à 5 ms 122 LE RÈGNE VÉGÉTAL TEXTES 29 Yo \MERIE CAEN (TES £ 4 S Fe s+ à Norr # ee LE EGNE VÉGÉTAL DIVISÉ EN TRAITÉ DE BOTANIQUE, FLORE MÉDICALE, USUELLE ET INDUSTRIELLE HORTICULTURE THÉORIQUE ET PRATIQUE PLANTES AGRICOLES ET KFORESTIERES HISTOIRE BIOGRAPHIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE DE LA BOTANIQUE PAR MM, O. REVEIL & FR. GERARD Docteur en médecine, Pharmacien en chef des hôpitaux, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris et à l'Ecole supérieure de pharmacie, Membre de plusieurs Sociétés savantes, etc. Botaniste — micrographe, Membre de plusieurs Sociétés savantes , l'un des principaux collaborateurs du Dictionnaire universel d'histoire naturelle A. DUPUIS F. HÉRINGQ Professeur d'histoire naturelle, Botaniste Ancien Professeur de botanique et de sylviculture Attaché au Muséum d'histoire naturelle, à l'Institut agronomique de Grignon, Rédacteur en chef Membre de plusieurs Académies de l'Horticulleur français, et Sociétés savantes, etc. b Membre de plusieurs Sociétés savantes, etc. AVEC LE CONCOURS (pour la Flore médicale) DE M. LE DOCTEUR BAILLON Professeur de Sciences naturelles médicales à la Faculté de Médecine de Paris ET D'APRÈS LES PLUS ÉMINENTS BOTANISTES FRANCAIS ET ÉTRANGERS formant dix-sept beaux volumes dont neuf volumes grand in-8° jéesus de textes ET HUIT ATLAS PETIT IN-QUARTO DE PLANCHES GRAVES SUR ACIER ET FINEMENT COLORIÉES TEXTES ABRARY NEW YORK BOTANICAL iARDEN. PARIS L. GUÉRIN ET Ci, ÉDITEURS DÉPOT ET VENTE A LA LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND RUE BONAPARTE, 9 1870 Réserve de tous droits. el | | | E- : | : 4 0 A Heprin A ». AIN APM MALIVET-: RJCUTÉN 2H AMONT ATEN: Ari CLag Pr FOOMAAR TA LUILAQNHT AA DANTHA. L HOT TAON T MORE Efrner | MOQUE TU AL GE OUPS MT TE ANT Mer à .e 4 : : | _ , 0 æ i L LS D sê * 1, i r 0. ue) = 6 ET : : 2 Fr eZ pt Gén 4 mt-e &=; ve —” : … ar Mid . > enr - St es | » L ve : n 2 … | : L % “T0 Pi: D es 1 ver Lit. æ tn a EL L v » ® « Re î 1 L DL "1 L amis du Ms +» E ) Y VOMPFINF O6 Lqet-n1à tement 1 . ARS uit Pape eh dns Mae ü dima de filet hote Cité 1 Le | : L fl: à . TU LE n ar TRAITÉ DE BOTANIQUE GÉNÉRALE ACCOMPAGNE DE DEUX ATLAS ICONOGRAPHIQUES TEXTE Paris. — Imprimerie de P.-A. Bounnien, Cariomoxr fils et C°, rue des Poitevins, 6. TRAITÉE BOTANIQUE GÉNÉRALE PAR MM. F. HÉRINCQ FR. GÉRARD botaniste attaché au Muséum d'histoire naturelle, rédacteur en chef de l’Horticulteur francais, membre de plusieurs Sociétés savantes, etc. botaniste — micrographe, membre de plusieurs Sociétés savantes, l’un des collaborateurs du Dictionnaire d'histoire naturelle O. RÉVEIL Docteur en médecine, pharmacien en chef des hôpitaux, professeur agrégé à la Faculté de médecine et à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris, membre de plusieurs Sociétés savantes, ete., etc. Pour la Chimie végétale OUVRAGE RÉSUMANT LES PLUS SAVANTES RECHERCHES ET LES MEILLEURS TRAVAUX SUR LA MATIÈRE FAITS EN FRANCE, EN ALLEMAGNE EN ANGLETERRE, EN ITALIE, ET > ETC., ETC. TOME PREMIER PARIS L. GUÉRIN ET Ci, ÉDITEURS Théodore MORGAND, Libraire-dépositaire RUE BONAPARTE, à Réserve de lous droits. de En OS UT 1 : a | - . , _ Li é : 7 : | ; | | | : D 2 Pa | | - FRET Lei { = Î - , -_ AUOIZATUE > + L Ç (E MALTE ERUES LL *“ ÿ » \ + | NURTE, ot j MCNTIAUEM .1 were b? À nETER 07 ; i L d. LA . . ï L 2 Se ah QU + dette 514 Fi M DUPONT ù e ” : æ PTT ME AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR YUKE BOTANICAL GARDEN Le Traité de Botanique générale que nous publions offrirait un attrait et un caractère incontestablement supérieurs aux autres ouvrages qui ont paru sur le mème sujet jusqu à ce jour, rien que par la belle et savante iconographie microgra- phique qui l'accompagne: mais à cette supériorité qui frappe tout d'abord les yeux, il joint le mérite d'études étendues et approfondies, celui d’une origimalité peu commune, d'un style souvent élevé, entrainant, et l'avantage d'embrasser toutes les perspectives de la science botanique : notions pré- liminaires indiquant la marche à suivre pour étudier avec fruit, généralités de la science, géographie botanique, bota- nique comparée, fossile, chimie végétale: principes et dé- tails de la science, organographie, organogénie, physiologie. anatomie, tératologie et pathologie végétales, phytographie , exposé des diverses méthodes et des divers systèmes proposés par les savants. Nous avons trouvé l'aperçu de cet ouvrage dans un travail laissé par un botaniste micrographe, homme d'un esprit vif'et brillant, d'un savoir fort étendu, polyglotte, qui était au cou- rant des œuvres de botanique de tous les pays et de toutes les langues: mais ce travail n'était qu'une ébauche, et il fallait le dégrossir, le compléter, le soumettre à une méthode, le revoir partout, et le refaire souvent en entier. Nous n'avons en con- séquence acquis le travail de ce botaniste, prématurément Botan gén. T. I, JAN 2 - 1909 Il BOTANIQUE GÉNÉRALE. enlevé à la science, que sous bénétice d'inventare et avec l'intention arrêtée et exprimée d'avance de ne l'utiliser que dans ses parties les meilleures, les plus savamment originales, et surtout dans sa micrographie végétale, auss! curieusement qu'habilement traitée, particulièrement en ce qui concerne les dessins dus à l’auteur ou faits sous sa direction, dessins auxquels nous avons dû en ajouter beaucoup qui ne le leur cedent en rien. M. le docteur et professeur Reveil, dont les connaissances en chimie et en botanique sont trop généralement appréciées dans le monde savant, pour que nous ayons à nous appesantir sur la valeur de sa collaboration. à entièrement fait la remar- quable partie de la Chimie végétale de cet ouvrage, et a porté son attention sur les détails appartenant à la même science qui pouvaient se trouver dispersés dans les autres chapitres. M. Hérincq, botaniste distingué, attaché au Muséum d'his- toire naturelle, à revu avec soin l'Organographie et l'Organo- génie végétales. I a dû refaire complétement des parties de ces deux importantes branches de la botanique générale : 11 a scrit en entier le chapitre plein d'intérêt sur l'accroissement des tiges qui termine le premier volume, et l'exposé de la méthode naturelle, en l’état présent de la science, que nous donnons dans le second volume. Telle qu'elle est, notre publication est certainement, nous n'hésiterons pas à le répéter, la plus attrayante, la plus neuve et la plus originale qui ait encore paru, au moins en France, sur la matière dont elle traite. Elle convient à tous les âges, à tous les esprits, au Jeune homme que l’on veut initier à l'étude de la botanique, à l’homme qui à déjà beaucoup appris et qui veut pénétrer plus avant dans cette intéressante étude, en analysant et en com parant. Les femmes elles-mêmes rechercheront notre publi- cation, parce qu'elle appartient à celle de toutes les sciences qui est le plus faite pour les flatter et les séduire. Quiconque aura ouvert une de nos iconographies ne la fermera pas sans AVERTISSEMENT. III vouloir l'examiner et l'étudier dans toutes ses planches si artstement exécutées, dans toutes ses intéressantes figures. En eflet, si les deux remarquables Atlas qui accompagnent cet ouvrage appellent au plus haut degré l'attention des savants par leurs figures de micrographie végétale, par l'art du dessin et l'art de la gravure appliqués avec le plus grand succès à tous les détails de la science, à l’exposition des divers systèmes et à la botanique comparée, ils sont faits également pour exciter l'intérêt et piquer la curiosité des gens du monde par la clarté qu'ils jettent sur les difficultés les plus grandes de l'étude de la botanique. Rien n°y reste obscur, et ils vous conduisent pour ainsi dire par la main, en frappant à la fois les yeux et l'esprit, au milieu des détails d’une science aimable entre toutes. Les textes, placés en regard des planches, ont d'abord Fa- vantage de renvoyer aux pages des volumes auxquelles les figures se rapportent, si l'on croit utile d'y recourir, de même que les pages des volumes renvoient aux numéros d'ordre des planches et des figures: elles ont ensuite celui de dispenser à la rigueur de se reporter immédiatement à ces volumes pour comprendre les figures, cela au moyen d'explications des- criptives suflisantes. Souvent même ces descriptions savantes et détaillées servent à développer ce qui n'avait été qu'indiqué dans les textes généraux. Nous laissons aux auteurs le soin d'expliquer, dans leur Avant-Propos, la marche qu'ils ont suivie, le plan qu'ils ont adopté pour la composition de ce Traité de Botanique générale. L . LS L2 5 A +." L EC É ” L] be séeMtwfrara Là , * fans dunle less 2 rats aol mrélèmnt cr anis Woige PUMA INLE andiut malt En AE LpAEUTS (TT AUIE CL TYIES ci LD EPA 1 PAL TES POIELCE DE cb oi nr a iv -aituniant dengnle-ttsal euh 2 rrt dalles ph BAS cet M L DEN EL LL ES 0 CRS LL LL cha maragil aides qug AMent te msñgarbt dut aurelnep Eté TaÉ 8e ps be ne ivtismnd l evtaits acuité Là auras &] “it. hist ue rhone srategt sat 7 | EneTUND UM (MAAF D à 10 ASIN! rqundle MEN Ù L , naéi mini À wifi LETUT (oi soiree) à ni lidA if yp #trab di aj aan ny ALL Jen (le (3e IUDLUAL hltiro tte % ut ni TE (LI Ton nuë Leaf win lé ul TT TR | 10104 un Rupps j AUS. à madpn del ; : sui Nlnsuia DE Cri: dy free DATES ef AT 0 r | ‘{h SN Gr vriur or an Mio AO Oran Er 1 re ONU IPN LEONA dal, Tanr0 CONTI ét amie Ab MEET EAU té} dsdetehadin els cold ét fénts tit All à veugasi ANT étinlr OR noi sriguice téRè ist tin auiih afinagre ee cl aeatgie tt pétales ts CTORRS aise men ph ernntapniès here CELL EE IE ati nie eraide lis TU tu n L vifs hi LOLOS RUE CUT: || ELLES ae) LE Lui Je huie © | » ce Ne LE Lo atétu) Atari 4 1: IUT min 4 sq us PRET) nef dans hi ait 111 108 LS PULL PTE PRE LIPES PPT TS 0 0 a AVANT-PROPOS C'est la manière de présenter la science qui rend celle-ci plus ou moins abordable, plus ou moins attrayante. Il faut le reconnaitre, la méthode employée jusqu'ici par les auteurs d'ouvrages de botanique, pour initier les personnes désireuses de s’instruire, n’a pas peu con- tribué à faire abandonner, dès le début, une étude que l'on pré- sentait tout d’abord hérissée de difficultés et de mots techniques, sans enduire de miel le bord du vase pour faire accepter l'absinthe, comme le recommande le poëte. En effet, au lieu d'offrir à l'admiration l’ensemble de la nature végétale, et de conduire peu à peu aux détails, on a eu trop l'habi- tude de présenter, dès les premières pages de ces ouvrages, des objets microscopiques, la cellule primitive, les fibres, toutes les substances constitutives du végétal, visibles seulement à l’aide d’ins- truments puissants, dont le maniement est difficile, et avec lesquels les illusions d'optique sont très-fréquentes. Dans notre ouvrage, nous suivons une marche tout opposée. Nous voulons instruire sans fatiguer, et rendre l'étude attrayante, au lieu d'en faire un épouvantail intellectuel. Notre plan ne semblera peut- être pas aussi scientifique; mais il sera, croyons-nous, plus ration- nel. Nous avons fait comme l'anatomiste qui considère, d'abord l'ensemble du corps humain avant de le livrer au scaipel. Nous donnons des notions préliminaires qui ont pour but de faci- liter l'étude et d'en inspirer le goût; puis nous entrons dans notre sujet par ses perspectives les plus larges. Notre Livre [* est consacré aux généralités ; nous déroulons VI BOTANIQUE GÉNÉRALE. aux veux du lecteur le vaste et sublime panorama de la création du monde; l'ensemble d’un grand spectacle est ce qui saisit tout d'abord les yeux et l'esprit. Dans le premier chapitre de ce Livre, on assiste, sans le moindre bagage scientifique, à la naissance suc- cessive des végétaux, et en même temps à la formation de l'écorce terrestre; on apprend ainsi, sans fatigue, l'histoire des végétaux fossiles; la flore antédiluvienne se montre natürellement avant celle qui l’a suivie. Dans le second chapitre, on contemple le merveilleux ensemble de la végétation actuelle, et la distribution des végétaux dispersés sur toute la surface de la terre; on parcourt toutes les côles; on franchit les plus hautes montagnes ; et pendant cette rapide et curieuse pérégrination, l’on apprend à connaître une multitude de plantes, ce qui facilite l'étude de la symétrie ascendante, et de l’ascendance des formes dont il est question dans le chapitre suivant. Pour augmenter l'intérêt philosophique de cette étude, nous avons essayé d'établir des points de comparaison avec les êtres du Règne animal, de telle sorte qu'on puisse suivre, parallèlement, la symétrie et l’ascendance des formes dans les végétaux et dans les animaux. Mais, nous le disons d'avance, ces lois de l'analogie, pour lesquelles se sont passionnés les naturalistes des siècles derniers, et qui ne lais- sent pas d’être encore pleines d’attraits, sont loin d’être absolues ; au point de vue purement scientifique, elles conduiraient directement au chaos, si la science leur accordait plus d'importance qu’elles n’en comportent. Elles piquent singulièrement la curiosité, excitent l'es- prit d'investigation ; mais il faut en jouir sans en abuser. La con- naissance de ces généralités acquises, on peut entreprendre l'étude de la vie intime des végétaux; en suivant pas à pas, dans les trois premiers chapitres, la forme ascendante, depuis le Profococcus, réduit à une seule cellule, jusqu’à l'arbre le plus parfait, on a, quoi- que vaguement, entrevu l’admirable structure interne. Le cha- pitre cinq est destiné à en faire connaître la composition chimique; dans ee chapitre, il est traité en outre de lous les principes immé- diats contenus dans les végétaux, c’est-à-dire des produits que AVANT-PROPOS. VII l'homme peut extraire des plantes pour ses besoins personnels ou pour son industrie. C'est ce qui nous a engagés à le placer dans le Livre des généralités. D'ailleurs, nous poursuivons l'étude de la chimie végétale dans tous les détails de l'ouvrage. Nous consacrons le Livre IT à l'étude anatomique des organes de la végétation. Cette étude, qui exige tant d’investigations et d’obser- vations minutieuses, se trouve complétée dans le Livre HT, consacré au rôle physiologique de chaque organe. C'est là que l’on retrace tous les phénomènes de la vie active des végétaux : l'assimilation, la circulation, la respiration, l’exhalation, les odeurs, les saveurs, les couleurs, l'accroissement, ete., ete. Les chapitres sont aussi nom- breux que les sujets. Le Livre IV comprend l'étude des organes de la reproduction, ou, pour parler autrement, des différentes parties de la fleur. Il est divisé en treize chapitres. Nous n'avons pas cru devoir traiter sépa- rément du rôle physiologique de chacun de ces organes, parce que ce rôle est à peu près sans hnporlance dans le plus grand nombre des cas. Nous avons seulement réservé un chapitre spécial à la fécon- dation, et un autre à la germination, faits physiologiques indispen- sables à la reproduction, et qui présentent des phénomènes des plus intéressants au point de vue philosophique. L'étude des maladies et des monstruosités (pathologie el térato- logie) occupe le Livre V. Enfin le Livre VI est consacré à l'histoire et à l'exposé des systèmes et méthodes de classification des plantes, ainsi qu'aux descriptions des familles naturelles. | Un Dictionnaire des termes usités en botanique termine utilement le second volume et permet d’éclaireir sur-le-champ les expressions employées daus le cours de l'ouvrage, qui paraîtraient obscures au lecteur. Tel est le plan de notre Traité de Botanique générale auquel nous avons donné pour corollaire, pour complément essentiel, deux Atlas de planches, renfermant une multitude de figures coloriées, d’une vil BOTANIQUE GÉNÉRALE. rare exaclitude et d'un intérêl considérable. Ces figures, qui ajoutent tant d’attrait à l'étude de la botanique, et qui la facilitent beaucoup, sont accompagnées, en regard de chacune, de textes explicatifs, des- tinés non-seulement à faire comprendre celles-ci, mais encore à développer, quand il est besoin, ce qu'on n'a pu qu'indiquer dans le corps de l'ouvrage. Volumes de textes et Atlas vivent, se complètent et se soutiennent l’un par l’autre, ils forment un ensemble insépa- rable, et nous n'avons pas donné moins de soins aux uns qu'aux autres. BOTANIQUE GÉNÉRALE NOTIONS PRÉLIMINAIRES DU CHARME ET DE L'UTILITÉ DE LA BOTANIQUE Naitre, croître, paraître dans toute sa force, sa grâce et sa beauté, puis s'incliner, se faner, dépérir et mourir, après s'être perpétué par les germes de la reproduction, telle est la loi apparente à laquelle obéit l'échelle des espèces végétales aussi bien que celle des espèces animales ; admirable phénomène dont l’origine mystérieuse reste cachée, come celle de la terre elle-même et de toutes les sphères suspendues dans l'immensilé, au sein de son premier auteur et de la création entière. Ce phénomène, objet des constantes méditations de la science, se manifeste sous des formes si variées, malgré le cercle où les savants ont cru pouvoir renfermer les types primitifs, que par- tout où l'observateur porte ses pas, il découvre des individus nou- veaux, sans que la fécondité de la nature soit épuisée par cet incessant enfantement. Si les animaux nous semblent innombrables, depuis le plus énorme d'entre eux jusqu’au plus insaisissable infusoire, com- bien le sont davantage les végétaux, du cèdre gigantesque au plus petit brin de mousse. Depuis la lisière des neiges élernelles qui cou- ronnent les cimes alpestres jusqu'aux plages sablonneuses que baigne la lame maritime; depuis la fêlure du rocher sourcilleux où le vent a poussé quelque germe d’éclosion jusque dans les rivières, dans les ruisseaux, dans les fontaines, dont la transparence cristalline donne à la verdure un éclat particulier, jusque dans les eaux stagnantes, dans la goutte de pluie qui creuse insensiblement sa coupe au sein Botan., T. I. 1 2 NOTIONS PRÉEIMINAIRES. du granit pyrénéen, jusqué dans l’abime des Océans où l'algue prend naissance auprès du zoophyte, jusque dans l'écorce des arbres où la vie parasite se superpose à la vie plus fondamentale, jusqu'aux der- nières limites de la végétation cryptogamique, jusqu'aux extrêmes confins où les deux règnes paraissent s’allier et se confondre, la na- ture végétale domine comme au milieu d’un empire qu’elle se serait, la première, approprié, et où, de fait, elle a précédé la nature animale qui ne pouvait subsister sans elle. Humble, à peine percep- tible sur les rochers stériles que calcine un soleil torride et qu'elle recouvre d’une croûte légère de lichens, elle va grandissant à mesure que le milieu qu'elle habite lui devient plus favorable, présentant ici de simples points dont l'œil ne peut distinguer l'existence qu'à l'aide du microscope, là des plantes d’une structure complexe où des espèces géantes qui, dans les forêts vierges du Nouveau Monde, semblent avoir assisté aux premiers âges de notre terre, et, comme le roc d'aspect indestructible, paraissent défier le temps; quoique sous les couches profondes d'humus où s’enfoncent leurs racines, on puisse reconnaitre les symptômes de la naissance, de la repro- duction et de la mort auxquelles elles n'échappent pas plus que la plus humble graminée. Chaque région, chaque site, quelque limité qu'il soit, a ses types végétaux ; et toutes les fois que le milieu dans lequel elle est placée se modifie, la plante en subit l'influence , jusqu'à passer insensi- blement d'une forme à une autre, sans que souvent il soit possible de déterminer avec précision le point où un type commence et celui où il finit. C’est cette transformation, résultat non d’un hasard aveugle, mais de lois infranchissables gravitant entre deux points extrèmes, qui a si souvent jeté la confusion dans les études des bota- nistes, et multiplié à l'infini la nomenclature de la science. Au végétal qui tombe frappé par la mort, en succède un autre, qui ne disparait à son lour que pour faire place à des êtres nouveaux. L'arbre robuste, dont les racines rampaient au loin sous le sol que ses branches couvraient de leur ombre, et qui pendant sa vie n'avait cessé d’opprimer les faibles plantes ne demandant qu'à croître en paix sous sa protection, paye, après avoir traversé les âges, son tribut à la nature, et succombe enfin sous le faix des années. Dès que la vie commence à s’éteindre en lui, il est attaqué par des my- riades d’ennemis qui l'entourent, le pressent, pénètrent dans sa UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 3 substance, s'établissent sur ses feuilles, sur ses branches, sur son écorce, au sein même de son tissu ligneux, et semblent insulter à sa faiblesse. Ces frêles parasites, si méprisables en apparence, sont cependant les plus redoutables adversaires des géants des forêts; et, pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans la loi de succession des êtres, toujours la vie succède à la vie : les lichens, les mousses, les graminées, ont préparé le sol où croit l’arbre qui ne meurt que pour féconder de ses débris la terre sur laquelle il a vécu; et quand les humbles plantes qui naissent au milieu de ses cendres ont accom- pli leur période de végétation, et rendu à leur tour à la terre la vie qu'elles en avaient reçue, un de ses descendants se dresse en vain- queur au milieu de lhumus qu’elles ont déposé, et y établit sa domi- nation jusqu'à ce que la mort s’en empare. La terre est done une immense arène où la vie et la mort se dis- putent la victoire ; mais ces deux phénomènes, aussi insaisissables l'un que l'autre, se servent réciproquement d'appui : pas de mort sans la vie, pas de vie sans la mort. On voit, en feuilletant le livre mystérieux de l'histoire de la terre, que les formes, lentement éla- borées, se sont épurées peu à peu, et ne sont arrivées à la perfection que nous leur connaissons aujourd’hui qu'après des ébauches impar- faites, des jeux ou des accidents bizarres, dont la naissance semble- rait due au caprice. Après avoir animé la terre, elles ont disparu pour faire place à des êtres plus réguliers, à l'apparition desquels elles semblent n'avoir servi que de prélude. Les lois qui président à la manifestation de la vie sous une forme déterminée suivant les circonstances, ont une persistance si grande, qu'à peine l’homme, cet audacieux rival de la nature, a-t-il cessé, fût-ce un seul instant, de veiller à ce que le fruit de son labeur ne soit pas perdu, elle s'empare du sol qu'il vient de quitter, comme d'une propriété dont la spoliation l’a privée; elle envahit même le champ qu'il cullive, mêle à ses récoltes les végétaux qui naissent spontanément, et l’oblige, pour le punir de son audace, à un combat perpétuel. Après la loi de la vie, la plus générale est celle de la variété; c'est à elle que nous devons le charme qui s'attache à l'étude des végé- taux; elle se lie intimement à celle de l’ascendance et de la perfec- tion successive des formes, qui se retrouve sans exceplion à tous les degrés de l'échelle des êtres. Dans l’ensemble du règne végétal, comme } NOTIONS PRÉLIMINAIRES. dans l’ensemble du règne animal, nous passons du simple, du rudi- mentaire au complexe; dans chaque classe, chaque ordre, chaque famille, nous retrouvons cette loi. Comparez la Lepraria, cette pous- sière à fruclification inconnue qui tapisse les rochers, aux formes plus parfaites des Cenomyces et des Usnées, qui sont des sortes d’ar- bres en miniature, en suivant non pas les méthodes savantes, qui trop souvent interrompent l'ordre naturel, mais en observant la loi d'ascendance, vous trouverez que les lichens présentent deux points extrêmes qui ne diffèrent entre eux que par la perfection, et dont le plus inférieur était l’ébauche. On retrouve dans les saisons l'existence de la même loi : chacune d'elles à ses attraits et mérite les hommages des amis de la nature. Lorsque la tiède haleine du printemps a délivré la terre de son lourd manteau de glace, que le soleil a dissipé les vapeurs brumeuses qui alourdissaient l'atmosphère, quelques fleurs délicates viennent exposer leurs fréles corolles aux derniers souffles de l’aquilon, et annoncent le réveil de la nature. Ces gracieuses avant-courrières d'une nouvelle période d'évolution végétale disparaissent dès que leur rôle est accompli, et l’été se présente escorté d’un riche appa- reil floral. La terre se décore de fleurs, l'air est embaumé de mille parfums ; chaque être, revêtu de sa robe de noces, se prépare à l'œuvre mystérieuse de la reproduction. Puis vient l'automne, plus grave, qui mürit le fruit fécondé par le soleil. Avant de rentrer dans le silence de la tombe ou dans le repos, la nature, jalouse de briller d'un dernier éclat, étale les teintes les plus riches et les plus variées, et tant que la glace n’a pas solidifié la surface des eaux, il apparaît des fleurs qui semblent un dernier effort de la vie contre le froid glacé de la mort. Le microcosme des anciens, avec son enfance, sa jeunesse, son âge mür et sa vieillesse, serait-il réellement l'histoire abrégée du macro- cosme ou du monde? et notre terre, après avoir cheminé d’abord silencieuse et stérile à travers l’espace, puis s'être animée au souffle de la vie et avoir produit l’homme, son chef-d'œuvre, le seul qui comprenne les merveilles que la nature déroule sous ses yeux, est- elle destinée à tomber dans la décrépitude, et à voir disparaitre de sa surface la vie, son plus bel attribut? Au milieu de ce théâtre si riche et si animé, à la vue de ces phéno- mènes sans cesse renaissants, l'homme n'a pu rester froid et insen- - L UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 5 sible ; les harmonies de la nature ont parlé à son esprit et éveillé en lui l'admiration : aussi, à toutes les époques, a-t-il cultivé la science des végétaux, comme la plus agréable et la plus utile, et comme celle qui était, entre toutes, digne de son attention. La botanique est, en effet, de toutes les sciences, celle qui convient le mieux à tous les âges et à toutes les conditions. L'enfant qui cueille la simple fleur des champs pour en faire un bouquet sans art; la jeune fille qui demande à ces êtres frêles, comme elle, une parure destinée à ne briller qu’un moment; l’homme fatigué des agitations de la vie, et qui cherche dans la solitude des forêts un repos que lui refuse le séjour des villes ; le savant ‘qui prétend découvrir le mot de l'énigme de la nature, trouvent dans le vaste champ du règne végétal un aliment à leurs besoins et à leur curiosité. Quoique l'étude de la botanique soit capable d'exercer, pendant toute une existence d'homme, la méditation la plus soutenue, elle est néanmoins la seule qui permette de se borner aux connaissances générales ou à l'obser- ation de quelques-unes de ses branches. Elle n'exige, pour ceux qui n’y cherchent qu'un délassement, presque aucune contention d'esprit, et ne demande qu’un peu de mémoire des noms. Le valétu- dinaire et l’homme robuste, la femme la plus délicate et l’adoles- cent plein de force et de santé y trouvent une agréable distraction. Les longues excursions dans les champs et les bois, les simples pro- menades dans un jardin ou au milieu des campagnes, satisfont à la fois au besoin de délassement de l'esprit et au plaisir de la locomo- tion. C'est encore la seule science qui puisse être étudiée sans fati- gue et sans dégoût. L'étude sérieuse des animaux exige l'usage du scalpel pour interroger leurs organes internes, et y chercher le mys- tère de la vie; du sang, des cris, les derniers spasmes qui précèdent la mort, portent le trouble dans l'esprit, et ne conviennent qu'aux savants véritables, dont les travaux doivent agrandir le cercle res- treint de nos connaissances. Toutes les préparations zoologiques veulent des soins minutieux, et ne laissent sous les yeux qu'une image trompeuse de l'être qui a vécu : tandis que les végétaux pas- sent de la vie à la mort sans se débattre; ils conservent, quoique privés de l'existence, le port, la couleur qu'ils avaient dans les champs; quelques-uns, comme les mousses, les jungermannes, peu— vent rester impunément dans des herbiers pendant une longue suite d'années et reprendre leur forme primitive dès qu'ils sont soumis à LEZ 6 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. l'influence de l'humidité. Les plantes à tige succulente continuent de pousser dans les collections de végétaux desséchés : aussi la vue n’en est-elle jamais attristée par l’image de la destruction. Quand le fer détache un rameau de l'arbre qui le porte, la ‘plaie est bientôt cica- trisée, et un bourgeon nouveau remplace la branche qui a péri; car la vie est multiple dans le végétal ; ce sont autant de polypes greftés sur une souche commune, et qui se succèdent tant que le pied qui les porte conserve sa puissance végétative. Sous le rapport des frais qu'entraine après soi cette agréable étude, on peut dire qu'aucune n’est moins dispendieuse : une boite de fer- blanc, une loupe, une pince, quelques feuilles de papier, un crayon pour le dessinateur, composent tout le bagage de l'herboriseur sa- vant ou simplement curieux. Si nous envisageons l'influence morale des sciences, combien il ya loin du zoologiste au botaniste! Le premier s'arme d'instruments de chasse ‘ou de pêche, pour s'emparer des animaux, avec lesquels il doit lutter de vigueur ou d'adresse; il résulte de ce déploiement de force une excitation qui porte dans l'esprit une exaltation fébrile ; tandis que le botaniste, simple contemplateur de la nature, se plaît dans une douce rèverie et garde dans son esprit un calme bienfaisant. Jean-Jacques Rousseau, ce triste misanthrope, plutôt armé de la phi- losophie du désespoir que de celle de la résignation, trouva dans l'étude de la botanique une trêve à ses maux; ila le premier su peindre, avec autant de force que de vérité, l'impression que produit sur l’es- prit la solitude des forêts. En effet, peu d'hommes dignes de ce nom sont insensibles à la vue de la nature; ceux mêmes que les impé- rieuses nécessités de la vie ont empèchés de se livrer à l'étude des phénomènes naturels éprouvent, à la vue des merveilles qui se dé- roulent sous leurs yeux, plus que l'admiralion froide qu’excilent en nous les chefs-d'œuvre de l’art humain, mais un transport religieux qui porte leur esprit à la contemplation. Lorsqu'on jette un coup d'œil sur l'ensemble de la végétation qui sert de parure à la terre, depuis les régions glacées du Nord jusqu'à l'équateur, et depuis les plages maritimes jusqu'aux neiges éternelles qui couronnent les montagnes, on voit les formes végétales affecter des caractères correspondant à la nature de ces divers climats. Les plantes décroissent en nombre et en vigueur à mesure qu'on s'élève vers les pôles; les arbres passent, des formes arborescentes que nous UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. i leur connaissons dans nos forèts, à la forme herbacée; le bouleau seul y apparait encore, mais rabougri, chétif, haut à peine de quel- ques pouces, et les mousses, les lichens, enfants de l'hiver, servent de parure à ces déserts de glace. Le renne creuse de ses pieds la neige épaisse qui couvre le sol, pour demander aux Cenomyces l'unique nourriture que lui offrent ces régions. En descendant vers des contrées moins désolées, les arbres verts annoncent qu’en dépit des rigueurs de l'hiver, la vie n'est pas complétement éteinte pour les terres polaires; mais, malgré la persistance de leur feuillage, leur couleur dure et sombre égaye à peine les paysages septentrio- naux, et leurs longues branches se détachent comme des ombres gigantesques sur le ciel gris de ces tristes climats. Les végétaux n°1 sont pas animés de ces couleurs brillantes propres aux régions qu'é- claire un soleil ardent : le blanc, le jaune, le bleu pâle, sont les couleurs dominantes, et leurs propriétés semblent atténuées par la lente circulation d’une séve engourdie; quelques baies acides sont les fruits les plus savoureux que l’extrème Nord offre à ses habitants, jetés comme par un châtiment sévère sur celte terre maudite. À me- sure que nous descendons vers le Sud, les formes végétales gran- dissent, se mulliplient, les fleurs sont plus belles, plus parfumées, les saveurs des fruits acquièrent de l'intensité ; et, quand nous sommes sous le tropique, nous voyons la végétation prendre tout son déve- loppement. Là, les fougères ne sont plus, comme chez nous, des plantes herbacées, ce sont des arbres parés de longues frondes qui retombent en panaches élégants; les palmiers, inconnus à nos eli- mats, dressent avec fierté leur tronc droit comme des colonnes et surmonté d’un bouquet de feuilles, qui en forme le chapiteau gra- cieux. Il semblerait que dans les forèts vierges, dont tous les voya- geurs s'accordent à faire d’admirables récits, la nature végétale ait concentré toute sa puissance. Les arbres séculaires sont enlacés de Bignonia, de Banisteria aux fleurs dorées, de Paullinia, d’Aristoloches, qui les étreignent comme des serpents, ou retombent vers le sol en longues guirlandes; la vanille aux gousses odorantes s'applique sur leur tronc, et y adhère par ses racines ; la grande famille des Orchidées, aux formes multiples, et aussi distinguée par ses riches couleurs que par les masses de fleurs qui sont appendues à ses hampes flexibles, croit au pied des arbres, sur leur {ronc, dans l’enfourchure de leurs branches, à leur sommet, et s’y balance dans l'air, qu’elle embaume + 8 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. de ses émanations pénétrantes. Le Bananier, plante herbacée qu’une même année voit naître et mourir, laisse tomber, du milieu de ses feuilles gigantesques, de longs régimes de fruits savoureux. Les gra- minées, ces humbles végétaux qui semblent ne jamais devoir affecter que des formes pygméennes, y revêlent une figure nouvelle; le Bambou, ce roseau des régions tropicales, est devenu un arbre à feuilles élégantes. Les fruits ne sont plus acides, ils sont sucrés et par- fumés, ou rehaussés de saveurs étranges ; les aromates s’y développent et y mürissent dans le milieu qui leur est propre; à côté d’eux crois- sent des poisons terribles, dont la médecine a essayé la puissance. La Botanique est la science qui traite de la connaissance des végé- taux, qui nous apprend à les distinguer d’après leurs caractères, et à établir entre eux des associations par similitude; car si les plantes semblent répandues sur la terre sans ordre et au milieu de la plus étrange confusion, on arrive, avec un peu d'attention, à reconnaitre, entre les divers groupes, des ressemblances qui indiquent chez eux une étroite parenté. À ces premiers rapports en succèdent d’autres qui frappent l'esprit avec une égale force, et l’on ne tarde pas à com- prendre qu'il y a dans la nature végétale, comme dans la nature animale, une loi de perfectibilité de forme qui établit une chaine continue, depuis les premières molécules vivantes jusqu'aux végétaux les plus parfaits. Après avoir esquissé à grands traits le lableau des phénomènes que déroule sous nos yeux le règne végétal, il nous reste à descendre dans les régions plus humbles de la pratique, et à démontrer que de toutes les sciences, la botanique est celle qui rend à l’homme le plus de services et qui devrait occuper la première place dans son estime. Par malheur, elle est beaucoup trop dédaignée : aussi, malgré les progrès de la science, en sommes-nous réduits encore à rechercher péniblement parmi les végétaux, ceux qui pourraient nous être utiles. On reconnait aujourd’hui qu’en se livrant aux études de spécu- lation pure, et c’est le nom qu’il faut donner à ces travaux de science dont l'imagination a fait presque tous les frais, et qui n’ont abouti qu'à enfanter des théories n’attendant qu'un souffle pour être détrui- tes, on reconnait que l’on n’a fait que s’écarter de la voie qui devait conduire à des résultats positifs. Si parmi les savants qui se sont fait un nom, il en est qui n'ont qu’une connaissance superficielle de la botanique appliquée, combien plus en est-il parmi les hommes aux- UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 9 quels les études sérieuses ne sont cependant pas étrangères, qui n’ont pas même les plus vulgaires notions de cette science. Les uns affec- tent un scepticisme absolu, et, n'attribuant aux végétaux aucune im- porlance, foulent dédaigneusement aux pieds ceux qui sont le plus utiles; d'autres, imbus d'une croyance puérile, ajoutent foi aux ver- tus chimériques qu'on a prêtées aux végétaux, science fausse et trompeuse qui a fait de tous les préjugés relatifs aux propriétés des plantes un corps de doctrines erronées. Étude pleine de charmes pour tout le monde, la BOTANIQUE est une science des plus utiles pour beaucoup, indispensable même au MÉDE- CIN, AU PHARMACIEN, 4 VÉTÉRINAIRE, à l’HERBORISTE, à l’AGRICULTEUR, à l'HORTICULTEUR, AUX INDUSTRIELS qui s'occupent de filature, de teinture, de fabrication des couleurs, de parfumerie, de distillation, d'ébénis- terie, ete., etc. On a donc peine à comprendre qu'une science qui devrait être si appréciée, si répandue, soit à peine effleurée par les uns et entièrement ignorée par les autres. Le médecin doit ètre essentiellement botaniste; car, pour formuler, il faut qu'il connaisse, avec la plus grande précision, les propriétés des agents qu'il emploie, leur contre-indication, les remèdes aux accidents qu'ils pourraient produire. S'il est versé dans cette science, il y puisera, comme dans une source intarissable, des ressources que souvent lui refuse la pharmacologie minérale. Mais il semblerait que ces végétaux au vert feuillage, aux fleurs gracieuses et parfumées, soient des êtres inoffensifs qui n'ont que des propriétés hypothéti- ques. Quelques-unes seulement ont l'honneur de figurer dans la ma- tière médicale ; telles sont la digitale, la belladone, le pavot, la ciguë, le ratanhia, le séné, l'ipécacuanha, le quinquina, etc. Ajoutons-y quelques douzaines d’autres plantes, et là finit toute la botanique du médecin. Quant aux végétaux indigènes, il les connaît peu ou point; pourtant, mème encore dans ce siècle, plusieurs médecins botanistes, entreautresLoiseleurDeslonchamps etBodard, ont cherché ànous sous- traire au tribut que nous payons aux pays étrangers; ils ont interrogé notre flore, pour savoir s’il ne s’y trouvait pas de végétaux qui pus- sent offrir des propriétés identiques à celles des plantes médicinales exotiques. La salicine, contenue dans l'écorce amère du saule, a été employée quelquefois comme succédané du quinquina; les racines de la pensée sauvage font vomir ; le suc de la bryone est un purgatif aussi actif que la scammonée; l'huile tirée des graines de l’épurge 10 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. peut remplacer l'huile vésicante du Croton tiglium et avec moins de danger ; les feuilles du baguenaudier, celles aussi de la Coro- nilla emerus, peuvent être substituées au séné, ete. On fera, à l'occasion de la coronille, remarquer combien il est important de connaître, en botanique appliquée, certaines différences spécifiques; car, tandis que la Coronilla emerus est simplement purgative, les semences de la Coronilla varia sont diurétiques et douées d'àcreté; et dans cette grande famille de Légumineuses, on trouve des plantes fort diverses. C’est ainsi que, tandis que le eytise des Alpes et l'A rus precalorius sont doués de propriétés toxiques, les semences d’un grand nombre d’autres espèces sont alimentaires. Les bulbes du col- chique, qui à l'automne décore nos prés humides de ses fleurs élé- gantes, ceux de notre narcisse des prés, possèdent des propriétés d'une activité redoutable. Enfin, le médecin qui a fait de la botani- que une étude sérieuse n’est nulle part privé de secours; partout il peut trouver des agents médicaux dont il lui importe de connaître la puissance, s’il veut les administrer avec sécurité. Il peut se trou- ver loin de toute pharmacie et être obligé de demander aux végétaux qui croissent autour de lui les succédanés des médicaments qu'il n'a pas. Qu'osera-t-il faire s’il ignore de quelles vertus sont douées les herbes des champs et des bois? Que fera-t-il si sa science se borne à quelques noms, et s’il ne connaît pas ce qui distingue le véritable botaniste de l'empirique, les secours que peut lui offrir elle ou telle famille? Car d'étroites affinités unissent presque toujours entre eux les divers groupes végétaux : les Renonculacées en général sont àcres, les Labiées sont balsamiques et stimulantes; les Gentianées, amères et toniques; les Solanées, fétides et vénéneuses; les Borra- ginées, mucilagineuses et adoucissantes ; les Synanthérées, amères, toniques et souvent stimulantes comme dans les Radiées; les Malva- cées, émollientes; les Fumariacées, douées d’une tonicité prononcée. Ira-t-il imprudemment se fier aux familles à propriétés multiples, comme les Ombellifères et les Papilionacées? Ne doit-il pas savoir que certains groupes voisins, comme les Campanulacées et les Lobé- liacées, sont doués de propriétés opposées? Enfin, sa science est in- complète s'il ignore toutes ces choses. Admettons maintenant qu’un médecin français aille s'établir dans un pays élranger : avant qu'il en connaisse la matière médicale, 4 lui faudra de longues études, souvent insuffisantes si elles ne sont pas scientifiques; car il sera UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. - 11 transporté dans un milieu si nouveau, qu'il n’y aura dans la végéta- tion aucune plante dont le faciès lui soit familier. S'il avait étudié la botanique au point de vue de son application à l'art de guérir, il, lui faudrait quelques semaines seulement pour manier les médicaments en usage dans le pays, avec autant d'habileté que les médecins indi- gènes. Malgré cette incontestable utilité, malgré les oscillations auxquelles leur art est si sujet, la plupart des médecins délaissent la botanique, qu'ils ont à peine effleurée quand ils étaient élèves. Et pourtant, cette science où l’on trouve pour ainsi dire, chez tous les peuples, l'origine de la médecine, fut l'honneur de beaucoup de leurs plus illustres de- vanciers. Hippocrate, dont ils consultent encore les écrits; Dioscoride, à qui l’on doit six livres précieux sur la matière médicale des anciens, basaient en partie l’art de guérir sur l'examen et l’usage des plantes; 1 en était de même des médecins latins, de même encore des médecins de la Chine, aussi loin que l’on puisse remonter le cours des siècles, de même enfin des médecins arabes tels que les Rhazès et les Avicenne. Ils étaient des botanistes ardents à l’œuvre, ces hommes des siècles _antérieurs au nôtre, qui ont illustré à la fois la médecine et les sciences naturelles chez les peuples modernes : en France, les Belon, les Da- lechamps, les de l'Écluse, les de Lobel, les Gui de la Brosse, les Geof- froy, les Magnol, les Tournefort, les Dodart, les Fagon, les Marchant, les Chomel, les Gucttard, les Louis Gérard, les Bucquet, les Bazin, les Broussonet, les Spielmann, les Jussieu, ete. ; en Allemagne, les Brunsfels, les Cordus, les Bock, les Fuchs, les Rauwolf, les Tabernæmontanus, les Camerarius, les Jungermann, les Hoffmann, les Rhumphius, les Koempfer, les Wolckammer, les Breyn, les Knaut, lesHedwig, les Ludwig, les Gmelin, les Trew, les Bachmann(Rupius), les Wedel, les Bruckmann, les Baïer, les Dillenius, etc.; en Hollande, les Bodœus, les Dodoëns, les Bontius, les Commelin, les Hermann, les Munting, les Boerhaave, les Leuwenhoeck, les Van-Royen, les Burmann, etc.; en Belgique, les Spigel, les van Helmont, etc.; dans la Grande-Bretagne, les Grew, les Morison, les Bobart, les Blair, les Shaw, les Deering, les Mitchell, les Martyn, les Woodward, les Hales, les Fathergill, etc.; en Italie, les Mattioli, les Cesalpini, les Aldrovande, les Fallope, les Alpini, les Zanoni, les Castelli, les Mal- pighi, les Tilli, les Micheli, etc.; en Espagne, les de Huerta, les Monardès, les Hernandez, etc.; en Pologne, les Zaluzianski, les 12 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. Jonston; en Suisse, les Conrad Gessner, les Bauhin, les Haller, etc. ; dans les pays Scandinaves, les Pudbeck, les Browallius, les Wins- low, les Acharius et le grand Linné. Il est certainement encore des médecins qui tiennent un rang éminent dans les sciences bota- niques; mais il faut bien le dire, ce qui était autrefois la règle n’est plus aujourd’hui que l'exception, au grand détriment de la médecine qui s’habitue ainsi peu à peu à perdre un de ses principaux moyens curatifs, et court risque de lomber dans de graves erreurs. Le savant Desvaux avait si bien compris le besoin d'étudier müre- mentune science si utile à l’art de guérir, qu'il ne cessait de signaler des exemples de fautes commises dans la médecine et dans la pharmacie, par suite d'ignorance en botanique. « On à vu, disait-il, dans le principal de ses ouvrages, des hommes, obligés par leur profession de connaître les propriétés des végétaux, donner l’hysope lorsque la saponnaire était prescrile, d’autres substituer la fumeterre au serpolet, d’autres donner le marrube au lieu de menthe; on a poussé l'ignorance jusqu'à donner de Ja chélidoine au lieu du cétérach. Des pharmaciens ont préparé avec le trèfle des prés, plante de toute innocuité, l'extrait de trèfle d’eau, Menyanthes trifoliata, plante éminemment amère et fébrifuge. Sou- vent l’on a préparé l'extrait de ciguë avec le Caucalis anthriscus ; aussi les médecins qui prescrivaient l’usage de cet extrait à leurs malades étaient-ils surpris de n’obtenir aucun des brillants succès qu'avait annoncés et obtenus le docteur Stoerk. Un pharmacien de Paris, depuis qu'on avait relevé cette méprise, préparait son extrait de ciguë avec le cerfeuil sauvage, ckærophyllum sylvestre.… Nous tenons d'un médecin digne de foi, qu’il a vu employer la gratiole, Gratiola officinalis, dans le cas où l’on avait prescrit des plantes émollientes. On appréciera quelle dut être la différence du résultat, lorsqu'on saura que la gratiole est un des purgatifs les plus violents. » Le pharmacien, lui aussi, en général, néglige peut-être trop la botanique, depuis surtout que la thérapeutique emprunte la plus grande partie de ses agents actifs au rêgne munéral. Pourtant le pharmacien est appelé par l'importance de ses fonctions, qui ne sont pas appréciées ce qu'elles valent, à connaître non-seulement les pro- duits des plantes indigènes, mais encore les médicaments que procu- rent les végétaux exotiques, ce qui exige desa part des connaissances positives, fruits d'une longue étude, pour qu’il ne commette aucune UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 13 erreur fächeuse. La diagnose seule des nombreuses espèces de quin- quina que nous envoient les forêts brülantes du Nouveau Monde, et qui ne sont pas, comme les végétaux de nos pays, reconnaissables par l'ensemble de leurs parties, mais simplement par leur écorce ; celle des résines, des gommes, des huiles, des semences de divers noms, dont la médecine moderne a sagement fait d'éliminer la plu- part, mais qui n’en figurent pas moins encore dans nos matières médicales, et qu'il est quelquefois si difficile de reconnaitre, à cause des sophistications qui les altèrent ou de la substitution de substances à peu près semblables, ne peuvent être que le résultat d’une longue et contentieuse étude. Combien ne lui importe-t-il pas de ne point confondre les produits des végétaux dont le nom à été si longtemps un mystère, et qui, sous une appellation semblable, ont des propriétés diverses! Telles sont, pour citer un exemple, les écorces d’Angusture fausse ou vraie, dont l’une est un poison et l’autre un fébrifuge, et qui présentent une assez grande similitude, pour qu'il faille des con- paissances précises pour les distinguer. Que d’études ne faut-il pas pour connaître la nature et la durée des principes actifs des divers agents médicinaux, leur composition chimique, l'usage qui en est fait dans leur pays natal, leurs succédanés et les préparations nom breuses indiquées dans les diverses pharmacopées ; connaissances sérieuses, complexes, qui constituent toute une science ! Malgré cela, que l’on compte ce qu'il y a aujourd’hui de botanistes sérieux, parmi tant de chimistes distingués, dans la pharmacie où brillèrent autre- fois : en Angleterre John Hill, à qui l'on doit un système de bota- nique; en Allemagne Basile Besler, qui a publié d'importants ou- vrages sur les plantes, Weinmann qui a laissé une magnifique iconographie végétale, monument de la science à son époque; et en France, Moïse Charas et Nicolas Lemery, auteurs l’un et l’autre de pharmacopées qui, pour être assurément fort arriérées aujourd'hui, n'en dénotent pas moins beaucoup d’études botaniques. L'agriculteur, sans aller demander aux climats lointains des plantes économiques nouvelles, bien qu'il ne doive pas négliger de se tenir au courant des conquêtes de nos explorateurs modernes, peut encore tirer de la botanique un parti avantageux. Combien de végétaux, délaissés comme indignes des soins de l'homme, pourraient figurer avec orgueil au milieu des plantes économiques qu'il soigne avec la sollicitude d'un père! La famille des Graminées, si riche en À 4 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. genres et en espèces divers croissant dans les lieux différents, soit dans les terres humides ou submergées, soit dans les sols arides ou calcaires brülés par le soleil, à l'ombre des bois, ou bien dans les plaines élevées qu'arrose rarement une pluie bienfaisante, demande à être étudiée avec soin. C’est par la connaissance des conditions de végélalion des diverses espèces de cette riche famille, qui donne à l’homme du pain partout, de l'eau-de-vie là où la vigne refuse de produire, et, par les animaux, de la viande, du lait, du beurre, du fromage, de la laine, des cuirs, que l’on peut arriver à améliorer nos prairies artificielles, qui ne produiront plus que des herbes appropriées à la nature du sol. Pourquoi la plupart des agriculteurs ignorent-ils que la Glyceria luitans, qui croit sans culture dans nos mares, au bord de nos étangs, dans nos fossés inondés, peut leur fournir des graines propres à entrer dans leur régime alimentaire, et qui, moins dédaignées par les peuples de l'Europe orientale, y portent le nom biblique de manne de Pologne? Quelques journées de travail pourraient cepen- dant leur procurer une récolte abondante de graines qui, s'ils ne les consommaient pas par eux-mêmes, serviraient à la nourriture de leurs volailles. Pourquoi leurs connaissances se bornent-elles au petit nombre de plantes dont la culture primitive se perd dans la nuit des temps, tandis qu'il faut des siècles pour leur faire accepter les végétaux d'introduction nouvelle, témoin la Pomme de terre qui fut cultivée en Europe au commencement du seizième siècle, et qui, longtemps négligée, ne se répandit que lorsque le vénérable Par- mentier, à la fin du siècle dernier, en eut fait connaitre les pro- priétés? Pourquoi dédaignent-ils les plantes qui croissent près d'eux, et parmi lesquelles il en est tant d’utiles? Là ne se borne pas l'appli- cation de cette science : la connaissance de la botanique leur appren- drait aussi sûrement que l'analyse, à distinguer les diverses natures de sol au simple aspect de la végétation qui leur est propre; car chaque terrain à sa flore spéciale, et les végétaux qui la composent disparaissent dès que changent les conditions d'existence. En sui- vant avec attention les diverses apparitions végétales, depuis le sommet des terrains secs et élevés jusque vers les endroits bas et humides, on voit la végétation varier autant de fois que le milieu se modifie, les Sedum, les Arenaria, les Gypsophila, et un grand nombre de Caryophyllées, de Crucifères, telles que des Thlaspr, des Tberis, des UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 15 Alyssum ; de Synanthérées, comme les Crepns, les Erigeron ; de Graminées, comme les Æestuca, les Bromus, ete., couvrent les ter- rains secs et arides ; les champs et les moissons présentent, à travers certains genres appartenant aux mêmes familles, des formes spéci- fiques différentes. Les Convolrulus, es À grostemma, les Centaurées, les De/plunium, plusieurs espèces de Véroniques, le Mélampyre, les Anagallis, les Muscaris, ne se trouvent que dans ces localités res- treintes; enfin, à part un petit nombre de végétaux qui ont la pro- priété de croître partout, on peut reconnaitre dans les différentes évolutions végétales la diversité des stations. Les prés qui s'épuisent perdent les plantes qui donnaient à leurs foins des qualités recher- chées, pour en nourrir d’autres, parmi lesquelles certaines Renon- culacées jouent un rôle très-significatif, indiquant que le sol s'ap- pauvrit et demande le secours de l'homme pour recouvrer les qualités qu'il a perdues. Combien de maladies ont décimé les troupeaux, qui n'étaient dues qu'à l'apparition de végétaux délétères, nés à la suite de l'épuisement de riches et grasses prairies ! Ce qui à lieu pour les prés a lieu également pour les champs cultivés ; l’insouciance du cultivateur laisse des plantes étrangères se mêler au bon grain et les moissons se surcharger d'éléments nuisibles; tels sontle Lathyrus Cicera, le mélampyre, l’ivraie, etc. Avant que la nature de l'ergot du Seigle fût connue scientifiquement, il fallut bien des accidents pour qu’on attribuât à cette production parasite, résultat d’une alté- ration pathologique, ces gangrènes affreuses qui ont répandu la ter- reur parmi les populations des campagnes. Quand les disettes, deve- nues heureusement plus rares aujourd’hui, ont fait périr tant d'hommes et d'animaux utiles, à combien de végétaux indigènes aurait-on pu demander des ressources alimentaires? Les racines pur- galives de la bryone, qui donnent au lavage une fécule saine et abondante ; les racines des massettes, celles du nénuphar, les tuber- cules des orchis, ceux de l’arum, pouvaient suppléer à cette affreuse pénurie. Parmi les herbes si dédaignées des champs, la morelle, répulée à tort un poison dangereux, la mercuriale, dont l'ébullition fait disparaître les propriétés laxatives, les nombreuses espèces de la famille des Chénopodiées, dont les feuilles et même les fruits sont alimentaires; les racines de l’asphodèle et du Stachys palustris, les souches de l'A/isna plantago, du Menyantes trifoliata, et tant d'autres plantes rustiques, pouvaient concourir à soutenir la vie des 16 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. malheureux habitants des contrées désolées par la disette, et leur permettre d'attendre des temps meilleurs. Nous négligeons encore le Bunium bulbocastanum aux tubereules comestibles, le Lafhyrus tuberosus, VOrobus tuberosus et le Trapa natans, qui pourraient cependant nous rendre des services si nous cherchions à les perfec- tionner par la culture. On ne parle ici que de la France, si riche en ressources de tout genre, et encore si mal connue sous ce rapport. Que serait-ce donc si nous parcourions les diverses contrées du globe, pour leur demander des végétaux utiles qui conviendraient à notre climat? La Patate, Batatas, de la famille des Liserons, est aujour- d'hui entrée dans nos cultures, et a déjà produit des graines qui plus tard, sans nul doute, permettront de cultiver cet excellent tubercule comme plante alimentaire usuelle; une nouvelle espèce, la Patate de Wall, promet des résultats supérieurs encore ; et depuis que la Pomme de terre, à laquelle l'Europe a dù la cessation de ces famines désastreuses qui ont décimé sa population, a été attaquée d’un mal inconnu, on est allé chercher partout des tubercules alimentaires nouveaux. Plusieurs essais, insuffisants encore, ont cependant démontré que nous pourrons un jour associer à la Pomme de terre des végétaux qui, sans la détrôner, rivaliseront d'utilité avec elle. L'Amérique méridionale nous a dotés des Oxalis crenata et Deppui, dont les tubercules esculents, surtout dans la première espèce, sont d’un goût agréable, et dont les feuilles peuvent rem- placer l'Oseille avec avantage, et de la Capucine tubéreuse, dont les racines coniques et peintes de vives couleurs sont comestibles, quoi- que leur goût ne plaise pas à tout le monde. La Camassia esculenta, qui croît spontanément dans l'Amérique du Nord, fournit aux indi- gènes des tubercules féculents qui servent à leur alimentation. Le Ssarana, Lilium kamtschatcense, originaire de l'Asieorientale, fournit une fécule abondante, et est un objet de commerce dans la Russie d'Asie; le Zalium pomponium est cultivé dans les mêmes régions comme plante alimentaire; le Calochortus elegans fournit des racines comestibles aux Indiens de l'Amérique du Nord; l'Zris esculenta est une des plus précieuses ressources des habitants de l'Afrique australe. La Glycine tubéreuse, les tubercules du Psoralea esculenta, admis à l'honneur d'essais, l'U//ucus tuberosus, le Boussingaultia, dont les feuilles seules sont comestibles dans notre climat, les Ignames de la Chine, sont dus à des botanistes, à des missionnaires ou à UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 17 des navigateurs qui ont cherché à enrichir notre agriculture de plantes alimentaires nouvelles. Si tous les voyageurs étaient ainsi ani- més d'idées philanthropiques et patriotiques, et s'ils cherchaïent à doter leur patrie de végétaux propres à accroitre la somme des produits directement consommables, on reconnaitrait mieux encore les bienfaits de la science; mais on ne s'en occupe pas assez, et l'in- dustrie agricole en est toujours réduite à réclamer, pour son inépui- sable activité, des produils nouveaux. Que la botanique fasse partie de l'instruction générale, et l’on ne tardera pas à voir quels services celte science doit rendre à l'agriculture. Pourquoi le //ateur néglige-t-il complétement une étude qui lui apprendrait à connaître les plantes textiles susceptibles de donner des tissus supérieurs aux nôtres en finesse, d'une manipulation ou d'une culture plus facile, et de fournir du linge, des vêtements, des cordes, des voiles, etc., ou encore de simples nattes et des tapis grossiers? S'il élait botaniste, il saurait que, dans la famille des orties, la plupart des plantes donnent un fil résistant, et que notre grande ortie fournit une filasse de belle qualité; que le genèt, qui tapisse les flancs des coteaux privés d'autre verdure, est propre à fabriquer des tissus communs, ou peut fournir à la papeterie des matières premières bien supérieures à la paille et à la pulpe de bet- terave, supérieures même au coton, qui ne donne qu'un papier mou, poreux et de mauvaise qualité; il saurait que les malvacées, qui comptent déjà parmi les végétaux textiles le cotonnier, sont toutes susceptibles de subir une préparation qui les rend propres aux arts textiles : tels sont les A//Aæa, les Sida, les Napæa, les Thespesia, les Hibiscus, ete. L'écorce des Sterculia est propre à faire des cordes. Dans les deux familles voisines, les bombacinées et les byttnériacées, on trouve encore des plantes textiles ; pourtant le coton des Bombaz n'est pas utilisé, bien qu'il mérite de l'être. Dans la famille des caprifoliacées, le Lonicera xylosteum, si commun chez nous, sert à faire des tissus et des cordes, et l’on trouve dans l'écorce du Leyces- terra formosa une filasse soyeuse et brillante. Les tiliacées ont une écorce fibreuse employée seulement à la fabrication des cordes à puits : des préparations plus minutieuses la rendraient propre sans doute à jouer dans l’art textile un rôle moins humble. Les aigrettes soyeuses qui entourent, comme d’un duvel protecteur, les semences de plusieurs espèces d’apocyns, dont une, l'Apocynum cannabinum, Botan., LE 2 18 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. fournit une bonne filasse ; la soie de l'£riophoron, de la famille des cypéracées; le coton des peupliers, parmi les amentacées; les fibres des feuilles de Phormium, végétal que nous a envoyé la Nouvelle- Zélande, et dont nous n'avons jusqu'à ce jour liré aucun parti, parmi les liliacées; celles des agavés, parmi les amaryllidées; du Chameærops, parmi les palmiers ; du bananier, parmi les musacées; les S/ipa el les Lygeum, parmi les graminées, ete., sont certes capables de prouver que, si l’on étudiait les plantes textiles dans toute la série végétale, on trouverait que partout la nature nous offre des végétaux propres à faire des tissus et des vêtements. Il n’est pas jusqu'au Zagetta lin- tearia, où bois-dentelle, dont les couches fibreuses de l'écorce, autre- ment le /#4er, à mailles distantes entre elles avec régularité, ressem- blent à une dentelle, qu'on n'utilise et qui ne serve à faire des objets de toilette, depuis les Philippines jusqu'aux Antilles. Que de produits nouveaux ne trouverions-nous pas si nous voulions les chercher, non pas avec l’empressement aveugle de l'empirisme, mais avec la froide maturité de l'homme de science, qui se sert de ses longues études comme d'un flambeau pour le guider à travers le dédale des mani- festations végétales! Le feinturier a-til demandé aux différentes plantes de notre patrie des substances tincloriales? Tous savent-ils que la tige et les feuilles de la coronille des jardins, celles de la mercuriale vivace, les racines de la vipérine fournissent une couleur 4/eue? Et pourquoi ne chercherait-on pas à remplacer par des végétaux indigènes la tein- ture fournie par l'indigotier, et qui nous a fait abandonner la culture du pastel? Savent-ils qu'ils peuvent obtenir une belle couleur yaune des racines de l’épine-vinelte et des sommités du Datisca cannabina, qui fournit une teinture aussi solide et plus brillante que la gaude; des extrémités fleuries de la pomme de terre, de la fleur du narcisse des bois, de l'écorce de l'Agrus castus, de l'alaterne, de l'aubépine, du charme; que le tabouret, cette petite crucifère qui croit partout et envahit les champs depuis la fin de l'hiver jusqu'à ce que la terre soit durcie par les gelées, que le passerage, l'épervière, l'Z/ex crocea, les baies du Prinos verticillata, fournissent une teinture solide ; qu'il peut demander du vert à la scabieuse des bois, à la prunelle, au cer- feuil sauvage ; du rouge au Lithospermum ofjicinale, au Staphylea pinnata, à la piloselle, au merisier à grappes; du gris à la busserole, aux sommités de l’airelle et de la pomme de terre; du brun à la UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. $ 19 racine du fraisier et de la Iysimachie, aux tiges feuillées du mar- rube noir, de l’aristoloche clématite, du thuya, ete.; du »oir au lycope des marais, à la Seutellaria galericulata, aux racines de scor- sonère, qui sont revêlues d’une écorce d’un noir intense ? Et toutes ces ressources, qui, si elles ne servent pas directement aux hommes de l'art, peuvent être utiles aux habitants des campagnes éloignées des grands centres et qui font eux-mêmes des teintures grossières, restent inconnues parce qu'on n’étudie pas la science qui seule peut les propager. Les fabricants de couleurs pourraient tirer des bleus, si chers quand ils sont beaux, des fleurs des commelines, et du vert des feuilles de colchique. Le Po/ygonum tinctorium et le barbatum con- tiennent de l'indigo qui mérite d'en être extrait, puisqu'ils en donnent un trente-deuxième de leur poids en feuilles; le Jusficra purpurea donne également du bleu, et le /actoria du rouge ; le Bignonia chica fournit une couleur jaune d'ocre. Enfin, les couleurs d'une partie des plantes linctoriales sont susceptibles d’être fixées, et de fournir à la peinture des tons multipliés à l'infini, lesquels sont autant de nouvelles ressources pour les artistes. Le forestier se contente de connaître les essences des forêts de France et ne va pas plus loin, tandis qu'il y a tant d'arbres d’une qualité supérieure et d'une croissance plus rapide que certaines espèces indigènes, qui pourraient venir y prendre place. Que sont devenus les arbres précieux étudiés avec tant de soin et d'intelligence dans les forêts de l'Amérique du Nord par M. Michaux? Quels sont ceux qui sont entrés dans notre sylviculture? Qu’a-t-on tiré des voyages de Douglas et d'Hartweg dans la Californie, si riche en arbres verts, dont beaucoup pourraient croître chez nous, et se substituer avec le temps aux espèces ingrates et rabougries que nous cultivons presque à regret? Pourquoi le vernis du Japon, qui décore aujour- d'hui nos promenades et s'élance en colonne d’une rectitude irré- prochable jusqu'à une hauteur prodigieuse, n'a-t-il pas remplacé quelques-unes de nos essences de bois blanc, lui qui a le bois plus résistant, et qui croît bien plus vite? Qu'a-t-on fait du cyprès dis- tique, dont l'importation fit tant de bruit parmi les savants, et qui eut les honneurs d'une série d'articles élogieux oubliés depuis long- temps? Pourtant nos constructions civiles et militaires auraient be- soin de bois qui joignissent à une croissance rapide la plus grande 20 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. somme possible de ténacité. Avec des études botaniques complètes et consciencieuses, cette lacune serait bientôt remplie. Les ébéristes, en quête de bois à grains fins, de couleurs, de veinures agréables à la vue, et qui en font venir à grands frais de l'étranger, pourraient, en étudiant nos arbres indigènes, s'affranchir d’un tribut onéreux, qui a, en outre, l'inconvénient non moins grave de faire sortir du pays un numéraire que l’on pourrait y conserver. Pourtant plusieurs essais ont été faits et ont prouvé jusqu'à quel point il serait facile de s'affranchir des importa- tions étrangères. Que serait-ce, si l’on introduisait chez nous les arbres aux bois fins et colorés qui pourraient suffire à tous nos besoins ? Pourquoi ne voyons-nous pas des meubles en prunier ou en if, qui se rapprochent de l’acajou? L’orme tortillard est peut-être même plus accidenté que ce dernier. Et quand nous sommes riches surtout en bois poreux, qui sont propres à prendre toutes les tein- tures, nous allons, par un reste de préjugé qui n'accorde de mérite qu'aux produits des pays étrangers, chercher au dehors ce que nous pourrions avoir chez nous, sans peines et sans frais. Les plantes économiques, celles dont les usages spéciaux ou variés se prêtent à nos divers besoins, sont encore très-nombreuses; mais les essais sont restreints, faute de connaissances suffisantes ; et quand ils ont réussi, il est difficile de les introduire dans la culture ou de les faire pénétrer dans l'industrie. L'écorce du tilleul, celle du saule, de l’orme, de l’osier, de la guimauve, de l’ortie, du houblon, peu- vent donner un papier de bonne qualité, et ces plantes sont certes assez communes pour qu'on ne craigne pas que le produit manque à la demande; les filaments feutrés des conferves peuvent encore servir à faire des papiers d'emballage, et nos eaux fourniraient assez de matières premières pour subvenir à une partie des besoins du commerce. Les graines d’un grand nombre de plantes fournissent de l'huile propre à entrer dans l'alimentation ou à servir à l'éclairage. Le Madia saliva, qui en n'occupant la {erre que cent jours fournissait une huile abondante et propre à des usages variés, a été l'objet de quel- ques expériences, puis délaissé. Les glands du Qwercus jhellos réunissent à l'avantage de donner des fruits édules une huile fort estimée, et ce chêne réussirait chez nous, dans nos départements méridionaux . UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 21 Les pepins du raisin contiennent une huile verdàtre et douce, qui pourrait {trouver son emploi dans l'économie domestique ou l’indus- trie ; pourtant, chaque année, les pepins qui sortent de nos cuviers par milliers de quintaux, sont jetés sur la voie publique, comme entièrement dénués d'usage, ou entrent, dans quelques pays, et cela avec un médiocre profit, dans la nourriture du bétail ; le soleil aux fleurs gigantesques, et qui fournit tant de graines, pourrait prendre place parmi nos plantes oléifères, ainsi que le Galeopsis te- trahit ; mais toutes sont négligées, et nous préférons nous en tenir à la culture du colza, qui oceupe la terre pendant dix-huit mois et ne résiste pas toujours aux rigueurs de l'hiver. Le parfumeur et le distillateur doivent connaitre les odeurs que peuvent, dans leur immense variété, fournir les végétaux des diverses familles ; elles offrent, malgré leur similitude, des nuances souvent délicates, et beaucoup de plantes peuvent être substituées les unes aux autres, témoin le Pe/argonium à odeur de rose, qui est devenu l'objet d’une spéculation avantageuse. Nous avons encore, parmi les odeurs suaves qui rappellent celle de la rose, le Sedun rhodiola et le bois de Convoloulus scoparius; Vodeur de vanille se retrouve très-prononcée, et susceptible d’être séparée, dans l'enveloppe de l'avoine noire. L’odeur caryophyllée, qui est celle du clou de girofle, se trouve non-seulement dans l'œillet, mais encore dans les racines de l'Acorus calamus, de la benoïîte et du souchet; les labiées ont une odeur balsamique citronnée ou camphrée ; les ombellifères ont une odeur forte, mais souvent agréable; les fleurs et toutes les par- ties des synanthérées sont également pénétrées d’une odeur aroma- tique, dont l'exagération est quelquefois portée jusqu’à la fétidité ; les orchidées et les liliacées portent des fleurs souvent fort aroma- tiques. Le parfumeur peut encore substituer au fard en usage celui que fournissent les fruits des Zèivine humulis el purpurescens, et qui est d’un ton plus agréable. La gomme de F'Uvaria japonica sert à lisser les cheveux, et pourrait remplacer avec avantage le mucilage des pepins de coing. En un mot, à une époque comme la nôtre, où le caprice de la mode oblige à chercher constamment du nou- veau, l'industriel peut tirer parti de connaissances botaniques qui le mettront à même de lire avec succès les livres de science, et lui épargneront des recherches dénuées de méthode absorbant souvent beaucoup de temps et d'argent. De combien de variétés de saveur 22) NOTIONS PRÉLIMINAIRES. le dstéllateur ne pourrait-il pas en outre tirer parti? Ajoutez à cela l'importance qu'il y aurait pour lui de savoir où prendre les subs- tances sapides, et celle non moins grande d'apprendre à se défier des familles qui cachent le poison sous une apparence agréable. Pourquoi le distillateur n’utilise-t-il pas les feuilles du Convolrulus dissectus pour préparer une eau de noyau de fort bon goût, l'é- corce des racines du tulipier, les fleurs du magnolia, l'écorce du Drynus, les fleurs du Marunea americana, ete., pour aromatiser les liqueurs? Combien d’autres professions ne tirent pas et pourraient tirer du règne végétal des malières premières dont la mise en œuvre enri- chirait leur industrie! Les voyageurs appelés par le charme irrésistible des pérégrina- lions, ou les nécessités de leur profession, à visiter les pays étran- gers, luttent souvent, faute de connaitre la botanique , contre les tortures de la faim ou les douleurs de la maladie, quand ils ont autour d'eux les moyens de prévenir tous ces maux. Retenus par une appréhension naturelle, ils n’osent ni cueillir un fruit, ni arra- cher une racine : car ils craignent que le poison qui tue ne soit caché sous l'apparence la plus propre à inspirer la sécurité. De quelles ressources comme de quels dangers le voyageur n'est-il pas entouré quand il parcourt les riches climats de l'Inde ou les forêts vierges du Nouveau Monde, régions où nulle plante n’est inerte, où toutes sont au contraire douées de propriétés utiles ou funestes! Si la faim le presse, brisera-t-il de ses dents la noix de l’Anacardium qui ren- ferme, sous son enveloppe de cuir imbibée d’une huile âcre et corro- sive, une amande d'un goût exquis, s’il ne sait d'avance que cette liqueur caustique semble là pour défendre le fruit contre ses atta- ques audacieuses? Pourra-t-il deviner qu’au sommet de l'Areca ole- racea se trouve un bourgeon d’une saveur délicieuse, et qui peut servir à apaiser sa faim; mais que la nature l’a placé au faite de cette colonne vivante, loin des atteintes de l'homme capable de sacrifier sou- vent à la sensualité l'arbre qui a bravé les orages pendant un demi- siècle? Qui lui apprendra que la racine empoisonnée du Manihot con- tientune fécule alimentaire, lorsqu'une main experte sait en exprimer le suc délétère; que les pétioles gigantesques du Æavenala de Mada- gascar, que les petites urnes lerminales des Nepenthes ou les feuilles en godet des Sarracenia, contiennent une eau limpide propre à étan- UTILITÉ DE LA BOTANIQUE. 23 cher sa soif; qu'enfin, partout où il portera ses pas, il trouvera dans le règne végétal l'aliment qui soutient la vie, le médicament qui ranime la santé et le poison qui tue? En dehors de ces applicalions, qui ont toutes pour objet l’utile ou l’agréable, il y a dans la connaissance de la Botanique, outre le charme qui s'attache à son étude, une utilité incontestable pour le simple amateur. Combien n'arrive-tl pas chaque année d'accidents lerribles, par suite de l'ignorance des notions élémentaires de cette science ! Tantôt ce sont des gastronomes ou d'imprudents promeneurs qui récoltent dans nos bois des champignons parés de riches couleurs et d’une apparence d'innocuité propre à rassurer les plus timorés, mais recélant un poison terrible, dont les rapides effets ne sont pas arrêtés par des soins empressés; d’autres fois, les jolies fleurs d'aconit ont servi à orner une salade, et ont causé, avec d’affreuses douleurs, la mort de ceux qui en ont mangé. La petite ciguë, confondue si facilement avec le persil, et qu'il ne faut qu'un peu d'attention pour reconnaitre, cause des accidents d'autant plus graves, qu’elle croit spontanément dans nos jardins. Les baies noires et vernissées de la belladone, qui ressemblent à de grosses cerises, sont presque cons- tamment mortelles ; les fleurs du pècher sont purgatives; les amandes des fruits charnus qui figurent sur nos tables peuvent produire de graves accidents si l'on en mange une certaine quantité, à cause de l'acide prussique qu'elles contiennent; la violette, quoique douée d'une douce odeur, est vomi-purgative; les fleurs des beaux narcisses qui décorent, soit nos jardins, soit nos appartements, sont émétiques et même vénéneuses ; les souches des iris sont hautement purgatives ; les rhododendrons, les azalées, les kalmia, sont doués de propriétés perfides; les lobélies, aux fleurs éclatantes, sont d'une causticité dan- gereuse, quoique les campanules soient inoffensives. Et l'on ignore tous ces détails, qui ne sont rien quand on vit loin des jardins, mais qui trouvent toujours désarmé et sans défense celui auquel survient un accident dont la cause est inconnue. Aujourd'hui surtout que le goût des jardins est très-répandu, combien n’importe-t-il pas de connaître au moins les généralités d’une science qui apprend ce que sont des plantes avec lesquelles on est en rapport permanent? 24 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. DIVISIONS DE LA BOTANIQUE La Botanique se compose de plusieurs branches qui peuvent être l’objet d’études distinctes, et qui constituent dans leur ensemble la science végétale. Le savant Achille Richard, dont le père, Marie Richard, avait lui- même été un botaniste éminent, divisait la science dont nous nous occupons en : 1° BOTANIQUE PROPREMENT Dite, subdivisée en G/osso- logie (Au grec Y%66x, mot, langue ou langage, et 2602, discours), ou connaissance des termes propres à désigner les différents organes des plantes et leurs nombreuses modifications ; Tazonomie (du grec rdc, ordre, méthode, et üoux, nom, ou wuo, loi, règle), ou application des lois générales de la classification au règne végétal; Phytographie (du grec qro, plante; yo4çw, je décris), ou art de dé- crire les plantes, c’est-à-dire de faire connaître, par l'emploi de termes techniques, les caractères généraux ou particuliers propres à distinguer un végétal de tous les autres; — 2° PuySIQUE VÉGÉTALE, ou Botanique organique, subdivisée en : Organograplie (du grec Gyavo, organe , et 7pçw, je décris), ou description des organes, de leur forme, de leur position, de leur structure et de leurs con- nexions; Physiologie végétale, où étude des fonctions propres à chacun des organes, et dont l’ensemble constitue la vie; Pathologie végétale, enseignant les diverses altérations ou maladies qui peuvent affecter les végétaux ; — 3° BoTaNIQuE APPLIQUuÉE, laquelle branche de la botanique générale s'occupe des rapports qui existent entre l'homme et les végétaux, et se subdivise en : Botanique agricole, où application de la connaissance des végélaux à la culture et à l'amé- lioration du sol; Botanique médicale, où application des connais- sances botaniques à la détermination des végétaux qui peuvent être employés dans l’art du médecin et du pharmacien; Botanique écono- mique où industrielle, Yaquelle a pour objet de faire connaître l’uti- lité des plantes dans les arts ou dans l'économie domestique. Payer, plus récemment, a divisé l'étude de la botanique en : 1° ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE, branche devenue une véritable science, dit-il, grâce aux travaux de De Candolle et d’Auguste Saint-Hilaire ; — 2° ANATOMIE VÉGÉTALE, science qui dut son origine à l'Anglais DIVISIONS DE LA BOTANIQUE. 25 Grevw et à l'Italien Malpighi, dans le courant du dix-huitième siècle ; — 3° ORGANOGÉNIE VÉGÉTALE, branche qui a été créée par Mirbel au commencement de notre siècle ; — 4° PnysioLoGtE VÉGÉTALE, bran- che la moins avancée, selon Payer, de toute la science botanique, malgré les travaux des Saussure et des Hales ; — 5° TÉRATOLOGIE (du grec rive, réperos, prodige, et 26y0:, discours) VÉGÉTALE , ou traité des phénomènes, des difformités des végétaux ; — 6° ParnoLoGie (du grec +4%0c, affection, maladie, el2670:, discours) vÉGÉTALE, ou maladiés des plantes; — 7° Puvrograrme, ou description des plantes; science dont Linné posa les premières règles; — 8" GÉOGRAPHIE BOTANIQUE, ou connaissance du sol et des climats qui conviennent aux plantes et des lois qui président à leur distribution sur la surface du globe; 9° BOTANIQUE APPLIQUÉE, appelée aussi par quelques auteurs TEcuno- LOGIE (du grec x», art, et ;670:, discours), ou histoire des usages auxquels peuvent être appliquées les diverses parties des plantes ; — 10° BorTAnIQuE FossiLE, ou description des empreintes des végé- taux, pour la plupart disparus, que l’on retrouve sous les diverses couches de notre globe. Ces deux manières de diviser la science botanique se complètent l’une par l’autre plutôt qu'elles ne s’excluent. Mais, pour n’entrer ici que dans l'appréciation de quelques-unes des principales divisions des deux maitres que nous venons de nom- mer, nous dirons : L'ANATOMIE YÉGÉTALE fait connaitre la structure intime des organes qui entrent dans la composilion des plantes ; c’est l'étude des tissus élémentaires. Elle montre que les végétaux inférieurs ont une struc- ture beaucoup plus simple que ceux d’un ordre plus élevé; que les algues, les champignons, leslichens, ne sont composés que d'un seul tissu, le tissu cellulaire; tandis que dans les fougères, les palmiers, les chênes et tous les arbres de nos forêts, on trouve, outre ce tissu cellulaire, les tissus fibreux et vasculaire diversement agencés pour constituer les organes composés : racines, tige, feuilles, fleurs et fruits. L'orGANoGRAPHIE apprend quelles sont la forme', la couleur, la dimension et la symétrie de ces différents organes, sans se pré- occuper des fonctions. La morpnoLoGie (du mot grec pos9», forme, 26e, discours), n’est autre que l’organographie expliquée par les transformations aux- quelles sont soumises les parties des végétaux. 26 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. La PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE est la science appliquée aux fonctions ; c’est l'étude la plus élevée, la plus profonde et celle qui exerce par-des- sus tout la sagacité des savants. Là l’organe n'est plus qu'un simple appareil, dont la fonction est l'objet d’une recherche spéciale; et de combien de mystères est entourée la vie de ces êtres si fréles, que le malin voit naître et le soir mourir! Que de problèmes insolubles encore dans le vaste champ de cette science ! C’est que dans les infi- niment pelits le secret de la vie est aussi profondément enfoui que dans l'être le plus développé, et l’on ne connait pas mieux le phéno- mène d'intussusception de la molécule qui compose la conferve, le nostoc, les oscillaires, que le système compliqué de la vie du chène ou du baobab. Qui croirait que dans une surface de quelques milli- mètres carrés se trouvent accumulés tant de faits divers et tous si admirables, que la vie de l’homme s’use vainement à les étudier? La physiologie végétale est la science par excellence ; sans elle, le reste n'est qu'un dédale où se perd l'observateur. C’est le fil conduc- teur qui lui sert de guide dans cet immense labyrinthe : aussi tous les hommes qui se sont fait en science un nom durable, ont-ils fourni à la connaissance des fonctions de l'être végétal quelque lumière de plus que leurs prédécesseurs. C’est souvent aussi, il est vrai, la science des conjectures ; et bien des systèmes ingénieux, des théories pleines de subtilité, sont sortis de cette étude ; mais il y a, même dans ces erreurs séduisantes, un enseignement qui profite à la science et in- dique l'écueil qu'il faut éviter. Avouons cependant que c'est sur le terrain de la physiologie végétale que les savants se livrent les plus rudes combats. La passion vient trop souvent se mêler à ces paisibles recherches; mais elle fait couler plus d'encre que de sang, et ces dis- putes sont à la vraie science ce qu'est le choc de deux petits cailloux d’où sort l’étincelle qui produit la lumière. La GLOSSOLOGIE Où TERMINOLOGIE, quoique moins savante, forme ce- pendant dans cette science une partie importante ; car elle fixe avec précision la valeur des termes dont se sert le botaniste descripteur. C'en est, il faut l'avouer, une des parties jes plus confuses : chaque auteur se fait une terminologie spéciale; de là l'anarchie qui règne dans la science des termes. C’est au reste l'apanage des petits esprits ; tous les hommes qui ont vu la science de haut ne se sont pas amusés à créer inutilement des mots qui viennent grossir sans nécessité les dictionnaires de botanique, déjà assez volumineux. Mais la /osso/o- DIVISIONS DE LA BOTANIQUE. 27 ge, Si simple lors de la création de la science, sous l'inspiration de maitres vénérés de leurs disciples, s’est enrichie à mesure que les écoles ont surgi et se sont posées en rivales. Il faut done aujourd'hui, malgré ce qu'il ya de fastidieux dans l'étude de cinq à six mille mots, en connaître une partie pour lire les ouvrages de science pure. Les no- vateurs inintelligents croient avoir beaucoup fait en multipliant le nombre des termes botaniques; que les jeunes amateurs de bota- nique se prémunissent contre celte maladie, qui fait prendre pour de la vraie science l'expression nouvelle ou prétentieuse. La puyrograpuie est celle autre partie de la science à laquelle la glossologie sert d'auxiliaire ; c’est elle qui décrit le végétal de ma- nière à le faire reconnaitre entre tous, et c’est, dans la botanique, une étude d'une haute utilité; mais, aride et sèche, elle exige des connaissances {rès-précises, pour que la description réunisse les con- ditions voulues, c’est-à-dire pour qu'elle soit concise et indique la caractérislique réelle du végétal décrit. C’est à la phytographie que se rattache la nomenclature, appelée encore onomatologie, sur la- quelle nous aurons à revenir pour en faire comprendre l'utilité et en indiquer Ja confusion. Aujourd’hui que la science a des milliers d’adeptes, et que les végétaux ont été trouvés simultanément par des voyageurs appartenant à des nations différentes, ou qui n'étaient pas assez au courant de la science pour connaître les êtres nouveaux dont elle s'était enrichie, la syronymue, ou la connaissance des noms di- vers donnés à un même végétal, compose seule un gros volume où certaines plantes ont souvent plus de vingt noms, sans compter les noms vulgaires. Pour beaucoup, c'est un jeu que de changer le nom d'une plante; mais en science sérieuse, c’est un grave délit, car la confusion arrive alors à son comble. La PHANÉROGAMIE (du grec ozv2è:, évident, visible, et y4uoc, noce) est l'étude des phanérogames, c'est-à-dire des végétaux dont les or- ganes de reproduction sont manifesles, visibles, et la cryprogamie (de ovrtos, Caché, et yéuos, noce) l’élude des cryptogames, c'est-à-dire des végétaux dont les moyens de reproduction sont cachés; elles for- ment les deux grandes divisions de la phylograplne. La raxoNomIE discute les espèces, les genres, les familles, et les classe méthodiquement. C’est une des plus savantes parties de la science, en ce qu'elle comporte une connaissance précise des diverses branches qui précèdent. 28 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. Le système, si important pour arriver à la connaisance des noms d’un végétal qu’on trouve pour la première fois; la #6/hode, ou la classification d'après les principes philosophiques de la science, qui a illustré chez nous les Jussieu, les Adanson, les De Candolle, les Ri- chard, sont du domaine de la /aronomie. Après la botanique scientifique vient la BOTANIQUE APPLIQUÉE, sans laquelle la première ne serait qu'une étude stérile, et qui peut se di- viser en botanique médicale, industrielle, économique, agricole, fores- lière et horticole. Elle sert de flambeau et de guide, par les dissem- blances ou les analogies, dans le choix qu'on doit faire de tel ou tel végétal pour notre utilité. Aussi la botanique appliquée est-elle plus universelle encore que la zoologie, et se trouve-t-elle mêlée à notre vie tout entière : c’est pourquoi l'étude de celte science est d’un si puis- sant intérêt. Mais dans le domaine de la pratique, c’est une science nouvelle, que lempirisme guide plus souvent que la synthèse, bien qu'elle puisse tirer de cette dernière les lumières qui lui manquent. La BOTANIQUE MÉDICALE étudie les propriétés des végétaux dans leurs rapports avec l’art de guérir ; et le thérapeute, devenu moins dédai- gneux depuis que l'étude des principes actifs des plantes a été mieux comprise, emprunte au règne végétal de nombreux adjuvants. n’est pas un végétal qui n'ait quelques vertus : les uns, pleins d’un suc doux et nourrissant, font les délices de nos festins, et figurent sur la table du riche aussi bien que sur celle du pauvre; d'autres, dans les- quels le sucre est mêlé à des principes acides, enlèvent la soif ar- dente que cause la fatigue ou qu'engendre la fièvre; quelques-uns, doués d'une amertume très-développée, relèvent les forces digestives et donnent du ton aux organes; certains, àcres, corrosifs, enflam- ment les tissus et causent la mort; d’autres, trop communs toujours, contiennent des principes délétères qui éleignent la vie avec la rapi- dité de la foudre, et ne laissent presque nulle trace de leur passage ; et ces végétaux, salutaires ou terribles, croissent au milieu de nous, presque sous nos pas. La BOTANIQUE INDUSTRIELLE apprend à l'industrie quelles sont les matières premières qu'elle peut mettre en œuvre pour la filature, la teinture, les constructions terrestres et navales. La BOTANIQUE ÉCONOMIQUE Où MÉNAGÈRE fait connaître l'usage des végétaux qui peuvent être employés à l’alimentation de l'homme et des bestiaux. PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 29 La BOTANIQUE AGRICOLE enseigne les règles simples et rationnelles de la culture; apprend aux cultivateurs à perfectionner les végétaux, à augmenter ou à développer leurs propriétés utiles, ou à atténuer leurs qualités nuisibles ou repoussantes ; pour faire produire au sol tout ce qu'il peut donner, elle s'éclaire de la chimie qui fait connaître expérimentalement les influences réciproques des végétaux sur le sol et sur les animaux; enfin elle enrichit l'agriculture de ses décou- vertes, multiplie les espèces utiles, et va demander à tous les climats des végétaux qui servent à l'alimentation de l'homme et des animaux, et aux divers besoins de la vie. La botanique agricole peut contenir la vticulture, ou art de cultiver la vigne. La Syzvicurrure est l'art d'entretenir les forêts, de connaître les arbres en général dans leur nature, leur essence, leur meilleur usage et leur meilleur emploi, ainsi que les moyens de les approprier au sol qui leur convient et d'en propager les espèces. La BoraniQue morricoe el l'Horricuzrure proprement dites con- cernent l’art de cultiver les jardins, de varier les fleurs, d'en augmen- ler le nombre, de cultiver les arbres fruitiers et d'en obtenir de plus beaux produits. L'horticulture parcourt aujourd'hui toutes les régions, et les dépouille de leurs richesses florales pour en embellir nos jar- dins, et de leurs végétaux utiles pour en enrichir notre agriculture. Une fleur, une plante alimentaire nouvellement introduite, nouvel- lement obtenue, est non-seulement une parure, une cause d’orgueil, elle est une richesse pour son heureux propagateur, et plus lard pour le pays entier. Tout appelle donc dans cette science si aimable de la botanique l'intérêt de l'homme ; utilité, agrément, y sont étroitement unis. PRINCIPES POUR ÉTUDIER On manque, en général, d'indications méthodiques pour l’étu— dier avec fruit : on s’est trop souvent borné à l'étude analytique; les livres élémentaires, les cours, ceux même professés par les hommes les plus éminents dans la science, ont l'inconvénient de n’enseigner que des détails de glossologie avec quelque peu de taxo- nomie et d'organographie, parce que la méthode purement analytique est celle qui est rigoureusement adoptée. Il semblerait qu'on recule 30 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. devant la tâche de s'élever jusqu'aux généralisations, qui sont pour- tant bien préférables, en ce qu'elles agrandissent l'intelligence, que rapelisse toujours l'analyse quand elle est la seule méthode suivie. Aussi, voit-on un très-petit nombre d'élèves sortir des cours, bota- nistes dans le sens philosophique du mot; et parmi ceux qui persistent dans cette étude de mots et de noms, la plupart deviennent de simples descripteurs ou de futiles disséqueurs d'espèces. On est encore convaincu, ce qui est radicalement faux, qu'on ne peut être botaniste qu’à la condition de connaître le plus de plantes possible, et de s'être plongé dans le dédale des diagnoses spécifiques. Oui, certes, il est important, très-important même, de connaitre un grand nombre de types végétaux, parce que les points de vue se multiplient avec les objets de comparaison; mais ce qu'il faut posséder avant tout, pour être vraiment botaniste, c'est le sens de l'énigme de la végétation; et pour cela, il faut que le règne végétal soit vu de haut et pour ainsi dire à vol d’oiseau, au lieu d’être minutieusement étudié brin à brin. Aucune branche de la science ne gagne à l'étude analy- tique pure, car l'analyse fait perdre le sentiment de la synthèse ; et qu'est-ce qu'une science qui n’a pas de synthèse, d'idéal? Elle se traine péniblement de recherches en recherches, qui viennent grossir sans profit des traités trop longs déjà ; et, faute d’un criterium qui serve de base à toute la science, on est, comme en chimie, obligé de l’étudier à nouveau tous les deux ou trois ans, parce que la langue en a changé, et qu’une autre théorie, aussi peu vérifiée que la précédente, est venue y apporter la confusion au lieu de la lumière. Il est vrai de dire que la science analytique, empirique même, n’a pas empêché les applications, les découvertes utiles; mais, pour arriver à un résultat, il faut faire de la science, non pas seulement une étude, mais une pro- fession, et jamais ses principes n'entrent, pour une part quelconque, dans cette admirable synthèse des connaissances humaines qu'on appelle philosophie. La botanique, certainement, est difficile à saisir dans son ensemble, car elle échappe par la mobilité de ses manifesta- tions à toute systématisation générale que viennent corroborer les faits; c’est pourquoi, après avoir constaté l'ascendance des trois grandes classes, les acotylédones, les monocotylédones et les dico- tylédones, nous ne savons plus où une classe finit et où l'autre com- mence ; c'est pourquoi nous voyons Laurent de Jussieu terminer ses familles végétales par les Arrentacées, en se fondant sur les formes PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 31 arborescentes absolues de ce groupe et sur la séparation des sexes ; De Candolle, qui a adopté une méthode inverse, commencer par les êtres les plus complexes, et mettre à la tête de ses familles les /?enon- culacées; Endlicher finir par les Mémosées, rameau de la grande famille des légumineuses; M. Adrien de Jussieu, par les Composées, à cause des soudures si nombreuses dans cette immense famille, et la réunion des organes par soudure lui paraissant le plus haut degré de perfection. En un mot, quand il s’agit de grouper naturellement les végétaux, les opinions deviennent divergentes, car le véritable signe de la plus grande perfection nous est encore inconnu; c'est ce qui rend cette science plus obscure que la zoologie. Nous avons, pour classer les animaux, le système nerveux et le système circulatoire, que nous voyons réellement se perfectionner en s'élevant de groupe en groupe, tandis que nous n'avons pas pour les plantes cette même ressource. C’est justement cette incertitude qui donne à la science un nouvel attrait el sert d’aliment incessant à l'activité du penseur, qui interroge tous les phénomènes pour en découvrir le sens, aussi bien que du simple contemplateur, qui se contente de déductions plus vagues; et nous ne pouvons prévoir l'époque où le mystère de la vie végétale cessera pour nous. Cette obscurité ne nous empêche pas de synthétiser la science; mais nous ne devons regarder la synthèse que comme un moyen de relier les faits entre eux, et comme une méthode destinée à en faciliter l'étude. Examinons maintenant le but que semble se proposer le novice qui veut préluder à l'étude de la botanique. Il prend une Flore locale, rarement précédée de considérations élémentaires sur le règne vé- gétal, et écrite dans une langue qu'il ne connaît pas et qui devient chaque année plus riche en mots et plus pauvre en idées : véritable grimoire pour quiconque n’en a pas la clef. Elle remplace les études préliminaires essentielles par d’ingénieux moyens d'arriver à la con- naissance du nom d'une plante; c’est un problème dont la solution, facile quelquefois, souvent entourée de difficultés inextricables, et qui n'exige qu'une analyse superficielle, a pour résultat final de faire connaitre un nom, rien qu'un nom. Cela fait, l'élève passe à une autre plante, de celle-là à une troisième, et ainsi de suite, tant qu'il lui reste de patience et de vide dans l'esprit. I vaudrait mieux qu'il se promenât chaque jour une heure dans un jardin de botanique ; il y acquerrait au moins, avec le nom des végétaux, le sentiment des 32 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. analogies naturelles; mais c'est un moyen inusité. Si l'élève a l'esprit porté à la synthèse, cette fastidieuse étude l’ennuie, et il laisse là la science; si au contraire il se complait dans les détails minutieux, il se jette dans l'étude des différences spécifiques, et, une fois dans ce labyrinthe, il perd le sentiment de l’ensemble et se trouve réduit à l’état de simple nomenclateur. S'il est tombé plus bas encore dans l'étude inintelligente de la science, il fait des herbiers, sèche, étale, colle, étiquette, et il travaille vingt ou trente années sans être devenu botaniste. L'élève du cours sait plus de ylossologie el moins de phyto- graphie ; mais de botanique, peu ou point. Une autre lacune regrettable au point de vue général, c’est que l'étude de la botanique est scindée ; et parmi les botanistes de profes- sion, il en est peu qui cultivent à la fois la Cryptogamie et la Phanéro- gamie. Pourtant, la première de ces deux divisions de la phytographie présente l'introduction la plus complète que l'on puisse donner à la p/- losophie botanique, et Y'on ne peut même pénétrer avec quelque succès les mystères de l'anatomie et de la physiologie végétales qu’en s'éle- vant, dans l'échelle phytologique, du simple au complexe, comme cela a lieu en zoologie, sans avoir besoin pour cela d'étudier dans tous leurs détails les nombreux individus de la cryptogamie, mais en suivant les différentes transformations qu'ils présentent, en passant du sim- ple au composé; car, plus que les phanérogames, ils permettent de suivre le perfectionnement successif des formes. Le but que doit se proposer tout auteur botaniste, est d’initier l'élève à la connaissance des phénomènes généraux du règne végétal, et de le mettre à même d'en connaître l’ensemble; ce qui lui servira, dans le cas où il ne voudrait pas poursuivre plus loin ses études en sciences naturelles, d'initiation première à l'étude de la philosophie de la nature, entièrement ignorée des hommes de spéculation pure, qui se replient sur eux-mêmes dans le silence du cabinet, pour créer, suivant la fantaisie de leur cerveau, un monde qui ne ressemble en rien à celui que nous avons sous les yeux : de là le désaccord qui existe entre les naturalistes et les philosophes. Si l'élève veut, au contraire, pénétrer plus profondément dans la science, il descendra des faits généraux aux détails; mais il aura {oujours pour ér#ferium la synthèse de la science, et elle lui servira de phare dans ses études, quelque minutieuses qu’elles puissent être. J.-J. Rousseau, dans une série de lettres écrites d’un style atta- PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 33 chant, a exposé les principes élémentaires de la botanique, au moyen de l'analyse de quelques plantes des plus communes de nos pays, dont il fait successivement étudier les organes ; les plantes qu'il choi- sit pour types sont : les ///iacées et les narcissées, qui représentent les monocotylédones, lés crucifères, les papilionacées, les labiées, les scrophulariées, les ombellifères, es composées et les rosacées. C'est une esquisse bien incomplète de l'immense variété des formes végé- tales, dont l'inspiration est due à la méthode primitive de Tourne- fort; aussi que peut-on, malgré le talent de l'auteur, malgré l’élo- quence de sa diction, apprendre de vraie botanique en se bornant à celte méthode démonstrative? Il est vrai de dire que, comme la méthode qui y a donné naissance, le système d'enseignement de J.-J. Rousseau est un modèle qui peut être agrandi, sans rien perdre de son utilité. C'est ce qu'a fait M. E. Lemaout, qui, dans son analyse raisonnée de cinquante plantes vulgaires, a tracé l'histoire d'un type de quarante familles. C’est une amplification de la méthode de J.-J. Rousseau ; mais pour cent cinquante à deux cents familles com- prenant près de sept mille genres, c’est peu, c'est mème insuffisant, et, tout en rendant à M. Lemaout la justice qui lui est due, on est obligé de reconnaitre qu'il n'y a pas dans sa méthode tous les éléments nécessaires pour l'étude des végétaux. Il ne s’agit pas tant de connaitre des noms, des mots et des faits, que de faire voir l’en- chainement de ces mêmes faits, et d'enseigner comment, pour répon- dre au besoin de la caractéristique si multipliée des formes, la langue a dû subir de nombreux changements afin de venir en aide à la descrip- tion, qui est restée bien vague encore, malgré l’extrème multiplicité des termes. Il aurait donc fallu, pour lier entre eux les excellents éléments contenus dans ce livre, que ces quarante familles fussent groupées de manière à montrer le passage des formes qui se perfec- tionnent, en passant de l’acotylédonie à la monocotylédonie, ‘et de là à la dicotylédonie! et indiquer les hiatus qui séparent certains grands groupes. La marche qu'il convient de suivre pour étudier avec fruit la bota- nique est, selon nous, celle-ci : lire attentivement un traité sur la ma- tière, accompagné de figures dessinées avec exactitude, et qui fera 1. Le lecteur, s’il en a besoin, peut recourir, dès à présent, au Dictionnaire des termes de botanique, placé à la fin de l'ouvrage, pour les termes scientifiques qu'il rencontre dans ces notions préliminaires. Botan., T. I. 3 31 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. connaître sans grand effort, soit par lui seul, soit à l'aide d’un Dic- tionnaire élémentaire de la science, qui l'accompagnera, les mots les plus importants de la langue botanique et leur valeur. Au lieu de s'appesantir sur les détails, il faudra, soit par une opération de l’es- prit, si le traité qu'on a devant les yeux est muet sous ce rapport, soit par l'étude d’un traité réellement méthodique, suivre pour cha- que série d'organes une marche uniforme. Ainsi, pour se conformer à l’ordre le plus généralement adopté, lorsqu'on entrera dans l'étude de l’organisation du végétal, on com- mencera par les racines, en partant des formes rameuses et cheve- lues, pour passer aux fibreuses pivotantes, puis aux racines solides, et en examinant les divers accidents qui se présentent dans le règne végétal, comme autant d'anomalies; on passera de là à l'anatomie de la racine, ou à l'étude des éléments textulaires qui la composent, puis à l'étude de ses fonctions. On devra étudier ensuite les /2ges, qui présentent des formes bien plus multiplhiées; car, soit qu’elles restent cachées dans la profondeur du sol, soit qu’elles se dressent dans l'air et se chargent d’un vert feuillage, elles remplissent une mème fonction à l'égard de la plante; il est donc bon de les étudier également sous ce triple rapport. Les /ewilles sont plus variées encore : pour procéder logiquement dans leur étude, on examinera d'abord la figure, en partant des formes simples et entières, puis les altérations qui les morcellent, les découpent, et les font passer du simple au composé. Après l'étude de la forme viendra celle des accidents qui en mo- difient la surface, c’est-à-dire les gaufrures, les plissures et les poils de toutes formes ayant souvent une grande valeur caractéristique. Pour connaitre ensuite l’histoire tout entière de la feuille, 1l faudra, avant de faire par soi-même les observations qui conduiront à des points de vue nouveaux, en étudier l'anatomie, ou la décomposition en ses éléments morphologiques, puis la fonction ou la physiologie. Après la feuille on étudiera la fleur, après la fleur le /rwt. Enfin, chaque fois qu'on passera d’un organe ou d’une série d'appareils à d’autres, on aura soin de suivre la même méthode. C'est le moment d'introduire dans ces notions préliminaires un rapide aperçu sur le végétal et sur les principaux organes qui le composent, organes dont il vient d’être question. Ce n'est pas pour empiéter ici sur l’organographie végétale, si amplement traitée dans le corps de cet ouvrage, dont elle est une des parties capitales; mais PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 39 c'est une simple préparation très-élémentaire, pour le lecteur qui en aurait besoin, après ce qui vient d'être dit et avant de parler, comme on le fera tout à l'heure, de l'herborisation et des herbiers. Le végétal où, par synonymie, la plante est un être organisé, pourvu de fonctions nutritives et généralrices, vivant, croissant , vieillissant, susceptible de santé et de maladie, fixé au sol, et privé de locomotion, de mouvement spontané, de sentiment. Les anciens, tels qu'Aristote, Théophraste et Pline, se conten- taient de diviser les végétaux en Lerbes et en arbres. On les distingue encore, en thèse générale et vulgaire, en herbes, sous-arbrisseaux, arbrisseaux, arbustes et arbres. Au point de vue scientifique et depuis que la botanique a fait des progrès basés sur l'observation, les végétaux sont devenus l’objet de deux divisions principales : 1° Les cryptogames, c'est-à-dire, suivant l'étymologie grecque déjà fournie page 27, les végétaux dont les organes de reproduction ne sont pas apparents, ou acotylédonés (d'x privatif, zérvoc, cotyle), c’est-à- dire dépourvus de cofylédons ou de la partie supérieure de l'embryon en forme de vase appelé co/yle chez les Grecs, et constituée par une ou deux feuilles; — les cryptogames ou acotylédonés ont été subdi- visés par M. Adolphe Brongniart en acrogènes (du grec po, sommet; yewdw, engendrer), plantes dont l’accroissement, selon lui, s'opère par le sommet seulement et non en diamètre, comme les fougères, les marsilacées, les Iycopodiacées et les mousses ; et en amphigènes (d'éuei, autour; yevéw , engendrer), plantes dont l'accroissement s'opère, selon le même naturaliste, dans tous les sens, qui ne pré- sentent en général aucun axe bien déterminé, sont dépourvues de feuilles et constituées exclusivement par du tissu cellulaire, comme les champignons, les lichens et les algues. 