Illffiiiliiii--- i?-°-C- LIBRARy THE LIBRARY THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of British Columbia Library http://www.archive.org/details/lesmouvementsdesOOdutr LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX I COLLECTION " LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE " 'iennent de paraître : HUYGHENS (Christian). — Traite de la Lumière. Un vol. in-16 double couronne (180x115) de xii-156 pages; 1920; broché, net 3 fr. 50 LAVoisiER. — Mémoires sur la respiration et la transpiration des animaux 3 fr. Spallanzani (Lazare).— Observations et Expériences faites sur les Animalcules des lîilasions. Tome I«^. Un vol. in-16 double couronne (180x115) de viii- 106 pages; 1920; broché, net 3 fr. — Tome II. Un vol. in-16 double couronne (180x115) de 122 pages; 1920; broché, net 3 fr. Clairaut. — Eléments de Géométrie. 2 vol. brochés; chaque volume broché, net 3 f r. 50 LAVOISIER et Laplace. — Mémoire sur la Chaleur..... 3 fr. Carnot. — Réflexions sur la métaphysique du Calcul infinitésimal. 2 vol. brochés. D'Alembert. — Traité de Dynamique. Dutrochet, Les mouvements des Végétaux. — Du réveil et du sommeil des plantes. Sous presse : Ampère, De l'action exercée sur un courant électrique par un autre courant, etc., avec la lettre à Van Beck, Laplace, Essai philosophique sur les probabilités. Paraîtront prochainement : Hertz, Equations électrodynamiques fondamentales des corps en- mouvement et des corps en repos. Galilée, Dialogues et démonstrations concernant deux sciences nouvelles. BOUGUER, Essai d'optique sur la gradation de la lumière. Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Etc., etc. DEMANDER LE PROSPECTUS SPÉCIAL Il est tiré de chaque volume 10 exemplaires sur papier de Hollande, au prix uniforme et net de 6 francs. LES MAITflES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE COLLEOTION DE MÉMOIRES ET OUVRAGES Publiée par les soins de Maurice SOLOVINE LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX DU RÉVEIL ET DU somme:il des plantes PAK René DUTROGHET PARIS GAUTHIER-VILLARS ET Ci% ÉDITEURS LIBRAIFIES DU BUREAU DES LONGITUDKS, DK L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE Quai des Grands-Augustins, 55 1921 aie 7-7/ B AVERTISSEMEJ^Ï Tj accroissement rapide des découvertes scien- tifiques, engendre fatalement V oubli des décou- vertes passées et de leurs auteurs — oubli encore favorisé par le fait regrettable que la plupart des mémoires et des ouvrages, où ces découvertes se trouvent exposées, sont comjjïètement épuisés et introuvables. La collection des Maîtres de la Pensée scien- tifique comprendra les Tnérnoires et les ouvrages les plus importants de tous les temps et de tons les pays. Elle est destinée à rendre accessibles au^r savants et au public cultivé les travaux originaux, qui marquent les étapes successives dans la cons- truction lente et laborieuse de V édifice scienti- fique. Tous les domaines de la Science y seront représentés : les rnathém^atiques , Vastronomiey lu physique, la chimie, la géologie, les sciences naturelles et biologiques, la méthodologie et la philosophie des sciences. Etant la plus complètey elle fournira les documents indispensables aux historiens de la science et de la civilisation y qui voudront étudier V évolution de V esprit humain sous sa forme la plus élevée. Elle perm.ettra aux savants de connaître plus intimement les décou- \I LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE vertes de leurs devanciers et d'y trouver nombre d'idées originales. Les philosophes y trouveront une mine inépuisable pour Vétude épistévwlo- gique des théories, des hypothèses et des concepts, au moyen desquels se construit la connaissance de l'univers . Elle offrira enfin à la jeunesse studieuse un moyen facile et peu coûteux de pi'endre contact à leur source même avec les méthodes expérimentales et les procédés ingé- nieux que les grands chercheurs ont dû inventer pour résoudre les diiRcultés — méthodes excrètes, infiniment plus suggestives et plus fécondes que ne sont les règles schématiques des Manuels. On trouve encore dans les mémoires classiques y où la profondeur de la pensée et la justesse du raisonnement se manifestent sous une forme remarquable m,ent lucide et élégante, le secret d'exposer les découvertes scientiiiques d'une façon claire et précise, comme Vont demandé à plusieurs reprises les savants les plus illustres de notre temps. Les mémoires et les ouvrages français seront réimprimés avec grande exactitude diaprés les textes originaux les mieux établis, et ceux des savants étrangers seront traduits intégralement et avec une rigoureuse ndélité. Notice biographique. René-Joachim-Henri Dutrochet naquit au château de Néon Indre) le 14 novembre 1776, et mourut à Paris le 4 février 1847. Son père ayant émigré au moment où la Révolution éclata, tous ses biens furent confisqués, et le jeune Dutrochet se trouva ainsi complètement privé de ressources et obligé de gagner son 3xistence. En 1789, il postula un poste dans la marine, mais à peine l'avait-il obtenu qu'il changea d'avis avant même de >'embarquer. En 1802, il commença à Paris l'étude de la médecine et fut ceçu docteur en 1806. Ayant été promu médecin militaire en [SOS, il accompagna en cette qualité le roi Joseph Bonaparte 3n Espagne. A l'hôpital militaire de Burgos, dont il était le :lirecteur, il eut à combattre une épidémie typhoïde des plus meurtrières. Atteint lui-même, il guérit très lentement et fut tellement affaibli qu'il se vit obligé de se démettre de ses fonctions. Il rentra en France en 1809 et se fixa dans une maison de campagne aux environs de Châteaurenault, en rouraine, où vivait sa mère. A partir de cette époque Dutrochet se consacra entièrement à l'étude des sciences naturelles, et plus particulièrement à :elle de l'embryogénie animale et de la physiologie végétale, où, par ses nombreuses et délicates expériences, il a fait des Jécouvertes fondamentales, qui ont eu une influence considé- rable sur le développement de ces branches de la biologie. Il est le premier à avoir tenté d'expliquer les mouvements de la sève à l'intérieur des plantes par les phénomènes de la Lliosmose, et à avoir étudié parallèlement l'absorption de l'oxygène par les plantes et par les animaux. Les phénomènes qu'il étudia en outre avec une prédilection marquée sont ceux de l'endosmose. Il s'est efforcé de mettre en lumière son action mécanique et l'extrême importance qu'elle présenta pour l'explication de certaines fonctions végétales. C'est cette théorie qui lui a permis de ramener à des principes de mécanique des phénomènes botaniques qu'on s'est contenté d'expliquer avant VIII LES MAÎTÎŒS DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. lui par la force vitale. C'est grâce à «lie surtout qu'il est arrivé à donner une explication satisfaisante des mouvements de la sève montante et descendante. Adversaire iiTéductible du vitalisme, il s'est donné comme tâche d'expliquer tous les mouvements et toutes les fonctions des plantes et des êtres animés par des lois purement physi- ques. « L'admission d'une différence essentielle et fondamentale entre les lois physiques et les lois psychologiques m'a toujours paru contraire à une saine philosophie. Les êtres vivants doivent être considérés comme des laboratoires dans lesquels la nature opère des phénomènes et confectionne des substances qui' ne peuvent avoir de durée que sous l'influence des causes particulières qui ont présidé à leur production. La vie se compose de phénomènes physiques et chimiques spéciaux qui doivent se rattacher à la physique et à la chimie générale. Il faut donc chercher à découvrir quels sont les phénomènes spéciaux de la physique et de la chimie auxquels le mouvement vital doit son existence. Je pense avoir fait le premier pas dans cette voie par la découverte de l'endosmose. » (Note inédite écrite en 1835). Ces admirables idées sont précisément celles qui ont guidé dans leurs recherches tous les grands biologistes qui sont venus après lui, et il ne faudra jamais les perdre de vue si l'on veut réaliser des progrès réels et durables en biologie. Dutrochet a réuni en 1837 ses travaux les plus importants dans deux volumes qui portent le titre suivant : Mémoires pour seiDlr à l'histoire analomique et physiologique des végé- taux et des animaux. C'est d'après cette édition que nous repro- duisons les deux mémoires figurant dans ce volume. Outre ces mémoires, ses œuvres contiennent encore des recherches remar- quables sur l'embryogénie animale, sur la physiologie végétale. sur les rotifères, sur la métamorphose du canal alimentaire chez les insectes, sur la structure et la régénération des plumes, sur l'ostéogénie, etc. Son travail de tout premier ordre sur VEîidosmose sera reproduit prochainement dans cette Collectloiî. M. S. LES lOUVEMENTS des VÉGÉTAUX COUP-D'ŒIL GÉNÉRAL SUR LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX § I. — Examen du mécanisme DES MODES ÉLÉMENTAIRES DE MOUVEMENT PAR INCURVATION ET PAR TORSION ^^K La faculté de se mouvoir, si libéralement accordée ar la nature aux animaux, n'a point à beaucoup irès été refusée aux végétaux. Dans une foule d'oc- asions, ils meuvent spontanément quelques-unes de 3urs parties, soit pour leur donner une position u une direction convenable à l'exercice de leurs onctions, soit pour obéir à une influence de nature Qconnue qu'exercent sur eux -les causes exôitantes. lais ce n'eist pas toujours à l'occasion de l'influence .'une cause extérieure, que les végétaux meuvent uelques-unes de leurs parties. Il y a, en effet, chez ux, des mouvements dus à une sorte d^é/astieifé, Eiquelle diffère de l'élasticité des substances miné- (1) Le paragraphe II de ce mémoire a été publié en 1828 ; tout ! reste paraît ici pour la première fois. 2 LES MAÎTRES 73E LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. raies eu cela que, dépendant de la préssnce de l'eai dans le tissu végétal, elle disparaît avec ce liquid( lorsqu'il cesse de remplir les cellules végétales. J( ferai voir ailleurs, que l'eau n'est pas la seule subs tance dont l'introduction dans le tissu végétal soi"! propre à donner à ce tissu une tendance à se courbe] élastiquement, et dans d'autres circonstances une tendance à se tordre sur lui-même. Ainsi, il peul apparaître et disparaître dans les tissus végétaux deux tendances au mouvement, la première pai incurvation et la seconde par torsion. Ces deux modes de mouvement sont ceux que je nomme modet élémentaires. Ce sont eux qui président à tous les mouvements des végétaux. Les mouvements que les végétaux exécutent, consi- dérés sous le rapport des circonstances dans les- quelles ils ont lieu, et sous le rapport des phé- nomènes auxquels ils coopèrent, peuvent être rapportés à cinq divisions : 1° Les mouvements élémentaires d'incurvation et de torsion. 2° Les mouvements particuliers par lesquels les fleurs ou les feuilles de certains végétaux pren nent les positions successives qui constituent ce qut l'on a nommé le sommeil et le réveil. 3° Les mouvements d'incurvation par excitation, autrement dits mouvements d'irritabilité. 4° Les mouvements par lesquels les végétaux diri gent les radicules de leurs embryons séminaux dans •le sens de la pesanteur, et leurs tiges dans le sens opposé à celui de cette même pesanteur. LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 5^ Les mouvements par lesquels les végétaux diri- :ent quelques-unes de leurs parties vers la lumière, Il bien dans le sens opposé à celui de son afflux. L'ordre numérique dans lequel je place ici les louvemonts végétaux paraîtra peu naturel et arbi- raire au premier coup d'œil, mais on verra qu'il ésulte nécessairement de l'enchaînement des faits. !lhacune de ces divisions des mouveçaents végétaux era l'objet d'un mémoire séparé. Les mouvements élémentaires d'incurvation et de orsion seront seuls étudiés spécialement dans ce [lémoire. Les mouvements d'incurvation élémentaire ésultent d'une tendance à la courbure dans un ens déterminé, tendance à laquelle est opposé un )bstacle. Ce dernier venant à être vaincu, le mou- 'ement d'élasticité qui est la conséquence de cette endance s'exécute librement, et il s'arrête lorsqu'il st accompli. Les exemples en sont nombreux dans e règne végétal. Les uns appartiennent à l'état de de, les autres n'ont lieu que dans certaines parties végétales qui ont oesisé de vivre. Je vais étudier le nécanisme de ces mouvements chez un petit nombre le végiétaux, choisis parmi ceux qui sont à la fois it les plus vulgaires et les plus faciles à étudier lous ce point de vue. § IL — Mouvements par incurvation. Mécanisme du mouvement dans les valves du péricarpe de la balsamine {impatiens balsamina). On sait que les valves du péricarpe de la balsa- nine, à l'époque de la maturité, se séparent les unes 4 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. des autres, et que chacune d'elles se roule en spirah tn dedans, c'est-à-dire que sa convexité est er dehors, ou du côté de l'épiderme. Si on les redresse, elles retournent spontanément et avec vivacité s leur état d'incurvation, lorsqu'on les abandonne s elles-mêmes. Si on les plonge dans l'eau, elles s( courbent encore plus profondément; si on les laissa se dessécher à moitié, elles tombent dans l'état d( flaccidité ou de relâchement, et perdent leur ten dance élastique à l'incurvation. Ces premiers faits prouvent déjà que la présence de l'eau dans lej organes qui composent le tissu de la valve est um des conditions de l'existence de sa tendance à l'in curvation. Si l'on plonge dans l'eau la valve è moitié flétrie par l'évaporation de ses liquideï intérieurs, elle absorbe ce liquide, leprend son étal turgide vital et son incurvation élastique. Si oi: laisse dessécher presque entièrement la valve à l'aii libre, elle ne reprend plus du tout son état turgidt et son incurvation lorsqu'on la plonge dans l'eau. Elle s'imbibe entièrement, et jusqu'à complète saturation, mais elle n'absorbe point l'eau ave( excès comme elle le faisait auparavant ; elle ne redevient point turgide; elle demeure constammeni dans l'état de flaccidité. Cette dernière expérience m'a conduit à penser que l'incurvabilité tenail à l'existence du liquide organique qui remplissait leî organes cellulaires dont la valve est composée, et que c'était, non par une simple imbibibion, mais par endosmose, que l'eau était introduite dans k tissu organique incurvable. Les expériences qui vont être exposées confirmeront ce premier aperçu. LK8 iMuUVEMIojNTS DES VÉGÉTAUX. Le tissu organique qui compose la valve du péri- carpe de la balsamine, vu au microscope, se trouve composé par une agrégation d'utricules ou de cellules. Ces cellules, grandes à la partie externe, vont toujours en décroissant de grosseur, jusqu'à la partie interne, où elles sont le plus petites. Cette disposition dévoile la cause de la tendance à l'in- curvation. Toutes les cellules étant pleines jusqu'à l'état turgide, l'incurvation de la valve en dedans en est le résult-at nécessaire. Les cellules qui com- posent ce tissu sont, dans l'état naturel, remplies par un liquide organique plus ou moins dense. Lorsque ces cellules éprouvent extérieurement l'ac- cession de l'eau, elles exercent l'endosmose implé- tive, par cela seul qu'elles contiennent un liquide organique plus dense que l'eau. Alors elles devien- nent turgides, et le tissu, distendu plus en dehors qu'en dedans, prend un état d'incurvation en dedans ^^\ Lorsqu'une dessication prolongée a en- levé le liquide intérieur des cellules, celles-ci s'im- bibent dô l'eau dont elles éprouvent extérieurement l'accession, mais elles n'exercent plus d'endosmose implétive; elles ne deviennent plus turgides; le tissu demeure dans l'état de fiaccidité; l'incurvabilité est abolie. Du moment qu'il ma fut démontré que l'ac- cession extérieure de l'eau était la cause de l'en- dosmose iniplétive des cellules qui contenaient un liquide organique dense, et que cette endosmose (1) Toutes les fois que jo dirai, en parlant d'une partie végétale, qu'elle se courbe en dedans ou qu'elle se courbe en dehors, cela signifiera, dans le premier cas, que la concavité de la courbure est tournée vers l'intérieur ou le centre du végétal, et, dans le second cas, que la concavité de la courbure est tournée vere l'extérieur. (3 I.EH MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. était la cause de l'état turgide du tissu; du moment qu'en outre il me fut démontré que l'incurvation do ce tissu était le résultat de l'inégalité de ses cellules, grandes en dehors, et petites en dedans, il me parut certain qu'en substituant à l'eau un liquide plus dense que celui que contenaient les cellules, je produirais, non plus l'endosmose implé- tive, mais l'endosmose déplétive ^^^ et, par suite, une incurvation de la valve dans le sens opposé à celui de son incurvation naturelle. Je plongeai donc plusieurs de ces valves, qui étaient courbées en dedans, dans du sirop de sucre. Elles ne tardèrent pas à perdre leur état d'incurva-tion et à devenir droites. Bientôt après, elles se roulèrent en spirale en dehors. Cet effet, que j'avais prévu, était un résultat nécessaire de l'endosmose déplétive, qui soutirait le liquide organique moins dense que le sirop liquide qui emplissait les cellules du tissu de la valve. Ces cellules étant désemplies, la valve se roulait en dehors, parce que, de ce côté, les cellules, plus grandes, avaient plus perdu de liquide; il y avait, de ce côté, moins de matière solide qu'en dedans; dès lors, il devait y avoir incurvation de ce côté, lors de la soustraction d'une grande partie du liquide, qui, en gonflant ces cellules, leur faisait occuper un espace considérable. Je transportai dans l'eau ces valves roulées en spirale en dehors; elles ne tardèrent pas à se dérouler, et, enfin, à reprendre leur état naturel d'incurvation en dedans; ici, leurs (1) Pour l'intelligence de ce que j'entends par endosmose ivi/plélivo et endosmose déplétive, voyez dans le premier Mémoire [De V endos- mose, in Mémoires, t. I. Paris, 1837], aux pages 10, 11 et 14. LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. cellules composantes exerçaient de nouveau l'en- dosmose implétive, et l'incurvation en dedans en était le résultat. Je transportai de nouveau me-s valves dans le sirop. Elles se roulèrent en dehors; je les replaçai dans l'eau, elles se courbèrent en dedans. Je répétai ce double jeu d'incurvation neuf fois en cinq heures de temps. Alors les valves cessèrent de se courber en dedans, lorsque je les plongeais dans l'eau; elles ne reprenaient plus assez pour cela leur état turgide, ce qui provenait de ce que l'action d'endosmose déplétive, provoquée par l'immersion dans le sirop, avait soutiré en grande» partie leur liquide dense intérieur ; il ne leur en restait plus assez pour exercer une endosmose im- plétive suffisante pour les replacer dans l'état tur- gide; dès lors, il n'y avait plus d'incurvation en dedans. Mais l'immersion dans le sirop produisait toujours lo roulement en dehors, jusqu'au summum, parce que cette incurvation était le résultat de l'endosmose déplétive, laquelle, loin d'éprouver de la diminution, allait, au contraire, toujours en augmentant d'énergie, puisque le liquide intérieur des cellules devenait de moins en moins derise, l'eau ayant remplacé huit ou neuf fois le liquide orga- nique intérieur, soutiré par l'endosraO'Se déplétive qu'occasionnait l'immersion dans le sirop. Je mis sous le microscope une lame mince de valve, plongée dans du sirop de sucre; je fus ainsi à même de voir d'une manière immédiate le mécanisme de son incurvation. Je vis toutes les cellules, et spéciale- ment les plus grandes, qui occupaient son côté extérieur convexe, perdre assez rapidement de leur 2 8 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. diamètre, par l'effet de leur déplétion, et l'incur- vation en dehors de la lame de valve en fut l'effet. Il résulte de ces expériences, que les valves du péricarpe de la balsamine perdent leur incurvabilité ou leur faculté d'incurvation élastique en dedans, lorsque le liquide organique dense qui remplit leurs cellules est soutiré, soit par l'évaporation, soit par l'endosmose déplétive. C'est donc à l'existence de ce liquide intérieur dense qu'est due l'incurvabilité. Si l'on pouvait rendre aux cellules le liquide dense qu'elles ont perdu, on leur rendrait leur faculté de devenir turgides par endosmose implétive, lors do l'a^îcession extérieure de l'eau : on rendrait par conséquent aux valves leur faculté de prendre une incurvation en dedans. C'est effectivement ce que j'ai fait par les deux expériences suivantes. J'ai fait dessécher à l'air libre des valves de péricarpe de balsamine, en ayant soin de les empêcher de se tortiller, et de les conserver dans la rectitude. Lorsque cette dessication me parut à peu près com- plète, j'achevai de la déterminer à l'aide de la chaleur douce du feu. Les valves ainsi desséchées étaient devenues cassantes et friables. J'en plongeai quelques-unes dans l'eau; elles s'imbibèrent jusqu'à saturation, et demeurèrent droites dans l'état de flaccidité. Je plongeai plusieurs autres de ces valves dans de l'eau très sucrée; elles s'imbibèrent de ce liquide dense jusqu'à saturation, et demeurèrent de même dans l'état de rectitude et de flaccidité. Lorsque je jugeai que les cellules composantes de leur tissu avaient absorbé par irabibition du liquide sucré autant qu'elles pouvaient le faire, en vertu LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. de leur simple capillarité, je plongeai ces valves dans Feau; elles ne tardèrent pas à l'absorber par l'effet de l'endosmose implétive, provoquée par la présence d'un liquide dense dans les cellules; leur tissu cellulaire devint turgide, et l'incurvation des valves en dedans eut lieu de la même manière que dans l'état naturel. Je transportai ces valves dans du èirop de sucre, elles se roulèrent en dehors; je les replaçai dans l'eau, elles se courbèrent de nou- veau en dedans; en un mot, ces valves avaient repris leur incurvabilité par une sorte de résurrection ; seulement leur incurvation n'avait pas autant de force d'élasticité que dans l'état naturel. Je viens d'exposer comment l'immersion alter- native, souvent répétée dans le sirop et dans l'eau, avait fini par soutirer la plus grande partie du liquide organique dense que contenaient originaire- ment les cellules, en le remplaçant par de l'eau. Il résultait de là l'impossibilité au tissu de la valve de reprendre dorénavant son état turgide, et par conséquent son incurvation en dedans; mais, en abandonnant longtemps dans le sirop ces valves ainsi privées de leur liquide dense naturel, ce liquide sucré tend à les pénétrer par imbibition. Les cellules s'en remplissent, en sorte qu'au bout de huit à dix jours, si l'on transporte ces valves dans l'eau, elles quittent leur incurvation en dehors, et reprennent leur incurvation naturelle en dedans; elles ont récupéré leur incurvabilité en récupérant un liquide dense dans l'intérieur de leurs cellulee. Il résulte de ces observations, que les valves du péricarpe de la balsamine possèdent une faculté 10 T-ES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. d'incurvation élastique qui résulte de l'état turgide par endosmose implétive d'un tissu cellulaire à cellules larges et rares au côté convexe, petites et serrées au côté concave. C'est l'accession extérieure de l'eau sur ces cellules remplies d'un liquide organique dense, qui détermine l'endosmose implé- tive de ces cellules, et par conséquent l'exercice de l'incurvabilité, dont le mécanisme se trouve ainsi dévoilé. Dans l'état naturel, c'est la sève lympha- tique ascendante, qui n'est presque que de l'eau pure, qui remplit ici le rôle de liquide extérieur, dont l'accession provoque l'endosmose implétive des cellules. On peut se convaincre de cette vérité, en laissant flétrir un rameau de balsamine détaché de la plante et chargé de fruits. En perdant une partie de l'eau qui les rend turgides, les valves des péri- carpes perdent une partie do leur incurvabilité ; elles la récupèrent en plongeant l'extrémité du rameau dans l'eau. Ce liquide, pompé par la tige, arrive par les canaux lymphatiques jusqu'aux cellules des valves, et son accession extérieure dé- termine leur endosmose implétive, et par conséquent le retour de leur état turgide, ce qui ramène leur incurvabilité. Il était important d'apprécier l'action des diffé- rents agents chimiques sur l'incurvabilité végétale. Je me suis assuré que les acides affaiblis augmen- taient la force de la tendance à l'incurvation dans les valves de la balsamine. Ainsi, en plongeant une de ces valves dans l'eau pure, elle prenait un degré déterminé d'incurvation; si j'ajoutais à l'eau une petite quantité d'acide sulfurique, nitrique ou LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. H