M m D. H. HILL LIBM?y NORTW C/GOLirM ST4TE COLLEGE ENTOMOL06IG4L COLLECTION This book may be kept out TWO WEEKS ONLY, and is subject to a fine of FIVE CENTS a day thereafter. It is due on the day indicated below: 50M— May-54— Form 3 LES INSECTES DE LA VIGNE Tous droits de Traduction réservés. MONTPELLIER. — TYfOGHAFHJE ET LITHOGUAI IUK CHAULES BOEHM /UyO^lA**^ BIBLIOTHÈQUE DU PROGRÈS iGRICOLEK LES INSECTES DE LA VIGNE L'Ait VALÉRY MAYET PROFESSEUR DE ZOOLOGIE GÉNÉRALE ET d' ENTOMOLOGIE A L'ÉCOLE NATIONALE d'aGKICDLTURE DE MONTPELLIER, SOUS-DIRECTEUR DE LA STATION SÉRICICOLE, DÉLÉGUÉ DE l' ACADÉMIE DES SCIENCES, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET LETTRES DE MONTPELLIER, DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE d' AGRICULTURE DE l'hÉRAULT, ETC. Avec 5 Planches dont 4 en Chromo et SO Figures dans le Texte. MONTPELLIER CAMILLE GOULET, LIBRAIRE-ÉDITEUR LIBRAIRE DE La BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE, DE L'ÉCOLE NATIONALE d'agriculture et de l'académie des sciences et lettres, grand'rue, 5. PARIS GEORGES MASSON, LIBRAIRE-ÉDITEUR LIBRAIRIE DE LACADÉMIE DE MÉDECINE. 120, Boulevard Saint-Germain (en face l'Ecole de Médecine) 1890 Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from NCSU Libraries http://www.archive.org/details/lesinsectesdelavOOmaye A MON FRÈRE AINE ALBIN MAYET Hommage affectueux. VALERY MAYET. INTRODUCTION. La liste des parasites, animaux ou végétaux, qui s'attaquent ;i nos récoltes augmente d'année en année. Par leur histoire mieux connue, leur développement mieux étudié et aussi par ses applica- tions empruntées à la chimie et à la physique, la science semble- rait, au premier abord, devoir en diminuer le nombre ; il n'en est rien cependant. Si la quantité des individus décroît beaucoup dans certains cas, celle des espèces s'accroît sensiblement. Depuis un demi-siècle, la facilité de plus en plus grande des communications ', la tendance des agriculteurs à se borner h une même culture dans un milieu approprié, permettent l'acclimatation de nombreux types étrangers et leur diffusion rapide. Il y a une vingtaine d'années que nous nous occupons de cette question au point de vue entomologique. Différentes études pu- bliées déjà par nous sur les insectes qui attaquent la vigne, la cul- ture française par excellence, divers documents recueillis et encore inédits, nous ont engagé à donner aujourd'hui une revision de ce qui a été écrit et observé sur les Insectes ampélophages2. Nous n'avons pas la prétention d'avoir réuni tous les documents : le sujet est trop vaste ! Chaque année, en France et à l'Étranger, se publient des travaux, de tous les pays vignobles nous viennent 1 On ne met aujourd'hui que 7 à 8 jours pour aller du Havre à New-York et G à 7 seulement si l'on part de Liverpool. Voici, comme temps, le chiffre officiel des traversées récentes les plus rapides opérées par les navires de la Compagnie transatlantique: du Havre à New-York, paquebot la Bourgogne, 7 jours 13 heures ; la Champagne, 7 jours 20 heures-, de New-York au Havre, la Bourgogne, 7 jours 14 heures, la Champagne, 7 jours 20 heures. L'Oricnl-Exprcss a mis Constan- tinople à 4 jours de Paris, et les chemins de fer établis par les Russes dans l'Asie centrale réduiront prochainement à 10 ou 12 jours le voyage de Paris aux Indes. 2 Arnpélophage, de y.pnù.'}; vigne, et tpKyuv manger. VI INTRODUCTION. des communications nouvelles et intéressantes, et, s'il nous est donné de publier une seconde édition, elle sera certainement plus complète que la première. Comme toute œuvre qui n'est pas parfaite, celle-ci fera naître des critiques, provoquera des observations dont nous profiterons avec empressement, en vue de cette seconde édition. Tout en donnant des détails techniques, nous tâcherons de res- te r clair et pratique, citant les étymologies, expliquant les obscu- rités, évitant les formules, nous mettant, en un mot, à la portée du plus grand nombre. Donner un historique succinct complété par une note bibliogra- phique, décrire l'insecte, ses métamorphoses, ses mœurs, ses ra- vages, indiquer les moyens de lutte : tel est le plan de notre travail. Qu'est-ce qu'un insecte? Pour bien des gens, c'est un petit ani- mal quelconque, et tout petit animal peut être appelé insecte. De- puis Réaumur, qui volontiers parlait ainsi, la science a marché. A ce groupe des Insectes que les naturalistes appellent une classe, nous ne laisserons pas même l'extension que lui donnait Linné, et avec les entomologistes modernes nous ne comprendrons sous ce nom que les animaux Articulés ou Arthropodes ayant six pieds, jamais plus, jamais moins, ayant d'ordinaire quatre ailes, subissant des métamorphoses, ne grossissant pas à Vétat parfait, mourant aussitôt lacté de la reproduction accompli. Laissant donc de côté les Mollusques, escargots ou autres, qui al laquent les jeunes pousses, ne parlant pas davantage des An- guillules des racines ', qui sont des Vers, nous ne ferons excep- tion à notre règle que pour les Acariens produisant la maladie des feuilles appelée Érinose, qui sont des Arachnides ou Articulés à huit pieds et que les entomologistes de tous les pays compren- nent dans leurs études. -A Les naturalistes ont divisé la classe des Insectes en sept grou- 1 Anguillula radicicola Greef. Voir au sujet de ce petit Ver Nematoïde, trouvé à Montpellier par M. Ravaz, produisant des renflements comparables à ceux du Phylloxéra et qui, à ce titre, nous intéresse : Max. Cornu ; Élude sur le Phyl- loxéra vastatrix, pag. 172 (imprimerie nationale, 1878). — Bellati et Saccardo ; Alti dcl R. Instituto Veneto di Scienze, Letterc e Arti, 1881. — F. de Almedia e Brito ; Le Phylloxéra cl autres épiphyties de la vigne en Portugal. Lisbonne, 1884, pag. 27. — Prof. Ottavio Ottavi ; Viticoltura teoricopratica. Casale, 1885, pag. 888. — Foëx ; Cours complet de viticulture. Montpellier, 1888, pag. 520. INTRODUCTION. VU pes. qu'ils ont appelés des ordres. Ces divisions étant basées sur la conformation de la bouche, le nombre et la forme des ailes, nous avons pu dresser le petit tableau suivant, destiné à montrer les affinités des différents ordres entre eux : A.PPABEIL lilCCAL Ailes Ordres Types 2 ailes supérieures développées ; les ( inférieures réduites à des balan- i Diptères '. n.iftre Suceur. 4 ailes Les supérieures, souvent 1/2 solides, 1 /2 membra- neuses-, les inférieures, membraneuses. Hémiptères. on w H I Recouvertes d'écaillé? bril F lantes et colorées, imbri quées comme 1 d'un toit. 4 ailes membraneuses et réticulées Broyeur. 4 ailes, les supérieures parchemi- nées, les inférieures pliées en éventail K Sri i Lôp|d0Ptôres- Névroptères. Orthoptères. 4 ailes, les supérieures solides, ap- pelées élytres, servant d'étui aux inférieures, qui sont membraneuses et pliées transversalement. Lécheur. 4 ailes membraneuses transparentes. Coléoptères. Hyménoptères Cécidomie Phylloxéra Pyrale Termite Criquet Altise Guêpe Appareil buccal suceur, broyeur, lécheur : ceci demande une explication ! Sans donner une description complète de la bouche des insectes, nous devons entrer dans quelques détails, inutiles peut-être à la plupart de nos lecteurs, mais qui rendront quel- ques services à ceux qui ont écrit que la vigne succombait sous la dent du Phylloxéra. Les parties de la bouche des insectes étudiées chez un animal 1 Les étymologies de ces noms d'ordres sont les suivantes : Diptères, deôc's deux, nrepôt aile ; Hémiptères, de -/jpuau; demi ; Lépidoptèras, de ïzni; écaille ; Névroptères, de vêûpov nervure ; Orthoptères, de ofâç droit ; Coléoptères, de xo).eôî étui ; Hyménoptères, de û^v membrane. VIII INTRODUCTION*. broyeur, le Criquet par exemple, se composent dune lèvre supé- rieure, d'une lèvre inférieure, d'une paire de mandibules appelées vulgairement pinces, placées latéralement au-dessous de la lèvre supérieure, et d'une paire de mâchoires situées au-dessous des mandibules. Celles-ci sont destinées à saisir, à couper la feuille ; les mâchoires, à la mâcher et à la pousser dans l'œsophage. La position latérale des mandibules et des mâchoires indique que leurs mouvements s'exécutent horizontalement et non vertica- lement, comme chez les animaux supérieurs. Cette bouche, que nous appellerons normale, se modifie profondément chez les insec- tes appelés à lécher ou à sucer. La bouche d'un insecte suceur, le Phylloxéra par exemple, nous servira de type pour montrer une de ces adaptations particulières qui permettent cependant de re- trouver toutes les parties constitutives delà bouche normale. Chez le Phylloxéra, comme chez tous les Hémiptères, du reste, la lèvre supérieure est atrophiée, la lèvre inférieure est au con- traire longue et transformée en gaîne articulée, pouvant s'allon- ger ou se raccourcir comme une lunette d'approche. Cette gaîne sert d'étui protecteur à quatre stylets solides, dont deux sont sou- dés ensemble, entre lesquels se trouve l'ouverture buccale ; ils constituent l'appareil perforant et ne sont que les mandibules et les mâchoires modifiées. Fidèle à notre habitude, qui est de procéder du simple au com- posé, nous avons mis en première ligne sur notre tableau les Dip- tères, considérés comme insectes inférieurs, et nous terminons par les Hyménoptères, qui peuvent être appelés insectes supérieurs. Les insectes, avons-nous dit, subissent des métamorphoses ; on nomme ainsi des changements de formes qui d'un œuf font une larve (chenille), d'une larve une nymphe (chrysalide), d'une nym- phe un insecte parfait, apte à se reproduire. Tous les insectes passent par ces quatre états; mais il y a parfois simplification. Dans ce cas, l'animal sort de l'œuf avec sa forme définitive ou à peu près ; les métamorphoses se réduisent à de simples mues et le passage d'une forme à l'autre est peu sensible (blattes, sauterelles, punaises, etc.) Parfois, au contraire, le phénomène se complique. Certains Insectes passent par plusieurs formes larvaires, dans le détail desquelles nous n'avons pas à entrer ici (Insectes vésicants) ; ou bien encore, pendant la série des générations, divers états par- faits apparaissent. Les uns, appelés formes agames, se multiplient INTRODUCTION. IX sans fécondation apparente, autrement dit par parthénogenèse ', et la forme sexuée, pondant des œufs normalement fécondés, n'ap- paraît qu'à un moment donné (cynips, pucerons, phylloxéra, etc.). La larve, au point de vue agricole, est bien plus importante que l'insecte parfait. Ce dernier n'est généralement destiné qu'à assu- rer la perpétuité de la race. C'est sous la forme embryonnaire, qu'on appelle larve, que l'insecte accomplit le plus souvent le man- dat qui lui a été tracé. Que sont en effet les vingt ou trente jours de forme parfaite pour les deux cigales américaines observées par M. Riley aux environs de Saint-Louis (Missouri) ? L'une, la Cicada tredecim, passe sous terre, suçant les racines, treize ans à l'état larvaire; l'autre, la Cicada septemdecim, dix-sept ans dans le même état. La larve est une forme embryonnaire, si l'on veut, mais un embryon qui vit plus longtemps que l'animal parfait ; qui marche, broute, taille, perfore, suce, détruit en un mot, non seu- lement pour se nourrir sur le moment, mais pour emmagasiner des réserves physiologiques qui lui permettent de vivre, sans manger, à l'état de nymphe et même d'insecte parfait. La Pyrale, qui, à une époque, amis en question l'existence même de la vigne, sort de la chrysalide, s'accouple et meurt sans avoir mangé; il en est de même de la Cochylis et d'un grand nombre d'autres insectes. De tous les végétaux cultivés, la vigne est certainement celui qui aie plus d'ennemis. Elle a non seulement les parasites qui lui sont particuliers, mais aussi ceux d'un grand nombre de végétaux sauvages et cultivés. Quand nous semons du blé ou de la luzerne, nous savons que l'une ou l'autre de ces cultures risquent fort d'être attaquées par les insectes ; mais nous sommes certains que les parasites du blé n'attaqueront pas la luzerne, et vice versa. Pourquoi cette exception au détriment d'une de nos principales cultures ? C'est ce que je vais tâcher d'expliquer. Nous avons fait de la vigne un végétal essentiellement favora- ble au développement des insectes. Soit par le semis, soit par l'hy- bridation, pour l'obtention de variétés nouvelles, soit par la greffe, nous avons profondément modifié sa constitution, ses tissus, ses organes végétatifs et ses fruits, l'éloignant ainsi de plus en plus du type sauvage, bien mieux armé pour la résistance. Chaque an- ' Agame, de « sans, et '/ipo; mariage ; parthénogenèse, de nx^ivo; vierge, et '/£v£7t; génération. X INTRODUCTION. née, la vigne est taillée, fumée, labourée, irriguée, et même sub- mergée. En lui donnant de l'eau, en la fumant, nous lui faisons pousser de gros bourgeons remplis de sève sucrée, portant des feuilles également riches en sucre, comme toutes celles des végé- taux en voie de développement rapide '. Les tissus ne renferment ni huiles essentielles, ni alcaloïdes, ni acides en excès dont l'odeur ou la saveur puisse écarter les insectes étrangers au végétal. La feuille est très aqueuse, très peu lignifiée; le tissu en palissade sous-épidermique n'a qu'une seule couche, le tissu lacuneux l'est fortement; la feuille, en un mot, est très tendre. Le fait de cette pré- férence malheureuse accordée à la vigne parles insectes polyphages est ce que le Dr Laboulbène (Comptes rendus Acad. des Se, mai 1888) a très bien appelé V adaptation d'un parasite à un hâte plus favorable ou meilleur. De plus, en labourant ou en piochant trois ou quatre fois dans l'année, nous fournissons un abri assuré et d'un accès facile à tous les insectes (et ils sont nombreux) dont les métamorphoses s'opèrent dans le sol. A ces conditions, si propres déjà à attirer et à multiplier les parasites, nous en ajoutons d'autres : nous faisons souvent de la vigne notre culture exclusive, nous arrachons les bois, les haies, les arbres isolés, les plantes basses qui poussent entre les souches. Nous forçons ainsi certains insectes qui sont polyphages 2 à se réfugier sur la vigne. En ce qui concerne ces usages viticoles, sur lesquels nous revien- drons, usages qui d'insectes inoffensifs font parfois des ampélo- phages dangereux, il est a propos, croyons-nous, de mentionner ici une des observations intéressantes faites par nous à ce sujet. Nous nous sommes assuré de la présence d'une grande quan- tité de sucre (glucose) dans les jeunes pousses de la vigne, au moyen du réactif ordinaire, la liqueur de Fehling (tartrate cupro- potassique). Ces recherches ont été faites au laboratoire de bota- nique de la Faculté des Sciences de Montpellier. Après ébullition, le cuivre, réduit par le glucose, est, comme on le sait, précipité à l'état d'oxyde de cuivre sous forme de granulations amorphes de 1 Les accumulations de substances sucrées se forment chez les plantes dans le voisinage des régions qui doivent pren Ire ultérieurement un développement spécial (ovaire) ou près des organes en voie de développement (bourgeon). (G. Bonnier; Les Nectaires. Ann. des Se. nat , Bot., Ge série 1379, pag. 202.) 2 Polyphage, de nolxjç nombreux, et yaysïv manger. INTRODUCTION'. Xt couleur rouge. La réaction, très faible avec les feuilles adultes, a été au contraire très accentuée avec des tiges et des jeunes feuilles, aussi accentuée qu'avec des coupes pratiquées dans un nectaire de rose ou des bases de pétales de la même fleur. Nous tenions à établir ce point de comparaison, car, à plusieurs reprises depuis trois ans, nous avons reçu de Provence, d'Algérie, de Corse et de l'île de Négrepont (Grèce) des cétoines envoyées comme insectes ampélophages et exerçant, dès la fin de mars, de très grands ravages sur les bourgeons. Ces Coléoptères, dont le type connu de tous est la Cétoine dorée, si commune sur les roses, passent pour vivre exclusivement sur les fleurs des Rosacées, des Crucifères, etc., broutant les parties riches en sucre. Les espèces envoyées comme ampélophages sont les Cetonia hirtella et stictici ; la première est commune tout autour de la Méditerranée. A défaut de fleurs à leur convenance, multipliés peut-être par les fumures (les larves de cétoines vivent de détritus), ces insectes se sont abattus sur de jeunes pousses de vignes leur offrant, comme com- position chimique, une certaine analogie aVec leur nourriture ha- bituelle. Déjà, au siècle dernier, le fait avait été signalé par un naturaliste d'outre-Rhin, Gmelin, qui avait rencontré abondam- ment la C. hirtella sur la vigne au bord du Volga '. Nous avons personnellement fait sur cette même espèce une observation, intéressante en ce qu'elle prouve que certaines cétoines vont chercher leur nourriture sucrée partout où elles peuvent la trouver. Dans un voyage récent dans le Sahara tuni- sien, il nous est arrivé plusieurs fois de trouver sous les déjec- tions de nos chevaux des C. hirtella occupées à manger des grains d'orge dont sans doute l'amidon avait été en partie changé en sucre par la digestion. Vivant dans des pays où il n'y a ni fleurs ni feuilles tendres à brouter, ces insectes, toujours floricoles en France, deviennent coprophages 2 dans le désert, comme ailleurs ils deviennent ampélophages. Nous pourrions multiplier ces exemples à'ampélophagie acci- dentelle ; mais ici un seul suffit pour que nous ayons été compris du lecteur. Nous aurons du reste l'occasion de revenir sur ce sujet. En ce qui concerne l'envahissement extraordinaire des vignes, ' Gmelin ; Systema nalurx Linnœi, editio XIII, 1788. 1 Copropliage, de v.onf>o; tiente, et çpayîîv manger. XII INTRODUCTION. disons enfin que l'étendue elle-même de nos champs est une con- dition très défavorable au végétal. Quand les immenses vigno- bles qu'on appelle la Bourgogne, le Bordelais ou le Languedoc sont attaqués à l'une de leurs extrémités, il n'y a pas de raison pour que le fléau, de proche en proche, n'envahisse tout le pays. Nous en avons fait la triste expérience avec le Phylloxéra. Telles sont les causes multiples qui, selon nous, attirent sur la vigne un si grand nombre de parasites. Est-ce à dire pour cela qu'il faille cesser de tailler, de greffer, de fumer, de biner, etc. ? Loin de moi cette pensée, et ceux qui conseillaient comme remède contre le Phylloxéra de laisser pousser la vigne à son gré, de tasser la terre au lieu de la piocher, n'étaient pas, à coup sûr, des agriculteurs pratiques. Il y en a même qui ont été jusqu'à conseiller de paver le sol entre les sou- ches. Tout cela doit être relégué dans le domaine de la fantaisie, et l'on continuera toujours à tailler, à greffer, à fumer, à labourer, à cultiver des plants délicats, parce que les avantages de ces divers procédés de culture sont plus grands que leurs inconvénients. J'ai tenu seulement à signaler ces inconvénients, parce qu'ils sont ignorés de bien des gens qui ne cessent de s'étonner de la quan- tité des ennemis de la vigne. Le nombre des espèces exclusive- ment ampélophages est, en somme, minime et peut être évalué à une dizaine ; celui des ampélophages de circonstance est plus que décuple, comme on le verra plus loin. D'une manière générale et comme conclusion de ce qui précède, nous dirons que la loi du parasitisme est une loi bienfaisante tant qu'elle reste dans les limites tracées par la nature, elle maintient l'équilibre des espèces, dont telle ou telle tendrait à supplanter les autres ; mais dès que, pour une raison quelconque, nous diminuons la résistance de l'une d'elles, l'équilibre est rompu. Nous avons alors à lutter aux lieu et place de cette espèce affaiblie et désarmée1. Citons un exemple qui, pour nous, est typique. Certains coteaux 1 M. le professeur Marion (Revue générale d'Agriculture et de Viticulture méridionale, 20 mai 1888, pag. 6) dit de son côté : « Il faut bien comprendre que les parasites des plantes trouvent l'occasion d'une multiplication excessive préci- sément dans la culture du végétal auquel ils sont liés. L'agriculteur crée ainsi des conditions artificielles, il rompt l'équilibre qui s'était établi dans la nature entre les divers êtres. Il ne peut donc se dispenser d'intervenir directement pour corriger l'effet iuattendu de son industrie.» INTRODUCTION. Mil rocheux et incultes des environs de Montpellier, le versant nord du Pic Saint- Loup, par exemple, sont remplis de lambrusques ou vignes sauvages. Ce pays-là, jadis très riche par sa plaine, un des premiers atteint par le PhyVoxera, a eu toutes ses vignes cultivées détruites en deux ou trois ans. Nous le parcourions récemment, et nous n'avons pas remarqué qu'une seule de ces lambrusques fût morte du parasite. Livrées à elles-mêmes, assez loin du contact de l'homme et de ses cultures pour ne pas être trop hybridées, elles ont résisté. Les paysans pauvres du pays continuent tous les automnes à cueillir le petit raisin noir qui, additionné d'eau, donne tant de couleur à l'âpre piquette ainsi fabriquée. Le propriétaire aisé a lutté, a commencé par sulfurer ses cépages perfectionnés, les a perdus, puis replantés sur pied américain résistant. Sans donner ici une place capitale au côté historique du sujet qui nous occupe, nous proposant à chaque description d'espèce d'y consacrer tout au moins quelques lignes, nous voulons indiquer cependant depuis quelle époque les petits parasites de la vigne ont été observés, quelle a été, dans le cours des siècles, l'importance de leur étude, et arriver graduellement à notre époque, à leur bibliographie générale. Seule, elle devra nous arrêter longtemps et sera l'objet de Notes bibliographiques spéciales. De tout temps, on peut le dire, la culture chère à Noé a été entravée par les insectes. A plusieurs reprises, la Bible parle de vers ou larves attaquant la vigne. Dans un des livres de Moïse, le Deutéronome, nous trouvons en effet le verset suivant : «Vous planterez une vigne, la labourerez, mais n'en boirez pas le vin et n'en recueillerez rien, parce qu'elle sera gâtée par le Thola (ver)». Dans le prophète Amos (vme siècle avant J.-C), nous lisons : «Je vous ai frappés par un vent brûlant, dit le Seigneur, Gaza ' a dévasté vos jardins, vos vignes, tous vos plants d'olivier et de figuier, et vous n'êtes pas revenus à moi». Si des Hébreux nous passons aux Grecs, nous voyons Ctésiasive siècle avant J. -G.) parler du Phieir (pou) qui attaque et fait périr la vigne ; sans doute une de nos cochenilles ampélophages. Théophraste (ive siècle avant J.-C.) dit : «Les Ipcs qui attaquent la vigne s'engendrent par le 1 Suivant Walckenaer (Ann. Soc. ont. de France, 1835 et 183G), auquel nous empruntons une partie de ces citations, le mot hébreu Gaza est employé dans la Bible comme insecte dévastateur en général. La Vulgatc traduit par Eruca (chenille) , mais le Talmud en lait une sauterelle. XIV INTRODUCTION. vent du midi ; il est cependant des lieux où ils ne s'engendrent pas: les endroits aérés, bien exposés aux vents et qui ne sont pas trop chargés d'humidité». Strabon, de son côté, raconte que «les Erythréens donnent à Hercule le nom à'Ipoctone, c'est-à-dire des- tructeur des Ipes, insectes qui rongent les vignes». Les auteurs latins ne sont pas moins explicites. Plaute (111e siècle avant J. -G.) parle de VInvolvulus, qui s'enferme dans des feuilles de vigne roulée, «quœ in pampini folio intorta implicat se ». Pom- ponius Festus, de son côté, dit dans son dictionnaire, au mot Involvulus : « Vermiculi genus qui involvit se pampino ». Gaton l'ancien (11e siècle avant J.-C.), dans son traité De re rustica, parlant du Convolvulus, donne une recette pour le combattre : «Convolvulus invinea ne siet amurca condita, le Convoloulus ne se trouve pas sur une vigne enduite de marc d'huile ». On voit que les badigeon- nages insecticides ne datent pas d'hier ! Pline parle également du Convolvulus, ainsi que d'un autre in- secte qui ronge les raisins naissants et qu'il appelle Volvox : «Alii Volvocem appellant animal praerodens pubescentes uuas». Suivent les recettes empiriques familières à cet auteur: graisse d'ours, peau de castor, dont il faut frotter la serpe, etc. Columelle, dans son traité De arb or ib us, cite un animal, qu'il nomme Volucra, rongeant les pousses tendres et les raisins : «Genus est animalis, Volucra appcllatur, id fere prœrodet teneras adhuc pampinos et uvas». Galien, dans son livre De simplic. médicament, facultatibus, lib. IX, rappelle les dégâts produits par le Scnips, insecte ennemi de la vigne. Nous pourrions multiplier ces citations d'auteurs latins, mais nous n'en voyons pas l'utilité. De l'époque romaine, il nous faut arriver au xvi" siècle, à Ch. Estienne et Liebault, à l'italien Aldrovande et à Olivier de Serres, pour trouver quelque chose concernant notre sujet. Pendant cette longue période, on vivait dans l'admiration des anciens et de leurs écrits. Gomme le dit Walckenaer : « Avant l'invention de l'impri- merie, on n'avait d'autre source d'instruction que les anciens; l'ad- miration qu'ils avaient excitée, l'ascendant qu'ils avaient acquis sur l'esprit humain, s'accrurent encore par l'effet de cette invention. Les bien comprendre, les commenter, classer les notions qu'ils nous avaient transmises, telle était toute l'ambition des savants. Tout traité sur une branche quelconque des connaissances humai- nes n'était qu'une compilation de ce que les anciens avaient écrit sur la matière. On y ajoutait parfois ce que les modernes avaient INTRODUCTION. XV pensé ou observé ; mais ces suppléments n'avaient, dans l'intention de l'auteur et dans l'esprit des lecteurs, ni le même poids ni la môme autorité que le reste de l'ouvrage. On faisait bien peu de cas de toute proposition, de toute remarque à la suite de laquelle on ne pouvait ajouter : ut ait Aristoteles, ut ait Plinius, ut ait Hip- pocrates. Heureusement, pour les progrès de l'histoire naturelle, que le grand nombre de productions nouvelles importées en Eu- rope des contrées récemment découvertes à la fin du xve et au com- mencement du xvie siècle ouvrirent bientôt les yeux sur l'insuffi- sance des ouvrages des anciens. On s'aperçut que la plupart des objets qu'on avait occasion d'observer leur avaient été inconnus. Pour ce qui concerne les insectes particulièrement, il fut facile de s'apercevoir que les anciens n'avaient traité que d'un petit nombre, fort inexactement. Dès lors, on cessa de s'occuper de ce qu'ils avaient écrit, on se livra exclusivement à l'étude de la nature, et la science prit aussitôt un nouvel essor. » La Maison rustique, de Ch. Estienne et Liebault, est de 1554. Après avoir parlé des petits ennemis du vigneron, ces auteurs ajoutent : « Les chenilles et poux, n'austres bestelettes ne gaste- ront le bourgeon ne la feuille de vigne, si la serpe de laquelle l'on eslaguera et taillera est oinste avec sang de bouc ou graisse d'asne ou d'ours, ou d'huile où auront bouilli les chenilles, ou ail pilez, etc. » On voit, par cette citation, que la science à la manière de Pline n'avait pas dit son dernier mot aune époque relativement récente. Aldrovande, dans son traité De animalibus insectis (1602), s'étend assez longuement sur les parasites de la vigne, et, selon Vallot, qui a consacré un long paragraphe à cet auteur, celui-ci, parle mot Can- tharis, désigne plusieurs coléoptères ; ce qu'il nomme Ips serait un coupe-bourgeons, peut-être un Otiorhynchus ; quant au Ta- glindizzo, sa neuvième cantharis, qui est grossièrement figuré, mais reconnaissable, c'est le rhynchite, ou attelabe. Olivier de Serres a très bien décrit le rhynchite, qu'il appelle Coigniau. Au xvn' siècle, Olivier de Serres restait l'oracle ; on se contentait de ce qu'avait dit le Père de l'Agriculture dans son Théâtre d'Agri- culture et mesnage des champs, publié en 1604. En 1732, dans son Spectacle de la Nature, tom. II, pag. 353, Pluche cite plusieurs ennemis de la vigne ; mais la confusion est telle dans son livre entre ceux qui roulent les feuilles, piquent les fruits ou filent des toiles, que le gribouri et le rhynchite seuls se distinguent nette- XVI INTRODUCTION'. ment. Pluche, le premier, a adopté le nom de gribouri, employé si souvent depuis cette époque. Il nous faut arriver en 1771 pour trouver une œuvre conscien- cieuse (Journal de Physique, tom. I, lre. 2« et 3e parties), le Mé- moire de l'abbé Rozier, intitulé : Des Insectes essentiellement nuisibles à la vigne. Malgré certaines erreurs, et les noms français correspondant parfois assez mal à la nomenclature latine de Linné, ce travail peut être considéré comme le point de départ de tous ceux (et ils sont nombreux) qui ont été publiés au xixe siècle. C'est à lui que nous arrêterons cette Revue historique et bibliographique des siècles passés concernant les Insectes de la vigne. Primitivement notre intention était de dresser ici une liste gé- nérale de tous les travaux publiés pendant ce siècle ; mais, entre- prise par nous, cette liste s'est trouvée être si considérable qu'elle dépassait le cadre que nous nous sommes assigné pour cette Intro- duction. A chaque chapitre consacré à une espèce, nous citerons dans une Note bibliographique les principaux travaux publiés sur elle. Mentionnons toutefois, de suite, les quelques auteurs qu'il est indispensable de connaître dès le début, dont les travaux, com- prenant l'ensemble de la question, sont, en quelque sorte, devenus classiques et dont les noms sont liés à l'histoire de la vigne. Pour la France, nous citerons Walckenaer, Dunal, Vallot et Audouin ; pour les États-Unis, Asa Fitch et Riley. Citons encore, bien que d'une importance moindre, le nom de M. André (de Beaune) l. Les auteurs que nous venons de nommer parlent, les uns d'une trentaine d'espèces, les autres de quarante ou cinquante. Nous étonnerons peut-être le lecteur en disant qu'il sera parlé de beau- 1 Le Baron "Walckenaer; Recherches sur les insectes nuisibles à la vigne (Ann. soc. ent. de Fr., 1835 et 1836 ; Entom. Magazine, 1837, lom. IV, pag. 117 ei 293). — Dunal; Des insectes qui attaquent la vigne (Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1832 à 1839; Comp:es rendus de l'Acad. de Montpellier, tom. IV, pag. 834). — Vallot; Des insectes nuisibles à la vigne (Mémoires de l'Acad. de Dijon, 1839-40 ; Revue et Magasin de Zool., 1840 ; Ann. des Sciences physiques et naturelles de Lyon, 1841. — Audouin; Histoire des insectes nuisibles à la vigne et particulièrement de la Pyrale (Paris, Fortin-Masson, 1842). — Asa Fitch; Annual Report of agricuUural Society of New -York de 1854 à 1859. — Riley; First annual Report on noxious Insects of the state Missouri, 1869 et années suivantes; American entom., 1869 et années suivantes. — André; Les parasites et les maladies de la vigne (Beaune, 1882). INTHODl'CTIO.V. XVII coup plus d'une centaine1, cl cependant nous avons écarté toutes lus espèces restées américaines et retranché des listes classiques plusieurs insectes qui n'ont jamais vécu sur la vigne 2. Nous comprenons, il est vrai, dans notre travail les espèces de tous les pays viticoles de l'Europe et de l'Afrique française. La liste générale des ampélophages étudiés avec quelques détails dans ce livre peut se dresser comme suit 5 : CLASSE DES ARACHNIDES. Ordre des Acariens Phytoptus vitis Dujardin. CLASSE DES INSECTES. | Ordre des Diptères Cecidomyia œnophila. Haimhoffen. Ordre des Hémiptères . . Puluinaria vitis Linné. Aspidiotus vitis Signoret. Dactylopius vitis Niedelsky. 1 Comme nombre d'ennemis, la vigne sauvage, la lambrusque de nos bois, comparée aux autres espèces forestières, est au contraire bien au-dessous de la moyenne. Elle n'a guère qu'une dizaine d'espèces parasites, tandis que si nous consultons le précieux travail de Kaltenbach {Die Planzenfeinde aus der Klasse der Insccten. Les insectes ennemis des plantes. Stuttgard, 1874), où sont énu- mérés les iusectes vivant aux dépens des espèces botaniques les plus répandues, nous trouvons pour nos principales essences forestières les chiffres suivants : les différents chênes 537 espèces parasites, les saules 396, les pins et sapins 299, le bouleau 270, les peupliers 264, l'aulne_ll9, le hêtre 154, l'orme 107, le tilleul 102, le noisetier 98, le charme 88, le frêne 51, etc. La vigne est donc naturelle- ment favorisée, et c'est bien aux divers usages culturaux qu'est dû le grand nombre de ses ennemis. 2 Nous pouvons citer entre autres le Rhynchiies Bacchus et YAltica Lylhri. Le premier, parasite du pommier, vit à l'état de larve dans l'intérieur des fruits de cet arbre et n'a jamais brouté le parenchyme d'une feuille de vigne roulée en cigare. L'erreur vient de Linné (Syst. naturœ, lom. II, pag. 611), a été répétée par Audouinet tous ceux qui ont copié Audouin. Pour YAltica Lylhri, c'est dans Y Exploration scientifique de l'Algérie, pag. 5 i 4 . pi. 44, par M. Lucas (Paris, impr. nat., 1849), qu'il faut chercher l'origine de la confusion avec YAltica am- pelophaga. L'A. Lylhri n'a jamais vécu que sur la salicaire [Lythrum salicaria). 3 Le nom d'uue bonne partie des insectes composant cette liste générale n'ayant pu être francisé, nous avons dû la dresser avec les noms latins seuls. Par contre, tous les noms irançais existant ou qui ont pu être créés, serviront de titre, autant que possible, aux chapitres ou paragraphes composant ce livre, et le nom latin ne viendra qu'en seconde ligne. XVIII INTRODUCTION. Ordre des Hémiptères . . Phylloxéra vaslalrix Planchon. Aphls vitis Scopoli. Typhlocyba flauescens Fabricius. — viticola Targioni. Penlhimia atra Fabricius. Hysteropterum grylloides Fabricius. Cicacla atra Olivier. — hsematodes Scopoli. — plebeja Scopoli. — orni Linné. Lopus sulcalus Fieber. PyrrJwcoris apterus Linné. Camptotclus minutus Jakowleff. Nysius senecionis Schiller. Eurydema oleraceum Linné. Sehirus bicolor Linné. ^ Ordre des Lépidoptères.. Anlispih Rivillei Stainton. Tortrix Pilleriana Schiffermuller. — ambiguella Hubner. — botrana Schiffermuller. Ephestia gnidiella Millière. Agrolis crassa Linné. — segetum Schiffermuller. — exclamationis Linné. — pronuba Linné. Chelonia caja Linné. — villica Linné. — mendica Linné. — lubricipeda Linné. Ino ampelophaga Bayle. Sphinx lineata Linné. — porcellus Linné. — Elpenor Linné. Ordre des Névroptères.. Termes lucijugus Rossi. — flavicollis Fabricius. Ordre des Orthoptères... Smynthurus luteus Lubbock. Thrips hœmorrhoidalis Bouché. — Syriacus Mayet. Acridium migratorium Linné. — Italicum Linné. W y < INTRODUCTION. Xl\ Ordre des Orthoptères .. Acridium Ma.rocca.num Thunberg. Ephippiger vitium Serville. — Bitterensis Marquet. Barbitistes Berenguieri Mayet. Phaneroptera falcala Serville. Œcanthus pellucens Scopoli. (s Ordre des Coléoptères... Altica ampelophaga Guérin. Malacosoma Lusitanicum Linné. Aulacophora abdominalis Fabricius. Adoxus vitis Fonrcroy. Clytlira taxicornis Fabricius. Cerambyx miles Bonelli. Clytus Verbasci Linné. Callidium unifasciatum Olivier. Vesperus Xatarti Mulsant. Rhynchites Betuleti Fabricius. Geonemus fîabellipes Olivier. Cneorhinus geminatus Fabricius. Peritelus subdepressus Mulsant. — griseus Olivier. — senex Bohemann. — familiaris Bohemann. Otiorhynchus planithorax Bohemann. — Ligustici Linné. — asphaltinus Germar. — populeti Bohemann . — sulcatus Fabricius. — globus Bohemann. — singularis Linné. — raucus Fabricius. Opatrum sabulosum Linné. Apate sexdentata Olivier. — muricata Fabricius. — sinuata Fabricius. — bimaculata Olivier. Agrilus derasofasciatus Lacordaire. Cetonia hirtella Linné. — stictica Linné. Pentodon punctatus Villers. Anomala vitis Fabricius. XX INTRODUCTION'. Ordre des Coléoptères. . Anomala. senea Degeer. Melolontha vulgaris Fabricius. — fullo Linné. Rhizolrogus tnarginipes Mulsant. — euphytus Buquet. — inflatus Buquet. — sinuatocollis Fairmaire. Lethrus cephalotes Fabricius. Ordre des Hyménoptères. Vespa vulgaris Linné. ' J^ Tenthredo strigosa Fabricius. En tout, 95 espèces. En plus de cela, sans parler ici des insectes ennemis naturels de nos ampélophages, dont la description ou la mention accompagnera l'histoire de chacun de ceux-ci; sans faire entrer non plus en ligne de compte les Hyménoptères vivant dans les sarments secs, dont il sera parlé page 443, nous décrirons suc- cinctement ou nommerons tout au moins 36 autres insectes cités par divers auteurs. Ces espèces, que nous n'avons pas cru devoir décrire en détail ni même ranger parmi les principaux ennemis à combattre, jointes aux 95 de notre liste générale, forment un total de 131 espèces décrites ou mentionnées dans ce livre. Sur ces 131 espèces, 109 environ sont françaises. Devant cette masse d'ennemis, le viticulteur devra- t-il parfois désespérer de défendre ses vignes ? Loin de là ! Il devra tout d'a- bord se dire que ce nombre comprend tous les Ampélophages des régions les plus diverses, des bords de la Seine à ceux du Volga, de l'Andalousie et de la Barbarie à la Syrie, et qu'il n'aura jamais à lutter contre plus d'une demi-douzaine d'ennemis à la fois. Il devra se dire ensuite que tous ces parasites pourront être vaincus ; à une condition, toutefois, c'est que leurs mœurs seront bien connues. En recueillant les matériaux destinés à composer ce livre, ce sont sans doute les insectes eux-mêmes et les meilleurs moyens de lutter contre eux que nous nous sommes proposé d'étudier ; mais c'est aussi et surtout vers la connaissance de leurs premiers états et de leurs mœurs que nos efforts ont été dirigés. Nous suivrons dans le cours de ce travail l'ordre adopté dans le tableau dressé au début de ces lignes et dans la liste ci-dessus, allant du simple au composé. Les Arachnides, à tort ou à raison, étant considérés comme inférieurs aux insectes, nous parlerons INTRODUCTION. XXI donc tout d'abord du l'h ytoptus vitis, petit Arachnide de la famille des Acariens qui occasionne la maladie de l'Erinose. L'étude des Insectes sera commencée par celle des Diptères ou mouches à deux ailes, regardés comme formes inférieures, et nous la terminerons par colle >\t'^ Hyménoptères OU mouches à quatre ailes, considérés comme Insectes supérieurs. Nous nous faisons un devoir de citer ici tous ceux qui nous ont prêté leur concours dévoué. Nous avons correspondu en Italie avec M. Targioni-Tozzeti, en Espagne avec M. Graëlls, en Grèce avec M. Gonnadius, en Autriche avec M. Bolle, en Hongrie avec M. llorvalli, en Allemagne avec MM. Von Heyden, Osten-Saken et Blankenhorn ; en Suisse avec MM. Fatio et Govelle, en Russie avec M. Kowalesky, et nous saisissons l'occasion de les remercier de nouveau. Nommer ces naturalistes, c'est indiquer la valeur des documents qu'ils nous ont transmis. En France et dans nos colonies du nord de l'Afrique, nous devons des renseignements précieux à MM. Flahault, de Fischer, Foëx, Vialaet Ravaz, de Montpellier; Balbiani, Megnin, Bedel, Sedillot. Gazagnaire et Ragonot, de Paris; André, de Beaune ; Puton, de Remiremont ; Marquet, de Toulouse ; Gobert, de Mont-de-Marsan ; Perez, de Bordeaux; Boiteau, de Libourne ; De Lafïitte , de Lajoannenque ; Marion, de Marseille; Rivière, Lecq, Barbier et Delamotbc, d'Alger ; Mangiavachi et Chapelle, de Tunis, etc. Nous tenons à leur témoigner toute notre gratitude. LEXIQUE POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES INSECTES DE LA VIGNE Abdomen. — Partie postérieure du corps des Insectes comprenant l'ensemble des segments ventraux. Acuminé. — Terminé en pointe. Agame. — Qui se reproduit sans accouplement. Aiguillon. — Arme de défense, aiguë, rétractile, faisant partie de l'armure gé- nitale femelle des Insectes Hyménoptères. Ailes. — Organes du vol, au nombre de quatre généralement chez les Insectes, parfois réduits à deux, parfois complètement atrophiés. Anal. — Voisin ou taisant partie de l'orifice postérieur du tube digestif. Anneau. — Segment ou portion dont la réunion constitue l'ensemble du sque- lette extérieur des Insectes. Annelé. — Composé d'anneaux ou segments. Anté. — (En composition) situé en avant de. . . aniéoeuiaire, situé en avant de l'œil. Antennes. — Appendices mobiles au nombre de deux chez les Insectes, placés sur la tête et composés d'un nombre variable d'articles ou parties. Elles servent à palper et sont le siège de l'odorat. Aphidiphage. — Qui se nourrit de Pucerons (Aphis). Apical. — Placé au sommet. Apode. — Dépourvu de pattes. Apophyse. — Saillie ou prolongement des pièces du squelette. Aptère. — Dépourvu d'ailes. Arête. — Ligne en relief et un peu tranchante faisant saillie sur les jambes, l'abdomen, etc. Armure génitale. — Parties cornées fortement chilineuses des organes sexuels. Article. — Partie d'un appendice, antenne, palpe ou tarse, comprise entre deux articulations. Atténué. — Graduellement diminué. Balanciers . — Petits appendices placés sur le métathorax et qui ne sont que les ailes inférieures atrophiées. Basai ou basiiaire. — Dépendant ou voisin de la base. Bec. — Ensemble des pièces buccales solides d'un insecte suceur (Hémiptères principalement). Se dit aussi pour la tête fortement prolongée des Charan- çons, etc. Buccal. — Qui dépend de la bouche. LEXIQUE. XXIII Calus. — Saillie en bosse. Calus humerai situé sur les élytres vers l'épaule, Capité. — Terminé par un boulon, poil capité. Carène. — Ligne longitudinale saillante. Cellule. — Élément anatomique, généralement microscopique, constituant les tissus 'lu corps d s êlres organi é . Cellules des ailes. — Espaces circonscrits par les nervures. Cellulose. — Substance ternaire (carbone, hydrogène et oxygène) dont la for- mule est G,a II10 O10, qui constitue l'enveloppe do la cellule des végétaux et se retrouve dans les tissus de certains animaux. Céphalique. — Qui dépend de la tête. Céphalothorax. — Partie du corps formée de la tête et du thorax réunis. Cerques. — Appea lices ou filets au nombre de deux, terminant la partie dorsale de L'abdomen chez les Orthoptères et placés sous la plaque sus-anale. Chaperon.— Partie antérieure et saillante de l'épistome. Chenille. — Nom sous lequel on désigne les larves des Lépidoptères. Chitine. — Substance incrustante composée d'une matière albuminoïde et de cellulose, destinée à solidifier le squelette extérieur des Insectes. Chitineux. — Incrusté de chitine. Chlorophylle. — Matière azotée de couleur verte, constituant le plus impor- tant des principes colorants des végétaux, décomposant l'acide carbonique de l'air au profit de la piaule qui retient le carbone et dont la formule peut s'é- crire ainsi : C:iG H30 Az O1. Cilié. — Garni de cils ou poils raides. Cocon. — Coque de soie destinée à proléger l'Insecte. Coléoptères. — Insectes dont les ailes supérieures, appelées élyt.-es, sont soli- des et servent d'étui aux deux inférieures, qui sont pliées transversalement. Conchiforme. — Eu forme de conque, de coquille. Concolore. — De même couleur. Contractile. — Qui peut se contracter, se replier sur lui-même. Coprophage. — Qui vit de déjections. Coque. — Enveloppe formée de substances diverses où sont enfermés les œufs, les larves ou les nymphes. Cordiforme. — En forme de coeur. Cornicule. — Petits tubes au nombre de deux, particuliers aux Pucerons, pla- cés sur le sixième segment abdominal et desquels sort une liqueur sucrée. Côte. — Ligue longitudinale saillante comparable à celles des feuilles et des fruits . Crête. — Ligne élevée et dentelée. Crochets. — Pointes recourbées qui terminent les tarses, etc. Cuisse — La partie la plus robuste de la patte appelée aussifémur, placée outre le trochanter et le tibia . Cupules. — Organes concaves en forme de petite coupe. Déhiscent. — S'' dit de deux pièces qui s'écartent vers leur extrémité. XXIV LEXIQUE. Dent. — Petite saillie formant pointe. Digitule. — Poil terminé par une partie élargie en forme de ventouse. Dimère. — A deux articles (tarse). Dimorphe. — Se dit d'une espèce qui présente deux types distincts. Diptères. — Insectes n'ayant que deux ailes développées. Disque. — Régi. m centrale d'un organe développé en surface. Écailles. — Poils modifiés, aplatis et imbriqués les uns sur les autres. Écusson — Pièce du thorax appartenant au mésouotum, souvent triangulaire et apparaissant au sommet de la suture des élytres. Efflorescence. — Couche d'aspect farineux, rappelant la Heur île certains fruits, généralement de nature cireuse. Élytres. — Ailes supérieures modifiées et servant d'étui aux inférieures. Entomophage. — Qui mange des Insectes. Épaule. — Partie autéro- externe des élytres. Épistome. — Partie antérieure des pièces fixes de la tête en dessus, immédia- tement au-dessus de la lèvre supérieure. Éruciforme. — En forme de chenille. Faciès. — Aspect particulier d'un insecte ou d'un groupe d'insectes. Fausse-chenille. — Nom donné aux larves de certains Hyménoptères (Ten- Ibrédides), larves qui ressemblent à des chenilles. Fausses-pattes. — Protubérances char.iues par fois munies de crochets, rétrac- tiles, placées sous les segments abdominaux et servant à la marche chez certaines larves. Les chei illes en sont toutes pourvues. Fémur. — Cuisse. Filets. — Prolongements en forme de fil très déliés qui terminent parfois l'ab- domen. Filiforme. — En forme dr> lil. Floricole. — Qui vit sur les fleurs, Foliacé. — Aminci comme une feuille. Front. — Partie moyenne du dessus de la tète, entre l'épistome, les yeux et le verteï. Frugivore. — Qui se nourrit de fruits. Funicule. — Articles des antennes compris entre le scape (premier article) et les articles terminaux plus ou moins groupés. Fusiforme. — En forme de fuseau. Gallicole. — Qui vit daus une galle. Hanche. — Pièce d'insertion des pattes dans le thorax. Hémiptères. — Insectes dont les ailes supérieures sont souvent demi-solides et opaques, demi-transparentes, les inférieures membraneuses. Hétéromères. — Insectes à tarses postérieurs composés de moins d'articles que les antérieurs. LEXIQUE. XXV Hexagonal. — A six pans. Hexapodes. — Ayant six pieds. Humerai. — Qui dépend de l'épaule. Hyalin. — Transparenl comme du verre. Hybride. — Produit de deux espèces différentes. Hyménoptères. — Insectes à quatre ailes membraneuses, transparentes et à bouche organisée pour lécher. Hypogé. — Qui vit sous terre. Imbriqué. — Se dit des écailles disposées comme les tuiles d'un toit. Inerme. — Sans pointe ni épine. Joue. — Pailie latérale de la tète. Labial. — Qui dépend de la lèvre inférieure. Labre. — Lèvre supérieure. Larve. — Plat sous lequel l'insecte sort de l'œuf et qui est généralement ver- miforme. Lépidoptères. — Insectes à quatre ailes recouvertes d'écaillés brillantes im- briquées, connus sous le nom vulgaire de papillons. Ligne médiane. — Ligue idéale divisant longitudinalement le corps ou un or- gane en deux parties égales. Lignivore. — Qui se nourrit de bois. Mâchoires. — Pièces buccales au nombre de deux, situées entre les mandibules et la lèvre inférieure, souvent recouvertes par les mandibules et portant la paire de palpes la plus développée. Mandibules. — Pièces buccales au nombre de deux placées au-dessus des mâchoires, très solides, parfois très développées (cerf ■volant';, mues par des muscles puissants, destinées à saisir et à couper. Massue. — Renflement terminal d'un organe tel que les antennes. Maxillaire. — Qui dépend des mâchoires. Médian — Qui est au milieu. Mésosternum. — Face inférieure du deuxième segment Ihoracique sur laquelle sont insérées les pattes intermédiaires. Mésothorax. — Deuxième segment du thorax pris dans son ensemble. Mésothoracique. — Qui dépend du mésothorax. Métasternum. — Face inférieure du troisième segment thoracique sur laquelle sont insérées les pattes postérieures. Métathorax. — Troisième segment du thorax pris dans sou ensemble. Métathoracique. — Qui dépend du métathorax. Micropyle. — Peti'.e ouverture par laquelle les spermatozoïdes ou éléments mâles pénètrent dans l'œuf. Monomère. — Qui n'est composé que d'un article : tarse monomère. Névroptéres. — Insectes à quatre ailes membraneuses égales, réticulées. XXVI LEXIQUE. Oblitéré. — Un peu effacé. Ocelles. — Yeux simples des Insectes. Octopode. — Qui a huit pieds. Œil. — Organe de la vision, de deux sortes chez les Insectes : œil simple ou ocelle; œil composé, formé de la réunion d'un grand nombre d'yeux. Ongles. — Crochets terminaux des tarses. Orthoptères.— Insectes ayant quatre ailes droites, les inférieures généralement pliées en éventail. Ovaires. — Glandes génitales femelles. Oviducte.— Partie des organes génitaux femel'es qui conduit les œufs au dehors. Ovigère. — Qui produit et porte les œufs. Ovipare. — Qui pond des œufs. Oviscapte. — Partie des organes génitaux femelles terminant parfois l'oviducle et propre à insérer les œufs dans un milieu résistant. Ovovivipare. — Qui pond des petits vivant-, mais sortis d'un œuf éclos dans le corps de la mère. Palpes. — Appendices mobiles et articulés des parties de la bouche, au nombre de deux ou trois paires. Pattes.— Organes de la locomotion, au nombre de six chez les Insectes, insérés sous les trois anneaux du thorax et composés de cinq pièces : la hanche, le trcchanter, le fémur, le tibia et le tarse. Par opposition aux fausses-pattes, on leur donne parfois le nom de pattes écailleuses. Pectine. — En forme de peigne. Pédicelle. — Pièce amincie servant de support. Pédoncule. — Pièce de support, généralement grêle. Pénis.— Partie des organes génitaux mâles faisant saillie à l'extérieur ; ce nom s'applique plus spécialement à la verge. Pentagone. — A cinq pans. Pentamère. — Composé de cinq articles : tarse pentamère. Pénultième. — Avant-dernier. Phytophage. — Qui se nourrit de végétaux. Pilifère. — Qui porte ou donne naissance à des puils. Pilifornie. — En forme de poil. Piriforine. — En forme de poire. Poitrine. — Ensemble des méso et métasternum. Polymorphe. — De formes variables. Polyphage. — Qui vit de végétaux ou de substances différentes. Post... — (En composition) situé en arrière de. Pré... — (En composition) situé en avant de. Pronotum. — Surface dorsale du prothorax. Prosternum. — Face inférieure du prothorax. Prothoracique. — Qui dépend du prothorax. Prothorax. — Premier anneau ou serment du thorax. LEXIQUE. x.\ VII Pruineux. — Couvert d'une efflorescence comparable à celle de certaine fruits Pubescent. — Garai de poils. Pucerons. — Nom vulgaire donné à tous les insectes de la famille des Aphides ou Aphidiens. Pupe. — Enveloppe de la nymphe des Insectes Diptères, en forme d'oeuf ou de barillet et formée de la peau de la larve. Pygidium. — Dernier arceau dorsal chilineux de l'abdomen. Radicicole. — Qui vil sur les racines. Rétractile. — Qui peut rentrer dans l'intérieur du corps ou se replier sur soi- même. Réticulé. — Couvert d'une sorte de réseau. Rhizophage. — Qui se nourrit de racines. Rostre. — Bec, prolongement de la tête en avant des yeux (Charançons); se dit aussi de l'ensemble des parties solides de la bouche d'un insecte suceur. Sabre. — Oviscapte aplati et recourbé de certains Orthoptères. Saltatoire. — Propre à sauter. Scape. — Premier article de l'antenne fortement développé. Scrobes. — Sillons latéraux du rostre servant à loger les antennes. Sécuriforme. — En forme de hache. Segments. — Division circulaire ou anneau dont l'ensemble constitue le corps des Insectes. Sessile. — Qui n'est pas supporté par un pédicelle. Sétigère. — Qui porte des soies. Sexué. — Qui se reproduit par génération ordinaire, par opposition à agame. Sommet. — De la tète, partie conliguë au prothorax ; du prothorax, partie con- tinué à la tête ; des élytres, extrémité postérieure. Spermatozoïde. — Élément mâle fécondant, constitué chez les Insectes par une cellule microscopique, allongée eu forme de fil, mobile, et qui nage en nombre considérable dans un liquide (liquide spermalique). Squameux. — Couvert d'écaillés. Squamule. ■ — Petite écaille. Squelette tégumentaire. — Oa nomme ainsi la partie extérieure solide très chitineuse du corps des Insectes, constituant un appareil de protection et ser- vant aux insertions des muscles. Sternum, — Partie ventrale du thorax. Stigmates. — Ouvertures de l'appareil respiratoire des Insectes, généralement latérales, et servant de point de départ aux trachées. Stridulation. — Bruit produit par un frottement. Stylets. — Pièces dures, allongées, faisant partie d'un appareil perforant. Sub... - ■ (En composition) signifie légèrement : subaigu, légèrement aigu. Suturai. — Dépendant de la suture ou ligne de jonction des élytres. Tarière. — Oviscapte prolongé en longue pointe. \XVIM LEXIQUE. Tarse. — Partie terminale des pattes, ayant de un à cinq articles. Tempe. — Portion latérale de la tête, derrière les yeux. Temporal. — Relatif aux tempes. Testacé. — Jaune tirant sur le terreux. Testicule. — Glande sexuelle mâle. Tétramère. — Qui a quatre articles: tarse tétramère. Tétrapode. — Qui a quatre pieds. Thorax. — Groupe de trois segments, prolhorax, mésoihorax et métathorax, portant les trois paires de pieds, formant un ensemble homogène et placé entre la tète et l'abdomen. Tibia. — Partie de la patte placée entre le fémur et le tarse. Tissu. — Réunion de cellules dont sont formées les parties constitutives du corps : sang, muscles, peau, nerfs, etc. Trachées. — Vaisseaux respiratoires subdivisés à l'inûoi dans le corps des In- sectes, prenant l'air extérieur par les stigmates et le distribuant partout. Tri... — (En composition) signifie en trois : trimère, composé de trois articles. Trochanter. — Pièce de l'a patte située entre la hanche et le fémur. Tronqué. — Coupé brusquement. Tubes. — Organes en forme de vaisseaux, ou tuyaux très déliés, filiformes, ter- minés d'un coté par un cul-de-sac. Tubes ovariques, produisant les œufs et les conduisant dans les deux branches de l'ovaire. Tubes de Malpighi, organes glandulaires insérés sur le canal digestif et paraissant remplir à la fois les fonc- tions de foie et de reins. Uni. — (En composition) exprime l'idée d'unité: unicolore, d'une seule couleur. Valve. — Écaille de coquille, et par extension, écaille servant d'opercule. Vermiforme. — En forme de ver. Versicolore. — De couleur variée. Vertex. — Partie supérieure de la tête, en arrière des yeux. Verticillé. — Poils verticillés, en forme de verticille ou de rangée circulaire autour d'un axe. Vésicant. — Doué de propriétés analogues à celle des vésicatoires. Vésicule germinative. — Partie de l'œuf on noyau primitif de la cellule œuf, qui adjointe à un nouvel élément (spermatozoïde) est fécondée par ce fait. La cellule œuf ainsi régénérée devient le point de dépari de la production des cel- lules qui formeront le corps de l'embryon. Vivipare. — Qui pond ses petits éclos. Xyiophage. — Qui mange le bois. LES INSECTES DE LA VIGNE CHAPITRE PREMIER CLASSE DES ARACHNIDES LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE (Phytoptus Vitis Dujardin.) I. — MALADIE DE L'ÉRINOSE. Les feuilles de différents végétaux sont souvent remplies de galles d'une nature particulière et qui depuis longtemps ont attiré l'attention des naturalistes. Ces excroissances ont tantôt la forme d'une petite corne ou d'une pointe de clou un peu recourbé (tilleul), tantôt l'aspect d'une boursouflure formant légère saillie du côté de la face supérieure du limbe 1 Bibliographie. — Malpighi ; De excrescentiis et lumoribus plantarum.— Réaumur ; Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, tom. III, pag. 511, 1737.— Persoon ; Sinops. fungorum, 1809. — Fries ; Observât, mycolog., 1815. — Id. ; Syst. mycologicum, 1825. — Schlechtendal ; Denkschrift der Bolan gesellsch., in Regensburg, tom. II, 1822. — Id. ;Botan. Zeit , tom. XXIV. — Vallot ; Méd. Acad., Dijon, 1832, part. d. scienc. — Turpin ; Sur le dé- veloppement des galles du Tilleul (Nouv. Bull, de la Soc. philomatique, pag. 103), 1833. — Unger ; Die Exanthème der Pflanzen, 1833. — Dugès ; Ann. des Sciences nal., 2e série, tom. II, 1834. — Fée; Mémoire sur les groupes des 1 D. H. HILL LIBRARY North CaroUna State Collège 2 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. (fig. 1) et dépression sur la face inférieure (vigne, etc.). Ces galles sont garnies à leur partie concave de poils feutrés, blanchâtres au début, qui deviennent progressivement blancs, ensuite roux et tournent au brun en vieillissant. Si l'on fait une coupe au rasoir à travers une de ces déformations de la Phyllériées de Pries, 1834. — Siebold ; Bericht Hier die Arbeilen des ento- mologischen, sektion, etc., 1850. — Dujardin ; Ann. Scicnc. nat., 3e série, tom. XV, 1851. — Lacaze-Duthiers ; Recherches pour servir à l'histoire des Galles (Ann. des Se. nat., 3e série, Botan., tom. XIX, 1853. — Esprit Fabre et Dunal ; De l'Èrinose de la Vigne (Bull. 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LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. 3 feuille, l'examen microscopique fait reconnaître que cet aspect feutré pro- vient des cellules de l'épiderme, qui se sont hypertrophiées, démesurément Fig. t. — Feuille de vigne atteinte d'Ériaose. allongées en forme de poils cylindriques (fig. 2), renfermant très peu de chlorophylle. Ces poils, généralement unicellulaires, souvent renflés à leur extrémité, quelquefois ramifiés, s'entremêlent avec leurs voisins et forment parfois un lacis inextricable. L'examen des tissus sous-jacents fait recon- naître la présence de nombreux grains d'amidon, indice d'un travail nu- tritif important occasionné par la production des cellules piliformes et la prolifération de celles du parenchyme, qui est toujours plus ou moins épaissi. Ces végétations bizarres forment des plaques souvent assez larges, en- vahissant parfois tout le dessous de la feuille et même les pétioles, les vrilles et les grappes de fleurs (PI. V). Dans certains pays, il y a bien peu 4 LE PHYTÔPTUS DE LA VIGNE. de pieds de vigne qui n'en soient atteints, et, quand toutes les feuilles sont attaquées, les fonctions de ces organes végétatifs étant entravées, une dimi- nution de récolte peut en résulter. Quelle est la cause de ces désordres dans la végétation? On a cru long- temps à un champignon parasite de la feuille décrit sous le nom d'Erineum vitis, de là le nom d'Érinose; mais on est aujourd'hui d'accord pour attri- buer le mal à un Arachnide du groupe des Acariens, invisible à l'œil nu, le Phytoptus vitis, dont les piqûres répétées provoquent Thypertrophie des cellules épidermiques et la déformation du parenchyme (Qg. 2). II. — HISTORIQUE. Depuis plus de deux siècles, les hommes de science étudient cette ma- ladie et le sujet n'est pas encore épuisé. Au xvne siècle, le savant italien Malpighi, dans un travail intitulé De excrescentiis et tumoribus planta- rum (Des excroissances et tumeurs des plantes), les décrit le premier et les attribue à un liquide corrosif déposé par un insecte qu'il ne définit pas. En 1737, Réaumur, de son côté {Mémoires sur les Insectes, tom. III, pag. 511), dit que les galles en forme de clou des feuilles du tilleul «sont proba- blement dues à des insectes extrêmement petits qu'on ne peut apercevoir qu'avec l'aide d'une très forte loupe ». Ces idées de Malpigbi et de Réaumur, qui étaient les bonnes, furent cependant abandonnées, et pendant très longtemps on a cru que ces pro- ductions étaient d'origine purement végétale. A la fin du xvine siècle, un botaniste, Scbrader, décrivit celles de la vigne sous le nom d'Erineum vitis et les classa dans les champignons pa- rasites des feuilles. En 1809, Persoon (Synopsis fungorum) adopta ce nom, et bien qu'en 1815, Fries, séparant ces soi-disant champignons delà vigne de ceux du tilleul, de l'aulne, etc., en ait fait le genre Phyllerium , et de tout le groupe la tribu des Phyllcriées, le nom d'Erineum a prévalu. C'est celui que de Candolle a adopté dans sa Flore française, tom. II, pag. 74, et après lui bon nombre de botanistes qu'il est inutile de nom- mer ici. Tel était l'état de la question en 1833, lorsque Turpin publia un Mé- moire Sur le développement des galles du tilleul et décrivit dans ces galles un petit Acarien se rapportant à l'animal indiqué par Réaumur, « dont la forme définitive, dit-il, prend quatre pattes » , et qu'il nomma, avec La- treille, le Sarcopte du tilleul. L'année suivante, Dugès observa ces pré- tendus Sarcoptes, et voici ce qu'il en dit : « C'est sans doute sur la forme extérieure et l'babitat que Latreille a déterminé Sarcopte cet animalcule LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. 5 quand les figures lui en furent soumises par Turpin ; mais une recherche minutieuse, quoique difficile, en raison de l'extrême petitesse de l'animal, nous a appris : 1° que le suçoir conique est flanqué de 2 palpes gros, courts, semhlahles à ceux des Tétranyques; 2° que de ce suçoir sort quelquefois Fig, 2.— Coupe d'une galle d'Érinose avec les Phytoptus (.l'après M. Briosi) par compression une lamelle courhe, étroite et longue ; 3° que les pattes sont de 7 articles. Or, si nous considérons la forme des palpes, des man- dibules et des pieds, nous devrons classer cet Acarien dans la famille des Trombidiens, près des Têtranyques ; d'autre part, le nombre des pieds nous prouve que ce n'est qu'une larve et non un Acarien parfait, car il n'en a 6 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. que deux paires, et les autres larves en ont même généralement une de plus. » La figure correspondant à ces lignes, et qui est à la fin du volume, est bien celle d'un Phytoptus, celui du tilleul, un peu différent de celui de la vigne. Et plus loin, Dugès ajoute: « Nous avons vu beaucoup de ces petits êtres devenus immobiles, cbangésen chrysalides, dans lesquelles on voyait déjà le corps se raccourcir en abandonnant les extrémités de son long étui cutané. Nous avons vu aussi deux ou trois fois, dans les galles, des Acariens à 8 pattes, blancs, courts, agiles, ayant le caractère des Tétranyques. Or ces petits ressemblaient fort à de plus grands, rougeâtres, trouvés souvent dans des galles volumineuses. Ces Tétranyques n'étaient pas de la même espèce que le T. tisserand du tilleul, qui habite le revers des feuilles avec ses œufs et ses petits hexapodes. Il était d'une taille beaucoup moindre et en différait par quelques détails de forme et par la couleur verdâtre chez l'un, rouge clair chez l'autre. Il y a du vague en- core sur les rapports des prétendus Sarcoptes et des Tétranyques, il en reste aussi sur le rôle qu'ils jouent dans la production des galles ; mais ce que nous en disons mettra les observateurs sur la voie. » Nous avons tenu à citer longuement le professeur de Montpellier, parce que nous le considérons comme un maître dont les observations, déjà an- ciennes et trop oubliées de l'Ecole allemande, ont un grand poids dans cette questiou de YÈrinose. En 1834, également, Fée dans un bon travail intitulé : Mémoire sur le groupe des Phyllérièes de Fries, dit que les prétendus champignons sont des excroissances des tissus, et qu'il y a découvert deux sortes d'insectes: l'un plus rare, que l'on peut rapprocher des Aphidiens ; l'autre plus abon- dant et qu'il décrit comme « une larve allongée avec 4 pattes terminées par 2 petits penicilles de poils, attachées à la partie antérieure du corps, larve ayant des anneaux transversaux et munis de poils vers la partie pos- térieure ». En 1850, Siebold signale dans les excroissances chevelues des Érineum, des Acarus non encore parvenus à l'état adulte; dans son Rapport sur les travaux de la section entomologique de la Société de Silésie (1870), il crée pour eux le genre Eriophyes. Mais revenons à notre ordre chronologique. En 1851, Dujardin publie un Mémoire important et crée le genre Phyto- ptus, nom qui a été adopté par la plupart des entomologistes. Dujardin considère les Phytoptus à quatre pieds comme des Acariens à l'état parfait, s'appuyant sur ce qu'ils pondent des œufs. Scheuten, le premier (1857), retrouve la forme à 8 pattes signalée par Dugès. Il rapproche lui aussi les Phytoptus des Tétranyques par l'examen des pattes et des parties de la boucbe. LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. 7 Il faut arriver à 186 i pour trouver un travail important, celui de Lan- dois. Le naturaliste allemand, dans un Mémoire savant, trop savant peut- être, donnant pour certain ce qu'il a cru voir, commence par sembler ignorer les travaux de ses devanciers. Il n'y fait allusion que dans une note de G lignes, où Dujardin seul est cité et où il ne trouve pas la place de dire que le naturaliste français est le créateur du genre Phytoptus. Le travail est entièrement consacré à l'Acarien delà vigne, et il le décrit sous le nom de Phytoptus vitis Mini. Pour Landois, les Phyloptus ne sont ni des larves, ni des adultes à 4 pieds, mais bien des Acariens à 8 pieds ; et si Dujardin n'a pas aperçu les deux paires postérieures, c'est qu'elles sont toujours avortées et réduites à des appendices en forme de petits mamelons terminés par un poil rigide. Il dit avoir vu des mâles et des femelles dont la structure est tout à fait analogue et qui ne diffèrent que par l'orifice génital extérieur, qui est sensiblement plus étroit cbez le mâle que cbez la ferrelle. L'accouplement n'a jamais été observé. Thomas, dans une série d'articles, plutôt botaniques que zoologiques, publiés de 1869 à 1873, cite, au contraire, avec soin les travaux de ses devanciers. Il étudie VÉrinose surtout au point de vue des déformations produites sur les différents végétaux. Il cite plus de 70 plantes attaquées et semble croire à une seule espèce d'Acarien, qu'il appelle simplement Phytoptus, nom auquel il voudrait voir substituer celui de Phytocoptes (iprov plante, xôtttu je coupe). Targioni-Tozzetti (1870), dans un article court et bien résumé, décrit le Phytoptus vitis et semble accepter sans conteste les observations de Lan- dois. En 1875, parait le travail fort important de M. Donnadieu, thèse pour le doctorat es sciences, intitulée : Recherches pour servir à l'histoire des Télranyques . L'auteur de ce Mémoire, adoptant les idées de Dugès et le nom générique de Thomas, considère la forme ordinaire des Phytoptus comme une forme larvaire des Tétranyques gallicoles se reproduisant par parthénogenèse, et nomme la forme adulte sexuée de la vigne observée, décrite et figurée par lui, Phytocoptes epidermi. Le dernier travail sérieux sur le Phytoptus vitis « est celui de M. Briosi (décembre 1875). L'auteur publie, avec un résumé de la question, d'excellentes observations micro- scopiques et de bonnes planches à l'appui. Nous aurons à revenir sur ce travail pour la description de l'Acarien ; disons seulement que M. Briosi 1 Nous adoptons es nom : 1" parce que c'est le plus ancien et le plus usité ; 2° parce que nous ne sommes pas d'avis de débaptiser une espèce sous prétexte qu'elle a été d'abord décrite àj'état de larve. 8 LE PHYTOI'TUS DE LA VIGNE. n'a pas vu les individus adultes à 8 pieds décrits par Donnadieu et qu'il lui a été également impossible de découvrir les deux paires de pattes rudimentaires décrites et figurées par Landois. Il pense que l'observateur allemand a été trompé par la valve génitale plus ou moins soulevée, et que les poils ne sont pas portés sur des appendices, mais appartiennent à la marge de cette valve. Tel est l'état actuel de l'étude scientifique de ÏÉrinose. Bien que, per- sonnellement, nous ayons étudié souvent les Phytoptus et que nous en avons en préparation à toutes les pbases de leur développement larvaire agame, nous ne nous permettrions pas de trancber nous-môme une question aussi difficile. Le débat peut se concentrer sur ces deux noms, Landois et Donnadieu. Fidèle à notre habitude de citer des autorités compétentes, nous nous sommes adressé à l'homme qui, actuellement en Europe, connaît le mieux les Acariens et leur histoire, et voici ce que M. Mégnin nous répond : « L'observation de Landois est certainement inexacte: je n'ai jamais pu voir les caractères sexuels chez les Phytoptus; les pattes supplémentaires figurées par cet auteur chez ses prétendus adultes m'ont également tou- jours échappé. A part le Trombidion soyeux, qui n'est pas en cause, je ne connais d'autres Acariens sexués vivant habituellemant sur les feuilles de la vigne que les Tétranyques gallicoles, parents des Phytoptus, nommés Phytocoptes par Donnadieu, et je suis de l'avis de ce dernier observateur. « III. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Le genre Phytoptus appartient à la classe des Arachnides, à Tordre des Acariens, à la famille des Tétranycidés . Les Arachnides comprennent tous les Articulés à 8 pattes. L'ordre des Acariens se compose d'Arachnides à abdomen soudé au céphalothorax, à respiration trachéenne ou cutanée, et à bouche organisée pour la suc- cion. Les Tétranycidés sont les Acariens réunissant les caractères sui- vants : 7 articles aux patles, rostre formant en avant du corps une pointe conique assez grosse, mobile et susceptible de s'abaisser verticalement. Ce rostre est formé de deux mandibules armées de crochets à leur extrémité, de 2 mâchoires en forme de stylets portant à leur base une pointe bar- belée. La lèvre inférieure, formant gouttière pour loger cet appareil per- forant, est munie de deux gros palpes qui sont les parties les plus volu- mineuses du rostre. Tous les Tétranycidés subissent des métamorphoses, mais chez les Phytoptus elles sont plus compliquées que dans les autres genres. Si LE PHYTOPTUS DE LA VIONE. 0 l'on voit en effet, chez les Têtranyques vrais, sortir de l'œuf une larve hexapode, ne se multipliant pas et se transformant en adulte sexué ayant 8 pieds, chez les Phytoptus nous voyons l'œuf produire une forme larvaire à 4 pieds, se multipliant pendant toute la belle saison au moyen d'œufs pondus par parthénogenèse. A l'approche de l'hiver, suivant M. Donnadieu, auquel nous empruntons beaucoup de détails biologiques, ces larves tétrapodes cessent de se multiplier ; un grand nombre, sans changer de forme, se cachent sous les écorces du cep et surtout, suivant M. Briosi, dans les écailles des bourgeons ; d'autres s'enferment dans un kyste transparent, formé de la peau qui se détache du corps sans être rejetée, la chrysalide de Dugès, « dans laquelle on voit le corps se rac- courcir en abandonnant les extrémités du long étui cutané ». Ces kystes, figurés par M. Donnadieu, sont placés dans les mômes abris que les larves qui hivernent dans leur état ordinaire. Ils sont de forme allongée, arrondis vers l'extrémité postérieure de la larve, atténués dans la direction de la tête. Celle-ci est tournée du côté où le kyste est fixé au support par une matière glutineuse. Pendant l'hiver, la larve à 4 pieds se transforme ; elle se raccourcit, une nouvelle paire de pieds apparaît, les parties de la bouche et les ovaires se dessinent nettement. Au printemps suivant, le kyste se rompt par le milieu, la larve hexapode en sort et, comme celle des autres Têtranyques, se développe, donnant naissance par une mue à l'adulte sexué, qui a 8 pieds . Ce Phytoptus à l'état parfait a environ 4 dixièmes de millim. de long; sa forme est celle d'un ovale aplati et fortement atténué dans sa partie postérieure, principalement chez le mâle, qui est un peu plus petit, surtout l>lus étroit, que la femelle. La couleur est jaune pâle, quelquefois verdâtre dans la région du tube digestif, quand l'Acarien, sans doute, a absorbé des grains de chlorophylle. Ces Phytoptus sexués ne vivent que peu de temps; après l'accouplement, ils pondent sur la feuille et disparaissent pour laisser la place aux larves à 4 pieds qui sortiront de leurs œufs, pro- duiront l'Érinose par leurs piqûres et se multiplieront jusqu'à l'automne par des œufs non fécondés qui seront fixés aux poils de la galle (fig. 2). Quand celle-ci renferme un trop grand nombre d'individus, les jeunes émigrent, et c'est ainsi que d'une feuille à l'autre le cep est parfois com- plètement envahi. La larve à 4 pieds étant la forme la plus commune du Phytoptus, la seule que l'on trouve pendaut la belle saison entre les poils de la galle, il est utile d'en donner une description détaillée. L'animal (ûg. 3) est microscopique. Les plus grands individus n'ont que 10 à 13 centièmes de millim. de long sur 3 ai centièmes de millim. de large 10 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. et ne peuvent être vus à l'œil nu que posés sur une feuille de papier blanc et examinés en pleine lumière par un œil exercé. Une loupe ne suffit pas pour révéler leur présence au milieu des poils de la galle, il faut le microscope. Un grossisse- ment de 50 à 60 diamètres suffit pour les aperce- voir sur une très jeune feuille transparente; mais, pour les bien voir, il faut les isoler1. Le corps est allongé, flexible, vermiforme (fig. 3), presque cylindrique, brusquement atté- nué du côté de la tête, plus insensiblement du côté postérieur, qui se recourbe un peu vers le ventre. Les deux paires de pattes étendues en avant dépassent sensiblement la tête, l'abdomen est strié transversalement de fins replis au nom- bre de 60 à 70 qui rappellent les anneaux d'une sangsue. Le cépbalotborax (tête réunie au tho- rax) est uni, sans stries transversales, séparé de l'abdomen par un petit sillon circulaire. La tête se termine en cône tronqué légèrement incliné vers le sternum. L'armature buccale se compose de deux stylets pointus que l'animal peut rétracter ou allonger au dehors de la bouche . L'ouverture anale est placée à l'extrémité du corps dans une dépression formée par un disque un peuexcavé.Sur le corps on peut compter six paires de poils, deux paires pour la région dorsale, l'une sur le premier, l'autre sur le dernier anneau ; quatre paires pour la région ventrale : la Fig. 3. — Phyloptus vitis (larve) 850 diamètres (d'après M. Briosi). '- Divers procédés peuvent être employés pour isoler les Phyloptus, impossibles à bien voir autrement. Un des plus usités consiste à faire au rasoir, ou avec un scalpel très tranchant, une coupe à la base des poils de la galle, et, ceux-ci étant éparpillés sur du papier blanc, on aperçoit à la loupe, ou mieux au microscope, les Acariens, qui courent d'un côté et d'autre ; on s'en empare alors avec un poil emmanché. Ce procédé est bon ; mais le meilleur est celui que nous tenons de M. Ravaz, auquel nous devons de plus beaucoup de documents bibliographiques concernant le sujet qui nous occupe. Son procédé pour isoler les Phyloptus consiste à couper avec des ciseaux un grand nombre de galles d'Érinose et à los mettre dans un verre de montre ou tout autre petit récipient à bords très évasés ; au bout de quelques heures, les galles s'étaut desséchées, les Phyloptus ont tous quitté leur retraite et se trouvent en très grand nombre, courant sur le bord du verre de montre. LE PHYTOPTUS DE LA VÎGNE. 11 première entre le neuvième et le douzième anneau (à partir du céphalo- thorax), la deuxième entre le vingtième et le vingt-deuxième anneau, la troisième vers le trente-huitième, et la quatrième sur le cinquième avant- dernier. Ces poils sont rigides, divergents, élastiques, et servent évidem- ment à protéger l'animal contre les chocs du dehors . Les pattes, qui chez l'adulte sont composées de 7 articles, n'en ont que G cliez cette larve. Elles sont incolores, transparentes; le premier article, inséré sur le thorax, semble correspondre à la hanche; le deuxième, le plus long, peut être considéré comme la cuisse; les trois suivants représentent le tibia, et le sixième le tarse. Ce dernier est formé d'un pièce grêle, cylin- drique, légèrement recourhé à l'extrémité, à côté de laquelle se voit une pointe ou stylet harhelé comme une plume, éminemment propre à assurer la solidité de la marche au milieu des filaments de la galle. Au-dessous de l'insertion de la seconde paire de pattes, après le deuxième et le sixième repli abdominal, sont placés les organes génitaux, qui à l'ex- térieur apparaissent sous la forme d'un opercule fixé aux téguments par en haut, libre et arrondi par en bas. Cet opercule, très bien représenté par M. Briosi, auquel nous empruntons la figure de cette larve et une partie de cettedescription, recouvre les organes génitaux. Des œufs s'aperçoivent dans l'intérieur du corps, les plus développés situés du côté de l'orifice génital. Ils sont renfermés dans un ovaire en forme de tube, remplissant presque toute la cavité abdominale et se dirigeant d'arrière en avant. Les œufs, au moment de la ponte, sont couverts d'une substance glutineuse à l'aide de laquelle ils adhèrent aux poils de la plante (fig. 2). Ils ont une forme un peu allongée et paraissent d'abord homogènes, pleins d'une fine matière granuleuse. Ils'grossissent bientôt et l'on y distingue une ligne centrale, puis la forme arrondie de l'embryon. Enfin, après la rupture de la membrane vitelline, on peut reconnaître l'animal entier replié sur lui-même, avec les contours de la tête bien distincts, ainsi que les stries de l'abdomen. Au moment de réclosion, le jeuue Phijtoptus n'a encore aucun poil. Les plus petits indi- vidus mesurés par M. Briosi avaient 4 centièmes de millim. et demi. L'animal se meut avec vitesse, malgré la disposition peu avantageuse de ses pattes, placées trop avant; tandis que l'abdomen, trois fois et demi plus long que le céphalothorax, est supporté par le disque anal, qui forme ventouse. La vitalité de ces larves de Phytoptns est extrême : plongées dans l'eau, elles remuent encore au bout de quarante-huit heures. Sorauer et Landois les ont vues pondre après avoir séjourné vingt-quatre heures dans la gl y cérinc, d'où ce dernier auteur conclut que leur respiration n'est ni trachéenne ni même cutanée, mais intestinale. 12 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. IV. — DANGER DE L'ÉRINOSE ET MOYENS PRÉVENTIFS. Certains auteurs ont considéré le Phytoptus comme très nuisible à la vigne. Esprit Fabre et Dunal [Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1853), qui ne croyaient pas encore à l'origine animale de VÉrinose, décrivent cette ma- ladie cryptogamique comme très grave. «CeiErincum, disent-ils pag. 38, qui désole nos vignes du Languedoc, diffère assez de Y Erineum vilis pour en être distingué au moins comme une variété, à laquelle nous donnerons le nom de necator (meurtrier).» Ils semblent confondre ses ravages avec ceux de YOïdium. «Je n'ai jamais vu, dit Dunal, sur les feuilles de nos vignes que YÉrineam, môme quand les fruits étaient couverts d'Oïdium. h'Eriiicum necator commence par attaquer les jeunes feuilles, les altère de telle manière qu'elles ne fonctionnent qu'imparfaitement, et dans un âge plus avancé ces feuilles tombent ou ne fonctionnent plus.» Landois, de son côté, parfaitement fixé cependant sur la cause animale de la maladie, compare les effets du Phytoptus à ceux de YOïdium. ail est, dit-il, aussi préjudiciable. Quand les Acariens ne sont pas nombreux, leur influence pernicieuse ne se remarque pas facilement et une apparition sporadique sur quelques feuilles n'a pas une influence considérable sur la production. Mais, pour se faire une idée des suites funestes de l'apparition d'un grand nombre d'Acariens, nous citerons comme preuve le fait suivant : Dans un jardin bien à l'abri du vent, se trouve adossé à un mur un cep de vigne grand et vigoureux. Depuis deux ans, la présence des Acariens sur les tendres productions foliacées des bourgeons en évolution se faisaient remarquer dès le printemps par l'apparition des excroissances en question. A mesure que les feuilles et les fleurs se développèrent, ie dommage causé par les Acariens s'étendit de plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin il ne resta plus sur le cep une seule feuille qui n'eût été totalement envahie par les excrois- sances, et par suite il ne se développa pas un seul raisin malgré les fleurs abondantes qu'avait portées le cep. Après la fécondation de la fleur, les ovaires restèrent dans le même état sans se développer, et on ne vit appa- raître sur chaque grappe que trois ou quatre grains au plus, trop pauvres en sève et dépourvus de sucre». Nous venons de citer ces deux auteurs, l'un pour la région de l'olivier, l'autre pour la limite extrême de la vigne dans le Nord. A notre avis, Dunal a mis sur le compte de YÊrinose une grande partie des dégâts commis par YOïdium ; quant au cep de vigne cité par Landois, il eût fallu, selon nous, faire intervenir deux facteurs dont il n'est pas parlé : la LE THYTOPTUS DE LA VIGNE. I .'5 coulure pour le petit nombre de grains, l'Oïdium pour le manque de sucre. Nous sommes convaincu qu'on a beaucoup exagéré les torts du Phytop- tus. Il n'est réellement dangereux, agissant seul, que pour lesplantiers à la première année, alors que la plante, pour constituer ses racines, a besoin du développement complet de la feuille. Si la sécberesse vient en plus ralentir la végétation, un certain nombre déjeunes plants peuvent succomber. Il est dangereux aussi pour les vignes faites, lorsque le mal qu'il provoque est concomitant avec une autre maladie ou toute autre cause de grand affai- blissement. En temps normal, les années de très grande multiplication, le dommage peut aller jusqu'à un manque relatif d'aoûtement » et à une diminution de récolte difficilement appréciable, mais pas au delà.D'babitude, le mal n'est pas général et peut être considéré comme négligeable. Dans le cas d'apparition extraordinaire au printemps, on peut enlever les premières feuilles, les brûler, et arrêter ainsi la multiplication. Les Phytoptus bivernant entre les écailles des bourgeons et dans les fissures de l'écorce, les vignes en espalier qui auraient été fortement atteintes une année pourront être rabattues à la taille suivante et le bois du cep, après décor- tication, éebaudé avec de l'eau bouillante. A ce procédé, inventé contre la Pyrale, et dont nous parlerons au long à propos de cet insecte, un animalcule aux téguments mous tel que le Phytoptus ne résiste pas. S'il s'agit de faire une plantation avec des sarments pris sur une vigne fortement atteinte, on pourra préalablement plonger les boutures dans de l'eau ebaude. Les expériences sur la reprise des sarments éebaudés faites par MM. Henneguy, Couanon et Salomon [Compt. rend, de l'Acad. des Se, 1887) ont montré que la reprise de boutures plongées pendant dix minutes dans de l'eau à 50° se faisait dans les proportions de 89 %• A cette tempé- rature de 50° subie pendant dix minutes, tous les animaux, même à l'état d'œuf, succombent. On a remarqué que des soufrages répétés, appliqués dès le début de la végétation, entravaient la multiplication de VAcarien, et M. Iïavaz en a fait récemment l'expérience. Tous les cépages ne sont pas affectés de la même manière. A ce sujet, des observations qui méritent d'être signalées ont été faites également par M. Ravaz, et nous empruntons les lignes suivantes à son dernier travail : « Les dégâts de l'Érinose, dit-il, varient avec la nature du cépage atteint. La liste suivante fait connaître la manière dont se sont comportées à ce point de vue, en 1886, les vignes cultivées dans les collections de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier. * H. Mares ; Les Vignes du midi de la France, in Livre de la Ferme, 18G3, pag. 369. ]4 LE PHYTOPTUS DE LA VIGNE. » Cépages très allants : Souvenir du Congrès, Sucré de Marseille, Clai- rette Mazelle, Noir Hardy, Bucheter, Araraon Pignat, Aramon, Cinsaut, Muscat de Frontignan, Muscat rouge, Gros Ribier, Petit Ribier, Bonne vituaigne, Piquepoul rouge, Pougnet, Gros Gamay, Montepulciano, Mus- cat rond d'Espagne. ^Cépages assez atteints: Micbelin, Muscat, Talabot, Terret-Bourret, Muscat bifère, Moulas, Chatus, Guadura, Renard, Pinot blanc, Mazzari, Pietro Corintho, Vigne de chien. •a Cépages peu atteints: Joannenc, Lignan Comte Odart, Noir hâtif de Marseille, Sauvignon, Aramon blanc, Terret noir, Grenache blanc, Œillade de Bellevue, Olivette noire, Olivette blanche, Olivette jaune, Marocain, Aspiran gris, Piquepoul-Morrastel, Brun Fourcat, Tibouren, Colombaud, Tripier, Altesse, Basplant, Syramuse, Estacca Saouma, Mar- sanne, Passerille blanche, Syrah, Marsanne, Abelione, Rousse, Cbichaud, Gamay de l'Aube, Gamay teinturier, Gamay très fertile, Gamay noir, Gitana, Silvana, Lacrima nera, Verdicchio, Rodites, etc. ^Cépages indemnes: Berlandieri, Mustang, Cinerea, Cordifolia, Grand noir ou Spbinx, Scupernong, etc. » La confusion entre YÊrinose et le Mildew s'étant maintes fois produite, nous terminerons cette étude en signalant les différences qui existent entre les deux affections. L'Érinose, par les galles en forme d'ampoules ou bour- souflures, que nous avons décrites et figurées, provoque la déformation de la feuille. Les poils blancs dont ces galles sont garnies en dessous n'ont jamais l'aspect laiteux des fructifications du Peronospora viticola. Celles-ci ressemblent à une moisissure très blanche, facile à enlever avec l'ongle, et avec raison ont été comparées à des efïlorescences salines. La feuille atta- quée par le Mildiou peut être criblée de taches blanches en dessous, mais elle n'est jamais déformée par des boursouflures. CHAPITRE II. CLASSE DES INSECTES ORDRE DES DIPTÈRES LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE1 (Cecirfomi/ia œnophila IIatuiioffen.) L'ordre des Diptères ou mouches à deux ailes passait, il n'y a pas bien longtemps, pour ne renfermer aucun parasite de la vigne; mais depuis 18G2 plusieurs espèces du genre Cécidomic ont été signalées en Amérique et en 1 Bibliographie. — Osten-Saken ; Ueber die Gallen und andere durch Insekten hervorgebrachle Pflanzendcformationen (Stett. ent. Zeitg., 1861, tom. XXII, pag. 405-420). — Id.; Monograplis of the Diptera of N. America. Was- hington, 1862, tom. I. — Id.; LasiopUra reared frorn a gall on the golden-rod (Proc. Ent. Soc. Philad., 1863, tom. I, pag. 368-370). — Id.; Two new north American Cecidomyix (Ibid., 1S66-67, tom. VI, pag. 219-220). — Id.; Calai. N. America Dipt., 1878, pag. 7 (Smilhsonian Miscellaneous Collections). — Riley et Walsh; The American Entomologisl and Bolanist, 1868-69, tom. I; 1869-70, tom. IL— Riley ; Ann. Reports of the noxious and bénéficiai Insects of Missouri, 3, Rep. 1871 ; 4, Rep. 1872 ; 5, Rep. 1873. — G. Ritter von Haimhoffen; Beobachtungen ilber die Dlatlgalle und deren Erzeugcr auf Yitis vinifera L. (mit drei Holzeschnitten.), den Verhandlungen Zool. Botan. Gesells- chaft in Wien, 1875, pag. 803-810. — Julius Edler, von Bergenstamm und Paul Low ; Synopsis Cecidomyidarum ( Aus den Verhandlungen Zool. Bot. Gesellschaft in Wien, 1870. — Antonio Aloi ; Die un nuevo Inselto, damnoso aile vili, del génère Cccidomyia, scoperlo nellc Vigne delta piana di Catania (Comunicaziono fatta ail' Accademia Giœnia nella tornatadel di S agosto 1886). — Ravaz ; Traduction résumée du travail d'Antonio Aloï (Progrès agricole et viticole de Montpellier, 22 mai 1887). jg LA CÉCIDOMtE DE LA VIGNE. Europe comme vivant dans l'intérieur du parenchyme de la feuille et y provoquant la formation de galles d'un aspect tout particulier. Les Cécidomies (xr/t; galle, pï« mouche) sont de petits Diptères hrunsou teintés de couleurs tendres passant au hrun par la dessiccation, de 1 ram,50 à 3 millim.de long, au corps svelte, très fragiles, auxgrands pieds, aux longues antennes, ce qui les fuit ranger, à côté des cousins ou moustiques et des grandes tipules de nos jardins, dans le sous-ordre des Némoccres (v^px fil, xeo«; corne) . Elles constituent une petite famille, celle des Cècidomides, détachée par les entomologistes modernes de celle des Tipulidcs, où on les rangeait autrefois. On les classe par la disposition des nervures des ailes, le nomhre et la forme des articles des antennes. Ces Diptères lilliputiens, très nombreux en espèces, plus d'une centaine en Europe, sont parfois, à l'état de larves, de grands ennemis de nos récoltes. Ils se multiplient souvent en quantités énormes et constituent des légions de ravageurs qui s'attaquent aux tiges, aux feuilles, aux fleurs, aux fruits et aux parties ligneuses des végétaux vivants. Il y en a même qui habitent dans le bois mort, entre l'écorce et l'aubier et jusque dans des matières végétales en putréfaction. Celles qui s'attaquent aux végétaux vivants, les seules qui intéressent l'agriculteur, produisent d'ordinaire des déformations qui rentrent souvent dans la forme renflée et arrondie connue sous le nom de galle [Cccidomyia œnophila, C. Urticœ, C. Fagi), mais qui se réduisent parfois à des hyper- trophies de tissus [C. Eryngii, C. Rubi), de fruits (C. Pyri, C. nigra), à des modifications dans le développement des fleurs [C. Verbasci), des bour- geons [C. Ericœ-scoparix). Certaines font épanouir en forme de rose les bourgeons terminaux du saule [C.rosaria] , d'autres rongent le parenchyme de la feuille sans y produire de renflement, on aperçoit simplement la galerie par transparence [C. buxi décrite par M. Laboulbène) ; d'autres enfin, telles que C. deslructor du blé, vivent dans les gaines des feuilles sans y occasionner de déformations sensibles, exerçant leurs ravages en rongeant la tige, qui se brise alors au moindre vent. Les larves de Cécidomies ont la forme générale allongée de beaucoup de larves de Diptères connues sous le nom vulgaire d'asticots, tantôt solitaires dans leur loge [C. œnophila, C. Fagi, etc.), tantôt en sociétés plus ou moins nombreuses [C. nigra, C. Pyri, C. Papavei^is, etc.). Leur corps est de diverses couleurs, blanc, jaune, orange, rose, rose saumon, avec des parties translucides plus ou moins grandes aux extrémités. La coloration, variable, est due à celle du tissu adipeux, qui est vu par transparence et plus ou moins abondant. Quand la larve est grasse, bien nourrie, elle est plus colorée et sur une plus grande étendue. Le corps est souvent armé de crochets à l'en- La CécIdOmië de la vigne. 17 trémité postérieure, ce qui permet à l'insecte de s'accrocher, de se courber en arc et, par une brusque détente, d'exécuter des sauts qui le lancent au loin. Cette propriété, commune du reste à beaucoup de larves de Diptères, se voit surtout chez les espèces qui se changent en nymphe dans le sol. La métamorphose a lieu pour les unes dans la cavité même où elles ont vécu, pour les autres sous les écorces, entre les nervures des feuilles ou dans la terre meuble. Certaines se (ilent un cocon de soie blanche [C. œnophila, C. Pini, etc.), d'autres se métamorphosent dans leur propre peau, qui, sans se rompre, s'est détachée de leur corps [C. Tritici, C. destructor, etc.). En donnant ces renseignements généraux sur les premiers états des Cécidomies, nous ne pouvons passer sous silence un des phénomènes les plus extraordinaires qui aient été constatés jusqu'à ce jour en biologie. Qui dit animal apte à se reproduire, dit en quelque sorte animal parfait, et les cas de larves pondeuses étaient inconnus chez les insectes avant 1862. A cette époque, un naturaliste russe, Nicolas Wagner, publia des observations faites par lui en 1861 au bord du Volga, à Kasan, sur des larves de Cécidomies, sous-genre Miastor, vivant sous l'écorce des ormes et pondant par parthénogenèse des larves semblables à elles-mêmes. Plusieurs générations de ces larves se succédaient; puis, à un moment donné, certaines se changeaient en nymphes et ensuite en insectes parfaits. Le fait, qui Qt beaucoup de bruit dans le monde des naturalistes, fut con- firmé par M. Fr. Meinert. qui obtint à son tour des Miastor parfaits de larves pondues par des larves. Les nymphes sont blanches, rosées, oranges ou roussâtres, glabres ou hérissées de quelques soies. On distingue nettement les ailes, les antennes et les pattes, qui sont repliées contre le corps. Le thorax est muni de deux cornicules dont on a discuté le rôle, mais que l'on considère au- jourd'hui comme des tubes respiratoires surmontant les stigmates thora- ciques. M. Laboulbèue y a observé une trachée qui en occupe tout l'in- térieur ; ces cornicules respiratoires s'observent du reste chez beaucoup de Diptères. La tète est ornée de deux pointes chitineuses placées à la base des antennes et destinées a ouvrir un passage au dehors, un peu avant la transformation en insecte parfait. Celui-ci est en effet trop faible, à tégu- ments trop mous, pour pouvoir traverser l'obstacle le plus léger si la voit; ne lui est pas préparée. Les insectes parfaits ne vivent que quelques jours, le temps de s'accoupler et de pondre. 18 La cécidômie de la Vigivë. I. — HISTORIQUE. Le genre Cecidomyia, si important au point de vue agricole ou purement scientifique, a dès le xvie siècle attiré l'attention de beaucoup de natura- listes. Malpighi 1628-1694, Réaumur 1736-1740, Scopoli 1763, Schrank 1776-1803, Degeer 1782, Kirby, 1797-1828, Meigen 1803-1838, Vallot 1819-1849, Bouché 1833-1847, Dufour 1837-1801, Perris 1840-1870, Rondani 1840-1874, Ratzeburg 1841-1868, Bremi 1844-1849, Low 1844-1876, Winnertz 1846-1870, Passerini 1850, Scbiner 1854-1868, Laboulbène 1857-1873, Gebin 1860, Giraud 1861-1863, Osten-Saken 1861-1871, N. Wagner 1862-1865, Goureau 1862-1863, Meinert 1864- 1872, B. Wagner, 1866-1871, Riley et Walsh 1868-1872, Haimhoffen 1875, Edler von Bergenstamm 1876, pour ne citer que les principaux, ont publié de nombreux travaux, les uns exclusivement techniques, les autres remplis de science et d'observations sagaees sur les mœurs de ces insectes et les désordres physiologiques causés par eux sur les planles. Entrer dans le détail de tous ces Mémoires serait sortir de notre sujet. «Le nombre des espèces de Cécidomies, a dit Perris ', est tel et la variété de leurs mœurs si grande, que la vie d'un homme s'épuiserait à revoir tout ce qui a été écrit sur leur compte et à compléter leur histoire.» Nous ne citons donc, dans la Note bibliographique et dans cet exposé historique, que les travaux concernant les diverses Cécidomies ampélophages, et ren- verrons pour les Mémoires parlant des autres espèces au Synopsis Cecido- myidarum de MM. Julien Edler von Bergenstamm et Paul Lôw. Ce travail éuumère 141 auteurs et 291 Ouvrages ou Mémoires dans lesquels il est question de 606 espèces de Cécidomies, attaquant 325 espèces de plantes. Tout d'abord signalons ce qu'au xvne siècle disait Malpighi (An. plant., pars altéra, pag. 39, PI. XVI, fig. 58). Le vieil auteur parle d'une mouche produisant des galles ovales sur les vrilles de la vigne. Le travail de Vallot, dans lequel nous puisons ce renseignement (pag. 316), n'en dit pas davantage ; mais nous ne pouvons voir dans ces galles causées par une mouche autre chose que celles d'une Cécidômie ayant, comme nous l'avons observé à Montpellier, piqué les vrilles de la vigne. Dans les auteurs du xvin° et ceux de la première moitié du xixe, rien de sem- blable n'est mentionné. Ce n'est qu'en 1854 que des galles causées par 1 Perris; Les Diptères du Pin maritime {Ann. Soe. ent. de Fr., pag. 18?, 1870). LA CÊdtDOMli OK LA VICNE. l';f des Cêcidomics ont été vues d'une façon certaine sur la vigne d'Eu- rope par M. IlaimliolVen, de Vienne; niais l'observation n'a été publiée que [dus tard, et c'est eu 18G"2 que pour la première fois une Cecido- myia (Lasioptera) vitis, vivant sur la Vitis riparia, a été décrite par M. Osteu-Saken dans sa Monographie des Diptères du nord de V Améri- que. L'entomologiste russe a publié ensuite une Cecidomyia viticola éga- lement américaine, dont il n'a observe que la larve et la galle. MM. Walsli et Riley, de leur côté, ont donné l'histoire et la description de deux espèces, toujours des Etats-Unis, C. Vitis-coryloïdes vivant sur Vitis coxlifolia, et C. Vitis-pomum vivant sur Vitis cordifolia, labrusca, riparia et vulpina. Les galles ont été figurées par ces deux auteurs. Dans son Catalogue des Diptères du nord de l'Amérique, publié en 1878, M. Osten-Saken cite ces divers travaux. Le Mémoire de M. HaimliofTen renfermant la description de l'espèce européenne vivant sur Vitis vinifera est de 1875. w J'ai trouvé, dit-il, des galles de Cécidomie sur une vigne cultivée, le 15 juin 1854, au N.-O. de la ville de Vienne, derrière Gerstbof, sur une colline ayant un de ses versants exposé au Midi et découvert. Dans la seconde moitié d'août 1854, j'ai essayé l'élevage de plusieurs de ces producteurs de galles et je n'ai obtenu que deux espèces d'Hyménoptères parasites de la famille des Cbal- cidieus. Une publication à ce sujet devait être retardée pour ne pas publier des choses douteuses. Soit par suite de circonstances atmosphériques ou toute autre cause, j'ai passé huit ans sans retrouver ces galles. C'est le l" juin 1869 que je les ai rencontrées de nouveau dans les vignobles situés au pied du Geisberg, près Perchtoldsdorf ; enfin trois ans plus tard, le 11 juin 1865, j'ai trouvé de ces galles en pleine maturité, au nombre de 19 sur une seule feuille. Dès le lendemain, presque toutes les larves étaient sor- ties et s'étaieut cachées dans la terre du récipient. Le 27 juin, donc seize jou's plus tard, sortirent les premières Cêcidomics à l'état parfait, mais rien que des femelles. Huit jours après, le 19 juin 1865, je découvris encore plusieurs galles habitées ; le 7 juillet, la plupart étaient sèches, d'autres étaient abandonnées par les larves et laissaient voir un petit trou de sortie sur la face inférieure. Depuis cette époque, il s'est encore passé dix ans jusqu'à ce que j'aie pu obtenir quelques producteurs par éducation. Grâce à moi, la présence de ces galles n'avait [tas échappé à quelques autres observateurs autrichiens : ainsi, j'ai reçu de M. Von Bergenstamm une feuille de vigne sauvage cueillie à Rubia, près Garz, avec une galle qui, quoique desséchée, était inconnaissable." Notre regretté ami Lichtenstein a le premier, en 1878, trouvé à Moutpellier l'insecte d'IlaimholTen, et il se disposait a le décrire sous le 20 LA CÈCIDOMIE DE LA VIGNE. nom de Cecldomyia utils, lorsqu'il eut connaissance du Mémoire autri- chien. Depuis cette époque, nous l'avons personnellement rencontré plu- sieurs fois dans le département de l'Hérault, à Béziers, à Agde et à Fig. 4. — Feuilles de vigne avec galles de Gécidomies. Montpellier; nous avons également reçu de M. Bayle, d'Aiguesmortes Gard), une quantité considérable de galles. Elles abondent, parait-il, dans LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. 21 cette localité et se trouvent surtout sur la vigne sauvage dans les baies, placées de préférence sur les rameaux latéraux . Un second Mémoire sur des Cécidomies trouvées sur la vigne en Europe date de 188G. Il est dû à un italien, M. le professeur Antoine Aloï, qui a rencontré ces insectes dans la plaine de Catane. Cet auteur ne donne pas de nom d'espèce à la Cecidomyia qu'il décrit très brièvement ; il la consi- dère cependant comme peut-être nouvelle. « Les données me font défaut, dit-il, pour établir que mon insecte est ou n'est pas le même que celui de M. Haimbolïen . » Dans une traduction résumée qu'il a donnée de ce travail (Progrès agricole, mai 1887), M. Ravazditen note que l'espèce italienne n'est autre que la C. œnophila. Ce n'est pas sur la description de l'auteur italien que nous pouvons juger, elle est trop incomplète! Le ali sono frangiate ed hamo tre nervalure principali, voilà tout ce qu'il dit du caractère le plus important cbez une Cécidomie, celui de la disposition des nervures des ailes; mais M. Aloï parle de trois générations dans l'année, en mai, en juin et en juillet : or la Cecidomyia œnophila, d'après les observations de l'auteur autriebien et d'après les nôtres, parait n'eu n'avoir qu'une seule. Nous n'avons pas l'habitude de classer les animaux d'après leur biologie, les mœurs pouvant se modifier suivant le climat, le sol, etc., s'adapter en un mot à un milieu; nous trouvons cependant considérable cette différence dans le nombre des générations et nous faisons nos réserves, attendant un nouveau travail annoncé par M. Aloï. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Les Galles mûres sont rondes ou ovales (fig. 4), en forme de lentilles ayant environ 3 millim. de diamètre et faisant saillie des deux côtés de la feuille, de consistance dure, placées souvent sur les nervures, lisses et un peu luisantes en dessus, velues et mates en dessous, à parois épaisses, denses à l'extérieur, tendres et translucides à l'intérieur; elles sont d'abord d'un vert plus clair que la feuille, deviennent ensuite de môme teinte, et quand la larve est sortie elles se rembrunissent et se dessècbeut, en com- mençant parle centre. M. Haimhoffen dit qu'elles deviennent parfois d'un rouge foncé. Nous ne l'avons jamais observé ; mais sur des plants à raisins colorés, le Petit Bouschet ou autres, la chose est possible. Ou sait qu'a l'automne, au moment où la cbloropbylle de la feuille perd de sa vitalité, l'érythropbylle, ou principe colorant rouge, prend au contraire une grande intensité sur ces plants-là; il n'y a dune rien d'étonnant a ce qu'au moment 22 I.A CÉCTDOMTE DR LA VIGNE. delà maturité de la galle et avant sa dessiccation, celle-ci puisse tourner au rouge. Celte teinte est très fréquente du reste sur les galles du Phylloxéra. Le nombre de ces renflements est parfois considérable, jusqu'à 50 ou 60, mais d'ordinaire de 5 à 20 par feuille. Nous en avons observé jusque sur les vrilles. Souvent deux galles voisines se soudent, principalement sur les nervures, où leur dimension est plus grande ; elles se confon- dent alors, formant une tumeur allongée dans laquelle chaque larve a sa loge distincte. Cette loge, d'abord très petite, juste de la dimension de la larve, qui se tient courbée en demi-cercle, devient ensuite spacieuse, jusqu'à 2millim. de diamètre en tout sens, quand la recluse, grandissant, a consommé les cellules du parenchyme tout autour d'elle. Celles-ci, vues au microscope, paraissent comme déchirées par l'appareil spécial dont nous parlerons en décrivant la larve. Les galles apparaissent à la fin de mai, la plus grande partie les premiers jours de juin , et à la fin du même mois toutes les larves sont sorties . On a parfois pris ces galles pour celles du Phylloxéra. No as les avons personnellement reçues sous ce nom, des environs de Béziers. M. G. Hiinstler, dans son ouvrage sur les Insectes nuisibles aux plantes cultivées (Die unseren Culturp flan zen schddlichen Insecten, 1871, pag. 85), paraît les avoir confondues, ainsi que le chevalier de Fraunfeld dans son travail sur le Phylloxéra [Verh. derZool , Dot. ges., 1872, § 3 — 4. Heft, pag. 569 und 571). La différence est cependant notable. Les galles du Phylloxéra sont développées seulement au-dessous de la feuille, renflées en forme d'utricules ou de gourdes, avec une ouverture en dessus de la feuille ; celles de la Cécidomic sont au contraire lenticulaires, aussi saillantes en dessus qu'en dessous delà feuille et entièrement closes. La larve est longue de 2 millim. environ, aveugle, légèrement courbée en demi-cercle, de couleur rose saumon plus ou moins foncé, tirant parfois sur l'orange. Le corps est atténué aux deux bouts, formé de 14 seg- ments y compris les deux dont semble se composer la tète, glabre, n'ayant que quelques poils spiniformes dirigés en arrière, partant d'une base ou article basi- laire élargi et placés en dessous au milieu des seg- [ug/ ,5'7TLa,rve de ments; peau recouverte de fines granulations épineuses, delaCeciuomyia œnophila. aplaties, semblant imbriquées et dont la pointe est diri- gée en arrière. Les téguments extérieurs sont blancs, translucides; la couleur est donnée par le tissu adipeux vu par transpa- rence et qui d'ordinaire ne s'étend pas jusqu'aux extrémités du corps. La tête, très petite, est rétractile, semblant formée de deux segments, LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. 23 prolongée en museau allongé, à l'extrémité duquel se trouve l'ouverlur i buccale; l'armature interne de celle-ci est formée de pièces chitineusas jaunes, peu distinctes; deux palpes labiaux paraissant n'avoir qu'un article sont placés à la partie inférieure. Le prolhorax est renllé, une fois plus long que la tête, muni en dessus d'une lame chitineuse rousse, terminée par deux pointes divergentes. Cette lame, partant d'une échancrure du mésotborax, s'avance engagée dans la peau à la surface du prothorax, dont el'e suit le contour arrondi jusque près de son bord antérieur. Les deux pointes divergentes saules sont un peu détachées et sont retenues solidement par deux prolongements chiti- neux latéraux, à l'endroit où elles se séparent du protborax. Par un mou- vement de rétraction de la tête et du bord antérieur du protborax, ces deux pointes font saillie. C'est évidemment là l'instrument perforant qui permet à cette larve à bouche inerme de déchirer les tissus du parenchyme pour se nourrir ou se frayer un passage au dehors au moment où elle quitte la galle1. Los deux autres anneaux tboraciques sont d'un tiers moins longs que le prolhorax. Le mésothorax est remarquable par l'échancrure pointue aux bords arrondis et renflés et qui donne naissance à la lame chitineuse décrite ci-dessus. 1 Perris, dans une description de larve de Cécidomie vivant dans le Pin mari- time [Ann. Soc. eut. de Fr., 1870, pag. 172), parle d'une pièce subcornée placée sous la peau, en dessus du prothorax, roussàtre, un peu spatulée, légèrement, échancrée à l'extrémité antérieure et devant servir d'attache aux muscles qui mettent en mouvement les parties de la bouc'.:e et la tête elle-même. M. Laboul- bène, de son côté, dans la Description de li Larve de la Cécidomie du buis (Ann. Soc. ent. de tr., 1873, pag. 317), mentionne deux pièces chitineuses: l'une in- terne, déjà signalée par Réaumur sous le nom de a irait bruu corné », appar:e- nant à l'appareil buccal ; l'autre externe, bilide à son extrémité autérieure, placée en dessous du prothorax et servant d'appareil perforant. Y a-t-il eu confusion eutre ces deux pièces ? Evidemment non, pas môme de la part de Réaumur. Celle de Perris, placée en dessus du prothorax, intérieurement, paraît correspondre au «trait brun corné» du vieil auteur, et celle de M. Laboulbène, placée en dessous du prothorax, extérieurement: est bien certainement l'appareil perforant signalé déjà par Réaumur à propos de la Cécidomie du hêtre (Mémoires, tom. III, pag. 519. PI. 38, tig. 16). Chez notre larve, la lame unique placée en dessus du prothorax, extérieurement, parait remplir les deux fonctions, servir de point d'attache aux muscles et aussi d'appareil perforant. Gomme l'indique M. L bcilbène, nous avons fait rouler sur une plaque de verre la larve vivante, nous l'avons examinée au microscope de face et de pr:ftl, et nous avon^ vu que la lame bifide sus-protho- racique est, il est vrai, en partie engagée dans la peau, mais fait saillie extérieu- rement et que les deux pointes de l'extrémité sont libres, 24 LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. L'abdomen est formé de 9 segments à peu près d'égale longueur; les stigmates au nombre de 9, placés latéralement, sont très petits, invisibles à la loupe la plus forte et ne peuvent être vus distinctement au microscope qu'à un grossissement d'environ deux cents diamètres. Le stigmate tbora- cique placé sur le protborax un peu en arrière, les 8 abdominaux situés au milieu des 8 premiers segments, sauf le huitième très petit placé uri peu plus bas vers la partie ventrale. Dans l'intérieur de la galle, les mouvements sont lents, mais au dehors assez vifs, et à l'occasion, d'après M. Haimboffen, ces larves sautent pour quitter la feuille. Nous les avons simplement vues se laisser choir, et nous nous demandons comment elles pourraient sauter, n'ayant pas l'extrémité abdominale munie de crochets. Mises dans un récipient avec de la terre, les larves sorties des galles s'enfoncent de suite, et quinze jours après les petites mouches apparaissent. Nous avons dû donner de cette larve une description détaillée, celle de M. Haimboffen ne comprenant que quel- ques lignes et pouvant se rapporter à beaucoup d'autres larves de Cécidomics. La nymphe est enfermée dans un cocon de soie blanche qui reste dans la terre après î'éclosion ; mais, si l'on ne donne pas de terre à l'insecte, il file ce cocon dans uo coin du récipient ou entre les nervures des feuilles ; nous en avons obtenu deux dans ces conditions-là. Ce cocon est ellipsoïde un peu aplati, long d'un millim. et demi à un millim trois quarts, légèrement translucide, et laisse apercevoir la nymphe qui est d'un blanc rosé. Quelques larves, dit M. Haimboffen, ne se transforment pas et restent dans le cocon pour ne se métamorphoser qu'au printemps suivant ; mais la plupart des petites mouches apparaissent en juillet. Haimboffen en a obtenu fin juin. Cet auîeur ayant donné une bonne description de l'insecte parfait, nous ne pouvons mieux faire que de la reproduire. Les mâles n'ayant été en- core observés par personne, elle a été faite sur des femelles. Longueur lmm,6. Tête petite, noire, tronquée en arrière, détachée du thorax ; la face, entre les antennes, est d'un rougeâtre pâle, parsemée de poils noirs rares. Palpes blanchâtres, cou distinct, rouge pâle, yeux noirs ; antennes effi- lées, de 1 i articles brun rougeâtre, couvertes de poils courts, les articles plus longs que larges, plus petits vers l'extrémité, avec des poils verti- Fig, 6. — Cecidomyia œuophila fortement grossie. LA CÉC1D0MIE DE LA VIGNE. 25 cillés. Thorax bomLé, gris noir dans sa partie dorsale avec des poils noirs isolés, les côtés de la poitrine et le môtathorax couleur de cbair, ainsi que le scutellum qui est rugueux. Balanciers d'un rougeâtre pâle avec le pé- dicelle blanc. Abdomen fusiforme, effilé, couleur de cbair, les deux der- niers segments pâles, l'oviscapte encore plus pâle, proéminent, sans la- melle à l'extrémité. Segments très renflés couverts de poils noirs diver- gents, portant sur la partie dorsale une touffe de poils recourbés en arrière, intervalles des segments plus clairs, les pattes longues, fines, rougeâtres, les hanches et les articulations plus foncées, grisâtres, les cuisses posté- rieures avec trois ou quatre soies très fines, divergentes et noires. Ailestfan quart plus longues que le corps, se couvrant, la surface obscurcie par des poils noirs et serrés, le bord garni de cils se détachant facilement, entre la nervure longitudinale médiane et la nervure bifurquée ; une ligne foncée oblique, composée de poils épais, s'avance vers le bord de l'aile. Ner- vure du bord noirâtre, la 2e nervure longitudinale légèrement arquée dans son milieu, se réunissant à la nervure du bord avant la naissance de l'aile. La ramification externe de la 3e nervure longitudinale manquant, du moins invisible aux plus forts grossissements. La bifurcation interne obliquement descendante sous un angle obtus. Pas de petites nervures transversales entre les première et seconde nervures longitudinales. Ces petits et gracieux moucherons sont difficiles à saisira cause de leur vivacité. Après leur mort, ils perdent leur aspect et leurs couleurs. La présence de la Cécidomie de la vigne a été signalée jusqu'à présent, en Autriche par M. Haimhoffen, en France par plusieurs naturalistes, eu Roumanie par M. Horvath, en Grèce par M. Gennadius, en Sicile enlin par M. AIoï. Fig. 7. — Aile de la Gecidomyia œno- phila, d'après Haimhoffen. III. — MOYENS PRÉVENTIFS. Bien que le petit Diptère qui nous occupe soit exclusivement parasite de la vigne, ou peut-être parce qu'il est particulier à cette plante, il ne uous parait pas occasionner de dommages sérieux. Beaucoup d'espèces qui ne sont ampéloplmgesquepar occasion sont autrement dangereuses. D'après ce que nous avons observé en France, les fonctions physiologiques de la feuille ne peuvent être gravement entravées par ses galles. M. AIoï, dans le travail cité plus haut, n'est pas de notre avis. En Sicile, selon lui, le mal serait parfois 26 LA CÉCIDOMIE DE LA VIGNE. appréciable. «L'insecte, dit-il, ayant plusieurs générations dans l'année, les larves de la première dessèchent et trouent le limbe en plusieurs points ; les générations suivantes produisent de nouvelles galles dans les endroits en- core intacts, si bien que la feuille s'atrophie, se recroqueville, se dessèche en grande partie et cesse de fonctionner.» S'il en est ainsi en Sicile et dans les climats similaires, il faut avoir soin, dès le commencement, de détruire les premières feuilles portant des galles. En France, nous le répétons, nous n'avons jamais observé de dégâts sérieux. La trop grande multiplication de l'espèce est du reste arrêtée naturellement par deux petits hyménoptères * de la famille des Chalcidiens, qui sortent des galles du 10 juillet au 10 août. Passé le 10 juillet, on peut même dire que toutes les galles qui ne sont pas percées sont occupées par ces parasites. 1 Nous n'avons pa jusqu'à présent déterminer ces deux petits Chalcidiens. Les célèbres collections d'Hyménoptères de Sichel et de Giraud, aujourd'hui propriété du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, étaient en France les seules assez riches en Hyménoptères parasites pour nous offrir des types de comparaison. Nous nous sommes donc adressé au Muséum ; mais, malgré les recherches opé- rées pour nous par M. Poujade, préparateur de la chaire d'Entomologie, l'identité de ces deux insectes n'a pu être établie. Sont-ce les mêmes espèces que M. Haimhoïïen dit avoir obtenues à Vienne dans la seconde quinzaine d'août? Il n'en donne pas la description ! Au premier abord, nous les avions rapprochées des Eulophus, parasites des Cécidomies observés déjà par Dufour, Perris, Laboulbène et d'autres auteurs ; mais ils s'en éloignent par la forme des ailes et des antennes. Peut-être sont-ils inédits ; mais, avanl de leur assigner un nom, de nouvelles recherches doivent être opérées. De ces deux insectes, l'un, le plus grand, dont tous les individus sont femelles, est long de lmm,50, de 2 millim. si dans la longueur du corps est comprise celle de l'oviscapte. La largeur est d'environ 1/2 millim. Le corps est d'un jaune safran foncé avec deux grandes taches noires en dessus, l'une sur le devant du thorax l'autre à l'extrémité de l'abdomen. L'oviscapte est noir avec la base rousse, les yeux bruns, ainsi que deux ocelles placées sur le front au-dessus des antennes. Celles-ci, également brunes, sont assez courtes, insérées très près l'une de l'autre entre les deux yeux et composées de cinq articles seulement; les pattes sont d'un jaune pâle avec l'extrémité des tarses bruns. L'autre forme, la plus petite, dont tous les individus sont des mâles, n'a guère qu'un millim. de long ; le corps, d'un noir foncé bri.'lant, est très étroit en pro- portion, les pattes sont d'un jaune pâle et les antennes brunes, celles-ci sont fili- formes et atteignent les deux tiers de la longueur du corps. Ces deux types ne représenteraient-ils pas les deux sexes d'une même espèce? La larve et la nymphe de ces parasites ont été observées par nous. Les méta- morphoses s'opèrent dans l'intérieur de la galle de la Cécidomie. CHAPITRE III. ORDRE DES HÉMIPTÈRES Ce groupe important, dont le nom est tiré de deux mots grecs (%t; semblable), renferme toutes les espèces à ailes supérieures uniformes, et l'autre, celui des Hétéroptères [îrèpoç dissemblable), toutes celles qui ont les ailes supé- rieures à demi transparentes. Les Cochenilles, le Phylloxéra, etc., appar- tiennent au premier sous-ordre; les Punaises, si nombreuses en espèces, au second. Les Hémiptères, en majeure partie phytophages, renferment naturellement un très grand nombre d'ennemis de nos cultures. Dans les diverses contrées de l'ancien Monde, la vigne est attaquée par une quinzaine d'espèces. Plu- sieurs vivent exclusivement à ses dépens et, à ne citer que le Phylloxéra, peuvent être rangés dans les ravageurs célèbres. De premier sous-ordre, celui des Homoptères , se subdivise en diverses familles, parmi lesquelles on peut citer, comme renfermant des espèces en- nemies des vignes : les Coccides connues vulgairement sous le nom de Coche- nilles, les Aphidcs ou Pucerons, les Cicadellides ou petites Cigales, les Fulgoridesei les Cicadidcs ou grandes Cigales. Dans les Hétéroptères, nommés vulgairement punaises, il n'y a qu"une seule famille à citer, celle des Capsidcs, et encore ne renferme-t-elle qu'une seule espèce nuisible à la vigne. Commençant par les formes inférieures, nous pourrons donc dresser comme suit la liste des Hémiptères ampélophages dont nous aurons à nous occuper: Sous-ordre des Homoptères : Famille des Coccides Pulvinaria vitis. Linné. — — Aspidiotus vitis. Signoret. 28 LES COCHENILLES DE LA VIGNE. Famille des Coccides Dactylopius vitis. Niedelski. — des Apbides Phylloxéra vastatrix. Plancuoa. — Aphis vitis. Scopoli. — des Oicadellides Typhlocyba flavescens. Fabricius. — — viticola. Targioni. — Penthimia atra. Fabricius. — des Fulgorides Hysteropterum Grylloidcs. Fabricius. — • des Oicadides Cicada atra. Olivier. — — hœmatodes Scopoli. — — plebeja. Scopoli. — — omi. Linné. Sous-ordre des Hétéroptères : Famille des Capsides Lopus sulcatus. Fieber. Cette liste de quatorze espèces pourrait être allongée ; mais nous avons crudevoir n'y pas comprendre plusieurs punaises citées parcertains auteurs comme accidentellement ampélophages et qui d'habitude ne sont nullement dangereuses. Nous terminerons ces renseignements généraux en disant que, pour la nomenclature parfois embrouillée des Hémiptères, nous avons suivi l'ou- vrage le plus récent (1886) et qui passe pour être le mieux au courant de la science, le Catalogue des Hémiptères d'Europe de M. le Dr Puton. Pour les Coccides qui ne sont pas compris dans ce Catalogue, nous avons adopté les noms de l' Essai sur les Cochenilles de M. le Dr Signoret. SOUS-ORDRE DES HOMOPTÈRES FAMILLE DES COCCIDES. Les Coccides ou Cochenilles sont les plus inférieurs des Hémiptères. La femelle, presque toujours privée d'ailes, est, chez de nombreuses espèces, entièrement fixée à la plante qui la nourrit. Muni de pattes et d'antennes dans son jeune âge, l'insecte, lorsqu'il a grandi, circule pour trouver une place convenable, plante son bec dans les tissus tendres de la plaute et devient immobile. Les pattes et les antennes s'atrophient, se dessèchent et tombent; le corps, d'abord aplati, se renfle parla production des œufs, et une sécrétion cireuse blanche, pulvérulente, glua.ite ou solide suivant les genres, le soude au végétal. Les œufs sont alors pondus en dessous de l'insecte ainsi fixé. A mesure que les ovaires se vident, la peau du ventre va progressivement rejoindre celle du dos et, la ponte terminée, le corps se trouve réduit à une coque hémisphérique desséchée, recouvrant plus ou LES COCHENILLES DE LA VIÛNE. 29 moins les œufs pour les protéger contre les intempéries et ressemblant à une excroissance du végétal. De là, le nom de Gallinsectes donné par Réaumur à ces êtres dégradés. Dans certains genres plus élevés en organisation, tels que les Daclylopius, la femelle, toujours aptère, conserve ses pattes et ses antennes, ne se fixe pas et pond ses ic-ufs en un ou plusieurs tas séparés, recouverts de la pro- duction cireuse. Cette sécrétion, d'ordinaire d'aspect cotonneux, filamen- teux ou pulvérulent, plus abondante cbez la femelle que chez le mâle, est produite par des glandes cutanées, unicellulaircs, parfois en forme de poils, isolées ou réunies par groupe, placées souvent autour de tubercules spé- ciaux, et que nous retrouverons cbez les Âphidesei les Cicadides. Le mâle, toujours très petit (PI. IV, fig. 6) est muni de deux ailes seule- ment, les inférieures étant toujours avortées et réduites à des balanciers. L'abdomen est remarquable par les deux longs filets qui le terminent. Entre ces filets, partant du segment anal, se voit le stylet, pointe saillante, cbitineuse, parfois très longue, formée de deux valves destinées à protéger le pénis. Privé de bec. ayant l'appareil digestif atrophié, ce mâle ne mange pas. On ne le voit apparaître que pendant quelques jours, et. l'accouplement opéré, il disparaît. Les Cochenilles sont célèbres parleurs ravages. A part certaines espèces utiles, comme la Cochenille du Cactus [Goccus Cacli) produisant le carmin des teinturiers, la Cochenille de Pologne [Porphyrophora Polonix) affectée au même emploi, les différents kermès du chêne qui donnent aussi une couleur rouge, la Cochenille à cire de la Chine (ÉricerusPé-là) et le Carleria lacca de l'Inde qui par sa piqûre provoque l'exsudation de la laque sur diverses espèces de figuiers ; à part ces quelques types, on peut dire que toutes les Cochenilles sont nuisibles et même que leurs ravages sont parfois irrésistibles. Nous en avons actuellement un exemple frappant dans la destruction des fusains cultivés, destruction lente, mais sûre, qui s'accom- plit aux Etats-Unis et en Europe par l'envahissement du Chionaspis Evonymi. Nous pouvons citer encore les divers Coccides qui dans certains pays ont fait renoncer à la culture des orangers et des citronniers, [Dacty- lopius citri, Lecanium hesperidum, etc.). Moins dangereuses sont les Cochenilles de la vigne. Bien ques'attaquant exclusivement au genre Vitis, elles n'occasionnent des dégâts sérieux que dans certaines régions et dans des circonstances exceptionnelles. Elles sont, nous l'avons dit, au nombre de trois: Pulvinaria vitis, Aspidiotus vitis et Daclylopius vitis. 30 La cochenille P.ÛUGë. LA COCHENILLE ROUGE ' [Pulvinarla vitis Linné.) Synonymie. — Coccus vitis, Linné. — Gallinsecte de la vigne, Réau- mur- — Lecanium vitis, Illiger.— Calypticus spumosus, Costa. — Calyp- ticus ampelocecis, Amyot. — Lecanium vini, Bouché. — Pulvinaria vitis, Targioni. I. — HISTORIQUE. Des trois espèces de Cochenilles attaquant spécialement la vigne dan? l'ancien Monde, celle qui nous occupe est la plus anciennement connue et décrite. Walckenaer rapporte en effet au Coccus vitis de Linné le Tholea ' Bibliographie. — Linné ; Systema naturx, tom. II, 741, 16, 1735. — Réaumur ; ffisl. des Insectes, tom. IV, pag. 62, PI. I, fig, 9 ; et PI. VI, fig. 5 à 7, 1738. — Geoffroy; [fis t. abrégée des fus. des enviions de Paris, tom. I, pag. 50G, 1762. — Fabricius ; Syst. ent., pag. 744, 1775. — Modeer; Goethe- borgsha veten-k, tom. III, 1778. — Fabricius ; Species Ins., tom. II, pag. 395, 1780. — Fourcroy ; Calai. Insect. qui in agro Parisknsi reperiunlur, 1785. — Fabricius; Mantissa, pag. 317, 1787. — Gmelin ; Systema nalurœ, 2218, 1791. — Olivier; Encycl., 439, 5, PI. CXX, fig. 13 à 16, 1792. — Illiger; Kœefer Preussens. Hallee, 1798. — Fabricius; Syst. Rtiyngotorum. 3)0, 24, 1803. — Schrank; Fauna Boïca, tom. II, 1, 1261 ; 144, 180 i. — Haworth ; Observations on the Coccus vitis (Trans. ent. Society of London. 1812, tom. I, pag. 297 à 309. — Costa ; Prospetlo di una nuova divisione dd génère Coccus, 1827.— Id ; bauna Napot., 10, PI. VI, fig. 12, 1829. — Dunal ; Insectes qui attaquent la Vigne, pag. 92 (Ann. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1832).— Bouché; Naturgesdiichte Garten lnscclen, 1833. — Boyer de Fonscolombe ; Ann. Soc. enlom de Fr., tom. III, pag. 214, 1834. — Valckenaer ; Ins. 7iuisibles de la \igne, pag. ^>G3 (Ann. Suc. ent. de Fr., 1835. — Vallot ; Ins. ennemis des Vignes, pag. 312 (Mém. de l'Acad. des Se. de Dijon, 1840). — Audouin ; Histoire des Insectes nuisibles à la Vigne, pag. 319. Paris, Fortin Masson et C'<\ 1842.— Harris; On Cocci or Bark lice (New. Engl. Farmer, XXIII, 4, 1843). Ratzeburg ; Forstinsccten, tom. III, pag. 191, 1844. — Amyot ; Méthode mononymique: pag. 490, 1848. — Bouché; Ent. Zeilung Sleltin, tom. XII, 1851. — Harris ; Ins. of New. Engl. Farmer, pag. 205, 1852. — Fauvel ; Dult. Soc. Linn. de Normandie, tom. VIII, pag. 290, !85'2.— Quequett; Obscr- LA faOCfJËNILLÈ ItOUGE. 31 des Hébreux l. Liane le premier a décrit scientifiquement l'insecte dans son Systema naJwr«e( 1735); il a parlé uniquement de la femelle et l'a comprise dans son genre Coccus, groupe renfermant alors toutes les formes qui com- posent aujourd'hui la nombreuse famille des Coccides. Il l'a nommée Coccus vitis. La description est suffisante pour que l'identité de l'espèce ne puisse être contestée. Après le travail de Linné, nous trouvons presque à la même époque (1738) les observations si remarquables de Réaumur. Le Père de 1 Entomologie française paraissant ignorer le travail du naturaliste suédois et n'admettant pas, comme on sait, sa nomenclature latine, appelle cette cochenille la Gallinscctc de la vigne. Il eu donne dans le tom. IV de ses Mémoires une histoire détaillée et si bien faite qu'elle a été copiée par presque tous les auteurs qui depuis ont parlé des mœurs de cet insecte. Réaumur est le premier qui ait distingué le mâle, petit moucheron n'ayant valions on the structure of the White Filamentous substance of the Coccus vitis (Trans. rnicr. of. London, 1858). — Asa Fitch ; Annual Report of New-York, 69, n° 96, 1859. — Goureau ; Les Insectes nuisibles, pag. 55. Paris, Victor Masson, 1861. — Boisduval ; Entomologie horticole, pag. 312, 1867. — Tar- gioni-Tozzetti ; Études sur les Cochenilles, 1867 eL 18G9. — Nordlinger; Die kleinen Feindc der Landwirthschaft, pag. 609 Stuttgart, 1869. — Plan- chon ; La Phthiriose de la Vigne chez les Anciens (Bull. Soc. des Agriculteurs de France, 1870. — Lichtenstein ; Manuel d'Entomologie à l'usage des hor- ticulteurs, pag. 74 Montpellier, Hamelin, 1872. — Signoret ; Essai sur les Cochenilles (Ann. Soc. eut. de France, 1873. pag. 29 et 46, PI. II).— Kalten- bach; Die P flan zen feinde, pag. 95. Stultgard, Julius Hoffmann, 1874.— Maurice Girard; Catal. raisonné des Insectes utiles et nuisibles, pag. 18t. Paris, Ha- chette, 1878. — Dr V. Haller ; Uber die Rebenschildlaus Coccus vitis, pag. 230 (Ann. der Œnologie. Heidelberg, 1SS0. — Comstock; Report et of Enlomologist of Department of Agriculture, pag, 334. Washington, 1881. — André; Les Parasites de la Vigne, pag. 165. Beaune, 1S82. — Lichtenstein ; Tableau synoptique des Maladies de la Vigne. Montpellier, 1884. — Foëx; Cours complet de Viticulture. Montpellier, Coulet; Paris, Masson, 1886. 1 «Le mot de Tholca, dit Walckenaer [loc. cit.), est employé dans la Bible non seulement pour désigner un ver, un insecte ou larve d'insecte en général, mais également un insecte particulier qui mangeait la vigne et aussi un grand arbre. Au mot Tholea était souvent joint le mot Dibaphi, pour désiguer la Coche- nille du chêne, que les Arabes ont nommée Kermès et qui, traitée par le vinaigre, donne une belle couleur rouge. La Cochenille de la vigne ne produit pas cette couleur, mais la ressemblance de ces insectes a du les faire confondre, et l'épithète Dibaphi, adjointe à Tholea, employée pour désigner le Kermès, indiquait suffisam- ment de quelle nature était l'insecte désigné par ce mot et qui causait de si grands ravages aux vignes et à certains arbres. » 32 LA COCHENILLE ROUGE. que deux ailes et que certains auteurs modernes ont pris pour un parasite de la Cochenille. Illiger (1798) créa pour les Coccuseu forme de carapace de tortue ou de bateau renversé et pondant au-dessous d'eux, le genre Lecanium, nom sous lequel plusieurs livres récents désignent encore notre insecte. En 1827 et 1829, Costa, dans plusieurs Mémoires importants publiés sur les Coccus, travaux qui ne manquent pourtant pas d'une certaine valeur, attaqua vive- ment les écrits de Réaumur, «qui, dit-il, a pris pour le mâle des Cochenilles ce qui n'est qu'un parasite de l'ordre des Diptères ». Cette thèse étrange, rééditée d'un autre âge, qui prouvait que l'auteur italien avait mal vu et n'avait pas su apprécier la rigoureuse méthode d'observation de Réaumur, a été soutenue par lui avec une telle assurance que plusieurs entomolo- gistes distingués de l'époque, entre autres Audinet-Serville, en ont été ébranlés. Toutes les récentes observations, est-il besoin de le dire? ont donné raison à Réaumur, et nous ne pouvons ici que renvoyer le lecteur au chapitre Ier du tome IV de ses Mémoires, aux pages, si pleines à la fois de science, de sagacité et de bonhomie, écrites sur les Gallinsectes par notre grand naturaliste. Le nom de Pulvinaria (du latin pulvinar, coussin), a été créé, en 1867, par M. Targioni-Tozzetti, l'une des autorités scientifiques actuelles en fait de Coccidcs. L'auteur italien a fait cette coupe générique pour les espèces de Lecanides qui reposent sur un coussin de matière cireuse blan- che, ne sont fixées au végétal que par la partie antérieure, et à un moment donné sont soulevées postérieurement par l'abondance de leur ponte. Le cas est remarquable dans l'espèce qui nous occupe (PI. IV, fig.7). Ce nom de Pulvinaria est encore discuté. « Les caractères indiqués, dit M. Signoret, pour distinguer ces insectes des Lecanium vrais, sont peu importants et varient dans les mômes types.» M. Comstock dit de son côté: « Le genre Pulvinaria est mal défini, is not ivell dcfined ». Mais devant l'autorité incontestée de M. Targioni et avec la plupart des entomologistes modernes, y compris môme ceux que nous venons de citer, nous adoptons cette dénomination. Nous sommes en effet convaincu que lorsqu'un groupe est considérable, comme c'est le cas des Lecanium, une nouvelle coupe générique, môme mal délimitée, doit être adoptée pour faciliter le groupement des espèces. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Tous les propriétaires de vigne, surtout ceux qui possèdent de vieux espaliers, mal exposés, connaissent ces paquels de substance blanche LA COCHENILLE RÔUGË. o3 cotonneuse iilant comme de la glu. recouverts d'une écaille d'un brun roux, et qui certaines années, pendant l'été, infectent les ceps, surtout sur le jeune bois. Ce sont les pontes de la Cochenille rouge de la vigne mélangées à une abondante sécrétion cireuse seini-lluide et abritées par le corps desséché de la mère. Si nous examinons de sou vivant l'animal qui les produit, si nous l'étudions au printemps avant qu'il ait commencé à poudre (Qg. 0), nous voyons un insecte de 4 à 5 inillim. de long, bombé en dessus, aplati au- dessous, de formeoblongue, un pou plus étroit eu avant qu'en arriéreetayant une éebancrure à la partie postérieure. La couleur est d'un fauve rouge, parfois foncée, parsemée de taches et de points noirâtres. Cette Cochenille femelle est née au mois de juin de l'année précédente et commencera à pondre dans le courant du mois de mai. De ses œufs très petits, un peu allongés, de teitite vineuse, sortiront, en juin, déjeunes larves hexapodes assez agiles, longues d'environ un tiers de millimètre, de couleur rougeâtre, ayant le dernier anneau de l'abdomen échaucré, munie de deux antennes à six ar- ticles, d'un long bec replié le long du ventre et de deux grands poils à l'extrémité du corps. Par la forme et les allures, elles rappellent les jeunes phylloxéras (fig.8). Ces petits insectes se répandront sur les sarments et le revers des feuilles et y planterout leur suçoir. Pendant l'été, ils grandiront, tirant de plus en plus sur le fauve, et, vers le mois de septembre, l'accroisse- ment étant notable, on en remarquera d'aspect et de dimensions différents. Les uns, beaucoup plus gros, auront gardé leur forme ovale et seront tous des individus femelles qui arrivés à leur taille définitive, et après l'ac- couplement, se fixeront pour passer l'hiver et pondre au mois de mai. Au moment de la ponte, ils seront déformés, les pattes et les antennes auront disparu, les segments indistincts feront ressembler le corps à une coque hémisphérique d'uu brun roux bientôt soulevée par les œufs ponduo eu dessous d'elle (fig. 7) . Les autres, beaucoup plus petits, groupés en grand nombre sur certains points du cep, d'une couleur jaune clair, auront, en septembre, une forme très allongée, 2 millim. et demi sur 1 et, selon le cycle normal des métamorphoses des insectes, représenteront des pupes renfer- mant des nymphes, d'où, vers les premiers jours d'octobre, sortiront des mâles ailés. A Montpellier, nous avons obtenu de ces éclosions de mâles à partir du 25 septembre; l'accouplement a lieu de suite. A rencontre des autres insectes éclosant d'une pupe et qui en sortent la tête la première, le délicat moucheron sort à reculons. On aperçoit d'abord les deux grands filets dont est muni son dernier segment ; puis viennent les ailes et le reste du corps. Les pattes projetées en avant de la tète, il se pousse vivement en arrière, laissant fixée au sarment sa mince dépouille d'un blanc transparent. 