ramener au premier lieu qu’ils avoient foigneufement remar- qué à peu prés ce change s’étoit donné & qu’ils "avoient lancé le vieux Cerf détourné, qu’ils l’avoient couru & pris.

La fécondé rufe dont fie fervent les vieux Cerfs , font de grands retours dans des chemins ferrés proche des 'Rivières par des rentrées & des for- ties , par des relaifiemens au bout de leurs grands retours fur le bord d’un chemin , les-Chiens fentans la voye double la poulïent plus vigoureufe- juent. Et tous les Picqueurs les fui-

* Defprés , du Vivier, Carbignac } jârîonge. Saut Ravis ,

van I

CHASSEUR. 4r

va-nt le Cerf relailfé recourne fur tou- tes les voyes foulées des Picqueurs 8c des Chiens , en telle forte qu’ils ne peuvent plus avoir connoiflance des nouvelles voyes que le Cerf a impri- mées par fon retour fur toutes celles defdits chiens & des chevaux.

Une autre rufe dont ufent les Cerfs eft en païs deaux & étangs , & d’ea paffer plufieurs pour fe forlonger , 8c auflï de fe faire battre par tous les rofeaux & lieux bourbeux les Chiens ne peuvent eftre fecourus des Piqueurs.

Une autre encore eft de donner dans des gros Villages , dans des Bourgs ou Fauxbourgs de Villes il yadeseaues dormantes 8c des rivières , dans lef- quelles ils pailènt pour étourdis , 1 a Meurte au brui; des mâtins pour don- ner des difficultés aux Picqueurs de la* fiiivre, 8c faire perdre du temps , pen- dant lequel il cache fa fuite par dedans les rofeaux des étangs* & du fil de la riviere auquel il (elailfe aller quelque- fois plus d’une lieuéy& en fort par quel* que chemin qui le conduit tout à l’autre bout delà Forêt toujours par des lieux-

D

4Z LE PARFAIT

couverts le plus qu’il peut , & aupara- vant que d’y entrer il fait plusieurs rufes & plufieurs tours avant que d'y rentrer , & n’y rentre que par des chemins les plus fecs & les plus ferrés, & ainfi par ce forlongement ilfe fau- ve avant que les Picqueurs puiflent avoir le temps de deméler toutes ces rufes & que la nuit vient.

Une autre rufe fe fait par les Cerfs qui font dans les Forêts le long de la Mer, comme eft la Forêt d’Ardelot en Boulonnois. Quand ils font don- nés aux Chiens ils mefurent la Forêt êTun bout à Pâture fort vice pour fe forlonger , puis ils fe jettent dans la Mer & fe perdent de veuc , Sc nageant trois ou quatre lieues ils vont rentrer tout à l’autre bout de la Forêt par les lieux les plus couverts , & ôtent la Connoiflance de leur voye aux Chauf- feurs , Sc fe fauvent, la nuit arrivant ; Et s*y en prend peu fi les Veneurs ne feparent leurs Chiens , qu’une partie Coure à droit & l’autre à gauche , Sc aille très- vîte prendre le devant, Sc qu’une troifiéme partie ne demeure au milieu cachée dans le bord du Bois

CHASSEUR. 43

pour voir le Cerf qui revient fouvent de la pleine Mer , en laquelle ayant pied il ne montre que le bout du nez pour refpirer , 8c n’entendant plus de ibruit revient en ladite Forêt , 8c fe relaiflfe dans le premier buiflbn , n’en partant jamais qu’un chien ne lui faute fur le cimier. Et les Cerfs de cette Forêt ont la rufe quand le matin on les détourne , s’ils ont tant foit peu le vent du trait , de partir 8c s'en aller droit à la Mer , & marchent long- temps dans l’eau , puis en fortent droit à la Forêt en quelque endroit le plus touffu, 8c fe relaiffent dans le premier builfon pour ôter toute connoillànce de fa pifte.

Tous les Cerfs qui ont été courus dans les Forêts voifines des Etangs fe fervent de la même rufe de marcher dans les eauës quand le matin , qu’on les détourne , ils ont le moindre vent du trait , car ils partent de leurs re- pofées , 8c s'en vont de hautes erres mefurant toutes les eauës, & s'y ca- chent le plus f mvent fur quelque aloppe ou motte de terre couverte de ro» eaux.

D ij

44 LE PARFAIT

Je n’ài pu m’empécher de racontes une hiftoire d’une ChalTe qui a été faite du temps du feu Roi Louis XIII. d’heureufe mémoire. Ses Veneurs lui avoient rapporté qu’il y avoir un Cerf à la tête bigearre ayant un côté d’i- celle élevé haut comme les autres , Sa l’autre tout baifTé. Il fie appeller Car- bignac qui étoit le plus habile de fa Venerie , & lui dit qu’il eût bien vou- lu voir courre ce Cerf à la tête bi- gearre j & avoir comment cet acci-. dent lui étoit arrivé. Ledit Carbignac ayant eu ordre d’aller au Bois & le détourner s’il pouvoir le rencontrer il fut le lendemain au Bois & eut con- noiiTance de ce Cerf par le moyen des portées » & de ce qu’il tournoit les branches en haut d’un coté & en bas de l’autre. Il en fit le rapport au Roi qui donna ordre qu’on le courreroit le lendemain. Toute la Cour s’y trouva par curiofiré pour voir par quelle bi- gearre avanture cette tête s’éroit ren- contrée ainfi : le lendemain il fut de; grand matin au Bois, Sc fut fi heureux de détourner ce Cerf. A la vérité l’enceinte fe trouva fort grande. Le

C H A S S E U R.

Roi fat placé en lieu pour voir ce Cerf, & défendit à tous de ne point porter de cors à la chafle qu’à ceux à qui il étoit permis de fonner [car il faut être averti que nul ne pouvoit fonner que ceux aulquels on avoir donné l’ordre, lefquels même ne pou- voient fonner que dans les vieux tons, des anciens Chaflfeurs, & qu'auflï on ne donnoit jamais un Cerf aux chiens, que du limier] Carbignac frappe aux brifées , & trouve que ce Cerf a voit tant rufé 8c fait tant de repofées , que de la même enceinte il mit fur pied quatre grand Cerfs de dix 5 cors qui tous quatre paflferent Tun après Pau-, tre pardevant le Roi , il étoit déjà tard, 8c plufieurs de la Cour s'impatien- taient de ne point courre ces Cerfs*. Le Roi cependant eur toute la pa- tience de voir fi on donneroit ce Cerf*. Enfin le lit Cerf ne partit ja- mais que le limier ne lui fautaft fur le cimier. Carbignac le vit to it à fon aife , 8c, forma rrois tons de fon cor , 8c le Roi le vit piffYr devant lui. La Meutte fut donnée très à propos , le Cerf fut couru prés de quatre heurea

4<s LE PARFAIT

& fut porté par terre , n’ayant fait .que rufer par mille retours , de forte que le Roi veid toute cette Chaflè. Ce Cerf ayant battu peu de çaïs. L’on vifita fa tête du côté qu’elle étoit fcaiïe, & tous les connoiffeurs firent entendre au Roi que c'étoit un coup ,-d’harquebufe qu’il avoir eu proche d’une des meules dans le marrain 8c dans le temps que fon bois étoit en- coremol , qui lui aveit abailfé ce côté de tête, lequel fe reprenant petit à petit s’étoit renoiié & demeura en cet état.

Cette Chafle fait remarquer trois chofes , la première, qu’on ne don- noit un Cerf que du limier.

La fécondé , que l’on ne fonnoit du cor qu’à la mode ancienne &C fort reguîierement.

La troifiéme , c’eft que perfonne ne parloir à la Chaffe du Cerf que ceux qui en avoient la permiflîon, & qu’on me chalfoit point à la bilbaude, tout le monde s’en mêlant comme on fait à prefent. Il y a un Chapitre en ce Livre qui montre comme on fonnoit ancien- nement fort reguîierement.

CHASSEUR. 47

Comme il faut requefier un Cerf

quand on efi en defaut, qu'il efi forlongé , qu'il efi

qu u ejt forlonge , ou qu il efi failly far la nuit , & qu on veut

le recourre le lendemain.

Es défauts qui arrivent dans la

JL»/ Chafle du Cerf peuvent venir de plufieurs caüfes, entre lefqueUes il y en a trois principales qui font Couvent manquer le Cerf , qui font par le change , par le paflàge des étangs & rivières , & enfuite par le forlonge- ment. Et parlant generalement des dé- fauts, tous procèdent de la négligence des Chaflèurs qui agiflênt faiblement , & qui n’ont point affés de vigilance pour bien remarquer les lieux de la réparation de leurs chiens dans le-chan- ge , & quiconque chadè {ans a&ion &c grande défiance dans tous les lieux ils peuvent trouver du change , a écoutant pas tres-attentivement leurs

4$ LE PARFAIT

chiens au lieu de Tonner 8c de le^r parler tombent dans des défauts irré- médiables , principalement l’Eté par les grandes chaleurs , 8c dans les pais Tecs accompagnés de plufieurs buiffons.

Pour remedièr au des-ordre qui ar- rive du change, chaque Picqueur doit accompagner les Meutes qui Te Tepa- rent , & faut qu’il Tonne 8c parle peu aux chiens, jufqu’à cequel’un d’iceux ait connu le droit. Alors comme il eft dit en la maniéré ancienne de Tonner, il doit appeller tous les autres , 8c que chacund’eux rompe & les vienne re- joindre. -

LaTecondecauTedes grands défauts eft le paffàge des Etangs 8c Rivières. Pour y remedier il faut diligemment pren- dre les grands devans, & fi les Etangs font fort couverts de grandes herbes 8c de rofèaux, il faut Te mettre dans les bancaux , & pouffer dans tous les lieux le Cerf Te peut cacher, pour voir s’il n’y eft point relaiffe, pendant que les autres prennent les devans tout à lenteur.

La troifiéme eau Te d’où procédé îe fprlongement vient le plus fouvent

d’un

CHASSEUR. 49 d’un relais mal donné , parce que quand il eit donné en rêce il ne man- que jamais de prendre le contre-pied , Si tous les chiens , quand c’eft dans un fort , fe brouillent de telle forte que les Picqueurs n’y connoiffèntpref. que plus rien , & ont des peines ex- trêmes à faire reprendre le train à la Meute , pendant lequel temps le Cerf a tout le loifir de fe fotlonger , & de chercher les lieux les plus commodes pour exercer fes rufes , & fi cela ar- rive en un temps chaud & fcc , c’eft un Cerf failli. Quand ces des-ordres arrivent il n’y a point d’autre remede que la vigilance, & l’a&ion diligente des V eneurs.

Les défauts du change font tres-fre- quens & tres-fâcheux dans les Parcs fermés ou dans les Forêts confervées par la quantité des bêtes qui y font,'; de façon qu’un Cerf de la Meute eft prefque toujours accompagné. Les remedes les plus prompts font de fui. vre les ordres que doit donner celui qui gouverne la Chaflè , lequel doit avoir prevû ces accidens , & doit avoir commandé à tous les Picqueurs

5o LE PARFAIT;

d’être tres-vigilans & aétifs a fair^ chacun leur devoir. ^

Il relie à donner les remedes à un Cerf failli par le forlongt ment quand

la nuit arrive. ,

Quand un Cerf fe forlonge , c eft qu’il a fait quelque grande rufe ou qu’il a donné le change , ou pafle tant d’eaux qu’on n’a pu avoir allés de temps pour dernéler fes des ordres. A cela fi ce forlongement eft dans les plaines campagnes, il faut- avoir re- cours aux grands devans avec limiers pour le haut du jour qui doivent fui- vre la ChalTe , le Valet étant à cheval &c amr fi bien qu’on lui puilTe mettre la rite couverte fi la nuit arrive. U faut brifer 3c aller coucher aux plus prochains lieux, ramaflànt le plus de chiens que l’on pourra , & le lende- main dés la pointe du jour, aller hap- per aux brifées & redrelfer les vieilles Voves tant qu’on en trouve de nouvel- les avec le limier , & faire fuivre tous

les chiens couplés. . . , ,

Si cVft un Cerf rufe & qui ait etc

couru, la nuit il ne manquera pas de s’en retourner en Ion pais par un au-

CHASSEUR. 51

çrc chemin , (pecialement quand les nuits font longues , auquel cas il faut abréger par les grands devans, & voie fi les chiens couplés ne voudroient pas de ces voyes-là ; s'ils en veulent il ne faut que pouflèr en avant, s’ils n en veulent pas , faut pouflèr avec le limier tant qu’on lui mette la tête à couvert.

Si la nuit arrive dans un grand fond de Forêt , il faut brifer à quel-* que fort , puis fe retirer aux lieux prochains , comme il eft dit , puis re- venir au matin frapper aux brifées, fi le limier en veut bien , il faut un pe« dreflerfes voyes, puis prendre les de- vans , comme quand on va aux Bois t 8c continuer tant qu on ne le trou** ve point paffe , puis le donner aux chiens qu’on a fait fuivre tout cou- plés quand on le pourra lancer.

Quant aux vieilles Meutes , relais premier, fécond, les fix chiens & le dernier , il faut par un exprès com- mandement défendre à ceux qui les donnent , de ne les donner jamais en tete ni a cote quand le Cerf s’en va vauvent , comme il fait fouvent pour

5i LE PARFAIT

mieux oüir les chiens qui le chaiïènt : car comme le vent porte les voyes au nez des chiens , ils ne manquent point d’y entrer & prennent facile- ment le contrepied , & l’on ne doit encore jamais donner aucuns chiens que la Meute ne foitpaffée: car fil’on donne des chiens frais pour abréger , l’on fait perdre cœur à ceux de la Meute qui ne fentent plus que des voyes fur- marchées , ce qui les oblige à barrer pour gagner le devant des autres , & à celer les voyes par jaloufies fans crier de peur d’être encore prévenus , ce qui fait devenir tous les meilleurs chiens vicieux.

CHASSEUR.

53

CHAPITRE XI.

Du naturel des Cerfs & de leur rut.

LE Cerf eft d’un temperameiit chaud & fec , d’un naturel le plus violent 8c le plus colere qu’aucun animal , dans le temps de ion rut,, 8c fon defir de génération } 8c ce qui en fait la preuve , c’eft qu’on a trouvé plufieurs fois dans le temps du rut des Cerfs qui fe battoient fi violemment, que leurs têtes demeuroient croifées & embarafiees l’une dans l’autre, de telle forte qu’ils demeuroient pris fans qu’on les pût jamais ièparer : ils de- viennent fi furieux dans le temps du rut aux Forêts ils abondent, qu’il y a beaucoup de danger la nuit d’y paflèr, parce qu’ils attaquent les hom- mes & les chevaux , & les portent par terre ; le temps commence à la fin du mois d’Aouft , & dure tout le mois de Septembre. Les vieux Cerfs y don- E iij

54 LE PARFAIT

lient les premiers , puis après les jeu- nes & les daguets 3 & n’en forcent qu’au mois d’Oéfcobre, puis vontpren- dre la pointe des bruyères pour fe re- faire, après cela toutes les bêtes fe mettent en bardes , l’Hyver appro- chant * c’eft à dire les vieux Cerfs en- lèmble, les jeunes Cerfs à leurs fèm- blables, & tous les daguets de même.

Les lieux les Cerfs fe joignent avec les Biches font infe&és d’une lenteur fi forte que huit jours après Todorat en eft encore frappé.

Quand les Biches font leurs Faons, elles choifilfent des huilions particu- liers les plus fourrés qu’elles peuvent 9 Zc l’animal qu’elles jettent foit mâle ou femelle s’appelle Faon, toute cette année là. La deuxième année les ma- i les s’appellent Daguets. La troifiéme année ils font dits Cerfs à leur pre- 1 miere tête, & ont trois ans : à qua- tre ans ils font dits Cerfs à la fécondé ou troifiéme tête , après fucceffive- ment ils font dits Cerfs de dix cors jeunement, puis l’année après ils font ! dits Cerfs de dix cors 3 8c en fuite ils font dits grands vieux Cerfs. Ce font des

CHASSEUR.. î5

animaux tres-rufés qui éventent de loin , & qui font extrêmement deffians plus ils vieilli fflnt.

Leur âge fe connoît à l’ouverture de leur tête à la grofleur du marrain , aux meules , a la profondeur des rayes dudit marrain , aux andoiiilliers finies le plus prés des meules, à la quantité des chevilles , fpecialement au haut de leur têce qui font les unes couron- nées & les autres à ramures &c«

Tous les ans les Cerfs jettent leuts bois, comme il eft dit : ils mettent bas en Avril plutôt ou plus tard félon leur âge , les plus vieux les premiers * ils ont à mi Mai la moitié de leur tête pouflee , & alongée tout entièrement en Juin s en Juillet ils frayent & bru- niflent ; enfuite ils donnent au rut.' Dans le temps qu’ils mettent bas ils fe recèlent, comme il eft dit dans des buiflbns , & deviennent craintifs n’a* yant plus de défences. Ceux qui ont été courus prennent deux buiflbns aux extrémités des Forêts, comme il eft dit, & paffènt de l’un à l’autre toutes les femaines fe recelant en de tres- petits efpaces de terre & demeura

LE PARFAIT

Les Biches font tres-amoureufes de leurs Faons & ne les perdent point de vue. Le naturel des Cerfs fe connoîc mieux par fes rufes quand il eft chaflfé que par toute autre chofe. Les lieux ils fe couchent s'appellent répofées.

CHAPITRE XII.

'Qui montre de quels chiens il fe faut fervir pour courre le Cerf comme il les faut nourrir & éle- ver.} & comme fe doivent main- tenir les équipages.

LEs grands chiens doivent faire les grandes ChalTes. Il y a de trois fortes de chiens courans en France , auffibien qu’en Angleterre. Les chiens pour Cerf font de la plus grande ra- ce que l’on appeiloit anciennement Royale. Leur naturel étoit de chafïèr le Cerf * & de garder le change dés la fécondé ou rroifiéme fois qu’ils chafloient, mais depuis que les races

CHASSEUR. J7

Angloifes fe font confondues evec les Françoifes Ton n’y connoïc plus rien > & ces belles races de chiens antiques fe font évanouies , & de ces mélan- ges de races il n’eft refté que la cu- riofité du pelage ; Et l*on a choifii pour courre le Cerf les chiens blancs les plus grands que Ton peut trouver de race meflée, parce qu’on a remar- qué que de ce poil ils font de plus haut nez , gardent mieux le change , font plus fermes & tiennent mieux dans les chaleurs que les autres. Les An- glois font de même que les François & ne fe fervent que des plus grands chiens blancs qu’ils ont pour courre le Cerf. On les nomme des chiens du Nort : ils font très- vîtes dans les plai- nes & crient peu , parce qu’ils font meflés avec des lévriers qui naturelle- ment rident.

Les Anglois ont outre cela de trois fortes de chiens , les plus grands & les plus beaux font dits de race Royale, & font blancs marquetés de noir. Us gardent fort bien le change, 8c font dreflfés de telle forte , qu'ils chafTent tous enfemble fans ofer fe jetter à l’c-

58 LE PARFAIT

cart de peur du châtiment , que les Valets de chiens Anglois [ qui font très rudes] leur donnentavec les gran- des gaules qu’ils portent exprès.

les féconds font appelles Beaubis * aufquels ils coupent prefque a tous la queue , comme à des braques. Ce font des chiens plus bas de terre , & plus longs que les autres, fort épais, dégorgé effroyable , & qui heurtent fur la voye , 6c qu*on n’en peut faire fortir qu’avec peine , parce que natu- rellement ils le nez dur , 6c qu’ils reprennentdiffiulement la voye quand ils en font forcis.

Ce font chiens qui aiment naturel- lement à chafTer les bêtes puantes * comme Renards 6c Sangliers , 6c font la plufpart comme barbets à demi poil, & s attachent tellement à la voye de quelque bête qu’on leurpmffe donner, qu’ils ne la" quittent point , & que plus ils lachafïènt, plus ils ont de cha- leur &de vitefle pour la pouffer about.

Les derniers font appellés Bigles , dont il y en a de deux fortes, de grands & de petits. Toutes les deux font ex- cellentes pour courre le lievre dans les plaines.

CHASSEUR.

Tontes ces races de chiens font confondues avec les Françoifes, & ce mélange fait que les chiens Fran- çois font plus fages que leur naturel ne porte , 3c qu’ils chaflent beaucoup plus plaifamment que les naturels An- glois , fefervant eux nes, foitdans les plaines foie dans le fort , au lieu que les Anglois vont trop vite dans les plaines , & trop- peu dans les Fo- rêts , parce qu’ils veulent trop s’atta- . cher à la voye & qu’ils veulent tout faire. Nous particulariferons de quels chiens il fe faut fervir en toutes Chaf- fes quand nous en traiterons , & di- rons defquels il fe faut fervir en cha- cune.

Quant à la maniéré dont il faut fai- re couvrir les liceSjélever leurs chiens, & les mettre dedans nous allons l’ex- pliquer.

Les Anglois obfervent plus régu- lièrement ce qu’il faut faire pour avoir de bons chiens courans , 3c pour en avoir quantité , car ils gardent des liffes exprès qui ne vont jamais à la charte, de toutes les meilleures races qu’ils ayent pour leur fervir de lififes

6o LE PARFAIT

portières , lefquelles ils laiiïènt libres dans leurs baflès-cours, comme mitai- nes qui n’avortent jamais & qui leur font tous les ans deux portées , dont ils n’en gardent jamais plus de fîx de chaque portée : fi bien qu’ils font état qu’il n’y a point de leur lifles qui ne leur donne tous les ans* l’un portant l’autre , une douzaine de chiens, & comme ils abondent en laittages , & que leur lifles font toûjours en liberté* ils les nourriflent mieux que tous au- tres* & pouffent leurs petits chiens jufques à l’âge de cinq mois qu’ils ont fait leur gueule à force de lait, en telle forte qu’ils deviennent beaux , grands & forts , & (ont plus prêts à chafler à un an que les autres à dix-huit mois, & ainfi font-ils de toute autre race de chiens.

CHASSEUR.

61

CHAPITRE XIII..

Des équipages.

QYuant à la maniéré d’entre- tenir des équipages & de parler de la propriété des chenils , comme cela dépend tout à fait de 1 afFeétion qu’ont les Maîtres à la Chaflè * & que cela dépend de l’adrellè des gens qu’ils emploient , il feroit inutile d’en parler. Mais il fe peut dire que fi les chiens ne font penfés & tenus pro- prement , il en arrive toujours deux accidens fort grands & fâcheux , qui font la galle & la rage ; le premier, faute d’avoir de bonnes cheminées dans les chenils , & y faire grand feu au retour des Chaflès , principalement en temps humide pour feicher les chiens & les delalfer du travail qu’ils ont fait. Et l’autre qui eft la rage, ne leur donnant pas tres-fouvent de l’eau fraîche , ne les rafréchiflant pas de bon laie quand ils ont fait de grands

êt LE PARFAIT

efforts, & ne les purgeant pas quand ils ont eu fouvent de trop grandes curées.

I! faut tenir pour maxime qu’on ré- chauffé bien plus facilement les chiens quand il fait froid , que l’on ne les rafiêchit quand il fait chaud. Ceft

fîourqnoi il faut prendre garde comme es chenils font expofés : car il n’y a cier de fi périlleux que d’en tourner les portes & les ouvertures du côté du Midi , dont la chaleur donne toûjours la rage ; & tant que faire fe peut il les faut expofer au Soleil Levant, par- ce que fi peu de chaleur que le Soleil donne à fon lever fuffit pour diflïper tout le mauvais air & les mauvaifes Lenteurs qui font ordinairement dans les chenils.

Il ne faut auflî négliger une tres- exséle vifite des grains dont on nour- rit les chiens , lefquels font quelque* fois trop échauffés par l’épaiffeur qu’oa en met dans le grenier , qui les fait (en tir la remeugle , des mauvaifes Len- teurs & de la pourriture , n e ne des eaués puantes dont on fan fouvent le pain par la falleté des Boulangers, ce

CHASSEVR. 63

qui donne au commencement de pe- tites maladies aux chiens ôc des de- goûts. Mais dans la continuation , de grandes maladies , des cours de ven- tre > ôc enfin la rage à laquelle abou- tiflent tous les maux Et faut que les Valets de chiens avoüent qu’une feule fournée de pain mal cuite rend toute la Meute malade une (emaine entière , & principalement les chiens les plus voraces ôc qui mangent ordinairement le mieux.

Il y a deux faifons de Tannée auf. quelles il faut donner plus de foin au maintien d’une Meute pour la garen- tir de toutes les maladies qui régnent en ces deux faifons , Tune au Prin- temps , l’autre en Automne.

En celle du Printemps * parce que le Soleil renouvelle , que le Soleil re-. monte ôc donne vigueur à toutes cho- fes , ôc qu’en ce temps les animaux font en leur plus grande force ÔC principalement les Cerfs , ôc qu’aux Chcififes qui fe font en Avril les chiens font plus d\ fforts en une , qu’en plu- fienrs en tons les temps de l’année. G’eft pourquoi il faut purger les chiens.

64 LE PARFAIT

les faigner, les penfer, & les tenir plus nets qu’en toute autre faifon , 8c leur donner une meilleure nourriture ayant foin de ceux qui font maigres , & par confequent en état d’être plus fufceptibles des maux qu'ils peuvent communiquer à tous les autres , leur donner de la fouppe , & les* remettre en état.

Et quant à l’Automne qui rend tous les corps des animaux plus debiles & plus lâches , c’eft en cette faifon quii en faut avoir un foin particulier.

Quand on en a grand foin & qu'on tient les chiens proprement, on ne voit gueres de Meutes attaquées d'au- cunes maladies generales qui les rui- nent. Et ce ne font jamais que les grands excès des curées trop frequen- tes 8c de grands efforts que fait une Meute qui leur caufent la rage de glai , grande rage qui infeéte l’air des chenils & qui fe communique.

La première fe guérit , fi elle arrive au Printemps par des remedes rafré- chiffans . La fécondé qui n’eft que par- ticulière fe guérit par faignées, & par des purgations de fené, La troifiéme

fe

CHASSEUR. é5

guérit par des bains falés ou par Je baigner des chiens dans la Mer, 8c en feparant tous les chiens les uns des autres le plus promptement que faire fe pourra. V oyés les remedes à la fin du Livre.

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CHAPITRE XIV.

Comme il faut nourrir les chiens François -pour les rendre plus obeïffans & plus figes.

SI les François imitoient les An- glois qui font nourrir tous leurs jeunes chiens enfemble , & dés l'âge de nx mois les mènent à la campagne pour leur apprendre à être obeïlTans, ne leur permettant pas que jamais ils .e leparent les uns des autres : Ils au- roient des chiens fages & obeïlTans qui chaueroient toujours erffemble. Lar les chiens François ont des qua- lités plus relevées qne les Anglois n ont pas. Ils ont les voix plus hau- taines, chaffent plus gayemer.t*, le

F

66 LE PARFAIT

balay haut , tournent mieux, & re- queftent mieux incomparablement , rentrent mieux dans la voye , trou- vent mieux les retours, & fe font plus entendre de deux lieues qu'une Meute «Angloik ne feroit d’un quart de lieue, parce qu’ils chafTent le nez haut , à

}>ius d’un pied de terre , au lieu que es Ànglois chaflent le nez bas , ôc d’une voix étouffée contre terre pren- nent la voye , dans laquelle ils ont peine de rentrer ayans les nez durs , & étant fouvent obligés de le- ver la tête pour faire leur hurlemens , chafïant de mauvaife grâce la queue baffe ôc trainante comme des Renards fans aucun mouvement. Mais cous ces avantages des chiens François s’éva- noüiffent par la mauvaife nourriture qu’on leur donne , les faifant tous nourrir feparément les uns par des La- boureurs, les autres par des Bouchers en plein libertinage jufques à un an ou quinze mois, pendant lequel temps ils aquerent des qualités fi vicieufes, qu’a- vant que d’entrer aux chenils ils font incorrigibles , & que 1 obeïlïance ôc a crainte ne peuvent plus rien fur leurs

CHASSEUR. 67

vicieufes habitudes , & que ce n’eft qu’à force de coups qu’on les peut réduire, encore n’en peut- on pas ve- nir àbour. Si bien qu’une Meute ne devient fage qu’à force de vieillir.

Quand une Meute eft attaquée de la rage, il faut virement feparer tous les chiens, ôc leur donner à tous de l’orvietan ou du theriaque de Venife* Il les faut baigner tous en eau falée, ou les mener à la Mer. Il les faut pur- ger de Séné , que l’on fait infufer dans du lait chaud. Les chiens qui le pren- nent à peine, il leur faut donner dans de la fouppe claire, ou dans le petit lait, ou dans le lait battu. Il faut brû- ler dans les lieux ou ils font force ge- nièvre, force coupaux de fapin , & y brûler beaucoup de vinaigre fur des pelles de fer toutes rouges. Quand ils font bien purgés il leur faut donner de la foupe faite avec des têtes de veau pour les rafraifehir , & met- tre dans cette foupe force chicorée , laittuës & toutes herbes rafrailchif- fantes , & fur tout que le Soleil de Midi ne donne point dans le chenil. Quand il y a des chiens plus triftes que

F i)

a LE PARFAIT

les autres , cTun regard plus fombre 8c plus obfcur , Il les faut purger davan- tage que les autres, & n’importe pas qu’ils maigrirent, pourveu que le mau- vais air foit purgé , on les remet allés en chair, il n’y a que la vigilance des Valets qui puifle remettre une Meute en état quand elle eft attaquée , de pourveu qu’ils pratiquent ce qui eft dit , le mal ne fera pas grand : les frequentes curées ruinent prefque tou- tes les Meutes,

CHAPITRE XV.

De U Chajje du Chevreuil .

CEtte Ch i (Te eft difficile à caufe des grands retours que font ces animaux. Il faut pour la bien faire , des chiens François vigoureux , qui fe ! fervent d’eux- mêmes de qui requeftent bien , les chiens gris aiment tous le Chevreüil j de quand ils ont couru trois ou quatre Chafles , ils fedreflent Sc prennent f habitude de retourner

CHASSEUR. 69

quand ils Tentent les voyes doubles. Les chiens pour cette ChalTe doivent être d'entreprifè , parce que les Che- vreüils durent du moins cinq heures , & fur leurs fins ils prennent les plai- nes 8c les côtaux comme les Lievres , & Te font battre dans les jardinages des plus gros Villages , le plus fouvent on les manque à caufe du bruit des mâtins qui écourdifient les chiens , puis Te relaifient dans quel- que greffe haye comme feroit un Lie* vre , & demeurent faillis , ou bien par une autre rufe ils enfilent quelque au- tre chemin, n’appuyans que des pinces, & les chiens étourdis ne parchaffent plus par tous les bruits 8c des-ordres que leur ont caufé lefdits maftins , ils fe forlongent 8c Te perdent ; pour à quoi remedier il faut prendre de très- grands devans 8c de très grands tours par derrière, pour voir s’il n’y a point quelque buiffon ou haye pour les xequefter , dans lefquels fouvent après que la Chaffe eft des-efperée, plus de deux heures après les défauts ils fe relancent dans les baillons au- tour du village^vers lefquels ilsavoient

70 LE PARFAIT

la tete tournée quand le defaut eft ar- rive. Il faut tenir pour maxime en cette Chafle qu’à tous les defauts, pour les relever il faut toujours pren- dre fes devans en arriéré, & jamais par le devant, parce qu’un Chevreüii retourne toujours, & ne faut jamais craindre qu’il fe forlonge en avant , fi ce n’eft alors qu'il prend les plaines.

Les chiens pour Chevreüii ne gar- dent point le change, mais les vieux chiens le montrent en chaflant plus froidement , & quand cela arrive il faut avoir bien remarqué le lieu de la feparation des chiens , & y retourner pour requefter le Chevreüii de la Meute : car infailliblement il n’en eft pas loin, d’autant que ces animaux ne fe forlongent point,&: ne cherchent à fe fàuver que par les rufes , par les retours & parles relaifters.

L’on court ordinairement Chevreuils ou Chevrettes félon que les détour- nent les Valets , parce qu’il n’y a au- cune connoifïance qui diftingue le mâ- le & la femelle que par la tête. Plus les chiens pour Chevreuils font re- muans, vigilans & aéfcifs , plus ils font

CHASSEUR. 71

propres à cette Charte , mais fur tout il faut qu’ils foient laborieux & entre- prenans , qu’ils requeftent bien , les plusgcands barreurs font les meilleurs, & qui fe drcflent plutôt à retourner quand ils Tentent les voyes doubles.

Du naturel des Chevreuils .

Es Chevreuils font du naturel

JL-/ craintif qui fe recèlent fort dans de petits cantons , & ne changent point de demeures, ni ne partent point d’une Forêt à Vautre , fi ce n’eft dans le temps du bourjeon auquel il eft fu- jet de s’enyvrer, & d aller par tout hors de fa demeure ordinaire fans con- duite, il féjournedans des taillis épais, rodant parfoufillant par des petits re- tours comme des Lapins fans battre grand pats. Ses relevées font juftes comme des Lapins. Son ruth eft com- me celui des Cerfs , finon qu’il n’eft point fi violent , ôc qu’il ne bat point tant de pais pour trouver fa femelle, & l’ayant trouvée, il en jouit plus pai- fiblement & avec moins de combat*

7* LE PARFAIT

que ne font les Cerfs qui dans ces temps deviennent fi furieux & fi jaloux les uns des autres , qu’il fo pafle peu de ruths fans qu'il y en ayt d'eftropiés. Mais les Chevreüils fe portent en leur action generative avec bien plus de modération , & même ne vont point au change , 8c font tres-foigneux de fecourir leur femelle, 8c les garder quand elles font pleines , 8c quand elles ont mis bas, à leur aider, à éle- ver leurs faons , 8c les garder tant qu'ils font en état de les fuivre, même quand ils font chafies à fe relayer l'un l'autre, 8c donner fouvent le change ; mais non pas comme difent aucuns qu'ils fe marient enfemble , 8c qu'ils ne fe quittent jamais. Ce font des vi- fions qui n'ont nulle certitude ; car pour afiurer cela il faudroit Içur avoir fait des marques exprès. Le contraire fe voit dans des Parcs fermés peuplés de ces animaux les mâles fe bat- tent au temps du ruth pour joiur des femelles.

Les femelles portent ordinairement trois petits, quelquefois quatre , & de grandes Chevrettes fort fécondés en

CHASSEUR. 73

ont quelquefois jufques à cinq quand elles ne font point tourmentées, mais celaarriverarement.il n’y a point d’ani- mal qui multiplie tant queleChevreüil, & qui ait plus de foin de fes Faons, auGS bien le mâle que la femelle , princi- palement dans les Parcs les Loups ne les tourmentent point. C’eft le plus difpos animal de tous ceux qui ont le pied fourchu, & aiment extrê- mement la liberté, & ne cherchent qu’à fortir du Parc il eft enfermé, & toutes les nuits rode alentour pour chercher le lieu de la fortie , princi- palement fi le Parc eft médiocre , & nous avons obfervé que quand les murailles ne font que de douze ois treize pieds de haut , les plus forts les fautent , & les moindres retombent fur les reins , fe froiflent , deviennent malades , languiflènt & meurent ; c’eft pourquoi je donne avis à ceux qui ont des Pâtes ils veulent te- nir des Chevreuils de faire hauflèr leurs murs à quatorze pieds , ou défai- re des foliés en dedans tout le long, & n’y point tailler la moindre breche fils ne veulent perdre tous leurs Che- G

74 LE PARFAIT

vrcüils, comme j’ai veu arriver en an Parc chez un de mes amis pour les breches qui arrivèrent l’Hyver par la gelée qui furent négligées & ouver- tes le refte de l’Hyver, fans qu’on les fermait de bois* Sa femelle porte deux ou trois petits , c’eft pourquoi il pullule plus que le fauve. Il craint fort les Loups qui ont coutume de lechaf- 1er comme des xhiens fe relayant les 4jns les autres : c eft pourquoi il eft toujours au guet & fur pied , ce qui lui fait fouvent changer de place dans les Forêts & huilions l’on les voit fouvent chafles & poutfuivis par les ioups dont ils fe donnent fort garde , Je pour fe fauver ne fe fie qu’à fes jufes , qu’a fes retours , Sic qu a fa grande diipoütioii»

CHASSEUR» 7j

CHAPITRE XVI.

De la Chaffe du Loup.

LA Chaflè du Loup eft Royale.'

Il y a un tres grand équipage en- tretenu en France pour la faire. La manière de prendre les Loups de tou- tes façons , foie au piege , amorce , triquetrac, carnage &c. a été écrite par tant de perfonnes, que ce ne fe- roit que des redites. Je me contente feulement d’écrire de quelle façon ils fe peuvent forcer pour faire qu’on le chafTe avec force chiens de Meuttes & force relais. Les jeunes Loups fe peuvent forcer, mais non les vieux; parce que tant qu’un vieil Loup ren- contrera de l’eau, il courra trois jours & trois nuits , & par confequent non forçable. C’eft un animal û mal fai- fanr, qu’il eft par maniéré de dire l’ob- jet de la haine de tout le monde, c’eft pourquoi il ne vit pas long-temps , car il eft attaqué en tant de façons G ij

76 LE PARFAIT

qu’il faut qu’il y fuccombe , outre que

voracité des viandes putrides le fait bien-tôt crever. Je peux ici raconter ce que f ai vu cl- la vigueur que les vieu^ Loups ont aux mâchoires., pour faire voir qu’ils ne peuvent pas être forcés.

Trois Loups avoient été pris dans des folles faites exprès, ils furent ame- nés aux Tuilleries devant le feu Roi Louis XIII. Il y avoir un vieil Loup & deux autres plus jeunes : onlesfift combattre contre de gros lévriers , les deux premiers fe défendirentalïes bien, le troifiéme qui étoit le vieil fut atta- qué par trois lévriers , il les rendit tous trois , on le fit attaquer par trois au- tres 5 & puis encore par trois autres fucceffivement jufqu’à douze , trois à la fois , il les marqua tous , 8c les re- butta de telle forte, qu’ils l’abandon- nèrent & ne l’oferent plus approcher. Il n’y a point de coup de foiiet de Chartier qui fift plus de bruit que les coups de dent de fa gueule. Par l’on peut juger de :1a vigueur des vieux Loups.

Il y a trois fortes de Loups à fgavouy

CHASSEUR, 77

Loups cerviers plus grands que Renards qui habitent les montagnes, lefquels ne vivent que de gibbier qu’ils furpren* nent.

Loups-maftins qui ne vivent que de charognes , qui font toujours aütouf des grandes Villes elles abondent y 8c aux chetues des Rivières dans la Mer , toutes les pourritures qui y voguent s’arrêtent.

Loups-levriers qui font viftes & qui vivent de rapine par le moyen de leur legereté. . Ces deux dernieres efpeces font fort grands & rablez, ayant une gueule épouventabie à double rang de dents, 8c crocs qui coupent comme de Parier trenchant * dont ill mettent en pièces tout ce qu'ils attrapent , & font plus fins 8c plus rufés qu’aucuns animaux du monde pour fimsfaire à leur vora- cité, 8c vonr toujours ordinairement deux enfemble, dont le plus fort frappe de fa queue aux portes des Païfans pour faire fortir les chiens fur eux 9 puis prennent la fuite pendant que le plus vifte eft au guet pour attraper le chien qui fort. Les autres rufes font écrites dans la Maifon ruftique.

G iij

Seigneurs fai-

CEîte Chafle fe fait en beau* coup de maniérés, premièrement à force , aux accours avec les lévriers, avec les limiers en rontaillant , avec des abboyeurs , aux relevées avec ar- quebufes, & aux amorces qui eftune très jolie chafle , dont il y a un Cha- pitre particulier à la lin du Livre de l’art de tirer les Sangliers.

Anciennement les foient toutes ces Chafles de gros ani- maux , comme les Allemans qui chaf- fent aux bricolles & aux filets fans^ courir à force , & ils tenoient chez- eux de grands équipages de toutes for- tes de filets , mais à prefent cela ne fe pratique plus , & l’on ne fe fert que de toiles pour mettre les bêtes dans les enceintes, quand on veut faire des Chaflès meurtrières , ainfi que font tous les Princes Allemans. Mais il

CHASSEUR. 79

n5eft ici qu’eftion que d’expliquer cel- les qui peuvent donner du piaifir & qui

font en Ufa§e- . r r- e , .

La première qui fe fait a force s exe»

cute par des chiens de Meutte , & pai^ quantité de relais, comme la Chafle diF Cerf.

On a peine à forcer les grands vieux' Sangliers , parce qu’ils courent très long- temps , & à la fin fe jettent dans les étangs, & y demeurent relaiffés dans les bourbes , fans qu’aucun puiffe les y aller attaquer n’y ayant aucun ani- mal qui nage fi bien que le Sanglier^

En cette chafle félon que les San- gliers font donnés aux chiens vieux ou jeunes, on les force & on leur court Tarquebufe fur l’épaule, quand ils font vieux Sangliers pour les tuer quand on le peut dans quelque relancer on dans quelque accourt , ou quand ils retournent fur les chiens. Ces animaux ont une telle vigueur * qu’on en a pouffer à un Picqueur, attraper en paf- fant une étriviere , & porter l’homme & le cheval plus de fix pas loin.

Quand on attaque ces grands vieux Sangliers* pour en venir about Pon fe G iiij

go LE PARFAIT

fert de chariots 8c charettes chargées à arquebufiers y qu'on pofe dans les pa (Fages pour les tirer. Et iln’y ahom^ me qui ofe demeurer en pied > parce que ces bêtes viennent au bruit &. à la voix des perfonnes 8c les déchirent, ou leur font de grandes bleiïures Les plus dangereux font ceux qui font dans leur quart an 5 car en vieilliffant ils deviennent mirés , 8c leurs défenfes étant tournées ils ne coupent plus,.

Ces bêtes ont plufieurs noms félon leur âge * élans petits on les nomme Ma rca (Tins. Apres quand ils ont un an ©n les nomme Bêtes de compagnies ; enfuite ils deviennent Ragots , après ©n les nomme Sangliers en leur tiers an. Puis après on les nomme San* gliers en leur quart an. Puis après mi- res , & puis vieux Sangliers^ Et puis enfin grands vieux Sangliers.

Les femelles quand elles commen- cent à porter on les nomme Layes. Elles font fieres & dangereufes quand elles ont des Marcaffins. Si on les chafiè , elles ont la rufe de ramaffer tous leurs petits Marcaffins en unbloc dans quelque builïbn fort épais , &

)

CHASSEUR. 82

puis elles fuient tout à- l’autre bout de la Forêt ; & jamais ne tournent ni appro- chent le lieu elles ont laiflfé leurs pe- tits. QjJe fi d’aventure ils étoient ailes grands pour la fuivre , elle fe met à leur tête & s’en ira à dix lieues delà fans tourner, paffant par plaines, to- taux, rivières, marets , bois ôc forêts avec fa troupe , ôc fe fauve ainfi fou* vent par un tel foriongement.

Elles vont au ruth en Décembre & Janvier , & portent comme les truyes communes, quatre mois & une fè- maine. En ce temps-là elles fe rece* lent fort , & font tres-difficiles à trou- ver. J’ai oui raconter autrefois qu’un grand vieux Sanglier mâle s’étoit ac- couplé avec une truye commune , Sc que cela arrivoit fouvent en Alle- magne ou en Portugal, ces animaux font libres & toujours demeuransdans les Forêts.

La Chalfe des accours efl plailante. Elle fe fait en mettant des lévriers d’eftrique derrière une toile faite ex- près à bon vent fur les côtés , & dans le fond de Paccours on y met les gros lévriers. Dés que le Sanglier fort,, on

Sa LE PARFAIT

lui donne une lefle en côte , la voyant il veut Fuir de l’autre côté , d’ou l’on lui en donne une autre , il Ce veutfau- ver au milieu , il trouve les gros lé- vriers entête, qui le tiennent & l’ar- rêtent tant que les ChafTeurs le tuent à coups d’épée, mais il ne faut point oublier de tenir l’ëpée à deux mains , parce qu’il tueroit les chiens.

Celle de rontaillerdes Sangliers avec les limiers eft encore fort agréable*. JLe Valet qui routaille tient fon chien court , & ne le laifTe aller que douce- ment, le Sanglier n’étant point prefle* écoute ; les tireurs montés fur des ar- bres au bruit du chien le voyent ve- nir & le tirent à leur plaifir, & s’ils ne le tuent tout roide , ils coupent les devans d’une enceinte à l’autre, tant qu'il tombe fous la main de quel- qu’un. C’eft une vraye Ghaflede Gen- tilhomme, car elle n’eft point de dé- penfe. Elle eft fort en ufage en Berrh

Il y a encore une autre maniéré de^ ehaflerle Sanglier, qui fe fait avec des chiens qu’on appelle abboyeurs , lef- quels dans les grands bois queftent ÔC prennent le vent d’un Sanglier , 8&

CHASSEUR. 83

Tayant trouvé ils n’approchent point & aboyent feulement. Le Sanglier tourne iouvent fur eux, mais ilsfuyent. Cependant les Arquebufiers fe cou- lent à lentour & le tirent , & jamais l’abboyeur ne le lailfe qu’il ne foit tué. Ces chiens procèdent & font engen- drés d’une lille qui chafle naturelle- ment le Sanglier, & d’un fort maftin qui ride de nature. Il eft à remarquer que le lieu le Sanglier fe repofe s’appelle bauge.

Il fe peut faire une race de chiens engendrés d’une lifle & d’un chien fufdits qui fe peut faire foit à gros poil , defquels en ayant une douzaine chaiïèront de gueule , & il n’y aura point de Sanglier qu’ils ne portent par terre & qu’ils ne faffent pafler aux accours. Cet avis fera pour les Gentilshommes qni demeurent prés des Forêts il y a beaucoup de San- gliers. Il y a encore un autre avis qui cft , que les chevaux dont ils fe fer- vent foient alfés forts deffous & char- gés de poil pour fe défendre de l’épine, parce qu’il n’y a point de plus grands en- nemis des Piqueurs que les Sangliers.

U LE PARFAIT CHAPITRE XVIII.

De la Chajje du Renard & des bêtes -puantes.

À Chafle du Renard & bêtes

JL-/ puantes le fait avec des chiens de toute taille pour le Renard , & des baflets pour les autres. Le feu Roi Louis XIII. a été le plus- grand 1 Cha fleur qu’aucun Roi du mon- de. Il a aimé coures fortes de Chaflès, & y a été le plus adroit de fon Royau- me , Sc l’on peut dire de fon fiecle ; mais fans particularifer touces celles qu’il pratiquok excellemment , ôc y reüffilfoit mieux qu’faomnie du monde* il faut deelârer les plus belles qu’il a faites toute fa vie en Roi, ôc queper=* fonne ne peut imiter.