hydro-chlorique, Tincurvation de la valve devenait à l'instant plus profonde; mais l'incurvabilité de cette valve était altérée, en sorte qu'en la trans- portant dans du sirop de sucre, elle se redressait, mais sans se rouler en spirale en dehors, comme cela a lieu ordinairement. Si l'action de cet acide affaibli était plus longue, la valve perdait entière- ment la faculté de se redresser dans le sirop ; son incurvabilité était complètement détruite. Ce phé- nomène était le résultat de la coagulation du liquide intérieur des cellules, coagulation opérée par l'action de l'acide. Alors les cellules ne conte- naient plus un liquide dense, mais simplement un coagulum; elles étaient par conséquent incapables d'exercer l'endosmose, dès lors l'incurvabilité était abolie. L'immersion suffisamment prolongée d'une valve de péricarpe de balsamine, dans l'alcool, produit de même, et par la même raison, l'abolition de son incurvabilité. L'immersion, suffisamment prolongée dans une solution de potasse caustique, anéantit également l'incurvabilité de ces valves, et cela autant par l'altération chimique de leur tissu, que par celle de leurs liquides intérieurs. Je mis quelques valves de balsamine dans un verre d'eau, à laquelle j'avais ajouté trois gouttes d'hydro-sulfure d'ammoniaque. Les valves se cour- bèrent d'abord profondément en dedans; deux jours après, leur incurvation était beaucoup diminuée. Je les transportai dans Teau pure; elles y demeu- rèrent immobiles. Je les transportai dans du sirop de sucre; elles se redressèrent jusqu'à la rectitude seulement, et ne se courbèrent point en dehors, 12 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. comme cela a lieu ordinairement : remises dans l'eau, elles affectèrent une courbure très légère en dedans. Ces valves étaient véritablement dans un état d'engourdissement ou de stupéfaction, et cependant elles avaient conservé leur apparence dQ vie; elles n'avaient point perdu leur couleur verte, comme cela avait lieu lors de l'abolition de l'incur- vabilité de ces valves par des acides, par des alcalis ou par l'alcool. Mécanisme du mouvement dans les péricarpes du momordica elaterium. Le fruifc du momordica elaterium, à l'époque de la maturité, se détache de son pédoncule. A l'instant de cette séparation, le liquide contenu dans la cavité centrale du fruit est expulsé avec violence, mêlé avec les graines, par l'ouverture qui provient de la séparation du pédoncule. A la seule inspection de ce phénomène, on peut juger qu'il y a là une contraction des parois de l'organe creux sur le liquide contenu dans sa cavité. J'avais d'abord été porté à douter de ce fait; mais l'observation m'a ramené à le reconnaître. Il ne m'a fallu pour cela que mesurer d'une manière exacte les deux dia- mètres du fruit ellipsoïde, avant et après son évacuation. Ce fruit, après qu'il a expulsé son liquide central et ses graines par une violente expulsion, se trouve diminué environ d'un neuvième dans son petit diamètre, et environ d'un douzième dans son grand diamètre. J'ai pris ces mesures d'une manière extrêmement exacte, avec un compas de tourneur. Il n'y a donc point de doute; il y a ici LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 13 une sorte de contraction ; Torgane oreux s'est resserré sur lui-même dans tous les sens pour expulser le liquide contenu dans sa cavité. Il s'agit actuellement de rechercher le mécanisme de cette contraction afin de savoir si elle offre de l'analogie avec la contraction musculaire des animaux. Avant sa maturité, le fruit du momordica ela- terium ne manifeste aucune tendance à expulser le liquide, alors peu abondant, qui existe dans sa cavité centrale. Cependant, ce fruit vert donne des marques très sensibles d'incurvabilité. Si l'on en coupe une tranche longitudinale, comme on coupe une côte de melon, cette tranche se courbe profondé- ment sous forme d'un croissant : cette incurvation augmente encore eu plongeant la tranche dans l'eau. Si l'on coupe le fruit par tranches circulaires transversales, et qu'on divise chacune de ces tran- ches circulaires en deux demi-cercles, chacun de ces demi-cercles se courbe profondément, jusqu'à former un petit cercle complet : cette incurvation augmente par l'immersion dans l'eau. Ainsi, il y a dans lo fruit vert du momordica elaterium, une tendance générale à l'incurvation : cette tendance, loin de comprimer le liquide central, tend au contraire à lui faire plus de place, puisque par elle le petit diamètre du fruit tend à s'agrandir. Ce n'est donc point cette tendance à l'incurvation qui comprime ce liquide, et qui l'expulse à l'époque de la maturité. Effectivement, à cette époque et après l'expulsion du liquide central, les tranches longi- tudinales du fruit ne tendent plus à se courber en dedans sous forme de croissant. Elles conservent 14 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. leur rectitude, même lorsqu'on les plonge dans l'eau. Ainsi, il y a eu un changement extrêmement notable dans le mode de l'incurvabilité du fruit, comparé dans ses deux états de fruit vert et de fruit mûr. Il s'agit de déterminer, par l'expérience et par l'observation, quel est ce changement survenu. Le tissu du fruit, examiné au microscope, se trouve spécialement composé de oelluleis agglomérées. Ces cellules vont en décroissant de grandeur de la cir- conférence au centre. C'est cette grandeur décrois- sante des cellules qui se retrouve ici comme dans les valves du péricarpe de la balsamine, qui déter- mine de même la tendance à l'incurvation en dedans dans le fruit vert; mais cette grandeur décroissante des cellules existe aussi dans le fruit mûr. Pourquoi donc n'existe-t-il plus de tendance à l'incurvation en dedans chez ce dernier ? C'est ce que l'observation va dévoiler. Les cellules qui composent par leur assemblage le fruit du momordica contiennent un liquide orga- nique dense. L'accession extérieure de l'eau ou de la sève lymphatique provoque l'endosmose implétive dans ces cellules, et par suite l'état turgide et l'in- curvation en dedans. C'est pour cela que l'in- curvation d'une tranche de ce fruit augmente en la plongeant dans l'eau. Si on la plonge dans du sirop de sucre, la densité de ce liquide, plus considérable que la densité du liquide intérieur des cellules, provoquera l'endosmose déplétive dans ces cellules, et il en résultera que la tranche perdra son incur- vation en dedans, et prendra une incurvation en dehors. Si l'on répète ce jeu d'incurvations alter- LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 15 natives dans l'eau et dans le sirop, il arrivera à la tranche du fruit ce qui est arrivé dans la même expérience à la valve de péricarpe de la balsamine; elle perdra la faculté de prendre de l'incurvation en dedans, en conservant celle de se courber en dehors. C'est le résultat de la soustraction du liquide dense que contenaient les cellules, soustrac- tion qui a été opérée par l'effet continué de l'en- dosmose déplétive. Or, comme il arrive, lors de la maturité du fruit du înomordica, qu'il a perdu sa faculté de se courber en dedans, et que cependant il conserve ses cellules décroissantes de dehors en dedans, il faut nécessairement que ces cellules aient perdu une grande partie du liquide dense intérieur qu'elles contenaient, lorsque le fruit était vert. L'expérience va déyoiler la cause de cette déper- dition. Le centre du fruit du niomordica elaterium contient une substance organique très singulière, qui ne ressemble à aucun autre tissu végétal. On le prendrait pour un mucus vert fort épais. Vu au microscope, il parait composé d'une immense quan- tité de globules fort petits, agglomérés, tantôt confusément, tantôt de manière à former des stries irrégulières. Cette substance est pénétrée par un liquide blanchâtre, par une sorte d'émulsion, qui est d'autant plus dense, qu'on l'observe à une époque plus voisine de la maturité. Ce liquide aqueux s'épanche aussitôt qu'on ouvre le fruit vert. Au microscope, on voit des globules presque imper- ceptibles qui nagent dans ce liquide; à l'époque de la maturité, ce liquide blanchâtre est beaucoup plus 16 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. abondant, et en même temps beaucoup plus dense; les globules qu'il tient en suspension sont devenus beaucoup plus gros. Les graines détachées du fruit nagent dans oe liquide central, qui, par sa densité considérable, provoque l'endosmose déplétive des cellules qui composent le tissu du fruit; dès lors le liquide organique qui remplit ces cellules tend, par l'effet de l'endosmose déplétive, à s'écouler vers le liquide central, dont la densité est supérieure à la sienne. Cette endosmose déplétive fait cesser la ten- dance à l'incurvation en dedans, qui existait dans toutes les parties du fruit, qui se trouve alors dans le même cas que s'il était en contact avec du sirop de sucre : ses côtés tendent alo:s à la rectitude. La masse du liquide central est augmentée par l'addition du liquide qu'il soutire des cellules. Les côtés du fruit sont courbés mécaniquement en dedans par cette accumulation de liquide dans sa cavité; et comme ces côtés tendent avec force à la rectitude, ils pressent avec violence le liquide central, et ils le chassent rapidement dès qu'une issue lui est offerte. Cette expulsion n'est pas l'effet de la seule tendance à la rectitude des côtés du fruit; elle est aussi l'effet de la diminution de la capacité de sa cavité centrale, par sa contraction générale. Ces deux effets dépendent de la même cause, c'est-à-dire de l'endosmose déplétive des cellules, produite par l'accession extérieure du liquide central, plus dense que ne l'est le liquide qui remplit ces mêmes cellules. La vérité de cette assertion est prouvée par l'expérience suivante. J'ai pris un nombre suffisant de fruits parvenus LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 17 à leur maturité, et j'ai recueilli dans un vase le liquide central qu'ils expulsaient, mêlé aux graines; alors j'ai pris un fruit vert, et je l'ai coupé par tranches longitudinales; chacune de ces tranches s'est courbée en croissant, en dedans, comme à l'ordinaire, et cette incurvation s'est aug- mentée dans l'eau : c'était l'effet naturel do l'en- dosmose implétive. Alors j'ai transporté ces tranches dans le liquide que j'avais recueilli; elles n'ont pas tardé à diminuer do courbure; ensuite elles se sont redressées complètement; enfin, elles se sont un peu courbées en dehors. Il est prouve par cette expé- rience, que le liquide central du fruit mûr agit comme cause d'endosmose déplétive sur les cellules qui composent le tissu du fruit, ce qui prouve que ce liquide est plus dense que ne l'est le liquide qui remplit ces cellules. C'est donc l'accession ou le contact de ce liquide central, devenu très dense, qui fait cesser la tendance générale à l'incurvation en dedans, qui existait dans le fruit vert, par l'effet de l'endosmose implétive des cellules, et qui lui substitue une tendance générale au redressement et à l'incurvation en dehors, par l'effet de l'endosmose déplétive de ces mêmes cellules. Ainsi, il y a deux phases dans l'incurvabilité du fruit du momordica elaterium^ savoir : une ten- dance à l'incurvation en dedans par effet d'endos- mose implétive dans le fruit vert, et une tendance à l'incurvation en dehors par effet d'endosmose déplétive dans le fruit mûr. Ce changement ne reconnaît d'autre cause que l'augmentation sur- venue dans la densité du liquide qui occupe la cavité centrale du fruit. 18 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. Il résulte de ces observations que les valves du péricarpe de la balsamine et le fruit du momordica eloteriuin possèdent une incurvabilité à laquelle se joint une sorte de contractilité. L'incurvabilité dépend de la grandeur décroissante des cellules qui composent le tissu incurvable; ce tissu offre, d'un côté, de la capacité en plus, et de l'autre côté de la capactté en moins. Ces cellules contiennent un liquide organique d'une densité toujours supérieure à celle de l'eau.,; lorsqu'elles subissent l'accession extérieure de l'eau ou de la sève lymphatique, qui diffère peu de l'eau pure, ces cellules éprouvent l'endosmose implétive, et le tissu se courbe, de manière que les plus grandes cellules occupent le côté convexe. Lorsque ces cellules subissent l'ac- cession d'un liquide plus dense que celui qu'elles contiennent, elles éprouvent l'endosmose déplétive, et il en résulte deux effets; le premier est l'incur- vation du tissu, en sens inverse de celui qui avait lieu par endosmose implétive; alors ce sont les plus petites cellules qui sont au côté convexe ; le second effet est la contraction ou plutôt le raccourcisse- ment du tissu : c'est le résultat nécessaire de l'éva- cuation partielle de toutes ses cellules composantes. Par cette déplétion générale, le tissu devient moins volumineux, ou, en d'autres termes, il se contracte, mais cette contraction n'a rien de commun avec la contraction musculaire des animaux. § III. — Mouvements de la torsion. Les mouvements dont le mécanisme vient d'être étudié s'opèrent par incurvation; ce mode de mou- LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 19 vement est le plus général chez les végétaux; un second mode de mouvement, qui s'observe moins fréquemment chez eux, est le mouvement de torsion. Toutes les tiges grimpantes volubiles sont tordues sur elles mêmes, et j'ai observé que, le plus souvent, le sens de la spirale que forme la tige par sa torsion sur elle-mên)e, est opposé au sens de la spirale que forme la tige volubile autour du support qu'elle enveloppe. Si ce fait était général, on serait en droit de considérer la disposition volubile de la tige, autour de son appui, comme le résultat néces- saire de sa torsion sur elle-même, dans un sens opposé à celui de sa spire volubile. En effet, l'en- chaînement de ces deux phénomènes est facile à saisir. On sait que pour faire une corde composée de deux cordelles, par exemple, on commence par tordre sur elles-mêmes et dans le même sens les deux cordelles, ensuite, en les rapprochant latéralement, on les tord l'une sur l'autre en sens inverse de celui dans lequel est opérée la torsion de chacune des cordelles; alors chacune de ces dernières offre une disposition en spirale qu'elle tend à prendre spon- tanément par le seul fait de sa jonction à sa congénère, et sans y être forcée par la torsion secon- daire qu'opère le cordier et qui ne fait que secçnder la disposition naturelle qu'ont ces deux cordelles à être volubiles l'une à l'égard de l'autre. Or, on observe une succession exactement semblable de phénomènes, en associant latéralement deux tiges d'une plante volubile quelconque, deux tiges de houblon, par exemple. La tige du houblon, vue de l'axe central de cette tige, se tord sur elle-même 20 LKS MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFtQfJE. de droite à gauche; en associant deux de ces tiges qui se développent accolées, elles se disposent Tune sur l'autre en spirale dirigée de gauche à droite, en sorte qu'elles représentent très exactement une corde composée de deux cordelles. Si au lieu d'asso- cier deux tiges de houblon, on associe une seule de ces tiges à un bâton vertical, la tige de houblon enveloppera ce bâton inflexible par sa même spirale dirigée de gauche à droite. C'est exactement pour une seule tige le même phénomène que celui qu'elle présentait lorsqu'elle était associée à une autre tige, sa disposition est la même; le bâton occupe alors l'axe très grossi de la spire; il est entendu que, pour juger de la direction de cette spire, il faut la supposer vue de cet axe; or les mêmes phénomènes s'observent chez toutes les autres plantes volubiles. Ainsi le chèvrefeuille (linocera caprifolium) tord sa tige sur elle-même de droite à gauche, cette tige est volubile en sens contraire, c'est-à-dire de gauche à droite de même que le houblon; il en est de même du tamus communis. Le convolvulus purj)ureus (ipomea vurpurea Lam.) tord sa tige sur elle-même de gauche à droite; cette tige est volubile de droite à gauche; la même chose a lieu chez le convolvulus sepium et chez le convolvulus arvensis; mais cepen- dant il arrive souvent que chez ces deux derniers convolvulus, la torsion de la tige sur elle-même offre une spirale dirigée dans le même sens que celui de la spirale volubile, c'est-à-dire également de droite à gauche, en sorte que cela infirmerait la règle géné- rale que je viens d'établir touchant l'opposition du sens de la spirale opérée par la torsion de la tige LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 21 sur elle-même et du sens de la spirale opérée par la disposition volubile de cette tige; toutefois, ce fait n'infirme point complètement la loi dont il est ici question, puisqu'il arrive souvent que chez ces convoluulu^ le sens de la torsion de la tige sur elle- même est opposé au sens de la spirale volubile de cette tige, en sorte que le cas contraire, qui se pré- sente souvent aussi à l'observation, peut être consi- déré comme une aberration dont la cause n'est pas connue. Si donc l'on admet que la torsion de la tige sur elle-même, dans un sens déterminé, est la cause de la disposition volubile de cette tige en sens opposé, il ne s'agira que de déterminer la cause du premier phénomène pour avoir, par un enchaîne- ment nécessaire, la cause du second. Pour nous faire une idée de la cause à laquelle est due la torsion d'une tige sur elle-même, supposons que le déve- loppement en longueur de son système central, soit inférieur au développement en longueur de son système cortical; ce dernier, par le fait de son excès d'allongement, devra ou bien se plisser par plis transversaux ou bien disposer ses fibres obliquement et en spirale en se tordant sur lui-même, et en entraînant avee lui le sj^stème central dans sa torsion. J'ai observé le plissement sur lui-même, du système cortical, par l'effet de l'excès de son déve- loppement en longueur, chez les racines du lis blanc {lilium candidum), cela n'a lieu que lorsque ces racines annuelles sont déjà vieillies, et vers le mois de septembre. Ce fait, qui prouve que le système cortical peut acquérir plus de longueur que le système central, permet de penser que c'est à une 22 I-ES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. cause semblable, mais qui est suivie d'un effet diffé- rent, qu'est due la torsion, sur elle-même, de la tige de certaines plantes volubiles. Il me reste à prouver, par l'expérience, qu'un semblable effet peut être dû à une semblable cause. Si l'allonge- ment plus considérable dans la partie superficielle que dans la partie centrale est de nature à produire la torsion d'un caudex végétal, le même effet devra être produit par le raccourcissement plus considé- rable dans la partie centrale que dans la partie superficielle. Or l'observation m'a fait voir l'exis- tence de ce dernier fait, leqiieî implique nécessaire- ment la réalité de l'existence du premier. Les feuilles calicinales ou les sépales du salsifis {trago- pogoii porrifolium) sont fort allongées; leur nervure médiane est assez grosse et leur limbe foliacé est très étroit. Ces feuilles étant séparées du calice et abandonnées à la dessiccation, se tordent sur elles- mêmes et représentent alors une sorte de colonne torse. Cela provient de ce que le centre de leur nervure médiane contient de gross-es cellules remplies de liquide aqueux, et de ce que la partie la plus superficielle de cette même nervure est occupée par de petites cellules remplies de liquide aqueux et de matière verte. La dessiccation fait perdre plus de longueur aux rangées de grosses cellules centrales qu'aux rangées de petites cellules superficielles, et comme toutes ces rangées sont intimement adhé- rentes, il en résulte que les plus longues qui sont en dehors doivent se courber obliquement en spirale, tandis que les plus courtes qui sont en dedans doivent conserver leur disposition en ligne droite, LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 23 nais être tordues sur elles-mêmes par l'effort que 'ont, dans ce sens, les rangées extérieures qui les entraînent de force dans ce mouvement de torsion. [1 me paraît que c'est par un mécanisme analogue ïue certaines tiges volubiles se tordent sur elles- nêmes; chez elles la torsion ne provient point, îomme chez les sépales du salsifis, d'un excès de 'accourcissement dans leur partie centrale, mais )ien d'un excès d'allongement dans leur partie juperficielle, ce qui produit exactement le même jffot, c'est-à-dire, la torsion sur lui-même, du caudex ,'égétal. On voit en effet que dans les tiges volubiles, iordues sur elles-mêmes, la partie centrale n'a point les organes cellulaires déprimés et raccourcis. C'est iono bien réellement la partie corticale qui a pris in excès d'allongement dont l'existence est prouvée par le fait même de la disposition oblique et ;piralée de ses faisceaux fibreux. Il arrive quelquefois que le tronc des arbres est iordu sur lui-même, en sorte que les fibres ligneuses iont disposées en spirale; cela est fréquent chez le irunier {prunus domestica) ; j'ai observé que la ;orsion de cet arbre avait lieu tantôt de droite à gauche, tantôt de gauche à droite, il ne me paraît îas douteux que cette torsion ne se soit opérée par n mécanisme analogue à celui que je viens d'ex- )oser. Ce sont peut-être ici les couches nouvelles 'aubier qui prennent un accroissement, en lon- ueur, plus grand que celui des couches plus .nciennes. La disposition des tiges en spirale s'opère très videmment quelquefois par un mécanisme différent 3 Fig. 1. — Portion de tige de mimosa entada. Sa partie inférieure a est coii- lournée en spirale de gau- the à droite, sa partie su- périeure b est contournée en spirale de droite à gauche. Les bourgeons oo suivent la direction de ces deux spirales. LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. de celui que je viens d'indiquer. Le mimosa entada Willd. en offre un exemph très remarquable. Cet arbuste grimpam qui habite les régions intertropicales oiffre dans sa tige volubile des spires qu sont alternativement dirigées de droit* à gauche et de gauche à droite, commi on le voit dans la figure 1. La spire de h partie a de cette tige volubile est dirigéi de gauche à droite; cette direction de li spire change en c et prend la directioj de droite à gauche dans la partie h. L même changement de direction de la spir s'ob&crve en d, en sorte qu'il est bien évi dent que des spirales inverses occupen alternativement toute la longueur d cette tige volubile. J'ai remarqué qu dans la spire qui s'étend sans changemeri de direction de d en c, la tige possèd cinq bourgeons, lesquels indiquent i( l'insertion des cinq feuilles dont se con pose la spirale la plus ordinaire, suivar laquelle les feuilles sont disposées sur le tiges végétales. Ici, c'est-à-dire en c figure 1, la spirale des feuilles est dirige de gauche à droite, ce qui est aussi ] sens de la direction de la spiral qu'affecte cette partie de la tige volubil Plus haut, c'est-à-dire en 6, la spira des feuilles change et se dirige de droii à gauche, ce qui est aussi le sens c la direction do la spirale qu'affeci LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 25 cette partie h de la tige volubile ^^\ Ainsi le chan- gement de direction do la spirale des feuilles entraîne ici le changement de direction de la spirale qu'affecte la tige volubile. Cette dernière est forte- ment excentrique, comme on le voit par sa coupe transversale représentée par la figure 2. La moelle a entourée d'une mince couche ligneuse concen- T. 2 Fio. 2. — Coupe horizontale de cette même tige qui est très excen- trique. Sa moelle est en a, elle est recouverte par une couche mince de tissu fibreux h. o, est un des bourgeons de cette tige. trique 6, est placée tout à fait latéralement dans cette tige excentrique dont la partie ligneuse c s'eist presque exclusivement développée sur un seul de ses côtés. Le bourgeon o indique la place qu'occupait une dès feuilles. Ainsi, il paraît certain que c'est ici la disposition des feuilles en spirales alternative- Ci) [Voir le Mémoire de Dutrochet, VarUitions accidentelle» de }4t disposition des feuilles in Mémoires, t. I, p. 247. Paris, 1837.3 26 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. ment inverses, qui a occasionné le contournement de la tige en spirales qui sont de même alternative- ment inverses. Il est infiniment probable que dans l'origine, cette tige n'était point excentrique comme elle l'est dans l'exemple qui est figuré ici; elle devait consister alors seulement dans la partie cylindrique dont la coupe transversale est représentée en ab (figure 2), partie qui forme seulement le cordon spi- rale et extérieur, qui porte les bourgeons o oo dans la figure 1. Ce cordon spirale était la tige primi- tive. Il n'y a point eu d'accroissement en diamètre au côté convexe de cette tige> spiralée primitive, côté qui porte les bourgeons et qui par conséquent portait les feuilles, mais, par contre, il s'est opéré un accroissement excessif en diamètre sur cette tige primitive au côté concave de la spire qu'elle affecte; c'est cet accroissement en diamètre du côté concave de la tige spiralée qui a produit la partie ligneuse dont la coupe transversale est représentée en c (figure 2), l'écorce i de cette tige a partout à peu près la même épaisseur. Il ne paraît pas facile de déterminer pourquoi c'est exclusivement le côté concave de la tige spiralée qui s'accroît en diamètre. Je me bornerai à faire observer que ce fait est en contradiction avec toutes les théories qui ont fait dériver les inflexions spontanées qu'affectent, dans certains cas, les tiges végétales de l'excès de la nutrition de l'un de leurs côtés sur la nutrition du côté opposé, admettant qu'en pareil cas, c'est le côté le plus fortement nourri qui s'allongerait le plus, et qui par conséquent occuperait la convexité de la courbure. Ici, c'est l'inverse qui a lieu; c'est le LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 27 îôté lo plus fortement nourri et le plus développé ïui occupe la concavité de la courbure. Pourquoi, îhez le mimosa entada, la disposition spiralée des 'euilles détermine-t-elle le contournement en spirale le la tige, tandis que cela n'a point lieu chez tant î'autres végétaux dont les feuilles sont disposées en ipirale 1 Cela tient très certainement à une parti- îularité d'organisation chez le mimosa entada^ particularité qui ne pourrait être étudiée qu'en )bservant ce végétal à l'état de vie. Les vrilles de a briono (hrionia alha L.) offrent aussi des spirales iuccessives dont le sens est alternativement de droite i gauche et de gauche à droite. C'est, je crois, le seul ■égétal de nos climats qui offre ce phénomène dont a cause organique est inconnue. D'après l'observation qui prouve que chez le nimosa entada la spirale de la tige volubile est lirigée dans le sens même de la spirale qu'affectent es feuilles, il serait permis de soupçonner qu'il en serait de même chez les autres végétaux dont les iges sont volubiles, mais l'observation ne confirme Doint cette prévision. Ainsi, par exemple, chez le 'amus com,m,unis la spirale des feuilles est dirigée ie droite à gauche, et la spirale de la tige volubile ist dirigée de gauche à droite. La direction de la jpirale des feuilles n'est pas toujours facile à voir 5ur les tiges volubiles, parce que ces tiges sont tou- jours tordues sur elles-mêmes; mais on peut les camener par la pensée à l'état d'absence de torsion, 5n observant les rapports des insertions des feuilles ivec les lignes spiralées que décrivent sur la tige bordue les fibres qui, sans cette torsion, auraient été longitudinales. 