3 34 LA COCHENILLE ROUGE. Le mâle est long de 2 millim. environ. Le thorax est rembruni, l'abdo- men d'un rouge de brique clair, les deux ailes aussi longues que le corps, blanches, ornées d'une ligne rouge le long du bord extérieur. La tête aplatie en avant est privée de bec ; l'insecte ne peut donc manger. Cette tête porte deux longues antennes de dix articles, deux grands yeux composés et quatre plus petits placés de côté. L'abdomen, formé de sept anneaux, offre, sur le sixième, deux petits pro- longements latéraux dirigés en arrière ; le septième est muni des deux longs filets dont nous avons parlé. Ces appendices, constitués à leur base par des poils épais, sont recouverts de la sécrétion cireuse blanche et démesuré- ment allongés par elle. Entre les deux filets se voit le pénis, qui est long et recourbé. L'accouplement, fort bien décrit par Réaumur, a lieu en octobre et non au printemps, comme plusieurs auteurs l'ont répété par erreur, d'après M. Signoret ; aussitôt après, le mâle meurt et disparaît . La Palvinaria vilis est commune dans tous les pays viticoles de France, mais plutôt dans le Nord que dans le Midi. Elle nous a été signalée d'Alle- magne par M. von Heyden, d'Autriche par M. Bollé, de Hongrie par M. Horvath, d'Italie par M. Targioni, de Grèce par M. Gennadius. Nous ne la voyons pas mentionnée dans les documents que M. de Graëls nous a transmis sur l'Espagne, pas plus que dans ceux que nous avons reçus d'Algérie. Cette espèce a, heureusement pour le viticulteur, des ennemis naturels qui en détruisent beaucoup. Ces parasites ont été étudiés par le colonel Goureau, et une bonne partie des détails qui suivent lui sont empruntés. Le plus redoutable est un petit Hyménoptère (Mouche à quatre ailes) de la famille des Fouisseurs, de la tribu des Crabronites, le Celia troglodytes Schuck, dont voici la description : Femelle. Long. 3 millim. Antennes noires à premier article brunâtre en dessous ; tête, thorax et abdomen d'un noir uniforme, ce dernier lisse, luisant, ovalaire, atténué en pointe aux deux extrémités, très brièvement pédicule ; cuisses postérieures et intermédiaires noires, cuisses antérieures et tibias bruns; tarses d'un testacé brun ; ailes hyalines, à stigma grand et noir; deux cellules cubitales, la première plus longueque large, la seconde presque carrée. Mâle. Semblable, différent seulement par les premier et deuxième arti- cles des antennes jaunes en dessous, le chaperon et les mandibules jaunes, les cuisses et les tibias antérieurs d'un fauve testacé, les autres tibias un peu plus clairs. La femelle établit son nid dans le bois mort un peu ramolli, comme celui des vieux piquets ; son trou ressemble à celui que ferait une très LA COCHENILLE I\0UGE. 35 petite vrille. Elle y entasse en été des jeunes cochenilles qu'elle a préala- blement piquées de sou aiguillon pour les paralyser sans leur ôter la vie; elle pond un a^uf sur le tas et bouche le trou avec de petits débris de bois mâché et imprégnés de salive. La larve sortie de l'œuf mange peu à peu sa provision, qui pendant plusieurs mois se maintient fraîche, se change en chrysalide au printemps , et vers les premiers jours de juillet sort à l'état parfait, pour recommencer le cycle. Plusieurs autres Hyménoptères de la famille des Chalcidides pondent leurs œufs dans le corps même de la cochenille et y vivent à l'état de larve, sans attaquer les organes essentiels, laissant vivre ainsi leur victime jus- qu'au moment où elles se transforment en nymphes et en insectes parfaits; elles percent alors la peau, qui est comme desséchée, y laissant un trou rond de la grosseur de leur corps. Ce sont les espèces suivantes : Encyrtus Swederi Daim., Encyrtus duplicatas Nées, Corcophagus scntellaris Wester, Blastothrix Schœnheri Westw., Cephycus puncticeps Daim., Erycidnus ventralis Daim., Comys Schwederi Daim. D'après le colonel Goureau, cette dernière espèce, très petite, pond trois œufs dans chaque cochenille. Un diptère contribue également à détruire beaucoup de ces Puloinaria : c'est le Leucopis annulipes Zett, qui parait en juin et pond cinq à six œufs dans la masse cotonneuse enveloppant la ponte. Les larves de cette mouche mangent les œufs et se changent en pupes dans le môme endroit. Les insectes parfaits sortent en passant par-dessous la peau desséchée de leur victime. Le nombre de cochenilles détruites par ces divers ennemis est parfois tel que certaines années remarquables par l'abondance des Puloinaria sont suivies d'autres où c'est à paine si l'on en voit quelques-unes. Leurs parasites éclos en masse, ne trouvant pas les conditions voulues pour pondre, meurent alors sans postérité. Les quelques cochenilles échappées au carnage peuvent donc se multiplier en paix jusqu'à ce que leurs enne- mis, redevenus eux-mêmes abondants, les détruisent de nouveau. Ce mouvement de bascule entre les carnassiers et leurs victimes s'observe dans toute la série animale, et maintes fois, pendant le cours de ce travail, nous aurons l'occasion de retrouver cette grande loi du parasitisme ayant pour corollaire l'équilibre des espèces. III. — MOYENS DE DESTRUCTION. Les espaliers taillés à long bois, placés dins les endroits mal exposés, principalement au couchant et dans les quartiers humides, ont surtout à 36 LA COCHENILLE IiOUGE. souffrir de la Pulvinaria vitis. On la rencontre cependant parfois en grande culture avec la taille courte et dans les endroits secs, spécialement sur les vieilles vignes à écorces très crevassées ; mais dans ces conditions nous ne l'avons jamais vue devenir dangereuse. Chose curieuse, certains pieds sont toujours attaqués de préférence à d'autres, etRéaumur raconte qu'il a inutilement essayé d'infecter des pieds voisins. D'après ce que nous avons dit des mœurs de l'insecte, qui vit de préfé- rence sur le bois jeune, il est facile de comprendre que chaque année la taille fait périr le plus grand nombre de ces parasites et qu'il ne reste, pour perpétuer la race, que les rares iudividus demeurés sur le vieux bois. Il est alors aisé, au printemps, d'écraser les quelques femelles pondeuses qui peuvent avoir échappé. En cas d'attaque sérieuse sur des espaliers ou des vignes en cordon, outre cet écrasage des femelles au mois de mai, en somme facile à faire, on fera bien d'écorcer en hiver au moyen du gant de cote de maille usité à Bordeaux et connu en viticulture sous le nom de gant Sabaté, du nom de son inventeur. Eu cas de crevasses profondes, l'opération devra être com- plétée non pas avec un couteau, toujours dangereux pour la plante, mais au moyen d'un instrument très simple qui ne coûte à peu près rien et dure indéfiniment : c'est un morceau de fer de six pouces de long, coupé dans un cercle de barrique et recourhé à l'extrémité en forme de raclette ; sur le rebord qui doit pénétrer dans les crevasses et racler, on donne quelques coups de lime qui forment dentelure et qui, sans endommager la souche, permettent d'y faire mordre l'outil. «L'ouvrier, nous écrit M. Bellot des Minières, l'inventeur du procédé, ayant avec le gant de fer enlevé le plus gros, laisse la place à une femme qui, munie de mon râcloir, fouille dans tous les creux qu'a respectés le gant et va ensuite, sans danger pour les yeux du bois de retour, nettoyer les rameaux sur lesquels repose la taille de l'année.» L'écorcage du vieux bois opéré, les débris enlevés et brûlés, il sera bon de brosser le bois jeune avec une brosse de chiendent : les cochenilles arra- chées et plus ou moins blessées meurent sans pouvoir remonter sur le cep. LA COCHENILLE CUISE. 37 LA COCHENILLE GRISE l [Aspidiotus vitis, Signoret.) Synonymie. — Diaspis BUinckenhornci Targioni, 1877. Les Aspidiotus sont des cochenilles plus ou moins arrondies, ressem- blant à de petites écailles d'Uuîtres plaquées contre les tiges et les feuilles de certains arbres. Leur corps, entièrement déformé, est couvert d'un bou- clier protecteur constitué par les dépouilles provenant des mues et une coucbe de sécrétion cireuse mince, aplatie en lamelle, solide, plus ou moins adhérente à la plante. Le type le plus répandu et le mieux étudié du groupe est V Aspidiotus Nerii2, une des cochenilles du laurier rose qui bien souvent fait périr cet arbuste cultivé en vase et même en pleine terre. Ces insectes sont voisins du Cliionaspis(Diaspis) Evonymi de Comstock, ou cochenille du fusain, qui exerce de si grands ravages sur les fusains cultivés, et dans le livre de M. Signoret ils sont rangés dans la sous-famille ou tribu des Diaspides. L'espèce qui attaque la vigne a été décrite en 1876 par M. le Dr Signoret. Elle a été de nouveau décrite récemment par M. Targioni-Tozzetti (de Florence) sous le nom de Diaspis Blankenhornei . Elle n'a donc ni syno- nymie embrouillée ni histoire, et parait jusqu'à présent peu nuisible. Nous en donnerons la description suivante : Le bouclier à de 1 à 2 millim. de diamètre. Chez la femelle, il est plus ou moins arrondi ; chez le mâle, en ovale allongé. Chez l'un et l'autre, il est 1 Bibliographie. — Signoret ; Essai sur les Cochenilles (Ann. Soc. enl. de France, pag. 601, 1876). — Targioni-Tozzetti ; Bull. Soc. ent. Ital., pag. 17. 1879. — Id ; Relazionne délia H. stazione di Entom. agr., pag. 152, 1881 ; et, môme Recueil, pag. 386, 1884.— Maskell ; Trans. andproc. of llie N.-Zeland. Jnst. tom. II, pag. 199.— Comstock ; U.S. Départ, of the Agr. entom. (Rep. of the Commission of Agr., ann. 1880, tom. III, pag. 29.— Gennadius; Sur une 7iouvelle espèce de Cochenille [Aspidiotus coccineus) d'Athènes (Aun Soc. ent. de France, pag. 189, 1881). 2 Voir, pour la description et l'anatomie des Aspidiotus, une bonne étude de M. le Dr Lemoine sur V Aspidiotus Nerii, travail annoncé en 1880 dans le Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne et communiqué en août de la même année au Congrès pour l'avancement des Sciences tenu à Reims. 38 LA COCHENILLE GRISE. d'un gris foncé, et, lorsqu'il a été frotté, la dépouille des mues, le plus souvent centrale, est d'un noir brillant. Si ce bouclier, abritant le corps de la mère, véritable sac rempli d'œufs, vient à se détacher, il laisse sur l'écorce une place blanche. Sa couleur est tellement identique avec celle de l'écorce que c'est surtout cette place blanche laissée par le bouclier tombé qui révèle la présence de l'insecte. Celui-ci se tient sur le bois vieux ou nouveau, sur ce dernier de préférence. Ayant perdu, aussitôt après la première mue, ses pattes et ses antennes, il est surtout fixé par son suçoir. Les larves, au sortir de l'œuf, sont ovales, allongées, munies de leurs six pieds et de leurs deux antennes. A la mue, elles les perdent, mais conservent leurs filets rostraux très longs, qui, développés, dépassent du double la lon- gueur du corps. Lesautenues de six articles sont à peine pubescentes, un ou deux poils à chaque article, avec le quatrième article plus long que les autres. Les jamhes sont grêles, le tibia plus court que le tarse, le crochet long, accompagné des digitules ordinaires. Après la première mue, le corps devient plus arrondi, avec un peu de parallélisme pour le mâle, dont les filets rostraux sont plus longs que ceux de la femelle. La coque mâle est facile à reconnaître ; elle ne porte qu'une seule dépouille de mue, tandis que celle de la femelle en porte deux. La femelle à l'état parfait, arrondie, d'un brun grisâtrefoncé, a l'extrémité abdominale jaune clair ; elle porte sur ses bords quelques filières avec un point central clair et un rebord épais. Le mâle est d'un jaune brun uni- ferme ; les yeux sont noirs, les ailes très longues, d'un gris hyalin dépassant l'extrémité du stylet, celui-ci un peu plus long que l'abdomen . Les antennes sont épaisses, pubescentes, de dix articles, le quatrième le plus long, le premier, le deuxième et le dixième très petits. Cette espèce a été découverte aux environs de Nice, sur les coteaux de Bellet, par M. Signoret, qui l'a reçue également d'Algérie. Nous l'avons personnellement rencontrée à Cannes. M. Targioni l'a décrite d'Italie, il l'a reçue de Novareet de Vicenze.M.Von Heyden nous l'a signalée dans la vallée du Rhin et M. Gennadius de Sicile et des environs d'Athènes. Il est probable qu'elle est beaucoup plus répandue qu'on ne le pense, mais qu'elle échappe aux recherches par suite de sa couleur, qui se confond avec celle du bois. M. Gennadius a décrit en 1881, sous le nom de Aspidiotus coccineus, une Cochenille qui, dans l'Archipel grec, attaque l'oranger, le citronnier, le néflier du Japon et aussi la vigne. D'après M. Targioni, un maître dans cette difficile étude des Cochenilles, l'espèce du savant d'Athènes n'est autre chose que celle qui a été décrite en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et en Europe, sous les noms ci-après : Aonidia aurantii Maskel, Aspidiotus citri LA COCHENILLE BLANCHE. 39 Comstock, Aonidia Gcnnadii Targioni, Aspidiotus coccincus Genuadiua. C'est par conséquent le nom de Aonidia aurantii que cet insecte doit porter. Son aire géographique est très é tendue. Décrit de la Nouvelle-Zélande, il s'est trouvé en Australie, en Califormie et en Grèce. Dans ce dernier pays, il semble d'introduction récente, et on peut s'attendre aie voir envahir toutes les côtes de la Méditerranée. Cette cochenille est comprise dans la liste d'Insectes ampélophages que nous a adressée M. Gennadius ; elle n'est, selon lui, cependant que rarement nuisible à la vigne et seulement dans le voisinage des orangers. Nous nous contentons donc de la signaler et d'en donner la synonymie. LA COCHENILLE BLANCHE' (Dactylopius vitis, Niedelsky.) Synonymie. — Dactylopius longispinus Targioni. Le genre Dactylopius, composé de Coccides relativement agiles, jamais fixés, renferme des espèces assez voisines de l'insecte produisant le carmin {Coccus cacti), et qui peuvent avec lui être appelées les Cochenilles vraies. 1 Bibliographie. — Strabon ; Texte grec, liv. VII, chap. V, et Traduction lutine, pag. 263 (édit. G. Millier et F. Dubn. Paris, Firmin Didot, 1853).— A. Bouscaren ; La Maladie noire de la Vigne (Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, pag. 216, 1860). — Fréd. Cazalis ; Messager Agr. du Midi, pag. 328, 1863. Gasparini; Sulla Malattia dtl Uva (Atti del R. Inst. di Napoli, sec. ser., vol. II, 1865). — Targioni-Tozzetti ; Atti dei Georgoftli de Florence, nuov. ser., tom. XIII. — Id.; Études sur les Cochenilles, 1867.— Niedelsky ; Gazette Agr. russe, n° 2, 1869. — Woelkel; Traduction du Mémoire de Niedelski (Bull. Soc. ces Agricult. de France, 15 iévrhr 1870 ; et Revue horticole, 16 mars et 16 juin 1870). — Ph. Koressios ; L'Éclectique (Journal d'Athènes, 20 janvier et 24 juin 1870). — Planchon; La Phtiriose de la Vigne chez les anciens et les modernes (Bull. Soc. des Agricult. de France, 15 juillet 1870). — Lichtenstein ; Les Coccides de la Vigne (Bull. Soc. entom. de France, 25 mai 1870). — Duffour et Vinas ; La Fumagine de la Vigne (Compte rendu du Congrès scientifique de France, 35" cession tenue à Montpellier, pag. 447, 1872. — Signoret; Essai sur les Coclienillcs (Ànn. Soc. entom., pag. 324, 1875). — Gennadius ; Jour- nal d'Athènes, 24 lévrier 1880.— Leclère ; Compt. rendus Acad. des Sciences, 13 mars 1882. — André ; Les Parasites de la Vigne. Beaune, 1882. — Lich- tenstein ; Tableau synoptique des Maladies de la Vigne. Montpellier, 1884. 40 LA COCHENILLE BLANHCE. Deux d'entre elles ont été signalées sur la vigne : le Dactylopius adonidum et le D. vitis. Du premier, nous ne dirons que quelques mots, le considé- rant comme peu important: c'est le Coccus adonidum de Linné, bien connu des horticulteurs sous le nom de pou blanc des serres, long de 3 inillim. environ sur 1 et demi de large, et qui vit sur une foule de plantes. La vigne sous verre est attaquée par cet insecte, comme tant d'autres végétaux ; nous l'avons nous-même observé dans ces conditions-là comme assez nuisible aux environs du Mans.Walckenaer le dit originaire du Sénégal, parledelui comme parfois dangereux pour la vigne, et cite à son sujet un travail anglais signé Major, publié dès 1829. Comme l'espèce est frileuse, il n'est pas à craindre de la voir se multiplier en dehors des serres. Nous n'insisterons donc pas sur cet ennemi, avec lequel il faut peut-être compter dans les gra- peries anglaises, belges ou allemandes, mais qui est indifférent aux vrais viticulteurs. Le Dactylopius vitis a une tout autre importance ; non pas qu'il bisse des ravages considérables dans l'Europe occidentale, mais il n'en est pas de môme en Orient. Il paraît avoir été connu dès l'antiquité, et de nos jours encore il arrive à faire périr la vigne. I. — HISTORIQUE. Au début de l'invasion phylloxérique, alors' que certains auteurs sou- tenaient que l'insecte avait de tout temps existé en Europe, l'attention fut attirée sur un texte de Strabon (icr siècle avant J.-O.) où il est parlé d'un parasite tuant la vigne, vivant en été sur les bourgeons, descendant en biver aux racines, et contre lequel on luttait par l'emploi de terre bitumi- neuse mélangée d'huile. L'insecte est appelé par le géographe grec Phtheir (yQetp pou) et la maladie Plitheiriosis (ep©£tptwo-tç) , que l'on peut tra- duire en français par phtiriose. Les auteurs susdits ont voulu voir la le phylloxéra. Ce fut M. Koressios qui le premier, en 1870, soutint cette thèse dans un journal d'Athènes, V Éclectique. Défendue par un homme qui ne connaissait pas le puceron de la vigne, cette idée aurait dû être abandonnée dès le début, vu seulement la petitesse du Phylloxéra qui, exigeant l'usage d'une loupe, ne pouvait être connu des anciens. Elle n'en fut pas moins adoptée par cer- tains naturalistes, tels que M. le Dr Signoret [Essai sur les Cochenilles, pag. 326). Plus tard, M. de Lafitte, au Congrès viticole de 1879 tenu à Nimes, à propos d'un insecte qui au moyen âge attaquait la vigne en Palestine et dont parle un vieux manuscrit de la Bibliothèque nationale, dit que l'existence du Phylloxéra au xue siècle n'a rien d'inconciliable LA COCHENILLE BLANCHE. Il avec les données actuelles de la science. Nous ne discuterons pas la valeur des textes sur lesquels s'appuie M. de Lafitte, nous les citons simplement en note', renvoyant pour la réfutation à ce qu'a répondu M. Plancbon dans le même Congrès de Nimcs et que M. de Lafitte résume lui-même en deux mots : « C'est une jolie légende » (Journ. d'Agr., novembre- décembre 1879). Quant à M. Koressios, il semble avoir ignoré la publication d'un travail de M. Niedelsky paru en 18G9 dans la Gazette agricole russe, concernant une cochenille découverte en Crimée, attaquant la vigne aux feuilles et aux racines et que le naturaliste russe nomme Coccus vitis. Ce nom pou- vant s'appliquer aux trois espèces de cochenilles de la vigne, l'espèce a été étudiée depuis par M. Targioni, et ramenée par lui dans le genre Dacty- lopius de Costa, son vrai genre. C'est notre Dactylopius vitis, et très certainement aussi l'insecte de Strabon, celui du moyen âge, celui que la tradition orientale nous rap- porte être connu depuis des siècles en Asie-Mineure et dans les lies de l'Arcbipel. Tel est l'avis de M. Plancbon, qui a trouvé l'insecte aux racines de la vigne à Montpellier et qui, à propos de la Note de M. Kores- sios, a publié un article très remarquable (Bull. Soc. des agr. de Fr., 15 juillet 1870) . Nous pensons comme M. Plancbon, et notre opinion est fondée non seulement sur les textes cités par lui et la description du M. Niedelsky, mais sur L'article de M. Koressios lui-même. Il y est dit en effet que les habitants de l'île de Syra, l'une des Cyclades, emploient encore aujourd'hui des frictions de terre bitumineuse contre hphtiriose de leurs vignes. Or le Phylloxéra n'est pas dans les iles grecques et le Dactylopius s'y trouve, comme du temps de Strabon. L'ile de Rhodes, toute voisine des Cyclades, ' Dans un manuscrit latin, inscrit à la Bibliothèque Nationale sous le n° 5129, il est dit qu'au couvent de Saint-Saba, au bord de la mer Morte, dans la région appelée Engadi, entre Segor et Jéricho, les moines recueillaient une huile bitu- mineuse Catraneum destinée à frotter les chameaux pour leur ôter la gale, ainsi que les Vignes pour enlever les vers qui les épuisaient (Ad unguendum camelos propter delendam scabicm et ad fricandum vîtes pro expeliendis vermibus con- sumptoribus earum). M. de Lafitte incline à voir là le Phylloxéra, et, pour appuyer son dire, il cite un autre texte tiré d'un Journal de voyage du comte de Bertou (1839), où, d'après l'évèque de Tyr, il est dit qu'au moyen âge, dans les vigno- bles d'Engadi,, on eut raison d'un insecte pernicieux qui s'en prenait aux racines au moyen d'huile extraite de l'asphalte de la mer Morte. M. de Lafitte a du reste défendu sa thèse en citant tous les textes à l'appui, dans son livre Quatre ans de lutte pour nos vignes, pag. 17 à 45 (Paris, Masson, 1883). 42 LA COCHENILLE BLANCHE. e;it en effet citée par l'auteur ancien comme un des pays où le traitement à l'huile bitumineuse était appliqué. Nous avons fait plus que de recourir à l'article de M. Koressios; nous avons consulté M. Gennadius (d'Athènes), et voici sa réponse, en date du 12 juillet 1887 : « Aujourd'hui le Dactylo- pius vitis, qui est bien certainement l'insecte dont parle Strabon (livre VII, chap. V), est combattu victorieusement par le soufre appliqué tout d'abord contre Voïdium; mais, il n'y a pas plus de trente ans, les vignerons grecs de l'Asie-Mineure appliquaient un remède qu'ils appelaient Spartzoma, et qui consistait en ceci : Avec une substance préparée en faisant bouillir de l'asphalte avec du marc d'huile, on peignait un anneau vers la base et tout autour de chaque sarment de la vigne pour empêcher l'insecte de monter et de détruire les bourgeons. Ce traitement se répétait de deux à trois fois pendant le printemps. » Ce que dit M. Gennadius est du reste conforme au procédé indiqué dès le xe siècle par l'auteur arabe Ibn el Beithar dit Temini el Mocadessi, dans son Traité des simples, concernant l'emploi du bitume de Judée pour le traitement des vignes aux environs de Jérusalem (Leclère ; Comptes rendus, 20 mars 1882). Nous n'avons pas, croyons-nous, besoin d'insister. L'insecte qui nous occupe est donc bien celui de Strabon, celui de l'auteur arabe Temini et du manuscrit de Saiut-Saba, celui de M. Koressios et de M. Gennadius. Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, il a été en Orient combattu toujours de la même façon . Ce n'est qu'en 1869 qu'il a été étudié scientifiquement par M. Niedeisky sur des exemplaires trouvés en Crimée; mais son introduction dans le nord de l'Afrique et l'Europe occidentale doit dater déjà d'une trentaine d'années. Nous l'avons observé en effet aux environs de Montpellier il y a plus de vingt-cinq ans ; mais, le prenant pour le Dacty lopins adonidum des serres, nous ne l'avions pas examiné attentivement et distingué de ce dernier. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Le Dactylopius vitis doit être, nous l'avons dit, rangé dans les Coche- nilles vraies, c'est-à-dire celles dont le corps allongé avec les segments distincts est recouvert d'une abondante sécrétion cireuse blanche et pul- vérulente. Ces insectes ne perdent ni leurs pieds ni leurs antennes, comme les Pulvînaria et les Aspidiotus, ne se fixent jamais et pondent leurs œufs en un ou plusieurs amas séparés recouverts de la même sécrétion blanche. Le genre Dactylopius est caractérisé par des antennes de huit articles chez la femelle et de six dans la larve de celle-ci; le mâle a dix articles aux antennes et sa larve en a sept, les tarses sont munis de quatre digitules LA CQCHENILLK BLANCHE. 43 ou poils dilates au bout; l'anneau génito-anal est entouré de six poils. Chez le D. vitis (PI. IV), les caractères spécifiques sont les suivants: Corps de la femelle long d'environ 4 millim. sur 2 de large, d'un ovale allongé plus ou moins convexe, de couleur jaune rougeâtre, entièrement saupoudré de la matière cireuse blanche sécrétée par des filières répandues sur toute sa surface, filières arrondies ou en forme de tubes tronqués. En outre, ebaque segment sur ses bords présente de très nombreuses filières produisant une sécrétion cireuse intense qui forme tout autour du corps des bâtonnets fragiles de grandeur variable, ceux de l'extrémité abdominale beaucoup plus longs, soutenus par des poils (fig. 2). Quand l'insecte est plongé dans un liquide dissolvant la cire, tel que l'alcool ou l'étber, ces bâtonnets disparaissent et le corps devient instantanément comme le représente la fig. 3. Les antennes de buit articles, le troisième le plus long, sont d'un brun clair un peu orange ; les pattes, assez fortes, sont de même couleur ; le crochet, très arqué, a les quatre digitules peu déve- loppés. Les lobes latéraux de l'extrémité abdominale, outre de très nom- breuses filières, portent ebacun un long poil avec trois autres plus petits. La larve, au sortir de l'œuf, a le corps plus allongé que l'insecte (fig. 1); ses antennes n'ont que six articles, dont le dernier est le plus long, les autres presque égaux ; la pubescence du corps est plus longue, les digitules des pattes beaucoup plus visibles, les filières très peu nombreuses et l'ex- trémité de l'abdomen éebancrée. Comme la jeune larve de la Pulvinaria vitis, elle rappelle les jeunes phylloxéras, mais le nombre des articles des antennes et l'écbancrure abdominale l'en distingueront facilement. Le mâle (fig. 6) est très petit, d'autant plus microscopique que le corps, ayant à peine 1 millim. de long, est très étroit en proportion. La couleur est d'un jaune brun sur la tête et la partie postérieure du thorax. Celui- ci est jaune en avant, ainsi que la totalité de Y abdomen qui est allongé et tronqué à l'extrémité. Les segments de celui-ci sont garnis de deux à quatre filières sur les côtés et portent une rangée de poils espacés. Les lobes de l'extrémité sont munis de filières plus nombreuses et de quatre poils dont les deux plus grands, d'ordinaire garnis de matière cireuse blauche, constituent deux longs filets assez fragiles. Les deux ailes, très longues, dépassant de beaucoup l'abdomen, sont blancbes avec les nervures très peu marquées, les ailes inférieures sont réduites à deux très petits balanciers terminés par un crochet. Les pieds sont longs, assez densement couverts de poils, les digitules à peine visibles. La tête est arrondie, un peu avancée entre les antennes, avec quelques poils rares. Comme chez tous les mâles de cochenilles, le suçoir et les organes digestifs manquent. Les antennes, filiformes, sont de dix articles. 44 LA COCHENILLE BLANCHE. Les larves qui doivent produire des mâles restent très petites, très allon- gées et ont des antennes de sept articles seulement, la pubescence est plus faible que chez les larves femelles et les filières encore moins nombreuses. Elles se changent en nymphes d'un blanc sale, remarquables par leurs moi- gnons d'ailes (fig. 5) et qui, avant de se transformer en mâles ailés, restent enfermés environ huit jours dans une loge formée d'un amas de filaments blancs entre deux nervures de la feuille. Cet insecte, spécial aux parties chaudes de l'Europe, se trouve dans toute la zone connue sous le nom de Région de l'olivier. Il vit sur le tronc, les bras, les sarments, le revers des feuilles et les fruits de la vigne, surtout daus les terrains un peu hu- mides. Abondant parfois en automne, on le remarque souvent sur les raûes des raisins de table fraîchement cueillis, et pour l'aspect général nous ne pouvons mieux le comparer qu'à un petit cloporte enfariné. Il passe l'hiver sous les écorces de la souche et aussi enterré, fixé sur les grosses racines. D'après M. Signoret, l'espèce n'aurait qu'une seule génération par an. Nous pouvons affirmer qu'en Languedoc elle en a au moins deux '. A l'Ecole d'Agriculture de Montpellier, aidé de M. Ravaz, préparateur de Viticulture, nous avons élevé, sur une vigne en pots, de jeunes Dactylopius trouvés au mois de mai sous les écorces d'un pied d'Aramon, et fin juin nous avions des femelles pondant sous ies feuilles entre les nervures. De leurs œufs, qui ont mis une dizaine de jours à éclore, est sortie une nouvelle génération, adulteles premiersjours d'août et qui pondait à la fin du même mois. Les nymphes et les mâles n'ont pu être observés qu'alors, mais il est bien probable qu'ils nous avaient échappé à la première génération ; nous n'avons pas de raison pour croire, à la parthénogenèse chez cet insecte. Fwnagine. — Les attaques de la Cochenille de la vigne sont d'ordinaire suivies de la maladie du noir ou morphée, appelée le plus souvent fumag ine, quia été justement comparée à une couche de noir de fumée répandue sur les feuilles, les fruits et le bois. Elle attaque de nombreux arbres, tels que l'olivier, l'oranger, la vigue, etc., et d'habitude est la conséquence de la présence des cochenilles sur le végétal. Cette maladie se manifeste par le développement d'une cryptogame de couleur noire connue sous le nom de Fumago 2, et qui végète spécialement à la surface des matières sucrées. « Le champignon, dit M. Prillieux3, * Nous voyons cette seconde génération déjà observée à Béziers, en 1872, par M.Vinas (Voir la Note bibliographique). L'insecte, iuconnu à l'auteur, est suffisam- ment bien décrit pour qu'on puisse reconnaître le Uaclylopius vitis 2 Les Fumago appartiennent à diiïérentes espèces de champignons dont l'évo- lution est mal connue. 3 Bulletin du ministère de l'Agriculture, 1886. LA COCHENILLE BLANCHE. 45 est toujours absolument superficiel ; uon pas à la façon de l'oïdium de la vigne, qui, tout en s'étendantà la surface des feuilles et des raisins, plonge des suçoirs dans les cellules de l'épidémie aux dépens desquelles il vit et qu'il tue, mais comme le lierre ou comme les Orchidées, qui poussent sur les arbres sans jamais y enfoncer leurs racines. Le Flimago rampe sur Pépiderme et ne le perce pas ; il recouvre les feuilles d'une couebe opaque et continue qui met obstacle à l'accomplissement de leurs fonctions, mais il n'y puise rien. Vivant des substances qui sont déposées à la surface des feuilles, il peut végéter môme sur des matières inertes, comme on le voit à Cognac, où les murs des chais et même les édifices de la ville en sont parfois noircis. On peut cultiver dans des jus de fruits sucrés, comme l'a montré M. Zolf, le Fumago pris sur des feuilles vivantes couvertes de miellat, et il prend dans ces conditions un très puissant développement. » La miellée, qui par le fait d*une évaporation rapide se produit en été sur les feuilles de certains arbres, de même que les déjections sucrées lancées sous forme de brouillard par beaucoup de cochenilles sur tous les objets envi- ronnants, sont des milieux très favorables au développement du Fumago, et d'ordiLaire il est occasionné par cette dernière cause. La vigne atteinte depuis longtemps du Dactylopius présente donc les conditions voulues pour la végétation du champignon, et bien souvent la présence de l'insecte est ainsi révélée au loin. III. — MOYENS PRÉVENTIFS. Cette cochenille, commune en Orient, sa patrie d'origine, ne paraît pas s'être beaucoup multipliée dans nos contrées. Nous avons dit, d'après M. Gennadius, que l'emploi du soufre contre l'oïdium paraissait avoir en- rayé le mal d'une façon sérieuse en Orient. Il est probable que sa faible extension chez nous est due à la même cause. Le principal remède est donc le soufre. A défaut de cette matière, M. Gennadius s'est servi avec succès de la cendre de bois. Nous pouvons ajouter qu'en cas d'invasion, l'insecte hivernant en très grand nombre sous les écorces, l'enlèvement de celles-ci pendant l'Inver- sera très utile. Nous avons suffisamment décrit l'opération de l'écorçage à propos de la Pulvinaria pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. L'enlèvement des vieilles écorces a un double avantage : 1° celui de dé- truire les insectes, Cochenilles, Attises, Cochylis ou Pyrales, hivernant sous leur abri; 2° celui de débarrasser la souche des mousses et des lichens nuisant à sa végétation . CHAPITRE IV. LES APHIDES OU PUCERONS DE LA VIGNE Les Aphides, connus généralement sous le nom de Pucerons, sont de petits insectes de 1 à 6 millim. de long, généralement verts, jaunes ou bruns, perdant entièrement leurs couleurs parla dessiccation, et tellement mous que la moindre pression les écrase. Ils portent d'ordinaire leurs ailes à la façon des cigales, c'est-à-dire en forme de toit à deux versants. La plupart sécrètent une matière sucrée dont les fourmis sont friandes et qui s'échappe par deux petits tubes appelés cornicules placés à la partie postérieure de l'abdomen. Certaines espèces, telle que le Puceron lanigère du pommier, sécrètent par des glandes cutanées analogues à celles des cochenilles la matière cireuse blanche, filamenteuse, dont nous avons parlé à propos de ces dernières. Leurs antennes, assez longues, ont de trois à six articles, leurs tarses un ou deux articles. Une des espèces les plus communes, le Puceron du plantain, a servi dès le siècle dernier au naturaliste Bonnet pour les premières observations faites sur la parthénogé nèse. La plupart de ces insectes sont habituellement vivipares, pondant des petits éclos ; quelques-uns cependant pondent tou- jours des œufs. Ils sont polymorphes, certains d' entre eux ailés, les autres aptères ; les uns ayant un bec, les autres n'en ayant pas. Plusieurs de leurs formes successives dites agames, dont la première est sortie au printemps d'un œuf fécondé appelé œuf d'hiver, pondent sans accouplement des petits tous femelles, se multipliant eux-mêmes par partbénogénèse. A un moment donné, une forme dite sexuée, ayant des mâles et des femelles, apparaît et vient fermer le cycle par la ponte d'un œuf fécondé analogue à celui qui a servi de point de départ. La vigne, dans l'ancien Monde, nourrit deux espèces à1 Aphides, le Phylloxéra vastatrix et l'Aphis vilis. Beaucoup d'auteurs ont fait du genre Phylloxéra, sous le nom de Phylloxêriens, une petite famille à part, entre les Coccides et les Aphides. Les caractères invoqués étaient les ailes placées à plat, l'absence de corni- LE PHYLLOXERA DE L\ VIGNE. 47 cules des digilules aux tarses et la reproduction toujours ovipare, quatre caractères de Coccldcs ; mais il y a des Pucerons vrais, les Aploneura, les Vacuna et les Glyphina, qui portent les ailes à plat ; plusieurs genres n'ont pas de cornicules, et d'autres, les Adelges, pondent toujours des œufs. Avec les derniers auteurs, Lichtenstein entre autres, nous réunissons donc les Phylloxéra aux Aphides, les considérant comme des formes inférieures ayant certains caractères des Coccides, mais se rapprochant tellement des Pucerons par la forme, les caractères généraux, l'évolution biologique et les mœurs qu'ils ne peuvent en être séparés. Le genre Phylloxéra est caractérisé par une taille ne dépassant guère 1 million, et demi, des ailes aplaties, trois articles aux antennes, un ou deux articles aux tarses, ceux-ci munis de digitules, et l'absence de cor- nicules sur l'abdomen. Il est riche en espèces ; vingt-sept, à l'heure qu'il est, sont décrites. Sur ce nombre, une vingtaine sont américaines, les autres habitent l'ancien Monde. Quinze vivent sur les noyers d'Amérique, neuf sont propres aux diverses espèces de chênes, une s'attaque au châtaignier, une au saule, une enfin, celle dont nous avons à parler en détail, à plu- sieurs espèces de vignes. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE (Phylloxéra vastatrix Planciion) Synonymie. — Pemphigus vitifolii Asa Fitch, 1854; Dactylosphœra vitifolii Schimer, 1867 ; Peritymbia v itisana Westwood, 1867; Rhiza- phis vastatrix Planchon, 1868. Parler d'un sujet après tant d'autres auteurs, résumer des montagnes de livres, d'opuscules, de mémoires, de notes, de pamphlets même, offre quelques difficultés. Tel est le cas cependant de quiconque aujourd'hui doit écrire sur le Phylloxéra. D'ordinaire, quand on veut traiter un sujet, il faut remonter aux origines, à grand'peine parfois rechercher les travaux antérieurs, et, le jour de la publication venu, trop tard souvent, arrivent des documents qu'on eut été bien aise d'utiliser. Pour l'insecte qui nous occupe, au contraire, l'abondance des documents 1 Voir la Bibliographie après les chapitres traitant du Phylloxéra. 48 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. est l'obstacle. Pas de recherches à faire dans les siècles passés, il est vrai, la question date de vingt ans ; mais pendant cette courte période, quels flots d'encre, quels débordements d'inepties, quelles courses folles à la conquête du prix de 300,000 fr. ! « Pour une idée juste à pêcher, dit M. Planchon *, dans ce torrent d'élucubrations fantaisistes, il faudrait s'imposer la tâcue de remuer des flots d'ignorance. Il faudrait parler du crapaud vivant enterré sous la souche pour attirer à lui le venin dont la vigne phylloxérée est atteinte ; on aurait à rappeler l'arrosage des ceps malades avec du vin blanc ou bien avec une tisane émolliente dont la mauve est l'ingrédient principal. Dans le déluge de procédés, la part la plus large est à ceux qui confondent le phylloxéra et l'oïdium ou qui n'ont jamais vu l'un ou l'autre de ces parasites. Le dépouillement de ce dossier de sottises jette un triste jour sur l'état d'esprit du grand public en fait d'instruction scientifique. Les rêveries creuses nous arrivent de tous les rangs sociaux et de tous les coins de l'Europe. Les mieux recommandés au ministère de l'Agriculture sont en général les plus ignorants ; les plus tenaces sont les illuminés de tout ordre qui tiennent leur idée ou plutôt que leur idée obsède et meneaux confins delà folie. Heureusement, à mesure que l'observation et l'expérience serrent de plus près le problème, les rêveurs passent à l'ar- rière-plan, les discussions oiseuses font place à l'étude des faits, la recherche utile se concentre sur les points encore obscurs, laissant en pleine lumière ceux que la science admet comme suffisamment élucidés. » C'est ce que nous tâcherons de faire nous-même: laissant donc de côté, autant que possible, les naturalistes d'occasion, les empiriques, les cher- cheurs de théories ou de panacées, les partisans du phylloxera-effet, nous puiserons nos documents dans les écrits de ceux dont la science et l'expé- rience ont consacré les travaux. L'historique, par lequel nous commençons, sera en grande partie retracé d'après les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, mine précieuse où. abondent les documents. I. — HISTORIQUE. Le genre Phylloxéra a été créé en 1834 par Boyer de Ponscolombe 2 pour la première espèce observée à cette époque aux environs d'Aix (Bouches-du-Rhône) , le Phylloxéra qucrcûs vivant sur le chêne. Cet insecte, 1 J.-E. Plauchou ; La question phylloxcrique {Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 18S7). - Boyer de Ponscolombe ; Description du genre Phylloxéra (Ann.Soc. entom. de France, 1634). LE PHYLLOXERA DK LA VlGNË. 49 lixé sous les fouilles de l'arbre, provoque par sa piqûre le dessèchement partiel du parenchyme, et, quand il se multiplie beaucoup, la feuille entière arrive à se dessécher. De là, l'étymologie yûUov feuille, Çvjpew dessécher. Très exacte eu ce qui concerne la plupart des espèces décrites vivant sur des chênes ou des noyers, cette étymologie ne l'est plus s'il s'agit de celle qui attaque la vigne ; elle forme par sa manière de vivre une exception dans le geure. C'est en 1854 que pour la première fois il a été parlé du Phylloxéra de la vigne ; l'espèce découverte aux Etats-Unis, dans des galles, sur des feuilles, par Asa Fitch1, entomologiste officiel de l'Etat de New-York, fut décrite par ce naturaliste sous le nom de Pemphigus 2 vitifolii. Le Dr Henri Shimer, de Philadelphie, retrouvait en 1867 les mêmes galles et le même insecte, mais cette fois sous deux formes différentes, l'Aptère gallicole et VAilé. Les séparant avec raison des Pemphigus, à cause des digitules ou poils de l'extrémité des tarses terminés par une ventouse qu'il prit pour un houton, le naturaliste américain en fit le Dactylosphxra vitifolii [Ann. des Sciences naturelles de Philadelphie). Dès 1863, cependant, l'espèce d'Asa Fitch avait passé l'Atlantique et était trouvée en Angleterre par Westwood dans les serres à raisins (grapperies ou vineries) de Ham- mersmith, près Londres. Le célèbre professeur d'Oxford avait, lui aussi, tout d'abord rencontré des Gallicoles; mais, ayant eu l'idée de rechercher sur les racines, il avait découvert une nouvelle forme, le Radicicole. Quel- ques années après (18G7-1868), l'insecte était signalé dans plusieurs localités d'Angleterre et d'Irlande. Le savant anglais le décrivit alors sous le nom de Peritymbia vitisana et le présenta le 21 novembre 18G7 à Y Ashmolean Society d'Oxford. Tandis que le parasite était ainsi constaté sur plusieurs points de l'An- gleterre, le dépérissement de la vigne occasionné par sa présence était en môme temps sig .aie en France de divers côtés, mais sans que la cause en fut connue. Nous trouvons en effet daus la Revue agricole et forestière de Provence (5 mars 18G8) une lettre écrite par M. Delorme, vétérinaire à Arles, à la date du 8 novembre 18G7 et adressée au Président du Comice agricole d'Aix, lettre où. le mal est signalé comme s'étant manifesté dans la Crau d'Arles dès le mois de juillet 1867. M. Delorme est le premier qui ait parlé dans une publication française de ce qu'on appelait alors la nouvelle maladie de la vigne; mais dans le déparlement du Gard elle avait, paraît-il, 1 Asa Fitch ; Paient office Report, I55i , pag. 79 ; et Soc. d'Agr. de Neiv-Yorh, 1854, pag. 8G-2. 2 Les Pemphigus sont des pucerons sans digitules aux patios, habitant dans des galles dont le type, le Pemphigus bursarius do Linné, \ii sur le peuplier. 4 50 LE PHYLLOXERA DE LA VÏÛNE. été constatée dès 1863 ' dans la commune de Pujault. C'est ce que nous apprend une Note de M. dePenaurun, de Villeneuve-les-Avignon, publiée le 7 juillet 1868 dans le Bulletin de la Société d'Agriculture de Vaucluse. Bref,Ies agriculteurs provençaux s'inquiétaientdu dépérissement inexpliqué de la vigne, et plusieurs d'entre eux, ayant trouvé sur les racines mortes des traces de mycélium, comme il y en a sur presque tous les tissus ligneux privés de vie et enfouis dans le sol, l'attribuaient au Pourridié ou Blanquet, maladie crytogamique de la vigne qui se produit dans les endroits à sous- sol imperméable. Ce Pourridié semblait toutefois, contre toutes les règles, se produire sur les vignes de coteau les plus jeunes, les plus vigoureuses et les mieux drainées. Ce fut alors que la Société d'Agriculture de Vaucluse et M. Gauthier, maire de Saint-Rémy (Bouches-du-Rliône), sollicitèrent le concours de la Société centrale d'Agriculture de l'Hérault. Une commission composée de MM. G. Bazille, J.-E. Plancbon et F. Sahut futdesuite nommée, et dans lajournée du 15 juillet 1868 les délégués étaient réunis sur les terres du château de Lagoy, près Saint-Rémy. Les recherches, opérées avec soin sur les racines des vignes malades, aboutissaient bientôt à la découverte, par M. Sahut, d'une masse confuse de petits insectes jaunes que M. Plancbon reconnut tout d'abord à la loupe comme voisins des Coche- nilles et des Pucerons. Rentré à Montpellier et aidé de M. Donnadieu, préparateur de Zoologie à la Faculté des Sciences, M. Plancbon examina l'insecte au microscope, le rapporta décidément au groupe des Aphidiens (Pucerons) et le nomma provisoirement Rhizaphis vastatrix.Une Note était peu de temps après rédigée et envoyée à l'Institut 2. La première publica- tion faite fut toutefois le rapport présenté à la Société d'Agriculture de l'Hérault, rapport publié parle Messager du Midi dès le 22 juillet 1868 et signé des trois délégués. La cause du mal était donc reconnue. « Deux jours de recherches, dit 1 « C'est à peu près entre 1858 et 186Ï que, par une singulière coïncidence, les importations de cépages américains racines se sont faites à la fois sur divers points de l'Europe (Bordeaux, Roquemaure, Angleterre, Irlande, Alsace, Alle- magne, Portugal). C'est à partir de 18G3 que les premiers signes du mal se dé- clarent, d'abord dans les serres du Royaume Uni, puis, d'une manière vague, aux environs de Pujault, près de Roquemaure (Gard); plus clairement, en 186G, dans le Vaucluse, les Bouches-du Rhône et Bordeaux; plus tard encore, en Allemagne et en Autriche (Klotternenburg), où l'importation américaine remonte à des épo- ques variées » (Plancbon ; La question pkylloxcrique en 187G. Revue des Deux- Mondes, 15 janvier 1877). a J.-E. Planchon, G. Bazille et F. Sahut Comptes rendus Acad. des Se., séance du 3 août 1868, pag. 333. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 51 M. Pkuidioii l, nous Qreut voir les insectes en cent endroits, partout où la Figne soulTrait. Dès ce moment, un fait capital était établi : c'est qu'un insecte presque invisible, se dérobant sous terre, s'y multipliant par my- riades d'individus, amenait l'épuisement des ceps les plus vigoureux. Mais cet insecte, d'où venait-il ? Etait-il décrit ? Qnels étaient en tout cas ses alliés les plus proches? Ces questions n'étaient pas faciles à résoudre du premier coup ; elles ne pouvaient même l'être qu'à la condition de trouver l'insecte sous tous ses états. «N'ayant vu d'abord que des insectes souterrains dépourvus d'ailes, je cherchai obstinément la forme ailée, que je supposais devoir exister. Cette forme existait en effet, et, l'ayant découverte à l'état de nymphe avec ses ailes encore enfermées dans leurs fourreaux, je la vis éclore le 28 août 18G8 comme un élégant petit moucheron, ou plutôt comme une cigale en minia- ture, portant étalée à plat ses quatre ailes transparentes.» L'insecte, soumis par MM. Planchon et Lichtenstein au savant hémiptériste de Paris, M. Signoret, fut ramené par lui au genre Phylloxéra 2, créé par Boyer de Fonscolombe pour le Ph.quercûs. « Voilà donc, continue M. Planchon, mon Bhizaphis rapporté à son vrai genre. Restait à le reconnaître pour identique à l'insecte américain. Le premier pas dans ce cens fut le résultat d'un heureux hasard. Le 11 juillet 1869, voyageant avec une commission de la Société des Agriculteurs de France, je découvris à Sorgues (Vaucluse), sur deux ceps d'une variété de vigne appelée Tinto, de nombreuses galles pareilles à celles du Pemphigus américain.» D'après le Dr Plumeau3, ce serait M. Laliman qui aurait trouvé le pre- mier, en France, des feuilles avec des galles phylloxériques sur des plants américains. Nous mentionnons la chose en historien fidèle ; mais, au fond, peu importe à la science et à la viticulture que la forme gallicole ail ete trouvée à Bordeaux ou à Sorgues ; elle l'a été, en tout cas, on peut le dire, à peu prés simultanément. Au printemps de 1869, J. Lichtenstein, le pre- mier, avait avancé que l'insecte des racines était la forme souterraine du Pemphigus vilifolii d'Asa Fitch ; simple hypothèse qui devait bientôt devenir un fait acquis et dont Planchon lui-même ne tardait pas à accepter la responsabilité [Mess. agr. du Midi, 5 septembre 1869). Pendant que ces études se poursuivaient chez nous, Westwood avait 1 J.-E. Planchon ; Le Phylloxéra en Europe et en Amérique {Revue des Deux- Mondes, 1er février 1874). 2 Signoret; Bulletin Soc. entom. de France, 23 septembre 18G8. 3 Dr Plumeau ; Association française pour l'avancement des Sciences, 1872, session de Bordeaux, pag. G3C. 52 LE phyLloxeiia dé la YICLNË. continué ses observations en Angleterre, avait reçu des insectes de France et des États-Unis, et, dans une Note insérée dans les Proceedings ofthe London entomol. Society du 1er février 1869, il reconnaît dans son Perilymbia vitisana de 18G7 l'insecte nommé Pemphigus vitifolii par Asa Fitcb, Dactylosphœra vitifolii par Shimer, Phylloxéra vastatrix par Plancbon. Malgré quelques protestations venant des partisans absolus de la priorité en fait de nomenclature, c'est ce dernier nom qui a été adopté par la science, pour trois raisons: d'abord, au nom môme de la priorité, le genre Phylloxéra, datant de 1834, ne pouvait être débaptisé; ensuite le qualificatif de vastat rix dévastateur, bien mieux que celui de vitifolii ou de vitisana, répond à l'idée d'un insecte destructeur par excellence; l'usage enfin, ce grand maître, avait de suite consacré une épitbéte répétée par la presse du monde entier. « De son côté, en 1870, le professeur Riley, qui habitait alors Saint- Louis (Missouri), établit : 1° l'identité de l'insecte à galles d'Europe et de celui d'Amérique ; 2° l'identité des types Gallicoles et Radicicoles '. » Ces observations, confirmées en 1871 lors d'un voyage du savant améri- cain en France, ne devaient plus être discutées . Tel était le degré des connaissances en 1870, tel il était encore en 1873. Pendant ces trois années, malgré les recbercbes attentives d'un grand nombre de naturalistes, le cycle des métamorpboses n'avait pu être fermé. La forme sexuée, qui existe cbez tous les Aphidiens et pond l'œuf d"biver, ne pouvait manquer cbez les Phylloxéras. Tout d'abord on avait pris les Ailés pour cette forme sexuée2. L'erreur était permise, les mâles étant d'ordinaire munis d'ailes cbez les pucerons et même cbez certains Phyl- loxéras (Phylloxéra quercûs) ; puis on s'aperçut que, cbez l'espèce de la vigue, tous les individus ailés pondaient, et pondaient sans accouplement. C'était donc encore une forme agame aussi bien que celles des feuilles et des racines. La forme sexuée, si remarquable en ce qu'elle n'a pas de suçoir, a été découverte d'abord cbez le Phylloxéra du cbène par M. Bal- biani3, ensuite cbez celui de la vigne par M. Max Cornu4, qui n'observa toutefois que deux femelles. Cette étude ayaut été reprise en 1874 à Mont- 1 Les Vignes américaines, par Bush et Meissner, traduit Je l'anglais pir L. Bazille, revu et annoté par J.-E. Planchon, 1876 ; et 2e éd., 1885. 2 Dr Schimer ; Proceelings ofthe Acad. ofnat. Se. of Philadelphia, n° l, I867, pag. 2 à 11. — Signoret; Le Phylloxéra vastatrix (Ann. Soc. cnlom. de Fr., 1869, pag. 549). :< Balbiani ; Comptes rendus de V Acad. des Se., 20 octobre 1873, pag. S 8 i . * Max. Cornu; Comptes rendu:, 3 novembre 1873, pag. 1015. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 53 pellier par M. Balbiani ', le mâle et la femelle étaient entrevus à travers la coque des œufs pondus en captivité par des Ailés. Au mois d'août 1875, M. Boiteau découvrait le lieu de ponte de ces Ailés 2 . Restait à étudier les Sexués sur un certain nombre d'individus normale- ment éclos, à observer leur accouplement ainsi que leur ponte, à trouver enfin l'œuf d'hiver eu plein air. Selon les observations faites sur l'espèce du chêne, il devait être caché sous les écorces de la souche. C'est ce que réussit à découvrir M. Balbiani au mois de septembre de la môme année. Commodément installé à Libourne chez M. Boiteau, dans un cabinet de travail muni de bons microscopes, cabinet que nous connaissons bien pour y avoir personnellement recherché l'œuf d'hiver en 1878, M. Balbiani put mener à bonne un ces délicates observations et fermer ainsi le cycle des métamorphoses du Phylloxéra vastatrix3. En même temps étaient publiées par M. Balbiani ses belles observations sur la dégénérescence graduelle des ovaires chez les Phylloxéras, dégéné- rescence qui, s'accentuant de génération en génération, peut aboutir à la stérilité des aptères agames, mais se termine d'ordinaire par la production de Y Ailé et du Sexué pondant son œuf unique. La fécondation de cet œuf par l'accouplement des Sexués étant, selon l'auteur, le point de départ d'une fécondité nouvelle, il put conclure à l'extinction complète d'une colonie dont chaque année les (eufs d'hiver seraient détruits par un traitement insecticide. De 1875 à 1881, les études avaient continué. Dans une série de Notes à l'Institut envoyées par M. Boiteau 4, le lieu de ponte des Sexués était pré- cisé, les Phylloxéras issus de l'œuf d'hiver observés, leur fixation d'abord aux feuilles puis aux racines constatée par l'expérience. Aucun fait saillant n'était venu infirmer les travaux de M. Balbiani; des œufs d'hiver avaient été trouvés en nombre à Libourne par M. Boiteau ; mais, quelque con- fiance qu'on eût dans les observations du savant professeur au Collège de France, la science n'avait pas adopté complètement ses conclusions. M. Liech- tenstein et nous-mème avions bien observé en Languedoc la ponte des Ailés et l'éclosion des Sexués; l'œuf d'hiver avait bien été obtenu par nous en plusieurs exemplaires dans notre laboratoire de l'Ecole d'Agriculture du 1 Balbiani ; Comptes rendus, ;i I août et 14 décembre 1874. 2 Boiteau-, Intérêt public de Libourne, noS dos 2, !) et [6 septembre 1875. Voir également à ce sujet Balbiani ; Comptes rendus, 4 octobre 1875. 3 Balbiani; Comptes rendus, 4 octobre 1875 et 17 juillet 1 s 7 < ". . '< Boiteau ; Comptes rendus de f Académie des Sciences, 10 mai, 5 juin, 8 juillet, 5 août et G novembre 1S7G. 54 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. Montpellier •; mais l'observation sur les vignes, en plein air, de cette ponte du Sexué manquait encore en dehors de la Gironde. Malgré les recherches attentives de MM.Planchon, Lichtenstein et Mares, malgré celles que depuis 1877 nous avions entreprises nous-mêmeà Montpellier, après avoir été à plusieurs reprises étudier la question à Bordeaux et à Libourne, ayant M. Boi- teau pour guide; malgré une mission spéciale dans l'Hérault confiée en 1878 à M. BoiteauparM. le Ministre de l'Agriculture, l'œuf fécondé continuait à se dérober à toutes les recberches. Se comportait-il dans les pays secs comme sous les climats humides? N'éclosait-il pas avant l'hiver? La question se posait dans la plupart des écrits sur le Phylloxéra 2; et quand M. Graëlls» professeur d'anatomie comparée à l'Université de Madrid, eut annoncé en septembre 1878, au Congrès viticole de Montpellier, qu'il avait vu éclore le 8 août, à Malaga, des œufs pondus en juillet3; quand il eut surtout confirmé ses observations en 1879 et 18804, cette question parut résolue par l'affir- mative. « M. Graëlls, dit M. Planchon, est un savant dont le coupd'œil et le jugement ne sauraient être mis en suspicion lorsqu'il s'agit d'un fait qu'il affirme avoir vu 5 » . Personne ne pouvait douter de la bonne foi de M. Graëlls, nos relations personnelles et amicales avec le savant espagnol nous permettent de l'affirmer hautement; mais dans des observations aussi délicates, où il faut procéder d'abord par des recherches générales longues et minutieuses à la loupe, puis isolément par un .examen au microscope de tous les corpus- cules invisibles à l'œil nu ressemblantà un œuf, avait-il observé avec toute la rigueur voulue ? «Pour faire mes recberches, dit M. Graëlls6, j'emportai de Malaga à Madrid des morceaux de ceps de vignes phylloxerées. Perdant l'espoir de trouver l'œuf d'biver à la loupe, à la façon de M. Boiteau, il me vint a l'idée d'imprimer de fortes secousses aux morceaux desséchés des vignes sur un papier blanc placé sur une table. En examinant à la loupe attentive- ment les détritus recueillis, j'ai fini par découvrir quelques œufs des Sexués 1 Valéry Mayet ; Comptes rendus, 2 novembre 1880. 2 Planchon ; La question phylloxérique en 187G (Revue clés Deux-Mondes, 15 janvier 1877), et page 30 du tirage à part. 3 Compte rendu du Congrès de Montpellier, 1878, pag. 102. 4 Voir à ce sujet : Lichtenstein; Le Phylloxéra en Espagne (Journal La Vigne américaine, 1879, pag. 208).— Graëlls; L' au f d hiver du Phylloxéra (Journal de l'Agriculture, 1880, pag. 27 et pag. 102). — Planchon; Vigne américaine, 1880, pag. 70. 5 Planchon ; Vigne américaine, 1880, pag. 120. 6 Journal de l'Agriculture, 1880, pag. 106. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 55 bien reconnaissables par leurs singuliers caractères. Placés dans un tube d'observation, il éclorent, les uns au bout de trois ou quatre jours, les autres un peu plus tard.» Les recherches en Languedoc furent dès lors considérées comme inutiles par certains naturalistes. Lichtenstein, pour ne citer qu'un des plus connus, les abandonna complètement, et, mieux que personne cependant, il était apte à les meneràbonneûn.otVous perdez votre temps», nous disait-il; «Cherchez et vous trouverez», nous écrivait au contraire M. Balbiani. Confiant dans la manière de voir du savant qui le premier avait su trouver l'œuf fécondé dans la Gironde ; convaincu nous-mème que, pour la France du moins, l'expérience de Madrid n'était pas concluante, nous avons continué à chercher, et le 16 mars 1831 nous trouvions l'œuf d'hiver à Montpellier1, au domaine de Viviers, chez M. Pagezy, ancien sénateur. Nous le trou- vions eu quantité telle que tous les observateurs, Lichtenstein le premier, en ont eu à leur disposition et l'ont trouvé eux-mêmes sur nos indications. A cette occasion, nous reçûmes la visite de M. Henneguy, délégué de l'A- cadémie des Sciences, préparateur de M. Balbiani au Collège de France, et c*est à partir de ce momeut que purent être organisées par lui à Montpellier, au domaine de la Paille, chez M. Mares, correspondant de l'Institut, les expériences si concluantes sur la destruction complète de l'œuf fécondé par les badigeonnages insecticides 2. Le point de repère qui nous avait guidé d'une façon si sûre dans la recherche de l'œuf d'hiver, c'est-à-dire les galles observées annuellement sur un même point, a permis à MM. Balbiani et Henneguy d'opérer àcoupsùr,ettouUe monde, parla disparition complète de ces galles couvrant depuis longtemps chaque année tout un quartier de vignes, a pu constater l'efficacité du procédé. Fin 1886, le badigeounagena pas été fait : les galles ont reparu en 1887 ; fin 1887, il a été renouvelé : il n'y avait de galles en 1888 que sur les ceps témoins. M. Graèlls toutefois ne s'est pas encore rendu, et dans son dernier tra- vail sur les Aphidiens (Cuestiones biologico-ontogenicas y fisiologicas de los Afidios. Madrid, 1887) il persiste à regarder ses expériences comme définitives. Nous considérons, de notre côté, notre observation comme concluante, du moins en ce qui concerne la France et la plus grande partie de l'Europe; la thèse de l'éclosion estivale n'est du reste plus soutenue d'une façon absolue qu'en Espagne3. 1 Valéry Mayet ; Comptes rendus Académie des Sciences, 28 marô 1881. 2 Balbiani; Comptes rendus, 10 avril 1882 et 20 octobre 1881. 3 Eu France, il s'ast produit récemment une théorie que nous appellerons mixte, théorie qui jusqu'à présent n'a été admise nue par sou auteur. M. Donna- 56 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. De l'Andalousie nous ne pouvons rien dire, des piys tropicaux encore moins. Il est certain cependant qu'à Panama, par exemple, où M. Collot, professeur à la Faculté des Sciences de Dijon, a constaté le Phylloxéra sur les feuilles du Vitis caribœa, feuilles qui ont été envoyées à M. Plan- chon, l'œuf fécondé peut et doit ne pas se comporter comme en Europe. Le Bombyx du mûrier nous offre un phénomène venant à l'appui de cette hypothèse. Ses œufs, suivant les belles expériences de M. Duclaux, n'éclo- sent normalement dans les pays tempérés que lorsqu'ils ont subi l'influence du froid, c'est-à-dire après l'hiver ou un séjour d'un ou deux mois dans une glacière. A côté de cela, il y a dans les pays chauds, l'Inde par exemple, les races dites bivoltines et trivoltines, dont les œufs éclosent sans avoir subi l'action du froid, et qui produissent ainsi plusieurs généra- tions dans l'année. Les Bombyx du mûrier à générations multiples, rares en France, plus fréquents en Italie et en Espague, sont communs et même constituent la règle dans les pays tropicaux. Les trioollins de l'Inde éclo- sent en février, en juin et en octobre. Marche du fléau. Originaire d'Amérique, ou, pour mieux préciser, de la partie des Etats- Unis située à l'est des Montagnes-Rocheuses, le Phylloxéra se trouvait fortement établi vers 1869 dans le sud-est et le sud-ouest de la France. Les deux points d'introduction, deux collections de vignes américaines situées à Roquemaure (Gard) et à Floirac aux portes mêmes de Bordeaux, avaient été précisés et formaient deux larges taches rayonnant rapidement et ten- dant à converger l'une vers l'autre. Eu 1870, le Gard, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhùne, le Var, étaient complètementenvahis, l'Hérault atteint dans l'un de ses plus riches vignobles, la plaine de Lunel. De 1871 à 1876, tout J 'arrondissement de Montpellier était eu grande partie détruit et celui de Béziers entamé. A la même époque, vers le Nord, l'ennemi, après avoir ruiné les célèbres vignobles des côtes du Rhône, entourait Lyon de nom- breux peints d'attaque, poussant des pointes hardies jusqu'en Beaujolais. dieu, dont nous avons cité dans nos premières pages le bon travail sur le Phy- loptus vitis, et qui le premier a étudié le Phylloxéra au microscope avec M. Plan- chon, parle, dans uue Note à l'Institut (Compt. rend., 9 mai 1887) d'œufs fé- condés qui passeraient l'hiver et d'œufs fécondés qui écloraient à l'automne. Ces deux sortes d'œufs seraient pondus par deux formes dilîérentes de Phylloxéra. Nous attendons un travail ultérieur annoncé par l'auteur, travail qui éclaircira sans doute certains points de son observation, dont nous ne pouvons parvenir à bien saisir la précision. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 57 En 1878, l'invasion atteignait les Alpes-Maritimes, la Corse, l'Aude, les Pyrénées-Orientales, l'Aveyron, le Puy-de-Dôme, l'Ain, la Saône-et- Loire et la Cùte-d'Or. Dans l'Ouest, la marche, assez lente au début, était très rapide à partir de 1P72. Le Médoc et le Sauternois, aux. terres de graves mélangées de sable, offraient une certaine résistance à l'invasion ; mais les palus, l'Eutre- deux-mers, le Lot-et-Garonne et la Dordogne aux terres plus argileuses, les Cliarentes surtout, au sol crayeux, peu profond, se fendillant en été, étaient gravement atteints, et, vers 1879, complètement ruinés. En 1880, sur la carte officielle publiée chaque année par le ministère de l'Agriculture, les deux grandes taches du Sud-Est et du Sud-Ouest, teintées de gris ou de brun suivant l'intensité de l'invasion, étaient soudées à travers le Lot, le Gers, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne et le Tarn. Au Nord, la teinte atteignait la Loire par l'Indre, le Loir-et-Cher et le Loiret. Dans les dernières cartes publiées, le département de Seine-et-Marne est teinté; et voilà qu'au grand effroi des viticulteurs des environs immédiats de Paris, le Phylloxéra vient d'être découvert sur les vignes en espalier de, l'Ecole na- tionale d'Agriculture de Grignon tSeine-et-Oise). Dans le bassin du Rhône, tous les départements viticoles sont teintés. En Corse, le mal a envahi les arrondissements d'Ajaccio, de Corte et de Bastia. A l'heure qu'il est, plus d'un million d'hectares sont atteints eu France, et, parmi nos grands vignobles, la Champagne seule est indemne, bien que fortement menacée par les points d'attaque de Seine-et-Marue. En Algérie, maigre la loi de 1881 ordonnant, comme en Suisse, l'ex- tinction complète des foyers, plusieurs points d'attaque, apparus successi- vement à Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Oran, Philippeville, La Calle, Souk- Arras, ont été reconnus et détruits depuis 1885. A l'étranger, aussi bien qu'en France, ce sont les plants américains qui, au début, ont introduit le Phylloxéra. En Portugal, dans la vallée du Douro, les vignes mouraient bien avant que l'insecte eût été découvert. Sa présence, constatée en 1870, parait remonter à une importation amé- ricaine de 1863. Dans les vignobles espagnols, les deux grandes taches, de Malagaau Sud, signalée depuis 1877, et de Girone au Nord, semblent cependant avoir pour origine l'introduction de plants français. Le premier point d'attaque reconnu en Suisse eu 1874, chez M. de Rothschild, à Pre- gny, provenait de plants reçjs de serres anglaises infestées, et celui de Neuchâtel d'un envoi de la pépinière allemande d'Annaberg ; aujourd hui, malgré les énergiques traitements d'extinction ordonnés par la loi, le mal a gagné les vLnobles du canton de Vaud et sur un point ceux du canton de Zurich . 58 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. En Allemagne, les nombreuses ladies constatées dans la vallée du Rhin ont eu pour point de départ les pépinières et collections de vigne d'Anna- berg, d'Erfurt, de Bolweiller, de Plantières, etc. L'Autriche et la Hongrie doivent à des apports de cépages du Nouveau- Monde faits en 1868, d'avoir été envahies aux environs de Klosternenhurg, de Pantchowa et de Fiinfkirchen. La découverte du Phylloxéra en Italie, à Valmadrera (province de Côme) et à Agrate (province de Milan), date de 1879. En 1880. de nouvelles taches étaient constatées à Port-Maurice, Riesi, Messine, et, en 1882, aux environs de Girgenti et de Catanina. La Crimée et le Caucase, les deux principaux pays à vignes de la Russie, sont atteints depuis 1880, et la Bessarabie depuis 1886, par suite d'introduction de plants racines venant d'Erfurt (Allemagne). Dans les provinces danu- biennes, en Roumanie, de nombreux points d'attaque sont signalés depuis 1883 aux environs de Jassy et de Galatz (Moldavie). Eu Turquie d'Eu- rope et en Turquie d'Asie, le mal ne date que de 1885 ; mais il s'étend déjà sur des espaces considérables. La Grèce seule parait indemne jusqu'à présent ; mais elle ne tardera pas, sans doute, à être envahie. En dehors de l'Europe, les vignes de Madère sont détruites, celles du cap de Bonne-Espérance fortement entamées. L'Australie, en relations fréquentes avec les Etats-Unis, est contaminée depuis 1875. La Californie, enfin, la seule région des Etats-Unis où prospérât la vigne d'Europe, le Phylloxéra n'ayant franchi les Montagnes-Rocheuses que depuis quelques années, est gravement atteinte. Le vignoble séculaire de la Mission est dé- truit, et l'on commence à le reconstituer sur racines américaines. Pertes occasionnées en France par le Phylloxéra. Avant de décrire l'insecte, nous placerons ici quelques détails sur les pertes qu'a causées son introduction dans notre pays. Concernant l'é- tranger, nous n'avons pas de documents à consulter; mais, en France, une Note publiée en 1888 par M. Lalande, député de la Gironde, parait pré- senter la situation sous son vrai jour, et nous jugeons utile de la repro- duire ici. «Peu de personnes, dit M. Lalande, se font une idée suffisamment exacte des pertes éprouvées par la France comme conséquence des ravages du Phylloxéra. Les chiffres suivants, hases sur le Rapport de M. le Directeur de l'Agriculture, présenté à la Commission supérieure du Phylloxéra pour l'année 1884, peuvent fournir quelques éléments d'appréciation. «D'après ce Rapport, la surface des vignobles détruits en France jusqu'à la fîu de 1884 s'élevait à 1,000,000 d'hectares, dépassait môme un peu ce LE PHYLLOXERA DE LA VISNE. 59 chiffre. Mais ce n'est pas tout. Indépendamment des vignes détruites, il y avait des vignes malades, mais encore existantes. Le chiffre en était de 004,511 hectares. «C'est très prohahlcment rester au-dessous de la vérité que d'apprécier ce chiffre de vignes malades comme équivalant à 200,000 hectares de vignes détruites. »La perte réelle est donc de 1 ,200,000 hectares de vignes détruites, c'est-à-dire la moitié de tout le vignoble français. »A quel chiffre faut-il évaluer la perte en argent de ces 1,200,000 hec- tares ? Ici il faut faire une observation qui nous paraît avoir une très grande importance. La valeur des vignes détruites est généralement appréciée selon leur valeur vénale; mais, au point de vue national, ce mode d'appré- ciation est bien au-dessous de la vérité. »En effet, la valeur vénale d'une propriété est calculée sur son revenu uet, mais sa valeur au point de vue national est très supérieure. Elle doit être basée Fur le revenu brut, qui se décompose en deux parties : 1° celle qui est nécessaire pour payer les salaires et les divers travaux de culture ; 2° l'excédent qui constitue le revenu net. »I1 est évident qu'au point de vue de l'intérêt général du pays, ces deux productions se confondent, et le produit brut peut être considéré en pres- que totalité comme constituant un des éléments du revenu national. Or la valeur vénale des vignes détruites pouvait être, nous le croyons, considérée en France comme représentant un chiffre moyen de 6,000 fr. l'hectare. Si, d'après les considérations ci-dessus exposées, on voulait prendre pour base d'appréciation le revenu brut, on devrait évaluer les vignes dé- truites à un chiffre très supérieur à 6,000 fr. »A la vérité, après la perte des vignobles, il reste la valeur du sol nu ; mais cette valeur est généralement très minime, car la plupart des vignobles sont plantés dans des terres peu propres à d'autres cultures. >Tout considéré et pour ne rien exagérer,, j'adopterai comme base d'évaluation le chiffre de 6,000 fr. mentionné plus haut, et nous arrivons à la somme de 7,200,000,000 de francs comme représentant la perte éprouvée par la France comme résultat des vignes détruites par le Phyl- loxéra . »Ce n'est pas tout encore. A cette perte du capital sont venues s'ajouter les pertes de revenus ou de salaires occasionnées parla destruction des vi- gnobles. Il est difficile de les apprécier exactement. Mais nous croyons rester au-dessous de la vérité en prenant pour base de calcul la valeur des vins que la France a importés, et des raisins secs, qui n'ont été en réalité importés que pour être transformés en vins depuis la destruction de nos 60 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. vignobles. Ces importations se sont élevées, suivant l'état ci-dessous, à plus de trois milliards de francs. Importation, en France, de vins ordinaires et de raisins secs de 1875 à 1886. Commerce spécial. Vins ordinaires. Raisins secs, 1875 8.351.741 fr. 5.755.614 fr. 1876 18.468.811 5.447.207 1877 22.593.989 8.649.482 1878 50.204.145 14.829.096 1879 107.479.899 40.807.043 1880 297.917.248 62.631.970 1881 346.516.425 37.364.289 1882 295.207.947 31.903.088 1883 360.000.000 39.000.000 1884 319.664.326 49.644.909 1885 361.476.079 95.350.824 1886 489.985.194 88.422.465 1887 545.000.000 98.000.000 3.222.866.504 fr. 577.805.984 fr. RÉSUMÉ. Vins ordinaires 3.222.866.504 fr. Raisins secs 577 . 805 . 984 3.800.672.488 fr. »Nous arrivons ainsi, comme perte totale, à une somme de plus de 10 milliards de francs. Telle est approximativement la perte éprouvée par la France par suite du Phylloxéra.» Il n'est question, il est vrai, dans cette Note que des pertes éprouvées, du passif, si je puis m'exprimer ainsi, en citant les chiffres donnés par un des premiers négociants de Bordeaux ; mais, quel que soit V actif qui peut être représenté par le travail de reconstitution opéré à mesure que la des- truction s'accomplissait, cette compensation est peu de chose en face du désastre qui pèse et pèsera longtemps sur notre situation économique. Si nous consultons en effet la statistique publiée en 1888 par M. le Direc- teur général de l'Agriculture, nous trouvons que les vignes défendues vic- torieusement ou reconstituées ne s'élèvent qu'au chiffre de 268,207 hectares ; mettons 300,000, les créations de vignobles dans les sables ne figurant pas et n'ayant pas à figurer dans cette statistique. Qu'est-ce que ce le phylloxeua de la Vigne. 01 chiffre oppose aux 1 ,200,000 hectares détruits! Un quart à peine, d'où il faut déduire encore les dépenses faites pour la reconstitution. Nous dirons donc, avec M. Lalande, que, «bien loin de s'étonner de la gravité des souffrances éprouvées par le pays, on a presque lieu d'être surpris qu'elles n'aient pas été plus grandes encore à la suite de pareils désastres.» II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE, La description du Phylloxéra vastatrix et celle de ses mœurs se trou- vent dans de nombreux ouvrages, bons ou mauvais, sur le détail desquels nous n'avons pas à entrer ici; nous dirons seulement qu'en dehors de certains documents puisés dans les Comptes rendus de l'Institut et quel- ques autres publications, ces différents livres ont tous été plus ou moins tirés de deux ouvrages importants, celui de M. Max. Cornu et celui de M. Balbiani. Le premier, paru en 1878 (Paris, Imprimerie nationale), intitulé Étude sur le Phylloxéra vastatrix, renferme principalement l'histoire détaillée des trois premières formes connues de l'insecte. Le second, publié en 1884 (Paris, Imprimerie nationale), sous le titre de Le Phylloxéra du chêne et le Phylloxéra de la vigne, parle surtout avec détail de la forme sexuée et de son œuf unique, Y œuf d'hiver. Ces deux ouvrages se complètent mutuellement et forment une œuvre d'ensemble, une œuvre de maîtres, que nous appellerons classique. Tous les auteurs y ont puisé ; les remarquables dessins de M. Cornu, par exemple, ont été reproduits partout en France et à l'étranger ; nous y puiserons nous- même souvent, renvoyant toutefois le lecteur à ces deux sources autorisées pour les nombreux détails qui ne peuvent entrer clans un travail néces- sairement condensé comme celui-ci. Le Phylloxéra apparaît normalement sous quatre formes différentes, se succédant l'une à l'autre, toujours dans le même ordre, ayant un nombre plus ou moins grand de générations et pondaDt des œufs en quantité tou- jours décroissante1. 4 Cette diminution de fécondité s'observe non seulement dans le cycle évolutif, mais dans les générations nombreuses qui se succèdent chez les formes gallicoles et radicicoles, de sorte que la race finirait par s'éteindre au bout de quelques années si la puissance génératrice n'était régénérée dans l'œuf fécondé. Telle est la théorie, appuyée sur l'observation, qui a été développée longuement par M. Bal- biani dans les Comptes rendus (4 octobre et 17 juillet 1876), ainsi que dans son livre, pag. 3. De là, on le conçoit, l'importance de la destruction de l'œuf d'hiver. Certains naturalistes, Lichtenstein entre autres, ont combattu ces idées ; mais, un (52 LE PHYLLOXERA DE LA. VIGNE. Ces quatre formes sont : Le Gallicole ou forme multiplicatrice, Le Radicicole ou forme dévastatrice, f L'Ailé ou forme colonisatrice, Le Sexué ou forme régénératrice. La ponte du Gallicole, dans les premières générations, du-mmus, est de cinq à six cents œufs: c'est le grand multiplicateur de la race; le Radicicole pond de un à cent œufs seulement, mais c'est la forme dévastatrice par excellence, la seule qui tue la vigne; Y Ailé, qui ne pond que quelques œufs, de un à huit, s'en va au loin fonder les colonies; quant au Sexué, la raceentière est régénérée dans son œuf unique fécondé par l'accouplement. Les trois premières formes ne renferment /que des femelles agames, c'est-à-dire se reproduisant sans accouplement; et par parthénogenèse ; la forme sexuée comprend des mâles et des femelles. L'œuf unique qu'elle produit a été appelé œuf d'hiver par celuyqui l'a découvert, M. Balbiani. Il constitue le point de départ et le point d'arrivée du cycle évolutif du Phylloxéra; c'est donc par sa description que nous commencerons. A. — Œuf d'hiver. Cet œuf fécondé est pondu par la femelle sexuée sous les écorces de la vigne les plus adhérentes, principalement celles du bois de deux ans, et, comme l'a indiqué M. Boiteau, de préférence à l'endroit où cette écorce est un peu déhiscente par suite de la section de la dernière taille. C'est là que nous l'avons tout d'abord trouvé à Montpellier1. Nous l'avons ren- contré également sur le bois de trois ans. M. Balbiani et M. Henneguy l'ont vu depuis, mais en petit nombre, sur des bois plus âgés. L'œuf d'hiver, parfois fixé par un petit pédicelle, est placé entre deux fibres saillantes, tantôt collésurle bois, tantôt sur l'écorce elle-même. Ce pédicelle, qui a été donné comme le caractère principal, n'est pas souvent visible; on reconnaîtra, à coup sûr, l'œuf fécondé au petit point d'un rouge brun situé au pôle opposé au pédicelle, et qui n'est que le micropyle ou petite ouverture par laquelle les spermatozoïdes ont pénétré pour opérer la peu entraînés, croyons-nous, par l'ardeur de la polémique, leurs expériences ont peut-être manqué de toute la rigueur voulue. Plus sérieuses seraient les dernières observations de M. Boiteau (Comptes rendus, 18 juillet 1887), qui depuis six ans élève des Phylloxéras radicicoles, est arrivé à la vingt-cinquième génération et a encore des individus très prolifiques. 1 Comptes rendus de l'Institut. 28 mars 1881. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. G3 fécondation '. Les œufs d'agames, ne devant pas être fécondés, n'ont pas de micropyle. L'œuf d'hiver est long de 27 à 30 centièmes de milli- mètre et large de 10 à 12, c'est-à-dire à peu près invisible à l'œil nu ; il est allongé, à côtés parallèles, cylindrique et non ellipsoïde comme les œufs des formes agames (PI. I, lig. 3). Quand il vient d'être pondu, il est d'un jaune pâle très brillant ; les jours suivants, la couleur se fonce, des taches brunes assez rapprochées l'une de l'autre apparaissent ainsi qu'un dessin réticulé en relief et qui n'est, suivant M . Balbiani, que l'em- preinte des cellules épithéliales tapissant l'ovaire de la mère ; puis il passe bientôt au vert olive foncé, moins brillant, couleur qu'il garde tout l'hiver et qui rend alors sa recherche très difficile. Fin février ou premiers jours de mars, il redevient jaune ambré, lisse, très brillant, et à cette époque il est beaucoup plus facile à apercevoir. Par suite du développement de l'em- bryon, les dimensions de l'œuf d'hiver sont alors un peu plus grandes, 35 à 37 centièmes de millimètre en longueur et 16 en largeur. Dans le Bordelais, selon M. Boiteau, l'éclosion se fait dans la seconde quinzaine d'avril. A Paris, M. Balbiani (sans doute dans son cabinet) a vu sortir des jeunes, à partir du 9, sur des bois envoyés de Libourne par M. Boiteau. A Montpellier, les premières éclosions observées par nous ont eu lieu du 25 au 30 mars à l'air libre, ou du moins dans des tubes d'expériences placés sur une fenêtre, et tous les œufs paraissaient éclos le 15 avril. Ces dates bien certainement peuvent être modifiées suivant la précocité ou le retard de la chaleur. Quelques jours avant l'éclosion, à travers les diverses enveloppes qui constituent la coque de l'œuf, on aperçoit les yeux de l'embryon sous forme de deux taches rouges situées au pôle antérieur, et l'on voit à ce même pôle, à égale distance des deux yeux, une ligne noire semi-circulaire, qui n'est autre chose que l'organe spécial qui se trouve aussi dans l'œuf agame et qui a été comparé par M. Cornu 3 à une crête dentelée. Cet organe fait partie de lapremière enveloppe de l'embryon et est destiné à fendre la coque de l'œuf au moment de l'éclosion. Cette coque, après la sortie de l'insecte, reste ouverte à sa partie antérieure en deux valves nettement séparées. L'œuf d' hiver peut-il se trouver sur les racines? M. Balbiani (Comptes 1 Voir à ce sujet le livre de M. Balbiani, PI. V, fig. 5 et 17. Bien que ces deux figures concernent le Phylloxéra du chêne et non celui de la vigne, le phénomène est le même dans les deux espèces. Voir également le même travail pour tout ce qui concerne les détails anatomiques de l'œuf d'hiver et ceux du développement embryonnaire. 2 Cornu ; pag. 19G, PI. XVII, flg. 5, 6 et 8. G4 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. rendus, 2 novembre 1874) dit y avoir vu une fois des Sexués femelles. De son côté, M. leDr Patio, de Genève, croit avoir trouvé un œuf fécondé sur les racines d'une vigne cultivée en vase. Cette dernière observation nous semble manquer de toute la rigueur désirable. Outre que M.Fatio, dans la description de cet œuf, n'a pas mentionné le petit point rouge du micro- pyle, seul caractère infaillible, on peut dire que le Phylloxéra sur une vigne en pot ne se trouve pas dans des conditions normales. Quant aux femelles de M.Balbiani, le cas est isolé, et, selon l'auteur lui-même, «tout indique que cette génération n'apparaît qu'à titre tout à fait exceptionnel». Queis sont les moyens pratiques pour trouver l'œuf fécondé? Nous dirons tout d'abord que, pour réussir, il faut avoir l'habitude des recherches minu- tieuses à la loupe. Étant donnée cette habitude de la loupe qui s'acquiert vite, nous ajouterons qu'il faut soulever les écorces du bois de deux ans et de trois ans, les premières de préférence; regarder sur le bois et contre l'écorce soulevée, et opérer les recherches là où chaque année des galles sont observées sur les feuilles: Les Ailés, d'habitude, se réunissent pat- essaims sur certains points, véritables lieux d'élection, toujours les mêmes chaque année ',où ils opèrent leur ponte. Les Sexués, leurs descendants, pondent l'œuf d'hiver sur les mêmes souches et les Gallicoles qui en sortent sont nécessairement nombreux au printemps, dans ces localités encore mal déterminées, mais qui pour le Languedoc nous paraissent être des endroits un peu humides, bas-fonds bien exposés ou coteaux exposés au Nord2. Le Gallicole provenant toujours de l'œuf fécondé, la présence de celui-ci en hiver est en effet counexe avec la présence habituelle des galles sur les feuilles pendant l'été. C'est cette théorie fort simple qui nous a conduit, du premier coup, sur le premier bois de deux ans examiné dans ces conditions-là, à la découverte de l'œuf d'hiver à Montpellier. On est aussi guidé bien souvent par la présence delà femelle sexuée morte à côté de l'œuf qu'elle a pondu. Sur les plants français, où les galles se produisent difficilement, comme nous le verrons plus loin, la recherche est moins facile. Il faut, dans ce cas, choisir les souches sur lesquelles de nombreux Ailés ont été vus l'été précédent. Nous n'avons personnellement jamais pu trouver d'œufs d'hiver sur les plants français. On peut ajouter que le mois de mars est l'époque la plus favorable pour les recherches, l'œuf fécondé, à celte époque, étant de teinte beaucoup plus claire que pendant l'hiver. * V. Mayet ; Comptes rendus, 25 juin 1881. 2 Quatre localités réunissant ces conditions nous ont donné des œufs d'hiver à Montpellier. Ce sont : les domaines de Viviers, de Fontfroide-le-bas et de la Paille, enfin la terre de la Condamine sur le domaine de l'École d'Agriculture. LE PHVLLÔXERA DE LA VlCN'k. I',,'» B. — Gallicole. De l'œuf d'hiver sort le Phylloxéra Gallicole. C'est ce que l'expérience il toujours montré jusqu'à présent, et nous renverrons à ce sujet aux remar- quables observations de M. Boiteau *. Inutilement on a tenté de faire fixer sur les racines l'insecte directement sorti de l'œuf fécondé ; il monte tou- jours vers les feuilles et s'y fixe. Ce jeune Phylloxéra choisit la feuille la plus tendre, la dernière éclose ; parfois même il plonge dans le bourgeon à peine entr'ouvert2 et plante son suçoir sur la face supérieure du limbe. Au bout de vingt-quatre heures, une dépression s'est formée au-dessous de lui et la galle commence à apparaître à la face opposée (PI. I, fig. 1). La galle. — La dépression de la face supérieure devient de plus en plus pro- fonde, l'insecte qui en occupe le fond descend à mesure, et la galle intérieu- rement se dilate en une cellule arrondie. L'orifice supérieur de cette cavité est en forme de fente (PI. I, fig. 1 A) garnie de poils raides, entre-croisés et disposés de telle façon que le passage, fermé pour l'entrée, est ouvert pour la sortie. A l'intérieur, cette cellule est arrondie et lisse; l'insecte qui y est enfermé absorbe tranquillement les sucs du parenchyme sur lequel il repose. Extérieurement, c'est-à-dire en dessous de la feuille, l'excrois- sance est inégale, verruqueuse, couverte de poils plus longs et plus irré- guliers que ceux de la feuille elle-même. Le tissu de la galle, épais parfois de plusieurs millimètres, est dû aune hypertrophie des cellules du limbe; il est peu riche en chlorophylle et souvent se colore en rouge. «On peut se demander (Cornu, loc. cit., pag. 30) à quelle partie de l'épaisseur de la feuille normale est due cette nouvelle formation. Est-ce une production de la couche supérieure, couebe composée de cellules prismatiques perpendi- culaires au plan de la feuille ? La galle est-elle due, au contraire, à l'hyper- trophie du parenchyme lacuneux de la face foliaire inférieure ? La dispo- sition des faisceaux vasculaires dans les nervures des feuilles permet de résoudre la question. Situés entre les deux couches, ils parcourent en différents sens le parenchyme de la feuille. Dans le tissu hypertrophié, on le retrouve occupant une position moyenne. Cette place montre que la portion située au-dessous s'est hypertrophiée, de même que celle qui est placée en dessus. » Les galles se forment dans les tissus en voie de développement. La feuille, constituée quand le Phylloxéra y arrive, mais n'ayant pas plus d'un centimètre de diamètre, se trouve donc dans les meilleures conditions pour 1 Boiteau ; Comptes rendus, 27 avril, 10 mai, 3 juin et 8 juillet 1876. 2 Balbiaui ; loc. cit., pag. 29. G6 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. que ces excroissances s'y produisent. L'insecte ne se fixe jamais sur des feuilles développées. A l'endroit où il plante son suçoir, les cellules, par suite de l'absorption constante des sucs, sont frappées d'un arrêt de déve- loppement ; il en résulte des tensions énergiques qui modifient les autres cellules non frappées d'arrêt et situées sur l'autre face de la feuille. Ces cellules prennent des allongements divers, se multiplient en se cloisonnant, et c'est par ce mécanisme très simple que l'insecte finit par être enfermé dans une cavité. Les galles se forment surtout sur les feuilles, mais parfois aussi sur les pétioles, les vrilles et môme les tiges verte3 en voie d'allon- gement de l'extrémité du sarment. Dans ce cas, « les galles affectent (Cornu, pag. 32) la forme d'une verrue creusée à son sommet et présentant une ouverture allongée. C'est parfois encore une sorte de fente dont les bords parallèles sont renflés et suré- levés. Cette fente est, suivant les cas, plus ou moins béante ; elle aet toujours garnie de poils nombreux. On aperçoit, dans l'intérieur de la cavité, le Phylloxéra entouré d'œufs. Le nombre des œufs est parfois supérieur à la quantité que peut contenir la logette ; les nouveaux venus chassent alors les anciens vers l'extérieur, jusque par-dessus le bord. » Les galles ont des dimensions d'autant plus grandes que la feuille est plus développée; elles atteignent 4 à 5 millim. de hauteur et autant de largeur, et la cavité intérieure a parfois 3 millim. de diamètre . Souvent, surtout à l'arrière-saison, certaines de ces galles, plus déve- loppées que les autres, renferment deux, trois et même quatre Galllcoles. Ce sont généralement des pondeuses sœurs qui, au lieu d'émigrer, se sont fixées là où elles étaient nées, utilisant en commun et agrandissant par leur piqûre la galle formée par leur mère. Le cadavre noirci de celle-ci s'y trouve généralement entouré des dépouilles brunes de ses œufs. Quand le corps de la mère n'y est pas, c'est que plusieurs jeunes se sont établis côte à côte sur la feuille et qu'ils ont grandi dans la cavité unique formée par leurs galles respectives, qui se sont soudées. Si la feuille n'est plus en accroissement, les galles sont abandonnées. Ne subissant plus l'actionde la piqûre de l'insecte, l'excroissance prend alors une forme spéciale, elle s'allonge sur une sorte de pétiole qui tend à l'éloigner du limbe. Description du Gallicole. — Le Phylloxéra directement issu de l'œuf d'hiver a un aspect particulier et réunit au plus haut degré les caractères propres au Gallicole. Les générations qui lui succéderont, même sur les feuilles, différeront beaucoup moins de la forme des racines. C'est donc sur lui que doit être faite la description de la forme gallicole. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 07 a II ressemble, dit M. Balbiani [loc. cit., pag. 44), à sa mère dioïque ; mais il en diffère, quand il est jeune, par sa taille moindre et surtout par la présence d'un long suçoir et d'organes digestifs bien développés; à l'âge adulte, par son ovaire formé d'un grand nombre de graines ovifères (quarante-cinq à cinquante). Il est toujours facile de le distinguer des jeunes larves ordinaires des galles ou des racines par le dernier article de ses antennes, qui est fusiforme. Une autre particularité de son organisation est d'avoir son suçoir logé dans une dépression profonde de la face ventrale du corps, dépression en forme de gouttière, d'où il résulte qu'il ne fait presque pas saillie au-dessus de cette surface. Sa taille moyenne, quand il n'a pas encore mangé, est de 40 centièmes de millim. sur \6 de large. Les deux poils latéraux du troisième article des antennes, qui est fusi- forme, comme nous l'avons dit, sont placés à une certaine distance, l'un en arrière de l'autre ; les poils terminaux sont un peu plus longs que cbez la femelle dioïque et la fossette olfactive est petite et ovale. Dans la première génération (fille de la mère fondatrice), le troisième article est encore fusi- forme, mais les deux poils latéraux se sont un peu rapproebés l'un de l'autre, les poils terminaux se sont encore un peu allongés et la fossette olfactive s'est agrandie surtout dans la direction longitudinale. Dans la génération suivante (petites-filles de la mère fondatrice), le troisième article tend à se renfler dans la partie moyenne par la projection de sa face externe en debors, le poil latéral postérieur est remonté presqu'au même niveau que le poil antérieur, h fossette olfactive s'est encore un peu agrandie. Enfin, dans toutes les générations suivantes, le troisième article a pris les caractères ordinaires qu'on lui voit cbez les jeunes larves radicicoles : il est très renflé dans sa partie moyenne et taillé en bec de sifflet aux dépens de sa face externe, les poils latéraux sont rapproebés et presque au mèuie niveau, les poils terminaux sont longs et robustes et la fossette olfactive est arrivée au maximum de sa longueur. » Nous ajouterons que le Gallicole adulte (fig. 8, et PI. I, Gg. 5 et 6) est aptère, toujours agame, que le corps est arrondi, un peu atténué en arrière, d'un jaune tirant sur le verdâtre, et qu'il est sur le dos dépourvu des tubercules caractéristiques, si visibles cbez le Radicicole. Il est d'une taille plus grande que ce dernier, un millimètre et quart de long et plus d'uu millimètre de large, le Radicicole ne dépassant pas un millimètre. Par suite du grand développement pjg. s. — Phylloxéra de ses ovaires, le Gallicole est surtout plus épais gallicole. et plus globuleux. Les yeux sont rudimentaires, formés de trois ocelles 08 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. renflés, de couleur rouge, réunis en triangle en arrière des antennes. Les pattes, les antennes et le rostre sont relativement courts. Les pattes en dehors des deux parties basilaires peu visibles, la hanche et le trochanter, sont composées de trois parties bien apparentes, la cuisse, le tibia et le tarse; ce dernier, avant la deuxième mue, est formé d'un seul article terminé par un double crochet ; après la deuxième mue, une séparation oblique, souvent peu visible, figure un second article. Les antennes, organes du tact et de l'odorat, sont formées de trois articles, les deux pre- miers courts et épais, le troisième long, plus ou moins fusiforme ou taillé en bec de sifflet, suivant que la génération de l'insecte est plus ou moins rapprochée de l'œuf d'hiver, et portant à l'extrémité externe de la partie entaillée le stigmate olfactif ou chaton. Le rostre ou suçoir est composé des quatre stylets solides dont nous avons parlé, les deux internes, repré- sentant les mâchoires, soudés, ce qui réduit apparemment à trois ces appen- dices, logés au repos dans une gaine articulée s'allongeant ou se raccour- cissant comme une lunette d'approche et qui n'est que la lèvre inférieure transformée en étui fendu dans sa longueur. Quand l'insecte veut sucer la feuille, les stylets sortent de l'étui, se dressent perpendiculairement au ventre pour percer le parenchyme, et les sucs de celui-ci, montant par capillarité entre les trois stylets, arrivent dans l'œsophage. Les stigmates ou orifices des trachées respiratoires, très difficiles à voir, sont au nombre de six paires placées latéralement sur la partie ventrale : une sur le prosternum, une sur le métasternum et quatre plus petites sur les quatre premi ers segments abdominaux . Avant d'être à l'état parfait, ce qui demande environ quinze jours, l'in- secte subit trois mues dont les deux dernières peuvent être considérées comme représentant les métamorphoses de larve en nymphe et de nymphe en insecte parfait1. On retrouve toujours les trois dépouilles dans l'intérieur de la galle. 4 Certains auteurs considèrent toutes les formes agames, même l'Ailé, comme des larves et ne donnent le nom d'insecte parfait qu'à la forme sexuée, la seule qui produise un œuf normalement fécondé. Nous n'adoptons pas cette manière de concevoir le cycle phylloxérien ; non pas que la pensée de larves pondeuses nous arrête : il y en a des exemples, nous en avons cité un à propos des Cécidomies ; mais nous hésiterons toujours à appeler larve un insecte ailé. Lishtenstein a admis cette théorie et a été plus loin encore. Il a comparé les produits des formes agames aux bulbilles et aux rhizomes de certains végétaux, établi ssant un parallèle absolu entre les Aphides et une plante. Pour lui, la parthénogenèse des formes agames, qu'il appelle pseudogynes (fausses femelles), n'est qu'un simple bourgeonnement et l'œuf fécondé représente la graine. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 69 Une fois fixé, \cGallicole ne bouge plus, il est immobile au fond de sa loge, et aussitôt la troisième mue opérée, gonflé comme une outre, il com- mence sa ponte. Dans l'espace de trois semaines environ, cinq ou six cents œufs sont pondus dans la galle et s'accumulent au-dessus de la pondeuse; niais on n'en trouve jamais ce tte quantité à la fois, car au bout de huit jours les éclosiODS ont commencé et les jeunes émigrenl, alors que la ponte esta peine à moitié faite. Leur agilité est grande: «Us font, dit M. Boiteau, [Comptes rendus, 5 juin 1876), 13 à 14 millim. à la minute, soit SOcentim. à l'heure. lisse dirigent vers l'extrémité des pampres, traversant, sans s'y arrêter, toutes les feuilles situées entre la première ou la seconde du bas, où sont les premières galles et les plus tendres de l'extrémité. Ces feuilles intermédiaires n'ont jamais de galles. Il n'en est pas de même de celles qui sont portées par les rameaux adventices naissant à l'aisselle du pétiole. A peine développées, ces feuilles-là portent beaucoup de galles.» Dans les générations qui suivent la première (jusqu'en octobre, on en compte parfois sept), la faculté reproductive diminue progressivement. Si, dans la galle initiale, on peut compter cinq ou six cents œufs, dans celle de la dernière gé- nération on en compte cent ou deux cents seulement, et le chiffre est en pro- portion décroissante dans les générations intermédiaires. Ceci est conforme à lathéoriede la dégénérescence des ovaires dont nous avons parlé. Au mois d'octobre, au plus tard en novembre, c'est-à-dire aux premiers froids, les mères pondeuses meurent avec la feuille et tous les jeuues sortant des galles vont aux racines, où ils hivernent sans manger ; puis, au réveil de la végé- tation, ils plantent leur suçoir dans les radicelles et deviennent de véritables Radicicoles. Ajoutons que très souvent, à partir delà troisième génération, un grand nombre de jeunes vont aux racines et s'y fixent, devenant ainsi Radicicoles dès la première année du cycle phylloxérien1. L'insecte, pour 1 Le cycle complet, qui demande généralement deux ans et plus, peut à la rigueur s'accomplir en une année. Plusieurs expériences le prouvent. M. Balbiaui (pag. 20) cite un élevage en bocal où des Ailés ont apparu au mois d'août sur des racines où de jeunes Gallieoles s'étaient fixés deux mois auparavant. M. Hoiteau, de son côté (Comptes rendus, 6 novembre 1876), dit que des Gallieoles mis en tubes d'expérience se sont fixés sur une racine, et leurs descendants ont donné des Ailés dans le commencement de septembre. Quelques observateurs, tels que Shimer et Knyassef, ayant trouvé des Nymphes et des Ailés dans les galles, en ont conclu que le cycle complet du Phylloxéra pouvait non seu'ement s'accomplir en un an, mais s'opérer entièrement à l'extérieur du sol ; autrement dit, que la forme Radicicole pouvait parfois être sautée. Cette théorie n'esl pas suffisamment appuyée. M. Champin, dans la Drôme, a de son coté observé des Ailés dans les galles. Pour uous, qui avons vu si souvent des Nymphes monter le matin aux 70 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. opérer sa descente, suit le sarment et la souche ; parfois aussi il se laisse tomber. Les œufs sont ellipsoïdes, longs de 30 centièmes de millim., d'abord d'un jaune vif ; puis ils tournent au rouge brun et au brun à mesure que l'embryon se développe1. Comme nous l'avons vu pour l'œuf d'hiver, il est facile, peu avant l'éclosion, d'apercevoir les deux yeux ainsi que la ligne noire dentelée que M. Cornu a appelée la crête, et qui est destinée à fen- dre les diverses enveloppes de l'œuf2. Celte crête fait partie de la mem- brane enveloppant directement l'embryon. «Siaprèsl'éclosion, ditM. Corou, on recueille cette membrane, on peut remarquer qu'elle est brune, qu'elle s'est fendue par la partie antérieure, et exactement suivant l'un des côtés de cette crête qui demeure intégralement sur l'un des bords de ligne de rupture. » Le Gallicole rare sur la vigne d'Europe. — Les galles, les Gallicoles et leurs œufs, que nous venons de décrire, s'observent surtout sur certains plants américains, tels que les Riparia sauvages, les Clinton, les Solonis, les Taylor, c'est-à-dire sur les diverses variétés de l'espèce botanique Vitis riparickfiOn peut même dire que telle est probablement la plante d'origine du Phylloxéra, celle qui, du moins, semble la plus anciennement et la mieux adaptée à ce parasite. Plus volontiers que sur toute autre, il y évolue sous ses quatre formes, sans que le végétal paraisse en souffrir. Les déri- vés du Vitis xstivalis : Jaequez, Herbemout, Cunningham, etc., ont beau- coup moins de galles apparentes sur les feuilles ; leurs racines, souvent infestées de Radicicoles quand ils sont jeunes, semblent, à l'âge de 4 ou 5 ans, se débarrasser en grande partie de l'insecte. Ici ce serait le parasite qui serait mal adapté à la plante ; celle-ci, du reste, n'ayant pas à se défen- dre aussi vigoureusement que le Vitis riparia, ne produit pas autant de radicelles de remplacement. Chez le Vitis labrusca et ses dérivés : Coucord, Isabelle, etc., fort peu de galles sur les feuilles et résistance très faible des souches pour se métamorphoser en Ailés, nous supposons sans peine que quel- ques-unes peuvent très bien arriver aux sarments et même aux feuilles, pénétrer accidentellement dans les galles et s'y transformer. Nous disons donc, avec M. Bal- biani (pag. 22), que la métamorphose des Gallicole." en Ailés n'est rien moins que démontrée, 1 Voir, pour l'évolution de l'œuf, Cornu, pag. 195. 2 Le chorion ou enveloppe de l'œuf est formé de trois membranes : la pellicule superficielle, l'exchorion et le chorion proprement dit. Il y a de plus l'enveloppe vitelline, celle qui porte la crête dentelée et qui, sous la pression de l'embryon développé, se rompra et coupera les trois premières. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 71 racines qui, mè ne en Amérique, Baissent par succomber aux attaques du puceron; l'adaptation au parasite est do oc très mauvaise, et le Vllis labrusca, à coup sur, n'est pas la plante d'origine de l'insecte. Enfla le VUis vini- fera, souche indo-européenne de tous nos plants d'Europe, est, des quatre espèces botaniques cultivées en grand, la plus mal adaptée au Phylloxéra, dont les racines résistent le moins bien et dont les feuilles sont les plus ré- fractaires à la formation des galles. C'est cette rareté des ga' les sur nos cépages qui a amené plusieurs auteurs à dire que, sur les plants d'Europe, la forme gallicole pouvait être sautée et que, d'ordinaire, \e Phylloxéra issu de l'œuf d'hiver descendait aux racines. Cette hypothèse n'a jamais été appuyée par l'observation. Malgré cela, le doute existe dans beaucoup d'esprits, et même dans le livre de M. Balbiani, que nous avons appelé une œuvre de niaitre, certain passage cité en note' montre que son auteur n'était pas, au moment où il l'a écrit, éloigné d'ad- mettre cette théorie. Nous nous empressons d'ajouter que dans un travail postérieur il y a nettement renoncé*. M. Henneguy3, délégué de l'Académie des Sciences, paraît pencher au contraire vers l'hypothèse de la descente habituelle aux racines. Il s'appuie sur une expérience intéressante faite par M. Savre, professeur départe- mental d'agriculture du Lot, au moyen des badigeounages contre l'œuf d'hiver, expérience qui mérite d'être citée : « Des vignes françaises, dit M. Henneguy, Malbec, Cot-rouge, etc., ont été badigeonnées au mois de février et de mars 1886; mais le mélange a été appliqué sur toute la hauteur du cep, sauf sur le bois de deux ans. Ces vignes ont présenté uu assez 4 M. Balbiani, pag. 28, dit: « L'issu de l'œuf d'hiver monte-t-il toujours sur les feuilles, ou descend-il directement dans le sol après son éclosion ? C'est ce qu'on ne sait pas encore d'une manière précise ; il parait avéré toutefois que la nature du cépage n'est pas sans influence sur la direction qu'il prend ». M. le Dr Fatio (Le Phylloxéra dans le canton de Genève en 1876, pag. 20) dit de son côté : « Les grosses pondeuses vertes des racines que je nomme ici Nodicole (de nodus, nœud, nodosité), paraissent être, fort probablement, le produit direct de œuf d'hiver, soit que cet œuf ait hiverné sur les racines, soit qu'éclos sur le bois aérien, le jeune Gallicole soit rentré prématurément sous terre, faute d'avoir pu former sa galle». Plus loin, pag. 27, M. Fatio est plus affirmatif encore : «Les issus de l'œuf d'hiver rentrent jusqu'ici, à Genève, en très grande majorité et très promptement dans le sol, au printemps. 2 Balbiani ; Rapport au Ministre sur le traitement contre l'œuf d'hiver en 1884 {Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1885, pag. 158). A Henneguy ; Rapport sur la destruction de l'œuf d'hiver (Compte rendu dos Travaux du service du Phylloxéra, 1887). 72 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. grand nombre de galles. Ce résultat est tout naturel, puisque le bois de deux ans est le lieu d'élection des œufs d'hiver ; mais l'intérêt de l'obser- vation de M. Savre consiste dans la présence de galles sur des cépages indigènes qui n'en ont qu'exceptionnellement. M. Savre pense que les insectes issus des œufs d'hiver n'ont pu descendre sur les racines, et qu'ar- rêtés par les vapeurs toxiques émises par le mélange qui recouvrait la souche, ils se sont répandus sur les feuilles pour y former des galles. Pour la même raison, les jeunes Phylloxéras de seconde génération sont restés sur les feuilles et y ont multiplié les galles. Les jeunes insectes sortis des œufs d'hiver descendent donc sur les racines pour y fonder les colonies souterraines. Que l'on empêche cette descente de s'effectuer, comme dans l'expérience de M. Savre, et les galles apparaîtront nombreuses sur nos cépages. » Plusieurs expérimentateurs et nous-même ayant tenté, sans succès, de faire vivre sur des racines des Phylloxéras directement issus de l'œuf d'hiver, ayant au contraire réussi à les faire fixer sur les feuilles, nous n'avons per- sonnellement jamais pensé qu'à l'état dénature l'insecte allât aux racines. Depuis longtemps nous avons, à ce sujet, échangé nos idées avec M. Boi- teau, de tous les expérimentateurs celui qui a le mieux étudié cette question , et nous dirons que, jusqu'à nouvelle preuve du contraire, l'observation de M. Savre restant isolée, nous nous en tenons aux résultats des expériences faites par M. Boiteau en 1876, expériences demeurées classiques. Ren- voyant pour les détails aux Notes publiées dans les Comptes rendus de l'Institut (séances des 20 et 27 avril, 10 mai, 3 juin, 8 juillet, 5 août et 3 novembre 1876) , ainsi qu'à la brochure intitulée Y Œuf d'hiver et son 'pro- duit (Libourne, Maleville, édit., 1876), empruntant aussi des détails aux lettres reçues directement de M. Boiteau, nous résumerons ainsi la ques- tion : Il est vrai que le parenchyme des feuilles du Vitis vinifera est peu fa- vorable à la production des galles, que beaucoup de celles qui s'y forment sont incomplètes et vite abandonnées. Il est vrai aussi que ces galles, mal développées ou en forme de cupules ouvertes, renferment moins d'œufs (200 au plus) et les laissent parfois échapper au dehors ; très vrai égale- ment que sur les vignes d'Europe à la troisième génération, parfois à la deuxième, les jeunes commencent à descendre aux racines, de sorte que le nombre des galles se réduit souvent à quelques-unes, celles du début, les galles initiales placées sur les première, deuxième et troisième feuilles de la base du sarment et difficiles à voir. De là à dire que, sur les vignes d'Europe, la forme gallicole peut être sautée, il y a loin ! Il ne faut pas oublier que c'est sur une vigne française, LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 73 le Tinto, que les galles ont été observées pour la première fois en France, par M. Planehon, en 1869, alors qu'il n'était pas question de plants amé- ricains et que, bien avant la diffusion de ces derniers, de nombreux ob- servateurs, tels que MM. Plancbon, Licbtenstein, Cornu, de Ladite, Ilcn- neguy, Lejourdan, Faucon, Boiteau et nous-mème, en avaient vues sans les chercher. Pendant l'été de 1888, les galles ont été communes sur divers plants français dans la collection de vignes de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier. «Certaines années, dit M. Boiteau (pag. 21 de sa broeburc), les galles sont très abondantes sur les vignes sauvages, dans les baies, à portée des vignobles phylloxérés. » Les Gallicoles rencontreraient là, parait-il, des conditions plus favorables de développement que sur les plants cultivés. Pour nous, quand il y a des Vitis riparia dans le voisinage, les essaims d'Ailés ne s'abattent pas sur le Vitis vinifera, ils vont à leur végétal pré- féré, à leur plante d'origine. Etant donnée cette tbéorie, qui nous semble appuyée par l'expérience ; étant donnés surtout les lieux de ponte spéciaux que nous avons signalés, on pourrait réserver dans les vignes ces lieux d'élection en ne les greffant pas, et y détruire facilement ebaque année tous les œufs d'hiver par les badigeonnages Balbiani. Le Gallicole existe donc sur les plants d'Europe quand un œuf d'hiver y a été pondu ; il y existe très fréquemment aussi lorsqu'un pampre a été en contact avec un autre pampre infecté, il y est seulement à générations moins nombreuses, moins prolifiques et d'habitude mieux cacbées ; de là, certaine difficulté à constater sa présence. En résumé, on peut dire que, pour trouver le Gallicole sur les plants d'Europe, on peut être servi par le hasard ; mais que, pour le trouver à coup sûr, on n'est d'ordinaire pas guidé, comme sur les Riparia, par la présence de milliers de galles faciles à constater, et qu'il faut : 1° avoir eu le soin l'été précédent, comme le dit M. Boiteau, de remarquer les points où. se sont abattus des essaims d'Ailés, qui ont produit les Sexués, lesquels par la ponte de l'œuf d'hiver doivent avoir produit les Gallicoles ; 2° à défaut des galles de l'extrémité des rameaux, savoir chercher les galles initiales. Ces conditions d'observation ne sont pas à la portée de tous les obser- vateurs. C. — Radicicole. On nomme ainsi la forme agame succédant au Gallicole, vivant unique- ment sur les racines, provenant, soit des jeunes descendus des feuilles, soit des générations précédemment iixées aux racines et qui, à l'origine, prove- naient elles-mêmes des Gallicoles. Cette forme est la plus répandue, la 74 LE PHYLLOXERA DE LA. VIGNE. plus comme, la première découverte en France, lu seule qui fasse périr la vigne, et c'est pour cette dernière raison que nous l'avons appelée également [orme dévastatrice. Bien que la plus connue et la plus nombreuse en individus, elle n'en est pas moins la plus extraordinaire au point de vue des mœurs souterraines. Le genre Phylloxéra est, en effet, presque uniquement composé d'espèces épigées, c'est-à-dire ayant un cycle évolutif entièrement en dehors du sol. Remontant par la pensée aux temps géologiques, à l'époque tertiaire, ou tout au moins à la période glacière, M. Balbiani (pag. 21) voit dans la défoliation de la vigne devenue périodique, forçant l'insecte à chercher un refuge aux racines, l'origine de cette forme hypogée. C'est bien possible ; mais nous dirons que plus de vingt autres espèces de Phylloxéra vivent sur des chênes, des châtaigniers et des noyers à feuilles caduques, sans avoir pour cela de forme radicicole. Nous nous contenterons ici de l'obser- vation des faits biologiques actuels, mais nous n'en considérons pas moins celui-ci comme assez extraordinaire pour avoir jugé utile d'attirer sur lui l'attention du lecteur. La présence du Radicicole dans un vignoble se manifeste par des points où la végétation est nulle et languissante, et que M. Gaston Bazille a com- parés à des taches d'huile. Le commencement d'une de ces taches est un point faible s'élargissant peu à peu, ayant dès la troisième ou quatrième année, parfois dès la deuxième, des souches mortes dans son milieu. Tout autour de ces pieds morts, rayonnant régulièrement, se voient des souches aux pampres rabougris, dépourvues de vrilles, aux feuilles petites, souvent jaunes, et chez lesquelles, à mesure que l'on s'éloigne du centre, ces carac- tères s'atténuent graduellement jusqu'à disparaître. Tous les points faibles affectant la forme de la tache d'huile ne sont pas produits par le Phylloxéra. Sans parler d'une maladie cryptogamique, le Pourridié, qui produit souvent cet effet, nous aurons l'occasion de voir les mêmes phénomènes se produire sous les attaques d'insectes rongeurs de racines, tels que la larve du Gribouri, celle du Vesperus, etc. Ce n'est que par l'examen de la racine elle-même que l'on peut reconnaître exac- tement la cause du mal. Nodosités. — Sous l'influence de la piqûre de l'insecte, des nodosités se forment. On nomme ainsi des renflements caractéristiques observés dès la découverte du Radicicole. Ce sonl des excroissances du parenchyme cortical de la racine, de couleur jaune vif, et qui ont des formes très diverses. Tantôt elles affectent celle d'un renflement vésiculaire occupant une partie ou la totalité de la radicelle (flg. 9 b) ; tantôt, et c'est le plus souvent, elles n'eu LE PHYLLOLERA DE LA VIGNE. 75 occupent que l'extrémité. Elles ont généralement dans ce cas L'apparence d'un crochet renflé dans sa partie courbée, rappelant parfois la tète d'un oiseau à long bec ou une cornue de chimie; l'insecte est alors placé dans l'endroit le plus profond de la courbure, (fig. 9 a). Faul-il attribuer cette hypertrophie des tissus à un liquide venimeux, de la salive par exemple, injecté par le rostre du pu- ceron? Tel n'est pas l'avis de M. Cornu, qui cite, avec raison , les différents Phyllo- xéras du chêne s'attaquant à des feuilles développées et ne produisantqued.es taches brunes arrondies, formées par la dessic- cation partielle de la feuille tout autour d'eux. L'action produite par le Radicicole sur la jeune radicelle de la vigne en voie d'accroissement semble due aux mêmes causes mécaniquesque la galle des feuilles résultant de la piqûre du Gallicole, l'or- gane lésé est seulement différent. N'ayant pas la même constitution, il s'hypertro- pbie d'une tout autre façon. L'insecte, par son suçoir, épuise les cellules placées au- dessous de lui ; la pression du cylindre ligneux central, plus ou moins développé, empêche une trop grande dépression de se produire, et jamais il ne se forme de cavité comparable à celle d'une galle. De cet épuisement local des cellules il résulte d'ordinaire deux choses : la déviation de l'organe et son hypertrophie. La première est causée par l'arrêt de développement d'un côté et sa continuation de l'autre, la seconde provient de la multi- plication des cellules en une masse d'autant plus arrondie et volumineuse que le développement est plus entravé du côté opposé. Dans les feuilles, rien de semblable, pas de cylindre central; le développement se faisant librement sur une surface mince et aplatie, la galle se constitue sans dé- former sensiblement la feuille, et la déviation ne se produit que sur les tiges grêles ou les vrilles offrant certains rapports de constitution avec les radicelles, etc. Fig. 9. — Renflement produit par la piqûre du Phylloxéra: a. ren- flements surdes racines jeunes, b. renflements sur des racines plus âgées. 76 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. Au point de vue de la composition des tissus de la nodosité, nous de- vons signaler de nombreux grains d'amidon faciles à observer au moyen du réactif ordinaire, la teinture d'iode, qui les colore en bleu. Il a été dit par certains partisans du Phylloxer a-effet que la présence de l'amidon était la cause de la maladie. « Ce dépôt, dit M. Delamotte *, est dû vrai- semblablement à l'absence de vitalité des cellules ; dans une coupe micros- copique, il ne s'observe en effet que dans celles qui correspondent à la dépression produite par la piqûre de l'insecte, et qui ne prolifèrent plus. Il fait défaut, en général, dans les cellules de la périphérie du rendement, qui toutes se segmentent activement.» Le plus souvent, même sur les plants dits résistants, les nodosités se décomposent au moment des fortes cbaleurs et entraînent la mort des radicelles ; mais le remplacement rapide de celles-ci peut permettre à la plante de vivre. Chez les vignes d'Europe, il n'en est pas ainsi : les racines entièrement lignifiées succombent elles-mêmes, tandis que chez les vignes résistantes, pour peu que le cylindre central soit bien constitué, l'hy- pertrophie des tissus et leur décomposition subséquente sont limitées, la cicatrisation se produit et le mal est réparé. Dans le chapitre où nous traiterons de la lutte contre le Phylloxéra, nous aurons à approfondir ces causes de résistance des cépages d'outre-mer. Description du Radicicole. —Cette forme (fig. 10, 11 et 12) a, comme ca- ractère, les plus grands rapports avec les aptères composant les dernières générations des Gallicolcs; il y a même certains indi- vidus qui, sortis de leur milieu, ne pourraient être sûrement attribués à l'une plus qu'à l'autre d<3S deux formes. Chez certains Gallicoles, en effet, insectes des dernières générations, les tubercules apparaissent très visiblement et le dernier article des antennes est nette- ment entaillé en bec de sifflet. Sans parler des expé- riences multiples qui ont consisté à faire fixer les FigAO. — Phylloxéra , , ... , . radicicole jeune. insectes des feuilles sur les racines, on se demande comment encore, à l'heure qu'il est, il y a des natu- ralistes qui peuvent voir là deux espèces. Ayant décrit le Gallicole avec suffisamment de détails, nous ne ferons du Phylloxéra des racines qu'une description comparative. Il diffère de celui des galles par sa taille moindre chez l'adulte, 1 millim. au plus de long au lieu de 1 millim. et quart, la présence des tubercules bruns 1 Delamotte ; Monographie du Phylloxéra vastatrix. Alger, Adolphe Jourdan, 1885. LJi PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 77 saillants sur le dos, les antennes toujours fortement entaillées extérieure- ment en bec de sifflet, et la ponte qui ne dépasse guère cent œufs. Comme le GaUicole, il subit trois mues; les tubercules, disposés eu lignes longitudi- nales et transversales, sont au nombre de soixante et dix, douze sur la tète, douze sur le protborax, huit sur le mésotborax, huit sur le métatborax, six sur le premier anneau de l'abdomen et quatre sur les six anneaux suivants. Le dernier anneau abdominal n'en possède pas. Ces parties saillantes de la cuticule sont, au premier abord, une différence importante entre les deux formes ; mais, quand le Radicicole vient de muer, ces disques formés par les rides de la peau, relevés en verrue, colorés en brun et ayant un poil épi- neux au centre, ont à peu près disparu. Il faut un ou deux jours pour qu'ils soient de nouveau bien visibles. De plus, quand on examine avec soin au microscope la peau dorsale d'un GaUicole traité par la potasse caustique, on retrouve les traces de ces disques saillants. Le poil épineux y est ; parfois même, autour de ce poil, la peau est un peu épaissie et ridée. C'est donc surtout par suite de l'absence du pigment foncé que les tuber- cules semblent toujours manquer au GaUicole. Au double point de vue morphologique et physiologique, quelles sont la nature et la fonction de ces tubercules? Aucun auteur traitant du Phyl- loxeran'en parle, pas même M. Cornu, qui a pourtant longuement décrit l'organe (pag. 205 et suivantes). M. Balbiani, parlant du Phylloxéra quer- cûs1, dit incidemment que dans cette espèce les tubercules sont à'appa- rence glandulaire. Il suffit, selon nous, de mettre sous un microscope quelques types de pucerons voisins des Phylloxéras, comme les Pemphigits ou les Schizoneura à tubercules sécrétant de la cire 2, pour voir que chez le Phylloxéra vastalrix ces même organes sont des glandes cirières atro- phiées. Elles sont nulles dans Y Ailé, réduites à des poils dans le Sexué, { Afin de ne pas faire entrer le lecteur dans le dédale synonymique de deux espèces de Phylloxéra du chêne qui ont été confondues par plusieurs auteurs, entre autres M. Balbiani, nous nous servons, avec cet auteur, du nom de Ph. qaer- cûs pour désigner l'insecte dont il a si bien étudié les mœurs comparativement avec celles du Ph. vastatrix. Ce n'est pourtant pas le véritable Ph. qucrcûs; c'est une espèce du nord de l'Europe connue dans la science sous le nom de Ph. coccinca Ileiden. Le véritable Ph. quercûs, celui de Boyer de Fonscolombe, est une espèce du midi de l'Europe très différente de celle du nord, Voir à ce sujet les Notes à l'Institut échangées en 1874 entre M. Balbiani et le Dr Signoret ; celle du 7 dé- cembre de M. Signoret élucide très bien la question. 2 Consulter au sujet des glandes à cire des Schizoneura l'excellent travail sur le Puceron lanigère de M. le professeur Mùhlberg d'Aarau (Berne, K.-J,, édit. ; Paris, Librairie Agr. de la Maison Rustique, 1885). 78 LE PHYLLOXERA DE LA VrGNË. un peu apparentes chez le Gallicole, enfin tout à fait saillantes et rembrunies, bien que ne fonctionnant pas, chez le Radicicole et h Nymphe. Ce sont des glandes cirières réduites au rôle mécanique de tampons contre les chocs, ou de coussinets contre les frottements, dans les formes vivant sous terre. N'ayant plus de raison d'être chez celles qui vivent dans l'air, elles tendent à disparaître. Fig. 11. — Phylloxéra radicicole Fig. 12. — Phylloxéra radicicole vu de dos. vu de face. Qui sait si, chez certains Phylloxéras, on ne découvrira pas un peu de sécrétion cireuse produite par les tubercules « d'apparence glandulaire », c'est-à-dire comme chez l'aptère agame du Phylloxéra quercûs, composés de cinq lobes entourant un disque central surmonté d'un poil ras coupé en forme de filière. Comme le Gallicole, le Radicicole subit trois mues. Elles ont été trop bien décrites par M. Cornu (pag. 211) pour que nous ne citions pas, en partie du moins, cet auteur : « Quand ils sont sur le point de changer de peau, les insectes arrachent leur suçoir enfoncé dans le tissu de la racine ; on les voit s'allonger et porter à droite ou à gauche la partie postérieure de leur corps ; celle-ci prend parfois un mouvement giratoire : la peau se fend à la partie antérieure dans un plan médian vertical. La fente s'arrête, sur la face abdominale vers l'insertion des soies du suçoir et à une distance égale sut- la partie dorsale. On peut se demander par quel moyen l'insecte peut quitter cette enveloppe qui l'enserre de toute part. En effet, chaque organe est moulé dans un organe identique, chaque poil dans l'intérieur d'un autre poil; les trois nouveaux stylets du suçoir sont contenus dans chacun des anciens. Il lui faut vaincre une résistance de frottement qui doit être considérable, car les organes nouveaux sont comprimés, étant plus grands que ceux qui les contiennent. La mue est, en effet, un moyen de se débarrasser de l'an- cienne peau qui gêne l'accroissement de l'animal. Chez le Phylloxéra, comme, du reste, chez beaucoup d'autres insectes, un artifice spécial facilite le dénouement de la crise. Sur toute la longueur du corps sont disposés des petits poils dont l'extrémité est tournée vers la partie postérieure de l'animal . LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 79 Ce sont ces poils qui permettent à l'insecte de cheminer dans son ancienne peau et de s'en débarrasser. Le mécanisme rappelle celui qui fait monter constamment un épid'orge placé dans la manche.» _Le Radicicole, avons-nous dit, ne pond guère que cent œufs. Déjà, chez le Gallicole, certaines pondeuses des générations d'automne ne dépassent pas ce nombre ; mais, chez le Radicicole, c'est le maximum, et la théorie de la dégénérescence progressive des ovaires trouve ici sa confirmation. \ Chez le Gallicole issu de l'œuf d'biver, on trouve parfois cinquante tubes ovigènes à l'ovaire. Au printemps qui suit la descente aux racines, c'est-à- dire au moment de l'année où l'activité génératrice est la plus grande, l'ovaire du Radicicole n'a pas plus de douze à vingt tubes et, à l'automne, on n'en comptera que six, quatre et même deux (Balbiani, Comptes rendus, 15 janvier 1883). Dans l'automne de 1880, il nous est môme arrivé de trouver à Montpellier un Radicicole n'ayant qu'un tube ovigène et un seul œuf dedans. L'insecte étant relativement petit, mal développé et son œuf de taille normale, nous l'avons pris tout d'abord pour une des femelles sexuées signalées sur les racines par M. Balbiani (Comptes rendus, 2 no- vembre 1874) ; mais, l'examen nous ayant montré le suçoir, nous sommes vite revenu à l'idée d'un agame Radicicole devenu presque stérile. Au printemps toutefois, des générations relativement prolifiques succè- dent à celles de l'automne, qui l'étaient peu ; mais ce regain de fécondité est expliqué ainsi (pag. 34) par M. Balbiani : «Avec la reprise de la végétation et le retour de la chaleur, le nombre des tubes ovariques ne se relève pas chez les descendants des dernières pondeuses de l'automne. L'activité seule des pontes augmente sous ces influences et suffit pour donner lieu, encore pendant longtemps, à une nombreuse population d'insectes. » M. Balbiani développe longuement cette thèse dans sa réponse à une Note de M. Tar- gioni-Tozzetti [Comptes rendus, 15 janvier 1883) . Cette fécondité, selon lui, peut être soutenue pendant trois ans, sans intervention des Sexués, et môme pendant quatre ans, d'après une Note de M. Mares [Comptes rendus, 17 septembre 1877). Kyber, dès 1812, avait, pendant quatre ans, maintenu en serre les générations agames des pucerons de l'œillet. Dans sa Mono- graphie des Aphidiens (pag. 153), J. Lichtenstein va plus loin : « Si nous sommes témoins, dit-il, de cette reproduction agame pendant quatre, cinq ans, pourquoi ne durerait-elle pas davantage? Pourquoi ne durerait-elle pas éternellement ? Réaumur a déjà posé la question.» Ici nous quittons l'obser- vation rigoureuse des faits, c'est-à-dire le terrain solide. Nous y rentrerons le plus vite possible en citant la Note de M. Boiteau (Comptes rendus, 18 juillet 1887) . Nous y verrons que l'expérience a été poussée jusqu'à la vingt-cinquième génération et jusqu'au mois de juillet delà sixième année. 80 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. A cette époque, il y avait encore des insectes «bien portants et très prolifi- ques». Jusqu'où sera poussée l'expérience ? C'est ce que nous apprendrons avec un médiocre intérêt, car il nous semble bien difficile d'éviter absolu- ment un des facteurs qui peuvent la fausser, celui de l'apparition de Sexués sur les racines. La Note de M Balbiani dont nous avons parlé plus haut cite en effet le fait observé par lui en octobre 1874 à Montpellier. Il n'a vu que des femelles ; mais elles n'offraient aucune différence avec les femelles aériennes. Nous n'en croyons pas moins que, dans le plus grand nombre des cas, et à l'état de nature, les colonies agames non régénérées par des Sexués aériens sont destinées à s'éteindre. Elles s'affaiblissent, du reste, en grande partie par le nombre considérable de jeunes Radicicoles devenant nympbes et quittant le sol pour se transformer en Ailés. Parfois la colonie tout entière semble subir cette transformation dès la seconde année ; le fait a été signalé par M. Marion et plusieurs autres observateurs. Peut-être même est-ce ainsi que le plus souvent, d'une façon normale, la colonie souterraine prend fin, quand il n'y a pas, bien entendu, de nouvelles invasions. Cette présomption, selon M. Balbiani, est appuyée sur ce qui se passe chez le Phylloxéra coccinea, où il arrive souvent qu'aucune des larves composant la dernière génération de l'année n'échappe à la transformation en nymphe, puis en Ailé, ce qui amène la dispersion complète de la colonie ' . Les Radicicoles peuvent-ils aller aux feuilles et produire des galles ? Telle est la question que plusieurs naturalistes se sont posée, et M. Marion s'est même demandé si les galles apparaissant parfois en été à l'extrémité des sarments qui n'en portaient pas au printemps ne seraient pas for- 1 Nos observations personnelles nous permettent d'affirmer que lorsque la vigne est jeune, vigoureuse, et pas encore en plein rapport, c'est toujours ainsi que linit la colonie non régénérée par le Sexué. Quand, pendant des années, les géné- rations agames se prolongent sans s'épuiser par le départ des Ailés, c'est que la souche est moins vigoureuse. C'est le cas des vignes françaises attaquées depuis plusieurs années, le cas de toutes les éducations en laboratoire, le cas aussi de beaucoup de vignes américaines résistantes, mais qui n'ont plus la fougue des premières années et qui, s'étant mises pleinement à fruit, ne s'emportent plus en sarments de cinq ou six mètres. Quand, pour nos études, nous voulons des Ailés, nous allons chercher des nymphes aux racines des souches de 2 à G ans, et de juillet à septembre nous les y trouvons en masse. Passé 5 ou 6 ans, les vignes, même les Riparia et leurs dérivés, produisent moins d'Ailés, quand bien même les nodosités des radicelles sont très développées ; les racines fortement lignifiées en produisent encore moins. LE PHYI.L<)\EKA Dfi LA VÎGMË. 81 mées par des jeunes nés dans le sol et montés aux feuilles. Jusqu'à présent ou n'a pas d'observations à ce sujet en dehors d'expériences de laboratoire. Dès 1870, M. Riley a réussi à transformer des Radicicoles en Gallicoks dans des flacons d'élevage. M. Marioo en a obtenu facilement, nous écrit-il. M. Balbiaoi {Comptes rendus, 2 novembre 1874) en a fait iixer aussi sur des feuilles en tubes d'expérience ; mais, ayant planté leur suçoir sur la face inférieure, ils n'y ont pas produit de galles. M. Cornu, de son côté, a réussi, dans une serre très humide, à faire produire une galle par de jeunes Phylloxéras provenant d'oeufs développés sur des racines adventives qui avaient poussé en raison de l'humidité du milieu. Pour nous, ces éducations sous cloche n'infirment en rien la règle ordinaire, qui est (pue le jeune Radicicole, même quand il sort de terre pour émi- grer, va toujours aux racines. Quant aux galles apparues en plein air, en été, sur des plants qui n'en portaient pas au printemps, nous en avons observé nous-méme et nous les avons attribuées à des jeunes apportés par le vent d'une souche gallifère voisine ou même éloignée. Le vent est un agent puissant de dissémination. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet quand nous parlerons des migrations de l'insecte sous ses différentes formes. Les Hibernants. — Il nous reste à dire quelques mots de ce qu'on appelle les Hibernants. On nomme ainsi les Phylloxéras passant l'hiver sur les grosses racines, réfugiés entre les fentes de l'écorce ou sous les plaques subéreuses exfo- liées. Ils sont là, à l'abri d'une trop grande humidité et du contact immédiat du sol. Quand on soulève ces plaques, qui ont la forme de manchons ouverts d'un côté et n'adhérant plus à l'écorce, on aperçoit, groupés ou isolés, de nombreux insectes bruns, aplatis, que leur forme non atténuée en arrière a fait comparer à de petites tortues. Ces légions de parasites sont composées de jeunes Gallicoles descendus des feuilles et surtout de Radi- cicoles nés en automne . Ils passent l'hiver immobiles, le bec planté dans l'écorce, les antennes et les pattes repliées contre le corps, attendant les beaux jours pour re- tourner aux radicelles et achever leur croissance. Ils sont généralement très petits, n'ayant pas subi la première mue ou n'ayant pas dépassé la seconde; mais çà et là se trouvent quelques adultes ayant commencé leur ponte avant les froids et continuant lentement à l'accomplir. La plupart des œufs ainsi pondus périssent ; mais ceux qui, par une température moyenne au-dessus de 10", ont pu évoluer, éelosent, et les jeunes vont grossir les groupes d'Hibernants. Cette température de 10" parait être le minimum 82 LE PHYLLOXERA t)E LA VIGNE. au-dessous duquel ces insectes s'engourdissent, et au-dessus duquel ils sortent de leur torpeur. Le froid ne tue pas les Hibernants, l'hiver 1879-80 l'a prouvé. Dans des régions comme les environs d'Orléans, où, en décembre 1879, le ther- momètre est descendu à — 25 et 30° centigrades, beaucoup de vignes ont été gelées, mais l'insecte n'a pas disparu du pays. Les expériences de M. Maurice Girard, faites au moyen de mélanges réfrigérants, ont du reste établi que le Phylloxéra pouvait supporter sans périr des froids de — 8 et 10° centigrades; M. le Dr Ilorvath (de Budapesth) a poussé plus loin encore l'expérience1. Au champ d'essais de Farkasd, il a exposé hors du sol, pendant dix-huit jours, à des minimas nocturnes variant (je — 1 à — 12° centigrades, des racines phylloxérées, et ce délai écoulé, malgré la sécberesse inévitable des racines, un Phylloxéra a été trouvé vivant. Or, dans les températures observées à la Station météorologique de l'École d'Agriculture de Montpellier, même pendant les liivers les plus froids, donnant au niveau du sol — 12 à 13°, le thermomètre, à 25 centimètres de profondeur dans la terre, ne descend jamais au-dessous de — 1 ou 2° centigrades. Pour l'Hérault, c'est vers le milieu d'avril qu'a lieu le réveil des Hibernants. Il y a, à cette époque, suffisamment de nou- velles radicelles pour que les jeunes pucerons puissent quitter leur retraite et recommencer leurs ravages. D. — Ailé. A partir de la seconde quinzaine de juin, dans la région de l'olivier du moins, on aperçoit sur les racines des jeunes souches, principalement sur les nodosités, des Phylloxéras de forme plus allongée que les autres, aux pattes et aux antennes relativement longues, munis de tubercules très apparents (fig. 13 et PI. I, fig. 9), de couleur jaune orange, surtout dans les parties antérieures et postérieures du corps, et chez lesquels les ovaires, peu développés, ne renferment pas d'ceufs. Ces individus spéciaux, qui dans leur jeune âge Fig. 13.— Phyllo- étaient en tout semblables aux autres, sont les larves xeradestiuéàse d'où sortiront les nymphes d'où proviendront les Ailés. transformer en T, , . ,," "'; ". . nymphe. lls subissent trois mues avant de se transformer, de sorte que VAilé en aura subi cinq à partir de son éclosion. Si l'on examine une de ces larves avant que la quatrième mue en ait fait une nymphe, on verra qu'elle présente sur les côtés un renflement indiquant la 4 Acad. des Se. de Hongrie. Séance du 23 avril 1883. LE PHYLLOXÉRA DE LA VIOne. 83 place où seront les moignons d'ailes. La métamorphose a lieu dans le sol, et c'est à partir du 20 juin environ que nous l'avons observée dans la région de l'olivier. La Nymphe et sa métamorphose en Ailé. — la nymphe (6g. 14 et PL I, fig. 10) est remarquable par la longueur du corps, des pattes et des antennes, rappelant ceux de l'Ailé, et surtout par ses moignons d'ailes placés latéralement sur les méso et métathorax. Ces ailes rudimcntaires, étant noires, tranchent sur la couleur de l'insecte, qui est d'un jaune d'or ou orangé et le font paraître comme étranglé vers son milieu. La longueur du corps varie de moins d'un millim. à plus d'un millim. et quart; la largeur en proportion, c'est-à-dire du simple au double. Comme cbez' le Badicicole, soixante et dix tubercules se voient sur la partie dorsale et leur disposition est la même. Les antennes, beaucoup plus longues que celles des deux aptères agames, par suite du développement du troi- sième article, n'ont cependant qu'un seul stigmate olfactif, comme cbez ces derniers. Les yeux, également au nombre de trois, de couleur rouge, réunis en trian- gle derrière les antennes, sont plus gros, plus glo- buleux, plus rapprochés les uns des autres. Quand l'insecte approche de sa dernière transformation, le gros œil en forme de framboise de Y Ailé est visible par transparence sous la peau. A ce moment, on voit également des œufs ^en formation dans les tubes ovigères ; mais la nymphe ne pond jamais^ comme l'a supposé à tort M. Gerstâcker (de Berlin). Le Phylloxéra sous cet état de nymphe se nourrit. On le trouve, en effet, le bec planté dans les nodosités. Sa vie est d'environ six à huit jours ; mais ce délai peut se prolonger si le temps n'est pas propice à la dernière métamorphose. C'est le matin généralement que les nymphes quittent les racines pour se transformer en Ailés sur la souche ou le premier objet venu, ou simple- ment contre les parois des fissures du sol; quelques-unes pourtant sortent le soir. Elles sont à ce moment dans une grande agitation, déployant une agilité relative. Elles suivent les racines et le collet de la souche ou sortent par les fissures du sol crevassé, et l'on comprend sans peine que les terrains compacts, fendillés par la sécheresse, soient beaucoup plus favorables à leur sortie que les terrains sablonneux, ne se fissurant pas et s'éboulant sous les pieds de l'insecte. Dans les bocaux d'éducation, il suit souvent le verre, qui lui offre un point d'appui solide. Une nymphe qui aura quitté le sol à G ou 7 heures du matin opérera Fig. 14. — Nymphe du Phylloxéra. 84 LE PHYLLOXEIlA DE LA VIGNE. sa métamorphose vers 9 ou 10 heures. Elle est alors d'une couleur plus somhre, effet de la cuticule prête à se détacher. La mue, qui. par suite de la régularilé de l'heure, est une des plus faciles à observer à la loupe, est très intéressante ; mais, ayant décrit celles du Badicicole, nous n'en- trerons pas dans de grands détails à son sujet. Disons seulement que les mouvements constants delà nymphe, la sécheresse relative de l'air com- paré au sol, facilitent plus que sur les racines la rupture de la peau et la sortie de l'insecte. Les ailes sont pour celui-ci une grande complication : si ja pluie survient avant qu'elles soient complètement développées, le délicat moucheron, collé à l'objet qui le supporte par ces longues membranes pendantes, ne peut se dégager et meurt sur place en un ou deux jours. Dans les éducations, si l'on n'a pas eu le soin d'essuyer les parois du bocal au moment de la montée des nymphes, un grand nombre d'Ailés sont ainsi tués par les gouttelettes d'eau condensée contre le verre. Aussitôt après la mue, Y Ailé est entièrement d'un jaune d'or, très pâle sur le thorax ; les ailes sont blanches, repliées transversalement et en long, encore chiffonnées et molles. La tète tournée vers le haut, l'insecte les écarte de son mieux pour les étendre par leur propre poids. En observant alors les ailes au microscope, on voit que peu à peu l'air pénètre dans l'intérieur des trachées, qui apparaissent alors sous forme de lignes noires Autour d'elles se dessinent des bandes plus sombres qui sont les nervures C'est le sang péuétrant dans les ailes ' et surtout l'air entrant dans les tra chées, munies intérieurement, comme on sait, d'une membrane spiralée qui font redresser les trachées et les nervures, ainsi que les larges mem branes qui les réunissent. Le mécanisme est comparable à celui qui de- roule le tube spiral du manomètre de Bourdon. Après un délai de deux heures environ, c'est-à-dire vers midi, les téguments de l'insecte ont pris suffisamment de consistance pour qu'il puisse satisfaire ses instincts d'émi- gration ; mais, avant de lui laisser prendre sou vol, nous en donnerons la description suivante. Description de l'Ailé. — Le corps (fig. 15 et PI. I, fig. 11), très allongé, rappelle celui d'une cigale en miniature. Comme nous l'avons vu chez la nymphe, il est de deux tailles bien distinctes, 1 millim. et 1 millim. 