2° Les phanérogames, c'est-à-dire, selon l’étymologie déjà donnée, les végétaux dont les organes de reproduction sont apparents, ou colylédonés, c'est-à-dire pourvus de co/ylédons ; — les phanérogames ou cotylédonés se subdivisent en z20nocotylédonés (de p6vos, seul, #6r0e, cotyle), plantes dont l’'ebryon, ou partie rudimentaire encore renfermée dans la graine, n'a qu'un cotylédon; ou, d’après de Can- dolle, en endogènes (d'#dw, dedans, yew4w, engendrer), plantes dont la tige est formée de faisceaux ligneux plongés isolément dans un tissu cellulaire et non disposés par couches concentriques; en gyrmo- 90 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. spermes (de pouvez, nu; crépua, semence, graine), plantes dont les graines ne sont point renfermées dans un fruit où plutôt dans un péricarpe, qui est la partie du fruit servant à envelopper et à dé- fendre les semences; et en dcolylédonés (de ds, deux fois, z6rv)0s, cotyle), c'est-à-dire pourvus de deux cotylédons; ou, d’après de Candolle, en érogènes (d'y, en dehors, 74», engendrer), plantes dont la tige est formée de faisceaux disposés par couches concen- triques. Un végétal ou une plante a donc des organes. Ces organes sont de deux sortes : 19 ORGANES DE VÉGÉTATION OÙ DE NUTRITION ; 29 ORGANES DE GÉNÉRATION OÙ DE REPRODUCTION. Les organes de végétation où de nutrition sont la racine, la tige et la feurlle, La RAGINE est cette partie inférieure du végétal qui est le plus souvent enfoncée dans la terre, et quelquefois flotte dans l’eau quand elle appartient à une plante aquatique. Par sa nature, elle est émi- nemment douée de la faculté de pomper les sucs nécessaires à la nutrition et à l'accroissement de l'individu dont elle est la base, le fondement. Elle ne présente jamais à sa surface des nœuds connus en botanique sous la dénomination de nœuds vitaux, d'où sortent des feuilles ou des branches et qui sont l'apanage de la 9e. Quand la partie du végétal qui plonge dans la terre porte ces signes, ce n’est plus une racine, c'est une tige souterraine appelée ou rhzome (du grec poux, souche) si elle est allongée, comme dans l'iris, ou /wber- cule si elle est renflée, comme dans la pomme de terre. Les divi- sions des racines prennent le nom de radicelles, se divisent à leur tour en parties extrêmement ténues que l’on appelle fbrrlles et dont l'ensemble constitue ce qu'on nomme le chevelu de la racine. Les racines sont annuelles quand elles se développent et meurent dans la même année; lsannuelles quand elles ne meurent que la seconde année de leur développement, comme dans les plantes qui ont besoin de deux ans pour se développer complétement avant de disparaitre ; vivaces quand elles persistent pendant un certain nombre d'années, mais toujours plus de deux; /2gneuses quand elles ont la consistance PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 91 du bois ; aériennes lorsqu'elles naissent sur une partie du végétal ex- posé à l'air, ete. La niGe est la partie ascendante du végétal, celle qui s'élève de la racine et se dirige vers le ciel. Elle renferme les canaux par lesquels passe la séve nourricière, et, en se développant, elle se divise en branches et en rameaux. Elle est dite erbacée quand elle présente peu de consistance ; elle est dite /igneuse (du latin igruun, bois) dans les arbustes et les arbres. Les FEUILLES sont des espèces d'appendices membraneux qui gar- nissent la tige, les branches et les rameaux. Elles se composent du limbe (du latin /nbus, tour, circuit), ou dsque, qui est la partie élargie et plane constituant la feuille proprement dite; du pé/iole (petiolus, petit pied), qui en est la queue ou le support, et, sou- vent, à la base du pétiole, d'expansions membraneuses, au nombre de deux, que l’on appelle s/pules. Les organes de génération où de reproduction appartiennent à la fleur et au frut. La FLEUR présente généralement deux enveloppes distinctes, qui sont le calice (du latin calèr et du grec z#%, gobelet) et la corolle (corolla, par corruption de corona, couronne), calice et corolle dis- posés pour renfermer et protéger les organes reproducteurs qui sont les étamines (du latin s/amen, tiré du grec cru, fil, filament) et le peste! (du latin pesti/lum, pilon, fait en forme de pilon). Le Cazice est comme le prolongement et l'épanouissement de l'écorce du support, du pédoncule de la fleur ; ordinairement vert, il revêt quelquefois d’autres couleurs, comme dans le fuchsia ; il entoure extérieurement la fleur, à laquelle il sert en quelque sorte de ber- ceau ou de coupe; il est l'enveloppe la plus externe, la seconde en- veloppe des semences, et semble destiné tout ensemble à servir d'appui à la corolle et à doubler l'espèce de rempart que celle-ci forme autour de ces semences, encore faibles et délicates. Les pièces ou sortes de petites feuilles dont il se compose ont reçu le nom de sépales (du latin sepalumo ; mais il n’est pas toujours formé des pièces distinctes ; quelquefois toutes les pièces sont soudées entre elles, comme dans la sauge, et alors il prend les épithètes de z#0on0phylle (du grec pos, unique, g20, feuille), de monosépale et de gamosépale (de yéos, mariage, union). Quand les sépales ne sont point soudés les uns aux autres par leurs bords, comme dans la giroflée, le pavot, la renon- 38 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. eule et le tilleul, le calice prend l’épithète de pol/yphylle (de roe, plusieurs, beaucoup), de po/ysépale (plusieurs sépales), et de daly- sépale (de date, dissoudre, désunir). Le calice est comme une transition entre la corolle et les petites feuilles colorées qui avoi- sinent le plus la fleur, feuilles que lon appelle #ractées [du latin bractea, feuille courte, mince). La coroLLe est celte partie de la fleur qui est le plus faite pour charmer la vue et flatter l'odorat. Délicate, diaphane, membra- neuse, souvent peinte des couleurs les plus vives, les plus riches, les plus variées, généralement imprégnée d’une huile très-volatile qui communique à la plante son odeur soit suave, soit nauséabonde, elle est la plus immédiate, la plus interne des deux enveloppes qui contiennent et garantissent les semences. Elle est formée de pièces auxquelles on a donné le nom de pétales (du grec 7:27, petite lame, petite feuille). Quand ces pièces sont distinctes les unes des autres, elles gardent simplement le nom de pétales, et la corolle est dite alors dalypétale et encore polypétale. La partie qui ter- mine inférieurement chaque pétale s'appelle orgler, et la partie su- périeure lame. Quand les pétales sont soudés les uns aux autres de manière à ne paraître former qu'une seule pièce, on donne à la co- rolle l’épithète de z0onopétale ou de gamopétale. La plante privée de corolle reçoit l'épithète d'apétale (d'a privatif et reréu). La corolle prend le surnom de périgyne (de rgi, autour, yw#, femme), quand elle est insérée autour de la partie inférieure du pistil ou de l'ovarre dont il va être parlé tout à l'heure, lequel pistil contient les ovules ou premiers rudiments, premier état de la graine, comme dans la campanule et le rhododendron; elle prend le surnom d’éyigyne (de ëni, sur) lorsqu'elle est insérée au sommet de l'ovaire, comme dans la reine-marguerite ; enfin elle prend le surnom d'Aypogyne (de ÿro, dessous) quand elle est insérée en dessous de l'ovaire, comme dans le liseron et l'æillet. Les éramneEs sont les organes mâles du végétal. On y distingue ordinairement trois parties principales, à savoir : le po//en (mot latin qui signifie fleur de farine), poussière ou substance propre à fécon- der; l'anfhère (du grec &9rove, fleuri), espèce de petite poche, de petit sachet membraneux, le plus ordinairement à deux loges, qui contient le pollen; et le /{/et, partie inférieure qui sert de support à l’anthère. C’est sur le nombre des étamines que l'illustre Linné PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 39 avait fondé en grande partie son système de classification, auquel on à préféré depuis la méthode naturelle préconisée par Antoine- Laurent de Jussieu. Un botaniste de nos jours, Dunal, désireux de changer la nomenclature botanique en raison de ses observations, a donné à l'ensemble des étamines le nom d'androcée (d'avip, avdpoe, homme), par opposition au ywerxïo gynécée des Grecs appartement, réunion de femmes). ; Le risTiL ou, suivant Dunal, le gynécée qui est l'ensemble de plu- sieurs pistils, constitue l'organe reproducteur féminin du végétal. I se compose de l’oraire, qui en occupe la partie inférieure et con- tient les ovules ou rudiments de la graine; du s/yle, prolongement filiforme de l'ovaire qu'il surmonte, et du s#igmate, corps glan- duleux que supporte le style, et qui reçoit et transmet l'influence du pollen. Le rrurr n’est autre que le résultat de la fécondation de l'ovaire, ou plutôt c'est l'ovaire lui-même fécondé, développé, parvenu à matu- rité. Il comprend deux parties distinctes : 1° le péricarpe (de r:pi, autour, #2970:, fruit), qui est la partie extérieure, l'enveloppe du fruit, et qui se subdivise en épicarpe (d'ëri, sur) ou peau proprement dite; en endocarpe (de #7, en dedans), membrane qui revêt et tapisse la cavité intérieure, et en sercocarpe (de o£, chair) ou mé- socarpe, (de pi, milieu), intermédiaire tendre et spongieux, sou- vent charnu et succulent, des deux précédentes membranes; 2° la graine, sorte d'œuf végétal, principe et fin de toutes les plantes phanérogames, qui se compose d'une enveloppe ou peau nommée spermoderme (de oréque, semence, déue, peau) ou épésperme (d'éri, sur, reuz, semence), et d’un corps accessoire nommé périsperme (de roi, autour, cxéoux, semence) destiné à la nourriture de l'em- bryon et qui l'entoure généralement L'Emsrvox (de &ÿw, germer), partie essentielle, germe ou rudi- ment du végétal, pour la formation et le perfectionnement duquel les autres organes semblent avoir été créés, est contenu dans la graine. Il se compose de quatre parties : la radicule, où corps radi- culaire, qui donne naissance à la racine; le corps cotylédonaire, qui en forme l'extrémité supérieure et qui est l'origine de la divi- sion des végétaux pourvus de cotylédons en deux classes : mono- cotylédons et dicotylédons; la #gelle, principe de la tige; et la gemmule (du latin gemma, bourgeon), autrefois p/umule (du latin 20 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. plumula, petite plume), principe du bourgeon. L'embryon, comme on le voit, renferme déjà le végétal en miniature. L'étude de la botanique se composera donc de : 1° la forme, 2° la structure intime, 2° la fonction. On comprend que par ce moyen, et avec l'aide de planches ou d'exemplaires vivants propres à graver dans l'esprit la diversité des structures ayant toutes des raisons d'être, on saisira sans peine le sens de chaque groupe d'organes, et qu'alors les mois viendront, non pas se présenter à la mémoire fatiguée comme des abstractions, mais s'appliquer à des choses concrètes et connues. Si celte marche n'est pas toujours suivie par l'élève, c'est parce que, dans la méthode des analystes, tout est divisé à l'infini, ce qui se voil surtout dans la zoologie. Ainsi, l’anatomiste n’est pas toujours physiologiste; dans l'anatomie et la physiologie, ces deux grandes branches de la science de l'organisation, dans la première surtout, qui est de description pure, et qui trouve de plus nombreux inter- prètes, l'esprit analytique étant le plus commun et celui auquel nous faconnent le plus toutes nos études, chaque partie est soigneuse- ment divisée et subdivisée ; la langue se multiplie avec les aspects, et quand on possède à fond cette vaste topographie anatomique, au point qu'il ne soit pas une aspérité qu'on n'ait vue et touchée, pas un repli qu'on n'ait fouillé, on peut être devenu un parfait anatomiste des- cripteur; mais on à perdu, dans ce déluge de noms et de faits, la physionomie générale de la science. Le lecteur habitué à l'étude comprendra facilement lavantage des généralités conduisant à une synthèse dont on aura soi-même préparé, pour ainsi dire, les ma- tières par une analyse intelligente. C'est, plus encore que toute autre chose, un moyen mnémonique dont l'avantage se fera sentir plus lard seulement, puisque celte même synthèse sera la base sur laquelle s'élèvera l'édifice des faits, et qu'il est bien plus facile de descendre d'une idée générale aux idées particulières, que de s'élever de celles-ci à l’idée générale. L'étude de la morphologie précédant celle des faciès pourra parai- tre difficile, fastidieuse, rebutante même à beaucoup d'élèves; mais, puisqu'il faut apprendre la glossologre, celte science de mots qui a des idées pour base, il vaut mieux utiliser cette étude, en apprenant à la fois toute la morphologie et les lois phytologiques : ce sera le plus favorable de tous les commencements à l'étude de la science végé- PRINCIPES POUR ÉTUDIER. 1 tale ; et, mème sans connaître le nom d’une seule plante, on ne trouvera plus tous les phénomènes organiques enveloppés d'un impénétrable mystère : on verra se mouvoir la séve dans leurs vaisseaux ; le rôle de la racine sera connu; la fleur, ce lit nuplial où doit s’accomplir le grand mystère de la transmission de la vie, appellera l'œil de lob- servateur curieux; et le fruit, destiné à reproduire un nouveau vé- gétal, semblera digne de respect, puisqu'il recèle dans son sein un être destiné à embellir la terre à son tour. Ajoutons à ces faits, si curieux par eux-mêmes, la connaissance des phénomènes /éra/ologr- ques et celle des dégénérescences, qui ne sont encore que des acci- dents biologiques ayant pour base les organes, pour modificateurs les agents extérieurs, et l'on verra que cette triple étude organogra- phique est véritablement celle qui doit commencer linitiation à la botanique. , Quand on aura franchi cette première partie des études botani- ques, qui exige du courage et de la persévérance, mais qui n'est pas dénuée d'intérêt, puisqu'elle initie au mystère de la vie des plantes, on abordera une nouvelle étude : celle des principaux types des grandes associations végétales que les botanistes ont désignées sous le nom de classes, de faniilles, de genres et d'espèces. On désigne sous le nom de classes des groupes de végétaux fondés sur des caractères de premier ordre; ces groupes réunissent chacun plusieurs familles. La famille est un groupe naturel formé par l'agglomération d’un certain nombre de genres. Les familles sont aux genres ce que les classes sont aux familles. Les genres se composent d'une réunion d'espèces rappro- chées par des caractères communs et éloignés des autres genres par des caractères différents. Des espèces on descend aux individus. L'é- tude de ces associations sera d'abord tout analytique ; mais on ne doit pas perdre de vue, en étudiant ces genres isolés, qu'il faut en graver les caractères dans son esprit comme ceux d’un système particulier d'organisation qui est le centre d’une agglomération végétale. Résumons-nous. Pour étudier méthodiquement les groupes natu- rels, il importe de bien observer, avant toute chose, le faciès des plantes et des fleurs dont la figure est représentée dans l'atlas de cet ouvrage, et de reprendre ensuite les types vivants dont on fera une analyse attentive, en enlevant, pièce à pièce, les diverses parties qui composent chaque fleur, et en s’attachant surtout aux carac- tères qui servent de base à la méthode naturelle. Ainsi, à la ner- 12 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. vation des feuilles et au nombre des parties florales, on peut recon- naître, à défaut d’embryon, les végétaux qui appartiennent aux deux grands embranchements phanérogamiques : #10n0c0tylédonés ei dicotylédonés ; Y'absence ou la présence des enveloppes de la fleur, alice et corolle, caractérise chacun des trois groupes des aicotylé- donées : apétales, monopétales et polypétales: sur les rapports des appareils sexuels et sur l'insertion des élamines reposent l’Æypo- qynie et la périgynie, qui divisent chacun des trois groupes en deux sections. Après avoir étudié toutes ces grandes divisions, à la figure générale desquelles on se sera initié, on pourra se servir, sans hésiler, des livres rédigés d’après la méthode dite naturelle, basée sur les affinités naturelles des plantes entre elles, de préférence à ceux qui sont écrits d'après les sys/èmes dits artificiels, c'est-à-dire d'après des pro- cédés imaginés pour faciliter la nomenclature des espèces, mais qui ne reposent que sur un ou deux caractères fondamentaux. Ainsi, au système de Linné, qui est le meilleur des systèmes artificiels, on pré- férera la mé/hode naturelle d'Antoine-Laurent de Jussieu, qui est le modèle du genre et qui sera exposée dans le second volume de la Botanique générale. Cette admirable méthode, bien qu'elle offre quel- ques difficultés dans son application à l'étude des grandes divisions du règne végétal, a le mérite de respecter les associations naturelles et permet de conserver dans l'esprit les rapports réciproques ou les affinités des familles. En établissant, dans chacun de ses grands groupes, des subdivisions basées sur le nombre ou la forme des organes floraux, on peut créer presque à l'infini des tribus ou des ordres; les difficultés disparaissent, et l'élève est assuré d'y trouver, comme base de ses études, des notions claires, solides et logiques. HERBORISATIONS S'il importe de connaître la botanique générale, il n’est pas d’un moindre intérêt de connaître la Flore locale; c'est même un moyen de promenade et d'étude qui augmente l'intérêt de la mise en pra- tique des principes étudiés dans le cabinet, au moyen des herbiers naturels ou artificiels. Les excursions botaniques peuvent avoir deux buts bien distincts. Dans le premier on se bornera à étudier les plan- HERBORISATIONS. 43 tes sur les lieux mêmes où elles croissent et à chercher leurs noms, rien que pour connaitre la nomenclature végétale; c’est peu digne d'un esprit élevé. Dans le second, on cherchera à pénétrer plus pro- fondément dans les mystères de la science : on ne cueillera pas une plante sans prendre des notes ayant pour objet de fixer dans la mé- moire l'époque de la floraison ou de la fructification des végétaux qui croissent spontanément dans le pays qu'on habite; on étudiera les changements de forme et les accidents tératologiques dont ils sont l'objet, suivant les stations qui leur sont propres; on fixera son atten- tion sur les associations végétales, qui ressemblent, pour un si grand nombre de plantes, à une sociabilité véritable, afin de connaitre les diverses circonstances qui accompagnent la vie d'une espèce; on en recueillera des échantillons, choisis avec soin, pour les déposer dans des herbiers qu'on pourra compulser au besoin. Les herborisations faites à ce point de vue, avec persévérance, présentent non-seule- ment un grand intérêt comme étude, mais elles conduisent bien plus sûrement à la connaissance des lois qui régissent le monde végétal, que les spéculations de cabinet, et c'est ainsi seulement que doit procéder un admirateur de la nature. Les excursions botaniques demandent qu'on se munisse de tout ce qui est nécessaire à l'étude. Une Æ/ore locale est indispensable pour les botanistes dont les pérégrinations ne vont pas au delà de 10 à 12 kilomètres, bien que les chemins de fer permettent de pousser plus loin les excur- sions botaniques; si au contraire il s'agit d’excursions sur une large échelle, en France par exemple, il faut une Flore générale de cette contrée; à chaque région nouvelle, il importe de se munir de la Æ/ore particulière du pays que l'on veut explorer, et si l’on poursuit ses études dans diverses contrées, il faut alors des species plantarum. Il convient, pour une longue herborisation, de se munir d'une boîte en fer-blane de 50 à 60 centimètres de longueur, que l’on passe en sautoir autour de soi au moyen d'une courroie en cuir ou d’un large ruban de fil, ou au moins d'une petite boîte de 20 à 25 centi- mètres, que l'on peut mettre dans sa poche, pour recueillir et con- server les plantes à étudier. Les instruments et choses nécessaires à l'herborisation sont : papier et crayons pour prendre note de l'habitat, ou lieu où croissent LA NOTIONS PRÉLIMINAIRES. les plantes, canif, stylet, lancette, brucelles ou pinces, loupes, pioche ou houlette, etc. IL est un moyen commode pour conserver les plantes dont les fleurs tombent presque aussitôt après être cueillies, comme les £rodium et les Gerannum, les rosacées, les renonculacées à corolle régulière, les papavéracées, et beaucoup de plantes polypétales, ou qui se ferment peu d'instants après avoir été cueillies. Toutes les plantes de la famille des composées sont dans ce cas; il en est de mème des convolvu- lacées et des caryophyllées. On ne peut plus rétablir les corolles dont les pétales sont tombés, ni faire, le plus souvent, revenir celles contractées par la mort. D'autres plantes à corolle fragile, telles que les orchidées, les liliacées, elc., arrivent contuses et ont perdu leur forme et leur couleur; les feuilles, surtout celles qui ont de pro- fondes découpures, ont perdu leur première disposition, leglobes se roulent et se déforment, et l’on a toutes les peines du monde à leur rendre leur figure primitive; d’autres, comme celles des oxalidées et des papilionacées, se ferment et ne peuvent être étendues que foliole à foliole. Ce moyen, qui ne convient qu'aux personnes qui font des herbiers, consiste à substituer à la boîte un portefeuille rempli de papier gris non collé, dans lequel on met les plantes au fur et à mesure de la récolte ; ce procédé est plus long, mais plus sûr, et il épargne beaucoup de peine: car les plantes dont les fleurs ou les feuilles sont cueillies au moment où la vie va s’éteindre, n'ont pas eu le temps de se contracter, et elles conservent leur position naturelle bien plus sûrement que quand on est obligé de procéder à leur dé- plissement , quel que soit le soin qu'on y apporte, sans compter l'ennui d'une semblable opération. Pour ne pas les exposer à une plus grande déformation par leur déplacement dans le livre qui les renferme, il faut que celui-ci soit fermé par deux courroies avec des boucles à ardillon. Ce procédé, quoique plus long et fastidieux, est pourtant le meilleur; il n'empêche pas d'avoir dans sa poche une boite de petite dimension qui sert à mettre les échantillons d'étude. Les personnes qui ont un jardin, et qui veulent suivre l’évolution des plantes sauvages, peuvent arracher en motte celles qui sont vi- vaces et les repiquer dans la station la plus convenable ; c’est, pour l'amateur de botanique, une jouissance de plus, sans compter celles qui résultent de l'étude des dégénérescences que le changement de station et la culture font subir à ces végétaux. HERBORISATIONS. 45 Les loupes doivent être d'un maniement facile : une amplification de ? à 4 diamètres suffit pour l'étude ordinaire. On peut avoir des lentilles à court foyer, de 8 à 12 diamètres d'amplification, qui ser- viront pour observer les organes de la fécondation; les premières sont montées dans un cercle de corne et garanties par une enveloppe; les autres, à fover plus court, peuvent être montées à l'extrémité d'un cône dont l'ouverture supérieure sera munie d'un diaphragme, le tout noïrei pour éviter la dispersion des rayons lumineux. On peut avoir, pour remplacer le couteau ordinaire, un de ces couteaux-serpeltes qui permeltent de couper de fortes branches et d'enlever, avec la lame droite, les cryptogames qui croissent sur les écorces ou sur les rochers. Un instrument qui n’est pas assez en usage, el qui mériterait d’être plus répandu, est un petit crossant qui s'adapte à l'extrémité d’une canne et permet de couper les rameaux à fleurs ou les fruits des arbres élevés qui sont hors de la portée de la main. Ce même crois- sant peut servir encore à cueillir les plantes aquatiques comme le nénuphar, les Vi//arsia, qui croissent toujours dans les eaux profon- des et souvent à plusieurs mètres du rivage. Une petite proche, une houlette où une binette à fer plat, est indis- pensable pour arracher les plantes dont la racine mérite d’être étu- diée, ou qu'on veut enlever en motte. Quelques herborisateurs se servent pour cét usage d’une forte spatule; mais il faudrait que le fer, au lieu d'être recourbé, füt droit et présentàt un segment de cercle, pour qu'on püt, sans faire de dégâät dans les prairies, arracher les bulbes de colchique qui sont souvent à 30 centimètres en terre, les oignons de scille ou de narcisse, ou les tubercules d'orchis. Le croissant, Va pioche, Va houlette, a binette peuvent être dis- posés de manière à s'adapter à l'extrémité d'une forte canne dont le bout sera armé d'un fer pointu, si l’on voyage dans les mon- tagnes. Le s/ylet doit être une simple aiguille emmanchée, à l'extrémité de laquelle se placent les objets de toute petite dimension que l'on veut observer à la loupe et qui seraient déformés par les pinces. Ainsi, on ne peut étudier autrement les fleurs de certaines caryo- phyllées, telles que les sagines, les spergules, ou celles des cruci- fères à fleurs exiguës, les valérianelles, les shérardes, les Galium, plusieurs ombellifères; ce stylet sert à les piquer transversalement, A6 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. en profitant de la saillie du pédicelle, et aussi à déployer une partie quelconque de la fleur. Un canif est utile pour la division des fleurs; mais une /ancette convient mieux encore, quand il s’agit de parties très-déliées et sur lesquelles ne peuvent agir que des instruments à lame mince. Certains botanistes dessinateurs se munissent d'un a/bum; mais à moins de faire de grandes plantes, rien de plus incommode pour les dessins de détail, qui exigent loujours un matériel et un établisse- ment stable. Pourtant il serait à désirer que les Flores locales fus- sent accompagnées de dessins faits avec précision, pour qu'ils pussent entrer dans des travaux d'ensemble, et fixer la nomenclature si va- riable, qu'on ne peut plus faire une Flore nouvelle sans en grossir le volume par une longue synonymie, Voilà sur le bagage de l’herborisateur des détails assez longs; ce- pendant ils ne disent que ce qu'il est impérieusement nécessaire d'emporter pour faire de la botanique sérieuse. On peut y joindre des flacons à large ouverture avec des bouchons de liége, pour mettre des plantes d’eau, comme les conferves, les chara, les batrachospermes, les ulves, elc., et de petits sacs de pa- pier blanc pour mettre des graines. Les végétaux affectent des stations d’une telle invariabilité, pour certaines espèces, qu'il est important de les visiter toutes pour arriver à réunir une collection complète, et surtout pour connaitre toutes les plantes qui croissent dans un certain rayon. I faut, dans les pays de plaines, visiter les landes, les bruyères et les terrains incultes de différente sorte; les terrains sablonneux et calcaires, ceux qui sont de nature argileuse et qu'alimente l'eau plu- viale qui n'a pu traverser cette couche imperméable. Les terres ari- des, calcinées par le soleil, ne sont pas les moins intéressantes; les fossés, les bas-côtés des grandes routes, les terres cultivées, soit en céréales, soit en plantes sarclées, les vignes, les haies, les bois de haute et basse futaie, les taillis, les clairières, les lisières des bois, sont autant de localités qui demandent à être fouillées soigneu- serment. Les montagnes, les simples collines même, les lieux escarpés dont les pentes sont garnies de rochers ou de pierres, présentent à la crête, sur leurs flancs et à leur base, suivant l'exposition, des variétés de stations qui méritent l'atteution de l'herborisateur; et quand ces HERBORISATIONS. A7 mouvements de terrains sont importants, ils offrent, suivant leur altitude, des différences de végétation qui méritent d’être observées. Les ravins, les vallées profondes, les anfractuosités qui se trouvent à la base des rochers, recèlent des végétaux qui refuseraient de croitre ailleurs et qu'il faut aller leur demander. Dans les lieux habités par l’homme, les vieux murs, les toits de chaume, la paroi supérieure des puits, les caves, les décombres, les fumiers, les vieilles couches, les amas de feuilles ou de bois pourri, les chantiers, les serres, les celliers, les dalles qui revêtent la base des murs, et que couvrent de nombreuses cryptogames, sont dignes encore d'intérêt, Les eaux stagnantes, les flaques d’eau, les ruisseaux d’eau cou- rante, les marais et les prairies inondées, les canaux, les fossés de dé- rivation ou d'irrigation, les sources d'eaux minérales froides ou thermales, les lacs, les rivières et les fleuves, offrent trois stations distinctes : 1° celles des plantes qui croissent sur le sol et que les eaux laissent à nu en se retirant ; 2° celles qui ne vivent que sur le bord des eaux ; 3° celles qui viennent à différentes distances du rivage et croissent soit à la surface des eaux, soit au fond, et rampent sur le sol; ces stations sont d'une grande richesse et ne donnent que des plantes qu'on ne trouverait pas ailleurs. Si le botaniste parcourt les montagnes, comme il ne le fera pas sans le secours d’un guide, il recevra de lui des conseils sur les pré- cautions qu'il a à prendre ; il doit se défendre de la témérité qui le porterait à braver, seul, des dangers avec lesquels il n’est pas fami- liarisé et qui pourraient avoir une issue funeste. Sur le littoral, il faut suivre les côtes, visiter toutes les stations sans en négliger une seule, et l’on est sûr de revenir avec une riche récolte. Il faut surtout ne pas omettre de visiter les îles peu distantes de la plage; les îlots formés par le sommet éboulé des falaises, et les rochers laissés à nu que baigne ordinairement la marée. Comme rien n'est imprévu dans la nature, que la plante qui affecte une station spéciale, en en exceptant celles qui croissent partout sans choix et sans presque connaitre de saison, n’y a établi son domicile que par suite d’une élection bien décidée (sans cela, elle n'y aurait pas végélé el ses germes eussent plutôt attendu un siècle que de pousser dans un sol qui ne peut lui convenir), l'herborisateur ne doit donc, s’il veut arriver à connaître toutes les plantes d’une contrée, 48 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. négliger aucune localité, parce que toutes sont productives, et que chaque espèce a, pour ainsi dire, son domicile fixe. C’est pourquoi il faut prendre conseil des floristes de la contrée qu'on visite, et leur demander des renseignements sur les richesses florales de leur pays, et sur les localités restreintes où se trouvent des végétaux qu'on ne rencontrerait pas ailleurs. Dès que le printemps commence à tiédir l'atmosphère, le botaniste doit partir, car c’est l'époque où apparaissent les premières phané- rogames; il faut alors qu'il se borne à une seule excursion par se- maine, parce que la végétation est loin d’avoir acquis toute son acti- vité, et que les plantes se développent avec assez de lenteur pour qu'il ait le temps de faire sa récolte. On ne négligera pas les amentacées, qui sont pour la plupart en pleine fleur à cette époque. Vers le milieu du mois de mai, la végétation prend son essor ; il faut à la fois recueil- lir les plantes qui donnent leurs fleurs pour la première fois, et les fruits des plantes printanières, si l'on veut les étudier aux diverses époques de leur vie. C'est alors que deux herborisations par semaine sont parfois insuffisantes ; afin de ne rien omettre, il faudrait, tous les deux jours, faire une excursion, en se procurant, comme il a été dit plus haut, des renseignements précis sur les localités spéciales où croissent certains végétaux. * Avec le mois de juin se montrent des trésors nouveaux : les mois- sons sur pied, les prairies non encore fauchées, offrent une ample récolte aux botanistes; les eaux, en abandonnant les rives, ont laissé le champ libre à la nature végétale, et l'on peut recueillir, comme au printemps, les fruits des premières plantes et les fleurs des der- nières. Certaines familles, pourtant, comme les ombelliferes, les renonculacées, les crucifères, les scrophulariées, les papavéracées, les papilionacées, portent à la fois des fleurs et des fruits mürs, ou tout au moins assez développés pour servir à la diagnose générique ou spécifique. Si l’on veut avoir des graines, il faut surveiller leur maturité, ce qui exige l'emploi des notes, afin de se rappeler les stations. L'automne, moins riche que le printemps, est plus abondant en fruits; c’est alors qu'il faut ramasser des graines, et c'est le moment favorable pour avoir bien müres les dernières de la saison. Quant à la végétalion, elle n'offre plus qu’un petit nombre d'espèces. On peut cependant encore se procurer quelques plantes remontantes : telles HERBORISATIONS. A9 sont les fumeterres, les géraniums et beaucoup d’autres encore. On trouve à la fin de la saison un grand nombre de plantes de la famille des composées et des crucifères, les premières à apparaitre au prin- : temps, les dernières à lutter contre le froid, ainsi que de rares om- bellifères ; parmi les plantes spéciales, la colchique, le lierre, quel- ques chénopodées el amaranthacées mêlées à des solanées. Mais si l'automne est pauvre en phanérogames, combien en re- vanche n'est-il pas riche en cryptogames, surtout dans la famille des champignons. Les agarics, les bolets, les helvelles, couvrent le sol ; le souffle humide de cette saison fait éclore à foison ces derniers enfants de la nature végétale, qui sont destinés à ne vivre qu'une journée. L'hiver a donné la mort à tout ce qui était doué de vie; les pha- nérogames ont disparu; seule, la rose de Noël décore nos jardins. Dès que le froid rigide, intense, a cessé, que la glace a fondu sous l'impression des premiers rayons solaires, les mousses, les lichens, les jungermannes, annoncent que la vie est sur le point de renaître, et le cryptogamiste doit se préparer à de riches récoltes. Ce tableau de l'influence des saisons sur l'apparition des végétaux est écrit pour notre climat. Dans les contrées méridionales, il y a un autre système d'évolution végétale. Tandis qu'ici nous voyons l'été couvrir de fleurs nos champs et nos bois, là le soleil a tout caleiné, la terre est nue, la végétation a disparu; il faut que l'automne, en ramenant les nuages chargés de pluie, humecte une terre avide d’eau: c'est seulement alors que renait la nature; et depuis septembre jus- qu'en mai les herborisations sont fructueuses. Dans les montagnes, où les herborisations n’ont pas, comme dans nos plaines, une uniformité monotone, on trouve des plantes toute l’année, à cause de la diversité des stations, et l'on y peut observer les différents systèmes de végélation suivant les altitudes. Ce sont, pour ainsi dire, autant de climats qu'on visite, en s'élevant depuis le pied des monts jusqu'à leur sommet; chaque région y est tranchée, et l’on peut même, sans le secours d'aucun instrument hypsomé- trique, connaitre à la végétation l'altitude du lieu où l'on se trouve. C’est ainsi que dans nos montagnes du Dauphiné, au-dessous de 300 mètres, se présentent d’abord : le AMarcissus pseudo-narcissus, les Geranium nodosum et lucidumn, Y{sopyrum thalictroides, etc. Le Globulariu cordifolin se trouve à 600 mètres avec le Æhamnus al- Botan., T. I. 1 50 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. pinus, la Gentiana acaulis, qui croit jusqu'à 2,000 mètres, et l'Arabis alpina ; à 1,600, l'Erènus alpinus, Y Ajuga alpina, le Dryas oetopetala, le Rhododendrum ferrugineum, VArbutus uva-urst ; à 2,000, la Soldanella alpina, VY' Astrantia minor, qui croit plus haut que le ajor ; à 2,800 mètres, le Lychus alpina, V Anemone baldensis, le Geum reptans, les Rarnunculus parnassifolius, glacialis, ete. Il ne faut pas croire que l'on puisse impunément cueillir les plantes pendant toute la durée du jour : on est obligé de surveiller, surtout si l'on se propose de les conserver dans un herbier, l'époque de leur entier développement. Or, toutes les heures de la journée sont carac- térisées par certains épanouissements, et c’est à ce moment qu'il faut faire sa récolte. Le matin est plus favorable que le soir ; mais il'faut pour cela que la rosée ait eu le temps de s’évaporer, car 1l'est diffi- cile de conserver une plante gorgée d'humidité. Le matin, dès que le soleil est élevé au-dessus de l'horizon, et que ses premiers rayons dorent la cime des bois, les fleurs entr’ouvrent leur corolle, et pour beaucoup c'est le moment de cueillir; les Convolvulus arvensis el sepium sont dans ce cas; les composées-chicoracées, telles que le pissenlit, le tragopogon, s’épanouissent le matin, et se ferment dans l'après-midi ; les malvacées s'ouvrent au milieu du jour ; le souci des champs, qui ouvre sa fleur à la même heure, la ferme bien avant la nuit. Les labiées, la plupart des borraginées, les solanées, les campanulacées, ne subissent pas l'influence des heures; s’il y a, dans leur corolle, un mouvement contractile, il est inapparent, et lon peut les étudier en tout temps. C’est donc de six heures du matin à quatre ou cinq heures du soir qu'on peut se livrer à l’herborisation, en se reposant au moins deux heures pendant la chaleur du jour. Parmi les plantes qui exigent une heure peu avancée de la journée pour êlre cueillies, il convient de citer les hélianthèmes, dont les pétales tombent aussitôt que le soleil est ardent; les crassulacées, les saxifragées et les plantes grasses et épaisses demandent, au con- traire, à être cueillies au moment le plus chaud de la journée, parce qu'alors elles ont perdu une partie de leur humidité, et sont de conservalion plus facile. HERBIERS NATURELS. 51 HERBIERS NATURELS Il n'est pas d'occupation plus agréable pour la plupart des collec- teurs de botanique que la formation d’un herbier; c'est même une des occupations favorites de eeux qui se livrent pour la première fois à l'étude du règne végétal; mais il faut pour cela une patience à toute épreuve, et un penchant décidé pour ces opérations manuelles qui ont un côté réellement fastidieux, et se composent d'une série de détails qui ne conviennent pas à tous les esprits. Si l'herbier est composé de plantes recueillies pendant une longue excursion dans un pays qu'on visilait pour la première fois, il s’y rattache des sou- venirs qui sont indépendants du but spécial auquel l'herbier est consacré, et ilest pour son possesseur un véritable trésor; s’il est fait, au contraire, par un floriste amateur qui tient plus au nombre des plantes, ou à leur rarelé qu'à leur signification scientifique, il est encore l'objet d'un culte particulier, car il a fallu vingt années peut- être pour qu'il soit complet, et l'on comprend le prix que doit y attacher son propriélaire, qui a consacré la moitié de son existence à colliger des végélaux un à un pour venir les ranger dans son herbier. Le seul herbier digne de ce nom est celui qui a la science pour but, et qui n'est pas seulement pour celui qui le possède un objet d’agré- ment, mais encore un objet d'utilité, un véritable instrument de travail : c'est là l'herbier sérieux. Pour arriver à le composer avec choix, on doit posséder des connaissances botaniques précises et le sens de l'utilité réelle de chaque groupe. Mais, il faut l'avouer, il n’y a pas encore un seul herbier qui soit réellement digne de ce nom : les vasles collections que nous possédons sont bien loin d’être com- posées comme le devrait être un herbier modèle. I] faudrait, pour qu'un herbier répondit à tous les besoins de l'étude, qu'il comprit l'histoire évolutive de la plante, avec ses phénomènes et ses ano- malies morphologiques. Ainsi, il serait nécessaire qu'il y renfermât d'abord : 1° La plante au moment où la radicule s'échappe de son enveloppe et où la tigelle se dresse entre les cotylédons couverts encore de leur enveloppe extérieure ; 2° La plante lors de son premier développement, avec ses coty- lédons et ses feuilles primordiale ; 22 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. 3° Un échantillon de la plante au moment où son évolution foliaire est complète et avant qu'elle montre sa fleur; 4° La plante en boutons, fleurs et fruits, si ces trois ordres de phé- nomènes sont simultanés ; dans le cas contraire, il faudrait autant d'individus isolés qu'il y a de phénomènes évolutifs distincts; 5° Le fruit entier quand il est sec et capsulaire ou akénoïde, pour qu'on puisse en étudier la forme et le mode particulier de déhis- cence ; 6° La graine; 7° Les variétéset variations que présente l'espèce, celles produites par la culture ou par la différence des climats et des stations; 8° Les principaux phénomènes tératologiques et pathologiques pré- sentés par un même type; 9° Des figures dessinées avec soin représenteraient les détails qui s’altèrent par la dessiccation ; et pour les arbres, leur port ou bien les fruits ou parties trop volumineuses pour entrer dans l'herbier. Un herbier composé d'après ces principes serait une véritable col- lection scientifique, qui offrirait au savant tous les éléments d'étude. Le premier soin de l'herborisateur est de choisir de beaux échän- tillons, venus à point et offrant un spécimen irréprochable du type. Quand on a affaire à une plante de petite taille, il faut la cueillir tout entière; si sa hauteur dépasse la longueur du papier, on la coupe en deux parties pour qu'elle puisse tenir dans l’herbier. Il est d'autant plus important de ne pas omettre ce soin, que le plus sou- vent les feuilles radicales sont différentes des feuilles caulinaires. Les végétaux arborescents ou ceux qui, comme les pivoines, les astères, les scolymes, les PAytolacca, les acanthes, ete., sont trop développées pour entrer dans un herbier, doivent être représentés par autant d'échantillons qu'il y a de parties distinctes. Les racines et rhizomes ou tiges souterraines, qui présentent des caractères essen- tiels, doivent prendre place dans l'herbier, et quand elles sont trop volumineuses, on les coupe de manière à en rendre la dessiccation facile; mais on ne peut omettre de les recueillir, car certaines espè- ces sont remarquables surtout par leurs racines. Les orchidées indi- gènes en présentent de trois sortes qu'il est intéressant de connaître : les unes tuberculeuses ovoïdes, d'autres palmées, et les troisièmes fasciculées; dans les orchidées exotiques, il faut conserver les pseu- dobulbes qui présentent des caractères essentiels. HERBIERS NATURELS. 5) Les végétaux épineux, comme les G/editschia, les Robinia, ne doi- vent pas être dépouillés de leurs épines; les plantes spinescentes, à la manière des chardons, des £ryngium, seront comprimées de ma- nière à rabattre ces épines, afin de tenir le moins de place qu'il est possible dans l'herbier. Certaines plantes, comme le Tussilago farfara, certaines rosacées, le Cercis siliquastrum, les Magnolia purpurea et prœæcor, toutes les amentacées, telles que le saule, le chêne, le noisetier, etc., deman- dent à ètre cueillies à plusieurs reprises, d’abord en fleur, puis en feuille, et enfin en fruit. La dessiccation des échantillons pour herbiers est une opération assez fastidieuse, mais qu’il importe de faire soi-même, parce qu'elle aide beaucoup à l'étude de la connaissance des caractères distinctifs de l'espèce. Pour préparer convenablement les plantes, c’est-à-dire pour donner aux différents organes une disposition telle qu'on puisse faci- lement les étudier, il faut les mettre dans le papier au moment où toutes les parties ont encore leur fermeté; une plante molle et flétrie est difficile à rétablir dans sa disposition primitive, et, malgré le soin du collecteur, elle ne s'y prête que difficilement. Comment réussira- t-on, malgré les soins minutieux indiqués par J.-J. Rousseau, qui maintenait au moyen de sous et de petits plombs les parties qu'il rétablissait dans leur position naturelle, à étaler les feuilles flétries d’une fumeterre, dont ie feuillage est composé de parties très-déliées qui s’enroulent sur elles-mêmes? Comment pourra-t-on, malgré la patience et le soin qu'on y apporte, étaler les feuilles si fines des férules, des fenouils et de toutes les ombellifères; celles des papi- lionacées à folioles allongées, et qui ont une tendance marquée à prendre, en se flétrissant, la position qu’elles affectent pendant le sommeil? Pour ces plantes il convient de les placer aussitôt dans le portefeuille dont il a été parlé plus haut. Le meilleur papier pour l'opération préliminaire de la dessicca- tion, est le papier gris sans colle, parce qu'il absorbe l'humidité de la plante et la prive rapidement de son eau de végétation. Il ne faut pas mettre une plante dans chaque feuille de papier. On prépare à l'avance des coussins ou matelas composés de plusieurs feuilles dou- bles, deux à quatre, suivant que les échantillons à dessécher sont plus ou moins épais et succulents. Sur le premier coussin on étale une premiére plante, en maintenant les feuilles et les fleurs à peu 54 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. près dans leur position naturelle, et de manière à les faire voir sous différentes faces ; quand toutes les parties sont bien étalées, on recou- vre d'un coussin de papier sur lequel on prépare un nouvel échan- tillon, et ainsi de suite jusqu'à ce que le paquet ait atteint une épais- seur de 45 à 20 centimètres seulement, pour que la pression puisse s'exercer régulièrement sur chacune d'elles. Alors on les charge d'un poids médiocre, parce que, si on les comprime trop fortement, on détruit tous les caractères, et l'échantillon est impropre à l'étude; c'est ce qui a fait renoncer aux presses à écrous, si commodes au demeurant pour la compression des plantes épaisses, mais qu'on peut remplacer par deux ou trois volumes in-folio ou une pierre de même poids. Dans le courant de la journée, ou le lendemain au matin si c’est le soir qu’on a mis ses plantes en presse, on les visite pour dé- plisser celles dont les fleurs ou le feuillage ne sont pas dans une posi- tion convenable ; on les laisse quelque temps à l'air, on les change de papier, et on recommence celle opération jusqu'à ce qu'elles soient parfaitement sèches, en ayant soin, à chaque fois, de s'assurer que les caractères qui constituent le signe diagnostique de la plante sont parfaitement reconnaissables. Il faut, on ne peut trop le répéter, qu'on reconnaisse la forme, la disposition et le mode d'insertion des feuilles, des stipules, des bractées ainsi que le système d'inflores- cence ; les corolles doivent êlre bien étalées pour que les organes de la reproduction soient apparents. Chaque groupe présente des particularités qui exigent une atten- tion spéciale : les cypéracées, les graminées, dont le feuillage est naturellement ferme et sec, se dessèchent promptement ; mais 1l faut veiller à ce que les fleurs des plantes de ces deux familles, qui se dé- tachent facilement, ne soient pas assez avancées pour que les épillets se séparent de leur axe; on doit les prendre lors de leur premier épanouissement; toutefois, il faut attendre que les étamines ou or- ganes féminins soient visibles, puisque certains genres en portent deux. Les conifères, d’une nature sèche, sont de conservation facile en apparence ; mais le grand inconvénient qu'elles présentent, c'est que leurs feuilles se détachent facilement, et qu’au bout de peu de temps il ne reste dans l'herbier qu'une brindille dégarnie. Les liliacées, les asphodélées, les iridées, les orchidées et un grand nombre de monocotylédonées, dont toutes les parties sont épaisses et HERBIERS NATURELS. 55 gorgées de sues mucilagineux, exigent des soins particuliers. Les iri- dées, d'une structure complexe et dont les parties sont étalées en pa- nache, perdent, en se repliant sur elles-mêmes, leur caractère floral. Certaines orchidées sont dans le même cas; on ne pourra jamais rien obtenir de satisfaisant des S/anhopea, des Coryanthes, des Lycaste, tandis que les Oncrdium, les Miltona, etc., peuvent facilement s'éta- ler. Il faut, pour ces plantes succulentes, renouveler plusieurs fois par jour le papier, et même employer la chaleur pour arriver à une dessic- cation parfaite. Les cactées et les euphorbiacées présentent les mêmes inconvénients, surtout les premières; on pourrait pour celles à feuilles plates, tels que les £piphyllum, couper la feuille de manière à en réduire l'épaisseur sans en altérer le caractère, et pour les Cereus, qui présentent des formes géométriques, évider la tige et en couper une tranche dans le sens horizontal, afin d'en pouvoir déterminer la fi- gure. Quant aux Ec/nocactus et aux Mamilliara, n'y a qu’un des- sin qui puisse fixer le souvenir de leur caractère, ces grosses masses sphériques ou cylindriques ne se prêtant pas à la dessiccation. Cepen- dant, on peut toujours, faute de mieux, séparer des faisceaux d'épines et les conserver dans l'herbier, car elles constituent un caractère important. Quant à la fleur, elle perd tout en séchant, forme et cou- leur. Les ficoïdées et les crassulacées, les S/apelia et les aloës ne se conservent guère mieux, quoique le feuillage des Æochea, des Echeveria, des Crassula, soit facilement divisible. Mais il faut tant de soins pour conserver ces plantes, qu'on y réussit rarement; dans ce cas un herbier artificiel est indispensable. Les plantes aquatiques, telles que les butomes, les A/2sma, les Nuphar, les Nelumbo, les Caltha, ne se conservent qu'avec des soins extrêmes; encore les feuilles noircissent-elles le plus souvent. Les labiées et les malvacées sont très-sujettes à moisir ; les pre- mières, à cause de l'huile essentielle qu'elles contiennent ; les der- nières, par suite du mucilage dont elles sont gorgées. On peut y joindre certaines solanées. Les crucifères passent facilement au jaune et sont sujettes à se re- coquiller en séchant. Les composées à grosses fleurs présentent, en général, de grandes difficultés : les chicoracées, qui n'ont que des demi-fleurons, sont plus faciles à conserver, excepté dans le cas où les fleurs sont en ombelle, ce qui forme alors une masse considérable qu'il faut ou 56 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. déployer ou diminuer, en en retirant des fleurs. Certaines cynaro- céphales, telles que les Onopordon et les Carduus, ne peuvent entrer dans un herbier qu'autant qu'on coupe longitudinalement les capi- tules pour en réduire l'épaisseur. Beaucoup de corymbifères sont dans le même cas. Elles ont, d'un autre côté, l'inconvénient d'être gorgées de sucs lactescents ou glutineux qui causent de grands embar- ras aux collecteurs. Les plantes bulbeuses, c'est-à-dire celles qui ont des oignons ou des bulbes, offrent une très-grande difficulté dans leur préparation pour l'herbier. Il arrive souvent qu'une scille, ou un orchis qui a été récolté en fleurs et mis en herbier dans cet état, est retrouvée en fruit au bout de quelques mois; la plante continue de vivre, et passe successivement par toutes les phases de la végétation. On ne peut évi- ter cet inconvénient qu'en plongeant l'oignon dans de l’eau bouillante, ou en laissant macérer toute la plante pendant plusieurs heures dans de l’esprit-de-vin. Quelques personnes obtiennent de très-bons résul- {ats en passant sur la plante un fer chaud, et en appuyant assez for- tement pour écraser un peu la tige et les feuilles; mais ce sont des soins des plus minutieux, devant lesquels reculent la plupart des collecteurs. Les plantes qui vivent immergées, comme les Chara, les Calli- triche, les Potamogeton, demandent à être préparées au moyen de l'eau pour étendre leurs parties. Quant aux plantes marines, il faut qu’elles soient lavées dans l’eau pure pour y dessaler, afin de leur enlever les propriétés hygrométriques qui les font noïrcir ou même moisir. On les prépare ensuite en les placant dans un grand plat plein d’eau. La plante s’y étale naturellement ; on passe alors en dessous une feuille de papier blanc, sur laquelle s'applique l'algue, et l’on enlève le tout avec précaution pour faire sécher entre des coussins de papier, à la manière des autres plantes. Lorsqu'on à un herbier mal préparé et qui renferme des plantes difficiles à se procurer, on expose les échantillons à la vapeur d’eau bouillante, et on les place pendant une journée dans du papier mouillé, qui les imbibe doucement et leur rend leur souplesse. Quand elles sont dans cet état, on les dessèche de nouveau par le procédé ordinaire ; si les plantes sont petites, on réussit parfaitement en les étendant sur du grès humide. Quelles que soient les précautions prises et les soins apportés à la HERBIERS NATURELS. bi préparation ou dessiccation des plantes pour herbier, il est bien dif- ficile de pouvoir saisir sur un échantillon sec les caractères distinc- tifs du genre ou de la famille qui résident généralement dans les organes floraux. Pour retrouver ces caractères et étudier avec fruit, on est obligé de faire ramollir les fleurs en les exposant à la vapeur, ou en les plongeant pendant quelques minutes dans de l'eau bouil- lante ; dans cet état, on peut disséquer ces fleurs aussi facilement qu'à l'état frais. C’est là l'avantage des herbiers. Mais tout en recon- naissant cet avantage, nous recommandons néanmoins aux per- sonnes qui veulent étudier sérieusement, de conserver des fleurs et de jeunes fruits dans de l'alcool étendu de moitié son volume d’eau. I n’est pas besoin de grands bocaux ; des petits tubes de 0",05 à 0",10 de longueur sur 0,01 de diamètre suffisent presque toujours, excepté pour ies cas où les fleurs sont d’une grande dimension. Aujourd’hui surtout qu'on se livre à l'étude organogénique, il est très-important d'avoir des jeunes boutons qui n'ont pas été déformés par la pression qu'on fait subir aux échantillons d'herbier, et qui permettent de suivre le développement de tous les organes floraux. MM. Reveil et Berjot ont indiqué l'emploi du sable stéariné pour conserver les plantes avec leur forme habituelle et l'éclat de leurs fleurs; les divers échantillons exposés à Londres par M. Berjot, en 4862, ont fait l'admiration du public. Le sable stéariné s'obtient en lavant avec le plus grand soin le sable blanc de rivière en grains égaux, jusqu'à ce que l’eau soit limpide; on le dessèche dans une bassine à 105° ou 110° et, lorsqu'il est sec, on y ajoute, par 25 kilo- grammes de sable, un mélange fondu de 20 grammes d’acide stéa- rique et de 20 grammes de blanc de baleine, on brosse fortement et on froisse avec les mains de manière à graisser convenablement chaque grain de sable. On met une couche de ce sable dans une caisse portant en bas un grillage de fil de fer et un fond de bois à coulisse; sur le sable on étale les plantes #ien sèches, on v verse du sable peu à peu en ayant le soin de rouler les corolles dans le sable et de ne pas faire de faux plis; quand les plantes sont couvertes de sable, on peut en superposer une seconde, et on porte la caisse dans une étuve, dans un four chauffé vers 45° ou au soleil; lorsque la dessiccation est finie, on enlève le fond de bois, le sable s'écoule et les plantes restent sur le treillage métallique ; on les brosse avec un blaireau; on les conserve dans des bocaux à l'abri de la lumière et 58 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. hermétiquement fermes, an fond desquels on met un peu de chaux vive enveloppée dans un peu de papier de soie. Il est très-important pour Ja réussite que les plantes ne soient pas humides et qu'elles aient été récoltées avant l'épanouissement, parce que celui-ci s'achève souvent dans le sable. Les couleurs des fleurs sont parfaitement con- servées par cette méthode, seulement les couleurs violettes et rouges se foncent un peu. Ce procédé de conservation des plantes peut rendre quelques services pour dessécher certaines fleurs ou plantes employées en médecine, telles sont la violette, la mauve, le bouillon blanc, les roses rouges, le coquelicot, les fleurs de genêt, la mélisse, la menthe, la ciguë, etc. L’odeur est parfaitement conservée et souvent exaltée. Mais c'est surtout pour la conservation des collections destinées aux Écoles de pharmacie, de médecine et aux Colléges que ce procédé peut être utile. Il rendra également de grands services aux horticul- teurs qui voudront conserver des fleurs rares, ainsi qu'aux naturalistes voyageurs qui pourront ainsi rapporter les plantes avec leur aspect naturel, ce qui en rendra la détermination plus facile. Il ne suffit pas d’avoir desséché avec soin les végétaux qu'on à re- cueillis ; il faut, pour se servir de son herbier comme d’un instrument d'étude, y disposer les plantes de manière à les conserver sans alté- ration, et accompagner chacune d'elles de tous les renseignements indispensables à la connaissance d'une individualité végétale, afin que tout ce qui tient à sa place dans la méthode, à son nom, à sa syno- nymie, à l'époque de sa floraison, à la localité dans laquelle elle a été trouvée et à ses usages, y soit clairement indiqué. Le papier qui renferme les plantes destinées à être réunies en her- bier doit être collé. On peut, si l’on n'a pas un trop grand nombre de plantes, ou si l’on attache un certain prix à son herbier, mettre dans l'intérieur de la double feuille ou chemise, une feuille de papier blane, sur laquelle le végétal se détache mieux. On a proposé diverses manières de fixer les plantes dans l'herbier : les uns les collent dans toutes leurs parties pour les empêcher de se détacher; mais ce procédé a l'inconvénient de rendre les échantillons plus fragiles; en outre, si l'on emploie la colle de pâte, les insectes, attirés par son odeur, ne tardent pas à envahir l'herbier, et alors la destruction est rapide. La gomme arabique n'a pas cet inconvé- nient ; mais elle donne encore plus de rigidité aux végétaux déjà assez secs par eux-n êmes. On jeut cependant coller sans inconvénient les HERBIERS NATURELS. 59 échantillons de très-pelite dimension, comme les algues, les mousses, les jungermannes, et tous les autres petits cryplogames ; dans ce cas, on alune fortement l'eau dans laquelle la gomme doit être dissoute. M. Desvaux proposait d'y ajouter de l’amidon, afin d'obtenir une colle moins rigide que la gomme seule et qui se conservât molle pendant plusieurs mois. La glycérine, employée depuis, atteint mieux encore le même but. D'autres botanistes fixent les plantes au moyen de simples bandelettes de papier gommé, ou tout simplement atta- chées avec de petites épingles; comme il est très-important, pour l'étude, de pouvoir examiner les plantes dans tous les sens, et de vé- rifier à Ja loupe certains détails organiques, on peut facilement dé- tacher ces plantes sans les endommager en rompant ces faibles atta- ches, et les rattacher ensuite avec de nouvelles bandelettes. Le papier doit être laissé dans son entier, à cause de la taille de certains échantillons, qui même, en étant pliés en deux, comme les digitales, les A grostemma qithago, les delphinium, les lychnis, les jones, beaucoup de cypéracées et de graminées, n’y tiennent que difficilement ; il doit toujours avoir au moins 0,44 de hauteur sur 0,24 de largeur. Quelques personnes ont l'habitude, quand les plantes sont petites, de réunir plusieurs espèces dans une même feuille : c’est un tort, car les plantes ou les étiquettes peuvent se mêler, et alors apparaît la confusion. Chaque espèce exige une feuille distincte ; mais on peut renfermer plusieurs échantillons de la même plante dans une même feuille, et pour s’épargner la fastidieuse coutume de lier avec une ficelle en croix les différents paquets, on met toutes ces feuilles dans des portefeuilles ayant des étiquettes sur le dos, ce qui permet de placer l'herbier dans une bibliothèque. Le plus grand soin doit être apporté à la rédaction de l'étiquette de chaque plante; elle devra contenir le nom français, le nom latin avec l'initiale de l'auteur qui l'a dénommée, la synonymie scienti- fique, le nom vulgaire, la localité où elle a été trouvée, la station, l'époque de la floraison, les usages auxquels elle est propre, et le rapport de la méthode que l’on aura adoptée avec celles de Linné, de De Candolle ou de tout autre. Si l'on a rapporté des plantes d'une excursion lointaine, il faut ajouter l'indication des altitudes, préciser la station, faire connaitre la nature géologique de la contrée où elles ont été cueillies, enfin com- pléter les renseignements de telle sorte qu'on puisse, par la pensée, 60 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. en visitant son herbier, se reporter aux circonstances dans lesquelles les divers végétaux qui le composent ont été trouvés. Cette attention est indispensable pour les plantes que l'on recueille pour la première fois daris des pays étrangers et dont la Flore est entièrement inconnue, surtout sous le rapport utilitaire. On ne doit pas omettre, quand bien même on ne saurait pas le nom d'une plante, d'indiquer le lieu où elle a été découverte, l'époque de sa floraison ou de sa fructifica- tion, son usage ; el si le collecteur est un zoologiste, il serait bien qu'il fit connaitre les animaux qui se nourrissent de son feuillage ou de ses fruits, les oiseaux qui y font des nids, et les insectes qui y vivent en parasites. Les plantes sont ensuite réunies par genres et-familles, et dispo- sées suivant une méthode naturelle. Pour faciliter les recherches, des fiches en saillie et de couleurs différentes indiquent les familles el les genres, ce qui évite la peine de feuilleter tout l'herbier; dans les genres à espèces nombreuses, on peut en faire autant pour les espèces. Il y a des herbiers spéciaux qui demandent à être composés de certaines plantes à l'exclusion des autres. Le médecin doit avoir un herbier comprenant toutes les plantes médicinales, mais sans qu'il soit nécessaire d’y réunir minutieusement les diverses parties des végétaux ou leurs produits en usage dans la thérapeutique, parce qu'il a besoin d’y revenir de temps à autre pour rafraichir sa mé- moire. Le pharmacien a besoin d'un herbier plus complet, comprenant toutes les plantes qui appartiennent à l’art de guérir, etil ne peut se passer d'une collection d’écorces, de graines, résines, baumes, gom- mes, etc. Cette précaution est d'autant plus indispensable, que des sophistications trop fréquentes altèrent les produits pharmaceutiques naturels, que des substitutions passées en usage et qui peuvent avoir des conséquences fort graves (telle serait, par exemple, celle de la fausse angusture à la vraie, dont l'une est un poison et l’autre un fébrifuge) se reproduisent souvent dans l'envoi des médicaments exo- tiques, et qu'à moins d'une étude toute spéciale et d’un œil exercé par une longue pratique, on n'en reconnait pas toujours la pureté. I y faudrait joindre l'indication du lieu de provenance, et des succé - danés frauduleux, afin de ne pas s'y méprendre. L'Aerboriste n'a besoin que des végétaux indigènes; mais il doit HERBIERS NATURELS. 61 insister surtout sur les stations, les époques de floraison et de matu- ration des graines, et sur le moment où doivent être récoltées les racines, feuilles ou fleurs, ainsi que sur la durée de leur conser- vation. L'agronome botaniste doit composer un herbier de toutes les plantes qui entrent dans la grande culture ou qui sont susceptibles d'y entrer. Les diverses espèces de graminées qui composent les prairies tan{ natu- relles qu'artificielles, doivent s’y trouver avec l'indication de l'époque de leur développement, de leur floraison et de la maturité de leurs graines, celle du terrain dans lequel elles croissent spontanément, et des associations végétales naturelles auxquelles elles appartiennent, pour lui servir de guide dans la composition de ses prairies artifi- cielles. Les autres plantes fourragères et économiques devront égale- ment y trouver place. Il se composera donc exclusivement de végé- taux utiles et susceptibles d'entrer avec avantage dans la culture. A côté de cet herbier des végétaux utiles, il devra, toujours en vue de ses prairies, en avoir un des végétaux nuisibles, de la destruction desquels on ne s'occupe pas assez. Pour ces derniers, 1l importe de connaitre leur mode de propagation, afin de savoir la meilleure ma- nière de les détruire. L'horticulteur ne doit choisir que ies plantes d’ernement, et, parmi ces plantes, les variétés provenant de la culture; mais, comme il ne cherche que les végétaux utiles à son commerce, et comme les fleurs doubles et monstrueuses sont les plus cultivées, il est impossible qu'il mette dans un herbier des dahlias à fleurs pleines et très-déve- loppées, des pivoines énormes, des rhododendrons, ete. Il ne peut guère conserver par la dessiccation que les végélaux d'ernement d'introduction récente. Jamais l'herbier de l'horticulteur ne pourra suppléer une bonne figure, et, quelque soin qu'on ait apporté à la conservation d'une collection d'orchidées, elle sera toujours au-dessous de la plus médiocre iconographie. Il faut done à l'horticulteur un herbier artificiel plutôt qu'un herbier naturel. On a réuni, dans les grands établissements, certains herbiers dis- linets comprenant les plantes d'une région, afin de se dispenser de fouiller au milieu de milliers de végétaux pour trouver un échan- üllon à consulter; mais cette méthode n'est bonne que pour les voyageurs qui ont parcouru une région dont ils ont recueilli les plantes, où pour les grandes collections d'étude réunies dans Îles 62 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. établissements publics. Dans un herbier général composé par un amateur de botanique où même un bolaniste, on supplée à cette division par des catalogues de région. IT faut reconnaitre pourtant qu'il y a dans ces collections régionales un avantage marqué . car le faciès des végétaux se modifie suivant les lieux, et l'on s’habitue à reconnaitre, par la simple inspection, les pays auxquels ils appar- tiennent. La conservation des herbiers est d'une assez haute importance pour qu'on y apporte toute son attention. En effet, on n’a pas amassé un à un les milliers de végétaux qui les composent, et qu'on ne s’est souvent procurés qu'à grand'peine, pour les voir détruits en peu d'années par les insectes ou l'humidité, également redou- tables. Si les plantes ont été incomplétement desséchées, elles ne tardent pas à se couvrir de moisissures qui appartiennent aux genres z20n1/14 et torula. L'apparilion de ces champignons est le premier indice de la présence d'une humidité qui lent surtout à la dessiccation impar- faite de la plante. On peut, en faisant sécher de nouveau les échan- tillons attaqués par les zor/ia, el en les lavant avec de l'alcool au moyen d'une brosse douce, les délivrer de ces parasites ; mais comme il reste toujours assez de germes reproducteurs pour que les plantes soient envahies de nouveau, il faut que l'herbier soit tenu dans un endroit très-sec. Lorsque l'humidité tient plus au papier qu’à la plante elle-même, il ne se forme plus de #70n1/i4, mais un champignon d'autre sorte, appartenant au genre eurotium, et qu'à cause de son apparition cons- tante dans les herbiers exposés à l'humidité, on appelle eurotrum des herbiers. Celui-ci a les sporanges jaune-soufre, et est d'une destruc- tion d'autant plus difficile, qu'il a bientôt détérioré les végétaux avec lesquels il est en contact. Si l'humidité est plus grande et plus pro- longée, le botrytes glomerulosa S'en empare et détruit rapidement l'herbier le mieux préparé. On ne peut guère sauver les plantes envahies par ce parasite, et le procédé applicable aux zorulia véus- sit incomplétement; il faut alors les faire sécher avec soin, les changer de papier, les laver à l'alcool, les brosser, et répéter cette opération jusqu'à ce qu'on ait détruit tous les champignons qui les détériorent. Une précaution dont ne peut se dispenser le possesseur d’un her- HERBIERS NATURELS. 63 bier, c’est de le visiter au moins deux ou trois fois par an, surtout à l'automne, au moment où l'atmosphère est saturée d'humidité, après l'hiver, pour être sûr que les alternatives de gelée et de dégel n'ont exercé aucune influence sur des corps aussi hygrométriques que les plantes, et dans le courant du printemps. Si l'on remarque que quelque échantillon ait souffert ou menace de s’altérer, il faut l'ex- poser à l'air, et ne le réintégrer dans l'herbier que quand on n'a plus à craindre l'action de l'humidité, Un corps de bibliothèque à fond plein et qui ne touche à aucun mur humide est le meilleur moyen de conservation d’un herbier. Après l'humidité, les ennemis les plus redoutables des plantes desséchées sont les insectes, qui détruisent en peu de temps la col- lection la plus nombreuse, sans qu'il y ail aucun moyen de salut si l'on s'aperçoit trop tard de leur présence. Le véritable fléau des her- biers est le petit coléoptère connu sous le nom de vrillette obstinée, anobium pertinuxr, qui attaque les plantes de presque toutes les fa- milles, et dont les larves réduisent en poussière les échantillons les plus volumineux. Le pou de bois, psocus pulsatorius, petit névrop- tère hémérobien, est encore fort à craindre, malgré son extrème petitesse ; il est si multiplié, qu'il envahit en peu de temps toutes les parties d’un herbier ; et comme il est trop faible pour s'attaquer aux parties des plantes coriaces et ligneuses, il s’en prend aux parties délicates de la fleur, qu'il détruit en peu de temps. Deux espèces d'un autre genre, assez rares, mais qui demandent à être surveillées, sont les ptines, péinus fur et scotias, dont la grosse larve creuse les tiges el les dévore. L'amourette, anthrenus muscorum, et l'anthrène bordée, petits coléoptères, s'attachent aux plantes envahies par l’hu- midité et ne lardent pas à les réduire en morceaux. L'acarus eruditus et le domesticus sont attirés par les papiers collés imprégnés d'hu- midité, et font, malgré leur petitesse, d'élonnants ravages. On trouve encore dans les herbiers négligés le chelifer cancroides, qu'on dit attiré par les mites dont il fait sa nourriture, ainsi que le psocus. Les blattes sont des ennemis d'une extrème voracité ; mais elles sont trop rares dans notre pays pour qu'on ait à s’en défier : d’ailleurs elles sont assez grosses pour qu'on en puisse facilement délivrer un her- bier. Dans les régions tropicales, la fourmi blanche, {ermes lucifuga, fait de grands ravages et est un ennemi très-dangereux, car elle dis- simule sa destruction en n’attaquant jamais par les bords de l'herbier 64 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. qu'elle dévore; elle ronge tout l'intérieur en laissant intactes les enveloppes, de sorte que, quand on s'aperçoit du dégât, tout est déjà détruit. La lepisma saccharina, qui ressemble à un petit poisson argenté, est encore un fléau des herbiers quand elle est multipliée. Certaines familles n'ont rien à redouter des insectes; ce sont les algues, les mousses, les lichens, les hépatiques, les Iycopodinées, les fougères, les cypéracées et les graminées, dont la tige et les feuilles sont revêtues d’une sorte d’enveloppe siliceuse qui les soustrait à la dent des larves voraces. En somme, les insectes sont plus dangereux pour les plantes que l'humidité; aussi a-t-on cherché Lous les moyens de les détruire. L'ex- position de l’herbier dans un four ou un nécrentome, dont la tempé- rature soit de 76 à 80 degrés centigrades, suffit pour tuer les larves. Mais il est souvent trop tard quand on découvre ces insectes : c'est pourquoi on a cherché à les éloigner par des préservatifs. L'essence de térébenthine et le naphle, malgré leur odeur forte, manquent presque toujours leur effet; le camphre n’agit guère mieux, puisque dans des cadres bien hermétiquement clos et qui renferment des morceaux de camphre, on voit les insectes se développer et détruire les plus brillantes collections de papillons. Les amers, tels que la coloquinte, Pabsinthe, sont sans résultats. L'immersion dans une solution alcoolique de bichlorure de mer- eure est d’une efficacité complète; mais il faut doser habilement. Si l'on met ce sel en trop grande quantité, il attaque les couleurs des végétaux, et rend les herbiers dangereux à manier à cause de la pous- sière qui s'en échappe. C'est à celle préparalion alcoolique qu'est due la parfaite conservation des herbiers du Jardin des Plantes de Paris. La glycérine est aussi employée avec avantage dans ce cas. M. Doyère, qui s'est beaucoup occupé de la conservation des grains dans des silos souterrains, a fait connaitre un procédé qui mérite d’être employé de préférence même à la solution du bichlorure de mercure. Il est simple et moins coûteux. Il consiste à placer les paquels de plantes dans une grande caisse en bois doublé de zine, et dans laquelle on fait évaporer du sulfure de carbone. Cette caisse doit être hermétiquement fermée au moyen de vis et de papier collé sur les jointures, pour empêcher les émanations de s'en échapper; quarante-huit heures suffisent pour détruire les insectes HERBIERS ARTIFICIELS. 65 vivants. Tous les ans, au moment de l’éclosion des insectes, on re- nouvelle l'opération; on est ainsi assuré de la conservation des plantes. Pour éviter le danger qui pourrait résulter pour l'opéra- teur de l'aspiration du sulfure de carbone, il est prudent de placer la caisse dans un endroit très-aéré, ou de ne l'ouvrir qu'au grand air. Les collections de bois, de graines et de fruits peuvent être préservées des insectes de la même manière. HERBIERS ARTIFICIELS L'herbier, sans le dessin pour le compléter, ne suffit pas, et même il importe pour le composer d’avoir un guide iconographique, nous ne disons pas complet, il n’y en à pas, mais du moins à peu près suffisant, et dont les figures soient aussi exactes que possible. D'une part, pour s’épargner les frais d'acquisition et les embarras d'iconographies coûteuses et volumineuses, d'autre part pour abréger le temps consacré à la reproduction graphique, on a souvent essayé d'obtenir des herbiers artificiels au moyen d'un décalque prompt et durable des plantes. Les procédés généralement usités ont été tantôt une couleur à l'huile, tantôt du noir d'imprimerie dont on enduit la-plante avec soin. On la transporte ensuite sur du papier blanc, et par une pression modérée, on obtient une empreinte qui ne man- que quelquefois pas de vérité. Ce procédé s'applique aux feuilles avec assez de succès, moins bien aux tiges, et n’est pas du tout propre aux fleurs; quelquefois, on retouche les parties défectueuses; d’autres fois, on les dessine en entier; mais ce mode de reproduction manque de netteté, et ne donne en général qu'une silhouette grossière. Les feuilles finement découpées, comme celles des fumeterres, de la plupart des ombellifères, ne réussissent qu'à demi; et rien n’est plus difficile, quand bien même on obtiendrait une empreinte conve- nable, que de conserver à ces feuilles leur disposition naturelle. C'est au moyen d'un rouleau chargé de noir, dont le degré de liqui- dité est assez difficile à obtenir, qu'on couvre le revers de la feuille; mais, par ce moyen, l'égalité de distribution de l'encre présente des difficultés, à cause de l'impossibilité de fixer tout à fait la feuille ou la plante dont on veut obtenir la reproduction; on réussit mieux en l'appliquant sur un papier chargé de noir, en la soumettant à Botan., T. 1]. 5 66 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. une pression modérée, soit au moyen d’un rouleau, soit au moven d'une presse à deux cylindres, comme les presses autographiques, et en faisant le report sur du papier blanc, d'une épaisseur suffi- sante pour céder aux effets de la pression, et légèrement humecté à l'avance. Mais, pour obtenir de bons résultats, il faut une longue pratique et un matériel qui exige un établissement fixe. MM. de Humboldt et Bonpland ont eu recours à un moyen de ce genre dans leur voyage ; mais on voit aisément qu'ils manquaient du matériel et du temps nécessaires pour obtenir des empreintes parfaites". Quelquefois on joint au décalque de la plante, fait avec une cou- leur bistre, des fleurs ou des fruits dessinés à la main, et retouchés au pinceau. On s'épargne par ce moyen le dessin du feuillage; mais ce procédé, qui ne manque pas de charmes, n'est applicable qu'à certains végétaux. On échoue dès qu'on a affaire à des végétaux au feuillage confus; le crayon et le pinceau sont obligés de tout réparer avec grande perte de temps. Disons seulement que c'est un des mille moyens employés pour s'éviter la peine de faire un dessin complet. Pour perfectionner le procédé du décalque et le rendre utile sur- tout aux voyageurs, qui n’ont pas toujours le temps de faire un dessin 1. Il existe des essais de reproduction par impression, dite naturelle, qui remontent à près de deux siècles; mais quoique repris à diverses époques, ils sont loin encore de donner des résultats satisfaisants, larges et surtout capables de vulgariser la science par l'iconographie. En 1666, Ad. Spigel fit mention de ce moyen dans son Isagoge; mais ce ne fut qu’en 4733 que Kniphoff publia, à Erfurt, sous le titre de Botanica in originali, deux cents figures de plantes médicinales d’une reproduction grossière; vingt-cinq ans plus tard, il fit paraitre douze centuries de plantes retouchées au pinceau. D'autres s’en occupèrent ensuite, spécialement Marcellin Bonnet, de Carcassonne, qui donna des im- pressions en couleur, et Seligmann, qui, en 1748, sous le titre de Réseau vasculaire des feuilles, reproduisit, en trente-six planches, un grand nombre de feuilles privées de leur parenchyme et imprimées en rouge avec une si rare perfection qu'il faut une loupe pour en suivre bien les détails. Le procédé employé pour obtenir ce résultat est long et minutieux ; il exige une patience toute germanique. Pour obtenir le réseau fibro-vas- culaire d’une feuille, on fait macérer celle-ci dans l’eau jusqu’à ce que la substance soit assouplie; on l’étend sur un corps parfaitement horizontal, qui ne présente pas trop de rigidité, et, avec une brosse à poils droits et roides, on frappe doucement pour détruire peu à peu le tissu parenchymateux, jusqu'à ce qu'il ait tout à fait disparu. C’est alors seulement qu’on prend l'empreinte de la feuille, qui est d’une netteté admirable, puis- que chaque maille de ce réseau délié est devenue parfaitement distincte. L'imprimerie impériale de Vienne, dont on a vu des travaux merveilleux aux Expositions générales de Paris et de Londres, a fait faire, depuis quelques années, de grands progrès à l’ün- pression naturelle appliquée aux végétaux, au moyen de procédés ou nouveaux, ou per- fectionnés. HERBIERS ARTIFICIELS. 67 exact, en ce qui touche particulièrement la nervation, si importante à connaitre, il en est un qui permet de prendre sans travail l'em- preinte d'une feuille simple ou composée, en en reproduisant les plus fines nervures avec une parfaite netteté. On prend du papier à lettre de belle qualité, et on l’immerge pendant quelques instants dans une solution de chlorure de sodium (sel commun), dont le do- sage dépend de la nature du papier : en général, 5 à 6 grammes pour 30 grammes d'eau suffisent largement. On le laisse sécher à l'air libre, puis on l'imbibe, par immersion, sur une seule face (l'ap- plication au pinceau étant toujours défectueuse), d’une solution d’a- zotate d'argent cristallisé, à la dose de 4 grammes pour 30 d’eau distillée. Cette opération, qui doit être faite à l'abri de la lumière diffuse, et peut avoir lieu à la lueur d’une veilleuse, exige une quan- tité suffisante de liquide pour que l'immersion soit égale partout. Il faut avoir soin de ne pas verser sa solution d’azotate d'argent dans le plat où l'on a mis sa solution de chlorure de sodium, parce qu'il se formerait du chlorure d'argent, qu'on reconnait à son précipité blanc et caillebotté; il vaut mieux choisir un autre vase. On laisse sécher à l'ombre la feuille préparée, et quand elle est sèche, on dispose des- sus symétriquement les feuilles dont on veut obtenir l'empreinte, et qui demandent à être employées plutôt fraiches que sèches. On les pose avec soin, et toujours dans l'obscurité, pour ne pas provoquer prématurément la sensibilité du papier; après qu’on les a bien dé- ployées, car on en peut mettre plusieurs de dimension moyenne sur une mème page, on place le tout sur le verre d'un appareil fort simple, et qui n'est autre que le diaphanographe de M. Lard, dont il diffère par son verre qui est poli au lieu d'être mat. Il se compose d'un châssis à gorge, au fond duquel est posé un verre que recouvre une feuille de carton retenue par les deux petites traverses fixées sur le dos de ce mème carton, et dont les deux bouts s'engagent dans des rainures pratiquées dans la gorge du châssis. On presse ses feuilles de manière à ce qu’il n’y ait pas de lacune entre elles et le papier, et on les expose ainsi à la lumière solaire, ce qui accélère l’opéra- tion; dans le cas contraire, à la lumière diffuse, mais depuis le matin jusqu'à midi ou une heure; plus tard, les rayons lumineux ont perdu de leur puissance, et l’opération est lente et imparfaite. Au bout de peu d'instants, le papier devient d’un noir intense, et l’on reconnait que la préparation a été bien faite quand la teinte est uniforme. La 68 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. feuille trace alors sur le papier sa silhouelte avec une exactitude qu’on attendrait vainement du pinceau le plus habile, et quand elle est terminée, ce qui a lieu le plus souvent au bout de quinze à vingl minutes, suivant le degré d'intensité de la lumière, et ce dont on ne peut s'assurer qu'en allant examiner dans l'obscurité les progrès du décalque, on immerge la feuille en entier dans une faible solution d'hyposulfite de soude, à laquelle on ajoute quelques gouttes de la solution d’azotate d'argent, pour fixer le dessin. Lorsque les blanes ont pris du brillant et que les noirs sont devenus francs, on peut regarder l’image comme fixée d’une manière définitive; mais il faut pour toute cette opération, qui procure de charmantes épreuves, ac- quérir le tact que donne seule l’habitude. Si on n'a pas laissé ses feuilles assez longtemps à la lumière, ou si l’on a mis sur une même page des feuilles épaisses et d’autres à tissu lâche et fin, quand ces dernières seront venues, les autres ne présenteront encore qu'une silhouette grossière; si l’on a attendu que celles-ci fussent parfaites, les autres se seront colorées d’une teinte uniforme. Il faut donc asso- cier les feuilles par similitude de composition textulaire et veiller avec soin au progrès de l’opération. On peut, en employant ce pro- cédé, avoir des dessins de la plus grande pureté, et posséder en quelques heures, car la durée moyenne de l'opération est de vingt minutes, une cinquantaine de décalques de feuilles dont il faudrait des mois entiers de travail pour obtenir la reproduction minutieuse. Il est important de faire observer qu'après le décalque, le lavage est l'opération capitale : elle fixe les tons et leur donne la finesse qui fait le mérite de ce procédé. Si on lave négligemment, ou l'on efface, ou la lumière détruit l'empreinte en peu d'heures. On ne peut même savoir que le décalque est irrévocablement fixé qu'en l'expo- sant à la lumière pendant quelques instants; si les finesses deviennent confuses, c'est que lopération du lavage à été faite précipitamment ou sans les précautions nécessaires. Il faut, pour que les empreintes soient durables, que les blancs soient purs et les noirs très-foncés. Donnons encore quelques conseils sur les moyens de réunir en peu de temps et à peu de frais, si l’on connaît seulement le dessin linéaire, des dessins qui servent au moins d’aide-mémoire. Il faut représenter par un trait léger l’ensemble du port de la plante, des- siner minutieusement, soit au moyen d’une loupe montée, soit d’un microscope, en se servant toujours du même grossissement, les ca- HERBIERS ARTIFICIELS. 69 ractères de l'espèce-type, et, au-dessous des caractères du genre, dis- poser ceux des diverses espèces qui le composent, en se bornant à ne reproduire que le caractère essentiel de chaque espèce. Ainsi, la feuille, qui constitue souvent le caractère le plus saillant de l'espèce, est dessinée dans son contour, avec indication de la disposition des nervures primaires seulement. Dans quelques cas, on y ajoute l’or- gane ou la partie d’organe qui constitue un caractère. Par exemple, on trouve dans les zwllepertuis des calices dont les divisions sont chargées de glandes dans quelques espèces, et ne le sont pas dans d’autres; on reproduit, dans ce cas, soit le calice entier, soit un sépale seulement ou une des folioles calicinales. IL faut done se borner à reproduire avec intelligence le caractère spécifique; et pour tirer un bon parti de ces dessins, il faut disposer méthodiquement cet ensemble de caractères. On mettra toujours en tête la figure du genre et les détails qui en font connaitre l'organographie, puis au-dessous, dans des cadres égaux en grandeur, et dans l’ordre des affinités, les caractères spécifiques, ce qui fait bien mieux connaitre la différence spécifique que ne le feraient des dessins isolés et sans ordre. On peut, avec de l’habitude, faire au moins dix dessins de genre par jour, et peut-être trente ou quarante de caractères spécifiques ; au bout d’une année de travail, on aura une collection précieuse. Le moyen de fixation des images par transparence est une œuvre d'art : il sert à obtenir avec précision les détails les plus finis de la structure vasculaire des feuilles; mais ce dernier est plus simple, bien qu'il comporte le fini du dessin, et il a sur l’autre l'avantage de pouvoir reproduire les détails de tous les organes, en même temps qu’il permet d'employer la méthode synoptique. Nous ne terminerons pas ces Notions préliminaires sans dire que, si l’on n’a pas d’iconographie sous les yeux, on ne peut arriver, mal- gré l'exactitude minutieuse des descriptions, à aucun résultat profi- table. Les langues, tout en multipliant leur nomenclature scienti- fique, sont impuissantes à décrire les formes avec précision; sans le secours du dessin, qui vient en aïde à la description et qui l'é- claircit, on ne peut rien déterminer d’une manière parfaite. Le dessin est même, on ne saurait trop le répéter, un des plus puissants auxi- liaires des herbiers naturels, qui ne présentent souvent que des squelettes desséchés et noircis, ou des fleurs qui ont perdu tous leurs caractères. Quant au choix des iconographies, il est d'une impor- 70 NOTIONS PRÉLIMINAIRES. tance capitale; une iconographie mauvaise ou seulement imparfaite dans la forme des sujets représentés, est plus nuisible qu'utile. Mal- heureusement, il faut bien le reconnaitre, il en est fort peu de bonnes ou seulement de passables, surtout en France. Mieux vaut un nombre borné de figures bien traitées, de types bien reproduits, qu'un nombre considérable de figures mal faites et propres à ne donner que des idées fausses. Voilà pourquoi dans les Atlas de cet ouvrage nous nous sommes beaucoup moins préoccupés de la quantité que de la qualité. BOTANIQUE GÉNÉRALE LIVRE PREMIER GÉNÉRALITÉS DÉ LA BOTANIQUE CHAPITRE I. — APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX CHAPITRE IT. — GÉOGRAPHIE BOTANIQUE. CHAPITRE III. — SYMÉTRIE ASCENDANTE DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL. CHAPITRE IV. — CHIMIE VÉGÉTALE. NOTA.— Notre division par LIVRES, dont chacun a ses CHAPITRES SPÉCIAUX, permet au lecteur de modifier l’ordre de ses études et de ne pas adopter celui que nous avons cru devoir suivre, en procédant. comme nous le faisons, des aperçus d'ensemble aux détails organi- ques. Ainsi, dans le cas où il préférerait commencer par l'étude des organes avant de commencer par celle des généralités de la science, il pourra se porter tout de suite au LIVRE DEUX. Chacun de nos livres forme, pour ainsi dire, un tout complet. BOTANIQUE GÉNÉRALE GÉNÉRALITÉS DE LA BOTANIQUE CHAPITRE PREMIER APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX A LA SURFACE DU GLOBE De mème qu'il y a plusieurs manières de diviser l'étude de la bota- nique, il y a des manières différentes de procéder à cette étude. Les uns pensent qu'avant de contempler le vaste ensemble qui frappe tout d'abord nos yeux et de remonter aux principes mêmes de la forma- tion des choses, il faut commencer par faire connaitre les détails or- ganiques, l'anatomie du végétal ; les autres pensent au contraire qu'il est plus logique de présenter les aperçus d'ensemble avant d'entrer dans les détails et de ne passer à l’analyse qu'après avoir posé les principes. C’est cette dernière manière que l’on à cru devoir adopter dans cet ouvrage, en le divisant toutefois par livres de manière à laisser au lecteur la faculté de donner à ses études un cours inverse. Pour pénétrer le mystère de l'établissement des végétaux à la surface du globe, point de départ de la connaissance de l'évolution successive des organismes de l’époque actuelle, et qui permet de les grouper avec plus de sûreté, il faut étudier les conditions d'existence des végétaux contemporains des premiers âges de la terre, de ceux même qui flottaient au sein des eaux comme une poussière ani- mée et n'étaient que les premiers rudiments de cette splendeur vé- gétale qui frappe les yeux bien plus vivement que le règne animal; car, par sa mobilité, celui-ci passe devant les regards de l'observa- teur comme une ox:bre magique, tandis que le règne végétal, fixé 1/ GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. au sol, servant à l'homme de tapis et d'ombrage, fixe sans cesse et enchante sa vue. Que l'ami de la nature, qui n’a jamais réfléchi sur le procédé de succession des formes, examine avec soin un de ces blocs gigantes- ques qu'on trouve dans la magnifique forêt de Fontainebleau, il y comptera cent végélaux peut-être, à partir des premiers lichens, de ces croûtes légères qui tapissent la roche jusqu'aux végétaux phanérogames établis sur cette succession de détritus provenant de la destruction de cinquante générations animées, et qui, là, épa- nouissent leurs fleurs et muürissent leurs fruits comme s'ils crois- saient dans un humus épais, résultat des débris de plante accumulés sur le sol pendant une longue suite de siècles. Ce bloc de grès est en raccourci l'histoire des temps antérieurs de la terre. Stérile et nue dans les premiers âges, elle s’est d'abord couverte de végétaux légers ; puis les formes se sont développées, et les forêts, comme une flottante chevelure, ont fait ondoyer leurs cimes orgueilleuses sur un sol dont elles sont devenues l'ornement. Voici comment on peut s'expliquer le phénomène actuel de la succession dés plantes à la surface du sol : La roche nué et imbibée par les eaux s’attendrit peu à peu sous l'influence des agents ambiants; le soleil et l'humidité en désa- srégent des parcelles; quelques végélaux rudimentaires, des al- gues sans doute, s'établissent sur le roc commé une tache légère; ils y vivent, tant que, par leur destruction, ils n'ont pas accumulé üne certaine quantité de terre fécondée par leurs molécules. A chaque végétation qui s'éteint, il se forme une masse nouvelle composée par le détritus des êtres antérieurs. Quand elle est de- vénue assez épaisse pour nourrir des végétaux d’un ordre plus élevé, il commence à croître des lichens, croûtes gélatineuses qui affectent des formes diverses et sont douées d’une hygrométricité d'autant plus grande que leur texture est plus foliacée. Le sol fer- tile s'accroît, les débris en se superposant forment une couche de plus en plus épaisse : alors les mousses, les fougères couvrent le sol, et dans ce milieu, fourni par des myriades d'années, le végé- tal phanérogame apparaît et ne cesse plus de couvrir la terre, en proportionnant toujours son développement à la fertilité du sol. Tel est le procédé général. Il reste à le démontrer par l'histoire de la terre, et c'est à la géologie qu’il faut demander ces renseignements. APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. 19 Quel que soit le système qu’on adopte pour expliquer la formation première de la terre, qu'on la regarde comme une masse sphéroïdale en état d'incandescence, ou comme une simple nébuleuse accrue de toutes les molécules qui se trouvaient dans son rayon d'aftraction ; que la chaleur aille en progressant à l'infini, et, arrivée au centre, alleigne 200,000 degrés; ou que ce phénomène n'en dépasse pas la croûte, épaisse de 20 kilomètres : nous ne pouvons nous refuser à reconnaitre qu'une longue période de tourmente à précédé l'appari- tion de la vie; que l’eau couvrait toute la surface du globe, et, sans cesse agitée, s'opposait à l'agrégation des molécules animées, et que l'organisme n'a pu s’y établir qu'alors qu'il y a eu un commencement d'émergence ou de hauts-fonds formés par le soulèvement des masses submergées. Il dut se passer bien des siècles avant que la vie püt régulière- ment s'établir au milieu de ce monde en convulsion, au sein de ces eaux brülantes sans doute et incessamment remuées. Quand les premières roches sortirent du sein des mers et élevèrent au-dessus des flots leurs crêtes brülantes, la vie était encore impossible; il fallait que des périodes plus calmes vinssent succéder à ces pertur- bations, et que le milieu fût devenu habitable pour des êtres vivants, tant comme température que comme composition chimique de l'at- mosphère et des eaux. Quel aspect offrait la terre avant l’époque où se formèrent les pre- mières couches sédimenteuses, indice d’une période de repos qui permettait aux matières en suspension dans les eaux de se déposer en couches régulières, nul ne le peut dire ; ce qu'on sait seulement, c’est que pendant l’époque appelée par les géologues la première pé- riode, et qui, commençant aux premiers terrains de sédiment, s'élève jusqu'aux formations houillères inclusivement, on voit la vie appa- raitre sur la terre qui offrait l’aspect d’une vaste mer, de laquelle sorlaient çà et là de petites iles dont la végétation devint de plus en plus luxuriante. Pour faciliter l'intelligence de cette partie de notre ouvrage, nous croyons utile de faire précéder l’entrée en matière de l’histoire de l’évolution des végétaux à la surface de la terre, d'un tableau em- prunté à la Géologie de M. Beudant, indiquant dans l'ordre linéaire la succession des terrains, et d'y joindre une planche représentant Ja coupe géologique du globe (Atlas EF, pl. 1). Dépôt de la Bresse, collines subapennines, gypse. Faluns, molasse et nagelflüe, gypse d’Aix. Gypse parisien, calcaire grossier, argile. Craie blanche. Craie marneuse. Craie tufau. Craie verte ‘Grès vert, Dépôts néocomiens. Groupe portlandien. nn nounou stores Grande oolithe. Marne irisée. Calcaire conchylien. Grès bigarré. Grès vosgien. Calcaire pénéen. nn nn nn nn nn Groupe corallien. TU HANTEE sé sue Mere ane m0 0 Grès rouge. Grès houiller. nn nn nine Calcaire carbonifère. Vieux grès rouge, grès divers, schistes anthraciteux. Calcaires et schistes micacés. Schistes “ra — gneiss. | GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. | Alluvions modernes. Alluvions anciennes. | Terrain subapennin. Terrain de molasse. Terrain parisien. Terrain crétacé supérieur. Terrain crétacé inférieur. Terrain jurassique. Terrain de trias. Terrain pénéen. Terrain houiller. Terrain devonien. Terrain silurien. Terrain cambrien. Matières inconnues, peut-être primitives, APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. a — L'ordre d'évolution paraît avoir été le suivant : Aux époques les plus anciennes, des végétaux cryptogames acro- gènes (ou croissant par l'extrémité) : algues, fougères, Iycopodiacées ; plus tard, des gymnospermes (végétaux à graines nues), représentés par des cycadées et des conifères; enfin, des angiospermes (végétaux à graines revêtues d'une enveloppe), palmiers, amentacées, acéri- nées, etc. C’est ce qui a déterminé M. Adolphe Brongniart à appeler la première période, règne des acrogènes; la deuxième, règne des gymnospermes, et la troisième, règne des angiospermes. Dans les deux premières périodes, il existe simultanément des acrogènes et des gymnospermes, mais les premiers l’emportent sur les seconds; dans la seconde, l'inverse a lieu, et les végétaux angiospermes man- quent entièrement ou ne montrent que de rares et incertaines traces. Dans les terrains schisteux et dans la couche inférieure des for- mations cambrienne, silurienne et devonienne, on trouve à peine quelques traces de végétaux, bien qu’il paraisse en avoir existé à l’époque des gneiss, et que l’anthracite indique une origine végé- tale. Les genres y sont peu nombreux, et les seuls qu'on y recon- naisse sont les /ucoides, plantes marines; les calamites de la famille des équisétacées (Atlas 4, pl. 2, fig. 1 et 2); des fougères appartenant aux genres sphenopterts (PI. 2, fig. 3), cyclopteris, pecopterts et siqil- laria; enfin des lycopodiacées arborescentes, /epidodendron, et les slignraria, qui augmentent en nombre et en variations spécifiques à mesure qu'on s'éloigne des terrains cambriens. On trouve, à cette première époque, des mollusques, des poly- piers, des crustacés et des poissons, ce qui est l'indice d’une végéta- tion marine abondante; car les animaux créophages n'ont pu venir qu'après les phylophages, et l'on peut regarder les mollusques, pres- que tous bivalves à cette époque (excepté dans les terrains carboni- fères où apparaissent les univalves et quelques radiaires), comme les premiers habitants des ondes. Ils ne pouvaient, d'après la structure de leurs organes de manducation, se nourrir que de végétaux gélati- neux et divisés à l'infini, tels que des algues microscopiques ou de ces êtres ambigus que réclament à la fois les botanistes et les zoolo- gistes, comme élant de leur domaine; les polypes mêmes vivaient sans doute de ces derniers. Les crustacés, se nourrissant de matières inimales putréfiées, formaient probablement le degré inférieur de la 78 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. série des animaux créophages, vivant de proie et donnant Ja mort. Il faut dire aussi que, dans les derniers degrés de l'animalité, les appétits sont obtus, et que le choix des aliments ne s’est pas encore manifesté. Tout est incertain dans ces êtres primitifs, qui sont les premières ébauches de la nature. Quant aux poissons, ils sont dans le même cas : phytophages d'abord, vivant ensuite de mollusques, ils ont dû suivre la loi universelle. On pourrait même admettre que le premier degré de créophagie a été l'appétit des chairs mortes, et que plus tard seulement, le besoin, l'abondance de proie vivante et l'abus de la force ont amené la créophagie véritable, telle que Ja pratiquent aujourd'hui les carnassiers. À mesure que les eaux et les parties émergées se peuplaient de végétaux, que le milieu devenait plus propre à la vie, elle s'irradiait avec rapidité, et plus elle aug- mentait dans les deux règnes, plus le jeu des formes devenait varié. Le perfectionnement de ces formes suivait aussi l'accroissement du nombre des êtres et leurs variations, et le progrès était surtout dans l'appropriation des appareils de la vie organique, qui, dans les ani- maux, tendait à les séparer de ceux de la vie de relation. Dans le principe, en effet, tous les appareils sont confondus, et ce n'est qu'en s’élevant dans la série que chaque fonction affecte un appareil spé- cial qui lui sert d'instrument. Conformément à cette loi d'évolution ascensionnelle, nous ne trouvons, dans les couches inférieures, que des végétaux acotylédones ; il faut arriver aux terrains houillers pour trouver une végélation abondante, accompagnée d'une grande am- pleur de formes. A l'époque où ces terrains se formèrent, la surface découverte du globe ne se composait encore que d'iles et d’archipels, et pas de grands continents; la température était, d'après l'opinion des géologues, beaucoup plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui, bien que d’autres prétendent que les variations, non de température géné- rale, mais de climats, ne viennent que d’un déplacement de l'éclip- tique, dont le dernier aurait été cause du cataclysme dont nous retrouvons les traces en interrogeant les entrailles de la terre. Quoi qu'il en soit de ces deux hypothèses, auxquelles nous ne nous arrète- rons pas, on admet qu’à cette époque la surface du globe était baignée par une mer d'eau chaude, au milieu de laquelle s'élevaient quelques iles, et qui déposait des calcaires de transition servant d'appui aux terrains houillers. Ces masses de houille sont, chacun le sait aujour- d'hui, des détritus de végétaux ligneux, qui ont subi à la fois la APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. 19 pression des eaux et des lerres, et l'allération résultant d’une im- mersion prolongée. Les mers de cette époque avaient perdu les trilobites; mais elles renfermaient, en revanche, de nombreux mollusques et même des céphalopodes, groupe déjà très-élevé dans l'échelle des êtres sous le rapport de la structure, et, à côté des poissons sauroïdes, quelques rares squales. Tous les genres de végétaux appartenant à celte époque sont éteints; on en comple une soixantaine, et plus de cinq cents espèces. Les végétaux acotylédones sont représentés par des équisétacées renfermant 19 espèces du seul genre Calamites (PI. 2, fig. 4 et 5); des fougères offrant les genres : Sphenopteris, dont on connait 50 espèces (PI. 2, fig. 8); Pecopteris, avec 80 espèces, parmi lesquelles se trouve le Pecopteris aquilina (PI. 2, fig. 9), qui ressemble beau- coup à notre Pteris aquilina; Nevropteris, avec 32 espèces, dont la plus remarquable est le Nevropteris Loshii (PI. 2, fig. 7); Odontop- teris, avec 10 espèces, parmi lesquelles l'Odontopteris Brardir; des Filicites et des Cyclopteris (PI. 3, fig. 2); en tout, plus de 300 for- mes spécifiques; des marsiléacées, renfermant le genre Sphenophyl- lum (PL. 3, fig, 4) et 10 espèces ; des lycopodiacées, le genre Lepr- dodendron (PI. 2, fig. 6), dont les tiges présentent des mamelons rhomboïdaux disposés en spirale, et au sommet desquels on recon- naît la cicatrice des feuilles, et qui compte 40 espèces; les Lycopo- dites; le genre Stigmaria, de la même famille, aux tiges cannelées et non articulées, garnies de cicatrices disposées par séries longitu- dinales, parmi lesquelles on distingue le Sigmaria ficoïdes (PL. 5, fig. 8). Les monocotylédones ont pour représentants la famille des pal- miers et les genres Ælabellaria, Nœggerathia, Zygophyllites, sous très-peu de formes spécifiques ; celle des cannées, le genre Canno- phyllites, avec une seule espèce. On y rattache les genres incerlains Trigonocarpum et Musocarpum, qui sont riches en formes spécili- ques. Les dicotylédones sont les Wa/chia (PI. 3, fig. 7 et 9), voisins des Araucaria. L'ordre d'importance est celui-ci : dans les couches les plus anciennes, les Lepidodendron et les Calamites ; es Sigillarta, dans les moyennes; les Asferophyllites et les Annularia dans les dernières : nous citerons entre autres l'Arnularia brevifolia (PI. 5, fig. 3). 