28 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. ^ Le mécanisme qui préside à l'exécution des mou- vements que je viens d'étudier, mouvements dan» lesquels la vitalité de la plante ne parait point intervenir nécessairement, est également celui qui préside à l'exécution des mouvements vitaux des plantes; ces derniers mouvements, en effet, sont tous dus à Vimplétion ou à la déplétion d'un tissu organique composé d'organes cellulaires ou plus généralement de petite organes creux, ainsi que je le ferai voir, en sorte que tous ceis mouvements vitaux s'opèrent par incurvation ou par torsion. Cependant, je dois dire ici d'avance que ce n'est pas toujours et exclusivement par implétion ou par déplétion d'eau que ces mouvements vitaux s'opèrent; c'est aussi par implétion et par déplétion d'oxygène^ ainsi que je le démontrerai. § IV. — Mouvements végétaux dus A l'hygrométrie. Tous les mouvements purement mécaniques que je viens de passer en revue sont exécutés par des parties vivantes. Or, on observe souvent des mouve- ments semblables dans des parties végétales mortes qui prennent des positions alternativement inverses, suivant qu'elles sont ou desséchées ou pénétrées par l'humidité. La recherche du mécanisme de ces mou- vements ne m'a pas paru dépourvue d'intérêt. Je me bornerai ici à deux exemples. La fleur du xeranthemum lucidum a son calice composé de sépales colorés en jaune; ils sont coriaces et persistants comme le sont en général LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 29 ceux des fleurs qui portent le nom vulgaire d'im- morteUes. Cette fleur se ferme par l'inflexion des sépales vers le centre de la fleur lorsque l'air envi- ronnant lui livre de l'humidité, et elle s'ouvre par l'inflexion de ces mêmes sépales vers le dehors lors- qu'elle perd cette humidité acquise. Ce double mouvement peut s'observer pendant plusieurs an- nées dans ces fleurs mortes que l'on conserve à l'air libre dans un appartement. Ce phénomène provient de ce que les sépales colorés qui exécutent ce double mouvement par les inflexions alternativement in- verses de leur base, possèdent, dans cette partie, des cellules décroissantes de grandeur de dehors en dedans : grandes en dehors ces cellules sont plus petites en dedans, et il en résulte que lorsqu'elles sont gonflées par l'eau, elles courbent le tissu qu'elles composent vers le centre de la fleur ou vers le dedans, et que lorsqu'elles sont affaissées par l'évaporation de l'eau qui les gonflait, elles courbent le tissu qu'elles composent vers le dehors. Le méca- nisme de ce double mouvement est exactement le même que celui qui préside généralement aux mou- vements en sens alternativement opposés que l'on observe chez les végétaux vivants, mais leur cause déterminante n'est point en tout la même. Chez les végétaux vivants la turgescence ou la déplétion des cellules proviennent des variations de l'endosmose; chez les parties végétales mortes la turgescence ou la déplétion des cellules sont des effets d'hygrométrie. Le second exemple que j'ai à citer est relatif aux mouvements qui sont exécutés par les deux valvee des gousses des plantes légumineuses, lorsqu'elles 30 l-ES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. sont frappées de mort après leur maturité. Alors ces valves se séparent l'une de l'autre, et il arrive assez souvent que chacune d'elles tend à se rouler en spirale. Ce phénomène est surtout remarquable chez le pois vivace (lathyrus latifolius) et chez le haricot (phaseolus vulgaris). Lorsque les valves de la gousse sont séparées l'une de l'autre et qu'elles se dessèchent, elles se contournent en spirale, de manière à former un tube assez semblable pour la forme à une trachée (figure 3). Lorsque ces gousses redeviennent humides, elles quittent leur disposition en tube spirale et elles reprennent leur forme ordi- ^ Fio. 3. — Valve de gousse de légumineuse desséchée et contournée en spirale. naire, qui est celle d'un demi-canal ou d'une gout- tière. La cause de ce double phénomène m'a paru curieuse à rechercher. Les valves de la gousse offrent intérieurement une membrane lisse et résistante, en dehors elles possè- dent un tissu parenchymateux que recouvre l'enve- loppe tégumentaire, La membrane interne est composée' de fibres courbes, parallèles les unes aux autres, dont la disposition est très oblique par rapport à l'axe longitudinal de la valve, comme on le voit dans la figure 4 en ah, ah. J'ai indiqué ici par des lignes parallèles la direction de ces fibres que l'on ne voit point à l'extérieur; il faut déchirer LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 31 le tissu de la valve pour apercevoir leur existence; une lanière étroite de valve humide, enlevée selon la direction de ces fibres, étant desséchée, elle se courbe en dehors, en sorte que sa convexité est occupée par la membrane interne de la valve; si on la mouille de nouveau, elle se courbe en dedans, comme elle l'était primitivement, en sorte que sa concavité est occupée par la membrane interne de la valve. Ces deux phénomènes sont tout à fait indépendants du parenchyme qui occupe l'extérieur de la valve; car ils ont lieu de même lorsque ce parenchyme est enlevé : ainsi ils appartiennent entièrement à la membrane fibreuse de la valve. J'ai démontré plus haut qu'un tissu végétal, qui possède d'un côté de grandes cellules, et de l'autre côté des cellules plus petites, se courbe alternativement dans les deux sens opposés, suivant l'implétion ou la déplétion de ses cellules ; or, l'observation micros- copique fait voir que la membrane fibreuse de la valve est composée de tubes fibreux inégaux en grosseur ; les plus extérieurs, ceux qui touchent au parenchyme cortical de la valve, sont plus gros que les tubes fibreux qui sont situés au-dessous et qui t-ouchent à l'épiderme intérieur et extrêmement fin de cette même valve; il résulte de là qu'en imbibant d'eau le tissu membraneux que ces tubes fibreux forment par leur assemblage, ce tissu membraneux se courbera, comme l'expérience le démontre, de manière à ce que les plus gros tubes fibreux occupent la convexité de la courbure, et les plus petits tubes fibreux la concavité de cette même courbure. Lors- que ce tissu membraneux viendra à se dessécher, 32 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. une courbure inverse de ce tissu aura lieu. Ces faits, donnés par la théorie et confirmés par l'ob- servation, étant établis, on voit facilement comment ils produisent tour à tour la disposition de la valve en gouttière et sa disposition en tube spirale. La valve est pliée en forme de gouttière dans son état normal; cette courbure a lieu dans le sens a c, b d (fig. 4) de la largeur de la valve; or, lorsque cette dernière se dessèche, ses fibres courbes paral- lèles ah, ah, tendant à se redresser, et ne pouvant I FiQ. 4. — La même valve à moitié déroulée, pour faire voir le mécanisme de son contournement. opérer cette action, à cause de la grande obliquité de leur courbure particulière avec la courbure en gouttière de la valve; ces fibres parallèles, dis-je, sont amenées par le fait même de leur tendance au redressement, à prendre dans leur ensemble la seule disposition dans laquelle ce redressement pui&se avoir lieu; cette disposition est celle dans laquelle la valve est roulée en spirale tubuleuse; a,lors ces fibres deviennent droites, comme on le voit dans la partie io de la valve, qui offre un commencement de la formation du tube spirale, formation qui est LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. • 33 simultanée dans toute l'étendue de la valve qui se dessèche et que j'ai représentée seulement dans le milieu de cette dernière, afin de mieux faire saisir le mécanisme au moyen duquel s'opère la dis- position de la valve en tube spirale (fig. 3). Dans ce tube, les fibres parallèles de la membrane fibreuse de la valve sont devenues droites et disposées dans le sens de la longueur du tube; elles tendent forte- ment à outrepasser leur redressement et à se courber en dehors, mais leur association, sous forme mem- braneuse, y met obstacle. Si l'on mouille ce tube spirale, ses fibres parallèles et droites tendront à reprendre leur courbure primitive en dedans-^ dès lors la disposition, en tube spirale, disparaîtra, et la valve reprendra sa forme primitive ou sa forme en gouttière. Ces deux phénomènes alterneront autant de fois que la valve sera alternativement desséchée et mouillée; c'est un effet d'hygrométrie et en même temps l'effet d'un mécanisme assez curieux d'organisation. En comparant cette dernière observation à celles qui ont été exposées plus haut, touchant le méca- nisme qui préside à la disposition spiralée chez les végétaux, on voit que les causes qui opèrent cette disposition spiralée ne sont point les mêmes dans toutes les circonstances où cette disposition se mani- feste. DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLAiYfES"' §. I. — Du RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES FLEURS. Lorsqu'une fleur présente successivement les deux états d'épanouissement et d'occlusion, on dit que le premier de ces deux états est son réveil et que le second est son sommeil. Des fleurs, en très grand nombre, ne présentent point de sommeil; elles s'épa- nouissent et conservent cet état jusqu'à la mort de la corolle qui se flétrit et tombe sans s'être préala- blement fermée; il y a des fleurs qui n'ont qu'un seul réveil qui est leur épanouissement, et qui n'ont qu'un seul sommeil qui précède immédiatement la mort de la corolle : telles sont les fleurs des mira- bilis, des convolvulus, etc.; il y a enfin des fleurs qui présentent pendant plusieurs jours les alter- natives des deux positions de réveil et de sommeil. Les fleurs de beaucoup de synanthérées sont dans ce cas. Les phénomènes du réveil et du sommeil des plantes, et spécialement de leurs fleurs, ont frappé très certainement dans tous les temps les yeux les (1) Ce mémoire, inédit jusqu'à ce jour, a été communiqué à l'Académie des Sciences de l'Institut dans ses séances des 14 et 21 novembre 1836. 36 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. moins observateurs; mais c'est Linné qui, le premier, les a étudiés, sous le point de vu© scientifique, sans cependant avoir recherché leur cause. Il s'est contenté de noter les heures diverses auxquelles les fleurs s'épanouissent et se ferment ; c'est avec le résultat de ces observations qu'il a composé ce qu'il a nommé Vhorloge de flore, et qui est connue de tous ceux qui s'occupent de l'étude des plantes. Le réveil et le sommeil des fleurs n'a été étudié depuis que par M. de Candolle ^^^ Cet habile observateur, en soumettant pendant la nuit, à une lumière artifi- cielle, des fleurs susceptibles de sommeil, et en les mettant, pendant le jour, dans l'obscurité, parvint quelquefois à intervertir les époques de leur réveil et de leur sommeil. Ainsi il vit des fleurs de mira- hilis jalappa s'ouvrir le matin et se fermer le soir, ce qui est l'inverse de ce qui a lieu dans l'état naturel; il vit Vornithoyalum umhellatum ouvrir constamment ses fleurs, à l'heure quelconque, où il se trouvait soumis à l'influence de la lumière artifi- cielle et les fermer lorsqu'il était replacé dans l'obscurité. Malgré beaucoup d'irrégularités, que M. de Candolle observa chez beaucoup d'autres fleurs soumises aux mêmes expériences, l'ensemble des faits lui démontra que la présence et l'absenoe alternatives de la lumière sont les causes véritables des mouvements qu'exécutent les fleurs pour prendre les positions qui constituent leurs états successifs de réveil et de sommeil; mais il ne détermina point comment la lumière agit, par sa présence, pour (1) Influence de la lumière artificielle sur les végétaux (Mém&irea de l'Institttt, savants étrangers, t. I, p. 335). LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 37 produire l'un de ces phénomènes, ni comment son absence détermine le phénomène opposé. En 1831 j'exposai quelques expériences sur ce point, si obscur et cependant si important, do la physiologie végé- tale; je fis voir que dans le vide de la pompe pneu- matique, les fleurs susceptibles de sommeil et de réveil conservent constamment celui de ces deux états qu'elles possèdent lorsqu'elles y sont placées. En vain alors une fleur, dans l'état de sommeil, est exposée à la lumière et même aux rayons solaires, elle ne quitte point cet état; en vain alors arrive l'obscurité de la nuit, elle ne détermine point le sommeil d'une fleur qui a été placée dans le vide pendant son état de réveil. J'ai fait ces expériences sur les fleurs du leontodon taraxacum, du sonchus oleraceus et du convolvulus arvensis. Ces fleurs avaient alors leurs pédoncules plongés dans l'eau, afin d'entretenir leur vie et leur fraîcheur, les deux premières, qui appartiennent aux synanthérées et qui vivent pendant plusieurs jours, ont pu seules "m'offrir la persistance du sommeil des fleurs dans le vide; la dernière, dont les fleurs ne vivent qu'un seul jour, n'a pu m'offrir que la persistance dans le vide de l'état de réveil, car leur sommeil est égale- ment persistant à l'air libre; il précède la mort de la corolle. J'avais conclu de ces observations, isolées et fort incomplètes, que l'air contenu dans les organes aérifères ou pneumatiques des plantes joue un rôle important dans les phénomènes de leur réveil et de leur sommeil. Les observations qui vont suivre confirmeront ce premier aperçu. Pour arriver à la connaissance du mécanisme 38 LES MAÎTRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE. intimô qui préside aux actions organiques qui produisent le réveil et le sommeil des fleurs, j'ai dirigé d'abord mes recherches sur les fleurs qui n'offrent qu'un seul réveil qui est leur épanouisse- ment et qu'un seul sommeil qui précède la mort de leur corolle. Parmi les fleurs qui sont dans ce cas, j'ai choisi pour sujets d'étude la fleur du mirabilis jalappa, du wArahilis longifio7'a, et celle de Vipomea purpurea Lam. (convolvulus purpureus L.). On sait que les corolles des mirabilis (belles de nuit) s'épanouissent le soir et se ferment le lende- main matin, lorsque la lumière devient vive. Mais elles restent épanouies jusque dans Taprès-midi, si le soleil est caché par d'épais nuages, en sorte qu'il paraît bien évident que c'est la lumière qui déter- mine l'occlusion ou le sommeil de leur corolle. La fleur de Vipomea purpurea s'épanouit vers le milieu de la nuit, et elle conserve cet état de réveil jus- qu'au soir du jour qui suit; alors arrive son occlu- sion ou son sommeil, qui a lieu exactement de la même manière que celui de la corolle des mirabilis, c'est-à-dire en roulant les bords de la corolle en dedans ou vers sou centre. J'ai fait marcher de concert mes expériences sur le mécanisme organique qui opère le réveil et le sommeil de Vipomea pur- purea, du mirabilis jalappa et du mirabilis longi- fiora. Il y a, comme on s'en doute bien, une simili- tude parfaite sous le point de vue de ce mécanisme organique entre les deux mirabilis dont le réveil est nocturne; mais Ton sera étonné de voir que ce méca- nisme est exactement le même chez Vipomea dont le réveil, nocturne d'abord, se prolonge pendant LES MOUVEMENTS DES VÉGÉTAUX. 39 toute la durée du jour. Je commence par étudier la fleur du mirabilis jalappa que je prends pour spécimen, tout ce que j'en dirai s'appliquant de' même au mirabilis longiflora. La corolle infundibuliforme et monopétale de» mirabilis peut être considérée comme formée par la soudure de cinq pétales qui ont chacun leur nervure médiane. Ces cinq nervures, qui font saillie à la face externe de la corolle, soutiennent le tissu mem?- braneux de cette dernière comme les fanons de baleine d'un parapluie en soutiennent l'étoffe, et ce sont elles exclusivement qui, par leurs incurvations spontanées, opèrent l'épanouissement de la corolle ou son réveil, et qui opèrent subséquemment son occlusion ou son sommeil; dans le premier cas, les cinq nervures se courbent en dehors, dans le second elles se courbent en dedans en se plissant en zigzag, et par ce mécanisme elles entraînent avec elles le tissu membraneux de la corolle jusqu'à l'orifiœ de son canal tubuleux où ce tissu membraneux demeure chiffonné et en bouchon. Ce plissement en zigzag des nervures est produit, comme on le verra plus baSj par leur tendance à l'incurvation en spirale en? dedans. Le tissu membraneux de la corolle auquel les nervures sont organiquement liées, les empêchant de se rouler en spirale uniforme en dedans, les diverses portions de leur longueur se courbent isolément, en sorte qu'il y a une certaine quantité d'arcs les uns à la suite des autres et tous produits par une tendance à l'incurvation dans le même sens^ c'est-à-dire en dedans. Ces arcs, dans les endroits où ils sont contigus, forment des angles, ou pré- 4 40 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. sentent des flexions de la nervure en sens opposé à celui de l'incurvation spontanée de chacun de ces arcs ; mais ces fieaions de la nervure ne sont point des incurvations spontanées ; ce sont des flexions opérées mécaniquement par l'effet des obstacles qui s'opposent à l'incurvation en dedans de la nervure suivant urbe spirale régulière et concentrique, et qui ne permettent que l'incurvation irrégulière des diverses portions de son étendue. Ainsi la nervure fléchie en zigzag ou courbée sinueusement possède cet état, parce que la moitié du nombre de ses arcs possède une incurvation spontanée qui résulte de l'organisation de ces arcs, et parce que l'autre moitié du nombre de ses arcs, tournés en sens inverse des premiers, possède une flexion mécanique opérée de force et contradictoirement au mode naturel de tendance à l'incurvation que possède généralement la nervure. Le plissement eil zigzag des nervures n'est donc point le produit direct de l'action orga- nique, laquelle ne tend, dans le cas dont il s'agit, qu'à courber régulièrement les nervures en spirale concentrique en dedans. Avant l'épanouissement ou lorsque la fleur est encore en bouton qui doit s'épanouir sous peu, les mêmes nervures sont aussi légèrement courbées en dedans, en sorte que la portion de la corolle qui doit subséquemm.ent être évasée est alo; s renflée en massue. Les figures 1, 2 et 3 représentent les trois états successifs de bouton, à^ épanouissement et ô! occlusion de la corolle du mirabilis jalappa. Pour parvenir à la connaissance du mécanisme organique au moyen duquel s'opèrent les inflexions successives DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 41 des nervures de cette corolle, inflexions auxquelles sont dus les trois états successifs qu'elle présente, j'ai dû d'abord étudier la structure intérieure de 3es nervures. Ayant donc isolé une de ces nervures du tissu membraneux de la corolle, je l'ai fondue en deux longitudinaloinent et dans le sens du diamètre de la corolle, et j'ai soumis au microscope cette P..2 F. 1 F. 5 FiG. 1. — Fleur en bouton de mirabilis jalappa. Fio. 2. — Même fleur épanouie, ou dans l'état de réveil. FiG. 3. — Même fleur fermée, ou dans l'état de sommeil. moitié transparente de nervure couverte d'un peu d'eau afin d'augmenter sa transparence. Je dois dire que, pour plus de facilité, je me suis adressé à la variété de cette fleur qui est panachée de rouge et dû blanc, en sorte que ce sont des nervures incolores que j'ai observées d'abord. Lorsque les nervures sont rouges, leur transparence est moindre, mais je l'ai rendue égale à celle des nervures incolores en 42 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. mettant la nervure rouge dans une solution de potasse caustique qui fait disparaître cette couleur, en sorte que l'observation microscopique ne ren- contre plus d'obstacles. La figure 4 représente l'or- ganisation intérieure de cette nervure de corolle : a est son côté externe, h est son côté interne ^^'. Le côté externe est occupé par un tissu cellulaire c a ^ ^ / y FiG. 4. — Vue au microscope de la coupe longitudinale d'une des nervures de la corolle du mirabilis jnlappa ; a, côté externe ; 6, côté interne ; c, tissu cellulaire incurvable par turgescence de liquide ; d, tubes pneumatiques ; /, tissu fibreux incurvable par turgescence d'oxygène ; g, cellules pneumatiques superficielles. dont les cellules, disposées en séries longitudinales, offrent sur leurs parois une assez grande quantité de globules, A partir des deux tiers internes c de l'épaisseur de ce tissu, les cellules vont en décrois- sant de grandeur vers le dehors a et vers le dedans (1) Cette figure 4, qui représente l'organisation intérieure d'une nervure, devrait être renversée de gauche à droite pour la mettre en harmonie de position avec les nervures isolées que l'on voit dans les figures 5, 6, 7, 8 et 9. DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 43 OÙ elles sont contiguës à des trachées d. De l'autre côté de ces dernières, ou à leur côté interne, existe un tissu fibreux / dont la texture extrêmement fine, est très difiicile à démêler au microscope. Ce tissu est composé de fibres transparentes entremêlées de globules semblables à ceux qui existent sur les parois des cellules, ces globules sont disposés en séries longitudinales. Ce tissu fibreux correspond en dehors, aux trachées d^ et en dedans il est recouvert par une couche de cellules mamelonnées g qui, pour la plupart, sont remplies d'air. Ainsi ce tissu fibreux / est compris entre deux plans d'organes pneumatiques; aussi allons-nous voir que l'oxygène est éminemment nécessaire à ce tissu pour opérer l'incurvation qui lui est propre, incurvation dont on ne peut prévoir le sens; car on n'aperçoit aucun décroissement de grosseur dans les fibres extrême- ment petites dont il est en majeure partie composé. Il n'en est pas de même pour le tissu cellulaire c. Les deux ordres de décroissement qu'offre la gran- deur de ses cellules vers le dehors a et vers le dedans où sont les trachées r/, indiquent que ce tissu cellu- laire est susceptible de se courber en dirigeant sa concavité vers le dedans ou vers le dehors de la corolle. Or, comme l'épaisseur de la couche de cellules dont la grandeur décroît vers le dehors de c vers a est plus grande que ne l'est l'épaisseur de la couche de cellules qui décroissent de grandeur vers le dedans de c vers <:/, il en résulte que, lors de la turgescence de ces cellules, le tissu total qu'elles composent doit se courber en dirigeant sa concavité vers le dehors a. Il est à noter que c'est la nervure 44 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. de la corolle épanouie qui est observée ici; cette même nervure, observée douze heures au moins avant répanouissement, offre au contraire dans sa couche de cellules décroissantes de grandeur de c vers d plus d'épaisseur que dans sa couche c a, en sorte qu'alors le tissu cellulaire total qui s'étend de a en d doit tendre à se courber en dirigeant sa conca- vité vers le dedans h, lorsque les cellules qui le com- posent sont dans l'état de turgescence. C'est aussi ce que l'expérience démontre, ainsi que je vais le faire voir. Dans un jour de l'été, j'ai cueilli à cinq heures du matin une fleur en bouton du mirabilis jalappa, FiG. 5. — Fleur en bouton de mirabilis jalappa, à laquelle on a enlevé toute la partie évasée de la corolle, en ne laissant subsister qu'une seule des nervures, laquelle se courbe en dedans étant plongée dans l'eau. laquelle devait s'épanouir le soir (figure 1), et j'ai isolé une des nervures de sa corolle jusqu'à l'endroit où elle commence à se rétrécir en tube (figure 5). Cette nervure courbée en dedans^ ayant été plongée avec ce qui reste ici de la fleur dans l'eau, sa courbure en dedans augmenta considérablement. Alors ses DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 45 cellules étaient turgescentes par l'effet de l'endos- mose implétive. Je transportai cette fleur ainsi préparée dans du sirop de sucre. La nervure courbée en dedans se redressa d'abord, puis se courba en dehors. Alors ses cellules s'étaient désemplies ou vidées en partie par l'effet de l'endosmose déplétive, le sirop étant plus dense que le liquide intérieur de ces cellules. Il résulte de cette expérience que, dans l'état naturel, la nervure de la corolle en bouton est courbée en dedans par l'effet de l'endosmose implétive qui rend ses cellules turgescentes. Le même jour à deux heures après-midi, j'ai cueilli une nouvelle fleur en bouton devant de même y F. 6 i.