La première en fa jeunelFe cft la Fauconnerie qui étoit telle, que nul ! oyfeau de quelque nature quil pût- eftre ne pouvoit paroître dans une plai- ne fans dire attaqué par des vols &

par des oyfeaux fi hardis , & de fi grande entreprife,qu’il falloir par force qu ils vinflent à bas. Tous ces vols feront exprimés parlant de la Faucon- nerie ci-aprés & pour donner plus facilement le plaifir de voir voiler tout ce qui pouvoir Ce rencontrer dans la plaine de Saint Denis proche Paris , à la Reyne &c à toutes les Dames delà Cour, il avoir fait conf- truire une butte de terre au milieu de cette plaine au lieu nommé la Plan- chette qui. étoit environné d’eauës , 8c de toutes les choies neceflàires pour à fon aife voir tout alentour , ôetous les Chefs de vols envoyoient par tout faire voiler des Ducs pour faire ap- procher les oyfeaux de ladite butte, & quand ils croient en portée raifon- nable , ils étoient attaqués & s'élè- vent dans une hauteur extrême, qui ionnoit la facilité de voir à toute la Cour toutes leurs défenfes & leurs :ombats , puis étans amenés en bas, itoient apportes au Roi qui en avoir tout le plaifir*

Tous ces vols fuivoient le Roi par :out dans les voyages , & en tous les

86 LE PARFAIT

lieux fe prefentoit dequoi donner du plaifir au Roi ^ il en joüiiïbit piai- llement. Voilà la première Chaflè Royale que le Roi a aimée , laquelle étoit d’un fingulier plaifir à toute la Cour j & pour l’entretien de laquelle tout ce qu*il y avoit de bons Faucon- niers en l’Europe s’étoit rendu auprès de Sa Majefté, dont ils tiroient des appointemens tres-confiderables , ce qui rendoit les équipages fi bien fervis, qu’il ne s’eft rien vu de pareil dans nôtre fiecle-

La fécondé Chafle que le Roi a fait loyalement, eft celle des Chiens cou- rans , car outre tous les équipages pour Cerfs , pour Chevreuils, pour Loups , pour Lievres &c pour San- gliers ; il y avoit toujours cent cin- quante chiens qui le fuivoient par tout en fes voyages , qui attaquoient tout ce qui fe rencontroic dans tous les buiffbns qui étaient en fon chemin, & dans tous les lieux ou il féjournoit.

Pour cet effet , il n’y avoit point de pur que du moins huit Veneurs n*al<2 lafïent tous les matins aux bois qui étoient par le Roi paffoit , & qui

CHASSEUR. 87

nefilTent leur rapport au Roi de ce qu’ils avoient rencontré. Toit Cerfs, Biches , Chevreuils, Loups, Sangliers, Renards & le reite. Et qu’elles étoient les fituations des buiflons , & s’ils étoient en plaines , cêtaux ou lieux humides , quelles étoient les refuites des bêtes , deiôrte que le Roi étoit informé à fon lever de quelle bête il pourroit avoir du plaifir , & com- ment elle ferait portée par terre par trente leflès de lévriers qui fuivoient l’équipage par tout.

Quand le Roi vouloir chaffer , l’or- dre fe donnoit aux Gendarmes, Che- vaux-legers& Moufquetaires à l’heure qu’il vouloir partir , les Chaifeurs par- toient devant & voyoient ou étoit le vent pour difpofer les accours. Les toiles étoient ajuftées pour cacher les lévriers , & le Roi arrivant trouvoit tout difpofé. Toute fa fuite bordoit le côté du mauvais vent , & fe rangeant à cinquante pas les uns des autres le le piftolet à la main fe tenoient prêts quand la ChaflTe commenceroir. Le Roi donnoit le fignal , les chiens étoient découplés, & dés qu’ils com-

S8 LE PARFAIT

mençoient à chafler 5 la déchargé fe faifoit du côté du mauvais vent , ce qui donnoit une telle terreur aux bêtes, qu’elles fuyoient du côté des accours, & à leur fortie du bois les lévriers coftiers étoient donnés > puis ceux de l’autre côté, tant que les bêtes alloient au fond de Taccouis étoient les gros lévriers qui les coiffbient, & le Roi en avoit tout le plaifir.

Incontinent chacun à mefure repre- noit fa place pour voir fortir d autres bêtes , lefquelles étoient encore cou- rues , &c tant qu’il y en avoit dans le bois tout étoit porté par terre. Cela duroit tout le haut du jour , <k fouvent fort tard , principalement quand il y avoit des Loups (car ces animaux font malicieux} qui ne vouloient fortir qu’à force , & même il y en avoit qui fe fauvoient du côté défendu des Cava- liers 5 & qui aimoient mieux efluyer leurs coups que de fortir du côté de l'accours qu’ils avoient éventés.

Ces deux Chalfes étoient pleine* ment royales , car le Roi fe pouvoit dire le maître de tout ee qui fe prc- fentoit dans l’air, & de tout ce qui

étoit

CHASSEUR. s9

étoit fur terre ; puis qu’il prenoit tou- tesfortes d’oyfeaux & de quadrupèdes qui Ce rencontroient dans les lieux il lui plaifoit de chairer , tellement qu’if etoit Roi de l’air & de la terre , ce que j'ay bien voulu décrire pour fa gloire , & pour les plaifirs innocens

aufquelsil s’adonnoir.&pourrhonneur que j’ay receu de l’accompagner trente- ans durant dans toutes ces Chaflès.

Quand les Renards font fort chafles^ ils fe terrent & alors on les déterre avec des baflets , ils font pris vifs , êc on leur fille les yeux, enforte qu’ils* ne voyent goûte, puis on les laiiTe courir dans une plaine, c’eft un plaifir afles diveruflànt de voir les culbutes qu’ils* font en courant de toutes leurs forces, fans fçavoir ils vont. Quand on â eu ce plaifir afles long temps, l’on met les baflets fur les voyes du Renard fil e , lequel entendant venir les chiens a lui, refait d’autres nouvelles culbutes-

que la peur lui fait faire plus grandes que les premières , tellement que le Renard <?t ies baflets Ce mêlent , Sc il n’y a point de meilleure invention pour metrre ces chiens en curée.

H

9o LE PARFAIT

Les Gentilshommes Anglois font la Chafle du Renard avec plus de cere- monies , car quand ils ont connoiffan- ce d‘un Renard avec.de certains chiens qu’ils ont , qu’on appelle des trou- veurs qui vont requérir un Renard en tous lieux fuft il parte de vingt-quatre heures : ils en donnent avis à leurs amis , 3c font aflemblée de quatre oti cinq Meutes pour le charter , comme fi c’étoit une bête de grande impor- tance j puis tous enfemble vont le chercher, & le chaflent tant qu’ils le font terrer , puis avec grande cere- monie ils le deterrent, & le prennent vif, 3c le mettent dans un Parc fans qu’il en puifle fortir, derechef ils ap- pellent tous leurs amis avec tous ceux qui ont des Meutes & des chiens , &C des chiens , 3c quelquefois en nom- bre de plus de cent cinquante, lefquels tous ayant des voyes à plein nez, étant dun naturel à aimer les bêtes puantes, ils chaflent avec un bruit épouvanta- ble , jufqu’àce qu’il foit fur fes fins , puis ils rompent leurs chiens & vont faire de grands feftins enfemble juf- ques au lendemain qu’ils chaflent es-

CHASSEUR. 9i

core avec autant de chiens nouveaux qu’on leur ramene, 5c continuent cette Ch a fie tant que la bête le peutfouffrir, jufqu’à ce qu’elle meure de feiche- relie, & leur fête dure julqu’à cequ’ik puiiïent en avoir un autre vif.

Méthode pour tuer tous les Renards d'un bois .

Our tuer tous les Renards d’un

X bois, l’on fe fert d’un piaillant ar- tifice. Un tireur monte fur un arbre dans une taille le long d’un fort ou il y a des Renards 5 lefquels il a entende fouvent crier, comme ils font au Prin- temps, 5c au pied de l’abre fur lequel il eft monté, il a attaché une poule en telle forte qu’elle ne peut s’échapper* & à quelque partie defon corps il atta- che une fifellealFés longue pour la tenir delà main fur fon arbre , enforteque la tirant il la puilîè faire crier. Quand il eft bien hutté, & qu’il a coupé tou- tes les petites branches qui l’empé- choient de voir clair autour de lui afin de pouvoir tirer facilement tour

ç>i LE PARFAIT

ce qui viendra à fa portée, il tire fifeile 8c fait crier la poule, il n’eft pas hutte d’un quart d’heure, que s’il y a un Renard dans le fort , il accourt: au cris de la poule pour la prendre, & & if le tire & tres-facilement le tué- s’il fait cela en divers lieux il y a des Forêts , il ne briffera aucuns Re- nards dans le bois. Les Chats harets viendront auffi bien que les Renards, Foynes 8c Putays au cris de la Poule j mais il faut que le tireur foit fans in- quiétude, & foit d’une grande patience fans remuer fur fon arbre 8c fans faire aucun bruit : car ces animaux qui font deffians & rufés écoutent long temps avant que de fortir du fort pour fe jetter dans la taille après la. Poule qu’ils, croyent s’être écartée du Village. Mais» enfin n’oyanr aucun bruit ils ne man- quent jamais de fortjr & de fe faire tuer.'.

CHASSEUR. 95

Pour tuer des Renards au carnage*

IL faut attacher le carnage auec des hars de bois pour le traîner, car fi c’étoit une corde , principalement les Loups n'y viendroient point , parce que ces. animaux font défians , 8c ayant le moindre vent de la corde jamais n approcheroient. H faut même atta- cher avec des hars de bois contre terre avec des fiches rres-profondes : car la première choie que font les Loups, c'efl: de tirer le carnage hors de fou lieu ^ & quand ils Tentent qu'il tient* ils font long- temps fans en approcher, & ne viennent que par boutades en prendre quelques morceaux & fe re- tirent.

Les Renards y viennent tout daJ hord , & font moins défians que les Loups , c’eft pourquoi on les tue- très- facilement. Les tireurs fe huttent fur un arbre , fi c eft le long d’un bois , ou dans quelque vieille maifon deferte 8c ecartee d un village, d'où ils les ti- rent. Mais les Loups font quelquefois

94 LE PARFAIT

deux nuits fans y donner. Il n’y a que la patience qui en puifle venir à bout. Les Renards n’en approchent point tant qu’il y a des Loups.

De la nature du Renard.

LE Renard eft un animal tres-fîn & très rufé, qui ne vit que de rapt par furprife , 8c de petites bêtes qu’il deteire à la campagne. Il eft toujours au guet le long des Villages, fur tout quand ils font fîcués le long des bois* il fait grand tort aux garennes , 8c à toutes fortes d’oeufs des oyfeaux qu’il déniché , & aux Caterolesdes Lapins. Son âge ne fe connoît qu’à fon poil argentin, & plus il eft vieil, plus fon poil blanchit par fes extrémités. Les trique tracs , relevées , amorces em- poifonnées , & l’arquebufe lui font la guerre , tant pour le châtier de fes ma- lices & pour peau qui fert de four- rure, 8c fes poulmons qui fervent poui la maladie que l’on appelle Afthme»

CHASSEUR. 9|

Des Gabelles.

L A Chaffè des Gazelles fe fait avec des Lévriers & des Léo- pards, Elles font abondantes en Orient* ôc plus petites qu’un Chevreüil. Celle des Léopards fe fait ainfî. Le maître du Léopard en porte un en croupe fur un cheval , if va dans les lieux il peut trouver des Gazelles , ordinaire- ment pleins de brouflàilles, quelque- fois fur le bord des petites plaines o# il y a des tàloppes. Dés qu’il en part une * il lâche fon Léopard qui ne va que par de grands fauts, & le joint en très peu d’elpace . puis l’ayant portée par terre , la (àifît à la gorge. Le maî- tre y arrive qui la fend avec un grand couteau fait exprès , & il lui tire le cœur, qu’il donne au Léopard, moyen- nant quoi il laiffe la proye. Le Chaf- feur achevé de Pévenrrer & la donne a fon camarade qui la charge fur fon cheval. Le Léopard ayant mangé le cœur, & repris & remis fur le cheval en croupe ou il faute de lui-même étant drelTéàcela*

$6 LE PARFAIT

La Gazelle eft un animal plus petit qu'un Chevreüil fort vifte. Quand elle eft courue avec des lévriers ils la por- te par terre , ils la tiennent tant que le maître y arrive qui achevé de la tuer. Elle eft fort belle, d'un poil fauve blanchâtre avec des rayes blanches le long des côtés & à la tête* C’eft une efpece de Chevreüil, &: fo fie en /a viteflè, & eft un animal de plaine & de brouffàilles ; elle eft frequente en A fie 8c aux Indes , 8c non ailleurs.

Toutes fortes de gibier vient au cris* de fon femblable* Il fe vend tomesTor- tes d'appeaux pour tous animaux dont il faut qu'un Chaffour foit fourni,, s'il veut être curieux de fçavoir châtier toutes fortes.de gibier principalement aux relevées * le foir êc te matin, Sc la nuit au clair de la Lune.

Il y a encore plufieurs maniérés- de prendre le gibier avec piégés , lacs- courans, rattieres , filets, dont je ne parle point , parce que d'autres en ont écrit. Ils ne conviennent point à l'en- feignement que je prétends donner pour fo rendre parfait Chafleur 5 8c que toutes ces furprifes fe font plus

CHASSEUR. 97

la nuit que le jour fans chaiîèr , & il n’y a nulles rufes à vaincre ni à ob- server pour prendre le gibier qui i*e prend de lui- même.

Toutes ces maniérés de prendre le gibier appartiennent plus à des Gar- des Ae bois & à des Valets qu'à de Maîtres ChafTeurs qui chaflent plus pour le plaifir que pour la prife , & ou il ne fe rencontre aucun qui foit digne d’être écrit ni pratiqué , finon contre les bêtes mordantes qu’on ne iqauroit attaquer de trop de maniérés pour la deftruétion qu’elles caufent, c’eft pourquoi il s’y faut rendre fça- vant par les Garenniers qui les fça- vent détruire , & par les inventions que j’ay données au Chapitre des Ga- rennes.

ï

c)8 LE PARFAIT

La C baffe de la Foyne , Putoys & autres.

Y A ChalTe àe la Foyne fe fait avec i , des ballets qui la vont chercher dans les granges , greniers à foin, bûchers , & combles d’Eglife. Pour cet effet ils vont flairer tous les coins des bâtimens dans tout un Village pour fentir s’il en a monte quelqu une. S’ils en fentent & qu'ils appellent on leur dreffe des échelles , aulquelles ils font dreffés de monter & defeendre tous feuls. Ils courent par tout, & il n*y a point de lieu ou ils ne les re- lancent. Les Chaffeurs du feu Roi Loiiis XIII. avoient des chiens qui en prenoient par tout. Cette Chahe eft plaifante, parce qu’elle met tout un Village au champ , & que tous les ha- bitans fe préparent pour les tuer quand elles font trouvées , à caufe quelles leur font grand tort dans leurs poul- laillers , vollieres & colombiers , Sc qu’elles defettent toutes leurs baffes

C H A S SEUL 99

cours. La Chaile de la Foyne & des Putoys eftla même choie.

CHAPITRE XIX.

De la ChajJ'e du Lievre aux chiens courans.

A ChafTè du Lievre aux chiens

JL/ courans n’eft pas à la vérité fi confiderabie, fi noble, ni de fi grande confequence que celle du Fauve. Mais tous les Chalîeurs demeureront d’ac- cord quelle eft la plus line de routes les Chafles , la plus commode pour le plaifirdes Grands, &la plus belle pour les Dames qui les accompagnent, en la- quelle la peine ne furpafie jamais Jeplai- fir.Et à confiderer le vray plaifir des chiens coürans ne confifte qu’en trois

chofestfes-effentiellesquilacompofent,

La première dans les belles gorges 8c le grand bruit des chiens.

La fécondé que les chiens chaflènt tous enfemble pour augmenter l’har-

I if

IOO LE PARFAIT monie que roniou de leur voix pro- duit.

La troifiémeque les chiens nefoient point viftes * parce qu'ils ne peuvent pas bien crier, employant leur vigueur à courir de toutes leurs forces , mais principalement pour adoucir la peine que la vehemence de la conrfe d'un cheval peut donner quand il court d'une trop grande vitefle.

Si le plaifîr ne peut foufffir la moin- dre peine & les moindres incommo- dités fans alteration > les trois choies ci-dellus étant accordées , il n'y doit point avoir aucune Chaffe qui précédé celle du Lievre , lui qui poflede fi fpe- cialement ces trois conditions accor- dées , ni même une quatrième la plus confiderable de toutes , puis qu'elle polfede le plus noble de tous les fens qui eft la veuë , parce qu’elle doit eftre entièrement fatisfaite à voir les rallimens des chiens, à confiderer leur adrefle & leur inftin£fc de prendre leurs devans , leurs tours & leur retours , à voir la finefïe de leur nez pour cher- cher les chemins , pour traverfer les guerets & les£èichereifesv-au rappro-

CHASSEUR:. ioi

cher le balet haut , ôc enfin pour mettre à bout une fi petite bête qui marque fi peu de voye , ôc furmonter tomes les rufes Ôc toutes les finefifes qui fe rencontrent dans cette Chafïe.

Ce qui a fait avouer à tous les vrais ôc des-intetefies Chaflfeurs la vérité du dire qui eft fi commun , qu’il y a bien plus d’honneur à prendre un Lievre qu’un Cerf, ôc qu’il faut être bien plus fçavant pour rendre une Meute pour Lievre , parfaite , que pour en faire une bonne pour des bê- tes dont les voyes font toujours à pîain nez.

Toutes ces considérations m’ont obli- gé à rechercher avec plus de foin les finefTes ôc la fcience qu’il faut avoir pour bien faire cette chaffe , pour ve- nir à bout de toutes les difficultés qui s’y rencontrent, Ôc pour deméler tour- tes les rufes que la nature a données à ces petits animaux pour défendre leur vie : car elle ne leur a pas feule- ment donne la vitefïe pour fe fauver de celle des Lévriers , ni bourré les pieds pour courir fur le rude leurs plus grands ennemis ne peuvent pafièr I iij

lot ' LE PARFAIT

fans s’eflropier » mais elle leur a don* l’inflinét ôc 1 efprit de faire des ru- fes pour cacher les lieux ils giflent, êc leurs voyes aux chiens qui les chaflent par la force de l’odorat. Ce qui fe voit premièrement dans les ra- ies qu’ils font pour fe gifler. Premièrement Ton remarque qu’ils ne fe retirent jamais des gagnages ils paflent la nuit que par des chemins aufquels PappiiY de leur voyeefl moin- dre qiven tous lieux.

Que quand ils approchent des lieux pour fe gifler, ils n y vont jamais que par de très-grands fauts en balançant à droit & à gauche , & toujours à vaut le vent.

Que !e plus f3uvent ils fe giftent dans les lieux pierreux pour éviter que leur viteffe naturelle ne foit point fur- montée par celle de leurs ennemis. Que giflant dans les bois , il n’y a ni chemins ni carrefours qu’ils ne me- furent , ni de rufes qu’ils ne pratiquent auparavant que de le faire.

La première rufe que fait un Lievre quand il efl chafle, doit être fort re- marquée , parce que s’il a été couru

CHASSEUR, ioj

ii la continuera toujours jufqu’àla fia foie dans les eauës , fok dans les che- mins , Toit dans les bois ,foi't dans les gros Villages , foit dans les païs fecs , foit à vau vent. Si c’eft une haze elle éloignera peu Ton pais, fi c’eft un bou- quet, il ne laiflera de fe fauver par une longue fuite. Sur ce fujet je diray quelques rufes que fay remarquées dignes d'être écrites.

Nous avions couru un Lievre deux fois qui s'étoit fauve dans les eaux du marais de Bonneiiil , &c dans les IfieS au délions de Creteüil , parce qu'il partoit un bras de la Marne, & même il falloir qu'il partait tout le canal & allait dans la plaine de Saint Maiir , car les chiens partant le bras de Fille le chartoient jufques fur le grand ca« nal de ladite Marne. J’avois raconté cela à plufieurs ChalTeurs & à Mon- fieur de Turaine qui avoit une Meute de chiens François fort vides au Faux- bourg de Saine Antoine. Il me dit qu’il eurt bien voulu courre ce Lievre. lui dis que je le trouvois toujours dans un même lieu, & que j’efperois de le donner à fes chiens quand il lui plai-

io4 LE PARFAIT

îoit. Il vint un jour avec un bon St grand Chafleur François , 8c plufieurs Mi’ors Anglois , je ne manquai pas de m y rendre 3 &le menai dans les brouf- failles d’une Ifle il fut lancé , mais ceft une chofe merveilleufe comme il ne fut pas pris au gobet , car il paflTa tout au travers de la Meute , dont il eut une fi grande frayeur ? que paflfant un ruifleau ii gagna la plaine de Ville- neuve qu’il pafla d’une grande vitelfe, puis il mefura toutes les eauës qui fe trouvèrent au bas des cêtanx de Va» lenton qui étoient grandes par le dé- gel. Les chiens le chafferent fort bien. Moniteur de Turaine me dit quand il lui vit prendre les côtaux deValenton, ce Lievre eft à bout de fes rufes , puis qu’il prend le haut, je lui dis qu’il étoit d’une très- grande vigueur > &c qu'il pourroit retourner aux lieux or- dinaires où il les faifoit. Quand il eut mefuré tous les côtaux qui étoient tous pleins d’eaucs , tous les chiens eurent peine à emporter les voyes, 8c mêmes qu’il y eut quelques petits dé- fauts qui lui donnèrent affés de temps pour faire fa grande rufe. Il fe jetts

CHASSEUR.. i cf

dans une petite plaine qui eft entre lef- dits côtaux ôc le bois de Itieres , & longe le chemin jufqtfau bois , puis retourne fur lui , &: s’en revient jetter dans une grande mare qui écoit an deflbus du vent dudit chemin , & le relaiile tout au milieu , ne faiiant pa- roître de tout Ton corps que le bout du nez pour refpirer hors de l’eau. Il eut juftement afifés de temps pour faire cette rufe, par le moyen des chicanes ôc des détours qu’il avoir fait dans les côtaux. Quand les chiens furent eu- très dans la plaine , ils emportèrent fort bien les voyes f &* longèrent le chemin afles bien jufqti’à ce qu’ils rencontrèrent les voyes doubles qui alloient au bois. Cela réjoü Ifoit les Chalfeurs , & difoient tous qu’il fe- rait pris. Moi qui fuivoitle dernier le long du chemin ôc me défiant de cet- te mare , ôc m’étonnant qu’il n’a- voit pas paffé tout au travers, j’y jet- tai l’œil, Ôc je vis une petite motte au milieu de la grofiTeur de la tête d’un Lievre , je le regardai attentivement*, 3c je vis le galant relaiffe tout cou- vert d’eau : fi bien que perfonne n’au-

îû6 LE PARFAIT

toit jamais juger que fçauroit été un Lievre. Je ne dis mot , 8c je fuivis la Chaire jufqu’au bois. Auquel arri- vant je trouvay les chiens en défaut* Le Valet prit tous les devans tant qu'il perdit tout fon fçavoir faire, étant pourtant tres-bon Chalfeur. Les voilà1 tous à fe regarder fans dire mot. Moi qui ne les avois point quittés, per- fonne ne pouvoir dire que j’en fceuffe plus qu'eux. Enfin nous voila tous en confultation * fçavoir ce que pour- roit être devenu le Lievre. Les uns étoient d'opinion qiül étoit relaiflé dans le bois : d’autres qu’il étoit re- tourné aux coraux par le même che- min qu’il étoit venu ; les autres foute- noient qu’il ne pouvoit pas avoir eu le temps de le faire fans être veu : mais jamais pas un ne s’étoit avifé de la mare. Ils firent toutes les diligences de le requefter félon toutes les opi- nions , 8c comme tout fut defefperé, je dis à Monfieur de Turaine ; voulés- vous donner la vie à ce Lievre, i! me regarda ferme & tous les autres Chaf- feurs, 8c me dit fçavés-vous ou ileft, je dis, fi vous voulés je vous le mon-

CHASSE U R. 107

tterai , il me répondit , vous me ferés un grand plaifir , & je ferai fort con- tent d’apprendre la rnfe de ce Lievre* je lui dis , faites revenir les chiens ici* & venés, je vais vous le montrer. Ils accompagnèrent tous Monfieur de Turaine , ôc je leur difois en allant # mais ou vous imaginés- vous qu’il puifle être ? les uns difoient vous Pa- vés vû relaifle dans le bord du bois r d’autres dans le bord du chemin : je leurs dis , non , Meilleurs , il n’efi: point , mais étant déjà proche de la grande flacque d’eau il étoît , je vis encore la même grolïeur qui m’a- voit paru en fon milieu : je leur dis* Meilleurs, le voila en leur montrant la tête qui paroilîoit feule, mais n’en approchons point , parce qu’il pour- roit repartir ^ & retourner d’un côté que nous ne voudrions pas. Tous fe mirent à regarder attentivement cette motte , ôc pas un ne voulut croire que ce fuft un Lievre qui fuft demeuré fi long- temps. Enfin ils refolurentdele faire repartir ôc le pouller du côté de la plaine. L’on fift donc venir les Chiens que l’on mift de l’autre côté»

ro8 LE PARFAIT

Monfieur de Turaine luy - même 1 Z voulut faire repartir & palfa dans Team. Le Lievre qui avoit repris haleine re- pafla dans la plaine & courut encore une demie heure plus mal chaffé que devanr , il fut pris dans un relancer à la rencontre d’un chien écarté le long d’une haye , fans lequel il fe feroit en- core fauvé 5 car il s’étoit réchauffé , il avoit repris fes forces, ôc euftaffu- rément regagné fon païs & repafféla riviere de Marne ayant encore chicar é par fes rufes , pour fe jerter dans la plaine de Saint Maur, comme il avoit accoutumé de faire, il auroit trou- vé autant de change qu’il auroit voulu, fi les chiens l’euffèntpaffé après lui.

Les Lievres qui font accoutumés aux eaues paffent les rivières auflî fa- cilement que les autres animaux. îl y en avoit un dans la plaine de Bon- neüil qui ne faifoit point d’autre ruf@ pour fe fauverque de paifer la Marne* & fe jetter dans ladite plaine de Sains Maur toute pleine de Lievres.

J’en ay fait pafftr un de la plaine Greteüil au travers de la Seine proche Gharenton en prefence de trente pea fonnes de qualité.

H A S S E U R. 109

Chez moi en Picardie on void tous les foirs relever des marais des Liè- vres qui paflent la Somme depuis le mois de Mai jufques au mois de Septembre pour aller aux grains 8c gagnages entre quatre 8c cinq heures du loir , & repafler la même riviere le matin pour s’aller gifler au frais dans les herbes , 8c quand ils font chafles dans les côtes 8c dans les plaines , ils ne manquent pas de paf- fer la riviere , 8c faire de grandes randonnées dans toutes les prairies 8c marais ils trouvent du change, & font imprenables. Le plus grand fe- cret quand un Lievre rufe dans les eauës , c’eft d’être opiniâtre & très exaét à requefter dans les défauts : car un Lievre ne fe peut fauver que par des retaillés.

Bref étant chafles à la ' campagne Pat ^.es f;evreteurs > il* ne fourlancent jamais s’ils font bien queftez. Et étans chafles par une Meute de chiens ils demeurent fermes 8c rafés dans leur gifle , fi quelque chien ne les lance. Qui eft-cequi peut rendre railon d’une fi fpirituelle conduite?

ÏIO LE PARFAIT

Toutes les rufes les plus fines fe déduiront à la fuite, félon que les oc- cafions s'en prefenteront, quand nous parlerons de la maniéré de bien ehaf- ferj mais auparavant il faut faire voie de quelle nature de chiens il faut le fervir pour bien réiiffir en cette chalfe.

Après que nous avons parlé des grands chiens qui doivent fervir pour executer les grandes chalfes , il faut parler de ceux qui font les plus pro- pres pour executer les petites.

Il y a deux fortes de chiens Fran- çois qui font propres à courir le Lievre aufïï bien qu’en Angleterre, 011 il y a deux fortes de tigles.

De ces deux fortes de François, les uns font propres pour les pais cou* verts , les autres pour les plaines* Ceux qui font pour les pais couverts* doivent être des chiens épais qui re- queftent bien , 8c qui fe fervent d’eux* mêmes ; parce que dans les forts oq un Lievre chicane le plus fouvent , on ne les peut point fecourir, 8c quand un Lievre eft fur fes fins dans un fort , fi les chiens ne relancerai d'eux-mêmes 9 il fe celaiffe fi fouvens

CHASSEUR. III

qu’à la fin il demeure relaide & man- qué.

Ces mêmes chiens doivent fervk en un pais de coraux , & de grands rideaux ordinairement fourrés d’épi- nes qui font difficiles à monter & des- cendre où Ton ne peut pas tenir les chiens , & les fecourir. Il fe faut fer- vir de chiens pefans qui requeftenc bien , autrement on n’y prend poiijt de Lievrev

Ceux qui font pour fervir dans les plaines, font de petits chiens François fort, beaux qui cnaflent le coyer haut , qui crient bien des maftinées,, &vont fort bien requérir un Lievre par les menus , le rapprochant avec beau- coup de gayeté, chafTantde tres-bonne grâce le balet haur.

La race de ces chiens eft prefque anéantie , & il n’y en a plus que par ci , par , quelques-uns chez des Gentilhommes particuliers en Nor- mandie ; IaTace s’appelloir des chiens des Eflârs , & comme les François font changeans , ils les ont tous meflés de petits chiens Anglois, & en ont tout confondu la race,. S’il s’en

m LE PARFAIT

pouvoir encore rencontrer , on feroit une Meute la meilleure du monde , 8c la plus gaillarde. La plufpart des bons chiens Normans viennent* en- core de cette race, & ils font mê- lés de chiens Anglois qui ne chaflent pas fi gayement ni de fi bonne grâce que les naturels François. Mais quand il s’en rencontre qui tiennent plus du François que de l’Anglois * ils font admirables , car ils requeftent bien dans le fort , fe fervent d’eux- mêmes., & chalfent fagement dans les plaines.

Il y avoir encore une autre race de chiens François plus grands, fort bien avallés , de poil gris 8c fauve , que tenoient des Seigneurs en Picardie, qui étoient les meilleurs chiens, qu’on aye jamais courre le Lievre en tout païs, car ils étoient juftes à la voye , requeftoient merveilleufement , 8c ra- prochoient un Lievre paflfé d’une heu- re dans lesfeicherefies, ils avoient de belles gorges & des voix hautaines qui fe faifoient entendre d’extreme- ment loin ; la race en eft encore de- meurée dans ko maifons de Supplia court 8c de <damache :: c’étaient des

chiens

CHASSEUR. n3

chiens qui chafioient le Loup comme les Lievres 5 & ne vouloienr point du tout de Renards. Tous ceux qui veulent faire des Meutes pour lievres devroient être curieux d acheter des liïïes & faire race de ces chiens, parce qu'ils font très beaux, de belle taille 9 & ont la gaillardife des chiens Fran- çois , de la fageiîè des chiens Anglais* Ls ne ehalïènt point le nez bas com- me eux , mais a un pied de terre 3 ils tournent bien & font juftes , & par leur maniéré de chaflèr très plaifante donnent plus de piaifir à un rappro- cher que tous les autres chiens en une Ghalïe entière,

Aprefent prefque toutes- les Meutes pour le Lievre en France font com- pofeea de bigles Anglois & de chiens François méfiés. Ceux qui tiennent Plus de l’ Anglois que du François iont propres dans les plaines , & ne valent tien dans les pais couverts , parce qu’ils ne requeftent point & ne peuvent lancer , & font tellement at- taches a la voye quand ils chaiTent , quils ne peuvent en façon quelcon- que faire forur un Lievre du bois-,

K

ii4 LE PARFAIT

8c s'il y avoit trente chiens dans la Mente , il faut qu’ils pafïent tous par une même paflee & par un même trou.

Ceux qui tiennent plus de la race Françoife que de TAngloife font fort agréables dans les plaines , & beau- coup meilleurs dans les forts ; mais encore leur faut il encore quelques petits chiens François fages pour les mener s moyennant quoi ils prennent plus de douzaine de Lievres qu'ils n'en feroient de paires s'ils chafïoient feuls, à moins que ce ne fuft une Meute forte en curée 8c extrêmement à la chair.

Quant aux petits Bigles Anglais ,ce font de très jolis chiens pour le Liè- vre , les Anglois leur conppent à tous la queue , 8c ne leur en biffant que la moitié , leur ôtant tout ce qu'il y a de beau à un chien courant qui eft le mouvement de la queue 5 fi bien qué Ion dirait en les voyant chaffer, que c’eft une Meute de Braques au mou- vement de leur queue , au lieu de chiens coorans , néanmoins quand ils font méfiés avec des François-, &

châsse vr; n5.

qu’on en a fait race , il en vient des chiens les plus parfaits 8c les plus pl ai fans qui foient pour Lièvres , parce qu'ils ont la gayeté dès chiens Fran- çois en leur maniéré de charter, qu’ils ont la fagefle & la jufteiTe des Bigles3 8c que leurs gorges tiennent des tons hautains François , 8c des plaifans ; / hurlemens defdits Bigles.

Quant à la maniéré de faire charter les Meutes pour Lievres, il faut être plus fçavant à cette Ghafle qu’à au- cune , puis qu’on rencontre plus de difficulté qu’en toutes les autres, prin- cipalement dans les païs fecs , 8c dans les grandes plaines de plein terroir, ou il y a des cantons tous entiers de gue- rets 8c de herfis, dans lefquels les voyes fe recouvrent quand le Lievre y a parte , ce qui fait que les chiens ne peuvent en porter la voye. îl faut qu’en ces lieux un Chafleur foit fort - rufé 8c prudent pour juger un Liè- vre dreffe , ce qui ne s’aquert que1 pour ceux qui ont une grande expé- rience de chafler fouvent en ces lieux, « car d autres n’y entend roient rien , 8c fer oient obligés d’être fecoums de~

K ij ^

u6 LE PARFAIT

beaucoup de radreffe par des laquais qu’ils feroient obligés de mettre au milieu defdits pais , pour remarquer ou tourneroient les Lievres.

Dans les pais de petics terroirs, la Chafle pour le Lievre ne rencontre point tant de difficultés , car il s’y rencontre force bloufes , 6c n’ÿ a à craindre que les grands chemins blans 6c ferrés le Lievre appuyé fi peu , que les chiens ont peine d avoir con- noiffance des voyes , principalement dans les chaleurs.

Dans les pais d eauës les Chaffeurs pour Lievre ont à craindre les relaif- îes qui arrivent fouvent dans quelque touffe de jour ou mottes d’herbes t car hors ces relaiffés, comme les voyes font toujours bonnes fur les herbes , 6c que les Lievres ne peuvent point s’en aller fans connoiffances , il n’y a que les relaiffés qui le puiffent faire faillir.

Dans les plaines , il n’y a que les chemins , les guerets & les herfis à craindre , 'c’eft pourquoi Ton y man- que beaucoup de Lievres fi l’on n’a des chiens bons pour les chemins , def-

CHASSEUR. ri y

quels les Chafleurs doivent eftre très curieux.

Il faut tenir pour maxime que G une Meute pour Lievre n’eft très forte à commandement, elle n’eft pas fur le pied d’eftre dite bonne Meute.

Le fecret pour faire tourner les chiens l’on veut, eft la gibeciere pleine d’oflèlets qu’on deflerc des ta- bles leur en jettant quelquefois à cer- tains cris aufquels on les accoutumera fans jamais les tromper. Et faut qu’il y ait un certain cri particulier aux Ve- neurs , aufquels ils foient dreffés de tourner pour les faire revenir à eux* quand ils leur veulent faire chafler un chemin qu’un Lievrea longé, ou quel- ques autres lieux difficiles ils les veu- lent faire venir. Ces cris aufquels les chiens font accoutumés fervent à tou- tes rencontres, & difficultés qui peu* vent arriver principalement dans les gros Villages ou un Lievre fait fes ru- fes , paffant par tous les jardins les trous des hayes ou il a accoutumé de palier les nuits v & il n y a nul recoin qu’il ne mefure , ce qui emba- taffe tellement les Chaffeurs par le

r«8 LE PARFAIT

bruit de tous les maftins du Village qui étourdiflent les chiens par leurs cris , que fi les ChafTeurs ne~ prennent garde par le Lievre fort à la cam- pagne de ces lieux & n’y meinent leurs chiens par le fecours ordinaire des cris qui les font revenir, ils peuvent s’af- furer que leur Lievre eft manqué fi le Lievre ne fort dudit Village., s*il s’opiniaftte d’y demeurer , fk ufe fur fes fins d’une pareille rufe, il eft failly fans remede. Si les Veneurs ne~ s’opiniaftrent (commeils doivent faire en cas pareil pour accoutumer leurs chiens à parchafler ) à requefter tous les jardins l’un après l’autre pour le relancer.

Ils doivent faire la même chofe dans les bois, principalement quand ils font remplis de chemins lors qu’un Lievre fùr fes fins fait de pareilles rùfes pour fe fauver.

CHASSEUR. ît9' CHAPITRE XX.

Des rufes des Lievres , tant à fe •gifler qu'a fe fauver quand ils font chaffès.

LE Lievre eft un petit animai qui femble n’eftre fait que pour don- ner plaifir, c’eft pourquoi l’on le chafte en toutes maniérés. C’eft la raifam pour laquelle il fe rend extrêmement rufé pour fe fauver.

La première rufe dont il fe fert pour ôter la connoiftànce aux Chafteurs des lieux il pafle pour fe retirer le matin des gagnages à fon gifle , eft remplie de beaucoup de fineftè, car il ne fe retire jamais que par des chemins les plus fecs & les plus hantés. Ce qu’il fait avant le jour afin de n’eftre point ren- contré , & que les chiens ne puiflent avoir aucune connoiftànce de fes voyes !ur cette terre qui eft dure ou il n ap- puyé que du bout des ongles , & en juittantle chemin il fait de très-grands

no LE PARFAIT

fàuts à droit de à gauche balançant fei; voyes , puis quand il fe veut gifler il retourne par grands fauts ordinaire^ ment à vaut vent & fe jette dans fou gifts J qui eft le plus fouvent fur des cailloux en un pais rude quand il eft levreté, & à la finefle quand les Le- vreteurs queflent de fourlancer quand le côté defon fort eft vuide de ouvert^ &c que les Chafleurs ne le queftenr point du côté du fort, de quand ils le font, il fe rafe le plus qu’il peut pour fe laifler* palier de attend tout deffiis.

Quand il fe gifle en pais couvert, if fe lance dans fon gifle par des lieux fourés, qu’à moins qu un chien ne lui mette le nez fur le raMe il ne partira point.

Si le Lievre eft chafle par des chiens courans , il a la finefle de fuir tous, doucement fan s fe preflèr , comme s’il avoir la connoiflànce que la Chafle doive durer long-temps , de qu’il a be- foin de conferver les forces 9 de afin de n*eftre pas fuivi d’une grande vi- telle, de d’oiiir toujours les chiens qui* le chaflènt. Il fait toujours fes fuites* êe randonnées à vaut vent pour ren-

CHASSEUR. IM

dre Tes voyes plus difficiles à empor- ter , 6c pour avoir le temps d*exercer toutes fes rufes contre leur plus tardive fuite , faifant cent retours dans les bois , dans les chemins , dans toutes Jes vieilles mafures des Villages , dans les jardins, dans les choux , dans les Faux bourgs des Villes, dans les ?ran- des rues , /tir des ponts 5 dans les ri- vieres les pafïant a nage, & repaffisnt comme il eft arrivé jufques dans la Seme devant plus de trente perfonnes üe quante , & enfin dans les relaiffè-f mens , & ce qui eft admirable, c'eft qdAns font toutes leurs rufes prefque toujours à vaut vent 6c fur le bord

, .frrami* cîl.em1ins - & quand ils fe retaillent fur les bords d’un grand che- min , ils font un grand faut au dsffhm lu vent a coté d’icelui, comme fi le abonnement les conduisit. Et eft à emarquer une chofe tres-curieufe pour es Naturaliftes &r pour les chaflTcurs ^ q^ tant plus ils font échauffés'

* qu ils approchent de leur fin d’au Z Pll,s leur* nifes font frequentes f §raRcSes & plus remplies de fi.

1

ni

LE PARFAIT

B es rufes des Lièvres obfervees far l' Auteur.

PA R M i toutes les rufes dés Lievres que j’ay obferyécs qui (croient trop longues à décrire , j’en ay re- marqué deux qui égaloient pour le moins le raifonnement de l'homme , & qui rendoient deux Lièvres im- prenables»

r La première fe faifoit dans un .grand bois extrêmement traverfé de chemins, „n Lievre ne couroit jamais que les chemins , & -faifoit d’auffi grands re- tours fur foi qu’un Chevreuil , j avois les meilleurs chiens pour chemins qui iufient en France , je le manquay la première fois qu’il fe relaifloit tou- jours après de grands retours, & quan tous les chiens & les chevaux etoient partes , il reprenoit le contre-pied & r.e couroit que fur des voyes fur-mar- ehées de chiens & de chevaux.

La deuxième fois je mis dix ou douze petits garçons au bout de tous les chemins pour lui rompre fon dellein,

CH A SS R, iij

îéfquels obfervoient Tes retours , j’en démêlai plufieurs , & comme il vid que je continuois à les deméler , il fort du bois, & s’en va à un autre bois auffi rempli de chemins que le premier , & fe mit a faire toutes les mêmes rules qu’il* avoir faites à l’autre , & n’ayant plus perfonne pour voir fes retours,, mes chiens ennuyés de chalfer toû- jours des voyes fur-marchées , il fus une fécondé fois failli.

j’en fis le conte à plusieurs de tous les meilleurs Cblfeurs . lefquels fe mocquerent de moi , & m’àffurerent qu ils le prendroient avec cinquante chiens, & que le grand bruit lui rom- proit fon deiTein. Ils choififTent enfuite de quatre Meutes excellentes tous les meilleurs chiens & le vinrent courre. Il fut tres-bien chafle , la première randoiiîieeles Challèurs le mocquoient déjà de moi. Je doutois fi c’étoic le même Lievre , mais quand je lui vis gagner l’un des bois il exerçoit fes rufes , je dis à tous ces Meffieurs c eft le véritable Lievre, vous le man- querés , quoi que vous fçachiés fes rufes. Le Lievre fe mift à longer tous

IZ4 LE PARFAIT

les chemins , & faire fes grands re- tours & fes rufes. Ils en demélerenc quelques-unes, mais il en fittantque leurs chiens ennuyés de courir toû- jours des chemins & des voyes fur- marchées , ils tombèrent en défauts que tous les ÇhalTeurs ne purent re- lever, & du depuis il fut encore cou- ru quelquefois , & -n a jamais pu eftre

pris* ,

L’autre rufe qui rendoit un Lievre imprenable eft encore plus fubtile & digne d’admiration. Ci eft qu il failoit de grandes randonnées dans des pais fecs à vaut vent , lefqnelles aboutif- foient à de grands marais , & comme on étoit très long-temps à poufter fes voyes à bout dans lefdits pais fecs , cela lui dontioit le temps de faire fes rufes dans ledit marais, qui étoiant de plufieurs retours fur le bord de la ri- vière dans un grand chemin qui con,- duifoit à un gros Village , il alloue revenoic fur loi plufieurs rois jui- ques audit village , puis il fe metroit à nage dans la rivière qui bordoit le- dit chemin , & fe laiiToic aller au fil de l’eau plus de cinq cens pas jufques

CHASSEUR. nj

à" line petite Ifle qui étoit au milieu couverte de buifïbns qu'où voyoitpeu & s y relaifîbit. Quand les chiens ve- noient à ce marais après avoir eu tant de peine à poufïér fes voyes dans le païâ fec ,, & qu’ils rencontroient des voyes doubles à plein nez, ils renou* velloient tellement de voir, qu’on croyoic à toute heure de voir un re- lancer. Enfin étant arrivés à ce che- min qui alîoic au Village , ils ren- controient des voyes doubles ëc tri- ples , ils les pooflbient tellement jus- que s audit village qu’on oroyoit que le Lievre fuft reparti , mais quand ils vendent au bout de la voye qui abou^ tiiïbit audit Villagé^dans plufieurs car- refours de chemins, les Chafteurs fe défians toujours qu’il en euft enfilé quelqu’un , & ne fe fuft jetté dans quelque clos ils prenoient toujours lés devans de ce côté-là , comme c’étoit le droit ; jamais leurs chiens n’eurent aucune connoiflànce du Liè- vre^ qui étoit comme jVy dit relaifle dans ledit Iflier à plus de cinq cens pas de , & Ton ne fe douta jamais qu’il euft la tête tournée de ce côté L iij

n6 LE PARFAIT

là. J’eus la curiofité de le courre une autrefois , 3c fis mettre un laquais fur le haut de la côte qui remarqua toutes les rufes fufditcs , fans quoi elles nau- roient jamais été fceuës. Ce Lievre fit toutes les mêmes rufes & ferelaiil|, dans llfiier. Je ne le voulus point prendre 3c le laiflfay, Quelque temps après il fut encore couru par une bonne Meute conduite par le plus ru- Cfaâtfeur de la Province, Il fui manqué par les mêmes rufes , (k ja- mais le Chafleur quoi que très fin ne r’en avifa.

CHASSEUR. U 7

Continuation des rufes des Zievrek Avertijfement.

/~V U and un Lievre rufe dans les4 V^bois , il ne faut ni fonner ni par- 1er aux chiens, ni faite bruit. Si c’eft au commencement de la Chafle, il failli que tous les Chaffeurs fortent du bois, SC fe cachent allentour du bord, & ne lailTer qu’un Picqaeut avec la Meute. Le Lievre n’entendant aucun bruit, que des chiens , fortira ailutément , & même les chiens le feront mieux fortir fans qu'on leur parle.