80 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. On reconnail, à l'inspection des empreintes des terrains carboni- fères, que ce sont les débris accumulés des lycopodiacées, des fou- gères, et des équisétacées, mêlés aux végétaux cellulaires croissant au fond des eaux, qui ont formé la masse du combustible que nous retrouvons aujourd'hui comme une des richesses les plus précieuses pour l’industrie. Sans doute que le procédé qui leur a donné nais- sance est semblable à celui qui préside aujourd'hui à la formation de nos tourbes, avec une différence seulement dans le milieu. Ils résultent de l'accumulation sur place des végétaux qui couvraient le sol; ce sont des formations d'eau douce alternant exceptionnellement avec des couches renfermant des animaux marins. Dans les eaux douces qui submergeaient les marais houillers, se trouvaient un petit nombre de mollusques conchifères, assez semblables aux ano- dontes et aux mulettes. Les végétaux y affectent les formes simples, avec un développe- ment gigantesque. Ainsi, les fougères arborescentes ne sont pas, comme aujourd'hui, des arbres de 6 à 8 mètres au plus, et en moyenne de 2 à 3 : elles avaient alors de 15 à 20 mètres de haut; les lyco- podes, ces herbes rampantes qui dressent à peine leurs petites têtes en massue au-dessus du sol, sont représentées par le Lepidodendron, qui a de 20 à 25 mètres d’élévation; les équisétacées, dont les prêles forment le genre unique et qui affectent des formes les rapprochant des conifères, sont aujourd’hui des végélaux herbacés de 60 à 80 cen- timètres au plus; à l'époque houillère, les espèces du genre Calamites avaient de 3 à 5 mètres. On remarque done, à cette époque, ce qui se reproduit encore de nos jours : c’est-à-dire qu'on voit la cryptogamie dominer d'autant plus que les îles sont plus petites, ce qui tient surtout au climat pé- lagien, et ce qui prouve qu’à l’époque de la formation houillère il y avait des îles partout et pas de continents; c’est pourquoi les cryp- togames y étaient plus nombreux que les autres êtres de la série vé- gétale. Le rapport des végétaux les uns aux autres est le suivant : les cryp- togames acrogènes y figurent pour 350 espèces, les fougères y sont représentées par 40 genres, sans compter quelques algues et 1 cham- pignon; quelques lycopodiacées avec de nombreuses variations dans la forme, car les Lepidodendron comptent 40 espèces ; les Équiséta- cées, 2; les Calamites, 10; les Neggeratha, 20; les Sigillaria, 35; APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. S1 les Asterophyllites, 20; les monocotylédones douteuses, 15 espèces ; pas d'angiospermes. On voit que la Flore primitive élait peu variée, et elle semble avoir élé partout la même, comme le montre l'identité des em- preintes trouvées en Europe et en Amérique. Il y avait donc en tout environ 500 végétaux. Comme ils se sont succédé pendant la longue suite de siècles qui a précédé cette grande période, on peut dire qu'il ne s’en est pas trouvé plus de 100 à la fois. Ce qui prouve com- bien la Flore européenne différait de ce qu'elle est aujourd'hui, c'est qu'on compte 250 espèces de fougères fossiles, tandis qu’on en compte maintenant à peine 50. Les monocotylédones ne se sont développées qu'à la fin de cette période. Les cryptogames, aujourd'hui détruits, dominaient donc pendant les premières époques, et les dicotylédones gymnospermes qui y apparurent ne virent pas la période suivante. Voici la proportion comparée des groupes végétaux les uns aux autres à l’époque primitive et à la nôtre : Sur 100 espèces, on compte 92 cryptogames, 6 dicotylédones et 2 monocotylédones; aujourd'hui, sur 100 espèces, nous comptons 3 à 4 cryptogames, 80 dicotylédones et 10 monocotylédones. La deuxième période, qui vit complétement disparaître la végé- tation antérieure, comprend les terrains pénéen, triasique, jurassique et crétacé. À cause de l'importance des terrains que nous allons exa- miner et de la diversité des temps, des lieux et des modes qui leur ont donné naissance, il faut les étudier séparément. Nous commen- cerons par les terrains pénéen et du trias; ces deux groupes, appelés encore terrain psammérythrique ou triasique, ont succédé à la for- mation des dépôts de houille après des dislocations puissantes, et le grès rouge déposé sur la houille n’est qu'un complément de toutes les roches antérieures. On peut juger, d’après le mode de distribu- tion de cette roche, qu’à l'époque où cette perturbation eut lieu, les parties émergées du globe étaient assez considérables, et que déjà même les iles avaient acquis une étendue assez grande pour affecter l'aspect continental. Quant au caractère paléontologique de ce terrain, il est particu- lier. Les poissons y sont nombreux en espèces, et l’on y trouve des genres nouveaux ; les tortues y sont associées aux sauriens; et les oiseaux, dont on n’a jusqu'alors découvert aucune trace, y apparais- Botan., T. I. 6 82 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. sent sous une forme qui semble être celle des grands échassiers. Nous insistons sur l'apparition des animaux, parce qu'elle est contempo- raine des évolutions végétales, et que les granivores ne peuvent s'être multipliés qu’à l’époque où les végétaux étaient assez abondants pour subvenir à leurs besoins. On trouve déjà, dans cette formation, des genres connus; mais plus de la moitié ont cessé d'exister. Quant à la végétation, elle est difficile à préciser ; on ne trouve que des algues dans les schistes bitumineux et une naïadée, le Zosterites agardhianu. Dans le vieux grès rouge, les végétaux dominants sont les palmiers et les conifères, ces précurseurs de Ja végétation phanérogame ; dans le calcaire pénéen, ce sont surtout des /ucoïdes qui indiquent une origine ancienne; le grès vosgien, qui lui est superposé, ne ren- ferme que quelque peu de bois silicifié, indice toujours infaillible de la présence des eaux. L'étage inférieur des grès bigarrés, épo- que de peu de durée, est assez riche en empreintes de végétaux car- bonisés. L'étage supérieur contient beaucoup de végétaux : ce sont des calanites (PI. #, fig. 1), un grand nombre de fougères et des calamodendron ; le Voltzia (PI. 4, fig. 3), genre le plus remarquable de la famille des conifères, y est abondant, ainsi que le genre Æ/«r- dingeria. C'est à cette époque qu'on voit apparaître le plésiosaure, animal étrange, dont la tête est semblable à celle du lézard, et qui a les pattes d’un cétacé et le cou d'un serpent. Dans le calcaire conchylien, qui a trois étages, on ne trouve de végétaux, parmi lesquels on peut citer les Nesropteris et Mantellia (PI. 5, fig. 5), que dans les étages inférieur et supérieur ; car dans l'étage moyen on ne trouve rien ou presque rien. Ce qu'il y a de frap- pant dans cette évolution ascendante, c’est que l’on voit pour la pre- mière fois apparaitre des annélides, et que l’on trouve des becs de seiche (mollusques du groupe des céphalopodes); ce qui indique déjà une plus grande perfection dans la forme de certains organes. Les poissons y sont représentés par des espèces nouvelles, et les sauriens, mi-partis poissons et sauriens, tels que l'ichthyosaure, se montrent pour la première fois et durent jusqu’à la fin du terrain oolithique. Les marnes irisées, qui ont trois étages, abondent en végétaux de la famille des cycadées ; on ne trouve que quelques /ougères et équi- sétacées, aucuns corufères; dans les grès keupriques, ce sont des bois minéralisés, désignés sous le nom de stipite, et qui servent de chauf- fage quand ils ne sont pas trop pénétrés de substances minérales; car, APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. 83 dans ce cas, on s’en sert pour en extraire de la couperose et de l’alun. Cependant, dans le Wurtemberg, on les emploie comme combus- tible. Les genres Nsona et Pterophyllum (PI. 4, fig. 2) appar- tiennent à ce terrain. Le terrain jurassique est digne d'étude à cause de ses apparitions organiques. À l’époque de sa formation, les eaux couvraient encore la plus grande partie de l'Europe, et les animaux devaient y être très-abondants, si l'on songe que les couches du carolrag sont pres- que exclusivement composées de débris de coquilles et de polypiers. Les ammonites et les bélemnites y vivaient en nombre considérable, ce qui tend à prouver que les mers étaient en général peu profondes. La plus grande partie des mollusques de cette époque appartiennent à des genres éteints, et il n'existe plus une seule espèce vivante des poissons de cette période. Les sauriens y sont devenus de plus en plus abondants; ils formaient sans doute une grande partie de la population du littoral, ce qui permet de penser que la vie animale s'était assez multipliée pour que ces êtres voraces trouvassent une nourriture abondante; car une des lois communes aux animaux comme aux végétaux, c’est que le nombre en est constamment pro- portionnel à la nature du milieu où ils ont été placés, c’est-à-dire aux facilités de la vie. Les formes sous lesquelles ils se présentent sont celles des crocodiles, des ptérodactyles, des plésiosaures et des ichthvyosau- res. D'après la manière dont ils sont conservés, on est tenté de croire qu'ils ont été subitement enfouis, ce qui doit avoir également eu lieu pour des végétaux essentiellement terrestres, qui n’ont pas subi des déformations que semblerait comporter un long transport. La végétation de cette longue et remarquable période diffère de celle qui précède autant que de celle qui suit : les Iycopodiacées n°y sont plus représentées que par une seule espèce; les calamites, les palmiers des formations carbonifères, ont disparu ; il y a un bien moins grand nombre de fougères à nervures réticulées, comme on l'observe dans le Pachypteris ovata (PI. 5, fig. 1); ce sont, en gé- néral, des cycadées appartenant aux genres Zamia (PI. 5, fig. 3), Zamites et Otozarnites, et des conifères, parmi lesquelles se trou- vent les genres Brachyphyllum (PL. 5, fig. 4), Taxites et Thuytes. La végétation parait avoir ressemblé à celle de l'Australie. Cependant on ne trouve aucune trace de végétaux angiospermes. Le lias est riche en corps organisés, et les végétaux y sont nom- 84 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. breux, entre autres les fougères. On y trouve aussi des palmiers et leurs fruits. Le groupe oolithique, qui comprend jusqu’au groupe portlandien, ne contient de végétaux en abondance que dans l'étage inférieur. Les conifères s’y présentent sous la forme du genre Brachyphyllum (PI. 5, fig. 4), et l'on y trouve, outre les cycadées, des marsiléacées, parmi lesquelles il convient de citer les Batera Huttoni et dichotoma, et un véritable Æguisetum, qu’on a appelé ÆEgwisehun columnare (PI. », fig. 4). Il y en a peu dans les étages moyen et supérieur; mais ce qui caractérise surtout cette période et montre comment le règne végétal a été la première base de la nourriture des animaux appartenant aux diverses séries, c’est que les mammifères apparaissent sous deux for- mes herbivores : ce sont les genres paléothérium et anoplothérium, dont la structure dentaire indique des animaux vivant plutôt de vé- gétaux herbacés que de branches d'arbres. On voit par là que la terre devait alors être tapissée de plantes basses et gazonnantes, et que les terres émergées devaient avoir une certaine étendue, pour que ces animaux pussent vivre éloignés des sauriens, qui se retiraient dans des petits golfes près des eaux. Dans la partie supérieure de cette seconde période, nous remar- quons que des émergences nouvelles eurent lieu, et qu'alors se pro- duisirent des amas d’eau douce ; sur la pente des montagnes, dans le thalweg des grandes chaînes, coulèrent des ruisseaux et des rivières qui charriaient leurs débris jusque dans la mer. Les dépôts néoco- miens sont riches en restes d'animaux et de végétaux; de grands reptiles qui n’ont plus d'analogues parmi nous, tels que l’iguanodon, l'hylœsaurus, le megalosaurus, vivaient au bord des fleuves, et l’on trouve souvent une quantité considérable de débris de tortues des genres émyde, trionyx et chélonée. Tout ce qu'on a pu observer en Europe concourt à prouver que les terres nues étaient assez considé- rables, mais qu'au milieu de ces petits continents il y avait de larges étangs habités par des paludines, en telle abondance, qu'elles consti- tuent seules des couches calcaires d'une assez grande puissance. Les équisétacées et les fougères y sont nombreuses; les conifères offrent les Cryplomeria, parmi lesquels on distingue le Cryplomertia pri- moœæva, les Abretites, les Dammarites, les Araucarites, et Von peut signaler, parmi les cycadées, le Mantellia nidiformis (PI. 5, fig. 5), qui s'y trouve à l’état siliceux. Ce sont ces végétaux qui ont donné APPARITION SUCCESSIVE DES VÉGÉTAUX. 59 naissance aux amas de lignites qu'on voit à la base des terrains crayeux. Les produits lacustres ne sont mêlés à des restes marins que parce que la mer revint couvrir les terrains d’eau douce. Quant à la végélation, elle est beaucoup moins riche dans la craie blanche que dans l'étage inférieur. Il s’est opéré, à cette époque, un changement qui à dû restreindre la vie à la surface du globe; les points émergés ont dû être recouverts par les eaux, et ce qui confirme celte opinion, c’est qu'on ne trouve, dans les dépôts appartenant à cette dernière période, que de rares débris de sauriens. Le caractère de la période qui nous occupe est l'apparition des dicotylédones-angiospermes qui commencent à se montrer dès le prin- cipe de l'époque crétacée. On trouve des /ucoïides encælioides (PI. A, fig. 8) dans le grès qui porte leur nom, à cause de leur abondance. Les palmiers s'y retrouvent sous la forme palmacites (PI. 5, fig. 9). Les dicotylédones-angiospermes y sont en petit nombre, et sont repré- sentées surtout par des amentacées et quelques genres mal déterminés. La troisième période, qui commence au terrain parisien, se ter mine à l’époque actuelle. On peut en opérer évolutivement la divi- sion en trois groupes : le terrain supercrétacé, qui part du terrain parisien pour finir aux alluvions anciennes ; le second désigné sous le nom de terrains clysmiens, et le troisième formé par les terrains récents ou les alluvions modernes. Cette période se distingue par l'abondance des végétaux dicotylé- dones-angiospermes, et, parmi les monocotylédones, par les palmiers, moins nombreux pourtant que les premiers. On ne trouve déjà plus de cycadées en Europe, et les conifères appartiennent à des genres propres aux régions tempérées. Après la période crétacée, il se passa à la surface du globe de nombreux changements : les terres augmentèrent, et avec elles le nombre des êtres vivants ; il disparut cependant, par suite du chan- gement qui s'était opéré dans la température, un grand nombre de , végétaux de nos contrées. Ainsi nous ne trouvons plus, ni dans l'ar- gile plastique, ni dans le calcaire grossier, les fougères et les cycadées gigantesques qui y vivaient aux époques antérieures ; toutefois nous y rencontrons encore des palmiers, mêlés à des ossements de crocodiles et de pachydermes, ce qui indique que notre climat était au moins le même que celui de la Syrie. On trouve dans le terrain parisien un grand nombre d'algues et de monocotylédones, et surtout beaucoup de 86 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. formes extra-européennes ; ce sont des jongermannites, des muscites, des équisétacées, des chara, des calamites, particulièrement le Ca/a- miles parisiensis, des Potamogeton et des Flabellaria parisiensis. On trouve aussi dans ce terrain, parmi les dycotylédones, des conifères, telles que les Juperites, les Thuytes, les Cupressites, les Prnites, les Turites. Puis on y rencontre des amentacées appartenant aux genres Juglans, Ulmus, Betulus, et, entre autres espèces caractéristiques, le Betulinum parisiense; des légumineuses, des œnothérées, des malva- cées, des éricacées et des sapindacées. Les empreintes végétales sont nombreuses dans l'argile plastique; jusqu'à ce moment on n'a re- connu aucune apparence de plante marine; ces empreintes sont plutôt palustres, appartenant aux genres £xrogenites et Endogenites. Le cal- caire grossier contient des débris appartenant aux genres Cw/mites et Fabellites, surtout dans sa partie moyenne; et, dans le calcaire d'eau douce, on trouve pour la première fois des graines de Cara medicaginula. Les grès de Fontainebleau présentent quelques traces de végétaux qui paraissent appartenir au groupe des monocotylédones ; l'argile à meulière compacte contient des troncs d'arbres silicifiés, et outre l'espèce de Chara citée plus haut, les graines du Cara elic- teres. On y trouve aussi les graines du Nymphœa Arethusæ, mèlées à des £xogenites et des Lycopodites. Dans le terrain de molasse jusqu'aux faluns, les cryptogames apparaissent rarement. On peut citer, parmi les monocotylédones, quelques graminées, les liliacées et plusieurs palmiers. Parmi les dicotylédones, on en trouve beaucoup dont le bois est silicifié : ce sont toujours des conifères. Mais le nombre des familles angiospermes augmente : ce sont des laurinées, des ombellifères, des cucurbi- tacées, des apocynées, etc. Ce qui caractérise cette époque, c’est le mélange des formes exotiques propres aux régions chaudes de l'Eu- rope avec celles des régions tempérées. Dans les argiles qui accompagnent les lignites, on reconnaît des ormes (PI. 5, fig. 7), des noyers, des bouleaux, des érables etun Comp- ronia (P]. 5, fig. 8). Les fruits même de certaines espèces ne peuvent être distingués de ceux qui existent aujourd'hui dans notre climat. On signale particulièrement, dans les gypses du Midi, des débris de bois de palmier et des empreintes du genre Palmacites (PI. 5, fig. 9). Au-dessus des faluns on ne trouve plus de formes équatoriales ; a APPARITION SUCCESSIVE DES YÉGÉTAUX. 87 le caractère de la flore est devenu celui des régions tempérées ; on remarque cependant encore des genres étrangers mêlés aux genres indigènes, tels que des Achras, des Sapindus, des Celastrus, des Comptonia, des Liguidambar, des Bauhinia, des Cassia. Le Télia prisca x figure comme type de la famille des tiliacées. On est frappé du grand nombre d'espèces d’érables et de chênes qui s’y rencontrent. Les alluvions anciennes, le d/uvium ou terrain diluvien des géo- logues anglais, qui ont entrepris de faire concorder les transfor- mations du globe avec Ja Bible, ont un tout autre aspect : les terres se sont élevées, les eaux douces coulent de toutes parts dans les replis du sol, et la vie peut se répandre. Ce n’est pas toutefois qu’il ne s’y passe encore d'étranges changements : ce sont des sources jaillissant du sein de la terre et venant ajouter au désordre qui règne à sa surface; ce ne sont pas seulement des eaux douces, mais des eaux chargées de carbonate de chaux, de carbonate de fer, ou acidules et rongeantes, qui percent les couches inférieures et viennent s'épan- cher au dehors. Nous n'avons plus à signaler ici que la grande évolution animale sous sa forme dernière, qui est l’apparition de l’homme. Partout on trouve des éléphants, des rhinocéros, des ours, des chiens, des chats, des hyènes, des bœufs, des cerfs, et, dans les cavernes à ossements, les débris de ces animaux sont mêlés à ceux de l'homme et à des restes d'une industrie grossière. La végétation a suivi la même marche : ce sont-des végétaux dicotylédones d'espèces autres que celles que nous connaissons aujourd’hui, ce qui prouve que la flore européenne était différente de ce qu’elle est actuellement : elle en possédait un grand nombre dont on ne trouve plus aujourd’hui les analogues qu'en Amérique et dans l'Afrique australe. La répartition des végétaux est alors seulement devenue proportionnelle au climat; et sur les points qui se sont refroidis, les dicotylédones ont pris le dessus. Le monde organique est complet; il ne varie plus dans ses {ypes, mais seule- ment dans quelques-unes de ses formes; sa puissance plastique ne va pas au delà. Nous ne parlerons pas des alluvions modernes : c’est l’histoire de notre époque; il n'y a plus qu'à résumer ce long chapitre en peu de mots. ; Malgré les lacunes, immenses sans doute, qui existent dans la série 58 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. végétale fossile, nous voyons manifestement Îes végétaux passer, dans leurs évolutions, du simple au complexe, et suivre une véritable voie ascendante par le perfectionnement symétrique des organes, ce qui sera développé dans un des chapitres suivants pour l'ensemble des végétaux de notre époque. CGHAPITREAI GÉOGRAPHIE BOTANIQUE. — DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX A LA SURFACE DU GLOBE. Après avoir jeté un coup d'œil rapide sur la flore antédiluvienne, il convient de passer sans transition à la distribution actuelle des végétaux à la surface du globe, pour bien faire connaître les lois générales de la végétation. Quelques-unes seulement, les plus im- portantes, nous sont connues; mais il en est d’autres qui nous échap- pent, et qui longtemps peut-être encore seront enveloppées de mystère. Aujourd'hui que la météorologie a pu rassembler un nombre res- pectable de faits, 1l nous est possible d'apprécier les causes qui chan- gent le caractère de la végétation d’un pays et contribuent à en modifier le climat. Nous allons rapidement passer en revue les lois climatériques, afin de bien faire comprendre celle qui a présidé à la distribution des végétaux et les causes de la variété qui règne dans la dissémination de ceux-ci à la surface du globe. Ce sont la tempé- rature, les vents, les courants, les pluies et la lumière. La première et la plus importante de ces lois est la température :en effet, la température de la terre et de l’espace joue dans le caractère de la végétation un rôle qu'il est difficile de méconnaître. Elle émane de deux sources distinctes : le soleil, son foyer le plus direct, et la cha- leur propre à la terre elle-même, qui varie, suivant la nature du terrain et les circonstances locales, entre 12 et 35 mètres pour un degré, avec une moyenne de 31 à 32 mètres. Cependant à 6 ou 7 mètres seulement, le thermomètre enfoncé dans le sol reste sta- tionnaire et indique une température égale à celle de la moyenne de l’année. Il en résulte que cette seconde source de chaleur est d’une mince influence sur le développement des végétaux. Un des principaux modificateurs de la chaleur terrestre est l'état du ciel : on conçoit, en effet, que la présence des nuages qui inter- ceptent les rayons lumineux doit modifier la chaleur émise par les rayons solaires. Si cette influence est grande sous notre climat, elle 90 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. l’est bien plus encore sous les tropiques, où l'on remarque que les contrées dont le climat est pluvieux ont une température moyenne plus basse que les pays dont le climat est plus sec. Cette diffé- rence est surtout sensible sur la côle occidentale de l'Amérique du Sud. Maintenant nous trouvons, comme cause permanente de modifi- cation dans le caractère des flores, les différences de température qui divisent la terre en climats si nombreux, et qui s'élèvent depuis +-27° de chaleur comme maximum, pour descendre jusqu'à — 50° comme minimum ; mais il faut observer que les extrêmes ne se trou- vent que dans l’intérieur des continents, et que, sur les côtes, la dif- férence est moindre. Nous voyons, par exemple, aux îles Féroë, par le 62° de latitude nord, la moyenne hivernale supérieure à celle de Londres. En hiver, la température moyenne de ces ilesest— 3°,90 ; la température moyenne de l'été + 11°,60; la différence est de 7°,10; tandis qu’à Londres la moyenne de l'hiver est — 3°,22, celle de l'été + 16°,75; la différence est donc de 13°,53. Paris est dans le même cas, et la différence est même plus grande encore : la moyenne de l'hiver est — 3°,59, celle de l’été 48°,01 ; la différence est de 14°,#2. A mesure qu'on pénètre dans les terres, la différence augmente : à Berlin, elle est de 18°; à Prague, de 20°; à Ratisbonne, de 21°; à Saint-Pétershourg, de 23°; à Moscou, de 27°; à Kasan, de 31°; lrkoutzk, de 33, et à Jakoutzk, de 56°. Cette loi est sans exception : la Norwége même a un climat plus doux dans l'hiver que la Suède, qui n’en est séparée que par les Dofrines; ainsi, quand on a traversé cette chaine, on trouve d’un côté le climat pélagien, et de l’autre le climat continental. Quoique dans la règle les températures soient dépendantes, non- seulement de la latitude, mais encore de la longitude, on voit des points qui ont une température moyenne égale avec une différence de latitude de 14°. On trouve que la ligne qui passe par tous les points dont la température moyenne est de 11° à 11°,5, atteint dans l'Amé- rique du Nord le 45", et dépasse le 50° en Europe; sur les bords de la mer Noire, elle descend au 44°; peut-être même, dans le centre de l’Asie, tombe-t-elle encore plus bas. Les températures moyennes sont si trompeuses, qu'on trouve rare ment à les soumettre à une loi commune : ainsi Canton, Macao, Cal- cutta, la Havane et Owhyhée sont cinq points appartenant à la limite g- DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 91 extrême de la zone tropicale, presque sousle même degré de latitude el ayant pour température moyenne : CANNES Een e 260 MAMTANANO. NP retenir e ai ee 25° Owhyhée NA RER ET Te de . 240 MACADS Ses ARR eat 220,50 CANTON EE CR er eee nee 220 On ne peut se faire, même avec l’aide de ces chiffres, une idée de la nature réelle des climats; car, tandis que pendant juin, juillet et août, Canton et Macao ont une chaleur insupportable, Owhyhée jouit d'une température très-agréable. I faut donc chercher Ja cause de cette différence, qui prouve que l'angle sous lequel le soleil vient frapper la terre n'est pas le seul élé- ment qui en détermine la température, dans les vents, le mobile le plus puissant de la rupture de l'équilibre. Les vents sont soumis à des variations nombreuses, dont les causes ne nous sont connues qu'en partie; mais nous n'avons pas Ici à nous occuper des causes, nous n'avons qu'à étudier les effets. Sur les côtes il règne constamment deux vents contraires : les vents de terre et les brises de mer. Ces deux phénomènes se renouvellent avec la plus admirable régularité : à neuf heures du matin, l'air, de calme qu'il était, commence à s’agiter; il arrive de la mer un vent qui augmente en intensité et dure jusqu'à trois heures de l’après- midi; il décroit jusqu’au coucher du soleil, pour faire place au vent de terre, qui dure jusqu'au matin. La direction de ces deux vents est perpendiculaire à celle de la côte, quand il ne vient pas un autre vent en modifier la direction. Il existe également dans les montagnes des brises de jour et de mnt, provenant de l'échauffement alternatif des montagnes et de la plaine par le soleil levant : le premier détermine un courant ascendant, et le second produit un courant descendant. Partout enfin où règnent des vents, soit continus, soit alter- natifs, ils produisent dans la température des variations qui ont sur la régularité des saisons une influence caractéristique. Les moussons où saisons de l'Hindoustan sont dues aux vents réguliers qui règnent pendant l'hiver et l'été, mais dans une direction diffé- rente. La configuration des continents est la seule modification de la 92 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. marche des vents qui pénètrent fort avant dans les terres et qui x apportent du froid où de la chaleur, suivant les régions qu'ils ont traversées. Ainsi, dans le midi de l'Europe, les vents sont d’une àpreté remar- quable; en effet, l'opposition entre la température élevée de la Médi- terranée et celle des Alpes, dont les sommets sont couverts de neiges éternelles, donne lieu à des courants d'une extrème violence, et si le vent du nord-ouest, appelé en Provence stral, vient à S'y mêler, il en résulte une #se qui renverse tout ce qu'elle trouve sur son passage. Dans les déserts, où l'action du soleil n’est par amortie par une terre couverte de verdure, et où des sables quartzeux, mauvais conducteurs de la chaleur, renvoient par rayonnement le calorique accumulé, il se produit des vents si chauds que ce n'est que dans de rares oasis que l'humidité permet à la végétation de se pro- duire. La terre alors n’est cultivable et habitable que le long des grands fleuves, tels que le Nil, l'Euphrate, le Tigre ; partout ailleurs, la nature semble stérilisée par une chaleur desséchante. Cependant, en Hindoustan, où le règne végétal a atteint l'apogée de sou dévelop pement, et dans les vastes plaines de l'Amérique du Sud, il règne des vents très-chauds, et, sur certains points, ils ont une qualité assez stérilisante pour que les essais de culture des plantes européennes n°y puissent réussir. Sur les côtes de l'Australie, tous les vents de terre sont également très-secs. Nous avons en Europe des vents qui parti- cipent à ces mauvaises qualités : tel est le vent du sud-est venant d'Afrique, appelé srocco en Italie et so/ano en Espagne. La direction des vents exerce encore une influence puissante sur la température. On à dressé des tables qui démontrent que, dans toute l'étendue de l'Europe, les vents les plus froids sont ceux du nord-est, du nord et du nord-ouest, et les plus chauds, ceux du sud et du sud-est. A Paris, il y a une différence de près de 4° entre la température régnant par un vent du nord-est ou par un vent du sud. Les courants sont encore des causes d’échauffement ou de refroi- dissement. Par conséquent, ils jouent un rôle important dans la nature des climats : on peut citer entre autres le gw/f-stream, qui, parti des tropiques, traverse l'Atlantique en conservant une tempé- rature assez élevée pour que, entre les 40° et 41° de latitude, les DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 93 eaux du courant aient encore une température de 22°, tandis qu'en dehors elle n’est que de 17°. Partout où passent ces courants à tem- pérature élevée, ils accroissent celle des terres le long desquelles ils coulent. Aussi, quoique sous la même latitude, les Florides sont- clles plus chaudes que les Canaries de près de 2°. La température de l'équateur, déduite de celle des lieux situés entre les tropiques, est de 27°,53 en moyenne, et l’on remarque que sur ce point de la terre les différences de latitude ont beaucoup moins d'influence sur le climat, ce qui tient à la faible hauteur du soleil dans les différentes saisons, et à l'influence des courants marins et aériens qui règnent dans ces pays. Le rôle de la température dans la végétation étant des plus impor- tants, on l'a étudié le premier pour chercher les rapports qui existent entre la distribution de la chaleur et le caractère de la végétation. C’est ce qu'a fait M. e Humboldt, en traçant le premier, sur des cartes, des lignes passant par tous les points dont la température moyenne est la même, ce qui Jui a donné une série de courbes qu'il a désignées sous le nom de lignes 7so/hermes, c'est-à-dire ayant une température égale. Elles sont loin de décrire des courbes parallèles en s’éloignant de l'équateur ; elles subissent des inflexions qui tantôt les rappro- chent, tantôt les font capricieusement s’écarter l’une de Pautre, et elles n'ont conduit qu'à cette connaissance : c'est que la température de l’ancien continent est plus élevée que celle du nouveau, et que sur les continents, la température est plus basse dans l'intérieur des terres que sur les bords de la mer, et sur le littoral occidental que sur l’oriental. Ces différences sont indépendantes des latitudes, et le parcours d’une même #sotherme peut varier de 2,000 kilomètres; la différence est d'autant plus grande qu'on s'éloigne davantage de l'équateur. On se bornera au simple énoncé de cette loi, sans entrer dans aucun développement sur le parcours des principales lignes rsothermes. Nous dirons toutefois que lon trouve sur la même rsotherme Y'Écosse et la Pologne, l'Angleterre et la Hongrie, ce qui n'empêche pas que les climats de ces quatre régions ne soient aussi dissemblables que leur végétation. Un des faits les plus importants constatés par le tableau des lignes isothermes, c’est que le pôle nord n’est pas le point le plus froid de la terre, et qu’il y a dans l’intérieur de chaque continent un pôle du froid, c'est-à-dire un point où la température est la plus 94 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. basse. Ces travaux n'ont été faits que pour l'hémisphère boréal ; on manque encore de renseignements sur l'hémisphère austral, de sorte qu'on n’a que quelques éléments d’#so/hermie de cette partie du monde. La condition d’isothermie, dëjà si insignifiante comme moyen d’ap- précier le caractère d’une flore locale, n’est pas suffisante pour que la végétation soit identique ; il faut pour cela qu’elle soit également distribuée dans le cours des saisons, de sorte qu'à travers l’année il n’y ait pas de différences trop considérables. On a donc établi deux autres systèmes de lignes imaginaires : les unes dites zso/hères, pas- sant par les lieux qui ont, en été, une même somme moyenne de cha- leur; et les autres dites /sochimènes, passant par les lieux dont la tem- pérature est semblable en hiver. Ce qui prouve jusqu'à quel point ces données sont changeantes, c'est que ces deux systèmes de lignes sont bien loin d’être parallèles aux 2so/hermes ; ex lon comprend en effet combien, à travers l'étendue des continents, il est difficile de trouver des localités dont la situation soit tellement identique, que la distribution de la chaleur y puisse être la même; on ne peut guère trouver cette égalité de température que dans le voisinage des grandes masses d’eau; aussi les iles ont-elles une température plus uniforme que les continents, et les petites iles plus que les grandes ; il y a mème, à latitude égale, des différences de 20° et plus. La température décroit encore avec la hauteur; car la terre n'est pas plate, mais se montre hérissée d’inégalités, et ses parties les plus basses sont celles qui, partant des bords de la mer, montent jusqu'à ce qu'elles aient atteint un point culminant présentant une pente du côté opposé, le tout massé en terrasses irrégulières, coupé de vallées, et formant, là des amas de montagnes, plus loin des chaines éten- dues. lei le roc est nu, et la terre stérile se couvre à peine d’un mince tapis de mousse; là, il est surmonté d’une épaisse forèt d'où s’exhalent des masses de vapeurs humides, qui arrêtent les vents dans leur cours ou les dispersent. Ajoutons à cela les rivières, plus ou moins rapides, resserrées dans un thalweg profond, les masses d'eau réunies sur certains plateaux ou sur des terrasses, et l’on verra que tout concourt à modifier puissamment la chaleur, qui déjà suit une loi décroissante à mesure qu'on s'élève (Atlas F, PI. 6). A l'équateur, la loi du décroissement est à peu près la même dans DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 95 toutes les saisons; mais il en est autrement dans les régions polaires, et l’on a trouvé qu’au Spitzherg le décroissement moyen est de 1° pour 172 mètres. On a remarqué que, dans les Alpes, cette hauteur varie suivant les mois de l’année; il faut 176 mètres en été, et 270 en hiver, pour avoir ün abaissement d'un degré. Il en résulte que la différence entre la moyenne de l'été et celle de l'hiver diminue à mesure qu'on s'élève dans les montagnes. Dans les plaines de la Suisse, à 400 mètres , elle est de 19°; sur le Saint-Gothard, à 2,091 mètres, elle est de 14°,9; sur le Saint-Bernard, à 2,493 mè- tres, de 13°,5. De Saussure pensait qu'à 12 ou 13,000 mètres, la différence entre les saisons devait disparaître. En France, la moyenne du décroissement a été évaluée à 145 ou 148 mètres pour un degré. Dans l'Amérique du Sud, le décroissement de la température a été évalué à 1° pour 191 mètres dans les montagnes, et 1° pour 243 sur les plateaux ; dans les Indes, on trouve au midi 177 et au nord 226: en Sibérie, c'est 247 mètres, et aux États-Unis 222. La quantité moyenne de pluie joue un grand rôle dans la végé- tation, et il existe, sous ce rapport, des différences caractéristiques, ce qui influe puissamment sur l'aspect végétal d'une région. Dans cerlains pays, la pluie ne tombe qu'avec une extrême rareté ; dans d’autres, ce sont de véritables torrents. M. de Humboldt a vu, sur les bords du Rio-Negro, tomber, en cinq heures, 47 millimètres d’eau, et cela se renouvelait tous les jours. À Bombay, il en est tombé en une seule journée 108 millimètres. Depuis huit heures du soir jusqu'à six heures du matin, la quantité d’eau recueillie était de 277 millimètres. Sous les latitudes plus élevées, il tombe moins d'eau dans un temps donné, et lorsque la quantité observée en un jour dépasse 3 centi- mètres, les plaines basses sont inondées. Entre les tropiques, l'abondance des pluies est grande, mais la chute en est plus réglée ; aussi divise-t-on l’année en deux saisons, la saison sèche et la saison pluvieuse. Dans l'Amérique méridionale, située au nord de l'équateur, le ciel est serein depuis décembre jus- qu'en février ; à la fin de ce dernier mois, l’air se charge d'humidité, et pendant tout le cours de mars les éclairs sillonnent le ciel. A la fin d'avril on est entré dans Ja saison des pluies ; mais il s'en faut qu'elles tombent régulièrement à la même époque : quelquefois il ne pleut que la nuit, d’autres fois c’estseulement le jour; et, dans d’autres pays, 96 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. c’est aussi bien la nuit que le jour, ce qui parait tenir au voisinage des montagnes. L'évaporation de l’eau tombée la veille sature l'air de vapeurs à un tel point, qu'en Afrique les objets qui ne sont pas exposés à l’action du feu sont pénétrés d'humidité. C’est cette époque qui amène généralement les maladies si funestes aux Européens. En Afrique, près de l'équateur, la saison des pluies commence en avril; dans le pays qu'arrose le Bengale, entre le 10° de latitude boréale et le tropique, elle dure depuis le commencement de juin jusqu’au commencement de novembre. Il en est de même dans l’intérieur des terres. Sur les côtes occidentales de l'Amérique, à Panama, les pluies commencent dans les premiers jours de mars, et à San-Blas, en Cali- fornie, il pleut rarement avant le milieu de juin. Dans les pays situés près de l'équateur, où les époques du passage au zénith sont séparées par un intervalle plus long, on a deux saisons pluvieuses et deux sai- sons sèches. La limite septentrionale de ces pluies périodiques n’est pas encore connue avec exactitude : à la Havane et à Rio-Janeiro, on remarque déjà des conditions climatériques qui ont quelque analogie avec celles des hautes latitudes. Dans le désert de Sahara, la limite parait être vers 16 degrés de latitude boréale ; mais, sur les deux mers qui bai- gnent les côtes d'Afrique, elle est plus septentrionale. Dans l'Inde, la succession des saisons présente la même ano- malie. La côte occidentale a la saison des pluies pendant la mous- son de sud-ouest, et la saison sèche pendant celle de nord-est: tant que règnent les vents du sud-ouest, il y a des orages chaque jour. Dans l’intérieur des terres, les pluies sont rares, et sur la côte orien- tale le ciel est serein. C’est au mois de juillet que les pluies sont le plus abondantes. Pendant la mousson de nord-est, les pluies tombent sur la côte de Coromandel ; mais comme les montagnes y sont moins escarpées, les pluies sont moins fortes. À cette époque, la côte occidentale jouit de la belle saison. Sur le plateau du Décan, il ya un climat moyen, participant des deux, et l’on a remarqué, pour cette région, que la distribution de la pluie dépend de la distance qui la sépare de la mer. La quantité de pluie qui tombe dans les Indes est telle, que, dans des lieux situés près de la mer, il en tombe pendant l'année de 190 à DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 97 320 centimètres; cependant la pluie est loin d’être continue: il ne pleut que pendant quelques mois, et seulement durant quelques heures de la journée. Les gouttes d’eau sont énormes, très-serrées et tombent à terre avec force. Dans l’intérieur, la pluie diminue à me- sure qu'on s'élève; aussi, à Seringapatnam, est-elle à peine supé- rieure aux régions pluvieuses moyennes de l'Europe. A mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, la périodicité des pluies diminue, et l'on n'en peut déterminer la transition avec exactitude. Seulement on sait qu'entre les tropiques, il pleut en été, et au nord des tropiques, en hiver. En Europe, la loi générale est la même; il pleut d'autant moins qu'on s'éloigne davantage des bords de la mer. En Angleterre il tombe, sur la côte occidentale, 95 centimètres d’eau par an; sur la côte orientale et dans l'intérieur, il n’en tombe plus que 65. Sur les côtes de France et de Hollande, la quantité de pluie est de 63 centimètres, et de 65 dans l’intérieur du pays; dans les plaines de l'Allemagne, de 54; à Saint-Pétersbourg et à Bude, de 43 à 46. Cette loi se trouve confirmée par le nombre de jours.de pluie dans l'année. En Angle- terre et dans la France occidentale, il y a en moyenne 152 jours de pluie par an; dans l’intérieur de la France, 147; dans les plaines de l'Allemagne, 141 ; à Bude, 112; à Kasan, 90, et dans l’intérieur de la Sibérie, 60 seulement. Pour faire apprécier les différences que peuvent apporter, non- seulement la quantité de pluie, mais encore sa distribution suivant les saisons, voici quelques-uns des principaux rapports entre la somme de pluie tombée en hiver et celle tombée en été. En Angle- terre et en France, la quantité d’eau qui tombe en été est à celle qui tombe en hiver comme 9 : 10; en Allemagne, il en tombe deux fois plus en été qu'en hiver ; à Saint-Pétersbourg, trois fois, et en Sibérie quatre fois. L'océan Atlantique n’exerce que peu d'influence sur les pays situés au nord de la Méditerranée. Les vents d'ouest se déchargent de l’eau qu'ils contiennent, sur les Pyrénées, les montagnes de l'Espagne et celles du midi de la France, Dans la vallée du Rhône, la quantité de pluie est à peine supérieure à celle qui tombe en Allemagne; mais avec une répartition différente. En Italie, la distribution des pluies n’a rien de régulier, de sorte que cette étroite bande de terre, si accidentée pourtant, est soumise Botan., T. I. ê 71 98 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. à des variations assez grandes dans la végétation, à cause même de la différence d'humidité de son climat. La lumière exerce encore sur la végétation une influence qu'il est impossible de méconnaitre; c'est à elle que les tissus doivent, non- seulement leur couleur, maisencore leur fermeté ; sous son influence, les fleurs sont plus chaudement colorées ; les principes essentiels sont plus exaltés, les poisons plus dangereux, et les fruits plus sucrés et plus savoureux. Avec un décroissement dans l'intensité lumineuse, les tissus deviennent flasques et décolorés, la maturation est incom- plète et les fluides aqueux dominent. La lumière est donc, avec la chaleur, une des principales sources de la vie. Ce qui explique la variété qui existe dans le caractère végétal propre à chaque climat, c’est que chacun d’eux reçoit d’une manière différente les rayons lumineux, et de leur plus ou moins grande obliquité, de la plus ou moins longue durée de la lumière dépend l'intensité des divers phénomènes signalés plus haut. On comprend de quel océan de lumière doivent être inon- dées les régions équatoriales, qui reçoivent presque verticalement les rayons du soleil pendant la moitié du jour, tandis qu'à mesure qu'on s’en éloigne, les nuits surpassent les jours en durée, les rayons lumineux ne frappent plus qu'obliquement la terre, et les végélaux ne jouissent plus au même degré de son influence bienfai- sante. Une autre cause qui tend encore à modifier l'intensité des rayons lumineux, c’est la masse des vapeurs qui en interceptent l’ac- tion et en diminuent la force. D'un autre côté, les plantes des montagnes recoivent, il est vrai, la lumière plus directement ; mais elles en profitent moins longtemps, car à peine sont-elles délivrées de leur manteau de neige et ont-elles joui des bienfaits d’une atmosphère lumineuse, qu’elles rentrent dans les ténèbres et n’ont connu que quelques jours de vie. On a constaté, par des expériences réitérées, l'influence de l'élec- tricité atmosphérique sur la végétation ; on a même cherché à l'appli- quer comme moyen d'excitation au développement des plantes ; mais nous en savons trop peu sous ce rapport pour pouvoir assigner à ce fluide le rôle véritable qu’il joue dans l’évolution des végétaux. Il serait donc oiseux de se jeter dans des considérations théoriques tout à fait hors de propos. Ce qu'il importe d'établir dans ‘ces pro- légomènes, ce sont les causes qui, en modifiant les climats, c'est- à-dire les conditions d'existence des végétaux, ont pu apporter des DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 99 changements dans leur développement, leur forme et la durée de leur vie, afin de faire comprendre à la fois la loi de leur distribution, et celle de variation dans leur forme, sous l'influence des modificalteurs ambiants. Pour déterminer le mode de distribution des plantes à la surface du globe, on a divisé la terre en huit zones, qui sont : 1° La zone équatoriale, s'étendant à 15° de chaque côté de l'équa- teur, et jouissant d'une température annuelle moyenne de 26 à 28 degrés centigrades. L’humidité de son atmosphère contribue, avec le concours de la chaleur, à développer les formes végétales qui y sont aussi belles que variées. 2° La zone (ropicale, qui commence au 15° et s'étend jusqu'aux tropiques, avec une température estivale moyenne de 26° et hiber- nale moyenne de 15° C. Déjà, sous cette zone, on trouve des varia- tions assez nombreuses de la température. 3° La zone subtropicale, partant des tropiques et s’élevant jus- qu'au 34°. Sa température moyenne est de 17° à 21° C., ce qui permet encore à des plantes équatoriales d'y réussir. C'est la zone la plus agréable pour l'habitation de l'homme, parce que l'hiver n'y est pas tel qu'on soit obligé d'imaginer des moyens de se soustraire à sa rigueur. 4° La zone tempérée chaude, qui comprend du 34° au 45° de lati- tude, et dont la température moyenne est de 12° à 17°C. 5° La zone tempérée froide, qui commence au 45°, et finit au 58, avec une température moyenne de 6° à 12° C. 6° La zone subarctique, qui comprend du 58° au 66°,32, avec une température moyenne de 4° à 6° C. 7° La zone arctique, partant du cerele polaire, 66°,32, s'étendant jusqu'au 72°, et dont la température moyenne n'est guère de plus de 2° C. S° La zone polaire, commençant au 72° et se prolongeant jus- qu'aux pôles. La durée de l'été y est de cinq à six semaines. La tem pérature moyenne est de — 16,9; en été, elle est de + 3°,1; dans le mois de juillet elle s'élève à 5°,8; mais, en août, elle retombe à 1°,2, et l'hiver elle descend jusqu'à — 33°,3. Ce système parait au premier abord capable de satisfaire l'esprit : on y voit des coupes régulières avec des températures moyennes bien tranchées ; mais ce qu'on ne sait pas, c'est qu'à l'exception, peut- 100 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. être, de la première et de la dernière zone, qui sont les mieux déter- minées, les autres comportent une infinité de nuances dans les cli- mats, avec une différence, en plus ou en moins, souvent considérable. Il y a dans ces zones, comme partout ailleurs, des climats continen- taux et marins, des plaines, des terrasses et des montagnes. En un mot, on ne pourrait, mème en multipliant plus encore les zones, arriver à des unités climatériques et régionales". 4. Voici d’autres observations susceptibles de trouver ici leur place, que nous ex- trayons de la Géographie physique de Malte-Brun : « Le voisinage de la mer modère les températures excessives. Dans les climats ar- dents, les contrées maritimes sont moins chaudes que le milieu des plaines. Dans les latitudes élevées, les côtes et les îles sont moins froides que l’intérieur des continents. Dans les montagnes de la Norwége, on a vu une armée suédoise périr de froid; on en trouva les cadavres encore en rang. Cependant les côtes de ce pays jouissent d’un climat relativement très-doux ; le port de Bergen ne gèle pas aussi souvent que la Seine. Nous avons des exemples encore plus voisins de nous : les lauriers, les figuiers, qui ne peuvent subsister sans soins, pendant l'hiver, aux environs de Paris, sont de la plus belle venue et ne demandent aucune précaution durant les plus rudes hivers, sur les côtes de Bretagne, particulièrement de Saint-Nazaire à Brest. Les myrtes et les grenadiers croissent aussi naturellement dans plusieurs parties des côtes de France, sur l'Océan, tandis qu'à une certaine distance en arrière dans les terres, on n’en voit plus. « Dans nos contrées, comme en Amérique, les vents d'ouest prédominent : or, ces vents qui viennent des mers sont toujours tempérés; car la température des mers n’est jamais ni très-haute ni très-basse; en effet, la mobilité de la masse liquide et l'équilibre qui tend à s'y maintenir ne permettent pas qu'une couche superficielle se refroidisse beaucoup, comparativement aux autres; car dès que la température de cette couche s’abaisse, son poids augmentant, elle descend dans la masse, et un autre vent vient la remplacer. « On remarque aussi que l'hémisphère austral est plus froid que l'hémisphère boréal ; ce qui provient de ce que le premier est en grande partie recouvert par les eaux. Or on sait que les eaux ne s’échauffent pas aussi facilement que le sol, une grande quan- tité du calorique qui leur est envoyé étant absorbé par l’évaporation, la congélation et la fonte des glaces. « Une observation qui jette une vive lumière sur les variations de la température de certaines localités est celle qui permet d'établir que les travaux de l’homme à la sur- face de la terre peuvent notablement changer et modifier la température d’un lieu. D'après les relations des anciens, on est porté à croire que le froid en Europe était jadis plus intense qu'aujourd'hui. Nous savons positivement que le climat d'Amérique est devenu plus chaud depuis qu'on a diminué la surface des forêts de ce pays. En effet, les forêts d’une grande étendue, dit Humboldt, empêchent les rayons solaires d'agir sur le sol ; leurs organes appendiculaires (les feuilles) provoquent l’évaporation d’une grande quantité d’eau, en vertu de leur activité organique, et augmentent la superficie capable de se refroidir par voie de rayonnement. Les forêts agissent donc de trois manières : par leur ombre, par leur évaporation, par leur rayonnement. « Dans son beau travail sur la chaleur centrale du globe, M. Cordier pense que la plupart des différences de température qu'on observe sur un même parallèle pourraient Li DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 101 On a beau vouloir faire intervenir les lignes isothermes, on n’est pas arrivé à une loi qui satisfasse l'intelligence. Les climats suivent des lois plus capricieuses encore que les courbes isothermes, et des régions entières, telles que la Nouvelle-Hollande, la Nouvelle-Zélande, le cap de Bonne-Espérance, offrent un caractère de végélalion qui ne ressemble à aucun autre. La découverte des lignes isothermes, iso- chimènes et isothères, semblait cependant devoir faire sortir la géo- provenir de la plus parfaite conductibilité des couches géologiques qui enveloppent le centre incandescent de la terre. On sait que le globe a une température qui lui est propre et qu’à une certaine profondeur cette température, indépendante de l’action du soleil, reste constamment invariable. Les expériences démontrent qu’elle s'élève à me- sure qu'on descend à des profondeurs plus grandes. La loi de cette progression est d'environ un degré par 32 mètres. « Dans l'atmosphère, la température suit une progression inverse à celle du sol, c’est-à-dire qu’elle diminue à mesure qu’on s'élève au-dessus du niveau de la mer. On trouve que la température décroit également avec la hauteur dans tous les climats, lorsqu'on part d’une même température inférieure ; mais la loi de la progression change avec ce point de départ, de sorte que dans les zones tempérées, par exemple, d'après les observations de Saussure, elle est en hiver de 230 mètres par chaque degré du thermomètre centigrade, et de 160 en été. Il y a donc une hauteur où le refroidisse- ment progressif atteint le terme de la glace. De là l'existence des neiges éternelles sur les hautes montagnes, et l'inégale élévation du point où elles commencent dans les dif- férents climats et les saisons, mais aussi suivant l'exposition, et même l’état plus ou moins transparent du ciel. ; « On doit à M. de Humboldt la précieuse application de la géographie des à la nature de la température moyenne des lieux. Cet illustre voyageur a déterminé d’une manière générale l'élévation et la température des zones où chaque plante semble se complaire. Chaque végétal ne peut vivre qu'entre certaines limites déterminées de tem- pérature, et la proximité de ces limites est indiquée par sa végétation plus ou moins chétive. Ainsi, l'aspect des végétaux qui subsistent dans chaque contrée offre une sorte de thermomètre vivant, qui indique aux voyageurs la moyenne des températures an- nuelles et leurs extrêmes. « Une des questions les plus intéressantes que l’on puisse se proposer de résoudre est de savoir si l’état (hermométrique a changé depuis les temps historiques. Voici la manière ingénieuse de laquelle M. Arago s’est servi pour trouver la solution de ce pro- blème. Pour que la datte mürisse, il faut au moins un certain degré de température moyenne. D'un autre côté, la vigne cesse de donner des fruits propres à la fabrica- tion du vin, dès que la température dépasse un certain point du thermomètre égale- ment déterminé. Or, la limite thermométrique ex moins de la datte diffère très-peu de la limite thermométrique en plus de la vigne. Si donc on trouve qu’à deux épo- ques différentes la datte et le raisin mürissent simultanément dans un lieu donné, on doit en conclure que dans l'intervalle le climat n’a pas sensiblement changé. La Bible nous apprend que, dans les temps les plus reculés, on cultivait le palmier en même temps que la vigne au centre de la Palestine; que les Juifs mangeaient des dattes et buvaient du vin. Pline, Théophraste, Tacite, Josèphe, Strabon, en font mention. Voyons maintenant quels sont les degrés de chaleur que la maturation de la datte et celle du raisin exigent. A Palerme, en Sicile, côte nord, dont la tempé- > 102 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. graphie botanique de son état d'incertitude et l’élever à la hauteur d’une science exacte; mais il entre {ant d’autres éléments dans la com- position d'un climat, que l'on tombe encore dans l'arbitraire, et que l'on est aujourd’hui comme auparavant à la recherche de la loi véri- table. Des efforts ont été faits dans ce sens, mais ils n’ont abouti jusqu’à présent à aucun résultat. La nature semble se jouer de nos méthodes ; elle nous échappe toujours par quelque endroit; c’est pourquoi il n’y a pas, à proprement parler, de système satisfaisant en géographie botanique. Si nous employons la méthode des zones, nous avons un très-petit nombre de familles qui peuvent y entrer sans exception; nous sommes toujours obligés de nous jeter dans l'arbitraire pour concilier les faits avec la théorie. C’est cependant encore cette mé- thode qui est le plus généralement adoptée comme étant la plus simple; mais elle est en même temps la plus spécieuse. Ce ne peut être qu'un des éléments à employer dans l'étude des lois de distribu- tion des végétaux, et c’est même par là qu’on devrait finir. Willedenow, botaniste prussien, né en 1765, mort en 41812, chercha le premier la vérité dans une autre voie : il voulait grou- per les végétaux de manière à former pour ainsi dire une région de chacun de ces groupes; mais il était parti d’un point arbi- traire, et ses efforts furent inutiles : il ne sortit pas la géographie bo- rature moyenne surpasse 17%, le dattier croit, mais son fruit ne mürit pas. A Catane, Sicile, côte orientale, par une température moyenne de 18 à 19°, les dattes ne sont pas mangeables. Elles mürissent à Alger, dont la température moyenne est de 21°, mais elles ne sont pas bonnes, et pour les avoir telles, il faut s’avancer jusqu'au voisi- nage du désert, c’est-à-dire en des lieux où la température moyenne dépasse un peu 21°. D’après ces données, on peut déjà conclure qu’à l’époque où l'on cultivait le dattier en grand dans la Palestine, la température ne devait pas être au-dessous de 24°, M. Léopold Bue place la limite méridionale de la vigne à l'ile de Fer, dans les Ca- naries, dont la température moyenne est de 22°. Par une plus forte température, on trouve bien encore en certains lieux quelques ceps dans les jardins, mais pas de vignes proprement dites. Nous venons de voir qu’en Palestine, dans les temps les plus re- culés, la vigne était au contraire cultivée en grand ; il faut donc admettre que la tem- pérature moyenne de ce pays ne surpasse pas 22°. La culture du palmier nous apprenait tout à l'heure que cette même température ne pouvait être au-dessous de 21°. Ainsi de simples phénomènes de végétation nous mènent à placer par 219,5 du thermomètre centigrade le climat de la Palestine au temps de Moïse, sans que l'incertitude paraisse devoir aller jusqu'à un degré entier. Or, comme encore à présent la température moyenne de la Palestine est un peu supérieure à 21°, tout porte donc à croire que 3,300 ans n'ont pas altéré d’une manière appréciable le climat de cette contrée, que 33 siècles enfin n'ont apporté aucun changement aux propriétés lumineuses et calori- fiques du soleil. » DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 103 tanique de son élat d'incertitude. Il admit à priori que toutes les espèces végétales que nous trouvons dans les plaines et au pied des montagnes ont pris naissance sur ces mêmes montagnes, et que de là elles sont descendues sur les rampes des monts, puis à leurs pieds, et de proche en proche jusqu'aux parties les plus basses des terres. Il en résultait que chaque système de montagnes était un centre de création végétale, et qu'il fallait établir autant de groupes d'affi- nités végétales qu'il y a de systèmes. Ainsi, nous aurions eu en France le système des Pyrénées et celui des Alpes comme les deux systèmes dominants. Il aurait fallu, pour que l'hypothèse de Willedenow fût fondée, que chacun de ces systèmes eût sa flore spéciale, unique ; mais il n'en est rien, Schouw nous apprend que, dans son voyage en Norwége, il prit la liste de toutes les plantes qu'il avait trou- vées dans la vallée de Tinddal, et que, sur 125 espèces, 5 seu- lement ne se trouvent pas dans la flore de la Suisse; il répéta ail- leurs, près de Gousla, la mème observation, et arriva aux mêmes résultats. Par une de ces méprises qu'on expliquerait chez tout autre que chez Willedenow, si l'esprit de système ne justifiait pas toutes les erreurs, ce botaniste regarde comme caractérique de la flore scan- dinave le Satyrium repens, V Arbutus uva-ursi, es Vaccinèum myr- tèllus, vitis-idæa et oxycoccos, Y Andromeda polüfoliu, le Linnea bo- realis, le Tofieldia borealis, les Malaxis læselii et paludosa, et le Sedum palustre ; or, les quatre premières de ces plantes se trouvent en Italie, les huit premières en Suisse, le Sedum palustre se ren- contre dans les Carpathes, le Tofieldia borealis dans les Alpes de Salzbourg et le Malaris aux environs de Paris. On voit par là jusqu’à quel degré Willedenow, parti d’un point si faux, a dû s'éloigner de la vérité. Tréviranus a fait, en 1803, dans sa Biologie, une tentative sem blable : il a essayé de réunir toutes les plantes du globe en un petit nombre de flores générales systématisées; mais il n’a rien pu tirer de satisfaisant de cette idée, qui parait cependant la plus philosophique. A l'époque où il écrivait son livre, la science de la géographie bo- tanique était trop peu avancée pour cela. Comme il partait d’une base positive, et non d’une base hypothétique comme Willedenow, quoiqu'il lui füt postérieur de six années dans sa publication, il se trouve plus empêché que lui par le défaut de documents précis. 404 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Schouw, le seul botaniste qui se soit occupé avec persévérance de cette branche importante de la science, a cherché à grouper les plantes en régions, ou plutôt en royaumes géographiques (geogra- phaske riger), et il admet pour principe qu'on n’y comprendra que les plantes dont la moitié au moins des espèces y sera indigène, dont le quart au moins des genres leur sera exclusivement propre ou s’y trouvera au maximum, et que des familles entières y croitront exclusivement ou y auront leur maximun. Partant de ce principe, il établit les régions suivantes : I. Des saxifrages et des mousses, avec deux provinces : 1° Les carex (flore arctique ); 2° Les primulacées et les phyteuma (flore alpestre de l'Europe méridionale ). IL. Des ombellifères et des crucifères, avec deux provinces : 1° Les chicoracées (flore de l'Europe septentrionale); 2° Les astragales, les halophytes et les cinarocéphales (flore de l'Asie septentrionale). IT. Des labiées et des caryophyllées, avec cinq provinces : 1° Les cistes (Espagne et Portugal ); 2° Les salviées et les scabieuses (France méridionale, Italie, Sicile) ; 3° Les labices frutescentes (flore du Levant et de la Grèce): 4° La province atlantique (Afrique septentrionale) ; 5° Les joubarbes. IV. Partie orientale tempérée de l’ancien continent. Il donne à cette région le nom de Royaume des rhamnées et des caprifoliacées. V. Des astérées et des solidaginées. VI. Des magnoliées. VIE. Des cactées, des pipéracées et des mélastomées. VIII. Des cinchonacées. IX. Des escaloniées, des vacciniées et des wintérées. X. Région chilienne. XI. Des syngénésées arborescentes. XIL. Région antarctique. XIII. Région de la Nouvelle-Zélande. XIV. Des épacridées et des eucalyptées. XV. Des mésembryanthémées et des stapéliées. XVI. Région de l'Afrique occidentale. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 105 XVIT. Région de l'Afrique orientale. XVII. Des scitaminées. XIX. Highland indien ou Terres hautes de l'Inde. XX. Cochinchine et Chine méridionale. XXI. Flore d'Arabie et de Perse ; il proposerait de donner à cette région le nom de Région des cassiées et des mimosées. XXII. Iles de la mer du Sud. Dans des lecons ultérieures, Schouw augmenta ce cadre de huit régions nouvelles, qu'il est inutile de citer, parce que les principes sur lesquels elles sont établies n'ont nulle ressemblance avec ceux qui servent de base aux régions précédentes. On ne voit rien, dans ce plan, qui parle vivement à l'esprit; ce mélange de noms géographiques et de noms de familles végétales fatigue l'intelligence, qui y cherche vainement une idée. Depuis Schouw, il n'y à aucun travail qui ne rentre dans ces trois principales théories, même l'excellent ouvrage de Meyen, et le savant article d'Adrien de Jussieu sur le même sujet, publié dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle de d’'Orbigny. Il convient de signaler cependant encore un des points de vue d'associations végétales par formes similaires, puisé dans l'ouvrage de Meyen, pour | ne rien laisser ignorer des essais faits en ce genre. Meyen a réuni un certain nombre de familles végétales en 20 groupes, qui rentreraient dans les régions de Schouw, bien qu'ils soient mieux définis. Ils n’apprennent, au reste, comme toutes les coupes arbitraires, que peu de chose sur la distribution géogra- phique des végétaux ; car chaque fois qu'un groupe est bien naturel, ce groupe répond à une zone, de sorte que l’on n’a pu en tirer qu'un faible parti. Il est bon cependant de faire connaître ce mode d'association systématique, parce qu'il appartient à la botanique générale, et habitue à voir les végétaux par grands groupes et non morcelés en genres étriqués ou en espèces douteuses. 4 Groupe. — Formes graminées : Meyen comprend sous cette dénomination les graminées vraies, les cypéracées, les restiacées et les juncacées. 2° Groupe. — Formes scitaminées, comprenant les scitaminées et. les musacées. 3° Groupe. — Formes pandanées, les typhacées et les dracæna, de la famille des asparaginées. 106 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. = 4° Groupe. — Formes broméliacées, les broméliacées vraies, avec leur tribu des ///landsiées. 5° Groupe. — Forme des agavées : ce groupe, dont le genre agave est le Lype, comprend les w/oès et les yucca, de la famille des li- liacées. G° Groupe. — Les palmiers, auxquels se rattachent les cycadées, par leurs formes cycas et zamia. 1° Groupe. — Les /ougères : il est composé de cette seule famille. 8° Groupe. — Les formes mimosées, démembrées de la grande famille des légumineuses. 9° Groupe. — Les arbres verts : ce groupe se compose de la grande famille de com/fères avec le genre casuarina. 10° Groupe. — Formes protéacées, épacridées et éricacées. L'auteur rapproche ces trois familles comme ayant des caractères communs. Ils sont plus frappants pour les deux dernières que pour la première. 11° Groupe. — Forme myrtacée, rapprochée des protéacées à cause de la ressemblance du mode de floraison des bunchsia, des mélaleuca et des metrocidéros. 12° Groupe. — Forme des arbres à feuilles caduques. À comprend sous ce nom, non-seulement ceux dont les feuilles tombent à l'ap- proche de l'hiver, mais ceux qui ont des feuilles persistantes avec un aspect général semblable. Ce sont les anentacées, les ulmacées, les liliacées, les acérinées, les ilicinées, le genre olivier de la famille des oléacées, les lauriers, de la famille des laurinées, les grands arbres appartenant aux familles des zralvacées, des urticées et des euphorbiacées. 13° Groupe. — Les formes cactoïdées, comprenant toute la fa- mille des caclées, les euphorbiacées cactoïides, quelques sclépiadées, parmi lesquelles les s/apelia, les sarcostemma et les ceropegia. 14° Groupe. — Les plantes charnues, comprenant les ficoidées, les crassulacées, auxquelles on pourrait réunir les portulacées char- nues. 15° Groupe. — Formes liliacées, les liliacées vraies, Ves ama- ryllidées, les iridées, les narcissées. 16° Groupe. — Forme des lianes : ce sont tous les végétaux grim- pants appartenant aux familles des z24/pighiacées, bignonracées, pas- siflorées, aristolochiées, vilicées, convolvulacées, caprifoliacées, ur- ticées, le houblon, et cucurbitacées, la bryone. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 107 17° Groupe. — Forme des pothos, comprenant les aroïdées. 18° Groupe. — Formes orchidacées, composées de la seule famille des orchidées. 19° Groupe. — Forme des Mousses, comprenant les mousses. 20° Groupe. — Forme lichénoïde ; ce groupe est composé de la grande famille des /zchens. On ne voit guère le parti scientifique à tirer de ce système d’asso- ciation pour arriver à plus de précision dans la loi de distribution des végétaux; il ne comprend qu'un petit nombre de familles végétales, et ne pourrait servir qu'à montrer çà et là la substitution climatérique des végétaux les uns aux autres suivant les latitudes, pour que la même idée végétale fût représentée. Pour l'intelligence de la distribution des végétaux à la surface du globe, procédons autrement. Envisageons d’abord par grands groupes les caractères de distribution des trois grandes classes du règne vé- gétal, en remontant des tropiques vers les pôles, et en réunissant les familles par groupes ayant des affinités; nous terminerons par la comparaison du rapport numérique des zones avec les familles, en y joignant des considérations sur la flore des altitudes; et nous jet- terons en même temps un coup d'œil sur la distribution des princi- paux végétaux utiles. L'espèce n'étant généralement regardée aujourd’hui que comme un accident local, il ne faut pas attacher une trop grande importance à la représentation d’un genre dans une région par un grand nombre d'espèces, pour lui donner la priorité et établir sa prépondérance ré- gionale; il est plus philosophique de s'attacher aux grandes manifes- tations morphologiques, et à ce point de vue les familles et les grands genres ont le plus d'importance. Cependant il faut regarder comme la région propre à un végétal celle dans laquelle les formes génériques sont exclusivement représentées par un grand nombre de formes spé- cifiques. Une autre considération, qui exigerait un volume et de lon gues études, est celle de l'association des familles, et des permutations qui se font de l’une à l’autre; mais nous ne pouvons encore en tirer de lois générales ; un simple développement empirique nous suffira. Nous trouvons, en commençant par les végétaux ACOTYLÉDONES, que les familles de cette classe sont répandues sur toute la surface du globe, tant sur la terre qu'au sein des eaux : les formes génériques et spécifiques seules varient; mais ces variations morphologiques ne 108 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. tiennent qu'à la différence des milieux. Les confervacées sont néan- moins plus répandues dans les parties froides de l'hémisphère boréal ; les #/vacées sont, au contraire, un peu plus abondantes sous les tro- piques. C’est surtout entre les 35° et 48° de latitude boréale que se trouvent les foridtes, ce qui en fait des habitants des régions tem- pérées; elles sont plus rares dans l'hémisphère austral. Les /chens, malgré l’universalité de leur diffusion, paraissent cependant affec— tionner de préférence le Nord et l'Ouest : ils sont de structure plus parfaite vers l’équateur, et crustacés ou fruticuleux dans les régions froides ou les hautes altitudes. Les champignons sont très-rares sous les tropiques. Les mousses, abondantes partout, préfèrent néan- moins les zones froides et tempérées. La famille des égesétacées, quoique partageant la propriété d'ubiquité des autres familles de cette classe, ne se trouve néanmoins pas à la Nouvelle-Hollande. La grande et belle famille des fougères a également une distribution géographique très-étendue; mais elle affecte dans les régions chaudes des formes arborescentes, et c'est même dans la zone intertropicale que les genres sont le plus abondants; elle forme la 10° partie de la flore de la Jamaïque, la 9° de celle de l'Ile-de-France, la 7° de celle de la Nouvelle-Zélande, la 5° de celle des iles de la Société, la 4° de celle de l'ile de Norfolk, le tiers de celle de Sainte-Hélène ; elles sont fort rares en Égypte, où l'on n’en compte qu’une pour mille plantes; à mesure qu’on s'élève vers les régions tempérées, les formes devien- nent herbacées, et quelques-unes même ne sont plus que de toutes petiles herbes. C’est dans cette zone qu’elles sont au minimum, et elles augmentent relativement à mesure qu'on s'élève vers les pôles : en Suède, elles constituent la 30° partie de la flore; en Islande, la 18; au Groënland, la 10°, et au cap Nord, la 7°. Les /ycopodracées sont encore des plantes à vaste distribution, mais dont le centre de végétation est surtout sous les tropiques. Les cycadées sont presque exclusivement tropicales, mais elles sont plus rares dans les régions intertropicales de l'ancien monde. Les formes tropicales arborescentes abondent surtout dans la classe des MoxocoryLépoxes. Les usacées, les broméliacées, les zyridées, les palmiers, les aroïdées, les cannées, es pandanées, sont des plantes qui caractérisent la zone équatoriale, et descendent néanmoins vers les zones tropicale et subtropicale, quoique par exception on trouve le calla, de la famille des aroïdées, jusqu'au 64° de latitude septen- DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 109 trionale, et que le palmier dattier vienne jusqu'en Espagne, le cha- mérops jusqu'en Jtalie, et qu'on trouve le bananier en Syrie et même en Algérie, où il a été introduit par l'homme. Les /émodoracées, les narcissées, les vridées, les orchidées, appar- tiennent également à des régions chaudes, mais plus rapprochées des pays tempérés. Le Brésil, l'Amérique du Sud et le Cap sont leur patrie de prédilection, et ce n’est que par exception qu'on en trouve des genres égarés dans d’autres régions ; il en faut cependant excepter les orchidées, qui sont, il est vrai, beaucoup plus nombreuses et plus belles dans les régions chaudes, même équatoriales, et y affectent des formes qu'on ne trouve pas dans les pays tempérés; mais elles montent assez haut dans la zone tempérée froide : elles décroissent cependant à mesure qu’on s'élève vers la zone polaire, où elles ces- sent tout à fait. On trouve partout les familles suivantes, qui sont propres surtout aux climats tempérés : les ////acées, qui diminuent en approchant de la zone polaire, et sont peu nombreuses dans les zones arctique et subarctique; elles sont plus répandues dans l’ancien monde que dans le nouveau; les szlacées, dont la plus grande partie appartient aux régions extratropicales ; les co/chicacées, du reste peu répandues ; les asparaginées ; les alismacées, à distribution plus inégale, et dont on retrouve des genres dans l'Amérique du Sud; les commélinées, qui ne se rencontrent jamais dans la partie septentrionale de l'hémis- phère boréal ; les #ymphéacées, qui se trouvent dans toutes les eaux du globe. Les dernières familles de cette classe, quoique répandues égale- ment partout, ont néanmoins des centres d'habitation de prédilec- tion. Les cypéracées ont une vaste distribution et paraissent affec- tionner le Sud, plutôt pour le jeu des formes que pour le nombre des espèces; cependant elles sont à peu près aussi nombreuses dans la zone tempérée; mais elles ne le sont que relativement dans la zone froide; les genres sczrpus et carex sont en nombre décroissant vers l'équateur, et le genre cyperus, au contraire, est très-répandu sous les tropiques; les graminées sont plus répandues dans les pays tem- pérés et montent plus haut vers le Nord; les paricées, les chloridées, les saccharinées, les olyrées, les oryzées et les bambusacées sont néan- moins tropicales et ont leur maximum dans la zone brülante. Cepen- dant on peut dire qu’elles sont à peu près également répandues dans 110 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. toutes les zones. Vers l'équateur, le nombre des espèces augmente, et celui des individus décroit. C’est au delà du Capricorne qu'on en trouve le moins. Les yuncacées préfèrent les régions septentrionales, où elles sont en grande majorité; elles sont très-rares entre les tropi- ques, et bien moins abondantes dans l'hémisphère austral que dans l'hémisphère boréal. Quand on n’examine que ces deux classes, tout est simple, tout semble se grouper d'une manière régulière : il y a bien des anoma- lies, mais elles sont faciles à saisir, et l’on voit, à travers les types, les formes tropicales dominer pour les genres à développement consi- dérable, ce qui rentre dans l’ordre évolutif qui a voulu que les aco- tylédones fussent représentées partout comme les premières manifes- tations organiques et les premiers agents de la destruction; les mo- nocotylédones ont dû venir après et apparaître sous leurs formes les plus gigantesques dans les climats où abondent la chaleur, la lumière et l'humidité, ces trois sources de la vie. À mesure que ces végétaux, mous, spongieux, qui acquièrent des proportions colossales avec une grande rapidité, surtout dans les espèces non ligneuses, par suite du peu de consistance de leur tissu, se sont éloignés de leur véritable patrie, ils ont diminué et sont devenus simplement herbacés. Les Dicoryzépoxes, bien plus nombreuses, présentent pour l’ex- position plus de difficultés; cependant nous procéderons, comme pour les classes qui précèdent, par groupes analogues, sous le rap- port de la distribution des familles, en remontant de l'équateur vers les régions polaires. En agissant ainsi, on ne peut embrasser, il est vrai, que les lois générales de distribution, mais il est impossible de faire davantage. Le premier groupe, ou celui dont le maximum des genres ou des espèces répond aux régions tropicales, se compose des familles sui- vantes : les pipéracées, dont la patrie semble être les îles de l'ar- chipel Indien, et qui ont pour limites le 35° de latitude boréale et le 42° de latitude australe; elles sont surtout abondantes entre le Capricorne et le 30° de latitude boréale ; —les vristolochiées, qui sont très-répandues dans le Brésil, et n’ont que par exception des représentants en Europe ; —les rafflésiacées, que le genre cytinus n’em- pêche pas d'être équatoriales ; — les /aurinées, représentées par excep- tion en Europe, et qui se divisent en deux sections : les /awrinées orien- tales ou indiennes, ayant pour limites septentrionales du 25° au 30°; DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 111 et les laurinées occidentales où américaines, allant jusqu'au 35°, ce qui n'empêche pas d’en trouver plus haut, mais ce sont des individus en quelque sorte égarés ; — les ryristicées, dont le nombre est plus grand dans l'Asie, surtout dans les îles de la mer des Indes, qu'il ne l'est en Amérique ;—les phylolaccées, les nyctaginées, les myrsinées qui, tout en croissant sous les tropiques, n’en préfèrent pas moins les régions montueuses de l'Asie ;—les acanthacées, qui ne se présentent en Europe que par exception; les #ignoniacées, qui ont leur habitation surtout en Amérique ;—les sapotées, essentiellement tropicales, rares dans les régions extratropicales ; les éhénacées, qui ont par exception des repré- sentants en Europe sous la forme des plaqueminiers; —les gesnériacées, dont les espèces de la tribu des gesnériées appartiennent au nouveau monde, et celles de la tribu des cyrtandrées à l'Asie tropicale; elles sont très-rares dans l'Australie; —les cucurbitactes, représentées excep- tionnellement dans les régions tempérées et se trouvant en grand nom- bre dans les Indes orientales ;— les ruhiucées, à l'exception du groupe européen des aspériofoliées ; — les loranthacées, si nombreuses en es- pèces sous les tropiques, et auxquelles le 4w2 seul fait exception ; —les rhizophorées, qui se plaisent seulement sur les côtes ou les rivages de la mer, dans les régions intertropicales, où elles forment une région spéciale ;—les dilléniacées, transéquatoriales, dont le plus grand nom- bre se trouve dans la Nouvelle-Hollande extratropicale, et qui ont également des représentants dans l'Australie; — les wronacées, des ré- gions intertropicales des deux Indes, et dont on trouve quelques repré- sentants jusque sous le 35° de latitude boréale; — les mérspermées, qui ont à peine quelques représentants en dehors de leur zone, rares en Afrique, plus rares encore dans l'Amérique boréale, en très-petit nom- bre au Japon, et dont on trouve néanmoins une espèce en Sibérie; — les ochnacées ; —les capparidées, en plus grand nombre dans les parties chaudes de l'Amérique et de l'Afrique, et représentées par un plus grand nombre d’espèces dans l'hémisphère austral que dans lhémis- phère boréal ; —les sapindacées, abondantes surtout en Amérique ; — les malpighiacées, dont le plus grand nombre se trouve dans l'Amérique tropicale, qui sont plus rares dans l'Asie équinoxiale, et n'ont jamais été rencontrées en decà du tropique du Cancer ;—les gurtiférées ; —les olacinées, en petit nombre partout, mais originaires des régions tropi- cales de tout le globe et de la partie extratropicale de la Nouvelle-Hol- lande ; —les méliacées ; — es bombacinées ; — les bytineriacées ; — les 412 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. ternstrænuacées ;— les malvacées, très-nombreuses sous les tropiques, modérément répandues dans la zone tempérée et manquant tout à fait dans la zone froide ; — les flacourtiacées ; — les tiliacées, parmi les- quelles le tilleul seul fait exception, en ce qu'il s'élève assez haut vers le Nord; — les cactées, exclusivement de l'Amérique, et qui sont riche- ment représentées au Mexique ; —les /oasées ; —les passiflorées, qui ont toutefois leur centre d'habitation en Amérique, etne sont pas représen- tées en Océanie; — les combrétacées ; — les mélastomées, qu'on trouve néanmoins en petit nombre dans l'Amérique subtropicale et tempérée, où l’on en a constaté l'existence jusqu'au 45° de latitude boréale, mais qu'on n’a pas encore trouvées au delà du tropique du Capricorne ; — enfin les zomnalinées, rares partout, et plus rares en Afrique; le seul genre américain est le genre Lomnalium. Au second groupe, qui, tout en affectionnant les climats tropi- caux, à néanmoins de nombreux représentants dans des zones moins chaudes, appartiennent les wrticées, possédant, il est vrai, un plus grand nombre de genres sous les tropiques et dans les régions sub tropicales, surtout en Asie, mais qui n’en ont pas moins une vaste distribution dans toutes les latitudes, par suite des envahissements successifs de la culture, car elles n’y croissent spontanément qu'en petit nombre, et toujours dans le voisinage de l’homme. Il faut en excepter les genres cannabis et kumulus, qui s'élèvent à de hautes latitudes. Viennent ensuite les wnaranthacées, qui ont des représen- tants, sinon très-nombreux, du moins très-répandus dans les régions tempérées, quoique les plantes de cette famille se plaisent surtout dans les régions chaudes : elles sont communes en Amérique, où elles s'élèvent jusqu'au 44° de latitude boréale et au 36° de latitude australe ; on en trouve moins en Asie, et elles sont très-rares en Afri- que ; — les so/anées, dont le plus grand nombre des genres et même des espèces appartiennent aux régions {ropicales, mais qui sont am- plement représentées dans l'Europe tempérée, sans s'élever pour cela bien haut dans le Nord, et manquent tout à fait dans la zone gla- ciale ; — les yasmuinées, appartenant aux régions extratropicales ou tropicales tempérées, s'avançant jusque dans le midi de l'Europe, ayant pour centre d'habitation l'Asie, et rares partout ailleurs; — les verbénacées, appartenant plus à l’équateur qu'aux zones tempé- rées, où elles sont cependant représentées par plusieurs genres; — la tribu des cordiacées, de la famille des horraginées ; — les apo- DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 1143 cynées, qui ont leur centre d'habitation au cap de Bonne-Espé- rance, sont en grand nombre dans les régions tropicales et décrois- sent en entrant dans les régions subtropicales tempérées, ce qui n'empêche pas qu'elles ne se trouvent dans certaines parties de l'Europe méridionale, et ne s'élèvent jusqu'au 58° de latitude ; — les magnoliacées ; les lythrariées, qui ont quelques représentants dans les régions tempérées et sont très-communes dans l'Amérique équi- noxiale ; — les tribus des #2mosées et des cassiées, de la grande famille des légumineuses ; — el les célastrinées, plus nombreuses néanmoins dans les régions subtropicales. Le troisième groupe comprend les familles végétales qui se trou- vent encore dans les régions chaudes, mais qui sont cependant plus amplement représentées dans les régions fempérées; ce sont : les santalacées, dont les espèces arborescentes appartiennent aux climats chauds, et les espèces herbacées aux régions tempérées de l'Europe et de l'Amérique ; —les convoloulacées, qui ont plus de représentants sous les tropiques et appartiennent néanmoins aux régions tempérées de l'Europe et de l’Asie ; — les polémoniacées, qui habitent les régions voisines des tropiques dans les deux Amériques, s'élèvent au Nord jusqu'au 54° de latitude boréale et australe, et ne sont qu’exception- nellement représentées en Europe et en Asie ; —les daphnées, qui sont communes au cap de Bonne-Espérance, se trouvent dans l'Océanie, en Europe, et par exception dans les autres régions ; — les avrantiacées, communes sous les tropiques, et cependant largement représentées dans les parties chaudes de la zone tempérée; — les rufacées, ayant la plupart de leurs représentants dans les zones tempérées, étant moins essentiellement tropicales, et que l’on voit également décroître lorsqu'elles quittent leur station centrale, pour marcher vers les pôles ou vers l'équateur ; — les /érébinthacées, des régions tropicales et tempérées, et qui manquent complétement à la Nouvelle-Hol- lande ; — les euphorbiacées, abondantes dans toutes les régions, mais surtout vers les tropiques, et ne se trouvant ni sous les latitudes éle- vées, ni à de hautes altiludes; — les rhamnées, des régions subtropi- cales et tempérées, très-rares entre les tropiques, diminuant dans les régions tempérées à mesure qu'on s'éloigne du 44° de latitude boréale, et bannies des zones froides; — enfin les #cinées, qui n'appartien- nent que par exceplion aux régions tempérées. Le quatrième groupe se compose de végétaux qui appartiennent Botan., T. I. 8 411% GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. surtout aux régions tempérées. Nous trouvons en tête les cofères; elles sont très-répandues dans cette zone et s'élèvent assez haut vers le Nord; après s'être arrêtées sur les bords de la zone arctique, elles reparaissent dans la zone polaire, et s’y trouvent dans des proportions considérables. Puis, en nombre également très-grand, on trouve les amentacées, propres aux parties tempérées de l'hémisphère boréal, et qui ne se voient que par exception dans l'hémisphère austral ; ce sont des arbres à feuilles caduques, qui donnent un caractère particulier au paysage hivernal de ces régions; elles sont plus uniformément répandues, mais appartiennent également aux zones froides. Viennent encore les w/macées, d'Europe et d'Amérique ; —les é/œugnées, de l'hé- misphère boréal; — les po/ygonées ; — les chénopodiées, qui sont sur- tout des plantes européennes ; — les plantaginées ; — les plumbaginées ; — les primulacées, qui aiment les régions montagneuses du Nord, augmentent proportionnellement à mesure qu'on s'éloigne de l'é- quateur, et sont très-communes en Europe et en Asie; — les scrophu- lariées, ayant une vaste distribution géographique, affectionnant sur- tout les régions tempérées, mais étant toutefois plus répandues dans l'hémisphère boréal; — les /abriées, croissant en plus grande quan- tité du 35° au 45° de latitude, s'élevant cependant jusqu’au 50° et diminuant notablement en approchant de la zone arctique; — la tribu des prostanthérées, appartenant en grande partie à l'Australie ; les borraginées, affectionnant les régions tempérées de l'Europe et de l'Asie, ne croissant que par exception sous les tropiques; — les yen- tianées, famille essentiellement européenne, qui croît de préférence sur les montagnes, et est presque également répandue dans toutes les zones; — les éricacées, dont l'habitat de prédilection est le Cap; — les campanulacées appartenant surtout à l'Europe, n'ayant plus que de rares représentants au delà de la zone subarctique, et dis- paraissant à la zone polaire; — les s/ylidites et goodémées, qui sont indigènes aux parties tempérées de l'Asie, et ne sont représentées sous les tropiques que par un petit nombre de genres; — les con- posées, qui croissent parlout, mais sont plus abondantes dans les deux Amériques qu'ailleurs, atteignant leur maximum dans les zones tempérées, leur médium dans la zone glaciale, et leur minimum dans la zone tropicale? — les dipsacées, propres presque exelusi- vement à l'Europe et à l'Asie; — les valérianées, ayant pour centre d'habitation les régions tempérées de l'Europe, étant beaucoup plus DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 115 rares en Amérique, où elles se trouvent sur les plages du Chili, et descendant néanmoins jusqu'aux terres magellaniques; — les ca- prifoliacées, des régions tempérées et froides de l'hémisphère boréal, et beaucoup plus rares partout ailleurs; —les onbellifères, apparte- nant presque par parties égales aux régions tempérées des deux hémis- phères, plus rares dans la zone froide, et très-rares dans la zone tropicale; — les renonculacées, croissant partout, mais n'ayant de re- présentants sous les tropiques que sur les hautes montagnes, et, avec une distribution proportionnellement plus grande à mesure qu’on monte vers le Nord, et se retrouvant dans les zones les plus froides; — les berbéridées, propres aux parties montueuses de l'hémisphère boréal, et plus répandues dans l'Amérique du Nord et en Asie qu’en Europe ; — les papavéracées, qui n’ont que par exception des repré- sentants sous les tropiques, mais sont répandues dans l'Europe et l'Amérique du Nord ; — les erucifères, qui, bien que communes par- tout, ont cependant pour principale patrie les régions tempérées de l'hémisphère boréal, sont peu répandues dans la zone tempérée amé- ricaine, plus rares dans la zone froide, et d’une excessive rareté dans la zone brülante; — les résédacées ; — les polygalées, qui ont pour zone du 10° au 35° de latitude, et croissent dans les deux hémisphè- res; — les acérinées, plus communes dans l'Amérique boréale qu'en Europe ; — les Aypéricinées, qui ne s'élèvent pas jusqu'aux régions po- laires, mais viennent partout ailleurs; —les v/icées ; — les géraniées, que nous retrouvons au Cap, mais qui sont très-répandues dans les parties tempérées de la zone extratropicale ; — les oralidées ; — les cistinées, des parties chaudes de la zone tempérée; —les volariées, les lines, les caryophyllées, qui appartiennent aux régions extratro- picales, surtout de l'hémisphère boréal, et vont en décroissant dou- cement vers le Nord, ce qui n'empêche pas d’en trouver encore dans la zone polaire ; — les paronychiées ; —les portulacées ; — les grossu- lariées, qui affectionnent particulièrement les régions tempérées de l'Amérique du Nord; — les wnothérées, qui croissent dans les régions tempérées des deux hémisphères; — les /amariscinées, qui ont pour zone de développement la partie comprise entre le 8° et le 55° de latitude; — les rosacées ; — les légumineuses, répandues partout sous la forme papilionacée, bien que très-abondantes dans les régions chaudes; mais les formes des #mosées el des cassiées appartiennent presque exclusivement aux régions chaudes et tropicales du globe. 116 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Les régions polaires n’ont de physionomie particulière qu'à cause du décroissement des formes végétales en nombre et en grandeur. Ainsi, en approchant des limites méridionales de ces régions, nous voyons le hêtre manquer tout à coup, le chêne s’avancer à peine à un degré de plus, le pin et le sapin cesser bientôt de croître. Le bou- leau est le seul arbre qui monte plus haut : il s'avance jusqu’au 71°, mais sous une forme rabougrie : ce n’est plus un arbre, c’est à peine un arbrisseau. On trouve cependant encore quelques rares végétaux quidissimulent l'aridité du sol : ce sont en général des cypéracées, des graminées, des joncées, des caryophyllées, des saxifragées, des papa- véracées, des renonculacées, des scrophulariées, des campanulacées, des composées et des éricacées. Les régions polaires arctiques ont une physionomie à peu près semblable. Nous avons encore à examiner trois régions dont la flore a un caractère particulier, et qui ne peuvent rentrer dans la loi générale de distribution : ce sont la Nouvelle-Hollande, la Nouvelle-Zélande et le cap de Bonne-Espérance. La Nouvelle-Hollande, tout en ayant une flore presque spéciale, n’a de caractère végétal particulier que dans sa partie tempérée ; dans la région équatoriale, sa végétation se rapproche par quelques traits de celle des Indes orientales. On peut dire qu'à peu d’exceptions près, les espèces propres à cette région ne croissent pas ailleurs ; on y trouve même des groupes qui lui sont exclusifs : telles sont les trémandrées et les stackhousiées, une tribu des d'osmées, les goodé- nices, les stylidiées, es pittosporées, les dilléniacées et les haloragées, qui s’y distinguent par le maximum de leurs formes spécifiques ; les myrtacées, les protéacées, les restiacées, les épacridées, sont dans le même cas; et l’on peut dire que la moitié de la végétation du pays se compose d’eucalyptus, de la famille des myrtacées, et d’acacras, de la famille des mimosées. La Nouvelle-Zélande, qui est l’antipode de Paris, et dont le climat répond à celui de nos départements méridionaux, n’a que quelques traits de ressemblance avec la Nouvelle-Hollande; elle a un caractère de végétation qui la rapprocherait plutôt des iles de la mer du Sud. Les végétaux les plus abondants sont le cor ypha australis, de la grande famille des palmiers; le danunara, espèce de conifère à feuilles larges, qui ne ressemble en rien à nos arbres résineux et dont on trouve des forêts entières, et des »6/rosidéros de la famille des myrtacées. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 117 Le Cap de Bonne-Espérance à un tout autre aspect : on y trouve des protéacées, des diosmées, des bruyères, en nombre considérable ; mais les végétaux caractéristiques sont les 2#dées, les Jicoïdes, les pélar- gonium, les stapélia, les sélaginées, le genre e/ychrysum (Vimmor- telle), de la famille des composées, et plusieurs espèces de cycadées. Une. étude intéressante, si elle était complète, est celle des diffé- rentes zones nettement indiquées par la cessation de certains grands végétaux caractéristiques, et la substitution de certaines familles les unes aux autres dans les différentes régions. Ainsi, nous trouvons la limite des palmiers marquée, dans les deux hémisphères, par deux espèces différentes : dans l'hémisphère boréal, par le chamerops hu- miles, et dans l'hémisphère austral, en Amérique, par le pa/metto; en Europe, le rododendron des Alpes est remplacé, au Nord, par le rLodo- dendron laponicum, et dans les Andes, par le bejaria (Voir PI. 6). Le hêtre commun marque la limite de la zone tempérée froide dans l'hé- misphère boréal ; dans l'hémisphère austral, c’est le hêtre antarctique. La connaissance des limites latitudinales est d’un haut intérêt. Le hêtre a pour limites : en Norwége, le 60°; en Suède, le 58°; dans le Smaland, le 57°; en Lithuanie, le 55°; dans les Carpathes, le 49, et en Crimée, le 45°. Le houx, qui s'élève jusqu’en Norwége, à cause du climat marin de cette région, gèle parfois aux environs de Berlin. C'est pour la même cause qu'à Penzance, sur la côte méridionale de l'Angleterre, les camnellia, les fuchsia, les myrtes, passent l'hiver sans abri, tandis qu'ils ont besoin de protection chez nous. On peut re- garder l’aune, le peuplier noir, le lierre, le myrtille, l’épine-vinette, comme ayant une distribution semblable. Voici un petit tableau des limites latitudinales de quelques grands végétaux : CON TOUVrE MT en nee mme 61° latitude nord NOISORIOT ARR AE a res 649 EPICÉAA TEE -eecerethecerLe + 010,40 SOFDIED A65 OISEAUX nee tease 70° Pin sylvestre......... DOC UTOCDE CE 70° Bonleaublanc steel ss + 700,40 Bouleau-nain:e. Mt ra ent 71° Dans l'Amérique du Nord, les végétaux de la côte occidentale s’élè- vent à de plus hautes latitudes que ceux de la côte orientale. Le pavia jaune a pour limite orientale le 36°, et occidentale le 44° Le juglans nigra _ 410, == 449 Le gleditschia triacanthos — 380, _— 410 118 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. En Europe, ce dernier arbre s'élève jusqu'au 52° lat. nord. Après avoir examiné les modifications que subit la végétation en s'élevant de l'équateur aux pôles, il nous reste à étudier le même phénomène dans son rapport avec les altitudes ; nous prendrons les Alpes suisses pour exemple, afin de parler plus vivement à l'esprit. En quittant les belles forêts de hêtres et de sapins qui couvrent le pied des montagnes, enrichies de vigoureuses moissons et de grasses prairies, si l'on s'élève à 500 ou 600 mètres, on se trouve, comme par enchantement, transporté au sein d’une végétation nou- velle. Là commencent à apparaître les végétaux a/pestres : V’auri- cule, la gentiane acaule, l’aconit, le trolle, la soldanelle, des ar- moises, des saxifrages, des astrantia, se présentent de toutes parts à la vue, et les pentes sont couvertes de rhododendrons. Les noyers cessent les premiers ; puis ce sont les chätaigniers (PI. 6); de 750 à 800 mètres, on ne trouve plus aucune trace de ces arbres, excepté néanmoins sur le versant méridional, où ils s'élèvent à 100 mètres plus haut. À peu près vers la même altitude, le chêne, qui com- posait l'essence des forêts avec le hêtre et le bouleau, disparait; le cerisier croit jusqu'à 950 mètres, le hêtre jusqu'à 1,300 mètres; les céréales mürissent jusqu'à 4,100 mètres dans le Nord, et à 1,510 dans les Grisons, sur le versant méridional; les arbres verts, tels que le sapin, le pin, le mélèze, constituent alors exclusivement les vastes forêts qui garnissent ces montagnes; à 1,800 mètres, ils cessent à leur tour. Cependant, sur le versant méridional du mont Rose, ces arbres s'élèvent jusqu’à 2,270 mètres : ce sont des mélèzes, des épi- céas, des pins, associés à des aunes et à des bouleaux. Sur le versant nord, les conifères ne dépassent que très-rarement, et comme par exception, 2,000 mètres. Le bouleau, cet arbre robuste que nous trouvons le dernier dans le Nord, est presque aussi le dernier à dis- paraître des flancs des montagnes; il s’élève jusqu’à une égale alti- tude. Toutefois, on rencontre encore, à une centaine de mètres plus haut, le pin cembro. Le pin mugho ne disparait qu’à la hauteur de 2,270 mètres, les pâturages s'élèvent jusqu'à 2,600. Puis toute végé- tation arborescente cesse : ce ne sont plus que de petits taillis d'afrus viridis et de rhododendrons. Passé la région où ces robustes enfants des Alpes étalent leur vert feuillage, on ne trouve plus que des plantes qui excèdent à peine le sol : tel est, entre autres, le saule herbacé, qui n'est plus qu’une plante chétive; ce sont celles qu'on appelle DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 119 alpines : elles appartiennent aux familles des primulacées, des cruci- fères, des renonculacées, des caryophyllées, des rosacées, des légumi- neuses, des saxifrages, des gentianes (quelques-unes vivent ensemble, d'autres vivent isolées : telles sont les alchémilles et les renoncules); des composées, des cypéracées et des graminées, sous des formes spé- cifiques particulières. La dernière plante phanérogame trouvée sur le mont Blane par de Saussure, à 3,469 mètres, est le s7/ene acaulis ; et M. de Welden a trouvé sur le mont Rose, à 3,683 mètres, le pyre- thrum alpinum et phyleuma pauciflorum. Plus haut, on ne trouve que des lichens et la roche nue, et, à peu de distance de là, on rencontre la limite des neiges éternelles, qui varie suivant les latitudes, mais qui n’en est pas moins soumise à une loi constante. En Norwége, sur le littoral, elle est à 720 mètres, et dans l'intérieur, à 1,072 et 1,266 ; à Hammerfest, au 70°, elle est à 860 ; au cap Nord, à 750. En Islande, on la trouve à 936 mètres; en Sibérie, chaine d'Aldan, à 4,364; dans l'Oural septentrional, à 1,460 ; au Kamtschatka, à 1,600; dans les monts Altaï, à 2,144; dans les Alpes, à 2,708; sur l'Elbrouz, en Caucasie, à 3,272 ; dans les Pyrénées, à 2,721 : en Sicile, à 2,905 ; dans la Sierra-Nevada, en Espagne, à 3,410 ; au Mexique, à 4,500 ; dans l'Amérique méridionale, volcan de Puracé, à 4,688; sur le Chimborazo, à 5,100 ; sur le Cotapaxi, à 5,230 ; dans la partie méridionale du Pérou, à 5,600; sur le versant méridional de l'Himalaya, à 3,956, et sur le versant seplentrional, à 3,067 mètres. On voit que, de l'équateur aux pôles, ou du pied des montagnes à leur sommet (Voir les montagnes idéales figurées dans l'Atlas T, PI. Get 7), la loi de décroissement des végétaux est la même. Ce qui le confirme encore, c'est que, dans la région alpine, on ne trouve presque plus de plantes annuelles : ce sont des plantes vivaces ou ligneuses qui ne sont plus dressées, mais qui rampent sur le sol pour résister aux tempêtes. Si le chiffre des limites altitudinales varie suivant les contrées, la loi reste identique. Dans les Andes, la limite correspondant à la zone tempérée est entre 1,000 et 3,000 mètres, et, à la zone arctique, entre 3,000 et 4,500 mètres ; sur le mont Ararat, en Arménie, le bouleau, qui ne s'élève dans nos Alpes qu'à 2,000 mètres, disparait seulement à 2,530 mètres, et sur le Caucase, à 2,360. Sur le versant méridional des Pyrénées, on voit disparaitre les pins à 2,420 mètres ; et, en Laponie, le bouleau nain cesse de croilre à »8 mètres. 120 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. La statistique botanique est une branche de la science qui peut beaucoup contribuer à jeter du jour sur la distribution des végétaux ; elle nous montre que les familles et les genres répandus en plus grand nombre sous les tropiques, et avec la plus grande variation de formes spécifiques, diminuent à mesure qu'on s'approche de régions polaires, de même que, dans ces régions, le nombre des espèces décroît et celui des genres augmente proportionnellement. C’est pourquoi il faut tenir compte du rapport des genres aux familles et des familles aux genres. Ainsi, nous avons en France 7,000 espèces environ réparties dans 1,100 genres, ou 6 espèces en moyenne par genre ; en Suède, on a un peu plus de 2,300 espèces pour 566 genres, ou # espèces pour un genre; et en Laponie, 4,100 espèces pour 297 genres, ou 3,6 espèces pour un genre. D'après les données de Humboldt, les espèces cryptogames seraient égales en nombre aux espèces phanérogames dans la zone glaciale, du 67 au 70° de latitude; de moitié moins nombreuses dans la zone tempérée, du 45 au 52°, et près de huit fois moindres dans la zone équatoriale, de 0 à 40°. Le rapport serait de 1/15 pour les plaines et 1/5 pour les montagnes. On peut révoquer en doute l’exac- titude de ces chiffres, si l’on en juge par ce qui se passe dans nos environs, explorés si soigneusement et depuis si longtemps, par des botanistes intelligents. Nous voyons que le nombre des espèces de végétaux cryptogames est de plus de 1,800, tandis que celui des pha- nérogames n’est que de 4,200 à 4,400. Quand on aura fait des études cryptogamiques aussi complètes que le sont les études phanérogami- ques, on reconnaitra que cette supposition est fausse. Comme les élé- ments manquent pour remplir cette lacune, on ne peut que signaler l'erreur dans laquelle est tombé un savant qui a rendu à la géographie botanique des services inappréciables, et qu'on peut regarder comme le premier qui ait traité avec une merveilleuse sagacité cette partie ardue de la science. Il ne faut pas s’en prendre à lui, si ces calculs sont inexacts, mais à l’état de la science à l’époque où il fit son travail. On a pu constater avec plus d’exactitude que la proportion relative des monocotylédones aux dicotylédones augmente à mesure qu'on s'éloigne de l’équateur : jusqu’au 40° elle forme à peu près 4/6 de l'ensemble des phanérogames pour l’ancien continent, et 1/5 pour le nouveau; vers le milieu de la zone tempérée, elle est de 4/4, et sur ses limites de 1/3. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 421 TABLEAU Du rapport réciproque des principales familles de la Flore française, disposé par rég ions À De 0° | De700 | De 1,400 | De 2,100 | De 2,800 Pour | RÉGIONS. à à à à à toute la 700 mètr.| 1,400 m.|2,100 m. | 2,800 m.| 3,500 m. | France - ——— || 0 Ces régions répondent aux Tempérée | Tempérée Sub- Aretique. | Polaire: à zones chaude. | froide. | arctique. | 3,500 m.| TOTAL DES PHANÉROGAMES./.,,,,,4. 653 650 269 79 3,040 Eee RES Monocotylédones. . 424,9 | 14:51 4:6,7 | 4:6,1 1:4 Graminées, . . .. 1:28,3 | 1:23,8 | 1:26 1:15 (HE Cypéracées. . . .. © 1:19 1:20,3 | 1:29,8 | 1:26 1:26 Juncées.. . . ... a 1:72 |1:65 |4:44,9 | 4:26 | 4:406 | Liliacées. . . . . . = 1:34,3 | 1:36 1:67 |manquent| 1:95 Orchidées. . . .. = 1:54,4 | 1:65 1:89,6 » 1:69,4 Conifères. . . . . | 2 |14:93 |1:92,8 | 4:269 | 4:79 |1:208 | Amentacées.. . . | © 1:81,6 | 1:59 1:53,8 | 1:79 4104 Primulacées. . . | S |14:65 |4:40,6 | 4,24,4 | 4:9,8 | 1:86,3 | Labiées. . . .. .. S use |n:3e |1,43,8 lo | 4:26,2 Scrophulariées. . .| 1:29,7 | 1:23,6 | 1:20,6 | 1:26,3 | 1:26,2 Gentianées. . . . | B |4:43,7 4:38 |4:38 | 426,3 | 42418 Éricacées. . . . .. æ |4:50 |4:54 |4:38 | 41:39,5 | 4:436 Campanulacées.. .| 1:34,3 | 1:29,5 | 1:269 |manquent| 4:95 Composées. . . . S |4:7,5 |1:6 1:140,3 | 4:14,2 | 4:8 | Rubiacées. . . .. : 1:54 |4:64 | 1:89,6 | 4:26,3 | 1:72,2 | Ombellifères. . Es 1:20,4 | 1:26 1:67 1:79 1:26,8 | | Saxifragacées.. . . 8. 1:32,6 | 4:20,9 | 4:44,6 | 4:7,9 | 4:93 | Rosacées. . . . .. 8 |447,2 4148 |14:45 | 4:19,7 | 4:99; Légumineuses . . | © | 4:15,9 | 1:20,9 | 4:20,7 | 1:39,5 | 4:10,2 Caryophyllées . . | 1:21,7 | 4:16,6 | 1:12,8 | 4:44,2 1:23,2 Cruciféres ..". . | 1:119,8 | 1:19,6 | 1:20,6 | 4:43 1:18,2 | Renonculacées. . . 