1/4 de longueur, non compris les ailes. Il est entièrement dépourvu de tubercules, d'un jaune rougeâtre et orangé, sauf le mésothorax qui est noir. Les ailes, très longues, posées à plat sur la partie dorsale, sont de cou- leur claire, transparentes, un peu irisées ; leur surface est finement clia- ' Ce fait a été mis en lumière par M. Kùnckel d'Herculais (Recherches sur l'organisation et le développement des Volucelles. Paris, Massoti, 1875). LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 85 grillée; leurs granulations microscopiques, aplaties, semblent dirigées en arrière et imbriquées l'une sur l'autre. Les grandes ailes dépassent le corps de près de 1 millim , elles sont remarquables par deux fortes nervures longitudinales, une externe et une interne partant de la base, cette dernière se trifurquant du côté interne, par leur bord extérieur teinté de jaune un peu avant l'extrémité et par un repli inférieur eu forme de gouttière des- tiné à recevoir les appendices des ailes postérieures. Celles-ci ne dépassent le corps que d'un tiers de millimètre ; elles n'ont qu'une nervure chitineuse, mais sont soutenues par les deux appendices ci-dessus en forme de crochet placés sur leur bord supérieur, libres à l'état de repos, et pendant le vol s'accrocbant dans la gouttière de l'aile supérieure. La tête, saillante, est remarquable par les yeux et les antennes. Celles- ci atteignent un tiers environ de la longueur du corps ; le dernier article surtout est très long ; au lieu d'un stigmate olfactif, il en porte deux, l'un près de la base, l'autre à sa place ordinaire. Les yeux, de couleur rouge, sont multiples, de quatre sortes : 1° les deux groupes ordinaires de trois ocelles placés très en arrière ; 2° deux grands yeux en forme de framboises for- més par la réunion d'un grand nombre de cristal- lins hémisphériques placés latéralement au-dessus des trois yeux primitifs ; 3° une paire d'ocelles situés sur le front entre les deux gros yeux ; 4° un ocelle isolé au sommet de la tète, entre les deux antennes. La forme ailée, appelée à aller au loin fonder les colonies, a besoin d'organes des sens plus développés que les trois autres formes. Le suçoir, moins long que chez les aptères agames, ne dépasse pas le sternum. Le thorax, un peu plus long que large, a les segments antérieurs et postérieurs jaunes, celui du milieu (mésothorax) noir, les ailes fixées sur le bord dorsal des deux der- niers ; les six pattes, solidement attachées au-dessous des trois segments, sont longues, épineuses, fortement chitinisées, d'uu jaune plus foncé que le corps. 'L'abdomen, composé de huit segments, atténué en arrière, séparé du thorax, ressemble à une toupie par suite de l'étranglement de la base du premier segment. Les stigmates, au nombre de six paires, sont disposés comme chez les autres formes. Les ovaires, faciles à observer par trans- parence au microscope, n'ont généralement que deux tubes ovigères, sept fois sur dix selon M. Balbiani ; mais, d'après le même auteur, le nombre de ces tubes peut aller jusqu'à sept. Nous en avons personnellement Fig. 15. — Phylloxéra ailé. 86 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. observé une fois huit1, et nous avons vu desovaires qui n'en avaient qu'un seul. Chaque tube ovigère renferme deux ovules, mais n'en mûrit qu'un seul, de sorte que VAilé pond de un à huit œufs, mais le plus souvent deux seulement. Entre midi et 2 heures, si le temps est beau, le Phylloxéra ailé prend son vol. Malgré la longueur des ailes, celui-ci est lourd, tourbillonnant au départ, et ce n'est qu'après avoir relevé un instant les ailes dans un plan perpendiculaire à son corps que l'insecte peut s'enlever. Si l'air est calme, il franchit quelques dizaines, quelques centaines de mètres au plus; mais, si le vent souffle, il peut être transporté à de nombreux kilomètres, et c'est ainsi que les colonies lointaines sont normalement fondées. Arrivé suruue vigne jeune et vigoureuse, toujours choisie de préférence à une vigne vieille ou malade, l'insecte se pose sur les feuilles tendres de l'extrémité des sar- ments, et gagne bien vite le dessous de la feuille. Là, il plante son rostre, et pendant vingt-quatre heures environ il se nourrit. Il est alors apte à pondre, et c'est la nécessité de satisfaire tout d'abord à deux instincts, celui d'émigrer et celui de se nourrir, qui rend les pontes de VAilè en tube diffi- ciles à obtenir. Il meurt sans avoir pondu, ou ses œufs sont stériles. Nous sommes arrivé cependant à une proportion sérieuse de réussite, trois sur dix à peu près, en établissant un va-et-vient eutre notre table et la fenêtre de notre laboratoire, au-dessous de laquelle nous avions placé un papier blanc collé au bois et relevé horizontalement. Les Ailés, posés sur de jeunes pampres ou laissés libres au bord des bocaux d'éducation, prenaient leur vol vers la fenêtre, tombaient sur le papier blanc, et au moyen d'un pinceau très fin, un peu humide, passéentre leurs pattes, du côté de la tête, étaient reportés à leur point de départ. Le soir, les insectes étaient mis sur les feuilles de l'extrémité d'un sarment, enfermées dans un tube à essai; beaucoup s'y fixaient, et un certain nombre pondaient des œufs féconds ; c'est ainsi que nous nous sommes toujours procuré les Sexués à Montpellier. Les œufs pondus sont de deux sortes : de plus gros qui produisent des femelles, et déplus petits, moins nombreux, d'où sortent des mâles. Les gros ont environ 40 centièmes de millim. de long sur 20 de large ; et les petits, 26 centièmes de millim. de long sur 13 de large. Leur couleur est d'un blanc jauuâtre, plus translucide que celle des œufs des autres agames. M. Balbiani a vu souvent, dit-il, les deux sortes d'œufs pondus par le même insecte. Le cas est rare, d'après ce que nous avons observé à Mont- pellier. Généralement, les œufs qui donneront des mâles sont produits par * L'Ailé eu question a été préparé et les huit œufs se voient distinctement dans l'abdomen. LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE. 87 des Ailés de petite taille, et ceux, d'où sortiront les femelles par des Ailés d'un millirn. et quart de longueur. Ces deuK types de la forme colonisatrice, types bien tranchés, ont donc leur raison d'être. Ils ont été remarques, dès 1871, pur M. Plancbon, qui leur avait donné le nom de Androphore et de Gynéphore (porte-mâle et porte-femelle) ; et dès le début des observations, étant donnée la différence de taille ordinaire chez les insectes entre les deux sexes, il n'est pas étonnant que les Ailés aient été pris pour la forme sexuée. A l'état de nature, les œufs sont pondus par groupes de deux à quatre, soit entre les nervures des feuilles, soit sous les écorces de la vigne. Le nombre de petits œufs d'où sortiront les mâles est de deux sur dix, d'après M. Bulbiani En 1888, nous avons obtenu une plus grande proportion, trois sur dix environ. D'ordinaire, les Ailés sont abondants, surtout dans les régions où les vignes sont jeunes ; certaines années cependant on en rencontre peu. Ils commencent à apparaître (in juin ; en juillet, il n'y en a pas encore beau- coup. Août et surtout septembre sont les mois de grande éclosion. Vers le milieu d'octobre, il n'y en a généralement plus dans les vignes. Il nous est arrivé cependant en 1888, année où l'automne a été relativement chaude en Languedoc, d'avoir beaucoup d' Ailés de racines recueillis en octobre, de trouver même des nymphes les premiers jours de novembre et d'en obtenir des Ailés. Lichtenstein avait fait la même observation en 1880, et, ayant transporté des racines dans une des serres chaudes du Jardin bota- nique de Montpellier, il avait obtenu des Ailés jusqu'en mars 1881. C'est donc le froid seul qui arrête leur apparition dans le midi de la France. Il est permis de supposer que dans les pays chauds, Panama par exemple, dont nous avons parlé à la fin de notre Historique, cette production d'Ailés dure la plus graude partie de l'année, et qu'alors l'œuf fécondé produit par le Sexué n'est plus un œuf d'hiver, h' Ailé se trouve au vol, de 1 heure à 5 heures du soir, autour des souches, principalement dans les lieux d'élec- tion décrits à propos de Y œuf d'hiver, ou plus facilement dans les toiles d'araignées tendues entre, les pampres ou à l'extrémité des sarments, sous le revers des jeunes feuilles dont il se nourrit. E. — Sexués. Les deux sortes d'œufs pondus par Y Ailé produisent donc les Sexués. Comme il y a, nous l'avons dit, deux ou trois petits œufs (Y Ailes pour sept ou huit gros, les mâles produits par les premiers seront dans la même proportion vis-à-vis des femelles et chacun d'eux devra en féconder plusieurs. 88 LE PHYLLOXERA DE LA VIGNE Les Sexués, étant très petits, sont difficiles à observer à l'état de nature, et l'on peut dire que cette forme, si importante daûs le cycle biologique du Phylloxéra, appelée à régénérer la race, a été vue sur les souches par un très petit nombre de naturalistes. Il faut donc, pour l'observer à volonté, faire pondre des Ailés en tubes, dans les conditions que nous avons indi- quées, et faire éclore leurs œufs, ce qui demande environ buit jours. En dehors de M. Cornu et de M. Balbiani, personne n'a étudié les Sexués avec détails; c'est donc dans leurs travaux que tous les auteurs qui en par- lent ont dû puiser. Bien que les premiers Sexués du Phylloxéra de la vigne aient été vus par M. Cornu (Comptes rend., 3 novembre 1873) , on doit dire que cette découverte a été amenée par celle des Sexués du Phylloxéra du chêne observés par M. Balbiani [Comptes rendus, 20 octobre 1873). Citons tout d'abord à ce sujet M. Cornu, qui rend du reste (pag.26C) pleine justice à son collaborateur. « M. Balbiani observa que Y Ailé du Phylloxéra du chêne pond des œufs de couleur et de taille différentes, les uns rouges plus petits, les autres jaunes plus grands; il vit sortir de ces œufs, par éclosion, des insectes aptères dénués de suçoir et d'appareil digestif, c'est-à-dire ne pouvant se nourrir, et dont les uns, les petits, étaient des mâles, les autres des femelles. Après l'accouplement, la femelle pond un œuf unique et meurt. Cet œuf, au lieu de se développer rapidement comme les œufs ordinaires, ne présente que très tard et après l'hiver les premiers phénomènes précédant l'éclosion;il ne donne naissance à un jeune qu'au printemps, juste à l'instant où le chêne émet ses premières feuilles. Cet œuf, qui passe l'hiver sans éclore et est destiné à former de nouvelles colonies, a été nommé par M. Balbiani œuf d'hiver. L'éclosion de l'œuf d'hiver a été annoncée dans les Comptes rendus de l'Académie (13 avril 1874). La découverte des sexués sans suçoir fut publiée le 20 octobre 1873. Aussitôt après la lecture de ces deux Notes, j'essayai de retrouver sur le Phylloxéra vastatrix les curieux individus issus des Ailés. Quoique l'époque (octobre) fût peu favorable, les Ailés étant devenus très rares, je fus assez heureux pour trouver un individu sans suçoir et en train d 'éclore. Cet individu, ainsi qu'un autre trouvé ensuite, furent soumis à M. Balbiani ; il reconnut deux femelles contenant chacune un œuf volumineux dans leur abdomen. Nous n'insisterons pas sur cette découverte des femelles sexuées, confir- mée par celle des deux sexes réunis et de l'œuf d'hiver faite deux ans plus tard par M. Balbiani [Comptes rendus, 4 octobre 1875), ce serait répéter ce que nous avons dit dans notre Historique. Il nous reste à décrire ces Sexués, leurs mœurs et leur ponte. Remontant encore à la source, nous ne pou- vons mieux faire que de citer M. Balbiani : U Les Sexués, qui composent la génération dioïque du Phylloxéra delà LE PHYLLOXERA Ui: LA VIGNE. 89 vigne, présentent la plus grande ressemblance avec leurs congénères du chêne. Ils représentent, comme ceux-ci, la forme la plus dégradée de l'espèce ». Ils sont incapables d'engendrer solitairement comme les autres formes du Phylloxéra, et constituent par conséquent, pris individuellement, des êtres absolument stériles. Sous ce rapport, ils sont placés à l'autre extrémité de l'échelle dont le Phylloxéra printanier ou mère fondatrice occupe l'échelon supérieur; ils n'ont cepen- ^g.\G.— Phy loxera 1 * r sexué maie. dant d'autre destinée que la procréation, pour laquelle ils sont obligés de s'unir dans l'acte d'accouplement, en vue duquel tout le reste a été sacrifié. Ils n'ont point de rostre, point d'organes de la diges- tion, ne prennent par conséquent aucune nourriture pendant les quelques jours que dure leur existence, et ne se soutiennent que par la petite quantité de jaune ou substance vitelline qu'ils ont emportée de l'œuf, et que ren- ferme la cavité de leur corps. » Ne se rourrissant pas, leur taille grossit à peine et reste à peu près jusqu'à leur mort ce qu'elle était au moment de la naissance, savoir : pour le mâle (fig. 16 et PI. I, fig. 12), 26 à 28 centièmes de millim. de long sur 12 à 14 de large ; pour la femelle (fig. 17 et PI. I, fig. 13), 45 à 50 de long sur 20 à 22 de large ; celle-ci est donc un peu moins de moitié plus grande que le mâle. Les deux sexes diffèrent encore : 1° par la colo- ration, qui est d'un jaune plus vif chez le mâle, d'un jaune plus clair chez la femelle ; 2° par la forme des poils des quatre rangées du dos et des deux rangées latérales, poils courts, raides et cylindriques chez le mâle, souples, déliés et effilés au bout chez la femelle; 3° par la forme des antennes, dont l'article terminal est plus aminci à la base et comme pédoncule chez la femelle. Ce dernier article n'a qu'un seul stigmate olfactif. » Nous compléterons cette description par quelques détails d'anatomie intérieure. La plus grande différence entre la femelle et le mâle, celle qui en dehors de la taille saute aux yeux au premier examen, est le gros œuf occupant presque toute la cavité générale delà femelle (fig. 17), remontant parfois jusque près de |5 la tète. L'insecte sur le point de pondre est en quel- « %W que sorte un œuf monté sur six pieds et muni de deux antennes. L'ovaire n'est représenté que par une seule sil^^di™™ gaine ovifère, composée de la chambre germinative, 1 Nous ne pouvons, avec M. Balbiani, consi'li'rer la forme sexuén comme la plus dégradée La sexualité distincte est toujours un _ P Cl CD 2L S f-J o ~5 rc. s'écoule des tubes de caoutchouc. Quand l'un de ces vases est plein, on y ajoute la quantité de sulfocarbonate nécessaire pour traiter un nombre donné de ceps ; on mélange cette substance avec l'eau, en agitant avec un bâton jusqu'à ce qu'on ait une solution homogène; l'ouvrier n'a plus en- suite qu'à puiser cette solution avec deux arrosoirs et à la porter au pied des ceps que l'on veut traiter. LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 110 » Des accumulateurs ou récipients à pression, placés sur différents points de la canalisation d'amenée ou de la canalisation secondaire (généralement sur les points les plus élevés), servent à accumuler l'eau qui n'est momen- tanément pas débitée et qui, en comprimant un certain volume d'air, régu- larise et active la distribution. » Dans une bonne organisation, les ouvriers ne doivent pas porter l'eau plus de 10 met. Dans ces conditions, un bomme muni de deux arrosoirs peut vider au pied des ceps, sans se presser, en moyenne, de 1,500 à 1,800 lit. d'eau par beure (fig. 2G). »Malgré le dispositif ingénieux que nous venons de décrire et l'économie considérable qui en résulte pour les traitements, l'emploi du sulfocarbo- Date est encore plus coûteux que celui du sulfure de carbone. Ce n'est que dans les vignes à riche production, jouissant, par suite de la nature du sol ou de leur situation, d'une certaine résistance aux attaques de l'insecte, et pour lesquelles on pourrait redouter l'action trop énergique du sulfure, que l'on devra préférer le sulfocarbonate. Mais, dans ces circonstances, il présentera toujours l'avantage de laisser dans le sol un engrais bien approprié à la vigue et dont la valeur devra être déduite du prix de revient du traitement. » C. — Badigeonnages contre l'œuf d'hiver. Nous avons exposé plus baut la tbéorie de M. Balbiani sur la diminu- tion graduelle de la fécondité dans les générations successives du Phyl- loxéra et l'extinction complète, inévitable, de cette fécondité par la dimi- nution de nombre et la disparition finale des tubes de l'ovaire, si la forme sexuée produisant l'œuf fécondé ne vient, à un moment donné, régénérer la race. Cette manière de concevoir le cycle phylloxérique est basée déjà sur de nombreux faits d'observation, et, jusqu'à preuve du contraire, nous la considérons comme bonne. Elle est, dans tous les cas, couforme à la logi- que, qui ne peut admettre la parthénogenèse indéfinie cbez les Insectes, et jusqu'à présent aucune expérience rigoureuse n'est venue l'infirmer '. De là à entreprendre une lutte directe contre l'œuf fécondé, point de départ et point d'arrivée du cycle pbylloxérique, il n'y avait pas loiu. ' Nous avons dit ce que nous pensions de l'observation de M. Boiteau (Comptes rendus, 18 juillet 1887), qui a élevé des Aptères radicicoles pendant six ans jus- qu'à la vingt-cinquième génération, expérience de cabinet bien difficile à rendre rigoureuse. Nous avons dit également ce que nous pensions, pour nos climats, do l'éclosion avant l'hiver de l'œuf fécoudé, soutenue par M. Graélls et M. Donnadieu. 120 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. A partir de noire découverte de l'œuf d'hiver à Montpellier, en mars 1881, qui refoulait bien loin la théorie de l'éclosion automnale de cet œuf et (délimitait les lieux de ponte. M. Balhiani en a eu l'idée. A plusieurs reprises il en a parlé au sein de la Commission supérieure du Phylloxéra, dont il fait partie, et, dans sa séance du 13 janvier 1882, celte Commission supérieure émettait le vœu suivant : « Considérant l'importance du rôle que joue l'œuf d'hiver dans l'évolu- tion du Phylloxéra puisqu'il entretient sans cesse la vitalité des colonies souterraines, et que tout foyer phylloxérique a pour origine un œuf d'hiver; que dès lors sa destruction est d'un intérêt pratique évident, la Commis- sion supérieure émet le vœu que des expériences méthodiques soient in- stituées non seulement dans le lahoratoirc, mais en grande culture pour déterminer quels sont les moyens à employer pour arriver à la destruction certaine de l'œuf d'hiver. » Ce vœu, adressé à M. le Ministre de l'Agriculture, était pris de suite en considération et les expériences furent confiées à M. Balhiani. Mais les préparatifs qu'elles nécessitaient et surtout la recherche d'un champ d'étu- des propice demandèrent un temps assez long. Pendant l'hiver de 1882- 83, une première expérience fut tentée, au moyen d'un hadigeonnage insecticide ; expérience peu concluante, suivie d'autres exécutées les an- nées suivantes et couronnées celles-là d'un plein succès. Mais laissons la parole à M. Balhiani ' : « L'expérience consistait à choisir une vigne portant habituellement des galles, à badigeonner un certain nombre de ceps et à laisser les autres intacts, comme témoins. Une vigne de Riparia au domaine de la Paille, près Montpellier, se trouvait dans les conditions voulues. Cette vigne, formée de jeunes plants de quatre ans, se couvrait chaque année de nombreuses galles phylloxériques. Au mois de février 1883, une moitié de la vigne fut badigeonnée avec un mélange de coaltar et d'huile lourde, l'autre moitié fut laissée sans traitement. Malheureuse- ment ce premier essai échoua. On s'attendait au printemps à voir appa- raître des galles dans la partie non traitée, tandis que la partie traitée n'en présenterait point. Or, il n'y eut de galles dans aucune des deux parties : l'année 1883 n'était pas favorable a la production des galles phylloxéri- ques. Là où d'habitude on en voyait apparaître en plus ou moins grand nombre, comme dans notre champ d'expériences, par exemple, il n'y en eut pas ou presque pas. C'est ce qu'on remarqua notamment sur les vignes de M. Laliman, à Bordeaux, vignes renommées par l'abondance des galles dont elles se couvrent chaque année. L'expérience, reprise dans les mêmes i Balbiaui ; Compte rendu des Travaux du service du Phyll., 1885, pag. 157. LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. |21 conditions dans l'hiver 1883-84, fut cette fois couronnée d'un succès com- plet. M. Henneguy, qui visita la vigne dès le 10 avril, constata dans le lot non traite des galles nombreuses ; au contraire, dans le lot traité, pas une galle ne put être découverte malgré des recherches assidues. Cette vi"nc fut visitée, le 4 mai, par MM. Couanon et Mouillefert, qui furent également frappés de la netteté du résultat. Le Ier juin, je m'y rendis moi-même, accompagné de MM. II. Mares, Henneguy et Couanon. A cette époque, la différence des deux lots était plus tranchée que jamais. Dans le lot non ba- digeonné, les galles s'étaient multipliées en quantités énormes, au point de laisser à peine une place libre sur beaucoup de feuilles, tandis que dans le lot traité les feuilles se montraient encore indemnes de ces excrois- sances. » Nous ajouterons que plusieurs visites faites par nous-même au champ d'expériences nous ont convaincu de l'efficacité du traitement. Celui-ci, très efficace contre l'insecte, n'était cependant pas sans inconvénient pour la vigne. Certains pieds avaient eu à en souffrir, et le mélange de coaltar et d'huile lourde fut remplacé par une nouvelle mixture renfermant de la naphtaline, de l'huile lourde de houille, de la chaux et de l'eau. Les expériences de la Paille ont été continuées jusqu'en 1886, sous la direction de M. Henneguy, et sauf qu'en 1885, comme en 1883, ni les ceps badi- geonnés, ni les ceps témoins n'ont eu de galles, l'effet du traitement au printemps de 1886 était complet. Fait intéressant à signaler, l'action du badigeonnage insecticide paraîtrait môme agir pendant deuxans.«Ala Paille, dit M. Henneguy, la vigne de Riparia n'a reçu aucun traitement pendant l'hiver 1886 87 ; et cependant, le 20 avril 1887, je constatai que les pieds de vigne qui avaient été badigeonnés l'année précédente ne portaient que de très rares galles initiales, tandis que les pieds témoins en avaient de nombreuses. » Après plusieurs modifications dans les proportions du mélange, M. Bal- biani s'est arrêté, pour la quantité en poids d'environ 500 kilogr., aux proportions suivantes : Huile lourde de houille 20 kilogr. Naphtaline brute 60 — Chaux vive 120 — Eau 400 — Pour opérer le mélange, on prend un récipient d'environ 500 lit., une futaille défoncée par exemple. Dans un récipient plus petit, on dissout la naphtaline (la plus sèche possible) dans l'huile lourde, en prenant une spatule de bois. Après avoir fait fuser un peu la chaux (la plus grasse 122 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. possible) clans la futaille, on verse sur cette chaux fumante, en la remuant, le mélange d'huile lourde et de naphtaline et, ceci fait, on ajoute de l'eau en remuant toujours. On peut n'employer immédiatement que la moitié de l'eau, soit 200 lit. Au moment de l'emploi, ou ajoute 100 lit., et les autres 100 lit. pourront n'être ajoutés que lorsque le mélange sera devenu trop épais. Le transport au milieu des vignes se fait au moyen de comportes, l'application sur la souche (préalablement décortiquée) au moyen d'un pi.iceau rond en poils de porc. On badigeonne tout le bois, y compris les surfaces de tailles, dont les bords, ou le sait, recèlent souvent l'œuf d'hiver sous leur écorce. Les différents Rapports adressés au Ministre par MM. Balbiani et Hen- neguy renferment trop de détails sur les expériences exécutées à Mont- pellier et ailleurs, sur le mode d'application du traitement, etc. , pour qu'il soit possible de les résumer suffisamment ici. Nous devons donc renvoyer le lecteur aux Comptes rendus des Travaux du service du Phylloxéra1, publiés par le ministère de l'Agriculture, années 1885-1886 et 1887-1888, qui renferment les susdits Rapports. Qu'il nous suffise de dire que le succès des expériences de la Paille a attiré l'attention d'un certain nombre de viticulteurs qui ont employé le traitement; que celui-ci a été, dans la plupart des cas, combiné avec des applications de sulfure de carbone aux racines, et que l'administration l'emploie en Algérie tout autour des points d'attaque sur lesquels sont appliqués les traitements d'extinction. D'après le Rapport de M. Henneguy (1887) , 750 hectares environ, répartis dans dix-huit départements, et 100 hectares en Algérie, ensemble 850 bec" tares, sont actuellement traités. Les départements où ces badigeonnages Balbiani ont été appliqués sont les suivants : Aude, Aveyron, Bouches- du-Rhône, Gôte-d'Or, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Hérault, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cber, Lot, Lot-et-Garonne, Rhône, Pyrénées- Orientales, Saône-et-Loire, Tarn, Tarn-et-Garonne et Var. Nous ne pouvons, nous l'avons dit, entrer dans beaucoup de détails; disons cependant que l'Hérault, n'ayant à peu près plus de vignes françaises non submergées, sur lesquelles par conséquent les badigeonnages puissent être tentés en grande culture, les expériences sérieuses ont été faites ailleurs. Sur les dix-huit départements ci-dessus, le Lot-et-Garonne (150 hectares traités) est certainement celui où les applications les plus intéressantes ont été opérées. Dans cette région du Lot-et-Garonne, où M. de LaQtte de Lajoaunenque s'est fait l'infatigable propagateur des traitements Balbiani, les badigeon - 1 Heuueguy ; Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1887. LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. I J,'J nages comptent do nombreux, adhérents. M. de Lafitte personnellement applique le procédé chez lui depuis cinq ans, sur deux hectares, à l'exclu- sion du traitement des racines au sulfure de carbone. Ces deux hectares sont isolés^ à l'abri autant que possible, par conséquent, des invasions par ks formes aptères; la terre est argilo- calcaire, très compacte. En 188G, d'après M. Henneguy, l'inspection des racines dans ce champ d'expériences, en pré- sence de M. Balhiani, avait montré, chez les insectes examinés, les gaines de l'ovaire réduites à un petit nombre, indice d'une dégénérescence mar- quée ; les Phylloxéras étaient peu nombreux ; la vigne, à chevelu abon- dant, se maintenait bien. Dans les autres champs d'expériences les résultats, bien que moins marqués, permettaient d'espérer le succès. Mais en 1887, d'après M. de Lafitte lui-même *, l'étude sur l'ensemble des expériences faites avec les badigeonnages insecticides seuls, malgré la situation rela- tivement bonne de la vigne de Lajoannenque, « la confiance en un succès décisif des badigeonnages employés seuls comme traitement curât if, était sensiblement moindre qu'en 1886, bien qu'il ne fallût pas désespérer encore». A notre avis, la preuve contre le badigeonnage est faite, loyalement faite, et nous devons être reconnaissants de son impartialité envers le principal exécuteur des expériences. Malgré l'excellence théorique du procédé, malgré les expériences de la Paille si claires dans leurs résultats, malgré même quelques succès en grande culture, il est évident que si les badigeonnages insecticides ne sont pas associés aux traitements souterrains par le sulfure de carbone, ils sont généralement peu efficaces par suite des causes qui viennent les contre- balancer. Au premier rang de ces causes sont des invasions par les jeunes aptères venant sur leurs jambes du voisinage ou apportés par le vent, on ne sait d'où. Dans les vignobles où le Phylloxéra peut arriver des quatre points cardinaux, dans ceux où les cépages américains résistants sont partout, il n'y a pas à songer aux badigeonnages Balhiani. Ce n'est que dans les pays peu attaqués qu'ils pourront être appliqués ; encore conseillerons-nous toujours de les accompagner d'un traitement souterrain au sulfure de carbone. D. — Submersion. Vitis amat colles, disait Virgile. C'est là une licence poétique que le viticulteur devra traduire ainsi: Situ veux du bon vin, plante ta vigne sur 1 De Lafltte; Compte rendu des Travaux du service du Phylloxéra, 1388. 124 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. les coteaux. La science et l'expérience ajouteront : Mais tu n'en auras guère, et, si tu veux ta vigne vigoureuse et féconde, plante-la dans la plaine et tâche de lui donner de l'eau. A l'état de nature, la vigne d'Europe pousse en effet de préférence dans les endroits frais et humides, le plus souvent au bord âez rivières, où elle ne souffre nullement des inondations fré- quentes. Les vignerons de tous les pays le savent, et si, dans le Nord, Virgile semble avoir raison, c'est que le raisin ne mûrit pas dans la plaine. De temps immémorial, dans le sud de la Russie, on inonde volontaire- ment les vignes plantées dans les terres basses, afin de les débarrasser de leurs ennemis, escargots ou insectes. Il en est de même en Grèce. « Les vignerons de l'éparcbie d'Élie, dit M. Gennadius [Comptes rendus Acad. des Se, 6 décembre 1880), submergent leurs vignobles pendant l'hiver pour tuer les coupe-bourgeons (Otiorhynchus), et cela depuis des siècles. » Dans la lutte entreprise contre le Phylloxéra, lutte qui doit varier avec chaque milieu, on devait songer de suite à la submersion des vignes en plaine, et dès le début de l'invasion on y a en effet recouru. a Aussitôt, dit M. Chauzit1, que la maladie des vignes fut connue, un viticulteur plein d'initiative, M. le Dr Seigle (de Nimes), se basant sur cette donnée physiologique que le puceron était organisé pour vivre dans l'air et non dans l'eau, lit inonder son vignoble de Forbarot, situé dans le Vaucluse. C'est donc incontestablement M. le Dr Seigle qui a eu le premier l'idée d'asphyxier le Phylloxéra au moyen de l'eau. Ce fait ressort d'une Note reproduite dans le Rapport de M. Barrai sur le concours d'irrigation dans le département de Vaucluse en 1876, Note dans laquelle M. Seigle s'exprime ainsi : « Dès le 26 juillet 1868, c'est-à-dire quatre jours après la publication dans le Messager du Midi du Rapport de la Commission qui avait découvert à Saint-Rémy le Phylloxéra, profitant de l'eau de la Du- rance amenée par un canal qui entoure ma propriété, j'inondai tout mon vignoble pendant douze jours consécutifs, en maintenant constamment l'eau à 0m, 15 environ au-dessus du sol. En octobre de la même année, je sub- mergeai encore mon vignoble pendant vingt jours. En 1869, je fis trois submersions : une de douze jours en mai, une de huit jours en juillet et une de vingt-huit jours en octobre. Ainsi donc, depuis le 26 juillet 1868 jus- qu'au 16 février 1876, j'ai pratiqué vingt fois la submersion, et je suis parvenu de la sorte à reconstituer mon vignoble, qui est en ce moment aussi prospère qu'avaut l'apparition de la maladie. »M. Louis Faucon ne commença à submerger son domaine du mas de Fabre (Bouches-du-Rhône), qu'après M. Seigle, en 1870 seulement,comme 1 Chauzit et Trouchaud-Verdier ; La Submersion des Vignes. LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 125 il le dit d'ailleurs lui-même dans un Mémoire remis au jury du concours d'irrigation de 187G. Mais si l'on peut dire que M. Seigle est le promoteur de la submersion des vignes en France, on doit affirmer bien liant que M. Faucon a été l'inventeur et le propagateur de la méthode. Dans des Notes nombreuses parues dans les journaux agricoles, il a tracé la voie que de- vaient suivre les submersionnistes ; il a fixé les règles principales de la submersion et a contribué ainsi pour une large part à la rapide extension du procédé, non seulement dans le Midi, mais aussi dans l'Ouest.» Les chiffres de la production chez M. Faucon avant l'invasion, pendant celle-ci et après la submersion, ont leur éloquence. Ils sont en quelque sorte devenus classiques et méritent d'être cités. Le mas de Fabre, près Tarascon (Bouches-du-Rhône), terre de 23 hectares appartenant a M. Fau- con, produisait : En 1867. Avant l'invasion apparente du phylloxéra 925 hectol. 1868. Année de la découverte de l'insecte (fumier) 40 — 1869. 2e année de l'invasion apparente (fumier) 35 — 1870. lre année de la submersion (pas d'engrais) ......... 120 — 1871. 2« — — — 450 — 1872. 3e — — (tourteaux de colza) 849 — 1873. 4e — — (gelée, tourteaux) 736 — 1874. 5e — — (tourteaux) 1.135 — 1875. 6e — - — 2.680 — 1876. 76 — — (gelée, tourteaux) 507 — 1877. 8e — -- (tourteaux) 2.235 — 1878. 9e — — (gelée, tourteaux) 1.135 — 1879. 10e — — (tourteaux) 2.200 — De ces chiffres, il ressort trois choses : 1° la destruction du Phylloxéra ; 2° la production moyenne plus que doublée ; 3° la fréquence des gelées printanières. Par la production moyenne doublée, bien que la qualité y perde forcé- ment, malgré aussi les gelées plus fréquentes et les frais d'installation souvent coûteux, le propriétaire gagne, et beaucoup. Aussi l'exemple donné par M. Faucon a-t-il été vite suivi, et aujourd'hui des surfaces considéra- bles, plus de 25,000 hectares en France seulement, sont soumises à la submersion. Le chiffre officiel donné par M. Tisserand, directeur général de l'Agriculture, dans son Rapport de 1888 à la Commission supérieure du Phylloxéra, est 26,665 hectares. On peut même affirmer que si la moitié au moins de cette surface ne devait pas être inondée coûteusement au moyen de machines élévatrices puisant l'eau dans les rivières, et que si les grands canaux d'irrigation |26 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. réclamés par les populations étaient créés, le nombre d'hectares submergés * s serait bien vite quintuplé. Le canal du Rhône seul, d'après M. l'ingénieur LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 127 Dumont, l'auteur bien connu de l'un des projets, permettrait d'inonder en hiver 80,000 hectares de vignes ' . Pas plus au sujet de la submersion qu'en ce qui concerne les autres moyens de lutte contre \e Phylloxéra t nous ne pouvons nous étendre suffi- samment. Nous renvoyons donc le lecteur aux. travaux spéciaux énumérés dans la Bibliographie, et principalement à ceux de MM. Faucon, Foèx et Chauzit, auxquels nous faisons du reste de nombreux emprunts. Quelques renseignements sur les conditions de réussite de la submersion et les moyens de l'exécuter seront seuls donnés ici, et aussi brièvement que pos- sible résumés dans les lignes suivantes. Conditions de réussite. — « La submersion, dit M. Foëx [loc. cit., pag. 625) , est forcément limitée aux vignobles méridionaux situés en plaine. Dès qu'on arrive à la région où la vigne ne peut réussir qu'en coteaux, l'application eudevient nécessairement impossible. De plus, les hivers froids risquent d'entraîner des accidents graves pendant l'opération. La surface inondée se congèle quelquefois sur une assez grande épaisseur, et il suffit d'un changement du niveau de l'eau qui supporte la glace pour que des souches soient arrachées ou écrasées suivant que des glaçons s'élèvent ou s'abaissent. «Jusqu'ici, en France, la submersion ne s'est pas étendue dans le Sud- Ouest au delà de la Gironde et des départements voisins, et dans le Sud- Est elle est pratiquée dans le Var, les Bouches-du-Rhône, le Gard, l'Hérault, l'Aude, les Pyrénées-Orientales, le Vaucluse, les Basses- Alpes et la partie méridionale de la Drôme. Dans ce dernier département, elle ne dépasse pas Livron, localité située à l'embouchure de la Drôme et qui peut être considérée comme la limite septentrionale probable de l'application du procédé. «Théoriquement, pour recouvrir un sol absolument horizontal d'une épaisseur deOra,25, il serait nécessaire d'y amener 2,200 mètres cubes par hectare ; mais comme, on le comprend, la terre absorbe une grande partie de ce volume, une autre portion se perd par évaporation ou s'échappe par les fissures des bourrelets; aussi doit-on employer de beaucoup plus grandes quantités d'eau. Il faut compter ordinairement de 10,000 à 15,000 mètres cubes par hectare et quelquefois jusqu'à 30,000 sur la même surface. Une paitie de cette eau doit arriver d'une manière à peu près continue pour parer aux pertes par imhibition ou par évaporation. »Au point de vue insecticide, les eaux chargées d'air, telles que celles qui sont élevés par les machines ou qui ont passé récemment par des chutes, 1 Faucon ; Instructions pratiques sur la Submersion, pag. 149. 128 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. sont moins efficaces parce que les moindres bulles suffisent au Phylloxéra pour prolonger son existence. Celles qui sont complètement privées de sub- tances fertilisantes risquent d'épuiser plus ou moins les terres un peu per- méables, qu'elles lessivent. »Mais cette infériorité n'a qu'une importance secondaire au point de vue pratique, tout au moins en ce qui concerne les eaux chargées d'air. Sous le rapport de l'épuisement des matières solubles renfermées dans le sol, ce reproche est fondé dans une certaine mesure pour les terres sensiblement perméabbles. Dans ce cas, on fera bien de restituer à la vigne des engrais renfermant sous une forme facilement assimilable les matériaux qui lui sont nécessaires pour une année seulement et d'en renouveler chaque hiver l'application. La formule suivante, employée par M. Faucon, répond très bien à cet ordre d'idées : Tourteau de colza 90 % Sulfate de potasse épuré de Strassfurt à 38 % de potasse 10 % 100 »Ces matières, bien mélangées, sont appliquées à la dose de 250 gram. par pied de vigne.» Bien que la submersion faite en été soit plus efficace contre l'insecte, alors en pleine activité, on ne peut songer à l'appliquer à cette époque : la vigne aurait trop à en souffrir. En hiver, l'arrêt de la végétation permet au con- traire de submerger sans inconvénient. Tous les insectes à l'état à'hiber- nants ne succombent pas, il est vrai ; mais ils succombent en nombre tel que le peu qui persiste peut être considéré comme quantité négligeable. La durée de la submersion ne doit pas être la même dans tous les cli- mats et dans tous les sols. L'expérience a démontré (Foëx, loc. cit.) que dans la partie la plus septentrionale de notre région, la Drôme, la durée peut être réduite à vingt-cinq ou trente jours, tandis qu'elle doit être de trente ou quarante jours dans l'Hérault, le Gard et les Bouches-du-Rhône. La multiplication du Phylloxéra, plus grande dans les climats chauds, explique suffisamment le fait. a Au point de vue de l'efficacité de la submersion (Chauzit et Trouchaud- Verdier, loc. cit.), il faut que le terrain ne soit ni trop compact ni trop meuble. On se trouvera dans de bonnes conditions lorsque le niveau de l'eau, par suite de la perméabilité du sol, baissera par vingt-quatre heures de 1 à 5 centim. Si les pertes journalières sont de 8 ceutim. d'épaisseur, par exemple, la submersion non seulement consommera beaucoup d'eau et exigera une plus longue durée, mais encore sera peu efficace ; enûn elle LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. \2[) serait très dispendieuse et absolument inefficace si le niveau baissait de 10 centim. ou plus par jour. Cette propriété physique, qu'on nomme perméabilité, résulte des proportions suivant lesquelles les trois éléments mécaniques essentiels des terres, L'argile, le sable siliceux et le calcaire sont mélangés. Plus la quantité d'argile sera grande par rapport aux autres principes, moins le sol sera perméable, plus grande sera la proportion de sable, plus le sol sera facilement pénétré.» Nous avons personnellement développé cette théorie dès 1879 !, la basant sur le nombre de bulles d'air emprisonnées croissant avec la compacité des sols mis en expérience. Ajoutons que pendant toute la durée de la submer- sion le sol doit être submergé à une épaisseur d'environ 25 centim., et cela sans interruption. «L'eau, dit M. Faucon, qui ne peut arriver aux racines inférieures d'une vigne si elle est appliquée à petites doses, pénétrera jus- qu'aux racines les plus profondes si elle est aidée par une puissante pression.» Le eboix des cépages à submerger, dit M. Obauzit, n'est pas indifférent. Tous les plants ne supportent pas également bien la submersion. L'Ara- mon et le Petit-Bouscbet ont fait leurs preuves dans la région de l'olivier et doivent être préférés ; mais, leur maturité n'étant pas simultanée, il faut les cultiver dans des planches séparées. Quant aux autres cépages de la région, la Carignane, le Grenache, le Terret, le Chasselas, l'Œillade, le Morrastel, l'Espar, etc., ils redoutent trop les maladies cryptogamiques, telles que Y Anthracnose et surtout le Mildew, pour être cultivés à la sub- mersion. On doit les réserver pour les porte-greffes américains. Moyens d'exécuter la submersion. — Etant donné un terrain suffisam- ment horizontal pour que des planches ou carrés de submersion d'une certaine étendue puissent être établis ; étant donné un sol réunissant les conditions de perméabilité citées plus haut, on divisera ce terrain en com- partiments ou planches rectangulaires. «Cette disposition, dit M. Foëx, est celle qui est la plus commode pour les labours, celle qui correspond le mieux aux systèmes de plantations usités. Dans un terrain horizontal, oh l'on peut donner aces planches une grande étendue en tous sens, on a intérêt a les faire carrées ; cette forme facilite les labours croisés, dont l'efficacité est généralement reconnue. Dans les terrains offrant une pente sensible, on est amené à faire des planches rectangulaires, afin de ne pas exagérer la hauteur des bourrelets ou levées. Au point de vue de la destruction des insectes, les plus grandes planches sont les meilleures; l'étendue des bourrelets y est en effet moins considé- • V. Mayet ; Expériences sur l'efficaciti de la Submersion des Vignes Journ. de l'Âgric. de Barrai. Paris, 7 août 1879). 130 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. rable ; or les racines qui pénètrent sous ces bourrelets sont rarement bien purgées d'insectes, et elles constituent en été un foyer d'infection dont il importe de diminuer le plus possible le développement. Mais, dans la pra- tique, il est généralement impossible de pousser l'application de ce principe Fig. 28. — Pompe centrifuge Dumont, vue do face. jusqu'à ses dernières limites, qui est de ne faire qu'une seule planche de toute la vigne à submerger. Les quatre raisons qui s'y opposent le plus souvent sont : 1° le manque d'horizontalité du sol ; 2° l'impossibilité de disposer à la fois d'un volume d'eau suffisant; 3° le danger qu'offre le Fig. 29. — Pompe centrifuge Dumont, vue de côté. choc sur les berges des vagues soulevées par le vent ; 4° enfin les consé- quences qui résulteraient, pour toute la submersion, d'une brèche produite dans l'unique enceinte des levées. En définitive, les dimensions qui parais- sent les meilleures sont celles qui renferment de 3 à 20 hectares.» «L'établissement des bourrelets encadrant les planches, dit M. Chauzit, doit obéir à certaines règles. Ainsi, ils auront une forme prismatique, à sec- LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 131 lion trapézoïdale, et leurs talus seront inclinés à 45". La largeur variera avec la dimension des planches. Si elles ont une grande étendue, on donnera aux bourrelets une largeur suffisante pour qu'une charrette puisse circuler à leur sommet ; on aura alors de véritables digues-chemins. Si au contraire on a été obligé de multiplier les bourrelets, on donnera à leur sommet une largeur de 0m,50à 1 met. La hauteur sera au minimum de 0'",G5. Dans la pratique, il convient d'atteindre 0m.80 à 1 met. Les bourrelets seront établis avec la terre provenant des travaux de nivellement ou bien avec celle qui aura été prise dans les emprunts faits aux parties hautes ou dans des en- droits spéciaux.» Pour protéger les bourrelets contre les érosions, on gazonnera leurs pentes avec des plantes fourragères : M. Foëx conseille le trèfle rampant Fig. 30. — Pompe centrifuge J. et H. Gwynne. [Trifolium l'epens), qui peut passer sans inconvénient de l'humidité a la sécheresse; mais, avant que les plantes aient suffisamment poussé, tout au moins la première année, on devra protéger les berges exposées aux vagues par des fascines, des sarments ou des roseaux. Les planches de submersion une fois établies, il s'agit d'y amener les eaux avec le moins de frais possible. «Les eaux destinées à la submersion, dit M. Foëx, proviennent des cours d'eau, de canaux, d'étangs, de barrages, de sources, de puits artésiens, etc. On peut les amener dans les vignes par dérivation ou au moyen de machines élévatoires . » Le premier moyen, le plus simple, doit être employé toutes les fois que l'eau peut être prise à un niveau supérieur; il n'entraîne d'autre dépense que celle de la création d'un canal d'adduction. On ne peut malheureuse- 132 LUTTE CONTIlE LE PHYLLOXERA. ment pas songer à appliquer dans tous les ras la dérivation et l'on est forcé d'employer le second système. Les machines élévatoires les plus répandues sont les pompes rotatives. Les plus employées dans les submersions en France sont celles de L. Dumont1 (fig. 28 et 29) et de J. et H. Gwynne (fig. 30). Ces derniers Fig. 31. — Pompe centrifuge Gwynne, fixée sur une locomobile. constructeurs ont imaginé une disposition commode pour le transport, dans laquelle la pompe, étant fixée sur le bâti de la locomobile motrice, est prête à fonctionner dès l'arrivée (fig. 31). On a également fait usage, pour élever les eaux, de la noria et du tympan; mais ces machines n'ont donné que des résultats inférieurs à ceux des précédentes. Les divers appareils mentionnés ici sont généralement mus par des ma- chines à vapeur. Ces moteurs, souvent les seuls possibles, sont toujours les plus commodes. Le coût de l'opération, par leur moyen, varie entre 60 et 80 fr. par hectare lorsqu'on ne dépasse pas 5 met., hauteur au delà de la- quelle on ne semble guère devoir aller en pratique. Ce prix est celui qu'exi- gent la plupart des syndicats ou sociétés de canaux d'irrigation . Les machines sont quelquefois installées à demeure sur un point cul- minant, de manière à dominer par un système de canalisation convenahle LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 133 toute l'étentlue à submerger. D'autres fois elles sout locomobiles et peu- vent être transportées successivement à portée des [décès que l'on veut traiter (Og. 32). Le premier système doit être préféré toutes les fois qu'il est 134 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. possible, de l'appliquer: les machines fixes à générateur indépendant font en effet le travail à meilleur marché, plus rapidement aussi et durent da- vantage que les locomobiles. Il est possible dans certaines circonstances de substituer à la vapeur la force fournie par les cours d'eau où l'on puise l'eau nécessaire au traite- ment des vignes. On emploie dans ce cas des turbines ou des roues hydrau- liques. Le travail s'effectue alors dans des conditions très économiques. En résumé, la submersion est le seul procédé insecticide infaillible, absolu, contre le Phylloxéra; elle devra être employée, dans la région de l'olivier, toutes les fois qu'il sera possible de le faire. E. — Plantations dans les Sables. Il nous reste à parler des conditions permettant à la vigne de vivre sans le secours d'aucun insecticide, c'est-à-dire des plantations dans les sables et de l'emploi des vignes américaines. Le fait de la résistance des vignes dans le sable a, dès le début de l'in- vasion phylloxérique, attiré l'attention des viticulteurs. On n'est pas d'accord sur les] causes de cette immunité des terrains sablonneux et plusieurs théories sont en présence. Nous n'en citerons que trois : 1° Une action mécanique des particules sableuses, comblant par leur chute les fissures du sol à mesure qu'elles tentent de se produire, s'ébou- lant sous les pieds de l'insecte et opposant ?insi une barrière infranchissable aux migrations de celui-ci et même à sa circulation sur les racines. Cette théorie, la première mise en avant, a encore beaucoup de partisans. 2° Une action insecticide mal définie, qu'on ne peut appeler chimique, mais qui d'après M. le professeur Marion ' est incontestable, quelle qu'en soit l'explication. 3° Une disposition physique du sol permettant à celui-ci de se débar- rasser complètement de l'air qu'il renferme, de se laisser pénétrer entière- ment pur l'eau, qu'elle provienne des pluies ou qu'elle monte du sous-sol par capillarité, et de tuer ainsi le Phylloxéra par asphyxie. Cette théorie, qui parait appuyée sur des expériences sérieuses, a été développée longue- ment par M. l'ingénieur Vannuccini2, dans un Mémoire publié en 1888. « Dans le sable, dit M. Vannuccini, l'air en présence de l'eau trouve 1 Marion; Rapport sur les expériences contre le Phylloxéra tt les résultats obtenus, can-pagne de 1878. Paris, Paul Dupont, 1879. 2 Vannuccini; Étude des terres où. la Vigne indigène résiste au Phyllorera [Mess, agric. d.i Midi, 10 septembre 1881). LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 135 mille issues, à travers les innombrables interstices que ses grains laissent entre eux, et si par hasard une bulle d'air se trouvait environnée d'eau de toutes parts, elle ne tarderait pas à se frayer un passage et viendrait crever à la surface. L'expérience suivante est concluante à cet égard : Qu'on verse de l'eau dans un vase contenant du sable et dans un autre contenant de l'argile. Dans l'eau, qui peu à peu pénètre le sable, on voit barboter de nombreuses bulles d'air, tandis que pour l'argile l'air reste emprisonné, et c'est à peine si l'on voit monter quelques bulles. Entre ces deux extrêmes, le sable et l'argile, il y a les terres peu argileuses, se laissant fortement pénétrer par l'eau et ne gardant que quelques bulles d'air emprisonnées. «C'est ainsi que l'on peut expliquer cette gradation de résistance des différentes terres. On voit eu effet les vignes parfaitement résister quand le sable est pur et, à mesure que des proportions croissantes d'argile y sont mélangées, diminuer de résistance jusqu'à périr rapidement dans les terres fortement argileuses. » L'auteur compare le pbénomène à une submersion naturelle se pro- duisant ebaque année à certaines époques et débarrassant périodiquement la vigue de son parasite. Submersion par capillarité, devrait-il dire, car là où l'espace entre les particules sableuses n'est pas capillaire, quelle que soit l'bumidité du sable, il n'y a pas d'eau et il y a de l'air. Telles sont les galeries pratiquées par les nombreux insectes qui vivent dans le sable, rongeurs de racines ou autres, parmi lesquels dominent en nombre les larves ou vers blancs de YAnomala vitis (Hanneton vert de la vigne). Mais ces réservoirs à air, ne se trouvant qu'exceptionnellement contre les racines, changeant de p'ace avec l'insecte, qui les comble derrière lui, ne peuvent permettre au Phylloxéra de vivre. Cette théorie de M. Yannuccini n'a été jusqu'à présent réfutée par per- sonne. Elle ne contredit ni les idées de M. Marion ni celles de M. Barrai, qui dans une Note à l'Académie ' a attribué un rùle important à l'eau du sous-sol montant par capillarité dans les sables d'Aigucsmortes. Le sable est d'autant plus contraire au Phylloxéra qu'il est plus siliceux. Si les proportions de calcaire dominent, il l'est moins, les particules cal- caires tendant à s'agglomérer. Tels sont les terrains appelés en géologie sables de Montpellier, anciennes dunes tertiaires dans lesquelles une pro- portion notable de marne et de débris coquilliers se trouve mélangée. Le sable est uuisible a la vigue s'il est salé2. Il faut donc faire ses plantations ' J -A. Barrai ; Influence de l'humidité souterraine et de la capillarité du sol sur la véadlation des Vignes {Comptes rendus, 12 février 1883). - Le sel marin (chlorure de sodium), si utile à petite dose comme engrais chi- 136 LUTTE CONTRE LE l'HYLLOXERA. clans des sables suffisamment siliceux et suffisamment élevés au-dessus de la mer pour qu'ils soient et restent dessalés. « Sauf dans les endroits bas et salés, dit M. Foëx, la vigne parait pro- spérer à peu près dans tous les sables où la proportion de silice dépasse CO %. Elle réussit dans les dunes des landes de Gascogne, dans celles du cordon littoral qui borde le golfe de Lion, notamment à Aiguesmortes, dans les sables marins du littoral de la Tunisie et de l'Algérie ; enfin elle prospère dans Jes sables d'alluvion de la vallée du Rbône et d'un certain nombre d'autres cours d'eau. »De tous les sols sableux où la vigne a été plantée dans les environs d'Aiguesmortes, ce sont ceux anciennement cultivés en garance, c'est-à- dire les plus ricbes et les plus anciennement soumis à l'action des labours, qui ont donné les meilleurs résultats. On y obtient jusqu'à 250 hectolitres de vin à l'hectare. »On doit donc labourer profondément le sol au moyen d'une charrue que l'on fait suivre d'une défonceuse. »L'Aramon, le Petit-Bouschet, le Cinsaut, le Chasselas et surtout le Piquepoule sont les plants qui réussissent le mieux dans les sables, à con- dition qu'on leur fournisse les matières fertilisantes nécessaires. L'emploi des fumiers de ferme parait être demeuré sans inconvénient, jusqu'ici ; mais on peut se demander si, en modifiant les propriétés physiques du sol, l'accumulation prolongée de leurs débris ne risque pas de devenir dange- reuse. Les engrais chimiques et les tourteaux sont mieux appropriés à ces conditions. » Nous venons de parler des avantages du sable contre le Phylloxéra; il a aussi ses inconvénients, il est facilement déplacé par le vent. Certaines souches sont déchaussées, d'autres enterrées par de véritables petites dunes qui se forment au milieu des vignes. On pare à cet inconvénient par Ven- joncage. « L'opération, dit M. Foëx, consiste à répandre en légère couverture sur le sol des joncs ou autres plantes palustres, que l'on enfonce un peu mique dans les terres qui eu sont privées, stérilise le sol quand il est en excès. A ce point de vue seul, la submersion et même les simples irrigations sont très utiles, mais à la condition d'êire continuées, car, pendant les sécheresses, l'eau salée des couches profondes remonte par capillarité dans les couches supérieures et le travail de dessalage est à recommencer. Dans les plantatiuns du littoral du Gard et de l'Hérault, des vignes faites ainsi daus des sables superficiellement des- salés, mais qui n'étaient ni irrigables ni suffisamment élevées au-dessus de la mer, ont dû être abandonnées à cause du salant; c'est le nom donné dans le midi de la France au phénomène que nous venons de décrire. LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 137 au moyen d'une pelle ou d'un appareil portant une série de disques tran- chants en fer (6g. 33). La faible quantité d'herbes qui se développe dans les sables, ne rendant pas utiles de nombreux binages, permet cette opéra - Fig. 33. — Appareil de M. Vernette, de Béziers, pour exécuter l'enjoncage. tion de Venjoncage, qui est suffisante pour Qxer le sable jusqu'aux pluies d'automne. Pour enjoucer un hectare, il faut environ mille gerbes de joncs. » F. — Emploi des cépages Américains. La question si vaste et si complexe des vignes américaines (résistance, adaptation, greffage, etc.), qui a donné lieu à tant de controverses et a fait uoircir presque autant de papier que celle des insecticides, est aujourd'hui non pas complètement élucidée, mais entrée dans une période de calme et d'études à la fois théoriques et pratiques. Historique. — « Les vignes américaines * ont été plus anciennement connues par les Européens qu'on ne le pense généralement. Elles avaient déjà, au xc siècle, fixé l'attention des hardis navigateurs qui précédèrent Christophe Colomhdansla découverte du continent américain. ' G. Foëx et P. Viala : Ampélogr. Américaine. Montpellier, Goulet, pag. 1. 138 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. «Christian Rufn, archéologue danois quia recueilli un grand nombre de documents sur les voyages que Grent les Scandinaves, du xe au xive siècle, sur la côte orientale de l'Amérique, raconte que, en l'an 1000, Leif, fils d'Eric le rouge, partit du Groenland avec 35 hommes pour aller explorer plus complètement les terres visitées par Biarne en 986. Ils s'arrêtèrent dans le Massachussels, et un Allemand nommé Tyrker y découvrit des raisins dont ils remplirent leur chaloupe. Depuis lors, plusieurs voyages furent entrepris pour venir en chercher, et Leif appela le pays Vinland. «Adam de Brème (xne siècle) affirme également que la vigne croit eu Amérique; il le sait, dit-il, non par des conjectures, mais par le récit au- thentique des Danois. Il cite comme autorité le roi danois Svein Etridson, neveu de Canut le grand. » Les premiers essais de culture de vignes américaines par des colons européens furent faits, d'après MM. Bush et Meissner', en 1564 dans la Floride. D'après les mêmes auteurs, « les colons français établis dans rillinois, près de Kaskakia, firent en 1769, avec des raisins de vigne sau- vage, cent dix barriques de vin corsé; mais la qualité, jugée mauvaise, fit considérer la vigne d'Europe comme la seule véritable vigne à vin. Une Cie de Londres envoya en 1630 des vignerons français en Virginie pour y planter des vignes importées à cet effet; mais les échecs éprouvés alors et ceux qu'eurent à subir depuis, Willam Pernn en 1633, les colons suisses du Kentucky en 1690, et à la fin du siècle dernier le conventionnel La- kanal dans le Kentucky, l'Ohio et l'Alabama, firent renoncer les colons européens à la culture de la vigne d'Europe. Au dix-neuvième siècle, on cite des milliers d'échecs, et pas un succès durable ; et Downing était par- faitement fondé à dire (Horticulturist, janvier 1851) : L'introduction de vignes étrangères en Amérique pour la culture en grand est impossible; une saison ou deux de promesses, puis un échec complet. Il faut toujours excepter la Californie, qui est aujourd'hui l'État le plus grand producteur de vin des Etats-Unis, et toutes les remarques qui viennent d'être faites sur la culture de la vigne se rapportent seulement aux Étals situés à l'est des Montagnes Rocheuses2. Tandis que ces faits ne pouvaient être niés, la cause 1 Bush et Meissner ; Les Vignes américaines, Cataloouc illustré et descriptif. Traduit de l'anglais par L. Bazille, revu et annoté par J.-É. Planchon. Montpellier, Goulet, 1876, et 2" édition, 1885. 2 L'échec constant de la vigne d'Europe en Amérique est un des meilleurs argu- ments en faveur de l'origine américaine du Phylloxéra, si longtemps combattue. Si la Californie, depuis le xvie siècle (Vignoble de la Mission), pouvait seule cou- server la vigne d'Europe, c'est que les Montagnes Rocheuses avaient opposé une barrière infranchissable au Phylloxéra, originaire du versant de l'Atlantique. Au- LUTTE CONTRE LL' PHYLLOXERA. I i{9 en restait un mystère », mystère que la découverte du Phylloxéra est venu expliquer. Les Américains ont donc été forcés de revenir à leurs cépages indigènes. « Ce fut le Vitis labmsca (G. Foëx et P. Viala, loc. cit.) , qui donnait les fruits les plus volumineux, sur lesquels se portèrent les premiers efforts. Des semeurs habiles et persévérants créèrent un grand nombre de variétés de cette espèce. On essaya bientôt après de tirer également parti du V. riparia et du V. œslivalis, et dans le Sud du V. rotundifolia. Enfin on chercha à obtenir par voie d'hybridation, entre ces diverses espèces ou entre l'une d'elles et des vignes d'Europe, des produits intermédiaires qui jouent un rôle important aujourd'hui dans la viticulture américaine. C'est M. Long- wortb, de l'Ohio, que l'on peut considérer comme l'initiateur dans la mise en culture des espèces sauvages dont il s'est occupé dès 1823 environ. Il a été suivi depuis par des viticulteurs bien connus aux Etats-Unis, tels que MM. Underhill, Roger, Arno'.d, Adlum, Bull, Rickett, etc. »Les divers cépages américains sont restés longtemps peu connus en Europe, à cause de leur infériorité comme raisins de table et comme pro- ducteurs de vin. A peine y trouvait-on quelques types tels que VYork- Madeira et Yhabelk que ses qualités ornementales avaient fait adopter pour couvrir les tonnelles des jardins. Ce n'est qu'en 1861 que M. le mar- quis de Ridolfi entreprit, afin d'échapper aux ravages de l'oïdium, de cul- tiver {'Isabelle sur une assez grande échelle, dans ses propriétés près de Florence.» D'après M. Planchon (Revue des Deux- Mondes, 1877), le Catawba et l'Isabelle ont été introduits vers 1825, et les premiers plants racines de 1858 à 1862. « Par une singulière coïncidence, dit-il, ces introductions se sont faites à la fois sur divers points de l'Europe (Bordeaux, Roquemaure, Angleterre, Irlande, Alsace, Allemagne, Portugal) » . M. Laliman, de Bordeaux, est le premier qui ait remarqué et signalé en 1869 (Congrès de Beaune) la résistance de ces plants du nouveau Monde. M. Riley l'affirmait de son côté en 1870, signalant surtout le Summer grap (raisin d'été), nom vulgaire donné aux Etats-Unis au Vitis xstivalis. L'idée première de la greffe revient à M. Gaston Bazille, président de la Société d'Agriculture de l'Hérault. Dès 1869, il avait inutilement tenté jourd'hui, l'obstacle franchi par l'inseele grâce à la facilité des communications, la vigne d'Europe succombe en Californie aussi bien que dans les autres Etats. La preuve de l'origine américaine du Phylloxéra n'est plus à faire, croyons-nous; c'est pour cela que nous n'en avons rien dit dans la biologie ezyHerbemont, Black-July, Cunningham ; au Vitis Riparia : Riparia sauvage, Solonis, Clinton, Taylor, Vialla et Franklin ; au Vitis Rupestris : les divers types de Rupestris sauvages; au Vitis Labrusca : Cnncord, York-Madeira et Isabelle. On utilise de plus, depuis peu, trois types sauvages : Vitis Cor- difolia, V. Berlaxdieri et V. Cinerea. S'il y a des points noirs à l'horizon des amiricanistes, c'est du côté de Y adaptation au sol. La récente mission en Amérique, confiée par le gou- vernement français à M . P. Viala, professeur de viticulture à l'École de Montpellier, mission à la fois géologique et botanique, contribuera, pensons- nous, à résoudre le problème ; mais, avant d'aborder ce sujet, disons quel- ques mots sur la résistance et ses causes connues. De la greffe, nous ne dirons rien, renvoyant sur ce vaste sujet aux nom- breux livres publiés sur la matière. Nous ne dirons rien, si ce n'est que de longue date la greffe était pratiquée en France par tous les viticulteurs sérieux, et que dans le pays du monde où se remue le plus d'idées, il devait rapidement se trouver un homme d'initiative pour l'appliquer aux vignes américaines. La résistance. — A considérer la question dans son ensemble, en simple observateur des faits biologiques, nous dirons qu'il y avait quatre-vingt- dix-neuf chances sur cent pour que les racines américaines, résistantes de tout temps dans leur pays d'origine, soient également résistantes en Europe. A-t-on jamais vu une espèce animale ou végétale, transportée sous uu autre ciel, succomber aux parasites naturels emportés aven elle, parasites aux- quels sa constitution était adaptée? Quaud une espèce exotique succombe chez nous, c'est qu'elle rencontre des conditions de climat ou de sol qui ne 1 La situation phylloxêrique en 1887-88, par M. Tisserand, Directeur général au ministère de l'Agriculture. 142 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. lui conviennent pas, ou bien encore qu'elle trouve des parasites nouveaux. Les vignes américaines venant de latitudes équivalentes à celles d'Europe, placées dans des sols comparables aux nôtres, résistant chez elles au Phyl- loxéra, n'ayant pas trouvé de parasistes nouveaux comparables au leur, avaient toutes les chances pour prospérer en Europe. Quelles sont maintenant les causes physiologiques de la résistance ? C'est ce que va nous apprendre l'auteur auquel nous avons déjà fait de si nom- breux emprunts. «On a d'abord pensé, dit M. Foëx. que la résistance des vignes américaines était due à leur vigueur, à la facilité qu'elles auraient de refaire leurs racines plus promptement que l'insecte ne pouvait se mul- tiplier pour les détruire. C'est une erreur; une preuve décisive à cet égard peut être déduite de l'examen comparatif de certains types américains et français. Le York-.)Iadeira, par exemple, hybride américain, bien que d'une végétation médiocre, résiste bien au Phylloxéra, tandis que VAramon du Languedoc, dont la végétation est remarquablement vigoureuse, succombe à ses attaques. Une autre hypothèse a été formulée, en 1876, par M. Boutin. Ce chimiste pense que la résistance est due à la présence, dans la racine des ^vignes américaines, de substances plastiques auxquelles il donne le nom de lalière résinoïde, matière qui s'opposerait à l'extravasion de la sève ré- iltant de la piqûre du Phylloxéra. Cette théorie repose sur une conception [irifexacte des phénomènes déterminés par l'attaque de l'insecte. «Il n'y a pas en effet de perte de liquide, sur les racines françaises, par la petite piqûre qu'il fait avec son rostre. Au reste, les analyses faites à l'Ecole d'Agriculture de Montpellier n'ont pas confirmé la proportionnalité des ma- tières résinoides avec le degré de résistance. C'est autre part, pensons-nous, qu'il faut en chercher la raison ! lésions produites par le Phylloxéra acquièrent une importance va- riable suivant les circonstances. Lorsque les racines jeunes ne renferment pas encore un corps ligneux bien organisé, les renflements prennent un volume considérable, et en définitive s'altèrent complètement, ce qui déter- mine la mort de la racine attaquée, quel que soit le type auquel elle appar- tienne. Lorsque le cylindre central et les faisceaux libéro-ligueux sont con- stitués, le renflement prend un volume plus ou moins considérable suivant l'épaisseur des tissus cellulaires de l'écorce et suivant leur densité. Une différence très sensible se montre en outre dans l'étendue des altérations suivant qu'on se trouve en présence d'une racine de Vitisviniferao\i bien de certaines espèces américaines telles que V.riparia> V. œstivalis, V. ru- pestris, etc. »En effet, tandis que dans le premier cas les altérations intéressent les diverses natures de tissus cellulaires de la racine (tissu cellulaire de l'écorce , LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. I î'! couche génératrice, rayon médullaire), dans le second au contraire la cou- che corticale seule est atteinte. «Les conséquences de la pénétration des rayons médullaires chez le Vitis Fig. 34. — Coupe de racine d'Aramon (Vitis vinifen) non résistante; grosseur 20/1 diamètre (d'après M G. Foëx). vinifera sont, au bout d'un certain nombre d'attaques, l'altération consé- cutive des faisceaux fibro-vasculaires, dont les éléments anatomiqucs se pénètrent des liquides chargés des matériaux en décomposition provenant des tissus cellulaires, et finalement la destruction de la racine. Chez les espèces américaines résistantes, tout se borne à une altération superficielle qui se termine par la cicatrisation des tissus et la formation d'une sorte d'eschare qui ne tarde pas à se détacher. La majeure partie des racines en- core vivantes et susceptibles d'émettre facilement des radicelles est dé- truite dans le premier cas et est conservée dans le second. «Les divers cépages du V. labrusca semblent, en général, intermédiaires, au point de vue de l'importance des lésions et de la conservation des racines, entre les deux catégories que nous venons d'établir l. 1 D'après M. Millardet {Les Vignes américaines résistant au Phylloxéra , la propriété de résistance est à son maximum (qui peut aller jusqu'à l'immunité phylloxérique) dans les espèces suivantes : Vitis rotundifolia, rubra, cordifolia, rupestris, riparia, cinerea, xstivalis. Elle est plus ou moins faible chez les Vitis candicans, californica, labrusca. Elle est nulle dans les Vitis vinifera et amu- rensis, ainsi que chez toutes les espèces de vignes asiatiques observées jusqu'ici. 144 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. «Les différences qui viennent d'être indiquées trouvent une explication rationnelle dans une différence correspondante que l'on observe entre la structure des tissus des racines de vigne de ces diverses origines. En effet, si l'on considère des racines de même âge et de développement équivalent Fig. 35. — Coupe de racine de Jacquez (Vitis aestivalis) résistante ; grosseur 20/1 diamètre (d'après M. G. Foëx). chez les diverses espèces, on constate que celles des vignes américaines sont dans un état de lignification plus parfait. L'écorce en est plus mince et plus dense; les rayons médullaires en sont plus étroits, plus nombreux, formés de cellules plus petites, à parois plus épaisses et d'un diamètre plus petit que chez les vignes d'Europe (fig. 34, 35 et 36). »La constatation de ces faits présente une importance considérable au point de vue des garanties que peuvent nous offrir pour l'avenir les vignes américaines.» L'adaptation au sol. — Nous avons dit que, dans la question des vignes américaines, les seuls points noirs étaient du côté de l'adaptation au sol. En effet, nous demandons à la vigne de pousser dans des terrains qui lui sont contraires autant par les éléments chimiques qui les composent, que par leur constitution physique, dans des sols blancs, qui ne peuvent s'échauffer, et il y a eu, cela se conçoit, de nombreux échecs dans ces ter- LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. 1 i,") rains-là. C'est comme si nous voulions faire pousser dans le calcaire des arbres aimant la silice, tels que les châtaigniers ou le chêne liège. De la mission qui lui a été confiée en Amérique, M. le professeur Viala Fig. 36. — Coupe de racine de Solonis (Vitis riparia) résistante ; grosseur 20/1 diamètre (d'après M. G. Foëx). a rapporté de nombreux échantillons de vignes et de terrains et surtout une foule de renseignements précieux. Il a vu et bien vu. Des vignes telles que le Vitis Berlandieri, le V. cinerea, le V. cordifolia ont été observées végétant vigoureusement dans des terres aussi marneuses, aussi crayeuses, aussi blanches que celles des Charentes, de la Champagne et de certaines régions du midi de la France. Il n'y a pas de raison pour croire que ce qui réussit en Amérique ne réussira pas en Europe. Des expériences qui se poursuivent sortira donc fort probablement la solution. En ce qui concerne l'adaptation suivant les divers terrains, «on peut, dit M. Foëx, grouper à l'heure qu'il est, comme suit, les principales indications recueillies dans la région méridionale: 1° Terres profondes, fertiles et fraîches : Riparia sauvage, Jacquez, So- lonis, Vialla, Taylor. 2° Terres profondes, un peu fortes, non humides: Riparia sauvage, Solonis, Vialla, Taylor, Othello, Jacquez. 3° Terres profondes de moyenne consistance, fraîches en été : Riparia sauvage, Jacquez, Solonis, Vialla, Taylor, Black-July, Othello. 4° Terres légères, caillouteuses, profondes, bien égouttées, ne se dessé- 10 146 LUTTE CONTRE LE PHYLLOXERA. chant pas trop en été: Jacques, Vialla, Riparia sauvage, Taylor, Ru- pestris . 5* Terres calcaires blanches, crayeuses, marneuses ou luffeuses (tra- vertins): VitisBerlandieri, V. cincrea, V. cordifolia. 6° Terres argileuses grisâtres: Jacquez. 7° Terres argileuses profondes et très humides : Vitis cinerea, Solonis. 8° Terres sableuses profondes suffisamment fertiles: Solonis. Jacquez, Black-July, Rupestris. 9° Terres caillouteuses sèches et arides, à sous-sol fissuré, dites de garri- gues: Rupestris, Riparia sauvage, Gloire de Montpellier, Grand Glabre, etc. 10° Terres profondes avec fond de tuf (travertins) et terres un peu salées : Solonis. 11° Terres colorées en rouge par le fer peroxyde, à cailloux siliceux (diluvium Alpin), profondes et un peu fortes: tous les cépages indiqués ci-dessus.» «Les plants américains qui conviennent le mieux à la région de l'olivier sont les suivants: Riparia sauvage, Solonis, Taylor, Rupestris, Jacquez, Cunningharn, York-Madeira, quelquefois Herbemont et Vialla. Dans le Sud-Ouest, les types préférés sont : Vialla, York-Madeira, Solonis, Riparia sauvage, Rupestris, Herbemont, Othello, Canada e[Noah. Dans la Savoie, l'Isère, le Beaujolais et la Bourgogne, on a obtenu de bons résultats avec : Vialla, York-Madeira, Riparia sauvage, Noah, Canada, Othello, Senasqua, Eumelan et Cynthiana. Les principaux producteurs directs sont : parmi les Vitis xslivalis, le Jacquez, le Saint-Sauveur, Y Herbemont, V Herbemont d'Aurelles, le Black- July, YEumelan et le Cynthiana; et parmi les Hybrides, le Canada, le Brant, le Cornucopia, YOthello et le Black défiance. Les porte-greffes les plus employés sont : le Riparia sauvage, le Jac- quez, le Vialla, le Taylor, Y York-Madeira et le Rupestris.^ Tels sont, décrits aussi brièvement que possible, les divers moyens de lutte employés contre lePhylloxera. Mettant de suite de côté la submersion et la culture dans les sables, qui, détruisant la cause, coupent court à l'effet, nous résumerons comme suit la marche à suivre en cas d'invasion dans les terres qui ne sont ni sablonneuses ni submersibles, c'est-à-dire dans le plus grand nombre des cas : 1° Si les points d'attaque sont peu nombreux dans le pays, détruire de suite ces points d'attaque par les traitements d'extinction au sulfure de carbone ; 2° une fois le pays notoirement atteint, mais les vignes encore productives, cesser les traitements d'extinction qui tuent la vigne et appli- I-UTTIi CONTRE LE PHYLLOXERA. I ',7 quer les traitements souterrains au sulfure de carbone, auxquels, en cas d'isolement suffisant du vignoble, on pourra ajouter les badigeon nages Bal- biani; 3° les vignes ne donnant plus une récolte suffisante pour couvrir les frais des traitements, arracber et remplacer de suite par des plants américains appropriés au terrain. En procédant de la sorte, bon nombre de propriétaires dans l'Hérault, et surtout dans l'Aude, ont pu maintenir leur rendement au chiffre d'hec- tolitres produits avant l'invasion du Phylloxéra. CHAPITRE VI. BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA Il n'a pas été publié jusqu'à présent de travail bibliographique complet sur le Phylloxéra. L'œuvre a été entreprise, il y a dix -sept ans, par MM. Planchon et Lichtenstein. Sous le titre de Faits acquis sur le Phyl- loxéra et Revue bibliographique (35e session du Congrès scientifique de France tenu à Montpellier en 1872), ces auteurs ont en effet publié un premier article qui devait être suivi de plusieurs autres ; mais, bien qu'on ne fût à cette époque qu'au début de l'invasion, ce travail approchait de 120 pages et n'a pas été continué. Songer à reprendre l'œuvre aujourd'hui serait vouloir entreprendre un énorme volume d'une utilité contestable, étant donnée Ja grande quantité de productions insensées, tout au moins sans aucune valeur, parmi lesquelles sont noyées les bonnes. Il est suffisant, croyons- nous, de signaler en quelques pages les princi- pales Notes ou Travaux publiés, ceux dans lesquels du moins ont pu être puisés quelques renseignements utiles. Pour établir ce chapitre bibliogra- phique, autant que possible en séparant le bon grain de l'ivraie, nous avons puisé à cinq sources principales : 1° Comptes rendus Acad. des Se. de Paris; 2° Faits acquis et Revue bibliographique (1872), par J.-É. Planchon et J. Lichtenstein; 3° Littérature générale œnologique, parE. Wagenmann (Annal, der Œnologie. Heidelberg, 1880) ;4° Monographie du Phylloxéra, par E. Delamotte (Alger, 1885), travail dans lequel 40 pages environ sont consacrées à la bibliographie; 5° Notes bibliographiques sur le Phyl- loxéra du Cours complet de Viticulture, par G. Foëx (1888). A ce dernier travail, outre de très nombreux documents concernant les vignes américaines, nous empruntons le plan, c'est-à-dire la division en travaux généraux et biologiques, lutte par les insecticides, les vignes américaines, etc. BIBLIOGRAPHIE DO PHYLLOXERA. I'i9 Travaux généraux et biologiques. Boyer de Fonscolombe ; Création du genre Phylloxéra et description du Phylloxéra guercûs (Ann. Soc. eut. de France, 1834), tom. III, pag. 222, pi. I, 6g. 4, 5 et 6, et même recueil (1841), pag. IDG. — Asa Fitch ; Description du Pemphigus vUifolii (Transactions of New- York Agricult. Society, 1854, pag. 862) . — Riley ; Le Pemphigus vUifolii (Prairie Farmer, 3 novembre et 8 décembre 18GG). — Dr Shimer ; Sur un nouveau genre d'Hémiptères, le Dactylosphxra vUifolii (Proceedings ot'tbe Acad. oi* nat. 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C'est là que, pour la première fois, le Phylloxéra, reconnu comme un Apbide, mais non déterminé, est signalé en France comme l'auteur de la maladie nouvelle. — Id., Sur une maladie de la vigne actuellement régnante en Provence (Comptes rendus de l' Acad. des Sciences de Paris, séance du 3 août 1868, pag. 333). C'est dans cette Note que l'insecte ravageur est décrit par M. Plancbon sous le nom de Rhizaphis vaslatrix. — F. Sahut; Lettre à M. Barrai sur la nouvelle maladie de la vigne, 23 juillet 1868. Journal de l'Agriculture, 5 août 1868, et Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1868, pag. 630). — Signoret ; Le Rhi- zaphis vaslatrix Plancbon doit être placé dans le genre Phylloxéra Boyer de Fonscolombe (Bull. Soc. eut. de France, 12 août et 23 septembre 1868. — J.-É. Planghon; Nouvelles observations sur le Phylloxéra, découverte de la forme ailée (Comptes rendus de l'Académie des Sciences 14 septembre 1868). — Id., Nouvelles observations sur le puceron de la vigne [Phylloxéra vaslatrix). Montpellier, P. Grollier, 1868. — Cb. Riley ; Grape vine leafgall (The American entomologist, Saint- Louis (Missouri), vol. I, 1868, pag. 248). — J. Lichtenstein ; Identité 150 BIBLIOGRAPHIE DU PHYLLOXERA. spécifique probable du Phylloxéra vastatrix Planchon et du Pemphigus vitifolii Fitch (Journal d'Insectologie agricole, 1er semestre 1869, pag. 65). — L. Laliman ; Nouvelle phase du Phylloxéra, découverte, fin juillet 1869, de la forme vivant dans les galles des feuilles (Bull. Soc. d'Agriculture et d'Horticulture de Vaucluse , 1869, pag. 254). — L. Vialla ; Rapport de la Commission des Agriculteurs de France sur la nouvelle maladie de la vigne (Bull, de la Soc. des Agr. de Fr., 1869, pag. 293-349). Ce Rapport a été reproduit par le Messager agricole du Midi, pag. 355. le Journal d'Agr. pratique et le Journal de V Agricul- ture, 1869. — Signoret ; Le Phylloxéra vastatrix (Ann. Soc. eut. de France, 1869. pag. 549-596).— Oh. Riley; The grape leaf gall louse Phylloxéra vitifolii Fitch (The American Entomologist and Botanist, vol. II, n°12, déc. 1870, pag. 354-359).— J.-É. Planchon et J. Lich- tenstein ; Première invasion du Phylloxéra dans V Hérault, a Lunel- Viel (Messager du Midi, 7 jullet 18i70). — Id., Identité des Phylloxéras Gallicole et Radicicole appuyée sur l'expérience (Comptes rendus Acad. des Se, 1er août 1870, pag. 298). Dans une note au bas de la page il est dit par les auteurs que les premiers Gallicoles ont été trouvés par eux à Sorgues (Vaucluse), le 11 juillet 1869. — Id., Des modes d'invasion des vignobles par le Phylloxéra (Messager agricole de Montpellier, 1870). — Id., Le Phylloxéra; Instructions pratiques. Montpellier, 1870. — Id.,Lc Phylloxéra de la vigne en Angleterre et en Irlande. Montpellier, 1871. — Id., Découverte en Amérique du Phylloxéra radicicole par M. 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Bien que l'importance de cet insecte soit nulle dans les cultures d'Eu- rope, où il ne se rencontre qu'accidentellement et fait à peine recoquiller quelques feuilles, nous devons en parler comme d'une espèce exclusivement ampélophage. Elle a été signalée dès le siècle dernier. Scopoli, l'auteur de ÏEntomo- logia Carniolica, parue en 1763, l'a décrite le premier et l'a citée comme attaquant les vignes en Autriche. Depuis, plusieurs naturalistes l'ont mentionnée : Fabricius, en 1775, en parle en ces termes : habitat in vine vinifera; Gmelin, naturaliste russe qui a publié en 1788 la treizième et dernière édition du Systema na tune de Linné, la cite également, et cet auteur passe même, à tort, pour le créateur de l'espèce. Depuis cette époque, on semblait ne plus avoir retrouvé l'insecte. Dunal ne le cite que d'après Gmelin, Vallot d'après Scopoli, ainsi que Kaltenbacb, qui l'a vainement cherché dans la vallée du Rbin. Dans sa Flora degli afiili, le professeur Passerini (de Païenne) dit de son côté ne l'avoir jamais vu. En 1882, Licbtenstein l'a rencontré, par hasard, aux environs de Mont- pellier, au domaine de Viviers cbez M. Pagezy, et il vint nous le montrer comme une rare et intéressante trouvaille. Une Note fut envoyée à l'Aca- démie des Sciences (1882, pag. 1500) . Avec les quelques lignes de descrip- tion reproduites, d'après Scopoli, par Vallot (Les ennemis de La vigne, pag. 311), ce sont les seuls travaux français où il soit fait mention de cet insecte. Il parait rare en deuors de la région oh il a été découvert (les environs de Trieste); il se trouve cependant çà et là et jusqu'en Amérique. Asa Fitcb le mentionne en effet dans une de ses Notes sur les Insectes de la vigneaux Étals-Unis, publiées de 1854 à \8ô9(Annual Report ofagri- cultural Societxj of New-York, 1859), et dont un extrait a été donné par 166 LE PUCERON VRAI DE LA VIGNE. M. le DrSignoret [Ann. Soc. entomol. de France, 1869, pag. 555). Serait- ce encore une espèce américaine introduite en Europe ? Licbtenstein le pensait, l'ayant trouvée sur le Jacquez. L'introduction daterait alors du siècle dernier ! DESCRIPTION ET BIOLOGIE. N'ayant à ma disposition ni YEntomologia Comiolica ni la Note d'Asa Fitch, n'ayant fait que voir l'insecte en 1882, je ne puis qu'en donner une brève description d'après Licbtenstein et Vallot. L'Aphis vitis est un puceron vr^i, c'est-à-dire un Aphide ayant les ailes inclinées en forme de toit et portant en dessus, à l'extrémité de l'abdomen, deux cornicules ou petits tubes servant d'écoulement à un liquide sucré sécrété par deux glandes appelées nectaires. La couleur du corps est vert foncé; les yeux, la queue et les cornicules sont noirs, celles-ci presque aussi longues que la queue. La forme larvaire est ovale, légèrement velue, et a également les yeux bruns. D'après Scopoli, ce puceron se tient sous les feuilles de la vigne dans l'Europe méridionale. Licbtenstein l'a trouvé à plusieurs reprises, sur les vrilles d'abord, puis sous les feuilles d'un Jacquez, ensuite sur l'Aramon ; sa présence lui a toujours été révélée par les allées et venues de nombreuses fourmis. Ces Hyménoptères, on le sait, sont très friands du liquide sécrété par les nectaires des pucerons. FAMILLE DES CICADELLIDES. Ces insectes, appelés en français Cicadelles ou petites cigales, sont des Hémiptères Homoptères ressemblant beaucoup aux Cigales par la forme, les ailes en toit, les tarses à trois articles, etc., mais plus petits, ne pro- duisant pas de bruit et n'ayant pas les élytres transparentes. Celles-ci ont généralement les mêmes teintes que le corps, qui est vert, jaune, rouge, parfois aussi gris et môme noir suivant les espèces. Les pieds postérieurs sont organisés pour le saut, et l'insecte est difficile à saisir autrement que par un procédé bien connu des entomologistes, le procédé du doigt mouillé. Le vol est prompt, rapide, et généralement succède au saut. Les antennes, de trois articles, sont terminées par une soie très fine; le bec naît tout à fait à la partie inférieure de la tête. L'état larvaire ressemble à la forme parfaite; ce n'est guère que par l'ab- sence d'ailes qu'il s'en distingue, et c'est là encore un caractère qui sépare ces insectes des Cigales vraies, aux larves souterraines si différentes de l'insecte ailé. LES CICADELLES DE LA VIGNE. 107 LES CICADELLES DE LA VIGNE Plusieurs Cicadelles paraissent causer des dommages sensibles à la vigne, non pas en France où le cas est l'exception, mais à l'étranger. Riley men- tionne comme telles aux États-Unis plusieurs espèces, et surtout ÏEry- throneura vitis, qui, se multipliant en masse certaines années, arrive à faire dessécher un grand nombre de feuilles et à nuire beaucoup à la plante. Les dégâts en France ne sont jamais considérables; mais il n'en n'est pas de même, paraît-il, en Algérie et surtout en Tunisie. On a signalé dans l'ancien Monde un certain nombre de Cicadelles comme ampélophages ; il y a eu sans doute des confusions, car le nombre de celles qui se trou- vent sûrement sur la vigne se réduit à trois : Typfilocyba flavescens Fabricius ; — viticola Targioni ; Penthimia atra Fabricius. A part ces trois espèces, on a cité souvent comme ampélophages deux Cicadelles qui ne se rencontrent pas sur la vigne, à notre connaissance: le Typhlocyba [Chlorita) viridula Fallermann et le Typhlocyba [Kybos] smaragdula Fallermann ou Typhlocyba viridipes Curtis. Le T. viridula vit sur les graminées de nos prairies et le T. smaragdula sur le saule. Il faut être spécialiste pour ne pas confondre entre elles ces petites Cica- delles vertes, identiques au premier abord. Toutes celles qui nous sont venues de divers côtés ont été soumises à M. Puton , toutes, sauf le Typhlo- cyba viticola de M. Targioni, que nous n'avons pas vu. Mais en disant que l'auteur italien est, lui aussi, une autorité en Hémiptères, nous validons par le fait cette espèce. I. — Typhlocyba flavescens Fabricius. Synonymie. — Chlorita flavescens Fabricius (Catal. Puton) ; Chlorita vitis Gothe, 1875. Cette petite Cicadellc verte fait partie, d'après M. Targioni, de la tribu des Typhlocy bides, du genre Typhlocyba, et, dans ce genre, de la coupe ou série des Ncurososli, c'est-à-dire des Typhlocyba ayant une nervure courant 168 LES CICADELLES DE LA VIGNE. parallèlement au bord extérieur des élytres, nervures sur laquelle se ren- contrent les nervures longitudinales, formant ainsi des cellules apicales fermées. D'après M. Puton, dont nous avons jusqu'à présent suivi la nomencla- ture, cette coupe correspond au genre Chlorita de Fieber et notre insecte devrait être appelé Chlorita flavescens; mais le nom de Typhlocy ba, adopté par M. Targioni, est celui sous lequel les petites Cicadelles vertes de la vigne ont été jusqu'à présent désignées en viticulture. Avec M. Targioni, nous faisons donc sur ce point infidélité au Catalogue Puton, et nous nom- mons notre Cicadelle Typhlocyba flavescens. A part les caractères génériques susnommés, on reconnaîtra le T. fla- vescens aux caractères suivants : Corps très allongé, 2mm,50 à 3mm,50 de long sur 0""",75 environ de large, d'un vert clair ou jaunâtre luisant, les yeux noirs, les élytres parfois striées de bandes claires, les pattes de même couleur, parfois d'un vert bleuâtre avec les ongles noirs. L'insecte parfait, autrement dit ailé, ne paraît guère que fin juin. Jusque- là, on ne trouve sur les vignes que des individus Aptères (larves) et d'autres ayant des moignons d'ailes (nymphes). Cette espèce est abondante dans toule l'Europe tempérée et sur la côte barbaresque, sur le poirier, le tilleul et la vigne. M. le Dr Populus (Gâtai. des Hémiptères de l'Yonne) la dit commune sur la pomme de terre et le sapin, M. Von Heyden sur le pin; elle est donc très répandue. Lichtenstein et Signoret, maintes fois consultés à son sujet par les viticulteurs, l'avaient à tort rapportée au Typhlocyba viridipcs de Curtis 1 , le Kybos smaragdulus du Catalogue Puton, insecte de taille double et vivant spécialement sur le saule. De là l'erreur commise par la plupart de ceux qui en ont parlé, entre autres M. Gastine, délégué officiel pour l'étude du Phylloxéra en Tunisie. Il le nomme ainsi dans son dernier Rapport (Bulletin du Minis- tère de V Agriculture, 1887), et parle de ravages sérieux exercés par cet insecte dans diverses localités de la Régence, entre autres à PEnfida. Étant personnellement en relations avec le directeur du célèbre domaine, M. Man- jiavaccbi, nous n'avons pas eu de peine à nous procurer le ravageur, qui nous a été obligeamment envoyé courrier par courrier. Les Cicadelles de l'Enfida, comme celles que nous avons reçues de Sélif et de Blidah, comme celles de Montpellier, soumises à M. Puton, se sont trouvées être des Typhlocyba flavescens ; les individus provenant de Barbarie semblent être toutefois un peu plus petits. En Tunisie, d'après le Rapport de M. Gastine, «certaines souches ont 1 Bush et Meissner; Calai, illustré et descr. des Vignes améric, pag. 51, LES CICADELLES DE LA VIGNE. 161) un aspect très fâcheux : les feuilles piquées au revers par ce petit insecte subissent des déformations considérables, elles sont boursoullées, roulées, sans perdre cependant leur couleur verte, et ces altérations occasionnent un véritable état de souffrance pour la plante, dont le développement s'arrête». Le Directeur de l'Enfida nous a confirmé ces détails, et des renseignements analogues nous sont venus de M. Chapelle, stagiaire agricole àSchuiggui, propriété de M. Leroy-Beaulieu, dans la vallée de Medjerdab. En France, et on peut dire en Europe, les dégâts sont insignifiants. Comme moyen de destruction contre les Cicadcllcs, beaucoup plus dan- gereuses en Amérique que chez nous, M. Riley parle du pulvérisateur avec des dissolutions de tabac ou de savon noir. Nous considérons ces moyens comme imprati- cables en grande culture. Nous serions plutôt d'avis d'employer l'entonnoir à Attises terminé par un sac (fig. 37), en faisant, comme pour ces petits Coléoptères sauteurs, dont nous parlerons avec détails, l'opération le matin, avant que l'ennemi ait été réchauffé par le soleil. Fl9- 37.— Entonnoir a r Attises. Après avoir fait pénétrer le pied de la souche dans l'échancrure de l'entonnoir, on frappe les bras de la vigne avec un bâton, et les insectes tombent dans le sac qui termine l'entonnoir. II. — Typhlocyba viticola Targioni. Comme nous l'avons dit, nous n'avons pas vu cette Cicadelle et nous ne ferons que reproduire la description de M. Targioni' . « Cette espèce appartient aux Typhlocyba du groupe des Tetrancuri, c'est-à-dire des espèces qui ont quatre nervures terminales aux élytres, les nervures longitudinales libres, unies entre elles par des nervures transversales. La cellule apicale est triangulaire, une fois et demie plus longue que large. Les nervures terminales sont parallèles. La troisième cellule terminale, à peine plus large que la seconde à sa base, et là encore plus étroite que la quatrième, qui, par suite de la convergence de la troisième nervure avec Je bord interne-postérieur, est resserrée vers le sommet. Le corps est entièrement d'un jaune verdâtre clair, ainsi que les membres. «Autant qu'on puisse comparer cette espèce, à cause de sa couleur, au Typhlocyba rosse ou aux T.Coryli et T. candidu la, qui lui sont plus voisins, 1 Targioni-Tozzetti ; Relazione delta Stazionc di Entom. agraria di Firenze, pag. 402 (Annali di Agricottvra, 1888). 170 LES C1CADELLES DE LA VIGNE. elle en diffère pat' la forme de la première cellule des él ytres, qui n'est pas plus grande que la deuxième et la quatrième. Elle diffère également des T. Hyperici H. S. et T. blandula Rossi par la troisième cellule, qui n'est pas plus étroite d'un tiers ou de la moitié que la quatrième, mais qui en diffère à peine. »La nymphe, moins jaune, d'un vert plus tranché que l'insecte parfait, a les spinules sétiformes des jambes postérieures à peine indiquées. L'abdo- men est en triangle allongé, nettement segmenté, et chacun de ses segments porte deux longues soies spiniformes inclinées vers l'arrière. «Cette forme a été trouvée assez fréquemment dans les vignes de l'île de Pianosa et par nous-même près de Porto San Stefano, au mois de juillet. On n'a pas signalé de dommages occasionnés par elle.» III. — Penthimia atra Fabricius. Synonymie. — Cercopis nigra Goéze 1778; C. sethiops Schrank 1781 ; Cercopis atra Fabricius; C. sanguinicollis (var.) Fabricius, 1794; Cicada hœmorrhoa Panzer; C. Thoracica Panzer, 1794; Cercopis castanea Gmelin; C. biguttata Gmelin, 1788; Penthimia atra German, 1830; Penthimia atra Audouin, 1842. Cette Cicadelle, signalée depuis le siècle dernier sur la vigne, a été, comm e l'indique la longueur de sa synonymie, étudiée par beaucoup d'auteurs. La disposition des couleurs varie et môme la teinte générale du corps, qui d'babitude est noire, et c'est ce qui fait que le môme auteur a décrit comme espèces distinctes de simples variétés ; Audouin, qui ne connaissait pas d'autre cicadelle sur la vigne, en a donné une bonne description ainsi qu'une bonne figure. Le genre Penthimia ne comprend en Europe que cette seule espèce. Comparée aux deux cicadelles pré- cédentes, elle s'en distingue par sa forme courte et élargie; ce qui la fait placer de suite dans une autre tribu que les T>,pblocybides, celle des Tettigonides (fig.38). Le corps, long d'environ de cinq millim. et large Fig. 38. — Penlhi- de trois, est en général d'un noir brillant ; la tête noire, mia atra. . . ... . large, avec un chaperon saillant, est fortement recour- bée latéralement en arrière, ce qui lui donne la forme d'un croissant; les antennes sont insérées dans une fossette sous le bord proéminent du cha- peron. Le prothorax rouge, avec le bord antérieur noir, est souvent traversé longitudinalemeut par uue large bande uoire qui s'élargit parfois à tel LES CICADELLES DE LA VIGNE. 171 point que tout le prothorax est noir. Les élytres, plus larges à l'extrémité qu'à la base, sont tantôt noires, tantôt rouges, tantôt jaspées de rouge et de noir. Le dessous du corps est d'ordinaire entièrement noir, parfois cependant l'abdomen est rouge. Les pattes sont longues, surtout les posté- rieures, servant au saut ; les tibias postérieurs, très arqués, offrent une double rangée d'épines aiguës. La forme larvaire, plus aplatie que l'insecte parfait, est généralement de couleur rousse. Audouin a observé cet insecte dans les vignes du Maçonnais; nous l'avons trouvé à Lyon, à Valence, et nous l'avons reçu de Toulouse et d'Avignon. Nous ne l'avons rencontré qu'une fois sur la vigne dans l'Hé- rault, à Valflaunès (canton de Claret) ; mais çà et là nous l'avons vu sur le chêne. Il est généralement plus commun dans le Nord que dans le Midi. Nulle part nous ne l'avons vu exercer des dégâts sérieux. Il est polypbage et vit souvent dans une région sur divers buissons, tels que les jeunes taillis de chêne, sans attaquer la vigne. S'il se multipliait outre mesure, on pourrait le chasser le matin comme les autres espèces au moyen de l'entonnoir a altise et avec un succès plus certain, l'insecte étant plus gros, plus lourd, partant moins agile. FAMILLE DES FULGORIDES. Hysteropterum grylloides Fabricius. Synonymie: Hysteropterum flavescens Olivier. La famille des Fulgorides, dont les Hysteropterum font parlie, renferme les insectes, aux formes bizarres, bien connus sous le nom de Fulgores porte-lanternes, porte-chandelles, etc., espèces presque toutes exotiques. Les Fulgorides, intermédiaires entre les Cicadelles et les Cigales, ayant, comme ces deux groupes, les tarses à trois articles, peuvent se distinguer de suite par la tête souvent pourvue de grands appendices, en tout cas garnie de crêtes saillantes; l'abdomen est parfois couvert d'une poussière cireuse analogue à la sécrétion dont nous avons parlé à propos des Coche- nilles et des Pucerons. Nous n'avons guère en Europe que les représen- tants dégradés de ce groupe. Le genre Hysteropterum, le seul dont nous ayons à parler, est un des plus nombreux dans la zone tempérée; il se compose d'une trentaine d'es- pèces environ. Ce sont des insectes assez petits, sautant comme les Cica- delles et souvent confondus avec ce'les-ci. L'espèce qui nous occupe doit être citée parmi les ampélopbages, non 172 LES CICADELLES DE LA VIGNE. pas à cause des dommages qu'elle occasionne, dommages insignifiants, mais à cause de tout le bruit qui a été fait sur son compte ces années dernières. MM. Blanchard, membre de l'Institut, professeur au Muséum et à l'In- stitut agronomique ; Ferez, professeur à la Faculté des Sciences de Bor- deaux, et Lichtenstein, ont été en effet consultés à plusieurs reprises, ainsi que nous-mème, concernant des petites coques à aspect terreux remplies d'œufs, ayant de 3 à 5 millim. de long sur 2 à 3 de large, et qui se trouvent fréquemment en hiver sur le tronc et les bras de la vigne, ainsi que sur les troncs d'arbres voisins. Divers viticulteurs avaient cru trouver là un nouvel ennemi de la vigne, d'autres y avaient vu des œufs d'hiver du Phylloxéra, d'autres enfin en avaient vu sortir des Phylloxéras ailés. D'après les diverses Notes publiées à ce sujet [Comptes rendus de l'In- stitut, Messager agricole de Montpellier, etc.), ces petites coques terreuses seraient construites par l'espèce qui nous occupe. « Elles contiennent chacune, dit Lichtenstein », huit à dix petites loges rangées symétriquement sur deux lignes parallèles, dans lesquelles sont en- châssés de petits œufs d'un rose pâle placés bouts à bouts sur deux rangs. «Ces œufs ont 0mm,60 de long sur 0mm,20 de large. Après avoir passé l'hiver sans changement, ces œufs éclosent fin mars et donnent naissance à de petites larves de Cicadelles d'un gris jaunâtre avec les yeux rouges. »Cet insecte pique les feuilles de la vigne et d'une foule d'autres arbres, mais sans faire beaucoup de mal. En tout cas, il n'y a pas le moindre rap- port entre cet insecte même jeune et le Phylloxéra. Ces coques ont existé de tout temps et sont très communes sur tous les arbres. »Ce qui peut avoir fait croire encore à ceux qui ne sont pas entomolo- gistes que le Phylloxéra naissait de ces œufs, et même tout ailé, c'est que, malgré leur petitesse, ces œufs ne sont pas à l'abri des parasites. En effet, dans ces coques deOmm,60 vit et se développe un minuscule Hyménoptère qui est peut-être le pygmée de tout l'ordre. »I1 est noir, à pieds jaunes en partie, et ne mesure guère que 0mm, 44 à 55; il est donc plus petit de beaucoup que le Phylloxéra ailé.» Lichtenstein range à tort l'insecte dans les Cicadelles, et lui donne à tort aussi le nom cVHysteroptcrum apterum. M. Blanchard est tombé dans la même erreur. Nous répétons, avec tous les auteurs, qu'il doit être rangé auprès des Fulgores, mais nous dirons de plus que s'il se trouve souvent sur la vigne, ce qui est vrai, il n'est pas absolument certain qu'il soit l'auteur 1 Lichtenstein ; Messager agricole du Midi, 1880, pag. 205. LES CICADELLES DE LA VIGNE. 173 des coques terreuses dont nous avons parlé. On ne l'a jamais observé les construisant, et les jeunes obtenus n'ont pas été élevés. « La matière granuleuse qui les compose, dit M. Blanchard ', est sans doute une sécrétion et non de la terre. » Nous pouvons affirmer que cette matière est positivement terreuse. En présence d'un acide, la réaction est nulle sur les coques reçues des pays siliceux, tels que le Médoc, énergique au contraire sur les coques provenant du territoire calcaire de Montpellier. Comment un insecte muni d'un rostre suceur peut-il con- fectionner un nid terreux? C'est ce qu'il est difficile d'expliquer. Nous faisons donc nos réserves en ce qui concerne l'auteur de ces coques. Il y a toutefois une présomption en faveur de l'hypothèse de Lichtenstein, qui le premier a attribué les nids terreux à noire Fulgoride: c'est que la fréquence de ces nids coïncide généralement avec celle de l'insecte. Celui- ci, très commun dans le Sud-Ouest, est moins répandu en Languedoc; il en est de môme des coques terreuses. Que VHysleropterum soit ou non l'auteur de ces nids, il vit souvent sur la vigne; nous en donnerons donc la description suivante : Corps court, épais, 5 millim. environ de long sur 3 de large, de couleur rousse ou feuille morte; la tête large et saillante, surtout à cause du déve- loppement hémisphérique des yeux et du vertex qui est carré, séparé du front et des joues par une carène élevée ; \q prothorax très court avançant en pointe obtuse sur le vertex, le mésothorax fortement prolongé en pointe en arrière ; les élytres très inclinées en forme de toit, plus larges à leur sommet qu'à leur base, recouvrant des ailes inférieures à demi avortées, donnent au corps, vu de profil, une hauteur considérable, 2mm,50 à 3 millim. L'insecte, ne pouvant pas voler, saute, et les pieds postérieurs sont orga- nisés pour cela; les tibias, très développés, en triangle allongé, sont garnis de nombreuses épines à l'extrémité. Cet insecte a été souvent confondu2 avec Y Hysteropterum apterum aux ailes inférieures entièrement avortées, espèce du sud extrême de l'Europe et de la Barbarie, et qui d'après M. Puton n'a jamais été trouvé en France. 1 Emile Blanchard ; Sur les juntes de l'Hysteropterum aplerum (Comptes rendus Acad. des Sciences, 1er semestre 1880, pag. 1103). - Spinola ; Ann. Soc. entom. de France, 1839, pag. 3G2. 174 LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. FAMILLE DES CICADIDES» Le caractère principal de ces Hémiptères Homoptères consiste dans un appareil stridulaut placé en dessous du corps, appareil compliqué2 man- quant souvent chez les femelles. Leur taille est généralement grande. On en connaît environ 400 espèces répandues dans les régions chaudes et tempérées des deux hémisphères. La faune circaméditerranéenne en compte environ une vingtaine d'espèces que l'on pourrait, à la rigueur, comprendre dans le genre Cicada. LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE Les Cigales, peu nuisibles dans nos régions, occasionnent, parait-il, en Orient de sérieux dommages à la vigne. A plusieurs reprises, on a signalé 1 Bibliographie. — Mentzel ; De Cicadis et aliis insectis canoris et primo de Cicada Bononiensi (Eph. Acad. nat. curios., 1688. — Pontedera ; De Cicada in epistota ad Sherardum (Compend. tabular. Botanicum Patavii, 1718. — De Réaumur ; Mémoires, tom. V, 1740. — Westwood ; An Introduction to the modem classification of Insects, tom. II, 1840, pag. 421. — Amyot et Audinet Serville ; Hist. nalur. des Insectes hémiptères, 1843, pag. 477. — E. Blan- chard; Métamorphoses, mœurs et instincts des Insectes, 1868, pag. 620. — "Willam Harris ; A treatise on some of the Insects of New-England, wich are injurions to végétation. Cambridge, 18 42 r pag. 172. — Mis Morris ; Re- marks on the larva of the Cicada septemdecim (Proceed. Acad. nat. Se. of Phi- ladelphia, tom. III, 1846-47, pag. 122. — Asa Fitch ; First an second Report on the noxious, bénéficiai and other Insects of the State New-York. Albany. 1856, pag. 144. — Lepori ; Nuove ricerche anat. et fisiolog. sopra l'organo sonoro délie Cicale (Bull. Soc. eut. ital., 1869, pag. 221. — Ch. Riley ; First annuai Report on the noxious, bénéficiai and other Insects of the State of Mis- souri, Jefferson city, 1869, pag. 22. — Id. ; The Periodical Cicada (Missouri entomol. Reports. Report I, 1869, pag. 18; Report IV, 1872, pag. 30, et Départ, of Agricult., Bulletin 8. Washington 1885. — Packard ; Third annuai Report on the injurious and bénéficiai Insects of Massachusetts. Salem, 1873, pag. 119. — Carlet ; Mémoire sur l'appareil musical de la Cigale (Ann. Se. natur., 1877. — Kunckel d'Herculais ; Dispositions particulières des pattes chez les nym- phes des Cicada (Ann. Soc. ent. de France, 1880, pag. 358). 2 G. Carlet ; Mémoire sur l'appareil musical de la Cigale [Ann. Se. nat. Zool., 6e série, tom. V, 1877). LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. 175 leurs dégâts en Perse, en Asie-Mineure, et plus récemment M. Gennadius, d'Athènes, a parlé de ceux qu'elles exercent dans l'Archipel grec, spéciale- ment dans les îles de Paros et de Naxos. C'est à ce titre que nous les com- prenons dans les ampélophagcs d'Europe; Riley et d'autres entomologistes américains les ont, de leur côté, signalées comme nuisibles aux arbres frui- tiers aux Etats-Unis. Ces insectes sont bien connus de toutes les populations méridionales, et nous n'aurions pas à décrire avec détails ces gros Hémiptères, si bruyants pendant les mois d'été, si aux environs de Paris, où ils n'existent pas, ils n'étaient confondus avec la grande sauterelle verte (Locusta viridissîma) . Celle-ci est un Orthoptère au corps allongé, de couleur vert clair, y com- pris les ailes, à la bouche broyeuse, généralement carnassier, aux longues antennes filiformes, àl'oviscapte en forme de sabre, et qui n'a, en un mot, aucun rapport avec les Cigales. On reconnaîtra ces dernières à leurs corps épais, à leur tête large et courte portant deux gros yeux composés et trois ocelles, à leur bouche suceuse, à leurs antennes courtes, de sept articles, à leurs ailes membra- neuses, du moins dans les espèces d'Europe; enfin à l'appareil musical bruyant placé sous l'abdomen du mâle. Les femelles sont munies d'un oviscapte ou tarière1 à l'aide de laquelle elles percent les bois tendres, surtout ceux qui ont de la moelle, pour y déposer leurs œufs qui écloront avant l'automne. La larve qui en sort, longue de 1 et demi à 2 millim., au corps blanc allongé et garni de quelques longs poils, ne tarde pas à s'enfoncer dans le sol pour s'y nourrir de racines. Au bout de quelque temps de séjour dans ce nouveau milieu, sans doute après une ou plusieurs mues, ces larves ont changé de forme, elles sont devenues trapues, à corps glabre, de couleur rousse ou testacée. La tête, triangulaire, aveugle, la place des yeux seule- ment indiquée, porte des antennes de huit articles. Le thorax, bien distinct de l'abdomen dans sa partie prothoracique, l'est moins dans le mésothorax et presque pas dans le métathorax. \u abdomen, court, gros, comme ballonné, est composé de neuf segments. Les pattes de devant sont remarquablement organisées pour le travail souterrain qu'elles ont à accomplir. La cuisse et le tibia aux bords tranchants, armés, la première surtout, de fortes dents ou épines, fonctionnent l'un contre l'autre comme des tenailles, ce qui permet à l'insecte d'entailler les sols les plus compacts. Il ri y a pas de 1 Pour la description de la tarière des Cigales, appareil perforant compliqué, voir Maurice Girard ; Traité élémentaire d'Entomologie, vol. III, pag. 851. X 176 LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. tarse l, et cependant on trouve cette partie de la patte chez la nymphe et chez l'insecte parfait. Ces larves, parfois très abondantes dans les vignes, n'y produisent pas, nous l'avons dit, de dommages appréciables chez nous. « En Bourgogne, dit M. André, leur action malfaisante n'est pas absolument démontrée.)) Il en est de môme dans le midi de la France, et d'après M. Targionien Italie; il faut aller en Grèce pour les trouver nuisibles. Cette innocuité presque générale peut s'expliquer, soit par la préférence marquée qu'elles ont pour les racines de graminées croissant dans les vignes, soit par leur peu de voracité. Le rostre, assez court, ne pénètre que superficiellement dans le paren- chyme cortical, et, d'après M. Riley, l'insecte ne ferait que sucer la légère exsudation de sucs produite par sa piqûre. La lenteur dans le développe- ment est une preuve à l'appui de cette théorie. Les cigales d'Europe appa- raissant chaque année en nombre à peu près égal, n'étant pas, en un mot, périodiques comme celles d'Amérique, on ue sait pas au juste combien elles mettent d'années pour atteindre l'état parfait, mais à coup sûr elles en mettent plusieurs. Aux États-Unis, l'apparition de certaines espèces étant périodique, il y a les années à cigales, et le temps qui s'écoule entre deu> apparitions est celui que l'insecte passe à l'état de larve. Dans notre Intro- duction, nous avons cité, d'après Riley, la Cicada trydecim et la Cicada septemdecim, qui passent, l'une treize ans, l'autre dix-sept ans à l'état de larves. Cette lenteur de croissance vraiment extraordinaire prouve bien que, sous sa forme larvaire, l'insecte se nourrit peu. Lanymp/ie, comme forme, tient le milieu entre la larveet l'insecte parfait. Les yeux, très gros, font saillie latéralement; le thorax, dans ses segments antérieurs et médians du moins, a pris un grand accroissement, et latérale- ment, partant des méso et métathorax, on voit les quatre moignons d'ailes appliqués contre Yabdomen ; celui-ci est beaucoup moins volumineux en proportion que chez la larve. Comme chez celle-ci, nous trouvons les pieds 1 Nous ne voyons relaté par aucun auteur ce manque de tarse au pied antérieur de la larve. Dans un article cité dans notre note bibliographique, M. Kunckel d'Herculais, parlant du tarse de la nymphe logé dans un sillon, en dessous du tibia, dit que telle est aussi la disposition du tarse chez la larve. Dans la série de larves de Cicada atra que nous avons sous les yeux, aucune n'a de tarse ; le sillon du tibia, si remarquable chez la nymphe, est remplacé chez ces larves par une saillie allongée. On dirait que le tarse est en réalité présent dans son sillon, mais à l'état d'ébauche sous la cuticule épaisse qui recouvre le membre. Pour nous, au moment de la transformation en nymphe, le tarse dégagé de ses langes apparaît brusquement à la place où le tibia de la larve présentait sa saillie allongée. LES CIGALES NUÎSIBLÉS A LA Vl&NË. 177 antérieurs organisés pour creuser les sols les plus durs, avec les mômes formes de la cuisse et du tibia; mais par une disposition curieuse, observée par M. Kunckel d'IIerculais, le tibia est muni en dessous d'un tarse replie dans un sillon qui l'abrite pendant que le membre fouille le sol. Ce tarse ne sort définitivement de cette sorte d'étui que lorsque la nymphe quitte le sol pour se transformer en insecte ailé. L'état de nymphe dure un temps plus ou moins long, deux ou trois mois, suivant l'avance ou le retard des chaleurs. Sous cette forme, l'insecte se nourrit comme la larve et prend même un certain accroissement. La sortie du sol, qui se fait généralement fin juin dans la région de l'olivier, est provoquée par une continuité de jours chauds suffisante pour échauffer le sol à une certaine profondeur et l'apparition de tous les individus d'une même espèce est presque simultanée. Les nymphes quittent le sol au lever du soleil, montentà un arbre ou à un objet quelconque, de préférence en bois, s'y fixent solidement au moyen des épines dont leurs pieds sont armés, et, la partie dorsale de leur cuticule s'étant fendue sur la tête et le thorax, l'insecte parfait en sort. Il est alors d'une couleur verdâtre qui peu à peu tourne au brun. Les quatre ailes, tout d'abord chiffonnées, dirigées vers le bas, s'étendent assez rapidement par un mécanisme analogue à celui que nous avons décrit à propos du Phylloxéra ailé, et avant le milieu du jour l'insecte a pris son vol. La dépouille très solide de la nymphe reste fixée à l'arbre, parfois jusqu'à l'année suivante. Sous leur forme parfaite, les cigales ne vivent guère que quelques semaines, le temps de s'accoupler et de pondre. Elles mangent moins encore que sous leurs premiers états. Les mâles même, d'après M. Oarlet, vivent le plus souvent sur leurs réserves graisseuses, sans plonger, comme les femelles, leur rostre dans les pousses vertes des arbres. Du matin au soir pendant les journées de grand soleil, et même la nuit tombée si le temps est chaud et la lune pleine, ils font vibrer leur organe sonore pour attirer les femelles. L'accouplement opéré, les mâles meurent et les femelles déposent leurs œufs dans les bois à moelle, comme nous l'avons dit. Réaumur est le pre- mier qui ait observé et figuré ces pontes de cigales. Les sarments de vigne morts ou malades, surtout les extrémités sèches des plantiers de l'année, sont souvent ainsi piqués de trous semblant faits avec une pointe mal ellilée qui aurait grossièrement déchiré et traversé l'écorce. Maintes fois on nous a envoyé de ces bouts de sarments comme attaqués par un nouvel en- nemi de la vigne. Si avant l'éclosiou, qui se fait à la fin de l'été, on fend le bois, on trouve au fond de chacun de ces trous, pratiqués jusque dans la moelle, un œuf 12 178. LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. blanchâtre, long de 2 millira. environ, très allongé, qui donnera naissance à la jeune larve. Les cigales se trouvent principalement dans les terres de consistance moyenne, profondes et pas trop humides ; les sols pierreux et sans épais- seur, ainsi que les terrains très compacts, ceux qui sont sablonneux ou irrigués, en ont peu. Les quatre espèces suivantes se rencontrent abon- damment dans les vignes du midi de l'Europe : Cicada alra, C. hœmalodes, C. plebeja, et C. orni. I. — Cicada (Cicadatra) atra Olivier. Celte petite espèce entièrement noire, sauf quelques taches jaunes sur le thorax, appelée en français la petite cigale noire ou le cigalon, ne dépasse pas, les ailes comprises, 22 à 25 millim. Elle est propre à la région de l'o- livier. Bien que ce soit une des cigales les moins faciles à observer, à cause de sa petite taille et de son vol rapide, elle paraît assez répandue. C'est une de celles qui placent le plus souvent leurs œufs dans les bouts de sarments de vigne. Nous les avons également trouvés dans le mûrier. II — Cicada (Tibicena) hœmatodes Scopoli. C'est l'espèce dont l'aire géographique est la plus étendue, celle qui monte le plus au Nord, la cigale des vignes de Bourgogne (André, pag. 172). Elle est de toute la région de l'Ouest, au sud de la Loire, où elle est plus abon- dante que dans le Midi ; à l'Est, elle ne dépasse guère le plateau de Lan- gres. On la rencontre cependant dans quelques localités plus au Nord, dans la vallée de l'Yonne par exemple, et même dans la Seine-et-Marne, à Fon- tainebleau. On la reconnaît sans peine aux taches de son prothorax, aux nervures de ses ailes et à ses pieds rouges, ainsi qu'au liséré de même cou- leur qui borde postérieurement chaque anneau de l'abdomen. Sa taille est d'environ 4 centim. de long. Son nom français est la cigale sanglante ou la cigale à anneaux rouges . III. — Cicada plebeja Sgopoli. La cigale plébéienne, répandue dans tout le sud de l'Europe, ne remonte pas en France aussi haut que la précédente. Dans la vallée du Rbône, elle ne dépasse pas Lyon et Grenoble, où déjà elle est moins commune que dans la région de l'olivier. Elle appartient au genre Cicada proprement dit, c'est-à-dire au groupe dont les timbales sont entièrement recouvertes. C'est LES CIGALES NUISIBLES A LA VIGNE. • 170 la plus grande et la plus commune des quatre espèces, et elle a jusqu'à 5 centim. de long sur 1 et demi de large; le corps est noir en dessus et en partie jaune en dessous, avec le prothorax bordé de jaune en arrière ainsi que le bord externe des ailes supérieures. IV. — Gicada (Tettigia) orni Linné. Espèce de moyenne taille, 3 a -i centim., et propre à la région de l'oli- vier. Elle est caractérisée par son corps brun tacbelé de jaune et revêtu de poils blancs et par les onze points bruns que porte chacune des deux ailes antérieures. Son nom français est cigale du frêne. Ces deux dernières espèces sont celles qui en Orient et surtout dans l'Archipel grec nuisent à la vigne. D'après M. Gennadius, qui nous a transmis quelques détails à ce sujet, les dommages seraient assez impor- tants, sans doute à cause de la plus grande sécheresse du pays, qui, suppri- mant toute végétation herbacée entre les souches pendant l'été, force les larves de cigales à se nourrir exclusivement des racines de la vigne1. Comme remède, les vignerons du pays sèment à l'automne de l'crge entre les rangées de souches ; les larves de cigales se rendent en grand nombre aux racines de cette graminée, ce qui permet d'en détruire beaucoup sur un même poiut par un labour. Ce serait le cas d'employer les poulaillers roulants, usités dans le nord de la France contre les vers blancs du han- neton, et dont nous parlerons à propos de cet insecte. 1 Dins une Note publiée par M. Leprieur [Bull. Soc. ent. de France, 1877. pag. 83), il est dit qu'eu Perse les Cigales sont également très nuisibles à la vigne, et qu'aux environs de Téhéran on est obligé' parfois d'arracher la vigne, dout les racines sont complètement détruites par les larves de ces insectes. CHAPITRE VIII. SOUS-ORDRE DES HETEROPTERES. Dans nos généralités sur l'ordre des Hémiptères, nous avons dit que les Hétéroptères (hkpoç dissemblable, nrepov aile) appelés vulgairement punaises étaient caractérisés par les ailes supérieures à demi transparentes et que la plupart des espèces citées par beaucoup d'auteurs comme nuisibles aux vignes ne se trouvent qu'accidentellement sur cette plante, occasionnant çà et là quelques dégâts, dans des circonstances particulières. La liste complète des punaises signalées sur la vigne peut se dresser comme suit : Lopus sulcalus Fieber, Pyrrhocoris aplerus Linné, Camptotelus minutus Jakowlefï, Nysius senecionis Schiller, Eurydema oleraccum Linné et Sehirus bicolor Linné. De ces six. espèces, nous n'en voyons qu'une, le Lopus sulcalus Fieber, qui soit connue des vignerons, qui puisse occasionner de sérieux dommages, et sur celle-là seule nous nous étendrons longuement. Les autres seront simplement citées avec quelques mots explicatifs. LA GRISETTE DE LA VIGNE ' [Lopus sulcalus Fieber). Cette petite punaise grise et jaune, bien connue des vignerons de l'Yonne sous le nom de Griselie et de ceux du bord du Cber sous celui de 1 Bibliographie. — Hahn ; Die Wanzenartigen Itisectcn. Band I. Nùrnberg, 1831. — Fieber; Die Europaischen HemipUra. Wien, 1861. — Dr Populus ; Bull. Soc. des Sciences de l'Yonne, 18G7. — Id. ; Catalogue des Hémiptères de l'Yonne, 1873. — Id. ; Petites nouv. EntomoL, 1er juillet 1875. — Dr Puton ; Catalogue des Hémiptères d'Europe, 1870, lre édit. ; 188C, 1" édit, — Lesne ; I-A G RISETTE DE LA VIGNE. 181 Margolle, a été ces années dernières, dans les journaux agricoles et même politiques, l'objet d'un grand nombre d'articles où la confusion la plus complète règne sur le nom scientifique qui doit lui être attribué. L'insecte appartient à la famille des Capsides, qui renferme de nom- breuses petites punaises des cbamps au corps allongé, ne manquant pas d élégance dans les formes et la disposition des couleurs. Ces Hémiptères sont abondants pendant l'été sur nos haies et dans nos prairies, vivant du suc des pousses tendres, souvent même du nectar des fleurs. Gomment se fait-il qu'une espèce de ce groupe devienne, dans certaines régions et dans des circonstances particulières, un ampélopbage assez sérieux pour être connu et redouté de tous les vignerons ? Nous avons suffisamment expliqué dans notre Introduction les causes qui font de la vigne cultivée un végétal attirant les insectes omnivores, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. I. — HISTORIQUE. Le genre Lopus a été créé par Habn en 1831 et le L. sulcatus décrit par Fieber en 1861 . L'insecte a commencé à faire parler de lui comme ampélopbage en 1860. Sans que l'espèce fût encore bien déterminée, M. le Dr Populus (d'Auxerre) l'avait observée sur la vigne à cette époque et il la sigualait sous son vrai nom, en 1867, dans le Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne. De nouveau il la citait, en 1873, comme attaquant la vigne, dans son Catalogue des Hémiptères de l'Yonne, et, en 1875, dans une Note pu- bliée par les Petites nouvelles enlomologiques de Paris (aujourd'hui le Naturaliste). Dans ce dernier document, les dégâts sont indiqués comme « assez sérieux dans les vignobles de Coulange la Vineuse (Yonne) ». En 1884 et 1885 paraissaient, dans \z Journal d'Agriculture pratique, une série d'articles signés Lesne et Dr Patrigeon, où. sont relatées de très bonnes observations sur les mœurs de l'insecte, mais où le nom scientifique, mal établi, se trouve ballotté entre trois déterminations dont aucune n'est la bonne. L'espèce a été en effet présentée d'abord par M. Lesne sous le nom de Calocaris, puis par le Dr Patrigeon sous celui de Phijtocoris gothicus et définitivement sous le nom encore erroné de Lopus albomarginatus. Cette Journal d'Agriculture pratique, 1S84.— Zoilo Espejo ; Bull, de l Association des Agricult. d'Espagne, 1884.— Dr Patrigeon ; Journal d'Agric. pratique, 188! et 1885, et Librairie de la Maison rustique. — Id.; Comptes rendue Acad. des Sciences, 23 juin 1884 et 27 avril 1885. — Fabien Rapin ; Journal d'Agr. pratique, 1885, tom. , pag. 486. 182 LA GRISE! TE DE LA VIGNE. dernière espèce ' existant réellement dans le Catalogue des Hémiptères d'Europe et étant répandue dans toute la France, on s'était demandé un moment si l'on n'avait pas affaire à un autre ennemi que celui signalé dès 1860 par le Dr Populus. Cette réserve faite, réserve nécessaire pour éclairer la question, nous dirons que les articles de M. le Dr Patrigeon sont excellents et que, n'ayant pu observer nous-méme l'insecte sur la vigne en Languedoc, nous aurons à y puiser largement. Pour ramener l'espèce à son vrai nom, nous n'avons eu qu'à remonter aux notes du Dr Populus et à consulter, comme pour les autres Hémi- ptères litigieux, M. le Dr Puton, possesseur des types sur lesquels Fieber a créé son espèce. En 1884, du reste, M. Zoilo d'Espejo, professeur à l'Institut agricole de Madrid, a de son côté rapporté l'espèce ampélo- pbage, commune en Espagne, parait-il, au Lopus sulcatus de Fieber. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. La famille des Capsides et en particulier le genre Lopus se composent d'insectes élégants, au corps allongé, aux téguments mous, aux pieds et aux antennes longs et fragiles. La couleur est généralement claire, jaune, verte, rouge ou grise, parfois brune, mais bariolée des teintes précédentes. Les pieds portent trois articles aux tarses ; les antennes sétiformes, avec le second article plus long et parfois plus épais, peuvent atteindre et même dépasser la longueur du corps. Les yeux simples ou ocelles font défaut. Le rostre appliqué contre le tborax n'en dépasse pas l'extrémité. Les ély- trcs présentent un pli parallèle au bord qui regarde l'écusson ; ce pli isole une aire spéciale en forme de trapèze allongé qui constitue la pièce appelée clavus ; l'autre portion coriace, la p'.us grande, forme un triangle {corium). Le prolongement transparent de l'élytre constitue la membrane. Oïi remar- que sur celle-ci une nervure arquée, elliptique, qui part du bord du corium et qui y retourne. Parfois cbez les femelles les ailes inférieures manquent; dans ce eus, la membrane manque également. Comme chez tous les Hémiptères Hétéroptères, les métamorphoses de 1 Le Lopus albomarginatus Kahn, bieu différent du L. sulcatus, est très commun en France en Espagne et en Algérie. Il n'a jamais, à notre connaissance, été signalé sur la vigne. En Languedoc, il abonde dans toutes les prairies, sur diverses plantes et également sur les coteaux secs, principalement sur l'Aspho- dèle. Même remarque a été faite en Espagne par M. Puton, qui dans les Vosges le trouve surtout sur les Chrysanthèmes. LA GRISETTE DE LA VIGNE. 183 notre espèce se réduisent à peu près à des changements de peau. Entre les divers états, la différence la plus grande est dans l'absence d'ailes chez la larve, la présence d'ailes rudinientaires chez la nymphe et le déve- loppement complet de celles-ci chez la l'orme parfaite. Œufs. — D'après le Dr Patrigeon, l'œuf, long d'un peu moins de 2 mill. et large d'un tiers de millimètre, affecte la forme d'un ovoïde allongé, légè- rement recourbé à ses extrémités ; il est d'un blanc nacré au moment de la ponte. Celle-ci se fait vers la fin de juin, surtout dans les fissures des échalas, et les œufs n'éclosent que neuf mois après, c'est-à-dire fin mars ou première quinzaine d'avril. D'après le Dr Populus, qui dans l'Yonne a également observé la ponte dans les échalas, celle-ci se fait aussi dans la moelle des Arcelots, bouts de sarment qui se dessèchent entre la section de la taille et le bourgeon, au- trement dit le bois de deux ans ou crossette dont nous avons parlé à propos de l'œuf d'hiver du Phylloxéra. Blanc d'abord, Vœuf avant l'éclosion passe au rose puis au rouge, teintes dues à l'embryon vu par transparence. Après la sortie de l'insecte, l'enve- loppe de l'œuf desséchée prend la forme d'une lamelle blanchâtre qui peut subsister plus d'un an, témoignant ainsi du passage de la Grisetle. Larve. — Aussitôt éclose, la larve du Lopus manifeste une grande activité et se fixe sur les tiges et les feuilles des nombreuses plantes croissant dans les vignes, telles que le laiteron, le pissenlit, le chiendent, le séneçon, etc. Cette dernière plante, d'après MM. Populus et Patrigeon, est généralement préférée. En avril, dans des pays relativement froids, la vigne, manifestant à peine quelques signes de végétation, ne pour- rait en effet offrira l'insecte une subsistance quel- conque. Ne vivant que sur les raisins non fleuris, ne puisant jamais sa nourriture sur les tiges et les feuilles, la Grisette n'habite réellement la vigne qu'à l'époque qui précède la floraison, c'est-à-dire à partir de fin mai ou des premiers jours de juin. La larve, au sortir de l'œuf, mesure 1 mill. 1/3 de long tout au plus, sa largeur est égale au tiers de sa longueur, le bec est relativement très long, 1 millim. environ. Le corps, où la limite de la Fi9' :i9'_ Larve du LoPus sulcatus. tête, du thorax et de l'abdomen sont encore peu distincts, est rouge clair. La tète, très volumineuse, porte deux yeux laté- raux d'un rouge foncé. Dix jours après sa naissance, l'insecte a notablement changé de forme I 184 LA GRISETTE DE LA VIGNE. et de coloration. Sa longueur mesure 2 millim. environ sur l de large; V abdomen m plus de largeur que le thorax, dont les trois anneaux sont dis- tincts ; la tête a relativement diminué, ainsi que le rostre, qui ue dépasse pas le bord inférieur du thorax. La couleur rouge du corps s'est assombrie et de petites bandes longitudinales d'un blanc sale se dessinent sur le milieu du corps et sur les bords du thorax. Entre le vingtième et le tren- tième jour, la larve a atteint sa taille définitive, environ 3 millim. de long. Sa couleur est alors d'un rouge très sombre un peu grisâtre, ses antennes composées de quatre articles bien visibles et les angles postérieurs saillants des deux derniers segments du thorax indiquent déjà les rudiments des ailes. Nymphe. — Avant le trentième jour généralement, une mue a fait de la larve unenymphe. Celle-ci mesure environ 3mm,50de long. Les ailes, très petites encore, s'accusent distinctement, les supérieures ne dépassant pas la base du métathorax ; la couleur générale est le brun sépia foncé, les taches et les bandes comme chez la larve adulte. Entre le quarantième et le cinquantième jour, la taille de la nymphe atteint 5 millim. à 5mm,50 de long sur une largeur de 2 millim.; la couleur est brunâtre ; la tête, le pro- thorax et les ailes plus foncés que V abdomen. Le bord externe des four- reaux des ailes est marqué d'une bande blanc jaunâtre, ainsi que le milieu et les côtés du prothorax et de Y abdomen. Les cuisses sont fortes, les jambes et les tarses grêles; les antennes, aussi longues que le corps, sont à pointes effilées. La nymphe mange avidement, et c'est le plus souveut sous cette forme que l'insecte, quittant les séneçons et autres plantes indifférentes à l'homme, commence à exercer ses ravages. Il monte sur les souches dans le courant de mai, alors que le raisin déjà grand n'a pas encore fleuri. Insecte parfait. — Entre Je cinquantième et le soixantième jour à partir de l'éclosion, c'est-à-dire lin mai, apparaît enfin l'insecte ailé, apte à se reproduire; autrement dit, parfait. Notre insecte, sous cette forme définitive, répond à la description sui- vante : Corps long de 6 à 7 millim., large de 2, un peu plus développé chez la femelle que chez le mâle. Teinte générale brune un peu fumeuse avec des taches et des bandes jaunes. Tête triangulaire, sans ocelles, avec les yeux composés saillants, d'un brun fumeux parfois un peu rougeâtre avec quatre taches jaunes, deux entourant les yeux, deux à la base du rostre. Celui-ci atteignant la nais.-ance des pieds postérieurs, antennes presque aussi lon- gues que le corps, composées de quatre articles, dont le second presque aussi long que les trois autres. LA GR1SETTE DE LA VIGNE. 185 Thorax d'un brun rougeâtre fumeux en dessus, moins foncé que lu tête. Le premier segment (prothorax) bombé, trapézoïdal, portant en dessus Fig. 40. — Lopus sulcatus mâle suçant le pédoncule d'une grappe (d'après les dessins du Dr Patriçeon). plusieurs dépressions ou silloustransversuux, plus accentués cbezlafemellc, marqué au milieu et sur les bords de bandes longitudinales jaunes teintées d'orange, ces bandes plus larges, surtout plus diffuses chez la femelle, jaunes en dessous avec la base des pattes rembrunie. Le deuxième segment (mésothorux) , moins développé que le premier, mais plus grand que le troi- sième, présentant en dessus un écusson triangulaire marqué d'une bande ou tache jaune clair élargie dans son milieu, teintée d'orange vers sa partie antérieure, brun teinté de jaune en dessous. Le troisième segment (méta- thorax), le plus petit des trois, brun en dessus, brun teinté de jaune en dessous. Les pattes longues brunes, teintées de jaune. Les élijlres ou ailes supérieures, chez le mâle, dépassant l'abdomen de 1 millim. environ, insérées sur le bord externe du mésothorax ; le corium de consistauce faible, occupant les deux tiers basilaires ; le clavus bombé, en forme de triangle très allongé ; lu membrane occupant le tiers inférieur de Pélytre, de con- sistance mince, transparente, enfumée, présentant une nervure elliptique destinée à la renforcer et partant du corium. Lu couleur des élytres est le gris noirâtre enfumé, avec une bande jaune clair sur le bord externe et deux points triangulaires d'une jaune orangé ù l'extrémité inférieure du corium. Les ailes inférieures insérées sur le bord externe du métutborux sont 18G LA GRISETTE DE LA VIGNE. membraneuses, enfumées, avec des reflets irisés, à peine moins longues que les élytres. Elles offrent sur le bord interne une nervure elliptique et quatre nervures longitudinales peu résistantes n'atteignant pas d'ordinaire le bord extérieur. Chez la femelle, qui ne vole pas, les ailes sont beaucoup moins développées, ne dépassant pas le sixième anneau abdominal; la membrane est réduite à la huitième partie de la longueur de l'élytre et les ailes infé- rieures rud inventaires dépassent à peine la moitié. Abdomen de 8 anneaux, brun clair, teinté de jaune sur les bords et por- tant en dessous une rangée latérale de taches jaunes beaucoup plus larges chez la femelle, long de 2 inillim. et demi chez le mâle, de plus de 3 chez la femelle et de forme renflée avant la ponte. Les deux derniers anneaux portant l'armure génitale sont relativement très développés, plus coriaces que les autres segments abdominaux. Cette armure génitale est ainsi décrite par le D1' Patrigeou: «Le dernier anneau est surtout développé chez le mâle et porte seul en réalité les organes génitaux. Il est bombé, proéminent et présente au des- sous de l'anus une sorte de plaque dont l'extrémité libre regarde en haut et en arrière. Sous cette plaque se dissi- mule le pénis. A droite et à gauche, ser- vant sans doute d'appareil fixateur pen- dant l'accouplement, se voient deux pe- tites éminences molles portant deux crochets chitineux repliés en dedans. «Chez la femelle, les deux derniers anneaux de l'abdomen, c'est-à-dire le septième et le huitième, participent à la formation des organes reproducteurs ex- ternes. Ces organes sont représentés par Fig. 41.— Lopus sulcatus femelle une longue fente vulvaire allant de la (d'après les dessins du D1' Pairi- pointe de l'abdomen au-dessous de l'anus jusqu'au sixième anneau. Très dilatable dans le sens de la largeur, cette fente mesure un peu plus de 1 millirn. et demi de longueur. «Elle cache entre ses bords un appareil particulier (oviscapte) : c'est une lame cornée, double, de couleur brune, aiguë et tranchante, comparable à des lancettes recourbées, articulée sur le sixième anneau abdominal et que l'insecte mobilise à son gré. Ce très curieux appareil remplit un triple but : organe de tact, il permetà la femelle de reconnaître les fentes, les tissures, la consistance, etc.; organe de perforation, il sert à creuser dans les parties plus ou moins tendres du bois ou ailleurs les cavités nécessaires au dépôt LA GRISETTE DE LA VIGNE. 1 S7 (les œufs ; organe de propulsion de l'œuf, il prend celui-ci entre ses deux laines et le porte dans les points que la femelle a choisis pour y accomplir sa ponte. » III. - DÉGÂTS ET MOYENS DE DESTRUCTION. Dégâts. — Dans sa forme parfaite, l'insecte établi sur la vigne vit exclu- sivement aux dépens du jeune raisin encore en bouton, plantant son rostre dans le pédoncule ou sur le grain qui doit devenir la fleur [fig. 40) . Au bout de trois à quatre semaines, l'acte reproducteur accompli, il disparait complè- tement. «A partir de Gnjuin, la fleur de la vigne passée, dit M. Patrigeon, on trouve des Lupus morts sur les feuilles, sur le sol, au pied des ceps, un peu partout. Le peu qui survit quitte la vigne pourretourner aux séneçons et autres plantes croissant entre les souebes ou dans les champs voisins. Les grains sucés prennent une couleur brune à l'endroit piqué, et, pour peu que les piqûres soient coniluentes, le grain entier devient noir. Parfois une portion seulement de l'enveloppe florale est mortifiée, s'amincit et se per- fore. Dans tous les cas, la fleur se désorganise entièrement : l'ovaire se fane, le style et le stigmate sont jaunes et atrophiés, le grain demeure stérile. »Si le raisin n'est attaqué que partiellement, les grains maltraités, ou la grappe secondaire dont ils font partie, peuvent succomber seulement. Si beaucoup de grains ont souffert, on voit bientôt le raisin tout entier dépérir; il se fane et tombe peu après par une section qui se produit à quelque dis- tance de l'attache du pédicule sur la tige.» En 1884, d'après M.Fabien Rapin, vice-président de la Société d'Agri- culture de l'Yonne, les dégâts occasionnés dans le seul canton de Coulange la Vineuse ont été évalués à plus d'un million. «Tout raisin touché, dit de sou côté le Dr Populus, est un raisin perdu ; or c'est par milliers que les grisettes se trouvent dans certains vignobles. On peut juger du ravage qu'elles peuvent faire. Il y a des vignes où il ne reste plus un seul raisin.» Ce parasite est heureusement assez peu répandu jusqu'à présent, du moins comme espèce nuisible ; dans le département de l'Yonne, il n'y a de sérieusement atteint que le canton de Coulange la Vineuse. Dans le Centre, ce n'est guère que les deux rives du Cher qui sont maltraitées, de Cbabris (Indre) à Tbézéc, sur un parcours d'environ 40 kilom. On a également signalé l'insecte àOuveillun (Aude), mais la nouvelle mérite confirmation. Il est même étonnant qu'une espèce décrite de Malaga et observée a Auxerre ne soit nuisible que sur quelques points isolés. C'est, dit le Dr Patrigeon, surtout dans les teirains argileux et sur le plant appelé Col ou 188 LA GRISETTE DE LA VIGNE. Teinturier que s'exercent les ravages. Or les terres argileuses abondent et le 6'dfestun des cépages les plus répandus en France; «il est, dit M. Foëx, cultivé depuis l'Yonne jusqu'à l'Océan et aux Pyrénées». Il y a évidemment dans cette invasion, heureusement restreinte, des causes mal connues qui la maintiennent dans de certaines limites, causes sur l'observation desquelles nous appelons l'attention des viticulteurs. Moyens de destruction. — Dans son travail de 1885, réunisous forme d'une petite brochure publiée par la Librairie agricole de la Maison rustique, M.Patrigeon consacre un long chapitre aux moyens de combattre la Grisette à l'état d'œuf, à l'état de larve et à celui d'insecte parfait. Nous ne voulons pas entrer dans le détail de tous les remèdes proposés par l'auteur contre l'insecte éclos, convaincu que la destruction des œufs, dont les abris d'hiver sont connus, est possible et que le remède est là. Comme le dit du reste M. Patrigeon, «le liquide proposé par M. Balbiani contre l'œuf d'hiver du Phylloxéra se trouve absolument indiqué. Des expériences faites en grand ont démontré sa complète innocuité pour le bois de la vigne et pour les bourgeons. Destructif pour l'œuf d'hiver du Phylloxéra, on peut affirmer à priori qu'il ne le serait pas moins pour l'œuf du Lopus. La dépense occa- sionnée par le traitement serait d'autant moins forte qu'il s'agirait de badi- geonner, à la rigueur, non la souche entière, mais seulement les vieux trous médullaires. »I1 importerait aussi de recommander aux vignerons détailler avant le mois de mars et d'enlever rigoureusement toutes leurs javelles aussitôt après la taille des vignes atteintes. »Quant aux œufs qui ont été observés dans la moelle des osiers, rien n'est plus simple que de supprimer ceux-ci en les remplaçant par de la paille, ou, si l'on en fait usage, de les ramasser soigneusement au moment du dé- piquage des échalas et de les brûler. Pour les échalas, ils devront être trans- portés en lieu clos pendant l'hiver ou à la fin de l'hiver, et n'être reconduits dans leurs vignes respectives que vers la fin de mai, c'est-à-dire après l'éclosion certaine de tous les œufs. Ce qui se passera est facile à prévoir. Faute de nourriture, les Lopus périront bientôt après leur naissance ; au besoin même, quelques fumigations d'acide sulfureux, pratiquées en brûlant dans le local un peu de fleur de soufre, assureraient leur complète destruc- tion.» Nous passerons sous silence, avons-nous dit, les procédés de destruction indiqués par l'auteur contre l'insecte éclos, larve, nymphe ou adulte, procédés qui reposent surtout sur l'idée d'un liquide insecticide projeté par un pulvérisateur. Nous tenons cependant àdire combien l'entonnoir à attises LA GRISETTE DE LA VIGNE. 