Si c’eft fur les fins, tout au contraire, il faut fort parler aux chiens, lès ré- chauffer , les tenir jtiftes & les fort fécourir, car alors le Lievre ne fe peut fauver que par un relaiffèr. S'il arrive un défaut fur le bord d’un chemin ; le Lievre a fait un retour, & eft aflù- rement relaiffe. Il le faut tres-exa£te- ment requefter ( & reclamer s’il fe peut) très long- temps , parce qui fi on ne le requefte gueres , cela accou*- tame une Meute à ne point parchaf-

L iiij

ï*s LE PARFAIT

fer, & k rend pareflèufe dans Pefpe- rance qn e!le a qu’on leur montre un antre Lievre r car les jeunes gens im* patiens ne demandent qu'à chaffèr. Mais un vieux de rufé Chafleur fe prend bien garde de remontrer un au- tre Lievre à fes chiens qu’aprés avoir requefte très long- temps fon Lievre , & pour accoutumer fes chiens à eftrô opmiaftres dans leur parchaffer , de meme il fer oit mieux de remettre la Meute au logis , parce que dés quelle a manqué deux ou trois Lievres fans quVn aye opiniaftré le requefler , c’cfl; une Meure rebutée, de qui manquera bien plus de Lievre qu elle n'en pren- dra.

Si un Lievre elt fur fes fins dans les plaines , il ne cherche qu'un vieux gifte pour mettre dedans le Lievre giflé pour le pouffer de fe met- tre en fon même gifle. Par une autre rufe il ne cherche qu’un grand chemin hanté de charois pour fe relaiffer dans quelque vieille orniere à vaut vent. Par une autre rufê s'il écheoit fur fes fins prés d’un Village , il ne cher- che que le bruit des maliins pour fe

CHASSEUR.. 119.

fauver. A tout cela le Chafleur doit prendre garde fort à foi * & fe fervix de toutes les contre-rufes qu’il a pra- tiquées en fa vie, pour finir fa Chatte : car quand un Lievre fe prend avec beaucoup de j)eine , il n'y a rien qui rende une Meute meilleure que les parchaffer.

Auparavant que de finir la Chatte du Lievre , je veux dire un mot du fonner , quoi que j’en aye exprimé la maniéré en la Chatte du Cerf qui ett: une même chofe. La différence feule qu’il y a, eft qu’à la Chatte du Lievre, principalement quand ils vont à vaut vent pour mieux entendre, les chiens , ie moins qu’on peut fonner & parler aux chiens * foit en queftant, foit en chaflant, c’eft la meilleure méthode , parce que cela ne fert qu’à les faire forlonger , ou à les faire tenir rafés. Et quand il arrive des défauts, foitpar les chemins , foit par les retours ou par les relaitters, ou par quelque cau- fe que ce foit , alors il faut beaucoup pariétaux chiens les nommant les uns après les autres, principalement à ceux qui chaflent chemins , en leur difant j

i3o le parfait

Il va la 5 voy , v a voy y va voy. Et ; fi Ton void que le chien auquel on parle en veiiiîle dire mettant le mz à- terre dans le chemin , il faut le ré- chauffer, quoi qu?il n'en dife rien, ët' l'on void bien que le Lievre appuyé fi peu dans ledit chemin., que le chien n'ofimt rien dite, quoi qu'il marque allés qu'il y va 5 c’eft alors qu’il faut" le fort appuyer en parlant à lui , de s'il longe le chemin fort loin , il faut" toujours continuer jofqu'à ce qu'on y rencontre quelque lieu ou îongle du Lie- vre, puilK marquer , & pour cet effet, il faut mettre pied à terre & tâcher d'en revoir, car fi Ton ne s'aflure du devant, îe Lievre e fl: failli. Mais étant afluré qu'il ne perce point, alors viftement ? l'on retourne jettant l'œil dans toutes les mottes à côté, l'on l'y verra fou- vent relaiffé , s'il fort du chemin prenant les grands devans, on letrou- vera paffe infailliblement, tout cela dé- pend de la diligence du rufé Cha fleur qui doit juger du delïein d’un Lievre, & peut-eftre fa refuite, félon qui! a la tête tournée. Car l'Eté qu'il fait fort fec, c'eft une erreur de croire que

CHASSEUR. 131

les chiens puiflent emporter les voyes par tout , 8c faire tout , cela ne fe peut ' fans aide , c'eft ce qui fait dire com- munément qu'il y a plus d'honneur à;- prendre un Lievre rufé, qu'un Cerf , parce que les voyes de celui-ci font toujours à plein nez*, & qu’a l'autre il n’y en a prefque point.

Ceux qui aiment la Chafifë des chiens courans , ôc qui fe veulent rendre ca- pables de faire chaffer des chiens de- vant les Grands , doivent s'étudier à* Bien parler aux chiens avec des tons de voix agréables & piaifans , & *vee des inflexions de tons hautains » 8t des récris furprenans 8c remarquables fans rudefle , tous remplis de mélodie, tant pour réjouir les ChalTeurs & les chiens*

nnur fe faire mienv &

vlww I ' b

reconnoître par toute la Meute.

Au refte.» il faut eftre plus curieux d’un équipage pour Lievre pour le rendre excellent que pour tout autre » parce qu’il y faut de trois fortes de bons chiens pour le rendre parfait.

La première & la plus neceffaire', eft qu’il lui faut des chiens qui chaf- fent bien le chemin , lefquels foient

*3* LE PARFAIT

feurs & en qui on ait confiance , ca£ la plufpart mentent. Ges fortes de chiens ne doivent fetvir qu’à cela dans une Meute, & doivent eftre fi feurs, que toute la Meutte prenne creance en eux.

La fécondé Bonté , eft qu’il y faut des chiens qui parchaflènt bien dans le couvert , &; qui foient de race à cela.

La troifiéme bonté, eft qu’il y faut des chiens _qui foient curieux de fe te- nir toujours fermez dans la voye dans le corps de la Meute, & qui n’en for*, tent point. Ces derniers font les vrais bons chiens de la Meute , tenant pour maxime , que tous chiens babilla rs & mars ne (ont nullement propres à la Chaiïe pour le Lievre , & en doi- Tent eftrc ôtez, & remarqués toujours* quand il faut ôter des chiens que ce iôir parla tête ôc par la queue.

On ne vienrpoint about de faire de femblables Meutes, fi le maître n’a une particulière inclination & la chafle du chien courant , & n*y veiiille faire la, dépenfe convenable. Car s’il n’achetr des chiens ôc n’en falfe très curieufe- ment nourrir de race femblable à ce

CHASSEUR. 133

jui eft dit, ii ne reüffira point. Il faut |iul aye grand foin d'avoir la Meute 3ien tenue par des valets qui foient loux 8c non rudes aux chiens , 8c qui ipportent toute la vigilance polïïble )our bien faire penfer les chiens , & ?our les dreflèr avec plus de douceur que de rudedè. Enfin 11 le Seigneur , ?n un mot , de la Meute n’eft liberal envers de tels valets, & ne fait une lépenfe raifonnable pour faire diftin- *uer fa Meute des autres, il ne reüilira 3oint , & au lieu d’avoir une Meute ioriffante , ce ne fera qu’un houraillis qui lui coûtera autant qu’une bonne Meute. Car fans des chiens faits com- me il eft dit , 8c que ce foit une Meute fautive, il vaut mieux n’en point tenir. [1 faut tenir encore pour maxime que àes chiens pour Lievre doivent chaf- fer enfemble , 8c qu’un feul chien ville mine une Meute, 8c fait étouffer îa plufpart des chiens par les efforts qu’il leur fait faire , & les rend tous vi- cieux , parce que les plus farts de- viennent barreurs , 8c fi !on court feu- lement avec elle d ■*nx Chevreüils , elle eft entièrement gaftée*

i34 LE PARFAIT

CHAPITRE XXI.

De la Çhajje des Lévriers.

IL y a quatre fortes de Lévriers en France qu’on employé à quatre differentes Chalïes. Les premiers ce font les Lévriers d’attache , qu’on em- ployé pour courir le Loup , Sanglier* & toute autres grandes bêtes, comme le Buffle 8c le Taureau fauvage. Les Ecoflbis & Irlandois , les Scythes , Le# Tartares & tous les gens du Nort en font fort curieux. Il y en a dans la Scythie d’aifes furieux 8c hardis pour attaquer le Lion, le Tygre , 8c toutes autres bêtes de grandes forces. Ils leur fervent à garder le beftail qui n’eft ja- mais enfermé. Les plus grands 8c les- plus beaux en l’Europe viennent d’Ir- lande. Je dira y par difgreffion qu’ils ont aufli des chiens meftifs prepofés pour garder leur beftail quifuiventà la pifte les voleurs qui font affés hardis de les dérober s & les pourfuivent à la

CHASSEUR. 155

pMte , gardant le change fi loin qu ils les attaquent même par tout ils les trouvent , en telle forte que les ayant attaqués, ils font creusen témoignage, & peuvent convaincre les larrons du vol.

Les féconds Lévriers & les plus no- bles de tous les autres font employés pour courir le Lievre. Ils font les plus viftes animaux du monde , les Fran- çois, les Anglois, les Portugais & les Turcs en font les plus curieux de tou- tes les Nations , & ont les plus viftes & vigoureux.

En France, les Provinces font les meilleurs font en Champagne &C en Picardie, parce qu’en ces Provin- ces ce font toutes grandes campagnes, ou même en diverfes endroits les Liè- vres font plus longs que tous les autres en quelque endroit que ce doit , & qu’ils ont des vigueurs pour fe défen- dre qui obligent à tenir des Lévriers de plus grande race , d’une extreme viteffe & de tres-grande halaine.

Les Turcs en ont auGï de merveil- leux dans leurs grandes plaines de Chrace , & s’adonnent extrêmement

i3fi LE PARFAIT

à cette Chaire plus qu’à toute autre;

Les Portugais en ont auffi de fort bons , mais ils font de deux fortes : les uns pour les plaines, les autres pour les montagnes.

Ceux des plaines font eftimés auflï viftes qu’aucuns qui foient dans l’Eu- rope.

Ceux des cotaux & des montagnes font des Lévriers courts fort râblés 5c gigotés, qui font d’une vite iïè extreme éc fort plain-faultiers, 8c faut qu’ils foient ainfi , parce que leur efpace à courre n’eft point de grande étendue.

Les Anglois furpallènt tousles Cha£ feurs encuriofité, de races & nourri- tures, de Lévriers & de toutes fortes de chiens.

Les troifiémes , foient qu’ils foient Franc-levriers ou meftifs font en tou- tes les Efpagnes 5c dans le Portugal, & l’on eftime qu’ils font meflés de quelque race de chiens courans , ou du moins de chiens qui rident natu- rellement. Et ce qui les oblige à tenir ces fortes de Lévriers , c’çft que leur païs eft inculte 5c tout plein de broitf- iaiües comme les Landes de Bout- deaux. Tous

CHASSEUR. IJ7

Tous ces païs font remplis de tou- tes (ortes de gibier ; fi bien que pour y chaifer , il leur eft neceflâire de chiens tres-viftes , très* vigoureux, & qui rident : or ces Lévriers font dif- pos, de telle forte qu’ils ne vont qu’en bondi fiant quand ils pourfuivént un gibier, ëc fe fecourent les uns les au- tres à droit & à gauche , de telle vi_ *ueur qu’ils enveloppent le gibier qu’ils :haflent, le prennent & le rapport tent , & celui qui les conduit ne fait que crier à haute voix > pour les faire revenir à foi, Corridor , ils fe nom* neiit ordinairement Charnaigres. Ils ont d’une nature tres^chaude qui leur lonne cette vivacité qui les em- >efche d’eftre jamais trop gras nitrop çrolliers ; parce que fans leur difpofi* ion naturelle , ils ne pourroient pas eüiïîr.

La quatrième forte de Lévriers , ce ont de tres-beaux petits Lévriers l’ Angleterre que la nature a fait all- ant pour le plaifir de la voye que pour utilité de la Chafle. Ceux d’entr’eux qui font un peu plus hauts de terre fervent ordinairement pour courir les

M

ï38 LE PARFAIT

Lapins dans les garennes ou dans les lieux fermés, dans kfquels on les tient en lelfe proches des épinieres faites exprès , éloignées des trous & des ra- boüilleres ou les lapins fe retirent quand ils font hors deterre , & quand le maître ou le Seigneur du lieu fermé veut faire courir ces petits Lévriers, on les approche defdites épinieres, & on les bar,, il fort un Lapin qui veut regagner les trous , & dans cet efpace de plaine il doit palier, les Lévriers le bourrent , & fouvent le prennent, ÿay faire cette C halle au feu Roi Lo üis XIII. dans un lieu enfermé au bout des Tuilleries il avoir un fort grand plaifîr. Les Anglois communé- ment font cette Chaflé dans leurs ga* rennes»-

CFÏ AS S E OR. 13 9

CHAPITRE XXI R

D e la Levrette rie .

F O ur avoir d excellens Levrièrr pour leXievre, il faut première- ment fçavoir qu’il, faut tirer race des Levrettes les plus vigoureufes , & les plus grandes qu’on puiflé rencontrer^ & les faut faire couvrir de Lévriers les plus grands, dt les plus râblés, & les plus vigoureux de race quon puiffe connoître. Il faut auffi obferver la fai- fon la plus propre de Tannée qui eft an mois de Mars , dans lequel il faut qu’elles faflent leurs chiens , c’eft pourquoi il les faut faire couvrir fi faire fe peut dans le commencement de Janvier. Il y a ci après les recopies pour les faire chaudier.

L’on a foigneufement remarqué que les Lévriers qui viennent dans le mois de Mars font plus vigoureux, plus courageux & plus villes que les autres qui viennent dans tous les au-

M i j

i4o LE PARFAIT

très mois > parce qu’iis font nais dans le temps que le Soleil remonte, qui redonne la vigueur à toutes chofes , <k que le fang des animaux Te renou- velle ; comme auffi que les petits chiens ont deux Etés contre un H y ver pour fe fortifier, ôc venir en état de perfection , & même qu’on en a plu- tôt du plaifir, Car les Levrettes qui courrent à onze Sc douze mois, font en état de courre dés qu’ils ont cet âge qui arrive au mois de Mars, étant le plus propre temps de Tannée pour mettre les jeunes Levrons dedans ; & quand ils viennent à barrière faifon , ils ne peuvent courre que bien plus tard , & la première année eft per- due.

Quant à leur nourriture , il faut durant les cinq premiers mois les nour- rir de lait pur, foie de Chevre ou de Vaclre, jufqu’à ce qu’ils ayent fait leur gueule , & après les nourrir de ton pain de bled , & faire enfonce par quelque moyen que ce foit de les faire beaucoup manger, afin de les pouffer, 3c qu’ils deviennent grands, car de- meurans petits , ce ne feront que des

CHASSEUR. 141 belles médiocres. Ec fi par hazard il s*en rencontre quelques-uns de bons* ils ne peuvent demeurer long- temps bons, par les efforts qu’ils font obli- gés de faire dans l’Hyver , les Lie v res font à leur force : 5c pour dire le vray , ce ne feront que des Lé- vriers de Printemps.

Tous les Levreteurs feront avertis de ne jamais tirer race d’une petite bête, principalement quand l’étendus de leurs ChalFes eft dans les plaines* S’ils veulent avoir des leffes de Lé- vriers parfaites* il faut que leurs Lé- vriers foient grands 5c râblés , 5c qu’ils tirent race de pere 5c de mere * ^ui ont les râbles bien faits & qui mangent bien.

Il ne faut jamais faire courre les eunes Levrons qu’à un an on- plus jard, 5c les Levrettes félon ce qu’elles iront formées , & les Lévriers à dix- iuit mois , & ne les mettre jamais de- lans qu’avec des vieilles bêtes * ÔC jui foient très bonnes. j La marque des meilleures bêtes l’une lefïe * eft quand elles Ce font .rainer à la leftè * qu’elles demeurent

J4z LE PARFAIT

derrière, & font parefieufes à la quefife étant hors lefTe. Ge font ordinaire- ment bêtes qui fe fient à leurs forces. Les plus triftes & les plus mélancolie ques font ordinairement les plus vi- goureufes, & font comme on dit pre- mières bêtes qui vont requérir , & font tout quand un Lievre fe veut fauver. -

Quand on véut conferver uneleffe de Lévriers long temps bonne , il faut éviter trois chofes ; la première de ne courir jamais s’il n’a bien dé- gelé , car les Lévriers perdent les on- gles infenfibîement par des puftules qui leur viennent au tour , & les on- gles font tellement ébranlés qu*ils tom- bent. J’en ay arriver autant chiens courans qui couroient dans un temps de gelée.

La fécondé eft encore suffi dange- reufe de courir trop fouvent dans les grandes feichereffes qui font le même effet du temps de gelée, & déplus les écorchures desfreflons & du derrière des jarets, avec les hurs que les Lé- vriers fouffrent dans ces temps, ébran- lent tellement tous les pieds des Le-

CHASSE U R. 145

vriers , de leur font des bleftures fi dangereufes, que delà en avant, on ne les void plus entièrement s’abandon- ner, principalement quand ils rencon- trent le moindre rude»

La troifiéme eft de ne jamais faire courre les' jeunes bêtes fiir des païs rudes, parce qu’étant pleines de feu êc de vigueur if en arrive deux incon- veniens infaillibles ; le premier , eft^ qu’elles font tres-fujetes à s’allonger * & ce font des bêtes gaftées ; le fécond c’eft que les bleftures qu’elles" y prennent les rendent fi fujetes à eftre bleflees, qu elles craignent fi fort le rade, que le moindre qu’elles rencon- trent, même un Lievre étant au roiiet5 elles relafchent , le Lievre reprend vigueur & fe fauve.

On doit encore éviter fur tout de courre fur les païs rudes dans les temps de pluye , parce que les caillous fe ren- dent tranchans comme des rafoirs qui ne font jamais de petites bleftures, C’eft encore une maxime que les particuliers ne doivent jamais courre qu’avec trois bêtes s’ils veulent con- ï rver une bonne leflê , parce que deux

144 LE PARFAIT

font trop d’effort ôc ne durent pas long-temps,

11 n’appartient qu’aux grands Sei- gneurs de courre à deux bêtes pour deux raifons * la première , c’eft qu’ils font toujours montés fur des chevaux très viftes , & ils peuvent fuivre leurs Lévriers de prés , ôc par ce moyen ont tout le plaifir. La fécondé, c eft que quand leurs bêtes font ufées par les efforts qu'elles ont fait , ils ont force argent pour en acheter d'autres , ôc les moyens pour en faire nourrir plufieurs, ôc en avoir toujours à fuffifance.

Que fi un particulier s’acccûcumoit à courre à deux bêtes il lui arrive- mit toujours n’étant que médiocre- ment monté , que les Lievres gagne- raient le pars fi loin ( comme ils font ordinairement dans le temps qu’il fait noir ) qu’ils ne wroient jamais la moi- tié de la courfe,..& que hors les plai- nes en païs de coraux il perdroit tou* jours les Lévriers * joint à cela qu’il faut au moins deux années entières avant qu’une leflè de Lévriers foit faite : outre cela , c'eft que les bêtes jamais n’atteignent fi bien à deux qu’à

trois y

CHASSEUR. i45

trois , 8c n ont point le loifir de re- prendre halaine quand un Lievre Ce défend fort.

Tour faire chaudier les Lijfes.

IL n’y a rien déplus important pour tirer race de bons chiens , que de faire couvrir les lices en bonne fai- faifon , parce que des chiens qui vien- nent tard dans les faifons avancées , 8c qui onc^deux Hyvers contre un Eté , Unt toujours defeétifs en deux ma- niérés.

Premièrement l’on perd une année a les faire chaiîer , car s’ils viennent à’ Automne, ils ne peuvent chalfer qu’à iix-huit mois , 8c avant qu’ils foient irelles ils ont deux ans , première- ment les chiens couchans , & même es chiens courans avant qu’ils foient ;n curée & bien dedans. Ii faut qu’ils lyent auffi deux ans quant aux Lé- vriers , de vingt qui feront nourris l’hyver, il n’y en aura pas un d’ex- cellent, car les laitages n’ont plus de orce , & ne procèdent ciue de fourra- is ~

i46 LE PARFAIT

ct»>s , qui ne peuvent pouffer les Le* Sïons , & prefque tous demeurent petits , après ils ne peuvent courre qu’à dix-huit mois ou deux ans , & ainfi le temps de leur plus belle vis sueur fe paffe fans qu’on aye du plai- fir, & tres-fouvent il arrive que dans ce temps les Levrettes chaudient avant qu'avoir couru , deforte quelles ont deux ans avant qu’on les mette en état de donner du plaifir : fi bien que la maxime eft véritable que tous chiens d’Hyver & tardifs ne valent rien.

Or l’on n’eft pas le maître de faire chaudier les Liffes dans les bonnes fai- fons fi l’on attend quelles deviennent chaudes naturellement, ceft pourquoi il faut avoir recours aux remedes pour les faire chaudier , principalement a la fin de Décembre ôc tout le long du mois de Janvier , parce qu’elles por- tent neuf femaines & trois jours , telle,- ment que pour faire qu’elles mettent bas dans le mois de Mars qui eft le mois de l’année les chiens iont plus vigoureux & plus fains. , Sc plus en état de chalfer ayant un an qui eft yigg Ig plijs docile pour eftre dreflfs-

CHASSEUR. i47

Il faut donc pratiquer ce qui s'enfuit.

Premièrement à la fin de Decembr* & tout le long du mois de Janvier, la plufpart des maftines & des chiens de bouchers chaudient : il faut tâcher d’avoir une chienne chaude & l’enfer- mer avec la Liflè que vous voulés faire chaudier , & lui donner bien à manger, & quant à la Lice qui doit devenir chaude , il lui faut faire man- ger en decours de la Lune des omelet- tes méfiées de poire & de noixunufca- des raclées , afin qu’elle puifie eftre en chaleur & couverte dans le croif- fant de la Lune, elle n’en aura pas mangé trois jours, qu’elle deviendra chaude : quand on s’appe rcevra que la portière lui groffit , il faut retirer l'au- tre chienne chaude & la renvoyer, le fouvenir de cette chienne chaude la fera encore chaudier plutôt , la Liflfe ne la voyant plus , il la faut nourrirde fouppe grafie tant qu’elle foit chaude tout à fait, & quand elle attendra les chiens , il la faut encore laifièr trois jours fans la faire couvrir , afin qu’elle foit dans fa plaine chaleur, alors vous la ferez couvrir une fois le matin & Ni; '

i43 LE PARFAIT

s’il eft poflîble que ce foit dans le croisant de la Lune , & deux jours après encore une fois , puis vous lui ôterés.la connoiffancç des chiens tant,, qu’elle fera rafroidie , & qu’elle ne les attende plus.

Gardés bien delà mener à la Chafte, caryne feule curée la feroit avorter : fi c’eû une Levrette, lailïes lalibrefans la faire courre, car fi elle court , ou elta fera des efforts qui affoibliront fes petits, ou elle avortera. Cela eft de confequence pour ceux qui veulent avoir de belles races de chiens , parce que fi l’on perd une année , i’année d'après ne réüffira peut- eftrepas,& ainfi le temps fe perd. Il faut eftre extremé- ment curieux de nourrir des chiens ? car de s’attendre qu’on en donne de bons , cela ne fc fait pas , & les Le- vrotjs que l’on nourrit de dons , l’on n’en fçait point la race , c’eft hazard quand on en rencontre qui réüffiffent,

Tout Levreteur qui ne fera pas ce que dëffus , & qui ne nourrira pas tous les ans une couple de Le- vrettes pour renouveller, ne peut pas s’affûter d’avoir jamais une leffb par*

/

Chasseur. 149

faite de Lévriers , car il arrive tant d’accidens fâcheux, que fans la jeuneffe qui repare les des-ordres , on eft fou- vent dénué des bons.

Des fine [J es que doivent 'pratiquer les Ltvrcîeurs pour trouver les Lievres en tout temps .

PO u k. bien quefter les Lievres avec les Lévriers, il faut aller dou- cement & fans bruit , 8c ne rien laiflef principalement en beau courre, 8c fc* lon les faifons pratiquer ce qui s’en- fuit.

En Eté il faut courir de grand ma- tin, 8c que la Chaffe foit faite avant dix heures , parce que les chaleurs font crever les Lévriers , pour peu qu’un Lievre défende, en ces jours les Lievres tiennent ordinairement les avoineries , principalement au mois de Mai quand elles font nouvellement levées, 8c l’on dit, Avoine pointant Lievre gijfant .

Qnand les bêtes grandirent en Avril & Mai, il faut chalfer le foir, parce

N iij

Jjo LE PARFAIT que les trois ou quatre heures après midi les Lievres font relevés dans les bleds , avec trois ou quatre briquets qu’on meine avec les Lévriers aux re- relevées, parce qu’en ce temps-là les Lievres ne forlancent point * & qu’on ne doit point craindre de courre mal à propos. Les voyes du Lievre font fuivies , & en deux chafles qu’on fait de cette maniéré avec les Lévriers , ils s’ajuftent avec les petits chiens , & fe rendent fi vigilans, qu’ils ne man- quent jamais de voir le Lievre , que les petits chiens font partir.

En Automne Pon peut chaifer à tou- te heure du jour, parce que tout eft découvert , & les Lievres tiennent tous & quand les bleds font levés au commencement les Lievres y font , parce qu’ils ne font point tourmentés.

L’Hyver il faut eftre exad de bien tenir les Lévriers en lelfe, parce qu’un feul Lievre partant mal à propos & de trop loin , il fait faire des efforts extraordinaires à des Lévriers , & fe fauvent aux bois ou du moins les mei- ne fur le rude ; quand cela arrive la Charte eft faite pour tout le jour , &

CHASSEUR, iji

pour plusieurs autres fi les Lévriers font blefles. Les Lievres tiennent les guerets, quand il a plu , ils tiennent les friches, ou du moins fe giflent prés d’elles , & fouvent prés des chemins*

Prefque tous les Levreteurs fe trom- pent en une chofe qui arrive fouvent * c’eft qu’ils croyent leurs Lévriers bijar- res &c journaliers , quand ils leur voyent faire des courfes differentes * & que fouvent leurs moindres bêtes font en une courfe , ils croyent que cela provient de la bonne ou mauvai- fe humeur à laquelle font les Leuriers, en quoi ils s’abnfent , parce que cela vient de l’inégalité de la force des Lievres , & que quand ils fe rencon- trent foibles, les moindres bêtes font mieux que les meilleures , parce que les Lievres font de la force de leur portée , & que les bonnes les négli- gent , & cela eft fi vray, qu’auffi-tôt qu’ils rencontrent un Lievre tres^ferme la médiocre bête n’en approche pas ÿ & les meilleures font tout.

Quand les Levronsfontfousla mere* l’on peut connoître quels feront les plus vigoureux y en leur ouvrant 1* N iiij

15* LE PARFAIT

gueule, & obfervant ceux qui ont le palais noir, & plus cœurés, c’eft à dire dont les ondes imprimées en leurs palais font plus grandes.

Il y en a qui difent que ceux qui testent le plus prés du cœur de la mere font toujours les meilleurs, mais il y a peu de certitude en cette remarque,

La première eft meilleure, & encore celle de choifir toujours les Levrettes les plus longues.

Quant au poil les tifonnés à gueule noire iont plus fouvent les plus vigou- reux. Ceux à long poil font moins frilleux & de plus de fatigue. Ceux qui ont les plus grandes marques fur Je corps font toujours les plus vi- goureux , quand ils font marquetés , quand les Lévriers font tout d’une piece , qu’ils ont peu de chair devant êc beaucoup derrière ; qu’ils ont le pied fec , l’encolure longue , la tête longue & petite , qu’ils viennent de race vigoureufe Sc courageufe. Il en eft peu qui ne foient bons quand ils ont toutes ces remarques fufdites.

CHASSEUR. 155

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CHAPITRE XXIII.

Des Chaffes qui fe font des bajfetsy & des Chajfes qui fe font avec eux , foit fous terre , foit en terre .

LE s Baflets font propres pour chaffer fur bois , ëc pour déterrer les bêtes puantes. Il y en a de bons en Artois , ëc font noirs demi- poil avec la queue en trompe ; d’autres font à pattes tortues devant ëc font mordaces , ayant double rang de dents comme les loups, fis attaquent tout ce qui fe tare comme Bureaux, Re- nards , Chats-harecs , Fovnes, Putoys, 6c quand on va à la ChafTe des Lé- vriers , il n’y a rien qui fade tenir mieux les Lièvres que de mener deux ou trois Biflets de race à bien qucfter. Ils chaflent devant les Lé- vriers , ëc font connoître les lieux les Lièvres fe retirent. Cela eft plus

554 LE PARFAIT

flaifanr. Et les Lievres voyant queftet font plus pare (feux à partir, & ne for- lancent jamais. LaChalîedes Lévriers eft ennuyeufe , fans de petits chiens qui queftent bien à l'entour des Chat, leurs. Cela les divertit.

Ce font les chiens les plus utiles au£ Gentilhommes , car ils fervent à tour, & notamment à l’arquebufe Ôc il n’y a point de nature de chiens qui fuivent par le pied , ni qui relevenÈ mieux le gibier qu’eux. Mais ils ont la dent dangereufe , il les faut tou- jours tenir en crainte , car ils ne Gf rebutent point pour cflrc battus»

Des C baffle s qui fe font en terre .

IL y a quatre fortes de Chaflèsqui fe font dans les trous raboiiilliers ou terriers ; la première efl: aux La- pins avec des Furets dans TH y ver, quand il fe fait de grandes neiges , êc dans la fin du Printemps, & fout le long de l’Eté aux Lapereaux. Les Ga^ renniers pour empefcher que les Fu- rets n’ctranglent les Lapereaux qui

CHASSEUR. ïfj

gafteroient des terriers , les atn* muflent afin qu’ils ne piquent que des ongles les Lapreaux dans le fond des terriers pour les faire fortir. Ils ten- dent les trous avec des bourfes , s’il y en a trop , ils tendent à l’entour des panneaux ou des ailiers à Lapins. Et faut fçavoir que depuis la fin de Mal jufqu’à la faint Rhemy qui eft en Septembre * ils marquent toutes les hazes qu’ils prennent , & leur fendent le bout d’une oreille pour ne point ruiner leurs garennes , pafle la faint Rhemy, ils ne marquent plus rien.

La fécondé fe fait contre toutes bê- tes puantes , les Palfets les vont atta« quer au fond des terriers. Il y en a de plufieurs fortes qui font Renards; Chats-harets , Foynes , Ficheurs ÔC Blereaux , les Br (Têts attaquent tout , mais principalement les Blereaux, 8c quand ils font terrés l’on fait des en- foncemens au defliis des chiens qu’on entend appeller au fond des trous, tant qu’on leur donne fecours , quand ce font des terres rougeaftres les trous font très profonds^ <k l’on a bien de la peine à les avoir / paree^qu’il y a

LE PARFAIT

plufieurs refuites Ôc carrefours le^ animaux le défendent avant de d’èftre pouffes aux acculs*

Entre tous ces animaux ceux qui fonc les plus difficiles à déterrer , ce font les Biereaux , parce qu’ils ont les plus profonds enfoncemens , ôc fouvent deux ou trois les uns fur les autres* 11 faut dreffer les jeunes Baffets avec des vieux les plus hardis, ôc attaquer les Biereaux dans leur demeures , car ce font des animaux très- nuifibles aux garennes, non pas qu’ils détruifent les Lapins 5 mais ils aggrandiffent telle* ment les terriers, qffiîs donnent âeê ouvertures à toutes tes bêtes mordan- tes de $ y retirer , qui détruifent en-’ tierement les garennes.

La maniéré de les attaquer, eft de mettre dans plufieurs de leurs trous des Ballets afin qu’ils fe rangent plus prom- ptement aux acculs, car fe voyant atta- ques par plufieurs endroits, ils crai- gnent d eftre coupés , ôc fe rangent plus viftes à leurs acculs ils ont toute leur famille, quand on peut avoir gagné les principaux carrefours qui conduifent à leurs acculs 5 on les

CHASSEUR. 157 prend tous , mais ils ont la rufe de fe remparer contre les chiens , ayant des ongles très forts ôc propres à remuer la terre, ôc fouvent fe perdent fi les chiens ne travaillent allencontre d'eux* Il y a des chiens fi rufés à cela qu’ils s’aident l’un l’autre pour vuider les terres que les Blereaux jettent con- tr’eux. Quand le jour finit ôc qu’on a fort avancé les enfoncemens, il ne le£ faut point abandonner , ôc faut relayer d’hommes pour continuer la nuit, nous en avons pouffé trois nuits durant , ôc forcés jufqu'à en prendre fept dans un même terrier tant vieux que jeunes.

Et quand on ne les pouffe point à bout , ôc qu’on les delaiffe, ils fe reti- rent avec toute leur famille dans d’au- tres cantons fort éloignés , ils re- font de nouvelles habitations dans les vieux trous qu’ils connoiffenr, ôc qu’ils ont habité autrefois , ôc s’y fortifient tout de nouveau.

L’âge des Blereaux fe connoît à la quantité des trous qu’ils ont fous la queue , tous les ans ils l’augmentent d’un. Ces animaux fe chaffent encore d’une autre maniéré, l’on bouche les

j58 LE PARFAIT

trous les plus hantés ils fe retirent, qui font ordinairement de grands ri- deaux, & Ton a de forts maftins , qui naturellement rident , & Ton s’en va la nuit au tour des bois , Ton a re- connu des terres remuées par Blereaux, quand ils vont vermeiller, c’eftàdire vivre de vers. En ces lieux ces maftins fouvent rencontrent desBlereaux qu’ils poürfuivent & joignent facilement, parce que c’eft un animal pefant , force de les piller & aboyer les hom- mes y arrivent qui les tiennent avec des fourches ou leur enfoncent dans la gueule un certain ferrement à cro- chet , qui a un retour fort pointu , & le retirent avec grand force, demaniere que le crochet entre dans la peau des mâchoires, & ainfi ils le fouleventjuf. qu’à ce que l’on ait ouvert un fac dans lequel ils le jettent. Les Païfans font fort curieux d’en prendre de cette fa- çon , pour en avoir la graiffe qui eft fouveraine pour les foulures, ôc pour les delafler quand ils ont fort travaillé, ôc ils s’en font frotter le corps devant un grand feu , ôc le lendemain ils font entièrement delafïes.

CHASSEUR. 159

La ChalTe des Porcs-épics fe fait de la même maniéré que celle des Ble- reaux , dans toute l’Italie. Cet animal fe met en terre, de a toutes les mêmes nations que les Blereaux.

De la Cbajfe des Chamois aux montagnes & du Staimhouc .

AU Triquetrae ou avec des li- miers ils peuvent eftre détour- nés. L’âge du Staimbouc fe connoîc à la quantité des nœuds qui entourent fes cornes. Ces animaux font au plus haut lieu des montagnes , de les Cha- mois ont deux petites cornes noires^ qui ont au bout des retours en devant, de qui leur fervent pour fe pendre aux rochers. Plufieurs Chalfeurs vont à la montagne , de les plus légers montent au fommet, pendant que les autres fe huttent au paflfage, parce que ces ani- maux ne peuvent pas aller par tout, 3c faut qu’ils palfent par de certains lieux connus à leur pifte. Quand plu- fieurs Arquebufiers font placés , ceux qui vont lancer ces animaux , mon-

i6o LE PARFAIT

cent & grimpent accompagnés de chiens , en faifant grand bruit en for- me de Triquetrac •: a'infi ils lancent ces bêtes , lefquellcs jetteraient à bas lefdits Chalfeurs , s’ils n’étoient en troupe mais à force de cris, elles s’effarouchent en fuyant : dés qu’elles commencent à fuir, tous crient à pleine voix garde lous pas . Ce lignai donné, les Arquebufiers prennent garde à eux & les tirent en paiïant, & fouvent en tuent.

Flufieurs autres bêtes paftent com- me au triquetrac -, mais il eft à remar* quer que de quelque hauteur que tom- be le Chamois, jamais fa peau ne re^ çoit aucune frafture , & demeure en- tière. Et celle de tous les autres ani- maux fe brife en plusieurs pièces tom- bant en bas des rochers. Il n’y a au- tre finelTe en cette Chalfe qui eft com- me un triquetrac , linon defe bien pla- cer , afin qu’il ne paiferien fans eftre

CHASSEUR. j6i

Delà Chaffe aux Cygnes, & très OyJ'eaux de marais , & du vol du Héron.

LA Chaflè aux Cygnes efî très ancienne dans un certain pais , & commune aux Pais - bas il y a des eauës de des rivières avec étangs. En certaines Villes de Flandre & de Picardie, il y avoir auparavant les grandes guerres quantité de Cygnes dans les étangs de foliés qui les en- vironnent ,» de tous les principaux Corps de ces Villes en a voient un nombre marqués à leur marque. Ces Cygnes convoient Se faifoient des pe- tits tous iss ans. A certains jours il le fdifoît une Chaffè folemnelle de tous les Corps de la Ville pour prendre les jeunes Cygnes, Se pour les marquer chacun à la marque. On afFembloit tous les grands petits, baueaux de la Ville Se 1 on alloit fur les eauës par tout ou ces Ciguës paroilîbient ; Se par une ceremonie generale chaque Corps con mençoit la Charte fui vaut

O

i6i LE PARFAIT

fon rang. Les Ecclefiaftiques les pre- miers & puis le refte. £t comme chaque jeune Cygne fuivoit leurs per- rons, Ton reconnoifloit à qui ils appar- tenoient , ôc l’on les marquoit chacun à fa marque. Cela duroit tout le jour & quelquefois davantage , tant que tout étoit achevé. Et ce n’étoient que feftins fur les eauës , que canonades & réjoüiflances. Cette Chaffe fe fai- foit au temps que les jeunes Cygnes ne pouvoient encore voiler, qui étoit au mois de Juillet. Et ces Cynes fepre- noient à force de batteaux , ôc aufll que les vieux ne vouloient pointaban- donner les petits, & qu’ils fe faifoient prendre avec eux. Et Ton les recon- noiffoit feulement , ôc l’on marquoit les petits à la marque des perrons fans leur faire aucun ma!. Il étoit telle- ment défendu de tirer deffus , qu’il y avoit uue Loi écrite dans les Regiftres de la Ville, que quiconque tireroit fur un Cygne étoit condamné en une amende qui étoit de combler le Cygne pendu par le bec, de bled, tant qu’il ne pouvoit eftre apperceu , Ôc ce au pro- fit de la Ville* On ne peut croire corn-

CHASSEDR. 16}

bien il falloir de bled pour fatisfaire à l'amende. Cela fe continue encore en quelques lieux ; mais la guerre a aboli cette coutume quafi par tour ou cela fe faifoit.

La Chajje aux Canards dans les étangs , efi Royale .

LE Comté de Ponthieu qui e(ï un membre de la Couronne * a droit tous les ans de faire une Chaffe aux Oyfeaux de riviere fur des étangs qui en font partie. Et pour cet effet il y a plufieurs Villages qui font obligés i'y venir aider , quand ils y font ap- pelés. Cette Chaffe fe fait dans le mois de Juillet , quand les Oyfeaux le riviere muent &: ne peuvent voler* ce qui arrive tous les ans. Tous les Païfans appellés pour ce fujet font obligés de fe dépouiller 8c de faire un rriquetrac dans les grands ro féaux qui environnent les étangs , 8c tous les Officiers de la Maîtrife font dans des oateaux le long des bords pour les faire marcher en ordre. Ils font tous

O ij

i <4 LE PARFAIT

armés d'un grand bâton, comme pour conduire une naileîle , 8c auparavant que de commencer le triquecrac à l'un des bouts, l'on a tendu des panneaux au travers d'efpace en efpace, d'une diftance raifonnable , comme qui di- roit de cinq cens pas , puis apres l'on commence le triquecrac allant douce- ment , enforce que tous les Oyfeaux qui ont leurs petits tous grands & quafi prefts à voiler , cheminent devant les Chaiïeurs, & au bout drfdits panneaux 8c en plufieurs endroits , il y a des hommes qui prennent garde quand les Oyfeaux donnent dedans ; deforte qu'en ces triquecracs il fe prend une prodigieufe quantité de toutes fortes d'Oyfeaux de rivières qui ne peuvent échapper ni retournera caufe du grand peuple qui les pourfuit. Quand on eft arrivé aux premiers panneaux, on pafle outre, 8c après avoir pris tout ce qui s'eft donné dedans , l’on paffe aux au- tres, 8c ainfi continuant l'on acheva l' étang 8c les rofeaux , 8c l'on prend tout ce qui ne peut fe fautver par le fecours des bateaux qui font aux ailes. Qtynd tout eft achevé, les Païfans s'en

CHASSE VR. 165

retournent déchargés de leurs cens pour cette année , ayant fatisfait à leurs obligations , fk tout le gibiereft porté 3 la Ville des Officiers & de ceux aufquelsle Comte de Ponîhieuen veut faire fes libéralités. Toute la Ville efë en fête , car chacun en a fa part, 5 C cela le fait au mois de Juillet aupara- vant la moilTon.

De la C baffe des Princes Aliemans.

LEs Aliemans ne courent point à force , & ne font que des ChafFes meurtrières. Ils font très jaloux de la Chalï'e , &c défendent fur peine de îa vie à qui que ce foit de tirer dans dé- tendue de leur Seigneurie , non pas tant pour la considération de la Chafle, que pour empefcher qu’on ne banniiTe point le gibier de deffus leurs terres Ôc de leurs forêts. Tous leurs fujets 5c vaflaux font obligés en certaines fai- fons de fe rendre aux lieux oit ils font mandes , pour faire le triquetrac ou leurs battures , félon les bêtes qu ils

166 LE PARFAIT

veulent attaquer, Ôc ne font jamais ees Chaflfes que lors que les bêtes font en venaifon. Quand eela eft, les ren- dez-vous fe donnent aifés proches des bois qu’ils veulent chalTer. Une grande quantité de peuple y arrive ; Ton tend les bricolies , palïées > toiles & hayeu- res pour enfermer les bêtes $ plusieurs, hommes font préparés pour les meures trir l’on fait un triquetrac general & il y a des lieux fermés de palis pour mettre les Seigneurs Ôc Dames fur des échaffaux ou Le rendent la plufpartdes bêtes contraintes par des hayeures fai- tes exprès qui les conduifent , deforte que tout ce qui eft dans le bois y de- meure , hormis celles qui trouvent jour à fuir au travers des batteurs 5 ôc l’a fouvent fe tuera deux ou trois cens bêtes très gralfes * dont les Seigneurs rempliflfent leurs falloirs Ainh ils choi- filfent les bois qu’ils veulent chaiïer^ les uns choifiiTant les bêtes fauves, dont ils font une Chafîè à part ; les autres de bêtes noires , dont ils font un furieux meurtre quand ils font en porchaifon, car ils n’en font point tuer quelles ne foient bonnes pour

CHASSEUR. 167

raller. Ainfi le long des temps que :haques efpeces de bête font en ve- laifon. Ils continuent tant que leurs àlloirs (oient pleins.

Ils chafient encore à Parquebufe ivecdes armes rayées, 8c ne tirent que le baies feules à la campagne, &frap- Dentlegibier en telle partiede leur corps ju’ils marquent auant que de tirer : nême ils font des paris à qui mieux eüflira. Le refte de leurs ChalTes aux :>êtes mordantes fe fait avec des pié- gés , 8c aux relevées dont ils font plus :urieux qu’aucuns peuples.

Quant aux ChalTes du menu gibier,, ls les font avec des filets , & avec des Dyfeaux de Theurre,

Celles qu’ils font avec des filets * :’eft la plufpart la nuit au feu. Et celles le jour avec des chiens couchans fort âges , non pour tirer à l’arquebufe , nais ils font foûtenir des Oyfeaux de ’heurre fur leurs chiens , & avec des irafies ils courent toute une com- >agnie de Perdris. Et pour cet effet, ls ont des Oyfeaux fi bien drefies 8c i juftes qu’ils courrent le chien , 8c nême ne connoilfent point le vif, 8c

g LE PARFAIT

ïie.^5n,t ^t,e ^eurfés afin de ne point ecarter. Qciand les Perdris fe yoyent couvertes des Oyfeaux qui font a montais fe rafent de telle forte qu’on les couvre tres-faciîement, 8c que pas une ne s’échappe.

Pour les Chartes de nuit elles font en grande eftime parmi eux. Le foir ils remettent juftes les Perdrix au der- nier cris, 8c cela leur eft facile, parce que jamais l’on n’y charte , 8c ne font nullement battues , deforte qu’on les juche d’auffi prés qu’on veut. Quand cela eft fait, l’on y va avec un miroir concave dans une lanterne , 8c l’on fait fuivre des hommes qui portent un filer ; 8c l’on les couvre ainfi qu’il eft exprimé dans le lieu on cette Charte eft écrite. Eft à remarquer qu’en Alle- magne le gibier attend plus qu’en tous autres lieux, parce qu’on n’y ofechaf* fer , 8c qu’ainfi toute forte de gibier s’approche facilement 8c qu’il tient plus qu’aiîleurs , parce qu’il n’eft nul- lement battu ; 8c c’eft ce qui fait que ces peuples ne fe donnent pas la peine de charter comme les autres , parce qu’ib ont tres-facilement le plaifir.de

CHASSEUR. j69

la prife fans peine 6e fans dépenfe. Et c’eft la raifon pourquoi ils fe moc. quentde toutes les maniérés de chaifer, dont ufent toutes les autres nations * 8c fur tout des François, quand ils le voyent courre à force, tuer des che- vaux , nourrir des chiens & des équi- pages , pour prendre les bêtes qu’ils tuent très- facilement & fans peine fans dépenfe & fans travail. ^Auparavant d’entrer dans les autres Chartes qui fe font avec les filets ie veux dite un mot de la Faucon! nerie.

CHAPITRE XXIV.

De la F auconnerie ,

LE Sieur Defparon a parlé fi digne- ment de la Fauconnerie , qu’il ne en peut rien dire davantage & le loi Louis XIII. l’a faite exercer fi vantageufement , que jamais aucun loi n’en a approcher , car il ne Quvoit paroître aucuns Oyfeaux dans

yj o LE PARFAIT

une plaine, qu’il n’y euft des équipa- ges pour l’attaquer. Il y avoir des vois entretenus pour riviere, pour le Héron, pour Milan royal , pour Milan noir , pour Buie , pour faux Perdrieux , pour Crécerelles , pour Hiboux, pour Cor- neilles , pour Corbeaux , pour Chou- cas , pour Courlis , pour jeunes Can- nepetreres, pour les Champs, & pour Lievres, Déplus quantité d’Eperviers pour voler les Merles, & Alais qui font Ovfeaux de l’Orient pour voler les Perdrix , & des Cormorans pour voler dans les rivières ôc étangs.