^ Fio. 6. — Même fleur épanouie traitée comme la précédente. Plongée dans l'eau, sa nervure se courbe en dehors. s'épanouir le soir, et j'ai isolé une de ses nervures, comme dans l'expérience précédente. Cette nervure était dans l'air, courbée en dedans, mais l'ayant plongée dans l'eau elle se redressa d'abord et ensuite se courba profondément en dehors (figure 6), elle agit alors comme elle l'eût fait naturellement le soir pour épanouir la corolle. L'ayant transportée 43 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. dans du sirop de sucre, la nervure courbée en dehors se redressa et se courba ensuite en dedans. C'était alors le résultat de la déplétion de ses cellules par l'effet de l'endosmose déplétive; ainsi la courbure en dehors de cette nervure (fig. 6)" était le résultat de la turgescence de ses cellules par l'effet de l'endos- mose implétive. C'est donc, dans l'état naturel, l'endosmose implétive des cellules provoquée par l'abondance de la sève lymphatique qui produit l'épanouissement de la corolle. Si cet épanouisse- ment n'a lieu que le soir, cela provient évidemment de ce que la diminution de la lumière et celle de la chaleur occasionnent la diminution de la trans- piration végétale, ce qui favorise l'accumulation de la sève lymphatique dans le tissu organique de la corolle. L'eau daus laquelle j'avais plongé à deux heures après-midi la nervure de la corolle en bouton, avait produit prématurément pour cette nervure l'accumulation dans son tissu de la sève lymphatique et par suite avait provoqué le mouvement d'incur- vation qui préside à l'épanouissement. La nervure de la corolle en bouton cueillie le matin (fig. 5), et la nervure de la corolle en bouton cueillie dans l'après-midi du même jour (fig. 6), affectant des courbures inverses, lorsque l'endosmose implétive rend leurs cellules turgescentes, cela prouve que pendant le peu d'heures qui se sont écoulées entre ces deux époques, il s'est opéré un changement dans l'organisation des nervures de la corolle. Ce changement est une augmentation du développement de la couche cellulaire qui s'étend de a en c (fig. 4), couche qui devient alors plus DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES l'LANTES. 47 épaisse que la couche cellulaire qui s'étend de c en d. Il en résulte que l'incurvation qui, dans oe tissu turgescent, s'opérait auparavant de manière à oe que sa concavité fût dirigée vers le dedans h de la corolle, s'opère actuellement dans le sens opposé, c'est-à-dire que la courbure de ce tissu turgescent a lieu de manière à ce que sa concavité soit dirigée vers le dehors a de la corolle; on sera peu étonné de la rapidité de ce changement orga- / nique en observant la vitesse avec laquelle s'opère le développement de la corolle dans les heures qui précèdent son épanouissement. Le tissu cellulaire dont l'épaisseur s'étend de a en d (fig. 4) est ainsi l'agent de l'incurvation, en dedans, des nervures (fig. 5) dans la corolle en bouton, et il est également l'agent de l'incurvation, en dehors, de ces mêmes nervures (fig. 6) dans la corolle épanouie. La turgescence des cellules, par implétion d'eau ou par endosmose implétive, est, _ dans l'un et dans l'autre cas, la cause de l'incur- vation. Il s'agit actuellement de savoir quel est l'agent de l'incurvation nouvelle, en dedans, de ces mêmes nervures lors de l'occlusion de la corolle : c'est ce que l'observation va dévoiler. Je viens de faire voir que la nervure de corolle, épanouie ou voisine de l'épanouissement, étant isolée et plongée dans l'eau, se courbe en dehors (fig. 6). Or, en laissant dans l'eau cette nervure ainsi courbée, on la voit au bout de six ou huit heures quitter cette courbure et commencer à prendre, par son sommet, une courbure inverse 48 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. (fig. 7); cette nouvelle incurvation augmente assez vite (iig. 8), en sorte que cette nervure isolée se trouve toute entière roulée en spirale, vers le dedans de la corolle. C'est là l'incurvation qui, dans l'état normal, opère l'occlusion de la fleur ou son sommeil (fig. 3). Certes, c'est un phénomène bien singulier que celui qui est présenté ici par une nervure de corolle isolée et plongée dans l'eau; cette nervure, prise dans la fleur en bouton, voisine de l'épanouissement et encore courbée en dedans, étant Fig. 7 et 8. — La nervure qui, plongée dans l'eau, s'était d'abord courbée en dehors, comme on le voit dans la figure 6, abandonne cette courbure au bout de quelques heures et se courbe en spirale en dedans, comme le représentent les deux figures 7 et 8. plongée dans l'eau, elle y prend immédiatement la courbure qui, dans l'état naturel, opère l'épanouisse- ment ou le réveil de la corolle, et ensuite elle y prend de même spontanément la courbure inverse qui est celle qui, dans l'état naturel, opère l'occlu- sion ou le sommeil de la corolle. Cette succession de phénomènes est tout à fait indépendante de DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 49 l'action de la lumière, car elle a lieu de même dans l'obscurité complète. J'ai fait voir que la courbure qui opère l'épanouissement (fig. 6), chez la nervure plongée dans l'eau, est due à l'endosmose qui intro- duit ce liquide dans ses cellules de manière à les rendre turgescentes; mais comment se fait-il que la nervure, qui s'est ainsi courbée dans l'eau, y prenne subséquemment une courbure inverse (ng. 8) ? à coup sûr il n'est point survenu de changement d'or- ganisation dans cette nervure isolée, de manière à donner lieu, chez elle, à une incurvation dans un sens nouveau, ainsi que cela a eu lieu précédemment pour la nervure de fleur cueillie le matin (fig. 5) comparée à la nervure de fleur cueillie après-midi (fig. 6). J'ai fait voir, en effet, que ces deux ner- vures, isolées et plongées dans l'eau, se courbent par endosmose implétive dans des sens inverses, en sorte que la présence extérieure de l'eau produit ici deux courbures en sens opposés; j'ai prouvé, par une expérience décisive, que dans ces deux cas, l'incur- vation est également due à l'endosmose implétive des cellules. Cette expérience a consisté à plonger ces deux nervures dans du sirop de sucre, lequel, en provoquant l'endosmose déplétive des cellules de ces nervures, occasionna leur courbure dans un sens inverse de celui qu'elles avaient pris dans l'eau. Or, j'ai soumis à la même épreuve la nervure (fig. 8) qui avait pris secondairement la courbure spiralée en dedans, quoique toujours plongée dans l'eau, laquelle d'abord avait provoqué sa courbure en dehors; cette nervure courbée en spirale (fig. 8) conserva dans le sirop cette même courbure, en sorte 50 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. que je fus assuré que cette courbure secondaire n'était point due à l'endosmose; il me parut dès lors certain que cette courbure spiralée n'avait point pour agent le tissu cellulaire, c (fig. 4), mais bien le tissu fibreux / dont la fonction m'était encore inconnue; pour savoir à quoi m'en tenir, à cet égard, je pris une corolle épanouie de viirahilis jalappa, et avec un instrument bien tranchant, je fendis une de ses nervures dans le sens de son épaisseur, de manière à séparer le tis8u cellulaire c du tissu fibreux /; cette opération n'est pas très difficile à pratiquer, parce que la nervure fait saillie à la face externe de la corolle, en sorte que cette FiQ. 9 — Même fleur, dont une nervure a été fendue en deux ; la moitié externe c se courbe en dehors, et la moitié interne f se courbe en dedans. saillie, spécialement formée par le tissu cellulaire c, peut être détachée par la section du tissu fibreux / qui demeure alors dans l'épaisseur de la corolle. Cette opération faite, j'enlevai le tissu membraneux adhérent à droite et à gauche à la moitié de nervure qui contenait le tissu fibreux /, et je plongeai dans l'eau cette nervure isolée et fendue en deux (figure 9). DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 51 A l'instant, la moitié externe c de cette nervure se courba fortement en dehors et se roula même en spirale. Cette moitié composée par le tissu cellu- laire c (figure 4) est donc celle qui, par l'endosmose implétive de ses cellules, courbe la nervure en dehors pour opérer l'épanouissement ; quant à la moitié interne / (figure 9) de la nervure, elle se courba en dedans, ce qui mie fit voir que cette moitié interne, formée par le tissu fibreux / (figure 4), est l'agent de la courbure secondaire de la nervure en dedans pour opérer l'occlusion de la corolle. L'ex- périence qui vient d'être exposée prouve que les deux courbures en sens inverse du tissu cellulaire c et du tissu fibreux / (fig. 4), tendent en même temps à s'effectuer. Ainsi, lors de l'épanouissement la nervure étant courbée en dehors par l'action d'in- curvation du tissu cellulaire c, il se trouve que le tissu fibreux / est courbé malgré lui dans ce même sens. Lors de l'occlusion de la corolle, le tissu fibreux / devient à son tour vainqueur de son anta- goniste le tissu cellulaire c, et il l'entraîne malgré lui dans le sens d'incurvation en deda/ns qui lui est propre. Je me suis assuré de ce dernier fait en pra- tiquant sur une fleur dans l'état d'occlusion la division en deux d'une nervure (figure 9), comme je l'avais fait précédemment sur une fleur dans l'état d'épanouissement. Le résultat fut le même; les deux tissus incurvables c et / se courbèrent dans l'eau, le premier en dehors et le second en dedans. Quelle est la cause de cette courbure en dedans du tissu fibreux / ? Il est évident, par l'expérience rapportée plus haut, que cette cause n'est pas la 52 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. turgescence de ce tissu par endosmose; il y a donc ici un phénomène tout à fait inconnu. En réfléchissant à ce singulier phénomène, je fus porté à penser que ce n'était point sans raison que la nature avait prodigué les organes respiratoires au tissu fibreux /, lequel est situé entre deux plans d'organes creux remplis d'air. Puisque ce n'était pas par implétion de liquide que le tissu fibreux / prenait son état actif de courbure, ce pouvait être par implétion d^oxygène. Si ce soupçon était fondé, la nervure qui, plongée dans l'eau aérée y prenait d'abord l'incurvation en dehors, qui est celle du réveil, et qui y prenait subséquemment l'incurvation en dedans, qui est celle du sommeil; cette nervure, dis-je, plongée dans l'eau non aérée, devait y conserver invariablement sa première incurvation en dehors qui est celle du réveil, incurvation qui est due à l'endosmose du tissu cellulaire. Cette nervure ne devait, ainsi, jamais présenter l'incur- vation en dedans qui est celle du sommeil, et que je pensais devoir être due à l'oxygénation du tissu fibreux / (figure 4). Je dois dire d'abord que, lors- qu'on plonge une partie végétale peu épaisse dans l'eau non aérée, celle-ci dissout promptement l'air contenu dans les organes pneumatiques de cette partie végétale et prend la place de cet air, en sorte qu'il n'y a plus d'oxygène respiratoire dans cette partie végétale. L'expérience justifia mes pré- visions. Une nervure de fleur de mirabilis plongée dans l'eau non aérée y prit et y conserva invaria- blement son incurvation de réveil. J'avais mis cette eau non aérée qui contenait la nervure en expérience DU KÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 53 dans un flacon bouché avec son bouchon de cristal sans enfermer d'air avec l'eau ^^\ en sorte que l'eau non aérée, à l'abri du contact de l'air atmosphé- rique, n'en pouvait point dissoudre. Cette nervure resta donc constamment courbée en dehors, comme on le voit dans la figure 6. Elle y devint même beaucoup plus courbée qu'elle ne l'eût été dans l'eau aérée. Quant à la courbure secondaire en dedans ou à l'incurvation de sommeil, telle qu'on la voit dans les figures 7 et 8, elle ne se manifesta point. Certain par cette expérience que l'incurvation de sommeil ne se manifeste point dans les nervures de corolle du niirahilis plongées dans l'eau non aérée, je voulus voir si le même phénomène se manifes- terait dans une de ces corolles soumise à l'expérience dans son entier. Une corolle de mirahilis épanouie étant plongée dans l'eau aérée, elle y prend après quelques heures l'état d'occlusion ou de sommeil ; or, j'ai expérimenté qu'une corolle épanouie de cette même plant-e étant plongée dans l'eau non aérée mise à l'abri du contact de l'air atmosphé- rique, elle y conserve invariablement son état d'épanouissement ou de réveil. On pourrait peut- être penser que l'air contenu dans les organes pneumatiques des nervures de la corolle, agirait en vertu de son élasticité pour produire l'incurvation de sommeil et non en vertu de l'action chimique de (1) On peut priver l'eau de l'air qu'elle tient en dissolution par le moyen de la pompe pneumatique, ou plus simplement par le moyen de l'ébullition prolongée. Je plonge un flacon dans un vase plein d'eau qui est soumise à l'ébullition ; lorsque celle-ci est finie, je mets au flacon submergé son bouchon de cristal, en sorte que l'eau qu'il contient se refroidit sans le contact de l'air, et en même temps que l'eau dans laquelle il est plongé. 54 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. l'oxygène qu'il contient. De là viendrait que l'in- curvation de sommeil n'aurait point lieu en plon- geant la corolle dans l'eau non aérée qui dissout l'air contenu dans les organes pneumatiques et qui prend sa place; mais cela n'est point ainsi. L'expé- rience m'a prouvé que l'air ne revient jamais dans les organes pneumatiques envahis par l'eau chez les parties végétales qui continuent à demeurer sub- mergées. Or, cela n'empêche pas une corolle de mirabilis de prendre l'état de sommeil après deux ou trois jours, lorsqu'on laisse l'eau non aérée dans laquelle elle avait été plongée épanouie, s'aérer par son contact avec l'air atmosphérique. C'est donc indubitablement par l'action chimique de l'oxygène dissous dans l'eau, que le tissu fibreux acquiert la force d'incurvation qui produit l'état de sommeil. Ce tissu fibreux / (figure 4) se courbe par implétion d'oxygène comme le tissu cellulaire c se courbe par implétion de liquide. Ainsi, chez la fleur des 7nira- bilis le réveil et le sommeil, c'est-à-dire l'épanouisse- ment et l'occlusion de la corolle résultent de l'action alternativement prédominante de deux tissus orga- niques situés dans les nervures de la corolle et qui tendent à se courber dans des sens inverses. Savoir : 1° un tissu cellulaire qui tend à se courber vers le dehors de la fleur par implétion de liquide avec excès ou 2J«r e7idosmo>^e; 2° un tissu fibreux qui tend à se courber vers le dedans de la fleur par oxygé- nation. C'est évidemment pour favoriser l'exercice de la fonction d'incurvation de ce dernier tissu qu'il se trouve placé entre deux plans d'organes pneu- matiques, savoir : un plan de trachées d et un plan DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 55 de cellules aérifères fj. L'intervention de l'oxygène est ainsi directement nécessaire pour la production du sommeil; cette intervention de l'oxygène est aussi nécessaire, mais indirectement^ pour la production du réveil, parce que cette intervention est nécessaire pour que la corolle attire la sève dans le tissu de ses nervures avec une abondance suffisante pour donner lieu à son implétion par endosmose ^^\ Ces faits m'expliquent pourquoi une fleur, mise dans le vide de la pompe pneumatique, y conserve inva- riablement l'état de réveil ou de sommeil qu'elle a lorsqu'elle y est placée. C'est un fait nouveau, et d'une haute importance en physiologie, que celui de l'tiixistenoe d'un tissu qui se courbe par implétion d'oxygène. Ce fait s'appliquera facilement à l'incurvation sinueuse de la fibre musculaire chez les animaux. Mais je reviens à la corolle du mirabilis jalappa : j'ai dit plus haut que la nervure de cette corolle en bouton, cueillie de grand matin, étant plongée dans l'eau, y aug- mente sa courbure naturelle en dedans (fig. 5); c'est un effet de la turgescence des cellules par endos- mose, ainsi que je l'ai démontré plus haut : or, si on laisse cette nervure séjourner pendant quelques heures dans l'eau, on la voit se rouler en spirale dans le même sens, c'est-à-dire en dedans (fig. 7 eu 8); ce second effet, tout pareil à celui qui arrive secondairement à la nervure de corolle épanouie plongée dans l'eau, est dû de même à l'oxygénation, car il n'a point lieu dans l'eau non aérée. Ainsi la (1) Voyez dans le Mémoire VIII, p. 413. {Recherclies sur le» conduits de la sève et sur les rauscs de sa progression, in MévjoireSy t. I.] 5 56 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. courbure première et immédiat-e en dedans (fig. 5) a pour agent le tissu cellulaire c (fig. 4), dont l'or- ganisation, à cette époque, est apte à opérer l'in- curvation de ce tissu en dedans; la courbure secon- daire (fig. 7 et 8), qui s'opère de même en dedans a pour agent le tissu fibreux /, de même que je l'ai exposé plus haut; la nervure de la fleur en bouton, cueillie le matin et plongée dans l'eau, passe donc immédiatement de la courbure simple en dedans, par endosmose, à la courbure spiralée en dedans par oxygénation, sans passer par l'état intermédiaire de courbure en dehors par endosmose, lequel constitue l'épanouissement ou le réveil. On conçoit, en effet, que cette nervure d'une fleur cueillie, a dû perdre la progrès de développement cellulaire qui aurait changé le sens de son incurvation par endosmose, si la fleur eût continué d'être liée organiquement à la plante. Tous ces phénomènes qui sont communs au mira- bilis jalappa et au mirabilis longifiora, le sont éga- lement à Vipomea purpurea; seulement la fleur d© cette dernière plante, lorsqu'elle est en bouton, a ses nervures courbées en spirale en dedans, comme on le voit dans la figure 10, ce en quoi elle diffère, mais légèrement, de la fleur en bouton des mira- bilis (fig. 1), chez laquelle les nervures sont simple- ment courbées en dedans; en outre les cinq nervure» de la fleur de Vipomea purpurea ne sont pas simplff^, comme le sont les cinq nervnres de la fleur des mira- àtlis; elles sont complexes, c'est-à-dire que chacune de ces cinq nervures, qui sont triangulaires, est composée par la réunion de plusieurs nervures DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 57 arrai lesquelles les deux nervures latérales, qui )rment les côtés du triangle, se distinguent par sur grosseur; elles font saillie à la face externe de i corolle. C'est à ces nervures latérales qu'il faut adresser, tant pour observer leur structure inté- ieure, qui est tout à fait semblable à celle des ervures des mirabilis (fig. 4), que pour faire des ïpériences semblables à celles que j'ai faites sur les ervures de la fleur de ces dernières plantes, et que ai rapportées plus haut. Les phénomènes que j'ai Fig. 10. — Fleur en bouton d'ipomea purpurea. écrits se passent exactement de la même manière hez les nervures de la fleur de Vipomea purpurea; Dn épanouissement ou son réveil est dû à l'incur- ation en dehors, d'un tissu cellulaire turgescent ar implétion d'eau, implétion due à l'endosmose; on occlusion ou son sommeil est dû à l'incurvation Q dedans d'un tissu fibreux turgescent, par implétion 'oxj^gène : aussi peut-on conserver les fleurs de ette plante, et de même celles de tous les convol- idus, dans Fétat d'épanouissement ou de réveil, 58 UES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. en les plongeant dans de l'eau non aérée privée de communication avec l'air atmosphérique; elles de- meurent constamment dans cet état, tandis que dans l'eau aérée elles prennent assez promptement l'in- curvation spiralée en dedans, qui constitue l'état de sommeil. Si on laisse Teau non aérée, dans laquelle est une de ces corolles épanouies, en contact avec l'air atmosphérique, elle reprendra de l'air en dissolution et deux jours environ après son immer- sion, la corolle prendra Tétat d'occlusion. Les phénomènes anatomiques et physiologiques rapportés plus haut, étant exactement les mêmes chez la fleur des mirabilis et chez la fleur de Vipomea purpurea, on se demandera sans doute pourquoi la fleur des mirabilis se ferme le matin, tandis que la fleur de Vipomea reste épanouie pendant tout le jour. La. réponse à cette question est facile : d'abord je ferai remarquer que la fleur de Vipomea pur- purea s'épanouit vers le milieu de la nuit, en sorte qu'elle ressemble physiologiquement aux fleurs des mirabilis, sous le point de vue de son épanouisse- ment lors de la diminution considérable de la lumière. Souvent j'ai vu, dans l'arrière-saison, cette fleur de Vipomea purpurea s'ouvrir dès dix heures du soir; elle persiste dans l'état d'épanouissement pendant toute la journée qui suit, et elle se ferme dans la soirée. Ainsi, la différence essentielle qui existe physiologiquement, entre cette fleur et celle des mirabilis, consiste en cela que cette dernière ne supporte pas, sans se fermer, Faction d'une vive lumière, tandis que la seconde, non seulement sup- porte très bien, sans se fermer, l'action de la plus DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 59 /ive lumière solaire, mais ne se ferme ordinairement lue lorsque la lumière a commencé à diminuer, î'est-à-dire le soir; or, cela n'arrive pas toujours linsi, j'ai observé que dans l'automne, lorsque la température atmosphérique est descendue à environ L5 degrés C. ou 12 degrés R., les fleurs d'ijwmea ourpurea, qui s'épanouissent deux heures environ iprès le coucher du soleil, ne se ferment que dans la natinée du surlendemain; en sorte qu'elles restent îpanouies pendant environ trente-six heures, tandis 3[ue leur état d'épanouissement ne dure que la moitié ie ce temps environ lorsqu'il fait chaud. Ce phéno- nène provient évidemment de ce que l'abaissement ie la température augmente la lenteur de l'oxygé- lation du tissu fibreux incurvable par oxygénation ît agent du sommeil. La lumière, comme la chaleur, jxerce de l'influence sur la rapidité de cette oxygé- lation. Lorsque le soleil est voilé par d'épais nuages, a fleur des ^nirahilis reste bien plus longtemps )uverte; elle ne se ferme alors que dans l'après-midi; jette fleur, mise dans l'obscurité, se ferme encore plus tard. Dans l'ordre ordinaire des choses, cett« nême fleur reste ouverte pendant environ douze leures, puisque, s'ouvrant vers sept heures du soir lans le mois d'août, elle se ferme vers sept heures iu matin; la fleur de Vipomea purpurea reste jpanouie pendant environ dix~huit heures, puisque s'ouvrant, dans le même mois, vers minuit, elle ne le ferme que vers le coucher du soleil le jour qui mit. Tout atteste donc que la fleur des mirahilis est prompte à oxygéner, sous l'influence de la lumière it de la chaleur, son tissu fibreux incurvable qui 60 I-ES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. a est l'agent du sommeil, et que la fleur de Vipomea purpurea est lente dans les mêmes circonstances à oxygéner ce même tissu fibreux dont Tincurvation, par oxygénation, produit l'occlusion de la corolle; voilà pourquoi la fleur de Vipomea purpurea qui, du reste, s'ouvre cinq ou six heures après l'ouver- ture de la fleur des mirabilis, ne se ferme qu'environ douze heures après l'occlusion de cette dernière, et reste ainsi épanouie pendant toute la durée du jour. Il reste actuellement à expliquer pourquoi ces fleurs sont nocturnes sous le point de vue de l'heure de leur épanouissement. Les corolles, devant leur épa- nouissement à la turgescence d'un tissu cellulaire incurvable par endosmose, doivent offrir ce phéno- mène à l'époque de la révolution diurne, qui offre les circonstances extérieures les plus favorables pour que cette turgescence ait lieu. Or, c'est généralement pendant l'absence du soleil qu'il y a le plus d'humi- dité dans l'atmosphère; c'est là une première cir- constance extérieure favorable à l'épanouissement des fleurs. Viennent ensuite la lumière et la chaleur. La lumière produit d>eux effets sur les plantes : 1° en donnant de l'activité à la respiration végétale, elle augmente l'afîlux de la sève ou son ascension par l'attraction ^^\ et il en résulte un état de tur- gescence pour la partie végétale qui est le .