1:28,3 | 1:23,6 | 1:20,6 | 4:39,5 | 1:29,2 | 126 Li des 287 _ il 122 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. À À Tous ces calculs ne peuvent jamais être rigoureusement exacts; ce ne sont que des données particulières, mais la donnée générale manque. Ce que nous pouvons constater, c'est que le nombre absolu des espèces ligneuses et arborescentes augmente à mesure qu'on s'ap- proche de l'équateur, et que la taille de tous les végétaux en général suit un développement ascendant. Les espèces annuelles et bisannuelles ne sont cependant pas né- cessairement des végélaux des régions glaciales; bien au contraire, on trouve, en s'élevant vers les pôles, des arbustes et des végétaux vivaces capables de résister à la rigueur du climat, tandis que les plantes dont la durée est limitée, ne réussissent que dans les régions tempérées. L'étude de l'habitation et de l'aire, ou de la surface de distribu- tion des plantes, est la base fondamentale de la géographie bota- nique; celle des s/afions viendra après, et terminera ce chapitre. On doit admettre en principe, ce que ne dément pas l'expérience, qu'un végétal croit partout où il trouve des condilions d'existence identiques à celles du lieu où 1l a pris naissance, ou qui ne répugne- ront ni à son mode d'existence ni aux diverses phases d'évolution qui caractérisent sa vie; c'est ce que nous appelons naturalisation. Quant à l'acc/imatation, e’'est un tout autre problème : il ne faut plus seulement prendre un végétal pour le transplanter dans un milieu où la vie est possible pour lui; ils'agit, au contraire, de prendre un végétal et de le mettre dans des conditions où la vie est, sinon abso- lument impossible, du moins difficile, parce qu'il n'a pas le temps d'accomplir dans le cours d'un été sa période de végétation, s'il est annuel, ou que le climat s'oppose à son développement s'il est vi- vace, et que la rigueur, la durée ou l'humidité des hivers altè- rent son tissu et y portent des causes de mort. Or, malgré les essais nombreux d’acclimatement, on n’est encore parvenu à changer la nature d'aucune plante des pays chauds, de manière à lui faire sup- porter la rigueur de notre climat. La pomme de terre et le dahlia gèlent à la moindre gelée blanche; les orangers vivent parfaitement sous le climat du midi de la France, mais ils souffrent et périssent même quand la température descend à 5 ou 6 degrés au-dessous de zéro. Il en est ainsi des dattiers, des agaves, des nopals, introduits dans les mêmes localités. Nous avons au contraire des exemples nombreux de naturalisation. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 123 Certaines villes du Brésil et de l'Amérique du Sud comptent aujour- d'hui, parmi les herbes inutiles qui abondent dans leurs environs et jusqu'au seuil des maisons, l'échium vipérine, le marrube, l’ortie dioique, qui croissent le long de nos chemins; le chardon-marie a envahi les Pampas, et nous trouvons à chaque pas, dans nos terres incultes et dans nos jardins, l'érigéron du Canada, qui dresse coquet- tement sa longue panicule de fleurs blanches. La Nouvelle-Zélande et Taïti cullivent une partie de nos végétaux potagers. Un phénomène d'un grand intérêt, et qu’on n’a pas encore assez étudié, est celui de la socrabilité végétale. On rencontre, en effet, des plantes qui croissent solitaires, isolées, sans rechercher la com- pagnie de leurs sœurs; tandis que d'autres se serrent, se pressent, semblent se complaire dans les charmes d’une vie commune : ce jan les plantes dites sociales. Parmi les mousses, le sphagnum palustre et le dicranum glau- cum couvrent, dans le Nord, des terrains marécageux d'une manière si exceptionnelle, qu'on y aperçoit à peine d’autres végétaux. Parmi les lichens, le cenomyce rangiferinus est dans le même cas, mais ce sont les lieux secs qu'il envahit. Les plantes d'eau offrent encore fré- quemment l'exemple de la sociabilité : tels sont les chara, les acorus calamus, les scirpus lacustris, les arundo phragmites, qui donnent un caractère particulier au paysage de nos climats. Les /emna et les conferves, qui croissent flottantes au sein même des eaux, sont celles qui sont le plus abondantes; elles couvrent souvent des espaces considérables; et jamais on ne les trouve isolées. Les bruyères sont peut-être, de toutes les plantes, celles qui ont au plus haut degré le caractère social. Viennent après, mais toujours avec le même caractère, le pénus sylvestris, le polygonum avicu- lare, le poa annua, Vulex europœus, le gerista scoparia, les poten- tilles, le vaccinium myrtillus, le juncus bhuionius, le myriophyllum spicatum. Le bouleau, le chêne, le hêtre, l’aune, quoique moins sociaux, couvrent ensemble de vastes étendues de terrain. Dans la zone tropicale, les bords de la mer sont presque exclusi- vement couverts de mangliers. Dans les iles de la mer du Sud, les fougères arborescentes de taille moyenne croissent ensemble; sur le continent australien, ce sont les banksia specrosa el les protea ar- gentea. Dans l'Asie orientale, les bambous forment des forêts entiè- 124 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. res, et sur les bords du fleuve Magdalena, Humboldt a vu des forêts non interrompues de bambous et d'Ae/iconia. Les kyllingia et les mimosa couvrent les savanes du bas Orénoque. Si des plaines brülantes des tropiques nous nous dirigeons vers les montagnes, nous y trouvons des forêts de cnchona; et les escallo- nia, ainsi que les rhododendrons, y sont aussi communs que chez nous les ajoncs ou les genêts. Les plateaux des Andes sont couverts de tapis de ca/andrinia et de quelques espèces de verbénacées. On trouve au Chili, parmi les plantes qui affectent le plus le caractère social, Pacacia cave, le ly- cium gracile, et plusieurs espèces de bambou et de cactus. A la Nouvelle-Hollande on trouve, dans l’intérieur des terres, réunis en masse, le po/ygonum junceum, le cupressus callitris, ainsi que plusieurs espèces de protéacées et d'evcalyptus, qui y forment des forêts entières. Parmi les plantes marines, les laminaires, les /ucus pyriferus, antarcticus et natans, sont réunis en très-grande quantité sur un même point. Après avoir ainsi examiné les lois générales de diffusion des végé- taux qui croissent spontanément, passons sommairement en revue le mode de distribution des plantes soumises par l’homme à une cul- ture régulière, et qui servent à ses divers besoins. En Europe, la culture des céréales ne s'élève guère plus haut que le 70°, dans la Péninsule scandinave ; encore est-ce le seul point du globe où on les retrouve à ce degré; partout ailleurs la culture est loin de s'élever si haut. Dans l'Asie septentrionale, elles décroissent en allant de l’ouest à l'est : tandis que dans la partie occidentale on les retrouve au 60°; dans la partie orientale, elles ne s'élèvent pas plus haut que le 51°. Dans l'Amérique du Nord, on les cultive dans l’ouest jusqu'au 57°, et sur les côtes orientales à peine plus haut que le 51°. Il s’en faut néanmoins que ce soient toutes les céréales qui crois- sent jusqu’à de si hautes latitudes; la seule espèce de graminée ali- mentaire qui réussisse dans ces climats glacés est l'orge, qui sert à la nourriture de l’homme dans toutes les régions septentrionales. L'avoine, qui entre aussi pour une part importante dans l'alimen- tation humaine, ne réussit pas à de si hautes latitudes; il faut, pour en trouver la culture régulièrement répandue, descendre de quelques DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 425 degrés plus bas; et dans les localités où cette céréale arrive à matu- rité, on trouve déjà le se/y/e, qui descend jusqu'aux bords de la Ballique et remplace avantageusement les deux autres, qui n’y sont plus cultivées que pour la nourriture des animaux et la fabrication de la bière. Dans le nord de l'Allemagne, on commence à trouver le 4/6, qui est d'abord cultivé concurremment avec le seigle, et finit par devenir la culture dominante. Il part du sud de l'Écosse, traverse la France, l'Allemagne, la Crimée, le Caucase, et s'étend Jusque dans l'Asie, sans pour cela qu'on néglige les trois autres céréales; mais celles-ci n'y sont plus si fréquemment employées aux besoins de l'homme. Le seigle devient la culture des régions plus froides des montagnes, et en descendant vers le Sud, l'avoine disparaît entièrement pour faire place à l'orge, qui est donnée aux animaux. À mesure que l’on des- cend vers le Midi, le r2z et le #ais remplacent les autres céréales, ainsi que cela se voit dans la France méridionale, en Italie, en Espa- gne, et ils deviennent d’une culture presque exclusive jusqu’au nord de l'Inde, où ils sont préférés au 4/6, en traversant tous les pays inter- médiaires comme une vaste zone. En Afrique, diverses espèces de sorgho et le eff ( Poa abyssinica) sont cultivées comme céréales d’u- sage habituel. A l'extrémité orientale de l'Asie, le r2z remplace toutes les céréales, ce qui a également lieu dans les parties méridionales de l'Amérique du Nord. On y trouve cependant aussi le ais, dont la culture est mème plus répandue que chez nous. Dans l'Amérique du Sud, c'est le z#7is qui domine à l’exclusion de toute autre céréale ; néanmoins on cultive le 4/6 au Brésil, dans la Plata et au Chili. A l'extrémité australe de l'Afrique, ainsi que dans la Nouvelle-Galles du Sud et en Australie, la culture du 46, de l'orge et de l'avoine a été importée par les Européens. Si nous examinons maintenant les altitudes qui servent de limites à la culture des diverses espèces de céréales, nous trouvons dans les Andes que le zais est cultivé jusqu’à 2,400 mètres; cependant on le trouve encore plus haut, et ses limites la titudinales sont le 52°. Quand cesse le ais, apparait le 4/6, conformément à la loi naturelle de distribution; le seigle et l'orge sont les céréales qui s'élèvent le plus haut; mais elles s'arrêtent à 3,800 mètres. On trouve cependant encore au Chili une chénopodiée, le guinoa, cultivée concurremment avec le lé. 126 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Certaines espèces de polygonées, mais surtout le sarrasin, vien- nent s'associer à nos céréales, et sur quelques points les remplacent. Sur les hauts plateaux de PAsie, les semences des pol/ygomum ser- vent à la nourriture de populations entières, et dans le nord de l'Eu- rope, jusqu'au haut Jutland, en Bretagne et dans une partie de la Normandie, le sarrasin est la base de l'alimentation. Le sorgho, cultivé dans l'Afrique et les Indes orientales, ne s'élève pas plus haut que le 42°. Le 72z, la plante graminée qui nourrit le plus de nations, a une distribution géographique très-étendue. Il croit depuis les pays tro- picaux et subtropicaux jusque dans la zone tempérée, et sa culture s'étend aujourd'hui dans nos départements méridionaux. Comme il ne réussit que dans les plaines basses et inondées, il n'a pas de limites altitudinales. En tête des plantes à racines qui sont, concurremment avec les céréales, celles qui contribuent le plus puissamment à l'alimentation de l’homme et des animaux domestiques, il faut mettre la porume de terre, ce tubercule précieux qui a conjuré des disettes affreuses, si communes au moyen âge, el qui n'a encore rencontré aucune plante à racine comestible qui puisse le remplacer. La distribution géographi- que de la pomme deterre estimmense, bien qu’elle ne réussisse pas dans les régions brülantes des tropiques; car, à cette latitude, elle cherche les plateaux des montagnes pour jouir d’une température plus modé- rée. Originaire des régions froides des Cordillères, elle s’est répan- due sur les plateaux inférieurs des Indes, de la Chine, du Japon, et a été introduite dans les iles de la mer du Sud, sur le continent aus- tralien et dans la Nouvelle-Zélande; en Europe, elle réussit partout, et est cultivée dans la Laponie, en Islande, dans les iles Féroë et jus- qu'à Hammerfest. La patate, que nous pourrons bientôt regarder chez nous comme un végélal alimentaire, ne croit guère au delà du 45°, bien qu’elle ait fleuri dans le midi de la France et donné des graines fécondes. Ses limites altitudinales sont 2,700 mètres. Le châtaïgnier, que l'on peut mettre au nombre des grands vé- gétaux alimentaires, a une distribution géographique assez restreinte. En lüalie, il cherche la partie abritée des montagnes, et refuse de croître dans les parties chaudes de cette péninsule. On ne le trouve plus en Afrique, et vers le 51° il cesse de donner des fruits. Sa zone DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 1927 d'habitation est dans les montagnes du midi de l'Europe, de l'Asie Mineure et du Caucase. La distribution des plantes alimentaires tropicales est plus limitée que celle des végétaux utiles de la zone tempérée, parce qu'il leur faut des conditions de végétation que les autres n’exigent pas. Le palmier dattier, qui croît sous le 13°, a l'Espagne pour limites extrèmes en Europe; encore n'existe-t-il que dans une partie très- restreinte de la Péninsule ibérique, celle qui regarde la Méditerranée, ce qui lui donne pour limite le 44°, Il exige une température moyenne de 13° à 14°, et il s'élève jusqu'à 600 mètres en hauteur régionale. Le cocotier, d'une utilité au moins aussi grande que le dattier, et répandu sur les bords de la mer dans toutes les parties de la zone tropicale, a une distribution peu étendue, bien que sur une zone assez longue ; il s'élève jusqu'au 28° comme limite septentrionale, et ses limites altitudinales sont 2,100 mètres. Le bananier s'arrête au 25° et ne s’élève pas plus haut que 2,000 mètres; encore lui faut-il une chaleur moyenne de 19° à 21°. Le usa paradisiaca ne croît pas plus haut que 1,500 mètres. Le manioc s'étend moins loin encore; il s'arrête au 30° de chaque côté de l'équateur, et ne croit pas plus haut que 1,000 mètres. Le sagoutier (Cycas circinalis) est essentiellement tropical. L'ignamne ne réussit pas au delà de 40° de chaque côté de l'équateur. On voit, par ce qui précède, que l’avantage est toujours aux ré- gions tempérées, dont les végétaux se plient mieux encore aux varia- tions du climat et s'élèvent plus haut sur les montagnes. La vigne, qu'on peut mettre au nombre des végétaux les plus utiles à l’homme, comme objet de commerce et d'échange, autant que comme boisson réparatrice, a une distribution assez capricieuse ; elle s’élend sur une longue zone d'environ 22 degrés de latitude. Sa culture en grand commence sur la côte occidentale de France au 47°,20; vers Nantes, elle ‘passe par le 49°, et remontant vers le Rhin et la Moselle, elle s'arrête au 51° comme limite extrême; elle oscille en- suite sur les bords de cette zone, mais sans la dépasser; cependant, en Prusse, on trouve des treilles jusqu’à Kænïgsberg, sous le 54°,42 de latitude septentrionale. Dans la partie septentrionale de l'Amérique, où l’on en a essayé l'introduction, elle ne s'élève que jusqu'au 37°, ce qui s’explique par l'inflexion des lignes isothermes qui traversent cette région. 1928 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Dans l'hémisphère austral, elle ne s'élève pas jusqu'au 40°; dans l'Australie, elle est cultivée sous le 34°, ainsi qu'au Cap de Bonne- Espérance. Ses limites en altitude sont variables : en Hongrie, elle s'élève à 300 mètres au plus; en Suisse, à 550 sur le versant septentrional, et à 650 sur le versant méridional. Dans l’Apennin méridional et en Sicile, ses limites supérieures sont de 960, et dans les Canaries, 800. L'olivier s'élève du 36° au 44° de latitude avec une température moyenne de 14°,50 à 49° centigrades. Il ne faut pas, pour qu'il réus- sisse, que la température hivernale soit moindre de+5°,5 centigrades. En altitude, il croit jusqu'à 850 mètres; cependant, sur le plateau du Mexique, on le trouve à 2,300 mètres. On le cultive au Pérou sous les 45° et 17° latitude, et au Chili, par le 33° de latitude, il s'élève jusqu’à 1,500 mètres. La canne à sucre exige une température moyenne de + 19° à 25°, et ses limites altitudinales sont 1,100 mètres ; cependant, au Mexique et dans la Colombie, on la cultive à 2,400 mètres, avec une tem- pérature de 13°,7. Le /hé, cultivé en Chine, au Japon, chez les Birmans, dans le royaume d'Ava, s'élève dans son pays natal jusqu'au 40°, avec des limites altitudinales de 2,500 à 3,500 mètres. Il croit plus haut dans la zone tempérée, où il a été cultivé avec succès sous le 47°. Le café, plante tropicale et subtropicale, ne croit pas au delà du 36° de latitude septentrionale. Le poivre est un végétal essentiellement tropical, et même inter- tropical. Le tabac croît depuis les tropiques jusque sous le 55° latitude nord, en changeant toutefois de qualité à mesure qu’il change de zone. Pour qu’il ait ses qualités natives, il lui faut une région dont la température moyenne soit de 15°. Le cotonnier, dont la patrie est la région tropicale, s'élève néan- moins jusqu’au #1°; et dans les Indes, ses limites altitudinales sont 1% à 1,500 mètres. Il exige une température moyenne de 15° à 17°. Le chanvre, qui parait originaire de la zone tropicale, s'élève néanmoins jusqu’au 50°; mais, comme toutes les plantes soumises par l’homme à la culture, son wÿre s'accroît de plus en plus. Le /in s'élève encore plus haut vers le Nord. On en fait un grand commerce en Courlande. DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 129 Avant de traiter la question des stations, qui terminera ce cha pitre, ilest bon d'examiner en peu de mots les influences des ter- rains sur les végétaux qu’ils nourrissent. La composition du sol agit surtout en modifiant ses propriétés physiques : elle le rend plus ou moins meuble ou compacte, par conséquent plus accessible aux in- fluences de l'air et de la lumière. Sa perméabilité dépend beaucoup de la constitution de la partie du sol sur laquelle repose la couche supérieure, et qu'on appelle le sows-s0/ ; elle empêche ou facilite l'écoulement des eaux, ce qui rend le terrain propre ou impropre à certaines cultures; et cependant, suivant la différence des climats, le même sol sera convenable ou nuisible à une même espèce végétale. C'est pourquoi le blé préfère les terres alumineuses dans les climats secs, parce qu'elles sont plus hygrométriques; et dans les climats humides, il préfère les terres siliceuses. Nous savons que, dans les terres s//zceuses, il croit spontanément de préférence des graminées, des potentilles, des sédum, des her- niaires, des tussilages ; dans les terres calcaires, des orchidées, des teucrium, des sesleria; dans les terres gypseuses, on trouve la pe- tite caryophyllée appelée gypsophile et un petit nombre de végé- taux caractéristiques. On sait que la variation de composition géolo- gique influe sur la flore naturelle des localités ; c'est pourquoi il est important de s’aider, dans ses excursions botaniques, d’une carte géologique locale ou à grande échelle; et les herborisateurs pari- siens se trouveront bien de consulter le beau travail de M. Charles d'Orbigny sur la géologie des environs de Paris. Si l’on s'applique à bien connaître les rapports du sol avec la végétation, on ne s'égarera plus dans ses recherches, et l’on connaîtra d’un seul coup d'œil la nature générale de la flore de la région qu'on visite. Si ces connais- sances sont nécessaires à celui qui fait de la botanique un délasse- ment, combien plus encore ne le sont-elles pas à l'agronome qui cherche à approprier ses cultures à la nature du sol. Un phénomène dont on ne peut se rendre compte, mais qui est constaté par un assez grand nombre de faits pour qu'il ne puisse être révoqué en doute, c'est celui auquel M. Thiébaut de Berneaud a donné le nom d'apparitions spontanées, et M. Dureau de la Malle celui d'alternance permanente. On sait qu'après l’incinération, ou mème seulement la destruction d'une forêt, il croît invariabiement des végélaux qui diffèrent suivant l'essence du bois détruit. Ainsi, Botan., T. I. 9 130 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. dans le duché de Nassau, on a vu le spartium scopartum couvrir le terrain qu'occupaient précédemment les bois qu’on a abattus, et dont les racines ont été brülées sur le sol. À la Guyane, quand on a abattu une forêt vierge, le sol se couvre de palmistes, de chou maripa, de bois puant (onagyris fœætida), et d'autres espèces qu'on ne rencontre que dans les grands bois. Après les coupes des hêtres sur le revers du mont Dore, les gro- seilliers apparaissent les premiers ; pendant trois à quatre ans, les framboisiers occupent le sol; les fraisiers, pendant deux années; la ronce bleue pendant huit à dix ans ; enfin, quand le hêtre couvre le sol de son ombrage, tout disparait. Dans les forêts d'arbres résineux, on trouve, après la disparition des pins, non pas des framboisiers, mais tout simplement des frai- siers et des ronces. D'après Franklin, les peupliers croissent à la place des pins détruits par le feu. Dans l'Amérique du Nord, le sol des forêts vierges se couvre, peu de temps après le déboisement, d’une espèce particulière de trèfle. Lorsque, par suite de circonstances locales, il s’est opéré dans le sol des modifications profondes, il est de toute évidence que les phé- nomènes végétaux qui s'y produisent présentent un caractère de nou- veaulé, d'étrangeté même, qu'il est impossible d'expliquer. Le pre- mier naturaliste qui développa cette idée.en s'appuyant, sans théorie, sur des faits nombreux, c’est M. Thiébaut de Berneaud!. Burdach, de 1. Comme aucun ouvrage de botanique ne traite cette importante question, nous em- pruntons à ce savant une partie des faits qu'il à réunis sur cette matière, en lui en laissant toute la responsabilité : « J1 n’est point rare de voir, dans les taillis exploités en coupes réglées de huit à douze, de vingt et trente ans, ainsi que dans les futaies de cent vingt ans, des végétaux herbacés ou ligneux succéder à d’autres de familles, de genres et d'espèces différentes. Le fait est consigné dans les archives des forêts depuis le douzième siècle de l'ère vulgaire, et les pièces qui le relatent, le font souvent remonter à des époques plus reculées ; mais personne n’en avait calculé la portée, relativement à la physiologie végétale, quand, l'ayant remarqué plusieurs fois, j'en fis le sujet d’une étude spéciale; il s’est étendu promptement et, sans aucun doute, il gagnerait bien davantage si chacun voulait y ajouter le fruit de ses recherches. « Dans l’année 1746, des pâtres préparant un feu pour passer la nuit au milieu de la forêt de Châteauneuf, aujourd’hui département de la Haute-Vienne, déterminèrent, sans le vouloir et sans pouvoir l'arrêter, un incendie qui détruisit, en peu d'heures, 10 hec- tares environ d’une superbe futaie de hêtres, Le propriétaire en exploita les débris et résolut d'abandonner à la nature toute cette partie, que l’on nomme encore en ce moment le Bois-Brülé, sachant bien cependant que l'essence dont elle était couverte donne très- rarement du recrû de souche. Bientôt le sol, quoique tout chargé de charbons, qu’on DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 131 son côté, a recueilli un grand nombre de matériaux qui compliquent encore la question. D'après Link, quand de l’eau salée vient à percer le sol et à s'épancher à sa surface, il ne tarde pas à y croître des retrouve encore pour peu qu'on fouille avec une pioche, offrit un tapis de mousses do- miné par des tiges de seneçons, d’airelles, de bruyères, de houx, de viornes et de bour- daines, rhamnus frangula, à travers lesquelles s’élevèrent, quelques années plus tard, une infnité de petits chênes, dont plusieurs attestent, aujourd'hui (1837), le luxe d’une puissante végétation. Jusqu'alors aucun arbre de ce genre n'avait été vu dans la forêt de Châteauneuf, et ce qui n’étonna pas moins, c’est que nulle espèce de chène n'existait dans les environs, à plusieurs myriamètres à la ronde. « En 1719, plus de 1,500 hectares de bois de Lumigny, de la forêt de Crécy et de quelques communes voisines, département de Seine-et-Marne, ayant été exploités, le hêtre y fut remplacé, sans le concours de l’homme, par des framboisiers, des fraisiers et des ronces; après quatre ou cinq ans pour les deux premières espèces, et huit à dix pour la troisième, ces humbles plantes cédèrent la place à des chènes que l'œil du maitre vit s'élever majestueusement et lui promettre des coupes d’un haut produit. Aux bois assis sur le territoire de Haute-Feuille, aux environs de Coulommiers, même départe- ment, c'est le tremble qui se substitue spontanément aux vieilles souches des chênes. On y rencontre aussi parfois des ajoncs, quelques faibles traces de saule marceau, et surtout une grande quantité d’aliziers et de pruniers épineux. « Les forêts qui couronnent les bords escarpés du Dessombre, dont les eaux mur- murantes se perdent dans le Doubs, sous les murs de Saint-Hippolyte, sont composées de hèêtres et s'étendent sur un espace assez considérable. Lorsqu'une coupe s’y pratique, l'emplacement dénudé se couvre d’une infinité de framboisiers qui fournissent, durant, trois et quatre années, une abondante récolte de fruits succulents, agréables à manger. Sans les détruire entièrement, des fraisiers leur succèdent, et après eux la ronce do- mine; enfin les pousses des grands arbres mettent un terme à cette succession de rosa- cées, et le nouveau bois se compose de chênes, de bouleaux et de châtaigniers, Ce phé- nomène qui m'a été attesté par les propriétaires du pays, je l'ai constaté sur des titres d'exploitation dans l’année 1819; je le retrouve au sein des forêts voisines du littoral de la Méditerranée ; la seule différence, c’est qu'ici ce sont les lentisques, les cistes, les arbousiers qui se montrent quand le chéne, le hêtre et l’orme ont été abattus. « Une tradition orale et des documents authentiques m'ont également appris, en 1823 lorsque je visitais plusieurs de nos départements de l'Ouest, que la grande forêt de Chambiers, près de Durtal, département de Maine-et-Loire, présenta jusqu’en 1800 des chênes magnifiques, dignes rivaux de ceux qui peuplent la superbe forêt de Baugé, non loin de là. Vingt-trois ans plus tard, il me fut impossible d’en rencontrer un seul indi- vidu, et je me suis assuré que l’on a vainement tenté d’en semer et d’en planter. Le temps était venu où l'arbre vénéré de nos aïeux les Gaulois et les Celtes devait être naturellement remplacé par les bruyères et les ajoncs, les genêts et les ronces, par quel- ques cormiers, des aliziers, des poiriers sauvages et des houx aux nombreux rameaux chargés de feuilles ondulées et piquantes. Le hêtre a refusé de croître près d'eux ; le genévrier a été moins rebelle; et, d’après celte indication, l’on a eu recours aux arbres verts, qui y prospèrent merveilleusement aujourd’hui, Dans deux ou trois siècles, le châtaigunier et le bouleau remplaceront les arbres verts, ou bien le chêne renaitra plus nombreux et tout brillant de jeunesse. « Généralement, aussitôt après les coupes blanches des forêts de hêtres assises sur le Jura, surtout au revers du mont Dore, l’un des points culminants de cette chaine de 132 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. végétaux qui ont pour station habituelle le bord de la mer. Il en est de même des terres imprégnées de principes salins : un terrain en- levé à la mer pour la construction de digues, et qui élait sous les montagnes, les groseilliers paraissent les premiers et donnent une baie aussi bonne et tout aussi belle que celle des groseilliers cultivés dans les jardins; mais la croissance de ces petits sous-arbrisseaux non épineux n'est que locale, et limitée à quelques can- tons seulement, et particulière à ceux dont le sol est frais sans être humide, et consis- tant sans être argileux. Les framboisiers viennent ailleurs s'emparer partout de la place pendant trois ou quatre ans, puis les fraisiers pendant deux années, ensuite la ronce bleue pour huit ou à dix ans; enfin, un demi-siècle écoulé, l'essence du hêtre et du chêne ne tarde pas à reconquérir le terrain pour le conserver sans partage durant trois ou quatre cents ans. « Si nous entrons dans les forêts de pins et de sapins, ce ne sont plus des framboi- siers qui se montrent, mais seulement quelques fraisiers et beaucoup de ronces, comme on l'observa, en 1820, sur plusieurs points fort éloignés les uns des autres, principale- ment à Malbuisson, près de Pontarlier; puis naissent des sorbiers, des bouleaux, des tilleuls, des peupliers, et à leurs pieds, des obiers et des framboisiers, ainsi que Pallas le remarqua dans la Crimée, de Buch dans l’ancienne et héroïque Scandinavie, Mac- kenzie dans les régions élevées de l'Amérique du Nord. « A trois sortes de coupes sont constamment soumises, dans le même triage, les forêts de Belesme, de Réno, de Perseigne, situées près de Mortagne et d'Alençon, département de l'Orne. La première coupe a lieu sur taillis de vingt ans, essence de chênes et de hêtres mêlés de quelques châtaigniers, ormes et frênes; trente ans après, on fait, sur les mêmes souches, une seconde coupe qui prend le nom de faillis sous-futaie; la troi- sième, après un siècle de végétation, et toujours sous l'ancienne souche, est dite Coupe de haute futaie; alors ces souches épuisées pourrissent, laissent à découvert le sol qui s'imprègne des rayons solaires, des nouveaux gaz que lui apporte l'air ambiant, et l’on ne tarde pas à voir, à la place des chênes ruinés, s'élever, sans semis, sans plantation et même sans voisinage immédiat, d’abord des genêts, des airelles et des bruyères, puis, à peu près partout, des tiges de bouleaux et de charmes; aux lieux marécageux, des aunes, et là où le sol est doux et argileux, quelques trembles et d’autres peupliers, Quand ces arbres ont, à leur tour, fourni trois coupes successives de vingt ans chacune, les chènes, les hêtres, les ormes, les frènes, reparaissent pour ombrager la terre durant un siècle et demi, abriter sous leurs dûmes de verdure des houx et des nerpruns, et disparaitre ensuite totalement. « Entrons en Helvétie, où l'antique forêt de Sauvabelain, sise au canton de Vaud, va nous offrir, sur plusieurs points, le phénomène qui nous occupe, sans cette transition générale et jusqu'ici paraissant indispensable lorsque l'essence du bois passe des hêtres aux chênes. Ce point de vue n'est pas sans intérêt pour le physiologiste. L’essence dominante depuis trois siècles est en chênes; mais aujourd’hui les arbres ont atteint l’âge de retour; ils se couronnent; la foudre les a tant de fois sillonnés dans tous les sens, qu'ils donnent sur tous les points les signes non équivoques d'une extrême cadu- cité, j'allais presque dire d’une agonie imminente; les glands eux-mêmes qui, de temps à autre, tombent au pied de leurs troncs d'une grosseur remarquable, sont tellement déshérités de tout principe vital, qu'ils jonchent inutilement le sol, et que le sanglier fouille auprès sans être tenté d'en enlever quelques uns. Les hêtres, au contraire, se montrent partout en heureux vainqueurs : les uns naissent, les autres sont déjà parvenus à un brillant degré de force, et cela dans les parties de la forêt où, depuis trois cents ans, DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE, 133 eaux depuis un temps immémorial, produisit le sa/icornia herbacea, dans les endroits les plus imprégnés de sel, l'arenaria marina, et le poa maritèma dans le sable pur. Viborg a vu, en Danemark, après le l’on n'avait vu aucune pousse de cette espèce, et où, depuis la nouvelle période du phé- nomène, aucun hêtre n'avait atteint l’âge de la reproduction. « Sur les bords de l’Oder, au nord de l'Amérique, nous trouvons un autre fait : des portions de marais ayant été mises en culture dans l’année 1796 ont été spontanément et sur tous les points envahies par une prodigieuse quantité de pieds de moutarde blanche, sinapis alba, qui n'était point cultivée dans le pays, et dont les graines nom- breuses les multiplièrent encore davantage l'année suivante. Cette apparition extraor- dinaire rappelle celle d’un sisymbre à feuilles lancéolées, sisymbrium strictissmum, jusqu'alors étranger au sol de toute l'Angleterre, que l’on vit paraitre, végéter abon- damment, fleurir et fructifier sur les débris, pour ainsi dire, encore fumants, des édi- fices consumés, en 1666, par l'incendie qui dévora la majeure partie de la cité de Londres. « Voyons maintenant ce qui se passe dans les régions équinoxiales du continent amé- ricain, quand on détruit par le fer et par le feu ces forêts vierges, où les troncs d’arbres de toutes les sortes, tellement élevés que le plomb du chasseur peut à peine atteindre les aras et autres grands oiseaux qui y nichent et en habitent les cimes toujours vertes, s'unissent aux rhizomes gigantesques de fougères élégantes et très-variées dans leurs formes ; où les souples lianes s’élancent d'une branche à l’autre, s’entrelacent, décrivent des courbes bizarres à côté de palmiers, montant en colonnes hardies à des hauteurs prodigieuses, et d'orchidées aussi remarquables par leur taille que par la singularité et les larges étoiles de leurs fleurs ; où toutes les nuances, tous les contrastes sont accu- mulés ; où l’on trouve des serpents très-dangereux, des jaguars aussi féroces qu’habiles à franchir toutes les difficaltés, des vampires avides de sang, des animaux paisibles, des singes aux hurlements affreux, des eaux courantes, des savanes profondes, des rochers nus et de charmantes retraites; quand, dis-je, on détruit ces forêts magnifiques et épouvantables, le terrain se couvre immédiatement d'arbres et de plantes dont les con- génères n'existent nulle part autour d'elles. Au sein des bois revenus appelés niamans dans la Guyane, croissent en énorme quantité deux espèces de palmistes, l'aouara et le maripa des Caraïbes, le bois-puant, l’acassois, le bois d’artie, etc., qu'on ne rencontre jamais dans les grands bois. Au Brésil, après les arbres d’une nature tout à fait étran- gère aux forêts vierges, succède une belle fougère arborescente appartenant au genre pteris, et en troisième lieu, une graminée visqueuse, que les habitants appellent capün gordura, ou herbe de graisse, qui repousse tous les autres végétaux et étouffe leurs jets les plus vigoureux. Cette plante envahissante une fois épuisée, les baccharis paraissent, forment de charmants bosquets toujours verts ; des arbres plus élevés surgissent ensuite et préludent au retour des grands bois. Il en est de même aux îles Baléares, principa- lement dans celle de Majorque. Une forêt de chênes ou de pins est-elle incendiée, le carreigt ou l’Arundo donax de Linné s'empare du territoire, s’étend le plus loin pos- sible, s'assied partout avec force ; mais le temps de l’usurpation passe ; alors les cistes, les pistachiers, les camélées et autres arbustes prennent la place, pour la céder plus tard aux chênes et aux pins, qui cherchent à reconquérir leur sol primitif. Aux Cana- ries, au contraire, ce sont les ronces et certaines fougères, surtout l’aquiline, pteris aquilina, qui viennent envahir la place des grands arbres tombés sous la cognée ou dé- vorés par le feu; des millepertuis, des cinéraires se mélent ensuite à elles, puis les bruvères arrivent, et après elles les lauriers, les fayas, myrica faya, les ardisiers, les 134 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. desséchement d'un étang qui n'avait pas été vidé depuis plus de cin- quante ans, croître le carex cyperoïdes, qui n'appartient pas à la flore du pays. En 1796, on mit en culture, sur les bords de l'Oder, cer- myrsines, les arbousiers, les chênes verts, qui précèdent l'olivier des montagnes, olea eæcelsa, les pins et les habitants des anciens bois. « Arrêtons-nous à ces faits bien établis, et demandons-nous comment il est possible d'expliquer la loi qui préside à cette variation singulière. Pour nous en rendre compte, aurons-nous recours au phénomène de la dissémination, dont le but est d'offrir aux semences une matrice propre pour s'y établir, y végéter librement et prendre tout le développement assigné à l'espèce? Mais les pays voisins ne présentaient point les types générateurs, ou bien ils y étaient absolument étrangers, ou seulement mentionnés dans des titres très-anciens, comme ayant existé autrefois; mais la stabilité dans la succes- sion de deux, trois, quatre et six genres au plus absolument différents, ainsi que la constance des produits que l’on voit partout à peu près les mêmes, et leur apparition à des époques fixes, ou du moins dans des circonstances égales, rendent ici tout à fait inapplicables les lois ordinaires de la dissémination. « Dira-t-on que les plantes nouvelles étaient des rejetons, des boutures, des frag- ments de racines, de rhizomes, de trainées demeurés dans un état d'inertie complète, pendant que la surface du sol était occupée par d’autres végétaux activement sollicités sous l'influence directe, habituelle, des rayons solaires, des variations atmosphériques, des gaz homogènes qui les enveloppaient? Mais pourquoi ces rejetons, ces boutures, que je veux bien admettre pour le moment réduits aux molécules les plus ténues, con- servant chacune, religieusement, toutes les parties de la plante mère, n'ont-ils pas donné signe de vitalité, lorsque, tous les dix ans, tous les trente ans, tous les cent ans, suivant les localités et la nature de l'essence, on faisait de temps immémorial une coupe réglée, et même ce qu'on appelle, en termes d'administration forestière, une coupe à blanc éloc, ou à blanc-élre, c'est-à-dire que l'on abattait tout sans distinction, sans laisser ni baliveaux, ni taillis, ni aucune sorte d'arbres? Comment dans les forêts in- cendiées exprès ou par accident, ces mêmes semences ou rejetons ont-ils pu résister à la puissance des flammes qui, après avoir dévoré les arbres de toutes les grosseurs, couvrirent le sol de charbons ardents, brülèrent non-seulement les dépouilles végétales, mais jusqu'à la terre, souvent à plusieurs mètres de profondeur? « Oserait-on nous assurer que les semences qui devaient remplacer les végétaux tombés de vieillesse ou détruits par le feu se trouvaient, pour ainsi dire, scellées dans les fissures des roches ou sous tout autre abri quelconque, et que là, protégées par des circonstances particulières, elles ont pu, longtemps engourdies, attendre que l'heure d'une évolution favorable fût sonnée? Cette propriété bénévolement accordée aux se- mences me semble très-exagérée, puisqu'elle embrasse, ici, une série plus ou moins longue d'années, là, jusqu’à quatre siècles, et partout elle exige une combinaison de phénomènes opposés les uns aux autres. Elle peut bien, cette propriété, me fournir une preuve nouvelle des immenses ressources de la nature, sans pour cela satisfaire aux lois connues du raisonnement. Je conçois qu'un taillis, acquérant de la force et de l'élé- vation, fasse périr presque subitement les plantes qui demandent une grande lumière, un certain degré de chaleur, une ventilation large et perpétuelle, comme les groseil- liers, les framboisiers, les fraisiers, les ronces et les fougères que nous avons vus jouer un rôle intermédiaire dans le cas important que nous examinons ; je veux même encore que certaines semences privilégiées, enlevées sur l'aile des vents ou des oiseaux, roulées par les insectes ou transportées par les animaux qui les ont reçues sur leurs robes DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 135 taines portions de marais, et, l'année suivante, le sol se couvrit de sinapis arvensis. West apparu dans plusieurs circonstances, après des incendies considérables, des végétaux phanérogames n’existant pas dans le pays; tel est, d'après Morison, cité par Tréviranus dans sa Biologie, l'erysimum latifolium (M. Thiébaut de Berneaud dit que c'est le ssymbrium strictissimunn), sur les ruines d'une grande partie de Londres incendiée en 1666. Froriep cite, dans des circonstances semblables, l'erysinaun angustifolium en Norwége, le btum capi- tatum à Kænigsberg, le senecio véscosus à Copenhague. En 1839, une tranchée de 5 à 7 mètres de profondeur ayant été ouverte pour la construction du chemin de fer de Birkenhead à Chester, toutes les berges se couvrirent de sinapis arvensis. La terre, prise à une grande profondeur, se couvre de végétaux comme si elle était saturée de velues ou soyeuses, se réfugient dans les interstices de la couche végétale produite par le détritus annuel et successif des feuilles, des jeunes pousses, des débris de plantes et autres, qu'elles s’y tiennent cachées jusqu'à ce que le degré de chaleur versée sur elles par le soleil, l’action de l'humidité fournie par la terre, impriment le mouvement néces- saire aux germes qu'elles recèlent, et que, favorisés par les gaz circulant autour d'eux, ceux ci atteignent tout le développement qui leur est promis; mais je demanderai que l'on me prouve qu'il en est de même pour le gland, pour la faîne, pour les noix osseuses et monospermes des pins, recherchés avec une sorte de fureur par les sangliers, les rats, les perroquets, les pourceaux, les cerfs, les écureuils, la loxie au bec croisé, les perroquets et plusieurs autres espèces d'oiseaux. D'une part, l'expérience nous à fait voir que des semences de diverses familles, enfermées en un lieu parfaitement sec, peuvent conserver et conservent, en effet, longtemps leur propriété germinative; mais celles confiées à la terre ne s’y trouvent-elles pas sans cesse sollicitées à germer, ou bien, si l'humidité est trop grande, à pourrir en peu de mois? De l’autre part, la mulli- plicité des ronces, leurs racines traçantes et nombreuses, la force végétative qui caracté- rise toutes les parties de ces plantes, ainsi que la rapidité avec laquelle elles augmentent le nombre de leurs tiges, et l'étendue considérable de terrain qu’elles envahissent, sont autant de causes pressantes pour prévenir le développement de tous les germes qui tenteraient de se montrer auprès d'elles. C’est encore pis avec la ptéride : son rhizome produit, à la surface de la terre, beaucoup d’articulations très-vivaces qui fournissent chacune des jeis multipliant à l'infini, principalement quand elles se trouvent sur un sol mis en culture. Il en sort aussi des racines se dirigeant dans tous les sens et s'en- fonçant très-profondément; j'en ai vu qui s’'étendaient à plus de 6 mètres, d'autres jusqu'à 40, et offraient généralement près de 54 millimètres de circonférence, ce qui les rend extrémement nuisibles à toute autre végétation. « Sans aucun doute, il est des limites que l'intelligence humaine ne peut franchir ; disons mieux, l’état actuel des connaissances acquises ne nous autorise pas encore à considérer un fait sous toutes ses faces, afin de le tourner ou de l’obliger à se décom- poser devant nous: mais rien ne nous permet, pas même l'obscurité du phénomène qui nous occupe, de contester à la nature la faculté de créer, de changer ses formes, de varier sans cesse ses productions, de leur imposer une ou plusieurs exceptions à ses lois éternelles. » 136 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. germes. C'est ainsi que Henckel, ayant mis dans un pot de la terre prise au printemps, à 0",65 de profondeur, et l'ayant placée au faite de sa maison, y vit croître des graminées et des orties. Une étude plus modeste et non moins utile est celle des s/atrons. Quoique les flores locales dépendent des influences du milieu, l'on ne s’y attache pas assez. Nous avons vu, par ce qui précède, que, partout où l'homme porte ses pas, il trouve la terre ornée de ver- dure; qu'il aille du pôle à l'équateur, qu'il quitte les plaines pour gravir la cime des monts, qu'il suive le cours des fleuves ou des ruisseaux, s'engage dans les marais, s'arrête sur le bord des fontaines limpides ou des fossés remplis d'une vase pestilentielle, il verra que la vie végétale est universelle, et que le manteau qui couvre la ré- gion dite des neiges éternelles n’a pas échappé à l'empire du monde animé, puisqu'on y trouve encore le protococcus. Les rochers les plus durs, les monuments antiques exposés au soleil brûlant de l'Égypte, les déserts dont la fraicheur si rare des nuits tempère à peine l'ari- dité, les profondeurs même de la terre, celles des eaux, ne sont pas dépourvus de toute participation à la vie générale. Si la flore de ces localités est restreinte, elle n’en exisie pas moins, et sous des formes neuves, parce qu'elle est appropriée au milieu. Ce que la nature n’a pas fait pour la série phanérogamique, elle l’a fait pour le monde cryplogamique, ce monde des infiniment petits qui s'attache aux granites les plus durs. Il ne faut pas méconnaitre que, la nature plaçant toujours les êtres dans le milieu propre à leurs conditions d'existence, c’est dans leur patrie, dans leur station surtout, qu'il convient d'étudier les plantes, et ne pas les juger au dehors; car elles ont perdu leurs caractères natifs. Les végétaux des terres gla- cées acquièrent sous notre climat des formes extraordinaires qui les rendent méconnaissables ; les espèces tropicales s'atrophient, et même les plantes de nos champs, celles de nos bois, prennent dans nos jar- dins un aspect si nouveau, qu’elles ont cessé d’avoir le caractère qui leur est propre. Voici les stations pour les végétaux d'Europe; comme elles com- prennent toutes les localités dans leur plus grande variété, on pourra s’en servir comme d’un guide certain pour les autres parties de la terre : Plantes des montagnes, //antæ montanæw.— Ce sont celles qui DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 137 croissent sur les hautes collines ou les derniers contre-forts des grandes chaînes qui ne sont qu'accidentellement sous la neige. On a réservé le nom de p/. collinæ pour celles qui croissent dans les lieux élevés, tels que collines ou coteaux. Plantes des Alpes ou alpestres, P/. alpestres. — Les plantes de cette station habitent sur les plus hautes montagnes ; mais, dans leurs parties moyennes, elles sont en général de stature très-médiocre. Plantes alpines, des glaciers, nivéales, P/. #ivales, alpine, glacrales. — Ces végétaux, en très-petit nombre, croissent seule- ment sur les points où la végétation a perdu sa puissance; et, à l'ex- ception de quelques lichens qui montent plus haut encore, elles forment les limites extrêmes de la végétation et sont voisines des neiges éternelles : ce sont les potentilla nivea et frigida, rarumculus et draba nivalis, artemisia et gentiana glacialis, silene acaulis, diapen- a helvetica. Plantes des rochers, //. rupestres. — Quoique paraissant ren- trer dans la catégorie des plantes qui croissent au milieu des pierres, celles-ci ont un caractère particulier, el appartiennent souvent à des genres dont les tiges et les feuilles sont succulentes, bien que beau- coup d'autres ne soient pas dans le même cas. On appelle rupestres et rupicolæ les plantes qui croissent sur les rochers nus et élevés, et saraliles, saxosæw, saricolæ, celles qui sont établies sur des rochers presque nus. Plantes des bois, des forêts, sylvatiques, //. nemorosæ, syl- vaticæ. — Les plantes qui croissent à l'ombre des grands arbres sont, en général, printanières, et elles apparaissent le plus souvent avant que les feuilles ne soient développées; car ce qu'elles recherchent surtout, ce n'est pas la protection de leur ombrage, c’est la fraicheur entretenue à leur pied par la richesse du sol qui doit sa fertilité con- tinue aux détritus abondants qui se renouvellent chaque année. Plantes des haies, //. seprum. — Xl est un certain nombre de végétaux qui, refoulés par les envahissements de la culture, se sont retirés à l'ombre des haïes; tels sont les 4ryonra, convoloulus sepiun, solanum dulcamara. Plantes champêtres, P/. campestres. — Les végétaux qui crois- sent dans ces localités sont ceux qui s'accommodent des champs arides et incultes, où ils ne frouvent en général qu’une nourriture peu abondante. 138 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Plantes des sables, P/. arenosæ, arenarie, sabulosæ, ammo- dytes. — Cette station comprend tous les végétaux qui croissent dans les sables éloignés des eaux. Malgré l’aridité apparente des sables, ils renferment encore une humidité assez abondante pour nourrir un grand nombre de végétaux. Plantes des prés, des prairies, //. pralenses. — On trouve dans cette station la plus grande variété de végétaux appartenant sur- tout aux familles des graminées, composées, légumineuses, ombelli- fères, labiées, et des rumer, des rhinanthus. Beaucoup de végétaux dont les prés sont la station propre en portent le nom comme spéei- fique, tels sont les #1/olum pratense, phleum pratense, salvia pra- tensis. On à distingué les plantes des pâturages, P/. pascuorum, de celles des prés, parce que les pâturages, ou pacages, sont des lieux secs et herbeux où la faux ne passe pas, et l’on ne peut ni pour l'une, ni pour l'autre de ces deux stations, admettre des caractères tranchés; ces dernières participant pour la nature à celle des lisières et des hauts prés, il en résulte que cette distinction est inutile. Plantes des lisières, P/. versuræ. — On a établi une station particulière pour les végétaux qui affectionnent surtout les bandes de terre incultes, mais herbues, qui bordent les champs et les bois. Plantes des moissons, P/. segelules. — Les végétaux qui crois- sent dans les moissons ont un caractère souvent assez particulier pour qu'on ne puisse les confondre avec celles des champs cultivés. Ce sont, en général, les centaurea cyanus, adonis æstivalis, qithago segetum, chrysanthemum segetum, alsine segetum, delphinium con- soliaa. Plantes des champs cultivés, P/. agrorum, arvenses. — Ce sont celles qui viennent se mêler à nos cultures, malgré les soins que nous prenons de les en faire disparaitre par le sarclage. Elles ont un caractère particulier, quoique beaucoup d'entre elles rentrent dans la classe précédente. Plantes des guérets ou des jachères, /?/. arvorum. — Quoi- que peu différentes en général de celles qui croissent dans les champs et les moissons, dont les guérets au reste ne sont que la continuation, on y trouve comme espèces dominantes les #hlaspi arvense, iberis amara, myosotis scorproides. Plantes des toits, P/. lectorum. — Les plantes désignées sous DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 139 ce nom sont celles qui eroissent sur les loits de chaume, telles que les sempervioum et le bromus tectorum. Plantes des décombres, P/. ruderales. — On appelle ainsi les plantes qui viennent dans les déblais, le long des murs et dans les lieux inculles voisins des lieux habités; elles sont peu nombreuses, mais caractéristiques et appartiennent aux genres #27arrubium, lappa, datura. Plantes des murailles, ?/. »uwrules. — On les trouve le long des murs, dans leurs fissures, comme la pariétaire, ou sur leur som- met, comme certains draba, saxifraga. Plantes des pierres, des lieux pierreux, //. saratiles, lapi- dosæ, petrosæ. — Les plantes qui eroissent dans les fentes des murs v trouvent encore, dans les débris du plâtre ou de la terre qui a servi à en unir les pierres, une nourriture qui leur permet de vivre; mais celles qui viennent dans les pierres, les véritables saxatiles, trouvent encore moins de nourriture. Plantes des prairies humides, P/. wliqinose, uliginarie. — La station désignée sous ce nom est humide sans être inondée; elle tient à la fois de la nature des marais et de celle des prés maréca- geux. Les végétaux qui y croissent spontanément sont impropres à faire du fourrage ; ils ne peuvent servir qu'à chauffer le four ou à faire de la litière. Ce sont surtout des carer, scirpus, eriophorum, et quelques orclus. Plantes des lieux inondés, ?/. #nundatorum. — Ce n’est, à proprement parler, qu'une station accidentelle, car les lieux où croissent ces végétaux sont souvent Inondés pendant l'hiver; et dans les années chaudes et sèches, ils sont entièrement dépourvus d'hu- midité, de sorte qu'il y croit aussi bien des végétaux des marais que de ceux des terres humides. Les végétaux caractéristiques sont les juncus squarrosus, hypericum elodes, lycopodium inundatum. Plantes des marais ou marécageuses, ?/. paludosæ. — Ce qui caractérise les marais, c'est de n'être secs en aucun temps de l'année et constamment inondés et fangeux. On a réservé le nom de marécageuses (palustres) pour les plantes qui habitent les endroits aquatiques : les plantes des tourbières, P/. {urfosæ, rentrent dans cette station. On y trouve comme plantes spéciales les sonchus palustris, cirstum palustre, alisma ranunculoides, equisetum palustre. Plantes maritimes, littorales, ?/. maritime, littorales. — On 140 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. a donné le nom de plantæ saline, salsæ, salsuginose, où des marais salants, à celles qui croissent dans les terrains salés ou saumâtres du voisinage de la mer. La végétation du littoral à un caractère qui lui est propre, et l'on y trouve des végétaux caractéristiques, tels que l'eryngium maritimum, le crithmum maritimam, Vinula crithmordea, l'arenaria maritima, Ve crambe maritima, Ve cochlearia danica, es salicornia fruticosa et herbacea, Vaster tripolium, l'orseille, V'ephe- dra, ete. On a établi des distinctions subtiles peut-être, mais qui ont leur utilité, pour désigner les végétaux qui croissent dans les eaux; ce sont les plantes aquatiques (aquaticæ), qui croissent dans l'eau ou dans son voisinage, et aguatiles (aquatiles); celles qui sont plongées dans les eaux. Plantes des étangs, P/. lacustres, stagnales.— Ce sont les chara, qui vivent au fond des eaux ; les callitriche et les lemme, qui flottent à leur surface, et toutes les plantes qui croissent dans les endroits dont le fond est vaseux et qui sont toujours inondés. Tels sont les 7- nunculus linqua, sium inundatum, phellandrium aqguaticum, cerato- phyllum demersum, typha. Plantes des rivages, P/. riparie. — Les végétaux caractéristi- ques de cette station sont les #wfomus umbellatus, sparganium erec- tum, scirpus maritimus, iris pseudo-acorus, cyperus lonqus. On a dé- signé sous le nom de 7#vulares celles qui viennent plus immédiate- ment dans l’eau : tels sont les 4//sina et le sparganium natans. Plantes fluviales, P/. fluviales ou fluviatiles. — Celles-ci crois- sent directement dans l’eau des rivières et des ruisseaux; ce sont les nuphar, les nymphæa alba, Va vallisneria, les villarsia, es potamoge- tons, les naras, les myriophyllum. Plantes des fontaines ou fontinales, /?/. fontinales, fonto- ne. — Ce sont les végétaux qui habitent les eaux des fontaines et les petits ruisseaux qui en découlent. Plantes marines, P/. marinæ.—Les plantes marines sont celles qui croissent dans les eaux de la mer. Plantes épiphytes et parasites, ?/, epphytæ et parasihiceæ. — On à fait une station particulière pour les végétaux qui croissent aux dépens d’autres espèces, et qui ne réussissent que sur la plante qu'ils ont adoptée et à laquelle leur vie est étroitement liée. Ce sont là les vrais parasites qui naissent sur des végétaux vivants, tirent leur nour- DISTRIBUTION DES VÉGÉTAUX SUR LE GLOBE. 141 riture de la plante même, et vivent à ses dépens : tels sont les o70oban- ches, le qui, Va cuscute. West d’autres plantes qui croissent sur des végétaux, mais sans rien leur emprunter pour leur développement : les orchidées et les broméliacées sont dans ce cas; on les désigne sous les noms de plantes éprphytes, où de fausses parasites. De Candolle divise les végétaux parasites en deux classes : les parasites phanérogames et les parasites cryptogames. Les parasites phanérogames sont subdivisées en {rois groupes : 4° les parasites chlorophylles où feuillées, appartenant à la famille des Lorantha- cées, et dont nous avons chez nous le qu? pour type; elles vivent réellement sur le tronc des arbres dicotylédones, et aux dépens de leur substance ; 2° les parasites radicicoles, dépourvues de feuilles, vivant sur les racines des autres végétaux et dépourvues de suçoirs latéraux, telles que les orobanches, les lathræa, les monotropa, les cytinus, cynomortum et rafflesia ; 3° les parasites caulicoles, qui vivent sur les tiges des autres végétaux, comme les cwscutes. Les parasites cryptogames forment trois groupes : les swperficielles, les 2ntestinales, où biogènes, et les parasites nécrogènes : 1° parasites superficielles : telles sont les érysiphes qui croissent sur les noise- tiers, les saules, les bouleaux, les peupliers, et même sur les végétaux herbacés ; les erineum, qui se développent sur les feuilles de la vigne et de divers arbres, ressemblent à des touffes de poils, et les r41z0- ctonia, dont une espèce fait périr le safran et l’autre la luzerne ; 2° pa- rasites intestinales où biogènes : ces sont les wredo, les æcidium, les puccinies, ele, qui se développent dans les tissus sous-jacents des feuilles et des tiges d’un nombre considérable de plantes ou dans les ovaires des céréales comme l’ergot, le charbon, Va carie, ete. ; 3° les parasites nécrogènes, appartenant aux hypoxylées, et qui s’établissent sur les végétaux morts ou mourants. Les fausses parasites sont les mousses, les lichens, les champignons, qui vivent sur les écorces et sur certaines algues. Il donne impropre- ment ce nom aux végétaux volubiles qui entourent les arbres de leurs rameaux flexibles ou s’y fixent avec des crampons. CHAPITRE III SYMÉTRIE ASCENDANTE DANS LE RÈGNE VÉGÉTAL. COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. Comment se produisent dans leur innombrable variété les végé- taux des ordres inférieurs ? D'où partent et où vont ces myriades de corpuscules qui, poussés par une force inconnue, semblent attendre pour se développer qu'ils aient trouvé un milieu propre à leurs con- ditions particulières d'existence? C’est ce que nul ne sait ; et dans son besoin de trouver une explication à toutes choses, l'homme, cher- chant à soulever le voile qui cache ces mystères, enfante des théories qui aboutissent, après de longs débats, à une même incertitude. Ex- posons ces diverses hypothèses, qu'on à poussées au delà, sans doute, des limites assignées par la raison à toute généralisation. Harvey, le premier parmi les modernes, à dit formellement que les animaux et les végétaux naissent lous «soit spontanément, soit d'au- tres êtres organisés, soit en eux, soit de parties d'entre eux, soit par la putréfaction de leurs exeréments ; qu'il est général qu'ils tirent leur origine d’un principe vivant, de telle sorte que tout ce qui a vie ait un élément générateur, d'où il tire son origine ou qui l'engendre. » Tréviranus dit que «la matière organisée, dépourvue de forme par elle-même, mais apte néanmoins à prendre celle de la vie, conserve une forme déterminée sous l'influence des causes extérieures, n'y persiste qu'en tant que ces causes continuent d'agir, et qu'elle en prend d’autres dès que de nouvelles causes influent sur elle. » «Les êtres organisés, dit Tiedemann, sont produits par leurs sem- blables, ou doivent naissance à la matière des corps organisés en état de décomposition... La puissance plastique de la matière ne s'éteint pas après la mort; elle conserve la faculté de revêtir une nouvelle forme et de se montrer apte à jouir de la vie. La mort ne porte donc que sur les individus organiques, tandis que les matières organiques entrant dans la composition de ces êtres continuent à pouvoir prendre forme et recevoir vie. » Telle est la théorie des savants qui croient que la matière orga- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 143 nisée est apte à entrer, après la destruction de sa forme définie, dans des combinaisons nouvelles. Spallanzani pensait que ces êtres nouveaux tirent leur première origine de principes qu'il appelle corpuscules préorganisés. Le savant Cuvier croyait à la préexistence du radical de l'être qui existe avant la série des évolutions ; mais il avoue que la reproduction des êtres est un problème à jamais incompréhensible pour notre esprit. Quant au célèbre Bonnet, il croyait fermement que les germes sont emboités les uns dans les autres indéfiniment, et il ne fait sur ce point aucune concession. On croit aujourd'hui à la diffusion, à travers l'espace, de myriades de corpuscules ou de germes, qui attendent pour naitre à la vie qu'ils se trouvent dans des conditions favorables. Sans préjuger sur cette grave question, on peut admettre que chaque organisme a sa loi, et que ses variations gravitent entre certaines limites, sans qu'il y ait pour cela cependant fixité éternelle; bien loin de là, certaines formes ne se produisent qu'après que d’autres ont disparu, et ces mélamor- phoses s'effectuent par la puissance de la loi d'évolution, inexplicable en principe, mais démontrée par les faits. Exposons donc succinctement la série des faits propres à jeter du jour sur cette question. Il faut reconnaitre que les lois qui président à la vie des êtres primordiaux ne sont pas absolument les mêmes que chez ceux d’un ordre plus élevé, qui ont besoin pour soutenir leur existence d'appareils assimilateurs compliqués, et chez lesquels la vie est un mouvement continu sans qu'il y ait possibilité de la sus- pendre, ne fût-ce qu'un seul instant. Nous voyons, au contraire, les nostocs, quelques jungermannes, subir une dessiccalion complète et prolongée, et revenir à la vie par la plus simple humectation. Chez les animaux, tels que les tardigrades, cet exemple est vulgaire. Il faut done qu'il y ait en eux une puissance vitale qui résiste bien énergiquement à la destruction, pour que les causes qui entrainent le plus communément l'extinction de la vie, chez les autres êtres, n'aient aucune influence sur eux. Ce qu’on a itéralivement constaté, c’est l’état d’indifférence dans lequel se trouve la matière organique à son point de départ; elle flotte entre l'animal et le végétal. On ne sait, en effet, auquel des deux règnes rapporter certains êtres inférieurs ; car l'on voit les con- ferves se former de globules libres, doués d’un mouvement spontané. 1/44 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Le travail de M. Unger sur le moment de l'animalisation des zygnema confirme cet état d'incertitude entre les deux formes. Il est cepen- dant un fait : c'est que, dans les liquides destinés à l'étude des mi- croscopiques, les générations animales ne sont pas contemporaines des apparitions végétales, et celles-ci ne commencent à se produire que quand tous les animaux ont disparu, ce qui semblerait établir un antagonisme réel entre les deux règnes. Ce serait donc à la des- truction des éléments organiques animaux que les organismes végé- laux devraient naissance? C’est ce qu'on est obligé d'admettre, du moment que l’on a reconnu l'absence de contemporanéité entre eux. Nous voyons la #atière verte de Priestley se développer dans les liquides exposés à l'influence de la lumière, mème en l'absence de l'air. Les conferves apparaissent dans toutes les circonstances où des liquides réunis en masse sont soumis à l’action des milieux ambiants ; elles naissent même dans des solutions alcalines. Retzius vit s'en dé- velopper au sein d’une solution de chlorure de baryum dans de l'eau distillée, abandonnée pendant six mois dans un flacon bouché à l'émeri. Il se forme, au bout d'un temps très-court, des filaments confervoides dans l’eau de Sedlitz artificielle ; les matières organiques amorphes, appelées barégine, et qui se trouvent dans les eaux sulfu- rées thermales, se déposent par le refroidissement des eaux, mais il faut y distinguer les matières organisées spéciales que M. Fontan, de Luchon, a désignée sous le nom de sw/furaire pour lese aux sulfurées et qui ont reçu d'autres noms à Neris, à Plombières, à Vichy, etc., mais qui sont toujours des algues oscillariées et des substances orga- niques amorphes, nommées sw//urose, hydrose, ele., qui, par leur composition, se rapprochent un peu des albuminoïdes. Le nostoc, qui se développe sur la terre comme une gelée animale ; le protococcus, qui végète sur la neige qui couvre la cime des monts, au point où la vie organique semble avoir cessé; les conferves et les batrachospermes, qui naissent sur certaines espèces de poissons et de mollusques, prouvent beaucoup en faveur de la génération primi- tive, qui s'applique aux datomacées, véritables animaux-plantes, aux fucacées et aux lichens, toujours avec cette réserve, que chaque groupe présente des formes simples, se composant de plus en plus, et termi- nant la série par l'être le plus complexe, qui jouit de la propriété de se reproduire par gemmation ou par fissiparité, et les plus élevés par des spores (Voir PI. 14, 45, 16 et 17). COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 145 Les eaux présentent d’abord les organisations primitives propres aux eaux douces, et plus rarement aux eaux salées, telles que des charas, des ulves, ete. : ce sont les pygmées de l’ordre; les eaux ma- rines nourrissent exclusivement les floridées et les fucacées. Les lichens appartenant aux groupes inférieurs se développent sur des rochers nus, au milieu des mers, sur des points où aucun être vivant n'a pu en apporter les germes, et se succèdent ensuite dans un ordre régulier. Ce sont les premiers organismes qui s’attaquent aux corps bruts et les détruisent ; quelques-uns cependant se développent sous les tropiques, sur les feuilles de plantes loujours vertes. Après eux viennent les champignons, qui affectionnent les corps organisés en état de maladie ou de décomposition. On trouve parmi ces derniers une telle variété de formes et de stations, accompagnées de circons- tances si singulières, qu'on peut douter de leur production par des germes répandus dans les airs. Comment expliquer autrement que par la génération primitive Va présence des mucédinées, qui ne se dé- veloppent que quand il existe, dans le lieu où elles se trouvent, un corps en décomposition? Dutrochet, partisan de la panspermie, ou de la diffusion universelle des germes, a fait développer des horrytis et des #20on1/ia dans des dissolutions d’albumine et de fibrine, et dans de l’eau distillée de laitue mêlée à des alcalis ou à des acides. Il obtint des moisissures articulées, tantôt avec les premières, tantôt avec les secondes. La plupart des substances animales ou végétales en état de décomposition, telles que le pain, les fruits, le fromage, le bois, le cuir humide, ete., se couvrent de byssacées. Leur développement à l'extérieur des corps ne serait qu'une preuve secondaire, si la variété des formes suivant les corps ne compliquait la difficulté. D’autres ont des stations spéciales et ne se trouvent pas ailleurs : on peut citer le coremium citrimum, qui forme de petits groupes jaunes sur les ex- créments de souris ; l’ésaria felina, qui se développe sur les déjec- tions de chat. Certaines espèces de sphéries et d'suria ne croissent que sur des cadavres d'insectes : tels sont léseria sphynqum, qui a pour station unique les cadavres des papillons de nuit ; l’isaria ara- nearum , ceux des araignées ; l'isaria crassa, les chrysalides ; l'ésaria eleutheratorum, certaines espèces de carabes. Pourquoi ne rencontre- t-on l'onygena equina que sur les sabots de cheval en décomposition ? D'autres se développent sur des animaux vivants, mais sans doute en élat de maladie : la muscardine des vers à soie est dans ce cas. Botan., T. I. 10 146 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Les conditions pathologiques dans lesquelles se trouvent certains êtres donnent souvent encore naissance à des champignons microsco- piques qui se développent dans les cavités closes : tels sont ceux trouvés dans les cellules aériennes d’une cigogne, par M. Heusinger, et par M. Mayer, à la surface du poumon d'un geai. Certaines plaies gangréneuses donnent aussi naissance à des moisissures. Il s’en dé- veloppe dans les citrons, sans qu’ils aient été ouverts, et au centre de la masse compacte de certains fromages. Le célèbre forestier Hartig a trouvé des petits champignons, qu'il a appelés #yctomycètes, dans les cavités du ligneux d'arbres dont les couches extérieures étaient par- faitement saines, el il affirme qu'ils ne produisent pas de spores. Märklin a trouvé le blanc d’un œuf de poule converti en sporotrr- chum. Ajoutons-y cette longue série de champignons qui eroissent sur les végétaux malades et qui sont de genres et d'espèces diffé- rentes suivant la nature de la plante, où même la partie affectée. Parmi les gymnomycètes, nous avons les urédinées, qui causent la carie des grains et attaquent les violettes, les œillets, les groseilliers, à la surface inférieure des feuilles desquelles elles se trouvent ; les æcr- dium, qui se développent sur les feuilles des borraginées, des crsium, des épilobes, des renonculacées, ete.; les puccinia, sur les feuilles de certaines composés, de la bétoine, du pigamon des prés ; les /#s7- dium, sur les feuilles des arbres, les tubercules de pomme de terre malades ou en état de décomposition; le spermeediu de Fries, qui pa- rait être la cause de l’ergot du seigle et peut-être aussi de celui du mais. Aux hyphomycètes appartiennent, outre les mucédinées, les hypha et les lanosa, qui se développent au milieu des brouillards d'automne et dans les mines, où l'air est chargé d'hydrogène; les mycodermes, qui se produisent dans les solutions chimiques; les rhacodium, qui tapissent les tonneaux et les poutres des caves de leurs longues ramifications noires ; le 7#2zomorpha, qui obstrue les conduits destinés à la circulation des eaux, et croit dans des mines profondes, dans des fissures du sol, entre les couches de houille her- métiquement closes, etc., etc. Un fait qui vient à l'appui de l'influence des conditions ambiantes sur le développement des êtres, est l'expérience de Gleditsch. Ayant rempli de pulpe de melon des pots bien nettoyés et préalablement chauffés, qu'il couvrit ensuite d’une gaze, il obtint des byssus et des tremelles dans ceux qu'il avait placés dans un lieu sec et élevé, COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 147 et des mucorinées dans ceux qui se trouvaient dans un lieu bas et humide. Le papier exposé à l'humidité se couvre de plaques roses, jaunes, noires, qui sont autant d'organismes différents, ce qui tient à l’hétérogénéité des substances qui entrent dans la composition du papier, et dont chacune s'organise à sa façon. Comment se reproduisent ces infiniment petits? Les plus grands par des spores, et les microscopiques de l'échelle inférieure, par gem- mation, le premier mode de génération. On se demande où s'arrête la génération primitive; la question est encore pendante devant le tribunal de la science ; le temps seul et la persévérance des observateurs parviendront sans doute à por- ter la lumière dans ces ténèbres. Le monde végétal est aujourd’hui arrivé à sa fixité : il n’oscille plus qu'entre d'étroites limites ; ce ne sont plus les grandes formes qui changent, ce sont les mille détails accessoires de la forme qui sont devenus les jeux du milieu ambiant, ou le résultat des trans- missions héréditaires, ayant une même origine, mais plus éloignée. Aussi, tant que la terre restera dans cet état d'équilibre si propre à l'entretien de la vie, il n’y aura pas d’altérations profondes dans les types ; il faudra qu'une perturbation nouvelle, en changeant toutes les lois qui régissent le monde actuel, change les conditions d’exis- tence des êtres vivants; alors, tout sera modifié ; car il existe dans le règne organique, qui comprend les animaux et les végétaux, une si étroite solidarité, que rien ne peut changer dans cette longue chaîne sans que le reste n'éprouve d’altération. Pour bien connaitre la signification du règne végétal, il faut en étudier les lois d'évolution, et l'on y reconnaitra, comme loi pre- mière, que tout le règne végétal peut se résumer en trois grands groupes : les acotylédones, ou végétaux vsymétriques (en en excep- tant les vasculaires), et les symétriques, qui comprennent : les mo- nocotylédones ou végétaux articulés ; et les dicotylédones ou vé- gétaux axillaires. Les trois planches d'ensemble (At. I, PI. 8, 9 et 10), destinées à exposer graphiquement cette pensée, présenteront synop- tiquement les caractères qui distinguent ces trois groupes répondant à une triple série d'évolution, et parallèlement aux trois séries ani- males : radiaires, articulés et vertébrés. Les radiaires (PI. 8, fig. 6 à 10) et les autres animaux inférieurs n'ont pas d’axe ; on trouve dans cette série tous les jeux bizarres de la 148 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. nature pour arriver à une forme définie. La plupart des organes propres aux êtres supérieurs manquent ou sont de figure étrange : ce sont des poches, des sacs, des étoiles, des tubes, des masses presque amorphes comme certains mollusques ; il semblerait que la puissance plastique, qui a réuni ces éléments, cherchât péniblement une forme et ne la cherchàt d'abord pas dans la symétrie ; enfin ils se multiplient par division ou par bourgeons. Les acotylédones sont dans le même cas; depuis les algues jusqu'aux lichens (PL. 8, fig. 3, 4 et5), ce sont des êtres polymorphes, gracieux parfois, étranges toujours, affectant toutes les figures et toutes les couleurs. À mesure que l'on s'éloigne de ces groupes inférieurs, les formes se régularisent sans pour cela devenir réellement axifères : on trouve cependant dans les fougères certains genres qui non-seulement se dressent comme des palmiers, mais se bifurquent; ce n’est pas néanmoins un appendice raméal, une branche implantée sur le tronc : c'est un simple dédou- blement. Des gemmes, des spores, sont le mode ordinaire de repro- duction des êtres de cette classe. Dans les articulés et les annelés (PL. 9, fig. 4, 5, 6 et 7), on retrouve le second type : les annelés sont composés de segments dont chacun semble être construit sur le même plan et parait être la reproduction de celui qui précède ; les plus élevés dans l’ordre des articulés sont également composés d’anneaux qui concourent cependant à former une unité organique limitée. La sexualité s'élève aussi, et à l'herma- phrodisme succède la diclinie ou séparation des sexes. Les monocotylédones correspondent aux articulés en ce qu'ils pré- sentent, comme eux, des articulations réelles, des nœuds : tels sont les palmiers, les graminées (PI. 9, fig. 1, 2 et 3), et si les autres ont une tige simple en apparence, comme les liliacées, les nareis- sées, etc. (car c’est la hampe qu'on prend pour la tige), ce sont, au lieu d’articulations, des emboiltements qui rentrent dans le même mécanisme. Le pandanus odoratissimus et V'asperge dévient de cette loi commune : ils ont une tête ramifiée, mais ce ne sont pas des branches, c'est un simple épanouissement de la tête de l'arbre ou du bourgeon, ce qui n'infirme en rien la loi d’analogie. Les vertébrés (PL. 10, fig. 2 à 5) ont non-seulement un axe solide, mais des appendices latéraux; chez eux, la séparation des sexes est constante ; les dicotylédones (fig. 4 et 6) sont dans le même cas sous le rapport appendiculaire : la tige, qui forme l'axe, sert de base à des COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 149 rameaux qui deviennent à leur lour des axes nouveaux subdivisés en ramilles portant des fleurs et des fruits. Toutefois, la plante axillaire diffère de l'animal vertébré en ce que celui-ci, malgré sa structure complexe, est un être simple, tandis que le végétal est comme un polypier dont chaque rameau peut se détacher et donner naissance à un individu nouveau. L'hermaphrodisme est la loi que la nature a imposée à ces êtres privés de mouvement : la séparation des sexes est une rare exception. Le parallélisme du végétal et de l'animal semble assez bien prouvé pour qu'on doive regarder les lois de la nature organique comme étroitement liées entre elles, et qu’on sente le besoin de ne jamais dissocier ces deux grands règnes, si l’on veut devenir naturaliste. On retrouve, dans divers groupes des trois classes, des répétitions de forme qui frappent assez vivement l'esprit pour qu’on y voie la reproduction de la même idée : ainsi, les équisétacées ont la plus grande analogie avec les casuarina ; les fougères et les cycadées, avec les palmiers; les mousses et les hépatiques, avec certaines podos- témées; les naïadées, avec les characées. Le seconde loi, dépendance étroite de la première, est celle de l'ascendance symétrique de la forme dans chaque classe (At. T, PL44,42, 13, 44, 15, 16 et 17). Prenons pour exemple les champignons, qui ne sont, au bas de l'échelle végétale, que des filaments déliés (PI. 44, fig. 43 et 14), que des granules jetés sans ordre sur un réseau asymétrique ; passons aux urédinées, dont les spores sont contenus dans les enveloppes protectrices (fig. 15); de là montons aux Iycoperdées (fig. 24), qui ne sont que l’exagération des précédentes, une masse cellulaire sans forme; nous avons cependant déjà un progrès, puisque les spores sont renfermés dans un péridion et que la nature a pourvu à la sû- reté de la reproduction ; en arrivant aux agarics (fig. 25) et aux bo- lets, on trouve des formes plus régulières, et, jusqu'à un certain point, approchant de la symétrie; quelques genres, comme les c4- vaires, affectent des formes laciniées plus élégantes, sans variété dans les appareils de la vie de nutrition ou de reproduction; ce sont des êtres simples entre (ous. Les a/ques (PI. 14, fig. 4 à 9 et PL. 8, fig. 4, 5) s'allongent en frondes, mais elles partent d'un empätement commun, sans plan ni symétrie : ce sont parfois des franges gra- 150 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. cieuses, sans que rien justifie cette disposition qui ne répond pas à un axe, mais à une ramification capricieuse. Les lichens (PI. 14, fig. 10, 11 et 12) et les hépatiques (PI. 15, fig. 4 à 5), plus avancés dans l'échelle végétale, commencent par de simples plaques crus- tacées, puis membraneuses ; enfin, ils finissent par des frondes dres- sées, arboriformes, sous des dimensions microscopiques pourtant, et semblent clore la série réellement amorphe, bien que déjà les hépa- tiques forment le passage aux mousses. Les mousses (PL. 15, fig. G à 10), quoique folüifères, n’en sont pas moins d’un ordre inférieur, ear elles simulent un axe, mais n’en ont réellement pas. Ce sont des ro- settes de feuilles emboitées les unes dans les autres, et que surmonte un pédicelle qui est vulgairement appelé /ge, mais qui ne mérite pas ce nom, puisque, dans le plus grand nombre de genres, il est annuel. Les lycopodiacées (PI. 15, fig. 13 et 14) sont dans le même cas; mais elles ont une espèce d’axe ou de rachis portant des feuilles, et qui se divise en nombreux rameaux. Si l'on admet la soudure des verticilles de feuilles, on aura une tige articulée, ce qu'on trouve dans les chara (PI. 14, fig. 8), qui affectent cette forme; ils répon- dent, ainsi que les prèles (PL. 15, fig. 15), à la loi d'ascendance qui veut que dans chaque grand groupe il y ait une sorte de résumé de l'ensemble. Ainsi, les chara ressemblent un peu aux prèles par Ja dis- position de leurs appendices verticillés, et ces dernières ont, outre leur tige articulée, des rameaux qui le sont également et, de plus, sont disposés en verticilles. Les fougères (PL. 15, fig, 11 et 12), par les espèces arborescentes, sont le passage qui conduit des acotylé- dones aux monocotylédones, en négligeant les groupes inférieurs, pour arriver aux palmiers (PI. 14 et 15, ascendance des formes dans les acotylédones). On trouvera peut-être que ces coupes sont arbitraires et tracées à bien grands traits, mais on ne peut nier qu'elles ne soient vraies, au moins dans leurs généralités, et c’est là le plus important, car les anomalies ne prouvent rien contre la règle, et l'ascendance des formes est manifeste dans l’acotylédonie, et dans chaque groupe de cette classe, comme dans les autres classes et les autres êtres; on peut s’en convaincre par les types figurés PL. 14 et 15. On y doit remarquer que les groupes, qu'on a appelés improprement /rulles, sont de véritables classes; c'est pourquoi on peut fort bien, en les étudiant, pénétrer dans le mystère de la loi d'ascendance. La repro- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 151 duction n'a pas d'autres caractères qu'une simple émission de gem- mules, si l'on peut appeler ainsi les spores qui viennent sans le secours apparent de la fécondation, et qui affectent le prineipe bi- naire et ses multiples, comme on le voit dans la figure (PI. 44, fig. 4 à 4). Il en est de mème dans le règne animal : partez de l'infusoire, qui a, lui aussi, son ascendance, malgré son apparente simplicité ; passez aux radiaires, dont les plus infimes ressemblent aux conferves, et qui s'élèvent de proche en proche jusqu'aux échinodermes, qui sont les plus compliqués; des tuniciens passez aux mollusques, et dans ce grand type, des acéphales, comme l'huitre, aux céphalopodes, comme la seiche, et vous trouverez qu'il y a dans chaque groupe, entre les animaux qui les composent, la distance qui sépare les êtres les plus parfaits des plus rudimentaires; là aussi on trouve le prin- cipe binaire et ses multiples (PI. 11, fig. 5 à 10). I faut donc con- sidérer, dans les deux règnes, l'ensemble des animaux et des végé- taux comme un seul et même être-type transformé à l'infini, en passant par trois grandes phases, tendant toutes à la symétrie par- tielle d'abord, générale ensuite. Quand on arrive aux monocotylédones, l'ascendance (PI. 16) est, sinon plus obscure, du moins plus confuse, surtout dans l’état actuel des méthodes; on manque de criterium pour juger de la perfection suc- cessive des types, et l'on se borne à prendre pour point de départ une base arbitraire. On ne s'est point attaché à chercher les grandes lignes qui répondent aux lois de l'analogie, et les principes élevés qni devraient être les phares de la science; en un mot, on n'a pas synthétisé l'idée d'un type général dans les végétaux ; on à voulu faire entrer linéaire- ment dans la méthode les petits groupes anormaux : de là vient la confusion. Il est donc impossible de suivre par la pensée l'idée d’un type à travers ce dédale. Cependant, en suivant la méthode empi- rique des ressemblances dont nos plus grands zoologistes, tels que Buffon, Cuvier, ont tiré un si grand parti, on arrive à saisir une idée au milieu de ce chaos, et l’on reconnait que l'idée la plus éle- vée de cette classe doit être : périgone externe, 3 sépales ; périgone interne, 3 pétales ; élamines 6, stigmates 3, ovaires à 3 loges (PI. 12). Les nombres 3-3-3 sont la préparation ascendante, les autres nombres ne sont que des anomalies. Les végétaux acotylédones finis- sant aux fougères devraient commencer aux palmiers, dont les sexes 152 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. sont souvent séparés sur deux sujets différents : tel est le dattier; on voit donc encore, dans ces groupes, la sexualité flottante et incertaine. Cependant on les a séparés par des familles presque normales et her- maphrodites. Les typhacées aux fleurs monoïques, dont les enve- loppes sont à peine ébauchées, ont déjà normalement 3 étamines, ce qui est une tendance vers la régularité. I] faut prendre ensuite les familles à fleurs imparfaites dans lesquelles les nombres 3 ou 6 sont régularisés : nous trouvons d’abord les graminées (PI. 16, fig. 1) et les cypéracées, dont presque tous les genres sont hermaphrodites ; dans les premières ils ont communément 3 étamines, d’autres fois plus, mais toujours des multiples de 3 (6,12), et 1 ovaire à 2 styles. Les cypéracées sont plus régulières : elles ont 3 étamines, 3 stigmates, 4 ovaire trigone et un fruit trigone. Les restiacées (fig. 2), dont le périgone est glumacé, offrent anormalement les 2 nombres 2 —3, et se trouvent moins avancées dans l'échelle symétrique. Les joncinées (fig. 4), à fleurs hermaphrodites et à double périgone régulier, pré- sentent déjà les nombres 3—6 pour les étamines, 3 stigmates, 4 ovaire à 3 graines ou triloculaire-polysperme; on voit déjà que les types se symétrisent. Les commélinacées et les butomées (fig. 3) suivent la même loi, mais leurs enveloppes florales sont colorées. Les asparagi- nées, dont la fleur offre un double périgone, présentent déjà le nom- bre 6, quelquefois cependant mêlé au nombre 8 pour ses organes mâles; puis, viennent en foule, à la fin de cette grande classe, les colchicées, les pontédéracées, les dioscorinées (fig. 6), les liliacées, (fig. 5), les broméliacées, les narcissées (fig. 8), qui ont pour carac- tère constant un périgone double concolore, dont chacun a trois di- visions, 6 étamines, 4 ovaire à 3 loges et le plus souvent triangulaire, enfin les palmiers (même PI. 16, fig. 12). Toutes ces familles sont normalement symétriques; l’ascendance n'est donc que les divers degrés qui conduisent à la symétrie et à la perfection de l'idée du type végétal, qui est la régularité, et la réunion des sexes dans une même enveloppe se traduisant, pour les monocotylédones, par le nombre 3, ou son multiple 6, dans l'appareil floral et repro- ducteur. Tout ce qui reste en dehors de cette grande loi est anormal, et l’on ne peut considérer que comme des aberrations du type régulier les aroïdées (PI. 16, fig. 11), les musacées (fig. 10) et les orchidées, qui ne ressemblent à rien, et dont les affinités sont non-seulement obs- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 153 cures, mais encore impossibles à établir. Cependant on trouve dans la première famille un ovaire triloculaire; dans les amomées, un calice trisépale, une corolle combinée avec 3 staminodes pétaloides et un ovaire triloculaire ; les orchidées ont, malgré leur irrégularité, 3 sé- pales, 3 pétales, 3 anthères, dont deux avortées et à l’élat de stami- nodes, et un ovaire à 3 loges. Mais, comme il y a dans ces familles des anomalies de nombre, elles ne peuvent pas entrer dans la série linéaire sans interrompre la gravilation vers la symétrie. Dans le règne animal, même obscurité : on trouve cependant aussi, dans les articulés, une ascendance incontestable et une dis- semblance d'autant plus grande entre les anneaux ou articles qui composent leur corps, qu'ils s'élèvent plus dans l'échelle des êtres. Les entomozoaires sans organes ambulatoires, tels que les intesti- naux et les annélides apodes, comme les sangsues (PI. 9, fig. 6), conduisent aux sétigères, qui ne rampent plus et ont mode mixte d’ambulation ; de là aux articulés pourvus de pieds (PI. 9. fig. 4), il n'y a plus que peu de distance. Plus on s'élève en passant des arachnides aux myriapodes, de ceux-ci aux crustacés, et enfin aux insectes hexapodes, plus l’ascendance et la symétrie sont faciles à suivre. On reconnait donc une tendance manifeste vers deux buts : la fixation, à la partie postérieure du corps, des appareils de la sexua- lité qui affectionnaient toutes les positions imaginables, et la symé- trie entre les divers organes. Le nombre des yeux et des pattes de- vient fixe : au lieu de 8,5 (en comptant les yeux lisses et les yeux à facettes comme formant cinq appareils), ils se trouvent réduits à 2, composés de cellules polygones et placés de chaque côté de la tête; et les pattes, qui variaient depuis 2 à 300 paires jusqu'à 14, 10, 8, sont irrévocablement fixées à 6, 3 de chaque côté (PI. 12, fig. 1, 2, 3); les organes de manducalion sont des mâchoires régu- lières; le corps est composé de deux parties similaires réunies par une soudure médiane ; enfin, toute la série devient symétrique. Si la loi de symétrie, qui se confond avec celle d'ascendance, dont elle n’est que l'instrument, est obscure dans les monocotylédones, elle l'est plus encore dans les dicotylédones, quatre à cinq fois plus nombreuses (AU. I, PL. 17, fig. 4 à 12). On reconnait cependant que la loi de symétrie est fondée, malgré toutes les lacunes et les inter ruplions qui interrompent la série, sur la présence d'un double pé- rianthe et la division régulière de toutes les parties de la fleur, enve- 154 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. loppes et organes générateurs, en 5, avec l'hermaphrodisme comme loi dominante (PI. 13, fig. 7, 8, 9). Nous trouvons en tête de la série des familles diclines ou dioïques, des fleurs incomplètes et des Or ganes générateurs en nombre variable, mais le plus souvent multiples de 2 : tels sont les conifères (PI. 17, fig. 4) et les amentacées (fig. 2). On ne tarde pas à trouver l'hermaphrodisme comme loi fixe, et les nombres 4-5 se présentent au lieu de 2, ainsi que cela se voit dans les santalacées etles urticées (PI. 17, fig. 3). Une fois arrivé aux nyclagi- nées, l'hermaphrodisme est établi dans toute la série, à quelques rares exceptions près, et le nombre 5 devient dominant; si ce n'est pas toujours dans le nombre des étamines, qui est très-souvent double de celui des organes protecteurs, comme nous l'avons vu dans les mo- nocotylédones, c'est dans celui des enveloppes florales, qui affectent la forme symétrique. Les principales familles dans lesquelles ce nom- bre se retrouve avec constance, sont : les plantaginées (PI. 17, fig. 6), les primulacées (fig. 7), l'immense famille des solanées, les borraginées, les gentianées (fig. 8), les apocynées, les campanulacées, les cucur- bitacées, les composées, qui forment la plus grande famille de tout le règne végétal, les ombellifères, les géraniacées (fig. 10), les mal vacées (fig. 9), les rosacées fig. 11), dans lesquelles on trouve pourtant aussi le nombre 4, et les papilionacées (fig. 12), dans lesquelles les enveloppes florales affectent avec le plus de constance le nombre 5, et dont les étamines, qu'elles soient distinctes ou soudées entre elles, n’en offrent pas moins constamment le nombre 10. Les séries quaternaires intercalées paraissent le résultat d’avortements dans les familles à corolle irrégulière surtout, où l’on trouve le rudiment d'une ein- quième étamine : telles sont les rhinanthacées et les labiées, qui présentent le nombre 4; mais elles ont néanmoins un calice à 5 divi- sions, la corolle le plus souvent à 5 découpures, dont les altéra- tions tératologiques ramènent toujours au type normal, loi générale dans les genres irréguliers, où le moindre changement dans la forme rétablit le type symétrique. Dans un grand nombre de familles ano- males, si les étamines sont en nombre variable, les enveloppes flo- rales présentent fréquemment le nombre 5 et suivent la loi de symé- trie; on trouve cependant de la fixité dans les crucifères, où les nombre 4-6 se présentent partout; dans les familles polyandres, on retrouve tous les nombres possibles, ce qui prouve que les étamines n’occupent qu'une place secondaire dans arithmétique morphologi- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 155 que; ainsi, dans les papavéracées, la multiplicité des étamines n’em- pêche pas la prédominance des nombres 2 et 4, de même que, dans la grande famille des renonculacées, c'est le nombre 5 qui domine dans les enveloppes florales. Au résumé, les anomalies, quelque multipliées qu'elles soient, n'en montrent pas moins, dans cette grande classe des dicotylédones, la sexualité hermaphrodite comme la loi dominante et la plus haute expression de l'idée de perfection dans le règne végétal, et la régularité des formes, avec le nombre 5 pour base, comme la grande loi de symétrie. Arriver à la sy métrie est donc le but de la nature; tous ses efforts tendent là, et les anomalies que présentent les êtres de différents groupes ne sont souvent que des essais pour arriver à des modifications ascendantes, ou des ébauches abandonnées sans qu'une dernière main y ait été mise. Représentons-nous dans chaque groupe l'idée qui en forme le type, et nous verrons que, sans avoir étudié la nature, sans idée théorique, on est d'accord sur ce principe, que l'être le plus symé- trique est celui qui est en général regardé comme le type de ce groupe. Parmi les sauriens, on prendra toujours comme type le ero- codile ou le lézard, et non le gecko ou le basilic ; parmi les poissons, la carpe, la perche seront regardées comme les types, et non la bau- droie ou le tétrodon; parmi les oiseaux, le merle, la fauvette, repré- senteront bien mieux l'idée oiseau que le pingouin ou le flamant ; parmi les mammifères, nous n'irons pas prendre le morse ou le dugong pour type de cette classe; mais nous prendrons le lion ou le tigre pour les carnassiers, le cheval ou la gazelle pour les herbivores, et nous ne nous arréterons ni au tapir, ni à l'hippopotame, ni au rhinocéros. Dans notre propre espèce, nous prendrons un beau type caucasien, et non un nègre du Congo. En un mot, la symétrie est la loi de perfection, ce que prouve dans le règne animal la classe des vertébrés. Si nous examinons les poissons, nous voyons que la loi de symétrie et l’'ascendance ou le perfectionnement de la forme s’y trouvent parfaitement confirmées. Quel est l'idéal du poisson? Un être ayant corps comprimé, des appareils de mouvement et de respi- ration; en un mot, une organisation qui lui permet de vivre dans le milieu où la nature l'a placé. Nous trouvons, au bas de l'échelle, les chondroptérygiens, qui sont loin de répondre à l'harmonie des formes qui est la tendance de la nature ; cependant les esturgeons sont déjà moins asymétriques; mais il faut, de groupe en groupe, s'élever 156 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. jusqu'aux acanthoptérygiens pour y trouver le vrai poisson type, et ne pas descendre plus bas que les malacoptérygiens abdominaux, ou les cyprins et les ésoces. Les reptiles, plus irréguliers, parce qu'ils semblent être un pont jeté entre la vie aquatique et la vie terrestre, forment des groupes parallèles et non linéaires : les amphibies com- mencent au lépidosirène, autant poisson que reptile, et finissent aux batraciens; les serpents passent aux scinques, déjà munis de pattes et qui servent de passage aux sauriens; quant aux tortues, c'est une grande création anormale qui n'a pas d’analogue dans les autres classes, à moins qu’on ne la compare aux tatous, parmi les mammi- fères; pour les oiseaux, ceux qui sont le plus symétriques et répon- dent le plus à l’idée wseau, sont les passereaux et les rapaces; les mammifères, qui commencent par les cétacés, ne se perfectionnent qu’en passant des ruminants aux carnassiers, et de ceux-ci au singe, qui précède l'homme. Tous les vertébrés sont des animaux doubles ou composés de deux parties similaires (PL. 40), et leur plus haut degré de perfection est, outre l'harmonie des formes, l'isolement de chaque appareil, qui ne sert qu'à une seule fonction, et la division en cinq des organes de locomotion et de préhension (PL. 15, fig. 1, 2, 3, et 5). La nature exprime une même idée sous des formes très-variées ; l'idée d’un type, d’un genre, varie souvent à l'infini : par exemple, l'idée orchis, réunie dans une famille dont la structure anormale est si étrange, présente, avec toutes les nuances possibles, plus de 2,000 variations; et dans un cadre plus restreint, l'idée convoloulus se traduit par 300 formes variées qui sont de simples nuances de la forme normale. Si nous étudions maintenant la structure intime des végétaux des trois grandes classes, nous trouverons qu'il y a également une ascen- dance réelle dans la composition textulaire de chacun d'eux, et que les organes qui servent à l’accomplissement des fonctions physio- logiques deviennent eux-mêmes plus complexes. Le tissu cellulaire (PI. 18, fig. 12, 13) ou tissu universel, unique peut-être, à travers toutes ses transformations, constitue seul les acotylédones inférieures ; à peine y voit-on quelques traces d'organisation fibrillaire : ce sont de simples cellules, de forme variable; et, jusqu'aux mousses exclusive- ment, qui commencent la série des acotylédones vasculaires, on ne voit pas encore apparaitre de vaisseaux; ce sont elles qui les pre- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 157 mières montrent les rudiments d'une organisation plus complexe. Dans les lycopodiacées et les marsiléacées, on distingue, au centre, des vaisseaux particuliers composés de longues fibres soudées au bout l’une de l'autre; dans les prêles, on trouve des vaisseaux annu- laires (PI. 19, fig. 1, 2); les fougères, plus élevées dans l'échelle des acotylédones vasculaires, ont à leur centre un faisceau composé de vaisseaux annulaires ou, le plus souvent, scalariformes (PI. 19. fig. 6); et quel que soit le genre auquel appartienne une fougère, qu’elle soit arborescente ou herbacée, sa lige présentera toujours la même struc- ture, et le système de vaisseaux restera le même. C’est encore la con- firmation de la loi déjà signalée : au tissu cellulaire simple succèdent des vaisseaux, métamorphose de ce même tissu, incomplets d'abord, puis se régularisant et devenant communs à tous les derniers grou- pes, qui nous conduisent jusqu'aux monocotylédones, où l’on observe pour système général une tige formée de faisceaux disposés dans un ordre qui paraît confus, mais qui n’est qu’à symétrie obscure, et dans lesquels on distingue des trachées, des vaisseaux ponctués et même des vaisseaux laticifères {PI. 19, fig. 9, 12). Les dicotylédones réunissent, sous le rapport de la structure intérieure, tous les modes infinis de variation : on y trouve, enfin, l'expression la plus élevée de la structure intime du végétal avec des appareils parfaitement dis- tincts pour chaque fonction. Tout, comme on le voit, vient confirmer la loi de la symétrie ascendante, et cette loi unitaire se retrouve dans le règne animal : les tissus, simples dans les animaux inférieurs, deviennent de plus en plus complexes, à mesure qu'on se rapproche des vertébrés, et dans les mammifères ils affectent tous les genres de transformation et font le désespoir des histologistes. « La nature, dit Agardh, pour réaliser une idée, n’y va pas tout d'un coup; mais, commencant par les formes les plus simples, elle continue pas à pas jusqu'aux formes les plus composées, et finit par présenter, sous des formes normales et complètes, l'idée qu'on n'avait pu qu'entrevoir dans les formes antérieures. » Le grand Linné, voulant peindre d'un seul trait les différences qui caractérisent les êtres des deux règnes, les a ainsi définis : Les animaux sont des corps qui se nourrissent, se reproduisent, sentent et se meuvent. Les végétaux se nourrissent, se reproduisent, mais ne sen- tent pas et ne sont pas doués de mouvement volontaire. Cette définition, 158 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. plutôt fondée sur des caractères négatifs, tels que le défaut de mouve- ment et de sensibilité, que sur des caractères positifs, n’est remar- quable que par son laconisme; mais elle n'est pas d'une exactitude rigoureuse : on {trouve dans le sommeil des plantes un mouvement bien caractérisé, et dans l'irritabilité du stigmate des ##rmulus, des étamines des berberis et des sparmannia, dans celle des folioles de la sensitive, de la dionée, du megaclinium falcatum, une sensibilité ob- tuse encore, mais irrécusable. On ne peut donc pas donner une défi- nition exacte de la plante en une seule phrase, et surtout en n'em- ployant que des caractères négatifs; car il serait impossible de se faire une idée de l'essence d’un être qui ne serait composé que de caractères de cet ordre; un être est un composé de signes positifs qu'on ne peut déduire que d’une longue suite de comparaisons. On peut définir un animal : ## organisme limité dont les parties constituantes atteignent leur perfection peu de temps après sa nais- sance, où qui nait avec tous ses appareils, lesquels ne subissent plus que des modifications légères, et dont la nutrition augmente les di- mensions pendant un certain temps, puis ne fait qu'entretenir la vie, sans qu'il y ait augmentation des parties. Il parcourt des âges qui répondent à des époques fixes de son existence : la fixité des parties constituantes est donc le caractère positif de l'animal. Le végétal, au contraire, est #7 organisme illimité, dont les parties extérieures croissent en nombre, et qui ne s'arrête pas dans son développement ; l'augmentation du nombre des parties extérieures en est le caractère distinctif. S'il existe une analogie frappante entre les grands actes qui pré- sident à la nutrition chez les animaux et chez les végétaux, il n’en est pas de même quand on examine les organes chargés de cette fonction. Les éléments de la nutrition sont différents chez les uns et chez les autres : les animaux prennent leurs aliments dans le règne végétal ou dans le règne animal, et ne se servent des substances morganiques que comme de condiments ou pour aiguiser leur appétit ; ils les divisent, les reçoivent dans la cavité gastrique, qui n’est que le réservoir où se mêlent les diverses substances alibiles; de là elles sont, en chan- geant de nature de proche en proche, converties en un liquide qui n'est que la première préparation du sang ; puis, sous cette dernière forme, elles sont charriées dans tout l'organisme, qui s’en trouve re- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 159 nouvelé et rajeuni. Les matières non assimilables sont expulsées par les transpiralions et les déjections. L'animal renferme, en outre, certain nombre de glandes dont chacune est chargée d'une fonction particu- lière, et qui fournit sa sécrétion propre. Tous les organes de nutrition de l'animal sont intérieurs, et le tube digestif ne présente que deux orifices, un pour la déglutition, et l’autre pour l'excrétion. Les or- ganes respiratoires sont renfermés dans la poitrine, et l'air aspiré par la bouche est rejeté par le même orifice. La peau est le seul organe externe qui fonctionne par exhalation. Enfin, l'animal, ayant des organes ambulatoires et de préhension, peut aller au loin cher- cher sa nourriture. Dans le végétal, tout se passe autrement : fixé au sol, il est obligé de vivre des matériaux de nutrition ambiants, sans pouvoir aller les chercher au delà du rayon où il étend ses racines et ses branches. N'ayant ni organes de préhension, ni appareil de manducation, 1l ne peut pas prendre d'aliments solides, ni les réduire en pulpe pour les faire passer dans une cavité gastro-intestinale qui n'existe pas; il lui faut donc des éléments de nutrition liquides, et ceux qui lui con- viennent le mieux sont ceux qui proviennent de débris animaux et végétaux désagrégés par la putréfaction et réduits à l’état gazeux. Ces matériaux, charriés dans l'organisme végétal, subissent, sous l'influence de la respiration, qui a lieu par les feuilles, des transfor- mations qui les convertissent en cellules nouvelles, tandis que les matériaux usés par la vie s’en vont par les mèmes organes foliacés qui représentent le poumon des animaux, et qui servent à l’aspi- ration et à l'expiration. Des systèmes particuliers, et semblables aux divers appareils glandulaires qu'on trouve chez les animaux, éla- borent les produits spéciaux qui se déposent dans des lacunes comme dans autant de réservoirs. Comment se passent ces diverses opéra- tions, nous l’ignorons; car la simplicité même des organes internes de la plante s'oppose à une investigation ; nous ne pouvons même pas nous expliquer clairement le mode de cheminement des fluides dans des vaisseaux qui paraissent dépourvus de contractilité; et, à part un petit nombre de faits relatifs à la fécondation, comme chez les aroïdées, nous ne voyons pas que le mouvement vital développe dans le végétal, comme dans l'animal, une quantité notable de calorique. Sous le rapport de la génération, le végétal est encore l'inverse de l'animal; chez l’un, et nous ne parlons que des plus élevés, les 160 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. organes générateurs sont internes, et la bissexualité est le point cul- minant de la perfection; l’ovule, déposé dans le sein de la mère, y prend tout son accroissement, et n'en sort que quand il à acquis une perfection organique qui lui permet de vivre au milieu de l'air ambiant. Dans le végétal, au contraire, l'hermaphrodisme est la loi générale ; parce que, la locomotilité lui étant interdite, la fécondation serait soumise au caprice des vents ou des insectes; c’est pourquoi l'on voit, dans les plantes diclines, ces masses de poussière fécondante charriées par les airs comme des nuages de soufre. Les organes sexuels, protégés par de frêles enveloppes, sont extérieurs, et l’ovule, au lieu d'être fécondé dans une cavité appartenant à l'être qui Fa produit, se détache et tombe sur le sol, qui le reçoit dans son sein et en fait un nouveau végétal. Dans les animaux, la mère nourrit son jeune fruit avec le lait de ses mamelles ; dans les plantes, le germe végétal recoit la première nourriture d’une matière (albumen) qui l'entoure dans la graine, ou de ses deux feuilles cotylédonaires, qui sont pour lui comme deux mamelles nourricières. La vie de l'animal est limitée, celle du végétal l’est moins ; les grands arbres bravent les siècles et peuvent compter jusqu'à plu- sieurs milliers d'années : la mort arrive quand le tronc, ce réservoir commun, sur lequel sont implantées les branches comme autant de polypes ou d’arbustes indépendants, perd sa vigueur et ne tire plus du sol les fluides nourriciers qui en faisaient pour ses rameaux une terre fertile. Dans l'animal, à l'exception de ceux qui appartiennent aux groupes inférieurs, une grave lésion entraine infailliblement la perte du membre qui en est le siége; une ablation le mutile, parce qu'il représente une unité organique. Dans le végétal, herbacé même, les moindres parties, mises dans des conditions favorables, donnent naissance à un sujet nouveau, tandis que les diverses parties de l'animal meurent quand elles en sont détachées. Cependant, on peut également grefler l'un sur l’autre des tissus vivants; mais dans le végélal, c'est pour le perfectionner ou le reproduire, et dans l'animal, ce n'est qu'une simple curiosité ou quelquefois un moyen de réparer une perte de subslance. L'arbre, en subissant des mutilations, se développe avec plus de vigueur, tandis que l'animal dépérit. C’est que chez l’un la vie est multiple, tandis que chez l'autre elle est essentiellement simple et unique. On peut donc regarder, malgré le parallélisme qui a été précé- COMPARAISON DES DEUX RÈGNES. 