Il y avoit dans ces vols des Gerfauts blancs qui venoient du Nort, des Gerfauts gris & des Tiercelets de Gerfaut, & des Lacres pour le Héron Sc pour tous les autres vols. Ces mê- mes Oyfeaux y fervoient avec des Faucons , Tiercelets de Faucons Sa- crets , Lanières de Tunis, & plufieurs Faucons pour rivieies &c. Tous res vois font encore entretenus par le Roi ' d’aprefent.

je ne parleray poinr de toutes ces Chafles particulièrement , quoi que j’aye été élevé & nourri dans cette

CHASSEUR.. i7l

Fauconnerie, & qu’il feroit inutile de montrer au particulier comment elles fe font, & comme on dreffe les Oyfeaux à toutes ces ChaiTes, parce qu’elles ne font point de leur portée, & que leur connoiiîànce feroit inutile. J’explique, rai feulement aux Seigneurs & Gen- tilshommes defquels Oyfeaux ils peu- vent fe fervir utilement dans l’étendue de leurs terres pour chafler toutes fortes de gibier, dont elles font peuplées.

Des Oyfeaux niais , comme on feut connaître leurs nids , de quelle façon il les faut dénicher , & comme il les faut nourrir.

Auparavant que de parler des Oyfeaux dont fe peuvent fervir les Gentilshommes , il faut dire un mot des lieux les Perrons fondeurs petits , & en quel temps il les faut lever.

Les Autours font leurs nids dans les forêts de haute fuftaye, & quelques- uns dans les montagnes d’Allemagne P ij

I7z LE PARFAIT

Pour connoître les lieux ils bâ- timent leurs nids, Ton obferve le temps qu’ils reviennent aux aires , qui eft le mois de Mars, ôc tous les jours ils martelient , c’eft à dire qu’ils crient de certains cris pour s’entrappeller. Dans les lieuxoù ils martelient le plus, c*eft-là ils bâtiffent leur nid fur les plus hauts arbres de toute une fo- rêt. Les Fauconniers ou les Gardes de bois regardent foigneufement ces lieux, êc ils reconnoiiïent ôc diftinguenc les arbres font leurs nids tous les mois de Mars , d’Avril ôc de May , aufquels ils montent avec des tire- fonds ôc des inventions quils ont , Ôc yoyent en quel état font les petits , & quand ils font blancs ôc en état d'être levés , ils les enlevent malgré les Perrons qui les battent , puis les ayans defeendus dans des paniers , ils les emportent chez eux , & les nour? nflent jufqu’à tant qu’ils foient tous grands ôc leur pannage fec. Ils les nourrilfent de très bonnes viandes,prin- cipalement de pigeons . ôc cela en deux maniérés qui feront ci-aprés ex- primées. La première, eft qu’ils i^s

CHASSEUR* 173 nourriflènt fur le poing , quand ils font ailes forts pour s’y tenir 6c fur la per- che.

L’autre eft qu’ils les nourriflènt au taquet , c’eft à dire en liberté, 8c quand ils veulent leur donner à man- ger, à l’heure de paître ils frappent fur un bout dais , au fon duquel bruit ils les accoutument, de maniéré que quand l’heure de paître vient , & qu’ils frap- pent fur cet ais , vous les voyés à ce bruit revenir foit des jardins , foit du vilage, foit des bois, & très avidem- ment fe mettent aux lieux Ton a accoutumé de les paître, êc ainfi l’on continue jufqu’à ce qu’ils foient fecs 8c en état d’eftre mis fur le poing. Cette maniéré eft la meilleure, parce que cette liberté de coucher de hors, & 1 air qui eft leur principale demeure les rend plus vigoureux & plus fains ; mais il ne faut pas attendre fi tard, de peur qu’ils ne fe paiflent, car s’ils le faifoient une fois feulement , on au- roit de la peine à les reprendre.

Les Eperviers fe dénichent de la meme façon , 8c ceux qui ont l’adrefle de s en bien fervir en tirent plus de P iij

i74 LE PARFAIT

fecours que des Autours , parce qu'en ayant deux ou trois qui volent l'un après l'autre pour leur donner haleine, ils prennent plus de Perdreaux qu’au- cuns jufqu à la laint Remi ; & quand ils font grands ils continuent à en prendre jufqaà la ToulFaint, auquel temps très- ordinairement tous les Oy féaux de poing tournent queue, 8c il y en a peu qui palfent , & que d'ail- leurs c'eft le temps l’on fort les Oyfeaux de îa mue, 8c que dés que les Oyfeaux de l’heurre commencent à voler , on ne prend plus la peine de faire voler les Autours , fi ce n'eft en païs couvert, ou pour Lapins ou pour Lievres ou pour Fayfans , 8c quand les Autours ou Tiercelets fe rencon- trent bons on prend la peine de les palier i'hyver.

Quant aux Oyfeaux de l’heurre niais , l'on a plus de peine à les déni- cher, car ils font leurs aires dans de très. hautes montagnes, mais les Fau- conniers ont des inventions de les avoir. Il en vient quantité d'Alle- magne , 8c l’on les nourrit des deux manieras fufdites des Autours.

C H A S S E Ü R. 175

Tout le mois d’Oétobre & ail com- mencement de Novembre on prend les Oyfeaux de partage * & les Fau- conniers les apportent tous les ans vers lafaint Martin.

Les meilleurs Oyfeaux niais pour les champs fontd’Efpagne, & fur tout de la Montagne rouge. J’en ay envoyé que* rir plufieurs fois. Le Fauconnier partoit au commencement de Mars 8c reve* noit à la faint Jean , 8c m’apportok huit paires d’Oyfeaux tout Theurrés 2 & n’a jamais manqué d’eftre de re*. tour à la fin de Juin ou au commen- cement de Juillet. Il eft vray qu’il ÿ a une fi grande différence de ces Oyfeaux niais qui viennent d*Efpagne d’avec ceux qui viennent d’Allemagne* que dés qu’on ena eftayé, l’onnepeus plus fe fervir d’aucun autre.

Les Lafniers niais font auffi appor- tés d’Allemagne ; mais la première année l’on a bien de la peine à les échauffer, 8c ne valent ordinairement rien. Il eft dit parlant d’eux* comme on peut les rendre bons.

Quant aux Tiercelets de Faucons d’Efpagne , quand iis font bien nour- P iiij

ijé LE PARFAIT

ris & bien Theurrés , ce font des Oyfeaux qui fe perdent dans les nues, qui ne vont jamais au change , qui tiennent long temps fur aile, & qui font très juftes en leur remife , & la tiennent plus long, temps que tous les autres. L’on en vole le Courlis, la Çannepetiere &c .

Qui pourroit avoir des Lafniers ou des Sacrets , on en aura pour fa vie , car ils durent trente années.

De quels Oyfeaux fe peuvent fer - vir les Gentilshommes , fuivant le pais ils demeurent .

SI un Gentilhomme à fa demeure dans un païs couvert , il lui faut des Autours ou des Tiercelets qui font des Oyfeaux propres pour voler la Perdrix grife ou rouge, ouïe Faifant dans les bois , les hayeurs & brouf- failles, & pour les fervir , il ne lui faut que des barbets qui rapportent bien éc des épagneux pefans qui, percent hardiment dans le bui/ïon.

CHASSEUR.. 177

S’il eft dans un païs ouvert , 8c qu'il f ait de belles remifes , & de petits ûliages à hayes claires pour voler Per- Irix * Courlis 3c jeunes Cannepe- iers , il peut fe fervir de cinq ou fit >ieces d’Oyfeaux , ou plus s'il en a le noyen, 3c que ce foit des Faucons des Hercelets de Faucons * des Lafniers k Lafnieres , 3c s'il fe peut des îacrets , lefqueîs il pourra trouver acilement , foit par le moyen des Fau- :onniers Flamans qui en apportent tous es ans, tant de niais que de hagars , k s’il a la moindre connoiffance iUx Officiers qui ont les vols des Dyfeaux pour Pie 3c pour Corneille tu Printemps que les vols fe rompent,1 1 en aura a foifon , 3c ne lui eft be- oin que de fix ou huit épagneux pour, èrvir fes Oyfeaux.

Que s’il eft en païs de gros Villa- ges dans des plaines 3c quelques bois*

1 ne lui faut que des Oyfeaux de poing; k s'il entend quelque peu la Faucon- îerie. il peut feulement fe fervir d’E- ?erviers en nombre de trois ou quatre jui voleront l’un après l’autre , car il

if 8 LE PARFAIT

leur faut donner le temps de repren dre haleine, Sc ils voleront jufques au- près de la Touftàint qui eft le temp< qu'on tire les Oyfeaux de la mue Que s'il fepeut rencontrer des Lafnier: & Lafnieres qui volent enfemble , i aura des Oyfeaux pour toute fa vie mais il eft difficile d'en rencontrer de bons 5 fi l' on ne fçait bien les mettre dedans, ,

Des Lafniers four les champs .

LEs Lafniers font difficiles à échauffer pour la première année, mais a la fécondé fi Ton les mue ÔC qu on les tire de bonne heure , euffent- ils des pannes en fans , de quson les échauffé fur les petits Perdreaux , ce font des Oyfeaux infatigables , qui plus fis prennent de Perdrix , & meil- leurs ils fe rendent.

De tous les Oyfeaux qui volent pour les champs , il n'y en a point qui approche Paile du Faucon , mais les paffagersfont fujets à aller au change.

CHASSEUR. 179

ir ne tiennent point remife.

Pour avoir de bons O y féaux pour «s champs , il faut des Faucons oit les Tiercelets niais , s’ils font d’Ef- >agne ils font incomparables 5 pour lien faire , il en faudroit envoyer que-* ir tous les ans , il s’en rencontreroie ntr autres quelques-uns qui iroienc lans les nues. Le fecret de les faire nonter au plus haut poind qu’ils peu- vent , c’eft de ne les faire voler qu’à ’heurre de paître , ayant remarqué ufte des Perdrix, ou les avoir fait ar- :êter par des chiens couchans , les etter à mont , 8c quand ils font bien :ournés faire partir les Perdrix , ce ^ui reiilîit toûjours fort bien au temps 3e la pariade auquel les O y féaux mon- tent plus haut qu’en aucune autre fai- fon.

C’eft un abus de croire qu’on puifife avoir de bons O y féaux , fi première- ment on n’a fait provifion d’un bon Fauconnier, quand on en a rencontré un bon , il le faut fort eftimer ; enfui- te il faut avoir de tres-bons che- vaux 8c de très - bons chiens en quantité pour fervir les Qyfeaux; n’en

i8o LE PARFAIT

laiflànt quefter qu'une partie, & gai der l’autre pour l’heure de paître, 8 p°ur la retraite. Un Gentilhomme l peut palier de huit épagneux , dont i en lailîera quefter lîx , & deux qui gardera pour la retraite.

Le Gentilhomme qui aura des Oy. féaux doit toujours avoir l’œil fur for Fouconnier, à ce qu'il ne donne jamais a ces Oyfeaux de méchante viande : comme ils font prefque tons ; que la chamure dont ils font les cures n'aii point de mauvaife fenteur & ne foit point pourrie , que la chambre des Oyfeaux foit propre 8c n'ait point de mauvaife odeur ; que les Fauconniers commeils font yvr°ngnesn*ayent point 1 haleine puante : SM eftfort foigneux de tomes ces chofes , il luy mourra peu d Oyfeaux, 8c au contraire fi tou- tes ces mal propretés font ordinaire- ment parmi fes Oyfeaux, il perdra les meilleurs, comme il m’eft arrivé pla- neurs fois , quand je n ay pas été aflfés heureux de ne pas rencontrer un hon- flefte homme de Fauconnier.

CHASSEUR. igf

Des Oy féaux de faffage , & des moyens de les prendre.

U a n d on eft en païs de paffîu d’Oyfeaux de l’heurre, &que le font des plaines , s'il fe rencontre |uelque grand arbre ou quelque cô~ !au en icelles, qui puifFe etëre décou- ert de loin 5 il faut fur quelque butte minente ou quelque haute borne ten.» Ire un filet, comme pour prendre des lîoüettes au miroir , un peu plus rand & plus long, & que le tendeur ,oit cache de quelque bottes de foin 111 buiffon fait exprès , afin qu’il ne oit nullement découvert ; 5c au milieu e fk tente qu’il y ait un pigeon blanc ttache fur une petite raquette de jeu je paume a ce qu’il puilîe branler les jiles fans s’embarafïèr , & que la ra~ [uette foit attachée avec une fifïèlle ||ue tienne le tendeur pour faire re- jnüer le pigeon quand il voudra, puis ||ue le tendeur ait encore un autre pi- ,eon blanc attaché à une fiiiere qu’il jaiiie voler de temps en temps pour

,8z LE PARFAIT

faire que les Oyfeaux de partage h •voyent de loin , qu’il le reprennt fouvent , & tienne dans une cage oi fac à commodité. Il doit tendre dt grand matin jufques à neuf heures . parce que les Oyfeaux font repeus de. dans ce temps- là. Dés qu’il void un Oyfeau de partage venir vers luy , il faut 'branler le pigeon blanc qui efl fur la raquette ; le partager qui a faim y vient auffi-tôt pour le prendre , le tendeur tire fon filet quand l’Oyfeau vient battre le pigeon , & le filet le couvre. C’eft-là le moyen de prendre l’Oyfeau partager dans les plaines du- rant tout le mois de Septembre. Et quand i! aura reconnu quelque Oyfeau de partage dans cette plaine , il ne tar- dera jamais huit jours fans le prendre. Un autre moyen de prendre les Oy- feaux de partage , eft d’entourer le pigeon blanc tout allentour de petites verges de bois chargées de glu, en relie forte que l’Oyfeau ne le puiflè prendre fans toucher à la glu, Ce moyen eft plus aifé que l’autre , mais il faut fçavoir le dégluer , ce qui le fait avec de l’eau tiede. C’eft hazard

CHASSEUR. igj

îeanmoins que î'Oyfeau pris ne fe batte & rompe le pannage, auquel cas ,1 faut enter les pannes rompues.

! Une autre maniéré tres-facile aux Fauconniers pour prendre les Oyfeaux le pacage fans tendre. Cette maniéré tres-aifée aux Fauconniers, & très "eure pour ne point manquer les Oy« Féaux de pattage.

Les Fauconniers doivent avoir dans leurs Fauconneries deux ou trois plot» tes de laine grotte comme Perdreaux qui foient recouvertes de plumes de Perdrix attachées allentour , & que de deflus ces plottes piufieurs lacs de crins de chevaux foient attachés &C adherans très- proprement accommo- dés , & toutes les fois que quelque |Oyfeau de paffage paroift , on atta- che viftement ces plortes à quelques j Oyfeaux qu'on porte à la Chatte, puis on les laifle aller tantôt Ton tan- tôt l'autre , ou tous enfembîe. Dés | que le paffaget les voidil va à eux pour lies détronfler , & lie cette plotte com- | me fi c'étoit une Perdrix 5 & neman- | que jamais de s’empeftrer dans quel- I qu'un défaits Ucs : incontinent les deux

i84 LE PARFAIT

Oyfeaux tombent à terre ; aulïï-tô le Fauconnier court, & prend le paiïa ger au travers du corps fans le preffet comme on tient les Oyfeaux quanc on les veut abbatre, puis après on 1 debaraffe , on dénoue la plotce d( Faqtre Oyfeau , lequel il ne faut paî faire voler qu’à la fin de la ChalTe à caule qu’il lèroit effarouché de h prife. Et cela eft le moyen de prendre des Oyfeaux en tout temps. Que f l’on prend un Lafhier de paffage , i; eft mis dedans en vingt jours , <k Ton en fait un Oyfeau pour les champs j le plus parfait qu’on fçauroit rencon- trer.

De la Chaffe des Filets.

APres avoir parlé de toutes les ChalTes qui concernent la Véne- rie , la Levreterie U la Fauconnerie : il lembie en fuite que ce feroit ici le lieu dVxpliquer toutes les ChalTes qui concernent les filets, tant de jour que de nuit. Elles feront plainement ex- pliquées dans la fuite, avec îa maniéré

de

CHASSEUR. i8j

de tontes fortes de filets faits dune au- tre maniéré que ne l'a du celui qui a fait les rules innocentes 5 lefquelles font inutiles aux Chaleurs pour pren- dre du Gibier , tant fur terre que dans Peau.

\Ze moyen de repeupler un pais de ! Perdrix ou Ion tire beaucoup .

LA première chofe quil faut faire, c'eft de faire bâtir une voliere grande de vingt- cinq ou trente pieds, & d'y faire un plancher de terre fur des latteaux 5 comme font faits les [planchers des Païfans , & de les char- ger de quatre doigts de terre , fur le- quel plancher l'on fera la voliere cou- verte de chaume bien bouchée , & y (ailler une feneltre dans un pignon ex* pofee au Soleil de neuf heures , & du (ielTous en faire des poullaillers , foit aux Cocqs d'Inde & autres Q y féaux* Cette voliere d'enhautfèra pourfaire le repeuplement de la quantité des Perdrix que l'on tuë qui fe fera de deux ou trois maniérés.

0.

iU LE PARFAIT

La première , par des œufs de Per- drix qu'on achepte , des filles & des femmes qui vont à l'herbe , que Ion fait couver par des poulies commu- nes , & qu'on éleve facilement , ainfi que plufietirs Seigneurs font en toutes leurs terres , quand fis font curieux d’avoir quantité de Perdrix dans l'é- tendue de leur Seigneurie.

La fécondé , c'eû: qu’au temps des petits Perdreaux l'on fait tendre plu- fieurs pieds d'Alliers pour prendre les jeunes Perdreaux que l'on jette à me- fure dans la voiliere avec les vieilles qui fe prennent.

La troifiéme fe fait avec la Ton- nelle. îl faut avoir un bon Tonnel- leur qui prenne toutes les com- pagnies fuperfluës dans les pais de bois, ou dans les pais ils font trop pro- ches î'un de l’autre , ]parce que dans le temps de la Panade > il n’en demeu- re ordinairement qu'une paire fi y en avoir une compagnie , tout le refte fe chalfe lJ un l’autre dans les pais cir- convoifins , & i! ne demeure que la vieille paire , & partant on penfe or- dinairement conferver des Perdrix pour

CHASSEUR. 1S7

foi qui feront cependant pour les voi- fins.

Ce rfeft pas tout , car il faut ac- commoder la voiliere de la façon qu’il s’enfuit , pour mettre tqutes les Per- drix qu’on nourrit & qu’on prend au filet.

Il faut mettre dans ladite voiliere en divers lieux quatre ou cinq petits mon- ceaux de terre jaune haut d*un pied , de de deux de large quarrément , ou en rond 5 puis il faut mettre en d’autres lieux une couple de gerbe de froment, une couple de gerbe d’orge ou de pa- moüe ou orge de Mars, & puis une couple de botte de bled dit Sarcazin , s’il en croift dans le pais. Enfuite il faut mettre trois ou quatre vaiffeaux pleins d’eau nette , laquelle on rafraif- Ichira fouvent , parce que les Oyfeaux |la peuvent gafter , & qu’elle fe peut corrompre, & autour defdits vaiffeaux on y épandra un peu de chenevis ou de mil s’il en croift au pais de vifiter Ifouvent , quand il y en a de manque*

La voiliere accommodée ainfi nour- I rira tontes les Perdrix qui deviendront grades de fortes. Ainfi l’on diftinguera

QJ)

i88 LE PARFAIT

facilement tous les mafl.es d'avec les femelles, dont on tiendra regiftrepour en fçavoir la quantité des mafles fu- perflus, parce que dans les compagnies très ordinairement il y a beaucoup plus de mafles que de femelles. Et quand ce viendra le Printemps on les laiflera aller , c'eft à dire les portant dans les lieux l'on void qu'il y en a de man- que 3 & il y aura des bleds bien expofés au Soleil Levant & au Midy , non pas toutes à la fois , mais par in- tervalles 3 par exemple , on en mettra aujourd'huy une paire, demain une au- tre , ainfi continuer tant que de be- foin chaques jours, & au temps qu'elles s'apparient.

Il faut défendre fur tout de ne point chafler dans tous ces lieux , les huit ou quinze premiers jours , afin de les laifler apprivoifer. C'eft- le moyen d’avoir une infinité de Perdrix , & de repeupler tous les pais gaflés par le nombre de ceux qu’on tué.

Quiconque fera tous les ans cela , jamais le païs ne fe dépeuplera de gi- bier ^ & l'on fera contraint de laifler cet fexercicej quelques années par la

CHASSEUR. 189

quantité qu’il y en aura.

S’il y a quelques bois dans l'éten- due de la Seigneurie , il faut eftre eu* Tieux de les bien peupler, 8c dans les plaines il y faut planter quelques pe- tites remifes d’ozier , qui eft un bois jqui croift 8c qui vient bien-tôt, com- ble auffi du bouleau 8c autres bois gendres 5 8c entourer lefdites remifes de quelques foliés plantés d’épines , afin que les Bergers n'v entrent point.

P es Garennes , pour les bien peupler .

S’Il y a des bois 5 il y fautfairedes Garennes &: les peupler de Lapins * :e qui fe fait ainfi.

| Il faut premièrement faire provifion l’un bon Garennier 3 car autrement on jie feroit rien qui vaille. Dans ces >ois , il faut choifir un lieu commode j)ù l’on fafle une petite maifon pour le Garannier, avec une petite cour fer- née d’environ trente pieds en quarré de purs de terre ou de cailloux félon la lommodité, couvertes de pailles ou de baume , au long defquels l’on fera [8c

19ô LE PARFAIT

conftruira des cages à Lapins , com- me les font ceux qui nourrifient des Lapins privés , dans lefquels on met- tra des bayes , ainfi que Y on fait avec Lapins de clapier que Ton garnira de bouquets à fuffifance félon la quantité des hazes qu’on y voudra mettre , à fix hazes un bouquet.

Dés que ces Lapreaux commence- ront à fortir dans ladite cour , il fau- dra avoir laiflfë depetits trods quarrés à quelques endroits des murs , de telle grandeur que les petits Lapreaux y puifFentpaffer , & non fi grands qu’ils y puiflent rentrer quand ils feront grandis environ de deux tiers. Ainfi continuant d’entretenir les hazes que l’on nourrira de fon d’herbe ôc d’a- voine, elles feront tous les mois des petits, Sc tant que la faifon dure il y aura des Lapreaux qui viendront l’on après l’autre qui iucceffivement four- niront le bois de la quantité qu’il y en faut, & tant qu’à h fin il y en aura trop.

Ce n’eft pas tout de multiplier les Lapins dans les Garemies,, il les faut confetver des belles Moites , pour ce

CHASSEUR. 191

(faire, il faut conftruire 6c faire des ipiquets une certaine quantité de diffé- rentes lougueurs pour détruire les bê- tes puantes.

Les piquets ferontbrûlés par un bous jpour eftre durs 6c fermes pour entrer jdans la terre fi avant qu'ils ne puiffent pas eftre ébranlés. Il faut à chaque (piquet attacher un p Lut eau de bois pour foûtenir des gobbes qui feront (faites de lard haché méfiés avec de la noix vomique réduite en poudre dont on fera des plottes groffès comme tene balle à battoir, 6c qui feront miles dans une grande boitte de fer blanc pour eftre mifes fur les piquets, 8c re- Imifes en ladite boitte quand elles au- ront paffe la nuit fans eftre mangées, j Ces piquets feront plantés tous les jours à Lenttéedela nuit dans le temps que tous les chiens du vilage font re- tirés.

Les Piquets feront de deux & trois pieds de longueur; & feront couverts de gobes de LfiF rentes groffeurs pour jdes animaux différé ns qui les mange- ront. Er ne faudra point oublier de mettre dans un fac de la terre menue

m LE PARFAIT

pour épandreau pied & allentour des piquets pour voir par la marque du pied de quelles bêtes les gobes feront mangées , & afin de voir de quelles bêtes puantes Ja garenne fera hantée.

Il faudra auffi tous les jours de grand matin relever lefdits piquets , & re- mettre les gobes dans leurs boittes fufiiies pour le lendemain au foir faire la meme chofe , & fucceffivement con- tinuer tant qu’on ne s’appcrcevra plus qu'il y en hante.

Le même fe peut faire le long des bois il hante des Loups , des Re- nards ou Chats harets , dont on verra la deftrudtion dans peu de temps.

Le long des rivières 5c étangs ou refervoirs , Ton peut faire la même chofe pour les garentir du Loutre qui en caufe la deftru&ion.

Il y a une autre forte de Garenne forcée que Ton peut faire dans des lieux étroits, mais il y a plus de fujettion. Voicy comme on la fait.

Il faut faire une foffe de vingt pieds en quarré Sc de douze pieds de profon- deur, 5c qu’elle foit faite en talus, afin qu'on n’y puiile monter ni defcendre.

En

CHASSEUR.. i95

En cette folle, il faut faire un petit mur de trois pieds de haut qui fera de deux pieds de large , laquelle fervira jde conduite tout ailentour de ladite fo(Te , & ledit conduit fera couvert de ] planches en forme d'appentis.

Il faut auparavant d’avoir fait le mur lai (fer des trous de lïx pieds en Ex pieds djp la terre des bords de la folle , Sr lailîèr dans ladite muraille jdes conduits pour entrer dans lefdits itrous qui feront faits les plus profonds qui fe puilTent , c’eft en iceux les jEapins font leur terrier , d’où ils for- tironc quand ils voudront dans le mi- lieu de la fodè , dans laquelle ils feront bourris d’herbes tendres ôc lacerons qui feront arrachées du jardin.

Au coin de ladite folle , il y aura un îetit efcalier rond , au bas de laquelle B y aura une petite porte pour defcen- ilre le Garennier quand il voudra , & pour confiante fes cages à Lapins pour nettre les hazes Sc bouquets neceflài- es pour la multiplication. De laquelle »n tirera aufli des Lapreaux pour four, lir les Garennes , d’ailleurs que l’on

jonfetvera comme il eft dit.

R

,94 LE PARFAIT

Mais toutes ces inventions ne peu- vent fervit de rien, fi l’on n’a de bons valets pour prendre extrêmement gar- de à ce qui le paffe dans ces lieux : car il y aura peu de multiplication, u le tout n’eft tres-bien foigné , & que l’on n’aye de très bonnes fetvantes pour les baffes cours.

Il faut avoir grand foin de mettre le long des bornes des gobbes pourem- pefcher que les chiens ne détruifent & faffent tuer toutes les Perdrix qui font à la panade : car en ce temps il le ruine plus de Perdrix en un mois qu U

ne fe fait en toute l’année.

Il faudra aulfi avertir les voifins que l’on a mis par tout du poifon , afin nu’ils ne perdent point leurs chiens.

^ Auparavant que de parler de toutes les Chaffes des Filets , j’ay juge apro- pos de mettre icy les inventions de re- neupler les pais ruines de gibier a force d’en tuer : ce quieftant pratique fer* vira tres-utilement pour en venir â

b°Iltfaut aulfi prendre garde qu’on _ne rabatte point les Garennes , &c qu on n’en prenne point la nuit avec les

CHASSEUR. i9S

panneaux : pour cet effet les Garen- niers doivent avoir grand foin de les épiner par tout.

Et quant à la confervation des Per- drix, il faut extremément prendre gar- de qu’on n’y aille point à la Chaflè la nuit aux Trailheaux , principale- ment aux Perdreaux , car c’eft une ChaiTe très mortelle & extremément défendue dans tous les lieux confer- vés. Cette ChaiTe fe fait par beau- coup de Païfans la nuit , fi l’on n’y prend garde , principalement aux nuits obfcures environ la Saint Remy.

i f>6 LE PARFAIT

CHAPITRE XXV.

Qui traite de toutes les. C baffes qu'on -peut faire avec les filets .

L’Equipage d’un Gentilhomme qui a un beau païs pour chaffer , ëc qui veut accommoder fa terre en forte qu'il n’y manque rien pour faire bonne chere à fes amis , doit l’ajufter de toutes les chofes qui fuivent.

Il y faut une Garenne petite ou grande : l’invention excellente de les conftmire eft enfuite. Ou s’il a des bois 3 il les faut peupler de Lapins. Cela étant fait, il faut qu’il foit garni de panneaux , d’ailiers aux Lapins , de paflees , de chauffes , d’ailliers aux Cailles & aux perdris , pour chaffer dans les grains & peupler fa volliere, dont toutes les inventions de chaffer font déduites au Traité de l’Art de ti- rer à la relevée , & même eft expli- qué la raifon pourquoi la yoilierps eft neceflàjïe.

CHASSEUR. 197

S’il eft en pais de marais, il lui faut des rets à Beccaffïnes pour traîner les nuits durant les Lunes d’Aouft Sc de Septembre, lors qu’elles paffent & re- viennent.

Il lui faut encore des rets pour pren* dre les Alloiietres au miroir, 8c pour traîner la nuit. Les ChaiTes fufdites fe font au mois de Septembre. Je ne les expliquerai point , parce qu’elles font très connues par tout.

S’il eft en païs d’eau il lui faut des Sables , V ergueils , Tremails 8c des Eperviers,

S’il eft en païs de grands bois il y ait de belles paffees de Beccaftès qui reviennent à la Saint Rhemy, il lui faut des rets à Beccaftes , 8c tout le long defdits bois , il faut qu’il y falïe drefler des tentes exprès pour en pren- dre au temps des grandes paffées. C’eft une Chafle d’une demi-heure feu- lement , qui fe fait au foir entre chien 8c loup, Cela coure peu : il ne faut rien négliger. Si les bois font en lon- gueur comme ils font en quelques en- droits en Picardie, il y en a aucuns qui valent des revenus 5 chacune année R iij

i98 LE PARFAIT

l’une portant lautre fept ou huit cens Beccaiïès , fans eftre obligé de nour- rir des chiens ni des chevaux. S’il eft en païs de Faïfàns , Perdrix rouges, Cocqs de bmyeres 8c Gelinottes ; il luifaut des filets de la hauteur de douze pieds un peu plus larges que panneaux qu’on tend fur le foir , & l’on chafie allentour devant & derrière dans tous les lieux l’on a recconnu qu’il y avoir de ces Oylèaux , lefquels vo- lans bas le foir , donnent dans lefdits filets , & feprennent auffi facilement que les Beccafes. On ne chafle point autrement dans les montagnes , dans les coraux & dans les collines. C’eft une Chalïe fort aifée à faire 8c fort profitable. Je ne montre pas comme il faut tendre ces rets , parce que ces der- niers fe tendent comme panneaux , 8c celles des BeccalTes fe tendent entre des tentes faites exprès avec de grands filets , dont on tient le cordeau que l’on appelle le Maîrre , & quand les BeccalTes relevent le foir , elles volent tout razaudeifus du bois, 8c donnent dans ce filet que Ton tient tendu fou* tenu d’une petite poulie , & au mo.

CHASSEUR. 199

ment que quelqu’une y donne on lâ- I che ledit Maître , & la Beccaflê s’en- veloppe. L’on prend à cette Chafle quelquefois des Perdrix & des Oy- feaux de proye, quand par hazard il y en pafle.

; S’il eft en païs de petits Oyfeaux, au mois de Septembre jufqu’à la mi- O (So- bre, comme il arrive le long des mers* des bois , des hayes & des vignes, ÔC en Gafcogne, il s’en prend une grande quantité par le moyen des éraignes que l’on tend le long du bord duiant tout le temps de la pafïée. L’on y tend aufli plufieurs petits lacs de crin ou les Oyfeaux fe prennent,

| S’il eft dans un grand paflaged’Oy- feaux de riviere , & que la Seigneurie de fa terre aye quelque étendue -, il faut qu’il y conftruife une canardiere ou des mares faites exprès pour y ten- dre & prendre quantité d’Oyfeaux par | le moyen des Canards privés, qui ap- pellent les Oyfeaux paflàns & les at- tirent dans lefdites mares , & quand une fois il y en tombe , le tendeur les couvre avec une rets {aillante. Il fe fait en ces mares les plus beaux coups R iiij

aoo LE PARFAIT

du monde, La conftruébion des Cs- nardieres ell écrite ci-aprés.

S’il eft en pals de bois il y ait quantité de petits Oyfeaux de toutes fortes , il fe peut faire une ChafTe aufïï plaifante & auffi facile qu’il fe puifle imaginer pour en prendre une infinité de toutes les fortes , dont les bois font remplis. Cette Ghafle fe fait en deux maniérés. En la première l’on fait une hute couverte de fueiliage , dans laquelle le met un Oyfelier qui a dans la bouche un certain appeau de fer blanc, avec lequel il contrefait prefque toutes fortes d’Oyfeaux , & autour de lui il y a des cages il y a des Oyfeaux qui chantent & appel- lent les autres , comme il fait lui mê- me avec fon appeau : au defïus de la hute font certains bâtons fendus atta- ches de telle forte qu’ils font tenus fixes Sc fermes, hormis que leurs fen- tes ont la liberté de fe rejoindre par le moyen d’une fi (Telle attachée , de telle forte qu’en la tirant elle reflerre lefdi- tes fentes , & ainfi à tous ces bâtons fendus il y a à chacun une fifielie. Les Oyfeaux fauvages entendant l’ap-

CHASSEUR* 101

peau & les Oyfeaux de eages chari- ter s’approchent petit à petit bran- ches en branches fur les arbres voi~ fins , de enfin defcendent fur la hute fur quelques-uns de ces petits bâtons fendus : à l’inftant l’Oyfelier tire la fifelle & les prend par les pieds, & en prend fi grande quantité , que l’on ne pourroit le croire , fi cela n’a voit été finivent à Saint Germain , le Roy en perfonne faifoit chafler ledit ! Oyfelier.

L’autre invention eft plus aifée &C jmoins embaraffante. L’on fait encore une efpece de hute au milieu d’un j grand bois dans quelque clairière $ ôc ! celui qui fe met dedans par tout aux environs d’icelle , charge de glu force petites verges faites exprès, enfilées par le bout à des petits bâtons de fureau,

I laiflant un bouc vuide dudit fureau pour mettre iefdites verges chargées de glu i à quelque branche qu’il choifit , de ainfi il en attache beaucoup aîlentour de ladite hute , de même fur icelle il ; y a comme un petit arbre fait exprès qui en eft tout chargé.

I Comme tout eft difpofé., T Oyfelier

201 LE PARFAIT

fe met dans la hute , ôc contrefait î; Choüette avec un appeau fait expré fi naturellement, que tous les Oyfeau: cTallentour de toutes fortes viennent i ce cris par une averfîon naturelle qu’il* ont contre la Choüette , ôc fe repofen par tout fur ledit agio. Ils fe prenneni fi vifte, que tout ce que peut faire FOyfelier, c’eft de les prendre &met< tre avec grand’hafte dans un fac or grande cage , & à grand’peine peut i] y fournir tant il en vient. J’en ay prendre cinq ou fix douzaines de cette maniéré en une demi- heure, ôc on en prendroit bien davantage, fi Ion pou- voir avoir une Choüette vive, ou mê- me une contrefaite avec des plumes collées , comme fi elle étoit naturelle, ainfi que font les tendeurs de plou- viers, fi on la mettait fur la hute fous le petit arbre , tous les Oyfeaux qui font au bois s’y prendroient conti- nuellement.

S’il eft en un païs de pafTage d’Oyes fauvages qui fe pofent quel- quefois fur les bleds verds ou dans des marais , on en peut prendre plu- sieurs, attachant plusieurs haims à de^

CHASSEUR. ioj

thevilles de bois bien avant ficheesen ierre > tenues de fiffelles qu’on cou- vre d’un morceau de pain ou de fref- lire , dont les Oyes font friandes 3 ■ai&nt dans lefdits bleds de longues raifnées & lignes defdits haims atta- !:hés aufdites fiffelles, chacune longue le demi-pied , l’amorce franche. Les jDyes courent le long de ces fillèlles , ic autant qu’il y en a ils mangent lef- liites amorces, & elles demeurent at- tachées par les haims qui doivent eftre afTés forts pour les retenir. %

| Si l’on demeure en pais de filions ou les Perdrix abondent $ l’on fait pro- yifion d’une femelle , qu’on appelle Chanterelle s & on la pofe a un bout des filions , tout au lon^ duquel on |tend des pafTées. Le malle vient au cris de la Chanterelle tk fe prend. ILon prend à cette Charte plufieurs perdrix rouges avec un appeau, pour- jveu que le Chaflèuc en fijache bien jouer.

Si l’on eft en païs de plufieurs boca- ges & totaux ou les compagnies de Perdrix foient frequentes , l’on peut j jolier de la tonnelle pour peupler les

204 LE PARFAIT

vollieres , & ne lailTer dans ce païs que les compagnies qui fuffifent pour le laîfler raifonnablement peuplé , par- ce que les Perdrix font pailàgeres , & le chalïent l’une l’autre dans le temps delà pariade, quand il y en a trop. Et 1 on void prefque toujours qu’il nen relie qu’une paire il y en avoif une compagnie* Quand donc on y en lai lie trop , & qu’on penfe conlerver le païs , c’eft pour les voi- lins qu’on le conferve & non pas pour foy. Et l’on remarque que quand on joue de la tonnelle pour prendre des compagnies entières , à chaque compagnie il y a deux fois plus de malles que de femelles : & ainfi au Printemps tous les malles s’en vont , & ne relie que les plus forts qui chaf- fent les autres : fi bien qu etans pris & retenus dans une voiliere , l’on mange l’Hyver tous les malles fuperflus , & 1 on ne garde que les neceflàires pour mettre des paires aux cantons il n’y en a point.

CHASSEUR.

îoj

Delà Chajfe qu on fait la nuit .

EL l e fe fait aux Perdrix & Al- loüettes 5 aux Plouviers i aux Van-* eaux, aux Oyes fauvages, aux Ou- irdes ^ aux Lapins és garennes , aux devres , & dans les rivières 5e étangs lux poiiTons. Elle Ce fait auffi le long es hayes avec du feu l'Hyver aux |)yfeaux qui s’y retirent. L’on bâties ayes d’un côté , 5c de l’autre côté jon rabat les Oyfeaux qui en forcent vec des ravaux qui font faits debran- hes fueilluës, & à la clarté du feu l’on ss prend. Cette ChalTe s’appelle aller . la foliée.

! Dans les païs d’enclos on chafTe la lèuit les Perdrix , comme il fuit. L’on porte une lanterne ouverte d’un côté , lans laquelle on met un miroir con- cave, 5c un bout de bougie dans ice- |uy , dont la lumière répond droit au rentre. On remarque le foir dans le- Ht clos ou font les Perdrix par leur lernier cris alors par le moyen de la- llue lanterne qu’on porte'devant foy3

iC6 LE PARFAIT

on void de loin lefdites Perdrix , lef- quelles fe ramalTenc toutes en un bloc dés qu’elles voyent le feu. L’on pré- paré un filet exprès que deux hommes portent fur deux hauts bâtons derrière rhomme qui porte la lanterne qui ne peuvent eftre veus à cauie de la gran- de lumière du miroir qui les précédé, on les approche petit à petit fort dou- cement , & quand les hommes qui portent les filets font à portée , ils les couvrent. Cette Chafle eft plus com- mune en Allemagne qu’en tout autre pais, parce qu’ils fe fervent plus de filets en toutes leurs Chalfes, qu’aucune Nation de l’Europe.

A toutes les autres Chaffes fufdites qui fe font de nuit, l’on fe fertd’ar- quebufes ou d’arbaleftes pour tuer le gibier qui fe prefente au feu. Dans les chaumes d’avoine, & le long des che- mins quand on veut chaffer la nuit aux Alloüettes , l’on traine un filet à deux hommes, que l’on "ap- pelle un traineau en barant les pièces de terre ou chaumes d’avoine tou- jours une oreille au vent , faifant les geains plus juftes que l’on peut*

CHASSEUR. 207 ^etteChafte eft mortelle. Ton y prend -s Perdrix, Beccafles, Piouviers, Van- eaux & beaucoup d’ Alloüettes. Elle ? fait aux environs de la Saint Remy*

,a finefte de cette ChalTe eft d’avoir In filet bien fait attaché à deux per- bes de la largeur du filet , d’atta- ber quelques brins de paille au bas pur faire partir le gibier * car fans lela il en demeureroit beaucoup fans artir, car (bit aux Plouviers ou aux ranneaux, quand on leur prefente le eu ils étendent Paîle & fe ramaffent , k on les approche facilement, & >our faire de grands coups trois Ar- juebufiers chargent leurs arquebufes de uenu plomb, mettent un pied les uns rontre les autres pour fe donner le Ignal de tirer en lieux convenus tous bnfemble delïus la trouppe d’Oyfeaux, [moyennant quoi ils en tuent grande quantité.

Quant aux Oyes fauvages Ôc aux iOutardes, qui emportent un plus grand coup , il faut charger de gros plomb, !& que les Arquefiers foient d'accord Ide ne point tirer en un même lieu , imais l’un devant, l autre derrière , &

ibS LE PARFAIT

l'autre au milieu fut les trouppes d’Oyes, & pour les Outardes chacun la fienne* car elles ne vont jamais que deux ou trois enfemble.

Quant aux Lapins dans les garennes il y en a plufieurs , on les tire avec des arbalefl.es pour ne point faire de bruit * & de tout gibier il n’y en a point qui vienne plus librement* au feu , & qu’on approche fi prés, car on les tue à coup de bâton. Les Lie* vres n’en approchent pas fi bien , mais on les tue à coup d’arquebufe. L’on prend auffi les Lapins la nuit avec panneaux qu’on tend le long des bois, ôc Ton a des chiens qui les rechaiïent. Cela fe nomme aller au rabat.

De la Chaffe aux amorces four les Perdrix .

- >

LEs Perdrix font les O y féaux les moins défians de tous. Quand on connoîde repaire d’une compagnie,l’on fait dans les entre-deux des bleds de longues traînées fort claires de grains femés qui aboutiflent à une amorce

ronde

CHASSEUR. io9 ronde que Ton fait an milieu de la grandeur de fix pieds de diamètre, laquelle on entoure de petits bâtons fiches loin Pun de Pautre d’environ un Ipied, aufquels on attache de petites jfiiffelles qui la traverfent &c la cou- vrent , pour empefcher que les autres Oyfeaux ne mangent point Pamorce. |Et ces fiftèlles qui la traverfent doi- vent eftre attachées aux petits bâtons jd’environ un pied de hauteur , pour donner la liberté aux Perdrix de pafler deffous, ces filets travcrfant dans ton- te la rondeur de Pamorce. On y feme du grain alTés clair qui eft un peu de |bled5 quelques grains d’orge 3 duche- !nevis, & quelques épies de bled part- irai : quand les Perdrix approchent de Pamorce, & qu’elles trouvent les traî- nées de grains dans les entre-deux qui y aboutififent, elles y courent fort vifte, &c dés qu’une fois elles ont pris Pa- jmorce , elles ne manquent jamais d’y revenir une fois le jour , principale- ment le matin. C eft pourquoi il' faut porter le foir le grain au commence- ment de la nuit , afin que tous les matins ielles s'accoutument d'y venir. L'on

S

zio LE PARFAIT

les nourrie ainfi huit jours , quinze jours 5 trois fem aines , ôc quand on en a affaire , la preveilie qu'on les veut prendre on accommode un lieu tout proche de l'amorce pour y ajufter une roye Taillante , puis Ton fait une petite hutte de chaume en un trou en terre la diftance du cordeau de la roye pour la tirer. Le lendemain devant le jour Ton tend fa roye , ôc Ton Te met dans la hute ; le matin les Perdrix y viennent, ôc on les couvre avec ladite roye Taillante qui doit eftre environ- née d'un cercle de bois , & le filet fort lâche ôc fort haut, fait en bourfe , afin que les Perdrix ayent un efpace raifonnabie de s'ébattre dedans , tant que celui de la hute y puifle accourir. Cette invention eft la plus utile qui puifle eftre pratiquée par un Gentil- homme qui eft Seigneur d'une terre , ÔC qui a droit d'en empefeher la ch a (le, car il peut faire des amorces dans ton- te Pécenduc de fa Seigneurie , ôc pren- dre une très* grande quantité de Per- drix qu'il met dans Ta voliere pour les remettre au Printemps couver , & manger tout le long de TH y ver les malles fuperflus.

CHASSEUR.. su

L’on tend auflï des laffieres de cria le long des hayes ^ des bordures de jbois , & des taillis les Perdrix han- ;tent , & l’on y ajoûte des petites paf- fées fi adroitement, que l’on en prend ipiufieurs. Le même fefait aux Lievres ôc aux Lapins dans leurs paflees avec iun fil d’archal, auquel on attache une IgrofTe pierre qui les arrefte.

1 Quant aux poifïbns ôc rivières ÔC étangs Ton tend des cremails qui tra- jverfent leurs paffées , & au ddîus à contre-eau dans les rivières on y pre- jfente le feu. Tout Poifibn qui eft an defïbus y vient * & fe prend dans les jtremails & autres filets propres à cela.

De la maniéré qu on peut facile- ment trouver le Gibier dans les pats couverts.

Près avoir parlé de toutes les

xx Gbafles qui fe font aux filets , dont fe peuvent fervir les particuliers fans eflre obligé de nourrir des chiens & des chevaux , il faut faire voir en- core le moyen de trouver beaucoup

S ij

ni LE PARFAIT

de gibier dans les païs couverts, com- me dans les bruyères , dans les lieux couverts de brouflailles , dans les cam- pagnes de buis , dans les grains quand ils font debout 8c ailleurs.

Il faut emplir une fifièile de fonnet- tes éloignées de trois pieds en trois pieds , 8c quand on a fait remetre une compagnie de Perdrix dans une piece de grain qui foie en longueur, comme il arrive fouvent dans les fins de la moi lion , 8c dans les reftes de grains qui font à abatre , l'on tend une tonnelle 8c des ailiers au bout , 8c fans bruit l'on va porter la fiflelle pleine de fonnettes à l'autre bout , & l'on marche doucement en les faifant former au delfiis de la piece de grain par deux hommes qui la portent , 8c le bruit lent qu’ils font fait marcher tout le gibier qui efi; dedans jufqu'à l'autre bout. I! ne faut pas oublier de tendre les filets , enforte qn'üs pa fient trois ou quatre pas de chique côté le grain , de peur que le gibier ne fe*dé- robe aujong.

Le même fe peut faire pour les La- pins dans les taillis les fonnettes

CHASSEUR. 2*5

jfe peuvent porter , & dans toutes les jbruyeres 3c brouifailles , marais ÔC prairies , 3c tous les lieux remplis de grandes herbes ; les mêmes fonnettes fans fïüeres peuvent fervir pour faire cheminer tout gibier dans toutes for- tes de bois y faifant triquetrac.