«5iège de cet afflux; 2° la lumière augmente la transpiration végétale, et sous ce point de vue, elle tend à dimi- nuer l'état de turgescence d'eau des parties végétales qu'elle frappe. Ainsi, la lumière est à la fois une (1) Voyez dans le Mémoire VIII, p. 413. IRccherches sur les conduits de la sève, in Mémoires, t. I.] DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 61 cause de turgescence cellulaire par implétion d'eau, ftt une cause de déplétion d'eau ou de sève lympha- tique; suivant que Tune ou l'autre de ces deux influences physiologiques de la lumière sera pré- dominante, le tissu végétal sera turgescent ou dé- sempli. Supposons actuellement qu'une fleur, par sa constitution particulière, soit de nature à éprouver, sous l'influence de la lumière, plus de transpiration qu'elle n'a, sous cette même influence, de force pour attirer la sève lymphatique : cette fleur ne pourra acquérir la turgescence cellulaire, qui doit opérer son épanouissement, que dans l'absence ou lors de la diminution considérable de la lumière; elle s'épanouira le soir ou pendant la nuit. Supposons que chez une autre fleur il y ait, au contraire, sous l'influence de la lumière, plus d'attraction de la sève lymphatique, qu'il n'y a do transpiration : il y aura alors chez cette fleur tur- gescence cellulaire, et elle prendra son état d'épa- nouissement sous linflucnce de la lumière. Ces faits donnent l'explication de toutes les différences qui existent entre les fleurs, sous le point de vue de l'époque diurne ou nocturne de leur épanouisse- ment ou de leur réveil. Quant à l'époque de l'arrivée de leur occlusion ou de leur sommeil, elle dépend de la rapidité plus ou moins grande avec laquelle s'opère l'oxygénation de leur tissu fibreux qui est l'agent du sommeil. Il est des fleurs dont le sommeil arrive très peu de temps après le réveil; il en est d'autres chez lesquelles ces deux phénomènes sont séparés par un espace de temps plus considérable. C'est sur ces différences que sont fondés les phéno- 62 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. mènes que présentent les fleurs, sous le point de vue des heures diverses auxquelles arrivent leur réveil et leur sommeil, phénomènes dont Linné a fait un catalogue sous le nom 6l Horloge de flore. Au reste, il faut bien se donner de garde de considérer cette horloge comme exacte, les heures du réveil et du sommeil des fleurs variant suivant le degré de lumière, suivant la température, et même souvent suivant l'état de sécheresse ou d'humidité de l'at- mosphère. Les fleurs dont je viens d'étudier le réveil et le sommeil ne présentent qu'une seul fois chacun de ces deux états; il était fort important d'étudier, sous ce point de vue, les fleurs dont la vie est plus longue et qui présentent plusieurs alternatives de réveil ou d'épanouissement et de sommeil ou d'oc- clusion. Une plante fort commune, le pissenlit {leontadon taraxacum) est celle que j'ai choisie pour faire cette observation. La fleur de cette plante synanthérée vit ordinairement pendant deux jours et demi, en sorte qu'elle présente pendant deux jours le réveil le matin et le sommeil le soir; le troisième jour elle présente encore le réveil le matin et dans le milieu du jour elle prend son dernier sommeil, qui est suivi de la mort. Dans le réveil, les demi- fleurons dont cette fleur est composée se courbent en dehors et la fleur est épanouie; dans le sommeil, les demi-fleurons se courbent en dedans et la fleur est dans l'état d'occlusion. Les demi-fleurons les plus extérieurs, étant les plus grands, sont ceux qui présentent le plus de facilité pour l'observation. La DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 63 figure 11 représente un de ces clenii-fleurons am- plifié, et dans l'état de réveil; la figure 12 le repré- sente dans l'état de sommeil. Chez la plupart des chicoracées, les incurvations inverses et alternatives F. Il FiG. 11. — Demi-fleuron de la fleur du pissenlit dans l'état de réveil. FiG. 12. — Le même demi-fleuron dans l'état de sommeil. qui constituent le réveil et le sommeil, ont exclusi- vement leur siège dans le cornet a du demi-fleuron, la partie supérieure et colorée & de ce demi-fleuron, ou sa languette, n'y participe point du tout; chez FiG. 13. — Le même demi-fleuron dans l'état de réveil exagéré, tel qu'il a lieu lorsque ce demi-fleuron est plongé dans l'eau non aérée. le pissenlit le demi-fleuron tout entier se courbe en dehors dans 1© réveil parfait, et il se courbe de même tout entier en dedans lors du sommeil pro- 64 LES MAÎTRES DE i;,A PENSÉE SCIENTIFIQUE. fond. Ainsi, ces demi-fleurons présentent beaucoup de facilité pour l'observation des phénomènes du réveil et du sommeil. L'étude de leur organisation intérieure offre plus de difficulté à raison du peu d'épaisseur des petites nervures qui existent dans le tissu de leur corolle, nervures qui doivent être, et qui sont en effet, les agents des incurvations opposées et alternatives auxquelles sont dus le réveil et le sommeil. Pour observer leur organisation intérieure, il faut déchirer le tissu de la corolle eu lanières longitudinales aussi fines qu'il est possible F. H , f "x-" ■"" ' ' '■■ '^' ''.''" ""' " "■ • i ' k: t; t F'- * Fio, 14. — Vue au microscope de la coupe longitudinale de l'une des nervures du demi-fleuron de la fleur du pissenlit ; b, côté interne ; a, côté externe, c, tissu cellulaire incurvable par turgescence de liquide ; d, tubes pneumatiques ; /, tissu fibreux incurvable par turgescence d'oxygène ; g, cellules pneumatiques superficielles. de les obtenir. De cette manière, on finit par isoler une des petites nervures longitudinales de cette corolle, et comme elle se courbe en cercle en dehors dans l'eau dont on la couvre sur le porte-objet du microscope, il en résulte qu'elle présente le côté à l'œil de l'observateur, en sorte qu'on peut apercevoir son organisation dans le sens de son épaisseur, ce qu'il importait d'obtenir. Voici quelle est cette orga- nisation. La figure 14 représente l'épaisseur d'une nervure du demi-fleuron; au-dessous de l'épiderme de DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 65 8a face interne ou supérieure 6, on aperçoit des ran- gées longitudinales de cellules allongées c disposées en séries rectilignes et couvertes d'une grande quan- tité de globules de couleur jaunâtre qui s'opposent quelquefois à ce qu'on puisse facilement distinguer les cellules dont ils tapissent les parois. On rend l'ob- servation de ces cellules plus facile au moyen d'un peu de solution de potasse caustique qui rend ce tissu plus transparent. Ce tissu cellulaire c offre ses plus grandes cellules dans la partie de son épaisseur, qui est peu éloignée de la face supé- rieure h où les cellules superficielles sont plus petites, oe qui établit un léger décroissement de grandeur des cellules de l'intérieur du demi-fleuron vers sa face supérieure h. Ce tissu cellulaire, dans le reste de son épaisseur qui est plus considérable, offre le décroissement de grandeur de ses cellules vers un plan de trachées d situées à peu de distance de la face externe ou inférieure a du demi-fleuron. Cette face qui, considérée dans les demi-fleurons de la rangée la plus extérieure, offre dans son milieu une bande longitudinale verdâtre, est occupée superficiellement par des cellules mamelonnées g qui sont, pour la plupart, remplies d'air. Entre ce plan de cellules superficielles q et le plan de trachées d^ se voit une couche mince de tissu fibreux /, lequel est composé de fibres transparentes, entre les faisceaux desquelles se voient des globules excessivement petits. Il est facile de voir, au premier coup-d'œil, que cette organisation intérieure du demi-fleuron est semblable à celle des nervures de la fleur des mirabilis (figure 4), excepté que la 66 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. disposition des parties composantes y est inverse. Dans la nervure de la fleur des mirabilis et de Vipomea purpurea, le tissu cellulaire c (figure 4) est voisin de la face externe ou inférieure a de la corolle, tandis que le tissu fibreux /, compris entre un plan de trachées et un plan de cellules pneu- matiques superficielles, est voisin de la face interne ou supérieure h de cette même corolle. La dis- position de ces parties est inverse dans les nervures des demi-fleurons chez le pissenlit. Le tissu cellu- laire c (figure 14) est voisin de la face supérieure 6, et le tissu fibreux /, compris de même entre deux plans d'organes pneumatiques, est voisin de la face inférieure a. Cette inversion, au reste, ne change rien aux fonctions de ces parties composantes. Il est évident que chez le pissenlit, le tissu cellu- laire c est le tissu incurvahle par endosmose, et que le tissu fibreux / est le tissu incurvahle par oxygénation, ainsi que cela a lieu chez les mirabilis. Le premier est, par conséquent, l'organe qui opère l'incurvation en dehors de chaque demi-fleuron (figure 11), incur- vation à laquelle est dû l'épanouissement ou le réveil de la fleur. Le second est l'organe qui opère l'in- curvation en dedans de chaque demi-fleuron (figure 12), incurvation à laquelle est due l'oc- clusion de la fleur ou son sommeil. Ainsi, ces deux tissus incurvables quoique placés d'une manière inverse chez les mirabilis et chez le pissenlit, se courbent dans le même sens, c'est-à-dire que le tissu incurvahle par endosmose se courbe en dehors et que le tissu incurvahle par oxygénation se courbe en dedans, pour opérer l'un le réveil l'autre le DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 67 sommeil de la fleur. On sent que l'extrême exiguïté de l'épaisseur de ces tissus incurvables chez le pis- senlit, ne permet pas de les séparer l'un de l'autre pour expérimenter directement quel est le sens de l'incurvation propre à chacun d'eux, mais l'analogie ne permet pas ici d'avoir des doutes à cet égard. L'expérience, d'ailleurs, prouve directement que le réveil est dû à la turgescence d'eau ou à l'endosmose implétive, et que le sommeil e^t dû à l'oxygénation. En effet, le- demi-fleuron de la fleur du pissenlit étant cueilli de grand matin lorsqu'il a encore l'incurvation du sommeil (figure 12), et étant plongé dans l'eau aérée, il y prend de suite l'incurvation contraire (figure 11) qui est celle du réveil. Si on le plonge dans de l'eau non aérée, il y prend une courbure bien plus profonde (figure 13) qui est l'exagération de la courbure du réveil normal, et il y conserve constamment cette courbure. Si l'on transporte ces demi-fleurons ainsi courbés en dehors dans du sirop de sucre, ils se courbent en dedans (figure 12). Ainsi, il n'y a pas de doute que l'incur- vation en dehors, qui opère le réveil, ne soit du© à l'endosmose implétive. Si on laisse séjourner pendant quelques heures le demi-fleuron qui est à l'état de réveil (figure 11) dans l'eau aérée, il y prend l'incurvation en dedans (figure 12) qui est celle de l'état de sommeil, et cette incurvation n'est point détruite en transportant le demi-fleuron ainsi courbé dans du sirop, ce qui prouve bien que cette incurvation secondaire n'est point due à l'endos- mose. Comme cette incurvation secondaire n'a point lieu dans l'eau non aérée, cela prouve qu'elle est 68 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. due à l'oxygénation. Ainsi, le réveil et le sommeil des demi-fleurons de la fleur du pissenlit, résultent de l'incurvation alternativement prédominante d'un tissu organique incurvable par endosmose et d'un tissu organique incurvable par oxygénation. L'ac- tion actuelle de la lumière donne la supériorité de force d'incurvation au tissu cellulaire incurvable par endosmose, l'absence ou la diminution de la lumière laisse prédominer la iforce d'incurvation du tissu incurvable par oxygénation. Dans chacun de ces deux cas, le tissu incurvable qui a la supé- riorité d'action, entraîne malgré lui le tissu incur- vable antagoniste dans le mode de flexion qui lui est propre. La supériorité d'action donnée le matin par la lumière au tissu incurvable par endosmose, provient de deux causes : P de ce que sous l'influence de la lumière, la sève lymphatique afîlue dans les demi-fleurons en plus grande abondance; ils attirent alors plus d'eau qu'ils n'en exhalent par la trans- piration ; 2"^ de ce que le tissu incurvable par oxygénation a perdu pendant la nuit une partie de sa force d'incurvation, ainsi que je vais le démontrer tout à l'heure. La supériorité d'action que prend le soir le tissu incurvable par oxygé- nation, provient aussi de deux causes : 1° de la diminution de l'afflux de la sève lymphatique dans le tissu incurvable par endosmose; 2*^ de l'augmen- tation d'oxygénation que subit pendant le jour le tissu incurvable par oxygénation. La diminution de l'aôlux de l'eau dans les demi-fleurons pendant la nuit, se prouve par l'observation que j'ai faite que, durant les nuits chaudes et lorsque l'air est sec, les \ DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. ÇQ demi-fleurons dana leur état de sommeil ont perdu environ 1/25 de la longueur qu'ils avaient pendant le jour précédent dans leur état de réveil. Ils sont sans doute aussi diminués de largeur, mais cela est insensible. Cette diminution dans les dimensions, provient évidemment de ce que dans l'état de som- meil, pendant l'absence de la lumière, il y a dimi- nution de l'afflux de la sève lymphatique qui rendait les cellules turgescentes. La diminution pendant la nuit de l'oxygénation du tissu incurvable par oxygé- nation résulte des expériences suivantes. Ayant ôté le soir quelques demi-fleurons dans l'état de sommeil à une fleur de pissenlit qui devait le lendemain matin reprendre l'état de réveil, je les plongeai dans de l'eau aérée; ils y conservèrent invariable- ment leur incurvation de sommeil. Le tissu incur- vable par oxygénation, à l'action duquel était due cette incurvation de sommeil, se courbait alors avec trop de force pour que son incurvation pût être vaincue par la tendance à l'incurvation dans le sens opposé, qui devait être augmentée cependant alors par l'afflux de l'eau dans le tissu incurvable par endosmose. Le lendemain de grand matin, lorsque la fleur était encore pour plusieurs heures dans l'état de sommeil, je lui enlevai de nouveaux demi- fleurons et je les plongeai dans l'eau aérée. Ils ne tardèrent pas à perdre leur incurvation de som- meil, et ils prirent l'incurvation de réveil. Cette seconde expérience, pareille à la première et cepen- dant si différente par ses résultats, prouve que pendant la nuit le tissu incurvable par oxygénation à l'action duquel le sommeil était dû, avait perdu 70 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. une grande partie de sa force d'incurvation en dedans, puisqu'elle était alors vaincue promptement, par Faction antagoniste du tissu incurvable par endosmose, lequel la veille au soir n'avait pu obtenir cette victoire. Il demeure prouvé par ces faits, que le tissu incurvable par oxygénation, acquiert de la force et par conséquent do l'oxygène pendant le jour, et qu'il perd une portion de cette force et par conséquent une portion de son oxygène pendant la nuit. C'est très probablement alors en formant de l'acide carbonique, qu'il perd une partie de son oxygène acquis sous l'influence de la lumière. Malgré cette perte nocturne d'une partie de -l'oxygène acquis pendant le jour, il paraît que cette substance s'ac- cumule de plus en plus dans le tissu incurvable par oxygénation; car lorsque le dernier sommeil arrive le troisième jour de la vie de la fleur du pissenlit, il offre une incurvation des demi-fleurons beaucoup plus profonde que celle que présentait leur sommeil des deux jours précédents, ce qui me paraît être le résultat de l'oxygénation excessive du tissu qui se courbe par implétion d'oxygène fixé. L'absence de la lumière n'occasionne donc pas l'élimination com- plète de l'oxygène fixé dans ce tissu pendant le jour, et il résulte de là l'accumulation progressive de cette substance dans le tissu organique qu'elle encombre, ce qui constitue son état de vieillesse et amène sa mort. Cette théorie me paraît d'autant plus plausible, qu'elle est complètement d'accord avec des faits du même genre que j'ai exposés dans un autre Mémoire ^^^ (1) De l'usage physiologique de l'oxygène, considéré dans ses rapports avec l'action des excitants (dans le t. II). DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 71 J'ai rapporté au commencement de ce mémoire les expériences que j'ai publiées en 1831, et qui m'ont fait voir que les fleurs placées dans le vide de la pompe pneumatique y conservent invariablement celui des deux états de réveil ou de sommeil qu'elles possèdent au moment où elles y sont placées. La conservation de l'état de réveil par les fleurs placées dans le vide est une conséquence nécessaire de la paralysie du tissu fibreux incurvable par oxygé- nation, et agent du sommeil, paralysie occasionnée par la soustraction de l'air respirable; quant à la conservation de l'état de sommeil par les fleurs placées dans le vide lorsqu'elles sont dans cet état, cela provient du défaut d'afflux de la sève lympha- tique dans le tissu cellulaire incurvable par endos- mose et agent du réveil. Les plantes fleuries qui ont été soumises à ces expériences trempaient dans l'eau par l'extrémité inférieure de leurs tiges, en sorte que l'eau ou la sève lymphatique ne pouvait parvenir aux fleurs que par l'attraction qu'elles exercent sur ce liquide dans l'état naturel. Or, j'ai prouvé dans un autre mémoire ^^^ que Fascension de la sève lymphatique par attraction cesse d'avoir lieu lorsque la respiration végétale est suspendue; or, la respiration des fleurs est complètement sus- pendue dans le vide; elles ne peuvent donc plus attirer la sève lymphatique, dont l'afflux est indis- pensable pour occasionner la turgescence par endos- mose, et par suite l'incurvation de leur tissu cellu- laire agent du réveil : voilà pourquoi leur sommeil (1) Voj'ez le Mémoire VIII, p. 413. \_Rccherches sur les conduits de la sève et sur les causes de sa progression.'] 72 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. persiste dans le vide lorsqu'elles y sont placées dans c&t état. Au reste, je dois dire que j'ai fait ce« ecxpériences sur des fleurs cueillies le soir lors- qu'elles venaient de prendre l'état de sommeil, état que l'incurvation du tissu cellulaire par endosmose ne peut faire cesser alors, ainsi que je l'ai fait voir plus haut. Le réveil est véritablement impossible le soir, en raison de la trop forte oxygénation du tissu fibreux agent du sommeil : peut-être le réveil d'une fleur aurait-il lieu dans le vide si elle y était placée le matin et récemment cueillie, car alors le réveil est devenu plus facile en raison de la désoxy- génation partielle du tissu fibreux pendant la nuit. Le réveil de la fleur serait probablement alors encore plus facile si la plante à laquelle elle appar- tient tenait au sol par ses racines, par l'impulsion desquelles elle recevrait la sève lymphatique ascen- dante.. Ce sont des expériences à faire ^^'. § II. — Du liÉVEiL ET DU SOMMEIL DES FEUILLES. Bonnet est le premier qui ait tenté d'expliquer les phénomènes du réveil et du sommeil des feuilles ^^*; fondé sur cette hypothèse erronée de Dodart, que le tissu des racines se contracte par l'humidité, et que le tissu des tiges se contracte par la sécheresse, et que c'est à cela que l'on doit attribuer la descente (1) Je n'avais point de machine pneumatique à ma disposition à la campagne, où j'ai fait la plupart des observations et des expé- riences contenues dans ce lilémoire. Celles des expériences que j'y rapporte, et qui sont faites dans le vide, sont déjà ancienne."! : quelques-unes ont été publiées, d'autres étaient restées inédites. (2) Recherches sur l'usage des feuilles. DU RÉVEIL ET Dî. SOMMEIL DES PLANTES. 73 des racines et l'ascension des tiges, Bonnet crut pouvoir expliquer la position relevée que les folioles du ro/miia pseudo-acacia affectent pendant le jour et la position abaissée qu'elles présentent pendant la nuit, à ce que la face supérieure de ces folioles se contracterait par l'effet de la sécheresse pendant le jour, tandis que leur face inférieure se contrac- terait par l'effet de l'humidité du soir. Il crut prouver cette assertion par une expérience assez étrange : il construisit des feuilles artificielles, leur face supérieure était en parchemin, dont le tissu se resserre par l'effet de la sécheresse, et leur face inférieure était en toile, dont le tissu se resserre par l'effet de l'humidité; présentant ensuite ces feuilles artificielles à Faction successive d'une forte chaleur et de l'humidité, il leur fit exécuter des mouvements qu'il crut comparables à celles que les folioles de l'acacia exécutent pour prendre leurs positions de réveil et de sommeil. Cette expérience et l'hypothèse qu'elle devait appuyer ont autrefois trouvé des admirateurs; aujourd'hui elles sont avec juste raison réléguées parmi les nombreuses aber- rations de l'esprit humain. M. de Candolle ^^' a envisagé sous leur vrai point de vue les phénomènes du révfil et du sommeil des feuilles, en recon- naissant qu'ils dépendent essentiellement de l'in- fluence de la lumière. Il est parvenu à intervertir les époques habituelles du réveil et du sommeil chez des sensitives éclairées artificiellement pendant la nuit et mise>s à l'obscurité pendant le jour. (1) Mémoire sur l'influence de la lumière artificielle sur les plantes; dans les Mémoires des savants étrangers de l'Institut, t. I. 74 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. Les mouvements par lesquels les feuilles prennent les positions alternatives de réveil et de sommeil sont exécutés par certains renflements qui chez les j feuilles composées sont situés à la base du pétiole - commun, à la base de chaque pinnule, et qui com- posent en entier le court pétiole particulier de chaque foliole. Chez les feuilles simples qui ont un ; réveil et un sommeil, il y a un renfievient moteur \ à la base du pétiole, il y en a un autre à son sommet, ou plutôt à la base de la nervure médiane de la feuille ou des nervures qui convergent au sommet du pétiole. Dans ce cas, le limbe de la feuille exécute des mouvements de réveil et de sommeil sur le pétiole. Ces divers mouvements sont dus à Fin- curvation et quelquefois à la torsion des parties organiques qui entrent dans la composition des renfiements moteurs. Ainsi c'est par incurvation que les feuilles et les folioles de la sensitive, du haricot, etc.) prennent les positions de réveil et de sommeil; les folioles de la feuille des casses joignent la torsion à l 'incurvation de leurs renflements moteurs pour prendre la position de sommeil. Cette double action fait qu'en dirigeant leurs sonimets vers la terre, les folioles opposées s'appliquent les unes sur les autres par leurs faces supérieures. Les phénomènes du réveil et du sommeil, si fugaces chez les fleurs dont la vie est de courte durée, s'observent pendant longtemps chez les feuilles, puisque la durée de leur vie est de plusieurs mois. Le haricot est, parmi les plantes indigènes, celle dont la feuille offre le plus de facilité pour l'étude de ces phénomènes, à raison de la grosseur des DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 75 reîifiemenis moteurs qui constituent à eux seuls le court pétiole particulier des folioles de cette feuille, folioles dont le réveil et le sommeil sont si remar- quables. Dans le sommeil, les folioles du haricot dirigent leur pointe ou leur sommet vers la terre : le plan de la foliole est alors vertical; dans le réveil, le plan des folioles redevient horizontal. Cependant cela n'a pas toujours lieu, parce que les folioles ayant une nutation très marquée, elles tendent tou- jours à diriger leur face supérieure vers le soleil lorsqu'il n'est point voilé par des nuages. C'est exclusivement sur le renflement moteur ou sur le pétiole des folioles qu'agit la lumière pour déterminer le réveil par sa présence et le sommeil par son absence; son action sur le limbe de la feuille est ou paraît être nulle pour cet objet, ainsi que le prouve l'expérience suivante : j'ai enlevé toute la partie membraneuse des folioles d'une feuille de haricot, en laissant subsister une port'ion de leur nervure médiane, afin de pouvoir observer leurs mouvements d'élévation ou d'abaissement; ces mou- vements qui constituent, le premier le réveil et le second le sommeil, continuèrent d'avoir lieu; j'ai observé de même qu'une feuille de sensitive étant dépouillée de ses folioles, le pétiole continue de présenter ses mouvements d'abaissement ou de som- meil^ et d'élévation ou de réveil. Il est donc incon- testable que ce sont les pétioles, ou plutôt leurs renflements moteurs, qui seuls éprouvent de la part de la lumière l'influence qui les détermine à prendre les incurvations qui constituent le sommeil et le réveil. 