189 (Gg. 42) nous parait devoir être conseillé, woS) retenant les ailes inférieures Qxées aux supérieures. D'autres enfin, surtout en Allemagne, ont porté à six le nombre de ces coupes principales, en dessous desquelles viennent les familles. Nous croyons préférable d'adopter la classification de Latreille, comprise par tous; des familles nous ferons seulement dea sous-ordres, et nous dirons : Nocturnes, Crépusculaires et diurnes. Aucune espèce de papillons de jour n'étant nuisible à la vigne, nous mettrons d'ores et déjà de côté les Diurnes. Nous n'aurons donc à parler que des Nocturnes et des Crépusculaires. La nomenclature des Lépidoptères est embrouillée. Aidé des lumières d'un spécialiste distingué de Paris, M. Ragonot. nous avons fait de notre mieux pour la rendre claire. Renvoyant pour la synonymie à la description de chaque espèce, nous adopterons la plupart des noms du Catalogue le plus généralement employé, celui des Lépidoptères de la faune européenne de Staudinger et Wocke, et, commençant par les petites espèces, nous grouperons comme suit les Lé- pidoptères ampélophages : Sous-ordre des Nocturnes : Antispila Rivillei Stainton. — — Torlrix [Œnophtira] Pilleriana * Schiffer- muller et Denis. — — — (Cochylis) Ambiguella* Hubner. — — — (Eudemis) botrana Schiffermuller. — — Ephcstia gnidiclla Millière. 1 Walckenaër et Anlouin citent une autre espèce de Tordeuse viticole, Tortrix heperana (Schiffermuller). Malgré toutes nos recherches, nulle part nous n'avons pu trouver de renseignements nous permettant de comprendre ce Lépidoptère dans notre liste d' ampélophages. Nous en dirons autant de Yllylhia vinclella de Fa- bricius, citée également par Audouin, et que, malgré son nom viticole, personne ne signale positivement sur la vigne. Ce sont sans doute des espèces trouvées acci- dentellement sur cette plante et qui, à tort, ont été considérées comme vivant à ses dépens. 2 Dans son livre sur les Insectes nuisibles [DegV Inselti che atlacano l'Albero ed il frutto. Napoli, 1877), M. Achille Costa décrit sous le nom de Tordeuse de la grappe (Tortrice d'ell uva) une espèce observée par lai attaquant le raisin, à la façon de la Cochylis, dans les vignes du Vésuve. Il la rapporte à la Tortrix Ro- maniana, décrite par 0. Costa comme atteignant l'olive. Nous pensons qu'il s'agit là d'une de ces espèces polyphages pouvant de loin en loin, dans des circonstances exceptionnelles, s'en prendre à la vigne, et qui ne doivent pas être pour cela com- prises parmi les insectes ampélophages. ANTISPILA RIVILLEI. 195 Sous-ordre des Nocturnes : Agrotis, Trilici Linné. — — — Aquilina Treitschke. — — — Obelisca Ilubner. — — — Obesa Boisduval. — — — Crassa Ilubner. — — — Segetum Scliiffcrmullcr et Denis. — — — Exclamationis Linné. — — — Pronuba Liuné. — — Chclonia Caja Linné. — — — VUlica Linné. — — — Mendica Clerk. — — — Lubricipeda Linné. Sous-ordre des Crépusculaires : Ino ampelophaga Bayie. — — Sphinx (Deilephila) lineala Linné. — — — Celer io Linné. — — — Porcellus Linné. — — — Elpenor Linné. De ces vingt-deux espèces, cinq à six peuvent être considérées comme toujours dangereuses; parmi les autres, certaines le deviennent de temps en temps, d'autres enfln ne sont qu'exceptionnellement nuisibles. Ici, comme dans tous les ordres d'insectes, nous pourrions dire dans toute la série animale, c'est parmi les petits que se trouvent les grands ravageurs. Nous aurons donc à parler surtout des Microlépidoptères (puxp; petit), comme on appelle généralement les lilliputiens du groupe des Nocturnes. SOUS-ORDRE DES NOCTURNES. Ou nomme ainsi des Lépidoptères volant presque tous la nuit, aux ailes en forme de toit, munies d'un frein recouvrant l'abdomen au repos, au corps généralement épais, aux cbenilles tantôt nues, tantôt velues, se filant pour la plupart un cocon soyeux pour abriter l'état de chrysalide. Antispila Rivillei Stainton. Synonymie. — Chenille mineuse des feuilles de vigne Godeben de Riville ; Alucitauvella Vallot ; Antispila Rivillella Rondani. Cette petite et mignonne espèce, le plus petit des Lépidoptères que nous avons à décrire, appartient à la famille des Tinéides, composée des petits 196 ANTISPILA RIVILLEI. Lépidoptères bien connus appelés vulgairement teignes, hartes, papillons de laine, etc. La famille des Tinêides peut être ainsi caractérisée : Les plus petits parmi les Lépidoptères ; antennes très minces, en forme de soies ; palpes labiaux développés, dépassant la tête de toute sa longueur, recouverts de longues écailles en faisceaux, le dernier article parfois re- dressé verticalement ; palpes maxillaires épais et saillants; trompe courte, souvent avortée; ailes longues, étroites, frangées, parfois étendues, mais le plus souvent repliées autour du corps. Outre les six pattes articulées, les chenilles ont huit ou dix fausses pattes. Les unes vivent dans des four- reaux, par exemple celles des espèces qui attaquent les lainages, les crins de nos meubles, les grains, etc. D'autres creusent les tissus végétaux vi- vants, bourgeons, boutons de fleurs, parenchyme des feuilles. Tel est le cas de notre Antispila vivant exclusivement dans la feuille de la vigne, qu'elle mine en y traçant des galeries sinueuses. Selon M. Wocke (in Heinemann; Schmetterl. Deutschl., 1877, tom. Il, pag. 314), le genre Antispila, créé par Hubner, renferme sept espèces, trois européennes et quatre américaines. Les trois espèces d'Europe sont : Antispila Pfeifferclla Hubner, A.Treitschkiella Herr. Scboeff., vivant l'une et l'autre sur le cornouiller, et À. Rivillei Stainton, vivant sur la vigne. Deux des espèces américaines vivent également sur la vigne. Le genre est ainsi caractérisé : Très petits papillons ayant la tête dénudée ou parsemée de quelques poils seulement, les antennes courtes, les palpes gros et pendants, les ailes antérieures ornées postérieurement d'une frange assez large, brillantes, ayant une bande et deux taches pâles ou métalliques correspondantes. La chenille a six pieds articulés et dix fausses pattes. La chrysalide est enfermée dans une enveloppe aplatie formée d'un cocon recouvert des deux épidermes opposés de la feuille dans le parenchyme de laquelle la chenille a vécu. Ces épidermes sont coupés comme à l'emporte-pièce en forme d'ellipse un peu pointue des deux bouts et collés l'un à l'autre. D'une pointe à l'autre, court une espèce do carène assez saillante. Cette espèce de coque est suspendue par un fil de soie. I. — HISTORIQUE. h' Antispila Rivillei est une espèce italienne, et, bien qu'ayant été signalée et décrite tout d'abord par des auteurs français, elle n'a jamais été rencon- trée dans notre pays. En dehors de la péninsule, elle n'a été observée que daus les lies de Malte el de Corfou. ANTISPILA RIVILLEI 197 Le premier travail concernant cette espèce, dérouverte à Malte, date du siècle dernier. Il est de Godchen de Riville et a été publié en 1750 (Acta extranca Parisiana, tom. I, pag. 177 à 190, PI. X), sous le nom de His- toire d'une chenille mineuse des feuilles de vigne. Bonnet, dans son livre Contemplation de la nature (1764), l'a reproduit ; Lalreille également ^Histoire naturelle des insectes, tom. I, pag. 202). M. Vallot (de Dijon) est le premier qui ait nommé l'insecte et l'ait décrit sous le nom ùvA lucita uvella (Histoire des Ins. ennemis de la vigne, Mémoires de l'Académie de Dijon, 1839-40, pag. 31). En 1855, Stainton, ignorant sans doute le travail français, l'a décrit de nouveau sous le nom de Antispila Rivillei en la comparant à une espèce déjà connue, VA. Trcitschkiclla du cornouiller (Trans. enlom. Soc. Lond., série '2, tom. III, pag. 87 ; et Ann. Soc. eut. de Fr., 1855, pag. 211, et 1857, pag. 24). C'est ce nom de A. Rivillei qui est généralement adopté ; mais, si comme nom de genre nous admettons celui d'Antispila, créé par llQbner, nous ne pouvons, sans protester, en faire autant pour le nom d'espèce, la priorité de celui d'uvclla donné par Vallot étant incontestable. Les auteurs allemands dont nous suivons le catalogue ne peuvent avoir ignoré cette priorité. L'insecte est décrit et sa manière de vivre racontée par l'auteur français, pag. 315 de son travail sur les Insectes de la vigne, de façon à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque sur l'identité de l'espèce. Nous devons toutefois rejeter le nom générique d'Alucita1, employé par Vallot, parce qu'il appartient à un groupe de Lépidoptères qui ne fait même pas partie de la famille des Tinéides. En 1876, l'espèce a été de nouveau étudiée à Parme par M. Rondani. Son travail, paru eu 1877 (Ann. de la Soc. eut. italienne), est très intéres- sant eu ce qu'il donne la description de trois parasites de l'insecte; mal- beureusement, sous prétexte d'adapter la désinence de l'épitbète à celle d'un grand nombre de noms de Tinéides, il appelle l'insecte Antispila Rivillclla. En 1878 et 1879, nouvelles observations de M. Pellegrini [de Vérone) ; mais un Mémoire italien plus récent est celui de M. Targioni Tozzetti [Annali di agricoltura, Relazionc délia /?. Stazione di cntomologia agrariadi Firenze, 1884). A part la description de Vallot, qu'il parait avoir également ignorée, ce qui lui fait adopter sans observation le uoni de 1 Le genre Alucita est caractérisé par des ailes entaillées d'incisions profonde, ee qui fait qu'elles sont divisées en lobes distincts s'ouvrant comme les plis d'un éventail, caractère qui ne se rencontre chez aucune Tinéide. Le nom à'Alvcilr a donc été improprement appliqué à plusieurs teignes, par exemple à l'espèce qui nous occupe et à l'une de celles qui attaquent les céréales, la Sitotroga cenalella. appelée vulgairement Alucile du blé. 198 ANTISPILA RIVILLEI. Stainton, l'auteur résume les autres travaux et figure l'insecte qui depuis quelques années a été observé dans presque toutes les régions viticoles de l'Italie. C'est de M. Targioni que proviennent les exemplaires en notre posses- sion ; c'est en partie dans son travail que nous avons puisé les détails qui précèdent, et c'est à la même source que nous emprunterons la description de l'insecte. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Corps d'un rouge brun, avec le tborax argenté en dessus, de couleur blanche en dessous. Tête brillante et argentée; trompe courte; antennes du mâle à peine pubescentes, blanches à la base, métalliques au sommet ; palpes maxillaires nulles, palpes labiaux de trois articles épais, le dernier de ceux-ci en forme de cône aigu, tous couverts de poils assezlongs. Ailes antérieures d'un noir verdâtre avec quatre taches dorées allongées, deux au bord antérieur, deux au bord postérieur, ces dernières se réunis- sant postérieurement d'une aile à l'autre en forme de bande transversale oblique, les premières confluentes ou séparées l'une de l'autre par un inter- valle brun sinueux, les poils de la partie terminale longs et blanchâtres. Les ailes postérieures brunes, les poils formant frange plus clairs. Pattes blanchâtres, argentées; les cuisses et les tibias antérieurs obscurs; les tibias intermédiaires et postérieurs armés de quatre éperons blancs. Longueur lmm,50, envergure des ailes ouvertes 2mm, 53. La chenille est de couleur jaunâtre translucide, avec la tète marron et une ligne brune sur le dos. Elle creuse dans le parenchyme de la feuille une galerie sinueuse et une chambre de métamorphose plus large dans laquelle elle file son cocon. M. Gennadius, d'Athènes, qui a bien voulu nous envoyer des feuilles attaquées provenant de Corfou, avec de nombreux cocons, nous a mis à même d'en faire de visu la description suivante : Ce cocon en soie blanche est recouvert des deux épidémies de la feuille, qui, coupés comme à l'emporte-pièce, constituent une seconde enveloppe protectrice. Il est de forme elliptique, aplatie, un peu pointue des deux bouts, avec une légère carène allant d'une pointe à l'autre, et reste suspendu à la feuille par un ligament soyeux. M. Targioni a obtenu dans son laboratoire deux générations de l'insecte, une de printemps et une d'automne. Les trois parasites Hyménoptères obtenus et décrits par le professeur Rondani ont été appelés par cet auteur : ANTISP1LA RIVILLEI. 190 Entedon viticola, E. antlspilLv, E. Rivilclkc Ils appartiennent à la famille des Chalcidides, petits Hyménoptères aux couleurs métalliques qui sous leurs premier? états vivent tous dans le corps de diverses larves. Vallot parle d'un parasite qu'il appelle Ichneumon vitelLv, mais dont il donne une description trop sommaire pour qu'on puisse reconnaître l'insecte ainsi désigné. Il est, dit-il, reconnaissante à son corps d'un très beau rouge tacheté de jaune. Nous signalons cette espèce à l'attention des observateurs italiens. Ce n'est pas un Chalcidlde; mais est-ce bien un Ichneumon ? III.— MOYENS DE DESTRUCTION. Cet insecte, intéressant en ce qu'il est spécialement ampélopbage, n'a pas jusqu'à présent causé de grands dommages. Ce n'est pas toute la feuille, en effet, qui est compromise, et les fonctions de celle-ci ne sont pas grave- ment entravées. L'espèce semble toutefois se répandre de plus en plus. Après avoir été au début signalée à Malte, en Sicile, à Corfou, M. Targioni la mentionne de Venise, de Pavie, d'Ancône, de Pesaro, d'Urbino et d'Ascoli Piceuo. Il est possible aussi qu'on observe avec plus de soin aujourd'hui qu'autrefois ! Si le parasite menaçait de se multiplier outre mesure, on pourrait, soit enlever les feuilles atteintes, soit au moyen d'une forte épingle extraire la petite clienillede sa galerie sinueuse, toujours très apparente sur la feuille. Ce travail minutieux, mais en somme exécutable, devra être opéré au printemps, afin que la génération d'automne, toujours plus considérable, ne puisse pas se produire. 200 LA PYRALE DE LA VIGNE. LA PYRALE DE LA VIGNE1 [Tortrix Pilleriana Schiffermuller, 177G.) (Avec une planche en chromolithographie.) Synonymie. — Pxjrale de la vigne Bosc (1786) ; Phalène de la vigne Roberjot (1787); Pyralis vitina Fabricius (1794); Pyralis Pilleriana Fa- biïcius (1794) ; Tortrix luteolana Hubner (1796); Chape de la vigne et Pyrale de Florensac Faure Biguet et Sionest (1802) ; Pyralis vitis La- treille (1805); Tortrix Danticana Walckenaër (1835); Pyralis vitana Au- douin (1842) ; Œnophlira Pilleriana Duponcbel (1844) ; OEnectra Pille- riana Guénée (1845). Dans les divers départements, la Pyrale est connue des vignerons sous le nom de Ver de la vigne (Rbône et Saône-et-Loire), Ver à tête noire 1 Bibliographie.— Schiffermuller et Denis ; Catalogue systématique des ■papillons de Vienne, 1776. — Bosc d'Antic ; Mémoire pour servir à l'histoire de la Chenille qui a ravagé les vignes d'Ârgenteail en 1786 (Mémoires de la Soc. royale d'Agr. de Paris). — Roberjot; Mémoire sur un moyen de détruire les Chenilles qui ravagent la vigne (Mémoires de la Soc. royale d'Agr. de Paris, 1787). — Faure Biguet et Sionest ; Mémoire sur quelques Insectes nuisi- bles à la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1809). — Bertrand d'Ace tis ; Mémoire sur la Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1810).— Artaud de la Fer- riére ; Mémoire sur la Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1811). — Bosc ; Notice sur la Pyrale et autres Insectes qui nuisent aux vignobles (Ann. de l'Agr. de France, 1813).— Foudras ; Rapport sur un Concours ouvert sur la destruction de la Pyrale (Mémoires de la Soc. d'Agr. de Lyon, 1825). — Alexis Forel ; Mémoire sur h Ver destructeur de la vigne (Feuille du canton de Vaud, février 1825). — Juric ; Rapport siir les moyens de répression de la Pyrale de la vigne (Soc. d'Agr. de Lyon, 1833). — "Walckenaër; Recherches sur les Insectes nuisibles à la vigne (Ann. Soc. entom. de France, 1835-1836). — Audouin ; Diverses Notes publiées dans les Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, les Annales de la Soc. d'Agr. de Lyon, les Ann. des Sciences nal. et le Bull, d' Œnologie de France, années 1837 et 1838. — Sauzey ; Instructions pour la destruction du ver de la vigne. Lyon, 1837. — Duméril ; Rapport sur les dégâts de la Pyrale dans les vignobles d'Argcnicuil (Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1837). — Dunal ; Des Insectes qui attaquent la vigne (BulJ. Soc. LA PYRALE DE LA VIGNE. 201 (Côle-d'Or), Ver de l'été (Marne), Conque (Pyrénées-Orientales), Babote (Hérault). Comme on le voit, la synonymie de ce Lépidoptère est embrouillée. Le point de départ de Ja confusion date de Fabricius. Non content de rejeter sans raison le nom générique de Tortrix et d'adopter celui de Py- ralis, l'entomologiste danois a donné de l'espèce deux descriptions sous deux noms différents. Audouin, qui a consacrée l'insecte qui nous oc- cupe un beau et important travail classique, a adopté le nom de Pyralis. « Ce nom, dit-il page 22, est déjà reçu en France»; mais il convient, page 21, qu'il vaudrait mieux dire Tortrix, « l'insecte ayant beaucoup plus les caractères des Tortrix que des Pyralis ». d'Agr. de l'Hérault, 1831 à 1838). — Desvignos ; Manuel pour la cueillette des pontes de In Pyrale, 1838. — Recappé ; Conseils aux cultivateurs d'Ar- genteuil sur les moyens de détruire la Pyrale, 1838. — Dr Companyo ; Notice sur les Insectes qui ravagent les vignes des Pyrén. -Orient. Perpignan, 1838. — Vallot ; Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes ennemis de la vigne (Mémoires de l'Acad. de Dijon, 1841 ; Ann. Soc. Agr. de Lyon, 1841 ; Revue et Magasin de Zool., 1840). — Guérin-Meneville ; Notice sur les Py raies (Extrait du Dictionn. pittoresque d'Hist. nal., 1839). — Bourgeois; Elude sur la Pyrale (Soc. d'Agr. de Lyon, 1841). — Bugnon ; Sur quelques Insectes qui nuisent à la vigne (Neue Denkschrift Allgem. Schweiz. Geselsch., 1841). — Audouin ; Histoire des Insectes nuisibles à la vi~ne et en particulier de la Pyrale de la vigne (Paris, Fortin Masson et Cie, 1842). — Sauzey ; Rapport sur la destruc- tion de la Pyrah (Ann. Soc. d'Agr de Lyon, 1842). — Westwood ; The Pyralis of (he Vine (Gardeners-Chronicle, avec fig., 1847). — Kollar ; Neue Beobaehtung iïber Tortrix viiisana ein dem Weinstoche, in OEsterreich sehr schœd'dche Inseckle (Verhanrïl. Zool. Bot. Verein, in Wien, 18521. — De La- harpe ; Rapport à la Société Vaudoisc sur la destruction du Ver de la vigne (Bull. Soc. île Yaud, 1855). — Vautrin de Lamotte ; Réflexions pratiques pour arriver à la destruction de la Pyrale. Épernay, 1858. — Daunassans ; De la Pyrale et des moyens de la combattre (Journal de l'Aigle. Toulouse, avril 1850). — Vramant ; De la Pyrale et des moyens sûrs et faciles de la détruire. Épernay, 1300. — Paris; Note sur la Pyrale yliuW. Suc. eut. de France, 1862, pag. 19). — De Peyerimhoff ; Le Ver de la vigne (Bull. Soc. d'Hist. nat. de Colmar, 1869. — Nordlinger ; Die klrincn Feinde der kandwirllischafl . Stuttgart, 1 869.— Kaltenbach ; Die Pflanzenfeinde aus der Masse der Insekten, 1872. — Ladrey; La Pyrale de la vigne. Dijon, 1870. — Montoy ; Échau- dage de. la vigne et des cchalas (Bull du Comice agr. de Beaune). — Heuzé ; La Pyrale et l'œuf d'hiver du Phylloxéra (La Vigne française, 1880) — André ; Les Parasites et tes Maladies de la vigne. Beaune, 1882. — Jaussan ; De 'a Pyrale et des moyens de la combattre. Béziers, 1882. 202 LA PYRALE DE LA VIGNE. Voulant rester sur un terrain à la fois scientifique et pratique, nous con- servons le nom français de Pyralc et adoptons comme nom latin, non pas relui (ÏQEnophtira Pilleriana de Duponcbel, admis par plusieurs livres récents, mais celui de Tortrix Pilleriana des premiers descripteurs. Le nom de Tortrix, en français Tordeuse, a été donné par Linné à un groupe de petits Lépidoptères nocturnes plus grands que les Teignes, aux ailes en forme de toit, n'ayant, dans la position du vol, jamais moins de 7 millim. et jamais plus de 27 millim. d'envergure1. Les antennes sont en forme de fil ou de soie, jamais pectinées comme chez les Pyralis, et au repos toujours couchées sur le dos. Les palpes sort droits, jamais redres- sés à l'extrémité, comme chez les Teignes et les Py raies. Les ailes infé- rieures sont toujours dépourvues de dessins, tandis que chez les Pyrales elles sont souvent ornées de lignes ou de taches concordant avec celles des ailes supérieures. On voit, par cette courte description du groupe, que l'insecte qui nous occupe doit bien être rangé parmi les Tortrix. Avant l'introduction en Europe du Phylloxéra, aucun insecte n'avait fait parler de lui autant que la Pyrale. Connue peut-être dès l'antiquité, en tout cas depuis le xvi° siècle, elle n'avait cessé d'être considérée comme Pampélophage le plus dangereux. À certaines époques, surtout de 1830 à 1840, ses ravages ont été si considérables que l'existence même de la vigne a été mise en question. Dans certains vignobles, tels que le Beaujolais et les Cbarentes, on ne parlait rien moins que de l'arracher. C'est à ce moment qu'Audouin, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'bistoire naturelle, fut chargé par le Gouvernement français d'aller étudier sur place l'étendue du mal, et c'est après de nombreuses observations et plusieurs voyages exécutés de 1837 à 1840 qu'a été publié le grand ouvrage que nous avons appelé une œuvre classique. Tous ceux qui ont écrit sur la Pyrale, depuis 1842, ont puisé largement dans ce gros volume, et, tout en ayant observé nous-même l'insecte sous ses différentes formes, nous ne pouvons mieux faire que d'imiter nos devanciers. En ce qui concerne spécialement la Pyralc, un bon résumé de l'œuvre a été pu- blié, en 1860, par M. Brullé, professeur à la Faculté des Sciences de Dijon, ancien aide-naturaliste d'Audouin [La Bourgogne, Revue œnolo- gique et viticole, par Ladrey, professeur de cbimie à la Faculté des Scien- ces de Dijon), et c'est surtout à ce dernier travail que nous ferons des em- prunts. 1 De Peyerimoff ; Étude sur les Tordeuses (Ann. Soc. entom. de Fr., 1876). M PYRALE DE LA VIGNE. !03 I. — HISTORIQUE. D'après les savantes recherches de Walckenaër, il est possible que la Pyrale ait été connue des anciens. « Convolvulus in vinea ne sict arnur- cam condilo, le Convolvulus ne se trouve pas sur la vigne badigeonnée avec du marc d'huile, dit le traité De re rustica de Marcus Porcius Cato ». Ce passage semble s'appliquer à la Pyrale plutôt qu'au Rhynchite ou Atle- labe. Ce dernier, très commun en Italie, parait en effet désigné par Pline sous le nom de volvox (le rouleur) ou cantharis (le scarabée brillant). Pline distingue le volvox du convolvulus et répète, au sujet de ce dernier, ce que dit Marcus Porcius Cato. Gesner (xvie siècle), parlant des insectes qui attaquent la vigne, ne fait guère que citer Pline. Il y a, en somme, peu de documents utiles à retirer de mentions aussi vagues, et les premières observations un peu sûres remontent à l'abbé Le- bœuf. Dans son Histoire du diocèse de Paris (1755), cet auteur dit, en effet, qu'en 1562 « les habitants d'Argenteuil regardèrent comme un fléau de Dieu les insectes qui gâtaient leurs vignes dans le printemps. L'évêque de Paris ordonna des prières publiques pour la diminution du fléau. » Comme Argenteuil a toujours été et est encore un des cantons préférés par la Pyrale, il est plus que probable que les insectes désignés par Lebœuf se rapportent à cette espèce1. Un demi-siècle plus tard, on retrouve la Pyrale dans ces mêmes vigno- bles. Selon un vieux manuscrit, dit Audouin, un ver destructeur vint, en 1(329, établir son séjour dans les vignes de Colombe, près Argenteuil, et y commit d'affreux ravages. La Pyrale est mentionnée de nouveau au bout de cent ans sur le territoire d'Ay, en Cbampagne. Une délibération du Conseil de cette commune, datée du 19 avril 1733, mentionne ce qui suit: « Depuis quelques jours, les vignes du territoire d'Ay sont mangées dans leurs bourgeons par des vers qu'on y voit en quantité considérable. Les soins qu'on pourrait y donner par la main de l'homme seraient inutiles, 1 Oq pourrait s'étonner, dit Audouin, de l'importance attachée alors à la con- servation des vignobles d'Argenteuil au xvie siècle, si l'on ne se rappelait que les vins de ce canton, si peu recherchés actuellement, jouissaient à cette époque d'une haute réputation. Les dîmes du vin formaient alors la partie la plus importante des revenus de l'Abbaye de Saint-Denis, et, dans une thèse publique des Ecoles de Médecine de Paris, il fut môme soutenu que les vins de ce terrain devaient avoir la préférence sur ceux de Bourgogne et de Champagne. 204 LA PYRALE DE LA VIGNE. ainsi qu'on l'a éprouvé l'année dernière, en sorte qu'il ne reste d'autre ressource que d'implorer la miséricorde de Dieu, etc. » L'année suivante, une seconde délibération nous apprend que « les habitants ont donné pou- voir aux maire et syndics de se transporter en la ville de Reims pour de- mander la permission à Mgr l'Archevêque de prier Dieu et faire des pro- cessions pour les vermissiaux ». Enfin, d'après le journal tenu par un propriétaire du canton d'Ay, le ver de l'été dévasta les vignes de ce canton depuis 1779 jusqu'à 1785. Nous ne croyons pas, dit Audouin, que jusqu'en 1820 la Pyrale ait occasionné dans ce pays de nouveaux dommages. Dans le Beaujolais et le Maçonnais, il parait que, dès 1746, Romanècbe et ses environs formaient déjà le foyer principal des dégâts de l'insecte destructeur, et un passage des registres de la paroisse nous apprend qu'à cette époque, pour obtenir du ciel la cessation du fléau, une procession en l'honneur delà Sainte- Vierge fut établie; et elle a encore lieu à Romanècbe, dit Audouin, sous le nom de procession de Notre-Dame des vers. Vingt ans plus tard, l'abbé Roberjot, curé de la petite commune de Saint-Vérand, consignait dans un Mémoire lu à la Société d'Agriculture de Paris, en 1787, ses observations sur la Pyrale et les moyens qu'il avait tentés pour la détruire. Il parle de l'insecte comme l'ayant observé depuis huit ans et signale surtout l'année 1785. En voyant Roberjot citer spécialement l'année 1785 comme une des plus désastreuses pour le Maçonnais, nous devons nous rappeler, dit Au- douin, que cette même année les vignes d'Ay ont été violemment ravagées, et que ce fut aussi en 1785 que des dégâts semblables causés par le même insecte aux vignes cTArgenteuil fixèrent l'attention de Bosc. C'est à Bosc, en effet, que revient l'honneur d'avoir fait connaitrele premier en France, d'une manière scientifique, la Pyrale de la vigne. Il en a donné, en 1786, une description assez exacte dans son Mémoire pour servir à V histoire de la chenille qui a ravagé les vignes d'Argenteuil. Cependant dix années avant lui, en 1776, Schiffermuller et Denis enre- gistraient dans leur Catalogue systématique des papillons de Vienne, sous le nom de Torlrix Pilleriana, une espèce que tous les entomologistes re- connaissent aujourd'hui être la Pyrale de la vigne de Bosc et désignent sous le nom du Catalogue de Vienne. Pendant cette longue période, de 1746 à 1786, où la Pyrale semblait établie dans les vignobles d'Argenteuil, d'Ay et de Romanècbe, le fléau se faisait aussi sentir ailleurs. Le P. Arcère, de l'Oratoire, dans son Histoire de la ville de la Rochelle, publiée en 1786, parle de cet insecte comme ravageant déjà les vignobles delà province de l'Aulnis, et en 1780, comme à Romanècbe, une procès- LA PYRALE DE LA VIGNE. 205 sion de los roucos (les vers) fut établie aux environs de Toulouse, dans la commune de Saint-Simon. La fin du siècle dernier ne nous fournit plus de nouvelles indications relatives à la Pyrale, soit que le fléau ait perdu de son intensité, soit plu- tôt que les événements politiques en aient détourné l'attention ; mais il n'en est pas de même de ce siècle. En 1808, les mêmes vignes qui en 1786 avaient fait l'objet des recherches de Roberjot, étaient de nouveau ravagées, et c'était toujours Romanèche qui était le centre du territoire attaqué. On trouve dans un manuscrit de Bertrand d'Acétis (Archives de l'Académie de Mâcon) le tableau sui- vant de l'état des vignobles à cette époque : « La propagation du fléau est effrayante ; il couvre de grandes surfaces, sans abandonner celles qu'il occu- pait anciennement. Les cantons envahis ne pourront bientôt plus nourrir leurs habitants; dans plusieurs communes, les vendanges n'ont pas même eu lieu cette année, et si l'on n'applique à ce mal un remède efficace, des milliers de cultivateurs seront dans la misère, le sol du paya ne convenant en général qu'à la culture de la vigne. » Cependant cette triste période tou- chait à sa fin, car après avoir éveillé l'attention de l'autorité, qui en 1810 prescrivait l'échenillage, et après une gelée printanière (les Pyrales mortes de faim sans doute), les vignes reprirent leur riche aspect, et une récolte peu abondante, il est vrai, mais de qualité supérieure, vint dédommager les propriétaires. Cette récolte fut suivie de celle si renommée de 1811. Quatorze années s'écoulèrent sans ramener le fléau, puis en 1825 il re- parut. Faible d'abord, le mal fut chaque année en augmentant, et en 1837 et 1838 il était parvenu aune intensité effrayante. D'après des calculs restés à dessein au-dessous de la vérité, les pertes éprouvées durant cette période de dix ans environ, dans vingt-trois com- munes du Rhône et de Saône-et-Loire, se sont élevées annuellement, sur 3,000 hectares envahis, à 75,000 hectolitres de vin, soit, en calculant à 20 fr. l'hect., prix minimum, à 1,500,000 fr. Eu ajoutant tous les travaux accessoires supprimés par le fait, fournitures, frais de circulation, de trans- port, ainsi que les dégrèvements d'impôts qui se sont élevés à plus de 100,000 fr., on a, pour ces deux départements seulement, une perte an- nuelle de 3 à 4 millions de francs, soit au bout de dix ans une perte de 30 à 40 millions. Par suite de circonstances inconnues, le département de la Côte-d'Or semble avoir été, à cette époque, préservé, ou à peu près, des ravages de la Pyrale. Ce n'est qu'en 1837 et 1838 qu'ils attirèrent l'attention des proprié- taires par l'envahissement de quelques centaines d'hectares dont la perte 2()G LA PYRALE DE LA VIGNE. de récolte ne dépassa pas toutefois un quinzième, Nous verrous plus loin qu'il n'en a pas toujours été ainsi malheureusement. Dans le département de la Marne, après avoir disparu à la fin du siècle dernier et au commencement de celui-ci, le mal se réveillait en 1820, et, après avoir sévi pendant dix ans environ, il disparaissait presque complè- tement, pour ne plus reparaître que çà et là à L'état de points isolés; en 1862 toutefois, M. Paris (Soc. ent. de France) signalait de nouveau le mal comme grave dans le canton d'Ay, près Reims. Le département de Seine-et-Oise, dont le canton d'Argenteuil avait été l'objet des observations de Bosc en 1783, fut depuis cette époque dévasté par la Pyrale à deux reprises différentes. Les années qui suivirent 1807 furent surtout marquées par de grands dégâts. Puis, pendant quinze an- nées, de 1816 à 1831, le fléau cessa, pour reparaître ensuite avec une vigueur nouvelle. En 1837, le maire d'Argenteuil écrivait à l'Académie des Sciences que les dégâts pouvaient être, cette année-là, évalués de 5 à 600,000 francs, sans parler de l'influence funeste se faisant toujours sentir durant les années suivantes. La Pijrale, déjà mentionnée à la fin du siècle dernier dans la Haute- Garonne, y reparut en 1808, cessa tout à coup en 1814, pour reparaître avec une intensité nouvelle et croissante de 1829 à 1838, au point d'enlever les quatre cinquièmes de la récolte . Le département de la Charente-Inférieure, où l'insecte avait exercé ses ravages vers le milieu du siècle dernier, le vit reparaître en 1801, puis vers 1837, à des degrés divers; presque toutes les communes viticoles du département étaient atteintes, et l'île de Ré, qui depuis longtemps avait quelques points d'attaque, voyait l'insecte se répandre sur tout son terri- toire. En 1838, aucun département viticole n'était envahi d'une façon aussi générale et sur certains points plus grave. Une supplique adressée à cette époque au préfet par la municipalité de Saint-Sauveur de Nuaille, près La Rochelle, indique la durée et l'intensité d'un fléau : « Depuis dix-huit ans, les vignes de nos administrés sont atteintes de vers qui les dévorent. Jamais calamité n'a été plus destructive. Les hommes n'ayant que cette ressource, la terre n'étant propre à aucune autre culture, ils ont persévéré longtemps à entretenir leurs propriétés; mais actuellement leur épuisement est tel que les uns arrachent leurs vignes, les autres cessent de les cultiver.» Les Pyrénées-Orientales, au dire des vignerons, ont de tout temps été ravagées par la Pyrale, appelée conque dans le pays; mais vers 1838, comme dans les autres départements, le mal avait acquis la plus grande intensité dans les deux cantons de Perpignan et de Rivesaltes ; on évaluait la perte annuelle à 14,000 hectolitres de vin. LA PYRALE DE LA VIGNE. 207 Enfin !o département de l'Hérault est atteint, dit-on, depuis plus d'un siècle; mais ce n'est qu'en 1801 que les dégâts occasionnés par la Pyrale dans les localités exactement désignées, les environs de Marseillan et de Florensac (arrondissement de Béziers), furent l'objet d'une communication de Draparnaud à la Société d'Agriculture de l'Hérault. Ce travail fut imprimé et répandu dans le département, par ordre du préfet. Vers 1818, l'insecte se montrait de nouveau sur le môme territoire, et en 1820 le mal avait pris assez d'accroissement pour que le Conseil municipal de Mar- seillan sollicitât du ministre une indemnité aux deux communes atteintes par le fléau et une prime d'encouragement à qui trouverait un remède efficace. La Pyrale gagna encore du terrain les années suivantes, envahissant toutes les communes voisines de Florensac et de Marseillan, surtout celles situées dans la direction de la mer. sur la rive gauche de l'Hérault ; puis, vers 1823, disparut, pour atteindre les environs de Montpellier, où elle paraissait confinée en 1838, au moment où Audouin, chargé de sa mission officielle, y arriva. Il résulte de ces documents historiques, longuement développés dans le livre d'Audouin et résumés autant que possible dans les pages qui précè- dent, que pendant une période d'environ vingt ans, se terminant en 1838, le fléau a été à peu près permanent dans six départements viticoles, et qu'à part l'Hérault il a toujours augmenté en étendue et intensité. Depuis cette époque, avec des alternatives que nous tâcherons d'expli- quer, quittant brusquement ua canton pour en attaquer un autre, malgré des moyens vraiment efficaces trouvés pour la combattre, la Pyrale a peu à peu étendu son empire, et jusqu'à la Bourgogne, qui du temps d'Audouin était à peu près indemne, bien des vignobles épargnés jusque-là ont été atteints. « Les dégâts de la Pyrale, dit M. André [Les Parasites et les Ma- ladies de la vigne, pag. 33) se calculent en Bourgogne par des sommes considérables. Je ne veux en citer qu'un chiffre rapporté tout récemment et qui résulte de calculs et d'expériences consciencieusement faits par un de nos intelligents viticulteurs. M. Montoy, dans le Bulletin du Comité d'Agriculture de Beaune, nous montre qu'en écartant toutes les causes d'exagération, la Pyrale enlève certaines années, dans les vignobles du seul arrondissement de Beaune, environ un tiers delà récolte, représentant plus d'un million de francs, et cela en ne considérant que les vignes à vins Dns et sans tenir compte des grandes étendues de terrains plantés en vignes ordinaires.» En Champagne, d'après M. Paris [Ann. Soc.ent., 18G2), le mal s'est beaucoup étendu depuis Audouin. D'après M. Vimont, président du Comice agricole d'Épernay (Ier juin 1888), a les coteaux d'Ay et d'une manière 208 LA PYRALE DE LA VIGNE. PLANCHE II. Métamorphoses et Ravages de la Pyrale de la Vigne. 1. Sarment de vigne attaqué par la Pyrale. ï et 3. Feuilles rongées. 4. Feuille et grappe réunies en fourreau encore en végétation. 5. Feuille roulée en fourreau à demi desséchée. G. Feuille roulée en fourreau et sèche. 7 et 8. Chenilles adultes. 9. Chrysalide à demi sortie d'un fourreau. 10. Papillon au vol. LA PYRALE DE LA VlfiNË. 200 générale les environs de Reims sont toujours la terre île prédilection de la Pyrale; mais, les grandes invasions ne se produisant que de loin en loin, on recourt trop soumit au remède quand le mal est fait » . Dans l'Ouest et le Sud-Est, le mal tend beaucoup a -i1 propager. Là, comme dans bien d'autres contrées, depuis trente ans, la culture de la vigne ayant envahi les plaines, l'insecte, comme nous le verrons plus loin , se trouve ainsi dans des conditions exceptionnelles de réussite. A l'étran- ger, si nous parlons de la Suisse, le mal, observé sur les bords du Léman, dès 1825, par Alexis Forci, n'a fait que s'étendre, et il nous aété signalé en Argovie par M. Wullschleger, de Lentzburg. Eu Allemagne, M. Von Heyden nous cite l'insecte comme se trouvant partout dans la vallée du Rhin. Il a été, comme on sait, décrit pour la première fois eu Autriche. M. Ilorvath, de Buda-I'esth, le range parmi les ampélophages les plus répandus en Hongrie, et de son côté M. .1. Weny (Rovartani Lipok, 1S8G) le signale comme un fléau constant. M. Gennadius en dit autant pour la Grèce, M. Graclls pour l'Espagne. En Ralie, l'espèce paraît moins fré- quente que la Cochylis, et nous aurons l'occasion de dire que rarement les deux insectes attaquent simultanément le même vignoble. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. La Pyrale à l'état parfait est un petit papillon aux ailes d'ordinaire re- pliées sur l'abdomen et en forme de ebape. Le corps est long de 11 à 15 millim.,de l'extrémité antérieure des palpes a l'extrémité postérieure des ailes ; la couleur est jaunâtre plus ou moins dorée. L'envergure des ailes déployées est d'environ 20 à 24 million (fig. 43). La tête, d'un jaune fauve, est surtout remarquable par ses deux palpes labiaux renflés au milieu, formant en avant comme deux pointes paral- lèles, longues d'environ 2 à 3 millim.; les antennes, iiliformes, sont jaunes, garnies de poils blonds et à pe- tites écailles noirâtres, composées de 50 à 60 articles. L'insecte ne mangeant pas, la trompe est courte et, déroulée, ne dépasse pas 1 millim. et demi. Les Fig. 43. — Papillon yeux, grands, hémisphériques, composés, comme de la Pyrale. chez les autres Lépidoptères, de nombreuses facettes hexagonales, sont verts quand l'insecte est en vie, noirs après la mort. Le thorax, d'un jaune doré, est convexe, couvert d'une épaisse fourrure d'écaillés terminées par deux pointes allongées en forme de poils, cachant complètement les sutures des trois segments thoraciques. Les ailes antérieures sont jaunes, rouueâtres, souvent avec des reflets 14 210 la pyrale de la vigne. dorés, parfois verdâtres ou couleur paille, avec une tache à la suture, près de leur base, et trois bandes transversales brunes à reflets dorés ou ferru- gineux: les deux premières fortement obliques ; les deux secondes moins obliques, très larges sur les bords; la troisième, celle de l'extrémité, pres- que droite. Cette tache et ces bandes sont plus accentuées chez les mâles que chez les femelles. Chez ces dernières, elles disparaissent souvent; les ailes sont alors d'une même teinte. Les ailes postérieures sont d'un gris uniforme plus ou moins doré. A la base de ces ailes, se trouve le frein, dont nous avons parlé à propos des caractères généraux des Lépidoptères. C'est, chez la Pyrale, un fort crin inséré à la base de la première nervure et venant s'engager dans un petit tube fixé à la base de l'aile supérieure. Les pattes, longues, velues, sont d'un jaune gris. L'abdomen, caché sous les ailes, de même teinte que le thorax, est com- posé de sept anneaux distincts. Ce papillon commence à éclore les premiers jours de juillet, un peu plus tôt, un peu plus tard, suivant les régions ; au bout de vingt à vingt-cinq jours, toutes les éclosions sont terminées, et c'est dans les vignes les plus hâtives que se voient les papillons les plus précoces. L'insecte, ne mangeant pas, ne vit guère au delà de quinze jours, et, s'il trouve à s'accoupler de suite, il meurt aussitôt l'accouplement et la ponte accomplis. Le vol est court, dix mètres au plus ; l'insecte part d'un cep pour aller se poser sur un autre. C'est au coucher du soleil que les papillons volent en plus grand nombre, et ils ne reprennent leur immobilité que lorsque la nuit est close. Le matin, au crépuscule, le vol recommence et cesse peu après le lever du soleil. Il va sans dire que par un temps couvert il n'est pas rare de voir des papillons voler en plein jour, surtout lorsqu'ils sont dérangés, mais jamais au soleil. En cas de vent, l'insecte reste jour et nuit dans une immobilité complète, cramponné aux feuilles et aux tiges, et c'est à peine si dans cette circonstance on peut en apercevoir quelques-uns, môme à l'époque de la plus forte éclosion. L'accouplement, qui a lieu sur les feuilles de la vigne, dure parfois vingt- quatre heures. Les deux insectes se tiennent bout à bout, la tète dirigée à l'opposé l'un de l'autre, les ailes du mâle recouvrant en partie celles de la femelle; parfois cependant celles de la femelle s'appliquent sur celles du mâle. Ponte et éclosion des œufs. — C'est toujours à la face supérieure des feuilles que les femelles déposent leurs œufs. Ceux-ci sont pondus en une seule masse en forme de plaque, et l'insecte les dépose non pas en avançant, mais en reculant, les protégeant ainsi de son corps pendant les premiers i.a pvraLe de la vigne. 211 instants. Un liquide agglutinant fixe les œufs sur la feuille; ils sont dis- posés par rangée, se recouvrant un peu les uns les autres comme les tuiles d'un toit. Lorsque La dernière rangée est déposée, la femelle emploie plu- sieurs secondes à les recouvrir de la matière agglutinante, puis elle reste sur les amfs deux, ou trois minutes avant de s'envoler. Dix minutes environ s'écoulent entre le dépôt du premier œuf et le départ de l'insecte. Ce délai, du reste, dépend du nombre d'oeufs pondus. Audouin a compté dans les plaques, depuis une douzaine d'œufs seulement jusqu'à 150 ou 200 ; mais la moyenne en renferme de 50 à GO. Ces plaques sont rondes ou ovales, parfois irrégulières. Les œufs sont d'une forme ovalaire un peu comprimée, d'une longueur de 1 millim. ou un peu moins, et leur couleur se modifie de la ponte à l'éclosion. Ils sont d'abord d'un vert pomme tendre, puis passant insensi- blement au vert jaunâtre et de là au jaune, pour devenir ensuite bruns, enfin d'un gris noirâtre; alors réclusion approche, et après celle-ci les œufs deviennent blancs. L'éclosion se fait en général au bout d'une dizaine de jours, quelquefois un peu moins, mais souvent davantage ; Audouin a constaté jusqu'à seize jours. L'abbé Roberjot (1787), qui le premier a observé que les œufs ne passaient pas l'hiver, a parlé d'une vingtaine de jours. Ce délai doit dépen- dre de la température et de l'état hygrométrique de l'air. Audouin dit avoir hâté l'éclosion en soumettant les pontes à une température de 36° dans une serre humide où les feuilles étaient entassées. On peut du reste, quand on aperçoit par transparence la tète de la petite chenille, en hâter la sortie en soufflant sur les œufs. A peine, dit Audouin, le souffle chaud et humide s'est-il fait sentir, que bientôt on distingue à la loupe, dans l'intérieur de l'œuf, la petite chenille qui se meut lentement ; on voit alors la tête se dresser et les mandibules ratisser l'enveloppe jusqu'à ce qu'elle se rompe. Cette facilité apportée à l'éclosion par la chaleur humide contribue à expliquer la plus grande abondance de la Pyrale dans les bas-fonds que sur les hauteurs. L'air, plus calme le soir dans les mêmes endroits, facilite aussi beaucoup les allées et venues des papillons. Ceux-ci paraissant en juillet, l'éclosion des œufs a donc lieu en août. Le nombre des plaques d'œufs sur une même feuille est plus ou moins grand: quelquefois il n'y en a qu'une ou deux, parfois aussi quatre, cinq et jusqu'à dix ou douze. En 1837, à Saint-Lager, dans le Beaujolais, Audouin a calculé que certains ceps portaient plus de 3,000 œufs. La Pyrale préfère la vigne à tous les autres végétaux, mais elle est polyphage. Audouin adonné aux chenilles des feuilles de frêne, de ronce, d'althéa, de fraisier, de luzerne, qu'elles mangeaient fort bien. M. Paris 212 LA PYRALE DE LA VIGNE. [Bail. Soc. ent. de France, 1862, pag. 19) dit avoir trouvé l'espèce en Champagne, mangeant les divers chardons qui poussent dans les vignes. Les pontes sont parfois déposées sur toutes les plantes à la portée de l'insecte : aubépine, églantier, liseron, etc., et, d'après Audouin, des pontes trouvées par Scbiffermuller sur le Stachys Gerrnanica ont sans doute contribué à faire considérer pendant longtemps les deux noms de vitana et Pilleriana comme s'appliquant à deux espèces différentes. La chenille. — Au sortir de l'œuf, les chenilles de Pyrale ont de 1 millim . et demi â 2 millim. de longueur. La tète et le premier anneau sont d'an noir brillant; tout le reste du corps est d'un jaune verdâtre et couvert de poils de même couleur. Les chenilles adultes (fig. 44) atteignent de 2 centim. et demi à 3 centim. de longueur. Elles sont alors verdàtres en dessus, d."un vert jaunâtre sur les côtés et quelquefois même d'un jaune assez vif; mais il y a des variations. Ainsi, le des- sous du corps, souvent entièrement vert clair, est quel- quefois orné de bandes longitudinales d'un jaune verdâtre ou grisâtre. Sur le dos se voient de très petites taches punctiformes blanches et verdàtres donnant naissance a un poil d'un vert sale ou roussâtre. La tète est toujours plus ou moins noire, mais le premier segment tboracique est parfois roux avec le bord antérieur plus clair. Les Fig. 44.— Chenille côtés du corps, généralement verts, sont tantôt de nuance e a Pyra e. c]airej tantôt grisâtre, tantôt jaunâtre; le dessous est souvent nuancé de gris, de vert et de jaune, toujours d'un ton moins foncé que le dessus. Les chenilles, aussitôt écloses, se dispersent sur les feuilles et cherchent immédiatement un abri. Ce rfest qu'au printemps que, sortant de leur re- traite, elles commenceront leurs ravages. Leur taille, qui ne varie pas jus- qu'au mois d'avril suivant, prouve qu'elles ne prennent aucune nourriture en automne. Après s'être placées sur le bord d'une feuille, elles se laissent tomber, soutenues par un long fil soyeux, et, balancées parle vent, atteignent bientôt le bois de la vigne, sous les écorces de laquelle elles se réfugient. Les bras de la souche sont choisis de préférence au tronc, surtout les parties coudées et par cela même abritées. Dans les pays où l'on emploie des échalas ou des piquets pour soutenir les cordons, les fissures de ces supporls servent aussi de refuge à beaucoup de chenilles. Une fois abritée, la petite larve se file un cocon de soie blanche, long de 3 à 4 millim., en ellipse allongée. C'est dans cet étroit fourreau qu'elle restera blottie pendant tout l'automne et tout l'hiver, vivant ^ainsi pendant LA PYRALE DE LA VIGXE. 2-J3 neuf mois sur ses réserves physiologiques, jusqu'à ce que, le soleil d'avril ayant l'ait épanouir les bourgeons, elle sorte de son sommeil léthargique et monte vers les feuilles. L'insecte ne mangeant pas à l'état déjeune chenille, ne mangeant pas non plus sous forme de chrysalide et de papillon, on conçoit qu'il faut qu'en moins de deux mois, sous forme de grosse chenille, il absorbe assez de feuilles pour les dix autres mois de son existence. De là sa voracité, et, étant donnée sa fécondité, les ravages rapides qui en sont la conséquence. Les chenilles de la Pyrale quittent les écorces ouïes fentes d'échalas dans la seconde quinzaine d'avril ou la première de mai, suivant les climats, sui- vant aussi la précocité ou le retard de la chaleur. Dès qu'elles ont gagné les extrémités des pousses, leur premier soin est de tendre des fils et de rapprocher autant que possible les feuilles et les petites grappes qui consti- tuent le bourgeon. Jamais, dit Audouin, pendant toute la durée de leur vie, les chenilles ne commencent à manger sans s'être mises ainsi à l'abri dans l'espèce de fourreau qu'elles se filent. C'est en vain qu'on essaye de leur faire prendre leur nourriture hors de ce fourreau, et lorsqu'elles sont obligées de le quitter, soit parce qu'elles ont été inquiétées, soit parce qu'il ne leur offre plus de nourriture, leur premier soin est de se construire un nouvel abri. Lorsque les feuilles commencent à se développer et que les petites c/ie- nilles ont atteint une longueur d'environ 1 centim., elles quittent l'extrémité des pousses et descendent au milieu des grandes feuilles et des grappes. Là, elles recommencent à travailler, et, le champ étant plus vaste, l'ouvrage devient aussi plus compliqué. Se plaçant sur une feuille qui doit faire partie de son nid, englobant dans sa nouvelle demeure, soit une autre feuille, soit une grappe voisine (PI. II, fig. 4 et 5), h chenille jette des deux côtés de son corps des fils étroitemeut bridés et entre-croisés de manière à former au- dessus d'elle une espèce de plafond surbaissé ; puis elle grimpe sur celte toile pour aller construire un second étage à sa demeure. Lorsque la nouvelle trame est assez épaisse, elle détruit avec ses mandibules les premières brides devenues inutiles et rend ainsi sa demeure spacieuse. Enfin elle tapisse de fils la portion de la surface de la feuille qui constitue le plancher de sa loge. Ce travail exige quelques heures, et il est bien rare que la chenille l'abandonne avant qu'il soit complètement terminé. Le dommage causé à la vigne peut être attribué autant à la construction des fourreaux qu'à la voracité des chenilles. Les innombrables fils jetés dans toutes les directions entravent eu effet la végétation, arrêtent la floraison et la fructification des grappes qui se trouvent englobées. Ces enchevêtrements de grappes, de feuilles et de vrilles offrent l'aspect de désolation si parti- culier aux vignobles envahis par la Pyrale (PI. II). -14 LA PYRALE DE LA VIGNE. Les chenilles préfèrent les feuilles aux grappes ; mais elles mangent souvent ces dernières, les attaquant d'abord par le pédoncule. Les grappes alors se fanent, comme du reste les feuilles, attaquées souvent aussi par le pétiole ; pour peu qu'il pleuve, la fermentation se produit dans le fourreau et l'insecte le quitte pour aller en former un autre, ce qui augmente d'autant les dégâts. C'est surtout le matin et le soir que le ravageur est dans toute son activité, et l'on assure, dit Audouin, que le soir, par un temps calme, comme dans les magnaneries au moment des repas, on peut entendre le bruit que les chenilles font en mangeant. Chaque larve se construit un fourreau pour son propre compte; mais il arrive qu'une même feuille est utilisée par plusieurs chenilles; de sorte qu'on a pu dire que les Pyrales vivaient en société dans la même loge. Le cas se présente lorsque les larves sont nombreuses sur une même souche; encore chacune d'elles a-t-elle son petit fourreau séparé (PI. II, Pig. 4) pour y opérer tranquillement ses mues. La Pyrale à l'état de chenille, comme le Bo?nbyx du mûrier, comme du reste toutes les larves d'insectes, est soumise en effet à des changements de peau qui, au nombre de quatre chez notre espèce, se succèdent pendant les quarante-cinq à cinquante jours d'existence larvaire. La période d'une mue à l'autre est de dix a douze jours, y compris le temps de crise qui précède chacune de ces mues. Une fois celles-ci opérées, revêtue d'une livrée plus belle que la précédente, la chenille recommence ses ravages jusqu'à ce que, huit jours environ après le quatrième changement de peau, elle cesse de manger pour se transformer bientôt en nymphe. La chrysalide. — Quand le moment de la métamorphose est arrivé, c'est-à-dire seconde quinzaine de juin environ, les chenilles vont chercher un abri dans les feuilles desséchées et entrelacées de iils qui ont constitué les fourreaux d'habitation. Si les vignes n'ont pas été fortement ravagées et que les chenilles n'y trouvent pas de nids convenables, elles s'en font de nouveaux en incisant avec leurs mandibules les pétioles de quelques feuilles qui ne tardent pas à se faner et qui, desséchées et réunies par des fils à d'autres feuilles ou à des grappes (fig. 5 et G), leur permettent de s'y mettre à l'abri. La chenille adulte, blot'.ie dans son réduit, ne prend plus aucune nour- riture et sa transformation a lieu au bout de deux ou trois jours. De suite après cette métamorphose, la chrysalide est d'un vert jaunâtre, qui ne tarde pas à devenir de plus en plus foncé, et au bout de quelques heures l'insecte est entièrement rembruni. Renfermée dans l'intérieur du dernier étui de soie que la chenille a filé avant sa transformation, libre quelquefois au milieu des nombreux fils LA PYRALE DE LA VIGNE. 2 1 ô tendus dans le fourreau, la chrysalide, dépouillée de la peau de larve pui- ses mouvements, s'y trouve soutenue par les épines recourbées qui gar- nissent l'extrémité postérieure de son corps. Ces crochets, au nombre de huit, quatre à l'extrémité du dernier segment et deux de chaque côté, s'accrochent dans les fils qui entourent l'insecte, et le maintiennent en place malgré les secousses occasionnées par le vent. A part cet appareil fixateur, la chrysalide est remarquable par la double rangée d'épines qui garnissent la partie dorsale de ses anneaux abdominaux. Sa longueur est d'environ 12 à 14 millim. sur une largeur maximum de 3 millim.; sa forme est donc relativement allongée. Sa couleur définitive est d'un brun rouge, plus foncé sur l'abdomen. La transformation en insecte parfait a lieu environ quinze jours après la métamorphose en chrysalide. Audouin a observé des éclosions au bout de douze jours, d'autres au bout de dix-huit jours seulement. Au moment de l'éclosion, la peau de la chrysalide se fend sur les parties latérales, aux sutures formées par les éniinences des ailes et des antennes. Le papillon dégage d'abord ses pattes, ensuite sa tète, et finit par sortir entièrement de la dépouille de la chrysalide. Celle-ci, souvent entraînée hors du fourreau par les efforts que fait le papillon pour s'en dégager, reste parfois suspendue extérieurement par son extrémité (Pi. II ,fig. 9). L'éclosion se faisant le matin, l'insecte, suffisamment raffermi par une journée de repos, prend son vol dès le premier soir, cherche de suite à s'accoupler, et, la poute opérée, le cycle recommence. III. — CONDITIONS FAVORABLES OU DÉFAVORABLES A LA PYRALE Certaines localités, telles qu'Argenteuil ou Romanèche, ont été, peut-être dès le début de la culture de la vigne, exposées aux attaques de la Pyrale; d'autres alternativement atteintes ou préservées ; d'autres, indemnes pen- dant de longues années, ont été de nouveau brusquement envahies; certaines enfin, à côté môme des quartiers atteints, ont toujours été garanties. Audouin s'est demandé si la nature du terrain était pour quelque chose dans l'exten- sion du mal. D'après ses observations, il n'en est rien. La vigne, dans les différents viguobles, est plantée dans les terrains les plus divers. L'insecte se montre dans le granit, le porphyre, les cailloux, le sable, l'argile, aussi bien que daus la marne, les calcaires compacts, la craie friable, le gypse ou les sols d'alluvions, si variés de composition. L'exposition ou la disposition des lieux semblent seuls influer sur la pré- sence de la Pyrale. Presque toujours elle choisit les endroits à l'abri du vent du nord, les coteaux exposés au Midi ou à l'Est et surtout les plaines. Î!16 LA PYBALE DE LA VIGNE. Sur la rive droite de la Saône, aux environs de Montpellier ou de La Rochelle, les dégâts ne sont plusaussi graves, cessent même souvent, aussitôt que le terrain commence à s'élever. Si dans la plaine il y a des bas-fonds, ces parties-là sont spécialement infestées. Ce fait, observé de tout temps, est en rapport surtout avec les habitudes du papillon, qui recherche les parties basses, tranquilles et un peu humides. L'étendue des dégâts dépend aussi de la nature des cépages. En Bourgo- gne et dans Je Beaujolais, le Pinot est attaqué de préférence au Gamay, plant plus commun. En Roussillon et dans le Bas-Languedoc, on a fait les mômes remarques au sujet du Grenache et de YAramon, aux. tissus plus tendres que ceux de la Carignane. Celle-ci est d'ordinaire respectée, au détriment des deux autres . Généralement les cépages à raisins noirs sont plus attaqués que les cépages à raisins blancs. Les vignes vieilles sont aussi plus exposées que les jeunes: il est en effet prouvé que le papillon a l'instinct de confier de préférence ses œufs aux souches dont l'écorce soulevée et crevassée assurera aux jeunes larves un abri pendant l'hiver. Reste à expliquer pourquoi le fléau disparait souvent complètement d'un pays, tout au moins diminue beaucoup d'importance, pour reparaître ensuite, parfois terrible, à de nombreuses années d'intervalle. A ce sujet, on est loin de tout savoir. Certains faits paraissent même inexplicables ; mais on peut dire que les intempéries et surtout les insectes parasites viennent jouer bien souvent le rôle de pondérateurs. Intempéries. — Nous ne devons pas entendre par intempéries les froids de l'hiver ou les pluies. Ils n'ont aucune action sur les chenilles de Pyrales. « L'hiver de 1879-1880, dit M. André, nous a fait passer en Bourgogne par des froids de moins 25 à 30°, tout à fait anormaux dans nos régions, et il y avait lieu de croire que les jeunes chenilles en souffriraient. I\ n'en a rien été, car jamais les Pyrales n'ont été aussi abondantes que dans l'été qui a suivi. D'autre part, Its pluies, même persistantes, ne peuvent avoir que peu d'influence sur des chenilles qui savent si bien s'abriter dans des fourreaux de feuilles et se filer des rideaux de soie qui les garantissent. » Les gelées printanières paraissent avoir une tout autre importance, et l 'expérience prouve qu'elles peuvent être pour le vigneron un puissant auxi- liaire. A cette époque, dit Audouin, les chenilles, sorties de leur retraite d'hiver, deviennent aussi sensibles au froid qu'elles l'étaient peu auparavant. Ayant commencé à prendre de la nourriture, elles ne peuvent plus s'en passer, de telle sorte que les gelées tardives leur sont fatales de deux façons, action directe sur elles-mêmes et destruction des feuilles qui les nourrissent. C'est ainsi que dans le Maçonnais on explique la brusque disparition de la LA PYHA'-E DE LA VIGNE. 017 Pyraleeu 1811, en 1831 et en 1838. Les chenilles, au printemps de ces an- nées-là, avaient commencé à se montrer en grand nombre'dans les nouveaux bourgeons, et disparurent complètement pour plusieurs années, à la suite de gelées survenues fin avril. En 1838, les chenilles, qui avaient supporté sans périr 17 degrés de froid pendant Pbiver, succombèrent au printemps à une gelée de quelques degrés. Le pbénomèoe était sensible surtout dans les parties basses, où le tléau, comme nous l'avons dit, a toujours plus d'inten- sité. Celte année-là, ces quartiers à Pyrales n'en avaient pas, et les coteaux non exposés à la gelée, souvent indemnes, en avaient seuls conservé. A une époque où aucun remède ellicace n'était connu, une gelée, même enlevant les trois quarts de la récolte, pouvait donc être considérée comme un vé- ritable bienfait par ceux, bien entendu, qui savent voir au delà du moment présent. L'année 1811, notamment, fut suivie d'une longue période sans Pyrales, et fut aussi l'année des vins de la comète. La pluie est, nous l'avons dit, sans inlluence sur les chenilles ; mais elle est parfois d'un secours sérieux en juillet contre le papillon ; il n'est pas rare alors de voir après les orages, sous les ceps de vigne, le sol jonché de papillons qui auparavant voltigeaient à l'entour. Pendant l'hiver, l'inondation des vignes basses à la suite de grandes pluies a toujours été suivie de la disparition complète du tléau. On voit de suite quel parti on peut tirer, contre la Pyrale, de la submersion appliquée sur une graude échelle dans le midi de l'Europe contre le Phylloxéra '. Insectes 'parasites. — Comme la plupart des Lépidoptères, la Pyrale est aitaquee par des insectes parasites, et, soit, que son histoire ait été mieux faite que celle de beaucoup d'autres mangeurs de vigne, soit qu'en réalité elle soit exposée à plus d'ennemis, le nombre connu de ces utiles auxi- liaires du vigneron est considérable. L'excellent livre d'Audouin nous fournit encore à ce sujet des renseignements importants. Quiconque, étudiant la Pyrale, a suivi ses transformations dans les vignes ou mieux encore dans son cabinet, a certainement, au lieu du pa- pillon attendu, vu sortir de la chrysalide des insectes qui sous leurs pre- miers états avaient vécu a riutérieur du corps de la chenille. Nous avons eu déjà l'occasion de parler, en général, de ces parasites qui, jouant dans la nature le rôle de pondérateurs, établissent un mouve- ment de bascule entre l'espèce qu'ils sont appelés à détruire et la leur. En ce qui concerne la Pyrale, sa grande abondance, certaines années, est la condition favorable, la cause toute naturelle de la multiplication 1 M. Jaussan (De la Pyrale et des moyens de la combattu . Béziers, 1882) n'est pas de cet avis. Les observations d'Audouin à ce sujet sont pourtant positives. 218 LA PYRALE DE LA VIGNE. extrême de ses ennemis. Progressivement, d'année en année, ceux-ci finissent par apparaître en nombre tel qu'à un moment donné presque toutes les chenilles des Py raies se trouvent infestées de leurs larves et que bien peu arrivent à l'état de papillon. L'espèce disparait ainsi, tout au moins comme fléau, parfois pour plusieurs années. Les parasites, éclosen nombre proportionnel à celui des victimes détruites, se trouvant alors dans l'impossibilité de pondre, disparaissent à leur tour jusqu'à ce que, les Pyrales étant redevenues nombreuses, de nouvelles conditions favorables à leur multiplication se présentent pour eux. Avant que des traitements véritablement efficaces aient été connus, la Pyrale a donc bien certainement disparu souvent d'un pays par des causes naturelles, gelées printanières détruisant tous les bourgeons, pluies d'été ou attaques des parasites. Les ennemis de la Pyrale sont nombreux. Audouin en décrit et figure vingt-quatre espèces. Nous jugeons inutile de parler de tous. Les insectes carnassiers vagabonds, comme les Carabes, les Malacbies, les Heméiobes, les Forficules, etc., qui ne sont qu'accidentellement utiles, seront donc éliminés, et notre liste sera bornée aux vrais parasites vivant dans le corps de l'insecte et qui sont de sérieux auxiliaires du viticulteur. Ainsi réduit, le nombre s'élèvera encore à dix-huit espèces, dont deux seulement appartiennent à l'ordre des Diptères, ou mouches à deux ailes, et les seize autres à l'ordre des Hyménoptères, ou mouches à quatre ailes. Pour les premiers, nous suivrons l'ordre du Catalogue de M. Gobert1; pour les seconds, celui du Catalogue de M. Dours2 : Diptères Tacliina horlorum Meigen. Syrphus [Melanostorna] hyalinatus. Macquart. Hyménoptères : / Ichneumon melanoyonus Gravenhorst. _ ... . 1 Agrypon flaveolatum — Famille des Limneria majalis Ichneumouides. . .) „. , , ' I rimpta aUernans — \ — instigalor Pcmzer. i Chalcis minuta Linné. ! Monodonlomcrus cupnrus Spiuola. I — nitidus Smith. „ ... . \ Pteromaliis deplanatus Walker. Famille des . Chalcidides commums Nées. — cuprmts — / — ovatus — — larvarum — I Eulophus pyralidium Audouin. 1 D' Goberl ; Catalogue des Diptères de France. C.aen, 18a7. 2 Dr Dours ; Catalogue des Hyménoptères de France, Amiens, 1874. LA PYRALE DE LA VIGNE. 210 Famille dos Sphégides. . Methoca formicaria ïurine. Famille des Diploptères. Eumenes [Discœlius) zonatus.. Panzer. Donner ici une description complète de ces dix-huit espères serait sortir de notre cadre. Nous renverrons donc pour les détails au texte et aux belles planches du livre d'Audouin, et nous donnerons seulement sur chacune ce que les naturalistes appellent une diagnose, c'est-à-dire une description sommaire, suffisante cependant pour faire reconnaître l'insecte. Tachina hortorum. — Parmi les Diptères, la famille des Muscides ou mouches vraies se compose d'ordinaire d'insectes vivant à l'état de larve aux dépens de matières azotées, fumiers, viandes, etc., en décomposition; beaucoup d'espèces cependant de la tribu des Tacliinaires vivent dans le corps d'autres insectes. Telle est la Tachina hortorum, observée par Audouin. Ayant vu sa larve sortir du corps d'une chenille de P y raie et l'ayant laissée se transformer en nymphe, il a obtenu, douze jours après, l'insecte parfait. C'est une mouche longue de 7 à 8 millim., d'un noir brillant, velue, la tète garnie sur les parties latérales de la face de poils argentés ; le thorax est noir tirant sur le bleuâtre, l'abdomen noir avec trois lignes transversales plus ou moins apparentes, d'un gris cendré argen- tin. La pupe ou enveloppe de la nymphe formée de la peau delà larve est, comme celle de tous les Muscides, en forme de barillet. Syrphus hyaïinatus. — Le genre Syrphus, qui a donné son nom à la famille des Syrphides, se compose de mouches d'ordinaire jaunes et noires, au vol tour à tour planant ou rapide, dont le rôle dans la nature est géné- ralement d'entraver la multiplication des pucerons. Il est facile, au milieu des colonies de ces insectes, d'observer leurs larves allongées en forme de sangsues, sécrétant autour d'elles une matière gluante, sans cesse occupées à dévorer leui-s victimes. L'espèce observée par Audouin fait exception et se nourrit spécialement de chenilles de Pyrales. C'est une mouche longue de 12 millim. environ, d'un vert bronzé, à l'abdomen aplati, présentant sur le premier segment deux taches jaunes et sur les deux suivants une large bande échancrée vers le bas chez le mâle, complètement interrompue et formant deux taches chez la femelle. La tète et le thorax, sans aucunes taches, sont légèrement pubeseents. La larve, de couleur vert clair, pénètre dans le fourreau de la Pyrale, et après avoir enveloppé sa victime de sa matière gluante, malgré ses mouvements désordonnés, elie plonge dans son corps sa tête effilée. Ecar- tant alors ses mandibules, elle parait ratisser tout le tissu sous-cutané aver- ses crochets cornés qu'on aperçoit par transparence. 220 LA PYRALE DE LA VIGNE. La nymphe ou pupe, comme toutes celles du genre Syrphus, a la forme d'une larme, renflée d'un côté et terminée de l'autre par un prolongement formant comme une queue; sa couleur est verdâtre. La nymphose dure environ quinze jours. Ichneumon melanogonus . — La famille des Ichneumonides, si riche en espèces parasites des Lépidoptères, ne pouvait manquer d'être représentée parmi les ennemis de la Pyrale. C'est à elle, à la multiplication considé- rable de ses individus, qu'est due souvent, en grande partie, la disparition subite du fléau. L'insecte, qui à l'état parfait vit du nectar des fleurs, est carnassier sous sa forme larvaire. Un œuf est déposé par la pondeuse sous la peau de la chenille ; la larve qui en sort grandit dans la cavité générale de sa victime, vivant de son sang et de son tissu graisseux, sans jamais attaquer aucun organe important. La chenille ainsi dévorée vive ne paraît pas cependant souffrir beaucoup. Elle continue à se nourrir, grandit, peutmème se métamor- phoser en chrysalide, mais n'arrive jamais à l'état parfait. Sun ennemi au contraire se développe et subit ses dernières métamor- phoses dans l'intérieur du corps même de la chenille ou de la chrysalide qu'elle a fait mourir. La larve est allongée^souvent termi- née en pointe, apode et de consistance molle. Fig. 45. — Ichneumon. Tel est le mode de développement des Ichneumonides. Gomme forme à l'état parfait (fig. 45), ce sont des insec- tes au corps étroit, linéaire; les antennes grêles, filiformes, atteignant de la moitié à la totalité de la longueur du corps, sont toujours animées d'un mouvement vibratile; l'abdomen, long, souvent pédoncule, est attaché au thorax entre les deux pattes postérieures. Les femelles possèdent un oviscapte composé de trois filets qui, réunis, constituent l'appareil perforant ou tarière destinée à l'introduction des œufs dans le corps de la victime. L'I. melanogonus est long de 4 à 5 millim. La tête et le thorax sont noirs, les mandibules fauves à pointe noire; les antennes, dépassant à peine la moitié du corps, ont les premiers articles ferrugineux, ceux de l'extré- mité hlancs et lesintermédiaires noirâtres; les pattes sont fauves avec l'ex- trémité des cuisses et des tibias noirs. L'abdomen a la longueur de la tète et du thorax réunis, le premier segment fauve à pétiole noir, les deuxième, troisième et quatrième fauves, les autres noirs. r.A PYRALE DE LA VIGNE. 221 Agrypon foveolatum. — Longueur de 7 à 12 millim. Face jaune ainsi que tout ou partie des yeux. Antennes brunes à premier article jaune. Thorax noir ; souvent, chez la femelle surtout, l'extrémité du ruésothorax est ferrugineuse, ainsi qu'une tache latérale du prothorax et les sutures latérales de la poitrine ; parfois une tache de même couleur devant les ailes. Abdomen roux, à pédoncule très grêle et très mince avec l'extrémité et le dos du deuxième segment noirs. Pattes entièrement fauves. Ailes assez courtes, hyalines, lavées de jaune surtout vers la base, à stigma ou tache du milieu de la côte externe jaune. Tarière courte ne dépassant pas 2 millim. Limneria majalis. — Longueur 4 1/2 à G millim.; corps entièrement noir; mandibules jaunâtres au milieu. Antennes noires, delà moitié de la longueur du corps. Abdomen de la longueur de la tète et du thorax réunis, comprimé à l'extrémité chez les femelles, d'ordinaire rond chez les mâles, à premier segment renflé à l'extrémité. Pattes fauves avec les hanches noires. Ailes médiocres, hyalines, à stigma brun. Tarière de la moitié de la longueur de l'abdomen. Pimpla alternans. — Longueur 5 à 8 millim. Noir, tête noire, palpes jaunes, antennes plus courtes que le corps, brunes en dessus, teslacées en dessous avec les deux premiers articles jaunes. Thorax noir, souvent un point jaune à la racine des ailes. Abdomen deux fois aussi longs que le thorax, noir, linéaire, cylindrique avec le bord des segments fauves chez le mâle, ferrugineux chez la femelle. Pattes fauves, hanches tachées de noir, tibias postérieurs bruns avec un anneau d'un jaune pâle aux deux tiers antérieurs, tarses bruns avec la moitié basilaire des articles blanche. Ailes hyalines à stigma brun. Tarière du quart de la longueur de l'ab- domen. Celte espèce est celle que nous avons obtenue le plus souvent â Mont- pellier dans nos éducations de Pyrales. Pimpla instigator. — Longueur? à 15 millim. Corps entièrement noir. Antennes noires plus courtes que le corps. Abdomen sessile, cylindrique, plus long que la tête et le thorax réunis. Pattes roussâtres, hanches et tro- ebanters noirs ainsi que les tarses postérieurs. Ailes enfumées. Tarière de la moitié de la longueur de l'abdomen . Cet Ichneumonide, d'après le colonel Goureau (Insectes nuisibles. Paris, Masson, 1861), attaque aussi un des Lépidoptères les plus nuisibles aux arbres fruitiers, le Bombyx chrysorrœa. Chalcis minuta. — Les Chalcidides parasites de la Pyrale sont plus 222 LA l'YRALE DE LA VIGNE. nombreux en espèces que les Idmeumoaides. Oes insectes, le plus souvent de très petite taille, ont pour caractères généraux des couleurs d'ordinaire métalliques, des antennes coudées et une tarière assez longue, partant de la face ventrale de l'abdomem. A l'état de larve, ils vivent aussi dans le corps de leurs victimes ; seulement le nombre des œufs pondus dans la même cbenille est parfois très considérable. Les larves, nombreuses en propor- tion, sont beaucoup plus courtes que celle des Icbneumonides ; comme celles-ci, elles subissent leur métamorpbose en nymphe dans le corps de la cbenille ou de la ebrysalide dont elles ont dévoré la substance. L'espèce qui nous occupe (fig. 4G) a les caractères suivants: Longueur 3 à 4 millim. Corps entièrement noir. Tète et tborax très fortement ponctués, antennes noires. Abdo- men d'un noir plus brillant que la tète et le tborax, a pédicule très court. Pattes anté- rieures et intermédiaires noires avec l'extré- Fig. 4 6. — Chalcis minuta, pa- . . . , rasite de lu Pyrale, fortement mite des cuisses, la base des jambes, leur grossi, extrémité et les tarses jaunes. Cuisses posté- rieures renflées pour le saut, noires avec l'extrémité jaune; les tibias noirs, à base et à extrémité testacées ; tarses d'un testacé pâle. Monodontomcrus cuprseus. — Longueur 4 millim. Corps entièrement bronzé ou cuivreux. Antennes noires à premier article vert. Tborax pubes- cent. Abdomen lisse, luisant, comprimé latéralement. Pattes de la couleur du corps. Cuisses postérieures renflées pour le saut, armées d'une dent à l'extrémité en dessous ; hanches postérieures dentées. Ailes irisées avec le stigma rembruni sur ses bords. Tarière de la longueur de l'abdomen. Monodontomcrus nitidus. — Nous citons cette espèce d'après M. André, mais elle nous est inconnue. Pteromalus deplanalus. — Longueur 2 millim. à 2 millim. et demi. Tête transverse, de la longueur du thorax, finement ponctuée, d'un bronzé noir. Antennes noirâtres à premier article fauve; mandibules fauves. Thorax large, déprimé, finement ponctué, à pubescence légère, d'un bronzé noir ; métathorax court, étroit, subconique. Abdomen à pédicule très court, de la longueur du thorax, mais un peu plus large, presque rond, un peu déprimé pourtant, d'un brun doré, légèrement caréné en dessous, à pre- mier segment d'un bronzé brillant, dernier segment arrondi chez le mâle, en pointe chez la femelle. Pattes d'un fauve testacé avec les hanches et souvent les cuisses bronzées. Ailes irisées. LA PYRALE DE LA VIGXE. 223 Pleromalus communis. — Longueur 3 millim. Tête, thorax, abdomen bronzés ou verdâtres ; antennes grêles, d'un brun noir, à premier article testacé. Abdomen un peu plus long que le thorax, ovalaire, finissant en pointe, très lisse. Pattes d'un fauve testacé à ongles noirs ; hanches de la couleur du corps. Ailes hyalines. Pleromalus cuprvus. — Longueur 4 millim. Cuivreux. Tète de la largeur du thorax, ponctuée ; antennes noires à premier article testacé. Abdomen de la longueur de la tète et du thorax réunis, conique, d'un cui- vreux violacé. Extrémité et base des tibias testacés ainsi que les tarses. Ailes hyalines. Pleromalus ovalus. — Longueur 2 millim. 1/2. Bronzé; antennes noires, à premier article testacé. Tète et thorax très finement ponctués. Abdomen ovalaire, court, cuivreux, à base d'un vert brillant. Pattes testacées, à cuisses rousses avec le milieu brun. Ailes hyalines. Pleromalus larvarum. — Longueur 2 à 3 millim. Corps vert brillant. Antennes de la femelle brunes à premier article, jaune. Tète verte, bouche jaune. Thorax vert, glabre, brillant, finement ponctué. Abdomen de la longueur de la tète et du thorax réunis, oblong, lancéolé, plan, aigu, très lisse, d'un bronzé brun, avec une tache d'un bronzé noir au milieu. Pattes jaunes, ailes hyalines. Chez le mâle, les antennes sont plus longues, de teinte plus claire, le milieu des deuxième et troisième segments abdomi- naux testacé et translucide; la base des cuisses, surtout des dernières, d'un bronzé noir en dessus. Eulophus pyralidium. — Cette petite espèce, créée par Audouin, n'a pas môme 2 millim. de longueur. Son corps est d'un bronzé obscur; les antennes noirâtres ; la tète et le thorax sont couverts d'une ponctuation serrée et d'une légère pubescence. On remarque en outre un poil raidede chaque côté du prothorax. L'abdomen, oblong, terminé en pointe, est très luisant. Les pattes sont de la couleur du corps avec les tarses d'un fauve testacé. Melhoca formicaria. — Nous désignons sous ce nom, d'après les Cata- logues récents, un petit hyménoptère rangé par Audouin dans la famille des Proctotrupides et dans le genre Belhylus. Tous les entomologistes actuels l'ont sorti de ce groupe, composé d'espèces lilliputiennes, dont un grand nombre vit à l'état de larve, non pas dans les chenilles, mais dans les œufs des Lépidoptères. Dès 1861, le colonel Goureau avait rapproché cet insecte des Sphex, qui emmagasinent des chenilles pour nourrir leurs larves, et c'est en effet dans la famille des Sphéyides qu'il est raniié aujourd'hui. 224 LA PYBALE DE LA VIGNE. Auilouin a admirablement étudié, décrit et figuré ses métamorphoses, -et, comme nous ne les avons jamais observées nous-mème, nous n'aurons qu'à citer brièvement ce qu'il dit. Comme le nom d'espèce l'indique, l'insecte ressemble un peu à une fcurmi ailée. Le corps est allongé, étroit, noir, lisse. Les antennes d'un jaune testacé avec le premier article noir et les derniers rembrunis. Les ailes irisées, légèrement enfumées avec les nervures brunes, n'atteignent pas le bout de l'abdomen. Les pattes testacées avec les hanches et les cuisses noires. L'abdomen, noir brillant, est terminé eu pointe, ce qui, dès le premier abord, distingue l'insecte des fourmis. helilcihoca femelle saisit une chenille par la partie antérieure du corps et la paralyse d'un coup d'aiguillon1 appliqué sans doute dans les ganglions nerveux du thorax. Plusieurs œufs sont ensuite pondus sur la peau, et bientôt de petites larves arrondies réniformes, d'un vert tendre, sortent de ces œufs, et, plongeant aussitôt leur tète entre les anneaux de la chenille, elles se nourrissent de sa substance. Bientôt toute la partie antérieure du corps a pénétré dans celui delà victime; de réniforme, le parasite devient oblong et de couleur jaune; puis enfin, s'allongeant de plus en plus, bien que toujours courbé en forme de croissant, la couleur tourne au brun clair vineux, avec une tache foncée à l'extrémité du corps. La larve adulte, longue d'environ 6 millim., quitte sa victime pour se filer à côté d'elle, sur les feuilles, un petit cocon d'un blanc sale, dans lequel ou aperçoit bientôt la nymphe de couleur jaunâtre qui, par sa forme, rappelle entière- ment l'insecte parfait. Les cocons de toutes les larves, c'est-à-dire cinq à six, qui ont dévoré une chenille, sont filés côte à côte sous une coque com- mune qui les laisse voir par transparence. De cocons filés le 2 août, dit Audouin, sont sortis, le 15 du même mois, des insectes ailés. Ceux-ci passent l'hiver. Au printemps, ils sont communs sur les ceps infestés de Pyrales, où on les voit courir avec agilité. Eumenes zonatus. — Il nous reste à parler d'un Hymênoptère de la famille des Diploptères, voisin des guêpes, qui construit, contre un arbre ou contre nn mur, un nid en terre gâchée, à cellule arrondie à l'intérieur, y emmagasine des chenilles de P y raies paralysées d'un coup d'aiguillon et dépose sur le tas un œuf d'où sortira sa larve. Celle-ci, à sa naissance, trouve à sa portée une proie sans défense et qui, n'étant que paralysée, 1 Audouin dit : la lue ; mais les belles études entomologiques de M. Fàbresur la manière dont les Sphegides conservent fraîche la proie destinée à leurs larves nous autorisent à dire que le MeUwca paralyse la sienne d'un coup d'aiguillon. LA PYRALE DE LA VIT. NE. 225 reste vivante et fraîche jusqu'à ce que, la provision épuisée, le parasite se transforme en nymphe. L'insecte parfait ressemble, comme taille et comme forme, à notre petite guêpe commune [Polistes gallicus), mais sa robe a beaucoup moins de jaune. Il est long d'environ 2centim., noir, la tète et le thorax rugueux et couverts d'une pubescenre grise. L'extrémité du labre ou lèvre supé- rieure est jaune, ainsi qu'une tache à la base des mandibules. Les antennes et les pattes sont noires, les ailes enfumées. Le premier segment abdominal est en forme d'entonnoir, avec le bord de la partie élargie jaune, la partie étroite forme le pédoncule de l'abdomen. Les deuxième et troisième seg- ments, c'est-à-dire les plus larges, portent à leur partie postérieure deux bandes transversales jaunes. Tels sont les principaux ennemis de la Pyrale, ceux qui, à un moment donné, peuvent arriver à faire rentrer l'insecte-fléau dans le rang des es- pèces indifférentes. Nous devions les étudier pour avoir une idée des moyens puissants que la nature emploie pour maintenir l'équilibre des es- pèces. Mais le viticulteur ne pouvait se contenter de ces moyens curatifs, dont l'action ne se fait parfois sentir qu'au bout de plusieurs années et qu'il ne peut diriger. Il en a cherché de plus efficaces, lui permettant d'obtenir chaque année une récolte malgré la Pyrale, et il lésa trouvés. IV. — LUTTE CONTRE LA PYRALE. De temps immémorial1, on a combattu les ravages de la Pyrale par i'écbenillage ; mais le remède se montrait toujours peu efficace. Ce n'est guère qu'en 1842, époque de la publication du livre d'Audouin, que la lutte contre l'insecte a été entreprise d'une façon rationnelle par la plupart des viticulteurs atteints. Non pas que les procédés conseillés par le savant professeur du Muséum aient été reconnus parfaits; mais c'est à partir de ses études, effectuées, comme nous l'avons dit, au milieu même des popu- lations éprouvées par le fléau, que l'attention de tous s'est portée vers cette lutte, considérée, alors seulement, comme possible. C'est à cette époque qu'un procédé vraiment efficace et peu coûteux, l'échaudage, pra- tiqué depuis 1828, mais soigneusement tenu secret, fut étudié et conseillé par la Société académique de Mâcon. Audouin parle de plusieurs procédés qu'il a fait expérimenter, tous avec le plus grand soin, en comparant les résultats obtenus et le prix de revient des opérations. Nous pouvons citer 1 Dr Companyo -, Notice sur les Insectes qui ravagent les vignes des Pyrénées- Orientales. Perpignan, 1839. 15 226 LA PYRALE DE LA VIGNE. l'échenillage, l'ébourgeonnage, l'écimage, le recepage, l'enlèvement des chrysalides, les badigeonnages insecticides, l'écorçage, les feux crépuscu- laires, l'enfouissement des souches, le soufrage des échalas et la cueillette des pontes. De ces divers moyens, les trois derniers seuls ont donné des résultats sérieux et méritent d'être mentionnés avec quelques détails . L'enfouissement des souches en hiver reposait sur ce principe rationnel, qu'une chenille craignant l'humidité, ayant grand soin de se réfugier sous les écorces élevées du cep, doit être tuée par un séjour prolongé dans le sol; mais si, dans la Charente-Inférieure, l'opération s'est montrée efficace sur certains points, la taille spéciale exigée et le peu de produits des vignes ainsi traitées firent renoncer au procédé. Dans les pays où la vigne est soutenue par des échalas, le traitement de ceux-ci par l'acide sulfureux (fumée de soufre) dans un cylindre de tôle galvanisée détruisait toutes les petites chenilles réfugiées dans les fissures du bois, c'est-à-dire environ un tiers de la totalité, et Audouin a constaté que, jointe à l'échenillage pratiqué de tout temps, l'opération avait des résultats heureux souvent très appréciables. De tous les moyens expérimentés par le professeur du Muséum, la cueillette des pontes s'est toujours montrée le meilleur. Ce sont MM. Des- vignes et Delahanle, de Romanècbe, qui les premiers, en 1837, ont appli- qué le procédé sur une grande échelle. C'est chez eux qu'Audouin a fait ses expériences, répétées à Perpignan par le Dr Companyo ; mais l'idée première est due à un vigneron de Lancié, nommé Claude Tardy, qui dès 1836 l'avait appliqué dans ses vignes1. Les œufs, comme nous l'avons dit, déposés par plaques, fin juillet, sur la face supérieure des feuilles, étaient facilement aperçus par l'ouvrier qui, visitant les souches à trois reprises différentes pendant la première semaine d'août, arrivait à n'en oublier que fort peu. Un ouvrier exercé récoltait ainsi en moyenne de 2 à 3,000 pontes dans ea journée, ce qui, d'après les calculs d'Audouin, produisait la des- truction de 150,000 œufs par ouvrier et par jour. Le prix de revient par hectare, qui était, vers 1840, de 60 à 70 fr., s'élèverait environ au double aujourd'hui ; mais l'efficacité reconnue du procédé l'eût certainement fait adopter par tout le monde si des moyens plus économiques et encore plus énergiques, tels que l'échaudage et la sulfurisation, n'étaient entrés dans la pratique viticole. 1 Le Comice agricole de Beaujeu, appelé à constater les heureux résultats de ce travail, a décidé, dans sa séance du 8 janvier 1838, qu'il serait accordé à ce cultivateur une prime d'encouragement de 200 fr. LA PYRALE DE LA VIGNE. 227 Echaudage. — C'est en 1840 seulement, qu'un propriétaire de Ro- manèche, nommé Raclet, s'est décidé à faire connaître le procédé de l'é- chaudage, qu'il avait appliqué avec succès dès 1828 et qu'il avait tenu secret jusqu'alors '. La Société académique de Mâcon, dont plusieurs membres avaient de Fig. 47. — Appareil pour détruire la Pyrale : A chaudière portative ; B entonnoir pour la remplir; C soupape de sûreté avec sifflet avertisseur ; D robinets ; E E crochets pour le transport ; F foyer -, G cafetière pour ébouillanter ; F tonneau à pétrole coupé pour la sulfurisation. suite apprécié la réelle valeur de l'eau bouillante comme insecticide, nomma, dans sa séance du 10 février 1842, une commission pour étudier la méthode, et les conclusions de son Rapport furent les suivantes : « La Commission n'bésite pas à déclarer que le procède de M. Raclet lui parait un moyen sinon infaillible de détruire la. Pyrale, du moins le plus avanta- 1 Ladrey ; La Bourgogne [Revue viticole, 18(31. pag. 35). 228 LA PYRALE DE LA VIGNE. yeux, Je plus simple et le plus économique de tous ceux employés jusqu'à ce jour; qu'il est susceptible d'être appliqué en grand dans tous nos vigno- bles, et qu'il ne saurait nuire en rien à la végétation . » Depuis lors, l'usage d'ébouillanter les ceps n'a cessé de se répandre, et si le procédé de la clocbe avec mèche soufrée, dont nous parlerons, est employé dans certaines contrées, on peut dire que l'échaudage est préféré dans la plupart des régions viticoles de la France. Pour décrire l'appareil et le traitement, nous emprunterons de nom- breux détails à deux sources autorisées : l'Instruction spéciale concernant la Pyi*ale, dont M. Heuzé, inspecteur général de l'Agriculture, est l'au- teur, et le travail sur la Pyrale, bien connu en Languedoc, de M. Jaussan. vice-président du Comice agricole de Béziers1 . L'eau est portée à l'ébullition dans une petite chaudière verticale (fig. 47) munie par côté de deux crochets servant à passer deux barres de bois pour son transport facile dans les vignes. Eu dessus, se trouvent un entonnoir d'alimentation et une petite soupape de sûreté surmontée d'un sifflet d'alarme; en bas, un ou deux robinets, suivant les dimensions de la chau- dière. A l'intérieur, un serpentin traversant le foyer amène un échauffe- ment rapide de l'eau, et la cheminée qui donne issue à la fumée traverse dans certains instruments un petit réservoir supérieur où l'eau d'alimenta- tion commence à s'échauffer. Dès que le sifflet d'alarme se fait entendre, ce qui arrive toujours peu de temps après le premier moment d'ébullition, un des ouvriers remplit d'eau bouillante une cafetière en fer-blanc, d'environ un litre (fig. 47 G), munie d'un bec effilé et enveloppée au besoin de lisières de drap pour la conser- vation de la chaleur. Il la verse promplement sur le tronc et successivement sur chaque bras de la souche, en opérant de bas en haut et en évitant de mouiller les yeux des coursons. Sur un cep de dimension moyenne, le contenu entier de la cafetière doit être employé. Il doit être dépassé si la souche est forte. L'eau doit être bouillante, tout au moins à 80° quand elle arrive à sa destination, afin qu'elle puisse dissoudre rapidement la gomme des coques soyeuses logées dans les écorces fissurées des ceps et tuer les petites che- nilles. On opère par un temps beau et doux, de janvier à mars de préfé- rence, et toujours après la taille. De peur que l'eau n'arrive pas assez chaude sur l'insecte, il faut éviter d'opérer pendant les temps de gelée et de pluie. En Bourgogne, deux ouvriers suffisent pour faire fonctionner l'appareil. 1 L. Jaussan ; De la Pyrale et des moyens de la combattre. Béziers, 1882. LA PYHALE DE LA VIGNE. 229 L'un, le chauffeur, alimente d'eau la chaudière et entretient le feu; l'autre, l'arroseur, verse l'eau bouillante sur le cep. Deux ouvriers habitués à ce travail peuvent traiter par jour de 1,500 à 2,000 ceps. Quand le vignoble est éloigné de l'eau, on apporte celle-ci à l'aide d'une barrique qu'on place le plus près possible de l'eadroit où l'on opère. L'é- ebaudage bien exécuté ne nuit jamais à la vigne et la débarrasse de toute? ses chenilles de Pyrale. Leséchalas sont ébouillantés comme les ceps. En Languedoc, selon M. Jaussan, pour servir une chaudière, il faut un homme et cinq femmes pour distribuer l'eau ; une d'elles aide l'homme à changer l'appareil de place. Il faut de plus, si l'on a deux chaudières, deux hommes transportant l'eau du réservoir à pied d'oeuvre. En admettant une distance de 2 kilom. de la vigne à l'endroit où l'eau est puisée, il faut, pour deux chaudières, une charrette à un cheval et son conducteur pour amener les barriques pleines. Pour arriver à un résultat satisfaisant, on doit placer la chaudière au centre d'un carré de quatorze souches, de façon à avoir sept souches devant, autant derrière et de chaque côté. La distance la plus grande à parcourir sur les perpendiculaires, quand la vigne est plantée à lm,50, est alors de 9m,7o, et dans les diagonales de I5m,75. Cette chaudière est munie de deux robinets par lesquels s'écoule l'eau. Aussitôt qu'une cafetière est remplie, le chauffeur doit verser une quantité égale d'eau froide dans la chaudière. Cela est très important, car ainsi l'é- bullition ne s'arrête pas, tandis que, si l'on enlevait plusieurs litres et qu'on remit en une seule fois la même quantité d'eau froide, il y aurait du temps perdu pour attendre l'éhullition. Quand ou a terminé le carré formé par les quatorze souches de côté, on transporte la chaudière quatorze rangées en avant. Eu partant, le chauffeur doit mettre sa chaudière au plein et ajouter un peu de charbon : l'ébullition ainsi ne s'arrête pas, ou a repris quand la nouvelle installation est terminée ; on recommence delà même façon, et ainsi de suite. La journée terminée, le chauffeur doit abattre sou feu et, si la gelée est à craindre pendant la nuit, vider sa chaudière. Il doit même la renverser en cas de bourrasque de vent, ou tout au moins enlever le tuyau. Certains propriétaires ont modifié le système de distribution d'eau bouillante d'une manière très avantageuse. Trouvant de la difficulté à se procurer le nombre de femmes voulu pour l'opération, ils suppriment les cafetières et ébouillantent directement la souche au moyen de tuyaux en caoutchouc placés a chacun des robinets. Avec cette organisation, l'équipe se compose du chauffeur et de trois femmes seulement. Une des femmes aide a transporter la chaudière, met a pied d'oeuvre l'eau et le charbon ré- 230 LA PYRALE DE LA VIGNE. partis dans les vignes par les ouvriers chargés de ce soin, et les deux autre? manient rhacune un des tuyaux en caoutchouc, qui sont munis à leur extrémité d'une petite lance en fer-blanc de 40 à 50 centim. de long et ter- minés par un bec recourbé. Il faut changer plus souvent la chaudière de place qu'avec le système des cafetières. Si en effet on maintenait la disposition des 14 souches en carré, il faudrait, pour atteindre la dernière souche de la diagonale, un tuyau de 16 met., qui serait gênant. On réduit le carré à 8 souches de côté, et un tuyau de G"1, 50 est suffisant pour atteindre l'extrémité de la diagonale. Pour opérer, le chauffeur ouvre les deux robinets, et l'eau s'écoule parles tuyaux ; son passage est très rapide, étant donnée la tension de la vapeur dans la chaudière; il est facile du reste d'augmenter encore cette pression en chargeant la petite soupape de sûreté. La femme procède à l'ébouillantage et va d'une souche à l'autre sans discontinuer, sans perte de temps. Une fois le carré terminé, le chauffeur, prenant les mêmes précautions, porte la chaudière huit rangées en a vaut. Les femmes chargées des tuyaux les tiennent ramassés dans la main, en ayant soin de tenir la lance un peu élevée. Pour remplacer l'eau chaude employée, le chauffeur n'a pas, comme avec la cafetière, une base bien exacte, mais il y supplée bien vite par un peu d'observation. Les avantages de cette méthode sont sensibles : d'abord on a toujours de l'eau à une température très élevée, 96° environ à la sortie des tuyaux ; ensuite la force avec laquelle elle jaillit permet d'atteindre aisément les parties horizonlales des ceps, sur lesquelles l'eau des cafetières ne peut arri- ver qu'en glissant, et, ce qui est surtout avantageux, on a un personnel moins nombreux. Le moment le plus propice en Languedoc est du commencementde février à la fin de mars, jusqu'au moment où. la vigne débourre. A cette époque, la température, plus douce, refroidit moins rapidement l'eau et augmente les chances de succès. «J'ai voulu me rendre compte, dit M. Jaussan, de la perte occasionnée par l'absence de traitement dans un quartier habituellement envahi. J'y suis parvenu de la façon la plus sûre. Dans une vigne, je pris un lot de 24 ran- gées, que je subdivisai en trois lots de 640 souches chacun. La première année, le lot n° 1 fut traité, les n06 2 et 3 ne le furent pas. La seconde année, les nos 1 et 2 furent traitées, le n° 3 ne le fut pas. Ainsi, j'avais le lot u° 1 traité deux fois. — n° 2 — une fois. — n° 3 non traité. LA PTRALE DE LA VIGNE. 231 Les raisins provenant de chacun de ces lois furent pesés séparément, et il fut trouvé : Lot n° 1 1-9Gi kil°8r' - n"2 1-745 - _ n°3 1-426 - Il y eut donc perte de 219 kilogr. sur le lot n° 2 resté un an sans trai- tement, et de 538 kilogr. sur le lot n° 3 non traité pendant deux ans. Le prix de revient de l'opération en Languedoc, étant donné le nombre de 4,000 souches à l'hectare, est au maximum de 60 fr. l'hectare si les sou- ches sont très fortes, très crevassées, et de 38 fr. si les souches sont jeunes, soit une moyenne de 40 fr. l'hectare. Nous ne pouvons mieux faire, du reste, que de citer un des calculs de prix de revient de M. Jaussan. «Cette année (1882), dit-il, j'ai traité 256,915 souches, dont 152,600 très fortes et 104,315 moyennes ; le détail de ma dépense a été : 13.720 kilogr. charbon 466 fr. 50 erg en Transport °~ ,JU 546 journées de femmes à 1 fr. 90 • • 1-037 40 401 _ d'hommes à 3 25 1-303 25 46 — surveillant à 2 75 126 50 36 — de mule à 3 » 1°5 » Amortissement de 4 chaudières et réparations ... 200 Tuyaux caoutchouc (durée 2 ans) 72 3.363 fr. 15 «Chaque chaudière a fait par jour 1,412 souches; le prix de revient par 1,000 souches a été de 13 fr. 09, et par hect. de 52 fr. 36.» En résumé, la dépense est minime en comparaison de la perte qui résul- terait du non-traitement. Nous devons dire toutefois que ce prix de 52 fr. 36 doit être augmenté pour les vignobles renfermant plus de 4,000 ceps à l'hectare (jusqu'à 50,000), et c'est le cas de tous ceux qui sont en dehors de la région de l'olivier. En Bourgogne, d'après M. André, on a calculé qu'il revient de 115 à 120 fr. 1 hectare, y compris l'échaudage des échalas. A ce prix, on a encore, d'après les calculs de M. Jaussan, grand bénéfice à échauder ; car si le bé- néfice de l'opération est d'euvirou 175 fr. l'hectare, tous frais déduits, pour le Languedoc, il doit être au moins d'autant en Bourgogne, vu la plus- value du vin. Nous avons dit que dans les pays où l'on échalasse la vigne, on ébouil- lantait les échalas aussi bien que les ceps. On peut aussi les échauder a la 232 LA PYRALE DE LA VIGNE. vapeur; c'est même, dit M. André, le moyen le plus employé aujourd'hui en Bourgogne. Pour cela, on se sert d'une chaudière légèrement modifiée, dans laquelle le tuyau de fumée, à sa sortie, est un peu élargi de façon à recevoir un petit serpentin dans l'intérieur duquel circule la vapeur puisée dans la chaudière. On amène cette vapeur, qui est à une température moyenne de 120°, dans une vaste caisse de hois où se trouvent emmaga- sinées plusieurs centaines d'échalas. Ceux-ci atteignent bientôt 80 ou 90°, et tous les insectes qu'ils peuvent contenir dans leurs fissures sont tués. Sulfurifation. — Ce procédé, appelé aussi clochage, consiste à mettre la souche dans un milieu irrespirable pendant un temps assez long pour tuer l'insecte, assez court pour ne pas nuire aux bourgeons. C'est l'acide sulfureux (fumée de soufre) qui a été reconnu l'agent le plus économique et le plus commode à employer. L'idée n'est pas nouvelle : dès 1837, Audouin, nous l'avons vu, l'avait appliquée à la désinfection des échalas, et il est étonnant qu'étant ainsi sur la voie d'un moyen économique et très efficace pour débarrasser la souebe elle-même, il n'ait pas eu l'idée d'en faire l'essai. Pour opérer, on couvre le cep avec une cloche de zinc ou un demi-baril de pétrole muni de deux auses (fig. 47 H) sous lesquels on fait brûler du soufre, en ayant soin de ramener la terre tout autour pour ne pas laisser perdre le gaz sulfureux. Le grand avantage de la sulfurisation, dit M. Jaussan, est de n'exiger qu'un personnel très peu nombreux, et de pouvoir être employée à une époque où les autres travaux agricoles ne doivent pas être exécutés à jour fixe. Un ouvrier peut aisément manœuvrer vingt cloches. Chacune de celles- ci restant dix minutes sur la souche, il en fait six à l'heure et quarante- huit par journée de travail de huit heures. Les vingt cloches feront donc 960 souches par journée ; 900 tout au moins . Si l'on fonctionne pendant trois mois, admettant seulement vingt jours de travail par mois, soit 60 jours, un seul ouvrier avec ses vingt cloches traitera 54,000 souches, soit 13 hectares 50 (nous parlons de l'Hérault, bien entendu) . Les cloches doivent être en métal peu oxydable, en zinc par exemple, et munies de deux poignées pour en faciliter la manœuvre. Leur dimension doit êti-e en rapport avec le développement des souches. Le prix de chaque cloche est de 1 0 à 1 2 francs . On emploie indifféremment des mèches soufrées ou du soufre en canon concassé. Ce dernier est beaucoup moins cher et doit être préféré. L'ou- LA PYRALE DE LA VIGNE. 233 vrier, après avoir mis ses vingt cloches en ligne, pose sur chacune d'elles un petit vase en métal ou en poterie très bon marché, dans lequel il amis quelques morceaux de soufre de la grosseur d'une noix, ou mieux d'une noisette, 25 grammes environ. La forme de ce récipient n'est pas indiffé- rente. Il doit être cylindrique, de 0m, 10 sur 0m, 10 ; lorsqu'il est plat et peu profond, une partie du soufre se liquélie sans fournir tout l'acide sulfureux voulu. L'ouvrier allume tous ses vases renfermant du soufre; lorsque la com- bustion se fait bien, il constate l'heure à sa montre, cl, prenant le premier vase, il Je pose au pied de la première souche de la ligne, qu'il recouvre aussitôt avec la première cloche ; il fait île même pour la deuxième, et ainsi de suite. Le changement des vingt cloches ne dure pas plus de quatre mi- nutes. Une fois la vingtième cloche eu place, l'ouvrier remonte vers la pre- mière, et dans son trajet, si quelqu'une laisse échapper de la fumée, il ramène un peu de terre avec le pied pour boucher la fuite . Arrivé à son point de départ, il allume un des réchauds en sus des vingt qui servent à la manœuvre, et, dès que dix minutes se sont écoulées, il le dépose au pied de la première souche de la seconde rangée et la couvre avec la première cloche. Il ramasse le réchaud laissé à découvert, y ajoute un peu de soufre, 20 à 25 grammes, le met au pied de la seconde souche de la deuxième rangée, la recouvre aussitôt, et aiusi de suite. Le change- ment de la vingtième cloche fait, il lui reste un des réchauds qu'il garnit pour la première souche de la troisième rangée. Cette opération, on le voit, est extrêmement simple ; quelques précautions seulement doivent être prises . Quand on quitte le travail, soit à l'heure des repas, soit à la fin de la journée, il faut bien se garder de laisser les cloches sur les souches; on doit les enlever et les déposer dans les intervalles des rangées. Le séjour trop prolongé des souches dans l'acide sulfureux produirait sur elles le même effet que sur les Pyrales, elles seraient asphyxiées. On a constaté bien souvent que des lignes entières ue poussaient pas : c'étaient celles que l'on se rappelait avoir laissées couvertes pendant la durée des repas. Il faut s'abstenir de traiter immédiatement après les pluies ; l'eau ayant la propriété d'absorber une très grande quantité d'acide sulfureux, le traitement ne serait que peu efficace. Il faut laisser la terre se ressuyer ù la surface, et, si elle était encore mouillée, augmenter un peu la quantité de soufre. Il est bou que la vigne soit déchaussée, ou bien qu'on y ait fait passer la gratteuse. La terre étant ameublie, les fuites sont moins considérables, et si l'ouvrier a le soin, quand la cloche est posée, de lui donner un petit 234 LA PYRALE DE LA VIGNE. mouvement circulaire en appuyant dessus, l'obturation est aussi complète que possible. Par un temps calme et beau, on est dans les meilleures conditions; un vent violent est préjudiciable. Le prix de revient, amortissement du matériel compris, est moins élevé quand on emploie le soufre en canon que lorsqu'on se sert de mèches sou- frées. On peut l'établir ainsi par bectare : Avec le soufre en canon. 104 lui. soufre à 23 fr. (25 gram. par soucbe) .... 23 fr. 90 Main-d'œuvre 15 50 Amortissement 4 60 44 fr. » Avec les mèches soufrées. 4,000 rrècbes à 0 fr. 0127 (37 fr. les % kil. port compris et 29 mèches au kil.) 50 fr. 80 Main-d'œuvre 15 50 Amortissement 4 60 70 fr. 90 En 1882, 113,600 souebes ont été ainsi traitées par M. Jaussan, et ebaque équipe a fait par jour 904 souebes. L'amortissement des cloches est calculé sur une durée de quatre années. Telle est, en résumé, cette opération du clochage, si bien décrite par M. Jaussan. Elle est en usage un peu aux environs de Béziers et beau- coup dans ceux de Montpellier, surtout dans le quartier-général de la Pyrale, qui, comme du temps d'Audouin, continue à être les communes de Mire val, de Vie et de Ville.ieuve-les-Maguelone. Malgré ses avantages réels, cette métbode ne remplacera jamais, croyons-nous, l'écbaudage dans les pays où la vigne est plantée beaucoup plus serrée que dans l'Hérault, encore moins dans ceux où on la plante en cordon . En Bourgogne, par exemp'e, où la plantation est faite à raison de 12,500 à 50,000 ceps à l'bectare (Foëx, Cours complet de Viticulture, pag. 733), la manœuvre des cloches, vu le rapprochement des souebes, serait difficile, et un ouvrier ne ferait guère plus d'un bectare, en travaillant pendant 60 jours. 50,000 souebes, on s'en souvient, font environ treize hectares en Languedoc. L'écbaudage continuera donc probablement à être préféré partout où la vigne est plantée serrée, autrement dit dans les vignobles à vins fins. CHAPITRE X. LA COCHYLIS DE LA VIGNE1 (Tortrix (Cochylis) ambiguella Hubner.) Synonymie. — Teigne de la vigne Rozier(1771 ; Tinca ambiguella Hubner (179G); Tinta omphaciella Faure Biguetet Sionest(1802) ; Tinea «l'a? Menning (1811) ; Pyralis ambiguella A. Forel (1825) ; Tortrix Rosc- rana Frœlirh (18-29) ; Cochylis Roscrana Treitzchke (1830) ; Teignede la vigne Dagonet (1837) ; Tinca ucellaXaUol (1837) ; Cochylis omphaciella Audouin (1842) ; Cochylis Roserana Duponcbel (1844). Noms vulgaires : Ver rouge (Bourgogne), Ver coquin (vallées du Rhône et de la Saône) , Ver de la vendange (Champagne), Teigne des grains ou de 1 BiBLicGRAPinr. — Bonnet; Œuvres complètes, tom. I, pag. 3G7, 1710. — Rozier; Des Insectes essentiellement nuisibles à la vigne (Journal de Physi- que, 177 IL — Hubner: Recueil des Papillons d'Europe, 179G. — Faure Biguet et Sionest ; Mémoire sur les Insectes nuisibles à la vigne. Lyon, 1802. — Von Menning ; Mon oire sur un Insecte très nuisible qui s'est naturalisé dans Vile de Reichtnau, lac de Constance, 1811, et 2e édit., 1810. — Bosc ; Rapport sur une Teigne vivant aux dépens des bourgeons de la vigne et des grains de raùins (Annales de l'Agr. française, 1812).— Alexis Forel ; Mé- moire sur le Ver destructeur de la vigne, avec planche (Feuillu du canton de Vaud, Î825). — Frœlich ; Enumeralio Tortricum in regno Wurtembergicn. 1829. _ Vallot; Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes ennemis de la vigne (Acad. de Dijon, 1841 ; Soc. d'Agr. de Lyon, 1841 ; Revue et Magasin de Zcol., 1840).— Bugnion, Blanchet et Forel; Mémoire sur quelques Insectes nuisibles à la vigne dans le Canton de Vaud (Neue Denkschrift Allgem. Schweiz G( sellsch., 1841).— Audouin ; Histoire des Insectes nuisibles à la vigne, 1842. — Sauzey ; Mémoire sur la Cochylis omphaciella et moyens de la détruire (Ann. Sac. Agr. de Lyon, 1847). — Kollar ; Ueber Weinbeschadigung durch einen Meinen Nachlfalter, Tortrix Roscrana, in dm Weing&rten von Brum nœchsl Mxdling (Stizungsber. Akad. Wissensch. Wien, 1850).— Laboulbéne ; La Cochylis Roscrana à Yillefranche (Bull. Soc. entom. de France, pag. 90. 236 LA COCHYLIS DE LA VIGNE. la grappe (environs de Paris. Dans le midi de a France, on dit générale- ment Cochylis. Sans être aussi longue que celle de la Pyrale, la synonymie de la Cochylis est, on le voit, assez compliquée. Nous avons adopté le nom admis par la plupart des entomologistes modernes, celui qui est porté sur le Catalogue des Lépidoptères de la Faune européenne de MM. Staudioger et Wocke. Le sous-genre Cochylis a été créé par Treilzchke pour les Torlrix qui ont la nervure costale 7 (à partir du bord interne) soudée avec la nervure 8, sur une tige commune, comme bifurquée. L'aile inférieure est un peu lan- céolée, par suite de l'apex très arrondi et de l'angle interne fortement dé- primé (De Peyerirnlioff, Soc. eut. de Fr., 1876, pag. 561 et 575). Les ravages de la Cochylis sont moins célèbres et en réalité moins graves que ceux de la Pyrale. Rarement l'insecte s'établit pour toujours dans une contrée ; il change facilement de localité, et tel quartier qui aura été éprouvé une ou plusieurs années de suite pourra rester u:i demi -siècle sans revoir le fléau. Lorsque l'insecte reparait, le souvenir même en est parfois perdu, de sorte que bien souvent ce petit Lépidoptère nous est envoyé comme nouveau de pays où jadis il avait déjà exercé ses ravages. Si l'on consulte les annales agricoles de toutes les contrées viticoles, on constate que l'aire géographique de cette espèce est plus étendue que celle de la Pyrale. Elle est toutefois moins localisée que cette dernière, et fort heureusement il est très rare qu'on ait à lutter contre les deux chenilles à la fois. Certaines régions cependant sont plus souvent attaquées que d'au- tres. En France actuellement, comme du temps de l'abbé Rozier, le Ver coquin, bien que se montrant souvent dans l'Ouest, fait surtout parler de lui chaque année sur quelques points de la Champagne, de la Bourgogne, du Beaujolais et du Dauphiné. Dans cette dernière région, d'après M. Rougier, professeur d'Agriculture de l'Ardèche, c'est la vallée de l'Isère, jusqu'en Savoie, qui est le plus souvent ravagée. Aux environs de Paris, le quartier le plus atteint parait être le territoire de la commune de Puteaux, et dans les vignobles de la Lorraine les environs de Metz et de Bar-le-Duc. Dans la 1857). — Bach; Ueber Cochylis Roserana die Wienmotte (Natur. und Oflenba- ruog, tom. IV, pag. 254, 1858). — Forel ; Société Linnécnne de Lyon, 1860. — Goureau ; Insectes nuisibles, supplément (Bull, des Se. hist. et nat. de l'Yonne, 1863).— Boisduval ; Entomologie horticole, 1867.— Coret ; Bull. Soc. entotn. de France, 1868. — De Feyerimhoff ; Organisation extérieure des Tordeuses (Soc. ent. de France, 1876). — André; Les Parasites et les Maladies de la vigne, 1882. — Targioni-Tozzetti ; Relazione delta Stazione cli Ento- mologia agraria di Firenze, 1884. LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 237 région de l'olivier, l'insecte se montre tic temps en temps un peu partout; mais les plantations faites depuis une dizaine d'années dans les sables du littoral méditerranéen semblent être actuellement ses quartiers préférés. Si nous parlons de l'étranger, les parages les plus atteints de l'Alle- magne sont, d'après M. Von Heyden, les vignobles de la vallée du Rhin ; en Suisse, les bords des lacs de Constance et de Genève; en Russie, la Crimée. D'Autriche, le parasite nous a été signalé comme très nuisible par M. Bollé; de Hongrie, par M. Horvatb. En Italie, d'après M. Targioni, bien que l'insecte soit parfois signalé dans le Sud, la Toscane et l'ancien Piémont restent les régions les plus attaquées. Pour l'Espagne, l'espèce est comprise dans la liste d'ampélophages que M. Graëlls a bien voulu dresser pour nous, mais elle n'est pas notée parmi les grands ravageurs. Nous dirons enfin que nous ne la voyons pas figurer dans la liste envoyée par M. Gennadius (d'Athènes). Elle est remplacée en Grèce par d'autres espèces. En résumé et quoi qu'en disent certains auteurs, l'insecte paraît se montrer plus fréquent dans les vignobles du nord que dans ceux du midi de l'Europe ; c'est du reste dans le grand-duché de Bade et en Suisse qu'il a été tout d'abord observé d'une façon certaine. I. — HISTORIQUE. La Cochylis était-elle connue des anciens? Il est permis de le croire. mais on peut penser aussi que plusieurs insectes désignés sous les noms ô'Involvulus, de Convolvidus et de Volucra pouvaient être aussi bien la Pyrale que la Cochylis ou d'autres espèces encore. Pline et Columelle, cependant, en se servant indifféremment des mots Volucra et Avança ou Araneus pour un animal qui enveloppait de fils le grain de raisin elle man- geait, semblent avoir voulu parler de la Cochylis, le seul ampélophagequi agisse ainsi. Au xvie siècle, Aldrovande1 (De Insectis, pag. GOOJ cite un pas- sage de Pline sous le titre de Araneus vilium. Les traducteurs, dit M.Vallot, n'ayant aucune connaissance de la Cochylis, ont traduit le mot (.V Araneus par celui d'Araignée; or aucune araignée ne détruit (absumit) ou ne ronge [prserodit) les grains de raisins. D'après le Dr Menning, qui fut chargé en 181 1, par le gouvernement du grand-duché de Bade, d'aller étudier la Cochylis dans l'Ile de Reichenau (lac de Constance), et qui la redécrivit alors sous le nom de Tinea uvx, 1 Ou Aldrovandi. 238 LA COCHYLIS DE LA VIGNE. l'insecte était connu dans cette localité depuis 1713, année où il exerça des ravages restés célèbres. En 1740, les dégâts causés par la Cochylis sur les vignes des environs de Genève fixèrent l'attention de Bonnet, qui, sous le titre de : Une petite chenille qui vit dans l'intérieur des grains de raisins, la décrit suffisam- ment pour qu'elle puisse être reconnue. Pazumot, en donnant à l'Académie de Dijon (7 juillet 1769) la descrip- tion du Ver, qui au printemps de cette même année attaqua les raisins dans les vignes de l'Auxerrois, du Tonnerois, du Senonois, signalait, sans le savoir, la première génération de notre insecte. Beguillet, dans son Œnologie (1770), parle ainsi du Ver de la vigne: «Si le vigneron remarque que le raisin à peine noué a de la peine à défleurir et surtout qu'il soit entortillé des soies de l'insecte connu en Bourgogne sous le nom de Mazar, il caresse le rnisin pour en détacher les pétales des- séchées, et les toiles des insectes, qui causent tant de préjudices aux vignes. » D'après l'abbé Rozier (1771), l'insecte a reçu son premier nom latin d'Adanson, qui l'appelait Phalxna scutella. «C'est l'insecte, dit Rozier, dont la chenille est le Ver coquin;'\\ se trouve principalement dans les pro- vinces de Champagne, Bourgogne, Beaujolais, Lyonnais et Diuphiné. » En 179G, Ilubner, dans ses Papillons d'Europe, donna le premier une description détaillée de l'espèce, avec figures, sous le nom de Tinea ambi- guellu, et Pallas, en 1799 [Voyage en Russie), la signale comme exerçant des ravages dans les vignes de la Crimée. En 1802, nouvelle description de l'insecte par Faure Biguet et Sionest sous le nom de Tinea omphaciella . Celui de Tinea uvœ, donné par Men- ning, date, nous l'avons dit, de 1811, et celui de Tortrix Roserana, donné par Frœlich, de 1829. Ce dernier auteur avait étudié l'insecte sur des exemplaires rapportés des environs de Stuttgard par Roser, naturaliste officiel du royaume de Wuttemberg, et il le lui dédia. Plusieurs auteurs, tels que Treitzchke (1830J, le créateur du genre Co- chylis, etDuponchel (1844), l'auteur de l'Histoire naturelle des papillons de France, ont adopté ce nom spécifique de Roserana ; Vallot pourtant (1841), tout en mentionnant les descriptions précédentes, créa le nom nou- veau de Tinea avella, et Audouin (1842) est revenu à celui de Cochylis omphaciella de Faure Biguet, le croyant le plus ancien. La règle de la priorité nous fait un devoir d'admettre, avec les catalogues modernes, le nom de Tortrix (Cochylis) ambiguella, d'Hubner, le premier auteur qui ait donné de l'insecte une description complète et indiscutable. LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 239 II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. A l'état de papillon (fig. 48, et PI. III, iig. 3 et 4), quand les ailes sont repliées sur l'abdomen, la longueur de l'insecte est de 7 à 8 millim. L'envergure des ailes déployées est d'environ 13 à 15 millim. Le corps est d'un jaune pâle avec quelques reflets argentins sur la tète el le thorax, reflets remarquables surtout quand l'insecte est un peu défraîchi. Les antennes, filiformes, sont d'un gris clair. Le papillon, ne mangeant pasi, a une trompe courte, n'atteignant pas, déroulée, la longueur de la télé. Les ailes antérieures, de môme couleur que le corps, parfois un peu plus foncées cependant, frangées à leur extrémité, présentent vers leur milieu une hande transversale brune qui se rétrécit notablement du bord extérieur au bord intérieur et sur laquelle on dis- tingue quelques marbrures plus pâles et des espaces ferru- gineux. De chaque côté de la bande brune se voit une ligue F- is _ Pa, argentée et une série de petites taches de la même nuance pillon de la situées à l'extrémité des ailes. La partie antérieure de cette extrémité est un peu rembrunie. Les aile? postérieures sont d'un gris brun uni, avec leur frange plus claire. On ne peut confondre cette petite Tortrix avec la Pyrale. La taille est moitié moindre, la couleur toute différente; il y a par an deux générations au lieu d'une. L'insecte hiverne sous forme de chenille adulte ou de chrysa- lide et non de petite chenille . Le papillon au repos tient les ailes serrées l'une contre l'autre le long du corps, de sorte que leur extrémité, relevée du hout à la façon de celle des teignes, forme une espèce de crête et leur donne un aspect tout différent de celui de la Pyrale. Les papillons de la première génération paraissent en avril et mai et ceux de la seconde fin juillet; quelques-uns voltigent en plein jour, allant d'une souche à l'autre, mais le plus grand nombre reste appliqué sous les feuilles pendant le jour et ne circule qu'à l'aurore ou au crépuscule. La ponte a lieu en mai. « A cette époque, dit M. Forel [Ann. Soc. Linn. de Lyon, 1860), si l'on observe attentivement les jeunes pousses de la vigne attaquée, on trouve sur les nouveaux sarments, sur les pétioles, mais sur- tout dans les grappes, sur Taxe et les pédoncules, de petits œufs blancs transparents collés au végétal et presque invisibles sans le secours d'une loupe. Peu à peu ces œufs deviennent d'une couleur moins pure et se cou- vrent de petites taches ordinairement rougeâtres. Vers le neuvième ou le dixième jour, on distingue la tète et le premier anneau de la jeune chenille. 240 LA COCHYLIS DE LA VIGNE. Enûn le onzième, douzième ou treizième jour, ou peut observer les mou- vements de l'insecte replié dans l'œuf, ainsi que le jeu de ses mâchoires pour percer son enveloppe.» La chenille (PI. III, fig. 2) a une taille des deux tiers plus petite que celle de la Pyrale, c'est-à-dire qu'elle ne dépasse pas 8 à 10 millim. La tète et le protborax sont d'un brun rouge foncé ; le reste du corps, qui est grisâtre lorsque l'insecte est jeune, est après la première mue d'un rose violacé tendre, mais bien trancbé. Cette teinte est surtout marquée dans les chenilles de la seconde génération, qui se nourrissent de raisins mûrs ou presque mûrs. Celles de la première sont parfois verdâtrcs. Il y a là un cas de mimétisme animal intéressant à signaler. Comme cbez la chenille dete Pyrale, il y a sur tous les anneaux, sauf le troisième, deux rangées de plaques ou espaces lisses arrondis qui émettent ebacun un poil delà nuance du corps. Le troisième anneau n'en porte qu'une rangée. A part la différence de taille et de couleur, les formes de cette chenille rappellent entièrement celles de la Pyrale. Outre les six pieds articulés, elle a, comme elle, cinq paires de fausses pattes placées sous les anneaux abdominaux. Vers le douzième jour après la ponte, c'est-à-dire fin mai pour la régi' u de l'olivier et première quinzaine de juin pour les vignobles du Nord, les jeunes chenilles percent la coque de l'œuf, gagnent de suite le milieu de la grappe et, entamant de leurs mandibules les grains qui ne sont encore que des boutons à fleurs, pénètrent dans leur intérieur et se mettent à ronger les étamines et les ovaires. Chaque bouton, dit M. André, ne contient qu'un habitant qui tout d'abord est d'une taille presque microscopique. Bientôt la chenille est obligée de quitter son premier grain, qui est épuisé, pour passer à un autre, et ainsi de suite, détruisant successivement tous les or- ganes de la fructification. En même temps, préoccupée de se tenir toujours à l'abri, elle réunit tous les grains par un réseau de fils de soie, de façon à les mettre en paquet plus ou moins gros (PI. III, fig. 1). Peu à peu les grains se fanent, deviennent jaunes, puis bruns, et la grappe ne tarde pas à être perdue. Celle-ci, d'après Vallot, est parfois tuée d'un coup par la chenille, qui pénètre dans le pédoncule même. Si la végétation marche rapidement et si la floraison s'achève dans un court intervalle de temps, le dommage est moins grand, parce que l'insecte, attaquant des grains déjà noués, en détruit un moins grand nombre et ne peut plus les réunir au moyen de ses fils. On peut donc dire, avec Vallot, que lorsque la vigne pousse rapidement, elle fournit plus que la larve ne peut manger, et que si au contraire la végétation marche lentement, la larve mange plus que la vigne ne peut pousser, et dans ce cas la perte est considérable. LA COCHYLIS DE LA VIGNE* 24] La chenille est adulte au bout de cinq semaines environ, c'est-à-dire fin juin ou première quinzaine de juillet. Elle se retire alors au milieu des grappes, qu'elle enveloppe d'un tissu de soie plus serré, ou bien dans les tissures des éclialas et sous les écorces, pour se filer un cocon blanc et s'v transformer eu chrysalide. Parfois elle se contente de rouler le bord d'une feuille en le fixant avec des iils. Ce cas se présente souvent dans les éduca- tions eu captivité. Forel en a observé en liberté qui coupaient un petit morceau de feuille, le fixaient au cep et le roulaient autour d'elles en filant leur coque. Il y a, à cette époque, comme un moment de répit dans les ravages, ce qui fait dire parfois au cultivateur que le ver coquin a disparu; mais ce calme apparent est trompeur et le mois d'août viendra détruire l'espoir du vigneron. L'état de chrysalide dure quinze jours environ, et dans la seconde quin- zaine de juillet on retrouve de nouveau des papillons dans les vignes. L'accouplement a lieu de suite, et très peu de jours après, ses œufs ayant été déposés sur la rafle de la grappe ou sur le grain lui-même, le papillon ne tarde pas à mourir. L'évolution chez les œufs d'été étant un peu plus rapide que chez ceux du printemps, la petite chenille perce le chorion de l'œuf au bout de huit à dix jours, c'est-à-dire première quinzaine d'août, et commence de suite a entamer de ses mandibules l'épidémie du grain. Elle y fait un trou rond dans lequel elle passe sa tête et dévore la pulpe du raisin. L'accroissement de l'insecte étant rapide, ses ravages grandissent en proportion de sa taille. Les grains sont perforés parfois jusqu'aux pépins, et souvent la chenille disparait en entier dans l'intérieur ; on voit alors à l'entrée de la galerie une matière pulvérulente qui n'est formée que des déjections de l'insecte. Bien souvent celui-ci, n'achevant pas le grain attaqué la veille, en atta- quant plusieurs par jour quelquefois, passe à d'autres le lendemain, ce qui fait qu'une seule chenille, en l'espace d'un mois, peut détruire plus d'une trentaine de grains. Ceux-ci. à moitié vides, se fanent, se dessèchent, si le temps est pluvieux pourrissent et communiquent l'infection au reste de la grappe. On reconnaît facilement les raisins attaqués, non seulement aux grains vidés, mais aux nombreux fils tendus de l'un à l'autre (FI. III, fig. 2). Ce sont toujours les grains de l'extrémité de la grappe qui sont atteints les premiers, et nos vignerons de l'Hérault savent très bien juger de l'étendue du mal eu pressant dans leur main l'extrémité du raisin, devenue molle et spon- gieuse sous les attaques prolongées de l'insecte. La chenille de cette seconde génération est. nous l'avons dit, d'une 16 242 LA COCHYLIS DE LA VIGNE. teinte vineuse plus accentuée que celle de l'insecte printanier. Elle est adulte à peu près vers le milieu de septembre dans la région de l'olivier, et fin septembre ou commencement d'octobre dans le Nord. Elle quitte alors les grappes, pour se réfugier dans les fentes et sous les esquilles des écbalas, dans les fissures et sous les écorces de la souche, surtout celle des bras, et là, sans doute en prévision des froids de l'hiver, elle se file un cocon un peu plus épais que celui de la génération du printemps. Les métamorphoses en chrysalides commencent en décembre et achè- vent de s'opérer en janvier. Il est très rare en Languedoc de trouver des chenilles non transformées en février. Sous cette forme de. nymphe, l'insecte a environ 6 millim. de long. Le corps est d'un brun clair uniforme, de teinte beaucoup plus pâle que celui delà chrysalide de la Pyrale. Il est aussi plus court en proportion et plus obtus à l'extrémité. Les anneaux de l'abdomen sont, comme chez la Pyrale, garnis sur le dos d'une double rangée d'épines, mais celles de la première rangée sont toujours plus grandes que celles de la seconde, qui disparais- sent môme entièrement sur les quatre derniers anneaux. Le dernier seg- ment, élargi et court, présente deux pointes latérales et porte à son extré- mité une douzaine de poils durs terminés par un petit crochet, servant, comme chez la Pyrale, d'appareil fixateur dans l'intérieur du cocon. Le papillon écîosant courant mai, comme nous l'avons dit, l'état de chrysalide de la seconde génération dure environ quatre mois. III. — CONDITIONS FAVORABLES OU DÉFAVORABLES A LA COCHYLIS. Rarement l'espèce qui nous occupe se rencontre simultanément avec la Pyrale. Celle-ci aime, nous l'avons dit. les plaines abritées et les coteaux ensoleillés; la Cochylis ne craint ni les coteaux froids ni les plaines expo- sées au vent. Dans les vignobles septentrionaux, les expositions préférées sont celles du Nord et de l'Est; dans le Midi, sont atteints surtout les co- teaux exposés au Nord et les plaines peu abritées. L'habitat préféré con- firme donc l'origine septentrionale de l'insecte. Suivant Audouin, la Cochylis paraît indifférente sur la nature du cépage; aux environs de Paris cependant, d'après MM. Coret et Fallou [Bull. Soc. entom. de France, 1868. pag. 99),leGamay serait particulièrement attaqué. En Languedoc, le Terret est, de l'avis de tous, le plant le plus atteint. Nous dirons plus loin ce que nous pensons à ce sujet. La Cochylis, comme la Pyrale, a des ennemis naturels appelés sans doute à refréner la trop grande multiplication de l'espèce, mais ils paraissent moins nombreux ; peut-être aussi sont-ils moins connus ! LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 243 Une seule espèce d'Hyménoptère parasite, un Ichneumonide d'assez petite taille, a été obtenu par nous, à plusieurs reprises, de la chrysalide. C'est sans doute la Limmeria dîffbrmis, signalée dans le Catalogue des Hymé- noptères de Dours. Ne la voyant mentionnée dans aucun travail sur les insectes ampélopbages, nous en donnons la description suivante : Corps très allongé, noir, long d'environ .~> millini. Antennes également noires avec le premier article plus clair, atteignant 4 à 5 millim., c'est-à- dire à peu prés la longueur du corps. Palpes et mandibules jaunes, sauf la base de ces dernières, qui est brune. Pattes d'un jaune roux, avec les troebanters rembrunis sur la moitié ou les deux tiers de leur longueur. Ailes fortement irisées avec les nervures fauves et le stigma rembruni. Abdomen grêle et allongé, comme coupé en forme de hache à son extrémité chez le mâle, progressivement rétréci chez la femelle. Cet abdomen est supporté par un pédoncule délié formé des deux premiers segments, le pre- mier étroit et presque parallèle, le second rende à son extrémité. Oviscapte noir, d'un brun roux à l'extrémité, long d'environ 2 millim. IV. — MOYENS DE DESTRUCTION. Si la Cochylis est moins dangereuse que la Pyrale, elle est par contre plus difficile à combattre. De tout temps on a extrait au moyen d'une pointe les chenilles de printemps du milieu des grappes en fleurs ; mais au moindre contact une grande partie de ces larves se laisse tomber en filant, et pour les détruire toutes il faudrait sacrifier la grappe. Pour la génération d'automne, de tout temps aussi on a coupé l'extrémité des grappes attaquées, mais ces moyens ont toujours été peu efficaces. Le clocbage et l'écbaudage en hiver, si utiles contre la Pyrale, ont été essayés sans résultats contre la Cochylis. En ce qui concerne le clocbage, ayant fait personnellement quelques expériences sur la résistance des Lépidoptères sous leurs diverses formes, nous nous expliquons sans peine le peu d'action que peu\ent avoir sur ces insectes les gaz insecticides. En hiver, du moins à partir de janvier, la Cochylis est en chrysalide; or sous cet état, et surtout quand il est enfermé dans un cocon, le lépidoptère est beaucoup plus résistant que sous les formes de chenille ou d'insecte parfait. Nos expériences ont été faites sur diver- ses espèces de Noctuelles et sur le Bombyx du mûrier au moyen de deux gaz insecticides, les vapeurs de sulfure de carbone et l'acide sulfureux. Le récipient employé a été une boite en parlievitreecndossus.de forme aplatie, soigneusement jointéc, d'une capacité d'environ un décimètre cube. Pour le sulfure de carbone, environ 2 gram. ont été verses sur de la sciure de bois grossière emmagasinant immédiatement le liquide tout en 244 LA COCHYLIS DE LA VIGNE. augmentant la surface devaporation. Pour l'acide sulfureux, 2 grain, environ de mèche soufrée ont été brûlés. L'action asphyxiante des deux gaz est presque égale, un peu plus puis- sante pourtant chez l'acide sulfureux. La chenille est tuée en six ou huit minutes; le papillon cesse presque in- stantanément de se mouvoir rapidement, ses ailes vibrent faiblement pen- dant deux ou trois minutes ; les derniers mouvements, ceux de l'extrémité abdominale, cessent au bout de quatre, et l'asphyxie est complète au bout de cinq à sept minutes; une chrysalide âgée de 8 jours, sortie du cocon, résiste de douze à quinze miuules, et, enfermée dans son cocon, environ trois heures. Bien que le tissu soyeux filé par la Cochylis ne soit pas aussi épais que celui du Bombyx du mûrier, étant donné que la souche ne peut supporter sans inconvénient l'action du gaz asphyxiant pendant plus de dix minutes, on voit de suite qu'il n'y a rien à faire au moyen de la cloche à soufre contre une chrysalide enfermée dans son cocon1. Le procédé le plus généralement employé est l ecorçage en hiver. Le remède n'est pas nouveau ; dès 1811, le D'' Menning l'avait expérimenté sur les vignes de l'Ile de Reicheneau (lac de Constance)3 et disait s'en être bien trouvé ; mais l'écorçage avec un couteau, comme il le pratiquait, est dispendieux et souvent inefficace, parce qu'il est nécessairement mal fait. L'invention du gant de cotte de mailles de M. Sabaté, de Bordeaux, est venue récemment rendre l'opération moins dispendieuse et plus efficace. Il faut avoir soin d'entourer la souche d'un linge reposant sur le sol, pendant que, recouverte du gant de fer, la main fait tomber les écorces. Celles-ci sont soigneusement recueillies et brûlées. Nous avons suivi en février l'opération chez un propriétaire de Béziers, M. J. Coste, et la quantité de i M. Verson a signalé ce fait curieux que les cocons peuvent séjourner dix heures dans le vide pneumatique sans que les chrysalides périssent. M. Francc- zon a observé qu'elles résistent également bien à un séjour de dix heures dans l'oxyde de carbone pur, de dix-huit heures dans l'acide carbonique, l'hydrogène, le protoxyde d'azote, etc. (Maillot, Leçons sur le Ver à soie. Montpellier, 1885.) 2 En Suisse, d'après M. Forel, un certain nombre de chenilles de la seconde génération s'enloncent en terre en septembre et se filent un cocon entouré de grains de terre agglomérés -, il a observé, dit-il, le fait en très grande proportion dans ses éducations de laboratoire. Nous u' avons rien vu de semblable en Lan- guedoc, où nous avons donné à la fois à l'insecte des morceaux de vigne avec leur écorce et de la terre. Le cocon s'est toujours fait sous les écorces. Il est possible que dans les pays froids comme la Suisse, l'insecte ait l'instinct de se mieux protéger que chez nous. Dans ce cas-là, la destruction des individus enterrés est à peu près impossible. LA COCHYLIS DE LA VIGNE. 245 chrysalides recueillies mélangées aux écorecs était considérable. M. Coste nous a dit s'être souvent à [jeu près débarrassé de l'insecte de cette façon- là. Cette opération doit être complétée dans les pays où on échalasse la vigne par L'échaudage des échalas. Un moyen radical consiste à vendanger avant que la chenille soit adulte. La chose est possible avec les plants à maturité précoce, tels que l'Aramon, plus difficile avec les cépages tardifs, tels que le Terret ; et, comme nous l'écrivait tout récemment M. Jaussan, le praticien observateur toujours bon à consulter, il est fort possible qu'en réalité le cépage soit indifférent à l'insecte. Si le Terret est plus attaqué, c'est qu'il mûrit plus tard que l'A- ramon ou la Carignaoe. La Cochylis, sur ce plant-là, a près d'un mois de plus pour achever ses ravages et se métamorphoser tranquillement en chry- salide pour l'année suivante, tandis que lorsque l'Aramon, par exemple, est infesté, raisins et chenilles étant mis ensemble à la cuve, ces dernières sont toutes tuées par la fermentatiou.il nous est souvent arrivé de voir, sur les parois et au bord des comportes de vendange ou des cuves, des milliers de chenilles ayant quitté les raisins foulés et cherchant à s'échapper. «Une année, nous écrit M. Jaussan, j'avais fait mes Terrets en blanc. La cuve fermentant tumultueusement, je Cs enlever par-dessus un certain nombre de comportes de moût : toute ia surface était couverte de chenilles. »' Si le moyen est bon pour détruire le plus grand nombre des Cochylis, il n'est pas toujours possible de vendanger hâtivement, et si l'on y gagne en quantité de vin, c'est, bien entendu, au détriment de la qualité. Même abandonné des chenilles, le raisin plus ou moins sec ou fermenté, rempli de déjections de l'insecte, fait un vin détestable, et, selon Vallot, si l'on veut connaître en Bourgogne les années où le ver coquin a donné mauvais goût aux vins, on n'a qu'à consulter la Statistique de la vigne dans le départ, de la Côte-d'Or par le D1' Morelet (Dijon, 1831, pag. 215-222). Le remède infaillible contre la Cochylis est donc encore à trouver. Peut-être est-il dans l'échaudage direct des souches, sans cafetière, tel que nous l'avons décrit, à propos de la Pyralc. On se souvient que l'eau arrive sur le cep à environ 9G°. Étant donnée la vitalité de la chenille, beaucoup moins grande que celle de la chrysalide, sa résistance à la chaleur moin- dre1, si l'on a le soin de faire l'opération en novembre ou en décembre, c'est-à-dire avant que les chenilles se soient transformées en chrysalides, on les tuera, croyons-nous, presque toutes. 1 Une chenille de ver à soie plongée dans l'eau à GO^ meurt presque instanta- nément. Le degré nécessaire pour tuer instantanément les Chrysalides parait être de 75 à 80° (Maillot, Leçons sur le Ver à suie, pag. 180). CHAPITRE XL LA TORDEUSE DE LA GRAPPE Torlrix [Eudemis) botrana Schiffebmuller, 1776.) Synonymie: Tortrix vilisana Jacquin (1788); Tineapremixlana Hubner 1796); Cochylis reliqvana Treitzchke (1830); Cochylis vilisana Audouin 1842) ; Penthina vilivorana Packard (1860). Le sous-genre Eudemis a été créé par Hubner pour les Tordeuses qui à l'aile supérieure ont les nervures costales 7, 8 et 9 (à partir du bord in- terne) se réunissant sur une tige commune partant de la base de l'aile, une tige trifurquée, et qui ont l'aile inférieure presque triangulaire (De Peyeri- raoff, Soc. eut. de Fr., 1876, pag. 561 et 75). Ce sous-genre ne comprend que l'espèce qui nous occupe. Cette petite Tordeuseue se trouve en France que dans les Alpes-Mariti- mes, mais il est fort à craindre qu'elle ne se répande quelque jour dans toute la région du Midi. Décrite en effet, dès le siècle dernier, comme observée en Autriche, elle a été signalée depuis en Allemagne, en Italie, en Grèce, et Riley la cite parmi les Ampélophages des États-Unis comme récem- ment introduite en Amérique. En Italie, elle est signalée dans l'île d'Elbe, en vue de la Corse. Peut-être est-elle dans ce département. Elle a les mœurs de la Tortrix [Cochylis) ambiguclla, c'est-à-dire qu'elle passe l'hiver à l'état de chrysalide et qu'elle a deux générations par an, la première attaquant le raisin en fleur, la seconde s'en prenant au grain déjà gros, prêt à mûrir, et le perçant de trous qui provoquent sa des- siccation. Ce sont surtout les vignes en espaliers qui ont à souffrir de ce parasite. N'ayant pu l'observer nous-mème, nous empruntons les détails qui suivent à trois auteurs étrangers qui ont eu l'occasion de l'étudier : Kollar, Riley et Targioni-Tozzetti '. 