De la Chajje du Loutre qui ruine les rivières , refervoïrs &

A deflruéiion des étang? , refer»

JL/ voirs & rivières poifïonneufes vient principalement de deux caufes », l’une par les voleurs de nuit ; l'autre par le Loutre qui eft Tunique def* truéfceur des poiflbns. Quant aux vo- leurs de nuit 3 il faut fur tout prendre garde qu'il ne paroiiTe aucun feu la nuit le long des lieux remplis de poif- jfon 3c dans tous les lieux d’on ipeut traîner le fable , il faut de diftan- ;ce en diftance planter de grandes épi» Inès poftiches tout le long des bords pour empefcher 1rs voleurs de nuit , parce que leur fable s’embaraireroit 3c

!

1T4 LE PARFAIT

fe romproit. Il ne faut point tellement ficher les épines que l'on ne les puilïè retirer quand on veut pefcher.

La même chofe fe peut pratiquer aux garennes 3c aux bois peuplés de Lapins pour en empofcher ie rabat.

Quant à la Chafle du Loutre il y a plus de difficulté de fe garentir de fa ruine., parce que la ChafTe en eft diffi- cile : neanmoins on en vient à bouc en l'attaquant avec les ballets qui vont en terre , lefquels ont une natu- relle averfion contre toutes les bêtes puantes.

La ChalTe du Loutre fe fait ainfL Dés la pointe du jour l'on même touc le long des rivières poilfonneufes ÔC des étangs cinq ou fix balfets, qui cer- tainement trouvent la voye du Lou- tre qui y a paffé la nuit. Si les marais font grands , fort herbus 5 pleins de fondrières ? de catiches , de faules creux, ôc chargés de rozeaux , le Loutre fe retire en quelqu'un de ces lieux , dés que les chiens en ont cii connoiflance, ils fuivent fa pille , ôc le chaflent de gueule , & le vont lan- cer* La pgemiere chofe qu’il fait* c'eft

CHASSEUR.. us

le fe retirer à l’eau , & de fe cacher i'il peut dans les trous qu’ils font au pord des rivières, ou dans les rofeaux, !m dans lieux les plus fourrés , enfin ur quelque tête de faule panché ou Ils fe relancent. Les Chafleurs fuivent |es chiens le plus prés qu’ils peuvent ivec des arquebufes ; fouvent le Lou- :re fe jette dans des trous le long des aords ils le relancent , le Loutre page entre-deux eauës , Sc on con- loi t il va , par l’impreffion de fa paflee, par une efpece de bouillons à la fuperficie de l’eau, fes fuites font ongues avant qu’il reprenne haleine , ce qu’il fait de temps en temps en montrant feulement le bout du nez lors de l’eau. Les ChafTeurs qui con- îoilfent par ladite impreffion que fait "a fuite au deffus de l’eau courent & la fuivent tant de fois qu’enfin quelques- uns d’eux prennent le temps de le tiret jiuftement lors qu’il montre le nez , le moindre coup qu’il reçoiten cette par- tie le tue, auffi-tôr qu’il a le coup, fon corps nage au deffus de l’eau , ôc les paffets & barbets fe jettent après &c e vont rçquerir. Quand les chiens

LE PARFAIT

font bien drefles à cette ChafTe , il m s en échappé point. Pour avoir d< bons chiens pour le Loutre , il faut tirer la race d’une barbette & d’un baifet. Il en vient des chiens quichaf f ^ent f°r bois 8c dans les marais , pai tout à merveille.

Quant au pefcher à la ligne , les Suides y font les plus habiles, ils imi- tent le naturel d’une mouche avec de la foye de couleur verte 8c jaune, de laquelle les poiiïons font fi frians, que 1 attachant à des haims pour fervir d’appas, ils prennent tous les poilfon$ d’une riviere, 8c fe fervent encore des appas de vers, 8c de petites bêtes qu’on prend fur les caillons, du foye des poifions qu’ils prennent, & de toutes fortes de mouches.

CHASSEUR.

217

pela Chaffc de toutes les bêtes qui ruinent les maifons des champs.

Soit dans les granges & greniers,

| foie dans les grains à la campagne.

Des Moineaux.

IL n’y a point d’animal qui porte plus de dommage dans les mai. ons des champs que les Moineaux ]ui fourragent fans ceife dans les franges , dans les greniers &r dans les grains proche les Village'. On leur ait la guerre en toutes façons , par des •ots qu’on attache aux murailles qui !eur fervent de nids , pour avoir la fa- ilité de les dénicher, & d’en -empefl jher la multiplication en toutes manie- je s : mais c’eft un anima! fi fécond ju’on n’en peut pis venir à bout ; eux donner deux moyens pour en faire jne grande deftru&ion qui font.

Au rmps que leurs couvées font faites, & que tous fe mettent encom-

T

«8 LE PARFAIT

pagnie , ils font très frians de chene- vis&, il les faut amorcer le long des bayes des Villages en un lieu écarté , ou bien dedans les lieux l’on abat- tus les chanvres dans les chenevieres , ou même en plufieurs lieux , & quand ils y font bien amorcés , il y faut ten- dre des rets Taillantes, & bien cacher les cordes , & mettre qu’ils bordent ladite roye avec la paille de ladite chanvre, parce que c’eft le plus mé* fiant de tous les Gyfeaux. Les royes bien tendues 8c cachées , comme dit eft , il faut y venir fouvent par des lieux cachés , 8c prendre le temps qu’ils y font ramafies pour faire beau- coup de rets , car on n’en prend pas moins de vingt ou trente douzaines à la fois , 8c quand les relies font bat- tus en une amorce , il les faut tendre en une autre , par ce moyen on en détruira telle quantité , qu’on verra à veuë d’œil leur diminution.

L’autre moyen eft qu’aprés les avoir attaqués tout le long de i Automne par diverfes amorces : l’Hyver fuccedant, ils ont coutume de fe retirer dans les Kous de couverture de chaume, des

CHASSEUR. iî9

que la nuit eft arrivée, il faut avoir accommodé une fourchette au bout de laquelle on met un cercle de bois en- touré d’un filet qui fe ferme comme une bourfe qui foit affes longue pour atteindre jufques aux trous des plus hautes couvertures , on applique ce filet au bout de la fourchette contre tous les trous qui font aux couvertu- res Tun après l'autre. Tous les Moi- neaux qui font dedans au bruit veu- lent fortir, & tombent dans Je filet, qu’on ferme auffi-tôt av'ec un fil pen- dant, & font pris tous vifs. Il n’y a point de foir qu’on n’en prenne cinq ou fix douzaines. Ce que l’on con- tinnue tous les foirs , jufqu’à ce qu’il n’en refte prefque point. On s’apper- çoit bien de leurs diminutions aux grains de l’an fuivant.

Quant aux Rats , aux fouris & aux Mulots ; ces deux premiers in- fectes ne fe détruifent que par la quan- tité des Chats , des fouricieres , rat- ures, triqueballes faits fur des chau- drons ; que par la quantité du poifon qu’on leur donne. Et pour les der- niers qui font les Mulots , il n’y a

îjo LE PARFAIT

que la vigilance des Laboureurs qui en vienne à bout par le moyen des eauës boliiîlari tes qu’ils prennent la peine de porter aux champs, & qu’ils verfent dans les trous quand ils en- voyent leurs bleds attaqués. Ce qui arrive quand i’Hyver n’eft pas grand ni tardif.

Quant aux piégés Sc broyons qui font en ufage pour détruire les bétes puantes qui font dans les garennes , la maniéré de les tendre eft fi commu- ne ôc triviale, qu’il fer oit luperfiu d’en donner ici des enfeignemens , il fuffit que j’ay donné l’invention des piquets & des gobbes pour purger les garen- nes des bêtes puantes , & tous les bois des hêces mordantes.

11 faut finir ce Livre , puis qu’il traite du parfait ChafiTeur par la defeription d’un vieux ik bon Chaflfeur , & quel eft fon but quand il chafife pour îer- vir d’exemple à celui que nous vou- lons rendre tel.

Il faut demeurer d’accord d’une vé- rité , que tous les vieux de bons Chaffeurs aiment la prife ; que tous pennes CbafTeurs aiment le plaifir , &.

CHASSEUR. 121

que le parfait Cha fleur aime l’un 8c l’autre. Cela étant , l’on peut dite qu’il y a quantité de C ha fleurs fort paflîonnés à la Chaffe, mais qu’il en eft peu de bons , 6c encore moins de parfaits.

Qu il eft de bons cireurs , mais peu de bons C ha fleurs , qui fçachent mé- nager la ChalFe de telle forte, que le gibier eft rare ils ne laiflent pas d’en tuer raifonnablement , 6c plus que tout autre par fon fçavoir 6c par fa conduite.

Il n’eft pas mal aifé de tuer beau- coup de gibier dans les lieux confer- vés 6c commodes à tirer , mais il eft mal- aifé d’emplir les gibecières dans les lieux incommodes, peu peuplés ôc difficiles , tant à tirer , qu’à relever le gibier.

Il n’eft point mal- aifé de détourner des Cerfs ils font en abondance ; mais il eft fort difficile dans les grands fonds de forêts d’en trouver 6c dé- tourner là il y en a peu.

Tous les tireurs prefque deviennent bons , l'abondance du gibier leur dorme la facilité de tirer fouvent,

T iij

in LE PARFAIT

mais il y en a peu qui ne foient fau- tifs dans les lieux il y a peu de gi- bier, 8e Ton ne tire que dans de très longs intervales.

La fcience d’un tres-bon Chafleut ne s’acquiert que par un très-long 8c laborieux ufage , c’eft pourquoi les vieux qui en connoiflent le travail , aiment mieux la prife que les au- tres , & ne veulent point pafTer leur temps en vain, il leur en refte peu qu’ils reduifent plus à l’utile qu’au plaifant» Et le long-temps qu’ils ont employé pour acquérir leur fçavôir , les rend tellement ménagers de leurs peines , & retenus 8c refervés à mon- trer les vrays coups maîtres qu’ils fe font acquis par leurs études , leurs vigilances 8c leurs applications, qu’on ne peut tirer d’eux aucunes connoif fances des meilleures chofes qu’il faut fçavoir pour eftre maîtres : Si bien que ceux qui veulent devenir parfaits en cet Art , font prefque tous réduits à les apprendre d’eux- mêmes., J’ay fait ce que j’ay pu pour faire voir en ce Livre une partie des plus belles chofes què j’ay pratiquées avec les

CHASSEUR. 215

jplus fçavans Chafieurs durant tres- longues années 5 fi je n’ay point afies expliqué toutes les Chaires que j’ay décries par la comparaifon de ce que les autres en ont écrit les curiofites déduites feront juger que je n’ay rien de refervé pour le public.

j)e la maniéré de faire de bonnes baffes cours 3 & d’enqraiffer les volailles à peu de frais.

PO u k faire de bonnes bafies cot?r$, il faut avoir des fervantes qui fe connoiffent à nourrir toutes fortes de volailles, comme Poulets d’Inde, Poulets , Cannes & Oyes &c - & leur accommoder des lieux feparés des chiens , ôc leur faire faire des poulail- iiers fepatés , chacun comme il s’en- fuit.

Il faut avoir forces planches & faire despoulailliers quarrés qui fe pui fient rouler fur des roulettes , lefquelies fe puifient fermer à la clef, qu’ils foient gar- nis de perches par dedans,de bois d’éra- ble pour jucher les Oyfeaux, & il faut

«4 LE PARFAIT

laifler une petite coulilïe qui ferme une petite feoeftre pour les lailfer fortir , êc que chacun aye fa petite court par- ticulière où il y a à boire & à man- ger.

Quand on en veut engrailfer, i! faut faire une folle de douze pieds en quarré, ëc de fix de profondeur. En cette folTe on enterrera quelques cadavres de bê- tes mortes, comme chevaux, afnes &c. lefquels on couvrira de terre grafle avec quelques lits de paille de bled & d avoine , lit fur lit meflées de terre entre deux , & que le dernier lit foie de terre qui furpalfera la naturelle d’environ un pied. Il faut que cette folle foit faite dans une court qui foit commune à tous les animaux qu’on y voudra engrailfer. C’ell une chofe cer- taine qu’il s’engendrera autour de cette folfe tant de gros vers de terre, dont les volailles la plufpart vivent & font très friandes , qu’en très peu de temps elles deviendront aufil graffes que fi elles éroient cpa fiées , comme ceux du païs du Mans a pa fient leurs Cha- pons,pourveu qu’on leur rafraichilte toujours de bonne eau , ôc de quelque

CH ASSEÜR- îïf

feu de grain qu’on appelle Sarrafin, jqui fert pour les échauffer , & de fon pnoüilié qu’on mettra dans des auges jfaites exprès : il n’y a point d’inven- tions pareilles pour engraiffer toutes fortes de volailles.

jj Des Etangs , des Lacs , des Ri- vières , des Canaux & des Re- \ fervoirs 3 & comme il faut

en conferver & multiplier les I jpoijjons*

TOus les Seigneurs qui ont des terres de grande étendue ne peu- ventpas eftre eftimées de belles terres*

; elles n’ont des eaues. Les Etangs Iqui en occupent de grands terrains font fournis de Porflon , fi on ne les | négligé point quand on a foin de les | peupler , s’ils font en terre graffe ils ! rc'üfMent mieux que les autres dans Paccroiffement du Poiilon dont ils [font rapoiffonnés , pourveu qu’on les ! défende contre les attaques des voleurs j de nuit du Loutre & des grands Bro-

LE PÀRFAlf

chets. J ay donné les moyens d9en chalTerles Loutres 6c de les en purger3 il refte feulement de faire la guerre aux grands brochets qui englouriflent la plufpart des petits Poiffons , 6c de don- ner les moyens faciles de les pren- dre.

Il faut cônfîderer que les grands Brochets font toujours au guet dan? les plus grands palïiges ordinaires pa paflfent les plus grandes troupes d- PoilTons qui font dans les plus pro fonds lieux des Etangs , au traver defquels les Rivières coulent , mêm aux lieux font les terres les plu grafîès, 6c encore dans les bordures recoins & tournans , & puits tournis s'il y en a aucuns. En tous ces lieux fufdits, il faut tendre c|e grands ver- gueils avec leurs grandes allés , dont les mailles foient plus larges que les ordinaires , afin que le petit poilïonne s y prenne pas , lefquels foient tou- jours tendus de jour & de nuit pour en attraper quelques-uns 5 même amorcer lefdits vergueiîs de morceaux de chai" crue , dont lefdits Brochets font friant Si on les vifîte fouvemen quinze jour?

CHASSËVR.. il?

jm en prendra la plus grande partie , Principalement en pleine Lune ou le ®oi(fon eft plus vorace, & fait plus de jhemin qu’en tout autre temps.

Dans les Lacs s’ils font grands 8C profonds & plats , l’on n’y pefche ru’avec de grands fables attaches a les pieux aux lieux les Rivières qui jjaffent à travers ont leur cours plus nfte ; & s’ils font très-profonds au au haut des montagnes , comme il y à plufieürs dans celles qui feparent '•Italie de la France, l'on y pefche a la ligne avec les mêmes haims qu on prend la Moluë fur le grand banc , 5 C on les amorce de même pour y pren- dre des Truites d’une prodigieufe (grandeur.

! Dans les Rivières , fi elles font gran- des on y pefche en traînant le fable Idans tous les lieux les plus profonds , & fous les axes des ponts & fuites de ; grands moulins, l’on y coule de grands filets en cul de fac, qu’on releve avec des icapeftans de temps en temps, pourvoir S s’il ne s’y eft pas pris quelques grands Poiflons. Si elles font petites & gra- I veleufes , l’on y prend de petites Trui-

228 LE PARFAIT

tes rouges, & quelquefois de grandi quand i! y a des folles profondes , t qu’elles font en tous lieux d’une int gale profondeur.

Dans les canaux on y pefche ave vergueils, fables & tremails , & dar les refervoirs on y prend le Poirto avec de grands, filets creux & enron deur, dont les bords font attachés des cercles de fer.

Les Etangs font rendus merveilleu fement féconds fi dans leurs côtés au lieux les plus commodes , proche le grands roiêaux qui les bordent, Ion’ fait des foifes que l’on remplit de gra' vier , enforte quelles ne foient pro- fondes que de deux pieds au milieu, venant à demi-pied jufques au bord i & quelles foient toujours pleines d’eau ; &r fi elles pouvoient recevoii l’égoûc de quelques fontaines, lefdi- tes fortes feroient admirables pour fer- vir de fourcieres , pour fervir à multi- plier le Poiflon ; c’eft pourquoi i! faut r-bferver que les Etangs qui reçoivent 1 egout des fontaines peuvent eftre ren- dus plus féconds que ceux qui n’en ont point.

CHASSEUR.. 219 Par la même raifon toutes les gran- js Rivières dont le fable eft grave- px , font ordinairement plus fecon- s que les bourbeufes, 8c que lespe- s ruiiïeaux qui partent des terres >ur tomber dans les Rivières 3 8c qui nt ordinairement graveleux, font la ufpart abondantes 8c multipliantes, jincipalement en Truites , dans ief- telles on pefche avec des tremails des éperviers.

Toutes les Rivières bourbeufes n’ont >ur Poiflbn que des Carpes , des pnches , des Perches , des Roches , s Barbeaux 8c des Meuniers : mais la Mer en certaines faifons , il y jonteune prodigieufe quantité d’Àn- illes 8c fouvent des Saumons frais ,

| Printemps à la chute de tous les ioulins 8c delïous des ponts , même ns les folfes les plus profondes tout long de leurs cours qui font connus iX pefcheurs ils ne manquent pas jetter leurs coups de fables. Et eft remarquer que les Saumons du intemps deviennent Becars au mois Aouft 8c de Septembre aufquels ils |nt moins bons de Tannée.

*3o LE PARFAIT

Eli auffi à remarquer que tous I Poiffons d'eau douce font , au tem| que le Soleil remonte, beaucoup pl favoureux & de meilleur goût , qi quand il defcend , à caufe que c’eft temps de leur multiplication qui les rer plus debile s & plus fades.

Il y a des Mares dans d'aucuns Yill ges qui reçoivent l'égoût des fumie Ôc de toutes les grandes rues , lefque font extraordinairement multipliant quand on a foin de les rapoiffonne fen ay vu d’aucunes qui fourniffoie le rapoiffonnementde plufieurs Etarg

Il eft à remarquer que les petit Carpes qui ne font longues que c quatre doits , étans mifes dans l Etangs pour rapoiffonnement, dont terre Vft graffe qui pouffe plufieurs he bes fines, en trois ans deviennent Ca pes d’un pied entr’oeil de fourche par l'on peut connoître que la teri graffe qui foûtient les eaues eft cell qui eft la plus propre pour faire crcî tre le Poiffon & le multiplier.

L'Alofe fuit les Rivières graveleufe la Carpe les Rivières bourheufes , 1 Perche les Rivières profondes^ le Brc

CHASSEUR.- 131

pliet les eaues claires & les fofifes qui ombent dans les Rivières parce que lans ces lieux étroits il attrape fa broyé, les Sardines font dans les Fleu- res où vient le reflus de la Mer.

De la Pefche des Poiffons de Mer 9 A Pefche de la Mer eft diverfe

JL-/ félon les lieux Pon Pefche? Dans les fins des chutes des Rivières ers a Mer, le reflus les defleichanten par- tie quand la Mer fe retire on tend de certains filets comme panneaux , dans iefqtiels le Poiflbn fe prend , par le moyen de ce que quelques bateaux remplis de Matelots pefcheurs , avec |de grandes hances de bois bâtent Peau iaux environs defdits panneaux s chan- itans & huans d'un bruit qu’on entend de plus d’une grande lieuë , les font [prendre efdits filets ; &e de cette fa- içon de pefcher les Poiflons qui font ! pris , s’appellent Poiflon hué. Le feu |Roi Loüis XIII. voulut avoir le plai- |fir de voir faire cette pefcherie dans la Baye de fomme entre Abbeville &c

23 2- LE PARFAIT

Saint Valéry, entr’autres Poiflons il fe prit un Efturgeon long de douze . pieds qui fut ailommé par les Mate* lots à grands coups de hances entre ces filets qui î’arrcfterenr.

Il y a une autre maniéré de pefcher le long des côtes de la Mer en Nor- mandie , qui fe fait avec de grands filets tendus en rond qu'ils appellent des Parcs , aufquels il n'y a qu'une ouverture du côté de terre par les FoifTons entrent dans lefdits Parcs, qui font fermés du côté de la Mer, & quand la Mer s'en retourne , le ieToiflbn qui y entre voulant fui- vre Peau qui fe retire, demeure pris, parce que le côté de la terre par ils pourroient fortir eft le premier affeiché. Dans ces Parcs s'y prennent les plus belles Truites faulmonnèes qui font longues de trois pieds, tou- tes rondes ôc longues comme les jambes.

la maniéré dont on pefche dans la Mer n'a nulle différence d'avec celles des Etangs. On y traîne le fa- ble & Pon prend toutes fortes de Po, fions à la fois , mais il y a des

cantons

CHASSEUR. i35

cantons il y a beaucoup de Solles, lefquelles on prend avec des hairrys, amorcés de certains vers qu’on trouve dans les terres le long des côtes de Mer.

Il eft à remarquer que dans la Man- che entre des côtes de France & d’An- gleterre , la Mer eft bien pim pro- fonde du côté d’Angleterre que de France, & qu’on n’y pefche point i qu’avec des filets qui "ont de plus grandes mailles qu'à Pordinaire ; de quil y a toujours quatre bâteaux de Pelchêurs qui ont perrniiïïon de pef- cher dans toute la côte d’Angleterre pour le Roi de France en quelque temps que ce Toit, de paix ou guerre*.

I na-y point parlé cFdefliis de la î Chafle des Perles ou de leur pefebe. Elle fe fait ordinairement par les In- I diens dans rifle de Baceara de dans un bras de Mer qu’on appelle Be~ lheren. Elles s’engendrent de la rofée du Ciel dans des efpeces d’huiftres, qu’on appetTe Nazies de perles ? Se cela arrive au Printemps,

¥

234 LE PARFAIT

&&&&&&

Des chofes qui font contraires aux Chaffeurs, de qui eau- fent les grandes maladies aux chiens.

Des Signes de fluye.

OYseaux nettoyans leurs plu- mes , & fuyans à leurs nids , joüans fur les eaux, faifans fifflerleurs ailes & battans les eauës.

Oyfeaux de riviere cherchans les prés.

Oyfeaux de terre fe baignans ex- traordinairement.

Le Héron trifte au milieu des champs.

Les Afnes fe veautrans & fe frot- tans le dos contre terre.

Les Toiles des Araignées fort éten- dues.

Les Eauës Sourdans elles n’ont point accoutumé,

L’Eau étant devenue plus chaude

CHASSEUR. 135

qu5à fon ordinaire en Tabfence du Soleil.

L’Arc-en-ciel en temps ferain.

Les Boeufs fe lechans, ôc même quand ils mangent plus fort au com- mencement de la pluye , c’eft figne de continuation.

Les Chats fe moüillans les pieds ? & fe frottant la tête & les oreilles.

Les Crapaux quitanS le foir leurs trous & leurs cavernes , les Corbeaux croaflans avec cris , & fecoüans leurs ailes, ou fe pendans fur les eauës , ou y crians , & montansplus haut à leurs grands cris.

La Corneille fe baignant ou criant fur l’arene feiche ou fur la pierre, chantant au fortir du bain, ou criant furie foir plus que de coûtume*

Les inteftins des Chiem murmurans*

La Colombe retournant plus tard au colombier.

Le bruit des Cloches entendu de plus loin.

Le couvercle des bois de quelque vafe plus fec que de coutume.

La chaleur en Eté plus poignante.

Le Ciel refplandiffant du côté de V ij

23« LE PARFAIT

TAquilon ou du Couchant.

La nuit étant fereine . , . les foirées refplandifïantes.

Le Ciel rougeaftre le matin , ou la nuit avec plus d’étoiles .

Le Chardon piquant fe fermant. Les cuirs plus re (Terrés.

Les petits Animaux qu'on appelle cen t pieds 5 s'aiïembians.

Le Dauphin folaftiant & fe plon- geant en Peau.

Les tonneaux de vin boiiillans en Eté.

Deux Soleils ou deux Lunes figni- fient un deluge ou une grande inon- dation d'eau.

La première peau des Châtaignes fe fermant.

Les Fourmis fe promenans devant leurs œufs.

Le Foulque Oyfeàu de riviere fe- coüant fes aîles.

Les Bîuettes du feu fortant de la lampe en éclatant.

La Suye de la cheminée plus fre- quente qu'à Pordinaire.

La Faux venant noire en faqchant les herbes.

CHASSEUR. 237 ! Les Bubbes en formes de Cham- pignons qui s’engendrent en la lampe.

; Les Poules cherchant ie couvert.

Le Cocq chantant incontinent après le coucher du Soleil.

Les petits Poulets pipelans plus fou- /eut que de coutume.

Les Grues fuyant les plus profondes dallées.

La Cicogne ou Hirondelle criant il u matin.

! La Couronne aîlen-to-ur de !a Lune iniifant en nuée noire.

| L’Hirondelle batant les eauës avec

es ailes.

, Le Feu paffe ou pétillant Sc pétant. La jointure des goûteux faifant pins le douleur qu’à l’ordinaire.

Quand la Lune paroit fubtde devant la conjonftion, & rouge dans la par- ie lu mine ufe , & dans l’autre , noire r >u fi deux cercles y paroiflent , prin- ipalement s’ils font de couleur noire »u livide , ou (i la couronne parole noire & pafle à la pleinp I^iine.

; La Lune rouge fait vent , la pâle l’ait ta pluye, la blanche fait le beau emps,*

23 8 le PARFAIT

Les Montagnes entourées d’un ai épais & groffier.

Les Mouches picquant plus que à coutume.

Les Plongeons criant & volant plu vifte.

Les Nuées mugiflantes & faifant di bruit, femblable à un fioc de laine ou noires occupant le haut des mon tagnes.

Les Brouillards de la Mer venan contre terre ayant vent contraire.

Les Brebis mangeant plus que d coutume.

L’huile pétant & fcintiilant dans le lampes ardentes.

Les Pieds fuans.

Les Porcs déchirans ou cachant de; botes de foin ou paille.

Les Poux mordant plus fort.

Le Paon criant plus fort.

Le Pivert plus bruyant.

Les Grenouilles caquetant davan

La Rofée ne tombant point âpre; les vents.

La Salamandre veue.

Les Porcs grondant beaucoup*

CHASSEUR. 2J9

| Le Soleil avec un Cercle rouge ou !toir , entouré de nuées noires ou ver- aftres , ou paroiflant plus grand au |ever ou coucher ; ou avec des cou- lonnes 3 ou concave &c plein de ta- hes,

! Les Chairs falées plus humeéfcées. Un doux tremblement cfe terre.

! Les Tonneres du matin en Hyver,1 iu du Midy en brimant devant midy k le foir.

Les Taupes travaillant d'avantage* Le Trefle Te heriffant ou retreciffant bs feiiilles.

Les Vents fortans de terre.

| Le Vautour volant plus legerement* La Vache regardant le Ciel 3 prê- tant l’air avec les narines.

| Les ceintures de foye étant plus fer- lées , & celles de peaux plus lafches*

£es Temps de ferenité.

LEs Oyfeaux marins au bord de Mer n’ecendant point les aîles. JL Arc-en-ciel en temps de pluye. Les Bœufs couchés fur le côtégauch Les Corbeaux regardant le Soleil découvert.

La Corneille criant du matin.

La chaleur après la pluye.

La corufcation proche LHorifon. L air étant ferain de fans tonnerri èc quand Tair ondoyé proche de terri Le Soleil étant rouge le loir.

Le Dauphin épardant fur la Me étant troublée.

La Châtaigne bouchant Lun de fe trous.

Les Herilîbns paroi (Tans.

Les Fourmis portant leurs œufs d la circonférence au centre.

La fumée blanche paroiilànt blan che fur les eaux devant le lever d\ Soleil.

Le Cocq chantant plus tard que d<

coutume..

Le:

CHASSEUR. î4î

Les Grues ne doublant point leur file en volant.

La couronne au Ciel également pa- roilïante.

La Lune paroiflaot blanche.

Les rivages de la Mer, 8c les Mou- cherons au foir paroilTant en pyrami- de devant le coucher du Soleil , 8c Ce joüant autour de lui.

Les O y féaux marains criant dans la temDefte.

Le Hibou auflï criant dans la tem-

pefte.

Les nuées paroifîant blanches ou

rouges.

Les Brebis béellant & leurs Agneaux bondiflàns.

Des Kent s.

IL y a quatre Vents qui font bons pour chafT r , 8c quatre très- perni- cieux aux ChalTeurs.

Les quatre qui font bons pour chaP» fer , font l’Orient d’Eté 8c «'Occident l’Eté. Le Midy, 8c celuy qui eft en- i:re le Midy 8c l’Occident.

X

24i LE PARFAIT

Les quatre médians font le Septen- trion , celuy d’Ecolïe qui eft à droit du Septentrion, Celuy qui eft à gau- che du Septentrion dit Galerne j & celui qui eft entre l’Orient d’Eté & le Midy , qui eft appellé des Terres, De ces quatre derniers les Chiens ChalTent mal. Ils refroidiftent les voyes , & ont une certaine fcntem tellement contraire à l’odorat des Chiens courans, qu’ils chaffent mieux à vaut vent que dans le vent , ce qui eft contraire a la raifon , car les voyes fuyent au lieu de vecir à l’odorat des Chiens. En ce temps-là, on n’a point grand plaifit à la Chafle des Chiens courans.

Les Vents de terre font très-contrat traires à la Chafledes Chiens courans, ils étouffent les voyes , ôc ne peuvent eftre emportées.

Les quatre autres font bien chaffei les Chiens à caufe que les deux plus bas font humides , & les deux autres chauds 5c humides. Ces quatre icy der- niers nuifentaux tireurs de l’arquebufe, parce qu ils font ordinairement grands & çaufent de h pluye 9 qui rompt

CHASSEUR. ,243

la Chafïe Ôc mouille les arquebufes.

Les quatre premiers font au contrai- re fort bons pour les tireurs, parce qu'ils font venir force gibier, & font I plus calmes ; ils dépouillent les ar- bres , Ôc font voir clair dans les bois j tout le gibier fe retire*

Il y auroit bien des pafcicularités à diftinguer fur tous les vents , mais cela fera referyé par un traité pour la confervation de la fanté , que j’avois refolu de joindre à ceci, mais comme il fort de la matière, je n’ay point jugé à jpropos de l’y mettre , parce que les ChafTeurs ont affés de fanté , faifant alTés d’exercice pour la maintenir, fans leur donner des remedes pour la conferver : je les veux feulement aver- tir de tous les effets en gros, afin qu’ils [prennent garde aux maladies qu’ils |caufent à leurs Chiens, afin qu’ils les puiflent prévenir.

Tous les vents vehemens refroi-1 idifTent ôc deffeichenr.

Les debiles échauffent & humedenn

Les Méridionaux font chauds ÔÇ Ihumidef.

Les Orientaux font ferains ôc fecs*

Xi] -

Des Tonneres & de leurs effets en tous les mois de l'année .

144 LE PARFAIT

Les Occidentaux font froids & hu- mides.

Le plus falubrede tous eft le Septen- trional.

Le pire de tous eft le Méridional.

Le zephir qui part d’entre le Méri- dional 8c l’Oriental renouvelle le fang* & n’eft point du tout mal- faifant.

Q^and donc les vents malfaiteurs dureront long-temps, que les Ch a (leurs fe premuniflènt contre, & préviennent par purgations les maladies qu’ils peu- vent caufer à leurs Chiens.

LEs Tonneres venant de l’Orient caufent de grandes eflfufions d’eau. En May grande abondance de fruits & de foin. Et quand c’eft par un Di- manche, ils caufent la mortalité des Ec- clefiaftiqùes.

Venant d’Occident ils caufent la pcfte & la mortalité.

En Juin grande abondance de Poif & quand c’eft le Lundy grande

CHASSEUR. 24 s

Siflïpation de fruits , 3c mort de |3œufs & Je Vaches.

Venant du Midy, de grands combats jfc calamités maritimes.

! En Juillet fterilité de fruits.

En Mars grande abondance de fruits iir terre venant du Septentrion, mor- alité de Pafteurs.

| En Aouft mortalité de Serpens 8c le Poiflons. Le Mercredy eflrufion de png humain.

En Janvier mortalité de troupeaux k de toutes autres bêtes, & de gran- les infruâuofités.

En Septembre mortalité d’hommes; Le Jeudy abondance de fruits, de poit» bns paflant en Mer ou aux Fleuves. En Février grandes infirmités aux Dyfeaux.

En Oétobre grand palTage de gibier c de grands vents. Le Vendredy jrande guerre 3c mort de brebis, avec e grandes tempeftes en mer 3c en jerre.

En Décembre grandes profperirés ’animaux , de fruits 3c d’hommes.

Ces Signes quoi qu’un peu éloignés |u fujet font neanmoins avantageux X iij

M le parfait.

à prévoir par les Chailturs , afin d’en prévenir les accidens , parce qu’étans gens de campagne , ils ont à confer- ver leurs biens , & remedier à tout ce que deffus autant que faire fe peut.

Des couleurs du Ciel & des Etoiles four f revoir le temps a venir.

IL faut encore ajoûter ici ce qui fuit, comme neceflaire aux Chaf- feurs , qui eft de connoître les effets & le temps que caufe les couleurs des Etoiles , comme des Saturniennes , de Juppiter & de Mars.

Les couleurs plomblées font Satur- niennes ou de Saturne.

Les couleurs fplendides font Joviales ou de Juppiter.

Les rouges , obfcures , brunes & te- nebreufes font de Mars.

Les fort fpendides & claires font de Venus.

Les couleurs changeantes font de Mercure.

palliflantes, de lumière

CHASSEUR. 147

Les obfcures viennent de Saturne & de la lune conjonts.

Les nebuleufes & maculées font de Mars de de la Lune*

Voicyce qui fert aux Ch a (Leur s, qui font les effets de toutes les différentes jcouleurs & de toutes leurs a étions.

Les Saturniennes donnent du froid i de la glace & de !a greffe.

Celles de Juppiter donnent de la pluye falubre Sc des humidités , des vents avec du tonnerre ôc une chaleur modérée.

! Les Martiales, grandes chaleurs, des embrazemens de la ficcité des tonne- | r es & des tempeftes.

Les Solaires beaucoup de chaleur &C peu de ficcité.

I Celles de Venus beaucoup d humeur & peu de chaleur, j Celles de Mercure indifférentes.

Celles de la Lune grandes humidités* & ainfi peu de chaleurs.

Celles de Saturne & de la Lune tantôt du froid , tantôt de l’humide 9 tantôt de la ficcité, neige & grefle.

Celles de Merciue avec Saturne de | la gelée , avec Venus de la pefte Sc du X iiij

*4*- LE PARFAIT

venin. Avec Juppiter des tempefltes. Avec Mars des effets importans.

Ces Etoiles agifiant avec plus de ve* hemence tant plus elles {ont lumineu- fes , plus proche de l’Eclyptique , & meme quand elles font verticales à quelque Région , & à nôtre Horifon quand elles font Septentrionales* Toutes ces chofes fe peuvent pré* voir par les ChalTeurs pour prévenir les maux qui en arrivent , fi on prend quelque foin d’y remédier de particu- lièrement a la rage des chiens, comme il fera dit tout prefentement.

De la corruption de l'air, pefte & autres maladies , tant aux hom- mes, chiens qu autres animaux .

Q TJ and le vent Siriot fouffle fequemment, il excite la rage aux chiens , il y faut extrêmement prendre garde en donnant fou vent de Teau fraifehe, de fi quelque chien pa- roît trifte , il le faut mettre à part, & lui donner de POrvieran dans de la foupe } ôc du Thcriaque de Venife?

CHASSEUR. 249

£ela lui fera forcir tout le venin du torps.

Il faut !e purger, & toute la Meute ^vec fonphr? boüiliy en foupe , faite jie telle de veau ou de mouton. Il les Faut baigner en eau /allée , fi l'on eft >rochede la Mer ; il faut brûler force tenievre dans le chenil , 8c pîufieurs lutres chofes d’une bonne ôc forte enteur , 8c brûler force vinaigre fur lies pelles de fer rouge ; fur tout il les Faut tenir nettement, & ne laifler ja- mais parmi les autres un chien trille, lont le regard eft morne , obfcur &C ibatu : il le faut feparer de la Mute, bettre tous les malades à part , c*eft m grand mal-heur quand cela arrive, Sc il faut dire la vérité que ce défaut irrive par la faute des Valets de chiens aui ne prennent pas garde quand il y ?n a de malades ou de maigres 8c mi- érables , ou de chiens mauvais , ief- guels n’avertilïent pas , 8c ne font pas ;:e qui eft neceftaire pour prévenir ce bal- heur.

±p LE PARLAIT

CormoiJJ'ances quand L'air eji corrompu.

QUand i! y a de grandes Ecîy- Pies , de grandes inflammations, de giandes afliiuirés de pluye à la fin du Printemps 3 & de PEré fans que les vents foi ffl nt.

Que les arbres feichenr, 8c font prêt que bi û?és par une extrême chaleur , ou qin s font mangés de chenilles, tons les Sangliers meurent. J’ay veil cela dans S int Germain en Lave du temps du feu Roy Louis XIII. la*Fo* reft étant comme bridée , 8c toutes les t êtes moururent , hormis celles qui pafl refit en autres lieux.

Quand Pair parrdn durant quelque mois comme poudreux , il faut b»tn fegarder de chafleraux chiens courans* Quand le pain expofé à Pair durant une nuit devient moifi.

Quand la rage fe met dans les chiens fans caufe vifible : quand les Loups entrent fréquemment dans les Villages* dans les bergeries ou dans les parcs.

CHASSEUR. M*

Quand les Oyfeaux délaiflent leurs n^S*

Quand il naift une grande quantité |de Grenouilles 6c de vermine qui fort Ides murs 6c bâdmens , 6c qui ron- gent tout foit habits , foie livres.

I Qu and il naift beaucoup de ferpent;

Quand les Taupes paroiflent fré- quemment fur terre.

Quand l’Araignée s’engendre dans la ,pomme de chefne fans eftre percee. i Quand Tannée eft dereglée, comme fi le Printemps eft trop froid , ÔC jFHyver trop chaud.

Quand les rofes 8c violettes flaiï^ iriffent en Automne.

! Quand Tannée eft toute chaude 013 toute froide.

Quand la force du Soleil eft arre- tée par la groffiereté de Pair.

| Quand la Lune eft arretee par les ! pluyes.

Quand Saturne féjourne trop long- I temps dans le Lyon.

Quand le même Saturne eft aux i %nes ignés.

Quand Mercure 8c Venus fe con- i joignent avec les Saturniennes , tout

M* LE PARFAIT

ceia font des commencemens de la corruption de l’air, qui ne manquent point à devenir peftilens & morti- fères.

Durant le temps de ces mal-heurs un Chaflfeur doit fe tenir clos & couvert fans fortir les chiens, de peur que le mal ne les attaque , fk que les mau- vais chiens qui courent en ces temps fréquemment par tout ne les pillent, & qu’ils lailfentpafler quelques femai- nes , jufqu’à ce que ces mauvaifes conftellations foient paflées, ôc que le temps change , ou du moins s’il veut chalïèr, que ce foit fur des hauteurs ou l’air eft plus pur , fuyant tant qu’il fourra les vallées les principes de la corruption de lair commencent»

CHASSEUR. 153

Des vents & ch 0 Je s contraires à la Chajje .

T O us les grands vents font con- traires a la Fauconnerie.

Tous les pais rudes font contraires aux Lévriers

Tous les pais de fleurs & d’odeurs aromatiques font contraires aux chiens courans ; c’eft pourquoi ils n’en peu- vent avoir en Efpagne 8c en Portugal, que pour chafler les bêtes puantes , ÔC meme tous les chiens couchans d’au- tres pais que du leur n’y Tentent rien.

Tous les vents de terre 8c mois font contraires aux chiens courans.

Par les grands vents le gibier attend fort , &fe rend parefleux i partir.

La quelle des chiens couchans fe i doit faire une aile au vaut.

Tous les grands vents font contrai- res aux tireurs, c’eft: pourquoi il faut chercher l’abry dans les coraux 8c dans les grands bois quand on veut chafler pendant qu’ils régnent.

Quand on veut tirer des O y féaux

î54 LE PARFAIT

de riviere , il les faut approcher à bon vent, parce qu'il n’y a point d’Oy féaux qui éventent plus qu eux.

Les hutes des relevées doivent eftre à bon vent.

La quefte des Beccafines fe doit fai- re à vaut vent.

Les traifneurs de nuit doivent faire leurs filions à une oreille au vent.

Les filets ou panneaux doivent eftre tendus a bon vent.

Les greffes Beccafles fe doivent queftet à vaut vent.

Les journées de grands vents, il faut courre le Lievre aux chiens courans , dans les grands bois ou dans les hau. tes fiftayes qui font àî’abry.

Les pentes Chalfes qui fe font aux petits chiens pour tuer les Lapins , fe doivent faire dans les côtaux a l’abry.

CHASSEUR. *5;

De tous les temps qui font avan- tageux aux Cbajfeurs.

T O us les vent* humides , les temps frais , les pais herbus , les [terroirs plus humides que fecs , les côtaux expofés au Midy , leur font avantageux pour chafler aux Prin- temps.

En Eté les lieux expofés au Nord lui font les plus propres.

En hyver les pais couverts & four- rés luy donnent plus de gibier.

En Automne les pais ouverts luy [font faire les plus grandes ChalTes.

Je parle de toutes ces petites con- [noiflances en general , parce qu’il fe- iroit trop long de les expliquer toutes en particulier : il fr.ffit qu’un Chalfeur foit in (huit des défauts 8c des bontés de t us les lieux, pour pouvoir prendre jen chacun les avantages.

L’on peut fe fervir de toutes fortes d appeaux dans îa relevée pour faire approcher le gibier , & principale- ment dans les taules l’on fe hute

i5g le parfait

fur les quatre heures du foir aux longj jours , mais principalement le Che- vreuil qui eft inquiet & toujours fui pied , c’eft le plus aifé de tous les ani' maux à tuer à la relevée ; les autre! y viennent aufll à certaines faifons d< l’année , comme dans le ruth , & faui apprendre à bien fonner de l’appeat pour s’en fervir utilement.

Jamais le Sanglier n’y vient , il efl trop défiant, l’on fe peut fervir dam les tailles d’un an , auffi bien de h filoppe comme le long des bois poui la relevée.

Le moyen de peupler un pais aOy féaux de riviere.

QUand une terre eft fort Sei- gneuriale, de grande étendue qu'n y a des étangs , de grandes prai- ries , de grands marais , on y doit Faire des canardieres, & pour cet effet, or -doit faire venir des gens du Pais bai pour les conftruire , lefqnels apporteni avec eux des Canards drefles qui fe nu fient parmi tous les autres fauvage:

touu

CHASSEUR. 257

foute la nuit , & le matin ils revien- nent à la canadiete ôc en emmenent ^vcc eux plufieurs fàuvages. Je ne dis ien de la conftruélion defdites canar- lieres , ri de la façon ôc maniéré dont j>n prend les Canards fauvages qui ont amenés par les privés , parce qu'il Faut voir fnre les canardieres & ap- prendre d'eux toutes les rufes dont ils Fe fervent pour en prendre tant qu'ils veulent.

| Je ne dis rien auffi de la neceflîté l'avoir des garennes Ôç de les bien peupler, car fans des garennieres ex- oreîTes que l’on tient chez foy on ne es pourroit pas rendre bonnes ; c'eft Pourquoi il faut apprendre d'eux rou- es les rufes dont ils fe fervent pour es bien peupler 5c conferver des bêtes huantes , c'eft fans quoi on ne feroit pien qui vaille. c D r ; ;

Quant aux ^pigeonniers, .pour les fendre féconds les faut renouveller le fept ans en fept ans, parce que les vieux Pigeons dés qu’ils ont eet âge couvent beaucoup moins que quand ils font jeunes. Quand ib font renou- ivellés de jeunes Pigeons qu'on nourrir

Y

ij8 LE PARFAIT

en vollieres pour les remplir, il le faut amorcer & tenir dans le pigeon nier de petites bouteilles d’huile d fpic, Sc frotter à quelques-uns les aîle de ladite huiie : la fenteur de cett huile fait que les autres Pigeons étran gers s y amorcent, & delïus lesappied il faut faire des pains de farine d bled farrazin ou bucaille, un peu d mil parmi , 8c les pétrir de faulmure il n’y a rien qui falïe venir tant d Pigeons que de les amorcer de ce paii , dont il faut garnir tous lefdit appieds.

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Des chofes qui font contraires aux Cbaffeurs , & qui caufent des ?naladie$ aux chiens .

AS ç a v o i r , la pluye, les ventSj les tonnerres 8c l’ait5 corrompu. Quant aux lignes de pluye, il y a peu de Païfans âgés qui n’en connoif- ient plufieurs , anffi bien que les Ber- gers les lignes des mauvais vents , des tonnerres 8c de l’air corrompu : c’ell pourquoi il les faut fouvent confulter *

CHASSEUR. t5f

ils connoiflent auffi par les couleurs du jCiel 8c des nuages, les mauvais temps à venir, la corruption de Pair, qui en- gendrent des maladies generales, tant aux hommes qu’aux chiens ; & je ne confeillerois jamais aux perfonnes qui demeurent à la campagne de rendre aucun deplaifir aux Pafteurs 8c aux jBergers.

Des effets de la Lune , & comme il enfant obferver le cours.

COmme l’Aftre îe plus dominant fur les Chafleurs & furies chiens» eft la Lune , j’ay voulu ajouter cet avis pour la confervation de leurs Meutes, afin qu’ils puiiTent éviter de les faigner 3c purger tous mal apropos : voicy donc ce qui eft bon qu’ils fçaehent»

| La Lune eftant en conjonction au Soleil, la faignéeeft tres-mauvaife trois jours devant ôc trois jours après.

Conjointe avec Juppiter, elle efttres- bonne.

Etant en quadrat avec Saturne, on | ne doit pas faigner un jour devant & un I jour après, Y ij

îéo LE PARFAIT

Etant oppofée à Saturne , il faut auffi îaiiTer pafler un jour fans faigner.

En Sextile afpeèi avec Saturne , il ne faut faigner qu’un jour après.

En Venus fortunée fans combuftion la faignée eft parfaitement bonne.