76 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. Pour étudier la structure intérieure du renflement moteur de chaque foliole de la feuille du haricot, j'ai soumis au microscope des tranches minces enle- vées transversa-lement et longitudinalement sur ces renflements moteurs. La figure 15 représente leur a d FiG. 15. — Coupe transversale du renflement moteur d'une foliole de la feuille de haricot, s, côté supérieur ; i, côté inférieur ; c, tissu oellulaire incurvable par turgescence de liquide et composé de cellules qui décroissent principalement de grandeur du dedans vers le dehors, ce qui fait que l'incurvation de ce tissu cellulaire tend à s'opérer vers le dehors. 6, cellules pneumatiques. /, couche de tissu fibreux incurvable par oxygénation, d, trachées remplies d'air et dont les faisceaux sont séparés par des rayons qui partent du centre a, lequel est occupé par du tissu fibreux semblable à oelui de la couche /. coupe transversale. On voit au-dessous de l'en- veloppe tégumentaire une couche épaisse de cel- lules c dont les parois offrent une multitude de globules cellulaires. Ces cellules augmentent insen- siblement de grandeur en allant vers le centre. Cet accroissement de grandeur des cellules s'arrête à DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 77 peu près aux trois quarts de l'épaisseur de cette couche cellulaire : c'est là que se trouve les plus grandes cellules. A partir de cet endroit, les cellules vont en décroissant de grandeur vers le centre; les plus internes h sont remplies d'air; elles se dessinent en un cercle blanc sur la coupe transversale du renflement moteur observée à la loupe et à la lumière réfléchie; elles paraissent noires parce qu'elles sont opaques lorsqu'on observe au micros- cope et par transparence une tranche mince et transversale du renflement moteur. C'est à ces carac- tères que l'on reconnaît le tissu cellulaire rempli il'air, et qu'on le distingue du tissu cellulaire rempli de liquides. Ce dernier, observé par trans- parence, est toujours plus ou moins diaphane. Telle est la couche épaisse de tissu cellulaire c qui recouvre les cellules pneumatiques d. Ce tissu cellu- laire offrant dans la majeure partie de sa masse le décroissement de ses cellules du dedans vers le dehors, doit avoir pour action générale de se courber de manière à diriger la concavité de sa courbure vers le dehors lorsqu'il devient turgescent. C'est aussi ce que l'expérience démontre, car en plongeant dans l'eau une lame mince enlevée longitudinale- ment sur ce tissu cellulaire, elle se courbe fortement dans le sens que je viens d'indiquer. Si l'on trans- porte dans du sirop cette lame ainsi courbée, elle se courbe en sens inverse. Ainsi ce tissu cellulaire est incurvable par endosmose. Il représente par sa disposition un cylindre creux dont toutes les parties longitudinales, si elles étaient séparées les unes des autres, tendraient dans l'état naturel à se courber '78 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. vers le dehors. Au-dessous des cellules pneu- matiques b eist une couche de tissu fibreux / souvent recourbée sur elle-même en demi-cercle, dont les extrémités sont jointes imparfaitement en g. -Ce tissu fibreux est tout à fait semblable à celui dont j'ai plus haut noté Texistenoe chez les fleurs qui offrent les phénomènes du sommeil et du réveil; mais il est ici beaucoup plus facile à observer, tant dans sa masse que dans sa structure intime. Une lame enlevée longitudinalement sur ce tissu fibreux situé sous le tissu cellulaire, étant jplongée dans l'eau aérée, elle s'y courbe en, dirigeant la concavité de sa courbure vers le centre du pétiole. Si cette lame est plongée dans l'eau non aérée, elle ne se courbe point du tout. Ainsi ce tissu fibreux est incurvable par oxygénation; il représente par sa disposition un cylindre creux dont toutes les parties longitudi- nales, si elles étaient séparées les unes des autres, tendraient dans l'état naturel, à se courber vers le dedajis ou vers le centre du pétiole. Au-dessous de cette couche du tissu fibreux / se trouve un corps ligneux rayonné composé de tubes séveux et de gros tubes pneumatiques dont on voit ici les ouvertures. Des rayons médullaires divergents traversent ce corps ligneux; ils paraissent contenir du tissu fibreux semblable à celui de la couche /; ils partent d'une partie centrale a qui est occupée par un fais- ceau de tissus fibreux exactement semblable, par son aspect et par son organisation, au tissu fibreux de la couche /. On reconnaît ce tissu aux ponctua- tions noires sur un fond transparent qu'il offre sur sa coupe transversale observée au microscope par \ DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 79 transparence. Il m'a semblé que ces points opaques étaient les ouvertures de tubes pneumatiques d'une excessive petitesse dont le tissu fibreux / et a serait pénétré dans toute sa masse. Il est facile de voir que le pétiole représente ici un segment longitudinal de tige, ainsi que je l'ai déjà établi ailleurs ^^^ Le tissu cellulaire c et h appartient au système cor- tical dont il représente le parenchyme auquel j'ai donné le nom de médule corticale. Le corps ligneux rayonné d est la moitié de la partie ligneuse du système central avec ses rayons médullaires; le tissu fibreux a, qui est au centre, et duquel partent les rayons médullaires, représente la moitié de la moelle ou médiile centrale^ laquelle est ici métamorphosée en tissu fibreux incurvable par oxygénation. Les rayons médullaires s'étendent de ce tissu fibreux a au tissu semblable de la couche /. La petitesse du faisceau central du tissu fibreux a, m'a empêché de m'assurer par l'expérience du sens de son incur- vation, sens qui peut, je pense, être déterminé rationnellement. Ce tissu fibreux central a est une métamorphose de la moelle dont il occupe 1^ place, et il ne représente que la moitié longitudinale de cette moelle. Or la moelle, généralement composée de cellules qui décroissent de grandeur du centre vers la circonférence, tend par cela même, lors- qu'elle est turgescente, à courber ses deux moitiés longitudinales séparées en dirigeant leur concavité vers le dehors. Le faisceau central de tissu fibreux a qui représente une des moitiés longitudinales de la (1) Voyez le Mémoire TTI. p. 200. IRecherches sur l'accroissement des végétaux, in Mémoires, t. 11 80 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. moelle dont il est une métamorphose, doit donc avoir le même sens d'incurvation que cette moelle si elle existait dans son état normal, c'est-à-dire qu'il doit se courber de manière à diriger la concavité de sa courbure vers le côté i, qui est pour lui le véri- table côté de dehors de la tige dont le pétiole repré- sente seulement la moitié longitudinale, le côté s est FiG. 16. — Coupe transversale du renflement moteur du pétiole de la feuille de sensitive. s, côté supérieur ; i, côté inférieur ; c, tis>su cellulaire incurvable par turgescence de liquide et composé de cellules qui décroissent principalement de grandeur du dehors vers le dedans, ce qui fait que l'incurvation de ce tissu cellulaire tend à s'opérei' vers le dedans, b, cellules pneumatiques ; /, couche de tissu fibreux incurvable par oxygénation ; d, tubes pneuma- tiques ; a, faisceau central de tissu fibreux semblable à celui de la couche f, et inêlé de quelques tubes pneumatiques, véritablement le côté de dedans de cette moitié longitudinale de tige. Comme le tissu fibreux de la la couche / tend à se courber en dirigeant sa conca- vité vers le centre du pétiole ou du ronflement moteur, il en résulte que le faisceau central de tissu DU REVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 81 fibreux a est, par le sens de son incurvation, congé- nère de la partie supérieure de la couche de tissu fibreux /, couche qui est ici un peu déprimée en g et qui quelquefois est interrompue dans cet endroit. Cette dépression, indice d'une séparation primitive, disparaît tout à fait dans le renflement moteur du pétiole de la sensitive, comme on peut le voir dans la figure 16. Le tissu fibreux de la couche / tendant à se courber en dedans, sens d'incurvation qui est celui des couches internes du système cortical, je FXG. 17. — Coupe longitudinale de la moitié inférieure du renflement moteur de la foliole du haricot. Les mêmes lettres indiquent les mêmes objets dans cette figure et dans la figure 15. suis porté à penser qu'il est produit par une méta- morphose du liber fibreux de l'écorce; peut-être même, et c'est ce qui me paraît le plus probable, est-il ce liber fibreux lui-même à Vétat ^laissant, état dans lequel il aurait des propriétés qui devien- nent étrangères au tissu fibreux de l'écorce lorsqu'il a vieilli. La figure 17 représente la coupe longitudi- nale et médiane de la moitié inférieure du renfle- ment moteur de la foliole du haricot, renflem.ent 82 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. moteur dont je viens de montrer la coupe trans- versale. Les mêmes lettres indiquent les mêmes objets que dans la figure 15. Les tubes pneuma- tiques d qui avoisinent en dedans la couche de tissu fibreux /, sont des grosses trachées qui sont telle- ment couvertes de globules, qu'on les prendrait facilement pour des tvihes, 'ponctués si elles ne se déroulaient pas. J'ai pu observer avec assez de facilité l'organisation intime du tissu fibreux / et a, en soumettant au microscope des lames extrêmement minces enlevées longitudinalement sur ce tissu. Je n'avais pas pu voir cette organisation d'une manière aussi claire chez les fleurs que j'ai étudiées plus haut. Le tissu fibreux / offre deux éléments qui sont associés et mêlés, savoir : des fibres longitudinales, transparentes, d'une finesse extrême, et des globules cellulaires extrêmement petits, placés à la file et formant ainsi des séries longitudinales. Les fibres sont disposées par faisceaux, dans les intervalles desquels existent les séries de globules cellulaires. Ces globules sont semblables à ceux que l'on voit sur les parois des cellules de la couche corticale c et sur les parois des trachées d. Leur nombre pro- digieux dans toutes les parties qui jouissent émi- nemment de Yexcitahilité prouve, ce me semble, que c'est à l'exercice de cette fonction qu'ils sont des- tinés. Les fibres de la couche / ne sont point partout de la même grosseur; j'ai vu que dans cette couche / (figure 17) les fibres les plus grosses sont voisines des cellules pneumatiques 6, elles ont 1/300 de milli- mètre de diamètre. Les fibres les plus petites sont voisines des trachées 6?; je leur ai trouvé environ i DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 83 1/500 de millimètre de diamètre. Cette grosseur décroissante du dehors vers le dedans, est évidem- ment la cause qui fait que lors de Timplétion de leur cavité, ces jfibres qui paraissent tubuleusea courbent en dedans le tissu qu'elles forment par leur assemblage. La substance qui opère cette implétion est ici Toxygène, aussi la couche / de ce tissu incur- vable par oxygénation, est-elle comprise entre deux couches d'organes remplis d'air, savoir : en dehors les cellules pneumatiques h et en dedans les tra- chées d. J'ai fait voir plus haut, que la même dis- position existe chez les fleurs qui possèdent ce même tissu incurvable par oxygénation. La manière dont se fait cette implétion d^ oxygène ou cette turgescence des fibres tubuleuses par oxygénation me semble facile à comprendre. Admettant que dans ces fibres tubuleuses il existe un liquide qui a beaucoup d'affinité pour l'oxygène, l'addition de cette subs- tance à ce liquide en augmentera nécessairement la masse et produira, par conséquent, la turgescence de ces fibres tubuleuses. Dès lors, l'incurvation du tissu qu'elles forment par leur assemblage, s'opérera de manière que les fibres les plus petites seront à la concavité de la courbure et les fibres les plus grosses à sa convexité. Les renflements moteurs des folioles de la feuille du rohinia pseudo-acacia offrent assez exactement la même organisation que celle qui vient d'être exposée pour le haricot, et les phénomènes d'incur- vation par endosmose et par oxygénation que pré- sentent leurs tissus, sont les mêmes. Aussi ces deux plantes offrent-elles de même le réveil en élevant 84 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. leurs folioles et le sommeil en les abaissant. Or, chez d'autres plantes c'est l'inverse qui a lieu : ainsi dans la feuille de la sensitive {mimosa yudica L.), les folioles sont redressées dans l'état de sommeil et leur plan redevient horizontal dans l'état de réveil. Il n'en est pas de même par rapport au pétiole de la feuille de cette même plante : il s'abaisse dans le sommeil et il se relève dans le réveil, comme cela a lieu pour les folioles de la feuille du haricot. Le renflement moteur situé à la base de ce pétiole et agent de ses mouvements, offre seul assez de grosseur pour pouvoir être soumis à l'observation et à l'ex- périence. Les renflements moteurs des pinnules et des folioles de cette feuille sont trop petits pour ce double objet; ainsi, j'ai dû me borner à l'étude de la structure du renflement moteur du pétiole et à l'observation des phénomènes de mouvement qu'il présente. Ce renflement moteur, représenté un peu grossi dans la figure 18, est droit a h lorsque la feuille est dans l'état de réveil; alors le pétiole est redressé; ce même renflement moteur est courbé vers le bas c, lorsque la feuille est dans l'état de sommeil; alors le pétiole est abaissé. Il semblerait que les phénomènes du réveil et du sommeil étant ici les mêmes que ceux que l'on observe dans les folioles du haricot, la structure intérieure du renflement moteur devrait être semblable. Or, l'observation contredit en un point cette induction de l'analogie. J'ai dit, en décrivant le renflement moteur de la foliole de haricot, que son tissu cellulaire c (fig. 15 et 17) offre deux sens de décroissement de grandeur de ses cellules, savoir : un décroissement prédo- DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 85 minant du dedans vers le dehors, et un faible décroissement dirigé vers le centre. Il résulte de cette structure, que ce tissu cellulaire tend générale- ment à se courber vers le dehors. Or, l'observation apprend que ces deux couches cellulaires à décroisse- FiG. 18. — Portion de tige de sensitive portant deux feuilles dont on ne voit ici que la partie inférieure des pétioles occupée par les renflements moteurs a et c. En a, le renflement moteur est droit et le pétiole est redressé, ce qui constitue l'état de réveil ; en c, le renflement moteur est courbé vers la terre, ce qui dirige le pétiole dans le même sens : c'est l'état de sommeil. mex)t inverse existent aussi dans le renflement moteur du pétiole de la sensitive, mais ici c'est la couche cellulaire dont le décroissement de gran- deur a lieu du dehors vers le centre qui est prédo- minante; la couche cellulaire dont le décroissement des cellules est inverse, est presque réduite à rien, ainsi qu'on le voit dans la figure 16 qui représente 86 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. la coupe transversale du renflement moteur du pétiole de la sensitive. La figure 19 représente la coupe longitudinale de la moitié inférieure de ce même renflement moteur. On voit d'abord sous l'en- veloppe tégumentaire une couche épaisse de tissu cellulaire c, dont les cellules offrent leur décroisse- ment de grandeur prédominant du dehors vers le dedans; il n'y a qu'une couche fort mince des cellules | les plus superficielles qui décroissent de grandeur du dedans vers le dehors. On a vu plus haut, que ■.X.p,ja.te«5yx tff iirS^CJT, ^^^y,£!s»-SiiViaam FiG. 19. — Coupe longitudinale de la moitié inférieure du renflement moteur du pétiole de la feuille de sensitive. Les mêmes lettres indiquent les mêmes objets dans cette figure et dans la figure 16. c'est cette dernière couche cellulaire, ici insigni- fiante, qui prédomine dans le renflement moteur des folioles du haricot. Le sens de l'incurvation du tissu cellulaire dans le renflement moteur du pétiole chez la sensitive, doit donc être inverse de celui qui a lieu dans ce même tissu dans le renflement moteur des folioles chez le haricot. C'est aussi ce que l'ex- périence démontre. Une lame mince enlevée longi- tudinalement sur le tissu cellulaire du renflement I)U RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 87 moteur chez la sensitive étant plongée dans Feau, elle se courbe fortement de manière à diriger la concavité de sa courbure vers Taxe du pétiole. Si on la transporte dans du sirop de sucre, elle se retourne et se courbe en sens inverse. Ainsi, ce tissu cellulaire est incurvable par endosmose. Dans l'ordre naturel, c'est l'accession de la sève lympha- tique arrivant à l'extérieur des cellules par les méats intercellulaires qui détermine leur implétion par endosmose; car elles contiennent un liquide dense qui est coagulable par la chaleur, par les acides et par l'alcool ^^^, leurs parois offrent une grande quantité de globules verts. La couche la plus intérieure h de ce tissu cellulaire ne contient que de l'air dans ses cellules. Au-dessous de ces cellules pneumatiques, se trouve une couche de tissu fibreux /; son aspect et son organisation sont entièrement semblables au tissu fibreux incurvable par oxygénation qui occupe la même place dans le renflement moteur de la foliole de haricot. J'aurais voulu m'assurer par une expérience directe, que ce tissu ne se courbait point dans l'eau non aérée, mais je n'ai pu faire cette expérience, parce que chez la sensitive ce tissu fibreux enlevé en une lame mince, n'attend pas qu'il soit plongé dans l'eau aérée pour se courber, il se courbe dans l'air à l'instant même où il est enlevé, en sorte que jo (1) J'ai autrefois représenté le tissu du renflement moteur du pétiole de la sensitive comme contenant un grand nombre de oarps globuleux opaques. Cette fausse apparence provenait de ce que chaque cellule contenait un coagulum globuleux produit par l'action de l'aoide nitrique que j'employais pour dissocier les organes élémen- taires des tissus organiques. 88 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. n'ai pu voir si son incurvation refuserait de s'opérer en le plongeant dans Peau non aérée; car cette incur- vation une fois prise ne se perd point même dans l'eau non aérée. Au reste, j'ai vu que le sens de l'incurvation de ce tissu fibreux est le même que chez le haricot, c'est-à-dire que la concavité de sa courbure est dirigée vers le centre du pétiole. Au- dessous de ce tissu fibreux, qui bien certainement e&t incurvable par oxygénation, se trouve une couche ligneuse fort minoe reconnaissable à son opacité, ce sont là les tubes séveux qui sont mêlés à de nombreux tubes pneumatiques dont on voit ici les ouvertures en d^. Au centre enfin, et en remplacement de la moelle se trouve un faisceau de tissu fibreux a, entièrement semblable par son organisation au tissu fibreux de la couche /, c'est donc aussi du tissu fibreux incurvable par oxygénatioa; il possède dans son milieu des trachées qui sont remplies d'air et dont on voit ici les ouvertures. La coupe longitudi- nale de la moitié inférieure de ce renflement moteur, est représentée par la figure 19; les mêmes lettres indiquent les mêmes objets. On y voit que les cellules du tissu cellulaire sont disposées en séries longi- tudinales, de la même manière que cela a lieu dans ie renflement moteur de la foliole de haricot (figure 17). Je ferai remarquer que le tissu cellu- laire do la partie inférieure i (figure 16), est plus épais que celui de la partie supérieure s. Le rapport de^s épaisseurs de ces deux parties du tissu cellulairo est à peu près celui de 5 à 3. Je viens d'exposer la structure de deux renfle- ments moteurs qui, tous deux, opèrent le réveil par DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 89 le redressement des parties qu'ils meuvent et qui opèrent le sommeil par l'abaissement de ces mêmes parties. Il me fallait encore étudier la structure d'un renflement moteur qui agît dans un sens inverse, c'est-à-dire qui opérât le réveil par l'abais- sement et le sommeil par l'élévation des parties qu'il est chargé de mouvoir ; il fallait en outre que FiG. 20. — Portion de tige d'hedysarum strohiliferum, portant deux feuilles, dont on ne voit ici que la portion inférieure des pétioles, à la base de chacun desquels existe un renflement moteur c, c. Le pétiole b est dans l'état de réveil, le pétiole a est dans l'état de sommeil. ce renflement moteur fût assez gros, pour pouvoir être étudié dans sa structure. J'ai trouvé toutes ces conditions réunies chez Vliedysarum strohiliferum L. Le pétiole de la feuille de cette plante prend la position de sommeil en se relevant, jusqu'à toucher presque la partie de la tige située au-dessus de lui (figure 20, a). Dans sa position de réveil, il s'abaisse 90 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. en s'éloignant de la tige jusqu'à ce qu'il fasse avec elle un angle de 50 à 60 degrés, h ; le renflement moteur c, agent de ces mouvements est, comme à l'ordinaire, situé à la base du pétiole. Le limbe, ici absent, de la feuille simple que porte ce pétiole, est mû par un autre renflement moteur situé au sommet de ce pétiole; il abaisse le limbe de la feuille dans le sommeil et il le relève dans le réveil. Comme ces dernier? phénomènes sont' Semblables à ceux que FiG. 21. — Coupe transversale du renflement moteur du pétiole de la feuille de Vhedysarum strobiliferiim. s, côté supérieur ; i, côté inférieur, c, tissu cellulaire incurvable par turgescence de liquide et composé de cellules qui décroissent principalement de grandeur du dedans vers le dehors, ce qui fait que l'incurvation de ce tissu cellulaire tend à s'opérer vers le dehors, f, couche de tissu fibreux incurvable par oxjgénation. d, tubes pneumatiques dont les faisceaux sont séparés par des rayons partant du centre. présentent les folioles du haricot, je ne m'en occu- perai pas; je fixerai l'attention seulement sur le renflement moteur c qui meut le pétiole de la feuille. La figure 21 représente la coupe transversale de ce DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 91 renflement moteur. On y voit les mêmes tissus qui existent dans tous les autres renflements moteurs, savoir : 1° un tissu cellulaire c incurvable par endosmose et tendant ici à se courber vers le dehors parce que ses cellules décroissent principalement du dedans vers le dehors; 2° un tissu fibreux / incur- vable par oxygénation et tendant à se courber vers le dedans; 3° un tissu ligneux rayonné, dans lequel existent beaucoup de tubes pneumatiques d. On remarquera qu'ici l'axe du pétiole est très excen- trique, en sorte que la couche de tissu cellulaire c est deux fois plus épaisse au côté inférieur ou externe i qu'au côté supérieur ou interne s. Ces faits anatomiques étant établis, il reste à déterminer comment agissent les deux tissus incur- vables contenus dans les renflements moteurs, pour opérer les positions de réveil et de sommeil des feuilles et des folioles qu'ils meuvent. Par une section longitudinale, j'ai retranché toute la moitié supérieure a (fig. 18) du renflement moteur du pétiole d'une feuille de sensitive; la moitié inférieure h restée seule, s'est courbée de manière à diriger la concavité de sa courbure vers le haut, en sorte que le pétiole s'est trouvé dans un état de redressement exagéré, et cet état a persisté sans éprouver aucune variation. J'ai fait la contre- épreuve : j'ai retranché toute la moitié inférieure 6 du renflement moteur, en laissant subsister la moitié supérieure a. Cette dernière s'est fortement courbée de manière à diriger la concavité de la courbure vers le bas, ce qui a fortement abaissé le pétiole, et cet état d'abaissement a persisté invariablement. 