461 demment signalé, l'animal et le végélal comme deux êtres inverses, sous le rapport des systèmes anatomique et physiologique, ce qui avait fait dire à Aristote que les plantes sont des animaux retournés ; ils paraissent destinés à compléter la vie universelle et à la répandre partout, sous loutes les formes. Ces deux grandes séries sont mutuel- lement nécessaires l’une à l’autre; mais l'animal surtout ne peut se passer du végétal, qui, à son tour, croit avec plus de vigueur, quand la terre qui le nourrit est fécondée par des débris animaux. Les infi- niment pelits des deux règnes sont les parasites des végétaux et des animaux, et sous ce rapport il y a un mutuel échange de procédés de destruction. Botan., T. I. 11 CHAPITRE IV CHIMIE VÉGÉTALE!. Les idées d'ensemble sur l'être végétal, telles que nous venons de les présenter, nous conduisent à donner les notions de chimie végé- tale indispensables pour comprendre les réactions et les transforma- tions qui peuvent s’opérer au sein de l'organisme vivant. Nous ne comprendrons dans ce chapitre que les combinaisons chimiques qui appartiennent er commun à tous les végétaux, les détails sur les prin- cipes immédiats propres à chaque plante étant du domaine de la Flore médicale. C'est par l'analyse et par la synthèse qu’on arrive à connaître la composition des corps; les progrès récents de la chimie synthétique nous obligeront à insister sur quelques-unes des méthodes employées pour reproduire artificiellement les corps de la nature, et pour opérer les transformations des uns dans les autres ; c'est par la synthèse que l'on a pu faire pour ainsi dire de toutes pièces certains corps gras, des hydrogènes carbonés, l'alcool, les essences de moutarde, de reine des prés, de gaulthérie couchée, etc., etc. Les végélaux sont composés de solides et de liquides; les divers procédés mécaniques, physiques et chimiques de séparation de ces principes donnent divers produits ; ceux-ci, dédoublés par les dissol- vants ou par des réactions, conduisent aux principes immédiats. On entend par principe immédiat tout corps dont les propriétés sont constantes, telles que densité, densité de vapeur, point d'ébulli- tion ou de fusion, forme cristalline, etc., et qui ne peut être dédoublé en deux ou plusieurs principes; le mélange des principes immédiats donne des produits immédiats; ceux-ci sont dits naturels lorsqu'on les trouve tout faits dans la nature, et /ubriqués lorsqu'ils résultent de manipulations plus ou moins compliquées. Ainsi l'alcool, l'acide tartrique, la morphine, la cellulose, le sucre sont des principes immédiats. 1. Cet intéressant chapitre est tout entier dû à M. le docteur Reveil. CHIMIE VÉGÉTALE. 163 Les térébenthines, les gommes, la manne sont des produits natu- rels, et l'opium, le vin, la farine, des produits fabriqués. De cette distinction en produits et en principes In PAÉARS décou- lent deux sortes d'analyses. L'analyse immédiate est celle qui à pour but d'isoler les principes immédiats les uns des autres : ainsi, lorsque de la farine de froment on sépare l'amidon, la glutine, le sucre, l'albumune, elc., on fait une analyse immédiate. Lorsque, au contraire, on détermine la nature et les proportions de chacun des éléments chimiques constituant les principes, on fait une analyse é/émentaire. Les éléments des végétaux sont peu nombreux; toute substance végétale renferme /oujours du carbone, presque toujours de l'oxygène, le plus souvent de l'hydrogène, souvent de l'azote, et rarement d’au- tres éléments, tels que le soufre, le phosphore, etc. Nous n'enten- dons parler ici, bien entendu, que des produits organiques naturels, car la chimie est parvenue à substituer dans les composés certains élé- ments chimiques aux éléments naturels; on a pu même faire ainsi des composés organiques ayant des métaux au nombre de leurs éléments. Quant aux sels contenus dans les plantes, il faut les distinguer en deux groupes : 1° les sels minéraux que la plante a puisés dans le sol; 2° les sels organiques qui ont pris naissance dans l'organisme vivant ou du moins dont un des principes, acide ou base, est de na- ture végétale : ces composés, organiques en tout ou partie, peuvent être constitués de la manière suivante : Un sel peut être complétement organique : tels sont le #a/ate d'atropine, le quinate de quinine, ete. Il peut être formé par un acide organique et une base minérale, comme l’acétate de potasse, \e tartrate de chaux, ete., ou bien il peut renfermer un acide minéral et une base organique, tel est, par exem- ple, le sulfate de morphine que l'on a trouvé dans l’opium des Lan- des, tandis que celui du Levant contient cetie base à l’état de #réconate. C'est donc avec le carbone, l'oxygène, l'hydrogène et quelquefois l'azote, que le végétal fabrique ces corps innombrables qui consti- tueraient un véritable dédale, si l'esprit méthodique du chimiste ne venait y rétablir l'ordre, et les ranger par classes, comprenant les substances dont les propriétés générales seront identiques. Les composés organiques ont été classés d'après la nature et le nombre de leurs éléments. C’est ainsi qu’on les a divisés en binaires, 164 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. ternaires el qualernaires ; mais ces divisions seraient insuffisantes si elles ne comprenaient elles-mêmes des subdivisions; c'est ainsi que les composés binaires peuvent être subdivisés en : Carbonés oxygénés,....., Acide carbonique, acide oxalique anhydre. Composés binaires. ,!Carboné azoté..,.,,..,.. Cyanogène. Carbonés hydrogénés, ,.,, Huiles essentielles des conifères, des hespéri- dées, ele. Carbonés azotéshydrogénés. Acide cyanhydrique. jarbonés azotés oxygénés.. Composés oxygènes du cyanogène. Carbone plus hydrogène et Cellulose, amidon, sucres, oxygène dans le rapport de acides acétique, lLacti- IS oo one 00 ces que, ele. Composés ternaires / Corps gras, résines, alcools, huiles essentielles, oxygé- nées, ele. Acides organiques fixes, Id. id. avec excès d'oxygène. tartrique, citrique, mali- que, ele. ( \Carbonés hydro-/[d. id, avec excès d'hydro- génés oxygénés,\ gène... .. Les composés quaternaires ou azotés sont eux-mêmes divisés en plusieurs groupes formés par des corps ayant tantôt la même compo- sition (isomères), tantôt se ressemblant par des propriétés générales communes; c’est ainsi que l’on a fait le groupe des 4/bwminoïdes, des alcalis organiques, des matières colorantes azoltées, etc. La création des types entrevus par le puissant génie de Lavoisier, et établis irrévocablement dans la science par les travaux de MM. Du- mas, Laurent, Gerhardt, etc., a été pour la chimie végétale un flam- beau autour duquel sont venus s’éclairer tous les phénomènes de la vie du végétal ; elle a permis d'établir des groupes et de combler des lacunes entre les deux points opposés d’une échelle. Malgré que les phénomènes chimiques se passent entre un petit nombre d'éléments, quatre ou cinq au plus, il règne encore une grande obscurité sur les phénomènes chimiques de la vie; toutefois on à pu, par des théories, arriver à surprendre les secrets de la na- ture, et à imiter ses produits dans le laboratoire du chimiste. C’est là sans contredit une des plus belles conquêtes de l'esprit humain ; et, devant les découvertes récentes faites en chimie, on se demande jusqu'où peuvent aller les puissances de la nature lorsqu'elles sont dirigées par le génie de l’homme. On sait parfaitement l'origine des éléments chimiques des plantes ; tous ceux qui appartiennent à la nature minérale ont été puisés dans le milieu où la plante a pris racine; le carbone Vient de l’acide carbonique de l'air, des carbonates du sol, et de l'humus; l'azote a CHIMIE VÉGÉTALE. 165 pour origine l'air, les sels ammoniacaux et les composés oxygénés de l'azote que le sol peut renfermer, tels qu'azotates et azotites; l'Ay- drogène vient de l'eau de l'atmosphère, de celle du sol, de l’am- moniaque et de l’humus; l'orygène vient de l'air, de l’eau et des divers engrais; la mutation de ces éléments est incessante et con- tinuelle; les plantes prennent au sol, à l’eau, et à l'air leurs di- vers éléments; elles nous les fournissent sous la forme d'aliments, de médicaments, ete., pour les reprendre plus tard sous celle d'engrais. Avant de passer à l'étude des divers principes immédiats des végétaux, nous croyons devoir prévenir le lecteur contre une erreur généralement répandue. On croit, en effet, que l'animal se distingue essentiellement du végétal au point de vue chimique, en ce que le premier est essentiellement quaternaire et le second ternaire, et on en est arrivé à regarder comme synonymes les dénominations de substances animales et de substances quaternaires d’un côté, et celles de substances végétales et de corps ternaires. Il est incontestable que l'azote est plus abondant dans le règne animal que dans le végé- tal; mais il n'en est pas moins vrai que les graisses, les suifs, les beurres, si abondants chez les animaux, ne renferment pas d’azote au nombre de leurs éléments, tandis que les alcalis végétaux et les albuminoïdes, telles que la caséine végétale, l'amandine, la légu- mine, l’albumine, la glutine, sont azotées. Tout végétal, quelle que soit sa taille, a commencé par être une cellule; c'est par la transformation de l’élément cellulaire en d’au- tres tissus que la plante à pris de l'accroissement. Or, au point de vue chimique, la paroi cellulaire et les transformations de la cellule sont formées par le même élément chimique nommé ce//ulose, que l'on trouve à l’état de pureté à peu près absolue dans la moelle du sureau, dans celle de l'eschynomence paludosa qui fournit le papier de riz, dans le coton, la fibre pure du lin, du chanvre, ete. On a admis pendant longtemps que la trame du tissu solide de tous les végétaux, débarrassée de ce qui lui est étranger, constitue une seule espèce nommée cellulose, c'est-à-dire un assemblage de cellules sphéroïdales constituant le #ssv cellulaire et de tubes cylin- driques formant le #ssv vasculaire, et entre les deux un tissu formé de cylindres à parois épaisses el terminés en pointe formant le #ssu fibreux. Les parois de ces trois tissus sont formées par de la cellulose, 166 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. que l'on croyait identique dans tous les végétaux ; mais depuis qu'on a trouvé un dissolvant de la cellulose, et gràce aux travaux de M. Frémy, on a vu que les tissus des plantes étaient formés de diffé- rentes espèces de celluloses. Les matières contenues dans les divers issus des végétaux peuvent être gazeuses, liquides ou solides. Les matières gazeuses sont formées par de l'air plus ou moins modifié, généralement plus riche en acide carbonique ; toutes les fois que le tissu cellulaire ne contient que des gaz, son aspect est blanc mat. Les matières liquides contenues dans les tissus végétaux sont : 4° de la séve, plus ou moins élaborée; 2° des huiles grasses; 3° les huiles volatiles. Nous ne confondons pas ici avec la séve les liquides renfermés dans les vaisseaux latexifères et dans les diverses lacunes vasiformes, tels que la térébenthine des conifères, ete. Nous don- nons exclusivement le nom de séve au liquide assimilable et orga- nisable qui donnera naissance au cambium et plus tard au tissu ligneux lui-même. Quelques auteurs donnent le nom de sc/érogène au contenu solide des cellules; mais la nature de ces matières solides peut varier : ce peut être un corps organisé destiné à former de nouvelles cellules, que l’on a nommé #ucleus ; ce peut être de l'amidon, des cristaux (raphides), une matière azotée particulière, et enfin de la chloro- phylle qui sera à l’état gélatineux ou à l'état granulaire. La cellulose présente la composition suivante : Garbpnes-erre:c:-1-0 + 9C0.00 44.44 Hydrogène............. 125.00 6.17 DEMO AE 000000 1000.00 49.39 2025.00 100.00 On peut donc la représenter par C*H"C". M. Schweitzer a signalé l’'ammoniure de cuivre comme un excel- lent dissolvant de la cellulose vraie. On obtient ce réactif en satu- rant de l’ammoniaque d'une densité de 0,945 par du carbonate de cuivre provenant de la précipitation du sulfate de cuivre, par du carbonate de soude (Schweitzer); ou bien on lave avec de l'ammo- niaque de la tournure de cuivre jusqu'à ce que le liquide ait pris une belle teinte bleue (Péligot). M. Schweitzer a fait remarquer CHIMIE VÉGÉTALE. 167 qu'en additionnant l'ammoniaque d’un peu de chlorhydrate d’am- moniaque, et en émployant du cuivre précipité de ses dissolutions par le fer, on obtient un réactif dont l'action dissolvante est très- promple. j Lorsqu'on plonge dans ce réactif la moelle de certains végétaux, le tissu cellulaire de différents champignons, considérés jusqu'à pré- sent comme de la cellulose presque pure, on observe qu'ils ne sont pas dissous; le tissu utriculaire des fruits et les fibres corticales de tous les végétaux se dissolvent dans l'ammoniure de cuivre, tandis que les fibres ligneuses lui résistent. Si enfin on fait tremper des tranches minces de fruils ou de racines dans le nouveau dissolvant, on voit la membrane externe des cellules se dissoudre, tandis que la membrane interne reste indissoute. Le nouveau réactif de Schweitzer dissout avec la plus grande faci- lité le tissu cellulaire le plus dur, celui de l’ivoire végétal ou albu- men du phytelephas, par exemple; on ne peut donc pas attribuer à la densité et à la différence de cohésion la résistance que présentent certains tissus végétaux à l’action du dissolvant. D'après M. Frémy, le nom de cellulose devrait être réservé aux celluloses solubles, et il faudrait donner d'autres noms à celles qui ne le sont pas. C’est ainsi que M. Frémy a nommé paracellulose la substance qui forme les rayons médullaires et la moelle; elle est caractérisée par son inso- lubilité dans le réactif Schweilzer; mais elle s'y dissout lorsqu'elle a été soumise à l’action des acides. La risrose, que M. Frémy obtient en traitant les fibres du bois par une solution de potasse, de manière à dissoudre Ja paracellu- lose et la vasculose, et en reprenant la masse par l’eau, l'alcool et l'éther, est caractérisée par son insolubilité dans la liqueur alcaline qui dissout les vaisseaux et les rayons médullaires, par sa solubilité dans l'acide sulfurique concentré qui ne dissout pas les vaisseaux ligneux, et par son insolubilité dans le réactif cuprique qui dissout immédiatement la cellulose, et qui n’attaque les fibres ligneuses que lorsqu'elles ont été modifiées par les acides. Ajoutons que l'acide sul- furique concentré dissout également la cellulose et la fibrose; mais tandis que la première est transformée immédiatement en glycose, la seconde est précipitée de sa dissolution par l’eau sous la forme de gelée. La vascuLose, qui constituerait les parois des frachées, serail 168 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. caractérisée, d'après M. Frémy, par son insolubilité dans les acides chlorhydrique et sulfurique et dans le réactif cupro-ammoniacal de Schweitzer, et par sa solubilité dans la potasse. Il résulte des belles recherches de M. Frémy que le bois n’est pas de la cellulose différemment incrustée par les corps que M. Payen avail désignés sous le nom de /gnose, lignone, lignin et ligniréose, et dont le mélange constituait la ce//ustuse ; mais que, considéré chi- miquement, le bois est essentiellement formé de cellulose, de vascu- lose, de fibrose, de paracellulose. Ces quatre corps sont isomères entre eux ; mais chacun d’eux se distingue par des caractères parti- culiers qui en font des espèces distinctes. D’après les idées généralement reçues, la membrane mince qui recouvre les feuilles, que M. A. Brongniart à désignée sous le nom de cuticule, serait de la cellulose plus ou moins incrustée de silice. M. Frémy a fait voir que cette cuticule constiluait une espèce chi- mique distincte, qu'il a désignée sous le nom de cwtine. Elle est insoluble dans les dissolvants neutres, la solution de potasse faible ne l’altère pas; elle est inattaquable par lammoniaque, le réactif de Schweitzer, par l'acide chlorhydrique bouillant, et par les acides sulfurique et azotique froids. Elle présente la composition suivante : CATbONO ee. mppRe eee schisocere 13.66 HyYATDBÈNO se Re ctEt ee ere tse chiens 11.37 (OS ETbcordideodaddoconociooeovooc 14.97 100.00 Cette composition rapproche la cutine des corps gras. En effet, elle est saponifiable, elle donne des acides gras à la distillation, et, traitée par l'acide azotique bouillant, elle produit des acides gras, et notamment de l'acide subérique : mais elle se distingue des corps gras en ce qu'elle est insoluble dans l'éther. Disons maintenant quelques mots des propriétés de la cellulose pure et vraie, telle qu'elle existe dans l’albumen du phytéléphas ou ivoire végétal, dans le coton, le vieux linge, le papier de riz, le papier Berzélius, ete. La cellulose pure est blanche, inodore, insipide, insoluble dans tous les dissolvants neutres, soluble dans le réactif de Schweitzer ; d’où elle est précipitée par l'acide chlorhydrique, par les dissolu- tions des sels alcalins, de miel, de gomme, de dextrine et par l'al- cool, mais non point par l’éther et le chloroforme (Schlossberger). CHIMIE VÉGÉTALE. 169 Précipitée, elle a un aspect gélatineux; et lavée et desséchée , elle devient cornée; à l’état gélatineux, elle est soluble dans l'acide chlorhydrique faible, qui la transforme en glycose. L'acide sulfu- rique étendu opère la mème transformation. La cellulose n’est pas bleuie par l'iode ; mais, préalablement mise en contact avec l'acide sulfurique, il y a coloration bleue. M. Payen explique ce fait par la désagrégation du tissu; mais cette désagré- gation ne paraît pas être la cause unique du phénomène. L'acide azotique concentré transforme la cellulose en un corps inflammable analogue à la zyloïdine, et que l'on a nommé coton-pou- dre, pyroxyle, pyroxyline, cellulose pentanitrique C*H°0°(Az0*) 2H0, et qui, dissoute dans un mélange d'alcool et d’éther, constitue le collodion, si utile à la médecine, aux arts, et surtout à la photo- graphie. Le chlore et les hypochlorites brülent la cellulose et la trans- forment en eau et en acide carbonique; il est donc important de prendre de grandes précautions dans le blanchiment du papier et des toiles par le chlore; mais une fois le blanchiment opéré, on évite les effets subséquents du chlore, en traitant les matières blanchies par l'anti-chlore où hyposulfite de soude. Quoique la cellulose constitue la base fondamentale des plantes et qu'elle soit, par conséquent, extrèmement répandue dans la nature, elle n'appartient pas exclusivement au règne végétal. MM. Schmidt, Lowig, et Kæliker l'ont trouvée dans l'enveloppe des tuniciers, M. Pé- ligot dans la peau des vers à soie, et M. Wirchow dans les corpus- cules découverts par M. Purkinge dans le cerveau de l'homme. On peut, à l'aide de certains réactifs, distinguer dans les tissus les mélanges de lin, chanvre et coton, et de substances animales (soie et laine) ; en effet, une dissolution de potasse à 10 pour 100 dissout rapidement la soie et la laine, tandis que les fils de lin, de chanvre ou de coton résistent; en présence du bichlorure d'étain, et à chaud, les fils de lin ou de coton noircissent, tandis que la soie et la laine con- servent leur couleur. Lorsqu'on fait bouillir pendant deux minutes un pouce carré d’un tissu dans une dissolution de parties égales de potasse et d’eau, on voit, d'après M. Bottger, que les tissus de chanvre ou de lin jaunissent, tandis que le coton reste blanc. En plongeant les tissus dans l'acide azotique à 36° contenant de 170 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. l'acide hypo-azotique, les fils de phormum tenar, où lin de la Nou- velle-Hollande, rougissent (M. Vincent); mais, d’après M. Payen, la même coloration se manifeste avec les fibres des cocotiers, des pan- danus, d'agave, de cissus, ete., avec le mauritea flexuosa, le phellan- drum aguaticum, Ve raphanus sativus, V'abaca de Manille, ete. SUBSTANCES ALBUMINOIDES OU PROTÉIQUES. — Quatre principes domi- nent dans les végétaux : ce sont, le principe cellulaire que nous venons de faire connaître, le principe albumanoïde où protéique, le principe amylacé et le principe gras; ce sont ces principes que nous allons étudier successivement en rattachant à chacun d’eux les corps qui s'en rapprochent ou qui en dérivent. Les substances protéiques ont toutes pour base la protéine; elle a toujours la même composition, quel que soit le corps qui l'a en- gendrée ; on a considéré les albuminoïdes comme formées de protéine combinée avec de faibles quantités de soufre ou de phosphore ; mais rien ne prouve que la protéine préexiste dans les albumines, elle paraît être plutôt le résultat de l’action des alcalis. Voici quelle est sa com- position : CATNONB Me tee nieersce Le P0 DE HYArTOBÉDE SR ELLE ce EE, 1 fr nocodssonodonroondudo dodo dE 16 OSVÉEDE EEE CEE EL CIer sieste steleteters 23 100 on la représente par CHF Az*O". C’est à M. Mulder, physiologiste et chimiste hollandais, que l’on doit l'ingénieuse théorie de la protéine; aujourd'hui elle est admise par les chimistes, quoique très-ébranlée par les recherches de M. J. Liébig. Elle présente les trois réactions caractéristiques des albuminoïdes; elle est colorée en jaune par l'acide azotique; cette coloration est due à la formation de l'acide zanthoprotéique; sous l'influence de l'acide sulfurique faible et bouillant, elle se dédouble en plusieurs produits dont un est la leucine — (CH Az 0°), qui jouit de toutes les propriétés des alcaloïdes. Enfin elle est bleuie par l'acide chlorhydrique bouillant. Les matières albuminoïdes ou protéiques sont très-répandues et assez abondantes dans les végétaux; on les trouve souvent réunies ensemble. En effet, si l’on soumet à un courant d'eau wne pâte con- sistante préparée avec la farine de blé, et que l'on pétrisse entre les doigts, tout l'amidon est entrainé, et il reste dans les mains une ma- CHIMIE VÉGÉTALE. - 171 lière plastique grisàtre, qui, exposée à une température de 200°, se boursoufle, et qui se décompose à une plus forte chaleur en répan- dant l'odeur de la corne brülée; cette matière, qu'on nomme gluten, est un assemblage de diverses albumines. Le gluten, soumis à l'action de l'alcool bouillant, laisse pour résidu une matière qui possède les propriétés et la composition de la fibrine animale, et qu'on a nommée fbrine végétale. Dumas et Cahours.) L'alcool en se refroidissant laisse déposer une matière blanche qui a les caractères de la caséine du lait, et il retiendra en dissolution la glutine qui, séparée de la graisse, présente un aspect pultacé et la même composition que l'albumine; enfin dans les eaux de lavage on sépare par l'ébullition une matière blanche qui possède la composi- tion et les propriétés de l’albumine de l'œuf. D'où il résulte que de la farine du blé on peut extraire quatre ma- tières azotées protéiques, qui sont : la fibrine, V'alhnnine, a castine et la glutine; à ce groupe d’albumines végétales on peut ajouter l'amnandine des amandes, et la /égumane des haricots. Voici quelle est la composition de ces matières protéiques : Fibrine Caséine Albumine des deux des deux des deux Glutine. Légumine. Amandine, règnes, règnes. règnes, Carbone..... 52.75 53.56 53.47 53.05 50.75 50.90 Hydrogène. .… 6.99 7.10 ri 7.17 6.73 6.50 AZO18.. 7. 301 16.57 15.87 15.72 15.94 18.49 18 50 Oxygène..... 23.69 23.47 23.6% 23.84 24.03 24.10 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 100.00 Non-seulement toutes ces substances se ressemblent par leur com- position chimique, mais elles possèdent, en outre, des propriétés com- munes qui les caractérisent. Mises en contact avec un mélange d’azotate et d’azotite de mer- cure, toutes les matières protéiques sont colorées en rouge ; au contact de l'acide chlorhydrique concentré il y a dissolution lente avec colo- ration qui va en augmentant du rose au bleu; la réaction est plus vive et plus rapide à l'ébullition. La potasse les dissout, et la solu- tion sursaturée par un acide laisse précipiter des flocons grisâtres, légers, formés de protéine ; il se dégage en même temps de l'hydro- gène sulfuré, et on trouve de l'acide phosphorique dans la liqueur : c'est ce qui avait fait dire que les albuiminoïdes résultaient de la combinaison de la protéine avec le soufre et le phosphore. 172 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. L'albumine des végétaux parait identique avec celle de l'œuf et du sang, mais cela ne prouve nullement, comme on l’a dit, que les plantes la fournissaient toute faite aux animaux ; comme l’albumine de l'œuf de poule, elle est coagulée vers + 70°; elle peut être desséchée à une douce tempéralure tout en restant soluble dans l'eau ; lalbumine coagulée se dissout dans l’eau à une température de + 150°, et à une haute pression. L'albumine liquide forme, avec les oxydes terreux, la chaux par exemple, des composés épais, durcissant à l'air et constituant d'ex- cellents luts ou mastics que l’on utilise pour consolider les appareils de chimie et pour raccommoder la faïence et la porcelaine ; avec les oxydes des dernières sections, elle forme des 4/buminates insolubles qui n’exercent pas d'action sur l’économie animale; {aussi l’eau albumineuse obtenue en délayant un blanc d'œuf dans l'eau, ou bien celle.qu'on obtient en exprimant les plantes inoffensives pilées, constitue-t-elle un excellent contre-poison des sels de mercure, de cuivre, etc. Le gluten dont nous avons parlé est le principe complexe azoté des céréales ; il est blanc-grisätre, très-élastique ; mais au contact de l'air humide il se ramollit, perd son élasticité et répand une odeur forte etammoniacale; il est insoluble dans l'alcool et les alealis. On mesure la qualité des farines des céréales à la quantité de glu- ten sec qu'elles contiennent ; en se desséchant, le gluten perd environ les deux tiers de son poids; le gluten altéré reste mince par la cuis- son, tandis que celui qui est de bonne qualité se gonfle ; un boulan- ger, M. Boland, à décrit, sous le nom d'a/euromètre, un instrument qui sert à mesurer la qualité des farines par l'accroissement de vo- lume que prend le gluten en cuisant. Les quantités de gluten contenues dans les diverses céréales sont les suivantes : HariNO pures 10.25 pour cent, Froment d’automne.................. 19. » — — de PrinteMPS-.---.----cre.. 24. » — — de Barbarie......... Se -noest 23. » — — M A0 SICIBre nee see re eee DAAN D — Épeautre.. ..... on Re RO Dpt ANOINO ST EL EL LCR E s-ortact 6. » — SDS PRET ET NE ue 5. » _— CHIMIE VÉGÉTALE. 173 Mais le climat, les espèces et beaucoup d'autres causes influent sur les qualités du froment. M. Millon à fait voir que certains blés ne contenaient pas ou presque pas de gluten. Voici d'ailleurs d'après M. Péligot la composition de divers blés : Eau. rs Gluten. Albumine. sos FRS Cellulose. Sels, Blé blanc de Flandre...... 14.6 1.0 8:34 42:4 92. 162.7 1.8 » — Hardy white. ........ 13:68, 151 10.5 2.0 40.5 60.8 1.5 » — tousselle blanche de Pro- VORCB: see As ee iaiete 14.6 1.3 8 S.1 66.1 » » — Polisch d'Odessa...... 15.2 1.5 DT 6 GS 619388 1.4 — LAFISSOD:.--.-.. 0.0. 13.2 1.2 10.0 1 6.8 61.1 » » — Poulard roux......... 13.9 1.0 8.7 1.9 7.8 66.7 » » — Poulard bleu (conique année moyenne), .... AA OM OR SAS LANGE AUSNEE EL F1) — année très-sèche...... EN TI 1.4 5.9 59.7 » 1.9 — métadin du Midi...... 13.6 1.1 14.4 1.6 6.4 59.8 4.4 14.7 — de Pologne........... 132 15 19.8 1.7 6.8 55.1 » 1.9 — de Hongrie........... 14.5 14 11.1 1.6 5.4 65.6 » » — d'Égypte... ane: ARS Ao19 10 Lie. GO SRG a » — d'Espagne............ 152 1:8 8.9 1.8 223 0169:0 » 1.4 — Tangarock........... 14.8 1.9 12.2 1.4 790 57,993 1.6 En résumé, dans les froments le gluten peut varier de 2 à 20 et l'amidon de 50 à 70. Toutes les céréales contiennent du gluten en plus ou moins grande proportion. Hermbstädt avait proposé de donner des noms différents aux glutens des diverses farines : ainsi le gluten de froment aurait été appelé /riticine ; celui du seigle, sécaline; celui d'orge, Aordéine ; celui d'avoine, avénaïine, ete. ; mais cette nomenclature n’a pas été adoptée. GLurne. — Nous avons dit comment on obtenait cette substance protéique, elle se distingue par sa solubilité dans l'alcool froid, elle jouit d’ailleurs de toutes les propriétés de ses congénères; elle a été peu étudiée, et plusieurs chimistes ne la considèrent pas comme une espèce distincte, mais bien comme une altération de l'albumine et de la caséine. L'amannine et la LÉGuMIxE ont la même composition et presque les mêmes propriétés; on les distingue en ce que leurs dissolutions aqueuses sont précipitées par l'acide acétique, dont un excès dissout la légumine seulement, et en ce que celle-ci forme avec le sulfate 174 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. de chaux un composé insoluble, c'est ce composé qui dureit les ha- ricots lorsqu'on les fait bouillir avec les eaux séléniteuses. Les disso- lutions aqueuses de l’amandine et de la légumine sont coagulées par la chaleur et par les acides, le précipité est soluble dans les alcalis, l'acide phosphorique les précipite, tandis qu'il ne précipite pas l'al- bumine. Le GLUTEN, la FIBRINE VÉGÉTALE, la GLUTINE, l’AMANDINE et la LÉGU- MINE forment des composés insolubles avec certains oxydes métalli- ques, tels que ceux de mercure, de cuivre et de plomb; la caséine végétale est dans le même cas, aussi peut-on utiliser toutes les albu- minoides dissoutes comme contre-poison des sels de mercure et de cuivre. La légumine et l’amandine s’obtiennent en faisant tremper le tour- teau d'amandes, la farine de pois ou de haricots dans de l'eau dis- tillée, on filtre et on précipite goutte à goutte par l'acide acétique, et on lave à l’eau distillée d'abord, puis à l'alcool et à l'éther. Les graines des légumineuses contiennent jusqu'à 18 p. 100 de légumine. Elle correspond à la formule C"H°*AZz°07. Le principe amylacé où amidon est un composé ternaire très- abondant dans les végétaux, qui peut être représenté par la formule C°H'O*HO. Au point de vue chimique, les mots aridon et fécule ont la même signification; mais le plus souvent on appelle /écule le principe amylacé de l’igname, des patates et des diverses pommes de terre, et on donne le nom d’aidon au principe amylacé que lon relire des chénopodées, des légumineuses, des céréales et notam- ment du blé. L'amidon et les fécules sont extraits soit par des procédés mécani- ques, soit par la destruction par fermentation des principes avec lesquels l'amidon est associé. Dans tous les cas, la matière amylacée présente des états d'hydratation très-différents qu'il importe de faire connaitre. CHIMIE VÉGÉTALE. 175 TABLEAU des différents états d'hydratation de la matière amylacée. EAU CONTENUE ÉQUIVALENTS ÉTAT DE LA MATIÈRE. dans corres- CARACGTÈRES PHYSIQUES. 100 parties, pondants. x C'est le degré d'hydratation de la Egouttée et séchée sur une 15.83 15 fécule verte, c'est une masse com- J.ÙEe ‘ . plaque de plâtre... .... 5 pacte un peu plastique, que la pres- sion ne divise pas. Matière qui, étant déjà | Poudre d'un blane éclatant, parti- che, a été exposée à l'air 35,50 10 cules adhérant entre elles à une saturé d'humidité et à 200. | légère pression et mieux à 1000, C'est le degré d'hydralation de la Matière desséchée à l'air et fécule sèche ducommerce, les grains ENT Aro is L adhèrententre eux, mais ils n'ôtent conservée qans un enqro1 penz 5 pas à la masse son aspect pulvéru- COOPER or Pre lent; pressés entre les doigts, ils pro- duisent une sensation de fraicheur . Matière desséchée dans le Poussière coulant entre les doigts, ù È 9.92 2 sans adhérer, ne manifestant ni sé- MAS LI ADOR MAL AIR IN sseni idité ssi cheresse ni humidité par la pression. a “ . 7 ds- i H 7 Ù Matière desséchée dans le Poudre très-mobile qui ,pressée entre É à 0. » 0 les doigts, produit une sensalion de de de 120 à 440° ou vide de 120 à 140°...... sécheresse, elle absorbe l'humidité. L'amidon ou fécule se présente sous la forme de grains arrondis, d'aspect variable, leur diamètre varie avec chaque plante ; voici les principaux : Grains amylacés de la pomme de terre de Rohan. ..... Omm,f85 = de la fève. ...... ÉD do Dar onto 0 075 _ AUANIÉ eee ee EL Ce 0 045 — CENEN ETES RESORT eut 0 040 _ AUISOLENO TOUPE. messes... 0 030 _ ANA ET re Lre--eertee 01029 — du millet.......... see eee 0 O10 — AUPANAIS EE Eeee Cuers 0 007 -- de la graine de betterave.............. 0 004 — — de chenopodium chinoa.... 0 002 Disons tout de suite que deux propriétés principales caractérisent la matière amylacée : la première consiste dans la propriété qu’elle possède de se gonfler considérablement dans l'eau chaude, et de faire empois avec elle; la seconde est de bleuir avec l'iode libre. La consistance de l’empois est d'autant plus grande, et la coloration bleue est d'autant plus foncée, que les grains d’amidon sur lesquels on agit sont plus gros. Nous reviendrons sur ces deux propriétés de l'amidon. 176 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. La première formation de la matière amylacée commence par un granule sphéroïdal; l'accroissement se fait par un ou par deux ori- fices portant le nom de A7/e, ombilic ou ostiole ; c'est autour de ce point que la matière amylacée se forme concentriquement en cou ches distinctes, dont la densité augmente à mesure qu'on arrive vers la circonférence ; d’après Frisch, ces couches, alternativement épaisses el minces, correspondraient aux alternances de jour et de nuit; on observe très-bien la structure de l’amidon en le chauffant à 200°, en l'imbibant d’eau et l’observant au microscope, où bien en l’hu- mectant d’eau alcoolisée et le desséchant sous la machine pneu- matique. Le principe amylacé est très-abondant dans les végétaux ; 1l cons- titue des réservoirs de matières destinées à nourrir les jeunes plantes ; il est accumulé dans les rameaux épaissis de la pomme de terre, dans les fruits des céréales, dans la tige de certaines euphorbiacées (tapioka), des palmiers (sagou), dans les semences du châtaignier, du marron d'Inde; dans les graines des légumineuses, la racine des ombellifères, de la bryone, les rhizomes de l’arum, les bulbes de la tulipe, des glaïeuls, les pseudo-bulbes des orchis, ete., etc.; mais il ne se trouve pas dans toutes ces parties en égale quantité. Voici quelle est la proportion approximative de matière amylacée contenue dans les principaux végétaux : Patate (racine)... ... Done Denise nie sieele 2 sell 13.3 pour cent, ManloC (tige)... ere. sec lei elrel 13.5 — Pomme de terre (rameaux souterrains)... ........ 25 — lenameitnlobé (rhizome). eee oeeee 22à 25 — lentille(éraines) rie teercr-ce.rr eee 192 — KRéveitld'}encrcre..e ec Dnobeca ro conne 34 — HATICOUId) EEE Rec Pboo 0120640000 46 — BDISAUA Se - -eee-e-eccecpee Teen 50 — AVOINE ÉTULLS) 22e = espece PS ADO D DUT AUTO 59 _ Seigle (Id.)..... MÉCSDO 0200000000 1/0000 000 01 — Épeautre (Id.)......e..... Boouns rod abuosouton 68 — Froment du printemps (Id:}...............:.... 70 — — d'automne (Id.)...... Sas ooOn 000 TOO 75 — Orgellid)..-....0-2 EE re ohne e a NA) — Mas (LA) nr eercmeeechhcleecere 20000 00C 80 — MAO isédeaodonsonaos ere chactees . 83àa85 — Nous avons déjà dit que l’amidon était coloré en bleu par l’iode, mais seulement dans certaines conditions ; il faut d’abord que l’iode CHIMIE YÉGÉTALE. 177 soit libre, ensuite qu'il soit dissous dans l’eau et non dans l'alcool: il faut enfin que la pellicule externe de l'amidon soit déchirée. L'ami- don, désagrégé par la chaleur à 170°, n’est pas coloré par l'iode: il n'est pas prouvé que l'iodure bleu d’amidon soit une combinaison chimique définie; on sait qu'il se décolore vers 66°, et qu'il redevient bleu par le refroidissement; la lumière solaire le décolore également, mais d’une manière permanente. L'eau bouillie avec l'amidon désagrége celui-ci suffisamment pour que les granules en puissent traverser les papiers à filtre ; mais la so lation n'est qu'apparente, car un filtre très-fin, comme les radicelles d'une bulbe de jacinthe, l'en sépare ; et par la congélation de cette prétendue solution, il se précipite et ne se dissout plus lorsqu'on ramène le mélange de glace et d’amidon à 40° ou 50°. L'amidon n'étant pas soluble, on ne peut comprendre son rôle comme agent de nutrition dans les végétaux, qu’en admettant qu'il éprouve des transformations à la suite desquelles il devient soluble : c'est ce qui arrive en effet, et sous diverses influences que nous ferons connaitre : il devient d’abord amidon désagrégé, puis der- trine, et enfin glycose d'amidon. Au contact de l'eau et à 170° l'amidon perd la propriété de bleuir par l'iode; sans rien perdre, sans rien gagner, il s’est transformé en un corps dont les propriétés sont différentes; ce nouveau corps est la dextrine, qui, comme la dissolution apparente de l’amidon, dévie à droite de l'observateur le plan de polarisation de la lumière pola- risée. La transformation de l’amidon en dextrine se fait encore sous l'influence de la chaleur à une température de 200° ; la réaction est facilitée par quelques gouttes d'acide azotique; on obtient ainsi la dextrine connue sous le nom de /etocome, si employée pour les ap- prêts, pour l’encollage, etc. ; à 230°, la fécule et l’amidon se déshy- dratent, se ramollissent et paraissent fondre; traités par l’eau, ils lui abandonnent alors une matière brune, la pyrodextrine (Gélis) —(CSH°0",H0), que l’on retrouve dans la croûte de pain, les pâtisseries, le café torréfié, le malt des brasseurs, etc., et dans toutes les matières féculentes qui ont été soumises à l’action d’une chaleur un peu forte. Mais la transformation du principe amylacé en dextrine et en sucre se fait encore sous l’influence des acides minéraux étendus, et Botan., T. I. 12 178 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. surtout sous celle d’une matière protéique qui se développe pendant la germination, et plus spécialement pendant celle des graminées; nous voulons parler de la dastase ; c'est par son intermédiaire que l'amidon des plantes est transformé en dextrine et en sucre. La diastase se développe pendant la germination des fruits, des céréales, des tubereules de pommes de terre, etc., etc.; non dans les germes eux-mêmes, mais à côté. Pour lobtenir, on broie l'orge germée, on la délaye dans de l’eau tiède, et on filtre ; on fait bouillir pour coaguler l’'albumine; on filtre de nouveau, puis on précipite par l'alcool anhydre ; le dépôt formé est purifié par des dissolutions dans l’eau et des précipitations successives par l'alcool. Lorsqu'elle est pure, la dastase est blanche, amorphe, insipide ; elle se dissout dans l’eau et dans l'alcool faible, et donne des dissolu- tions neutres; humide, elle se putréfie rapidement ; mais lorsqu'elle est bien desséchée dans le vide, elle se conserve indéfiniment; elle est caractérisée par la propriété qu'elle possède de saccharifier 2000 fois au moins son poids d’amidon; c’est sur cette réaction qu’est basée la fabrication de la bière par l'orge germée; l’action est paralysée par une température de 100°. La dextrine a absolument la même composition que l’amidon —= C°H° 0°, HO; préparée par la chaleur et l'acide azotique, elle con- tient toujours de la fécule; obtenue par la diastase, elle renferme toujours de la glycose; on la purifie en traitant cette dernière par l'alcool concentré, qui dissout la glycose et non la dextrine. La dextrine remplace la gomme dans un très-grand nombre de ses applications industrielles : pour le pain de luxe, le paron des tisserands, la bière, le cidre, etc., on préfère la dextrine glycosée ; pour les apprêts des tissus, pour épaissir les mordants et les cou- leurs, on choisit la dextrine amylacée ; celle-ci, dissoute dans l'alcool très-étendu, et la solution étant additionnée d'alcool camphré, sert à faire les bandages inamovibles dextrinés des chirurgiens. Les changements et les transformations qu'éprouve le principe amylacé au contact de l'acide azotique, varient avec l’état de concen- tration de celui-ci ; si l’acide est très-concentré, l’amidon est trans- formé en zyloïdine où pyroxam ; S'il est très-étendu, la transforma- tion en dextrine et glycose a lieu; mais s’il est moyennement étendu, il se forme de l'acide oxalique, à moins qu'on ne fasse bouillir long- temps; car, dans ce cas, toute la matière organique serait transformée CHIMIE VÉGÉTALE, 179 en eau et en acide carbonique; enfin les acides azotique et sulfu- rique non étendus d’eau, mais hydratés, dissolvent l'amidon; il est précipité de sa dissolution par l'alcool; il est devenu soluble dans l'eau, tout en conservant ses propriétés de bleuir par l'iode (Bé- champ). Il existe des variétés du principe amylacé que l’on pourrait à la rigueur considérer comme intermédiaires entre la fécule et la dex- trine ; telle est l’énvline, que l’on trouve dans les topinambours, les tubercules des dahlias, les racines de chicorée, d’aunée (vla hele- nium), ele.; sa composition est = C*H"O" + 3Aq.; à + 10° secs, elle perd 2? équivalents d’eau; elle est soluble dans l’eau; infermen- tescible, transformable en glycose par les acides étendus, elle jaunit par l'iode et dérive à gauche le plan de polarisation. L'énuwline ne forme pas empois avec l’eau. La Licnénine existe dans plusieurs espèces de mousses et de lichens, elle bleuit par l’iode, se transforme par l’eau en une espèce de gomme, se dissout dans l’eau bouillante et se prend en gelée par le refroidissement. Les Gommes sont abondantes dans les végétaux, elles sont formées de principes immédiats qui se distinguent en ce que, traités par l'acide azotique, ils donnent de l'acide mucique ; ils ne bleuissent pas par l’iode et ils ne sont pas susceptibles de fermenter. L'Aragine = CH"0" constitue la gomme arabique, elle est so- luble dans l’eau, insoluble dans l’alcool, l’éther et les huiles, sa solu- tion aqueuse peut être mucilagineuse, elle est /évogyre (qui dévie à gauche le plan de polarisation), mais elle devient dextrogyre par l'action de l'acide sulfurique ; desséchée à 120°, elle perd un équi- valent d’eau et présente alors la même composition que l’amidon; à 150° elle devient insoluble et ressemble à la bassorine. Bouillie long- temps avec l'acide sulfurique, elle se transforme en glycose (C*H"*0"). La solution de gomme arabique est précipitée par l'alcool, l’acétate de plomb et par le perchlorure de fer neutre. La CEéRasixE, que l’on trouve dans Ja gomme du pays, se gonfle dans l’eau sans se dissoudre, ou très-faiblement; la partie dissoute ne précipite pas par le perchlorure de fer; par une ébullition prolon- gée, elle est transformée en arabine. La gomme du pays est fournie par le cerisier, le pêcher, le prunier et tous les arbres à noyau. La B Assorixe existe dans la gomme adragante; elle se gonfle dans 150 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. l'eau sans s'y dissoudre; elle est transformée en arabine par une longue ébullition dans l’eau; et à 450° en bassorine, souvent la gomme adragante bleuit par l'iode; ce n’est donc pas un principe immédiat. On peut rapprocher des gommes certains principes mucilagineux qui existent dans les #auves et les quimauves, dans les graines du lin, dans celles du cong, de psyllium (plantago psyllium), ete. Comme les gommes, ces mucilages forment de l'acide mucique lors- qu'on les traite par l'acide azotique; secs, ils sont opaques et sont précipités de leur dissolution par l'alcool acidulé d’un peu d’acide chlorhydrique. Des Sucres. — On désigne sous le nom de sucre des principes im- médiats que l’on trouve dans la séve des végétaux ou qui sont le pro- duit de transformations physiologiques ou chimiques; ils sont solu- bles dans l’eau, possèdent une saveur douce et sucrée; et, sous l’in- fluence de certains ferments, ils peuvent éprouver diverses fermen- tations, et plus spécialement la fermentation alcoolique au contact de la levüre de bière, de l’eau, et à une température de 35 à 40°. Gzycose. CH 0 + 2Aq. — On désigne sous ce nom plusieurs substances sucrées, semblables par leur composition chimique, mais souvent différentes par leur constitution moléculaire, car elles n’a- gissent pas également sur la lumière polarisée. Chimiquement on peut considérer comme étant un seul et même corps, la matière sucrée cristallisable que l’on retire du raisin, du miel, de l'urine des diabétiques, et celle qui provient de la transformation du ligneux, de l'amidon, de la dextrine, et du sucre ordinaire sous l'influence des acides. La glycose se ramollit à 60°; elle fond et se déshydrate à 100”, noircit au delà de 150° et forme le caramel = C*H"0"; elle se décompose et donne des produits pyrogénés entre 200° et 220°. La glycose se dissout dans une partie et demie d'eau; elle est par conséquent une fois et demie moins soluble que le sucre ordinaire ; la solution est fortement dexrtrogyre; mais en quelques heures elle perd la moitié de son pouvoir rotatoire. Le tissu fibreux des végétaux morts se transforme en acides noirs du terreau que l’on a nommés Æulnune, Humine, Ulmine, Géine, Sacchulmine, Acides hulmique, mumique, ulmique, geique, sacchul- mique, ete. Les alcalis transforment la glycose en ces mêmes acides. CHIMIE VÉGÉTALE. 181 L'acide azotique concentré transforme la glycose en ry/oïdine ; l'acide étendu d'oxyde forme de l'acide oxalique (C*H0*) dont la formation est précédée de celle des acides saccharique où orysaccha- rique. La glycose, traitée par l'acide sulfurique en diverses circonstances, se transforme en acides sulfo-glycique et g/ycique; celui-ci se trans- forme à son tour en acide apo-glycique (Péligot). Acide saccharique.......,.... — CHE OS — sulfoglycique........,.. —1C#H202502 —, LIYCIQUE tee — CEHSOSSHO — ApOPIVCIQUE. 0 — CisH1Ot0 La transformation de la glycose en acide glycique peut se faire également sous l'influence des bases. Pendant l'évaporation de l'urine des diabétiques, il se dépose des cristaux formés de glycose et de sel marin que M. Calloud a étudiés ; ils sont représentés par la formule (C*H°*O*,CINa, leur solution est dextrogyre. Les solutions de glycose sont colorées en noir par les alcalis; elles réduisent le tartrate cupro-potassique et les diverses solutions con- nues sous les noms de réactifs de Frommsherz, de Barreswill, de Feh- ling, ete.; on s'est servi de cette propriété pour doser les solutions de glycose (Barreswill). Nous aurons l'occasion de parler plus loin des fermentations di- verses que la glycose peut éprouver ; disons seulement ici qu'elle est la seule parmi les sucres qui fermente directement, c’est-à-dire que tous les sucres avant de fermenter se transforment en glycose (Du- brunfaut). SUCRE DE FRUITS. — Lorsque après avoir saturé par de la craie les sucs sucrés et acides des divers fruits, tels que le raisin par exemple, on filtre et on fait concentrer en consistance de sirop, et qu’on cla- rifie au blanc d'œuf, on obtient un résidu d'aspect gommeux très- déliquescent, insoluble dans l'alcool absolu, soluble dans l'alcool à 80° C.; cette matière desséchée à 100° est représentée par C*H°0° ; mais ce sucre est /évogyre, tandis que la glycose est dertrogyre. Le sucre de fruits se transforme lentement en glycose; c'est ce que l'on voit dans les vieilles confitures, sur les pruneaux secs; ce même sucre de fruits se trouve dans la séve ascendante du bou- leau (Biot), dans la séve descendante de l’érable, dans le miel, les 152 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. mélasses; toutes choses égales d’ailleurs, il fermente plus vite que la glycose. Le Sucre DE LAIT où Lacrixe ou Lacrose C*H#O" et l’/nosite —= CH 0% + 4Aq, extraits Pun du lait, et l'autre de la chair musculaire, appartenant au règne animal, nous ne faisons que les signaler comme faisant partie du même groupe chimique que la glycose de fécule. La Sorgixe, découverte par M. Pelouze dans les baies du sorbier, cristallise en octaèdres rectangulaires appartenant au système du prisme rectangulaire droit; les cristaux sont durs, croquent sous la dent et ont une saveur légèrement sucrée; leur solution réduit à chaud le réactif de Frommsherz et ses analogues; elle ne dévie pas le plan de polarisation de la lumière polarisée. Eucazvxe. — Elle a été trouvée par M. Berthelot dans la manne d'Australie ou mélitose qui a subi la fermentation alcoolique; elle dérive donc du mélitose. À 100° elle est représentée par CH 0; sa solution est dertrogyre; elle n'est pas fermentescible, mais elle le devient par l'ébullition avec l'acide sulfurique; elle réduit le tar- trate cupro-potassique. SUCRE DE CANNE = CH! O!", — Ce sucre est extrait de la canne à sucre, de la betterave, et de tous les fruits sucrés et non acides; quelle que soit sa provenance, lorsqu'il est pur, le sucre cristallise en prismes rhomboïdaux, obliques, hémiédriques; sa densité est 1,60; il est incolore, inodore, transparent; le sucre en pains est formé de petits cristaux agglomérés; frotté à l'obscurité, 1l devient phosphorescent; une partie d’eau dissout trois parties de sucre; il ne se dissout pas dans l'alcool absolu froid; mais il se dissout dans 4 parties d'alcool à 83°; il dévie à droite le plan de polarisation de la lumière polarisée; son pouvoir dextrogyre ne diminue pas sensi- blement avec la température. Chauffé à 220°, le sucre perd deux équivalents d’eau et se trans- forme en caramel non fermentescible ; à 460°, il fond en un liquide visqueux qui, refroidi, constitue le sucre d'orge vitreux, mais qui devient opaque avec le temps, sans changer de composition. On évite ou on retarde ce changement moléculaire en mettant un peu de vinaigre dans le sucre. Maintenu longtemps à 160°, le sucre de- vient incristallisable et lévogyre ; dissous dans l'eau, il éprouve un changement analogue lorsqu'on le soumet à l'ébullition, les #16— CHIMIE VÉGÉTALE. 183 lasses ou sucre incristallisable ne sont que le résultat de ces trans- formations ; car les expériences de M. Péligot ont prouvé que tout le sucre de canne exislait dans les plantes à l'état cristallisable. Les acides #ntervertissent le sucre, c'est-à-dire qu'ils le rendent lévogyre; il porte alors le nom de sucre intervertr, qui, d’après M. Dubrunfaut, est un mélange à équivalents égaux de glycose, de raisin dextrogyre, et de glycose de fruits lévogyre. Avec les bases, le sucre forme des sucrates neutres ou basiques. Le sucre de canne n'entre en fermentation qu'après être passé à l'état de sucre intervertr. Parmi les substances isomères du sucre, et ayant par conséquent pour formule CF H"O'", il en est qui sont difficilement fermentes- cibles au contact de la levüre de bière, inaltérables par les alcalis et par les réactifs de Frommsherz, et qui, sous l'influence des acides étendus, se transforment en sucres fermentescibles appartenant au groupe des glycoses. Nous signalerons parmi ces substances le #26/i{ose ou manne d'Aus- tralie, qui est une exsudalion sucrée, produite par diverses espèces d'eucalyptus du Van-Diémen ; le mélézitose, extrait de la manne de Briançon, qui est une exsudation du mélèze (pinus larir L.); le tréhalose, extrait du frehala, espèce de manne employée en Orient dans l'alimentation, et qui exsude d’une plante du genre échinops (tribu des cynarées), à la suite de la piqüre d'un insecte de la famille des curculionides (/arinus nidificans); enfin le mycose, extrait par M. Mitscherlich de l'ergot de seigle, et qui, d’après M. Berthelot, serait identique au tréhalose, seulement son pouvoir rotatoire est plus considérable. Tous ces sucres sont dertrogyres. Il existe souvent dans les végétaux des principes immédiats qui se rapprochent des sucres par quelques-unes de leurs propriétés, mais qui s’en distinguent en ce qu’ils renferment un excès d'hy- drogène sur les proportions de l’eau; la maunite est le type de ce groupe. La Maxuire C° H° Of est extraite de la manne; elle se forme dans la fermentation lactique et visqueuse ; on l’a trouvée dans les asper- ges, les oignons, le céleri, les champignons et certains fucus. Elle cristallise en prismes rhomboïdaux droits; elle est légèrement sucrée, et sa solution est dépourvue de pouvoir rotatoire; elle est soluble dans l’eau; elle fond vers 160° et cristallise par le refroidissement ; 184 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. à 200° elle perd un équivalent d’eau, et se transforme en #annitan (CH 0°): Traitée par l'acide azotique, la mannite forme la mannite dinitri- que et trinitrique ; elle n’est pas saccharifiable par les acides; elle est sans action sur l’acétate de plomb et le réactif de Frommsherz ; elle ne fermente pas au contact de la levûre de bière; mais, aban- donnée pendant quelque temps à la température de 40° avec de l'eau, de la craie, du fromage blanc ou du tissu pancréatique, elle fournit de l'alcool avec dégagement d’acide carbonique et d’hydro- gène. Le tissu testiculaire de l’homme, du coq, du chien, du cheval, transforme la mannite dissoute dans l’eau en glycose lévogyre. Nous signalerons encore comme isomères de la mannite, la dulcine ou dulcose C°H7O° qui nous est venue de Madagascar sans aucun ren- seignement sur son origine; elle est sous forme de rognons de la grosseur du poing, et au dessous. La Puycire, qui a été extraite par M. Lamy d’une espèce d’algue, le protococcus vulgaris ; Vérythrite, qui existe aussi toute formée sur certaines algues, et est représentée par C'H°0*, rentrent dans le groupe de la mannite; tandis que dans le groupe de la #annilane où mannite déshydratée, nous signalerons la Pire C°H° 0, extraite des concrélions du pénus lambertiana; Va qguercite, que l'on a retirée des glands du chêne, et la phaséoman- nite = C"'H°'0”", qui existe dans le suc des haricots (phaseolus vul- garts). On voit, d'après tout ce que nous venons de dire, et pour nous résumer, que le principe sucré du règne végétal est représenté par trois types : 1° la glycose, 2° le sucre, 3° la mannite; dans les deux premiers, l'hydrogène et l'oxygène se trouvent dans les rapports de l'eau; dans le troisième, l'hydrogène est en excès sur l'oxygène, el toutes les espèces qui s'y rapportent ne lui sont pas isomères. Avant d'exposer l'histoire des fermentations à laquelle nous serions conduit par celle que nous venons de faire des sucres, nous expo- serons brièvement ce que l’on sait sur les principes gélatineux des végétaux qui jouent un si grand rôle dans la maturation des fruits. PRINCIPES GÉLATINEUX DES FRUITS. — Le principe protéique, que lon trouve partout où un organe doit se former, s'y trouve réuni à un autre qu’on appelle principe pectique; l'un et l’autre peuvent être considérés comme étant la substance dont la nature fait les tissus végétaux ; plus tard, ceux-ci s’incrustent de matières organiques; ils CHIMIE VÉGÉTALE. 185 durcissent et se transforment en Zgneux sur la nature duquel nous avons insisté. Les transformations que les principes pectiques éprouvent sous les plus légères influences, démontrent que toutes les substances pec- tiques ont une même origine; mais comme elles possèdent des pro- priétés distinctes, il à fallu les différencier par des noms, quoiqu'il soit souvent difficile de les distinguer les unes des autres; quelques- unes sont le résultat de phénomènes qui s’accomplissent dans l’orga- nisation; d’autres sont les produits du laboratoire du chimiste. Voici quelles sont ces substances, qui constituent ce que l’on a appelé la serie peclique. PECIOSO Rene mette Probablement comme la cellulose. BeGtne Re r eee CHE O6 Parapectine.... .......,.. C6 H806+ Métapectine. ....... ... LUE t3/06 Acide pectosique........ C2 H280% ou C# H2102,2H0 Acide pectique.......... CS2H2205%0 ou C32H20 028 ,2H0 Acide parapectique. . .. CHHO ou CHE 022 H0 Acide métapectique...... CS H7O9 ou CSH507,2H0 La pulpe d’un fruit vert, exprimée et lavée avec soin jusqu'à ce qu'elle ne cède plus rien à l’eau, même à l’ébullition, bouillie avec de l'eau additionnée d’une faible quantité d'acide, donnera de la pectine, et il restera pour résidu, du ligneux; d’où il résulte que la pulpe des fruits verts, insoluble dans l’eau bouillante, est formée d’un résidu composé de ligneux et d’un principe générateur de la pectine que l’on nomme pectose; mais comme la pectine existe toute formée dans les fruits, il faut en conclure qu’elle résulte de l’action des acides sur la pulpe, ou mieux sur la pectose (Frémy). Lorsqu'elle est pure, la pectine est blanche, soluble dans l’eau, incristallisable ; l'alcool la précipite de ses dissolutions; elle est neu- tre, non précipitable par l’acétate neutre de plomb, mais elle l’est par l’acétate tribasique ; bouillie dans l’eau, elle devient précipitable par l’acétate neutre; elle est alors transformée en une substance isomère, la parapectine; de neutre qu'elle était, elle acquiert la propriété de rougir le tournesol sous l'influence simultanée des acides et de la chaleur, et de précipiter le chlorure de baryum ; elle est alors transformée en un autre isomère, la métapectine, et au con- tact de la pectase où ferment pectosique, a pectine est transformée en acide pectosique. 186 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Nous avons déjà dit que la dastase ou ferment glycosique trans- formait l’'amidon en dextrine et en glycose; de même Ja pectase transforme la pectine en acide pectosique; la mème transformation s'opère sur la pectose, mais alors seulement sous l'influence simul- tanée de la pectase et des acides ; il est mème probable que ces actions sont successives, c'est-à-dire que les acides transforment la pectose en pectine, et la pectase change la pectine en acide pectosique. H y a peu de temps encore on rangeait ces phénomènes parmi les fermentations, mais il ya lieu aujourd'hui de les en séparer, depuis que l’on sait que celles-ci s'opèrent sous l'influence d'êtres organisés vivants. La réaction de la pectase sur la pectine n'est pas la seule origine de l'acide pectosique; cet acide se produit aussi par l’action des alcalis étendus et froids sur la pectine ; il se forme des pectosates dont on sépare l'acide pectosique à l'aide d’un acide sous la forme d’une masse gélatineuse. L'Acne PEcrique diffère de l'acide pectosique en ce qu'il contient un équivalent d’eau de moins, et par sa presque-insolubilité dans l'eau bouillante; soumis à l’action prolongée de l'eau bouillante, il devient soluble et passe à l'état d'acide parapectique ; les pectates eux-mêmes subissent la même transformation et deviennent des para- pectates ; enfin, toutes les matières pectiques peuvent se transformer en acide zrétapectique, dernier terme de la série; cette transforma- tion s'opère sous diverses influences, telles que celles de l'eau et du temps, celles des acides et des alcalis; l'acide métapectique est in- cristallisable, il forme des métapectates tous solubles. La Pecrine est extraite de la pulpe de poires très-müres; l'acide pectique est oblenu en faisant bouillir la pulpe de carotte ou de navet avec une faible solution de carbonate de soude, et l'acide mé- lapectique peut être préparé en soumettant à l'action de la chaux la pulpe de certains fruits ou racines, la pulpe de belterave, par exemple. Tous les acides de la série pectique sont diatomiques, c'est-à-dire qu'ils renferment deux équivalents d’eau de constitution, et qu'ils sont susceptibles de saturer deux équivalents de base. On pourrait confondre au premier abord l'acide pectique avec la gomme et le sucre de lait; car, par l'acide azotique, elle donne de l'acide mucique. Les acides parapectique et métapectique réduisent le tartrate cupro-potassique ou réactif de Frommsherz, ce qui pour- CHIMIE VÉGÉTALE. 187 rait les faire confondre avec le sucre; mais ils n'exercent aucune action sur la lumière polarisée, et ils ne fermentent pas. C'est à M. le professeur Frémy que l’on doit les travaux remarqua- bles que nous venons d'exposer; le grand attrait que présentent ces recherches est singulièrement augmenté par la possibilité d'expli- quer, d’une manière précise, certains phénomènes qui accompa- gnent la maturation des fruits et la formation des gelées. Dans un fruit vert on ne trouve que de la pectose et des acides ; en mürissant, les cellules se distendent, le fruit devient moins dur, il ne contient alors que de la pectne. Le sue de certains fruits (groseilles, cerises, fraises, müres, etc.) se transforme spontanément en gelée; il ne contient plus alors de pectine, mais bien des acides pectosique et pectique; ce changement est dû à l’action de la pectase sur la pectine; aussi, un suc que l'on porte brusquement à l'ébullition n'éprouve plus ce changement, parce qu'alors la pectase, sorte d’albuminoïde, a été coagulée et ren- due impuissante; mais si la transformation en acide peclique a eu lieu, si on fait bouillir pendant longtemps, la gelée ne se fera pas, par suite de la transformation des acides pectosique el pectique en acides para et métapectique; c'est ce qui explique à nos ménagères pourquoi les gelées de fruit ne prennent pas lorsqu'on y met trop d'eau et qu'on est'alors obligé de les faire bouillir trop longtemps. Enfin un fruit vert, dont la saveur serait acerbe et désagréable, devient mangeable lorsqu'on le fait cuire; c’est que, par la coction, les acides ont réagi sur la pectose insipide pour la transformer en pectine, qui a une saveur douce qui masque l’âpreté de l'acide. Des Fermenrarions. — Les fermentations ont été rangées pendant longtemps au nombre des phénomènes mystérieux; M. Liébig les avait classées parmi les phénomènes de mouvement communiqué; on admettait que pour qu’elles pussent avoir lieu, il fallait une réunion de conditions telles, que la présence simultanée de l’eau, de l'air, d'un ferment, d’une matière fermentescible, et d'une température convenable; on avait étudié avec soin les causes qui pouvaient hâter ou retarder la réaction, et on savait très-bien, par exemple, que le jus d’un fruit, le moût de raisin, par exemple, pouvait être conservé indéfiniment à l'abri du contact de l'air, mais que la moindre bulle de ce gaz ou d'oxygène déterminait pour ainsi dire à l'instant même le mouvement fermentescible, et qu'il ne cessait qu'après destruction 188 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. complète du sucre ou du ferment, à moins qu'une cause extérieure ne vint entraver ou arrêter la marche de l'opération. On savait encore que le moût après la fermentation devenait trouble, que ce trouble augmentait à mesure que le dégagement ga- zeux devenait plus considérable, et qu'il se déposait une matière quaternaire azotée. On avait observé que la nature des produits ré- sultant de la fermentation variaient avec les ferments, la tempéra- ture, ete.; aussi les fermentations étaient-elles dénommées par les produits obtenus; aussi appelait-on celles que le sucre pouvait subir sous diverses influences, /ermentations alcoolique, butyrique, lactique, visqueuse et acétique, et avait-on rangé, à côté des fermentations que le sucre pouvait éprouver, toutes les transformations, tous les dé- -doublements qui paraissaient s’exercer sous des influences sembla- bles ou analogues, et être enrayées ou arrêtées par les mêmes causes. On comptait donc les fermentations suivantes : FERMENTATION AMMONIACALE OU PUTRIDE (action du ucus de la vessie sur l’urée et formation de bicarbonate d'ammoniaque). FERMENTATION GLYCOSIQUE (action de la dastase sur l'amudon, et for- mation de g/ycose). FERMENTATION SINAPISIQUE (action de la #2yrosine sur l'acide #7yro- nique, et formation d'essence de moutarde). FERMENTATION BENZOÏQUE (action de la synaptase sur l'amygdaline, et formation d'essence d'amandes amères où hydrure de benzoïle, d'u- cide cyanhydrique, ete.). FERMENTATION PECTIQUE (action de la pectase sur la pectine, et for- mation d'acide pectosique). FERMENTATION GALLIQUE (action d’un ferment, pectase? sur le fannin, et formation d'acide gallique). FERMENTATION GRASSE OU RANCIQUE (action d’un ferment sur Îles corps gras et formation d’acides gras). On avait même tenté d’instituer une fermentation digestive dans laquelle la pepsine véagissait sur les albuminoïdes pour former l'albu- munose où peplone ; mais il est évident que dans cette voie on serait allé trop loin. Relativement au ferment on avait établi les trois cas suivants : 1° Le ferment n'existait pas, il se formait au contact de l'air, et il se déposait un ferment azoté (jus des fruits, moût de raisin). 2° Le ferment existait, il disparaissait en détruisant le sucre, de CHIMIE VÉGÉTALE. 189 sorte que si on avait pu les mettre en présence, en proportions con- venables, il ne serait plus resté dans le liquide ni sucre ni ferment (levüre de bière et sucre). 3° Le ferment était formé, il dédoublait le sucre; mais lui, loin de se détruire, ne faisait qu'augmenter, et pouvait aller jusqu'à dé- cupler. (Exemple : fabrication de la bière, dans laquelle il y a à la fois du ferment, du sucre et une albuminoïde.) Dans ces trois cas, la théorie était parfaitement d'accord avec l'observation. C'était donc à un principe protéique existant dans le moût, mais qui pour devenir actif avait besoin du contact de l'air, que l’on fai- sait jouer le rôle de ferment, et on expliquait parfaitement tous les phénomènes qui accompagnaient ou suivaient la fermentation vi- neuse ou alcoolique; si le principe protéique manquait, le sucre prédominait après la fermentation ; le sucre faisait-il défaut, le vin obtenu était peu alcoolique et très-äpre : les vins des environs de Paris (Suresnes, Argenteuil, Meudon) en sont des exemples. Lorsque, au contraire, le moût était tout à la fois riche en principe protéique et en sucre, une grande proportion de ce dernier corps était dédou- blée et donnait naissance à beaucoup d'alcool; celui-ci à son tour, réagissant sur le ferment protéique, le tuait, le coagulait, le ren- dait impuissant, la fermentation était arrêtée, et les vins obtenus élaient à la fois riches en alcool et en sucre, comme le sont ceux du Roussillon; mais si plus tard on venait à mélanger ces vins alcoo- liques et sucrés avec des vins peu alcooliques et renfermant encore du ferment, comme les vins des environs de Paris, la fermentation recommençait et n'avait pour limite que la destruction complète du sucre ou du ferment ou l’annihilation de celui-ci par l'excès d'alcool formé. Le dédoublement des sucres sous l'influence du ferment en alcool et acide carbonique était un fait admis sans conteste ; on avait même basé la réaction sur l'équation suivante : 4 équivalents d'acide carbonique = CO? X # — C* OS 2 équivalents d’alcool — C*H$ 0? X ?,....... — C8 H120t C2H201? ou un équivalent de sucre de raisin anhydre. Mais, en se basant sur cette équation, les distillateurs avaient 190 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. depuis longtemps remarqué qu’ils n’obtenaient jamais l'alcool indi- qué par la théorie, et c'est en cherchant à se rendre compte de ce déficit que M. Pasteur a constaté qu'il se formait, en même temps que de l'alcool et de l'acide carbonique, de la g/ycérine et de l'acide succinique. De tous ces faits, on avait tiré les conséquences suivantes : Le principe protéique des jus de fruits, au contact d’un peu d'oxy- gène, se modifie, devient insoluble et passe à l'état de ferment. Le ferment dédouble le sucre en acide carbonique et en alcool; en même temps il change de nature. L'action du ferment sur le sucre n’est qu'une simple action de contact, favorisée par l’eau et par une température élevée. Telle est la manière dont M. Malaguti résume la question de la fermentation alcoolique; mais antérieurement aux recherches de M. Pasteur, que nous allons exposer, plusieurs chimistes, parmi les- quels nous citerons MM. Cagniard-Latour, Desmazières, Turpin, Quévenne, etc., avaient fait jouer un rôle plus actif aux corpus- cules organisés. On avait donc cru que le ferment était un être organisé qui se formait aux dépens de la matière albuminoïde, et bien entendu par l'intervention d'un germe; car nous n’entendons nullement trancher la question de la génération spontanée; mais l'intervention de l’oxy- gène aurait été indispensable pour commencer cette reproduction : une fois un globule formé, les autres seraient venus de celui-ci par bourgeonnement. La levûre inerte, comparée à la levûre active, a donné les résul- tats suivants : COMPOSITION DU FERMENT mm avant son action après son action sur le sucre. sur le sucre. GATOONPE EPP EE ere 47.71 48.31 HYATOBÈNE. 2 -eeeee-nee-e--ce 6.70 7.33 IV ane 1o60poidova von 10.15 5.07 Oxygène. eee... .LE 35.44 39.29 Soufre et phosphore........,.... Traces. Traces. 100.00 100.00 Mais si, sous l'influence de la levüre de bière, le sucre se trans- forme en alcool et en acide carbonique, dans d’autres circonstances il peut éprouver d’autres transformations ; si en effet, dans une dis- iv CHIMIE VÉGÉTALE. 191 solution de glycose, on délaye du gluten ou du fromage, et qu’on ajoute de la craie dans le but de saturer les acides au fur et à mesure de leur formation, car sans cela ils altéreraient la nature du ferment, on voit bientôt la masse devenir visqueuse tout en restant neutre; plus tard elle devient acide sans dégagement ni absorption de gaz; on y trouve alors de l'acide acétique (C*H* O0") et de l'acide lactique (CH G",2H0); plus tard il se dégage de l’acide car- bonique et de l'hydrogène, et il se forme de l'acide buryrique (C°H° 0‘. Une solution de diastase, exposée à l’air pendant deux ou trois jours, transforme la glycose en acide lactique à une température de 25° à 30° ; l’amidon en empois au contact de la chair musculaire ou de la fibrine, à une température de 30°, est transformé en acide buty- rique, et le gluten ou la levüre de bière bouillis dans l’eau, si on y ajoute du sucre, produiront, au lieu d'alcool et d'acide carbonique, un liquide visqueux contenant de la #7annite (Favre). C'est cette /er- mentation visqueuse que les potions sucrées éprouvent pendant l'été, et que l'on constate dans les vins blancs de qualité inférieure ren- fermant un ferment protéique peu actif, la g/aiadine. Il résulte des recherches nombreuses et intéressantes de M. Pas- teur, que l'élément actif des fermentations réside dans des germes apportés par l'air. Ce savant chimiste a basé son opinion sur les faits suivants, desquels il résulte que la fermentation ne serait pas un acte corrélatif de la mort du ferment, mais de son organisation et de sa vie; elle ne serait pas par conséquent un simple phénomène catalytique ou de contact, ou de mouvement communiqué. Si l’on prend, dit M. Pasteur, deux quantités égales de levüre fraiche ; si l’on dessèche l’une dans une capsule pesée à 100°, ce poids sera toujours inférieur à celui de l’autre portion également des- séchée à 100° et recueillie seulement après qu'on l'aura épuisée en présence d'un excès de sucre, en tenant compte, bien entendu, des matériaux solubles que la levüre a cédés à la liqueur. Il résulte de ce fait, pour M. Pasteur, que du sucre ou ses éléments se sont associés à la substance de la levüre pour former des globules qui, après leur formation, se sont épuisés en dédoublant le sucre ; les globules de la levüre doivent être considérés comme autant de récipients où se trouve la matière qui, grâce au sucre, deviendra ferment ; d’ailleurs il ne se forme pas d’ammoniaque pendant la fer- 192 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. mentation, et si on trouve moins d'azote, cela tient à l'augmentation du poids de substance par l'addition des éléments du sucre. M. Liébig admettait que l'azote de la levûre se transforme en ammoniaque, par suite de l’altération, de la destruction des globules; or lorsqu'on met un sel ammoniacal (tartrate, phosphate, etc.), de la cendre de levûre ou un mélange correspondant, dans une solu- tion de sucre pur, où l’on sèmera une quantité presque impondé- rable de levûre de bière, il y aura reproduction des globules en présence des éléments des substances mises en présence, et l'ammo- niaque disparaîtra, ce qui est contraire à la théorie de M. Liébig; mais les globules ne se multiplient pas, si l’on supprime, soit les cendres, soit le sel ammoniacal, soit les deux éléments à la fois, et il ne se manifeste aucune fermentation. Dans l’eau sucrée, additionnée d'un sel ammoniacal, de phosphate et de carbonate de chaux précipité, le liquide se trouble après vingt- quatre heures, le dégagement de gaz a lieu, l’'ammoniaque dispa- raît, les phosphates et le sel calcaire se dissolvent, du lactate de chaux prend naissance, se dépose, et corrélativement il se forme de Ja levüre lactique, dont l'élément est dû aux germes de l'air; car si on fait arriver de l'air chauffé au rouge, ce ferment ne se pro- duit pas. M. Pasteur est parvenu à isoler le ferment butyrique qui se formerait dans des circonstances analogues aux ferments alcoolique et lactique, et, chose singulière, les animalcules infusoires, qui joui- raient de la propriété d’être des ferments, auraient la faculté de vivre sans oxygène libre; bien plus, ce gaz libre les tuerait. M. Pasteur serait disposé à penser que la g/ycérine et l'acide suc- cinique, qui prennent naissance dans la fermentation alcoolique, auraient pour origine des ferments différents, et il eu serait de même des acides butyrique, lactique, acétique et de la mannite, qui se produisent pendant la fermentation du jus de raisin ; chacun de ces acides aurait son ferment particulier, et ils pourraient agir simul- tanément ou successivement. Lorsque dans du sucre on ajoute une quantité de levüre de bière cinquante ou cent fois plus considérable que celle qui est nécessaire, on obtient une quantité d'acide carbonique plus grande que celle qui est indiquée par la théorie; cela est dû à la cellulose de la levüre qui se change en sucre et qui fermente à son tour, et aussi à de la cellulose qui se forme, conjointement avec de la graisse, aux dé- CHIMIE VÉGÉTALE. 193 pens du sucre lui-même. Ces faits ont suggéré à M. Pasteur les réflexions suivantes, trop importantes et rentrant trop dans notre sujet pour que nous ne les rapportions pas en entier. « Dès que la levüre normale adulte est mise en présence du « sucre, sa vie recommence et donne des bourgeons; s'il y a assez « de sucre dans la liqueur, les bourgeons se développent, assimilent « du sucre et la matière albuminoïde soluble des globules mères. « Voilà pour les fermentations lentes ordinaires. « Le sucre est-il insuffisant et manque-t-il au développement com- plet des bourgeons à leur g/obwlisation? « Dans ces cas, les globules adultes sont en quelque sorte des « globules mères, ayant tous de très-jeunes petits. La nourriture « extérieure venant à manquer, les jeunes bourgeons vivent alors « aux dépens des globules mères. « D'où la conséquence que la fonction physiologique des globules « de levüre, en véritables cellules vivantes, est de donner de l'acide « carbonique, de l'alcool, de l'acide succinique et de la glycérine « au fur et à mesure qu'ils se reproduisent eux-mêmes et que s’ac- « complissent les diverses phases de leur existence. » On voit, d'après ce qui précède, que les fermentations du sucre étaient considérées jusqu'à ce jour comme de véritables réactions chimiques, tandis que les beaux travaux de M. Pasteur les ramènent à des phénomènes de la vie végétative ; c’est ce qui expliquera l’in- sistance que nous avons mise à les exposer ; ce sont de véritables faits physiologiques, et ils ne pouvaient nulle part être mieux placés qu'ici. D'ailleurs les fermentations du sucre se rattachent à des faits qui se passent tous les jours sous nos yeux, et il nous suffira d'ajouter que la fabrication du pain, ce que l’on appelait autrefois la fermen- tation panaire, n'est autre chose qu'une fermentation alcoolique, soumise aux mêmes principes et aux mêmes lois. Ceci nous conduit d’ailleurs à dire quelques mots des alcools et de leurs dérivés. DES ALCOOLS HOMOLOGUES ET ISOLOGUES DE L'ALCOOL DE VIN. — Ger- hardt a défini les 2omolagues : « Les substances carbonées remplis- «sant les mêmes fonctions chimiques, suivant les mêmes lois de « métamorphose et renfermant dans leur molécule » fois CH plus «ou moins la même quantité des mêmes éléments hydrogène, Botan., T. I. 13 194 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. «oxygène, chlore, azote, ete. En se métamorphosant sous l'influence «du mème agent, les corps homologues donnent de nouvelles subs- « tances homologues entre elles. » Les corps #so/oques sont définis de même ; à cela près que les quan- tités positives ou négatives des éléments en dehors de 7 CH ne sont pas les mêmes que celles du composé auquel on les compare; ainsi : L'alcool méthylique = CH°O0* est un Lomoloque de l'alcool nor- mal ou de vin C'H°0*°, et l'alcool benzoïque == C'*H°O* est un isoloque. Tout corps qui, traité semblablement à l'alcool, donnera naissance à une série de produits homologues ou isologues, c’est-à-dire de l’aldéhyde, de l'acide acétique, de l'acide vinique, de l’éther sulfu- rique, de l'hydrogène bicarboné, des éthers haloïdes et des éthers composés, sera un alcool lui-même (Malaguti). De sorte que l'alcool de vin donnant naissance par dérivation ou autrement à la série suivante, tous les alcools donneront une série semblable. C'H* Éthylène ou hydrogène bicarhoné. C*H+HO ou C*H#O Éther dit sulfurique. C*H#,2H0 ou C*H50,H0 Alcool normal. C*H*0? Aldéhyde. C*H O* ou C:H#OSHO Acide acétique. C3H30 ou CSH6 O0? Acétone. CH: Hydrogène protocarboné. C#H#HCI ou C#H° CI] Éther chlorhydrique. C:HHO,C*H5 03 ou C*H50,C*H° 05 Éther acétique. C*HHO,S03,SO3%HO ou C*H50,S0%,SO3HO Acide sulfovinique. L'histoire de tous les alcools et de leurs dérivés pouvant être cal- quée sur celle de l'alcool de vin, nous nous contenterons de donner la composition des alcools connus. FORMULES NOMS DES ALCOOLS. © ORIGINE. allemande. française. unilaire. RE ; DÉTIE {o su éthylique (esprit de CHOHO C#H,2H0 C = Los nt Visa tacaovbeoncans 2° Id. méthylique (esprit de C#H#0,H0 C?H2,2H0 C'H5 0° Des goudrons de BOIS) PER EE CEE H bois. : CH'| , Eaux-de-vie d 3° Jd. propylique..…..... ... C‘HO,HO C‘H5,2H0 y (0° FR) 4° Id. butylique.. .….. CH°O,HO C*HS,2H0 * mes de terre au- di Huile brute de pom- Fe 0 dessous de 1300. 0 CHIMIE VÉGÉTALE. 195 FORMULES NOMS DES ALCOOLS. 2 — ORIGINE. allemande. française. unitaire. 5° Alcool amylique (huile de GET? Huile brute de pom- . \ 10H11 10H10 9 2 pommes de terre)...... GRO HOE"HE2H0 H 0° mesdeterre à 1320. "12H13 HN LES EE Go Id. caproïque..…......... CeHHOHO cere2no CH for RES CEE Le ? H raisin, C7 De l'huile de ricin 10) Jd. caprylique. ......... C15HMO,HO CH15,2H0 H Los distillée avec la po- tasse. Ps ; À C2H533 So Id. cétique (éthal)....... C2H#0,H0 C#H8,2H0 H Los Dublane de baleine. re CH 99 Id: .cérylique. -.......…. CH550,HO CS*H5,2H0 HI Los Des cires. RE : Csop61 10° Id. mélissique.......... C#HS0,HO C£S0H60,2H0 H 0? Nous pourrions encore ajouter à cette série les alcools #ésicique, phénique, acrilique, allylique, benzoïque, qui ne sont pas admis par tous les chimistes. Toutes les espèces chimiques qui ont même provenance et même constitution forment une série. Le tableau suivant fera comprendre la série des alcools. Alcool éthylique Alcool propylique Alcool butylique Alcool amylique C*H60? CS HS O? C8H1002 Ce OZ Aldéhyde éthylique Aldéhyde propylique Aldéhyde butylique Aldéhyde amylique C*H* 0? CS H5 0? CS HS 0? C'oH10 0? Acide acétique Acide propionique Acide butylique Acide amyl. ou valériq. C*H:0* C6H50* C8 HS 0* C1° H:0 O* Éther éthylique Éther propylique Éther butylique Éther amyliq. ou valér. C*H50 CSH O0 CsHO C'‘H110 A. sulfo-éthylique Acidesulfo-propylique A. sulfo-butylique A.sulfo-amyl. ou valér. C*H50,H0,2S03% CSH0,H0,2S03% CSHO,H0,2S05 CH0,H0.2S03 Éthylène Propylène Butylène Amylène C‘H: CSHS CS HS C'°H10 Etc., etc. Etc., etc. Etc., etc. Etc., etc. Toutes les fois que dans un alcool deux équivalents d'oxygène rem- placeront deux équivalents d'hydrogène, on obtiendra un acide vo- latil correspondant à cet alcool, et le point d’ébullition de cet acide sera d'autant plus élevé que la molécule sera elle-même plus élevée ; ainsi : Point d'ébullition, C2H20* — C:HO#HO Aide formique. er re asectnr 0 1000 C*H* 0: — C’H#O0: HO ACÉRQUE-F-ed-----crhe-te 120° CSH6O* — CSH5OSHO — propionique...............e ÉSE 41400 CSH80+ — CSH7OSHO — butylique 1609 nn 196 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Ci0H100* = C'0H® O%,HO Acide vélérianique, valérique ou amylique.. 175 C2H120*t = C2H1035,HO — caproïque. CE#H#Ot — C#H803,HO — œnanthylique. CI6H160% = C'SH503,HO — caprylique. CISHI8O# = CISHI7OS,HO — pélargonique. C22H20* — C2H1208,H0O — caprique où rhutique. C#H2:0* = C#H%03,HO — laurique. C#H#80* — CSH2705,HO0O — myristique. C2H®20; = C#HMOS,HO — palmitique. C6 H3%60% — CHHY#03,HO — stéarique. CH5*0* — CitH303,HO — cérotique. CS0H500! — C&OH503,HO — mélyssique. Nous devons faire remarquer que les alcools correspondant à ces acides ne sont pas fous connus; ajoutons encore que les équivalents de carbone et d'hydrogène sont toujours des multiples de deux ; de sorte que la formule générale de ces acides pourrait être représentée par : Ca? Hp? O+. Les lacunes que l’on remarque dans la série des acides et des al- cools seront très-problablement comblées un jour. Ajoutons enfin que tous ces acides sont monoatomiques ou monobasiques, c’est-à-dire qu'ils n'exigent qu'un équivalent de base pour être saturés, et que tous ou presque tous possèdent un aldéhyde correspondant. ALCOOL DE viN. — L'alcool normal provient de la distillation des liquides qui ont subi la fermentation alcoolique ; celui qui est retiré du vin est le plus estimé : il porte le nom d'alcool! de Montpellier. Mais on trouve dans le commerce de l'alcool normal plus ou moins concentré provenant de la distillation du jus de betterave fermenté, de la saccharification des fécules, et de la fermentation de la glycose ; quoique la purification de ces alcools soit portée aujourd'hui à un haut degré de perfection, les alcools du Nord ou de betterave, et les alcools de grains sont toujours souillés par des quantités plus ou moins grandes d'huiles essentielles, dont quelques-unes peuvent être consi- dérées elles-mêmes comme des alcools (huile essentielle de pommes de terre). On donne le nom d’eaur-de-vie aux alcools faibles, marquant de 19 à 24° à l’aréomètre de Cartier, ou de 50 à 60° à l’aréomètre cen- tésimal; ces eaux-de-vie se forment, soit par fractionnement des produits distillés, soit par l'addition des petites eaux où produits tirés des dernières distillations, que l’on conserve plus ou moins CHIMIE VÉGÉTALE. 197 longtemps en tonneaux, avec des alcools forts obtenus vers les pre- miers temps de la distillation ; les kwles essentielles, variables avec chaque espèce de vin, donnent la qualité aux eaux-de-vie; celles-ci lirent leur nom du pays où on les fabrique : telles sont les eaux-de- vie de Saintonge, de Cognac, d'Aigrefeuille, grande et petite Cham- pagne, pour les eaux-de-vie de Cognac; de bas et haut Armagnac pour les eaux-de-vie d'Armagnac et du Languedoc. La détermination de la richesse alcoolique des esprits et eaux-de- vie se fait au moyen de l’aréomètre centésimal de Gay-Lussac, qui est l'instrument légal ; c’est un densimètre qui, plongé dans l’eau dis- tillée pure, s'arrête au 0° de l’échelle, et qui marque 100° dans l’al- cool absolu ; ces deux degrés extrèmes de l'échelle étant connus, on fait des mélanges de 95 d'alcool absolu, en volume, et de 5 d’eau, et on marque 95° au point d'affleurement, puis on continue par 90 et 10, puis 85 et 15, et ainsi de suite ; de sorte que lorsque l’aréomètre centésimal s'arrête à 55, cela veut dire que le liquide dans lequel il est plongé contient 55 pour 100 d'alcool, à condition toutefois que la température ne dépassera pas 15°; au-dessus, il faut dimi- nuer du chiffre des degrés obtenus, et au-dessous de 15° il faut en ajouter ; d’ailleurs Gay-Lussac a construit des tables pour toutes les températures de 0 à 40°; il suffit de les consulter. Les corrections de température, de pression et de capillarité ont été faites dans ces tables. Les aréomètres en général, et l’aréomètre centésimal en particu- lier, ne donnent, avec les eaux-de-vie et alcools, des indications pré- cises qu'à la condition qu'ils ne contiennent aucun corps étranger en dissolution, qui pourrait augmenter la densité du liquide que l'on veut connaître. Ainsi ces instruments ne peuvent être employés pour reconnaitre la force alcoolique du vin, de la bière, du cidre, ete.; 1l faut pour cela avoir recours à un autre moyen. Gay-Lussac avait reconnu que lorsqu'on distillait des liquides con- tenant de 4 à 25 pour 400 d'alcool, tout l'alcool passait dans le pre- mier tiers de la distillation. Voici alors comment opérait l’illustre chimiste : dans un petit alambice, il plaçait trois décilitres de vin, bière, cidre, etc.; il distillait pour obtenir juste un décilitre; dans l'alcool obtenu, ramené à 15° (en immergeant l’éprouvette dans de l'eau de puits), il plongeait l’aréomètre centésimal, et il divisait par trois le chiffre indiqué. Ainsi, si le décilitre d'alcool recueilli mar- 198 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. quait 30° cent., il divisait par trois, on avait 10, chiffre d'alcool renfermé dans le liquide soumis à la distillation. M. Salleron, cons- tructeur d'instruments de précision, a eu l'idée de modifier l’appa- reil, de le rendre plus portatif, moins cher, tout en conservant le principe ; il distille un volume de vin, soit un décilitre, et il recueille à la distillation un tiers ou un demi-décilitre, puis il ajoute de l'eau distillée pure pour ramener le liquide au volume primitif d’un décilitre; il plonge alors l’aréomètre centésimal, et en ramenant à + 159 il obtient d'emblée la quantité d'alcool réel renfermé dans le liquide sur lequel on opère; les vins de bonne qualité ne contiennent pas au-dessous de 7 pour 100 d'alcool, et ne laissent pas moins de 20 pour 1000 d’extrait desséché à 110°; s'il y a diminution dans ces deux chiffres à la fois, on peut être à peu près certain que le vin a été additionné d’eau; si, au contraire, le chiffre de l'alcool s'élève à 8 ou 15°, et que celui de l'extrait sec s’abaisse à 15 pour 1000, il faut en conclure que le vin a été additionné d'eau et né, c'est-à-dire alcoolisé ; il faut aussi se méfier en général des vins qui donnent plus de 26 pour 1000 d'extrait. D'ailleurs on doit aussi tenir compte du poids des cendres, du tartre, etc., etc. Voici un tableau représentant la richesse alcoolique des princi- paux vins, cidres et bières : VINS. ES VINS. En VINS. Tr Banyuls ere ser... 17 Cote-Rôtie.......... 44.3 "Chablis. =. PACE tee) Collioure entr 16 Sauterne blanc...... 15 Environs de Paris... 7 Grenache. 1... 16 Macon. ..:..,2. 0e {1 Vinau détaildeParis. 8 ROUESION EEE ee 16 Du Rhin (Johannis- Gidre Ont: eee 924 Jurançon blanc...... 15.2 atroce 11 — faible........ 4.8 — rouge...... 192 7MBaArS AC niet e 12 Poire teen Men miUet Tunel 2er. 13,7 Beaugency.......... 11 Ale de Burton...... 8.2 Saint-Georges. ...... 15 Chäteau-Lafitte.. .... 8.7 — d'Édimbourg... 5,7 Malaga. ...... bre 15 Château-Margot...... 8.7 Porter de Londres.. 3.9 Madère vieux........ 16 Saint-Estèphe ....... 9.7 Bière vieille de Stras- Narbonne eee et. 13 Toka Pere re Ho Les bourse Ære terre 3.9 Communs du Midi... 9.8 Pouilly blanc........ 9 — nouvelle........ 3 Mauve reeere-rer 13-3 RV0INaY. ee che ec 11 Bière rouge de Lille. 2,9 Champagne non mous- Vin du Cher... 0-10 MDIATChE...... + 2.9 ras eo 13 Angers (coteaux). .... 122999 —=Mde Paris: "7" 4159 Frontignan.......... 1128 Saumur + -Lc-ee 9.9 Petite bière de Pa- Ermitage rouge. ..... 11.3 De Vendée. .....,... 8.8 ÉbonO nano EME MENT Certains vins français, parmi lesquels nous citerons ceux de l'Hé- rault, de l'Aude, etc., se conservent mal s'ils ne sont vinés, c'est-à- CHIMIE VÉGÉTALE. 199 dire additionnés d'alcool; les ordonnances ministérielles indiquent dans quelles limites cette addition peut être opérée ; les vins du Midi, très-riches en principes fixes et surtout en matière colorante, sont dépouillés par l'addition d'un peu de plâtre qui, tout en précipitant les matières colorantes, change la nature du vin; c'est, à notre avis, une pratique blämable sur laquelle les lois ou ordonnances qui ré- gissent la matière auront un jour à prononcer. Nous proscrivons éga- lement la coloration artificielle des vins à l’aide de matières coloran- tes étrangères, telles que la /einte, ou vin de fismes qui est préparé avec le jus de sureau et l'alun. En général, les propriétés enivrantes des vins sont en raison di- recte de la proportion d'alcool qu'ils renferment; mais il n’en est pas toujours ainsi : à degré alcoolique égal, les vins de Bourgogne sont plus capiteux que les bordeaux; les vins des coteaux de Saumur enivrent plus que les bourgognes; cela est dû à des huiles essen- tielles ou à des éthers que les vins capiteux renferment. Les bières fortes elles-mêmes sont susceptibles d’enivrer plus que les vins. Par la distillation du vin on obtient de l'alcool dont le degré varie à diverses époques de l'opération; l'alcool du commerce marque 85° à l’alcoomètre centésimal, c’est-à-dire qu'il contient 85 pour 100 d'alcool absolu; par des distillations répétées et fractionnement des produits, on peut arriver à obtenir l'alcool à 90 et 92°; mais lors- qu'on veut faire l'alcool anhydre ou absolu, marquant 100° à l’alcoo- mètre centésimal et 44° à l'aréomètre de Cartier, on est obligé d'opé- rer la distillation au contact de corps avides d’eau, qui ne peuvent pas réagir chimiquement sur l'alcool lui-même; tels sont la chaur, le carbonate de potasse sec, le sulfate de soude effleuri, V'acétate de soude fondu, le chlorure de calcium, ete. Mais la chaux et le chlorure de calcium retiennent, outre l’eau, des proportions notables et quel- quefois définies d'alcool. Certains sels jouissent, en effet, de la pro- priété de former avec l'alcool et avec l’éther des combinaisons décrites, par M. Kulmann de Lille, sous les noms d’a/coolates et d’é- thérates par analogie avec les hydrates. Lorsqu'il est pur, l’alcool de vin est un liquide incolore, transpa- rent, très-mobile, aromatique, d'une saveur brûlante; sa densité à +15" est de 0,795; il bout à 78°,41 sous la pression ordinaire; la densité de sa vapeur correspondant à 4 volumes est égale à 1.613; il n'a pu être solidifié. 200 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. L'alcool étant mêlé avec de l’eau, la température s'élève et il ya contraction de volume; le maximum de contraction a lieu lorsque le volume de l’eau ajoutée est à celui de l’alcool :: 1000 : 1078. Le volume collectif est alors égal à 2000. Tous les corps riches en carbone et en hydrogène, tels que les résines, les graisses, les essences, certaines matières colorantes et la plupart des alcaloïdes, sont solubles dans l'alcool ; parmi les métal- loïdes, le brome et l’iode sont très-solubles dans l'alcool; le soufre et le phosphore le sont très-peu; avec les premiers il se fait bientôt des réactions chimiques qui changent la nature du mélange. Le potassium et le sodium, mis en contact de l'alcool, en dégagent un équivalent d'hydrogène ; il en résulte un composé qui a été tour à tour considéré comme de l’alcool dans lequel un équivalent d'hy- drogène a été remplacé par un équivalent de métal, ou bien comme une combinaison d'éther et d'oxyde métallique. En effet : C#H6 02 + K — C*H5KO? + H, ou bien C*H50,KO + H. Les corps oxydants et l'oxygène de l'air lui-même, sous l'influence de certains agents, et notamment du noir de platine, transforment l'alcool en acide acétique; mais intermédiairement il se forme un corps que l’on a désigné sous le nom d’a/déhyde ou alcool déshydro- géné; de sorte qu’on peut admettre dans ce phénomène les deux pha- ses suivantes : 10 C#H6O? + O2 — C:HSO2+H2H0 2 C#H*O? + 20 = C“H‘0* alcool. aldéhyde. aldéhyde. acide acétique. Les solutions alcooliques alcalines, chauffées en vase clos à une température de 210°, ou bien la vapeur d'alcool que l'on fait passer sur de la potasse ou sur la soude chauffées à la même température, forment encore l'acide acétique avec dégagement d'hydrogène. En effet : C#H50? + NaO,HO — NaO,C*H#09 + 4H alcool. hydrate acétate de soude. de soude. A la température ordinaire et au contact de l’air, les alcalis noir- cissent l'alcool, et on obtient une matière noire désignée sous le nom de résine d'aldéhyde; \ se forme en même temps un peu d’a- cétate. CHIMIE VÉGÉTALE. 20] Il résulte de ce que nous avons dit précédemment, en parlant des alcools en général, que l'alcool peut être représenté de trois manières différentes. Dans la théorie allemande on le représente par C*H$5O,HO ou hydrate d'oxyde d’éthyle. : Ne . ou bihydrate d'hydrogène bic: 5 française " CH+,2H0 bihydre d'hydrogène bicarbont (éthérène). Sn S C‘I1 unitaire — 0? H Quoique les expériences de M. Williamson aient confirmé les vues de M. Gerhardt, le chef de l’école chimique dite des unitaires, sur la constitution des alcools et des éthers, nous continuerons à repré- senter ces corps d’après la théorie allemande, plus généralement adoptée ; celle-ci, d’ailleurs, a reçu une confirmation par les travaux de M. Frankland, qui a isolé l'é//yle radical des éthers viniques. L'action que les acides exercent sur l'alcool est des plus remar- quables; les produits qui en proviennent peuvent varier d’après la nature des acides et d’après les proportions employées; les corps les plus curieux qui résultent de ces réactions sont les éthers ; nous citerons ici les principaux, et nous les diviserons en quatre groupes : 1° Les éthers qui ne renferment aucun des éléments des acides qui ont servi à les former et qui peuvent être considérés comme de l'alcool, moins un équivalent d’eau; tel est l'éfher hydrique ou oxyde d'éthyle, improprement dit sulfurique = C'W° O, et que l’on obtient par la réaction des acides sulfurique, phosphorique, arsénique, ete., de certains cklorures métalliques, et mème de la chaleur seule dans des tubes scellés à la lampe. Ces éthers sont nommés éthers simples. 2° Les éthers nommés Aalo-éthers résultant de l'action des hydra- cides sur l'alcool; ils renferment le radical de l'acide qui a servi à les former, et peuvent par conséquent être considérés comme des chlorure, bromure, iodure, cyanure d'éthyle. Les éthers chlorhydrique, iodhydrique, elc., appartiennent à ce second groupe. 3° Les éthers composés neutres, qui peuvent être considérés comme résultant de la combinaison de l’éther simple du premier groupe avec un acide. Les éthers acétique, nitrique, nitreux, appar- tiennent à cette classe; les acides monoatomiques ou monobasiques peuvent seuls les donner. 202 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. 4 Les acides viniques ou éthers composés acides, pouvant être regardés comme formés d'un éther simple du premier groupe avec deux équivalents d'acides et un équivalent d’eau. Les acides polyato- miques ou polybasiques donnent naissance à ces acides ; tels sont les acides sulfurique, phosphorique, arsénique, carbonique, oralique, tar- lrique, mucique, etc. Quoique ces considérations sur la constitution chimique des éthers ne soient pas admises par tous les chimistes, nous les avons don- nées, parce qu'elles sont plus faciles à saisir, et nous les résumons ainsi : ÉTHERS 1°7 GENRE. 2° GENRE. 3 GENRE. 4° GENRE. C'HO, Éther vinique. C‘H° CL Éther chlorhydrique. C‘H°0,C'H°0° Éther acétique. C‘H°0 , S0°, SO°HO Oxyde d'éthyle, Be — bromhydriq. Az0° — nitrique. Acidesulfovinique. Ether simple de l'al- I — iodhydrique. AzO? — nitreux. C‘H°0,C?0*C0°H0 cool de vin, Cy — cyanhydrique. so? — sulfurique Acide Monohydrate d'hy- S — sulfhydrique. proprement dit. oxalovinique. drogène bicarboné, Etc, Nous ferons remarquer toutefois que l’éther sulfurique propre- ment dit C'H°0, SO* ne résulte pas de l’action de l'acide sulfu- rique sur l'alcool, mais bien de celle du même acide sur l'éther simple = C'H° 0. Plusieurs théories ont été données sur l’éthérification. On admet généralement aujourd’hui, avec M. Williamson, que l'éthérification de l'alcool s'effectue en deux phases : dans la première, l'acide sul- furique et l'alcool se décomposent mutuellement et produisent de l'acide sulfovinique et de l'eau ; dans la seconde, l'acide sulfovinique et l'alcool se décomposent mutuellement, engendrent de l'éther et régénèrent de l'acide sulfurique. Avant de faire connaitre en peu de mots les éthers le plus sou- vent employés en médecine, disons que M. Berthelot a opéré la synthèse de l'alcool de vin en faisant absorber le gaz hydrogène bicarboné = C'H* par de l'acide sulfurique; traitant ensuite par l'eau et distillant, et celle de l'alcool zré/hylique ou de bois, en oxy- dant l'hydrogène protocarboné ou gaz des marais CH". Disons enfin que, par voie de double décomposition, on peut obte- nir certains éthers et d’autres produits fort intéressants. Ainsi : C'H5CI + KS — C'H5S + KCI éther sulfure éther chlorure chlorhy- de sulfhy- de drique. potassium. drique. potassium. CHIMIE VÉGÉTALE. 203 Si, au lieu de protosulfure de potassium, on fait réagir le bisul- fure, on obtient : | C:HCI+HKS —= C'H5S? E KCI bisulfure bisulfure de d'éthyle potassium. ou mercaptam. Une autre réaction fort curieuse est la suivante : (C*H50,C203}2 + 2 Az = 2C:H60? + C+H: Az He éther oxalique. ammoniaque. alcool. oxamide, Éruer suzruriQue — C'H° 0. L'éther sulfurique des pharmaciens s'obtient par la réaction de l'acide sulfurique sur l'alcool de vin à une température de 140° environ; le produit obtenu est lavé à l’eau el avec un lait de chaux, puis on le distille au bain-marie sur du chlorure de calcium fondu. L'éther sulfurique est un liquide incolore, d'une odeur vive, agréa- ble, d’une saveur àcre et brûlante; à 0°, sa densité est de 0,736; à la pression ordinaire, il bout à 35°,5; la densité de sa vapeur est de 2,586. Il est très-inflammable et brüle à une flamme peu éclai- rante; à — 30°, il cristallise en lames blanches et brillantes, il s'oxyde au contact de l'air et forme de l'acide acétique; il dissout à peu près les mêmes corps que l'alcool, mais il les dissout en général plus rapidement et en plus forte proportion. C’est un antispasmo- dique très-puissant. Éruer cuLoraypriQue. — Cet éther s'obtient en saturant l'alcool absolu refroidi par du gaz chlorhydrique; puis distillant et recevant le produit, d’abord dans un flacon contenant de l’eau, puis dans un second vase entouré d’un mélange réfrigérant. C'est un liquide incolore, d’une odeur alliacée ; à 0°, sa densité est de 0,874; il bout à + 12°; une dissolution alcoolique de potasse le décompose en chlorure de potassium et en alcool; il brûle avec une flamme verte et en produisant de l'acide chlorhydrique ; soumis à un courant de chlore, il forme des composés dans lesquels les équivalents d'hydrogène sont successivement remplacés par des équi- valents égaux de chlore ; de sorte qu'on finit par obtenir du sesqui- chlorure de carbone = C' CI (Régnault). L'éruer 1oHYDRIQUE, qui bout à 72°, s'obtient par l’action de l'io- dure de phosphore sur l'alcool. On peut dans cet éther remplacer 207 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. l'équivalent diode par certains métaux, tels que le zinc, l'étain, l'antimoine, et obtenir de la sorte les composés désignés sous les noms de znc-éthyle, stan-éthyle et stib-éthyle, qui peuvent être eux- mêmes, par substitutions, le point de départ de produits extrêmement intéressants : 2CIPT) + Zn = */Zn1) + CSH107n? zinc-éthyle. ÊrHer AcériQuE. — Cet éther, découvert en 1759 par le comte de Lauragais, résulte de la distillation d’un mélange d’alcool, d'acide acétique et d'acide sulfurique: c’est un liquide incolore, d’une odeur agréable ; sa densité à + 15 est de 0,89 et bout à 74°; la den- sité de sa vapeur à la pression normale est de 3,067; il brûle avec une flamme blanc-jaunâtre ; il est peu soluble dans l'eau; il se dis- sout dans l'alcool et dans l’éther; les solutions alcalines le décom- posent en acétale et en alcool; l'ammoniaque le transforme en alcool et en acélamide = C'H° Az O*, L'éther nitrique des pharmacies est de l'éfher nitreux—C'W°0 ,Az0*. L'acine sucrovinique — C'H°0 ,2S0°,H0 résulte de l’action réci- proque de l'alcool absolu et de l'acide sulfurique ; il forme avec les bases des sulfovinates qui sont tous solubles; on l’isole du sulfo- vinate de baryte par l'addition de l'acide sulfurique; on sépare le précipité de sulfate de baryte et on concentre sous le récipient de la machine pneumatique. L'AciDe AcÉrIQUE se forme pendant l'acte de la végétation; il existe dans les plaates à l’état d'acétate de potasse, de soude, de chaux, etc. Nous avons déjà dit qu’il résulte de l'oxydation de l'alcool, sous l’in- fluence du noir de platine, des corps oxydants et des matières orga- niques, et notamment de cette substance qui se développe pendant l'acétification du vin, que l’on nomme mère du vinaigre. On avait cru, Jusqu'en ces derniers temps, qu'une matière organique azotée était indispensable à la formation de l'acide acétique; mais les belles recherches de M. Pasteur ont démontré que cette transformation de l'alcool en acide acétique se faisait dans le vin sous l'influence d’un ferment organique nommé vulgairement fleurs du vinaigre, lesquelles sont les germes d’une plante, le #2ycoderma aceti. Les expé- riences de M. Pasteur ne laissent aucun doute à ce sujet, et un pro- cédé industriel de la fabrication du vinaigre a pu être établi sur les indications de ce chimiste. CHIMIE VÉGÉTALE. 205 Outre l'acide acétique provenant de l'oxydation de l'alcool du vin ou de tout autre liquide alcoolique, on connait encore l'acide acé- tique provenant de la distillation du bois; on obtient d'abord l'acide pyrohgneux qui, étant purifié par des procédés industriels très simples, fournit un produit en tout semblable à celui qui résulte de l'oxydation du vin. Chimiquement pur, l'acide acétique est solide au-dessous de+-16"; il forme des lames transparentes très-éclatantes ; au-dessus de+16, il est liquide, incolore, limpide; sa densité est de 1,063 ,'et elle aug- menfe par l'addition de l'eau; son odeur est très-pénétrante, sa saveur fortement acide; il bout à 120°; il dissout un grand nombre de substances organiques, telles que la fbrine, V'albumine, le gluten, le camphre, les essences, les résines, les gommes-résines, ete. Chauffé avec de la potasse, 1l se transforme en acélone : C*HO%,HO + KO = KOCO? + CO + HO; mais on double la formule de l’acétone, qui est par conséquent #40 Calciné avec de la potasse et de la chaux, l'acide acétique donne de l'hydrogène protocarboné ou gaz des marais : C#H#0+ + KO + Ca0 = KO + CO?,CaO CO? + C?H4 (Persoz). Soumis à l’action du chlore sous l'influence de [a radiation so- laire, l'acide acétique perd les trois quarts de son hydrogène, qui est remplacé par des équivalents correspondants de chlore; il se forme de l'acide chloracétique : CHOSHO + CI = CC OS + 3H CI. La découverte de ce corps, faite par M. Dumas, a été le point de départ de la belle loi des substitutions, que l’on doit à cet illustre chimiste. Ajoutons que M. Melsens a opéré la substitution inverse ; en effet : C*CBO3 + 2H0 + 6K — C'HKO' + 3KCI + 2K0 acide acétate de chloracétique. potasse. L'acide acétique est monobasique ; il forme avec les bases des sels qui sont tous solubles (les acétates d'argent et de proltoxyde de mer- cure le sont peu). 