En Juppiter l’on peut faigner fans aucun péril.

En Mars elle eft dangereufè un jour après.

Etant en Mercure , il faut attendre un jour devant & un jour après.

Etant à la tête du Dragon , il faut attendre un jour devant & un jour après.

r Dans fa première quadrature , il j eft bon de faigner les jeunes chiens. L Dans fon quart afpeèfc dernier , il ^Left bon de faigner les vieux chiens.

Toutes ces chofes peuvent eftre connues par les bons Almanachs de Suiflè , dont il faut que les Chafleurs foient curieux , pour faigner apropos leurs chiens , & pour les purger quand il faudra * car il faut purgei après Ui fai- gnée, tellement que l’un dépend de fau- tre , c’eft à quoi il faut prendre garde, & de faire, dis- je, recherche des Alma-

CHASSEUR. i6t

manachs fideles , qui marquent les conjonétions Sc afpeéts des fufdites Etoiles avec la Lune.

Z es principales caufes de la rave des Chiens .

TOutes les trépidations de mem- bres , Ôc toutes les retracions Je nerfs , qui viennent par froideur pc humidité font fujeces a la Lune : tellement que le principe des mala- dies des chiens qui font de grands efforts , principalement en Avril & en Septembre ( comme il a efté dit par- ant de la rage ) font de n’eftte pas :e chauffe s ôc delà des quand ils retour- nent de la Chaffe, Ôc la rage de telle bture quelle puifle eftre , commence par la trépidation de nerfs , puis après >ar les indjgeftions , vient la perte de appétit j par les trop frequentes cu- lées viennent les chaleurs des en- jrailles.

: Par forge pourrie ou Tentant mau- dis , dont on leur fait le pain > viens: e dégouft*

i6i LE PARFAIT

Par l’eau puante dont on le pétrit vient la corruption.

Par lamauvaife cuiffonvient le cours de ventre.

Par l’expofition du chenil auMidy," vient la fievre.

Et par le peu de foin du Maître ÔC des Valets vient la rage.

De tout ce que deflus les petites ma- ladies commencent & infenfiblement s’augmentent , ôc puis après fe conver- tirent en rage müe, en rage de glé, ôc puis après Pair du chenil Pinfeèke, &c la grande rage s’y met , tellement qu’on ne s’en apperçoit point que tard, Â'iors qu’il n’y a plus de remede, ôc tout cela par fa négligence.

J’ay trente ans des chiens, je n*ay cependant aucunes maladies de rage , parce que les chenils étoient propres comme des chambres avec de bonnes cheminées , ôc leurs expofî- tions étoient au Soleil levant , SC quand j’avois quelque chien trifte ou mélancolique , on le mettoit hors du chenil , libre dans la cuifine , ôc quand il y en avoir de malade on lespenfoit avec le même foin que d’un Valet"

CHASSEUR. 2(5}

quand on en fera de même , on ne tombera point dans des pertes de chiens irrémédiables , car en quatre ans une Meute ne peut pas eftre réta- blie quand la rage y a paffé.

Il faut aerier les chenils de boisodo- riferans , & les réchauffer comme peftiferés.

Continuation de la maladie des Chiens , & comme il les faut j fe parer étans malades , pour y re- médier.

IL faut dans les baffes courts faire de petits appentils expofés au Le- vant , tenant plus du Nord que du Midy , 6e y faire des feparations pour y mettre des chiens feu! s , ou foit des lices quand elles portent, ou foit chiens baigres qu’on veut remettre a foit balades.

Ils feront conftruits les plus longs qu’on pourra, afin qu’on en mette da- vantage , ou ne en faire de feparés ?n pîufieurs lieux : quand il arrive

*64 LE PARFAIT

quelque chien malade , on le fepare l fur tout quand il a regard morne ou trifte % ôc qu’on y remarque la moidre trépidation de nerfs & de veines, c’eft une marque qu’ils ont la fievre ; ce que beaucoup de Chafleurs ignorent, ôc je puis atfeurer qu’il n’y a point d’animal qui foit plus fujet à la fievre que le chien , ôc particulièrement ceux qui font les plus vifs ôc les plus vigou- reux , comme les lévriers , les bracs , ÔC Ôc les chiens courans de tête j tres- peu de Chafleurs fe fervent de la fai- gnée , ôc ils ne fçavent pas même les feigner des veines qu’il faut : cela ne fe peut apprendre que par expérience , Ôc ne fe peut enfeigner par écrit.

Qu’ils fçachent pourtant qu’une fai- gnée peut garentir un chien de la rage quand elle eft faiteapropos * parce que la rage n’eft antre choie qu’un tranf- port au cerveau qui rend le chien fol comme les hommes. Et fi l’on peut empefcher ce tranfport par des iai- gnées reïterées , ôc par des remedes artraélîfs, & par des purgations pro- pres à purger le cerveau, Ton guérit ie chien malade.

Et

CHASSEü R. i6s

Et pour faire voir la vérité de ce que dis , il ne faut que remarquer des années aufquelles il régné des fïevres chaudes aux hommes qui fe gagnent , & des flux de ventre, & beaucoup d’autres maladies qui fe communi- quent par la fréquentation. Il en eft de même aux chiens qui ont coutume ide demeurer enfemble. C’eft pourquoi on commence pat les feparer , & quand l’on fait cela , on n’uie point de remede qu’il faut pour empefcher le tranfport au cerveau , ni cette com- munication de mal , qui fait que les chiens meurent tout fondain.

I Que fait l’eau de la Mer quand on y mène les chiens & qu’on les baigne , parce qu’elle eft extrernément falée ? elle referre les humeurs & les deflèiche, mais elle n’ôce point la caufè qui refte encore aifés fouvent & afles iforte pour continuer le mal , & ache- ver de tout perdre : il faudroit recom- mencer plufieurs fois. Le meilleur re- mede donc, eft de s’attacher à ôter la caufe du mal qui eft une inflam- mation d’entradles qui ne cherche qu’à gagner ie haut , lequel mal fe doit

Z

il;: '

xa iE PARFAIT

premièrement traiter par faignée , par rafraifcbi lié mens , & fur tout d’éviter les purgations chaudes & violentes, comrnt fait l’helltboreque beaucoup de Cha fleurs donnent à leurs chiens : il faut fi« tout garantir le cœur par l’Or- vktan , la Theriaque de Venife, ou pt des breuvages cordiaux , car fi le unal gagne le cœur ou le cerveau, il eft tres-diffiale à guérir & fouvent fans

lemede. > ,

Pom peu d’affiftance qu on donne a un chien qui eft très- forte & très- vi- goureuse x un en vient à bout ^ il y a de petits remedcsdans le Médecin cha- ritable, dont un Cha fleur cutieux doit avoir un , avec des purgatifs qui font très-bons, dont on fepcut fervir en dou- blant les dofes félon la force du chien, Sc félon le mal dont il eft attaque, qui garentiront une Meute de tout mal general , quand ils font employés promptement & fans attendre trop tard , mais fur tout j’ay remarqué que le fe eft un finguüer purgatif pour la nature du chien : Si bien qu au lieu de fiouphre, comme l’on met dans des bouillons de tête de moutons , parce

CHASSEUR. lêy

que îe mouton eft chaud , il le faut faire de tête de veau , 8c y mettre du fené à proportion , félon la quantité des chiens qu’on veut purger ; mais fur tout, il faut avoir commencé par la ifaigrée , puis après purger. P«ur la faignée vous avés les regards de la Lune qui vous marquent quand il fait bon faigner ; il ne relie rien après qu’à faire la purgation , & la reïtcrer s’il en eft befoin , 8c faut fur toutcon- 'fiderer l’état de la Lune , parce qu’elle domine entièrement fur les chiens.

I Continuation des maladies des chiens , & d^oà véritablement | elles procèdent , & leur caufe \ frincipalc qui donne les moyens \ de les quérir.

LE s frequentes curées aux chiens courans , principalement quand elles font amples , donnent des cha- leurs d’entrailles, 8c caufent des cours de ventre à toute la Meute : elles font jmême avorter les lices.

Z ij

xGÎ LE PARFAIT

Elles rendent malades tous chiens varaces & gourmands , & la rage ne procédé que des efforts que font les chiens , pour les raifons qui fuivent.

Toutes les Meutes Ton fouffre des chiens de tête trop villes, foit pour fauves , foit pour lievres , fe ruinent, & la plufpart des chiens font gaftés par les grands efforts qtfils font pour fuivre les premiers , dont il arrive prefque toujours que plufieurs s’é- truffènt , fe butent , & deviennent maigres , & l’on peut dire que dans trois mois c’eft une Meute ruinée fi la rage s’y met, ou des maladies cjonç les chiens ne reviennent point,

L’eftruffure eft un mal qui vient aux cuilfes, dont Tunefe feiche & ne prend plus nourriture , parce que le nerf a efté foulé par quelque effort , ou pour avoir palfé quelque lieu fort étroit qui Ta trop ferré.

La butture eft quand la jointure au deffus du pied groffit de telle forte qu’il lui tombe des glaires qui le ren- dent boiteux. Cela peut auffi arriver par quelque pointute d'épine , à quoi il faut prendre garde, & la re rer

CHASSEUR.

âvant que cela s’apoftume.

L’efpointtire eft quand l’os de hanche qui fort au deffus du rable a receu quelque effort quelque heurt, enforte qu’il eft plus bas que l’autre. Quand cela arrive, le chien eft telle- ment affaibli qu’il ne peut plus fervif.

Tous les Chaffeurs fe piquent d’a- voir des chiens de tête , & d’en faire un cas très particulier : cependant tou- tes les ruines des Meutes , toutes les maladies des chiens , toutes leurs ja - loufies qui les obligent à devenir vi* lieux & barreurs, ne dépendent que d’affe&er des chiens plus viftes, &tou$ les defordres, foit par maladies, indif- pofitioris , maigreurs , manque de man- ger , d’ou vient & s’enfuit la galle , & tout le refte ne procédé que de ce dé- faut.

Tous les bons chiens perdant créance qu’ils avoient l’un à l’autre ne fongent plus que de gagner la tête, ou d’employer tout ce qu’ils ont de force pour accompagner les plus viftes ; tellement qu*il n’y a plus de r’alliment, ôc s’il leur furvient quelque défaut , ou quelque autre difficulté , les chiens Z iij

ijo LE PARFAIT

qui fe font efforcés de fuivre n’ont plus de vigueur pour les demefler , & fou vent il arrive qu’on eft trop long- temps à redrelïèr les voyes jufqu’à ce que les meilleurs chiens de change ou autres ayent repris haleine ou un peu de vigueur pour faireles diligences ne- ce flaires en ce rencontre.

Déplus le temps que l’on employé à cela donne loifir à une bête de renou-. veller fes rufes & à fe forlonger , fi bien que la plufpart des bêtes que l'on manque ne fe fauve que pour les pout fer trop vifte dans l’abord de la chafle, ce qui les oblige à faire de grandes fuites , & tous les chiens de médiocre force font crevés & mis hors d’état de pareil aller.

Tout ce mal arrive feulement pour un chien ou deux qu’on eftime par leur yiteflè , qui ne fert qu’à gafter tous les autres ; au lieu que fi tous étoient de même force, la Chafle fe feroit par un branle continu , crians tous égale- ment & beaucoup mieux ( car un chien ne peut pas mettre fa force à crier & poufler la voye ; il faut neceflairement que l’un empefehe l’autre ) enforte que

CHASSEUR- tjz

la bête chaflee n’entreprendroit pas de fi longues fuites n’étant pas pref- fée ; 8c les Picqueurs ni les chevaux ni les chiens ne fouflfaroient au* cuns dommages qui les perdent 8e qui les ruinent , 8c c’eft icy la fource de tous les mal heurs qui peuvent ara* aune M ute, car delà feul viennent toutes les incommodités , maladies, & enfin la rage : qu’on y prenne donc garde fi l'on veut très fort * parce que véritablement c’eft la perte de tous les chiens & des équipages.

Les mpyens donc de guérir les ma- ladies particulières 8c generales qui ar- rivent aux équipages J c’eft première- ment de couper la racine aux caufes qui les font naître , ce qui fe fait en tranchant fans aucune confideration les chiens viftes qui ruinent les autres , ou du moins s’ils font exrraordirjaire- ment bons , leur donnant des plates longues ou bricoles qui les a rr récent , car pour leur pendre du plomb au col, cela ne manque jamais de les butter on eftraffk , 8c puis après en confervant très foigneufement les chiens du corps de la Meute, qu’on void toujours éga- Z iiij

LE PARFAIT

lement fermas dans les voyes qu’ils tiennent également, ce font de ces chiens dont il faut faire très- grand cas, 8c non de ceux qui font ambitieux, & qui s’efforcent 8c s’écartent , foit pour prendre la têce , foit pour re- gagner le devant quand ils font recu- lés par quelque retour.

L’eftrufFure fe guérit par le repos & par des cataplâmes conforratifs, 8c par des blaflemens de rres- bonnes herbes, comme auffi par la graifle deblereau, de cheval, & par des huiles chaudes, particulièrement de l’huile de mil-per- tuis & de rofat , & à force de fomen- tations, puis après il faut toujours te- nir la parrie fort graffe de Populeum & d'onguent rofat.

La butture fe guérit, fi l’on n’attend pas que les glaires y tombent * c’eft à dire que d'abord que l’on void quel- que grolfeur au genoüil d'un chien, il faut fomenter cette partie , 8c y met- tre des onguents refolutifs , en forti- fiant les nerfs comme le Populeum 8c l’huile de mil-pertuis. Que fi l’on at- tend un peu trop trad , la butture fe rend incurable.

CHASSEUR. ijy

Quant à Tefpointure , comme Tos |de la hanche a receu quelque notable contufion , & que c’eft le derrière qui pouffe le devant , elle eft prefque in- curable auffi bien que celle de Talion- igeure -, quand le nerf de quelque jdoigt du pied eft atteint de coupure % cela eft fans remede.

Les ongles qui fe perdent ou par la gelée ou par la feichereffe font bien long-temps à revenir * c’eft pourquoi 'il ne faut point courir quand il gele* ou quand il fait une extrême feiche- jreffe, cela fe guérit très lentement, te- nant toujours le lieu de Tongle gras d’huile de mil-pertuis , & par le re- pos.

*74 LE PARFAIT

Comme on guérit la <gd.lle , dartres & le rouvieu aux chiens .

LA galle ne provient que de deux caufes , Tune par trop de graille & de fang ; I autre par trop de mai- greur & de pauvreté. Ellefe peutaudi communiquer parfaîleté du chenil, ÔC parla communication trop grande des chiens qui couchent pelle-mefle, ou dans des cendres, eu dans les étables aux cochons.

Quant à la première elle fe guérit facilement , car il ne faut que faire jeûner le chien , IcTaigner, le purger ôc le grailler : la fécondé eft plus d ffi- cile principalement aux vieux chiens * parce que Pon peut tres-difficilement les remettre encorps ôc quand la galle eft ir vererée, elle le rend ii, curable aux vieux chiens.

Pour la guérir , premièrement i! faut nourrir le chien de fonpe grade, & -tâ- cher de le remettre en corps , & Quand il commence à amender ; il faut le faigner deux ou trois fois pour le ra-

CHASSEUR. , 175

jfraifchir 8d le purger , puis après il le faut grailler d huile de chenevis, avec dufel, du touffe e* batu 8c un peu de fal- jpeftre, le tout réduit en poufliere : fi le chien n’a que peu de galle, l'huile feule le guérit ; mais pour n’v pas retour- ner, il la faut faire a fies forte : toute antre drt gue comme le tabac , hellé- bore, la platte de frefne & autres ville- nies font tomber le poil , 8c même

[>euvent faire mourir le chien : mais "huile de ehenevis comme il eft dit 3 radoucit la peau , Ôc ne fait point tom- ber le poil : la grande finefie eft au grailler : car fi on ne le graille que le- gerement, il y faut retourner ; c’eft pourquoi il faut premièrement bou- chonner le chien tant qu’il fait tout rouge , puis après il ne faut pas plain- dre fa peine de le graifier devant un grand feu pour faire bien reboire la Igraifie, 8c puis quand il eft bien rebu, jilfaut choifir un jour quand il fait beau iSoleil 8c le mettre à l’air ; quand cela jeft bien fait l’on n’en manque point. Dés auffi-tôt donc qu’on void quel- que chien qui rougit & fe galle, il le faut graifier promptement. Il y a des

176 LE PARFAIT

parefleux qui attendent à grailler leufs chiens au mois de Mars , cela ne vailî rien , car le mal fe vieillit 8c devient d’autant pltis difficile à guérir.

Quant aux dartres qui viennent ai$ chiens, foit pour avoir touché du ve- nin , ou pour avoir été piqué de quel que bête veneneufe en chaffant , il le faut guérir par des drogues chimiques, comme du fel de tartre.* dufel armoniac ou des dilîblvons , dont le moindre Chimique donnera la connoiflance, en ayant abondance*

La Chatfede TArquebufeeft fi com- mune en Europe , 8c pratiquée pat tant de fortes de perfonnes,que je n’en diray rien pour deux raifons $ la pre- mière, parce que l’ordonnance des Loys la défend aux ignobles, & qu’il n’y a rien de plus défendu en France que le port des armes , 8c fi cette dé- fenfe étoit étroitement obfervée par tout, comme elle e fl: dans les^plaifirs des Roys 8c des Princes , l’abondance de toutes fortes de gibier fe manifefte- roit par tout , comme en Allemagne, au lieu que la fteriüté s’y rencontre.

La fécondé 9 c’eft que les Bourgeois

CHASSEUR. i77

^ Païfans aufquels il elt défendu de jhalfer & porter des armes, fe ren- roient plus hardis à contrevenir aux éfenfes qui leur en font faites, fil’on bettoit en évidence toutes les Chaflès ui fe peuvent executer par elle ; il aut donç mieux s’en taire que d’en rop parler , ce qui ne ferviroit que |e véhiculé pour porter les efprits à ce lu’ils n aiment que trop.

Tous les narrés des ChalTes qui fe pnt en toutes les parties du Monde, f Sui font cy- après , font plus pour pjoüir le Leébeur que pour Tinftruire. ’ay feulement voulu mettre à la fin de î Livre les plus importantes , non feu- lent , parce qu'elles font perilleufes, : qu'il n’y va rien moins que de la’ [e des hommes , pour les avertir de donner de garde des inconveniens pi leur pourraient arriver, princi- jilement aux Européens s’ils fe ren» pntroient dans ces lieux le dan- ;r de mort eft éminent à tous les mo- ens de la vie. Et comme j’ay entre*

| is de parler de toutes les ChalTes du onde , & de toutes les Nations qui

js pratiquent , je n’ay pas pu m’em-

a7S LE PARFAIT

pefcher d’en dire ce que j’en ay aprh par les relations verbales , & par les Hsftoires véritables qui m’en ont été faites. S'il y en avoit pat hazard quel- qu’une obmife, ce n’eft pas manque de diligence & d’exa&nude que j’ay employée pour les rechercher.

!

CHASSEVR. 119

En cetce Partie font contenues toutes les C ha fies des Indiens, Afiatiques, Africains, païs des Noirs , Américains Méridio- naux 6c Septentrionaux , tant

j Roys^ Princes, Grands Sei.

1 gneurs, que Particuliers, avec la maniéré dont ils viennent à bout de la férocité des bêtes cruelles , donc leurs Païs fonc

I remplis, 6c comme ils s’encre- font la guerre.

CHAPITRE I.

'Z>e la Chaffe des animaux cruels dans \ les montagnes & dans les deferts d Stffrique d A fie & autres lieux.

ï$o LE PARFAIT

quent tout , foit Lions , Tygres, Léo- pards , Panthères & autres , ainfi qu’il , fera dit , parlant de l’ordre que tien- nent les differentes Nations qui font ordinairement adonnés à ces Çhaffes , autant & plus par contrainte &neceffi- que par divertiffement , parce qu’il arrive en certaines années par l’irra- diation de certaines influences exci- tant une chaleur extrême qui fait que la rage fe met dans ces animaux féro- ces dans les hautes laifons qui les font aflèmbler , & mettre en troupe pour courir fus aux hommes , attaquer les bourgades Sc les dépeuples.

Des Chajfes de l'Afrique.

LEs Affiquains chaffent en plu- fieurs maniérés felon la diverfite des pais ils fe rencontrent felon les Jieux qu’ils habitent : car ü y a des montagnes couvertes de forêts , des plaines de fables, des coraux, des lieux aquatiques , & peu de pais ou- verts. C’eft la terre des monftres.

Il faut fçavoir premièrement que ja- mais

CHASSEUR.

j mais Chatfeur ne Va feul à la chaffe en toute l’Affrique, & que s’ils ne font plufieurs en troupe fort ferrés fans s’écarter , fl en retourne peu àlamaî- | fon , parce qu’à tous momens ils font rencontre de très cruels animaux qu’ils ! attaquent, Voicy donc leur ordre.

Des communautés toutes entières s’attroupent , & portent toutes fortes d’armes ofEnfives, fpecialement des ! fi imbeaux faits en torches, au bout defquels ils attachent des godions 8c des matières combuftibles qu’ils allu- ment quand ils vont au combat. Ifs marchenr^n ordre aux lieux ou ils fça- vent que fe retirent les Lyons, les iTygres, Jes Léopards , & autres ac- compagnés de forces chiens tous fiers,, hardis cruels, & y étant arrivés ils font un bruit médiocre au commencement, les plus difpos 8c les plus forts fe fepa- irent par pelotons de la groffe troupe de quelque petite diftance comme de cin- quante pas. Au moindre bruit , ces |anim aux fartent fur eux qui ne voyent Pas grande troup , 8c attaquent les premiers qu ils rencontrent , les autres |îes fecourent en flanc avec des chiens*

Àa

*8* LE PARFAIT

tellement qu’à me fuie qu’il fort des animaux du fort pour venir attaquer des hommes , d’autres hommes fe dé- tachent pour les fecourir avec d’autres chiens , de maniéré qu’il s’excite un combat le plus terrible qu’on puiiïe dire , & qui donne de l’horreur à tous les Chaflèurs qui fe tiennent ferme & ferrés fans s’ouvrir , & tuent conti- nuellement foit Lyons * foit Léo- pards, foit Tygres & tout ce qui fe prefente devant eux. Ces Chalfes ne fe peuvent faire qne par les naturels du païs, parce qu’il faut avoir la dif* pofition , la force & la haine , & le defir de vengeance qu’ont ces peuples contre ces animaux cruels qui les tien- nent tellement en crainte dans de cer- tains cantons , comme en la Mon- tagne de Ferre- lionne fîtuée le long de l’Occean du côté des Canaries, que dans les faifons chaudes de l’année ils n’oferoient fortir de leurs habitations que bien accompagnés Dans les lieux ils font accoutumés d’eftre attaqués de ces bêtes feroces ils chaffent de maniéré.

Les puilîànces fouveraines qui do-

CHASSEUR. 2S5

minent ces peuples , fe joignent fou- vent pour faire ces Chafes generales, afin de prévenir les maux qui travail- lent ordinairement leurs fujets.

Dans les faifons ardantes qui cau- sent des fievres & la rage à ces cruels [animaux , ils font les mêmes prépara- tifs de guerre que s’ils vouloient don- ner des batailles , lefquelies en effet font autant & plus cruelles que celles des hommes.

Tous les Africains font naturelle- ment grands ChafTeurs & grande di- jVerfité de gibier. Nous parlerons de toutes dans leur ordre félon les païs couverts ou découverts , comme les plaines fertiles foit infertiles , ou les païs fablonneux , marefcageux & pleins jde côtaux.

Les grands Seigneurs Africains laimenttous la Fauconnerie & TAutou- rerie , parce qu’ils ont les meilleurs Oyfeaux du monde de le plus facile- ment, puis que leurs païs les produit : jainfiils chaff nt dans les païs couverts jde brandes avec leurs Autours, de dans îles païs ouverts avec leurs Oyfeaux de ’heurre j Et pour leurs plaifirs iis ont A a i)

284 LE PARFAIT

très grande quantité de menu gibier, parce qu’il n’y a qu’eux qui chaflent dans les lieux qu’ils confervent. Leurs Oyfeaux font fujets d’eftre pris de l’Aigle- Faucon qui fond fur eux d’une grande vite (Te, qu’ils ne peuvent évi- ter d’en eftre choqués ou liés , c’eft pourquoy les Fauconniers les tiennent fermes quand ils voyent l’Aigle qui elt frequent en ces païs , il y en a de cinq fortes , 8c quantité de fort grands Oyfeaux : même il y paroît de grands Vautours , defquels plu (leurs ont la force d’emporter un mouton ou une chevre , à ce que m’ont raporté quantité de Portugais qui ont des ha- bitations en Affvique. On en void quelques-uns à Verfailles très rares de toutes les parties du monde.

Dans les grandes plaines de fable qui font infertiles , hormis de quel- ques taloppes de bois 8c brouflailles, les plus grands Seigneurs prennent leurs plaifirs à la chï(Te des Autru- ches qu’ils prennent à la courfe avec des chevaux qu’ils ont, qui font les plus vides du monde. Elles font tou- fours en troupe , & tâchent toûfours

CHASSEUR. 285

de regagner les montagnes quand elles font pourfuivies , mais les Lévriers Qu’ils lâchent après les en empefchent & les arrêtent un peu , tant qu'ils les joignent à la courfe 8c les prennent» ïl yen a toujours quelques-unes qui gagnent le fort , mais celles qui de- meurent prifesavec des fourches faites pxprés qui leur accrochent le col, font Amenées vives. Celles qui fe défen- lent fort fe font tuer ; ils leur ôtent outes leurs plumes qui fe vendent rherement aux Marchands qui vont pafiquer.

Il y en a de grifes , de blanches 8c [e noires , & de méfiées. Les femelles ont prefque toutes méfiées de gris* oir 8c blanc. Les mâles font blancs |u noirs , & font beaucoup plus édi- tés parmi eux que tous autres , parce juelesfoyes de leurs plumes font plus |nes, que leurs plumes font plus lar- ps 8c mieux fournies, 8c que les bouts h font plus touffus. Audi les Chaf- urs efTayent toûjours de les prendre lus que tous les autres 9 mais elles mt audi toûjours les plus vides, &

■s plus fortes quand elles font plus

LE PARFAIT

âgees. Mais il faut fçavoir que ces Chartes rie fe font qu après la mue de ces Oyfeaux , & que leur plumage eft tout iec, fk n’ont garde de les charter quand leur plumage eft encore en fang, parce que la plume ne vaudroit rien, Quand le temps eft arrivé que les Au- truches font en état d’eftre pouflees , il n’y a point de ]our que les plaines elles font ne foient vifitées de tous les Seigneurs du païs par parties faites.

Les Aff icains feuls peuvent charter & prendre les Autruches 3 parce qu'il n5y a qu’eux au monde qui puiftent pouffer leurs chevaux de la viteffe qu'ils font , fe tenant achevai comme des Singes , & nul homme ne peut pouffer leur barbe de leur viteffe fans perdre le vent ; c’eft pourquoy à eux feuls cette Charte eft refervée > car ils fe tiennent en feîle comme s’ils y étoient collés. Et les Autruches fe voyant preffées font à la faveur de leurs ares des détours fibrufques, qu ils obligent les Chaftèurs à tourner fi court, & à faire des contretemps fi violens, que nu! ne lespouroit îoiiffrir qu’eux fans eftre porté par terre &

CHASSEUR. 187

juis hors de combat.

| Ils ont entr’aimes de grands Barbes iiarpés comme Lévriers qui courentde î grande viteffe , qiwls vont requérir ies maies des Aucruches qui fe déta- chent devant les autres pour gagner le Fort , & les tournent fi bien qu'ils les trrêrent 5c en viennent à bout , les :hevaux qui ont cette vitefle extraor- dinaire font eftimés entr’eux d’un fi îrand prix , qu’ils font vendus jufqu’à la Tomme de dix mille livres , ils les îourriflent à part , & ne leur donnent |ien que certains grains 5c de la pâtée, nais fort peu : auffi ne font ils jamais ?ras , mais feulement en chair : ce qui S.ide à la grande vitcife de ces Barbes, :’eft que les Africains font petits 5c fi egers qu’ils ne pefent prefqne rien fur burs chevaux, 5c ne les chargent ni de ;rofies Telles ni de brides comme les j titres nations. Ils n’ont que de petites [ouvertures avec quatre petites fangles \ adhérantes & coufuës , & de petits triers attaches à un petit po mro eau |ait exprès qui les foûtient, comme on ait aux chevaux de maneige en Fran- |e, & de très petites brides , 5c un

iS8 LE PARFAIT

petit poitral pour empefcher que couverture ne coule , le tout fait en Martingaile pour tenir les fangles , car leurs chevaux n’ont point de ventre. Quand le Barbe eft fanglé* non point par excès, il court fous rhomme com- me s’il étoit en liberté & fans porter perfonne ; ils ne font point ferrés , rien ne les charge 5c ne les incommode pour s’étendre de toutes leurs forces. L’air de ces plaines eft fi pur , que le Cavalier court rafé contre le cheval , & qu’il ne peut trouver aucun obfta- cle à la viteffè de leurs courfès. Ainft cette ChalTe efl celle tous les Sei- gneurs s’adonnent & s’exercent le plus* Mais ils y vont avec grande fuite, parce qu’il y a des Dragons volans qui leur nuifent quelquefois 6c en font atta- qués. Mais leurs troupes viennent au fècoursavec des fabres , qui lors qu’ils les peuvent joindre les taillent en piè- ces. Il fe raconte de ces monftres plu- fieurs chofes merveilleufes , de leurs forces que je tiens peu vray-fembla- bles, par exemple, ils difent qu’il y a des Dragons qui peuvent emporter un homme & un cheval, & qu’on void

fouvent

CHASSEUR. 2S9

fou vent des Vaches enlevées du mi- lieu des troupeaux ; cela fe peut il croire, & y auroit-il quelque proba- bilité à dire que ces monftres pour- ; roient entrainer une Vache fort vifte à la faveur de leurs aîles ; mais de la I lever de terre, quelles aîles pour- 1 roient batre l’air affés fort pour ac- quérir cette puifTance de foûtenir un fi puififant fardeau ? cependant on le dit.

Les Seigneurs Afficains prennent | encore un extrême plaifir à la Chaflè des Singes en certains cantons ils fe retirent & il y en a des quan- tités inombrabies & de differentes fa- çons, car depuis les plus petits qu’ils appellent Sagoüins , jufques aux plus grands qui font hauts de quatre ou cinq pieds , 8c larges d’épaules com- me des hommes, il y en a une fi grande idiverfité, qu’elle eft inexprimable, dont |les couleurs & les formes font toutes jdifferentes ; les uns fans queue , les autres à longue qu’eue, les uns fraifez, les autres à tete de chien avec des dents très-aiguës.

Ils ont tous leurs familles à part ,

! Sc vivent dans des forêts tontes pleines

Bb

J9 o LE PARFAIT

de fruits , de rai fins , de prunelles , de framboifes & d’autres vivres dont ils ne font aucun dégaft , mais en vivent £ difcretion- Us font toujours aux cou* peaux des plus hauts arbres , il y en a entreux qui font toûjours le guet , & fe relèvent les uns les autres avec au* tant de conduite que fi c’étoient des hommes, Ef quand ils vont aux can- nes de fucre, ils marchent en corps de bataille avec des avancoureurs pour reconnoisre s'il y a point d’embufca- des ou quelques Lyons, Tygres, Léo* pards ou Panthères qui font leurs grands ennemis qui les mangent , & meme en font f.ians, Quand ils font arrives aux cannes qui portent le fucre ils les rompent fort longues , & s’en char- gent fur l’épaule, comme d’une pique} & quand ils en ont afles ils s'en re* tournent gardant le meme ordre , & l’on diroit à les voir marcher de loin que ce font des troupes regulieres ; mais il leur arrive fouventde méchan- tes rencontres , car les Proprietaires des Sucrieres les pourfuivent à coups d’arquebufes qui leur font laifier leur butin ; il y en a toûjours plulieurs qui

CHASSEUR. t9t

demeurent à la bataille. Deforte qu’ils ne font ces courfes & ces entreprifes qn avec bien de la crainte & de la cir- confpeétion. Ces animaux font d’un naturel tout femblable par tout le monde , car ils ont les mêmes habi- tudes auffi bien dans l'Amerique que dans l’Affrique , & par tout il s’en rencontre.

CHAPITRE II.

La Chajje des Singes.

QUand les Atïcicains veulent chaflèr aux Singes , ils aflèm- blent tous leurs vaflàux. Ils font por- ter quantité de filets , de paiTées , 8c bricolles , & s’en vont en troupe aux jbois ils font leur demeure , & pren- nent le temps que prcfque tous le^ Singes font allés au gagnage , qui eft depuis 1# matin jufqu’à deux heures après midy qu’ils reviennent chargés de butin pour nourrir leurs familles.' D’abord qu’ils font arrivés, comme ils B b ij

ic,* LE PARFAIT

gavent les lieux les Singes vont au gagnage : ils tendent tous leurs fi- lets au bout du bois ils fe retirent, & préparent tout pour leur retour , bouchant tous les paflages en forme de hayeures avec du bois. Quand tout eft fait, ils font monter de petits Nè- gres qui grimpent comme des Singes mêmes fur de hauts arbres pour fça- voir s’ils n’en voyent point qui re- tournent , & cependant les gens de pied demeurent fur les ailes prés des filets avec forces facqs & bourfes pré- parées pour mettre dedans tous les Singes qu’ils prendront, & attendant le fignal des petits Negres , les Sei- gneurs accompagnés de leurs Cavaliers font au large à la campagne, qui pren- nent toujours garde quand ils les ver- ront revenir , & dés que l’heure du retour approche , & qu’ils commen- cent d’en voir dix ou douze qui re- viennent chargés , ils les inveftiiTent avec leurs chevaux yiftes, & les font donner dans les filets , les pourfuivant de fi prés, quais n’ont pas loifir de fe reeonnoître, & font pris & recueillis de ceux qui font au guet le long defdits filets.

CHASSEUR. 193

Les Cavaliers retournent encore à la i campagne* 8c les petits Negres les aver- tiffent qu’ils envoyant encore d’autres troupes i 8c leur montrent du côté qu’ils viennent j ils les enceignent en- core , & les pouffent comme deffiis I droit aux filets, ils font encore pris, & continuent cette Chaffe jufqu’à ce jqu’il n’en retourne plus : alors ils font détendre leurs filets, & s’en retournent avec leur ptife de bonne heure * car il fait dangereux de s’aniiicer en ce pais- là.

| Et comme il y a des Singes de diffe- rentes grandeurs, ils font leur demeu- re auffi dans de differens bois , & ne demeurent pas tous pefle mefle. Tou- tes les efpeces font feparées , & habi- tent differens lieux ; fi bien que quand 'les Seigneurs en veulent prendre de jdifferentes efpeces *, ils les attaquent [dans leur demeure, & prennent diffe- irens temps pour les attaquer félon qu’ils font plus aifés ou plus difficiles à prendre , 8c ne ceffènt point cette jChaffe , qu’ils n’en ayent pris grande quantité, dont ils font beaucoup d’ar- gent 5 car il n’y a point de navire paflàns B b iij

194, LE PARFAIT

qui n’en viennent achepter pour les revendre par tout. C’eft une marchan- dée tellement courue , qu’il n’y en a jamais trop. Il n’y a point de partie dans le monde ou ils ne Ce vendent également bien. Sur tout, les petits Sagouins Ce vendent fort cher. Il y en a de faits comme de petits Lyons qui font blondorés , lefquels fe vendent tres-cher à caufe de leur grande beauté & rareté. Il y a atiffi des Singes frai- fez qui font en grande eftime parmi eux , 6c qu’ils vendent tres-cher , ÔC pour les Dames de plus grande con- dition. J’ay feeu des Portugais qui ont plufieurs habitations en Affcique le long de la côte de l’Océan Occi- dental, qu’il y avoit plufieurs Roys le long de cette Mer, qui étoient les plus grands Chafleurs de toute l’Affti- que , & qui n’avoient aucune autre occupation qu’à chalïèr tout le long de l’année , mais qu’ils faifoient leur ChalTe d'une fi plaifante façon , qu’elle mérité d’eftre écrite.

Ces Roys ont plufieurs femmes quelquefois jufqu’à vingt ; ils ont pîu- fieurs Maifons Royales, dans chacune

CHASSEUR. 1 95

de[quelles ils mettent une de leurs femmes, avec tous les Officiers qu’il faut pour leurs perfonnes , comme s’ils ÿdemeuroient effectivement à Ces Mai- fôns font bâties dans les plus beaux lieux de Chafîes qui foient dans 1 e- tenduë de leur Royaume. Chacune de ces femmes ont toutes les mêmes Offi- ciers & le même équipage neceflàire pour faire que le Roy ne manque de rien quand il les vient voir ; fi bien que le Roy n’a aucune demeure cer- taine, Sa Cour change 8c eft toûjours chez la Reyne qu’il vifite , &c avec qui il demeure fi long-temps que la faifon de chafïèr le defire, & que toute forte de gibier y abonde. Il y demeure autant qu’il luy plaift , puis il s’en va demeurer avec une autre femme dans nne autre Maifon Royale, Elle luy fait grand chere fans qu’il fe mette en peine de rien, finon que de fon plaifir.

Tous les grands Seigneurs qui l’ac- compagnent y ont auffi leurs femmes auprès de ces Reynes , & n’ont aufS d’autre foin que de fe divertir , fans fe mefier de rien que de fuivre le Roy en toutes ces ChafTes il ne perd B b iiij

ie>6 LE PARFAIT

pas de journée fans s’y employer, fc- la Reyne & toutes les Dames l’y accompagnent , Sc employeur tout leur efprit afatisfaire pleinement leurs maris , afin de les tenir le plus long- temps qu’elles peuvent auprès déliés, & de les obliger à les revenir voir fouvent , defbrte que ce ne font que des complaifances , des carreflès , des agreémens, des tendreflfes Ôc desfeftins comme de nouvelles nopces en gene- ral en toute cette Cour , Ton ne fait que de fe divertir Sc chalTer. Un Gentil homme Portugais qui a demeu- ré fept ans au Royaume d’ingole ou les Portugais ont une belle habitation, m’a raconté qu’il a demeuré avec le Roy Budomeî qui efl: le plus grand du Païs qu’il avoir accompagné en toutes fes Courfès & Chafles quatre années entières , fans lavoir jamais veu fé- journer plus d’un mois dans une de fes Maifons Royales , Sc qu’il palfoit de mois en mois de lune à l’autre oii il trouvoit de nouvelles femmes ôc de nouveaux Officiers auflï bien que toute fa Cour.

Les Chafles que faifoit ce Roy

CHASSEUR. 197

étôient avec force Chiens furieux ôc Lévriers , & une grande quantité

d’Oyfeaux de Fauconnerie. Ils ne peu^* vent point chafifer en ce païs avec chiens courans, à caufe des chaleurs & des bêtes feroces qui les mangeroient tous s’ils s’écartoient , car tout eft plein de ferpens & de toutes fortes de bêtes mordantes.

Ces Roys font riches en pierreries, en or &: argent : ils depenfent peu & vivent de leurs chaffes & reve- nus, Leur revenu eft en Dotianne , en Negresqu’ils vendent, & enSinges* Ce Roy à une Efcarboucle de la grof- feur d’un œaf de Pigeon tellement lumineufe, que la nuit même fans clar- té elle reluit comme une flamme : la porte toujours fur la tête , hormis quand il va chafiTer qu’il la lai fie à la maifon , mais la reprend auflï- tôc qu’il iy eft arrivé. C’eft la plus belle pierre qui foit au monde, & d’un prix inefti- jmable. Quant aux Diamans il en a d’une excellive grandeur, avec une | très- grande quantité de toute autre forte , lequel Seigneur Portugais m’a | dit avoir veue vivant avec luy en

i9B le Parfait

grande familiarité & confidence. L* Terre de Budomel a trois cens lieues d'étendue le lorg de la côte Occiden- tale d'Afrique ; & qui eft la plus belle habitation*

Ce Roy a toujours dix ou douge mille perfonnes à fa fuite quand il change de lieu qui font de fa garde * mais qu'il faut piûrôt appeller Chaf. feurs que Soldats , il ne fait jamais la guerre qu’aujc animaux. Mais au be- soin il feroit une très- belle ôc très- îiombreufe armée, car tous fes Peuples font adroits &c bons Soldats aufli bien que bon Chaflèurs. Les Roys fesvoi- fins fort une pareille vie , quelquefois ils chafl nt enfèmble , & font fort foigneux de conferver l'union & l’a* initié qui eft entr'eux : ils font prefque tous alliés par mariage & d'ancienne parente. Les Portugais ont le com- merce libre avec tous , & m'ont ra- conté plu fieurs chofes de leurs moeurs & façons défaire, qui ne concernent point la Chaiïe que je laiffe pour ne point fortir de mon fujet.

CHASSEUR. 29?

CHAPITRE III.

De la Chajje des Indiens *

T ’A y dit parlant des Indiens & des J Habitans de toutes les Ifîes qui /ont par toute la côte Indienne qu’ils ne chaffent qu’aux Elephans & aux Rhinocéros , & autres grolles bêtes qui font dans leur pais : c’eft pour- quoy il faut dire un mot de leur ma- maniéré de chaffer. Ils font très adroits à tirer de l’arc , & à pouffer des hafa- guets qui font de petites cannes grof- fes comme le doigt , ferrées au bout en pointes , longues de fix ou fèpt pieds, qu’ils dardent de telle forte, qu’elles percent un animal jufqu’au fond des parties intérieures. Qaand ils chaffent ils font par troupes , 8c attaquent un animal de tous côtés , luy dardant tant d’hazaguets qu’ils le per- cent de part en part : d'autres les foû- tiennentavec des piques, demi-piques, bâtons ferrés fourches , fieres , & mê-

3oo LE PARFAIT

me des harpons , & fendent la bête en tant de lieux , que perdant très- grande quantité de fang , elle s’affoi- blit , & à la fin elle tombe & meurt* L’Elephant n’eft chade que pour avoir fes défendes qui font d’yvoire. Ils luy coupent la mâchoire d’embas & enlè- vent fes défendes , puis après ils luy ôtent tout ce qu’ils ont de necedaire, l’écorchant 5c mettant en pièces. Mais cela ne de fait fi promptement, car il y a d’autres Elephans qui viennent au fecours : fi bien qu’une partie de la troupe eft toujours fous les armes pour de défendre , principalement quand c’eft un grand Eléphant qu’ils ont tués car de don barrit effroyable il appelle les autres à fon fecours r que s’ils le peuvent entendre 5c qu’il ne doit point trop écarté d’eux , ils viennent adu- rément à fon fecours de la montagne ils de retirent 5c font leur demeure» Les Roys de Zeylan ( principalement ces animaux abondent en leur gran- de Ifle à caufe de la fertilité incroya- ble de toutes fortes de fruits qui y croidènt tout le long de l’année , étant fituée prefque deÎTous l’Equateur à

CHASSEUR. 301

cinq degrés du coté du Nort ) qui font fouvent cette Chalte , mènent auffi du monde pour attaquer tous les Elephans qui peuvent venir à eux , deforte qu’ils en tuent plufieurs, corn, me il eft dit, & ont toujours un gros de referve en cas de necefiïté.

Quand ils ont fait cette Chafle &

, qu’ils ont pris de ces animaux tout ce qu’ils en veulent , ils couvrent le refte de terre , afin de ne point bannir les autres , qui venant à fentir le mafta- cre de leurs compagnons , fe pour- voient écarter & fuir de ces lieux, mais il faut dire la vérité que cette lile eft de grande étendue., & a des montagnes fi extraordinairement ferti- les de toutes fortes de fruits , dont ces animaux font fi frians, qu’elle ne peut jamais eftre dépourveuë d’Elephans ,

; & qu’ils en tuent tant qu’ils peuvent | fans qu’ils puiflent jamais l’en dépeu- i pler, parce que de toutes les terres dont elle eft environnée, il pafte des Ele- | phans & toutes fortes d’animaux vi, vans de fruits î Si bien que de cette lile feule il fort tout les ans plus d’y- ! voire que de toutes les autres Ifles,

3oi LE PARFAIT

& même de toutes les Indes , ce qui ma efté certifié par les Portugais , qui de très long- temps y ont de très* belles forterefles pour habitations plu* belles que de toutes les Indes,

Les Indes font pleines d’Elephans foit privés foit fauvages. Les Roys en font leur principale force pour leurs armées, 8c pour porter leurs tours» leurs vivres 8c leurs bagages. Enfin tout ce qui eft necelTaire pour vivre , & principalement de l’eau pour boire , & tout ce qu’il faut apporter pour leur maifon ; c’eft pourquoy ils en nourriflènt tant qu’ils peuvent , & en achètent autant qu’ils en trouvent a vendre : ils ont des Officiers Majors crées pour en prendre un foin parti- culier : ils en choififlënt le plus qu’ils peuvent de jeunes aux Chafles qu’ils font , & fe gardent bien quand ils en trouvent de les tuer ou les bleffer, les prenans dans les filets & à la courfe, avec les battues & triquetracs tant qu’ils en voyent ; les recherchant dans les fotêts & grands forts ils de- meurent.

Enfin les forces du Roy des Indes

CHASSEUR. 305

confident au nombre de ces Elephans, & font eftimés forts proportionnelle- ment au nombre qu’ils en portedent , & quand ils chaflent, ils ne fonttuè'c que ceux qui ne font plus en âge d’ê- tre domtés & apprivoifés , défendant fur tout qu’on n’en tue point de jeu- nes , & de les lailîer plutôt dans les .bois libres que de les bleflèr pour les Reprendre en autre Chartes , étant plus curieux de la confervation de leur ef. pece que de tous autres animaux comme pourroient faire les autres Na! tions de leurs chevaux , puis qu’ils n’ont point d’autres monture , & Ig Roy même qui ne monte point que jdes Elephans , dont il y en a de deux fortes , les uns plus légers , les autres jplus forts qui font pour porter les (grands fardeaux, Ceux qui portent les Roys , les Princes & les grands Sei- gneurs font plus petits de couleur cen- drée plus claire . & les plus puirtans font plus bruns & plus noiraftres , & jportent des fardeaux incroyables. Les Chafleurs ont beaucoup plus de peine à les vaincre , quoy qu’ils s’attaquent bien plus volontiers à eux, parce

3o4 LE PARFAIT

qu’ils ont de bien plus grandes défen- fes que les autres , qu’on a fbuvent veu de la longueur d’une toife & groffe comme la cuiffe : nonobftant quoy les Chaffeurs attirés du gain les portent par terre.