92 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. On pourrait conclure de ces expériences, ainsi que je Tai fait autrefois, que c'est toute la moitié supé- rieure a, qui, par son incurvation vers le centre du renflement moteur, est l'agent de l'abaissement du pétiole ou de son sommeil, et que c'est toute la moitié inférieure h qui, par son incurvation dirigée également vers le centre, opère par son antagonisme le redressement du pétiole ou son réveil. Le tissu cellulaire et le tissu fibreux, contenus dans chacune de ces deux moitiés du renflement moteur, tendent également à se courber vers le centre de ce renfle- ment, en sorte qu'ici l'on serait porté à admettre que ces deux tissus incurvables coopèrent ensemble et au réveil et au sommeil, savoir : au premier par leurs parties contenues dans la moitié supérieure a du renflement moteur, et au second par leurs parties contenues dans la moitié inférieure h. Il faudrait alors admettre que ces deux moitiés, supérieure et inférieure, qui représentent deux ressorts antago- nistes, reçoivent alternativement, le matin et le soir, un excès de force qui rend chacun de ces ressorts vainqueur du ressort opposé, lequel se trouve alors courbé dans un sens contraire à celui de la tendance naturelle à l'incurvation. C'est à cette théorie que je m'étais arrêté, lors de mes premières recherches sur le mécanisme des mouvements de la sensitive. Je pensais alors que ces mouvements reconnaissaient pour cause unique l'incurvation par endosmose du tissu cellulaire contenu dans le renflement moteur; ma découverte récente de l'existence, dans ce renfle- ment moteur, du tissu fibreux incurvable par oxygé- nation, n'aurait pas changé peut-être ma théorie à DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 93 cet égard, si je m étais borné à l'étude des mouve- ments qui, chez le pétiole do la sensitive, produisent les positions de réveil et de sommeil. L'étude de ces mêmes mouvements, dans les feuilles de plusieurs autres plantes, m'a fait voir que cette théorie, née d'une expérience trompeuse, devait être abandonnée. En effet, ayant fait sur les renflements moteurs des folioles du haricot les mêmes ablations que j'avais faites sur le reniiement moteur du pétiole de la sensitive, j'obtins des résultats exactement sem- blables; Tablation de la moitié longitudinale supérieure du renflement moteur fit que la moitié longitudinale inférieure restante se courba vers le haut et redressa la foliole qui demeura invariable- ment dans cet état de redressement qui est celui du réveil; l'ablation de la moitié longitudinale infé- rieure du renflement moteur fit que la moitié longi- tudinale supérieure restante se courba vers le bas et abaissa la foliole qui demeura invariablement dans cet état d'abaissement. Or, en se rapportant à ce qui a été exposé plus haut touchant la structure infé- rieure du renflement moteur des folioles du haricot (fig. 15 et 17), on voit que son tissu cellulaire c tend à se courber vers le dehors, tandis que son tissu fibreux / tend à se courber vers le dedans ou vers le centre du pétiole; par conséquent, c'est ici le tissu fibreux / qui est le seul agent de l'incurvation vers le dedans que prend une des moitiés longitudi- nales du renflement moteur, lorsqu'on a opéré l'ablation de la moitié longitudinale opposée; le tissu cellulaire est alors courbé de force dans un sens opposé à celui de sa tendance naturelle à Fin- 94 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. curvation. D'après cela, ce serait ici le tissu fibreux de la couche circulaire / (fig. 15) qui, par sa moitié supérieure, opérerait rabaissement de la foliole ou son sommeil, et ce serait encore ce même tissu fibreux, qui par la moitié inférieure de sa couche circulaire, opérerait l'élévation de la foliole ou son réveil; le tissu cellulaire c ne servirait point ainsi à l'exécution de ces mouvements. Cela est trop manifestement contraire à ce qui a été exposé plus haut relativement au mécanisme des mouvements auxquels sont dus le réveil et le sommeil des fleurs, pour qu'une semblable théorie puisse être fondée. J'ai fait voir, en effet, que sur les fleurs, le tissu cellulaire incurvable par endosmose est le seul agent du réveil, et que le tissu fibreux incurvable par oxygénation est le seul agent du sommeil. Il devient donc probable, par analogie, qu'il en est de même par rapport au réveil et au sommeil des feuilles, et l'expérience intervient pour changer cette pro- babilité en certitude. J'ai fait voir qu'en privant d'oxygène le tissu fibreux incurvable par oxygénation, on paralysait ce tissu agent du sommeil ; en sorte que les fleurs soumises à cette expérience, conservaient invariable- ment l'état de réveil; c'est ce. qui a lieu lorsqu'on plonge une fleur, à l'état de réveil, dans l'eau non aérée privée de communication avec l'air atmo- sphérique. J'ai observé que les feuilles, susceptibles de réveil et de sommeil, continuent d'offrir ces mouvements alternatifs lorsqu'elles sont plongées dans l'eau aérée, mais ces mouvements éprouvent alors une certaine modification. Leur sommeil dans DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 95 leau est aussi profond que dans l'air, c'est-à-dire que la flexion qui le constitue est aussi profonde, mais leur réveil est incomplet. Ainsi, par exemple, une feuille de rohinia pseudo-acacia^ plongée dans Teau, offre le sommeil de la même manière que dans l'air, c'est-à-dire eu appliquant ses folioles oppo- sées l'une contre l'autre par leur face inférieure; mais le réveil qui, dans l'air, va jusqu'à amener les paires de folioles à la position diamétralement opposée, c'est-à-dire jusqu'à leur faire décrire une demi-circonférence de cercle; le réveil, dis-je, de ces folioles plongées dans l'eau, ne va que jusqu'à leur faire décrire environ un huitième de circonférence de cercle, en sorte que leur mouvement de réveil dans l'eau n'est que le quart de ce qu'il est dans l'air. Je ferai voir plus bas quelle est la cause de ce phénomène que je me borne ici à exposer. Or, j'ai expérimenté qu'une feuille de rohinia pseudo- acacia étant plongée dans l'eau non aérée sans communication avec l'air atmosphérique, se« fo- lioles y prennent et y conservent invariablement la position qui est celle de leur plus grand réveil dans l'eau aérée, leur sommeil n'a plus lieu. Or, comme il est démontré que l'immersion dans l'eau non aérée n'abolit l'incurvation que du seul tissu fibreux incurvable par oxygénation, il en résulte que c'est à ce seul tissu fibreux ici paralysé, qu'était dû le sommeil qui se trouve supprimé. Le réveil qui est aussi complet qu'il peut rêtre dans l'eau, a donc pour agent le seul tissu cellulaire incurvable par endosmose, lequel par son immersion dans l'eau même non aérée se trouve dans une position favo- 96 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. rable à l'exercice de Tendosmose qui doit rendre ses cellules turgescentes. Une autre expérience d'un genre analogue faite sur une sensitive, m'a conduit aux mêmes résultats. Ayant placé une sensitive plantée dans un pot sous le récipient de la pompe pneumatique, ses feuilles se ployèrent dès le premier coup de piston, éprouvant, à ce qu'il paraît, une excitation par la diminution de la densité de l'air. Lorsque le vide fut achevé, les feuilles se relevèrent et se dépioj^èrent, et elles restèrent invariablement dans cet état de réveil malgré l'obscurité de la nuit. Cette suppression du sommeil coïncidait encore ici avec l'abolition de l'action du tissu fibreux, lequel se trouvait paralysé par la soustraction de l'air respirable contenu dans les organes pneumatiques de la plante. Il est donc prouvé par ces expériences que, chez les feuilles comme chez les fleurs, le som- meil est dû à l'action du seul tissu fibreux incur- vable par oxygénation, d'où il résulte nécessaire- ment que le réveil est également dû chez les feuilles à l'action du seul tissu cellulaire incurvable par endosmose. Il ne s'agit donc plus actuellement que de rechercher comment ces deux tissus incurvables agissent séparément dans les renflements moteurs des feuilles, pour produire leur réveil- et leur sommeil. Je prends pour premier exemple la feuille du haricot, dont les folioles s'abaissent dans le sommeil et se relèvent dans le réveil. J'ai fait voir que dans le renflement moteur de ces folioles, les deux tissus incurvables représentent deux cylindres creux em- boîtés l'un dans l'autre (fig. 15); ]e tissu cellulaire c DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 97 est en dehors et le tissu fibreux / est en dedans. Les deux couches cylindriques emboîtées l'une dans Tautre que forment ces deux tissus, seraient repré- sentées assez exactement par la réunion et la sou- dure en cylindre creux d'un certain nombre de nervures de fleurs de mirabilis. J'ai fait voir que chez ces nervures, le tissu cellulaire tend à se courber vers le dehors par endosmose, et que le tissu fibreux tend à se courber vers le dedans par oxj'^gé- nation, ce qui produit dans le premier cas la position de réveil de ces nervuros et dans le second cas leur position de sommeil. Or, il en serait de même chez le renflement moteur de la foliole de haricot, si l'on supposait par la pensée que les deux couches cylindriques, Tune extérieure de tissu cellu- laire, l'autre intérieure de tissu fibreux, soient divisés à la fois en faisceaux longitudinaux. Chacun de ces faisceaux serait analogue à une ner- vure de fleur de mirabilis; il aurait en lui, et dis- posés comme dans cette nervure, les deux tissus incurvables capables d'opérer le réveil et le som- meil. Si l'on supposait entre ces faisceaux un tissu membraneux, cela formerait une corolle susceptible tour à tour d'épanouissement et d'occlusion, ou de réveil et de sommeil. Mais cette séparation des fais- ceaux longitudinaux n'existe pas dans le renflement moteur; ces faisceaux fictifs sont intimement unis et forment un cylindre creux composé de deux couches. La couche cylindrique de tissu fibreux est emboîtée dans la couche cylindrique de tissu cellulaire. Divisons par la pensée chacune de ces coucTies cylindriques en filets longitudinaux soudés 98 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. les uns aux autres. Les filets longitudinaux du tissu cellulaire tendront tous à se courber, en dirigeant la coiicavité de leur courbure vers le dehors. Or, il est évident que si leur force d'incurvation est égale, la couche cylindrique qu'ils forment par leur assem- blage demeurera droite et immobile. Mais si les filets longitudinaux d'un côté du cylindre creux l'emportent en force d'incurvation sur les filets du côté opposé, ceux-ci seront entraînés de force et malgré eux dans le sens de l'incurvation effectuée par les filets qui leur sont antagonistes. Le même raisonnement peut être fait par rapport à la couche cylindrique de tissu fibreux, qui est située sous la couche cylindrique de tissu cellulaire. Ainsi, cha- cune de ces deux couches cylindriques de tissus incurvables, agira dans cette circonstance comme s'il n'existait dans chacune d'elles que le seul côté du cylindre creux dont la force d'incurvation est prédominante. Le côté opposé du cylindre dont la force antagoniste d'incurvation sera vaincue, sera courbé malgré lui en sens inverse de sa tendance naturelle à l'incurvation, et n'agira que comme modérateur de l'incurvation du côté vainqueur. Ainsi il n'y aura dans chacun des deux cylindres creux que forment les deux tissus incurvables, que le côté le plus fort qui manifestera extérieurement son action, et cela seulement par l'excès de sa force sur celle de l'autre côté du même cylindre creux dont il contrariera et domptera l'incurvation. Ainsi, les deux cylindres creux que représentent les deux couches superposées des deux tissus incurvables, agiront comme si«le côté le plus fort de chacun de ces deux cylindres creux existait seul. DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 99 J'applique cette théorie d'abord à l'explication du mécanisme des mouvements de réveil et de som- meil dans le renflement moteur des folioles du haricot. Le tissu cellulaire c (figures 15 et 17) est le seul agent du réveil ou de l'élévation de la foliole, et il ne peut opérer ce mouvement que par l'incur- vation de la partie supérieure s de cette couche cylindrique de tissu cellulaire, parce que c'est la seule partie de cette couche cylindrique qui tende à se courber de manière à diriger vers le ciel la concavité de sa courbure. Il faut donc, pour quelle produise l'élévation de la foliole, que son incur- vation vers le ciel soit victorieuse de l'incurvation antagoniste de la partie inférieure i de cette même couche cylindrique de tissu cellulaire, cette dernière tendant en effet à diriger la concavité de sa cour- bure vers la terre, et par conséquent à abaisser la foliole. La supériorité de force d'incurvation de la partie supérieure s de la couche de tissu cellulaire, ne vient point de la supériorité de son épaisseur; car elle n'est pas plus épaisse que ne l'est la partie inférieure /' de cette même couche. C'est donc dans des conditions physiologiques spéciales qu'elle puise l'excès de sa force d'incurvation. Cette partie supé- rieure s reçoit directement l'action et l'influence de la lumière à laquelle la partie inférieure i est en partie soustraite par sa position. Or, ainsi que je l'ai démontré, la lumière en augmentant la res- piration des parties qu'elle frappe, y augmente par cela même l'afflux de la sève lymphatique yar attraction. Cet afflux de la sève lymphatique dans le tissu cellulaire, est une condition très favorable 100 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. V à l'exercice de l'endosmose, au moyen de laquelle ce tissu cellulaire acquiert l'état de turgescence qui amène son incurvation. Ainsi, chez le renflement | moteur des folioles du haricot, la supériorité de î force d'incurvation de la moitié longitudinale supérieure 8 sur la moitié longitudinale inférieure i de son tissu cellulaire incurvable, est puisée tout entière dans les conditions physiologiques qui lui sont spéciales et non dans une supériorité de masse. La moitié longitudinale supérieure s ainsi fortifiée physiologiquement, pourrait même être un peu inférieure en masse à la moitié longitudinale infé- rieure i, et posséder encore une force d'incurvation supérieure à la sienne. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans le renflement moteur des folioles du 7'ohinia pseudo-acacia, ainsi que je vais le faire voir tout à l'heure. La cause du relèvement ou du réveil de la foliole du haricot étant ainsi déterminée, je passe à l'étude de la cause de son abaissement ou de son sommeil, qui reconnaît pour agent la couche cylindrique de tissu fibreux /, dont toutes les parties concentriques tendent à diriger la concavité de leur courbure vers le centre du pétiole. Cette couche cylindrique paraît moins épaisse en haut ou du côté s qu'elle ne l'est en bas ou du côté i du renflement moteur. En haut, elle e«t même très souvent interrompue. Il sem- blerait donc que le côté inférieur de cette couche cylindrique de tissu fibreux étant le plus fort par sa masse, devrait vaincre l'incurvation antagoniste du côté supérieur et, par conséquent, relever la foliole, mais c'est ce qui n'a point lieu puisqu'il est DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. JQ! certain que rabaissement de la foliole ou son som- meil, est au contraire produit par Faction du tissu fibreux incurvable par oxygénation. Cette contra- diction apparente entre les faits et la théorie, dis- paraît devant l'observation qui montre qu'il existe au centre du renflement moteur un faisceau de tissu fibreux a (figures 15 et 17), tout pareil à celui de la couche /, et dont le sens de l'incurvation doit être tel qu'il tende à diriger la concavité de sa courbure vers le bas, ou vers le côté i du renflement moteur, ainsi que je l'ai exposé plus haut. Ainsi, ce faisceau central de tissu fibreux tend à se courber dans le même sens que le côté supérieur de la couche cylin- drique / du même tissu, c'est-à-dire qu'il tend de même à abaisser la foliole ou à la mettre dans sa position de sommeil. La réunion de l'action de ces deux masses de tissu fibreux, doit nécessairement ètro victorieuse do l'incurvation antagoniste du côté inférieur de la couche cylindrique de ce même tissu fibreux, et Tentraîner de force dans le sens do la courbure vers le bas qui leur est propre. C'est ainsi que la totalité de la masse du tissu fibreux incurvable par oxygénation, produira l'abaissement ou le sommeil de la foliole par la réunion de ses incurvations congénères, lesquelles deviennent vic- torieuses de celles de ses incurvations qui s'y opposent. Les folioles de la feuille du rohinia psexido-acaci-a offrent, comme celles de la feuille du haricot, leur réveil en se relevant et leur sommeil en s'abaissant. La structure intérieure des renflements moteurs des folioles chez ces deux végétaux est la même ; elle 102 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. sera représentée assez exactement par les mêmes figures 15 et 17. Cependant, chez le renflement moteur de la foliole du rohinia, il y a cette diffé- rence que chez lui la couche du tissu fibreux / offre toujours une interruption complète au point g; en outre la couche cylindrique du tissu cellulaire c, est toujours plus épaisse à son côté inférieur i, qu'à son côté supérieur s, tandis que chez le renflement moteur de la foliole du haricot, ces deux côtés sont ordinairement égaux en épaisseur. D'après cette supériorité légère de masse, le côté inférieur i de la couche de tissu cellulaire qui tend à diriger la concavité de sa courbure vers le dehors qui est ici le bas et qui, sous ce point de vue, est antagoniste du côté supérieur s qui tend de même à se courber vers le dehors qui est ici le haut, ce côté inférieur, dis-je, par la supériorité d'action, qu'il aurait par la supériorité de sa masse, devrait opérer l'abaisse- ment de la foliole ou son sommeil; or, c'est le contraire qui a lieu puisqu'il est démontré que le tissu cellulaire c, par la généralité de son action, est l'agent du redressement de la foliole ou de son réveil. C'est ici que l'on voit clairement l'influence qu'exerce la lumière sur la force de l'incurvation du tissu cellulaire; sous cette influence, la sève lympha- tique afflue spécialement dans le côté supérieur 5 du renflement moteur, côté qui est frappé directe- ment par la lumière; le tissu cellulaire c devient alors, dans cet endroit, plus turgescent par endos- mose que ne l'est la partie de ce même tissu cellu- laire, qui est située au côté inférieur ^; il résulte de là que le côté supérieur s du cylindre creux DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 103 cellulaire, dirigeant la concavité de sa courbure vers le ciel avec une force prédominante, malgré l'infériorité légère de sa masse, redresse d'autant plus la foliole qu il y a plus d'intensité de lumière; le côté inférieur /, du cylindre creux cellulaire qui tend à diriger la concavité de sa courbure vers la terre, est alors vaincu malgré la supériorité de sa masse et il subit de force une courbure dans un sens opposé à celui de sa tendance naturelle à l'in- curvation. Voilà ce qui a lieu lorsque la feuille eet placée dans l'air; les choses se passent différemment lorsqu'elle est plongée dans l'eau : alors toutes les parties du tissu cellulaire des renflements moteurs de ses folioles, sont également pénétrées par l'eau ambiante; l'endosmose implétive et la turgescence qui on est la suite, sont égales partout; il ny a donc plus que la supériorité de masse pour déter- miner ici une supériorité de force d'incurvation dans un des côtés du cylindre creux cellulaire. Or, dans le renflement moteur de la foliole du rohinia pseudo- (iccicui, le côté inférieur de ce cylindre creux cellu- laire est un peu plus épais que le côté supérieur ; cette supériorité de masse lui donne donc une supé- riorité de force d'incurvation, lorsque la turges- cence cellulaire est égale partout, ainsi que cela a lieu lors de l'immersion de la feuille dans l'eau ; c'est effectivement ce que l'expérience démontre. J'ai dit plus haut que cette feuille, plongée dans l'eau, offre un sommeil aussi profond que dans l'air; ses folioles ont leur pointe dirigée vers la terre; or, dans le maximum de leur réveil dans leau, non seulement elles ne se relèvent pas vers le .8 104 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. ciel, comme cela a lieu dans l'air, mais elles n'attei- gnent pas mémo la position horizontale qui, dans l'air, est leur réveil moyen. Le maximum de leur réveil, dans l'eau, est la position intermédiaire au sommeil profond et au réveil horizontal, en sorte que le réveil de ces folioles dans l'eau, n'est, pour ainsi dire, que le quasi-réveil de ces mêmes folioles dans l'air. Dans ce maximum du réveil dans l'eau, les folioles sont inclinées obliquement vers la terre, ce qui indique que le cylindre creux de tissu cellu- laire incurvable par endosmose possède plus de force d'incurvation dans son côté inférieur que dans son côté supérieur, qui se trouve alors vaincu. Cette supériorité de force d'incurvation du côté inférieur est ici le résultat direct et nécessaire de la supériorité de sa masse, puisque les conditions de turgescence par afflux de l'eau sont égales partout. Il est donc établi par l'observation que la supériorité de force d'incurvation de l'un des côtés du cylindre creux cellulaire, agent du réveil des feuilles, dépend tantôt de l'afflux plus grand de la sève lymphatique dans le côté vainqueur par l'influence de la lumière, tantôt de la supério- rité de masse de oe même côté vainqueur. Ces consi- dérations vont servir à expliquer le mécanisme du réveil dans les renflements moteurs des pétioles de la sensitive et de Vhedysaruw strohiliferum. Chez la première de ces plantes, le réveil du pétiole a lieu par élévation, chez la seconde il a lieu par abaissement. J'ai exposé plus haut la structure inté- rieure du renflement moteur du pétiole de la sensi- tive (fig. 16 et 19). DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 105 On a pu voir que, dans la couche cylindrique de tissu cellulaire c, les cellules décroissent généralement de grandeur du dehors vers le dedans; il n'y a que les cellules les plus superficielles, formant une couche extrêmement mince, qui décroissent de gra.ndeur du dedans vers le dehors. C'est, comme on le voit, l'inverse de ce qui a lieu dans le renflement moteur des folioles du haricot, chez lequel la couche de cellules décroissantes de grandeur du dedans vers le dehors est celle qui est prédominante. Ainsi 1© sens de l'incurvation du tissu cellulaire, dans le renflement moteur du pétiole de la sensitive, est inverse de celui qui est propre à ce même tissu cellulaire dans le renflement moteur des folioles du haricot. Chez ce dernier, le tissu cellulaire se courbe en dirigeant sa concavité vers le dehors; chez la sensitive il se courbe en dirigeant sa concavité vers le dedans ou vers le centre du renflement moteur. Il résulte de là que le réveil qui, chez le pétiole de la sensitive, a lieu par élévation comme chez la foliole du haricot, ne doit point être opéré par le même côté du cylindre creux cellulaire, qui est l'unique agent du réveil. Chez le haricot, c'est le côté supérieur s (figure 15) qui, par son incurvation vers le dehors, pkysiolo(jiquement prédominante-t relève la foliole et lui donne la position de réveil ; chez la sensitive, c'est le côté inférieur i (fiig. It) qui, par son incurvation vers le dedans, matérielle- ment prédominante, relève le pétiole et lui donne ainsi la position de réveil. On voit, en effet, que la couche cylindrique du tissu cellulaire est, chez la sensitive, plus épaisse à son côté inférieur i qu'à 8* 106 LES MAÎTRES DE LA. PENSÉE SCIENTIFIQUE. son côté supérieur s. J'ai vu que le rapport de l'épaisseur relative de ces deux côtés est à peu près celui de 5 à 3; ainsi la force d'incurvation en dedans du côté inférieur i du cylindre creux