1 Kollar; Naturgeschiste der scadlicher Insecten. Wien, 1837.— Riley ; Report of the entomologist of slate Missouri (Voir traduction française de ce qui concerne cette espèce, dans Catalogue illustré et descriptif des Vignes américaines, par Bush et Meissner. Montpellier, Goulet, 1876 et 1885).— Targioni-Tozzetti; Annali di Agricollura, Relazione delta R. stazionedi Entomologia, 1884, pag. 477. LA TORDEl'SE DE LA GRAPPE. 247 I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. En avril et mai, on voit le petit papillon voltiger et se reposer sur les branches de la vigne. Les œufs sont déposés à la base des bourgeons. Les petites chenilles qui en sortent, les chenilles de printemps, rongent l'in- térieur de ces bourgeons et, quand la fleur commence, s'établissent dans les grappes, relient les grains entre eux avec des fils et dévorent les diverses parties de la fleur. Il en résulte que celle-ci avorte. Vers le milieu de juin, la chenille a acquis tout son développement. Elle a alors 8 à 10 millim. de longueur, sa couleur générale est d'un vert sale; la tête et l'anneau prothoracique sont d'un brun jaunâtre, tous les autres anneaux présentent des plaques piligères bordées de blanc ; les pattes écailleuses sont noirâtres et les pattes membraneuses brunâtres. La chrysalide de couleur brune est courte et obtuse comme celle de la Cochylis ambiguella et offre également des épines sur les anneaux de l'abdomen. La transformation en chrysalide a lieu fin juin, dit Kollar. et se fait dans une feuille roulée. Riley décrit ainsi cette métamorphose: « La chenille découpe propre- ment dans la feuille une pièce ovale dont un côté laissé adhérent sert de charnière ; elle replie la pièce sur la feuille, en assujettit le bord libre au moyen de fils et se forme ainsi une bonne petite maison dans laquelle elle se transforme en chrysalide ». Environ dix jours après, cette nymphe sort à moitié du cocon au moyen des mouvements de son abdomen, dont les segments armés d'épines permettent à l'insecte d'avancer, et le petit pa- pillon éclos le matin prend son essor pour s'accoupler et pondre des œufs. Ceux-ci donnent bientôt naissance à la chenille d'été, qui attaque le grain lui-même. « Les grains attaqués, dit Riley, commencent à montrer un point décoloré là où la chenille est entrée. Eu ouvrant le grain, on en trouve, l'habitant à l'extrémité d'un canal sinueux. Il contiuue à se nourrir de la pulpe, et, arrivant aux pépins, il en mange généralement l'intérieur. Dès qu'on touche le raisin, la chenille en sort et, se suspendant au fil de soie qui s'allonge de sa filière, se laisse couler sur le sol ». Pour se chrysalider, la chenille d'automne se retire sous les écorces de la vigne, où elle passera l'hiver. Le papillon a 8 millim. de longueur et 12 à 13 d'envergure. Les ailes antérieures sont gris de perle marbré de jaune roussâtre et présentent deux bandes légèrement obliques d'un gris brunâtre. La première est placée un peu avant le milieu de l'aile et la seconde un peu au delà. Ces deux bande 248 LA PYRALE DU DAPHNE. sont irrégulières et plus ou moins tachées de brun foncé. Le sommet des ailes est d'un jaune roussâtre pâle, si l'on en excepte l'angle supérieur, qui effre une petite tache blanche circonscrite par une autre d'un brun foncé ; la frange est de la même couleur que le sommet des ailes. Les ailes pos- térieures, triangulaires, sont d'un gris pâle, leur frange plus claire. La tête, les antennes, le thorax et les pattes sont d'un roux grisâtre ; mais le thorax offre des écailles brunes qui le font paraître nuancé. \j abdomen est entière- ment d'un gris jaunâtre pâle. II. — MOYENS DE DESTRUCTION. \jEudemis botrana devra être combattue de la même façon que la Cochylis, par l'écorçàge en hiver, l'écheuillage des grappes fleuries au prin- temps et la section de l'extrémité des grappes en automne; mais on ren- contrera une difficulté de plus. Nous avons dit en effet que c'était surtout les espaliers qui étaient attaqués. On devra établir autant que possible ces vigues à grand développement contre des murs recrépis, offrant en un mot le moins d'anfractuosités possible. Mieux encore que contre les Cochylis, leau bouillante de la chaudière à Py raies devra être efficace. L'écorçàge opéré, le jet sera dirigé non seulement sur le tronc du cep et l'enfourchurc des bras, mais sur les supports, les liens d'osier et même les quelques iinfractuosités de la muraille. L'opération pratiquée fin novembre atteindra la chenille non encore transformée en chrysalide, hien plus sensihle par conséquent à l'action de l'eau bouillante . LA PYRALE DU DAPHNE' [Ephestia gnidiella Millière ) Ce petit Lépidoptère, décrit il y a une vingtaine d'années par Millière de Cannes comme vivant sur le Daphne gnidium, a été depuis signalé sur la vicne aux environs de Nice et en Italie. 1 Bibliographie. — Guénée; Europeorum Microlepidoplcrorum index metho- iUlus. Paris, Roiel, 1845.— Millière; Iconographie et description des Chenilles (Aan. Sec. Linucenne de Lyon, 1867). — Constant; Chenilles nouvelles ou peu connues (Aan. Soc. ent. de France, 1883, pag. 11). — Professeur Penzig : LA PYRALE HU DAPHNE, 249 Il appartient au groupe îles Pyrales vraies (les Pyrales de Linné , c'est- à-dire des Microlépidoptères qui ont les antennes filiformes, souvent pciti- nées chez le mâle, les pulpes maxillaires distincts, de trois articles, les palpes labiaux grands et dirigés en avant, les ailes au repos étendues sur le plan, divergentes en arriére, les pattes longues, les postérieures dépas- sant les ailes et armées d'éperons. Les caractères spécifiques de l'espèce sont les suivants : Longueur du corps 5 à 6 millim. non compris les ailes. Celles-ci fer- mées atteignent 7 millim. et étendues environ 15, d'une pointe à l'autre. Le corps est allongé, la tête, le thorax et Y abdomen d'un gris métallique, les antennes plus longues que la moitié des ailes, sétacées, grises, cou- vertes de poils avec le 2e article très développé dans les deux sexes, le 3e petit, le 4e prolongé extérieurement chez le mâle en une pointe styli- forme, un peu divergente et recourbée à l'extrémité, appliquée le long de l'antenne et atteignant la base du 8e article. Les ailes antérieures planes, étendues longitndinalement, forment un triangle étroit et allongé. Elles sont légèrement renflées latéralement et en avant avec le bord postérieur frangé et l'angle postéro-interne très arrondi, d'un gris obscur, brillant en dessus, avec deux bandée transversales blancbâtres, Tune basilaire, placée entre le tiers et la moitié de la longueur de l'aile, recourbée en arrière dans su partie externe; l'autre à la partie postérieure également, recourbée, à convexité postéro-externe, légèrement sinueuse. La partie de l'aile avoisinant ces deux bandes est plus obscure. Elles sont d'ailleurs séparées de la région intermédiaire par une tache grisâtre plus claire entre laquelle et la bande basilaire reste un intervalle brun triangulaire ayant sa base sur le bord externe de l'aile. Lu frange marginale est d'un gris luisant. Les ailes postérieures sont larges, couleur grisâtre clair, luisantes, avec 12 nervures faciles à compter à l'extrémité, mais plus ou moins soudées entre elles et confondues à la base. Le bord antérieur et le sommet sont bruns, ainsi que les franges qui garnissent ce sommet et le bord interne, ces franges plus claires à lu buse. Pattes antérieures avec une petite pointe au milieu du tibia, pattes intermédiaires et postérieures avec deux éperons au sommet du tibia, les tarses de 5 articles décroissant de grandeur du" pre- mier uu dernier*. Un nuovo flagella degli agrumi (Italia agricola, Milan, 1883).— Targioni- Tozzetti; Relazione délia H. stazione di Entomologia di Firenze, 1884.— Peragallo ; Éludes sur les Insectes nuisibles à l'Agric, pag. 131 . Nice, 1885. 1 En Italie, M. le professeur Giovanni Biïosi, directeur de la Station agricole de Païenne, a publié un travail, avec planche (1876), sur un autre Lépidoptère, voisin de notre Éphestia gnidiella, qu'il a ilécrit sous le nom de Albinia Woc- 250 LA. PYRALE DU DAPHNE. La chenille, longue de 10 à 12 millim., a le corps atténué des deux bouts, de couleur brun sale en dessus, d'un grisâtre couleur de chair à la face sternale ; sur la partie dorsale, une bande d'un brun plus sombre ; sur les flancs, une bande sligmatique large et noire, quelques poils espacés et assez raides partant de petits espaces arrondis et lisses comme chez les chenilles de la Pyrale et de la Cochylis. La chrysalide est enfermée dans un cocon sous les écorces, dans les feuiHes sèches ou dans les fissures des échalas. Cet insecte est extrêmement polyphage. M. Peragallo (de Nice) la cite comme attaquant spécialement les fleurs d'orangers et de citronniers. M. Constant (de Golfe Juan, près Antibes) le considère au contraire comme plus nuisible à la vigne. «Depuis que Millière, dit-il, l'a décrite comme vivant sur le Daphne gnidium, on l'a signalé sur le Tamarix, le Chœno- moles Japonica, le citronnier, l'oranger, la sn\ic-dive ( Lythrum salicaria); mais sa nourriture de prédilection semble être le raisin. C'est en effet sur ce fruit que je la trouve en plus grande abondance de juillet à septem- bre, dans mon jardin, et j'évalue au moins à 10 % de la récolte le dégât qu'il cause parfois. La chenille circule entre les grains déjà gros, les réu- nissant par des fils pour s'abriter et les rongeant à la périphérie sans péné- trer toutefois à l'intérieur. On la trouve dans une grappe par petits groupes de deux à six individus de différentes tailles, qui paraissent vivre en famille. Ce n'est pas que la consommation qu'elles font soit bien considérable ; mais, comme elles attaquent les grains près de la maturité et qu'à ce point les lésions du fruit ne peuvent se cicatriser, il s'ensuit que tout grain entamé tombe en pourriture et que la contagion s'étend de proche en proche à toute la grappe, surtout si la saison est tant soit peu humide.» M. Penzig1 dit que sur l'oranger il y a deux générations par an. Il est possible qu'il y en ait davantage sur d'autres végétaux. Ainsi seraient kiana et qui, d'après lui, exercerait des ravages dans les vignes de la Sicile. Malgré certaines différences entre ces deux insectes, M. le professeur Penzig (Italia agricola, 1882, pag. 229) est d'avis de les considérer comme deux types d'une même espèce, variété de Ligurie et variété de la Sicile. M. Targioni a de son côté étudié la question (Relazionc délia R.stazione di Entom. di Firenze, 1884, pag. 486). Le savant entomologiste de Florence donne parallèlement les caractères distinctifs, et, comme le professeur Penzig, conclut à deux formes d'une même espèce. N'ayant pas sous les yeux l'insecte de M. Briosi, nous n'avens pu comparer nous-même et, nous ralliant jusqu'à nouvel ordre aux idées des deux. naturalistes ci-dessus, nous jugeons inutile de reproduire ici la description, de M. Briosi ainsi que la dissertation assez étendue de M. Targioni. 1 Penzig; Un nuovo flagello degli agrumi (Italia agric. Milan, 6 févr. 1883). LA PYRALE 1)1" DAPHXE. ?.",! expliquées les chenilles hibernantes de plusieurs grandeurs trouvées par M. Constant entre les feuilles sèches d'un pêcber, et les chenilles de di- verses tailles que l'on trouve sur les raisins en automne. MOYENS DE DESTRUCTION. Etant donné un pays où le sol est entièrement occupé par la vigne, où celle-ci, comme dans une grande partie de l'Hérault et certaines régions de la Sicile, n'est pas même entourée de baies, où il n'y a pas un pouce de ter- rain qui ne soit biné plusieurs fois l'an, les traitements conseillés contre les autres ennemis de la grappe sent tout indiqués ici. Mais tel n'est pas mal- heureusement le cas de la côte ligurienne de l'Italie et des Alpes-Mari- times, où YEpheslia est partout dans le pays, dans les bois, dans les haies, dans les champs et les jardins avoisinant les vignes. «Ce microlépidoptère. dit M. Constant, appartient à cette série d'ennemis agricoles qu'il est inu- tile de chercher à détruire, attendu qu'une quantité d'autres plantes voisines enverront à la saison suivante de nombreuses phalanges qui remplaceront au centuple lu génération qu'on aura supprimée sur la vigne.» Pour ces pays-là, en dehors de la recherche directe du ravageur sur la grappe, nous devons donc avouer que le remède n'est pas connu et que fort probablement il ne sera jamais trouvé. CHAPITRE XII. LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE Le grand genre Noclua de Linné, composé aujourd'hui d'envirou deux mille espèces décrites, parfaitement distinctes, est devenu dans les classifi- cations modernes la Camille des Noctuides. Ce groupe a été divisé en un grand nombre de genres, dont l'un surtout [Âgrotis] renferme des espèces polyphages, vivant de racines et de feuilles et devenant certaines années des ampélophages dangereux. Les Noctuelles à l'état de papillon sont caractérisées par une taille moyenne, des formes courtes, une trompe bien développée enroulée sur elle-même entre deux palpes comprimés, des antennes en forme de soies ciliées ou pectinées chez les mâles, un corps couvert de longues écailles ressemblant à des poils, un thorax arrondi et un abdomen pointu offrant souvent des bouquets de poils en forme de crêtes. Les ailes repliées en forme de chape le long du corps ou plus ou moins aplaties, les supérieures toujours plus foncées que les inférieures portent d'ordinaire deux taches ou macules, la tache orbiculaire et la tache rêniforme. Les ailes inférieures, d'habitude plus claires, sont parfois ornées de couleurs vives. Les mouvements, nuls ou à peu près pendant le repos, sont très vifs le soir, une ou deux heures avant le coueber du soleil. On voit alors les Noctuelles voler avec rapidité, butinant sur les (leurs, sans jamais se poser. Les chenilles (fig. 49), souvent nues, luisan- tes, de couleur grise, parfois ocreuse ou verdâ- Ire, avec des lignes longitudinales plus claires, s'enroulent en rond et restent immobiles dès Fig. 49. — Chenille de qu'on les touche ; parfois au contraire elles se Noctuelle ou ver gns. détendent brusquement pour s'enrouler en sens contraire. Elles sont connues de nos vignerons sous le nom de ver gris. La plupart, nées à la fin de l'été et n'ayant pris que la moitié de leur accroissement à l'arrivée des froids, passent l'hiver enterrées à 10 ou 15 centim. clans le sol, demeurant engourdies si la température est basse, ou mangeant des racines si le temps est doux. Au printemps, elles sortent, se LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 253 nourrissent des plantes qui croissent entre les souches, surtout des com- posées dont elles mangent la racine et les feuilles, et, aussitôt le premier binage opéré, faute d'autre nourriture, se rabattent sur la vigne. D'autres, adultes en automne, passent l'hiver à l'état de nymphes, sont papillons en avril, et des œufs que ceux-ci ont pondus sortent les chenilles, qui pren- nent tout leur accroissement avant l'hiver. Ces vers gris sont nocturnes; le jour on n'en voit aucun , ils sont cachés à une faible profondeur dans la terre d'habitude soigneusement binée dans les vignes, et on ne s'aperçoit de leur présence qu'aux ravages opérés sur les pousses. Les plus grands se constatent en avril et mai, et, comme il est facile de le comprendre, mieux la vigne est tenue, plus ils sont considérables. Première quiuzaine de juin, l'ennemi disparaît. Ils'estenfoncéà20cenlim. environ dans le sol, parfois moins profondément; si on le poursuit dans sa retraite, on le trouve enfermé dans une coque terreuse unie à l'intérieur, formée d'une couche de 1 millim. environ d'épaisseur de terre gâcbéeavec de la salive, dans laquelle il se transforme en chrysalide. Dans les nom- breux élevages faits par nous en Languedoc, nous n'avons jamais trouvé de brins de soie mélangés à la terre, comme l'indiquent certains auteurs. Toutes les Noctuelles attaquant sérieusement la vigne appartiennent à la sous-famille ou tribu des Agrotines et peuvent être ramenées au genre Agro- tis, reconnaissable aux caractères suivants: Une têteel un thorax revêtus de poils serrés, sans crête longitudinale sur le thorax, des yeux nus et sans cils, des palpes redressés et terminés par un dernier article infléchi, un abdomen dépourvu de huppes, fréquemment large et aplati, des cuisses velues à la partie inférieure, des tibias moyens et postérieurs armés d'éperons. Ajoutons à cela des ailes placées l'une au-dessus de l'autre horizontalement pendant le repos, et le mouvement de trémulatiou imprimé aux ailes quand l'insecte est dérangé pendant le jour, ce qui le fait se déplacer comme s'il marchait sur le sol. Nous sommes persuadé que plus de la moitié des Agrotis peuvent à l'occasion devenir ampélophages, et nommer toutes les espèces mentionnées accidentellement comme telles, serait grossir inutilement la liste. Nous nous bornons donc à citer les plus fréquemment signalées dans les diverses régions viticoles de la France ; cette liste peut ainsi être réduite aux huit espèces suivantes : Agrotis tritici, aquilina, obelisca, obesa. crassa, segetuni, exclamationis etpronuba. Les quatre dernières sont de beaucoup les plus communes dans les vignes et seules seront décrites avec détails. 254 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. I. — Noctuelle épaisse (Agrotis crassa Linné). Cette Noctuelle, moins abondante que les trois autres dans la région de l'olivier, est signalée spécialement par M. André comme répandue en Bour- gogne. Audouin et Dunal la citent aussi parmi les plus nuisibles à la vigne. C'est une des grandes espèces du genre. Le papillon a 25 millim. de long, les ailes fermées, et de 40 à 45 d'en- vergure; les ailes antérieures, d'un gris roussâtre plus foncé chez la femelle que cbez le mâle, sont traversées par trois lignes blanchâtres anguleuses, bordées de noir ; les deux premières renferment les taches ordinaires, qui sont brunes, entourées de noir, et une petite tache en chevron entière- ment noire; la troisième ligne, située près de l'extrémité des ailes, adhère à des traits noirs en forme de fer de flèche. Dans le mâle, les ailes posté- rieures sont blanches avec une ligne noire le long du bord frangé; dans la femelle, elles sont grisâtres avec une large bordure obscure. La tête et le thorax sont de la même nuance que les ailes antérieures avec une ligne noire transversale en forme de collier. Les antennes, d'un jaune testacé, sont pectinées chez le mâle et simples chez la femelle. L'abdomen est d'un gris pâle avec les derniers segments bordés de brun. La chenille adulte est longue de 4 â 5 centim. (6g. 49). Tout son corps est gris plus ou moins nuancé de brun ou de verdâlre, elle a une double raie longitudinale sur le dos et une ligne de chaque côté de couleur noire; chaque anueau porte en outre une douzaine de points noirs groupés sur le dos et les parties latérales, la tête est fauve avec deux petites lignes noires. C'est surtout en mai qu'elle exerce ses ravages. La chrysalide, ovoïde, terminée en pointe, est d'un brun foncé. La coque terreuse pratiquée dans le sol, dans laquelle on la trouve enfermée et que nous n'avons pas observée personnellement, est, d'après Audouin, tapissée de quelques fils de soie. IL — Noctuelle des moissons [Agrotis segetum Sghiffermuller). Cette Noctuelle est une des plus répandues ; signalée dans touie l'Europe, on la trouve également dans l'Asie du Nord, Sibérie, Chine et Japon et jusqu'aux Etats-Unis. Sa chenille est une des plus nuisibles à l'agriculture en général ; elle attaque les céréales, comme son nom l'indique, les plantes potagères les plus diverses, compromet quelquefois la récolte des betteraves et bien souvent exerce de graves dégâts sur la vigne. LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 255 Le papillon (fig. 50) a environ 30 à 35 millim. d'envergure. Ses ailes supérieures sont d'un gris brunâtre sombre, enfumées de noirâtre avec trois lignes ondulées transversales brunes plus ou moins fondues dans la teinte générale. La tache réni forme, dont nous avons parlé dans les caractères généraux des Noctuides, est d'un brun noirâtre ainsi que l'extrémité de la bordure. Les ailes inférieures, blanches dans le mâle, sont n. rn XT ,, , ' Fig. a(). — Noctuelle des moissons d un blanc enlumé chez la femelle pnn- grandeur naturelle. cipalement sur les nervures. La chenille, quand elle est jeune, est d'un gris plus ou moins pâle avec trois lignes blanchâtres parallèles, dont une dorsale. A l'âge adulte, ces lignes sont bien moins visibles ; l'insecte est d'un gris terreux ardoisé, avec les côtés plus pâles que le dos, sans que souvent la ligne de démarcation soit bien tranchée. La tête est noirâtre ainsi que les six pattes écailleuses. Les pattes membraneuses, ou fausses-pattes, au nombre de dix, qui, lors- que la chenille était jeune, étaient munies d'une demi-couronne de petits crochets, perdent une grande partie de ceux-ci à la dernière mue, de sorte que ce ver gris, assez mauvais grimpeur, attaque surtout les vignes basses, et ne les atteindrait presque pas si l'on avait soin de laisser de distance en distance, entre les souches, une bande de terrain garnie de ses mauvaises herbes. Comme toutes les chenilles d' 'Agrotis, celle-ci est enterrée pendant le jour et sort la nuit pour se nourrir. Née pendant l'été, elle arrive à l'hiver déjà grosse, s'abrite dans le sol pendant les froids, et, mangeant de nouveau au printemps, elle est adulte en mai. La chrysalide, que l'on trouve dans le sol enfermée dans le cocon de terre dont nous avons parlé, est d'un brun ferrugineux brillant, les segments abdominaux sont dépourvus d'épines. De juin à août paraît le papillon. Le jour, il reste caché dans lesherbes, sous les feuilles, les écorces fissurées des souebes et un peu avant le coucher du soleil il va butiner sur les trèfles, les luzernes, etc. Cette Noctuelle est en somme plus commune dans le nord que dans le midi de l'Europe ; mais dans la région de l'olivier elle abonde cependant dans les terres meubles, où sa chenille peut facilement s'enfoncer. Dans les sols argileux ou marneux, compacts, elle est remplacée par l'espèce suivante. 250 LUS NOCTUELLES NUISII3I.ES A LA VlflNE. NI. — Noctuelle point d'exclamation (Agrotis exclamations Linné). Cette espèce, qui tire son nom de la disposition des taches sur les ailes, est, d'après Boisduval [Entomologie horticole. Paris, 1807), commune dans l'Europe du Nord, en Angleterre et en Suède, où elle fait de grands ravages dans les champs des diverses crucifères cultivées, telles que les raves, les choux, les colzas, etc. C'est cependant celle qui dans la région de l'olivier est le plus souvent signalée sur la vigne. Huit fois sur dix sa chenille est le ver gris qui nous est soumis par les vignerons de l'Hérault de l'Aude et du Gard. Nous l'avons reçue également des envi- rons d'Avignon. Dans les terres argileuses, compactes, c'est à peu près la seule que l'on rencontre en grande quantité dans toutes les cultures. Le papillon, long de 20 à 22 millim., ayant environ 35 à iO millim. d'envergure, a le thorax d'un gris pâle à reflets un peu violâtres ou rosés. Les ailes supérieures sont de la couleur du thorax, marquées de taches pâles et hrunes avec trois raies transversales sinueuses, très peu marquées parfois, dont celle du milieu offre sur son côté externe une tache noire en forme de coin que l'on a comparée à un point d'exclamation. La tache ronde est parfois brune, parfois blanchâtre avec un point brun au milieu, la tache réniforme brune ou grisâtre, parfois claire, mais toujours bien marquée; le bout de l'aile est bordé par une petite bande brunâtre lisérée intérieurement par une petite raie sinuée, plus pâle que le fond. Les ailes inférieures, blanches chez le mâle, sont plus ou moins enfumées chez la femelle. La chenille adulte a 40 millim. de long ; elle est de couleur lilas sombre avec un large espace sur le dosocreuxet brillant dont les bords sont limités par une double ligne brune. Les côtés sont d'un vert blanchâtre pâle, la tête est noirâtre ; les mâchoires, les yeux, deux lignes obliques à la base et un point entre elles, sont noirs ainsi que les neuf stigmates. Le premier segment thoracique est corné et taché de noirâtre en dessus, les autres segments ont quatre tubercules sur le dos et plusieurs autres sur les côtés, tous portant un poil. Les six pattes articulées sont couleur d'ocre avec les ongles noirs et les dix pattes membraneuses brunes à l'extrémité. La chrysalide, que l'on trouve eu juin dans la terre, est d'un brun roux, brillant. La coque, en forme d'ellipse, où elle est enfermée, semble faite de plusieurs morceaux ou manchons de terre très courts, ajoutés les uns aux autres, quatre à cinq par loge. Ces solutions de continuité, visibles parfois LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 257 môme à L'extérieur, semblent indiquer que La chenille s'est interrompue plusieurs fois dans sou travail de crépissage. Pas plus que chez YAgrotis segetum, nous n'avons observé de brins de soie dans les coques. Le papillon parait en juillet, août et mèoie eu septembre, suivant que la chenille s'est chrysalidée plus ou moins tôt. Ou trouve encore en effet quelques chenilles [tendant les mois de juin et de juillet. Les œufs de ces retardataires produisent les petites chenilles que l'on rencontre en biver et au printemps mélangées à celles de taille moyenne. La Noctuelle point dy exclamation est de beaucoup la plus ampélophage du genre, et les dommages graves, parfois désastreux, qui de temps en temps sont signalés comme causés par le ver gris dans les plaines de l'Hérault et de l'Aude sont toujours occasionnés par elle. Plus rarement que cbez l'espèce précédente, la demi-couronne de crochets des fausses pattes dis- parût à la dernière mue, de sorte qu'un seul de ces insectes resté bon grimpeur au moment de l'énorme consommation de feuilles qui précède la nymphose, fait, pour sa part, plus de dégâts nocturnes que dix chenilles de Noctuelles des moissons, qui, ne pouvant plus monter sur les souches au moment de la fringale, broutent les plantes basses ou les racines. Les chenilles de Noctuelles sont difficiles à élever en captivité ; elles meurent de la flacherie, cette maladie des voies digestives qui fait tant de ravages dans les magnaneries. Malgré cela, eu multipliant les petites édu- cations séparées, sous cloche de toile métallique et en plein air, on arrive à obtenir un certain nombre de coques et de chrysalides. Une fois dans cet état, l'insecte est sauvé et l'on a le papillon au bout d'un mois. La chenille est, nous l'avons dit, omnivore. Nous l'avons nourrie avec des feuilles de laitue, de radis, de chou et de vigne. Elle se tient le jour enterrée à un pouce à peine de profondeur, juste ce qu'il faut pour qu'elle puisse être dans l'obscurité. Elle sort vers 9 heures du soir. Souvent elle se sert de son trou de sortie pour rentrer après le repas dans l'espèce de loge que peu à peu elle a formée par la pression de son corps et où elle se tient roulée en demi-cercle. Elle passe toujours de préférence parles ou- vertures pratiquées, fissures entre les mottes de terre ou autres. Si le pa- quet de feuilles qu'on lui donne à manger est épais, elle se contente souvent de s'abriter dessous; en un mot, elle n'aime pas à creuser, étant fort mal outillée pour cela. Au point de vue de la lutte à entreprendre contre ce ravageur nocturne, ces derniers détails ne sont pas indifférents. En liberté, l'insecte monte sur les souches pendant la nuit, broute les feuilles les plus tendres et les grappes non ûeurics, opérant ainsi un pince- ment désastreux, et, ce qui est encore plus grave, il entaille la tige verte du jeune pampre qui, se cassant au moindre vent, pend le matin à demi flétri 17 258 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. ou tombe même au pied de la souche. Que de fois nous avons vu au mois de mai, aux environs de Narbonne surtout, les ceps entièrement dépouillés de leur feuillage naissant, et cela sur des hectares ! Il y a jusqu'à dix, vingt, trente chenilles par souche, et le mal va crescendo jusqu'à ce qu'intervien- nent les espèces parasites, mouches à deux ou à quatre ailes, qui rétablis- sent l'équilibre. IV. — Noctuelle fiancée (Agrolis pronuba Linné). Cette Noctuelle est la plus grande de celles que nous avons observées sur la vigne. Le papillon atteint 50 à 60 millim. d'envergure; ses ailes supérieures varient pour la couleur du fond qui permet de distinguer deux variétés bien caractérisées de l'insecte. L'une, qui a les ailes antérieures rougeâtres, couleur de cuir ou havane, de teinte presque uniforme; l'autre, dont les marques sont plus nettes, a sur les ailes une teinte fondamentale brun rouge, brun grisâtre, tirant parfois jusqu'au noir, mais toujours mélangée de gris cendré. Dans les deux types, l'aire médiane est parcourue de raies transversales plus ou moins sombres ; la tache orbiculaire et la tache réniforme sont claires, entourées d'une teinte sombre ou sombres entourées d'une teinte claire, parfois très peu visibles sur la teinte claire du fond. Les ailes postérieures sont d'un jaune d'ocre vif, avec une bande noire presque marginale; l'extrémité de la bordure et la frange sont d'un jaune d'ocre. L'abdomen est d'un gris jaunâtre. Comme chez les espèces précédentes, la chenille est polyphage, nuisible surtout daus les jardins potagers. Nous l'avons souvent observée sur la vigneaux environs de Montpellier dans, les terrains meubles, mélangée à celles de V Agrolis segelum ; c'est une des plus abondantes dans les bonnes terres de l'Ecole d'Agriculture. Elle varie pour la couleur : tantôt d'un gris terreux, tirant sur le verdâtre ou le jaunâtre, tantôt et le plus souvent d'un gris roussâtre pâle. Elle a sur le dos une ligne jaunâtre très étroite, un peu ombrée de brun sur les côtés. Au-dessous de cette ligne se voit une série longitudinale de taches brunes oblongues atter.ant à une ligne jaune plus ou moins apparente. Parfois ces taches sont nulles ou à peu près. Les flancs et le dessous du corps sont plus pâles, roussâtres ou jaunâtres. La tête est rousse, marquée de deux lignes noires; les stigmates, blanchâtres, sont cerclés de noir. Cette chenille, née en été, est, à la fin de l'automne, arrivée aux deux tiers de sa taille. Elle parait ne pas craindre le froid. L'hiver, on la trouve sous les feuilles sèches, dans les haies ou au pied des souches, enterrée à une faible profondeur, mangeant, si le temps est doux, les plantes qui sont à sa LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 259 portée. La métamorphose en chrysalide a lieu en avril ou mai dans une coque terreuse très peu solide, et c'est surtout les années où le printemps est précoce qu'elle peut être nuisible à la vigne. Ses dégâts, du reste, ne sont jamais comparables à ceux des trois autres espèces décrites ci-dessus. On distinguera toujours facilement son papillon à la couleur jaune de ses ailes postérieures. Il vole peu, mais souvent pendant le jour s'abat prompte- meut et se cache rapidement dans les herbes . V. — Ennemis naturels et Moyens de destruction. A. Ennemis naturels. — Comme la plupart des Lépidoptères, les Noctuelles ont des ennemis naturels qui, à un moment donné, arrêtent leur trop grande multiplication. Ce sont des Diptères de la famille des Muscides, appartenant à l'ancien genre Tachina de Meigeo, devenu la tribu des Ta- chinaires et des Hyménoptères de la famille des Ichneumouides et de celle des Chalcidides. Malgré d'excellents travaux sur ces divers groupes de parasites, on peut dire qu'en particulier ceux qui détruisent les Noctuelles sont assez mal connus. Si nous laissons de côté les Hyménoptères, dont nous n'avons trouvé dans les Noctuelles ampélophages qu'une seule espèce, encore à l'étude, et dont nous parlerons plus tard, nous ne trouvons en effet que quelques Tachinaires connus comme attaquant les Noctuelles. Dans les rares tra- vaux qui en parlent1, nous voyons bien cités des espèces qui déciment la Noctuelle du chou {Haclena Brassicœ Dup.) et la Noctuelle gamma (Plusia gamma Dup.), mais pas un mot du celles qui attaquent nos Noctuelles ampélophages. Maintes fois cependant, des chrysalides de VAgrotis exclamationis nous avons vu sortir une grosse mouche grise, à abdomen roux, à corps épineux et que ses allures turbulentes nous ont fait ranger de suite parmi les Mou- ches Tachmes. C'est VEchinomyia prompta Meigen, qui bien certainement, comme ses congénères, vit aux dépens de divers Lépidoptères. Elle est commune en Languedoc, et s'attaque si souvent aux chenilles de notre Agrotis que certaines années plus de la moitié de celles-ci en sont atteintes. Nous avons 1 Robineau-Desvoidy ; Essai sur les Myodaircs (Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Sciences, tom. II, 1830). — Dr Laboulbène ; Métamor- phoses d'une mouche parasite de la Noctua Brassicx Linné (Ann. Soc. enl. de Fr., 18G1, pag. 231). — Goureau ; Les Insectes nuisibles. Paris, V. Masson, 18G1. 260 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. môme fait des éducations où toutes les chrysalides obtenues renfermaient un de ces parasites, et c'est bien certainement à cette moucbe que dans la région de l'Olivier nous devons de passer parfois plusieurs années sans qu'il soit parlé des ravages du ver gris. La plupart des Tacbinaires vivent en certain nombre dans le corps de leur victime et sortent de celle-ci quand elle est transformée en chrysalide, pour se changer immédiatement en pupe. Réaumur, dans sa description des Vers de mouches à deux ailes, avait déjà observé cet exode et cette métamorphose immédiate'. Chez les Echinomyia, comme du reste chez certains autres genres, il n'en est pas ainsi : la métamorphose en pupe a lieu dans l'intérieur de la chrysalide et. vu la grosseur du parasite, il n'y en a qu'un par victime. Un seul œuf est déposé sur le dos de la chenille, et il y est si bien collé qu'on ne peut l'enlever sans l'écraser. De cet œuf sort une petite larve qui perce la peau de l'insecte et pénètre dans sa cavité générale. Là, vivant du tissu adipeux et respectant tous les viscères, elle grandit sans que la che- nille paraisse incommodée. Celle-ci continue à manger, à grossir, et arrive même le plus souvent à faire sa coque et à se changer en chrysalide. De suite après cette métamorphose, c'est-à-dire en juin, les organes essen- tiels de l'insecte sont attaqués ; celui-ci meurt, et dans l'intérieur de son corps le parasite se transforme en pupe. Vers le mois d'août, a lieu la mé- tamorphose de {'Echinomyia en insecte parfait. A ce moment, les chenilles des Noctuelles sont écloses, et en septembre un œuf est pondu sur leur dos par la grosse mouche, et le cycle recommence. Exceptionnellement, nous avons vu sortir le parasite de la peau racornie de la chenille . U Echinomyiaprompta se reconnaîtra facilement à la description suivante: Corps long de 12 à 15 millim., large de 5 environ, couvert de poils rudes un peu recourbés en arrière, plus serrés sur la tête et le thorax que sur l'abdomen. Tête triangulaire, d'un blanc argenté, soyeux, avec les yeux d'un brun roux et une bande frontale rousse partant du sommet du vertex. Palpes allongés, filiformes; antennes de trois articles, le troisième plus court que le deuxième et portant un appendice ou style très délié de trois articles. Thorax gris foncé avec quelques bandes longitudinales plus claires sur sa partie antérieure; ccusson rougeâtre, à base brune. Pieds noirs à dernier article bilobé très dilaté. Abdomen roux ou d'un jaune testacé avec des reflets argentés portant une bande dorsale noire, dilatée, en forme de triangle sur chaque segment. Les poils de l'abdomen, moins serrés que ceux de la tête et du thorax, sont plus longs, plus raides, surtout ceux du bord 1 Réaumur; Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, loin. II, pag. 441. LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. 261 postérieur des segments et constituent vraisemblablement un appareil de protection contre les mouvements désordonnés de la chenille sur laquelle l'œuf sera déposé. La larve, aveugle, blanche, en forme de quille, rentre dans le type bien connu des larves de mouches. La pupe, ressemblant à un barillet, formée de la peau de la larve durcie et renfermant la véritable nymphe, est cylindrique, c'est-à-dire peu atténuée des deux bouts. Elle présente du côté antérieur une ligne transversale un peu en relief indiquant l'ouverture de sortie de l'insecte. Au-dessus de cette ligne, en contact avec elle, on distingue deux petits tubercules, et, au-dessous de ces proéminences, les vestiges de la bouche; du côté postérieur enfin, au-dessus d'une dépression qui correspond sans doute à l'ouverture anale, se voient deux saillies chitineuses qui sont les deux stigmates abdominaux en forme de bouton trilobé. Cette grosse mouche, à l'allure vive, est plus commune dans le midi de la France que dans le Nord '. Elle vit du nectar des fleurs et on la voit fréquemment sur celles d'une des Ombellifères les plus répandues, le Daucus carotta. Elle pénètre même souvent dans nos habitations. En dehors de l'action destructive de notre mouche parasite, le mal peut être enrayé naturellement par les intempéries. Nous avons remarqué en effet que les printemps secs succédant aux hivers également secs, s'ils coïncidaient surtout avec une faible proportion de chenilles attaquées par les Echinomyia, étaient ceux où les ravages étaient les plus grands. La chenille, dans sa retraite souterraine, est, parait-il, tuée par un excès d'humidité, et c'est ce qui explique facilement les ravages plus grands exercés dans le midi que dans le nord de l'Europe. L'hiver de 1888-89 eu Languedoc a été remarquable sous ce rapport. Les vers gris, extrêmement abondants à l'automne de 1888, faisaient pré- voir de grands dégâts pour le printemps suivant ; mais l'hiver ayant été exceptionnellement pluvieux (320 millim. d'eau pendant le seul mois de décembre), les vers gris ont été très rares au printemps de 1889. Il n'est malheureusement pas donné à l'homme de pouvoir aider la na- ture dans cette œuvre de pondération. Pas plus qu'il ne peut régler ou même prévoir la quantité d'eau que donnera le pluviomètre en hiver, il ne peut en aucune façon aider à la multiplication de la mouche bienfaisante. Bien plus, il détruit forcément cette dernière en écrasant la chenille qui renferme sa larve. 1 Macquart; Nouvelles observations sur les Tachinaires [Ann. Soc. ent. de Fr., 1815, pag. 262. 2G2 LES NOCTUELLES NUISIBLES A LA VIGNE. B. Moyens de destruction.— Le cultivateur devra donc agir comme si ces auxiliaires naturels n'existaient pas. Pour que ses efforts soient féconds, il lui faut, comme toujours, bien connaître les mœurs de son ennemi. Nous avons dit que celui-ci s'enterrait le jour à une faible profondeur. De tout temps, sans doute, la recbercbe du ver gris au moyen d'une petite piocbe a été pratiquée. On détruit ainsi, en avril et mai, des quantités notables de ces brouteurs nocturnes ; des femmes ou des enfants peuvent faire ce travail, mais bien souvent nous avons vu les vignerons s'étonner de ce qu'une soucbe au pied de laquelle dix ou douze vers gris avaient été écrasés, en avait autant le lendemain. C'est que partout où la terre a été binée, il y a des chenilles enterrées et que, l'entre-deux des soucbes n'étant jamais fouillé, les mottes de terre, moins émiettées, y offrent aux ravageurs un refuge plus assuré et plus commode. Il y a donc en réalité, en dehors des premières recherches, plus de chenilles à une certaine distance qu'au pied môme de la soucbe. Une première précaution qui devra être prise consistera, lors du binage de printemps, à laisser de distance en distance, tous les deux rangs à peu près, une bande de terrain non piochée ou non labourée, qui, le jour, rejettera toutes les chenilles dans la raie binée; la nuit, en attirera le plus grand nombre sur ses mauvaises herbes. Une fois le grand danger passé, c'est-à-dire fin mai, le binage supplémentaire pourra se faire. Il ne faut pas oublier en effet que les chenilles de Noc- tuelles sont omnivores et paresseuses, et qu'entre une feuille de pissenlit ou de séneçon au ras du sol et une feuille de vigne à un demi-mètre d'éléva- tion, la préférence sera donnée à la première. Nous avons dit également que les vers gris, mal outillés pour creuser, rentraient toujours dans les mêmes trous ou se réunissaient sous les mêmes abris. Ces habitudes ont été observées aux environs de Narbonne par tous les viticulteurs, et un moyen de destruction très répandu dans cette région, si souvent ravagée, consiste à mettre au pied de la soucbe une poignée de luzerne ou d'herbe coupée que l'on soulève tous les matins et où l'on écrase les chenilles. On pratique encore dans la même région viticole le procédé que nous appellerons celui des trous de pal. Trois ou quatre trous sont pratiqués non loin de la souche avec un petit pal ou plantoir en bois. Les chenilles se contentent fort bien de ces trous béants aux parois tassées, pour s'abriter pendant le jour, et le matin on n'a plus qu'à les écraser au fond de leur retraite avec le même instrument. En employant simultanément ces trois procédés, d'une application si simple, on arrivera certainement à sauver la plus grande partie de sa récolte. Il nous reste à parler du sulfure de carhone, dont l'emploi semble indi- qué contre tout insecte souterrain. Ses vapeurs tendent plutôt à descendre LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES. 20.'? dans le sol qu'à remonter à sa surface ; or c'est précisément dans la cou- che superGcielle que se tiennent les vers gris au printemps et à l'automne. Il serait donc à craindre qu'appliqué à ces époques-là, le traitement ne fût pas efficace ; mais il devra être essayé en hiver, après une forte gelée qui aura fait descendre la grande niasse des chenilles entre 10 et 20 centim. de profondeur. LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES. On nomme ainsi de heaux papillons de la tribu des Romhycides, aux couleurs vives, aux chenilles couvertes de longs poils, marchant rapidement, bien connues des maraîchers comme saltaquant à une foule de plantes cultivées. Plusieurs espèces ont été signalées sur la vigne et se soDt, certaines an- nées, tellement multipliées dans les départements de l'Hérault et du Gard, que dans plusieurs quartiers la récolte en a été sensiblement réduite. Ces cas-là sont rares. La règle qui fait du gros insecte un ennemi peu redoutable en comparaison du petit, trouve ici son application, et les grands ravages ne sont qu'exceptionnels. Nous ne pouvons cependant moins faire que de donner quelques détails sur ces Lépidoptères omnivores, répandus dans la plus grande partie de l'Europe et cités par Walckenaer, Vallot, Dunal, Audouin, Audré, etc., tous ceux, en un mot, qui ont fait un tra- vail d'ensemble sur les insectes de la vigne. Ces divers auteurs citent une demi-douzaine de ces écailles ampélo- phages ; nous croyons suffisant d'en porter le nombre à quatre, et nous par- lerons des Chelonia caja, viltica, mendica et lubricipeda, qui sont les plus répandues. I. — L'Écaillé martre (Chelonia caja Linné). Ce beau papillon (fig. 51), long de 4 centim. environ, en a ordinairement 0 d'envergure. Ses ailes antérieures sont d'un blanc roussâtre avec de grandes taches irregulières d'un brun café au lait foncé qui occupent par- fois la plus grande surface des ailes et peuvent être alors considérées comme en formant le fond. Les ailes postérieures sont d'un rouge vif avec- plusieurs taches d'un bleu foncé métallique entourées de noir, plus ou moins grandes. La tête et le thorax en dessus sont d'un brun cale au lait 264 LES ÉCAILLES OU CHÉLONIES. comme les ailes antérieures, avec un collier rouge; les antennes, pectinées, sont blanches ; Y abdomen est rouge avec trois rangées longitudinales de tacbes noires, celles-ci d'or- dinaire réunies forment des taches transversales sur plusieurs segments. Le des- sous du corps est revêtu de poils rouges. La chenille, longue de plus de 5 centim., est noire avec des bouquets de poils très longs, de même cou- leur, implantés sur des tu- Fig. 51. — Écaille martre, grandeur naturelle. hercules également noirs. Les trois anneaux thoraciques sont garnis de poils d'un roux vif insérés sur des tubercules d'un blanc bleuâtre. La tête est d'un noir brillant; les pattes brunes, ainsi que la partie ventrale. Les stigmates sont blancs. La chrysalide est cylindro-conique, d'un noir luisant, avec l'extrémité ahdominale bilobée et garnie de petites épines ferrugineuses. Le cocon dans lequel elle est enfermée, dans une feuille repliée, entre deux feuilles ou dans une fissure d'écorce, est fait de soie grossière formant un tissu peu serré et entremêlé des longs poils de la chenille. «L'Ecaillé caja est surtout abondante, dit Dunal, dans le département du Gard. Certaines années, elle s'y trouve en si grande quantité sur fa vigne qu'elle la ravage. Dans une vigne de 30 ares, à Saint-Gilles, on a tué dans une matinée 1 ,200 de ces larves. Elles mangent les bourgeons sans les couper à leur base. »I1 paraît que cet insecte s'est montré à toutes les expositions, princi- palement sur le cépage appelé Grenache et dans les terres argileuses. » Aux environs de Montpellier, le printemps de 1889 a été remarquable par l'abondance extrême de ces grosses chenilles velues. Dans tous les terrains formés de cailloux et de débris siliceux (Diluvium alpin), surtout dans la commune de Saint Georges, célèbre par ses vins, on a pu évaluer le dégât entre un dixième et un cinquième de la récolte. L'insecte n'étant pas nocturne, ses dimensions étant grandes, sa recherche est assez facile. On le trouve broutant les feuilles pendant le jour ; jamais il ne coupe le bourgeon entier, comme le ver gris de la Noctuelle. LES ÉCAILLES OU CHÊLONIES. 265 II. — L'Écaillé fermière {Chelonia villlca Linné . L'insecte parfait, long de 30 à 35 millim. les ailes fermées, en a 50 à 60 d'envergure. Les ailes antérieures sont d'un beau noir velouté avec des taches d'un jaune paille clair, de forme irrégulière. Les ailes inférieures sont d'un beau jaune orange avec quelques points noirs dans leur partie moyenne et une assez grande tache apicale plus ou moins déchiquetée ren- fermant aussi dans son intérieur deux ou trois espaces jaunes plus ou moins grands. La tête, les antennes, le thorax et les pattes sont d'un noir profond avec deux taches couleur paille sur les côtés antérieurs du thorax. En dessous, le thorax et les cuisses offrent des poils d'un rouge carminé. L'abdomen est jaune en dessus avec son tiers postérieur rouge et quelques points noirs ; en dessous, il est rouge avec deux lignes d'un brun noirâtre. La chenille adulte, longue de plus de 5 centim., est entièrement noire, avec des tubercules plus pâles supportant des bouquets de poils d'un brun rouge. La tête est également rouge, ainsi que les pattes. Les stigmates sont blanchâtres cerclés de noir. La chrysalide, d'un brun noirâtre, avec les entre-deux des segments plus clairs, ceux-ci garnis de petits faisceaux de poils roux, est aussi enfermée dans un cocon de soie grossière. III. — L'Écaillé mendiante [Chelonia mendica Linné). Cette espèce, plus petite que les précédentes, est remarquable par la dif- férence de robe existant entre le mâle et la femelle. Le corps, gris chez le premier, blanc chez la seconde, est long de 20 à 22 millim. , les ailes fermées, et de ?o millim. en viron d'envergure. Dans le mâle, les quatre ailes sont d'un gris uniforme; dans la femelle, elles sont blanches, un peu transparentes. Chez les deux sexes, les antérieures seules présentent cinq à six points noirs épars et disposés parfois un peu différemment. Les antennes, noires chez la femelle, sont grises et pectinées chez le mâle ; enfin, dans les deux sexes, les cuisses offrent des poils d'un jaune fauve et Vabdomen cinq rangées longitudinales de points noirs. La chenille, que l'on trouve en juin et juillet, est d'un blanc sale tirant sur le jaune ou le gris ; elle offre une large ligne dorsale d'un gris obscur, et sur les parties latérales quelques traits obliques qui paraissent formés par des replis de la peau ; sa tète est d'un roux clair brillant. Tout son corps 2G6 LES ÉCAILLES OU CHÉLOMES. est couvert de poils raides, blonds ou roussâtres, disposés par bouquets sur des tubercules peu saillants. La chrysalide est ovoïde et d'un brun luisant. Le cocon soyeux qui la renferme est d'un tissu lâche entremêlé de poils. Le papillon n'éclôt qu'au printemps suivant. IV. — L'Écaillé pied glissant (Chcîonia lubricipcda Linné). Cette espèce, dont le corps, les ailes fermées, est long de 2 centim. et demi, a, les ailes ouvertes, une envergure de 4 centim. Elle ressemble par la taille et un peu par la couleur à la femelle de VÉcaille mendiante. Les ailes sont d'un jaune terne pâle, presque blanc, en dessus et en dessous, avec des points noirs. Les points des ailes supérieures sont au nombre de 12 à 14, dont trois placés sur la côte ou bord d'en haut ; les autres, à l'excep- tion des deux postérieurs, lorsqu'ils existent, forment une ligne oblique qui descend du sommet au bord interne. Les points des ailes inférieures varient de un à sept, mais il y en a toujours davantage chez la femelle. La tête et le thorax sont de même couleur que les ailes. L' abdomen, d'un jaune fauve, a cinq rangées longitudinales de points noirs. Les pattes sont d'un brun obscur avec des poils jaunes sur les cuisses. Les antennes sont grises avec la lige noire. La chenille adulte est d'un brun noirâtre avec une ligne dorsale bleuâtre et des tubercules ferrugineux, sur lesquels sont des aigrettes de poils d'un brun jaunâtre ; mais quelquefois la teinte générale du corps est d'un gris roussâtre avec la ligne dorsale rembrunie. Elle court très vite, et c'est cette circonstance qui lui a fait donner par Linné le nom de lubricipcda (pied glissant). On la trouve depuis juillet jusqu'en octobre sur différentes plan- tes, y compris la vigne, sur laquelle, dit Dunal, elle occasionne parfois des ravages. Nous ne l'avons pas toutefois rencontrée sur la vigne en Lan- guedoc. La chrysalide est d'un brun rougeâtre, avec de petits crochets ferrugineux à la pointe postérieure. Le cocon ressemble à celui des autres espèces. Les trois Ecailles dont nous venons de parler se combattent, comme l'Ecaillé martre, en recherchant le jour la chenille sur les bourgeons. La présence de l'ennemi est vite décelée par les sarments dépouillés de feuilles ; mais en mai, certaines années, assez rares heureusement, la visite doit être journalière. CHAPITRE XIII. SOUS-ORDRE DES CRÉPUSCULAIRES Ces Lépidoptères, dont les ailes inférieures, comme chez les Nocturnes, sont réunies par un frein aux ailes supérieures, sont remarquables par leur corps très développé par rapport aux ailes, leur abdomen fusiforme relié étroitement au tborax, et leurs antennes prismatiques terminées par une pointe recourbée. Leur trompe, très développée, dépasse parfois debeaucoup la longueur du corps, ce qui permet à ces insectes, qui ont pour la plupart un vol coutinu et rapide, de visiter, sans se pofer, les corolles les plus pro- fondes. La plupart volent au crépuscule, comme leur nom l'indique. Tels sont les Sphinx; d'autres, comme les Zygènes et les Macroglosscs, volent en plein soleil. LA ZYGÈNE DE LA VIGNE1 (Ino Ampelophaga Bayle.) Synonymie : Sphinx ampelophaga Hiïbner. — Sphinx vilis Freyer. — Procris vitis Bonnelli, Boisduval. — Zigxna ampelophaga Bayle. 1 Bibliographie.— V. Hiibner; Eur. Schmett. Sphingidx, 1805.— Bayle Barelle ; Sarjgio intorno agli insetti ?wcivi. Milano, 1824. — Passerini ; Mem. sopra due specie d'Insetti nocivi (Atli délia R. Acad. dei Georgofili di Fi- renze, 1829 et 1830. — Walckenaer ; Ins. nuisibles à la Vigne, 1836. — Vallot ; Ins. nuisibles à la Vigne, 18 il. — Audouin ; Ins. nuisibles à la Vigne, 1842. — Dei ; Insetti dannosi aile vili in llalia. Milano, 1873. — Ach. Costa; Insetti che altacano l'Albcro ed il frutto. Napoli, 1877. — Minière; Iconographie des Lépidoptères. Lyon, 1882. — André; 1rs Parasites de la Vigne. Beaune, 1882. — Targioni-Tozzetti ; Helazione délia R. slazzionc di Ëntomologia di Firenze, pag. 4 43. 1884. — Peragallo ; Insectes nuisibles à l'Agric. Nice, 1885. — Ottavio Ottavi ; Traité pratique de Vitic. 1885. 268 LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. Procris ampelophaga Passerini, Duponchel, Audouin. — Atgchia ampe- lophaga Treitscbke. — Ino ampelophaga Leach, Curo, Targioni, Stau- dinger et Wocke. Noms français : Zygène de lu vigne, Procris mange- vigne. Nom italien : Zygœna délia vite. L'espèce dont il est ici question, signalée depuis fort longtemps sur la vigne dans l'Europe méridionale, fait partie de la famille des Zygénides, groupe de Crépusculaires qui forme transition avec les Nucturnes. Leurs ailes, de même que chez ces derniers, sont tectiformes et dirigées vers le bas comme une chape; mais leur corps, très développé par rapport aux ailes, et surtout leurs antennes, les rapprochent des Crépusculaires. Les Zygénides ont une particularité commune à toutes les espèces du groupe, celle de simuler la mort lorsqu'on les saisit. Le vol est diurne, assez lourd, toujours court; l'accouplement se fait hout à bout. Le cocon, allongé, mem- braneux, jaune clair ou blanchâtre, est généralement mal dissimulé sur des tiges grêles ou des chaumes de graminées ; parfois cependant, comme celui de uotre espèce, il est Glé dans les feuilles sèches, les fissures de l'écorce, les creux de roseaux, etc. 1. - HISTORIQUE. Baylc-Barelle, de Milan (1824), est le premier qui, au point de vue méthodique, ait suffisamment étudié l'espèce qui nous occupe, pour qu'on puisse lui attribuer le nom spécifique adopté par tous les entomologistes. Passerini, de Florence (1829 et 1830), a décrit dans deux Mémoires les mœurs de l'insecte. D'après Walckenaer (1836), qui a étudié ce dernier surtout au point de vue historique, l'espèce, très répandue en Italie, est peut-être celle ou une de celles connues des anciens sous les noms d'/ïi- volvulus ou Convolvulus. Pallas, ajoute Walckenaer, parait avoir, dès le xvme siècle, observé l'insecte dans les vignes de la Crimée {Travels in Russie, tom. II, pag. 241). Ce n'est en tout cas que depuis Bayle et Pas- serini que les observations sont positives, et c'est dans les travaux de ces deux auteurs qu'ont puisé Walckenaer, Audouin et la plupart de ceux qui ont écrit sur les insectes de la vigne. Le livre de M. Ach. Costa, de Naples (1877), pag. 203 à 213, est certainement, parmi les travaux récents, celui qui donne le plus de détails sur l'insecte, celui auquel sont empruntés une bonne partie de ceux que nous donnons nous-même. Millière (1882) a le premier signalé l'espèce en France dans le département des Alpes-Maritimes, et c'est à ce titre que, parmi plusieurs entomologistes qui ont récemment parlé de la Zygène de la vigne, nous citons spécialement l'auteur bien connu de \' Iconographie des Lépidoptères. LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. 269 II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Les derniers jours d'avril ou les premiers de mai, apparaît le papillon, et, aussitôt la femelle fécondée, les œufs sont déposés sur les branches de la vigne par groupes de deux à trente, accolés régulièrement sur un même plan. Au bout de dix à douze jours, les petites chenilles éclosent et se mettent aussitôt à manger les jeunes bourgeons, passant successivement aux feuilles les plus tendres. Elles les attaquent, non pas sur le bord, mais au milieu du limbe, à la manière des escargots. Pendant le jour, elles se tiennent sur la face inférieure des feuilles, évitant soigneusement les rayons directs du soleil, se cachant même dans les fissures et jusque dans le sol quand la chaleur est trop forte. C'est à l'aurore et au crépuscule que les dégâts se commettent. L'insecte est à l'état de larve adulte au bout d'une trentaine de jours, c'est-à-dire fin mai ou commencement de juin. A ce moment, il se retire dans les crevasses de la souche ou dans celles des échalas et ûo^ arbres sur lesquels la vigne monte, suivant l'usage italien, ou, si la vigne tenue basse est supportée par une simple canne de roseau, c'est dans la cavité de celui-ci qu'il se réfugie. Là, il se sépare de l'air extérieur par une cloison de soie grossière, se file un cocon soyeux, plus finement tissé et, reste quelque temps encore sous forme de larve. Enfin a lieu la métamor- phose en chrysalide, et cet état dure de douze à quinze jours, après lesquels, dans la seconde moitié du mois de juin , apparaît le nouveau papillon . Les œufs sont pondus de la même façon qu'au printemps ; la chenille fait une nouvelle consommation de feuilles de vigne et construit un cocon pour s'y chrysalider. Des premiers cocons filés sortent, fin août ou premiers jours de septembre, quelques papillons généralement inféconds et que l'hiver tuera. Le reste, plus tardif, passe à l'état de chrysalide l'automne et l'hiver, pour apparaître au printemps et recommencer la propagation de l'espèce. Œufs. — Ils sont presque sphériques, d'un diamètre d'environ i dixièmes de millim., d'une couleur blanchâtre tirant sur le jaune paille, a cuticule lisse et transparente. Chenille. — Le corps est relativement court et gros, 12 millim. de long sur 3 de large a 1 âge adulte. Quand la chenille est jeune, la couleur générale est le gris jaunâtre avec trois bandes longitudinales sur le dos et une autre sur chacun des flancs. Ces bandes sont formées par des séries de taches allongées de couleur sombre, placées sur chaque anneau, le ventre 270 LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. de couleur plus claire. Quand la chenille est adulte, dit Millière, le dos et les flancs sont d'un brun rougeâtre et le ventre jaune de Naples; la tête, très petite, est noire ; les 6 pattes écailleuses et les 10 fausses pattes sont jaune clair. Le corps est recouvert en dessus de gros points pilifères bleuâtres donnant naissance à de nombreux poils bruns médiocrement longs. La face ventrale est toujours plus claire et dénuée de poils. Chrysalide. — L'insecte, sous cette forme, estd'unjaunegrisâtre. Il est enfermé dans un cocon de soie assez lâche, de couleur blanc cendré un peu bleuâtre, long de 12 à 13 miliim. Le papillon (fig. 52), long de 12 miliim. environ les ailes fermées, en a 22 à 25 d'envergure. Les ailes antérieures sont d'un brun verdâtre ou bleuâtre uniforme, légèrement bronzé, les posté- rieures entièrement d'un brun noirâtre. Le corps est d'un vert brillant avec des poils noirs. Les antennes, presque aussi longues que le corps, sont largement pectinées chez le mâle, plus 1, brièvement chez la femelle. Ce papillon, d'une grande vivacité, présente, d'après Millière, ainsi que toutes les Zygènes, Fig. 52. Zygène de la cette particularité inexplicable de résister indé- vigne. uniment dans le flacon à cyanure de potassium dont se servent les entomologistes, milieu où succombent presque instan- tanément la plupart des Lépidoptères. Cette espèce se trouve dans une grande partie de l'Europe méridionale. Décrite d'abord en Italie, elle a été signalée en France dans les Alpes-Maritimes par Millière, e.n Hongrie par M. Horvath, en Autriche par M. Bollé, en Espagne par M. Graëlls. L'Italie parait toutefois sa patrie préférée, son centre de rayonnement. Passerini et tous les auteurs italiens nommés plus haut citent le Tyrol, le Piémont, la Lombardie, la Toscane surtout, les environs de Rome, de Naples et la Sicile comme les régions les plus attaquées. C'est, on le voit, presque toute l'Italie. III. — DÉGÂTS ET MOYENS DE LES COMBATTRE. LaZygène de la vigne peut être fort nuisible. D'après Passerini, c'est la moitié delà récolte qui parfois est enlevée. Costa parle d'un quart ou d'un tiers, et cela est suffisant pour faire de cette chenille, exclusivement arapé- lophage, un ennemi redoutable. Jusqu'à présent aucun moyen infaillible n'a été conseillé pour la dé- truire. LA ZYGÈNE DE LA VIGNE. 27] Pour atteindre les petits ennemis de ses récoltes, l'agriculteur, avons- nous dit, doit avant tout bien connaître leurs mœurs ; or les divers auteurs qui ont écrit sur notre Zygène ne sont pas d'accord sur le nombre de ses générations. Bayle-Barelle affirme que dans le Piémont il n'y en a qu'une; Millière, de Cannes, dit qu'il en est de même dans les Alpes-Maritimes. Il a vu, dit-il, les chenilles descendre en juin pour faire leur cocon, et le pa- pillon paraître en juillet. L'espèce passerait, selon lui, l'hiver à l'état d'oeuf. M. Costa, de Naples, dont nous avons, dans la partie biologique, donné en quelque sorte une traduction abrégée, mais fidèle, parle, on l'a vu, de deux générations et cite même une troisième apparition, partielle il est vrai, de papillons en automne. Nous croyons à l'exactitude d'observation des trois naturalistes. L'insecte, qui dans le nord de son aire géographique n'a qu'une seule génération, en a deux dans le Midi. Le mode de destruction, on le conçoit sans peine, doit donc varier avec les différences de mœurs; autrement dit, avec les pays. Dans ceux où il n'y a qu'une génération, nous dirons, avec Bayle-Bar- relle, qu'une fois la taille faite et avant que la vigne soit attachée à ses sup- ports ou échalas, on doit frotter énergiquement avec un chiffon rude les écorces et le bois qui portent les plaques d'œufs. Nous ajouterons que les badigeonnages Balbiani, dont il a été question à propos de l'œuf d'hiver du Phxjlloxora (pag. 1 19), ne pourraient être que fort utiles. Il estàproposde rappeler ici que, puisque nous avons affaire à une espèce spécialement ita- lienne, elle était fort probablement connue des anciens, et que dans son livre De rerustica, Caton a bien pu vouloir parler des badigeonnages insecticides employés contre elle lorsqu'il dit que la vigne enduite avec du marc d'huile réduit à la consistance du miel n'est pas attaquée par les Convolvulus. Ce nom, nous l'avons déjà dit, pouvait du reste s'appliquer à plusieurs insectes. Dans les régions où il y a deux générations dans l'année, où l'insecte passe l'hiver à l'état de chrysalide, il faut re- noncer à l'idée d'écraser les pontes sur le bois de la vigne garnie de feuilles. On proGtera de l'habitude qu'a la chenille de se laisser choir sur le sol quand on secoue le cep. Si la vigne est cultivée avec un grand développement, on fera tomber l'insecte, comme le dit M. Costa, au moyen d'un bâton, sur un linge étendu sur le Fig. 53. — - Entonnoir à , -,. , . , Altises. sol. Si les ceps au contraire sont tenus bas, on se servira de l'entonnoir à altises (fig. 53), déjà décrit à propos delà Grisettc. Les chenilles des Zygènes, mauvaises Gleuses, ne se laissent pas couler au bout d'un fil, à la façon de celles des Tordeuses. Elles tombent pliées eu 272 LES SPHINX AMPÉLOPHAGES. demi-cercle, et bien certainement, mieux que les Altises ou les Grisettes, elles iront rouler jusqu'au fond du sac qui termine l'entonnoir. LES SPHINX AMPÉLOPHAGES. En fait de Lépidoptères nuisibles aux vignes, il nous reste à parler des Spbingides ou Sphinx, qui de temps en temps font parler d'eux. Les divers auteurs"' portent à trois ou quatre le nombre des espèces incri- minées. Aucune d'elles n'arrive à occasionner des dommages bien graves ; mais comme leurs chenilles sont grosses, facilement remarquées, elles sont accusées de toutes les entailles faites aux feuilles des souches et nous sont fréquemment apportées par les viticulteurs. Le mal fait par l'espèce la plus ampélopbage est, en somme, minime, et là encore, comme pour les Chelonia, nous pouvons constater que d'ordinaire le gros insecte est moins nuisible que le petit. Les Sphinx se reconnaissent de suite à leur corps énorme par rapport au faible développement de leurs ailes toujours étendues, à leurs antennes fortes, courtes, prismatiques, à leur trompe très développée, à leurs ailes antérieures lancéolées et à leur abdomen conique. Leurs couleurs sont généralement belles, aussi bien chez la chenille que chez l'insecte parfait. Chez celui-ci, les sexes présentent peu de différences extérieures. La che- nille porte toujours un éperon sur l'avant-dernier anneau. Le groupe, nombreux en espèces, soixante environ, est répandu dans les deux mondes, et en Amérique comme en Europe il y a des espèces qui peuvent, à l'oc- casion, nuire à la vigne. Celles qui chez nous ont été signalées par tous les auteurs sont au nombre de trois : Sphinx (Deilephila) lineata, Porcellus et Elpenor. Des deux premières, nous ne dirons que quelques mots. Certains au- teurs, Dunal entre autres, leur ont accordé trop d'importance. I — Le Sphinx à bandes. (Sphinx [Deilephila) lineata Linné). Le Sphinx {Deilephila) lineata a la couleur générale d'un brun olivâtre, nuancée de jaune, de rouge et de blanc. Le jaune consiste en une bande traversant l'aile supérieure d'un bout à l'autre, le rouge dans une LES SPHINX AJdPÉLOPHAGES. J7.! bande de même forme traversant l'aile inférieure, le blanc dans des bandes et des taches diversement disposées sur le thorax, les ailes et l'abdomen. Les quatre raies blanches longitudinales dont le thorax est orné, les deux intermédiares convergentes, permettent de distinguer cette espèce de toutes les autres. La chenille est d'un jaune olivâtre, avec la tête et deux lignes dorsales parallèles roses; le ventre est blanchâtre. Elle vit sur les plantes de la famille des Rubiacées telles que le caille-lait, sur certaines Composées comme la scorzonère et aussi sur la vigne. Nous l'avons trouvée sur cette dernière à Montpellier et nous l'avons reçue d'Algérie. II. — Le Sphinx petit pourceau. [Sphinx (Dcilephila) porcellus Linné). Le Sphinx (Deîlephila) porcellus, appelé en français Sphinx petit pourceau ou petit Sphinx de la vigne, est le moins grand des trois, 4 à 5 centim. d'envergure. La couleur dominante sur le corps et les ailes de cette petite espèce est le rose. Le milieu des quatre ailes est d'un jaune verdâtre clair et le bord antérieur des deux ailes postérieures est teinté de brun. La chenille est brune ou verte, généralement brune ; elle a de chaque côté, sur le devant du corps, trois taches oculaires noires à prunelle blanche et à iris roussàtre. La corne est courte, à peine saillante. Le caille-lait jaune, l'épilobe et la vigne sont ses trois plantes préférées. III. — Le Sphinx de la vigne. [Sphinx [Deilephila] Elpenor Linné). Cette espèce, appelée par Geoffroy Sphinx de la vigne, ne doit pas être confondue avec le Sphinx vitis Linné, qui est d'Amérique, et dont nous n'avons pas à parler. C'est la plus ampélophage des trois espèces de Sphinx, citées ici et c'est aussi la seule sur laquelle nous nous étendrons un peu longuement. Le papillon (6g. 54) a 6 à 7 centim, d'envergure. Le corps est rose, avec deux bandes longitudinales d'un vert olive jaunâtre sur Vabdomen et cinq lignes divergentes de cette couleur sur le thorax; celui-ci est borde de blanc près de l'attache des ailes et la naissance de l'abdomen offre de chaque côté une tache noire arrondie. Les ailes antérieures sont, en dessus, d'un rose pourpre avec trois bandes d'un vert olive clair. La bande anté- 18 274 LES SPHINX AMPÉLOPHAGES. rieure longe presque toute la-côte et elle a le milieu marqué d'un petit point blanc. La bande intermédiaire est oblique et se confond à sa partie supé- rieure avec la bande précédente. La bande postérieure, également oblique, iiniten pointe au sommet. Indépendamment de cela, il y a une petite tache Fig. 54. — Sphiux de la vigne, grandeur naturelle. brune contre la base de l'aile et le bord interne est garni de poils blancs depuis son origine jusqu'à la bande postérieure. Les ailes postérieures sont, en dessus, d'un rose pourpre avec la moitié basilaire d'un brun ver- dâtre, le bord supérieur est d'un blanc teinté de verdâtre et le bord posté- rieur est liséré de blanc pur. Le dessous des quatre ailes est rose, avec une ou plusieurs bandes à leur partie antérieure d'un jaune verdâtre variant de formes. Les antennes, roses en dedans, d'un verdâtre rosé en dehors, sont liséréesde blanc en dessus. Les pattes sont blanches, la trompe d'un jaune sombre un peu doré. La chenille 'est verte quand elle est jeune, conservant parfois cette couleur dans un âge avancé; mais alors les raies obliques qu'on observe sur ses côtés sont noirâtres au lieu d'être grisâtres. D'ordinaire, après la seconde mue, celte chenille est d'un brun plus ou moins obscur, finement veiné de noir, avec six raies longitudinales obliques grisâtres. Elle a sur le premier et le deuxième segment de l'abdomen deux taches noires orbiculaires et marquées chacune d'une lunule dont les bords sont d'un blanc violacé et le milieu d'un brun olivâtre. Elle a de plus, le long du dos, deux rangs de points de cette dernière couleur. Son éperon est recourbé, noir, avec l'extrémité blanchâtre. La tête est petite, ainsi que les deux premiers segments du thorax, dont le dernier segment (métathorax) est seul développé. Les pattes articulées sont d'un gris luisant, les fausses pattes brunes. Cette chenille vit plus souvent sur la vigne que celle des deux espèces précédentes, mais on la trouve aussi sur le caille-lait jaune, l'épilobe et la salicaire. Elle mange beaucoup et grossit assez vite. Sortie de l'œuf cou- LES SPHINX AJIPÉLOPHAGES. 275 rantjuin, elle est adulte, c'est-à-dire longue de (i à 7 centim.,les premiers jours de septembre. Elle se creuse alors dans le sol, comme du reste les chenilles des deux espèces précédentes, une loge ovale aux parois unies et garnie de quelques fils de soie où elle opère sa uympliose. La chrysalide, qui passe l'hiver, est d'un brun roux rappelantla couleur vieux bois, avec la partie dorsale plus claire et celle qui correspond aux appendices du vol el delà marche plus foncée. L'extrémité del'abdumen est en forme de pointe incurvée vers le bas, de couleur noire ; les stigmates et une rangée de petites épines entourant presque entièrement les i", .V et Gc anneaux abdominaux sont également noirs. Le papillon parait fin mai de l'année suivante ; la femelle pond sur les feuilles de 20 à 25 œufs, qui sont éclosau bout de huit à dix juins ; ces trufs sont arrondis, luisants et de couleur verdâlre. En dehors des vignes en espaliers, nous n'avons jamais vu le Sphinx de la vigne faire des dégâts sérieux. Il ne broute la vigne sous forme de chenille que de juin à tin août, étant à l'état de chrysalide ou de pa- pillon inoffensif lorsque les pousses sont tendres. On peut donc ne pas s'en inquiéter en grande culture, où sa multiplication, du reste, semble entravée par les binages, qui déterrent la chrysalide. Que de fois nous avons vu cette dernière ramenée à la surface du sol par la charrue, et morte sans doute après quelques journées d'exposition au soleil! Pour les espaliers, à part les dégâts occasionnés sur les pampres, la présence de la chenille est d'ordinaire décelée par ses grosses déjections cannelées et verdàtres qui tombent au pied des ceps. Il est, en somme, facile, avec ces points de repère, de trouver une chenille longue de G a 7 centim. et de la détruire sans avoir recours à l'arsenal de la chimie. CHAPITRE XIV. ORDRE DES NÉVROPTÈRES Ce groupe se compose d'insectes ayant des formes, une structure anato- mique et des métamorphoses assez différentes pour que certains naturalistes les aient divisés en deux groupes, les Névroptères vrais et les Pseudo- névroptères. Dans un travail d'ensemhle comme celui-ci, nous ne pensons pas devoir même donner les caractères de ces deux coupes, et nous dirons avec Linné, le créateur de l'ordre, que les Névroptères sont les insectes réunissant les caractères suivants : quatre ailes membraneuses égales parcourues par un réseau de nervures (vsu^ov) plus ou moins serré, un appareil buccal masticateur et un prothorax toujours distinct . Les Hémérobes, les Fourmis-Lions, les Phryganes, les Libellules, les Éphémères, les Termites, sont les types les plus connus de l'ordre des Névroptères. Ce sont des insectes en majeure partie carnassiers, c'est-à-dire utiles à l'agriculture ; mais tout un groupe, celui des Termites, est poly- phage, tout au moins lignivore, par conséquent nuisible a l'homme. LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE. Les Termites, appelés fourmis blanches dans les pays chauds, sont des insectes aux mœurs sociales fort curieuses, vivant en colonies nombreu- ses appelées termitières et qui parfois occasionnent de très grands dégâts. On a beaucoup écrit sur ces Névroptères ; mais, ne pouvant entrer ici clans de grands détails, nous renverrons à leur sujet aux travaux des Konig, des Sméathman, des Hagen, des Lespès, des F. Mûller, etc., qui les ont si bien étudiés. Disons cependant qu'une termitière se compose de très nombreux individus, parmi lesquels, comme chez les fourmis, on ren- LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE. 27*3 contre des individus de formes diverses, tels que des ailés sexués, mâles et femelles, et des aptères asexués, ouvriers et soldats, les uns chargés des soins domestiques, construction, élevages des jeunes, etc., les autres chargés de la défense de la colonie et remarquables par leur énorme tête carrée. Nous ajouterons qu'il y a des termites dont les habitations sont souterraines, d'autres qui bâtissent en terre gâchée des constructions ex- térieures plus ou moins vastes ayant jusqu'à plusieurs mètres d'élévation, d'autres enfin qui se contentent d'établir leurs colonies dans le bois mort, qu'ils creusent à cet effet en galeries irrégulières et profondes. C'est à ces derniers qu'appartiennent les deux espèces européennes signalées par divers auteurs comme nuisibles aux vieilles souches de vignes: le Termite lucifuge (Termes lucifugus) et le Termite à col jaune [Terme* flavicollis) . J. — Termite lucifuge. [Termes lucifugus Rossi). On nomme ainsi l'espèce européenne la plus connue, la plus répandue, celle dont les mœurs et les dégâts ont été le mieux étudiés. Lespès ' a publié sur ce termite une étude restée classique, et dans ses colonies, établies dans le bois, il a été observé par cet auteur des faits nouveaux et même des formes d'insectes n'existant pas dans les autres termitières. Outre les quatre formes citées plus haut, les mâles, les femelles, les ouvriers et les soldats, Lespès a en effet constaté une seconde forme de sexués, les petits mâles et les petites femelles, destinés à émigrer, à aller fonder des colo- nies. Les petits î^ois et les petites reines, comme les appelle l'auteur, faisant allusion au rôle rempli par les sexués dans la termitière, paraissent vers le mois de mai. Les grands rois et les grands reines, qui n'émigrent pas» paraissent au contraire au mois d'août. Dans les deux formes, la femelle, d'abord ailée, perd ses ailes, et, la fécondation opérée, l'abdomen de l'in- secte, par suite de la grande production d'oeufs, prend des dimensions extraordinaires. On reconnaîtra le Termite lucifuge aux caractères suivants : Longueur du mâle, ailes non comprises, 5 millim. environ; de la fe- melle non fécondée 6 millim., de la femelle fécondée et pleine d'reufs 8 à 9 millim. l'envergure est de 18 à 20 millim. Les insectes ailés perdent leurs ailes avant l'accouplement ; celles-ci paraissent coupées irrégulière- 1 Lespès ; Recherche* sur l'organisation et les mœurs du Termite lucifuge [Ann. des Se. nal., 1856). 278 LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE. ment. La longueur de l'ouvrier est de 4 millim., celle du soldat de 5 à 6. Le corps, ressemblant à celui d'une fourmi, couvert de poils courts et bruns, est de couleur brun clair cbez l'ouvrier, tirant sur le roux chez le soldat, beaucoup plus foncée et même d'un noir brillant cbez les sexués. Les femelles pleines d'œufs ont l'abdomen distendu, d'un blanc sale, sauf les plaques cbitineuses de la partie dorsale et ventrale, qui res- tent brunes. Les appendices sont bruns, sauf l'extrémité jaunâtre des tibias, des tarses, des antennes et des palpes ; les quatre ailes, égales, sont mem- braneuses. Avant d'atteindre l'état de nymphe, remarquable par ses moi- gnons d'ailes, la larve, qui est presque blanche, subit quatre mues dont les intervalles sont appelés stades par Lespès. Après la première mue, c'est- à-dire au premier stade, la larve a 10 articles aux antennes, 12 à 14 au deuxième stade et 16 au troisième. Les caractères importants qui font placer le Termes lucifugus dans le? Termes vrais sont les suivants : Tête sans saillie antérieure, cellule mar- ginale des ailes dépourvue de nervures, tarses sans pelotes en forme de ventouses entre les griffes. Cette espèce est répandue dans le sud et surtout le sud-ouest de l'Eu- rope. Elle est signalée pour M. Horvath en Serbie et dans le sud de la Hongrie, dans les vignes de Berzaszka sur les bords du Danube, dans le sud de l'Italie, la Sicile, la Calabre, les environs de Naples par MM. Targioni et Aloi. Ses régions préférées paraissent être cependant le sud et l'ouest de l'Espagne, le Maroc, Madère, le Portugal et nos départements du Sud- Ouest. D'après Perris1, elle abonde dans les forêts de toute la côte, jusque dans les Charentes, attaquant les souches des pins aussi bien que celles des chênes; tous kh bois morts, en un mot, jusqu'aux charpentes des maisons. D'après Audouin, Milne-Edwards et M. Blanchard, c'est l'espèce qui depuis la fin du siècle dernier a eDvabi les villes de La Rochelle et de Ro- cbefort et y a causé des ravages devenus célèbres; mais, selon M. de Qua- trefages2, l'identité de ces termites citadins, différents par leurs mœurs de ceux des ebamps et des bois, émigrant en mars et non en mai, resterait encore a. prouver. Le Termite lucifuge attaque le bois mort de la vigne, comme il attaque tous les bois morts. Chez la vigne, on le sait, les blessures se cicatrisent mal. Les ceps soumis depuis longtemps à la taille ont donc beaucoup de fis- sures, de tares, de bois mort apparent. Ces parties mortes ou cariées sont attaquées par notre insecte, dont les excavations, surtout dans les parages ' Perris ; Observation n° 7183 (Manuscrits de l'École d'Agric. de Montpellier). 2 Quatrefages ; Souvenirs d'un Naturaliste. Paris, 1854. LES TERMITES NUISIBLES \ LA VIGNE. 270 exposés au vent, finissent par provoquer la rupture des ceps. Ces acci- dents sont rares, en somme, et nous pensons que MM. Aloi et Grassi en signalant les termites1 comme sérieusement nuisibles a la vigne, ont un peu dépassé la mesure. II. — Termite à col jaune. [Termes (Calotermes) flavicollis Fabricius). Cette espèce se trouve dans tout le sud de l'Europe. Elle attaque éga- lement les bois morts, mais préfère ceux qui sont un peu pourris, tout au moins ramollis par l'humidité. Vieux troncs d'arbres fruitiers ou de saules taillés en têtards, vieilles souches de vignes, pieux plantés dans le sol, tout lui est bon ; mais il ne pénètre jamais dans les bois de nos construc- tions, comme le Termite lucifuge. Il est possible que, sous le rapport des mœurs et des différentes formes d'individus peuplant la termitière, cette espèce ressemble à la précédente, mais son histoire est encore mal connue. On n'a observé que les larves, les ouvriers, les soldats et les mâles, et un travail intéressant serait à faire sur cet insecte. Les larves et les ouvriers sont blancs et, mieux encore que ceux du Termite lucifuge, méritent le nom vulgaire de fourmis blanches. Les soldats, plus grands, atteignent 7 à 9 millim. de long ; leur couleur est le blanc jaunâtre, avec une énorme tête quadrangulaire tirant sur le roux; leurs mandibules, dentelées en dedans, anguleuses extérieurement au niveau de leurs racines, sont moitié aussi longues que la tète. Les mâles sont d'un brun marron foncé; la bouche, les antennes, les pattes et le prothorax sont jaunes. Les ailes, dont l'envergure atteint 20 millim., sont légèrement enfumées. Cette espèce se distingue en outre par une £c7e quadrangulaire assez grosse, un grand écusson cervical échan- cré en avant et une pelote faisant fonction de ventouse entre les griffes de chaque tarse. Ce dernier caractère fait ranger l'insecte dans le sous-genre Calotermes. Il occasionne sur les vieux ceps de vigne les mêmes dégâts que le Termite lucifuge. Très répandu en Provence et en Languedoc, dans la zone de l'olivier du moins, où l'espèce précédente est inconnue, il ne se passe pas d'année qu'il ne nous soit envoyé comme ayant complètement évidé le tronc de quelque vieille souche et occasionné sa rupture. Par suite du renouvel le- 1 Targioni-Tozzetti ; Relazione délia Stazione di Entom, di Firenze, 1888, pag. 1M ; et Aloi e Grassi ; Bulletino di Not. agr., 188-i. 280 LES TERMITES NUISIBLES A LA VIGNE. meut presque complet du vignoble méridional, le cas est cependant devenu plus rare qu'avant l'invasion phylloxérique. MM. Targioni-Tozzetti, Aloi et Grassi ont signalé l'insecte sur les vignes en Italie, où. il habite toute la région de l'olivier, y compris l'île de Sardaigne. Les dégâts, avons-nous dit, ne sont jamais graves. Quand un cep est assez vieux, assez évidé pour se briser, on n'a qu'à le remplacer Mais si, pour des raisons particulières, la belle dimension d'un espalier par exemple, on voulait conserver un vieux cep malgré les termites qui s'y sont établis, on pourrait procéder ainsi : pratiquer, au moyen d'une grosse vrille, un trou aboutissant en pleine termitière et y injecter du sulfure de carbone en quantité suffisante pour remplir plusieurs galeries. L'ouver- ture étant bouchée avec soin, on peut être assuré que tous les termites seraient infailliblement tués. CHAPITRE XV. ORDRE DES ORTHOPTÈRES Les insectes composant ce groupe se reconnaissent d'ordinaire à leur grande taille. Ils ont les ailes droites (o/>0o;), les antérieures croisées l'une sur l'autre, les postérieures pliées en éventail, la bouclie broyeusc et les métamorpboses incomplètes. Celles-ci se réduisent en effet à des mues ^ui ne modifient pas sensiblement la forme générale de l'insecte. L'état de nym- phe ne diffère de celui de larve que par la présence des moignons d'ailes et de celui d'Insecte parfait par des ailes complètement développées. Si nous nommions ici tous les Ortboptères accusés par les divers au- teurs de manger la vigne, nous atteindrions bien certainement la vingtaine. Dès J 833, Soiier, de Marseille, dans une Note à la Soc. cnt.de France, en nomme une dizaine d'espèces. Ce sont pour la plupart les mêmes qui sont observées aujourd'bui dans la région de l'olivier; mais plusieurs, très impor- tantes cependant, confondues sans doute avec d'autres et décrites depuis, ne sont pas nommées. D'autres au contraire y figurent qui ne valent pas la peine de nous arrêter même quelques instants, ne devenant ravageuses que de très loin entrés loin, les années de multiplication exceptionnelle. * Bibliographie. — Soiier; Note sur l'Ephippiger vitîum cl autres Ortho- ptères ampétophages de Provence (Aun. Soc. eut. de Fr., 1833). — Dunal ; Des Orthoptères auipëlophages (Soc d'Agric. de l'Hérault 1883). — Boisduval ; Entomologie horticole. Paris, Donnaud, 18G7. — Maurice Girard; Traité élémentaire d'Entomologie. Paris, Baillière, 1870. — Marquet ; Xolcs sur les Orthoptères du Languedoc (Bull. Soc. d'Hist. nat. de Toulouse, 1870-77). — Brunner de Wattenwyl ; Prodromus der europwischen Orthopteren. Leipzig, Eagelmann, 1882. — Finot ; Les Orthoptères de la France. Paris, Deyrolle, 1883. — Kunckel d Herculais ; Les Insectes, tom. I (traduction française de Brehra, 1882. Paris, Baillière). — Targioni-Tozzetti ; Relazione delta Stazione di Entomologia di Firenze, 188 i et 1888. — V. Mayet ; Uescr. d'une noue, espèce de liai bitislcs attaquant la vigne (Bull. Soc. en t. de France, 25 juillet 1888). — Journal La Nature, 1888, Le Cosmos, 1888, etc. ; !.■ invasions deCricjuets en Algérie. 282 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. Les espèces maintenues de la liste de Solier, ajoutées à quelques-unes vivant dans d'autres régions ou décrites depuis 1833, nous permettent de porter à huit, pas davantage, le nombre des Orthoptères réellement nui- sibles aux vignes, et encore plusieurs ne le sont-ils pas cbaque année. Nous suivrons pour la nomenclature le Catalogue des Orthoptères de France, par M. Pinot. La liste peut se dresser comme suit : Famille des Acridides (Criquets) . . Acridium (Pachytylus) migrato- rius Linné. — — — [Caloptenus) Italiens Burmeister. — — — (Stauronotits) Marocca- nus Tbunberg. Famille des Locustides (Sauterelles) Ephippigcr vitium Serville, — — — Bitterensis Marquet. — — Barbilislcs Bcrcnguicrl Mayet. — — Phaneroptera falcata Serville. Famille des Gryllides (Grillons).. OEcanthus pellucens Scopoli. FAMILLE DES ACRIDIDES. Tout le monde a remarqué, dans les lieux secs, des insectes qui, dès que l'on s'approche, s'envolent en montrant leurs ailes inférieures rouges, bleues, jaunes ou blanchâtres et vont se reposer un peu plus loin. Ce sont des Acridides ou Criquets, improprement appelés Sauterelles. Ils volent et sautent bien. Grâce au développement de leurs cuisses postérieures, ce sont même les meilleurs sauteurs de l'ordre des Orthoptères. A ce signa- lement seul on les reconnaîtrait; mais ils réunissent toujours les carac- tères spéciaux suivants: des antennes courtes, des tarses de trois articles et un oviducte très court, ne dépassant pas l'extrémité de l'abdomen. Le mâle fait entendre un cri grêle et perçant qui provient du frottement du bord interne dentelé des cuisses de l'insecte contre les nervures saillantes de ses élytres. De nombreux criquets sont sédentaires ; quelques-uns de ceux-ci, se multipliant beaucoup certaines années, peuvent nuire accidentellement à la Yigne ; mais nous ne les comprenons pas pour cela dans les ampôlo- phages. D'autres, moins nombreux en espèces, mais innombrables comme in- dividus et terribles parfois par leurs ravages, ont l'instinct d'émigration et LES CRIQUETS NUISIBLES A l.\ VIGNE. 283 en font usage lorsque, par suite de leur énorme multiplication, I a régions qu'ils habitent, dévastées, ne leur offrent plus rien à lirouter.il> émigrenl généralement vers le Nord. Quand ils sont ailés, c'est-à-dire adultes, ils prennent leur vol en masse si serrée que leurs bandes ont été comparées, avec juste raison, à des nuages obscurcissant le soleil. A l'état de larve, c'est-à-dire sans ailes, ils marchent à la suite les uns des autres. «La troupe entière, dit Pallas, parlent spécialement du Caloptenus Italiens, observé dans le sud de la Russie, se met en marche et forme une colonne rectiligne, parfaitement unie. Ces convois, qui rappellent ceux des fourmis, suivent tous, sans se toucher, la même route. Ces criquets se dirigent vers une même région sans trêve ni repos, avec toute la vitesse dont ils sont capa- bles ; ils courent, mais ne sautent que si on les pourchasse. Ils marchent du matin au soir sans s'arrêter, cheminant volontiers sur les roules frayées. Lorsqu'ils rencontrent un obstacle, haie, buisson ou fossé, ils passent au- dessus et au travers s'ils le peuvent. Vers le coucher du soleil, l'essaim entier se divise en groupes qui cherchent leurs quartiers pour passer la nuit. » Arrivé au lieu de destination, la troupe, affamée, s'attaque à toutes les plantes vertes, sauvages ou cultivées, et la vigne n'est pas plus épargnée que le blé, le tabac ou les plantes fourragères. Feuilles, fruits, jusqu'aux sarments encore tendres, tout y passe, et, le désastre consommé, la bande vorace repreud sa course pour aller ravager d'autres quartiers. LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. Nous ne considérons comme réellement nuisibles à la vigne que les trois criquets émigrants et ravageurs par excellence : YAcridium {Pachytulia migralorium, VA. (Calopicnus) Ilalicum et VA. [Stauronotus] Marocca- num. Ces trois espèces ne sont que trop connues dans l'Europe du Sud, la Russie, la Grèce, l'Italie, l'Espagne et même la France, et surtout dans la Turquie d'Asie et l'Afrique du Nord. De temps en temps, trop souvent pour la viticulture, nés sur les lieux ou arrivant du Sud par vols immenses, ils enlèvent complètement la récolte. 284 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. I. — Le Criquet émigrant. (Acridium (Pachytylits) migratorium Linné). Synonymie: Gryllus migratorius Linné. — Acridium migratorium Latreille. — Œdipoda migratoria Serville. C'est une des plus grandes espèces voyageuses, 60 millim. environ de long et 110 millim. d'envergure. Teinte générale du corps verdâtre; tête verte avec la face jaunâtre; thorax parallèle, sans rugosité, caréné seule- ment dans son milieu, d'un jaune verdâtre; prosternum dépourvu de pointe; élytres transparentes, d*un gris sale avec une grande quantité de petites taches brunes répandues sur leur surface; ailes inférieures dia- phanes, légèrement lavées de jaune; cuisses légèrement tachetées de brun ; tibias roses* Ce criquet se rencontre dans l'Afrique du Nord et dans l'Europe du Sud également, même en dehors des grandes migrations où l'insecte fran- chit la Méditerranée. On le trouve en Espagne, en Italie, en Grèce et même en France, suivant certains auteurs. Pinot [Les Orthoptères de France) nie cependant qu'il soit indigène chez nous. II. — Le Criquet Italien. [Acridium [Caloptenus) Ilalicum Linné). Synonymie: Gryllus Italiens Linné. — Acrydium Ilalicum Latreille. — Acridium Iialicum Brullé. — Calliptamus Italiens Serville. — Calliptamus Ictericus Sevvilia. — Calliptamus marginellusServiUe. — Calliptamus Cerisanus Serville. — Caloptenus Italicus Burmeister. — Caloptenus Cerasinus Fischer. Cette espèce est répandue dans toute l'Europe tempérée et méridionale, aussi bien que sur la côte barbaresque. C'est, d'après M. Targioni, la seule qui soit réellement dangereuse dans le nord de l'Italie les années où elle se multiplie beaucoup. Nous pouvons en dire autant pour le midi de la France. On la reconnaîtra à sa taille moitié moindre que celle du criquet émigrant, 20 à 40 millim. Le corps ainsi que les élytres ont une teinte fondamentale jauue sale, assombrie parfois presque entièrement par des mouchetures brunes. La robe, du reste, est variable. La variété marginellus (Serville) présente sur le prethorax deux raies latérales blanches ou jaunes prolongées parfois sur la tête et les élytres. Le bord interne des ailes postérieures est LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. 285 coloré sur une grande largeur en rose rouge, ainsi que L'extrémité interne des cuisses et les tibias . III. — Le Criquet Marocain. [Acridium (Stauronolus) Maroccanum Thdnberg). Synonymie: Gryllus Maroccanus Thunberg. — Œdipoda cruciata Brullé. — Stauronolus cruciatus Fischer. — Gryllus crucigcrus Rambur. On reconnaîtra le Criquet marocain aux caractères suivants : Longueur variable, de 20 à 40 millim. Le corps, développé en hauteur, est resserré latéralement, ce qui, vu de dos, le fait paraître long et étroit. La teinte générale est le gris jaunâtre clair avec des taches brunes plus ou moins nombreuses. Pour peu que l'insecte soit mal préparé, cette teinte générale Fig. 55. — Le Criquet Marocain, grandeur naturelle claire passe au brun après la mort. La tête, renllée en dessus, vue de profil, dépasse de beaucoup le thorax en hauteur; les fovéoles du vertex, placées en avant des yeux, sont trapézoïdales. Le prothorax, fortement resserré au milieu par le sillon transversal, est orné de quatre taches ou bandes obli- ques jaunes, partant de la partie antérieure et postérieure, inclinées au- devant l'une de l'autre, ne se rejoignant jamais, mais assez prolongées parfois pour simuler deux bandes croisées qui traverseraient le pronotum en diagonale ; de là, le nom de crucialus ou crucigerus dounéà ce criquet par certains auteurs. Les deux bandes partant de la partie postérieure qui suivent les carènes latérales vont toujours jusqu'au sillon transversal ; celles du bord antérieur sont plus ou moins courtes, parfois nulles. Les ailes, très développées, destinées à fournir un vol soutenu, dépassent l'abdomen de près d'un quart de leur longueur ; les pieds postérieurs portent une tache noire à l'extrémité des cuisses et ont les tibias rouges. Cette espèce est tristement célèbre par les ravages qu'elle exerce dans l'Afrique du Nord et même en Europe. M. Targioni affirme [Relazione, 286 LES CRIQUETS NUISIBLES A LA VIGNE. 1884, pag 14) que c'est elle exclusivement qui occasionne les grands dégâts dans le sud do l'Italie. On l'a signalée également comme fléau à l'île de Chypre, en Asie-Mineure, en Grèce, en Turquie, en Hongrie et en Espa- gne. On la trouve jusqu'en France sur le cordon littoral de l'Hérault. « Dans le nord de l'Afrique, dit M. Kunckel d'Herculais1, chargé d'une mission spéciale du Ministre de 1 Instruction publique, son habitat com- prend toute la région qui s'étend de l'Atlantique au golfe de Gahès, en bordure du Sahara, à travers le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, région permanente, les Hauts-Plateaux, région subpermanente, et le Tell, région temporaire. J'ai fait dresser par commune et par département la carte complète des pontes pour 1888. Les gisements d'œufs couvrent au moins 150,000 hectares. «Les alouettes et les étourneaux sont de grands destructeurs d'œufs. La chasse des alouettes, que l'on expédiait par chargement sur Marseille, a été interdite. J'ai reconnu que le Ver qui dévore les œufs dans les coques ovigères est la larve d'un insecte diptère de la famille desBombylides. Des gisements en renferment de 10 à 50 %. J'ai trouvé également dans les coques des larves de Canlharidiens, ce qui confirme les belles observa- tions de M. Riley en Amérique. »Les champignons jouent également un rôle destructeur des plus puis- sauts, et je me suis assuré que dans certains gisements, 70 et même 100 % avaient été anéantis. J'ai vérifié ainsi l'exactitude des observations des natu- ralistes russes Metschnikoff et Krassiltschich, qui démontrent que l'arrêt subit des invasions des Acridiens est dû au développement des cryptogames parasites des œufs. «Quels que soient les bons effets des causes naturelles de destruction, ils sont malheureusement insuffisants . »Le ramassage des œufs a été pratiqué d'août jusqua la fin de septembre pour venir en aide aux Arabes menacés de la famine. Il a permis de ré- colter 10,666 met. cubes de coques ovigères. Le labourage produit d'excel- lents effets : par le bouleversement des gisements, on dérange la situation normale des coques. Les jeunes sont alors mis dans l'impossibilité de sou- lever l'opercule qui ferme leur demeure. «Dans tous les pays qui ont à souffrir de l'invasion des Acridiens, on est unanime à concentrer tous les efforts en vue de la destruction des jeunes. J'ai mis en pratique les procédés de destruction qui ont permis aux Anglais de débarrasser l'Ile de Chypre de ces ennemis. 6,000 appareils cypriotes de 50 met. de longueur et de 0m,85 de hauteur, en toile de cre- * Kuuckel d'Herculais; Comptes rendus de V Acad. des Sciences, Il fév., 1-889). l 'ephippiger ou porte-selle de la vigne. 287 tonne avec bande cirée de Û'",10, opposant au\ Acridiens une surface glissante infranchissable, sont en cours de fabrication, soit 300 kilomèt. de barrages mobiles.» FAMILLE DES LOCUSTIDES. Les Sauterelles vraies ou Locustides sont remarquables, au premier abord, par leur oviscapte en forme de sabre et leurs antennes sétiformes, très fines, à articles peu distincts, généralement plus longues que le corps. La tête est verticale, la face aplatie; le labre, grand, corné, composé de deux pièces, cacbe en partie des mandibules robustes. Le pronotum ou partie dorsale du protliorax a la forme d'une selle, plate chez certains genres, relevée en arrière cbez d'autres. Les ailes, très développées et en forme de toit aplati cbez les Locusta, par exemple, sont réduites à des moignons en forme de coquilles cbez les Ephippiger et les Barbitistes. Le chant, plus aigu que celui des Criquets, est produit par le frottement de l'élylre gauche contre le bord d'une partie spécialement aplanie de l'élytre droite appelée miroir. Aucune Sauterelle n'a l'instinct d'émigration, ce qui n'empêche pas certains de ces insectes, précisément des espèces qui n'ont pas d'ailes, telles que les Ephippiger, d'être régulièrement plus dangereux pour la vigne que les Criquets. L'ÉPHIPPIGER OU PORTE-SELLE DE LA VIGNE. (Ephippiger vitium Serville). Synonymie : Locusta Ephippiger Latreille. — Ephippigera vitium Fischer, Brunner. — Barbitistes Ephippiger Charpentier, Audouin. — Ephippiger vitium Bolivar, Finot. Les Éphippigères (Ephippium selle, gero je porte), autrefois confondus avec les Barbitistes, portent le nom vulgaire de porte-selles, grils, gros grils, cousis, cousi-cousis, etc. Ils sont faciles à distinguer de toutes les autres sauterelles, à leur prothorax recouvert d'une plaque dorsale géné- ralement relevée en arrière en forme de selle, à leur gros abdomen nu, à leurs ailes avortées, les inférieures complètement nulles, les supérieures, ou élytres, courtes, en forme de coquilles, abritées en partie par le bord postérieur de la selle, ne servant pas au vol et réduites au rôle d'organe 2£8 l"éphippigep. ou porte-selle de la vigne. phonateur. Le bruit qu'elles produisent, bien qu'assez faible, est très aigu et s'entend de loin ; on peut le comparer à un Kzi suraigu, ce qui par onomatopée a fait nommer l'insecte cousi-cousi par les vignerons lan- guedociens. L'abdomen, nu, généralement très gros, est terminé cbez les femelles par un oviscapte en forme de yatagan. Les Êphippigères sont omnivores, toutes les plantes cultivées leur sont bonnes. A l'occasion carnassiers, ils vont jusqu'à se manger entre eux, et, dans le midi de la France, nombreux sont les exemples de dormeurs fai- sant la sieste dans les champs, qui ont été éveillés par leurs morsures. h'Ephippiger vitium, dont la robe est variable, est d'ordinaire entière- ment vert, avec le ventre jaune, dans les pays de bois et de prairies et môme dans les vignes des pays un peu frais. Sur les coteaux secs et dans les plaines du Midi, la robe change. La tète, le thorax et les pieds sont d'un vert presque jaune, parfois testacé; l'abdomen, sur un fond d'un noir violet, a les segments abdominaux bordés de vert ou de jaune parfois très pâle ; le ventre est couleur jaune soufra. Jeune, c'est-à-dire à l'état de larve, fort semblable à l'insecte parfait moins les ailes, et à l'état de nymphe, avec des rudiments d'ailes, l'insecte est toujours entièrement vert. On distinguera sans peine cette espèce de VE. liitterensis, moins par sa robe, qui est variable, que par sa taille moindre, ne dépassant pas 22 à 25 millim. chez le mâle et 25 à 30 millim. chez la femelle; par son ovi- scapte plus court, 20 à 22 millim., par la plaque en forme de selle, unico- lore, rugueuse, relevée et étroite en avant, fortement cintrée et élargie en arrière. h'E. vitium est le plus anciennement décrit du genre, celui dont tous les auteurs ampélographes ont parlé. Il est répandu dans le centre de la France, remonte au Nord jusqu'aux environs de Paris, où il est commun certaines années, et descend dans le Midi jusqu'au bord de la Méditerranée. C'est le Porte-selle de l'Ouest, de la Bourgogne et de la vallée du Rhône. Il abonde dans les taillis, les baies et les prairies. Il s'attaque très souvent aux céréales, surtout quand il est jeune, et émigré dans les vignes aussitôt après la moisson. Si le pays est en entier vignoble, il passe toute son existence sur les ceps ; mais on doit considérer les cultures de céréales, où l'on ne pénètre qu'au moment de la moisson et dont la terre n'est la- bourée qu'une fois l'an, comme très favorables à la multiplication de cet insecte. Il fait çà et là des dégâts sérieux sur la vigne dans les régions sus-indi- quées ; mais ses ravages ne sont jamais à comparer à ceux de l'espèce sui- vante. A propos de cette dernière, nous parlerons des moyens de détruire les Ephippigères. l'éphippigère de béziers. 28'.) LÉPHIPPIGÈRE DE BÉZIERS1. [Ephippiger Bitterensis Linné.) I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Ce porte-selle, décrit par M. Marquet, de Toulouse, longtemps confondu avec le précédent, en diffère par plusieurs caractères constants. La taille est toujours plus grande (fig. 56), 30 à 35 millim.. parfois 40, non compris l'oviscapte en forme de sabre ; celui-ci atteint de 23 à 25 millim. La plaque dorsaledu prothorax (pronotum) moins relevée, du milieu vers la tète, parait aussi large antérieurement que postérieurement. Ce pronotum en forme de selle est liste à sa partie antérieure, rugueux postérieurement et porte un peu en avant une tache dorsale noire irréguiière, estompée sur ses bords, parfois en forme de croix. Le pronotum de VE. vitium est au contraire unicolore, rugueux sur toute sa surface et étroit en avant. La teinte géné- rale du corps, variant, nous l'avons dit, suivant les milieux, est fréquem- ment la même chez les deux espèces. Le vert uniforme est cependant plus rare chez VE. Bitterensis. Plus souvent l'insecte est vert jaunâtre ou jaune testacé très pâle, avec l'abdomen d'un noir profond, les segments bordés de jaune pâle. Le dessous du corps est toujours jaune, les pattes fréquemment violacées ou couleur de chair. De juillet à septembre, VE. Bitterensis dépose ses œufs dans la terre meuble, de préférence loin des bas-fonds, dans les endroits où le sol s'égoutte bien, à environ 2 ou 3 centim. de profondeur. Dans ce but. il re- courbe l'extrémité de son abdomen de façon à faire pénétrer perpendicu- lairement dans le sol son long oviscapte en forme de sabre. La ponte ne se fait pas, comme chez les criquets, sur un seul point, dans une cavité préparée à l'avance. Les œufs, blancs, allongés, cylindriques, un peu fusi- formes, plus atténués à un bout qu'à l'autre, longs de 5 millim environ sur 1 millim. à lmm,25 de diamètre, sont déposés au nombre de 50 à 70, ça et ' M. Graëlls signale sur la vigne en Espagne VE. Perezi Bolivar. Nous nous contentons de mentionner cette espèce en note, comme nous pourrions 1" faire pour d'autres observées eu Italie, en Algérie, etc. Qu'il nous suffise de dire que la plupart des Éphippigèrcs peuvent à l'occasion devenir ampéli 19 290 l'éphippigère de béziers. là dans le sol, séparés les uns des autres par une distance de un à plusieurs centimètres, parfois plus. Fig. 51). — Éphippigère de Béziers, grandeur naturelle, d'après le dessiu de M. Marquet. Ces œufs écloront au printemps suivant. La jeune larve, d'abord de couleur brune, puis verte, fort semblable à l'insecte parfait, montée seule- ment sur des pattes gigantesques par rapport à sa taille, subira plusieurs mues et sera nymphe, c'est-à-dire longue de plusieurs centimètres et munie de petits moignons d'ailes vers la fin de juin et insecte parfait en juillet. C'est sous cette dernière forme surtout que l'insecte envahit les vignes. L'espèce créée par M. Marquet1 est admise par les derniers auteurs qui ont écrit sur les Orthoptères: Bolivar, Finot, etc.; nous n'avons donc pas à la discuter. Elle est beaucoup plus dangereuse que YE. vitium, et c'est bien certainement par suite de la confusion des deux types que les auteurs appelés par nous les Classiques, Dunal excepté, ont considéré ces insectes comme « n'étant jamais assez abondants dans les vignes pour y produire de grands ravages 2». il. DEGATS. h'E. Bitterensis est au contraire un des plus grands ravageurs de vignes du Bas-Languedoc. Il fait exception à la règle générale, qui dit le gros insecte moins dangereux que le petit, et les nombreux mémoires qui depuis Dunal 3 ont parlé, sous le nom de E. vitium, des porte-selles nuisibles aux vignes en Languedoc, ont certainement voulu désigner notre insecte. La bonne figure coloriée donnée par Dunal (1838) ne laisse aucun doute à cet égard . ' Marquet ; Orthoptères nouveaux [Ann. Soc. d'Hist. nat. de Toulouse, 1877) - Walckenaer ; Ins. nuisibles à la vigne {Ann. Soc. enlom. de France, 1835, pag. 238). Audouin ; Ins. nuisible à la vigne, 1842, pag. 320. 3 Dunal; Des Orthoptères ampélophages {Bull. Soc. d'Agr. de l'Hérault, 1838, pag. 435). l'éphippigère de béziers. 291 Les dégâts, sérieux avant l'invasion du Phylloxéra, sont devenus pro- gressivement beaucoup plus graves depuis vingt ans, par suite de l'extension de la^ culture des céréales, qui, nous l'avons dit, favorise la multiplication des Epbippigères. « C'est par plusieurs dizaines, dit M. Marquet, que les ravageurs se trouvent sur chaque souche dans beaucoup de communes ih^ environs de Béziers.» Nous avons personnellement observé l'insecte en nombre énorme, commettant des ravages affreux, en août et septembre, dans toute la basse vallée de l'Hérault, de Ganges à Agde, principalement aux environs deClermont-l'IIôrault, de Pézenas et de Florensac. Dans un petit opuscule publié récemment ' par un homme des champs, travail plus humoristique que scientifique, où grande est la part à faire à l'imagination, mais où cependant les détails pris sur le vif abondent, nous lisons ce qui suit : « Cet audacieux insecte est, dans certains quar- tiers de la vallée de l'Hérault, plus redoutable que le Phylloxéra, puis- que aucun insecticide ne peut l'atteindre. Le grain de raisin entame. c'est-à-dire perdu, n'est jamais achevé et le repas de l'insecte se continue sur des grains encore intacts, bientôt perdus à leur tour. Après le fruit, c'est la feuille qui y passe, puis l'écorce encore verte. Bien sourentle propriétaire allant à sa vigne pour admirer sa récolte se trouve en pré- sence de souches ne portant que des bûches dont l'écorce et même l'aubier ont été grignotés. Des céréales, l'Ephippigère est venu sur la vigne ; celle-ci ravagée, il passe aux arbres fruitiers, aux mûriers, aux plantes fourra- gères et potagères. Lorsque table rase est faite de toutes les récoltes, il s'accommode des fruits de l'aubépine, de la ronce, de l'églantier, etc., s'attaque même au linge, aux vêtements, au cuir des sacs ou des chaus- sures, à l'homme lui-même. Nous pouvons citer en effet un enfant au maillot déposé endormi au pied d'un arbre, pendant que sa mère travaillait à la vigne, qui fut attaqué par une vingtaine de cousi-cousis. La mère, atli par les cris, constata qu'une large plaie avait été en quelques instants prati- quée sur la joue de l'enfant. Il est même hors de doute qu'un homme à qui l'on voudrait infliger ie pire supplice, livré pieds et poings liés à ces rapaces toujours affamés, deviendrait bien vite leur proie et en moins de vingt-quatre heures serait réduit à l'état de parfait squelette. »Ce goût de la chair est tellement prononcé chez les cousi-cousis que certains vignerons se servent des têtes de mouton et autres déchets de bou- cherie pour les attirer et les détruire. On ne saurait croire combien ces insectes ont le flair subtil et avec quelle rapidité ils parcourent de grand, s distances pour atteindre la nourriture qu'ils ont sentie de loin. » 1 Pépin Pages, instituteur; La chasse au Cousi-Gousi. Bfonlp., Hamelin, 1888. 292 l'éphippigère de béziers. Nous avons vu en effet nous-même, aux environs de Florensac, les vigne- rons se servir avec succès, comme appas, des débris de boucherie. Sans aller aussi loin que l'auteur des lignes qui précèdent, sans voir dons YEphîp- piger BUterensis un ennemi plus redoutable que le Phylloxéra, capable de faire d'un homme vivant un parfait squelette en moins de vingt-quatre heures, nous n'en croyons pas moins que, vu le nombre et la voracité de ces énormes Ortboptères, ils peuvent être rangés parmi les plus grands ravageurs de notre vignoble languedocien. III. — MOYENS DE DESTRUCTION. On emploie depuis longtemps, en Languedoc, les volailles contre les Éphippigères. Les années de grandes invasions, certains propriétaires achètent spécialement des troupeaux de dindons qu'ils font conduire dans les vignes. Au début, ces oiseaux font une grande consommation de ces insectes; mais d'ordinaire ils s'en dégoûtent bientôt et l'on est obligé de revenir à la destruction à la main ou plutôt au bâton. Pour que le coup mortel soit mieux assuré, ce bâton peut être terminé par une petite plan- cbette solidement fixée, et avec une certaine habitude, en renouvelant souvent l'opération, surtout au début de la grande invasion, qui a lieu fin juin, on arrive à détruire la majeure partie de ces gros ravageuis. « C'est alors, dit M. Pages (loc. cil . ) par trente, quarante, cinquaute et plus qu'on les rencontre parfois sur chaque cep, et, si l'on revient sur ses pas une demi-heure après avoir exterminé tout ce qu'on a pu dénicber, on est tout étonné d'en revoir presque autant ; de même le lendemain et les jours suivants ». Il faut donc agir promptement, car la récolte peut être anéan- tie en quelques jours. Pour donner une idée du nombre et de la quantité d'Épbippigères répandus dans la vallée de l'Hérault; pour indiquer en même temps un bon procédé à employer contre eux, nous emprunterons au même auteur des détails sur la chasse qui leur est faite depuis plusieurs années dans la com- mune de Péret, près Clermont-l'Hérault, détails puisés dans les Archives de ce village et envoyés à M. Pages par M. Renouvier, propriétaire de la localité. aLe Conseil municipal de Péret, dit M. Pages, commune qui compte 700 habitants au plus, voyant depuis plusieurs années les récoltes entière- ment détruites parles cousi-cousis, fut saisi, dès 1886, d'une bien louable idée. Au lieu de gaspiller les fonds du budget en de folles dépenses, il ré- solut de faire ramasser les animaux dévastateurs dans tout le territoire et de les payera tout venant à raison de 20 centim. le kilo, puis de les enfouir l'éphippigère de béziers. 29 : dans u i;o fosse commune désinfectée quotidiennemeat avec de la chaux vive. »Ce moyen, généralement approuvé par la population, fut mis immédia- tement en pratique. Tout le peuple, petits et grands des deux sexes, se mil aussitôt à la besogne, et dés cette première année la dépense communale pour cet objet s'éleva à la somme de 400 fr., ce qui présentait 2,000 kilogram. de cousi-cousis détruits. «L'opération se répéta en 1887, et l'on dépensa cette fois 600 fr., repré- sentant 3,000 kilogram. d'insectes. »En 1888, la destruction a atteint de bien plus grandes proportions. Si l'on fait entrer en ligne de compte environ 2,000 kilogram. de cousi-cousi.s recueillis par des particuliers qui n'ont pas voulu les porter en charge au bubget communal, on peut estimer à 7,000 kilogram. la quantité détruite. Si l'on considère qu'il faut en moyenne 340 de ces Ortboptôres pour équilibrer le poids d'un kilogramme, on atteindra le nombre de 2,380,000 Epbippigères tués à Péret en 1888 ; et il n'y là qu'une minime partie de ceux qui peuplent la région des vignobles envahis.» Ce n'est pas seulemeut dans l'Hérault qu'une prime en argent a été établie par certaines municipalités contre les porte-selles. Nous voyons en effet dans le journal la Vigne américaine (tom. VII, 1883, pag. 254), sous la signature de M. Valette, viticulteur, qu'une localité célèbre dans l'bistoire du Phylloxéra, la commune de Pujault (Gard), vote presque ebaque année des fonds pour payer 20 cent, le kilogr. les Epbippigères ramassés dans les vignes. M. Valette ajoute qu'il s'est bien trouvé de saupoudrer le raisin avec une poudre 1/2 partie chaux vive, 1/2 partie soufre. Ces insectes sont, on le voit, autrement redoutables que beaucoup d'autres qui passent pour des ampélophages très dangereux. Le remède le plus pratique est donc dans le ramassage ou dans la des- truction avec un bâton ; mais nous donnerons de plus le conseil de restreindre autant que possible la culture des céréales. Nous avons vu le mal grandir avec l'extension de cette dernière, et certainement, la vigne tendant à repren- dre la place qu'elle occupait avant le Phylloxéra, la multiplication de l'insecte se trouvera enrayée en proportion. 294 LE BARBIT1STE DE BÉRENGUIER. LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER. (Barbitistes Berenguieri Mayet.) Les Barbitistes étaient autrefois réunis aux Ephippiger, à cause de leurs ailes avortées et réduites à des moignons conchiformes Avec raison, ce- caractère n'a plus, dans les classifications modernes, l'importance qu'on lui attribuait autrefois, et dans certaines tribus, les Phaneropteridae par exemple, dont les Barbitistes et les Phaneroptera font partie, nous voyous les premiers avoir des ailes avortées et les seconds des ailes développées On distinguera sans peine les Barbitistes des Ephippiger -aux caractères suivants : Ailes -avortées comme chez ces derniers, mais beaucoup moins conchiformes; pronotum jamais relevé en forme de selle arabe; cerques des mâles longs, recourbés et croisés sous la plaque sous-génitale ; tibias antérieurs munis de trous auditifs. Le Barbitistes Berenguieri a été compris par nous dans les Orthoptères les plus nuisibles aux vignes, à cause des ravages exceptionnels exercés par lui ces années dernières. En 1888 surtout, dans le département du Var, principalement dans la chaîne des Maures, entre Hyères et Fréjus, ils ont été terribles. Ce que nous avons dit de YEphippiger Bitterensis pourrait se répéter au sujet de notre espèce. Les dégâts ont été tels que l'autorité préfectorale est intervenue et qu'une enquête suivie d'un Rapport a été faite dans le pays par M. Bérenguier, professeur départemental d'agriculture à Draguignan.Nous empruntons en grande partie à ce Rapport officiel les détails sur cette in- vasion désastreuse. Plusieurs espèces de Locustides appartenant aux genres Ephippiger, Thamnotrizon et Barbitistes ont, paraît-il, contribué à détruire les récoltes, et en particulier la vigne; mais ce sont surtout les Barbitistes qui, parleur nombre prodigieux, ont été les grands dévastateurs. I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. C'est vers le mois de mars que ces insectes sortent des œufs qui ont été pondus l'été précédent, dans la terre meuble, comme ceux des Ephippigères. Les dégâts sérieux commencent en mai et juin et après la ponte, c'est-à- dire en juillet ; l'insecte parfait meurt et disparaît. « En 1880, dit M. Bérenguier, une première invasion un peu importante LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER. eut lieu dans les communes de Sainte-Maxime, Ramatuelleet lionnes, et endommagea quelques récoltes; elle devint plus grande en 1887; enfin, dans le courant de 1888, elle a atteint des proportions qui inspirent de sérieuses inquiétudes aux populations du littoral. Le lléau s'étend actuellement sur tout le territoire compris entre Sainte-Maxime et Dormes. » La marche de ces insectes n'est pas comparable à colle des criquets : tandis que ceux-ci vivent par bandes, les sauterelles du Var, appelées bou- dragos ou bouclrayos par les cultivateurs, se trouvent disséminées d'une façon irrégulière sur toute l'étendue du territoire envahi. L'origine de ces Sauterelles est dans les bois. Elles n'apparaissent jamais au début des invasions dans les champs cultivés. Il s'ensuit que les champs les plus exposés à être ravagés sont ceux qui sont situés sur La lisière des bois. «Ces insectes sont excessivement voraces, ditM.Bérenguier. Les premiers dégâts ont lieu dans les bois, dans les forêts de chênes lièges surtout ; on compte parfois sur le même arbre des centaiues de ces insectes qui le dé- pouillent totalement de ses feuilles daus l'espace de quelques jours, couvrant littéralement le sol de leurs excréments. Tous les arbustes sont en môme temps attaqués. Les bois envahis forment un contraste frappant au milieu des parties indemnes. «Dans les cultures, toutes les récoltes sont atteintes, et en premier lieu la vigne et les arbres fruitiers. Les fleurs et les fruits sont d'abord dévorés, ce qui donne aux ravages un caractère de gravité exceptionnel; les parties vertes ensuite sont attaquées. La destruction continuelle des pousses en- traine parfois dans les jeunes vignes la mort des ceps.» M. Bérenguier attribue les grands dégâts de 1888 surtout au Barbitistes Fischeri. Cette espèce, décrite par Yersin*, peut bien, à. l'occasion, devenir nuisible en Provence ; nous l'avons reçue de M. Abeille, d'IIyères, et dans une Note de M. Azam, de Draguignan, sur les Locustides nuisibles du Var2, il est parlé d'un Barbitistes trouvé sur le territoire de la com- mune du Muy, plus petit que cemx de la chaîne des Maures et qui pourrait bien être le B. Fischeri. Ce qu'il y a de certain, c'est que la vingtaine de Barbitistes vivants ou plongés dans l'alcool, à nous envoyés par M. Bé- renguier, nous a mis à même d'étudier le grand ravageur de 1888. L'espèce ne peut être rapportée à la description du Fischeri, et bien cer- tainement elle est nouvelle. Nous l'avons comparéeà toutes les espèces dé- 1 Yersin ; Orthoptères nouveaux ou peu connus (Bull.de la Sue. Vaudois< des Sciences nut., 185 i). - Azam ; Note sur l'invasion des Sauterell ■ d< 18 B [Bull . d' Igr. du Var, 1888, pag. 555). 296 LE BARBITISTE DE BÉRENGUIER. crites dans le grand ouvrage de Brunner,etaucuned'ellesne s'en rapproche. Un spécialiste bien connu, le P. Pantel, de Toulouse, auquel nous l'avons soumise, a été du même avis; il nous a engagé à la publier, et c'est ainsi qu'au mois de juillet 1888', la dédiant à celui qui nous l'a envoyée, nous en avons donné la description suivante à la Société entomologique de France: Longueur de 23 à 29 millim., le mâle généralement plus petit; pronolum du mâle de 4 à 5 millim., de la femelle de 5 à 6,2 millim. ; élytres de 4 à 5 millim. cbez le mâle, de 2 à 3 millim. cbez la femelle ; abdomen de 15 à 20 millim., plus petit, bien entendu, chez le mâle; ovisçaple de 8 à 10,5 millim., mesure prise en dessous. Corps d'un noir violacé tirant sur le vineux, orné en dessus de trois bandes longitudinales d'un jaune pâle presque blanc, les deux latérales plus larges que la dorsale, qui est très étroite, parfois peu visible sur la tête et le thorax. La tête médiocre, le front d'un vineux foncé, les joncs plus claires, Yépistome et le labre plus clairs encore, Y occiput plus foncé; la pointe du vertex placée entre les deux antennes, creusée en dessus cbez le mâle, plane chez la femelle; les antennes presque noires, à premiers articles plus clairs, piquetées de petites macules jaunes en forme de fil très fin, atteignant une fois et 3/4 ,1a longueur du corps chez le mâle, une fois et 1/2 cbez la femelle. Le pronolum, non resserré et non parallèle, comme chez le Barbilisles Fischeri, dilaté postérieurement, plus large en proportion chez le mâle que chez la femelle, portant en dessus les trois bandes jaunes dont il a été parlé, celle du dos très étroite et parfois en partie effacée chez le mâle. Les élytres, atteignant à peu près la longueur du premier segment abdominal chez le mâle et le milieu de ce segment chez la femelle, d'une couleur jaune avec deux bandes longitudinales vineuses et les bords externes d'un jaune blanc; on voit de plus, en dessus des élytres, chez le mâle, deux fossettes réniformes rembrunies. Les pieds } violacés ou presque noirs, ont la base des cuisses plus claire en dessus et d'un jaune soufre en dessous. L'abdomen, d'un noir vineux en dessus, porte les trois bandes déjà signalées; les deux latérales, plus développées que la dorsale, s'élargissent en forme de taches jaunâtres criblées de points bruns et le bord posté- rieur des segments est marqué de petites taches également jaunâtres ; les lianes sont violacés, le dessous pâle avec une tache médiane violacée sur chaque segment. Les cerques, d'un roux violacé à la base chez le mâle, noirs au sommet avec une tache plus claire à l'extrémité et une pointe au 1 V. Mayet : Description d'une nouvelle espèce de Barbitistes {Bull, de la Soc. ent. de France, 25 juillet 1888). LE BARBIT1STE DE BÉRENGUIER. 297 bout, font longs, sinueusemcnt recourbés et croisés L'un sur L'autre; la lame sous-génitale convexe, brillante, assez lisse, de couleur pâle avec la base bordée de brun, est munie dans son milieu d'une crête rugueuse en forme de lame rappelant le cimier d'un casqué, avec le bord finement den- telé et rembruni ; chez la femelle, les cerques sont courts, non croisés, un peu recourbés au bout, de couleur rousse; Voviscapte, de couleur rousse violacée, composé de quatre lames, est aplati latéralement, légèrement recourbé vers le haut à son extrémité, qui est fortement épineuse sur Les bords supérieurs et inférieurs. Cette espèce diffère du Barbitistes Fischeri par sa taille, généralement plus grande, plus trapue, sa couleur brun violacé plus clair à l'état de larve et de nymphe il est vrai, mais ne tournant pas au vert, teinte habituelle du Fischeri, chez aucun des vingt individus sur lesquels notre description a été faite. Quand la robe est plus claire, le fond, d'un roux jaunâtre, est criblé de petites taches violacées, jamais vertes. Lepronolum du B.Bercn- guieri est notablement dilaté postérieurement, plus large en proportion chez le mâle que chez la femelle; chez le B. Fischeri, il est parallèle et d'égale largeur chez les deux sexes. Les élytres sont plus larges en pro- portion chez notre espèce, comme du reste le sont généralement toutes les parties du corps. H. — MOYENS DE DESTRUCTION. Pour lutter contre ce nouvel ennemi, M. Bérenguier et M. Azam pro- posent de débroussailler les bois pendant l'hiver et de brûler au mois de mai les morts-bois ainsi arrachés, pour faire périr tous les jeunes insectes qui se trouvent â la surface du sol. Témoin, comme nous l'avons été eu Algérie, d'incendies allumés dans des forêts de chêne liège par des morts- bois ainsi arrachés et brûlés sur place, nous ne pouvons approuver l'emploi du feu. Le procédé, du reste, est barbare, en ce qu'il empêche le repeu- plement des bois. On fera mieux de se contenter du ramassage des insec- tes, comme on l'a partout pratiqué en 1887 et 18^8, et au besoin les communes pourront recourir aux primes accordées aux destructeurs, comme nous l'avons vu pratiquer en Languedoc pour les Êphippigères. Il y a lieu aussi d'espérer, comme le dit M. Bérenguier, qu'après les années favorables au développement de ces ravageurs, des circonstances naturelles con- traires mettront, à un moment donné, obstacle à leur multiplication'. « L'invasion en 1889, écrit M. Jiérenguier, a été déjà beaucoup moins grave. Les Barbitistes, éclos en nombre effroyable de février à avril, ont été en grande partie détruits par les pluies et les gelées printanieres. 298 LA PETITE SAUTERELLE VENTE. LA PETITE SAUTERELLE VERTE1. (Phaneroptora fakata Serville.) Synonymie: Grillus falcalus Scopoli. — Locusta fakata Blancbard. — Plianeroptera liliifolia Serville. Cette Sauterelle, bien connue des jardiniers, rappelle un peu par sa forme la grande Sauterelle verte dont nous parlons en note ». Elle est longue de 2 à 2 centirn. 1/2, non compris les ailes, très développées par rapport au corps, qui donnent à l'insecte une longueur totale d'environ 4 centim. La robe est d'un vert qui se confond avec celui des feuilles; l'oviscapte, relati- vement court, plus large au milieu qu'aux deux bouts, est aplati en bau- teur et recourbé vers le haut. Cette espèce, répandue dans toute la France, est, d'après le Dr Boisdu- val, très nuisible aux cultures de raisins en espalier de Fontainebleau, Thomery, etc. Elle attaque les grains avant la maturité, les rongeant sur la largeur d'une lentille à peu près. Ceux qui ont été entamés pourrissent et font pourrir les autres, ce qui occasionne de grandes pertes aux produc- teurs de raisin de table. 1 Plusieurs auteurs, Solier eutre autres, rangeât dans les ainpélophages la grande Sauterelle verte [Locusta viridissima Linné), espèce commune en Europe dans les taillis, les haies et les prairies, et qui est le type des Locustides. Nous n'en parlons qu'incidemment, regardant cet insecte comme rarement nuisible. Il est polyphage, aussi souvent carnassier qu'herbivore, et ne broute les raisins que de loin en loin. Solier parle également de trois autres sauterelles : Platyclcis ijriseus Fabricius, Declicus verrucivorus Fabricius et Decticus albifrons Fabricius, comme nuisibles aux vignes en Provence. De ces trois insectes, depuis près de vingt ans nous n'avons observé comme tel que le Declicus albifrons, et cela une seule année Cette grande Sauterelle grise, à grosse tête, à face blanche, aux pattes et antennes démesurées, à mœurs diurnes, commune dans la région de l'olivier, fait entendre partout en été son cri aigu, qui peut se rendre par le mot: Declick très rapidement répété; de là son nom. L'espèce, eu 1880, s'était tellement multipliée que toutes les récoltes d'au'omne, y compris la vigne, ont été sensiblement atteintes. Les Decticus entamaient les grains de raisin à la façon des Éphippigères. Le fait, pour nous, est trop excep- tionnel pour que l'insecte aille grossir une liste déjà trop longue. LE GRILLON TRANSPARENT. 299 L'insecte est très rusé, vole peu, et pendant le jour se tient radié sous les feuilles. Il faut le chercher avec soin dans les environs des grains rongés, et avec un peu d'habitude on arrive à s'emparer du ravageur, qui. ayant des mœurs nocturnes, est facilement capturé pendant le jour. FAMILLE DES GRYLLIDES. La famille des Gryllides, dont le Grillon domestique et le Grillon des champs sont les types les plus connus, se compose d'insectes au corps cylindrique généralement court, terminé par un oviscapte droit et par deux cerques prolongés en filets ; les antennes sont longues, sétiformes ; les élytres, planes sur le dos, recouvrent les flancs par un repli à angle droit et sont dépassées par les ailes inférieures, d'ordinaire terminées en pointe. La nourriture se compose surtout de proies vivantes. Il peut donc, au premier abord, paraître extraordinaire devoir rangé parmi les ennemis de la vigne uu insecte appartenant à ce groupe. LE GRILLON TRANSPARENT (OEcanthus pellucens Scopoli.) Synonymie : Gryllus pellucens Scopoli ; Gryllus Italiens Olivier, La- treille ; Œcanthus pellucens Serville ; OEcanthus pellucens Rambur. V Œcanthus pellucens est en réalité fort peu nuisible, et nous ne le faisons figurer ici que parce que maintes fois il a été parlé de sa ponte, qui s'effectue dans un certain nombre de tiges tendres, riches en moelle, telles que celles delà ronce, de divers chardons, de la centaurée, du panicaud, du mélilot, de la vigne, etc. Eu Amérique, où le genre est représenté par plusieurs espèces, aussi bien qu'en Europe, où nous n'en avons qu'une, les Œcanthus sont accusés de nuire aux vignes. Chaque année ou à peu près, des sarments portant des œufs nous sont apportés comme attaqués par uu ennemi inconnu. Asa Fitch d'abord, puis Riley ■ , ont parlé des espèces américaines. Riley i Ch. Riley; General Index and Supplément to the nine Reports on th> : of Missouri. Washington, 1881, pag. 60. 300 LE ORILI-ON TP.AXSPAREXT. cite VŒcanthus niveuset VŒ. latipennis comme plaçant leurs œufs dans les sarments des vignes aux États-Unis, et spécialement le dernier comme les plaçant souvent dans le pétiole du raisin, qu'il entame d'abord avec ses mandibules, ce qui le fait sécber. La ponte de VŒcanthus pellucens d'Europe a été décrite et figurée dès le siècle dernier par L. Salvi1, qui l'avait découverte dans les rameaux de la ronce. Elle a été, croyons-nous, signalée pour la première fois sur la vigne en 1869 par Perris2. En 1879 et 1883, Plancbon3 citait des sarments d'Amérique arrivés à Montpellier portant des œufs des espèces des Etats-Unis ; enfin, en 1884, M. Horvatb signalait celle d'Europe en Hongrie 4 et publiait un bon travail avec plancbe sur les soi-disant dégâts occasionnés par cet insecte . Le genre Œcanthus est caractérisé par un corps grêle, allongé, un prothorax plus étroit antérieurement que postérieurement ; des élytres enveloppant latéralement le corps; des pattes grêles, longues, très fragiles, les antérieures et les intermédiaires à trois articles, les postérieures en ayant quatre; des antennes très longues en forme de soies; des cerques ou filets abdominaux très développés. Comme on le voit, ces insectes s'écartent beaucoup, par leur forme élancée, des grillons proprement dits, mais par leurs teintes pâles ils rap- pellent le grillon domestique. Notre espèce a la teinte générale encore plus pâle, presque blanche, et son corps est transparent; de là son nom. La longueur, de l'extrémité de la tête à celle des ailes, est de 12 à 14 millim., non compris l'oviscapte, qui atteint 5 à 6 millim. Cette tarière, dont nous représentons l'extrémité (fig. 57, fig. 1), est l'instrument perforateur. Elle est formée de deux pièces chitineuses servant de protection à l'oviducte a et terminées chacune par trois dents crochues, elles-mêmes dentelées, dont l'intermédiaire est fort petite. L'ouverture pratiquée dans le sarment (fig. 3) est ronde, un peu saillante ; les fibres de l'écorce sont déchiquetées et rappellent le trou que ferait un clou ou une grosse épingle épointée. La coupe longitudinale de sarment que représente la fig. 2 montre le canal pratiqué par la tarière, et au fond de chaque cavité se voient deux œufs plantés dans la moelle. Il y en a jusqu'à trois. Nous représentons (fig. 4) fortement grossi un de ces œufs, qui ont été bien étudiés par M. Horvatb. Ils sont longs de 3,25 millim. avec un diamètre de 1/2 millim., ' Luigi Salvi ; Memorie intorno le Locuste grillajole. Verona, 1750. 2 Perris -, Notices entomologiques (Ann. de la Soc. ent. de Fr., 1869, pag. 461). 3 Planchon; La Vigne américaine, 1879, pag. 108, et 1883, pag. 159. 4 Horvath ; Rovartani Lapok. Budapesth, janvier 1884, pag. 8. LE GRILLON THANSPAUENT. 301 d'un blanc légèrement ambré, lisses, un peu arqués, avec le bout anté- rieur b d'un brun jaunâtre et couvert de granulations perforées à leur Fig. 57. — Fonte de l'OEsauthus pellucens dans un sarment de vigne. 1. Tarière de l'insecte avec l'oviducte a. — 2. Coupe d'un sarment renrermant des œufs dans sa moede. — 3. Sarment avec trous de ponte. — 4. Œuf avec l'extrémité b où se voient les micropyles. sommet. Ces perforations sont sans aucun doute des micropyles et le natu- raliste hongrois appelle cette partie de l'œuf la région micropylienne. Ces œufs éclosent vers le milieu de juin. En août, l'insecte est à l'état parfait et fait sa ponte dans les sarments encore verts. Les incisions sont toujours pratiquées du côté du Nord, dit Perris, sans doute pour que les œufs soient mieux abrités des ardeurs du soleil. Ces œufs n'écloront qu'au mois de juin suivant; il n'y a donc qu'une seule génération par an. Les sarments portant les pontes se trouvent surtout dans le voisinage des bois : YŒcanlhus vit en elTet de préférence dans les broussailles et les taillis. Comme il est plus carnassier qu'herbivore et qu'il ne touche ni aux raisins ni aux feuilles, nous n'avons pas à conseiller de le détruire . CHAPITRE XVI. ORDRE DES COLÉOPTÈRES Les Coléoptères, appelés vulgairement Scarabées, sont les insectes dont les ailes antérieures ou élytres fortement chitinisées servent d'étuis (xoàeoç) aux ailes postérieures, qui sont membraneuses et repliées en travers sur l'ab- domen. Ces ailes postérieures seules servent au vol. L'appareil buccal est broyeur, les métamorphoses complètes. Les larves, d'ordinaire munies de pieds, offrent des formes variées, aussi variées que le sont leurs mœurs . Ce n'est pas dans ce groupe que se trouvent les plus redoutables enne- mis de la vigne ; mais c'est de beaucoup celui qui en renferme le plus grand nombre. On a divisé les Coléoptères en un certain nombre de familles, et parmi celles-ci nous citerons comme renfermant des ampélopbages : les Chryso- mélides ou Phytophages, les Longicornes, les Curculionides ou Charan- çons, les Ténébrionides, les Térédiles, les Buprestides et les Lamelli- cornes . Les Chrysomélides sont surtout nuisibles aux feuilles, les Longicornes au bois et aux racines, les Charançons aux bourgeons. Les Ténébrionides, d'habitude mangeurs de détritus, ne nous offrent qu'une espèce qui s'attaque aux bourgeons souterrains des greffons, les Térédiles, comme les Longi- cornes jouent le rôle de mangeurs de bois, ainsi que la seule espèce de Buprestide réellement ampélophage; les Lamellicornes, enfin, sont, les uns brouteurs de feuilles, les autres mangeurs de racines, souvent les deux à la fois si on les observe sous leurs différents états. Nous avons dressé comme suit la liste des Coléoptères dont nous devrons parler avec quelques détails. Elle comprend 40 espèces, ce qui peut paraître considérable, mais le paraîtra moins si nous disons que le même nombre à peu près a été retranché à la liste primitivement dressée. Nous avons supprimé toutes les espèces qui ne sont que de loin en loin nuisibles, nous réservant de les citer au besoin, tout au moins en note, à propos des espèces congénères. l'altise de la vigne. 303 Famille des Chrysomélides : Altica ampelophaga Guérin. — — Aulacophora abdoininalis Fabricius. — — Malacosoma lusitanicum Linné. — — Adoxusvitis Fabricius • — — Clytkra taxicornis Fabricius . — tles Longicornes : Cerambyx miles Bonelli. — — Clytusverbasci Linné. — — CaUidiumunifuscialum Olivier. — — Vesperus Xatarti Mulsant. — des Curculionides : Rhynchites Betuleti Fabricius. — — Geonemus flabellipes Olivier. — — Cneôrhinus geminatus Fabricius. — — Peritelus subdepressus Mulsant. — — — griseus Olivier. — — — Senex Bohemann. — — — familiaris Bohemann. — — Oliorhynchus planithorax Bohemann. — — — ligustici Linné. — — — asphaltinus Germar. — — — populeti Bohemann. — — — sulcatus Fabricius. — — — globus Bohemann. — — — singularis Linné. — — — raucus Fabricius. — des Ténébrionides : 0 palrum sabulosum Linné. — des Térédiles : Apate (sinoxylon) scxdcntata Olivier. — — — — muricata Fabricius. — — — [xxjlopertha) sinuata Fabricius. — — — — bimaculata Olivier. — des Bupreslides : Agrilus derasofasciatus Lacordaire. — des Lamellicornes : Celonia hirleUa Lioné. — — — sliciica Linné. — — Pentodon punctalus Villers. — — Anomala OEnca Degeer. — — — vitis Fabricius. — — Mdolontha vulgaris Fabricius — — — fullo Linné. — — Rhizolrogus marginipes Mulsant. — — — in/lalusllu(\uc[. — — Lcthrus aplerus L'ixmaun . 