206 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. L'acélate de potasse distillé avec de l'acide arsénieux produit un liquide connu sous le nom de liqueur fumante de Cadet, oxyde de cacodyle — C'H°AsO, duquel M. Bunsen a extrait le cacodyle — C‘H°As, corps fort remarquable en ce qu’il a présenté le premier exemple d'un radical composé jouant le rôle d’un métal simple. Le Gaz HYDROGÈNE PROTOCARBONÉ, Ou GAZ DES MARAIS, peut être considéré comme le point de départ de la série méthylique dont l'histoire se calque sur celle de la série éthylique. CH: Gaz hydrogène protocarboné. C2H#*0? Alcool méthylique. C2H30 Éther méthylique. C2H20* Acide méthylique ou formique. Nous n’insisterons pas sur ce parallèle entre les deux séries éthy- lique et méthylique ; nous dirons seulement quelques mots du chlo- roforme, qui, bien qu’obtenu le plus souvent par l'action de l’hypo- chlorite de chaux sur l'alcool de vin, n’en appartient pas moins à la série méthylique, et peut être produit par substitution du chlore à l'hydrogène du gaz des marais; en effet : CH: Gaz des marais. C?H3C1 Éther méthylchlorhydrique. C2HCP Éther méthylchlorhydrique chloré. C2HCS Chloroforme. Le cuLororoRME découvert simultanément par MM. Liébig et E. Soubeiran, et découvert, on peut le dire, une seconde fois par M. Dumas, lorsqu'il lui donna le nom qu'il porte, lequel indique si bien sa nature, est un liquide incolore, d’une densité de 1,48; son odeur éthérée est très-suave; sa saveur est piquante, sucrée et fraiche ; il bout à 60°,8; il s'enflamme difficilement; sa vapeur brûle avec une flamme verte en produisant de l’acide chlorhydrique; il tombe au fond de l’eau sans la troubler lorsqu'il est pur; il dissout à peu près les mêmes corps que l'alcool. Son nom de chloroforme lui vient de ce qu’une dissolution alcoo- lique de potasse le transforme en formiate et en chlorure. C2HCE + 4KO — KOC2HOY + 3KCI chloroforme. formiate chlorure de de potasse. potassium. ACIDE VALÉRIANIQUE. — Nous signaleronsencore l'acide valérianique CHIMIE VÉGÉTALE. 20: comme étant un produit d'oxydation de l'essence de pommes de terre. CI9H1*0* Essence de pommes de terre ou alcool amylique. Ct0H00% Valéraldéhyde ou aldéhyde amylique. C'0H100* Acide valérianique ou amylique monohydraté ou valérique. L'acide valérianique existe dans la racine de la valériane; il est le produit de l'oxydation de l'essence de valériane connue sous le nom de valerol, ainsi que de celle de l'alcool amylique ; 1 existe encore dans les baies de la boule de neige (viburnum opulus), et on a prétendu qu'il était semblable à l'acide de la graisse de marsouin, ou acide phocænique. L'acide valérianique est incolore, d’une odeur forte, infecte, à + 16°,5, sa densité est de 0,937 ; il bout à 175 environ ; ilest in- flammable et brüle avec une flamme blanche et fuligineuse. ACIDES ORGANIQUES FIXES. — Tandis que les acides organiques vola- üils se rattachent pour la plupart aux alcools, qu'ils contiennent à peu près tous quatre équivalents d'oxygène, et des équivalents de carbone et d'hydrogène multiples de deux, et qu'enfin ils sont tous monoatomiques, c'est-à-dire qu'ils exigent un seul équivalent de base pour être saturés ; les acides organiques fixes, au contraire, ren- ferment des équivalents de carbone, d'hydrogène et d'oxygène très- variables ; ils ne se rattachent à aucune série chimique ; ils renfer- ment des équivalents d’eau de constitution qui varient de un à trois, et sont par conséquent mono, bi, ou triatomiques, c’est-à-dire qu'ils saturent un, deux ou trois équivalents de base. Soumis à Ja distillation ménagée, les acides fixes ou polybasiques produisent des acides pyrogénés ne différant de l'acide primitif que par de l’eau ou de l'acide carbonique; une fois formés, les acides pyrogénés ne peuvent plus reproduire les acides qui leur ont donné naissance ; mais il peut arriver qu’un acide organique, avant de pro- duire des corps pyrogénés, se déshydrate complétement et se trans- forme en acide anhydre; ceux-ci, sous l'influence prolongée de l'eau froide ou à l’ébullition, reproduisent les acides primitifs; mais, en se reconstituant, il arrive qu'ils ne reprennent pas immédiatement leur maximum d’eau, et peuvent former une série d'hydrates intermé- diaires qui constituent autant d'acides particuliers (Frémy). Les acides anhydres n'agissent pas sur le tournesol, et paraissent avoir pour les bases une certaine indifférence; avec le gaz ammo- niac ils forment des wmides; ceux-ci sont divisés en amdes neutres 208 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. et acides ; quant aux amides basiques, nous y reviendrons en parlant des alcalis organiques. On nomme amvde tout corps azoté neutre, acide ou basique, qui diffère d'un sel ammoniacal par les éléments de l'eau, et qui régé- nère un sel ammoniacal lorsqu'on le soumet à des influences qui déterminent la fixation de l'eau. Trois procédés généraux peuvent être mis en usage pour l'obtention d’un amide : 4° par l'action de la chaleur sur les sels ammoniacaux; 2° par la combinaison directe des acides anhydres avec le gaz ammoniac ; 3° en traitant les éthers composés d'acides organiques par l’ammoniaque. Un grand nombre d'acides organiques fixes peuvent être con- sidérés comme des acides copulés, c'est-à-dire que, sous l'influence des bases et d’une certaine température, ils se dédoublent en plusieurs acides; le pouvoir de saturation d'un acide copulé est toujours égal au pouvoir de saturation des acides compris dans la copule, moins un. CSH*010,2H0 — 2C205%,HO0 + C'H#O%,HO or l'acide tartrique est bibasique. acide tartrique. deux équival. acide acétique. d’ac. oxalique. C2H501,HO + 2H0 — 2(C205,H0) + 2(C*HSOS,HO) l'acide citrique est tribasique. acide citrique. acide oxalique. acide acétique. Nous dirons quelques mots seulement des principaux acides orga- niques fixes : AGE oxALIQUE CG 0°, H O et mieux C'H° 0°. Cet acide existe dans un grand nombre de plantes à l’état d'oxalate neutre ou acide; on l'extrait du sel d’oseille ou bioxalate de potasse, qui lui-même est retiré de la grande oseille (rwmex acetosa), ou de l'alléluia ou pain de coucou, oxalis acetosella. Cet acide a été considéré comme un composé oxygéné du carbone intermédiaire entre l'oxyde de carbone et l'acide carbonique ; en effet, soumis à l’action de la chaleur, il se dédouble en eau, oxyde de carbone et acide carbonique; aussi le représentait-on par C0°,H0 = CO+CO?+HHO; il est vrai qu'il se forme aussi des traces d'acide formique pendant l'opération ; mais aujourd'hui on double sa formule et on le représente par : C*H205 —2H0 Eau. 2C0? Acide carbonique. 2C0 Oxyde de carbone. C+HE OS CHIMIE YÉGÉTALE. 209 L'acide sulfurique concentré le dédouble comme nous venons de le dire; il forme des acides viniques, done il est bibasique; et c'est avec raison que l’on a doublé son ancienne formule; chauflé avec de la glycérine au-dessous de 100°, il se dédouble en acide formique et acide carbonique. L'acide oxalique résulte de l’action de lacide azotique sur les fé- cules, les sucres, et en général les substances ternaires ; il cristallise en prismes quadrilatères obliques, terminés par des surfaces unies ou par des sommets dièdres; il est soluble dans l’eau et dans l'alcool. A 100° il perd deux équivalents d’eau de cristallisation (28 p.100), et ne conserve que l’eau de constitution vers 180°; il se sublime en partie, et l’autre partie est décomposée en eau, oxyde de carbone, acide carbonique et acide formique. La solution d'acide oxalique précipite tous les sels de chaux de leur dissolution ; elle précipite l'or du chlorure avec dégagement d'acide carbonique. On a prétendu que l'acide oxalique existait à l'état de liberté dans les poils des pois chiches, mais ce fait n’a jamais été démontré. Avec les bases il forme des oxalates: il existe un oxalate neutre, un bioxalate et un quadroxalate de potasse ; c’est en étudiant ces sels que Wollaston a confirmé la belle théorie de Dalton sur Ja loi des proportions multiples. Les oxalates alcalins calcinés sont transformés en carbonates ; l’oxa- late d'ammoniaque chauffé avec soin donne l’oxamide (Dumas), et le bioxalate d'ammoniaque produit l'acide oxamique (Balard). Nous avons dit ailleurs comment on pouvait produire l’oxamide au moyen de l’éther oxaliéthylique et de l’'ammoniaque. Ace MALIQUE C° H° 0° ou C°H'O*, 2H 0. Après l'acide tannique, l'acide malique est le plus répandu dans la nature; son nom vient de malus, pomme; i existe en effet dans la plupart des fruits, dans presque toutes les plantes, tantôt combiné à des alcalis organiques, comme dans le tabac, la ciguë, la belladone, etc., tantôt avec des bases minérales, telles que la potasse, la soude, etc. M. Kopp a extrait le bimalate de potasse en abondance du jus de rhubarbe; enfin, lorsque l’on soumet l’asparagine à l’action prolongée de l'acide azotique, elle s'assimile les éléments de quatre molécules d’eau, et se transforme en malate d’ammoniaque, d’où il est loujours facile de sé- parer l'acide malique. Botan., T. I. 14 210 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE L'acide malique soumis à une température de 175° se dédouble eneau, en acide maléique anhydre et en acide maléique. —(HO0},CSH206 — Acide maléique. CSH206 — Acide maléique anhydre. 6HO — 6 équivalents d’eau. 2C8H6 010 acide malique. L'acide malique se présente sous la forme de mamelons cristalli- sés, incolores, composés de prismes à quatre ou à six faces, fusibles à 83", déliquescents; il est biatomique. L'acide maltique fond à 130°; maintenu entre celte température et 140°, il ne gagne rien, ne perd rien, mais il subit une modification moléculaire, change de propriétés physiques, et devient monoato- mique de biatomique qu'il était ; il porte alors le nom d'acide paru- maléique, qui ne fond que vers 200°, ne se volatilise qu'à une tem- pérature plus élevée ; il est alors représenté par C*HO°,HO, il possède toutes les propriétés de l'acide fumarique retiré du fumaria officinales et de l'acide bolétique extrait des champignons. Nous résumons la production des acides pyrogènes de l’acide ma- lique par les équations suivantes. CSH6010— CSHO0$,2H0 Acide malique cristallisé. CSH:OS — CSH206,2H0 Acide maléique. CH OM=ICLHO HO Acide paramaléique ou fumarique ou bolétique. ACIDE GITRIQUE. — Cet acide existe à l'état de liberté dans les fruits des aurantiacées ou hespéridées, dans le tamarin; simulta- nément avec l'acide malique dans les groseilles et les fruits verts de groseilles à maquereau. On l'extrait le plus souvent du jus de citron : pour cela on fait fermenter ce suc et on sature par du carbonate de chaux, puis on décompose le citrate de chaux formé par de l'a- cide sulfurique, on lave et on fait cristalliser. Disons d’ailleurs que c'est le procédé d'extraction de tous les acides organiques fixes; seu- lement, pour quelques-uns, on précipite par un sel de plomb, et on décompose le sel insoluble formé tantôt par l'acide sulfurique, tantôt par l'hydrogène sulfuré. L’acide citrique cristallise en prismes obliques à quatre pans ter- minés par des sommets dièdres inclinés sur des angles aigus ; il est insoluble dans l’éther, se dissout dans l'alcool et dans l’eau ; sa solu- tion ne trouble pas l’eau de chaux à froid, mais il la trouble à l’é- bullition. Il est triatomique, et contient par conséquent trois équi- CHIMIE VÉGÉTALE. 211 valents d’eau de constitution ; il renferme en outre deux équivalents d'eau de cristallisation, qu'il perd à 100°. Lorsqu'il a été cristallisé à la température de l’eau bouillante, 100°, il ne contient qu'un équivalent d’eau d’hydratation. Nous résumons dans le tableau sui- vant les produits de la distillation sèche de l'acide citrique. C2H501,3H0 Acide citrique. C2H01 = CRIBO%,3HO — aconitique ou célridique. C10 H6 OS = CI0H#06,2H0 — citraconique hydraté ou citribique. C10 H4 O6 — citraconique anhydre. C0H6OS = C0H*06,2HO0 — itaconique. On voit, d’après ce qui précède, que l'acide cètraconique hydraté et l'acide itaconique sont isomères. L'acide aconitique a été trouvé dans l’'aconitum napellus et dans les prêles eguisetum fluviatile, limosum, ete. Tous les citrates, sauf ceux à base alcaline, sont insolubles. En général, lorsqu'un acide organique forme avec une base un sel neutre soluble, le sel acide est moins soluble ; ainsi les citrates acides de potasse et de soude sont moins solubles que les citrates neutres; par contre, lorsqu'un acide organique forme avec une base un sel neutre insoluble, les sels acides sont plus solubles; aussi les citrates acides de chaux sont-ils plus solubles que le citrate neutre. Nous avons déjà dit que l'acide citrique était triatomique. Nous saisissons cette occasion pour faire comprendre quelles sont les va- riétés de sels qu’il pourra former. C2H50,3H0—C,3H0 Acide citrique. (On représente souvent les acides organi- ques par leur lettre initiale avec le signe — au-dessus.) C,3MO Citrate neutre ou tribasique. C,2M0,H0 Citrate bibasique. C,MO,*HO Citrate acide. ACIDE TARTRIQUE. — Cet acide a été découvert par Schéele; il existe dans un grand nombre de végétaux, notamment dans le jus du raisin. On l'extrait de la crème de tartre, qui, elle-même, pro- vient du tartre des tonneaux, par un procédé semblable à celui que l'on emploie pour l'acide citrique. L'acide tartrique cristallise en prismes obliques à base rhombe, ter- minés par des sommets dièdres, dont la densité est de 4,75 ; ils sont volumineux, inaltérables à l'air ; ils sont solubles dans l’eau, l'alcool: sur les charbons ardents, ils répandent une odeur de caramel; la solu- tion de cet acide est dextrogyre, et son énergie spécifique augmente 212 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. avec la proportion d’eau et la température; nous devons ajouter que son mode de dispersion des plans de polarisation est régi par une loi toute spéciale, différente de celle à laquelle sont soumises les substances douées de la propriété rotatoire moléculaire. Mais cette loi disparait sous l’influence de l'acide borique et des alcalis. Jus- qu'à présent on ne connaît que l'acide #alique actif, qui possède les mêmes propriétés exceptionnelles; d’ailleurs, outre l'acide tartrique dextrogyre, Wen existe un autre /évogyre, et un troisième actif. L'acide tartrique en solution ne précipite pas les sels de chaux, mais 1} précipite l'eau de chaux à froid ; le précipité est soluble dans un excès d'acide. On peut résumer ainsi les caractères distinctifs des trois acides organiques que l’on pourrait confondre entre eux : 1° L'acide oxalique précipite les sels de chaux et l’eau de chaux ; 2° L’acide tartrique ne précipite pas les sels de chaux, mais il pré- cipite l’eau de chaux à froid ; 3° L’acide citrique ne précipite ni les sels de chaux, ni l’eau de chaux à froid ; il précipite cette dernière à l’ébullition. Enfin, ces trois acides en excès précipitent une solution de po- tasse ; ce caractère est surtout important pour l'acide tartrique. Soumis à l’action de la chaleur, l'acide tartrique éprouve les trans- formations suivantes : à 470° — Acide métatartrique fe ee — C'H*01,2H0 — _isotartrique........ —\ CHF OU, HO A ope =} — tartrique anhydre.. — CSH*019 — tartrélique......... — C8H#0°,H0 à 200°— — pyruvique......... — C6HO8,HO à 3000 — — pyrotartrique...... — CI°H808 Avec les bases, l'acide tartrique, qui est diatomique, forme quatre groupes de sels; ainsi, C'HO"=T,2H0, on aura : T,2H0 - Acide tartrique. TKO,HO Bitartrate de potasse. T,2K0 Tartrate neutre de potasse. T,KO,Na0O Tartrate de potasse et de soude (sel de seignette). T,KO,Sb?20% Tartrate de potasse et d’antimoine (émétique). KO pouvant toujours être remplacé par un oxyde MO et Sh° 0° par un sesquioxyde M°0*. La crème de tartre soluble, employée souvent en médecine, est comprise dans le groupe des émétiques et est représentée par C*H*0°,KO,B 0". $ CHIMIE VÉGÉTALEÉ. 213 Acme LacriQue. — L'acide lactique provient d'une fermentation spéciale que subissent les sucres sous l'influence d'un ferment orga- nisé que M. Pasteur nomme /erment lactique. C'est un acide liquide, sirupeux, incolore, très-acide, soluble dans l'eau, l'alcool et l’éther; sa densité est de 4,22 ; il existe dans cer- tains végétaux, tels que la ciguë , la douce-amère (Witistein), et dans la noix vomique et la fève de Saint-Ignace, uni à la strychnine et à la brucine. L'acide lactique peut être considéré comme l'acide dérivant d'un alcool nommé propylglycol ; celui-ci par oxydation se transforme en acide lactique. L’acide lactique forme, avec les bases, des lactates solubles ; les lactates de protoxyde de fer et de zine sont seuls employés; ce der- nier se distingue par sa belle cristallisation en aiguilles qui caracté- rise l’acide lactique. L'acide lactique chauffé éprouve les transformations suivantes : CSH6O6 — CSH5O5,HO Acide lactique. CS O5 Acide lactique anhydre. C5 Hs O* Lactide. (Pelouze.) Le plus grand nombre des chimistes considèrent aujourd’hui l'acide lactique comme diatomique; sa formule doit par conséquent être doublée. ACIDE TANNIQUE OÙ TANNIN. — C’est l'acide le plus répandu dans les végétaux, par sa faible acidité, sa nature et ses applications; il pour- rait, jusqu'à un certain point, être rangé parmi les substances colo- rantes ; c'est un des astringents les plus puissants que l’on connaisse ; c’est par lui qu'agissent les cachous, les Æinos, l'écorce de chêne, Va ratanhia, les racines des rosacées, etc., ete, si employés en médecine, dans l’art du teinturier et surtout du tanneur. Au point de vue thé- rapeutique, il n'existe qu'une seule espèce de tannin; mais on dis- tingue en chimie les {tannins qui précipitent en noir les sels de fer, au maximum, qu'on a appelés acide querci-tannique, tels sont le tannin du chêne, de la noix de galle, etc.; et ceux qui précipitent les mèmes sels en ver{, comme l'acide #m0-tannique où cachuti- que, celui de la ratanhia, des rubiacées, etc. On avait même dis- tingué encore les acides cajé-tannique où tannin du café; quino- lannique, des quinquinas; rorin-tannique, du morus tinctorim, ete. 214 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Mais ces distinctions des tannins ne sont pas généralement adoptées. La noix de galle est une excroissance qui vient sur le quercus in- fecloria à la suite de la piqûre d’un insecte hyménoptère pupivore, le cynips gallæ tinctoriæ, dont la femelle perce, à l’aide d’une tarière dont son abdomen est armé, les bourgeons à peine formés de la plante ; l’insecte dépose un œuf dans la blessure, l’excroissance qui se forme renferme jusqu'à 65 pour 100 de tannin. L'œuf renfermé éclôt, il en naît une larve qui, bientôt, se transforme en nymphe, et plus tard en insecte complet; celui-ci perce alors la cloison et s’en- vole. M. Guibourt a constaté que la cavité de la noix de galle était ta- pissée d’une couche d’amidon destiné à nourrir la larve et l’insecte ; autour de cette cavité centrale se trouvent des chambres aériennes destinées à fournir l'air nécessaire à la respiration de l'animal. La noix de galle nous vient de la Syrie et de l'Asie Mineure; la meilleure porte dans le commerce le nom de galle noire ou galle verte d'Alep. Lorsqu'elle a été percée par linsecte, elle constitue la galle blanche, qui est plus légère et peu estimée; la galle de Smyrne est plus grosse, moins foncée et moins pesante; elle contient plus de galle blanche. On distingue encore la petite galle couronnée d'Alep, la galle d'Estrie, Va galle de Hongrie ou du Piémont, la galle en artichaut, Va qalle de l'yeuse ou de France, Va galle ronde ou du chêne rouvre, nommée aussi galle du pétiole du chêne; a qalle ronde des feuilles du chêne, elc.; mais ces dernières ne sont pas employées. Pour extraire le {annin, on réduit la noix de galle en poudre fine, on l’expose à l'air humide pendant douze heures, et on en fait une pâle avec poids égal d’éther du commerce qui contient toujours un peu d'eau et de l’alcool ; après douze heures de contact, on exprime à la presse, et on étend sur des assiettes, à l’aide d'un pinceau, le liquide visqueux obtenu; on reprend le tourteau par une nouvelle quantité d’'éther; les assiettes sont portées à l'étuve chauffée à 40°; l'éther s'évapore, et il reste une masse très-poreuse : c'est le tannin des pharmacies. Le tannin est inodore, d’une saveur astringente, sans amertume ; il est soluble dans l’eau; la solution précipite les solutions métalli- ques; celle de gélatine, les substances albumineuses, les alcalis orga- niques, elc.; elle forme avec les persels de fer une liqueur d’un bleu tellement intense, qu'elle parait noire. CHIMIE VÉGÉTALE. 215 Le tannin est employé pour le tannage des peaux, pour précipiter la matière albumineuse des vins qui tournent au gras (glaïadine) ; dissous dans l’eau et exposé à l'air, le tannin se transforme en acide gallique. C5 H2205* E 240 = 12C 02 + 3 C1* H6 O1 tannin, acide gallique. L'acide gallique se distingue de l'acide tannique en ce qu’il ne précipite pas la solution de gélatine; soumis à la distillation sèche, il donne les produits suivants : à 1850 CTHO5 — CTIH0*,HO Acide gallique. (Un équivalent simple.) à 2100 CSHSOS Acide pyrogallique. à 2500 C'1H+Ot = C#H0%,HO Acide métagallique. C#07,H0 Acide ellagique. L’acide ellagique se forme lorsqu'on abandonne pendant très- longtemps à l'air une solution de lannin; on l’a encore appelé acide bézoardique, parce qu'on l’a trouvé dans les bézoards ou concrétions intestinales. L'acide quinique = C'H*0*,2H0, existe dans les quinquinas, com- biné à la quinine, à la cinchonine et à d'autres alcaloïdes; il existe dans le char nova un acide particulier qu'on a nommé acide quinovalique = CŸ H° 0", L'acide méconique se trouve dans l’opium combiné aux alca- loïdes; il est blanc et cristallise en paillettes blanches, douces au toucher, solubles dans l’eau, l'alcool et l’éther; sa solution colore en beau rouge de sang les persels de fer. Soumis à la dissolution sèche, il donne les produits suivants : C#*HOU,3H0O Acide méconique. C2H08,2H0 Acide coménique. C2IP0$,2H0 Acide paraméconique. C10H3505,HO Acide pyroméconique. D’autres acides organiques, que l’on trouve dans les végétaux, ont plus naturellement leur place dans la Æ/ore médicale. DES ALCALIS ORGANIQUES. — On désigne sous le nom d'alcalis orgu- niques, de bases organiques, d’alcaloïdes, des principes immédiats azotés, insolubles ou peu solubles dans l’eau, se dissolvant en général dans l'alcool et dans l’éther, possédant une saveur amère et des propriétés vénéneuses, verdissant plus ou moins le sirop de violettes, 216 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. saturant parfaitement les acides pour former des sels qui générale- ment cristallisent et dont les solutions sont précipitées par le tannin, les chlorures d’or et de platine, le molybdate d’ammoniaque et l'io- dure double de mercure et de potassium. Les alcalis organiques peuvent être divisés en trois groupes : 1° Les alcalis organiques oxygénés solides et fixes (la cinchonine exceplée); ce sont les plus nombreux ; 2° Les alcalis organiques non oxygénés liquides et volatils (nico- line, cicutine, etc.) ; 3° Les alcalis organiques gazeux (on ne connait que la méthyla- mine). Le chlore, le brome et l'iode peuvent se substituer à l'hydrogène des alcaloïdes et former de nouveaux composés. Les alcalis organiques naturels dévient à gauche le plan de pola- risation de la lumière polarisée, à l'exception de la cinchonine qui la dévie à droite ; saturés par les acides, leur pouvoir propre s’affaiblit, sauf Ja quinine dont le pouvoir augmente sous l'influence des acides. La narcotine dévie à gauche lorsqu'elle est libre; combinée à un acide, elle dévie à droite (Bouchardat ). On extrait les alcalis organiques fixes en traitant les substances qui les contiennent par de l’eau acidulée ou non; puis on précipite par l’ammoniaque, par le carbonate de soude ou par la chaux; dans ce dernier cas, on fait dessécher le précipité, et on l’épuise par l'alcool bouillant; par évaporation de celui-ci, on obtient l'alcaloïde brut; on le purifie en le transformant en sel, faisant bouillir avec du charbon animal, filtrant, précipitant par l’ammoniaque, et fai- sant cristalliser dans l'alcool ou dans l’éther. Les alcalis organiques volatils s'obtiennent en distillant la subs- tance avec une solution concentrée de potasse caustique, saturant le produit par lacide sulfurique, reprenant par l'éther, faisant évaporer et distillant de nouveau le sulfate d’'alcaloïde avec la potasse. Nous énumérons ici les principaux alcaloïdes naturels; nous re- viendrons sur chacun d’eux lorsque nous traiterons des plantes qui les renferment. ALCALOÏDES DES BERBÉRIDÉES. Berbérine......... C*?2H2011A7 (Kemp).............. : « du berberis vulgaris. Oxyacanthine..... ..... ere e(IPOIOX) sereine. ET Colchicine..-.:... Jervine........ Sabadilline........ Vératrine....... Æ Corydaline........ Fumarine.. ....... Sanguinarine.…..... Chœærophylline.... Cynapine......... Conine ou cicutine. Codéine..... done Morphine......... Narcéine..…........ Nacogénine....... Papavérine...….... Narcotine......... Porphyroxine..... Pseudomorphine.. . Thébaïne."."""." - Chélérithryne....…. Chélidonine.. ..... Glaucine......... Glaucopicrine..…... Harmaline........ HarmiDe 2.27 Porphyrharmine..…. Aconitine......... Delphine: ."..".."e Staphisain. ....... ATICME Se 5-01 Blanquinine....... Cinchonine....... One 2-2. PHONE EEE ReEe Pseudoquinine.... Paricines. #70 — CHIMIE VÉGÉTALE. 2 ALCGALOÏDES DES COLGHICACGÉES. (Pelletier et Caventou, Geiger et Hesse). C30 H35 Az2 03 (Simon). .... ee rstatite . du veratrum album. C10H1it AzOS (Couerbe)........... . ; CM He? Az O5 (Meissner) du veratrum sabadille. ALCALOÏDES DES FUMARIACÉES. C3 H21 Az O10 (Wankenroder)....... des corydalis. ee Se (BeSChien ane eee .. des fumaria. ÉD É TOR UBE (Dana, Schiel)......... des sanguinaria. ALCALOÏDES DES OMBELLIFÈRES. 0 Fe 04 5000 (Pollstorf)............ des chærophyllum. Does sus. seneenseee....... de l'efnusa cynapium. C15 AZ H16 (Brandes) 6-2". du conium maculatum. ALGALOÏDES DES PAPAVÉRACÉES. CSS H2 Az OS (Robiquet)........... \ CS*H12Az05 (Derosne)............ C?8 H20 Az O1? (Pelletier). .......... C8 HV AZ OL (BIyth}"....2.......0 CAOREUAZ OMC) CEE Tous extraits des opiums. C:SH?5 Az O1* (Derosne)............. cote .... (Merck et Riegel)...... ec soesse . (Pelletier) crceer C8H21Az06 (Thibouméry)........…. ere --"1(PIONSHePOleT)e eee CHH20A7Z-06) Godefroy)... SRE AE PrObSt) EC re er ù ( | du glaucium flavurn. du chelidonium majus. ALCALOÏDES DES PEGANUM. C27Hi* Az2 0? (Gæbel)........ sen nes C21H12Az°02 (Fritzche).......,..... du peganum harmalir. SMS (GBDeEl) ER ee ALCALOÏDES DES RENONCULACÉES. 7 (Hesse) ere SARA FN ..... des aconitum. ... (Brandes, Lassaigne et Feneulle). | du delphinium staphisu- .e AGOUOTDO). er creeeee her gria. ALCALOÏDES DES RUBIACÉES. C2 H1? Az O3 (Pelletier et Coriol).... Re ee (Ml) Ce DES Toit dé C2H12470 (Gomez, Pellet. et Cavent.). inchonae POUR à CH? Az720? (Laurent}............ À Des CH124A70? (Pelletier et Caventou). A ee F 38 H22 Az20* aur Si res, € Heu Pr PPT ‘°° À les dérivés de la cincho- ob AOL (Mengarduque)........ NC MEN ENEUNNEE DA AE SE aCWinchler) se" sr 218 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Émétines.:::22:..-.. 1007 ...... (Pelletier et Caventou). du cœphelis ipecacuanha. : CSH54AzZ20?2 (Runge)…..... PERDRE À . ‘aféine d "abica. Catéines2tiiee C16 Hi0 Az$ O3 (Paye)... .çdu coffea arabica ALCALOÏDES DES SOLANÉES. Atropines--2".-## C2*H234706 (Mein, Geiger et Hesse). : rare ( TÉLDLE ): (dei atropa belladona. Belladonme sec -ccreececer DAAOIOODÈC Ho C AT Capsicine.. ....... NL .... (Braconnot et Wilting). des capsicum. DAUTINe Se ER Peche (Geiger et Hesse)... ... c : 2 : du datura stramonium. Stramonine. ..... Mioce ce atellIDILOMSTONNR) eee secte HYOSCYAmIne Re re -kerce . (Geiger et Hesse)...... des hyoscyamus. Nicotine. C20H1* Az? (Reimann et Posselt)... des divers nicotiana. S0lanine.. CS* H68 AZ O?S (Desfosses). ........., des solanum. PhYSalMe M EE er ec . (Dessaignes).......... du physalis alkekengi. ALCALOÏDES DES STRYCHNÉES. Brucine. "77... C6 H26 AZ205 (Pelletier et Caventou). des divers sfrychnos. CUraATMet EEE Er rerec-cee (BoussingaultetRoulin). du curare. Strychnine......:. C‘*H?*Az208 (Pelletier et Caventou). : en des divers strychnos. ISASULINE SES eee ere eee (Desnoix)s er. 20.0 ALCALOÏDES DIVERS. NDIFINO ere eels sise dans Je cocos lapidea.......... esse (DIZ0). ATZATINE Serre — l'azarum Europæum. ...... 5006 AZAdIFINE. — M le MEN AZEAUTACR. ee --ermee (Piddington). Bébéerine......... — l’écorce de Bébeeru............ (Rodie). BUXINE eme — le buxus sempervirens.. ....... (Fauré). Carapme.."";:1#. — Je carapa Guianensis..…......... {Boullay, Petroz, Robinet). Gastines. ter IC IVAET GNNUS CUSUS sr ee neue ee (Landerer). Chiococcine....... — le chiococca racemosa........... Convolvuline...... — le convoluulus scammonia....... (Clamor-Marquart). Crotonine....,..... — le croton tiglium.............. (Brandes). Cusparine. ....... — le cusparia febrifuga........... (Saladin). Daphnine:."1".." — le daphne Gnidium où mezereum. (Vauquelin). Eupatorine....... — l’eupatorium cannabinum....... (Righini). Euphorbine....... = LIEUPRONOP ee etreee.ces bonovor (Buchner et Herberger). Hédérine......... —Tl'hederahelie... 2. A Foie Jamaïcine........ — Je geoffræa surinamensis… ..... (Huttenschmidt). Ménispermine. .... C18H12Az0? {dans le menispermum coc- | Pelleti Coriol Paraménispermine. ) culus:...... JJ000 00% { (RPUERER EUROS E Pelosine......…. ... dans le cissampelos paretra.......... (Wiggers). Picrotoxine. . .. ….. en rss nie no oo bouasonopnus PÉTÉIEIME ee dans l'écorce de peraira. ..... once (Goos). = Piperinee ce C3#H194A705 dans le péper nigrum.... (OErstedt). SÉPÉCLINE.- ne. dans l'écorce de bébéeru.. .......... Surinamine....... — le geoffræa Surinamensis....... (Huttenschmidt). Théobromine...... — le theobroma cacao............ . (Woskresensky). Violine........... — le viola odorata (racine)........ (Boullay). À côté de ces alcalis organiques naturels, la chimie est parvenue, surtout dans ces derniers temps, à produire une quantité considé- CHIMIE VÉGÉTALE. 219 räble d’alcaloïdes artificiels. Les uns sont comparables aux alcaloïdes volatils non oxygénés et à l’ammoniaque, et, pour cette raison, on les a nommés ammonaques composés ; ils peuvent être considérés comme de l’ammoniaque dans lequel un ou plusieurs équivalents d'hydrogène auront été remplacés par des équivalents correspondants de radicaux alcooliques, tels que l’éthyle C'FP, le méthyle CH, l'amyle CH", le phényle C®H°; on est même parvenu à remplacer les trois équi- valents de l'hydrogène de l'ammoniaque par trois équivalents de trois radicaux alcooliques différents. L'exemple que nous donnons fera mieux comprendre la constitution de ces composés, sur lesquels nous ne pouvons pas insister plus longtemps : H H H C‘ HS H C+H5 Az(H Az(H Az(C*H5 Az{C*H5 Az C*H5 Az C1 H11 H C*H5 CH C*HS5 low ns CH ammine éthylammine biéthylammine triéthylammine éthylphénylammine éthylamylphénylammine ou ou ou ou ou ou ammoniaque. éthyliaque. biéthyliaque, triéthyliaque, éthylphényliaque. éthylamylphényliaque. Si l’on réfléchit que l'hydrogène phosphoré = PhH° ou phos- phine et l'hydrogène arsenié ou arsine peuvent jouer le même rôle que l’ammoniaque ou amunine, et que tous les radicaux alcooliques peuvent être substitués à un, deux ou trois équivalents d'hydro- gène de ces composés, on conçoit sans peine que le chiffre de ces alcaloïdes artificiels est innombrable. Enfin ajoutons qu'on est parvenu à faire également des alcaloïdes artificiels oxygénés dérivant de l'oxyde d'ammonium; ainsi : H C*H C2H5 HO,HO C*H5 CH A A2 ; / FH “jemono A2! Ci Hi 0,HO H C*H5 Ci2H5 hydrate d'oxyde hydrale d'oxyde de hydrate d'oxyde de méthyl- d'ammonium. tétréthylammonium. éthylamylphénylammonium. Outre tous ces corps, on en a encore découvert qui peuvent être considérés comme des corps copulés, et d’autres dans lesquels on est parvenu à faire entrer des métaux, tels que le #smuth, V'antimoine, le zinc, le mercure, à l'état de zinc éthyle, de stan-éthyle, ete., ou de tout autre radical alcoolique métallique. Un grand nombre de végétaux contiennent des substances cristal- lisables neutres, non azotées : nous citerons la sa/icine, extraite de l'écorce des saules; la phloridzine, que l'on retire de l'écorce du 220 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. pommier; la g/ycyrrhizine, de la racine de réglisse, etc. Nous en signalerons quelques-unes en parlant des glycosides. DES ESSENCES OU HUILES ESSENTIELLES. — Un grand nombre de végé- taux, appartenant principalement aux familles des labiées, des lau- rinées, des aurantiacées, des caryophyllées, des synanthérées, des ombellifères, des conifères, ete., doivent leur odeur à des principes immédiats, volatils, insolubles dans l’eau, mais pouvant former avec elle des combinaisons cristallisables, solubles dans l'alcool et dans l’éther, insaponifiables; ce sont les huiles essentielles ou essences. Le plus souvent les essences préexistent dans les plantes et peuvent être séparées par distillation ou par expression; dans d’au- tres cas, elles ne préexistent pas, et elles ne se forment qu’au contact de l'eau; telles sont les essences d'amandes amères et de moutarde. | La parfumerie et la pharmacie font un grand usage des essences ; dans les arts on les emploie pour la fabrications des vernis. Les essences peuvent être divisées en quatre groupes principaux : 1° Les essences hydrocarbonées ; 2° Les essences oxygénées; 3° Les essences sulfurées ; 4° Les essences azotosulfurées. Les essences hydrocarbonées sont celles de /érébenthine, de sabine, de genièvre, de citron, de bergamote, d'orange, de cubèbe, de copahu, d'élémi, etc. Parmi les essences oxygénées, les unes se rapprochent du cam- phre: d’autres sont neutres, #7enthe, thym, romarin, lavande ; d’au- tres acides, girofle, reine des prés, elc.; quelques-unes peuvent être considérées comme des aldéhydes, essences d'amandes amères, de cannelle ; huile essentielle de porunes de terre joue le rôle d’un alcool (alcool amylique), et celle de Gaultheria procumbens (érica- cées), qui a pu être faite artificiellement, peut ètre regardée comme un salicylate de méthylène; elle est connue dans le commerce sous le nom d'essence de wintergreen. Elle vient de la Nouvelle-Jersey. Le tourteau d'amandes amères, traité par l’alcool, ne donne pas d'essence, donc elle ne préexiste pas; mais ce tourteau renferme deux principes, l’emygdaline et la synaptase où émulsine, qui, en réagissant l'une sur l’autre au contact de l'eau, donnent naissance à plusieurs produits, parmi lesquels il faut citer l'essence d'amandes CHIMIE VÉGÉTALE. 221 amères et l'acide cyanhydrique. Les amandes douces ne renferment pas d'amygdaline, mais elles contiennent de l'émulsine. L'essence d'amandes amères ou zydrure de benzoïle est l'aldéhyde de l'acide benzoïque; en effet, cet acide ne tarde pas à prendre naissance lorsqu'on expose l'essence à l'air ou qu'on la traite par les corps oxydants. Un grand nombre d'essences sont devenues le point de départ de séries chimiques fort intéressantes; ainsi l’on connaît la série sulicylique, qui a pour origine l'essence de reine des prés; les séries connamique, anisique, cummnique, eugénique, etc. Le bouquet des vins est attribué à des essences qui peuvent être considérées comme des éthers composés , tels sont les é/hers ænan- thique et vino-ænanthique. Pour parler des essences sulfurées et azoto-sulfurées, il est plus simple de renvoyer aux articles qui traitent de l’a7/ et de la moutarde. Disons toutefois ici que la seconde de ces essences ne préexiste pas dans la moutarde noire; elle ne se forme qu’au contact de l'eau par la réaction de la #yrosine sur l'acide myronique, qui existe dans la moutarde à l’état de zyronate de potasse ; et de mème que l’on peut faire l'essence d'amandes amères, pour ainsi dire de toutes pièces, par la réaction de l’émulsine prise aux amandes douces, sur l’amygdaline empruntée aux amandes amères, de même on peut prendre l’acide myronique à la moutarde noire et la myrosine à la moutarde blanche, et faire, par leur contact avec l’eau, de l’essence de moutarde. Certaines essences exposées au contact de l'air attirent l'oxygène et se résinifient. Les résixes sont des substances solides, répandues dans les végé- taux, notamment dans les conifères et les térébinthacées; elles sont rudes au toucher, fusibles, inflammables, insolubles dans l'eau, solubles dans l'alcool, l’éther, les corps gras et les huiles essentielles ; lorsqu'elles découlent des arbres, elles sont toujours dissoutes dans des essences et portent le nom de férébenthines, et elles prennent le nom de baumes lorsqu'elles contiennent de l'acide benzoïque (ben- join) ou de l'acide cinnamique, ou les deux à la fois (baumes de Tolu, du Pérou, etc.) Voici quelles sont les principales résines : la résine animée, pro- duite par l'Aymenœa Courbaril, la résine élémi, icica icicariba ; Ven- cens, Bosiwellia serrata ; Va résine de jalap, convolvulus jalapa, où exo- 222 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. gonium purga; Va scammonée, du convoloulus scammoma ; le galipot, du pénus maritima; le mastic, du pistacia lentiscus ; Va sandaraque, du thuya articulata ; Va lacamaque, icica tacamahaca, ete., etc. Les résines sont quelquefois associées à des gommes; elles s'émul- sionnent alors dans l’eau : telles sont les gormes-résines des ombel- lifères, c’est-à-dire l’assa-fétida, /erula assa-fotida ; le sagapenum, ferula persica ; le galbanum, bubon galbanum ; Vopoponax, pastinaca opoponar ; la gomme ammoniaque, doremu anunoniacum ; la gomme gutte, garcinia cambogia, de la famille des guttifères, quis’émulsionne aussi avec de l’eau. Parmi les térébenthines nous signalerons le copahu, appelé impro- prement baume, copaïifera officinalis ; Va térébenthine de Bordeaux, du pinus maritma ; la térébenthine des Vosges ou de Strasbourg, ou d'Alsace, larir Europæa ; le baume du Canada, abies balsameu, etc. Le caourcuouc est un produit tiré du suc laiteux de plusieurs arbres appartenant à des régions et à des familles différentes ; on le tire du syphonia elastica, du ficus elastica, du tabernæmontana elas- tica, du jatropha elastica, syphocampylos caoutchouc. Le caoutchouc pur est solide, blanc, translucide; sa densité est de 9,024; il est souple, élastique; coupé récemment, les surfaces adhèrent et se soudent ; à 0° et au-dessous il se contracte et devient dur, peu adhésif et extensible, mais il reprend ses caractères pri- mitifs de 35° à 40°. La Gurra-reRcHA, qui vient de Singapore, des îles Malaises et de la péninsule de Malaca, est produite par l'ésorandra percha de Hooker, de la famille des sapotées; elle a la même composition élémentaire que le caoutchouc. Les corps Gras sont des substances liquides, molles ou solides, neutres, insolubles dans l’eau, douces au toucher, tachant le papier, inflammables à une température élevée, solubles dans l’éther et le sulfure de carbone, saponifiables, c'est-à-dire susceptibles d’être transformées par les alcalis en acides gras et en glycérine, qui est aux corps gras ce que l’éther simple est aux éthers composés. Empiriquement, les corps gras peuvent être divisés en Lwles, ou corps gras liquides, en graisses, où corps gras mous, en s#/5, Ou COrps gras solides, et en beurres, ou corps gras odorants. L’extraction des corps gras peut se faire par diverses méthodes : 1° Par expression à froid ; CHIMIE YÉGÉTALE. 223 2° Par expression à chaud ou par la vapeur d’eau ; 3° Par ébullition dans l’eau ; 4° Par putréfaction ; 5° Par les dissolvants : a/coo!, éther, benzine pétrole, sulfure de carbone, etc. Au point de vue chimique les corps gras peuvent être considérés comme formés de mélanges en proportions variables d'oléine, de margarine, de stéarine, de ricinine, de palmine, elc., etc. ; on peut admettre que sous l'influence des alcalis ces principes immédiats se dédoublent en acides gras et en glycérine, et alors on peut les divi- ser ainsi : 1° Corps gras sur lesquels les alcalis sont sans action (cholestérine) ; 2° Corps gras que les alcalis transforment en acides gras fixes et en glycérine: tels sont l'oléine, la margarine, la stéarine, la ricinine, la palmine, etc. ; 3° Corps gras transformés par les alcalis en acides gras volatils et en glycérine, comme la butyrine, l'hireine, etc. ; 4° Corps gras que les alcalis transforment en acide margarique et en un corps neutre autre que la glycérine, la cétine et la cérine. L'oléine, qui est liquide, abonde dans les huiles; la margarine, qui est molle, domine dans les graisses, et la stéarine, qui est solide, est en grande quantité dans les suifs. Dans une autre théorie on admet que la glycérine et les acides gras préexistent dans les graisses; alors l’oléine, la margarine, la stéarine, etc., seraient considérées comme des o/éates, des marga- rates, et des stéarates de glycérine, et comme celle-ci, telle qu'on l’admettrait dans les corps gras, joue le rôle d'un éther simple, il en résulterait que les graisses, les suifs, les huiles, etc., seraient des éthers du troisième genre. Exposés au contact de l'air, les corps gras en attirent l'oxygène et rancissent, les huiles deviennent épaisses ; aussi les divise-t-on en siccatives : lin, chènevis, noix, noisette, æillette, etc.; et en non sicca- tives : olives, d'amandes, de ricin, de madia, de colza, de navette, d'arachides, ete. Nous reviendrons sur ces huiles en parlant des plantes qui les fournissent. Les ces tiennent pour ainsi dire le milieu entre les résines et les corps gras ; elles sont insaponifiables par la solution de potasse, mais elles le deviennent par la potasse en fusion; elles sont très-solides, 22/ GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. insolubles dans l’eau et dans l'alcool, mais se dissolvent dans l'éthier et les huiles essentielles ; elles sont formées de ryricine, de cérine et de céroléine. Certains végétaux produisent des cires analogues à celle des abeilles, tels sont les fruits de divers 2yrica, les myristica sehifera et bicuyba, le ceroxylon andicola, Va canne à sucre, etc. Des MATIÈRES COLORANTES. — Outre les matières colorantes dont nous avons déjà parlé en traitant de la couleur des fleurs, il en est d’autres qui jouent un grand rôle dans l’industrie : telles sont la garancine et l'alizarine de la garance, l’Aématine du bois de Campéche, la cartha- mune des fleurs de carthame, la brésiline et la brésiléine du bois de Brésil, la Awéoline de la gaude, la quercilrine du chêne nommé quercitron, le rocou du bzra orellana, Va santaline du Pterocarpus santalinus, ete. Nous dirons seulement quelques mots de l’ërdigo, de l'orseille et du tournesol. L'inniGo existe dans plusieurs plantes; les principales qui en four- unissent sont le pastel, 25472 fencloria (crucifères), le po/ygonum lincrortum (polygonées), les #ndigofera tinctoria, argentea, etç.; il existe dans ces plantes à l’état d’indigo blanc, c'est par oxydation qu'il devient bleu. C16H6 Az O0? + O = CISH5AzZO? + HO indigo blanc. indigo bleu. L'orseizze est extraite de certains lichens des genres Variolaria, Lecanora, Roccella, Evernia, ete.; la matière colorante ne préexiste pas, elle se produit par l’action de lammoniaque sur une matière azotée, l'orcine, qui elle-même ne préexiste pas; elle provient de la décom- position, sous l'influence des alcalis, de plusieurs principes incolores et incristallisables, tels que les acides lécanorique, érythrique, ever- nique, etc. TourNesoL. — Il y a deux espèces de tournesol; celui qui est en pains est retiré de certains lichens, et le tournesol en drapeaux est préparé avec le jus de la aurelle, croton tinctorium (euphorbiacées). Il résulte des nombreuses expériences de M. le docteur Filhol que les feuilles contiennent, indépendamment de la chlorophylle, du quercitrin où de la guercetine, et quelquefois les deux ; on y trouve aussi dans certains cas une petite quantité de la matière colo- rante jaune des fleurs connue sous le nom de zanthune. Les fleurs rouges, roses ou bleues, sont colorées par de la cyanine CHIMIE VÉGÉTALE. 225 Les fleurs jaunes doivent leur couleur à de la anthine, de la ranthéine et de la croco-ranthine. Enfin toutes les fleurs contiennent comme les feuilles du querci- trin et de la quercétine; elles renferment en outre des quantités notables de sucre. Quand on compare, au point de vue de la richesse en guercitrin, les feuilles séchées avec soin et conservées à l'abri de Pair, avec les feuilles de la même espèce, mal conservées, telles que les fournit le commerce de la droguerie, on trouve qu'elles en contiennent beau- coup moins que les feuilles bien conservées; au lieu de principes cristallisables et bien définis, on retire des feuilles mal séchées des matières d'apparence extractive qui sont le résultat de l’altération des principes immédiats primitivement contenus dans la plante. La même chose a lieu pour les fleurs, elles s’appauvrissent en sucre en se décolorant; les matières colorantes isolées résistent à l’action de l’air et de la lumière (Filhol). GLycosipes. — Certaines substances propres à des plantes diverses présentent pour caractère distinctif de produire de la glycose, lors- qu'elles se décomposent dans certaines conditions, aussi les a-t-on désignées sous le nom de glycosides. La salicine bouillie avec l’acide sulfurique ou chlorhydrique étendu s’assimile les éléments de deux molécules d’eau, et se dé- double en glycose et en sa/irétine. C6HI8 01 EH 2H0 = C2 Ht Où HE Cis H6 0? salicine. glycose, salirétine. La synaptase la dédouble de même; seulement il se forme une substance cristallisable, la saligénine. CH HIS O0 4HO — C2 Hit Oté Ci HS O4 salicine. saligénine. Nous signalerons encore parmi les g/ycosides, la populine, du po- oulus tremula, Va phloridzine, du pommier, du poirier, du ceri- sier, elc., l'esculine de l’esculus hippocastanum, Y'arbutine, de l'uva urst, la phyllirine, des phyllirea, ete., etc. DES PRINCIPES INORGANIQUES CONTENUS DANS LES VÉGÉTAUX. — Nous avons déjà fait connaitre ailleurs l’origine des quatre éléments prin- cipaux des plantes, c'est-à-dire du carbone, de l'hydrogène, de V'ory- Botan., T. I. 15 226 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. gène et de l'azote, auxquels il faut ajouter dans certains cas le soufre, le phosphore, ete., qui peuvent faire partie de la molécule organique ; mais à côté des matières organiques destructibles par la calcination, on trouve dans les plantes des substances minérales qui restent pour résidu sous forme de cendres lorsqu'on les calcine ; c’est l'origine de ces sels qu'il s'agit de rechercher. Quoique dans les cendres des végétaux on distingue les sels solu- bles des sels insolubles, il n’en est pas moins vrai que les uns et les autres n’ont pu pénétrer dans les plantes qu'à l'état de solution, et que ce n’est que par des transformations opérées dans les tissus que les sels insolubles ont pu se produire, ou bien ils sont le résultat de la calcination; c’est ainsi que les dépôts de silice que l'on trouve dans les bambous, et l'oxalate de chaux qui existe dans les rhu- barbes, ne peuvent être que le résultat de dépôts et de transforma- tions opérés dans la plante elle-même. Enfin, il ne faut pas oublier que tous les sels alcalins et terreux à acides organiques sont trans- formés par la calcination en carbonates alcalins ou terreux, solubles ou insolubles. La chaux est très-abondante dans les végétaux, mais elle ne peut y exister à l'état de liberté; tantôt on l'y trouve à l'état de sel plus ou moins soluble, chlorure, azotate, sulfate ; tantôt à l'état insoluble, comme les za4/ates, oralates, ete. Nous ne pensons pas que l’on puisse trouver la chaux à l'état de liberté comme on a prétendu l'avoir constaté dans l'écorce du liége et le bulbe de l'ail; nous éprouvons même une grande répugnance à croire qu'on ait pu la trouver à l’état de carbonate neutre ou acide dans les végétaux parmi lesquels nous citerons les feuilles d’aconit napel, les racines de po/yqala senega, la paille des graminées, etc. Nous pensons, au contraire, que les car- bonates ne peuvent pas exister dans les plantes, parce qu'à un mo- ment donné ces sels doivent être décomposés par les acides organi- ques énergiques, tels que les acides malique, tartrique, lactique, acélique, etc., qui se forment dans les tissus à l'époque de la ger- mination. Nous croyons sans peine, au contraire, que l'on a pu trouver le sulfate de chaux dans les racines de bryone et de rhubarbe, dans l'écorce du quercus falcata, le fucus vesiculosus; de même que le phosphate dans les racines de pivoine, de nymphéa, de réglisse, le suc de chélidoine, les cellules des pandanus, des typha, des orchis ; le nitrate dans les borraginées, la pariétaire, l’ortie, etc., et en gé- CHIMIE VÉGÉTALE. Dr néral dans toutes les plantes qui poussent sur les murs et sur les dé- combres; enfin on a signalé le chlorure de calcium dans les feuilles de tabac, les fleurs de narcisse des prés, ete. La #agnésie, plus rare que la chaux, se trouve dans un grand nombre de végétaux à l’état de sels organiques, se transformant en carbonate par la calcination ; elle parait pouvoir se substituer à la chaux et remplir le même rôle; c’est ainsi que dans la belladone (aropa belladona) on trouve tantôt de l'oxalate de magnésie, tantôt de l'oxa- late de chaux, d'autres fois les deux mélangés; on a encore trouvé la magnésie dans le chanvre, les fruits des céréales, le sa/sola soda; à l'état de sulfate dans le /icus vesiculosus ; de phosphate dans la bryone, dans la ciguë; de chlorure dans le cannella alba. La s//ice, quoique insoluble, a été constatée dans les tissus des vé- gétaux; elle n'a pu y pénétrer que de deux manières, soit sous la forme de silice gélatineuse, élat sous lequel elle est toujours un peu soluble dans l’eau, soit combinée à une base alcaline, formant un silicate qui aura pu être décomposé dans l’intérieur du végétal par les acides organiques formés pendant la végétation, d'où seront ré- sultées les concrétions pierreuses que l’on trouve dans le chaume du bambou, connu sous le nom de fabaschir de l'Inde (tabasheer), con- crélions qui, d'après M. Guibourt, sont formées de silice presque pure, contenant seulement quelques traces de potasse ou de soude ; d’ailleurs, la silice parait toujours s’accumuler dans divers organes ou dans certaines cavités ; ainsi les cendres fournies par l'épiderme du bouleau en contiennent 70 p. 100; celles du roseau de Provence, 4,8; celles du chaume du blé, 6,5 ; l'épiderme du calamus rotang en renferme une telle quantité qu'il fait feu au briquet. La balle du froment donne des cendres renfermant 70 p. 100 de silice; 57 dans celles de l'orge; 48 dans les tiges du maïs; 4 dans les prêles ; on en constate aussi la présence dans les feuilles, dans les écorces et dans les racines, mais ce n’est que très-exceptionnelle- ment. C'est ainsi qu'on en trouve 44 p. 100 dans les cendres des feuilles de chène; 11 dans celles du peuplier; 15 dans l'écorce du mürier, etc. L'alumine est plus rare dans les végétaux ; on l’a trouvée dans la chélidoine, la racine de guimauve, l’absinthe, les feuilles d'olivier. Les alcalis et les sels alcalins, tels que la potasse et la soude, sont très-répandus dans la nature et existent en grande proportion dans 228 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. certains végélaux ; mais les proportions dépendent surtout de la nature du terrain dans lequel la plante a végété. Dans 100 parties de cendres de tiges de fèves en fleur, on trouve 57 de potasse et de soude ; 54 dans celles du fruit du marronnier d'Inde; 59 dans celles des tiges de maïs; 42 dans celles de la paille de blé, etc. En général, on peut dire que les sels de potasse abondent dans les végétaux qui vivent loin des côtes maritimes, landis que c’est la soude que l'on trouve dans celles qui poussent sur les bords de la mer. On a vu que ces sels pouvaient se substituer les uns aux autres et y remplir le même rôle : on trouve le chlorure de potassium dans l'écorce de winter, la graine de lin, le céleri, l'absinthe, les feuilles de tabac, la fausse oronge, etc.; il est très-abondant dans la bette- rave, la racine de pivoine, le polyqala senega, le bulbe d'ail. Le phosphate de potasse a été trouvé dans le fruit du marronnier d'Inde, dans la fève, la pomme de terre, dans les cendres des fruits de cé- réales (AT p.100 pour celles du maïs et 32 pour celles du froment) ; le nitrate de potasse est surtout abondant dans les plantes qui végè- tent sur les murs et les plätras, telles que les borraginées, la parié- taire, la lénaria cymbalaria, ele.; mais on a trouvé encore ce sel, et souvent en abondance, dans le céleri, la betterave, le pareira brava, le bétel, le souchet comestible, etc. Les plantes marines, maritimes et des salines, renferment surtout de la soude ; elle y existe le plus souvent à l’état de sel à acide orga- nique, oxalate, acétate, etc. Les cendres du sw/sola soda renferment de 25 à 30 p. 400 de carbonate de soude, provenant de la destruction par la chaleur de loralate de soude ; le salsola sativa et le chenopo- diumn setigerum, qui servent avec d’autres plantes à préparer les soudes d’Alicante et de Narbonne, donnent des cendres d'où on peut extraire par lexiviation de 14 à 15 p. 100 de carbonate de soude. Cest encore dans les plantes marines et principalement dans les algues, tels que le /ucus vesiculosus, le laminaria saccharina, ete., que l'on trouve l'iode; il existe à l'état d'iodure de potassium ou de sodium, mais plus probablement de sodium; c'est de la cendre des varecs qu'on le retire. Le /er existe dans les cendres de tous les végétaux en proportions variables, mais toujours assez minimes ; on le trouve dans l’indigo du commerce, les pétales de la rosa gallica, la racine de bryone, les - feuilles d'olivier, les graminées ; sa présence peut avoir de l'influence CHIMIE VÉGÉTALE. 229 sur la coloration des fleurs ; l'hortensia qui végète dans des terrains ferrugineux présente des fleurs bleues ; on obtient la même colo- ration en arrosant l'hortensia ordinaire avec une solution très-diluée de sulfate de protoxyde de fer, qui est aussi employée avec succès pour donner de la vigueur aux plantes étiolées (Gris). Le manganèse, voisin du fer dans la série chimique, l'accompagne dans toute la nature; on le trouve en petite quantité dans les cendres du pin, du souci, de la vigne, du figuier, des fruits et pailles des graminées, ete. Le cuvre a été constaté dans les cendres de beaucoup de plantes, où il existe à l’état de sel ; c’est là sans doute l’origine de ce métal que l’on a trouvé dans le corps de l’homme. On a constaté sa pré- sence dans la quinquina, la garance, le café, le froment, etc. D’après M. Sarzeau, les 70 millions de kilogrammes de café qui entrent an- nuellement en Europe, contiennent 560 kilogrammes de cuivre, et le poids de ce métal contenu naturellement dans le pain consommé en France pendant un an, peut être évalué à 3,650 kilogrammes; il est vrai que l’on a attribué sa présence dans les graines des céréales, à l'emploi que l'on fait dans certains pays du sw/fate de cuivre, pour préserver des insectes les grains destinés à l’ensemencement; mais il existe dans toutes les plantes qui végètent aux environs des mines qu'il forme; toutefois les sels de cuivre, même en proportions assez minimes, sont des poisons pour les plantes, et elles périssent rapi- dement lorsqu'on les arrose avec des solutions de sulfate de cuivre au millième. Outre le chlore, l’iode, le soufre qui peuvent exister dans les plan- tes à l’état de chlorure, d’iodure et de sulfate, on trouve dans cer- tains végétaux, et principalement dans les crucrfères, du soufre à un état particulier, formant un élément des matières organiques; c’est à ce soufre que l’on doit attribuer l'odeur de chou pourri ou d’hy- drogène sulfuré qui se dégage d'un grand nombre de plantes pen- dant leur décomposition spontanée. Le phosphore existe à l’état de phosphate de potasse, et surtout de chaux dans presque toutes les plantes; il est indispensable, notamment dans les graminées, pour fournir à la reproduction des os des vertébrés; c'est donc avec raison que le phosphate de chaux a été considéré comme un véri- table engrais; on a essayé d’en trouver jusque dans la terre des anciens champs de bataille. 230 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Il est incontestable que les éléments minéraux sont pris aux sols dans lesquels les plantes végètent ; aussi a-t-on tiré un grand parti de l'analyse chimique des cendres pour rechercher quelles seraient les substances minérales qui conviendraient le mieux aux plantes culti- vées, de manière à les restituer au sol sous la forme d’amendements. Mais c’est à tort que l’on avait attribué aux végétaux une sorte d'action élective, en vertu de laquelle ils n'auraient absorbé que les éléments minéraux qui leur convenaient; nos expériences nous ont prouvé, au contraire, que les plantes absorbent indistinetement tous les sels, ceux qui leur conviennent comme ceux qui leur sont nuisibles; seulement, avec ces derniers, les végétaux languissent et meurent. C'est ainsi que les solutions arsenicales, celles de chlorate et d'iodate de potasse, d'iodure de potassium, à un et à un demi- millième, font périr rapidement les plantes. Au contraire, les alcalis organiques, plus ou moins vénéneux pour les animaux, sont absorbés par les plantes sans qu’elles en éprouvent d'action spéciale; il serait même intéressant de recher- cher les modifications qu'ils peuvent subir sous l’influence de la végétation. Les plantes qui végètent dans un sol contenant plusieurs sels ab- sorbent ceux-ci en raison directe de leur solubilité, et la quantité est toujours proportionnelle à celle que contient le sol dans lequel elles ont poussé. On a vu que les feuilles d’un rAododendrum qui avait végété dans un terrain calcaire donnaient des cendres contenant 43,25 de carbonate terreux, et 0,75 de silice; celles qui avaient crû dans un terrain siliceux donnaient des cendres renfermant 16,75 de carbonate terreux et 2,0 de silice. Les tiges de la même plante fournissaient des cendres qui renfermaient dans le premier cas 39 de carbonate terreux et 0,5 de silice; et, dans le second, 29 de carbonate terreux et 19 de silice. Toutes les expériences confirment ce fait. Davy, ayant semé de l’avoine dans du carbonate de chaux, ne trouva à l'analyse que très-peu de silice, c’est-à-dire une quantité correspondant à la proportion contenue dans les graines ; le grand soleil (4e/ianthus annuus), si riche souvent en nitrate de potasse, n’en contient pas lorsqu'on le cultive dans un sol qui en est privé. L'action vitale des plantes influe beaucoup sur la quantité de matières inorganiques qu’elles contiennent; c'est pourquoi les plantes herbacées en renferment plus que les végétaux ligneux. Tandis que CHIMIE VÉGÉTALE. 231 10,000 parties de cendres de peuplier ne contiennent que ? de car- bonate de potasse, celles d'absinthe en renferment 730, et celles de fumeterre 790. Les matières terreuses ou alcalines ne sont pas également distri- buées dans les différentes parties de la plante : elles se trouvent en général en plus grande abondance dans les feuilles ; viennent ensuite les écorces, l’aubier et le bois; c'est dans les parties herbacées des plantes ligneuses en état de croissance qu’on en trouve le plus. Après les sels alcalins, ce sont les phosphates de chaux et de magnésie qui sont les plus abondants dans les jeunes végétaux; ils diminuent à mesure que la plante avance en âge; Fécorce en contient moins que le bois, et celui-ci moins que l’aubier, C'est le contraire pour la silice, dont il ya d'autant plus, que la plante est plus âgée; presque nulle dans le bois, la silice parait dans l'écorce, et est à son maximum dans les feuilles. Dans les végétaux à feuilles caduques, la silice ne peut s'accumuler, tandis qu'elle augmente toujours dans les plantes à feuilles persistantes; les feuilles des monocotylédones sont celles qui en contiennent le plus; les sels métalliques des dernières sections sont dans le même cas que la silice : leur quantité est pro- portionnelle à l’âge des végétaux. Ainsi, non-seulement la quantité de cendres n'est pas constante pour les végétaux différents, mais encore pour les végétaux d’une même espèce, et même pour les diverses parties d'un même végétal. Les tableaux suivants démontrent suffisamment ce fait. Quantités de cendres laissées par des végétaux d'espèces différentes. DÉSIGNATION DES PLANTES, CENDRES. ROnsresaseeEo cc nmamnasatonnoe 0.0370 p. 100 de plantes sèches. PUZONNO Eee rer ee -Ceree 0.0890 — MUTIOR Se .REPsecrerenii eee 0.0023 — HEC A onda do obrdonc Tu Mo ei 0.0076 — Pommes de terre (fanes)........,.., 0.0300 — Vesces à feuilles pictées............. 0,1140 — Salicorne herbacée.. . :.....7.,..., 0.009% — (M. Berthier.) Fèves (plante et graine)......,...., 0.066 p. 100 de plantes séchées à 25°, Fèves (plante séparée des graines)... 0.115 — POISIRORANTIETAINES CE ce etee 0.081 = Maïs séparé des graines. ............ 0.084 = Tournesol portant graines ..,..,.,... 0.093 = , (T. de Saussure, 232 GÉNÉRALITÉ DE LA BOTANIQUE. Quantités de cendres laissées par différentes parties d'un même végétel. PARTIES DES PLANTES. NOMS DES PLANTES. EE 7 Chène. Peuplier. Mûrier. Pin. Vigne, BOÏS-R rite ese note » » 0.007 0,0076 0,0389 Écorce du bois........ 0.0600 » » » » RON M eee 0.0020 0.0080 » » » Écorce du tronc....... 0.0600 0.0072 0.089 » » Branches écorcées..... 0.0040 » » » » MADET A are note 0.0073 » 0.088 » » AUIDIET es -tee - creme 0.000% » 0.013 5 » KReulles cer 0.0053 0.0660 » 0.283 » ruse re eeere-2t » » » » 0.0042 (T. de Saussure.) (M. Berthier.) (M. Crasso.) Le sol est formé d’un mélange de plusieurs substances minérales el végétales ; le sable, l'argile et le calcaire en font la base, c’est-à- dire l'acide silicique, l'alumine et le carbonate de chaux. Pris iso- lément, ce sont de très-mauvais terrains de culture ; les amendements consistent à donner à la terre l'élément minéral qui lui manque; ainsi {andis que l’on szb/e certains sols, on en #7arne d’autres de manière à leur donner la composition d’une bonne terre franche. Les engrais concourent aussi à modifier la porosité et la nature du sol, mais ils ont plus spécialement pour but de fournir aux plantes des matériaux de nutrition. D'après la proportion relative de la silice, de l'argile et du cal- caire, on a établi la division suivante des sols : 2 Sols argileux....... Sols calcaires....... Sols magnésiens, ... Sols humifères...... Sols sablonneux.... .! Sol de sable pur. — quartzeux. — volcanique. — sablo-argileux. — sablo-argilo-ferrugineux. — sablo-humifère. Sol d'argile pure. — argilo-ferrugineux. — argilo-sablonneux. — argilo-calcaire. Sol crayeux. Sables calcaires. Sol tufeux. — marneux. Sol tourbeux. — marécageux. CHIMIE VÉGÉTALE. 233 Les plantes fabriquent de toutes pièces, et par des transformations successives, les acides végétaux qui se trouvent souvent combinés avec des bases minérales dans les plantes, et d’autres fois avec des bases organiques. Il n’y à pas pour ainsi dire de plante qui ne contienne de l'oxalate de chaux ; il abonde dans les lichens, dans les rhu- barbes, la cannelle blanche, la séve du rosier, etc. On trouve des malates alcalins ou terreux dans la racine d’aconit tue-loup, dans les racines de pivoine, de pareira brava, de bryone, dans les feuilles de ciguë, les graines d’arachide. Le citrate de chaux a été trouvé dans le suc de la chélidoine, la pulpe d'orange, la pomme de terre, la racine d'azarum, ete. Le tartrate de chaux existe dans les feuilles de séné. On trouve du quinate dans les quinquinas, du gallate dans la racine d’ellébore noir. On a constaté la présence du malate de magnésie dans les racines de réglissé et de bryone, dans les prêles et dans le bois gentil, daphne mezereum. Mais c'est surtout à l’état d’acétate que les bases alcalines et ter- reuses existent dans les végétaux : il est bien peu de plantes qui n'en contiennent pas; et si l’on a signalé dans quelques-unes la présence des tannates, gallates, lactates, etc., et même, dans quel- ques cas, celle d'acides organiques particuliers, il est très-probable qu'ils s'y trouvent simultanément avec d’autres composés ternaires acides, et rien ne démontre que ces acides ne puissent se trans- former les uns dans les autres dans la nature organique, comme cela s'effectue dans le laboratoire du chimiste. Cette probabilité de transformation des principes immédiats acides neutres ou basiques les uns dans les autres est surtout très-facile pour les alcalis orga- niques, qui souvent, en fait de ceux qui appartiennent à la même plante, ne diffèrent les uns des autres que par un ou deux équi- valents d'oxygène. Il est certain aussi que la nature organique peut effectuer des transformations, des réductions ou des oxydations que le chimiste n'a pu encore produire, mais dont il saisira certaine- ment un jour le secret. | | | | LR È rs + Fr va Lx | ce PIE "1 ATr » ; | 1 | È sogiunrrolenmil ssl 149 fs AB Pier aitu & Vo D 2 | nv ü bref , JUN AUTTVIA Ne) ie Pi a 120 PAT TAUIE x BOTANIQUE GÉNÉRALE PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION Nous avons suivi, dans ses principaux développements, l’évolution des différents systèmes d'organes des végétaux, considérés comme appareils de la nutrition. Il nous reste maintenant à étudier le jeu de ces organes, et à voir quel rôle ils jouent dans l'entretien de la vie du végétal. La connaissance de ces phénomènes complexes, qui sont la mise perpétuelle en rapport entre l’être organisé et le monde extérieur, constitue la science physiologique ou de la nutrition : car les êtres organisés, animaux ou plantes, ne vivent que par l'échange inces- sant qu'ils font de molécules avec les agents ambiants. Cette doctrine est la seule qui réponde à l'idée de la course éternelle et circulaire des choses. On trouve, dans la cosmogonie indienne, cette idée ex- primée sous une forme qui sera toujours vraie : c’est celle qui repré- sente le monde et tous les êtres qui l’animent, ainsi que tous les corps matériels répandus dans l’espace, comme soumis à une loi d'expansion et de contraction, qui représente la vie et la mort, l’ac- tivité et le repos, la création et le néant. C’est cette activité, tou- jours en mouvement, qui fait sortir du grand réservoir, qu’on appelle la terre, les premières molécules animées, et qui, pendant toute la durée de l'existence de l'être, donne et recoit alternativement jus- qu'à ce que le cycle vital soit accompli, énigme dont il faut cher- cher le mot au sein de la nature vivante. C'est la théorie qui repré- sentera le mieux cet échange; elle sera, sinon la véritable, tout au moins celle qui sera le plus près de la vérité, parce que, malgré la variété prodigieuse des phénomènes qu’elle présente, la nature ou la force vivante est une, et la même loi s'applique aussi bien aux 390 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. grands corps qui roulent dans l’immensité, qu’à l'infusoire qui vit au sein d'une goutte d’eau ou à la mousse attachée au flanc du rocher. Pour la facilité de l'intelligence des grands phénomènes physiologiques, nous classerons chaque fonction dans l’ordre suc- cessif de son importance, et chacune d'elles sera développée dans son ordre de priorité, bien que loutes concourent à un but commun, qui est la nutrition. Ces fonctions sont l'absorption, la circulation, la respiration, V'exhalation où a transpiration, la sécrétion, Y'excrétion et l'assimilation qui détermine l'accroissement. Voici les motifs déterminants de cet ordre : 1° L'absorption prend les fluides et les éléments gazeux répandus à l'extérieur et les fait pénétrer dans le tissu végétal. 2° La crculation charrie ces liquides dans toutes les parties de la plante, les porte aux organes d'élaboration et les y reprend pour les transporter sur les points où la vie les appelle quand ils sont organisés. 3° La respiration, en mettant les liquides apportés par la cireula- tion en communication avec l'air ambiant, leur donne des propriétés nouvelles et les dégage des principes inutiles pour les convertir en substance organisée. 4° L'exhalation, comparable à la transpiration chez les animaux, rend à l'atmosphère les fluides gazeux impropres à l'acte de la nu- trition. 5° La sécrétion met en œuvre le fluide séreux et choisit, parmi les matériaux de la nutrition, certains principes qu'elle dépose dans des réservoirs particuliers : c'est ainsi que se forment les sucs propres. 6° L'ercrétion peut être considérée comme une double fonction : dans le premier cas, elle dépose simplement à l'extérieur de la plante des principes particuliers qui sont le produit de la sécrétion ; dans le second , elle rejette au dehors des principes inassimilables, ce qui a été brièvement exposé dans l’article relatif à la fonction des racines. 7° L'assimulation entretient la vie dans le végétal en conservant et renouvelant molécule à molécule les parties déjà existantes, et en créant de nouveaux tissus. L'ensemble de ces fonctions constitue le phénomène de Ja nutri- tion; nous trouvons donc dans l'être végétal le même cycle que dans PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. 351 l'animal : un échange perpétuel entre lui et les agents ambiants, jusqu'au moment où il rendra à la terre les éléments qu’il lui a em- pruntés, et dont une partie se répandant dans l'atmosphère sous forme de gaz ou de vapeur élastique, et l’autre se mêlant aux maté- riaux du sol, servira à la perpétuation de la vie. Nous trouvons dans le végétal ce que nous ne voyons que chez un petit nombre d’ani- maux, dans l'échelle inférieure, et surtout dans les polypiers; c'est que, dans l'animal, l'acte physiologique appelé nufrition se compose de deux faits successifs : l'accroissement des tissus et le perfectionne- ment morphologique; puis une fois la forme acquise et le dévelop- pement complet, la vie organique ne fait plus que se maintenir dans un état d’équibre rompu seulement par l'usure des organes, tandis que, dans le végétal, il faut regarder chacune des parties qui le composent comme une individualité particulière, même dans les végétaux annuels. On pourrait même dire que chacun des organes dont l'ensemble constitue la plante, surtout les organes appendicu- laires, émanation de l'organe axile qui porte en germe un appendice quelconque, est un végétal réunissant la triple condition nécessaire pour former un être complet, une partie inférieure ou radiculaire, axile ou tigellaire, appendiculaire ou foliaire. Quant à la fleur, elle appartient à un ordre évolutif tout différent, et est spécialement des- tinée à la fonction de reproduction. Dans l'exposé de cette partie si importante de la Botanique, nous ne dissimulerons pas les obscurités, les contradictions même qui l'entourent, et nous ne nous flattons nullement d’avoir levé aucun des doutes qui planent sur le mystère de la vie végétale : si nous sommes à chaque pas arrêtés dans l'explication des phénomènes de la vie animale, nous ne le sommes pas moins dans ceux de la vie végé- tale, qui, par sa simplicité même, échappe à une investigation satis- faisante. On trouve, en botanique et en zoologie, comme dans les sciences de pure spéculation et d’idéologie, ce qui ne devrait jamais avoir lieu dans les sciences d'observation : des écoles rivales, des théories en lutte ouverte, comme s’il était logique de faire schisme en présence des faits. On ne peut en effet qu'avoir raison ou tort, si ce n’est absolument et sur tous les points, c'est au moins sur quel- ques-uns des principes fondamentaux. Ce qui conviendrait à la di- gnité de la science, c’est d'examiner avec bonne foi el impartialité les faits dans leur ordre successif, de les analyser un à un sans pré- 3)2 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. cipilation, en rejetant toute idée préconçue, sans autre méthode que celle de l'analyse pure, et sans soumettre violemment le fait, si in- flexible de sa nature, à une théorie ; de fixer ainsi jusqu'à quel point la lumière est commune pour tous les observateurs, et le point où les divergences, c’est-à-dire les obscurités, commencent. Nous n’en sommes pas là : on oppose théorie à théorie, sans concession au cune, et le résultat de ces contradictions, c’est de rendre la science inintelligible pour les néophytes, à moins que chacun d'eux ne prenne place à côté du maître, prêt à rompre une lance en faveur des idées qu’il ne comprend pas, mais qu'on à imposées à son ignorance. Les travaux de la savante Allemagne ne nous ont, jusqu'à ce jour, pas appris grand’chose : l'esprit spéculatif des physiologistes d’outre-Rhin les jette dans les idées théoriques, et la science, au lieu de s'enrichir de ces études profondes, devient une Babel dont la confusion augmente chaque jour. Au lieu de voir la physiologie en philosophes positivistes, dans le fait, rien que dans le fait, ils ont, avec la plus merveilleuse, on pourrait dire la plus déplorable facilité de synthèse, échafaudé des théories ingénieuses, mais qui n’en sont pas moins spécieuses pour cela; et le sens véritable de la grande énigme de la nature se perd au milieu de ce dédale de faits épars, incohérents, sans lien, et faussés dans leur interprétation par les théories. Nous exposerons donc les idées dominantes, sans prendre absolu- ment parli pour aucune d'elles; cependant nous dirons celles qui nous semblent le plus conformes à la vérité, et nous avouerons l'in- suffisance actuelle de la science à l'explication des faits, chaque fois que nous n’aurons pas de motif de certitude. En employant le mot certitude, nous n’entendons pas parler de certitude absolue, mais tout simplement relative : car la vérité nous échappe, et nous sommes heureux de pouvoir suivre de loin, et comme un phare destiné à nous sauver du naufrage, la lueur qui nous guide à travers le labyrinthe des faits Imexplicables ou inexpliqués. CHAPITRE PREMIER ABSORPTION. Les racines sont les organes essentiels de l'absorption. C'est prin- cipalement par leur extrémité, dont le tissu paraît spongieux, ce qui leur à valu le nom de spongioles, organes rejetés par quelques bota- nistes, et qui, cependant, paraissent exister réellement, que les subs- tances saturant le sol pénètrent de l'extérieur dans l'intérieur du végétal. L'épiderme des extrémités radiculaires existe-t-il, ou les spongioles en sont-elles dépourvues? C'est ce qu’on ne peut absolu- ment affirmer ou nier. Dans cette partie de la plante, dont la texture cellulaire est évidemment différente, il y a, sinon privation absolue, tout au moins amineissement de l'épiderme, et la perméabilité épi- dermique est augmentée; car c’est dans les spongioles surtout que réside la puissance d'absorption, qui n’est pas une simple imbibition capillaire. On constate expérimentalement cette propriété, en plongeant dans l'eau les extrémités radiculaires d’un végétal, et l'on voit l'absorp- tion s'exercer avec toute sa puissance. Si, au contraire, on immerge le corps de la racine et qu'on place les radicelles en dehors du vase, l'absorption diminue et la plante s’affaiblit et meurt. Bien qu'on nie l'existence d'une action purement dynamique, et que, outre les phé- nomènes de capillarité et d’hygroscopicité, on veuille voir, dans l'endosmose, l'explication toute physique d'un phénomène physiolo- gique, il est plus rationnel d'admettre que les corps vivants ont un mode d'absorption qui leur est propre, et que c’est à la vie qu’est dû ce phénomène. On à opposé à cette idée l'indifférence avec laquelle les radicelles absorbent tous les fluides, qu'ils soient nuisibles ou salutaires, les conditions de l'absorption étant seulement la division la plus ténue possible des éléments de nutrition : cette raison n’est pas suffisante pour repousser l’action dynamique, car l'activité orga- nique n'implique nullement l'élection dans le choix des éléments qui servent à l'entretien de la vie, et les végétaux absorbent avec indiffé- rence les fluides répandus autour d'eux, comme le prouvent les expé- Botan., T. I. 23 354 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. riences de Bertrand, qui a fait croître des plantes dans la séve décou- lant de la vigne au printemps et dans celle si abondante du bouleau ; ils absorbent mème les fluides tenant en dissolution des poisons actifs et les transportent dans toute l’économie; ce qui, au reste, n’a pas lieu pour les végétaux seulement, car l'empoisonnement miasma- tique, l'absorption des principes les plus délétères, ont aussi bien lieu pour les animaux que pour les végétaux. Nous reconnaissons seulement qu’outre la division des principes fluides ou gazeux ré- pandus dans le sol, il y a deux causes de stimulation, qui sont Ja chaleur et la lumière. Les substances dissoutes dans l’eau, qui est leur véritable véhi- cule, et qui fournit d'abord l'hydrogène et l'oxygène, sont : l'acide carbonique, que donnent les eaux des pluies qui en contiennent, et le terreau, ‘appelé Æwrus; l'ammoniaque et l'oxyde d'ammonium, sources de l'azote. C’est surtout sous la forme de sel que l’ammo- niaque existe dans le sol, et les engrais animaux en sont l’origine principale. La pluie renferme de l'acide azotique qui, en rencon- trant dans le sol l’ammoniaque, se combine avec lui et y forme un azotate. On y peut joindre les sels des différents noms contenus dans le sol, et qui y subissent des décompositions multiples. (Voir Chimie végétale.) C’est dans le double réservoir de l'atmosphère et de la terre que les végétaux puisent tous les éléments liquides ou gazeux qui servent à l'entretien de leur vie, et qui, par leur élaboration, se convertissent en ces différents produits que nous retrouvons dans les plantes. Les principes de nature inorganique, fixés dans les parties solides, sont ceux que nous voyons mêlés aux cendres des végétaux après leur combustion. Le sol, ou plutôt la terre, n’est donc qu'un milieu perméable dans lequel sont déposés les principes nutritifs; elle est d'autant plus propre à la végétation, qu'elle les conserve plus longtemps, et qu'elle présente à l'atmosphère et aux agents impondérables une perméabilité assez grande pour qu'ils exercent leur influence sur les substances contenues dans le sol, et sur les racines dont ils sont les excitateurs. C’est pourquoi l'ameublisse- ment du sol est une des plus importantes et des plus essentielles opérations de l’agriculture et de l'horticulture. En suivant avec attention les différentes phases de la vie du végétal, nous retrou- verons la raison des opérations agricoles et horticoles, constatées empiriquement, il est vrai, mais qui ne peuvent que gagner à ABSORPTION. 399 prendre leur point d'appui dans l'explication des phénomènes phy- siologiques. j Depuis les progrès de la chimie organique, on est convaincu que la séve n'est pas, comme le pensaient Van Helmont et d’autres na- turalistes, de l’eau transformée : les éléments qui entrent dans sa composition en sont la preuve la plus positive, et les expériences faites dans le but de prouver cette thèse sont sans valeur, parce que les expérimentateurs ne tenaient aucun compte de l’action physiologique de la respiration, qui fournit ses principes assimilables, puisés dans l'atmosphère, et ne voyaient pas que l’eau n’est que le véhicule qui sert à dissoudre les éléments de nutrition. C'est ainsi que les sels solubles dans l’eau, ou les substances inor- ganiques très-divisées, pénètrent dans les plantes. Th de Saussure trouva du carbonate de chaux dans les rhododendrons qui avaient erû sur un terrain calciné, et de la silice dans ceux qui avaient végété dans un sol granitique. Les plantes qui croissent dans les décombres contiennent de l'azotate de fotasse, et celles qui vivent au bord de Ja mer, du chlorure de sodium. Ce qui prouve jusqu'à quel point la division est nécessaire pour que l'absorption s'exerce, c’est que les éléments de nutrition les plus riches en malériaux alibiles, tels que le jus de fumier, les substances gommeuses, etc., ne pénètrent pas dans le végétal. On doit voir, par ce rapide exposé de la première et de la plus essentielle des fonctions végétales, que la connaissance des phénomènes physiolo- giques intéresse l'agriculture, qui trouve à se rendre compte de ses opérations. Les racines, quoi que disent certains auteurs, sont les seuls or- ganes d'absorption des végétaux. Si des rameaux séparés de la tige exercent sur les liquides une certaine puissance de succion; si des fleurs coupées se maintiennent fraiches plongées dans l'eau; si des boutures de saule, d’aulne, eic., absorbent les liquides dont le sol est saturé, tous ces faits ne changent rien à la loi générale; ce sont des effets temporaires qui ne peuvent se prolonger longtemps. Les boutures d’aulne, par exemple, se maintiennent vivantes, en absor- bant les liquides par la coupe inférieure, pendant une année peut- être; mais elles ne donnent aucun signe de vie l’année suivante, si des racines ne se sont point formées dans le courant de l’année précédente. 396 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. Bonnet ayant vu des feuilles posées sur l'eau, par le côté qui a le plus de stomates, se conserver fraiches pendant un temps assez long, en a conclu que toutes les parties de Ja plante sont aptes à remplir cette fonction d'absorption. D’autres auteurs, exagérant ce phénomène accidentel, et s'appuyant sur le cäprier, la pariétaire, l'asplenium ruta-muraria, les cactus, les agaves et les orchidées épi- phytes, etc., qui croissent dans des stations exposées à la plus grande aridité, ont cru même pouvoir nier les fonclions absor- bantes des racines, qu'ils ne considèrent que comme des crampons servant seulement à fixer la plante au sol, et ils ont cherché à éta- blir que les végétaux tirent leur nourriture de latmosphère au moyen des feuilles. Une pareille théorie tombe devant les faits les plus triviaux. Il suffit, en effet, de détacher un pied de pariétaire du sol ou des pierres dans lesquelles elle est fixée, et de la suspendre à l'air, pour la voir se flétrir en quelques heures; de même pour le càprier, l’as- plénium et toutes les plantes qui croissent dans les sables les plus arides. Si les plantes grasses, cactus et agave, continuent à croître, quoique détachées du sol, ce n’est pas parce qu’elles tirent leur nour- riture de l'atmosphère, mais bien parce qu'elles renferment une certaine quantité de nourriture accumulée dans leur tissu ; elles don- nent naissance à de nouvelles productions jusqu’à ce que cette nour- riture soit complétement épuisée. Il n’est donc pas douteux que c'est à l’aide de cette accumulation de principe nutritif que ces plantes vivent dans les cas de sécheresse extrême, et qu’elles répa- rent ces pertes pendant la saison des pluies. Il est facile du reste de s’en rendre compte : qu’on place une plante grasse dans une serre sans l’arroser jamais, et on la verra bientôt dépérir, se faner et mourir. Quant aux feuilles placées sur l’eau, il est tout naturel que ces feuilles se conservent fraiches plus longtemps ; les stomates se trou- vant bouchés par le liquide sur lequel la feuille repose, il n’y a plus d’évaporation, parlant les tissus restent humectés, et la fraicheur se conserve. Enfin, un fait qui prouve péremptoirement les fonctions des raci- nes, c'est ce qui se passe après l’arrosement d'une plante flétrie. En versant l’eau au pied seulement, on voit en très-peu de temps les feuilles et les rameaux renaitre à la vie, phénomène qui n'a pas lieu, ABSORPTION. 351 lorsqu'on verse l'eau sur les parties aériennes, en en privant les racines. La racine est donc bien incontestablement l'organe absorbant, dont les fonctions s’exercent par les extrémités ou spongioles, et par de nombreux petits poils unicellulés qui hérissent les parties jeunes des radicelles. Les phénomènes d'absorption ont lieu dans les plantes, comme dans les animaux, par intussusception; mais, étant privées de locomo- tilité, elles puisent autour d'elles leurs éléments de nutrition, en demeurant exposées à toutes les influences favorables ou délétères des agents ambiants. Les plantes n'ont pas, comme on le prétend quelquefois, la faculté de choisir leur nourriture ; elles absorbent indistinctement les sub- stances les plus nuisibles, comme les plus nutritives. On pourrait tout au plus dire que les spongioles exercent une espèce de choix, quant à la densité des liquides, en ce qu'elles absorbent d’autant plus facilement, que les liquides sont moins denses. Ainsi, Théodore de Saussure à constaté que des plantes placées dans de leau chargée de principes salins sucrés et gommeux, absorbent à proportion plus d’eau que de matières qui y sont dissoutes, de telle sorte que l'eau qui reste après l'expérience est plus saturée qu'avant d'y avoir plongé les racines; il constata, en outre, que les racines absor- bent davantage de liquides les plus fluides, lors même que ces li- quides sont nuisibles aux plantes, et qu’elles en absorbent une plus faible dose quand ces liquides sont plus denses quoique étant plus nutritifs. Ces faits sembleraient démontrer que l’action absorbante des spon- gioles est plutôt une action mécanique qu’une action vitale. Les anciens physiologistes pensaient que les plantes pouvaient vivre d'eau pure. Bonnet et Van-Helmont surtout cherchèrent à prouver cette hypothèse, et ils crurent avoir suffisamment démontré la vérité du fait, en faisant croître des arbres dans de l’eau pure. C'est ainsi que Bonnet avait planté un arbre fruitier dans de la mousse qu'il arrosait d’eau distillée, et qu’il en obtint des fruits. Mais dans cette expérience, Bonnet ne vit pas que la mousse fournissait des matières organiques décomposables, dont les principes nutritifs étaient dissous par l’eau et assimilés par le végétal. L'eau de pluie elle-même n’est jamais pure; elle contient en suspension des molé- 358 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. cules organiques et minérales qui, par la décomposition, produisent un des éléments nourrissants, l’acide carbonique. L’eau pure ne suffit pas à l’entretien de la vie; elle ne peut, seule, constituer de nouveaux organes. Elle n’est que le véhicule qui trans- porte la substance nutritive, l'élément de l’organisation végétale, et sa présence dans les tissus entretient et maintient la vitalité. CHAPTTIRE Il CIRCULATION. Les botanistes des siècles derniers, entre autres Malpighi et La- hire, ont voulu voir, dans l'appareil circulatoire des végétaux, les mèmes éléments que ceux qui constituént le système dans lequel circule le sang des animaux : de là l'existence des veines dans les uns comme dans les autres; des trachées chez les végélaux comme dans les insectes; des poumons comme dans les animaux, et un estomac pour opérer la digestion du chyle dans les arbres. Cet estomac, que nul n'avait pu voir, fut placé, par les uns, entre les racines et le tronc ; les autres, peu satisfaits de la place qui lui était ainsi assi- gnée, mais ne voulant pas renoncer aux ingénieuses théories de l'analogie, le placèrent autre part. Tournefort lui-même a cherché à établir rigoureusement ce singu- lier système, que Bonnet, Dodart, Hales et Magnol ont combattu éner- giquement, voyant qu’on s’égarait en lui accordant trop d'importance. Si Harvey a pu démontrer et faire voir sa belle découverte de la circulation du sang chez les animaux, aucun botaniste n’a pu donner la preuve d’une circulation semblable pour la séve des végétaux. Chez les animaux, le cœur, cet organe si essentiel de la vie ani- male, est reconnu pour le moteur de la circulation du sang; on ne trouve rien d'analogue dans les végétaux. Les artères sont des canaux qui partent du cœur, et portent le sang dans toutes les parties du corps; les veines sont d’autres canaux par lesquels le sang est ramené au cœur. Artères et veines partent de deux points différents du siége de la circulation. A leur point de départ, ce sont de gros troncs, l'artère aorte et les veines caves, qui se divisent ensuite en de nom- breuses ramifications, dont les dernières sont des petits canaux très- déliés ou vaisseaux capillaires. C’est par l'extrémité de leurs vaisseaux capillaires, que les veines s'unissent aux artères, en se greffant, pour ainsi dire, sur les extrémités des vaisseaux capillaires de ces dernières (PI. 50, fig. 4), et que le bel appareil circulatoire se trouve établi. Le sang peut alors circuler continuellement sans interrup- 360 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. tion et revenir constamment à son point de départ, qui est le cœur. C’est du ventricule gauche que s'échappe le sang artériel ou nu- tritif; sa couleur, à ce moment, est d’un beau rouge vermeil. Il pé- nètre par l'artère aorte dans l'appareil artériel, qui le porte dans toutes les parties du corps, à l’aide des nombreuses ramifications de ces vaisseaux capillaires. Parvenu à l'extrémité de ces vaisseaux, le sang artériel a perdu une grande partie de son principe nutritif : il est usé; sa couleur est d’un rouge foncé noirätre. C'est alors qu'il est absorbé par les vaisseaux capillaires du système veineux, et qu'il reprend une marche contraire pour retourner au cœur, dans lequel il pénètre par l'oreillette droite, puis dans le ventricule situé au- dessous. De là il passe par l'artère pulmonaire pour se rendre dans les poumons, où il est soumis à l’action de l'air, et transformé à nouveau en sang artériel. I! quitte les poumons par les veines pul- monaires, qui le font passer dans l'oreillette gauche du cœur, d’où il tombe dans le ventricule gauche, auquel communique l'artère aorte, par laquelle il rentre dans le système artériel; et ainsi jusqu'à la mort de l'animal. Un anatomiste connaît lout cet appareil : il peut démontrer et faire voir cette circulation; mais aucun botaniste n’a jamais pu rien mon- trer de semblable dans les végétaux. La tige el les organes foliacés, c’est-à-dire les feuilles, stipules et bractées, sont deux systèmes unis entre eux par des liens intimes, qui concourent en même temps à une série de phénomènes, dont le premier est la circulation; mais on n’y rencontre aucun organe af- fecté exclusivement au mouvement circulatoire de la séve. En effet, après la vie indépendante des cellules, le premier mou- xement collectif, le premier acte de la vie organique, est celui de la séve, qui n’est autre que le liquide puisé par les racines, et qui, après y avoir subi une modification première en se mêlant au fluide animé contenu dans leurs cellules, s'élève de proche en proche jusqu'à la tige, en devenant de plus en plus dense à mesure qu'elle s'élève", 4. Knight a démontré que Ja séve est d'autant plus dense et plus sapide qu'elle est prise à une plus grande distance de la racine. Il a trouvé, dans une plante, qu'au niveau de sa racine, sa densité était de 1,004 ; à 3 mètres plus haut, 1,008 ; et à 5 mètres, 1,012. En Liver, elle est plus Cense qu’en été. Dans un arbre coupé en hiver, elle avait une densité de 0,679, et au milieu de l'été, elle n’était que de 0,609, ce qui explique pour- quoi les arbres coupés en hiver se conservent moins bien que ceux coupés en automne. n Un autre phénomène qui mérite d'être signalé, est le changement de composition de CIRCULATION. 301 attirée par l’action vitale des bourgeons et des feuilles, et obéissant sans doute à la double force de la capillarité et de l’endosmose, mais mue par une force inconnue, qu'on attribue à l'irritabilité, et qui ne peut être un simple refoulement de bas en haut, vis à tergo. Le but de cette première ascension est de charrier, sans autre changement qu'un mélange à des substances toutes formées qu'il trouve sur son passage, le liquide destiné à subir des modifications nouvelles en ar- rivant dans les feuilles, et à devenir élément réparateur de la vie. Cette séve, qu'on appelle ascendante, monte par le corps ligneux, et non pas, comme on l’a cru longtemps, par le centre médullaire ou par l'écorce. C’est un fait acquis à la science; mais on n'est pas d'accord sur la route qu’elle suit dans le végétal pour arriver jus- qu'aux feuilles. D'après l'opinion de certains botanistes, elle suit la route des vaisseaux; suivant d’autres, celle des méats intercellu- laires, unique voie qu’elle parcoure dans sa marche ascensionnelle ; puis enfin elle pénètre les fibres ligneuses, qui concourent, avec les méats, au mouvement de cette séve aqueuse, qui se transforme de propre en proche dans sa marche. Cette séve n’est que la prépara- tion à l'élaboration des matériaux de nutrition, fixés plus {ard dans le végétal par la séve descendante. On ignore encore le rôle que jouent les vaisseaux dans la transla- tion de la séve ascendante; ils ont été longtemps trop mal connus pour cela : ce n’est même que dans ces derniers lemps qu’on a suivi et déterminé leur mode réel de distribution, sans pour cela être d’ac- cord sur leurs fonctions. Les trachées et les vaisseaux des différents ordres, que nous avons vus se former dès le principe du développe- ment de la plante, existent dans toutes ses parties, jusqu'aux plus ténues, et établissent ainsi un système de correspondance et de soli- darité entre tous les organes. Malgré la ressemblance, assez frap- pante, qui parait exister entre les végétaux supérieurs et les in- sectes, il n’est pas exact de dire que les trachées correspondent aux slomales ou aux pores extérieurs des végétaux; on a constaté que, dans les rameaux, elles n’arrivent pas plus loin que l'étui médul- laire ; dans les feuilles, elles correspondent à la face supérieure, et sont séparées des stomates par les différentes couches de cellules. la séve dans une même plante suivant l’époque de l’année. Au premier printemps, la séve des bouleaux renferme du sucre qui dévie à gauche le plan de polarisation de la lumière, tandis que, plus tard, le sucre qu’elle renferme le dévie à droite. 302 PHYSIOLOGIE DES ORGANES D£ LA VÉGÉTATION. C'est donc médiatement que les vaisseaux sont mis en rapport avec l'air extérieur. La route suivie par la séve est doné le corps ligneux ; d'après l'opi- nion de certains naturalistes, elle ne monterait pas par les vaisseaux, qui peuvent en charrier accidentellement ou même temporaire- ment, mais dont la fonction est plutôt de donnér passage à l'air ; M. Bischoff croit avoir suffisamment démontré cette propriété des vaisseaux, dont ellé constitue l’état le plus ordinaire. Il a été constaté que l’air contenu dans les vaisseaux est plus riche en oxygène que l'air atmosphérique, et ne renferme pas d'acide carbonique. On ne sait par quelle voie il y pénètre; tout ce qu'on puisse admettre, c’est qu'il circule dans toutes les parties du végétal où se trouve déposé le fluide nourricier, et qu'il provient de l'absorption de l'air atmos- phérique, mélangé à une quantité additionnelle d’oxygène provenant de la décomposition du gaz acide carbonique. Il ne nous paraît pas prouvé, malgré l’assertion de M. Bischoff, que les vaisseaux soient des organes destinés à donner passage exclusive- ment à l'air. On ne comprend pas, en effet, qu'un organe dont les parois sont aussi perméables que les parois des cellules et des fibres, puisse rester au milieu d’un tissu imprégné de liquide, sans en être lui-même bientôt gorgé. Si certains physiologistes ont toujours trouvé de l’air dans les vaisseaux, cela tient à leur mode d’expérimenta- tion ; il est cerlain qu'en examinant au microscope des tronçons de tiges, on doit trouver les vaisseaux remplis d'air; car le liquide a dû s'en écouler dès le moment de la séparation du tronçon, par leffet de Ja pesanteur, ainsi que l’a constaté Gaudichaud au sujet des lianes. Cet habile physiologiste, pendant ses longues et périlleuses explora- tions botaniques, a constaté que lorsqu'on coupait une liane, en iso- lant, par une seule coupe transversale, la partie supérieure de la partie inférieure, il ne s’écoulait aucun liquide de la section supé- rieure; mais qu’aussitôt qu'on en séparait un tronçon, la séve cou- lait abondamment de la base du tronçon isolé. Or donc, cette séve ne pouvait être que celle contenue dans les vaisseaux, et non celle qui imprègne les autres tissus, dont les parois font obstacle à un écoulement assez rapide. Si les vaisseaux étaient des organes exclusivement destinés à l'air, et que l'ascension des liquides n'ait lieu que par les méats et la force endosmique, il nous semble que ces liquides devraient mettre beau- CIRCULATION. 363 coup de temps à monter jusqu'au sommet des plantes; le mouvement ascensionnel de la séve a lieu, au contraire, très-rapidement. Il suffit, pour s’en convaincre, de laisser faner un végétal et de l'arroser en- suite; en quelques minutes, le liquide a parcouru le végétal tout entier. Le pourrait-il s’il était obligé de s’infiltrer au travers des méats et de pénétrer les parois du nombre incalculable de cellules qui le constituent? Pour nous, nous sommes tentés de croire à une complète imbibition de toutes les couches extérieures ligneuses, dont les tissus fibreux, cellulaires et vasculaires ont conservé leur vitalité, c’est-à-dire que leurs parois ne sont pas incrustées de matières so- lides qui empêchent leur pénétration, et les liquides montent plus particulièrement par les vaisseaux, d’où ils sont absorbés par les méals, les cellules et les fibres, et par imbibition exactement comme l'eau pénètre dans une éponge ou un morceau de sucre. La vitesse avec laquelle la séve s'élève, dans les végétaux, a été cal- culée par certains physiologistes, entre autres Bonnet et Hales. Le prémier de ces observateurs a constaté, au moyen de liquide coloré dans lequel plongeait la racine d'un haricot, que le liquide s'élevait de trois pouces en une heure; mais cette lenteur est due évidemment à la densité de l'encre qui était le liquide injectant. Les expériences de Hales sont plus sérieuses et méritent plus d'attention. Ayant mis à nu une racine de poirier, il introduisit l'extrémité coupée dans un tube de verre. Ce tube, fermé herméliquement à la partie supérieure, était rempli d’eau et reposait par sa base dans une cuvette de mercure. En six minutes, le mercure soumis au poids de l'atmosphère pénétra à huit pouces dans le tube pour y remplacer l’eau absorbée. Hales, voulant connaître, en outre, la force avec laquelle la séve monte dans les végétaux, a tronqué une tige de vigne, et a adapté, au sommet, un tube dressé, parfaitement luté pour que l’eau ne puisse pas s’écouler par la base. Dans une première expérience, l’eau qui sortait du tronc de vigne s’éleva à 21 pieds (ancienne mesure). Dans une seconde expérience, ayant mis du mercure dans la jauge supé- rieure, la séve sortant de la vigne s’éleva à 38 pouces, ce qui équi- vaut à 43 pieds 3 pouces environ d’eau. Hales en a conclu que la force qui pousse la séve est cinq fois plus grande que celle qui pousse le sang dans l'artère crurale du cheval. Cette force et la vitesse avec laquelle la séve monte dans le végé- tal prouvent évidemment que la cause de l'ascension ne peut pas 364 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. être attribuée aux phénomènes si lents et si faibles de la capillarité et de l'hygroscopicité. La cause déterminante du mouvement et de l'ascension de la séve a été, de tout temps, l’objet de bien des recherches, qui n’ont con- duit jusqu'ici qu'à des hypothèses. En 1666, Fabri établissait que la cause qui détermine le mouve- ment ascensionnel de la séve n'est pas une cause vitale; il la rap- portait à une espèce de feu dont serait saturée la plante. Plus tard, Grew l’attribuait au jeu des cellules, qui, par une sorte de contraction, pressaient les vaisseaux et faisaient monter ainsi leur séve. Pour Malpighi, l'ascension est due à la raréfactlion et à la conden- sation de la séve dans les trachées. Digby, Perrault et Wolf la comparent à une vraie fermentation. Lahire, dans un mémoire présenté à l'Académie des sciences en 1693, attribue aux vaisseaux des plantes une organisation ana- logue à celle des veines des animaux, c'est-à-dire qu'ils seraient munis intérieurement de valvules, qui retiennent et empêchent le liquide de descendre, après que l'expansion de l'air l'a forcé à monter; mais il déclare n'avoir pas vu ces valvules, et les progrès de la science ne les ont pas encore fait découvrir. Borelli, Hales et Gouan donnent l'explication du phénomène, par l'extension de la séve sous l'influence de la chaleur. Davy soutient que c'est par l’action capillaire des vaisseaux que la séve se répand jusqu'aux extrémités des liges des plus grands arbres. Enfin, M. Dutrochet attribue la cause de l'ascension du liquide séveux à ce qu'il a appelé erdosmose, phénomène par lequel, ainsi qu'il a été déjà dit, deux liquides de densités différentes tendent à s'équilibrer. Aujourd'hui les physiologistes ont adopté la théorie endosmique de M. Dutrochet. Mais il importe de faire remarquer que le phéno- mène d’endosmose a lieu également au travers de membranes iner- tes, comme celle d’une vessie par exemple, et qu'il cesse cependant chez les végétaux aussitôt que les tissus ont été desséchés. On ne peut donc admettre que ce phénomène purement physique soit la cause immédiate de l'ascension de la séve. On peut lui objecter, comme du reste à toutes les théories mécaniques, que le phénomène CIRCULATION. 309 disparait avec la vie, bien que les tissus conservent leur hygrosco- picité et les vaisseaux leur capillarité. La véritable cause de l'ascension de la séve dans les végétaux est un mélange d'actions purement physiques, et d'une action vitale sans laquelle toutes les autres ne peuvent se produire. Or, cette action d'une force inconnue, mystérieuse, étant admise, le phénomène d'as- cension peut se concevoir très-facilement par un simple effet de la chaleur atmosphérique, qui dilate le liquide et l'air contenus dans les tissus végétaux, en augmente le volume, et le pousse vers les extrémités des rameaux, où les bourgeons l’absorbent en se déve- loppant. Hales rapporte, en effet, qu'ayant coupé une tige de vigne et en ayant introduit le sommet du tronc dans un tube en verre, il re- marquait, chaque fois que le soleil dardait sur le cep en expérience, qu'une grande quantité de bulles d’air s'échappaient du tronc et montaient au travers du liquide, et que la séve s’écoulait en bien plus grande quantité que pendant l'absence du soleil. Coulomb a fait la même remarque sur des peupliers qu'il perçait avec une ta- rière : lorsque le soleil dardait sur l'arbre, la séve s’écoulait plus abondante avec un dégagement d'air considérable; mais dès qu’un nuage interceptait les rayons brülants du soleil, l'écoulement de la séve et le dégagement d'air diminuaient. Les feuilles jouent aussi un grand rôle dans la vie végétale; elles servent d'organes d'aspiration et de succion, et le mouvement ascen- sionnel de la séve est d'autant plus actif que le nombre est plus con- sidérable. C'est au printemps qu'elles sont dans toute leur activité; à cette époque de l’année, la séve, dilatée par la température élevée de Pair, envahit tous les tissus et est poussée vers les bourgeons, dont elle dé- termine le développement, ainsi que l'évolution des feuilles, dans lesquelles elle doit subir une complète élaboration ; car, avant d’ar- river aux feuilles, elle a déjà subi d'assez importants changements pour qu'on ait pu les constater. Ainsi la séve ascendante des acer saccharinum et tataricum contient du sucre; celle du bouleau, moins sucrée, à un goût piquant très-agréable et semblable à celui du petit- lait; celle du chène et du hêtre contient du tanin. La séve, arrivée dans le tissu des feuilles, se trouve mise en con- tact avec l'air atmosphérique, par l'intermédiaire des stomates, et 206 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. c’est alors que commence une série de phénomènes nouveaux qui sont une véritable respiration. Les feuilles jouissent de la propriété de décomposer l'air et l'acide carbonique puisé par les racines, et de restituer l’oxygène à l'atmosphère. Cette propriété, plus déve- loppée chez elles que dans les autres parties de la plante, lui est cependant commune avec toutes les parties des végélaux. Sous l'influence de la lumière, elles décomposent l'acide carbonique , gardent le carbone et rejettent l'oxygène pur. Cette action, qui se produit pendant le jour, cesse dès que la nait arrive ; alors l'acide carbonique absorbé par les racines avec l’eau contenue dans le sol, passe dans la tige, et reste en dissolution dans la séve, dont le vé- _gétal est imbibé. Cette eau s'évapore à travers le tissu des feuilles, et avec elle l'acide carbonique qu’elle tenait en dissolution. En cette circonstance l'acide carbonique exhalé n'est pas le résultat de la combinaison de l'oxygène avec la séve ; il arrive tout formé des ra- cines, et s'il ne se fixe pas comme cela a lieu pendant le jour, c’est qu'il lui a manqué le seul agent qui soit propre à déterminer sa fixa- tion, c’est-à-dire la lumière. Pendant la nuit, l'oxygène est absorbé et contribue, par sa présence, à modifier la composition des éléments de nutrition contenus dans les tissus. L'oxygène absorbé n'est pas remplacé par un volume égal d'acide carbonique exhalé, la quantité de ce dernier gaz est toujours moindre, ce qui indique qu'il y a réel- lement une portion d'oxygène absorbée. On prétend que les plantes grasses absorbent l'oxygène sans rejeter d'acide carbonique; nous croyons qu'il en est ainsi chez tous les végétaux. C’est à la présence de la lumière qu'est due la formation de la matière verte : c’est pour- quoi les parties naturellement vertes des végétaux restent blanches et décolorées, quand elles sont privées de l’action de cet agent. C'est à l’exhalation de l'acide carbonique qu'on attribue l'insa- lubrité des plantes pendant la nuit; et, lorsqu'il est mêlé à l'hy- drogène carboné qui constitue le parfum des fleurs, il peut causer la mort. Quoique l'acide carbonique soit l'agent indispensable de la vie vé- gétale, il ne suit pas de là qu’une plante puisse vivre dans une atmos- phère d'acide carbonique ; la proportion la plus favorable parait ètre 14 parties d'air et 1 d'acide carbonique. Les feuilles sont donc le siége d’une action première qui est la res- piration, telle que nous la voyons dans tous les êtres vivants, et d’une CIRCULATION. 