Il n’en eft pas de même du Rhino- céros. Ils le chaflent feulement pour en avoir la peau , car elle eft toute couverte d’écailles très dures & fortes, enforte qu’ils s’en fervent de cottes d’armes 8c de boucliers. Cet animal eft extremément difficile à tuer pour raifon defdites écailles , car fi on ne le prend au défaut des côtes ou de l’é- paule , tous les coups gliffent, & il a la rufe de tourner toujours la tête droit à ceux qui l’attaquent ; ce qu’il fait facilement, parce qu’il eft incom- parablement plus leger que l’Éléphant: fi bien que tous les halagaies 8 c les fléchés giiffent & paffent fans le fé- rir. Les Chaffeurs qui les entourent avec de grands chiens qu’ils font aller ça & * tant qu’à la fin les Chaffeurs prennent fi bien leur temps , que com- me ils fe demeurent & donnent quelque jour aux lieux les écailles fe lèvent

CHASSEUR. 305

& s’ouvrem , les frappent de leurs traits ou hazaguets ou demi piques les afFoiblifl'ent tant, qu’ils les portent enfin par terre. leurs peaux leurs font :ort cheres & les recueillent très foi- ’neufement , dont ils font leurs armes iéfenfives les meilleures dont on fe puilfe fervir : le refte de cet animal pur peut fervir à beaucoup de chofes Jui ne font point venues à ma con- toilfince , quoy que je m’en fois en- Juis particulièrement des Portugais tui ont demeuré long- temps dans #ette jfle la plus delicieule terre du monde, !n toutes fortes de breuvages & de ruits. Les Pdabitans y (ont de tres- eaux hommes , fort familiers aux trangers , & communément vivent pux ou trois cens ans fansincommo- jités. J’ay veu un Portugais proche |e Lifbone qui y avoir efté deux fois, c a chaque fois qu’il y avoir efté |>n poil luy étoit redevenu noir , ÔC (ifoit tous les jours à fon âge trois u quatre lieues lans bâton j il avoir ïnt quinze ans , & vifitoit tous les. !>urs fes Laboureurs & fes Vignerons,

? le com as par le moyen d’un de (es Ce

3o 6 LE PARFAIT

fus qu’un Religieux de Saint François me fift connoîcre à Lifbone. Il me dit qu’il avoit unfrere qui a voit quatre- vingt^ cinq ans , & qu’il étoxt grand ChafTeur. Je le priay de me faire voir fon pere, il me dit qu’il demeuroit à quatre lieues delà feulement , ôc que fi je voulois il le feroit venir : je le re- merciay ; mais il vint dans quelque temps à Lifbonne, ôc je l’entretins de plufieurs particularités de cette Ifle que je voulois fçavoir. Il me contenta fort , & me parut n’avoir que cin- quante ans , ôc comme un homme de bon efprit & à fa fleur d’âge : puis quelque temps fes deux fils me vinrent voir qui me dirent auflî beaucoup de particularités de rifle & des Chaffes que les grands Seigneurs y faifoicnt : ils me dirent qu’ils avoient beaucoup d’Oyfeaux de proye de deux fortes que nous ne connoiflons point en ce païs : on leur faifoit voler la Perdrix & les Poules de bois. Les autres yo- loiem le Lievre , & qu’ils fçachoieni auffi une bête qui avoit face humaine : qu’il n’y avoit dans l'Ifle aucuns Ser- pens ni bêtes veneneufes * & m’affu*

CHASSEUR. 307

jrerent qu’il n’y avoit dans toute cette lile que cette bête mal-faifante.

Je les interrogay fur la Pefche des In- diens , & leur dis qu’on m’a voit fait eftime d’eux comme étans les meilleurs Pefcheurs de tout l’Orient ; ils me diftinguerent fort bien ks Pefcheurs d’eau douce du Gange de de l’Eu- phrate, d’avec ceux de l’Ifle qui ne ^efehoient qu’en eau fallée. J’appris que ces deux Fleuves font fi rapides iju’on n9y pefche que dans quelques- jns de leurs bras ; qu’ils prennent le pneilleur poifion du monde à nous in- connu, parce que le climat eft plus rhaud , & qu’on y pefche plus facile- ment à caufe de l’abondance des poif; "ons.

Ce ï |

3oS LE PARFAIT

S'enfuivent les Chajfes des Aflatiques, Perfans 3 Turcs , Arabes > Tartaresy & des Habitans du Canada 3 com- me ils chajfent les Originaux 3 & comme ils prennent les Va fiers dans les petits bras de Riviere » dans lefi quels ils coupent des arbres avec la force de leurs dents quils font tomber pour faire leurs tanières , & amajfent quantité de terre , en bdtijfent & en font un fort & terrier 5 ou il y a plu - fleurs chambres qui vont jufqua ieau de laquelle ils ne fe peuvent point pajfer .

DE cous les AGatiques , il n’y a que les Turcs , les Perfans y les Tartares de les Arabes qui font Chaf- feurs. Les Indiens &c les Habitans des îfîes ne chafTent qu’aux Elephans * aux Rhinocéros & autres grofles bêtes* ôc font grands Pefcheurs.

Les Chinois ne font aucune Chafle , mais ils fçavent le fecret de faire éclorre les œufs des Volailles deflusdes fours*

CHASSEUR. 3o9

& ne les font jamais couver ; fi bien qu’ils ont une infinité de Volailles Sc principalement d’Oyfeaux de riviere.

Les Japonnois en font de même , Sc ne s adonnent à aucunes Chafïes. Les Xn liens les imitent , Sc ne font l point amateurs d’aucune Chaile.

&&£&&& &&&&&&

CHAPITRE IV.

Z es C ba ffes des Turcs *

LEs Turcs (ont grands ChaflTeurs aux Lévriers , Sc /ont très curieux d’en élever les meilleurs du monde* Ils ne chafient point a force, mais leur exercice ordinaire eft de courre le Lievredansde très belles plaines, dont pft remplie toute la Tbrace, Sc com- me le Grand Seigneur à une extrême .tendue de Pais , tous fes Peuples font ott adonnes a la Chafley foit à tirer le 1 arquebufe , foit à levreter, foir à a Fauconnerie dont plufieurs Bachas jnt des équipages , Sc font tous pré- sent a leur Seigneur des meilleurs

*

3io LE PARFAIT

Oyfeaux qu'ils peuvent rencontrer ; parce qu'il les aime fort , & qu'il a plus de Fauconniers lui feul que tous les Roys enfemble»

J'ay eii chez moy un vieil Faucon- nier qui avoit fervi dans la Faucon- nerie du Grand Seigneur , & qui étoit homme excellent 8c très habile en cet art , lequel m'a alluré plufieurs fois que du temps qu'il fervoit le Grand Seigneur 5 il y avoit bien trois mille Fauconniers en fes équipages , 8c c’étoit le moindre qui s'y étoit ren« contré il y avoit long-temps , parce qu'il étoit fouvent du double , & n’é- toit pas moindre de fix mille ordinai- rement , & de fix cens chiens tant épagneuls que Braques , Lévriers 8c Barbets. Il me difoit auffi qu’il y avoit toutes fortes de vols pour attaquer quelques Oyfeaux qui fe pouvoient rencontrer dans les plaines , ou ordi- nairement ils alloient chaffer. Ce vieil Fauconnier avoit la plufpart des vols fous fa conduite , mais il devint malade d’une maladie fi pleine de langueur, qu’il Tut contraint de demander peff- mifïïon de fe venir guérir en France*

CHASSEUR. jn

avec promellè de retourner aufli-tôt qu’il feroit guéri : ce qui lui fut accor- dé avec regret , car il étoit excellent Fauconnier. Je le rencontray à Paris tout malade encore , il fceut des Fau- conniers que j’étois très curieux d’Oy- fèaux , je luy propofay de s’en venir chez moi pour achever de fe guérir, & lui dis que j’avois un Chymiftequi le gueriroit aflurément. Il fe laiffà per- fuader & vint au lieu de ma demeure. Il fut penfé & guéri parfaitement , dont il eut tant de joye & reconnoif- fance , qu’il voulut bien demeurer & s’attacher auprès de moi. C’eft de lui que j’ay fceu les particularités de la Fauconnerie du grand Seigneur. Il ne s’eft point veu d’Oyfeaux légers pour aller en haut , qui fuflènt pareils à ceux qu’il me drefla , qui vindrent d’Efpagne , & prit un fi grand plaifir à les faire voler étans fi rares , qu’U ne voulut plus retourner en Turquie. Audi à la vérité je lui donnay telle li- berté, qu’il étoit maître chez moi.

LE PARFAIT

34î

âi

&

CHAPITRE V.

La Cbajfe des Per fans.

LE s Perfans aiment fort la Ghafïe 3c imitent les François en beau- coup de leurs façons de faire , car ils chaflent aux Chiens courans, aux Lé- vriers, aux Oyfeaux, aux Chiens cou- chans , & aux autres Chalfes qui con- cernent Parquebufe -r ils font des par- ties , 3c fe donnent des rendez-vous de ChalFes tant en general qu’en par* ticulier , auffi bien pour le plaifir que pour attaquer les bêtes mordantes. Il eft vray qu’ils ne courent point à force* roails ils tuent les bêtes en les chafïanr, 3c fe fervent fort comme les Âllemans de bricolles, filets , toiles , paffées , 3c de tout ce qui concerne les Chaffes meurtrières , mais le tout fans grande fineffe.

Les Arabes font prefque toujours à cheval, 3c ont des demeures incertaines, la p lu (part vivans de pilleries 3c de ra- pines, Ils-

G H A S S E U R.

Ils font Çhalleurs par rencontre ,

& meinent des chiens par tout pour chafler , ce qu ils trouvent chemin fê-

lant j fans aucuns équipages régu-

liers*

CHAPITRE VI.

Les ChaJJes des T art ares.

LEs Tartates du Nort font tous adonnés à la Chaiïe comme les .Sauvages , & il y a peu de différence en leurs façons de faire , hormis qu’ils font plus curieux de leurs beftiaux & de leurs troupeaux, & qu'ils font plus Sociables , mais quand à la façon de thaffer , elle eft toute femblablê.

Ceux qui font avancés vers le Midy jchaffntà peu prés comme les Perfans ôc ont des Chiens courans , Lévriers à tous autres que veulent les ChaiTes qu’ils y font dans leur païs de plaine.

3T4

le parfait

CHAPITRE VII.

Les C b iffes des liabitans dit Mont-Taurus,

IL « en a de Montagnars qui font plus grands Chaffeurs que le* au- tres & plus travaillés & inquiétés de bêtes feroces. C’eft pourquoi ils nour- tiffent des Chiens pareils aux Scinens leurs voifins ; dont ils attaquent les Lvons Ôc toutes bêtes mordantes, fans les marchander , ce jont les Chiens les plus feroces qui foit dans le monde , ils tiennent que les Scinens en ont tiré la race de leurs pais , & fe vantent qu’il n’y en a point de fera- blables ni de fi hardis , mais ils font extrêmement dangereux, car ils ne veulent connoître perfonne que ceux qui les nourri flent ; deforte que quand ils font lâchés la nuit il le faut retirer

complément pour éviter leurs rencon- ces - par cette raifon ordinairement Us ie les déchefnent quel» nuit de peur des ccidenSo

CHASSEUR. 3î5 CHAPITRE VIII.

La Chaffe des Américains.

TOute l'Amerique eft habitée de Sauvages qui font tous nato. rellement Chaflèurs, & n’ont point d’autre application que de tuer toutes les bêtes qui habitent leur terre , preA que tous delà même maniéré, car ils ine font que des chaflès meurtrières par les triquetracs & par les battues qu’ils font dans les bois , principale- ment dans les montagnes des Indes qui feparent l’Amerique en deux par- ties dans fa longueur , & qui ne coû- tent que jufqu aux terres Magellani- ques , eft la terre de Chica , dont }es Efpagnols content des merveilles, pu voicy quelques-unes.

Dd ij

3i* LE PARFAIT

La C baffe des Geans.

CEtte Terre de Çhiça , difent- ils , eft habitée par des hommes qui ont dix ou douze pieds de hauteur, & pour cet effet ils la nomment ^ la Terre des Geans. Il faut voir ce qu’en dit André Thevet en fa Géographie , rapportant qu’il les a veus. Ces hom- mes font fi forts & fi puiffans, qu’ils ne fo fervent que de leurs forces na- turelles pour porter par terre toutes fortes d’animaux , par le moyen u boulet de canon , ou une pierre dure & ronde percée de part en part , la- quelle ils attachent à une corde de certaine longueur comme dix pas, & qu’ils jettent de force droit aux ani- maux qu’ils veulent affommer : il n y en a point qui puiffert refifter à deux ou trois coups qu’ils ne fojent portes parterre & tués. C'eft chofe qu An- dré Thevet dit avoir veue , & meme faifant aigade. le long de la cote , ils étoient huit hommes pour mettre un muid d’eau dans leur barque , &

CHASSEUR. 517 qu’ayant peine de le faire, un Sauvage feul la prit & la mit dans la bar- que fans fléchir , & dit qu’un de ces Geans fut ameiné en Efpagne dans le même vaifleau il étoit. Il raconte encore plufïeurs chofes dignes d’eftre veuës , & particulièrement que les voix ces Geans font fortes comme le barrit d\m Eléphant 3 ôc qu’ils devancent un Cerf à la courfe, Ces terres n’ont jamais été pénétrées, non plus que cette terre auftrale inconnue au Nort-antartique autour de laquelle on tourne bien , mais jamais aucun n’a entré deux journées dedans , on void feulement tout allentour des feux qui Imarquent qu’elle eft habitée, mais d’en connoîrre les hommes , les animaux , les plantes , & de fçavoir s’il y a des Mers mediterranées , qui que ce foit ^’en peut faire aucun rapport* Il y a feulement des Hoîandois qui ont fait des habitations dans fes côtes qui font marquées dans leurs Cartes les plus recenres.

Dd iij

3iS LE PARFAIT

CHAPITRE IX.

Delà ChaJJe des Sauvages.

LEs Sauvages font ordinairement Chaflèurs , & ceux d’entr’eux qui font les plus laborieux & les plus adroits, font ordinairement éleus leurs Capitaines : Si bien que la Chafl* parmi eux eft eftimée le plus noble exercice l’homme fe puirtè adonner auiïi bien que la Pefche.

Ils ne vivent que de leurs Chartes & de leur Pefche , 8c ils la font en plu- fieurs maniérés , félon les divers ani- maux qu’ils attaquent, qui font l’Elan, le Cerf, le Caftor , le Loutre, le Re- nard gris 8c noir , les Foynes & les Martes , & ne les pourfuivent que pour en avoir les peaux & en manger <juelques-uns. L’Élan eft un animal beaucoup plus grand qu’un Cerf, il eft fujet à tomber du mal caduc, & la na- ture luy a donné aux pieds de derrière la vertu de fe relever , quand il s’en

CHASSEUR. 319

gratte derrière l'oreille. Il fe chaiïe ordinairement Phy ver , quand les nei- ges font fur terre en ces pais de cinq ou fîx pieds de haur. Quand les Sau* Tages en ont trouvé une pifte 5 ils fe mettent après 3 & marchent fur des raquettes ( ne pouvant aller autrement au travers des bois qui font de haute- fuftaye , parce qu'ils fe perdroient ÔC enfonceroient dans la neige. ) Ils n'ont autres armes que l'arc & la fieche, 8c de certaines épées emmanchées au bout des demi-piques pour attaquer l’Elan qu'ils fuivent tant qu’ils le trou- vent après un très long chemin qui dure quelquefois deux jours y &C comme il ne peut fuir étant un ani- mal très pefant, il enfonce toûjours dans la neige jufqu’au ventre » ils le joignent facilement & le tuent à coups de traits & à coups d’épées. Cet animai vit le plus du temps dans des fapenieres il vian. de des pointes des jeunes fapins Phy- ver, 8c fait peu de pais ; fa demeure eft plus frequente fur les bords de la Mer ou des Rivières. Dés qu’ils l'ont tué , ils l’écorchent 8c en lèvent la Dd iiij

3io LE PARFAIT

peau qu’ils envoyant en France , c’eft dont fe font les bufFes pour la guerre , les plus grandes peaux fe nomment chappons. Son naturel eft comme le Cerf , & fon rut de même , il habite plus les caps & les monts & les cô- taux au bas defquels font les ruiffeaux, que tous autres lieux. L'Eté on en tue peu , parce qu’on n’en peut fuivre la pifte , & qu’on n’a aucuns chiens à le chalTer. Quant à la chair ils en mangent les plus frians morceaux , & le fur plus ( parce qu’ils en tuent beaucoup ) ils le mettent fur des échaffVux de feize pieds de haut , qu’ils drdfent fur qua- tre pilüers , ou les animaux mordans ne peuvent monter, Ôc la laiffent tout l’Hyver , jufqu’au Prin-temps qu’ils y repaffent.

Iis chaffent les Cerfs dans les temps qu’ils en rencontrent , mais fur tout quand ils font en venaifon. Et le Sieur de Champlain qui a écrit de ces païs- , dit qu’allant à la guerre avec les Sauvages, il a aflîfté à des Chaffès par rencontre ils en avoient tué plus de fix-vingts en de certains can- tons où ils fçavent qu’ils font leur de-

CHASSEUR.

meure, de dont ils avoient levé toutes les peaux de fallé, de mis la viande en referve* mais toutes couvertes de feuil- les de fallées, comme il eft dit. Cette Charte fe fait comme un triquetrac ou battues , que les Sauvages font bien plus juftes qu’on ne fait pas en ces païs , parce qu’ils obfervent leurs diftances , fi bien que nulle bête ne peut retourner, de faut qu’elle mar- che dans des culs de fac , de acculs qu’ils dreflent avant que de commen- cer leur Charte , & il y en a une partie d’entr’eux qui y demeurent embufqués avec leurs armes fufdites pour les tuer à mefure qu’elles y font paflees.

Quant aux Renards gris & noirs qui font d’un très grand prix , auflï bien que des Martes , ils les vont chaffer dans un canton de fur une Riviere qu’on nomme la Sagenay du côté du Nort ; c’eft ils habitent de ils font leurs plus im- portantes Chartes , de ils rendent plus de peine pour y reliflir , à caufe du grand prix des peaux de ces ani- maux, dont ils ne mangent point, finoix des Martes, Et comme à prefentils

311. LE PARFAIT

ont des arquebufes , ils les tuent triquetrac, & il y en a qui font fi juftes avec leurs arcs* qu’ils n’en manquent point.

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La ÇhaJJe des Caftors & des Loutres .

LEurs plus grandes Chattes ordi- naires font aux Caftors. Ce font des bêtes qui tiennent plus du Loutre que d’aucun animal. Ils ont la queue plate comme une folle , & la tiennent toujours dans leau le plus qu’ils peu- vent. Leurs demeures font fur des pe- tits bras de riviere qu’ils bâtiilent ainfi. Ils ont des dents rres fortes dont ils coupent des arbres ou des branches pendantes en l’eau , & en amattent beaucoup fur eux 5 & bâtiflent des ter- riers avec des branches & de la terre enfemble , enforte qu’ils ont deux ou trois demeures les uns fur les autres, & cela eft fait comme un grand mon- ceau de terre & de branches, au bas duquel font leurs principales demeures

CHASSEUR. 315

pour tenir toûjoursleut queuë.en Teao ou fouvent la rafraifchir, fans quoy ils auroient peine à vivre.

Les Sauvages ont de certains Chiens prefque Sauvages qui ont les nez poin* tus comme Renards , lefquels rident, & quelquefois font un cris hautain quand ils font proches de la bête, qu’ils chaflent comme font des mâtins. Quand les Sauvages les entendent ils y courent & remarquent les demeures des Caftors , puis les ayant environés tant du côté des eauës que de terre 4 ils bouchent tous les paflages par elles fe peuvent fàuver avec du bois fi- ché en terre comme hayes , & après ils attaquent les demeures des Caftors avec des pioches & des coignées , & les rompent, prenant toûjours garde quand quelqu’une en veut fortir, fait par eau foit par terre, & les a dom- inent fi adroitement qu’il ne s’en échap- pe point au fecours de leurs chiens qui font drefiés à cette Chafle , com- me des baftèts à chafTer le blereau. Ü s’y rencontre auffi des grands Loutre^ bruns d’une extraordinaire longueur, dont les peaux font excellentes, & dons

324 LE P A RF AIT

ils font auffi bien que des Caftors, des robbes qui leur fervent de couverture. Ce font de ces robes dont on fait le plus de cas , parce qu’étant portées & engraiflees tant de la fueur des Sauvai ges que des graiiTes qu’ils manient & qu’ils efïuyent toujours à leurs robes* l’on en fait des chapeaux meilleurs que de Caftor neuf , car on a peine de mettre en œuvre les peaux neuves des Caftors, & il les faut mcfler. Lespaïs ils les chaffent font tous bois de haute-fuftaye qui couvrent ces pais de tout temps , deforte qu’il y en a une très grande quantité.

Quant aux Martes, Zibelines, c*e($ au Saguenay , ils en trouvent le plus du côté du Norr, principalement dans les païs glacieux qui font aux Mofcovites , dont il faut dire un mot.

La Mofcovie s’étend vers le Nort Artique , leur plus grand grand com- merce eft en peaux dont ils trafiquent par tout, comme peaux d’Originaux ( qui font des Eflans ) en peaux de Rangiers ou Rennes, de Martes, Zi- belines j Ours blancs & noirs. Re- nards noirs , Lievres &c.

CHASSEUR. 3ÎT CHAPITRE XL

La C baffe des Moscovites (ff

Lapons,

IJ T ce qui donne un grand revenu j au Roy de Mofcovie, c’eft qu’au lieu de punir les mal-faiéteurs , ils les châtient par l’exil dans les terres du Nortpour trois , quatre ou fîx ans, ou plus , en les alïujettilïànt de challer avec arquebufes , leur fournififant pou- dre & plomb , & toutes les choies neceflaires pour lui rendre par mois une quantité précilê de peaux de Mar- the , 6c autres félon le crime qu’ils ont commis , deforte qu’ils fe joignent plufieurs pour s’affilier les uns les au- tres, & pour en tuer davantage dans tous ces delerts qui font tous rem- plis de toutes fortes d’animaux , afin d’en fournir le nombre qui leur eft enjoint par leur ban , & pour regagner leur liberté. Et ainfi dans tous les pais du Norr comme aux pais des Lapons, dans la Corelie , Finmarchie font envoyés tous les mal-faiéteurs , lef-

3z6 LE PARFAIT

quels au lieu de la mort des galè- res , racheptent leurs peines , par d'au- tres qui retournent, au profit du Roy. Je nediray rien icy de la nature de tous ces animaux ny de leurs rufes , parce qu’on les châtie ordinairement |avec des chiens pour les tuer à coups de traits ou d’arquebufes , mais je fuis obligé de parler de certains animaux qu’on appelle Rennes qui ont des pro- priétés très remarquables qui pour- ront étonner le Leéfceur , & qui font plus confiderables que tous les ani- maux de ces païs froids.

Les Rennes font des animaux plus grands que des Cerfs & plus petits que des Eflans qui ont des propriétés très particulières , & qui font necef- faires au pais ils naiflent. Premiè- rement , c’eft qu’ils vivent de peu & ne mangent que de la rnoutiè des ar- bres ; parce que la Laponnie & au- tres terres du INort font ordinairement couvertes de neige huit mois de l’an- née, dont la fuperficie eft rendue fer- me par la gelée continuelle , & l’on n’y peut voyager que fur des traineaux qu’ils font tres-adroitement , & dan6

CHASSEUR. 3!7

lefquels ils fe font traifner par lefdits Rennes , les attelant avec des cour- royes de cuir large qu’ils font de leurs mêmes peaux. Ces animaux font fi adroits à traîner ces traîneaux ils font attelés au travers de toutes ces forêts vaftes , & remarquent fi bien les lieux ils veulent aller, & l’on les envoyé , ny ayant aucunes traces de chemins, qu’ils n’y manquent ja- mais , courans par tout feus eftre gui- dés des journées entières , & allant d’une viteife extrême : Si bien qu’ils font des trente lieues par jour, jufqu’à ce qu’ils arrivent aux lieux leurs Maîtres les ont envoyés , & que l’on ne connoît pas, qu’au moment qu’ils s arrêtent a la porte des maiions que l’on cherche. Dés qu’ils y font arrêtés le maître de la maifon fort & les re- connoît, & reçoit agréablement celui qui eft dans le traîneau, puis il prend les Rennes , les met dans des lieux exprès & les nourrit ; mais il faut fçavoir le myftere s c’eft que le maî- tre a qui font les Rerines, en partant leur a foufflé dans l’oreille & dit quel- ques paroles qu’on n’entend point «

5ag LE PARFAIT

8c fans lefquelles les Rennes ne patti- toient pas & n iroient point aux lieux on les veut envoyer. Je laiffe à de- viner ce que peut eftre ; mais il eft certain foit pour aller , foit pour le re- tour, que l’on leur foi ffle aux oreilles, & quand il faut plufieurs voitures, le maître ne fait que fonner d’un cornet au fon duquel viennent les Rennes , enfuite l’on les attelle , & le maître leur parle à l’oreille : incontinent ils partent tous , & s’en vont courans au travers les champs & forêts tant qu ils arrivent aux lieux ils font envoyés, & il ne fe voiture ny ne fe trans- porte aucune chofe que pat les Ren- nes , dans des traîneaux creux faits comme des tombereaux fe met l’homme & la marchandife , & celuy qui fe met dedans eft garni d’un pieu de longueur convenable qu’il tient a la main pour détourner les traîneaux des butes de terre ou des troncs & Souches d’arbres , & autres incommo- dités qu'ils rencontrent. Toutes les peaux des animaux qu’on tué font mis dedans par pacquets, toutes boitions 8c chofes neceüàires à la vie font «anfponées

3*9

CHASSEUR.

tranfportées de cette maniéré.

Je ne m’étendray point davantage fur la façon de chafler tous les ani- maux qui font dans ces pars gelés , parce qu’il n’y a autre fineflè que de faire triquetrac & battues, & de fui- vre la pifte des bêtes qu’on rencontre, pour les joindre , & que l’on tue à la même façon qu’il eft dit qu’on tuëîes Elans en Canada, & toute autre bête.

Il refte à dire comme les Sauvages tuent les Renards qui eft une adreife à fça voir , parce que les Renards fe tuent eux mêmes, & toutes bêtes car- nacieres : voicy comme ils font, ils attachent au bout d’une corde un mor- ceau de chair, foûrenuavec de petites fourchetes, & attachées à une arque* bufe qui mire tout le long , & eft pointée juftement pour tirer droit au morceau de chair, & il y a une fiflelle qui tient au clichet de larquebufe tou- te bandée, dont le badiner eft couvert d’une écorce d’arbre pour empefcher que l’humidité ne gafte l’amorce , en telle forte que l’on ne peut remuer ny branler le morceau de chair que la fiflelle tenant à la corde ne tire le clichés

Ee

330 LE PARFAIT

&c ne faffe tirer i’arquebufe, & pour faire que rien ne puiffe mettre l’arque- bufe hors de mire droit au morceau de chair , ils environnent de bois fichés en forme de haye, enforte qu’aucun ani- mal n’en puifle approcher ny la pren- dre ou la morde fans eftre tué : ainfi les Chafleurs ayant difpofé leurs ar- quebufes qui leur font fournies & dont ils ont provifion en tous les lieux ils ont reconnu que plufieurs animaux hantent,principalement Renards, Mar- tes , Foynes , Loutres , Caftors &c. ils en prennent plus en cette façon qu’au- trement : ilsfe fervent auffi de piégés, trous & folfes qu’ils amorcent pour prendre toutes fortes de bêtes tant quils puifient racheter leur ban par le nombre des peaux qu’ils doivent four, nir pour fe mettre en liberté , fk pour cet effet ils careffent les Sauvages & font amitié avec tous les habitans de ces païs ( qui font alfés charitables de leur nature!) pour tirer connoiffaneôf de tous les lieux il fe peut prendre facilement des animaux. Ces habitans les aflïftent & vont à la Chaffe avec eux, & quelquefois il arrive qu’il fe

CHASSEUR. 331

tient de fi fortes amitiés en tr’eux., qu’il y en a plufieurs qui s’y habituent quand ils ont les corps alfés robuftes pour refifter au froid qu’il y fait , & même s'y marient ôc deviennent riches quand ils font bons & adroits Chafièurs t parce que les peaux s’y vendent très bien, & qu’elles fe diftribuënt par tout le monde par les Mers qui en fontpro- I chaines.

Voila ce que j’ay Içavoir de tres- veritable des Chaflès qui fe font au pais du Nort des bêtes Quadrupèdes par gens qui y ont efté, & qui onteii la curiofité d’y chaiïer eux-mêmes.

Il ne refte plus qu’à parler de la | Pefche , à laquelle font adonnés tres- ordinairement tous les gens du Nord , i parce qu’ils ne vivent prefque tous que ide poiltons fallés, & des huiles qu’ils en tirent i ils ont une fi grande quan- tité de poifion, qu’ils en prennent tant qu’ils veulent : ils pefchent avec des ^filets pareils à ceux dont nous nous fervons , particulièrement de fables ] qu’ils traînent de la même maniéré que nos Pefcheurs , & ne les traînent gueres de coups qu’ils ne les emplif- Ee ij

3?i LE PARFAIT

jfent -, mais comme il y gele trop long- temps & que la glace les empefchede traîner , ils ont trouvé des inventions de traîner leurs fables fous la glace, ce qui fe fait ainiî. Ils font des trous éloignés les unc des autres de la lon- gueur d’une perche , 3c les continuent enfoite qu’ils puilfent palier leurs fa* b!es tout de leur longueur , 3c ces trous longs , ils les font avant que la glace foit épaiffe, 3c les entretiennent foigneufemenr , rompant tous les jours la fuperficie de la glace qui s'y fait toutes les nuits : puis après en une diftance telle qu’ils veulent , ils font de mêmes trous pour la fortie du fable, un peu plus grands que les premiers * jpuis pour tirer les fables ils percent plufieurs trous en une ligne droite allant de l'entrée de la fortie de leurs fables , 3c attachent la corde du fable à un bâton qu'ils paffent de trous en trous fous la glace tant qu’ils ont trou- vé la fortie , 3c font la corde du fable allés longue , 3c font la même chofe aux deux bouts de leurs fables , 3c quand ils ont pâlie les deux bouts de la corde, ils étendent leurs fables & les

CHAS SE VU. 5J3

jettent dans 1 eau. Le bas du fable s etend par le moyen du plomb qui eft attaché, Sc enfuice ils tirent les deux bouts du fable petit à petit tant qu’ils arrivent à la fortie , lequel ils tirent hors de l eau, fi plein de pofifon» que le plus fouvent ils en ont de refte Sc quelquefois trop, ils tendent auffi des jVergueils ddfousla glace, Sc pefchent ne à la ligne avec de grandes hai- nes qu'ils amorcent de chair, & pren- nent de fort gros poifions notamment beaucoup de Marfoüins , donc fis ti- rent toute Thuiie qu’ils mangent avec le pofifon qui les nourrit prefque tout le long de l’année.

| Q^nt à la Pefche de la Baleine & des autres grands portons , elle fe [ait l’Eté quand les Mers font dégla- ‘ees5 & la font de même que les Bifcaiens avec harpons Sc ferrement [emblables, parquoy je n’en dis rien* »arce que les autres en ont écrit.

La ChaJJe des Ours blancs.

LA Chaffe des Ours blancs plus grands que des hommes fe fait fur la glace le long des Mers, dont les bords font de bois , & dans quelques Ifles ils fe retirent, Plufieurs Sau- vages y vont en troupe armés d’arcs & de fléchés & de bâtons ferrés , de fourches, & des épées attachées à des demi-piques, & de torches flamboyan- tes qu’ils font de matières feiches im- bibées d'huile qu’ils ont en abondance, & attaquent les Ours qui font quel- quefois en troupe , & leur donnent des batailles. Les hommes y font fort robuftes d’une force extrême, & mar- chent en corps ferrés avec le meme ordre que pour combatre leurs enne- mis. H y a entr’autres des Ours d une grandeur effroyable qu’ils ont bien de la peine de vaincre , mais ils font fi acharnés à cette Chaffe, qu’ils ne la de- laiflènt point qu’ils n’ayent terraffe au- tant d’Ours qu’ils rencontrent , dont ils lèvent les peaux qu’ils vendent très

CHASSEUR. 335 bien , & de la chair ils en font leurs feftins 8c tabagies qui font les jours de leurs réjoüilfances.

Ils tuent auflï quantité de Chevaux ! Marins pour en avoir la peau 8c les dents quils eftiment beaucoup, 3e laif- fent le refte quine vaut rien à manger# Ils tirent feulement les plus grades dont ils font de l’huile pour leurs n crédi- tés > car il leur faut beaucoup de clarté les nuits qui font de fix mois durant tous les ans : mais en recompenfe ils ont de fi ^grands clairs de Lune Sc fi jbeaux, qu’ils égalent les journées fom- fcres des Hyvers aux autres lieux.

La nature a donné à ces Peuples jnne vigueur extraordinaire pourfe dé- fendre contre le froid , premièrement jils ne vivent que d’huile avec leur poiflon qui eft d’une qualité chaude : jils font grofliers, & ont plus de chair ien un bras que les plus groffes cuifïes des autres hommes : ils ont les cuiiïes êc les jambes charnues d’une monftreu® fe grofïèur , la tefte fort groflè , le vi- fage auflï fort gros & large s 8c tous les cartilages de groffeur double aux autres. Ils font vêtus de peaux très ve-

33é LE PARFAIT lues s ce qui les munit contre le froid continuel qu’ils ont , & font plus fo- jets aux maladies l’Eté que 1 Hyver pour l’extrême chaleur que leur caufe leur nourriture , car ils font grands mangeurs -y mais ils font fi pénibles & fi forts , que nuis autres hommes que de leur pais propres , ne les peuvent fuivre dans les travaux & dans leurs ChalTes ni dans leur Pefche, Quand ils vont pnefcher chacun porte fon ca- not fur fes épaules , Ôc tous les filets qu’il leur faut quapeine pourroit porter un mulet : tellement que quand ils vont en troupe , cela paroît un efea- dron de Cavalerie, foit quand ils vont pefeher fous la glace , foit quand ils vont attaquer les Ours les Loups dont il y en a quantité. Toutes ces Ghalfes fe font au Triquetrac. Les plus plaifantes Chafies qu ils font &C ils ont moins de peine » ceft la chafle des Oyfcaux dans de certaines Ifles ils fe retirent pour faire leurs nids qu’ils appellent d’un nom comme qui diroit leur colombier.

Ces Ifles font fi remplies d œufs de toutes fortes d’Oyleaux, qu ils en rap- portent

CHASSEUR. 337

portent plein des canaux , & de tous Oyfeaux qu ils artômment à coups de bâton , comme d’Oyes, de Grues d’Outardes de M -ts, d’Oyfeaux de ri- vicre, Si d une infinité d Oyieaux Mâ- tins qui le plus fouvent font attaqués des Loups & des Ours qui en vivent, ils partent à nage le long de l’t ré! i Mais il y a dans aucunes de ces des Oyfeaux d'une grandeur exceffive, qui ne font point dans les autres pais : ils font plus hauts de terre que des* hommes, & fe nomment Paingoüins , dis font plus grands que des Autru- ches, & ne volent quafi point à caufe de la grande pefanteur de leur co ps. Les Sauvages vont dans ces Ifl. s 4 ils habitent, & vont dénicher les œufs iqu’ils mangent avec leurs huiles en façon d’omelettes , & difent que ces lOyfeaux font excellens à mander c’eft pourquoy ils vont fouvent dans* ces Ifles dans la faifon que les pents font dans une grandeur raifonnable & ien artômment plufieurs à coups’ de bâton pour manger , & quand !cs Mers font gelees ils y partent enrrou- ipe fur la glace. Si attaquent les vieux

Ff

55S LE PARFAIT

avec dès fourches, léfquels fe défen- dent' f°!t comme <*eS °Ÿes lenaiîs

tous les becs tendus comme des pi- qués-, & tant qu’ils font en cette pôftute , les Sauvages ont peine de les aflbïhmer , mais iis tâchent avec leur demi-piqiies de les feparer ôr rompre: aüflï-tot qu’ils le peuvent faire ils en viennent facilement a bout ; car a tort & à travers leurs telles & de leurs corps ri frappent de telles fortes, qu ils en abattent autant qu’ils en touchent, fi bien qu’à la fin ils empUffent eut traîneaux, & les traînent fur a glace

iufqu’à terre :& puis ils font leur ta- bagies qui font les jours de leurs re- ioüilTances ; ainfi le printemps vis vi- vent de ces ceufs d’Oyfeaux , Eté 1 * vivent de leurs petits qu’ils dénichent : l’Automne ils vivent des jeunes Oy- feaux qu’ils aflbmment, & 1 Hyver des Vieux qu’ils tuent comme eft du : mais c’eft à diverfes repafes , car comme fis en ont trop ils les gardent po«t manger de temps en temps . pendant lefoueU ils chaflent pour avoir les neaux & ne delailfent point la pefihe, parce qu’ils font plus frians de poiflon

CHASSEUR. 539

que de viande , & enfin ils font les plus grands Challèurs du monde , car ils nont autre chofe à faire, & n’em- ployent aucun temps de leur vie qu’à chafier fans cefle.

L hilaire de lu GhuJJe des G cutis*

ANdre’ Thevet qui a navigê dix- huit ans durant dans toutes les parties du monde, parle commait. dement de Charles IX. Roy de France, vifitant l’ Amérique vers les terres Magellaniques fe trouva dans les cô- tes du Royaume de Chica , il vid plufieurs Geans , les moindres de douze pieds de hauteurs , d’une force 8c d’une vitefle fi extraordinaire, qu’ils furpafioient les Cerfs a la courie, 8c que l’un d’eux voyant dix Matelots rouler une tonne d’eau pour faire avgade , & fort empefehés à rouler ladite tonne , la prit par les deux bouts & la mit dans la naflèlle tout feul : ce que voyant ledit André Thevet, luy fit de grands accueils, & luy rendit témoignage par fignes d’une

F fi)

34o LE PARFAIT

grande obligation , luy donnant toutes, les marques qui fe peuvent imaginer de bien veillance & d’amitié.

Ce Géant voyant un fi petit homme luy faire de femblables carrefTes tomba en admiration, & le prit en amitié : il y a apparence qu'il eftoit un des prin- cipaux d’entr’eux , il le mena dansune maifon donc les étages étoient de vingt pieds de haut , & les portes larges & hautes a proportion. Ledit Thevet porté aufïi d aflf 6lion de faire un femblable & fidek, récit des cho- fes à fon Maître fe miGau hazard , Sc s’abandonna à la foi dudit Géant qui le reeeut fort bien chez luy. Après il retourna trouver fes compagnons , promettant par fignes qu’il viendroit le revoir : ce qu’il fit le lendemain , & converfant avec luy par les meil- leurs fignes qu’il pouvoir, & avec deux de fes enfans mafles , dont 1 un avoir neuf pieds de hauteur & l’autre plus jeune huit.

Ils luy montrèrent leurs arcs & ce- luyde leur pere , qui étoit prefque aufïi pefant qu’un baliveau , les pierres dont eft parlé ci-devant, donf

CHASSEUR.. 34Ï

ils chafloient , ils le retindrent plu- sieurs jours * lui fai faut bonne chere , & le menèrent à leur chaire qui étoit d’Originaux & de grands Bœufs , les- quels ils portoient par terre d’un feu! coup. Enfin ledit André ne fçichant rien connoître à leur langue, ne pût ap- prendre autre chofe du pais par leurs fignes, finon que c’éroit une terre perfonne ne hantoit V à caufe de I’ex- treme force & legerêté dont ces Geans font doüés.n!tft:ne fe fervoient point; d’autres aimes que de longs bâ- tons ferrés. Il leur fit prefent d’une chaudière & de quatre fortes coignées dont ils lui firent de très grands re- merciemens , 8c lui donnèrent tant de fignes d’amitié, qu’ilh’efir pas poflible davantage : mefme le reconduifirent jufqu’à tes navires , defquels fis me- furerent la longueur 8c largeur avec des fignes d’admiration , & fe fepare- rent d avec lui avec des marques de triftelfe.

Au bout de cette terre eft le détroit de Magellan , ledit Thevet palfa & entra dans la Mer pacifique , au long des côtes de laquelle du côté du F f iij

34i LE PARFAIT

Sud il vid grande quantité de feux la nuit j ce qui lui fit préjuger qu'elle étoit habitée , & la côtoyant de jour il vid grande quantité de peuples , hommes & femme tous nuds qui avoient tous leurs arcs à la main & des floches , comme s’ils enflent vou- lu défendre leur terre j mais à ilatve- rité c’étoient jdes jGbafïèurs qui fai- foient un Toiquetrac le long de cette côte > il y avait plufieurs fortes da* nimaux qui fuyoient devant eux , & dont ils tuoient quelques-uns en tr ‘au- tres.

llspenfoient faire amitié avec ces peuples , .&;leur<en donnoient tous les figues 3 mais jamais ces peuples ne rendirent aucun témoignage d’y con- fentir >: ains au contraire d'une hu- meur féroce oourroient vers les bords de la Mer , & tiroient aux navires de leurs fléchés avec cris , & les femmes tiroient & ,paroilToient plus fieres que les hommes, avec cris & hurlemens comme bêtes , ce qui fit qu’ André Thevet abandonna ces lieux, & re- paflà le détroit pour repafler en Aflti- que, ç& vifiter les R ois d’icelle pour

CHASSEUR.

reporter quelque nouveauté à fon Maître , ce qu’il fit avec fuccés , ainfi qu’il fe verra ci-aprés.

Le Sieur André Thevet & le Sieur Amérique Vefpafe rapportent ces mefmesçhofesde ce qui aellé dit de la Terre des Geans * & de la cote de la Terre Anftrale inconnue , habitée p^r desgens fifauvages, qu’il ne leur a ja- mais efté poffîble de les apprivoifer , deforte que tous les deux étans partis exprès pour reçonnoître cette terre , iis furent contrain ts de la lai (1er pour la brutalité & férocité de ces peuples.

Amérique Vefpafe pouffa bien plus avant le long de la côte pour la re~ connoître , 8c il ne vid jamais que quantité de feux le long d’icelle, 8c la nomme pour cet effet, terra del Fuego. Magellan vid aullî la mefme choie , 8c la tourna toute entière par Tefpace de trois mille lieues , & pa- yant pas efté agité d’aucune tempefte fur cette Mer s il la nomma Mer Pa- cifique.

Le Sieur Thevet donc en tqwc~ nant prit la route du Monomotapa fans doubler le Cap de bonne JEfpe- Ff iiij

344 LE PARFAIT

rance , mais tournant tout le long de la côte d’Affriqu'e voulut en vifiter les Rois , croyant bien y trouver quel- que chofe de fingulier & rare pour en faire le rapport à Ton Maître.

Le premier Roi qu’il vid étoit un grand Chilfeur, qui tenoit de grands équipa- ges de chiens pour chaflTer dans les mon- tagnes dotfon Royaume étoit plein,aux pieds defquelles il y a deux grands Lacs, donc l’un s’appelle Zemble d’où part le flruve Niger qui coule à l’Occident, 3c traverfant toute l’ Afrique va tom- ber dans la Mer Occane par fept bouches : l’autre s’appelle Zaire, d’où fort le Nil qui coule à l’Orient ÔC Nord , traverfant toute i’AAFHqtie va ton ber dans l’Egypte par lept bouches auffi.

Ce Roi du Monomotapa fait une vie fort agréable, cha (Tant toutes for- tes d’animaux 8c principalement des Licornes à force de chiens 3c de che- vaux qu’il mene avec luy , traînant avec foi grand nombre de femmes , félon la mode des Rois d* A Afrique'.

Thevet menoit avec foi un de fes neveux grand tireur , &c comme il

CHASSEUR. 345

alloit à la chafle avec le Roi qui avoir deux fils, il tiroir plufieurs Oyfeaux en voilant 8c plufieurs bêtes en cou- rant , dont le Roi étoit ravi , & aà- miroit tellement cette adrefle, qu’ils croyoient tous que cela vinft des ar- quebufes qu’ils croyoient vivantes : enfin ils familiariferent tellementavec ledit Thevet 8c fon neveu, qu’ils les obligèrent à demeurer quelques temps avec eux , pendant lequel ces jeunes Seigneurs eurent la curiofité d’exercer ces arquebufes.

Le neveu dudit Thevet leur montra à tirer fans leur dire l’invention de charger leur arquebufe , mais un jour comme il dormoit ayant laiffe fur la table une petite poire pleine de pou- dre , 8c un gros fourniment plein de poudre auflî , le plus jeunes de ces Seigneurs prit une de ces arquebufes, 8c tirant de la petite poire de la pou- dre il chargea trop l’arquebufe , puis la voulant tirer fur un Oyfeau , l’ar- quebufe le repoufïa fi fort, qu’elle le blefia à ia joue , 8c fit crever ladite arquebufe qui lui fit encore une con- tufion à la main ; furquoi le neveu de

LE PARFAIT

Thevet entendant le bruit & ne voyant plus fon arquebufe ni poire courut viftement voir ce que c’étoit, & trou- va ce jeune Seigneur bieffé à la joüe & à la main, le ramena vifte- n ent à fa chambre , & comme il étoit fort expert en chirurgie, le penfa 8c le guérit en fort peu de temps : le priant de ne point dire à fon pere, comme cet accident étoit arrivé par fa propre faute, lequel euft efté bien plus grand s’il euft prit le fourniment au lieu de la poire , parce qu’il étoit tout plein de poudre : car s’il euft chargé dudit fourniment , la poudre qui étoit violente euft fait crever Parquebufe en mille pièces , &tué le- dit Seigneur , lequel accident les euft tous perdus : enfin après avoir de- meuré deux mois auprès de ce Roi, Thevet lui demanda permiffion de fe retirer & d’achever fon voyage , lui promettant de le revenir voir. Il fit prefent d’une de ces arquebufes à ce jeune Seigneur , lui montrant comme il la faloit charger pour ne plus tom- ber dans la disgrâce qu’il avoit en- courue. Le Roi pour cet arquebufe

CHASSEUR. 347

lui fit prefent pour plus de dix mille francs. Ledit Thevet & fon neveu prenant congé du Roi receurent des témoignages de bien-veillance fi fa- vorables & fi pleins d amitié , qu’au retour du voyage des Indes qu’ils en- treprenoient , ils firent refolution de venir revoir ce Roi 8c ces jeunes Princes , 8c partirent doublant le cap dejbanne Efperance , & tombant dans le Canal de Mofant bic pafla la Mer Perfique , & côtoyant toutes les Mes, il arriva à celles des Moluques il y avoit un Roi très honnefte qui re- cevoir très bien les Etrangers , 8c il fe rencontra que ce Roi écoit auflï très grand Chafleur ; mais à trois for- tes de Chafles bien differentes : l’une à la ch r fie des Baleines ; la fécondé à la chaffe d’une bête qui a face humai- ne,! tonte femblableà celle des Sphynx quepsignent les Peintres & Sculpteurs; la troifiéme aux Fourmis grands com- me des chiens , qui au rapport de Belon gardent les montagnes d’or qui font en cette Ifle , toutes icfquelles trois Chafles je m’en vais vous dé- crire.