304 l'altise de la vicne. L ALTISE DE LA VIGNE (Altica Ampelophaga Guérin.) Synonymie: Chrysomela oleracea Linné, Altica oleracea Geoffroy, Altica Ampelophaga Guérin-Meneville, Altica consobrina Dufstschmidt. Noms français et noms vulgaires : Altise de la vigne, pucerote, puce de vigne; en espagnol, pulgon de la vid. Le grand genre Altica, créé par Geoffroy aux dépens des Chrysomela de Linné, subdivisé par les entomologistes modernes en un grand nombre de groupes secondaires, se compose de petits Coléoptères sauteurs, aux cou- leurs parfois métalliques et qui font partie de la famille des Ohrysomélines (xpvffoç or) ou Phytophages (vtôv bourgeon, yxyzïv manger). Très nombreuses en espèces, environ 250 en France seulement, les Altises attaquent un grand nombre de nos plantes cultivées. Une seule espèce, heureusement, se trouve, non pas exclusivement, mais fréquem- ment sur la vigne. Confondue d'abord avec l'Altise des potagers {A, Ole- racea Linné), nommée ainsi dans le livre d'Audouin, elle a été définitive- ment considérée comme distincte depuis la description qu'en a donnée Guérin-Méneville et appelée par cet auteur A. Ampelophaga. C'est un petit insecte allongé, vert ou bleu métallique (PI. III, fig. G), bien connu des vignerons du midi de l'Europe, et échappant par des sauts à la main qui veut le saisir. Il est nuisible à l'état de larve et à celui d'in- secte parfait. L'espèce se trouvant en France sur divers végétaux, le saule entre autres, de temps immémorial sans doute, on ne peut, ainsi que semble l'indiquer Audouin, considérer l'Espagne comme le point de dé- part de l'espèce, du moins en ce qui concerne l'Europe. Du vignoble de Malaga, où d'après cet auteur les ravages étaient signalés dès le moyen âge, l'insecte dévastateur aurait, par une migration continue de l'Ouest à l'Est, envahi le Roussillon vers 1817, et les environs de Montpellier vers 1819. L'espèce n'est pas originaire d'Espagne. Foudras, l'auteur d'une excel- lente monographie des Altises1, mort octogénaire en 1859, l'avait trouvée sur le saule à Lyon, bien avant 1819 ; mais on peut dire que l'Espagne 1 Foudras ; Altisides. Paris, Magnin, Blanchard et C'e, 1859. 1. A.LTISE DE LA VIGNE. .'Jlù est le point.central de la grande multiplication de cet insecte sur la vigne, celui d'où, certaines années il peut rayonner, essaimer par rois considérables emportés par le vent vers le Nord ou le Sud, et aussi être inconsciemment transporté par l'homme. Ce qu'il y a de certain, c'est que si cette émigration lente et progressive de l'Ouest à l'Est n'est pas prouvée pour l'Europe, elle parait l'être pour nos colonies du nord de l'Afrique. L'Algérie, le pays le plus ravagé au- jourd'hui, n'avait que très peu d'altises en 1849, époque où a été publiée par M. Lucas la partie entomologique de VExploration scientifique de l'Algérie. L'espèce, alors d'introduction récente sans doute, y est citée sous le nom erroné d'AlticaLythri, il est vrai, mais est citée comme se trouvant sur la vigne, sans qu'il soit cependant parlé des dégâts occasionnés par elle. Depuis cette époque, les choses ont changé. Un service de bateau à va- peur a été créé entre Oarthagène et Oran; les routes d'abord, les lignes ferrées ensuite, ont relié entre eux. les divers centres de culture; Mascara et Médeah, les deux plus anciens vignobles du pays, ont été atteints; au- jourd'hui les trois provinces sont contaminées, et pas n'est besoin d'être prophète pour annoncer que la Tunisie, encore indemne, ne tardera pas à être envahie. La ligne ferrée venant d'Algérie par la vallée de la Medjer- dah sera la brèche d'entrée de l'ennemi. En Algérie, ['attise arrive souvent à enlever plus de la moitié de la récolte dans certains quartiers, et la masse des insectes est parfois telle que tous les efforts des vignerons demeurent impuissants. « A Bouffarik, dit M. le D1' Cazalis ', Président de la Société d'Agriculture de l'Hérault, j'ai assisté au milieu d'août à une invasion d'altises, et je n'exagère nul- lement en disant que sur chaque feuille il y en avait plus de trente. Que faire contre un pareil fléau? Vous avez beau organiser la chasse la plus intelligente contre ces bestioles : celles que vous détruisez sont vite rem- placées par d'autres plus affamées, venues, par nuages épais, de tous les points qu'elles ont dévastés et où elles ne pouvaient plus vivre. » Rien de semblable ne se produit jamais eu Europe, et ce parasite peut, en résumé, être considéré comme indifférent dans le nord, assez nuisible dans le midi de la France et eu Italie, très nuisible en Espagne et comme un véri- table lléauen Algérie. Eudehors des faits biologiques étudiés par nous-uiême en France, c'est donc en Algérie que noua avons dû chercher beaucoup de renseignements sur les ravages exercés par C3t insecte et les moyens de le combattre. En citant MM. Lecq, professeur départemental d'Agriculture d'Alger; Barbier, professeur a l'École d'Agriculture de Kouiba. et d Au- 1 Messager agricole du Midi, 10 septembre I 20 $06 L altise ni: LA VIGNE. relies de Paladine, nous indiquons suffisamment à quelles sources au- torisées nous avens puisé. I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. UAllica ampelophaga à l'état parfait a été, comme nous l'avons dit, confondue avec VA. oleracea, espèce beaucoup plus répandue, qui habile les bois, les prairies et les jardins dans toute l'Europe et qui a été décrite par Linné sur des exemplaires trouves en Suède. Nous signalerons de notre mieux les différences qui les distinguent, mais nous donnons tout d'abord de l'espèce qui attaque la vigne la description suivante: Le corps, en ovale allongé, est long de 3 millim. 50 à 4 millim. 50, large de 2 millim. 50 à 3 millim., entièrement d'un vert brillant foncé ou d'un bleu bril- lant métallique, et, en comparant un grand nombre d'individus, on trouve toutes les nuances entre ces deux couleurs. La tête est petite ; les yeux noirs et saillants ; le front brillant, bien que finement rugueux ; Fig. 58. — Attise de la face munie entre les antennes d'une carène saillante ; Yépistomc et le labre bronzés ; les antennes filiformes, longues, atteignant le tiers de la longueur des élytres et dépassant parfois la moitié, brunes avec les premiers articles métalliques ; les mandibules et les palpes bruns. Le prothorax, plus étroit à sa base que la saillie des élytres, est d'un tiers plus large que long, marginé sur ses bords la- téraux, ayant à sa base un large sillon transversal, sinueux à ses deux extrémités et rejoignant la marge latérale, finement ponctué, plus forte- ment vers les angles antérieurs et sur le sillon transversal. Uécusson, petit, triangulaire, est court et arrondi vers sa pointe postérieure. Les pieds, de même couleur que le corps, ont les tarses bruns, les cuisses renflées pour le saut, comme chez toutes les Altiies du reste. Les élytres sont couvertes d'une ponctuation inégale, confuse ou en séries longitu- dinales, les ailes d'un roux sombre avec les nervures brunes. L'abdo- men, composé de cinq segments, est fîueraent ponctué, le cinquième arceau supérieur ou pygidium creusé d'un sillon longitudinal. UAltica ampelophaga diffère surtout de VA. oleracea par sa taille plus grande. Cette dernière espèce ne dépasse pas 3 millim. à 3""", 50 de long et lmra,75 à 2 millim. de large ; la forme générale de son corps est eu ovale plus régulier, avec la teinte du dessus tirant parfois sur le cuivreux, et celle du dessous toujours sur le noir foncé. l'altisE DE LA \ Ii;m:. ;j )7 Hivernage de Vinseete. — L'Altisede la oigne passe l'hiver à l'état par- fait, abritée sous les écorces, les feuilles mortes, dans les fontes des murs. et ce sont surtout chez nous les vignobles plantés en gradins soutenus par des murs de pierres sèches ou ceux qui se trouvent le long îles routes plantées de platanes aux écorces soulevées, qui ont a souffrirde cet ennemi. En France, en Italie et même en Espagne, les ravages, bien que graves certaines années, n'étant pasà comparer à ceux du nord de l'Afrique, nous n'insisterons pas sur ces abris d'hiver en ce qui concerne l'Europe; mais nous emprunterons à un travail de M. Lecq ' un passage touchant cel hivernage de l'insecte en Algérie : « L'altise cherche au plus près un abri pour l'hiver. On la trouve alors sous les écorces des vieilles souches, dans les touffes de chiendent, dans le.» interstices des murailles et même dans les mottes de terre sèche. Quand l'insecte ne trouve pas un refuge dans la vigne même, il gagne la bordure du champ. Les amas de feuilles sèches, les brindilles de toutes sortes, les dérris qui jonchent le sol au pied des haies, sont ses retraites pour la sai- son des pluies. «L'altise se remise aussi dans les fentes des troncs, sous les feuilles des arbres qui ne se dépouillent pas pendant l'hiver. Sur les bords des vigno- bles, les cyprès, les lentisques, les pins, les mûriers, les faux poivriers, les eucalyptus, se montrent parfois couverts d'altises. Les troncs des mûriers qui bordent les vignes paraissent souvent bleus, tant ils portent d'insectes. »Sur V Eucalyptus resinifera, l'altise se loge dans les fentes que pré- sente l'écorce. Sur VE. g lobulus, c'est sous les lamelles de l'écorce qui s'exfolie qu'elle se réfugie. iUn agriculteur de la Metidja, très connu par les magnifiques planta- tions d'eucalyptus qu'il a entreprises, nous disait qu'en voyant le nombre prodigieux d'altises remisées sur ses redgum, il avait pensé un instant devoir les détruire autour de ces vignes. Mais en réfléchissant que par la il ne ferait qu'augmenter la dissémination des altises, alors cornent en un même point, il se ravisa, et au lieu d'abattre ses arbres il en lit brosser le tronc pour en recueillir les insectes dans un entonnoir échancré disposé à la base de l'arbre. n h1 Eucalyptus g lobulus n'est pas aussi facile à nettoyer. Avant de brosser, il est nécessaire d'enlever les écorces qui, encore adhérentes, recouvrent les insectes hivernant. » On trouve encore l'altise en colonies très nombreuses, dans leadiss, 1 Ilipp. Lecq; L'Allise de la vigne. Alger. 188i. 308 l'altise de la vigne. les palmiers nains, les ronces, les romarins, les haies de cactus, de roseaux ou d'agaves, dans les luzernes, les chaumes, les vieilles sou- ches de tabac, les artichauts, les ricins, etc., même dans les fentes des poteaux télégraphiques qui traversent la plaine de la Metidja. » Dès que le soleil printanier a fait éclore les bourgeons de la vigne, en mars pour le sud de l'Espagne et l'Algérie, en avril pour le midi de la France, les altise^ sortent de leurs retraites, prennent leur vol, s'abattent en foule au plus près, sur les feuilles naissantes qu'elles commencent à dévorer, les perçant de milliers de petits trous (PI. III, fig. 5), s'attaquant même aux jeunes sarments. Le jeûne de l'hiver aussitôt reparé, l'accou- plement s'opère et la ponte commence. Celle-ci terminée, l'insecte ne tarde pas à mourir. h' œuf. — Les œufs, au nombre d'une trentaine environ, un peu moins en France, un peu plus en Algérie, sont pondus au revers de la feuille en une ou plusieurs plaques séparées. Ils sont jaunes, ellipsoïdes, ont un diamètre d'environ un quartdemillim. sur une longueur d'un demi-millim., et chacun est surmonté d'un petit amas brun terminé en pointe. Mis par nous sous le microscope, cet appendice s'est montré formé d'un fragment de déjections de l'insecte. C'est là bien certainement un moyen de protection contre les espèces carnassières. Cette supposition est appuyée sur l'exemple d'autres insectes de la famille des Chrysomélines, tels que les Criocères, qui, à l'état de larves, sont toujours abrités sous une couche épaisse de leurs excréments, et protégés ainsi efficacement contre les oiseaux. La larve. — Au bout de sept à huit jours, et pendant les mois chauds au bout de six, l'enveloppe de l'œuf, qui peu à peu s'est rembrunie en passant parla couleur jaune orange à mesure que l'embryon se dévelop- pait, livre passage aune petite larve jaune. Bientôt après, celle-ci commence à ronger la face inférieure des feuilles, attaquant le parenchyme sans attein- dre la cuticule supérieure. Cette dernière cependant se dessèche peu à peu, et au bout de deux ou trois jours les parties rongées, d'abord jaunes, puis de couleur feuille morte, sont très visibles en dessus du limbe (PI. III, fig. 5). Si les larves sont nombreuses, la feuille arrive à se dessécher en grande partie, et l'insecte va en attaquer une autre. Six ou sept jours après sa naissance, la larve, qui de jaune est devenue brune, change de peau. Cette mue, d'après M. Lecq, dure environ vingt- quatre heures, après lesquels l'insecte se remet à manger pendant quatre jours. Il est alors devenu noir et ressemble à une petite chenille (PI. III, fig. 5). L'analogie est d'autant plus grande que cette larve, comme on le l'altise de la vigne. 309 verra dans notre description, est, en outre de ses six pieds, aidée dan- sa marche par un mamelon ambulatoire rétraclile placé au bout de l'abdomen. Vers le douzième jour a lieu une seconde mue, après Laquelle l'insi mange encore pendant quatre jours. Lo larve, alors âgée de 16 à 18 jours, parfois de 15 seulement si la température est très chaude, descend le long des bras et du tronc de la souche et s'enfonce environ à 10 centim. dans le sol. C'est du moins a cette profondeur que nous avons trouvé les nymphes dans les éducations faites dans notre laboratoire de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier. La elle se forme une loge ovale aux parois soigneusement tassées, dans laquelle s'opère la métamorphose en nymphe. Avant de parler de cette dernière, nous donnerons de la larve adulte la description suivante : Longueur G millim. environ, sur lmm,50 de large. Corps noir allongé, cylindrique, mou, cruciforme, composé de douze segments non compris la tête et un mamelon ambulatoire anal. La tête est lisse, brillante, garnie de quelques poils raides portant deux courtes an- tennes coniques de trois articles. Les segments du thorax et ceux de Vab- domen, moins brillants que la tète, portent chacun en dessus et en dessous une série transversale de petits tubercules d'un noir brillant surmontés de longs poils, ceux du dos à extrémité renflée en forme de poire, hyaline et d'apparence glandulaire. Ces tubercules rangés régulièrement forment sur l'ensemble des segments des lignes longitudinales. Les six pattes sont re- lativement courtes, écartées, faisant saillie latéralement quand l'animal marche, noires, composées de cinq pièces, bien visibles seulement au microscope et terminées par un ongle court, recourbé et de couleur faim'. En dessous de cet ongle se voit une vésicule ou ventouse membraneuse hyaline, débordant l'ongle et permettant à la larve de marcher sur des corps verticaux très lisses. L'abdomen est terminé par le mamelon ambulatoire anal dont nous avons parlé, sorte de pseudopode charnu, extractile, au centre duquel est l'anus, et qui l'ait saillie toutes les fois que la larve re- courbe son extrémité postérieure pour chercher un point d'appui et porter en avant. La nymphe. — Audouin, parlant de cette forme de l'altise. dit qu'elle est d'un jaune assez vif et qu'elle est fixée sur les feuilles. Nous l'avons personnellement observée entièrement blanche et enfermée, comme nous l'avons dit, dans une loge souterraine, à une profondeur d'environ in ri q- timètres. Il n'y a pas contradiction entre ces deux observations. Ayant i u plusieurs fois, ces années dernières, l'occasion de trouver des nymphe- 310 l'ai.tise de la vigne. clans des boîtes où avaient été enfermées, avec des feuilles, des larves d'altises adultes, nous avons constaté que, lorsque la métamorphose s'opère ainsi hors du sol, la nymphe revêt cette livrée d'un jaune vif et se trouve dans les replis des feuilles. Audouin, apparemment, avait omis de fournir aux larves en observation la possibilité de s'enterrer. Qu'elles soient blanches ou qu'elles soient jaunes, les nymphes répon- dent à la description suivante : Corps court, 4 millim. au plus, sur une largeur de près de 3, la tête étant inclinée sur le devant du thorax et ne faisant pas partie de la lon- gueur, garni de tubercules surmontés d'un poil raide et brun, et rangés transversalement sur chaque segment. Antennes passant derrière les deux premières paires de pattes, appliquées contre le corps sur les ailes et se recourbant en dessous vers le milieu du corps. Pattes également appli- quées contre le corps, ainsi que les ailes, qui se recourbent en dessous du thorax passant entre les pattes intermédiaires. Abdomen, seule partie mo- bile du corps, atténué à l'extrémité, recourbé en avant et terminé, comme chez la nymphe du Gribouri, par deux éperons; ces appendices seulement plus bruns, plus droits, plus divergents, légèrement recourbés à l'extré- mité et ne servant qu'aux déplacements de l'insecte dans sa loge. Toutes les parties du corps se cbitinisent graduellement et se rembrunis- sent, en commençant par les yeux, les parties de la bouche, les antennes et les pattes, continuant par la tète et le dessus du thorax Au bout de huit jours environ, la nymphe, ayant rejeté sa cuticule vers l'extrémité abdo- minale, est devenue un insecte parfait. Celui-ci a tout d'abord le dessous du corps blanc ainsi que les élytres ; mais vingt-quatre heures après, les cou- leurs, d'abord brunes, puis métalliques, ont apparu, et l'altise suffisamment solidifiée ne tarde pas à sortir de sa loge souterraine pour prendre son \o\, brouter les feuilles et recommencer le cycle de ses métamorphoses. Multiplication de V Insecte. — Nous avons obtenu dans notre cabinet jusqu'à cinq générations dans l'année, mais en fournissant à nos altises des feuilles toujours tendres, en les mettant surtout à l'abri des froids et des vents printaniers, pendant lesquels, au dehors, elles fussent restées inactives et blotties sous les écorces. A l'état de nature, il n'y a pas plus de trois ou quatre générations. Y compris le séjour plus ou moins long de l'insecte parfait dans la loge quia abrité la nymphose, il faut, en effet, compter environ quarante-cinq jours pour le cycle complet, c'est-à-dire depuis la ponte de l'œuf jusqu'à celle de l'iusecte qui en est sorti. Pour peu que des intempéries surviennent, le délai est porté a cinquante ou soixante jours. Les insectes n'apparaissant L ALTISE DE LA VIGNE. ;j 1 | au dehors, on Europe du moins, que d'avril à septembre, c'est-à-dire pen- dant six. mois, il n'y a donc bien chez nous, à l'air libre, que trois ou quatre générations. Il est possible que ce nombre soit dépassé en Andalousie et en Afrique. Après le Phylloxéra, qui, dans l'année, en a cinq ou six el de plus est doué de la parthénogenèse, VAltise est donc l'insecte ampélophage qui se multiplie le plus. En calculant seulement sur trois générations avec une moyenne de trente œufs, on trouve qu'en septembre, la descendance d'une seule femelle hiver- nante serait tbéoriquement de 27,000. Mais il est juste de dire que pendant l'été, les feuilles de la vigne étant devenues dures, un grand nombre de jeunes larves meurent sans pouvoir manger. On observe ce fait, même eu captivité, avec des feuilles choisies. En Algérie, les vents chauds et secs ont, d'après M. Lccq, la propriété de dessécher les œufs et de tuer les larves sur la feuille. Le siroco africain, souvent si malfaisant, a donc pour effet de débarrasser la vigne d'une grande quantité de ces hôtes dangereux. Dans le midi de la France, les vents violents contribuent également à en réduire le nombre. Les larves précipitées sur le sol, plus ou moins blessées par l'agitation des feuilles, exposées aux rayons du soleil, meurent sans pouvoir remonter sur la souche. Soit que l'insecte parfait recherche les endroits à l'abri du vent pour s'y établir et y pondre, soit que la larve puisse mieux s'y développer, nous avons toujours observé que les localités sans cesse balayées par le vent étaient bien moins ravagées que les endroits abrités. M. Lecq, en ce qui concerne l'Algérie, est aussi très affirmatif sur ce point. Notre insecte a enfin un ennemi naturel dont Audouin a nié l'importance, allant même jusqu'à douter de ses habitudes carnassières, et qui cependant détruit un assez grand nombre d'altises. Il se nourrit non seulement de l'Altise delà vigne, mais de plusieurs autres espèces du même groupe. C'est un hémiptère de la famille des Pentatomides. une punaise des bois, pour nous servir du nom vulgaire, le Zicrona cœrulea. Cette espèce, décrite par Linné, se trouve dans toute la zone tempérée, de la Surde a l'Algérie. Le corps, long de 7 à 8 millim., est aplati comme celui de tous les Pentatomides et relativement large. La robe est d'un bleu métallique avec des reflets verts rappelant les couleurs de l'altise ; la partie membra- neuse des élytres, c'est-à-dire l'extrémité, est brunâtre. Cet insecte a été pour la première fois signalé comme parasite de l'altia par Cazalis-Allut. Dunala confirmé l'observation dans son travail sur les Insectes de la vigne (1832), et maintes fois nous avons pneu vérifier l'exac- titude. 312 l'altise de la vigne. A peu près partout où il va des altises dans les vignes, on rencontre cette punaise bleue, et bien souvent on la trouve le rostre plongé entre les ser- ments de sa victime ; elle lui suce le sang en la saisissant avec les pattes antérieures, l'attaquant surtout à l'état de larve, mais aussi à l'état parfait et même, d'après M. Lecq, à l'état d'œuf. Nous croyons utile de donner en note ' quelques renseignements de plus sur les mœurs de cet utile auxiliaire. La descendance d'une altise femelle hibernante, que nous avons vue être théoriquement de 27,000 individus, est donc fortement réduite à l'automne par le fait du vent, de la sécheresse et des attaques de la punaise bleue ; mais, pour peu que la saison soit pluvieuse, les vents secs et violents moins fréquents, elle peut être encore de plusieurs milliers d'individus. Migrations. — Comme complément à ce que nous venons de dire des mœurs de l'altise, nous ajouterons quelques mots sur ses migrations à l'état parfait. En France et en Italie, le mal, localisé dans certains quartiers, ne gagne guère les vignobles voisins, et les migrations par vols nombreux sont très rares. Il n'en est pas de même dans le sud de l'Espagne et en Algérie. Comme le dit très bien M. Lecq, l'altise saute plutôt qu'elle ne vole, et c'est toujours aux abords des refuges d"hiver que sont constatées au printemps les colonies les plus nombreuses. Ce n'est que progressivement que l'insecte 1 Le Zicrona cœrulea hiverne dans les mêmes abris que Y Altise, et d'après M. Lecq, auquel sont empruntés plusieurs des détails qui suivent, on le rencontre là dans la proportion de cinq à six pour mille. Pendant l'hibernation, il semble ne prendre aucune nourriture. Au printemps, les punaises bleues apparaissent dans les vignobles quelque temps après Y Altise. Bientôt les femelles pondent une cinquantaine d'oeufs sphé- riques. Afin d'assurer la nourriture des petits qui en naîtront, les mères propor- tionnent le nombre d'œufs qu'elles déposent sur chaque feuille à celui des œufs déjà pondus par Y Altise. Le jour de la ponte, les œufs sont blancs ; dès le lendemain, ayant pris peu à peu une teinte foncée, ils sont devenus d'un noir brillant. L'éclosion a lieu quatre ou cinq jours après la ponte. Comme chez tous les Hémiptères, l'état larvaire ressemble à la forme parfaite, il n'en diffère guère que par l'absence d'ailes. Au sortir de l'œuf, il est de couleur rougeâtre, teinte qu'il conservera plusieurs jours, prenant peu à peu toutefois des reQetsbleus. Après une mue, des fourreaux d'ailes apparaissent, l'insecte est devenu d'un bleu métallique : c'est l'état de nymphe. Puis, une dernière mue opérée, les ailes se développent et nous avons la forme parfaite. Sous ces trois états, l'iusecle se nourrit surtout de larves d' Altises proportionnées à sa taille et, quand il est adulte, il en détruit une douzaine par jour. L A.LTISE I E I.A VIGNE. M ! se répand dans le reste du vignoble, et ceci explique roninicnt, de deux. champs continus, l'un peut être dévasté et l'autre indemne. Si le saut était le seul moyen de locomotion de l'altise, les dégâts qu'elle cause seraient localisés, et, par une chasse active dans un rayon déterminé, on pourrait maintenir le mal dans de faibles limites. Mais lorsque tout est dévoré dans un quartier, les insectes, faisant usage de leurs ailes, émigrent par essaims considérables, vont fondre sur les localités indemnes et parfois sont emportés par le vent à de nombreux kilomètres de leur point de départ. M. Lecq cite un propriétaire du Sabel qui a assisté à une véritable pluie d'altises dans sa vigne, alors que les vignobles les plus voisins étaient a deux kilomètres du sien. A la Maison-Carrée, près Alger, un jour de marché, une pluie du même genre a été constatée. Dans nos généralités sur l'insecte, nous avons cité, d'après M. le Dr Cazaiis, un fait analogue concernant Bouffarik. On voit combien une lutte énergique, en quelque sorte incessante, s'im- pose aux vignerons algériens, et il est à craindre que le mal n'aille encore crescendo, la vigne étant, par son mode de culture et son extension crois- sante, un milieu essentiellement favorable à la multiplication de l'altise. II. — MOYENS DE DESTRUCTION. Dans le midi de la France, on lutte contre l'altise exclusivement avec un entonnoir de fer-hlanc profondement échancré pour faire entrer le t-onc du cep (fig. 59) et au-dessus duquel on secoue la vigne avec un bâton. Cet instrument est appelé en Languedoc entonnoir à allises, ayant été inventé surtout contre cet insecte, mais nous l'avons déjà recommandé contre plusieurs parasites. Un homme peut se- couer par heure de 150 à 200 souches. Pour peu que l'opération soit faite à l'heure voulue, c'est-à-dire le matin, l'altise se laisse prendre. L'insecte ni ne s'envole, ni ne se laisse FilJ- 59- — Entonnoir a 1 Attises, choir ; il saute, et, sa force musculaire étant en raison directe de la chaleur du jour, il ne saute pas, le matin, en dehors l'entonnoir. Nous avons vu dans le Roussillon, le pays de France le plus attaqué, l'entonnoir à altises permettre aux propriétaires de. lutter efficacement, même dans les quartiers les plus infestés, tels que les vignes en terra- de Banyuls, Colliourc, Cospcron, etc. Là. les conditions climatériques 314 l'altise de la vigne. sont un peu celles de l'Espagne; la terre schisteuse et meuble estbonne pour la nymphose, et les mursen pierres sèches offrent d'innombrables abris pour l'hiver. Malgré cela, l'infatigable vigneron catalan, levé dès l'aube, agissant vigoureusement dès les premiers beaux jours, les insectes non encore dispersés, frappant des souches aux sarments courts qui livrent d'un coup toutes leurs altiscs à l'entonnoir, arrive à être maître de la situation. Il faut dès le début mettre tout son personnel à l'œuvre et bien se dire qu'une altise non détruite sera peut-être légion à l'automne. Un ouvrier exercé peut donc, au printemps, e:i opérant le matin avant huit heures, rentrer à la ferme avec un sac rempli d'altises. Les insectes ébouillantés sont donnés aux volailles. La présence de celles-ci dans les vignes est utile également; mais on ne peut, comme nous le ferons pour Y Écrivain, conseiller le petit poulailler roulant, les points d'attaque étant beaucoup moins circonscrits. Un viticulteur algérien lisant ces lignes sera peut-être tenté de traiter d'illusoires nos moyens de défense. Il aurait raison si nous avions voulu parler de nos colonies du nord de l'Afrique. Ce qui est possible dans des contrées où les grands ravages sont, en somme, l'exception, devient en effet insuffisant dans celles où ils sont la règle. Ici, les abris d'hiver moins nécessaires, les conditions de climat et de sol plus favorables, les généra- tions plus nombreuses, le nombre d'eeufs pondus plus grand, font de l'altise le fléau terrible et grandissant toujours que nous avons décrit. C'est donc dans les travaux publiés en Algérie que nous puiserons, pour tracer la marche à suivre dans la défense d'un vignoble de notre colonie. Dans les petites exploitations, l'entonnoir échancré pourra suffire, à condition toujours d'agir énergiquement dès les premiers beaux jours, la souche non encore développée, et principalement sur les rangées de ceps les plus rapprochés des abris d'hiver. En grande culture, à l'usage de l'entonnoir on peut ajouter celui des insecticides. D'après M. d'Aurelles de Paladine, les meilleurs sont les sui- vants : 1° la poudre de pyrèthre du Caucase vraie1, mélangée au soufre d'Apt dans lu proportion de G à 7 Ml. % ; 2° la poudre de tabac maure2 1 Pour la culture économique de cette plante, dont les fleurs triturées achetées dans le commerce reviennent à 250 fr. le quintal, qui par ce fait ne peuvent être employées, voir dans le journal la Vigne française, n° du 28 février 1887, une note de M. de Malgraive, de Marengo (Algérie). 3 Pour la fabrication du tabac maure ou tabac ayant subi une sorte de fermen- tation ammoniaca'e, et qui sous cette forme est beaucoup plus insecticide que le tabac ordinaire, voir la note de M. d'Aurelles de Paladine dans le Messager agri- cole de Montpellier, n° du 10 avril 1887. i. M.TISK DE ! A \ tGNE. a priser, également mélangée au soufre d'Apt dan- la proportion de 12 a 15 lui. %; 3° le soufre d'Apt seul ou mélangé avec de la chaux nou- vellement fusée. La présence constante du soufre d'Apt dans ces mélanges pulvérulents permet de combattre à la fois l'allise et l'Oïdium. Ou a ensuite imaginé les abris artificiels, et de plus en plus ce dernier moyen de destruction, toujours combiné avec l'usage de l'entonnoir échan- cré, semble devoir être préféré à l'emploi des insecticides. M. Barbier a très judicieusement tracé la marche à suivre1 dans la grande culture en Algérie. Laissant de cùté les insecticides, qu'il consi- dère « d'application difficile et coûteuse », il combine trois modes de des- truction : 1° la recherche des insectes dans les abris d'hiver, recherche combinée avec l'emploi des abris artificiels usités aussi en Andalousie ; 2° l'usage de l'entonnoir échaucré; 3° l'ablation des feuilles portant les premières pontes. Ce dernier procédé n'est pas nouveau, il a été dès 1849 préconisé par Cazalis-Allut2; mais, combiné avec les deux précédents, il en est le com- plément. En substance, voici ce que dit M. Barbier : Le premier point est de cantonner les altises en hiver dans un nombre limité d'abris. Il faut bien se garder de détruire complètement les broussailles et les arbustes; il est essentiel, au contraire, que les insectes trouvent quelques refuges d'hiver où l'on sera sûr de les rencontrer. Tout vignoble présente quelques-uns de ces coins plus abrités que les autres, tels que des fonds de ravins, que les altises préfèrent, et il est facile de constater quels sont ces endroits. On pourra y couper en automne les buissons qui les garnissent, laisser sut- place ce bois de très faible valeur et qui, sec au printemps, s'enflammera facilement. On y ajoutera des tas de sarments, des gerbes de diss (grande graminée commune en Algérie) et des feuilles de palmier nain . Au printemps, avant la pousse de la vigne, on incendiera ces amas de broussailles sèches, en ayant soin de choisir un temps froid et de préférence en faisant l'opération la nuit. De cette façon, fort peu d'altises pourront s'échapper, surtout si l'on a le soin d'enflammer tout le pourtour à la fois. Les écorces d'arbres à demi soulevées, celles de l'eucalyptus surtout, seront enlevées, brûlées, et le tronc flambé à l'aide d'un flambeur au pétrole ou à l'alcool. Comme abris artificiels, M. Barbier dit s'être très bien trouvé des petits 1 L'Algérie agricole, o° du 1er mars 1 S88. 2 Bulletin de la Suciélâ d'Agriculture de l'Hérault. 316 l'altise de la vigne. paillassons de bouteilles, si abondants dans les colonies et qui n'ont aucun emploi. Posés sur un piquet fiché en terre, ils constituent d'excellents abris. Quand on les enlève, ils sont parfois garnis d'altises; on n'a qu'à les brûler ou à les plonger dans l'eau bouillante pour les utiliserde nouveau. M.Grellel, le premier viticulteur algérien qui ait songé à utilier ces paillassons, en place jusque dans ses baies vives et détruit énormément d'altises par ce moyen. Pour rendre la chasse d'hiver aussi fructueuse que possible, dit M.Lecq [loc. cit.), le vigneron doit supprimer dans son vignoble et aux alentours tout ce qui ne peut pas devenir un piège pour l'altise. Les chemins doivent être nettoyés d'herbes sèches et de pierres entassées, les chiendents et les mauvaises herbes arrachés ; puis on doit disposer çà et là de petits tas de broussailles. En janvier-février, on brûle ces abris artificiels, en les arrosant, si besoin est, d'un peu de pétrole. Les tas de broussailles disposés comme pièges doivent être formés de branchages et de feuilles qui ne se décompo- sent pas sous l'action des pluies. L'altise, par instinct, cherche comme refuge les végétaux résistant à la pourriture, tels que les diss, les brindilles d'oliviers, les feuilles de palmiers nains, les sarments de vigne, etc. Une bonne précaution est de protéger ces petits tas contre la pluie au moyen de tuiles creuses. Dans les environs de Malaga, d'après le même auteur, on emploie des nids artificiels fabriqués avec des feuilles de palmiers réunies en bottes liées au moyen d'une ficelle. Ils affectent la forme d'un tronc de cône. On les suspend aux ceps de distance en distance, à une hauteur de 10 à 20centim. au-dessus du sol. En 186G, lors d'une invasion d'altises présentant les caractères d'un vé- ritable fléau, une Commission nommée pour étudier et combattre le mal recueillit dans plusieurs vignobles de la plaine de Malaga des nids qui con- tenaient jusqu'à 400 insectes chacun. Ces nids furent échaudés et les altisès jetées aux poules. On doit ramasser le contenu des nids toutes les fois que l'on va procéder au labour de la vigne, pour que le laboureur ne soit pas gêné dans son tra- vail, et aussitôt que celui-ci est fait, les insectes détruits, on replace les nids. La dernière levée de ces abris artificiels a lieu pendant la seconde quinzaine de mars. Au début delà végétation de la vigne, dit M. Barbier, l'altise abandonne ses retraites d'hiver, se précipite sur les rangs de souches les plus voisins; mais elle n'y reste pas à demeure, elle craint les froids de la nuit etse réfu- gie le soir dans les abris les plus rapprochés, à' où elle ne sort qu'après le lever du soleil. L'emploi des abris artificiels est encore ici tout indiqué. On les enlève le matin avant la sortie des insectes. l. ALTISE DE LA V1GXE. ,'!|7 Les propriétaires, qui ont forcé en quelque sorte les altisea a gagner les abris d'hiver peu nombreux que nous avons décrits, n'ont que peu de cen- tres d'invasion au printemps, et l'œuvre de destruction est facile. Elle sera encore simplifiée si l'on a soin de maintenir les altises cantonnées sur ces points, ce qui peut s'obtenir en recouvrant de poudre de soufre trituré et de chaux une zone de rangées de souches, une vingtaine par exemple, limitant la partie envahie. C'est alors qu'on fait usage, le joui', de l'entonnoir échan- cré, et, la nuit, des abris artificiels, paillassons de bouteilles ou autres, ébouillantés le matin. Si l'on a ainsi opéré, il y aura bien peu d'altises, et par conséquent peu de pontes au delè de la zone soufrée. On sait que les altises préfèrent certains cépages, surtout ceux à feuilles tendres, tels que le Morastel fleuri ou Brun fourca, l'Alicanle, l'Aramon. et en général tous les cépages à feuilles glabres. En plantant, dans les endroits abrités des vents, des carrés de ces cépages, on pourrait aussi maintenir plus longtemps la localisation des insectes. L'enlèvement des premières pontes se fera en sacrifiant les feuilles qui les portent. D'après la noie de Cazalis-Allut citée plus haut, aussitôt les pontes observées, c'est-à-dire en mai pour le Languedoc, il faut enlever toutes les feuilles et toutes les pousses placées au-dessous des raisins maîtres, les premières pontes n'étant que par exception placées au-dessus. M. Barbier, avec raison soucieux de respecter autant que possible l'appa- reil végétatif aérien de la vigne, dit que, même dans les quartiers fortement atteints, il suffit d'enlever les quatre premières feuilles. L'ouvrier, en rele- vant le sarment, peut voir rapidement l'envers des autres feuilles et écraser avec les doigts les quelques pontes qui pourraient y être déposées. Nous conseillons, dit M. Barbier, de s'en tenir là et de ne pas s'inquiéter de la seconde génération de l'insecte. Elle sera peu importante si les travaux sus- indiqués ont été bien effectués. Restent les chances d'invasion pendant l'été par les essaims arrivant au vol des parages dévastés. Devant ces millions* d'insectes tombant eu pluie, le vigneron se considérera peut-être comme débordé. Néanmoins la lutte ne devra pas être abandonnée. La récolte des altises a l'en- tonnoir n'étant guère possible à cette époque, à cause du développement des sarments, on pourra employer le soufre mélangé de chaux à haute dose, ou mieux encore les composés cupriques expérimentés avec succès à Marseille par M. G. Gastine l contre l'insecte parfait. Mais ces retours ' Progrès agricole, 31 juillet 1887. I»'' préférence à la bouillie bordelaise, M. Gastine recommande, dans cetti Note es liqueurs ammoniacales cupriques 318 LE MALACOSOME DE PORTUGAL. offensifs ne se produisent pas toutes les années. Il faut espérer qu'un jour prochain viendra où le plus grand nombre des colons auront compris la gravité du mal et lutteront vigoureusement. Une action énergique et combinée intervenant chaque année rendra de plus en plus rares ces invasions d'été. LE MALACOSOME DE PORTUGAL (Malacosoma lusitanicum Linné.) Cette espère de Ohrysomélide appartient à la sous-famille ou tribu des .Gallérucides, dont la Gallèruque de Vorme est le type le plus connu. Moins répandue et beaucoup moins nuisible que l'altise, elle n'en occasionne p'is moins ça et là sur la vigne, dans toute l'Europe méridionale, des dégâts appréciables dans la région de l'olivier, où elle est à peu près confinée. Ce sont surtout les coteaux secs qui ont à souffrir de ses attaques. Les premiers états de cet insecte, probablement souterrains, ne sont pas connus, et il y a lieu de s'en étonner, car l'insecte parfait, qui se montre de la première quinzaine'de mai à fin juin, apparaît parfois en très grand nombre. Les Malacosoma broutent les parties sucrées des fleurs, surtout de celles des Composées, et se jettent aussi en nombre sur les bourgeons remplis de sève sucrée, tels que ceux de la vigne. C'est par dizaines qu'on les trouve parfois sur chacun d'eux mangeant les feuilles à la façon des altises. Comme le nom de genre l'iudique (f*«Aaxoç mou, uû^k, corps) les tégu- ments de cet insecte sont mous. comme formant un dépoi plus adhérent. « L'insecte parfait, dit-il, refuse la nour- riture cuivreuse, même lorsque les feuilles ont été lavées.» Nous pouvons affirmer qu'il n'en n'est pas de même de la larve : nous l'avons personnellement élevée avec des feuilles criblées de taches d'eau céleste. M. Gastine le reconnaît du reste dans sa Note, où il dit que « si une vigne était traitée par les liqueurs cupriques dès le début de sa foliation, et ensuite à des intervalles rapproches pendant qu'elle complète son système foliaire, on arriverait à ce résultat d'écarter l'altise à l'état d'insecte parfait et d'empêcher les pontes. Les traitements, ajoute-t-il, pourraient ainsi s'appliquer dès le printemps, à la fois contre l'altise et contre le Mildew -, mais il faut absolument opérer avant la première ponte] celle-ci effectués, l'évo- lution des œufs et des larves se ferait sans obstacle. » l ai i \ :OPiio:ti-: vudo hxal. ;i!i Le corps, long de 7 à 9 millim. et large île î environ, est oblong, épais cylindrique, entièrement de couleur jaune rougeâtre, sauf les méso et métasternum, qui sont noirs. La têle est en museau obtus, le chaperon relevé en bourrelet, les yeux saillants; les antennes, relativement épais* atteignent les deux tiers de la longueur du corps. Le prothorax transver- sal, à peine rétréci en avant, est notablement plus étroit que les élylres. Celles-cisont oblongues, arrondies a l'extrémité et à épaules saillantes. Les pattesassez grandes, de grosseur moyenne, les postérieures notablement plus longues. Les mâles se distinguent par la forme du dernier segment ventral, qui est profondément entaillé de chaque côté et creusé d'un sillon. Quand on saisit cet insecte, il projette ses antennes en avant et contrefait le mort en répandant une odeur désagréable rappelant celle des coccinelles ou gallinettes. Nous l'avons trouvé très souvent en Languedoc et en Provence, broutant les bourgeons de vigne au point de nuire sensiblement à la plante. Maintes fois il nous a été envoyé d'Algérie comme coupable des mêmes dégâts, et M. Targioni (Rclazione, 1884, pag. 10b Ta signalé en Sicile. Les mœurs de la larve, probablement mangeuse de racines, n'étant pas connues, on ne peut que ramasser l'insecte parfait, qui est diurne, très facile à voir, à saisir et à écraser. L'AULACOPHORE ABDOMINAL [Âulacophora abdominalis Fabricius.) Pas plus que l'espèce précédente, dont elle est voisine, celle-ci n'a de nom français. Son nom, dont l'étymologie est au).a? sillon et yopu-j porter, vient d'un sillon transversal placé sur le thorax. Bien que l'aire _ graphique de cette Gallérucide soit fort étendue (elle va du détroit de Gi- braltar au Japon et même aux îles du Pacifique et de l'océan Indien), la zone où elle s'attaque aux bourgeons de la vigne est restreinte. Ce ■' guère que dans l'extrême sud de l'Europe et sur la côte barbaresque qu'elle est signalée nuisible. M. Targioni l'a reçue comme telle des environs de Païenne; elle figure dans la liste d'ampélopuages grecs envoyée par M. ( len- nadius;nous l'avons enfin reçue de Jall'a (Syrie) et de plusieurs points d'Algérie, tels qu'Alger, Louifarik, Sétif, Constauliue et Bône. Cette 320 L AULACOPHORE ABDOMINAL espèce n'a jamais été trouvée en France. Ses métamorphoses sont incon- nues, comme celles des Malacosoma, dont elle parait avoir les mœurs, et comme pour ces dernières on ne peut que conseiller le ramassage à la main. Les dégâts de cette espèce seraient, croyons-nous, peu appréciables s'ils n'étaient, en Algérie surtout, associés d'ordinaire à ceux d'autres insectes, tels que les Malacosoma et diverses Clytra. On reconnaîtra VAulacophora abdominalis aux caractères suivants: longueur 6 à 7 millim., largeur 3 à 4 millim. Corps ohlong, ovalaire, épais, élargi en arrière, de couleur jaune avec le métasternum et l'abdomen noirs. Tête formant un museau prononcé, relevé entre les antennes, avec les yeux gros, globuleux, noirs, le labre rembruni, les mandibules rem- brunies également, à 5 ou G dents aiguës, les antennes assez grêles, jaunes, ne dépassant guère le milieu du corps, les palpes épais et jaunes. Prothorax court, notablement plus étroit que les élytres, ayant au milieu un sillon [mAoÇ) ou impression transversale profonde, plus large et plus profonde dans son milieu chez le mâle. Élytres élargies e.n arrière, arron- dies à l'extrémité; hanches antérieures saillantes, contiguës, ainsi que les intermédiaires. Abdomen noir, sauf le dernier segment ventral qui est jaune dans sou milieu et profondément impressionné de chaque côté chez la femelle et entaillé chez le mâle ; celui-ci se distingue encore par le premier article des antennes fortement renflé. CHAPITRE XVII. LE GRIB0UR1 OU ECRIVAIN ' (Adoxus vitis Fourcroy.) •Synonymie : Cantharis octava (huitième Oantharide) Aîdrovandi ( 1 G02, . — Cryptocephalus niger elytris rubris Geoffroy (1764). — Cryptoccphalus vitis Fourcroy (1785). — Eumolpus vitis Kugellan (1798) et Pabricius (1801). — Adoxus vitis Kirby (1837). — Bromius vitis Chevrolat (1837) et Redtenhacher (1840). L' Adoxus vitis, appelé en français Grihouri, Écrivain et aussi Eumolpe, est nommé encore par les vignerons des diverses contrées viticoles : Écri- vain 2 Bète à la forge, Diablotin, Bête à café, etc. Pour le nom scientifique, nous avons adopté avec tous les auteurs mo- dernes, comme nom de genre, celui à' Adoxus, le plus anciennement créé 1 Bibliographie. — Aldrovande ; De Insectis, 1602. — Pluche ; Spectacle de la nature. Paris, 1732. — Geoffroy ; Histoire abrégée des Insectes dis en- virons de Paris, 1764. — Latreille; Nouveau Dictionn. d'hist. nat., tom. X, pag. 640, 1819. — Vallot ; Histoire des Insectes ennemis de la vigne, 1841. — Audouin ; Insectes ennemis de la vigne, 1842. — Demerméty ; Quelques faits sur l'Écrivain (Journal d'Agr. de Dijon, 1849). — Baron Thénard ; Comptes rendus Acad. Se., 6 novembre 1854. — Vinas ; Le Gribouri (Revue viticole de Dijon. 1864). — Horvath ; Beitrag zur Naturgeschicle von Eumol- pus vitis von DT Geyza v. Horvath (Anu. c'e la Soc. Imp. Roy. Zool. Bot. de Vienne, 1873). Texte hongrois. — Valéry Mayet et Lichtenstein ; Élude sur le Gribouri (Ann. Soc. des Agr. de France, 1878, et également Ann. Soc. d'Hort. et d'Hist. nat.de l'Hérault, 1878). — Ed André ; Métam. de l Eu- molpus vitis (Le Naturaliste, Revue illustrée des Se. nat. Taris, 1er juillet 1887). 2 D'après M. Demerméty (Journal d'Agr. de Dijon, 1S49), cité par M. André, on orthographiait autrefois en Bourgogne : Gripevin, Esgrippe vin, il où l'on a fait Écrivin. D'après le même auteur, Gribouri viendrait Je grippe-bourre, du vieux mol latin buria, signifiant bourgeon de la vi 21 322 LE GRIBOURI Or ÉCRIVAIN'. depuis les démembrements successifs des genres Cryptocephalus et Eu- molpus, et comme nom d'espèce, celui de vitis, créé par Pourcroy (Ento- mologia parisiensis, 1785), et non par Fabricius (Systema Eleutherato- rum, 1801), comme l'indiquent, par erreur sans doute, certains auteurs. Le Gribouri, pour nous servir du nom français le plus anciennement connu, est un coléoptère de la famille des Cbrysomélines ou Herbivores et qui, depuis des siècles, est réputé très dangereux pour la vigne. C'est un petit insecte court, ayant la tète a demi cacbée dans le thorax et qui a les couleurs du banneton commun, c'est-à-dire la tète et le thorax noirs et les élytres rousses. Il attaque la vigne, à l'exclusion de toutes les autres plantes, et nous sommes étonné de voir certains entomologistes considérer cette espèce comme une variété de YAdoxus obscurus Linné. Ce dernier, beaucoup plus gros, entièrement noir, vit sur une plante des prairies marécageuses, Y Epilobium angustifolium, parfois sur le trèfle, mais jamais sur la vigne. Le nom d'Écrivain, employé par bon nombre de viticulteurs, vient sans doute de ce que cet insecte, pour se nourrir, entame la feuille d'une façon spéciale. D'après la juste comparaison du baron Tbénard [Compt. rend. Acacl. des Se, G nov. 1854), il fait sur les feuilles et les parties vertes des entailles allongées (PI. III, Og. 7) rappelant celles qui seraient faites a avec le bec bien ouvert d'une plume sans encre ». Si deux de ces traits se ren- contrent bout à bout dans leur milieu, soit à angle aigu, soit à angle droit, on a l'image grossière de certaines lettres majuscules de l'alphabet latin. Cet insecte est un des plus nuisibles à la vigne ; non pas que les entailles pratiquées sur les feuilles puissent entraver gravement leur fonctionnement, mais les lésions faites aux racines par la larve arrivent à tuer la souche. Parfois le mal se manifeste au loin sous forme de taches circulaires prises maintes fois pour la tache d'huile du Phylloxéra. Heureusement pour le vigneron, les générations ne se succèdent pas d'ordinaire au delà de quelques années dans la môme localité. Dès que les souches sont fortement affaiblies, l'ennemi émigré et va pondre ses œufs ailleurs. 1. — HISTORIQUE. Quoi qu'en dise Walckenaer, le Gribouri n'était pas connu des anciens. L'insecte nommé par les Grecs Ips ou Iks, connu des Romains sous le nom de Volucra, et qui était à coup sûr une larve mangeant la feuille, ne pouvait être notre espèce, dont la larve est souterraine. L'erreur vient de ce qu'à l'époque de Walckenaer (1836) on croyait, LE GRIBOURI OU ÉCRIVAIN. 323 d'après l'assertion de Geoffroy (1764), que la larve de l' 'Écrivain vivait aux dépens des feuilles. Aldrovande [De inseclis (1602), pag. 472), auquel il faut toujours remonter pour trouver les premières indications un pou précises sur les insectes, fait du Gribouri sa huitième Cantharide, qu'il décrit ainsi : corpore, capite. pectore, antennis ac pedibus nigris, vaginis rubris : elle aie corps, la tête, la poitrine, les antennes et les pieds noirs, les élytres rouges. Elle nuit, dit-il, à la vigne. C'est une exacte description de l'insecte. Olivier de Serres parait ne pas avoir connu l'Écrivain. Pluche, dans son Spectacle de la nature (1732), parle seulement de deux petits ennemis de la vigne, !a Bêche (notre Rbynchite) et le Gribouri, « qui, dit-il, a la figure d'un petit hanneton, passe l'hiver en terre au pied du cep et le l'ait souvent périr ». Il y a la une précieuse indication de mœurs souter- raines, et qui a été, comme on le verra plus loin, trop Iongtenps négligée. Geoffroy (1764) décrit assez bien son Cryptocepltalus niger, elytris rubris. vivant sur la vigne, pour qu'il n'y ait aucun doute à avoir sur l'identité de l'espèce ; il a le tort seulement d'affirmer (pag. 232 de son Histoire des Insectes) a que la larve du Gribouri détruit les jeunes pousses de la vigne et en fait périr les fleurs ». Il ne se contente pas de donner ainsi des mœurs aériennes à une larve qui vit sous terre, mais il confond encore la larve de VAltise se nourrissant de feuilles avec celle de la Cochylis qui attaque la grappe en fleur. En 1819, l'abbé Latreille (Nouveau Diclionn. d'Hist. natur.), répète ce que dit Geoffroy ; mais le Prince de l'Entomologie française dégage vite so responsabilité en disant : « Les détails relatifs à YEumolpe de la vigne donués par Geoffroy ont été reproduits par d'autres auteurs ; mais je préviens le lecteur que, n'ayant jamais eu l'occasion de vérifier ces faits, je ne les ai rapportés que d'après le témoignage de Geoffroy. » Depuis lors, la plupart des auteurs, même de très récents ' et non les moins connus, ont répété l'erreur de Geoffroy. Quelques protestations surgissaient pourtant, et, dès 1841, la première partait d'un des pays les plus ravagés, la Bourgogne. Nous lisons en effet, pag. 278 du travail de Vallot, que, «d'après les vignerons, la présence de nombreux Ecrivais dans une vigne la fait périr. Suivant eux, ces iusectes s'enfoncent en terre, rongeut la racine et tuent le cep». L'auteur, il est vrai, se demande si ces dégâts ne pourraient pas être attribués aux vers blancs du hanneton, mais il sollicite de nouvelles observations. 1 Maurice Girard; Traité d'Entomologie, 1873, pag. 786.— Goureau ; Insectes nuisibles, 1SG1, pag. 31. — Boisduval ; Entomologie horticole, 1807. pag. 180, 324 LE GIUHOURI 01 ECU 1 VAIN. L'année suivante, Audouin répète que «la larve de ÏEumolpe. mal- heureusement non encore observée par lui, vit aux dépens des racines, s'attache au point que l'on nomme le collet et mange les jeunes radicelles, ce qui ne tarde pas à faire dépérir la vigne ». Mais ce n'était encore, sans doute, que d'après les observations superficielles des vignerons, et eu quelque sorte d'intuition, que le Professeur du Muséum parlait ainsi. En 1849, M. Demerméty ' (de Dijon) dit nettement que «la larve du Gr ibouri vit en terre, qu'elle est toute petite, comme un point hlanc, et entièrement semhlahle à celle du Hanneton*. Enfin, eu 1854, le baron Thénard, dans une Note à l'Institut citée plus haut, sans cependant décrire encore la larve en question, a parlé de lésions importantes faites par elle aux racines, a établi par l'expérience, et avec des rangées de souches témoins, que les vignes attaquées reprenaient après, par l'application de tourteaux riches en essence de moutarde. La première observation précise et sérieuse sur les métamorphoses du Gribouri ne date cependant que de 1863. Elle est due à M. Vinas, agent- voyer à Béziers, a été publiée à Dijon dans le journal la Revue Viticole, 1864, pag. 269, et nous sommes étonné qu'aucun auteur ne l'ait citée. Ce travail n'est pas complet, en ce sens que les Écrivains observés par l'auteur, les pontes et les éclosions de larves obtenues, leur descente aux racines et les sillons tracés dans ces dernières, sillons dans lesquels les larves se tiennent cachées, sont trop brièvement décrits ; il est peu scien- tifiquement rédigé, mais il n'en n'est pas moins vrai qu'il éclaire définiti- vement la question. Il est fâcheux que ce Mémoire de sept à huit pages n'ait pas été reproduit par les journaux scientifiques et agricoles de cette époque: il eût évité bien des essais et des tâtonnements infructueux. M. Horvath, de Buda-Pest, l'a ignoré en écrivant, en 1873, son travail sur ïEumolpus vilis. Nous ignorions nous-méme l'existence de ces deux travaux en publiant en 1878, en collaboration avec Lichtensteiu, notre Étude sur le Gribouri ; mais on peut dire que les trois Mémoires se com- plètent. Le premier parle de la larve sortant de l'œuf et s'établissant aux racines ; le second donne la première bonne description de cette larve, avec figures; le nôtre enfin, avec de nouveaux détails sur la larve, décrit la nymphe et la transformation en insecte parfait. Un quatrième et très bon travail sur le même objet, confirmant les trois autres et donnant de nouvelles 1 Demerméty ; Quelques faits sur l'Écrivin (Journal d'Agr. de Dijon). Nous devons ce renseignement à l'obligeance de M. André. 2 Gomme on peut le voir par la fig. 8 de notre PI. III, il y a en elTet quelques rapports de formes entre la larve du Gribouri et celle du Hanneton. ! Il GîUBOURl ni ÉCRIVAIN. observations île M. Vergnette-Lamotte, correspondant de l'Institut, a été publié, eu 1887, par M.André. Ce sont ces quatre Mémoires qui nous serviront à retracer dans son ensemble la biologie de YAdoxus vitis. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. L'insecte parfait, nous l'avons dit, rappelle par ses couleurs celles du hanneton; mais, comme on peut le voir (fig. 60 et PI. III, 6g. 9), la formi est bien différente. Le corps est long d'environ 5 millim. et large de 3, couvert d'un duvet grisjaunâtre. La tête, en partie rentrée dans le thorax, est noire avec un sillon entre les deux yeux et deux antennes grêles, un peu plus renflées à l'extrémité qu'à la base. Celle-ci est rousse et le reste de l'an- tenne noire, Leprothorax, globuleux, noir, est petit par rapport à l'abdomen. Les pattes sont noires, avec les tibias et parfois les tarses roux. L'abdomen, une fois et demie ou deux plus large que le thorax, est recouvert entièrement par les deux élytres. Celles-ci Fig. 60. — Gribouri .. . ,, ...... - i -n ou Écrivain, grossi. sont arrondies a [extrémité, a épaules saillantes, à stries ponctuées, d'une couleur rouge tirant sur le brun ou le ferrugineux. Le dessous du corps est noir. Certains individus (fig. 60), pris tout d'abord pour des mâles, sont relativement moins larges, plus élancés, avec les élytres plus arrondies aux épaules et à l'extrémité, que chez l'individu représenté PI. III, fig. 9. Ils ont été reconnus femelles à la dissection, et le mâle, jusqu'à présent, a échappé aux recherches. Plusieurs auteurs ont parlé de l'accouplement; celui-ci n'a pas encore été observé. L'insecte pondrait-il par parthénogenèse? La chose est peu probable, mais non impossible. Toujours est-il que, dès 18G3, M. Vinas avait observé à liéziers * que des Écrivains tenus en captivité pendant un mois, isolés les uns des autres, pondaient des œufs féconds. On pourra dire que l'accouplement pouvait avoir eu lieu avant la capture ; mais, ce qui est bien propre à piquer la curiosité du naturaliste, c'est que, malgré des recherches minutieuses, MM. Jobert et de Vergnette-Lamotte3 de Dijon. sur des centaines d'individus disséqués, n'ont pu découvrir le sexe mâle. 1 Revue viticole de Dijon, par Ladrey, 1864, pag. 269. 2 Jobert et de Vergaelte-Lamolte ; Compt. rend. Acad . des Se IS81. 326 LE GIUBOURI OU ÉCRIVAIN. L'Adoxus, très craintif, échappe facilement à la main qui veut le saisir. Pour cela ,il replie ses pattes et ses antennes contre le corps et se laisse rouler à terre en contrefaisant le mort. L'époque de la première apparition est la seconde quinzaine de mai. Le plus grand nombre se montrent en juin et juillet. Comme nous l'avons dit dans les généralités, l'insecte parfait se nourrit du parenchyme de la feuille, de la tige verte etaussi du raisin, en y traçant les entailles spéciales qui lui ont va'u son nom d'Ecrivain. Œufs. — Le nombre des œufs pondus est d'une trentaine environ ; ils sont déposés, en captivité, dans les anfractuosités et les fentes du récipient oii on élève l'insecte, les replis de papier, etc. Il est probable qu'à l'état de liberté ils sont toujours placés sous les érorces, non loin du collet de la souche; c'est dans ces conditions-là que M. Maurice Girard [Bull.de la Soc. Eut. de France, 22 juillet 1874) dit avoir observé plusieurs pontes. Les œufs, longs d'un millim. environ, sont en forme d'ellipse allongée, de couleur jaune pâle. Ils ressemblent à ceux de l'Altise, mais ceux-ci sont de couleur beaucoup plus foncée et portent tous un petit fragment de déjec- tions de la pondeuse, ce qui ne se voit pas sur les œufs de l'Ecrivain. Larve. — Après une dizaine de jours, dit M. André », qui le premier a figuré la larve venant d'éclore, les œufs donnent naissance à des larves mi- nuscules, un millim. environ de longueur, assez agiles, à corps blanc, courbr et surmonté d'une tète brune. On y peut distinguer à la loupe de très petites antennes et des mandibules rougeâtres, ainsi que trois paires de courtes pattes. Des poils dressés ornent les douze anneaux qui suivent la tète, elle douzième ou dernier segment en montre quelques-uns plus longs et placés en prolongement du corps. Selon M.Vinas,ccs larves ressemblent beaucoup pour la forme à celles de l'Altise au moment de leur naissance; seulement elles ont la tête plus forte, plus carrée, les mandibules plus développées, le corps moins velu et de couleur plus claire, c'est-à-dire d'un jaune nankin très pâle. Peu de temps après leur naissance, elles cherchent à s'enfoncer dans le sol. «Le 20 juin, dit M.Vinas, j'ai rempli une boite de terre fine non tassée et j'ai mis au milieu une petite feuille de vigne sur laquelle j'avais déposé une vingtaine de larves d'Eumolpe nées de la veille. Presque immédiate- ment les larves se sont mises en marche ; un quart d'heure après, il n'en restait pas sur la feuille, la plupart s'étantenfouies, et, deux heures après, il n'en restait plus une sur le sol. Le même jour, j'ai pris des racines de vigne 1 Le Naturaliste, revue illustrée des Se. uat. Paris, 1" juillet 1387. LE GRIB0UR1 OU ÉCRIVAIN. 3*27 depuis un millim. jusqu'à 5 millim. de diamètre, j'ai mis ces racines el ci larves, ainsi que des œufs, dans uti vase avec, de la terre arrosée. J'ai mis de plus, sur la terre, des insectes parfaits au nombre de onze, qui ont pondu de nouveaux œufs à la surface de la terre ou peut-être dans l'intérieur, ce que je n'ai pu constater. Le 11 juillet, ayant versé le contenu du vase sur une grande feuille de papier, j'ai pris une des racines qui avait de 3 à -i millim. de diamètre, et j'ai vu de suite qu'elle avait été rongée sur plusieurs points. Il y avait sur ces points un sillon irrégulier, de 2 millim. environ de largeur sur 2 ou 3 centim. de longueur ; sur le trajet de ce sillon, l'écorce n'existait plus et la partie ligneuse était profondément entamée. »En suivant un de ces sillons, j'ai posé la pointe d'un petit scalpel sur l'écorce, immédiatement après le sillon, pour voir si ce dernier ne pénétrait pas sous l'écorce au delà de sa portée apparente, et presque aussitôt une larve d'Eumolpe est sortie de dessous l'écorce. J'ai trouvé encore dans la même racine trois autres larves cachées comme la première. Les unes et les autres avaient environ 3 millim. de loni'ueur.» L'expérieuce n'a, parait-il, pas été poussée plus loin par M. Vinas, mai? elle suffit pour établir la relation qu'il y a entre les larves issues des œufs de YAdoxus vltis et celles qui vivent dans les entailles des racines. M. de Vergnette, de son côté, en cultivant des vignes en pots sous une enveloppe de gaze et en y plaçant de nombreux Ecrivains, a retrouvé, à l'automne, des larves fortement développées et qui avaient tracé le long des racines de nombreux sillons, assez profonds pour qu'elles puissent s'\ cacher. Nous avons personnellement observé les larves1, à partir du mois d'oc- tobre, sur des souches où de nombreux gribouris avaient été observés. Elles étaient engagées dans les sillons creusés par elles. Mises en terre avec des racines dans un vase à fleurs enfoncé dans le sol et laissées tout l'hiver de 1877-78 à l'air libre, nous les avons retrouvées (in mars, les unes encore dans les racines, les autres ayant déjà formé leur coque en terre pour se changer en nymphe. Suivant le travail de M. Ilorvath-, celles qui ne se métamorphosent pas au printemps recommencent leur ravages et ne construisent leur coque que Un juillet, pour apparaître en août a l'état d'insecte parfait. La nature, prodigue des individus, mais soigneuse de la conservation des espèces, nous offre ainsi souvent chez les insectes des éclosions tardives, 1 Ann. de la Soc. des Agric. de France, 1878. 2 Ann. de la Soc. Imp. Roy. Zool. Ilot de Vienne, 18Î • 328 LE GRIBOUni OU ÉCRIVAIN. sorte de réserve dans le cas où quelque accident détruirait, avant la ponte, tous les individus éclos. De cette larve adulte (PI. III, Qg. 8), nous donnerons la description suivante: Corps rappelant par sa forme celui de la larve d'un hanneton, c'est-à-dire courbé comme celle-ci en forme de croissant. On peut encore, comme l'a fait M . Horvath, comparer sa forme à celle des larves de Cryptocephalus {xpunrôç caché, wy«Mj tête), genre voisin et dans lequel les auteurs du siècle dernier avaient compris notre insecte. La longueur est de 6 millim. et demi si la larve est recourbée, de 8 environ si l'on redresse le corps. Celui-ci est blanc, de consistance molle, excepté la tête, qui est d'un brun clair et plus chitineuse, muni de six pieds assez développés, composé de quatorze anneaux, y compris la tête et le segment anal, garni de cils espacés et jaunâtres, plus nombreux sur le dos que sous le ventre, surtout dans la partie thoracique. La tête, saillante, d'un brun clair, arrondie, porte au sommet un léger sillon médian qui la divise en deux lobes. Les yeux sont nuls, les antennes très courtes, coniques, composées de trois articles, le premier le plus long, le troisième terminé par deux petites pointes charnues. Mandibules épaisses et cornées, d'un brun clair à la base, d'un brun de poix sur les bords et à l'extrémité. Mâchoires grandes, aussi longues que les mandibules, aplaties, demi-transparentes, cornées seulement sur les bords. Palpes maxillaires de quatre articles ; palpes labiaux d'un seul article. Les pieds, relativement développés, 1 millim. et demi à 1 millim. trois quarts, transparents et pourtant assez consistants pour être propres à la marche, sont composés de quatre parties dont la dernière se termine par un ongle aigu d'un brun foncé. Nymphe. — Après avoir quitté les racines, à la fin de mars générale- ment, la larve se pratique dans le sol, comme nous l'avons dit, une loge ovale en terre, aux parois fortement tassées, dans laquelle s'opère sa mé- tamorphose en nymphe. A Montpellier, nous avons observé celle-ci fin avril. Le corps est blanc, composé de douze anneaux, muni sur chacun de ceux-ci d'une rangée transversale de cils raides assez longs et de quelques poils épars plus courts. Les cils raides sont beaucoup plus longs sur la tête et le prothorax ; ce dernier en a deux rangées parallèles. La tête est forte- ment inclinée sur la poitrine, les parties de la bouche très visibles; les an- tennes, recourbées en arrière, passent derrière les deux premières paires de pattes, qui sont, ainsi que la paire postérieure, plaquées contre le corps. Les é/ytres et les ailes, assezdéveloppées. sont ramenées sur l'abdomen et LE GIUB0UR1 OU ÉCRIVAIN. 329 passent entre les deux paires de pattes postérieures. L'abdomen est com- posé de huit segments, les quatre premiers également élargis, les quatre derniers progressivement atténués, le segment anal armé de deux forts ongles recourbés. Cette nymphe est surtout remarquable par les deux grands ongles recourbés du bout de l'abdomen et par ceux plus grand- encore, mais moins recourbés, dont l'extrémité des cuisses antérieures et postérieures est armée. Cette armature et les poils des segments servent a faciliter les mouvements. Placé par nous au milieu d'une table, l'insecte se déplaçait en s'accrochant avec ces appendices, au point d'arriver au bord assez promptement, et nous ne serions pas étonné que. dérangé dans sa loge souterraine par la pioche ou la charrue, il ne puisse parvenir à s'enterrer de nouveau à une certaine profondeur. Au bout d'une quinzaine de jours, la nymphe, qui de blanche est peu à peu devenue brune, en commençant par les yeux, les antennes elles pattes, se transforme en insecte parfait en rejetant la cuticule qui l'enveloppait . Pendant quelques jours encore, celui-ci séjourne dans sa coque terreuse, et enfin apparaît au jour, fin mai ou commencement de juin. III. — LUTTE CONTRE LTNSECTE. Malgré les ravages parfois très grands du gribouri, on n'a pas encore trouvé contre lui de remède absolument efficace. En Bourgogne, suivant M. André, on se sert d'un récipient en toile, en bois, en fer-blanc ou en vannerie, que l'on place sous la souche, et au-dessus duquel celle-ci est frappée au moyen d'un bâton. Étant données les habitudes de l'insecte, qui, au moindre bruit, au moindre mouvement de la souche, replie pattes et antennes et se laisse rouler sur le sol, nous préférons de beaucoup l'entonnoir évasé en fer-hlanc, échancré comme un plat à barhe (Bg. 61) et terminé par un sac, dont on se sert dans tout le midi de la France contre plusieurs espèces d'insecte, et que nous avons appelé l'entonnoir à altises. Cet instru- ment a environ 50 à GO centim. de diamètre; plus il est large, meilleur il est. En procédant au milieu du jour, les gribouris qui échappent sont nombreux ; mais en opérant le matin, avant que le soleil ait réchauffé les insectes, on arrive à faire de ceux-ci des récoltes très considérables. Nous avons vu souvent dans les vallées de l'Hérault, notamment dans les communes de Florensae, Montagnac et Pézenas, des vignerons rentrer Fig. 61. — Entonnoir à Altises. 330 LE GRIBOUM OU ÉCRIVAIN'. à la ville vers huit heures du matin avec des sacs qui renfermaient hien chacun plusieurs centaines de grammes de grihouris. Les sacs étaient, en arrivant, plongés pendant cinq minutes dans l'eau bouillante et les insectes donués aux volailles. Celles-ci mangent hien l'insecte ébouillanté ; mais elles le préfèrent vivant, et on a utilisé souvent leur concours pour le dé- truire dans les vignes. Les poules, les canards, surtout les dindons et les pintades, mangent énormément d'insectes et, en dehors de l'époque de la maturité du raisin, ne nuisent pas à la souche. Nous avons vu, en Lan- guedoc, des troupeaux de dindons promenés du matin au soir dans les vignes par un enfant ou une femme, et la récolte s'en hien trouver. On a même employé contre le grihouri le poulailler portatif ou roulant. M. An- dré conseille de se servir du modèle de grande dimension décrit par M. Gayot *, long de 6 met., large de 2, traîné dans le champ par un cheval, pouvant loger trois ou quatre cents volailles et comprenant un logement pour un gardien. Nous avons vu personnellement ce système employé avec succès contre les vers blancs du hanneton qui ravagent les cultures de betterave et de colza, dans le département de la Somme; les volailles apprennent vite à marcher derrière la charrue ; mais pour les exploitations viticoles, contre des insectes vivant en dehors du sol, nous préférons les petits appareils employés dans le Bordelais. Ce sont des poulaillers en forme de grande niche à chien, montés sur deux roues, pouvant se traîner à bras, être au besoin rentrés le soir et ne renfermant qu'un nombre limité de volailles, une dizaine par exemple. En plaçant l'appareil sur les points attaqués par le grihouri, et qui, nous l'avons dit, sont d'ordinaire circonscrits sous forme de taches d'huile phyl- loxêriques, on obtiendra, à peu de frais, un très bon résultat. Tels sont les moyens, à la portée de tous, employés dans les diverses contrées viticoles contre le grihouri à l'état parfait. On a songé aussi à lutter contre la larve souterraine. Là nous retrou- vons l'intervention de la science et les insecticides. Dès 1845, ie baron Thénard2 avait observé les lésions produites sur la racine par la larve et avait songé à l'atteindre au moyen d'un gaz insecticide. Après divers essais en grande culture exécutés avec plusieurs produits, dans une de ses propriétés, à Buxy, près Chalon-sur-Saône, le célèbre chimiste s'arrêta à l'emploi dans le sol des tourteaux de colza et de moutarde, aux premiers, de préférence, comme plus abondants. Ces tourteaux, préparés d'une façon 1 Gayol ; Guide pratique pour ïaménayemenl des liabitations des animaux, vol. III, pag. 287. Paris, Lacroix, 1880. 2 Comptes rendus de l'Acad. des Sciences. 6 novembre 1854, pag. 886. LE GRIBOUR] ni! ÉCRIVAIN. 331 spéciale, ont la propriété île dégager lentement dea vapeurs très insecti- cides d'essence de moutarde . Les expériences entreprises étaient probantes : les souclies laissées comme témoins mouraient, tandis que celles qui avaient reçu le traitement revenaient à la vie. La méthode fut appliquée avec succès par plusieurs grands propriétaires de la Bourgogne ; mais le mode spécial de prépara- tion des tourteaux sera toujours une difficulté pour quiconque u'est pas placé près des lieux de production, et, pour bien faire comprendre au lecteur quelle est cette difficulté, nous laisserons la parole à l'inventeur du procédé. « J'achetai, dit-il, des tourteaux du commerce ; mais, traités par l'eau, ils ne donnaient pas trace d'essence de moutarde. Je me rendis chez l'huilier : il chauffait la graine à plus de 150 degrés, et chacun sait qu'au- dessus de 80 degrés la meilleure farine de moutarde noire perd la propriété de donner de l'essence. Je préparai donc moi-même environ 100 kilogr. de tourteaux, et ceux-ci ne laissèrent rien à désirer. Je fis alors préparer 2,400 kilogr. de ces tourteaux, en ayant bien soin d'empêcher de chauffer la graine au-dessus de 80 degrés et d'employer le moins d'eau possible pour l'extraction de l'huile, ce qui, avec de bonnes presses, se fait sans perte. Ces 2.400 kilogr. furent employés à la dose de 1,200 kilogr. par hectare, appliqués tous les trois ans, soit 400 kilogr. par hectare et par an, et depuis cette époque mes vignes sont ainsi traitées. Le tourteau, préalablement réduit en poudre sous la meule, est employé du 15 février au 15 mars. Pour cela, chaque vigneron en emporte tous les matins dans sa hotte une provision d'environ 50 kilogr., quantité nécessaire pour 1/24 d'bectare, surface moyenne piochée par un vigneron. Arrivé à la vigne, il en sème uue petite quantité à la volée et pioche aussitôt la surface de terrain qui l'a reçue, et il continue ainsi jusqu'au bout de son travail. Il est essentiel que le tourteau soit semé par petite partie et pioché aussitôt, sans cela il pourrait perdre dans l'atmosphère la plus grande partie de l'essence de moutarde qu'il est capable de donner ; il n'agirait plus alors que comme engrais. « Le baron Thêuard estime les frais à environ 50 fr. par hectare et par an. Les tourteaux ayant à peu près doublé depuis 1854, on peut porter la dépense à 100 fr. par hectare, somme de laquelle il faut, il est vrai, déduire l'économie d'autres engrais, économie possible par suite de l'emploi du tourteau. Quoi qu'il en soit, le procédé n'est sûrement applicable que sur les lieux de fabrication de l'huile de colza et étant donné un fabricant qui se conforme rigoureusement aux prescriptions toutes scientifiques tracées par Théuard. Dans les vignobles du midi de la France, par exemple, ces 332 LE GRIBOURI OU ÉCRIVAIN. conditions sont impossibles à rencontrer, et nous conseillerons d'employer un autre insecticide souterrain, qui celui-là a fait ses preuves, partout où on l'a employé dans des terres pas trop compactes : le sulfure de carbone. Cet insecticide par excellence a réussi souvent contre le Phylloxéra, tou- jours contre la larve du banneton et contre celle du Vespérus, qui cause tant de dégâts aux vignes de l'Espagne et des Pyrénées-Orientales ; il ne peut manquer d'être efficace contre la larve du Gribouri. A défaut de la ebarrue sulfureuse, le pal injecteur est, à l'beure qu'il est, entré dans l'outillage de toute exploitation viticole de quelque importance. Comme dernier mot concernant la lutte contre VÉcrivain, nous dirons que les racines des cépages du Nouveau-Monde semblent ne pas souffrir des attaques de cet insecte. Depuis que les vignobles de l'Hérault sont en majeure partie reconstitués sur pieds américains, cet ennemi semble avoir disparu de notre département, tout au moins comme lléau. Nous conti- nuons à le trouver à l'état parfait sur les vignes reconstituées et môme sur les feuilles des cépages des États-Unis cultivés francs de pied, tels que le Jacqucz, mais plus rarement. En tout cas, les attaques de sa larve ne semblent pas faire souffrir les ceps. Les racines des cépages d'outre-mer reconstitueraient-elles leurs tissus entaillés par la larve de Gribouri, comme elles le font d'ordinaire après la désagrégation causée par la piqûre du Phylloxéra! C'est probable. Le fait est que VAdoxus vitis existe aux Etats-Unis ; le genre Adoxus a même été créé en 1837 par l'auteur anglais Kirby1, sur des exemplaires de cette espèce faisant partie des collections recueillies par l'expédition de sir Jobn Franklin. Or VA. vitis n'est signalé nulle parten Amérique comme nuisible aux vignes cultivées; il est remplacé par une espèce voisine, le Colaspis flavida Say, qui, à l'état de larve, ronge, comme notre espèce, les racines de la vigne. Les plants américains paraissent donc bien positivement avoir ce nouvel avantage de nous débarrasser d'un de nos ennemis les plus sérieux. C'est beureux pour nous, beureux pour eux aussi! Par ces temps de Mildew, de Black Rot, etc., ils ont tant à se faire pardonner! 1 Kirby ; Fauna borealis Americana, 1837, tom. IV, pag. 209. LE r.I.VTHRK TAXICOKNK. 333 LE GLYTHRE TAXICORNE (Clythra taxicornis Fabricius '.) Les Clythrasoni des Chrysomélidesde forme généralement allongée, au corps cylindrique, de largeur uniforme, aux élytres parallèles, à la tète engagée dans le tborax, aux fortes mandibules, aux pieds antérieurs très développés chez les mâles, qui vivent à l'état de larves dans les fourmi- lières et qui, à l'état parfait, broutent les feuilles de plusieurs végétaux, entres autres celles de la vigne. Les œufs sont déposés sur les plantes, généralement en bouquets, les uns adhérents à la tige ou à la feuille par un des bouts, d'autres portés par un long pédoncule , chez les espèces du sous-genre Coptocephala par exemple. Les larves, au corps très allongé et cylindrique, recourbé en demi-cercle postérieurement, vivent dans des fourreaux portatifs formés de leurs excré- ments2, convertis par la dessiccation en une substance noirâtre et peu solide. Elles sont parasites des fourmis, vivant sans doute de leurs provisions et se trouvant, soit dans les galeries de la fourmilière [Clythra proprement dites), soit sous les pierres, dans le voisinage (Labidoslomis). La nymphose s'opère dans les mêmes lieux, a l'intérieur du fourreau complètement fermé à cet effet, et il est fréquent, quand on ouvre une four- milière à la fin d'avril, de trouver l'insecte parfait ainsi enfermé dans sa coque, qui ressemble à une graine brune et allongée ou à quelque débris de bois. Plusieurs espèces sont chaque année signalées sur la vigne5, mais 1 Bibliographie. — Fabricius ; Systema Entomologie, 1775. — Laichar- ting ; Verzeichniss und Beschreibung der Tyroler Insecten, 1781.— Fabricius ; Systema Eleulheratorum, 1801.— Léon Dufour ; Larve cl coque de la Clyira pubescens (Aon. gén. des Sciences phys. Bruxelles, lom. VI, 1820k — Lacor- daire ; Monogr. des Coléoptères Phytophages, loin. Il, 1848. — E. Lefèvre ; Monographie des Clytrides d'Europe (Ann. Soc. eut do France, 1872 . 2 Nous avons vu déjà les déjections utilisées comme apparu! de protection par les chrysomélides, tels que V Attise de la vigne, qui en garnit l'extrémité do ses œufs, et les Crioccres, qui s'en recouvrent entièrement à l'état de lai 3 On trouve encore fréquemment sur les bourgeons de la vigne, dans le midi 334 LE CLTTHRE TAXICORNE. la C. taxicornis plus spécialement, et c'est à ce titre que nous l'avons choisie comme type de Clythre smpélophage. On reconnaîtra la Clythra (Labidostomis) taxicornis aux caractères sui- vants : Longueur, 8 à 12 millim., largeur 3 millim. environ. Corps cylindrique, de couleur vert bleuâtre brillant, sauf les élytres qui sont d'un jaune tcstacé. Lemdle, généralement plus grand que la femelle, ce qui se retrouve du reste cbez toutes les Clythra, est remarquable par sa grosse tête carrée et rugueuse, son front large, profondément creusé, ses mandibules longues, très saillantes, ses antennes aux derniers articles aplatis en forme de dents de scie, son prothorax plus large que les élytres et aux bords dentelés, ses pieds antérieurs très développés et ses tibias arqués. La femelle, plus petite, a la tète triangulaire, le front moins creusé, les mandibules, les antennes et les pieds antérieurs plus courts et les tibias droits. Celte Clythra, qui vit spécialement sur les cbènes, surtout lecbône vert, dont elle broute les chatons fleuris et les pousses tendres, est, certaines années, fortement nuisible à d'autres espèces botaniques telles queles Rumcx et surtout la vigne. C'est par nuées que nous l'avons vue parfois, aux envi- rons de Montpellier et en Algérie, s'abattre sur les pampres, qu'elle entaille de ses grandes mandibules; mais ses ravages ne durent pas. Son activité est en raison directe de la chaleur solaire. Au bout d'une quinzaine de jours, l'accouplement et la ponte opérés, ces insectes, qui ont apparu presque tous à la fois, disparaissent aussi très brusquement. Comme nous l'avons dit à propos de VAulacophora abdominalis, les dégâts coïncident souvent avec ceux de cette espèce et ceux du Malacosoma lusitanicum. Ces trois insectes nous sont d'ordinaire envoyés ensemble par les viticulteurs algériens, et l'on doit lutter contre eux par le môme procédé, celui du ramassage à la main. de la France, la Clythra {Labidostomis) lucida, et nous avons reçu souvent comme ampélophage, de divers points de l'Espagne et d'Algérie, la Clythra (Coptocephala) chalybxa. La première ressemble en plus petit à la G. taxicornis : longueur G à 9 millim. seulement, tête et thorax d'un vert métallique brillant, élytres d'un jaune très pâle, parfois presque blanc. La seconde est une petite espèce (3 à 4 millim.), unicolore, d'un vert bronzé parfois bleuâtre. Nous nous contentons de citer ces deux insectes en note, les considérant comme causant des dommages peu importants. CHAPITRE XVIII. FAMILLE DES LONGICORNES. Les Longicomes ou Capricornes, comme on les noir me vulgairement, sont des Coléoptères à quatre articles aux tarses (tétramères), généralement de grande taille, aux formes élégantes, aux longues antennes composées de onze articles dépassant souvent la longueur du corps et dont les premiers états se développent d'ordinaire dans le bois. Les larves sont blanches, molles, longues, cylindriques; leur tète est petite, leur prothorax développé. leur corps va se rétrécissant un peu d'avant en arrière, et, à peu d'excep- tions près, elles pratiquent des galeries dans les tissus des arbres aux dépens desquels elles vivent. Chacune de nos essences forestières, ou à peu près, est attaquée par une ou plusieurs espèces de Longicomes, espèces souvent spéciales à chaque essence. La vigne ne fait pas exception. Quatre Longicomes peuvent être rangés dans la liste de ses ennemis, mais un seul lui est particulier, et. comme nous l'avons \u maintes fois déjà, l'espèce spéciale n'est pas la plus dangereuse. Ces quatre Longicomes sont les suivants : Vesperus Xalarti, Clgtus Verbasci, Callidium unifasciatum* et Cerambyx miles. Le Callidium uni fasciatum est l'espèce spéciale à la vigne. 1 D'autres Callidium attaquent accidentellement la vigne, mais trop rarement pour que nous les rangions dans les ampélophages. Mulsant et Perris citent en effet comme trouvé dans la vigne le Callidium clavipes Fabricius, grosse espèce de 15 à 20 millim. de long, entièrement d'un noir de suie et qui vit dans le bois mort de plusieurs arbres. Nous avons trouvé également aux environs de Mont- pellier, dans un vieux cep de vigne sauvage, à moitié mort, le Callidium femu ratum Linné, autre espèce couleur de suie, mais plus petite que la précédente, 8 à 11 millim. de long, aveu les cuisses ferrugineuses. 33G LE VESPERE DE XATART. LE VESPÈRE DE XATART \ (Vesperus Xatarti Mulsant.) Ce Longicorne polyphage, aux mœurs et aux formes étranges, est la seule espèce du groupe qui puisse être considérée comme très nuisible à la vigne. Nous avons vu que, sous leurs premiers états, la plupart des insectes qui composent celte famille des Longicornes vivent aux dépens des végétaux, se nourrissant de leur bois ou de leur écorce. Chez les Vesperus, il n'en n'est pas ainsi. La larve vit dans le sol à la façon du ver blanc ou larve du hanneton, et, comme cette dernière, se nourrit de racines. Elle détruit parfois celles de la vigne sur de très grandes surfaces, et à ce titre nous avons à parler avec détail de cet insecte. Le genre créé par Latreille [Règne animal de Cuvier, 1829) se compose d'espèces habitant les parties chaudes de l'Europe et le nord de l'Afrique. Trois ont été signalées en France et sept ou huit dans les diverses contrées que haigne la Méditerranée. Heureusement pour la plus grande partie des vignobles français, notre Vesperus appartient à la faune espagnole ; mais il a déjà envahi une honne partie du département des Pyrénées- Orientales et vient d'être signalé dans l'Aude. Les Longicornes qui nous occupent, classés par les entomologistes dans la sous-famille ou tribu des Lepturides, s'éloignent heaucoup de leurs congénères. Ceux-ci sont des insectes aux couleurs vives, aux mœurs diurnes, et qui fréquentent les fleurs à l'état parfait, après avoir vécu dans le bois sous leur forme larvaire. Les Vesperus sont au contraire nocturnes ou crépusculaires et revêtus de teintes grises tirant sur le brun ou le livide. Ils se font surtout remarquer par les différences de formes qui existent entre le mâle et la femelle. Ils ne vont jamais hutiner sur les fleurs. * Bibliographie. — Latreille; Règne animal de Cuvier, 1829, tom. IV, pag. 129. — Mulsant; Description du Vesperus Xatarti femelle (Longicornes, lre édiUon, 1839. — Jacquelin Duval ; Description du V. Xatarti mâle (Aon. Soc. ent. de Fr., 1850). — Valéry Mayet et J. Lichtenstein ; Métamor- phoses du Vesperus Xatarti, avec planches (Ann. Soc. ent. de Fr., 1873 et 1875). Perris ; Larves de Coléoptères. Paris, Deyrolle, 1877. — Oliver; Mœurs du Vesperus Xatarti et moyens de le détruire (Ann. Soc. des Agr. de France, 1879). LE VESPÊKE DE JCATART. HISTORIQUE. Le genre Vesperus a été créé par Latreille (1829J pour unLongicorm de Provence [V. slrepens) découvert par Olivier et décrit par Fabricius au siècle dernier, sous le nom de Stenooherus strepens. Trouvée pour la pre- mière fois par Léon Dufour, en 1813, dans les montagnes de Moxentc, près Valence (Espagne), la femelle de l'espèce qui nous occupe a été décrite par Mulsant en 1839' et dédiée à un M. Xatart, de Pratz de Mollo [Py renées- Orientales), qui en avait recueilli dans celle localité un second individu femelle. En 1850, Jacquelin Duval décrivait le mâle dans les Annales de la Société enlomologique de France. L'auteur du Gênera des Coléoptères d'Europe avait pris cet exemplaire à Prades (Pyrénées- Orientales) . L'espèce était donc bien positivement française. Depuis lors, on n'entendit presque plus parler de ce Longicorne. De loin en loin, on en capturait un individu; très peu de collections le pos- sédaient, les marchands le vendaient au poids de l'or, et il était classé dans ce que les collectionneurs appellent les insectes rares, dont on ne pro- nonce le nom qu'avec un certain respect. Pour le naturaliste, qui en fait de rareté ne connaît guère que les espèces dont l'homme est en train d'opérer la destruction, ou celles dont on ignore la localité précise et l'époque d'apparition, le Vesperus ne pouvait être rare. L'insecte échappait toujours aux recherches, par la bonne raison qu'on Jes effectuait eu été et qu'il apparaît en hiver. Nos observations sur les mœurs et les métamorphoses de celte espèce, publiées de 1871 à 1875 2 en collaboration avec Lichtenstein, tout en faisant connaître son histoire, ont montré que l'insecte réputé rare est abon I au point d'être un fléau pour la vigne. De la larve, de forme si particulière, connue de temps immémorial des vignerons de l' Aragon sous le nom de Vildas et de ceux du Roussillon sous ceux de Boulou ou de Mengc-Mallols (mange-plantiers), nous avons obtenu le Vesperus à L'état parfait, ainsi que sa ponte et l'éclosion de celle-ci au printemps suivant. En 1879 enfin, un Mémoire présenté à la Société des Agriculteurs de France par notre ami M. Paul Oliver, de Gollioure, confirmait nos observations, précisait l'époque et la durée de l'apparition, ainsi que les lieux de ponte habituels de l'insecte, et indiquait les moyens de ledétruire. C'est de ces divers Mémoires que sont tirés les détails biologiques qui suivent, et celui de M. Oliver, si plein d'observations exactes, Beracité bien souvent. 22 338 LE VESPÈRE DE XATAHÎ. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Les deux sexes du Vesperus Xatarti, comme chez toutes les espèces du genre, sont fort différents l'un de l'autre. Le mâle est un longicorne normalement conformé (6g. 62). Ses antenv es dépassent la longueur du corps et ses élytres planes, recouvrant entièrement l'abdomen, abritent des ailes inférieures organisées pour le vol. Chez la femelle, les antennes déliassent à peine la moitié de la longueur du corps; les ailes inférieures sont nulles ou avortées, toujours impropres au vol, et les élytres déhiscentes, plus „. „n -T courtes que l'abdomen, généralement gonflé d'œufs, Fig. G'2. — Vesperus M ° Xatarti mâle, graa- font ressembler l'insecte aux coléoptères de la famille deur naturelle. deg Vésicanls appelés Meloés. Le corps, long de 18 à 22 millim. chez le mâle, de 20 à 30 millim. chez la femelle, est d'un gris tirant tantôt sur le brun, tantôt sur le livide clair, toujours plus foncé sur la tête et le prothorax, ceux-ci densement recou- verts de poils livides. Les téguments sont toujours plus ou moins mous. La description peut se compléter ainsi: Chez le mâle, tête longue et aplatie, plongée en arrière des yeux et se rétrécissant progressivement en une sorte de col étroit; prothorax long, étroit en avant, s'élargissant peu à peu en arrière, ayant toutefois le milieu un peu renflé, sans épine ni tubercule sur le côté, luisant au milieu de la ligne médiane; élytres paral- lèles, planes, recouvrant entièrement l'abdomen et offrant d'ordinaire quelques traces de nervures. Chez la femelle (fig. 63), tête prolongée en arrière des yeux, comme chez le mâle, mais se rétrécissant plus brusquement en forme de col étroit, celui-ci plus court; prothorax pi us globuleux, également inerme et luisant sur ls milieu de la ligne médiane; élytres déhiscentes, courtes, prolongées seulement jusqu'à l'extrémité du troisième segment abdominal; ailes inférieures nulles ou très rudimentaires; abdomen brun, très renflé avant la ponte, très réduit; celle-ci opérée, terminé par un oviscapte membraneux assez long. « Bien qu'arrivé à l'état parfait dès le mois d'octo- bre, le Vesperus Xatarti, dit M. Oliver, reste dans sa coque jusqu'à fia Fig. G3. — Vesperus Xatarti femelle, grandeur naturelle. LE vespêue de \.vr.\itT. :;:;.) décembre. Ce n'est qu'à celte époque que l'on commence à trouver quelques mâles hors de terre, appliqués sous les bras de la vigne ou sous les pierres, toujours à l'abri de la lumière. Les femelles n'apparaissent que plus tard, dans les premiers jours de janvier. »A l'époque de la sortie de terre, on aperçoit souvent, près du tronc des souches, de nombreux trous de sortie, et, si l'on fouille la terre, la galerie qui les suit vous conduit à une coque de Vcspcrus nouvellement percée. «L'apparition desdits trous fixe d'une manière certaine sur la sortie do l'insecte. «L'accouplement a lieu dans le courant de janvier, et, à Collioure du moins, il est rare de récolter des Vcspcrus après la première semaine de lévrier. Un mâle peut féconder plusieurs femelles, du moins en captivité. L'accouplement dure deux ou trois beures, quelquefois plus. La femelle, d'une fécondité extraordinaire, puisque j'ai compté des pontes de 200 à 500 œufs, dépose ceux-ci sous les exfoliations des souebes, dans les fentes des pierres, sous les écorces des arbres, etc.» Les œufs sont blancs, très allongés, ayant 3 millim. de long sur à peine 1 de large, assez souvent serrés les uns coutre les autres eu larges plaques adhérentes à l'écorce (fig. 64). Fig.Ç)\. — Fragment d'écorce avec œufs de Vesperus eu dessous, grandeur naturelle. Fig. G5. — Larve de Vesperus veuant d'éclore, fortement grossie. La petite larve qui en sort du 15 au 30 avril (fig. 65) a, à peu près, les mômes dimensions. Elle diffère notablement de la larve adulte en ce qu'elle est aussi allongée que cette dernière est courte ; les segments, dans leur partie latérale, sont garnis de poils très longs groupés par trois, formant pinceau de chaque côté du segment et portés sur un léger mamelon. Ces poils sont aussi longs que la largeur du corps. La tète est munie de six ocelles disposés par trois, en triangle à la basedeebaque antenne. Celles- 340 LE VESPÈRE DE XATA.RT . ci sontcomposées de cinq articles, dont les deux derniers accouplés, plantés côte à côte dans le troisième. Munie de pieds relativement longs, notre petite larve est agile. Aussitôt éclose (détail observé par M. Oliver, mais qui nous a échappé), elle commence par manger la coque de l'œuf avant de s'enfoncer dans le sol. Volontiers elle se laisse choir et ses longs poils semblent destinés à amortir sa chute. Celle-ci opérée, elle pénètre dans les fissures du sol, où elle ne tarde pas sans doute à subir une mue qui fera d'elle une larve rhizophage de forme étrange. Celte larve (fig. G6) est aveugle, courte, couverte de poils courts, très différente, en un mot, de la forme aérienne, allongée et munie de grands poils, que nous venons de décrire. Elle répond à la description suivante, faite sur un individu adulte : Corps blanc, épais, chargé de poils courts et blonds, en forme de cube allongé, légèrement plus large à la partie postérieure, à quatre côtés dis- tincts, nullement arrondi, si ce n'est dans les parties thoraeique et cépha- lique ; longd'environ 25 millira. et large de 1? ; composé de 12 segments, non compris la tète et les lèvres anales; creusé dans ses côtés par un double sillon longitudinal dans lequel les segments produisent un mamelon trian- gulaire. Tête blanche, couverte de poils blonds ; front rugueux et comme cha- griné, marqué d'un léger sillon médian ; labre large et court, à angles très arrondis, fortement cilié dans sa partie antérieure; pslpes maxillaires de trois articles, palpes labiaux de deux seulement; mâchoires aplaties, en forme de hache, garnies d'une vingtaine de cils courts qui doivent aider à la mastication ; mandibules blanches à la base, brunes à l'extrémité, fortes, peu arquées, une fois plus longues que larges, dépassant légèrement le labre, à extrémité échancrée, fortement évidée en dedans, ce qui les rend très tranchantes ; antennes de 4 articles atteignant les deux tiers de la longueur des mandibules. Thorax très développé dans sa partie prothoracique, celle-ci distincte par ses dimensions de tous les autres segments, à bords latéraux arrondis; segments méso et métathoraciques très courts, en forme de carène dans leur partie dorsale, marqués en dessus dans leur milieu, ainsi que le pre- mier segment abdomiual, d'un double sillon en forme de V très court ; pieds assez développés pour une larve de longicorne, mais relativement moins que ceux de la forme aérienne, composés de quatre parties distinctes: trochanter, cuisse, tibia et tarse, ce dernier réduit a un ongle corné. Abdomen composé de 9 segments, les 6 premiers aplatis sur le dos en forme de plaque; anus transversal; la lèvre supérieure sinueuse est termi- LE VESPÊRE DE XA.TART. 341 née par une pointe Réadaptant sur l'inférieure, celle-ci en forme de Y très ouvert. Stigmates en forme d'ellipse, au nombre de 0 paires placées de côté dans les replis supérieurs des mamelons latéraux, la première vers L'angle pos- térieur du prothorax, les huit autres sur les liuit premiers segments abdo- minaux. Cette larve subit plusieurs mues sous terre et passe trois ans, croyons- nous, avant de se transformer en nymphe. Ce qu'il y a de certain, c'est que nous avons toujours trouvé en juin trois types de larve bien distincts par la taille : les petites, nées au printemps sans doute, les moyennes accomplinsanllcur deuxième année et les grandes leur troisième année. Ce sont ces dernières qui nous ont donné les insectes c •. , -vr i -i Fig. 66. — Larve de parfaits en automne. Nous les avons élevées au moyen Yespems, grandeur d'avoine semée sur la terre du bocal où nous les naturelle. tenions enfermées. Comme nous le verrons plus loin, la larve du Vesperus est en effet à peu près indifférente sur le choixde laracine dont ellesenourrit, et c'est, croyons-nous, l'état physique du sol toujours biné, permettant aux jeunes larves de s'enterrer facilement et joint à la présence d'écorces soulevées facilitant les pontes, qui multiplie l'insecte dans les vignes. « Dans la vie de la larve, dit M. Oliver, il y a tous les ans deux pé- riodes d'activité, du 15 mars au 15 mai environ, et du 15 septembre à On octobre. C'est surtout à son réveil après l'hiver que la larve mange avec le plus de voracité; c'est aussi à ce moment que les dégâts occasionnés sont les plus apparents. La larve ne se nourrit donc ni pendant les fortes chaleurs, ni à l'époque des froids. »Quand elle prend son repos, on la trouve assez profondément dans le sol, mais sans abri particulier. On la rencontre aussi quelquefois en hiver, immobile, presque à fleur de terre, mais dans les crevasses des vieille- souches ou sous l'angle formé par le pivot et une racine. »La troisième année écoulée, la larve a pris un grand développement ; aussi va-t-elle se transformer bientôt en nymphe. Après la période d'ac- tivité printaniôre, elle forme une coque de terre assez profondément pour que les travaux de binage ne puissent l'atteindre. Là, elle passe à l'état de nymphe au moment des fortes chaleurs, en juillet ou en août. C'est ce qui explique le petit nombre de nymphes que j'ai pu récolter. » De 1874 à 1878, je n'ai pu eu recueillir que trois (la première remise àM.Mayet, la seconde à M. Pellet, de Perpignan, l'autre à M. Plan- chon), tandis que j'ai acheté à mes vignerons plus de 8,000 insectes par- faits. » 3Î2 LE VESPÈP.E DE XATAIiT. La nymphe (fig 67), dont nous n'avons pu donner la description qu'en 1875, sur l'exemplaire envoyé par M. Oliver, rappelle les formes de l'insecte parfait. Le corps est blanc, glabre ; la tête est inclinée sur le prothorax au point d'être parfois dépassée par celui-ci, qui est convexe ; les antennes et les élytres passent sur la partie ventrale entre les pieds intermédiaires et postérieurs, h' abdo- men, composé de 8 segments très saillants dans leur Fig. 07. _ Nymphe Parlie dorsale, porte sur chacun des 5 premiers une de Vesperus femelle, large rangée transversale de soies fauves, courtes, raides grandeur naturelle. ,. . . •> T * i . , „,• • et dirigées en arrière. Le segment anal est termine par deux pointes coniques, cbitineuses, rembrunies à l'extrémité et incurvées en dedans. La métamorphose en insecte parfait a lieu à la fin de l'été. D'après M. Oliver, c'est vers le 20 septembre que, sur le littoral des Pyrénées orientales du moins, les premiers individus éclos se trouvent dans le sol. En octobre et surtout novembre, le nombre de ceux qui sont mis à jour par les binages est de plus en plus grand ; mais ce n'est que fin décembre, comme nous l'avons nous-mêrce constaté avec M. Oliver, que les premiers mâles se voient normalement hors de terre. Il en est ainsi dans ce que nous appellerons la région moyenne de l'espèce; mais si l'on descend plus au Sud, l'époque d'apparition est devancée; elle devient automnale. Si l'on s'élève au contraire dans la région montagneuse des Pyrénées orientales, l'insecte ne paraît qu'au printemps. Piochard de la Brûlerie a en effet capturé en septembre, à Medina-Celi (Vieille-Oastille) , un mâle et trois femelles cachées sous une pierre1. Lichtenstein, de son côté, a trouvé à Carignena (Aragon) le 25 décembre2, dans un tronc d'olivier, deux femelles évidemment sorties de terre depuis quelque temps, puisqu'elles ont pondu des œufs fécondés. Par contre, le capitaine Xambeu (de Ria) a observé que dans la région semi-montagneuse des Pyrénées orientales (Prades, Ria, Vernet-les-Bains), l'apparition se faisait de la fin de janvier au 15 mars3. Nous avons pour notre part trouvé des larves sous de grosses pierres enfoncées, au pic des Trois Termes (Albères), à 1,200 met. d'altitude, et Pellet, de Perpignan, cité par Perris4, parle également de larves rencontrées à La Preste-les-Bains 1 Piochard de la Brûlerie ; Bull. Soc. ent. de France, 1875, pag. 32. 2 Lichlenstein ; Bull. Soc. ent. de France, 1875, pag. 31. 3 Xambeu ; Bull. Soc. ent. de France, 1875, pag. 31. * Perris ; Larves de Coléoptères. Paris, Deyrolle, 1877. LE VESPERE DE XATART. 343 (1,100 met.) et à Montlouis (1,600 raèt.). A ces altitudes, la neige cou- vrant le sol une bonne partie de l'iiiver, l'espèce est nécessairement printanière. L'insecte parait ne pas manger. Le jour, il reste sous les liras de la vigne, dans les troncs caverneux des oliviers, ou sous les pierres ; en un mot, à l'abri de la lumière. « Au crépuscule, dit M. Oliver, les femelles montent sur les souches ou de préférence sur les arbres, s'il y en a dans le voisinage, tandis que les mâles dirigent leur vol vers le même point. Si la nuit est calme, on trouve des insectes accouplés presque au sommet des brandies ; si le vent souffle, ils se tiennent assez rapprochés du tronc. J'ai vu des femelles venir d'assez loin à la recherche d'un arbre planté dans la vigne. «Cette habitude de l'insecte explique poupquoi nous trouvons beaucoup plus de larves de Vesperus sur les souches plantées aux alentours des oliviers, figuiers, sorbiers, amandiers, etc. » Le mâle vole vers la Iumiè"e; aussi o'est-il pas rare d'en prendre attirés par l'éclat des lampes dans les cafés et buvettes champêtres. Les hommes d'équipe de la gare m'en apportent fréquemment. «Dans le mois de janvier, pendant les nuits obscures et calmes, les enfants, auxquels je paye l'insecte 10 cent, pièce, lui font une chasse en règle. On les voit, armés d'une ou de plusieurs bougies, se promener sous les ormeaux des glacis militaires. De temps en temps ils posent à terre la lumière; le Vesperus voltige autour, et il est vite captif.» III. — DÉGÂTS. Les larves de Vesperus, avons- nous dit, sont polyphages. Dans les ré- gions montagneuses, où nous les avons signalées entre 11 et 1 ,600 met., elles vivent, soit des racines des graminées dans les pâturages, soit de celles des arbres, telles que les hêtres et les frênes. M. Oliver les a trou- vées s'attaquant aux racines d'ormes, et M. Naudin, de l'Institut, lors de son séjour à Collioure, nous a dit avoir remarqué que dans son jardin ces larves voraces allaient de préférence aux racines des melons et autres Cucurbitacées. Mais c'est principalement dans les vignes que les dégâts sont appréciables. « Les attaques des larves de Vesperus, dit M. Oliver, sont surtout à craindre pour les jeunes plantiers; de là, le nom de Menge-Mallols qui leur a été donné. Elles sont également à craindre pour les provins et même pour les vieilles souches . «A la première année de plantation, on trouve fréquemment le sar- 344 LE VESPÈRE DE XATA11T . ment coupé en deux, et, si celui-ci a pris racine, la première ou la seconde année on voit, dans le mois de juin surtout, la végétation faiblir et, quelque temps après, le sujet mourir. En arrachant la jeune plante, on observe une incision annulaire entre le point d'émission des premières racines et le collet de la souche. »A la troisième année, on n'observe plus d'incision annulaire complète et le pivot est trop épais pour pouvoir être sectionné. La vigne résiste momentanément aux blessures faites par les larves, qui cependant finiront par avoir raison de la souche. La plupart des ceps, sur les coteaux de Collioure, Port-Vendres et Banyuls, arrivés à lage de 20 et 30 ans, n'ont plus de pivots ; aussi peut-on facilement les ébranler. Ils ne tiennent au sol qu'à l'aide des racines latérales, qui ont pris naissance à proximité du collet, lesquelles, attaquées à leur tour et à plusieurs reprises, ne peuvent plus fournir d'aliment et entraînent avec leur perte la mort de la plante. »I1 n'est pas un coin du territoire des trois communes ci-dessus où l'on ne trouve le Vesperus; toutefois il est des parties où il est tellement abondant qu'il défie tout viticulteur de pouvoir y faire venir la vigne. «Les vignerons de Collioure et de Port-Vendres appellent la larve du Vesperas le Menge-Mollols, ceux de Banyuls le Bouton. Dans cette der- nière commune, l'abondance de cette larve en certain parage a donné le nom à une partie du territoire, qu'on nomme le Boutou . »Je ne prétends pas comparer les ravages de notre insecte à ceux du Phylloxéra; mais ce que je puis dire sans crainte d'être démenti, c'est que, si nous voulons remplacer tous les vides faits chaque année par cette larve, nos vignerons doivent provigner pendant un mois et demi au moins. Heureux encore quand , ayant recouché une souche, nous pouvons voir, l'année d'après, le manquant remplacé, car il n'est pas rare d'observer, en juin ou juillet, des provins portant plusieurs gros raisins s'étioler et mourir. Si on les déchausse, on trouve souvent encore les larves acharnées après leur victime. »De tous les renseignements recueillis, je juge que les larves du Vesperus détruisent annuellement, dans les trois communes précitées, de 50 à 60 hec- tares de vignes. »Si, comme il a été dit plus haut, la larve du Vesperus esi polyphage, il n'en n'est pas moins vrai que la vigne parait lui convenir de préférence. En effet, dès qu'un propriétaire reconnaît que les ravages de l'insecte sont trop considérables en un point de sa vigne, il arrache les souches et la laisse inculte. Huit à dix ans après, il défriche, et si, à ce moment, il ren- contre encore quelques larves, elles sont rares. Par contre, on aura une idée de leur abondance sur certains points plantés, par le fait suivant : En avril J878. M. Planchon, venu à Collioure. m'ayant témoigné le désir LE VESPÈKE DE XATART. i l d'en recueillir un certain nombre, je le conduisis dans une de mes vignes dite le Douy. Ayant cru reconnaître à l'aspect extérieur d'une souche le attaques des larves du Vesperus, je la lis déchausser, et nous en recueillî- mes dix-sept ; la souche voisine nous en fournit cinq . » Les détails si précis que nous venons de citer suffisent pour montrer l'excessive abondance d'un insecte autrefois réputé rare, ainsi que l'impor- tance de ses ravages. IV. — MOYENS DE DESTRUCTION. Concernant les meilleurs procédés à employer contre le Vesperus, nous ne pouvons mieux faire que de citer encore M. Oliver. «Convaincu, dit-il, que je pourrais avoir raison des larves par la destruc- tion des insectes parfaits, j'achetai en novembre 1876 une vigne située au territoire de Coume-Chéric, vigne réputée dans la commune comme un foyer de Vesperus; et nous allons voir qu'elle jouissait d'une réputation non usurpée. Cette vigne étant inculte depuis deux ans, je la fis défoncer un peu profondément. L'opération commença Je 17 novembre et dura jusqu'au 15 décembre. Pendant ce temps, quatorze de mes travailleurs recueillirent 820 Vesperus à l'état parfait, qui, payés à 10 cent, pièce, représentaient 82 fr., première mise de fonds d'un repas que mes vignerons firent le jour de Noël. »De 1875 à 1878, j'ai acheté ainsi plus de 8,000 insectes parfaits. Dans les journées des 4 et 5 janvier 1878, j'en ai acheté 618, la grande partie prise à la chasse au flambeau par huit de mes travailleurs, de 6 heures à 7 heures et demie du soir. La seule soirée du 5 janvier leur en avait procuré 411. »En ce qui concerne les larves, afin d'arriver, sinon à leur destruction, du moins à leur éloignement des provinsses vignerons mettent, soit de l'algue marine, soit de la suie autour du sarment couché. »En 1876, j'ai voulu me rendre compte de l'efficacité de la suie. Je fi~ déchausser 2,003 souches et je plaçai sur les racines de chacune un kilogr. de suie. L'année d'après, j'ai trouvé à plusieurs reprises des larves colorées en noir par le contact de la suie et ne paraissant nullement incommodées par cette substance. »Les Mange-Mallols, avons-nous dit, sortent de leur hibernation après le 15 mars. Si la terre est humide, ils montent jusqu'à la surface. I le moment que j'ai toujours choisi pour bêcher les parties de yignes les plus attaquées. La couleur blanche ^ larves tranchant sur celle de la terre, le travailleur les aperçoit facilement et eu tue des quantités. 346 LE VESPÈRE DE XATART. »I1 est d'autres propriétaires qui sèment en hiver, près des souches, des légumineuses, pois, fèves, haricots, etc. Les larves de Vesperus, qui parais- sent friandes d'une telle nourriture, s'attaquent aux racines des dites plantes, attaque que l'on reconnaît à l'étiolement des feuilles. Si l'on arrache alors vivement les légumineuses, on entraîne hors de terre les larves, qui restent fréquemment accrochées aux racines. Ce procédé très simple donne d'excellents résultats. »Outre la suie, j'ai employé contre notre ennemi plusieurs insecticides tels que sulfure de potassium, pyrite de fer, coaltar, etc. Ce dernier tuait les larves, mais tuait aussi les provins. Le sulfure de carbone seul paraissait inoffensif à la plante et efficace contre l'insecte. Les résultats constatés contre le Phylloxéra me paraissaient du reste assez encourageants, et je me suis décidé à entrer résolument dans cette voie après la tournée de la Com- mission internationale de Viticulture. »Aquel moment convenait il d'employer l'insecticide ? Fallait-il traiter les vignes pendant l'hibernation de la larve, c'est-à-dire à l'époque où elle est profondément enfoncée dans le sol ? Fallait-il attendre son réveil fin mars, quand elle monte à la surface de la terre ? «Les vapeurs de sulfure de carbone étant plus denses que l'air, j'ai pré- féré attaquer l'animal dans les profondeurs du sol et j'ai adopté le traite- ment d'hiver appliqué en novembre et décembre. Du môme coup, sont tués les larves de Vesperus, les insectes parfaits avant leur sortie et la larve du Rhizotrogus marginipes, petit hanneton connu dans ma commune sous le nom de Pare-Massac, et qui est aussi un ennemi de la vigne. »Dans ce traitement, à rencontre de celui contre le Phylloxéra, il n'est pas nécessaire de traiter toute la surface, parce que quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent nous trouvons les larves très rapprochées de la souche. Aussi n'ai-je fait que deux trous autour de chaque pied de vigne, à 25 centim. du pied, injectant dans chacun d'eux 7 gram. de sulfure de carbone. «Afin de m'assurer de l'efficacité du traitement et avant de commencer son application, j'ai ramassé une dizaine de larves que j'ai placées entourées de terre dans une toile métallique. J'ai enfoui le tout assez profondément et j'ai opéré comme je viens de Je dire. Le lendemain, j'ai constaté la mort de toutes les larves. Cet essai a été fait en présence de plusieurs proprié- taires et les a décidés à appliquer le traitement. J'ai d'abord appliqué l'insecticide sur une partie de vignes où les larves abondaient, à l'endroit môme où, avec M. Planchon, nous en avions recueilli 22 sur deux souches. Huit jours après, j'ai mis six hommes à provigner. Malgré toute leur attention, ils n'ont trouvé que deux larves vivantes; tandis que précédemment, de leur propre aveu, ils en auraient trouvé une cen- LE VESPÊRE DE .WTMIT. .{',7 taine, au plus bas chiffre. Ces mômes vignerons ont vu bon nombre de larves et d'insectes parfaits morts sous terre. «Même résultat favorable a été constaté a la vigne où nous avons recueilli, en 1876, 820 Vesperus. Dix hommes occupés à provigner n'ont trouvé que 13 larves et pas un seul insecte vivant. «Quelle que soit l'efficacité du traitement, ce qu'il importe surtout à l'a- griculteur, c'est d'en connaître le prix de revient. Aussi vais-je donner l'énumération de son coût dans trois de mes vignes cù l'application n'a lias été uniforme. «Que je fasse remarquer que le traitement au sulfure de carbone pourra n'être appliqué que tous les trois ans, et même tous les quatre ans, après la seconde application. Vigne : Le Douy. 4,064 souches traitées à 2 trous, soit 8.128 trous, chacun 7 grammes de sulfure 25 fr. 60 7 journées d'homme à 2 fr. 50 17 50 4 — de femme à 1 50 6 Total 49 fr. 10 »Le seizième des trous a été fait au pal en fer, soit dépensa à l'hectare de 10,000 souches: 120 fr. 80. Vigne : Come-Cheric. 8.992 souches traitées à 2 trous, soit 17,984 trous, chacun à 7 gram. de sulfure 56 fr. 65 9 journées trois quarts d'homme à 2 fr. 50 24 50 9 — — de femme à 1 50 14 25 Total 95 fr. 40 »Le douzième des trous a été fait au pal en fer, soit dépense à l'hectare : 106 fr. 10. Vigne : Derrière-Couvent. 1,799 souches traitées à 2 trous, soit 3,398 trous, chacun 7 gram. de sulfure 11 fr. 35 6 journées et demie d'homme à 2 fr. 50 16 50 6 — — de femme à 1 50 9 75 Total 37 fr. 60 «Le sixième des trous a été fait au pal en fer, soit dépense à l'hectare : 209 fr. «Pour la préservation des p-ovins, voici comment je conseille d'opérer : 348 LE CLYTE DU BOUILLON BLANC. «Fin mars ou dans les premiers jours d'avril, on injectera 16 gram. de sulfure en deux trous à 25 centim. du provin, et pour plus de sûreté nous traiterons de la même façon les quatre souches environnantes.» Depuis la publication de ces lignes, il y a dix ans, nous tenons de M. Oliver que les traitements au sulfure de carbone ont continué à donner les meilleurs résultats. Dans les quatre communes deCollioure, Argelez-sur-Mer, Port-Vendres et Banyuls, ils sont appliqués par tous les propriétaires soucieux du bon état de leurs vignes. Ce traitement insecticide s'impose d'autant plus à l'heure qu'il est, que le Phylloxéra a produit en Roussillon, comme par- tout, la transformation partielle, tout au moins, des vignes françaises fran- ches de pied en vignes greffées sur américain ; or le provignage, qui per- mettait de remplacer les manquants produits par le Vesperus, est devenu par le fait impossible. LE CLYTE DU BOUILLON BLANC. (Clytus Verbasci Linné.) Synonymie. — Leplura Verbasci Linné, Callidium ornatum Herbst, Stenochorus C. duplex Scopoli, Ckjtus ornalus Fabricius. Les clytes sont des Longicornes au corps cylindrique ayant les antennes rarement aussi longues que le corps, souvent à peine plus longues que la moitié de celui-ci. qui ont le prothorax globuleux, les pieds longs, les cuisses antérieures en massue et le premier article des tarses postérieurs aussi long ou même plus long que tous les autres réunis. «Ces insectes, dit Mulsant [loc. cit.), sont remarquables par l'élégance de leur parure. Les uns, sur leurs étuis de velours jaune, portent des points ou des bandes d'ébène; plusieurs, sur un fond obscur, montrent des signes hiéroglyphiques, des lignes courbes ou flexueuses, des chevrons ou des croissants d'argent ; les autres, sur leur corps de jais, semblent chamarrés de galons d'or. »Les goûts de ces gracieuses créatures sont en harmonie avec leur beauté. C'est aux fleurs que la plupart vont demander leur nourriture. Elles volent des ombelles du panais aux coryinbes de la mille-feuille, ou cherchent sui- des plantes plus humbles les sucs emmiellés dout elles sont avides. Leurs pieds longs et déliés, appropriés à leur genre de vie, sont des indices de LE IÏLYTE DU BOUILLON BLANC. ,'îi'l leur légèreté. Dans les journées chaudes surtout, leur agilité désole souvent la main prête à les saisir.» L'espèce qui nous occupe, comme son nom l'indique, vit souvent à l'état parfait sur les fleurs du bouillon-blanc (Verbaseum . On reconnaîtra sans peine ce joli capricorne aux caractères suivants : Longueur 10 à 13 millim., largeur 2 à 3 miiliin. Corps allongé, un peu cylindrique, noir, entièrement revêtu d'un duvet jaune un peu verdâtre ou parfois d'un blanc cendré. Tète étroite et allongée ; antennes atteignant à peu près la moitié de la longueur du corps. Prothorax globuleux, un peu oblong, paré sur son disque d'une bande transverse (femelle) ou de trois taches en rangée transverse (mâle). Élylres ornées chacune, près de la base, d'un anneau incomplet ouvert extérieurement, et postérieurement de deux bandes noires, la première échancrée à son bord antérieur. Lu larve, longue de 14 à 18 millim., est composée de quatorze segments, y compris la tète et le mamelon anal. Le corps blanc, un peu incarnat, n'est pas cylindrique, mais coupé carrément, sensiblement renflé antérieurement, revêtu de poils fins et blonds, pourvu sous chacun de trois segments tlio- raciques de six pattes relativement longues. La tête, petite, aux deux tiers enchâssée dans le prothorax, est d'un blanc roussâtre avec le bord antérieur noir; celui-ci est plus nettement éclmncré que chez les autres larves de Clytus ; il n'y a pas trace d'ocelles ; les antennes, relativement longues, de quatre articles. Prothorax aussi grand que les trois segments réunis, une fois et demie aussi large que la tête, arrondi latéralement. Abdomen de neuf segments, plus le mamelon anal, les sept premiers pourvus sur leur partie dorsale et ventrale d'une double rangée d'ampoules ambulatoires parcou- rues par des plis et couvertes de Gnes rugosités. Ces ampoules^ rappelant les fausses pattes des chenilles, moins les griffes, s'invaginent et se désin- vaginent au gré de l'insecte, qui s'en sert pour avancer dans sa galerie. Cette larve perfore les bois morts les [dus divers et attaque aussi bien les piquets et les échalas que les parties mortes de la souche elle-même. Elle vit en plein bois, faisant en cela concurrence aux Termites, que nous avons vus ronger l'intérieurdes vieux ceps.au point d'en occasionner parfois la rupture. La nymphe, reproduisant, comme chez tous les Longieornes, du reste, l'ébauche exacte de l'insecte parfait, est blanche; on remarque sur le front quelques poils courts, blonds, arqués en avant. Leprothorax, lisse, est revêtu sur sa moitié antérieure de deux bandes transversales de poils sem- blables, arqués en arrière, les mèso et mêtathorax inermes et parsemés de poils. L'abdomen porte sur sa partie dorsal- îles poils inclinés en arrière également et des spinules très liues sur le | remiers anneaux, pi sur les derniers. Face ventrale glabre. 350 LA CALtIDÎE A UNE BAN'DË. L'insecte parfait paraît fin juin et se montre jusqu'aux premiers jours d'août, non seulement sur les fleurs du bouillon-blanc, mais sur d'autres, celles des Ombellifères principalement, telles que la carotte et le panicaud. Son trou de sortie du bois, absolument rond, fait penser à un trou de vrille. Toutes les fois que nous avons élevé des larves de Clytus trouvées en plein bois dans les soucbes, en Languedoc, nous avons obtenu le Clytus verbasci; mais il est possible que d'autres espèces polypbages, telles que le Clytus quadripunctatus, soient trouvées un jour sur la vigne. L'impor- tant était de signaler le principal auteur des trous ronds si fréquents sur le bois mort de nos vieux ceps. L'insecte est trop peu nuisible pour que l'on doive même conseiller de lui faire la chasse sur les fleurs. LA CALLIDIE A UNE BANDE. {Callidium unifasciatum Olivier.) Les Callidium sont des Longicornes au corps relativement large et aplati, aux antennes variables, à troisième article plus long que le quatrième, au protliorax déprimé, transversal et arrondi sur les côtés. Les élyires, planes, sont parallèles ou dilatées en arrière et les pattes ont les cuisses renflées en massue. Le genre est nombreux, plus de 70 espèces décrites. Mulsant l'a subdi- visé en de nombreux sous-genres { dans le détail desquels nous n'avons pas à entrer. Une espèce, le Callidium unifasciatum, attaque spécialement la vigne. C'est un gracieux petit insecte, long de G à 7 millim., large de 2 à 3 millim., au corps aplati, hérissé en dessus de poils obscurs peu épais. La teinte générale est le brun fauve, plus foncé sur les deux tiers posté- rieurs des élytres. Celles-ci sont parées chacune, un peu au delà de la moitié de leur longueur, d'une hande transversale blanche, arquée, moins développée vers la suture. Les antennes atteignent les deux tiers ou les trois quarts delà longueur du corps ; les cuisses sont fortement renflées et comme pédicellées. La larve, longue de 8 à 10 millim., a été décrite avec détails par Perris'-'; 1 Mulsant; Les Longicornes (Histoire nat. des Coléoptères de France. Paris, Magniu, Blanchard et Cie, 1SG3). 2 Perris ; Larves de Coléoptères. Paris, Deyrolle, 1877. la callidié a une Bandé. 351 plie esl blanche, trapue, assez fortement épaissie antérieurement, assez den- sement revêtue sur tout son corps de poils fins et blanchâtres, pourvue de trois paires de pattes extrêmement courtes et écartées. Vu au microscope, l'épiderme de la base latérale des segments abdominaux parait couvert de fines épines qui facilitent les mouvements de l'insecte dans sa galerie. Celle-ci est sinueuse, très irrégulière, comblée derrière l'insecte par ses déjections et pratiquée immédiatement sous l'écoree. Pendant l'hiver, la larve plonge plus profondément dans le bois. Quand l'époque de la méta- morphose en nymphe est proche, l'insecte se retourne dans sa galerie, qu'il prolonge vers la surface du bois, l'élargissant pour s'y pratiquer une loge. La nymphe reproduit, ébauchées, toutes les for mes de l'insecte parfait; elle est blanche, glabre, lisse sur la tête, le thorax, les membres et le dessous du corps ; un mamelon tubercule se voit sur le devant du thorax, ainsi que des aspérités roussâtres, spiniformes, disposées en ellipse sur la partie dorsale des deuxième et septième segments abdominaux ; sur le huitième, se trouvent quatre épines verticales disposées en carré; l'extrémité de l'ab- domen est inerme. L'état de nymphe dure quinze jours ou trois semaines. L'insecte parfait paraît en mai et vit peu de temps, juste les jours néces- saires à l'accouplement et à la poule. Celle-ci se fait sous les écorces des parties du cep plus ou moins affaiblies, aussi bien dans les sarments que dans le bois d'un plus grand diamètre. Il n'y a qu'une génération par an. Nous ne pouvons considérer cette espèce comme réellement nuisible à la vigne. C'est généralement sur la lambrusque de nos haies qu'on la ren- contre. Nous ne l'avons trouvée qu'une fois sur la vigne cultivée1, et en- core sur des es-paliers fortement déprimés par le Phylloxéra. Elle n'a jamais, quoi qu'en dise M. Fabre2, été rencontrée sur un autre végétal que la vigne. Ainsi se trouve de nouveau confirmée cette règle, observée déjà, qui fait du parasite naturel un ennemi bien moins dangereux que celui contre les ravages duquel la plante n'est pas prémunie. 1 En 1877, au domaine de Viviers, près Montpellier. - Fabre; Catalogue de la Faune avignonaise. 352 LE CAPRICORNE SOLDAT. LE CAPRICORNE SOLDAT. (Cerambyx miles Bonelli.) Cette espèce, de grande taille, qui ressemble au Capricorne héros [Ceram- byx héros), connu de tous comme vivant sur le chêne, ne se trouve pas sur la vigne dans l'Europe occidentale. Elle vit chez nous assez souvent sur l'amandier, le plus souvent sur l'aubépine, l'azerolier et autres Cratxgus. Nous ne l'eussions pas comprise dans notre liste d'ampélophages si M. Horvath n'avait, en 1884, signalé cet insecte comme attaquant la vigne en Hongrie'. « Ce grand Longicome, dit-il, est bien moins commun en Hongrie que le Cerambyx héros, dont il diffère surtout par les antennes plus courtes et l'angle suturai du sommet des élytres obtus ou arrondi et non muni d'une petite dent spiniforme. Sa larve a été trouvée en 1883 à Febértemplom (Hongrie méridionale), dans des souches de vignes dont elle rongeait le bois, y perçant des galeries semblables à celles que le C. heros perce dans les chênes L'ouverture extérieure de ces galeries se trouve à une profondeur de 4 à 10 centim. sous la surface du sol, au collet du cep et conduit dans un canal dirigé vers le haut. Cette larve, devenue adulte, est longue de 4 à 5 centim., cylindrique, un peu atténuée vers l'extrémité. Les anneaux, blancjaunâtre, sont cou- verts de poils roux, espacés et courts; les ocelles et les pieds manquent. Très semblable à la larve du Cerambyx héros, elle en diffère surtout, ajoute M. Horvath, par l'absence des ocelles et des pieds et par la forme de l'anus, qui est une simple fente transversale et non une fissure trifide. Cette larve, d'après le même auteur, passerait d'une souche à l'autre, se creusant une galerie à travers le sol, et attaquerait même extérieurement les tiges souterraines des jeunes plantiers. Il faut l'autorité que nous reconnaissons au savant hongrois pour nous faire admettre pour cette larve: 1° des mœurs à l'occasion terricoles ; 2° l'absence de pieds. Les mœurs tarricoies ont, il est vrai, été observées par nous chez les larves de Vespcrus et chez celles des Doixadion'2, Longicomes apparte- 1 Dr Horvaih ; Évolution du Cerambyx miles (Rovartani Lapok, juillet 1884, et son supplément frauçais, septembre 1884). 2 Valéry Mayet; Note sur les mœurs souterraines des larves de Longicomes du genre Dorcadion (Bull. Soc. ent. de France, 188?). le capricorne soldat. 353 naut à deux, tribus très distinctes, les Lepturides et les Lamides; mais chez tous les VesperuseiDorcadion dont les larves sont connues, celles-ci sont terricoles, tandis que toutes les larves de Cerambyx observées vivent exclusivement dans le bois . A la rigueur, en regardant le séjour dans le sol comme accidentel, nous pouvons l'admettre; mais plus grande est pour nous la difficulté de concevoir une larve de Cerambyx sans pieds. D'après Perris [Larves de Coléoptères, pag. 474), l'absence de pieds chez une larve de Longicornes est un caractère important de la tribu des Lamides, dont les Dorcadwn cités plus baut font partie ; aucune des larves de Cérambycides décrites jusqu'à ce jour n'est apode. Si l'observation de M. Ilorvatb est rigoureuse, le fait est des plus curieux et bien propre à faire douter de l'importance de certains caractères considérés jusqu'ici comme essentiels . 23 CHAPITRE XIX. FAMILLE DES CURCULIONIDES. Ces insectes, appelés aussi Rliynchophores, ou plus simplement Cha- rançons, ou bien encore Porte-becs, constituent la famille la plus nombreuse, non seulement des Coléoptères et de la classe des insectes, mais de tout le règne animal. On en a décrit actuellement dans le monde entier plus de 10,000 espèces, et peut-être y en a-t-il encore autant à décrire. On les reconnaît sans peine à leur tête prolongée en forme de rostre ou bec portant la boucbe à son extré- mité. L'appareil buccal se compose de mâcboires à un seul lobe et de man- dibules courtes, mais robustes. Les antennes, insérées dans une fossette latérale appelée scrobe, sont le plus souvent coudées. Les tarses sont com- posés de quatre articles, comme ceux des Longicomes et des Chrysomëlides. Les Curculionides forment une famille très naturelle, qui n'a donné lieu qu'à fort peu de discussions sur les limites à lui assigner. Un carac- tère important a ajouter aux précédents consiste dans l'absence constante de pieds à l'état larvaire. Toutes les larves de ebarançons sont apodes. On voit de quelle importance est ce caractère cbez les larves, puisqu'il est ici caractère de famille. Les espèces qui attaquent la vigne sont assez nombreuses, mais il n'en existepasd'exclusivementampélopnages ; on peut même dire qu'une seule, leRbyncbitc du bouleau (Rhy nchites Bcluletï), occasionne des dégâts d'une grande importance. Ce sera donc la seule espèce sur laquelle nous nous étendrons longuement. A elle seule elle composera notre ebapitre XIX, et lecbapitreXX,sousle titregéuéral de Charançons coupe-bourgeons, com- prendra toutes les autres espèces. Nous parlerons des quinze ebarançons suivants : Rhynchites Betuieti, Geonemus flabclUpes, Cneorhinus geminatus, Perilelm subdepressus, P. griseus, P. senex, P. familiaris, Otiorhynchus planilhorax, 0. ligustici, 0. asphallinus, 0. populeti, 0. sulcatus, 0. globus, 0. singularis, 0. mucus. LK RHYNCHITB OU ATTELABE. LE RHYNGHITE OU ATTELABE (Rhynchites Betuhti Fabricius.) Synonymie : Curculio Betulœ Linné (1758).-— Rhinomacer lotus viridi sericcus Geoffroy (1762). — Rhinomacer violaceus Scopoli (1763). — Rhinomacer alni. R. bispinus, R. unispinus, R. inermis Mûller (1776 . — Rhinomacer viridis Fourcroy (1785). — Atlelabus Betuleti Fabricius (1792). — Rhynchites Betuleti Herbst (1797). — Involvulus Betuleti Schràuk(1798).— Rhynchites Betuleti Latreille (1807), Schœnherr (1826 . Audouin (1842), Desbrochers des Loges (1869). — Byctiscus Betuleti Tbomson (1859). — Byctiscus Betulx Bedel (1886). Les noms français sont encore plus nombreux. Dans les différents traités d'Agriculture, cet insecte est désigné indifféremment sous les noms de Rhynchile etAttelabe. Olivier de Serres (1604) disait Coigneau ou Instru- mentiez', c'est-à-dire faiseurde cornets, d'instruments; Estienne et Liebault (1618) l'appelaient Formion; Plucbe (1732) le nommait Bêche ; Geoffroy (H62),Becmare vert ; Rozier (1771), Velours vert, Routeur. Les vignerons des différents vignobles disent Bec mord (de bec mordant), et par corrup- tion Becmore, Bccmare, Becmart, ou bien encore Urbec (de bec brûlant), et par corruption Hurebet, Urcebère, Ulber, Ulbar, Etulber, Urebce, Albère, Uberiot, Philbcrt, Chalibert; on l'appelle aussi Diableau, Grimaud, Gorgelion, Destreau, etc. Aux environs d'Angers, on dit Bécan (animal à bec) ou Pécan, ou bien encore Cunche. Dans le vignoble des côtes du Rbône, c'est Instrumenter, comme du temps d'Olivier de Serres. En Languedoc, on dit Cigareur. Si nous passons à l'étranger, c'est le Rebenstccher (coupeur de vignes) des Allemands. En Italie, autant de régions viticoles, autant de noms diffé- 1 Bibliographie. — Aldrovande ; De Animalibus iîiscctis. Bologne, 1602. — Linné; Systema nalurœ. Stockholm, 1767. — Geoffroy; llist. abrégée des Ins. dts cm irons de Paris, 1762.— Scopoli; Entomologia Carniolica. Vienne, 1763. — Fabricius; Entomologia syslemalica emendala cl aucla. Copenhague, 1792-94. — Herbst; Xatursystem aller bekannlen in und auslandichen In- secten. Berlin, 1783-95.— Walckenaer ; Recherches sur les Insectes nuisibles à la vigne. Paris, 1835. — Nordlinger ; Die kleinen Peinde der Landwirth* schafl. StuttgarJ, 1855 et 1860. — Gehin ; Insectes du poirier. Metz, 1857. 356 LE RHYNCHITE OU ATTELABE. rents : Punteruolo délia vite (charançon île la vigne), Sigaraio, Gorga- glione, Pizzifierro, Pampanella, Pizzetto , Rovigiolo, Padronella, Tagliadizzo ou Tagliadiccio. Plus de cinquante noms pour une seule espèce ! et nous n'avons cité que ceux de la France et des pays voisins. C'est qu'il n'y a pas d'in- secte plus connu du vigneron, plus facile à voir sur les vignes, dont il roule les feuilles en forme de cigares. La nomenclature latine, c'est-à-dire universelle, a quelque utilité, on en conviendra! Pour le nom scientifique, malgréles catalogues allemands, nous avons adopté celui de Rlujnchites Betu- leti{, admis par tous les monographes, depuis Schœnherr jusqu'à Desbrochers des Loges, celui que nous trouvons également dans l'ouvrage le plus récent [Catalogue des Coléoptères de l'ancien Monde, par deMarseul. Paris, 1888). Comme son nom l'indique, le Rhynchites Betuleti vit sur le bouleau. Dans les pays froids, il fréquente aussi le noisetier, le tremble, le peuplier, le saule, l'aulne. Dans les régions tempérées, il vit sur le poirier, le cognas- sier et surtout la vigne, dont la feuille si tendre et si facile à rouler, la culture si répandue, faite sur un sol toujours biné, ont énormément mul- tiplié l'espèce. Celle-ci se trouve dans tous les vignobles de l'Europe. Malgré ce qu'en a dit Audouin , qui considérait ses ravages «comme plus visibles que graves» , elle peut partout, à un moment donné, devenir redoutable. Nordlinger, qui dans son très hon livre intitulé : Des petits ennemis de l'Agriculture, a consacré de nombreuses pages à notre insecte, cite des localités où, dans la Bavière rhénane et le grand-duché de Bade, la récolte sur pied a été parfois réduite des neuf dixièmes et celle de l'année suivante fortement compromise. Dans l'Hérault, aux environs de la petite ville de Mèze, sur les bords de l'étang salé de Thau, principalement sur les territoires des deux communes 1 Nous ne pouvons adopter, comme nom générique, celui d'Attelabus Linné, ni celui de Rhinomacer Geoffroy, l'un et l'autre ayant été réservés, depuis la création du genre Rhynchites par Schneider, en 1791, à deux groupes voisins, mais très distincts. Le nom spécifique de Betulx Linné, auquel sont revenus les partisans absolus de la priorité, tels que M. Bedel [Faune des Coléoptères du bassin de la Seine. Paris, 1886), ne saurait davantage être conservé, même en admettant le sous-genre Byctiscus Thomson, attendu que cette épilhète de Betulx s'applique à une autre espèce de Linné. Celle-ci a été placée par le grand natu- raliste suédois dans le genre Attelabus ; mais, depuis les dernières éditions de son Systema naturx, elle a été ramenée parmi les Rhynchites. Ce Rhynchites betulx est une petite espèce noire, allongée, toute différente de celle qui nous occupe, et qui vit sur le noisetier, le hêtre, le bouleau et l'aulne, jamais sur la vigne. LE RHYNCHITE OU ATTELABE. 357 de Loupian et de Bouzigues, nous avons vu certaines années, fin juin, la vigne n'avoir plus une seule feuille qui ne fût roulée en cigare, et cela à perte de vue, sur des longueurs de plusieurs kilomètres. Les raisins, mis au soleil, tombaient ou se séchaient avant que les feuilles aient pu repousser, et la récolte dans ces quartiers-là était anéantie. Nous n'avons pas, sans doute, à apprendre au lecteur que la feuille, par ses fonctions de respiration et surtout d'assimilation de l'acide carbonique de l'air, est l'organe aérien le plus important de la plante ; qu'en un mot, fixant le carbone et le combinant avec l'eau et les sels puisés dans le sol par les racines, elle fait le sucre du raisin et le raisin lui-môme, fait aussi l'aoûtement du bois, etc. Le Rhynchites Betuleti est la seule espèce du genre qui s'attaque à la vigne, heureusement ! C'est par erreur que Linné, et après lui Audouin, ainsi que tous les auteurs qui ont copié ce dernier, ont signalé comme ampélophages les R. Bacchus et R. Populi. Le premier vit exclusivement sur plusieurs espèces d'arbres fruitiers, pruniers, abricotiers, poiriers et surtout pommiers. L'insecte dépose ses œufs dans le fruit où vit sa larve et ne roule jamais de feuilles. Il est couleur de cuivre rouge tirant sur le vi- neux, de forme plus allongée, et ne peut être confondu avec notre espèce, qui est d'un vert ou d'un bleu métalliques, avec le ventre de même couleur. Le Rhynchites Poputi, lui, est vert métallique, souvent doré, et roule des feuilles, mais seulement celles du peuplier, du tremble et parfois du bou- leau : de la, confusion possible ; mais on le distinguera toujours à sa taille moitié plus petite que celle du R. Butdeti, à sa forme plus arrondie et surtout à son ventre noir. I. — HISTORIQUE. Pas plus que pour la Pyrale ou la Cochylis, les textes anciens ne sont assez clairs pour que l'on puisse affirmer que leurs auteurs ont positivement voulu parler du Rhynchite. Schrank (1798) avait donné à notre insecte le nom d'Involvulus Betuleti. L'auteur autrichien semble ainsi avoir rapporté l'espèce à YInvolvulus des anciens. Nous avons vu que c'était plutôt à la Pyrale ou à la Cychylis que ce nom devait être rapporté. D'après Walckenaer, le mot de Volvox, employé par Pline, et celui de Cantharis, que l'on trouve dans la compilation connue sous le nom de Géoponiques, sembleraient s'appliquer a l'insecte qui nous occupe. Les an - ciensdésignaienteneffetsousle nomde Cantharis (le-xavOoyo,- des Grecs) tous les Scarabées (Coléoptères) aux couleurs métalliques; Scarabxus, en un mot, voulaitdire eu latin Coléoptère noir ou de couleurs ternes, et Cantharis 358 LE RHYNCHITE OU ATTELABE. Coléoptère de couleur métallique. Or les Géoponiques parlent d'une Can- tharis qui uuisait aux vignes. En émettant cet avis, Walckenaer, qui un peu plus loin parle pourtant, sous le nom de Melolontha vilis, d'un autre Coléoptère métallique vivant sur la vigne, ÏAnomala vitis, semble n'avoir pas songé à cet insecte, qui se trouve pourtant en Italie et réunit toutes les conditions pour êire consi- déré, lui aussi, comme la Cantharis des Géoponiques. On voit que sur ce sujet, comme sur bien d'autres, les textes anciens, même commentés par un membre de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, so'it loin d'être clairs. Depuis l'antiquité, la mention du Rhynchite la plus reculée que nous connaissions, est celle que signale, sans citer son auteur, il est vrai, M. Le Grand [Revue viticole. Dijon, 1864) et qui daterait de 1448. Il estquestiou, pag. 344, de prières publiques ordonnées cette année-là par l'Evêcbô d'Autun (Saône-et-Loire) pour implorer le ciel contre les ravages des Becmares . Le même auteur cite, en en donnant la traduction, une sentence ecclé- siastique latine, trouvée, dit-il, dans un livre fort rare et rendue en 1516 contre YHurebet par l' Officiai de Troyes. Or la tradition vigneronne de la Bourgogne a conservé, jusqu'à aujourd'bui, ces noms de Becmare et à'Hurebet spécialement pour le Rhynchite. Dans son livre De Animallbus insectis, écrit au xvie siècle et publié en 1602, Aldrovandeest le premier auteur qui ait parlé du Rhynchite de façon à ce qu'il n'y ait absolument aucun doute sur l'espèce. Il l'a, de plus, figurée assez exactement. Il l'appelle sa neuvième Cantharis. Après une description de l'insecte trouvé sur la vigne et dévastant ses feuilles [in vite repertum ac folia ejus dcpopulantem), l'auteur italien ajoute : convolvit folia, elle roule les feuilles, atque in his sua ova reponit, et dépose ses œufs dans leur inté- rieur. C'est, dit-il, l'insecte appelé vulgairement Tagliadizzo coupeur, par les vignerons ; or, d'après M. Targioni', ce nom est encore employé dans certaines régions de l'Italie. Olivier de Serres, dans son Théâtre de l'Agriculture et mesnage des champs, publié en 1604, décrit ainsi le Rhynchite, qu'il appelle Coigneau : Certaines bestioles de diverses espèces tourmentent la vigne au nouveau temps, spécialement celle qu'on appelle Coigneaux, de couleur vert lui- sante, coupant les tendrons de raisins, enfin s' enfermant dans des feuilles de vigne qu'ils roulent comme parchemin, y faisant leurs œufs. 1 Targioni-Tozzetti ; Relazione délia r. stazione di Entomologia agraria di Fircnze, 1888, pag. 1 14. LE RHYNCHITE 01' ATTBLABE. 