3067 autre action correspondante, l’exhalation et l'évaporation, qui est en tout point semblable à la transpiration pulmonaire. L'évaporation, qui est une des causes de l’ascension de la séve, s'opère également par toutes les parties poreuses des parties vertes; mais le siége véritable de la première fonction serait la face inférieure de la feuille, tandis que la face supérieure se trouverait être le siége de l’exhalation, qui augmente ou diminue suivant que l'air est plus ou moins sec. On peut donc regarder les feuilles comme le principal organe res- piratoire où pulmonaire des végélaux; et, comme le tissu du poumon, elles ne possèdent qu'à un faible degré la faculté d’absorber l’eau ou la vapeur dissoute dans l'air; mais elles ne sont cependant pas le siége exclusif de la respiration; le pétiole, la tige et toutes les parties vertes, celles même qui, n'étant pas vertes, sont munies de stomates, jouissent de la propriété d'absorber et d’exhaler. On trouve donc deux modes de respiration dans le végétal : la respiration pulmo- naire des animaux supérieurs, dont les feuilles sont l'organe spé- cial, et la respiration trachéenne des insectes, qui a lieu par les au- tres parties. Quant aux végétaux submergés, ils ne diffèrent pas sensiblement des végétaux aériens ; leurs feuilles jouissent de la propriété de dé- composer l'acide carbonique dissous dans l’eau, fixent le carbone et rejettent l’oxygène. Dans cette circonstance, elles remplissent les fonctions des branchies des poissons. Dans les plantes grasses, dont les racines sont peu nombreuses, la masse si abondante de matière verte remplit les fonctions des feuilles, mais les tiges de ces végétaux sont elles-mêmes couvertes de sto- males. On ignore le mode de respiration des végétaux inférieurs ; on est autorisé à penser qu'ils respirent par tous les points de leurs tissus, dont les mailles sont plus làches, et l’on croit avoir remarqué dans les champignons que, seuls entre tous les végétaux, ils dégagent du gaz hydrogène. L'exhalation ou transpiration des végétaux est plus active que celle des animaux : à masse égale, un soleil transpire dix-sept fois plus qu'un homme; mais, sous le rapport des surfaces, trois fois et demie moins. L'appréciation la plus judicieuse et la plus exacte parait être celle de Sennebier, qui a évalué la quantité d’eau absorbée par les racines à celle exhalée par les feuilles, comme deux est à trois, ce 306$ PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. qui semblerait indiquer qu'il n’y à qu'un tiers du fluide absorbé par l’action radiculaire, el qui serve à la nutrition de la plante. On ne peut pas établir, pour cette fonction, un chiffre rigoureusement exact, puis- que l’activité de cette fonction est proportionnelle à l’âge de la plante, à Ja saison et à la température ambiante. Il est si vrai que c’est par la surface supérieure de la feuille qu'a lieu la transpiration ou l’exhalation, tandis que la respiration a lieu par la face inférieure, qu'on empêche lune ou l’autre de ces deux fonctions, en recouvrant d’un vernis imperméable la face inférieure ou la face supérieure des feuilles. On comprend que ces deux fonctions, qui constituent le pivot de la vie végétale, doivent être dans des rapports égaux ou s’équilibrer, pour que la plante soit dans un état satisfaisant de santé; c’est pour- quoi la transplantation ne réussit pas en été, parce que les racines, dont l’action a été ralentie par la mise en contact avec une terre nouvelle, ne peuvent fournir à l’activité de la fonction respiratoire des feuilles, et la plante meurt d’épuisement. Cependant on a réussi quelquefois à transplanter de grands végétaux au milieu de l'été, en coupant toutes les feuilles au niveau du pétiole. On a utilisé la puissance attractive des feuilles en faisant monter dans le ligneux, par une entaille pratiquée au pied de l'arbre, des liquides colorés, tenant en dissolution des substances minérales, pour colorer le bois et le rendre incombustible. Une simple touffe de feuilles, conservée au sommet de l'arbre, suffit pour déterminer l'ascension du liquide; c’est à un médecin de Bordeaux, M. Bou- cherie, qu'on doit cette importante découverte. Lorsque la séve, chargée des principes qu’elle a dissous dans sa marche ascendante, a subi l’action modificatrice des agents extérieurs, et perdu la plus grande partie de son eau par l'exhalation, il se forme de la chromule, qui remplit les cellules des parties vertes de l'écorce et des feuilles; le suc propre ou latex, qui remplit les vaisseaux lati- cifères, se charge de granules diversement colorés; et la séve, qui a subi les premières et plus importantes transformations, qui la ren- dent propre à la nutrition du végétal, redescend, non plus par le corps ligneux, mais, à ce qu'on croit, à travers l'écorce, vers les par- ties inférieures de la plante et jusqu'aux dernières ramifications des racines : c’est ce qu'on appelle la séve descendante ou élaborée. Ainsi, pendant son mouvement de propulsion ou mouvement as- CIRCULATION. 309 ceusionnel, la séve, premier rudiment des matériaux organisables, appelée séve ascendante ou lymphe, et qui contient les éléments de nutrition devant subir l'élaboration, pénètre dans toutes les par- ties de la plante, la sature, et subit en progressant des modifica- tions qui en augmentent la densité, jusqu'au moment où, dépouillée par l'exhalation des principes impropres à la vie, elle reprend la route des racines et fournit à tous les besoins vitaux. Le jeu com- plexe de la propulsion séveuse est assez clairement explicable : on y trouve, outre les premières causes de mouvement dont il a été fait mention précédemment, la force de succion des bourgeons, jeunes organes qui puisent la vie dans le tronc commun, comme ils feraient dans le sol; car il est positif que le but de la végétation n'est pas seulement l'entretien de la vie dans la plante sous une forme déterminée, mais la production de bourgeons nouveaux, qui sont les principaux organes de succion. L’absorption augmente à l’épo- que où le bourgeon, où la jeune plante qui multiplie la vie dans le végétal, commence à se développer. Elle diminue dès que les feuilles sont épanouies et que la respiration s'exerce dans toute sa plénitude; à l'automne les nouveaux bourgeons qui se préparent sont, à leur tour, un nouvel excitant de cette fonction. On y peut ajouter les amples surfaces exhalantes présentées par les feuilles, qui font le vide et appellent d'en bas le liquide introduit par les racines. Quand la séve est parvenue dans les feuilles et les parties her- bacées munies de stomates, elle se dépouille de ses principes sura- bondants, et c’est alors que commence une série de phénomènes nouveaux qui appartiennent réellement à la vie de nutrition. La séve élaborée où descendante suit une route nouvelle ; elle descend jusqu'à l'extrémité des racines par le tissu herbacé et l'écorce, et, dans sa marche, elle dépose dans les mailles des tissus, et dans les appareils de sécrétion, les matériaux d’accroissement ou d'élaboration de prin- cipes propres : le liquide épais, mucilagineux, nommé cambiun, serait, d'après quelques auteurs, le produit de la séve descendante. Ici commencent l'obscurité et la dissidence. Qu'est-ce que le cam- bium? Quel rôle lui attribue-t-on dans la vie végétale? C'est ce que nous allons étudier. On a donné le nom de cambium à un liquide de nature mucilagi- neuse, qui se trouve entre l'écorce et le bois. Dans son état primitif, ce n’est qu'un mucilage amorphe, produit par le suc élaboré qui cir- Botan., T. I. 24 310 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. cule dans la plante. Préparé par les feuilles, il descend dans l'écorce et suit le trajet des vaisseaux laticifères; les auteurs qui partagent les opinions de l’école qui attribue au cambium un rôle essentielle- ment organisateur, admettent que la séve élaborée, mise en œuvre par l'appareil spécial de sécrétion du latex, y laisse les matériaux propres à la formation de ce fluide, et se répand dans les tissus à travers les parois des vaisseaux laticifères. Duhamel, qui a adopté les opinions de Grew sur ce liquide, le re- gardait comme étant bien réellement organisé. M. de Mirbel, le chef de l’école du cambium, a suivi ce fluide dans ses différentes méta= morphoses, et il admet que, dès le principe de sa formation, il ta- pisse la paroi des cellules dans lesquelles ilse développe; puis, de lisse qu’il était, il devient inégal, hérissé d’éminences arrondies, qui for- ment le cambaun globuleur, première ébauche de l'organisation. Plus tard, les mamelons présentés par le cambium transformé se creusent, et, dans cet état, seconde transformation de ce fluide, il devient can- bium globulo-cellulaire. Enfin les cavités s'agrandissent, et partout il se forme des cellules. Dans ce dernier état, il ne présente plus au- cune trace de son organisation mucilagineuse primitive, il est con- verti en tissu cellulaire, qui est réservé à des transformations nou- velles, et, suivant les conditions dans lesquelles il se trouve, il deviendra wtricules simples où vaisseaux. Nous sommes très-portés à regarder le cambium comme un être de raison, et à nous ranger à l'opinion de ceux qui voient dans la trans- formation de la séve élaborée en gomme, ce premier élément de nu- trition, comme la plus admissible : les transformations successives de cette substance gommeuse sont la preuve la plus éclatante de la réa- lité de ce point de vue, à moins que, pour tout concilier, on ne donne le nom de cambium à ce fluide mucilagineux dont le rôle, non pré- sumé, mais bien réel, est de servir à la formation des tissus nou- veaux, et de contribuer, tant au mouvement vital, qui consiste dans la simple régénération des tissus usés par l'usage de la vie, qu’à l'ac- croissement des végétaux en hauteur et en diamètre; en un mot, à fournir les principaux et les plus essentiels éléments de nutrition. Ce qui distingue la séve descendante du liquide appelé latex, c'est que la première est constamment incolore, lors mème que la plante a crû dans une terre imprégnée de substances colorantes; tandis que le latex est toujours coloré. CIRCULATION. 371 Pour ne pas interrompre ce qui a rapport à la circulation dans le végétal, et à l'élaboration des fluides qui y entretiennent la vie, nous étudierons le phénomène de la circulation du sue propre de certains végétaux vasculaires, qui avait bien été signalé déjà par les botanistes anciens, mais qui n'a pris d'intérêt que depuis les observations de M. Schultz. Lorsqu'on coupe une tranche mince, et dans la direction des nervures, d’une feuille, d’une stipule, d'un pétiole ou d’une écorce de plante dicotylédone, et qu'on l'examine au microscope, on voit des vaisseaux unis et ramifiés, comme le sont les vaisseaux des animaux supérieurs, qui accompagnent et entourent les trachées sans en être séparés par du tissu cellulaire. Ils sont remplis d'un liquide plus ou moins épais qui y cireule, par un mouvement rapide, dans toutes les directions; c’est lui qu'on appelle le /atex; les vaisseaux portent le nom de vaisseaux /a/icifères ou laterifères, et ce phéno- mère de circulation s'appelle cyclose; dans les valvules des siliques de la chélidoine on l’aperçoit à travers le tissu. Ce mouvement est d'autant plus rapide que la température est plus élevée, bien que la chaleur n’en soit pas le principe unique, et que ce soit un mouve- ment physiologique. Une division des vaisseaux laticifères en fait écouler le suc avec rapidité. Il paraît évident que la contraction des vaisseaux est la cause initiale de ce mouvement. On a observé la cyclose dans les genres à suc laiteux, tels que les papavéracées, les apocynées, les campanulacées, les convolvulacées, les artocarpées, les chicoracées, un grand nombre de carduacées et quelques radiées. Dans les monocotylédones, la cyclose est apparente dans les &/ismu, les arum, les calla, le caladium, les aloès, le maïs. Dans les aroïdées, c'est dans les pédoncules que le mouvement a été remarqué; dans l'alisma on l’observe dans toutes les parties de la tige. Dans ces végé- taux, les vaisseaux du latex sont accompagnés de vaisseaux spiraux qui en occupent le côté interne. Le latex est blanc dans les euphorbiacées, les pavots, les apocy- nées; jaune dans la chélidoine; rouge dans le sanquinaria ; vert dans le pourpier. On retire de l'opium de celui du pavot; le caoutchouc est le latex épaissi du sphona elastica; celui du galactodendron est un lait qui a les mêmes qualités que le lait animal. Le latex ne différerait des sucs propres qu’en ce qu’il serait doué de mouvement, tandis que ces derniers sont soustraits à l’action de ja vie, au moins pour un moment, et demeurent immobiles dans 372 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. les réservoirs qu'ils se sont creusés dans les tissus, et qui sont com- posés de cellules élémentaires. Il reste encore à dire si la circulation du latex a bien réellement lieu par des vaisseaux formant le réseau des latexifères, d'autant plus que ce réseau parait tout simplement être un réseau formé par les méats intercellulaires du tissu ligneux du liber. C’est une ques- tion à étudier, et qui est encore remplie d'obscurité, faute de preuves suffisantes. Il reste donc à chercher, dans les parties vertes des plantes, les vaisseaux du latex, dont la circulation a peut-être tout simplement lieu par les méats intercellulaires. Nous présentons cette assertion sous une forme dubitative, et nous sommes loin de Faf- firmation ; c'est pourquoi nous avons exposé la théorie de la circu- lation du latex avant d'exprimer un doute, par respect pour les tra- vaux de savants d’un mérite incontesté, et qui ne peuvent s'être trompés qu'avec bonne foi. Un phénomène d'un autre ordre et qui paraît mériter plus d'in- térèt que le précédent, parce qu'il est plus directement observable, et n'est pas comme lui entouré d'obscurité, est le mode de cireu- lation appelé rotation ou giration : c'est un véritable mouvement rotaloire qui apparaît dans les liquides contenus dans les cellules. On les voit distinctement monter le long de leurs parois et redes- cendre du côté opposé en suivant la même direction (PI. 50, fig. 2, 3, »); quelquefois le courant se bifurque ou se divise et se réunit au point où il existe un #uwcleus, amas formé par l’agglutination de matières mucilagineuses flottant d'abord dans le liquide, puis deve- nant successivement opaques, s’arrêlant au milieu de la cellule en affectant sans cesse une figure globuleuse. On à constaté ce phéno- mène dans les végétaux appartenant aux trois grandes classes du règne végétal, et l’on est disposé naturellement à admettre qu'il existe dans toute cellule végétale. La théorie, soutenue sans preuves suffisantes, que dans toutes les cellules il existe une double mem- brane formant un sac interne rempli d'un liquide particulier et adhérant à la membrane externe dans les points où l’on n’observe aucun mouvement circulatoire, parait purement idéale; car il fau- drait alors admettre que la rotation à lieu dans l'espace demeuré libre entre les deux membranes. On ne peut pas plus adopter l’hy- pothèse de l'existence de vaisseaux réels à la paroi interne de la cellule. La véritable cause de ce phénomène n'est pas connue, et CIRCULATION. (a) toutes les explications sont de nature à ne pas amener la solution de ce problème; il paraît cependant plus rationnel d'admettre que l'intérieur de la cellule est libre, et que le liquide intra-cellulaire y tourne sans obstacles en affectant un double courant, modifié seulement par les amas nucléiformes, sans qu'il y ait, comme on l'a supposé, un réseau vasculaire rampant le long de la paroi de la cellule. Au reste, pour que ce phénomène soit apparent, il faut que la température soit assez élevée et que la végétation soit en pleine activité. On ne trouverait pas de circulation dans les plantes lan- guissantes. On a constaté la rotation dans des végétaux de tous les ordres, cryptogames ou phanérogames ; mais c'est dans les chara (PI. 50, fig. 2) qu'on a observé ce phénomène avec le plus d'attention * : ce sont, en effet, les végétaux qui se prêtent le mieux par leur struc- ture à ce genre d'observation; c'est donc par eux qu'il faut com- mencer à vérifier la rotation, pour se familiariser avec ce mode de circulation. Les val/lisneriu, les stratiotes, sont dans le même cas. 1. La rotation étant un phénomène physiologique d’un intérêt bien réel, l’histoire de la découverte de ce mode particulier de circulation mérite de trouver place dans ce livre. Elle montrera le procédé des sciences, et la manière dont les découvertes se font de proche en proche en se perfectionnant à chaque investigation. Cette méthode est, au reste, celle de tout progrès dans l'humanité. En 1772, l'abbé Corti observa le pre- mier la circulation intra-cellulaire dans le chara flexilis; en 1776, Fontana revit cet intéressant phénomène de circulation locale, étudiée plus sérieusement par Treviranus, trente ans après. Ce fut M. Gozzi, qui essaya, en 1818, d'interrompre le courant par une ligature qui, au lieu d'arrêter le mouvement rotatoire, élablit deux courants super- posés. M. Amici découvrit, en 1820, dans les cylindres du chara, des granules en cha- pelets qui paraissent régler la circulation. Parallèle comme eux dans leur jeunesse à l'axe de la plante, elle affecte le mouvement spiral quand les granules prennent cette direction. Dutrochet remarqua que la rotation a lieu au-dessous du point de congélation, et jusqu'à 45°, et même plus ; mais qu’elle a toute sa vitesse, qui est d’un millimètre par 35 secondes, entre 42° ou 15°. Ce qui prouverait que la circulation intra-cellulaire est due à la puissance vitale, .et non à l'action de la lumière, c’est qu’elle a aussi bien lieu dans l’obscurité qu'au jour. La vie des chara au fond des eaux, ensevelis souvent dans la vase, explique comment la rotation est indépendante de l'influence du fluide lu- mineux. La perforation du tube, l’étincelle électrique et l’action des acides concentrés la font cesser pour ne plus se ranimer. Il reste à savoir, pour l'explication de ce phénomène, s’il est analogue au mou- vement de giration observé dans le camphre placé sur l’eau par Dutrochet. Nous sommes très-portés à en douter; car, sans chercher à créer une entité inutile, nous croyons que la vie, ce mode particulier des phénomènes purement physiques, joue le rôle essentiel. 374 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. On a ensuite découvert que ce mouvement existe dans l’hydrocharis morsus ranæ, et qu'on peut l’observer dans loutes ses parties, mais surtout dans les poils transparents qui garnissent les racines ; ainsi que dans les potamots, le zamichellia, Ve sagiltaria et les végétaux aquatiques, car tous ceux qui viennent d'être cités appartiennent à cette classe. Il à ensuite été étudié dans les végétaux terrestres : parmi les monocotylédones, dans le /radescantin virginica, plante dans laquelle on observe avec plus de facilité que dans les autres la cireulation intra-cellulaire, surtout dans les poils du calice et dans ceux qui hérissent les filets des étamines (PI. 50, fig. 3); on a éga- lement constaté ce mouvement dans les cellules des aloès. Dans les dicotylédones, c’est dans les poils des racines et dans ceux des co- rolles qu’il faut observer ce phénomène : on peut l’étudier sur les campanules, les pentstemon, les convoloulus, les balsamines, etc. Il est évident que des observations nouvelles multiplieront les exemples de circulation ; mais il faut se défier des illusions et des conclusions préconçues, et attendre que la Jumière se fasse, dans une question dont la solution réelle avancerait beaucoup la connaissance de la vie du végétal. CHAPITRE. III RESPIRATION. Les végétaux ne vivent, comme les animaux, qu'en faisant péné- trer dans leurs organes les éléments qu'ils trouvent dans le milieu où ils sont placés, et, sans avoir une puissance élective qui ne leur fasse prendre que ceux qui sont réellement propres à l'entretien de la vie, ils sont obligés d'accepter tous ceux qui se trouvent dans le sol, pourvu qu'ils soient dans un état de division qui leur permette d'être absorbés. Une fois ces éléments de nutrition introduits dans les différents appareils d'élaboration, il se fait un nouveau travail, qui est le choix entre les principes assimilables et ceux qui sont impropres à la nutrition, éliminés ensuite par l’exhalation. La respiration est l'acte par lequel le végétal, mis en rapport avec l'atmosphère, par les stomates des feuilles et des parties vertes de la plante, puise dans le réservoir commun. Son but fonctionnel est de fixer le carbone fourni par la décomposition de l'acide carbo- nique, dont la source est dans l’atmosphère, aussi bien que dans les éléments contenus dans le sol; de réduire l’oxyde d’ammonium et l'acide azotique; d'en séparer l'azote, qui sert à la composition de certains produits sécrétés; de décomposer la vapeur d’eau, fournie par le même foyer, en ses éléments constituants, l'oxygène et l'hy- drogène, qui entrent tous deux dans certains produits sécrétés, et enfin d'éliminer l'oxygène, inutile à ces sécrétions. La respiration des plantes est donc l'inverse de celle des ani- maux : ces derniers s'emparent de l'oxygène, tandis que les végé- taux le rejettent; et les animaux rejettent l'acide carbonique dont s'emparent les plantes. Cette double fonction sera peut-être exposée d'une manière plus sensible, en résumant cette opération, qui semble complexe au pre- mier abord. 1° Les parties vertes exhalent de l'acide carbonique pendant la nuit, et absorbent de l'oxygène ; pendant le jour, elles exhalent 370 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. l'oxygène produit par la décomposition de l'acide carbonique, et gardent le carbone. 2° Les parties colorées absorbent l'oxygène jour et nuit, et exha- lent l'acide carbonique. L'absorption de l'oxygène n’est pas propre exclusivement aux tissus organiques vivants : après la mort de la plante, si elle est mise en contact avec de l'oxygène et de l’eau, ce gaz se combine avec le carbone du végétal, forme de l'acide carbonique en conver- tissant les parties mortes en humus, combinaison qui n'appartient plus à la vie. Nous avons vu, en parlant des fonctions des feuilles, qu'elles sont les organes principaux de Ja respiration; leur premier travail est la formation de l’acide carbonique. Il a lieu dans les couches situées au-dessous de l'épiderme, au moyen d’une action vitale qui ressemble à la respiration pulmonaire, par laquelle les animaux séparent cet acide et le restituent à l'atmosphère, qui a fourni, soit en pénétrant par les stomates, soit à travers les tissus Tâches, l'air nécessaire à celte formation, et dont le réservoir parait être les méats intercellulaires. Il s’en faut que ces cavités, propres à rece- voir de l'air, soient les seuls réservoirs; on trouve dans un grand nombre de végétaux, surtout ceux qui croissent dans l’eau, des lacunes (nom réservé pour les cavités les plus larges), et elles sont regardées comme étant destinées à faciliter la flottaison des feuilles submergées; dans cette hypothèse, qui paraît fondée, elles représen- teraient la vessie natatoire des poissons. C’est dans les utriculaires, très-communes dans nos eaux, qu'on trouve l'exemple le plus frap- pant de l'existence de ces organes natatoires; ils munissent les racines en grand nombre, et les font flotter à la surface de l'eau. Comme dans les poissons, l’air contenu dans les lacunes est de com- position différente de l'air atmosphérique, et contient une plus grande portion d'oxygène. La lumière est le stimulant de cette fonction, et c'est sous son influence que s'effectue la respiration véritable, qui est un acte es- sentiellement vital; car l’exhalation du gaz acide carbonique pen- dant la nuit ne parait être qu’un acte physique : il faut l'intervention de la lumière pour que les matériaux absorbés se convertissent en substance alibile. Les parties souterraines, comme celles qui ne sont pas colorées en vert, fonctionnent autrement : elles dégagent de RESPIRATION, 910 l'acide carbonique, et fixent de l'oxygène. La fixation du carbone est le résultat direct de l’action de la lumière sur l'appareil foliaire ou de respiration : c’est done à l’action de l'agent lumineux que les végétaux doivent leur vigueur. On sait que les arbres qui croissent seuls dans les lieux élevés, où ils sont soumis partout à l'influence de la lumière, sont plus vigoureux que ceux qui vivent à l'ombre d'autres végétaux ; c’est pourquoi les arbres de la lisière des bois sont toujours plus beaux que ceux de l’intérieur. Dans les champs où la culture des céréales alterne avec les cultures sarelées, la végé- lation est plus vigoureuse. L'influence de la lumière est telle, que, dans les serres, on attendrit les végétaux et les prédispose à la pour- riture ou à la gelée, en diminuant l'intensité de l’action lumineuse, ce qui ralentit l’activité de l’exhalation. Il en est de même des ani- maux, plus robustes dans l’état sauvage qu'en domesticité. Cette vérité est frappante pour l’homme, qui s’étiole et s’amaigrit dans les villes, quand on l’enlève à la vie des champs, où il est de toutes parts environné du fluide lumineux, respire à pleins poumons, et fonctionne normalement. On guérit les végétaux chlorotiques ou étiolés, faute d'une quantité suffisante de lumière, cet agent consi- déré toujours comme stimulant essentiel de la vie, en les exposant graduellement à son action; peu à peu les fluides aqueux qui gor- geaient ses tissus sont éliminés par l’exhalation, ou rentrent dans le torrent de la circulation, et la vie reprend son cours. Dans le règne animal, les chlorotiques, les êtres chez lesquels il y a absence de tonicité des tissus, ceux qui sont infiltrés, bouffis, pàles, reprennent la vie et la couleur sous l'influence de la lumière. C’est donc l’agent le plus universel de la vie, et celui qui, dans l’acte physiologique, mérite le plus d’être étudié. Si les végétaux qui ont subi les effets de l’étiolement sont suscep- tibles de reprendre leur vigueur naturelle sous l'influence de la lu- mière, ce qui a lieu le plus souvent au bout de quarante-huit heures, d’un autre côté, les végétaux qui ont acquis tout leur développement en restant soumis à son action vivifiante, peuvent difficilement s’é- tioler. Le mouvement vital produit par la lumière modifie puissam- ment la nature des fluides contenus dans les végétaux : l’étiolement diminue l’activité des sécrétions; les sucs àcres ou même quelquefois délétères perdent leur puissance, et les végétaux nuisibles soumis à l’étiolement deviennent alimentaires. Dans l'état sauvage, le céleri 318 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. n’est pas comestible, et quand il à blanchi, il est converti en un ali- ment agréable. La chicorée sauvage perd par l'étiolement une partie de son amertume, ce qui explique la modification des propriétés des végétaux, par suite du changement d'exposition et de climat, et pour- quoi les plantes qui croissent dans une atmosphère lumineuse sont douées de vertus plus actives que celles qui habitent des régions froides et brumeuses. CHAPITRE IV DE LA CHALEUR DANS LÉS VÉGÉTAUX. La température des végétaux est en général assez basse : cepen- dant, parfois, elle est de quelque peu plus élevée que celle de l'at- mosphère, et assez rarement on trouve un équilibre exact entre l'air et la plante : cette différence tient, peut-être, à ce que la température des tissus est soumise à celle de la séve que lui envoient les racines, et à ce que le milieu souterrain, dans lequel ces dernières sont plon- gées, est plus froid quand l'air est chaud, et plus chaud quand la température extérieure est plus froide. D'un autre côté, le tissu vé- gétal, étant mauvais conducteur du calorique, fait difficilement un échange avec le milieu ambiant. La température est encore soumise à l'influence de l’exhalation : chaque fois que cette fonction est active, la température est plus basse, tandis qu’elle est plus élevée quand son activité diminue. La différence n’a pas toujours été appré- ciée avec une rigueur suffisante, à cause de la difficulté d'apprécier des fractions de degré, qui s'élèvent le plus souvent à peine au-dessus de quelques centièmes. On a constaté dans les arum, lors de la floraison, une élévation bien sensible de température. On en a conclu que le phénomène est général, et l’on en a cherché la cause. Au lieu d'attribuer la tempé- rature plus élevée des fleurs à une sorte d’orgasme qui se produit à l’époque de la fécondation, on l’a attribuée à une cause essentielle- ment physique, et Murray, prenant pour base de ses observations les expériences d’Herschell, sur les propriétés calorifiques des différents rayons du spectre solaire, s’est assuré que la température de la plante est en rapport exact avec celle que présentent les couleurs du prisme. Ainsi un calla æthiopica donnait une température de 13° centigrades, tandis que la température ambiante était de 12°, et l'hépatique mar- quait 14°. Les conclusions de cet observateur sont : que les fleurs blanches ont en général une température moins élevée d’un demi à un quart de degré que l'atmosphère, que les fleurs bleues présentent celte même différence en plus; les fleurs jaunes, de 4° à 2° en plus, 380 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. et les fleurs rouges de 2° à 3°. Ces observations sont en contradic- tion avec celles faites sur certaines aroïdées, et que nous pouvons, chaque année, répéter sur notre arum maculatum, qui donne une élé- vation de température de 8° à 10° au-dessus de celle de l’atmos- phère : sous les tropiques, le phénomène est plus sensible encore. On attribue cette élévation de température à la préparation de Pacte reproducteur, et à la quantité d'oxygène absorbée par les anthères fertiles ; les anthères stériles donnent une chaleur moins forte, les pistils et les spathes moins encore. Dans cette circonstance, la pro- duction de la chaleur serait la même que dans les animaux. Il reste à savoir si ce phénomène est général ou s’il n’est que partiel : cette question restera longtemps sans doute non résolue, car les expériences sont difficiles, et il faut à l'observateur autant de sagacité que d’ha- bileté expérimentale, ce qui ne se trouve pas toujours réuni. CHAPITRE V DE LA PHOSPHORESCENCE. La phosphorescence est un phénomène qui n’a pas encore été ob- servé avec assez d'attention pour que les faits sur lesquels on s’appuie soient bien authentiques. On sait que le bois pourri répand une faible lueur, quand il est arrivé à un certain degré de décomposition. Les rhzomorpha subterranea et acidula, espèces de champignons qui croissent dans les lieux humides et obseurs, et ont la figure de longs filaments noirs el sinueux, semblables à des racines, sont dans le mème cas, d'après M. Nees d'Esenbeck; l'éclat en serait assez vif pour qu'on puisse lire à leur clarté; leur lumière s'éteint quand on les plonge dans l'acide carbonique ou dans l'azote, et se ranime dans l'oxygène. L'agaricus olearius, en entrant en décomposition, devient également lumineux. La fille de Linné a observé qu’à la fin des jour- nées chaudes, les fleurs de la capucine, de l’œillet d'Inde, du souci, du lis bulbifère, laissent voir des petits jets phosphorescents qui ap- paraissent comme des éclairs. Un autre observateur, M. Haggren, assure que deux personnes ont en même temps observé la phospho- rescence du souci. Lorsqu'on extrait le suc de l'euphorbia phosphoren, et qu'il est soumis à une température élevée, il répand une lumière phosphorescente. CHAPITRE VI EXHALATION. La plus grande partie de l’eau qui est arrivée à travers les tissus jusqu'aux feuilles en est rejetée au dehors. Cette fonction repré- sente la transpiration insensible des animaux; elle est attribuée à deux causes distinctes : une petite partie du liquide exhalé est éli- minée par évaporation, et la plus grande partie par l’exhalation ; c’est-à-dire par le mouvement intérieur qui se passe dans les tissus vivants. On à établi une distinction entre ces deux fonctions, parce que l’évaporation est propre aux tissus qui ont cessé de vivre, tandis que l’exhalation ne se trouve que dans les végétaux vivants. On admet cependant, plus généralement, que cette fonction se confond avec l’évaporation, car c’est l’évaporation mème. Sans tomber dans les hypothèses de l’école vitaliste, nous sommes obligés de reconnaitre que le phénomène appelé la vie a un mode d'activité particulier, qui distingue ses propriétés de celles des corps inertes, chez lesquels on ne trouve que des propriétés purement physiques. S'il en était autre- ment, il y aurait unité de fonctions dans toute la nature organique et inorganique : le mode d’accroissement par juxtaposition, de la pierre ou du métal, serait semblable à la nutrition du végétal par in- tussusception, et il n’y aurait plus que des faits physiques et pas de physiologie; tandis qu’il y a bien réellement une appropriation des matériaux de nutrition, et leur conversion a lieu par le fait de l’assi- milation, ou le changement, de proche en proche, en éléments orga- niques, semblables à ceux du végétal se développant sous l'influence de la vie. C’est ici le lieu de dire que les discussions des écoles onto- logique et organique ou organicienne, ou, pour parler plus nette- ment, spiritualiste et matérialiste, sont oiseuses. Il faut toujours, quelle que soit l'hypothèse adoptée, en revenir à l’observation des faits, et, en bonne et saine philosophie naturelle, reconnaitre que les éléments répandus dans l’inépuisable creuset de la nature sont différemment mis en œuvre, suivant qu’ils entrent dans une combi- naison inorganique, où qu’ils contribuent à la formation des tissus EXHALATION. 383 animaux ou végétaux; que, même dans les corps organisés, leur appropriation varie autant de fois qu'il y a de variétés d'êtres. La transpiration, fonction si importante chez l'homme, ne l’est pas moins dans le végétal, qui perd souvent, par l'exhalation, un poids égal au sien et quelquefois double; elle est plus active dans les plantes herbacées et à feuilles minces, que dans les végétaux ligneux à feuilles épaisses, et dans les arbres à feuillage caduc, que dans ceux toujours verts. Les organes qui sont le siége de l'exhalation sont les stomates; tandis que l'évaporation, ou la fonction purement hygroscopique, parait avoir lieu par tous les points des tissus qui en sont privés. On est donc d'accord sur ce fait, que les stomates sont les organes de l'exhalation, comme les extrémités radiculaires sont les appareils d'absorption. Comment agissent les stomates? Quel est le mode d'activité qui leur est propre? C'est ce qu'on ne sait pas; mais il est hors de doute qu'ils sont les véritables organes de l’exhalation, et que le principal agent excitateur de l’exhalation est la lumière. Active pendant le jour, cette fonction est nulle pendant la nuit; mais, dans ces condi- tions nouvelles, elle est proportionnelle à la quantité de vapeur aqueuse répandue dans l'atmosphère, et elle varie suivant la nature de la plante, son âge et la saison. Très-active au printemps, elle di- minue en été, et se ralentit jusqu’à ce que le cycle de la végétation ait été parcouru par le végétal. On remarque, comme résultat direct de cette fonction, la vapeur réduite en gouttelettes qui revêt les feuilles des végétaux, quand la lumière du soleil levant ranime l’exha- lation ralentie par une basse température. C’est pour maintenir l'équilibre le plus parfait possible entre l'absorption et l'évaporation, qu'il faut faire les transplantations des végétaux, aux époques où l'exhalation n’est pas sollicitée par un abondant feuillage ou une saison trop hâtive : aussi a-t-on spécialement consacré, aux trans- plantations, le printemps et l’automne ; quand on plante pendant la durée de la végétation, on ôte les feuilles aux branches les plus vigoureuses, pour donner plus d'activité aux jeunes pousses, qui en ont moins, et faciliter leur développement; car elles seraient privées de nourriture si on ne favorisait pas cette fonction. Les bassinages des serres, et le lavage minutieux des feuilles des végétaux qu'elles renferment, ont pour but de délivrer ces organes 38/ PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA YVÉGÉTATION. de la poussière et des corps étrangers qui s'opposent à la fonction transpiraloire. L'eau résultant de l’évaporation et de l'exhalation est semblable à de l’eau distillée : on y trouve quelques traces, seulement, des maté- riaux qu'elle contenait à l’époque où elle est entrée dans la plante par suite de l'absorption radiculaire. On a constaté que les deux tiers du fluide absorbé sont rendus à l'atmosphère par l’exhalation et l’évaporation; que la dernière partie qui reste est chargée des principes de toute nature, qui le saturaient lors de son entrée dans le tissu des spongioles, et enfin que la séve est plus dense qu'au- paravant. L'exhalation est donc une des forces vitales qui contri- buent le plus directement à l'élaboration des matériaux de nutrition. CHAPITRE VII SÉCRÉTION. Le liquide que nous avons vu s'élever des racines aux feuilles, pour y subir l'action de la lumière, a été converti, par l'acte res- piratoire, en élément d'élaboration. On à donné le nom spécial de sécrétion à une fonction différente de la nutrition, ayant pour but de choisir; parmi les liquides élaborés, les matériaux destinés à être convertis en sues propres, qui ne circulent pas comme les autres fluides, mais qui restent déposés dans les cellules et s’y concrètent ; ce- pendant, la force vitale les reprend suivant les besoins de la plante, et les livre à la fonction de la nutrition, pour être convertis, par assimi- lation, en éléments semblables à ceux du végétal. Les glandes, dont la nature, le nombre, la structure et les fonctions sont si mal connus, devraient être, comme dans les animaux, le siége particu- lier des sécrétions; mais nous trouvons des produits sécrétés dans des végétaux privés de glandes, et nous ne faisons que constater que ces dépôts ont lieu dans des cellules corticaies. Le liquide appelé /4- ter, charrié par les vaisseaux dits laticifères, est un véritable produit de la sécrétion, et ces mêmes vaisseaux en seraient les appareils spéciaux. Les matériaux de la nutrition sont déjà connus : il reste à expli- quer comment l'appareil d'élaboration chimique, appelé végétal, con- vertit en tissus et en produits de différents ordres, ces principes élé- mentaires. Les végétaux sont, dans leur plus grande généralité, composés de carbone, d'hydrogène et d'oxygène : ces deux derniers gaz dans les proportions de l’eau. La première élaboration de la séve, dans les appareils de nutrition, doit donc être la combinaison la plus simple de ces trois éléments. C'est par leur mise en œuvre, dans la proportion de 72 carbone et 90 eau (10 hydrogène, 80 oxygène), que nous voyons se former la gomme qui se trouve dans tous les végétaux. Cette substance, la plus universellement répandue, paraît être le premier fluide organisable Botan., T. I. 25 356 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. formé sous l'influence de la lumière; c’est elle qui semble destinée à fournir, à la plante, tous les matériaux de nutrition. Après la gomme apparaissent trois substances isomères avec elle, qui jouent le rôle principal dans la vie de la plante; ce sont la /é- cule, la dextrine et la cellulose, dont il a été question dans le chapitre relatif à la chimie organique, et qui, avec une composition chimi- que semblable, jouissent de propriétés différentes. La fécule est, après la gomme, la première métamorphose que subissent les principes élaborés : elle est insoluble dans l’eau froide, se dépose dans les cellules, et y devient un des éléments essentiels de la nutrition. Lorsqu'elle doit servir aux divers besoins de la vie végé- tale, elle est convertie en dextrine, soluble dans l’eau, tant à froid qu’à chaud, et se formant sous l'influence de l'agent appelé d4s- tase, dont la puissance est telle, qu’elle peut dissoudre cinq mille fois son poids de fécule, et qui existe dans les graines, les racines et les bourgeons, lorsqu'ils commencent à se développer. On regarde la fécule comme analogue à la graisse des animaux, et comme jouant le même rôle qu’elle dans l'économie vivante. Elle paraît destinée à servir au développement des bourgeons et à la maturation des semences. Le mouvement de formation et d'absorption de cette subs- tance peut être apprécié, en comparant les différentes quantités qui se trouvent, dans une même plante, aux diverses époques de l'année. 50 kilogrammes de pommes de terre, par exemple, ont donné les résullats suivants : Augmentation graduelle de la fécule. ANSE orgccoadantods Aa 10 pour 10€. Septembre... #24". UHR OCIODrO EM PTE SE REET ER TEE 14 3/4 — NOVEMDIE SSSR PER AC 17 — LE bnnoe 228000 000 dant: 17 pour 100. IN 6 8eboodcconoreece-ccoie 13 3/4 — ARE 7 - € C0 0000000 10 — En suivant le développement de la fécule, dans les tubercules des orchis, on remarque la même oscillation : à mesure que la plante approche de la floraison, le tubercule de l'année précédente perd sa fécule, dont les grains diminuent de quantité et de volume ; il finit par n’en plus contenir que des traces insensibles mème à l’action de SÉCRÉTION. 387 l'iode, et ilse convertit presque entièrement en gomme, tandis que le tubercule, même à l’état naissant, est assez gorgé de fécule pour que la coloration en violet de tout le parenchyme ait lieu instanta- nément. La séve élaborée, devenue gomme, puis fécule, se trans- forme en cellulose, autre substance isomère, mais qui jouit de la propriété d’être insoluble dans l’eau, tant à froid qu'à chaud, et qui constitue la trame du tissu végétal. C’est cette même cel- lulose, additionnée des matières incrustantes, qui produit le /gneux ou la Zigrine'. Ce dernier est contenu dans les clostres qui consti- tuent la fibre ligneuse. En éliminant de la fibre ligneuse les subs- tances étrangères qui y sont mêlées, il reste 96 p. 100 d’une subs- tance insoluble, composée d'équivalents égaux d’eau et de carbone. Le ligneux parait également être une transformation de la gomme. 1. Les proportions de carbone, qui viennent modifier la composition de la cellulose, varient au point de présenter, dans le poids spécifique du ligneux, des différences consi- dérables. Il faut donc regarder la formation du bois, dans les arbres, comme le résultat d’une incrustation des cellules, par des composés riches en carbone, mais en proportions diverses suivant les genres et même les espèces. Il n’est done pas sans intérêt de connaître le poids spécifique des principaux bois qui peuvent être employés dans l’industrie. Le tableau suivant en offre une liste assez com- plète. Tous les nombres sont sans fraction, parce que les poids spécifiques ne sont pas absolus, et l’on ne doit avoir égard qu’à l'échelle décroissante des densités. Poids spécifique d'un pied cube : kilog, kilog Sorbier cultivé... ....... .. 36 ANNE ER AT SE MAT EU ne 24 Cornouïller............. O0 (ROCHER UT MONET 24 ChÈNE VER R NANRE 39 HOUX: ne re etes en ie late ete 24 OHvien. ee nee . 39 Noyen ee PR ent ee 22 BU... RON ee 34 MUrIer DIANC mes este 22 RS PE SE AE 31 Érabletplanes +7" 22 Oranger.-T recense 29 SUPER STE ET LeE te 21 ROHIMIET Re re 28 Mürier:noir cire 21 CUT AE SE. MAI 27 Saule marceau........,..".... 21 Héfres, Se ere. E 21 ChAtaignier te CR 2 -Cacce 21 Poirier sauvage... .......... 27 CENÉVTIET eee een 21 Érable champêtre............ 26 PINTBYIVESERE Re eeee SU MÉIRrE HN EE L'ANRE RE 26 Peupleriblanc PEER Pere 19 BUzIer.. 2 -- TT ES Ce 20 Mremble PEER n 19 MATE Re 26 AUNB sm in es ever ele etats Ie 18 Pommier eultivé...... an 26 Marronnier d’Inde........... 18 'IÉTENTCEr. - SOCIETES 26 HN N ES Sn der de rot rte 17 SCT ERIEEOPPRRRERS 26 CAFAINA SC Teneraeeemese ot Frône:#: 7.1 CORAN RS 26 SAPIN: sente tee RCE 16 Orme TE ET e 26 Peuple NOIR eme rener 15 Pommier sauvage.......,.... . 24 IE obatdeschonoc LA BonEAN TE RAC ARE ne 24 Peuplier d'Italie. ........... 13 338 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. Ce ligneux, qui présente déjà une composition chimique diffé- rente, est le second degré d'élaboration; le sucre appartient encore à cette seconde série de transformations; 12 molécules de carbone et 12 d'eau fournissent du sucre de fécule ou glycose, tandis que 12 molécules de carbone et 11 d’eau (42 p. 100 de carbone et 58 d’eau) produisent le swcre de canne. Cetle nouvelle transforma- tion de la séve élaborée se remarque surtout dans les fruits, où il est facile de suivre le phénomène. On a observé que, dans une même plante, la glycose se trouve plus bas et le sucre de canne plus haut; c’est-à-dire qu’il correspond à la densité de la séve et à la plus ou moins grande quantité d’eau à laquelle elle est mêlée. Le rôle du sucre parail être identique à celui de la fécule : comme cette der- nière, il sert à la nutrition de la plante. Ainsi quand Ja canne à sucre fleurit, le sucre qu’elle contenait disparaît graduellement; il en est de même de la betterave, dont la racine, pourtant si sucrée, devient fade pendant la floraison. La gomme, la fécule, la cellulose, le ligneux, le sucre sont donc les modifications les plus simples que subissent, sous l’action de la vie, les matériaux de nutrition. Si aux combinaisons élémentaires, qui viennent d’être énumérées, se joint un excédant d'hydrogène, il se dépose, dans les cellules de l'écorce, ou dans d’autres parties de la plante, les substances sui- vantes : | Le later, ou suc propre, qui se partage comme le sang en deux parties : une liquide comme le sérum, et l’autre solide comme le cruor ; La clorophylle ou chromule, à laquelle les parties vertes des vé- gélaux doivent leur couleur ; Les huiles /ires, qui existent le plus souvent dans les graines de lin, noix, aveline, pavot, moutarde, etc., quelquefois dans le péri- carpe (olive) et même dans les rhizomes (souchet comestible). Ces huiles sont ainsi nommées, parce qu'elles ne se volatilisent pas, lors- qu’on les chauffe et qu’elles se décomposent par la chaleur; elles sont insolubles dans l'eau, mais sous l’action de la végétation elles se transforment en une émulsion nutritive. Cette matière huileuse paraît avoir pour but de nourrir la jeune plante, ou peut-être d'élever, par leur combustion, la température pendant la période de germination '; 1. Les huiles fixes sont si abondantes dans certaines espèces, qu’elles fournissent plus de la moitié du poids de la graine. Un tableau de la production des différentes SÉCRÉTION. 389 Les cires végétales, plus riches en carbone et en hydrogène que les huiles fixes, existent dans les plantes à l’état d'émulsion, ou bien elles transsudent à la surface des feuilles sous la forme de poussière, comme dans le ceroxylon andicola, où de larmes comme dans le myrica cerfera ; Les huiles essentielles, contenues dans les cellules sphériques ou oblongues des feuilles ou des parties corticales, et dans les fruits des ombellifères, où elles sont renfermées dans les réceptacles oblongs et en forme de massue appelés »#//æ, qui se trouvent dans le péri carpe. La forme et le nombre de w#/æ varient de genre à genre, et servent à la diagnose de cette famille. Très-légèrement solubles dans l'eau, et douées d’une odeur plus ou moins pénétrante, les huiles essentielles jouissent de la propriété de se volatiliser sans subir de décomposition ; Les résines paraissent être des produits d'oxydalion des huiles es- sentielles; elles existent le plus souvent dans les végétaux, dissoutes dans une ou plusieurs essences, et constituent alors les térébenthines qui s'accumulent dans des cavités creusées au milieu des tissus, mais le plus souvent dans l'écorce. Quelquefois elles transsudent, à la surface, spontanément ou par suite d'incisions, et s’y solidifient en rendant l’essence. Les résines sont inflammables, fusibles, insapo— nifiables, rudes au toucher, insolubles dans l’eau, et solubles dans l'alcool, l’éther et les huiles fixes: on nomme baumes celles qui renferment de l'acide benzoïque ou de l'acide cinnamique, et quel- quefois les deux à la fois. Si l'oxygène prend la place de l'hydrogène et se trouve combiné, en excès, avec le carbone et l’eau, il se forme des acides végétaux, plantes oléifères ne peut manquer d’intéresser ceux qui s'occupent de botanique ap- pliquée. Huile fournie par différentes graines, pour 100 parties. AYElINES 5-22. 60 Navette d’hiver....,.... 33 OV Arret 56 à 58 HT oonaoarace 30 NOR ete sa eee ne 50 CaMene rater 28 Pavoti-A48 m7. 41 à 50 Chènows et ---creteeee 25 AMANCES EEE --. 46 Lin creer 22 ÉDUrBE Rene 41 Moutarde noire. ........ 18 COLA RAM EMAIL 39 SOI Lt ere PAUSE Moutarde blanche...,.... 36 Kane eee ter 12 à 16 TaDAC. rer eee 32 à 36 Pepins de raisin. ....... 10 à 13 390 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. tels que les acides acétique, citrique, malique, oxalique, tartrique, pectique, gallique (voir la Chimie organique), et certains autres acides, dans lesquels l'oxygène est uni à l’azote ; dans d’autres, l’azote rem- place l'oxygène, comme dans l'acide prussique où cyanhydrique. Nous avons vu, en parlant des raphides et des cristaux d’autres matières contenues dans les cellules, que ce sont des combinaisons d'acides avec des bases, et c’est même l’état dans lequel ils se ren- contrent le plus souvent. On explique la formation des substances suroxygénées, par la sus- pension de l'action vitale pendant la nuit, qui laisse la plante sou- mise à toutes les influences de l'air ambiant : l'oxygène absorbé forme alors des combinaisons nouvelles, et c’est avec son interven- tion que paraissent se former les acidés. On a été porté à expliquer ainsi la génération des acides, en observant l’action de l'oxygène sur les substances organiques végétales soustraites à l’action de la vie : telle est, entre autres, l’#/mune, qui ne diffère de l’amidon que par les éléments de l’eau. C’est le matin, surtout, qu'un grand nombre de plantes sécrètent des liquides acidules. On a remarqué, comme rai- son confirmative de cette hypothèse, que les acides existent dans les parties qui ne sont pas soumises à l’action de la lumière ou qui sont privées de chromule. La formation des produits hydrogénés serait due à l'influence de la lumière, tandis que celle des produits oxy- génés aurait pour cause l'absence de lumière. Ce ne sont, au reste, que des hypothèses plausibles, mais qui manquent encore de confir- mation expérimentale. Après les substances de formation fernaire ou de trois éléments, viennent celles dites guaternaires ou de quatre éléments, dont l’azote ou nitrogène vient modifier la nature; elles sont de deux sortes, les unes sont g/caloïdes et les autres neutres. Les premières ont reçu le nom d'alcaloïdes où alcalis végétaux, parce que, à l'exemple des alcalis minéraux, elles jouissent de la pro- priété de se combiner avec les acides et de former des sels. La plu- part des alcaloïdes sont des poisons doués d’une activité redoutable, et ils jouent un grand rôle dans notre malière médicale. Le plus sou- vent, les alcalis organiques se trouvent dans les fruits et les graines (sérychnine, cicutine, colchicine, vératrine); d'autres fois dans l'écorce (quinine, cinchonine), et le plus souvent dans toute la plante (#0r- plune, narcotine, atropine, daturine, hyoscyamine, ete.); ils y sont SÉCRÉTION. 391 combinés avec les acides organiques qui forment avec eux des sels très-solubles. 11 en a été question dans la chimie végétale : nous nous bornerons à rappeler que rarement les produits alcaloïdes sont isolés dans un même végétal; c'est ainsi que le pavot, qui fournit l’opium, donne la morphine, la codéine, la narcotine, la narcéine et la méconine. On se rend compte, d'une manière assez obscure cepen- dant, du mode de formation de ces corps composés, et l’on constate en général, que, quelle que soit la variété des substances qui se trou- vent dans un végétal, leur composilion atomistique est peu dissem blable, sauf quelques variations dans un des principes constituants; elles sont sans analogues dans l'organisme végétal, et s'y trouvent sous les formes les plus variées. Les travaux des chimistes modernes ont multiplié les alcaloïdes, qui ont {ous été essayés dans la médecine, et dont quelques-uns seu- lement sont restés dans la matière médicale. Des analyses ultérieures en diminueront sans doute le nombre, et déjà quelques principes neutres ont disparu de la chimie organique ; c'est ainsi que l’aspa- ragine et l'althéine, Vun extrait de l’asperge, l’autre de la guimauve, ont été reconnus identiques. Quant aux substances neutres, dans la composition desquelles on trouve de l’azote, elles sont, sous le rapport de la combinaison et des propriétés, analogues aux substances neutres dépourvues d'azote ; comme ces dernières, elles sont isomères. Tels sont les produits fournis par la séve élaborée et mis en œuvre par la puissance occulte qu’on appelle la vie : ils ne sont cependant pas les seuls que l'analyse fasse découvrir dans le végétal. On trou- vera énumérées, à la fin de la chimie organique, les substances fixes qui s’y trouvent, que l’incinération y laisse à nu, et qui paraissent également indispensables à la vie de la plante. M. Magnus (Compte rendu mensuel à l'Académie des sciences de Berlin, 1850, p. 60) a traité tout au long cette importante question, et en a tiré des conclusions intéressantes, non-seulement pour la phy- siologie, mais encore pour l’agriculture. Il part du même point que de Saussure, qui établissait, d'une manière irréfutable, queles alcalis, les sels et les oxydes laissés par les plantes après leur incinération, leur ont été fournis par le sol, et qu'ils ont pénétré dans l’organisme vé- gétal, dans un état de division qui leur permettait de s’introduire dans les tissus végétaux par les voies de l'absorption. Il s’agissait de 392 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. savoir si ces matières inorganiques étaient utiles à la vie végétale. L'observateur s’est servi de la méthode employée par le prince Salm- Horstmar; il a fait huit essais comparatifs dans des terres composées artificiellement avec du carbone préparé par la carbonisation en vase clos du sucre candi. On mêla à l'une de ces terres toutes les substances qui se trouvent dans les végétaux et dans des proportions calculées. Telles sont : GCarbonate de Chaux"... 4,0 pour 100 du poids du charbon. — de protoxyde de manganèse. 0,5 — — — déxmagnésierst. mire re 2,0 — — Protoxydeïdeifer: 2624. ne 00 1,0 — — SUIÉALO TO CRAUS.S seen sesret 1,0 — = , Phosphate de chaux................. 1,0 — — Chlorure détsoude ete eee er 0,5 — - —,: «0 POTASSE Sn, are srexsiete 016 0,5 — -- SI1iCAtE A8 POLASSE. . ee sonore ose » 4,0 — — 15,5 Dans les essais suivants, on fit successivement disparaitre quel- ques-uns des éléments énoncés dans la liste ci-dessus, tels que l'acide carbonique, la soude, le phosphore, la potasse, l’acide sulfurique, le manganèse, le fer. Chacune de ces expériences fut, pour plus de sécurité, faite dans trois vases différents, dans chacun desquels il fut mis un grain d'orge. On arrosait avec de l’eau distillée, à laquelle on ajoutait, de temps à autre, 5555 de son poids de carbonate d’ammoniaque, pour rem- placer l'azote qui manquait. Dans les vases qui ne contenaient que du carbone sans mélange, l'orge ne s’éleva qu’à quinze centimètres. Dans tous les autres, les plantes poussèrent à peine ; on en conclut que la proportion des sels était trop forte. On lava le charbon, on le remit dans vingt-quatre petits pots, trois pour chaque essai, et, dans chaque pot, deux grains d'orge. L'orge végéta inégalement : dans le carbone pur, elle ne s’éleva pas à plus de 15 centimètres, tandis que, dans quelques-uns des mélanges, elle atteignit la taille de 45 à 50 centimètres. Ces mêmes essais furent répétés avec des mélanges semblables, dans du feldspath grossièrement pulvérisé; ce fut dans le feldspath pur que l'expérience réussit le mieux : l'orge atteignit 45 centimètres et dé- veloppa sept feuilles ; toutes ces plantes donnèrent des épis, etun pied produisit deux grains qui mürirent. Les plantes qui avaient crû SÉCRÉTION. 393 dans les divers mélanges ne donnèrent pas d’épis. De nouvelles expé- riences avec du feldspath plus finement pulvérisé, donnèrent de meil- leurs résultats ; les végétaux y acquirent plus de force, mais furent plus longtemps à lever. Ces expériences démontrent l'influence de la nature du sol, et la nécessité de la présence d’une toute petite quantité de sels. Des essais faits dans de la terre végétale pure, comparativement avec de la terre végétale calcinée, sans être lavée ni dépouillée de tous débris organiques, produisirent des résultats identiques. Dans de la terre de jardin comparée à de la terre arable, les plantes végétèrent avec plus de vigueur. L'emploi du fumier à distance produisit de bons effets. Le résultat de ces expériences est que : 1° Sans la présence, dans le sol, de substances minérales, l'orge n'atteint qu'une hauteur de 15 centimètres et périt; 2° Elle arrive à son parfait développement, quand il y a dans le sol une petite quantité de substances minérales ; 3° Avec une plus grande quantité, les végétaux ne se développent qu'à peine, ou même pas du tout ; 4° Dans le feldspath pur, l'orge arrive à son développement com- plet et donne des graines ; 5° Le cours de la végétation change, suivant que le feldspath est réduit en poudre plus ou moins fine; 6° Les engrais, même à distance, exercent sur la végétation une influence favorable, en lui fournissant des éléments organiques. En résumant les faits qui viennent d’être cités, nous voyons dans la plante un appareil vital, qui puise dans le sol et dans l'atmosphère de l'acide carbonique, de l'eau et des matières renfermant de l'azote qu'elle en sépare : c’est sa première élaboration. Son activité ne se borne pas à cette simple accumulation de matériaux alibiles : elle fixe le carbone, l'hydrogène, l'azote, et en forme, avec l'oxygène, tous les produits organiques qui se trouvent dans les végétaux. Le carbone, combiné avec l'hydrogène et l'oxygène à l’état d’eau, donne naissance à la gomme, à l’amidon, à la dextrine, au sucre, à la cellulose et au ligneux. Quand la proportion d'hydrogène est aug- mentée, nous voyons se former la chlorophylle, les huiles fixes, les cires, les huiles essentielles et les résines. Les acides se produisent sous l'influence de l'oxygène en proportion excédante. Si l'azote vient 394 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. s'ajouter à ces éléments, les alcalis végétaux apparaissent, et, par l’ad- dition d'un peu de soufre, nous trouvons les produits azotés neutres. Quant aux substances inorganiques, dont l’analyse révèle l'existence dans la plante, elles y arrivent par la voie de l'absorption, dissoutes dans les liquides absorbés, ou simplement mêlées à l’eau dans l’état d'extrême atténuation. Ce qu'il y a de plus intéressant dans l'étude des produits élaborés qui se trouvent mis en œuvre par la force vitale et par les affinités chimiques, c’est le rôle de chacune de ces combinaisons variées, qui se présentent sous le triple état gazeux, liquide et solide. Les vais- seaux et les méats intercellulaires contiennent les substances gazeu- ses; à l'exception de la cellulose et de la fibrine, qui constituent la trame vivante, toutes les autres matières, liquides ou solides, orga- niques où inorganiques, sont déposées dans les cellules et dans les mailles des tissus, non pas au hasard, mais dans des cavités spéciales qui leur servent de réservoir; c’est ainsi que le suc appelé caout- chouc, celui si àcre des euphorbiacées, résident dans l'écorce : témoin l'euphorbia canariensis, dont les habitants de Ténériffe enlèvent l’é- corce, pour sucer la partie centrale qui est gorgée d’une séve abondante propre à calmer la soif. Dans la laitue vireuse, la moindre incision faite à l'écorce en fait jaillir un suc laiteux d’une abondance ex- trème. Les graines, le péricarpe, les feuilles ont aussi leurs réservoirs particuliers, qui servent à l'élaboration de ces substances. Quelque- fois cependant aussi, ce sont de simples sues extravasés, comme les résines, qui forment des dépôts dans le tissu lacéré où elles semblent s'être accumulées, en refoulant les cellules qui s’opposaient à leur dépôt. Certains physiologistes ont regardé les sucs propres comme des produits semblables à la sécrétion de la bile, et ils les considè- rent comme des substances excrémentielles. Cette analogie est plus spécieuse qu'exacte, car la bile joue, dans la digestion, un rôle que nous ne retrouvons pas dans les sucs propres des plantes. CHAPITRE VIII DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. La coloration des plantes est due à la présence, dans les cellules, de globules colorés en vert dans les feuilles, les calices et les parties herbacées, et d’autre couleur dans les fleurs, les bractées, les fruits et quelques autres parties des végétaux ‘. La chlorophylle ou chro- mule, dont l'état normal est le vert, change cependant de couleur à l'automne, et passe au jaune, au rouge, au brun, modifications qu'on attribue à la manière dont les organes foliacés se comportent avec l'oxygène. On a observé qu’à l’automne les feuilles cessent d’exhaler de l'oxygène pendant le jour, et cependant elles continuent de l’absorber pendant la nuit : les variations de couleur, qui se remarquent dans les végétaux, seraient alors les divers degrés d’oxygénation de la chromule. On a même admis, ce qui est assez fondé, que la chro- mule est la matière colorante primitive, subissant de nombreuses mo- difications sous l'influence de la lumière et des agents chimiques. Macquart parait avoir établi, d'une manière rationnelle, la produc- tion des couleurs : suivant lui, la couleur est le résultat de la décom- position de l'acide carbonique et du dégagement de l'oxygène, et son intensité est proportionnelle à celle du fluide lumineux qui est l’a- gent de la décomposition ; si au contraire il y a accumulation d'eau, la couleur bleue passe au jaune. Il semblerait alors que le bleu, qui fournit le vert par sa combinaison avec le jaune, a entièrement dis- paru. Une autre théorie explique, au contraire, la formation des couleurs par l'existence de principes colorés spéciaux. Bien que la lumière soit le principal agent de la coloration des 1. On observe très-bien la disposition des vésicules colorées qui entrent dans la com- position des corolles, en examinant au microscope un lambeau très-mince de la corolle du dablia. Les globules colorés y sont très-volumineux, d’une forme sphérique à peu près parfaite, el ils sont rangés symétriquement en séries parallèles. Dans toutes les plantes dont les pétales sont épais, on peut étudier la disposition des vésicules contenant le fluide coloré. Dans celles à tissu très-mince et dont les vésicules sont très-petites et les couleurs assez pâles, on ne distingue pas les couleurs, et le tissu est entièrement translucide. 396 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. plantes, nous voyons des fucus et d’autres plantes marines très- colorés, quoiqu'ils ne reçoivent qu'une lumière affaiblie. Dans les végétaux sous-marins, le vert obscur et le brun sont les couleurs les plus générales; mais ce qui prouve que la couleur est le résultat plutôt d’une action chimique que de celle du fluide lumineux, c'est que les bois, les racines, le parenchyme des fruits, sont souvent colorés d’une manière très-brillante : les radis, les betteraves, les tubercules si agréablement peints de la capucine tubéreuse, montrent que, si la lumière peut agir sur la coloration des plantes, il existe d’autres causes de coloration. Le noir n'existe à l’état pur que dans les racines, un grand nombre de graines et quelques fruits; à l’état le plus intense dans les champignons, il est toujours, dans les corol- les, le simple résultat d’une intensité de coloration du pourpre. On a remarqué que le blanc n’est pas toujours pur, et qu'en recevant par transparence la lumière à travers un pétale blanc sur une feuille de papier, on y voit des nuances diverses produites par quelque autre couleur qui y est mêlée à l’état de dilution extrême. Quelle que soit la théorie qu'on admette, on reconnait dans ies couleurs végétales, quelque nombreuses qu'elles soient, deux cou- leurs fondamentales bien tranchées : ce sont le jaune et le bleu, qui jouissent de propriétés différentes. On voit bien des fleurs bleues ou jaunes passer au rouge ou au blane, mais jamais le jaune ne devient bleu, et le bleu jaune; dans certaines familles même, il y a exelusi- vement des fleurs jaunes ou bleues, sans le moindre mélange entre elles... C'est cette observation qui a fait établir deux séries opposées, antagonistes même. L'une ayant pour base le jaune, ce qui a fait donner à cette première série le nom de série ranthique, et à l'autre, dont le bleu est la couleur fondamentale, le nom de série cyanique. Ces deux couleurs, dans leur état de simple mélange, forment le vert, élat neutre ou intermédiaire. Si l'on admet au contraire le vert comme couleur génératrice, ces deux teintes primitives en seraient différents degrés d’oxygénation ; mais, en admettant la dégradation et la combinaison des couleurs primitives des deux séries, nous obte- nons le tableau suivant : Vert. JAUNE. BLEU. ORANGE. VIOLET. Rouge. DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. 397 D'autres botanistes, parmi lesquels on peut citer Desvaux , ont autrement disposé la série de couleurs, et en expliquent le mode de génération d'une manière différente. Cet ingénieux et patient obser- vateur avait étudié, pendant douze années, la dégradation et la varia- tion des couleurs dans les haricots, qui sont, de toutes les graines, celles qui varient le plus facilement; car il en avait obtenu douze cents variétés. Pour Desvaux, le vert serait la couleur génératrice, et il en déduit deux séries parallèles : l’une chloro-xanthique, Y'autre chloro-cyanique (A. I, PI. 51); ces deux séries, en se modifiant un cerlain nombre de fois, donnent le rouge. Voici, au reste, le tableau qu'il a tracé : L VERT Donne : Donne : Vert bleuûtre. Vert jaunätre. 0 a roux. roux où jaune. Bleu | ë Vs Jaune, brun. noir ù noir. Bleu violet. Jaune orangé. Le violet noir. ; Violet : Orangé. noir. ie roux. ; ; Violet-roux 4. Orangé rouge. jaune. : Violet rouge. ROUGE. D'autres admettent trois séries fondées sur les couleurs primitives, qui sont le bleu, le rouge et le jaune, et qui, par leur mélange en proportions diverses, produisent toutes les nuances; ainsi Henslow a établi un diagramme (PI. 51), dont il ressort l'échelle chromatique suivante : BLEU. 2 BI. + Rouge — Bleu pourpre. BI. +R. == Pourpre. 2R. + BI. — Rouge pourpre. ROUGE. 2 R. + Jaune — Rouge orangé. R. + J. — Orange. 2 J. +R. — Jaune orangé. JAUNE. L 2J. — BI. — Vert jaunûtre. JL + BL = Vert. 2 Bl. + J. — Bleu verdätre. 398 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. On voit que ces douze teintes, produites par le système ternaire bleu, rouge, jaune, engendrent trois couleurs composées, qui sont pourpre, orange, vert, lesquelles produisent, à leur tour, deux combi- naisons mixtes, qui peuvent, par des combinaisons binaires et en proportions tantôt égales, tantôt inverses, former quarante-huit tons purs; tel est le résultat de la combinaison de deux couleurs pri- maires ou binaires, mélées à une proportion plus ou moins grande de blanc. Dans la disposition circulaire de ces quarante-huit com- posés binaires, ceux qui sont opposés produisent le blane, et sont ap- pelés couleurs complémentaires. Les couleurs impures sont les com- posés ternaires, qui résultent du mélange des couleurs pures avec une proportion plus ou moins grande de gris. C'est ainsi que BI. + J.+ Gr. produisent les composés ternaires appelés #rwn, olive, elc., suivant que l’une des couleurs primitives domine. Si le gris domine, les couleurs deviennent alors plus impures. Il en résulte une échelle diatonique composée de 12 couleurs pures ou brillantes, 12 impures et 12 très-impures. Ces 36 couleurs sont fondamentales ; mais cha- eune d'elles est susceptible d’une triple dégradation; et il en résulte alors 108 teintes, qui s'élèvent à 441, si l’on y ajoute les trois dégra- dations du gris. M. Chevreul a fait un travail très-curieux sur le contraste des cou- leurs, et il est arrivé à des résultats fort remarquables : c’est l'influence mutuelle que peuvent exercer deux couleurs différentes placées l’une à côté de l’autre; c’est ainsi qu'une fleur rouge paraitra d'autant plus éclatante, que le feuillage sera plus étoffé et d’un vert plus vif. L'étude du contraste simultané s'applique surtout à la disposition des fleurs dans un parterre, dans un bouquet, et rentre dans l’art de l'horticulture. Il est d’un intérèt plus direct d'étudier la signification botanique des couleurs que l'échelle chromatique; cependant, leur valeur est de peu d'importance, s’il s’agit du caractère spécifique, mais elles en ont plus comme caractéristique des grands groupes. Au reste, la monologie des couleurs est bien incertaine à cause des exceptions; cependant c’est à tort que Linné a dédaigné la couleur comme caractère, et a dit d'une manière absolue : Ne vous fiez pas trop à la couleur. Tout ce qu'on peut dire des couleurs, c'est que le #/anc est la cou- leur la plus commune aux végétaux du Nord et aux espèces printa- nières : les arabis, les galanthus, les convallaria, les polygonatum, DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. 399 les saxè/rages, fleurs essentiellement printanières, sont blanches; le rouge est la couleur estivale et celle des fruits acides ; le Jaune, cou- leur plus essentiellement automnale, est propre à des groupes tout entiers; nous trouvons cette couleur dans une partie des chicoracées ; le blanc et rarement le jaune dans les ombellifères ; le blanc et plus communément le jaune dans les crucifères ; le jaune et le rouge dans les papavéracées, mais le jaune y est plus commun. Cette couleur se présente très-fréquemment dans les renonculacées, surtout dans les genres ranunculus, ficaria, trollius, eranthis. Le bleu est disséminé à travers toutes saisons, cependant il est plutôt estival. Il y a des genres, et même des familles tout entières, qui excluent certaines couleurs : tel est le bleu dans le genre camellia, dans les œillets, les roses, les dabhlias. Dans les borraginées, plus essentiellement rouges et bleues, la plupart des fleurs bleues passent au rose et au rouge; la même plante est souvent chargée de fleurs de ces deux couleurs. On ne trouve pas de jaune dans les scilles, les polémoines, où le bleu est constant. Il paraît en résulter une exclusion complète, une antipathie bien prononcée entre ces deux couleurs. La belle-de-nuit, originai- rement jaune, passe au rouge et au blanc, mais jamais au bleu; tou- tefois dans les campanulacées, plus essentiellement bleues ou blan- ches, nous trouvons une exception jaune dans la campanula aureu. Daos les gentianes, les aconits, le jaune est une exception. Le jaune est néanmoins plus constant que le bleu. Cette dernière couleur s’al- tère facilement et passe au blanc, tandis que le jaune passe rarement au blanc, mais assez souvent à l'orangé. Dans le chesranthus muta- bilis, les fleurs, jaunes lors de leur premier épanouissement, passent au jaune brun, au brun, au violet clair et au violet pourpre; mais ces changements sont très-rares. Sous le rapport numérique, les vé- gétaux à fleurs jaunes sont beaucoup plus nombreux que ceux à fleurs bleues; les blanches viennent après les jaunes, puis les rouges. La chromatologie végétale est une science bien peu avancée ‘, et 1. Les théories, quelque iugénieuses qu’elles soient, donnent lieu à des objections d’un assez grand poids, pour qu’on n’en doive admettre aucune comme absolument vraie. On oppose à la théorie de Marquart l'absence de chromule dans les cellules épidermi- ques, qui se colorent cependant de nuances diverses, et dont la coloration ne peut être le résultat de la métamorphose de la chromule. Telles sont les racines, rouge vif dans les radis, rouge orangé dans les carottes, jaune agréablement panaché de violet dans la Capucine tubéreuse, qui est un des tubercules les plus délicatement peints. Tandis que la plupart des botanistes, qui ont traité ce sujet, admettent deux séries fondamentales, le 100 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. il nous est impossible d'établir une règle qui ne comporte quelques exceptions. Les variétés naturelles, ou celles obtenues par la culture, montrent avec quelle facilité les fleurs passent d'une couleur à une autre. Nous citerons les variétés d’œillets, de tulipes, de roses, de dablias, de jacinthes, de glaïeuls, d'iris, d’alstroémères, qui ne con- naissent pas de limites. Ces modifications de couleur sont indépen- dantes de la station et du climat, si ce n’est dans l’état naturel; mais, dans nos jardins, les végétaux acquièrent une sorte de sensibilité qui les dispose, facilement, à suivre les changements que demande le caprice. Il existe un certain nombre de végétaux à fleurs chan- seantes, qui offrent, à l'œil, le phénomène d'une modification impré- vue de couleur : c’est ainsi que l’Arbiscus mutabilis à la fleur blanche lors de son épanouissement, d'un rose vif au milieu du jour, et rouge le soir; l'œnothera tetraplera passe également du blanc au rose; le s/ylidium fruticosum, du blanc au jaune; le gladiolus ver- sicolor, brun en s’épanouissant, passe au bleu clair à midi, et lors- que le soleil disparaît, il redevient brun, pour subir le lendemain le même changement. Ces mutations de couleurs sont dues à l'influence de la lumière : d’autres le sont à l'influence du terrain : tels sont les Lorensia bleus, dont la coloration résulte de la présence, dans le sol, de sels fer- reux; le geranium batrachioides, dans un sol infertile, passe du bleu au bleu pale ou au blanc. D’autres fois la couleur ne change que par la lacération de la plante : la chair du bo/etus cyanescens devient bleue quand on brise ce champignon; la fleur jaune du telephora cruenta \aisse couler un suc d’un rouge de sang dès qu'on lacère la corolle; les fleurs d’un blanc pur du calanthe veratrifolia deviennent noires au plus léger frottement. La coloration de la fleur est, quelquefois, facile à distinguer à la seule inspection de l'écorce ou de l’épiderme de certains végétaux ; les horticulteurs distinguent les jacinthes blanches des bleues, à la coloration des tuniques exté- rieures du bulbe; les rosiers à fleurs blanches de ceux à fleurs roses, le lilas blanc du lilas violet à l'inspection de l'écorce. La couleur des végétaux est loin d’être fixe; c'est pourquoi il est bleu et le jaune, Berzélius regardait le rouge comme un principe colorant distinct; ce- pendant on peut opposer, à toutes les théories, la tendance prononcée des végétaux à la virescence, dont nous parlerons en traitant de la tératologie végétale; ce qui semblerait prouver que la chromule est l'élément primitif de l'échelle des couleurs. DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. 101 si difficile de conserver les fleurs dans les herbiers, et d'en extraire le suc pour la peinture à l'aquarelle. Le beau bleu des iris devient vert quand on veut le fixer par l’alun, les rouges deviennent sales et vineux, les roses jaunissent ; toutes les fleurs brillantes des monoco- tylédones passent au brun, ce qui rend la détermination des couleurs ex sicco presque toujours impossible. On doit à M. le professeur Filhol un travail fort remarquable sur _les couleurs des fleurs; nous allons le résumer brièvement : 1° Fleurs blanches. M n'existe pas de fleurs d'un blanc pur. Le célèbre peintre de fleurs, Redouté, avait depuis longtemps fait cette observation. Les fleurs qui nous paraissent blanches ont presque tou- jours une teinte rose, jaune ou bleue; toutes ces fleurs, trempées dans l’ammoniaque, deviennent d’un beau jaune; les acides réta- blissent les couleurs primitives. Toutes les fleurs blanches, traitées par l’éther, fournissent une matière d'un jaune clair, soluble dans l’eau et dans l'alcool, se dis- solvant également dans l'acide chlorhydrique avec belle coloration jaune, qui disparait quand on étend d’eau le mélange. Cette matière, signalée par Hope, qui l'a nommée ranfhogène, a été isolée par M. Filhol. 2° Fleurs rouges, roses où bleues. MM. Frémy et Cloez ont nommé cyanine une matière colorante bleue qui conserve sa couleur dans les fleurs neutres, et qui devient rouge ou rose lorsque le suc est acide. La cyanine est solide, incristallisable, soluble dans l’eau et dans l'alcool, insoluble dans l’éther, devenant bleue par les alcalis; mélangée de jaune, elle constitue le vert. La cyanine est identique avec la matière que M. Glenard a désignée sous le nom d'ænocya- nine, et qu'il a retirée du vin. Certaines fleurs rouges ne contiennent pas de xanthogène ; aussi deviennent-elles d’un beau bleu ou d’un violet pur au contact de l’am- moniaque; le coquelicot est dans ce cas. Quelques fleurs rouges ou roses, comme celles des aloès, ne con- tiennent pas de cyanine ; les fleurs de ces plantes renferment une matière colorante très-analogue à la carthamine, et peut-être iden- tique avec elle. 3° Fleurs jaunes. Plusieurs chimistes, et notamment MM. Frémy et Cloez, ont décrit, dans les fleurs jaunes, deux matières distinctes, qu'ils ont désignées sous les noms de zaenthine et de zanthème. Botan., T. I. 26 102 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. D'après M. Filhol, la xanthine prend, sous l'influence de l'acide chlorhydrique concentré, une couleur verte comparable à celle de la chlorophylle. Cette couleur passe au bleu pur lorsqu'on y ajoute quelques gouites d'acide azotique. La liqueur agitée avec de l'éther dédouble la matière colorante en une couleur jaune soluble dans l'éther et une matière d'un bleu pur. La xanthine existe en abondance dans certains fruits, surtout dans ceux de la famille des cucurbitacées. Certaines fleurs, notamment celles du crocus luteus et les stigmates du crocus multifidus, renferment une matière colorante jaune spéciale que M. Filhol nomme crocoxanthine. Elle est solide, incristallisable, d'un beau jaune doré; elle n’est altérée ni par les acides, ni par les bases; ce qui la distingue de la xanthine, de la xanthème et du xanthogène. M. Filhol à établi l’analogie de propriétés de la xanthine avec celles que M. Frémy a attribuées à la chlorophylle. Lorsqu'à une solution alcoolique de chlorophylle on ajoute quelques gouttes d'a - cide chlorhydrique pur, la solution devient d'un beau jaune ; par un excès d'acide, la couleur verte reparaît, mais avec une teinte bleue différente de la couleur primitive; par l'addition de quelques gouttes d'acide azotique, elle devient bleue, comme le ferait la xanthine. Malgré ces intéressantes recherches, il reste sans doute beaucoup à faire pour établir l’origine de toutes les couleurs des fleurs , et surtout pour expliquer la résistance, plus ou moins grande, des couleurs aux influences de l’air et de la lumière. Faisons remarquer, toutefois, que s’il est vrai que les acides rou- gissent la cyanine et que les alcalis la verdissent, on ne saurait tirer, comme on a prétendu le faire, aucune indication de la cou- leur des fleurs, relativement à leurs propriétés thérapeutiques, parce qu’on peut trouver les mêmes couleurs, à la fois chez des plantes très-vénéneuses, comme la digitale et la belladone, et dans des fleurs bien inoffensives comme la primevère et la violette. Le noir n'existe pas dans les corolles; mais il se rencontre dans les fruits, et il doit exciter la défiance. Quant aux graines, elles peuvent avoir impunément une livrée obscure, sans être délétères : le haricot nègre, et plusieurs autres variétés du genre phaseolus, ont l'épiderme d’un noir bleu très-foncé, sans pour cela avoir des pro- priétés malfaisantes. DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. 403 Ces considérations n’embrassent les faits que dans leur généralité, et ne peuvent s'appliquer à de nombreuses exceptions qui déjouent toutes nos doctrines. Il reste maintenant à faire connaitre les principales dénominations des couleurs, employées en botanique, pour faciliter l'intelligence des descriptions. Le latin est indispensable dans la dénomination des couleurs, car cette langue a une souplesse et une finesse de nuances qui manquent à la nôtre. En botanique, le mot co/oré s'ap- plique à tout ce qui est d'une autre couleur que vert, cette couleur étant dominante dans le règne végétal. On peut dire que toutes les couleurs se trouvent dans les plantes, ce qui a exigé une nomen- clature assez longue et qu'il importe de connaître. Noir, niger. — Populus nigra. — de poix, piceus. — Cyphelium piceum. — . de charbon, ater. — Conoplea ater. — d'encre, atramentarius. — Coprinus atramentarius. Noirâtre, nigrescens, nigricans. — Glycine nigricans. Terreux, ferreus. — Agaricus terreus. Brun, bruneus. — Agaricus bruneus. — enfumé, fuligineux, fumosus, fuligineus, fuliginosus. — Telephora fuliginea. — marron, castaneus. — Boletus castaneus. — bistre, fuscus. — fauve, fuluus.— Hemerocallis fulva. — terne, pullus. — bai, badius. — rougeûtre, hepaticus. Gris, griseus. — Populus grisea. — cendré, cinereus. — Salix cinereu. — _plombé, plumbeus. — Bovista plumbea. — de souris, murinus. — d'acier, chalybeus. — Agaricus chalybeus. Grisâtre, cinerascens. — Gymnopus cinerascens. Blanc, albus. — pur, candidus. — Lilium candidum, parnassia palustris. — de lait, lacteus. — Crassula lactea. — de neige, niveus. — Hydrangea niveu. — d'argent, argenteus. — Protea argentea. — de peau, alutaceus. — Russula alutacea. — d'ivoire, eburneus. — Agaricus eburneus. — de chaux, calceus, gypseus. — duveteux, pubescent, canus, incanus. . Blanchätre, albidus, canescens, albescens, candicans. — Deutzia canescens. Vert, viridis. — Physarum viride. — gai, viridulus. — de bronze, œruginosus, æneus, — Fagus æneus. 10/4 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION Vert olivâtre, ovaceus. -— Agaricus olivaceus. glauque, glaucus. — Le chou. — d'émeraude, smaragdinus. — de poireau, prasinus. — noirâtre, afro-virens. — jaunâtre, flavo-virens. Verdâtre, virescens, virens, chlorinus. — Hedera helix. Bleu, cœruleus. — Nuphar cœrulea. — de Prusse, cyanus, cyaneus. — Centaurea cyanus. — d'azur, azureus. — Ceanothus azureus. — grisâtre, cœsius. — Imbricaria cœæsia. — ardoisé, ardosiaceus. — Agaricus ardosiaceus. Bleuâtre, cærulescens, cyanescens. — Boletus cyanescens. Jaune franc, luteus. — Nelumbium luteum. — citron, cébrinus. — Iria citrina. — paille, helvolus. — pâle, ochroleucus. — Nerium ochroleucum. — clair, luteolus. — Agaricus luteolus. — blond, flavus. — Sarracenia flavu. — soufré, sulfureus. — Crocus sulfureus. — d'or, aureus. — Eschscholtzia Californicu. — de succin, succineus. — Tremella succinea. — de rouille, ferrugineus, rubiginosus. — Digitalis ferruginer. — d’ocre, ochraceus. — de flamme, flammeus, igneus. — Adonis flammen. — de safran, cr'oceus, crocatus. — Lilium croceum, tubereularia crocata. — d'abricot, armoriaceus. — Calendula officinalis. — orangé, aurantiaceus. — Iieracium aurantiacum. Roux, rufus. — Anigosanthos rufa. — cannelle, cénnamomeus. — Ixia cinnamome«. Roussâtre, rufescens. — Hydnum rufescens. Jaunâtre, lutescens, flavescens, flavidus. — Avena flavescens. Tabac, tabacinus. — Telephora tabacina. Rouge pur, ruber. — Crepis rubra. — de sang, sanguineus. — Ribes sanguineum. — rutilant, rutilans. — Amaryllis rutilans. — carmin, puriceus. — Hæmanthus puniceus. — vermillon, cnnabarinus. — Lelia cinnabarina. — cocciné, écarlate, coccineus. — Le coquelicot. — cramoisi, kermesinus. — Passiflora kermesina. — vif, rubellus. — Opegrapha rubellu. — de feu, igneus. — Lobelia igneu. — incarnat, #ncarnatus. — Passiflora incarnata. — brique, lateritius. — Loasa lateritia. — de cuivre, cupreus. — Nerium cupreum. Rose, roseus. — La rose. Carné, carneus. — Sanseveria carnea. Rubicond, rubicundus. — Godetia rubieunda. Rougeâtre, erubescens. — Crinum erubescens. Violet, violaceus. — Aconitum napellus. DE LA COLORATION DANS LE VÉGÉTAL. 105 Lilas, lilacinus. — Senecio lilacinus. Pourpre, purpureus, cruentus. — Sarracenia purpurea, cinerariu cruenta. Pourpre noir, atro-purpureus. — Scabiosa atro-purpurea. Améthyste, amethysteus, amethystinus. — Eryngium amethystènum. Violet vif purpurin, phæniceus. — Verbascum phæniceum. Bleu pourpre, purpureo-cœæruleus. Pourpre obscur, purpuraceus. — Comarum palustre. Livide, lividus. — Boletus lividus. Pâle, pallidus. — Iris pallida. Sale, sordidus. — Lecanora sordida. Luride ou jaune sale, luridus. — Boletus luridus. Terne (cendré, ou, suivant d’autres, couleur de brique calcinée), gilvus. — Telephora gilva. Hyalin, hyalinus. — Ivia. Limpide, aqueus. Transparent, vitreus. Rubané, vittatus. — Cyrtanthus vittatus. Strié, striatus. — Agave Striata. Rayé, lineatus. Maculé, taché, maculatus. — Orchis maculala. Ocellé (marqué d'yeux ou de taches circulaires), ocellatus. Fascié (se dit des surfaces qui présentent des bandelettes diversement colorées), fas- ciatus. Bicolor (deux couleurs sur une même surface), bicolor. — Mesembryanthemum bicolor. Tricolore (trois couleurs sur une même surface), tricolor.— Amaranthus tricolor. Discolor (quand une des surfaces est d’une couleur et l’autre d’une autre), discolor. — Begonia discolor. Concolor (quand les deux surfaces sont de même couleur), concolor. Panaché, variegatus. — Iris variegata. Piqueté, pictus. — Cantua picta. Ponctué, guttatus. — Mimulus quttatus. Tigré, tigrinus.— Agaricus tigrinus. Bordé, marginatus. Zoné, zonatus. Changeant, mutabilis, versicolor. — Hibiscus mutabilis, gladiolus versicolor. Les sucs propres des végétaux sont aussi très-souvent colorés, et leur coloration est d’une intensité qui frappe d’autant plus vive- ment l'observateur, que la séve est incolore avant son élaboration, et au moment où elle quitte le sommet du végétal où elle à subi les transformations qui doivent la rendre propre à continuer la vie et à pourvoir aux diverses sécrétions. Ainsi, chaque fois qu’on voit, comme dans le Cissus cordifolia et plusieurs autres végétaux des tro- piques qu'on a nommés //anes à eau, à cause de la grande quantité de liquide qu'ils offrent au chasseur altéré, et dans la vigne, s’écou- ler, par une section ou une simple perforation, un liquide incolore, 406 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. ce n'est pas un suc propre, mais tout simplement de la séve, ce qui n'entraine pas son insipidité, car elle contient du sucre dans les érables, certains palmiers, le bouleau, ete. Il en est autrement du suc propre : dans le pterocarpus draco etle dracæna draco, ainsi que dans le croton sanguifluus, le suc propre est rouge de sang; la sanqgui- narra canadensis à également un suc coloré en rouge; ilest jaune dans les chélidoines et le glaucium. Le suc du cambogia quitta, qui fournit la gomme-gutte, est, en sortant de la plante, d’un jaune aussi vif qu'après la dessiccation ; celui du galactodendron utile est blanc, ainsi que cela se voit dans les euphorbiacées, où il ne change pas de cou- leur, tandis que, dans diverses espèces de sumac, il passe, en se con- crétant, du blanc au noir. Outre la coloration propre aux sucs char- riés par les vaisseaux laticifères, on reconnait encore les sucs propres à ce qu'en faisant une incision à la branche ou au tronc d’une plante, il fait une irruption instantanée, ce qui n’a pas lieu pour la séve, qui ne se produit que par une lente exsudation. CHAPITRE IX DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX. Si la chromatologie est entourée d'obscurité, l'osmrologre, ou science des odeurs, l’est au moins autant, plutôt cependant sous le rapport de la sensation produite que du mode de production : car les odeurs (en limitant ce mot aux aromes) qui résident soit dans les fleurs, ce qui est le plus commun, soit dans les feuilles, le bois, la racine ou les fruits, sont presque toujours dues à une huile essentielle, pro- duit hydrocarboné, c’est-à-dire dans lequel l’acide carbonique et l'hydrogène sont en proportion excédante. Il s’en faut beaucoup que toutes les parties d’un végétal soient odorantes : nous voyons, dans l'iris, la corolle, si délicate de tissu, si brillante de couleurs, complétement inodore, tandis que son rhizome a une odeur de vio- lette; dans l'andropogon, la racine est douée d’une odeur pénétrante, et le reste de la plante est dans un état complet d'indifférence. Le volltameria a la fleur très-odorante et les feuilles fétides; l'a/lium fragans a, dans toutes ses parties, l'odeur forte propre au genre, et la fleur en est très-suave. Dans certaines familles, telle est entre autres celle des labiées, toute la plante est aromatique, et c’est dans les feuilles surtout que réside le principe odorant, qui se rapproche plus ou moins du camphre, mais, quand il est concentré, devient fétide; le marrube noir est dans ce cas. Les huiles essentielles de certaines labiées sont également douées d’odeurs peu agréables; celle du romarin sent la térébenthine, et l'essence de menthe elle-même, quand elle est concentrée, a une odeur hireine. Les composées sont également aromatiques; mais on n’en tire pas d’odeurs agréables ; dans les ombellifères, c’est le péricarpe qui est odorant; l'odeur des fruits d’anis, d'aneth, de fenouil, de cumin est connue. Les conifères ne sont odorantes que par leurs produits sécrétés. Dans les grami- nées, à peu d’exceptions près, il n'y a point de plantes odorantes ; cependant on peut en excepter la flouve odorante, qui exhale une odeur très-agréable, surtout quand elle est sèche. Les enveloppes de 40$S PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. l’avoine noire donnent, par leur infusion à chaud, une odeur de va- nille très-prononcée aux liquides avec lesquels on les mêle; il en est de même de l’aspérule odorante, du mélilot, de la graine du dipterix odorata (fève de tonka), qui ne sont odorants qu'après leur dessicca- Lion. D’autres fois, il faut l'intervention de l’eau et de la chaleur pour mettre à nu l'odeur propre à certains végétaux ; tels sont les feuilles du laurier-amande et les cotylédons de l'embryon de l’amandier, qui donnent aux liquides, dans lesquels on les fait infuser, une douce odeur d'amandes amères, due à l'essence et à l'acide cyanhydrique qui se développent par la réaction de l’amygdaline sur la synap- taze au contact de l’eau. Toutes les parties des zypericum et des orangers sont parsemées de glandes remplies d'huiles essentielles très-odorantes. Ce qu'il y a de plus particulier dans la production des odeurs et dans l’aromatisme en général, c’est que certains végélaux ne sont pas odorants à toutes les heures du jour : le platanthera bifolia est odo- rant le matin et le soir, et inodore dans le milieu du jour; quand le temps est sombre et pluvieux, l'odeur se développe cependant dans le jour. Le genre cestrum présente une particularité bien re- marquable : une espèce appelée cestrun diurnum est odoraute pen- dant le jour, et le cestrum vespertinum ne l'est que le soir; c’est au coucher du soleil que le pelargonium triste et les fleurs de ##4gnolia yulan exhalent leur odeur suave. La putréfaction développe des odeurs dont les végétaux sont privés dans leur état frais. Ainsi, les bulbes des tubéreuses et les pommes d'api, qui commencent à se gâter, répandent une odeur de musc très- prononcée ; la racine de la patate dégage, en se putréfiant, une odeur de violette fort agréable. Les odeurs félides sont très-nombreuses : le /oroglossum lürcinum exhale une odeur de bouc; l’orchis coriophora, une odeur de punaise ; la racine de l’acacia (robinia pseudo-acacie) répand une odeur ster- coraire très-forte ; il en est de même du fruit de l'artocarpus integri- folia. Le sterbulia fotida, Yanagyris fwtida sont dans le même cas. On a exagéré l'odeur de l’assa fœtida : le suc de cette ombellifère exhale une forte odeur d'ail, et l’on comprend pourquoi les anciens faisaient entrer cette substance dans leurs préparations culinaires. Les spathes de l’arin dracunculus el les fleurs de s/apelia exhalent une odeur de charogue, qui attire les mouches et leur fait déposer DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 409 leurs œufs dans ces cornels et fleurs empestés. Le phallus ümpudicus est d’une puanteur infecte à l'état frais. Il y a quelquefois un rapport intime entre l'odeur et la saveur, comme cela a lieu dans lanis, le fenouil, la badiane, le gérofle, la cannelle et les épices; d'autres fois, les végétaux dont la saveur est très-prononcée sont complétement inodores : tels sont le cresson de para, le calla palustris, V'arum maculatum. Beaucoup de plantes dont l'odeur est très-suave la perdent quand on les màche : ainsi les pé- tales de la rose n'ont qu’une saveur herbacée, ce qui tient à la nature fugace du principe odorant, On fait quelquefois disparaitre l'odeur d'une fleur par le simple froissement, comme pour le lis et la vio- lette; tandis que, dans d’autres, la division des parties est nécessaire pour la faire naître : tel est l'iris fétide, dite gigot, qui exhale par la trituration une odeur de viande rôtie, mais à distance et par atténuation, car il sent très-fort de près ou quand l’odeur en est concentrée; le même phénomène a lieu pour les labiées, dont l’o- deur se développe par le froissement, ce qui tient à sa nature. Quand cette odeur est due à une huile essentielle ou à une résine, elle s’exalte par le déchirement des tissus; quand, au contraire, le principe odorant est dù à une autre cause (bien qu'on pense que c'est toujours à une huile essentielle que sont dues les odeurs), elle est détruite par le plus faible frottement. Les odeurs varient suivant leur intensité ou les distances aux- quelles elles frappent le sens olfactif : ainsi la fleur du sureau, forte et désagréable, quand elle est en masse, communique aux liquides, auxquels on la mêle, une très-forte odeur de raisin muscat. Si la lumière agit directement sur certains végétaux el en exalte les principes odorants, elle est sans effet dans un grand nombre de cas : exemple, les plantes à odeur nocturne; mais les climats in- fluent puissamment sur la production des odeurs : c’est pourquoi en s’élevant vers le nord, les végétaux aromatiques diminuent, tandis qu’ils augmentent en nombre en descendant vers l'équateur. Dans nos départements méridionaux, les labiées et les composées donnent beaucoup plus d'huile essentielle que sous le climat de Paris ‘. 1. Le tableau de la production des huiles essentielles suivant les climats mérite de 110 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. Les altitudes paraissent également favorables au développement des odeurs; Haller cite un certain nombre de végétaux inodores, dans les plaines, qui deviennent très-odorants dans les montagnes : tels sont le ramuneulus acris, le trollius europœus, Va primula auricula. La culture influe beaucoup aussi sur les odeurs; mais quand elle développe dans les plantes un principe odorant, il est difficile d'en connailre la cause. Les principes aromatiques des végétaux, qui sont dus à un prin- cipe fugace, quelle qu’en soit la nature, comme dans le lis, dimi- nuent d'intensité ou se perdent même entièrement par la dessicca- tion . La chaleur artificielle, qui détruit les odeurs des végélaux, déve- loppe celle des solanées vireuses et des cannabinées; toutefois, dans un grand nombre de cas, la torréfaction fait disparaitre les principes actifs. L'influence des odeurs sur l'organisme est très-connue : on sait prendre place ici, pour montrer l'influence de la température sur leur développement : Plantes récoltées sous le climat de Paris. Plantes récoltées dans les climats méridionaux. Sur 50 kilogrammes. Sur 50 kilogrammes. AUTONC SEL. RAR ee 128$ grammes. 167 grammes. HYSOpe: . 7-0 DIE 160 Menthe poivrée. … ...... 105 — 19400 — MIT EM men rte 78 — 140 — Oranger!(fleur di)". 028, — 15520 — ROMATIN se seen 109 — 155 — Rose cent-feuilles, ...... 2 9 — Sauge:{(pelité):....-.2:2". 90 — 186 — SEDPOIEÉ»-s e ns see sie srele SÛR 155 — Thym”.... Ne = laeiel DUAL) — 202 — Sous le climat de Paris, l’'arome est souvent égal et supérieur, quelquefois même, en finesse, à celui des plantes des climats méridionaux; ce qui a lieu surtout pour l'huile essentielle de fleurs d'oranger ; celle de menthe est moins forte : cependant, en général, c’est plutôt la quantité qui diminue, car la suavité reste la même, et parfois est supérieure. 1. On a reconnu que la distillation des plantes fraiches ou sèches, à l’eau froide ou à l’eau bouillante, produit des résultats différents. L'huile essentielle d’une plante sèche, ayant subi le contact de l'air, est devenue moins soluble, et l’on en obtient davantage. Le même effet a lieu quand on commence la distillation avec de l’eau froide : l'oxygène con- tenu dans l’eau se porte sur l’huile essentielle et la rend insoluble, tandis que, dans les plantes fraiches et en commençant la distillation à l’eau bouillante, l'huile essentielle est entièrement dissoute dans l’eau. On reconnait la dissolution imparfaite de l'huile essen- tielle à l'aspect trouble de la distillation et à la faiblesse du produit odorant; tandis que, dans le cas de dissolution complète, la limpidité est très-grande et l'odeur très- développée. DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX. AU que rien n’est plus dangereux que de laisser dans une chambre à coucher des fleurs odorantes; elles peuvent déterminer une véritable intoxication miasmatique. Comme elles agissent exclusivement sur le système nerveux, les odeurs aromatiques, respirées en quantités modérées, stimulent agréablement et relèvent les forces nerveuses. Nous rappellerons seulement le fait, si connu, de la puissance attrac- tive exercée sur les chats par les racines de la valériane : ils se rou- lent dessus avec une sorte de frénésie, et les mangent jusqu’au der- nier morceau. Ces animaux, dont l’irritabilité est si grande, recher- chent avec une fureur presque égale la nepela cataria et le teucrium marum, qu'ils détruisent quand ils pénètrent dans les jardins où l’on cultive ces plantes. Les odeurs sont éminemment diffusibles : elles se répandent dans toute l’économie, non-seulement par l'ingestion ou par la respira- tion, mais par la simple absorption cutanée. L'abus des odeurs pro- duit des désordres assez grands pour qu’on doive l’éviter : il peut dé- terminer des affections nerveuses dangereuses, qu’on remarque sur- tout chez les parfumeurs; aussi les personnes nerveuses, sujettes aux céphalalgies, ne peuvent-elles pas supporter les odeurs aromatiques. Les émanations non aromatiques des végétaux peuvent quelquefois déterminer des accidents : les émanations du safran réuni en masse causent de violentes céphalalgies, et quelquefois même des syncopes; les datura, les belladones et un grand nombre des solanées vireuses produisent une action stupéfiante; les personnes qui récoltent les racines du veratrum album éprouvent des vomissements. Les émana- tions du chanvre, celles du noyer, sont dangereuses. Quoiqu'on ait exagéré les effets de l’antiaris toricaria, i est positif que cet arbre répand autour de lui des émanatiens toxiques; le mancenillier est dans le même cas. Les émanations du phallus #mpudicus sont assez délétères pour faire périr des oiseaux placés sous la même cloche que ce champignon. On n'a qu'à mettre une guëêpe sous un verre dans lequel on a placé une feuille de laurier-cerise coupée en mor- ceaux, et au bout de dix minutes cet insecte sera complétement stupéfié ?. 1. A. Vahlin, dans sa thèse intitulée Odores medicamentorum, cite des faits relatifs à l’action des odeurs, dont quelques-uns sont controuvés : telle est, entre autres, l'ac- tion produite sur les chiens par l'odeur du chenopodium vulvaria, qui les provoque à uriner. 412 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. L'action des odeurs, qui ne sont que des particules émanant des corps odorants, a une grande variété d'action; et l’on croit, sans que l'expérience ait confirmé cette opinion, que les odeurs qui agis- sent sur l'organisme, de la manière la plus favorable, sont celles qui proviennent de corps jouissant de propriétés alimentaires, tels que les fruits, les végétaux féculents; tandis que les odeurs simplement aromatiques ne sont pas si salutaires. On ne peut traiter les odeurs qu'en thèse générale et en déterminant leur action dans le plus grand nombre des cas; car elles n’agissent pas avec une égale intensité sur toutes les personnes; ce sont surtout sur les femmes, dont le sys- tème nerveux est très-susceptible, qu’elles exercent une action très- intense. Il y a maintenant des idiosyncrasies qui varient d'individu à individu et échappent à toute analyse. Les travaux de L.-A. Buchner semblent prouver que la partie aro- matique des fleurs, peut-être même aussi celle des différentes par- ties d’un grand nombre de végétaux, est due à la présence d’une huile essentielle, mêlée à de la cire et de la chlorophylle, et affecte l'apparence extractiforme. En employant le procédé de M. Millon, qui consiste à traiter les fleurs à odeur fugace, telles que celles du ülleul, du réséda, du jasmin, du seringat (philadelphus coronartus) par le sulfure de carbone, et en évaporant à une très-douce tempé- rature, on a pu isoler le parfum de ces fleurs que la chaleur détruit, et qui se présente alors sous la forme d’une matière ciro-résineuse molle, dont l'odeur rappelle tout à fait celle de la plante. Quant à la nature des huiles essentielles, elle varie singulière- ment; au point de vue de leur composition chimique, on peut les distinguer en quatre groupes : 1° Les essences hydro-carbonées, telles que celles de citron, de bergamote, de cédrat, de rose liquide, de genièvre, de térében- thine, etc.; 2° Les essences hydro-carbonées oxygénées ; 3° Les essences sulfurées (ail) ; 4° Les essences azolo-sulfurées (moutarde, raifort). Le groupe des essences oxygénées est le plus nombreux, on dis- tingue : 1° Les essences neutres (rose so/ide, lavande, thym, etc.); 2° Les camphres (camphre de Bornéo et de Sumatra) ; 3° Les essences acides (girofles, reine des prés, etc.); DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 413 ° Les essences jouant le rôle d'alcool (essence de pommes de terre); 5° Les essences jouant le rôle d’aldehyde (essences d'amandes amères, de cannelle, d’anis solide, etc.); 6° Les essences jouant le rôle d'éthers composés (essence de gaul- térie couchée). Les essences du commerce, telles qu'on les retire par distillation, sont le plus souvent des mélanges de plusieurs essences; c’est ainsi que les essences de rose et d’anis résultent du mélange d’une huile liquide (œleoptène) hydro-carbonée, avec une huile essentielle solide stéaroptène) oxygénée. On a cherché à grouper les odeurs de manière à les rapporter à des classes connues; mais jusqu'à présent on n’a pas réussi à obtenir une systématisation satisfaisante , à cause de la prodigieuse variété des odeurs et des nuances qui en multiplient le nombre. J.