cellulaire, en surmontant la force d'incurvation également en dedans, et par conséquent antagoniste du côté supé- rieur s, agit comme s'il existait seul; il redresse le pétiole ou lui donne la position de réveil. L'abaisse- ment du pétiole ou sa position de sommeil est le résultat de l'action du côté supérieur de Tellipsoïde creux fibreux /, aidé dans cette action par l'incur- vation congénère du faisceau central de tissu fibreux a, de la même manière que je l'ai exposé plus haut pour le haricot. Le côté inférieur de l'ellipsoïde creux, que représente ici le tissu fibreux /, est alors vaincu et courbé de force dans un sens contraire à celui de son incurvation natu- relle. D'après cette théorie, il est évident que, si le faisceau central de tissu fibreux a n'existait pas pour aider le côté supérieur du tissu fibreux à vaincre le côté inférieur, ce dernier étant ordinai- rement plus épais que le côté supérieur, et par conséquent plus fort, il deviendrait vainqueur et il produirait le sommeil en élevant le pétiole ; c'est effectivement ce qui a lieu dans le renflement moteur du pétiole chez Vhedysanim strohilifolium L., ren- flement dont la fig. 21 représente la coupe trans- versale. Le tissu cellulaire c tend à se courber en dirigeant sa concavité vers le dehors, lorsqu'il est rendu turgescent par l'endosmose ; /, couche cylin- drique et mince de tissu fibreux incurvable par oxygénation, et tendant à se courber vers le centre DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 107 du renflement moteur ; d^ tissu ligneux central rayonné mêlé d'une grande quantité de gros tubes pneumatiques. Le tissu cellulaire c est deux fois plus épais en bas qu'en haut ; c'est donc son côté inférieur qui doit l'emporter en force d'incurvation; et comme il tend à diriger la concavité de sa cour- bure vers le dehors, il doit abaisser le pétiole dans le réveil, dont le tissu cellulaire c est l'agent ; c'est aussi ce qui a lieu (fig. 20, 6). Dans le sommeil, le pétiole se relève (fig. 20, a), et cette action de redres- sement est opérée par le cylindre creux de tissu fibreux / (fig. 20) dont le côté supérieur est vaincu par l'incurvation plus forte du côté inférieur. Le redressement du pétiole dans le sommeil, coïncidant ici avec l'absence du faisceau central de tissu fibreux incurvable qui existe chez toutes les feuilles dont le sommeil est dans l'abaissement, c^la confirme ce que j'ai établi plus haut touchant le sens de l'incur- vation de ce faisceau central de tissu fibreux a (fig. 15 et 16) lequel tend à abaisser le pétiole, secon- dant ainsi l'action du côté supérieur de la couche cylindrique de tissu fibreux, en sorte que le sommeil a toujours lieu dans le sens de l'abaissement, lorsque ce faisceau central de tissu fibreux incurvable existe ; c'est ce qui a lieu dans les renflements moteurs des folioles de haricot et de rohinia pseudo- acacia et du pétiole de la feuille de sensitive. Chez cette dernière plante, les folioles s'élèvent dans le sommeil comme le pétiole de Vhedysarum strohili- •ferum; leurs renflements moteurs ont très probable- ment la même organisation. D'après ce qui vient d'être exposé, on voit que 108 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. le réveil et le sommeil des feuilles ont lieu, chacun à part, tantôt dans la position redressée, tantôt dans la position abaissée, et l'on a vu par quel mécanisme cela s'opère. Or, il est un autre mouve- ment que les feuilles présentent dans leur réveil ou dans leur sommeil, c'est celui de la torsion de leur renflement moteur, torsion qui, du reste, n'existe jamais seule, mais est toujours accompagnée de l'incurvation. Ainsi, par exemple, les folioles de la feuille de la réglisse {glycyrrhiza glahrà) en s'abaissant pour le sommeil, se tordent en même temps sur leur pétiole, constitué en entier par le renflement moteur, et cela 'de manière à diriger leurs faces supérieures vers l'extrémité de la feuille. Si ce double mouvement d'incurvation et de torsion du renflement moteur était plus étendu, il amènerait les deux folioles opposées à diriger leur pointe vers la terre et à se joindre, dans cette position, par leurs faces supérieures, ainsi que cela a lieu chez les feuilles des casses, dans leur position de sommeil. Chez la réglisse, la structure intérieure du renfle- ment moteur des folioles, ne paraît pas différer sensiblement de celle que présente le renflement moteur des folioles du haricot (fig. 15 et 17), et surtout celui des folioles du rohinia pseudo- acacia. Ainsi, je ne puis expliquer que rationnelle- ment le mouvement de torsion qui lui est parti- culier, et qui a lieu d'une manière bien plus étendue chez les casses. Ce mouvement de torsion peut trouver l'explication de son mécanisme dans la considération de l'inégal raccourcissement longi- tudinal des deux tissus incurvables dont se com- DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. IQQ pose leur renflement moteur. En effet, le tissu cellu- laire c (figure 17) possédant pendant le jour une étendue en longueur égale à celle du tissu fibreux /, deviendra légèrement inférieur en longueur à ce dernier pendant la nuit; car pendant le jour le tissu cellulaire c est turgescent, et cessant de l'être autant pendant la nuit, ses séries de cellules alignées et contiguës qui sont moins remplies, occupent moins de longueur. Or, il doit résulter nécessairement de l'inégalité de longueur qui se sera établie le soir entre les deux couches cylindriques cellulaire et fibreuse, que celle qui sera demeurée la plus longue, c'est-à-dire la couche cylindrique fibreuse disposera ses fibres longitudinales en spirale, c'est-à-dire se tordra sur elle-même et entraînera ainsi tout le renflement moteur dans ce mouvement de torsion. C'est là le mécanisme général que j'ai assigné aux mouvements de torsion dans un autre Mémoire ^^\ Le sens de cette torsion dépendra de certaines par- ticularités d'organisation du renflement moteur qui l'exécute. D'après cette explication, il semblerait que chez les renflements moteurs des feuilles, la torsion devrait toujours accompagner l'incurvation de sommeil ; or, au contraire, cette torsion dans le sommeil est assez rare. Son absence si fréquente provient, je pense, de ce que les renflements moteurs des feuilles, possèdent presque toujours au-dessous de leur couche fibreuse incurvable un tissu ligneux qui a une certaine rigidité, en sorte que s'il se prête à subir une flexion il résiste à subir une torsion, (1) Voyez dans le Mémoire IX. iCoup-d'œil général sur les mouve- ments des végétaux, p. 20.] 110 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. oe dernier mouvement étant beaucoup plus difficile à imprimer. Les renflements moteurs des folioles de la réglisse et des casses auraient cela de particulier, que leur tissu ligneux serait peu rigide et se prê- terait ainsi avec facilité au mouvement de torsion. En général, chez les feuilles, le réveil est la consé- quence de l'augmentation de la lumière et par consé- quent de l'augmentation de la respiration végétale, puisque celle-ci s'opère par l'assimilation de l'oxy- gène produit dans le tissu végétal sous l'influence de la lumière et versé dans les organes pneumatiques de la plante. J 'ai fait voir dans un autre Mémoire ^^' que l'ascension de la sève par attraction, cesse d'avoir lieu lorsque la respiration de la plante est supprimée, et j'en ai conclu que c'est sous l'influence des phénomènes chimiques qui se passent dans l'assi- milation de l'oxygène, que se développe la force qui attire la sève. On conçoit d'après cela, pourquoi chez les feuilles, le réveil a toujours lieu pendant le jour; car c'est alors seulement qu'elles fabriquent l'oxy- gène qui sert à leur respiration ; c'est alors par conséquent qu'elles attirent la sève avec le plus d'abondance, ce qui est la condition la plus favo- rable pour la turgescence et pour l'incurvation du tissu cellulaire qui est l'agent du réveil. Lorsque le soir arrive, la diminution de la lumière en occa- sionnant la diminution de la respiration dans les feuilles, y produit par cela même la diminution de l'afflux de la sève attirée, et alors le tissu cellulaire agent du réveil perd une partie de sa turgescence (1) Voyez dans le Mémoire VIII, p. 413. [Recherches sur les conduits de la sève et sur les causes de sa progression, in Mémoires, t. L] DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. Hl et par conséquent perd une partie de sa force d'in- curvation. Or, pendant la durée du jour sous l'influence d'une respiration active, le tissu fibreux agent du sommeil a augmenté peu à peu son oxygé- nation, laquelle se trouvant ainsi très considérable le soir détermine l'incurvation de ce tissu fibreux, lequel l'emporte alors facilement sur l'incurvation affaiblie du tissu cellulaire agent du réveil. Alors les feuilles prennent l'état de sommeil. Cependant, dans le courant de la nuit et dans l'absence de la respiration active qu'occasionne la lumière, le tissu fibreux, agent du sommeil, perd une partie de l'oxygène qui avait été fixé dans son tissu pendant le jour; j'ai prouvé ce fait pour les fleurs, il est par conséquent prouvé aussi pour les feuilles. Lorsque le matin arrive, le tissu fibreux, agent du sommeil, se trouve donc affaibli, le tissu cellulaire, agent du réveil, reprend de la turgescence et par suite de la force d'incurvation sous l'influence de la lumière, et le réveil des feuilles a lieu. Ainsi s'établit et se continue, pendant toute la durée de la vie des feuilles, cette oscillation diurnale qui résulte de l'action alternativement prédominante d'un tissu cellulaire incurvable par turgescence d'eau ou par endosmose implétive et d'un tissu fibreux incur- vable par oxygénation. Ici doit se trouver natu- rellement l'exposé de ces expériences si intéressantes, faites par M. de Candolle, sur les effets que la lumière artificielle continue produit sur les feuillee susceptibles de sommeil. Ce célèbre botaniste a vu qu'en soumettant une sensitive à la lumière continue des lampes, la succession du réveil et du sommeil 112 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. des feuilles continuait d'avoir lieu, et, ce qui est un fait bien important, que la durée de l'intervalle de temps qui séparait ces alternatives de réveil et de sommeil diminuait dans la proportion d'environ deux heures par jour. Cela permet de penser que si la sdnsitive, au lieu d'être soumise à la lumière artificielle continue, eût pu se trouver soumise à la lumière continue et bien plus énergique du soleil, elle eût raccourci encore davantage la période de ses oscillations, lesquelles eussent été perpétuelles, malgré l'absence des alternatives de lumière et d'obscurité. M. de Candolle considère la conti- nuation des mouvements de réveil et de sommeil sous l'influence d'une lumière continue, comme un effet de Vhahitvde précédemment acquise. Ce mot habitude, auquel ne se trouve attachée aucune idée exacte, n'est véritablement qu'un voile mis à l'igno- rance où nous sommes des causes auxquelles sont dus certains phénomènes vitaux qui se reproduisent quelquefois périodiquement. Ce curieux phénomène de la continuation des alternatives du réveil et du sommeil chez la sensitive, soumise à une lumière continue, me paraît devoir être envisagé d'une autre manière : je l'exposerai dans le XI® Mémoire. M. de Candolle a également recherché quels seraient les effets d'une obscurité continue sur le réveil et le sommeil des feuilles de la sensitive, mais il convient que dans cette expérience il n'a observé que des phénomènes sans régularité. J'ai répété plusieurs fois cette même expérience, et voici ce que j'ai vu. Une sensitive placée dans des conditions favorables de température, étant mise dans une obscurité com- DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 113 plète au moyen d'un récipient opaque qui la couvre, ses feuilles prennent d'abord la position de sommeil qu'elles conservent jusqu'au lendemain si l'expé- rience a été commencée dans la soirée, mais qu'elles ne conservent que jusque vers la fin du jour si l'expérience a été commencée le matin. Dans l'un et dans l'autre cas, les feuilles se déploient complète- ment malgré l'absence de la lumière, et elles prennent la position du réveil le plus complet. Environ dix ou douze heures après, les folioles des feuilles très jeunes se ploient tout à fait, mais leur pétiole demeure redressé; les feuilles les plus vieilles conti- nuent à présenter le réveil le plus complet. Quant aux feuilles d'un âge intermédiaire, leurs folioles prennent un état de demi-plicature en conservant aussi leur pétiole dans un état de redressement qui excède celui du réveil normal. Cet état mixte de réveil et de sommeil des feuilles, état dans lequel le réveil est de beaucoup prédoniinant, persiste invariablement dans l'obscurité continue. Or, comme cette même position est prise par les feuilles de la sensitive dans le vide de la pompe pneumatique, cela prouve que c'est une position d^asphyxie. Les feuilles placées dans une obscurité continue, ne fabriquent plus d'oxygène pour en remplir leurs organes pneumatiques ou respiratoires; placées dans le vide, l'air respirable qui remplit ces organes leur est enlevé, en sorte que dans ces deux cas l'asphyxie do la plante est également produite, et les feuilles prennent exactement la même position qui est à peu près celle du réveil. J'ai fait voir, en effet, plus haut que, privées d'oxygène respira- 114 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. toire, les fleurs et les feuilles prennent et conservent invariablement la position de réveil, et cela, par le fait de la paralj^sie du tissu fibreux incurvable par oxygénation et agent du sommeil. Ainsi, chez la sensitive, placée dans une obscurité continue, il n'y a qu'un seul réveil des feuilles premièrement placées dans la position de sommeil, et ce réveil d'abord normal se change ensuite en un réveil modljî qui constitue la position de Vasphyxie. Ces phénomènes, d'autant plus prorapts dans leur suc- cession que la température est plus élevée, s'expli- quent parfaitement par la théorie que j'ai exposée plus haut. Les feuilles de sensitive qui, mises à l'obscurité, ont pris la position de sommeil, la conservent jusqu'à ce que le tissu fibreux, agent du sommeil, ait perdu dans l'absence de la lumière et de la respiration normale une partie de son oxydation qui est la seule cause de son incurvation; ce tissu fibreux ainsi affaibli, le tissu cellulaire, son antagoniste et agent du réveil, reprend l'em- pire et place la feuille dans la position de réveil; or, comme la feuille privée de lumière ne produit plus d'oxygène respiratoire, le tissu fibreux incur- vable par oxygénation, ne pouvant plus récupérer son moyen d'incurvation, qui est l'oxygène, se trouve aussi paralysé, et comme il est l'agent du sommeil, celui-ci ne se manifeste plus; la feuille reste dans un état qui est à peu près celui du réveil. Les expériences qui viennent d'être exposées prou- vent que, lors de la suppression complète de l'oxy- gène respiratoire dans .les organes pneumatiques des feuilles, l'incurvation du tissu cellulaire agent DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 115 du réveil existe seule, et que Fincurvation du tissu fibreux, agent du sommeil, est supprimée; cela sem- blerait prouver que Fexistenœ de la respiration végétale, nécessaire évidemment pour l'action du tissu fibreux incurvable par oxygénation, serait inutile pour l'action du tissu cellulaire incurvable par turgescence d'eau ou par endosmose; or cela est si loin d'être vrai que c'est le contraire qui a lieu; dans l'état naturel, l'existence de la respiration végétale normale est plus nécessaire pour l'action du tissu cellulaire agent du réveil, que pour l'action du tissu fibreux agent du sommeil. Cette assertion, qui paraît paradoxale au premier coup-d'œil, est prouvée par les expériences suivantes. Je pris trois feuilles de haricot que je nommerai A, B, C. La feuille A fut submergée et mise pendant un quart d'heure dans le vide : en lui rendant l'air, les cavités pneumatiques furent entièrement rem- plies d'eau. La feuille B resta aussi pendant un quart d'heure dans le vide, mais sans submersion. La feuille C demeura dans l'état naturel. Je mis ces trois feuilles tremper par leur pétiole dans des vases remplis d'eau, que je plaçai dans un lieu bien éclairé par la seule lumière diffuse. Lorsque le soir arriva, la feuille A présenta la première le phénomène de l'abaissement de ses folioles ou du sommeil; la feuille B présenta plus tard ce phénomène, lequel arriva encore plus tard chez la feuille C. Le lendemain, la feuille C pré- senta la première le phénomène du redressement de ses folioles ou du réveil. La feuille B se réveilla plus tard, et enfin la feuille A se réveilla la der- 116 I^ES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. nière; mais le réveil de ces deux dernières feuilles fut incomplet; leurs folioles restèrent pendant toute la journée dans un état de demi-sommeil, et elles ne firent aucun mouvement de nutation pour se diriger vers la lumière. La feuille C, au contraire, non seulement redressa complètement ses folioles, ce qui constitue Facte de leur réveil, mais elle inclina leur face supérieure vers la fenêtre de laquelle venait la lumière, ce qui constitue l'acte de leur nutation. Le soir de ce second jour la feuille A commença encore la première à présenter le phéno- mène du sommeil; elle fut suivie par la feuille B et enfin par la feuille C. Celle-ci cessa en même temps de tenir la face supérieure de ses folioles inclinée vers la fenêtre; la position de nutation cessa d'avoir lieu pendant la nuit, et les folioles repri- rent leur position naturelle. Le troisième jour la feuille A ne présenta point le phénomène du réveil; elle commença à se faner. La feuille B se réveilla un' peu, mais elle était languissante. La feuille C, parfaitement vivante, exécutait ses fonctions comme à l'ordinaire. Le quatrième jour la feuille A était morte; la feuille B commença à se faner et fut morte le lendemain. La feuille C continua longtemps à vivre. On voit par ces expériences que la feuille A, dont les organes pneumatiques avaient été vidés d'air et remplis d'eau en grande partie, fut plus hâtive pour le sommeil et plus tardive pour le réveil que ne le fut la feuille B, dont les organes pneumatiques vides d'air étaient cependant restés en partie accessi- bles à son retour; je dis en partie, car il est certain DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. HY que lors de la soustraction par la pompe pneuma- tique de l'air contenu dans les canaux pneumatiques d'une plante, ces canaux doivent être envahis en partie par les liquides séveux. Les deux feuilles A et B ne présentèrent point de nutation comme la feuille C qui avait conservé ses organes pneumatiques dans leur état naturel; cette feuille C fut en outre plus tardive pour le sommeil, et plus hâtive pour le réveil que ne le furent les deux feuilles A et B. Ainsi le réveil des feuilles est plus altéré que leur sommeil par la diminution de la respiration végé- tale, alors leur réveil est plus court et leur som- meil plus long que dans l'état naturel. Ces faits s'expliquent facilement par les considérations sui- vantes. Le tissu cellulaire incurvable par endosmose, et agent du réveil, ne peut évidemment devenir tur- gescent et par suite se courber que lorsque la sève lymphatique lui est apportée en quantité suffisante. Or, j'ai démontré que l'ascension de la sève lympha- tique par attraction cesse d'avoir lieu lorsqu'il n'y a plus d'oxygène respiratoire dans les organes pneu- matiques des plantes, et que cette ascension est proportionnelle en général à la quantité de la res- jjiration végétale ; or, les trois feuilles de haricot, sujets des dernières expériences, avaient évidemment des quantités différentes de respiration. La feuille A était celle qui respirait le moins ; la feuille B res- pirait un peu plus, mais toujours d'une manière insuffisante. Chez ces deux feuilles, l'ascension de la sève lymphatique par attraction était donc faible, et comme elle devait compenser la perte faite par la 118 LES MAÎTRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. transpiration des feuilles, il n'arrivait dans leur tissu assez de sève lymphatique pour produire la turgescence du tissu cellulaire, agent du réveil, que lorsque la lumière devenue intense augmentait à la fois la respiration végétale et l'ascension de la sève lymphatique, en sorte que le réveil arrivait tard. Le soir dès que la lumière commençait à diminuer, la respiration et l'ascension de la sève lymphatique diminuaient en même temps, et d'une manière consi- dérable en raison de leur faiblesse antécédente, en sorte que le tissu cellulaire agent du réveil, n'ayant plus assez d'eau pour conserver la turgescence par endosmose qui est la cause de son incurvation, cessait alors d'être plus fort que le tissu fibreux dont l'incurvation antagoniste, devenue victorieuse, pro- duisait ainsi le sommeil qui arrivait de bonne heure et plus tôt que dans l'état naturel. Ainsi, d'après ces observations, il faut plus de respiration végétale, il faut plus d'oxygène dans les organes pneuma- tiques des feuilles, pour déterminer une ascension de sève lymphatique suffisante pour produire la tur- gescence et l'incurvation du tissu cellulaire agent du réveil, que pour produire l'incurvation par oxy- génation du tissu fibreux agent du sommeil, en sorte que lors de la diminution de la respiration végétale, le tissu cellulaire agent du réveil est plus altéré dans l'exercice de sa fonction d'incurvation que ne l'est le tissu fibreux agent du sommeil. Cela n'a lieu cependant que lorsque les feuilles sont placées à l'air libre et à la lumière, c'est-à-dire, lorsqu'elles sont dans la position qui favorise le plus leur trans- piration. En effet, j'ai fait voir que loraque les DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. HQ feuilles sont placées à l'obscuiité, laquelle diminue la transpiration végétale, ou bien lorsqu'elles sont plongées dans Teau non aérée où cette transpiration est nulle et où il y a au contraire absorption immé- diate de sève lymphatique; ou bien enfin lorsqu'elles sont placées dans le vide de la pompe pneumatique, où la perte d'eau par i'évaporation est également à peu près nulle, l'abolition de la respiration qui a lieu dans ces trois circonstances, diminue à peine ou ne diminue point du tout l'action du tissu cellu- laire agent du réveil, tandis qu'elle abolit l'action du tissu fibreux agent du sommeil. Cela provient de ce que dans ces trois circonstances il y a dans les feuilles assez de sève lymphatique, pour produire la turgescence et l'incurvation du tissu cellulaire agent du réveil; il n'est donc pas nécessaire que la respiration végétale existe pour déterminer l'as- cension de cette sève lymphatique, comme cela a lieu lorsqu'il s'agit de remplacer celle que I'évapo- ration soustrait, ce qui abolit la turgescence cellu- laire. Il résulte de ces considérations et des expériences qui y ont donné lieu, que le maximum de l'action vitale chez les feuilles a lieu pendant le jour ou dans leur réveil, et que leur sommeil qui a toujours lieu pendant la nuit coïncide avec une diminution de cette même action vitale qui est en proportion, chez tous les êtres vivants, avec la quantité de la respi- ration. Ces considérations tendent à établir une véritable similitude entre le sommeil des végétaux et celui des animaux, similitude que l'on était loin de soupçonner, car généralement on considère 120 LES MAÎTRES DE LÀ PENSÉE SCIENTIFIQUE. comme métaphoriques les expressions de sommeil et de réveil appliqués aux végétaux. Il est bien entendu que, dans ce rapprochement, je ne prétends point comprendre les phénomènes du sommeil sen- sorial propre aux seuls animaux; je ne considère ici le sommeil chez les végétaux, que dans ses phéno- mènes purement organiques, lesquels attestent tous une diminution de l'action vitale, diminution qui est le seul point de rapprochement que je prétende établir entre le sommeil des animaux et celui des végétaux. C'est par le fait de cette diminution de l'action vitale que chez les parties des végétaux qui sont susceptibles de sommeil et de réveil, la mort est toujours précédée par le sommeil, ainsi que cela a lieu chez les animaux. C'est dans la position de sommeil que les JBeurs et les feuilles meurent ordi- nairement, en sorte que chez les végétaux, comme chez les animaux, le sommeil est l'image de la mort. DU RÉVEIL ET DU SOMMEIL DES PLANTES. 121 Table des Matières. Page». Notice biographique vir Coup-d'œil général sur les mouvements des végétaux l Du réveil et du sommeil des plantes 35 ->-<3<>C=-^ University of British Columbia Library DUE DATE FORM 310 University of British Columbia Library DUE DATE ET-6 ' V w, v/OlV