34§ LE PARFAIT

De la Chajje de la Baleine *

LA Baleine eft un poiflon qui fe plaid! fort dans les Mers ou le poiflon abonde : il y enagrande quan- tité en ces lieux à caufe de l'abondan- ce du poidon que ce Roi prend plaifir d’y chalT r fou vent. Pour cet eff t ils fe metta nt fur Mer dans de petirs vaif- feaux faits exprès 5 accompagnés de plufieurs autres , 8c d’une infinité de petites barquerolles dans lefquelles fe mettent les Indiens qui la chalfentavec harpons 8c cordages neceflaires.

Le Roi choifit un beau jour que les Baleines fe ) lient fur la fnperfteiedes eauës : suffi tôt qu’on en void une, elle efl environnée de ces navires eft le Roi 8c toute fa fuite ; lefquels lui jettent quantité de harponirqasDC^ chés à de longues cardes qui fcml pointus, qu’ils entrent dans le corps de ladite Baleine, laquelle fe Tentant pi- quée s’a baifle dans le fond des eaues entraînant les harpons avec les cordes qu’ils laiflent filer alfés pour aller juf-

CHASSEUR. 349

qu’à la profondeur de cette Mer , qui n a pas plus de quarante ou cinquante toiles de fond. La Baleine perdant beaucoup de fang par fes bleftures re- vient quelquefois au deiïus en fe de. menant ; on lui jette encore plufieurs harpons qui achèvent de lui faire per- dre le refte de fon fang ; & quandelle eft toute languiilànte on la traîne à bord : ainfi continuant à plufieurs. Le Roi fe divertit jufqua la fin de* cette ChaiTe & fe retire. II faut ici noter que prés de cette Ifle il y a un banc de terre de quarante toifes de pro- fondeur feulement , pareil à celui du grand banc l’on pefche les Morues au Nord , fur laquelle des profon- deurs des Mers viennent fe jouer les Baleines, qui donnent cette facilité de les prendre. Il n’y a que ce Roi de [toutes les Ifles d’allentour qui joüifle de ce bénéfice, à la faveur duquel il ;fait une très grande quantité d'huile qu fi vend par tout à tous fes voifins, & c eft un des principaux revenus de fon état avec les deux autres ChaiTes que je vais raconter.

La fécondé Chaftè que fait ce Roi ,

jjo LE PARFAIT

fe fait par neceffîté., parce que les ha- bitans de cette Ifle craignent extrême- ment cette bête à face humaine , & dilent quand elle paroift que c’eft le plus grand malheur qui puifle arriver à cette Ifle : voila pourquoi les habi- tans de ces lieux font extrêmement foigneux d’en remarquer la pifte qui eft le veftige des deux pieds de derrière faits comme d’un Lyon, & des deux de devant comme d’une main humaine , ayant les bras , l’eftomach & le refte du corps humain , excepté le derrière qui eft comme d’un Lyon de couleur jaune & brillante quand le Soleil donne deflus. Audi- tôt qu’on en aveu la pifte l’on eft vigilant pour tâcher de la dé- couvrir ; mais il eft fort difficile, parce quelle fe recele fort; quelque- fois elle parroift fur le haut des mon- tagnes , & fort rarement de fes ca- vernes au bas des obfcures vallées il y a des cavernes très profondes , Ô6 difficilement peut- on aborder.

Quand on la peut voir , on le rap- porte au Roi , lequel incontinenr fait amafter les peuples pour environner la montagne, en coupant le chemin des

CHASSEUR. 35f

profondes vallées font lefdites ca- vernes , dont elle fort pour aller manger au haut de la montagne cou- verte de fruits très dilicieux , defquels par apparence elle fe charge pour nourrit fa famille que l’on juge habi- ter dans lefdites cavernes par la pifte de plufieurs de ces bêres de grandeurs differentes , & qui fortent très rare- ment.

Quand la montagne eft enceinte d’autant de monde qu’il eft necellàire & que tout eft préparé le Roi fait faire un triquetrac , d’hommes & de chiens par toute la montagne pour lancer cette bête ; fi elle fe trouve, ce font des cris de joye de tout le monde ; mais affés fouvent elle fe retire dés quelle entend le moindre bruit : ce- pendant quand elle y eft on l’attend fur les paffîges defdites cavernes avec des tentes, bricolles 8c panneaux faits exprès , avec force gens qui tâchent de la tuer : lors que cela arrive ce font des réjoüiflances extrêmes quinze jours durant dans toute l’Ifl- , & le Roi en fait des frftins à tour le peu- ple en confiderauon de ce qu’on l’a

55î le parfait

trouvée , & que chacun a fait fon de- voir, & qu'elle eft pouffée à bout. Quand ce bon heur eft arrive , tous les peuples font des pteiènsà leur Roi» & c’eft encore un des principaux re-- venus de fa couronne, car chacun fait fon prefent de ce qu’il a de meilleur.

Quant a la troifiéme Chaffe elle le fait dedëux façons, l’une fort perilleuüe & païuculiere ; l'autre par la force & par l’artifice qu’on y apporte.

La première fe fait par des Chaüeurs que le Roi entretient qui s’expofent volonrairement au péril qu ils peuvent encourir , mais pourtant fe premunil- fent des artifices necelfaires pour évi- ter les dangers qui ne font que trop apparens. En cette lfle parmi les mon- tagnes & collines qui s’y rencon- trent, il y en a une qui eft dite la montagne dorée , en laquelle habitent de certains Fourmis grands corr.medes chiens qui font leurs terriers fur les plus hauts lieux d’icelle , & en les fai- fant & creufant ils tirent une terre du fond de la montagne qu’ils pouflentà la fuper ficie qui eft de pur or ; ainii qu’il fe void , quand le Soleil donne

CHASSEUR. 3j5

ddïus. Quand ces dns Chafleurs voyent briller de loin cet or au Soleil, ils tâchent autant qtvils peuvent de 1 aller quérir. Pour cet effet ils met- tent de petits fachess longs 8c étroits ddlus une femelle de Chameau qui nourrit un petit, lequel ils 1 ai (Tent ex- près au logis , 8c montent fur la mers allant fur l’heure de niidy droit aux lieux ils voyant briller ledit or , qui eft une heure en laquelle lefdirs fourmis font retirés au fond de leur caverne à caufe de la chaleur qui s’y fait : alors ils emplifltnt virement leur fachet cPor , les chargent fonda in fur la femelle d-efdits Chameaux & re- montent an plutôt d effets ; 8c s’en- fuyent à tonte bride en liberté droit àjeurs maifons, ils arrivent bien- tôt , car les bêtes qui ont grand défit de retourner à leurs petits vont d’uns vitdlè extreme- : ainfi ils évitent la fu- reur des fourmis , leiqueHes ayant ea le vent d’eux les pourfuivent fort loin^ mais la vi telle du retour de leur bête les fauve : une autre fois quand ils onc veu encore briller de . for fur lefdirs ,t£ 'us j ils y esic-pre a?ec

2

m LE PARFAIT

précaution pourtant de prendre an temps commode, ou de pluye, ou de Soleil , ou de vent , qui obligent lek dits Fourmis à ne point ou peu fortir des trous , & bien fouvent il y a des gens qui font attrapés , fans pouvoir *ftre fecourus \ mais ils font fi rufes & faits à cet exercice que s'ils voyent feulement un de ces fourmis au guet . ils n’approchent point delà montagne, ou fi y étans ils en voyent paroître quelqu’un, quoi que les betes foient preftes à charger , ils remontent fou- dain deflus fans le faire , 8c fuyans à toute bride fe fautent , leur monture étant de beaucoup plus viftequelefdits Fourmis.

L’autre façon eft plus perilleufe pour tirer cet or : mais elle fe fait aufli a force, & fe peut appeller une chaflè très mortelle , car quand on a veti la montagne toute brillante & couverte de cet or , & le Roi en ayant eu avis, il s’y tranfporte avec très grande quan- tité de Chafleurs & une très grande quantité de filets faits exprès pours’op- pefer à ces Fourmis, 8c les empefcher d’exercer leur fureur fur les hommes.

CHASSEUR. m

ïls commencent donc à tendre ces filets le plus proche des trous qu’ils peuvent eftre tendus, nonobflant la fortie de ces bêtes , caron a choifi le temps propre il en paroic le moins : après Ton tend des parcs quarrés de filets , dans lefqueîs fe mettent les hommes , on en fait un pour le Roi & les Chafïeurs avec plufieurs tam- bours & inft rumens qui font grand bruit , Ton tâche de les épouvanter par avec des cris redoublés qui ac- compagnent celui des tambours. Lef- dits animaux au premier bruit s’ar|ffc§nt un peu étans épouvantés» Lefdits parcs qu’on a faits font de telle forte, qu’ils fe roulent , & on les approche des trous : on y mene des chiens qui font drefTés à combatre lefdits Fourmis 3 lefqueîs s’épouvantent à force de la continuation du bruit , & rentrent peu à peu dans leurs trous , non fans grand combat & mortalité defdits animaux s car pour les hommes ils fe font pré- munis de peaux de buffis ôc d’écailles, de rhinocéros & de femblables autres peaux pour fe garder d’eftre bîeffés : ainfi quand tous les Fourmis font ren- Gf if

35<S LE PARFAIT

très , Ton tend des fi-ets fur les trous pour empefcher qu’ils ne reportent, Bc 1*011 charge généralement tout 1 or qu’on rencontre , a quoi font merveii- leufement entendus tous les habitans du pais Sc tous les Cha fleurs.

Cette ChafTe generale le Roi pre- fent , ne fe fait que dans un certain temps auquel l’on n’a pu auparavant en recouvrer que peu moins qu à 1 or- dinaire , & auffi lors qu’on attend les vaiffeaux qui en doivent trafiquer : car on ne peut pas fouvent faire cette ChafTe generale , la plufpart de ces animaux ayant efté blefTés , ôc n’ayant refaire ni approfondir de nouveaux trous : mefme les habitans de ce lieu difent, quand cela eft arrive que ces Fourmis abandonnent iefdits trous , &c en vont faire d’autres dans les montagnes prochaines ; aufit ne fait on ces grandes Chaffes que lors qu’on void la montagne plus fterile , (k qu’il en fort moins d or pour obli- ger les’ Fourmis a en choiftr une autre plus fertile que la première.

C’eft ainfi que Belon Auteur très illuftre rapporte qu’il a de fes prir

dré Thevet !a confirme, non pas pour 1 avoir vu , mais pour Pavoir fceudef- dits habitans de cette I fie , 5c du Roi qu on la feroit bien- tôt , 5c qu’il lui montreroic lui tnefme s'il vouloit fé- journer quelque peu.

Eft à noter que ces collines retirent ces animaux dont on tire Por pur font la plufpart fablonneufes ; mais proche d’autres montagnes voifines qui abondent tellement en fruits déli- cieux , dont ces Fourmis font frians, qu’ils ont dequoi s’y repaiftre pleine- ment fans en faire aucune provision* comme font les autres Fourmis és au- tres lieux de la terre, par la raifon que cette lOêt eft fituée en la Zone torride, il fait toujours chaud, Sc ou les fruits croilfent en toutes les fai- fons de l’année.

Après toutes ces courfes André Thevet reprenant le chemin de k France s’en revint par la côte d’Affd- que revoir fon Roi du Monomotapa qui Pavoit fi bien traité.

il arriva donc chez lui (ans infor- tune 5 le Roi le receut encore plus

3,8 LE PARFAIT

favorablement que la première fois ^ & le retint quelque temps pour lui faire voir quelques raretés qui fe ren- contrent dans fes montagnes, il lui fit voir enn’autres chofes rares la Chaffe de la Licorne qui eft frequente en fon Royaume , mrfme il lui fit prêtent de deux cornes de Licorne, dont il yen à encore une qu’il rapporta au Roi qui eft dans leTrefor de Saint Denis proche Paris , de de plufieurs autres animaux que nous ne connoiffons point en Europe,

Il lui fit voir encore la Chaffe de la Tourtuë , qui fort des bois le Iqng de la Mer pour fe rafraifehir , & vraye- ment c’eft une chofe extraordinaire de les voir auffi grandes qu’elles font, les unes d’un pied de diamètre , les au- tres de deux , & d’aucunes qui vont à trois. Quand elles relèvent ôc for- tent du bois , il n’y a point d autres fineffes à cette Chaffe que de mettre des hommes cachés au bord du^bois pour les voir fortir , & des qu elles font à vingt trente cinquante pas hors du bois , courir à elles , & de les tourner fans deffus deffous , avec des

CHASSEUR. 359

'Leviers : quand la tortue eft ainfi tournée elle ne peut jamais fe remet- tre fur pied , & on les tue facilement* & on tire leurs écailles pour porter en France , & ailleurs pour faire de tres- beaux ouvrages. Il y en a fi grande quantité qui defcendent des bois à certaines heures , que cinq ou fix Chafleurs en prendront très grande abondance , les laiflant, comme il eft dit retournées, mourir fur le fable juf- qu’à ce qu’ils ayent le temps de les venir charger.

Ce Roi avoit une infinité de pierres precieufes, entre lefquelles étoit une Efcarboucîe large comme une piece de trente fols qu’il portoit toujours fur la tefte à fa barrette ou coiffure , laquelle en pleine nuit brilloit & éclai- roit comme un flambleau. Ledit The- vet fit encore un prefent à ces Prin- ces de deux arquebuf^s avec de la poudre 3c du plomb fuffifammentpour les exercer aux petites Chaftes , & mefme gibier ce Roi & fes enfans s’exerçoient fouvenr. Il receut dudit Roi un don de pierreries vallant plus de dix mille écus : & quand il le falut

;6o LE PARFAIT

quiter 8c partir pour venir en France vers fan Maître ; ce fut avec de fi grandes difficultés, qu’il fallu promet- tre de le revenir encore voir une au- tre fois, & lui faire voire des chofes rares qu’il lui promit de rapporter.

Thevet continuant fon retour vifita tous les Roys de la côte d’Aflfrique a la faveur de la recommandation de l’Empereur du Monomotapa, vid tou- tes- leurs Chafles, participa à tous leurs plaifirs , & receut toutes les grâces que peut un favori de ce grand Em- pereur j defqueltes ChafiTes, moeurs & plaifirs nous venons de parler.

Toutes ces ChaiTes ci-deffus écrites, & toutes ces façons de faire m ont efté confirmées par plufieurs Portu- gais qui vont tous les ans en A Afrique ^ Sc qui y ont des habitations , force- reffes 8c magalins , 8c y mettent en referve toutes les choies dont ils tra- fiquent avec les A Africains* Ils m ont me (me affuré que dans le Royaume de Manicongo qui eft la demeure des Noirs voifins du Royaume d In go! a &4e la Fonerefie qui leur appartient, le Roi des Noirs avoir- petnvis aux

' François

CHASSEUR. 3 François & Portugais de faire U Chaflê des Chevaux Marins , dont ils tuoient une très grande quantité dedans les bayes d'où la Mer fe re- tire , & lefdits Chevaux demeu- rent à fec tant que la Mer y revienne, étant animaux amphibies qui vivent dedans & dehors de l’eau mefme plufieurs Marchands François , An- glois & Portugais avoient fait une grande dépenfe en focieté pour conti- nuer cette Chailè qui n’a reüflir, par la raifon qui les avoir obligés de faire ladite dépenfe , qui étoit3 que les cuirs de ces animaux pourroient fe corroyer comme ceux de terre , mais n’ayant pas efté trouvés naturellement bons ni pouvoir refifter au courroys ils ont tous efté gaftés , & cela leur à fait delai lier cette enrreprife , dont le Roi des Noirs a eu du regret , parce qu’il efperoit en tirer du revenu & de la contribution. On ne JaiiTe pas d’y aller tous les ans , & d’y porter des marchandifes pour troquer contre cel- les du pais. Le Roi eft afles affable pour obliger les Marchands à y con- inuer leur traité : ils dilènt que ce

H h

: r ]L-

LE PARFAIT

Roi eft grandiflimc Cha fleur, pnna. paiement des Singes & des P «mes 5* Autruches , dont fls débitent une grande quantité par toute 1 Tav déduit ci-deflus la façon & ma- nière de les chafler & les prendre.

Plufieurs petfonùes dignes de foi m’ont fait récit de la Chalje des Cro- codiles qui eft un animal fort dange- reux & mal faifant , haï & redoute en £crypte le long du Nil , comme aufli dans le Fleuve Niger il y en a Sis, mais par tout «es f-mcieux & voraces , & comme il eft haï & redouté , les habuans de ces lieux ui font la chaiTe & le tuent en toutes les façons qu’ils peuvent imaginer.

Premièrement ils mettent une arque- bufe toute chargée & amorcee en tell forte quelle vife tout droit en une corde laquelle ils attachent une fiïelle qui peut faire détendre le ch-

le dt q»on «>«1* 1* “'a'

W de lamelle* mettent «ne.moice

d°„“ etot morceau de chair ou de foye

de b*uf que ledit Crocodile veut ve-

d5 ° étant extrêmement frian

nit manger , étant, . .

1 cette” amorce , & comme il a la

CHASSEUR. 3sj

gueule très grande, & que c’eft un animal le plus vorace du monde , il veut engloutir ladite amorce attachée au bout de la corde , qu’il ne peut pas manger ni engloutir fans faire la f- cher le cjichet qui eft attaché à la fif- felle qui tient la corde , dont l’arque- bufe part & tire droit dans la gueule du Crocodile, & lui perce toutes les entrailles.

Il faut noter que l’arquebufè doit eftre attachée à quelque pieu ou arbre & que l’amorce doit eftre couverte d’une écorce d’arbre pour eftre coa- fervée de la pluye & en état de prendre, parce que fi l’arquebufe n’étoit point attachée , le Crocodile en fe battant l’entraineroit dans l’eau ; voila un des moyens premiers dont oa fe vange de ces animaux rapaces.

Un fécond moyen dont les habirarts du lieu le chaifent & le prennent, c’eft qu’entre deux pieux plantés ou arbres ils pendent la carcalfe d’un mouton ©à d’un veau ou d’un afnon dont ils f©nc fort frians : entre ces deux arbres ou pieux l’animal étant pendu feulement la hauteur d’un pied de terre, ils ran-

3*4 LE PARFAIT

geiu dans cette carcaffe trois ou quatre forts haims : ce Chafleur a première- ment reconnu ou le Crocodile hante, 8c mefme l’a amorcé de quelque appas qui a quelque forte fenteur , & quand la bête a pris l’amorce , elle ne man- que pas d’y revenir , puis après les haims rangés, comme dit eft, 8c la bête étant fortement attachée aufdits aibres ou pieux on la lailïe la j 8c le Challcut monte fur un arbre auprès, qui a veuë fur le Heu pour voir quand le Croco- dile viendra engloutir cette amorce : ce qu’il fera prefque à la mefme heure qu’il a pris la première : il fort donc du Nil & s’en vient tout dcoit englou- tir ladite bête pendue & fe trouve ac- croché par quelqu’un defdits haims ; ce que voyant ledit Chalïeur il defcend de l’arbre avec une coignée & achevé de le maflacrer.

Le troifiéme moyen eft de connoî- trele lieu hantent les Crocodiles, 8c les y amorcer par des appas frians qu’ils aiment : pour cet effet il faut faire des gobbes quantité qu’on met dans des boittes de fer blanc , lef- syiels on porte dans les lieux amorcés

CHASSE U R. 365

qu’on met fur des piquets larges afles pour les foutenir : puis il faut épandre un peu de lablo autour des lieux lefHits piquets font plantés , pour voir les piftes des animaux qui les mangent afin de voir fi c'eft le Crocodile. Qui; conque veut faire la dépenfë de plan- ter de ces gobbes en tous lieux ils font tourmentés le long des eauës , des Crocodiles, en un mois il les fera mourir tous auffi bien que les Loups & Renards le long des bois.

cintre moyen -pour garantir les troupeaux des beftiaux.

LA nature du Crocodile eft de fereJ paître plutôt fur terre que dans l’eau, dont l’on s’apperçoit facilement, parce que s’il prend du poiflon il va le manger fur terre : il n’y a point de troupeaux qui paiflent le long des Fleuves il y a des Crocodiles qu’on ne s’apperçoive ce jour que le trou- peau ne retourne point tout entier à la maiibn : auffi les Bergers font leurs plus grands ennemis , & leur font H h iij

3éé LE PARFAIT

plus la guerre.

Après la Chaflfe du Crocodile qui eft m animal raviflant, & qui caufe bien du mal aux habitans qui demeurent le long du Nil, je puis dire qu’il y a en- core des Monftres amphibies le long de ces Fleuves aufli pernicieux quelefdits Crocodiles. Les habitans du pais leur font la guerre en tant de manières , comme gobbes ; piégés & poifons , forces Ôc amorces s bref en tant de façons qu’il feroit trop long de les fpe- cifier : mefme dans les deferts quetra- verfe le fleuve Niger dans toute la Lybie il y a une infinité de Monftres , ainfi que rapporte Leon l’Affricain dans fon hiftoire, que preG» que tous ces pais font inhabités : je n’en diray rien davantage, parce qu il n’y a que des objets de cruauté qui affligeroient plutôt le Lefteur que de le di vertir en. aucune façon , n’y ayant aucun fujet d’y parler de la Chafle ni de faire aucun récit du peu des habi- tans de ces lieux qui virent aufli beftialement que le peuvent permettre les dangers ils font expofés.

Je finis donc par l’hiftoire de quel-

CHASSEUR. 33S7

ques Rois des Noirs qui s'étant affo- ciés plufieurs enfembie , voulurent avec force convenable découvrir les pais voifins de ce Fleuve, dont l'entre* prife leur fut fatale, car ne trouvant rien que des deferts , ils rencontrèrent tant de Monftres & de Dragons vo- lans, qu'ils furent contrains après plu* fieurs journées de rebroufFer chemin* avec perte de la plus grande partie de leurs équipages qui furent attaqués en une nuit par plus de trente Dragons & de plufieurs bêtes feroces, qui Feirs- bloient s’eftre ramafles pour leur faire la guerre : fi bien qu’il s'en falut re- tourner diligemment , & cheminer le jour vers les habitations pour fe met- tre en feureté.

Pour donc parler de l’Àffnque cer- tainement, & de toutes les Chafïès qui s*y font , c'eft plutôt un théâtre d’une très cruelle guerre continuelle qu’il faudroit écrire, que de raconter quelque diverfité de quelques Chaflès de ces lieux : car au lieu les plus leurs qu’on puifTe chafler , il y a toujours grand péril d’y rencontrer des Monf- tres qui s’acharnent fur la chair bu- H h iiij

3é8 LE PARFAIT

maine : fi bien que les grands Sei- gneurs 8c Princes qui s’y veulent un peu écarter ne cha fient qu’avec crainte, & mefme auparavant que d’y aller font faire des reveues pour le pouvoir faire en feureté.

îl y a mefme des hommes qui font fi hideux 8c fi contrefaits", dont j’ay veu les difformes figures en Angle- terre, dans les tapifieries que les Rois d’Angleterre ont fait faire de tontes les chofes les plus extraordinaires qui font en ces pais inhabités, qu’on ne les peut regarder qu’avec horreur ; c’eft pourquoi jelaiflc cet ennuyeux entretië pour dire que cette terre des Monftres ieroit infiniment agréable fi elle n’a- voit point les incommodités qu’elle a, parce qu’il y croift fi grande abondance de fruits 8c de toutes autres fortes de chofes necefiàires à la vie,qued’afFreufe qu’elle eft, on pourroit dire qu’elle de- viendroit la plus delicieufe terre du monde, 8c qn’on y pourroit vivre auflt heureufement qu’en toute autre partie de terre habitable.

F I N.

CHASSEUR. 3 U

Explication pour entendre tous les Termes des Chajjeurs & four eri bien parler \

LA Corne du Cerf fe nomme le Bois du Cerf.

La tête du Chevreuil fe nomme la Corne.

Le bas de la tête du Cerf s’appelle les Meules.

La greffe branche qui fort des Meu- les s'appelle le Marin.

Les Andoüilliers font les petites cornes qui forcent du Marin, on les nomme Chevilles.

Les premiers Andoüilliers eft le plus proche de la Meule, 8c enfuice les au- tres i, z j 3. &c.

Le haut de la tête fe nomme Ra- mure.

Les Têtes ramées font ou couron- nées, ou pommées, on fimples de trois par à mont ou de deux.

37 o LE PARFAIT

L'âge des Cerfs fe connoîr par Fou- verrure de la tête, par la grofleur du Marrin* par les rayeurs plus creufes 9 par les pertures plus greffes , par les andoîiiÜiers plus prés des meules, par la largeur du talon du pied de de* vant , par la petiteffè du pied de der- rière , par le méjuger quand le pied de derrière n’entre point jufte dans celui de devant.

Les Cerfs la première année font dits Faons.

La deuxième année font dits d’Agueti

La troifiéme année font dits Cerfs a la première tête.

La quatrième année font Cerfs à leur fécondé tête.

La cinquième année font Cerfs a leur troifiéme tête.

La fixième année font Cerfs de dix cors ieunement.

La feptiéme année font Cerfs de dix cors.

La huitième année font dits grands Cerfs.

La neuvième année font dis grands vieux Cerfs.

Le Rut, c’eft quand les Cerfs font

CHASSEUR. 371

en chaleur, & couvrent les Biches, ce qui arrive à la fin & tout le mois de Septembre , plûtôt ou plus tard félon la chaleur des pais.

Ils fortent du Rut tout le mois d’O&obre, & vont prendre la pointe des bruyères pour fe refraire.

. Mettre bas , c’eft quand la tête des Gerfs tombe tous les ans en Avril» ou plutôt félon l’âge des Cerfs » & félon les climats plus ou moins chauds , les vieux devant & les jeunes après.

Le Revenu, c’eft une maffè de chair qui fe forme de vers blancs qui leur rongent la tête en dedans la racine, SC qui font tomber le bois.

De ces mefmes gros vers fe formé une mafle de chair couverte d’une peau velue', dont fe fait la tcte qui s al- longe & fe forme en tête , & quand elle eft allongée les Cerfs vont aux frayoirs , qui font des arbres ou il a frotté , & cette peau tombe par lam- beaux, & cela fe dit frayer.

Brunir , c’eft quand cette peau eft ôtée, les Cerfs teignent leur bois aux charbonniers, ou aux terres rougeaftres qui donnent la couleur à leur bois.

37î LE PARFAIT

Prendre b ni (Ton , c'eft quand les Cerfs vont choifir un lieu fecret pour faire leur tête quand ils ont mis bas,

L'efcuyer eft un jeune Cerf qui ac- compagne un vieux Cerf.

Hardes de bêtes , c'eft quand elles font ramafîées enfemble.

Il faut notter que quand cela arrive, toutes les bêtes fe mettent enfemble félon leur âge.

Viandis, c'eft quand les Cerfs vont aux jeunes tailles broutter la fuper- ficie du jeune bois.

Hardées , font les ruptures 8c fracas du bois qu'ils font dans les jeunes tail- les , ce qui n’arrive gueres qu'au Bi- ches qui viandent gourmandement.

Les Cerfs ne font pas de mefme J car ils ne viandent rien qu’à la pointe du bois : & l’on nereconnoîtles Cerfs qu'à leur viandis feparés des autres.

Gagnages , c'eft quand les Cerfs vont manger les graines à la cam- pagne.

Rembucher , c'eft la rentrée des bêtes dans le bois.

Repofée , c’eft le lieu les bêtes fe couchent dans le bois.

CHASSEUR. 375

Demeure, font les lieux fe reti- rent les betes félon la diverfité des fai- fons.

Fumées , îont les vuidanges ou ex- cremens des bêtes.

Trochrs , (ont les fumées d’hyver, & celles d’été font rondes & huileufes quand les beces /ont en venai/on.

Les Tefticules des Cerfs fe nom- ment daintiers.

Les menus droits d’un Cerf font la langue, le meufle & les oreilles.

L’os du cœur d’un Cerf eft bon aux accouchemens.

Le revenu diftillé aide fort aux mê- mes accouchemens.

Le mafacre d’un Cerf , c’eft la tête feparée du corps.

Le Forhu, c eft la carcallè dont on fait la curée.

Les dedans font encore pour la curée.

Fourbur, c eft faire venir les Chiens ou Ton veut , & cela fe fait par les cris 8c parle fonner.

Quand ils branlent du change pour faire craindre les Chiens , Ton crie harry^ harry.

Pour faire retourner les Chiens quand ils font hors des voyes , l’on

,74 LE PARFAIT

Chien. fo«

terme pour faire requefter les Chiens

quand ils font en défaut.

Limiers font Chiens dreffes pour

aller au bois. A .

Toucher au bois , c eft quand le Cerf dépouille la peau de la tete, l’on dit qu’il a touché au bois.

Connoiffance , eft quand un Cerf fe peut distinguer des autres , on dit qu U a une connoilfance. .

Fourlonger , c’eft quand un Cerf s’éloigne fort des Chiens.

De hautes erres , eft quand un Cerf a eu le vent du '.trait <\™nà, on Vf' tourne le matin , & qu.jl J enva ho[S de fon encinte , ou quil fan de très

i0L8eUvem durait, eft quand le Cerf le matin à le vent du Limier, fouvent il s’en va de hautes erres, &1 on trouve buiflbn creux. , »

Builfon creux, c eft quand onn rien trouvé , ou qu’un Cerf s en eft allé de l’enceinte.

Les Chiens de Meutte font les pre-

CHASSEU R., jyj

miers qu on donne au laiiïer coure.

Vieille Meutte font les féconds Chiens qu’on donne après les premiers.

Relais font plulïeurs i, 2, 3. qu’on donne l’un après l’autre, aux lieux & refuites ils ont efté envoyés.

Les fix Chiens, font Chiens de re- ferve qui regardent le change qu’on donne quand la Chalïè eft avancée.

Randonnées des Cerfs , font les lieux ils fe font battre dans l’é- tenduë de leur courfe.

L alfemblee eft le rendes- vous de tous les ChalTeurs fe font les raports.

Raports, le font par ceux qui vont au bois.

Sur aller , c’eft quand un Chien paflè fur les voyes fans crier, & fans donner aucune marque que la bête y a paflé.

Voyes fur marchées , font celles que foulent les Chevaux & les Chiens dans quelque retour.

Brifées fe font des branches qu'on jette au chemin dans l’étendue des quelles.

Départir lesquelles , c’eft aflîgner à chaque venue qui va au bois les

376 LE PARFAIT

cantons de la quefte.

Brifer , c’eft rompre du bois pour marquer le lieu qu’on veut retrouver.

Frapper aux brifées , c eft quand le Veneur qui a fait fon raport va biffer courre.

Lancer , c’eft donner un Cerf aux Chiens. j

Tranler , c’eft quand on n a point détourné , & qu’il faut en quefter un au hazard.

Requefter , c’eft quand il y a un un défaut.

Pifte , c’eft un mot general pour toutes fortes de bêtes, mais d’un Cerf on dit la voye.

Bête noire , eft un Sanglier Mar- caflin, eft un jeune Sanglier, bête de compagnie eft un Sanglier d un an.

A deux ans il fort de compagnie, & eft dit Ragot.

A trois ans il eft dit Sanglier en ion tier an.

A quatre dit ans5il eft en fon quart an*

A cinq ans, il eft dit Mire.

A fix ans , il eft dit grand Sanglier.

A fept ans, il eft dit grand vieux San- glier.

Les

CHASSEUR.' 377

Les Lunes font les tefticules dhm Sanglier.

Les Layes font les femelles , qui font dites félon leurs âges , jeunes* grandes 3c vieilles.

Les lieux repofent les Sangliers* font dits les bauges.

Bouttis, c’cft ils font des creux pour chercher des racines.

Les têtes des Sangliers font dites hures. T

r Les os de derrière les jambes pro- che les pieds font dits les gardes.

Les lieux fourrés & les épiniers font dits les demeures des bêtes noirs.

Loups mâtins* Loups lévriers, Loups cerner $>

Litreawx, iont les lieux ils repofent.

Les 1 elfes, font les lieux ou ils éguif- fcnt les- ongles.

Les vuidanges des Loups font dites fientes.

^ Harlon , font les termes dont on crie à veuë.

Hou s hou , eft le terme dont on ani- me les Chiens quand on le chafïe.

Le Heu repofe le Renard fe dit ia forme»

li

LE PARFAIT

A veuë du Renard Ton crie vellau . Catteroles, font les lieux les La- pins font leurs petits en terre * & les rebouchent tous les jours jufqu’à leur fortie.

Vermiüoner (e dit du Blereau quand il cherche des vers pour le pâturer * on envoid les apparences par la terre

qu’il remue.

Le gifle eft le lieu repofe le Lievre. Vellau fe crie à la veuë du Lievre. Relaifle , c eft quand un Lievre eft courru qu’il s’arrête eftant laffe , & ce rafé, quand il ne fait point de gifle. Haze eft la femelle.

Rouquet eft le malle du Lievre, il y en a entr’eux plufieurs qui fontmafle & femelle.

Decoupler , c’eft donner la liberté aux Chiens qui fon couplés deux à deux avec un couple de crain.

Relancer , c’eft relever un défaut & faire repartir le Lievre quand il eft relaifle.

Rufer , c’eftquand une bête courruë effaye d’ôter la connoiflance de fa pifte aux Chiens.

La botte , c’eft avec quoi on mens

CHASSEUR. 379e

le Limier au bois.

Revoir , c’eft la pifte qu’on void de la bête,

Beaurevoir, c’eft quand il a plaine a plain trait, c’eft quand le Limier bande fort fur la botte , & fur le traie eftant fur les voyes.

Routailler , c’eft fuivre une bête avec le Limier, pour la faire tirer avec Arqnebufiers.

Chien fecret . c’eft un Limier qui pouflè la voye (ans appeller.

Coailier , c’eft quand les Chiens queftent la queue haute fur de vieilles ou nouvelles voyes,

Rebaudir, eft quand les Chiens ont la queue droite le balay haut, & qu’ils fentent quelque chofe d'extraordinaire*

Raprocher , c’eft alier quérir une bête forlongée.

Parchafler , fc eft finir la ChalTepaf la, prife de la bête chaflée*

RachafFer, e’eft une charge deRa- chafleurs qui font obligés de nourrir des Chiens qui ne fervent qu*à rechafc fer des bêres écartées aux buiflons , alors qu’elles font forties des forets ÿ & quand elles font rentrées, fe retirer.

I i i)

cuir longue qui fe met au col des Chiens trop vires pour les arrêter.

Bricoles , c’eft une invention pour empefcher les Chiens d’aller trop vides devant les autres.

Barer, c’eft quand un Chien balance fur les voyes.

Couper , c’eft quand un Chien am- bitieux veut gagner la tece de la Meute ou qu’il manque de force.

Chien armé ou jacqué , eft quand il eft couvert pour attaquer le Sanglier , l’on dit longer un chemin , eft une bête qui enfile un chemin.

Babillard , eft un Chien qui crie hors des voyes , 5c le plus fouvent

d’ardeur. ,

Menteur eft un Chien qui cele la

vove pour gagner le devant.

Vicieux, eft un Chien quichafte tout, él qui s’écarte toujours de la Meutte.

Chien de tête , c'eft à dire un chien d’entreprife.

Le nez dur, eft un Chien qui rentre mal- aifément dans la voye, 5c reprend

lentement.

Chien de haut nez , eft un Chien

CHASSEUR. 3gg

qui va requérir fur le haut du jour.

Le nez fin, c’cft un Chien qui c halle bien dans les chaleurs Ôc dans lepouC. fier.

Lévriers harpes, font ceux qui ont îe devant & les côtés fort oüalles ôc peu de ventre.

Etriftés, eft quand ils ont les jarets bien faits.

-Nobles , eft quand ils ont la tête pe- tite 5c longue , Tencolure longue ÔC délice, le râble large ôc bien fait , & que ledit rable continue tout d’une

pièce.

Gigottés , eft quand les os des han- ches font éloignés 3 ôc qu’ils ont les gigots courts Ôc gros.

Le beugle du Bufle.

Le cri ôc le beugle d’un Ours.

Le braire d’un A fne fauvage.

Le baret d’un Eléphant.

Le mefme Baret d’un RhinoceroL

Rugir d’un Lion.

Le cri des Léopards , de la Panthère & de la Giraffe.

Le cri ou fifflement du Tigre , le hurlemeut du Loup.

Le cri d’un Loup cervier, du Chat

38i LE PARFAIT

harets & du Renard.

Le râlé d’un Cerf & d’un Dain.

Le cri d’un Lievre clair & du Lapin.'

Le cri du Chevreuil & d’un Faon. Appeller fur lesvoyes, eft quand un Chien chaflè.

Belle gorge de Chien , eft quand il crie bien , & qu’il a la voye groflè &

Aboyeurs, eft une forte de Chiens pour Sanglier , & qu’ils l’aboyent fans rapprocher.

Japper, eft quand un chien crie la nuit ou de jour quand il entend du

bruit. r ,

Aboy des mâtins , eft quand m ten- tent le Loup ou quelque chofed étran- ge au tour de la maifon.

Chien babillard , eft quand un Chien crie hors des voyes ou qu’il crie des matinées.

Le Chien hurle quand il y a des Chiennes chaudes 8c qu'il ne peut les aller joindre , ils hurlent aufli quand ils Tentent les Loups.

Rider , eft quand un Chien Tint la pifte d’une bête Tans crier.

CHASSEUR. 385

Des O y féaux de proye .

Les Perrons font les peres & meres*

Le bel Autour , eft quand il court, bien cœuré, bas aflïs & les ma- butes larges.

Les Oyfeaux de leuré font bienfaits quand ils ont les mahures hautes , les reins larges , bien croifées , hasaflis* court- jointées , les mains longues & les levres fortes.

Xesairs des Oyfeaux font leurs nids.

Les mahutes ce font les hauts # des ailes prés du corps.

Croifées , c’eft quand fes longues pannes fe croifent bien.

Les pannes font les longues plupaes des ailes.

Court-jointés , c*eft quand les jam- bes font de médiocre longueur.

Le crac , eft un mal qui vient aux Faucons.

Les mains grandes , les fertes lon- gues & les doits longs.

Aux Oyfeaux on dit la main , & les ferres au lieu de dire les ongles.

Le balay , c’eft la queue.

384 LE parfait

Toutes les pannes des ailes ont leur nom , la première, la fécondé, la troi- fiéme , la quatrième , la cinquième, les rameaux 8c le cerveau.

Les pannes du balay ont auffi leurs noms, comme le milieu, la deuxieme , la troifiéme &c.

Enter, c’eft quand il y a quelque panne rompue , l’on la réjoint avec d’autres pannes gardées,

Marteller , c’eft quand les Oyfeaux font leur nids.

Reclamer, eft quand on drelfe les Oyfeaux, & quon les fait revenir à foy avec ;a fiiiere.

Fiiiere , eft une fiiïèüe quon tient attachée pendant qu’on les reclame jofqu’à ce qu’on les ait allurés.

Sur fa foy, c’eft quand on ne donne pîqs de fiiiere , & qu’on les reclame en liberté-

Les jets, c*eft avec quoi on tiennes Oyfeaux fur le poing.

Au bout des jets font des verveiîles qui font de petits anneaux de cuivre plat , fur lefquels ont écrit le nom du maître à qui appartient TOyfeau.

Les longes , c’eft avec quoi Ton a«-

tache

CHASSEUR. 3g5

sache les Oyfeaux fur la perche.

Les émeus, c’eft ce que les Oyfeaux vuident.

Les curés , c’eft le chanvre qu’on leur donne tous les foirs en petites plotes.

Le 1 heure , c eft avec quoi" on les fait revenir & qu’on les reclame.

Voler de poing en fort , c’eft quand on jette Les Oyfeaux après le gibier du poing.

Voler d’ammont; c’eft laiflèr volet les Oyfeaux en liberté afin de les faire foûtenir fur les chiens.

Des filets four feficher.

, Sont fables vergueils , tremailles : eperviers & antres.

Faire vuiderle gibier , c’eft le faire partir quand les Oyfeaux font montés & détournés.

Hoche-pied , c eft un Oyfeau qu’on jette feul apres le Héron pour le faire monter.

' 1

i

33ô LE PARFAIT

Termes de C'hajfe.

Raboüillers , font trous de Lapins. Epiniers font lieux faits exprès pour garentir les Lapreaux des Oyfeaux.

Brayon , c’eft pour prendre les bêtes puantes qui ruinent les garennes. f Harpons , font pour prendre les gros poiffons, & les bêces puantes pour les mettre dans le fac quand elles font

déterrées. ,

Blereaux fuyent les trous dont le rond eft de crâne , & ayment les terres rouges , parce qu’ils s’y remparent

facilement. . , . 1

De toutes les bêtes a quatre pieds, les patries de devant comprifcs les épaules s’appellent les erres.

Le cimier eft le deflus du dos appro- chant des cuifles.

Lever le pied d’un Cerf, il faut que, ce foit le pied droit pour prefenter au Maître de la Chafte.

La vuidange du Lapin s’appelle, crotte de Lapin , du Lievre, s’appelle le fefis & de la Petdrix de mefme.

La Chafte à la Foye fe fait la nuit

!

CHASSEUR. 3S7

le long des hayes d’hyver avec du feu de paille : Ton bat le côté de la haye , & de l’autre (ont des hommes avec des ravaux , avec quoi ils rabat- tent tout ce qui part.

Ravaux font des perches avec des ! branches pour rabatte les Oyfeaux le long des hayes.

L’on parle aux ballets quand iis vont en terre de ce mot coule > coule , coule bajfets .

L’on crie ha Levrier 9 quand il part un Lievre.

Et devant des Chiens courans on crie vellau .

Et l’on crie hare, hare après le Re- nard.

Catiches , font les trous fe ca- chent les Loutres eftant chaffës.

Crier des matinées 3 c’eft quand les chiens courans vont requérir par le menu à neuf du matin , & qu’il les lafte bien.

L’égail, c’eft la rofée du matin.

Quand on va au bois, l’on dit que les chiens en veulent bien dansl’égail.

Les Chiens d’égail ne valent rien au haut du jour.

K k ij

388 LE PARFAIT

Et les Chiens du haut du jour valent rien dans l’égail.

Chiens buttes, font quand la join- ture des jambes de devant groffit.

La ChaiLe du rabat, eft quand on va la nuit le long des bois avec pan- neau pour prendre des Lapins , 8c qu’on les pouffe avec des chiens fecrets.

Carnage , eft une carcaffe de cheval qu’on traîne autour des bois pour faire venir les Loups & Renards fur la pifte.

Chien étrufFé , eft quand il a une cuiflè qui ne prend plus nourriture, & qui le rend boiteux.

Chien épointé, eft lors qu’il a des os des cuilles rompus.

Chien allongé, eft un Levrier qui a les doigts des pieds étendus par quel- que bleffure qui a touché les nerfs.

Eflimer un Oyfeaux au fortir de la meuë , c’eft le purger & mettre en eftat de voler.

Harder des Chiens courans , c’eft en tenir cinq ou fix couplés avec une longue leffe de crin qui prend les cinq ou fix couplés enfemble, c’eft quand

CHASSEUR. 389

en les tient pour donner en relais.

Chafler aux battues , n’eft autre chofe que faire le triquetrac.

Raüer, c’eft quand les Cerfs font en rut, ils rallent.

Le Loup hurle.

Le Renard crie.

Le Fauve ralle.

Le Sanglier grumelle.

Le Chien courant appelle, & l’on dit qu’il chafle de gueulle.

Fin des Termes .

Je ne parlerai point ici des Termes des Chaflfeurs Sauvages , quoi que ce foit les ChalTeurs les plus habiles fie les plus adroits du monde , &c que ceux qui m’ont fait le raport de leur ChalTe me les ayent dits , parce que leurs Termes font inconnus, fie que nous n’en connoiffons point les ani- maux.

Je dirai feulement que les Améri- cains, dans la terre de Chica, font des Geans , dont les moindres ont douze pieds de hauteur, & qu’ils n’ont point d’autres armes pour chalTer

390 LE PARFAIT

qu'une greffe pierre percée, Sc atta* chée par une corde de vingt ou vingt» cinq pieds de long attachée à leur bras , avec laquelle pierre d'un feuî coup ils portent par terre toute forte d'animaux 5 qui ne leur fçauroient échaper , parce qu'ils font d'une vi- telle qui devance un Cerf à la courfe , ainfi qu’en dit Thevet Hiftoriographe du Roi Charles IX. qui raporte avoir veu leur maniéré d'agir pour avoir converfé long-temps avec eux, ainfi qu'il eft dit à la fin de ce Livre.

F 1 N.

EXTR/1IT BV

du

PA r grâce &

donné à Parisle dix- d’Avril i6$j. Signé d’A L fcellé du grand Sceau de Il eft permis au Sieur J a c q^i Espe’e de S el incourt de faire imprimer un Livre intitulé Le parfait Chajjfeur , pendant le temps de fix années confecutives , à commencer du jour qu U fera achevé d’imprimer : Faifant defenfes a tous Imprimeurs & Libraires de le contrefaire , mefme d’en vendre d’impreflion étrangère, fur peine de confifcation des exemplaires, mil livres d’amende, dépens, dom- mages & interefts , ainfî qu’il eft plus au long contenu efdites Lettres de Privilège.

Regijlre fur le Livre de la Commué nauù des Imprimeurs & Libraires dg

ifr/J

Taris , le dixième de May iéSj.

Signé A N G OT.

Et ledit Sieur de Selincourt a cédé

fon droit de Privilège à Gabriel Quinet Marchand Libraire, pour en joüir fuivant 1 accord fait entr’eux.

Achevé à' imprimer pour la premier? fois le dixiéme Inillet 1685.

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