-Th. Fagreus et Vahlin, disciples de Linné, en développant les idées de leur maitre, ont traité, l’un des médicaments fétides, Me- dicamenta graveolentia, et Y'autre de Odore medicamentorum. Le pre- mier établit trois classes : 1° les subinsipides; 2° les äcres; 3° les aners, subdivisées en deux ordres, les plus forts (/or/ora) et les plus faibles (ebrliora). Ainsi le datura, la jusquiame, le tabac, appartien- nent aux fétides subinsipides les plus forts; le jasmin, le souci, le tilleul, la violette, aux subinsipides faibles. Il classe les végétaux odo- rants parmi les fétides, parce que, quand le parfum en est exalté, ils deviennent plutôt fétides qu'aromatiques; la valériane, l'iris fétide, le sureau, appartiennent aux fétides àcres les plus forts, et l’assa fœtida, la rue, le cumin aux âcres faibles. Cette classification tout arbitraire n’a rien appris et n’est pas demeurée dans l’osmologie. Les travaux de Vahlin sont, au contraire, restés. Cet auteur groupe les odeurs en sept classes : 1° Les »usquées (ambrosiaques, odores ambrosiacr) ; tels sont le geranium moschatum, la malva moschata, Vaspérule odorante ; 2° Les suaves ( fragrantes); le tilleul, la tubéreuse, le lis, le jasmin; 3° Les aromatiques (aromatici) ; les lauriers, l'æillet, etc. ; 4° Les alliacées (aliacei) ; Yaïl, l’alliaire, l’assa fætida ; 5° Les Aircines (hircini) ; à odeur de boue, les sa/yrrum, Va vul- vaire ; 14 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. 5° Les s/upéfiantes (tetri, fétides); les stachys, les tagetes, le chanvre, l'anagyris, les solanum, V'aneth ; 7° Les nauséeuses (nauseost); le tabac, l'ellébore, le muguet. Adanson, comme Linné, qui semble avoir pris aux anciens le nombre sept qui leur servait de base dans la classification des odeurs, adopte aussi sept classes : 4° les zr0dores ; 2° les odeurs fai- bles; 3° les odeurs suaves ; 4° les aromatiques fortes; 5° les odeurs fortes, qui ne sont ni puantes ni aromatiques; 6° les odeurs infectes ou /étides ; T° les odeurs fades. Lorry, qui a fait un travail spécial sur les odeurs, établit cinq classes, qui sont trop arbitraires pour mériter autre chose qu'une mention. Fourcroy, guidé par ses études chimiques, a suivi une autre voie; il a divisé les odeurs en cinq classes : 1° esprit recteur où arome mu- queux ; Ve plantin, la bourrache ; 2° esprit recteur huileux fire, non soluble dans l'eau ; réséda, héliotrope, narcisse, jonquille (les tra- vaux de Buchner démontrent l'inutilité de cette classe, qui repose sur une donnée inexacte); 3° esprit recteur huileux fixe, soluble dans l'eau, les labiées ; 4° esprit recteur aromatique et acide; benjoin, cannelle, etc.; 5° esprit recteur sulfureux ; les crucifères. Le savant chimiste est resté au-dessous de sa réputation ; il n’a fait qu'un tra- vail sans application, puisqu'il comprend la moindre partie des cir- constances qui accompagnent la production des odeurs. Virey, qui avait un esprit porté aux idées philosophiques et se distinguait par des vues élevées, a écrit sur l’osmologie et est venu échouer contre la difficulté que présente une méthode de classification s'appliquant à des productions aussi variées que les odeurs. Il divise les odeurs en trois classes : 1° les odeurs d'aliments ; 2 les odeurs de médicaments ; 3° es odeurs d'agrément et de toilette. W a eu beau subdiviser les classes en trente-sept groupes secondaires et multiplier ses dénominations, il n’est pas arrivé pour cela à plus de précision. Ses classes sont fausses et ses coupes renferment des divisions qui sont semblables ou rentrent les unes dans les autres. Cependant une bonne classification des odeurs serait utile pour les descriptions, et contribuerait à leur donner de la précision. Desvaux, bon observateur, mais trop ami des détails, avait si bien compris l'importance d’une classification osmologique, qu'il a DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX. A5 consacré, à ce chapitre, de longs et minutieux détails dans son Traité général de botanique. Il a établi sept genres d'odeurs qui com- mencent aux plus faibles et s'élèvent graduellement aux fétides. Ce sont : I. Les odeurs inertes, qui sont faibles, sans mauvaises qualités et peu expansibles; elles se subdivisent en dix espèces : 4° l'odeur ligneuse, celle du bois qu'on scie; 2° l'odeur herbacée, ou de gra- minées froissées entre les doigts; 3° /éculaire ou farineuse, celle de la fécule et des graminées réduites en farine; 4° mucilagi- neuse, celle de gomme dissoute ; 5° crue, des racines tubéreuses crues; 6° féviaire, des graines des légumineuses crues; 7° oléacée, celle des bettes, de l’arroche, de l'épinard cuits dans l’eau; 8° o/éanaire ou plutôt Æwleuse : c'est celle de la noix écrasée; 9° /ongacée, du champignon. C’est l'odeur propre à toute cette famille, dont le cham- pignon de couche peut être regardé comme le type, parce que, depuis les byssus jusqu’au lycoperdon, ils ont tous, lors de leur premier développement, une odeur particulière qui mérite de pren- dre place dans la nomenclature osmologique, car elle se représente souvent; l'odeur de la truffe elle-mème n’est autre chose qu'une odeur de champignon exaltée; 10° ellacée où approchant du miel, due à la présence, dans les végétaux, d’un principe mucoso- sucré. Il. Les odeurs anaromatiques sont distinctes, mais peu énergiques, et ont des qualités négatives : elles ne sont ni suaves, ni pénétrantes, ni fétides. Ce genre comprend quatre espèces : 1° acerbe, l'odeur des écorces fraîches du quinquina, de la racine de fraisier : elle est due à la présence du tannin ; 2° véneuse, propre à la séve fermentée et aux fruits; 3° spermatique, qui se retrouve dans le pollen du châtaignier, de l’épine-vinette ; 4° nucléacée, ou de noyau, due à la présence de l'acide prussique. IE. Les odeurs suaves, douces, agréables, ni aromatiques, ni bal- samiques; huit espèces : 1° amsée, l'anis, la badiane ; 2° rrusquée, le imulus moschatus; 3° orangiaque, Yorange; 4° pomacée, la porame de reinette; 5° rosucée, la rose, le pelargonium capitaturr: 6° vanillée, la vanille, l'héliotrope du Pérou, le tussilage odorant ; 70 violéacée, Yodeur de la violette, qui se retrouve dans la racine de l'iris de Florence; 8 agréable, le jasmin, le tilleul, etc. Cette espèce comprend une grande variété de plantes et d'odeurs; elle pourrait 416 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. être démembrée pour être distribuée dans les autres espèces de ce cenre et des suivants. IV. Odeurs aromatiques, agréables, exaltées, pénétrantes, sans acidité; trois espèces : 1° caryophyllacée, Vœillet, l'acorus calanus ; 2° épicéo-aromatique, le gérofle, la cannelle; 3° éprcée, le poivre, la muscade. V. Odeurs suaves, très-prononcées, suaves; trois espèces : 1° ba/- samoïde, baume de la Mecque, bourgeons du populus balsamea ; 2° balsamique, le benjoin, le styrax ; 3° #yrrhique, la myrrhe, l'en- cens. VI. Odeurs pénétrantes, fortes, vives, n'excitant ni une sensation agréable ni une désagréable; onze espèces : 1° #rélilotique, celle du mélilot; 2° bifhunineuse, les psoralées ; 8° citronnée, le citronnier, la mélisse officinale; 4° camphrée, le camphre, la lavande et un grand nombre de labiées: 5° 6° résineuse, les conifères ; T° acide, la pulpe de tamarin; 8° prquante, les crucifères; 9° alliacée, les aulx ; 10° dcre, les renonculacées, les sedum; 11° forte, la plupart des ombellifères. © VII. Odeurs fétides, très-exaltées, désagréables, répugnantes; dix espèces : 1° cnicine, où de punaise, l’orchis coriophora ; 2 reine, de bouc, l’Aypericum hircinum; 3 stercoraire, le sterculier, le fruit du jaquier; 4° wrinaire, plusieurs polygala; 5° pufrède, la stapélie variée; 6° alliacéo-fétide, V'assa fœtida; T muriatique, celle du /#cus vesiculosus et des plantes qui croissent dans la mer; 8° verrufuge, la tanaisie, les mille-feuilles ; 9° #reuse, la belladone, la stramoine, le pavot; 10° nauséabonde, le chenopodium vulraria. De Candolle a établi, dans les végétaux, deux catégories osmolo- giques qui paraissent justifiées par leur mode de production, mais elles ne sont cependant pas rigoureusement exactes. Ce sont les odeurs pro- duites par les plantes privées de la vie, et dont la durée est presque infinie ; elles augmentent plutôt qu’elles ne se détruisent par l'effet du temps; telles sont les odeurs des bois, des écorces, dues à des maté- riaux odorants qui sont en dépôt dans des lacunes ou dans des cel- lules. La seconde catégorie comprend les odeurs qui sont produites par les organes vivants et s'exhalent au fur et à mesure de la pro- duction, sans former de dépôt. Malgré l'utilité de la classification adoptée par Desvaux, qui est établie sur des principes arbitraires, on est obligé de reconnaitre ambrosiaque, Ve chenopodium ambrosioides ; DES ODEURS DANS LES VÉGÉTAUX, 417 que l'osmologie ne peut, en suivant celte voie, s'élever à la hauteur d'une science; c’est à la chimie qu'il faut s'adresser pour obtenir un système de groupement méthodique plus parfait. On remarque, en eflet, en étudiant les odeurs dans les associations végétales qui ont entre elles une étroite affinité, qu'elles peuvent se ranger sous un petit nombre de chefs. C'est ainsi qu'on trouve dans une partie des liliacées, des narcissées, des iridées, des orchidées, une odeur fondamentale, qui varie suivant qu'elle s'exalte ou s’affaiblit, et peut passer de la suavité la plus délicieuse à la fétidité la plus insuppor- table. L'odeur que Desvaux appelle orangiaque, et qu'il vaudrait mieux appeler orangée, se trouve non-seulement dans la fleur de l'oranger, mais dans celle du robinier faux acacia, de la clématite des haies, et d’un grand nombre d'autres plantes. L'odeur caryo- phyllacée n’est pas propre seulement à la fleur du géroflier, mais encore à la giroflée, à l’œillet, à la racine de benoîte; l'odeur rosacée se trouve dans la rose, dans les pe/argontum rosa et capitatum et la gesse tubéreuse. Il y a donc un petit nombre d’odeurs fondamentales. Nous devons chercher la véritable classification des odeurs dans la composition chimique des principes odorants; nous y retrou- verons la plus grande partie des divisions adoptées par les savants qui se sont occupés d’osmologie, mais avec moins d'incertitude. Ainsi, nous (rouverons dans les substances albuminoïdes Yodeur féviaire; l'odeur mellacée, dans les sucres et la #annite qui se trou- vent dans un grand nombre de végétaux; l'odeur vineuse, dans ceux qui contiennent des principes qui, sous l'action de la fermentation, se converlissent en 4/cool; l'odeur acide, dans les produits 4/c00- liques orygénés, et dans la série des acides végétaux; l'odeur nu- cléacée, expression vicieuse qui aurait pu être remplacée par le mot amygdalée, dans les produits cyanhydriques ; odeur résineuse, dans les essences hydrocarbonées, qui comprennent aussi l'odeur citron- née et l’orangiaque, et la série du térébène; les essences orygéntes comprennent les séries camphrée, balsamoïde et balsamique, dues au benjoin; la série cinnamique comprend des odeurs qui font partie des espèces ci-dessus établies par Desvaux; l'épicéo-aromatique rentre dans cette série, puisque la cannelle est la génératrice de Ja série cinnamique; la série anisique et la série cuminique renferment une partie des produits odorants des ombellifères et de quelques magnoliacées ; la série eugénique répond à l'espèce caryophyllacée ; Botan., T. I, 27 418 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. les essences sul furées répondent aux odeurs piquantes et alliacées, et comprennent une partie des plantes de la famille des crucifères; la série coumarique répond à l'odeur mélilotique. Cest là, croyons-nous, la seule voie dans laquelle il faut chercher Ja classification des odeurs. Tout ce qui sera fait en dehors de cette base, quelque ingénieux qu’il soit, sera arbitraire. Il reste donc à reprendre toute l'osmologie et à la soumettre à l'épreuve de l'ana- Iyse des principes élémentaires ; on aura alors fait prendre à cette branche de la science la place qu'elle doit occuper dans la bota- nique; car, l'examen superficiel, l'étude même du mode particulier de sécrétion propre à chaque système d'odeurs, ne peuvent rien apprendre sur la nature intime des odeurs, et surtout sur leur action physiologique. L’osmologie est une étude qui mérite d'autant plus de fixer l'attention des hommes de science, que la médecine em- ploie dans la thérapeutique les principes odorants des végétaux, et qu'il lui importe d'en connaître la nature pour en apprécier les effets, CHAPITRE X DES SAVEURS DANS LES VÉGÉTAUX La saveur, ou l'impression produite par les corps sapides sur l'or- gane de la gustation, dont la sensibilité est due aux nerfs de la cin- quième paire qui viennent s'épanouir dans la muqueuse de la lan- gue, étant une des conséquences de leur mode de composition, et l'étude des propriétés sapides étant aussi utile que celle des odeurs, nous donnerons à ce chapitre une étendue proportionnée à son im- portance. Nous consacrerons des articles spéciaux à ces deux pro- priétés pour appeler l'attention sur deux sujets trop négligés, et qui sont cependant les conséquences des fonctions physiologiques des plantes. Si l'osmologie est importante, même comme moyen de diagnose, la chymologie (de yvucs, sapor) ne l'est pas moins : elle constate, en eflet, des identités de nature qui ne peuvent manquer d'intérêt, puisqu'elles permettent de généraliser les propriétés des plantes, et montrent que les grands groupes, dans des qualités phy- siques semblables, unissent la plus grande partie des êtres qui les composent. Les végétaux agissent, la plupart du temps, sur l’odorat en même temps que sur le goût, tant par le rapprochement des organes qui sont le siége de ces deux fonctions, que par la nature même de l’im- pression, qui n'est, comme toutes les sensations physiques, qu’une tactilité transformée. La sapidité suppose toujours la solubilité du principe sapide, car dès qu’une substance est entièrement insoluble, elle est dépourvue de saveur. C’est à tort qu'on a prétendu que la saveur n'est pas une propriété inhérente aux corps, mais une ma- nière d'être des nerfs de la langue, variable suivant la nature des corps. La saveur dépend, il est vrai, du mode de sensation exercé sur l'organe du goût par les corps sapides; mais cette même sensa- tion dépend de la composition moléculaire des corps et constitue leurs propriétés. A part les cas particuliers d’idiosyncrasie, l'impression gustative 420 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. est la même chez tous les hommes : l'habitude seule peut modifier les appétences; mais l'appréciation de la qualité sapide est identique. Il faut cependant une éducation de l'organe du goût pour la déter- mination des saveurs, et cette finesse de tact ne s’acquiert que par l'habitude : c'est souvent mème un guide plus sûr que les analyses minutieuses, témoin les dégustateurs, qui reconnaissent, tant à l’odo- rat qu'au goût, les vins des crus les plus variés, et qui y distinguent des différences caractéristiques qui échappent à ceux dont le goût n'est pas exercé. Le climat influe beaucoup sur le développement des qualités sa- pides, et l'exposition, la saison, la culture transforment les pro- priétés des végétaux de manière à les rendre méconnaissables. Dans les climats méridionaux, les végétaux acquièrent des propriétés exaltées quand elles ont pour base des huiles essentielles, des ré- sines; mais il paraitrait que les essences sulfurées se développent en raison inverse de la chaleur; car, dans le Nord, les crucifères sont beaucoup plus piquantes que dans le Sud, et les différentes espèces du genre 4//:um deviennent plus douces sous l'influence d'un climat plus chaud. C’est ainsi que l'oignon d'Espagne, doux et sucré quand il a crù sous le ciel de la Péninsule, redevient âcre et fort sous notre climat, et l'ail commun est moins fort en Grèce que chez nous. | Les deux grands phénomènes modificateurs, dus tant à l'exposition qu’à la culture, sont l'hypertrophie et l’atrophie : c’est-à-dire le déve- loppement excessif des parties, venant de l’augmentation de la quan- tité de l’eau de végétation, ce qui diminue les propriétés actives des plantes et les rend propres à l’alimentation, comme cela se voit dans les crucifères, les ombellifères, les fruits, qui, d’âcres ou acerbes, deviennent doux et d'une agréable sapidité ; autrement c’est la con- centration des principes actifs par diminution de volume. Les plantes médicinales varient de propriété par la culture, et perdent une partie de leur activité. C’est ainsi que l’aconit napel de nos jardins, quoique dangereux encore, n'a pas le haut degré de puissance vénéneuse de celui qui croît à l’état sauvage, et le #ephro- dèum filix mas, dont l'huile essentielle est employée avec tant de succès dans la destruction du (ænia, ne jouit de ces propriétés que quand il a crû sur les montagnes : dans les plaines, il est presque inerte. DES SAYEURS DANS LES VÉGÉTAUX, 421 Le goût des végétaux change aussi aux différentes époques de leur vie. Dans leur jeunesse, on mange les premières pousses d’un grand nombre de plantes, qui répugneraient quand elles ont acquis tout leur développement; ce qui explique pourquoi on peut manger, dans leur premier àge, des végétaux qui sont, dans leur âge adulte, ou des poisons violents, ou des plantes de tissu résistant et de saveur acerbe : tels sont le houblon, les asperges, les bambous, la renoncule scélérate, la clematis flammula. Les fruits sont au contraire acerbes dans leur jeunesse, et doux et savoureux lorsqu'ils ont acquis tout leur développement. Il faut même, pour certains, comme la nèfle, qu'ils aient subi un commen- cement de décomposition. Toutes les parties d’une même plante sont loin d’avoir une même saveur : les fruits de la ronce sont doux et sucrés, tandis que la racine en est acerbe, par suite de la présence du tannin. Il importe donc de connaître à quel moment et dans quel état il faut cueillir les végétaux, et quelle partie il faut employer dé préférence à toute autre. Les anciens, par suite de leur prédilection pour la théorie des nombres, avaient établi sept saveurs, comme ils avaient établi sept odeurs. Cette doctrine, tout empirique, domina longtemps, et nous ne pouvons même, malgré les progrès de la science, échapper à ces coupes arbitraires, qui répondent à des sensations qui se reproduisent identiques et affectent le goût de la même manière. Ce sont : 1° le doux, 2° le gras, 3° l'acide, 4° l’âcre, 5° l’austère, 6° l'acerbe, 7° le salé. L'école de Salerne distinguait neuf saveurs groupées par trois, et réunies sous trois classes. Cette classification, qui diffère peu de celle adoptée par les anciens, a fait longtemps autorité, et les grandes divi- sions adoptées par cette école célèbre se retrouvent dans les traités de pharmacologie de la fin du siècle dernier : de nos jours même on parle encore des semences froides, chaudes, etc. La classification salernitaine, qui se rapproche de celle de Galien, est fondée sur les mêmes principes; ce sont : 4° Les saveurs chaudes : Yàcre, l'amer, le salé alcalin ; 2° Les saveurs tempérées : l'aqueux, le doux, le gras; 3° Les saveurs froides : l'acide, l’austère, le salé acide. Abercromby avait ingénieusement défini la sensation produité sur 422 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. le goût par les substances sapides. Il s'exprime de la manière sui- vante : L'acide pénètre la langue sans chaleur. Le doux enduit la langue avec volupté. Le gras enduit la langue sans volupté. Le salé déterge la langue sans contraction. L'amer déterge la langue avec exaspération. L'äcre ronge la langue avec chaleur. Le styptique dessèche la langue avec contraction. L'insipide ne produit aucune impression sur la langue. Linné (sapor medicamentorum, J. Rudberg) avait adopté onze sa- veurs auxquelles il ramenait l'impression produite par les substances sapides : 1° La saveur sèche produite par les substances insipides, dépour- vues de suc propre, avides d’eau : les écorces, la poudre de lycopode, les gnaphalium ; 2° La saveur aqueuse, donnée par les substances remplies d'hu- midité, et presque insipides : les épinards, le pourpier, la laitue, les racines de scorsonère et de salsifis, celles des navets, des choux ; 3° La saveur visqueuse, celle des substances mucilagineuses et glu- tineuses, presque insipides : les gommes, les malvacées, les jujubes, les semences de coing, de psyllium ; 4° La saveur salée, qui agit comme irritant sur les organes du goût, brûle comme du feu les endroits excoriés et se mêle aux li- quides : la soude, la salicorne, quelques chénopodiées ; 5° La saveur acide, dont l'impression est à la fois piquante et agréable : les groseilles, l’épine-vinette, les oxalis, l'oseille, le citron ; . 6° La saveur styptique austère, composée d'acide et de sec; elle agit sur l'organe de la gustation en le contractant : les fruits verts, le sang-dragon, la bistorte, le coing, les fruits du prunellier, l'olive ; 7° Les saveurs douces, les plus agréables et celles qui produisent la sensation la plus exquise sur l'organe du goût : le sucre, le miel, la manne, les dattes, les figues ; 8 Les saveurs grasses, qui ont pour base un principe huileux, doux, presque insipide, et se convertissant en émulsion par leur mé- lange avec l’eau : les huiles ; 9° Les saveurs amères, désagréables, qui excitent par la mastica- DES SAVEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 423 tion, la sécrétion salivaire : la coloquinte, la gentiane, l’absinthe ; 10° Les saveurs äcres, qui corrodent, avec plus ou moins de force, la fibre vivante : les arwm, la pyrèthre, les sedum, le poivre. 11° Les saveurs nauséeuses, produites par les substances qui ne sont pas plutôt dans la bouche qu’elles sollicitent la régurgitation : la gratiole, l’ipécacuanha, le muguet, l’asarum. Adanson groupa les saveurs d’une autre manière, quoiqu’en adop- tant des divisions semblables, et les opposa les unes aux autres; ce qui est plus méthodique, quoique son mode de classification soit sujet à critique : INSIPITR een enr nee ce Aqueux. Dal acide, 415 24e ten RE en Alcali. DORE nie ee cel: dec ne Acre. Gras MTENAR ES. EUR. AR SON AEE Austère. VisquELR. LEE ets 2e . Acerbe. ACIER aptes etre telcle see ere cenrie Amer, Ce qu'on peut reprocher à toutes les classifications, c’est leur caractère absolu. Les saveurs y sont considérées comme essentiel- lement simples, et les auteurs ne paraissent pas avoir tenu compte des combinaisons binaires ou même ternaires ; dans les saveurs sim- ples même il y a des degrés différents qui sont autant de passages d'une saveur bien prononcée à-une autre, marqués par des nuances souvent peu sensibles. Parmi les saveurs binaires, il faut citer la douce-amère, qui commence par produire sur l'organe du goût une impression d’amertume qui ne tarde pas à faire place à la sensation du doux ou du sucré ; dans l'ail commun, l’âcreté mordante se trouve mêlée au visqueux. Le tubercule de l'orobe tubéreux est styptique et sucré; il présente, même en en analysant la saveur, une triple sensation : quand on mâche un tubercule d'orobe, la pre- mière impression est celle d’une légumineuse verte, elle est her- bacée; puis, au bout de dix à douze secondes, elle devient aussi sucrée que la réglisse; quand cette saveur est passée, on perçoit le goût styptique mêlé d’amertume. L’anis offre encore un exem- ple de la combinaison ternaire : la première impression est aro- malique et chaude; elle devient âcre ensuite, puis elle finit par le sucré. La dégradation des saveurs est également bien sensible. Ainsi, entre l’amertume si prononcée de la gentiane ou du ményanthe, celle si durable de l'absinthe et si fugace de la douce-amère, il y a 12/4 PIHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. toute une échelle de décroissement dont l’intermédaire est la petite centaurée ou la fumeterre. La persistance des saveurs ne répond pas toujours à une unité de sensation; 11 ya même une grande différence entre la nature de l'impression produite; tantôt c'est la pointe seule de la langue qui perçoit la saveur, d’autres fois ce sont les bords, ou bien, quoique la gustation ait eu lieu par la pointe de la langue, la sensation est vivement perçue par l’arrière-bouche, sans que les parties qui ont servi d'appareils de translation soient en rien affectées. Les euphor- bes, les sumacs, agissent de cette manière et causent une vive et durable inflammation de l’arrière-bouche. D'autres fois, la substance sapide n’agit pas instantanément et la sensation ne s'éveille qu'au bout d'un certain temps. Les renoncu- lacées sont dans ce cas; mais ce phénomène est plus sensible dans les aroïdes. L'arum maculatum et les arum exotiques, le calla pu- lustris, ne produisent d'abord aucune impression; puis, au bout de quelques minutes, on commence à sentir une vive douleur qui est très-durable. Le fourmillement étrange, produit, dans la bouche et surtout dans les gencives, par les sommités des sp//anthus, ne com- mence qu'au bout de vingt-cinq à trente secondes et dure un quart d'heure. La durée de l'impression varie également depuis quelques minutes jusqu'à plusieurs heures. L'irritation du voile du palais et de l’arrière-bouche, produite par le suc laiteux des euphorbes, se prolonge souvent pendant toute une journée. On peut mettre la sen- sation produite par certaines solanées au nombre des sensations passagères. Bien que les classifications soient impuissantes à déter- miner, d'une manière exacte, les rapports de dégradation qui exis- tent entre les saveurs de même nature, elles doivent cependant mé- riter l'attention, et il faut, quelque arbitraires que soient ces données, les soumettre à une étude consciencieuse, en s'appuyant sur les données chimiques, les seules qui puissent fournir des bases positives. Cette branche de la science est neuve, car on n’a jusqu'à présent établi les méthodes que sur des bases empiriques. La classification la plus complète, bien qu'elle soit fondée sur la simple impression que les corps sapides produisent sur les organes gustatifs, est celle de Desvaux, qui les divise en deux genres : les saveurs insiprdes et les saveurs sapides. 1° Les saveurs insipides comprennent cinq espèces : 1° la saveur DES SAVEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 42; Le 2 fade; 2° Va saveur sèche; celle des substances amylacées et des subs- tances pulvérulentes non solubles; 3° la saveur aqueuse, le pourpier; 4° la saveur visqueuse, les malvacées, la consoude; 5° la saveur grasse, l'amande. 2° Les saveurs sapides en comprennent cinq : 4° la saveur douce, les fruits dans lesquels ne dominent ni l'acide, ni le sucre ; 2° la saveur sucrée, la canne à sucre, les dalles; 3° la saveur acide, les rumex, V'épine-vinette; 4° Ja saveur acerbe, les fruits du prunellier; 5° la saveur styplique (austère où astringente), la noix de galle, la bislorte, la tormentille:; G° la saveur saline, la criste marine, les soudes; 7° la saveur äcre, l'erigeron acre ; 8° la saveur piquante ou poivrée, le poivre, le piment, la menthe poivrée; 9° la saveur nau- séeuse, la racine d’ipécacuanha, les feuilles du séné; 10° Ja suveur amère, le simarouba, la gentiane ; 41° la saveur caustique où brü- lante, les daphnés, les arum, les pyrèthres. Cet auteur, qui a insisté sur un des points les plus négligés de notre éducation, celle des sens, qui restent presque toujours obtus, donne, pour servir de guide dans la recherche des saveurs, les exemples suivants, dans lesquels on trouve la plupart des groupes qu'il a établis : L'eau pure donne l’aqueux. La bile donne l’amer. L'amidon — le sec. La prunelle — le styptique. La gomme — le visqueux. Le vinaigre — l'acide, L'huile — Je gras. La moutarde — lâcre. Le sucre — le sucré, Le tabac — le nauséeux. Le sel — le salin. Pour donner un exemple de la méthode à suivre dans la recherche du meilleur mode de clässificalion des saveurs considérées sous le rapport de leur composition chimique, nous rapporterons à cha- cune des espèces établies par Desvaux le principe qui détermine la saveur des substances sapides. Il faut d'abord éliminer les trois es- pèces : fade, sèche, aqueuse, qui sont des saveurs négatives, quand elles sont pures, ce qui n'arrive pas toujours ; car le fade peut être visqueux, le sec gommeux, l'aqueux légèrement acidulé ou ama- rescent, et n’établir qu'un seul groupe, celui des substances sapides et des saveurs positives, parmi lesquelles il faut replacer les saveurs grasses et visqueuses. La cellulose, dans laquelle il faut comprendre les principes im- médiats qui en dérivent, est la base des corps non sapides, puisqu'elle 426 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. est insoluble dans l’eau : la matière amylacée, également insoluble, est dans le même cas, et sa saveur sèche tient à son insolubilité. La saveur visqueuse est due aux substances albuminoïdes, aux gommes, au mucilage végélal et à l’amidon transformé. La pectine et ses dérivés, ou le principe gélatineux des fruits, rentrent dans celte catégorie. La saveur douce, premier degré de la saveur sucrée, dont on ne peut la séparer, est due à la présence du sucre, de la mannite, de la glycose. La saveur grasse, qui est une variété de la saveur douce, est le produit des huiles auxquelles n’est mêlée aucune essence âcre ou piquante. La saveur vineuse ou alcoolique, dont aucun auteur n'a fait men- tion, mérite cependant de prendre place dans une chymologie : elle est due à la présence de l'alcool, développée par la fermenta- tion dite alcoolique. La saveur acide est celle de tous les acides végétaux qui se trou- vent dans les fruits rouges, ceux des aurantiacées, les herbes aci- dules et les vins. La saveur acerbe, qu’on peut réunir à la saveur styplique, est due surtout à la présence du lannin et de l'acide gallique. La saveur saline, aux sels de soude contenus dans les végétaux qui sont surtout marins, tels que les genres sa/sola et salicornra. La saveur âcre appartient à plusieurs séries, aux essences sulfu- rées, qui se trouvent dans les liliacées âcres et les crucifères, et dans certains alcaloïdes. Les différentes essences oxygénées, qui sont extraites des fruits des ombellifères et de toutes les parties des labiées, sont àcres quand elles sont concentrées. La saveur caustique paraît être une simple variété de la saveur âcre : car les principes àcres, élevés jusqu'à un certain degré de concentration, deviennent caustiques. La saveur piquante est due au pipérin, à certaines huiles essen-— tielles, dans lesquelles cette impression est unie à la saveur aroma- tique. Elle se trouve aussi bien dans les essences oxygénées que dans les hydrocarbonées, et les essences sulfurées des crucifères contiennent des principes qui exercent sur l'organe du goût la sa- veur poivrée. { La saveur amère est due à des principes immédiats de différente DES SAYEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 427 nature : tels sont le gentianin, la pierotoxine, la rhamnine, à diver- ses résines dont le principe amer n'a pas été isolé, et à certains alcaloïdes, comme ceux extraits du quinquina, de l'opium, de la noix vomique, etc., etc. La saveur nauséeuse est, comme la saveur amère, due à des prin- cipes différents, mais surtout à des alcaloïdes extraits des solanées et des rubiacées. Les différentes impressions produites par une substance ne sont pas tellement absolues, qu'elles agissent constamment de la même manière. La saveur piquante peut devenir brülante, àcre, amère, nauséeuse même; la saveur douce et sucrée peut devenir également nauséeuse sans avoir aucune qualité âcre ou brülante; la saveur grasse peut devenir visqueuse; celle-ci, douce et sucrée; la sucrée peut passer à la saveur vineuse ou acide; l'acerbe au styptique. Une saveur peut participer de plusieurs autres, ce qui tient à ce que les corps sapides ne doivent pas leurs propriétés à une substance simple et unique; mais ils présentent des combinaisons multiples. Des principes différents peuvent se trouver réunis dans une même plante, et leurs propriétés varient suivant le degré de concentration des principes qui constituent leur sapidité. Il reste à savoir, ce qui est entièrement du domaine de la chimie, si les substances qui produisent, sur le goût, des impressions sembla- bles, n’ont pas une même formule générale; en d’autres termes, si une composition et une associalion moléculaires semblables ne cor- respondent pas toujours à une impression gustative identique. Les saveurs ne peuvent, au reste, être considérées que sous leur appa- rence la plus générale : c’est ainsi qu'à la gustation les trois gommes, arabine, cérasine et bassorine, quoique ayant pour for- mule C!' H!! 0", affectent le goût d’une manière différente, l'im- pression générale seule est la même; c’est le visqueux qui domine et l'emporte sur les autres phénomènes de sapidité; Les sucres offrent un exemple plus frappant des rapports qui exis- tent entre les saveurs et la composition chimique. Les sucres de canne, qui se trouvent dans la canne à sucre, la betterave, le maïs, la séve des érables, la carotte, ont, avec une même composition chi- mique semblable, une même saveur. La formule de ces sucres est C®H" 0"; celle du sucre de fruits, qui correspond à la formule CHE 0% 247, donne à cette espèce de saveur, qui répond ce- 128 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. pendant à l'impression qu'on appelle saveur sucrée, un goût différent; il en est de même du sucre de raisin, dont la composition corres- pond à la formule C® HO + 244 et qui a une saveur particulière. Si l’on ramène à une formule semblable, comme cela se voit pour le sucre de raisin, qu’on transforme par la chaleur ou d’autres agents en sucre de fruits, les sucres appartenant à ces trois espèces, aussi dis- tinctes par le goût que par Ja composition, on arrive à une identité d'impression. C’est sur ce sujet qu'il convient d'appeler l'atten- tion des chimistes, auxquels revient la tâche de découvrir si les formules ou la composition chimique et les saveurs ne se correspon- dent pas constamment. Ce serait un grand pas de fait dans la con- naissance de la propriété des substances végétales, que de déterminer les rapports de composition et d'impression gustative ou de sapidité. Toutefois, on sait qu'il existe des corps dont la composition est la même, et qui sont représentés par la même formule atomique qui, cependant, jouissent de propriétés physiques distinctes, et parmi celles-ci les propriétés organoleptiques sont placées au premier rang ; telles sont la plupart des essences hydro-carbonées ; l'amidon et la dextrine, l’éther éthylformique et l'éther méthylacétique, etc., etc. Il résulte de l'étude des saveurs, que les composés ternaires neu- tres sont ceux qui ont le moins de sapidité, et ce sont, en général, ceux qui sont le plus propres à la nutrition; les composés quater- naires, dans lesquels on signale la présence de l'azote, et qui sont également neutres, jouissent à un plus haut degré de propriétés nu- tritives : telles sont les substances albuminoïdes ; toutefois elles sont, en général, peu sapides et leur saveur n’est jamais exaltée ; cependant, dès que les composés ternaires ou quaternaires cessent d'être neutres, que l'oxygène y domine, qu'il y a excès d’azote, ou un autre corps en prédominance, la sapidité commence et le jeu des saveurs se mul- tiplie à l'infini. Il est intéressant de remarquer que les composés ternaires neutres, ainsi que les quaternaires neutres, présentent la quadruple associa- tion des corps isomères alibiles. Composés ternaires isoméres neutres : Cellulose. Amidon. Dextrine. Gomme. Composés quaternaires isomèéres neutres : Fibrine. Albumine. Caséine. Gluten, DES SAVEURS DANS LES VÉGÉTAUX. 4129 On a donné aux substances alimentaires tirées de ces deux groupes les noms d'aliments plastiques et d'aliments respiratoires. Les pre- miers contiennent de l'azote : ils possèdent la propriété de se trans- former en sang, et fournissent ainsi les éléments des tissus et des organes; les seconds servent uniquement à entretenir la respiration et à produire la chaleur animale. Aliments plastiques : Fibrine. Albumine. Caséine, Gluten, Aliments respiratoires : Amidon. Dextrine. Gomme, Pectine, Telles sont les bases de la chymologie ou science des saveurs. C'est, en en étudiant les lois, ou en les pratiquant empiriquement, qu'on arrive à faire prendre place, parmi les substances alimen- laires ou condimentaires qui figurent sur nos tables, à des végétaux qui seraient ou vénéneux ou d’une saveur désagréable. CHAPITRE XI EXCRÉTION Les fonctions vilales impliquentnécessairement une double action, une véritable polarité, comme si la vie ne pouvait exister sans qu'il y ait sans cesse deux actions opposées, qui sont les deux conditions indispensables de tout phénomène physiologique; ainsi, l'élabora- lion première des matériaux de nutrition se compose du double phénomène : Absorption. Exhalation. Résultat : Séve élaborée. La mise en action de la séve élaborée se compose, à son tour, de deux actions : Assimilation. Excrétion. Résultats : Sécrélion et nutrition. Il en est du corps organisé végétal comme du corps animal : dès qu'il a puisé, dans les agents ambiants, tous les matériaux qui pou- vaient servir à son alimentation, il les élabore et les conérète, en éliminant, par l'exhalation, tout ce qui était superflu, et quand la séve élaborée est produite, qu’il en à séparé, par la sécrétion, tous les matériaux alibiles, il rejette tout ce qui est impropre à la vie. C'est ce qu’on appelle excrétion. H ne faut pas croire, cependant, qu'il en soit des végétaux comme des animaux. Ces derniers ont une cavité spéciale pour recevoir le bol alimentaire, qui, en circulant de proche en proche dans le tube intestinal, y devient de plus en plus semblable aux molécules de l'organisme avec lequet il est mis en rapport, et les matières excrémentitielles ne sont rejetées, au dehors, qu'après avoir parcouru tout le tube digestif, dont les vais- seaux absorbants ont aspiré tout ce qu'il y peut rester de propre à EXCRÉTION. 431 l'entretien de la vie. Il s'en faut beaucoup qu'il en soit de même des végétaux : ils n'ont pas d'appareil d'élaboration spécial pour les ma- tériaux qui servent à la préparation des éléments qui doivent aug- menter ou renouveler les tissus, et le procédé parait assez simple pour échapper à nos regards. La génération des cellules est un phé- nomène qui a sans doute siégé dans la cellule même. Si l’on étudie avec soin le phénomène de l’excrétion, on verra que ce ne sont que les glandes dans lesquelles on puisse jusqu'à un certain point l'étu- dier. Il est cependant nécessaire que les parties constituantes, inassi- milables de la séve élaborée, soient rejetées au dehors comme l'ont élé les produits de la séve ascendante, qui étaient impropres à être converlis en séve élaborée. Si les voies par où s'échappent les ma- tières gazeuses rejelées par exhalation sont connues, il n'en est pas de même des voies d’excrétion quand elles n'ont pas lieu par des appareils glandulaires, qui sont plutôt des appareils de sécrétion que d’excrétion. On en peut dire autant des poils glandulaires dont le sommet renflé est le siége de l’excrétion. Dans la fraxinelle, ce sont de petits poils glanduleux excrétant l'huile volatile qui forme au- tour de la plante une atmosphère inflammable. Il en est de même des poils des /oasa et des malpighiacées. Dans les autres cas, quand les surfaces ne portent ni glandes, ni poils glanduleux, l’excrétion ne peut avoir lieu qu'à travers les pores de l’épiderme ou les stomates, même aussi à travers les mailles des tissus. On a confondu, bien à tort, avec les excrétions, les sécrétions de gomme, de cire, de vernis, de matière albumineuse, qui recouvrent les bourgeons, les fruits, les tiges, les végétaux marins. Il reste à savoir si ces exsudations servent aux besoins de la vie, ou si elles sont purement accidentelles. On reconnait bien dans les bourgeons des marronniers d'Inde, des peupliers, que l’enduit visqueux qui couvre leurs écailles, peut avoir pour effet de les défendre contre l'humidité et le froid de l'hiver et du printemps; mais les végétaux dont les bourgeons ne sont pas enduits de ce vernis n’en sont pas moins à l'abri du froid, et l’on ne peut s'expliquer l'utilité de cette sécrélion dans le s/eñe viscaria, a fraxinelle, etc. La poussière glauque de la nature de la cire, qui recouvre les feuilles du chou et de certains fruits, ne parait avoir aucune raison d’être. Il ne faut pas confondre, avec l’excrétion, les produits variés dont la produetion est le résultat de la piqüre des insectes. 132 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. On regarde cependant comme des excrétions particulières, ayant leur siége dans de pelits organes excréteurs, la viscosité des éaryo- phyllées à tige gluante, et qui parait être de la même nature que la glu tirée du houx, et la cire, si abondante à la surface des feuilles du peuplier, qu'on avait établi en Italie une manufacture ayant pour but de l’extraire pour en faire un objet de commerce. Plu- sieurs palmiers des tropiques en sécrètent aussi, de même que les fruits du myrica cerifera, qui en contiennent le neuvième de leur poids. On ne peut encore regarder comme des excrétions les substances rejetées au dehors, parce qu'il y a, à l’intérieur, sécrétion surabon- dante; on peut ranger dans cette catégorie les excrétions de sucre pur et cristallisé qui se trouvent à la surface de certains végétaux : telle est la concrétion sucrée de la division supérieure de Ja corolle du rhododendrum Ponticum , qui est assez abondante pour que 440 fleurs en aient donné 275 centigrammes; l’appendice concave du strelitzia regine contient également du sucre cristallisé. Le /4- naria saccharina, espèce de la famille des algues, se couvre d'une efflorescence sucrée, qu'on a prise pendant longtemps pour de la mannite, mais qui est formée par des substances neutres ternaires, se rapprochant de la mannite, et que l’on a désignées sous les noms d'erytrite et de prnite. La manne en larmes qui découle, spontanément ou à la suite d’in- cisions, du /rarinus ornus de la Calabre et qui est peut-être due à la piqüre d’une espèce de cigale, celle qui est produite par le Zmarrr mannifera, Valhagi Maurorum, celle du mélèze, sont des extravasions plutôt que des excrétions. On ne doit donc pas donner le nom d'ercrétions à des produits exsudés, qui ne sont pas repris par les sécrétions et subissent, sous l'influence de l'air, la condensation propre à des matières dont le liquide aqueux s'échappe par évaporation. Si nous avons éliminé du nombre des excrétions les matières sé- crélées et transsudées, il reste donc la théorie de l’excrétion des ra- cines. Si celle théorie, qui satisfait l'esprit, et semble confirmer ce qui a été dit touchant la polarité des fonctions dans les êtres vivants, était confirmée par l'expérience, on connaîtrait mieux le rôle phy- siologique de l'appareil radiculaire et la vie du végétal. La racine, qui a fourni, à la tige, les premiers matériaux de nutrition, serait alors le siége de l’excrétion véritable. Il est de science certaine, que EXCRÉTION. 133 la séve élaborée, dans son trajet descendant, laisse, chemin faisant, tout ce qui entre dans la composition du végétal; les huiles essen- elles et les résines restent dans les lacunes de l'écorce; la séve, dépouillée dans ce parcours, arrive aux racines ne contenant que peu de principes nutritifs, et chargée, pour ainsi dire, exclusivement des sucs propres. C'est pourquoi les racines se trouvent de préfé- rence le siége des principes médicamenteux. Le résidu de la séve serait alors rejeté au dehors, et apparaîtrait à l'extrémité des racines sous une forme mucilagineuse. Ce serait là la véritable excrétion de la plante. La seule preuve qu’on apporte de la réalité de cette théorie repose sur les expériences de M. Macaire, qui à fait absorber, par une plante, des solutions métalliques qui se retrouvaient ensuite, suivant lui, dans l’eau pure, où l'on avait plongé la racine; ce qui portait naturellement à conclure, que la plante avait éliminé, par cette voie, les substances inassimilables. Ce qui jette du doute sur ce point, encore si obscur, de la science, c'est que d'autres expérimentateurs, ayant cherché à répéter l’ex- périence, n'ont pas retrouvé, dans le liquide, la substance charriée par absorption dans le torrent de la circulation, et qui, ne trouvant nulle part à s’assimiler, aurait dû, conformément aux conclusions de M. Macaire, repasser dans le liquide. On peut, au reste, répéter les expériences déjà faites, pour se con- vaincre de la réalité de cette théorie. De jeunes haricots, placés pen- dant quelques jours dans de l'eau distillée, la saturent, dit-on, de matière excrétée, et l'on recommande de mettre chaque jour une plante nouvelle dans l'eau, pour en éviter la décomposition. M. J.S. Henslow, dans son Traité des principes de botanique descrip- tive et de physiologie (The principles of descriptive and physiological botany), publié en 1835, prétend que, suivant les familles, les ex- crétions sont différentes. Ainsi les papilionacées contiendraient une malière mucilagineuse abondante; les graminées, au contraire, n’en conliendraient que fort peu; les chicoracées excréteraient une ma- tière amère, analogue à l'opium, et les euphorbiacées une matière résineuse. Il faut regarder ces asserlions comme douteuses. Quoi qu'il en soit, l’excrétion de la plante a-t-elle positivement lieu? comment, et par quelle voie, sous quelle forme? c’est ce qu’on ignore et ce que, sans doute, des observations ultérieures nous apprendront. Botan., T. I. 28 CHAPITRE XII ASSIMILATION La question de l'accroissement et de l'entretien de la vie, dans les végétaux, est une des plus ardues de la physiologie végétale, et nous n’en savons guère plus sur ce point que sur la physiologie ani- male, où tout est incertitude. La vie ne se continue, cependant, que par la mise en œuvre des matériaux de nutrition qui ont subi les divers degrés d'élaboration dont il a été question dans les chapitres précédents. Le fluide nourricier, charrié dans toutes les parties de la plante, sert à leur accroissement ou à la réparation des pertes qui résultent de l’activité des fonctions vitales. La dernière de ces fonctions, celle qui préside à la création ou à la régénération des tissus, porte le nom d'assémélalion : elle agit en vertu de lois qui nous sont incon- nues. Ce que nous suivons de l'œil et de la pensée, c’est la trans- formation successive des premiers fluides nourriciers en matériaux d’assimilation. Nous ne chercherons pas à expliquer ce phénomène, qui est encore enveloppé de mystère. Tant que nous ne connaîtrons pas le vérilable mode d’accroissement des cellules, nous serons dans l'ignorance réelle de la transformation des matériaux de nutrition en tissu. Il semble cependant que le mode primitif, le plus naturel, est celui des végétaux inférieurs. Dans les conferves, les spores ovoides se multiplient par une sorte de dédoublement : il se forme une cloi- son au milieu de la cellule, et celle-ci se trouve doublée quand la cloison est complète. Dans les mêmes végétaux il y a aussi la multi- plication ou l'accroissement par gemmation ; car dans les êtres de cette classe, les deux mots sont synonymes; il se forme un bourgeon latéral qui reste en rapport avec la cellule mère et se trouve, ensuite, séparé par un étranglement qui le rend indépendant. Il faut étudier l'accroissement des cellules dans les conferves, les zygnema, les os- cillaires, les bangia, et ces infiniment petits qui se rapprochent des animaux, à tel point que leur place est encore incertaine. La multi- ASSIMILATION. 135 plication à lieu sans doute comme dans les infusoires, par dissolu- tion du corps générateur, qui se divise à l'infini. Le premier fait à examiner est done celui de l’accroissement par- liculier des organes élémentaires, puis la transformation de ceux-ci en organes fondamentaux. Nous avons parlé, dans le chapitre premier du second livre, de la génération des cellules, et exposé la théorie de M. Schleiden ainsi que celle de M. de Mirbel : il nous reste maintenant à parler de la formation des faisceaux fibro-vasculaires, autrement dit de l’organi- sation de la partie ligneuse, qui constitue l'accroissement des tiges. Dans cette grande et intéressante question qui va faire l’objet du dernier chapitre de ce volume, des écoles rivales sont en présence. Nous ferons en sorte de montrer avec impartialité le point de départ, la marche de chacune. Nous ne perdrons pas même de vue que celui auquel l'avenir de la science ne donnerait pas raison, serait encore un glorieux vaincu qui aurait servi au développement du mérite de son adversaire en le combattant, et que c’est du choc des opinions diverses que l'éclair se dégage. Disons tout de suite qu'il faut savoir gré aux opinions qui faiblissent avec dignité après avoir été long- temps victorieuses avec convenance, et que leurs concessions succes- sives, bien que faites avec une certaine réserve, ont une valeur d'autant plus grande que leur point de départ était plus éloigné de ce qui sera un jour la vérité sans conteste. CHAPITRE XIII ACCROISSEMENT DES TIGES/ Toute tige où branche naît d’un germe, embryon ou œil, et, en se développant, elle s'accroit en même temps en longueur et en diamètre. Pendant la première année, la tige s'allonge par toute sa longueur, à peu près également, et non pas seulement par son extrémité ; c’est ce que démontre l'observation des faits naturels. En effet, lorsqu'un axe quelconque, tige ou branche, se développe, les feuilles qui existent, sur toute sa longueur, sont d'abord très-rapprochées les unes des autres, les supérieures beaucoup plus que les inférieures. Mais au fur et à mesure que la tige s’allonge, ces feuilles se trouvent de plus en plus espacées, et finissent par être à peu près régulièrement distancées à l’époque où cesse la végétation. A partir de ce moment, cette portion formée ne croît plus en longueur. La tige peut cepen- dant allonger encore; mais alors par le développement de l'œil ou bourgeon qui se trouve à son sommet, et qui se développe, à son tour, en suivant les mêmes lois organiques; de telle sorle qu’une tige croit en hauteur par le développement successif du bourgeon terminal. En même temps qu'elle s’allonge, la tige prend, pendant sa première année, une certaine épaisseur, dont l'accroissement s'ar- rêle, comme l'allongement, à la cessation de la végétation annuelle. Les années suivantes elle s’accroit encore en diamètre, non plus par la croissance de ses anciens tissus, mais par l’adjonction de nouvelles couches ligneuses qui s’interposent, comme on le sait, entre l'écorce et la zone de bois précédemment formée. Comment se forment ces nouveaux tissus qu'on nomme faisceaux fibro-vasculaires, et qui déterminent ainsi l'épaississement de la tige? Et quelle est leur origine? C’est là que la confusion commence. 1. Ce chapitre, qui conduit l'étude physiologique des organes de la végétation jus- qu'aux dernières investigations de la science, est dû tout entier à M. Herincq. ACCROISSEMENT DES TIGES. A3T Deux écoles, l'école de M. de Mirbel et l'école de M. Gaudichaud, s'agitent en sens contraires pour donner l'explication de ce phénomène, qui intéresse au plus haut point la sylviculture ou l'art du forestier. Suivant M. de Mirbel, le combrum ou fluide générateur joue, dans la formation des faisceaux fibro-vasculaires, qui constituent les couches ligneuses de la tige, le même rôle que dans la formation des tissus; c'est-à-dire qu'il commence par créer les uns pour for- mer ensuite les autres. Rien de plus simple que cette théorie : Au printemps il apparait entre l'écorce et le bois un fluide non orga- nisé : c’est le cambium. Bientôt après, ce fluide s'organise en une couche de tissu cellulaire; puis, ‘des cellules prédestinées se trans- forment, les unes en fibres ligneuses, et les autres en trachées, vais- seaux ponctués, rayés, ete., etc. Cette théorie, qui peut expliquer tous les phénomènes d'accroisse- ment par la présence du cambium, et les phénomènes d’avortement par l'absence de ce fluide générateur, ne satisfait pas néanmoins complétement l'esprit; car elle ne dit nullement comment, et en vertu de quelle puissance plastique, le cambium, dont on peut ad- mettre, jusqu’à certain point, la transformation en cellules, s'organise, d'un côté, en fibres ligneuses et en vaisseaux de différentes formes, et de l’autre en fibres libériennes et en vaisseaux laticifères. Du reste, les physiologistes de l'école du cembium ne sont pas eux-mêmes d'accord sur l’origine de ce fluide organisable, ni sur la manière dont il s'organise. Pour les uns, Malpighi particulièrement, le cambium provient de l'écorce; il forme d’abord le liber, dont la couche la plus exté- rieure se transforme en bois. Pour les autres, en tête desquels est Grew, le cambium provient du liber; il forme directement du bois, sans passer préalablement à l’état de liber. Duhamel de Monceau, à la suite d'expériences, a conclu, mais sans décider entre Malpighi et Grew, que le bois est dû à l'écorce et se forme au moyen d’un muei- lage, sécrété par le tissu cortical, qu'il a nommé, le premier, camn- bium. M. de Mirbel a successivement soutenu ces deux opinions, qu'il a abandonnées plus tard. D'après une troisième opinion, émise par Hales, c’est l'aubier qui fournit le cambium, et c’est sa partie exté- rieure qui se transforme en écorce. Enfin Mustel et Dutrochet ont établi que l’aubier produit du cambium, qui s'organise directe- ment en bois pour former une nouvelle couche ligneuse, et que 138 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. le liber fournit le cambium, d'où naissent les fibres du liber. De toutes ces opinions, il est sorti le cambium de l’école mo- derne, qui a modifié plusieurs fois ses principes au sujet de l’orga- nisation de celui-ci. Le cambium de l’école dont M. Mirbel est resté le chef, fut d’abord une substance mucilagineuse qui s’organisait à la fois, au même instant, dans toute la longueur et l'étendue de l'arbre, d’abord en tissu cellulaire, puis en fibres et en vaisseaux de toutes sortes. Plus tard les opinions se modifièrent; le cambium fut une substance mucilagineuse, descendant de la partie supérieure de l'arbre jus- qu’au collet, où elle commençait à s'organiser, en remontant jusqu’au sommet, en tissu cellulaire d'abord, et presque aussitôt en fibres et vaisseaux. Enfin, dans ces dernières années, l’école du cambium, ne pouvant pas suffisamment expliquer la cause de la direction oblique et horizontale des faisceaux fibro-vasculaires, dans les étran- glements spiraux des tiges, dans le bourrelet des boutures et des incisions annulaires, modifia ainsi la théorie de Duhamel et Mirbel : Entre l'écorce et le bois, il existe toujours une couche génératrice mucilagineuse, qui s'organise ensuite en cellules rudimentaires, dont la destinée est différente. Au printemps, et pendant tout le cours de la végétation, des sucs nourriciers descendent des bour- geons ou des rameaux, transforment ces cellules, les unes en fibres, les autres en grosses cellules allongées dont les parois transversales s’oblitèrent pour former les vaisseaux, et la direction de ces fibres et de ces vaisseaux est déterminée par la direction des courants sé- veux qui affluent du sommet du végétal. Ce n’est plus, comme on voit, ni le cambium s’organisant tout à coup dans toute l'étendue du végétal, ni celui qui descend du sommet jusqu’au collet pour commencer à s'organiser de bas en haut. C'est un cambium préexistant ; puis des cellules génératrices, qui ne s'or- ganisent définitivement, qu'après une sorte de fécondation opérée par les sucs nourriciers élaborées par les feuilles. Cette théorie, la plus généralement professée, et qui est due en partie à M. Trécul, micrographe français très-distingué, paraît en opposition avec les lois dynamiques des développements. On ne comprend pas, en effet, comment un tissu générateur, composé de très-petites cellules globuleuses, peut se transformer en un tissu de cellules allongées, quand ce tissu est appliqué sur une tige qui ne ACCROISSEMENT DES TIGES. 439 s'allonge plus et à laquelle il reste invariablement fixé. On compren- drait cette élongalion des articles utriculaires composant les vais- seaux, et des fibres ligneuses et corticales, s'il s'agissait des rameaux annuels seulement, dont l'allongement se fait dans toute la longueur jusqu'au moment de la complète formation; on pourrait admettre qu'il y a là une sorte d'é/rement qui détermine cette transforma- tion d'une cellule globuleuse en cellule allongée; mais cette hypothèse est inadmissible quand il s’agit de l'organisation des fibres et vais- seaux, des nouvelles couches ligneuses, sur une tige constituée qui ne s’allonge plus. Si, en outre, les fibres et les vaisseaux procédaient d'un tissu cellulaire préexistant, on devrait trouver toute la couche génératrice organisée entièrement en cellules, avant l'apparition des premiers faisceaux fibro-vasculaires, dans la zone du cambium. Or, ce n’est pas ce que l'étude microscopique montre si clairement. Ce qu'on aperçoit en examinant le cambium, au moment mème de la reprise de la végétation, ce sont de gros vaisseaux appliqués exactement sur l'ancienne couche ligneuse, sans la moindre interposition de tissu cellulaire, et entourées de cellules déjà allongées dans le sens de la longueur de la tige, excepté celles qui constituent les rayons médul- laires dont l’élongation a lieu dans le sens transversal. Ces gros vais- seaux ne procèdent donc pas de cellules préexistantes. M. Mirbel, le chef de cette école, le reconnait lui-même cepen- dant. «Ces tubes, dit-il dans son Traité d'anatomie et de physiologie végétale, page 186, sont les premiers que les fluides aient ouverts dans le cambium ; je les ai vus au centre de l'embryon fécondé, avant d'y pouvoir reconnaitre la plus légère trace de tissu cellulaire. » La théorie du cambium et du tissu générateur est donc impuis- sante à établir, d’une manière satisfaisante, un système d'organisation de faisceaux fibro-vasculaires, ou, autrement dit, des couches ligneu- ses annuelles. Examinons maintenant la {héorie adverse dite /héorie des phytons. Cette théorie fut incidemment indiquée pour la première fois, en 1708, par le mathématicien, physicien et astronome, Philippe de Lahire, père de Jean-Nicolas de Lahire, plus connu que lui comme botaniste, dans une note ayant pour objet principal, /a perpendieula- rüté des tiges de plantes par rapport à l'horizon, insérée dans l'His- toire de l'Académie des sciences (année 1708, pages 231 à 235). On 110 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. voit dans cette note que, dès l’année 1700, Lahire avait fait part de ses idées à quelques savants, et qu'il n'en avait retardé l'émission que par respect pour le docteur Dodart, qui avait exposé des opinions contraires aux siennes, moins sur ce sujet que sur les causes de la perpendicularité des végétaux; Lahire n’est qu'accessoirement amené, dans ce court écrit, à parler des causes de l'accroissement des tiges‘. Le baron allemand Christian de Wolf, célèbre philosophe, physicien et mathématicien, qu'il ne faut pas confondre avec l'anatomiste Gas- pard-Frédérie Wolf, à qui l’on dut aussi, dans le même siècle, des observations sur la physiologie végétale, porta ensuite son attention sur le même objet que Lahire le père, et consigna, en 1748, ses ob- servations dans un opuseule intitulé : Découverte de la véritable cause de la multiplication des grains (Entdechung der wahren Ursache von der Vermehrung des Gretreides). Ces principes furent plus nettement 1, Voici, en abrégé, ce que dit Lahire sur la question qui nous occupe : « Je suis persuadé que chaque branche qui sort d’une autre à son extrémité ou de l’aisselle d’une feuille, est une nouvelle plante semblable..…., laquelle est un œuf qui y est altaché... » « Ce système de l'accroissement des arbres par des générations toujours nouvelles, lequel a été avancé par de très-savants philosophes, paraît bien confirmé dans les greffes en écusson qui ne contiennent qu'un œuf de la plante ou de l'arbre. Et lors- que le germe de cet œuf est attaché à une tige, il n'y a que la branche qui pousse en dehors; car pour la racine, elle se confond avec la branche en poussant entre son bois et son écorce, ce qu'un remarque assez distinctement dans quelques arbres en les coupant. « Ce qu’on rapporte de certains arbres qui croissent dans l'Amérique méridionale peut servir encore à confirmer ce système. On dit.que ces arbres jettent des branches comme de grands filets qui tendent vers la terre jusqu'à ce qu'ils y soient arrivés, et qu’alors ils jettent des racines et forment de nouveaux arbres de la même espèce de ce- lui qui les a produits, en sorte qu’un seul arbre produit une forêt sans le secours des graines. Mais on pourrait dire plutôt que ces filets, qui sortent du premier arbre, ne sont pas des branches qui tendent vers la terre, mais seulement des racines qui sortent des branches et qui, par leur direction, deivent toujours tendre en bas, et qu'enfin ayant rencontré la terre, elles s'y altachent et y croissent, et que la partie qui est hors de terre pousse des branches comme nous venons de l'expliquer. « Il sera, enfin, très-facile d'expliquer, par ce système, pourquoi un arbre qu'on à étêlé pousse une nouvelle tête composée d’une grande quantité de branches. Car si l’on suppose qu’il y a une infinité de petits œufs de la nature de l'arbre, lesquels sont dis- persés de tous côtés entre l'écorce et le bois, et qui ne peuvent pousser ni éclore que lorsqu'ils auront une quantité suffisante de nourriture, il sera facile de juger que la séve qui coulait avec rapidité vers les extrémités des branches avant que l’arbre füt-coupé, étant contrainte de s'arrêter à l'endroit de la taille et d'y séjourner, et peut-être d'y fermenter, fera éclore et pousser avec assez de vigueur tous les petits germes qui y ACCROISSEMENT DES TIGES, 11 formulés, en 1759, par Georges-Frédérie Môller , et successivement par Érasme Darwin en 1796, par Henri Colta en 1806, et par Jean- Christian-Frédéric Meyer en 1808. En 1805, la mème théorie fut méditée avec plus d’affirmalion et de preuves par Aubert Dupetit-Thouars, qui en exposa les principes dans son Æistoire d'un morceau de bois, publiée en 1815. Dupetit-Thouars, frappé de la singulière manière dont les dru- cæna se ramifiaient, eut l'idée d'expliquer, par analogie, le même développement des branches des dicolylédones, et d'en tirer cette conclusion : que le liber ne se change pas en aubier, comme on le croyait alors; mais que les nouvelles couches ligneuses sont formées par des faisceaux fibro-vasculaires qui descendent des bourgeons en se greffant ensemble, de manière à entourer l’ancien corps de la élaient répandus, pour se faire jour au travers de l'écorce qui est épaisse et fort dure en cet endroit. » On sait comment une erreur de date et de citation d'auteur se perpétue dans les livres : on a de la science et de l'ignorance trop souvent par reproduction, et l’on cite un document par tradition, comme une légende, sans remonter à la source. C’est ce qui parait être arrivé aux observations de Lahire le père, pour lesquelles la plupart des dictionnaires d'histoire naturelle et des livres de botanique, pour ne pas dire tous, ren- voient aux Mémoires de l’Académie des sciences, pour l'année 1719, donnant ainsi, sans le vouloir, la priorité à Wolf. Les mêmes ouvrages, en général, semblent aussi attribuer ces observations à Labhire le fils cadet, le botaniste, et non à Labire le père, l’astronome et physicien. De même, ils paraissent confondre le baron de Wolf avec Gaspard-Frédé- rie Wolff, son contemporain. Nous devons ces reclifications à l’auteur de l'Histoire de la botanique, qui forme annexe à cet ouvrage. Quant aux opinions de Dodard et de Lahire sur les causes de la perpendicularité des plantes par rapport à l'horizon, le premier disait conjecturalement, que « les fibres des tiges sont de telle nature qu’elles se raccourcissent par l'effet de la chaleur du soleil, et s'allongent par l'effet de l'humidité de la terre; qu'au contraire, celles des racines se raccourcissent par l'effet de l'humidité de la terre, et s’allongent par l'effet de la chaleur du soleil; en un mot, qu’on pourrait s’imaginer que la terre attire à elle la racine, et que le soleil contribue à la laisser aller; qu’au contraire, le soleil attire à lui la tige, et que la terre l'envoie en quelque sorte vers le soleil. » — Selon Lahire le père, « la liqueur qui entre dans la racine, sortie du placenta, la fait croitre ; et comme cette liqueur est pesante, elle entraine en bas la pointe de la racine à mesure qu’elle se développe, car cette racine est attachée fixe à son autre extrémité, qui est le nombril de la plante, et par ce moyen cette radicule se courbe peu à peu jusqu’à ce que la pointe soit tournée tout à fait vers le bas, ce qui est encore aidé par l’eau dont la terre est im- bibée, qui l'emporte aussi en descendant. C'est tout le contraire pour la petite tige qui est nourrie par la vapeur qui s'élève toujours en haut, tant celle qui est dans la tige que celle qui sort continuellement de la terre. » 442 PIYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. tige. Dès lors il émit cette opinion : que tout bourgeon ou gemme, qui se développe sur un arbre, est un embryon, dont la jeune pousse, qui s'élève, représente la plumule, et il regarde les faisceaux fibro- vasculaires qui en descendent comme les racines. Aujourd’hui cette théorie, perfectionnée par M. Gaudichaud, a pris place dans la science, à côté de la théorie de l'école du cambium. Elle n’est cependant pas enseignée en France; mais elle est admise en Angleterre et en Allemagne par quelques professeurs, entre autres par M. Lindley, qui a rédigé, d'après ces principes, son remar- quable et excellent traité élémentaire de la botanique. Turpin modifia, plus tard, l'opinion de Dupetit-Thouars. Il admit deux classes de fibres : les unes, selon lui, descendent des bourgeons aériens vers les racines; les autres naissent des extrémités des ra- cines et vont en sens inverse des précédentes. Ces deux théories furent combattues par les physiologistes de l'école du cambium, pour laquelle, comme on l’a vu, la formation de tous les tissus des nouvelles couches ligneuses et corticales s'opère sur place, dans le sens horizontal et non dans le sens vertical, et la théorie de Dupetit-Thouars, mais surlout celle de Turpin, furent délaissées à la mort de leur auteur. M. Charles Gaudichaud, à la suite de nombreuses expériences, faites pendant plusieurs explorations botaniques, dans toutes les par- ties du monde, où il put étudier la nature sur le vivant, et sur des plantes très-différentes, au point de vue organographique, entreprit à son tour de formuler, d’une manière rigoureuse, le système d’Au- bert Dupetit-Thouars, dans un mémoire qui a partagé, en 1835, le prix de physiologie expérimentale, fondé par feu Montyon, et qu'il a publié, en 1841, sous le titre de Zecherches générales sur l'organographie, la physiologie et l'organogénie végétale. Prenant la cellule pour base de sa théorie, il voit en elle l'origine de tout végétal, par conséquent de tous les organes dont l’ensemble constitue la plante entière. Partant de là, il admet qu’une cellule vivante, d’une partie quelconque d’un végétal, étant soumise à des influences favorables à la végétation, peut continuer de vivre, de s’accroitre, et enfin qu’elle peut se convertir en un embryon nu ou bourgeon, comme la cellule primitive embryonnaire constitue. le rudiment de la plante renfermé dans la graine; c’est ce qui a lieu dans les boutures de racines, de portions de feuilles, etc. De ce pre- ACCROISSEMENT DES TIGES. h13 mier principe découle naturellement celui-ci : que ce sont les mêmes lois qui président à l'organisation des différents tissus de l'embryon et à celle du bourgeon. Dans l’un et dans l’autre cas, dans l’em- bryon, comme dans le bourgeon, autour de cette cellule animée, d'autres cellules s'organisent, et au milieu d’elles se forment ensuite des canaux ou vaisseaux divers pour constituer le système vascu- laire. En cet état, le végétal primitif est constitué; c’est pour M. Gau- dichaud un phyton, réduit à son plus simple degré d'organisation, à son premier mérithalle. Tels sont les principes sur lesquels repose le système de Gaudi- chaud, connu sous les noms de Théorie Dupetit-Thouars, Théorie des phytons, et que nous pouvons résumer dans les propositions sui- vantes : 1° Toute cellule d'un végétal peut s'animer et constituer un végé- tal embryonnaire ou phyton. 2° Le végétal phanérogame le plus simple, ou pyton, est réduit à une seule feuille (Atl. F, PI. 52, fig. 1) pour les monocotylédonées et à deux pour les dicotylédonées (fig. 3, 4). a Indépendamment du lissu cellulaire, formant un système rayon- nant, chaque phyton se compose, primitivement, d’un système vas- culaire ou de vaisseaux, qui peut être divisé en supérieur et infé- rieur. Le système supérieur se divise, à son tour, en trois parties ou mérithalles : le mérithalle tigellaire ou tige (7); le mérithalle pé- tiolaire ou pétiole (4), et le mérithalle limbaire ou limbe de la feuille (c). Le système inférieur ou radiculaire (e), qui ne se déve- loppe que dans l'acte de la germination pour l'embryon et dans l'évo- lution du bourgeon, est séparé du système supérieur par le ##6s0- cauléorhize, qui est le véritable collet, premier nœud vital d’où se développent en sens contraire la tige et la racine. 4° Les vaisseaux primitifs du phyton se divisent en deux systèmes : en système ascendant et en système descendant. 5° Les vaisseaux du système ascendant, qui forment le canal ou étui médullaire, sont les /rachées ; ceux du système descendant sont les vaisseaux ponctués, rayés et réticulés. 6° La réunion de plusieurs vaisseaux et de fibres constitue les faisceaux fibro-vasculaires, séparés entre eux par les cellules du sys- tème rayonnant ou des rayons médullaires. 7° Dans les monocotylédones, tous les tissus d’un même faisceau 41 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. restent ordinairement unis et s’accroissent ensemble ; ils se séparent généralement dans les dicotylédones, pour former, d'un côté, le corps ligneux (trachées, vaisseaux et fibres), et de l’autre, le liber, com- posé des fibres corticales : c’est entre ces deux portions disjointes, dans toute leur longueur, que se trouve la voie du cambium, voie dans laquelle se forment ou s'organisent de nouveaux faisceaux qui concourent à l'accroissement en diamètre du bois et de l'écorce. 8° Tout s'organise dans le bourgeon ou embryon qui renferme les rudiments des différents tissus. 9° Enfin, le bourgeon terminal d’un premier phyton (fig. 14), en se développant, donne naissance à un second phyton (PI. 52, fig. 2), composé comme le premier d’un mérithalle tigellaire (4), d'un mérithalle pétiolaire et limbaire appartenant au système ascendant ; et du système descendant ou radiculaire, qui s'organise de haut en bas en dehors des vaisseaux du premier mérithalle tigellaire, en for- mant les vaisseaux ponctués ou réticulés. Les mêmes phénomènes se reproduisent pour le développement du bourgeon qui termine chaque phyton; il en résulte que le mérithalle tigellaire inférieur qui, au moment de sa formation, appartenait exclusivement au système ascendant, se trouve définitivement formé par les deux : le centre composé de trachées qui constituent le système ascendant, et la portion plus extérieure composée de vaisseaux rayés, ponctués et réliculés, qui appartiennent au système descendant ou radiculaire. Telle est, suivant M. Gaudichaud, la manière dont s'organise la tige ou le rameau, pendant la première année de son développement. Cette théorie, qui explique si clairement l’élongation de la tige, la présence des trachées dans l’étui médullaire seulement, son ac- croissement successif et gradué en diamètre, et, enfin, sa forme conique, occasionnée par la descente des systèmes descendants, plus nombreux dans la partie inférieure, puisque c'est le passage de tous les systèmes radiculaires des phytons supérieurs ; cette théorie, disons-nous, n’est pas une simple conception de l'esprit, comme le dit M. Agardh, qui la traite d'idéale et d’imaginaire; elle trouve sa confirmation dans les faits naturels et les nombreuses expériences de l’auteur. [ suffit, pour s'en convaincre, de suivre le développe- ment des bourgeons terminal et axillaires des tiges constituées; de ceux qui naissent des boutures d’un végétal vasculaire; d'une greffe en fente ou en écusson; et enfin d'observer les phénomènes qui se ACCROISSEMENT DES TIGES. 45 produisent à la suile d’une décortication spirale ou annulaire; de l'isolement d'une partie d'écorce sur une tige, et de la suppression de la cime ou de grosses branches d’un arbre dicotylédone. Par le développement du bourgeon terminal, on voit l’élongation de la tige s'opérer par l'apparition successive des nouveaux phytons, qui s'organisent dans le mamelon cellulaire qui est l'extrémité su- périeure de la moelle; et son accroissement en diamètre a lieu par les prolongements du système radiculaire, descendant tout le long de la partie anciennement formée, par la voie du cambium qui sépare le bois de l'écorce. Vus à l'œil nu, après l'enlèvement du syslème cortical, ces prolongements apparaissent comme des canaux plus ou moins ramifiés, soudés les uns aux autres, et empâtés dans une substance mucilagineuse qui est le cambium; en lavant avec soin et légèrement, on enlève le mucilage, et alors ces prolonge- ments forment des veines saillantes et anastomosées. Aux systèmes descendants des phylons du bourgeon terminal s'ajoutent, dans le parcours, ceux des bourgeons latéraux ou axillaires, se croisant, se soudant et s’interposant entre eux, formant ainsi un seul tout qui est la nouvelle couche de bois. Examinée au micros- cope, cette couche présente de gros vaisseaux appliqués immédiate- ment sur l'ancienne couche de bois; puis, en dehors, du tissu fi- breux au milieu duquel apparaissent d’autres vaisseaux, qui tous sont ponctués, rayés ou réliculés, et appartiennent au système des- cendant ou radiculaire; il n'y a pas trace de trachées qui sont les vaisseaux du système ascendant. Mais l’origine et l’organisation de ces prolongements radiculaires, qui constituent les couches ligneuses, sont plus faciles à voir et à suivre dans le développement des bourgeons latéraux. Lorsqu'on coupe un rameau à plusieurs centimètres au-dessus de l'œil, on voit très-manifestement, au premier mouvement d'évolution de cet œil, partir de sa base quelques canaux qui s’écartent et tentent de contourner le corps ligneux; ils forment, à ce premier moment, comme une patte d'oiseau; mais bientôt de nouveaux faisceaux s'ajoutent à eux, et alors on n’aperçoit plus qu'un réseau plus ou moins épais, qui augmente d'autant le diamètre de la tige, dans la portion située seulement au-dessous du bourgeon; car la portion située au-dessus non-seulement est restée stationnaire, mais elle a cessé de vivre; ce n’est plus qu’un chcot desséché. (Voir pl. 52, 146 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. fig. 5.) Si la nouvelle couche de bois était formée par l'organisation du cambium, cette portion supérieure devrait prendre un accrois- sement égal à celui de la partie inférieure ; les faits, comme on voit, prouvent qu'il n'en est pas ainsi. Dans les boutures par portion de lige, les faits sont encore plus concluants : aussitôt que le bourgeon se développe, les prolonge- ments radiculaires apparaissent à sa base, contournent le corps li- gneux pour former une couche concentrique, et descendent ensuite verticalement jusqu'à la section inférieure. Là, ne trouvant plus de point d'appui, si l'on peut employer cette expression, pour conti- nuer leur élongation dans le sens vertical, ces faisceaux contournent de nouveau l’ancien corps ligneux, comme font les racines d’une plante cultivée en pot, parvenues au fond du vase, et c’est alors que cette élongation transversale détermine un bourrelet dans lequel plusieurs faisceaux radiculaires se rassemblent pour former les raei- nes extérieures, qui s’allongent par leur extrémilé en s'enfonçant en terre (PI. 52, fig. 5 et 6). Si le cambium a la propriété de s'organiser sur place, pourquoi les faisceaux fibreux-vasculaires de la couche ligneuse se contour- nent-ils ainsi, à la base de la bouture, de mille manières, au lieu de conserver une direction verticale? Cette question embarrasse non- seulement les partisans du cambium, mais encore ceux de la théorie de l’épigénèse, théorie en vertu de laquelle chaque tissu engendre son semblable par le dédoublement des organes qui le composent ; car ils ne savent expliquer comment un faisceau fibreux-vasculaire vertical peut engendrer, par le dédoublement de ses fibres et vais- seaux, un autre faisceau qui le croise à angle droit. La soudure de la greffe sur le sujet est encore une confirmation de la théorie des phytons. Le fragment de rameau implanté dans la tige, soit dans le corps ligneux, soit entre l'écorce et le bois, se com- porte exactement comme les boutures, avec cette différence, toute- fois, que les filaments radiculaires de ses phytons, au lieu de former de véritables racines, lorsqu'ils arrivent à la section inférieure de la portion de rameau greffée, se prolongent sur le corps ligneux du sujet, où ils concourent à la formation de la nouvelle couche de bois. Deux objections ont été faites, à ce sujet, à la théorie des phytons. Si ce sont les bourgeons de la greffe, dit-on, qui envoient leurs pro- ACCROISSEMENT DES TIGES. 447 longements radiculaires pour former les nouvelles couches du sujet, les couches formées sur la tige, depuis l'opération du greffage, doivent avoir la même texture et la même couleur que les tissus de l'espèce greffée ; c'est ce qui n’a pas lieu. Lorsqu'on greffe un arbre à bois blanc sur un arbre à bois rouge, par exemple, les nouvelles couches qui se forment, annuellement, sur l'arbre à bois rouge greffé, au lieu d'être blanches comme celles de la greffe, sont rouges comme celles du sujet ; donc, rien ne descend de la greffe, tout se forme sur place. Cette objection n’est pas sérieuse. Tous les physiologistes savent parfaitement que la coloration du bois est due à l’action physiolo- gique de l'écorce, et que les lissus fibreux et vasculaires sont toujours incolores. Par conséquent, les couches nouvelles d’un arbre à bois rouge, qui a recu la greffe d’un arbre à bois blanc, doivent iné- vitablement avoir leurs tissus rouges, puisqu'ils sont en con- lact avec une écorce dont le tissu cellulaire est gorgé de matière rouge, qui suinte et teint de la même couleur tous les tissus envi- ronnants. On peut s'assurer de ce fait, en enlevant une bande d’écorce d'un arbre à bois blane, à la place de laquelle on applique une bande d’écorce provenant d'un arbre à bois rouge ; peu de temps après, le bois blanc devient rouge dans toute la partie recouverte par la bande d’écorce rouge. C’est donc bien au principe colorant de l'écorce que le bois doit sa coloration; dès lors, l'objection faite à la théorie des phytons n’est pas fondée. Les expériences les plus concluantes en faveur de la théorie de M. Gaudichaud sont : la décortication annulaire ou spirale, et la sup- pression de la cime d’un arbre ou d’une grosse branche seulement. En effet, lorsqu'on isole, par l'enlèvement d’une bande cireulaire d’écorce, la partie inférieure d’un arbre de sa partie supérieure, et que l'opération est faite pendant l'hiver, on constate, à la fin de l'automne suivant, après une période végétative, qu'il s’est formé une nouvelle couche de bois dans toute l'étendue de la tige située au-dessus de la plaie circulaire, et qu'il ne s’est rien organisé sur la portion située au-dessous; chaque année subséquente le même phé- nomène se répèle, de sorte que le tronc ne prend d’accroissement que dans la partie supérieure. Évidemment, les nouvelles couches formées au-dessus de la décor- lication, proviennent bien des filaments ou faisceaux radiculaires 48 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. descendant des bourgeons, dont l’élongalion verticale est arrêtée par la plaie au-dessus de laquelle ils forment un épais bourrelet, puisque, au-dessous de cette plaie, il ne s'organise jamais rien, malgré la pré- sence du cambium entre le bois et l'écorce. Mais il en est différemment, quand, du bord inférieur de la plaie, quelques cellules de la partie corticale s’animent et donnent nais- sance à des bourgeons. Aussitôt que ceux-ci se développent, il se forme une nouvelle couche concentrique, si les bourgeons assez nombreux sont disposés tout autour de la tige; ou bien c'est une bande verticale plus ou moins large de tissus ligneux, si un seul bourgeon s'est développé, et, alors, cette bande nait de sa base; dans tout le reste de la périphérie de la tige, il ne s'organise rien; les anciens issus, au contraire, se dessèchent. Si le cambium était le générateur des couches ligneuses, il nous semble qu’il s'organiserait, régulièrement, aussi bien là où il n°y a pas de bourgeons que là où il s’en développe. Cette objection, qui porte une si grave atteinte à la théorie de la couche génératrice, a fait in- tervenir l'action des sucs nourriciers descendant des feuilles, et qui joueraient ainsi le rôle de liquide fécondateur, puisqu'il ne se forme rien là où ils ne peuvent parvenir. Mais l'auteur de cet amende- ment, M. Trécul, n'a pas réfléchi que des vaisseaux et des fibres ap- paraissent dans le cambium, bien avant l’entier épanouissement des bourgeons, et à un moment où il n'existe pas encore de feuilles pour élaborer la séve ascendante en sues nourriciers. Ce qui survient à toute la partie inférieure isolée d’un tronc d'arbre se reproduit sous une plaque d’écorce, circonscrite par l'enlèvement d'une bande corlicale. Ainsi, une portion isolée de 10 centimètres ne prend aucun accroissement, tant qu'il ne s'y organise pas un bourgeon; mais dès qu'un bourgeon apparait, il se forme aussitôt une couche de ligneux au-dessous de lui, et rien au-dessus de son point d'insertion : ici encore on voit l'influence des faisceaux radiculaires descendants, et non l'influence de Ja séve descendante. Si enfin on supprime, au printemps, la cime entière d’un jeune arbre, il se développe, généralement, des bourgeons sur une assez grande étendue du tronc; dans ce cas la nouvelle couche ligneuse ne° s'organise qu'au-dessous de ces bourgeons; la portion de la tige située au-dessus du bourgeon le plus élevé se dessèche et meurt; et cepen- dant elle possédait du cambium, tout aussi bien que la portion infé- ACCROISSEMENT DES TIGES. 149 rieure, avant le développement des bourgeons. Mais si, au lieu de supprimer toute la cime de l'arbre, on coupe seulement une des branches inférieures, il se forme une nouvelle couche de bois sur presque toute la périphérie du tronc, excepté au-dessous de la plaie faite par la suppression de la branche. C’est qu’alors cette portion ne reçoit plus les faisceaux radiculaires de la branche qui à produit ceux des couches des années précédentes, et que les faisceaux radi- culaires des branches restantes n’ont pas assez de force pour con- tourner le tronc et parvenir jusqu'à la base de la plaie. Souvent, et c'est un fait très-commun sur les arbres de nos promenades publi- ques, toute la portion verticale située au-dessous de la branche sup- primée ne prend plus le moindre accroissement ; son écorce meurt, et l'arbre présente une longue plaie longitudinale qui s'étend de la cicatrice au sol; le plus bel exemple à citer, du résultat de la sup- pression d'une grosse branche d'arbre, est un catalpa, qui abrite le pavillon de la petite école de botanique du Jardin des Plantes de Paris. Ce défaut d'organisation du tissu ligneux ne peut donc, encore ici, être attribué qu’à l'absence des faisceaux radiculaires des ra- meaux, puisqu'au moment de la suppression de la branche le cam- bium existait. Les saules creux sont aussi un exemple frappant de l'organisa- tion de couches ligneuses par les fibres radiculaires des bourgeons. Ces arbres subissent, comme chacun sait, un élagage des plus irra- tionnels. On coupe toutes les branches exactement au niveau du tronc; de sorte qu'il n’y a aucun bourgeon constitué pour reproduire de nouvelles ramifications; ce sont des cellules qui s'organisent et forment des bourgeons nouveaux. Or il arrive souvent que ces bour- geons ne sont pas disposés d’une manière régulière autour du tronc, mais seulement d'un même côté, qui prend de l'accroissement, tan- dis que le côté qui est dépourvu de bourgeons se dessèche et est détruit peu à peu par l’action des agents extérieurs, et principale ment par l'humidité. On pourrait multiplier les faits qui témoignent en faveur de la théorie de M. Gaudichaud, qu'une mort prématurée a enlevé à la science et au principe dont il était en France le seul défenseur; mais nous croyons que ceux qui viennent d'être exposés suffisent pour donner une idée de la justesse des doctrines du savant auteur de la théorie des phytons. Botan., T. I. 29 450 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. Examinons maintenant les faits qui paraissent contraires à cette théorie. On lui oppose, surtout, les excroissances ligneuses qui se forment sur la partie décortiquée du tronc. Ces faits sont rares, et les expé- riences tentées pour les obtenir ne donnent pas toujours le résultat qu’on en espère. M. Trécul, néanmoins, après de nombreux essais de décortication, est parvenu, dit-il, à faire former, sur la partie décor- tiquée d’un arbre, une couche de bois parfait, de quelques millimètres d'épaisseur, composée de fibres ligneuses et de vaisseaux, formant ainsi une plaque isolée sur du vieux bois desséché, et ne communi- quant, avec le reste de la tige, que par la partie vivante du bois sur laquelle elle est appliquée; il a conclu, de ce fait très-rare, et on peut dire exceptionnel, que la théorie des phytons est fondée sur un principe faux, puisque des fibres et des vaisseaux se sont formés, sans qu’on puisse les attribuer à des phytons, la plaque dans laquelle ils ont été observés se trouvant tout à fait isolée. Ces plaques, qu’on obtient quelquefois sur les arbres des bois très-ombreux et un peu humides, à l'époque de la pleine séve, après l'enlèvement de l'écorce, ne sont pas aussi complétement isolées des tissus formés au-dessus de la décortication, qu'on le croit gé- néralement. Au moment où l’on enlève l'écorce, les premiers vais- seaux, entourés de quelques fibres, sont déjà formés dans la partie la plus interne du cambium. Le mouvement, très-actif alors, de la séve détermine le développement de quelques rayons médullaires, qui forment ainsi, de distance en distance, sur la partie dénudée, des excroissances cellulaires, qui protégent les vaisseaux et fibres déjà organisés et conservent leur fraicheur. Mais tout autour de ces excroissances cellulaires, ces mêmes tissus et vaisseaux, exposés à l’action de l’air, se dessèchent et se contractent ; le mucilage qui les enveloppe se trouve lui-même détruit; il s'opère une sorte de retrait, et toute cette partie dénudée semble appartenir à la couche précédente. Telle est l’explication d’un fait que nous avons observé maintes fois, et qui nous à convaincu que toutes ces excrois- sances sont purement cellulaires ; elles n’ont, du reste, qu'une exis- tence éphémère, puisqu'elles ne vivent jamais que pendant l’année de leur formation; nous les avons foujours trouvées desséchées l’année suivante. Mais, en supposant le fait tel qu’il est présenté par M. Trécul, ACCROISSEMENT DES TIGES. 154 il serait aussi difficile à expliquer par la théorie du cambium des auteurs modernes que par celle des phyions ; il confirmerait pleine- ment l'ancienne théorie du cambium par le bois, qui se transforme ensuile en liber; car, si, comme le veut la théorie actuelle, ce sont les sucs nourriciers ou séve élaborée qui descendent, des bourgeons, pour transformer les cellules génératrices en fibres, en cellules al- longées el en faisceaux, dont la direction est déterminée par la direc- tion des courants de séve, on se demande comment, et par quelle voie, ces sucs nourriciers, descendant des feuilles, ont pu parvenir jusqu’à la couche génératrice de ces excroissances, qui sont isolées et entourées de lissus desséchés. . In'ya donc pas lieu de s’arrèter plus longtemps sur ce fait, qui n’a d'importance pour aucune des deux théories, puisque c’est une fausse interprétation du phénomène. Passons maintenant à une autre question d'une plus grande im- portance, et pour laquelle les deux théories présentent des différences fondamentales, c'est-à-dire à l'accroissement des tiges monocotylé- donées. Ce que nous avons dit jusqu'à présent s'applique à l’accroisse- ment des tiges des dicotylédones. Nous avons vu que les deux théories sont d'accord sur la manière dont ces tiges croissent en lon- gueur et en diamètre. L'élongation se fait par le développement du bourgeon terminal, et l’épaississement par l’adjonction, chaque an- née, d’une nouvelle couche ligneuse, qui se forme en dehors des couches anciennement formées : de là le nom de végétaux exogènes, donné aux végétaux dont les tiges présentent cette organisation; le différend n'existe que pour lorigine et l’organisation des tissus qui constituent ces nouvelles couches ligneuses et libériennes ; pour les monocotylédonées, le différend commence dès le point de départ. Considérée dans son ensemble, la tige monocotylédonée offre une masse homogène de tissu cellulaire dans laquelle sont épars les faisceaux ligneux et non rassemblés en couches concentriques ; il n'y a ni moelle, ni rayons médullaires, et l'écorce est remplacée par une couche plus ou moins épaisse de tissu cellulaire extérieur durci. Tous les auteurs de l’école du cambium, qui ont traité de la struc- ture et de la formation dela tige monocotylédonée, s'accordent à dé- 771 h5°2 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. clarer que son organisation se fait d'une manière toute différente de celle des tiges dicotylédonées; que son accroissement n’a lieu que par le sommet, et qu’elle atteint son diamètre dès l'origine de sa forma- lion ; que, par conséquent, elle ne s'accroît plus transversalement. De Candolle, le premier, a cherché à expliquer théoriquement le mode de développement des tiges monocotylédonées. D’après lui, l'organisation de la tige se fait de la manière suivante : Dès la naïs- sance de la plante, ilse développe une première rangée de feuilles qui sont liées au collet par des fibres; à la seconde année, il naît, à l’in- térieur de celte première rangée, une seconde rangée qui à aussi des fibres placées plus intérieurement que les précédentes, et qui, par leur développement, tendent à repousser les premières vers la circonférence ; et il en est ainsi de toutes les autres fibres des années suivantes, jusqu’au moment où les plus extérieures ayant acquis, par l'effet de l’âge, la dureté du bois parfait, ne se prêtent plus à la dis- tension. C’est alors que la première zone formée se solidifie et ne peut plus augmenter de diamètre l’année suivante. Par les mêmes causes la seconde zone se forme en dedans de la première, la troi- sième en dedans de la seconde, et ainsi de toutes les suivantes; de sorte que la tige est rigoureusement cylindrique, que sa partie exté- rieure est composée de bois parfait, et sa partie centrale de fibres non encore solidifiées. D'après cette théorie, l'organisation d’une tige monocotylédonée se fait du centre à la circonférence, c'est-à- dire que les derniers faisceaux formés sont les plus intérieurs : de là le nom d’erdogènes appliqué par de Candolle aux végétaux monoco- tylédones. Plus tard, Desfontaines et Mirbel modifièrent sensiblement la théorie de de Candolle. Ces deux éminents botanistes démontrèrent ceci : le centre de la tige n'est pas précisément le siége de l'orga- nisation, mais les faisceaux se forment à la base de la tige, à la naissance des racines, s'élèvent en s'organisant en dehors des faisceaux anciens, jusqu'un peu au-dessous du sommet de la tige, d'où, à ce moment, ils se dirigent obliquement vers le centre ; parvenus au milieu de l'axe cellulaire, ces faisceaux reprennent une direction opposée, en décrivant une courbe, ce qui les ramène à la circonférence, où les extrémités rencontrent les feuilles avec lesquelles ils s'unissent. Ainsi, d'après Mirbel, l'organisation a lieu de la base au sommet: les nouveaux faisceaux se forment en ACCROISSEMENT DES TIGES. 453 dehors; mais à un moment donné ils se dirigent vers le centre, puis retournent aussitôt vers la circonférence. C’est, comme on voit, un principe d'organisation tout différent de celui du cambium des dicotylédones, puisque, ici, celle organisation a lieu à la périphérie, en commençant par la base, et que les faisceaux pénètrent dans le centre vers la partie supérieure, pour en ressortir un peu plus haut. On ne se rend pas très-bien compte pourquoi la nature emploie ainsi deux modes si différents d'organisation chez les végétaux. D'après M. Gaudichaud, le même principe préside à l'organisa- tion des tiges des monocotylédones et à celle des dicotylédones; la structure et la formation sont les mêmes dans les deux grandes divisions du règne végétal. Des phytons ou feuilles, qui naissent au sommet de la tige, des- cendent les faisceaux radiculaires, comme dans les dicotylédones, et, de mème que dans les tiges de cette classe, c’est en dehors de ceux qui sont le plus anciennement formés. Mais les feuilles n'étant pas aussi nombreuses ici que dans les arbres dicotylédonés, ces faisceaux sont conséquemment moins nombreux el ne forment pas de couches concentriques comme celles qu'on observe dans les arbres de notre climat. Néanmoins, dans les yucca, les pandanus et dracæwna, chez lesquels les feuilles sont plus abondantes que chez les palmiers, les faisceaux radiculaires, étant beaucoup plus nombreux, se greflent entre eux et constituent de véritables couches concentriques, comme dans les dicotylédones. La convergence des faisceaux des palmiers vers le centre, puis la divergence vers la circonférence, qui déterminent une arqüre dont la convexité est tournée en dedans, quand on examine la coupe lon- gitudinale de la partie d’une tige située au-dessous du bouquet terminal, sont le résultat de l'accroissement en longueur, et natu- rellement.en diamètre, du bourgeon terminal garni de feuilles. Mais, d’abord, pour comprendre ce phénomène, il faut aban- donner ce principe éminemment faux de la théorie de M. Mirbel : que la tige monocotylédonée est parfaitement cylindrique dans toute sa hauteur, et qu’elle ne s’accroit pas en diamètre. Pour se convaincre de l'erreur dans laquelle sont tombés les auteurs de cette théorie, il suffit d'examiner tous les palmiers vivants, actuel- lement cultivés dans les serres, et particulièrement les magnifiques 45 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. corypha et latania des serres du Jardin des Plantes de Paris : aucune tige dicotylédonée n'offre une forme conique plus parfaite. La conicité de la tige étant admise, on comprend facilement que l'accroissement en diamètre du bourgeon terminal détermine l'ar- qüre des faisceaux fibro-vasculaires. Étant donné un bourgeon conique, dont le sommet est occupé par une couronne de quelques feuilles, si l’on coupe longitudinalement ce bourgeon, on voit les fibres radiculaires, partant de la base de ses feuilles, descendre verticalement, sans le moindre coude ni ar- qüre, tout le long de la périphérie du stipe et en dehors des fibres précédemment formées des feuilles inférieures. En suivant l'élon- gation de la tige, on voit que de Ja pointe de ce bourgeon terminal nail et se développe une autre couronne des feuilles, dont la direction verticale fait prendre une position oblique aux feuilles situées au- dessous d'elles, et dont nous avons suivi la direction des fibres par- faitement perpendiculaire : le point d'insertion de ces feuilles n’est plus alors terminal et perpendiculaire à l'axe; il est devenu latéral par le fait de la naissance et du développement de Ja nouvelle cou- ronne terminale qui l’a rejeté de côté, et aussi par l'accroissement en diamètre de la portion du bourgeon sur laquelle ces feuilles sont implantées. C’est donc uniquement par ce mouvement de croissance qu'une légère déviation des fibres radiculaires a lieu vers la cir- conférence; si les feuilles de ces plantes étaient annuelles, comme chez beaucoup de dicotylédonées, elles se détacheraient à ce mo- ment de l'arbre, et leurs faisceaux radiculaires ne présenteraient aucune arqüre; ils formeraient la charpente d’un cône, en dehors duquel s’organiseraient les faisceaux descendants des feuilles consti- tuant la couronne supérieure, et qui augmenteraient ainsi le dia- mètre de celte extrémité de la tige, exactement comme les fais- ceaux descendants d’un bourgeon dicotylédoné accroissent le diamètre du rameau qui porte ce bourgeon; et ainsi pour toutes les feuilles subséquentes. Mais, dans les monocotylédones, les feuilles sont persistantes, et chaque année elles éprouvent un déplacement géométrique : de ter- minales qu’elles sont toutes en naissant, elles deviennent latérales, par suite du développement successif d’autres feuilles centrales qui rejellent les anciennes en dehors du bourgeon, dont les tissus con servent leur vitalité jusqu'à la parfaite constitution de la tige. ACCROISSEMENT DES TIGES. 455 Or, les feuilles ainsi déplacées continuent à vivre, et la portion de leurs faisceaux fibro-vasculaires qui se trouve dans la masse cellulaire vivante du bourgeon, s’allonge horizontalement au fur et à mesure de l'accroissement en diamètre de la partie terminale, en vertu de la puissance qui produit l'allongement du bourgeon dicoty- lédoné dans toute son étendue, c’est-à-dire sur tous les points de sa longueur. De là cet entre-croisement si manifeste des faisceaux ou fibres des palmiers, et qui existe aussi, moins manifestement, chez les dicotylédones, mais qu'on voit néanmoins chez les arbres à feuilles persistantes; cette direction horizontale des faisceaux de dicotylédones est très-visible dans un rameau de marronnier. D'après la théorie des phytons, il n’y a donc aucune différence de structure et d'organisation entre les tiges monocotylédonées et celles des dicotylédonées. Si les tiges de palmiers semblent ne point s’ac- croître en diamètre, c’est uniquement parce que le nombre de feuilles qui se développent annuellement au sommet des tiges seu- lement, est souvent très-réduit, et qu’alors les faisceaux radiculaires, en nombre proportionné, peuvent descendre entre les anciens, sans augmenter beaucoup la croissance latérale annuelle du stipe. Cette opinion de l’ancienne école n’est pas soutenable en présence des pandanus et palmiers qui émettent des racines adventives. En effet, aussitôt que les faisceaux descendants se sont fait jour au travers de l'écorce pour se constituer en racines aériennes, la partie de la tige située au-dessous de ces racines ne prend plus d’accroissement en diamètre, tandis que la partie supérieure acquiert toujours un épais- sissement qui est très-considérable chez les pandanus. Il résulte donc de ce qui précède que les deux écoles sont d'ac- cord au sujet de l'accroissement des tiges dicotylédonées : celles-ci s’al- longent, pour les deux partis, par le développement d'un bourgeon terminal, et elles épaississent par la formation annuelle d'une nou- velle couche de bois. 11 n’y a dissidence que sur l'origine et la ma- nière dont s'organisent les tissus qui constituent les couches ligneuses et du liber ; mais, depuis la nouvelle doctrine émise par M. Trécul et acceptée par tous les autres botanistes de la même école, les deux théories se rapprochent de plus en plus, et nous espérons que de tous ces principes fusionnés on pourra un jour tirer la vérité. Pour les monocotylédones, la divergence est complète : les deux théories reposent sur des principes opposés; mais il est probable nn 456 PHYSIOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. que les disciples de M. Mirbel, éclairés par les nombreux exemples de palmiers vivants, dont les tiges sont si manifestement coniques, abandonneront bientôt cette opinion du maitre : que les tiges mo- nocotylédonées sont parfaitement cylindriques et ne s'accroissent pas en diamètre. Le rapprochement deviendra alors plus facile. Quant à la durée de l'accroissement des végétaux, elle est limitée seulement par celle de leur vie. Le végétal diffère donc de l'animal, en ce qu'il n'arrive pas, comme ce dernier, à une époque appelée àge adulte, où tout accroissement cesse, et où la nutrition ne fait que réparer les pertes qui résultent de l'usure des tissus. Dans les plantes, au contraire, la formation incessante de bour- geons rajeunit en eux la vie, et leur donne toujours un développe- ment nouveau, renfermé cependant dans certaines limites : car les végélaux ne croissent pas indéfiniment, et chaque espèce a sa loi de développement ; mais l'accroissement cesse avec la formation des bourgeons, et quand ce phénomène a lieu, la plante ne tarde pas à être frappée de mort. Les végétaux ligneux ont une durée beau- coup plus longue, et l’on cite des exemples de longévité extraordi- naires; aussi pourrait-on dire d'eux que leur accroissement est indéfini, puisque chaque année de nouveaux bourgeons viennent les rajeunir. Il faut donc, pour que la mort arrive, que le tronc, qui est devenu le lien commun entre tous ces êtres nouveaux, se délruise par l’effet des influences ambiantes; mais ce n’est pas, comme chez l'animal, l'effet de l’oblitération et de l'usure réelle des organes qui amène la phase de la vie appelée la vieillesse, ou mieux encore la sénilité; c'est presque une destruction mécanique. On à un exemple de la persistance de la vie dans le végétal et de la destruc- tion successive de ses parties, dans les saules, qui sont souvent réduits aux parties corticales et à quelques couches de tissu ligneux. FIN DU PREMIER VOLUME DE LA BOTANIQUE GÉNÉRALE. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PREMIER VOLUME DU TRAITÉ DE BOTANIQUE GÉNÉRALE ÉNERTISSEMENT DEL ÉDITEUR à - fu. su Na ne ie AYÉRT-PRUPOS/DES AUTEURS MEN ME 7 JS don à Let ce Uno NOTIONSUPRÉLEMMEMNERESS 2 ele PC Cle ele er Du charme et de l'utilité de la botanique. . . . . . . . . . . . . . .. Minisionsderlathotiniques 2 HOME EE Re PMICIDESMODTIEETIER EE HOrDONSaHOnS Re Ee PMU NE net eee pe ne Re TRS HORDICPS IA REC LS ES Un en ee Herbiers art Giels AS AN EE A de Cr Hinidesnotons préminairese 0 ee LIVRE I. — GÉNÉRALITÉS DE LA BOTANIQUE . - . . . - . . . . . . Cuar. I. — Apparition successive des végétaux à la surface du DIONG NES RE TU ET MEN Cuar. I. — Géographie botanique. — Distribution des végétaux à la surface; du 2106 7 2 et Caap. II. — Comparaison des deux règnes Chap. IV, — Chimie végétale Fin du Livre I LIVRE IT. — ORGANES DE LA YVÉGÉTATION . . . . . . . - . . . . . . . CAP TS SAS AMEN LATEST Girl ype déatnivépétal ee COR Cuap. IT, — Racines 458 TABLE DES MATIÈRES. , Car: IVe —tices, rhizomes, bulbes "Re CmirV.. —)Bourgeons ste AR MON ET MERE CHAPANT = RaMICANONS EE AM LE EN UC DU ER Car, Vi d—= Fenilles ere ps A COR RS Cie VIT NS UpUuleS te EU OC CT TE PR CE Caar. IX. — Supports (vrilles et crampons) . . . 2. . . . . Cap. X. — Piquants (épines et aiguillons). . . . . . . . . . . . : Crap.XT = Poilster clandes, SA EE PO PRE CCE CHARPENTE ME BTACIÉES SUCER PUIS ANR CURE Eee Caire X I = Inforescence ler CESR RE UNE Einiqueivre De, ous not ES CN SE CRI CCE LE LIVRE III. — PuHysiOLOGIE DES ORGANES DE LA VÉGÉTATION. . . . . . . Physiclopie des Organes; apercu GÉénÉrAl RE RE Cuar. I. YA DSOEPHION-1 ice CC CR ee CHAP: IT —\Girculation., . M 0 RE RE. CHA PA ITI ESF eSPIra On EE LT Cnap. IV. — De la chaleur dans les végétaux . . . . . . .... ... . | GHAP Ve =WDelaphosphorescence + RL Re CHAR AVES Exhalation: à 5 © 0 en Cr Er ACrar. VIT. FStcrédion + 2e cube RE di Cxar. VIII. — De la coloration dans le végétal. . . . . . . . . . . . .. Cap. IX. — Des odeurs dans les végétaux . . . . . . . . . . . . . . CxAp. X. — Des saveurs dans les végétaux. . . . à . . une. GAP NT EX CTÉUONS. 202 2. ee ro cc AT MR ICE: CHAR ENT YASSIMIIALION LE... RAS nc a 0 Die Car. XI: —"Accroissement, des tiges. Nue CET. On AI Le = ue nb Eceais. PR er FIN DE LA TABLE DU PREMIER VOLUME DE LA BOTANIQUE GÉNÉRALE. Paris. — Imp. P.-A. BOURDIER et Ci, rue Mazarine, 30. 347 349 LU 5 00103 2166 Dre