350 Depuis Olivier de Serres jusqu'au xixe siècle, on ne trouve, traitant ce sujet, que quelques auteurs du xviii0. Les ouvrages du Père de l'Agri- culture ont fait loi, en effet, pendant tout le xvir3 siècle et une partie du wine. En citant Pluche (1732) et l'abbé Rozier (1771), nous aurons nommé les deux principaux auteurs qui ont parlé du Rhynchite pendant cette période. Nordlinger (loc. cit.) dit qu'en 1750 les vignes de Landau, et en 1756 celles de Rotu (grand-duché de Bade) ont été gravement attaquées; mais l'entomologiste allemand ne cite pas les sources de ces renseignements. L'insecte est mentionné et décrit, cela va sans dire, par tous les auteurs du xixe siècle; mais nous avons vu, en ce qui concerne la synonymie, combien son nom scientifique a été discuté et ballotté d'un genre à l'autre. Plusieurs de ces auteurs, y compris Audouin, répétant l'erreur de Linné, ont dit que le Rlujnchites Betuleti vivait souvent sur la vigne mélangé aux R. Bacchus et Populi. Nous avons, dans les généralités sur notre insecte, suffisamment indiqué les différences notables de forme, de couleur et de manière de vivre existant entre les trois espèces, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Le genre Rhynchite se compose de Charançons aux couleurs générale- ment métalliques ou bronzées; les antennes, non coudées, sont insérées au milieu du rostre, qui est long ; les élytres, plus larges que le prothorax, sont courtes et laissent à découvert l'extrémité de l'abdomen. Le R. Betuleti (Gg. 68, et PI. III, fig. 13), à ses couleurs métalliques, vertes ou bleues, se distinguera de suite des autres charançons vivant sur la vigne, et qui ont tous des couleurs sombres ou terreuses. De notre insecte à l'état parfait, nous donnerons la description suivante : Corps long de 5 à 7 millim., large de 2mm,50 à 3mm,50, oblong, d'un beau vert brillant métallique, passant au doré sur le rostre, les pattes et le bord externe des élytres, parfois d'un bleu verdâtre, d'un bleu profond ou violacé, glabre ou ne portant de traces de duvet blanc que sur les parties latérales du protborax et postérieures des élytres. %• os. — Rhynchite r ' ' vu du profil, grossi. Partie ventrale de même couleur que le reste du corps. Tête allongée, subcylindrique, à peine élargie en arrière, finement ponc- tuée, ridée transversalement à la base, marquée entre les deux yeux, qui sont noir brillant, d'une dépression rugueuse plus accentuée chez le mâle. Le bec est allongé, recourbé, élargi et aplati au bout; les antennes, druiles 360 LE RHYNCHITE OU ATTELAIJE. ou à peine coudées, sont insérées dans son milieu et se logent en partie dans deux sillons (scrobes) creusés latéralement dans le bec entre leur in- sertion et les yeux. Prothorax arrondi, aussi long que large, un peu atténué à l'avant, fine- ment ponctué comme la tête, ridé transversalement à l'avant et à l'arrière, muni dans son milieu d'un léger sillon, et sur ses côtés, chez le mâle seule- ment, d'une forte épine dirigée en avant. Êcusson transversal, tronqué car- rément au sommet. Élytres en carré oblong, épaules à angles droits arrondis, à ponctuation plus forte que celle de la tête et du tborax, disposée en lignes longitudinales, légèrement pubescentes à l'extrémité. Dessous du corps finement ponctué, ainsi que le pygidium, plus profondément sur le sternum et les flancs, qui sont rugueux. Pattes médiocres; cuisses comprimées, peu renflées ; tibias faiblement arqués ; premier article des tarses relativement long, le second court, le troisième bilobé, très dilaté en large ; le quatrième ou dernier terminé par deux crochets aigus fortement recourbés. La seule espèce avec laquelle les petits individus de notre espèce puissent être confondus est le R. Populi. On distinguera toujours ce dernier à ses élytres absolument glabres et au-dessous du corps noir, parfois bleuâtre, mais jamais métallique. LeRhynchites Bctuleti, qui a passé l'hiver dans le sol, au pied desarbresou des souches, dans lescrevassesousous les écorcesdu cep, sort de sa retraite vers la première quinzaine de mai. Avant l'accouplement et la ponte, il broute çà et là les feuilles et les tiges vertes pour se nourrir, et cela sans grand inconvénient pour le cep. Dès que l'accouplement est opéré, c'est-à- dire fin mai, l'insecte attaque les feuilles pour leur confier sa ponte., et c'est alors que les ravages sérieux commenceLt. Entre le 10 et le 20 juin, toutes les pontes sont terminées. Suivant l'arbre auquel il s'adresse, la manière de procéder est un peu différente. D'après Nordlinger et Géhin1, sur le poirier et généralement les arbres a petites feuilles, le travail consiste à rechercher les pousses en pleine végétation et à faire avec les mandibules, à environ 10 cenlim. de l'extrémité, une entaille destinée à faire pendre la partie terminale, sans la séparer complètement. Le bourgeon ainsi incisé, ne recevant plus qu'une faible nourriture, ne tarde pas à se faner, et l'insecte obtient ainsi des feuilles plus molles et plus aptes à être transformées en étui où la ponte pourra s'opérer. Pour faire enrouler les feuilles ainsi ramollies, le Rhynchite 1 Géhin; Les Insectes du poirier. Metz, 1857. LE RHYXCHITE OU ATTELABE. 361 s'aide de son bec et de ses pattes. Pour tous les détails de l'opération, qui sont longuement décrits par Nordlioger, nous renverrons à son travail et à l'édition française de Brehm les Insectes, par M. Kilnckel d'IIorculais, qui donne en partie la traduction de ce passage. L'auteur allenund parle d'uoe Bécrétion agglutinante « qui sert à fixer la partie delà feuille qui vient d'être roulée, qui sort par la partie postérieure de l'abdomen de l'insecte et qui, étendue et frottée par cette extrémité abdominale, finit par encoller solide- ment la feuille par cette manière de repassage répété». Nordlinger va jusqu'à dire que l'on voit la matière collante «se tirer en fil». Nous n'avons jamais rien vu de semblable, peut-être parce que nos obser- vations out porté spécialement sur des feuilles de vigne faciles à rouler, tandis que Nordlinger parle de feuilles de peuplier ; mais, ni Gébin, ni Goureau, ni Perris, les trois auteurs français qui out bien observé le Rhynchites BetuleU, ne mentionnent la chose. Si les feuilles sont petites, ce qui se présente sur le saule et le bouleau. il en faut dix ou quinze pour confectionner le rouleau ; l'opération faite sur le peuplier et le poirier en exige quatre ou cinq ; sur l'aulne, le cognas- sier parfois, et sur la vigne toujours, une seule suffit. Dans ce dernier cas, ce n'est pas la tige du bourgeon qui est incisée, ce qui ferait inutilement flétrir plusieurs feuilles, mais seulement le pétiole de la feuille destinée à être repliée en forme de cigare. Sur la vigne, l'insecte attaque de préférence la feuille la plus rapproebée du raisin, et dès que, par l'incision du pétiole, elle est assez flétrie pour être pliée, il commence à la rouler (fig 69, et PI. III, fig. 10). Dès le xvme siècle, Rozier avaitparfaitementobservél'opérationetla décrit ainsi : «LeRouleur ou Charançon de la vigne, dit-il, commence par faire une incision sur le pétiole de la feuille, 'pour l'affaiblir ; puis il en pique les ner- vures. Il commence par celle du petit lobe extérieur et y dépose ses œufs ; dès que ce lobe est roulé, l'insecte attaque la nervure du voisin, mais en sens contraire, de sorte que l'endroit de la division du lobe où finit le pre- mier tour est le principe du nouveau tour en sens contraire: ainsi, il y a deux lobes dont le tour commence de droite à gauebe et deux de gauche a droite; enfin le cinquième lobe sert de recouvrement à tous les autres. Dans chaque tour sont renfermés des œufs; il faut cinq à six jours pour que la feuille soit entièrement roulée.» Ces œufs, arrondis, hyalins, ont un peu plus de un demi-millimètre de diamètre. La femelle, après l'enroulement du lobe de la feuille, le perce en un ou deux endroits avec son bec et pond un œuf dans chaque trou. D'après Nordlinger, le bec intervient de nouveau après la ponte pour pousser l'œuf au fond du trou. Chaque rouleau reçoit ainsi en moyenne cinq ou six œufs, 362 LE RHYNCHITE OU ATTELABE. mais parfois on n'en trouve qu'un seul. Si ia feuille est grande, on en trouve jusqu'à sept ou huit. L'éclosion survient au bout d'une dizaine de jours, et la larve qui sort de l'œuf se nourrit du parencby me de la feuille roulée en cigare et desséchée (PI. III, fig. 11). La larve. — Ne trouvant nulle part une description suffisante de cette forme, pas même dans Nordlinger, nous nous arrêterons quelques instants à la décrire avant de parler de ses mœurs . Cette larve (PI. III, fig 12) est blanche, molle, apode, comme toutes celles des charançons. Le corps, long, quand elle est adulte, de 6 à 7 millim. et large d'environ 2 mm,50, est relativement court, un peu plus développé, en hauteur surtout, à la partie thoracique, couvert de poils blonds, espacés, assez raides, et composé de douze segments non compris la tête. Celle-ci est petite, ronde, fortement chitinisée, de couleur rousse, munie d'antennes épaisses, très courtes, composées de trois articles. Le labre ou lèvre supérieure est de couleur plus claire que le reste de la tète. La lèvre inférieure, bilobée, porte une paire de palpes de deux articles. Les mandibules sont fortes, rembrunies au bout, creusées d'un sillon dans leur longueur et terminées par deux dents aplaties tranchantes. Les mâchoires, bien visibles en dessous, portent à leur partie externe deux palpes courts de trois articles. Le thorax est relativement grand, surtout le segment prothoracique, qui porte vers ses angles postérieurs une paire de stigmates bien visibles, de couleur fauve clair. Abdomen de neuf seg- ments ; les huit premiers portent chacun un stigmate fauve clair situé sur les côtés de ia partie dorsale, contre la rangée longitudinale de bourrelets latéraux qui séparent les arceaux du dos de ceux de la partie ventrale. Aussitôt après sa sortie de l'œuf, c'est-à-dire du 10 au 25 juin, la larve commence à brouter l'intérieur du cigare, constituant ainsi autour d'elle une loge irrégulière qu'elle agrandit peu à peu, en raison de son propre accroissement. Les excréments, en forme de filaments bruns, pul- vérulents, sont rejetés entre les replis du fourreau, et de là tombent sur le sol. Au bout de trois à cinq semaines, soit environ milieu de juillet, la larve est adulte, dans les conditions normales du moins, c'est-à-dire la feuille suspendue au pampre ou tombée sur le sol ; mais dans les éduca- tions faites dans le laboratoire, faute d'humidité sans doute, elle grossit plus lentement et ne perce souvent la feuille qu'au bout d'un mois et demi ou deux, parfois trois. Pour quitter le cigare, l'insecte pratique une ouverture arrondie d'un diamètre plus faible que celui de son corps (PL III, fig. 10 A) ; de sorte que cette sortie est parfois très pénible et ne se fait qu'au prix de vigoureux efforts. Aussitôt dégagée, la larve tombe sur la terre, où de suite elle s'enfonce LE RHYNC.HITE OU ATTELABE. 163 avec d'autant plus de facilité que le sol îles vigD.es est d'ordinaire soi- gneusement biné. Arrivé à une profondeur qu'aucun auteur n'a précisée et qui, dans nos éducations de laboratoire, a toujours atteint le fond du récipient, l'insecte se pratique une loge arrondie, du diamètre d'un pois, dont les parois sont tassées et lisses, mais qui est toujours assez peu solide. Là, après une quinzaine de jours de repos, c'est-à-dire environ (in juillet, a lieu la métamorphose en nymphe. La nymphe. — Sous cet état, l'insecte, long de 5 à G millim. et large de 4, est blanc, couvert de soies abondantes, présentant ébauchées les formes de l'insecte parfait. Le bec, les pattes et les ailes, d'aspect translu- cide, sont repliés contre le corps; V abdomen est fortement recourbé en arant. A mesure que la transformation approche, les yeux et les pattes se rembrunissent ; puis, à travers la cuticule, destinée à se rompre et à livrer passage à la forme définitive, apparaissent un peu les couleurs de celle-ci, d'abord sombres, puis métalliques. Au bout de trois semaines environ, seconde quinzaine d'août par consé- quent, l'insecte parfait est éclos. Si l'automne est sec et peu chaud, il ne quitte sa retraite, ou tout au moins la terre, qu'au printemps suivant. Mais si à des pluies abondantes, ayant ramolli le sol, succède une série de beaux jours d'automne, l'insecte sort avant l'hiver, et on revoit alors des Rhyn- chites sur les feuilles fin septembre. On les trouveroème parfois accouplés ; mais, dans le midi de la France du moins, il n'y a jamais de seconde génération, comme certains auteurs l'ont annoncé. L'insecte, sorti en au- tomne, passe l'hiver sous la mousse, les feuilles sèches, les écorces, dans les haies, au pied des arbres, à demi enterré dans la fissure existant entre ie tronc et le sol. C'est laque nous le rencontrons bien souvent en hiver à Montpellier. III. — MOYENS DE DESTRUCTION. Les ennemis naturels du Rhynchite sont assez peu nombreux en France pour que nous n'ayons pas eu l'occasion de les observer. Ils paraissent plus abondants en Allemagne. Ratzeburg, qui a fait de si belles observa- tions sur les mœurs des Hyménoptères parasites1, en cite cinq espè vivant aux dépens de plusieurs charançons, et en particulier de notre espèce. D'abord deux Braconides: Bracon discoïde wsWesman net M icro- gaster Ixvig atus Wesmann ; ensuite deux Ichneumonides : Pimpla flavipes 1 Ratzeburg; Die Forst-Jnscctcn, 1839-1844, et Die Ichnrumoncn der Furst- Insecten, 1844-1852. 364 LE RHYNCHITE OU ATTELABE. Gravenhorst et Ophioneurus simplex Gravenhorst ; enfin un Ghalcidide : VElachestus carinatus Ratzeburg. N'ayant à notre disposition ni tous les types de ces espèces, ni même toutes les descriptions, nous renverrons pour ces dernières aux travaux particuliers des descripteurs. En ce qui concerne les moyens de destruction que le viticulteur peut employer, ils sont peu nombreux. L'insecte passe l'hiver dans le sol, et le sulfure de carbone, le seul insecticide auquel on puisse songer pendant cette saison, ne pourrait pas traverser les parois de la loge où l'ennemi est enfermé. Celui-ci, nous l'avons vu, est du reste souvent sorti avant les froids. Nous ne sommes guère plus avancés que du temps d'Olivier de Serres, qui parle des feuilles roulées comme 'parchemin, le remède à cela étant de les oster avec les mains. C'est encore actuellement ce qu'il y a de mieux à conseiller; mais, par tous les détails donnés ci-dessus, le lecteur a pu voir que si l'on ne veut pas s'exposer à cueillir des cigares ne renfermant plus de larves, il faut ne pas attendre la fin de juin pour effectuer l'opé- ration. On fera bien de la pratiquerpendantlapremière quinzaine du mois et de la renouveler trois ou quatre fois. Le travail, pouvant être confié a des femmes ou à des enfants, est peu coûteux. Il faut en même temps recueillir les auteurs du dégât, les insectes parfaits eux- mêmes. Si l'on a soin d'opérer le matin, de six à neuf, moment de leur plus grande activité, on les aper- cevra facilement circulant sur les feuilles ou en train de confectionner leur cigare, et, bien qu'ils se laissent choir et rouler habilement sur le sol en repliant leurs pattes et leur bec, l'opérateur les saisira facilement en met- tant préalablement au-dessous d'eux une de ses mains, ou sou chapeau, ou mieux encore une poche de toile grossière tendue sur un cerceau de bois flexible. En procédant ainsi, on ne peut manquer d'enrayer le mal. Fig. 69. — Feuille de vigne roulée eu cigare par le Rhynchite. CHAPITRE XX. LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS Sous le nom général de Coupe-Bourgeons, nous comprenons une assez longue série de Charançons appelés aussi Lisettes dans le nord de la France, et qui sont bien connus par les dégâts qu'ils exercent sur les pousses tendres de divers végétaux. Quatorze d'entre eux peuvent-être rangés parmi les ennemis sérieux de la vigne d'Europe. Ces coupe-bourgeons appartiennent tous à un groupe de Curculionides que M.Bedel ' a appelé la sous-famille des Bracbyrbinides \ fi payjj; com l, pk: pwô; nez), groupe subdivisé en deux tribus : les Bracbydérides et les Otiorhyn- chides. Ces insectes ont pour caractères communs : des élytres renflées ou globuleuses, souvent soudées et recouvrant des ailes avortées; des antennes coudées, des mandibules portant à leur angle antéro-externe une paire d'appendices cornés, en forme de grandes mandibules recourbées et appelés fausses mandibules. Ces fausses mandibules tombeut peu de temps après l'apparition de l'insecte: leur usage est inconnu: mais, étant données les mœurs souterraines de toutes les larves du groupe, on peut supposer qu'elles permettent à l'insecte parfait de se frayer àtravers le sol un passage vers la lumière. La plupart des Bracbyrbinides ennemis de la vigne appartiennent à la tribu des Otiorhyncbides. Deux espèces seulemeut, le Geonemus flabellipcs et le Cneorhinus geminalus, appartiennent aux Bracbydérides. Cette tribu des Bracbydérides, fort voisine naturellement de celle des Otiorhyncbides, s'en distingue surtout par le scrobe ou sillon servant à loger l'antenne, dirigé vers le bas, en dessous de l'œil, tandis que chez les Otiorhyncbides il est dirigé vers le haut. I. — Geonemus flabellipes Olivier. Le Geonemus flabellipes est une espèce méridionale que ses mœurs noc- turnes avaieut sans doute dérobée, jusqu'à ces années dernières, aux recber- 1 Bedel ; Faune des Coléoptères du bassin de la Seine. Paris, 1888. 366 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. cbes des viticulteurs, et même à celles des entomologistes. Bien quedepuis longtemps décrit, l'insecte passait pour rare en effet, et l'on a vu, à propos du Vesperus, le cas que l'on doit faire de cette épithète. Ce qu'il y a de certain, c'est que personne, à notre connaissance, n'en a jamais parlé comme nuisible à la vigne, et c'est cependant le coupe-bourgeon qui compromet le plus gravement la récolte dans certaines parties du Bas- Languedoc, De Beaucaire à Béziers, on le rencontre çà et là dans les taillis, surtout sur les buissons de chêne vert, mais il n'est pas signalé sur la vigne. Il est répandu, croyons-nous, dans toute la région de l'olivier, mais peu commun là où les Oliorhynchus abondent; il pullule au contrairesurcertains coteaux secs, tels que ceux de la vallée de l'Aude, de Carcassonne à la mer, pays où les Otiorhynchus ampélopbages sont à peu près inconnus. Nous l'avons reçu principalement des communes de Narbonne, Lé- zignan, Capendu, Ginestas et surtout Aiguesvives, Minerve et Olonzac; en un mot, de cette région mi-partie dans l'Aude, mi-partie dans l'Hérault, connue tous le nom de Minervois. M.Falque, propriétaire à Olonzac, qui est obligé cbaque année de faire une cbasse active à ces ravageurs, nous a donné des détails sur leurs mœurs. L'insecte, enterré le jour, ne commet ses méfaits que la nuit tombée; il faut le chercher à la lanterne. Il apparaît secoude quinzaine d'avril, pour disparaître fin mai. Les métamorphoses sont inconnues. Bien certainement la larve vit dans le sol, se nourrissant de racines, comme celle de tous les Brachyrhi- nides dont on connaît les métamorphoses. Un très grand nombre de larves de Charançons se ressemblent, les re- cherches dans l'intérieur du sol sont difficiles'; de là, les lacunes considé- t « Les larves souterraines, dit Perris (Larves de Coléoptères, pag. 378), sont celles dont la découverte est la plus tardive, parce que leur recherche présente de grandes difficultés. Si l'on sait qu'un insecte vit sur un végétal, on peut, en cherchant avec soin sur ou dans les plantes et les arbres de la localité, s'initier aux secrets de ses évolutions. On est encouragé dans ces recherches par les indications recueillies, par des notions tirées des règles de l'analogie ; on est excité par l'espoir de trouver sur telle plante ce qu'on a vainement cherché sur telle autre. La variété même des investigations alimente l'ardeur, entretient le courage une feuille rongée ou minée, un trou dans une écorce, une excrois- sance sur une tige, de la sciure, des déjections, un air de maladie, tout sert de repère ou de jalon. «Mais quand il faut bouleverser le terrain à l'aveugle, sans savoir même quel- quefois à quelle profondeur on doit aller, la monotonie, la lenteur, la fatigue, le plus souvent l'insuccès, rebutent et découragent. On n'a quelque chance d'arriver LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 3G7 rables qui existent dans La biologie d'un grand nombre d'espèces aux mœurs souterraines. On reconnaîtra facilement l'insecte parfait aux caractères suivants : Longueur 9 à 12 millim , largeur 4 à G millim. Corps allongé, aptère, recouvert de squamules d'un gris clair, souvent un peu métalliques sur la partie ventrale et les pieds. Tête finement ponc- tuée, terminée par un bec assez court, canaliculé en dessus et offrant de plus un léger sillon de chaque côté ; lescrobe antennaire est profond, courbe, très oblique, se terminant vers la partie inférieure des yeux, les deux pre- miers articles du funicule longs, les suivants plus courts. Prothorax fai- blement arrondi, un peu plus long que large, criblé de points et de rides transversales profondes. Écusson très petit. Elytres oblongues, convexes surtout en arrière, soudées et rebordant l'abdomen en dessous, chargées chacune de neuf rangées longitudinales de points profonds. Les cuisses sont renflées, les tibias antérieurs munis d'épines intérieurement et d'un crochet au sommet, les ongles des tarses écartés et libres. Pour se débarrasser de cet insecte, on devra le faire chasser sur les bour- geons, la nuit, à la lanterne, et si l'invasion tend à devenir annuelle, comme à Olonzac, on fera bien de traiter la vigne au sulfure de carbone, afin de tuer la larve, qui, nous l'avons dit, ne peut être que souterraine. Comme dans le traitement contre le Vesperus, deux trous de pal injecteur par souche devront suffire. II. — Cneorlihms geminatus1 Fabricius. Cette petite espèce de Charançon est depuis assez longtemps signalée sur la vigne. Dès 1839, Ratzeburg, dans son ouvrage sur les Insectes des à un résultat qu'en suivant des ouvriers qui piochent la terre ou un labourent qui retourne la terre. «Quand, par ce moyen, on est arrivé à trouver quelque larve, on n'est pas au bout de ses peines. Il faut élever celte larve, lui donner une nouiriluie appro- priée, la conserver dans des conditions équivalentes aux conditions naturelles ; ce qui est d'une telle difficulté qu'on échoue presque toujours. De plus, cornu: larves souterraines de Curculionides se ressemblent toutes, on ne sait pas même alors à quel genre on a affaire.» 1 Bibliographie. — Ratzeburg; Les Insectes des forêts. Die For - Berlin, 1839-1844. — Nordlinger ; Les petits ennemis de l'agriculture, Dit kleinen Feinde der Landwirthsehaft. Stuttgart, 1855, et 2« édition, I8G9. — Jacquelin Duval ; Coléoptères nuisibles à l'agriculture et aux furets (Intro- duction au Gênera des Col. d'Europe, pag. 1G. Paris, Deyrolle, 1857). — Perris, larves de Coléoptères. Paris, Deyrolle, 1S77, pag. 379. 368 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. forêts, le cite en effet comme «occasionnant parfois d'assez grands dom- mages à la vigne en attaquant les jeunes bourgeons». Nordlinger en parle aussi comme tel dans la première édition (1855) de son livre, et maintes fois il nous a été signalé et envoyé à déterminer par des viticulteurs. D'après tout ce que nous connaissons de ses mœurs, c'est une espèce qui ne s'écarte pas des terrains sablonneux ou tout au moins très meubles, et n'est bien nuisible que les années où elle se multiplie exceptionnellement. La larve vit sous terre. Elle est blanche, courte, charnue, apode, légère- ment incurvée, n'offrant rien par conséquent de distinctif des autres larves de charançons mangeuses VjrcL^/ de racines. Perris, qui l'a observée, dit-il, maintes fois «en faisant retourner des gazons», l'a élevée, a obtenu la nymphe et n'a rien trouvé à signaler de particulier sur le compte de celle-ci. L'insecte parfait se nourrit de feuilles et déjeunes bourgeons ; il est nuisible surtout à la vigne et, Fig. 70.— Cneorhmus comme [0US ies coupe-bourgeons, opère ses déeâts geminatus, grossi. r D la nuit. Ce Charançon gris, dont la forme globuleuse est caractéristique (6g. 70), répond à la description suivante : Longueur 5 à 7 millim., largeur 3 à 4 millim. Corps ovalaire, renflé en dessus, couvert de squamules d'un gris soyeux. Bec très court, fortement échancré au sommet, généralement séparé du front par une impression transverse ; scrobe large, infléchi et un peu courbé. Yeux modérément saillants. Antennes courtes, scape atteignant le milieu des yeux, massue ovalaire. Fausses mandibules d 'un rouge rubis. Prothorax court, transverse, tronqué à la base et au sommet, arrondi sur les côtés, un peu moins large en avant qu'en arrière, de couleur gris très clair, rembruni en dessus par trois larges handes longitudinales de squamules plus foncées. Ècusson très petit. Ëlylrcs soudées, rebordant fortement l'abdomen, ovales-oblongues, renflées, ayant les épaules arrondies, d'un gris plus foncé que le prothorax, ayant chacune, comme lui, trois bandes longitudinales plus foncées. Ailes inférieures nulles. Cet insecte est assez commun aux environs de Montpellier, dans le ter- ritoire connu sous le nom de Sablas (sables de Montpellier de la Carte géo- logique), ainsi que dans certaines parties du cordon littoral du Gard et de l'Hérault, tels que le territoire de Cette. Il n'y a jamais cependant exercé dédommages sérieux ; ses dégâts, en tout cas, disparaissent derrière ceux des Peritelus. Il n'en est pas de même des terres sablonneuses plantées LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 360 de vignes de lu Gironde et des Landes, d'où il nous est souvent envoyé plus ou moins mélangé avec les Peritelus et YOliorhynchus singularis, mais les dominant toujours eu nombre. En récoltant ces petits ravageurs avec l'entonnoir à altises, de bon nia- tin, avaut qu'ils aient regagné les crevasses de la soucbe, le pied des herbes ou les mottes de terre sous lesquelles ils s'abritent pendant le jour, on peut arrivera les détruire, leur apparition fin avril ne durant pas plus de deux ou trois semaines. Il ne faut pas se contenter de frapper la soucbe, l'insecte bien cramponné ne tombant pas toujours à la secousse, il faut le décrocher à la main. III. — Les Peritelus'. Nous arrivons ici aux coupe-bourgeons classés avec les Otiorhynchus dans la tribu des Oliorhynchides, c'est-à dire des Brachyrhinides ayant le sillon antennaire dirigé vers le haut. Sous le nom générique de Peritelus, créé par Germar en 1824, sont com- pris plusieurs petits Charançons gris nuisibles aux cultures, surtout dans les terres meubles. De tout temps sans doute, les cultivateurs ont dû avoir à se plaindre des dégâts exercés par ces petites espèces; l'une d'elles, dont nous parlons en note, décrite depuis longtemps, a même été appelée noxius (nuisible); mais l'extension récente de la culture de la vigne dans les sa- bles des bords de rivière ou des dunes maritimes, foyers de grande mul- tiplication des Peritelus, a beaucoup agrandi les surfaces attaquables, et de tous côtés, depuis dix ans, les plaintes se sont élevées, comme si le mal était nouveau . Le genre Peritelus est nombreux en espèces, cinquante environ en Eu- rope. Cinq* ont été observées sur la vigne, mais quatre le sont chaque année plus spécialement. Ce sont: Peritelus subdepressus Mulsant, dans les terres sèches ou peu humides ; P. griseus Olivier, dans les terres meubles, sablonneuses ou * Bibliographie. — Jacquelin Duval ; Curculionides (Gênera des Col. d'Europe. Paris, Deyrolle, 1 8GS) . — Seidlitz ; Mon. der Curculion.Gattung Peritelus (Berlin ent. Zeitung, tom. IX, pag. 11), 1865).— De Marseul ; Monogr. des Otiorhynchi les (Journal l'Abeille, loin, X, Ier partie, 1872. — Targioni-Tozzetti ; Rclazione délia R. stazione di ent. agr. Firenze, 1 S 8 i . 2 La cinquième espèce, que nous ne faisons figurer ici qu'en note parce qu'elle n'attaque qu'exceptionnellement la vigne, est le Peritelus noxius Bohemann. [1 est de la Provence, et Targioui le dit très répandu en Italie et s'gnalé sur la vigne à Novare (Relazione, t8$i, pag. 109 et 309). Nous l'avons reçu des environs 24 370 LES CHARANÇONS COCPE-BOURGEOXS. non, un peu fraîches, surtout avoisinant les rivières; P. senex Bohemann, dans les ter/es sablonneuses ou très meubles ; enfin P. fam Maris Bohe- mann, espèce qui parait être la plus nuisible dans l'Europe orientale. Ces espèces vivent généralement séparées Tune de l'autre, leur habitat exactement délimité par les sortes de terrain que nous venons d'indiquer ; parfois cependant on les trouve mêlées ensemble et même associées à d'au- tres genres. Le Peritelus griseus, par exemple, nous est souvent envoyé de l'ouest de la France mélangé aux Cneorhinus geminatus ou à VOtiorhyn- chus singularis. Les larves de Peritelus ne sont pas connues, mais elles vivent très probablement dans le sol, mangeant des racines, comme toutes les larves d'Otiorhynchides. A. Peritelus subdepressus Mulsant. — On distinguera facilement cette espèce à la forme en carré allongé de ses élytres. Le corps, long de 4 à 6 rnillim. sur 2 à 3 de large, est couvert de squamulcs de couleur uni- forme, tantôt d'un gris plus ou moins bronzé, tantôt d'un gris blanc d'argent presque métallique. La tête courte ainsi que le rostre, celui-ci plus large que long,desorteque les côtés de la tête, y compris le rostre, paraissent paral- lèles. Les antennes sont épaisses, heprolhorax, à peine plus long que large, aux côtés et aux deux bouts arrondis, est un peu déprimé (subdepresssus), ainsi que les élytres, qui sont une fois et demie aussi larges que le prothorax, une fois et demie plus longues que larges, avec le bord latéral fortement échancré chez le mâle. C'est presque toujours le Peritelus que nous avons observé broutant les bourgeons de la vigne dans les terrains un peu secs en Languedoc; c'est la moins abondante des trois espèces françaises citées par nous, la moins dangereuse par conséquent, et nous ne l'avons vue nuire un peu sérieusement qu'a de jeunes plantiers. Elle se trouve dans le midi de la France et en Italie. B. Peritelus griseus Olivier. — Synonymie : P. sphéroïdes Ger- mar (1824). L'aire géographique de cette espèce est fort étendue ; c'est la plus abondante sur la vigne, celle qui, cinq à six fois sur dix, nous est envoyée comme broutant les bourgeons, avec prière instante d'indiquer le remède, car le mal est grave et marche vite, disent les lettres. L'insecte par dizaines, par centaines, s'attaque à chaque bourgeon d'Arles, de Fréjus et de Sainte-Maxime (Var), comme trouvé sur la vigne mé- langé à des P. senex. On le reconnaît sans peine à son corps large, à sa taille plus grande (4 à 6 millim. sur 2,50 à 3,50), à ses longues antennes atteignant la longueur du corps chez le mâle, à son prothorax profondément criblé de points enfoncés et à ses élylres orbiculaires deux à trois fois aussi larges que le prothorax. LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. Fig. 71. — Peritelus griseus, grossi. naissant, le broute à L'extérieur, le perfore, pénétra aussi dans l'intérieur et ne laisse pas même intacte la tige verte, qui bientôt se flétrit. Qu'on juge de sa manière de procéder, par une lettre reçue récemment de la vallée de l'Hérault et reproduite en note1. Si la vigne est établie, bien racinée, la récolte est perdue ou à peu près, le dégât peut se comparer à celui d'une forte grêle; mais la souebe ne succombera pas. Si c'est un plantier qui est atteint, le mal est plus grave. Sur un plant qui, comme on dit vulgairement, a de la p< ine à partir, le bourgeon vidé et sécbé n'est pas remplacé. Les manquants seront la règle, les boutures racinées l'exception. Il en est de même des greffons; le travail sera à recommencer l'année suivante. Quand on visite les vignes pendant le jour, il y a quelques insectes accroebés aux bourgeons ou enfermés dans leur intérieur ; mais la masse des rongeurs nocturnes est sous les mottes, dans les fissures ou enterrée à 1 ou 2 centim. Le Peritelus griseus est le plus grand et le plus variable du genre. Tandis que les plus développés atteignent 7m,n,50 de long, les plus petits ne dépassent pas -i millim., c'est-à-dire la taille d'un grand P. senex. On reconnaîtra notre espèce à sa couleur, qui est d'ordinaire d'un gris assez fonce sur la partie dorsale, toujours tacbé de gris clair; à celle des flancs et du ventre plus claire, dont les squamules ont parfois des reflets métalliques ; à ses antennes déliées, ayant le funicule peu épais, à dernier article moins large que le premier. Le prolhorax est renflé eu arrière, atténué en avant. Les clyircs sont en ovale allongé, toujours convexes. Cet insecte se trouve dans toute l'Europe tempérée, moins l'Orient : France, Allemagne du centre et du nord, Suisse et Italie. Ou peut dire 1 « Voici, dit l'auteur de la lettre, comment j'ai découvert l'envahissement des insectes que je vous envoie. J'allais, ce matin mercredi, visiter un plantier, en compagnie de mon régisseur, lorsque je m'aperçus que la vigne, très belle samedi malin, au lieu de progresser, avait fortement décliné. J'avais vu samedi les bour- geons tous très gontlés, en partie eutr'ouverts, tandis qu'aujourd'hui ils apparais- sent à peine sur la lige de la bouture, et, eu regardant de plus près, je me suis aperçu que chaque bourgeon était percé d'un trou par lequel avaient pénétré une ou plusieurs des bêles en question qui dévoraient tout l'intérieur, se Taisant an -i une espèce de nid. Les insectes s'accrochent à tel point que le secouage île 1 1 souche ne suffit pas à les faire tomber et qu'il est le plus souvent nécessairo de les prendre avec les ongles pour les tirer du bourgeon. « ('20 mai, château de Journac, par Gignac, Hérault.) 372 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. que c'est le plus commun du genre. Il attaque tous les bourgeons tendres, mais ne se trouve guère que dans les terres un peu fraîches. Il vil en masse sur les saules cultivés en têtard, sur les mûriers et sur tous les arbres fruitiers plus ou moins taillés. C'est le charançon que les jardiniers pari- siens appellent plus spécialement la grisetle. Perris, Goureau, Géhin, Nordlinger, Kaltenbach, Targioni, tous ceux enfin qui ont écrit sur les insectes des arbres fruitiers, le comptent parmi les ennemis sérieux des vergers. Il n'est pas étonnant que la vigne, qui a le triste privilège d'attirer tous les parasites polypbages, ait à souffrir de celui-ci. C. Peritelus senex Bobemann. — La plus petite des quatre espèces que nous décrivons : 2,50 à 4mm,50 de long sur 1,50 à près de 3 millim. de large. Corps relativement court, subglobuleux ; la robe est de couleur tantôt uniforme, allant du gris assez clair au gris foncé ; tantôt marquée de tacbes plus foncées ou plus claires. Rostre moitié aussi large que la tète, rétréci par-devant avec les lobes latéraux saillants ; antennes rousses. Prothovax un peu plus court que large avec les côtés fortement globuleux, habituellement marqué de deux bandes longitudinales plus foncées, ces deux bandes prolongées parfois sur les élytres. Sommet des tibias anté- rieurs formant en dehors un angle un peu saillant. Êlytrcs courtes, à peine plus larges que longues, arrondies sur les côtés, sphériques en arrière. Cette espèce, qui parait propre à notre pays, pullule en quantité énorme dans tous les terrains sablonneux du midi de la France; c'est la plus répandue sur la vigne en Camargue, dans les vignobles du littoral sablon- neux du Gard, de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. Nous l'avons reçue des environs d'Arles mêlée à desP. noxius elgriseus. Elle vit également sur les bords de l'Océan. D. Peritelus familiaris Bobemann. — Ce Peritelus est d'ordinaire de la taille des plus grands Senex, 4 à 4mm,50 de long, et ressemble à cette espèce pour le faciès. Les épaules sont seulement moins arrondies et le prothorax droit sur les côtés. Le corps est court, large et épais ; les squamules, très serrées, sont tantôt de couleur uniforme d'un gris brun ou d'un gris blanc, tantôt avec des taches ou brunes ou claires se détachant sur le fond de couleur opposée. La tête a le rostre court avec les lobes latéraux peu saillants, les arêtes bordant les scrobes courtes , ce qui est le contraire du griseus. Le prothorax court, plus large que long, un peu plus rétréci par devant et par derrière, souvent orné de deux bandes brunes longitudinales convergentes par-devant, ce qui fait paraître cette partiedu corps plusrétrécie LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 373 en avant qu'elle ne l'est en réalité. Élytres un peu plus longues que larges, plus 'le deux fois aussi larges que le prothorax, le dessus et les côtés for- tement arrondis ou spliériques, et malgré cela rétrécics à l'extrême pointe. Cette espèce est étrangère a la France. Elle figure dans la liste des ara- pélopliages de Hongrie que nous a adressée M. Horvatb et y est notée comme très nuisible. M. Seidlitz, dans sa monographie des Peritelus, la signale de Hongrie, de Serbie, de Russie méridionale et en particulier de Crimée. Elle paraît, en un mot, remplacer les trois espèces françaises dans les vignobles de l'Orient tempéré. MOYENS DE DESTRUCTION. Il est difficile de recueillir les Peritelus au moyen de l'entonnoir à altises. Nous avons vu en effet qu'une bonne partie se cache pendant le jour et que le reste se tient fortement cramponné aux bourgeons ou môme en- fermé dans l'intérieur de ces derniers. Dans toute la région du midi de la France, surtout depuis que, par suite de l'extension de la vigne dans les plaines sablonneuses du littoral, les Peritelus sont bien connus de tous les intéressés, on ramasse à la main ces petits rongeurs nocturnes. Mais récolter, jusque dans les bourgeons, des bestioles qui parfois n'ont pas 3 millim. de long, est un travail long, minutieux et nécessairement incomplet, puisque, nous l'avons dit, une grande partie se tient cachée pendant le jour dans le sol. Dans les terrains non sablonneux, c'est-à-dire où l'on est attaqué par les Peritelus griseus et subdepressus, on pourra appliquer en automne le sulfure de carbone contre la larve souterraine. La pleine réussite obtenue ainsi par M. Oliver, en ce qui concerne le Vesperus, peut donner confiance dans l'efficacité du procédé. Dans les terrains sablonneux, où pullule le Peritelus senex, terrains gardant mal les vapeurs de sulfure, on peut songer aux cultures interca- laires, qui ont également bien réussi à Collioure contre le Vesperus. Par un semis de céréales ou de légumineuses effectué en automne, tout au moins l'année de la plantation, on détournerait certainement l'ennemi des bourgeons de la vigne. Beaucoup plus que de détruire le Peritdus, il s'agit de le détourner des bourgeons ; qu'on se le dise bien. Le détruire ! on n'y arrivera pas ! Il est chez lui dans les sables, y pullulant depuis l'apparition de sa race dans \r< temps géologiques. L'homme est venu, a commencé par faciliter la multi- plication du Charançon par ses labours, puis il a remplacé les plantes sau- vages dont il vivait, par de la vigne. L'insecte se jette nécessairement sur 374 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. celle-ci, pendant les quelques semaines d'état parfait que lui fait traverser son cycle biologique, qui dure un au. Que pendant ces quelques semaines, en mai généralement, il trouve une plante quelconque à brouter au ras du sol, il laissera les bourgeons de la vigne. On pourrait au besoin, comme nous l'avons conseillé à propos des Noctuelles, laisser non cultivé, avec toutes les mauvaises herbes, et cela jusqu'à fin mai, un intervalle de vigne sur deux, sauf à achever le travail une fois l'insecte disparu. IV. — Les Otiorliynques1. Ces Curculionides sont assez connus des jardiniers et des agriculteurs pour que leur nom ait été francisé. En dehors du scrobe anlennaire dirigé vers le haut, caractère commun à tous les Otiorbynchides, les Otiorhyn- chus2 se distinguent par une taille relativement grande, un corps aptère, aux. téguments très durs. Leur coloration est sombre, noire ou brune, devenant parfois grise, jaunâtre ou en partie métallique par un revêtement de poils, de squamules ou d'une sécrétion cireuse tégumentaire. Le bec est court, découpé à son extrémité, s'élargissant sur les côtés sous forme de lobes en deçà et au delà de l'insertion des antennes. Ces découpures et ces lobes justifient le nom donné à ces insectes (ùtîov auricule, pvyxpg bec). * BiuLioniuPHiE. — Bouché; Descr. de la larve et de la nymphe de l'O. sulcatus (Nalurg. der Ins. Berlin, 183i, pag. 202) — Westwood ; Met. de l'O. sulcatus, avec flg. (Gardener's Magazine, tom. XIII, 1837, pag. 158, flg. G7). — Ratzeburg; Descr. delà larve de l'O. Aler (Die Forst. Ins., 1837, pag. 116, pi. IV, fig. 8). — Kiesenwetter ; Ueber den der Weincultur schàdlichen Rùsselkœfer (01. r.igrila). Deutsche nat. Zeitung, 1846. — Kalbrunner; Otior. Ligustici, cin dem Weinstock schàdlicher Ksfer (Soc. zool. bot. de Vienne, 1853). — Newman ; Trans. Eut. Soc. London, 1855. — Stierlin ; Rev. der Eur. Oliorh. (Ent. Zeit. Berlin, 1861, pag. 250).— De Marseul ; Monogr. des Otiorhynchides d'après Seidlitz et Stierlin (Journal l'Abeille. Paris, 1872-73). — Kunckel d'Herculais; Ravages de l'O. sulcatus. (Bull. Soc. ent. de France, 1882, pag. 58). — Fairmaire ; L'O. sulcatus nuisible dans les serres à vignes en Belgique (Bull. Soc. ent. de Fr., 1882, pag. 78). — André; Métamorphoses de l'O. Ligustici (Les Parasites de la vigne, 1882, pag. 103). 2 Nous préférons le nom générique d'Otiorhynchus Germar (1824) à celui de Rrachyrliinus Latreille (1802), adopté par certains auteurs, Jacquelin Duval, Bedel, etc., parce que le nom d'Otiorhynchus, en français Otiorhynque, a été consacré par l'usage agricole. Nous sommes, du reste, d'accord en cela avec le dernier Catalogue paru (De Marseul ; Catalogue des Coléoptères de l'ancien Monde. Paris, 1888). Fig. 72. — Oliorhynque de la livèche, grossi (Ot. Ligustici L.(, d'après M. A-ndré. LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 375 L'antenne est coudée, le fouet ou funicule composé de 10 articles. Le pronotum ou corselet s'élargit au milieu ; il en est de même des élytres soudées, qui sont dures, toujours plus larges que le corselet, mais peu saillantes aux épaules. Les cuisses sont renflées, les tibias armés d'une épine à leur extrémité. La forme varie suivant les sexes. Les mâles, ordinairement plus sveltes que les femelles, ont souvent des impressions sur le métaster- num et !a base de l'abdomen ; leur segment anal présente parfois une sculpture spéciale et les tibias peuvent subir diverses modifications. Ces insectes sont nocturnes et d'ordinaire polyphages. Durant le jour, ils se tiennent blottis sous les pierres, dans les mousses, sous les mottes, enterrés au collet des arbres ou des souebes. Certaines espèces, surtout parmi les plus grandes, se tiennent de préférence sur les arbustes et les buissons, et c'est particulièrement cbez ces dernières que s'observe la sécrétion cireuse pulvérulente, jaune ou grise, citée plus haut, pulvéruleuce qui disparaît au moindre contact. Les larves de plusieurs espèces, 0. sulcatus, ater, Ligustici, ont été étudiées. Elles sont toutes souterraines, vivant de racines. Les Otiorbynques sont depuis longtemps réputés nuisibles aux arbres. D'après Vallot (pag. 281), Aldrovande [De Animalibus insectis, 1G02), parlant de divers coupeurs de bourgeons (taglîadizzo), eu distingue un spé- cialement sous le nom d'Ips ou Ipa ', et qui semble se rapporter non pas au Rbyncbite, assez bien décrit et figuré par le vieux naturaliste italien, mais à l'un des divers Otiorhynchus ampélopbages de son pays. « Nostcr Talhiaditius Ipa est, in vitibustantum reperitur eas rodens, dit-il; notre Tagliadizzo estl'Ipa, on le trouve seulemeut rongeant les vignes. » Walckeuaer (pag. 241), le premier parmi les auteurs modernes, cite positivement une espèce sur la vigne, l'O. singularis Linné; il l'appelle, il est vrai, Curculio picipes Fabricius, mais les deux noms sont synonymes. Depuis Walckenacr (1835). pas une liste d'Ampélophages sans Otio- rhynchus. Dans tous les pays viticoles, eu effet, dans le centre et l'orient ' Comme nous l'avons dit dans le résumé historique général donné dans notre Introduction, ce mot d'Ips a été employé par 1»'- aaciens auteurs grecs, Tliéo- phrasle, Strabon, etc., pour désigner un insecte quelconque mangeant la Aldrovande parait l'avoir appliqué spécialement à uu Otiorhynchus. 376 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. de l'Europe surtout, ces gros charançons polyphages, aux mœurs noctur- nes, sont représentés sur la vigne par plusieurs espèces. Le genre est immense. Stierlin, dans sa Monographie, en a décrit plus de 400 espèces, toutes d'Europe ou des pays limitrophes, le plus grand nombre du centre et de l'orient, surtout dans les régions montagneuses. Les quelques espèces américaines ont toutes leur centre géographique en Europe1. Le dernier Catalogue paru (de Marseul, Coléoptères de l'ancien Monde, Paris, 1888) arrive au chiffre énorme de 581 espèces, y compris, il est vrai, tous les sous-genres du groupe. La France est relativement pauvre, 110 espèces environ . Nous lancer dans la description des 25 ou 30 qui dans l'Europe, l'Asie- Mineure ou la Barbarie ont été signalées sur la vigne, serait dépasser le but ; nous borner à décrire YO. sulcatns, appelé parfois l'Otiorhynque de la vigne, ne serait pas assez. Nous prendrons un moyen terme. Nous ferons figurer dans notre liste, en ne leur consacrant qu'une courte dia- gnose, les principales espèces signalées sur la vigne à l'étranger, et nous ne décrirons avec quelques détails que les trois [dus communes en France, c'est-à-dire : Otlorhynchus Ligustici Linné, YO. sulcatns Fahricius et YO. singularis Linné. A. Otiorhynchus Ligustici Linné (6g. 72). — Synonymie: 0. mo- nopterus Fourcroy (1785). En français, Otiorhynque de la livèche, Bécare aux envirous de Paris. C'est la plus grosse des trois espèces françaises. Longueur 11 à 13mm,50. Corps relativement large et bombé, noir, garni de poils et de squamules grises. Rostre épais, élargi vers le bout, avec une carène médiane se terminant entre les yeux. Scrobe prolongé jusqu'aux yeux. Pmthorax plus large que long, convexe, garni de petits granules arrondis entre lesquels sont de nombreux poils gris. Élytres con- vexes, fortement dilatées, rétrécies en pointe arrondie par derrière, marquées en dessus de trois côtes peu saillantes , densement couvertes de petits granules Fig. 73. — Larve de saillants, et, dans l'intervalle, de poils et de squamules ià^à^SKLlel! 6«ses, celles-ci généralement disposées en forme de d'après M. André, mouchetures. La larve, étudiée tout d'abord par M. de Vergnette-Lamothe, a été som- mairement décrite et figurée par M. André. Elle est représentée (fig. 73) * Hamilton et Fauvel ; Liste des Coléoptères communs à l'Europe et à VAmé- que du Nord, pag. 156 (Revue d'Entomologie. Caen, 1889). LLS CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 17 7 vue de dos et fortement grossie. Vue de profil, son corps est légèrement incurvé. A part la tète, qui est rousse, cette larve est blanche, charnue. apode, garnie de poils raides, se mouvant lentement et passant toute son existence à ronger les racines. L'insecte est toutefois nuisible encore à l'état parfait, lorsque pour se nourrir il coupe les jeunes pousses. «Les femelles, dit M. André, pondent dans la terre, au collet de la sou- che, des œufs très petits, arrondis (fig 74), vers le milieu ou la fin de l'été. »Les petites larves en sortent bientôt, pénétrant dans la terre à une faible profondeur, et commencent leur œuvre de destruction. Avant l'hiver, elles ont acquis à peu près leur grandeur définitive. Elles paraissent s'en- gourdir et garder un repos absolu pendant toute la mauvaise saison, puisqu'on les retrouve au printemps dans le même état. Il est possible que, les frimas passés, elles prennent encore un peu de nourriture; en tout cas, fin avril ou en mai, on rencontre en terre les nymphes, qui permettent déjà de reconnaître sous les membranes qui l'emmaillotent l'insecte qui en naîtra. A la fin de mai, celui-ci rejette ces enveloppes, et pendant quelques jours reste immobile dans sa loge souterraine, pour laisser à ses organes le ternes d'acquérir delà fermeté; puis il apparaît à la surface du sol. «Mais ce n'est pas pour y mener une vie plus inoffensive. Caché le jour dans les réduits las plus obscurs, il se met en marche dès que la nuit est venue, et, montant sur les ceps, il atteint les bourgeons déjà grands. Avec ses man- dibules, il les coupe et les tenaille de façon à les faire com- plètement dessécher. Fi9- 74- ~ r Œufs (forte- »On ne coi.nait pas au juste le nombre d'œufs constituant ment grossis) la ponte d'une femelle. Cependant une observation de de l Otiorhyn- 1 _ que delà live- M. Bellevoye permet de supposer qu'il s'élève a plus de 150- cne (d'après La présence de cet insecte n'est heureusement pas continue M André). dans les vignes : il peut en effet se nourrir d'une foule de plantes, et ce n'est qu'à des intervalles irréguliers qu'on l'a indiqué comme nuisible aux vignes. » L'Otiorhynque de la livèche est répandu dans toute l'Europe du nord et du centre, jusque dans le sud de la Russie et même en Sibérie (Schœnherr), mais il est inconnu dans la région de l'olivier. B. Otiorhynchus sulcatus Pabricius. — Le nom français est Otio rbynque sillonné, mais on l'appelle aussi très souvent Otiorbynque de la vigne. C'est en effet l'espèce le plus ampélophage du genre, la plus répandue et la seule qui occasionne à la fois des dégâts dans le nord et dans le midi de la France. Vallot (18 il) est, croyons-nous, le premier ^"8 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. qui en ait parlé comme attaquant la vigne, et depuis cette époque elle Qgure flans toutes les listes d'ampélophages. Elle est plus petite que l'espèce précédente, 9 à 11 millim., et répond à la description suivante : Corps noir assez densement garni de poils jaune gris, avec des mouche- tures de même couleur. Roslre largement sillonné sur toute sa longueur, ponctué ainsi que le front. Antennes presque aussi longues que la moitié du corps, le deuxième article du funicule une fois et demie aussi long que le premier, le troisième oblong. Prolhorax aussi long que large, très grenu. Elylrcs déprimées, mouchetées de gris jaune, profondément sillon- nées, indistinctement ponctuées dans les sillons; interstices granulés. Chez le mâle, les élytres sont plus étroites et le segment anal subfovéolé. Les métamorphoses ont été observées et figurées par divers auteurs, Bouché, Westwocd, Nordlinger. La larve souterraine est nuisible aux racines d'un grand nombre de plantes cultivées en serre: Saxifrages, Sedum. Bégonias, Cinéraires, Primevères, Fougères, etc., et en plein champ au framboisier et à la vigne. Plusieurs Notes ont été communiquées à ce sujet à la Société entomoloj.'ique de Frauce par MM. Lucas, Fairmaire, Kunckel d'IIerculais,etc. En suivant fin mars ou premiers jours d'avril des piocheurs de vigne en Beaujolais, nous avons plusieurs fois recueilli nous-même la larve, qui était mise au jour avec des vers blancs de hanneton, dont elle a les mœurs. Vers le milieu d'avril, a lieu la métamorphose en nymphe dans une loge pratiquée dans le sol, et, seconde quinzaine de mai, l'insecte parait hors de terre et il commence à entamer les boi'rgeons pendant la nuit. La larve est apode, blanche, peu chitinisée, sauf la tète qui est rousse, avec les parties de la bouche, surtout les mandibules, rembrunies. Le corps, composé de 14 segments, y compris la tête et le mamelon anal, est relative- ment allongé, 9 à 10 millim. sur 4 à 4,50 de large, incurvé, comme celui de la plupart des larves de charançons, muni d'une double rangée longi- tudinale de petits mamelons ambulatoires un peu luisants, garni de poils blonds, rangés transversalement sur les segments. Les mouvements sont lents, et l'insecte, déterré, tend aussitôt à rentrer dans le sol. L'ère géographique de cet otiorhynque est très étendue. Il est de toute la France, de presque toute l'Europe, Italie, Espagne, Suisse, Allemagr.e, Autriche, Angleterre ; se retrouve en Amérique, Canada, Terre-Neuve Etats-Unis du Nord; mais, la larve ne pouvant vivre que dans un sol meuble et un peu frais, il est très localisé dans la région de l'olivier. Dans l'Hérault, à part la zone du châtaignier etcelledu hêtre, où l'insecte abonde, mais où la vigne est peu ou pas cultivée, nous n'avons vu les dégâts sur LES CHARANÇONS COUPE-BOI RGEONS. les bourgeons de vigne rire sérieux que dans les terres d'alluviOQS des communes de Sauvian et Sérignan, près Béziers. En ce qui concerne le midi de la France, on peut dire généralement que les Oliorfvynchus y sont, comme coupe-bourgeons nuisibles aux vignes, remplacés par les Pen- telus et le Gconemus. En France, le centre de nocuité de notre espèce paraît être la Bourgogne et le Beaujolais. En Allemagne, d'après M. Von llcydcn, ce serait la vallée de la Moselle. C. Otiorhyxchussingularis Linné (1767). — Synonvmik : 0. picipes Fabricius (1777), 0. grannlatus Herbst (1784), 0. notatus Bonds (1784), 0. squamiger Marslmm (1802). Variétés : 0. Marquati Fald. (1837), 0. vastalor Marsbam (1802), 0. Cnevrolati Gyllenball (1843), Stierlin (1861). Cette espèce, une des plus polypbages, vivant indifféremment sur les Conifères, les arbres feuillus, tels que le hêtre, le chêne, l'aubépine ou la vigne, a été, nous l'avons vu, la première signalée comme ampélophage par Walckenaer (1835). C'est un insecte des pays frais et tempérés, inconnu dans la région de l'olivier. Sa variabilité l'a fait décrire plusieurs fois par les chercheurs d'espèces nouvelles et a fortement contribué à embrouiller sa synonymie. Il est inscrit sous le nom de picipes dans le Catalogue de Marscul (1888), mais le nom du premier descripteur est généralement adopté en Europe. La larve n'est pas connue. Bien qu'assez variable, l'insecte parfait se reconnaît pourtant facilement. C'est la plus petite des trois espèces décrites ici. Longueur 7 à 8 millim., largeur 3 à 3mm, 75 Corps ovale-oblong, d'un brun rougeâtre, couvert de squamules serrées de couleur cendrée ou brune, les plus claires groupées souvent en forme de mouchetures. Tête squameuse avec une fovéole profonde oblongue eutre les yeux qui sont ovales, peu con vexes. Rostre un peu plus long que la tète, élargi au bout, plan en dessus, garni de poils blonds à l'extrémité. Antennes pubescentes, deuxième article du funicule une fois et demi aussi long que le premier, les suivants sphériques, massue ovale. Prothorax aussi long que large, parfois un peu plus long, convexe, arrondi sur les côtés, garni de petits granules piligères peu serrés. Êlytres un peu plus larges à la base que le prothorax, brusquement dilatées, peu convexes et terminées postérieure- ment en pointe arrondie, striées, ponctuées de points en forme d'ocelles avec uuesquamule claire dans le milieu, les interstices ayant chacun une série de petits granules faibles, pilifôres. Pattes d'un brun rouge plus ou moins clair, couvertes, ainsi que le ventre, de poils blonds et de squa- 38C LES CHAHANÇONS COUPE- BOUHGEONS. mules, dent des fémurs peu prononcée Chez le mâle, la base de l'abdomen est légèrement creusée. L'Otiorhynchus singularis babite, comme le sulcatus, presque toute l'Europe, mais dans le Midi il ne quitte pas la région montagneuse ; dans le Nord, il se trouve jusqu'à Saint-Pétersbourg. Il est signalé ampélopbage, surtout dans l'ouestde la France, la Gironde, les Landes, le Gers, d'où nous l'avons reçu plusieurs fois mélangé avec le Cneorhinus geminatus et le Peritelus griseus.M. Fairmaire l'a signalé dans les serres à arbres fruitiers à Saint-Pétersbourg et sur la vigne en Savoie (Bull. Soc. ent. deFr., 1881, pag. 47). D. Autres otiorhynques de la vigne. — A part les trois espèces que nous vouons de décrire comme les plus répandues, nombre d'autres, nous l'avons dit, ont été signalées sur la vigne, en France ou à l'étranger. Dans notre pays d'abord, on cite: Otiorhynchus raucus Fabricius el lene- bricosus Herbst. En Italie, d'après les divers auteurs, Bargagli ',Targioni, Gestro, etc., on peut nommer : Oliorhynchus Zébra Fabricius, nigrita Fabricius, armalus Bobemann, Girafa Germar, dont le corruptor Host. n'est qu'un synonyme, globus Bohemann, Lombardus Stierlin, enQu raucus Fabricius. Pour la Grèce, la liste envoyée par M. Gennadius renferme: Oliorhynchus llellenicus Stierlin, lugens Germar, Grœcus Stierlin, Car- celliGyUeuh-dWei scilus Bobemann. D'après M. Horvatb, les Oliorhynchus ampélopliages de la Hongrie sont: 0. Liguslici hianê.Populeli Bobemann, lavandus Germar et conspersus Herbst. L'espèce la plus nuisible d'Au- triche, selon M. Reitter, de Vienne, serait YO. longipennis Stierlin, et personnellement nous avons reçu de Trieste YO. plan.Uus Herbst comme ayant fait des dégâts notables aux environs de cette ville. En Allemagne, avec M. von Heyden, nous trouvons comme nuisibles, dans la vallée de la Moselle le vulgaire 0. sulcatus, et dans celle du Rhin YO. nigrila Fabri- cius, dont le Iristis Scopoli est synonyme ; cet insecte est fort bien figuié dans l'ouvrage de Brebra. En Russie, une seule espèce nous est signalée par M. Kowalesky, mais elle est fortement nuisible, surtout en Crimée : c'est YO. asphaltinus Germar. D'Espagne, M. Graëlls ne cite que 0. sulcatus. Enfin, M. Lecq, d'Alger, nous a envoyé comme très nuisible aux jeunes vignes une petite espèce habitant la Barbarie, YO. planilhorax Bohemann. Ensemble 20 espèces, en dehors des 3 précédemment décrites ; total 23. 4 Pour l'Italie seule, M. Bargagli cite dix espèces à' Oliorhynchus plus ou moins ampélopliages (Bull, Soc. ent. ital., 1er et 2 juin 1884). LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 381 Nous eussions pu, comme nous l'avons dit, en compulsant tous les auteurs, porter le nombre à 25 ou 30 ; mais à quoi bou ! De ces 20 espèces, nous n'eu faiso-is figurer que 5 dans la liste générale des ampélophages, ce qui porte à 8 le nombre total des Otiorhynchus qui en font partie. Sur ces 5 espèces, les plus nuisibles, croyons-nous, après les 3 décrites, nous donnerons quelques détails dans l'ordre suivant : Oliorhynchus planithorax, 0. asphallinus, 0. populeti, 0. globus et 0. raucus. Oliorhynchus planithorax Bobemann. Reçu de M. Lecq, professeur d'Agriculture à Alger, « comme ayant détruit en huit jours, au milieu de mai, près de 4,000 pieds de vigne, dans une seule propriété». Facile à distinguer à première vue, d'abord à sa petite taille, 5 à Gmm,50. de longueur et de 2,75 de large, puis à sa couleur noir de poix, avec les antennes et les pieds roux. Le corps, presque glabre, est en ovale allongé, forme moyenne des Oliorhynchus ; les élytres assez renflées, le prolborax dilaté sur les côtés, plan en dessus. Particulier à l'Algérie. O. asphallinus Germar. Signalé très nuisible à la vigne en Crimée par Scbœnherr en 1833, et depuis par de nombreux auteurs. M. Kowalesky, d'Odessa, le fait figurer dans la liste à nous envoyée eu 1883, toujours en stipulant la Crimée comme centre géographique. Des espèces mentionnées ici, c'est la seule que nous n'ayionspas vue; mais, d'après la description de Stierliu, l'insecte est de taille moyenne, 11 millim. de long sur 4,30 de large, variant peu, au corps noir luisant, sans squamules ou poils, les élytres en ovale allongé, marquées de stries avec des points enfoncés, et entre ces stries, une double rangée de petits points. 0. populeti Bobemann. Une des espèces les plus nuisibles dans la Hongrie méridionale, d'après M. Weny'.EUe est signalée, par Stierliu, de la Styrie, du Tyrol et de la Suisse. Elle doit être répandue aussi au sud des Balkans, car nous l'avons reçue de Salonique, comme nuisant à la vïgni aux environs de cette ville. C'est un otiorhyuque de taille moyenne, 7 à 10 millim. de long sur 3 à 4 de large, c'est-à-dire assez allongé, un peu cylindrique, le corps noir mat, garni éparsemenl de squamules et de poils d'un gris jaune.Il a par la couleur, mais non par la forme, quelques rapports avec YO. sulcalus. 0. globus Bobemann. Cité de Hongrie par M. Slierlio, d'Italie par M. Bargagli. M. Fairmaire, de son côté [Bull. Soc. ait. de /'-.. 1881, pag. 59) le signale, d'après le Dr Gestro, «comme l'auteur de domm; importants dans les vignobles de Casalc (Mooteferrato) ». C'est une petite i J. Weny; Un ennemi inconnu de la vigne (supplémeal français du l'.ovar- tani Lapok, de Budapestb, 1886, pag. 2 et pag. 3 à 9 du texte hongrois). 38*2 LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. espèce, 5 à 6 millim. de long sur 2 à 2,50 de large, noire avec des poils gris, pas très serrés, les élytres tachetées de squamuies dorées. Les antennes et les pattes d'un brun roux . 0. raitcus Fabricius. Commun certaines années aux environs de Paris et signalé sur la vigne par plusieurs auteurs : Dr Boisduval [Entom. hort. , 1867, pag. 155),Fairmaire [Bull. Soc. eut. de Fr., 1881, pag. 48). L'insecte est assez petit et relativement court, 6 à 8 millim. de long sur 3 à 3,50 de large. Le corps est couvert de squamules grises très serrées, parfois avec des macules plus claires, le pronotum et les élytres renflés. La forme, au premier abord, rappelle celle d'un Peritelus de grande taille. MOYENS DE DESTRUCTION. Dans toutes les cultures de vigne où les Otiorhynques sont assez nom- breux pour avoir attiré l'attention des vignerons, on les fait ramasser à la la main, mais le travail doit se faire la nuit tombée, à la lanterne; quoi qu'en dise en effet Boisduval (Enlom, horticole, pag. 156), le nombre de ceux qui se tiennent le jour appliqués contie les murs des espaliers ou autres est très peu considérable. Ce ramassage à la main, très praticable dans un enclos restreint, ne l'est guère en grande culture. On a parlé de labourage au moment où l'insecte est en nymphe, c'est-à- dire fin avril (Fairmaire, Bull. Soc. ent., 1881, pag. 48); mais nous objec- terons que la nymphe est enfermée dans une coque de terre, et que celle-ci peut fort bien ne pas être brisée par le labour. Quant aux larves retarda- taires, elles ne seront nullement gênées par ce binage ; au contraire. «Eu Grèce, nous dit M. Geum\dms[Comptes rendus Acad. des Sciences, G décembre 1880), les effets insecticides de la submersion contre les Ollorynchus sulcatus, lugens, etc., sont connus depuis des siècles ». La submersion, objecterons-nous, n'est possible que dans des conditions excep- tionnelles. En Hongrie, M. Weny (Rovartanl Lapok, de Budapesth, 1886, pag. 3), parlant de la commune de Langenfeld (dép. de Krasso Szoreny), dit que YO.populeli en est venu, par sa multiplication, à rendre la culture de la vigne impossible dans le pays. Ayant fait l'observation que les ravageurs se cachent pendant la journée sous les mottes de terre ombragées par des arbres, il a conseillé aux vignerons de planter dans le sol des rameaux pourvus de feuilles et de mettre à leur base de grosses mottes sèches. « Ces pièges artificiels, dit l'auteur, ont donné de très bons résultats. Les insectes se sont réfugiés par milliers sous les mottes, où le lendemain on a pu les LES CHARANÇONS COUPE-BOURGEONS. 383 ramasser et ics détruire en grande quantité. Ainsi, un vigneron a pu récolter, aidé de sa femme, en deux heures et demie, 5 litres de ces insecte: Cet exemple était utile à citer à propos de VO.populeli, inconnu chez nous, mais un des plus nuisibles dans l'Europe centrale. En ce qui concerne la généralité des cas. nous préférons de beaucoup l'emploi du suifurede carbone appliqué contre la larve souterraine. Le pal injecleur réussit contre les larves de Vesperus et de hannetons; il ne peut manquer d'être toujours efficace contre celles des Otiorliynques. «M. -de Vergnette-Lamothe, dit M. André (Les parasites de In vigne, pag. 107), a constaté que le sulfure de carbone est un poison efficace contre les larves d'Otiorbynques et môme contre les insectes parfaits enterrés, et les injections faites au pied des ceps sont appelées à donner contre les pa- rasites d'exellents résultats. L'expérience est donc faite, et nous nous en tiendrons à ce procédé de destruction '. 1 Parmi les moyens naturels de lutte contre les insectes, on peut ranger le rôle des animaux insectivores, surtout celui des crapauds. En Beaujolais, il nous est arrivé d'en disséquer qui avaient plus de vingt Otiorhyuques dans l'estomac. On a pu discuter sur l'utilité des oiseaux insectivores. Certains, a-t-on dit, mangent tous les insectes, les utiles comme les nuisibles. Le rôle du crapaud semble tou- jours utile, nous • n'avons jamais trouvé d'insecte carnassier dans son estomac. On ne saurait donc trop combattre i'absurde préjuge qui . dans nos campagnes, fait sacrilier sans pitié cet utile auxiliaire. Chaque soir il quitte le trou qu'il s'est pratiqué dans un vieux mur ou tout simplement dans le sol, et il n'y rentre que l'estomac garni de 20 ou 30 Oliorbyn- ques, chenilles de Noctuelle ou autres ravageurs nocturnes. Si l'on avait soin, de distance en distance, de creuser au bord des vignes des petits fossés qui, aux pluies du printemps, se rempliraient d'eau, permettraient au crapaud de déposer ses œufs et faciliteraient l'évolution de ses têtards ; ^i à côté de ces petites mares on plaçait un tas de pierres mal jointées pouvant abriter l'adulte, les quelques mètres carrés occupés par ces crapaud ières ue seraient pas mal employés. Je vois d'ici certains lecteurs sourire à ce plaidoyer en faveur de mou Batracien. Je leur dirai que, par le monde, font sourire pas mal do vérités qui n'eu restent pas moins des vérités. CHAPITRE XXL L'OPATRE DES SABLES. [Opatrum sabulosum Linné) La famille des Ténébrionides, dontleTenebrion des boulangeries, l'insecte parfait du ver de farine, est le type le plus connu, n'est représentée parmi les ennemis de la vigne que par une seule espèce, V Opatrum sabulosum. Les Coléoptères qui composent ce groupe ont pour caractère des tarses hèlèromères, c'est-à-dire à nombre d'articles différents, cinq aux pieds antérieurs et intermédiaires, quatre aux pieds postérieurs. Leurs ailes inférieures sont souvent avortées, leurs élytres soudées, leur robe géné- ralement sombre ou terreuse, et c'est ce qui leur a valu dans certaines classifications le nom de Mélasomes (^a; noir, a-w^a corps). L'espèce qui nous occupe réunit tous ces caractères. Bien que fort com- mune, répandue dans toute l'Europe et jusqu'à l'extrémité de la Sibérie, elle n'a pas d'histoire au point de vue des dégâts qu'elle peut exercer sur la vigne. Il n'y a qu'une dizaine d'années qu'on en parle. C'est qu'en effet elle n'attaque ni la racine, ni la feuille, ni le raisin, mais seulement la greffe. Or l'opération de la greffe n'est pratiquée sur une grande échelle que depuis une dizaine d'années. Partout les vieux plants d'Europe se mettent sur pieds américains résistant au Phylloxéra. Comme pratique viticole usuelle, le procédé étant nouveau, il n'est pas étonnant que le viticulteur rencontre des ennemis nouveaux, des mangeurs de bourgeons enterrés ou lents à se développer, des rongeurs de bourrelets de soudure. De ces derniers, nous aurons l'occasion de parler plus loin. L'Opatre des sables est un de ces mangeurs de bour- geons enterrés, la plus sérieux de tous, le seul dont la presse agricole1 1 La lettre suivante, adressée au Vigneron narbonnais et reproduite par une bonne partie de la presse agricole méridionale, nous semble utile à citer. Elle est signée d'un nom connu en géologie, G. de Malafosse, le savant doublé d'un praticien. La Roque, par Sallèle d'Aude, 16 mai 1888. Cher Monsieur, « Un nouvel ennemi vient de fondre sur nos vignes. «Cette fois, c'est d'un Coléoptère qu'il s'agit ; il a nom Opatrum sabulosum. l'opàtre DES SABLES. 38") se soit occupée, le seul aussi dont il y ait quelque intérêt à parler avec détails ' . Long de 8 à 9 millim., il ne porte pas, comme l'altise, un brillant costume; sa livrée est gris foncé et sur ses élytres se monlreut de petites verrues disposées eu séries longitudinales. •>En légions vraiment innombrables, cet insecte fouisseur s'est répandu dans nos vignes. Sa nourriture habituelle se compose de végétaux en décomposition, mais il est par malheur également friand des bourgeons naissants et gonflés de sève. Gomme il est lourd et maladroit, il n'a pas, jusqu'ici du moins, tenté d'es- calader les ceps : c'est aux greffes de l'année qu'il s'adresse. Creusant la terre des buttes, il arrive au bourgeon du greffon et le dévore avant qu'il ait paru hors du sol. Dès que la pousse a développé quelques feuilles, il n'y touche plus. »Le mal causé par ce maudit rongeur est déjà sérieux ; s'il parvient à traiter le second bourgeon des greffes comme il a traité le premier, ce sera un désastre. «Aussitôt le iléau constaté, j'ai essayé de faire répandre des herbes, des feuille?, au pied des bulles des greffes ; les Opatres se rassemblent en masse pendant la chaleur sous ces abiis, et ou les fait simplement ramasser à la main, t Dans une lettre à nous adressée en date du 30 mai, M. de Malal'osse complète ainsi ses renseignements : « Les bataillons d'Opatrum sont loin de diminuer. Deux fois je les ai fait décimer par une chasse active, et il n'y paraît guère. E.i soulevant les paquets d'herbes pourries mis au pied des buttes, on voit des cen- taines d'insectes, et pendant ce temps les greffes poussent. .. . s'il plait à Dieu. « Je crois bien, ajoute M. de Malafosse, que les binages, supprimant toutes les mauvaises herbes, nourriture habituelle des Coléoptères ci-dessus, sont pour quelque chose dans leur présence sur les greffes. » Plusieurs autres viticulteurs, tels que M. Falque d'Olonzac (Hérault), déjà cité à propos du Gconcmus flabellipes, nous ont envoyé sur l'Opatre des plaintes et des renseignements si analogues à ceux reçus de .M. de Malafosse, qu'il est inu- tile de les reproduire entièrement. « Ces maudits insectes noirs, «lit M. Falque, rongent tous les bourgeons de greffons qui veulent sortir du sol et d air le beaux sarments.» Comme M. de Malal'osse, ce viticulteur ajoute qu'il est résolu à ne labourer entièrement les vignes greffées que lorsque les pousses seront garnies de feuilles vertes, afin de laisser dans les mauvaises herbes uu aliment à la voracité de l'ennemi. 1 Outre l'Opatre des sables, on nous a plusieurs fois soumis, comme ayant attaqué les bourgeons de greffons butlés, les larves de deux Coléoptères bien différents de l'Opalrum, le Cebrio gigas Fabricius el VAgrioles obscurus Linné. Le premier est un insecte méridional de la famille des Mollipennes, dont la larve vit généralement des racines de la luzerne; le second, qui apparlieut à la famille des Élatérides ou Taupins, est d'habitude, à l'état larvaire, nuisible aux racines des céréales. Les dégâts causés par ces insectes ne sont pour nous qu'accidentels. Il est probable qu'on observera encore bien d'autres mangeurs de racines ve- nant attaquer les bourgeons enterrés des vignes greffées. 25 38G L OPATRE DES SABLES. L'insecte est partout, dans les champs et sur les chemins, où sa rcbe couleur de terre le dissimule, où le pied du passant l'écrase. Pour peu que le terrain soit ensoleillé et peu compacte, il se multiplie en raison directe des binages fréquents et des détritus abandonnés sur le sol ou à demi enterrés. Si, pour protéger les greffes et assurer leur solidité, tout en s'épargnant la peine et la dépense de leur mettre un tuteur, le vigneron les butte avec de la terre au point d'enterrer ou à peu près les deux bourgeons laissés d'ordinaire aux greffons (fi g. 75), ceux-ci, avant de pousser, se gonflent plus HH'. , . ~z^L I«lil«là Fig. 75. — Cep greffe en fente et butté. qu'ils ne le feraient en plein air, puis s'entr'ouvrent en montrant des feuilles jaunes, autrement dit, privées de chlorophylle. Ils poussent, tant qu'ils sont en terre, à la façon des légumes, cardons, céleris ou autres, que les maraî- chers buttent pour les faire blanchir. C'est alors que l'Opatre, grand mangeur de détritus encore frais, de feuilles fanées ou seulement jaunies et étiolées, s'attaquera au bourgeon et le videra entièrement. Sa larve vermiforme, cylindrique, ressemblant au ver de farine cité plus haut, se mettra souvent de la partie, et le bourgeon sera vite perdu. Si, sans être enterré, le bourgeon est très près de terre, ne faisant saillie que d'un ou deux centimètres au sommet de la butte, surtout si, pour une raison ou pour une autre, une fois entr'ouvert, il est lent à se développer, l'insecte pourra parfois l'attaquer. Nous avons constaté le cas au domaine de la Valette, près Montpellier, mais il est rare. On reconnaîtra sans peine l'Opatre à son corps long de 8 à 10 millim., l'opatre des sables. 387 large de 3,50 à 5, un peu aplati, d'un brun terreux, ayant les ély très Boudées et garnies de stries longitudinales verruqueuscs ; là tète, munie de petites antennes, est dissimulée dans l'écliancrure du thorax; celui-ci étant de la même largeur que les élytres, leur séparation est peu apparente ; les pattes sont courtes, et, comme le dit très bien M. de Malafossc, l'insecte est lourd et maladroit. Les métamorphoses de VOpatrum sabulosum ont été décrites en 1871 par M. Lucas [Ann. Soc. ent. de Fr., pag. 452). La larve, nous l'avons dit, ressemble à celle du Ténébrioo (ver de farine), en plus petit, bien entendu, environ 18 millim. de long au lieu de 25 à 80. Comme la larve du Téné- brion, elle est cylindrique, de couleur jaune brillant, un peu plus rem- brunie cependant, surtout sur la partie tboracique et à la partie postérieure de chaque segment. La tète est arrondie, plus large que longue, bien diffé- rente en cela des larves d'Élatérides, auxquels celle de l'Opatre est parfois mélangée. Elle diffère encore de la larve du Ténébrion par le dernier segment abdominal. Obez celle-ci, il est à peine déprimé en dessus et ne porte que deux épines relevées à son extrémité. Chez celle de VOpatrum, ce dernier segment est élargi, déprimé et même creusé en dessus, et le bord postérieur porte dix épines, cinq de chaque côté. La nymphe, qui .-c trouve en août dans une petite loge pratiquée dans le sol, est d'un blanc pur quand elle vient de se transformer, et devient peu à peu ferrugineuse, à mesure qu'elle se rapproche de sa dernière métamorphose. A part l'ar- mature de l'abdomen, elle n'offre rien de particulier. Cette armature, des- tinée à faciliter les mouvements dans la loge, se compose d'expansions membraneuses placées sur les côtés de chaque segment, et chitinisées sur leurs bords latéraux., mais sans épines sur le bord terminal, comme on en voit chez les nymphes de Ténébrions. Le dernier segment est, comme chez celle-ci, terminé par deux pointes blanches comme le reste du corps, avor une épine brune au bout. Au mois de septembre, les insectes parfaits sont éclos, ils s'enfoncent dans le sol pour passer l'hiver, et apparaissent au premier printemps. Doit-on considérer cet insecte comme pouvant entraver sérieusement, dans certains quartiers, la reconstitution des vignobles par la greffe sur pieds américains? Nous ne le pensons pas. D'après les détails seuls que nous avons donnés, le lecteur a dû se tracer lui-même, de suite, la marche à suivre: 1° toujours laisser deux bourgeons au greffon; 2° consolider suffisamment celui-ci au moyen d'un tuteur pour ne pas être obligé d'en- terrer les bourgeons; 3° si l'Opatre se multiplie trop, déposer, comme M. de Malafosse l'a indiqué, un paquet d'herbes fanées au pied du cep. Ce piège à bon marché, recommandé déjà par nous contre les chenilles de 388 LES APATES DÉS SARMENTS. Noctuelles, sera visité deux ou trois fois par semaine et permettra de dé- truire non seulement l'Opatre, mais bien des mangeurs de bourgeons dont nous ne parlons pas. LES APATES DES SARMENTS1 Tout viticulteur, principalement dans le midi de l'Europe, a remarqué que les fagots de sarments empilés depuis longtemps en plein air et même à l'abri de la pluie, sont rongéspar de petites larves blancbes, courtes, produi- sant de petits insectes bruns. Par la grande multiplication de ces rongeurs de bois, les quissous de nos vignerons méridionaux, les sarments, au bout de deux ou trois ans, arrivent à tomber complètement en poussière. Le fait n'est pas d'observation récente ; dès la fin du siècle dernier, Olivier avait décrit une des espèces les plus répandues, comme perforant le bois de la vigne. Elles sont du reste polypbages, ainsi que.nous le verrons plus loin. Si ces insectes se contentaient toujours d'attaquer les sarments coupés, le mal causé ne serait pas énorme, ils n'auraient pas à plusieurs reprises effrayé les viticulteurs. On en aurait toujours été quitte pour brûler ou vendre le plus tôt possible les piles de fagots ; mais il arrive souvent que lorsque, par une cause quelconque, pourridié, gribouri, phylloxéra ou autre, la végétation de la souche est languissante, les sarments sur pied sont attaqués par ces larves, ce qui les fait partiellement sécher à partir de l'un des nœuds. Que de fois nous avons vu tel propriétaire de vigne, refusant de croire à la présence du Phylloxéra aux racines de ses souches, nous apporter des sarments ainsi perforés et paraître convaincu que les auteurs de tout le mal étaient les rongeurs de bois. Ces larves qui détruisent les sarments secs ou malades appartiennent à plusieurs espèces, et, à la rigueur, à plusieurs genres faisant partie de la famille des Térédiles, de la tribu des Apatides ; mais elles peuvent toutes être ramenées dans le grand genre Apate, créé par Fabricius. 1 Bibliograi'Hie. — Olivier ; Encyc. d'Hist. nat., tom. V, pag. 110. — Vallot; Mémoire sw les Ins. ennemis de la vigne, 1839. — Ferris; Mœurs et métamorphoses de quelques Apates (Ann. Soc. ent. de Fr., 1850, pag. 555- 571, avec pi.). — Perris ; Larves de Coléoptères. Paris et Lyon, 1877. — Mc<= Girard; Les larves des sarments de vigne (Soc. des Agr. de Fr., 1879. — André ; Les parasites de la vigne. Beauae, 188?. — ■ Targioni ; Relazione delli R. Stazione di Enlomologia agraria di Firenze, 1884, pag. 282. LES APATES DES SARMENTS. 389 Les Apate sont des insectes qui ont embarrassé les classiGcateurs. Par leur forme et leur manière de vivre, ils ont les plus grands rapports avec les Xylophages ou Lignivores, et ont même été rangés autrefois dans cette fa- mille; mais le nombre d'articles de leurs tarses, cinq au lieu de quatre, la présence de pieds chez leurs larves, celles des Xylopliages étant apodes, plusieurs autres caractères également, les ont fait extraire des Xylophages et placer dans lesTérédiles, à côté des Vrillettcs (Anobium). Ce qui a contribué à maintenir la confusion dans certains esprits peu versés dans les études entomologiques, c'est que le nom de Bostrichus avait été primitivement donné par Geoffroy aux Apate, que l'on pourrait appeler les faux-xylophages, et que ce même nom de Bostrichus a été pos- térieurement appliqué par Fabricius à un des principaux genres des Xylo- phages vrais, tandis qu'un nom nouveau, celui d' Apate, était donné par l'entomologiste danois aux Bostrichus de Geoffroy. L'usage a consacré les deux appellations de Fabricius, le nom français de Bostriche est entré dans la langue usuelle des forestiers, et c'est pour cela 4ue, malgré l'École alle- mande, plus éprise de priorité absolue que de clarté, nous appelons Apate les insectes qui nous occupent. Nous sommes en cela d'accord avec Jac- quelin Duval', de Marseul (Catalogue, 1888) et la plupart des entomolo- gistes. Ce genre Apate (de ùtt&tyi tromperie), dans lequel, pour simplifier la no- menclature, nous faisons entrer les Sinoxylon et les Xylopertha, rangés dans la tribu des Apatides, se distingue par les caractères généraux suivants: Corps cylindrique; tête verticale, plus ou moins surplombée par la partie antérieure du prothorax ; mâchoires à deux lobes distincts, tarses de cinq articles; élytres obliquement tronquées postérieurement, et souvent munies d'épines. Cinq à six espèces attaquent la vigne en France ou dans les autres ré- 1 « Je ne crois pas, dit Jacquelin Duval (Gênera des Col. d'Eur., toin. III, pag. 227), que i'ou puisse désigner impunément sous le nom de Bostrichus d'autres insectes que ceux, connus vulgairemeul sous ce nom. On n'accuse que trop la science de vouloir se mettre hors de la portée des masses. Le reproche est grave, et dans le cas actuel il serait fondé. Du reste, voici, entre plusieurs autres, un exemple de violation purement scientifique, mais irréparable aujour- d'hui, du droit de priorité : le nom de Melolontha a été employé régulièrement, pour la première fois, par Geoffroy pour désigner notre genre actuel Clythra. Fabricius, ignorant peut-être le fait, appliqua le nom de Melolontha aux insectes connus sous le nom vulgaire de hanneton, et ce nom est resté. Le cas esl exac- tement semblable à celui ci-dessus. » 390 LES APATES DES SARMENTS. gions viticoles. Nous ne parlerons que des quatre plus répandues: Apate sexdentata, A. muricata, A. sinuata, A. bimaculata. I. — Apate (Sinoxylon) sexdentata Olivier. C'est l'espèce la plus commune dans le midi de l'Europe, le nord de l'Afrique, l'Asie-Mineure, la Syrie et même l'Egypte, d'où nous l'avons reçue récemment; elle est polyphage, attaque, outre la vigne, le figuier, le robinier, le mûrier, le châtaignier, etc. C'est la seule espèce signalée dans la liste d'ampélopbages d'Espagne envoyée par M. de Graëlls. Six à sept fois sur dix, en Languedoc, c'est celle qui, vulgairement connue sous le nom de quissou, met en poussière les sarments secs bt presque toujours celle qui les attaque sur la souche. Nous la décrirons donc avec plus de détails que les autres. L'insecte parfait est caractérisé par son corps relativement court, 4 à 5 millim. de long sur 2 à 2mm,50 de large, cylindrique, d'un brun roux plus clair sur les élytres; ses antennes de dix articles, dont les trois derniers en forme de dents de scie aiguës, forment une massue aussi longue que la tige. Le prothorax, épais, très renflé en avant, plus ou moins tuherculeux ou for- tement granuleux, est muni de chaque côté de petites épines relevées. Les élytres, courtes par rapport à la longueur du corps, sont obliquement tron- quées postérieurement et munies chacune de trois dents aiguës, ensemhle six ; de là, son nom. Cet insecte est rangé dans le genre Sinoxylon (aîvw je gâte, ÇûAov le bois) par la plupart des entomologistes. Perris a décrit dès 1850 ses mœurs et ses métamorphoses. «Cet insecte, dit-il, pénètre dans l'intérieur du sarment, mort ou malade, par un hourgeon; puis il y fait une galerie circulaire en dessous de l'écorce. Dans les sar- ments d'un faible diamètre, cette galerie est remplacée par une loge un peu spacieuse. C'est dans cette galerie ou loge que s'opère l'accouplement ; puis la femelle s'enfonce dans le sarment, parallèlement à l'axe, et dans cette nou- velle galerie, qui a plusieurs centimètres de longueur, elle dépose des œufs blancs, lisses, elliptiques. Cela fait, elle sort par où elle est entrée, pour aller préparer un autre berceau à sa progéniture. Les larves qui naissent des œufs pénètrent dans le sarment et le parcourent longitudinalement, en y creusant des galeries dont elles consomment les déblais et qu'elles laissent derrière elles remplies d'excréments. Souvent des larves parties d'un nœud voisin attaqué par une autre femelle, se croisent en chemin sans se nuire. Celles qui occupent un sarment sont ordinairement en si grand nombre qu'elles le réduisent pour ainsi dire en poussière, et cela est l'œuvre de quatre mois au plus.» LES APATES DES SARMENTS. 391 Cette larve (fig. 76) rappelle au premier abord celles des Xylophages ou des Charançons, recourbée comme celles-ci, avec les segments tlioraciques très développas par rapport a ceux de l'abdomen ; mais on la distinguera de suite à la présence des pattes. Elle ressemble beaucoup à celle des Anobium ou t\ vr Mettes. Le corps, long de i à 5 millim., blanc, charnu, est composé, y compris la tète, de 13 segments ». ?r . dont l'intersection, par suite des replis transversaux d'Apatesexdentata, delà peau, est parfois difficile à saisir. La tête, de fortemeQt &ros8ie- couleur rousse, est très petite par rapport au thorax, sans ocelles, munie d'antennes courtes, composées de 4 articles ; chacun des trois segments tlioraciques, très développés, surtout le prothorax, porte une paire de pattes assez développées, composées de cinq pièces dont la dernière ou tarse, en forme d'ongle, est seule rembrunie. Ces pieds sont garnis de poils blonds. Les stigmates, au nombre de neuf paires, sont placés, le premier près du bord postérieur du prothorax, dans un repli triangulaire, les autres près du bord antérieur des huit premiers segments abdomi- naux; ceux-ci progressivement atténués. La transformation en nymphe s'opère sans apprêt, sans coque formée avec des débris de bois ou des excréments, comme chez les Anobium, simplement dans le fond de la galerie. Cette forme n'offre rien de bien distinctif des autres nymphes de Coléop- tères, si ce n'est que la partie dorsale des segments abdominaux porte une rangée de petites spinules ferrugineuses très peu visibles sur les premiers segments et d'autant plus apparentes qu'on s'approche de l'extrémité. L'insecte parfait sort du sarment en le perçant d'un trou rond, vis-a-vis de l'endroit où sa transformation s'est opérée. I! y a deux générations dans l'année : celle dont on trouve les individus éclos au premier printemps et qui pond en mai, et celle qui, éclose fin août, pond en septembre pour donner les larves d'automne et les insectes parfaits du printemps suivant. IL — Apate (Sinoxylon) muricata Pabricius. Tout ce que nous avons dit au sujet des métamorphoses du VApale sexclentata, nous jugeons inutile de le répéter au sujet de cette espèce. Sauf la taille, qui est double, la larve est semblable, les mœurs les menus les dégâts exercés sur les sarments identiques, avec cette différence qu'en dehors delà vigne, elle s'attaque à des bois généralement plus durs. Nous l'avons trouvée dans des branches de chêne, et Boyer de Fonscolombe, ainsi que M. Targioni, dans du bois d'olivier. 392 LES APATES DES SARMENTS. Le centre géographique de cet insecte parait être l'Italie. MM. Targioni et Costa le signalent sur la vigne, du nord au sud de la péninsule ; Cbapuis et Candeze [Larves de Coléoptères) le citent du Tyrol. Il est répandu ça et là en Provence et il est plus rare en Languedoc. Nous ne l'y avons trouvé que deux fois, à Montpellier et à Carcassonne. On le distinguera sans peine de VA. sexdentata à sa taille, 7 à 8 millim. de long sur 3 environ de large ; la couleur est à peu près la même, un peu plus sombre pourtant cbez le muricata. L'extrémité des él y très, obliquement tronquée, porte de chaque côté 4 épines, ensemble 8, dont 6 plus petites et moins aiguës sur le pourtour de l'entaille des élytres, et 2 plus grandes, plus aiguës, au milieu du disque formé par cette entaille et de chaque côté de la suture. III. — Apate (Xylopertha) sinuata Fabricius. D'après Perds, plusieurs espèces du sous-genre Xylopertha (Çû).ov bois, 7rê/>0w je dévaste) se trouvent dans les sarments ; nous n'y avons jamais constaté que celle-ci, encore ne se trouve-t-elle pas dans la région de l'olivier. Nous l'avons reçue des environsdeLyon,et Perris la dit commune dans les Landes, où elle attaque le chêne, le châtaignier et la vigne. On ne pourra la confondre avec aucune autre. r AvvWV La taille est petite, le corps allongé, 5 centime- de long environ sur 2 de large, la robe d'un noir brillant. Les antennes de Oarticles, avec la massue faiblement dentée en scie et composée de 3 gros articles aplatis; le prothorax, moins renflé que chez les Sinoxylon, est râpeux, garni sur les bords de pe- . tites dents relevées et de poils blonds. Les élytres, obliquement tronquées, sont comme évidées dans cette entaille, dont les bords latéraux, nettement dessinés, portent chacun une dent très émoussée sur les côtés et une autre plus aiguë à l'extrémité des élytres. IV. — Apate bimaculata Olivier. Dans tous les Catalogues, cet insecte fait partie du genre Apate propre- ment dit. Suivant Perris, il vit dans le bois de la vigne et dans celui du tamarix. Nous ne l'avons personnellement jamais observé que rongeant les sarments, dans les mêmes conditions que les espèces précédentes. Il ne se trouve pas, croyons-nous, en dehors de la région de l'olivier, et, d'après M. Gennadius, ce serait l'espèce dominante en Grèce. Elle n'est pas rare dans le département de l'Hérault, moins abondante toutefois que VA. sexdentata. LES APATES DES SARMENTS. 393 C'et4 une jolie espèce, au corps allongé, 8 raillim .environ sur 3 de large, au premier abord de couleur grise, mais qui, vue à la loupe, offre sur ses élytres des dessins en relief d'un noir brillant, avec des poils dores dans les intervalles. La tête noire est couverte en dessus de poils d'un roux doré. Les antennes ont dix articles. Le prothorax, rcnllé et râpeux en avant, est garni dans la même région de poils d'ua roux doré qui ee prolongent vers l'arrière sous forme d'une bande médiane étroite ; de chaque côté et en arrière, une grande tache formée par des poils blancs avec une ou deux petites tacbes noires au milieu. De ces deux tacbes blanches vient le nom de bimaculata. Les élytres, tronquées postérieurement, le sont moins que chez les espèces précédentes ; l'anglede l'entaille est arrondi, et malgré cela marqué encore par deux tubercules ou épines mousses. V. — Insectes parasites des Apates. Outre les quatre espèces d' Apates ci-dessus, sans parler du Callidium unîfasciatum, décrit en son lieu et place, on peut rencontrer dans les sarments vermoulus un certain nombre d'autres insectes. Quiconque n est pas verse dans les connaissances entomôlôgiques pourrait voir en eux de nouveaux ennemis de la vigne. Il n'en est rien. Ce sont au contraire des protecteurs des sarments qui vivent aux dépens des Apates, des agents actifs de cette loi du parasitisme dont nous avons vu le rôle être si important dans l'équilibre des êtres organisés. La majeure partie appartiennent à l'ordre des Coléoptères, une espèce à celui des Hyménoptères. Parmi les premiers, nous trouvons surtout des Clérides, c'est-à-dire des Coléoptères de la même famille que l'insecte rouge et bleu d'acier, commun sur les fleurs et connu sous le nom français de Clairon des abeilles. Ce sont des insectes aux couleurs vives, au prothorax long et étroit, ce qui leur a valu de la part de leurs monographes, Mulsaut et Rey, le nom d'Angusticolles. Les Clérides parasites des Apates des sarments sont : Denops albofasciata, Tillus unifasciatus et Opilo mollis ». Le Denops albofasciata Charpentier, exclusivement de la région de l'olivier, est un insecte bizarre, très allongé, 7 millim. environ de long sur 1 ,50 à 2 de large, à la tête plus large que le prothorax, au corps rouge dans sa moitié antérieure, bleu dans sa moitié postérieure, et dont les élyl sont traversées par une large blande blanche. A Amélie-les-Bains « M. André [Les parasites de la vigne, pag. 226) cite un quatrième Cléride, VOpilo domesticus, comme attaquant les Apates des sarmeuts. Avec Perris, nous considérons cette forme comme une variété de l'O. mollis. 394 LES APATES DES SARMENTS. (Pyrénées-Orientales), nous avons trouvé en nombre cette jolie espèce dans des sarments de vigne rongés par YApate sexdentala. Le Tillus unifasciatus Fabricius, rare dans la région de l'olivier, est au contraire commun dans les autres pays viticoles de la France. C'est une espèce de même longueur à peu près que la précédente, mais moins étroite, environ 2mm,50 de large, noire, sauf les élytres, dont le premier tiers antérieur est rouge, et qui un peu au delà de la moitié de leur longueur ont une bande transversale blancbe. L'Opilo mollis Linné se reconnaîtra de suite à sa teinte d'un brun gris avec trois taches fauves sur chaque élytre, et à sa taille relativemert grande, 7 à 10 millim. Il habite toute la France, vivant aussi bien aux dépens des Apates des sarments qu'à ceux des autres rongeurs de bois. Les larves de ces divers Clérides ont été étudiées, celle du Denops albofasciala et du Tillus unifasciatus par Perris1, celle de YOpilo mollis par Waterhouse2 et par Perris3. Elles se distingueront facilement de celles des Apate. Elles sont carnas- sières, ont des pieds fortement chitinisés et sont relativement agiles. Le corps est long, aplati, blanc, renflé latéralement dans son milieu, avec la tête brune, munie de fortes mandibules, le dernier segment abdominal rembruni à l'extrémité et armé de deux pointes brunes parfois recourbées. Perris [Larves de Coléoptères, 1877, pag. 22) a décrit également comme vivant en Corse dans les sarments de vigne, aux dépens de YApate sexden- tata, la larve d'une petite espèce de la famille des Histérides, longue de 2 millim. à peine, le Teretrius picipes Fabricius. L'insecte, qui est du centre de l'Europe, se trouve çà et là en France dans les galeries de divers mangeurs de bois, et il est probable que la Corse n'est pas le seul pays où. il décime les Apates des sarments. Les Histérides sont des Coléoptères aux téguments durs et luisants, ayant la faculté de rentrer com- plètement leur tête dans le prothorax, ce qui les a fait comparer aux tortues. Leurs larves carnassières ont un corps blanc, charnu, avec la tête plate, parfois même un peu concave, ferrugineuse et cornée, ainsi que le prothorax, les mandibules très développées et falciformes, avec une dent à l'intérieur. Chez celle de notre Teretrius, les mandibules ne sont pas munies de cette dent et le dernier segment abdominal est terminé par deux longs appendices biarticulés. 1 Perris ; Métamorphose du Denops albofasciala et du Tillus unifasciatus (Monographie des Anguslicolles, par Mulsant et Rey. Lyon et Paris, 18G3). 2 Waterhouse; Trans. of thé enlom. Soc. of London, tom. I, 1836. 3 Perris ; Insectes du pin maritime. Paris, 1863. LE BUPRESTE DE LA VIGNE. 395 Outre ces divers Coléoptères, on trouve d'après Ratzeburg ', dans les galeries de VApate sinuata et vivant à ses dépens, un petit llyménoptère delà famille des Chalcidides, le Pteromalus bimaculatus Nées. Tels sont les quelques parasites destinés par la nature à réfréner la trop grande multiplication de nos rongeurs de sarments, et que l'on trouve parfois mélangés à ceux-ci. Mais il nous arrive souvent de recevoir eu communication, comme ayant perforé des sarments sur pied, des Hymé- noptères parfaitement innocents de la chose. Il s'agit d'espèces indifférentes à la vigne, qui viennent utiliser pour leur ponte les galeries abandonnées par les Apatcs, galeries qu'une observa- tion superficielle leur a bien souvent fait attribuer. Nous parlerons de ces mouebes à quatre ailes non nuisibles, mais qu'il est indispensable de con- naître, en traitant des divers Hyménoptères qui fréquentent la vigne. LE BUPRESTE DE LA VIGNE- (Agrilus derasofasciatus Lacordaire.) A plusieurs reprises, nous avons vu les insectes spéciaux à la vigne d'Europe être moins dangereux pour elle que les espèces polyphages. Le petit Buprestide qui nous occupe ne fait pas exception à la règle . Le groupe des Buprestides, ou plus simplement Buprestes, constitue une famille naturelle composée d'insectes au corps allongé, aux formes peu élégantes, aux pieds courts, aux antennes en forme de scie, également courtes, malgré cela très recherchés des amateurs et vulgairement appelés Richards, à cause de la beauté de leurs couleurs métalliques. Tous les Buprestes à l'état de larves rongent l'intérieur des tiges ou des racines des végétaux, et, en nous plaçant au point de vue agricole, doivent être appelés ennemis. Notre Bupreste de la vigne est un des plus modestes du groupe comme taille et comme couleur et l'un des moins nuisibles. Nous ne l'avons personnellement observé que sur la vigne sauvage; mais d'après Perris et M. André il se trouve aussi sur la vigne cultivée. Perris dit qu'il vit dans les rameaux récemment morts ou malades. En Bourgogne, M. André l'a vu sortir de tiges de vignes paraissant saines : il y avait vécu sans doute 1 Ratzeburg; Die Ichncumonen der Forsl-Insccten, 1841-1852. 396 LE BUPRESTE DE LA VIGNE. dans l'épaisseur de l'écorce, et notre ami M. Argod, de Grest (Drôme), l'a capturé un jour par centaines, fin juin, sur les pousses tendresd'un espa- lier très vigoureux. « La larve, dit Perris1, rampe sous l'écorce en traçant des galeries sinueuses: son existence est de près d'une année, et, pour se transformer en nymphe, elle pénètre dans le bois lorsque l'écorce est mince, ou dans les feuilles même de l'écorce lorsque celle-ci est épaisse.» Cette larve est blanche, aplatie, très grêle, aveugle, apode. Comme chez toutes celles de Buprestides, la tête est petite, avec les parties de la bouche rembrunies ; le prothorax plus développé en large que tous les autres segments, les méso et métathorax plus étroits au contraire que tous les segments abdominaux. Ceux-ci sont au nombre de dix, le dernier bilobé à l'extrémité et terminé par deux pointes chitineuses, brunes, tronquées au bout, garnies du côté interne de petites pointes dirigées en avant, organe destiné sans doute à faciliter les mouvements de la larve dans sa galerie. Ce dernier segment est en outre garni de poils blonds; les autres portent latéralement quelques poils blonds très fins, à peine visibles à la loupe. La nymphose se fait en mai, dans les couches ligneuses, dans une loge creusée à cet effet. La nymphe est nue, blanche, très molle, entièrement glabre et n'offre rien de particulier. L'insecte parfait parait en juin ou juillet. Il est long de 5 à 5mm, 50 environ, large de 1,50. Allongé, étroit, peu convexe, d'un vert olive luisant, métallique, le thorax et la tête parfois cuivreux; les élytres, glabres, sont, sur le tiers postérieur de leur longueur, garnies le long de la suture d'une bande de poils soyeux. Le dernier segment abdominal est échancré en dessous, mais non fovéolé, ce qui distinguera toujours cette espèce des trois autres, hastulifer, graminis el olivicolor, qui oût aussi la bande suturale soyeuse de l'extrémité des élytres . L'espèce est signalée en France, en Allemagne, en Italie, en Grèce, au Caucase, en Asie-Mineure, en Algérie, en un mot dans presque toutes les régions où vient la vigne. M. Targioni (Rclazionc, 1884, pag. 270) la dit commune dans l'Italie centrale. Ne la considérant pas comme vrai- ment nuisible, nous n'avons pas à parler des moyens de la combattre. 1 Perris ; Mœurs et métamorphoses de VAgrilus derasofascialus [Mém. de l'Acad. des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Lyon, 1851.) CHAPITRE XXII. FAMILLE DES LAMELLICORNES. On nomme ainsi les Coléoptères plus spécialement connus sous le nom vulgaire de Scarabés, et qui composent pour certains entomologistes la famille des Scarabéides. Ces insectes, dont lebanneton communest le type le plus connu, se distinguent de tous les autres par leurs formes épaisses, leurs élytres laissant à découvert l'extrémité dorsale de l'abdomen ou pygidium, et surtout par les derniers articles de leurs antennes courts, dilatés en large en forme de lamelles s'ouvrantet se fermant comme les feuillets d'un livre. Les larves, connues des agriculteurs sous le nom de vers blancs, sont molles, grasses, d'un blanc rosé ou ardoisé tournant au brun à l'extrémité abdominale, qui est renflée et arrondie. Leur corps, recourbé en arc, ne peut se redresser complètement, et à part celles des cétoines, qui rampent sur le dos, elles en sont réduites à progresser coucbées sur le côté. Les pattes, assez développées, servent moins à la marcbe qu'au creusement des galeries dans le sol ou le bois décomposé qui abrite leur existence. Beaucoup de Lamellicornes sont polypbages. La vigne, que nous avons vue attirer à elle tant de parasites étrangers, ne pouvait manquer d'être attaquée par plusieurs membres de cette populeuse famille. Les uns, sous forme de larve, nuisent aux racines ; les autres, arrivés à l'état parfait, se nourrissent des feuilles. On peut même ici s'étonner de ne pas voir les Lamellicornes brouteurs de feuilles être plus nombreux sur des bourgeons aussi succulents que ceux de la vigne. En éliminant plusieurs espèces, nuisibles seulement dans des circon- stances particulières, le uombre des Lamellicornes faisant partie de notre liste générale sera de douze : Cetonia hirtella, C.slictica, Pentodon punc- tatus, Anomala vitis, A./Enca, Melolonlha oulgaris, M. fullo, RI s - trogusmarginipes. R. eupliylus, R. in/lalus, R. sinuatocollis et Lelhrus apterus. 398 LA CÉTOINE VELUE. LA CÉTOINE VELUE [Cetonia (Tropinota) hirtella Linné.) Synonymie: Scarabxus hirtellus Linné, Searabœus hirtus Scopoli, Cetonia hirla Fabricius, Tropinota hirtella Mulsant, Epicometis hirla Burineister, Cetonia hirtella Erichson, Epicometis hirtella Redtenbacher . En français, Cétoine velue. Qui dit Cétoine à l'état parfait, dit généralement insecte vivant sur les fleurs, et la Cétoine dorée n'est que trop connue des amateurs de roses. Mais, comme nous l'avons dit dans notre Introduction, à défaut de fleurs à leur convenance, les cétoines se jettent parfois sur les bourgeons plus ou moins riches en sucre, tels que ceux delà vigne. Après la feuille, elles broutent la fleur, et dans les pays semi-désertiques où il existe des vigno- bles, comme les steppes du sud de la Russie, elles peuvent devenir un ennemi sérieux. Dès la fin du siècle dernier, l'auteur de la treizième et dernière édition du Syslema naturss de Linné (1788), Gmelin,cite, comme nuisible dans les vignobles du bas Volga, le Scarabseus hirtellus, notre Cetonia hirtella, et encore de nos jours cette espèce fait partie de la liste d'ampélopbages qui nous a été adressée d'Odessa par M. Kowalevsky. Elle est désignée comme gâtant souvent les fleurs de la vigne. De Grèce, M. Gennadius nous l'in- dique comme « broutant assez souvent les bourgeons de la vigue, mêlée à quelques individus d'autres espèces [C. stictica, aurata et angustata) , mais abandonnant les ceps dès qu'il y a dans la campagne suffisamment de fleurs pour les nourrir » . En ce qui concerne l'Occident, nous recevons assez souvent l'espèce d'Algérie et surtout de Corse, parfois même du département du Var (les Maures, Fréjus, l'Esterel) , comme exerçant les mêmes dégâts. En Languedoc et dansles autres régions viticoles de France, en Italie et en Espagne, comme aussi dans le centre de l'Europe, l'insecte est partout sur les fleurs, mais n'est pas signalé sur la vigne. On ne confondra la Cetonia hirtella avec aucune autre. Elle est longue de 9 à 12 millim., large de 6 à 7, d'un noir verdâtre, couverte de poils gris tirant sur le roux et parée sur chaque élytre de sept à huit taches blanches. Le prothorax est plus étroit en arrière qu'au milieu, ce qui range LA CÉTOINE VELUE. 399 de suite l'insecte dans le sous-genre Tropinota ; les tibias antérieurs sont armés de trois pointes. Une seule espèce du même sous-genre lui ressemble, la G. squalida. On la distinguera de cette dernière, d'abord à la taille plus petite, ensuite à la troisième nervure ou côte principale de l'élytie, non bifurquée au-devant. Si nous comparons la larve à celle du hanneton, nous trouvons pour notre cétoine un ver blanc plus petit des deux tiers, beaucoup plus court, plus épais, au corps peu courbé en arc, atténué en avant, développé en arrière, aux segments garnis dans leur partie dorsale d'une étroite rangée transversale de longs poils blonds dirigés eu arrière. La tête, en proportion avec le faible développement des parties de la bouche destinées à n'entamer que des substances molles, est très petite par rapport au corps. Les trois anneaux du thorax, peu développés, portent des pieds courts, garnis de poils épineux, verticillés, ayant les tarses très peu renflés et l'ongle de l'extré- mité remplacé par une pièce cylindrique obtuse au bout. L'abdomen est la partie du corps où les segments sont le plus développés. L'insecte ne se sert pas de ses pattes pour marcher, il progresse assez rapidement en rampant sur le dos. Les larves de cétoines vivent, en général, dans le bois très pourri, dans la vermoulure des arbres ou la vieille tiuinée employée dans les couches des jardins. Celle de notre espèce vit dans les mêmes conditions, mais se contente souvent de débris de feuilles, de racines ou de fumier décomposé. Les fumures au fumier de ferme contribuent donc à multiplier cet insecte dans les vignobles. La nymphose se fait en automne dans une coque ellipsoïde formée de débris de terreau et enduite d'une couche d'excréments mélaDgés de salive étendue par les pattes de l'insecte. Cette coque, une fois sèche, est très solide. L'état de nymphe dure un mois environ, et l'insecte parfait, éclos avant l'hiver, passera toute la mauvaise saison dans le sol, pour apparaître aux premiers beaux jours. D'après tout ce que nous avons dit au début, il est bien certain que notre cétoine n'attaque la vigne que lorsqu'elle n'a pas de fleurs qui lui convien- nent à sa disposition, c'est-à-dire des fleurs de Rosacées, de Crucifères ou Composées. Dans ces conditions, une bande de terre à proximité de la vigne, serai d'une des plantes préférées, le Colza par exemple, suffirait pour attirer sur un même point le plus grand nombre des cétoines, que l'on n'aurait plus qu'à recueillir à poignées. Différemment, le ramassage à la main sur les bourgeons, pratiqué dans le sud de la Russie, en Grèce et en Corse, reste le seul procédé efficace de préservation. 400 LA CÉTOINE MOUCHETÉE. LA CÉTOINE MOUCHETÉE. [Cetonia {Oxythyrea) stictica Linné.) Synonymie : Le drap mortuaire Geoffroy, Scarabxus sticticushlanè, Scarabxus albopunctatus de Geer, Cetonia stictica Fabricius, Oxythyrea stictica Mulsant. Après la Cétoine velue, celle-ci est, la plus fréquente sur la vigne. Très commune dans toute l'Europe sur diverses fleurs, elle se trouve ça et là dans le midi de ia France sur les jeunes bourgeons de la vigne. M. Tar- gioni (Relazione, 1884 et 1888) la signale un peu plus fréquente en Sar- daigne et en Sicile, M. Gennadius aux. environs d'Athènes; mais, là où elle devient un véritable ennemi pour le vigneron, c'est dans les îles delà Grèce. Nous l'avons reçue de M. Eleuthère de Coumi (île de Négrepont) comme un des insectes les plus nuisibles dans ces parages. Elle occasionne des dégâts tels dans les vignes de ce propriétaire qu'il est obligé, certaines aimées, de dépenser dans l'espace de quelques jours 500 à 600 fr. de jour- nées de ramassage sur une surface de 25 à 30 hectares. La cétoiue mouchetée se distinguera facilement delà cétoine velue. Elle est longue de 8 à 14 millim., large de 4 à 5,50, c'est-à-dire proportionnel- lement plus allongée. Le corps, d'un noir violet, parfois un peu verdâtre, est garni de poils blanchâtres assez longs, peu touffus ; le prothorax, plus large en arrière qu'au milieu, muni d'une carène médiane peu accusée, est paré de six points hlancs enfoncés, trois de chaque côté de la carène, et de quelques macules blanches marginales. Les élytres sont parsemées de taches blanches beaucoup plus nombreuses que chez la C. hirtella, et les tibias antérieurs ne sont armés que de deux, dents. Ce dernier caractère distingue nettement le sous-genre Oxythyrea des autres Cetonia. Des métamorphoses de l'insecte, nous ne dirons rien ; nous ne ferions que répéter ce que nous avons dit concernant celles de la C. hirtella. LE PENÎODON l'OM 101 LE PEiNTODON PONCTUÉ. (Pentodon punctalus Villers.) Synonymie : Scarabseus punctalus Villers, Scarabœus punctulatus Rossi, Geotrupes punctalus Sturm, Geotrupes monodon Duftsch, Pentodon punctalus Mulsant. Nous avons vu uu téuébrionide, VOpatrum sabulosum, nuire aux greffes de la vigne en attaquant les bourgeons enterrés du greffon. Voici encore un ennemi de la greffe, un lamellicorne, dont la larve souterraine attaque non pas le bourgeon, mais la soudure du greffon français avec le pied américain, soudure dont le bourrelet de cicatrisation est parfois volumineux. Le mal est tellement sérieux dans plusieurs quartiers de l'Hérault et de l'Aude, tels que les communes de Villeneuve-les-Maguelone, Florensac, Coursan, Narbonne, etc., que nous avons vu, dans certains champs, le quart, le tiers et môme la moitié des greffes compromises par cette larve. L'insecte parfait rappelle par sa forme les bousiers du genre Geotrupes, si communs dans les déjections, et doit peut-être à cette ressemblance de ne pas être écrasé par les vignerons. Les naturalistes eux-mêmes s'y sont laissé prendre au début; la note bibliographique où nous voyons figurer le nom générique de Geotrupes en fait foi. Les Pentodon appartiennent non pas à la tribu des Géotrupides, mais à celle des Dynastides ou Lamellicornes appelés vulgairement Rhinocéros, c'est-à-dire ayant une ou plusieurs cornes sur la tête et le prothorax [Dynasles, Oryctcs, Pentodon, etc.). Ce sont des Rhinocéros sans cornes, ou plutôt avec des cornes toujours avortées et réduites, à des tubercules (fig. 77), comme chez les femelles de certaines Oryctcs. Les Dynastides vivent d'ordinaire, à l'état de larve, dans le bois décomposé, dans le terreau tout au moins. Les Pentodon font exception à la règle; leurs larves se nourrissent exclusivement de tissus végétaux vivants, généralement de racines. Nous en avons fait de nombreux élevages dans des bocaux où nous semions tout simplement de l'avoine. 1 26 Fig. 77. — Pentodon ponctué, grandeur na- turelle. 402 LE PEXTÛDON PONCTUÉ. Quand, pour garantir la greffe de la dessiccation, on a butté contre elle de la terre meuble, au point de faire disparaître le greffon (fig. 75), la larve, qui, bien que terricole, ne dédaigne pas de brouter une tige jeune et vivante, quitte les racines et monte souterrainement dans la butte. Là elle se met à ronger le jeune bois, à l'endroit surtout où la soudure se forme, et pro- duit un bourrelet de cicatrisation qui met quelque temps à se lignifier. Le greffon est naturellement perdu; bien heureux encore lorsque le jeune pied américain qui le porte n'est pas perdu lui-même, par suite de lésions à ses racines ou à sa tige. Les larves de pentodons sont parfois très funestes aussi aux jeunes plautiers; en cela, elles rivalisent avec celles des vespères et des hannetons. I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Nous n'avons vu nulle part décrites les métamorphoses de 1 insecte qui nous occupe. Comparée au ver blanc du hanneton (fig. 78), la larve adulte est d'une taille double, surtout plus épaisse ; la tête, plus petite en pro- portion, presque aussi large, mais moins longue, est plus arrondie ; la partie des pattes représentant le tarse, si renflée chez la larve du hanneton, est relativement effilée chez celle du Pentodon, toujours munie d'un ongle pointu à l'extrémité. Cette larve, comme celle du hanneton, parait vivre deux ans, et les métamorphoses complètes, y compris la vie de l'insecte parfait, s'accomplir en trois ans. La nymphose se fait en juillet, dans une coque de terre ellipsoïde, aux parois cimentées avec des déjections. Celles-ci, rendues fluides par de la salive, ou du moins un liquide tiré de la bouche, sont pétries et étendues au moyen des pattes contre les parois de la loge. En mettant dans un bocal en verre rempli de terre des larves âgées de 2 ans, et en semant de l'avoine au-dessus, l'opération est facile à observer, quelques larves venant tou- jours construire leur loge contre les parois du verre. La nymphe est blanche, grosse, courte, montrant, appliqués contre le corps, tous les appendices de l'insecte parfait et revêtue d'une cuticule lisse paraissant comme veloutée. Deux petits tubercules couverts de poils courts terminent le dernier segment abdominal. L'insecte parfait (fig. 77) passe l'hiver dans sa loge, mais il en sort sou- vent aux pluies de septembre ; il ne s'accouple pas cependant en automue et rentre dans le sol pour passer l'hiver. Ses tibias antérieurs, aplatis et dentelés, sont un bon instrument de fouilles. Dès le mois de mars et d'avril, il commence à circuler sur le sol, principalement le soir, à partir de 4 heures. Nous ne l'avons jamais vu manger. Comme la plupart des Dynas- LP. PÈNTODON PONCTUÉ. ',n.; tîdes. il paraît vivre sur ses réserves graisseuses, qui Bout considérables . La larve mange donc pour les trois états, de larve, de oyoiphe et d'insecte parfait, comme nousl'avons vu chez certains Lépidoptères (Pyrale, Cochylis, etc.),etc'est ce quiexplique la rapidité et l'importance des dégâts quand la vigne est jeune encore, peu racinée et le sol rigoureusement purgé de toutes les plantes spontanées. L'insecte, avons-nous dit, est facile à confondre avec les bousiers du genre Geotrupes. On le reconnaîtra aux caractères suivants: Corps long de 1G à 24 millim., large de 9 à 1 i millim., aux formes épaisses et arrondies, d'un noir profond, dilaté a la partie postérieure. Tcte munie, sur le front, de deux, petites dents séparées par une ligne saillante, arquées en arrière et représentant les cornes dont sont pourvu-; tous les Dynastides. Prothorax arrondi, convexe, densement et finement ponctué. Écusson en triangle, plus large que long. Élytres graduellement élargies en arrière, grossièrement ponctuées, striées, mais ayant ces stries, sauf celle qui longela suture, non parallèles à celle-ci et allant de l'épaule à l'extrémité de la suture. Dessous du corps noir brillant, garni de poils roux à la naissance des pattes et à la suture des segments. Les pattes fortes, les tibias antérieurs aplatis et garnis extérieurement de trois dents, les pos- térieurs comme tronqués et garnis de fortes épines, ce qui fait de ces insectes de bons fouisseurs. Cette espèce est exclusivement méridionale (France, Espagne, Italie) : en Orient et en Algérie, elle est remplacée par d'autres, du même genre, produisant sans doute les mêmes dégâts sur les jeunes plantiers. En ce qui concerne la France, nous ne la voyons, en debors de la région de l'olivier, que dans le bassin de la Garonne, entre Carcassonne et Toulouse. On distinguera sans peine les pentodons des geotrupes à leur ventre noir et aux stries des élytres non parallèles à la suture, un des caracti des Dynastides. Les geotrupes ont presque tous le ventre métallique, bleu ou vert, et les stries des élytres toujours parallèles à la suture. II. — MOYEN DE DESTRUCTION. A la description que nous venons d'en faire, les viticulteurs reconnaî- tront sans peine le pentodon à l'état parfait. C'est le soir qu'on le trouve se promenant dans les vignes ou sur le bord des chemins. Il vole au crépus- cule; sou vol est sonore et il s'abat lourdementsur le sol. On devra l'écraser dèsqu'on le rencontrera, surtout autour des pépinières et des plantiers. On détruira ainsi facilement une grande partie de ces gros insectes, qui n'ont aucun moyen d échapper aux recherches ; mais nous conseillons aussi, toutes 404 LE HANNETON VEUT DE LA VIGNE. les fois qu'on greffera une vigne, de sulfurer préalablement le sol. Nous avons vu l'opération être efficace contre les larves de Vesperits, nous la verrons pleinement réussir contre le ver blanc du hanneton; elle ne peut manquer d'être infaillible aussi contre la larve, qui cause tant de souci au viticulteur méridional en train de reconstituer ses vignes détruites par le Phylloxéra . LE HANNETON VERT DE LA VIGNE (Anomala vitis Fabricius.) Synonymie: Melolontha vitis Fabricius; Anomala vitis Stepbens ; A. holosericca Illiger ; Euchlora vitis Audouin. h'Anomala vitis est pour nous assez mal nommée. Elle n'attaque pas plus spécialement la vigne que tout autre arbre planté dans ses localités préférées, et même entre le saule et la vigne, par exemple, nous l'avons toujours vue cboisir le premier. L'insecte est abondant dans tous les parages sablon- neuxdes régions circaméditerranéennes, principalement dans les dunes maritimes, qu'il y ait des vignes ou non. On le trouve sur tous les végétaux un peu élevés qui y croissent, tels que le tamarix et le scolyme. et, Fia. 78. — Anomala . ,, , ... , , . ,,. vitis grandeur S1 "on remplace ces végétaux par de la vigne, 1 insecte naturelle. s'abat sur cette dernière. Rien d'étonnant à cela: nous avons vu certains Peritelus.. inconnus des viticulteurs il y a quinze ans, devenir ampélopbages lorsqu'on est venu planter la vigne dans leur domaine. ' Bibliographie. — Fabricius; Systcma Entomologie, 1775. — Lodi ; Sto?*ia naturale di quelli scarabseo che apporta grandi ssimo damno aile viti {Anomala vitis) 1789. — Mulsant et Valéry Mayet ; Description des métamorphoses de V Anomala vitis (Ami. Soc. Linnècnne de Lyon, 18GG, et 14e cahier des Opus- cules entom. de Mulsant, pag. 69). — Mulsant; Les Lamellicornes de France. Paris, Deyrolle, 1871. LE HANNETON VEUT DE LA VIGNE. 105 L'insecte, qui par sa couleur vert métallique ressemble à la cétoine dorée, appartient à une tout autre tribu, celle des Méloloathides. C'est le Mclo- lontha vitis de Fabricius, le banneton de la vigne de certains livres d'am- pélograpbie, le petit banneton vert d'Audouiu. Dès 1789, un Italien, Lodi, a parlé de notre Anomala comme très nui- sible aux vignes et, depuis, quiconque a écrit sur les petits ennemis des viticulteurs a douné des détails sur cet insecte. I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Malgré le nombre d'auteurs qui ont parlé de l1 Anomala vitis, personne, avant nous, n'a décrit ses métamorphoses. Il y a lieu de s'en étonner, car la larve abonde dans les nombreuses localités sablonneuses où se trouve l'insecte parfait, et sa taille ne lui permet guère d'échapper aux recberebes. Elle vit dans le sable bumide, à 15 ou 20 cent, de profondeur au pied des plantes qui y croissent, mangeant de préférence les racines des graminées, mais s'accommodant parfaitement de celles de la vigne. Le défriebement récent de la plus grande partie de nos dunes maritimes semble avoir aug- menté plutôt que diminué la fréquence de l'insecte. Cette larve, à part la taille, qui est des deux tiers plus petite, a les plus grands rapports avec celle du banneton commun (fig. 79). Le corps blauc, couvert de poils blonds, peu serrés, a la même forme allongée, semicylin- drique, fortement courbée en arc à l'état de repos. Y compris la tète, il est composé de quatorze segments. La tête, d'un roux jaune plus clair, est plus petite en proportion, surtout plus étroite; Yèpistome et le labre plus allongés; les mandibules ne sont rembrunies que dans leur moitié anté- rieure. Les pattes sont à peu près dans les mômes proportions que clic/, le ver blancdu banneton ; mais les tarses, beaucoup moins dilatés, plus cepeu- dant que cbez les pentodons et les cétoines, sont terminés par des ongles pointus relativement plus grands, bien visibles aux six pattes. Outre les poils blonds dont il a été parlé, la partie dorsale de l'abdomen, composé de dix anneaux, est garnie, du deuxième au sixième, d'une large rangée «le poils très courts, spiniformes, produisant sous le doigt l'effet d'une lime; les septième, huitième et neuvième anneaux glabres; le dixième ou der- nier, aussi grand que les onzième et douzième réunis, garni à L'extrémité, en dessus de poils soyeux dirigés en arrière, et en dessous, comme die/, le banneton, de poils raides, courts, recourbés en crochets. Il y a également en dessous, comme cbez le ver blanc du banneton, deux rangées de spinules ; mais elles sont de forme et de disposition différentes, et, pour donner une idée exacte de ce caractère distinctif, nous préférons renvoyer •406 LE HANNETON VERT DE LA VIGNE. à la description comparative que l'on trouvera plus loin à propos de la larve du hanneton commun. Vers la fin de mars, la larve, qui parait vivre un an et demi, se creuse dans le sable une loge dont elle durcit les parois au moyen d'un liquide, salive ou suc gastrique, rendu par la bouche et gâché avec du sable au moyens des pattes. La nymphose a lieu vers le milieu de mai. Pour cette métamorphose, notre larve présente une particularité curieuse qui n'a été signalée chez aucune larve de Lamellicornes. Au lieu de faire glisser vers la partie postérieure de son corps la peau qui s'en détache pour laisser apparaître la nymphe, celle-ci reste dans celte peau flétrie, qui, ou- verte étroitement d'un côté seulement, comme chez les Dcrmestides, l'enve- loppe ainsi que ferait un cercueil. Il en est de même chez VAnomala œnca, dont nous parlerons plus loin, et, observation que nous n'avons pas encore publiée, il en est de même aussi chez un genre voisin des Anomala, les Anisoplia, insectes nuisibles aux céréales. Certaines larves (VAnomala ne se métamorphosent pas au printemps. Elles passent à l'état de nymphe en août seulement, sont insectes parfaits en septembie et ne paraîtront hors de terre que l'année suivante. C'est la réserve destinée par la nature à perpétuer la race, en cas de destruction totale des insectes parfaits de la génération éclose en juin. Ces insectes d'automne, qui auront vécu près de dix mois sur leurs réserves graisseuses, se confondront l'année suivante avec les insectes de printemps1. La nymphe est blanche, des deux tiers plus petite que celle du hanneton commun, relativement longue par rapport à l'insecte parfait. Elle en montre toutes les parties sous sa cuticule translucide. Le corps est un peu arqué, avec un sillon dorsal bien visible sur le thorax et l'abdomen, les trois derniers segments de celui-ci longitudinalement ridés, le dernier segment bilobé, mais les lobes non terminés par les appendices pointus avec une épine brune recourbée au bout qui caractérisent la nymphe du hanneton commun. Cet appareil, destiné à faciliter les mouvements dans la loge, est remplacé, chez notre espèce, par des poils ras et serrés qui font paraître l'extrémité du dernier segment comme veloutée. Fin juin, parait l'insecte parfait. C'est un joli mélolonthide d'un vert métallique brillant, long de 12 à 17 millim., large de 7 à 10, au corps un 1 Comme pour les Pcntodon, ces diverses observations ont été faites sur des larves enfermées dans des bocaux de verre remplis de sable à la surface duquel de l'avoine était semée. En n'opérant que sur la moitié de Ju suriace du bocal et en n'ensemençant que quinza jours après l'autre moitié, qui vient ainsi alterner avec la première, les larves ont en permanence des racines fraîches à manger. LE HANNETON VERT DE LA VIGNE. 107 peu ovale, avec les antennes, le bord externe du prothorax, et ordinairement celui des élytres, roux. Tête, prothorax et écusson densementet finement ponctués. Élytres convexes, deux fois plus longues que le prothorax, moins densement ponctuées, à sept ou huit stries distinctes, La deuxième bordant le côté externe du calus ou proéminence postérieure. Dessous du corps d'un vert bronzé, garni de poils, sauf sous la partie ventrale qui est presque glabre. Comme teinte, cette dernière est souvent d'un brouzé violacé. Pattes robustes, de même couleur que le corps, avec un des ongles des pieds antérieurs bifurques, la base et le bord antérieur des cuis postérieures jaunes. Parfois la couleur vert métallique des élytres, peut-être die/ un individu sur cent, tourne au vert doré ou Qavescent; parfois elle vire au bleu ; on trouve même des individus entièrement bleus, un sur mille environ; par- fois enfin la teinte est d'un vert violacé vineux et même entièrement vineuse, ce qui est toutefois très rare. Ces diverses variétés ont été observées par nous aux environs de Mont- pellier, d'Aiguesmortes et de Cette. Les exemplaires reçus de Grèce sont d'un vert métallique foncé ; la bordure jaune du prothorax est très étroite , celle des élytres et du devant des cuisses nulle, le dessous de la tète et du thorax très peu velu. Chez les individus qui nous viennent d'Alger et de Tunis, la teinte est normale, mais le corps est relativement allongé ; la bordure jaune des élytres parfois nulle, les poils du sternum également rares. Si jamais notre espèce est réunie avec la suivante, les individus d'Orient et de la côte barbaresque pourront servir de trait d'union. En France, les deux formes sont toujours faciles à séparer. D'après la Mono- tjraphie des Lamellicornes deMulsant (187 1), VA wmala vitis est toujours distincte de VA. senea par ses antennes entièrement fauves, la bordure jaune de son prothorax, les poils touffus de son sternum, la forme de ses élytres non parallèles, toujours un peu élargies dans le milieu, légèremenl rugueuses et à stries moins distinctes; sa taille enfin est d'habitude plus grande. L'insecte, avons-nous dit, parait fin juin. Parfois sa sortie du sol est retardée jusqu'aux premiers jours de juillet, mais elle dure toujours très peu, quinze jours au plus. Pendant ce temps-la, VAnomala se jette avec tant de voracité sur les pampres de la vigne, broutant les feuilles et les sarments verts, qu'elle arrive, notamment sur notre littoral méditerranéen, aux environs d'Aiguesmortes, à faire, certaines années, d sérieux. Les feuilles sont comme lacérées par la grêle. Le soir, au crépuscule, nos insectes volent par milliers, tourbillonn u I dans l'air en valses folles. Ils s'abattent en grand nombre sur certai 408 LE HANNETON VERT DE LA VIGNE. points et par centaines parfois sur une même souche. Puis, s'écartant circulairement de leur centre d'attaque, les bandes affamées forment au milieu des vignes des taches d'huile faciles à apercevoir au loin, d'un point élevé, tel que les remparts d'Aiguesmortes. L'accouplement opéré, vers le milieu de juillet, brusquement, l'insecte disparait. Les mâles meurent et les femelles s'enfoncent dans le sable pour y pondre une trentaine d'œufs arrondis, légèrement allongés, quiécloront première quinzaine d'août. LSAnomala vilis est signalée de France, d'Espagne, d'Italie, de Grèce, de Hongrie, d'Autricbe ; nous l'avons reçue de Tunis et d'Alger. Elle se trouve donc dans toute la région de l'olivier, principalement sur le littoral ; mais elle s'écarte un peu de ces limites . D'après Mulsant, elle remonte la vallée du Rhône jusqu'à Lyon ; on la trouve dans le Tyrol d'après M. Von Heyden, en Hongrie d'après M. Hor- vath. En Italie, les vignobles plantés dans les cendres du Vésuve ont beau- coup à en souffrir, d'après MM. Jatta et Savastano. Les points les plus éloignés delà mer signalés par M. Targioni sont: Vérone, Côme, Alexan- drie, Avellino et Sassari dans l'île de Sardaigne. L'insecte abonde à Montpellier dans les terrains sablonneux des environs de la ville (sables tertiaires de Montpellier), à 12 ou 15 kilom. de la mer. Nous l'avons reçu aussi, comme nuisant à la vigne, de l'intérieur du département, de Lama- lou-les-Bains et de Clermont-l'Hérault . Les dégâts apparents sont dus à l'insecte parfait ; mais la larve souter- raine, vivant de racines, est parfois nuisible aux jeunes plantiers. II. — MOYENS DE DESTRUCTION. On n'a fait jusqu'à présent que recueillir l'insecte parfait, et nous ne voyons pas de meilleur moyen de le combattre, la nature du sol sablon- neux empêchant de songer à détruire les larves au moyen du sulfure de carbone. Les insectes, pendant le jour, restent immobiles, suspendus aux feuilles, et, comme ils se réunissent en grand nombre sur un même point, la récolte en est facile. Il faut seulement surveiller attentivement l'époque d'apparition, celle-ci, nous l'avons dit, durant à peine quinze jours. Le sol est parfois criblé de trous de sortie. i.K HANNETON UHONZÉ. ifj9 LE HANNETON BRONZÉ. [Anomala senea de Geer.) Synonymie: Melolontha senea de Gccr. — Melolontha dubia Ilerbst. M Julii Panzer. — Euchlora Julil Mulsant [Lamellicornes, lre édition, 1842). — Anomala Frischii Burmeister. — Anomala senea Mulsant (Lamellicornes, 2e édition, 1871). Aucun Mélolonthide n'offre sous le rapport de la taille, de la couleur et même de la forme, d'aussi grandes variations; de là, une synonymie em- brouillée, et encore n'y avons-nous pas fait entrer les noms de certaines variétés considérées comme, espèces par plusieurs auteurs. Nous ne dirons que peu de chose de l'insecte qui nous occupe, spécifi- quement confondu par certaines écoles avec VA. vitis. Les catalogues alle- mands font en effet de cette dernière une simple variété de VA. vnea. Espèce ou variété, peu nous importe dans le cas présent, et, sur des insectes aussi variables, on pourrait discuter longtemps. Avec Mulsant et les catalogues français, nous laissons subsister les deux espèces : 1° parce que la soi disant variété se trouve être la forme la plus importante au point de vue agricole; 2° parce que les caractères et la manière de vivre nous sembleut motiver suffisamment la séparation . UAnomala senea est plus petite de taille quel'i. vitis, 12 mil lim. à 15,50 sur 6 à 7 de large ; les élytres sont moins renflées latéralement, plus parallèles, surtout dans la variété oblonga. La couleur dominante est le vert métallique sans bordure jaune au prothorax; mais les teintes sont 1res variables, allant du vert flave au bleu foncé et même au noir profond, en passant par le vert et le bleu métalliques, parfois nuancés de fauve ou de rouge cuivreux. La poitrine est toujours peu garnie de poils et la massue des antennes est noire. L'arbre préféré par cet insecte est le saule. Sauf dans la région de l'oli- vier, où 1.1. vitis domine, il est commun lin juin ou premiers jours de juillet, dans toute la France, au bord des rivières. 11 s'abat aussi sur la vigne; c'est à ce titre que nous en parlons. Il est cité comme tel de Hongrie par M. Horvath, d'Autriche par M. Bolle (de Goritzj.En France, nous l'a vons pris personnellement sur la vigne dans les Pyrénées, à Vernet-li Bains et à Bigorre. Ses dégâts ne peuvent toutefois jamais se comparer à ceux de VA. vitis. CHAPITRE XXIII. LE HANNETON COMMUN (h'elolonlha vulgaris Fabricius.) Synonymie : Scarabœus melolontha Linné. Le hanneton, cet ennemi si connu des cultivateurs, ne jouait, il y a vingt ans, en viticulture, qu'un rôle très secondaire. L'insecte parfait, si nuisible aux feuilles des arbres en général, n'attaque qu'exceptionnelle- ment les pampres de la vigne, et la larve {ver blanc) n'exerce sur les ra- cines des vieilles souches que des dégâts peu appréciables. Il n'en est pas de même pour les jeunes vigues encore peu racinées, et, depuis l'invasion phylloxérique, l'importance des ravages exercés sur les jeunes plants, greffés ou non, tenus en pépinière a fait de cet insecte un ennemi avec lequel il faut compter. Dans la région de l'olivier, le hanneton est peu commun. Bon nombre d'habitants de Montpellier ou de Narbonne ne l'ont mèmejamais vu ; l'in- secte existe aux environs de ces deux villes, mais à l'état de rareté, et dans le département de l'Hérault, par exemple, pour entendre parler de lui par les cultivateurs, il faut aller dans ia région montagneuse. Dans le centre, l'est et l'ouest de la France, le ver blanc du hanneton joue le rôle que nous avons vu jouer au ver blanc du Penloion ou de VAnomala, et que nous verrons jouer par celui de certains Rkizotrogus dans la région de l'olivier. 1 Bibliographie. — Gœdart ; Descr. des métamorphoses (Melamorphosis et Hisloria naturalis inseclorum. Medioburgi, 1G62, et trad. fr., 1700). — Linné ; Systcma nalurx, 1 Ie édib., 17G7. — Fabricius; Syslema Entomologie. Leipsik, 1775. — Ratzeburg; Les Insectes clés forcis, 1S.39, pag. 7ï, pi. 3. — West- wood; Intr. to themod. class. London, 1839. — Fonscolombe ; Ins. nuisibles à l'agr. (Acad. d'Aix, 1840). — Erichson ; Naturg. Ins. dculsch., 1812. — Mulsant; Lamellicornes, lre édit., 1842; 2Ê édit., 1871. Paris. —Maurice Girard ; Traité élémentaire d'Entomologie. Paris. Voir en outre de nombreux articles et mémoires dans les Ann. de la Soc. eut. de Fr., les Bulletins des diverses Soc. d'Agr. et les Journaux agricoles. LE HANNETON COMMUN. il! I. — HISTORIQUE. Le nom de Melolontha a été employé pour la première fois par Geoffroy (1762] pour désigner les Chrysoraélidea appelés Clythra (voir pag. 333). Linné (1767), croyant voir dans le pAoMvfo d'Aristote le hanneton commun, donnait à cet insecte le nom de Scarabœus Melolontha. Fa- bricius (1775), rejetant le nom de Scarabœus comme trop général, mais ne discutant pas celui de Melolontha, l'adopta comme nom générique, et donna à notre hanneton le nom définitif de Melolontha vulgaris. L'en- tomologiste danois est considéré comme l'auteur du genre et de l'espèce. D'après Mulsant [Lamellicornes, llc éd., 1849, pag. 406), le nom de f«Ao).ôv6>j a été employé par Aristote pour indiquer un coléoplère assez mal défini D'autres auteurs grecs s'en sont servis pour désigner un coléop- tère qui servait de jouet aux. enfants, comme on le voit par le ver suivant d'Aristophane dans la comédie des Nuées (v. 761) : Donnez à votre esprit l'essor; laissez-le voler, comme le Mélolonthc a'. taché par la patte à un fil. « Mais, ajoute Mulsant, si l'on en croit un ancien scholiaste d'Aristo- phane, le Mélolojthe serait un petit animal de couleur d'or semblable à un Scarabé ; aussi, d'après Hesychius, était il nommé, par plusieurs, Chry- socanlharus ou Scarabé doré, dénomination qui répond à peu près à celle de Scarabxus viridis que lui donne Gaza, grammairien grec du XVe siècle. Il faudrait voir alors dans le Mélolonthe des anciens une de nos riches Cé- toines. Dans ce cas on trouverait très raisonnable le commentaire donné par Suidas (xe siècle) : insecte qui se pose sur les fleurs. » Nous sommes de l'avis du célèbre entomologiste lyonnais et à même de ebanger son hypotbèse en certitude. Informations prises, en effet, auprès des nombreux étudiants de nationalité grecque qui se trouvent à Montpellier, le hanneton est inconnu des enlauts hellènes1, qui s'amusent au contraire couramment avec une grande et belle cétoine, d'un vert doré métallique, rare en France, mais commune en Grèce, la Cctonia speciosissima, à laquelle ils mettent un fil à la patte, comme du temps d'Aristophane (423 ans avant Jésus-Christ). Plusieurs 1 Le hanneton existe en Grèce ; mais, comme clans toutes les parties les plus sèches de la région de l'olivier, il y est rare. On ne le rencontre que dana les vallées relativement fraîches ; encore y est-il sous une forme spéciale, variété candicans, plus couverte encore de poils blancs que la vari ; du midi 'Je la France. 41 12 LE HANNETON COMMUN. exemplaires de l'insecte nous ayant été apportés, nous sommes sûr de l'espèce. C'est une cétoine longue d'environ 25 millim. et large de 17. Depuis Fabricius, personne n'a contesté le nom scientifique de notre in- secte. D'après Mulsant, le nom français de hanneton paraîtrait originaire de la basse latinité et proviendrait des mots alisoncuis, alitonans, alito- 7iiis (qui fait du bruit avec ses ailes). De très nombreux auteurs ont écrit sur le hanneton, sur ses métamor- phoses, ses mœurs, ses dégâts et les moyens de le détruire. Le lecteur qui ne se contenterait pas de la petite Note bibliographique par nous donnée, voudra bien consulter la seconde édition des Lamellicornes de Mulsant (Paris, Deyrolle, 1871). Il y trouvera, page. 523, la valeur de deux grandes pages de bibliographie. II. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Le hanneton met trois ans à accomplir le cycle de ses métamorphoses. L'année où il y en a beaucoup est suivie d'une année où il y en a moins, à laquelle succède une troisième où il n'y en a presque pas ; et telle est la régularité du cycle triennal, que l'ordre n'est jamais interverti. Les années où ces insectes abondent sont appelées les années à hannetons. Ce sont naturellement celles où les ravages des larves souterraines sont presque nuls, la plus grande partie des insectes étant sous leur forme parfaite. Celle-ci ne nuit gravement qu'aux feuilles des arbres élevés, peupliers, saules, chênes, etc. Celles de la vigne ne sont presque jamais attaquées, et les quelques exemples cités doivent avoir été accompagnés de circonstances particulières telles qu'abatages considérables d'arbres dans le pays ayant privé les hannetons de leur nourriture naturelle. Nous n'avons donc pas à insister sur les méfaits de l'insecte ailé. Il parait du milieu d'avril à la fin de mai. Sa vie n'est guère que d'en- viron trois semaines; mais comme les hannetons ne sortent de terre que successivement, pendant vingt ou vingt-cinq jours, il s'ensuit que leur apparition dure de six à sept semaines, un peu moins si le temps est beau. L'insecte se tient, le jour, accroché aux feuilles des arbres, ne se ré- veillant que rarement de sa torpeur pour voler d'un arbre à l'autre, et le crépuscule venu, pendant une demi-heure environ, on le voit parcourir les airs en bourdonnant. Son vol, assez lent le jour, est rapide au crépus- cule ; mais comme son corps est relativement pesant, il le dirige mal, se heurte aux obstacles et tombe au moindre choc. De là le proverbe : Étourdi comme un hanneton. A la nuit close, il vient de nouveau chercher un asile sur les arbres, et LE HANNETON COMMUN. 413 c'est pendant la nuit qu'il fait la plus grande consommation de feuilles. L'accouplement opéré, les mâles meurent. Les femelles, dont les ovaires renferment de cinquante à quatre-vingts œufs à divers degrés de développe- ment, s'enfoncent dans le sol à 10 ou 20 centim. pour y opérer, en un seul tas. une première ponte de vingt à trente œufs ellipsoïdes, longs de 2 à 3 millim. Puis elles rassortent, retournent aux feuilles pour se nourrir, et, quelques jours après., suivant le nombre d'œufs restant dans les ovaires, ont lieu une ou deux nouvelles pontes, suivies de la mort de l'insecte. Les lieux de ponte sont choisis avec soin. Ce sont des terres meubles, fraîchement labomées et fumées, ouvertes aux influences de l'air et du soleil, pas trop sèches, pas trop humides, et «c'est pour cela, dit M. Ver- morel1, que les pépinières de vigne qui remplissent toutes ces conditions sont trop souvent choisies. Il n'est pas rare de trouver dans deux champs contigus un nombre d'insectes très différent. Si l'un d'eux était récemment travaillé au moment de la ponte, alors que l'autre était inculte, le premier est rempli de larves très rares dans le second.» Cinq à six semaines après le dépôt des œufs, ceux-ci éclosent. La larve qui eu sort est connue sous plusieurs noms vulgaires: ver blanc, ver des jardins, ver malis, turc, man, meunier, cngraisse-gaUines, mouton- net, etc. Tout d'abord elle se contente de parcelles de fumier ou de débris de racines à demi décomposés. Elle croit rapidement et atteint dans la même année environ 2 centim. de longueur, mais sa taille n'est pas proportion- née à cet allongement. «En revanche, dit Mulsant, ce sera principalement en épaisseur que le corps de ces larves se développera les années suivantes . Pendant les quelques mois qui suivent leur naissance, elles vivent réunies en famille, à la façon de diverses chenilles. Après l'hiver, pendant lequel elles ont eu le soin de s'enterrer profondément entre GO et 80 centim. pour éviter la gelée, le besoin d'une nourriture plus abondante les force à se disperser. Elles pratiquent dans toutes les directions des galeries souter- raines, et dès ce moment elles commencent à attaquer les racines vivantes et à commettre des dégâts qui vont croissant avec leur grosseur et avec la force de leurs mandibules.» La seconde année, fin mars ou premiers jours d'avril, les vers blancs remontent à la surface du sol, et c'est alors que les grands dégâts commen- cent. Jusqu'au mois d'octobre, ils dévorent avec voracité toutes les raci- nes à leur portée. Les dégâts qu'ils commettent dans les prairies, les champs de céréales, les vergers et les pépinières, sont devenus célèbres. < Vermorel; Note sur la destruction des vers blancs (Congrèâ viticole de Màcoa, 1SS7, el Journal le Progrès- agricole de Montpellier, novembre 1 " • 414 LE HANNETON COMMUN. En ce qui concerne spécialement la vigne, si, comme nous l'avons dit, les vieilles souches résistent assez bien, les jeunes plants, greffés ou non, surtout mis en pépinière, ont beaucoup à souffrir. Le corps du ver blanc, courbé en arc, est admirablement adopté à ce travail destructeur. Les raci- nes une fois mangées, le bois lui-môme est attaqué. »En 1887, dit M. Vermorel, aux environs de Villefrancbe sur Saône, nous avons pu constater des reprises de greffage réduites à 20, 15, même 2 % et qui n'avaient pas d'autres causes de non-réussite que le ver blanc. Partout les boutures avaient l'écorce rongée au pied et les racines dé- vorées.» Au printemps de la troisième année, les larves remontent de nouveau à la surface du sol, et jusque vers le mois de juillet continuent leurs ravages, qui sont d'autant plus terribles que leur taille est plus grande. Les premiers jours de juillet, le ver blanc, ayant acquis tout son déve- loppement, plonge de nouveau dans les profondeurs du sol pour y subir sa métamorphose en nymphe. Cette transformation s'opère fin juillet, dans une loge de terre ovale, aux parois fortement tassées et cimentées avec de la salive. L'état de nymphe dure de quatre à cinq semaines, c'est-à-dire jusqu'à fin août. L'insecte parfait, la cuticule qui l'enveloppait rejetée, a d'abord le corps mou et blanc; peu à peu ses téguments se colorent, et, fin septem- bre, l'abdomen, tout d'abord gonflé, étant rentré sous les élylres, le hanne- ton a la consistance nécessaire pour crever sa coque. Il ne le fait que si la saison est exceptionnellement douce; mais d'ordinaire il reste dans sa retraite jusque vers le milieu de février, époque à laquelle il commence à se frayer un chemin qui le conduira au jour en avril ou mai. L'insecte doit à son apparition générale dans ce dernier mois, le nom de Maikdfcr, Sca- rabée de mai, qui lui est donné en Allemagne. En résumé, le hanneton passe à l'état d'oeuf 1 mois. A l'état de larve de lre année G — — — — de 2e année 12 — — — — de 3e anDée 7 — — — nymphe 1 — A l'état d'insecte parfait, enterré ou hors de terre. 9 — Total 36 mois . Depuis le Mémoire de Gœdarl (1662), les diverses formes dont nous venons de retracer rapidement l'évolution ont été décrites par de nombreux auteurs. Nous n'ea donnerons donc qu'une description succincte et surtout comparative. LE HANNETON COMMUN. i I .*■ La larve adulte (6g. 79) est longue de i à 5 ceotim. Le corps, Berai- cyliodrique, plié en arc, est d'un blanc sale avec les der gmeots abdominaux ardoises, composé de quatorze segments y compris la tête; celle-ci relativement grosse, semi- globuleuse, est d'un jaune fauve ; les mandibules longues, unidentées sur leur tranche interne, noires dans la moitié supérieure de leur longueur, les mâ- choires à un seul lobe oblong, munies au côté interne de deux rangées de petites épines; les palpes maxil- „. 1 v l ' Fig. 79. — i laircs de quatre articles ; les antennes de cinq articles, du hanneton com- le quatrième plus long que le troisième. Segments tho- mmu racigues garnis de longs poils blonds, portant trois paires de pieds robustes, remarquables par leurs tibias et leurs tarses renflés, ainsi que par leurs ongles graduellement plus courts à ebaque paire. Segments abdominaux garnis de poils pus courts et plus rares, et en outre, en dessus, les sept premiers garnis d'une ou deux rangées de petits poils spiniformes faisant râpe sous le doigt. Le dernier segment garni en dessus, à son extrémité, de poils blonds et fins, et en dessous de poils raides et croebus au bout. On voit de plus, en dessous de ce dernier segment, occupant presque toute la longueur de sa partie médiane, une double rangée parallèle de petites épines brunes très courtes, dessinant comme un sillon étroit. Ce dernier caractère permettra de distinguer le ver blanc du hanneton de tous les autres. Celui du hanneton foulon, dont nous parlerons bientôt, a cette double rangée de spinules beaucoup plus courte, atteignant à peine le tiers du segment ; mais les spinules sont plus longues, terminées par des poils blonds dont les deux rangées, plutôt divergentes que parallèles, incli- nées au-devant l'une de l'autre, arrivent presque à se toucher. Chez la larve de VAnomala, les deux rangées de spinules n'atteignent guère aussi que le tiers du segment, mais elles ne sont plus parallèles. Partant de !a lèvre inférieure anale, elles vont au-devant l'une de l'autre, limitant ainsi un espace triangulaire et les spinules sont terminées par des poils conver- gents assez longs pour s'entre-croiser. Perris, pag. 101 de son livre Larves de Coléoptères, a bien signalé la longueur de ces poils terminant les spinules chez VAnomala ; mais, à pro- pos du hanneton foulon, il ne dit rien de la dimension des spinules. P nous, elles font, comme longueur, transition entre celles, si courtes, du han- neton commun et celles des. Inomala, qui sont longues au point de s'entre- croiser. La nymphe est d'un blanc jaunâtre, les antennes, les pattes cl les ailes repliées en avant contre la poitrine, les ailes découvrant presque entièrement 416 LE HANNETON COMMUN'. sur la partie dorsale les méso et mèiathorax et entièrement l'abdomen. Celui-ci, très mobile, est incurvé en avant, composé de neuf segments, les trois derniers aussi grands ensemble que les six premiers réunis. Le dernier segment bilobé à l'extrémité et portant au bout de chacun de ces lobes ; un appendice charnu dirigé en dehors, mais terminé par une épine brune dirigée en dedans. Cet appareil permet à la nymphe de se retourner dans sa loge souterraine. Les huit premiers segments abdominaux portent huit paires ùestigmates latéraux arrondis, les quatre premières entourées d'un rebord chitineux de couleur brune, les quatre dernières plus petites et non chitinisées. En prenant au printemps des vers blancs de troisième année, il est facile d'obtenir cette nymphe par le procédé indiqué à propos du Pentodon et de YAnomala. Est-il besoin de décrire l'insecte parfait si cher aux écoliers ? (fig. 80) Oui ! puisque nous avons vu que dans la région de l'olivier hon nombre de viticulteurs ne le connaissent pas. Si nous prenons l'insecte type, celui du nord et du centre de l'Europe, c'est un gros coléoptère oblong aux formes épaisses, long de 25 millim. environ et large de 15 millim., au corps peu den- sement hérissé en dessus de poils cendrés assez courts, plus densement en dessous, surtout sous le thorax où les poils sont plus longs. La tête et le prothorax d' un noir légèrement bronzé ou ver- Fig. 80 . — Hanneton dàtre, parfois rougeâtre ; les antennes de dix commun mâle. articles, la massue de sept longs feuillets chez les maies, de cinq feuillets courts chez les femelles. Les chjlres d'un fauve rouge ou de couleur marron, élargies, chargées en dessus de cinq nervures, comme poudrées de poils courts et cendrés ; le pygidium ou dernier arceau dorsal de l'abdomen, triangulaire, prolongé en une pointe large, déprimée, graduellement rétrécie et tronquée à l'extrémité. Abdomen paré en dessous, sur les côtés, de poils aplatis en forme d'écaillés longues, d'un blanc de lait, formant sur chaque segment une tache triangulaire ou en dent de scie. Dans le midi de la France, du moias dans la région de l'olivier, on ne trouve que la variété alblda, chez laquelle les poils courts du corps beau- coup plus serrés, font paraître l'insecte comme saupoudré de farine. Ce caractère est encore plus accentué dans la variété candicans, qui se trouve en Grèce, en Turquie et en Asie-Mineure. Dans ces pays secs, ces poils serrés jouent sans aucun doute le rôle de protecteurs contre la dessiccation le Hanneton commun. i!7 des tissus, comme nous le voyons, clan > les mêmes contrées, pour le duvet serré qui recouvre les feuilles de tant de végétaux. III. — MOYENS DE DESTRUCTION. Par ses défrichements, ses labours et ses fumures, l'homme est le grand multiplicateur du hanneton. La Gaule primitive, couverte de forêts et de terres en friche, avait, à coup sûr, fort peu de ces insectes. Étant donnée la nécessité où l'on est de labourer un champ, on devra le plus possible le faire en automne, l'opération faite au printemps offrant a la femelle de notre lamellicorne toutes les conditions voulues pour sa ponte. De nombreux moyens de destruction ont été préconisés. Le ramassage à la main est le plus usité. Des arrêtés administratifs ou des lois spéciales ont été essayés dans divers pays. En France, l'arrêté administratif avec prime a été jusqu'à présent préféré. «En 1807, dit M. Maurice Girard, à la caisse départementale de la Seine-Inférieure, en primes de 20 fr. , puis seu- lement de 10 fr. pour 100 kilogr. d'adultes, on a payé 80,000 fr. qui ont produit la destruction de 1 milliard 140 millions d'insectes, d'où seraient nés 23 milliards de larves. C'est à l'aube du jour, avant l'évaporation de la rosée, que les battues ont la plus grande efficacité. «Tous les prétendus spécifiques contre les vers blancs qu'on devait mêler aux terres avec l'engrais ont été reconnus insuffisants ou dangereux, amenant en même temps la mort des plantes. Nous ne saurions omettre toutefois le moyen indiqué par M. P- Audouin afin d'éloigner des champs les femelles en quête d'une terre meuble pour la ponte. Il consiste à em- ployer la naphtaline brune, solide et volatile, très odorante, extraite des huiles de goudron de gaz et à très bas prix. On jette par hectare 4 à 500 kilogr. de naphtaline mêlée à trois fois son poids de terre sèche ou de sable, proportions que l'expérience a démontrées inoffensives pour les végétaux». Ce procédé de l'épandage de la naphtaline peut être facilement appliqué dans les endroits relativement restreints où l'on fait enraciner les jeune- plants en pépinière. On réjiandra la naphtaline fin mai, c'est-à-dire àl'époque de la ponte. Ces pépinières de vigne sont à la fois les endroits où la pré- sence des vers blancs est surtout funeste, et, par suite des binages indispen- sables au printemps, ceux qui attirent plus spécialement les femelles pondeuses. On a parlé aussi des poulaillers roulants. L'idée n'est pas nouvelle, elle date de Parmentier. Le procédé a été employé par de nombreux agricul- teurs du Nord dans les cultures de céréales. Nous l'avons vu fonctionner aux environs d'Amiens dans des cultures de betteraves, et Maurice Girard 27 418 LE HANNETON COMMUN. [loc. pzî.,pag. 452) décrit le modèle imaginé par M. Giot, de Brie-Comte- Robert (Seine-et-Marne). Nous avons du reste parlé de ce moyen à propos du Gribouri (pag. 330). Dans le cas particulier de pépinières de vignes à protéger, outre que celles-ci sont généralement placées près des fermes et accessibles à la basse- cour, nous préférons de beaucoup l'application du sulfure de carbone, qui a fait ses preuves de divers côtés. M. l'Inspecteur Croisette-Desnoyer, cbargé des pépinières destinées à repeupler la forêt de Fontainebleau et fournissant cbaque année plusieurs millions d'arbres feuillus ou résineux, après l'essai de nombreux procédés de destruction, a été amené à l'emploi exclusif du sulfure de carbone. Il est arrivé à la destruction totale de ces larves voraces, sur cinq bectares de pépinières domaniales, sans que le prix de revient de cette opération ait dépassé 40 fr. par bectare. Mais écoutons à ce sujet un viticulteur : o Mes premiers essais pour la la destruction des vers blancs dans les pépinières de vigne en Beaujolais, dit M. Vermorel, datent de 1884 seulement ; mais ils ont été couronnés de succès. L'année où les insectes ailés font leur apparition, les dégâts de larves sont insignifiants; il est donc inutile de traiter celte année-là. Il est préférable d'attendre le printemps suivant et d'appliquer en février, avant que la larve remonte, une dose de 20 à 28 gram. par mètre carré. «On doit avoir grand soin de ne faire ni façon ni labour au moins quinze jours avant ou après : ces façons, en ameublissant le sol, permettraient aux vapeurs de sulfure de carbone de s'ôcbapper au debors. Il esta remarquer que, les pépinières se trouvant généralement dans un terrain meuble et léger, cette nature de sol convient très bien à la diffusion du toxique. »Sur les terrains à planter et qui sont libres de toute culture, le milieu de février est le meilleur moment pour le sulfurage. «Avec le pal injecteur réglé à 5 gram., on pratique un trou tous les 50 centim. en tous sens, à 5 gram. par trou; on met ainsi 20 gram. par mètre carré ou 200 kil. à l'bectare. »A 6 gram. par trou, 24 gram. par mètre carré ou 240 kil. à l'bectare, et à 7 gram. par trou, 28 gram. par mètre carré ou 280 kil. à l'bectare. «Dans les pépinières plantées en plants greffés, on ne peut guère dépasser 20 gram. par mètre carré. L'application se fait également en février, avant que les insectes aient commencé à remonter. On enfonce le paî pius pro- fondément, 35 à 40 centim., de façon à injecter le sulfure de carbone plus bas que les racines et à éviter à celles-ci le contact du sulfure de carbone liquide. j>Enfm il est toujours bon de s'assurer, par une fouille, de la position des le Hanneton foulon. i l'.i larves avant d'effectuer un traitement. Une opération faite lorsque les versblancs sont déjà remontés à la surface ne les atteinl pas : les vapeurs du sulfure tendent à descendre ; j'ai pu m'en rendre compte bien des fois. » LE HANNETON FOULON. [Melolontha fullo Linné. Synonymie : Scarabxus fullo Linné. Polyphylla fullo Harris. Ce grand hanneton, connu vulgairement sous les noms de hanneton foulon, hanneton peint, hanneton du Poitou, etc., bien certainement un des plus beaux Coléoptères de nos régions, est, sous forme de larve, parfois nuisible aux jeunes vignes, dans les terrains de sable . On le reconnaîtra facilement à sa grande taille, 3 à 3, GO centim. de long sur un peu moins de 2 de large ; à son corps noir ou rougeâtre, brillant, marbré de taches blanches irrégulières ; à ses antennes de 10 articles, avec une massue de 6 petits feuillets chez la femelle et do 7 grands feuillets (1 centim. de long environ) chez le mâle; à son pygidium non prolongé en pointe, et au cri particulier qu'il pousse, rappelant le piaulement d'un oiseau. Ce cri est produit par le frottement du dernier segment abdominal contre le sommet des ély très. Cet insecte, répandu dans la plus grande partie de l'Europe, se trouve à peu près partout où il y a du sable fin, mais n'est abondant que dans certaines régions. L'insecte par fait se montre en juillet, vole au crépuscule pendant unedemi- beure à peine, et, la nuit tombée, rentre dans le sable, où sa présence jus- qu'au lendemain soir est révélée par une petite excavation en forme d'en- tonnoir. Un certain nombre cependant restent hors du sol et se trouvent, pendant le jour, accrochés aux branches des arbres, principalement i\vt pins, dont l'insecte broute volontiers les feuilles. Il est signalé abondant dans certaines parties de l'Allemagne, principale- ment dans le Brandebourg; en Belgique également et dans le nord <]<■ la France, dans les dunes de la mer du Nord et de la Manche, et, ce qui est plus important au pointde vue viticole, dans la vallée du Rhône, de Lyon à Arles, dans la Gironde, les Landes et ça et là dans les duoes de la Mé- diterranée, où sa multiplication toutefois parait en raison inverse de celle 420 le hanneton foulon. des Anomala. Dans l'Hérault, par exemple, on ne trouve le hanneton foulon que là où ['Anomala est rare ou absente. Nous avons vu la larve nuire sérieusement aux jeunes vignes de sable à Arles, à Tarascon et au Bourg Saint- Andéol (Ardècbe). Nous l'avons reçue de M. Flourens, de Murviel-les-Béziers, comme ayant complè'e- ment détruit un plautier établi dans les sables du bord de la rivière d'Orb. A l'étranger, l'insecte nous a été signalé par M. Horvath. Il est, nous dit-il, fortement nuisible dans les vignes des bords du Danube, et M. Karoly Sajo a publié sur le même sujet un article avec planche, dans le journal hongrois Rovartani Lapok (livraison d'août 1884, pag. 1G8). La larve y est représentée rongeant un jeune cep et l'ayant aux trois quarts dépouillé de ses racines et même de son écorec . Nous ne voulons pas donner àcet ennemi, dedate récente, plus d'importance qu'il n'en mérite ; nous l'avons trouvé associé dans ses dégâts avec d'autres espèces * dont nous ne parlons qu'en note ; mais nous le prenons pour type de ces Mélolonthides ampélophages que nous appellerons des irré- guliers et qui avant les plantations dans les sables étaient considérés comme inoûensifs. Nous avor.s vu déjà le cas à propos des Perilelus. La larve est remarquable surtout par sa taille. C'est un énorme ver blanc dont le corps, si on le redresse, dépasse G centim. de long et atteint 1 1 Mélangées aux larves de hanneton foulon reçues 'le Murviel-les-Béziers, s'en trouvaient de plus petites, prises tout d'abord par nous pour des jeunes de la même espèce. Elles se sont métamorphosées en même temps que les grosses, et nous ont donné un insecte d'un genre voisin, YAnoxia villosa Fabricius. Celte espèce a été également obtenue d'un ver blanc que nous avait remis M. Pianchon comme trouvé au pied d'une souche, non plus daas le sable, mais dans le terrain tufieux très meuble des environs de Montpellier, connu en géologie sous le nom de tufs quaternaires de Castelnau. Celte espèce n'est donc pas particulière aux sables, et nous l'avons prise plusieurs fois au vol le soir dans des vignes situées dans les mêmes terrains de tuf. Signalons encore une espèce du même genre qui vit exclusivement dans les sables maritimes de la Méditerranée, YAnoxia A uslralis Schônherr, obtenue de larves envoyées do Vias, entre Agde et Béziers, comme ayant abîmé un jeune plantier établi dans les dunes de cette localité. Les Anoxia sont d'assez gros han- netons velus qui ont été génériquement séparés des Melolonlha à cause de la massue de leurs antennes, qui n'a que quatre feuillets chez la femelle el cinq chez le mile, au lieu de six et sept. Leurs larves se distinguent au dernier segment sans rangées longitudinales de spinules en dessous. Outre les espèces que nous venons de nommer et les Rhizotrogues, dont nous parlerons bientôt, il est probable que bien d'autres Mélolonthides seront encore signalés comme nuisibles aux vignes. LES RHÏZOTROGUES. i"2 I ceolim. et demi de large. Comparée celui du hannelon commun, dous trouvons l'épaisseur relativement plus forte. A part cela, même forme, même couleur, mêmes tarses et tibias renflés, mômes longs poils espacés sur le corps, mêmes bandes transversales de spioules râpeuses sur le dos, mêmes poils du dernier segment fins en dessus, railles et terminée en cro- chet en dessous. Deux différences anatomiques cependant sont à signaler : l°dans les antennes; 2° dans la double rangée de spinules médianes placées en dessous du dernier segment. Le quatrième article des antennes est, non pas plus long que le troisième, comme clic/, la larve du Melolontha vulgaris, mwis plus court, ei la disposition des spinules médianes du dernier segment, ainsi que leur dimension, sont tout autres. Pour abréger, nous renvoyons à ce sujet à la description comparative qui a été faite plus haut de la larve du hanneton commun. La nymphe, comparée à celle du hanneton commun, ofiVe, à part ses grandes dimensions, des différences de détails qu'il est utile de signaler : 1° les deux lobes divergents du dernier segments sont terminés par deux pointes mousses rembrunies qui sont encore plus divergentes, tandis que nous les avons vues être convergentes chez le hannelon commun ; 2° la dimension extraordinaire des antennes du mâle apporte à leur position une modification forcée. Ne pouvant plus tenir dans le petit espace qui existe entre les parties de la bouche et le tibia antérieur, elles sont placées en dehors de cet espace, reposant sur l'extrémité du tibia et atteignant presque la longueur du tarse . LES RHÏZOTROGUES. Nous avons vu les vers blancs des hannetons être sérieusement nuisi- bles à la vigne dans le centre de la France, ceux du Pentodon et de VAnomala exercer les mêmes dégâts dans le midi de l'Europe ; voici encore, pour la région de l'olivier et spécialement 'pour l'Algérie, de nouveaux ennemis parmi les Mélolonthides. Ils appartiennent au genre Rhizotrogus, dont on parle peu en Europe, mais qui dans nos colonies du nord de l'Afrique entrave sérieusement les viticulteurs. Les rhizotrogues sont des Mélolonthides de taille moindre que le han- neton commun, généralement de couleur uniforme, variant du fauve au brun marron, n'ayant pas le pygidium pointu, ayant des antennes de 9 pu 42"2 LEs RHIZOTItOGUES. 10 articles avec une massue de trois feuillets seulement. Pat' l'avortement constant des ailes inférieures, certaines espèces sont aptères dans les deux sexes; chez d'autres, les femelles seules sont privées de la faculté de voler. Le genre est nombreux en espèces, 1G0 dans le dernier Catalogue paru (de Marseul, 1889), et la plupart habitent les régions méridionales. Sur ce nombre, la France et l'Europe centrale n'ont pas plus de 20 espèces ; le reste est propre à l'Orient, à l'Asie centrale, à l'extrême sud de l'Europe et surtout à l'Afrique du Nord. L'Algérie, à elle seule, compte plus de 60 espèces. Tous les vers blancs de ces Mélolonthid"S peuvent être nuisibles à nos cultures, l'étymologie du nom l'indique (âiÇa racine, rpûyst-j ronger). Ils sont, de plus, mangeurs de feuilles à l'état parfait. Il n'est donc pas éton- nant de voir plusieurs Rhizolrogus signalés comme nuisibles à la vigne. Outre que les espèces composant ce genre sont nombreuses, les varia- tions infinies d'un grand nombre d'entre elles rendent leur étude extrê- mement difficile. Les formes d'Europe sont relativement faciles à distin- guer l'une de l'autre ; mais celles du nord de l'Afrique ont lassé plus d'un classificateur. Des coupes dont on a fait des sous-genres ont heureusement été pra- tiquées. Elles sont hasées sur le nombre d'articles des antennes, la présence ou l'absence des ailes inférieures, etc. En Europe, il y a fort peu de rhizotrogues nuisibles à la vigne. Nous n'en connaissons que trois signalés comme tels: Rhizolrogus marginipes, R. cicalricosus et R. ochraceus ; encore les deux dernières espèces sont- elles nuisibles d'une façon très relative, et nous n'en parlerons que briè- vement, sans les coroprendie dans notre liste générale d'ampélopbages. Le Rhizolrogus cicalricosus Mulsant, espèce répandue dans la vallée du Rhône, a été observée par nous à Montpellier. Nous l'avons, il y a quelques années, obtenu à l'état parfait, de plusieurs petits vers blancs qui nous avaient été apportés par M. Planchon comme trouvésebez luiaux ra- cines d'un jeune plantier. C'est un Rhizolrogus de taille moyenne, 13 à 17 millim. de long sur une largeur de 6 à 7, au corps oblong, parallèle, d'un rouge clair rosé sur la tête et le prothorax; les èlylres et le reste du corps sont d'un jaune fauve. Le prothorax est glabre, entouré d'une rangée de cils. L'insecte parfait, que nous avons pris en mars et avril à Lyon, paraît à Montpellier en février et même parfois à la fin de janvier. On le voit voler avant 5 heures pendant une demi-heure environ, puis il rentre dans le sol. Le Rhizotrogus ochraceus Knoch, assez répandu en Provence et en Italie, o été signalé comme nuisible à la vigne par M. Targioni [Rclazio?ie, LES RHIZOTROGUES. |J'! 1884, pag. 107). C'est un insecte do même taille que le R. cicatricosus, mais qui en diffère par le nombre d'articles aux antennes, 9 au lieu de 10, ce qui l'a fait ranger dans le sous-genre Amphimallus. Les teintes de sa robe sont aussi fort différentes. La tête et le protborax sont d'un brun rougeâtre, les élytres et les pattes d'un fauve jaune ou rougeâtro clair. L'insecte parait en mai et vole surtout le matin. Parmi les espèces d'Europe, nous ne comprendrons donc dans notre liste générale que le Rhizotrogus marginipes Mulsant. L'espèce est sé- rieusement nuisible sur les coteaux secs, en Languedoc, et en Iloussillon, où M. Oliver (de Collioure) l'a signalée. Mais avant d'en donner une description détaillée, parlons des espèces algériennes, qui, de beaucoup, sont les plus importantes en viticulture. La côte barbaresque est la terre classique des Rhizotrogucs : soixante et quelques espèces, avons-nous dit, ont été signalées en Algérie seulement. Dans cette quantité considérable, bon nombre sont capables sans doute de mettre à mal un plantier; mais jusqu'à présent trois espèces seulement ontété accusées de graves méfaits. Ce sont : Rhizotrogus euphytus, inflatus et sinuatocoUis. Le premier appartient au sous-genve Apterogyna, c'est-à-dire aux Rhi- zotrogus dont la femelle seule est privée d'ailes [airrepot sans ailes, yuv»j femelle) ; les deux autres au sous-genre Geotrogus [yo terre, zpûyta ron- ger), dont les deux sexes ont les ailes inférieures avortées. Nous avons souvent reçu les deux premiers en communication., ils abondent surtout dans la province d'Oran ; le troisième semble dominer dans celle d'Alger, d'après M. Rivière, directeur du Jardin d'essai du Hamma, près Alger. Nous ne pouvons mieux faire, du reste, que de citer cet auteur. M. Rivière est bien certainement l'bomme qui a le mieux observé sur place et à l'œuvre les Rbizotrogues algériens. Voici ce qu'il en dit dans un article publié en 1882 ' : « Trois espèces principales se font remarquer plus spécialement dans nos cultures : Rhizotrogus euphytus, inflatus et sinuatocoUis. » Cette année-ci, l'insecte qui a mangé nos feuilles de vigne est le R. sinuatocoUis. A l'état de larve, il avait déjà attaqué les racines et même le collet de nos jeunes ceps. Cette année se trouvant être celle de la trans- formation à l'état parfait, ces :jeunes bannetons sont sortis de terre et se sont jetés, pour vivre, sur la verdure la plus voisine. «Pendant le jour, rien ne signale la présence de l'insecte ; mais entre 0 i Gh. Rivière; Affection des lignes en Algérie (L'Algérie agr., 1er oct. 1882). 4?4 LES RHIZ0TI10GUES. et 10 heures du soir, on voit la terre se soulever à la base des ceps, puis des lésions de Rhizotrogues sortir des galeries souterraines et par milliers envahir toute la plantation. A 11 heures du soir, toutes les colonies sont dehors et en plein fonctionnement. Le parenchyme des feuilles craque en bruit régulier sous les mandibules de centaines de milliers de ravageurs, les feuilles plient sous l^ur poids et les jeunes bourgeons qui les portent ne tardent pas à être détruits. «Entre 3 et 4 heures du matin, le nombre diminue, et quand vient le jour on est présence de très grands ravages, mais sans traces d'insectes. Les hannetons sont rentrés sous terre dans des galeries rapidement con- struites, où ils attendent à l'ombre et au frais, engourdis et digérant, l'heure de reprendre leur œuvre de dévastation. Pendant environ dix ou douze jours, ils continuent la même existence. Les mâles meurent bientôt; les femelles s'enfoncent pour pondre vingt ou trente œufs, et meurent à leur tour. «Dans notre laboratoire, nous avons mis un grand vase rempli de terre légère fortement tassée, dans laquelle des sarmants chargés de belles et tendres feuilles furent plantés. Vingt de ces hannetons furent déposés un soir 6ur la terre du pot. Dans la nuit, ils mangeaient les feuilles; le matin, ils avaient disparu. La nuit suivante, nouvelle apparition et même dispa- rition au matin : les feuilles des sarments renouvelés étaient toujours mangées. Après quinze nuits d'expérience, on procéda à la recherche des hannetons pendant le jour. La terre du vase fut retirée par couches suc- cessives. A 15 centim., on commença à rencontrer un insecte; puis à 25, puis à 35, c'est-à-dire au fond du vase, on trouva la totalité des hannetons. Quelques femelles commençaient à pondre, d'autres avaient terminé cette fonction, étaient mortes et se désarticulaient. «L'insecte peut donc exercer ses ravages pendant une quinzaine de nuits. Dans les galeries qu'il pratique pour s'enfoncer dans le sol, quel- ques-uns ont la tête en bas, d'autres dans une position contraire, et ces derniers sont des femelles. «Cette invasion aérienne peut devenir assez redoutable. Dans le domaine d'Amourab (près Milianah), les hannetons ont envahi les jeunes plantations, qui auraien t certainement entièrement péri sans le zèle éclairé du régisseur, M. Coste. Cet intelligent viticulteur, aussitôt la cause du mal reconnue, fit construire des lanternes à réflecteurs munies d'une poignée. Vers dix heures du soir, une brigade d'ouvriers marchant de front, projetant la lumière de leur lanterne sur chaque cep, précipitaient dans un sac tous les hannetons en incursiou sur les feuilles. En quelques nuits, on a ramassé cent dix mille quatre cents de ces insectes. Il y en a en moyenne 1,595 au kilo. LES RHIZOTROGI ES. »Ce Mélolontbide rencontre évid vignobles des condi- tions très favorables à son existence par un sol parfaitement défoncé, en- tretenu friable par des façons successives, etc., etc. Cet état du sol permi i au hanneton de se dérober facilement pendant le jour à de nombreux enne- mis, et de vivre largement pendant la nuit tant qu'il est insecte parfait. Ses larves, pour accomplir leur œuvre de destruction souterraine, rencontrent les mêmes avantages. Les jeunes racines mangées, elles entament quel- quefois le collet de nos nouvelles plantations de vignes. Pendant environ trois ans. ces larves continuent leurs dégâts, en les accentuant jusqu'au mo- ment de leur transformation en insecte parfait. »On comprendra donc, la nécessité de combattre l'insecte sous forme de hanneton avant la ponte des femelles, qui peuvent engendrer chacune une trentaine de cers blancs.-* Il est inutile de pousser plus loin cette citation, déjà longue. Elle suffit pour montrer l'importance des dégâts occasionnés par des insectes dont il n'était pas parlé il y a vingt ans. Les plantations importantes de vigai - dans le nord de l'Afrique datent à peu près de cette époque. Les Rhizotrogus compris dans notre liste générale, et dont nous allons donner une description un peu détaillée, se composent donc d'une e d'Europe. Rhizotrogus margini'pes Mulsant, et de trois espèces algérien- nes : Rhizotrogus euphylus Buquet, R. inflatus Buquet et R. sinuatocollis Fairmaire. I. — Uhizotrogus marginipes Mulsant. Le Rhizolrogue français, accusé de nuire un peu sérieusement à la vigne, est, au premier abord, facile à confondre avec plusieurs autres, tels que le R. cicatricosus déjà cité, le R. rufescens, etc. Il est cependant toujours très distinct pour l'œil tant soit peu exercé, Mulsant, qui a créé l'espèce [Lamellicornes, lre édition. Paris 1842), a suffisamment mis en saillie les caractères distinctifs pour que nous puissions dan s les lignes suivantes, même en condensant fortement la description, permettre au lecteur de distinguer facilement notre insecte. Longueur 13 à 1G millim., largeur 7 à Smillim. Corps oblong, dilate postérieuremeut, de couleur entièrement blonde chez le mâle, d'ordinaire plus foncée et tirant sur le rougeâtre sur la tète et le protborax, chez la femelle. Prothorax hérissé de longs poils livides etmarquéde gros points enfoncés, très rapprochés. Écusson grossièrement p.»u. 'tue de quelques- uns de ces mêmes gros points enfoncés. Élytres blondes, souvent plus pâli s le long de la suture, quiest brune, hérissées de quelques longs poils a la base, glabres sur le reste de leur surface. •4?G LES RHIZOTROGTJES. On distinguera toujours, et de suite, notre insecte du R. cicairicosus , qui vit parfois dans les mômes localités, à sa forme plus courte, plus épaisse et surtout aux longs poils d e son corselet. Celui-ci est glabre chez le R. cica- tricosus, garni seulement de longs cils sur son bord antérieur. Cette der- nière espère, avons-nous dit, parait, à l'état parfait, de février à avril ; notre/?, marginipes ne commence à se montrer qu'en mai. et on le trouve jusqu'à fin juin. L'espèce paraît èlre méridionale. Nous ne l'avons pas rencontrée au- dessus de Lyon, où elle est déjà rare. Perris l'a signalée à Mont -de-Mar- san, Chevrolat à Bordeaux, M . Marquet à Toulouse. Nous l'avons trouvée dans tout le bas Languedoc sur les coteaux les plus secs, notamment dans les environs de Montpellier, au quartier de l'Aiguelongue ; dans ceux de Cette, au-dessus du petit fort appelé la Butte-ronde; et auprès de Narbonne, dans la petite cbaîue de la Clape. Dans ces trois localités, nous avons vu des plantiers avoir des manquants considérables par suite des attaques de son petit ver blanc. M. Oliver, dans son travail sur le Vesperus, cité en sou lieu et place, dit qu'en Roussillon cette larve aide le Vesperus dans son œuvre de destruction, commettant toutefois des dégâts proportionnés à sa taille. Eile est, parait-il, assez abondante pour avoir attiré l'attention des vignerons, qui l'appellent Pare-Massac. Nous avons également trouvé l'insecte sur tout le versant espagnol des Pyrénées orientales et il est probablement répandu dans une bonne partie de la Catalogne. Le ramassage à la main ne peut être conseillé contre l'insjcte parfait, qui parait ne pas manger, ne sortir le soir et le matin que pour s'accoupler et pondre, et qui le jour se tient blotti sous les pierres ou les mottes de terre. M. Oliver détruit le Pare-Massac comme il détruit le Mcnge-Mallols [larve de Vespeius), au moyen du sulfure de carbone. II.— Rliizotrogus (Apterogyna) enpliytusBuQUET. Des trois espèces algériennes, celle-ci est la plus petite et bien cer- tainement l'une des plus faciles à dist inguer parmi les nombreuses formes de la côte barbaresque. Tout d'abord elle diffère des deux autres par son mâle ailé et sa femelle aptère, ce qui la fait de suite ranger dans le sous-genre Apterogyna. Le mâle, long de 14 à 15 millim., large de 7 à 8, de couleur fauve, parfois marron, très peu luisant, uniforme, sauf sur les côtés du protborax, qui sont plus clairs, rappelle par sa forme certaines espèces européennes, telles que le R. cicatricosus Mulsant, ou plutôt Vinsularis Reicbe, qui est propre à la Corse. La tête, relativement petite, est généralement plus foncée que le reste du corps. Le prolhorax, arrondi en avant, foncé en LES RH1Z0TR0G1 E . 127 dessus, plus clair sur ses bords, ceux-ci élargis au milieu parfois assez brusquement, sont un peu sioués postérieurement, avec L'angle postén - externe un peu aigu, parfois presque droit. h'écusson, un peu plus ! que long, avec les côtés follement arqués, est lisse, quelques gros points enfoncés sur ses bonis. Les élytres | arallèles sont souvent planes en dessus, garnies de cirq cotes très effacées, et, dans 1rs intervalles, de points égale- ment peu visibles à l'œil nu. En dessous, la poitrine est couverte de poils blonds assez touffus. La femelle, dont les ailes inférieures sont toujours avortées, a le corps relativement court, arrondi et épais. La longueur est bien toujours de 1 i à 15 millim., mais la largeur atteint 8 ou 9. La teinte générale est le fauve assez foncé, plus uniforme que cbez le mâle; souvent, malgré cela, les tissus sont assez translucides pour que les œufs, dans l'abdomen, s'aper- çoivent par transparence, comme cbez beaucoup de Rliizotrogus, du reste. Le prothorax est plus globuleux, plus dilaté sur les côtés; Vccvsson plus large, parfois même une fois plus large que long, avec les côtés assez ar- rondis pour que la pointe du sommet disparaisse. Les élytres ne sont ni planes ni parallèles en dessus, mais au contraire courtes, globuleuses et arrondies sur les côtés, les pieds beaucoup plus courts que cbez le mâle. Les femelles de plusieurs Rliizotrogus des sous-genres Aplerogyna et Geotrogus réunissent très souvent les caractères ci-dessus, ce qui en rend l'élude fort difficile ; telle espèce, fort différente d'une autre par les mâles, lui ressemble absolument par les femelles. On distinguera les individus de ce sexe, cbez notre espèce, à leur taille relativement petite ; mais le plus sur sera de les trouver avec les mâles. Nous avons reçu le R. euphytus d'Oran, d'Alger et de Bône. Nous l'avons pris personnellement à Oonstantine et à Batna. M. Rivière le si- gnale de Relizane, province d'Oran, et de l'Oued Sly, dans la plaine du Cbelif. Il est donc répandu dans les trois provinces. III. — Rhizotrocjus (Geotrogus) inflatus Buqubt. Cette espèce, comme la suivante, du reste, appartient au Bous-g Geotrogus, c'est-à-dire aux Rliizotrogus dont les deux sexes sont aptères. On la reconnaîtra à sa grande taille, à sa couleur, à sa forme et au grand développement des pattes cbez le mâle. La longueur de celui-ci est de 16 à 19 millim., celle de la femelle de 18 à 21. Le mâle est large de 9 à 1 I millim., la femelle de II à 12. La couleur est le brun roux testacé, peu brillant cbez la femelle, presque mat cbez le mâle, plus fonce générale- ment sur le protborax, avec les deux côtes de celui-ci plus clairs, par- 4"28 LES RHIZ0TR03UES. fois les élytres un peu plus claires aussi sur les côtés. La forme générale, resserrée au milieu, rappelle celle d'un huit ou d'une graine d'arachide dont un des côtés serait plus petit que l'autre. La tête est relativement petite, le prothorax au contraire très développé, globuleux en dessus, ar- rondi ou en pointe obtuse sur ses côtés, resserré postérieurement et dépas- sant de beaucoup dans son milieu l'angle humerai des élytres. Celles-ci, peu renflées chez le mâle, ne dépassant guère la largeur du prothorax, très renflées au contraire chez la femelle, dépassant de 2 à 3 millim. la largeur du prothorax, de longueur variable, découvrant, en un mot, plus ou moins l'abdomen, lisse en dessus, avec quelques côtes presque effacées. Les pieds sont très développés chez le mâle, les postérieurs atteignant la longueur du corps à cause des tarses, longs de 8 à 10 millim. Ce caractère des longs pieds, commua à plusieurs espèces voisines, a fait nommer l'une de celles-ci araneipcs (à pieds d'araignées). Ces insectes, obligés de courir sur le sol, où les retient leur défaut d'ailes, ont des pieds développés en conséquence. M. Rivière cite l'espèce comme très nuisibb en Algérie, sans indiquer de localités. Nous ne l'avons reçue que de la province d'Oran, de Sidi-bel- Abbès, de Mascara et d'Oran, en mars et avril. Nous l'avons recueillie nous-mème dans cette dernière localité en très grand nombre, eu mars, dans les jardins maraîchers, où nous la trouvions le jour noyée dans les réser- voirs d'eau destinée à l'arrosage. IV. — • Rhizotrogus K*eotrogus) sinuatocollis Fairmaire. N'ayant jamais reçu cette espèce en communication, n'en ayant qu'un seul mâle en notre possession, exemplaire bien typique, il est vrai, nous en donnons la description surtout d'après celle de l'auteur de l'espèce1. Sans doute, à cause de la similitude des individus femelles chez beaucoup de Geotrogus, M. Fairmaire ne décrit également que le mâle. Corps long de 15 millim. environ, d'un brun noir presque mat, brillant sur le corselet. Dessous, pattes, paires et antennes d'un testacé pâle, ainsi que les bords latéraux du corselet ; côtés de l'abdomen et pygidium bru- nâtres ; abdomen brillant. Tête large, rugueusement ponctuée. Coselct transversal presque aussi large en avant qu'en arrière, a ponctuation assez forte, médiocrement serrée ; côtés assez fortement sinués avant le milieu et du milieu aux angles postérieurs, qui sont presque droits, mais un peu saillants et émoussés. Êcusson n'ayant que quelques points isolés. Élytres 1 Fairmaire et Coquerel ; Coléoptères de Barbarie (Ann. Soc. ent. de France, 18ti0, pag. 425). LE LE! 1IH i: ,\ GROSSE TÊTE. J29 assez courtes, pas plus larges que le corselet, arrondies chacune à l'ex- trémité, y compris l'angle Butural, finement ridées et couvertes d'une ponc- tuation assez grosse, peu enfoncée, écartée ; quelques traces de côtes peu distinctes. Pygidium finement pointillé, parsemé de points écartés. Des- sous du corps presque glabre. Abdomen a peine ponctué. Pattes longues. La coloration de ce Rhizotrogus, ajoute M. Fairmaire, rappelle celle du R. numidicus. Ayant reçu personnellement de Medcah, comme trouvés sur la vigne, quelques R. numidicus, nous nous demandons si plusieurs espères, \ compris cette dernière, ne se trouveraient pas mélangées sur la vigne aux environs d'Alger et n'auraient pas été confondues sous le nom de R. sinuatocoliis. Par l'envoi de nombreux exemplaires que nous sollicitons de la part des viticulteurs algériens, la question pourra facilement être résolue. MOYENS DE DESTRUCTION. D'après M. Rivière (loc. cit.), le seul moyen pratique est le ramassage à la main pendant la nuit. Nous avons vu à quels résultats on est arrive par ce moyen au domaine d'Amourah ; mais, lorsque M. Rivière écrivait son article, le sulfure de carbone n'avait pas encore fait ses preuves contre les vers blancs du hanneton commun. U nous parait tout indiqué d'em- ployer également cet insecticide contre les larves des Rhizotrogus. Le sol sera ainsi purgé avant même la plantation des boutures, et le ramassage nocturne de l'insecte parfait sera opéré, s'il le faut, par exemple, en cas d'invasion de chez un voisin négligent. LE LETHRE A GROSSE TÊTE4 [Lethrus cephaloles Pallasj Synonymie : Lethrus Seopoli ( J 70:3. . Lucanus aplcrus Laxmann ^ 1 77" » . Scarabxus cephaloles Pallas (1771). Lethrus apterus Sols. Lethrus scara- bœo ides llochcn. Lethrus podolicus Fischer. C'est le Schneider (coupeur des Autrichiens, le Rebcnschncidcr des Allemands. Brebm édition franc.] l'appelle le Coupeur de vigne, traduction du mol allemand. 1 Bibliogkaphie. — Aldrovande ; De animalibus Inseclis, 1602. — Sco- poli ; Entomolorjia Carniolica, 1703. — Latreille ; Gênera Cruslaceorum rt Insectorum. Paris, 180G. — Fischer; Ann. des Sciences nat ., 1 8 2 i , toni. I, 430 LE LETHUE A GROSSE TÊTE. Le genre Lethrus se compose de gros insectes noirs, bizarres de formes et de mœurs, lamellicornes de par les classificatcurs, mais ayant des antennes sans lamelles, bousiers par leurs affinités nombreuses avec les Geotrupes, mais vivant de bourgeons ; rappelant enfin les Lucanes ou cerfs- volants, non par le corps, qui est court, mais par la forme et le développe- ment de leurs mandibules. Le groupe presque entier est asiatique. Il compte une vingtaine d'espèces ayant pour patrie la Sibérie, le pays des Kirguiz, le Turkestan, le nord de la Perse et la Turquie d'Asie, mais s'étendant en Europe jusqu'à la Russie occidentale et à la Turquie, et une espèce, celle qui nous occupe, jusqu'à la Hongrie et l'Autriche, atteignant même les bords de l'Adriatique aux environs de Tiïesle et de Fiume. Cette dernière espèce seule nous occupera, bien que le genre entier soit coupeur de boungeons et que, le cas échéant, il puisse être nuisible aux vignes. Le Lethrus ccphalotes est du reste le seul du genre dont les mœurs aient été sérieusement étudiées. Ses dégâts dans les vignes sont depuis bien longtemps connus des vignerons. Les auteurs anciens n'en parlent pas ; mais, dès le xve siècle, Aldrovande avait observé, décrit et figuré l'insecte dans son livre De animaUbus Insectis (1G02). Le vieil auteur italien donne une description assez exacte du nid, une figure bien reconnaissable de l'animal, et, comme le dit très bien Vallot (1841), « il est extraordinaire qu'aucun naturaliste n'ait rappelé l'observa- tion d'Aldrovande » . Bien des détails cités par cet auteur semblent être en effet ignorés des divers entomologistes qui depuis ont parlé de l'insecte. Il faut arriver au travail tout récent (1884) de M. Gustâv Emich (de Budapestb) pour trouver l'histoire de ses métamorphoses . I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Les Lethrus, nous l'avons dit, sont très voisins des Geotrupes, ces bou- siers dont nous avons parlé à propos des Pentodon. Ils ont la même con- formation, font partie de la même tribu, celle des Gcotrupides, et pour les individus femelles, qui ont la tête et les mandibules relativement peu déve- loppées, la confusion est au premier abord possible avec certains Geotrupes pag. 221. — Walckenaer ; Ann. Soc. ent. de France, 1835, pag. 211. — Vallot; Les Insectes ennemis de la vigne, 1841, pag. 295. — Erichson ; Na- turgeschichtc cler Inseelen Di'iilscklands, 1 847-48. — Nordlinger; Des petits ennemis de l'agriculture, 1869, pag. 119. — Emich Gustâv ; Métamorphoses du Lethrus aplerus (Rovartani Lapok, 1884, pag. 30, et Suppl. fr., pag. 4). LE LETHRE a GROSSE TÊTE. i II aptères du sous-genre Tiwrcctes. En dehors du corps, relative ni plus court, et du grand développement de la tête el des mandibules, les /.< thru i se distinguent de suite des Geotrupes par leurs antennes, dont les deux derniers articles sont inclus dans celui qui les précè le. Par suite de cetl structure, les antennes semblent formes de '.I articles seulement et leur massue triangulaire ne peut se déplier en éventail . Lecorps, relativement court et globuleux [fig.8l |, long de I7à22 millim., large de 1 1 à 13, à surface un peu rugueuse, avec un léger pointillé sur la tète et le thorax, est d'un noir mat, parfois à reflets légèrement bronzés. La tête, très développée par rapport au corps, du moins chez le mâle, triangulaire, ou allant s'élar- gissantdu vertex aux deux yeux, porte des man~ Ft£. 81.— Lethreàgrosse ... , , . , . j ... . tête, grandeur Daturelle. ai bu les énormes, dentelées du cote interne et munies en dessous d'une grande corne ou dent dirigée vers le bas, évidée au côté interne et qui fait de ces mandibules un appareil très meurtrier pour les jeunes bourgeons. Le corselet ou protkorax, près d'une fois plus large que long, est prolongé en pointe des deux côtés antérieurs, ces deux pointes formant au milieu une large échancrure arrondie qui reçoit exac- tement la tête lorsque celle-ci s'abaisse. Les êlytres, très courtes, arrondies postérieurement, soudées, formant presque une moitié d'hémisphère, sont fortement rebordées sur les deux côtés de l'abdomen, les ailes inférieures étant nulles. Chez la femelle, la tête est beaucoup plus petite, les mandibules égale- ment, la dent inférieure de celles-ci nulle, les pointes antérieures du protborax et le prothorax lui-môme moins développés. D'après Erichson, cet insecte coupe aussi bien des jeunes pousses do graminées et de pissenlit que des bourgeons de vigne. Comme aucun observateur ne parle de sa nourriture à L'état parfait, et bien que, trompé sans doute par la ressemblance avec les Geotrupes, Nordlinger dise qu'il habite dans les déjections desséchées, il est permis de croire qu'il Be nourrit, comme sa larve, de pousses de végétaux fanées et un peu fer- mentées. En cela il ne ferait que se comporter comme plusieurs bousiers du genre Aphodius [A. fimctarius, granarius, etc.), qui se trouvent trèé souvent sous les tas d'herbes fanées et demi-pourries entassées dans nos jardins après les binages, et qui ne fréquentent les bouses que lorsqu'elles sont plus ou moins anciennes etfermentées. Consulté par nous a ce sujet, M. Ilorvath (de Budapestb) nous répond « que notre insecte ne vit jamais dans les déjections et qu'il se nourrit très probablement des plantes avec lesquelles il approvisionne son nid ». 432 LE LETHRE A T.ROSSE TÊTE. Le Lethrus habite dans un trou profond, comme tous les Géotrupides. Il s'établit de préférence dans les vignes, parce que les bourgeons succu- lents y abondent. Le soir et le matin, il sort, grimpe avec agilité sur les ceps et, au moyen de ses cisailles, taille les jeunes pousses, qui bientôt jon- chent le sol. Après cela, il redescend et transporte à reculons, un à un, tous les bourgeons coupés dans son repaire. Nous tenons ces divers détails de M. Oh. Dawant', de Smyrne. Ils s'éloignent peu, du reste, de ceux qui ont été donnés par les divers auteurs . Les métamorphoses du Lethrus cephalotes, avons-nous dit, ont été observées par M. Gustâv Hcmich et nous ne pouvons mieux faire, à ce sujet, que de citer textuellement cet auteur : « Cet intéressant coléoptère, dit-il, est assez commun dans les vignobles de la Hongrie, où il fait d'ordinaire son apparition en avril ou mai. Bientôt aprés; cbaque mâle se choisit une femelle, après des combats souvent acbarnés, et, l'accouplement opéré, le couple commence à creuser dans le sol une galerie profonde pour y déposer les œufs et approvisionner les larves qui en sortiront. Ces galeries sont toujours creusées dans un sol sec, compact et plus ou moins argileux. Leur première partie, d'une longueur de 25 à 30 centim.. se dirige obliquement dans le sol ; la seconde partie se continue verticalement jusqu'à une profondeur de 50 à 60 cen- tim. A côté de cette partie, se trouvent G à 8 loges à parois polies, de la dimension et de la forme d'un œuf de pigeon, destinées à recevoir des pe- tites boules de feuilles fanées qui serviront de nourriture aux larves. La construction de ce logement souterrain étant terminée, les insectes se mettent à recueillir les bourgeons. C'est ordinairement le mâle 'qui coupe avec ses mandibules les parties tendres de diverses plantes et avant tout celles de la vigne. Il les apporte, en marchant à reculons, dans la galerie souterraine. La femelle en compose des boules de la grosseur d'un œuf de pigeon, dans chacune desquelles elle pond un œuf et qu'elle place sé- parément dans les loges ci-dessus mentionnées. »Dix ou douze jours après, les œufs donnent naissance à une larve qui se nourrit de sa boule de feuilles et atteint, fin juillet ou commencement d'août, tout son développement. >ii est le plus développé. A partir du quatrième, le decrescendo commence; mai, il i sensible jusqu'au :c deux derniers segments, qui sont brusquement atténués. Ce développement particulier du troisième segment abdominal se retroui plusieurs larves de Lamellicornes copropha^ zi-oo; fumier, ytr/uv manger). Il est surtout accentué chez celles des Onthophagus SvGgs flente), dont le relevé en bosse pourvue d'un mamelon rélra ' le Les mouvements de ces larves dans l'intérieur d'une loge allongée en hauteur sont ainsi facilités. 28 434 LE LETHRE A GROSSE TÊTE. En Russie, en Autriche, en Hongrie, aussi bien qu'en Turquie d'Europe ou d'Asie, partout où se trouve l'insecte, on le fait ramasser à la main : le procédé est tout indiqué ; mais, étant donnée la profondeur du terrier oii le Lethrus se réfugie, on peut conseiller le sulfure de carbone; on l'appli- quera, non pas en automne ou en hiver, quand l'insecte est enfermé dans la coque solide que nous avons décrite, mais au printemps, l'ennemi étant sorti de sa retraite d'hiver et ayant même commencé ses dégâts. Le petit retard dans la végétation occasionné à la vigne par un liquide à la fois réfrigérant et insecticide, appliqué aux racines en avril, sera tou- jours moins grave que les dégâts de milliers de coupeurs de bourgeons. Ceux-ci succomberont en nombre considérable, étant donné qu'ils seront à l'état parfait, c'est-à-dire beaucoup plus sensibles que des larves à l'action toxique des vapeurs du sulfure de carbone. CHAPITRE XXIV. ORDRE DES HYMÉNOPTÈRES On nomme ainsi (de ùah-j membrane, et rcvepàv aile) les insectes à quatre ailes, deux grandes et deux petites, quatre ailes transparentes et divisées en cellules. Ce sont les insectes supérieurs, aussi bien par la perfection de leurs instincts que par leur développement organique, concentration des centres nerveux, du système tégumentaire, etc. Le prothorax, très petit, est soudé au mésotlioraxet l'abdomen presque toujours pédicule. Les tarses ont 5 articles. Les métamorpboses sont complètes. L'appareil buccal n'est ni broyeur ni suceur, on peut l'appeler lécbeur. La lèvre supérieure et les mandibules sont à peu près conformées comme chez les insectes broyeurs; mais l'allongement des mâchoires et celui de la lèvre inférieure, dont l'extrémité flexible est appelée languette, en font réellement un appa- reil propre à lécher. Les abeilles, les guêpes, les fourmis, les ichneumons, les cynips, les tenthrèdes, etc., sont les types les plus connus de ce groupe, vraiment remarquable par ses instincts souvent merveilleux. A l'état parfait, tous les Hyménoptères se nourrissent de matières su- crées qu'ils vont chercher dans les fleurs, sur les feuilles des arbres, qu'ils demandent aussi parfois à la pulpe des fruits. C'est à ce dernier titre que nous faisons figurer les guêpes parmi les ennemis de la vigne. Vcspx uvas appetunt, les guêpes sont friandes de raisins, disait Aldro- vande (1602); la remarque n'est donc pas nouvelle, et il y a lieu de s'étonner que les auteurs qui ont écrit sur la matière aient à peine parlé des dégâts commis par ces insectes sur les raisins cl les autres fruits sucres. Nous parlerons donc des guêpes; mais, pour être bref, nous ne décri- rons avec quelques détails que celle qui est la plus répandue en France, la Guêpe commune [Vespa vulgaris). A cette espèce malfaisante, nous joindrons un Hyménoptère de la famille des Tenthrédidea ou Mouches à scie, la Tenthredo strigosa, dont la larve ou fausse-chenille est a< de perforer les sarments encore pleius de vie. A propos de ce rongeur de sarments verts, nous parlerons enfin, mais eu note seulement, des Hymé- noptères inoffensifs qui habitent les sarments secs. 436 LA GUÊPE COMMUNE. LA GUEPE COMMUNE (Vespa vulgaris Linné.) Les guêpes se distinguent de tous les autres Hyménoptères par la dispo- sition de leurs ailes antérieures, repliées au repos suivant leur longueur, embrassant en partie les postérieures et se rangeant sur les côtés de l'abdomen. De là le nom de Diploplères <$in).ôrt repli , TrTspv aile) donné à la famille dont ces insectes font partie. Les guêpes sont connues de tout le monde, à cause de leur livrée jaune et noire, de leur abdomen brusque- ment séparé du thorax, d'où l'expression de taille de guêpe et surtout à cause de la piqûre douloureuse produite par leur aiguillon. De là aussi l'expres- sion populaire: tomber dans an guêpier. Non contents d*ètre très irritables et de produire facilement des piqûres pouvant occasionner les accidents les plus graves, ces insectes, comme nous l'avons dit, doivent être rangés parmi les ravageurs de nos vergers. Ils aiment les fruits sucrés, surtout les raisins, et causent, certaines années, de grands dégâts dans les espaliers et même en grande culture, comme nous le verrons plus loin. Les guêpes étaient connues d'Aldrovande, avons-nous dit ; bien plus, au ive siècle avant Jésus-Christ, Aristote les avait déjà bien observées, et dans son Histoire des animaux il a fait de leurs mœurs un tableau où il y a peu à retoucher. I. — DESCRIPTION ET BIOLOGIE. Sous le rapport des mœurs sociales, les guêpes peuvent être comparées aux fourmis plutôt qu'aux abeilles. Leurs colonies, appelées guêpiers, sont composées de trois sortes d'individus : des mâles, des femelles et des ouvrières; ces dernières, qui ne sont que des femelles aux ovaires avortés' exécutent les travaux pénibles et nourrissent les jeunes larves. Parfois cependant elles sont un peu fécondes ; mais, ne pouvant s'accoupler, elles { Bibliographie— Réauinur; Mémoires, tom. IV. — Henri de Saussure; Monographie des Guêpes sociales. Paris, 1853-58.— Maurice Girard; Traité élémentaire d'Entomologie, tom. II. Paris, 1879. — Kunckel d Herculais ; Les Insectes (édition française de Brchm, 1882). LA GUÊPE COMMUNE. 4.17 pondent, par parthénogenèse, des œufs de mâle, comme les ouvrières demi- fécondes des abeilles. Dans les régions froides ou tempérées, les colonies sont annuelles Li guêpes périssent en hiver dès les premières gelées. Les ouvrières, avant de mourir, ont même soin de jeter tout le couvain hors du guêpier. Il ne reste, pour perpétuer la race, que des femelles fécondées qui passent la mauvaise saison, soit dans le guêpier, soit dans les l'entes des murs, les crevasses des arbres ou sous les écorces, et qui construiront au printemps un petit guêpier provisoire. Dans ce nid de printemps seront élevées uniquement des ouvrières qui, devenues ailées, construiront le grand guêpier d'été où la mère fondatrice pondra des œufs de mâles et de femelles, et la colonie définitive sera ainsi constituée. Le guêpier est établi sous une branche d'arbre ou à l'abri d'un mur, dans un tronc caverneux ou dans une cavité arrondie creusée dans le sol. Ce dernier mode de disposition est toujours celui qu'adopte la guêpe commune. Dans une grande cavité creusée à cet effet, généralement sur la pente d'un talus herbeux et dont l'entrée est bien dissimulée, le guêpier est construit avec une sorte de papier fait de fibres de bois un peu pourri, malaxées avec de la salive. Ce nid, dont le diamètre atteint 30 centim., se compose d'une grande enveloppe en forme de ballon, faite de plusieurs plaques de papier conchoïdales et imbriquées les unes sur les autres, avec, une ouverture ronde réservée vers le bas du ballon. Celui-ci, suspendu dans la cavité par un support ou pétiole principal et consolidé par plusieurs autres partant de la voûte ou des parois, renferme une série de gâteaux aplatis en forme de disques, formés de la même ma- tière papyracée et horizontalement placés au-dessus les uns des autres. Ci a gâteaux, au nombre d'une dizaine environ, d'un diamètre correspondant a celui de la partie occupée par eux dans le ballon et reliés entre eux par un pétiole central et quelques autres piliers, sont composés de cellules ou alvéoles bexagonales accolées les unes aux autres comme cellesdcs abeilles, et dont l'ouverture est tournée vers le bas. Entre les parois du ballon et le bord des rayons, ainsi qu'entre ceux-ci, un espace sullisant est réservé pour la circulation des insectes. Les œufs sont pondus par les femelles au fond de chaque cellule, et la larve, vermiforme, blanche, charnue, apode et aveugle, placée ainsi la têt.: en bas, est nourrie par les ouvrières, qui viennent dégorger dans sa bouche la pâtée recueillie à son intention et à moitié digérée. Dette pâtée se compose de matières sucrées et aussi de substances animales. C'est ce qui fait que l'on voit si souvent les guêpes manger des insectes ou se repaître, à l'étal des bouchers, de la viande qui y est suspendue. 438 LA GLÊ"E COMMUNE. Au bout d'une vingtaine de jours, la larve est adulte. Elle se retourne alors, tapisse d'une légère couche de soie le fond et les parois de l'alvéole, reprend sa position première et ferme sa cellule en tissant sur l'ouverture un opercule bombé et d'une grande épaisseur. Dans cette cellule hermétiquement close, la nymphose s'opère bientôt, et, au bout d'une dizaine de jours, l'insecte parfait, éclos, ronge les bords de l'opercule avec ses mandibules et sort de sa prison. Les mœurs que nous venons de décrire sont celles de la plupart des guêpes dont le nid est souterrain, celles des deux plus nuisibles à nos fruits et les plus répandues dans nos campagnes d'Europe et du nord de l'Afrique, la Vespa vulgaris Linné et la V. germanica1 Fabricius ; comme ces deux Vespa, parfois difficiles à distinguer l'une de l'autre, sont d'ordinaire confondues sous le nom de guêpe commune et considérées même par certains entomologiste.;2 comme deux races ou variétés d'une même espèce, nous ne donnerons qu'une seule description, celle de la Vespa vulgaris type, nous contentant d'indiquer les légères différences existant entre les deux formes. Le corps, de couleur jaune et noire, long de 13 à 18 raillim., avec une envergure de 23 à 35, est relativement court. La tête, velue, large, trans- versale, atteignant la largeur du thorax, est noire avec le chaperon ou partie antérieure de l'épistome jaune et marqué d'une tache noire rappelant la forme d'une ancre, une ligne jaune transversale sur le front allant jusqu'au fond de l'échancrure des yeux, parfois interrompue et divisée eu trois taches, une bande jaune derrière les yeux partant de la base des mandibules ; celles- ci très fortes, armées de dents aiguës entièrement jaunes. Les antennes, coudées, épaisses et courtes chez la femelle, beaucoup plus grêles et plus longues chez le mâle, sont noires, avec le premier article jaune en avant chez celui-ci. Le thorax, velu, noir, avec G taches jaunes latérales, 3 de chaque côté, et 4 postérieures; lespa^csjaunesavec la moitié basilaire des cuisses noires. \j abdomen, très peu velu, brusquement détaché du thorax 1 Plusieurs autres gui"] -os indigènes faisant leur nid hors de terre, telles que le frelon (Vespa crabro), la guêpe sylvestre [Vespa sylvestris) et la petite guêpe française {Vespa (Polystes) çallica), contribuent au pillage de nos vendanges, mais dans des proportions tellement moindres que la guêj:e commune, que nous nous contentons de les mentionner ici. L'abeille domestique a été aussi accusée de piller la vendange. Ses mandibules, non muuies de dents comme celles des guêpes, ne peuvent couper une peau de raisin, et nous ne l'avons jamais vue butiner que sur les grains entamés. 2 Maurice Girard ; Traité clément. d'Entomologie, tom. II, pag. 859. Paris, Baillière, 1879. LA GUÊPE COMMUN!'. -'i .3 0 et ne tenant que par un pédicule très mince, quoique court, les 5 premiers segments noirs à la base, jaunes postérieurement, avec trois points noirs par- fois soudés à la bande noire de la base;Ies autres segments presque entiè- rement jaunes. L'aiguillon, dont l'extrémité abdominale est armée chez les femelles et les ouvrières1, n'est pas barbelé comme chez les abeilles, mais la blessure qu'il fait est beaucoup plus douloureuse. La Guêpe germanique ne diffère de cette description que par quelques détails : la taille moyenne, un peu plus grande, 1 millim. environ, le chaperon jaune sans tache noire en forme d'ancre, les points noirs de l'ab- domen toujours détachés de la bande noire et les poils du corps un peu moins sombres. Le guêpier paraîtrait construit avec, du papier plus solide. Nombre d'individus forment transition entre les deux soi-disant espèci - , La piqûre d'une guêpe peut occasionner dans la partie lésée, et parfois dans tout un membre, une enflure considérable accompagnée de lièvre, et cela pendant plusieurs jours. II. de Saussure cite même des cas de mort pour des guêpes introduites dans la bouche enfermées dans des fruits qu'elles avaient excavés. H. _ DÉGÂTS Au moment de la maturité des raisins, c'est-à-dire en septembre, la po- pulation d'un guêpier qui a eu pour point de départ, au printemps, une seule mère fondatrice, atteint souvent plusieurs miliers d'individus. Dans les pays septentrionaux, cette population étant moins considérable, les fruits aussi étant moins sucrés, les dégâts occasionnés par les guêpes sont beau- coup moins importants que dans les pays plus chauds. En Champagne, par exe&ple, ou sur les bords du Rhin, les vignerons les considèrent comme fort peu préjudiciables, et, si ce n'étaient l'arme terrible dont ces insectes sont munis et les accidents qui s'ensuivent, on ne se donnerait pas la peine de détruire les guêpiers. Dans le midi de l'Europe, le mal fait aux lignes de raisins sucrés est au contraire fort considérable. Dans le département de l'Hérault, par exemple, les propriétaires des fameux crus de muscat de Froutignan et de Lunel ont actuellement la plus grande difficulté à reconstituer leurs vignes de- i L'aiguillon des Hyménoptères n'étant que l'oviscapte adapté à une fo particulière, celle de la défense de l'individu ou de la colonie, les miles eu sont toujours privés. Chez la guêpe, l'aiguillon, n'étant pas barbelé, peul ôtri c'est l'instrument de défense de l'individu et de lu colouio Chez li l'arme restant toujours dans la blessure à causedu ses barbelures, l'insecte meurt quand il a piqué : c'est l'instrument de défense de la colon, u ement. 440 LA GT'ÉPE COMMUNE. truites par le Phylloxéra, et cela uniquement à cause des guêpes, qui dévo- rent chaque année, non pas en partie, mais en totalité toute la récolte. Ya-t-il plus de guêpes qu'avant l'invasion phylloxérique ? Évidemment non. Mais si nous estimons à une centaine le nombre des guêpiers qui s'établissent chaque printemps sur le territoire de Frontignan, par exemple, ce qui est certainement au-dessous de la vérité; si nous donnons à chacune de ces colonies une population atteignant en septembre 2,000 individus, nous avons le chiffie de 200,000 maraudeurs partant tous les matins, l'antenne au vent, à la recherche des grappes parfumées. Ces 200,000 guêpes se répartissaient autrefois sur 350 hectares en- viron plantés en muscat. Elles y occasionnaient un dommage à coup sûr appréciable, mais laissaient bien au propriétaire les huit dixièmes de sa récolte. La reconstitution des vignes à vin rouge marche vite à Fronti- gnan, comme partout du reste en Languedoc ; mais celle des muscats ne s'élève guère actuellement à plus de 40 hectares'. Les 200,000 marau- deurs, travaillant 16 heures par jour sur cette faible surface, et cela pen- dant plus d'un mois, ont arrêté la reconstitution. Le propriétaire ne récoltant rien avec le plant muscat, a intérêt à reconstituer ses vignes avec des cépages à vin rouge à peu près respectés par nos Hyménoptères, et qui lui donnent une récolte assurée, se vendant toujours bien. Voilà comment un crû célèbre peut disparaître, pour toujours peut-être, par le fait des guêpes. III. — ENNEMIS NATURELS ET MOYENS DE DESTRUCTION. La guêpe commune a plusieurs ennemis naturels, et quand cet Hyuié- noptère pillard est en petit nombre dans les vergers et les vignes au mois de septembre, c'est que l'année précédente les lihipiphorus paradoxus, les Triphon Vesparum ou les diverses Volncella ont été abondantes au point de laisser fort peu de guêpes pour l'hivernage. Les Rhipiphorus nont des Coléoptères bizarres, de couleur brune ou jaunâtre, longs de 12 à 15 millim., à abdomen pointu, à élytres déhis- centes et à antennes en forme de peigne ou d'éventail [p'nzî; éventail, yopuv porter). La larve de ce parasite pénètre dans l'alvéole occupée par une larve de guêpe adulte, et lorsque celle-ci a Ole sou cocon pour se trans- former en nymphe, elle Tattaquej la dévore lentement, se substitue à elle dans celte loge bien close, s'y transforme elle-même en nymphe et en insecte 1 Nous tenons ces chiffres de M. le Maire de Frontignan, qui a bien voulu répondre au questionnaire que nous lui avons adressé, et qui est d'avis, comme nous, (jue la guêpe est le grand obstacle à la reconstitution des vignobles de muscat. LA GUÊPE COMMUNE. i i 1 parfait. Dans des recherches opérées l'année dernière à Crest (Drame! avi c l'aide de deux naturalistes de la localité, M. leDr Mauduit etM. A. A.rgod, nous avons exploré des guêpiers où plus de la moitié des loges étaient occupées par des Rhipiphorus. Le Triphon Vespai um Ratzeburgest un Hyménoptère de la famille di s Ichneumonides qui , à l'état parfait, s'introduit dans les guêpiers, pose un œuf sous la peau des larves de guêpes, et la petite larve qui m sort, après avoir laisse le légitime propriétaire filer sa coque pour la nymphose, le dévore et se file elle-même une deuxième enveloppe soyeuse au fond de la cellule. Rouget a trouvé aux environs de Dijon, dans certaines colonies de guêpes, plusieurs milliers de cellules occupées par les larves ou les cocons de cet Icfineumonide. Les Volucelles ennemies de la guêpe commune sont au nombre de trois : Volacella zonaria Poda, V. inanis Linné, V. pellucens Linné. Les deux premiers de ces gros Diptères ont une livrée jaune et noire, destinée sans doute à faciliter leur entrée dans les guêpiers; mais la troisième espèce, V. pellucens, est brune, avec, la base de l'abdomen d'un blanc transparent. « Si l'on comprend aisément, dit M. Kunckcl d?IIercu!ais, l'historien des Volucelles, que les V. zonaria et inanis puissent, à la faveur de leur déguisement, pénétrer au milieu des habitations des guêpes, comment expliquera-t-on que la V. pellucens, qui n'a aucun trait de ressemblance avec ces Hyménoptères, puisse arriver jusqu'au Did et pondre sur ses enve- loppes sans être massacrée ? Nous devons ici confesser notre ignorance. » . Les larves qui sortent de ces œufs pondus sur les rayons, et que nous avons observées dans presque tous les guêpiers que nous avons ouverts, sont fort curieuses. Ce sont de grosses larves grisâtres, épineuses, à peau assez épaisse pour être à l'abri de l'aiguillon des guêpes, qui, étant lar de Diptères, ne peuvent avoir de vraies pattes, mais qui se meuvent au moyen de fausses pattes avec des couronnes de crochets au bout, rappelant en un mot celles des chenilles. Elles vont d'une cellule a l'autre, dévorant les larves et les nymphes de guêpes. A l'entrée de l'hiver, elles sont adultes et s'enferment dans le sol aux premiers froids. Au printemps, elles s'y changent en pupe. apparaissent en été sous leur forme parfaite, vont bu- tiner sur les Heurs, s'accouplent, pondent dans les nids de guêpes, et le cycle de leurs métamorphoses recommence. Ces larves, par leur grand nombre et leur appétit insatiable, anéantissent parfois presque entièrement la population d'un guêpier. L'homme peut aussi défendre jusqu'à un certain point sa récolte. La mise en sac des raisins au moment de la véraison est un moyen fort usité dans la culture en espalier et qui est efficace contre les guêpes, mais il est 442 LA GUÊPE COMMUNE. impraticable en grande culture. L'entomologiste Aube, à la fois un savant et un agriculteur distingué, se dis lit très satisfait pour ses chasselas d'un manchon de papier dans lequel il introduisait le raisin, et qu'il serrait vers le haut avec une Ocelle ou simplement en le froissant autour du pédoncule. Les guêpes, ne voyant pas le raisin, n'ont, parait-il, pas l'idée de passer par l'ouverture d'eu bas restée ouverte. En grande culture, nous ne voyons guère de possible que la lutte directe contre l'insecte. Maurice Girard conseille de tuer au printemps toutes les mères fonda- trices que l'on aperçoit butinant sur les fleurs. Goureau préconise de met- tre dans une chambre, au pied d'une croisée ouverte, des fruits confits additionnés de sirop qui attirent les guêpes en assez grand nombre, puis de fermer la croisée et de tuer les insectes contre les vitres. En renouvelant la manœuvre cinq ou six fois par jour, il est arrivé, dit-il. à en détruire plusieurs centaines dans la journée. Nous considérons comme plus simple la recherche et la destruction des guêpiers. En observant tant soit peu les allées et venues des insectes, on finit par trouver leurs nids. Ils sont généralement situés dans les endruits herbeux, sur les talus des chemins exposés à l'Est, de préférence ombragés par unehaie ; nousen avons toutefois observé dans toutes les expositions, même en plein champ, et tout le monde sait que les guêpiers bouleversés par la char- rue occasionnent chaque année des accidents. Une fois l'emplacement re- connu, il sera soigneusement marqué avec les précautions voulues, c'est- à-dire le moins de bruit et de mouvement possible, de crainte d'attirer l'at- tention des sentinelles vigilantes gardant l'entrée du terrier; puis Ton viendra pendant la nuit asphyxier la colonie. Le colonel Goureau recommande la mèche soufrée. Le conseil nous parait un peu théorique. Un insecticide liquide coulant jusqu'au fond du guêpier semble préférable. Nous nous sommes toujours servi avec succès de pétrole ou de benzine. Un tiers de litre ou un peu plus, émulsionué dans un même volume d'eau, suffit ; mais il est mieux d'employer le liquide pur. Il est bon d'être deux pour faire l'opération ; l'un tient la lanterne pendant que l'autre opère. On commence par dégager avec une petite pioche l'entrée de la galerie. Celle-ci est souvent sinueuse, parfois longue de £0 à 30 centim. et risquerait d'absorber la plus grande partie du liquide. On creuse jusqu'à ce qu'on commence à apercevoir l'enveloppe de papier; si on peut l'entamer pour faire pénétrer le liquide directement jusqu'aux gâteaux, ce sera mieux. On renverse alors vivement la bouteille sur l'ori- fice, qui est ainsi exactement bouché par le goulot, et le lendemain mutin, en la retirant, ou trouve la colonie asphyxiée. On fera bien de choisir une nuit sombre et sans lune: les guêpes, en effet, LA TENTHHÊDE DE LA VIGNE. Î43 butinent fort tard, jusqu'à neuf ou dix heures si la unit est claire, el l'on pourrait êtreattaqué par les retardataires renlrantau nid pendant l'opéra- tion si l'on entreprenait celle-ci un soir de pleine lune, par exemple. Les précautions ci-dessus indiquées étant prises, on necourl absolument aucun danger, et nous avons ainsi opère personnellement dans diverses contrées de la France la destruction de nombreux guêpiers. Dans certaines mairies de village, ou donne des primes pour la destruction des hanneton.-, des éphippigères, des vipères, etc. ; pourquoi n'en donnerait- on pas pour celle des guêpiers? La destruction d'une colonie de 2 a 3,000 guêpes serait-elle payée 5 francs, que les habitants de tous les villa gagneraient, à plus forte raison ceux des régions où l'on cultive spéciale- ment les fruits sucrés, et surtout les raisins. LA TENÏHRÈDE DE LA VIGNE (Tenthredo (Macrophya) strigosa Dahlbom.) Depuis longtemps déjà on parle d'Hyménoptères dont les métamorphoses s'opèrent dans l'intérieur des sarments de la vigne et qui, par ce fait, sont accusés de nuire à la plante. Chaque année, des diverses régions vilicoles nous sont soumis de ces bois perforés, les uns habités par des larves, autres par des insectes parfaits qui n'ont pas encore pris leur essor. Parmi ces Hyménoptères, nous devons tout d'abord distinguer deux groupes qui y jouent deux rôles bien différents: 1" ceux qui ne viennent chercher dans les sarments secs qu'un abri pour leur progéniture, et ce sont les plus nombreux; 2° ceux qui déposent leurs œufs dans les sar- ments vivants et dont les larves provoqueront le dessèchement de ceux-ci. Des premiers, nous avons déjà dit quelques mots a propos des Apates rongeurs de sarments. Nous n'eu parlerons qu'en note ', les considérant ' Les Hyménoptères qui habitent les saunent nombreux, mais aucun n'es*, spécial à la vigne. Ce sont les mêmes qui fréquentent diverses tiges en de petit calibre, chaumi s de roseaux ou autres, les mémos que l'on trouve d les galeries pratiquées dans I'.' bois par les insectes lignivores et surtout dans les tiges à moelle faciles à creuser, telles que celles de la ronce. Ou peut i utilement consulter.! ce sujet le beau Mémoire de Dufourel Perrissurles fnset de la ronce (Ann Soc. ent. dt /•>.. 1840), travail fort bien complété dans le môme recueil, en 18GC, pur le Dr Giraud. Ou y trouvera l'histoire ription de 4ti . LA TENTHTtEDE DE LA VIGNE. comme inoffensifs pour la vigne, mais nous en parlerons parce qu'il est utile précisément qu'on connaisse ce rôle inofferjsif. Ces insectes s'établissent en effet, soit dans les galeries abandonnées par les Apale, soit dans la partie morte des crossettes ou onglets qui por- tent le bois de l'année. On nomme ainsi les bouts de bois de deux ans qui, après la taille, se dessèchent sur une longueur d'un pouce environ au-dessus du dernier œil laissé par le sécateur, et dont nous avons déjà parlé à propos des œufs d'hiver du Phylloxéra. Le canal médullaire de ces bouts de sarments, facilement creusé jusqu'au tissu vivant, mais pas au delà, offre un abri suffisant pour l'établissement des nids. Des seconds ou plutôt du second, car jusqu'à présent une seule espèce a été étudiée dans les sarments vivants, nous dirons le peu que l'on sait, regrettant de ne pas avoir de documents plus complets. Le sujet est mal connu et nous attirons sur lui l'attention des viticulteurs. Vallot (Ins. de la Vigne, Acad. de Dijon, 1841, pag. 280) est, croyons- près de soixante espèces qui ne se rencontrent pas toutes évidemment sur la vigne; mais on peut dire que dans ce nombre sont compris, à peu près, tous les Hymé- noptères que nous pourrions y trouver. Ces insectes ne jouent pas tous le même rôle dans les sarments secs. Il y a ceux qui viennent y faire leur nid et ceux qui vivent aux dépens de ceux-ci, les Nidifiants et les Parasites, pour nous servir des termes consacrés. Parmi les Nidifiants, on trouve des Hyménoptères de trois familles différentes : des Apiaircs ou Mellifères, des Vespides et des Fouisseurs. Les Apiaires garnissent la galerie creusée dans le caual médullaire de nom- breuses petites loges disposées en chapelet et séparées par une mince cloison. Dans chacune de ces chambreltes est placée une petite provision de miel, sur laquelle un œuf est pondu, et qui servira de nourriture à la petite larve. Ces abeilles appartien- nent principalement aux genres Osmia, Ceratina, Heriades etProsopis. Il serait inutile d'entrer dans le détail de toutes les espèces observées dans ces sarments secs; qu'il nous suffise de dire que les plus fréquemment rencontrées par nous sont: Osmia leucomela Kirby, Ceratina cœrulea Linué et C. Albilabris Juriue. Les Vespides appartiennent au genre Odyncrus, guêpes solitaires qui approvi- sionnent leur nid de petites chenilles. Les Fouisseurs les plus fréquents sont : le Trypoxylon figulus Linné, qui garnit de petites araignées son nid cloisonné comme celui des Apiaires, et le Cemomus unicolor, qui alimente le sien avec des Pucerons. Puis viennent les Parasites de ces diverses espèces : les Chrysis et les Fœnus, qui vivent aux dépens des Trypoxylon, V hphialtes divinator qui décime les Cemo- mus, et encore bien d'autres espèces dlchneumonides. Nous avons raconté \Messager agricole du Midi, 1887) comment Y Ephialles s'y prend pour atteindre sa victime enfermée dans une loge close de toute part. A travers le bois tendre du LA TENTHRÊDE DE LA VIGNE. ',',', nous, le premier qui ait parle d'une tenthrède ou mouche à Bcie observée pondant ses œufs dans les sarments verts. Il l'a nommée Tenlhredo Hylo- toma) vitis, mais le naturaliste bourguignou n'a malheureusement pas décrit l'insecte. Il parait le ranger, d'intuition, a côté de la Tenthrède du rosier [Hijloloma rosarum Linné), à cause de l'analogie des poi tes ; mais il s'empresse d'ajouter que de nouvelles observations sont nécessaires. Qu'était-ce que la Tenthrède delà vigne observée par Vallot ? On ne l'a jamais su! Il faut arriver à 1879 pour trouver (Bull, de la Suc. enl. do />.. pag. 108) une communication de M. le Dr Laboulbène, faite en son nom et en celui de M. Oh. Robin, sur une csj-èce bien définie; la Tenlhredo )lnrro- phya) strigosa, attaquant positivement la vigne. « En 1878, dit M. Laboulbène, M. Vignal, propriétaire a Oraz, près Bellegarde (Ain), ayant remarqué dans une vigne de 1,200 ceps environ un état de souffrance considérable, procéda soigneusement à la taille de 1879. Là, il découvrit dans presque chaque sarment une larve ou fausse- chenille de tenthrède, longue de 1 centim., qui descendait, en se creusant une galerie dans la moelle, jusqu'aux yeux ou bourgeons et causait de la sorte d'importants dégâts. L'insecte observé par M. Vignat passe l'hiver sarment, l'insecte, au moyen de son oviscapte conformé en stylet, pou 1 lia œuf sur chaque larve du Cemomus; de cet œuf sort une larve carnassière, ei l'habitant de la loge qui a mangé les Pucerons est dévoré à son tour. Ou voit quelle extension il faudrait donner à cette note si l'on voulait parler de tous les insectes que peut renfermer un bout de sarment sec. Il suffit d'avoir ia les plus répandus. Nous ne pouvons parler des Hyménoptères inoffensifs, qui ont trop occupé la presse viticole, sans citer la Guêpe du Jacquez, C'est ainsi que deux Not Messager agricole du Midi |10 avril et 10 mai 1882) appellent une innocente abeiib tapissière. Ces Notes, reproduites et commentées par vingt journaux, ont lait crier de suite à une nouvelle et daugereuse importation américaine. L'insecte, en somme, était coupable d'avoir, çà et là, aux environs de Nimeo et de Toulon, « tondu la longueur de sa langue » sur des feuilles de Jacquez et d'en avoir tapissé son nid. Soumise à Lichtenstein, l'esièce. parfaitement indigène, a été rapport lui à la MegachiL sericans Boyer de Fous^olombe, abeille tapissière, par résè- quent coupeuse de morceaux de feuilles, qui a de tout temps fait sur la \ ce que fait sur le rosier la Megachile centuneularis Linné, dont Réaumur a si bien raconté l'histoire. J.-É. Planchou, réduisant les choses à leur juste valeur (Journal la ricaine, septembre 1882), a heureusement fait cesser ces flots de prose, plus nuisibles à coup ïùr que l'insecte in 440 LA TENTHRÈDE DE LA VIGN'E. dans le sarment et sort courant avril à L'état parfait. Oe dernier, envoyé à M. On. Robin, a pu être déterminé et rapporté à la Tenthredo (Macrophya) strigosa Dahlhom. Cette larve dévastatrice a depuis lors été constatée dans les vignes des arrondissements de Nantua et de Belley. » La Note du savant Professeur de la Faculté de Médecine de Paris ne donne pas d'autres détails importants. Nous ajouterons que M. Ravaz, répétiteur de viticulture à l'École nationale d'Agriculture de Montpellier, a reçu l'année dernière de Crémieux (Isère), c'est-à-dire d'une région avoisinant les vignobles de l'Ain, des sarments de vigne frais renfermant, au-dessous de piqûres très apparentes sur l'écorce, des œufs et des larves de tenthrèdes. La prompte dessiccation de ces sarments à nous remis, ne nous a pas permis d'élever ces larves, mais elles peuvent vraisemblable- ment être rapportées à notre tentbrède. Avant d'entrer dans le détail des caractères spécifiques, nous donnerons les caractères généraux de la famille des Teothrédides, à laquelle notre insecte appartient. LesTenibrèdesou Mouches à scie, comme on les appelle bien souvent, sont caractérisées par une tète large, transversale, des antennes non cou- dées, épaissies à l'extrémité, un abdomen non pédicule, formé de huit anneaux et, chez la femelle, pourvu d'une tarière à la face ventrale. Cette tarière ou oviscape, enfermée dans un fourreau à deux valves, consiste en trois pièces, une dorsale appelée gorgeret et deux ventrales dentelées en scie, et qui ont valu à ces insectes le nom de Mouches à scie donné par Réaumur. Les larves, pourvues de neuf à onze paires de pieds, ressemblent à des chenilles. La plupart vivent de feuilles comme les vraies chenilles ; certaines, et c'est le cas de notre espèce, rongent l'intérieur des tiges. La nymphose se fait dans un cocon de soie solide, fermé des deux bouts. Le genre Macrophya comprend les tenthrèdes dont les hanches posté- rieures s'étendent presque jusqu'au bord postérieur du troisième segment abdominal, ce qui fait que l'extrémité des cuisses postérieures atteint la pointe abdominale. La M. strigosa répond à la description suivante: Corps, long de 12 à 13 millim., noir, sauf les troisième et quatrième segments de Yabtlo- men qui sont rougeâtres, les fémurs et la moitié des tibias postérieurs également rougeâtres ; pattes antérieures et moyennes en grande partie jaunâtres; bouche, partie supérieure du pronotum et écusson blanchâtres; des taches de même couleur aux derniers segments de l'abdomen. ADDENDA Au moment où. nous livrions à l'imprsesiou les pages 281 a 301, consa- crées aux Orthoptères, nous avions déjà quelques Notes concernant de petites espèces polyphages appartenant à cet ordre, se trouvant çà et là sur les feuilles de la vigne, mais ne nous paraissant pas causer de dommages appréciables. Nous nous proposions donc de les passer sous silence; mais certaines observations précises faites pendant l'été de '889, certains ren- seignements aussi venus de l'étranger, nous ont montré que, pour être complet, nous devions parler de ces minuscules ennemis. L'un, le Smynthurus luteus Lublock, appartient à la petite famille des Podurides; les autres, les Thrips hœmorrhoidalis Bouché et T. Syriacus Nob., à la famille des Thripsides. Par suite de leur degré d'infériorité anatomique, la place des Podurides et des Thripsides dans la classification est au commencement de l'ordre des Orthoptères, et c'est là qu'ils seront placés s'il nous es*, donne de pu- blier une seconde édition de ce livre. FAMILLE DES PODURIDES. LE SMYNTHURE JAUNATRE (Smynthurus luteus Lubbock.) Les Podurides, dont les Smynthurides forment une sous-famille, font partie du sous-ordre des Thysanoures (flûaavoî frange, où/w queue . c'est-à- dire des Orthoptères aptères ayant le corps velu ou couvert d'écaillés et terminé par de longs filets abdominaux, qui, parfois repliés i peuvent servir d'appareil de saut. Le Smynthurus luteus a déjà fait parler de lui comme se trouvant çà et là sur les feuilles de la vigne. Licbteostein a en effet décrit, d'une façon très superficielle il est vrai [la Vigne américaine, vol. VII, sous le nom de Smynthurus vitls, un petit Poduride qui a été avec juste 448 LES THRIPSIDES. raison, croyons-nous, ramené à notre espèce par M. le D1' Tomasvary, de Budapesth [Rovartany Lapok, 7 juillet 1884). C'est un petit insecte sauteur, s'écrasant facilement et répondant a la description suivante : Longueur 5 à 7 dixièmes de millim. Corps aptère, trapu, globuleux, à segmentation peu distincte, de couleur hyaline ou jaune verdâtre pâle, revêtu de poils espacés, courts et spiniformes. Tête volumineuse, élargie latéralement en forme de carré long transverse, munie de deux antennes coudées atteignant les deux tiers de la longueur du corps, composées de quatre articles dont les trois premiers, formant le funicule, sont lisses, et le dernier, le plus long, souvent replié, est comme multiorticulé ou formé d'une série de petites sphères. Les organes de la vision sont représentés par deux groupes de 5 ocelles noires placés un peu en arrière à la base des antennes. Le thorax, fortement étranglé, offre les trois segments courts, à peine distincts, et les pieds longs. L'abdomen, globuleux, très développé, formant plus des deux tiers de la longueur du corps, porte, repliés en des- sous, les deux lilets cbitineux servant d'appareil pour le saut, qui carac- térisent la sous-famille. Il est probable que cette petite espèce n'est pas la seule du genre qui fréquente la vigne. Nous trouvons en effet [Bull. Soc. eut. de Fr.t 1878, pag, 135) une Note de M. Mégnin sur le Smynthurus lupilinœ Bourlet,qui abonde certaines années sur la vigneaux environs de Lar-le-Duc (Meuse). Le dommage causé par ces petits insectes, généralement mangeurs de détritus, sont à pou près nuls. Il était toutefois intéressant de les signaler, les viticulteurs, d'après les Notes de MM. Licbtenstein et Mégnin, les ayant à plusieurs reprises confondus avec le Phylloxéra. FAMILLE DES THRIPSIDES1. Avant de parler des Tliripsides signalés sur la vigne, il est nécessaire de donner quelques renseignements généraux sur ce groupe d'insectes 1 Bibliographie. — Scliranck ; Beschreibung ans Blasen fusses (Thrips), 1776 (in Beihàge, 31. Tab. I, fig. 25 et 20). — Fabricius; Entomologia sgs- temalica, 1794, lom. IV, pag. 229. — Bouché; Naturgeschichte der Insecten besonders (in Hinsicht îhrer ersten Zustânde als Larven und Puppeu, 1834). — Haliday; An Epitome of the British gênera in ihe order Thysanoptera, etc. (The enlomologist Magazine, 183G, tom. III, pag. 439). — E. Heeger ; Bcilràge zur Naturgeschichte dsr Physopoden (Wien. SitzuDgsberichte,vol.TX, 1852). — Maurice Girard; Traité élémentaire d' Entomologie, vol. III, pag. 1072. Paris, Baillière et fils, 1885.— Géhin ; Les Insectes du poirier, pag. 37. Metz, J. Ver- ronnais, 1857. LES I HRIPS1DES. i \'\ minuscules dont il a été ditquelquea mots (pag. 96) à propos du Phylloxéra et qui embarrasse encore les classificateurs. Geoffroy (1762), ayant remarqué chez eux des mandibules et des mâ- choires, les avait, de prime abord, rangés dans les Orthoptères. Latreille (1829), se basant sur certains caractères extérieurs, surtout sur leur forme aplatie, les réunissait aux Hémiptères. Avec M. Burmeister et la plupart des classificateurs modernes revenus aux idées de Geoffroy, nous les considérons comme des Orthoptères dégradés. Le corps, très petit, long de 1 à 2 millim. et souvent moins, est allongé, presque linéaire, et malgré cela aplati ; les quatre ailes, presque égales, sont frangées de longs poils: de là, le nom de Thysanoptères (8wr«vo« frange] donné par Haliday à l'ordre spécial qu'il a créé pour ces petits animaux (The Entomologist Magazine, tom. III, pag. 439). Le naturaliste anglais a reconnu chez eux des pièces buccales d'un type spécial, tenant le milieu entre celles des Hémiptères et celles des Orthoptères. La tête parait cylin- drique, la bouche étant prolongée en forme de trompe; les mandibules, dilatées à la base, se terminent en pointe aiguë ; les mâchoires, aplaties, soudées avec le menton, sont allongées et portent des palpes à deux ou trois articles. Sur le vertex sont les antennes, composées de 5 à 9 articles. Au lieu de griffes, les tarses biarticulés portent à leur extrémité des disques vésiculeux formant ventouses. Les Thrips sont classés d'après les nervures des ailes. Chez les Heliothrips, les seuls du groupe dont nous ayons a parler, las ailes n'offrent qu'une seule nervure longitudinale. Les pattes sont très développées, la marche est rapide, le vol prompt, et bien souvent l'insecte échappe à la pointe humide du petit pinceau dont il faut se servir pour s'en emparer. L'abdomen, de 9 segments, est très mobile; tantôt relevé en dessus, comme chez les staphylins; tantôt replié en dessous, comme chez l'écrevisse, il permet à l'insecte d'exécuter des sauts. Peu d'auteurs ont écrit sur les Thrips, on le voit par la Note bibliogra- phique; mais tous ceux qui les ont observés d'une façon suivie, disent que ces insectes vivent de végétaux. En parlant des ennemis naturels du Phyl- loxéra, nous avons cepeudant cité, d'après M. Riley, le Thrips Phylloxerae, qui, faisant exception à la règle, se nourrirait de phylloxéras. Lichtenstein, de son côté, ayant trouvé des Thrips dans des galles phylloxériques vides, semble en conclure l qu'ils en avaient mangé les habitants . L'autorité attachée à ces deux noms a accrédité dans le monde agricole que le Phylloxéra gallicole payait un certain tribu aux Thrips. Pour uous, rien n'est moins prouvé. Tous les Thripsides observés par Pabricius, » J. Lichtenstein ; Comptes rend. Acad. des Se, l* semestre 1880, pag. 1045. 29 450 LE THRIPS HÊMORRHOIDAL. Bouché, Haliday, Heeger, Maurice Girard, Gébin,Targioniet nous-mème, par tous les horticulteurs également, se nourrissent de la cuticule tendre des feuilles, des fleurs ou des fruits. Quelque confiance donc que nous ayons dans les observations de M. Riley, nous pensons que celle ci, déjà ancienne du reste, aurait besoin d'être confirmée, et nous ne sommes pas seul de cet avis. Dans l'opuscule du Dr Haller : Des ennemis naturels du Phylloxéra, nous lisons en effet cette pbrase :« D'après Tascbenberg, les Thrips doivent se nourrir unique- ment des sucs des plantes » . Nous n'en décrirons que deux espèces, les deux seules un peu nui- sibles à la vigne : le Thrips hsemorrhoidalis Bouché et le T.syriacus, espèce nouvelle, croyons-nous, reçue de Jaffa et à nous signalée comme exerçant quelques dégâts aux environs de cette ville, par suite de sa grande multiplication. A Montpellier, outre le Tbrips hémorrhoïdal, la vigne nous a donné en petite quantité une espèce que nous ne pouvons déterminer sûrement et dont nous proposons de faire l'étude. Elle est jaune avec les élytres pâles et pourrait bien être le Tbrips de l'ortie [Thrips urlicse Scbrank), signalé sur la vigne par Fabricius dès 1794. « Thrips urtiese, dit-il [Enlomo- logia syst., tom. IV, pag. 229), Thrips flava, elytris albidis». Et l'auteur danois ajoute : « Habitat in pagina inferiori foliorum urticx, vitis, coryli aliorumque, solitaria, il vit isolément sur la face inférieure des feuilles de l'ortie, de la vigne, du noisetier et d'autres plantes ». La diagnose n'est pas suffisante pour que nous puissions déterminer notre in- secte. Dunal (1332) et Vallot (1841), d'après Fabricius et Gmelin, ont également cité le Thrips urtiese sur la vigne. LE THRIPS HEMORRHOIDAL. (Thrips (Heliothrips) haemorrhoidalïs Bouché.) On reconnaîtra cet insecte à la description suivante: Longueur lm,",25 environ, largeur 0mm,25 à 0mm,30. Corps d'un brun noir, avec l'extré- mité de l'abdomen d'un rouge ferrugineux, entièrement couvert de lignes réticulées en saillie dont les mailles forment de petits hexagones réguliers sur la tête, le thorax et les pattes, et qui, plus allongées sur l'abdomen, sont LE THIUPS DE SYRIE. i", | disposée? en rangées longitudinales régulières. Les pattes et les antennes sont d'un blanc livide, celles-ci composées de 8 articles, dont le deroieresl très effilé. Les ailes, presque transparentes, portent une seule nervure lon- gitudinale, ce qui fait ranger l'insecte dans le genre Heliothrips. La larve, d'un jiune livide pâle, est toujours [dus abondante que l'insecte parlait. Cette espèce est commune sur un grand nombre de végétaux, diverses Mal- vacées, les poiriers, les pommiers, l'oranger et la vigne, principalement en espalier. D ans les serres, il constitue parfois un des fléaux les plus redoutés des horticulteurs, surtout pour les Orchidées, et c'est ce qui a fait dire par certains auteurs que l'espèce était d'origine exotique. En plein air, en Europe, l'insecte, bien qu'assez répandu géograpbiquement, parait ne pas se trouver dans toutes les localités. Nous l'avons observé pour la première fois à Montpellier en juillet 1889. Peut-être aussi les recherches faites les années précédentes n'avaient-elles pas été assez minutieuses. Le minuscule insecte, large d'un quart de millimètre, échappe facilement à la vue. Il nous a paru du reste n'avoir causé aucun dommage appréciable. Eu Italie, nous écrit M. Targioni, l'espèce abonde certaines années, du Nord au Sud, sur l'oranger et surtout la vigne. En 1887. dans les viguo- hles des environs de Palerme, il s'était multiplié d'une façon extraordinaire, sans cependant occasionner de très sérieux dégâts. Nous n'en dirons pas autant de la vigne cultivée sous verre. Dans une serre à raisins chasselas visitée par nous, au mois d'août, aux environs du Mans (Sarthe), presque toutes les feuilles avaient la cuticule plus ou moiua rongée par des myriades de ces petits parasites. Beaucoup de ces feuille- étaient entièrement desséchées, au grand détriment de la récolte. LE THRIPS DE SYRIE. [Thrips [Heliothrips) Synacus Mayet. Insecte devant être, comme le Thrips kxmorrhoidalis, rangé dans le sous-genre Heliothrips, à cause de ses ailes a une seule nervure longitu- dinale. Comparé à la même espèce, le corps, de même longueur, mais relative- ment plus large, 0mn\30 environ, est entièrement d'un brun noir recouvert 452 I-E THRIPS DE SYRIE. également de lignes réticulées en saillie, mais plus difficiles à voira cause de la teinte foncée. Ces lignes réticulées ne se voient pas sur les pattes, même chez les individus traités à la potasse caustique'; elles sont au con- traire très visibles sur tout le corps du T. hœmorrhoidalis. La tête, plus petite, surtout plus courte, est en forme de carré long transversal, le bord antérieur muni de deux échancrures entre lesquelles est une pointe mé- diane bifide ; mais la pointe est plus obtuse que chez l'autre espèce et les échancrures latérales sont plus accentuées. Les antennes, également de 8 articles, sont plus épaisses. Le prothorax, petit et court, à côtés non parallèles, dilaté dans sa partie postérieure qui est fortement engagée dans le mésothorax ; celui-ci, très développé en large, surtout en arrière, égale- ment à côtés non parallèles, recevant le prothorax dans son échancruredu bord antérieur. Le métathorax, très couit, est aussi développé en large, moins cependant que le segment précédent. Déjà fort différente, comme on le voit, du Thrips hémorrhoïdal par sa forme parfaite, notre espèce s'en éloigne encore plus par ses états de larve et de nymphe. Comme chez plusieurs autres espèces de Thripsides, le Thrips décora du blé par exemple, la larve et la nymphe sont de couleur vermillon, y compris les moignons d'ailes de cette dernière, ce qui décèle de suite la présence de l'insecte. Les premiers états sont de plus remarquables par deux caractères : 1° le corps est garni de quelques poils capités, c'est-à-dire terminés par un bouton arrondi, hyalin, d'aspect glandulaire; 2° le dernier segment, de forme tubuleuse, est élargi à l'extrémité et garni d'un verticille de longs poils entourant l'ouverture anale. Nous avons reçu cet insecte de M. Niego, de Jaffa. et nous ne pouvons mieux faire que de citer en partie ce qu'il nous dit à son sujet, « II vit, dit-il, en groupes sur les deux faces des feuilles et aussi sur le sarment, on ne lerencontrepassurle raisin. La maturitédu fruit était déjà commencée quand il a fait son apparition. En quelques jours, plusieurs rangs de souches ont été envahis et toutes les feuilles des vignes atteintes se sont desséchées.» Cette invasion subite au moment de la véraison tendrait à prouver que cette espèce se trouve, comme la précédente, sur divers végétaux ' . 1 Au moment où nous mettons sous presse, nous observons sur des feuilles de vigne venant du Rochet, près Montpellier, domaine appartenant à M1U0 Saintpierre, deux nouvelles espèces de Thrips. L'une est entièrement noire, l'autre couleur de paille, presque blanche, avec trois taches brunes sur chaque élytre. Il est probable qu'une observation attentive dans les divers vignobles amènerait la découverte de LE IHlUI-s DE STRIE. 15 | MOYENS DE DESTR1 GTrON, En plein air, nous ne considérons pas ces insectes comme assez nuisibh s pour ([ne l'on puisse songer à employer contre eux des moyens souvent peu efficaces, tels que les pulvérisations. Il en n'est pas de même pour la culture de la vigne sous verre, culture qui tend à prendre une extension considérable dans le nord de la France, en Angleterre, en Allemagne et surtout en Belgique. Les pulvérisations au pétrole (2 % dans un hectolitre d'eau ou à l'in- fusion de tabac devront être employées en cas d'attaque sérieuse ; mais, devant une faible invasion, on pourra se contenter de la poudre de pyrè- tlire, un des meilleurs insecticides, trop peu employé en horticulture. Une fois les insectes disparus, un bassinage énergique, sans aucun inconvénient pour les raisins, débarrassera les feuilles de toute la matière pulvérulente. beaucoup d'autres Thripsides. L'étude de ces microscopiques rongeurs d'épiderme, en somme rarement nuisibles, a un intérêt plutôt scientifique que pratique. Nous venons d'observer également (septembre), dans le même domaine du Rochet, des Acariens, qui, s'étant multipliés d'une façon extraordinaire, ont provoqué dans une des vignes le dessèchement de près de la moitié des feuilles. Examinés au microscope, ces Acariens blancs, transparents, longs d'un tiers de millim. environ, ne peuvent être rapportés qu'au groupe des Tétranyques. Quelles sont leurs affinités avec le Phytoptus vitis ? C'est ce qu'une étude postérieure nous dira. Citons enfin, pour compléter uos Addenda, le Puceron vrai de la vigne [Aphis vitis), observé abondamment par nous en juillet sous des feuilles d'Aramon, daos le domaine de l'École d'Agriculture de Montpellier. FIN. ERRATA 96, ligne 19, au lieu de Blankenkorni, lire Blankenhorni. 141 — 33 — soient — fussent. 155 — 22 — in — eu. 170 — 32 — d'environ — environ. 176 — 21 — Irydecim — Iredccim. 189 — 31 — Zi crama — Zicrona. 194 — 35 — d'elluva — ilell'uva. 200 — 5 — vilina — vitana. ?03 — 4 — amurcam condito — amurca condUa 250 — 9 — la -- le. 250 — 12 — décrite — décrit. 250 — 16 — la — le. 267 — 12 — Zigrena — Zygécua. 287 — 20 — Éphippiger — Éphippigère. 289 — 2 — Linné — Marquet. 325, lignes 1 et 3 4, au lieu de Lamotte — Lamothe. 337, ligne 4, au lieu de Slenochen/s — Stenochorus. 355 — 25 — coupeur — piqueur. 401 — 19 — bibliographique — synoDymiqlie. 4 48 — 21 — lupilin& — lupulinz. TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES INTRODUCTION iv LEXIQUE xxii CHAPITRE PREMIER. CLASSE DES ARACHNIDES Le Phytoptus de la vigne (Phytoptus vitis Du jardin) I. Maladie de l'Érinose 1 II. Historique du Phytoptus i III. Description et Biologie 8 IV. Danger de l'Érinose et moyens préventifs 12 CHAPITRE II. CLASSE DES INSECTES 15 ORDRE DES DIPTÈRES 15 La Cécidomie de la vigne {Cecidomyia œnophila Haimhoflfen) 15 I. Historique 18 II. Description et Biologie 21 III. Moyens préventifs 25 CHAPITRE III. ORDRE DES HÉMIPTÈRES - < SOUS-ORDRE DES HOMOPTÈRES 28 FAMILLE DES COCCIDES OU COCHENILLES 28 La Cochenille rouge (Pulvinaria vitis LinnéJ 30 I. Historique îu IL Description et Biologie III. Moyens de destruction La Cochenille grise {Aspidiotus vitis si^noret) '■'<' La Cochenille blanche (Dactylopius riri.< Niedelsky) 39 I. Historique '" II. Description et Biologie III. Moyens préventifs ' ' CHAPITRE IV. FAMILLES DES APHIDBS, APHIDIENS OU PUCERONS Le Phylloxéra de la vigne (Phylloxéra oastatrix Planchon) Il 456 TABLE MÉTHODIQUE I. Historique du Phylloxéra 48 Marche du fléau 56 Pertes occasionnées en France par le Phylloxéra 58 II. Description et Biologie 61 A. Œuf d'hiver 62 B. Gallicole 65 La galle 65 Le Gallicole rare sur la vigne d'Europe 7(1 G. Radicicole 73 Nodosilés 74 Les Hibernants , H D. Ailé £2 La Nymphe 83 E. Sexués ^1 F. Modes de diffusion de l'espèce 91 Diffusion par la forme ailée 91 Diffusion par les formes aptères !)! G. Ennemis naturels 95 CHAPITRE V. Lutte contre le Phylloxéra ' 97 A. Sulfure de carbone 100 Pals injecleuis 102 Charrues sulfureuses J 05 Traitement d'extinction 107 Sulfure de carbone dissous dans l'eau MO B. Sulfocarbonates 115 G Badigeonnages contre l'œuf d'hiver 119 1). Submersion L23 Conditions de réussite 127 Moyens d'exécuter la submersion 129 E. Plantations dans les sables 134 F. Emploi des cépages américains 137 Historique 137 Résistance 141 Adaptation au sol 144 CHAPITRE VI. Bibliographie du Phylloxéra 148 Travaux généraux et biologiques 149 Sulfure de carbone 1 56 Traitement d'extinction par le sulfure de carbone 157 Sulfocarbonate de potassium 158 Submersion et arrosages d'été 159 Plantations dans les sables 160 Emploi des vignes américaines 161 CHAPITRE VII. UKS MATIÈRES. J57 Le Puceron vrai de la vigne (Aphis vit h 8copoli) l65 Description et Biologie FAMILLE DES CIGADELLIDES !!'.!'.'.'.!" Les Cicadelles de la vigne .__ Typhlocyba flavescens Fabricius [67 Typhlocyba oiticola Targioni .«« Penthimia atra Fabricius ,-. FAMILLE DES FULGORIDES , -', Hysteropterum grylloides Fabricius... pi FAMILLE DES CIGADIDES ... ,-, 1 1 1 Les Cigales nuisibles à la vigne , 7 , ( 'i<-, nia atra < llivier ,- . I - .s Cicada hœmatodes Scopoli 17a Cicada plebeja Scopoli |-,( Cicada orni Linné ,-,. 1 •■> CHAPITUE VIII. SOUS-ORDRE DES HÉTÉROPTÈRES [8fl La Grisette de la vigne (Lupus sulcatus Fieber) 1 mi I. Historique lSl II. Description et Biologie I,sj III. Dégâts et moyens de destruction I >7 Autres Punaises des champs attaquant accidentellement la vigne.. 189 Pyrrhocoris apterus Linné Uni Camptotclus minutus Jakowlelî' [90 Nysius senecionis Schiller i:m Eurydema oleraceum Linné [92 Sehirus bicolor Linné [92 CHAPITRE IX. ORDRE DES LÉPIDOPTÈRES 193 SOUS-ORDRE DES NOCTURNES 195 Antispila Rivillei Stainton im; I. Historique 19g II. Description et Biologie \\>< III. Moyens de destruction 199 La Pyrale de la vigne (Tortrix Pilleriana Schiflermuller) 200 I. Historique > 3 II. Description et Biologie u\\\ III. Conditions fayorahi.es ou défavorables a la pyrale.. 215 Intempéries j|i; Insectes parasites 2 1 7 IV. Lutte contre la Pyralk Échaudage Sulfurisation 458 TABLE MÉTHODIQUE CHAPITRE X. La Cochylis de la vigne (Tortrix (Cochylis) ambiguella Hubner). 235 I. Historique 237 IL Description et Biologie 239 III. Conditions favorables et défavorables a la Cochylis. 242 Ennemis naturels 243 IV. Moyens de destruction 243 CHAPITRE XI. LaTordeuse de la grappe (Tortrix(Eudemis)botranaSchiïïeYmu\[er) 246 I. Description et Biologie 247 II. Moyens de destruction 248 La Pyrale du Daphné (Ephestia gnidiella Minière) 248 Moyens de destruction 251 CHAPITRE XII. Les Noctuelles nuisibles à la vigne 252 La Noctuelle épaisse (Agrotis crassa Linné) 254 La Noctuelle des moissons (Agrotis segctum Schiffermuller) . . 254 La Noctuelle point à.'ex.c\a.maXion(Agrotisexclamationis Linné) 256 La Noctuelle fiancée (Agrotis pronuba Linné) 258 Ennemis naturels et moyens de destruction 259 Les Écailles ou Chélonies 263 L'Écaillé martre (Chelonia caja Linné) 263 L'Écaillé fermière (Chelonia oillica Linné) 265 L'Écaillé mendiante (Chelonia mendica Linné) 265 L'Écaillé pied glissant (Chelonia lubricipeda Linné; t 266 CHAPITRE XIII. SOUS-ORDRE DES CRÉPUSCULAIRES 267 La Zygène de la vigne (Ino ampelophaga Bayle) 267 I. Historique 268 IL Description et Biologie 269 III. DÉGÂTS ET MOYENS DE LES COMBATTUE 270 Les Sphinx ampélophages 272 Le Sphinx à bandes (Sphinx lineata Linné) 272 Le Sphinx petit pourceau (Sphinx porcellus Linné) 273 Le Sphinx de la vigne (Sphinx Elpenor Linné) 273 CHAPITRE XIV. ORDRE DES NÉVROPTÈRES 276 Les Termites nuisibles à la vigne 276 Le Termite lucifuge (Termes lucifugus Rossi) 277 Le Termite à col jaune (Termes flavicollis Fabricius) 270 CHAPITRE XV. ORDRE DES ORTHOPTÈRES 281 DES MATIÈRES. 459 FAMILLE DES AGRIDIDES 282 Les Criquets nuisibles à la vigne 283 Le Criquet émigrant (Acridium migratorium Linné) Le Criquet Italien (Acridium Ttalicum Linné) 284 Le Criquet Marocain (Acridium Maroccanum Thunberg).. .. FAMILLE DES LOCUSTIDES L'ÉphippigéreouPorte-selle &e\a.vigne(Ephippigei DitfiumServille) 287 L'Éphippigère de Béziers (Ephippiger Bitterensia Marquet) 189 I. Description et Biologie II. DÉGÂTS III. Moyens de destruction 292 Le Barbitiste de Bérenguier (Barbitistes Berenguieri Mayet) 294 I. Description et Biologie 294 II. Moyens de destruction 297 La petite Sauterelle verte (P haneroptera falcata Serville) 298 FAMILLE DES GRYLLÏDES 299 Le Grillon transparent (Œcanthus pellucens Scopoli) 299 CHAPITRE XVI. ORDRE DES COLÉOPTÈRES 302 L'Altise de la vigne (Altica ampelophaga Guérin ; 304 I. Description et Biologie 106 II. Moyens de destruction 313 Le Malacosome de Portugal (Malacosowa Lusitanicum Linné;... 318 L'Aulacophore abdominal (Aulacophora abdomi nalis Fabricius).. 319 CHAPITRE XVII. Le Gribouri ou Écrivain (Adoxus vitis Fourcroy) ;-'" I. Historique 322 II. Description et Biologie ;-';' III. Lutte contre l'insecte 329 Le Clythre taxicorne (Clythra taxicornis Fabricius) CHAPITRE XVIII FAMILLE DES LONGICORNES Le Vespère de Xatart ( Vespems Xatarti Mulsant) 336 I. Historique :;:;' II. Description et Biologie III. Dégâts IV. Moyens de destruction :; Le Clyte du bouillon blanc (Clytus Verbasci Linné) La Callidie à une bande (Callidium unifasciatum Olivier) Le Capricorne soldat (Cerambyx miles Bonelli) CHAPITRE XIX. FAMILLE DES GUBCULIONIDES Le Rhynchite ou Attelabe (Rhynchitea lu-iulvri Fabricius) I. Historique •'•" 460 TABLE MÉTHODIQUE II. Description et Biologie 359 III. Moyens de destruction 363 CHAPITRE XX. Les Charançons coupe-bourgeons 30;, Geonemus flabellipes Olivier 365 Cneo)iiinns geminatus Fabricius 367 Les Peritelus 369 A. Peritelus subdepressus Mulsant 370 B. Peritelus griseus Olivier 370 (1. Peritelus senex Bohemann 372 D. Peritelus familiaris Bohemann 372 Moyens de destruction 373 Les Otiorhynques 374 A. Otiorhynchus Liguât ici Linné 376 B. Otiorhynchus sulcatus Fabricius 377 C. Otiorhynchus singutaris Linné 379 D. Autres Otiorhynques de la vigne 380 Moyens de destruction 382 CHAPITRE XXI. L'Opatre des sables (Opatrum sabulosum Linné) 384 Les Apates des Sarments 388 Apate sexdentata Olivier 390 Apate muricata Fabricius 391 Apate sinuata Fabricius 392 Apate bimaculata Olivier 392 Insectes parasites des Apates 393 Le Bupreste de la vigne (Agrilus derasofasciatus Lacordaire) 395 CHAPITRE XXII. FAMILLE DES LAMELLICORNES 396 La Cétoine velue (Cetonia hirtella Linné) 398 La Cétoine mouchetée (Cetonia stictica Linné) 400 Le Pentodon ponctué (Pentodon punctatus Villers) 401 I. Description et Biologie 402 II. Moyens de destruction 403 Le Hanneton vert de la vigne (Anomala citis Fabricius) 404 I. Description et Biologie 405 II Moyens de destruction 408 Le Hanneton bronzé (Anomala esluea de Geer) 409 CHAPITRE XXIII. Le Hanneton commun (Melolontha vulgaris Fabricius) 410 I. Historique 411 II. Description et Biologie 412 III. Moyens de destruction 417 HKS MATIÈRES. 4i;| Le Hanneton foulon (Melolontha fullo Liane) .,,, Les Rhizotrogues a 121 Rhizotrogus marginipes Mulsaut.. ,.,- tzo Rhizotrogus euphytus Buquei ,.,,. Rhizotrogus inflatus Buquei t ,~ Rhizotrogus sinuatocollis Fairmaire Moyens de destruction Le Lèthro à grosse tête (Lethrus cephalotes Pallas) | "-, I. Description et Biologie II. Moyens de destruction CHAPITRE XXIV. ORDRE DES HYMÉNOPTÈRES i ■ > i La Guêpe commune (Vespct vulgaris Linné) I. Description et Biologie . II. Dégâts. i 1 1 136 139 III. Ennemis naturels et moyens de destruction 140 La Tenthrède de la vigne (Tenthredo strigosa Dahlbom)... ','..; ADDENDA. ORDRE DES ORTHOPTÈRES FAMILLE DES PODURIDES Le Smynthure jaunâtre (Smynthurus luteus Lubbock) i'<: FAMILLE DES TIIRIPSIDES ; ,, Le Thrips hémorrhoïdal (Trips hœmoi rhoidalis Bouché) 150 Le Thrips de Syrie ( Trips Syriacus Mayet) ',;, 1 Moyens de destruction j.vj Errata ; 154 fin de la table méthodique. PLANCHE I. Le Phylloxéra de la vigne. {Phylloxéra vastatrix Planchon. i. Bourgeon de vigne avec galles. A. Ouverture des galles en dessus des feuilles. 2. Radicelles avec nodosités et Phylloxéras. 3. OEuf d'hiver. A. Pédicule qui le fixe au bois. B. Micropyle. 4. Œuf d'aptère agame. 5. Jeune Phylloxéra gf llicole. 6. Phylloxéra gallicole adulte. 7. — radicicole adulte, face dorsale. 8. — — face ventrale. 9. ' — radicicole destiné à devenir nymphe. 10. Nymphe. 1 1. Phylloxéra ailé. 12. — sexué mâle. 13. — — femelle. . insecte %\ r%.< "V /•et del PLANCHE III. Métamorphoses et Ravages de divers Insectes ampélophages. 1 . Grappe en boutons attaquée par la chenille de la Cochylis (Tortrix [Cochylis ambiguella) (lre génération). 2. Grappe commençant à mûrir, attaquée par la chenille de la Cochylis qui a percé les grains (Ie génération). 3. Papillon de la Cochylis les ailes pliée, 4. Papillon du la Cochylis les ailes étendues. 5. Feuille de vigne attaquée par l'Altise (larves et insecte parfait graudeur naturelle). (j. Altise de la vigne [AUica ampelophaga Guérin), fortement grossie. 7. Feuille de vigne attaquée par le Gribouri [Adoxus vitis), avec l'insecte grandeur naturelle. S. Larve souterraine du Gribouri. 9. Gribouri ou Écrivain, fortement grossi. 10. Bourgeon de vigne attaqué par le Hhynchite ou Attelabe {Rhynchites Betuleti), avec l'insecte grandeur naturelle. 10 A, Feuille de vigne roulée en cigare, encore verte, avec trou de sortie de la larve. 1 1 Feuille de vigne roulée en cigare, desséchée. 12. Larve du Rhynchite vivant dans le cigare, fortement grossie. 13. Rhynchite ou Altebabe à l'état parfait, fortement grossi. Insecte PLANCHE IV. Les Cochenilles de la vigne. 1. Cochenille blanche (Dacty lopins vilis) jeune, fortement grossie. 2. Cochenille blanche adulte, fortement grossie, face dorsale, avec les expansions cireuses. 3. Cochenille blanche, face ventrale, sans expansions cireuses. 4 . Fragment de feuille de vigne avec Cochenilles blanches, grossies, garnies de leur pulvérulence et de leurs expansions cireuses blanches. 5. Nymphe (mâle) de Cochenille b!anche, fortement grossie. 6. Mâle de Cochenille blanche, fortement grossi. 7. Morceau de sarment garni de Cochenilles rouges (Pulvinaria vilis) reposant sur leur ponte. 8. Cochenille rouge jeune, fortement grossie. lJ. Cochenille rouge adulte avant la ponte, grossie. PI • ■es Insectes de la Vigne ER I NEU M (PHYTOCOPTES I PID1 RM1S ' ille Coule' TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES Abdomioalis (Aulacophora). Acariens. Acridides. Acridium. Adaptation au sol des vignes ricaines. Adonidum (Goccus). Adonidum (Dactylopius). Adoxus. /Enea (Anomala). .Kstivalis (Vitis). Agrilus. Agrotis. Agrypon. Ailé (Phylloxéra). Albère. Albifrons (Decticus). Albilabris (Ceratina). Albofasciata (Denops). Albomarginatus (Lopus). Albopunclatus (Scaratneus). A lui (Rhinomacer). Alternans (Pempla). Altica. Altise de la vigne. Alucita. Ambiguella (Cochylis). Ambiguella (Pyralis). Ambiguella (Tinea). Ambiguella (Tortrix). Ampelocecis (Calypticus). Ampelophaga (Altica). Ampelophaga (Atychia). Ampelophaga (Ino). Ampelophaga (Procris). Ampelophaga (Sphinx). Ampelophaga (Zygaena). Annulipes (Leucopis). Anomala. Antispila. Antispilœ (Entedon). Aonidia. Apate. Apates des sarments. Aphides. Aphidiens. Aphis. Aphodius. Apiaire. Apterogyna. Apterus (Lethrus). Apterus (Lucanus). 310 8 282 284 ame- 144 40 40 321 409 141 395 253 à 258 221 82 .'•Î55 298 ', 'i S 393 1X2 400 355 22 1 304 304 195, 197 235 235 235 235 30 304 268 267 26S 267 267 35 404, 40!) 195 199 38 390 388 46 16 165 431 426 429 429 Apterus i Pyrrhi < i pin Aquilina ( Agrotis). Arachnides. i Arctata | Hoplophora t. î»; Armatus (( >i iorhyncbus). 380 Asphaltinus (( Itiorhynchus). Aspidiotus. 37 Atra (Cicada). Atra (Penthimia). 170 Attelabe. Attelabus. Aulacophora. 319 Aulacophore abdominal. 319 Aurantii (Aonidia). Babote. 201 Bacchus ( Rhynchites). ;;,;, Badigeonnages contre l'œuf d'hiver du Phylloxéra. ] l;i Barl itiste de Berenguier. Barbitistes. Becan. 355 Bêche. Becmare. Becmare vert. Becmart. Bec mord. 355 Becmore. Berenguieri (Barbitistes). 294 Berlandieri (Vitis). 141 Bête à café. 321 Bête à la forge. Betuhe (Byctiscus). Betulae (Curculio). Betuleli (Attelabus). Betuleli (Byctiscus). 355 Betuleti (Involvulus) Betuleli (Rhynchites). Bibliographie du Phylloxéra. 148 Bicolor (Canthophorus). Bicolor (Cydnus). 192 Bicolor (Sehirus). Bimaculata (Apa Bimaculatus (Pteromalus). Bispinus (Rhinomacer). Bitterensis (Ephippi ■ Black défiance Black July. 141 Blankenhorni (Diaspis). Blankenhorni (Gamasus). Blastothrix. Botrana (Budemis). 46 i TABLE ALPHABETIQUE Botrana (Tortrix). 246 Boudragos. 295 Boudrayos. 295 Boutou. 337 Brachiicollis (Lethrus). 432 Brachydérides. 365 Brachyrhinides. 365 Bracon. 363 Bran t. 146 Bromius. 321 Bupreste de la vigne. 395 Bursarius (Pemphigus). 49 Byctiscus. 355 Cacti (Coccus). 39 Caja (Chelonia). 263 Callidie à une bande. 350 Callidium. 335, 348, 350 Calliptamus. 284 Calotermes. 279 Calypticus. 30 Camptotelus. 190 Canada. 146 Cantharis octava. 321 Canthophorus. 192 Capricornes. 335 Capricorne soldat. 352 Carcelli (Otiorhynchus). 380 Cécidomie de la vigne. 15 Cécidomies. 16 Cecidomyia. 15 C. duplex (Stenochorus). 348 Celia. 34 Cemomus. 444 Centuncularis (Megachile). 445 Cépages américains. 137 Cephalotes (Lethrus). 429 Cephalotes (Scarabœus). 429 Cephycus. 35 Cerambyx. 352 Ceratinà. 444 Cerealella (Sitotroga). 197 Cerisanus (Calliptamus). 284 Cerisanus (Calloptenus). 284 Céluine velue. 398 Cetonia. 398 Chalcidiens ou Chalcidides. 26. 35, 221 Chalcis. 221 Chalibert. 355 Chape de la vigne. 200 Charançons. 354 Charançons Coupe-bourgeons. 365 Charrue sulfureuse. 102 Chelonia. 263 Chélonies. 263 Chenille mineuse des feuilles de vigne 195 Chevrolati (Otiorhynchus). 379 Chionaspis. 37 Chrysis. 444 Chrysomela. 304 Cicada. 178 Cicadatra. 178 Cicadelles de la vigne. 167 Cicadellides. 166 Cicadides. 174 Cicatricosus (Bhizotrogus). 422 Cigales nuisibles à la vigne. 174 Cigareur. 355 Cinerea (Vitis). 141 Citri (Aspidiotus). 38 Clavipes (Callidium). 335 Clinton. 141 Clyte du Bouillon blanc. 348 Clythra. 333 Clythre taxicorne. 333 Clytus. 348 Cneorhinus. 367 Coccidcs. 28 Coccinelle. 95 Coccinea (Phylloxéra). 77 Coccineus (Aspidiotus). 38 Coccophagus. 35 Coccus. 30, 39 Cochenille blanche. 39 Cochenille grise. 37 Cochenille rouge. 30 Cochenilles. 28 Cochylis. 235 Cochylis de la vigne. 235 Coigneau. 355 Colaspis. 332 Coléoptères. 302 Communis (Pteromalus). 222 Comys. 35 Concord. 141 Consobrina (Altica). 304 Conspersus (Otiorhynchus). 380 Coprophages. 433 Cornucopia. 146 Corruptor (Otiorhynchus). 380 Coupe-bourgeons. 365 Coupeur de vignes. 429 Couque. 201 Cousi. 287 Cousi-Cousi. 287 Cœrulea (Ceratina). 444 Cn'iulea (Zycrona). 189,311 Grabo (Vespa). 438 Crassa (Agrotis). 254 Crépusculaires. 267 Criquet émigrant. 284 Criquet. Italien. 284 Criquet Marocain. 285 Criquets. 283 Cruciata (OEdipoda) 285 Cruciatus (Stauronotus). 285 Crucigerus (Gryllus). 285 Cryptocephalus. 321, 328 Cryptocephalusnigerelytrisrubris.321 Cunche. 355 Cunningham. 141 Cupreus (Monodontomerus). 222 Cupreus (Pteromalus). 223 Curculio. 355 Curculionides. 354 Cydnus. 192 Cynthiana. 149 Dactylopius. 39 Dactylosphœra. 47, 49 Danticana (Tortrix). 200 Di:s MATIÈRES. Décora (Thrips). Decticus. l lenops. Deplanatus (Pteromalus). Derasofasciatus ( Agrilus I 1 Ies1 reau. Diableau. Diablotin. I liaspides. Diaspis Difîbrmis (Limneria ). Diploptères. Diptères. Discoideus (Bracon). Diurnes. Divinator (Ephialtes). Domesticus (Opilo) Drap mortuaire. Dubia (Melolontha). I (uodecimguttata CHalysia). Duplicatus (Encyrtus). Dynastes. Dynastides. E 151 298 393 222 395 355 355 321 37 37 243 136 15 363 194 l ; i 393 ',im 409 95 35 401 401 Ecaille fermière. 265 Ecaille mendiante. 265 Ecaille martre. 263 Ecaille pied glissant. 266 Ecailles. 263 Echaudage contre la Pyrale. 227 Echinomyia. 259 Ecrivain. 321 Elpenor (Deilephila). 273 Elpenor (Sphinx). 273 Engraisse-gallines. 413 Encyrtus. 35 Enjoncage. 137 Entedon. 199 Entonnoir à Altises. 189,271 , 313 327 Ephestia. 248 Ephialtes. 444 Ephippiger. 287 289 Ephippiger (Barbitistes). 287 Ephippiger (Locusta). 287 Ephippigera. 287 Ephippigère de Béziers. 289 Ephippigère de la vigne. 287 Epieometis. 398 Epidermi (Phytocoptes). 7 s Erineum. 4 Erinose. 1 Ervcidnus. 35 Etulber. 355 Euchlora. 404 . 40 » Eulophus. 26 223 Eumelan. 1 46 Eumenes. 224 Eumolpe. 321 Eumolpus. 321 Euphyta (Apterogvna). 426 Euphytus (Rhizotrogus). 126 Eurydema. 192 Evonymi (Chionaspis). 37 Exclamationis (Agrotis). 253, F Falcata | Locusta). Falcata ( Phaneroptera ». Palcatus M irviius). Faruiliaris i Peritelus). Fémoral (Callidium ). Pigulus (Trypoxylon I. Pimetarius (Aphodius). Pischeri | Barbitistes). Flabellipes (Geonemus). Plavescens (Typnlocj ba l Plavicollis (Càlotermi Fla\ icollis (Termes). Fla\ ida ( < lolaspis). Plavipes | Pempla ). Pœnus. Pormicaria (Methoca), Pormion. F» luisseurs Foveolatum ( A.grypon). Franklin. Prischii | Anomala). Fulgorides. Fullo (Melolontha). Fullo (Polyphylla). Fumagine. Fumago. G Galle (Phylloxéra). i rallerucides. Gallica (Vespa). Gallicole (Phylloxéra). Gallicus (Polystes). Gallinsecte de la vigne. Gallinsectes. Gamasus. Gant Sabaté. Geminatus (l ineorhinus) Gennadii (Aouidia ). Geonemus. Geol rupes. Geotrupides. Girafa (I Itiorhynchus). Globus (Otiorhynchus). Gloire de Montpellier. Gnidiella (Ephestia ►. Gorgaglione. Gorgelii m, Grsecus (Otiorhynchus). Granarius (Aphodius ). Grand glabre. Granulatus (Otiorhynchus). ( rribouri. Gril. Grillon transparent. Grimaud. Griseus | Peritelu Griseus (Platycli : te de la i igné. Gros gril. Gryllides, Grylloïdes ( Bysteropterum I. Guêpe commune. Guêpe du Jacquez. '«il '.i... 298 335 1... 279 363 i i ; 221 141 409 171 419 419 44 14 65 318 65 138 30 95 36 361 365 430 431 1 16 ;<::» 321 180 299 4G6 Guêpes. Guêpier. TABLE ALPHABETIQUE H Haematodes (Gicada). Hœmori'hoidalis (Heliothrips). Hsemorrhoidalis (Thrips). Halysia. Hanneton bronzé. Hanneton commun. Hanneton foulon. Hanneton vert de la vigne. Heliothrips. Hellenicus (Otiorhynchus). Hémérobe. Hemerobius. Hémiptères. Heperana (Tortrix). Herbemont. Herbemont d'Aurelles. Heriades. Hétéroptères. Hibernants (Phylloxéras)! Hirta (Cetonia). Hirta (Epicometis). Hirtella (Cetonia). Ilirtella (Epicometis). Hirtella (Tropinota). Hirtellus (Scarabseus). Hirtus (Scarabseus). Holosericea (Anomal a). Holosoriceum (Trombidium). Homoptères. Hoplophora. Hortorum (Tachina). Hurebet. Hyalinatus (Syrphus). Hyménoptères. Hysteropterum. Ichneumon. Ictericus (Galliptamus). llythia. Inanis (Volucella). Inermis (Rhinomacer). Intlatus (Geotrogus). Iaflatus (Rhizotrogus). Ino. Insectes. Instigator (Pimpla ). Instrumentier. Involvulus. Isabelle. Italicum (Acridium). Italicus (Galliptamus). Italicus (Calloptenus). Italicus (Gryllus) Jacquez. Julii (Eucblora). Julii (Melolontha). 435 L 643 Labidostomls. 333 Labrusca (Vitis). 141 Lœvigatus (Microgaster). 363 178 Lagurus (Polyxenus). 95 450 Lamellicornes. 397 450 Lanigera (Schizoneura). 77 95 Larvarum (Pteromalus). 223 409 Lasioplera. 19 410 Latipennis (.'Ecanthus) 300 419 Lavandus (Otiorhynchus). 380 404 Lecanium. 30. 32 450 Lépidoptères. 193 380 Leplura. 348 95 Lethre à giosse tête. 429 95 Lethrus. 429 27 Lencomela (Osmia). 444 194 Leucopis. 35 [41 Ligustici (Otiorhynchus). 376 146 Liliifolia (Phaneroptera). 298 444 Limneria. 221.243 180 Lineata (Oeilephila). 272 81 Lineata (Sphinx). 272 398 Locusta. 287, 298 398 Locustides. 287 398 Lombardus (Otiorhynchus). 380 398 Longicornes. 335 398 Longipennis (Otiorhynchus). 380 398 Longispinus (Dactylopius). 39 398 Lopus. 181 404 Lubricipeda (Ghelonia). 266 96 Lucanus. 429 27 Lucifugus (Termes). 277 96 Lugens (Otiorhynchus). 380 219 Lupulinse (Smvnthurus). 448 355 Lusitanicuin (Malacosoma). 318 219 Luteolana (Tortrix). 200 435 Luteus (Smynthurus). 447 171 Lythri (Altica). M 304 199, 220 Macrophya. 443 284 Maïkafer. 414 194 4 il Majalis (Limneria). 221 Malacosoma. 318 355 Malacosome de Portugal. 31X 427 Maladie du noir. 44 427 Man. 413 267 15 221 355 Marginellus (Galliptamus). Marginipes (Rhizotrogus) . 284 346. 425 Margotte. 181 Maroccanus (Gryllus), 285 355. 357 Maroccanus (Stauronotus;. 285 141 Maroccanuin (Acridium). 2 s:. 284 Marquati (Otiorhynchus). 379 284 Megachile. 445 284 Melanogomus (Ichneumon). 22(1 284, 299 Meïlifères. 444 Melolontha. 419 Melolontha (Scarabseus). 410 Melolonthides. 405, 409 410, 421 141 Mendica (Ghelonfa). 265 409 Menge-mallols. 337 409 Mpunier. 413 DES MATIÈRES, Methoca, Miastor. Microgaster. Migratoria (Œdipoda). Migratorius (Gryllus). Migratorius (Pachytylus). Migratoriura (Acridium). Miles (Gerambyx). Mildew. .Minuta (Ghalcis). Minutus (Uamptotelus). Mollis (Opilo). Monodon (Geotrupes). Monodontoraerus. Monopterus M )tiorhynchus). Morpnée. Moutonnel . Muricata (Apate). Muricatum (oinoxylon). N Necator (Erineum). Nerii (Aspidiotus). Névroptères. Nidifiants (Hyménoptères). Nigrita (Otiorhynchus). Nitidus (Monodontomerus). Niveus (OEcanthus). Noah. Noctuelles. Nocturnes (Lépidoptères). Nodosités (Phylloxéra). Notât us (Otiorhynchus). Noxius (Peritelus). Numidicus (Rhizotrogus). Nysius. ( Ibelisca (Agrotis). Obesa (Agrotis). ( Ibscurus (Adoxus). Ochraceus (Rhizotrogus). ( klynerus. OEcanthus. QEdipoda. ( Enectra. QEnophila (Gecidomyia). OKniiphtira. CEui d'hiver (Phylloxéra). ( Heracea | Altica). ( lleracea (Ghrysomela). < Heraceum (Eurydema). i Imphaciella (Cochylis). Omphaciella (Tinea). ( Intophagus. Opatre des sables. ( )pnt i uni. Ophioneurus. Opilo. Ornatum fCallidium). i irnatus (ClytUS). ( irni (Cicadà). Orthoptères. Oryctes. Osmia. 223 17 363 284 284 352 14 221 190 393 401 222 3 76 i4 113 391 391 12 ■M 76 '.4 380 222 300 1 16 252 195 74 379 369 129 190 253 253 322 4-22 i i î 299 284 200 15 200 62 304 304 192 235 235 133 384 384 364 393 348 348 179 '.ni '. ; i Othello. ( Itiorhynchides. ( ►tiorhyuchus. 31 ( M iorhynqnes. ( Ivatus ( Pteromalus). ( Ixythvrea. Padronelia. Pals injcclrurs. l 'ampanella. Paradoxus j Rhipiphorus) Parasites ; Elyménoptères), Pare-massac. Pécan. Pellucens (Gryllu l Pellucens (I Ecanthus). Pellucens | Vdlucella ». Pemphigus. Penthimia. Penthina. Pentodon. Pentodon ponctué. Perezi i Ephippiger). Peritelus. Peritymbia. Perla | Bemerobius). Peronospora. Petite Sauterelle verte. Phalène de la vigne. Phaneroptera. Philbert. Phtiriose. Phyllerium Phylloxéra. Phylloxéra de la \ igné. Phylloxéra du chêne, 18, 51 . Phylloxéra (Thrips). Phylloxéra (Tyroglyphus ». Phytocoptes. Phytoptus. Picipes (Teretrius). Picipes (( Itiorhynchus). Pilleriana ( /Enectra). Pilleriaua ( /Enophtirâ). Pilleriana ( P\ ralis). Pilleriana (Tortrix >. Pimpla. Pipiza. Pizzetto. Pizzifierro. Planatus (I Itiorhynchus). Planithorax (< »tiorhynchus). Plantations dans les sables. Platycleis. Plèbe j a i Gicada). Podolicus (Lethrus). Podurides. Polyphylla. Polystes. Polyxenus. Populeti (Otiorhynchus). Populi (Rhynchites). Porcellus | Deilephila ». 167 1 15 381, 382 100 102 140 12fi 170 401 101 289 369 '. 19 95 14 298 200 298 355 96, 149 • I .'nu 200 200 a m i 96 356 381 134 178 119 221, 4G8 TABLE ALPHABÉTIQUE Porcellus (Sphinx). 273 Porte-becs. 354 Porte-selle de Béziers. 289 Porte-selle de la vigne. 287 Pou blanc des serres. 40 Poulailler roulant. 330 , 417 Premixtana (Tinea). 246 Procris. 267 Procris mange-vigne. 268 Prompt a (Echinomyia). 259 Pronuba (Agrolis). 253 25S Prosopis. 444 Pteromalus. 222 395 Puce de vigne. 304 Pucerons. 4 fi 165 Puceron lanigère. 77 Puceron vrai de la vigne. 165 Pucerote. 304 Pulgon de la vid. 304 Pulvinaria. 30 Punctatus (Geotrupes). 401 Punctatus (Pentodon). 401 Punctatus (Scarabaeus). 401 Puncticeps (Gephycus). 35 Punctulatus (Scarabaeus). 401 Punteruolo délia vite. 356 Pyrale de Florensac. 200 Pyrale de la vigne. 200 Pyrale du Daphné. 248 Pyralidium (Eulophus). 223 Pyralis. 200, 249 Pyrrhocoris. 190 Quercus (Phylloxéra). 48. 51, 52, 63, 77. 88 Radicicole (Phylloxéra). 73 Radicum (Pipiza). 96 Raucus (Otiorhynchus). 380 Rebenschueider. 429 Rebenstecher. 355 Reliquana (Cochylis). 246 Résistance des \ ignés américaines. 141 Rhinomacer. 355 Rhipiphorus. 440 Rhizaphis. 47 Rhizotrogues 421 Rhizotrogus 346, 421, 425. 426, 427. 428 Rhvnchite. 355 Rhynchites. 355 Rhynchophores. 354 Riparia ( Vitis). 141 Riparia sauvage. 141 Rivillei (Antispila). 195 Rivillela (Antispila). 195 Rivillelœ (Entedon). 199 Romaniana (Tortrix). 194 Rosarum (Hylotoma). 445 Roserana (Cochylis). 235 Roserana (Tortrix). 235 Rotundifolia (Vitis). 139 Rouleur. 355 Rovigiolo. 356 Rufescens (Rhizotrogus). 425 Rupestris (Vitis). 141 Sabulosum (Opatruin). 384 Saint-Sauveur. 146 Sarcopte du tilleul. 4 Scarabé de mai. 414 Scarabés. 302, 397. 411 Scarabaeoides (Lethrue). 429 Scarabaeus. 398, 400, 401, 410. 419, 429 Schizoneura. 77 Schneider. 429 Schœnheri (Blastothrix). 35 Schwederi (Comis). 35 Scitus (Otiorhynchus). 380 Scutella (Phalena). 238 Sculellaris (Coccophagus). 35 Segetum (Agrotis). 254 Sehirus. 192 Senasqua. 146 Senecionis (Nysius). 190 Senex ( Peritelus). 372 Sericans (Megachile). S45 Sexdentala (Apate). 390 Sexdentatum (Sinoxylon). 390 Sexué (Phylloxéra). 87 Sigaraio. 356 Simplex (Ophioneurus). 3 4 Singularis (Otiorhynchus). 379 Sinoxylon. 390 Sinuata (Apate). 392 Kiiniata (Xylopertha). 392 Sinuatocollis (Geotrogus). 428 Sinuatocollis (Rhizotrogus). 428 Silotrega. 197 Smynthure jaunâtre. /(47 Smynthurus. 447 Solonis. ]4l Spartzoma. 42 Sphinx. 267,272,273,274 Sphinx à bandes. 272 Sphinx de la vigne. 27.1 Sphinx petit pourceau. 273 Spumosus (Calypticus). 30 Squalida (Cetonia). 399 Squamiger (Otiorhynchus). 379 Stenochorus. 337. 348 Slictica (Cetonia). ' 400 Stictica (Oxythyrea). 400 Sticticus (Scarabaeus). 400 Strepens (Stenochorus). 337 Strigosa (Macrophya). 443 Strigosa (Tenthredo). 443 Subdepressus (Peritelus). 370 Submersion. 123, 382 Sulcatus (Lopus). 181 Sulcatus (Otiorhynchus). 317 Sulîoearbonates. 115 Sulfure de carbone. ion Sulfure de carbone dissous dans l'eau. no Sulfurisation contre la Pyrale. 232 Swederi (Encyrtus). 35 Sylvestris (Vespa). 438 DES M \TM ;i - Syriacus (Heliothrips) . Syriacus (Thrips). Syrphus. Tachina. Tagliadiccio. Tagliodizzo. Taxicornis (Clythra). Taxicornis ( Labidostomis). Taylor. Teigne de la grappe. Teigne rie la vigne. Teigne des raisins. Tenebricosus (( Hiorhynchus). Tenebrion des boulangeries. Tenebrionides . Tenthrède de la vigne. Tenthrédides. Tenthredo. Teretrius. Termes. Termite à col jaune. Termite lucifuge. Termites1. Tétranycides. Tétranyques. Tettigia. Thamnotrizon. Thrips. 96, 449, Thrips hémorrhoidal . Thripsides. Thysanoptères. Tillus. Tinea. Tineides. Tisserand du tilleul. Tordeuses. Tordeuse de la grappe. Tortrice dell'uva. Tortrix. 194,200, Totus viridi sericeus (Rliino cer). Triphon. Tristis (Otiorhynchus). Tritici (Agrotis). Troglodytes (Celia). Trombidium. Tropinota. Trypoxylon. Turc. Typhlocyba Tyroglyphus. U Dbériot. Ulbar. Ulber. Unicolor (Cemomus). Unifasciatum (Callidium). Unifasciatus (Tillus). Unispinus (Rhinomacer). Urbec. Urcebère. Drebée. •21!), 143, 0, 8, 450, 235, ma- 151 451 219 259 356 356 333 333 141 235 235 235 380 38 1 384 443 446 443 394 '277 27!) 277 276 8 152 17!) 294 451 450 448 449 393 245 1% ti 202 240 194 246 355 140 380 253 34 96 398 444 413 107 96 355 355 355 444 350 393 355 355 355 355 Orticœ (Thrips). Uvse (Tinea). Dvella (Alucita). Dvella (Tinea). Vastator M Itiorhynchu Vastatrix i Phylloxéra). Vastatrix i Rbizapbis). Velours vert. Venl ralis i Brycidnus). Ver .1 tète nuire Verbasci (Glylus). Verbasci ( Leptura l. Ver blanc. 397, 399, 102, 10! Ver coquin (I lochylis). Ver de la vendan ■>• (l lochj I Ver de la \ igné i Pyrale). Ver de l'été (Pyrale). Ver des jardins. Ver gris ( Noctuelle). Ver matis. Ver rouge (Cochylis). Verru< ivoras < Decticus). Vespa. Vesparam (Triphon i. Vespère de Xatart. Vesperus. Vespidés. Viaîla. Vildas. Villica (Ghelonia). Vinetella (Ilythia). Vini (Lecanium). Violaceus | Bhinomacer). Viridis (Rhinomacer). Viridlssima (Locusta). Vitana (Pyralis). Vitellae ( Ichneumon I Viticola (Cecidomyia). Viticola (Entedon). Viticola (Peronospora). Viticola (Typhlocyba). Vitifolii (Dactylosphaera). Vitifolii (Pemphigus). Vitis (Adoxus). Vitis ( Anomaia ►. Vitis fAphis). Vitis (Aspidiotus). Vitis < Bromius). Vitis (Cecidomyia I. Vitis (Coccus). Vitis- Coryloides (Cecidomyi Vitis (Gryptocephalus). Vitis i Dactilopius). Vitis ( Brineum). Vitis fEuchlora). Vitis ( Bumolpus). Vitis (Hylol a). Vitis (Lasioptera >. Vitis < Lecanium ). Vitis (Melolontha Vitis (Phytoptu vltis-pomum (Cecidomyia i. Vitis l Procris). is) m 455 195, 197 379 47 35 200 410, 413 118, 122 m 201 413 252 413 235 136 441 336 336 430. 444 ni 337 265 194 30 355 355 200 199 19 14 169 17, I 104 165 :;7 321 19 30 19 321 . 321 l!l I 1!) M. 4/0 TABLE ALPHABET Vitis (Pulvinaria). 30 Vitis (Pyralis). 200 Vitis (Smynthums). 447 Vitis (Sphinx), 267, 273 Vitis (Tenthredo). 445 Vitisana (Cochylis). 246 Vitisana (Périt ymbia). 47, 4 i Vitisana (Tortrix). 246 Vitium (Ephippiger). 287 Vitium (Ephippigera). 287 Vitivorana (Penthina). 246 Volucella. 440 Vulgaris (Melolontha)- 410 Vulgaris (Vespa). 436 Xatarti (Vesperus). 336 Xylopertha. York-Madeira. Zébra (Otiorbynchus). Zicrona. Zonaria (Volucella). Zonatus (Eumenes). Zygœna. Zygène de la vigne. 392 141 380 189,311 441 224 267 267 FIN DE LA TABLE ALPHABETIQUE. .-.A<''WWV./v. ¥ mr"* %■. [**m